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BULLETIN
DE LAi SOCIÉTÉ
iVRCHËOLOGlQUE
ET HISTORIQUE
DU LIMOUSINj
TOME XL. — i" LIVRAISON
(tome XVllI DE LA DEUXIÈME SÉRIE)
'^-i^fc.^^- 's^iûj»^
LIMOGES
IMPBIMEBIE ET LIBRAIRIE LIMOUSINH
V H. DUCOORTIEDX
Llbrsire de 1» S'"' ï e an: co ogiq
7 , RUE DES ARLN ts. -
1802
SOMMAIRE
de la !'• livraison du tome XL
Un visite au tombeau d'Achmet-Pacha (Claude-Alexandre de
Bonneval), par M. Joseph Brunet
Zizim ta Bourganeuf et à Rome, par M. le chanoine Arbellol. 1 \
Les gravures originales de Léonard Limosin à la Bibliothè-
que nationale, par M. Camille Leymarie 4<>
Les Assemblées des habitants d'Aubusson et la Baille de
Masvoudier, par M. Cyprien Pérathon 4()
Aymeric Guerrut, archevêque de Lyon, par M. le chanoine
Arbellot " al)
Essai de classification des anciennes porcelaines de Limoges,
Saint-Yrieix, Solignac, etc., conservées au Musée national
Adrien Duboucbé (suite), par M. Camille Leymarie 7 !
Le Chapelet à Limoges, du xv*' au xvm" siècle, par M^"* Bar-
bier de MontauU ^ î)i>
Anciens statuts du diocèse de Limoges, par M. l'abbé Lecler 1^2:2
Documents pour servir à l'histoire de l'industrie et des ma-
nufactures en Limousin, publiés par M. A. Fray-Fournier. ir> i
Etude historique sur l'ancienne vie de saint Martial, par
M. le chanoine Arbellot 21 :i
Les Frères Prêcheurs de Limoges (1220-1693), documents
publiés par M. l'abbé Douais 2(> I
Discours à la louange des Limousins, publié par M. J.-B.
Champeval 8(î 4
Soutenance d'une thèse de philosophie au collège de Li-
moges^ publiée par M. Emile Du Boys 37 î.
Notes et communications diverses :
Vierge d'Azérables, par M. G. Berthomier. — Rôle de la
taille de Limoges en 1633, par M. Louis Guibert. —
Prise de possession de Mg-* de Canisy, communication de
M. l'abbé Granet. — Inslitution de foires et marchés à
Mortemarl, communication de M. G. Touyéras. — DiflTi-
cultes entre l'intendant de Limoges et le bureau des
finances au sujet d'une fontaine, communication de
M. l'abbé Granet SHi >
DE LA
SOaÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE
DU LIMOUSIN
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ
ARCHÉOLOGIQUE
ET HISTORIQUE
DU LIMOUSIN
TOME XL
(tOUB XVIII DE LA DSUMËMB SÉRIE)
LIMOGES
lUPRIUERlS CT LtBRÀlRIB LIMOUSINE
V H. DUOOURTIEUX
LIbrain de li Soeièlt arcbécloglq!» cl bitlarique du LiDiouain
;, RUE DES ARÈNES, ^
1603
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UNE VISITE
E 1 " y^ /
AU TOMBEAU D'ACHMET-PAGHA
(CLAUDE-ALEXANDRE DE BONNEVAL) (1) l) t^ I //
— i5 juin 1888 — i , r.
Dans la parlie de la ville de Constantinople qui s*étend à TEst
de la Corne d'Or, et qui constitue le quartier de Péra, on remarque,
vers rextrémité de la rue dite de Péra, un groupe de constructions en
bois, d'apparence assez modeste, au milieu desquelles se distingue
une mosquée octogonale. C'est le r^A:t^(couvent) des derviches tour-
neurs, auquel plusieurs relations de voyage accordent une mention
particulière. Ce Tekké ne doit l'attention des voyageurs ni à l'im-
portance de ses bâtiments, ni aux exercices, curieux pourtant, des
derviches qui les occupent; outre son site magnifique, il possède
un curieux monument qui le signale à l'intérêt des Européens : le
tombeau du comte Claude-Alexandre de Bonneval, né au château
de ce nom en Limousin, le 14 juillet 1675, mort pacha et chef des
bombardiers à Constantinople, le 23 mars 1747.
Bizarre destinée que celle de cet homme d'esprit qui passa toute
sa vie à commettre des sottises et les paya cruellement I II entre
dans la marine à douze ans, se bat en duel à vingt, passe dans
l'armée de terre, sert à la tôted'un régiment sous Catinat, Villeroy
et le duc de Vendôme, sauve à Luzzara l'armée française tombée
dans une embuscade, se distingue en plusieurs rencontres, puis, à
la suite d'une discussion avec Chamillart, quitte l'armée, se réfugie
à Venise, et en 1706 accepte du service dans l'armée autrichienne
avec le grade de général-major. Il combat en cette qualité les
(i) Nous devons à une obligeanle communicalion de la famille da Ir^s
regretté Joseph Brunet, les pages qui suivent. Les membres de la Société
archéologique du Limousin liront avec un intérêt tout particulier ces
notes, prises spécialement à leur intention par un confrère qui s'est tou-
jours montré zélé pour l'histoire de sa province uatale et qui a pris, h
Tépoque de son séjour à Limoges, une part active et distinguée aux tra-
vaux de la Société.
T. xxxix. \
V. i-ho
I
341
r> SOCIKIK ARCIIÉOLOGIOUË ET IIISTORIOUR DU LIMOliHIN.
armées françaises, et se concilie la haute faveur du prince
Eugène, qui sait apprécier ses talents militaires. Après sa déser-
tion, le Parlement de Paris lui avait fait son procès et Tavait con-
damné à être pendu en effigie : 11 réussit à obtenir des lettres
d'abolition, revint en France et épousa une parente, M'** de Biron ;
mais quelques jours après ce mariage il reparlait pour Vienne. A
la suite de mille folies, il encourut la disgrâce de TEmpereur,
envoya un cartel au prince Eugène, en lama des correspondances
avec divers diplomates et finalement se réfugia en Turquie où il prit
Je turban. Il fut chargé de discipliner et d'instruire à l'européenne les
Iroupes ottomanes. Très influent, puis disgracié, il fut relégué dans
une province lointaine, reconquit plus tard son crédit et revint à
Gonstantinople. Il ne garda d'autre dignité que celle de toplgibacfn,
chef de rartillerie.Une attaque de goulte l'emporlaau moment même
où il projetait de quitter Gonstantinople et où il négociait secrèle-
mentaveclaCour deRome et la Cour de France en vue de son
absolution, et d-e sau rapatriement (1).
La mosquée des derviches de Péra mérite d'être visitée; l'édilice
ne manque pas d'élégance et son plafond est peint avec goût. Des
tribunes, dont deux sont spécialement réservées aux femmes, ont
été ménagées dans les bas-côtés. Dans ces tribunes se placent les
personnes désireuses d'assister au curieux spectacle de la danse
dos derviches.
Bien que ce spectacle ne fût pas le principal attrait de notre
visite au Tekké de Péra et qu'un autre but nous y eût conduit, nous
n'eûmes garde de ne pas profiter d'une telle occasion. On nous
plaça dans la tribune faisaMface au cheik Ata-Efl'endi, supérieur
de la maison. CeliH-ci présidait aux exercices, assisté de deux vieux
derviches ayant comme lui, autour de leur fez gris, le turban verl,
insigne xHstinctif des pèlerins de la Mecque.
Les exercices des derviches s'exécutent au son d'une musique à
la fois criarde et monotone. L'orchestre est composé de tambours
et de flûtes. Après quelques prières psalmodiées par toute l'assis-
tance, la danse commença : vingt-neuf derviches y prirent pari.
Ils étaient vêtus d'une robe blanche, coiffés d'un fez très élevc^,
couleur marron clair, sans turban {i), et éparpillés pour ainsi dire
(1) On trouvera, dans le tome VII du Bull, delà Soc. œ'ch. et hist. du
Limousin, une remarquable noiioe biographique consacrée «^ Aclimel-Pachn
par M. le baron Gay de Vcrnon.— Z nkeisen, dans son Histoire de V Empire
ottoman^ l.V, donne d'intéressants drUils sur rôle de Bonncval en Turquie.
(2) Les derviches hurleurs de Scuiari, porlcnt le lez avec le lurban blanc
ou vcrl.
Tombeau d'Achmet Pacha dans le cimetière du' Tekké de Përa
N
UKE VISITE AU tOMDKAL' D ACIIMKT-PACITA. 7
dans la mosquée comme nos gymnastes pour certains exercices et
nos fantassins pour l'escrime à la baïonnette. Chacun s'agitait, se
balançait et tournait sur place, avec une vitesse de plus en plus
grande, jusqu'à ce qu'exténués, tous se laissassent tomber sur le
soi.
Ils exécutent ce pénible exercice en récitant des invocations et
des versets du Coran, et avec un sérieux, un air grave, une exprès- ^
sion pénétrée qui éloigne toute envie de rire avet; les spectateurs, cd^^
La cérémonie se termina par des prières : elle avait duré environ )
deux heures. ^
Malgré la curiosité d'un tel spectacle, il nous avait paru un peu
long : nous avions hâte de voir le tombeau dont nous avions promis
à nos collègues de la Société archéologique de leur rapporter une
exacte description. Âta-EfTendi voulut bien nous guider lui-même.
Le mausolée d'Achmet-Pacha s'élève dans un enclos solitaire qui
dépend du couvent et qui sentait autrefois de lieu de sépulture. Les
cimetières sont nombreux à Conslantinople, sur les deux rives du
Bosphore. Toutefois beaucoup de musulmans tiennent à être en-
terrés sur le rivage d'Asie : une prophétie bien connue annonce
que les Turcs doivent être chassés de la terre d'Europe et repasser
le Bosphore. Nombre de fidèles croyants ne veulent pas que leurs
restes soient à jamais profanés par le contact des chrétiens vain-
queurs.
Le cimetière a une contenance d'un demi-hectare environ; il
renferme quelques tombes assez belles et on y voit plusieurs turbés
grillagés ; mais la plupart des sépultures sont d'aspect banal et
n'ont rien de remarquable.
I^ vue admirable qu'on découvre de ce point ajoute à la poésie
du lieu lui-môme. Nous apercevions la Corne d'Or, les terrasses du
Vieux-Sérail à demi cachées par le feuillage des cyprès, Scutari et
ses mosquées; à l'horizon apparaissaient les îles des Princes,
noyées dans une brume lumineuse et chaude qui semblait les enve-
lopper dune poussière d'or.
Après nous avoir fait errer un instant parmi les lombes, Ala-
EfTendi s'arrêta dans un coin de Tenclos, devant une grille. — «C'est
îcî, nous dit-il, que repose le Pacha français, »
Le tombeau d'Achmet Pacha se compose d'un soubassement
en pierre blanche, mesurant 3 mètres de longueur sur i'",50
de large et 0'",80 de haut et supportant une grille moderne
en fonte, haute de 1",50 environ, et d'une tombe formée de
quatre pierres blanches. La plate-forme du soubassement forme h*
fond de la tombe, qui n'a pas de couvercle et est à ciel ouvert :
8 SOCIRTÉ ARCUÉOLOGIQUR RT BISTORIQUK DU LIMOUSIN.
dans iâ terre qui la remplit, on a planté deux troènes et un rosier.
Celte tombe mesure 2",14 sur O'^JS et a 0°*,68de hauteur. L'orne-
mentation de ses quatre côtés est simple, mais sculptée avec soin
et d*un relief assez délicat. Elle se compose de rosaces alternant
avec des vases à fleurs : trois rosaces et deux vases sur chacun des
côtés ; une rosace et deux vases à chaque extrémité. Tout autour,
au-dessus, une guirlande sculptée formant frise.
Du côté de TÉst, la pierre du cippe avait été cassée; on a rejoint
les deux morceaux avec du ciment.
Les deux pierres qui forment les extrémités de la tombe se pro-
longent en colonnes ou plutôt en cippes. Celle du pied, qui s*élève
de 1™,37 au-dessus de l'auge, n'offre aucune décoration ni inscrip-
tion et se termine en pointe aiguë. Celle qui est à la této, haute de
4",47, supporte, selon Tusage, une boule à turban, avec une
ornementation consistant en une sorte de croix et des crochets.
Cette télé a été détachée de la colonne, puis remise en place.
Le cippe présente, sur le côté Ouest, une inscription en lettres
turques, qui a du être redorée il y a une quinzaine d'années. Je la
reproduis ci-après :
J^' ^^ji^^ ^ 9^ ^y ^û^ j,/
'4^
Iluel hallakcoûb baki
Aksoupan-Jié hou irtallah haziretleri
Mahminin muhminata
Merkhoum Koumharadjiaiidan
Ahmet pacha Rahmet eWi
1160,12 Rebiulaghir.
UNE VISITE AU TOMBBAU d'aCD MET-PACHA. 0
Traduction :
En dehors de Dieu, tout est mortel. Que le Tout-Puissant, omni-
potent Seigneur, de même qu'à tous ses mahométans, accorde le
repos au Coumbaràdji Ahmet pacha, décédé le 12 décembre 1160
de rhégire.
Ici se présente une petite difficulté qui nous avait, nous
l'avouons, fort embarrassé au premier abord : la date donnée par
l'inscription funéraire que nous venons de reproduire est incon-
testablement 1160; or, plusieurs des biographes de Bonneval-Pacha
énoncent qu'il mourut Tan 1128 de Thégire. Celle différence de
trente-cinq ans nous avait d'abord fait craindre que le tombeau
attribué au pacha limousin ne fût la sépulture de quelque autre
personnage. Heureusement la diversité des systèmes de computa-
lion du temps en usage en France et en Turquie fournit la clé
de cette petite énigme. Ceux qui ne savent pas que Tannée maho-
métane a seulement trois cent-cinquante-quatre ou trois cent-
cinquante-cinq jours, c'est-à-dire onze de moins que l'année grégo-
rienne, se contentent d'une soustraction pour établir la correspon-
dance entre l'ère chrétienne et l'hégire, et il est certain qu'avec
ce procédé, Bonncval étant mort en 1747, on trouve qu'il est mort
l'an 1125 de l'hégire (1747 — 622 = 1125). Mais les choses ne vont
pas aussi simplement, et en raison de l'écart signalé plus haut, il
faut compter que trente-trois de nos années équivalent à peu près à
trente-quatre années turques; d'où cette conséquence: — En comp-
tant à la turque, on trouve qu'il s'est écoulé environ trente-cinq
années de plus entre 622 et 1747 qu'on n'en trouve en comptant
à la française. Voilà le problème résolu et la différence expliquée :
1125 et 35 donnent exactement 1160, la date même qu'on trouve
sculptée sur le monument.
Ce qu'il y a de piquant, c'est que cette date erronée de 1125 a
été indiquée comme figurant sur Tépitaphe même et on peut la
relever dans plusieurs ouvrages, notamment dans l'intéressante et
remarquable notice de M. le baron Gay de Vernon.
D'après Ata-Effendi, Achmet-Pacha fut enseveli dans le petit
cimetière du Tekké de Péra parce qu'il était un bienfaiteur du
couvent; il aurait même reçu le titre, tout honoraire bien entendu,
de derviche. Il habitait à Constantinople la rue qui porte le nom
de Coumbaradjiy nom qu'elle tenait peut-être de lui-même ou plutôt
de ses fonctions; car en sa qualité de chef de l'artillerie, il avait le
commandement spécial des bombardiers {Coumbaradjis), La mai-
son où il vivait a été démolie, il y a vingt-cinq ou trente ans à peine.
lO SOCIÉTÉ ARCUÊOLOGIQUE KT HISTORIQUE DU LIUOUSIN.
AU surplus, rattribution de ce monument ne saurait être dou-
teuse : c'esl bien au pacha limousin qu'appartient celte sépulture.
Ata-E(Tendi sait que ce tombeau est celui d'un Français du nom de
« Bonnival », devenu mahométan, d'un personnage considérable
qui fut chef des Bombardiers, ministre et grand diplomate : C'est
la tradition de la maison. Lecheik nous promit môme de chercher
dans la bibliothèque du Tekké et de nous signaler ce qu'il pourrait
y trouver concernant Bonneval.
Il nous raconta qu'il y a une douzaine ou une quinzaine d'années,
un membre de la famille du pacha, étant venu à Constanlinoplc,fut
adressé au couvent avec une recommandation spéciale de l'ambas-
sade. Il visita la tombe, y lit faire quelques réparations et oblint
que les derviches fussent officiellement invites à en prendre soin.
Aussi le petit monument est-il en bon état. On en trouvera, jointe
à cette notice, une exacte reproduction.
Joseph JBrunet.
ZIZIM
A BOURGANEUF ET A ROME
\jo prince Uirc Djera ou Zizim, par sa caplivilô de ciiu| ans
(1483-1488) dans divers cluUcaux de la Marche, occupe une cer-
lainc place dans rhisloire du Limousin, dont la Marche faisait par-
iie. Nous avons pour but, dans ce Mémoire, d'entrer dans certains
détails sur le séjour de Zizim dans notre province, sur son départ
pour rilalie, son entrée h Rome et sur sa mort. Nous aurons 1 oc-
casion de signaler quelques erreurs commises par divers histo-
riens relativement à ce sujet. Nous avons, pour cela, consulte les
sources et étudié, en les comparant, les témoignages contempo-
rains.
Ayant passé plusieurs années de notre enfanec à Bourganeuf,
auprès de la tour de Zizim, nous nous sommes toujours intéressé à
ce personnage historique dont le souvenir est resté légendaire dans
la contrée et que sa captivité et ses malheurs ont couronné, pour
ainsi dire, d'une auréole de poésie.
I.
Zizim, dont le nom turc était Djem ou Djim, était le fils puîné
de Mahomet II, conquérant de Constantinople et de IVmpire grec.
Il était frère deTempereurBajazet II. Après la mort de Mahomet II,
Zizim et Bajazet se disputèrent Tempire. « Bajazet soutenait que
la couronne lui appartenait, parce qu'il était l'aîné; Zizim préten-
dait monter sur le trône, parce qu'il était né depuis que Mahomet II
avait été empereur, tandis que Bajazet était venu au monde alors
que son père n'était pas encore souverain (1). » Cependant Bajazet
fut le plus fort, et Zizim, vaincu les armes à la main, par son
frère, prit le parti, dans la frayeur d'une fuite précipitée, de se
jeter dans les bras des chevaliers de Rhodes, qui, deux ans aupa-
ravant, avaient fait reculer la puissance ollomane.
f,l) MunÉni. Dictionnaire, arl. 7.i<lni.
12 SOClftlé ARCHÉOLOGIQUB RT II1ST01IIQUE DU LIHOUSIX.
D'après Jaligny, historien contemporain, Zizim « tellement fut
pressé et poursuivi, qu'il luy conveint de se jecter dedans le port
de Rhodes, laquelle chose venue à la cognoissance du grand mais-
tre et des chevaliers, incontinent ils se saisirent de sa personne
et furent moult joyeux de Tadvenlure qui leur estoit advenue, et
espéroient bien en faire leur profict. Ils donnèrent provision à la
garde de sa personne, bonne et seure (4). »
Le 30 juillet 1482, Pierre d'Aubusson, grand maître de Tordre,
fit au prince turc une réception solennelle et magnifique.
Les chevaliers virent dans l'arrivée de Zizim une bonne fortune
pour eux et une solide garantie contre les attaques de Bajazel;
et, croyant que les avantages qu'ils pouvaient en retirer pour le
bien de leur ordre et de toute la chrétienté les autorisaient à exploi-
ter la position du prince musulman, ils regardèrent comme leur
prisonnier celui qui n'était qu'an réfugié malheureux. Au reste
Pierre d'Aubusson ordonna qu'il fût traité avec tous les honneurs
dus à son rang; et on eut pour lui tellement d'égards, que le prince
put d'abord se faire illusion, se considérer comme le protégé de
l'ordre de Saint-Jean plutôt que comme son prisonnier, et penser
que les chevaliers préposés à sa garde ne formaient près de lui
qu'une garde d'honneur.
<( Dès que Bajazet apprit que Zizim était à Rhodes, il se hâta de
conclure avec Pierre d'Aubusson la paix qu'il avoit demandée dès
son avènement à la couronne. Plus tard, il s'engagea, par un traité
passé avec le grand maître, à lui payer annuellement la somme de
trente-cinq mille ducats pour l'entretien de son frère, et de plus,
dix mille ducats chaque année, pour le dédommager des pertes
occasionnées parla dernière guerre (2). » Zizim, s'imaginant que
son frère ne voulait la paix que pour avoir une occasion favorable
de le perdre, pressa le grand maître de lui donner son congé pour
aller trouver le roi de France. Pierre d'Aubusson entra d'autant
plus volontiers dans les vues du prince musulman, qu'il voyait
beaucoup d'inconvénients à le garder à Rhodes. Dans le voi-
sinage de l'empire turc, il craignait que les émissaires de Bajazet
ne fissent périr Zizim par le poignard ou par le poison. C'est pour-
quoi il eut l'idée de l'envoyer en France, dans ce pays, dit un
écrivain peu suspect, qui ne produit pas de monstres, et où l'usage
du poison est inconnu (3). Zizim partit de Rhodes le 1" septem-
(0 jALiGNY, Histoire de Charles VIIL édit. do «617, in-i«, p. 111.
(S) BouHOURs, Histoire de Pierre d'Aubusson, édition de 1806, p. 180.
(3) Prudenlissimus Rhodiorum magister arbilratus principem Zizimum
tutios apud Gallias defendi, custodiri, atque prolegi, ubi monslrii non
ZiZIM A BOURGANEUP ET A ROMB. 1.1
bre 1482, accompagné du chevalier Guy de Blanchefort, du cheva-
lier de Rochechouarl, et de plusieurs autres qui lui servaient
d'escopte. Le grand maître « ordonna que le chevalier de Blanche-
fort, qu'on nommait aussi le commandeur de Morterolles, pourroit
prendre autant de chevaliers qu'il lui plairoit pour la garde de
Zizim, avec ordre à ceux qui seroient nommés par le comman-
deur de lui obéir aveuglément; mais il déclara aussi que les che-
valiers qui seroient attachés auprès du sultan jouiroient des pré-
rogatives de la résidence et de Tanciennelé comme s'il demeuroient
à Rhodes (1). »
Jaligny, dans son Histoire de Charles VIII^ après avoir parlé des
inconvénients qu'il y avait à garder Zizim à Rhodes, ajoute :
« pour éviter à toutes ces occasions, il (le grand maître) délibéra
de le mectre en lieu seur; et pour ce qu'il esloit natif de France,
de la Comté de la Marche et de la maison d'Aubusson, il délibéra
de l'envoyer en France. Considérant que le roy esloit loing de la
seigneurie du dict turc, et qu'il n'a voit gueres d'interest au faict de
la seigneurie, à qui elle demeurast des deux frères. Toutesfois avant
que l'envoyer en France, il envoya sçavoir devers le Roy Louys
onziesme de ce nom, si son plaisir seroit de le souiïrir en son
royaume. Laquelle chose le roy accorda volontiers. Après que le
dict maistre de Rhodes eust eu le congé du roy, il prépara le
voyage de son prisonnier et l'envoya descendre au pays de Lan-
guedoc (3). Et de là il le feit mener en la dicte Comté de la Marche,
en la maison du seigneur de Bocalamy (lisez : Boislamy), qui
estoit parent du dict grand maistre (3). Et là se tenoil et avoit pour
sa garde aucuns chevaliers de Rhodes, qui estoietit pour la plus-
part parensdu dict grand maistre; il estoit fort bien entretenu
de sa personne et de ses nécessités. Aussi son frère payoit bien
sa despence (4). »
D'après le même historien, Zizim, dès son arrivée en France,
voulut se mettre en rapport avec Louis XI : « Le dict prisonnier
gigDuntar et ubi toxici tabès ignoratur. {Guillelm, Caour», Rhod. olce-
cancel, de admis, régis ZUimlln Gallias), ap. Bouhours, p. 174.
{I) BouHOURS, Hiêt, de Pierre d'Aubusson^ livre iv, édit. 1806, p. 187.
(9) Ce n*eal ni sur les côtes du Languedoc, comme le dit Jaligny, ni sur
les côtes de la Provence, comme le dit Yertot, que débarqua Zizim, mais
sur les côtes de la Savoie, près de Nice, comme le dit Thistorien turc
Saad-Eddyn.
(3) Le seigneur de Boislamy était alors Antoine de Blanchefort, frère
atné du chevalier Guy de Blancfaefort, et, comme lui, neveu de Pierre
d'Aubusson, par leur mère, Souveraine d*Aubusson.
(4) Histoire de Charles VJII^ édition de 1617, in-4«, p. Mi-H3,
Il SOCIÉTÉ ARCIIKOLOGIQUK KT UlSTOr.lQl'K Dt' LIUOLSIN.
avoil ouy parler du roy Louis, et dd la granJcur do son royaumi,»,
cl de sa seigneurie, et aussi de ses faits : par quoi il desiroil fort
de le voir et de parler à lui. Les chevaliers qui lavoienl en garde
le firent sçavoir au Roy, lequel fit réponse que pour la grande
renommée que son père avoit eue, qui en son temps eloit jus-
qu'alors le plus grand prince de la loi de Mahomet, et lequel avoit
le plus fait de belles conquêtes qu'aucun autre, il le verroit volon-
tiers et communiqueroit de très bon ccBur avec lui, mais que bon-
nement il ne le pouvoit faire, attendu qu'il n^etoit pas de sa loi ; cl
ordonna de plus qu'on lui dit que s'il vouloit embrasser la religion
chrétienne, il lui promettoit d'employer toute sa puissance afin dd
lui aider à recouvrer les seigneuries de son empire; et de plus il
lui donneroit de quoi entretenir son état; et si d'aventure il vouloit
cependant demeurer en son royaume, qu'il lui donneroit des héri-
tages et seigneuries avec la jouissance desquelles il pourroit vivre
comme un prince. Les chevaliers firent sçavoir tout cela à leur pri-
sonnier; mais, pour quoi que ce fût, il ne voulut délaisser sa loi, et
demeura encore en la dite comté de la Marche en la maison du
susdit Bocalami jusqu'au dit mois de janvier mil quatre cens quatre
vingt et huit (1) ».
Quelques historiens, tels que Beaudoin, dans son Histoire de
l'Ordre de Malte (2), le P. Bouhours, dans son Histoire d4i
Pierre d'Aubussofi (3), Moréri, dans son Dictionnaire historique,
M. Vayssière (4), etc., ont avancé que Zizim avait été présenté au
roi Louis XL C'est inexact ; jamais Zizim ne fut reçu par Louis XI,
qui mourut le 44 août 4483, alors que le prince turc était en route
pour se rendre dans le comté de la Marche.
II.
Un historien turc, Saad-Eddyn, a composé un ouvrage qui a pour
titre : Les aventures du prijice Gem. Dans cet ouvrage, (fui a été
analysé par M. de Hammer (5) et traduit en français par M. Garcin
de Tracy (6), nous trouvons sur le voyage de Zizim en France cl
sur sa captivité dans la Marche des détails que nous chercherions
(1) Jaligwy, Histoire M Charles VIII, édil. de <G17, in-4o, p. 113, 11».
(3) « CepcndaiU Zinmi fut conduit en France cl salua le roy, qui se
nionira asse7. réservé aux affaires de'Zizimi v (ôdiiion de \(\od, ]). 15 1).
(3) « Zizimc élanl arrivé en France, fut reçu du Koi assez froidemcnl •.
{HLstoiv^ de Pierre d'Aubusson, édit. 1806, p. 181).
(*) L* Ordre de Salat-Jean de Jérusalem en Limousin^ <884, p. 23.
(S) Journal asiatique^ i^° série, l. VI.
(G) Journal asiatique, !'•' sôrie, l. IX, juillcldcccnibrc 1820.
ZIZiU A BOURGANEUF ET A ItOME. I.ï
vaiQement ailleurs. Nous y avons puisé les renseignements qui sui-
vent.
Djem s'était embarque à Rhodes le \^' septembre 1482 (1). Après
une traversée de trois semaines (14 octobre 1482), il aborda à un
port du pays de Savoie, voisin de la ville de Nice, i^e lendemain il
fut conduit dans celte ville, où il fut forcé de séjourner. Pendant
son séjour à Nice, il composa un distique que M. de Hanimer tra-
duit ainsi :
Oh I quelle ville admirable que Mec !
On y demeure en dépit du caprice! '
M. Alfred de Bougy a traduit ce couplet d'une manière plus élé-
gante à notre avis :
Nice délicieuse! 6 séjour tout charmanll
On te quitte à regret : peut-on faire autrement? (2).
Comme la peste commençait ses ravages à Nice, on en lit sorlir
Djem, le 24 janvier 1483 (3) pour le faire séjourner dans un en-
droit voisin. De là, il fut amené à Saint-Jean de Maurienne (San-
Jovian), puis à Chambéry. Le gouverneur de cette ville (selon l'ex-
pression de Thistorien turc, c'est-à-dire le duc de Savoie), un jeune
prince âgé de quinze ans, était absent pour une visite auprès de
son oncle le roi de France (Louis XI).
Après quelques jours passés à Chambéry, Djem continua sa route
pour le château de Rumilly (4), où il arriva le jeudi 20 février 1483.
Le jeune duc de Savoie étant de retour de Paris, s'intéressa au sort
du frère de Bajazet, et il y eut entre eux échange de présents.
Le 26 juin 1483, Zizim fut embarqué sur la rivière qui passe à
Grenoble (l'Isère); puis, entrant dans le Rhône {Rouneh), il fut dé-
barqué sur la rive et fut mené à Pouiat en Dauphiiié, Quelques
écrivains ont cru que ce nom de Pouiat désignait le Puy-en-Velai :
(I) C*csl par suite d*une erreur typographique que M. de llammcr le
fait embarquer le 1°^ septembre 1181 [Journal asiatiquCy t. Yl).
{%) Biographie générale, article Djem.
(3) M. DB Hammer, Journal asiatique^ t. VI. — C'est à tort que M. do
Bougy ^}^e ce départ au 6 février 148^ {Un Prétendant turc au xv® siècle,
Reoue contemporaine, 3® série, t. XXVll (186î), p. 77(îj.
(i) RedjUia dans Saad-Eddyn. C'est à tort que quelques ôcrirains, à la
suile do M. de Hammer, ont traduit ce mol par Roussillon ; M. Garoin de
Tracy Ta traduit par niimilly, et cette opinion paraît très probable {Journal
asiatique^ t. V( et t. IX, p. 158).
16 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUK ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
(le récentes découvertes ont démontré que ce lieu est le Poët, près
du Rhône (1).
C'est là que les chevaliers qui escortaient Zizim apprirent la
mort de Louis XI (21 août 1483). Par mesure de prudence ou par
calcul d'économie, on enleva au prince vingt-neuf musulmans de sa
suite» qui furent conduits à Aigues-Mortes, puis embarqués à Nice
pour Rhodes.
Du château de Pouial {Le Poët), Zizim fut conduit à un autre
château situé sur un rocher, que Saad-Eddyn appelle Douchénoùl,
dont M. de Hammer n'a pu découvrir le nom français, et qui est,
parait-il, le donjon de Rochechinard, à quelques lieues de Gre-
noble.
C'était non pas au commencement du mois de juillet 1483,
comme Ta dit M. Alfred de Bougy (2), mais quelques jours après
la mort de Louis XI, c'est-à-dire au commencement de septembre.
Nous n'avons pas à nous occuper des incidents qui signalèrent
le séjour de Zizim au château de Rochechinard et dans le château
voisin du baron de Sassenage, incidents qui ont fourni matière à
quelques romans (3).
Après deux mois passés dans ces châteaux du Dauphiné, Zizim,
par ordre du grand maître, se mit en route pour se rendre dans la
Marche limousine. Il était sous la conduite du chevalier Guy de
Blanchefort, commandeur de Morlerolles, et neveu, par sa mère,
de Pierre d'Aubusson. Parmi les chevaliers qui faisaient partie de
son escorte, nos annalistes limousins citent le chevalier de Rochc-
choaart (4). C'est apparemment vers le mois de décembre 1483
qu'il arriva dans un château que Saad-Eddyn, l'historien turc,
appelle Borgolou, et qui n'est autre que Bourganeuf (5). Nous
avons vu qu'on avait congédié environ trente personnes de la suite
de Zizim; il arriva à Bourganeuf, disent les chroniques limousines,
avec dix-huit ou vingt serviteurs (6).
Bourganeuf était le chef-lieu de la langue d'Auvergne; c'est là
que les grands prieurs résidaient ou devaient résider. Parmi ceux
(\) Alfred DE Bougy, Un Prétendant turc au xv* siècle^ Reoue contem-
poraine^ S' série, l, XXVli, p. 777.
(2) /d., ibid.
(3) Voir Alfred de Bougy, ibid., p. 778-784.
(4) Bonavcnlure de Saint-Ahable, t. lll, p. 7â7.
(5) Journal asiatiquey I" série, t. VI, p. 136, l. IX, p. <60. — Au xiii*
siècle, Bourganeuf s'appelait Borguet-nou (Louis Duval, Esquissée tnar-
choisesy p. 95 i).
(6) Annales mant^scrites de Limoges^ édit. 1873, p. 313.
ZIZIH A BOURGAPfRUr RT A ROUR. 17
qui se sont fait un nom et qui ont été élus grands maîtres de Tor-
dre, nous pouvons citer Jean de Lastic, Jacques de Milly, Pierre
d'Aubusson, Guy de Blanchefort. Une lour de cette commanderie
porte le nom de tour de Lastic.
Faut-il croire que, à Tarrivée du prince turc dans la commande-
rie de Bourganeuf, « on n'avait rien préparé pour sa réception, ou
plutôt pour sa garde»?M. Alfred de Bougy rasupposé(l); quoi qu'il
en soit, après deux mois passés à Bourganeuf, on conduisit Zizim
dans un château que Saad-Eddyn appelle Montele, que M. de Ham-
mer traduit par Montuel (2), et qui n'est autre que le château du
Monteil-le-Vicomte, silué à deux lieues à Test de Bourganeuf. Ce
château, qui avait vu naître Pierre d'Aubusson, appartenait à son
frère aîné, Antoine d'Aubusson, bailli d'Anjou, de Tou raine (1431),
puis du Pays de Caux en Normandie, de 1454 à 1474. Ce même
Antoine d'Aubusson, en 1480, avait mené à ses dépens, à Bhodes,
plus de 3,000 hommes, pour secourir son frère, le grand-maîlre,
qui le lit général de ses troupes, honneur dont il se rendit digne
par sa valeur (3). Le château du Monteil, assis sur un mamelon
dominant la campagne, et flanqué de quatre tours principales qui
regardent aux quatre vents, est aujourd'hui en ruines (4). Zizim y
séjourna pendant deux mois (février-mars 1484).
Du château de Monteil, Djem fut conduit dans un autre lieu que
Saad-Eddyn appelle Mouretel, nom que MM. de Hammer, Garcin
de Tracy (5) et d'autres savants à leur suite ont traduit par
Moretel (6) et qui est aujourd'hui Morterolles. 11 ne s'agit pas,
comme Ta supposé M. de Bougy, « de Morlerol ou de Mortroux,
châteaux ou villages marchois, près de Bourganeuf et de Bon-
nal{7) », mais de Morterolles, canton de Bessines (Haute- Vienne).
Les chevaliers de Saint-Jean avaient à Morterolles une comman-
(1) Un Prétendant turc au xw^ siècle, Reoue contemporaine , î« série,
t. XVII, p. 783.
(2) Journal asiatique^ i^^ série, t. VI, p. i36.
(3) Nadaud, Nobiliaire Limousin, édilioD Roy-Pierrefitle, t I, p. 72. Une
fille d^Anloine d*Aubusson, Loaisc, avait épousé, vers 1473, Jacques.de Ro-
chechouart, seigneur du Bourdet et de Charroux, qui se trouvait par ceUe
alliance neveu du grand maître de Rhodes.
(4) Voir dans V Album de la Creuse, p. 1 29, une vue des ruines du châ-
leau du Monteil.
(5) Journal asiatique, f série, t. VI, p. 136, l. IX, p. 160.
(6) M. AuDiPFRBT (Biographie unioerselle de Michaud), art. Zizim. —
H. H.-L. B. (Henri Bordikr), Bibliothèque de V Ecole des Chartes, t. ill,
(1841-43), p. 386.
(7) Alfred DE Bougy, Reoue contemporaine. S* série, t. XXVII, p. 783.
18 SOCIÉTÉ ARCIIÉOLOGIQI'E ET lIISTORIQt'E OU LIMOUSIN.
cleric cîonl le chevalier Guy Je Blancliefort, neveu du grand maîlrc.
élail alors commandeur. On voyait h Morlerolles, au wii® siècle,
un château « consistant en une maison-forte quarrée, flanquée de
trois tours, entourée de fossés remplis d'eau, à fond de cuve, et
d'une palissade tout autour dudit chiîteau, un pont dormant, et un
pont-levis à l'entrée d'iceluy, garni de ses chaisnes, etc. » (i).
Zizim séjourna deux mois dans ce château, dont il ne reste plus
rien aujourd'hui.
C'était vers le mois de juin 1484. Zizim quitta la commanderie
de Morterolles et fut conduit dans un château que Saad-Eddyn
appelle Bocalamik, nom que M. ,de Hammer a traduit inexactement
par Bocalimini (i2). Jaligny, dans son Histoire de Charles VII!,
l'appelle aussi Bocalamy (3). C'est aujourd'hui le château de Bois-
lamy, commune de SiM^tter-OIalcard, canton de Bonnat (Creuse).
Ce chàteati appartenait à Antoine de Blanchefort, frère aîné du
chevalier Guy de Blanchefort, qui était chargé de la conduite de
Zizim : leur mère, Souveraine d'Aubusson, était la sœur du grand-
maître de Rhodes (4). D'après Thistorien turc, le château de Boca-
lamik était situé au milieu d*un grand lac, pour mieux dire, d'un
étimg (aujourd'hui desséché). « Le prince Gem, ajoute Saad-Eddyn,
y fut tenu environ deux ans dans une grande contraincte (5j »,
c'est-à-dire probablement du mois de juin 1484 au mois de juin 1486.
III.
Pendant le séjour de Zizim au château de Boislamy, le chevalier
Guy de Blanchefort, neveu du grand maître, lit construire à Bour-
ganeuf, par ordre de son oncle, la tour où Zizim devait être trans-
féré, et qui porte encore aujourd'hui le nom de ce prince.
Cette tour fut construite en 1484, comme le prouve l'inscription
suivante que nous avons publiée dans la biographie de Guy do
Blanchefort, en 18S4, d'après les manuscrits de Nadaud :
En Tan mil cccc lxxx nii fui
foie la grosse tour de Bourgnc
neuf cl tout le balimcn les
(I) Procos-vcrbal de visile de 10 7; ap. A. Vay.ssiêiik, L'Ordre de
SfUnt-Jean de Jérusalem en Limoudn, 1884, p. 125.
(5) Journal asiatique, 4" série, l. VI, p. 13C.
(3) D\inciens liircs nomment ce chAleau BosU'i-Lamy. (Abbé LtcLF.n,
Grand Annuaire Almanachiie ia Creuse^ 1887, p. i4G.
(4) Nadald, Nobiliaire du Limoasm,t. I, édilion Roy-Picrrclillc, p. 214.
(5) Journal asiatique t f'" sôrio, l. IX. p. \G0.
ZIZIW A nOLRGANF.UF KT A nOMF. li)
vcrrincs tic celle église le Ireil
ops defel cl fondées une messe chun
jour vespres et coinplies aux pb
res de la communauUé de la dicle
église par Révérend Keligicux
frerc Guy de Blancheforl grnnl pr
icur dauvergnc commandeur
de Chypre, de BougnejieuF, de
Morlols. seneschal de Uliodcs
ol nepveu de 1res révérend et
mon 1res douplé seigneur monss
frère Pierre d*Aubusson 1res
digne grand mailre de Rhodes
de Tordre sainl Jehan de Jhrlm (1).
Celle inscription étail placée, dans réglisc de Bourgancuf, au-
dessus de la porte du cliœup, au-dessous des armes de Guy de
Blanchcfart, qui sont : d'or à deux lions léopardés de gveules, posés
rnn sur l'autre^ avec la croix des chevaliers de Saint-JeaJi de Jéru-
salem en chef.
La tour de Zizim, qu'on appelait la grosse tour, est une énorme
construction de forme ronde, comprenant quatre étages voûtés,
surmontant un rez-de-chaussée et une cave, et couronnés par une
plaie-forme entourée de mâchicoulis et de créneaux.
Beaucoup d'écrivains ont parle de cette tour sans l'avoir vue;
d'après Thislorien turc Saad-Eddyn, celte tour a sept étages (2) ;
d'autres écrivains lui en donnent six : tels sont Piganiol de la
Force (3), Jouilletton (4), Alfred de Bougy (5), A. Vayssière (6), etc.
En réalité, il n'y a que quatre étages, outre la cave, le rez-de-
chaussée, et la plate-forme que couvre la charpente.
Peut-être les écrivains qui donnent six étages à la tour ont-ils
coinpris dans ce nombre le rez-de-chaussée et la plate-forme qui
(1) Nadaud, Nobiliaire ms., t. Il, p. 1015; — Table alphabétique
des Mémoires^ p 30. — Nobiliaire imprimé, 1. 1, édilion Uoy-Pikrrkfittk,
l>. 2U.
l/abbé Tcxier, dans ses Inscriptions limousines (p. SC5], a lu a le
trcillons de fer », au lieu de a le Ireil-ops defet ».
(2) Journal asiatique^ t*"" série, l. VI, p. I3G.
(3) Noubelle description de la France^ art. Limousin et Marche,
(4) Histoire de la Marche^ t. Il, p. 207.
(5) Un Prétendant turc au xv'' siècle, Reoue contemporaine^ S*" stMio,
I. XXVIl, p. 788.
(fi) V Ordre de Saint -Jean de Jérusalem ou de Malte en Limousin^
I88i, p. :M.
I
50 SOCléTÈ ARCHÊOLOGIQUB ET BISTORIQUB DU LIMOUSIN.
couronne la tour; et Saad-Eddyn, en donnant sept étages à cet
édifice, a compris la cave qui est sous la pièce du rez-de-chaussée.
Afin de protéger cette plate-forme contre Tinfiltralion des eaux
pluviales, on Ta couverte d'une belle charpente au toit conique :
nous supposons que celte charpente est de la même époque que la
tour.
Un bel escalier en colimaçon,, pratiqué dans Tépaisseur de la
muraille, conduit à tous les étages jusqu'à la plate-forme.
« Les moulures de quelques cheminées, la disposition des conso-
les qui forment les mâchicoulis, les arcs figurés en accolade 'qui les
unissent, appartiennent bien à la fin du xv* siècle. L'archéologie
confirme » (1) la date donnée par Tinscription rapportée plus
haut.
Du temps de Zizim, on pénétrait dans celte tour par une galerie
couverte qui, partant de la tour appelée de Lastic, était établie
sur la crête d'un mur épais de clôture s'élevant à plus de dix
mètres du sol. Celte galerie, destinée à unir la tour de Lastic à
celle de Zizim, a été démolie, de sorte que ce beau monument,
ainsi dégagé, a grandi dans la perspeclive, et domine la vaste
plaine où coule la rivière du Taurion.
Le baron deHammer, orientaliste distingué, nous a donné, pro-
bablement d'après rhistorien turc Saad-Eddyn, une description de
cette tour qui ne manque pas d'intérêt :
« Au premier, au-dessus de la cave, étaient les cuisines, au
deuxième, les chambres des serviteurs; au troisième et au qua-
trième, les appartements du prince, et aux deux derniers, les loge-
ments des chevaliers préposés à sa garde. L'édifice était couronné
par une plate-forme entourée de mâchicoulis et de créneaux » (2).
D'après l'historien turc Saad-Eddyn, la grosse tour à sept étages
que le grand maître avait fait construire pour la prison de Gem
avait coûté 3,500 ducats (3).
Le P. Bouhours, dans son Histoire de Pierre d'Aubussoriy a pré-
tendu que cette tour avait été construite par le prince lui-même :
« Le chevalier de Blanchefort, dit-il, auquel le grand maître avait
confié particulièrement la personne de Zizim, eut soin que le
prince ne s'ennuyât pas d'abord ; il lui rendoit tous les honneurs
que méritoit sa naissance, et lui procuroit même tous les plaisirs
(1) Abbé Trxieb, Album de la Creuse^ 1847, article Bourganeuf, p. 5.
(2) Gilô par Alfred de Bougy dansTarlicle intitulé : Un Prétendant turc
au XV® siècley publié dans la Reoue contemporaine, 2'' série, t. XXYII,
p. 784.
(3J M. J. DE Hammer, Journal asiatique^ V^ série, t. VI, p. 136.
ZtZfM A BOURGANEUF RT A ROMR. 21
que la campagne peut fournir; jusque-là que lui ayant mis en tête
les bâtiments pour l'amuser, Zizime fit faire des bains et une tour
qui se voit encore aujourd'hui » (1).
Le P. Bonavenlure Saint-Amable, dans ses Annales du Limousiny
a reproduit cette assertion du P. Bouhours : « Les chevaliers de
Blanchefort et de Rochechouart, dit-il, le menèrent à Bourga-
neuf..., à neuf lieues de Limoges, où il fit faire des bains et une
tour qui s'y volt encore » (2).
Piganiol de la Force raconte de même qu'on voit à Bourganeuf
« une grosse tour fort élevée, toute revêtue de pierres taillées en
forme de diamant. C'est l'ouvrage de Zizim, qui ayant été conduit
dans le grand prieuré de Bourganeuf, y demeura assez longtemps
pour y faire bâtir cette tour, qui est une véritable prison. Les
murailles en sont assez épaisses pour qu'on ait pratiqué dans leur
largeur un bel escalier en coquille de limaçon, par lequel on monte
sur la plate-forme, qui est au haut. L'intérieur est composé de six
étages, dont le plus bas contient les bains que ce prince s'étoit fait
faire à la manière des Turcs » (3).
Jouilletton, dans son Histoire de laMarche^ a reproduit les asser-
tions de Piganiol de la Force. Il dit, en parlant de Bourganeuf, que
cette ville, « autrefois chef-lieu de la langue d'Auvergne, est célè-
bre par le séjour qu'y fit Zizim. C'est à ce prince, ajoute-t-il,
qu'on attribue la construction d'une grosse tour fort élevée, qui
porte son nom... L'intérieur de cette tour est divisé en six éta-
ges, dans le plus bas desquels sont les bains que le prince Zizim
s'était fait construire à la manière des Turcs; on voit aussi, dans
l'une des pièces du rez-de-chaussée, un moulin à bras, qui servait
probablement à la mouture du blé nécessaire à la consommation {sic)
de cet illustre prisonnier » (4).
Malgré les témoignages qui précèdent, nous avons de la peine à
croire que des bains orientaux se trouvassent au bas de cette tour.
Le procès-verbal de visite de l'an 1617 dit simplement « qu'il y avait
au rez-de-chaussée de la tour une cave renfermant un puits (8) » ;
il n'est pas question de vestiges de bains. Il nous semble d'ailleurs
que des bains à la manière des Turcs eussent été fort mal placés
(4) Histoire de Pierre d'Aubusson, livre IV, édition de 1677, p. 184.
(5) P. BoNAVRNTURE, Annales du Limotisin^ t. III, p. l'ai,
(3) Nouoelle Description de la France^ 1753, arl. Limousin et Marche \
Louis DuvAL, Esquisses Marchoises, p. 359.
(4) Histoire de la Marche et du pays de Combraille, 18i5, t. U, p. 207.
(5) A. Vayssière, l'Ordre de Saint- Jean de Jérusalem en Limousin,
1884, p. 33.
T. XXIX. i
2â SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE RT HISTORIQUE DU LÎMOUSm.
dans une cave. Que le prince Zizim ait fait construire des bains à
Bourganeuf, comme Taffirme le P. Bouhours, la chose est possible;
mais ces bains ont dû être placés ailleurs que dans une cave.
Il y a plus d*un demi-siècle, nous avons vu à Bourganeuf un gla-
cis qui, partant du pied de la tour, du c^té nord, descendait à un
étang qui servait comme de fossé et de barrière au château. Depuis
un demi-siècle, ce glacis a été remplacé par une large terrasse
plantée d'arbres qui sert de promenade à la ville, et d'où Ton des-
cend, par un double escalier, sur remplacement de Tétang dessé-
ché, aujourd'hui champ de foire.
La tour de Zizim a reçu une destination assez orientale et assez
conforme à son origine : c'est aujourd'hui la prison de l'arrondis-
sement.
IV.
Vers le mois de juin 1486, on fit sortir Zizim du château de Bois-
lamy, pour le conduire à Bourganeuf, où il séjourna environ deux
ans, comme le rapporte Thislorien Saad-Eddyn.
D'après M. A. de Bougy, « Zizim demeura à Boislamy jusqu'au
mois de janvier 1486 »(1), La date que nous donnons, avec M. Louis
Duval (2), c'est-à-dire le mois de juin, nous paraît plus probable;
car, si Zizim fût arrivé à Bourganeuf au mois de janvier, son sé-
jour dans ce château eût été de près de trois ans, ce qui serait con-
traire au récit de l'historien turc.
Signalons quelques incidents du séjour de Zizim à Bourganeuf.
Hussein-Bey, un des agents que le prince turc avait envoyés au
duc de Bourbon, revint quelque temps après, avec l'intention de
délivrer le prince. Laissons parler l'hislorien Saad-Eddyn : « Hus-
sein-bey s'introduisit dans le château. Il fut convenu qu'à un jour
fixé le prince et les musulmans de sa suite sortiraient pour aller à
la promenade, comme de coutume, et qu'ensuite, tout en jouant
avec les douze gardes, qui ne les quittaient jamais, ils leur pren-
draient leurs arbalètes, les tueraient, et se rendraient dans un lieu
désigné où ils trouveraient des chevaux et les choses qui leur se-
raient nécessaires, ce qu'Hussein-bey avait eu par le moyen du
prince de Bourbon, qui avait avancé à cet effet vingt mille pièces de
monnaie. Toutefois, un officier de Gem révéla le secret à un soldat
(1) Un Prétendant turc au xv« siècle ^ Reoue contemporaine^ î" série,
t. XVH, p. 784.
(%) Eaquiases Marchoiaes, 1879, p. 258. — Celle date a été adoptée par
|ft. Léopold NiEPCB, Le grand Prieuré d' Auvergne, 1883, p. 988.
Z1Z1M A BOURGANEUF RT A ROME. 23
avec qui il avait coutume de boire. Le capitaine des gardes ayant
eu, par ce moyen, connaissance du complot, voulait faire passer au
fil de répée tous les gens du prince; mais un des gardes, qui sa-
vait le turc, lui représenta que, jusqu'alors, le roi de France avait
cru que le frère de Bajazet demeurait volontairement dans cette
retraite; que la fourberie ne manquerait pas d'être découverte, si
Ton faisait mourir tous ses gens à la fois; qu'il valait donc mieux
s'en défaire successivement. Le malheureux prince ne parvint qu'à
force de supplications à sauver la vie à Siman-bey, chef présumé
de la conspiration. Depuis lors on les surveilla tous de si près que
pas un d'eux n'avait la liberté de s'écarter seul. Le fils de Mahomet
fut encore retenu environ deux ans dans cet endroit (Bourganeuf) ;
pendant ce temps, il fît en vers le récit de ses misères, car il était
bon poète » (1).
Saad-Eddyn dit autre part que Gem a laissé un recueil de poé-
sies estimé et la traduction en turc du roman persan de Selmar,
intitulé Gemschid et Korschid, qu'il avait dédié à son père, Maho-
met II (2).
M. de Hammer, savant orientaliste, a pubhé, dans le Journal
asiatique j le texte et la traduction en vers d'une Gazèle de Gem; la
voici :
Prends ta coupe, ô Djem de DJemchide !
Nous nous trouvons ici dans Franguistan {la France).
II faut que le sort en décide,
Aucun ne fuit le destin qui Fattend.
Pèlerin de la maison sainte,
Tai parcouru les champs de Caraman ;
Un tour de la sacrée enceinte
Vaut mille fois tout l'empire ottoman.
Dieu merci qu'ayant bonne mine,
Et bien portant je suis en Franguistan ;
Car qui se porte bien domine
Les régions de la terre en sultan.
Dix-buit garçons d'une taille charmante,
Dix-huit garçons, dont chacun fils d'un ban,
Tiennent dans leur main ravissante
Le verre d'or plein d'un vin pétillant.
(1) Saad-Eodtr, traduit par m. Garcin db Tbacy, Journal asiatique, \'*
série, t. IXJuillet-^écembre 4826, p. 16M63.
^2) Journal asiatique, 1" série, t. VI, p. i33.
3i SOCli^Ti ARCHÉOLOGIQUE ET BIST0R1QUR DO LIMODSIN.
Ah! demandez si la couronne
Peut rendre heureux Bayasid le sultan;
L'empire ne reste à personne,
Et s'il vous dit que cela dure, il ment (I).
M. Alfred de Bougy cite un fragment d'une autre pièce de
Zizim, qui « lui a paru d'un sentiment vrai et touchant », et qu'il
suppose avoir été composée à Rhodes; voici ce fragment :
Regarde la vague qui bat le rocher, regarde.
Elle fuit en gémissant sur mol, regarde.
Au sommet des montagnes, les nuages répandent des pleurs,
Et, en môme temps, le tonnerre gronde, regarde.
Le voile gris du crépuscule s'est déchiré de douleur,
Et l'aube se teint de sang, regarde (2).
Un autre incident de la captivité de Zizim à Bourganeuf nous a
été révélé par un article qui a été publié dans la Bibliothèque de
l'Ecole des Chartes, Cet article est signé H.-L. B. : une lettre de
M. Henri Forgeot, élève de l'Ecole des Charles, nous a appris que
ces initiales indiquent M. Henri Bordier (3). Voici cet article :
« Au commencement de l'année 1487, René II, duc de Lorraine,
fit une tentative pour enlever le prince Djim de la prison où il
était alors détenu. Ce fait qui paraît avoir été inconnu aux histo-
riens et avoir échappé môme au chroniqueurs du xv*' siècle, est
révélé par une pièce conservée à la Bibliothèque nationale, parmi
les mss. de Gaignières (n° 373, fol. 70).
(( Le vij* jour de may mil iiij*= iiij" et sept, messire Geffroy Bas-
sompierre, chevalier, a cogneu et confessé, après son serment
prins de dire vérité, que le second samedi de carcsme derrenier
passé ou environ celui jour, monseigneur de Lorraine, luy estant à
Nancy, commanda audit Bassompierre et à Jacob de Germiny de se
transporter et venir en ce royaume au lieu où le Teurc est de pré-
sent. Et dit que le dit monseigneur de Lorraine leur donna charge
expresse de luy mener ledit Teurc; dont de la forme de le prendre
(1) Journal asiatique j 4'"« série, t. VI, p. 137, 438. — ^ Le Dioariy c'est-
à-dire la collection des poésies lyriques de Djcm, se trouve, dit M. de
Hammer, à la Bibliothèque royale de Berlin, parmi les manuscrits de feu
M. Diez.
(2) Un Prétendant turc au xv® siècle ^ Revue contemporaine, 3« série,
t. XXVH, p. 78f).
(3) Nous avons trouvé la même indication dans M. de Bougy (loc. cit.,
p. 786).
ZIZIH A BOURG ANEUF ET A ROME. 25
el avoir, et de le tirer du chastcl ouquel il est, ne de Tintelli-
gence qu'ilz y avoient n'en a rens voulu déclarer, parce qu'il dit
avoir tout révélé et déclaré au roy en présence de Monseigneur de
Beaujeu et du capitaine Partenay. El dit que pour fere et accomplir
ladite entreprise, ledit monseigneur de Lorraine bailla ausdits
Bassompierre et Germyny xxviij hommes de guerre ou environ; dit
que en voulant accomplir la charge à eulx baillée se partirent de
Nancy, et pour tyrer au lieu où est ledit Teurc vindrent en Bour-
gongne au lieu appelé Lucilleboys, où illec trouvèrent des gens du
roy soubz la charge de Bernard Ordoux, qui le prindrent luy et
ceulx de sa compagnie; et depuis a esté amené devers le roy,
lequel Ta envoyé en ce chastel d'Angers.
» Interrogé pour quelle cause ledit monseigneur de Lorraine
voulloit fere la prinse dudit Teurc, dit que riens n'en scet. Inter-
rogé quel proufïit ledit de Bassompierre devoit avoir pour le cas
dessus dit, dit que jamais ne lui en fut riens promis, mais le faisoit
seullemenl pour fere service a son dit maistre.
» Interrogé si luy et autres de sa compagnie avoient autre charge
ne autre intelligence en ce royaume fors d'emmener ledit Teurc,
dit que non. — Signé : de Bassompierre. Et plus bas : P. Davy,
Lemaczo?). )>
» Ainsi cette tentative n'eut aucune suite sérieuse. Le 10 novem-
bre de la môme année (1), Charles VIll fit sortir de France le
prince musulman; et Temprisonnement de Bassompierre ne fut pas
de longue durée, puisqu'on le retrouve en 1489, à la tête d'une
compagnie de Gascons, guerroyant pour le duc de Lorraine dans
le pays Messin (2). » H.-L B.
V.
Plusieurs souverains, Mathias de Hongrie, Ferdinand de Castille
et Ferdinand de Naples firent tous trois d'instantes prières
auprès du grand-maître pour avoir à leur disposition le prince
Zizim. Le soudan d'Egypte lé demandait en môme temps pour le
mettre à la tôte de son armée contre Bajazei. Pierre d'Aubusson
n'accueillit point leur demande, mais il n'osa pas opposer un refus
aux instances du souverain pontife, qui était son supérieur immé-
diat, et qui voulait faire servir Zizim au succès d'une croisade
contre les Turcs. Innocent VIII avait envoyé un nonce au grand
(I) Erreur. C'est en novembre 1488 cl non en N87 que Zizim partit
de Bourganeuf.
(9} Bibliothèque de VEcole des Chartes, t. III, p. 988, 28U.
12C SOCIÉTÉ ARCHÉ0L06IQUK ET HISTORIQUE DU LIMOUSIH.
maître pour lui dire que la présence de Zizim à Rome ou dans
quelque au Ire place de Tltalie tiendrait les Ottomans en respect.
Charles VIII consentit à ce que le prisonnier de Bourganeuf fut
conduit en Italie. « Les lettres-pattentes du roi, adressées à
Antoine de Blanchefort, son chambellan, et Antoine, seigneur de
Gimel, maréchal de ses logis, en date du mois de janvier 1488,
attestent que la remise se fit à certaines conditions. Les ambassa-
deurs « commis et députés •> par le Saint-Père et les chevaliers
ne remettront Zizim « directement ou indirectement en manière
quelconque en main d'aucuns nos ennemis ou haeneux et malveil-
lants ». Le roi ordonne que Zizim soit conduit aux terres de TEglise
« seurement sans deslourbier » (1). Il ordonne « que Zizim elceux
de sa compagnie et nation, et autres qui le conduiront, au nom-
bre de quatre cents personnes et autant de chevaux » soient bien
reçus partout où ils passeront (2). D'après Thistorien turc Saad-
Eddjn, « le roi de France tint la parole qu'il avait donnée aupara-
vant. Il envoya un des seigneurs de sa cour avec environ 200 hom-
mes pour tirer le prince de la prison où il avait gémi si longtemps,
ce qui fut exécuté, dit-il, le 10 novembre 1487 (3). »
Ce n'est point le 10 novembre 1487, comme le rapporte Saad-
Eddyn, et comme Font répété M. Audiffret (4) et M. Henri Bor-
dier (5), mais bien le 10 novembre 1488, que Zizim partit de Bour-
ganeuf, après avoir passé cinq ans dans le comté de la Marche.
Quelques jours après son dépai t (16 novembre 1488), un des
musulmans de sa suite abjura le mahométisme et reçut le baptême
dans la cathédrale de Limoges. Nous lisqns, en effet, dans le
P. Bonaventure : « L'an 1488 fut baptisé à Limoges dans l'église
cathédrale un Turc appartenant à Zizim ou Zaliab, dimanche
seizième de novembre, à qui Jean Barton, évoque de Limoges,
imposa le nom de Jean : son parrain fut Antoine de La Chassaigne,
marchand de Limoges, et sa marraine Marguerite Lascure, vefve
de feu Guillaume Dubois. Ce Turc était âgé de cinquante ans (6). »
Guy de Blanchefort, élu maréchal de Tordre et grand-prieur
d'Auvergne, conduisit le prince, d'abord à Marseille, puis à Toulon,
(I) A. DB BouGY, Un Prétendant turc au xv* siècle. Reçue contempo-
raine^ 2« série, t. XXYil, p. 787.
(8) Ordonnances des rois de France de la troisième race, recueillies par
le marquis de Pastoret, t. XX.
(3) Journal asiatique, T' série t. IX, (juillet-décembre 1826), p. «61.
(4) Biographie unioerselle, arl. Zizim.
(5) Bibliothèque de VEcole des Chartes, t. IH, p. 289.
(6) P. Bonaventure Saikt-Amable, t. Jli, p. 731.
ZIZIM A BOURGANEUF ET A ROME. il
d'où il fut embarqué pour Civita-Veechia (i) où il arriva le 6 mars
1489. D après Saad-Eddyn, «Zizim traversa Marseille, l'un des ports
les plus considérables du royaume de France, il s'embarqua à Toulon
le 12 février 1488 (lisez 1489) et aborda à Civita-Vecchia, qui est
à quatre-vingts milles de Rome (2).
Arrivé à Civita-Vecchia le 6 mars, Zizim fut reçu par Léonard
Gibo, parent du pape, qui remit entre les mains de Guy de Blan-
cheforl, grand prieur d'Auvergne, le château et la ville qu'on avait
destinés au logement du prince.
Trois jours après (9 mars 1489), le pape Innocent VIII, pour
témoigner au grand maître d'Aubusson toute sa reconnaissance,
l'honora du chapeau de cardinal du titre de Saint-Adrien, et pour
rendre son cardinalat plus illustre, il y ajouta, par des bulles
expresses, le titre de légat général du Saint-Siège dans l'Asie.
Innocent VIII, qui avait déjà donné au grand maître le nom de
bouclier de VEglise et de libérateur de la chrétienté^ renonça en sa
faveur au droit qu'avait le Saint-Siège de conférer certains béné-
Uces de l'Ordre, et il lui accorda les revenus des ordres militaires
du Saint-Sépulcre et de Saint-Lazare, qu'il réunit à celui de Saint-
Jean.
Le 13 mars suivant, Zizim fit son entrée solennelle dans la ville
de Rome. Le cardinal d'Angers (Jean Balue) et le prince François
Cibo étaient venus au-devant de lui à douze milles de Rome (3j.
Douze mille cavaliers, richement vêtus, marchaient à sa suite : le
cortège, où figuraient les cardinaux et les prélats, se composait de
l'escorte du prince, de la garde pontificale et de la noblesse ro-
maine. Le lendemain, le pape Innocent VIII reçut Zizim en plein
consistoire. Laissons la parole à un témoin oculaire, Burchard :
« Le vendredi 13 mars (1489), le grand sultan, frère de l'empe-
reur des Turcs, fit son entrée dans la ville, à cheval. Il avait, selon
sa coutume, la tête couverte d'un grand voile blanc. Il ne la
découvrait devant personne, mais seulement il Tinclinait un peu.
Il chevauchait entre François Cibo, le fils du pape (4), à droite, et le
(4) M. Alfred de Bougy se trompe quand il dit : Zizim a s*embarqua
avec sa suite, sur deux galères rhodieoncs, le 9 novembre 1488 » {loc, cit. y
p. 788). Le prince était parti de Bourganeuf, comme nous Tavons vu plus
haut, le 10 novembre i488.
(2) Journal asiatique, V^ série, t. IX, p. 164.
(a) Le P. BouHOURs, Histoire de Pierre d'Aubusson, édition de 1806,
p. Sid-923. — Vkrtot, Histoire des ckeo allers de Malte, édit. in~13, t. lit,
p. 170.
(4) innocent Vlll avait été marié avant d'entrer dans les Ordres.
28 SOClélé ARCaiOLOGlQUR ET BISTORIQUB DU LlMOUSm.
grand prieur d'Auvergne, neveu du cardinal grand maître, à gau-
che. Le susdit grand prieur d'Auvergne alléguant qu'il était l'ora-
teur {le représentant) du roi des Français et que le soin du dit Turc
lui avait été contié, ne voulut céder sa place ni au sénateur ni aux
autres embassadeurs. — {Et plus loinf. Il entra au Consistoire de-
vant le pape, et quoi qu'on dit que le susdit Turc ferait sa révé-
rence au pontife à la manière des Turcs, c'est-à-dire en touchant
la terre, puis en embrassant sa main, il refusa cependant de le
faire ; mais en entrant au consistoire où Ton a coutume de faire la
génuflexion, il ne voulut pas faire la génuflexion, et même c'est à
peine s'il inclina tant soit peu sa tête couverte devant le pontife, de
sorte que cette inclinaison de tête put diflîcilement être connue ou
être vue. Il monta vers le pontife qu'il embrassa en se tenant de-
bout, et en baisant un peu le bras droit, ayant toujours la tête
couverte; puis se tenant debout devant le pontife, il lui fit expli-
quer par son interprète qu'il se réjouissait d'être en présence du
pape, et qu'il le priait de vouloir bien s'en souvenir; qu'il se recom-
mandait à lui, et qu'en temps et lieu, il lui expliquerait en secret
d'autres choses.
» Le pontife répondit qu'il avait été question, depuis longtemps,
que Sa Noblesse fut conduite à Rome pour son état et pour son
bien, et que Sa Noblesse ne devait avoir aucune crainte, mais
vivre en paix, parce que toutes choses avaient été ordonnées à
bonne fin. Pour tout cela, le Turc affirmant qu'il avait confiance,
rendit grâces à Sa Sainteté. Alors le Turc s'éloigna du pontife, et
embrassa tous les cardinaux qui se tenaient à leurs places, et il
baisa chacun d'eux au bras droit vers l'épaule.
Cependant les autres serviteurs du susdit Turc vinrent devant le
pontife, et chacun d'eux, l'un après l'autre, faisant la génuflexion
en touchant la terre de la main droite, puis embrassant les pieds
du pontife avec la chape et les vêtements, firent de nouveau la
génuflexion après avoir baisé, et suivirent le Turc, leur maître,
qui après avoir embrassé tous les cardinaux, excepté les deux
qui assistaient le souverain pontife, sans s'arrêter autrement, ou
sans faire autrement la révérence au pontife, se retira dans ses
appartements (1). »
11 est curieux de rapprocher le récit de Burchard de celui de
l'historien turc Saad-Eddyn :
« Le pape ayant appris que [Zizim] était arrivé sur ses terres,
envoya au-devant de lui son fils, suivi de quelques seigneurs avec
(I) BuRCBARo, Archipea du Vatican, — Voir le texte latin ^ Tappendice,
no I,
ZIZISi A DOURGANBlfP ET A ROUR. 29
des chevaux pour le conduire jusqu'à Rome. Il fit ensuite le len-
demain son entrée dans cette cité, où on le reçut avec de grands
honneurs. Il fut logé dans le palais du pape qui lui donna le jour
suivant une audience extraordinaire, où se trouvaient tous les
seigneurs de sa cour, et les ambassadeurs de France, d'Espagne,
de Portugal, de Gènes, de Venise, d'Allemagne, de Hongrie, de
Pologne, de Bohême et de Russie. Le pape était assis sur son trône,
sa couronne, ornée de pierreries, sur sa tôte, et plusieurs bagues
d'un grand prix aux doigts. Gem étant entré, suivi de ses gens, et
accompagné du seigneur français qui l'avait amené, et des cheva-
liers de Rhodes, s'avança jusqu'au trône du pape, qui l'embrassa,
le baisa au cou des deux côtés, et lui fit beaucoup d'amitiés ; il le
fit ensuite conduire chez lui et lui donna de grands festins pen-
dant trois jours. Le troisième jour il le reçut en particulier, assis
sur un fauteuil, et le prince sur un autre. Dans l'entretien, le pape
lui demanda pour quel motif il était venu dans un pays d'une
religion contraire à la sienne : — Mon intention, répondit Gem,
n'avait jamais été devenir dans les contrées de France, mais de
me rendre en Romélie ; ayant demandé à cet effet passage aux
Rhodiens, j'avais abordé dans leur île, me confiant au traité que
j'avais préalablement conclu avec eux ; mais ils y ont manqué et
ils me retiennent prisonnier depuis sept ans. Procurez-moi, je vous
en supplie, les moyens d'aller trouver en Egypte ma mère et mes
enfants, dont je suis séparé depuis si longtemps. — Le pape s'étant
aperçu que le prince avait les larmes aux yeux, en achevant de
parler, ne put retenir les siennes. Néanmoins, après être resté
quelque temps en silence, comme s'il eût réfléchi à ce qu'il devait
répondre : — Si vous ne songez plus à l'empire, lui dit-il, vous pou-
vez vous retirer en Egypte ; mais il vous convient mieux d'aller au
royaume de Hongrie, où l'on désire votre présence, et où vous
pourrez mettre à exécution votre premier dessein (1). »
Il pardtrait, d'après la suite de ce récit, que le pape Innocent VIII
aurait engagé Zizim à se convertir au christianisme, et que le
prince turc aurait repoussé cette proposition ; il aurait également
refusé de s'allier aux infidèles pour combattre les vrais croyants,
disant qu'il tenait plus à la religion de ses pères qu*à l'empire
ottoman ou à celui du monde entier.
Un chanoine de Vérone, Mathieu Bosso, qui se trouvait à Rome
lors de l'entrée de Zizim, raconte que le prince turc fut reçu avec
grande pompe, s'avançant à cheval entre François [Cibo], le fils du
pape, et le frère du grand maître des chevaliers de Rhodes (c'est-à-
(1) Journal a$iatique^\^^ série, t. IX, p. <64, 165,
30 SOCliTÉ ARCnÉOLOGIQUE ET DISTORIQUK DU LIMOUSIN.
dire, Antoine d'Aubusson, seigneur du Honteil). Il ajoute que
Zizim fut reçu quelques jours après, en plein consistoire, en pré-
sence du pape assis sur son trône, qu'il ne voulut pas fléchir le
"genou devant lui ni lui embrasser le pied, comme c'est Tusage,
malgré les observations des maîtres de cérémonies qui Tavertis-
saient, au grand scandale de quelques assistants qui « écumaient
de rage », voyant que les gardes pontificaux ne le forçaient pas à
se courber, et ne le prenaient pas par la barbe pour le faire tom-
ber à genoux aux pieds du pontife ; puis cet écrivain fait de Tizim
le portrait suivant : « L'aspect du barbare est cruel et féroce; il a
le corps ramassé et fort; le cou {cervix) large, la poitrine vaste et
proéminente; la stature au-dessus de la médiocre; un œil louche
et regardant de travers, le nez aquilin, la tête inquiète et toujours
en mouvement, regardant sans cesse aulour de lui d'un air mena-
çant; pour ce qui est de son âge, il approche (à ce qu'il me semble]
de quarante ans; véritable portrait de son père Mahomet, dont j'ai
vu souvent l'image gravée sur les médailles; et quant à son carac-
tère et à ses mœurs — très mauvaises — égalant son père en atro-
cité et en cruauté (1) ».
Comparons ce portrait, fait en 1489, avec celui que Guillaume
Caoursin, vice-chancelier de Rhodes, traçait de lui sept ans aupara-
vant (1482) :
« Le prince Zizim a vingt-huit ans; la stature haute, une santé
robuste, un visage fier; des yeux bleus un peu obliques sous des
sourcils épais, se joignant presque à la racine du nez; la bouche
petite, les lèvres charnues, le nez aquilin déviant un peu à gauche,
le menton pointu. Son teint est brun comme la peau d'une châtai-
gne; il a la tête grosse, les oreilles petites; son corps est chargé
d'embonpoint (2). »
VL
Après la mort d'Innocent VIII (1492), son successeur, Alexan-
dre VI « fit enfermer Zizim dans le château Saint-Ange, et ôtant
d'auprès de lui Blanchefort et les autres chevaliers qui le gar-
daient, il en confia la garde à un de ses neveux, dont Tun était
chevalier de Rhodes (3) ».
Cependant Charles VIII, roi de France, se rendant dans le
royaume de Naples pour en faire la conquête, passa à Rome, se
(I) Voir à Tappendice, n^S, le texte de Mathieu Bosso.
(î) Cité par M. A. de Bougy, loc. cit,y p. 779.
(3) P. BouuouRS, Vie de Pierre d'Aubusson, édit. 4806, p. 239.
ZIZIM A BOUROANEIIF RT A ROHR. 31
rendit maître du château Saint-Ange, el exigea que le sultan Gem
lui fût livré. Le pape, ayant la main forcée, ne put le lui refuser, et
le lui rendit par un acte solennel. Un traité, passé entre le pape et
le roi, fut rédigé par le président du Parlement de Paris ; il renferme
trenle-et-un articles. Voici ceux qui ont trait à Zizim :
« Le pape remettra entre les mains du Roy le Turc, et le Roy
tiendra celui-ci à Terracine.
» Iteni. Le Roy, à son retour de Naples, restituera le Turc au
pontife.
» Item. Le Roy promet de soutenir et défendre le pontife, si le
Turc lui fait quelque tort.
» Item. Le Roy promet au pontife quil se fera donner le con-
sentement de rOrdre de Rhodes dans le délai de six mois.
» Item, Le Roy donnera au souverain pontife des otages pour la
sûreté de la restitution.
» Item. Le pontife continuera de recevoir le tribut de 40,000 du-
cats que le Grand-Turc a coutume d'acquitter... (1) »
Ce document est daté de Rome, le 14 janvier 1498.
D'après Thistorien turc Saad Eddyn, « le 28 janvier 1494 (lisez
1495), le roi de France alla de nouveau chez le pape le sommer de
lui rendre Gem. Le pape fut alors forcé de le lui livrer. Le roi le
confia de suite à un de ses seigneurs nommé Maréchal (lisez : le
Maréchal de Gié), et partit de Rome le lendemain qui était un
mercredi (2). »
Zizim partit de Rome avec Charles VIII pour se readre dans le
royaume de Naples; mais vingt-six jours après son départ, il mou-
rut de la dyssenterie (3) à Capoue, comme l'indique Burchard, dans
son Diarium dont voici les paroles :
« Le mercredi 25 février (1498), le susdit Gem, autrement dit
Zizim, frère du Grand-Turc, qui récemment avait été consigné au
roi de France par notre très Saint Père, selon le pacte et les condi-
tions faites entre eux, mourut dans la cité de Naples et dans le châ-
teau de Capoue, par suite d'aliments ou de boisson contraires à son
tempérament. Son corps , à la prière et sur les instances du Grand-
Turc, fut livré à ce même Grand-Turc avec tous les serviteurs
(Jamilia) du défunt, et c'est pourquoi l'on dit qu'il paya ou donna
(1) Ordonnances des rois de France publiées par le marquis de Pas-
toret, t. XX, p. 460.
(2) Journal asiatique^ r< série, t. IX, p. 473.
(3) Alfred de Bougy, loc, cU„ p. 791. — « Mori egli di flusso. » (Bosio,
t. il« p. 472). 11 mourut à Capoue, a d*an flux de veaire»). (Bbauooin, Hist.
de VOrdre de Saint-Jean de Jérusalem,
32 SOCIÉTÉ ARCBR0L0GIQ(1E ET HISTORIQUE DO LIMOUSIN.
une grande somme d'argent, el qu'il reçut en grâce tous les servi-
teurs de Zizim (1).»
D'après Saad-Eddyn, Zizim mourut dans la nuit du mardi 24 fé-
vrier 1494 (lisez 1498) (2).
Les historiens qui se sont occupés de Zizim ne s'accordent pas sur
le lieu où ce prince est mort, et on peut dire que cette question est
restée jusqu'à ce jour à l'état de problème historique.
Les uns le font mourir à Terracine, et ils ont en leur faveur cet
article du traité passé entre Alexandre VI et Charles VIII : « Le
roi tiendra celui-ci (le Turc) à Terracine. »
Celte opinion a été adoptée par Vertot (3), par Henri Bordier(4)
et par M. Alfred de Bougy, dans son article sur Djem publié dans
la Biographie générale du docteur Hoefer.
D'autres le font mourir à Gaëte : cette opinion est suivie par
Mézerai, dans son Histoire de France (5).
D'autres le font mourir à Napies : c'est ce que rapportent les his-
toriens ottomans et en particulier Saad-Eddyn (6).
Un savant français, contemporain de Zizim, Siraplicien Champier,
dans son ouvrage intitulé : Trophœum Gaîloi-um, publié à Lyon en
1807, le fait également mourir à Napies (7V
Cette opinion a été adoptée par M. Audiffret, dans la Biographie
universelle de Michaud, art. Zizim, et par M. Alfred de Bougy,
dans son article sur le prince Djem, publié en 1862 (8) ; plus tard,
en 1868, le même écrivain le fait mourir à Terracine {Biographie
générale, art. Djem).
(t) BoRCHARD, ms, Archio. Vatic,, n' 404, lib. 2. — Voir à l'Appendice,
n<^ 1,1e texte latin de Burchard^
(3) Journal asiatique^ i'° série, t. IX, p. 173.
(o) Histoire de l'Ordre de Malte, in-«î, 1773, L III, p. 180.
(4) Bibliothèque de V Ecole des Chartes, l, Ili, I84t-42, p. 287.
(5) a Zizim étant mort à Gaicllc ». {Histoire de France, in-folio, 1685,
t. II, p. 787).
(6) Journal asiatique, 4" série, t. IX, p. 473. a Les historiens ollo-
mans s'accordent à dire qu'il esl mort à Napies ». (M. de Uahmer, Journal
asiatique, t. VI, mars 1825, p. 130).
(7) « Venil Romam Carolus, favcnle populo : in ea stationem fccit. El
quas ab Alexandro urbes habuerat, libère dimitlil, praeter Ostiam et Zezi-
mum Turcum, qui apud Neapolim vita dccesseral. » (Ap. Jaligny, Histoire
de Charles VIJJ, édit. <617, p. 311).
(8) Reoue contemporaine, 9^ série, 1862, t. XXVil, p. 793.
ZlZm A BOURG\NKUF ET A ROME 33
D'autres, en petil nombre, le font mourir à Velletri (1) ou à
Bulrinto (2).
Enfin Burchard, dans son Diarium, dont nous avons rapporté le
texte, le fait mourir à Capoue ; et il est d'accord en cela avec d'au-
tres historiens romains ou italiens, Bembo, Panvino, etc. (3).
Cette opinion aétéadoptéeparBeaudoin(4),A.Vayssière(8),etc.
C'est à cette dernière opinion que nous donnons la préférence.
Burchard, dans son journal {Diarium) n'a pas précisé la ville de
Capoue sans avoir des données certaines sur ce point; et les écri-
vains ottomans ou étrangers, qui ont indiqué Naples, moins au
courant de la géographie de la péninsule que les écrivains du pays,
ont indiqué le chef-lieu de la province, sans préciser la localité de
cette province où Zizim était mort.
Diverses versions ont circulé au sujet de la mort du prince
Zizim. Les historiens romains, placés près du théâtre des événe-
ments, attribuent celte mort à l'intempérance du prince. Burchard,
dans son Diarium^ où il ne ménage pas Alexandre VI, dit simple-
ment ; « Zizim mourut par suite d'une nourriture ou d'une boisson
contraire à son tempérament : Ex esu sive potti naturœ suœ non
convmienti » (6).
Voici comment s'exprime Rainaldi, qui a continué, au xvii« siè-
cle (f 1670), les Annales de Baronius : « Quelques-uns disent que
les Vénitiens, corrompus par l'argent des Turcs, avaient fait empoi-
sonner Zizim; d'autres accusent le pape Alexandre de l'avoir livré
tout empoisonné au roi de France » (7). Vertot, s'appuyant sur
{{) Bosio, DelVIstoria délia sacra religione et illust, AfUicia di S, Gto-
vani Giero8olom, Roma, 1639, t. Il, p. 472.
(2) € Rovcre, après avoir elle les différentes autorités, n'ose point déci-
der si Djcm est mort à Capoue, à Butrinto, à Terracine ou à iNaples. »
(M. DE Haumer, Journal asiatique, \^ série, t. VI, mars 1825, p. 130).
(3] a Resta mollo in dubbio dove seguisse la morte dj questo povero
principe. Porcioche aicuni vogliono,ch*in Yeiletri, altrich'in Terracina, et
altrî ch*in GaoUa se ne morisse : non mancandovi aicuni ancora, fra' quali
il Bembo, il Coiro, il Panvino, cb'affermano ch'in Capoa la sua morte
seguisse. v (Bosio, DeW Istorla délia sacra religione et illust, MiU^
cia di S, Giooani Gierosolom, in-folîo, t. H, p. 479).
(4) BsAUDOiN, Histoire de V Ordre de Saint- Jean de Jérusalem,
(5) L'Ordre de Saint' Jean de Jérusalem en Limousin ^ 1884, p. 24.
(6) Voir à Fappendice, n^ 3, le texte de Burchard.
(7) Pçrstringunt prœterea nonnuUi Yenelos turcico auro corruptos ope-
ram dédisse, ut veneno Zizimus necaretur; alii autem Âlcxandrum ponti-
fieem carpunt (Perron, lib. 1, in Car. viii), qui Zizimum lento tabo infec-
lum Gallo régi tradiderit. Verum ipsum ex intemperantia lethalem
3i SOCIÊTF. ABCRÉOLOGIQUE RT HISTOBIQUR DU LIMOUSIN.
cette citation tronquée de Rainaldi, qui rapporte, sans Tadopter,
l'opinion de quelques écrivains, regarde la chose comme incontes-
table et fait une charge à fond contre Alexandre VI (1).
Si nous remontons plus haut, Philippe de Commines prétend que
Zizim fut empoisonné, et rejette sur les Vénitiens Thorreur de ce
crime (2). Plus d'un siècle et demi après Tévénement, Mézerai met
cette action au nombre de celles dont quelques historiens ont
accusé ces républicains, et il Timpute en même temps au pape
Alexandre VI : « La jalousie des Vénitiens et du pape, dit-il, Ot
avorter ces belles espérances; ils avaient empoisonné ce prince
avant de le remettre entre les mains des Français » (3). Et il
dit ailleurs : « Zizim étant mort à Caielte du poison qu'Alexandre
lui avoit fait donner avant de le délivrer » (4).
Ces imputations sont sans preuve, c'est ce qu'on est forcé de re-
connaître aujourd'hui. « La mort du prince ottoman, dit M. Alfred
de Bougy, est généralement, mais sans preuve, attribuée à Alexan-
dre VI. » Et il ajoute : « On a prétendu, d'autre part, que Djem fut
empoisonné par les Vénitiens... C'est encore une supposition toute
gratuite » (5).
Les historiens turcs ont une autre version sur la mort de Zizim.
Cantimir, dans son Histoire de lEmpire ottoman, attribue la mort
de Zizim à un italien renégat, nommé Mustapha, barbier de son
métier, qui, envoyé à Naples par Bajazel, parvint à s'introduire
auprès du prince, se fil accepter comme son barbier, et lui coupa
la gorge pendant son sommeil. Ce Mustapha fut élevé plus tard
au poste éminent de grand vizir en récompense de ce crime (6).
L'historien turc Saad-Eddyn prétend que ce fut Alexandre VI
<c qui envoya à la suite de l'armée du roi de France un barbier
muni d'un rasoir empoisonné » (7).
Ce sont là des légendes orientales qui ne reposent sur aucun
morbum contraxisse refert Burchardus.(0DORic. Rainaldi, Annal, Baronii^
t. XXX. ad ann. U95, Lucae, 1754, p. 247.
(i) Ybrtot, Histoire des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, édit.
in-iî. 1772, t. m, p. 180.
(2) Cilé par de Billy, Histoire de Pierre d'Aubusson (os BouhOurs),
édit. de 1806, p. ^96.
(3) Jd.. ibid.
(4) Histoire de France, <68o, in-folio, t. II, p. 787.
(5) Un Prétendant turc au xv« siècle^ Reçue contemporaine, 2® série,
t. XXVH, «862, p. 793.
(6) Cantimir, Histoire de V Empire ottoman, t. II, p. 86-90.
(7) Journal asiatique^ <'• série, t. IX, p. 173.
ZIZIH A BODRGANRCP ET A ROME. 35
fondement. « Nous le répétons, dit M. Alfred de Bougy, les preu-
ves manquent (1). »
La mémoire d'Alexandre VI est assez chargée sans qu'on lui
impute gratuitement des crimes qu'il n'a pas commis. Zizim n'était
plus au pouvoir du pape quand il mourut; il accompagnait Char-
les Vin dans son expédition du royaume de Naples. Il est mort ra-
pidement, c'est vrai ; mais il a pu mourir aussi bien des suites de
son intempérance que par une dose de poison, ou des suites d'une
blessure faite par une lame empoisonnée. On a cru qu'Alexandre VI
était coupable de ce méfait, uniquement parce qu'on l'en croyait
capable. Or, un document diplomatique important, et qui n'a pas
été assez remarqué jusqu'ici, parait justifier le pontife de cette
accusation. Six mois après la mort de Zizim, Alexandre VI, écri-
vant à Leonel, évéque de Concorde, son légat en Allemagne au-
près de l'empereur Maximilien, se plaint en termes amers des pro-
cédés de Charles VIII, auquel il reproche d'être entré violemment
dans la ville de Rome et de s'être emparé de la personne du sultan
Zizim, « qui est mort, ajoute-t-il, entre ses mains ». Voici un pas-
sage de cette lettre :
« Il est entré dans cette ville vénérable, qui a été dédiée par le
sang sacré des apôtres, dans cette ville qui souffrait de la plus
grande disette, — il y est entré avec toute son armée, non sans
causer de grands dommages et de grands périls à Nous, à toute
TEglise catholique et à notre Cour romaine; et, ayant séjourné
dans cette ville pendant quelques jours, avant d'en sortir, il s'est
emparé de la personne du sultan Zizim, frère de l'empereur des
Turco, qui était gardé près de nous et dans ce Saint-Siège, comme
il était convenable, pour le secours le plus assuré des chrétiens ; il
s'est emparé de nos deux meilleures et des plus excellentes forte-
resses de cette Eglise (2); et enfin, se transportant dans le royaume
de Sicile, il l'a occupé par la force, chassant de là son légitime pos-
sesseur, qui reconnaissait tenir ce royaume de l'Eglise romaine, à
laquelle nous présidons par l'autorité de Dieu; et c'est alors que
périt entre ses mains le susdit sultan ; et, par suite de cette mort,
la Religion chrétienne a perdu un remède opportun contre la rage
effrénée que les Turcs ont à l'égard des chrétiens. »
Cette lettre d'Alexandre VI est datée du 7 des calendes de no-
vembre (26 octobre) 1495.
Voir à l'appendice, n*» 4, le texte latin de cette lettre.
Assurément Alexandre VI n'aurait pas tenu ce langage si on eût
(1) Un Prétendant turc^ etc., loc. cU,^ p. 793.
(2) Le château Saint-Ange et Civita-Vecchia.
36 SOCIKTÉ ARCIi^.OLOGTQUB ET HISTORTQUR DU LIMOUSIN.
pu lui donner la moindre preuve qpae, d'accord avec les Vénitiens
ou Tempereur Bajazet, il avait fait, en secret, donner un poison
lent au prince Zizim.
« Suivant un historien grec cité par d'Herbelot, un fils deDjem se
sauva d'Egypte à Rhodes, où il se fît chrétien, se maria et eut deux
fils et deux filles. Après la prise de Rhodes en 1522, Soliman le
Grand ayant trouvé ce prince et ses deux fils, les fit mourir parce
qu'ils refusèrent de retourner à la religion de leurs pères, et il
amena ses deux filles à Constantinople. Ainsi la maison ottomane
aurait donné trois martyrs à TEglise (1). »
L'abbé Arbellot.
(I) Ai'DiFFRET, Biographie unioerselle de Michaud, ari. Zisim.
APPENDICE
I. — BuRCHARD, ms. arch. Vatican, p. 885.
« Feria sexta xiii martii, gran sultan frater turci intravit urbcm cquos.
Capul suum more suo magDO vclo albo tcclum habcns, ncmini discoopo-
riebat, scd lantum parum inclinabat. EquitavitinlcrFranciscum Cibo, filium
papae, a dexlris, et priorcm Alvernise ncpotem magislri novi cardinalis a
sinislris. Prsedictus prior Alvcrniae asserens se oratorcm rcgis Francorum
et curam dicti lurci sibi commissam esse, senatori et aliis oratoribiis
locum dare noluit ». Et paulo inferius : « Venit per consislorium coram
pontifice, et licel diceretur ipsum Turcum rcvcrcntiam pontifici faclurum
Turcorum more, terram manu langendo, deinde manum osculando, lamcn
illud faccre rccusavit; sed in introitu consislorii, ubi genuflccti solel, gc-
nuflcelerc noluit, immo vix et valdc parum caput coopcrtum poniifici incli-
navit, adeo quod difiiculicr hujusmodi inclinatio cognosci poluil, vel
videri. Asccndit ad pontificem, qucm slans ercclus amplcxus est, cl super
brachium dexlrum parum deosculans, capul suum scmpcr tenons cooper-
lum; qui stans coram pontifice illi explicari fecit per suum intcrpretem et
gaudere se praesenliam ponlificis alligisso, ipsumquerogare quod facli me-
mor esse velil, et eum habere commcndalum, et cum tempus dabilur et
locus, in secreto aliaexplicaturum. Rcspondilponlif'exjamdiu acUim fuisse,
quod nobilitas sua pro suo stalu et bono Romam ducercluP) el quod sua
nobilitas in nullo dubitare debeat, sed laelo vivere, quia omnia in bonum
fînem sunt ordinata : proquibus turcusila se confidere asserens, sanclilali
suse gratias agit; tune recessit a ponlifice Turcus, et omnes (Cardinales in
suis locis slanles esl amplexus, et super sive circa scapulam dexleram
sîngulos osculatus.
IV. Intérim alii lurci prasdicti familiares coram ponlifice vencrunl, et
singuli unus videlicet post alium, genuflectentes, terram manu dexiera tan-
génies, deinde pontificis pedes cum pluviali et veslibus amplexanles, ge-
nuÛexi sunt osculali, et turcum palronum suum soculi, qui amplcxalis om-
nibus cardinalibus, demptis illisduobus, qui apud ponlificem in assisleutia
permanserunt, absque eo quod aliter se firmarel, aul aliler pontitici reve-
rentiam faceret, rediit ad caméras suas. (Ap. Annal. Baronii, t. XXX,
Odoric. Ratnaldi, l. XI. p. 163, édit. Lucae, 1754].
T. xxxii;. 3
38 SOCIÉTÉ ABCIIÊOLOGIQOK BT BISTORIUUK DO LIMOUSIK.
II. — Lettre de Mathieu Bosso, chanoine de Vérone.
Scd ne modo cliam le lalcal quse in urbc geruntiir, hoc vol nnum vidclur
mihi cogniiu dignum, fralris imperaloris magni turconim accessus, qui so
Icmni pompa acceptas est, tola urbe spnclante. Inccssit enim par speciosiores
vias insigni insidcns cquo, mediusque inler Franccschelum papœ filium,
et grandis magistri Khodiorum equilum fratrem. ftcnique in sacrum pala-
tium invecius est, ibique honorifice habilus. Non multis posi dics publi-
cum in consistorium deductus, ad Pontificis M«imi conspcclum conspicuo
in ihrono scdenlis, neque flccli antc cum, ncqac deosculan ex more vcs-
tigium. ut qui pnesunl sacris rilibas cl cœrcmoniis illum cdocebant, u lo
nassas est modo; ut dolorc et indignalione perraoti chnsliani, qui specla-
cnio adorant, rabidam omnes bilcm dcspumarent, et in alteruirum freme-
renl uuod non vi incurvaretur a slipatoribus armalis, aut barba rapiaretur
ad s'acpos pontilicis pedes, ne impune Christianam d.gnitalcm et div.nam
rem nosiram contemneret. is qui sub paire Mahumeto tanlum beau san-
Sis noslri «Bvus et impius, quanlus quas. lacum efficerel, aut quantum
•^ !;v-^; èwrerct Ue illius advcntûs causa, mulla vanaque fabulaotur
Uios S d Lnium vulgarissima h«c opinio est, ut Iradalur sullano (So«-
dZd-Eaupte) armandus in fratrem rcgnanlem, qu. Icgatos Romam nu-
nmimè mi«l »»«"• deposccntes: pro quo sultanum a.unl magnam v.m
^uri sanctamque Hlerosolymam pap« pollicen. Et oer fra.rem s. imperato-
îem Wrum vicerit, imperio regnisque illius dev.cU pot.lus fuent se
imnia chriétianis ercpla prsstinis bellis resliluturum. Aspec us barbar.
Îu-us et truculcntus, corpus compressum ei vahdum cerv.x lata, pectus
vistSm et prominens, stalura uUra quam med.ocr.s, iiabons et oculorum
àlierum luscum ac lorvum. nasum aquilinum, capul .nqu.e um semper
omn?a collnslran. et tanquam minans inspectans. Jîtas .11. (ut m.h. v.de-
lurl anno quadragcsimo proxima, patrem cujus cœlatam «re sœp.us ima-
gincmvidi, ad ungucm refcrcns; et ut indole, sic et mor.bus pess.m.s.
insigni atrocitale atque siBvitiaœquans.{Ap. Papib.uh Mass., p. 368).
.ns.gn.
m
Voici oc que dit Burchard dans son Dlariam 'Ms. archiv. Vatican, sign.
N., 104. lib. 2) : , ,
« Fcria quarta xxv mcnsis fcbrunrii. prœdiclus Gcm, alias Ziz.mus, fra-
tPr magni lurcie, qui nupcr Régi Francorum per sanctissimura Dora.nam
ioslrumlx paclo et convenlione inler eos stipulatis fueral cons.gnatus, .a
civilalc Ncapolitana et Castro Capuano ex esu sive polu natura suœ non
convcnicnli, viia est functus. Cujus cadavcr deinde ad inslant.am et pre-
ccs maeniTurcse eidem magno Turc» cura tolo dcfunct. fam.l.a m.ssum
est oui nroplcrea dicilur magnam pecuniarum summam persolv.sse, scu
douasse, et lamiliam ipsam in graliam ^«î^«Pl^„\%" J^.^'^^'^.-J;'',';^-
Baho.n.1, auctorc Ra.kaldo, cum nolis Mansi, l. XXV, p. 217, an. I4»5,xii,
édit. Loc«, 4754).
ZIZIX A BOURGANKUF ET A RO«R. 39
IV
Alexandre VI, dans une lollre à Léonel, évoque de Concorde, son légat
CD Allemagne auprès de Tempereur Maximilicn, se plaint de Charles VIII
en ces termes :
a Almam urbcm sacro apostolorum sanguine dcdicatam, summa annonœ
penuria laborantem, cum toto suo exercitu, non sine gravissimo nostro« et
lotius Romanae CathoUcse, ac curiae nostrse dispendio et periculo ingressus,
et per aliquot dies in dicta urbe permanens, anlequam diciam urbem
exiret, Zizimum sultauum turcorum tyranni fratrem, qui apud nos et hanc
sanctam scdem,proutconveniebat. in tutissimum christianornm praf^sidium
servabalur, ac duas ex potioribus noslris et ejusdem Ecclesise arcibus exlor-
quens, et dcmum ad ipsum SicilicB regnum se transfcrens, illud vi occu-
pavit, expulse inde légitime posscssore, regnumque ipsum ab ipsa
Roniana Ecclesia, cui aucihore Domino prsesidemus, rècognoscenle;periit-
que tune in manibus suis priediclus sultanus, ex cujus obitu perdidit chris-
tiana Religio opportunum contra Turcorum in christianos effrenalam
rabieni remedium ».
1495, 7 des calendes de novembre.
(Oooaic Raksaldi, t. XI, p. 249, an. 4495, XVI).
LES
GRAVURES ORIGINALES DE LÉONARD LIMOSIN
A LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE
Les éraailleurs limousins ont été Tobjel de nombreux travaux,
grâce auxquels l'histoire de ces maîtres d'un de nos arts industriels
les plus intéressants commence à être connue; d'autre part la
technique de l'ancienne émaillerie n'a plus aujourd'hui aucune
obscurité. Mais jusqu'ici on s'est peut-être très peu préoccupé de
l'esthétique de l'art de nos émailleurs; cependant il convient de
dire que, dans cet ordre d"idées, nous avons d'intéressantes consi-
dérations, dues surtout à l'abbé Texier et à M. Darcel.
Quoi qu'il en soit, les études dans le sens que j'indique ont été à
peine ébauchées, en sorte que nous ne sommes même pas en me-
sure de dire quelle est la place qui doit être assignée dans la série
des grands artistes dits industriels à tel ou tel de nos émailleurs,
choisis parmi les plus illustres. Par exemple, Léonard Limosin peut-
il être mis en paralèlle avec un Bernard Palissy ou un Lucca délia
Rubia. C'est là une question. que Ton ne s'est même pas posée.
Un des éléments à dégager tout d'abord serait la notion.de la
part qui revient à l'invention personnelle dans les compositions
reproduites par nos maîtres. En art industriel il est parfaitement
légitime de se servir de carions dont la composition n'appartient
pas à rexéculant, ou même de gravures déjà souvent reproduites.
La grande affaire de Témailleur, du céramiste, etc., est avant tout
de vaincre les difficultés de technique qui viennent trop souvent
s'opposer à sa libre marche et peut-être pourrait-on soutenir
qu'il en est ainsi, dans une certaine mesure, tout au moins pour
les arts supérieurs, si je puis m'exprimer ainsi. En effet, combien
sont nombreuses les œuvres de peinture ou de sculpture dans les-
quelles l'invention, la composition, n'a qu'une importance bien
atténuée ou même n'intervient pas, et qui cependant n'en sont pas
moins admirables. Ces œuvres, le plus souvent ne valent que par
Fig. 1.
Fig. S.
Flg. 3.
i51^
Fig. 4.
Flg. 5.
Ci
f(i/ lE O/VA^D/*
j)fôe:>
Fig. 6.
I 5<? ^
\^
Dans les marques qui se trouvent sur les eaux fortes de
Léonard Liniosin que possède la Bibliothèque nationale, certains
détails sont peu distincts (les marques comme les planches
elles-mêmes ont été exécutées très rapidement) ; c'est ainsi qu'il
paraît diflicile de déterminer, d'une manière absolument exacte,
la signiticaiion des petits traits qui accom;)agnent le monogramme
Il en est de môme pour les ligures qui se trouvent en tôle des
blasons 2 et 4. On connaît les armes de Léonard et on sait qu'il n'y
ligure pas de Heurs de lys, du moins sur les pièces connues jusqu'à
ce jour.
Robert Duménil a reproduit les marques que nous figurons sous
les no* \ et 6. De plus, il donne une marque que nous n^avons pas
eu à reproduire, puisque la pièce où elle figure n'appartient pas à
la Bibliothèque nationale.
Bulletin de la Société archéologique et kintorigue du Limousin, t. XL, p. 41,
LES GRAVURES ORlGlNALKS DE LEONARD LIUOSIN. 41
la facture, le sens de ce mot n'étant pas ici restreint, cela va de soi ;
c'est par la seule facture que l'artiste est arrivé à rendre la nature
en rinterprétant selon la constitution de son tempérament par-
ticulier.
Sans vouloir aller jusqu'à dire que, dans l'œuvre d'un artiste
industriel, où la représentation delà ligure intervient, la composi-
tion, l'invention, la création enfin n'est que secondaire, on peut
admettre cependant que ce côté de son travail n'a pas la môme
importance que pour un peintre ou un sculpteur; toutefois, il est
évidemment fort intéressant de se rendre compte de la part per-
sonnelle qui revient à Tartiste dans la composition de scènes qu'il
a reproduites; par là, entre autres constatations, on peut acquérir
une notion exacte de son habileté dans l'art du dessin ; car, et la
chose est évidente, il est bien plus facile de reproduire avec exac-
titude une gravure que de donner quelques corrections aux for-
mes des personnages qui figurent dans un sujet original.
Pour faire le départ de ce qui appartient à la composition, à Tin-
vention personnelle dans l'œuvre de nos émailleurs, on possède
déjà quelques données. 11 a été, par exemple, relativement facile
de reconnailre que nos émailleurs avaient souvent copié des gra-
vures, et cela avec plus ou moins de liberté; mais quelques-unes de
ces gravures peuvent n'être pas parvenues jusqu'à nous : il n'est
donc pas certain que toutes les compositions dont nous ne con-
naissons pas les prototypes gravés puissent être considérées
comme dues à nos émailleurs.
Une autre difficulté (1), c'est que les émailleurs n'ont presque
jamais pris la réalité locale pour point de départ, les détails limou-
sins qui ont pu leur servir ont été si profondément transformés par
eux qu'ils ont perdu leur individualité personnelle, s'il est permis
d'ainsi dire.
En somme, la question si intéressante dont je viens de parler est
sans doute insoluble aujourd'hui, mais il n'est pas interdit d'espé-
rer qu'en réunissant tous les indices qui pourront être découverts
on arrivera, en l'espèce, sinon à établir des faits bien positifs, du
moins à proposer des hypothèses plausibles.
Il convient de ne pas se trop vite décourager : le champ à explo-
rer paraît bien ravagé, cependant il y a quelque peu à glaner; il
importe, avant tout, de rechercher avec le plus grand soin pour
les recueillir pieusement toutes les manifestations artistiques,
(I) CcUedifHculté, je l'ai déjà signalée dans une élude sur les Compost-"
lions originales des anciens émailleurs, parue dans le volume Jes travaux
de la réunion des Sociétés des Beaux-Arls des départements (<888).
4î SOCIÉTÉ ARCHKOLOGlQUe KT IIISTOBIQUB DU LIMOUSIN.
même les moindres, qai pourraient porter la lumière sur un sujet
encore entouré de bien des obscurités.
J'apporte, aujourd'hui, une simple contribution à une étude qui,
sans doute ne saurait être entreprise dès maintenant, mais qu^il
convient de préparer.
Plusieurs auteurs ont déjà signalé les quatre gravures de Léo-
nard Limosin qui se trouvent au Cabinet des estampes, mais je ne
crois pas que ces gravures aient jamais été décrites; je vais essayer
aujourd'hui de combler cette lacune, après quoi je présenterai au
lecteur quelques courtes réflexions.
1° Entrée de Jésus-Christ à Jérusalem (désignation manuscrite
moderne sur l'exemplaire de la Bibliothèque), estampe en hauteur,
présentant les dimensions suivantes, qui sont les mêmes pour les
quatre pièces : hauteur, 260""; largeur, 190""; date et mono-
gramme à gauche (voir notre reproduction, fig. 1). Le papier
porte un filigrane qu'il est assez difficile de déterminer ; j'ai cru y
reconnaître un grand D (1).
Jésus est monté sur un âne, dont une de ses mains tient la bride,
tandis que l'autre est à la hauteur de la poitrine; sur la tête, tour-
née à gauche, on remarque une auréole pleine; un personnage, de
(1) Il esta peine besoin de dire que la question du filigrane est ici
fort importante. En effet, combien serail-il intéressant de déterminer si le
papier dont s*est servi le grand arlisle a ^^té habituellement employé par
les imprimeurs limousins. S*il en était ainsi, il serait établi que les gravu-
res auxquelles ces lignes sont consacrées ont été exécutées à Limoges, cir-
constance qui n*cst pas indifféronic. 11 est bon de rappeler ici une remar-
que de M. Alfred Darcel dans sa belle notice des émaux du Louvre.
D'après ce savant critique, le travail de la gravure devait être facile à
Léonard, car il se rapprochait beaucoup du procédé employé par les
émailleurs limousins pour les grisailles; il paraît donc possible d'admettre
que Léonard a pu, sans inilialion préalable, se livrer à la gravure, d'au-
tant plus que sa manière comme graveur est des plus sommaires.
Une question se pose tout naturellement. Comment nos émailleurs n'onl-
ils pour ainsi dire pas gravé, lorsque, comme on le pressent, tout sem-
blait les y inviter?
Peut-être, en étudiant de très près les anciens monuments de la typo-
graphie limousine, pourrai l-on trouver quelques gravures ducs aux
émailleurs. Je connais plusieurs pièces auxquelles je serais tenté d'attribuer
celle origine ; on s'en est peu occupé jusqu'ici, parce qu'elles sont exécu-
tées très sommairement et par des procédés rapides. Mais, ainsi que nous
le montrent les quatre planches de la Bibliothèque Nationale, c'était pré-
cisément là la manière de Léonard et probablement aussi des autres
émailleurs qui ont gravé — s'il y en a en dehors du Limosin.
LES GRAVURES ORIGINALES DE LÉONARD LIMOSIN. 43
formes herculéennes, jette à terre un lapis sur lequel Tâne, qui
s'avance vers la gauche, a placé les pieds de devant.
Jésus est entouré de nombreux personnages formant trois quarts
de cercle ; la partie laissée libre permet de voir entièrement la Bgure
principale. Au second plan, à gauche, on aperçoit un édifice élevé sur
un plan rectangulaire et de style pseudo-classique; il est percé
d'une arcade au-dessus de laquelle se trouve une frise où Ion
remarque, à côté d'un masque ornemental, les armes de Léonard
(Bg. 2). Deux arbres se trouvent sur le môme plan que Tédifice.
Sur celui de gauche, un enfant tenant un rameau se penche vers le
Christ; surTarbre de droite, deux enfants dans la même attitude.
Plus loin, une tour carrée et crénelée à plusieurs étages, dont le
plus élevé est en retraite, de façon à former terrasse sur Tétage im-
médiatement inférieur. Des groupes de personnages semblant cau-
ser entre eux se trouvent disposés à diiïérenls plans. Au fond, une
ville pseudo-orientale, murailles formant portiques, édifices à cou-
poles, grande pyramide surmontée d'une sphère.
2** Jésus-Christ au Jardin des Oliviers (désignation manuscrite
moderne), estampe en hauteur.
Trois soldats endormis occupent le devant de l'estampe. Au
second plan, Jésus, le corps tourné à droite (de la gravure), est à
genoux, les mains jointes et tendues devant lui; il est vôtu d'une
lunique lalaire presque sans pli; un pied, qui dépasse le bord de ce
vêlement, est nu. Devant Jésus, un rocher au-dessus duquel un
ange, environné de nuages, le corps incliné, la tête baissée, tend un
calice au-dessus duquel se trouve une ostie. Une auréole rayon-
nante surmonte la tête de Jésus.
A gauche, un arbre au tronc fort et droit, tout à fait analogue à
ceux qui se trouvent dans la gravure précédente. Sur un plan plus
éloigné, divers personnages, dont le premier porte une torche, en-
ireal dans Tenclos où se passe la scène. Us passent devant une
sorte de hangar auquel tient une palissade de planches appointées
par le boul comme la chose se pratique encore de nos jours. A
l'horizon, silhouettes sommaires de collines, au miheu desquelles
se trouve un château fort.
A terre, entre les soldats, on remarque une plaque sur laquelle
se trouve inscrit le nom de Léonard Limosin, avec la dale 1544.
En dehors du cartel, à gauche, et également en dehors du cartel,
une aiguière (fig. 3). Le papier ne semble porter aucun filigrane.
S*» (Non désigné à la Bibliothèque) Jésus devant le grand-prêtre.
Au premier plan, à gauche, des soldats presque nus et coiffés de
hauts bonnets emmènent Jésus; l'un d'eux est armé dune halle-
barde dont la pique estfourchée; à droite, deux personnages sem-
4i SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE BT HISTORIQUE DU LISIOUSIN.
blant compatissants se tiennent par le cou ; on n'aperçoit que la
tête, une main et un bras de celui qui se trouve au second plan;
l'autre, que Ton voit complètement, est revêtu d'une tunique dou-
ble descendant au-dessous du genou et dont le bas est garni de
fourrure. Les jambes sont chaussées de bas drapés.
Le grand-prélre est assis sur un trône dont les bras s'appuient
sur des termes barbus. Ce siège est élevé sur deux marches arron-
dies. Le pontife est vêtu d'une tunique courte laissant nus les bras
et les jambes, qu'il a croisées et autour desquelles se trouvent des
jarretières, dont chacune porte un masque sur le devanl. Ses épau-
les sont couvertes d'un manteau drapé largement; il est coiffé
d'un turban. Son visage exprime l'indignation, une main est étendue
vers le Christ dans un geste de menace. L'autre tient une baguette.
Sur un plan plus éloigné, trois personnages vêtus de longues robes
et coiffés de hauts bonnets, semblent partager les sentiments du
grand-prêtre.
La scène se passe dans un édifice de style pseudo-antique; par
une arcade ouverte, on aperçoit la campagne — fond de collines et
de châteaux. — Sur le mur, des niches; une colonne d'ordre co-
rinthien soutient le plafond. Au-dessus de la tête du grand-prêtre,
on remarque une draperie formant baldaquin : elle est accompa-
gnée de guirlandes et de chutes de fruits. Au-dessous d'une chute,
terminée par un masque de femme à draperie, on voit les armes de
Léonard dans un cartel (fig. 4). Au bas de la gauche, le nom de
Léonard Limosin (fig. 8) (sans date)» Cette estampe ayant été col-
lée en plein sur un papier moderne, le filigrane ne peut plus être
distingué.
4* Résurrection (désignation manuscrite moderne), estampe en
hauteur. On croit distinguer un filigrane formé par les lettres 1 P.
Date et signature à gauche (fig. 6).
Le premier plan est occupé par cinq personnages à demi couchés,
— des soldats et des disciples — l'un d'eux porte sur son épaule
un grand manteau à pointe fourchée; ils semblent effrayés.
Au second plan le tombeau, en forme de caisse carrée. Le Christ
en sort; le corps, droit, est fortement musclé; une draperie s'enroule
autour des épaules ; le bras gauche tient une croix à long bâton à
laquelle est attachée une oriflamme à deux pointes, portant le des-
sin d'une cx'oix. Une main est dirigée vers le ciel. L'expression du
visage est sévère; les cheveux sont flottants; autour de la tête,
une auréole. Le corps tout entier est entouré d'une vesica piscis
rayonnante. Au dernier plan, à gauche, une vitre de style pseudo-
orionlal, coupoles; un édifice porte une coupole double.
Ces planches sont traitées dans une manière sobre et énergique,
LES GRAVURES OniGIN\LES DE LÉONARD L1B90S1N. 4fi
qui rappelle celle de certains graveurs sur bois ; le trait est hardi.
— Dans le dessin, tout de verve, la correction n'est guère cherché,
mais il a beaucoup de caractère ; les extrémités sont maniérées; les
têtes, en général, ne sont pas soignées. Les ombres sont massées
largement ; lorsqu'il y a lieu, les tailles sont croisées.
Ces compositions portent les caractères très particuliers que l'on
retrouve dans les œuvres de Léonard, môme lorsque celles-ci ont
été faites d'après des gravures, ou des cartons dus à d'autres
artistes.
Il existe au Musée de Cluny une suite de six pièces ovales fai-
sant partie d'un chemin de croix, comme nous dirions aujourd'hui.
Parmi ces six pièces, nous en trouvons trois qui reproduisent les
gravures de la Bibliothèque; ce sont : VEntrée à Jérusalem, Jésus au
Jardin des Oliviers et la Résurrection (1).
Les émaux exécutés d'après les planches de Léonard ne portent
ni sa signature ni ses armes.
Je pense que les compositions que je viens de décrire sont des
créations de Léonard; elles étaient, nous l'avons vu, destinées à être
reproduites dans son atelier. C'étaient des matériaux de travail,
par lesquels notre grand émailleur remplaçait, probablement par
économie, les gravures italiennes et allemandes.
Ces compositions hâtives sont loin d'être sans valeur : elles nous
montrent un côté du talent de Léonard qui devait élever si haut son
art dans Ylncrédulité de Saint Thomas, conservée au Musée de
Limoges.
Camille Leymarie.
(i) Voir la description de ces plaques dans le Catalogue du Musée de
Cluny, si magislralemcnl rédigé par M. Darcel.
LES
ASSEMBLÉES DES HABITANTS iïAUBUSSON
ET LA BAILIE DE MASVOUDIER
A côlé du corps de ville chargé du pouvoir exécutif de la com-
mune, qui avait son origine dans des dispositions légales, on
trouve rassemblée générale des habitants, souvenir des assemblées
paroissiales primitives. La réunion de ces assemblées, manifestation
la plus ordinaire de la communauté, constituait un droit essentiel
pour tout groupe d'habitants érigé en municipalité. La Coutume de
la Marche (1521) conférait ce droit aux plus humbles centres
urbains ou même ruraux. — <v Les habitans en aucune Justice qui
n'ont corps commun ou consulat, ne se peuvent assembler pour
faire congrégation pour les affiiires communes ou autres, sans
demander licence au seigneur justicier ou à ses officiers, sur peine
d'amende; mais si la licence leur est refusée, et s'ils ont déclaré à
la Justice la cause de leur assemblée, si elle est licite et honnête,
ils se peuvent assembler et parler de leurs affaires dont ils ont fait
déclaration, nonobslanl que la licence leur soit refusée (1). »
La plus ancienne commune de la Haute-Marche était celle d'Au-
busson, dont la charte de franchises avait été octroyée parle comte
Hugues XII de Lusignan en 1262. Une enquête faite par les officiers
de la sénéchaussée de Guérel, le 5 novembre 1566, constate que
quelques années auparavant les titres de la ville furent pillés et
incendiés par les prolestants. Nos archives municipales ont été dis-
persées depuis cette époque et il reste peu de chose de ces pré-
cieuses collections. Nous sommes réduits à chercher des renseigne-
ments dans les actes des notaires. Ces officiers publics étaient
habituellement chargés de la rédaction des procès-verbaux des
assemblées des habitants et les déposaient dans leurs minutes. Les
( I ) Coutumes de la prooince et comté pairie de la Marche, par Coutu-
rier DE FouRNOue, chap. 1^% art. VI
LES ASSEMBLÉES DES HABITANTS u'aUBUSSON. 47
règlements de la manufacture de tapisserie approuvés par Colbert
et les délibérations de communauté qui leur servent de préambule,
furent imprimés sur vélin en 1665 : nous avons pu en retrouver un
rarissime exemplaire.
Le châtelain d'Aubusson ou son lieutenant, assisté des consuls,
réunissait les habitants par affiches et au son de la cloche, tantôt
dans la salle d'audience de la châtellenie, tantôt sur une place
siluée auprès de la chapelle de Notre-Dame de la Ville. Lorsqu'il
s'agissait d'affaires purement religieuses, la population étant mixte,
les protestants n'étaient pas convoqués; mais ils assistaient aux
assemblées lorsque les intérêts religieux n'étaient pas en jeu. On
sait qu'ils avaient une organisation toute spéciale et des assemblées
particulières dont nous ne nous occuperons pas ici.
La gestion désintérêts généraux de la commune formait la princi-
pale attribution de l'assemblée. Il ne paraît pas qu'elle ait eu le con-
trôle des dépenses et l'élablissement des comptes. La partie finan-
cière était réservée aux consuls, primitivement sous la surveillance
du lieutenant civil, et plus lard sous celle de l'intendant de la géné-
ralité ou de son subdélégué. Pour les affaires de moindre importance,
on se contentait de réunir « les habitants faisant la plus saine
partie du lieu ». L'ancienne formule « melior et sanior pars homi-
num loci » se retrouve particulièrement dans le midi de la France :
elle était très usitée chez nous au xvi" et au commencement du xvii*
siècles. On désignait ainsi un personnel d'élite dans lequel les
consuls étaient pris à tour de rôle et qui représentait la force
morale de la cité.
Nous avons recueilli un certain nombre de procès-verbaux d'as-
semblée des habitants d'Auhusson. Nous nous contenterons d'indi-
quer sommairement ceux que nous avons déjà publiés.
H décembre 1878. — Vente d'une place vague auprès du pont
de la Terrade.
« A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, Jehan Granchier,
garde du scel royal estably ez contractz au pays et comté de la
Marche pour le roy notre sire et la reine Elisabeth, douairière de
France, salut.
» Scavoir faisons que par devant Estienne Dcscoulx et Loys
Delacombe, notaires royaulx au dit pays, jurés du dit scel en la
ville d'Aubusson, ont esté personnellement establys honorables
hommes : maistre Pierre Taraveau, licentié ez lois, lieutenant en la
chastellenye et ville d'Aubusson, Francoys Mage, notaire royal au
dit lieu, Nicolas Cartaud et Denys Barraband^ marchans, habitans
i8 SOCIÉTÉ ARCHÊOLOGIQUK ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
au dit lieu, lesquelz au nom et comme consulz du dit lieu d'Aubus-
son, Tannée présente commencée à la Teste de saint Michel dernière
passée, de leur bon gré pour eulx et leurs successeurs consulz
advenir, et pour subvenir aux réparations requises et nécessaires à
faire au pont appelé de la Terrade, qui est situé au dit lieu d'Au-
busson, sur le chemyn publicq de Lymoges en Auvergne, lequel est
faict et construict de boys, lequel boys par usage et anlhiquité de
temps est venu se pourrir et ledit pont demeure inutile à ladite
ville sy promptement n'est restauré et reparé, ainsy qu'il a été cer-
tiflié ez dits consulz en la présence des notaires susnommés, par le
rapport et délibération de honorables hommes : raaistre Eslienne
Segliere, receveur des tailles en Télection de la Marche, Jacques
Segliere, trésorier des domaines du roy audit pays, maistre Anlhoine
Mourlon, docteur en médecine, Antlioine Meaulme, notaire royal,
sieurs Léonard Dumont, Jehan Furgaud, Anthoine Terrible, Jehan
Vallenet, Francoys Carreau, Jehan Mage, Estienne Chemin,
Estienne Jallasson, Martial xMercier, Jehan Pineton, Jacques Bou-
chon, Francoys Biennousvienne, Pierre Danton, Michel Bertrand,
Jehan filz à feu Francoys Mage, Jacques Barrabant, maistre Pierre
Robichon, Anthoine Fourrier, Jehan Mercier, Jehan Briffoulière,
Francoys Terrible, maistre Jehan Blandin et Léonard Tourneboys,
tous manans et habilans de la dite ville d'Aubusson et faisant la
plus saine partye d'icelle ;
» Par Tadvis et délibération desquelz et de leur voulloir et con-
sentement lesdits consulz ont vendu, cédé et transporté, et par ces
présentes vendent, cèdent et transportent i perpétuité à Jehan
RionnetTayné, marchand tappissier au dit lieu d'Aubusson, certaine
place vague et inutile... pour le prix et somme de seize esculz et
un tiers d'escu, chacun des dits escutz estant de soixante solz tour-
nois... »
f Papiers de la famille CouturierJ,
5 janvier 1579. — « Les consuls d'Aubusson, en présence du lieu-
tenant en la chatellenie, sur Tadvis et délibération de honorables
hommes et saiges maistres Anthoine de Myomandre, recepveur
des décimes en Tesvesché de Limoges, Estienne Segliere, etc.,
vendent à Jehan Bordas, marchand cordonnier... la place vuide
et inutile scituée et posée sur la pille de pierre qui est au milieu
du dit pont de la Terrade, sur la rivière de Creuse, du costé de bas
qui regarde le dessoudant de la ditte rivière vers les moulins de la
Roche, laquelle place vuide se commence aux quatre piliers de bois
qui portent la couverture du dit pont du coslé de bas... »
LES ASSEMBLÉBS DES HABITANTS D^AUBUSSON. 49
13 novembre 1614. — Etablissement des Pères Récollets.
« Ce jourd'huy treizième novembre 1614, par devant nous Jean
Tarraveau, chastelain et juge royal, civil, criminel de la ville et
chastellenie d'Âubusson, en assemblée générale des habitans catho-
liques de la dite ville, au devant de Téglize et chapelle de Notre-
Dame de la dite ville, se sont comparus honorables hommes, maistre
Jean Robichon, procureur du roy, Antoine Carreau, sieur de la
BuxerettH, et maistre Jean Terradon, consuls en la présente année
de la dite ville ;
» Lesquels nous ont remontré que sur la nécessité qui leur est
apparue que Ton a en cette ville de gens religieux et ecclésiastiques,
tant pour les prédications, confessions, célébrations du divin service,
exhortations particulières et autres fonctions ecclésiastiques, ils
ont jugé à propos de convoquer la présente assemblée par affiches
et placars publiqs qu'ils ont fait apposer puis le jour d'hier ez lieux
et endroits accoutumez, en laquelle s*étant trouvé grand nombre
de principaux habitans catholiques de ladite ville faisant et repré-
sentant la plus saine partye, tant ecclésiastiques que séculiers ;
» Suf l'exposition faite par les dits consuls, tous les dits habitans
ainsi convoqués, d'un commun consentement avec nous, ont jugé
être à propos d'appeler et procurer en celte ville une compagnie des
Pères RécoUels, qui leur semblent estre les plus propres et conve-
nables pour s'acquitter des dites fonctions, approuvant le desseing
des dits consuls de rechercher le bienfait en la dite ville et les pro-
vocquant en tant qu'il leur est possible de continuer à les amènera
enliôre exécuiion au plus tôt qu'il leur sera possible, et pour en jeter
les fondements et commencer un sy bon œuvre, requérir par le dit
consentement publicq les Pères Récollets qui sont à présent en
cette ville de planter la croix en les formes et solennités en tel caâ
requises au lieu qu'ils connoitront plus convenable pour cet effet,
sans néanmoins soumettre la dite ville à autre obligation qu'aux
bienfaits volontaires de chascun.
» Dont nous avons octroyé acte au dit procureur du Roy et con-
suls qui se sont soubsignés, ensemble plusieurs autres habitans
avec nous ont signé. — J. Mage, notaire ; J. Coulaux, prestre ;
J. Tarraveau, chastelain ; G. Chaussai, J. Robichon, procureur du
roy et consul; A. Carreau, consul; J. Terradon, consul; J. Belin,
A. DE Mïomandre, E. Descoux, receveur du domaine ; J. Marthelade,
A. Meyron, j. Furgaud, F. Furgaud, Jean Matheyron, J. Carreau de
Marthelade, G. Bosfinet, P. Tixier, M. de Claraveau, J. Beby,
L. Simon, G. Carreau, J. Devialeix, Jean Meaulme, J. Pineton,
DuMONT, J. Meaulme, Marthelade.
» Leslie, notaire royal et greffier de ville. »
50 SOCIÉTÉ ARCBl^OLOGtQUR RT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
5 février 1631. — Assemblée générale des habitants d'Aubusson,
convoquée par les consuls pour délibérer sur un projet de création
de nouvelles élections dans le royaume et de division de celle de la
Marche en deux. L'assemblée se prononce contre ce projet regardé
comme préjudiciable aux habitants de la ville et de toute la province,
« qui sont foulés et oppressés de toutes sortes de misères, sans
pouvoir donner aucun soulagement à icelles, qui seroienl encore
augmentées par une pluralité d'officiers ». L'assemblée nomme des
commissaires avec de pleins pouvoirs pour exprimer ses doléances
et la trisle situation de la province.
Signé : Taraveau, lieutenant à Aubusson; Roullet, substitut du
procureur duroy; Rousset, consul; Jean de la Marthelade, avocat
et consul; Laurent Vatsset, marchand, consul, elc.
f Archives de la Creuse^ série C. — Complément. Election de Gué-
ret, C, 345.)
16SS. Une assemblée générale autorise la construction d'un pont
de pierre sur la Creuse, « allant au village de La Cour », en rem-
placement de l'ancien pont qui était en bois.
{Minutes du notaire Finet.)
1657. Les entrepreneurs demandent la convocation de l'assem-
blée de ville, « à l'eflFet d'obtenir un délai de trois ans au lieu de
deux pour l'achèvement du dit pont ». (Idem).
1658. Nouvelle délibération de l'assemblée de ville pour « com-
bler les deux bouts des aenlenants du susdit pont de La Cour, faire
un canal et ouverture entre le four banal du quartier de la rue
Franche et faire à neuf la muraille de dessus la dite porte du
dedans de la ville ». (Idem.)
Assemblées des marchands, maîtres et ouvriers tapissiers.
Les tapissiers d' Aubusson possédaient une liberté presque abso-
lue pour la fabrication de leurs produits, alors que d'autres fabriques,
telles que celle de Beauvais, étaient soumises à des règlements fort
étroits, en échange de privilèges considérables. Les assemblées
générales qui eurent lieu sous le ministère de Colbert sont un
souvenir des vieilles libertés municipales. Une lettre de cachet
du roi du 30 août 1664 ordonna la réunion d'une assemblée des
marchands et négociants d'Aubusson, les conviant à s'adresser &
l'intendant des finances pour les besoins de leur industrie. Le châ-
telain Jacques Carreau et les consuls en exercice convoQBèfeiit en
même temps, et sans que cette mesure fût désapprouvée en haut
lieu, les maîtres et ouvriers tapissiers delà ville, des hameaux voi-
LES ASSEMBLRES DES HABITANTS D^AUBUSSON. 81
sins et du bourg de La Cour. La corporation toute entière se réunit
au son de la cloche, dans l'auditoire de la châtellenie, le 28 sep-
tembre 4664. « Après la lecture de laquelle lettre de cachet en
icelle assemblée, fut faite une délibération, en conséquence de
laquelle fut passée une procuration le il^ octobre ensuivant à
Jacques Bertrand, marchand tapissier de cette ville et Tun des
tapissiers de la garde robbc du roy (4), auquel il fut donné pou-
voir pour comparoistre devant mondit seigneur Colbert pour rendre
compte de Testât du trafic, commerce et manufacture des tapisseries
qui se font el fabriquent journellement en celle ville et représenter
que Testablissement en est de temps immémorial sans que Ton en
sçache la première institution, que les habitans du lieu semblent
eslre nez à ce travail, que c'est presque la seule ville du royaume
qui connoisse et réussisse heureusement dans cet ouvrage... »
Jacques Bertrand remplit sa mission auprès de Colbert avec une
remarquable intelligence. Les comptes des bâtiments royaux pour
1666 ont conservé la trace de son séjour à Paris. Divers ouvrages
de la fabrique d'Aubusson furent présentés à Louis XIV, qui en
ordonna l'acquisition. A son retour, dans une nouvelle assemblée
générale de ville tenue le 18 mai 1665, un projet de règlement fut
arréîé et des vœux furent émis pour être présentés au roi, « en pré-
sence des soussignez et autres en nombre qui ont déclaré ne sçavoir
signer, tous lesquels ont d'une commune voix accordé et consenti
tous les articles cy-dessus mentionnez, pour estre par eux et leurs
successeurs gardez et observez de poinct en poinct selon leur forme
et teneur. » Suivent cent-vingt-huit signatures, en tôtc desquelles
figurent celles du président châtelain, du lieulenant, du procureur
du roi et celles des cinq consuls. La dernière signature est « J. Ber-
trand et Botte, secrétaire de la ville. Et scelées du sceau de la dite
ville. »
Cette importante délibération fut enregistrée à Paris, en parle-
ment, le 13 août 1668, en môme temps que les lettres patentes don-
nées à Saint-Germain-en-Laye au mois de juillet précédent, « pour
le restablissement de la manufacture des tapisseries en ville d'Au-
busson en la province de la Marche ». La fabrique recevait par
privilège le titre de Manufacture royale.
L'article l"des statuts de 1665 stipulait que les officiers et consuls
de la ville feraient nommer quatre jurés-gardes « dans une assem-
blée générale de la dite ville qui se tiendra de trois ans en trois ans
(1) Jacques Bertrand était protestant. Il fit al)juration, le 24 octobre
(Gdo, dan% Téglisc des P. Récollets d*Âubusson, en présence du marquis de
Sainl-Germain, gouverneur de la Haute el Basse-Marche.
52 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DO LIMODSIR.
à cet effet ». Ces assemblées se composaient, on vient de le voir, des
marchands, maîtres, ouvriers tapissiers de la ville, faubourgs,
hameaux voisins et bourg de La Cour. — Mais les anciennes libertés
locales disparaissent une à une, à mesure qu'on avance dans le xvn'
siècle. Un arrêt publié en 1677 fit défense aux villes et communau-
tés de s'assembler pour prendre des délibérations sans permission
du roi. Il leur fut même défendu d'envoyer des députés au roi et au
conseil sans en avoir préalablement déclaré le sujet à l'intendant de
la généralité et obtenu son autorisation.
Les lettres patentes du i8 mai 1732 concernant la manufacture
d'Aubusson enlèvent aux ouvriers le droit de participer à l'élection
des jurés-visiteurs. Cette nomination est laissée aux marchands et
maîtres fabricants assemblés devant le juge de police de la ville. Les
inspecteurs des manufactures furent institués pour toute la France
en février 1745. Dès lors, M. Michel de Châteaufavier, pourvu de
cet office pour Aubusson et Felletin, fut chargé, seul, de convoquer
et de présider les assemblées de la corporation des tapissiers.
11 août 1688. — Assemblée concernant le dépôt des sels.
« Aujourd'huy H* aoust 1685, en l'assemblée publique convo-
quée au son de la cloche en l'auditoire royal de cette ville d'Aubus-
son, par devant nous, François Laboreys, s' de La Pigue, con-
seiller du roy, président chasielain de cette ville, a comparu
maistre Michel Bellat, consul pour la présente année, qui a exposé
que à la requeste de M" Jean Fauconnet, adjudicataire géné-
rai des Gabelles de France, il a été sommé de faire convoquer les
habitans de cette ville pour nommer un d'entre eux entre les mains
duquel la clef du dépost qui a esté esiably soit déposée, au terme
de Tarticle 4 du litre IV de l'ordonnance de 1680 rendue pour
l'effet des gabelles, requérant que la dite assemblée ait à nommer
tel habitant qu'il avisera bon eslre;
» Les habitans prcsens à la dite assemblée ont eslu maistre Pierre
Prugnier, médecin de'cette ville, entre les mains de qui on juge
une des clefs dudit dépost devoir estre remise comme estant sa
maison contigue audit dépost. Sur quoy, ouy le procureur du Roy,
nous avons fait acte pour servir et valoir ce que de raison et avons
signé avec le dit procureur du roy conseiller et présent à la dite
assemblée.
Signé : Laboreys, président chasielain ; Ruben, procureur du roy ;
M. Bellat, consul; Prugnier, Terradon, J. Bellin, J. Mage, Mathey-
RON, Landriesfve, Garreau, Prugnier, A. Depl\igne, J. Dussel, Fran-
çois Vallenet, j. Bessette, Le Rousseau, Dumonteil, Moustier,
Coulloudon, Vignon, Robichon.
I.RS ASSKMBLÈKS HRS HABITANTS d'aUBUSSON. 53
30 septembre 1732. — Sept notables habitants du faubourg de la
Terrade obtiennent pour eux et pour leurs familles le droit de
sépulture dans la chapelle de la Terrade.
« Le trenle septembre 1732, clans la maison de ville, les consuls
et les plus notables habitants de la ville d'Aubusson étant assem-
blés au son de la cloclie, à la manière accoutumée, pour délibérer
des affaires communes de la dite ville, par devant nous, Gabriel
Laboreys de la Pigue, président cbâtelain, lieutenant général de
police, subdelégué pour Me»" l'intendant de la généralité de Moulins,
se sont présentés en la dite assemblée : vénérable maistre Henry
Taraveau, prêtre, chanoine de Notre Dame du Mont de celle ville,
maislres François Picon, Jacques Corneille, François Assolanl,
Jacques Cartier, Léonard Civo et Michel Charierre, tous marchands
habitants de cette ville, lesquels nous ont exposé et à ladite assem-
blée qu'ayant fait bastir et construire une chapelle publique au
quartier de la Terrade en cette dite ville... ils avaient demandé à
M?' révéque de Limoges la permission de mestre dans la dite cha-
pelle, à leurs frais, chacun un tombeau... laquelle permission leur
auroit été accordée ainsi qu'il paroit par l'ordonnance du dit seigneur
évéque en datte du onze novembre dernier, signé Benjamin (de
ri.sle-du-Gast), évéque de Limoges, et plus bas, Davu), secrétaire,
laquelle ils ont présentement exhibée, nous requérant et lesdils
consuls et habitans de vouloir en conséquence leur accorder le dit
droit de sépulture.
»> Sur quoy, nous ayant entendu et reçu Tadvis des dits consuls
et habitans assemblés, après qu*ils en ont eu délibéré entre eux et
que d'un commun accord ils ont consenti d'accorder aux dits expo-
sant le dit droit de sépulture dans la dite chapelle, oùy aussi et
consentant maître Jacques-Philippe Dessarlaud, procureur d'office...
avons accordé du consentement cy-dessus aux dits exposants et à
chacun d'eux le dit droit de sépulture... et nous sommes soubsignés
avecle dit procureur d'office, les dils consuls et habitans, les expo-
sants et noire greffier de ville. »
Suivent les signatures. De La Faye, greftier et secrétaire de
rhoslel de ville d'Aubusson.
Et plus bas : Expédié au dit seigneur évéque.
1788. — La halle aux grains s'élant écroulée, une assemblée de
ville se réunit par ordre de Tintendant de Moulins, M. Foulon de
Douét pour délibérer au sujet de son rétablissement.
T. XXXIX.
54 SOCIÉTÉ ARCBÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Les communes les plus importantes de la Haute-Marche étaient,
par ordre d'ancienneté, celles d'Aubusson, Chénérailles, Ahun,
Felletin etGuéret. On trouve, à côté, plusieurs communautés d'ha-
bitants ayant consulat et dotées, dès le xiii* siècle, de chartes de
franchises. Un grand nombre de bourgs prenaient le nom de ville,
et, sans posséder une charte d'affranchissement, se régissaient
librement par des consuls électifs et un prévôt-vigier nommé par le
seigneur. De simples villages avaient des consuls et les héritages y
étaient tenus franchement du seigneur laïque ou ecclésiastique.
Quelques bourgades se rattachaient à des villes de commune : c'est
ainsi que Chavannat et Saint-Martial-le-Mont dépendaient de la
franchise d'Ahun. Il existait enfin dans notre région des associa-
tions de nature particulière, connues sous la dénomination de
bailies, qui s'étendaient non pas à une ville seule, mais à plusieurs
villages voisins.
Gioux, aux sources de la Creuse, était, en 1473, une bailie dont
le chapitre de Moutier-Rauseille percevait les émoluments. Dans
un aveu et dénombrement en date du 31 décembre 1478, fourni à
Pierre de Bourbon, comte de Clermont et de la Marche, Jean de
Sainte-Feyre est qualifié seigneur du dit lieu et des bailies de
Sainte-Feyre et de Saint-Sulpice-le-Guérétois. Le 14 août 1S45,
François de Sainte-Feyre, écuyer, seigneur de Sainte-Feyre, déclare
tenir du comte de la Marche, comme bayle féal, les baihes de
Sainte-Feyre et de Saint-Sulpice-le-Guérétois (1). La mieux connue
de ces associations rurales était celle des bailies de Masvoudier,
composée de plusieurs villages des paroisses de Vallières, Banise et
Saint-Michel-de-Vaisse.
Un aveu fait au roi, en 1681, par les consuls des bailies du Mas-
voudier, vise un acte des notaires Boffinet et de La Combe, non
daté, mais qui doit avoir été rédigé aux environs de l'année 1578,
car nous savons qu'à cette époque Anthoine Boffinet et Loys de La
Combe étaient notaires royaux à Aubusson. Dans cet acte, les con-
suls des bailies de Masvoudier hante et basse déclarent que « de
tout temps et anlienneté, eux ou leurs prédécesseurs sont pro-
priétaires et possesseurs des dites bailhes, franchement et en fran-
che condition, en général et en parliculier, suivant l'affranchisse-
ment à eux accordé par Monsieur Jacques de Bourbon, Roy de
Naples, comte de la Marche, en datte du vingl-cinquiesme janvier
mil trois cens soixante-deux, ratliflîé par dame Eléonord de Bour-
bon, sa fille, aussy comtesse de la Marche, le cinquiesme mars mil
quatre cent ».
(1) Archioes delaCreusûy Série E. Famille de Sainte-Feyre.
L8S ASSEMBLÉES DES HABlTA^r^S D*AUBUSSON. 55
Remarquons tout d'abord que ces dates ne concordent pas avec
les noms des concessionnaires de la charte d'affranchissement. Jac-
ques II de Bourbon, qui eut le titre de roi de Hongrie, de Jérusalem
et de Sicile, fut comte de la Marche de 1397 à 1436, et sa fille
Eléonore ne put confirmer l'affranchissement en l'année 1400,
puisque postérieurement à son mariage seulement (27 juillet 1424),
elle fut instituée par son père comtesse de la Marche, conjointe-
ment avec son époux, Bernard d'Àrmagnac. Nous sommes là en
présence d'une de ces erreurs de copiste assez fréquentes dans les
actes anciens. Quoi qu'il en soit, comme la bailie de Masvoudier dépen-
dait d'Aubusson au point de vue judiciaire (1), il intervint un juge-
ment de la châtellenie d'Aubusson, en date du 15 septembre 1650,
signé Carreau, greffier, portant confirmation des prérogatives con-
tenues dans l'acte reçu par les notaires Bofflnet et de La Combe,
vers la fin du siècle précédent.
Ce n'est pas sans motif que l'on a signalé Tavidité des fermiers
généraux de l'ancien régime. En 1679, ils voulurent induement
percevoir le droit de petit sceau dont la province de la Marche
était exempte. Il réclamaient, en outre, le renouvellement du ter-
rier du domaine du roi, dans le but, dit le président Chorllon,
d'augmenter la vente du timbre. Les habitants du Bourbonnais et
de la Marche réclamèrent, mais l'intendant fut favorable aux pré-
tentions des fermiers. M. Imberl de Bouville était alors à la tête de la
Généralité de Moulins. Il se rendit à Aubusson et obtint des con-
suls de cette ville la déclaration du 24 juin 1679 qui restreignait
leurs libertés municipales. Dans cet acte, les consuls ont le courage
de protester et de dire qu'ils font cette déclaration « pour satisfaire
à l'ordonnance du seigneur l'intendant ».
M. de Bouville avait donné commission à Jean Foucher, notaire
royal, de « passer et recevoir les déclarations de tous les particu-
liers, possesseurs des biens tenus et mouvans du Roy, nobles,
roturiers ou allodiaux ». Ce fut cet agent qui reçut l'aveu et décla-
ration qui suivent.
1681, 15 mars. — Aveu et déclaration faits au roi par les
consuls des baillies du Masvoudier.
« Aujourd'huy, quinziesme mars mil six cens quatre-vingt-un,
au village de Masvoudier, parroisse de Valière, par devant nous
Jehan Foucher, nottaire royal, estably pour la confection du papier
(4) Le 7 janvier 1606, M* Seiglière est qualifié c receveur du domaine
du Roy, et chAtellenyes d'Aubusson, Felletin et Masvoudier »,
66 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE RT DISTORIQUR DU LIMOUSIN.
terrier du Roy de la province de la Marche, se sont prcsantez en
leurs personnes: Damien le Grand, masson, du village de Bru-
jaud, Gabriel le Fanre (1), laboureur, habitant du village de la
Goux, paroisse de Vallièrc, Michel de Martin, laboureur, du village
des Conchas, et Annet Clément, masson, laboureur, du village
des Gourcellcs, parroisse de Saint-Michel de Vaisse, consuls des
baillées de Masvoudier haulte et basse Les dites baillies con-
sistant en neuf villages et territoire d'iceux, siluez dans les par-
roisses de Vallière, le bourg de Saint-Michel de Vaisse, Banize,
qui sont : ledit village de Masvoudier, le Fraisse, Lascoux, le Bru-
jaud, parroisse de Vallière, le bourg de Saint-Michel de Vaisse,
les villages de Courcelles, les Conchas, la Villotte, de la dite par-
roisse de Saint-Michel et le village de la Vallade, paroisse de
Banize. Lesquelles diltes ballies se joignent et confrontent :
d'orient aux communaux et clîamps froids des villages de Marniot
et le Vert, de midy aux héritages et domaines du bourg de Val-
lière, d'occident au village de Paigniact, du septentrion au village
de Vergnias, paroisse de Saint-Sulpicc. Et que pour raison d'icel-
les ils sont annuellement et solidairement tenus et payent au Roy,
en tous droiz de directe seigneurie, droits de lois et vantes, à rai-
son de vingt deniers pour livre, quarante-neuf livres de taille fran-
che, payables : dix-neuf livres à Notre-Dame de Mars et trente
livres à Nostre-Dame d'Aoust, six sols pour le droit de fournage et
six sols pour le droit de vergues. Desquelles quarante-neuf livres
il en est payé par les habitants des villages de la hautte ballie, qui
sont : le Masvoudier, le Fraisse, Lacoux et le Brujaud, conjointe-
ment avec les conienantiers des dits villages, dix-neuf livres douze
sols, sans neantmoins aucun préjudice à la solidité de la dite taille
franche, droit de fournage et vergues, et les trente livres restantes
sont payées par les habitans et conienantiers de la basse baillie ;
sans, comme dit est, préjudice à la solidité de la dilte taille franche,
outre les redevances et menues rentes que chacun des particuliers
et habitans des dits villages peuvent devoir, la déclaration desquels
sera faite par un chacun des dits habitans, séparément et distincte-
ment par chaque village despendans desdites baillies. Et outre ce
que dessus, doivent encore le droit de dixmc et lerrage (2) qui se
(i) Il csl vraisemblable que M. Amédée Le Faurc, député de la 2* cir-
conscription d'Aubusson, décédé le Î3 novembre 1881, dont le buste en
bronze orne une des places publiques de la petite ville de Vallière, esl
sorti de celte famille.
{t, Le droit de terrage ou de semence était dû pour les terres ense*
tnencécsdans les commiinau;;.
LES ASSEMBLÉES DfrS HABITANTS d'aI'BUSSO?!. 57
prend el se paye, suivant le dit tillre d'affranchissement cl sen-
tence donnée en conséquence, susdite et susdattée, sur les bleds
seigle de Saint-Michel seulement (1) : lequel droit de dixme et ter-
rage est que qui, dans les dites baillies sème comble, paye ras, sui-
vant la juste réduction et cousturae de payer ledit droit de dixme et
terrage, qui sème trois boisseaux de Saint-Michel, en paye au Roy
deux boisseaux. — Les dits Legrand, le Faure, Michel de Martin,
Annel Clément, consuls des dites baillies ont déclarez ne scavoir
signer de ce requis; en présence de maislre Claude UHardy, huis-
sier, el Pierre Duris, praticien, de presant au dit lieu, qui ont
signé. Signé : Foucher. »
{Archives de la Crème, série E. Terrier de la vicomte d*Aubusson).
Par contrat du 14 juin 1686, Louis XIV délaissa au maréchal
François d'Aubusson de La Feuillade la vicomte d'Aubusson, la
baylie de Masvoudier et six autres châlellenies situées en Marche
et en Forez, en échange de la terre et seigneurie deSaint-Cyr, près
Versailles. L'évaluation du revenu de ces terres fut faite par la
chambre des comptes, le i6 octobre 1687. Nous y relevons le docu-
ment suivant :
« Procès-verbal d'évaluation, — I bis, Masvoudier.
» Est à notler que nous ayant été administré les baux de la bay-
lie de Masvoudier suffisamment pour l'évaluer en total, l'évaluation
en a été faite sur iceux, pour en jouir neanlmoins par le sieur ma-
reschal de La Feuillade, suivant le nouveau terrier du dit Masvou-
dier qui est à la fin de celuy de Fellelin mis au greffe de notre
commission. La haute et basse baylie de Masvoudier consistant en
taille franche, droits de pascage, vergues, fournages et redevance
de neuf poules, vingt-huit gélines et soixante-dix septicrs trois
boisseaux, coupe d'avoine, mentionnés au dit terrier, a été évaluée
h la somme de cinq cens quatre-vingt-cinq livres pour chacune
année, par notre jugement du 16 octobre i687.
» Somme tolale de la recopie du revenu annuel de la baylie de
Masvoudier, 585 livres.
» Laquelle somme, au denier trente, monte en principal à celle
de 17.550 livres pour laquelle la dite baylie de Masvoudier sera
donnée au sieur mareschal de La Feuillade sur et en déduction des
1!,000 livres de revenu à luy données par le contrat d'échange ».
[Archives nationales, registre P, 1854).
(I) Les blés ilils (le mars en cloienl cxcmpls.
58 SOGIÉTt ARCHéOLOGlQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
On aura remarqué iqu'en 1681, malgré leur pompeuse dénomina-
tion de consuls, les représentants de la bailie de Masvoudier ne
savaient pas signer. Les bailes, en effet, connus en Limousin dès
le commencement du xiii' siècle (1), tenaient le rang le plus mo-
deste dans Torganisation féodale. Quelquefois, il est vrai, le bayle
féal, tel que celui de Sainte-Feyre et de Saint-Sulpice-le-Guérétois,
était un grand seigneur, ou bien le prévôt d'un chapitre, comme à
Gioux ; mais la plupart des bailes étaient de simples paysans, à la
fois collecteurs et chefs de hameaux.
Les privilèges de la communauté de Masvoudier étaient ceux des
communes les plus favorisées. Les habitants vivaient sur un sol de
franchise, ne payant au châtelain titré qu'une rente franche, sans
aucun mélange de la directe serve et mortaillable condition. Dans
leur aveu au roi, dont devait bientôt bénéficier le maréchal de La
Feuillade et ses successeurs, il n*est pas fait mention de la taille
aux quatre cas, de la corvée, des droits d'arban et de vinade, non
plus que de celui de prélation et autres droits surannés. Les censi-
taires de la bailie acquittaient une partie de leur dette en nature et
le droit de lods et ventes auquel ils étaient soumis n'était pas un
revenu immuable mais casuel. Ils avaient enfin la faculté d'élire
des consuls chargés de répartir équitablement et de lever Tirnpôt
seigneurial, de défendre les intérêts communs, sans être soumis à
la surveillance d'un prévôt. Les affaires de simple police étaient de
leur ressort et les autres étaient portées devant le juge châtelain
d'Aubusson.
Cyprien Pérathor.
(I) Et in eadem bordaria nullum fus retinui; nec baylioas aliquls po-
test de jure aliquo interrogare in eadem bordaria» (FoDdation faite par
Pierre Bernard, seigneur de Châlucet, d'un anniversaire au monastère de
Solignac, en nnars 1933. Ap. M. L. Guibert, Châlucet.)
AYME RI G GUERRUT
ARCHEVÊQUE DE LYON
Aymeric, archidiacre de Paris et archevêque de Lyon, a occupé
ce siège archiépiscopal de 1^36 à 1245. Les savants qui se sont
occupés de lui ne sont d'accord ni sur le lieu de sa naissance, ni sur
son nom de famille. Nous avons lu, dans divers livres, les diverses
opinions des savants, et nous devons les rapporter ici (1), avant
crélablir la vérité sur ce double sujet.
1"* LIEU DE NAISSANCE D'AYMERIC.
La plupart des savants font naître Aymeric au Mans ou dans le
Maine : tels sont Le Corvaisier, dans son Histoire des évéques du
Mans (2); du Boulay, dans son Histoire de l'Université de Paris (3) ;
Jean de La Mure, dans son Histoire ecclésiastique du diocèse de
Lyon (4).
Un autre savant, Jacques Scvcrt, dans sa Chronologie historique
des archevêques de Lyon, le fait naître en Auvergne, et prétend
qu'il était de la famille de la Tour d'Auvergne, et neveu de Tarche-
vtVjue Robert (5) .
(0 In diversis divcrsa legi, ci deboo singuloruni opinioncs ponere
(S. HiERON., lib. IV, Comment, in C. 23 Math,),
(2) Noire province donna à l'Eglise un des plus illustres prélats de son
siècle, (//wtoire des évéques du Mans, <C48, in-4o, p. 314.)
(3) Aymericus de Ripis Cenomanensis.( Wtstorta Unioersltatls parisien-
m, 1666, l. m, p. 674.)
(4) Aymeric des Rives,... natif du Mans. {Histoire ecclésiastique dttdlo-
cèse de Lyon, par Jban-Maiue de La Mure, Lyon 1674, p. 174.)
(5) Eral aulem Aemericus ex cognomine et familia de Turri, oriundus
in Arvernia; nepos pra>(atoriim Roborli Archiiïaminis, et Odonis Burgun-
«liurn ducis. (Chronologla hlstorlca successlonis hierarchlcœ illustrisslmo-
rum arcAiantistitum Lugdunensis archieplscopatds, etc., 8° édit. Lugduni,
Simon Rigaud, 1688^ p. «88, n» xcii.)
60 SOCIÉTÉ AnCHÉOLOGIQUfc. KT IIISTORIQLI': DU LIMOUSIN.
Le savant Baluze, dans son ouvrage manuscrit sur les Limousim
illmtres^ daté de l'an 165*2, a consacre un article à Aymeric (fol. 32,
33) qu'il appelle Aymericus à Ripis.
Il dit à propos de sa patrie : « On comprend par son épilaplin
qu'il élait du Limousin. H faut, ajoute-t-il, corriger Sévert, dans
son ouvrage sur les archnvj^cfues de Lyon, où il a dit qu'il élail
de la maison des seigneurs de la Tour en Auvergne ; car s'il eût cU*
de cette famille, Justel, dans l'Histoire de cette maison, ne l'eût
pas omis, ou du moins l'aurait nommé (1). »
Or, dans Histoire généalofjique de la Maison (VAureryne, publiée
en 1708, plus d'un domi-siècle plus tard, oubliant ce qu'il avait dit
dans son ouvrage des Hommes illustres du Limousin, il adopte l'opi-
nion qu'Aimeric était originaire du Maine : « Je trouve, dit-il, dans
V Histoire des archevesques de Ujon, composée par SeYert,qu'Aymery,
archevesque de Lyon, fonda un anniversaire pour Robert d'Auver-
gne, archevesque de Lyon, son oncle. Et par conséquent Aymery,
qui étoit sorti d'une maison du Maine dont nows ne savons pas bien
le noniy étoit fils d'une "scpur <{{" l'archevesque Robert. Il se démit
de son archevcsché entre les mains du pape Innocent IV, en l'année
MCCXLV, et se retira en l'ahhave de Gran Imont en Limousin, où
il mourut en l'année MCGLVII (2). »
Les Bénédictins du Gallia Christiana, après avoir rapporté l'opi-
nion des savanls qui font naître AymtM-ic soit au Mans, soit en
Auvergne, ajoutent celte note : « Un de nos confrères a lu ce qui
suit dans un manuscrit de la fondation du couvent des Frères-
Prêcheurs de Limoges : « Aymeric Guerrat- (lisez Guerrui), origi-
naire de la ville de Saint-Junien, autrefois archevêque de Lyon,
mourul, vers l'an 1257, â Grandmont (3). »
En présence de ces divers documents, qui font naître Aymerir
soit au Mans, soit en Auvergne, soit en Limousin, les Bénédiclins
C) Lcmovicenrcm fuisse intclligilur ex cpilapliio. Corrigcndiis Sovcr-
lius in archiepis. Liig;(iun. (cnp. 9-i, S 1). "bi «'ii' eum orinnduni è donio
Dominorum de Turre in Arveriiia; nam ccrU> si hic ex eâ l'uissel, JuslciUis
cumin Historia illiiis ilomûs non |)raMcrmisissel, el illiim saltcm nominâs-
sel. (Bali'ZK, Cataloguée cirorum lllustrlum LemoolcenHum quantum od
EcclesLam, 1052, fol, 3'i, 33. — Bibliolhèquo nalionalc, Armoires de Baluzf.
n« 548.)
(2j IlistOLi e (jL'/u'dlotjiquc fie lu Mic'son d' Aucenjne, 1708, l, I, p. 7J
(3) Umis rx nuslris ha'r. Ic-il iii !iis. cod. ruDdalioins fralrum pia'dicjil.
l.fMiiovic. « Ainiorinis (iiMMral, de villa S. Juniani oriunrius, qiiondam
arcliiepis('0|His î.n^'diin. ciroa annum 1257, obiil apud (irandimontem.
[Gallia Ckri>t., l. IV, col. I4l). »
AYMERIC GUKRRUT. 61
n osent pas se prononcer et ils tirent celle conclusion : " La patrie
d'Aymeric est incertaine. » — Ejiis patria incerta (i).
Or la patrie d'Aymeric n'est pas incertaine du tout; nous allons
montrer tout à l'heure, par des documents du xmi* siècle et par une
série d'autres témoignages, qu'Airaeric est né à Saint-Junien en
Limousin. Mais avant de l'établir, une autre question se présente :
Quel élait le nom d'Aymeric ?
^ NOM DE FAMILLE D'AYMERIG.
Le Corvaisier, dans son Histoire des évêques du Mans (1648), dit
que ce prélat, dans le Cartulaire des contrats et des anniversaires
du Chapitre, est appelé Ayraeric Guehcrri ou Guerri, et que dans
la France chrestienne de Robert, il est appelé quelquefois Aymé-
ricm de Guerra on de Serra, quelquefois de Ripis (p. 314). Celte
citation manque d'exactitude.
En effet, Claude Robert, dans son Gallia ChrUtiana (1626), se
borne à dire que, dans les monuments du monastère de Grand-
mont, Aymeric est dit être surnommé à Ripis (2) : c'est ainsi que
Robert a traduit le nom iVArips, que porte Aymeric dans son
épitaphe.
Les autres savants qui ont parlé d'Aymerîc ont adopté cette inter-
prétation du moi Afips que donne Claude Robert : Baluze, dans son
ouvrage manuscrit sur les Ecclésiastiques illustres du Limousin
(1652), appelle l'archevêque de Lyon Aimericus à Ripis (3); les
frères Sainte-Marthe, dans leur Ga///fl Christiana (1656), le nomment
Aymericus de Ripis (4) ; le chanoine Collin, dans ses Limomim illus-
tres (1660), l'appelle iEmericus Guerrut, sive de Ripis (5);
lia Boulay, dans son Histoire de l'Université de Paris {\Q6Q) y \e
nomme Aymericus de Ripis (t. III, p. 674); Jean de La Mure, dans
son Histoire ecclésiastique du diocèse de Lyon (1671), lui donne
le nom d' Aymeric des Rives (p. 174).
L'abbé Nadaud, dans ses Mémoires manuscrits (1760), l'appelle
aussi Aymeric des Rives fp. 59). D'autres écrivains l'ont appelé
simplement Aymeric Arips; tiîlssonl : Pardonx de La Garde (1585)
dans son Spéculum Grandimontense, ms. du Séminaire, p. 116;
'.) GaUla Christ., t. IV, col. 141.
(i; GalUa Christiana, Archiepis. Liigdiiri., n" 83.
(.t) Uibliotlu>({uo nationale. Armoires <lc Baliizc, n" iiS, toi. 3}, 33.
ri) Gallia Christiana, archiepitcop. Galliœ, p. 3?3,
(5) [jetnooici multiplici eruditione iliustrei*, p. 68.
69 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Levesque (1662), dans ses Annales de l'Ordre de Grandmont; le
P. Bonaventare (1685), dans ses Annales du LimoiAsin (t. III,
p. 833); Tabbé Labiche, dans ses Vies des Saints du diocèse de
Limoges (t. III, p. 213).
Les Mémoires des Frères-Prêcheurs de Limoges rappellent
Aymeric Gerrut (4).
Le véritable nom de famille d'Aymeric n'est ni Guerry, ni
Guerral, mais bien Guerrut, comme nous allons le démontrer.
Mais pourquoi dans son épitaphe est-il surnommé Arips? Que
signifie ce nom, qu'on a traduit par à RipiSy de Ripis^ ou des
Rives? C'est ce que nous expliquerons à la fin de ce mémoire.
3*' AYMERIC GUERRUT, NÉ A SAINT-JUNIEN.
Aymeric, dans son épitaphe, est appelé la gloire du Limousin
(gloria Lemovicensis).Vo}iv(\\xo\ cela? Est-ce parce qu'il y a sa
sépulture? Non sans doute, mais parce que le Limousin l'a vu naî-
tre. On n'est pas la gloire d'un pays parce qu'on y a son tombeau.
Mais quelle est la localité du Limousin qui a vu naître Aymeric ?
« Les Mémoires de la fondation des Frères-Prêcheurs de Li-
moges, dit le P. Bonaventure, le nomment Aymery Gerrut, natif de
la ville de Saint-Junien (2). »
Rappelons la note des Bénédictins du Gallia ChriMiana que
nous avons déjà citée : « Un de nos confrères a lu ce qui suit dans
» le manuscrit de la fondation des Frères-Prêcheurs de Limoges:
» Aymeric Guerrat (lisez : Guerrut), originaire de la ville de Saint-
» Junien, jadis archevêque de Lyon, mourut à Grandmont vers l'an
» 1257 (3). »
Un autre témoignage du xiu'' siècle vient à l'appui des documents
qui précèdent : « Il est sûr, dit l'abbé Legros, que Pierre Gerrul,
chanoine du chapitre de Saint-Junien, y fonda un anniversaire en
1296 pour feu son seigneur archevêque de Lyon (4). »
La famille Guerrut est connue à Saint-Junien dès le xn* siècle.
Une de ces chartes qu'on appelle parta per scriptum (8) porte un
(1) P. Bonaventure, t. 111, p. 533. — GallLa Christ,, t. IV, col, I4l.
(2) P. Bonaventure, Annales du Limousirv, 1685, t. 111, p. 533.
(3) Gallia Chrvstiana^ t. IV, col. 141. — Voir le texte latin cilé plus
haut.
(4) L*abbé Lkgros, Dictionnaire ms. des Hommes illustres du Limousin,
p. 404. (Manuscrits du Grand Sc^minaire).
(5) Les parties coupaient la charte dans la ligne des Icltrcs majuscules,
et en cas de conlcstalion on ajustait les deux morceaux.
AYMBRIC OUBRRUT. 63
contrat de vente entre Pierre du Puy et Aimeric Guerrut. Elle est
du temps de J., doyen de Limoges (c'est-à-dire Jean de Veyrac,
qui était en même temps prévôt de Saint-Junien), entre 1188 et
H97. Par ce contrat, Pierre Dupuy vend à Aimeric Guerrut la
moitié de la dîme qu*il possédait dans la paroisse de Saint-Brice.
Cette charte étant inédite, nous croyons devoir la publier ici :
'0Î9 '89jno^ -f 'nezBîuoj^ '£
•J9S0>j 9p xexniy Ï9 'snnooBip 'j9tîS9jo^ snoiraiy ï9 'oioug
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-J9nr)ooiJ9raiy iioua'gBiqoojjBd uiji5q9qBq uiBnb 9uiT09p
ra9îB}9rp9ui iip9pu9A loj n9p • j pb 8nqiauio %is mnjo^
PETRUS DEU POJ. A. GUERRUT
Notum sit omnibus q^ P. deu Foi vendidit medietatem
décime quam habebat in parrochia S. Bricii Aimerico Guer-
rut, cum XV sol. redditus qui sunt P. de Maijos, etc., et
hanc decimam ei et heredibus suis in perpetuum possi-
dendam concessit, et abuit P. deu Poi ab Aimico Guerrut
sexcentos sol. ppt. hanc decimam.
Hujus rei testes sunt Gaufrid' Ghastai, capell. de S.
Bricio, et Aimicus Forestier, diaconus, et Aimarde Roser.
J, Montazen, J. Foures, etc, (1).
Dans la chronique de Maleu, chanoine de Saint-Junien, mort en
i322, — chronique publiée par nous en 1847, — nous trouvons un
Jean Guerrut, chanoine de Saint-Junien et procureur du chapitre
en 1262(2). L'abbé Nadaud a pensé que ce Jean Guerrut était neveu
d'Aymeric Guerrut, archevêque de Lyon (3).
(!) Abbé Lbgros, Mémoires sur les Chapitres du Limousin. — Sainl-
Junien, p. 397. (Manuscrits du Grand Séminaire.)
(2) Chronicon Comodoliacense, p. 86, 86, 88.
(3J Nadaoo, Mémoires mss., p. 59. — Celte page a élé déchirée depuis
que noos lavons transcrite.
G1 SOCIÉTÉ ARCIlÉOLOr.lQUK KT UISTOniQlK DU LIMOUSIN.
La Taroille des Gucrrul avait de nombreux domaines aux environs
de Sainl-Junien, comme le prouve une inscriplion datée de Tan 1406,
qu^on lisait dans Téglise de Saint-Junien, et qui était relative à une
fondation du cardinal de Cramaud. Cette inscription élait placée à
l'entrée du chœur, du côté gauche, sur une lame de cuivre. En voici
le commencement :
« Reverendissimiis in Xpisto pater, Dominus Symon de Cramaudo,
loco quodam parochia^ de Bianaco, Lemovicensis diaecesis, palriar-
rha Alexandrinus, dodit huic ecclesiae bona quae Guerruti habebanl
vel habuerunt in territorio Sancti Juniani et aliquîbus locis aliis
vicinis, etc. (i). »
Le chanoine CoIIin, de Saint-Junien, dans son livre des Ltfnotmtis
illustres, publié en 1660, a consacré un article à Aymeric Guerrut,
archevêque de Lyon, né à Saint-Junien (2).
Après tous ces témoignages, la naissance dAymeric Guerrut à
Saint-Junien nous paraît hors de conteste.
4° NOTICE BIOGRAPHIQUE.
Aymeric Guerrut était né vers la fin du xii* siècle. D'après le
savant abbé Nadaud, il fui d'abord chanoine de Saint-Junien, où
son neveu, Jean Guerrut, était aussi chanoine en 1262 (3).
Dans son Histoire des évéques du Mans, Le Gorvaisier rapporte
qu'Aymeric « fut premièrement chanoine de l'église du Mans par la
résignation de son oncle Guillaume Gueherri, archidiacre de Sablé;
ayant achevé son cours de philosophie et de théologie, il fut fait doc-
teur à la Faculté do Paris, puis archidiacre et maître d'école de son
Eglise; et enfin, par ses mérites, fut élevé à la dignité d'archevêque
et primat de Lyon (4). »
(I) Abbé Lkgros, Mémoires sur leri chapitres du Limousin, p. 387,
diaprés Nadaud (Manuscrits du (^rand Séminaire).
Eslicnnol, dans ses Fragmenta d'histoire d* Aquitaine ^ t. il, p. 28 (Biblio-
thèque nationale), a commis quelques fauics dans la lecture de cette ins-
criplion.
("î) iEmericus Guerr<il, sivo de Ripis, à S. Jun. — Cujus eliani nominis
floruerunl Guerruti canonici San-Junianenses, circa annum 1320. {Lemootn
illustres, 16B0, p. (ÎK.)
(3) a Aimeric des Rives, à Ftipls, ou Guerrut, selon les Mémoires de la
fondation des Fn^res-Prôcheurs de Limoges, fut orijçinairo de la ville de Snim-
Junien en Limousin, où il fut chanoine, et où son iievcu, Jean Guerrut, lui
aussi chanoine vn 120i. » (Nadaud, Mémoires msn.^ p. 69.)
(i; Histoire de^ ê cirques du Mans^ 1018, p 314.
AYMERIG GUERRUT. G5
Du Boulay, dans son Histoire de l'Université de Paris, le cite
parmi les hommes qui onl illustré ce corps célèbre : « Vir excellenlis
ingenii, juri canonico praesertim animum applicuit » (1).
D'après Alberic, moine des Trois-Fonlaines, c'est en 1236, après
la mort de Raoul, archevêque de Lyon, que maître Aymeric, archi-
diacre de Paris, fui élu archevêque de Lyon (2).
C'est sous son épiscopat, en 1239, que les croisés se réunirent à
Lyon pour une expédition à la Terre-Sainte. Venus de diverses pro-
vinces de France et des provinces voisines, ils délibérèrent sur la
route à prendre pour aller en Orient. L'expédition n'eut pas lieu
par suite de la défense que lit Innocent IV. Le nonce du pape, qui
avait précédemment slimulé le zèle des chevaliers pour la croisade,
les dissuada fortement de partir. D'après Mathieu Paris, les cheva-
liers qui s'étaient réunis à Lyon, qui avaient quitté leurs familles et
leurs châteaux et aliéné une partie de leurs biens pour se procurer
de l'argent, furent très mécontents de cette défense du pape (3).
En 1245, Aymeric assista au concile jrénéral qui se tint à Lyon
(XIII* œcuménique), et qui fut présidé par le pape Innocent IV,
autrefois chanoine de cette ville. C'est dans ce concile que Frédé-
ric II, empereur d'Allemagne, fut excommunié.
Peu de temps après la clôture du concile, Aymeric résigna son
archevêché entre les mains du pape Innocent IV, qui par un bref
dont l'original était conservé dans les archives de Grandmont, lui
réserva une pen.sion de cent ducats et lui accorda la permission de
se retirer dans ce monastère (4).
On trouve dans les Instrumenta du Gallia Christiana, à la suite
des archevêques de Lyon, une bulle du pape Innocent IV, en faveur
d'Aymeric, qui après s'être démis de son évêché, s'était retiré à
Grandmont. Cette bulle est datée de l'an 1246, le 5 des calendes
d'août (28 juillet) :
« Innocent, évoque, serviteur des serviteurs de Dieu, à ses fils
bien aimés le doyen de Limoges et le prieur de Sainte-Radegonde
de Poitiers, salut et bénédiction apostolique.
» La vraie humilité d'Aymeric, ci-devant archevêque de Lyon,
s'est manifestée à nos yeux et aux yeux des autres en ce que il a
(1) Historia unloeraitatls Parisiensis^ 1666, l. III, p. 671.
(2) Radulphus, Lugdunen. archirpisc. eu m magna dcvolione morilur. —
Magisler Heymericas, Parisieosis archidiaconus, in archiepm. Lu(;dunens.
cligîlur.(Ribliothèque nationale, ms. lai. 4896A, fol. 358 v% fol. 359.)
(3) Mathieu Paris, HUtor. Major, ad. ann. 1239, ôJit. 1644, p. 497,
(4} Nadaud, Mémoires manuscrits, p. 59.
66 S0C1#.TÉ ARCHéOLOGIQUC ET HISTORIQUE DU LIMOUSIir.
résigné librement entre nos mains la charge et les honneurs du
pontificat, et que, de riche, il est devenu pauvre, son désir ayant
toujours été pour Facquisition de la patrie éternelle. Donc, Nous,
qui par la charge de la dignité apostolique sommes tenus de con-
soler par le secours d'une provision opportune les âmes qui
s'humilient à cause de Dieu, Nous avons cru devoir statuer que, sur
les revenus de Tarchevéché de Lyon, et principalement sur les
péages de la Saône et de la Granestière (?), cinquante livres tour-
nois soient payées par les mains de celui qui possédera ces biens;
Nous voulons que cette somme soit payée chaque année par la main
des Frères de la Milice du Temple, à Paris, en la fôte de saint
Michel, sous les peines portées contre ceux qui ne se conforme-
raient pas à cette ordonnance (1). »
Aymeric, retiré au monastère de Grandmont, y mena une vie
ornée de piété et de doctrine, s'appliquant continuellement à Tétude.
L'historien des évéques du Mans se trompe quand il dit que, après
la mort de Durand, évéque de Limoges, le peuple de ce diocèse
enleva Aymeric de son cloître pour l'élever à la chaire épisco-
pale (2) ; cet écrivain a confondu Aymeric Guerrut avec Aymeric de
La Serre, qui succéda à Tévêque Durand et mourut en effet en 4272.
Aymeric Guerrut est appelé par Mathieu Paris : Vir sine querela
et pacificus (3), « homme sans reproche et ami de la paix ».
Pardoux de La Garde, dans son Spéculum Grandimontense^ a fait
son portrait en quelques mots. Il dit de lui : « Homme ami de la
pauvreté, docteur en droit canonique, grand ami des savants et
savant lui-môme ». — Vir amator paupertatis, juris canonid doctor,
studiosus studiosorumque amator prœclarus fuit (4).
Il passa onze années à Grandmont, dans Tesprit et les exercices
de cet ordre, toutefois sans en prendre Thabit. C'est à tort que Vau-
tour des Moines empruntés a reproché aux religieux de cet ordre de
se vanter d'avoir eu Aymeric pour leur confrère, puisqu'ils ne l'ont
jamais regardé que comme un de leurs amis et de leurs bienfai-
teurs. Il lit plusieurs dons à ce monastère ainsi qu'aux Frères-Prô-
cheurs et aux Frères-Mineurs de Limoges, auxquels il donna sa
Bible avec la glose, les histoires de Pierre Comestor, l'Ordinaire des
évoques et cinquante livres d'argent (8). Il mourut en odeur de sain-
({) GoUlia Chrlstiana^ t. IV, instrumenta, col. 30.
(3) Le CoRVAisiER, Histoire des éoêques du Mana^ 1648, p. 314.
(3) Ap. Gallia Christiana^ t. IV, col. 444.
(4) De Antiquitate, 4585, p. ii6. (Manoscrils du Séminaire).
(5) P. BoNAVENTURK, 4685, t. III, p. 593. Nadaud, Mémoires mss., p.
ATMER1C GOERRUT. G7
teté, en 1257 (1). On célébrait son anniversaire après le dimanche
de la Septaagésime.
4'' TOMBEAU d'aIMERIC GUERKUT.
Aymeric fut inhumé à Grandmont, au milieu du chœur des clercs,
sous une dalle de cuivre émaillé, où il était représenté revêtu de
ses ornements pontificaux, environné de pierreries et de figures
de lions (2). Il portait pour armes de gueules à la croix pattée d'or.
Voici répitaphe qu'on grava sur son tombeau.
EPITAPHIUM.
Dns Aymericus Arips Archieps
Cornes Ludg. ac primas Galliar.
Laus Cenomanensls et gloria Lcmovicensis,
Que doctore prius, et juste judice fulsit
Inclita Parisius, et que pastore refusit
LugduDum ; patrise decus, et arca sophise;
Largus, famosus, subtilis et ingeniosus,
Hic Aymericus jacet, ordinis hujus amicus.
Et quoniam voluit in Grandimonte locari.
Fac, Deùs, illius animam super aslra levari.
Amen.
Sepultus fuit anno Dni M. CC. LVII (3).
Essayons de traduire ces vers :
« Celui qui fut Thonneur du Maine et la gloire du Limousin,
qui jeta de l'éclat sur la célèbre ville de Paris, d'abord comme
docteur, ensuite comme juge plein d'équité, — qui illustra la ville
de Lyon comme pasteur suprême ; honneur de sa patrie, arche de
(I) PardoQx de la Garde {loc, cit,) par suite d*une mauvaise lecture de
répitaphe d' Aymeric, place sa mort en 1207. — Levesque, dans ses Annales
Ordinis Grand'montensls, a reproduit cette faute. Le P. Bonaventure,
t. III, p. 533, parle aussi de la mort d'Aymeric en 1907, et le fait résigner
son archevêché entre les mains du pape Innocent \U
(î) Sepultus est in medio chori cjusdcm ecclesise, sub lamina incripta
cminenli cuprea. (Pardoux de Là Garde, De Antiquitate, ms.,p. H6).
Gui in mcdio choro appositum est mausoleum, cum effigie aurichalco
exprcssa, gemmis et leonibus, hinc inde stipata, necnon infulatum prœ-
sulem exhibente, cum iaminulis et aliis curiosis. (Levesque, Annales Or-
dinis Grandlmoniensis),
(3) Paroooz de la Garde {loc, cit.) Levesque [loc, ciU) P. Bonaventure,
t. Itl, p. 533. — Nadaud, Mém. ms., p. 59.
C8 SOCIÉTÉ AnCHROLOGIQUR ET HISTORIQUR DO LIMOUSIN.
sapience; généreux, renommé, subtil, ingénieux, ici-gît Aymeric,
l'ami de cet ordre. Et puisqu'il a voulu être inhumé à Grandmont,
faites, ô Dieu, que son âme soit élevée par-dessus les astres du ciel. »
Il est appelé « l'honneur du Maine », parce qu'il avait débuté
d'une manière honorable dans la carrière ecclésiastique comme
chanoine du Mans ; mais il est appelé « la gloire du Limousin »
parce que cette province l'a vu naître. Les Bénédictins du Gallia
prétendent que Baluze interprétait ce vers en ce sens que le Maine
était la patrie d'Aymeric et que le Limousin avait sa sépulture (1);
mais celte opinion n'est pas soutenable : comme nous l'avons dit
déjà, on n'est pas la gloire d'un pays parce qu'on y a son tombeau.
Les lames de cuivre doré et émaillé qui couvraient le corps
d'Aymeric et les pierreries dont la plaque était ornée furent
enlevées par une bande de pillards hngucnols que commandait
Gaspard Foucault, seigneur de Sainl-Germain-Beaupré (2).
Levesque, qui rapporte le fait, ne dit pas en quelle année; ce doit
être en 1587, car cette même année, Gaspard Foucault, chef des
Huguenots en Limousin, prit et rançonna la ville de Château-
ponsat (3) et livra au pillage le monastère de FArlige, et ses soldats
couvrirent leurs chevaux des ornements sacrés (4).
En 1639 on ouvrit le tombeau d'Aymeric, et on le trouva revêtu
de ses ornements pontificaux (5).
5** SIGNIFICATION DU NOM D'ARIPS.
Que signifie ce nom A'Arips qui est donné à Aymeric dans son
épitaphe.
Ce nom avait fort embarras.sé Baluze, qui dit l'avoir vu (ranscrit
de la sorte de la main de Duchesnc, d'après les monuments de
Grandmont (6).
Parmi les écrivains qui ont parlé d'Aymeric, les uns, tels que
Pardoux de la Garde, dans son livre Fur les Antiquités de Grand-
(1) Gallia Chriatiana, l. IV, col. Ui, I i2.
(â) Quse ullimo sseculo sublala sunt à San Germano. (Levrsque, Annales
Ordlnls Grandimontensis). — Uonaventure, t. III, p. 533.
(3) M. dkBeaufoht, Mémoires de la Société des Antiquaires de VOuest^
4860-I8B1.
(4) P. BONAVENTURE, l. 111, p. 438.
(5) Nadaod, Mémoires manuscrits, p. 59.
(6) C'est ce que disent les Bénédictins du Gallia ChrisHana (l. IV, * iî) ;
nous ne savons dans quel ouvrage de Baluze ils ont puisé ce renseigne-
ment.
AYMF.RIC GUEBRUT 69
moHt{p. 116), Lcvesqae, dans ses Annales de l'Ordre de Grandmont,
le P. Boaaveûlare (l. III, p. 533), ont enregistré simplement ce
nom.d'Arips, sans songer à le traduire autrement.
Claude Robert, dans sa Gaule chrétienne (1626), est le premier
qui ait traduit ce motpai*A i2tpt$;ila étésuivi par Baluze, dans son
ouvrage manuscrit sur les Ecclésiastiques illustres du Limousin
(1652).
D'autres savants ont traduit ce mot par de Ripis; tels sont : Le
Corvaisier (1648), les Frères Sainte-Marthe (1656), le chanoine
CoUin (1660, Du Boulay (1666).
Enfin ce mot A Ripis ou de Ripis a élé traduit en français par
Jean de La Mure (1671) et l'abbé Nadaud (1670), qui appellent Tar-
chevôque de Lyon Aimeric des Rives.
Ce root Arips n'a aucune signification, et ne peut être, comme Ta
pensé Claude Robert, qu'un abrégé de A Ripis.
Or ce mot A Ripis est la traduction en latin d'un nom de lieu en
langue vulgaire, ajouté au nom d'Aimeric Guerrut.
On commençait, au xni® siècle, à ajouter au nom patronymique
un surnom tiré du nom d'un fief ou d'un domaine qu'on possédait;
c'était un moyen de distinguer les divers membres d'une môme
famille.
Nous voyons, au siècle suivant, que Pierre de Soubrebost,
chanoine de la cathédrale de Limoges, est appelé autrement du
Monteil :
Hoc jacet in loco dominus P. de Superbosco
Nomine vel alio dictas de Montilio (I).
De nos jours, comme aux deux derniers siècles, on voit des fa-
milles bourgeoises ajouter à leur nom patronymique le nom d'un
domaine ou d'une propriété rurale ; cela sert à distinguer les divers
membres de la famille, cela donne un air de noblesse; et souvent
le nom du domaine, précédé de la particule, fait oublier le nom
roturier que la famille portait autrefois.
Or quel est le nom en langue vulgaire qui a élé traduit par
A Ripis? Est-ce des Rives, des Rippes ou des Ribières?
On ne trouve pas en Limousin de localités portant le nom de
Rives ou de Rippes, mais on y trouve des localités portant le nom
de La Ribière ou Les Ribières.
Nous voyons, dans le Nobiliaire limousin^ au xni" siècle, un da-
moiseau nommé Hugues des Ribières {de Ripperiis) dont le père se
(11 Cathédrale de Limoges, 1883, p. 175.
T. xxxtx. 5
70 SOCIÉTÉ. ARCH^.OLOOIQrS HT HISTORIQDB DU LIMOUSIN.
nommait Pierre Balangis, paroisse de Dournazat, et dont la mère,
Gilberte de Cozet, demanda à être inhumée dans le cimetière de
Saint-Junien (1).
Ce fief ou ce domaine des Ribières a donné son nom à des fa-
milles de Saint-Junien. Parmi les consuls de cette ville, au xvi* siè-
cle, nous trouvons Vaury des Ribières, consul en 1540, et Valère
des Ribières, consul en 1547 (2).
Le surnom d'Arips {à Ripis) étail donc la traduction latine du
surnom des Ribières, tiré d'un fief ou d'un domaine que possédait
Aymeric Guerrut, et qui servait à le distinguer des autres membres
de sa famille.
L'abbé Arbellot.
(I) Par son teslamenl dalé du l"" février 1281 (vieux style). {Nobiliaire
du LimotMin de Tabbô Nadaud, édition Roy-Pierrefite» t. 1, p. 430.)
Chronique de Maleu, 1847, p. 245.
ESSAI DE CLASSIFICATION
DBS
ANCIENNES PORCELAINES DE LIMOGES
SAINT-YRIEIX, SOLIGNAG, ETC.
CONSBRYKKS
AU MUSÉE NATIONAL ADRIEN DUBOUGHÉ
(Suite) (1).
Ainsi que le lecteur va le voir, le caractère de leur style,
les particularités de leur fabrication et de leur décoralioQ ne nous
seront que d'an très faible secours pour confirmer les présomptions
d'attribution à la Manufacture Royale de certaines pièces qui
figurent dans les collections du Musée. Comme je l'ai dit plus haut,
les documents qui pourraient nous guider dans nos recherches
sont encore rares : les pièces des archives sont importantes, mais
trop souvent elles ne suffisent pas pour trancher les questions
douteuses.
Il est fâcheux que Tinventaire établi au moment où la Manufac-
ture Royale fut mise en vente ait été très sommairement rédigé ; tel
qu'il est, il ne nous fournit, il faut bien en convenir, que des indi-
cations assez vagues. La nature des objets y est bien spécifiée, mais
aucune particularité de forme ou d'ornementation n'est indiquée,
en sorte que TidentiGcation des pièces désignées dans le document
en question avec les pièces qui se sont conservées jusqu'à nos
jours, cette fdentification, dis-je, reste hypothétique et il est néces-
saire de chercher à l'appuyer sur certaines circonstances de
fabrication, sur certaines particularités de forme, d'ornementation
ou de décor, etc., qu'il faudra parfois mettre quelque subtilité à
chercher. Me livrant surtout ici à un travail de bonne foi, je devais
faire cette remarque ; en présence des attributions qui lui seront
proposées, le lecteur aura donc à apprécier.
(4) V. BuU. Soc. arch. et Lim., t. XXXVII, p. 454 et ss., et t. XXXVIII,
p. 36 et S8.
li SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE RT HISTORIQUE DU LIMOUSISC.
Jusqu'ici, nous ne trouvons au Musée National Adrien Dubouché
que deux pièces pouvant, en toute sûreté pour l*une, et avec une
grande présomplion pour l'autre, être attribuées à la fabrique de
Limoges pendant la période où celte fabrique constituait une an-
nexe de la Manufacture Royale de Sèvres, annexe qui me paraît,
quant à moi, avoir été tout à fait tenue sous la dépendance de la
direction centrale (1).
Ces deux pièces, décrites sous les numéros 30 et 31, sont : un ca-
chet portant une inscription ne pouvant laisser aucun doute sur sa
provenance et un médaillon de Turgot au revers duquel nous voyons
une fleur de lys estampée en creux au-dessous du motu Limoges»,
cursivement tracé avec le manche d'un outil.
Mais la première de ces pièces n'est pas très importante et ne
saurait nous renseigner qu'au seul point de vue de la qualité des
matières employées à la Fabrique Royale, sa forme étant des plus
simples et son ornementation des plus élémentaires; quant à la
seconde pièce, on doit faire sur elle des observations analogues;
cependant elle nous fournit, toujours sous le rapport des matières
employées et de la fabrication, un point de comparaison peut-
être plus décisif (2). En attendant qu'il ail été découvert à Sèvres,
soit au Musée, dans les réserves ou aux archives de cet établisse-
ment, des pièces ou des documents qui puissent porter quelque lu-
mière sur la question que j'essaye de traiter ici — et l'on peut espérer
que de telles découvertes seront faites plus tard — en attendant, dis-je,
qu'il nous vienne de là bas quelques notions de nature à nous
(4) 11 tmporle toutefois de tenir compte de la silaation créée à Tannexc
de Limoges par son éloigncment de la manufacture mère et la difficolté
des communicalious. Celle situation a pu avoir à certains moments pour
résultai de laisser une marge très large au directeur à Limoges, qui paraît
parfois en avoir abusé; je dis parfois, parce quMl est probable que dans
un très grand nombre de cas, notre fabrique devait être surveillée par
des personnes attachées à la manufacture de Sèvres qui venaient à Limoges
chargées de missions spéciales.
(2) Il convient de ne pas perdre de vue cependant qu*à l'annexe de
Limoges, il fut fait emploi de pâles diverses par leur composition. On a vu
la distinction faite au moment de la vente entre la pâte blanche et la
pâte jaune ; d'autre part, dans une facture gravée, M. Leymarie de Laver-
gne, « propriétaire de Claudebarre (sic) où se trouvent les plus belles car-
rières de porcelaine du Limousin », ayant des magasins à Limoges, Orléans
et Paris, prévient les fabricants a qu'il vend des terres argileuses, caillou-
teuses, cailloux bruts et piles, pâte dure et tendre couverte en émail
assortissanl. »
On distinguait, donc, à la fin du xvmi° siècle, date de ce document, ttne
pâle tendre de porcelaine naturelle ou kaolinique.
ESSAI DR CLASSIPIGATION DBS ANCIENNES PORCELAINES DE LIUOGES. 73
éclairer, nous en serons réduits, à Limoges, à chercher les raisons
d'aUribotion à la Manufacture Royale des biscuits que nous possé-
dons au Musée, surtout dans leur comparaison avec le cachet de
noire fabrique et le médaillon de Turgot.
Ce médaillon, je le considère comme appartenant bien authen-
tiquementà la période qui s'ouvre en 1784; je n'ai pour ma part
aucun doute à ce sujet et cependant il faut bien convenir que cette
fleur de lys, qui n'est môme pas couronnée, aurait fort bien pu être
appliquée sur une pièce ne provenant pas de la Manufacture Royale.
Tout le monde sait en effet que si, au xv m'' siècle, la fleur de lys avait
souvent un caractère en quelque sorte officiel, il n'en était pas
toujours ei forcément ainsi. Notre fleur de lys établit bien une pré-
somption en faveur de la thèse que je soutiens, mais je ne fais
aucune difficulté de convenir que l'absolue évidence n'est point
faite encore.
Voici la description du cachet et celle du médaillon :
30". Cachet de la Manufacture royale.
Hauteur, 8 c. ; diamètre, S c. 1/S.
Don de M. François Alluaud (mars 1847).
Cet objet a la forme d'une gerbe comprise ornementalement,
dont un anneau forme la ligature. Elle est, sur sa surface exté-
rieure, divisée en quatorze lobes terminés, en haut et en bas, par une
section de cercle. Le cachet est couronné par une sorte de chapeau
en champignon également lobé et ne dépassant pas la gerbe exté-
rieurement. Ce chapeau est ovale, tandis que le cachet est rond, et,
comme le grand diamètre dudit chapeau et celui de l'écusson dont
il ya être question sont communs, il est facile de diriger le sens de
Tempreinte.
Cette disposition ingénieuse rend le cachet d'un usage commode
et permet de le mettre bien en main.
Au c^tre du sceau, un écusscm ovale armorié de France, sur-
monté d'une couronne royale; deux branches de laurier avec leurs
fruits se croisent à la base entourant l'écusson ; en exergue, l'ins-
cription : M. N. RE. ROYAL. DES. (fleur de lys?) P. C. L d.
UMOGES.
La pâte du biscuit est légèrement bise, la pièce est bien cuite,
moins cependant que dans le médaillon de Turgot (n° 3i). L'émail
est très beau, gras et profond, le blanc est très sensiblement plus
pur et plus éclatant que dans les porcelaines à la marque C. D. II
semble que nos produits aient gagné en qualité, — probablement
depuis la réorganisation opérée sous la direction de Darcet.
Cette pièce, la seule dont l'authenticité est indiscutablement
74 SOCIÉTÉ ARCai^.OLOGlQUB ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
établie, qui n'est pas très importante au point de vue des dimensions,
de la forme, etc., me paraît extrêmement intéressante : étant émail-
lée, elle offre quelques éléments sérieux pour l'identification de
certaines autres pièces qui figurent au Musée. Le cachet de la Manu-
facture Royale confirme l'opinion exprimée plus haut, que la
marque C. D. n'a pas été appliquée après que la fabrique de
Limoges fut passée à la liste civile ; car, encore une fois, les carac-
tères techniques du cachet ne sont pas absolument les mêmes que
ceux que Ton remarque dans les pièces de la période précédente. Il
est infiniment regrettable queTormentation du cachet de la Manu-
facture soit très sommaire et qu'il ne porte aucune décoration peinte.
31**. Médaillon : tête de profil, cheveux épars et bouclés, à Tocciput,
on voit la chevelure descendre pour former la queue en bourse
qui n'est pas indiquée. Au-dessous de la tête, un fleuron ; en exergue :
A. R. S. TURGOT, MINISTRE d'EîAT, CONTROLEUR GÉNÉRAL DES FINANCES.
Diamètre : 13 c.
Marque, une fleur de lys exécutée au cachet; au-dessous,
Limoges, exécuté en caractères cursifs avec le manche de Toutil.
Don de M. Barbou-Ley marie.
Ce médaillon offre la reproduction exacte du portrait gravé en
1774 par Le Beau d'après l'original peint par Troy (voir plus haut
page 12, 1**]. La peinture en question a très probablement été exécu-
tée à Limoges, la gravure de Le Beau est mentionnée dans le Manuel
de V amateur d'estampes de Le Blanc, qui lui donne le format in-4«.
La bibliothèque de Limoges possède la gravure de Le Beau; dans
sa collection de portraits, figure aussi une planche inachevée,
signée Jules Porreau 1846, représentant Turgot dans son cabinet
de travail ; la tête qui a été légèrement inclinée pour donner au
personnage Tattilude de la lecture, est la reproduction de la pein-
ture de Troy (1).
Un buste en terre cuite de Turgot avait été exécuté à Limoges
d'après nature, par un artiste dont le nom ne m'est pas connu. Ce
buste qui appartenait à M. Dumaneuf, fut reproduit en porcelaine
par un céramiste du nom de Duchâteau et figura à l'exposition des
(1) En 18H un arliste qui, m'ont dit quelques contemporains, exécuta
des portraits à Limoges, lithographie, sous les auspices de la Société
d'agriculture, une lithographie bien médiocre d'après le grand portrait de
Drouais ; il dédia aussi cette pièce au Conseil Générai de la Haute-Vienne
et au Conseil Municipal de Limoges. En Tan Xil, M. François Alluaud avait
fait décider par la Société d'agriculture le principe d'un monument à
élever à Turgot. Les dépenses évaluées à <5 OOO fr. devaient être cou-
vertes par une souscription. Aucune suite sérieuse ne fut donnée à ce projet.
ESSAI 1>E CLASSIFICATION DBS ANCIENNES PORCELAINES DE LIUOGF.S. 75'
produite de Findustrie qui eut lieu en Tan XII (compte-rendu
manuscrit des séances de la Société d'agriculture). Ce buste de
terre cuite aurait-il été Fœuvre de Troy que nous avons vu fournir
le modèle du médaillon commémoratif décrit page 12, 1\
On a \ii que, dans le curieux mémoire qu'il remit en 1781 à
M.d'Angervillers, Bachelier conseille rétablissement à Saint-Yrieix
« d'une maison pour y fabriquer la porcelaine blanche » ; il n'est
pas improbable que ce conseil, venant d'un homme aussi autorisé en
l'espèce que Bachelier, ait été pour quelque chose dans la décision
prise trois ans plus tard d'acquérir la manufacture de Limoges.
Il semble, d'après le langage tenu par Bachelier, que, dans sa
pensée, la fonction principale de la fabrique limousine dût être la
production du blanc (1). Les biscuits entraient tout naturellement
dans ce programme, et j'ai dit plus haut quelles étaient les raisons
qui permettaient d'admettre que la fabrication des biscuits dut être
active à la manufacture de Limoges.
Il convient peut-être de rappeler que c'est à Bachelier que l'on
doit l'invention du biscuit de porcelaine ; il paraît donc assez natu-
rel que, dans la réorganisation de la manufacture de Limoges,
réorganisation à laquelle Bachelier fut évidemment appelé à
prendre une part plus ou moins directe, il paraît donc naturel,
dis-je, qu'une large part ait été réservée au biscuit. Le passage de
son mémoire où Bachelier fait, en quelques lignes, l'histoire du
biscuit, présente, je crois, beaucoup d'intérêt au point de vue de
cette étude. Voici ce passage :
« Atelier de sculpture. Dans l'origine de la manufacture, la
sculpture n'avait, ainsi que la peinture, d'autres prétentions que
l'imitation du Japon ; jusqu'en 1749, la sculpture était luisante et
colorée. L'impossibilité d'approcher des figures de Saxe par l'éga-
lité d'emploi et l'éplat des couleurs allait faire renoncer à cette
partie, quand le sieur Bachelier proposa d'essayer la sculpture sans
couverte, c'est-à-dire biscuit; mais il n'y avait pas d'exemple de ce
genre, aussi fût-il rejeté comme impraticable et ridicule. Inutile-
ment il cita le marbre statuaire qui n'est ni luisant ni coloré et qui
cependant a des charmes. Ce ne fut qu'en 1751, que le ministre
exigea qu'on en fit l'expérience. Le sieur Bachelier pensa alors que
rien ne serait plus agréable au public, et de plus facile exécution
pour l'espèce d'ouvriers qu'il avait alors, que de traduire en por-
celaine plusieurs idées pastorales de M. Boucher. Ce genre eut le
plus grand succès jusqu'à ce que M. Falconnet, chargé, en 1787, de
(I) « Nous ne doutons pas qu^on ne puisse y peindre un genre de con-
rant avec succès o, dit-il cependant.
76 SOCIKIÉ AaCUtOLOGlQCB ET HISTORIQOK DU LIIIOUSIR.
condaire la scolpture, y porta on genre plus noble, d'un goût pins
général, et moins sujet aux révolutions de la mode.
0 En 1776, le sieur Bachelier reprit l'inspection et suivit le genre
de M. Falconnet, en ajoutant plus de variétés dans les modèles qui,
jusqu'alors avaient toujours été d'après cet artiste. Alors les ama-
teurs de Bouchardon, de Pigal, de Salis et autres hommes célèbres,
trouvèrent à satisfaire leurs goûts: Tantique contribua même à
étendre leurs variétés, sans qu'aucun de ces (1) modèles ait occa-
sionné de dépenses.
» Si depuis, cette partie est devenue plus dispendieuse, c'est que
le sieur Parent ordonnait des modèles sur toutes ses fantaisies,
qu'il faisait exécuter quelle qu'en fut la dépense. »
On trouvera aux pièces justificatives la nomenclature des moules
qui furent vendus en même temps que la Manufacture (2S fructi-
dor an IV) ; on remarquera dans cette liste une suite de moules de
figures, dont chacun est désigné malheureusement trop sommaire-
ment; les indications quoique bien incomplètes qui nous sont don-
nées dans cette pièce, permettent cependant de faire certaines
observations qu'il n'a pas paru inutile de consigner ici.
Les sujets se rapportent à deux classes : l'ancien genre, suivant
l'inspiration de Boucher, estincomparablement le mieux représenté;
du genre nouveau introduit par Falconnet, on ne trouve guère que
quatre ou cinq spécimens. Faut-il inférer de ce fait que la manu-
facture de Sèvres faisait plus spécialement fabriquer à Limoges les
pièces appartenant à l'ancien genre, démodé alors? peut-être,
réservait-on pour le genre nouveau les artistes plus habiles de la
manufacture mère?
Il est du reste bien naturel de penser qu'il en fut ainsi : les nou-
veautés, pour employer l'expression moderne, constituaient la partie
la plus intéressante de la fabrication de la Manufacture, tout au
moins pour la famille royale et la Cour, conserver à Sèvres, c'est-à-
dire à la portée de Versailles, le monopole de cette production,
c'était à la fois un acte de convenance et d'habile courtisanerie ;
les récompenses et les gratifications allaient évidemment aux tra-
vaux extraordinaires et nouveaux, présentant de l'originalité et aussi
en harmonie avec le goût régnant. Il aurait fallu que la direction
n'eut pas eu la notion de ses intérêts pour confier à une succursale,
(f) Ne conviendrail-il pas de lire a ses »; alors la phrase prendrait uo
sens précis. Bachelier dirait que les modèles empruntés à Tanlique ne coû-
taieut riea, les dits modèles n'étant pas achetés à leurs auteurs. Encore
aujourd'hui, nos maisons de bronze vendent (relativement bon marché les
sujets qui se trouvent « dans le domaine public », par exemple les réductions
d*aprèa Tantique et les statues de l'époque de la Renaissance, etc.
ESSAI DB CLâtSIFICATlON DES ANCIENNES PORCCLAItlES DE LIMOGES. 77
perdue en province.» des travaux qui d'ailleurs pouvaient sans doute
être mieux exécutés à Sèvres même.
D'après les titres donnés dans la pièce en question, il ne semble
pas que parmi les moules désignés il y en ait eu aucun d'après un
modèle antique.
Quoi qu'il en ^oit, Userait imporlanl d'établir que, parmi les pro-
ductions portant la marque de Sèvres, il s'en trouve quelques-unes
qui ont pu être fabriquées à Limoges, mais malheureusement, pour
une pareille recherche, presque tous les éléments nous manquent.
Cependant, dans Tinléressanle notice sur les biscuits de porcelaine,
publiée par H. Gh.-E. de Ujfalvy dans la Revue des arts décoratif s y
OD remarque des indications de sujets qui pourraient peut-être
s'identifier avec certains de ceux qui se trouvent portés sur la liste
dont nous nous occupons en ce moment Je crois devoir indiquer les
sujets en question.
Le musée de Sèvres possède le Batelier y figurine d'après Boucher.
Nous trouvons une pièce portant le même nom sur le document
des archives de la Haute- Vienne. Le Jardinier, la Jardinière se trou-
vent au musée de Sèvres et sont portés sur notre note. Faut-il voir
dans le Poulailler (l) de notre document le pendant de \^ Fermière
de la eoUection de Ujfalvy- Bourdon. Cette dernière pièce représente
une jeune femme tenant d'une main une poule, à ses pieds on re-
marque un coq. Je pourrais encore signaler d'autres pièces.
M. de Ujfalvy reproduit la liste des sculptures en biscuit qui se
trouvaient parmi les présents en porcelaine de Sèvres qui furent
offerts « à la reine de Naples, à l'occasion du baptême de la prin-
cesse sa fille dont le roi est parrain ». Parmi ces biscuits, on
remarque un Fluteur d'après Boucher qui pourrait bien être la
même figure que celle qui est désignée sur la liste des archives par
ces mots : le Joueur de flûte.
Il serait probablement possible d'identifier avec des pièces notoire-
ment fabriquées à Sèvres la presque totalité des moules portés sur
la liste dont je m'occupe. Cependant les pièces y sont fort incomplè-
tement désignées, ce qui sans doute rendrait quelques identifications
plus difficiles. Certaines désignations parmi les plus vagues confir-
ment même la pensée que l'on se trouve en présence de moules
envoyés de Sèvres; nous trouvons par exemple « le groupe de La Rue »:
il est difficile d'être plus concis et même plus incompréhensible ;
(1) Dans cette hypothèse « ponlailler » ne signifierait pas la rustique
cabane où logent les poules, mais bien un éleveur, un marchand de
volaille; poulailler aurait ici la même signification que notre mot de
français provincial « cocassier ».
78 SOCIÉTÉ ARCffÉOLOGlQUK HT HISTORIQUE DU LmOdSIR.
cependant on sait que La Riie, modeleur de talent, a fait pour
Sèvres un nombre considérable de groupes d'enfants ; quel est
celui dont on entend parler? rien ne vient ici l'indiquer, mais La
Rue n'a probablement travaillé que pour Sèvres : c'est donc d'un
moule de Sèvres dont il est indubitablement question.
£n résumé, nous avons assez de points de comparaison pour
avoir la certitude que les moules mis en vente en l'an IV provien-
nent de Sèvres. Les trois premiers de ces moules sont accompagnés
de la mention « bon », les autres ne portent en regard aucune
remarque analogue, et, de cette circonstance, nous pouvons sans
doute inférer qu'ils étaient. considérés comme bons ou tout au
moins qu'ils n'étaient pas regardés comme mauvais, car, pour
d'autres objets portés sur la même liste, l'épilhète « mauvais » est
prodiguée. Il est donc probable que les moules plus ou moins hors
d'usage ont été négligés; or nous trouvons une quarantaine de
moules de figures isolées ou de groupes. De tout ceci nous pouvons
donc conclure que la production des petites statuettes en porce-
laine — des sujets — fut active à Limoges, et ainsi que je l'ai dit
plus haut, il y avait à cela une raison technique : — la facilité où
Ton se trouvait à Limoges de choisir les terres.
Les pièces dont il va être question ont toutes été trouvées
à Limoges; parmi elles deux fn~ 32 et 33), entrées à l'ancien
musée en ISlè, furent qualifiées par le donateur de « porcelaines
provenant de l'ancienne Manufacture Royale ». Ce donateur était
M. Roméo Chapoulaud, appartenant à une ancienne famille de
Limoges et se trouvant tout à fait en mesure de donner un té-
moignage dont il convient aujourd'hui de tenir compte. Il serait
possible, à la rigueur, que parmi les biscuits du Musée il s'en
trouvât qui aient été fabriqués ailleurs qu'à la Manufacture Royale,
mais pourquoi faire une telle supposition alors que rien ne vient y
inviter ?
Peut être s'étonnera-t-on du petit nombre de biscuits qui sont
entrés au Musée Adrien Dubouché ? Il est certain que les biscuits
paraissent avoir été toujours fort rares à Limoges (1). Pour ma
part, bien que m'élant toujours intéressé aux choses de l'art, bien
que j'aie eu l'occasion de pénétrer autrefois dans un grand nombre
d'anciennes demeures, appartenant à une famille qui s'est occupée
de porcelaine dès le commencement de sa fabrication chez nous, je
ne me souviens d'avoir rencontré à Limoges qu'un nombre extrê-
mement restreint d'anciens biscuits. Il y a là sans doute un fait
(<) Sur les inventaires de biens d'émigrés qu'il m'a été donné de con-
sulter je n'ai remarqué rindicalion d'aucun biscuit.
ESSAI DB CLASSIFICATION DBS ANCIENNES PORCELAINES DB LIMOCRS. 7&
important; mais quelle conséquence con vient-il d'en tirer ? Faut-il,
dans celte rareté excessive des anciens biscuits dans notre ville,
voir une circonstance de nature à permettre le doute sur cette no-
lion que je me suis laborieusement efforcé d'établir, à savoir que de
l'annexe limousine sont sorlisun grand nombre de figurines consi-
dérées aujourd'hui comme ayant été produites par la Manufacture de'
Sèvres elle-même ? Mais les biscuits fabriqués par Tannexe pou-
vaient très bien ne pas rester à Limoges, et il est môme infiniment
probable qu'il en était ainsi. Le centre de la fabrication contiuua
à être à Sèvres; c'était laque se trouvaient cerlainement les
personnes préposées au choix des porcelaines, etc. Les biscuits
sortis des fours de l'annexe étaient donc tous envoyés à Sèvres,
et les pièces qui pourraient se trouver dans quelques-unes de nos
anciennes familles, portant la marque de Sèvres, risqueraient fort
de n'être pas reconnus de nous comme appartenant à la fabrication
de Limoges.
A l'époque où de nombreux marchands d'antiquités, attirés chez
nous par la réputation de nos émaux, vinrent dans notre pays, où ils
achetèrent lous les objets d'art qui leur parurent avoir quelque
valeur, il devait se trouver dans nos vieilles familles quelques
anciens biscuits; ces biscuits portaient la marque de Sèvres ou
n'étaient pas marqués; leurs acquéreurs, étrangers au pays, les
considérèrent comme des productions de Sèvres, bien que parmi
eux il dût certainement se trouver des pièces sorties de nos fours.
Remarquons qu'il ne pouvait pas en être autrement en l'absence
à Limoges de toutes traditions relatives aux pièces de ce genre. Il
est probable que, à l'annexe, la confection des biscuits et leur répara-
tion étaient confiées à des artistes envoyés exprès de la manufacture
de Sèvres pour exécuter ces opérations qui ne pouvaient pas être
dans la pratique habituelle de notre ancienne Manufacture (l). Ces
artistes se sont peu mêlés à notre population, ils quittèrent notre
ville très probablement bien avant la mise en vente de l'annexe; on
est du moins amené à le supposer par l'état d'abandon et de vétusté
où furent trouvés les moules de figurines, sans doute depuis
longtemps sans emploi. Toutes ces raisons pourraient expliquer
comment le fait, si frappant cependant, delà fabrication à Limoges
de biscuits de Sèvres, est passé inaperçu dans notre ville.
Mais ce fait on peut le considérer comme acquis dès à présent.
II s'agit maintenant de grouper toutes les circonstances accessoires
(i) Où la fabricalioa des biscuits de figures tout au moins ne pouvail
exister. — On a vu dans un médaillon commémoratif dont il a élé parlé
plus haut, une pièce de biscuit produit dès le comaiencemcnt de la fabri-
cation limousine, mais il n*y a là qu'un fait accidentel pour ainsi dire.
80 SOCIÉTÉ ABCHÉOLOCIQUK ET HISTORIQUE OU UMOUSIV.
qui s'y rattachent. Les renseignements qui pourront élre trouvés à
Limoges seront sans doute peu nombreux ; c'est dans les divers
dépôts publics, c'est surtout aux archives de la Manufacture de
Sèvres que les investigations des chercheurs devront être di-
rigées ; ces recherches pourront être fructueuses. — Il est possible
Tjue rhistoire des biscuits de Sèvres soit à refaire, tout au moins
en partie.
A Texposilion qui a eu lieu à Limoges en 1886 les biscuits anciens
étaient très rares ; aucun d'eux n'est attribué à la manufacture de
Limoges par les rédacteurs du catalogue.
Revenant au sujet qui nous occupe, je ferai une remarque :
Aucun des biscuits du Musée, et que Ton attribue généralement
à l'annexe, ne porte la marque,de Sèvres. Le fait est, j'en conviens,
quelque peu embarrassant; peut-élre se Irouve-t-on en présence
de pièces d'essai ?
Voici maintenant la liste des biscuits du Musée que leur époque
de fabrication semble pouvoir faire classer parmi les produc-
tions de la fabrique royale. Il me faut avant tout faire une remar-
que importante, c'est que parmi ces diverses pièces, deux seule-
ment fies Enfants buveurs) se retrouvent sur la liste des archives.
32<* Mars (?) La figure représente un homme jeune dans Tattitude
delà course ; il a les bras ouverts et semble crier victoire en arri-
vant au but, it est coiffé d'un casque surmonté de plumes et porte
une demi-cuirasse moulant le torse avec plates aux épaules, les
cuisses sont couvertes d'un caleçon collant; — cothurnes aux pieds,
entre les jambes une cuirasse sert de support; socle circulaire en
terrasse.
Hauteur : 37 c; largeur du piédouche : 12 c.
Don de M. Roméo Ghapoulaud.
Pas de marque.
Par le style et le costume, cette statuette me paraît appartenir
à l'école à laquelle on a attaché le nom de Vien; on sait que
beaucoup de sculpteurs prirent part à cette tentative; mais en
1784, les artistes avaient déjà fait un pas en avant dans la voie
classique où Vien ne s'était engagé qu'assez tinudement. Le Ser-
ment des Horaces est précisément de 1784, mais il avait été précédé
par d'autres œuvres — peintures ou sculptures — où les nouvelles
tendances étaient déjà très fermement caractérisées.
Mais, si de la manière dans laquelle Mars a été conçu et traité
on peut inférer que le modèle de cette statuette a été exécuté anté-
rieurement à 1784, une supposition analogue paraît encore mieux
confirmée en ce qui concerne la figurine qui fait le pendant aa
KSSAl DE CLASSIFICATION DRS ANCICNKES PORCELAINES DR LIMOGES. Ri
Mars, Dans cette pièce, on remarque tous les caractères de l'école
c|ui, sous Louis XV, soit antérieurement au commencement au
retour vers les traditions classiques, soit après et par persistance
de slvlc» se rattache aux traditions des Coustou et de Coisevox.
De tout ceci, ne convient-il pas d'inférer que les modèles des
statuettes en question sont antérieurs à 1784, que par conséquent
ils n'ont pas été exécutés spécialement pour l'annexe de Limoges?
on les a pris dans les réserves de Sèvres, et il est probable que la
plupart sinon tous les modèles des moules que nous voyons tigurer
sur rioventaire sont dans le même cas.
En passant, je ferai une remarque. Les statuettes en question
représentent-elles vraiment Mars et Vénus, comme on Fa toujours
cru à Limoges ; ne nous trouverions-nous pas plutôt en présence
d un Hippamène et d'une Atalante? Il est certain que l'attitude du
prétendu Mars semble bien être celle de la course et quant à la
prétendue Vénus, son costume n'est pas celui de la déesse de
Paphos ; Tamour qui forme groupe avec elle a pu donner illusion,
mais cet amour serait tout aussi bien à sa place, et peut-être mieux
encore, dans Thypothèse d'une Atalante.
Quoiqu'il en soit, les désignations anciennes — peut-être fautives —
étant connues, je n'ai pas cru devoir les changer ; il n'y a d'ailleurs
aucun inconvénient sérieux à les conserver. La véritable question
intéressante est Tattribution des pièces : la détermination du véri-
table sujet qu'elles représentent n'est que secondaire.
33. Vénus (?), jeune femme dont le mouvement assez peu déter-
miné peut être celui de Tarrêt au milieu d'une course. Elle se
tourne h demi vers un amour qui la retient par les plis de la tunique
courte dont elle est vêtue ; un des bras est relevé pour retenir une
écharpe ; les pieds sont chaussés de cothurnes. Le petit amour
ailé est monté sur un casque placé près d'un tronc d'arbre; socle
circulaire en terrasse.
Hauteur : 37 c; largeur : 12 c.
Don de M. Roméo Chapoulaud.
Pas de marque.
34^ Divinités groupées sur un rocher. Sur un socle circulaire en
forme de disque, sans aucune mouluration, un rocher s'élève en
deux étages; de ci de là, dans les anfractuosités de la roche, des
touffes de mousse. En bas, quatre personnages debout, savoir :
1** une jeune femme nue, caressant un oiseau qui paraît être un
cygne (ce personnage a une main cassée) ; 2** une femme drapée
dans une tunique longue, laissant à découvert les bras, la tunique
82 SOCliTi ARCHÉOLOGIQCK BT HIftTORIQUR DD LIMOUSIN.
étant fendue, les jambes sont libres à partir du milieu de la cuisse;
ce personnage est couronné de fleurs, il s'appuie sur un thyrse
revêtu de feuillage ; l'autre bras élevé et replié tient un tambour
de basque ; 3^ un adolescent ailé, à demi drapé et couronné de
fleurs, d'une main il tient un flambeau qu'il allume sur un autel,
l'autre bras est élevé, sa main tient, à droite et à ganche, un
chien ; 4'' une femme nue tenant une coupe, à ses pieds, un aigle»
Sur la partie supérieure du rocher, une femme demi-drapée
tenant une guirlande de fleurs (les deux bras sont cassés.)
Hauteur, 39 c; largeur au socle, 16 c.
Marque, J. A. (inexpliquée).
Don de la Municipalité de Limoges.
Celte pièce n'a qu'une très faible valeur artistique, si toutefois
elle a une valeur; la marque n'a pu être expliquée jusqu'ici,
35** Enfant ou Amour. Cette petite figure couronnée de fleurs, et
tenant d'une main une guirlande et un cœur enflammé, est assise
sur un rocher, sur lequel on a figuré des touffes de mousses; à
droite (de la figure), une gourde et une coupe; à gauche, un petit
chien debout sur ses quatre pattes.
Hauteur, 14 c; largeur, 6 c.
Aucune marque.
Don de M. Adrien Dubouché.
36** Enfant ou Amour. Cette figure, couronnée et tenant un bou-
quet de chaque main, est également assise sur un rocher au pied
duquel se trouve, à gauche (de la figure), un vase contenant des
fleurs; à droite, une gourde.
Hauteur, 14 c; largeur, 6 c.
Aucune marque.
Don de M. Adrien Dubouché.
Ces deux figures, ayant la même direction dans leur attitude, ne
se font pas pendant. Il est probable cependant qu'elles faisaient
partie d'un même ensemble de pièces ; étant donnés les attributs qui
les accompagnent, on doit sans doute y reconnaître les Enfants
bachiques de l'inventaire.
Dans le n® 33 le cœur des fleurs est peint en jaune à froid, parti-
cularité que l'on peut remarquer sur un certain nombre de biscuits
trouvés à Limoges.
ESSAI DR CLASSIFICATION DF8 ANCIRNNKS PORCRLAINES DK I.IMOr.KS. 83
§ I*'. Commencement de Vinspiration dite classique, formes de transi-
tion et formes dites Louis XVI, décor Louis XV , bouquets jetés,
décor d'un genre nouveau, d'un caractère léger, décor Louis XVI,
bouquets disposés symétriquement. (Il faut remarquer que l'ancien
genre, où les lignes courbes prédominent, a été usité conjointe-
ment avec le genre nouveau).
Les indications sur lesquelles sont basées les propositions d'attri-
butions suivantes sont, il faut en convenir, d'un assez faible poids.
En réalité, si les pièces dont la nomenclature suit n'avaient pas été
trouvées à Limoges, nul sans doute n'eut songé à en doter notre
Manufacture, cette réserve était nécessaire.
Bien entendu, je n'ai attribué à la Manufacture Royale que des
pièces dont les analogues se trouvent sur l'inventaire dont il a été
parlé à plusieurs reprises.
37** Seau à rafraîchir les verres, dit aussi glacière : forme ovale,
on peut y distinguer trois parties : un piédouche mouluré avec une
grande simplicité, le corps delà pièce affectant un galbe obconique,
la partie supérieure de cette panse forme bandeau plat; la partie
inférieure, nettement détachée du bandeau, est en retraite sur lui ;
elle Ta se rattacher en arc de cercle au piédouche ; au-dessus du
corpsdu vase, se trouve une partie découpée constituée par des feuilles
ornementales, très sommairement formulées, faisant retour en con-
vexité sur la ligne obconique. Les anses sont formées par des mufles
de dauphins; filets d'or larges et filets étroits, les détails d'ornemen-
tation sont accentués en or; au milieu du bandeau, un chiffre
entrelacé formé des deux majuscules cursives : L. et L
Hauteur, 18 c; largeur (au bandeau en y comprenant la saillie
des mascarons), 33 c; petit diamètre, 22 c.
Don de M. Adrien Dubouché.
La couverte dont cette belle pièce est revêtue la rapproche d'une
autre verrière portant la marque de Sèvres, et dont les formes
différentes sont moins cherchées. Les mufles de dauphin sont ana-
logues à ceux que Ton peut remarquer sur une fontaine en terre
recouverte d'un émail brun, qui a toujours passé pour être l'œuvre
d'un modeleur de la Manufacture Royale dont le nom, jadis indiqué
sur cette dernière pièce, d'après M. François Alluaud, a disparu et
n'est plus connu aujourd'hui. Enfin on rencontre des glacières sur
l'inventaire des pièces qui se trouvaient à la Manufacture au mo-
ment de sa Tente. C5es glacières sont suivies de la mention « pâte
81 SOCIÉTik àlCnéOLOOlQUK RT HISTORIQUE DD LIMOUSIN.
blanche » qui convient bien à notre pièce qui est d'une très belle
qualité. Ces présomptions sont faibles, mais Taspect général de la
pièce en question semble, dans une certaine mesure, justifier Taltri-
bution que j'en propose à la fabrique de Limoges (période où cette
fabrique était devenue succursale de Sèvres).
38* Pot à eau couvert. Un piéJouche sommaire de forme générale
concave porte le corps du vase, en forme de bandeau circulaire
obconique; la partie supérieure cylindrique se rattache à la panse
par un large congé; le goulot, rapporté, est à trois pans, sur un
plan trapézoïdal; l'anse qui lui est opposée est bi -coudée sans
ressaut brusque, comme on en voit dans les vases de porcelaine ou
de faïence dont le couvercle était retenu à Tanse par une attache
métallique; on trouve déjà cette disposition dans un pot de faïence
(premier fonds) daté de 1738. Le couvercle présente d'abord une
moulure plate, phis un arc de cercle très surbaissé qui se rattache
en congé à une sorte de petite plate-forme surmontée d'un bouton
en pomme. Le piédouche porte entre deux filets une couronne de
feuillages, fins, très sommairement exécutés dans le genre dit
« pipant » par les anciens décorateurs limousins ; à la partie supé-
rieure de la panse, entre larges filets or et bandes pourpre, une
large bande divisée par une dent de scie; entre chaque dent et
s'opposant, des demi fleurs à quatre pétales; décoration analogue
sur le couvercle. Le bouton doré en plein, le bec et le goulot ornés
d'an décor léger tracé en « pipant », et de bandes et filets, le tout
en or. Plusieurs catégories de pots & eau se trouvent indiquées à
l'inventaire.
Hauteur (y compris le couvercle), 2S c; largeur (grand diamètre
de la panse), 12 c.
Don de M. Adrien Dubouché.
38"* Compotier, forme quadrilobée inspirée peut-être de la forme
coquille : à la partie antérieure se trouve un appendice court à trois
divisions faisant fonction de queue ou poignée. Cet appendice rap-
pelle le style intermédiaire qui a succédé au rocaille. Au centre, des
reines-marguerites, violettes, fleurettes de fantaisie en rouge-brun;
courant sur le bord, un décor constitué par quatre petits médail-
lons indépendants, limités par un cercle d'or et renfermant une
rose au naturel, des lambrequins sommaires, des rinceaux plus
importants (rouge, violet et bleu), des guirlandes de perles, des
branches de feuillages (or), des guirlandes de fleurs (rouge, bleu,
vert, rose), des bouquets jetés au centre; un pipant et des filets au
bord, peigne et ornements variés à l'appendice formant poignée
ESSAI DB CLASSIFICATION DES ANCIRNNES POr.CELAl!«ES DE LIMOGES. 85*
(or) complètent le décor. Le jaune d'or est employé dans des
guirlandes de perles et des boutons.
Largeur (appendice y compris) 22 c; largeur à l'autre diamè^
Ire 22 c.
Marque : IX en chiffres romains (?) tracée en or.
Don de M. Adrien Dubouché.
Celte pièce est d'un beau blanc, le décor rappelle celui qui figure
sur plusieurs autres pièces dont nous allons nous occuper. Son exé-
cution semble indiquer au premier aspect un ancien Limoges. — Il
convient toutefois de faire certaines réserves. — De nombreux com-
potiers figurent à l'inventaire. Des formes analogues ont été en
usage dans plusieurs fabriques des environs de Paris, Chantilly,
Sèvres, etc.
39* Pot au lait, forme en section de cône; anse simple sans res-
saut, bec largement ouvert. Le décor est constitué en haut par deux
filets et un « pipant » en or; en bas un filet, traits droits et traits
soulignant la forme, palmettes ornementales sommairement tracées
sur Tanse, le tout en or; en bas, filet or. Sur le corps du vase, bou-
quets jetés symétriquement, roses et fleurettes rouges et bleues;
Couleurs employées, rose, bleu, rouge brun, vert et jaune.
Hauteur, 12 c; largeur à la base, 9 c.; à l'ouverture y compris
le bec, 9 c.
Don de M. Barraud.
Cette pièce où l'on remarque, dans la forme, très simple d'ail-
leurs, l'influence de la céramique anglaise est d'une bonne mais
pas d'une belle fabrication.
40* Théière: forme en cylindre droit, le couvercle rentrant
dans l'ouverture, autour de laquelle s'élève un rebord en galerie,
un bouton en forme de pomme. L'anse, de forme simple et sans
ressaut est rentrante à sa partie médiane; le décor compliqué com-
porte différents filets et couronnes de feuillages avec ornements
rappelant le rocaille, le tout doré; quatre médaillons à perles ovales
et rondes, or, sont suspendus; au centre, une rose au naturel; guir-
landes alternées de barbeau et de fleurettes rouges s'attachant
d'une part à la partie supérieure du médaillon (au milieu), d'autre
part au milieu de l'intervalle laissé entre chaque médaillon. Décor
analogue sur le couvercle. Le bouton doré en plein. Ornements
de pratique courante dorés sur le bec et l'anse.
Hauteur, 12 c; largeur, 9 c.
Marque (inexpliquée), un insecte (libellule) en rougë de fer.
Don de M. Adrien Dubouché.
T. Xï^XlX, 5
86 SOCIÉTÉ ARCHéOLOGIQOF. ET BISTORIQUB DU LIMOUSIN.
Cette pièce rappelle les numérosS à 8 delà colleclioD Jacquemart
qui appartiennent comme on sait à la période dont les pièces sont
caractérisées par la marque C. D. Le décor semble indiquer une
main limousine (mais il y a à cette époque une très grande ana-
logie entre les manières des décorateurs des différentes fabriques),
les ors sont très habilement posés.
Tout en hasardant l'attribution à la Fabrique Royale, je dois dire
que la théière dont nous nous occupons est une des pièces qui
me laissent les plus grands doutes.
§11. — Inspiration classique; formes de transition; tendances
vers la régularité; pondération des lignes et formes Louis XVI
(apparition de la ligne droite, etcj Décor de transition et décor à
rinceaux, inspirés de Salembier, etc. (Pièces fabriquées pendant
les dernières années de Louis XVI et la période révolutionnaire).
Nous voici à la dernière période de l'histoire de la Manufacture
Royale.
Généralement on donne aux pièces qui appartiennent à ladite
période une date plus récente qu'il ne conviendrait; on les attribue
volontiers au commencement de l'Empire. Mais le style des formes
et celui du décor protestent contre une telle attribution, et si
Von veut tenir cbmpte de leur aspect au point de vue artistique
et décoratif, il ne sera plus permis de confondre avec les produits
de la période impériale, même à ses débuts, les pièces fabriquées
pendant les dernières années du xvni'' siècle.
Il est possible néanmoins que Ton se trouve parfois en présence de
certaines survivances de style ou d'habitudes d'atelier, de nature à
dérouter le chercheur. Cependant on peut dire que, en thèse géné-
rale, le style qualifié révolutionnaire (mais dont les origines sont
antérieures à 1789) a été abandonné à la fin Ju wiu'' siècle; ce style,
quand il est pur, est très particulier ; mais souvent et surtout en
porcelaine, une circonstance vient encore le différencier du genre
dit académique : ce sont certains emprunts ou plutôt certaines per-
sistances de motifs décoratifs appartenant au style précédent, dit
Louis XVI. Par exemple, on trouve sur certaines pièces du Musée
fabriquées et décorées après 1788 des frises ou autres motifs
d'après Salembier ou très directement inspirées par cet aimable
artiste. Il est à peine besoin de faire remarquer qu'après 1800 de
semblables motifs eussent été repoussés par les décorateurs.
ESSAI DE CLASSIFICATION DKS ANCIFNNES POP.CELAINES DE LIMOGES. 87
Les formes des pièces de la fin du xviii* siècle sont également
très particulières et très faciles à distinguer. Ces formes tendent
plutôt vers la simplicité que vers la régularité; elles sont très
cherchées et l'artiste arrive souvent à une gi'aude pureté de galbe,
mais ces galbes lui appartiennent et ne doivent souvent absolument
rien à Fart antique, et quand des emprunts sont faits à cet art ils
ne sont jamais littéraux, si je puis ra'exprimer ainsi. Il en est tout
à fait différemment pendant la période impériale, où la constante
préoccupation des artistes est la copie textuelle, si Ton peut dire,
des motifs grecs ou romains.
On comprend d'ailleurs que le style révolutionnaire a dû varier
dans un sens ou dans un autre, selon qu'il est resté fidèle à certaines
habitudes décoratives de la période précédente, ou que, au con-
traire, il commence à admettre des éléments nouveaux dont 11 sera
fait abus dans la période suivante.
On a cru un peu légèrement peut-être que pendant la période
révolutionnaire la fabrication porcelainière a périclité à Limo-
ges, si même elle n'a cessé tout à fait. Cette notion, trop géné-
ralisée, deviendrait absolument erronée. Que Ton ait fabriqué à
Limoges pendant la période révolutionnaire moins qu'auparavant,
la chose est possible et il n'est pas nécessaire de s'en occuper ici ;
le point important et que l'on ne saurait trop faire ressortir, c'est
que loin de tomber en décadence, au point de vue de la beauté de
ses produits, notre Manufacture a vu commencer, dès 1788, une
ère de véritable renaissance, à la fois technique et artistique. Ce
fait, dès à présent indubitable, sera certainement confirmé par les
recherches subséquentes.
Il me semble qu'il est nécessaire d'entrer à ce sujet dans quel-
ques développements. Je le ferai aussi brièvement que possible.
On trouve dans les Nouvelles éphémérides du ressort de la Cour
royale de Lmoges(Darde, 1837, in-8°) un article ayant pour titre : Por-
CELALNE, histoire et statistique de cette poterie en Limousin. Ce travail
est signé par M. François Alluaud, dont les souvenirs personnels,
faciles pour lui à rectifier ou à confirmer grâce à ses papiers de
famille, devaient être encore très nets au moment où il écrivit les
lignes suivantes qui me paraissent devoir faire autorité dans la
question.
« Organisée par les soins de M. d'Arcet, de l'Académie des
sciences, la manufacture royale de Limoges répandit d'abord de
beaux produits dans le commerce.
» Les difficultés que présentait l'exploitation de la carrière de
Clos-de-Barre, dont on avait employé jusque-là les produits, la
firent abandonner. On venait de découvrir des carrières pouvelles
88 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
à la Maison-Rouge (roule de Paris) et dans les propriétés de
M. Michelet et du comte de Bonneval, à Coussac. M. Grcllel
encombra la manufacture royale du kaolin de ces carrières, et, soil
qu'il eût été mal trié, mal assorti, mal préparé, ou qu'il fût natu-
rellement d'une qualité très médiocre, les produits de la manufac-
ture du roi se détériorèrent à ce point que la masse de la fabrication
de 1786 qui se composait de soixante-neuf fournées ne s'éleva qu'à
la somme de 30,965 11. 6 s. 3 d., somme qui ne représentait pas
le quart de la valeur que ces fournées auraient dû avoir.
» M. Grellet reçut des reproches dont il ne se justifia que par le
zèle qu'il avait porté aux travaux dont il était chargé et en prenant
pour son compte les mauvais approvisionnements dont il avait en-
combré la manufacture du roi.
» S'élant démis de ses fonctions en 1788, M. Alluaud, ingénieur-
géographe du roi, fut appelé à le remplacer (1).
(4) Il me semble que le rôle joué par H. Alluaud pèrp dans la créalioD de
rinduslrie porcelainière limousine n*a pas élé suftisamment, jusqu'ici, mis
en lumière, je dirais volontiers en relief. Dans ce iravail, on ne sauraitavoir
la pensée de irailer, d'une façon complète, lous les poinls encore si obscurs
de rhisioire de notre porcelaine. Celui qui entreprendra ce travail, qu*il faul
peut-être se liâter de faire, consacrera certainement une page, qui ne sera
pas des moins intéressantes, à M. François Alluaud père.
La famille Alluaud possède de nombreux documenUs qu'elle a très libéra-
lement mis à la disposition de Fauteur de ce travail, qui n'en peut faire
usage aujourd'hui, étant donné le cadre restreint de ces recherches.
M. Fray-Fournier a bien voulu prendre pour moi les notes suivantes :
François Alluaud, né à Saint- Victurnien en 1738, vint se fixer à Limoges
en 1763.
De 1V65 à 4768, 11 travailla sous les ordres de Pingénieur Trésaguel, à
lever le plan lopographique de Limoges qui servit de base, à partir de 1775,
aux alignements de la ville. (V.à ce sujet: P. Ducourtibux, Limope^ diaprés
868 anciens plans ^ p. 2S et ss.)
M. Alluaud exerça ensuite la profession d'entrepreneur de travaux publics
En janvier 1786, il passe un marché avec la municipalité pour Texécution
des travaux des allées de Fitz-James. C'est encore k lui qu'est donnée, la
même année, Tentreprise de construction du nouvel hôtel de ville. (Inv.
arcb. comm. DDl).
Il avait épousé Marie Vergniaud.
' Dans lacie de baptême de son fils (91 septembre 1778), il est qualifié :
ingénieur géographe des ponts et chaussées.
Dans Pacte de baptême de sa fille (2l janvier 1788), il prend le titre d'in-
génieur-géographe du roi et directeur des porcelaines royales de Limoges.
{Ibid. GG ISi et 126).
Nommé directeur de la Monnaie de Limoges le 20 dé'-cmbre I79Î par le
Conseil exécutif provi.<oirc, il resta à la tête de cet établissement jusqu'à sa
ESSAI DR CLASSIPI CATION OBS ANCIEN^fRS PORCELAINES DE LIMOGES. S9
» Tous les vices de Tancienne manutention furent corrigés suivant
la prescription du comte d'Angcrvillers et des inspecteurs des tra-
vaux de la manufacture de Sèvres, et dès lors, la manufacture de
IJmoges reprit une nouvelle activité et se distingua bientôt par la
beauté de ses produits.
» Elle maintint la supériorité de sa fabrication jusqu'à ce que la
Révolution vint en paralyser les travaux. Jaloux de conserver cet
ëlablissement à la ville de Limoges, M. Âlluaud la soutint longtemps
aux dépens de sa fortune. En 1791, il était en avance d'une somme
considérable qui devait s'engloutir dans le gouffre de Tarriéré. La
manufacture, réduite à l'unique produit de quelques ventes en assi-
gnats, M. Alluaud donna sa démission. Les ouvriers, mal payés, se
dispersèrent, et le 18 vendémiaire an V, la manufacture fut vendue
et acquise par deux de ses anciens ouvriers, les sieurs Joubert et
Cacate, qui se partagèrent cet établissement. »
Ainsi, des faits si clairement rapportés ci-dessus, il résulte que,
par suite de Tincapacité de Grellel, le mouvement de progrès
imprimé par d*Arcet à la Manufacture Royale ne fut que de courte
durée; il y eut après 1784, une période de bonne fabrication, qui
était déjà terminée en 1786.
C'est pendant ce laps de temps, qui ne peut excéder deux
années, que la Manufacture a pu produire les porcelaines que je
propose plus haut de lui attribuer.
La Manufacture périclite jusqu'en 1788, alors elle reprend un
nouvel essor après la démission de Grellet et son remplacement
par M. Alluaud.
Il convient de remarquer que, au moment où il devenait direc-
teur de la Manufacture Royale, M. Alluaud était déjà un céramiste
expérimenté, au moins on peut le présumer; il avait possédé, très
probablement dès avant 1780, à Bordeaux, une fabrique de porce-
laine qui paraît avoir été importante, et que dès la fin du xviu* siè-
cle, nous voyons faire des expériences de cuisson à la houille.
Un opuscule cité déjà dans ce travail et dont l'auteur, M. Rave-
nez, paraît s'être inspiré des souvenirs de M. François Alluaud,
encore plein de vie à l'époque où parut la brochure en question
{^Aperçu statistique de l'exposition de Limoges en i 855, Limoges,
ArdilUer), confirme, en les complétant sur certains points, les indi-
cations que l'on vient de lire. Il est intéressant de rapprocher les
passages de M. Ravenez, écrits, peut-on croire, sous Tinspiration
sappressiOQ, prononcée par la loi du 29 vendémiaire an IV (14 oclobre 1795)
qai réduisait à huit le nombre des hôtels des monnaies.
Il moarul en 1799
90 SOCIÉTÉ AnCHÉOLOGIQUE Rf HlSTOniQUE DO LIMOUSIN.
de. M. François Alluaud, de la citation ci-dessus, empruntée à an
article écrit par M. Alluaud lui-même.
« Limoges comptait alors au nombre de ses habitants un homme
d'une haute intelligence, dont Tesprit, aussi juste qu'étendu, pou-
vait embrasser en un instant les opérations commerciales les plus
difficiles : c'était M. Alluaud qui possédait, avec M. La vergue de
Saint-Yrieix, les belles carrières de Marcognac dont on avait fait
récemment la découverte; il fut nommé directeur de la manufacture
royale de Limoges.
» Grâce à ses efforts, les vices de l'ancienne manipulation furent
rapidement corrigés, des procédés nouveaux furent étudiés, et en
peu de temps, le succès le plus complet, l'activité la plus grande
vinrent le récompenser de sa persévérance. Mais les premières
secousses de la Révolution vinrent ébranler l'édifice naissant.
M. Alluaud n'était pas seulement un homme intelligent, il était
surtout un homme de cœur. Le trésor royal, fortement obéré, ne
pouvait venir en aide à la manufacture. M. Alluaud, qui compre-
nait combien il importait de conservera la ville de Limoges un éta-
blissement qui devait plus tard en développer la prospérité, le
soutint au prix de sa fortune, et il en conserva la direction jusqu'au
!•' octobre 1793, époque où il fut appelé par le ministère à la
direction de la Monnaie.
» M. Massier fut alors provisoirement chargé de l'administration
de la manufacture, et il conserva son emploi jusqu'au 1" octobre
1798. Mais, pendant cet intervalle, la fabrication fut proportionnée
aux faibles rentrées d'assignats que produisaient les ventes ; la ruine
de rétablissement devenait imminente, le gouvernement en ordonna
l'aliénation ; la manufacture royale cessa d'exister.
» Cependant les travaux de M. Alluaud avaient porté leifrs fruits.
Il y avait dès ce moment à Limoges et dans les environs une pépi-
nière de bons ouvriers... (1). »
(1) A rapprocher les mois soulignés d*une phrase très explicite que Von
trouve dans la noiice sur François Alluaud, publiée par M. Dubédat dans le
Bulletin de la Société archéologique du Limousin^ t. XXl(187i). Après avoir
rappelé que c*esl à Turgot que nous sommes redevables de notre première
manufacture de porcelaine, donl il place par erreur la création en 1773 au
lieu de 1771, M. Dubédat ajoute : « Après dix ans de recherches et dressais,
les ouvriers arrivèrent, et les fabriques s* élevèrent dans les faubourgs.
Une d'elles h\Siii été achetée au nom du roi par Dangervillers, pour devenir
une annexe de Sèvres. Elle passa sous la direction du père de François
Alluaud. Grâce à lui, rindustrie se transforma et le succès couronna ses
efforts... »
M. Dubédat s*est servi de papiers et pièces authentiques communiqués
ESSAI DE CLVSSiPiCATION DES ANCIENNES PORCELAINES DE LIMOGES. 01
En somme, nous sommes en possession des données suivantes
qui paraissent, dès à présent, hors de conteste : l'entrée en fonc-
tions de M. Alluaud fut signalée par une sorte de renaissance de la
fabrication devenue auparavant fort inférieure ; ce mouvement se
conlinua probablement jusqu*à la retraite de M. Alluaud (17 octo-
bre i793), mais la fabrication ne cessa pas à sa sortie de la manu-
facture, seulement elle se ralentit sans doute dans une large mesure.
11 est donc permis de proposer d'attribuer à la Manufacture
Royale — qui devint un peu plus tard Manufacture Nationale, — des
pièces qui, par leur forme et leur décoration, paraissent appartenir
à la dernière période du style dit Louis XVI et môme à la première
période du style révolutionnaire ; il convient bien entendu de grou-
per autour de ces propositions d'attributions quelques raisons qui
les rendent plausibles. C'est ce que je me suis efforcé de faire, mais
il me faut avouer que les présomptions que j'apporte à l'appui de la
thèse que j'entreprends de soutenir ne sont pas absolument décisives;
cependant les pièces dont je vais m'occuper maintenant sont datées,
pour ainsi dire, par la forme et le décor, et on ne voit pas à quelle
fabrique contemporaine on pourrait les attribuer si, un peu systé-
matiquement peut-être, on les refusait à notre première manufac-
ture.
Remarquons que d'après M. François Alluaud, lorsque son père
en devint directeur, l'anneKC de Limoges fut réorganisée par les
soins de M. d'Angervillers lui-môme. M. Alluaud père ne fut donc
pas abandonné à ses propres forces, qui peat-ôtre eussent suffi. II
eut encore le concours bien entier de la manufacture mère et il est
permis de supposer que le fait que nous savons avec certitude,
pour une réorganisation précédente, celle de Darcet se reproduisit
en 1788. Je veux parler de l'envoi à Limoges d'artistes et d'ou-
\Tiers de Sèvres ; ces artistes ont bien pu apporter un goût nou-
veau à Limoges.
Notons que d'après MM. François Alluaud, la fabrication a conti-
tinué pendant la direction de Massié et n'a cessé qu'à la vente
de la Manufacture Nationale ; car Massié, personnage modeste,
semble-t-il, ne manquait certainement pas d'expérience technique.
par la famille Aliuaud. Sa notice prend, de ceUe circonstance, une vérilabla
aniorité au poiui de vue docunieniaire; mais de ces citaiions sur lesquelles
il me parait nécessaire d'appeler Tattention du lecteur, on devrait inférer
que, avant 1784, il y eut plusieurs fabriques à Limoges, ou peut-ôlre seule-
ment que plusieurs tentatives plus ou moins suivies de succès eurent lieu
pour en établir; mais aucun fait, môme incertain, n'est venu jusqu'ici don-
ner quelque poids à cette présomption.
92 SOCIÉTÉ JLBCUÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU L1X0USI.>.
Nous ne possédons pas encore assez de renseignements sur les
commencemenis, à Limoges, de la fabrication pour pouvoir formu-
ler des jugements fermes sur ses promoteurs, cependant, sous le
bénéfice de ces réserves, il semble que Ton puisse établir une
grande différence entre les Grellet, qui nous apparaissent comme
des brouillons, cependant assez adroits dans la sauvegarde de
leurs intérêts propres, et Massié, ou peut-être les Massié. Encore
une fois, Massié paraît avoir été un personnage modeste, partant
docile. C'était un esprit pratique, et il n'avait probablement pas ce
tempérament aventureux qui paraît avoir caractérisé les Grellet; —
il semble, notons le, qu'il y a encore à distinguer entre les deux
frères. — Après le départ d'Alluaud, il dirigea donc convena-
blement la manufacture — tout le (ait supposer, du moins; en
tout cas rien n'est venu constater jusqu'ici qu'elle ait périclité
entre ses mains. Sa production a pu décroître comme quantité sans
que la qualité ait été atteinte.
Voici la liste des pièces que je propose d'attribuer à cette der-
nière période :
41* Tasse dite trembleuse ; formes très décidément conçues dans
le style nouveau; la soucoupe, à cavité profonde (trembleuse), est
à bords étroits, relevés ; la tasse est obconique, de galbe très sim-
ple, deux anses en « grecques » à lignes inclinées ; la partie infé-
rieure seule présente une section de cercle. Le décor, fort savou-
reusement exécuté, tout en or, et avec une liberté véritablement
artistique, est conçu dans le goût de Salembier, renouvelé peut-
être par une inspiration pré-révolutionnaire. Sur la tasse on remar-
que des rinceaux, dont les deux nœuds sont surmontés de têtes qui
portent des coiffures rappelant le bonnet phrygien, mal déterminé*
Des médaillons représentent des têtes de femmes de profil. Sur le
marly de la soucoupe, décor do rinceaux, mais sans aucune repré-
sentation figurée.
Hauteur (de la tasse), 9 c; largeur, 9 c. sans les anses, avec les
anses, M c; hauteur de la soucoupe, 5 c; largeur, 18 c.
Aucune marque.
Don de M. Hugues Dumas.
U me paraît de toute évidence que Ton doit attribuera cette pièce
une date antérieure ou tout au moins très voisine de 1789. La
forme des coiffures, où l'on croit reconnaître des bonnets phrygiens,
est très caractéristique; il importe de se souvenir que ce bonnet
ne doit être généralement considéré comme un attribut purement
révolutionnaire que lorsqu'il a sa forme classique, pour ainsi dire;
dans un grand nombre de cas, même en 1793 le bonnet phrygien
RSSAl DE CLAÇSinCATION DES ANCIENNES PORCELAINES DE LIMOGES. 93
a conservé une forme encore hésitante, si Ton peut ainsi dire ; ce
doit être par suite dune persistance d'habitude chez les artistes;
dès une période assez ancienne dans le xviii'' siècle, le bon-
net phrygien est pris comme le symbole de la liberté; mais le plus
souvent il est figuré — dirai-je d'une façon fantaisiste et arbi-
traire.
Pour revenir à notre sujet, la forme primitive du bonnet (et c'est
à peine si l'on reconnaît cette coiffure) indique très probablement
une époque antérieure à la Révolution. La qualité de la porce-
laine, la limpidité et la profondeur de Témail caractérisent une très
belle fabrication; il me paraît donc que l'attribution à la période
qui suivit le mouvement de renaissance constaté après la prise de
direction par M. Alluaud, il me paraît donc, dirai-je, que cette
attribution peut-être soutenue.
Il est bon de se rappeler que Ton a dit que Limoges avait la spécia-
lité des trembleuses mais ceci ne doit pas être considéré à un point
de vue trop exclusif, car au xvm'' siècle la fabrication des trembleuses
en porcelaine paraît avoir été générale; on peut rappeler à ce propos
que les faïenciers qui, on le sait, fabriquèrent fort peu de tasses (1),
fournirent cependant l'idée d'un genre de trembleuses, celles ou la
partie destinée à maintenir la tasse, au lieu d'être constituée par
une cavité de la soucoupe, se trouve être au contraire élevée au-
dessus — dans ce cas, cette partie toujours découpée rappelle la
disposition adoptée pour les porte-huiliers par plusieurs fabriques
du xvui* siècle, notamment Moustiers, Marseille, etc.
42* Pot à eau et sa cuvette. Le pot à eau, en forme d'aiguière,
est porté sur un court piédouche ; l'anse, élégamment contournée,
est destinée à porter une attache en métal (on aperçoit encore ses
traces), se rattachant au couvercle, qui manque au spécimen du
Musée. Le bec est bien détaché.
La cuvette est de forme allongée, se terminant en ogive aux deux
bouts, forme dite en bateau. La décoration du vase est constituée
en haut par une frise, entre deux filets larges, peinte en or sur
blanc dans le style de Salembier; le corps du vase est revêtu d'un
fond jaune clair, sur lequel se détachent des papillons et des
mouches peints au naturel. Le piédouche est orné de deux larges
(I)Oq peut cependant voir au Musée Adrien Dubouché quelques lassos à
café en faïence, notamment une belle Irembleuse de la fabrique d'Alcorn.
Les Italiens fabriquaient de petits plateaux à cavité cenlrale sur les-
quels on présentait des verres et qui sont tout à fait analogues aux sou-
coupes de 00$ trembleuses.
94 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUB ET BISTORIQUE DU LIMOUSIN.
filets entre lesquels court une guirlande légère ; Tanse et le bec
sont revêtus d'une couche d'or plein. Le centre de la cuvette est
occupé par une étoile autour de laquelle court une ornementation
légère : le tout en or. Les parois sont à fond jaune clair avec pa-
pillons peints au naturel et jetés sans ordre; en haut, sur le bord,
décoration légère en or.
A l'extérieur, filet large en haut, et en bas, guirlandes fixées par
des attaches (feuille de vigne), au milieu de chaque guirlande, un
insecte.
Hauteur du vase, 24c.; largeur (à l'embouchure) avec le bec, 11 c.
Grand diamètre de la cuvette, 33 c; petit diamètre, 23 c.
Aucune marque.
Don de M. Adrien Dubouché.
Cette pièce semble bien être de provenance limousine, outre que
les pièces de formes analogues sont fréquentes dans notre fabrique,
nous constatons certains caractères assez décisifs — par exemple
la forme très particulière de l'anse; le décor à fond jaune et à
papillon date la pièce, ainsi que les ornements dans le goût de
Salembier. Nous verrons plus tard que le décor à papillons a été
continué au commencement de ce siècle, mais sa combinaison avec
le fond jaune indique une plus grande ancienneté.
Quoi qu'il en soit, la pièce en question constitue un remar-
quable spécimen de la fabrication limousine, les formes surtout
sont d'une bonne composition; l'originalité a été trouvée sans qu'il
ait été fait appel à la bizarrerie. Nous sommes d'ailleurs bien évi-
demment en présence d'un objet de luxe. Cependant la fabrication,
et surtout la décoration, tout en étant d'une bonne tenue, n ont
rien d'exceptionnel.
43* Tasse droite. A la base se trouve un petit congé. Anse sim-
ple sans ressaut. Le décor est constitué, en haut, par une cou-
ronne or (pipants) entre deux filets à feuilles alternées, deux par
deux, en bleu également entre deux filets or; succession de guir-
landes or s'attachant au\ derniers filets; bouquets jetés or sur la
panse; en face de l'anse, un médaillon formé par une couronne or;
au centre une rose peinte au naturel avec feuillage ; en bas, deux
filets.
Hauteur, 8 c; largeur à Fouverture, 8 c.
Marque : un C en or.
Don de M. Adrien Dubouché.
On trouve au Musée trois pièces marqués au C. Peut être fau-
drait-il voir dans cette lettre l'initiale du nom de Clooslerman. Cet
artiste, venu en Limousin lors de la reorganisation.de la Manufac-
ESSAI DE «XASSIFICATION DKS ANCIENNES PORCELAINES DE LIMOGES. 95
lure Royale par Darçet, était chargé de la composition des cou-
leurs. Il a été occupé à la fabrique de la Seinie à Saint-Yrieix, et il
me semble remarquer enlre le ton des couleurs employées dans la
décoration de la pièce dont je m'occupe et celui de plusieurs pièces
de Saint- Yrieix, possédées par d'anciennes familles, une grande
analogie. Mais on comprend qu'il ne faut peut-être pas faire trop
de fond sur ces similitudes qui peuvent simplement être dues au
hasard.
En somme, on propose ici d'attribuer à l'annexe des pièces qui
appartiennent à diverses catégories, et qui, sous beaucoup de rap-
ports, se diversifient entre elles; nous sommes loin de l'homogénéité
que l'on constate dans les porcelaines à la marque G. D.; mais cette
variété est facilement explicable par les diverses circonstances de
rhislolre de la Manufacture rappelées brièvement dans ce travail.
Pendant la période à laquelle il paraît possible de rattacher les
pièces en question, l'annexe a changé trois fois de directeur et
nous voyons qu'elle a été réorganisée deux fois ; d'autre part, la
direction Grellet, tout au moins, a eu deux phases signalées plus
haut, et il paraît bien certain que les pièces fabriquées dans la pre-
mière de ces phases, c'est-à-dire immédiatement après la réorga-
nisation de Darcet, ne pouvaient ressembler à celles exécutées
pendant la seconde de ces phases, alors que les mesures prises par
l'illustre chimiste étaient devenues en quelque sorte lettre-morte.
En résumé, tant de causes ont pu amener la diversité des pro-
duits que nous ne pouvons pas nous étonner de ne plus trouver
rhomogénéité de la période précédente.
En définitive, et on ne saurait trop le répéter, les attributions
proposées ici ne s'appuient que sur des présomptions. Les faits nou-
veaux qui Ton recueillera certainement, si l'on veut bien s'en
donner la peine, confirmeront-ils ou infirmeront-ils les attributions?
On comprend qu'il est impossible de le décider aujourd'hui.
Nous sommes en possession d'un certain nombre de notions, par
suite desquelles les attributions proposées ne paraissent pas trop
déraisonnables; il est en tous cas certain que la manufacture de
Limoges a fabriqué et parfois avec activité, de 1784 à 1795, c'est-à-
dire pendant onze ans; il faut bien cependant penser que certaines
pièces produites alors doivent se trouver au Musée.
(A suivre). Camille Leymaiue.
LE CHAPELET A LIMOGES
DU XV AU XVIIP SIÈCLE
J'ai entrepris d'écrire l'histoire du chapelet, qui n'a jamais été
faite, malgré la popularité de ce genre de prière. Les documents,
que je recueille patiemment depuis trente années, sont si nom-
breux et s'augmentent, à chaque voyage, d'une façon si considéra-
ble que je désespère presque d'aboutir. J'ai bien fait de ne pas
presser ma publication, puisque j'aurais omis une série importante
que j'ai eu récemment occasion d'étudier à Limoges. Le point de
départ de mes investigations a été les six chapelets de pénitents,
exposés dans la salle des métaux et décrits un peu trop sommaire-
ment par le catalogue.
Qu'on me permette donc de revenir sur la question pour lui
donner tout le développement qu'elle comporte et aussi pour la
compléter autant que possible. Je crois, en ce faisant, être utile
et agréable à la Société, dont les membres m'ont prêté un sympa-
thique concours lors de ma visite à l'Exposition,
L
L'église Saint-Michel-des-Lions est bien sombre, par suite des
verrières modernes, trop multipliées et trop intenses de ton. Ce-
pendant l'œil s'y fait et finit par s'arrêter aux deux beaux vitraux
de l'arbre de Jessô et de la vie de saint Jean-Baptiste, qui ornent
le chevet à l'orient. Leur restauration n'est pas irréprochable, car
on y a introduit des éléments hétérogènes, mais l'ensemble dit une
œuvre remarquable, contemporaine de la construction, c'est-à-
dire des dernières années du xv* siècle.
L'arbre de Jessé, aux vigoureux rameaux verts, s'agrémente de
petits tableaux consacrés à la vie de la Vierge. C'était rationnel :
LE CHAPELST A LIMOGES DU XV^ AU XVIll® SIÈCLE. 97
Marie est la tige et Jésus la fleur de Tarbre mystique (1), la mère
est l'aurore de ce beau jour de la rédemption dont son fils est le
soleil (2). Ainsi Ta chanté la liturgie, qu'il faut toujours consulter
pour mieux saisir le sens et la portée de Ticonographie du moyen-
âge.
Je ne m'arrêterai qu'à une scène, celle de la Visitation, dont un
détail n'a peut-être pas été observé jusqu'ici. Les deux cousines
s'embrassent, c'est l'usage : la Vierge est accompagnée d'une sui-
vante, ce qui est conforme à la tradition, mais rare à cette époque.
Le point saillant et tout à fait curieux est l'emploi du chapelet
pour ces deux personnages, sous deux formes différentes. Celui
de la mère de Dieu est droit, pend à la ceinture en avant, est
formé de grains jaunes et terminé par une houppe : son vrai nom
est dizain^ parce qu'en général il ne comportait qu'une dizaine
d'Ave. Aux xv* et xvi' siècles, le chapelet était devenu un objet de
toilette (3); les femmes le portaient à la ceinture comme ornement
et le décrochaient quand elles voulaient s'en servir pour prier. Les
grains étaient souvent en orfèvrerie, de là la couleur d'or admise
par le verrier; ils s'enfilaient dans une cordelette de soie qui,
nouéeàl'extrémitépourlesarréter, se terminait par une houppe(4).
La houppe, usitée encore à Rome, n'est autre chose, à l'origine,
que l'eflaié produit naturellement par l'écartement des brins de
la cordelière.
On pensait donc à Limoges que la Vierge avait récité le chapelet
et l'on avait raison, car telle est l'opinion ecclésiastique devant
laquelle ne doivent pas reculer les archéologues (5). En fait, son
(!) a Virga Jesse floroit, Virgo Deum et homînem genuti; pacem Deus
reddidil, in se reconcilians ima summis » {Messe votive de la Vierge, au
Missel romain).
(t) « Hodie nata est beala Virgo Maria ex progenie l^avid, per quam
salus mundi credenltbus apparuit, cujus viia glorioâa lucem dedil sœculo ».
{Office de la Nativité^ au Bréviaire romain), — « Nalivitas lua, Dei gc-
iiitrix Virgo, gaudiom annuntiavit universo mundo : ex te enim ortus est
sol justiliie, Ghrislus Deus nosler ». (Ibid),
(3) « ilodie laotus honor ejusmodi calculis accessit ut non modo ex
ligno, saccino et corallio, sed ex auro argentoque fiant sinique mulieribus
instar ornamenli ô, disait, au xvi* siècle, Polydore Virgile, dans sou traité
de Inoentoribus rerum.
(4) Tombe de f500 (Léon Gebmain, Not, sur la tombe d^ Isabelle de
Musset, à Marcille. Nancy, 1886).
(5) Des émdits d'un certain renom, comme Théophile Raynaud {Opéra,
t. VII, p. 67), attribuent rinstilnlion du chapelet à la Sainte Vierge
elle-même et citent en preuve le chapelet conservé à Rome, au moins
depuis le xni* siècle, parmi les reliques de sainte Marie in Campi^
98 SOCrÊTé AUCHtOLOGIQUR RT mSTORTQUR DU LIMOUSIN.
chapelet est vénéré à Rome Uans une église, où. chaque année,
s'en failTostension solennelle. Historiquement parlant, Benoît XIV
reconnaît, avec sa haute science, Tautorité de la tradition (i). Marie
y récitait des versets de psaumes. L'antiquité du chapelet chré-
tien se démontre par la conservation de cet usage chez les musul-
mans (2), qui y répètent des versets du Coran (3) : ils ne l'ont pas
tellL Jusqu'au siècle dernier, on lisait encore dans cette église rinscriplion
de dédicace, ainsi conçue : a In nomine Domini. Amen. Anno 1247, Pou-
tiGcaïus Domini Honorii Papsie, anno ejus secundo, indiclione 6, mensis
aprilis die 5, consecrala est ecclesia haec. ab eodem Summo PonltGce ei
universali Papa, per cujus sanclas manus reconditae sunt in hoc aliari
Dcatae Mariac Virginie multae reliquiae sanclorum et sanctarum, videlicet
de ligno Sanctae Crucis, de lacté, capillis et vestimenlis gloriosae Virginis
Mariae ; item pars coronae de Pater noster Virginis Variae. »
Ce chapelet existe encore, j'en suis positivement certain, mais une fausse
honte que je n'approuve pas empêche de Texhiber seul et Ta fait reléguer
parmi les reliques suspectes. Je ne saurais donc, puisque je ne Tai pas vu,
me prononcer sur son plus ou moins d'authenticité, mais il ne me répugne
nullement a priori de croire qu'il a pu servir à la mère de Dieu. Lors
même qu'il serait apocryphe, ce serait encore un argument en favear de la
thèse queje soutiens, car il attesterait une opinion (iéjàancienne au xni^ siècle.
Au pignon du transept nord de la cathédrale de Reims, le xv« siècle a
sculpté la scène de l'Annonciation, où Marie est figurée récitant son cha-
pelet, il n'y a pas là, comme l'a cru Thistoricn de la cathédrale (Ch. Cerf,
Hist, et deacript. de AT.-D. de Reims, t. Il, p. 63), une erreur iconogra-
phique, qui, pour certaines gens, tourne même au ridicule. En effet, avant
l'Annoncialion, la Vierge pouvait fort bien réciter des versets de psaumes
et, après l'Incarnation du tils de Dieu, les paroles mêmes de Tange, qui
lui rappelaient ce mémorable mystère. Les évangiles apocryphes disent
que Marie travaillait lors de la visite de Gabriel : lo mosaïste des saints
Nérée et Achillée, à Rome, a adopté, au i\° siècle, cette opinion et a en
conséquence placé des fuseaux entre ses doigts. Le sculpteur de Reims,
au contraire, et avec lui l'art presque tout entier du moyen-âge, s'est
conformé, en mettant un livre aux mains de la Vierge, à l'opinion suivie
U Loreite. Dans la Santa Casa, Ton montre la fenêtre par laquelle l'ange
entra et l'endroit où Marie était agenouillée en prière.
(1) a Rosariu*Y) ab ipsa beaiissima Virgine Maria potuisse recitari...... ulte-
rius eadem beaiissima Virgo Maria salulalionem angelicam recltare potuerit
ad revetandum mysterium exsalutalione peractum. b {AnaL fur, pont., t. IV,
col. 1388).
(2) En 1863, j'ai vu, au musée de Limoges (où je ne l'ai pas retrouve
celte année), un chapelet musulman, dont les grains noirs, faits avec des
algues de la mer Rouge, sont enBIés dans un cordon blanc. Ces grains sont
au nombre de dix-neuf. Le chapelet se termine par une pendeloque.
(3) «Je m'étonne que les Grecs d'Athènes aient conservé le chapelet turc :
ce sont des crains enfilés dans un cordon de soie, que les doigts remuent
LB CHAPELET A LIMOGES DU XV' AU XVlll* S'ÈCLR. 99
inventé, mais le trouvant établi ils Tont gardé en môme temps que
le culte de la Vierge, traitée avec le plus profond respect par leur
code religieux.
La jeuoe fille qui suit Marie a un livre sous le bras et un cha-
pelet à la main. Ce chapelet est rond et à grains blancs, en cou-
ronne, corona^ comme disent les Italiens (i). Les grains sont blancs,
d'ordre inférieur relativement à Marie dont le chapelet est d'or;
mais ils sont accompagnés, en manière de terminaison, par une
petite pièce d'orfèvrerie, espèce de médaillon que les inventaires
appellent ;oj(au, en raison de sa valeur matérielle et artistique.
Il n'est pas malaisé de deviner ce que signifient ces deux cha-
pelets. Les deux saintes femmes ont prié pendant tout le temps du
voyage à travers les montagnes : Marie, pour saluer sa cousine, a
interrompu sa prière et accroché son chapelet à sa ceinture; mais
la suivante a continué la sienne, parce qu'elle ne prend part que
comme accessoire à la scène de la Visitation. L'idée est vraiment
touchante et plaît par sa naïveté.
II.
Voilà un premier fait en faveur de la dévotion au chapelet à
1 jmoges, à une date ancienne. Il en est un second, à peu près du
même temps, qui a dû aider singulièrement à sa propagation. Le
catalogue inscrit, dans la seclion de la librairie locale, n"" 211, un
perpéinellement depuis le malin jusqu*au soir, dans la maison ei dans les
roes. Il me semble que c'esl porle." à la main un brevet d'insouciance
el de paresse. Au moins les Turcs répètent quelques versets du Coran
sur leur chapelet, comme sur le nôtre on récite des Aoe Maria; mais
remuer cet ignoble jouet pourse donner une attitude dans la rue, c'est par
trop puéril. »(Michoi«, Voyage religieux en Orientai. 1, p. 188).
{•) Le terme couronne est le plus ancien, pqisqu'il figure dans lïns-
criplioo de Sainte-Marie in Campltelli, dès 1217, c'est-à-dire un an avant
que Saint-Dominique instituât, dans l'église de Sainte-Sabine, en présence
et avec rassenlimeni d*Honorius 111, la confrérie du Rosaire. Les Italiens
ont gardé Texpression primitive et ils disent encore corona, comme au
XIII* siècle, et ceux qui fabriquent ou vendent les chapelets sont en consé-
quence appelés coronari. Ils avaient même autrefois une rue spécialement
affectée à ce genre de commerce et ils lui avaient transmis la dénomina-
tion que motivait leur industrie : Via dei Coronari.
« Le langage vulgaire a donné le nom de couronne à cette manière de
prier, parce qu'elle rappelle, en les réunissant par les plus heureux liens,
les grands mystères de Jésus et de Marie, leurs joies, leurs douleurs et
leurs triomphes » {Encijcllq, de Léon XIII sur le Rosaire, 1891).
100 SOCIÉTÉ ARCRÉOLOGÎQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Ordinaire de méditations, « indispensable aux personnes pieuses » et
ira primé à Limoges, par Claude Garnier, Tan 1528. Son litre est :
Ordinarium devotarum nieditationum, devotis ac quibuscutnqne
personis quam maxime necessarium A la fin, on lit : Impressum
Lemovicis per Claudium GamieTy commorantem ante divi Sancti
Martialis monasterium. 1528.
Ce petit volume, qui appartient au Séminaire de Limoges, contient
deux longues formules pour la récitation du chapelet médité. Ce cha-
pelet est de cinq dizaines. Il débute par le Credo, le Pater ei VAve.
Chaque dizaine comprend dix Ave, précédés chacun d*un quatrain
en vers latins (1), où est successivement passée en revue toute la
vie du Christ; c'est ce qu'on nomme les mystères, depuis que
saint Dominique, en instituant le Rosaire, a augmenté le chapelet
de ces considérations, vulgarisées sous les dénominations de mys-
tères joyeux, douloureux ei glorieux. Les dizaines sont entrecou-
pées, non par des Pater simplement comme de nos jours, mais par
la répétition, ainsi qu'au début, du Pater, de VAve et du Credo,
M. Louis Guibert a eu l'obligeance de me copier ces formules
de méditations, qui doivent trouver place ici malgré leur longueur.
Je rétablis les vers, que l'imprimé gothique ne distingue pas, tout
en respectant l'orthographe, mais non la ponctuation qui ne ferait
qu'embarrasser la lecture.
LnGIPIT ROSARIUM VuiGliNIS MaRIE.
Et primo dicatur Credo, Pater Noster, Ave Maria et simili ter post
decem Ave Maria, semper usque ad finem.
Suscipe rosarium, Quo impregnata, citius
Virgo, dcauralum, Gognatam visitasti
Jesu per compendinm Johannemque celerius
Vita decoratum. In ventre f;anctificasti .
Aoe Maria, Aoe Maria,
Quem Virgo, carens viclo, Quem civitate Bethléem
De Flamine concepisli, Letanda genuisli
Dum Gabrieli nuntio Ncque dolorem aliqucm
Humilime conscnsisti, Gignendo pcrlulisti.
Aoe Maria. Aoe Maria,
(1) Ces méditations en forme d'hymnes me font présumer que le chapelet
se chantait. Le rythme est précisément celui qui revient le plus fréquem-
ment dans la liturgie; il était donc facile de lui adapter un air connu.
Le chapelet se chante encore dans l'ilalie méridionale, entre autres à
la cathédrale de Bénévent, rite solennel que je me permets de recomman-
der à MM, les curés pour faire diversion à une récitation monotone.
LE CHAPKLET A LIMOGES l»U XV« AU XVIllO SIÈCLE.
101
Qucm, régis David génère
Mox natum, adoras ti
Ac vagienlem ubere
Virgîneo lactasli(l)
Aoe Maria.
Quein,pannis, fasciis
Constrictum, reclinasti
Et suis obsequiis
Te tolam mancipasti.
Aoe Maria.
Quem magno cum Irepudio
Angcli laudavcrunt
Pacemquc c.um gaudio
In terris cecinerunt.
Ave Maria.
Qaem paslorem omnium
Pasiores cognoverunt,
Dnm in presepe Dominum
Jacentem invenerunl.
Arc Maria.
Qui, juxta ritum hominis,
Passus circumcisionem,
Dulcis Jésus Nominis
Cepit imposilionem.
Aoe Maria.
Qui a tribus regibus
Ferventer adoratur
Bfagnisque muneribus
Decenter veneraiur.
Pater noster, Aoe Maria^
Credo in Deum.
Quem die quadragesima
In templo presenlasti
Ac Moysi légitima
Spontanée subiisti.
Aoe Maria.
Quem Herodem fugiens
Egipto adduxisti,
Tandem inde rediens
Ad Nazarelh venisti.
Aoe Maria.
Quem ad feslum Iransicns,
Dolenler perdidisti,
Scd mox templum adiens,
Gaudenter reperisti .
Aoe Maria.
Quem, manuum per opéra,
Sollicite nutrisli»
Et in etate tencra
In omnibus providisti.
A oe Maria,
Quem Jordanis flumine
Johannes baptizavil,
El agnoscens nomine,
Digilo monstravit.
Aoe Maria.
Quem Sathanas astuciis
Trifarie templavit,
Salvatorem versuciis
Prudenter obviavit.
Aoe Maria.
Qui, tuo pro oraculo,
Aquam in vinum mutavil.
In quo 8U0 miraculo
Discipulos confirmavic.
Aoe Maria.
Qui obsessos plurimos
Dcmonibus salvavit,
Ac infirmos variis (2)
Languoribus curavil.
Aoe Maria.
Qui Lazarum cum fîlio
Vidue suscitavit,
Puellam cum prodigo (aie)
Ad vitam revocavit.
Aoe Maria.
Qui cum pecatoribus
Fréquenter manducavit
Hiisque penitentibus
Peccala relaxavit.
Pater Noster. Aoe Maria* Credo
in Deum.
(i) L'adoration du nouveau-né commence avec le xv« siècle. Tallaitc-
ment se constate dès le siècle précédent et môme plus anciennement.
(2) Sic pour Ac oariis infirmas.
T. xixix. 7
fOl
S0€i6tB ARGBfiOLOeiQOK VT BISTORIQUI DU LIMOUSIK.
Cuius pedes laenmîs
Peccalrix irrigavit
Dolensqae ex ialimis
Veniam impetravîL
Ave Maria.
la monte Thabor dcforis
Qui transfiguratur
Et gloriosi corporis
Maiestas declaratur.
Aoe Maria.
Gum palmis celeriter
(1) ... quem dixeronl
Yespere sed tarpiter
Vacuum dimiserunt.
Aoe Maria,
Id cena qui novissima
Pedes suorum lavit
Escaque nobilissima
Cum sanguine cibavil.
Ave Maria.
In orto mente anxia
Prolixe qui oravil
El aquam pre trisiilia
Cum sanguine sudavil.
Aoe Maria.
Quem viri maieficî
Crudeliter vinxerunl
Anneque pontifici
Ligalum adduxerunt.
Ave Maria.
Vultum cujns turpibus
Spulis macuiabant
El pugnorum ictibus
Dire verbcrabant.
Aoe Maria,
Quem Pilati sedibus
Damnandum prescntabant
Atque falsis testibus
Dolose accusabant.
Aoe Maria,
À Judeis exhibitum
Herodes quem immisit,
Sed per despeclum habilum
Ut fatuum remisil.
Aoe Maria,
Quem indutum purpura,
Coiumne ailîgatum,
Corona pungit spinea,
Flagcilis verbe ra tu m.
P€Uer Noster. Ave Maria Credo
in Deum,
Quem confossum vulncribus
Milites subsannaverunt
Ac : Crucifige ! vocibus
Conclamaverunt.
Ave Maria.
Ut reum quem sceleris
Pilatus condemnavit
Crucis iignum humerts
Propriis baiulavit.
Ave Maria,
CaWarie quem vestibus
Loco cnierant,
El manibus cum pedibus
Cruci affixerunL
Ave Maria.
Pro suis lorloribus
Attente hic precatur,
Dum crucis doloribus
Extensus tenebatur.
Ave Maria,
Qui latroni omnia
Criminn dimisil
Ac paradisi gaudia
Illico promisit.
Ave Maria.
Qui Johanni discipulo
Te matrem commcndavit,
Quem tibi, in patibulo.
In Glium donavit.
Ave Maria,
Qui se relictum omnibus
Discipulis querebatur,
Inimicorum vocibus
Turpiter blasphematur.
Aoe Maria.
Cuiy dum, exhauslis viribus,
Sitio! cantavit,
Fei et acelum faucibus
Miles propinavit.
Ave Maria.
(1} Il y ft ici viiiblement un mot sauté, peut-être regem.
T.B CHAPKLKT A LIMOGES DU XV« AU XVVl" SIÈCLK.
10.*)
Qui prophetarum édita
Gonsummans passionc,
Primi parenlis débita
Persolvil ratione.
Aoe Maria,
In maDas Patris tradidit
Spiritom preciosum,
A)U voce dam edidit
Caniicum dulcorosum.
Paier noster. Aoe Maria,
Credo if\ Deum,
Cruels mortem subjiclcns,
In pace obdormivit,
Electos eripiens
in eternum iolroTrit.
Aoe Maria,
Salelles lalus Doinini
Lancea perfora vit
Hinc aqua juncto sanguine {sic]
Habunde emanavit.
Aoe Maria.
Gujus corpus sanclissimum
Decruce receperunt
Et sepdchrum roundissimum
Eidem aptaverunt.
Aoe Maria,
Qui virtttle propria
A morte resurrexit,
Teque a Iristilia
Discipulosque erexit.
Aoe Maria.
Super celorum sidéra
Ascendit virtuose
Atquc in Patris dcxlera
Rcsidet gloriose.
Aoe Maria,
Qui te super cthcra
Polenter exallavit
Et in sua dextera
becenter collocavit.
Aoe Maria,
Propter mundi scelera
Qui judcx est venturus,
Singulorum opéra
Strenue discussurus.
Aoe Maria.
Diraque supplicia
Est reprobis daturus,
Sed electis gaudla
Eterna coUocaturus.
Aoe Maria,
Oranlibus rosarium
Aureum tue matris,
Jesu Xriste, propilium
Fac vultum tui Pairis.
Amen, Pater noster, Aoe Maria,
Credo in Deum,
f. In omni tribulationc et angustia
nostra.
4. Succurre nobls, beatissima Mater
Maria !
Oratio, — Interveniat pro nobis,
quesumus, Domine Jhesu, nunc et in
bora mortis noslre, apud luam cle-
mentiam gloriosa Vlrgo Maria, mater
tua, cujus sacraiissimam animam in
bora passionis, etc.
Oratio. — Sanctlssima et incontaminata Virgo Maria, deprecor te per
iliod donum charitalis quo te Deus, etcrni Patris filius, pre omnibus dita-
tavit mulieribus, quod me, famulum tuum, N..., vigilantem, dormienlem,
die noctuquc piis precibus tuis defendcrp et liberare digncris a subilanca
et improvisa morte, ab infcstalione et illusione dyabolica, atque in hora
cxitus mci, ab eterna damnatione. El si, caslissima virgo, in aliquo de-
licto sivc veniali peccato filium tuum unquam offendi vel commisi («îc),
auxlliare mihi, quum cum taii penitenlia possum eum quercre ut mcrear
tandem sacrum ejus suscipere atque in regno celorum, electis ej us sociari.
Qui vivis et régnas, Deus, per omnia secula seculorum. Amen,
ioi
SOCIÉTÉ ARCBÉOLOGIQUB ET HISTORIQUE DU LtMOUSI!!.
Sequilur aliud rosarium Virginis Marie : polest dici modo istud, modo
aliud.
Preambulum
Vir bonus, eximiam Yementes rosas
Solitus salutare Mariam, Redolentes et spctiosas,
Quinquagcsiesavcdiûcbatregineceli. PerHcientes sertum
Non desinit servo fideli. Nimis odore refcrtum.
Virgineo more In caput hoc geslans,
Cujus suscepit ab orc. Scandit super elhcra rcgnans.
Inde cepit ortum sertum, nunc naufrago portus [sic).
Post dicat. — Pater Noster. Ave Maria. Credo.
OrcUio, — Suscipe, benignissima, dulcissima atque gloriosissima Virgo
Maria, a me indigno peccatore iliud suave, iocundum et salulifcrum verbum
quod tibi a Domino per Gabrieiem archangelum transmissum est.
Primus articulas,
Gaudc, Virgo, jure matris,
Uue splendorem Dei Patris
Goncepisli celitus.
Ave Maria,
Que Jobannem illustrasli
Ut cognatam visilasti,
Donis Sancti Spiritus.
Aoe Maria,
Quem gestans sine tedio,
Ënixa es cum gaudio,
0 Virgo singularis.
Aoe Maria.
Verbum Patris carnem factum
Ex tuo lacle pastum
Ul Dcum veneraris.
Aoe Maria.
Quem mox pannis involvisti,
In presepe posuisli ;
Nec dura reprobavit.
Aoe Maria.
Quem celorum exercilus
Glorificat, et Angélus
Tune natum nunciavit.
Aoe Maria.
Quem paslores quesierunt,
Bethléem hune invenerunt
Flentem in presepio.
Aoe Maria.
Qui carne circunciditur,
Tlli nomen imponitur
Die Icsus octavo.
Aoe Maria.
Quem très magi adoraverunt
Verum Deum declararunt
Mislicis muneribus.
Aoe Maria,
De quo Simeon letatur
Dum in templo presentatar
Tuis sanctis manibus.
Pater Noster. Aoe Maria, Credo,
Secundus articulus.
Cum quo merens aufugisti
In Egiplum, et redisti,
Montta ab angelo.
Aoe Maria.
Quem non sponte perdidisti,
Post très dies invenisti
Hierusalem in templo.
Aoe Maria,
Quique malrem consolatur
Quando pie querulatur,
Exhibons sese subditum.
Aoe Maria.
Hic est tuus commensalis,
Quem terdenis annis alis
De labore manuum.
Aoe Maria.
LE CHAPKLET A LIMOGES DU XV« AU XVUI« SIÈCLE.
10»
Quem Johannes baptizavit
In Jordane, sed expavit,
StapcQsde miraculo.
Aoe Maria,
Quem mox démon ter tentavit.
In deserto Salhan slaluit
Monte et pinaculo.
Aoe Maria,
Nuptiis congratulatur,
Fons in vinum transmutatur
Prêter rerum ordinem.
Aœ Maria,
Cum immundo predicavit,
Multos languidos curavit,
Pavit multiludinem.
Aoe Maria.
Lazanim flens suscitavit,
Omnem mortem effugavit
Corporis et anime.
Ave Maria,
Cujns pedes Magdalena
Abluil, ardore plena :
Munda sit a crimine !
Aoe Maria.
In Thabor monlis vertice,
Splendet ut sol mirifice
Corn nimiocandore.
Aoe Maria, Pater Noster.
Aoe Maria. Credo.
Tertius articulas.
Cai tnrbc ludeorum
Salvatori populorum
Occurrunt cum honore.
Aoe Maria,
Corpus suum salulare
Dans et sanguinem gustarc
Se nobis commendavit.
Aoe Maria.
Ex honore et pavorc
Immineniis roortis bore
Ta ne sanguinem su«Javit.
Aoe Maria,
Quem ludei et gens ausa,
Ut lalronem, sine causa
Vinclis stringunt fortiter.
Aoe Maria.
Anne, Gaypbe delatus
Et ad mortem accusât us,
ludicatur turpiter.
Aoe Maria,
Gujus vuUum speciosum
Et aspectum graciosum
Velabant conspuentes.
Aoe Maria.
Quem maliciose Icdunt,
Golaphis et palmis cedunt,
Ac piios evellenles.
Aoe Maria.
Purpura et alba veste
Slat illusus inhoneste :
Pellitur e limine.
Aoe Maria.
Qui columne alligalur,
Innocenter flageilatur,
Tolus rubet sanguine.
Aoe Maria.
Dire spinis coronalur,
Genu ûexo salutalur,
Gesus est arundine.
Aoe Maria,
Quem gens sua reprobavit,
Hune Pilatus condcmnavii
Absque legis ordine.
Aoe Maria. Pater Noster,
Maria. Credo ,
Quart us articulus.
Gum scelcslis dcpulalus,
Crucem portât incurvatus :
Slcrnitur sub pondère.
Aoe Maria.
Pius scxtus (I) lacrimatiir:
Mei causa conleslaliis(stc}.
Flelum noli fundore.
Aoe Maria.
Aoe
{D Scxas.
lOG
SOCIÉTÉ ARCUÉOLOGIQUE El filSTORIQDE DU LIMOUSIN.
Quem nudatum crucifigunt;
Sacrum corpus sic affligunt
Tensum crudelissine.
Aoe Maria,
Cujus arlus el junclure
Disrumpuntur : vis nature
Dolet amarissime.
Aoe Maria,
Huic dolori addiderunl;
Vach ! ludei clamaveruot,
Vexantes blasphemiis.
Ave Maria.
Pro his Palrem rogai mère
Qui eum crucifixere :
Parce, inquit, nesciis!
Aoe Maria,
Ipse peudens cum latrone,
Amen ! dixit in agone :
Mecum eris cilius.
Aoe Maria.
De (1] lohanni commendavit;
Illum tibi adoptavit
Ut sit tuus filius.
Aoe Maria,
Gemens spirat, et post pauca :
Hely ! clamât voce rauca ;
Est vox isla flebilis.
Aoe Maria.
Fel, acelum et mirrhatum
Vinum gustat sibi datum,
Siticns et dcbilis.
Aoe Maria.
Filius intacte matris
Tune in manu Dei Patris
Commendavit spiritum.
Aoe Maria. Pater Noater, A
Maria, Credç.
Quintuê articulas.
Consummatum exclamavii,
Lachrimando expiravit,
Matris solvit debitum.
Aoe Maria.
Ecce agnus immolatur,
Tanquam reus morti datur,
Reos solvens crimine.
Aoe Maria.
Cujus laïus perforavit
Miles, hastam cum vibravil,
Fluxit unda, sanguine.
Aoe Maria.
Terra tremuit, sol expavit :
Heu I cor meum obduravit,
Adamanie durius.
Aoe Maria.
Virgo, trita margarila,
Utinam me pungat ila
Tui cordis gladius.
Aoe Maria.
Quem de cruce déponentes,
Viri iusti, tecum flenies,
Tibi daot mestissime.
Aoe Maria.
Quem In novo monumenlo,
Precîoso cum pigmento,
Condunl honestissime,
Aoe Maria.
Limbumpatrum penetravil,
Consolatur quos amavii,
Vinctos inde libérât.
Aoe Maria.
Post hec surgens in triduo,
Immense fulgens gaudio,
Valde te letiticai.
Aoe Maria.
Rapit nubes hune repente;
De Celum scandit, te videnie,
In virtute propria.
Aoe Maria.
Inde misit quem promisit,
Pneuma sacrum quod immisit,
Pau pe ru m precordia.
Aoe Maria.
{^) Te.
LE CHAPELET A LIMOGES DU XV« AU XVIII® SIÈCLE. 107
Super elhera elevans -t. Ora pro nobis, Sancla Deî genitrix.
El in dexlra le collocaos, i^. Ul digni efticiamup, elc.
AdfocaUm conslUuit. Oratlo. — Deus, qui nobîs vilam
Aoe Mctria, unigenili lui Domini nostri lesu Xrisii
Que celi scandis verliccm, ^^ gloriose virginis Marie, matris eius,
Placalum Dobis Invicem (4) sedula devolione ia rosario recensere
Reddas ac propicium. concedis, presia nobis, quesumus, ut
Aoe Maria. eorum pie conversaltonis sequamur
exempla, amborumque suffraganlibus
AntipAoaa. — Laos, gratiaruinaciiOj„griiis, et vilam nostram emendemus,
Su Marie cum Filio ^^ e^érne beaiiiudinis premia, te do-
Nuncelinperpetuum.njnte, consequamur. Per eumdein
Amen. Xrislum Dominum nosirum.
t< Ostende nobis^ Domine, etc. Amen.
III
Le xvu* siècle est largement représenté, à la fois par des imita-
tions de chapelets et des chapelets en nature.
Quatre chapelets sont figurés sur des émaux peints, comme
attribut spécial de saint Antoine, de saint François d'Assise, de
saint Ignace de Loyola et d'une veuve.
l.Le chapelet, à partir du xv" siècle, compte parmi les attributs de
saint Antoine le Grand, abbé en Thébaïde : il le tient à la main ou
à la ceinture. Ce n*est pas un anachronisme, car on sait par This-
toire que telle fut la prière ordinaire des pères du désert, pas sous
cette forme peut-être, mais au moins d'une façon analogue (2).
(1) Judicem.
(9) De la Vierge, le chapelet s*cst transmis aux apôtres et le plus ar-
dent à le propager fut saint Barthélémy. Voici ce qu'en dit le bienheureux
Alain de La Roche, dans son Psautier du Christ et de Marie : u Sanclus
Barlholomaeus apostolus quoque eam, hoc est Angelicam salutationem et
die centies et centies nocle fréquentasse proditur cum tolidem adgenicu-
lationibus. Quo in numéro quater insunt quinquagenae, quarum très sic
oratse psalterium Christi Jésus conslituunt, ex centum quinquaginta Domi-
nicis oralionibus conslans : siculi illud ex tolidem Angclicis salu lationibus
dictis Marias efficit psalterium. Quarlam vero quinquagenam adjccit apos-
tolus ob devolionis causam, ipsi Deoque notam. Inde Ecclesia, seu con-
gregatio christifidelium, ciipiens imilari exemplum orandi synagogae, ad
modum psalterii Davidici, quod centum quinquaginta psalmis complclur,
eumdem ad numerum tolidem oraliones Dominicas et Ângellcas saluta-
tiones junclim suis in comprccationibus usurpavil » (Bcncdict. XIV, ap.
Anal, fur, pont., t. IV, col. 4389).
Au IV® siècle, Tusage du chapelet est IM d'une manière înconlcstable
f08 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET BISTORIQUE PO LIMOUSIN.
Sur l'émail de TËxposilion, le chapelet est passé à la ceinture, ses
grains sont gris et, à la suite de la couronne, pendent trois grains
et une croix à branches égales. Voici donc le troisième mode de
terminaison : nous avions vu précédemment la houppe et le joyau,
2. Saint François d'Assise a4-il dit le chapelet? C'est possible,
mais rien ne le prouve; en tout cas, il ne l'a pas imposé à son
ordre. Le chapelet qui porte son nom est faux et a été condamné
par Rome (1). Je ne le trouve pas avant le xvi* siècle comme partie
intégrante du costume franciscain. Attribuer le chapelet à saint
François est une erreur archéologique et iconographique. Jacques I
Laudin (1627-1695), en le lui mettant au côté droit, n'a pas cher-
ché ailleurs son modèle que sur les franciscains qu'il avait sous
les yeux, mais il l'a singulièrement embelli en faisant ses grains
d'or, ce qui est absolument contraire au vœu de pauvreté et à la
pratique universelle de l'ordre.
3. Les Jésuites ont, dès l'origine, adopté le chapelet que, dans
toute rilalie, ils portent ostensiblement au côté : c'est un accessoire
par l*historien ecclésiastique Sozomène, qui en indique également la
forme. Quand saint Paul, premier ermite, voulait prier, il prenait autant
de petits cailloux qu'il avait d'oraisons à réciter et il les rejetait au fur et
à mesure qu'il avait terminé Toraison. Oi) remarquera le nombre de trois
cents, qui est juste le double du nombre des psaumes de David et des
oraisons établies par saint Barthélémy, ce qui équivaut à dire que saint
Paul récitait son chapelet deux fois par jour. « Orationi tantum vacabal,
trecentas orationes velut tributum quoddam quotidie persolvens Deo. Ac
ne forte aberraret ab iategro numéro, trecentis lapidibus in sinum suum
congestis, ad singulas precationes singulos projiciebat lapides. Assump-
tis itaque lapillis, planum fîebat orationes numéro lapillorum aequales jam
compte visse ».
Percez ces cailloux, eniilez-les et le chapelet, celui que nous avons, est
définitivement constitué-
Quelque simple que fût ce système, il a fallu encore que plusieurs siè-
cles s'écoulassent avant son invention et établissement défiuiiif. Au rapport
de Polydore Virgile, appuyé par le témoignage non suspect du domini-
cain Fernandez, Pierre l'Ermite l'aurait trouvé en 4090, à l'époque de la
première Croisade : a Modum orandi pcr calcules quinquagiuta quinquc
ita ordine dislinctos, ut post dcnos singuli majusculi affigantur filo et
quoi hi suni loties Dominicam prccem, quoi illi loties angelicam salula-
tionem, ter numerum ineundo recitant, terque symbolum brevius insé-
rant, quod Deiparae Virginis psalterium nuncupant invenil » (Benedicl.
XIV, ap. Anal, fur. pont,, col. 1391).
(I) Dknrdict. XIV, ap. AnaL jur, pont.^ t. IV, col. 4393. La condam-
nation émane d'Alexandre VII i,V. le Bull, rom , l. Vi, n° 149).
LK CHAPEt.F.T A L1U0GKS DU XV<^ AU XVIll^ SIÈCLE 109
du costume. Pourquoi n'en est-il pas de même en France? Jac-
ques II Laudin (1663-1729) n'a pas oublié celte caractéristique sur *
son bel émail de saint Ignace de Loyola et là nous constatons une
quatrième terminaison, qui est la croix combinée avec le joyau. En
effet, après la couronne vient une croix, puis un médaillon qu'or-
nent quatre perles, qui sont peut-être simplement les saillies glo-
bulées de la monture. Le médaillon est bien petit pour qu'on puisse
en déterminer la matière et l'objet : je crois volontiers à une mé-
daille, usage qui s'est maintenu aux chapelets de Rome, où la
croix terminale est beaucoup moins usitée. Cette médaille, suivant
les analogues, est frappée, d'un côté, à l'effigie de la mère, puis-
que le chapelet lui est dédié [Rosarium Virginis, dit l'Ordinaire
limousin) et de l'autre, à celle de son divin fils, que la même dé-
votion lui associe par la récitation du Pater. J'aimerais voir revi-
vre en France cette pieuse coutume, dont le symbolisme est si
expressif.
4. Jja veuve, peinte par Jacques I Laudin, a les larmes aux yeux.
Elle pleure un époux chéri. Voilée de son manteau noir, les mains
gantées de noir, elle égrène un chapelet, priant pour celui qui
n'est plus et cherchant, dans un souvenir affectueux, à faire du
bien à l'àme qu'elle voudrait soulager, au cas où elle souffrirait dans
les flammes expiatrices du purgatoire. Touchante expression de
l'amour vraiment chrétien qui survit à la tombe ! Ce chapelet a des
grains d'or : on tenait apparemment, en Limousin, au Rosarium
aureum dont parle l'Ordinaire de 1523, et Ton traduisait littérale-
ment une épithète qu'il n'avait employée qu'au figuré. La forme
est celle de la couronne, sans l'addition habituelle d'un prolonge-
ment i*Ave Maria. La croix est fixée directement à la corde-
lière du chapelet, car tous les anciens chapelets sont enfilés.
IV
Passons maintenant aux chapelets eux-mêmes. J'en ai eu six
entre les mains. Quelques-uns sont décrits dans le catalogue de
l'Exposition, section de l'orfèvrerie, aux n*"* 121 et suivants, sous le
litre de Chapelets de pénitents. M. Louis Guiberl, dans une excel-
lente brochure intitulée : Les confréries de pénitents en France et
notamment dans le diocèse de Limoges, nous donne ce précieux ren-
seignement : « Le costume des confrères de Limoges était analogue
à celui de toutes les autres compagnies du même genre ; seulement,
au lieu de porter le capuchon généralement adopté, ils avaient un
chapeau pointu, en forme de cornet, d'environ deux pieds de haut,
\\0 SOCIÉTÉ AHCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
d'où tombait un voile couvrant le visage. Us portaient à la ceinture
un chapelet sam pompe ni superfltUtez. Cette recommandation, bien
qu'on la trouve reproduite dans le règlement de plusieurs de ces
associations, ne fut pas longtemps observée. Dès le xvii* siècle, les
pénitents ornaient leurs chapelets de médailles et de médaillons
émaillés à double face. Il y avait souvent une douzaine de ces mé-
daillons attachés à un seul chapelet, les membres de la confrérie
des pénitents pourpres surtout se faisaient remarquer par une
véritable profusionde ces ornements. On trouvait encore à Limo-
ges un grand nombre de ces chapelets, au commencement de ce
siècle : l'abbé Texier, Essai historique et descriptif sur les émail-
leurs et argentiers de Limoges, avertissement » (p. 103) (1).
Dans ces chapelets, plusieurs choses sont dignes d'observation :
La suspension à la ceinture à Taide d'un anneau (2), le nombre des
dizaines, la monture, la matière des grains, les médailles d'argent
ou d'émail, les têtes d'ivoire, les figures de métal, le mode de termi-
naison, les enseignes de pèlerinage et les souvenirs de famille. Je
dirai de chacune d'elles un mot d'explication à l'occasion.
1. Le chapelet (n* 121, page 44), qui appartient à M. Marcel Ray-
mond, à Châteauneuf (Haute- Vienne), comprend six dizaines. Les
grains sont en nacre, serrés les uns contre les autres, avec les
Pater en argent travaillé à côtes (3), pour employer Fexpression
des inventaires. Le crucifix qui le termine est en argent. Immédia-
tement après vient une double tête d'ivoire, opposant une sainte Face
à un crâne grimaçant. La prose du jour de Pâques en explique le
symbolisme en mentionnant le combat qui s'est livré entre la vie
et la mort et le triomphe glorieux du Christ ressuscité :
Mors et vita duello conilixere mirando,
Dux vitœ mortuus regoat vivus.
Les petits, émaux ronds, que l'on voit en si grande quantité à
l'Exposition, mais détachés des chapelets pour lesquels ils avaient
été faits, sont représentés par deux médaillons, de style médiocre,
(1) L'abbé Texier, dans son Dictionnaire d'orféorerie^ n'a.qu'unc co-
lonne sur le chapelel : ce n'est vraiment pas assez, comme on peut en
jager par ce mémoire. J'y relève ce passage succinct : a 11 y a quelques
années, les chapelets des pénitents de Limoges avaient une grande ma-
gnificence. Les médaillons ronds, où, dans une monture d'argent, s'op-
posaient de manière à faie face*deux émaux représentant des saints, y
élaienl 1res nombreux » (col. 361).
(2) L'anneau prenait le chapelet par le milieu, en sorte que la croix
terminale pendait en bas.
(3) Voir le mot costé dans le Glossaire archéologique de Victor Gay.
LK COAPKLRT A LIMOGES DU X\<> AU XVlIl" SIÈCLe. \\\
OÙ saint Jean-Baptiste est associé à la Madeleine et les cinq plaies
au Sacré Cœur. Il y a là éviderament un souvenir des dévotions
locales. Le précurseur avait donné son nom à la confrérie des
Pénitents blancs, dite de saint Jean-Baptiste, érigée à Limoges, en
1604, dans Téglise de Saint-Julien (Guibert, p. 117 et suivantes).
« La confrérie des Pénitents feuille-morte », « sous l'invocation de
sainte Marie-Madeleine », remontait à Tan 1619 (p. 122). »
Les cinq plaies, comme on le faisait alors, sont figurées par la
marque saignante des clous aux mains et aux pfeds ; au centre ap-
paraît un cœur enflammé, cerné d'une couronne d'épines, parce
que la lance de Longin l'atteignit lorsqu'il perça le côté. « Les sta-
tuts des Pénitens pourpres, arrêtés en assemblée générale dans
l'église de Saint-Cessateur, le 20 janvier 1662 », prescrivaient, « cha-
que soir », la récitation de cinq Pater et cinq Ave, en souvenir des
cinq plaies de Jésus-Christ » (Guïbert, p. 134).
Le Sacré Cœur, entouré de roses, indique une dévotion naissante
dans l'Église (1) : les roses lui conviennent, parce que cette fleur
a toujours été considérée comme l'emblème de l'amour. Or, saint
Jean avait dit dans une de ses épitres (I Ep., iv, 8, 9) : « Deus
charitas est », « charitas ex Deo est ». La charité, qui se manifeste
chez les Pénitents par les œuvres de miséricorde, est donc toute
céleste.
Je compte à ce chapelet un buste de saint Léonard et cinq mé-
dailles, le tout en argent. L'influence des Jésuites, qui célébrèrent
de grandes fêles à Limoges pour exalter leur canonisation, justifie
la présence de saint Ignace de Loyola et de saint François Xavier (2),
tant de fois représentés alors en petits tableaux d'émail que la dé-
votion accrochait au mur de la chambre à coucher, près du lit :
ces peintures vitrifiées ne sont pas rares à l'Exposition.
Faute d'attributs, je n'ose désigner deux personnages, que je me
contenterai de qualifier saint et sainte.
Saint Pierre et saint Paul, répétés deux fois, font songer à un
pèlerinage aux tombeaux des saints apôtres, dans leurs basiliques
respectives de Rome, surtout à Tépoque d'un jubilé, en 1650 peut-
être. Quant à la provenance du médaillon filigrane, je n'ai aucun
doute à son égard. Il provient incontestablement de la ville éter-
nelle, ou ce genre de travail, fin et élégant, jouissait alors d'une
grande vogue, justement méritée. D'un côté est effigie le Christ, en
(1) Je signale à ce propos une toile intéressante dans l'église de $ainl-
Michel, à Limoges.
(2) Ils furent canonisés le même jour par Grégoire XV, en .1022 [Délia
canonisât, dei eanti^ p. 67).
1 1 4 SOCIÉTÉ ABCBÉ0L061QUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
et, au revers, ces raômes cœurs, encore enflammés el percés de la
flèche de l'amour : {Un mé) ME TRA.IT LES BLESSE. Ce médaillon
est assurément bien profane pour un chapelet. Cependant, il peut
avoir sa raison d'être et je crois pouvoir Tinlerpréter ainsi : la devise
amoureuse ayant été peinte à l'occasion d'un mariage, le bijou fut
déposé dans la corbeille de noces, puis suspendu dans la chambre
nuptiale. Survint inopinément la mort de l'épouse et l'époux affligé,
aûn de penser plus souvent devant Dieu à celle dont il était séparé
momentanément, attacha le joyau sentimental à son chapelet de
pénitent. Dans ces conditions franchement chrétiennes, quoique
sous un aspect léger, nous avons là le digne pendant de la veuve
au chapelet. Je préfère toutefois la belle inscription par laquelle la
marquise de Vaubrun, au château de Serrant (Maine-et-Loire), en
4748, consolait sa douleur : Tôt spes, immatura morte prœreptaSy
una spe solans communis œternitatis.
4. Le chapelet de M. Arthur Parant, à Limoges (n* 423, p. 44), ne
compte que cinq dizaines, ce qui est sa forme ordinaire, les cha-
pelels de six dizaines étant faits en vue de recevoir les indulgences
spéciales, dites de sain te Brigitte. Les grains sont en argent, en argent
tordu et plus gros pour les Pater. A la croix qui le termine sont
suspendues deux médailles de Saint-Martial et un médaillon dont le
treillis à jour laissait voir les reliques qu'il contenait.
Les médailles qui sont attachées en divers endroits du chapelet
représentent: saint François-d' Assise et saint Antoine-de-Padoue,
le Saint-Sacrement et Notre-Dame-de-Liesse, Notre-Dame-du-
Pilier, à Saragosse et Saint-Michel, le Christ et la Vierge en buste,
sainte Anne et le Saint-Suaire de Besançon montré parun évoque (4),
saint Dominique et Nolre-Dame-du-Rosaire entourée d'un chapelet,
plus les deux statuettes de Saint-Martial et de Saint-Léonard.
Ces dernières ont pour objectif une double dévotion diocésaine.
Comme sur tous les monuments du moyen-âge, le premier évéque
de Limoges tient en main une croix de procession, au lieu de la
crosse, parce qu'il évangélisa l'Aquitaine, dont on le considé-
rait, un peu plaloniquement, comme le primat^ car cette théorie ne
revêtit jamais dans la pratique canonique une forme concrète.
Le Rosaire devait naturellement se joindre à son instituteur saint
Dominique ; la Vierge avec son fils dénote le double but de la réci-
tation du chapelet et Notre-Dame del Pilar, fondée par l'apôtre
(l) M.Jules Gauthier a publié des médailles analogues, avec la légende
S. SVAIRE. D. BESANCON {Notes iconographiqueê sur le Saint-SucUre de
Besançon, Besançon, 1884, pi. iV, n<» 2). L'une d'elles est iascrite au
millésime de 1627.
LK CHAPELET A LIMOGES DU XV« AU XVIII* SIÈCLE. H5
Saint-Jacques, un souvenir du pèlerinage espagnol, apporté par
quelque jacquier. Les deux illustres franciscains, le maître et le
disciple, se rapportent à la confrérie des stigmates de Limoges,
peut-être aussi au pèlerinage de Padoue, où, par anlonomase, saint
Antoine n*est pas connu sous un autre nom que // Santo, Quant à
saint Michel, une des églises de la ville est dédiée sous son vocable.
L'ostensoir à pied rond et sphère à rayons alternativement droits
et flamboyants, exposé entre deux lampes, est un indice d'un rite
nouveau : en effet, Texposition et la bénédiction du Saint-Sacre-
ment commencent, au xvu** siècle, à occuper une place notable dans
le culte liturgique. M. Rouyer, dans une brochure intitulée : Un
rosaire lorrain du xvn« siècle, et pleine d'érudition (Nancy, 1881,
in-8°) attribue au pèlerinage de Notre-Dame-de-Liesse, au diocèse
de Laon, le type de la Vierge habillée, unie à l'exposition du
Saint>Sacrement (p. 14). Il cite aussi des exemples de statuettes
suspendues (p. 8-10). J'aurais voulu, comme le docte numismate,
m'arréter davantage aux médailles de dévotion, mais ce sujet très
vaste m'eût entraîné trop loin, et je dois ici me restreindre aux
considérations générales (1).
5. Le chapelet de M. Berger a été catalogué n* 154, page 50. Il
est le plus long de tous, puisqu'il comprend neuf dizaines : c'est un
rosaire proprement dit. Tous les grains sont en corail, plus gros
pour les Pater, que distingue encore un travail en spirale. La croix
terminale a une médaille au bout, et, sous ses bras, les statuettes
pendantes de sainl Léonard et de sainte Valérie.
Les médaillons d'émail y sont fort nombreux. Ils associent, face
et revers, saint Jérôme et sainte Catherîne-de-Sienne, la Sainte-
Vierge (au type des Sulpiciens, dit de Yintérieur de Marie, d après
l'original de Lebrun) à un saint carme (2), le Christ enfant à saint
Charles-Borromée (3), la Madeleine à saint Antoine-de-Padoue qui
tient un crucifix ; la Vierge avec l'enfant au même saint Antoine,
saint Jean-de-Dieu (4) à sainte Thérèse, un saint pape (sans attri-
buts ni nom) à saint Paul, un autre pape innommé à la Sainte-
Vierge, qui a un lys à trois fleurs épanouies pour indiquer, avec un
vitrail de Saint-Nicolas-de-Port, qu elle fut vierge avant, pendant
et après son enfantement, virgo ante partum, virgo in partu, virgo
post partum.
(I) La question est surtout de la compétence des collectionneurs de
médailles religieuses, tels que NM. Rouyer, Maxe Werly et Boulillier.
(9) Peut-être saint Jean-de-la-Croix, que canonisa BenoU Xlil, en H26.
(3) La canonisation de saint Charles remonie à l'an 4610 et au poniificat
de Paul V.
(4) Saint Jean-de-Dieu fut canonis(^ par Alexandre Ylll en 1C90.
I IG SOCIÉTÉ ARCOÉOLOGIQUR ET HISTORIQUR DU LIMOUSIN.
L'influence des Sulpiciens, qui dirigeaient le grand séminaire,
est accusée dans deux médaillons, où Ton voit la Vierge peinle
d'après leurs idées mystiques, TEnfant Jésus et le cardinal arche-
vêque de Milan, dont ils avaient fait le patron du clergé qu il
réforma et pour lequel il établit un séminaire, conformément aux
prescriptions du concile de Trente.
Les carmes et carmélites devaient avoir à Limoges leurs affiliés et
dévots, si j'en juge par deux médaillons. J'ai déjà parlé de la con-
frérie des pénilenls feuille-morte, qui honorait particulièrement
sainte Madeleine. Sainte Catherine-de-Sienne appartient à Tordre
des frères Prêcheurs, des Jacobins, comme on disait en Franco.
Saint Jérôme s'explique par la confrérie des « Pénitents bleus de
Saint-Jérôme, qui avaient établi leur tribune dans l'église parois-
siale de Saint-Paul, dépendant de l'abbaye bénédictine de Saint-
Augustin de Limoges » (Guibert, p. 110-117).
Saint Antoine-de-Padoue est revendiqué par les Franciscains ;
une connaissance plus exacte des dévotions locales ferait découvrir
les deux saints papes que je ne parviens pas à identifier, mais que
M. Guibert nous révélera certainement.
^ J'ai gardé pour la fin la pièce la plus curieuse, où je reconnais,
comme je l'ai déjà insinué, un souvenir du pèlerinage de Rome et
un joyau terminal. Ce joyau représente les bustes des saints apôtres
Pierre et Paul, médaille d'argent admirablement frappée et entourée
d'une gracieuse bordure en filigrane qui se découpe en huit pétales
dont l'ensemble dessine une rose; elle suit un cœur, comme on
avait l'habiiude d'en mettre à la naissance des dizaines, pour attes-
ter que le pieux fidèle allait de tout cœur à Marie.
6. Le chapelet le plus intéressant et le plus riche est celui de
M"' Ghoury, à Limoges (n° 122, p. 44). Lui aussi est à six dizaines,
monté en chaînettes d'argent ; sont encore en argent les Ave et les
Pater, ces derniers losanges. La croix terminale présente un cru-
cifix dont les plaies saignent, avec les initiales du propriétaire R. B.;
au revers, l'Agneau pascal, les instruments de la Passion, le mono-
gramme du nom de Jésus, I H S, avec la croix sur la lettre médiane
et, au-dessous, un cœur percé de trois clous pour rappeler les cinq
plaies, plus le nom de Marie, M A.
Les objets divers attachés à ce chapelet sont de plusieurs sortes,
que je grouperai par catégories :
Une monnaie de Louis XIII, qui n'a assurément rien à faire avec
la dévotion, mais qui donne la date exacte du chapelet.
Une crôix-reliquaire, où sont gravés les instruments de la Passion
et qui met en regard le nom de Jésus et le soleil, parce que la lilur-
çle dit de lui dans l'hymne du Carême :
LR CHAPRLRT A. LIMOGES DU XT* AU XVlll* SIÈCLE. 117
0 sol salutis, intimis,
Jesu, refulge mentibus.
Un médaillon, en corne teinlée en rouge et frappée dans une
matrice, d'un travail remarquable : d'un côté la Vierge, de Tautre
saint Nicolas-de-Tolenlin. Peut-être est-ce un souvenir du pèleri-
nage au tombeau de ce saint; ce qui me le fait supposer, c'est que
le médaillon est de style italien.
Quelques médailles d'argent : les têtes du Christ et delà Vierge;
le nom de Jésus, avec la croix et les clous et Notre-Dame-de-Pitié
embrassant son fils ; saint Jean-Baptiste et l'Agneau pascal ; le
Saint-Sacrement adoré par deux pénitents agenouillés et tenant un
cierge et saint Jérôme.
Une médaille en forme de bassin, dans le creux duquel se
détache la tête coupée de saint Jean-Baptiste (1); en exergue :
DECOLATION DE S^ JEAN BAPTISTE. Au revers, l'Agneau
pascal dont le Précurseur a dit, en le montrant : Ecce agnus Dei,
ecce qui tollitpeccatummundi (2). Ce mode de représentation est très
original et je ne sache pas qu'il soit commun ; il est motivé, ainsi
qa'une des médailles précédentes, par le vocable même de la con-
frérie à laquelle appartenait le possesseur du chapelet.
Plusieurs médailles d'argent, d'un caractère distingué, frappées
à Rome, dont quelques-unes portent le nom : Tête du Christ, IN.
ME. SPECVLENTVR. OMNIA; tête de Vierge, TV. ES. SPECVLVM.
SINE. MACVLA ; la Visitation de la Vierge à sainte Elisabeth et
saint François de Sales, fondateur de l'institut de ce nom; l'enfant
Jésus et sainte Rose de Viterbe.
Quatre bouts de chapelets, fabriqués à Rome et représentant
one médaille entourée de filigrane : saint Antoine de Padoue et
saint François de Paule; saint Louis de Gonzague et saint Stanislas
Kostka (3y ; la Sainte-Vierge et les apôtres saint Pierre et saint
Paul. Cette dernière médaille est extrêmement remarquable.
(I) Une lôte divoire, exposée dans la grande vilrine, ne peut être qu'un
chef coapé de saint Jean-Baptisle, auquel il manque un plal pour suppori.
Le style est espagnol et du xvii^ siècle. La Gazette des Beaux-Aria a, la
première, attiré rallenlion sur celte dévotion de PEspagne à celte époque.
(9) Saint Jean, 1, 39.
(3) Ils ont été canonisés par BenoU Xni,en 17^6. Les pénitents suivaient
donc avec soin Tinscription des saints au martyrologe. Plusieurs mé-
dailles, rapportées après coup, ne concordent pas pour la date avec
Teosemble du chapelet, ce qui s'explique naturellement par cette consi-
dération qui faisait progresser la dévotion dans le sens de Tirapulsion
donnée par le Saint-Siège à la chrétienté.
T. xxxix. 8
i\B SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
VI
Passons au xviii* siècle.
1. J'ai décidé M. Nivet-Fontaubert à exposer le beau chapelet
qu*il avait eu la complaisance de me faire voir dans son cabinet
d'antiquités. Les grains sont en corail allongé, que relie une chaî-
nette d'argent; les Pater, en argent doré, sous forme de cônes
réunis par la base, sont flanqués de deux perles rondes, aussi en
corail. Le prolongement de la couronne comprend un Pater et trois
Ave de corail, dont un rond. La croix en corail est ornée de deux
grains longs et de deux ronds. Cette croix ne paraissant pas suffi-
sante, vu ses dimensions exiguës, il en a été ajouté une seconde en
argent, dont Tinlérieur est évidé en reliquaire et Texlérieur gravé
auxinstrumenls de la Passion, avec le nom de Jésus, IHS et un
cœur, d'une part, car Jésus a aimé les hommes, et de l'autre le nom
de Marie, MA, avec trois pleurs, la Vierge ayant pleuré la mort de
son fils, selon que chante l'Église :
Stabat mater dolorosa
Juxta crucem, lacrymosa,
Dum pendcbat Filius.
Les médailles suspendues s'offrent aussi nombreuses que variées.
Ce sont, dans l'ordre où elles se présentent au regard : une croix
de Malte sur laquelle est appliquée la colombe divine, sujet qu'af-
fectionna le xvii* siècle, qui la représenta plus particulièrement
sur les devants d'autel et les voiles de calice; l'ostensoir entre
deux lampes et Notre-Dame de-Liesse ; la Vierge entourée dune
auréole rayonnante et flamboyante et saint Philippe Néri (1); le
crucifix contre l'orage et la tête de la Vierge, avec l'exergue: Be-
nedicta tu in ymilieribus] saint Faucher et saint Gaucher, deux
saints locaux, tenant une palme (2); l'ostensoir et Notre-Dame de
Liesse, Notre-Dame-de-Pitié et sainte Anne (3); le crucifix et
(t) Il fut canonisé le même jour que saint Ignace, saint François-
Xavier el sainte Thérèse.
(2) Leur nom étant écrit sur la médaille, il n'y a pas de doute à avoir
sur leur identilé. Le P. Cahier, dans ses Caractéristiques des saints,
mentionne saint Gaucher seul (p. 893) sous le nom de Gaucher de Li-
moges, Le Dictionnaire hagiographique (l. XL de VEncyclopédie tkéolo^
gique éditée par Migne), n'enregistre aussi que saint Gaucher (t. I, coh
4137-1138), qui mourut en 4U0, el fut canonisé en 1494 par Célestin IlL
La palme ne peut lui convenir, puisqu'il ne fut pas martyr.
(3) Les émaux de Limoges contribuèrent beaucoup, aux deux derniers
siècles, à propager la dévotion de sainte Anne.
LK CHAPELET A LIMOGES DU XV® AU XYIll® STF.CLK. <I9
l'Agneau pascal opposant la vie à la mort, la résurrection à la
passion; Tostensoir entre deux chandeliers et la Vierge avec TEn-
fant, assise en majesté ; la crucifixion et TAgneau pascal, couché
sur un livre fermé et nommé IHS; l'exposition du Saint-Sacrement
et Notre-Dame-de-Liesse ; la Sainte Face et saint Joseph (1), sainte
Anne faisant lire la Sainte-Vierge et Notre-Dame-de-Pilié ; le Christ
et la Vierge en buste, sainte Anne avec la Sainte- Vierge et Notre-
Dame-de-Pitié, la Sainte-Face entourée des instruments de la
Passion et la Vierge debout ; sainte Anne faisant lire la Sainte-
Vierge et un évéque montrant le saint suaire ; saint Martial avec
sa croix et sainte Valérie portant sa tête dans ses mains.
Revenons sur ces médailles pour préciser quelques détails.
Quatre dévotions se manifestent avec intensité : la Sainte Face,
sainte Anne, Notre-Dame-de-Liesse etNotre-Dame-de-Pitié, dont les
statues, sculptées aux xv« et xvi^ siècles, sont fréquentes à Limoges,
dans les éghses et jusque sur la place publique. Saint Joseph com-
mence à avoir de la vogue; rémaillerie limousine Ta popularisé :
témoins les petits tableaux de l'exposition.
L'ostensoir a sa sphère rayonnante et flamboyante, ce qui lui a
fait donner le nom de soleiL Une fois, il prend la forme de mons-
trance ; l'exposition en avait deux de ce genre, fournies par Je Mu-
sée national. Il est exposé sur une nappe, garnie de dentelle; deux
chandeliers ou deux lampes brillent en son honneur. Un baldaquin
l'abrite, ses rideaux sont relevés sur les côtés, six colonnes le
soutiennent à l'instar de celui de la cathédrale d'Angers, d'un si
puissant effet décoratif.
La médaille préservatrice de l'orage a été frappée à Rome. On
y invoque le roi de gloire. Voici la formule de son inscription, qui
accompagne une crucifixion : Jésus Christus, rex gloriœ, venit in
pace. Deus homo factxis est et Verbum caro factum est. Xps viticit,
Xps régnât, Xps ah omni malo nos (defendalj. Tout cela est écrit
en majuscules, séparées par des points-milieux, en conformité au
système épigraphique encore observé dans la capitale du monde
chrétien.
Ajoutons aux médailles deux statuettes d'argent et deux médail-
lons d'émail : l'un simple, c'est-à-dire à une seule face, représen-
tant l'Enfant Jésus sur un fond jaune et l'autre sertissant deux
sujets dans sa monture d'argent, la crucifixion en camaïeu, sur fond
blanc et sainte Madeleine, sur fond bleu clair; la pénitente aies
cheveux épars sur les épaules et dans la main le vase à parfums
qui est son attribut le plus ordinaire.
(f) lien fui de même pour la dévotion à saint Joseph. Voir à rcxposi-
tioa, les no« 359, 437, 454.
190' SOaéTÉ ARCHÉOLOOIOUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
2. Ce chapelet doit dater du commencement du siècle dernier.
Un autre, dont les grains sont en buis, se termine par une croix
à crucifix et Vierge habillée au revers. Les Pater sont en argent
côtelés et la monture en chaînettes d'argent.
Une statuette figure saint Léonard. Sur les médailles sont effi-
gies : le buste du Sauveur et un Ecce Homo; le buste de la Vierge,
gravé ; l'ange gardien (4); la Vierge avec Tenfant et un cœur en-
flammé ; Pie VII et la Foi personnifiée ; le chef de saint Martial,
sainte Madeleine pénitente et saint François d'Assise, sur une
feuille de métal estampé.
Un médaillon d'émail oppose la Vierge-mère à saint Jean-Bap-
tiste, qui était le patron des « Pénitents blancs de saint Jean-
Baptiste », confrérie « érigée en 1604 » dans l'église de Saint-
Julien-Sain te-Affre (GUIBERT, p. 117).
3. Le chapelet du Musée national est enfilé et de six dizaines,
type qui semble avoir prévalu en Limousin. Les grains de faïence
blanche sont décorés de fleurs aux couleurs éclatantes et les Pa^er
ressortent en filigrane d'argent. Le prolongement droit admet
quatre grains de faïence et quatre de filigrane alternés, disposition
anormiile, car cette partie ne comporte que quatre Pater et quatre
Ave, A l'extrémité pend une croix de faïence, à branches fuselées
et fleuries, prise entre deux Pater filigranes. La date doit être
la fin du règne de Louis XIV.
4. Le chapelet de M. Camille Marbouty débute par «ne croix
de bois, où le Christ a pour nimbe la couronne d'épines qui ensan-
glanta sa tête et dont les extrémités s'épanouissent en appliques
d'argent assez semblables à un éventail. Puis se présente un ivoire
sculpté, où la Sainte Face est adossée à une tête de mort. Trois
grains forment le prolongement d'Ave, destinés à remémorer, avec
les autres, le nombre d'années passées par la Sainte-Vierge sur la
terre. La chaînette est en cuivre ténu, unissant les Ave, grains de
verre bleuâtre rehaussé de feuillage blanc, aux Pater, lortils (2) de
fil d'archal (3) serrés entre deux grains de verre rouge et deux
grains d'émail blanc.
Les médailles ne sont pas directement attachées à la chaîne,
mais suspendues à des prolonges en tortil, analogues aux
Pater, Montées en cuivre, elles sont protégées par un verre mince»
{{) La dévotion aux saints .4 nges gardiens s'affirme aussi dès le xvii*
siècle.
(3) Voir le mol cannetille dans le Glossaire archéologique.
(3j Ibidem, au mot arcAal.
LE CHAPELET A LIMOGES DU XV^ AU XVlll" SIÈCLE. ISl
qui recouvre tantôt une gravure tirée sur papier et tantôt une
feuille de clinquant estampé. Voici la liste des sujets figurés
deux à deux : Cœur de la Vierge percé de sept glaives et sainte
Hélène arborant la croix qu'elle a retrouvée sur le calvaire ; le
Sacré Cœur et saint Joseph tenant un lys paré de trois fleurs épa-
nouies; le Sacré-Cœur et une Sain te- Vierge habillée suivant une
coutume ancienne à laquelle les curés font trop souvent la guerre ;
Notre-Seigneur tenant une couronne impériale, comme s'il allait
Toffrir à un élu et le cœur aux sept glaives ; YEcce Homo el le cœur
transpercé de la Vierge de douleurs.
Une parlicularité intéressante consiste en deux médaillons de
papier, peints à la main de façon à imiter Témail, sans doute par
économie. Le premier est à l'image de saint Jean-Baptiste, qui,
du haut du ciel, écoute la prière de deux pénitents vêtus de blanc,
la longue cagoule sur la tête et agenouillés sur le sol, et de saint
Léonard. Le second reproduit la face du précédent, à la différence
près du chapelet noir qui pend au côté, et au revers, Charlemagne^
bardé de fer et drapé dans un manteau rouge.
La présence du précurseur, deux fois répété, précise la destina-
tion du chapelet qui se rapporte exclusivement aux pénitents
blancs qui l'avaient pour protecteur. Le nom de l'empereur n'est
pas précédé du qualificatif saint, car son culte a toujours été
suspect, mais, comme la cour de Rome n'a pas protesté et que les
martyrologes gallicans font maintenu, il faut croire qu'à Li-
moges on prenait un moyen terme, tout en lui rendant un certain
culte dont M. Guiberl devrait bien rechercher l'origine et le motif,
parce qu'ils touchent à l'histoire locale.
5. Le catalogue de l'exposition attribue à Jean-Baptis le Nouailher
les plaques émaillées classées sous les n" 407 et 409 (p. 147, 148).
Sur la première, saint François d'Assise a, au côté gauche, pendu
à sa corde, un chapelet dont les grains sont en bois, avec des Pater
plus gros, & l'instar de ceux portés par les capucins. Le prolonge-
ment de la couronne se réduit à un grain d'Ave et une petite croix
à branches égales.
6. Le second émail offre encore le patriarche des frères mineurs,
mais son chapelet, suspendu de la môme façon, diffère du précé-
dent par ses grains noirs et son joyau terminal, de forme elliptique,
avec quatre globules en croix à la monture.
Je clos ici cette étude, heureux si elle provoque des recherches
nouvelles et des explications complémentaires.
X. Barbier de Montaiîlt,
Prélat de la Maison de Sa Sainteté.
L.
ANCIENS
STATUTS DU DIOCÈSE DE LIMOGES
Le manuscrit contenant les statuts encore inédits du diocèse de
Limoges qui fait le sujet de cette publication appartient à révôché,
et a été fort obligeamment communiqué à la Société archéologique
par M. le chanoine Henri Ardant, secrétaire général. Il n'est connu
jusqu'à présent que par la description et l'analyse données par
M. Louis Guibert(l).
C'est un petit volume de soixante feuillets de parchemin, ayant
149mm (Je hauteur sur 113 de largeur. Dans ce nombre ne sont pas
comptées les feuilles de garde actuelles, qui ont été ajoutées à
l'époque, très rapprochée de nous, où le manuscrit a été relié en
parchemin. Les anciennes feuilles de garde offrent quelques alinéas
d'un interdit ou d'une pièce de procédure analogue.
L'écriture, souvent difficile ri lire avec ses nombreuses abrévia-
tions, accuse les dernières années du xv* siècle. On peut môme
préciser davantage en remarquant que le scribe s'est arrêté à la fin
d'une pièce datée de 1492, et que la pièce suivante, de 1499, est
d'une écriture tout à fait différente. C'est donc entre 1492 et 1499,
et entre l'épiscopat des deux Barton de Monlbas, qu'il faut chercher
la date précise de ce manuscrit.
Notons que, du commencement à la fin de ce petit volume, la
lettre initiale de chaque alinéa a été laissée en blanc. Le copiste
se proposait sans doute de remplir cette lacune à son loisir. Il ne
l'a pas fait.
(1) Anciens statuts du diocèse de Limoges (xiii", xiv« et xv® siècles). —
Paris, 1889. (Extrait du Bulletin du comité des trao aux historiques et
scientifiques).
ANCIENS STATUTS DU DIOCÈSE DE LIMOGES. 413
Sur la première feuille on lit ces huit lignes, auxquelles il semble
difGcile de donner le nom de vers :
Ce livre yci, se me semble,
L^autre iour Ton pourloii a vandre.
Que ie acbaptis argenl content
Cinq ardiz (I] que vallent troys blanc :
Vous priant, qui le trouvères,
Pourtez le moy a Monmailler (3).
Je vous donre gracieusement
Ung pot de vin ou de Targent.
P. Chaboudib.
Chaboudie ou Chabeaudie est un nom assez commun à Limoges
aux XVI* et xvii' siècles.
Au folio 3 commence un calendrier avec titres et quantièmes en
rouge. Ce document nous parait peu intéressant. On n'y trouve, en
fait de saints du diocèse, que « saint Martial, apôtre », auSOjuin^ et
« saint Léonard, confesseur », au 6 novembre. Ni sainte Valérie, ni
saint Junien, ni saint Yricix n'y sont nommés.
Suit une prose à la Sainte Vierge que nous donnons plus loin.
Elle est accompagnée de différentes oraisons et du commencement
de TEvangile selon saint Jean.
Au folio 13 verso se lit une addition de trois pages d'une écri-
ture très différente et d'une encre très blanche. C'est la suite des
ordonnances de Jean Barton de Montbas. Leur place, en suivant
l'ordre chronologique, est après les autres. Elles n'ont été mi-
ses ici qu'à cause du manque de place à la fln du volume et n'ont
pas été ajoutées avant 1499, année de leur promulgation.
Viennent ensuite, dans Tordre suivant, les statuts du diocèse de
Limoges, publiés par différents évéques dans une période de plus
de deux siècles.
L — Statuts de Raynaud de La Porte, 1310.
IL — Excommunications, par le môme.
IIL — Constitutions synodales de Gilbert de Malemort (décédé
en 1294) et de ses prédécesseurs, publiées de nouveau par Ray-
naud de La Porte en i295.
IV. — Constitutions des vicaires généraux (apparemment de
Jean de Gros), vers 1370.
(1) Ancienne monnaie, qui représentait trois deniers et équivalait au
liard.
{%) Un des faubourgs de Limoges.
424 SOCIÉTÉ ARCBÉ0L061QUE KT HISTORIQUE DO LIMOUSlIf.
V. — Statuts d'Aimeric Chatti de la Jauchat, 1379.
VI. — Statuts de Pierre de Montbrun, 1428.
VIL — Statuts de Jean Barton de Montbas 1, 1492, 1499.
VIII. — Statuts de Jean Barlon de Montbas II, 1802, 1506.
Ce sont là tous les statuts inédits du diocèse de Limoges. A
partir du xvi* siècle, on a imprimé ceux qui ont été donnés par
différents évoques et on en trouve encore des exemplaires. Voici
ceux qui nous sont connus :
IX. — Philippe de Montmorency, élu évêque de Limoges le
18 octobre 1516, tint un synode dans la cathédrale le 5 mai 1519,
où il (it lire et publier des statuts qui ont été imprimés. On en
trouve un exemplaire aux archives départementales. C'est un petit
in4<* de 36 feuillets, dont les caractères gothiques et les initiales
ressemblent à ceux du Missel de 1505, ce qui le fait regarder
comme une œuvre de Paul Berton, fils de Jean, premier imprimeur
fixé à Limoges. Le frontispice est orné d'une johe gravure sur bois,
représentant saint Etienne et saint Martial. Aux pieds des deux
saints se trouvent les armes de Mp" de Montmorency, qui sont : d'or
à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d'azur.
Ces statuts ont été imprimés de nouveau dans les Documents his-
toriques sur la Marche et le Limousin^ par M. Alfred Leroux, archi-
viste du département.
X. — Jean de Langeac, qui prit possession de Tévôché de
Limoges, le 22 juin 1533, Ht imprimer, le 28 octobre suivant, des
statuts dont voici le titre : Statuta sinodalia diocesis Lemovicensis
denuo revisa et adaucta per Reverendum in Christo patrem ac
dominum Joannem de Langeac dicte dyoceseos episcopum. On
en trouve un exemplaire au grand séminaire de Limoges. C'est une
plaquette in-18, caractères gothiques noirs, dontla fin est déchirée.
Au-dessous du titre est l'écusson épiscopai, sans émaux : paie de
cinqpièceSy deux d'or et trois de vair, avec la crosse et la mitre.
XL — Raymond de la Marthonie prit possession de Tévéché de
Limoges le 15 octobre 1615, et François de La Fayette le 19 oclo-
bre 1628. C'est à eux que Ton doit les statuts suivants :
Statuts et règlements du diocèse de Limoges^ publiez au synode
d'après la saint Luc en Tannée mille six cents dix et neuf. Seconde
édition, reveue, augmentée et confirmée par Reverendiss. Père en
Dieu Messire François de La Fayette, evesque dudict Limoges, A
laquelle sont adjoutez les règlements des paroisses pour Tordre du
service divin, administration des sacrements, droicts des curez et
prostrés d'icelles. (Armes de Tévéque, qui sont : d'azur à la bande
d'argent à la bordure de vairj. — A Limoges, par A. Barbou, devant
ANCIENS STATUTS DU DIOCÈSE DE LIMOGES. {tô
Saint-Michel. MDCXXIX. — In-16 de 336 pages, plus 12 feuillets
liminaires non chiffrés.
A la fin du volume viennent encore, avec une pagination distincte,
les Statuts et règlements des églises paroissiales de Sainct-Pierre-
du-Queyroir et de Saint-Michel-des-Lions de la ville de Limoges,
pour Tordre du divin service et administration v des saints sacre-
ments. Ausquels se conformeront les austres églises paroissiales du
diocèse de Limoges, hormis ce qui sera de l'usage propre et parti-
culier des dictes paroisses. Faicts et dressez de l'aulhorité de
Reverendissime Père en Dieu, Messire François de La Fayette,
evesque de Limoges, conseiller du Roy en ses conseils d'Estat, et
premier aumosnier de la Royne. — A Limoges, par Antoine Barbou,
à la rue de la Ferrerie, devant Saint-Michel, MDCXXIX. — In-16
de 81 pages. »
La Société archéologique possède un exemplaire de ces statuts.
XIL — François de Carbonnel de Canisy, nommé évéque de
Limoges le 8 septembre 1695 a publié les : Ordonnances synodales
du diocèse de Limoges^ revues et imprimées de nouveau par
Mp" riUustrissime et Reverendissime François de Carbonnel de
Canisy, évéque de Limoges. (Armes de Tévéque, qui sont : coupé de
gueules, cousu d'azur à trois tourteaux d'hermine, deux sur gueules
et un sur azur), — A Limoges, chez Pierre Barbou, imprimeur de
TA^ révoque, proche Saint-Michel, 1703,
C'est un volume in-16 de 226 pages, contenant :
1*» Statuts et règlements synodaux publiés par M^f Raymond de
la Marthonie Tan 1619.
2*» Ordonnances synodales de M»' François de la Fayette, 1629.
3" Ordonnances synodales de Mb' Louis de Lascaris d'Urfé, i683.
4" Ordonnances synodales de M»^ François de Carbonnel de
Canisy, 1696-1700.
On a ajouté à la fin du volume que nous possédons : Ordonnances
synodales de Mk' Antoine de Charpin de Genetines, évoque de
ymoges, 1708-1711.
XIIL — Statuts du diocèse de Limoges, renouvelés et publiés par
W^ Prosper de Tournefort, en 1838. (Armes de l'évoque qui sont
d'azur à la tour donjonnée d'argent, maçonnée de sable, accostée de
deux lions affrontés d'argent). — Limoges, chez Barbou, imprimeur-
libraire, 1838. In-12 de 348 pages.
Ces statuts, quoique imprimés, n'ont pas été promulgués, et par
suite n'ont pas eu force de loi dans le diocèse.
XIV. — Statuts synodaux du diocèse de Limoges, publiés dans le
synode général tenu du 18 au 21 octobre 1853 parMK^rillustrissime
et Reverendissime Bernard Baissas, évéque de Limoges. (Armes de
196 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
révéque qui sont : d'azur j à l'agneau passant, tenant, de la patte
dextre de devant, une houlette, le tout d'argent), — Limoges, Bar-
bou frères, 1853. In-12 de 216 pages.
XV. — Ordonnances de Mg»" révoque de Limoges [Julien-Florian-
Félix Desprez] pour faire suite aux ordonnances synodales de 1853.
(Armes de révoque qui sont : parti, au /" de gueules à la croix
pommetée d'or, au ^® d'azur aux lettres A M entrelacées d'or; au
chef de sinople à V ancre d'argent posée en pal), — Limoges, Barbou
frères, 1857 et 1858. In-16 de 24 et 12 pages.
XVL — Statuta diœcesisLemovicensis Illustrissimi ac Reverendis-
simi DD. Alfridi Duquesnay, episcopi Lemovicensis auctorilate
condita in synodo diœcesana, habita diebus 26, 27, 28, 29 augusli
1876 (Armes de Tévéque, qui sont : de gueules, à l'ange aux ailefi
élevées d'argent sur une terrasse de sinople, nimbé d'or, tenant de la
dextre une épée et de la senestre un livre ouvert d'or, ce dernier
chargé des lettres ce a de sable, accompagné en chef d'une étoile
rayonnante de six rais aussi d'or). — Lemovicis, ex lipis Barbou
fratrum, 1877. In-12 de 251 pages.
Après le calendrier, dont nous jugeons la reproduction inutile,
on trouve,, au folio 10" de notre manuscrit, la prose suivante, ac-
compagnée de deux oraisons à la Sainte Vierge, etc.
Cette prose, encore inédite, offre une particularité qu'il est facile
de remarquer : le premier mot de chaque strophe est un de ceux
qui composent la salutation angélique. En les réunissant cette
prière se trouve ainsi formulée :
Ave Maria gratta plena, Dominus tecum, benedicta tu in muli^
ribus et benedictus fructus ventris tut Jésus, Sancta Maria, ora pro
nobis tu. Amen,
Nous avons voulu avoir l'avis de W^ Barbier de Montault, dont
on connaît la compétence sur ce sujet, et qui a déjà publié un cu-
rieux travail sur VAve Maria, Voici sa réponse à notre lettre :
« Votre Ave ne ressemble nullement à ceux que j'ai publiés à
Brive, ni aux six donnés par le P. Drèves dans ses Cantiones Bohe-
micœ, ni à celui des Heures de Poitiers de 1525.
» Le style de la poésie me la fait attribuer au xv" siècle avancé,
surtout à cause de l'invocation finale Sancta Maria, qui est plu-
tôt du xvi% au moins comme vogue, car on la trouve exceptionoel-
lemenl dès le siècle précédent, par exemple à Thôpital de Beaune
(Côte-d'Or).
ANCIENS STATUTS DU DIOCÈSE DE LIMOGES.
4 «7
» Vous produirez là un document intéressantetje vousen félicite,
tout en regrettant de ne pas Tavoir connu plus tôt, puisqu'il est
limousin (1) ».
Ave, mater pietatis
£t tocius bonitatîs
Fons misericordie.
Maria, que Stella maris
Solem verum ex le paris,
Ghristnm regem glorie.
Gratia plena fuisti
Dam angeîo credidisti
Gabrieli nomine.
Plena semper verilatis
£l tocius sanctitatis,
Virtatis et gracie.
Dominas sancliGcavit
Te matrem et consecravit
Gum sacro spiramine.
Tecumïiiïi et est Deus,
Licel Don crcdat Judeus,
Et erit sine fine
Benedicta in te, Christe,
Quà gustamus panem vite
Cum sua dulcedioe.
Tu, preclara ceii slella,
Libéra nos a procelia
Et amuudi turbine.
In te fuit casiilalis
Signum et humilitalis
Eiemplum et venie.
MuUeribus jocumda
Sed purior velut unda
Qua lavanlur crimine.
Et in partu post et ante
Virgo manens tota meute
Partus sine se mi ne.
Fruciua luus fuit Chriâtus,
Panis vivus benedictus
Mundans nos a crimine
Vent ris tui clausa porta
Noslra salus est exorla
Garnis sub velamine.
Tui corporis sacrata
Pater fecit, Verbi nala,
Templum deleclabile,
Jésus panis nostre vile
Ex te natus, vera vite,
Nos redemit sanguine.
Sancta mater digna Dei,
Vera salus et spcs rci
Et tutrix ecclesie,
Maria^ cum tuo na:o
Cruciiixo coronato,
Ecclesiam sustine.
Ora Deum, semper pia,
Ne corrual in hac via
In belli discrimine.
Pro qua Chr.slus fundamentum
Nobis sit et firmamentum •
Fidei calholice.
Nohls ergo miserere,
Jesu dux et pastor vere
Sedis apostolice.
Tu nos rege, nos tu ère
Ne valeamus timere
Jacula perfidie.
Amen tandem le videre
Mereamur et gaudere
Cum regina glorie. Amen
Benedictus ex te natus
Atque venter sic beaius
Florens aimo germine
Deos qui de Béate Marie Virginis uthero verbum tuum, angelo nunliante,
(i; Lettre du 9 décembre 1890.
138 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN,
carnem suscipere voluisli, presta, supplicibus luis ut qui vere eam Dei
geuitricem credimus ejus apud te iutercessionibus adjavemur. Per eum-
dem (f).
Protège, Domine, ecclesiam tuam subsidiis pacis, et nos famulos luos Beaie
Marie semper virginis patrociniis confidentes a cunctis hostibus redde se-
euros. Per Domioum.
In principio erat verbum etverbum erat apud Deum^el DeuseralVerbam.
Hocerat in principio apud Deum. Omnia per Ipsum facla sunt, et sine ipso
factumesl nichil quodfaclum est. In ipso vita eratetvitaeral luxhominum.
El lux in tenebris lucet et ténèbre eum non comprebenderunt. Fait bomo
missus a Deo, cui nomen erat Johaiines. Hic venit in testimonium nt lesti-
monium perbiberet de liimine, ut omnes crederent per illum. Non erat
ille lux, sed ut testimonium perbiberet de lumine. Erat lux vera que illumi-
nât omnem hominem venientem in bunc mundum, et in mundo erat, et
mundus per ipsum faclus est, et mundus eum non cognovit. In propria
venii et illi eum non receperuni. Quolquot aalem receperunt eum dédit
eis poteslatem 61ios Dei fieri hiis, qui credunt ii; nomine ejus. Qui non
ex sanguinibus nequeex volontate [carnis, nequeexvolontale](2) virised ex
Deo nati sunt. Et verbum caro factum est, et habitavit in nobis. Et vidi-
mus gloriam ejus, gloriam quasi unigeniti a pâtre, plénum gralie et verila-
tis (3).
Omnipotens sempiterne Deus qui dedisti famulis tuis in confessione vere
Hdei eterne trinilatis gloriam agnoscere et in polentia magestatis adorare
unitaicm, quesumus ut ejusdem fidei firmitale et omnibus semper munia*
mur adversis. Per Dominum (4).
In iilo tempore missus est angélus Gabriel a Deo in civitatem (5).
La partie de notre manuscril qui se termine ici n'était pas jointe
primitivement aux statuts diocésains. Elle n'a été placée en tète
de ce volume qu'après 1492. Lorsque le scribe a voulu y ajouter les
ordonnances de 1499, manquant de place à la fin du volume, il a
écrit ces dernières ordonnances, après en avoir averti dans une
note, sur les deux pages laissées en blanc à la fin du cahier où
sont les prières ci-dessus (folios 13 et 14); il a aussi gratté avec soin
(1) Cette oraison est celle de la fête de l'Annonciation de la Sainte Vierge que TEglise
célèbre le 25 mars. Une petite variante se trouve dans le texte de notre manuscrit, on y lit :
Dei Genitricem, pendant que les livres liturgiques portent Gerùtricem Dei,
(2) Les raots entre crochets ont été omis par le scribe.
(3) Ce premier évangile est celui de saint Jean, qui se lit à la fin de la messe.
<4) Cette oraison est celle de la fête de la Sainte-Trinité.
(5) Ce second évangile, dont notre manuscrit ne contient que denx lignes, est celui qui se
lit à la fête de l'Annonciation ; il est au chapitre I de saint Iaic.
La suite, si elle avait été écrite, aurait renfermé en troisième lieu révangile selon saint
Mathieu (ch. II) : Cum natus esset Jésus in Bethléem Juda, de la fête de l'Epiphanie, et qua-
trièmement celui de saint Marc (ch. XVI) : In illo tempore reeumbentibus tindecim diseipu'
lis, de la fête de l'Ascension, suivis chacun d'une oraison. C'est au moins ainsi qa*on le
trouve dans les livres d'Heures de cette époque.
ANCIRNS STATUTS DU DIOCÈSE DR LIMOGES. <29
un ëcusson chargé de trois fleurs de lis, qui était auparavant sur
la dernière de ces pages.
Ces treize premiers feuillets étaient le commencement d'un Livre
d'Heures. Le calendrier, les quatre évangiles suivis d'oraisons
commencent ainsi le très beau livre d'Heures que possède M™'' la
comtesse de Villelume, à TAumônerie. Ce précieux manuscrit, cou-
vert des plus belles miniatures, porte celte suscription : « Aques-
tas mandinas sont de Katherine Gentille, molher de Marsau Deu-
bost, demorant en la rue de las Taulas, ou près Saint-Marsau ». Il
a été peint vers 1482, époque à laquelle saint Bonaventure fut ca-
nonisé; aussi sa fête est-elle indiquée au 14 juillet dans le calen-
drier de ce livre. Cette môme fête n'étant par marquée dans celui
de notre manuscrit, il est probable que ce calendrier est antérieur
à cette date.
C'est au folio 18' que commencent les statuts. Il faut encore re-
marquer que le manuscrit ne portait aucune pagination; les chiffres
que nous citons n'y ont été mis de nos jours que pour en faciliter
l'étude.
I
Raynaud de La Porte, né à Allassac en Bas-Limousin vers le mi-
lieu du xm« siècle, fut d'abord chanoine de Limoges et archidiacre
de Combrailles dans ce diocèse. Après le décès de Gilbert de Male-
mort, évéque de Limoges, le chapitre élut pour le remplacer Pierre
La Sépière, célèbre prédicateur et docteur en théologie. Sur son
refus, Raynaud de La Porte fut élu le IS novembre 1294 et son
élection fut approuvée par le pape Boniface VIII. Il avait aussi été
précédemment chanoine du Puy-en-Velay et vicaire général de Guy
de Neuville, évoque du Puy (1).
Dans le premier synode qu'il rassembla, il confirma les ordon-
nances de Gilbert de Malemort et de ses prédécesseurs, ordonnan-
ces que l'on trouvera plus loin, au n*» III. Dans celui de 1297,
il décréta que la fête de saint Etienne de Muret, fondateur de l'or*
dre de Grandmont, serait célébrée dans tout son diocèse le 8 fé-
vrier et que. en considération des aumônes que les habitants des
villages et paroisses d'Ambazac, Saint-Sylvestre et Sainl-Léger re-
cevaient journellement du monastère de Grandmont, le clergé et
le peuple de ces paroisses chômeraient la fête (2).
(1) Baluzb, VitiB Papac, Avenion., î, col. 74î.
(3) BONATJBNTURR DB SaINT-AmABLB .
130 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE RT HISTORIQUE DtJ LIMOUSIN.
L'an 1300, le 7 août, premier dimanche du mois, il releva de
terre, à Evaux, le corps de saint Marien, dont il plaça les reliques
dans une précieuse châsse d'argent {^).
La môme année, il chargea Guillaume Laubat (ou Soubut), cha-
noine du Dorât, et Jean de Solo, chanoine de Sainl-Junien, de
faire une recherche exacte des usuriers qui rançonnaient la ville
de Limoges (2j.
Le 5 des calendes de novembre 1300, il approuvait un acte capi-
tulaire pour Tabbaye des Allois (3).
Son chancelier, Pierre Faure, ordonna à tous les notaires et
autres officiers de faire commencer Tannée au i5 mars; réforme
qui fut appliquée pour la première fois en 1301 (4), et Raynaud de
La Porte renouvela cette ordonnance dans les statuts de 1310.
Pendant les difficultés qui s'élevèrent entre le roi de France et
le Saint-Siège, il fut au nombre des courageux évoques qui n'hési-
tèrent pas à répondre à la voix du chef de l'église malgré les me-
naces du roi de France, en se rendant au concile convoqué à Rome.
Aussi il subit les rigueurs de l'édit du mois de juin 1303, qui ordon-
nait la saisie de tous les biens des évéques qui étaient aJors hors
du royaume.
L'an 1307, il régla, avec Philippe-le-Bel, roi de France, le com-
mun pariage de la cité de Limoges et de la ville de Saint-Léonard,
c'est-à-dire le partage de la justice (S).
Nommé par le pape Clément V commissaire dans l'affaire- des
Templiers, il se rendit à Paris en 1309 pour entendre les déposi-
tions des inculpés (6).
En 1310, il tint à Limoges un synode dans lequel il promulgua,
le 10 novembre, les statuts qui font le sujet de cet article.
Il fut nommé, par le pape Benoît XI, conservateur des privilèges
de l'ordre de Saint-Dominique, dans la province de Toulouse, et, le
15 novembre 1310, il introduisit et installa solennellement les Do-
minicains dans leur couvent de Saint-Junien (7).
En 1311, il assista au concile général de Vienne en Dauphiné, où
fut prononcée l'abolition de l'ordre des Templiers.
(1) Bernard Gui, apud Baluze, ibidem» 743.
(2) Chronique de Saint- Martial, p. 140.
(3) Notice sur les Allois, par l'abbé Roy-Pierrepitte, p. 6.
(4) Chronique de Saint- Martial, p. 440.
(5) Leymarie, Histoire de la Bourgeoisie, II, 273, el Chronique de
Saint -Martial^ p. 143. — Voir sur celte question : La commune de Saint-
Léonard de Nohlat au xiir siècle, par M. Louis (iuibert.
(6) Drvoyon, Catalogue des éoéques de Limoges,
(7) Baluze, Vitœ Papar. Avenion.^ 1, col. 743.
ANCIENS STATUTS DU DIOCESE DE LIMOGES. 131
Le 15 février 1315, il releva de terre le corps de saint Aurélien,
qu'il plaça sur rauteldeTéglise de Saint-Gessadre (Sainl-Cessateur),
située hors des murs de Limoges, en présence d'un nombreux clergé
et d'une multitude de peuple (1).
C'est sous son épiscopat que fut bâti en, grande partie, le chœur
de la cathédrale, En 1316, il accorda à l'Œuvre de la cathédrale la
moitié du revenu de la première année des cures qui vaqueraient
pendant six ans, et, de plus, des indulgences à ceux qui feraient
quelque aumône pour la construction de cette église (2).
Le 31 décembre 1316, il fut transféré à l'archevêché de Bourges
par le pape Jean XXIL
Vers la fin de l'année 1320, le môme pape le créa cardinal-prê-
tre, des titres de saints Nérée et Achillée et le nomma évêque d'Os-
lie en 1321 (3).
Il mourut le 12 septembre 1325 à Avignon (4), d'où son corps fut
porté à Limoges et inhumé dans la cathédrale. On voit son tombeau
sous un des arceaux du sanctuaire (5),
Ses armes sont : de gueules, à la porte accolée de deux tours d'or.
Son sceau, que Ton trouve sur quelques pièces conservées dans
divers dépôts représente l'effigie d'un êvêque et non les armes de
sa famille.
Ces premiers statuts, promulgués par Raynaud de La Porte en
1310, se composent d'une cinquantaine d'articles qui paraissent
constituer un véritable règlement pour la chancellerie ecclésiasti-
que. Plusieurs passages, dont chaque alinéa commence par la for-
mule consacrée : Statuimus inhibemus, etc., présentent un véri-
table intérêt. Il faut mentionner tout spécialement ceux qui ont
trait aux fonctions des notaires,- aux connaissances et aux garan-
ties qui doivent être exigées d'eux, aux formalités de leur récep-
tion, à leur immatriculation au greffe do rofficialilé. La nécessité
de pourvoir aux besoins du pubhc avait forcé le juge ecclésiastique
et son chancelier d'investir de ces fonctions des hommes ignorants
et incapables. Il fallait mettre fin à cet état de choses, et c'est Tob-
jet des premières ordonnances.
On y remarque plus loin le statut qui ordonne aux notaires et à
tous les officiers relevant de la juridiction ecclésiastique de com-
(1) Maleu, Chronique^ p. 113.
(2) M. Arbkllot, Histoire de la Cathédrale, p. 112.
(3) Baluzk, VUce Papar. Aoenion., I, col. 744.
(4) Nadaud, Tableau des évêques de Limoges.
(5) M. Arbbllot, Histoire de la Cathédrale» p. tl3.
133 SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
•
mencer Tannée à la fôte de rAnnonciation (25 mars), ponr éviter
rinconvénient qu'on avait précédemment en commençant à Pâ-
ques, fôte mobile, dont la date change chaque année.
La tenue des registres de rofficialité, le nombre et la qualité des
témoins, les précautions à prendre pour prévenir certaines fraudes
pour établir l'identité des contractants, pour assurer Taudition con-
tradictoire des parties dans les procès, font Tobjet d'un certain
nombre de ces ordonnances. Les remises, délais et ajournements
sont réglés. Les honoraires de la chancellerie sont réduits et fixés
à un taux qui ne devra pas être dépassé, etc., etc.
Vers la fin, on remarquera quelques articles relatifs aux bailes
de « la Confrérie ». Ces officiers devront, comme les consuls de nos
communes limousines, rendre leurs comptes à la fin de Tannée et
remettre à leurs successeurs Texcédent des recettes de leur ges-
tion. Ne seront réputées faire partie de la confrérie que les person-
nes régulièrement admises par les bailes et inscrites à la liste des
associés; celles qui ne figureront pas aux registres ne seront admi-
ses ni aux banquets ni aux autres réunions et actes de la compa-
gnie; si elles s'y présentent, elles devront être honteusement chas-
sées cum ignominia repellantur. Bien que le diocèse de Limoges ait
possédé, dès le xi* siècle, des associations de piété pourvues d'une
organisation assez complète (i), les derniers articles de ces statuts,
concernent uniquement la confrérie que formaient les officiers de
la chancellerie, les notaires et les autres scribes placés sous l'auto-
rité de rofficialité. C'est ce que prouve l'obligation, pour tous les
confrères demeurant au siège de la cour ecclésiastique, d'assister à
la messe de la Sainte Vierge les samedis et autres jours marqués
par leur règlement.
Enfin, on voit que ces statuts furent promulgués le mardi après
rOctave de la Toussaint (iO novembre 1310).
Reginaldus, Dei gratla Lcmovicensis episcopus, universis advccatis,
scriptoribus, procuraloribus gencium presentibus et futuris curie nostre
Lemovicensis et âliis ad quos prosenles iiltere pervenerint, salutem et
sinceram in Domino carilalem.
Ad decorem jnstiiic, universorum vitanda dispcndia, doctrinam jurato-
rum, reformationem et ordinationem eorum qui submictere jurisdictioni
ecclesie Lcmovicensis curie ducuntur, inter quascumque personoas judi-
ciales cl extrajudiciaies, tain in negociis quam in causis, tanto libencius
et fervencius debemus assurgcre, quanto ea subdictis fructuosa et uliliora
{{) On a conservé les statuts de la Confrérie de Notre-Dame de Saint-
Sauveur, qui remontent à 1912 : ils sont en langue romane. La Bibliothèque
nationale en a récemment acquis l'original.
AHCIF.NS ItATQTS DU DIOCiSSR DR LIMOGES. 133
coospicimas, et cvenlus eorum conlrarios jaris dissoDos, partibus pericu-
I08O8 et perfecio dampnabiles experiuntur.
Verum cum spcctcs faclorum (?) que in causis cl negoeiis accidunt siot
mullipliccs et innumcrabiles quesingulariler discuti nequeunt ad ea dan-
tajiat,
Nos ad prcsens divcrlimus que nostris occurerc tcmporîbus suot in
melias emendenda et prudentiuon consilio super hiis staiuenlcs.
In primis quod olim proptcr oporlunitatcm JDStaneium jurali multi
fiebanl per officitlem et eancellarium, quorum ex cis plures sunt incompti,
indocli, viles et ignorantes et infidèles in biis que in iiicris poni sunt
sdiita.
Et in rceeptione debeut fieri, non utentes, propter quod omnes et sin-
fpilos noper nostre diocesis habuimus coavocare ut muUitudo lol*
îerelnr, minus sufficieotes privarentur ofBcio, et sufficientes remancrent
eum laudabili leslimonio et sub observanlia ccrtarum ordinadonum quas
eit feeimns tradi et in eorum litteris sunt inserte.
item duximus staluendum neminem de celcro juratum Lemovicensis
eurie de cetero recipi nisi pcr officialem cl cancellarlum nostros* omnis
qui ioaimul reeipiendus ex anexatione, aflfectione postposita, soper con-
ditione moribes et docirina, quem sic receptum, inter «lios juratos in
caterris volamus annolari juramenlo ab eo prius prestito de fidelitate ofli-
cium exereendo et de hiis que pcr nos ordinata sunt et stalutasuis viribus
in Mis recipiendis conlractibus et lilteris observando, aliter reccplio non
valeal, ymo prorsus nuUius sit momenli.
Item statuimus ut quilibet juralus et commissarius de cetero papirura
teoeat, io que notas coniractuum cl gcstorum coram se, rcdigat et re-
geslrel, ut io aliquo casu eommissario prcdicto impcdito, vei mortuo, pcr
eumdf m littore pcrfecte non fuerint, vel perfeclc (?) pericrint vcl aliter
contenta in cis in dubium rcvoecntur, petcnlibus illis ad quos pertinebit,
possit auctoritatc ordinaria pro? ideri. In receptionc vero iilterarum et in
8U0 officio sic diclos commissarios haberi volumus. Et super gcslis coram
eis litteras inter personnas notas recipiant at prout mclius crit cis possi*
bile in forma.
De personnamm noticîa earumdcm nomina et cognomina, parochias (tt
leea onde oriendi existunt exprimant cl désignent, ne falso et simulato
Domine, ut in quibusdam casibus exlilil adinvenlum, talsilas hujusmodi
concedendis et recipiendis litteris eommutatur, addicienlcs ut jurati malli
inullis contraeiibas aut rébus summe aut valons sexagcnla solidornm et
uHra recipicndo, duos lestes secum advocent et subscripbant. Ncc indic*
tandi et scribendi modo ulalur verbis : Nos officialU, etc. Noverilis quod
coram nobis, etc. Constilutis eliam laiium juralorum noslrorum proprie
manus subscriptio, si opus csset, Iilterarum comparaliooe et sui sigilli im-
pressio cum certis inlersignis assignant in calervis cum eorum nominibus
et supradictis aliis remanebuni, ut adhibitis rautelis competcnter quibus-
cumque fraudibus de cetero faciiius falsitatibus occuralur. Résidentes in
villa et curia Lemoviccnsi idem pcr omnia observarc habcbunt, hoc salvo
quod sub modo dictandi iu noslra presentia deputabuDlur ccrii in curia
T. xxzix. 9
134 SOCIÉTÉ ARCBÉOLOGIQDE ET BISTOIIIQOB DU UMOUSllV.
continue résidentes qui de fidclitatc probati cl induslria cxpcrti sinl spé-
ciales clerici subilla forma; Inpresenlia nosira, etc., récipient illoque sub
illa forma recipientium nomina palam scripla erunt in nostra curia et
appensa.
Slatuimus eliam ul nullus juratus de cetero repnletur qui in scriptis
redaclus non fuerit et positus f u regislris.
Item ut illorum qui horam soliiam et debitam prevenire ac adversario-
rum suoram absentium captare ac vel maliciose et precipitose conantes
agere faciunt per servientem nostnim adversarios proclamari et in papiro
statim scribi faciendo maliciis et fraudibus obvietur :
Duximus statucndum ul in nostra curia Lcmovicensi sic nullus de oeiero
proclanietur, nisi de nostra audiencia inchoala et oiBciali nostro aul suum
iocum tenente pro tribunali sedentibus serviens vero proclamans carteilos
recipiet et cusiodiet donec audiencia per inlegrum recepla fuerit, el cause
per ofHcialem nostrum aut ejus Iocum tenenlem audite« posl recessum
vero oHicialis ad pulsalionem campane in curia nostra appense. Demum
receplor car tellorum proclamabit sic fine, hoc que nichil recipiet pro se-
cundo clamore.
Talis impclravil contra adversarios et si nullus appareal contradtctor.
Tum in papiro scribatur et habeal scriptor unum denarium tantum pro
scriplura. Si vero contradicior appareal scribetur lalis impedivii impe-
trare volentem et solvcl tum contradicior obolum pro scriplura.
El nisi contradicior appareal partes ad officialem expediende milienlor»
aliter revocalorie impetrate nullius penitus sit momenli. Impctrans Umen,
si posl curiam vel extra invcntus fuerit, cilari poteril ut expedire causam
veniat. Quod si venire contempserit, revocabitur quicquid per cum fuerit
impelratum. Verum quia per fraudem quarum ambas parles revo-
calorias impelrare contingit, idcirco illam vallere decrevimus que ab
officiali vel ejus Iocum tenente in figura judicii fuerit impetrata, ad ser-
vientis vero clamorem obteola nullius sit valoris.
item quia nonnulli minime actendenles judicem contenlum eliam (?)
debere altéra jpean absenti contumaciter (?) imponenda, nisi demum ubi
conlumaciis proler\'ilas id exposcit adversarium aut inlerdictum excom-
municalum vel agravatum paulo posl lazacionem expensanim aliquaram
somarum (?) cilari faciunt audiluros el lune (?) expensis laxari faciunt
contra ipsos.
Hoc statucndum de cetero inhtbimus, nisi demum elapsis tribus men-
sibus a tempore prime senlencie computandis, quibus quidem elapsis
tribus mensibus in taxacione de prima sentenlia tidem plenariam fîeri
volumus laxari cujus dalum in litlcra laxacionis idem taxator inseri facial
atque poni, aliter vero in casu premisso taxat.io facta non valeal, el impe-
Irans tenealur parti alteri in expensis.
Item slatuimus pro agravaiionibus concedendis a nemine aliquid exi-
gatur super quorum concessîone el inspectione inferius est specialius
ordinalum (1).
(1) Ces ordonnances spéciales se trouvent plus loin au d* II.
ANCIENS STATUTS DU DIOCÈSE HE LIMOGES. 135
Prohibilionibus vcro conccssis in casibus a jure permissis per conec-
dcDtem scxdcnarios levari volumus lanlum. Inhîbenles ne pro ipsis inhi-
bilionibus nisi quod per nos.ordinatum est statulum altcrius cxigalur.
Item quod fréquenter dedicimus quod cum proplcr iniquitatem
et injusliciam aliquorum adullerina sigilla in litleris Lemoviccnsis
curie apponentur eas exccutoribus quibus diriguntur minime pre-
sentando et alias propter mulliludincm lillerarum et personarum in eis
coDlenlarum mullos injustos denunciari si inddatos el ligalos multoties
accidisse.
Slatuimus ut nulle sentencie cilaliones vel aggravaliones fidem faciant,
née ad probandum valeant, nisi sigillale fuerint sigillo cappellani vel vi-
carii illius contra quibus diriguntur el impelrantur, vel alias per relatio-
ncm executoris allerius super execulione contenla, in ipsis lillerisdepuiati
el cadcm causa staluimus ut liltera cxcommunicationis a modo fidem non
faciat, nisi pars hujus lilteram excommunicalionis exhibcre de interdiclo
a quoemanavit excommunicalionis senlcnlia, sigillo cappellani vel vicarii
sigillato, vel specialis executoris ad hoc docuit et de eo fecit plenariam
lîdein.
Item quia non nulli qui post absolutionem concessam scntenciarum
litteras retinent, etc., illi contra absolutos impétrant et agravant multo-
ciens fraudulenter*
Slatuimus ut post absolutionem alicujus concessa[m], vel relaxationc
darantc, litière agravatorie vel quccumque impétrant minime valeant nisi
qui absolutionem se oblinuisse assoruil eamdem exhibilurus citalus con-
lumax existens el in prislinis sentenciîs rcdaclus fueril, vel aliter citalus
de novo super querelis non apparuerit cl ab hoc sentcncialus fuerit ejus
contumacia exigen[s].
Item maliciis ciiacionium tandem denunlianlur ne pars sibi precipitaia
providere in agchdis nec ad arripicndum itcr comodc sperare valeat ob-
viare volentes. Slatuimus quod in lociis circa civilalem silis citra quatuor
leacas per duos dics anle diem quoquis cilaiur. In locis disianlibus a
dicta civitale ultra quatuor Icucas usque ad duodccim, per quatuor dies.
In locis disianlibus ultra duodccim Icucas usque ad decem et octo, per
sex dies. In locis disianlibus ultra decem et oclo leucas, per oclo dies,
illt qui citabilur, citacio nuncielur quorum dierum numéro diem nun-
ciationis citalionis volumus compulari.
Adicienles in agravationibus scntenliarum in civilate Lemovicensi el
castre et locis infra duos leucas silis, senlentie contra personas ibidem
commorcntas postlapsum duorum dierum el non ante valeant aggravari.
CoQlra personas vero in locis ultra duas leucas silis commoranlcs post
lapsam seplem dierum. Contra commorantes in locis ultra seplem leucas,
demom elapsis diebus duodccim senlcncia agravelur. Impetratas autem
agravationes aliajs et precipitalas temporc el anle tempussuperius prelaxa-
tum, volumus non valere.
Gum multi mullociens agravationes multiplicent, ut parles fatigent labo-
ribas et involvant in expensis, item quia mulli in agravando formam de-
biiam non observant, verba superflua in ipsis agravationibus fréquenter
136 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIK.
ymo comuniter mulliplicanl et involvunl, quilibct per maUtiam, quilibel
per iguoranliam et impudenliam, ut partes gravent sumplibus muitiplicala
scriplura; ideo cerlos et limitatos modos agravandi sentencias duximus
ordinandos quos in curia palam faciemus appendi.
Staluentes ut scriptores de cctero modos et formas hujusmodi teneant
in faciendis agravalionibus et observent scripturas ; si contrarium feccrint
quod non Icnebit agravatio et ipsi aliter débite punientur. Cum tamcn
personarum contemptus evidens aut negociorum qualitas vel tcmporis diu-
lurnitas id exposcerit, nos de specialibus agravationibus curabinnus pro-
videre.
Item caplantium et procurantium vexaciones partium sumptus et la-
bores maliciis occurere cupicntes citationcs super securitale prestanda
super denunciantis quod vcnire ru..suros in juris subsidium, ut aliqui de
aliéna diocesi ad nostrum diocesim quis trahatur impetrari nolumus, nec
concedimus ad sigilliim« nisi prius officialis nostri vel iocumtenentis ejus-
dem super hor. habita licencia spécial!. Cum in hiis quorum sit opus io-
formacione summaria ad evitandum dolum qui multociens in hiis commilti
contingit, anlequam ad dandum licentiam de hujusmodi impetrandis cUa-
cionibus concedamus.
Item ad excludendum maliciam illorum qui quoniam ut alios fraudent
suis debitis, se fraudulenler absentant, seu moneri super debitis suspi-
canles, duximus staluendum ut monitiones ipsis personis principalibus
si invcniantur aliter publiée in ecclesii cujus existent^ vol in domicilio
ubi morari soient, vel consueverunl, de celcro nuncientur; de cujus dc-
nunciationis temporc denunciandi capcllanus et executorcs nos certificient
per cartellos ipsis monilionibus anncxaios, pro quibus non rccipiant nisi
lantum unum denarium pro labore. Inibentes dislricte ne monitiones
hujusmodi aggraventur nisi dcmum elapso tempore in ipsa inonilione
contcnto. Sic enim monitiones et scnlcncias in ea contentas amodo valcre
volumus. licct principales personnas nisi inveniri potucrint minime ap>
prehcndant.
Statuimus etiam de cctero datam litterarum annuatim in festo Ânnun*
tiacionis Do:ninice mutari, prout mutacionem alias fieri in festo Pasche
extiterit ordinatum, cum propier binum cursum in anno uno, predicli fcsti
Pasche, in computatione date multi quoniam (?)extitcrunt circumve&ti{l).
(1) Le commencement de l'année au ztii* siècle était fixé à Piquet. Mais il y ATait vn rê«l
inconvénient à commencer l'année à une fête mobile, car on pouvait trouver deux fois la mësie
date dans la même année. Ceitpar exemple ce qui était arrivé peu avant l'élection de Raynaad
deLalorte. L'année allant de Pâques 1203 \29 mars) à Piques 1294 (18 avrU), avait ej vingt
Jours en double : deux 30 mars, deux 31 mars, deux 1" avril, etc., jusqu'au 18 ; en sorte que
les actes datés du 1" avril, sans autre indication, peuTent être indifleremment attribsés a«
1" avril 1293 ou au 1*' avril 1294. L'autorité ecclésiastique, qui réglait toutes les questions d«
calendrier, fit cesser cet inconvénient. Pour cela, son chancelier et garde-sceau de Limoges,
Pierre Faure (a), rendit en 1300 une ordonnance d'après laquelle on devait coounencer l'an*
{a) Magister P. Fabri, cancellarius et custos sigilll curie Lemovieensis (BiM. nat., m», laft.,
U019, foi. 275).
ANCIENS STATUTS DU DlOCÉf>V DB LIUOOES. 4 3*7
Rursus causarum négocia emendendacredentes ctamputans(?)dilacioneni
materiam intendcntes in seu litis inilio dari sta-
tuimasdiem ad respondendum vel proponendum nisi sil lalis pelicio com
sit statuni de slilo curie Lemovicensis respondendum.
Item et quo ad poncndum et respondendum nisi sit talis pcrsona coi
commicti debeat, nec non ad dicendum in personas cl in dicta testium in
causis una cl eadcm dies parlibus de cetero prcfigalur de posicionibus
et parlibus ad concludendum vel ad audiendum jus in causa certa dics
exUlerit assignata contraponal si contraponere volneril el alias super
eodcm facto non posueril seu contraposuerit in processu ullerius cum
ad coDtraponendum dilacio minime concedalur.
hem si exceplio excommunicalionis in processu posila cl recognita
Tel alias probata per parlem adversam absolulio proponalur, proponens
absoluciones hujusmodi siatim de ipsa doceat nec ad probandum alias
admiclatur nisi juramento proprio appareat se absolulioncm pre manibus
non habere ; quo casu terminum unum ad docendum de ca sic propo-
nenli dari lantum volumus, nec ulterius cumdcm admicli, ne de procès-
sibus cause fiant et lites ex litibus oriantur, rursus ne probationis maleria
rcslringatur, injurie que et maleficia non remaneant impunila.
Slatuimus ut de celero in causis injuriarum et in cxceplione spolia-
cionis facto, lestes teslimonio compellantur etiam per pcrsonam quam-
cumque, cum judicia claudicare non debeant, jurclurquc de cclcro in
spoliacionis cxceplione ad probandum super ea dlc assignata.
Item in causis excusationis ullra duas vices minime admicli slatuimus
qnin per procuratorem procedi poterit, nisi veritas excusacionis coram
OAbis légitime probarelur. Quam probationem et spacium sive Icmpus
interprimam et sccundam excusationem aut sil competens noslro arbîlrio
reservamus, cum per excusaciones multipliées pro cclcrala négocia
impcdiri qac fines litium parlibus maliciose hoc procarantihus dicimus
per cxperla insuper ut cause sine calumpnia procédant, lites que brèves
fiant. Statuimns nt nullum de celero deffensorem admicli in causis pro
née le jour de la fête de rAnnoncUtion (35 mars) (b). Ces statuts de 1310 donnent ici )a con-
firmation, on peut-être la simple réédition de cette mesurei en prescrivant aux notaires et à
tons les officiers relevant de la juridiction ecclésiastique d'avoir à obéir à l'injonction du
eliaxieelier.
Le système ioaaguré en 1301 et confirmé par l'évêque de Limoges dans ces statuts de 1310
resta en vigueur 265 ans. L'édit de Boussillon en Dauphiné, donné le 4 août 1561 par
Charles IX, fixa au 1" janvier suivant le commencement officiel de l'année 1565 dan» toute
rétendae da royaume : ■ Voulons et ordonnons qu'en tous actes, registres, instruments, con-
trais, édita, lettres patentes, missives et toutex écritures privées l'année commence doresna-
vaAt et soit comptée du premier jour de janvier. » Cet édit vérifié et enregistré par le parle-
ment de Bordeaux dès le 20 avril 1565, fut publié à Limoges le 20 septembre et appliqué daos
toute la province le 1*' janvier 1566. (Voir : Des formules de date et de l'époque du comtnen-
ce*neni de Va utéeen Limrttuint par I<ouis Guibert. — Tulle, Crauffon, 1886).
{b) Nota quod data litteraruro, contraciuum solebat mutari in festo Pasche, in dyocesl Le-
movicen^i : sed magister PetruH Fabri, cancellarius et custos sigilli curie Lemovicensis losti-
tuit quod data muuretur quolibet anno in festo Annnntiationis Béate Marie (Chron. de Saint-
Jfartial^ publiées par Duplès-Agier, p. 140).
138 SOCIÉTÉ ARCHÊOLOGIQUB ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
présente in dioccsi, nullojusto impedimenlo detcnlo donec juratum fueril
de calampnia pcr eumdeni.
Peticionique centum soiidorum summam non excedcntem de cetero
Rtalim volumus responderi, et si quis citatus fueril causas et raciones
anditurus contra in monitione ad ejus instanciam, impetrala die qua sit
adversarium suum citari fccerit vol alias ad dicendum fuerit assignala,
licteris exhibitis, dicat, nec aiia diiacio concedalur.
Item si quis absolvi petierit et contra ipsum manifesta offensa propo-
sita fuerit et probata, is qui se absolvi petierit de saiisfactione, solucione
vel quictacione vet alia justa replicatione utalur. Statim rcplicationi sue
per partcm responderi slatuimus. Quod etiam in aliis exceptionibus ne
c^usarum protrahelur cxpeditio volumus et observari jubemus.
Item statuimus non impelrari citation cm auditurum causas et rationes
ab eo qui monitus fuerit ultra terminum quindecim dierum, quod si fes-
tum fuerit citatio non valeat, et impctralio teneatur parti alteri in
cxpcnsis, cum per bas cilationes terminum longiorem habentes crcditorcs
suis debitis per protractionem et dilacionem minime dcfraudentur.
Item ad excludendum omncm fraudem statuimus quod non fiant aliqua
memoralia nisi per scriptores in curia résidentes, et quod si memoralia
sigillanda parlium concensu porlentur, concodentcs exprcssis nominibus
et présentes manu propria se subscribanl in eis, vel coram altero de
juratis in curia residentibus, qui noiiciam corum habeant pcrsonaliler
comparentcs per eum scribi faciat quod coram eo et a talibus est con-
cessum, processus enim habitas extra curiam etiam de concensu nullius
sit momenli.
. Cum intelleximus aliquos privatos abuti processibus judiciariis, et extra
curiam nunciant intra se causas processus et memoralia facere, que res
sicut erronea est penitus exiirpanda.
Memoralia etiam signata nisi solum sigillentur ipsa die qua concessa
fuerinl et signata, fidem facere nolumus : Cum mulli in fraudem sigilli
talia solum signata longo tempore icneant et niulti sub sigillis antiquis
quorum caractères non apparent liquide postmodo seducendo cancclla-
riam ipsam talia non sine dampno partium quidam procurant et faciunt
sigillari.
item litière testimoniales que ad sigillandum porlari continget et ag-
gravaiioncs etiam previdebuntur pcr aliquos a cancellario dcputandos, ut
constel quod a juratis curie liltere sunt recepte et aggravationes secun-
dum usum approbatum et solitum impctrcntur.
Itcpi slatuimus quod si partes super expcnsis summarum deffectuum (?)
vel quorumcumque proccssuum inler se conveniant vel componant, quod
cis liceat, et quod taxator pro expensis nichil percipiat, nec partes ad
taxandum aliter invilos compellat sui laboris cum (?) erit exoneratio, sine
quo nichil débet recipere. Ymo quod partes volunt, potius sequi débet.
Nec etiam idem taxator aliquid percipict pro illis que in causis matrimo-
nialibus pro interesse videlicct sponsoliorum, pro carnali copula, pro de-
floratione vel ex consimilibus causis adjudicantur quas cum illa judiciali-
1er venianl et idco reddenda et agenda sunt gratis.
ANC'.EIfS STATUTS DU DIOCESE DE LlIlOGBS. i39
Item illi coram quibus posicionîbus et articulis respondetur, moderatum
salariam rccipiant pro labore, et pars que copiam pétition um et articulo-
rum liabere voluerit, eam fieri et scribi faciat per quemcumque scriplo-
rem curie Lemovicensis quem duxerit eligendum, licet quodvis aliud
fuerit observalum.
Item quia quando comode non polest habcri judicis copia, duximus sla-
tueodum ut si partes unanimiler coram altero de juntis in curia residen-
libus et propriam sedem habentibus promiltant se expedirc, si altéra pars
iu expedito negotio recédât postmodum quod ad relalicncm talis jurali
propria manu se subscribenlis et coram eo extitit, concedatur contra con-
lumacem sentencia vel deffectus. Et in causas coram advocalis expediri
subscribat, et quod tam résidentes quam foranel in omnibus litloris quas
de cetero facient nomen suum subscribant.
Item statutmus quod bajuli coiifratrie semel in annô de levatis et per-
ceptis juribus confratrie reddant rationem et computum et prestent reli-
qua hiis qui post ipsos fuerunt bajuli depputati, et non levata ab liiis qui
solvcndo eztiterunt obuoxii seu confratrie obligati fuerunt, nichilominus
de suc reddere dicti bajuli preslare habeant ut insistentur ad diligentiam,
et ad recuperandum ipsius confratrie dcveria fortius vlgilent, et inten-
dant culpam eorum et dcsidia totaliter non pertranseant inpuncta. Adi-
cicntes ul illi confratrcs duntaxat de cetero repuleatur, qui recepti erant
per bajulos, et in eorum papiro scripti non fuerint, scribi se faciant; si ad
comestiones vel ad alios confratrie actus spçctant admitti, cum ignominia
repeilantur.
Districtius injungentes ut confratrcs in curia resîdenles, hora débita,
ante epislolam ad lardius, ad missam béate Marie, dicbus sabbalis et aliis
de quibus statutum est veniant; alioquin, sine omni remissiohc, duorum
denariorum pcnam solvant, cum ex facililate venie dissuctudincm assump-
serint a paucis temporibus veniendi.
Item statula oostra, una cum usibus approbatis aliis, quos stilum curie
vocamus, tam in negociis quam in causis ab omnibus observari precipi-
mus, subteneri sub pénis excommunicalionis; districtius injungentes ut
contra ea nullus stetur, facere aut actemptare présumât. Quod si contra-
rium factum aut contcmptatum fuerit, id decrevimus non valere, trans-
gressoribus pena débita infligenda.
Acta fuerunt hoc et per nos staluta et ordinata die martis post oclavas
omnium sanctorum, anno Pomlni millesimo ccc'"^» decimo.
II
Au 31* folio du manuscrit, à la suite des statuts précédents, et
sans aucun entête ni préambule, se trouve l'ordonnance spéciale,
annoncée plus haut, au sujet des excommunications avec aggrave.
Le concile de Tours, tenu en 1239, prescrit la manière de pro-
céder en înatière d'excommunication : il défend aux prélats la pré-
140 SOClÉTi AllOIÉM.Oâiai>K KT BlST0ftK}UR DO USIOrSIN.
cipitation; il vent qu'après les monitions et rexeomiBunicatioa, ils
usent de Taggravation en cas de eontumace, et eDRn de la réaggra»
yation, quand le coupable montre une obslloation invincible.
La forme des aggrares et réaggraves é(ait différente sdon les
usages des diocèses. Dans quelques-uns, on les prontiançait par un
seul acte, avec des délais përemptolres; mais dans la plupart Ton
usait de deux actes séparés. L'ordonnance suivante nous fait con-
naître avec détail comment les choses se passaient dans le diocèse
de Limoges.
Les aggraves et réaggraves qu'on publiait après rexcoromuoica-
tion n'étaient qu'une confirmation des premières censures que
l'Eglise faisait publier, afin de donner lieu à ceux qui avaient en*
couru l'excommunication de faire des réflexions sur leur état.
C'est pour les monitoires qu'on employait le plus ordinairement
les aggraves et les réaggraves. Le juge qui avait permis la publi-
cation d'un monitoire permettait aussi d'obtenir de l'offlcial un
ordre pour publier ces confirmations d'excommunications contre
ceux qui refusaient de révéler les faits dont ils avaient connaissance.
(D'Héricourt, Lois eccles., p. 174).
L'aggrave ou anathème se publiait ordinairement au son des
cloches et avec des cierge3 allumés qu'on tenait en main, qu'on
éteignait ensuite et qu'on jetait par terre. (Dugasse, Traité de la
jurid. eccles.^ Part. xi% p. 203. — Fleury, Inst, au droit eccU^.y
1. 1, p. 72).
Si cilasli talem ad talem diem pro tali comparenle quoniam noa venil,
nec misil ipsum quem exqao présentes rccepilis ialerdicimus, sie sentcn-
tia dcnuntietar nisi defifectum impelraverit.
Quoniam talis tandiu sustinuil interdici a nobis pro tali ipsam quem
cxcommunicamus et ejus familiam interdicimus sicaentencia deouncietur.
Quoniam lalis sostinuit interdici et excommunicari a nobis et ejus fami*
lia interdici pro tali scntentia agravando vobis mandamus qualhinus ipsum
cxcommunicalum denuncietis nominalim et publice singulis diebus demi-
nicis cl fcslis, cxlinctis candelis, et pulsalis campanis et ejus familiam
sub disiriclo Icncat inlerdicto.
In virlulc sanclc obcdicniic cl sub pcna cxcommunicalionis vobis man-
damus qualhinus seniencia lala a nobis in talem cl districtc in ejus fami-
liam interdictum pro tali prout late sunt^ firmitcr observelis et dcnuocic-
lis, cxlinclis candelis, cl pulsalis campanis, prout alia dalum est in man-
dalis. Et ter in qualibet seplimana cl in isla polcris poni seu moneri
dietum (t) et servientem et etiam parlicipanles usquc numerum vigcnii
(1) Ce mot, répété plusieurs fois dans la saite, est toujours écrit dum; on peut lire die-
tum, dominirm, ou autre mot semblable.
iSCClKNS STATUTS DU DIOC&SK DK LIUOGRS. 141
taDtum. Et dicatur sic moaeatis ules nec cum diclo excommunicalo partî-
cipenl edendo, libendo, terras suas vcl vincas excolendo, domos suas
conducendo, vel a!io quoquomodo, nisi in casibus a jure permissls» et
nichil amplius pooatur in ista clausula nisi conclusio, videlicet quod si
feoeriol contra eos gfavius procedainus.
Iterato in virlote sanclc obediencie et sub pona cxcommunicaiionis vo-
bis mandamas quathinos senlentia lata a nobis exigente justitia, in lalem
et districte in ejus familiam inlerdictum pro tali prout laie sont observelis
et eas dcnuncietis uorninatiin et pubiice singulis diebus dominicis et festi-
vis, eztinctis caodelis (4) et pulsatis campanis, et ter amplius in qualibet
septimana prout alias datum est in mandatum; et cesselis a divinis officiis
ipso vel aliquo de ejus familia présente in ecclesiis vel in portalibus ea-
ramdem, et moneatis iterato dictum et senicntem, et compellanl infra
sex dies reddentur ad fîdelium unionem. Quod nisi nnonili fecerint, ipsos
quos ex nunc interdicimus, sub interdicto teneatis et iterato moncanlur
participantes.
Iterato quod erit 3o ut supra, hoc addito, quod cessetur ipso excommu-
nicato vel ejus familia prescntibus in ecclesiis vel in portibus, seu cimitc-
ris et dictum et servientcm et in ista moncantur iterato quod erit tertio
participantes et si fecerint eonlraricim et cooslent denuncientur excommu-
nicati.
Iterato quod erit quarto etc., ut supra, hoc addilo quod fiel agravalio
contra dictum extinetis caodelis et in subsequentibus agravalio ni bu s post
agraventar contra dictum sicut contra principalem et participantes denun«
tieotur excommunicati nt supra et nichil amplius aggravelur contra eos
sed denuntientur modo ut supra.
Iterato quod erit quincto, etc., ut supra, tam contra dictum quam contra
principalem et denuncienlur bis in missa solempni cujuslibel dici domi-
nice et diebus festivis.
Itéralo quod erit vi^, etc., ut supra, hoc addito quod mandetur denun-
cîari ter in qualibet missa solempni cojuslibet diei dominiee et festive,
tam contra principalem quam contra dictum.
Iterato quod erit vti^, hoc addilo quod mandentur dcnunciari semel in-
ler alias très ad portai e ccclesiarum.
Iterato quod erit oclavo, etc., ut supra, hoc addilo quod in denuncialionc
que fiet ad portalc, prohicianlur très lapilli versus domum excom-
municati.
(1) Ces excoBimuDicatJoiifly où l'on éteignait les oierges, rappellent la célèbre excommuni-
cA:oii des Pères da eoocile de Limoges de 1031, coûeile d'où sortit fa Trêoe ou la Paix de
JHem.
w Ex autoritate Del patrh omnipotentis .... excomaninicamus iUos militeft qui pacem et
â* junitiain episcopo suo firmare nolunt. Maledicti ipsi et adjutores eorum in malum; maie-
• dkrU arma eorum et cab«IU Uloritai; emnt cura Caîn fratrida, et cam Joda tradttore, et cnm
• DfttlMo et AMron, qo! Tiri iotroieront in infcrnqm. Bt Kicot he lucerne extlnguuBtar in
M ocalia TeatrU, ita gandium eorum extinguetur in conspectu saootorum angelorum... » Om-
ne* epUcopi et presbyteri nandelas ardentes in manibus tenentes, mox eas in terram proji-
cictttes êxtiaxemoi. Ad quod verbom cor populi valde expavit, et omnes clama veniiit
discentea : « Sic ezUnguat Detis letitiam eorum, qui pacem et justitiam suscipere noiuat. »
14i SOCIÉTè ARCHéOLOGIQOE ET HISTORIQUR DU LIMOUSIN.
Uerato quod erit nono, elc, ut supra et quod dcDuncieotur scmel
amplius singulis dîebus non feriatis cum coniumacionibus que mandabilur
cessari villls, castris, burgis, et locis at otiam feriatis ter in mlssa solen-
niori ut supra.
Iterato quod erit decimo, etc., ut supra cum contumatione cum simili.
Ileralo quod cril xi", etc., ut supra* ci in ista nisi sit in villa populosn
multum poierit poni illa clausula quod cessetur villls, castris ita quod non
ponatur familia.
Iteralo quod erit XII* ut supra et in ista ponantur quod denuncientur
singulis diebus feriatis et non feriatis et ter in qualibct missa. Âlie impe-
irontur ab officiale vel cancellario antequam scribenlur.
m.
CONSTITUTIONS SYNODALES.
Sous ce titre français, on trouve au folio 35* des constitutions
publiées à la suite du second concile général de Lyon, tenu par
Grégoire X en 1274, Ces constitutions sont en quelque sorte le
résumé des actes de ce concile pour les parties que Févéque de
Limoges voulait promulguer d'une manière particulière dans son
diocèse. L'auteur de notre manuscrit a indiqué, à la suite de cha-
cun des cinq premiers articles, les chapitres du Corpus juris conte-
nant les actes de ce concile d'où ils sont extraits. Ses indications
sont abrégées et incomplètes. Nous les complétons et donnons
môme en note le texte de ces chapitres.
Avec la suite, nous avons vraisemblablement les statuts de Gil-
bert de Malemort et de ses prédécesseurs, ainsi que nous l'apprend
Raynaud de la Porte lui-même, en les publiant de nouveau. Le
premier article, qui défend aux religieux et autres de recevoir les
dîmes qui appartiennent aux églises paroissiales, s'appuie sur le
concile de Montluçon, tenu en 1266, antérieurement à Tépiscopat
de Gilbert de Malemort. La rédaction de cet article doit dater de la
tenue de ce concile.
Ces statuts avaient été publiés dans un des deux synodes rassem-
blés chaque année, le premier à la Pentecôte, et le second à la
fête de Saint-Luc (18 octobre). Au xvn* siècle, les évoques de
Limoges les rassemblaient toujours à peu près aux mêmes époques,
puisque les statuts de 1619 portent cette ordonnance : « Suivant les
anciens statuts et Tusage de ce diocèse, les synodes se tiendront
deux fois chaque année, à savoir : le premier jeudi après l'octave
de Pâques, et le premier jeudi après l'octave de Saint-Luc,
ANCIENS STATUTS DU DIOGÀSE DK LIMOGKS. 143
Raynaud de la Porte confirma ces statuts et les publia de nou-
veau dans le premier synode qu'il tint à la Saint-Luc, probablement
Tannée 1295 : In presenti synodo Sancti Luce quam primam celé-
bramus,
La puissante maison de Malemort avait pris son nom d'une terre
située à une demi-lieue de Brive. Les seigneurs de Malemort, barons
du Limousin, se qualifiaient princes dans les chartes desx*" et xi« siè-
cles. Ils prirent part à la première croisade, en 1096, et fondèrent
le monastère de Dersses en 1212.
Gilbert de Malemort, fils d'autre Gilbert de Malemort, était archi-
diacre de Limoges lorsqu'il fut élu, le IS ou le 16 décembre 1275,
par le clergé assemblé, pour être successeur d'Aimeric de Serre,
après une vacance de trois ans cinq mois et treize jours. Il reçut
sa confirmation de Tarchevôque de Bourges, dans l'octave de Noël
de la môme année, et fut sacré le dimanche de la Passion, 22 mars
suivant.
Il fit, en 1282, une transaction avec le chef des Templiers du
Limousin, touchant les églises qui dépendaient de cet ordre. En
1280, il assista au concile de Bourges. En 1287, il obtint de Philippe-
le-Bel un mandement portant défense à qui que ce fût de troubler
révoqué de Limoges dans sa juridiction temporelle de la Cité. Le
23 août 1278, il assista au concile d'Aurillac en Auvergne. Le 19 sep-
tembre 1286, il assista à un autre concile de Bourges. Il était à
Rome le 16 novembre suivant. En 1288, il unit des archiprétrés à
quelques cures.
Il fit son testament en 1293 et un codicille le mercredi après la
fête de Saint-Nicolas de mai, 12 de ce mois 1294, et mourut le 9 ou
le H juin 1294. Il fut enterré dans la cathédrale, au milieu du
chœur. On voyait son inscription sur une plaque de cuivre, dans la
chapelle des Trois-Rois :
Qui jacet iu lumulo si quserat forte vialor
Hic jacet antlsles moribus cximius,
Gilberlus Malamorl erai ilH nomen avorum.
Reddldil hune celebrcm fama decusque patris.
Poiiliticali annis b!s novem munere functo
Corpus lerra rapil, spiritus asira capil
Obiil anno dotnini 1294.
Un sceau de cet évéque portait une main bénissante, mais ses
armes de famille sont : fascé d'argent et de gueules de six pièces.
m
Constitutions synodales,
Scnlencia lala in consilio Lugdunensii in illos qui ralione regalium, sou
144 SOCIÉTÉ AMGMÉOLOGIQUK KT HlfiTORIOOK DV UMOUSirc.
cusiodie sive advocâiioDîs bana ccclesiarum, sede vacaiite« osnrpaai de
novo uk ex[lractum] de Ekct. Caput Generali, (XIII de ElecL L. I. Til. 6,
inVI)(l).
Ilem in illos qui per violenliam vel metu presumenlurextorquere absolu*
cionem vel revocalionem senlenlie excommuDicaiionis, suspencionîs vel
interdicli ui ex[tractum] de his qui ci metus oe causa fiunt. Capot. Ah-
solutioniê, (L. 1. Til. XX, Capul unîcnm) (%).
Item in illos qai prelaios vel personnasecclesiasticas submiiicfe subjaeere,
vel SQpponere sibi présumant, nisi de consensu suicapUnli rt !iceneia sedis
aposiolice ex[traclum] de rebua ecclesie non alienandis. Capai ttoo eonaïU-
tiaêimo. (t. III, Til. IX, in VI) (3).
(1) CAPUT ZIIl
GenenM constltotione sâncimus, uniTersof et singulos, qai regalîa. custodiam, aive gtiardiam,
adrocationis teu defeneionis titulum in Eficlesiis, monaeterilii, tea quibuslibet aliis plia locis,
de ttftvo uturpare cODantes, bona eccleaianim, monaaterionim aat loooruin Ipaoram ^acaintiom
eecupare proatonvat» quantneunque digmUtls honore prnAilgaant : Clefieoe etiam Boeleaianioi,
Monacbos monaateriorum, et personaa caeteraa loconim eorumdem, qui boc fieri procoraot, eo
ipKo excooimuDicationia aententis decernimus subjaeere. Illos vero, qui ae (ut deberent) talia
fteieotibui fioA oppoDunt, de proventibua Ecclesiarom, aaa loconim ipsoram, pro tempore qoo
pnamissa aloe débita contradictione permiseriDt, aliquid peicipere districtius inhibemus. Qui
autem ab ipAarum Ecclesiarum, caeterorumque locomm fundatione. Tel ex antiqua consueto-
dine Jura aibi hujusniodi Tindicant, ab illorum abatru aie pmdenter abstineaot, et sacs miois*
tros in eta aolicite faclant abatioere, quod ea, qusB non pertinent ad fnictuaaive reditua proTe->
nientes vacationis temporel non usurpent : nec bona estera, quorum ae afferunt haberc
cDStodiara, dilabi permittant, aed In bono statu conserrent.
(2) CAPUT UNICUM
Crregeritta X in eoncUio generali Logdun.
(an U73 in Gattla.)
Absolutionia beneflcium ab exeommunicationia aentebtia, vel quamciinqu« reToettloviein
ipsius, aut suapenaionis, seu etiam interdicti per vim vel raetum extorta, prawentia constitotio-
nis auctoritate omnino viribus vacuamus Ne autem sine vindicta vlolentias crescat audacia,
eoa, qui abaolntionem aeu revocalionem hujuamodi vi vel metu extoracrtnt, ezcommuftiea-
tionis aententisB dêcerDimua aubjacere.
(3) CAPUT H.
GregoriuB X in concilio generaii Lugdua.
Hoc consultiasimo prohibemus edicto, universos et singulosprœlatos Eccleaiaa sibi commisaaik
l)ona immobilia, seu jura ipeaiom UtioiB aubmittere, aubjicere, aeu supponere, abaque Capi-
tuli Bui consensu et Apostolicaa aedis lioentia speciali ; non concedendo bona ipai vel jura in
emphyteuslm, seu alias allenando in forma, et casibus a jure permiasis : sed eonstituendo, vel
recognoBcendo, seu profîtendo ab illis ea tauquam a superioribus se tenere : seu ab ipsisi
easdero advocando, prout in quibusdam partibus vulgariter dicitur, avoher, vel ipsoa Paintno^.
vel advocatos Ecclesiarum, seu bonorum ipsarum perpétue, aut ad tempus non Inodicum ata-
tuendo. Contraclus autem omnes etiam juraroenli, pnnn, vel alterius cujuslibet firmltatia
adjectione vallatos (quos de talibus allenationibus sine hujusmodi liceutia et consenau contl-
gerit celebrari) et quidquid ex eia secutum fuerit, dicernirous adeo viribua omnino earere, ut
nec jus aliquod tribuant, nec prsscribeDdi etiam causam parent. Et nihilominus Prdatos, qui
secQs fecerint, ipso facto ab officio et administratione : Clerioos etiam, qui, acientea contra
inhibitionem praedictam aliquid esse pr»9umptoroi td auperiori denuntiare oeglexerist a per-
cepUone beneflciorum, quse in Ecclesia obtinent sic gravata, trienno statuimus eaae auapeoaoa.
Laici vero, qui Prslatoa vel Capitula Ecclesiarum aeu alias personaa ecclesiastl<;^a ad aubmis-
fiiones hujusmodi faciendas hactenus compulerunt, niai poat competentem moniiionem (remiasa
aabmissione, quam per vim vel metiim exegerant) Ecclesias. et bona eccleaiastica eis submtasa
taliter in sua libertate dimittant : Illi vero, qui de c«etero Praslatos, vel pereonaa ea«dem ad
ANCIENS STATUTS BU niOCàlIR DR LIMOGES. U5
Id illos qni pigDorant.
Item in illos qui pignorant, id esl personnes ecolesiaslicas pro aliis, ni^i
infra mcnsem desllterinl exira[clum] de infurus et dampno dcUo. G»pvt
Et 9i pignorationes (L. V, Til. VIII, in VI) (1).
în regps.
Item in reges, principes, barones et nobiles, vel quoslibet eoram mlnis-
tros aut quoscumque alios, si ipsi laies iicenliam danl alicui occidendli
capiendi, vel alias in personnis vel bonis surs, sca suorum, gravandi illos
qni tnlcrint sententiam, vel in illos quorum occasione latesunt, vel obser-
valores eorum, vel lalibus communicare volenies, nisi re iniegra licencitm
revocaverint, vel ubi bona propter hoc capta restituant. Et in illos qui
faciunt premissa ratione mandat! vel proprio motu et si per duos mease:i
sententlas sosiinuerint, non polcrunlabsolvi, nisi a^ede apostolica ex[trac*
lum] de êententiaexeommunieationiê, C^pui Quicumque. (L. V. Til.XI,ca-»
pulXI)(2).
hem non babet locum relaxaiio ad cautelam quoad inierdidi sententi«m
generaliter promnlgaiam in civilates et castra vel quelibel alla loca ut ei-
[tracLum] de sententia excommunicationie. Caput Preêenti (L. V. Tit. Xi,
capat X) (3).
UKa fkcienda compulerint (eujoBcamqQe sint conditionis «ut etatas ) excommiMifcalioBl* «int,
mdUdiU laoodatL Ex «ontncUbus prstaraa Buper pr^mitSM (hujoaiaodl ttceotia H «odmimv
iaterv«iiioMibus) hactenac ÎAitis, Tel quos io futurum loiri contigerit, nau occa»ioae iUoruo :
Laîci ultra id, quod ex natiira contractuum ipsoruoii vel adhibiU in iliia lege permittitur, aliquid
non usarpent. Qui vero secus egcrint (nisi légitime moniti ab hujasmodi uaarpatione deatiterlnt,
restititende etiam ea, qu» taliter usarpaniat) eo ipso nentcotiain exoonmuDicationiB bicuTrMit :
et ez tnne ad •uppooeaduv terratn ipaoram (si «pus fuerit) Eccletiattico intardlcto, ybtji« pro-
cedator.
(1) CAPUT
ISt si pignorationes, qaas rulgaris etocatio represalias nominat, in qufbut aSiaa pre atio
pr«e7PaTatiir, tanquam graves legibua et «quHati aaturali «oatranc, civlH aiat eonatitittioDe
^rotubitae : ot tamen aoraqi prohibitio In personit eceletiaaticia tanto aropliwa timeatiir, qo^nto
ia illis specialiof iobilientur, eaa concedi contra personas prœdictas seu bona ipsoriun, aut
«laantain cunque ;;eneraliter prœtextu cujus vis contuetudinis (quam potim reputamus abuaurn
fore) conceasati, ad tUaa extendi prie^enti décrète districtina inhibemas. IIU autem, qui coatra
fbceriot, adrersw ptraonaa eaadom plgnorationea aeu repreialias contadendo vel ^iendando
ad eaa, ant pnNumptiooeqi httjuamodi revocaverint, a coQceasionia vel extensionis tecnpore
jntnt menaeiUi ai peraonse stngiilares fuerint, aeotentiam excommunicationia incurrant; ai vero
uirfversltas, e<;clesiiaatico aubjaceat interdicto.
i%) CAPUT XI.
Qpicvnqiie pro eO| quod in Hegea, Principes, Barones, nobiles, ballivos, vel qnoslibet minis-
tros eoram, aot quoacunque alioa excommunicationis, suspenaionis, aeu tntcrdicU aententia
fuerit promulgata, licenciam, alicui dederint oecidiendl, capiendi, aea aliaa ia pêr«iofliia aat
bonia auia, vel suozQia gravaiidi eoa qii talea aenttntiaa protulemaC ajve quoruD aint occa*
aione pr(4a(«. vel easdem aeatentiaa observantes, seu talit^r excommunicatis commanicara
noleaies [niai licentiam ipum re intégra revocaverint, vel si ad bonorum captionem occa-
sione ipsias licentiœ sit processum, obi bona ipsa fuerint intra octo dieram »patioin reatkata,
aot «attafactio pro Ipais iaspcasa] eo fpso sententiaai excommanicatianis incvnaot, Siadem
qooqve aaataMia MOt iaaodati omnea, qui aoal fuerint prsedicta licentia data uti, vel fjiquod
praenùsaoram, ad qun committenda dari licentiam probibuimus, aliaa committere aoo motu.
Q^ aatem in eadem aententia permanserint duoram mensium spatio, ex tune ab ea non pos-
iiiit niai per aedem apoatolicam, absolutionia benefleium obtl&ere.
(S) CAPUT X.
Pneaenti général! declaramaa edlcto, beneficium relaxationia ad cautelam, quod ioterdicti
146 sociRTé arguêologi^iib rt histoeiqub oc lihoosin.
•
Item onlinatioseustatulum concilii provincialisapud Montemliicium cçle-
brati (I), quod noDnulli rcligiosi receperont décimas a las'cis sine cou-
sensu dyocesaniet alii layci et seculares clerici in prejudicium ecclpsiaronn
parochialium juris prohibiciouem tenenl, contempnentes, sacro approbanie
coDcilio, ordinamus qood rectores ecclesiarum vel eorum vicarit, publiée in
ecclesiis suis semel, 11", et terno, aslaote plèbe, moneant, prohibeant et
tradendo vel recipiendo lalia de cetero actemptenl, quod si moniçione
hujusmodi non obstanle, contra premissa fecerint vel venerint ipsos quos
ex iiinc sàcro approbante concilie in scrîplis excommunicamus ; excomrou-
nicalos auctoriiate dicti concilii publiée diebus dominicîs etfesiivis nuQcie-
lis vel nunciari factatis.
Moneantur etiam semel, secundo et teriio per eosdem ilH qui contra juris
disposiiionem décimas receperuut ut eas, quia cum periculo animarum sua-
rum detinent, restituant ecclesiis parrucbialibus ad quas spcctant, alioquin
ad resliiuendum easdem per locorum ordinarios, sive sint exempti, sive
quocumquc jure fieri poicrit arceanlur.
Hoc etiam denunciarl precipimus semel, secundo et tertio per rectores
ecclesiarum parochialium vel eorum vicarios in monasleriis et religiosi^
locis sitis in suis parochiis, vel eisdem proprioribus (?}, ne pretextu igno-
rancîe se super hos valeant excusare.
Item quod non nulli secularem jurisdiciioDem exercentes maxime reli-
giosi publiée pacis emuli tirannisarecupienles in salutis dispendiumener^'are,
impedire ac etiam periurbare conaniur jurisdiciioDem ecclesiasticam contra
civiles et canonycas sanctioneset etiam conlra consueiudinesdiuobservatas
nunc inbibendo subdictis suis ne litigent in foro ecclesiastico etiam de
causis de quibus poiest in eodem licite litigari, nunc capiendo e<»s, nunc
bona, nunc propinquorum, nunc propter hoc eis occasiones frivolas vel fie-
licias in ponendo, compellendo etia^i clericos et alias personnas a causis
inceptls desistere et quidem coram se ligitare, et bona ipsorum vel paren-
tum vel propinquorum eorundem et alias directe vel indirecte per se vel
per alium muUipliciter molcstando et alias fieri de cetero sacro approbanie
coosilio prohibemus. Et si monitiones hujusmodi facte fuerint, eas precipi-
mus renovari, precipientes ut singuli rectores ecclesiarum aut eorum
vicarii in ecclesiis, plèbe asianle, dielus dominicis et festivis, semel secundo
et tercio moneaut generaliter et prohibeant ne quis de cetero talia aciemp-
tare présumât, quod si hujusmodi monitione premissa aliqui de cetero
talia fecerit ipsos quos ex tune, sacro approbante consilio, excommunica-
mus, in scriplis excommunicatosdenunlient aucloritate dicti consilii diebus
dominicis et feslivis. Et si vobis constilerit de premissis ipsos excommuni-
calos denuntient nominatim et publiée et ad divina eosdem et eorum fami-
liam non recipiant, ymo tamdiu teneant excommunicatos quousque ab dio-
cesano vel ejusofiiciali mereanlur absolvi.
Item et nos auctoritate ordinaria monitione prius competenti premissa
excommunicamus omnes illos, sive sint clerici, sive laycl, cttjuscumquc
I
senteotias In civitat«s, castra, vel quatUbet alia loca, sive terras aliquas generaUter piomat>
gâtas, locum aliquatenas non habere.
(1) ConcUe provincial de ModUuçod célébré en 1246 {Gall, Christ., II, 71.)
ANCIBKS STATUTS DU OlOCtSB DR LIMOGRS. 447
ordiDÎs, di^nitaiis seu condiiionis exisUnl, qui inhibenl seu impediunt el
inhiber! seu impcdiri faciunt, directe vel indirecle quominus more soliio,
cleri vel lavci Lemovicensis diocesi libère cl secure venianlad curiam Lemo-
vicensem et litif^anl in cadem, seu liligare volentes, per caplionem bono^
rum, vel per infeslacionem parenium, affinium, vel amicorum qualiler
cnmque silere compellanl (i).
hem innovamus slalulum alias per nostros predecessores factum quod
quicumquc Duncio^ noslros vel ofticJalis noslri vel execuiorum noslroruoi
seu officiariorum ejus.dem liitcras defferentes, verberaverint vel impedive-
rint per se vel per alium, vel litteras rapuerint aul maliciose reiinuerinl
aul quicumque racione causarunrt quas plene coram nobis vel officia|i
noslro moveanlur, inierdum insidianiur vel dairipnificant in peisonpis vél
in rébus, ipso fado sentenliam excommunicalionis incurrunt, el omncs
illi' qui ad hoc opem prebuerinl vel asseiisum, consllium, mandatum, a
quasenientia per nos absolvi non possunt.
Item vobis iojungimus et sub pena excommunicalionis dislricte precepi-
mus quathinus omnes preposilos, servienles et baylivos et quoscumque
altos juridicionem temporalem exercentes subditos nostros cum vobis con-
tilebnntur, inter cetera requiralis an in aliquo de prediiis casibus contra
nos aut curiam noslram l.emovicensem deliquerini, quod si fuerint con-
fessi sicque vinculo excommunicalionis leneaniur aslricti fpsos ad nos vel
oflicialem noslrum non injuncla pena remiclatis absolvcndos, nisi predidis
confitenlibus morlis pcriculum imminuerit, quo casu ipsos per vos volumus
posse absolvi, ila lamen quod ipsorum corpoia non (radaniur ecclesiastlco
sépulture, nisi de licencia a nobis super hoc oblenla, ad quod ipsi per vos
prout melius ficri poterit judicanlur.
llem excommunicamus et excommunicalosdenunciari niandamns, moni-
tione premissa, publicos raptores el dcpredatores bonorum ecclcsiarum,
alteracionis antique (9)
dubium presentis redivive conslitulionis oraculo dedicentes :
Bigamos omni privilegio clericali declaramus esse nudatos, et cobilioni
fori secularis addiios, consueludine contraria non obstante ; ipsis quoque
sab anaibemate prohibemus déferre lonsuram vel habilum clericalem (3).
Item excommunicamus omnes iliospresbyleros el clericos qui non vocati
veniunt ad alias sepulluras.
Item cum intellexerimus quod in die Pasche ad commonionem corporis
Chrisii asiinentes magis confusioncm timenles quam in caritate sHcrosahcli
corporis Cbrisli ferventes, utappareanthominibus communicantes, hosliam
benediclam cum aliis communicanlibus seu ipsis videntibusacapellanisseu
(1) Cet questions de juridiction ecclésiastique an xiii* siècle et les discussions qu'elles engen-
drèrent, pariicalièrement sous Gilbert de Malemort, ont été exposées par M. Louis Guiberi
dans Z« Commune de Saint- Léonard- de-Noblat au ziii* tiècle i Bulletin de la Société archéo'
logique du Limousin^ t. XXX VU).
(1) Il y a ici une lacune dans le manuscrit. Comme on est au milieu du cahier, il est à
croire qu'il manque au moins deux feuilles.
(9) C'est le 17* article du concile de Lyon où il est dit : Pour couper court aux disputes,
noas déclarons les bigames déchue de la cléricature et sujets au for séculier, nonobstant tout
usage contraire. Défense à eux, sous anathème« de porter la tonsure et l'habit de clerc.
H8 SOCIÉTÉ ARCBF.OLOGIOVe RT HISTORIQOB 1>D LIMODSIK.
vicariU suis sibi dari facîunl, ul per talem simulacionein iippareant homini-
bus eommunicantes, ipsa hosiia beoedicia tam a se qoam a slaniibos non
sîne specie ydolatrie el ypocrisis indebila reverencia Ipsius corporis Cbrisli
habeatur.
StaUimus qood capellani laltbvs exeomMUuicaiis, publicis pecatorîbos,
1d die Pasche bosliara benediclam de celero non administreet, scd ad
mairiculario ipsius ecclesie panem benediclum si roluerlQt ad parlem reci-
piani prottt esi in aliis diebas dominicîs consuetum.
Item statulmus quod nulli crace signati prîvilegio crucis yaudeant nisi
crucem magnam el patenlem in omnibus pannis superioribus deflferant ei
quod cappellani inhibiiiones seu alias lilteras pro eis racione privilegii cru-
cis impetratas non teneanlur alias sigillare.
Ttem slatuimus quod advene et alieni<j;ene presbyterî non recipiantnr in
nostro diocesi ad celebrandum quousque nobis constet de eorum proufio-
tione.
£t volumus quod cappellani ccclesiarum inquibus dicli presbileri cele-
brarcnl, nobis dcnuncienl pcr suas lilteras patentes, siglllis suis sigll-
iatas et nos de illis ordinabimus pro mclius videbimus expedirc.
Item cum iniellexerimus quod quidam clerici nostre diocesis contra
eanonicas xanciones et honeslatem clcricalem asseosant a dominis secala-^
ril>us prepositaïus, baylias, et sergencias quibus in est merum et raixtam
imperium ctjuridiciotemporalis et quidam eonim preposili assisias lenent
el ipsam juridicionem temporalem ut servicnles sergencias vel alia per
omnia ut layci exercent et captione lucri juridicionem ecclesiasticam de-
curtant et personnas ecclesiaslicas opprimunt. Et quod est orribile pejus
tr^ictant quam layci, subtiliores cautclas invenientes ad nocendum otsœpe
sentenlia excommuaicationis lalas contra periurbalores junsdiclionls
ecclesiaslice incurrentes, cum aliis clericiis passim divinis in ecclesiis se
inmiscent. Inhibimus ne decetero aliqui clerici prepositatus, baylias, ser*
gencias in nosira diocesi asscnsent vel assensas teneant vel alia exer-
centes slatuimus et firmiter inhibemus et in contrarium facienles excom-
municationis senlentiam promulgàmus.
Item cum iniellexerimus quod quidam abusus surrexerunt in nostra
diocesi quod nobiles malrimonialiler, banois non editis, copulantur cum
tamen longiores et longius cognationes et aflfinitales habeant quam pie-
bei, no de celero eorum malrimonia sine bannis faciatis in virlule obe*
dieniie vobis inhibimus, alias vos graviter ut de clandestinis puoiemus.
Item inhibimus quod cappellani, presbileri et clerici super persaaali-^
bus actionibus non rcspondeanl voluntarie coram judicibus secularibus,
bive trahantur a laycis, sive a clericis. El si contrarium fecerint in ipsos
excooi municationis senlentiam promulgàmus*
Itam excoramuicamus omnes laycos, barones, nobiics, clericos ci alios
quoscumque feoda, seu relrofeoda nostra cl ecclesie «oslre Lemovicensls
decurtant, dimihunnt et ocultanl, el ab aliis dominis advohant se lencrc
in feodum; et illos qui advobaciones aliquas de nova fecerenlde prediciis
ieodis «4 rotroleodîs, vel de aliqua parle de eoruradem, volamus quod ae«-
lenlia publieetor per vos in e^dosiis vestris.
ANCIKN< STATUTS DU DIOCRSK DE UUOGRS. 149
Item cum décime de jure cornmuni spcclent ad ecclcsias, omnes illos
qui décimas novalium (i) pcrcipiunt et de cetcro percipicnt conlra volun-
talem rcclorum eeclcsiarum in quorum parrochiis consislunl.
Cum slalulum fuerit per predcccssores nostros (S) quod eccicsie iilorum
qui non r^^sidcnt in eisdcm, ncc non cl corum qui ad ordines quos ipsa-
ram ccclesiarum cura rcquicit non lacèrent infra juris terminum promo-
veri, eccicsie eorum saisirenlur, et suspcndcrent omnes illos qui ex lune
ïn eorum ecclesiis présument celebrare; nos ipsum slalulum approbanles
ac etiam innovantes, dictas que ecclcsias cl fruclus eorum lalium saizien-
les et saiziri mandantes, et eorum vicarios et quosciimque alios in ipsis
ecclesiis eorundem reclorum nomine, sine licenlia nostra, célébrantes,
post mensem ex nunc suspendimus.
lohibenles ne recloribus dictarum ecclesiarum de diclis fructibus vel
aliqui aiii pro ipsis rcspondere présumant, quos fruclus nobis vel man-
dato noslro reddi per integrum precipimus, et mandamus, in utililate
ecclesie converlentes, ipsos que redores si duranlibus diclis senlenliis,
aliqoid de predictis fructibus recepcreni, vel capifacerint conlra hujusmodi
inbibicioncm nostram, scu resldenliam personalem non faciendo ofïicium
cl tenendo bospitium, excommunicalionis sentenlia innodamus; exceplis
canonicis lemovicensibus et sociis et cicricis familiarlbus noslris, quos
pro noslro servicio specialiler duximus relinendos, quos per dictas son-
lentias voiumus non iigari. injungcnles singulis arcliipresbytcris in vir-
lule obediencie quod ecclcsias iilorum qui ut premiililur residere in suis
ecclesiis contempncnl saiziant et nomine noslro fruclus lèvent cl preci-
pîant, et dictas ccclesias officiari faciant, et de hoc nos ccrlificcnl posl-
quam sciverint infra mensem.
llcm precipimus quod omnes religiosi in locis collcgiatis seu conven-
lualibus commoranles, comcdant simul in refectorio cl jaceani in dormi-
lorio (3) et habilu condecenli sue religioni utantur, ne facianl sibi vestes
de panno rubeo, vel de aliis divcrsis coloribus colorota*^, sed de panno
coDvcnienti sue religioni, nec habeant caméras vel domos sibi singularcs
et approprialas, nisi nécessitas officii id exposcal, et de licencia sui abba-
lis vel prelali. Quod lameo raro et justa de causa liât. In coutrarium fa-
eî^nles excommunicalionis scnlenliam promulgamus auclorilate concilii
antedicli.
llem injungimus et precipimus vobis sub pena suspensionis qualhinus
(I) On tait que lea Navales étAient les dîmes que payaient leii terres oouveilemeat défri-
chées et misen en valeur.
(i) C'est l'évéque Gilbert de Malemort qui renouvelle ce statut de nés prédécesseurs, qui
esC alors aotérieur à 1274.
(3) Simon de Beaulieu, archevi^que de Bourges, dans la visite qu'il ât en lif^ fait la même
d^ense : « Le mardi 7 août 1285, Tillustre prélat entrait à Meymac, où il fut reçu honorable-
ment par l'abbé et ses religieux. Il dit la messe et fut traité pour ce jour-là aux frais du
monastère. Mais parce qu'on lui avait donné à entendre que les moines de cette abbaye vi-
vaient d'une manière relâchée, couchaient dans leurs cellules, au lieu d'être ensemble au dor-
toir, mangeaient en leur particulier, au lieu de se rendre au réfectoire, il convoqua l'abbé et
se4 religieux et leur défendit de coucher et de manger à l'avenir dans leurs cellules; il excepta
de cette défense les officiers et les infirmes. L'abbé et les moines promirent d'obéir au prélat
comme k leur supérieur naturel. •» {Hiitofre du diocèse de Tulles par l'abbé Poulbiukur, p. 387.)
T. XXXIX. 10
thO SOCléTfe ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
malrimonla illicite contracta si que esse iu parocliiis veslris siverilis, nobis
vel officiali quam citius commode poteritis inlimelis, et ne aliquias per-
sonnas malrimonialiter conjugatis nisi sint in étale légitima ad matri-
monium conlrahendum, et banis prius editjs ut est moris, srilicct quod
masculus sil in xin° anno et fcmina in xii° quamquam ab aliquibus prc-
tendatur quod in personnis hujus modi malitia supleat etatem. Cum cogni-
tio hujusmodi ad nos vel officialem nosiram pertineat in prediclis, con-
Irahenles eliam clandestine et cooperaiores présentes scienlcr ad hoc
concilium prestantes, sive cleri, sive layci, seu religlosi vel seculares,
sequendo statuta predecessorum nostrorum (ï), et consilil provincialis (2)
excommunicalos esse voluir.us ac eliam denunciamus.
Item inhibimus quod nulhis sacerdos vel clericus bencficialus muliercm
habeat in domo sua, nec teneat que sit suspecta, precipienics archiprcsbi-
teris quod archiprcsbilcralu suo diligcnter exquiranl si sint aliqui talcs
mulieres, et omnes hujusmodi mulicres suspectas a domibus ipsorum
cxpellant. Si quis aulem publice canonice monilus deinceps conviclus,
ecclesia seu beneiicio privetur, nisi ex causa probabili cum eo misericor-
diter fuerit dispensandum.
Item inhibimus ne proies illégitime nata, in domibus seu de bonis
ecclesiam aliquathinus nutriantur.
item ne presbiteri nej^ocialores publici fiant, nec tabernas fréquentent,
nec ad talos, vel aleas ludant; quod si fecerint graviter puniantur.
item abusores liitcrarum apostolicarum scienter, sunt excommunicatî
ipso facto auctorilale concilii provincialis.
Item precipimus quod presbiteri parochiales admoneant parochianos
suos ut saltem semcl in anno conHleantur eisdem pecata sua. Ipsi aulem
quibus confessi fuerint caveanl ne aliquo verbo, vel signo, vel àliqua
parle circumlocutione, vel aliquo modo, révèlent pecata eis confessa, quod
si fecerint non solum a saccrdotali officio deponendi sunt, scd eliam in
arcto loco ad agendam peniicnliam sunt lenendi.
llem inhibemub ne aliqui prosbileri, seu religlosi, vel aliqui alii cujus-
cumque status, seu condicionis exislanl, excommunicalos auclorilate ordi-
naria prêter quam in articule monis absolvant, nec tradanl ecclesiastice
sépulture donec ab ordinario defuncli sepeliendi obtenta fuerit licenlia
specialis. Si vero in conlrarium de sic defunclis aliquid actemptelur a
quibuscumque, cujuscumque conditionis existant, tam in eos quam in
cooperaiores, et qui opem, consilium, vel consensum ad hoc dcderinl,
et qui expensas administraverinl, et qui présentes scienter fuerint lali
funeri, noverint se, auclorilate dicli concilii provincialis excommucalionis
scnlenlia innodalos. Similitcr sciant se sentenlie subjacere qui publicos
usurarios in suis cimiteriis prcsumpserinl sepelire.
' Item cum slalutum fuerit in provinciali consilio quod redores eccle—
siarum et alii clerici beneficiali qui per annum excommunicalione persli-
(1) Les prédécesseurs de Gilbert de Malemort.
(2) Ce Concile provincial est probablement celui de Bourges de 1286, où l'on publia ube
Constitution sur plusieurs points de discipline, ou pfiut-étre un de ceux tenus dans la mèm«
ville en 1276, 1280 ou 1282 ; ou encore celui de Montluçon de 1266 déjà cité.
ANCIENS STATUTS DU JÎIOCÈSE DE LIMOGES. 151
terint si negligenlcs iinpelranda absoiulione fuerint, suis benefîciis pri>
venlur. Nos juxia lenorcm consilii monemus ul si sint aliqui vestrum
talibus scnientiis innodati, infra mensem faciant se absolvi, alioquin
contra ipsos ad privationem bcneficiorum suorum prout jura voluot et
ipsam stalutum requirit, procedemus.
Mandantes nîchilominus archiprcsbiteris noslris, quod nomina talium
excommunicatorum qui tanto tempore dictas senientias susliauerint nobis
intimare procurent; citantes eosdem excommunicalos ad certam diem,
mense elapso, coram nobis, privationem dictorum beneficiorum audituros.
Cum intellexcrimus quod in multis comitatibus slatuta de novo facta
fuisse contra privilegium ecclesiasiice libertalis et imrnunitatem, mone-
mus slatucntcs ul infra duos menscs premissa statuta revocent penilus et
anallent. Quod nisi sic monili fecerent ipsos quos ex lune ut ex nunc
excommunicamus, tanquam excommunicalos evitandos El cum intellexeri>
mus etiam statuta de novo fada iuisse in multis comitatibus civitaiis et
diocesis nostre contra ecclesiastîcam libcrtaiem, excommunicamus sta-
tuentes, scripiores slalutorum prcdictorum et judices secundum ea judi-
cantes, nisi infra duos menses predicta statuta revocaverint et de capitu-
laribus suis amoverint vel fecerint amoveri.
item cum per certe facta monilione ne cum ck communicatis pereant
roajori excommunicalionc ligantur, vos volumus non lalere quod isle per-
sone post monilionem talem participantes ligali excommunicati sic rema-
ncant donec per nos vel officialem nostrum spccialilcr absolvantur. El si
forte casu aliquo vobis absolutio parlicipanlium commiltatur, non est
intencionis notre vobis commillerc pro participanlibus specialiter inno-
datis.
El nos Reginaldus, miseracione divina Lemovicensis episcopus, supra-
dicta slatuta hic lecla, per bone memorie, Gilberlum, Lcmovicensem
episcopum^ predecessorem nostrum, et alios predecessorcs édita et per
eos in suis synodis publicata, confirmantes, approbantes ac etiam inno-
vantes, modo et forma, in presenti synodo sancti Luce, quam primam
cclebramus, una cum quibusdam aliis slatulis publicamus et ca sub pénis
impositis per predecessorcs nostros prcditos [et] alias in cis positis a sub-
ditis noslris prccipimus obscrvari, elc.
IV
Jean de Crose, cousin au troisième degré du pape Grégoire XI,
est communément connu sous le nom de Cardinal de Limoges. Il
fut professeur de droit canon, avant d'être nommé évéque de Li-
moges par le pape Clément VI, le 26 octobre 1348.
C'est lui qui, étant seigneur de la Cité de Limoges, en poussa les
habitants à abandonner les Anglais pour se ranger sous la ban-
nière de France. Aussi, lorsque le prince de Galles s'empara de la
15) SOCIÉTÉ ARCBÉOLOGIQUfe F.T HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Cité, le 19 septembre 1370, sa vengeance s*exerça-t-elle parlicnliè-
rement sur lui. Il le retint prisonnier, le livra ensuite au duc de
Lancastre, lequel lui fit grâce de la vie sur la prière du pape Ur-
bain V, mais en retira une forte rançon, dont le roi de France
paya une partie.
Grégoire XI le fit cardinal-prétre du titre des SS. Nerée et Achil-
léeenl37i. Il fut aussi nommé grand pénitencier de TEglise ro-
maine et défenseur des privilèges des Frères prêcheurs.
Pendant qu'il était à Rome, où il avait accompagné Grégoire XI,
il fut transféré à l'évêché de Préneste ou Palestrine, et mourut à
Avignon le 22 novembre 1383.
Ses armes sont : d*azur à trois pans de murnilles crénelés d'ar-
gent et maçonnés de sable, au chef de gueules.
C'est à son épiscopat que peuvent se rapporter les constitutions
suivantes, incomplètement datées. Par Tordre chronologique ob-
servé dans notre manuscrit, nous voyons qu'elles sont postérieures
à celles de 1310 et antérieures à celles de 1379. Ensuite elles sont
publiées par les vicaires généraux de l'évoque, dont le nom n'est pas
prononcé. Jean de Crose avait en effet chargé ses vicaires généraux
d'administrer le diocèse pendant qu'il était prisonnier par les An-
glais et lorsqu'il accompagnait le Souverain Pontife Grégoire XI.
C'est donc entre 1348 et 1371 qu'il faut chercher la date précise de
ces constitutions.
Elles sont relatives aux marques de respect à donner au Saint-
Sacrement, à l'exécution et à la sanction des sentences ecclésiasti-
ques, à l'observation des statuts synodaux et provinciaux et des
canons.
Hcc sunl constitulioncs el slaluta édita per dominos vicarios Domini
episcopi Lemoviccnsis : ex decimokalendas junii anno Domini millcsimo...
Ad divini nominis gloriani et decorem universalis ecciesie mililantis el
populi clirisliani devotiouem augendam mandamus omnibus ecclesiarum
rccloribus el curalis ut deinceps cum corpus Domini porlabitur per loca
sue parochie ad infirmes quod curenl reverenler proul tanlo sacramento
convenu campanam parvam coram se sacerdoles facere porlari pulsando,
nec non et lamcn scu lumina accensa in lalerna, si lorlicum vcl tor-
licia {\) hcbcre non possenl, anlc se semper porlari procurent cl continue
(1) Les torches étaient en cire et emmanchées de bâtons; on s'en servait pour rélévatioD.
Dans un inventaire de 1!>K0, on voit que la Confrérie du Saint-Sacrement de SaiQt-Pierre-<iu»
Queyroix possédait • vingt-deux torches pour le service à la lévation du Corpus Domini. »
Le nom de tortisseau était donné aux bâtons sur le.tquels étaient fixés les cornets et les tor»
ches. Le même inventaire de 1550 signale « Dix tortisseaux de boys, à porter les cornetz
^'ar^ent. • L'expression résulte de la forme même t{ui figure du bois tordu, ou simpletneBt
ANCIENS STATUTS OU DIOCÈSE DE LIMOGES. 453
(lonec ad ecclesiam suam redierint opère consummato, et hoc sub pena
arbitraria deinceps precipimus observari.
Item saizimus ex nunc omnia bona mobilia et pcndcncia quarumcumque
personnarum ecclesiarum curam vel noQ curam habcntium animarum quo
conira conslituliones synodales et provinciales et canoncs ultra tcmpus
in dictis coastilutionibus comprchensum excommunicationis sentcntiam
SQSlinent ; mandamus omnibus archipresbitcris Lemovicensis diocesis ut
vice et anlorilate nostra bona predictorum excommunicatorum tanquam
pernos et ex nunc saiiiita recipianlel expleclcnt et nobis ralioncm celé-
nter reddere procurent et de nominibus dictorum excommunicatorum
nos curent reddere cerliores eosdem cilaudo ad certas dies personaliter
coram nobis ad finem juxta tenorem statulorum predictorum, ad priva-
tionem beneficiorum suorum, et ad satisfaclioncm creditorum suorum, et
ad alias graves penas arbitrarias contra ipsos procedere valcamus.
Injungimus omnibus archipresbitcris seu localenentibus corumdem
ut omnia nomina prelatorum et rectorum archipresbiteratiis sui qui pré-
sentes ad banc vcniunt synodum nobis Iradant in scriptis ut contra contu-
maces inobedientes ad penas taies procedamus quod deinceps eis et aliis
transeant in exemplum. Et hoc deinceps in synodis pcr archipresbileros
statuimus observari.
Mandamus insuper omnibus rectoribus ecclesiarum sub pena excommu-
nicationis ut cessent penitus a divinis offîciis in ecclesiis eorumdem
qaoeiens et quocumque per secularem polcstatem personam ecclesias-
ticam sciverint detineri, doncc a nobis vel officiali nostro conlrarium re-
ccperunt in mandatis.
Insuper inhibimus et mandamus per omnes ecclesiarum prelalos, rec-
tores et alias personnas ecclesiasticas, constituliones provinciales et
synodales olim factas, et sepe et publicc insinuatas, inviolabiliter obser-
vari, et si qui fuerint contemptores, violatores sou aliter non observantes,
mandamus omnibus archipresbitcris ut nobis celeriler revelare procurent
ut ultra penas in dictis conslitutionibus apprehensis, ad alias penas
graves arbitrarias pro ut arbitrio nostro conveniet procedere valeamus.
Item mandamas omnibus rectoribus et prelatis ut copiam recipiani
de premissis ne se valcant pretextu alicujus ignorancie cxcusare, que
una cum aJiis constitulionibus secum leneant, et ad soqucnles sinodos
apportent, si penam inobediencie cupiant evitarc, etc. Benedictus Jésus.
Amen.
entortillé de quelque ornement, comme on le voit dan» la dencription de la proceision
de SaJnt-JeaD-Baptiste à Tulle, faite par un prêtre, curé au diocèse de Limoges en
1680: «r Après viennent quatre porte- flambeaux élevé» dans l'air sur des bâton» garnis
d'un ècuitson de Saint-Jean et entortilles d'une couronne de buis bigarrée d'autres couleurs. »
Ce n'est que plus tard que l'usage des souches commença. On remarque dans un inventaire,
fait le 14 octobre 1790, chez les religieuses Bernardines de Tulle : u six cierges à ressort. »
1S4 Société archéologique et historique du uvousin.
Aimeric Chati deLa Jauchat (i), originaire de ce lieu, près la
ville de Saint-Yrieix, était gouverneur de Bologne au nom du pape
Innocent VI, lorsque celui-ci l'éleva surlesiègedecette ville enl361.
Etant chancelier de TUniversité de Bologne, il fit venir de toutes
les parties du monde les hommes les plus savants qu'il put trouver
pour établir la faculté de théologie, obtint en 1365 de Terapereur
Charles IV la confirmation des privilèges de son église et le titre
de Prince de TEmpire. Il gouverna cette église jusqu'en 1391, et
s'en démit en passant en France.
Il était à Avignon depuis l'octave de la Pentecôte et y avait ap-
porté beaucoup d'argent pour payer les sommes considérables qu'il
devait au collège des cardinaux; mais le pape l'ayant transféré à
révêché de Limoges, voulut qu'il employa cet argent à réparer les
dommages qu'avait souffert cette église.
Le nouvel évoque de Limoges nomma d'abord trois vicaires gé-
néraux : Etienne Benoit, prieur de Noblac ; Guillaume Gaufridi,
prévôt de La Souterraine, et Pierre de Chastres, curé de Cham-
boulive, qui le 3 ou le 7 septembre 1371 prirent possession de
révéché en son nom et le lendemain firent lire et notifier les bulles
du prélat dans le cimetière de Saint-Pieire-du-Queyroix, où la cour
se tenait avec beaucoup de solennité.
Le 6 janvier 1371 [n. s. 1372J le duc d'Anjou, en qualité de lieu-
tenant du roi, institua Aimeric Chati gouverneur et réfermateur
général et souverain a pour et au nom du roi et du sien ez cités,
villes et évôchés de Limoges et de Tulle et en toute la vicomte de
Limoges. »
Il fit son entrée solennelle dans la cité en novembre 1373. Nous
le voyons ensuite, le 9 décembre 1378, au lit de justice que le roi
Charles V tint à Paris. Son successeur, Charles VI, lui témoigna
aussi une estime particulière.
Dans un livre de prières en patois, à l'usage de l'église de Sainl-
Pierre-du-Queyroix (2), on trouve les ordonnances qu'on doit dé-
noncer au peuple l'an 1379. C'est l'année de nos statuts.
(J) La véritable orihographe de ce nom est TAge-aii-Chai.
(2) Ce livre, qui appancnait au siècle dernier à M. Juge de Sainl-Mariin.
conseiller au prôsidial de Limoges, esi aujourd'hui la propriété de HM. \t>
direcleurs du ^rand séminaire.
ANCIENS STATUTS DU DIOCÈSE DB LIMOGES. 155
Aimeric Ghati, qui habitail le château d'Isle, vint tenir son sy-
node H Limoges la semaine de la Pentecôte i389; il consacra
réglise des Frères Prêcheurs de Limoges au mois de juillet de la
môme année et mourut dans son château dlle le 8 août 1390. « Ce
prélat, également recommandable par les qualités qui font le ci-
toyen, par les vertus d'un évéque et par le caractère libéral d'un
prince, fut pleuré comme un père. Protecteur des savants, et sa-
vant lui-même, il répandit ses bienfaits sur les gens de lettres (1) ».
Ses armes sont d'argent à deux lions passants de gueules.
La partie des statuls qui se rapporte à Tépiscopat de cet évoque
nous monire son procureur, en 1379, requérant Tofflcial de faire
promulguer et enregistrer au recueil des statuts d'anciennes cou-
tumes de l'Eglise de Limoges qui ne se trouvaient pas insérées aux
ordonnances synodales. Suivent quelques articles relatifs à la re-
présentation des parties, à la constitution des procureurs, etc.
Anne Domini millesimo ccc° scpluagesimo nono, die jovis post festum
sanctt Andrée aposloli, que fuil prima mensis decembris, vencrabili et
cîrcumspccto viro magislro Johannc de Vallibus f2), liccnciato in legibus,
officiaii Lemovicensi, in curia» hora expcdicionis causarum, pro tribunali
sedenti fuit pro parle Rcverendi in Chrislo Patris et Domini, Domini
Dostri Aymerici, Dei gracia Lemoviccnsîs episcopi, ibidem explicatum
quod, licct omncs slili et observaliones curie predicte in presenli libro
non contineantur ad plénum, tamen sunt, et diu est, et ab antiquo tuerunt
observali aliqui et alique, qui et que slilus dicte curie nuncupanlur, qui
sub generali clera {sic) in presenli libro contenti, videlicet in hujus-
modi possunt el debent comprehcndi. El inler cetera fuit et est slatulura
et ab anliquo observalum, quod marilus alicujus mulicris pro dote sibi
promissa et liber seu liberi heredum eorum patris pro debilis lali palri (?)
dum lamcn die ad quam adjornali fuerunt audiluros causas el raciones
ctiam antequam ulantur lilleris notorium fcccrunt partibus prcsentibus
videlicet lalis marilus de matrimonio contracto, el talcs libori cl lieredes
qui sunl hercdes excequenrio suas liltcras monitionisimpclratas in talibus
prout uli et gauderc, lalisque monitio suos effeclus sorliri, nisi alie cause
proponantur et probenlur que obsistant.
Item et quod quicumque juralus dicle curie abilis ad comparendum
absque mandalo in scripiis pro aliquo alio valcnterin judicio per se com-
parere nisi personam requiral propriam, asscrcns se habcrc in mandalo
cxpcdiendi admili debere (?) ul procurator ad comparendum et terminus
expcdiondi juxia cl secundum quod dics dcsidcrat el requiril. Tamen ad
partis requeslam Icnelur lalis procurator jurare se mandalum habere el
super hoc in forma juris canonici cumqiic de prcmissis idem procurator
(1) L'Advocat, Dictionnaire hUtoriqne.
(2) Voir plus loin la note gur la famille de Vaux, en 1502.
t36 SOCIÊTR AHCQKOLOGIQUe ET HISTORIQUE r>U LIMOUSIN.
domini notorium feceril et informaverit sufficienler idem dominas ofYî-
cialis premissa inviolabililer voluil observare, presenlibus ad hoc, vocatis
et rogalistestibus venerabilibusot discrctis virisdominisPetrodeu Rcysscs
capcllanode Niolio et canccllario curie prcdicle, Stcphano dcu Stieones
prcsbitcro regestralore et impétrante Bernard© Ruaud (2) in legibus licen-
lialo cl prcsbilero et aliis, ci de liiis débet dari instrumcnlum.
VI
Pierre de Montbrun, né au château de ce nom, commune de
Dournazac, fils d'autre Pierre, seigneur de Montbrun, était moine
bénédictin et abbé de Saint-Augustin de Limoges en 1413. Il fut
nommé évoque de Limoges par le pape Martin V, du consentement
du roi et prêta le serment à la cathédrale le 17 avril 1427. Dans sa
balle, Martin V loue en lui le zèle de la religion, la science des
lettres et la pureté de la vie. Son sacre eut lieu à Tulle.
Le roi Charles VII le nomma à son grand conseil et le chargea
de plusieurs ambassades.
Il témoigna beaucoup de zèle pour l'administration de son dio-
cèse et la défense des droits de son siège. Dès 1428, il promulgue
les statuts qui suivent. En 1433 il fait la visite du diocèse, ainsi
qu'en 1440, 1443, 1444. Ayant obtenu une bulle du pape Eugène IV
pour faire la visite dans les monastères, les églises collégiales et
autres, il la commença le 28 avril 1436, la renouvela en 1446,
1448, 1440. Enfin, lorsque l'âge et les fatigues vinrent s'opposer
à l'exercice de son zèle, il eut un coadjuteur nommé Michel, de
Tordre des Frères Prêcheurs, évéque de Nicosie, qui visitait pour
lui le diocèse en 1454 et 1456.
Ses courses dans le diocèse n'étaient pas sans danger; ainsi, en
1434, il fut pris par Tandonnet de Fumel, son ennemi, capitaine
de Ghâlucet, qui l'emmena dans ce château et le rançonna, il fui
souvent tracassé par les vicomtes de Turenne, qui le lirenl aussi
prisonnier et l'obligèrent à se racheter, pour une forte rançon,
vers l'an \ 444.
Il habitait le plus souvent son château d'Ile et quelquefois celui
de Montbrun, auquel il fit beaucoup travailler.
Il se trouvait à Limoges à rentrée du roi Charles VII en 1438;
le 2 janvier 1454 (v. s.) il consacra l'église de Saint-Pierre-du-
Queyroix, et, en 1455, celle de Saint-Michel-des-Lions.
(1) En 1378, Etienne Ruaud fondait une vicairie (Nadaud, Chronol. des évèqae« de Limo-
ges), et un peu avant (en 13S2) Johannce Buaudi était chapelain perpéti»el dao» l'église de
Notre-Iame def-ArcncF, a LimoFet- [Uull. Soc.crch. de Limoges, i. XXX, p. 67.)
>NCIRNS STATUTS DU DIOCÈSK DK LIMOGES. IK''
Le 7 mai 1456, il permettait à un prêtre de la ville de Saint-
Léonard, nonobstant les constitutions synodales, de tenir plusieurs
enfants sur les fonts baptismaux; et dans les pouvoirs qu'il avait
accordés le 2 janvier 1434 (v. s.) à Guy de Montbrun, son neveu,
curé de Donzenac, on remarque celui u d'autoriser les prêtres à
être parrains. »
Il mourut au château d'Ile, le 19 février 1456 (v. s.), et fut en-
terré dans la cathédrale de Limoges.
Ses armes sont : d'azur à la croix d'or.
Dans les statuts de cet évéque nous voyons que la Cour de
rOfficial se tient dans la chapelle du cimetière de Saint-Pierre- du-
Queyroix, an château de Limoges. C'est en effet dans la ville du
Château que se sont réfugiés les chanoines et que siège la juridic-
tion ecclésiastique depuis la destruction des murailles de la Cité,
après la prise de cette dernière ville par le Prince Noir. L'évéque
habite son manoir d'Isle ou la forteresse de Montbrun.
Les premières lignes nous font assister aux formalités d'entéri-
nement et de promulgation des statuts ecclésiastiques.
Les ordonnances enregistrées après ce préambule ont trait aux
violences commises à l'égard des ecclésiastiques, aux sentences
portées contre les auteurs de faits de cette nature et aux procédu-
res à suivre en pareil cas. Sont nommés comme témoins de la pro-
mulgation de ces articles : Martial Gui (Vidonû), Guillaume Cliam-
bon, Guillaume Albiac et Guillaume des Coutures, commissaires et
jurés de la Cour de l'Offlcial. L'instrument original est signé G. de
Pinu. Cette famille Dupin a fourni un grand nombre de notaires.
Nola quod anno Domini millésime cccc<^ vîcesimo oclavo, indictione
spxta. poDlificalus sanctissiml in Chrislo Palris et Domini noslri Domini
Marlini, divina providencia pape quinti anno nndecimo, excellenlissimo
que principe et domino noslro domino Karolo, Dei gracia Francorum rege
régnante, die vero sexta mensis sepiembrls, in capella civoril (*) ecclesic
parochialis el curaie sancti Pétri de quadrivio, in qno loco lenebatur curia
venerabilis virl domini ofticialis l.«*movicensis, per venerabilem virum
(1) CÙMirhm, écrit quelquefois Ciboriwn, a toujours désigné en LimousiD la chapelle du
cbamier do dioetière. Un grand nombre de textes en parlent au xiii* siècle. Celle du cime-
lière de Saint-Pierre-du-Queyroix, où se tenait alors la Cour de l'Official, était au chevet de
ré^sMae, à l'endroit où sont aujourd'hui les sacristies. Le texte suivant nous fait connaître
ceDe de Saiot-Gérald : • 1252 — In rua per quant itur a civorio sancti Geraldi ad portam de
Piehaoaeha juxta fouatvm ». (A. Lkhoux, Invent, des arch. hotpit. de Limones^ III« C. 3).
Dans ao statut du chapitre de Saint-Junien de l'an 1262, on lit : « Universi et singuli dedditus
el proventut, eum omnibui juribvs et pertinentiis suis... sacrisiia, civorio seu oratorio cime-
terii et eeclefia,çue sancti Pétri, etc. ». (Nadaud, Fouillé manuscrit, il, 91). Cette chapelle
ou cîToire do cimetière de Saint-Junien fut rebâtie par Gérald Godardi en 1281 {Idem), En
1779 la paroiftiie de V^erneuil, en érigeaut un nouveau cimetière, y construisit une chapelle
sépolcrale et dès Ion ce cimetière fut appelé cimetière du Civoîre (Registres paroissiaux).
i5Ô SOCIÉTÉ ARCHBOLOGIxiDB ET HISTORIQUB DU LIMOUSIN.
dominum Johannem de Peysaco, canonicum ecclesie Lemovicensis (I),
instante et requireuie vcnerahili eldiscreto viro domino Nicolao de Vossaco,
eliam canonico ecclesie Lemovicensis, procaratore que reverendi in Cbrislo
palris et domini domini P[elri], misericordia divina Lemovicensis episcopi,
et sigillifero dicte Lemovicensis curie sive cancellario, fuit judiciaiiter
lecta quedam parva papiri cedula scripia, ibidem [per] prefalum dominum
ofKcialem, exhibita et porrecta, ac delerminatum, et declaraium, et ordina-
lum modo et forma et prout in eadem cedula coniinetur. Et de quibus
prefatus venerabilis procurator peciil instrumentum unum el plura. Et
cujus papiri cedule lenor sequitur sub hiis verbis.
Quum omnis ulriusque sexus persona injiliens manus temere violentas
maliciose et injuriose in clericum aut personnam aliam ecclesiasticam ,
ipsofacio, sententiam excommunicalionis incurrai jiixta canonem : Si quis
suadente diabolo (3), et ideo de slilo et longa observantia presentis curie
diutius observatis a tanlo tempore quod de initio memoria bominum non
existil. Dum aliquis clerus per aliquem verberatus venit querelosus ad
officialem venerendi in Christo pairis et Domini Domini episcopi Lemovi-
censis, quod aliqua persona ipsum percussit maliciose et injuriose, procu-
rator dicti Domini ad promotionem dicli cierici, aut alterîus persone eccle-
siastice taciat fieri informationem secretam cum leslibus, et dum constat
per ipsam informationem quod ipsa persona injicit manus suas temere vio-
lentas, maliciose et injuriose in ipsum clericum, seu aliam personam eccle-
Riaslicam, tonsuram et vestes cléricales palam et publiée defercnieni,
dominus officialis vel cancellarius concedit lilteras de eoUetis nuncupatas,
juxta diclum stillum ; que iitlerc si pars verberans anle eorum concessionem
se opponat quod non concedantur, coram prefato domino ofBciali aut can-
cellario, seu coram eorum locumtenentibus non couceduntur et non nuUi
(1) La famille de Peyzac, originaire de la paroisse de ce nom, dans l'ancien archiprètré de
Lubersac, a donné à l'église de Limoges, au zv* siècle, plusieurs prêtres distingués :
Jean de Peyzac, dont il est parlé ici, semble être le neveu d'autre Jean de Peyzac, aussi
chanoine de Limoges, dont on peut voir la tombe sous le clocher de la Cathédrale : C'est une
dalle en pierre de plus de deux mètres de hauteur. Le défunt y est représenté couvert des
ornement^ sacerdotaux, les mains jointes et coiffé de Taumusse. Son aube, son étole, sa
chasuble ample et souple, le manipule qu'il porte au bras gauche, sont dessinés d'un trait
ferme et élégant. Autour se trouve l'inscription suivante, en lettres gothiques, avec abrévia-
tions, et assez difficile à lire : ■ Hic jacet bone memorie dominus Joannes de Peyiaco [et non
de Peyraeo comme plusieurs ont lu], loci Vtnolt'o, canonicus Lemoviceruis qui obiit die
ultimo [?\ anno Domini M CCCC^. Anima ejus requiescat in pace. Ut Deus patcat W, die
lector miserere met «. Tbzier, Epigraphie, p. 246. — M. Arbellot, Histoire de la Cathé-
drale p. 223).
Jean de Peyzac, chanoine de la cathédrale et du monastère de la Règle, qui fonde une
vicairie à la cathédrale le 24 juillet 1444 ^Nadaud, Pouillé, art. Cathédrale), est peut-être le
même que celui de nos statuts.
Noble Annet de Peyzac, mort avant le 14 novembre 1496, avait pour frère ou proche
parent vénérable et religieux homme frère Gaultier de Peyzac, prieur d'Asnede, ordre de
Saint-Benoit (iVofti'/iairc, III, 198).
(2) Ce canon est le 15* du concile cénéral de Latran présidé en 1139 par le pape Inno-
cent II : Si quis suadente diabolo, hujus sncrilegii reatum incurreri*., quod in Clericum v^l
Afotiaehum violentas manus intulerit, anathematis vincuh subjatfint, et nullus Rpiscoporum
lllum prfFsumat absolvere^ nisi m'trtis urgente periculo, donec apostolico conspeetui protsente-
turj ri eJus mcuidatum suscipiat.
ANCIENS STATUTS DU DlOCÀSR DR LIMOGES. 1£9
abstinere vclioi. Quod etiam si Ulis persooa verbcrans sic opponens anle
eanim executionem, non niandantur excecutioni, excecuiioni nec valent.
Nos Yolenles liies minuere cl a laboribus ac expensis relevare subjectos,
ac inconvenienliis que exinde oriri possenl obviaie, el quia humana nalura
oovas semper de... cdii formas per quas liies coiidie invenire conànlur
aclcndentes eliam quod exce^ulor iiiterarum nutlam cause cognicionem
habel, ha bilo semper hoc mnluro consilio, et juridica deliberaciooe cum
periiiset antiquis curialibus bujus curie, et de expresso mandato reverendi
in Christo patrîs el Domini Domini Pelri, Dei gracia Lemovicensis episcopi
▼ive vocis oraculo, nobis coram canceliario suo facto, pro tribunali sedente
decrevimus, declaramus, ordinamus que, et statuimus quod opposicio
quuliscumque fiât et coram qualicumque persona contra dicias liltcras eoitetùs
nominatas, nisi fiât coram officiali vel Ciincellario, seu eorum locumlenen-
iibus non valeat et sil nullius efGcacie, seu valoris, nec impediat concessio-
nem et executionem earumdem.
Item etiam statuimus et ordinamus quod taies liltere eoUetis nominale
împetrate, concedi valcant atque possint, et eorum impelratio atque con-
cessio valeat etiam die feriato, seu fesiivo, cum non sil actus judiciariussed
mandativus.
Acia fuerunl hec ubi supra, presenlibus discretis viris magistris Martiale
Vidonîs, Guillermo Chambo, Guillermo Albiac, et Guillermo de Culturis,
dicte Lemovicensis curie commissariis et juralis el quampluribus aliis
Icslibus ad hoc vocatis specialiter et rogalis. Sic signaium : G. de Pinu.
lia fuit acium.
VIL
Jean Barton de Monlbas I, fils de Pierre, vicomte de Monlbas,
naquit à Guéret en 1417. Il fut chanoine en U48, puis doyen de
réglise de Limoges, abbé du Dorai, conseiller-clerc au Parlement
de Paris, président des enquêtes, et enfin évêque de Limoges en
1487. Sacré à Bourges, il prit possession personnelle de son évéché
le 18 septembre ou décembre. A roccasien de sa prise de possession,
il fut ordonné que désormais, lorsque les évoques la prendraient
personnellement, tous les corps ecclésiastiques, séculiers et régu-
liers de la ville, cité et faubourgs de Limoges, assisteraient proces-
sionnellemenl à la réception solennelle des évéques. En 1462, il
reçut le roi Louis XI dans sa ville épiscopale, avec le duc de Berry,
frère da roi, et plusieurs princes du sang. En 1458, à la sollicitation
de son chapitre, il avait donné une dispense aux pauvres de la ville
pour manger du fromage pendant le carême, dispense qui est deve-
nue depuis générale et perpétuelle. Il contribua beaucoup à la
construction d'une partie de la nef de la cathédrale. Fatigué du
fardeau de Tépiscopat, il résigna son évôché à Jean Barton de
460 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGiQUB RT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Montbas II, son neveu, le i février 1483 ou 4484, et fut arche-
vêque titulaire de Nazareth en 1497. Il mourut à Limoges le 3
ou le 4 mai de cette môme année, et fut enseveli dans un caveau
creusé au centre du chœur de la cathédrale. M. l'abbé Texler, qui
y est entré en 1852 et 1856, nous dit : « Sa croix archiépiscopale,
en cuivre doré, est debout au fond de la crypte, et sur la traverse se
Ut cette inscription : Johanncs Bartonis archiepUtcopus Nazari-
sen (sic), antea episcopus Lemovicensù, Le corps du prélat était
revêtu des ornements pontificaux ; sa stature était très petite, à en
juger par Texiguité de ses sandales. »
Nous aussi avons visité ce caveau en 1^72; alors il avait été un
peu transformé. Un mausolée en granit cache les sépultures épis-
copales qu'on y a réunies. Sur la façade on lit, après les épitaphes
de M»*" du Bourg et de M^^ Buissas, celte inscription qui se rapporte
aux deux Barton de Montbas, à W" Louis Lascaris d*Drfé et à
M«r Benjamin de Tlsle du Gast : « Hic requiescunt in Domino ossa-
quatuor episcoporum Lemovicensium (1). »
Une dalle funéraire, en cuivre doré, représentant le prélat cou-
vert de ses ornements de pontife, était placée au-dessus du caveau
devant le maître-autel. Elle a disparu pendant la Révolution. Elle
portait l'épitaphe suivante, en lettres gothiques :
Virgo, fave cœptis, quaeso sanctissima, meis,
Quod mihi corde sedct, quod lola mente volulo,
Scribere sii mihi fas, uonnullo minime Iseso.
Hoc jacel in lumulo Johannes episcopus, hujus
Urbis honor, pairiae gloria, plebis amor.
Marchia quem genuii, Bartonis cognominatus,
Pago Garactensi, nobili de génère natus.
Lilios dum flores senatus villa regali
Legeret parisius, in sede praesidiali,
Paslorem peliii Ecclesia Lemovicensis,
Qucm, orbala duce, elegil Plamine sacro.
Defensor palrise fuit et tulela suorum.
Inviclum fidei robor, et correctio morum.
Hic facandus erat, largus, et cuoclis abundans :
Hamilis in populo doclrinae jubare micans.
Interea, dum senio prope jam canus eleetus,
El pastoris arara rexisseï lempore longo,
Archiprassul dignus, translatus Nazariensi ;
Jura linquens sedis nepoii caro Johanni;
(O Voir : Histoire de la Cathédrale de Limoges, par M. Arbellot,
[rage 212.
ANCIBN6 STATUTS DU DIOCÂMS M LIMOGKS. 16f
Vivens in Domino, odogenus aslra beavil.
Inde, milleno quatuor centum nonageno,
1d crucis festo mail, lune adde sopleno.
Cujus vita fuit prœseus sibi loia laboris,
Posl morlem sit ei rcquies, finis que doloris.
Ses armes sont : d'azur, au cerf à la reposée d'or, au chef échi-
9ueté d'or et de gueules de trois traits.
La première orilonnance de cet évoque, qui se Irouye au bas du
feuillets?*, dispose que la veille de la Toussaint n'est pas considérée
comme un jour férié eh ce qui concerne la délivrance des moni-
loires.
Après une lacune, deux feuillets ayant été déchirés, les statuts
qui suivent se rapportent à certaines enquêtes et aux délais et
formalités qu'elles comportent.
Nola quod die infra scripta fuit factum notarium per prncticos curie quod
vigilia Omnium Sanclorum quoad impclraciones monicionom non est
fcriata et consuevii dari absolutio generalis.
Actum die décima oclava mensis maii anno Domini millesimo quadrin*-
gcntesimo sexagesimo quinlo, sic signalum : de Beyssaco retalit (1).
Ârliculatim ac dictarum ac dictarum positionum et responsionum hinc
inde copia décréta assignabitur ipsis partibus prima dilatio ad probandum
scripturas prediclas ad finem quod processus suo marte jurât.
Deinde secunda dilatio, terna et quarta successive et communiter ipsis
partibus aut una pro omnibus prout consuetum est fieri concedenlur.
Quibus dilationibus pendeniibus fient inqueste super factis et scripturis
per dictas parles hinc inde traditis juxta et secundum materiam subjectam
cl stillum curie presentis, et ad diem pro quarta dilacione inclusa assi-
gnatam, ipsé inqueste rcfTerentur et publicabuntur juxta formam in pre-
senti cnria consu*(îtam.
Et non requiretur fîeri processus, nec ordinabitur donec et qnonsquc
traditis objectibus et salvationibus hinc inde inqueste super cis fiende
fuerint publicate, et pro unica vice duntaxat.
Pariler tradentur objectus et salvationes per dictas parles respective,
sicQt et scriplure principales cum eis iradilis ac fM)silo et responso ârlicu-
latim pront supradictnm est, fiet probatio sub duabus dilaciontbus pro
omnibus quarta inclusa eisdem partibus commuoibus in ipsis que objectif
bus et salvationibus extra maleriam objeclivam contra testes et eorum
dicta; nuUa facta nova sub pcna emende arbitrarie pr^onantur.
Et solum concedetur una dilatio ad concludendum, fada conclnslone cl
reounciatione in cau«a, tenebuntur procuratores partium ponere ei pro-
(1) Deux feuillets ont été déchirés en cet endroit du manuacrit. Dans la pai^ination moderne
on a mis 58 4 un morceau du premier de ces feuillets, sur lequel il reste encore quelques
mots ne donnant aucun sens. Je continue le texte avec la page 59,
163 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE RT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
ducerc processum in forma débita, grossatum et sigillatum, nisi fuerit per
DOS ordinatum quod fiat per cxlraclum, cum qualilas dicti processus hoc
exqoirit.
Ceterisque omnibus in antiquo stilo curie prescnlis contenlis in suo
robore permanenlibus.
Factafuerunt, décréta, lecta et publicata judicialiter statula predicta, el
in stilo presenlis curie redigi precepta (i), et insinuata ad [registnim]
per practicos et curiales ipsius, ordiuata per Revcrcndum in Ghristo pa-
trnm Dominum Pctrum Barthonis (1), in decrctis liccntiatum, abbalem
nionasterii Sancti Augustini, revereudissimi in Ghristo patris et domioi
nostri, Domini Johannis Dei gratia Lcmovicensis episcopi, officiaicm et
vicarium generalem in aula cpiscopali, die mercurii, ui" mensis octobris,
prima juridictione post (?) vcndemias, anno Domini millesimo cccc'nona-
gesimo t".
VIII
Jean Barton de Montbas II, qui avait été curé-archiprétre et
chantre du Dorât, fut aussi doyen de la cathédrale. Il succéda à son
oncle sur le siège épiscopai de Limoges, dont il prit possession [e
38 avril 1484. II avait secondé son oncle dans le bien qu*il avait
fait au diocèse, et contribua aussi beaucoup à la construction de la
nef de la cathédrale. Eo 1489, il eut un procès avec le chapitre
pour avoir visité les églises dépendantes de la juridiction de ce
corps et exemptes de celles de révoque. Il mourut le 13 septembre
1510 et fut enterré dans la cathédrale auprès de son oncle, soa
prédécesseur. Ses armes sont : d'azur, au cerf à la reposée d'or, au
chef échiqueté d'or et de gueules de trois traits.
Die scilicet quarta mensis decembris, anno Domini miiles'mo quadrin-
gentesimo nonagesimo nono, fuît inhibitum sub excommunicationis pena
omnibus practicis ne in lilleris citatoriis quando procitatur aclalor jus et
(1) Ici se termine le manuscrit, aa verso du 60* et dernier feuillet. Mais on trouve au bai
l'indication suivante, qui est d'une écriture différente : Cetera vide in principio istitu libri
C'est en effet au verso du 13* feuillet que se trouve la suite, fort difficile à lire, écrite par Tau-
teur de cette indication.
(2) Pierre Barton, fils d'autre Pierre, vicomte de Montba«, et de Pérette Lefèvre, était frère
de Jean, évèque de Limoges, et de Guillaume, évêque de Lectoure. En 1480, il était religieux
bénédictin et prieur de Porse, au diocèse de Rodez. 11 fut élu abbé de Saint-Augustin de
Lio^oges, pour succéder à Louis de Comborn en 1482. Il fit imprimer en 1483 le Missel ad
usttm Lemovicensis ecclesicBf m-foUo, sur vélin, en caractères gothiques, sur deux colonnes,
avec majuscules coloriées et manuscrites, ainsi que les notes du plain-chant. On y lit en effet,
après le canon, et avant la messe du jour de Pâques : « Orale pro fratre Petro Bartonis ordi-
natore hujus mitsaiis. Requiescat in paee. Amen. » Il mourut le 24 août 1503, et fut enterré
dans l'abbaye de Saint- Augustin, qu'il avait résignée, en 1500, en faveur de son neveu, Jean
Barton.
ANCIENS STATUTS DU DIOCÈSE DE LIMOGES. J63
justiciam pro defcclu diei dical, ne habcanl poncre clausulam,
et intérim rclaxainus sub pcna emendc.
Die XXll mensis fcbruarii, anno Domini millesimo quingentcsimo se-
cundo, Jlominus et assessor Bencdicti (<}, rcquiescente vencrabili viro ma-
î»islro Martiale de Valle (2), procuratore gcnerali Revercndi in Christo
Palris et Domini Domini Lemovicensis episcopi, ordinavil quoadmodo in
aniliea non erit interruplio in causis malrimonialibus pcr lapsum trium
mensium.
Die sexta mensis octobris, anno Domini millesimo quingenlesimo 3°,
venerabilis magister Petrus Benedicli, in dccrclis licenciatus, assessor
venerabilis officiatus Lemovicensis pro Iribiinaii ccdcnle instituit et ordi-
navit quoadmodo in anthea omnes termini erunt preceplo in V a sex Icu-
cis ciira erant pretaxati ad octo, sine inlerpellalione, et in foro diocesis ad
quindccim, et in modo probationis solummodo vigenti dilationis preccpto
per dislanciam locorum non dempta.
Die lercia julii, anno Domini millesimo quingenlesimo VI°, dominus
officialis Bencdictus ordinarius, de consiliis advocatus ordinavit quod ad
cetero renot faclum per judicem lalcum de consensu...
et tenebil et fuit ex (3)
•• •«•#«•«•««••
Abbé A. Legler.
(1) Pierre Benoit, liceacié en l'un et l'autre droit et ctianoine de la cathédrale de Limoges,
était un des hommes les plus congidérés de cette époque. En 150S. il était choisi pour arbitre
dans un différend entre les consuls de Limoges et l'abbaye de Saint-Martial (Regalre» con-
sulaireiy I, p. 16). Il fut envoyé en ambassade par la viUe de Limoges auprès du roi Fran-
çois I" en 1515 {Idem, p. 77). Il était ofQcial de Limoges et curé de Montjauvy en 1516
{Idem, p. 84).
(2) On trouve aussi dans la famiUe de Vaux plusieurs personnages dont différentes chartes
nous conservent les noms :
Ro'.gerius de Valle est témoin dans une donation faite à Uzerche en mai 1044 {Cartulatre
d'Userche^ par M. Champeval).
Aymerkus de YcUle est nommé prieur de Pradeaux en 133i (Bull. Soc. arch, Lm.^ XXX,
p. 62).
/ohannes de VallibuSj licencié es-lois et officiai de Limoges, dont il est parlé précédem
ment dans les statuts de 1379.
Pierre de Vaux, abbé de Saint-Martin, 1392-1401 (Fouillé manuscrit de Nadaud). Avant la
Révoltition, on voyait sa tombe , relevée en bosse devant le grand autel de la chapelle de cette
abbaye. Il y était représenté rétu de la chasuble, tenant sa crosse de la main droite et un livre
de la gauche ; la tète est appuyée »ur un coussin ; on y lisait : Bic jaeet Petrus de Vallibus
abbas (Biblioth. nat. des manuscrits. S. F. 5024, p. 156).
Pierre de Valle, notaire royal, 1502 {BulL de la Société archéologique de Brive, XII,
p. 50).
(3) Les trois ou quatre dernières lignes de cette page sont il]i<tibles. Elles ont été écrites,
comme nous f avons déjà dit. sur une feuille de parchemin portant auparavant un écusson
cbarçc de trois fleurs de lis, encore très reconnaissable malgré le grattage qu'il a subi.
DOCUMENTS
POUR SERVIR A L'BISTOIRE
DE L'INDUSTRIE ET DES MANUFACTURES
EN LIMOUSIN
Favorisées parle mouvement qui porte les esprits vers rélude
des questions d'histoire locale, nos vieilles provinces reconstituent
peu à peu les annales de leur passé. La liste est déjà longue des
essais retraçant les origines et les développements des institutions
qui firent leur grandeur ou leur force et les événements de tout
ordre dont elles furent le théâtre. Se reliant les uns aux autres, ces
travaux iront bientôt verser dans le courant plus vaste de Thistoire
du pays un ensemble de faits définitivement établis et de vues nou-
velles.
L'apport à cet utile labeur s'effectue simultanément sous deux
formes différentes : pendant que Thistorien, s'emparant d*un épi-
sode marquant, en fait l'objet d'études critiques et de récits ani-
més, ou encore pendant qu'il place dans son cadre et dans son
milieu un personnage ioconnu qui s'est révélé à lui, de plus mo-
destes travailleurs, explorant les dépôts d'archives, arrachent à
l'oubli des matériaux que d'autres mettront on œuvre ou dans les-
quels ils puiseront des éléments précis d'information et de discus-
sion. C'est un effort de plus dans ce sens que nous tentons aujour-
d'hui sur le vaste domaine de l'industrie et des manufactures en
Limousin.
La publication de l'inventaire des archives de llntendance de
Limoges (série C des archives départementales) vient de mettre en
lumière un assez grand nombre de documents concernant l'impri-
merie, les manufactures de tissus, les fabriques de faïence et de
porcelaine, les papeteries et les exploitations minières. A l'exem-
ple de ce qu'a fait M. Alfred Leroux pour le fonds de l'ancien
collège de Limoges (série D), nous nous proposons de tirer de ce
DOCUMENTS SUR L*1NDUSTR1E ET LES MANUFACTURES EN LIMOUSIN. 10)
fonds de rinleûdaDce, poar les publier intégralemenl, les pièces
les plus importantes, celles qui sont susceptibles d'être consultées
avec fruit pour l'histoire industrielle de notre province.
Aucun sujet ne nous a paru plus propre à intéresser les hommes
de notre pays et de noire temps; il offre môme plus qu'un intérêt
de vaine curiosité, si Ton considère les problèmes qui s'y rattachent.
Nulle branche, en effet, de l'activité humaine ne se lie plus étroi-
tement au développement de la prospérité publique et du bien-être
des citoyens.
Les documents dont nous comptons faire une ample moisson
apparlienn^t à la seconde moitié du xvn* siècle et au xviu*. Ils
embrassent la période qui va de Golbert à Turgot, du représentant
le plus éminent de la protection et de la réglementation industriel-
les au partisan le plus convaincu de la concurrence et de la liberté.
Par les encouragements qu'il lui prodigue, Golbert ouvre à l'in-
dastrie jusqu'ici négligée la voie de nouvelles richesses. Après sa
mort, et surtout après la révocation de Tédit de Nantes, l'industrie
nationale subit une période d'inaction et d'abandon. Mais le siècle
qui s'ouvre est plein de germes féconds. Bientôt, des novateurs
dans tous les genres soulèveront tous les problèmes, agiteront
toutes les questions. En ce siècle de rêve et d'analyse, toutes les
sciences vont faire d'immenses progrès et réaliser des merveilles.
Les mathématiques atteindront presque leur apogée et la chimie
va devenir l'une des branches les plus étendues des connaissances
humaines. Or, ces progrès provoquent [d'autres progrès. Chaque
conquête de la science trouve immédiatement une application à
rindustrie, qui en reçoit une vive impulsion.
Tandis que l'esprit de la nation devient singulièrement hardi, le
pouvoir royal persiste dans son indolence. Aussi, au milieu de
toutes les transformations, à peine l'influence de son représen-
sentant se fait-elle sentir. Cependant, lorsqu'il se nomme Boucher
d'Orsay, Aubert de Tourny ou Turgot, l'Intendant de la Généralité,
duquel relèvent toutes les questions industrielles ou manufactu-
rières, a le souci des besoins des populations et des intérêts de la
province. Rompant avec les préjugés stériles, il stimule les efforts
qui ont en vue la création de nouvelles branches d'industrie et
leur imprime une direction naturelle en les appliquant aux pro-
ductions qui conviennent le mieux au sol ou aux aptitudes des ha-
bitants. S'il ne permet pas d'éluder les règlements qui entravent
le travail, il s'applique du moins à en atténuer les effets, et on le
verra plus d'une fois protéger Tarlisan contre l'exclusivisme des
corporations.
En même temps, la législation, jusqu'alors diverse et variable,
T. XXXiX. i\
166 SlOGIÉT^ ABCQÉjOLOQiaPR ET HlSTOBIQUi; VQ VKOU^Ii.
devient plus tmiforme et plqs pr<icise. Au régime des priyil^gei; at
des autorisations individuelles se substitue peu à peu le régime
des lois gënér^iles; et dans ces moditicatiQns, Ton peut déjà prea^entir
une préoccupation nouvelle qui trouvera ui) jour s^ fortn^l^ clans
le principe de Tégalité devant la loi.
Tous ces avantages eussent dû fendra Tindustri^ florU^unta
s'Us q'avajent été en partie s^pnihilés par des restrictions de twte
sorte résult^r^t d'une régleipents^tiQn élroHe quii, S4^us pirét6i:t€i do
sauvegarder les droits des maîtres et Thonneur professiouqelt ^^
$^i à la production par des fornaalilés çt des lenteurs inutiles.
i>*aut[res causes, telles que le désordre de^ finances, 1^ disettes
fréquentes ^t 1^ ruineuse Guerre de Sep(-Ans, viendront encore en-
traver les réformes éconopiiques. Au^^'^i* auprès les éphédHère^ ten-
tatives de Tvirgat, ne faudrs^-t-il ri^en rnoios qu'we révoluUon pour
proclamer la liberté du travail et Vérp^ucipatjon du pr^d^ctetiF.
A. Fray-Fournier.
IMPRIMERIE.
ArréP C(mcernant les imprimeurs de la ville de Limoges. — 1704.
Extrait des registres du Conseil d'Estat du Roy.
Sur la requeste preseotée au Roy en aou. Conseil par GaJ>i:iel
Famé, Jean Chapoulaud, François Meilha.ç, Valérie Guillot, veufve
de Jean BarJinet et Jeanne Le Moine, tous imprimeurs et. Iibraj,re&
de la ville de Limoges, contenant qu'Us ont esté déQlai:ez déchu;& du
droit de tenir imprimerie et librairie en la ville de Lin^oge^ par arresL
du Conseil du vingt trois juillet mil sept cent [trois] pour ne s*estre
pas fait recevoir en la manière portée par les arresla des sîj^ octobre
mil six cent soixante-sept et six decen^.bre mil sept cens« sauf k eux
à se pourvoir au Conseil, en conforna^ilé de ces arrests. t'esloi^ne-
ment dans lequel ils sont ne leur ayant pas permis de satisfaire à
cet arrest aussi promptement qu'ils Tauroient soubaitté, il leur a
esté fait deffences par un second arrest du dix-sept décembre, der-
nier d'exercer rimpriiperie et la librairie danjs.. la. villes dçi tiniQgcs.
DOCDMEIIT» Sun L*1KB0.STKIB ET LIS MANUFACTUBES BIT LIMOUSIN. iCtl
Comme cette interdiction fait nn grand préjudice àu)t suppliàâs, qui
ne font subsister leors familles que par leur travail, et à la ville dé
Limoges mesme où le commerce de rimprimerie est trez conslde-»
rable et pourroit prendre un austre cours, ils ont recours à Sa
Majesté poor la très humblement supplier de vouloir bien les rece-
voir maislres imprimears en la manière portée par les arrests de
mil six cent soixante-sept et mil sept cens et en conséquence leur
permettre de continuer Texercice de leur art comme par le passé.
Ils s'y sont establissur la foy de la liberté publique, ils sont mesitie
la pluspart dans la profession de père en fils, tout leur bien con-
siste dans leurs presses qui sont très considérables et'ileurjdevien-
droient inutiles ; il n'y en a point qui n'en ayent au moins deux
fournies de bons caractères dont pas un ne trouvera à se desfaire.
1 /exercice de leur profession est la seule ressource qu'ils atent
pour faire subsister leurs familles qui estant réduites à la mendl^
ciléseroient à la charge de la ville et ne pourroient plus payer de
capitations, tailles, taillons, ustancilles, quartiers d'hiver et autres
impositions, les suppliansne seroientpas non plus en estât de payer
à Sa Majesté les sommes auxquelles elles les a taxez pour la confir-
mation de l'hérédité des charges de jurés trésoriers et autres
qu'elle leur a reuny. Ils ont d'autant plus lieu d'espérer que toutes
ces considérations toucheront Sa Majesté que la voye de se pour-
voir qu'elle leur a ouverte par l'arrest du Conseil du 13 juillet mil
sept cent trois est une preuve asseurée de la disposition où elle est
de leur accorder leur établissement.
A ces causes requeroient qu'il plust à Sa Majesté ordonner que
les arrests du Conseil des six octobre mil six cent soixante-sept et
six décembre mil sept cens seront exécutés selon leur forme et
ieûent ; ce faisant, qu'ils seront receus maistres imprimeurs et li-
braires de la ville de Limoges en la manière accoutumée, à la
charge d'observer les arrests et règlemens, et en conséquence
lever les deffences portées par les arrests des vingt trois juillet et
dix-sept décembre mil sept cent trois.
Veu la dite requeste signée Du Mesnil, avocat des suppUans, et
leurs pièces y attachées; ouy le rapport du sieur de Lamoignon de
Courton, conseiller du Roy en ses Conseils, maistre des requestes
ordinaires de son hotet, commissaire à ce député, et tout consi-
déré» le Roy estant en son Conseil, de l'avis de Monsieur le Chan-
celier, a débouté lesd. Yalerie Guillot, veufve Jean Bardinet (1)
(I) Depuis le décès de son mari, en 1691, la veuve de Jean Bardinet
avait continué d'exploiter son imprimerie avec l'aide de ses fils. A la suite
des arrêts de 4703 et 4701, elle se pourvut d^une autorisation pour tenir
168 SOCIÉTR ARGHiOLOGIQOK ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
et Jeanoe Le Moine (Ij de leurs demandes, et faisant droit sur
celles desdits Gabriel Famé, Jean Ghapoulaud et François Mei-
Ihac (2), a ordonné que les arrests des six octobre mil six cent
soixante-sept et six décembre mil sept cens seront exécutés]; ce
faisant, ordonne que lesd. Gabriel Farne, Jean Ghapoulaud et
François Meilhac seront receuz maistres imprimeurs et libraires en
prestant le serment au cas requis pardevant le lieutenant gênerai
de police et à la charge d'observer les reglemens de librairie et
imprimerie ; et attendu qu'au moyen de l'arrest rendu en faveur
de Sardine le vingt-six novembre mil sept cent trois (3), de celuy
rendu en faveur de Barbou le onze février dernier (4) et de celuy
en faveur de Voisin le vingt-six février dernier, (5) ensemble du
présent arrest, il se trouve six maîtres imprimeurs et libraires dans
la ville de Limoges dans laquelle celuy de deux est suffisant, a or-
donné Sa Majesté qu'il ne pourra estrereceuen la place des quatre
premiers qui viendront à décéder (6).
une boutique de libraire. Michel Bardinet, Tatné des fils, n'en conlinua
pas moins l'exercice du métier d'imprimeur qu'il fut contraint, plusieurs
fois, d'interrompre. Il bnit par obtenir, le 27 mai 4709, sur l'avis favora-
ble de l'intendant Carré de Monlgeron, un arrôt l'admettant à la maUrise.
Toutefois, il ne fut reçu qu'en 4710.
(1) Jeanne Le Moine fut autorisée, le \^^ septembre 1704, à tenir une
boutique de libraire.
(9) C'est à François Meilhac que Marivaux confia, quelques années plus
tard» l'impression de sa première pièce de théâtre, composée, dit-on, à
la suite d'un pari, durant son séjour à Limoges où il passa plusieurs an-
nées de sa jeunesse.
L'œuvre de début de l'ingénieux écrivain a pour titre : Le père prudent
et équitable ou Crlspin V heureux fouri>e^ comédie. — A Limoges et à
Paria, au Palais, MDCCXII (in- 12).
(3) A cette date du 26 novembre 4703, Jacques Sardine avait obtenu
un arrêt du Conseil autorisant sa réception comme maître imprimeur. 11
exerça jusqu'en 4712 et eut pour successeur son fils Martial.
(Â) A raison de ce qu'il était revêtu de la charge d'imprimeur du roi»
Pierre Barbou fit opposition à l'arrêt du 93 juillet 4703, qu'il prétendait ne
pas lui être applicable. Il dut, comme ses confrères, régulariser sa situa-
tion.
Les Barbou étaient en possession, depuis 4636, du monopole pour l'im-
pression des édits, déclarations et autres actes émanant du Roi ou de son
Conseil. Antoine Barbou avait reçu brevet à cet effet le 20 août 4636. Son
privilège fut transféré à son tils Martial, le 30 avril 4 653, et passa à son petit-
fils, Pierre, le 4 juin 1703.
(8) Antoine Voisin (f 30 juillet 1707) eut pour successeur son fils Barthé.
lémy, reçu maître imprimeur le 4'* octobre 4708.
(6) L'arrêt du 11 juillet 4704, qui fixait le nombre des imprimeurs pour
DOCUMENTS SUR L^INDUSTRIB ET LES UAMUFACTURES EN LIMOUSIN. 169
Fait au Conseil d'Estat prive du Roy tenu à Versailles le Iroi-
siesme mars mil sept cent qualre.
[Archives départementales de la Haute-Vienne, fonds de la séné-
chaussée de Limoges, registre des provisions d'offices de justice,
1701-171 S),
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi qui fixe le nombre des imprimeurs
dans le royaume, — 1739.
Extrait des registres du Conseil d*Estat.
lie Roy s*estant fait représenter Tarrest rendu en son Conseil le
21 juillet 1704, par lequel le nombre des imprimeurs libraires du
royaume auroit esté fixé, et autres arrests portant permission d'es-
tablir quelques imprimeries particulières, Sa Majesté auroit jugé à
propos de se faire rendre un compte exact de Testât où se trouvent
les différentes imprimeries qui subsistent actuellement. Elle auroit
esté informée qu'une partie des imprimeurs ne peut se soustenir
par le produit de son travaij, ce qui les expose à s'occuper à con-
trefaire des ouvrages imprimés par d'autres avec privilège, ou à en
imprimer clandestinement de mauvais et qu'ils ne pourroient
obtenir la permission de faire paroître; que d'ailleurs, dans les
villes où il devoit y avoir des imprimeurs, suivant l'arrest de 1704,
le nombre en a esté porté au-delà de celui qui cstolt fixé par le dit
arrest; et que dans plusieurs de celles où il ne pouvoit y avoir au-
cunes imprimeries, selon le môme arrest, les officiers de police
ou aulres, qui ont excédé les bornes de leur pouvoir, en ont laissé
eslablir; qu'enfin, le privilège accordé aux veuves d'imprimeurs
par l'article 55 du règlement de 1723, pour les authoriser à conti-
nuer le travail de leurs imprimeries, aprez le décès de leurs maris,
a encore donné lieu à la multiplication des imprimeries, par la fa-
cilité qu'on a eu de disposer, pendant leur vie, des places d'impri-
chacuDe des villes du royaume, porla ce nombre à quatre pour Limoges.
Pas plus que celui du 3 mars de la même année, cet arrêt ne reçut
jamais une application bien rigoureuse; Tud et Tautre semblent même
avoir été promptement perdus de vue. En effet, dès le mois de février
*708, Barthélémy Voisin obtenait, malgré la clause d'extinction, de succé-
lier à son père, et, Tannée suivante, Michel Bardinet se faisait recevoir
maître imprimeur.
De même, Jean Barbou obtenait, le 23 décembre 1717, un arrêt ordon-
nant sa réception et Jacques Famé était admis, le 12 février 1748, à rem-
placer son père décédé.
170 SOCIÉTÉ ARCHÊOLOGIQUR ST HISTORIQUH DU LIMOUSIN.
meurs qui avoient vacqué par la mort de leurs dits maris. Sa Ma-
jesté auroit jugé à propos de faire cesser des abus également con-
traires à son authorité, au bien public, aux interests et aux
règlemens de la librairie ; à quoi voulant pourvoir, le Roi estant
en son Conseil, de l'avis de Monsieur le Chancelier, a ordonné el
ordonne ce qui suit :
Article premier.
Le nombre des imprimeurs demeurera fixé sçavoir : à trente-six à
Paris ; à douze dans chacune des villes de Lyon et de Rouen; à dix
dans chacune des villes de Bordeaux et de Toulouse ; à six dans
les villes de Strasbourg et de Lille; à quatre dans chacune des
villes d*Aix, Besançon, Caën, Dijon, Dofiay, Grenoble, Nantes, Or-
léans et Rennes ; à trois dans chacune des villes de Marseille et de
Troyes; à deux dans chacune des villes d'Âlençon, Amiens, An-
gers^ Angouleshe, Arras, Rayonne, Bourges, Chaalons*sur-Mame,
Chartres, Clermont, Dunkerque, La Rochelle, Le Mans, Limoges,
l|etz, Montauban, Montpellier, Moulins, Saint-Omer, Pau, Poitiers,
Rheims, Soissons et Tours; à un dans chacune des villes d^Abbe-
ville, Agen, Alby, Avranches, Aurillac, Ausch, Autun, Auxerre,
Bayeux, Beauvais, Béziers, Blois, Boulogne, Bourg-en-Bresse,
Saint-Brieux, Catiors, Cambray, Castres, Challon-sur-Saône, Chau-
mont, Calmar, Compiègne, Coadom, Coutances, Dieppe, Dinan,
Dole, Evreux, La Flèche, Le Hâvre-de-Grâce, Langres, Laon,
Lizieux, M&con, Maubeuge, Meaux, Mende, Montargis, Narbonne,
Nevers, Niort, Nismes, Noyon, Périgueux, Perpignan, Pezenas,
Provins, Le Puy, Saint-Quentin, Quimper, Rhodez, Riom, Roche-
fort, Saintes, Salins, Saumur, Senlis, Sens, Toul, Toulon, Tulle,
Valence, Valenciennes, Vannes, Verdun, Vezoul, Villefranche-en-
HoMërgue et Vitry.
Art. 2.
Les imprimeries qui sont establies actuellement dans les villes
ci-après nommées demeureront supprimées, sçavoir dans les villes
d'Aire, Amboise, Arraentières, Beaugé, Beaune, Calais, Carcas-
sonne, Caslelnaudary, Chasleaugontier, Chastellerault, Chaslillon-
sur Seine, Chinon, Dol en Bretagne, Eu, Saint-Flour,Fonlenay,Gray,
Saint-Jean-d'Angély, Joinville, Laval, Libo«rne, Saint-Lô, Loches,
LpBs4e-SaulnJer, Loudun, Saiol-Maixent, Mantes, Melun, Sainte-
Menchould, Montbrison, Morlaix, Nuitz, L'Orient, Saiût-PawMe-
Léoit, PéranAe, Redon, Sarlat, Sedans Seez, llMniars, Treguier,
Vatog/nes, Vewdosmo, ViHe-Franche-en-Beao|oHois, Vke et Vrtrê.
DOCUMRNTS SCR L*mDUStniB ET LES MANUFACTURES EN LIMOUSIN. \1\
Art. 3.
Lés règlemens de la librairie et imprimerie seront exécutés selon
leur forme et lenetrr; et, en conséquence, Sa Majesté fait detfenses
aux officiers de police, et à tous autres, de quelque qualité et con-
dition tjti'ils soient, d'authoriser à Tavenir des imprimeurs à exer-
cer Tart d'imprimerie, et aux imprimeurs de s'immiscer dans la
dite profession, en vertu de quelques lettres ou privilèges que ce
puisse estré, sans avoir fait apparoir à Monsieur le Chancelier de
leurs titres et capacités et sans avoir obtenu un ar^rest du Conseil,
pouf y èstre tecMi; le tout, en la manière accoutumée.
Art. 4.
Leâ places des imprimeurs qui seront décédez ne (feront point
remplies à l'avenir^ tant que leurs veuves continueront d'exercer
rimprimerie. Enjoint Sa Majesté aux lieutenans généraux et autres
officiers de police d'observer et faire observer exactement les dis-
positions contenues au présent ai-rest, et aux sieurs intendans et
commissaires départis dans les provinces d'y tenir la main, chacun
en qui ee les regarde^ et d'informer exactement Monsieur le
Chancelier des contraventions qui pourroient y eslre faites. Fait
au Conseil d'E.'^ial du Roy, Sa Majesté y étant, teno à Versailles, le
trente-un mars mil sept cent (renrle-neuf.
Signé : Pbelypeaux.
f Archives départementales de la Haute-Vienne , f^nds de Vlnten-
fêanee de Limoges, série C. n" i 8J,
Privilège accordé à VEvêque de Limoges pour l'impression des livres
liturgiques, — 1785.
Louis, par la grâcef de bietr, roy de France et de Navarre, à nos
aoïez et féaux conseîîlers les Gens tenant nos Cours de Parlement,
Maîtres des requesies ordinaires de notre hôtel, grand Conseil,
Prévost de Paris^ baillifs, sénéchaux, leurs lieuienans civils et au-
tres nos justiciers qu'il appartiendra, salut. Notre amé et féal con-
seiller en noS' conseils, te sieur Jean Gilles du Coêtiosquet, évéque
et comte de Limoges,' bous a fait exposer que le privilège que nous
l«y «vons cy devant accordé pour l'impression des usages de son
dioeëze ëtoit expiré et ^'autant qu'il luy est important qa'ils ne
puissent être réimprimés par auti^es libraires ou imprimeurs que
I7i SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE OU LIMOUSIN.
celuy qu'il choisira, il nous a supplié de renouveller ledit privilège
et de luy accorder nos lettres sur ce nécessaires.
A ces causes» voulant favorablement! traiter le dit sieur évéque
et seconder ses pieuses intentions, nous luy avons permis et per-
mettons par ces présentes de continuer de faire imprimer, par tel
imprimeur qu'il voudra choisir (1), tous Bréviaires, Diurnaux,
Missels, Rituels, Antiphonaires, Manuels, Graduels, Procès-
sionnaux, Episioliers, Pseautiers, Demi-pseautiers, Directoires,
Heures, Catéchismes, Ordonnances, Mandements, Statuts syno-
daux. Lettres pastorales et instructions à Tusage de son dit
diocèze, en tel volume, marge, caractère, conjointement ou
séparément et autant de fois que bon luy semblera et de les faire
vendre et débiter par tout notre royaume pendant le temps de
douze années, à compter du jour de la date des dites présentes,
sans toutefois qu'à Toccasion des livres cy-dessus spécifiés, il
puisse en être imprimé d'autres qui ne soyent pas dud. sieur évé-
que; faisons delTenses à toutes sortes de personnes de quelques
qualités et condition qu'elles soyent d'en introduire d'impression
étrangère dans aucun lieu de notre obéissance, comme aussy à
tous libraires, imprimeurs et autres que celuy que led. sieur évéque
aura choisy, d'imprimer ou faire imprimer, vendre ou faire vendre,
débiter ni contrefaire lesd. livres cy-dessus exposés en tout ou en
partie et d'en faire aucuns extraits sous quelque prétexte que ce
soit, conformément et sous les peines portées par le privilège que
nous avons accordé aud. sieur évéque le 18 mars 1740, que nous
avons renouvelle et renouvelions par ces présentes pour être exé-
cuté suivant sa forme et teneur. Car tel est notre bon plaisir.
(1) Le titre d'imprimeur de Tévêque ei du clergé fut maintenu à J.*B.
Dalesme, qui l'avait obtenu en P40 et le transmit plus lard à son fils Fran-
çois, lequel en jouit jusqu'à la Révolution.
Parmi les ouvrages sortis des presses de ce dernier, Tun des plus impor-
tants est le bréviaire à Tusagc du diocèse de Limoges en quatre volumes
in-i!2 (1783). Aux termes du traité passé le 24 janvier Hdl pour la réim-
pression de ce bréviaire, il devait être fait un tirage de 4,000 exemplaires
sur papier carré fin d'Angoulême et il devait, en outre, être fourni k
l'évêché 100 exemplaires sur papier supertin, dont 55 reliés en beau maro-
quin rouge, tranches dorées, et 45 reliés en veau. L'impression devait
être faite en caractères neufs appelés Gaillarde petit œil, et chaque volume
orné d'une estampe. Le prix de vente ne devait pas dépasser 9 livres
Texeniplaire en feuilles et 13 livres relié en basane. Une avance de 24,000
livres, remboursable sans intérêts par annuités de 2,000 livres à partir de
décembre 1783, était faite à Timprimeur (Archioea départementales de la
Haute-Vienne^ fonds de VEoéchéy n® prooisoire 279 1),
D0GCMENT3 SUR l'iNDUSTRIB ET LES MANUFACTURES EN LIMOUSIN. HZ
Donné à Versailles, le sixième jour de septembre Tan de grâce
mil sept cent cinquante-cinq et de notre règne le quarante-unième.
Par le Roy en son Conseil,
Signé : Pagbaut.
Au dos est écrit :
Registre sur le registre treize de la Ohambre royale des libraires
et imprimeurs de Paris, n* 572, fol. 443, conformément au règle-
ment de 1723, qui fait défense à toutes personnes de quelque qua-
lité qu'elles soient autres que les libraires et imprimeurs de vendre,
débiter et faire afficher aucuns livres pour les vendre en leurs
noms, soit qu'ils s'en disent les auteurs ou autrement. Et à la charge
de fournir à la susdite chambre neuf exemplaires de chacun pres-
crits par Fart. 108 du même règlement.
A Paris, le 13 octobre 1758.
Signé : Didot, premier syndic.
C Archives départementales de la Haute-Vienne, fonds de VÊvéché^
fi*» provisoire 2791 ).
Arrêt concernant les imprimeurs de la ville de Limoges — 1758.
Extrait des registres du Conseil d'Etat.
Le Roy s'étant fait rendre compte de l'état des imprimeries éta-
blies dans la ville de Limoges, des noms des imprimeurs et des
litres en vertu desquels ils y exercent l'art de l'imprimerie,
Sa Majesté auroit reconnu que quoique par l'arrêt du trente-un
mars mil sept cent trente neuf le nombre des imprimeurs de la dite
ville erlt été fixé à quatre (ij, cependant il s'en trouvoit actuelle-
ment six, desquels les nommés Chapoulaud et Voisin (2) avoient
exercé la dite profession sans aucun titre, le nommé Barbou (3)
Fauroil également exercée sans avoir les qualités requises, n'ayant
pas été reçu précédemment imprimeur par arrêt du Conseil de
Sa Majesté, et sous le prétexte de provisions par lui obtenues
(!) Contrairemenl à cette indication, il n'était attribué que deux impri-
meurs à Limo$res (V. ci-dessus, p. 470).
(2) Pierre Chapoulaud et Jean-Baptiste Voisin exerçaient déjà en 1747.
Leurs imprimeries ayant été fermées, ils se firent recevoir, le 6 septembre
de la dite année, maîtres libraires-relieurs. On voit qu'ils avaient rouvert
leurs imprimeries.
(3) Martial Barbou.
(74 SOCIÉTÉ AltC0ftOtO6ra^B ET HlStÔRIQtffi OU LtMOOStft.
en 1747 d'Imprimeor de Sa Majesté, et le nommé Sardine (1) en V(?rtti
seulemenl d*«n arrêt da Conseil par lequel il auroit êlé réço impri-
meur dans la dite ville par grâce et sans tirer à conséquence, de
sorte qu'il n'y avoii que les nommés Dalesrae (2) et Famé (3)
qui fussent en règle, ayant été reçus en vertu d'arrêts dn Conseil
des <2 février 1718 et 19 décembre 1729 ; dans ces circonstances,
Sa Majesté ayant considéré que si la disposition du dit arrêt du
31 mars 1739 étoit exécutée à la lettre il se trouveroit quatre des
dites six imprimeries qui devroient être supprimées, et que cette
suppression tomberoit sur celles qui paroissent les mieux fournies,
soit par le nombre des presses, soit par celui des caractères qui y
sont employés, elle auroit jugé nécessaire d'expliquer ses inten-
tions à ce sujet, de façon que le maintien des règiemens et du bon
ordre pût être concilié, autant qu'il étoit possible, avec Tintérêt de
ceux qui par erreur ou autrement ont joui jusqu'icy, sans aucun
trouble, du dit état d'imprimeur en la dite ville ;
A quoi voulant pourvoir, ouï le rapport et tout considéré, le Roy
étant en son Conseil, de Tavis de M. le Chancelier, a ordonné et
ordonne que l'arrêt du conseil du 81 mars 1739 sera exécuté, et en
conséquence, que le nombre des imprimeurs de la dite ville de
Limoges sera et demeurera fixé au nombre de quatre prescrit par
le dit arrêt, ce faisant ordonne que les dits Barbon et Chapou-
laud (4) seront reçus imprimeurs en la dite ville en vertu du pré-
sent arrêt en prêtant par eux le serment en tel cas requis et accou-
tumé par devant le Lieutenant gênerai de police de la dite ville,
ordonne que l'imprimerie du dit Voisin sera et demeurera dès à
présent éteinte et supprimée, en ce qui concerne celle rfa dit Sar-
dine permet par grâce, et sans tirer à conséquence à lui et sa
femme, d'en jouir jusqu'à leur decez, après lequel leur imprimerie
sera et demeurera éteinte et supprimée en vertu du présent arrêt, et
{{) Martial Sardine. Uo arrél du 16 septembre 4726 lui avait réservé la
première place vacante.
(2) Jean-Bapiisle balesme, reçu matire imprimeur le 14 février 1730 en
vertu d'un arrêt du f9 décembre I729 Tautorisant à succéder ù françois
Meilhac, son beau-père, démissionnaire en sa faveur.
A son décès (3 juin j767) il fut remplacé par son fils François, admis à
la nwltrise le 5 octobre suivant.
(3) Jacques Farne exerçait en venu d'un arrêt du 12 février 1718. Il
mourut le 20 juin 1760 et eut pour successeur son lils Jean-Bapiisie qui
obtint, le 6 octobre de la môme année, ses lettres de provision et fut reçu
le la décembre suivant.
(4) Pierre Cliapoulaud fut reçu le là avril 1758 et Martial Barbou le SS du
même mois.
DOCUMENTS SUR l'inDUSTSIS KT LES MAIfUPAGTUfteS EN LIMOUSIN. f75
sans qa'il en soit besoin d*autre, à la charge néanmoins d'en être le
fonds remboorsé à leurs héritiers ou ayant cause par les dits Bar-
boa et Ghapouiaud par égale portion suivant restimalion qui en
sera faite par experts convenus par les parties, sinon nommés
d*ofGe6 par le dit Lieutenant général de police; ordonne que le
présent arrêt sera enregistré dans les registres des imprimeurs et
libraires de la dite ville (1), enjoint au sieur Intendant et Commis-
saire départi en la Généralité de Limoges de tenir la main à sou
exécution.
Fait au Conseil d'Etat do Roy, Sa Ms^esté y étant, tenu à
Versailles le vingt-i^eptiéme mars mil sept cent cinquante-huit.
Signé : Pbelypeaux*
( Archives dép. de la Haute-Vienne y série C, Reg, des édits et décla-
rations de 1740 à i7SôJ.
Arrêt €oncem(»nt tes imprimettrs de la Généralité 4e Umoges, —
1709
Extrait des registres du Conseil d'Etat.
Le Roy étant informé que nonobstant les règles prescrites par
(lifîérens arrêts de son Conseil et notamment par ceux des vingt-un
juillet mil sept cent quatre et trente-un mars mil sept cent trente-
neuf, pour prévenir les abus d'un trop grand nombre d'imprimeries
dans le royaume, il s'en seroit établi dans quelques villes ou lieux
contre la teneur desdits arrêts, et même sans observer les forma-
iitez prescrites par ceux des vingt-huit février mil sept cent vingt-
trois et vingt-quatre mars mil sept cent quarante-quatre ; Sa Ma-
jesté auroit jugé à propos de se faire représenter l'état de toutes
(t) Par une ordonnance du 30 novembre 1735, rintendanb Boucher
d'Orsay avait institué une chambre syndicale des imprimeurs el libraires
de Limoges.
Un arrêt du Conseil d'Ëtat du 30 aoât f777 supprima ceire chambre el
rattacha la communauté des imprimeurs et libraires de Limoges à la
chambre syndicale de Poitiers Le même arrêt ordonnait la remise à celte
Uemière chambre de tous tes registre*» et papiers des communautés, nouvel-
lement placées dans son ressort.
A ta Révolution, M. JonyneaH-DesIbges, inspecteur de fa librairie, resta
détenteur des archives du bureau de Poitiers. Une partie, vendue par sa
vente, est atijoiird*k»ut conservée à la bîbliolbôque publiqveda eeUe ville;
le surplus est entré dans des collcclions pariiculières. (Vey. Invent, des
arehioes dép. du la Vienne, série C, Introd. p. 73.)
476 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIHOUSIM.
les imprimeries qui existent actuellement dans les différentes Gé-
néralités de son royaume» et d'expliquer définitivement ses inten-
tions à ce sujet, de manière que le nombre desdites imprimeries
et le sort de ceux qui les tiennent soient désormais fixés irrévoca-
blement en chacune des dites Généralités, ainsi que rentière exé-
cution des règles et formalités prescrites pour être admis à l'exer-
cice d'un art si utile en lui-même, mais qui deviendroit nuisible à
Tart même et à la bonne police du royaume s'il était trop multiplié.
A quoi voulant pourvoir, ouï le rapport et tout considéré, le Roy
étant en son Conseil, de Tavis de Monsieur le Chancelier, a or-
donné et ordonne que les arrêts de son Conseil des trente-un mars
mil sept cent trente-neuf, vingt-huit février mil sept cent vingt-
trois et vingt-quatre mars mil sept cent quarante-quatre, seront
exécutés, et en conséquence que le nombre des imprimeurs de la
Généralité de Limoges demeurera fixé à celui de sept, scavoir qua-
tre pour la ville de Limoges, deux pour celle d'Angoulême et un
pour la ville de Tuile, ordonne que les imprimeries établies dans
les villes de Brive et de Tulle par Jean-Pierre Paye et Léonard
Dalvy seront et demeureront supprimées ; fait Sa Majesté défenses
auxdits Paye et Dalvy d'y imprimer à peine de confiscation des vis,
presses, caractères et autres ustenciles d'imprimerie ; fait défenses
à toutes personnes sans exception d'exercer ou faire exercer ledit
art dans aucunes autres ville ou lieux de ladite Généralité que ceux
cy-dessus marquez; fait pareillement défenses à tous imprimeurs
sans exception d'exercer ledit art dans aucune desdiles villes ou
lieux s'ils n'ont été reçus en la forme prescrite par les règlements,
à peine de cinq cents livres d'amende et de confiscation des vis,
presses et caractères de leurs imprimeries. Enjoint Sa Majesté aux
lieutenants généraux de police desdites villes et lieux d'observer
et faire observer exactement les dispositions contenues au présent
arrêt, comme aussi au sieur Intendant et commissaire départi en
la Généralité de Limoges de le faire publier partout où besoin sera,
de tenir la main à son exécution et d'informer exactement Mon-
sieur le Chancelier des contraventions qui pourroient y être faites.
Pait au Conseil d'Etat du Roy, Sa Majesté y étant, tenu à Ver-
sailles le douzième may mil sept cent cinquante-neuf.
Signé : Phelipeaux.
Suit l'exécutoire de l'intendant Pajot deMarcheval du 26 mai 1759
et la mention de l'enregistrement au greffe de la Cour sénéchale
de police.
(Archives dép. de la Haute-Vienne, série C, registre des édits et
déclarations de 1 740 à 1 7 H 5.)
DOCUMKHTS SUR l' INDUSTRIE BT LES MANUFACTURES EN LIMOUSIN. 177
TISSAGE.
État des manufactures de draps et autres étoffes établies dans la
Généralité de Limoges, avec l'indication de leurs produits pendant
l'année i73i.
SAINT-LÉONARD.
Elamines en laine du pays, par pièce de 25 à 30 aunes de long
sur demi-aune de large» du prix de 23 à 36 sols l'aune.
On emploie de Tétain filé de 38 à 40 sols la livre.
9 métiers battants.
1 — sans travail.
Serges en laine du pays, par pièce de 23 à 30 aunes de long sur
demi-aune de large, du prix de 24 à 28 sols Taune.
On emploie de la laine filée de 24 à 28 sols la livre.
6 métiers J)attants.
2 — sans travail.
Droguets, par pièce de 50 aunes de long sur demi-aune de large
et plus, du prix de 14 à 20 sols Taune.
On emploie du fil de plain filé de 12 à 14 sols la livre et de la
laine du pays de 24 sols la livre.
11 métiers battants.
3 — sans travail.
Au total, 28 fabricants, ayant produit 1,099 pièces.
LIMOGES.
Toiles de coton, en coton des îles, par pièce de 3/8 à 5/4 de
large sur 50 aunes de long pour les toiles de coton, et de 3/4 à 5
de large sur 50 aunes de long pour celles en fil et coton.
Les toiles tout coton valent de 25 à 35 sols Taune; celles en fil
et colon de 24 sols à 3 livres Taune.
Le coton filé que Ton emploie est de 45 sols à 6 livres.
11 métiers battants.
1 — sans travail.
Un seul fabricant, qui a produit 780 douzaines de mouchoirs et
80 pièces de toile.
Grisetles en laine du Querci et soie de Lyon, par pièce de 26 à
32 aunes de long et demi-aune moins un seizième de large, du prix
de 54 à 58 sols Tanne.
L'étain filé est du prix de 3 livres 5 sols à 4 livres et la soie de
29 à 30 livres.
178 s«ciÈri ARCBtOLOarooB rr oihtouqui »u uHouttu.
3 métiers battanls.
2 — sans travail.
Popcliaes, par pièce de 26 à 32 aunes de long sur demi-aune
moins un seizième de large, du prix de S5 sols à 3 livres Taune.
Les matières employées sont les mêmes que pour Tarticle précé*
dent.
5 métiers battants.
Un seul fabricant pour ces deux derniers articles. Sa production
a été de 460 pièces.
Serges en laine du pays, par pièce de 25 à 30 aunes de long sur
demi-aune de large, du prix de 26 à 28 sols Taune.
On emploie de la laine fllée de 24 à 27 sols.]
5 métiers battants.
3 — sans travail.
Droguets, par pièce de 50 aunes de long et demi-aune de large,
du prix de 14 à 20 sols l'aune.
On emploie du Ql de plain ûlé de 12 à 14 sols et de la laine filée
de 24 sols la livre.
19 métiers battants.
5 — sans travail,
répartis entre 12 fabricants, qui ont produit 991 pièces.
SAIIfT-JUNIlH.
Etamines en laine du pays, par pièce de 25 aunes de long sur
demi-aune de large, du prix de 21 à 28 sols Taune.
On emploie de l'étain filé de 39 à 41 sols la livre.
6 métiers battants.
4 — sans travail.
Serges, par pièce de 25 à 30 aunes de long sur demi-aune de
krge, du prix de 25 à 28 sols Taune.
On emploie de la laine filée du pays de 25 à 27 sol» la Mvre.
10 métiers battants.
6 — sans travail.
Au total, 20 fabricants, qui ont produit i72 pièees.
TULLE.
Ras en laine du pays, par pièce de 35 à 40 aunes de long sur
demi-aune de large, du prix de 20 à 23 sols Faune.
On emploie de Tètain filé de 36 à 42 solsi la livre.
30 métiers battants.
10 — sans travaiL
Camelols en laine du pays, par pièce de 35 à 40 aunes de long
sur demi-aune de large, du prix de 19 à 2i sols l'aune.
On emploie de Tétain filé de 44 à 45 sols la livre.
30 métiers battants.
5 — sans travail.
Au total, 39 fabricants, ayant produit 1,980 pièces.
BRIVES.
Ras en laine du pays, par pièce de 35 à 40 aunes de long sur
demi-aune de large, du prix de 91 à 34 sols Taune.
On emploie de Tétain filé de 37 à 43 sols la livre.
i4 métiers battants.
9 — sans travail.
5 — abattus.
Camelots en laine du pays, par pièce de 35 à 40 aunes de long
sur demi-aune de large, du prix de 19 à 23 sols Faune.
Où emploie de Tétaîa fité de 45 à 80 sols la livre.
6 métiers battants.
3 -^ sans travail.
3 — abattus.
Au total, 30 fabricants ayant produit 486 pièces.
ANGOULÊME.
Etamines en laines du pays et d'Espagne, par pièce de 30 à 40
aunes de long etdemi-aunéde large, du prix de 23 à 30 sols Taune.
On emploie de Tétain filé de 44 à 46 sols la livre.
2 métiers battants.
4 — abattus.
Kas en laine dti pays et d*Espagne, par pièce de 30 à 49 aunes
de long sur demi-aune de large, du prix de 30, 37 à 39 sols Faune.
On emploie de Fétain filé de 44 à 46 sols la livre.
14 métiers battants.
9 — sans travail.
7 — abattus.
Drapées et serges en laine du pays et d'Espagnci, par pièce de
30 à 40 aunes de long sur demi-aune de large, du prix de 35 à 42
sols Faune.
On emploie de la laine filée de 25 à 37 sols la livre.
fO métiers battants.
3 -^ sans travail.
8 — abattus.
Au total, 34 fabricants ayant produit 1,126 pièces.
180 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOOIQOE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
NARSAT (1).
Draps pour les capucins, par pièce de 30 aunes de long sur une
aune de large, apprêtée, du prix de 6 livres 40 sols à 7 livres
Taune.
On emploie des laines filées du pays ou d'Espagne, de 25 à 30
sols la livre.
2 métiers battants.
*1 — abattu.
Drapées, par pièce de 30 à 40 aunes de long sur demi-aune de
large, du prix de 38 à 41 sols l'aune.
On emploie des laines filées du pays ou d'Espagne de 30 à 35
sols la livre.
7 métiers battants.
6 — sans travail.
7 — abattus.
Serges, par pièce de 30 à 40 aunes de long sur demi-aune de large,
du prix de 31 à 32 sols Taune.
On emploie des laines filées du pays ou d'Espagne, de 30 à 35
sols la livre.
5 métiers battants.
4 ^ sans travail.
3 — abattus.
Au total, 17 fabricants ayant produit 298 pièces.
Soit, pour Tannée 1731, un ensemble de ;
195 métiers battants.
76 — sans travail.
38 — abattus.
Et une production de 7,472 pièces, réparties entre 182 fabricants.
(Archives départementales de la Haute-Vienne^ fonds de l'Inten-
dance, série C, n** / 3J.
Arrêt du Conseil d'Etat portant privilège pour la manufacture
d'étoffes établie à Limoges par les frères Laforest. — / 743.
Sur la requête présentée au Roy en son Conseil, par Louis et
Guy Laforest frères, marchands fabriquans à Limoges, contenant
que, depuis plusieurs années, ils ont entrepris une fabrique d'étof-
(1) Nersac, aujourd'hui département de la Gordlew^ •
DOCUMENTS SUR l'iNDUSTTIE RT LES MANUFACTURES EN LIMOUSIN. 181
fes mêlées, dont la chaine est de soye et la trame de coton, laine,
poil de chèvre, fleuret de soye, qu'ils cherchent, par des soins con-
tinuels à porter au plus haut point de perfection ; que cet établis-
sement leur a coûté des sommes considérables et beaucoup de
soins pour vaincre les difBcultés presqu'insurmontables qu'ils ont
rencontrées pour former des ouvriers propres à travailler ces étof-
fes; qu'elles étoienl inconnues dans la province, et que leur perfec-
tion en fait journellement augmenter le débit, tant dans le royaume
que dans le païs étranger ; mais qu'ils seroient exposés à ne pas
jouir du fruit d'un établissement aussi avantageux et pour lequel
ils ont risqué toute leur fortune, si Sa Majesté n'avoit pas la bonté
de leur accorder un privilège exclusif au moyen duquel ilîf puissent,
eux, leurs veuves et enfans, le cas de leur décès arrivant, continuer
cette fabrique avec sûreté; sans quoy d'autres particuliers pour-
roient, en établissant une pareille fabrique avec moins de soins et
moins parfaitte, discréditer celle qu'ils ont formée avec tant de
peine. A ces causes requéroient les supplians qu'il plut à Sa Majesté
leur accorder à eux, leurs veuves et enfans, le privilège exclusif
de fabriquer pendant vingt années, dans la province du Limousin,
toutes sortes d'étoffes mêlées, chaînes de soye, trame de coton,
laine, poil de chèvre,- fleuret de soye, avec exemption de taille,
fourage, ustancile, logement de gens de guerre, collecte, sindicat,
tutelle, curatelle et autres charges publiques, et ordonner qu'ils
seront taxés d'oflice à la capitation par les sieurs intendants de la
province ; et que leurs enfans quoyque garçons, ne seront point
sujets à la milice ny à aucune contribution pécunière pour raison
d'ycelle.
Yeu ladite requeste, ensemble l'avis du sieur de Tourny, inten-
dant et commissaire départy en la Généralité de Li^noges, ouy le
rapport du sieur Orry, conseiller d'Etat ordinaire au Conseil royal,
controUeur gênerai des finances.
Le Roy en son Conseil a accordé et accorde aux dits Louis et
Guy La Forest frères le privilège exclusif de fabriquer, eux, leurs
veuves et enfans, pendant vingt années, dans la ville de Limoges
et à dix lieues à la ronde, toutes sortes d'étoffes de coton mêlé
avec de la soye, du fleuret, de la laine et du poil de chèvre; fait
Sa Majesté deffense à toutes personnes de quelque qualité et con-
dition qu'elles soient, de les troubler dans l'exercice dudit privi-
lège ny de fabriquer de pareilles étofl'es pendant ledit temps, à
peine de tous dépens, dommages et intérêts; excepte néanmoins
Sa Majesté desdites deffencesle sieur Renier, fabriquant à Limoges,
lequel [Ourra continuer la fabrique qui luy est permise, même
l'augmenter jusqu'à six métiers seulement, sans que, sous prétexte
T. XXXIX, 12
.7 é '
f83 SOCIÉTÉ AâCRtOLOOIQOB ttt NrStÔftfQUi DU LIITOOStN.
dti présent privilège, lesdits sieor$ La Forest puissent Tinquiéter.
Veut Sa Majesté que^ pendant la durée du présent privilëge^sdit<
sieurs Laforest frères, leurs veuves et enfans fabriquant, soient
personnellement exempts de logement de gens de guerre^ fourag^,
ustancille, colleete^ sindîcat, tutelle, curatelle et aut4*es ehafges
publiques ; qu'ils soient aussi pendant ledit temps taxés d'office
modérément à la taille et autres impositions par le sieur intei»daot
et commissaire départy en la Généralité de Limoges ; qu» leurs
enfans quoyque garçons ne soient point sujets à la milice ny a au-
cune Contribution pécunière pour raison d'icelle ; le tout à eofkdi-
lion p'ir les dits sîeurs La Porest frères, leuri veuves et eufiinj,
d'avoir dans le courant de Tannée, à compter do présent arretf, et
d'entretenir toujours cinquante métiers battans, sous peine de ré-
vocation du présent privilège. Et pour Texécution du présent arrêt
et juger les contraventions et contestations qni peuvent survenir
sur ladite exécution, Sa Majesté commet ledit sieur intendant et
commissaire départy en la Généralité de Limoges pour les juger,
sauf rappel au Conseil, luy attribuant à cet eiïet, toute cour, juris-
diction et connoissance, icelle interdisant à toutes ses cours et au-
tres juges. Fait au Conseil d'Etat du Roy, tenu à Versailles, le
trentième jour du mois de juillet 1743. Collationné. ^§né : Db-
vouGN!. Et à la marge est écrit : Le 11 mars 1744, le présent arrest
a été enregistré es registres de la cour, en conséquence de celuy
dudit jour, pour y avoir recours quand besoin sera. Fait à Bor-
deaux, au greffe de la dite cour, le dit jour, mois et an que dessus.
Collatlonné. Signé: Rogea.
Lettres patentes sur le stisdit arrêt.
IjOUii, parla grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à flos
amés et féaux conseillers, les gens tenant notre Cour de parletMnt
à Bordeaux, salul. Nos bien amés Louis et Guy La Forest frères,
marchands fabriquans à Limoges, nous ont fait représenter que
depuis plusieurs années ils ont entrepris une fabrique d'étoffe
meslée, dont la chaisne est de soye et la trame de coton, laiue, poil de
chèvre, fleuret et soye, qu'ils cherchent par des soins continuels à
porter au plus haut point de perfection ; que cet établissement leur
a cousté dès sommes considérables et beaucoup de soins pour vain-
cre les difficultés presque insurmontables qu'ils ont rencontréeâ
pour former des ouvriers propres à travailler ces étoffes qui étoient
inconnues dans la province ; et que leur perfection en fait journel-
lement augmenter le débit tant dans notre royaume que dans les
pays étrangers, mais qu'ils seroient exposés à ne pas jouir an f^iiil
D0CUME5TS SUR l'iNDDSTRIB ET LES UANOPACTURES EN LIMOUSIN. 183
d'un établissement aussy avantageux et pour lequel ils ont risqué
toute leur fortune, si nous n'avions pas la bonté de leur accorder
un privilège exclusif au moyen duquel ils puissent, eux, leurs
veuves et enfans, le cas de leur déceds arrivant, soutenir cette
fabrique avec sûreté, sans quoy d'autres particuliers pourroîenl, en
établissant une pareille fabrique, avec moins de soins et moins
parfaitte, discrédilter celle qu'ils ont formée avec tant de peine.
Nous avons, par arrest de notre Conseil du trente juillet dernier,
statué sur les uns et conclusions de la requeste des dits exposans
insérée audit arrêt, à l'exécution duquel voulant pourvoir, à ces
causes, de Tavis de notre Conseil qui a veu ledit arrêt du trente
juiiUet dernier, dont extrait est cy attaché sous le contre-scel de
notre chancellerie, nous avons, conformément à iceluy, accordé et
par ces présentes signées de notre main, accordons aux dits Louis
et Guy La Forest frères, le privilège exclusif de fabriquer, ew,
leurs veuves et enfans, pendant vingt années, dans la ville de Li-
moges et à dix lieues à la ronde, toutes sortes d'étoffes de coton
mesié avec de la soye, du fleuret, de la laine et des poils de chè-
vre; faisons deffenses à toutes personnes, de quelque qualité et
condition qu'elles soient, de les troubler dans Texercice du dit
privilège ny de fabriquer de pareilles étoffes pendant ledit temps, à
peine de tous dépens, dommages et intérêts. E\emptons néanmoins
des dites deffencesle sieur Renier, fabriquant à Limoges, lequel
pourra continuer la fabrique qui lui est permise, même l'augmenter
jusqu'à six métiers seulement, sans que sous prétexte du présent pri-
vilège les dits sieurs Laforest puissent il'inquiéter. Voulons que pen-
dant la durée du présent privilège, les dits sieurs Laforest frères, leurs
veuves et enfans fabriquant, soient personnellement exempts de loge-
ment de gens de guerre, fourage, ustancile, collecte, syndicat, tutelle,
curatelle et autres charges publiques; qu'ils soient aussi pendant le
dit temps taxés d'oiBce modérément à la taille et autres impositions
par le sieur intendant et commissaire départy en la Généralité de
IJmoges, et que leurs enfans, quoyque garçons, ne soient point
sujets à la milice ny à aucune contribution pécuniaire pour raison
d'icelle ; le tout à condition par les dits sieurs Laforest frères, leurs
Teuves et enfans, d'avoir, dans le courant de l'année, à compter du
jour du dit arrêt, et d'entretenir toujours cinquante métiers bat-
tans, sous peine do révocation du présent privilège. Sy vous man-
dons que ces dites présentes vous ayez à faire regislrer et de leur
contenu jouir et user les dits sieurs Laforest frères, leurs veuves et
enfans, pleinement et paisiblement ; cessant et faisant cesser tous
trembles et empêchements, nonobstant toutes choses à ce contraires.
484 SOCiftTé ARCBÉOLOOIQOB ET HISTORIQUE DU LIMOUSIl^.
Car tel est notre plaisir (1). Donné à Versailles, le sixième jour de
décembre, Tan de grâce 1743, et de notre règne le vingt neufvième.
Signé : Louis. Veu au Conseil, Signé : Orri. Et plus bas : Par le
Roy. Signé : Phelipeaux. A la marge : Le onze mars 1744, ces pré-
sentes ont été enregistrées es registres de la Cour, en conséquence
de Tarrest du dit jour, pour y avoir recours quand besoin sera. Fait
à Bordeaux, au greffe de la dite Cour, le dit jour, mois. et an que
dessus. Signé : Rogier. Collationnées et scellées du grand sceau de
cire jaune.
(Suit Texécutoire royal adressé à intendant de la Généralité,
30 juillet 1743, — et Tarrôt du Parlement de Bordeaux portant en-
registrement des dits arrêt et lettres patentes, 11 mars 1744.)
(Arch. dép. de la Haute-Vienne, registre d'édits et déclarations
concernant la police , de 1 740 à 1785, série C, second complément
à publier, J
Règlement pour la fabrication des étoffes dans la généralité de
Limoges, — 1749.
De par le Roy,
Henry-Louis de Barberie de Saint-Contest, chevalier, seigneur
de la Chataigneraye, Menombles, Malnoyer, Mont-Cliauvef, La
Boutonnière, La Montagne et autres lieux, conseiller du Roy en
tous ses conseils, maître des requêtes ordinaire de son hôtel. In-
tendant de justice, police et finances de la Généralité de Limoges,
Vu le projet de règlement pour les étoffes de laines, estame,
fil on coton, qui se fabriquent dans la Généralité de Limoges,
dressé en exécution de nos ordres par le sieur de Bonneval, ins-
pecteur général de manufactures, et le sieur Muret, inspecteur
particulier dans la dite Généralité, en présence et du consente-
(1) Les frères Laforest obtinrent, en 17i8, pour leur établissement, le
litre de manufacture royale.
En 1763, celle manufaclure possédait soixante métiers ballants.. Les
exemptions et privilèges précédemment concédés leur furent continués,
ù l'exception toutefois du monopole du fabrication. (Y. la correspon-
dance échangée entre rinlendanl Turgot et M. Trudaine, chef du bureau
des manufactures, au sujet « des encouragements réclamés par les frères
Laforest et des faveurs qu*on peut en général accorder à ces sortes d'éla-
blisscmenis ». Œuorea de Turgot, édil. Guillaumin, 1844, t. I).
DOCUMENTS SUR L^INDUSTRIB BT LES MANUFACTURES EN LIMOUSIN. 185
ment des fabricants des dites étoffes, Tavis des négociants et mar-
chands de la ville de Limoges, qui ont jugé que ledit projet de
règlement éloit égalememt utile pour le bien du commerce et
pour celui du public, et les ordres à nous adressez par le Conseil,
portant que ledit projet y ayant été approuvé, nous pouvions l'au-
loriser et le faire exécuter.
Nous, Intendant susdit, avons sous le bon plaisir du Roy, et en
vertu du pouvoir à nous donné par Sa Majesté, ordonné et ordon-
nons ce qui suit :
ARTICLE PREMIER.
Les droguets qui se fabriquent à Limoges et dans la banlieue
auront en chaîne au moins 30 portées de SO fils chacune, faisant
600 fils y compris les cordons qui seront de la môme matière et de
la môme couleur que le corps de Tétoffe, passez dans des rots de
demi-aune un seize, pour avoir au Sortir du métier au moins demi-
aune un vingt-quatrième de largeur et revenir, pour ceux qui
seront foulés, à demi-aune moins un seize, mesure de Paris, le
tout à peine de confiscation des pièces, qui seront coupées de cinq
aunes en cinq aunes, et de vingt livres d'amende pour chaque pièce
et pour chaque contravention.
Art. 2.
Les chaînes des dits droguets seront composées de fils de lin ou
de chanvre du cru du pays, ou autre de qualité équivalente,
lesquels seront également filés, et dans la proportion que toutes les
chaînes montées sur les roestiers conservent exactement la largeur
de demi-aune un seize ordonnée par l'article premier du présent
règlement, et sous les mômes peines.
Art. 3.
La trame desdits droguets sera composée de laines des abats de
Limoges, St-Junien, St-Léonard, ou autres de qualité équiva-
lente, sans mélange de bourre, laneton, poël, ny autre mauvaise
matière, à peine de confiscation des matières qui seront trouvée»
chez les ouvriers, et des étoffes dans lesquelles il en auroit été
employé, lesquelles étoffes seront coupées de cinq en cinq aunes,
et de vingt livres d'amende.
Art. 4.
Les chaînes desdits droguets seront montées sur les métiers à la
longueur de 80 aunes au plus, à peine de confiscation des excédants
n
186 SOCIÉTÉ AACHÊOIiOGlQUE ET fllSTORIQUC DU LIM017S1X.
d'aunage et de cinq livres d'amende contre les fabricants aux-
quels lesdits idroguets appartiendront, et encore d'autre amende
de trois livres contre les ouvriers qni les auront faits.
Art. 5 à 30.
Ces articles reproduisent, pour la fabrication de chaque sorte
de tissu, les dispositions des artides précédents : nombre des fils
de chaîne, dimension des pièces et amendes applicables en cas de
contravention.
Ils se résument en ce qui suit :
Drof nets rayé&, en fil, laine et coton, fabriqués à Limoges : 900
lils par pièce de 78 aunes de longueur et 3/4 d'aune de largeur.
Serges drapées et croisées, en laine cardée du pays, partie laine
de toison et partie d'abats, fabriquées & Limoges et dans la banlieue :
S76 fils par pièce de 32 aunes de longueur et demi-aune de lar-
geur.
Ras et camelots fabriqués à Tulle, Brive, au bourg de St-Etienne
de Girael et autres lieux eircon voisins : 1080 fils par pièce de 80
aunes de longueur et demi-aune de largeur.
Serges drapées à chaîne et trame d'estame, fabriquées dans les
mêmes localités : 936 fils par pièce de 48 aunes de longueur et
demi-aune de largeur.
Serges drapées à chaîne d'estame et trame de laine cardée,
fabriquées à Tulle, Brive, Corrèze, et lieux circonvoisins : 1800 fils
par pièce de 48 aunes de longueur et demi-aune de largeur.
Gros ras ou bures, à chaîne et trame de laine cardée, fabriqués
dans les mêmes localités : 38 aunes de longueur et demi-aune de
largeur.
Serges drapées et croisées à chaîne et trame de laine cardée,
fabriquées àAngouléme,Nersac, Pombrelon et lieux circonvoisins:
672 fils par pièce de 32 aunes de longueur et demi-aune de lar-
geur.
Serges drapées et croisées à chaîne d'eslame et trame de laine
cardée, fabriquées dans les mêmes localités : i,160 ûls par pièce de
32 aunes de longueur et demi-aune de largeur.
Serges rases à chaîne et trame d'estame, de même provenance :
1,240 fils par pièce de 32 aunes de longueur et demi-^une de
largeur.
Serges drapées, à chaîne d'estame et trame de laine cardée, fa-
briquées à Saint- Junien ei lieux circonvoisins : 864 fils par pièce
de 26 aunes de longueur et demi-aune de largeur.
Grosses serges à chaîne et trame de laine cardée, fabriquées
DOCUMENTt set l'inbUBTRIE «T L€S MA K^ FACTURES EN tlilOUSIN. i87
dans les mêmes localités : 720 flls par pièce de 28 aunes de lon-
gueur el demi-aune de largeur.
Staminés en éXain sur éUm^ de Saiot-Léonard ei Ueux ^ircon-
Toisine : 768 fils par pièce de 30 aunes de longueur et demi-auo^
de largeur.
Ras en étala sur éUin, fabriqués dans les mêmes localités ;
1,024 iUs p4r pièce de 49 aunes de longueur sur demi-aune da
largeur.
Serges drapées el croisées, de même provenance : 600 fils par
pièce de 35 auj>e3 de longueur sur demiaune de largeur.
Serges appelées bures ou petits draps, de méoie pr^veuaoce :
720 fils par pièce de 32 aunes de longueur et demi-aune de largeur.
Draps croisés ou ratines brunes pour Thabillement des capucins
el des récollets : 1,728 fils par pièce de 17 aunes de longueur et
une aune de largeur.
Droguets chaîne de fil et trame de laine, de même fabrication :
700 fils par pièce de 72 aunes de longueur et demi-aune de largeur.
Art. 31.
Seront tenus les fabricants de broder ou de faire broder au sortir
du métier, tant à la tête qu'à la queue, sur les chefs ou entrebâts
de chaque pièce desd. étoffée, en caractères distincts et lisibles,
et ftan« abréviation, la première lettre de te«r nom, leur surDom,
e nom du lieu de leur demeure en entier
Art. 32.
Défenses sont faille à tous fabricants et ouvriers de mettre les
noms et surnoms d'un autre fabricant au Heu du leur.... et le nom
d*un autre lieu de fabrique » le tout à peine de faut, de confis-
cation desd. étoffes qui seront brûlées dans la place publique et
de 300 livres d'amende pour ^aque pièce et pour chaque contra-
vention.
kan. 33.
Seront tenus les foulonniers de faire parfaitemeat dégraisser*
fouler et dégorger les étoffes qui leur seront données à fouler et à
dégraisser, à peine d'être garants o.t responsables.... des dommages
qu elles pourroient souffrir et dans le cas où les dites étoffes
BA seriMitpas s.vfiisatOQ)i3ni dégraissées, jbmlées et dégorgées, odes
seront» à ladiligeoce des gardes jurez, renvoyées dans les qk^uIIbs
à fouler pour y être dégraissées, foulées et dégorgées de nauv4^.au
aux frais et dépens des dits foulonpiers.
188 SOCléTft ARCHiOLOGIQDE BT HISTORIQUE DU LIM0U8IM.
Art. 34.
Les étoffes, après avoir été dégraissées, foulées et dégorgées,
seront portées directement pour être visitées et marquées à chacun
des bouts des pièces du plomb de la fabrique par les gardes jurez
en cas qu'elles se trouvent fabriquées en conformité du règlement;
sinon ils les saisiront, en dresseront des procès-verbaux de saisie
et en poursuivront le jugement avec les condamnations de confls-
cation et d'amende pardevant les juges des manufactures, qui ne
pourront, sous quelque prétexte que ce soit, modérer les peines
portées par led. règlement
ART. 35.
Défenses sont faites aux tondeurs et apprêteurs d'humecter ni
souffrir que leurs ouvriers humectent en aucune matière d'huile
ni d'aucune sorte de graisse les étoffes qui leur seront confiées, à
peine de confiscation des étoffes et des forces dont les tondeurs se
servent pour les dits apprêts et de 100 livres d'amende pour chaque
pièce
Art. 36.
Ne pourront les fabricants, sous quelque prétexte que ce soit,
payer les salaires de leurs ouvriers autrement qu'en argent, à peine
de t(0 livres d'amende.
Art. 37.
•
Les marchands et tous autres faisant commerce de laines et les
fabricants et ouvriers seront tenus de souffrir les visites des gardes
jurez des fabricants dans leurs maisons, magasins, ouvroirs et
boutiques... à peine de 300 livres d'amende....
Art. 38.
Les gardes jurez tiendront un registre en papier commun et non
timbré... dans lequel ils enregistreront de suite et jour par jour
les pièces d*éloffes qu'ils auront visitées...
Art. 39.
Il sera, dans chaque chef-lieu de fabrique, fourni aux frais des
communautés desquelles ils dépendent, un bureau de grandeur
suffisante, situé dans un endroit commode et convenable, pour la
visite et la marque des étoffes...
DOCUMENTS SUR l'iNDUSTRIB ET LES MANUFACTURES EN LIMOUSIN. 189
Art. 40.
Défenses sont faites à tous ouvriers cardeurs, peigneurs et tis-
seurs de quitter le travail des fabricants pour lesquels ils travail-
leront, sans avoir préalablement obtenu de ceux qu'ils quitteront,
un certificat ou billet de congé, à peine de 30 livres d'amende
payables par corps ; défenses sont aussi faites aux fabricants de
donner de l'ouvrage aux ouvriers qu'auparavant ils ne leur ayent
représenté le billet ou certificat de congé du fabricant qu'ils auront
servi en dernier lieu, à peine de 100 livres d'amende.
Art. 41.
A l'avenir, il sera dans l'intervalle du 1"' au 10 décembre de
chaque année, procédé en la forme et manière accoutumées, dans
chaque chef-lieu de fabrique, à l'élection de nouveaux gardes jurez
des fabricants, pour entrer en exercice le 2 janvier de l'année
suivante. Chacun des dits gardes jurez aura son coin ou marque
particulière dont il se servira pour l'empreinte des plombs de
fabrique ... sur lesquels coins ou marques seront gravées l'année
d'exercice en tête et au-dessous la première lettre du nom et le
surnom en entier du garde juré...
Art. 42.
Pour assurer l'exécution du présent règlement, les gardes jurez
seront tenus, à peine de 50 livres d'amende, de faire au moins tous
les mois une visite générale dont ils certifieront l'inspecteur des
manufactures, chez les marchands et autres faisant commerce de
laines, chez les fabricants, tisserants, tant des villes que de la
campagne, teinturiers, tondeurs, apprôteurs et foulonniers, à
l'effet de saisir les laines et les pièces d'étoffe qui seront par eux
trouvées en contravention....
Art. 43.
Les procès-verbaux qui seront dressez des saisies faites des
laines et des étoffes.... feront mention des articles du règlement
auxquels il aura été contrevenu...
Art. 44.
Les confiscations des laines et des pièces d'étoffes défectueuses
dont Temploy est défendu seront prononcées moitié au profit des
pauvres de l'hôpital du lieu où les jugements auront été rendus ou
190 flœiM AUSViOlXXMQIIE CT histouktm dv limoiww.
da plus prochain, et Taulre moitié au profit des gardes jurez pour,
avec le droit de marque qui sera à Tavenir payé à raison de deux
sols par pièce d'étoffe, être employées au]i frais et dépenses
dn bureau de fabrique et de visite...
Art. 48.
Il est ordonné, conformément à Tédil du mois d*août 1660, que
tous procès et différends, mus et à mouvoir, tant entre les fabri-
cants et leurs ouvriers qu'entre les marchands et fabricants pour
raison des saisies et contraventions aui règlemens ou autres ma-
tières concernant leur fabrique ou leur commerce, seront instruits
et jugez sommairement par les juge» des manufactures, sans mi-
nistère d'avocats et de procureurs, à Taudience, sur ce qui aura
été di( ot représenié par les parties mémes^ ei dans Le cas ot i\ y
aurait quelques pièces à voir et que les différends fussent de nature
k ne pouvoir être jugés sur le champ, que les pièces seront mises
sur Is bureau, pour être, les différends jugés sans appointements
procédure, ni autres formalités de justice, et sans que, pour quel-
que caiise que ce puisse être, les dits juges des manufactures puis-
sent recevoir ni prendre aucun droit
Fait à Limoges, le 3i oiars 1749.
De Barberib.
(Archives départementales de la Haute-Vienne, série C, registre^
des édits, déclarations et arrêts de / 740 à 1 785).
r^mft
Mémoire de M. Comuau, inspecteur des manufactures de la Généra-
lité de Limoges, sur les manufactures de siamoises de cette ville.
"Vers i 77 6,
L'établissement des manufactures de siamoises dans la vilie de
Limoges, depuis vingt-cinq ou trente ans{l),^ a fait naître une nou-
velle branche d'industrie ; la filature de coton et de lin qui a com-
mencé à celle époque a fait des progrès très considérables, surtout
depuis la décadence d'une aaeienne fabrique d'épingles qui était
autrefois très florissante, mais qui ne subsiste plus aujourd'hui, ou
du moins qui est dans un étal très languissant.
(1) Ces « 2.H ou 30 aos » sont bien singuliers «oui la plume 4'uo iospec-
leur des manufactures. C'esl en 1726 que tut fondé le premier éia|)lis.^e-
meni de ce genre, celui du sieur Thévenln du Genesty, et en 1743 que fat
fondé fe second, celui des frères Laforest.
DocuMrxm scu t'mDusTnu kt lss itANorAcruRies nv limousin. 191
Les établissements de filature se sont étendus et multipliés dans
la plupart des villes du Limousin sous Tadministratioa de
M. Turgot. Il s'en est formé dans les villes de Saint Léonard,
Bourganeuf, Âimoutier, Treignac, Ghalus, Saint-Germain, Solom-
niac, Pierrebuftière, Uzerche et Âlassac (1). On a distribué dans
chacune de ces villes un certain nombre de rouets ; on y a même
envoyé des maîtresses pour l'instruction des fileuses. Tous ces
établissements subsistent encore et se perfectionnent touts les jours ;
mais il n'y en a aucun qui soit comparable à celui qui existe dans
la ville et les environs de Limoges. Dans la classe des pauvres
artisans et manœuvres, qui comprend au moins le quart des habi-
tans de la ville (2), les femmes et les enfans depuis l'âge de six à
sept ans n'ont d'autre occupation que la filature. 11 est à désirer que
celle ressource ne leur manque point, car c'est la seule qui puisse
leur procurer les moyens de gagner leur vie.
Les secours que Messieurs les Inlendans ont bien voulu accorder
pour encourager la filature à Limoges sont très considérables : on
y a distribué plus de i ,500 rouets depuis quinze ans ; et non seule-
ment on a fourni des rouets neufs aux pauvres fileuses, on a même
entretenu ces rouets jusqu'à présent, à l'exception des cordes et
des broches qu'on ne leur fournil plus. Cette partie de Tentretien
étoit très dispendieuse par elle-même et plus encore par les abus
qu'il étoit presque impossible de réprimer.
La quotité des fonds annuels accordés par Messieurs les Inten-
dans pour l'achat ou pour l'entretien des rouets de charité a varié
suivant les circonstances et les besoins. En 1771, M. Turgot en fit
distribuer près de deux cents. En 1774 et au commencement
de 1775, M. Daine en a fait distribuer environ cent trente ; mais
depuis ce temps là, on s'est borné à quelques raccommodages dont
les frais depuis six mois ne se sont montés qu'à 74 II.
il y a quelque tems qu'un homme étoit chargé de faire la visite
des rouets de charité, de rendre compte de leur état et de les rap-
porter au dépôt lorsqu'il les trouvoit vacans, soit par la mort de la
fllouse à qtti on les avolt donnés, soit parce qu'elle gagnoitsa vie
à d'autres occupations ; mais ceci n'a plus lieu depuis que M. Tln-
lendanl n'a plus voulu permettre qu'on fît ces recherches (3).
(1) Saiot-L^onard, EyœouUers, GliAlvs, $aiBt«Germain*I(î6-BeJle«^ SoJi-
gtat et Pierrebulfière sont aujourd'hui dans la Haul«-Vienne; Bourganeuf
est diiw la Creuse; Uzereèe «t Allassae sont daos la G(M>nèzie.
p) Lifnoge« coiopiaii mk>n envifon 48,000 habiianlB.
{%) « le ne me aiiis^ïoiat refusé à ce que l'on fit cène visiie aoeontumée;
je peusc même qu*e]le est nécessaire ; mais je dési rois être parfaitement
192 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DD LIMOUSIN.
Les manufactures du Limousin ne sont pas dans un état assés
florissant pour consommer le coton qu'on y file ; ce qui donne lieu
à un commerce de coton assés considérable qui se fait à Limoges
par plusieurs négociants qui en exportent tous les ans une très
grande quantité; la plus grande partie de cette denrée, transportée
à Bordeaux et à Poitiers, y est employée dans les fabriques de
bazin, de bonnets et de bas au métier.
(Archives départementales de la Haute-Vienne^ C. 13.)
« Second mémoire » de M. Cornuau^ inspecteur des manufactures
de la Généralité de Limoges, sur la filature du coton dans cette
ville. — Vers 1776.
On ne trouve à l'intendance aucun mémoire sur la filature de
coton à Limoges. Tout ce que Ton sait sur l'origine de cet établis-
sement, c'est que M. de la Millière (1) fit venir à Limoges plusieurs
femmes étrangères pour former une école de filature. Ces maîtres-
ses fileuses restèrent quelques années à Limoges, y formèrent un
certain nombre d'élèves qui, s'étant accru successivement, est* par-
venu au point où nous le voyons actuellement.
Quoique la filature de coton se soit fort étendue dans la ville de
Limoges, elle ne s'y est pas perfectionnée dans la même propor-
tion; c'est à Treignac et à Aimoutier d'où l'on tire le plus beau
coton. La plus grande partie de celui qui se file à Limoges ne peut
être employée que pour les grosses siamoises. •
En 1770, M. Turgot fit construire plusieurs dévidoirs connus
sous le nom de dévidoirs à l'angloise, par le moyen desquels on
peut connoître de la manière la plus précise le degré de finesse
des dilïérens écheveaux de coton. L'usage du dévidoir aurait été
très avantageux aux manufactures, parce qu'il auroit servi à fixer
le tarif des prix de la filature et à faire connaître la quantité de
coton nécessaire pour former une chaîne de telle ou telle lon-
inslruit de ce qui concerne cet éiablissement avant de donner aucuns ordres
qui y fussent relatifs, et il devroit y avoir à l'Intendance un état du nombre
de rouets de charité existans,de toutes les personnes entre les mains de qui
ils sont, lorsque l'on les retire des mains de ceux qui sont dans le cas de les
rendre ; me présenter un étal à arrêter d'autres personnes à qui les distri-
buer; faire note de tout sur TélatgénéraU. Wote marginale de Vuitendant.)
(1) Chaumont de la Millière tut intendant de la Généralité de Limoges
de 1751 k 1756.
DOCUMENTS SUR L*1NDUSTRIE ET LES MANUFACTURES EN LIMOUSIN. 193
guear. Cependant, il n'a pas été possible d'introduire à Limoges
Tusage de ce dévidoir : les entrepreneurs des manufactures n'ont
jamais pu assujettir leurs flleuses à s'en servir.
Remarques sur le catalogue des fileuses.
On a rangé sous différentes classes les noms des fileuses à qui
on avait distribué des rouets, suivant les quartiers et les paroisses
où elles demeuroient ou suivant les fabriquants pour qui elles tra-
vailloient; mais jusqu'à présent il n'a pas été possible de rien faire
de bien satisfaisant dans cette partie.
La forme de registre qui m'a paru la plus commode et d'après
laquelle j'ai formé le catalogue des fileuses à qui j'ai distribué des
rouets depuis un an et demi, est la forme alphabétique en obser-
vant de mettre à côté du nom de la fileuse le numéro de la maison
où elle demeure. Mais ce registre, qui doit comprendre les noms des
autres flleuses qui ont reçu des rouets antérieurement à cette épo-
que, sera fort difficile et fort long à faire. Il faudra pour le cons-
truire parcourir toutes les maisons où il y a des fileuses, ce qui
exigera beaucoup de temps.
Les difficultés qui se présentent, toutes les fois qu'on se propose
de faire une visite générale sont sans nombre; et à moins de faire
faire cette visite au moins tous les trois mois, on ne parvien-
dra jamais à avoir un registre en règle; dans le nombre de près de
1,300 fileuses qu'il yaà Limoges, les unes meurent; les autres se
marient et changent de nom ; les autres changent de demeure ou
vont s'établir à la campagne et emportent leurs rouets; celles qui
en ont et qui n'en font pas usagé les cachent et employent toutes
sortes de ruses pour les soustraire à la visite.
Gomme on ne distribue les rouets de charité que sur la présen-
tation des certificats de MM. les curés, il y a eu des femmes qui ont
eu le secret de se procurer plusieurs rouets sous différents noms;
ensuite elles ont loué ces rouets trois sols par mois; le seul moyen
de réprimer cet abus a été défaire savoir que tous les rouets loués
appartiendroient à celles qui s'en servoient et entre les mains de
qui ils se trouvoienl, pourvu qu'elles fussent dans le cas de la
chanté.
Il y a deux ans qu'on étoit dans Itisage de fournir des cordes et
des broches aux fileuses. Celte partie de l'entretien des rouets
étoit très dispendieuse, car il faut au moins une broche par an et
quatre cordes four l'entretien de chaque rouet; et à ne compter
que 1,200 rouets, cela auroit fait un objet de 1,200 11., à raison de
i9i SOCIBTÉ AVCHAOLOeiQUR BT BIftTORIQUR BD LIStODSlIT.
211. 6 sols la corde, et 10 sols la broche. Mais comme il est très
difficile de connoitre les fileuses qui n'onl pas le moyen d acheter
une corde on une broche, la distribution de ces outils ne pouvoit
pas manquer d'être un peu arbitraire et sujette à bien des abus :
Présentement que le pain n'est pas fort cher, je crois qu'il seroit
à propos, si M. Tinlendant le trouve bon, de supprimer totalement
Tentretien des roue.ts; cela engageroil les (ileuses à les mieux con-
server. Cet entretien des rouets, quelque précaution qu'on prenne,
est sujet à une foule d'abus, ne soulage que médiocrement lès (ileu-
ses et ne facilite que très peu les progrès de la filature; les frais
d'entretien ne se sont montés pour les six derniers mois de 1775
qu'à 74 11., au lieu que les années précédentes cel entretien coutoit
cinq ou six cents livres par an. D'ailleurs, M. l'intendant ayant bien
voulu accorder des fonds extraordinaires, Thiver passé 1774, pour
acheter des rouets neufs, il est censé que la plus grande partie des
(ileuses en est pourvue actuellement.
Jusqu'à présent, les visites générales n'ont pas procuré un grand
nombre de rouets, quoi qu'il y en eut beaucoup de vacans, parce
que les fileuses prévenues de cette visite ont eu la précaution de
les cacher. Mais je me suis servi d'une autre méthode : lorsqu'une
femme m'a apporté un billet de son curé et que je n'ai point eu d'or-
dre pour faire des rouets neufs, je lui ai dit d'en chercher un elle-
même, c'est-à-dire de s'informer où il pouvoit y en avoir de vacants.
Lorsqu'elle en a trouvé un et qu'elle a indiqué la maison où il est,
j'envoye le tourneur le chercher et je le fais délivrer à cette femme
qui l'a dénoncé, à moins que la première femme à qui il appar-
tenoît n'ait des raisons légitimes pour suspendre sa (ilature. Cela
arrive quelquefois et alors on lui rend son rouel.
f Archives départementales de la Haute-Viôtme^ C, / 3J.
Etat du département de l'inspecteur des manufactures de la Gêné-
ralité de Limoges [dressé par Cornuau (1) vers i780].
Etendtte de ce département. — Ce département comprend les
provinces du Limousin, de la Basse-Marche, de l'Angoumois et de
la Sainlonge. Je joins ici une petite carte réduite, qui indique la
position des villes de la généralité, dont j'aurai occasion de parler
dans ce mémoire en donnant la notice des principales branches de
commerce et d'industrie qu'on y cultive.
(I) D'après récriture île la pièce.
DOCDUnm tCR L*1N»0STIIIB BT les HAirUFAâTCKES EN LIMOOSIN. 195
AppoiHêemens de l'Inspecteur. — Les appointemens de rin»pee-
teor des manufactures sont de 2,000 IL Cette somme est imposée
sor la généralité, comprise sur les rolles de la taille et payée au
trésor royal.
Sous-inspeet&urs, — Le sieur Gomuau (1 ) est seul inspecteur de son
département. Il n'y a ancun sons-inspecteur qui lui soit subordonné.
Bureaux de marque et de controlle. — Ces bureaux ont été éta-
blis autrefois dans la généralité de Limoges et ont subsisté jusqu'à
Tannée 1761. Depuis cette époque, il n'y a eu aucune nomination
de gardes jurés.
L'arrêt du Conseil, en date du 1*' décembre 1777^ adressé à
H. l'Intendant, ordonne le rétablissement de ces bureaux. En consé-
quence, j'ai été chargé par H. l'Intendant d'en conférer atec les
principaux négocians el fabricans. Il étoit naturel que ceux-ci,
(I) Fierre Comuào, ingénieur-g^ograplie, naquit h fft tnâi ttIO k Voutré,
aajoord'btii département de la Mayenne. \\ fut d'abord aiiaché aux travaux
d« la carte de France de Gassini. Signulé à Turgot comme un sujet de grand
méritCf il devinl, en i76.\ruQ des collaborateurs de Tlntcndant de Limoges,
qui le cbarijea d opérations cadastrales. Il succéda, en 1772, à Desmareis,
dans les fonctions d'inspecteur des manufactures de la Généralité^ qu'il
exerça jusqu\^ la Révolution.
Secrétaire de l'assemblée provinciale du Limousin, en 1787^1 fut désigné,
le (8 août 1790, pour remplir le même emploi auprès de Fadminlstration
du disirîet de Limogés, il occupa ce poste pendant un an et rédigea tous
les procës*verbaaz des délibérations du directoire. Homme flMdesie et
d'opinions modérées, Cornuau resta constamment étranger stnx agitations
et aux luttes des partis. Cependant, lorsqu'en février (795 le représentant
du peuple Clédel, en mission dans la Haute«-Vienne, fit appel à son dé>
vouement, il accepta une place vacante d'administrateur du département.
A peine éiait-il installé qu'une loi réduisait le nombre des membres de
cette administration, Cornuau se retira, mais pour revenir trois mois après
reprendre sa place parmi ses collègues. II resta en fonctions jusqu'aux élec-
tions générales d'octobre 1795.
A la création de Técole centrale de la Haute- Vienne il fut pourru (jan-
trer 1797) de la chaire Ôe mathématiques pour laquelle le dt^signaient sra
connaissances spéciales et qu'il occupa tant que subsista eeite école
Nommé membre du conseil mualcipat de Limoges le 16 août tMO, il
vit à plusieurs reprises renou vêler son mandat et prit n ne pan active aux
travaux de cette assemblée dans laquelle il siégea sans interruption juaqa*à
son décès (26 mai 1822).
Cornuau avait fiait partie de la société d'agriculture de Limoges de 4772
à 1785. H a dressé et publié plusieurs cartes du diocèse et de la généralité
de Limoges. (V. à ce sujet le Choix de documents historiques^ publié par
M. Alfred Leroux). On article nécrologique lui a été consacré dans les
Annotée delà ffautè-VUnnè au Z\ mai 1822.
196 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
accoutumés depuis seize ans à jouir d'une espèce de liberté dont ils
assurent et dont il ne paroit pas qu*ils ayent abusé, fissent des
représentations contre le rétablissement d'un usage qu'ils préten-
dent être moins propre à rétablir le bon ordre et à inspirer la bonne
foy qu'à décourager les fabricans par l'extrême sévérité des peines
que les anciens réglemens prononcent contre les plus légères con-
traventions.
En effet, disent-ils, la multiplicité des anciens réglemens en rend
l'exécution impossible, et l'arbitraire qui règne dans les bureaux de
visite pour la manutention et la police est un effet des contradic-
tions fréquentes qu'on remarque entr'eux. Souvent un usage établi
dans une ville et qui devoit son origine à des causes particulières
et à des circonstances locales, a fait la matière d'un règlement dont
on a ensuite prescrit l'exécution dans tout le royaume. Il y a aussi
des réglemens dont l'exécution peut être facile et même avanta-
geuse à telle manufacture et qui seroit impossible et préjudiciable
à une autre. Prenons pour exemple les manufactures de siamoises
de Rouen et de Limoges. Il y a dans la première de ces deux villes
une filature immense et anciennement établie. Il est facile à chaque
fabricant de choisir dans les marchés le fil et le coton propres à la
qualité de l'étoffe qu'il se propose. Mais à Limoges, les fabricans
n'ont pas le même avantage. Ils sont obligés de faire filer le fil et
le coton qu'ils employent, et ils sont obligés de les employer tels
que leurs filenses les remettent. Il est vrai qu'ils font un triage ;
mais malgré cela ils sont forcés de fabriquer des étoffes plus ou
moins grosses et par conséquent plus ou moins larges.
Il n'est pas nécessaire d'insister sur le nombre des portées pour
ce qui concerne les siamoises, parce que le fil qu'on employé pour
la chaîne de ces sortes d'étoffes étant moins cher que le coton, il
n'est pas de l'intérêt du fabricant de diminuer le nombre des por-
tées, car alors les fils de la chaîne devenant plus écartés occasion-
nent une plus grande consommation de coton dans la tramé.
Il y a même des siamoises qui, par leur nature, exigent plus ou
moins de portées, quoique la largeur soit la même. Ainsi dans les
siamoises sur chaîne blanche, le trop grand nombre de fils dans la
chaîne masqueroit la trame qui doit paroître, et au lieu d'un bleu
tendre, par exemple, on n'obtiendroit qu'une couleur grisâtre et
désagréable.
Telles sont les objections qui m'ont été faites par les principaux
fabicans, dont la plupart prétendent d'ailleurs n'être pas dans le
cas d'être assujeliis au bureau de marque et de controlle, ni môme
aux anciens réglemens qui n'ont pas pu prévoir l'état actuel de leur
fabrique ni la nature des étoffes qu'ils font fabriquer. Le sieur
DOCUMENTS SUR L*INDUSTniE ET LES MANUFACTURES EN LIMOUSIN. 197
Leclerc, par exemple, qui a établi à Brive une manufacture d'étoffes
de soye et coton, façon d'Angleterre, représente qtie dans la fabri-
que des mouchoirs imprimés le mordant ne perçoit pas si la chaîne
éloit composée d un trop grand nombre de fils ; que d'un autre côté
ces mêmes mouchoirs s'érailleroient au débouillissage si le nombre
des portées n'étoit pas suffisant et que la trame ne fut pas assés
battue ; que pour éviter ces deux inconvéniens, il est continuelle-
ment obligé de varier le nombre des portées suivant la nature de
rétoffe qu'il fabrique, et qu'un règlement qui l'assujettiroit à
employer un nombre déterminé de portées sans avoir égard à la
grosseur plus ou moins considérable des fils de soye équivaudroit à
une défense de fabriquer la plupart des étoffes qui sortent de sa
manufacture.
Foires. — Il y a un très grand nombre de foires en Limousin,
mais on n'y observe aucune police particuhère. Le seul objet de ces
foires est la vente des bestiaux de toute espèce, mais principale-
ment des bœufs gras pour la consommation de Paris.
Etat du commerce et des manufactures dans la Généralité de
Limoges. — Cet état n'est point un exposé des manipulations et des
procédés qu'on employé dans chaque fabrique ; c'est une notice
générale des principales branches d'industrie de la généralité. Cette
notice pourroit être plus complète et embrasser plus de détails.
C'est ce que je me propose de faire lorsque j'aurai recueilli dans
mes différentes tournées tous les renseignemens nécessaires pour
former un tableau complet du commerce et des différentes espèces
d'industries répandues dans la généralité.
f Archives départementales de la Haute-Vienne, série C, n" iSJ.
Lettre de Comuau, inspecteur des manufactures de la Généralité de
limoges^ au sujet du rétablissement des bureaux de marque. —
Vers 1780.
Monsieur (1). Il y a environ deux mois que M. l'intendant de
Limoges écrivit à M. le Directeur général au sujet de l'établisse
ment des Bureaux de marque et de visite dans le Limousin.
M. Daine observoit qu'il n'étoit pas possible que cet établissement
pût avoir lieu à Tépoque fixée du 1" juillet, attendu que les lettres
patentes du Roy, postérieures au 5 mai 1779, n'avoient point encore»
(1) Le nom aassi bien que la qualilé du destinataire sont omis.
T. XXXIX. 13
108 SÛCIÉTé ARCBËOLOGIQtJB ET àlSTORlQUift HD LlilOUSIff.
été ëiii*ègistrê*es an î^arlémetit de bordeaut, et ^e M. lé directeur
gétiëral avoit marqué lui-môme de ne faire aucune démarche à
ce sujet qu'après l'enregistrement des nouvelles lois relatives
aux manufactures. J'ai eu l'honneur tl*écrire plusieurs fois à
M. beLdttè (?) et de lui représenter que la Généralité de Limoges
étoit dans un cas particulier par rapflort au nouveau régiine pres-
crit par le tlonseil, parce que, depuis près de vingt ans, les Bu-
reaux de marque ont été Supprimés dans cette Généralité, te qui
devoit rendre leur établissement sujet à des détails longs et minu-
tieux, qui èntrainerôient nécessairement beaucoup de tfems avant
que la machine fiit remontée flàhs toute ïa Gèiiéràlllé et que toutes
choses ifussènt remise^ au coui^tit. Cependant les nêgocians et
fabricans ne sont point sans inquiétude et craignent que leurs
étoffés he soient saisies par les commis de^ fermes. M. l'in-
tendaht, à qui je me suis adressé pour lui demander ses ordres et
le plah de conduite que je devois suivre, ne m'a prescrit autre
chose que d'attendre renregislrement de toutes les lettres patentes
avant de faire aucune démarche. Dans cet étal d'attente et d'încer-
litade, que je trouve très embarassanl pour moi et qui me réduit
à une espèce d'inactivité relativement aux fonctions de mon état,
je prends la liberté, Monsieur, de ra'adresser à voiis pour vous
prier de vouloir* bien me donner vos ordres et me tracer le plan de
conduite que je dois tenir dans la circonstance actuelle.
J'iai l'honneur d'être avec un profond respect, Monsieur, rotre
très humble et très obéissant serviteur.
GORNUAU.
{Archives départementales de la tiaute-Vièfine, C, iS).
He^/uête vfi» sietPrs lifardriy LabrùUs^ et fJ^% fàtrkmts de siamaises
à Limoges^pour obtenir la vérification de leurs produite.— 178ÎI.
A Monsiôlgneur, Mgr Vintendàht de GénéralitJé de Litiibgés.
Sûpllerit humblemétit les sieurs Martin, Lab^ousse et C*% entre-
Jireneurs de la Manufacture de siamoises et de flanelles de cette
Ville, disant que par arrêt du'Côhseitdu'll décembre '1775, le Roy
adroit eu la bonté de leur accorder une gratification de deux livi'es
par châ'qiie piess'e tfe siamoises ou de flanelles de'ÎO aunes, qui
sera fabriquée dans leur manufacture au delà des 800 premières
piesses, le tôlrt jusqu'à la c:oùc\irrence de 2,000 piessBS p^r an.
DOCUMENTS SUR L^IUDUSTRIE ET LES HA.NUPAQTUKE$ HN LIMOUSIN. 499
pendant dix années, à compter du l** janvier 1776, en sorte que la
dite gratification portera annuellement sur les 1,200 dernières fa-
briquées. Et comme Sa Majesté veut que dans le cas auquel fsicj
les dits entrepreneurs ne pouroient pas remplir dans les premières
années le nombre fixé de 2,000 piesses, ils ayentla faculté de com-
pletter dans les années suivantes ce qui leur auroit manqué
les précédantes, ils ont recours à vous, Monseigneur, afin qu'il
vous plaise nommer tel commissaire que vous jugerés à propos
pour vérifier la quantité de piesses que les supliants ont fait fabri-
quer pédant le cours de la présante année, et sur son raport
ordonner le payement des dittes deux livres par chaque piesse de
20 aunes.
Les supliants ne cesseront de former des vœux pour la conser-
vation de votre santé.
En marge : Apostille de Tiatendant prescrivant qu'il soit dressé
procès-verbal du nombre de pièces d'étoffes fabriquées par les
suppliants. 29 déc. 1783.
A la fin : Certificat du subdélégué constatant qu'il a été fabriqué
43,122 aunes formant 2,166 pièces d'étoffe. 5 janv. 1784.
{Archives départementales de la Haute-Vienne, Cy i3).
CÉRAMIQUE.
faïencerie D'ANDRÉ MASSIÉ a LIMOGES.
Les produits de cette faïencerie, dont quelques spécimeas ont fait Tob-
jet d*un mémoire présenté par M. E. Boudet au Congrès scientifique de
France, en 1859, sont encore peu connus.
M. Boudet signalait trois plais de grandes dimensions, parmi lesquels
deux portant une date. L'un de ces plais est aujourd'hui au Musée céra-
mique de notre ville; un autre parait être entré dans les collections de
Sèvres: nous ignorons ce qu'est devenu le troisième.
Actuellement, la manufacture de Massié n'est encore représentée au
Musée de Limoges que par deux pièces d'origine certaine, qui sont :
I. — Une fontaine d'applique de 38 c. de hauteur, 92 c. d'ouverture et
38 c. de largeur, décor en camaïeu bleu, semé de sujets japonais ; la face
présente deux écussons accolés, l'un d'azur à raigle (?) prenant son ool
vers un soleil â^or cantonné à dextre de Vécu^ l'autre d'azur aa chevron
fOO SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE KT HISTORIQUR DU LIMOCSIN.
â!or accompagné en chef de deux fleura de lys d'argent et en pointe de
trois besans aussi d'argent posés 2 et 1.
A rialérieur on lit, peint eo bleu clair : Limoges, 4739.
II, — Un plal rond de 58 c. de diamètre, dont le centre est occupé par
un sujet de style : la Justice assise sur un trône et tenant en mains le
glaive et la balance foule aux pieds le Crime; debout auprès d'elle sont
la Religion, la Vérité et la Loi, distinguées par leurs attributs. Une belle
bordure, dans le genre de Moustiers, encadre cette gracieuse composition
exécutée probablement d'après un carton d'émailleur. Au-dessus da trône
sont appliquées les armes de M. de Tourny, intendant de Limoges, qui
sont : de sable à V aigle S or éplogée fixant une étoile d'argent canton-
née en chef à dextre de Vécu,
Ces différents motifs sont peints en camaïeu dans des ions très doux cl
très glacés.
Au revers on lit : A Limoges, le I8°*« mat 1741.
Une autre pièce du même Musée passe pour être également sortie de
la fabrique de Limoges, mais cette attribution reste douteuse. C'est une fon-
taine de forme ronde, mesurant 35 c. en hauteur et 30 c dans sa pins
grande largeur; elle est ornée de deux mascarons en relief formant an-
ses; décor polychrome, sujet japonais. Si elle se rapproche beaucoup
comme décoration de la fontaine mentionnée plus haut, elle en diffère
sensiblement par la qualité de la matière employée.
Diaprés la description sommaire qu'en a donnée M. Jacquemart dans
son Histoire de la céramique, le plat du Musée de Sèvres est décoré en
couleurs pâles d'un paysage animé par une chasse au cerf, d'après Tem-
pesla.
Le nombre des pièces reconnues de la manufacture d'André Massié est«
comme on le voit, des plus modestes* ce qui s'explique aisément par ce
fait que ce centre de production est demeuré longtemps ignoré des savants
et des amateurs. Si l'on considère, d'une part, qu'il en sortit, dès sa créa-
lion, des objets d'une réelle importance et d'une belle exécution, en
même temps que des articles courants; d'autre part, que cette fabrique
fonctionna de 1736 à 1773, époque de sa transformation en manufacture
de porcelaine ; qu'ainsi, elle dut fournir, durant trente-six années, à la
consommation de la province, on admettra difficilement qu'un aussi petit
nombre de ses produits ait échappé à la destruction.
Sur la foi d'un écrivain, sincère nous le voulons bien, mais trop enclin
à généraliser des exemples empruntés à un milieu très borné, on va répé-
tant que la faïence élait presque inconnue à Limoges au siècle dernier. De
nombreux témoignages écrits démentent cette assertion deJ.-J. Juge de
St-Martin. En veut-on une preuve? En 1796, au décès de Jean Dalesme,
bourgeois de cette ville, il est dressé inventaire de ses |biens biens. Or.
veut-on savoir quelle quantité d'objets en faïence recèlent son logis de la
rue du Temple et sa maison de campagne d'Aigueperse?
25 douzaines d'assiettes,
76 plats,
tO écuelles,
DOGOMPJITS SUR L^INDOSTRIE ET LES MANUFACTURES EN LIMOUSIN. 201
4 saladiers,
) soupières,
5 pots )i eau avec cnvette.
La porcelaine est représentée par 4 écuelles en porcelaine de rebut,
Noas pourrions multiplier les citations, car il n'est aucun des nombreux
inventaires d'objets mobiliers saisis sur les émigrés ou abandonnés par
eux durant la Révolution, qui ne fasse fréquemment mention de faïences.
Nous avons la conviction que des recherches consciencieuses parmi les
pièces non classées des collections publiques ou particulières, ou encore
parmi celles qu'un examen trop sommaire a fait attribuer à d'autres fabri-
ques, conduiraient à la découverte de nouveaux spécimens de l'industrie
limousine. C'est particulièrement sur les pièces considérées comme prove-
nant de Houstiers, — avec lesquelles celles de Limoges ont une certaine
analogie au point de vue du décor, sans doute parce que Massié avait em-
prunté ses artistes à cette localité, — que devrait porter l'examen. >— Nous
ne sommes pas le premier à demander que cette vérification soit entre-
prise par des hommes compétents. Faut«il espérer que ce vœu sera un
jour réalisé ?
Arrêt du Conseil d'Etat autorisant rétablissement à Limoges de la
manufacture de fayencerie du «' André Massié. — 1736.
Extrait des registres du Conseil d^Estat.
Vu au Conseil d'Eslat du Roi la requeste présentée en îcelui par
André Massié, architecte et entrepreneur des ouvrages des ponts
et chaussées de la Généralité de Limoges, contenant que Téloigne-
ment des manufactures de fayancerie des villes de Bordeaux, Mou-
lins et Nevers, les traverses pénibles et la difficulté des chemins,
rendant cette sorte de marchandise extrêmement raredanslehautet
bas Limosin, le supliant se seroit porté à en établir une dans la
dite Généralité, à Teffet de quoi ayant fait venir du dehors des
ouvriers capables d'exécuter ce projet conjointement avec lui, il a,
de la terre préjugée propre à celte fabrique, fait faire différens
essais, lesquels en promettent un succès assuré. Mais comme cette
entreprise exige des dépenses considérables dont le supliant ne
scauroit espérer de s'indemniser que par une possession tranquille
de son état, de la jouissance des exemptions el privilèges que Sa
Majesté a la bonté d'accorder ordinairement à ceux qui veulent
bien employer leurs soins et leur fortune pour l'utilité publique,
il a lieu d'espérer que Sa Majesté, considérant les avantages qui
902 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DO LIMOUSIN.
résulteront de rétablissement d'une pareille manufacture dans la
Généralité de Limoges, se perlera d'autant plus yolontiers à la
favoriser que le supliant n'est entré dans le projet dont il s'agit
qu'à la persuasion des personnes les mieux informées des besoins
de la province et les plas zélées pour le soulagement de ses ha-
bilans.
A ces causes requéroit le supliant qu'il plût à Sa Majesté lui ac-
corder le droit de fabriquer seul de la fayance dans le haut et bas
Limosin, pendant le temps et espace de vingt années avec deffenses
expresses à toutes personnes d'en faire ou faire faire pendant le dit
temps en la dite province, à peine de trois mille livres d'amende,
de confiscation des matières travaillées ou préparées et de tous
dépens, dommages et intérêts, l'exempter pendant le dit temps,
ensemble les fabriquans et ouvriers qu'il sera obligé de faire venir
des provinces circonvoisines, de la taille personnelle, fourrage et
ustancile, logement de gens de guerre, collecte, tutelle, curatelle
et nominations à icelles, guet et garde et autres charges publiques,
ordonner que la dite manufacture sera érigée en manufacture
royale et lui permettre de faire fouiller des terres, sables et autres
matériaux propres à la dite fabrique partout où il s'en trouvera,
en dédommageant les propriétaires des fonds à dire d'experts.
Veu aussi l'avis du s' Aubert de Tourny, maître des requestes et
intendant de la Généralité de Limoges, ensemble celui des députez
du commerce.
Ouy le rapport du sieur Orry, conseiller d'Estat et ordinaire au
Conseil royal, controlleur général des finances.
Le Roy en son Conseil a permis et permet au sieur Massié de
faire et fabriquer toutes sortes d'ouvrages de fayancerie dans tel
lieu de la province et Généralité de Limoges qu'il jugera le plus
propre pour rétablissement delà dite manufacture, faisant défenses
à toutes personnes de l'y troubler, à peine de tous dépens, dom-
mages et intérêts. Veut Sa Majesté que le dit sieur Massié, le
contre-maître et le peintre qui seront par lui employez soient
exempts de la taille pour raison de la dite manufacture seulement
et qu'à cause de leurs biens personnels et autres qu'ils pourront
faire valoir, ils soient taxez d'office parle s' Intendant de la dite
Généralité. Ordonne, en outre, Sa Majesté, que le dit Massié sera
pareillement exempt des fourrage, ustancile, logement de gens de
guerre, collecte, tutelle, curatelle et nominations à icelles, guet et
garde et autres charges publiques, tant et si longuement que sub-
sistera la dite manufacture, à la charge par lui de justifier au con-
seil de l'établissement d'icelle dans un an, à compter du jour et
date du présent arrêt, sur lequel seront toutes lettres nécessaires
expédiées.
DOCUMENTS SUB l'iNDUSTRIE ET LES VANUFACTUBES EN LIMOUSIN. 303
Fait au CoDSf&U d*Est^^ ^n ^oi tequ à Yersa^le^ le yipgt-neuf
may mil icpt cent trente-six. CoIlatiouDé. Signé: I)e Vav^^i^Y*
J^côtë est écrit : enregistré ai^ coatro,^e gênerai des finances par
QPU3^ Conseiller d'Estat et ordinaire au Conseil royal, Conlrolleur
gei^eral des finances. A Fontainebleau, le Yipgt-neuf octobre mil
s^pt pent trente-sept. Signé : Orry.
^t au-dessous est aussi écrit : le Yingt-septiesme may mil sept
c^t qi^araQte, en conséquence de Tarrét de la Cour de Parlement
de çejourd'^iuy, le présent arrêt a esté enregistré e? registres (Je la
dita Qour pour y aYoir repour» si besoin est. F^jt à Borde^jax, 4u
greffe de la di(e Cour^ ledi^ jour q^e dessus. CoUaliqnné. Signio :
Et à Gfilé : le dit arrest du Conseil a esté registre au greffe de 1^
Cour de3 aydes de Clermopt-Ferrand, pour jouir par l'impétrant de
Teffet et contenu en icehiy et pour y avoir recours quapd besoin
sera suivant Tarret de la Copr de çejourd')iuy, dix-sept novembre
mil sept cent quarante. Signé : Tixikr.
Suivent des lettres-patentes données à Fontainebleau le 8 oc-
tobre 1737 et mention de l'enregistrement au Parlement de Bqr-
de^ux, à la Cour de$ Aides de CJermont-Ferrand et au greffe de la
Cour sénéchale de Limoge^.
Archives départementales de la Haute-Vienne, registre d*édits et
déclarations de i740 à 1785, série G, second complément à
publier.
Acquisition par André Massié d'un emplacement pour établir une
fabrique de faïence (1736).
Dans un jardin appartenant à sieur Arnlré Hassié, entrepreneur
é^s ouvrages du Roy, situé au-dessous des révérends pères Au-
guslins de celte ville de Limoges, paroisse de Saint-Michei des
Uon9i le quatorze du mois de juin mil sept cent U'ente-six, après
midy, pardevanl moy Jean Belut, notaire royal de la dite ville et
iémoinç soussignés, fut présente dem"® Catherine Lajudie veuve de
sieur Blarlial Arnaud d'Encombe, habitante de Limoges rue des
Aresnes, paroisse du dit Saint-Michel, laquelle de son bon gré,
libre et franche volonté, et bien iostruile de ses faits ei droit, a
ven4iM> cédié, quiUé et iransporic, comme par ces présentes elle
vend, cède, ^viiUi^ et transporte, avec promesse de garantir, four-
304 BOCliTÉ ARCBËOLOCIQUE ET BtSTOniQUE DU LIMOUSIN.
niretfaire valoir de tous troubles, évictions, empêchemens géné-
ralement quelconques, aud. sieur Massié, habitant dud. Limoges,
fontaine des Barres, paroisse dud. Sainl-Michel, à ce présent et
acceptant, un lopin de terre joignant et attenant au jardin acqnis
par led. sienr Massié de sieur Jean-Baptiste Bourdeau, de la con-
tenance d'une éminée de pays ou environ, confrontant de deux
parts au jardin acquis par led. sieur Massié, d'autre et par le bas
au restant de la terre de lad. dem'" Lajudie, et par côté à autre
terre de lad. dem"* Lajudie, un petit cbemin de servitude entre
deux, dans lequel lopin de terre les parties ont fait mettre des
piquets pour y mettre des bornes; led. lopin de terre cy-dessus
vendu, franc et quitte de toutes charges, dettes, hypothèques,
arrérages de rente de tout le passé jusqu'au présent jour, à la
charge par le sieur Massié de payer à l'avenir sur led. lopin de
terre vendu ou à la décharge des autres héritages de lad. dem"*
Lajndie deux quartes froment mesure de l'abbaye de Saint-Martial,
au seigneur abbé dud. Saint-Martial, seigneur foncier et direct,
et ce chaque année. Cette vente ainsy faite pour et moyennant le
prix et somme de cent soixante livres, laquelle somme led. sieur
Massié a présentement compté et réalisé en louis d'argent et autre
bonne monnoye ayant cours, à lad. dem"* Lajudie, par elle nom-
brée, reçue et emportée, dont elle s'en est contentée et en a quitté
led. sieur Massié, et promis icelluy lopin de terre garantir envers
et contre tous, en ce que led. sieur Massié sera tenu et obligé de
payer pour l'adveoir un chacun an à la dite dem"° Lajudie, on
and. seigneur abbé de Saint-Martial, à la mesure de l'abbaye, une
ëmine froment sur led. lopin de terre vendu, ou à la décharge
des autres héritages de lad. dem'" Lajudie, moyennant quo;
icelle s'est démise, dessaisie et dévétiie du susd. lopin de terre
et en a saisi et envétu led. sieur Massif, pour le bail et tradition
des présentes, consentant qu'il en prenne la réelle, actuelle et
corporelle possession, qu'il en jouisse, use et dispose à son
plaisir et volonté, dans lequel lopin de terre led. sieur Massié
a déclaré y vouloir bastir pour une manufacture royalle de
fayance.
Et tout ce que dessus ayant été accepté par les dites parties,
icelles ont promis de le tenir sous l'obligation respective de Ions
et un chacun leurs biens, meubles et immeubles, présens et à
venir. Dont et du tout a été concédé lettres sous le scel royal en
la meilleure forme, ez présence des sieurs Pierre Chassaigne et
Pierre Morin, praticiens, habitans de la présente ville, témoins h
ce requis et appelles. Ainsi signé à l'original ; Catherine Lajuoie,
veuve Arnaud de Combes, Marsië, CsASSAicnE, Moam et BELtrr,
OOCUMKKTS SUR L'iNDUSTRIB ET LES HANOFACTUBES EN LIMOUSIN. SOS
not" royal héréditaire. ControUé à Limoges, le vingt-cinq juin
1736. Reça trois livres deux sols six deniers, signé : Baresge.
Archives départementales de la Haute-Vienne, classement provi-
soire A 19.
Aubert de Toumy^ intendant de la Généralité de Limoges^
à Monsieur Fagon, intendant des Finances.
A Limoges, le 17 décembre 1741. ,
Le s' Massié, sur la manufacture de fayance duquel j'ai eu Thon-
neur d'écrire à M. le contrôleur général le 15 de ce mois, en réponse
à «a lettre du 8, a désiré vous envoyer différentes petites pièces de
sa fayance qu'il a fait mettre à votre adresse dans une boête partie
par le messager de cette semaine, afin que vous puissiez connoitre
si elle mérite la protection du Conseil ; l'état en sera joint avec les
prix ; il me prie de vous en prévenir et dit que si son débit augmen-
toit par la diminution des droits de sortie, il pourroit, en se
contentant de moins gagner sur chaque pièce, les donner à meil*
leur marché.
J'ay l'honneur d'être. Monsieur, etc. Tourwy.
Etat de la fayance de la manufacture de Limoges, contenue dans
une caisse adressée à M. Fagon le 22 décembre 1741, par le sieur
Massié :
3 assiettes 4 livres la douzaine.
2 jattesovales 1 liv. 10 s. la pièce.
1 pot à l'eau 1 liv. —
1 compotier 8 s. —
1 théyère 18 s. —
1 plat de service ordinaire qui
vaaufeu 1 liv. —
II y a dans cette manufacture d'autre fayance de toute espèce qui
soutient le plus gros feu, comme casseroUes, plats, pots à soupe,
même des réchauts et des alambics ; on y fabrique des assiettes de
prix plus bas que celles cy-dessus à 3 liv., 2 liv., et 1 liv. 15 s. la
douzaine.
Si l'entrepreneur avait plus de débit, il pourroit, en se conten-
tant d'un médiocre profit, donner la marchandise à beaucoup
meilleur marché.
("Archives départementales de la Gironde, série C, n° / 766.)
aoQifeTi AncHâoLOQiQUE et DiSToniQut du UKOUsia.
DÉCOUVERTE DU KAOU.N
Près de Saint-Vrieii (ETaule-Vienae).
La découverte de gisements de kaolin aux environs de Saini-Yrieix, à
laquelle se rattacheni les origines des premières manufactures de porce-
laine du Limousin, n'a ]>ai jusqu'Ici iitA l'alleatioD des êrudiis. Les cir-
constances dans lesquelles se [iroduisii cette découverte, qui a eu de
si heureuses conséquences pour la prospérité iodustrielie de notre région,
inâriieraient cependant d'être mieux connues. Des traditions subsistenl,
qui n'oDi jannai» été coatrOlées et ne reposent snr aucuu foodenie^l.
C'est aiuEi qu'une opinion très répandue aiVrii)ue i i-et évèaenienl ans
cause purement rortiiite, alors qu'il ressort avec évidence des fait connus
que, si le hasard y fut pour une pari, de patientes recherches mirent aussi
sur la raie de cette découvcrie.
Plusieurs noms yoni d'ailleurs été associés sansqne l'on ait pu dire dan«
quelle mesure ici ou lel personnage y a contribué et quelle part de mérite
revient à chacun.
Les documents ajant Irait à celte question sont aujourd'hui disséminés
dans divers dépôts d'archives ou bibliotliéques. Nous avons entrepris de
les rapprocher, en en publiant tout au moins les parties essentielles. L'ud
des plus imporianis parmi ces documents est sans contredit la notice hisio-
rique sur la manufacture de Sèvres, écrite par Hilloi, directeur des fours el
du laboratoire des pitcs. La seconde partie, coiisaciée à la porcelaine dure,
abonde en détails sur le sujet qui nous occupe. Nous espérons donner un
jour le texte de cette notice, dont M. Aug. Bosvieui a laissé uue analyse.
En attendant, il paraît utile, pour l'inielligence des pièces qu'on va lire,
de rappeler brièvement quelques-uns des faits qui précédèrent la décou-
verte de nos gisements kaollciques.
C'est en (764 qu'un traité fut conclu entre la Manufacture royale de
France et le si ras bourgeois Hannong, directeur de la faïencerie de Pran-
kentha!, pour l'acquisition des procédés de fabriration de la porcelaipe dure.
Le secret une fois révélé, on s'aperçut que la matière première manquait
complèlement et que Hannong se trouvait dans l'impossibilité d'en fournir.
U traité ne fut tésllié qu'en 176».
Hillot rapporte que vers cette époque, H. Courleii étaul comous&tire du
roi près la Manufacture, il arriva un jour une caisse contenant douv i
quinze livres de kaolin avec lequel lurent faits des essais. Ceux-ci ayant
donné de bons rËsuliats, le direcieur, M. Boilcau, s'eoqult de la provenance
de ce kaolin ei questionna à ce sujet H. de Nuits, secrétaire de H- Cour-
leiï, mais sans pouvoir obtenir de lui une indication précise.
Le récit de Hilloi soulève ici une i^nigme que sa notice ne résout pas.
Le fait d'interroger le secrétaire de H. Courtelx est en lui-même sans por-
tée; tout au plus pourrait-on en ilrer celle indui.liou que M. de Nuits
DOCUMENTS BVtL l'uidGSTRIE RT LES MANUFACTURES EN LIMOUSIN. 207
deTait élre le personnage qui avait reçu la caisse de kaolia. Mais il acquiert
une signification particulière si on le rapproche d'un passage des délibéra-
tions de la Société d'agriculture de Limoges. Dans la réunion tenue le
5 avril 1766 par cette Société, il fut présenté une terre blanche que Turgot,
— dit le procès-verbal, — reconnut pour être le véritable ha-ou-lin de la
Chine (1).
L'envoi provenait d'un associé libre, M. Jean-Claude Bounin de Nouït,
(le nom est parfois orthographié : de Nuits), juge royal de Rançon, en
Basse-Marche, physicien et neveu de Tabbé Nolel, deTAcadémie des sciences.
Serait-il invraisemblable de supposer que M. de NouU avait également
fourni le kaolin destiné aux expériences de la Manufacture, et quMl Tavait
expédié au secrétaire de 9A. Courteix, auquel le rattachaient apparemment
des liens de parenté ?
Nous ne faisons toutefois qo^émettre une simple conjecture. Le registre
de la Société d'agriculture ne conlii^nt malheureusement trace d'aucune
autre communication sur ce sujet, ei nous .n'ignorons pas, d'autre part,
qu'à un certain moment le directeur de Sèvres, dans le but de faciliter les
recherches, avait pris le parti de distribuer à plusieurs savants les frag-
Tnents du kaolin restés en sa possession.
L'arehevéque de Bordeaux visitant un jour la Manufacture de Sèvres fut
émerteillé éa k blancheur d'une plaquette de porcelaine obtenue à la suite
des premiers essais. Il prit un échantillon du kaolin, promettant de le
montrer i un apothicaire de Bordeaux, du nom de Villaris, qui passait
pour être très versé dans les sciences naturelles.
Mis au conrant des efforts tentés de tous côtés pour se procurer la précieuse
matière, Villaris comprit bien vite tout le parti qu'il pourrait tirer d'une
telle découverte. Il se mit aussitôt en recherches et explora les Pyrénées et
les Cévennes sans rien trouver. De retour à Bordeaux, il songea à envoyer
au chirurgien Darnet, de Sainl-Yrieix, avec lequel il avait autrefois voyagé
en Allemagne, un fragment du kaolin qui lui avait été confié, en lui de-
mandant s'il n'en connaîtrait pas de semblable dans son canton. Soit, comme
on rassure, que la femme de Darnet eut déjà appelé l'attention de son mari
sur les propriétés d'une argile blanche et onctueuse dont elle s'était servie
pour blanchir le linge, soit que l)arnet eut lui-même constaté la présence
de celte argile à proximité de la ville, sa réponse ne se fît pas attendre.
Elle fut suivie d'un envoi d'environ trois livres de kaolin, qui, de Bordeaux,
furent expi^diées sur Sèvres.
De nouvelles expériences faites à la Manufacture avec cette argile réussi-
rent pleinement et Millot songea à s'approvisionner.
Alors commença entre Villaris d'une part, le ministre Bertin et ses inter-
médiaires d'autre part, une guerre de ruses qui devait avoir pour résultat
d'assurer à l'apothicaire de Bordeaux le bénéfice exclusif de la découverte
du kaolin, que l'on présumait avoir été trouvé aux environs de celte ville.
Ce sont les péripéties de cette lutte que retracent les pièces que nous publions
ci -après, et celles qui suivront.
(1) Vof. Choix de documents historiques sur le Limousin, publié par M. A. Lbhoux.
t08 SOClÂTé AltCHÉQLOGIQOB ET DISTORIQUE DU LIMOUSIN.
De son côté, H. Edouard Garnier qui, dans une conférence donnée à Li-
moges au mois d*août i890, a présenlé rhistoriqne de l'industrie de la porce-
laine en France au xvii® siècle, a iMnleniion de publier une série de lettres
dans lesquelles le chimiste Hacquer, chargé en 1768 de reconnaître les
gisements signalés du côté de Toulouse et de Tarbes, manifeste ses
espérances et ses déceptions. On aura ainsi un ensemble de documents
susceptible de faire la lumière complète sur les circonstances dans les-
quelles fut découvert le kaolin du Limousin.
L'archevêque de Bordeaux [Louis- Jacques d'Audibert de Lussan)
à M. MacqueTy de l'Académie des sciences.
Ce 25 février 1767.
Me trouvant, Monsieur, il y a quelque temps, avec M... chez
monsieur de Berlin, ministre de notre province, et qui est chargé
de la manufacture de porcelaine, je lui dis que j'avais vu dans les
mains d'un apothicaire de Bordeaux, bon chimiste et connaissant
dans les minéraux, une pierre qu'il prétendoit être le vrai pétunzé
de la Chine, et qu'il connaissait un canton de notre province où elle
était commune.
Monsieur Berlin me pria de faire venir un échantillon de la pierre
pour la faire examiner. J'ai écrit pour cela et j'ai reçu un morceau
de celte pierre. M. Berlin m'a prié de vous la remettre pour l'exa-
miner et faire les expériences nécessaires. C'est pourquoi je vous
serais obligé si pouviez vous donner la peine de passer chez moi
demain ou après demain, avant dix heures et demie du matin.
J'ai l'honneur d'être. Monsieur, votre très humble et très obéis-
sant serviteur.
f L'archevêque de Bordeaux.
{Bibliothèque nationale, fonds françai^^ n® 9 1 35),
L'archevêque de Bordeaux à M. Macquer.
Ce lundi (4768).
J'ai vu. Monsieur, il y a quelques jours, M. de Berlin, notre
ministre, à Versailles, qui me fil des reproches de ce que l'apothi-
caire de Bordeaux qui avait enyoyé un échantillon de matière à
porcelaine que vous avez trouvé très bon, n'avait plus répondu, ce
qui lui donnoit lieu de croire que cet échantillon ne venait pas de
DOGUXBKTS SCB L*1NDUSTRIR RT LES MANUFACTUR&S Klf LIMOUSIN. 309
France. Il y a eu de ma faute dans ce retardement. Ayant passé
plusieurs mois à mon abbaye, j'avais perdu de vue cet objet.
Si vous voulez vous donner la peine de passer chez moi, aujour-
d'hui, vers onze heures, je vous communiquerai la lettre, et vous
verrez lue dans le contenu de cette lettre il offre d'en fournir plus
de cent barriques et de les expédier par mer jusqu'à vous.
J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéis-
sant serviteur.
f L'Archevêque de Bordeaux.
{Bibliothèque nationale, fonds français, n« 91 55).
Instructions données par le ministre Bertin à M. Macquer
(s. d. — 1768).
Tout étant d'accord avec le s' Villaris, il parait qu'il est essentiel
d'aller sans délai sur les lieux, avant la mauvaise saison, pour re-
connaître l'état de cette terre et constater si elle est en suffisante
quantité pour le service de la Manufacture. Pour cela, il faudrait
que le s' Villaris demande d'abord au propriétaire la permission
de sonder le terrain, en lui faisant espérer que, s'il trouve dans son
errain la matière qu'il cherche, il se propose de l'acheter et de lui
en donner un prix avantageux. Il sera accompagné dans cette re-
cherche par celui qui a découvert la terre.
S'il résulte de celte première opération que la terre est de bonne
condition à tous égards, alors il sera d'autant plus essentiel d'en
assurer la possession à la Manufacture, et le plus promptement
possible. Le moyen qui paraît le plus convenable, c'est que le
s' Villaris l'achète en son nom du propriétaire, comme s'il devait
l'employer à des ouvrages qui lui seraient particuliers et qu'ensuite
il cédât son entreprise au Roi.
Suivant tout ce qu'il en a déjà dit jusqu'à présent, les couches de
cette terre ont de l'épaisseur, de la profondeur et l'étendue du terrain
dans laquelle elle se trouve est à peu près de la grandeur du Palais-
Royal. Si cela est ainsi et qu'on trouve beaucoup d'épaisseur aux
bancs de cette terre, il ne serait point nécessaire d'acquérir tout le
terrain dans lequel elle s'est montrée, mais seulement la portion
de ce terrain où elle est la plus épaisse et de mielleure qualité. Il
est possible que tout le terrain où se trouve cette terre n'appar-
tienne pas au même propriétaire ; cela est même vraisemblable.
Dans ce cas, il résulterait un grand avantage, pour faire l'acquisi-
tion à un meilleur compte, à causede la concurrence.
9f0 SOCIÉTF. ARCnéOLOGlQDR RT RIST0RT(/1]li EKJ UMOUSIN.
Il faut, pour la réalisation de ce projet, que le s' Viilaris garde le
secret, -qu il adresse la terre de la Manufacture comme à un associé.
Le sieur Viilaris, par ses connaissances, est propre à surveiller
Texploitation : s'il ne le peut, on chercherait dans le pays un
homme intelligent qu'on instruirait de tout ce qu'il faut qu'il sache
et à qui on s'adresserait.
Le s' Viilaris fera reconnaître Tétat de la terre et du terrain.
Cette connaissance doit précéder non-seulement l'exécution des
promesses faites conditionnellement au s' Viilaris, mais encore
l'acquisition du terrain.
f Bibliothèque nationale, fonds français, n"* 91 35),
Le ministre Bertin à M. Fargès, intendant de la Généralité
de Bordeaux,
K Gompiègne, le 20 aoust 1766.
M. Tarchevêque de Bordeaux, Monsieur, m'avoit donné la con*
noissance d'une terre a porcelaine dont le s' Viilaris (1), apoticaire
de Bordeaux, avait fait la découverte et les essays que j'en avais
fait faire à la manufacture du roy ayant très bien réussi, je m'étais
déterminé d'acheter du s' Viilaris le secret de sa découverte. C'est
à dire qu'au moyen d'une somme convenue avec lui, il donnerait
Tindication du terrain où se trouve cette terre et le nom du parti-
culier à qui il appartient pour pouvoir en traiter avec luy, mais à
peine suis-je parvenu par la médiation de M. Tarchevêque de
Bordeaux à traiter avec le s' Viilaris et lorsque je me proposais
d'envoyer M. Maquer, de l'Académie royale des sciences, pour re-
connaître sur les lieux la terre en question et s'assurer quela masse en
était suffisante pour fournir aux besoins de la manufacture, que le
S' Viilaris s'est répandu en propos indiscrets sur ce traité et il a
poussé l'indécence jusque à dire qu'il ne donnerait aucune indica-
(4) M. Marzelles, pharmacien à Bordeaux, possède ua buste de Viilaris
«n porcelaine. Sur le socle on lit :
Marc-Hilaire Viilaris
né à Bordeaux en MOCCXXX
y est décédé en MDCCXCII
pharmacien, chimiste et naturaliste.
On lui doit la découverte
du kaolin (terre blanche.
à porcelaine) à Saint-Yrieix,
départeRieut de la Hte^Vienne,
en 4767.
F« Baif nol, C f*
de porcelaine à Limoges.
DOCUMENTS SOR l/lNDOSTRIR ET LKS lIAmiPACTlIflKS CN LTHOUSIN. ^11
lion jusqu'à ce qu'il eot touché le montant ôe la récompense q«i
lui avait été promise, sauf à le rendre si l'objet ne remplissait pas
lool ce qu'il avait annoncé. Ge dernier trait a mis le comble au
mécontentement que j'avais du s' Villaris et la malhonnêteté ôe
son procédé m'a fait craindre qu'il ne remplît pas avec fidélité ses
engagements. C'est pourquoy j'ai rompu la convention qui avait été
felte avec luy par la médiation de M. TArchevôque de Bordeaux qui
veut bien se charger de le faire dire au s' Villaris. Tout étant entier à
cetégardetne nous ayant donné aucune espèce de reoseignemeotje
prends le parti d'envoyer sur les lieux M. Maquer, de l'Académie
royale des sciences et commissaire à la manufacture du roy, pour
faire les recherches nécessaires à cet objet. Je vous prie^ Monsieur
é^ l'aider en tout ce qui pourra dépendre de vous et de luy faire
faire connaissance avec l'ingénieur des ponts et chaussées de votre
département qui, par la nature de ses travaux, a une connaissance
phis particulière des différentes espèces de terres blanches qui
seraient propices à la porcelaine et des lieux d'où on peut les tirer
aisément; peut être même aurait-il connaissance des recherches
que le s' Villaris avait fait et parviendra-t-il par là à la découverte
de sa terre. Ce n'est point ici le secret d'un artiste, mais la con-
naissance d'un local que tout le monde peut avoir comme luy.
Enfin, je vous serai très obligé des facilités que vous procurerés
à M. Maquer, et je vous prie de lui faire éprouver en cette occa-
sion les effets de la protection du Roy.
Je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Bbrtct.
(P. S. de la main dn' ministre J. Vous entendes. Monsieur, qu'il
est essentiel que le voyage et les irecherches du s' Macquer soient
tenues très secrets.
(Archives départementales tfe fa Gironde^ série C, if 1 766).
Le ministre Bertin à Vlntendant de Bordeaux.
A Paris, le -i octobre 1768.
Jai appris, Monsieur, par la lettre que vous m'avez écrit le
trois de ce mois (septembre), que le sieur Vilaris s'est trouvé chez
M. Tarchevôque de Bordeaux avec M. Maquer qui vous a dit qu'il
regrettait sur l'objet de sa mission que la négociation avec le sieur
Villaris fut rompue ; qu'en conséquence, vous avez fait sentir ses
loris au sieur Vilaris qui s'en remet actuellement à ce que vous et
M. l'archevêque de Bordeaux me proposerez ; et sur ce que le sieur
Vilaris vous a dit que ce terrein, situé hors de votre généralité,
âtâ SOCIÉTÉ ARCHRaLOGiQUR KT HISTORIQUE DU LIHODSIN.
sera au plus de la valeur de trois mille livres, vous pensez qu'il
n'y aurait pas d'inconvénient de faire faire cette acquisition
avant qu'aucune recherche préalable en fasse hausser le prix.
Vous ajoutez qu'il serait à propos d'en charger le sieur Vila-
ris lui même, sur la probité de qui l'on peut compter. Quelqu'éloi-
gné que je sois, Monsieur, d'entendre de nouvelles propositions de
la part d'un homme qui a osé mettre de la défiance dans l'exécu-
tion des ordres que le Roy m'a donnés, je veux bien oublier ses
torts, mais nullement entrer en négociation avec lui. Les condi-
tions ont été que le sieur Vilaris déclarerait avant tout et indique-
rait précisément le lieu de la province et du canton où ce terrein
est situé, le nom du propriétaire, en un mot tous les renseigne-
mens nécessaires pour trouver le local au moment où l'on en aurait
besoin. S'il venait à arriver au sieur Vilaris quelque accident, ou
qu'il vint encore après l'acquisition à faire le diflScile sur son secret
dont il faut qu'il nous rende dépositaire dès ce moment et surtout
qu'il ne s'échappe point comme il le fait en propos indiscrets sur
sa découverte dont il ne doit, avant comme après l'acquisition,
parler à qui que ce soit. Vous procéderez à faire l'acquisition de
ce terrein comme vous le jugerez le plus convenable, ou en char-
geant le sieur Vilaris de cette commission, ou toute autre personne
de la discrétion et de la probité de laquelle vous serez assuré. Il
faut que le particulier qui en aura la commission fasse, comme il
est d'usage en pareille occasion, sa déclaration de l'acquisition
qu'il va faire en son nom et pour le compte du roy. On remplira
ensuite les formalités usitées pour en acquérir la propriété à Sa
Majesté. Je tiendrai avec exactitude les engagements que j'ai pris
pour l'acquisition du secret du sieur Vilaris et dont M. l'archevêque
de Bordeaux est porteur, aussitôt que l'affaire sera consommée
et que M. Maquer m'aura assuré que la terre trouvée et achetée
est bien celle dont les épreuves lui ont réussi à la manufacture du
Roy, et que la quantité, comme l'assure le sieur Vilaris, en est
suffisante pour son approvisionnement.
Je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Bertin.
(P. S. de la main du ministre), Prenés garde à l'indiscrétion et
à la légèreté du sieur Villaris, et soyés assuré que dans le moment
où on luy recommandait le plus le secret et où à peine M. l'Arche-
vêque était convenu avec moy, le sieur Villaris écrivait le tout à
plusieurs personnes à Paris, et que l'une d'entre elles m'en a parlé
comme d'une chose en quelque sorte publique.
{Archives départementales de la Gironde^ G, 1766).
(A suivre).
ÉTUDE HISTORIQUE
f
SUR
L'ANCIENNE VIE DE SAINT MARTIAL
I. — La vie de saint Martial, écrite par un auteur inconnu qui a
pris le nom d'Aurélien, second évéque de Limoges, a joui d'un
grand crédit au moyen-âge. A cette époque on la regardait comme
authentique. Au xu* siècle, Orderic Vital Ta insérée, en grande
partie, dans son Histoire ecclésiastique , et, avant le milieu du siècle
précédent (1031), c'est cette légende que citent les Pères des con-
ciles de Limoges et de Bourges, ainsi que le pape Jean XJX,
qui ont proclamé Tapostolat de saint Martial.
Cette Vie a été publiée en i366 par le carme Beaulxamis, à la
suite des Histoires apostoliques d'Abdias; elle a été réimprimée
dans l'édition de Surius, en six volumes, que Mosander a donnée
en 1617; et de nos jours (1877), un savant anglais, M. Walter de
Bray Birch en a donné une nouvelle édition, d'après plusieurs ma-
nuscrits du British Muséum.
Les critiques modernes ont rejeté celte vie comme apocryphe.
Du Bousquet (depuis évéque de Montpellier), dans ses Histoires de
l'Église gallicane {i6S6]^ s'est borné à en faire l'analyse, en termi-
nant par celte phrase : « Si vous exceptez le nom de Martial, le
rcsle paraîtra un tissu de fables (1) ». Dom Ruinart, dans son édi-
tion de Grégoire de Tours (1699), dit que les Actes de saint Mar-
tial, ainsi que les épitres qui lui sont attribuées, n'ont aucune au-
(1) « Atque, si unum Marlialis nomen exemeris, reliqua omnia ficta
vtdebunlur » (Hiator, Eccl. galUc,, 4636, lib. I, cap. xxui, p. 44).
T. XXXIX. 14
214 SOCIETE ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE D(J LIMOUSIN.
torité (1); les BoUandistes, dans le tome V* de juin (2) se sont
contentés de reproduire l'analyse qu'en avait donnée du Bousquet.
Sans doute, cette légende est apocryphe, en ce sens qu'elle n'est
pas l'ouvrage d'Aurélien dont elle porte le nom; mais tout apo-
cryphe qu'elle est, elle est beaucoup plus ancienne que ne le
croyaient les critiques précédents; elle est même très ancienne,
comme le montrent les vers que Fortnnat a composés sur cette lé-
gende et dont nous prouverons l'authenticité à la fin de ce travail;
et les traditions que cette légende renferme ont été consacrées par
la croyance immémoriale des populations de TAquitaine évangéli-
sées par saint Martial.
II. — Outre cette Vie de saint Martial par le pseudo-Aurélien ,
une autre Vie plus ancienne du môme saint nous était signalée par
des écrivains du moyen-àge. Mais depuis le xi* siècle cette Vie était
perdue; du moins on le croyait.
Nous avons eu la chance de la découvrir dans un manuscrit de
la Bibliothèque nationale qui date du x' siècle (3) ; mais dans ce
manuscrit cette Vie se trouve comme en lambeaux détachés et offre
certaines lacunes. En annonçant cette découverte dans ïUnivers
(24 septembre 1855), nous disions : « Malheureusement le copiste
du X* siècle, qui ne connaissait pas le latin, a fait d'énormes fautes
d'orthographe qui rendent diverses phrases inintelligibles; de
plus, il a fait un mélange de certains feuillets qui augmente encore
la confusion du texte. Qu'on s'imagine une inscription antique que
Ton trouve en fragments; il s'agit de rapprocher ces débris épars,
de les rajuster et de combler les lacunes; c'est un travail de ce
genre qu'il nous faudra entreprendre pour restituer ce lexte ancien
dans sa primitive intégrité. Et malgré nos recherches, nous n'avons
pu trouver que ce seul exemplaire de l'ancienne Vie de saint Mar-
tial, quoique la Bibliothèque impériale possède plus de vingt exem-
plaires de la Légende d'Auréhen. »
Malgré les diflicultés qu offrait ce travail, nous avons publié cette
ancienne Vie, en 1860, dans nos Documents inédits sur Vapostolai
de saint Martial. Cette Vie se compose de deux parties : la pre-
mière, qui raconte en abrégé la vie du saint; la seconde, qui fait
(1) <f Ipsius Acta. quîe circumferuntur, nullius videntur auctoritatis, nec
majorem merentur epistolae ipsi atlributae » (Ruinart, Gregor, Turon.
patrolog.^ t. LXXl, col. 850, n. d.).
(2) Acta SS., t. V junii, p. 53(5.
C*} Bibliothèque nationale, ms. 3851 a, fol. 30-33.
LTUDK HISTORIQCE SUR L*ANaBNNR VIR DE SAINT-MARTIAL 315
le récit de dix miracles opérés à son tombeau. La première partie
offrait plusieurs lacunes, une surtout considérable dans le texte
relatif à la résurrection d'un compagnon de saint Martial; nous
avons essayé de combler cette lacune à Taide de la légende du
pseudo-Aurélien qui a copié ce passage. Dans la seconde partie,
nous avons comblé deux lacunes à Taide d'un manuscrit que les
Bollandistes ont publié, au tome V« de juin, sous ce titre : Quelques
anciens miracles opérés à son tombeau (p. 553), et qui n'est autre
chose que la seconde partie de celte ancienne Vie.
Depuis cette publication, nous avons bien découvert un autre
manuscrit des plus anciens miracles de saint Martial, dont le
récit forme la seconde partie de cette ancienne Vie; mais, quant à
la première partie, qui renferme la vie abrégée du saint, nous
n'avions pu trouver, ni à la Bibliothèque nationale, ni dans les
bibliothèques de Rome et de l'Italie, un second manuscrit qui pût
nous aider à publier ce texte dans son intégrité primitive.
Au moment où nous y pensions le moins, la Providence est ve-
nue à notre aide. M. Tabbé Georges Ardant, qui termine à Rome
ses études ecclésiastiques, nous écrivait de celte ville, le 5 mai
1891, qu'en faisant des recherches dans la Bibliothèque Victor-
Emmanuel, il avait trouvé un ancien manuscrit provenant de l'ab-
baye bénédictine de Farfa, en Sabine, et contenant des Vies de
saints, entre autres celles de saint Yrieix et de saint Martial. Il nous
envoyait en môme temps les premières lignes et la fin de celte Vie
de saint Martial. Agréable surprise! C'était justement un manus-
crit de cette ancienne Vie que nous cherchions, sans pouvoir le
trouver, depuis trente-cinq ans! Sur notre demande, notre zélé
correspondant s'empressa de nous transcrire cette Vie ; et c'est à
l'aide de celte copie que nous allons publier une édition plus exacte
et plus correcte que celle que nous avons donnée dans nos Docu-
ments inédits. Il n'y a pas, dans ce manuscrit de Rome, les lacunes
regrettables et le mélange de feuillets qui déparent le manuscrit de
Paris; toutefois, dans le préambule et dans la première partie, il y
a quelques phrases incomplètes et quelques incorrections, de sorte
que, même avec ce nouveau manuscrit, nous n'espérons pas don-
ner une édition irréprochable.
Mais avant de publier de nouveau et plus correctement le texte
de cette Vie anonyme de saint Martial et d'en prouver l'antiquité et
l*aulhenticilé, citons, dans un premier chapitre, quelques écrivains
du moyen-âge qui ont fait mention de celte ancienne Vie et en ont
décrit les caractères.
•T.. -i ; ,
f
»i '
ÎI6 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DO LlMOOStN.
CHAPITRE PREMIER
L'existence de cette ancienne Vie nous était révélée par des mo-
numents d'une haute antiquité. Ainsi le moine Adémar, dans l'Epi-
tre où il rend compte de la discussion qu'il eut, l'an 1028, avec
Benoît de Cluse sur la question de l'apostolat de saint Martial, rap-
porte ces paroles de son antagoniste : « Quelques-uns ont coutume
de dire que son ancienne Vie (de saint Martial) périt dans un incen-
die quand ce monastère fut consumé par les flammes (1), et que
dans cette Vie il n'y avait pas autre chose sinon que, après l'Ascen-
sion du Seigneur, saint Martial avait été converti, comme beaucoup
d'autres païens, par la prédication de saint Pierre, puis avait été
instruit par lui, et, longtemps après, ordonné évoque et envoyé à la
seule ville de Limoges, comme Apollinaire à Ravenne et Marc à
Alexandrie (2) ».
Benoît de Cluse avait été bien renseigné sur ce dernier point,
car, dans l'ancienne Vie, saint Martial est, en effet, envoyé par
saint Pierre à la ville de Limoges. Et l'on voit par ce passage d'Adé-
mar, que l'an 1028, cette ancienne Vie passait pour être perdue.
Un écrivain antérieur à Benoît de Cluse a décrit les caractères
de celte ancienne Vie d'une manière si précise, si détaillée, si ca-
tégorique, qu'il est impossible de s'y méprendre : c'est Pierre le
Scolastique, qui a fait sur saint Martial un poème en neuf livres,
poème perdu en grande partie, mais dont nous avons recueilli et
publié les fragments (3). Dans rarticle qui précède les fragments
de ce poème, nous avons établi que cet écrivain florissait, non pas
à la fin du xi* siècle, comme l'a conjecturé dom Rivet dans vffis-
toire littéraire de la France (4), mais à la fin du x" siècle, puisqu'il
se dit témoin du miracle des Ardents (994). Voici en quels termes
Pierre le Scolastique parle de l'ancienne Vie de saint Martial, en la
comparant avec la Vie composée sous le nom d'Auréiien :
(4) Le monastère de Saint-Martial fut incendié en 95â (Cf. âdémar, Pa-
trolog.y t. CXLI, col. 82).
(9) « Soient diccre nonnulll vilam ejus vetcranam, quando hic locus
arsit, périsse incendio; in qua nihil horum agebatur, nisi duntaxat quod
post ascensioncm Domini ad Pétri praedicalionem sit conversus, sicut aliî
inulii ex paganis, et ab eo eruditus, et post longum lempus ordinatus
episcopus, et ad solam urbem Lemovicum missus, sicut Apollinaris ad Ra-
vennam, et Marcus in Alexandriam » {Patrolog,^ t. CXLI, col. 95).
(3) PiERRE-LE-ScoLASTiQUE, Fragments du poème de saint Martial^ in-S»,
1857.
(4} Histoire littéraire^ t. VIII, p. 504.
KTVDB HISTORIQUE SUR L'ATCCIRNNE YIE DE SA1NT-VARTIAL ^17
Est minus, et majiis, de Marciale volumen;
Qui minus egit opus, plane non est michi notus;
Sed scio quod sancto fuerit nequissimus hostis ;
Propter namque fidem, bene quœ dixisse videtur
Prœsulis excerpsit sermonibus Aureliani;
Frivola vero suo deprompsit pectore tetro
Ut jubar inficeret (1), quod nubila cuncta repellit.
Ergo refutetur condempneturque malignus.
At plures nlios qui composuere libellos
Sint licet ignoti, nam nusquam nomina ponunt,
Quœ bene dixerunt, vigili sunt mente notanda;
Is maie quœ finxit, penitus debent reprobari;
Neve rudes hominum sensus malus iînbuat error,
Sunt etiam doctis raro^ numquamve legenda.
Sed quœ proposuit miracula sunt retinenda,
Testis enim verax ipsi narr avérât illa.
Nec tamen antiquo curavit credere libro,
Vulgari famœ tribuens ea quœ re fer ébat;
Magnaque vix tangens, contendit condere lumen.
Et curtm verbis animum celare nequivit.
Ut quicumque sapit salis, hune reprehendere possit,
Ergo nichil timeat, sed posse probet reprehendi,
Multiplicique virum ratione refellat iniqnum,
Namque suis armis hostem superare valebit
Et aamnabit opiÂS quod quilibet offeret ipsi (3).
Ces vers ont besoin d'un commentaire : nous allons essayer d'en
éclaircir le sens :
I. — Est mmus, et majus, de Marciale volumen,
« Il y a un petit livre et un grand livre de la Vie de saint Mar-
tial ». — Le grand livre de la Vie de saint Martial, c'est la légende
apocryphe, si longue et si diffuse, dont l'auteur a pris le nom
d'Aurélien, et que Pierre-le-Scolaslique regardait en effet comme
l'œuvre de saint Aurélien, second évoque de Limoges. — Le petit
livre de la Vie de saint Martial, c'est la légende courte et succincte,
ce sont les anciens Actes, qui n'avaient pas été publiés jusqu'à ce
jour, et que nous avons eu la chance inespérée de découvrir. Cette
seule mention du « petit livre » avait fait soupçonner à notre sa-
(1) Nadaud, Inftcerent.
(2) Pbtrub Sgolasticus, lib . VI, poema vu ; Pierre-le-Sgolastiqub, p. 33,
34 ; Nadaud, Diêaertation ms, sur saint Martial, chap. u ; P. Bonavbn-
TCRE, t. i, p. i07. •
218 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE BT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
vant Nadaud rimportance de cette ancienne Vie : « Les critiques,
avait-il dit, qui préfèrent les Actes les plus courts et les 'plus sim-
ples à'ceux qui sont plus étendus et plus chargés, regretteront, sans
doute, la perte de cette pièce (1) ».
II. — Qui minus egit opus, plane non estmichi notu^,
« Celui qui a écrit le peiit livre m'est tout à fait inconnu ». —
Pierre-le-Scolastîque, qui ne doutait pas de rauthenlicité de la
légende de saint Martial composée par le pseudo-Aurélien, s'ima-
ginait connaître Tauteur du « grand livre » de cette Vie. Quant à
Tauteur du « petit livre », Pierre-le-Scolastique ne le connaissait
pas, attendu qu'il n'a pas songé à se faire connaître. C'éliiit un
usage presque général, à Tépoque reculée où ces Actes ont été
écrits, que les auteurs des légendes des saints ne mettaient pas
leur nom en tête de leurs ouvrages. Ainsi, que Ton parcoure, dans
la table du troisième volume de YHistoire littéraire de la France^
la liste des écrivains anonymes qui ont composé des Vies de saints
au viVet au vu* siècles, on en comptera plus de cent, indiqués dans
ce seul volume. Et, pour citer des exemples, connait-on Tauteur
de la légende de sainte Geneviève, écrite vers Tan 530? Les
Actes de saint Saturnin de Toulouse, cités par Grégoire de Tours ;
ceux de saint Ursin de Bourges et de saint Privât de Monde,
où le même historien a certainement puisé ce qu'il raconte de ces
deux saints, voilà des documents d'une haute antiquité, dont on ne
connaît pas les auteurs. Comme ces anonymes écrivaient, non dans
l'espoir d'une renommée frivole, mais uniquement pour l'édifica-
tion des fidèles et pour rendre témoignage à la vérité, ils oubliaient
naturellement de mettre leur nom en tête de leur ouvrage ; et celte
marque de modestie est une preuve, sinon de leur science, au
moins de leur sincérité.
III. — Sed scio quod sancto fuerit nequissimtis hostis.
Propter namque fidem, bene quœ dixisse videtur,
Prœmlis excerpsit sermonihm Aureliani;
Frivola vero suo deprompsit pectore tetro,
Utjubardnficerety quodnubiia cuncta repellit.
Ergo refutetiir condempneturque malignus.
« Mais je sais que c'était un ennemi déclaré du saint; car ce qu'il
a dit de louable et de digne de foi, il l'a extrait des écrits de l'évo-
que Aurélien; mais il a tiré de son fonds mauvais des choses frivo-
(4) Nadaud, Dissertation ms. sur saint Martial (mstniiscrils du sémi-
naire de Limoges).
ETUDE HISTORIQUE SUR l'aNCIENNB VIE DE SAINT -MARTIAL. ^t9
Jes pour obscurcir ce soleil, qui défie tous les nuages. Donc il faut
réfuter et condamner ce méchant. »
Pierre-le-Scolaslique est parfaitement excusable quand il se ré-
pand en invectives contre Fauteur anonyme du « petit livre »; e(,
comme il ne doutait pas que la légende composée par le pseudo-
Aurélien ne fût réellement l'œuvre du successeur de saint Martial,
il ne pouvait tenir un langage différent. En effet, la légende du
pseudo-Aurélien entre dans des détails qui sont tout à fait à la
gloire de Tapôtre de TAquilaine; elle lui donne le litre d'apôtre et
de disciple du Sauveur; elle le fait assister aux principaux événe-
ments de la vie publique de Jésus-Christ, à la résurrection de
Lazare, à la Cène et au lavement des pieds; elle en fait un témoin
de la résurrection et de l'ascension du Sauveur; elle lui fait rece-
voir FEsprit-Saint au jour de la Pentecôte ; elle entre dans de grands
détails sur les miracles que saint Martial avait opérés à Toul, à
Ahun, à Limoges, à Bordeaux, à Morlagne, etc. Au contraire, Tan-
cienne Vie, plus sobre de détails, se borne à dire que saint Martial
fut envoyé par saint Pierre dans les Gaules, et à Limoges en par-
ticulier; qu'il ressuscita un de ses compagnons, comme l'atteste la
renommée populaire] qu'il convertit et baplisa une jeune fille, nom-
mée Valérie, laquelle, ayant refusé un mariage qui lui était offert,
fut, dit-on, mise à mort par son fiancé, encore païen. On ne trouve
dans l'ancienne Vie ni le nom des deux compagnons de saint Mar-
tial, saint Alpinien et saint Austriclinien, ni le nom du duc Etienne,
ni celui de Susanne, mère de sainte Valérie, ni ceux d'A'urélien et
d'André, prêtres des idoles, ni ceux de l'écuyer Hortarius et d'Hil-
debert, fils d'Arcadius, comte de Poitiers, etc.; on n'y trouve au-
cun de ces détails chronologiques dont la légende d'Aurélien est si
prodigue; par exemple que saint Martial était à Rome la seconde
année de l'empire de Claude; qu'il mourut après vingt-huit ans
d'épiscopat, l'an quarante après la résurrection du Seigneur, la
troisième année de l'empire de Vespasien, la troisième année de la
deux cent douzième olympiade; rien de tout cela, mais seulement
ces quelques paroles, qui offrent peu de prise à la critique : Immi-
nente jam tempore, eximius vir migramt ad Dominum. Pierre-le-
Scolastique ne devait-il pas penser que cet écrivain anonyme du
ce petit livre » était un ennemi du saint, puisqu'il passait sous si-
lence les choses glorieuses et magnifiques qu'Aurélien avait dites
en faveur de son héros?
IV. — Propter namque fidem, bene quœ dixisse videtur,
Prœsulis excerpsit gemiontbus Aureliani.
<f Ce qu'il a dit de bon et de digne de foi, il l'a tiré des écrits de
920 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DC LIMOUSIK.
révoque Aurélien. » — L'abbé Nadaud, avec son instinct profond
d'antiquaire, avait fort ingénieusement deviné, d'après ces paroles,
que <c la vie de saint Martial, dont on fait auteur son successeur,
avait quelque chose de fondé dans l'antiquité (1) i>, puisqu'elle
renfermait des traits semblables à ceux de l'ancienne Vie : c'est là,
en effet, que le pseudo-Aurélien a puisé ce qu'il raconte de la
mission que saint Martial reçoit de saint Pierre ; c'est là qu'il a
copié le discours que saint Pierre adresse à saint Martial; c'est là
qu'il a pris le récit de la résurrection d'un des compagnons de
l'apôtre de l'Aquitaine. Pierre-le-Scolastique croyait naïvement que
l'auteur du « petit livre » avait tiré ces détails de la légende d'An-
rélien; c'était tout le contraire.
V. — At plures alios qui composuere libellos
Sint licet ignoti, nam nusquam nomina ponunty
Quœ bene dixerunt, vigili sunt mente notanda :
Is maie quœ finxit, penitus debent^reprobari,
Neve rudes hominum sensus malus imbuat error;
Sunt etiam doctis raro numquamve legenda.
« Plusieurs écrivains ont composé d'autres op^iscules; et, quoi-
qu'ils soient inconnus, — car il ne mettent leur nom nulle part, —
on doit noter avec soin ce qu'ils ont dit de bien ; mais on doit
réprouver tout à fait les fictions de cet anonyme, de peur que ses
fictions ne séduisent les esprits grosssiers; et les doctes mêmes
doivent ne les lire jamais ou que très rarement. »
Les opuscules anonymes dont parle ici Pierre-le-Scolastique
nous semblent être les récits des divers miracles de saint Martial,
opérés du vu* au ix* siècle, que les Bollandistes ont publiés au
tome V* de juin {^), et dont nous avons avons trouvé une rédac-
tion différente, à la Bibliothèque nationale, dans un manuscrit du
X* siècle (3). Nous avons publié le texte de ces opuscules, en re-
gard de celui des Bollandistes, sous ce titre : Livre des miracles
de saint Martial (texte latin inédit du ix* siècle), 1889:
« On doit étudier ces opuscules, quoiqu'ils soient écrits par des
auteurs inconnus; la réprobation ne les atteint pas; elle ne doit
frapper que l'écrivain anonyme du « petit livre ».
VL — Sed quœ proposuit miracula sunt retinenda^
Testis enim verax ipsi narr avérât tHa,
« Mais les miracles qu'il rapporte doivent être conservés ; car un
témoin véridique les lui avait racontés*. »
(1] Nadaud, Mém. mss, t. IV. (Bibliothèque de M. Emile Du Boys).
(«) Acta. SS., t. V junii, p. 564-559.
(3) Fonds latin, ms. S768 a, fol. 81-90.
ÉTUDE HISTORIQUE SUR L^ANCIENNC VIE DE SAINT MARTIAL. t%\
Pour bien comprendre le sens de ces paroles, il faut savoir que
TancienneVie de saint Martial se compose de deux parties; la pre-
mière, qui renferme un récit court et substantiel de la vie du saint;
la seconde, où sont rapportés les plus anciens miracles opérés à
son tombeau. « Prescrivez cette vie I conservez ces miracles I », avait
dit Pierre-le-Scolastique. Cette recommandation a été si bien ob-
servée, qu'on ne trouve plus d'exemplaires de la première partie
du « petit livre », tandis que la seconde se trouve dans quelques
manuscrits (1), et a été publiée par les BoUandistes sous ce titre :
a Quelques plus anciens miracles opérés au tombeau de saint Martial :
— Antiquiora aliquot {miracula) patrata ad sepulcrum (2). Avant
eux, le P. Bonavenre avait trouvé et mis à profit un manuscrit de ces
anciens miracles (3); et son contemporain, le chanoine CoUin, disait:
« La Providence divine m'a fait rencontrer quantité d'anciens lam-
beaux d'un vieux manuscrit in-folio, parmi lesquels j'ai trouvé la fin
de la Vie de saint Martial^ dont le temps a consommé le commencement
et un cayer de ces miracles" que je desirois de voir avec tant de
passion. Ces lambeaux paroissent avoir été écrits il y a plus de huit
cents ans (4). » — Etait-ce le temps qui avait déchiré la vie de saint
Marlial qui précédait ces miracles? N'étaient-ce pas plutôt les dis-
ciples de Pierre-le-Scolastique? Les BoUandistes, qui ont publié la
seconde partie du « petit livre », n'avaient pas trouvé non plus la
première partie : on voit que c'était un parti pris de déchirer
cette ancienne Vie si injurieuse, en apparence, à Saint-Martial.
Vil. — Nec tamen antiquo curavit credere lihro,
Vulgari famœ tribuens ea quœ referebat.
« Et cependant il n'a pas pris soin de s'appuyer sur l'autorité
d'un ancien livre, attribuant à la renommée vulgaire les faits qu'il
racontait. »
C'est là ce qui faisait Fétonnement de Pierre-le-Scolaslique.
Pourquoi l'auteur du « petit livre », au lieu de citer le témoignage
d'Aurélien, ou de quelque ancien auteur, s'appuie-t-il sur la re-
nommée et sur la tradition populaire ?
C'est là, en effet, ce qui caractérise l'ancienne vie de saint Martial
et qui en fait le mérite. L'écrivain anonyme qui l'a composée n'avait
garde de citer le pseudo-Aurélien, qui n'est venu qu'après lui, il a
consulté la voix publique, la tradition, et il a écrit son récit d'après
(1) Bibliothèque nationale, ms. 536S, fol. 34 v* — 44.
(2) Acta SS., t. V junii, p. 553.
(3) P. BoiiAVEiiTURE, t. 11, p. 615 et suiv.
(4) Vîea des Saints du Limousin, 1679, p. 25â.
âîi ' SOCIÉTÉ AR<CHiOLOGlQVB BT DiSTOftfQUB DC UMOUSI^r.
les soiivenirs traditionnels. Voilà pourquoi, en parlant de la résur-
rection d'un des compagnons de saint Martial, il s'exprime ainsi :
« Ce qui arriva, comme l'atteste la renommée populaire, » — Quod
lia factum est, ut vulgi fama testatur. Voilà pourquoi, en parlant
de sainte Valérie, il s'exprime en 'ces termes : Une jeune fille,
nommée Valérie, comme on dtf, issue de noble race,— Puellaquœ-
dam, nomine Valeria, ut aiunt, nobilis orta natalibus : — et en par-
lantde son martyre, il s'exprime de la sorte, et elle fut mise à mort,
comme on rapporte, par son fiancé encore païen ; et ut postea
fertur^ à spomo suo^ adhuc gentili, interempta fuisse,
VIll. — Magna que vix tangens, contendit condere lumeUy
Et curtus verbis^ animum celare nequivit.
« Il effleure à peine les traits principaux de la vie de saint Martial,
et il s'efl'orce de mettre cette lumière sous le [boisseau, et dans la
brièveté de son récit, il n'a pu cacher son mauvais dessein.
C'est là le reproche capital que Pierre-le-Scolastique adresse à
l'auteur du « petit livre ». Et, en effet, parmi les miracles opérés
par saint Martial de son vivant, cet écrivain se borne à raconter
la résurrection d'un de ses compagnons, et passe sous silence les
autres résurrections elles autres miracles opérés par saint Martial.
On voit que tous les griefs dont il se plaint sont autant de traits
distinctifs qui caractérisent l'œuvre, et ne laissent aucun doute sur
ridentité et l'antiquité de cette pièce importante, que nous avons
eu l'heureuse chance de retrouver après neuf siècles d'oubli.
CHAPITRE IL
Il nous reste maintenant à établir l'antiquité de cette vie ano-
nyme de saint Martial et de montrer en particulier qu'elle est an-
térieure à Grégoire de Tours.
!•* Ce qui montre tout d'abord l'antiquité de la légende anonyme
de saint Martial, c'est qu'elle est antérieure à la légende apocry-
phe du pseudo-Aurélien. Dès le commencement du xi'' siècle, c'était
là un fait reconnu par quelques érudits, et Benoît de Cluse soute-
nait avec raison contre le fougueux Adémar que celte ancienne Vie
de saint Martial, que l'on croyait avoir été perdue dans l'incen-
die du monastère, était antérieure à la légende d'Aurélien, chau-
dement patronëe par son antagoniste. Il suffit, en effet, de jeter un
coup d'oeil sur cette ancienne Vie pour se convaincre qu'elle a été
composée d'après la tradition orale, alors qu'il n'y avait rien d'écrit
ÉTUDE mSTqftlDUE SUR J," ANCIENNE VIE DE SAINT-HAUTIAL ?33
sur sainJ^Martial. Voici, par exemple, conuDent s'exprime Vauteur
de cette ancienne Vie, à propos de la résurreclion d'un des com-
pagnons du saint évêque : « Ce qui arriva, comme l'atteste la renom-
mée populaire : » Quod faetnm est, ut vulgi faina testatur. Evidem-
ment cet écrivain ne se serait pas appuyé sur la renommée, s'il
avait pu s'appuyer sur l'autorité d'Aurélien. Dans un autre passage,
il s'exprime de la sorte : Une jeune fille, nommée Valérie, comme
on (Ut » — puella qnœdam^ nomme Valeria, ut aiunt : » plus loin
encore : « Et ensuite, comme on le rapporte, Valérie fut mise à
mort par son fiancé, encore païen : et ut postea fertur, a sponso
8U0, adhuc gentili, interempta fuisse. Voilà pourquoi Pierre-le-Sco-
lastique avait remarqué avec un certain étonnement que Fauteur
anonyme du « petit livre » ne s'appuyait sur l'autorité d'aucun au-
teur ancien, mais attribuait à la renommée populaire les faits
qu'il racontait :
Nec tamen antiquo curravit credere libro,
Vulgari famœ tribuens ea quœreferebat.
Cela ne nous montre-t-il pas que la vie de saint Martial n'avait
pas encore été écrite, alors que cet auteur anonyme entreprit de
la rédiger ?
Du reste, il est incontestable que cette ancienne Vie de saint Mar-
tial a servi de point de départ, de fonds et de canevas^ pour ainsi
dire, à la légende du pseudo-Aurélien. Quand on compare ces deux
pièces, on voit que ce n'est pas cet auteur anonyme qui « a puisé
ce qu'il dit d'exact dans les écrits de l'évéqueÂurélien», comme
Pierre-le-Scolastique l'en accuse, mais que c'est au contraire le
pseudo-Aurélien qui a puisé dans l'auteur anonyme le fond de son
thème, qu'il a augmenté et embelli en y ajoutant le récit d'autres
miracles, d'autres traditions populaires, des noms réels ou fictifs,
et des détails de pure imagination. C'est ainsi qu'il appelle par
leur nom les deux compagnons de saint Martial, que l'auteur ano-
nyme ne nomme pas; c'est ainsi qu'il désigne le lieu d'£/5ô, en
Italie, comme étant la localité où saint Martial a ressuscité l'un de
ses prêtres. En thèse générale, les actes les plus courts sont les
plus anciens, et c'est une remarque judicieuse de Tillemont, « que
ces sortes d'ouvrages vont plutôt en augmentant qu'en diminuant,
csmme on le voit par expérience (1) ».
Or, la légende du pseudo-Aurélien a été écrite au plus tard dans
la seconde moitié du vi* siècle, comme le prouvent les vers que
Fortunat a composés sur cette légende, vers que le dernier éditeur
(1) TiLLEMONT, Mémoires^ etc., t. H, p. 551.
> •
S24 SOCIÉTR ARGHÊOLOGIQUR RT HISTORIQUE DU UMOUSIIV.
de Fortunat, en Allemagne (1), a rangés parmi les apocryphes,
mais dont nous démontrerons de nouveau Tauthenticité à la fin de
ce travail; et comme la Vie anonyme de saint Martial est antérieure
à la légende du pseudo-Aurélien, il suit clairement qu'elle date au
moins de la première moitié du vi* siècle.
IL — De plus, en étudiant les caractères intrinsèques de cette
ancienne Vie, on ne peut s'empêcher de reconnaître qu'elle res-
semble parfaitement aux légendes authentiques de cette époque et
notamment à celles que Fortunat et Grégoire de Tours nous ont
laissées. Le prologue, dont le style accuse l'âge de transition de la
période romaine à celle du moyen-âge, est dans le genre des pro-
logues de ce temps-là (2) ; la division en deux parties, Tune consa-
crée à la vie du saint proprement dite, Tautre aux miracles opérés
après sa mort, se trouve dans la Vie de saint Hilaire de Poitiers,
écrite par Fortunat (3); le môme auteur, qui a rédigé la vie de saint
Chamant, évéque de Rodez, lui a donné pour titre : Vita cum mira-
culis (4) ; la conclusion de cette vie de saint Martial est conçue dans
les mêmes termes que celles de plusieurs légendes de Fortunat et
de Grégoire de Tours (5); puis, dans le récit des miracles opérés
au tombeau de saint Martial, les formules qui servent de transition
d*un miracle à l'autre sont à peu près les mômes que celles qu'em-
ploie Fortunat, comme on peut s'en convaincre en vérifiant les
citations que nous faisons à la fin de chacune de ces formules : —
Nec etiam quod operœ pretium occurit omittendum est (6) ; — Adji-
ciendum est etiam quod per eumdem Dominus operatus est (7) ; —
Jungatur operi quod prœsens testatur auctoritas (8).
De plus, on trouve dans cette ancienne Vie des expressions par-
ticulières à l'époque romaine : par exemple, poar désigner l'église
de saint Martial, l'auteur anonyme se sert de cette expression :
(1) Fridericus Léo» Monumenta Germaniœ hlstorlca^ t. IV, pars. 4,
p. 382. — Berolini, «881.
(2) Voir dans Fortunat le prologue de la vie de saint Chamant. (Patrolog,,
t. LXXXVIIl, col. 513).
(3) Patrolog., t. LXXXVIIl, col. 439, 448.
(4) IbLd,, col. 543.
(5) Fortunat, Légendes de saint HUaire de Poitiers et de saint Aubin
d'Angers. (Patrolog,, t LXXXVIIl, col. 448, 486. — Grégoire de Tours,
Historia septem Dormientium^ édid. Ruinart, col. 1983.
(6) Est operae pretium illud memoriaetradere, etc. (Fortunat, Patrolog,^
t. LXXXVIIl, col. 462 : voir encore col. 464, 469, 484, 538, 546.
(7) Fortunat, ibid,y coL 557 558.
{«) Id . ibid,, 509, 553.
ÂTUDB HlSTORIQUR SUR L^ANCIENNV VIE DE SAINT KARTlAL. 225
beativifi memoria (1) : c'est uae expressioa' usitée au V siècle pour
désigaer les églises, comme on le voit par divers passages de saint
Augustin : Nos autem martyribm nostris, non templa sicut diU, sed
Memorias sicut hominibus mortuisy quorum apud Deum vivunt spiri-
tus, fabricamus : nec ibi erigimm altaria, in quibus sacrificemus
martyribuSy sed uni Deo et martyrum et nostro (2). Et encore :
Ostendatar mihi Romœ in honore tanto templum Romuli in quanto
ibi ostendo niemoriam Pétri (3). — Et encore : Imper ator venit Ro-
mam, quo festinat t ad templum imperatoris, an ad memoriam pis-
catoris (4) ? On trouve la môme expression employée en ce sens
dans la première partie du Liber pontificalis : « Hic {Anacletus) ine-
moriam beati Pétri construxit (8).
Ajoutons que Fauteur de la vie de saint Yrieix, qui écrivait peu
de temps après la mort du saint (591), semble avoir emprunté à
l'ancienne Vie de saint Martial la phrase suivante : Adjiciatur operi
res adjecta mysteriis (6) : et saint Ouen, dans sa vie de saint Eloi,
y a pris mot pour mot cette phrase : Solet enim pertinax cervicosi-
tas populorum ut aliqua sibi objecta crimitia sacramentis expiare
contendat (7).
m. — On pourrait objecter que c'est l'auteur de l'ancienne Vie
de saint Martial qui a tiré cette phrase de la Vie de saint Eloi, jécrite
par saint Ouen au vir* siècle ; mais nous avons d'autres preuves
que les miracles rapportés dans cetle ancienne Vie ont été écrits
antérieurement au vu" siècle.
En effet, les Bollandistes ont publié, au tome V* de juin, plu-
sieurs opuscules des miracles de saint Martial, réunis dans le môme
manuscrit, mais rédigés à des époques différentes. Or, le premier
de ces opuscules, auquel ils ont donné ce titre : § I. Quelques
miracles plus anciens opérés au sépulcre (8), n'est pas autre chose
que la seconde partie de la Vie anonyme de saint Martial, où sont
(1) Corde medilalus est bcali viri memoriam expelere(iu(niniraculum}.
(i) De cioUate Dei, lib. XXII, cap. \0. (Patrolog., t. XLI, col. 772).
(3) In psalm. XLIV. {Patrolog., t. XXXVI, col. 509).
(4) In psalm. CXL. {Patrolog., t. XXXVII, col 1830.
(5) Patrolog., t. CXXXVII, col. 1115.— Voir ibid.y les notes sur ce
mot memoria,
(6) Intér opéra Gregorii Turonkns, {Patrolog,, t. LXXI, col. tlî5. —
Texte de la vie de saint Martial : Addatur et illud quod poteat ad/unyi
mygteriis (XII miraculum).
(7) Vita S. EUgU, pars. Il, cap. LVI. {Patrolog,, t. LXXXVII, col. »80.
(K) Antiquiora aliquot (miracula) patrata ad sepuicrum. {Acta S S., t. V
junîl, p. 553).
I ■/
f
tle SV)CléTfc àMaÈOLCUilQXJK tT ffTSfORlQbE Dti tlMOtiSITC.
relatés' les* plus anciens miracles opërés à son' tombeaa.' G*est à
' à ràide de ce premièc opascule, publié par les BoUandistes^ que
nous avions pu, dans la première édition de cette Vie, combler les
lacunes et corriger les défectuosités de notre manuscrit. Les opus-
cules suivants, auxquels les Bollandistes ont donné ce titre : Mira-
cles éqrits aux vn% vin® et ix* siècles (1), renferment le récit d'autres
miracles opérés depuis le vn« siècle jusqu'au ix', et le premier mi-
racle qu'on y raconte se rattache à Télection de saint Loup, qui eut
Heu sous Clotaire, en 614. Le P. Papebrock, dans son manuscrit,
avait trouvé ce§ opuscules réunis sous le même titre, mais, ayant
remarqué la conclusion qui termine le premier opuscule et le préam-
bule qui commence le second, il avait conjecturé que ces deux par-
lies de son manuscrit n'étaient pas du môme auteur, et que la ,,
première partie, indépendante de la seconde, avait été écrite aupara-
vant (2) : il avait deviné juste. En effet, en faisant des recherches
à la Bibliothèque nationale, nous avons trouvé dans le manuscrit
2768 A, fol. 81, ce second opuscule, détaché du premier et trans-
crit séparément; comme le style de ce manuscrit est différent de
celui qu'ont publié les Bollandistes, nous avons publié les deux
recensions en regard, sous ce litre : Livre des miracles de saint
Martial {texte latin inédit du ix* siècle) (3). Donc le premier opus-
cule, qui n'est autre chose que la seconde partie de la Vie anonyme
de saint Martial, est antérieur, par la date et la rédaction, aux mi-
racles suivants, écrits, d'après les Bollandistes, de 614 à 855 ; et
c'est pourquoi, avant de savoir que cet opuscule n'est que la
seconde partie de l'ancienne Vie, nous avions dit qu'il nous parais-
sait avoir été écrit au vi* siècle (4). La Vie anonyme de saint Martial,
dont ce premier opuscule n'est qu'un extrait, est donc anlérieure à
l'an 614, et doit être attribuée au vi« siècle.
IV.— Ily aplus: cette Vie anonyme de saint Martial est antérieure
à Grégoire de Tours, car c'est là que cet historien a puisé le récit de
trois miracles qu'il raconte dans son livre de la Gloire des confesseurs.
Dans ce livre, il a consacré trois chapitres à saint Martial. Il dit
dans le premier chapitre que saint Martial avait été envoyé par les
évêques de Rome, dont il n'indique pas le nom, (sanctus Martialis
episcopus à Rotyianis missus episcopisj ; il ajoute que ce pontife,
« après avoir renversé les statues des faux dieux et aboli leurs
rites, après avoir rempli la ville de Limoges de la foi au vrai Dieu,
(1) Miracula sœculo'Vn, VHI, IX scripta. (Ibid., p. 654).
(i) Acta SS,, t. V junii, p. 556.
(3) Paris, 1889, Uaton, rue Bonaparte, 35.
(4) Dissertation sur l'apostolat de saint Martial, p. 57.
&TUDG .HISTQA1QP£ aUI^ L'ARaENNe VK QB SAWT MARTIAL. t37
,, sortit de ce. monde fmigravit a mculo) ?). Il dit 4e pl«is;« qu'il y
• avait avec loi deux prêtres qu'il avait amenés avec lui d'Orient
, dans la Gaule fquos secum ab Oriente adduxit in GalliamJ; et lors-
qu'ils vinrent à mourir, leurs sarcophages furent réunis, et ils
furent ensevelis dans la môme crypte que le saint évéque ; l'un était
près de la muraille, l'autre lui élait contigu, mais leurs tombeaux
n'étaient pas relevés de terre et Ton ne pouvait, à cause de cette
juxtaposition, ni étendre une nappe fpalaj, ni allumer de flambeau.
Comme les habitants du lieu voyaient cela avec peine, il arriva
qu'un matin, en entrant dans la crypte, ils trouvèrent les sépulcres
placés dans des murs différents; et ainsi l'accès à chaque sépulcre
fut libre; et il fut manifesté clairement que le bienheureux pontife
devait être vénéré comme un serviteur du vrai Dieu ». Mettons en
regard le lexte de l'ancienne Vie et celui de Grégoire de Tours.
YlTA S. Martialis.
Prefbyterl^ qui cum codem ad-
venerani, supersiilcs remanserunl;
ac, ubl completl sunt dies^ ut et
Ipsl migrarenta^œcaZo, ineodem
loco quo bealus tumulariam me-
mit sepulluram, et ipsi sepulti
8unt,..
Et ita factum est, ut redcunti-
bus populis coDsuelse orationi
vacare, inoentœ eunt separatœ ab
Inoicem sepulturœ aique discretœ,
ul patcfieret populis, quo tumulo
pontifex clauderctur.
GrBGORIUS TORONENSIS.
Erant iunc (cmporis cum co
duo presbyte riy quos secum ab
Oriente adduxil in Galliam : vcrum
ubi complet i sunt dles oorum, ut
et ipsi vocarenlur de hoc sœcalo^
conjuDCtis sarcophagis. In eadem
crypta in qua sanclus episcopus
sunt sepulti,,,
Quod cum incoiae loci moleste
fcrrcnl, quodam mane accedentes
a<l cryptam Inoenerunt sepulcra
dioersis parietibus esse locata ; et
sic acccssns liber ad utrumque
scpulcrum paluit, et qnalilcr
beatus antistcs utcultorDei vene-
raretur eniluit.
Dans le chapitre suivant, Grégoire de Tours raconte la guérison
d'une jeune fille dont la main était paralysée, dont les doigts
étaient rentrés dans la paume, et qui, ayant confiance dans la vertu
du saint confesseur, lequel avait délivré le peuple des vaines
pratiques d'un culte superstitieux, célébra la Vigile dans la nuit de
sa fête, et qui, eu^ priant devant son tombeau, fut tout étonnée de
voir sa main guérie en présence du peuple.
C'est là le premier miracle raconté dans l'ancienne Vie : Puella
quœdam, cum manus unitis officia caruisset, in tantum ut ungularum
transfoderetur palma acumine,,. Quod miraculum, astantibus po-
pulis qui ad ejm festivitatem adfluxerant^ operatum est.
Dans le troisième chapitre, Grégoire de Tours raconte la guérison
d'un homme qui, après avoir prêté un faux serment dans une
église, était devenu muet : sa voix ne ressemblait plus à une ,voix
928 SOCIÉTÉ ABCHiOLOGIQDB BT HISTORTQUB DU LIIOUSIN.
humaine, mais à un bêlement de brebis. S'étant prosterné pour
prier devant le tombeau du saint, il sentit comme une main qui lui
touchait le gosier, et ayant fait signe au prêtre qui était là de lui
faire le signe de la croix sur la bouche, il recouvra Tiisage de la
voix, et raconta tout ce qu'il avait souffert.
L'auteur de la vie de saint Martial raconte ce miracle en termes
presque identiques, comme on peut s'en assurer en comparant les
deux textes que nous mettons en regard :
ViTA S. Martialis.
Solet enim pertinax cervicosUas
populorum ut aliqua sibi crimina
sacramentis expîare contendat...
Mox rigente lingua^ ita os ejus
rescratum est, ut nequaquam
mendacii sui potuisset exercere
action e m, aed quasi balatum
ooium vocibua similaret, Adoe^
niens autem ad hufus confeasoris
tumulum prosternit se ad oratio-
nem. Ubi, cum diutius jacuisset,
ianquam si guttur ejus aliquU
tangeret, ei visum est. Qui,
innuena preabytero^ cui ibidem
offîcii fuerat agendi cura com-
missa, manu oatendit ut gutturi
auo algnum crucla infigeret, Quo
facto, prostraoit se homo ille,
vacans orationL Qui, cum eleca-
tua fuisset a pavimcnto, reddlto
oocia officiOy omnia quœ sibi acci-
derant proprlo populia patefecit
eloquio.
GreGORIUS TURONSIfSIS.
Quidam eloquium meruit hoc
modo Hic elenim, ut cruda opera-
tur ruaticUaa populorum, jura-
mcntum mendax in ecclesia pro-
tulit. Mox rigente lingua, mutus
effectus est, ita ut non vocis
humanœ, sed bidentia mugitum
aimulare oideretur. Adoeniens
autem ad hujua confeaaoria tumu-
lum, proaternitur ad orationem^
sensitque, ut postca asserebat,
tanquam ai aliquia guttur ejus
tangeret; quod, ut credo, virlus
erat dominicl confessons. Egres-
susque, preabyterum qui aderal,
nutu deprecabatur^ ut algnum
cruels fauclbua aula imponeret :
quod cum preabyter feciaaet^ itc-
rum proaternitur ad orationem;
proiinusque elevatua, oocis offi-
elo reddlto, omnia qu» pertule-
rat proprio patefecit eloquio.
Evidemment, ou bien Grégoire de Tours a puisé le récit de ces
trois miracles dans la Vie anonyme de saint Martial, ou l'auteur de
cette Vie a emprunté à Grégoire de Tours le récit de ces trois
miracles. De quel côté se trouve la vérité? nous affirmons de nou-
veau ce que nous avons dit ailleurs : Grégoire de Tours a pris le
récit de ces trois miracles dans l'ancienne Vie de saint Martial.
Deux savants allemands, dans une édition récente de Grégoire de
Tours (1884), MM.W. Arndt et Bruno Grusch ont cité notre opinion
à ce sujet, et tout en accordant que cette ancienne Vie et les mira-
cles qui y sont racontés ont été écrits peu de temps après Grégoire
de Tours, ils adoptent plutôt l'opinion que c'est l'auteur de cette
/
ÉTUDE HISTORIQUE SUR L^AMCIRNNR VIR DE SAINT MARTIAL. %99
aBcienne Vie qui a empruaté à Grégoire de Tours le récit de ces
Irois miracles (i).
Nous eo demandons pardon à la critique allemande^ mais elle
nous paraît ici en défaut. Prétendre qu'un écrivain limousin est
allé emprunter à Grégoire de Tours le récit de miracles opérés ^
Limoges, c'est aller contre toute vraisemblance. C'est comme si on
disait que Grégoire de Tours est venu chercher en Limousin le
récit de miracles opérés en Auvergne. Ces miracles étaient natu-
rellement écrits sur place, dans les lieux où ils avaient été opérés.
Est-ce que les autres miracles qui suivent n'ont pas été écrits h
Limoges? Serait-ce, par hasard, que, à cette époque, il n'y avait
pas d'autre écrivain que Grégoire de Tours? Comment soutenir
cette opinion quand on convient, du reste, que ces miracles ont été
écrits peu de temps après Grégoire de Tours?
Mais, objecte ra-t-on, si Grégoire de Tours a connu Fancienne
Vie de saint Martial, comment n'a-t^il pas adopté la date qu'on
trouve dans celte ancienne vie? Comment n'a-t-il pas dit que saint
Martial avait été envoyé par saint Pierre?
Nous répéterons ici ce que nous avons dit ailleurs (2). Grégoire
de Tours n'a pas voulu contredire ce qu'il avait avancé dans son
Histoire des Francs (ch. XXVIII). Après avoir adopté pour la
mission des sept évéques (et par conséquent de saint Martial) la
date qu'il avait trouvée dans une passion interpolée de saint Satur*
nia (mais qui ne regardait que cet évéque), c'est-à-dire le consulat
de Dèce et de Gratus, il ne pouvait se mettre en contradiction avec
lui-même. Que fait-il? Il reste dans le vague : « Saint Martial, dit-il,
envoyé par les évéques de Rome ». Quels sont ces évéques? Il ne
le dit pas, et pourtant, la première année de l'empire de Dèce,
révoque de Rome était saint Fabien.
Par ces évéques de Rome, a-t-il voulu désigner, comme quelques
savants l'ont pensé (3), a-t-il voulu désigner saint Lin et saint Clé
{{) Miracula quœ Gregorius subjecit, ex hoc ipsa viia fluxisse. Aebellot,
Documents inédits sur l'apostolat de saint Martial, Paris, f860, p. 33,
staluit ; scd è Gregorio potius vilae scriptor profecil^ qui bldentis mugitum
in f^alantem ooium oocem sententiam, sensliquc, ut poslca adscrobat.
tanquaoi si aliquis gollur cjus tangeret, in illam tanquam si gutiur ejus
aiiqiiUf t€tngerei. Quamquam miracula non adco multo tempore posi Gre-
goriam composila esse conccdo. (Monumenta Germaniœ hlstorica, —
Seriftores Rerum Merooingicarum^ Gregor. Turon,, Hanocverae, 1984,
p. 765, note 1.)
(2) l^es Sources de ^histoire des origines chrétiennes de la Gaule dçuis
Grégoire de Tours, 1890, p. SI.
{Z)Ap,VRA:iCisc.?JiGi,Breoiariuniponti/ic, /2o/na(i, t. IV, p. \9, n. xxxiii.
T. XXXIX. 16
^30 SOCIÉTÉ ARCHÊOLOGIQI'E ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
ment, ou saint Clément et saint Clet, que quelques anciens écrivains
de TEglise latine ont prétendu avoir siégé ensemble? Ce qui pour-
rait le faire supposer, c'est que, en parlant de saint Eutrope de
Saintes, il dit qu'il avait été envoyé par saint Clément (1). Or saint
Eutrope avait dû passer à Limoges pour se rendre à Saintes, et le
Limousin avait reçu la lumière de TEvangile avant la Saintonge.
Si cette interprétation n'est pas admise, quels sont ces évéques?
Grégoire de Tours n'en sait rien. Ce sont aussi bien des évéques
du 1" siècle que du nv. Donc cet historien avoue son ignorance, et
reconnaît, par cela même, l'incertitude de la date qu'il a assignée
une fois à la mission des sept évéques, savoir, la date du consulat
de Dèce et de Gratus (250), date complètement invraisemblable et
contredite par de nombreux documents anciens.
CHAPITRE m.
VALEUR HISTORIQUE DE L ANCIENNE VIE DE SAINT MARTIAL.
Quelle est la valeur historique de l'ancienne Vie de saint Martial ?
Nous* n'avons rien de plus ancien sur l'apôtre de TAquitaine, et
nous devons voir dans cette ancienne Vie un écho fidèle de la tra-
dition immémoriale de l'Église de Limoges. Un savant peu suspect
en la matière, puisqu'il a soutenu le système de Grégoire de Tours
et révangélisation tardive des Gaules, M. l'abbé Chevalier a dit de
cette ancienne Vie : « Le plus ancien document, et le plus grave, à
notre avis, est la Vie assez courte découverte par M. Arbellot à la
Bibliothèque Impériale et publiée par lui dans ses Documents iné-
dits sur Vapostolat de Saint-Martial. On n'y voit aucune des circons-
tances manifestement fabuleuses introduites dans la légende du
faux Aurélien, et c'est là une pièce sérieuse et vraiment digne de
l'histoire. On y lit que saint Pierre envoya Saint-Martial à Limoges.
Cette mention serait d'un grand poids si elle était antique ; mais le
manuscrit est du x* siècle (1).
Qu'importe que le manuscrit ne soit que du x* siècle, si la pièce
elle-même est antérieure, comme nous l'avons montré, à Grégoire
de Tours ?
La Vie anonyme de Saint-Martial est l'expression la plus
(I) Grbgor. Turon., De gloriaMartyrum. cap. LVI, edit. Ruinart, p. 786.
— Patrolog.f t. LXXI, col. 756.
{%) Lee Originea de V Eglise de Tours , 4874, p. 480.
RTDDK HISTORIQDB SUR l'aNCIRNNR VIE DE SAINT MARTIAL S31
ancienne, la plus authentique de la tradition locale sur Tépoque de
la mission de l'apôtre de l'Aquitaine. On n*a aucun motif de sus-
pecter la bonne foi de l'écrivain qui l'a rédigée. Tout, dans cette
Vie, respire la sincérité. Or, cette ancienne Vie dit que Saint-Mar-
tial a été envoyé, non pas par le siège de Rome, mais personnelle-
ment par saint Pierre, dont elle cite les paroles et les actions à
celte occasion. Donc ou l'histoire doit-être muette sur la date de la
mission de Saint-Martial, ou elle doit dire que, selon la tradition
locale, antérieure à tout autre récit, Saint-Martial a été envoyé par
saint Pierre lui môme.
M. l'abbé Duchesne, dans son mémoire récent sur YOrigine des
sièges épiscopaux dans V ancienne Gaule (1) refuse toute valeur,
môme traditionnelle, aux légendes des saints qui les premiers ont
prêché révangile dans notre pays. Citons ses propres paroles :
« Les légendes offraient un ensemble plus imposant : leur nombre,
leur concordance apparente — apparente seulement — ne lais-
saient pas de faire impression sur les personnes qui, pour une raison
ou pour une autre, n'étaient pas en situation de se rendre compte
de leur véritable valeur Iradilionnelle.
« Aujourd'hui, il est manifeste que cette valeur tradilîonnelle
est entièrement nulle ; que toutes les compositions [dont il s'agit
sont postérieures, et quelques-unes de beaucoup, à Tavènement
de Charlemagne ; qu'elles s'inspirent, non de souvenirs antérieurs,
mais de prétentions présentes et d'intérêts de clocher. Elles n'ont
pas môme ce degré inférieur d'autorité qui s'attache aux traditions
populaires à quelques siècles des événements. Ce ne sont que des
conjectures artificielles, des fictions de lettrés. En tenir compte,
c'est aller contre les règles les plus essentielles de la méthode
scientifique ; il n'y a pas même à discuter avec les personnes qui
s'autorisent, dans la question présente, à de semblables docu-
ments (2). »
Nous avons été fort étonné de lire, au bas'des lignes qui précè-
dent, la signature del'éminent professeur d'histoire ecclésiastique
à l'institut catholique de Paris. Il nous a semblé que, tenir un pareil
langage, c'était manquer de mesure et, qui plus est, manquer de
critique. C'est là ce que nous allons prouver.
M. l'abbé Duchesne dit, en parlant de la valeur traditionnelle de
ces légendes :
(1) Dans le Bulletin des Antiquaires de France^ t. X. 1890, p. 337-
416.
(2) Ibid, p. 338.
S32 SOCIÉTÉ AECRÉ0L0G1QUR RT BISTORtQUB Wi LIMOUSIN.
' « Aujeurd^hui il est manifeste que cette valeur traditionnelle est
entièrement nulle. »
Nous ne voyons pas qu'aujourd'hui on ail prouvé la nullité de
cette valeur traditionnelle, et nous ue connaissons personne qui ait
fait cette démonstration. Bien au contraire, on a démontré aujour-
d'hui la valeur traditionnelle de quelques-unes de ces légendes, et
nous-môme nous avons consacré un article à ce sujet dans nos jDocm-
ments inédits sur Vapostolat de saint Martial.
En refusant aux légendes de nos premiers évoques toute valeur
tradilipnnelle.M. l'abbé Duchesne se montré critique plus exigeant
qu'un académicien, peu suspect, du dernier siècle, nous voulons
parler de Fréret, secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscrip-
tions et Belles-Lettres : « Les anciennes histoires, dit-il, celles
môme qui n'étaient fondées que sur la simple tradition, ont, à ce
que je crois, un certain degré de certitude, moins fort à la vérité que
celui des histoires contemporaines, mais tel cependant que, malgré
rélaigneraent des temps et des lieux, qui nous cache une partie
des circonstances, et qui altère souvent la vérité de plusieurs autres,
les esprits vraiment justes ne se croient point en droit de les rejeter
enlièrement, pour le gros des faits, lorsqu'ils n'ont point de preuve
positive de leur fausseté (1).
Peut-être M. l'abbé Duchesne a-t-il confondu la valeur historique
et la valeur traditionnelle ; mais nous les avons parfaitement dis*
tinguées. « Il y a, avons-nous dit, entre la valeur historique et la
yaleur traditionnelle, la même différence qu'il y a entre la certitude
et la probabilité ; enlre le plein jour et le crépuscule. Si M. l'abbé
Duchesne ne veut pas reconnaître à ces anciennes légendes ce
certain degré de certitude dont parle Fréret, nous ne voyons pas
pourquoi il leur refuserait un certain degré de probabilité, et c'est
là ce que nous appelons une valeur traditionnelle, si ce n'est pas
certain comme de l'histoire, c'est au moins probable comme une
tradition.
' Ecoutons sur ce point un savant qui a fixé avec un coup d'œil
judicieux les règles de la critique moderne ; « Ces traditions res-
pectables, dit le P. Honoré de Sainte-Marie, n'étant que des opi-
nions, tiennent le milieu enlre les faits certains et ceux qui sont
supposés... Les historiens qui ont écrit avec le plus d'exactitude
n'ont pas manqué de démêler ce qui est probable d'avec ce qui est
visiblement faux ; s'ils ont supprimé les narrations fabuleuses, ils
n'ont pas négligé les faits historiques qui ont de la vraisemblance,
(«) Aiém. Acad. Bell. Lett., t. iV, p. 453.
ETUDE HI9T0MQUB SUR l'aNCIENNE VIS DR SAINT MARtlAL. ^33
et ils ont cru qu'ils pourraient trouver place dans leurs ouvrages (I ).
En refusant aux légendes des fondateurs de nos églises loule
valeur traditionnelle, M. Tabbé Duchesne sape par la base le sys-
tème de l'école historique à laquelle il se fait gloire d'appartenir.
Cette école s'appelle historique, parce qu'elle s'appuie sttr Grégol4*e
de Tours, le père de l'histoire de France. Or, Grégoire de Tourè,
qui vivait dans la seconde moitié du vi* sièele,|avait-il autre chose
pour écrire, à quatre ou cinq siècles de distance, les origines chré-
tiennes de la Gaule, avait-il autre chose que des légendes ou des
souvenirs légendaires? non sans doute. C'est avec des légendes
écrites avant lui qu'il a parlé de saint Saturnin de Toulouse, de
saint Ursin de Bourges, de saint Martial de Limoges, de saint-
Privât de Monde ; c'est-à-l'aide de souvenirs légendaire qu'il attri-
bue au pape saint Clément la mission de saint Eutrope de Saintes^
qu'il parle de cette matrone de Bazas qui était allée à Jérusalem
recueillir le sang de Saint-Jean -Baptiste, etc. Or, par quelle trans-
formation merveilleuse, ce qui était légendaire avant lui, est-il
devenu historique après lui ? Pourquoi, si vous reconnaissez aux
légendes de Grégoire de Tours une valeur historique, refusez-vous
aux autres légendes une valeur traditionnelle ? Pourquoi êtes-vous
plus sévères que l'Eglise, qui, en insérant dans le bréviaire romain
les légendes de saint Denys de Paris et de sainte Marthe, a reconnu
à ces légendes au moins une valeur traditionnelle?
Continuons, « il est manifeste que tontes les compositions dont il
s'agit sont postérieures à V avènement de Charlemagne, »
C'est donc au ix* siècle ou à la fin du vni* qu'il faudrait placer la
composition de toutes ces légendes : il est facile de démontrer Tinex-
acUtude de cette assertion ; par exemple : est-ce que l'ancienne
Vie de saint Martial, où Grégoire de Tours a puisé les trois miracles
qu'il rapporte, n'est pas antérieure à l'avènement de Charlema-
gne ? Est-ce que la légende apocryphe de saint Martial, par le
psendo-Auréiien, sur laquelle Fortunat a composé des vers dont
nous avons prouvé Tauthenticité (2), est postérieure à l'avènement
de Chartemagne ? Est-ce que la légende de saint Ursin de Bour-
ges, que Grégoire de Tours a reproduite dans son Histoire des
Francs, est postérieure à l'avènement de Charlemagne ? Est-ce que
Fancîenne passion de saint Denys qui figure dans les œuvres de
Fortunat et d'après laquelle ce poète a composé son hymne sur
saint Denys, n'est pas antérieure à l'avènement de Charlemagne (3)?
(\) Réflexions .<ur les règles et sur l'usage de la critique^ l. II, 1717,
p, «8.
(i) Disêertatlon sur l'apoHoUU de saln^ Martial, 1855, p. 77 et 23i.
{3j Voir notre Etude sur saint Denys de Paris, 1880, p. 64 et suiv.
934 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DO LIMOUSIN.
Est-ce que la légende de saint Austremoine composée au vu'' siècle
par saint Priest, évéque de Clermont, n'est pas antérieure à Tavé-
nement de Charleroagne (1) ? Est-ce que la légende de saint
Clément de Metz où Paul Warnefride, en 778, a puisé ce qu'il dit
sur cet envoyé de Saint-Pierre, est-ce que cette antique relation^
comme il rappelle, n'est pas antérieure à Tavénement de Charle-
magne ? Est-ce que la légende de saint Memmic de Ghâlons, que le
savant Mabillon date du vii<^ siècle, n'est pas antérieure à l'avéne-
ment de Charlemagne ?
Comment supposer que tous les savants du xi* siècle, Adon de
Vienne, Usuard, Notker de Saint-Gall, Hincmard de Reims, Hilduin
de Saint-Denys, Jean-Scot-Erigène, Wandalbert, etc., aient accepté
aveuglément comme faits historiques, des conjectures artificielles^
des fictions de lettrés qui ne dataient que des dernières années du
siècle précédent? il est évideut que les tradilions dont il s'agit
avaient leurs racines dans un passé |)lus lointain.
« Il est manifeste quelles s'inspirent non de souvenirs antérieurs^
mais de prétentions présentes et d'intérêts de clocher ».
C'est faire une injure imméritée à nos devanciers ecclésiastiques,
que de leur prêter de pareils procédés, de leur supposer de pareils
sentiments, de les proclamer fourbes et de mauvaise foi. Il faut
laisser de telles appréciations aux encyclopédistes et à l'école de
Voltaire I Quand bien même on trouverait dans les légendes primi-
tives un ou deux cas de ce genre, on n'aurait pas le droit de géné-
raliser cette accusation. Quoi ! tous ces écrivains, la plupart reli-
gieux, se seraient faits faussaires, et auraient menti sciemment à
leurs contemporains I et les contemporains auraient donné sotte-
ment dans le filet et auraient accepté ces mensonges sans réclama-
tion, sans un mot de protestation ! Ils étaient donc bien naïfs, nos
ancêtres duix* siècle, Hincmar de Reims, Usuard, Adon de Vienne,
Rabant Maur, Notker de Saint-Gall, etc., en acceptant comme
véridiques, comme faits historiques des conjectures artificielles^ des
fictions de lettrés, œuvre frauduleuse d'invention récente 1 Non !
ils n'étaient pas si naïfs qu'on semble le dire : ils s'en rapportaient
simplement à la bonne foi de leurs devanciers.
Des intérêts de clocher t mais quel intérêt de clocher pouvaient-ils
avoir à inventer, par exemple : que saint Denis de Paris avait reçu
sa mission de saint Clément ? Si l'on avait voulu mentir dans un
intérêt de clocher, on serait monté plus haut, on aurait attribué
(4) Voir nos Obseroations critiques à MM. Bourassé et Chevalier sur
la légende de saint Austremoine^ 1870, p. i-45.
iTUDE HISTORIQUR SUR L^ANCIENNB VIB DE SAINT MARTIAL. 935
la mission de saint Denis au Christ lui-même. Et puis, à côté de ces
intérêts de clocher, il y avait désintérêts rivaux oa mêmes ennemis;
ceux-là n'auraient-ils pas manqué de réclamer, de protester contre
l'invention et le mensonge? Or, ils ne Tout pas fait : donc ces souve-
nirs légendaires n'étaient pas d'invention récente, mais comme
nous Favons dit, plongeaieat leurs racines dans un passé plus
lointain.
c( Elles n'ont pas même ce degré inférieur d'autorité qui s'attache
aux traditions populaires à quelques siècles des événements. »
Et pourquoi n'ont-elles pas ce degré inférieur d'autorité ? Sans
doute parce que ce sont des traditions ecclésiastiques et par consé-
quent mensongères? nous ne voudrions pas tirer cette conclusion;
mais en bonne logique, elle se déduit naturellement.
« Ce ne sont que des conjectures artificielles, des fictions de lettrés ».
Nos ancêtres du ix" siècle étaient donc, les uns bien fourbes, en
inventant ces fictions, les autres bien naïfs en acceptant ces fictions
comme documents historiques. Leur faire de pareils reproches, c'est
évidemment manquer de mesure. Que certaines légendes, dans
quelques détails, prêtent le flanc à cette accusation, c'est possible.
Le tort de M. Duchesne, c'est de généraliser cette accusation et de
rejeter en bloc toutes les légendes comme des conjectures artifi-
cielles et des fictions de lettrés. Le savant Bollandiste Daniel Pape-
brock, que don Gucranger appelle « un critique redoutable et d'une
sévérité outrée », était tout à la fois et plus tolérant et plus clairvo-
yant : « Je pense, disait-il, qu'il y a un certain fondement historique
à beaucoup de ces fables, qui ont été témérairement insérées dans
les Vies des Saints les plus anciens, composées quelques siècles après
les événements, et qui ont été transmises, de bonne foi, par des
hommes simples, à la postérité (1) ».
Donc tout n'est pas fabuleux dans les légendes apocryphes. On
peut en retirer quelques éléments historiques ; et c'est là ce que
reconnaissait M. l'abbé Duchesne au congrès catholique de Paris
(avril 1891), après une lecture sur une charte apocryphe du x' ouxi*
siècle, faite par le docteur Grauert, professeur à l'Université de
Munich.
« En tenir compte, c'est aller contre tontes les règles de la mé-
thode scientifique. »
Les règles de la méthode scientifique consistent, non pas à re-
(f) Censeo complu res qaîdem fabulas, sanclorum velustorum vitis, post
aliquol sseculonim (iecursum compositis, lemere admixtas, ei ab hominibus
sioipllcibus bonatide iraditas posieris, liabere aiiquod in vera historia fun-
damenlum {Acia SS., t. V mali, p. 137.
236 BOCIÉTÊ AttCBÉOLÔOIQUff ET HI8T0RIQ0R OU LIMOUSIN.
jeter en bloc toutes les léf^endes, à répudier toutes les traditions,
mais à démêler ce qu'il y a de vrai et ce qu'il y a de faux daHs les
traditions et les légendes, à séparer le froment dé l'ivraie, la vérité
de Terreur. La méthode scientifique consiste à analyser les docu-
ments et, Comme te disait le cardinal Baronius, «à séparer avec soiD
ce qui fest précieux de ce qui est vil, ce qui est sacré de ce qui est
profane : il faut après avoir rejeté ce qui est fabuleux, conserver
œ qui est sincère et digne de foi (1) ».
M. Tabbé Duchesne nous semble avoir manqué de critique en
voulant pousser la critique jusqu'à l'excès ; il a perdu de vue le
né quid nimis des anciens et 1'^^^ modus in rébus d'Horace. La véri-
table critique ne connaît pas l'exagération. C'est une critique sobre
et modérée qu'on peut définir avec les paroles de saint Paul :
Non plus sapere quam oportet sapere, sed sapere ad sobrietatem
(Rom. Xh, 3).
Au lieu de rejeter en bloc les légendes de nos premiers évéques,
lé savant archevêque de Toulouse, Pierre de Marca, disait : c< Je
n'ignore pas qu'il s'est glissé dans les Actes de ces premiers évé-
ques certains faits qui ont besoin d'être élagués par une main ha-
bile {quœ manumedica egeant.utrepurgentur) : mais cela n'attaque
en rien la mission de ces évéques à l'époque assignée par leurs
Actes : or c'est la seule chose que nous défendions en ce mo-
ment (2). »
« // n'y a pas même à discuter avec les personnes qui s'autoriseni
dans la question présente à de semblables documents. »
Nous ignorons si nous sommes visés par ces paroles, nous qui,
en effet, nous sommes appuyé sur de semblables documents dans
la question des origines chrétiennes de la Gaule; mais nous trou-
vons que c'est traiter trop cavalièrement ses adversaires que de
les juger indignes d'une discussion.
M. l'abbé Duchesne, qui a reproché aux partisans de l'école tra-
ditionnelle « leurs formes impétueuses (3) » et leur manque de
calme et de modération, aurait bien fait de s'épargner ce reproche
à lui-même.
Les membres de l'Institut mettent d'ordinaire plus de formes
(1) In his laborandum erit, ut pretiosum à vili, et sanctâ a profanis dis-
tinguentes, quae improbata atque rejecla, quae sincera atquc rccepia rcpc-
riantur, adducamus io médium. {Martyrol. roman.» 23 eepiemb.)
(t) De tempore prœdicatœ primum in GalUis fidei, (Ap Acta S S., L V
junii, p. 552.)
(3) Bulletin critique y 2'- année, p. i.
àTUOK HISTORK^L'B SUR l' ANCIENNE VfB Di SAINT MARTIAL 337
dans leur polémique et traitent leurs adversaires avec plus de
courtoisie.
Le grand journal du boulevard, à propos du Congrès catholi'iue
de Paris, a fait un pompeux éloge du savant professeur d'histoire
ecclésiastique et lui a donné en même temps un conseil salutaire
dans les lignes qui suivent : « Peut-être a-t-il manqué à M. Tabbé
Duchesne, pour que son nom devînt plus populaire, un peu de cette
courtoisie mondaine qui guide l'écriture, surveille les polémiques,
embellit les relations de la vie. Né en Bretague dans une famille de
marins, il a l'audace des loups de mer. Il en a aussi la rudesse. Il
est terrible dans ses abordages. Ce qui domine en lui c'est la force.
Il tient le gouvernail des études ecclésiastiques en France. Il est
l'é^^uvantail des chanoines érudits de province et des antiquaires
de cathédrale (1).
Il y a du vrai dans les lignes qui précèdent ; mais nous trouvons
que, dans le dernier trait, il y a un peu d'exagération.
ANCIENNE VIE DE SAINT MARTIAL.
Nous allons publier ici Tancienne Vie de saint Martial, et nous
donnerons, en note, les variantes des divers manuscrits.
Nous n'avons, pour la première partie de cette ancienne Vie, que
deux manuscrits : celui de la Bibliothèque nationale de Paris, du
X® siècle (2), que nous désignons en note par la lettre A; puis
celui de Rome (3) que nous indiquons par la lettre 8.
Quant à la seconde partie, qui renferme le récit des plus anciens
miracles opérés au tombeau de saint Martial, nous avons deux
autres manuscrits : celui qui a été publié par les Bollandisles (4),
qne nous indiquons par la lettre C, et le manuscrit 8365 de la
Bibliothèque nationale (5) que nous désignons par la lettre D.
(0 Figaro, l avril 1891.
(9) Vs. 38»i A, fol. 33-34.
(3) Bibliothèque Victor Emmanuel, londs Farfensis, rfl Î9, p. 436.
(4) T. V junii, p. 553.
(5) Fol. 34.
238 SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
I2^.tif( fi^i^^J VITA ET MIRACULA
Domni Marcialis episcopi (1).
iPROliOéOS].
Quicumque sanctorum beatissimas actiones cupit propriis ser-
monibus expolire (2), consideret vires, ne, tantô pressus pon-
dère (3) quod suscepit, fatiscat ingénie (4). Ille tamen bis se rébus
débet aptare (5), quem et facundiaB (6) vigor attollit, et facultatis
sermo non déficit (7). Ergo quia hujus confessons (8), cujus no-
raen tituli (9) denuntiavit principium, actionum sériera nilor exe-
rere, vereor ne floccipendendus magis sit sermo, potius quam
paginait conioquio admittendus ; et licet nonnulli doctissimi (10)
viri, et alacri ferventes ingenio, quibns et doctrinae norma favet
in poesi (11), quibus suppetit et philosophia, ordo recurrit (12)
rhetoricus, Maronis (13) eliam pêne a»quiparent dictiones, cum
cœperint ad taie (14) venire propositura, extemplo (15) eorum
tepescit auctoritas
Ast ego, quem tenui vix implet musa susurro (16j,.... ac si pha-
(4) A : Inc est vila beatissimact miraculis {sic) domni Marcialis epi. —
R : Vita et actus sancli Marcialis Lemovicinse civitaiis episcopus {sic).
(8) Sic B. — A : explere.
(3) Sic B. — A : tantum pressus in pondère.
(4) A : fatescat ingenio. — B : fatescat ingenium.
(5) Sic B. — A : bis rébus débet astare.
(6) Sic B. — A : fecundie.
(7) Sic B. — A : non deflfecit.
(8) Dans le ms. A le mot confessoris a été effacé, et Ton a écrit au-
dessus : apostoUs,
(9) A : momenticuli.
(40) A : doctissmorum.
(\ I) Sic B. — Les mots in poesi minquent dans le ms. A.
(12) Sic A. — B : Ordo sucurrit.
(13) SicB. ^ A: Matrones.
(14) A . talem.
(45) B : extimplo. — A : exemple*
(16) Sic B. — A: Bas ergo quem tenui vix implemus assurro .. Cette
phrase paraît incomplète, aiusi que la précédente.
ÉTUDE HISTORIQUE SUR l'aNCIBNNR VIE DE SAINT MARTIAL. f39
leratis (1) non valeo verbis explere quod cupio, saltem qui volue-
rit hujus textum repetere dictionis, inchoatœ rei materiem in
peritissimum deducat styium. i v J^ vf ofiA^ fA^ ô 5
[VIT A INCIPIT].
I. — Igitur, dum adhuc apad provincias Galliarum, plarimae
civitates diversorum ritaum cultibus praepollerent, inter quas erat
tune temporis Lemovecum clvitas (2), diversorum numinum (3)
referta culturis (4), alque errorum cerimoniis vacans (5), in tanlum
ut nullus eorum in ea (6) nomen Domini noverit invocare, nec bap-
tismi (7) salutaris gratia consecralus divinis vacarel mysteriis; —
eodem tempore quo (8) beatissimo Pctro Romana Ecclesia (9)
gubernandi pontiGcio fuerat commendata, cui et propositum in
universis urbibussublimis(lO) cathedraBac fidei pendebat aucla(ll)
devotio, intenlissime pro Chrisii nomine laborabal, ut provinciae
universaB catholicae EcclesiaB disciplinisac dogmatibusregerentur...
Cognito (12) ilaque tanto sacrilegio Gailias subjacere, diversis
urbibus mîsit episcopos (13) quorum doctrinis ad religionem fidei
populusChristi (14) nomen adquireret. Et quia, in jam dicta civitate,
maxima (IS), ut antiquitas propria in asdibus auctoritate (16) adfir-
mat, nullus rei indicio (17) fastu superbisB (18) Dominum fateba-
tur... (19). Quae res, pastorali soUicitudine inquisila, pervenit ad
(I) Sic A. — B. falerutis.
(9) Sic B. — A : Lemo civifatis.
(3) Sic B. — A : diversorum nominibus.
(4) Sic B. — A : refferta culluriis.
(ft) Sic B. — Dans le ms. A, ce mot n*esi indiqué que par la lettre u.
(6) Sic. B. — Ces deux mois in ea sont omis dans le ms. A.
(7) Sic B. — A : bealissimi.
(8) Sic B. — A : quod.
(9) Sic A. — B : Romans ecclesiae.
(10) Sic B. — A : sublimi.
(14) Sic B. — A : auta devocio.
(i3) Sic A. — B : Agnito.
(id) Dans le ms. A, on lit, au-dessus de miait episcopos, ces deux mots :
consecraoU Marcialem,
(14) Sic A. — B : populus chrlstianum nomen.
(15) Sic A. — B : eo quod fuerit maxime.
(16) Sic B. — A: auctorilatem.
(17) Sic A.— B: uullius rei indicio.
(18) Sic B. — A : factu superbia.
(19) Sic B. — A : Dominum fate... La phrase parait incomplète.
S40 SaOlÊTÉ ARGHéOLOGIQUE Kf HISTOKIQtJK DO LtltOtTSlW.
beatis^mum Petrutn episcopom (1). Ghristi discipulutn (3), Roma-
nsB Ecclesias sublimi (3) fastigio cathedras subiimatum. Quâm rem
molestissime ferens, eo quod tanto errori (4) deditus populos
subjaceret (5), Marcialem episcopum, dignum Deo virum (6) qui
ad hoc adcitus (7) fuerat, ut ad prsBdicàndum genlibus mitterelur,
ad se vocavit, cui et ait (8) :
« Fraler sanctissime, magislernoster etDominus Jesus-Chrislus,
post sacram ac (0) veuerabilem resurreciionem^ cum Bobis non per
enigmala, sed in eo habitu et forma quam de maire adsumpsit,
apparuit, boc nobis praecipiens, dixit : « Dala est mihi (iO) omois
»potestas in cœlo (11) et in terra: ite, docele omnes gentes, bapti-
» zantes eos in nomine Patris, et Filii, etSpiritus-Sancli(12), docen-
» tes eos servare omnia quaecumque mandavi vobis ». Quod, bea-
tissimefrater, ulrisque nobis expedil conservare (13), ut praeceplido-
minici non simus imraeraores. Quare âge, ô vir praBstanlissime (14),
etmeis adquiesce consiIiis,quo(15) fiât ut nostro particeps efficiaris
consortio (16). Àccinge lumbos luos, et absque retractatione (17)
aliqua, quanlocius festinare. jNon différas (18), ut populum qui
dèmoniis noscitur deservire, ad veram et integram divini cultus
religionem facias pervenire, ut, amolo errore gentilium] (19)
Christo valeant confiteri. Et quia longa libi restât via, ne cuncteris
meis parère sermonibus, quibus coronse tuas libi magnum adsumas
bravium.
(1) Sic B. — Dans le ms. A, ce mol semble avoir été effacé, et on a
écrit au-dessus : aplm (apostolum).
(f) Sic B. — Le mol Chrlsti manque dans A,
(3) B : Sublimio (faute de copiste).
(4) Me B — A : errore.
(5) Sic B. •— A la suite de ce mot, dans le ms, A : Tanc beatus PeIruS.
(6) Sic B. — A : dJgnum Deo el verum.
(7) Sic B. — A : adscilalis.
(8) Sic B. — A : cui ait.
(9) A : hac. — B: el.
(10) A : michi.
(tl) A omet incœlo,
(12) A omet sancti.
(13) Sic A et AurelkUi. ^ B : observare.
(H/ Sic Aurelian. — A : praestanlissime. — B : ô vir prudeûtisslmc.
(15) Sic B. — A : quod fiai.
(16) Sic B ei Aurelian.— A : edicil... sort...
(17) Sic A et Aurelian, — B : recrastlnaiione.
(18) Sic B el ms. Anglic. — Beaulxamis : Ne différas.
(19) Ce qui précède entre deux crochets manque dans le ms» A.
ÉTUDE HISTORIQUK SOn l' ANCIENNE VIE QB SAINT-MARTIAL. Sil
» Est Bamque qusedam (1) civiias in provinciis Galliarum [pro-
fane vacans errori, nomine Lemovix (2). Sume tecuin duos pres-
biteros, qui et comilalui tuo obsequium pra^boant, et coronae prœ-
miam f3) non amillant. In tantum âge, ut si libi gladiator oecuiv
rerit, percuUenli colla submitte; et qui le in dextram maxillam
perçussent, prsebe illi e.t alliani; et qui te expoliaverit tunica (4),
dimitte ei et pallium ; tantum sequo animo esto] (5).
[Nec mora, sacralissimus vir (6)« adjunctis secum duobuç presbi-
^ris (7), iter juxta quod ei fuerat a Ghristi discjpulo imperatum (8)
arripuit. Et cum cœpli itineris roaluritatim (9) viara conficeret (10),
conligit ut unusè comitibus(H) migrarel a sjecuio (12). Quo vi8o(13),
beatissiiBus Marcialis, velocissimo gressu Romam non intrepidus
repedavlt, nunciansque (14) beato Ghristi discipulo (15) omnia q\m
sibi in via acciderant. Quem ille percontatus est (16) et dixit ad
euiB : « Quantoeius propera, sunipto bacterio meo in manu tua, et
cum (17) ad locum perveneris quo fratrem exanimen reliquisti,
tange ex ipso defuncti cadaver, et ego Domino fundam oratio*-
nem (18) statimque veUit à somno expergiscetur, et continuo
tuo] (19) comitalui inhaerebit ». Quod ita factum est, ut vulgi fama
testatur. Quce res secundum Evangelii senlentiam intelHgenda mlht
yidetur, dicente Domino discipuUs suis : « Si habuerilis fidem siout
(1) Sic Aurelian, — A : Est namque eîvitatis. — B : Est quœdam
civitas.
(2) Sic Aurelian, — B ; LemoYex,
(3) Sic Aurelian, — B : prsemia.
(4) B : lonica.
(5) Ce qui précède entre deux crochets manque dans le ms. A»
(6) Sic B.— Aurelian, <t ms. Anglic. : danctissimuaoir MartiaMyi-^ tus.
Roman : sacratissimus vir Martiaiis,
p) SicB. — Aurelian : duobus discipuUs; — id» ms. Roman, : 4aobus
presbyleris.
(8) Sic B. — Aurelian : perbeatum Petrum a Domino injuncluni.
(9) Sic B. — Aurelian : maturitale.
{\0) Sic B. — Aurel, : conficerent.
(tl) Sic B. — Aurel, : conligit ut heatus Auslriclinianiis, unus ^ comi-
tibus.
(13) Aurel. addidit. : in loco qui Elsc vocalur.
{i'ô) Sic Aurel. — B: quod visum.
(14) SicB. — Aurel. : nunlians.
(15) Sic B, -^ Aurel. : beato Petro.
(16) Sic B. — Aurel. : percunctatus.
(17) Sic B. — Aurel. cumque.
(48) B : et ego Domino fundens (sic) oratioa^io, stalim...
(19) Ce qui précède, entre deux crochets» a été omis dans le mSvA,
S43 SOCIÉTB ARCBÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
granum sinapis, dicetis huic montl : « Transi hinc », et transibil ».
Quo taclo (1), membra, quae calore sanguinis fuerant viduata,
extemplo rediviva redduntur; et lucem, quam araiserat moriendo,
propriis cœplt luminibus intueri (2). Hoc ideo factura (3) quis
ambigatnisi ut beati Pétri fides clarescerl imperando (4), etbea-
tissimus Marcialis his (5) incitaretur exemplis, quibus coronare-
tur et meritis (6).
Igitur, cum in designatis diebus(7), venisset ad urbem ubi fuerat
destinatus, invenit omnem multiludinem populi diversis idolorum
vacare culturis (8) : quibus instanter verbum Domini cœpit fideli-
ler(9) auribus indicare (10);qui (11) ita suis populura convertit allo-
quiis,utintrapaucorumdierum spatia nullus fuerit qui non sibisalu-
taris lavacri vel crucis impressionem in fronte (12) poposceret. Ubi
cum in Dei nomine, laboris sui fructum maximae messis in Domini
JesU'Christi ex animabus populi in horreo congregaret, vel omnis
multitudo gentilis, superstitione detersa, suis cœpis5et(13) obtem-
perare sermonibus, frequenli admonitione perduxit ad gratiam (14).
Puella quaBdam, nomine Valeria, [ut aiunl, nobilis orta natalibus,
sed] (15) nobilior fide quam non originine natalium, Deo placuit,
sed [magis]? fide meritorum (16). Quae cuidam viro sponsali titulo
erat consociaturaconjugio. In tanlum perhibetur se Dei viro (17)
assidua frequentatione praeponere, ut ad baptismi gratiam, eo sua-
dente pervenerit (18). Et, ut postea fertur, pro eo quod Christiana
effecta fuisset, et noiuisset se disposito conjugio sociare, ab sponso
suo adhuc genlili (19) intcrempta fuisse (20).
(I) Sic A. — B : quo tactu.
(î) Sic Aurel. — A et B. intuere.
(3) Sic B. — A : ideo factum. — Aurel, : quod ideo factum.
(4) Sic B. — A : imperaadum. — Aurel : exhorlanlis.
(5) Sic A et Aurel, — B a omis ce mot .his,
(6) Sic A et B. — Aurelian : quibus coronatus est et meritis.
(7) A : cum ip desiinalis diebus... B : cum période natis diebus.
(8) Sic A. — B : diversis vacare culturis.
(9) Sic B. — A : fidelibus.
(40) Sic A. — B : inculcare.
(4 4 ) Sic B. ^ A : quis ita.
(42j Sic A. ^ B : in frontem.
(13) Sic A. —B : cœpit.
(il) Sic B. — A: produxit gratiam.
(15) Ce qui précède, entre deux crochets, ne se trouve que dans le ms. B.
(16) Sic A. — B : fine meritorum.
(17) Sic B. — A : se Deo vero.
(48) Sic B. — A : pervenisset.
(19) Sic B. — A : adhuc gentile.
(20) Sic A et B.
ÉTUDE HlSTORlOUIS SUR L* ANCIENNE VIE DB SAINT MAUTIAL. ^43
Quse, pro amoris gratia dicitur, eo (1) quod vir Dei sanctus
Marcialis, tam itinere fessus, quam labore senioque confectus...
praefata puella sepulturam, qua? suis cineribus fuerat prepa-
rata... — ut cum in Dei nomine bealus Marcialis de bac luce migra-
ret ad DomiDum, concessisse ut ibi beati viri membra tumularent,
adtribuil (2).
Quid multa ? imminente jam tempore, eximius vir migravit ad
Dominum. Presbiteri, qui cum eodem advenerant (3), superstites
remanserunt ; ac (4) ubi completi sunt dies, ut et ipsi migrarent
à saeculo, in eodem loco quo beatus tumulariam meruit sepulturam
(S) et ipsi sepulti sunl.
[Et cum inter utrasque, arctus ibi esset accessus, et ne inhono-
rum confessorem suum diulius Dominus esse pateretur, cumque
jam creber esset, ad cryptam in qua positi fuerant, jam Christianis
itus ac reditus, et dum varia mentis in populo intentio vertere-
tur, quum tam vicinas inter se sepulturae esse viderentur, divina
providenlia factum est, ut causa quae populo rimante, pendebat,
divino mysterio cassareturj (6) et ita factum est, ut redeuntibus
populis consuetae orationi vacarCjinventae sunt séparât» (7) ab invi-
cem sepulturae, atqae dlscretae, ut pateiieret populis quo tumulo
pontifex clauderetur.
[MIRACULA SANCTI MARCIALIS]»
Igitur beatissimus Marcialis, quibus se virtutibus publicaverit,
ut michi relatio contulit manifesta, huic paginae inserendum (8)
esse videtur; quo fiât (9) ut populus miretur attonitus.
I. — Puella quaBdam, cum manus unius (10) ofBcio caruisset, in
(1) Sic A — B : in CD quod.
(2) Sic 6. — Ce dernier mol manque dans A. — Les trois phrases pré*
cédcnles paraissent incomplètes dans les deux manuscrits.
(3; Sic B. — A : qui cum eo aderant.
(4) Sic A. — B : at
(5) Celte expression — tumulariam meruit sepulturam — se trouve
dans les anciens Actes de sainl Saturnin (iv^ ou v" siècle).
(6) Ce qui précède entne deux crochets est tiré du ms. Bel manque daus
le ms. A.
(7) Sic A. — B : separatim.
(8) A et G. — B : inferendum.
(9) A : quod fiât.
(40) Sic B, G et D. — A : manûs officio.
944 BOCIÉTV ARCIléOLOGIQUR BT HiaTORlQOB DU LlllOUSIIf.
tanUim (1) ut ungularum transfoderetar (2) palma accumine, sancti
Marcialis sepulcrum expctiit (3), et, ut sui misereretur oravit. Qua3,
fusis oracionum precibus, solotenus inhaerens pavimeulo (4), res-
pecta divino, pristinam manûs aridas meruit recipere sanitatem (5).
Quod miraculucD, adslantibus populis qui ad ejus festivitatem ad-
fluxerant, operatum est.
IL — In eadem namque nocte, quid ibi miraculi apparuerit (6)
nequaquam silendum putavi. Mutas a nativitate sua. qui etsi usa
linguaa caruerat (7), tatnen corde rneditatus est beali viri mémo-
riam expetere; ubi illico ingressis liminibus, fusa Domino intra se
oratione (8j, rigens lingua dissolvitar (9); qui et colloquiura sta-
tim meruit et auditum.
III. — Nec illud quod operae pretium occurrit omittendum est.
Solet enim pertinax cervicosilas populorum ut aliqua sibi objecta
crimina sacramenlis expiarc çontendat (10). Accidit ut quidam cum
ecclesiae fores fuisset ingressus (il) ut obpositum (12) sibi crimén
misera libertate defensare deberet, quo manifestissiraus habebaluf ;
mox, rigente lingua, ita os ejus seratum est, ut nequaquam men-
dacii sui potuissetexerere(13) aclionem : sed quasi balatum ovium
vocibus similaret (14). Ad venions autem ad hnjus confessons (18)
tumulum,prosternit(16) se ad orationem. Ubi, cum diutiusjacuisset,
(1) Sic A. C. D.-— B : lantam.
(2) Sic A et B. — C : ut ungularum acumina transfoderent palmam.
^ D ; utuilgule transfoderent paimam.
(3) Sic C et D. — A et B : ad sancti Marcialis sepulcrum expetiit.
(4) Sic C et D. ^ A : inhurens pavimentum. — B ; soloteaus inbasrenç.
(5) SicB etc. — A : pristina manusarida. — D: pristinam manus arida.
(6) Sic A et B. — C et D : quod ibi miraonlum apparaît.
(7) Sic A et B. — D : qui etiam usu ea caruerat. — C a supprimé qui,
(8) Sic G. — A : fusa Dominum intra se oratione. -- B : fuça intra se
Dojfnino OFatioqe. -* D : fqsa Domino oratione intra se.
(9) D : lingua rigens dissolvitur.
(10) Sic A, C et D.— B : contendaiât« Cette phrase a été copiée tei^tuelle-
ment par saint Ouen dans la vie de saint Eloi. (Pars il, Cap. lvi, Patrohg»^
t. LXXXVII, col. 5^0,) Seulement il y a ^opiari au lieu d'expiare,
(H) SicAet D. — ' B ; ecclesiae foribus fuisset ingressus.^ C : ecdesiam
fuisset ingressus,
(12) Sic A et B. — C et D : oppositum.
(l3)Sic A, B etD. — Crexercere.
(< 4) Sic A, B et C— D : simularet.
(15) Sic A, B et C. — D : ad hujus sancti apostoli.
(<6) Sic B et C. — A : prostrar^t 9e, ^ D : prostecaitvn
ÉTUDE HISTOftlQUR SUR i/aNCIRNNR VIE DE SAINT MAUTIAL. î\5
tanquam si guttur ejus aliquis tangeret, ei visum est. Qui, innuens
presbitero, cui ibidem offlcii fueral agendi curra commissa (1),
manu osteodil, ut gutluri suo (2) signum crucis infigeret. Quo
facto (3), prostravit se homo ille, vacans orationi. Qui, cum eleva-
tus fuisset a pavimento, reddito vocis officio, omnia quae sibi acci-
derant proprio populis patefecit eloquio.
IV. — Mulier quœdam, dura turpe miseriae suae ludibrium car-
nale vilium exerceret (4), praeventa (5j.cum quo, flagitii hujus
causa, commissa fuerat (6), pro facinoris sui yerecundia, basilicam
sancti Marcialis uterque expetierunt (7), ne publics a judicibus
disciplinis subdereutur addicti. Et cum a custodibus fugitivo gradu
evasissent, ad sepulcrum beati autistitis (8) pervenerunt; nesciente
janitore(9) intra claustra obserantur (10). Qaos non dubium est mi-
seriam suam ibidem pertinaciter exercere (11). Non reserato ostio,
non pariete transfosso, non fenestras disrupto [speculo, sed nitu
divino expulsi, in quadam aquaB inluvie, quae vicina eminus basi-
licae apparebat, redeunte luce, frequententibus populis, utrique
reperiuntur (12) stantes, ita ut détecta eorum miseria appareret, et
beatissimi viri yirtus ostenderetur in factis.
V. — Adjiciendum est et illud (13) quod per eumdem Dominus
operatus est. Mulier quaedam, sitis ardore perculsa, contigit
Doctu (14), ut sitis incendium temperaret, sine lumine vasculum, in
quo aquam l.auserat (18) arripuit; et dum avidissime biberel, cum
haustu aquae bibit nesciens et serpentem (16) ; quem diuturno tem-
(i) Sic B, G et D. — A : officio fuerat agendi.
(t) Sic B. — A, G et D : gulturi ejus.
(3) Sic G et D. — A et B : quod factum.
(4) Sic A et C. — B : dum turpe miseriae suae ludibrium carnalis vitii ,
exerceret. — D : dum turpi miseriae suae ludibrio carnis vitio exerceret.
(5) S!c A, B et D. — G : invente.
(6) Sic A, B et D. — G : commixta fuerat.
(7) Sic A et B. — G et D . expetiit.
(8) Sic A, B et C. — D : aposloli.
(9) Sic B, C et D. — A : nesclenl[es] viam inlranilore claustra.
(10) Sic G et D. —A et B ; reserantur.
(1 1) ^ic A et B. — C : exercere volulsse. Qui, etc.
(IS) Sic G. — B : uterque reperiuntur.
(43) Sic B. — C : Adjiciendum etiam est illud. — D : Ajiciendum est
etiam illud.
(14) Sic B et D. — C : contiyU est supprimé : nocte au lieu de noctu.
(15) Sic G et D. — B : baurierat.
(46) Sic B et l). — G a supprimé nesciens.
T xxxis;. t6
24C SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET ËlSTOftfQUK DU LIMOUSIIf.
pore geslans interius, cœpit segrotare gravissime. Quse beatissimi
viri, uiremediiim acqaireret, basilicam adiit; ubi cum se oralioni
dedisset (1), comraotis visceribus, serpenlem vivum evomuit : que
exempte (2), sanitalis commoda secum doraum reporlavil.
VI. — Jungalur operi quod praBsens testatur auctorilas. Quidam
de assistenlibus orficioj (3) basilicaB sancli confessons, nomine
MarcuUus, inslintu diabolicaB persuasionis arinatus,celluiam in qua
beali viri clauditur sepuUura, ingressus, crucem quœ super sepul-
crum, pro ornatus causa (4), pendebat, exlensa manu, clam furlo
subslraxil. Qua» res ut claro miraculo appareret, compila diversa-
rum provinciarura perluslrans, crucem nundinariis protuiit, dalis
pecuniis venumdandam ; sed nullatenus quispiam eam (5) ausus
est emere. Qui, dum diulurno tempore vagaret (6) hue alque illuc,
nec quidquam sibiprolalœspecieiproficeretprecium, in se reversus
alque cènscio pudore percuisus, crucem insupcr etsemctipsum loco
de quo eam, maie blandientis inimici insidia (7), furti condilione,
substraxerat, post annum aut eo amplius, pra^sentavit (6) ; qui et
professidne sua (9)causam sui operis publicavit (10).
VII. Adhuc recens virtutum clarescit insigne miraculum. Contigit
ut quidam public» manciparelur cuslodiae, et adstrictus catenarum
nexibus tcnerelur. Oppressis somno custodibus, nocle evasit cus-
lodia, et basilicam {W) sancli Marcialis adhuc vinculalus expeliit;
qui (12) laclis liminibus, sed lamen seralis(13) januis, ita ?incula
sunt comminuta, ut slatim absolvcretus adstrictus ; quse etiam
(1) Sic C et D. — B : in orâlionem dedisset.
(2) Sic C. — B : qucm exemphim. --- D : quœ ex scpulchro.
(3) Ce qui précède, entre deux crochets, manque dans le ms. A da
X* siècle.
(4) Sic. B. — A : pro ornamcnlo cause. — G : ornatus causa. — D : pro
ornalu causa.
(5) Sic A et B. — C el D : nullatenus eam qu!spiam,
(6) Sic B el D. — A : vaca... — C : vagaretur.
(7; Sic B. — A : de quo elem, etc. — C : de quo maie per blandientis
inimici insldias. — D : de quo eam maie blandimcnlis inimici insidiis.
(8) Ce mot manque dans B.
(9) D : pro confessione suo.
(10) Sic A elB. — On ironve dans C elD la phrase suivante : et pubtice
satlsfaclena, pœnitudinem admlaai facinorls gessU,.
(11) B : ad basilicam.
(1i) Sic Aet B. — C : ubi.
(13) Sic B et C. — P. Bonaventure, t. II, p. 618: obseratîs •— A ; fesc-
ratis.
ÉTUnS BISTORIQUR SUR l'aNCIKNNK VIE DK SAINT iURTIAU. 24?
catena, teste populo, adpensa cernitur pariter et confracta (1).
VIII. Simili causa aller, dum ei ligne colla fuissent constricta, et
ad custodiam carceris duceretur, invocans sanctum Dei servum,
ilico lignum de cervicibus manibusque ejus evulsum est (2), ut liber
videretur a vinculo, qui fuerat ferlasse (3) deputatus (4) mortis
eventu (5).
IX. Dum reliquarum virtutum facerem mentionem, oblata sunt
michi quse paginis cooscribantur. Cum ssBpe se vir Dei roanifestis
demonstrarit (6) miraculis, hoc laroen recens teslatur auctoritas (7),
Venientes duo, unus a Turonorum civilate, aller hujus incola (8)
regionis, pari vocabulo alrique Domoleni (9), una debilitate mem-
brorum percussi, ad bealissimi viri memoriam, adstricti membris,
ut manibas magis quam pedibus ambuiarenl, pro restituendis cor-
poris usibus (10) expetierunl. Qui (11) cœperunt se assidua frequen-
tatione sanclis inferre liminibus, precantes ut nervorum venarum
que connexio solveretur ; quorum, pro qualilate su» lidei, membro-
ru m débilitas reparatur; et qui fuerant alieuis manibus Yeclitati,
gressu proprio revertuntur è tumulo.
X. Addatur et illud quod polest ad[jungi mysteriis (12). Caecus è
regione Bituricorum civilatis (13), pro restituendis sibi luminibus,
duce praivio, viam proficiscens (14), ad locum usque delatus est ubi
sancti anlistitis (15) assidue clarescunt rairacula. Qai, cum sancti
coDfessoris(16)]imina fuisset ingressus, bajulans pro luce tenebras,
poposcit se exponi ad viri bealissimi lumulum. Qui diutissime inhse-
(I) Sic A et B. — C et D : quae eiiam catenœ, teste populo, appcoFae
cernuntur pariter cl confractae. — D : Gcrnuntur alque confracla.
(8) Sic B. — A : evulsus est. — C : de ccrvice manibusqae ejus evulsum
est. — D : Ilico de cen^cibus manibusque ejus evulsum Ugnum.
(3) Sic A. — B et C : forlassis. — D : forte.
(4) Sic B, C et D. ~ A : deportatus.
(5) Sic A, B et D. — C : evcntui.
(6) SicC. — B : demonslrarct. — D : demonstral. — A : dcmonsirarc.
(7) Sic B, C et D. ~ Ce mot manque dans A.
(8) Sic B, G et D.— A : vincula.
(9) Sic A, G etD. — B : domelini.
(10) Sic B, C et D.— A : urbibus.
(II) Le mol qui manque dans A.
(13) Sic C et D. — B : mysterio.
(13) Sic G et D. — B : a regione Bitoricorum civilate.
(U) Sic B et D. — C : praevio viœ proficiscens.
(15) Sic B et G. — D : sancli apostoli.
(16) Sic B et C. — D : sanctissimi apostoli.
948 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET niSTORIQUB DU LIMOUSIN.
rens pavimento, lucem quam amiserat, sibi reddi precibus postula-
vit. Cumque flelibiis vacaret et gcmilibus (1), ac sanguineis lacry-
mis (2) genae cernerentur infusae (3), cessanlibus guUis, omne
quidquid tabidum (4) fueral raundatur ab coulis, et lux caeco
redditur oui fuerant dies longe tempore pro noclibus aeslimati; et
qui aliène ducatu ad sepulcrum beali viri fueral inlroductus, gressu
proprio reversus est ad patriam (5).
Quantum mihi (6) de virtutibus beatissimi conressoris a fidelibus
Dei famulis, fama promuigante, meis patuit (7) auribus, ac si non
peiito sermone, huic paginœ adscribendum putavi ; caeterum aliae
elsi eccullae populis (8j, Dee aulem clarescunl assidu» (9), mani-
feslae (10) in purgalionc demonum (H), in debilium reparatione (12),
in sublevatione languentium, in diversis dénis omnium sanitatum.
Sit ergo communis oralio, ut cum in future examine, agni ab
haBdis(13) suprema sorte distabunt, ipse pro purgandorum crimi-
num maculis advecalus nester adsistat (14) ; ipso patrocinante (15)
de sinistra transire valcamus ad dexteram (16), praBstanle Domino
nostfo Jesu Christo, qui vivit et régnât per omnia saecula sœculo-
rum. Amen.] (17).
(1) Sic C et D. — B : et gemitu.
(2) Sic B et G. — D : sanguinis lacrimis.
(3) Sic D. — B : genae cernunlur infusœ. — C ; gcnœ csscnt infusae.
(4) Sic B. — C el D : noxium.
(5) Sic B et C. — D : propria.
(6) Sic B. — C : a supprimé ce mot.
(7) Sic B. — C : probavi.
(8) Sic B. — G : occuUœ sunt populis.
(9) Sic B. - C : [Alise] assiduse sunt.
(10) C : Manifesle. — B : manifesta,
(41) Sic B. — C : a supprimé demonum,
(12) Sic B. —- C : in reparatione debilium.
(13) SicB. — C : agni ab haedis, justi [ab injuslis].
(14) Sic B. — C : ipse perpurgand [is] criminum maculis assistât.
(15) Sic B. — C : ut, ipso patrocinante.
(16) B termine à ce mot, ce qui suit est dans C.
(17) Ce qui précède, entre deux crochets, manque dans A, et le dernier
paragraphe manque dans D.
ÉTUDE BISTORIQUE SUR L*ANCIENNE VIE DE SAINT MARTIAL ^4i)
APPENDICE
VIE DE SAIIST MARTIAL PAR LE PSEUDO-AURÉLIEIf.
La vie de saint Martial, par le pseudo-Aurélien, est apocryphe,
en ce sens qu'elle n'est pas l'ouvrage de révoque de Limoges dont
elle porte le nom ; mais quelle est la date de cette légende ? à
quelle époque a-t-elle été composée-?
Les critiques modernes se sont complètement fourvoyés sur ce
point. Le chanoine Descordes (1626), s'appuyant sur ce fait,
qu'aucun auteur avdnt l'an 900, n'avait fait mention de cette
légende, la croyait du x"" siècle (1) ; un savant allemand, Gaspard
Barthius (1624), supposait gratuitement qu'elle était l'œuvre d'un
clerc de Reims, nommé Aurélien, qui florissait, selon Trilhème,
vers l'an 900 (2) ; Du Bousquet, dans ses HiMoires de VEgHse Galli-
cane (1636), conjecturait qu'elle était de la fin du x* siècle (3) ;
Fleury (1691) partageait son avis (4); Baillet (1701) l'avait adopté
(5) ; le Bollandisle Papebroch (1709), ne voyant pas assez clair
dans la question, l'avait laissée iodécise (6) ; plus hardi le béné-
dictin dora Rivet assignait pour date de cette légende l'an 982(7) :
(1) a 11 ne se trouve aucun témoin digne de foy, qui en ait fait mention
avant Tan 900 de notre salut : ce qui peut faire penser que celte vie a été
composée députai ce temps là. (Ap. Ronavent., t. 1, p. 257. — Du Bousquet,
Hiatorlœ Eccles, Gallic.^ pars II, p. 63. — Acta SS., t. V junii, p. 543).
(^) Adcersaria Comment,, l. XLV, cap. Vil. fAp. Bonavent,, t. f.
p. 480).
(3) Quo aulem tempore illa (acta) visa sint incertum ; nisi lamen conjec-
tura nos fallat,paulo an te secundam Marlialis translalionem quae annoChrisii
994 composita esse vidcntur. {Historiœ EcclesUe GalUc.y 1.1. c. XXflf,
p. 45).
(4) Histoire ecclésiastique, L. LIX, n. XXiV.
(5) Vies des Saints, édil. in-4°, t. IV, p. 927.
(6) Salis habeo quaeslionem de lempore quo primum scripla, relinquerc
in medio. (Acta SS., l. V, junii, p. oiO.)
(7) Hvstoi'-e lUtér. de la France, t. VI, p. C,I7.
950 SOCIETE ARCllftOLOGIQUK KT DISTOftlQUK Ot3 L1II0CSI5.
notre savant Nadaud (1760) adoptait Topinion du moine lombard
Benoit de Cluse, qui, dans sa discussion avec Adémar, Tan 1028,
prétendait que cette Vie n'avait été composée que depuis un siè-
cle (4) ; là dessus, Nadaud rapportait cette légende à Tan 1028, ni
plus ni moins (2).
Uopinion commune des critiques était donc que cette légende
ne datait que du x* siècle. Toutefois le Bollandisle Papebroch
avait de la peine à souscrire à ce sentiment. « Nous avons de la
répugnance à croire, disait-il, que Topinion attaquée par Descordes
et du Bousquet ne fui pas encore née en l'an 900 : soit parce que
nous pensons que Florus, auteur bien plus ancien, a vu les Actes
dans lesquels il est dit que saint Martial a été envoyé par saint
Pierre ; soit parce que Adémar, moine de Saint-Cybard d'Angou-
léme, au commencement du xr siècle (3), cite avec confiance les
Actes canoniques de saint Martial^ toujours reçus par VEglise, qui
déclarent sufQsamment le privilège de son apostolat (4).
Adémar, en effet, dans sa discussion avec Benoit de Cluse, Fao
1028, soutenait l'ancienneté de celte légende : le prieur de Cluse
prétendait qu'elle n'avait été composée que depuis un siècle par
quelque moine de Saint-Martial, et Adémar lui répondait que
depuis un temps immémorial, et avant même l'établissement du
monachisme dans celle église (848), celle vie était répandue dans
toutes les provinces des Gaules, des Espagnes, de la Grande-Breta-
gne et de l'Italie; et pendant leur discussion, pour donner ^^ain de
cause à Adémar, le moine Aymeric, portait on très vieux volume,
dans lequel se trouvait celle légende de saint Martial (5).
Adémar avait raison : nous pouvons, à l'aide d'autres documents
•
(<) Mâbillon, AnnaL Benedic., t. IV, Appendix, p. XLVI. — Patrolog,
l. CXLl, col. 97.
(2) Dissertation ms. sur saint Martial, p. 35. (Séminaire de Limoges).
(3) Le P. Papebroch dii : a Vers la fin du XI I^ siècle », nous nous
permettons de corriger celte faute de chroDologie.
(4) Nos vero aegre possumus credere quod opiDio, quam Cordesius Bos-
quetusque oppugnanu nec naia eraianno Chrisii DCCCC; tum quia pula-
mus Fiorum, tanlo seniorcm, vidisse Acla in quibus à Peiro missus diceba-
tur Martialis ; lum quia Âdemarus, S. Eparchii monachus, circa fbtem
so&cali XII scribenSf in Commemoralione abbatum S. Marlialis sub finem,
contidenter appellat a gesta ejus canonica^ semper ab Ecclesia recepta^
quœ satis déclarant prioilegium apostolatûs ejus, » {Acta SS^ t. V junii,
p. 540. — Voir le lexle d'Adémar dans Migne, Patrolog.. i. CXLJ,
coL 84j.
(5) Mabillon, Annal. Bened.y l. IV, appendice, p. 720. — Patroiog,.
l. CXLI, col. 9-i, 96.
ÉTUDE HISTORIQUE SUR L ANCIENNE VIE DE SAINT M/.IVTIAL. :|5I
plus anciens, constater Texistence de cette légende d'Aurélien au
IX* siècle.
En effet, le Livre des miracles de saint Martial, qui a été publié
une première fois par les Bollandistes (1), et que nous avons publié
de nouveau avec une recension d'un style différent (2), ce Livre des
Miracles — dont la rédaction, diaprés les Bollandistes, accuse le
milieu du iv siècle (855), — cite les Actes de saint Martial, et ces
Actes ne sont autre chose que la légende du pseudo-Aurélien,
car il est question, dans ce Livre des miracles, du tombeau
du doc Etienne (3), qui n'est connu que par la légende d'An-
rélien.
De plus, Usuard, dans son Martyrologe (875), mentionne dans
son article sur saint Martial, le nom des deux prêtres ses compa-
gnons, saint Alpinien et saint Austriclinien ; or cette mention est
Urée de la légende d'Aurélien; car c*est le plus ancien monument
qui appelle par leur nom les deux compagnons de saint Martial :
Usuard Tavait donc consultée.
D'ailleurs n'est-ce pas à cette légende d'Aurélien que fait allu-
sion Hildnin, abbé de Saint-Denys (835)^ quand il dit que les Vies
des sept évêques dont Grégoire de Tours relarde la mission jus-
qu'au consulat de Dèce, n'étaient pas d'accord avec lui sur l'épo-
que de leur mission?
Le P. Papebroch avait donc raison de penser que Florus, l'au-
teur du Martyrologe (100), avait vu les Actes dans lesquels saint
Martial est dit envoyé de saint Pierre (4) : et ces Actes n'étaient
pas l'ancienne Vie, qui a clé très peu répandue, mais la légende
d'Aurélien, « répandue, comme disait Adémar, dans toutes les pro-
vinces des Gaules, des Espagnes, de la Grande-Bretagne et de
l'Italie ».
Mais nous pouvons remonter au-delà du vin® siftcle. Ce qui-
prouve l'antiquité de cette légende du pseudo-AurL»lien, ce sont les
vers que Fortunat a composés sur cette légende, et dont nous allons
prouver l'authenticité.
(I) Acta SS., l. V junii, p. 55t-5o9.
(î) Liore don Miracles <ie saint Martial (icxlc latin incîdil du ix* si(>
clei, 1889.
(3) Se in lerlia crytella, relro tumulum duels quondam Slhcphnui, occul-
lavil. — {Acta S5.,*l. V junii, p. 555).
(4) Acta SS., t. V junii, p. 540
353 SOCI^.TR ARCUÉOLOGIQUE El HISTORIQUE DU LIMOUSlff
VERS DE FORTUNAT.
Les vers de Fortunat sur la légende de saint Martial par Auré-
lien ont été publiés pour la première fois, en 1783, dans les
Anecdocta Litteraria de Rome (i) par un prélat romain, M»' Jean-
Christophe Amaduzzi: ils lui avaient été communiqués par le savant
Bandini, bibliothécaire de Florence, qui les avait trouvés dans un
manuscrit de la Bibliothèque Laurentienne, du commencement da
xn* siècle. Ces vers furent insérés dans la grande édition des
œuvres de Fortunat, qui fut publiée à Rome en 1786, par le béné-
dictin Luchi (2), depuis cardinal. Cette édition a été reproduite, en
1857, dans la Paîrologie de Migne (t. LXXXVIII, p. 118).
Comme le manuscrit de Florence renferme plusieurs fautes de
copiste, Mb*- Amaduzzi et le cardinal Luchi, qui n*ont connu ces
vers que par ce manuscrit, n'ont pas donné une édition correcte
de ce petit poème. Il en est de même de l'édition donnée à Berlin,
en 1881, par un savant allemand, M. Frédéric Léo, qui n'a connu,
lui aussi, que le manuscrit de Florence (3). Plus heureux qu'eux,
nous avons trouvé ces vers de Fortunat dans deux manuscrits de
Rome, Tun de Saint-Jean de Latran (4), Taulre de la Bibliothèque
de la Minerve (8), et enfln dans un manuscrit de la Bibliothèque
Ambroisienne de Milan (6) ; et en collalionnant ces divers manus-
crits, nous pensons avoir donné une édition irréprochable.
La plupart des savants qui, de nos jours, ont combattu Tapos-
tolatde saint Martial, ont nié Tauthenticilé de ces vers de Fortunat;
et M. Frédéric Léo, dans Tédition qu'il a donnée de ce poète en
1881, a classé ce petit poème parmi les œuvres faussement attri-
buées à Fortunat. C'est pourquoi nous croyons devoir en démon-
trer Tauthenticilé.
Ces vers portent le nom de Fortunat dans le manuscrit de
(<) Anecdota Litteraria, wo\. iv. — Romae, 1783, p. 433.
(%) FoRTUNATi Opéra omnia. — Romae, 1786, pars. I, p. 71.
(3) Voici quelques fautes : Chrlste pour Chrtstus ; — facunda pour
faceta\ — oellera tenens, pour mella retexens^ etc.
(4) M. A, 79 : six vol. in folio, 30 juin (nis. du xi** siècle).
(5) BibL Casanata^ Passionale sive Vilae SS. saec xi, t. 1. p. i7, v«.
— Catal. ms., p. 350.
(6) Martyrologiuni seu Lcclionariuni, sou Vilap plurium sanclorum, 15,
49, inler, p. cxxxiii, v".
ÉTUDE H18T0RIQUK SUB L*ANCIBRNE VlB DE SAINT UARTIAL. 953
Florence. Pour donner un démenti à ce titre, il faudrait démontrer
clairement que ces vers ne sont pas dans le style de Fortunat, et
qu'ils ne portent pas son cachet littéraire. Or, bien loin de là; ces
vers portent tellement sa margne, que des savant italiens, tels que
le bibliothécaire Bandini, qui les a découverts dans ce manuscrit,
Msr Àmaduzzi, qui les a publiés à Rome en 1783, Tillustre cardinal
Luchi, qui les a insérés dans son édition de Fortunat, en 1786,
n'ont pas émis le moindre doute sur leur authenticité. C'est, en
effet, le genre de Fortunat, c'est la facilité de ce poète, qu'on a
appelé avec raison le dernier des poètes latins, c'est sa manière,
c'est-à-dire une certaine prétention à l'élégance, qui ne sait pas
toutefois se débarrasser d'une certaine rouille, d'un certain embar-
ras de construction, qu'elle emprunte, sans s'en douter, à la bar-
barie de son siècle. D'ailleurs ces vers se trouvent dans un manus-
crit de la plus haute antiquité conservé dans les archives de Saint-
Jean-de-Latran, manuscrit antérieur aux Conciles de Limoges,
puisque saint Martial y est appelé simplement évéque : on lit encore
ces vers dans un manuscrit de la Bibliothèque Casanata, dont le
savant Brémonl, général des Dominicains, attribuait la rédaction au
vin* ou au ix* siècle ; nous avons trouvé ces vers dans un manus-
crit de la Bibliothèque Ambroisienne de Milan ; M. Léopold Delisle
nous a écrit les avoir vus dans un manuscrit du xi** sièle provenant
de l'abbaye de Luxeail (1). Dira-l-on que ces vers ont été attribués
à Fortunat pour le besoin de la cause? Mais k cet époque, l'apostolat
de saint Martial n'était pas en question, et d'ailleurs ces vers ne se
trouvent pas dans les manuscrits d'origine limousine. Dira-t-on
encore que ces vers ont été composés sous le nom de Fortunat au
vu* ou au vHi* siècle ? Mais à cette époque barbare, pas plus qu'au
XI* siècle, on ne composait pas des vers d'une telle élégance et
d'une pareille latinité ; ces vers portent le cachet d'une époque la-
tine, où l'on étudiait encore Virgile et Cicéron. Au reste pour ne
laisser subsister aucun doute sur l'authenticité de ce poème, nous
allons en comparer les vers avec les autres vers de Fortunat, et si
nous y remarquons les mômes pensées, les mômes tournures de
(I) « La semaine dernière, j'ai eu entre les mains, pendant quelques
minutes, un manuscrit de Tabbaye de Lnxeuil, paraissant remonter au
XI* siècle, et dans lequel, après les passions des apôtres el des évangélis-
tes, vient la vie de saint Martial, commençant par ces mots : Prœdicante
Domino, Elle est précédée du prologue en vers :
Chri8tU8 principium, finis, lux est^ via Chrittus.,.
Ce manuscrit a passé dans une vente publique, et a été, je crois, acquis
pour l'Angleterre. » (Lettre du 3 mars !857,)
ioA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE KT UISrOHIQUK DU LIMOL'SKX.
phrase, les mêmes expressions rares et particulières à ce poète, il
ne sera plus permis de douter de Tauthenticilé de ces vers de
Forlunat sur la légende de saint Martial.
Christus principium, finis ^ lux est^ via Christus (/),
Nomine cujus in almifico {2) semperque beato
Martialië résonant hic veracissima gesta {3).
(1) te Christ est le commencement et la fin : le Christ est la lumière et
la voie, — Voici des vers, tirés de la Vie de saint Martin, qui offrent avec
le vers précédent, non -seulement une grande similitude de contexture^
mais encore une grande ressemblance de pensée :
Vir cai Christus amor, Chrfsius honor, omnia Christus,
FIos, odor, esca, aapor, fons, lux ei yloria Christus.
{De Vita S. Martini, L. II, v. 4«i : Patrolog., t. LXXXVIII, col. 390.)
Ccst la même répétition du mot Christus : puis les deux fins de vers se
ressemblent : Lux et gloria Christus, — Lux est» oia Christus.
Autre exemple de cette répélilion du mot Christus :
Sit mihi Christus honor, Christus spes, Christus amator.
(Edition de là. Frédéric Léo, Appendix, p. t87.)
Le Christ est la lumière et la ooie : voici un autre vers de Forlunat où
ce poète dit qu'il y a des hommes dont Dieu est la lumière et la voie :
Kst qaibos interna lux Deus atque via,
(Miscellan., L. XI, c. XXXI ; Patrolog., Ibid., col. 344.)
(2) Ce mot ne se trouve dans aucun lexique ; nous Tavons lu toutefois
dans une légende manuscrite de saint Saturnin. Il est formé (Talmua^
comme mirificus esi formé de mirus,
(3) C'est au nom du Christ que se Usent ici les Actes très oéridiquee
de saint Martial. — Le mot résonant qui veut dire sont lus (lus à haute
voix) est une expression remarquable qui rappelle la manière de lire des
anciens. Saint Augustin allant voir saint Ambroise, note, comme chose
extraordinaire, qu'il lisait des yeux seulement et non à haute voix. Voici
d'autres vers de Fortunal où le mot resonare est employé dans le même
sens :
Dam tamen alta peto, resonet mihi Gai las in aure
Oesta beata viri, qaa miligat anda furorero...
{Dé Vita s. Martini, L. 111, v. 1 7 ; ibid.., col. 3M.;
Tempus utrnmquc dicans causis repetendo daabos,
fjectio nunc resoncms, sibi nunc oratio currens.
{De Vita S. Martini, L. Il, ▼. 114 ; ibid., col. 390.
ÉTUDK flISTORIQUB S4}ll L*AIi(CIKNNK VIS DE SMNT MARTIAL. 2S3
Quis hominum digne valeat doctissimus unquam
Quanti sit meriti prœclarus apostolus ille (/)
Dicere, vel prosa, vel pulchri carminé metri (^),
Quo saltem modicis decoretur pagina verbis {3)9
(1) Saint Marlial est appelé apôtre dans le légende d^Aurélien : Exem,"
pies: Inde reversas ma^ni meriti apostolus^ etc. ; — Hoc audlens sanctis-
simus apostolus^ etc.
(2) Qui pourrait dire en prose ou en vers habilement mesurés,». Celte
opposition de la prose et des vers est une tournure familière à Fortunat,
en voici un exemple :
Nunc qooqoe prosaico^ modo miltens carmina venu^
Blandior affata débita sol vit amor.
(L. VII, e. IVIII ; Jblcf., p. S55.)
Le mot metrum employé pour vers mesurés est aussi une expression
fréquente dans Fortunat, comme le mot reaoncwe que nous avons vu plus
haut :
Et satls constet resonare paacis
Metra poetis.
(L. IX, c. VII ; /«(/., col. 306.)
Qmeqae sant rhythmis, vel arnica metris. (Ibid.)
Metrica tirones dodc promant carmina castos...
(L. VIII, c. IX ; ibid. col. S85.)
(3) Le mot pagina est une métaphore élégante qui cessa d'être usitée à
l'époque où la langue latine cessa d*élre parlée. Fortunat aime beaucoup
celle métaphore :
Christe, fave votis * hœc pagina cernât amantes.
[De Excidio Thtiringia^ lib. I ; ibid., col. 432.)
Pagina me recreet missa, salntis ope
(Lib. V, c. XX ; f/»/rf,, col. 20î.)
Dt faceret tecum pagina m\MB, loqui.
(L. VI, c. XI ; ibid., col. 829.)
Et tua, ne recréer, pagina muta silet ?
(L. VII, c. XII ; ibid., ool. 2S0.)
Dam pergit hic quisque viam, mea pagina carrât.
(L. X, c. XVI ; ibid., col. 341.)
Qoas mihi porrexit modo pagina missa querelas.
(L. VU, c. III ; ibid., col. SS4.)
Tramiie manilleo celebravit pagina carsum.
(L. Vill, c. IXV ; ibid., ool. t9f.)
Hatribas ac Dominis pagina missa loqm ns.
[Appendijr : Versos inediti ; ibid., col. 594.)
35C SOCIÉTÉ ABCBÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Tullius atque Màro veniant ( /) ; sit lingua faceta :
Versibus aut currens (^), autprosœ mella retexens {3),
Non tua^ sancte pater [4), poterunt depromere gesta^
Tellus te Romana, quibm te Gallica telltis
Post Petrum recolunt juniorem parte secundu.
{{) Fortunat aime beaucoup à associer dans ses vers Virgile et Cicôron
et à les opposer Tun à l'autre. Eo voici d'autres exemples :
Fercala sWe qulbos fort dives ntcrqne minister,
Tullius ore cibum, pocala fonte Maro.
(L. VIII, c. !;</»<(/, p. «61.)
Mais c'est surtout Virgile qui revient souvent dans ses vers :
Aut jfaroTrajano lectas in orbe foro...
(L. vil, c, Vllï ; im., col. Î43.)
QaidTe poêla potesl Maro^ etc. (L. VU, c. XII ; ibid,^ 248.)
Manificamqae patrem aeqnaret ncc musa MaronU.
(L. IX, c. XXIV: ibid., 8«1.)
(8) Veraibus aut currens,.. expression recherchée dont nous avons vu
déjà plusieurs ressemblances : mca pagina currat,..
Lectio nanc resonans, sibi nuDc oratio currens (déjà cité).
(3) Cette expression si recherchée : le miel delaprose^ n'est pas sans
exemple dans Fortunat. Voici des vers qui en sont la preuve :
Mdiûc&s scrmonefavos, nova mella rainistias.
(L. VU, c. I: /Wrf., col. 233.)
Te doclrina probum, providentia sacra ministram,
Fecit et eloquio vincere mdla tuo.
(L. IX, c. IX; ibtd,, col. 309.)
Celsos la hoc humili tamulo Jacet, Atticus illc
Qai dabat eloquio duhia mella suo.
(L. IV, c. XVI, col. 166.)
(4) Cette tournure et cette expression, communes à la vérité, se rencon-
trent fréquemment dans Fortunat.
Haec qui. sancie pater, elc. (f.. IV. c. Vil ; ibid.. col 160.)
Sed tibl, sancte paier, etc. (m Vita s. Martini, L. lll, v. 267 : ibid., (00.)
Tu tatuen, aime pater, elc. (L. VIII, c. XVII ; ibid., col. 2S9.:
Hoc tamen, aime pater, elc. (L. IV, c. III ; ibid., col. 154.)
AIrae, béate pater, etc. (L. VIII, c. XX : ibid., col. 290.)
Unde, béate pater, elc. (L. IX. c. X ; ibid., col. 309.)
Seiitlo, summe pater, elc. (L. V, c. VI : ibid,, col. 197.)
ÉTUDK HISTORIQUE SUR l'aNCIENNR VIE DE SAINT MARTIAL. 357
Cuni Petro recolunt œqualem sorte priori (/).
Benjamita tribus te gessit sanguine claro ;
Urbs te nunc retinet Lemovica [2) corpore sancto.
Hinc tibi sit, rex magne Deus, laus, gloria, Christe {3)f
Christe caput, finisque cluens {4),pax lux, via, Christe {ô)t
(f) Ces mois aorte priori signifienl ici la condition supérieure ou la
dignité de raposlolat. Forlunat emploie souvcnl le mot sor» dans ce sens.
Sortis apostolicœ vir tuus iste fuit.
(L. V, c. Il ; ibid., col. 18î.)
Soriis apastoUca qase gesta vocantur, et actos, etc.
(De Vita S. Martini, 1. I, t. 22 ; ibid. ool. 366.)
(2) Urbs Lemooica : c'est le nom que portait Limoges au commencement
et à la lin du vi** siècle. Cf. Acta SS, t. V aug, p. 178, 184. — Conventus
apud Andelaum, anno DLXXXVIl : « Dé civilalibus vero> hoc est Burgegala,
Lemovica, etc. (Grrgor. Turon., edit. Ruinart, col. 442). — Au vii« siècle,
saint Oucn rappelle l.emooicœ; un anonyme de celte époque la nomme
Limodiccis; Magnon dit Lemofex Aug ustoretum, (Voit V Indicateur du
diocèse de Limoges, 1788, p. 152.)
(3) On trouve fréquemment dans Fortunat des vers d'une semblable
facture^ c'est-à-dire composés de nombreux substantifs ou adjectifs
réunis. En voici un exemple :
Cbara, benlgna, micans, pla, sancla^ ▼erenda venustas;
Fl08, decus, ara, nitor, palma, corona, pudor.
(L. VIII, c. VII i ibid,, col. 284.)
(4) Ce mot cluens est un mot tellement peu usité que le savant éditeur
de Forlunat, le cardinal Luchi, a cru devoir en donner Texplication :
cluens^ dit-il, veut dire puissant, excellent; cluen» idem, sonat ac potens
(L. X, c. IXy note; ibid,^ col. 335); et ailleurs : cluo^ quod est poUcre,
exccllere (L. V, c. Xil, note ; ibid.^ col. 230). Or ce mol si rare se trouve
ailleurs dans Fortunat avec la même signification :
Childeberte cluens... (L. X, c. IX; ibid., col. 335.)
{Biblioth. nation, ms. 13,048, p. 48 fo. — nfi siècle.)
Tecta labore novo, qus modo culta cluunt.
(L. X, c. VI ; ibid., col. 330.)
pollens, cZueclance, Dynami...
(L. VI, c. XII, col. 230.)
Ex iilo, celebrande, cluens, stat pars mea tecum.
(Edit, Berolini, lib. VI, c. X, ▼. 47, 1881.)
Mgr Cousseau, le savant é\'!5que d'Angouléme, nous écrivait à propos de
cette pièce de Fortunat : « Votre note sur rauihénticité de ces vers est une
analyse démonstrative ; il y a surtout un cluens (mol bizarre) qui est con-
cluant. (Lettre du 21 février 1855.)
(5) Pax, lux^ oia, Christe! — Voici un autre vers de Fortunat où la
même pensée se trouve avec les mêmes mots :
Est qoibas ut tua pax, lux Deus atque via.
{Edit. Paris, ad Sigoald. comit., 1. X, c. XI.]
âS8 SOCI^.Té ARCHéOLOOTQUS Xt niSTORIQUB DU LIMOUSIN.
Cette pièce de vers n'est pas la seule que Forlanat ait composée
sur une légende. Nous avons trouvé à la Bibliothèque nationale,
ms. 3,801, fol. 32, d'autres vers du même poète qui précèdent la
Vie de saint Grégoire de Langres, et parmi lesquels on lit le
suivant :
Hoc veneranda sacri testatar vila Gregori.
Or, ces vers ont été insérés dans les œuvres complètes de Fortu-
nat (1).
M. Jules Quicherat suspectait Tauthenticité de cette pièce sur
saint Martial, parce que, disait-iU elle manque dans les œuvres
de Fortunal recueillies avec beaucoup de soin par lui-môme (2) I
Nous lui avons fait observer que cette pièce se trouve dans rédition
de Forlunat Jonnée à Rome par le cardinal Luchi, édition repro-
duite dans la Patrologie de Migne comme étant la plus complète ;
que d'ailleurs les diverses éditions de Fortunat se sont accrues suc-
cessivemenl de nombreuses pièces éparses cà et là, et dont l'au-
thenticité n'a jamais été mise en doute. Ainsi l'édition du cardinal
Luchi est loin d'être complète, car, de nos jours, le savant Guérard
a publié, dans ses Notices et extraits de la bibliothèque du Roi (3),
un certain nombre de pièces inédites qu'il a trouvées dans un
manuscrit du ix* siècle, appartenant à la Bibliothèque nationale (4).
On a ajouté une de ces pièces dans Tédition de la Patrologie,
ainsi qu'une autre, publiée par le cardinal Maï\ dans le tome IX du
Spicilège romain. M. Frédéric Léo, dans son édition des poésies de
Fortunat, imprimée à Berlin en 488i, a ajouté les pièces trouvées
par Guérard, et cette édition peut s'augmenter encore. L'objection
de M. Quicherat ne prouve rien contre l'authenticité de la pièce de
saint Martial.
C'est donc à tort que M. Frédéric Léo, dans son édition de For-
tunat, a classé parmi les œuvres apocryphes de ce poète, non-seu-
lement cette poésie sur la légende de saint Martial, mais encore
l'hymne sur saint Denys : Fortem^ fideleniy militemy insérée dans
l'édition de Luchi, et dont nous avons prouvé ailleurs l'authenti-
cilé (S).
(t) P&trôlogiê, t. LXKXVUI, col, 153.
(t) LeUre du i6 mar» 'S55.
(3) Natioea et ê<£4raUê des maiiuscritB de la biàlioikèquû du Roi et d€$
autres bibliothèques, 1831, t. XIl, â^" partie, p. 67.
(4) Fonds latin, ms. l.),04d, fol. id al suiv., ix* siècle, écriiiire lotnbar-
diqiie.
(5) Etude sur saint Denys de Paris, p. C5.
ÉTUDE HISTORIQUE SUR L*ANCIENNB YIR DR SAINT MARTUf.. 959
CONCLUSION.
La légende de saint Martial, par le pseudo-Aurélien, sur laquelle
Fortunat a composé des vers dont nous venons de prouver l'au-
thenticité, est donc antérieure à Fortunat et remonte au plus tard au
milieu du vi* siècle. Il est vraisemblable que Grégoire de Tours Ta
connue, puisqu'il dit, dans son livre D^ la gloire des Confesseurs, en
parlant des deux prêtres compagnons de saint Martial, que cet évo-
que les avait amenés avec lui d'Orient dans la Gaule — quos secum
ab Oriente adduxitin Galliam (i). Or il a dû puiser ce détail, qui a
étonné les critiques, plutôt dans la légende d'Aurélicn, où il se
trouve, que dans la tradition orale. Apparemment il a cru que celte
légende était dans l'erreur sur l'époque qu'elle assigne à la mission
de saint Martial, p uisqu'il a adopté, pour l'époque de cette mission,
la date du consulat de Dëce (an 250), qu'il a trouvée dans une
légende interpolée de saint Saturnin ; mais sur ce point, sa critique
a été en défaut.
Au reste, comme nous l'avons montré ailleurs (2), les détails
apocryphes que renferme cette légende et qui l'ont fait rejeter par
les critiques, par exemple, les noms de certains personnages,
Amulphe, Sigebert, Hildebert, etc., les dignités qu'elle mentionne,
tels que le duc d'Aquitaine, le comte de Bordeaux, le comte de
Poitiers, etc., portent le cachet du vr siècle. L'agiographe qui a
composé cette légende a voulu, pour lui donner plus de crédit et
d'autorité, la faire passer pour l'oeuvre de saint Aurélien, succes-
seur de saint Martial, mais il s'est trahi lui-même en accommodant
les choses du i" siècle aux manières et coutumes de son temps. Il
y a dans son ouvrage des détails fabuleux et de pure imagination ;
mais ce qui n'est pas fabuleux, c'est ce qu'il a puisé dans l'an-
cienne Vie de saint Martial sur la mission que l'apôtre de l'Aqui-
taine a reçue de saint Pierre.
Cette ancienne Vie — document sincère et de bonne foi — est
antérieure à la légende d' Aurélien; et si, dans la seconde partie de
cette ancienne Vie, quelques miracles ont été ajoutés dans le cours
{i) De gloria Confessorum^ c. XXVII, <^d. Ruinard, col. 917.
(i; dissertation sur l'Apostolat de saint Martial, 18^5. p. 80,
SOO SOGIRTK ARCBÊOLOGIQUR FT HISTORIQUB DU LIMOUSIN.
du VI' siècle, la première partie, qui relaie la mission de saint
Martial, ses prédications et sa mort, cette première partie, disons-
nous, a dû être rédigée au v* siècle, à l'époque' où, dans les céré-
monies liturgiques, on lisait les \ctes des Saints. Cette ancieniie
Vie, qu'on ne peut suspecter, a une grande valeur traditionnelle
dans ce qu'elle rapporte de la mission de saint Martial ; et la con-
cordance des traditions des Eglises de TÂquitaine, de Rome et de
la Toscane avec la tradition du Limousin donne à celte mission
de saint Martial une valeur historique.
L'abbé Arbellot.
LES FRÈRES PRÊCHEURS DE LIMOGES
(1220-1693)
PUKDATIO ET PRIORKS CONVENTUS LEMOVICÇNSIS, AUCTORK BERNARDO GOIDONIS.^
MKMORIALIA PRO COKVRNTU LEHOVIGKNSl. — FUNDATIONES MISSARUM.
La fondation du couvent des frères Prôcheurs de Limoges est liée à Tiic-
tioD aposiolique.de saint Dominique qui, eu 1220, étant de retour d'Espa-
gne, envoya le toulousain Pierre Gellan de Paris dans celle ville où il fut
reçu avec empressement par Tévêque et par le chapitre.
Celle circonstance explique déjà le zèle des historiens de Tordre des frè-
res Prêcheurs, B. Gui (f), l'aiiieur de la Chronique anonyme publiée par
Mamachi {t), Tsegius (3), Malvenda (À), Mamachi (5), Quétii et Echard(6), etc.
à parler de cette fondation.
Il y a une autre raison. Ce couvent fondé de sr bonne heure fournit, au
xiii« siècle, une pléiade de religieux de tous points remarquables 11 suffit
de rappeler les noms illustres de Gérard de Frachet, d'Etienne de Salanhac,
de B. Gui. Mais loin de s'épuisor dans cet efilort, il ne cessa, dans les siècles
suivants, de donner à Tordre dos hommes distingués qui se recommandent
à Thistoire soii par leur haute situation dans TICgIise, soit parles œuvres de
Tapostolat et les vertus les plus rares. On trouvera ici même la notice de
chacun. d'eux. Le couveni de Limoges vit donc, dès le milieu du xiii^ siè-
cle, sa juste réputation s'étendre cts*éiablir dans tout Tordre. Plus tard, elle
ue ôt que s^asseoir plus solidement encore. Gérard de Frachet commença
donc, vers 1910, à écrire son histoire; il raconta sa fondation. Ce récit
était apparemment le Libellas de fundatione conoentus LemooicensLs dont
(1) De tribiu gradibus prœlaiorum in ordine Prœdicatorum^ ubi primo agittvr de maiflttri»
D. MA.RTÈNB, Thésaurus, IV, 402.
(2) AnnaUi ordinis Prœdteatorum, Append'x, col. 307, § IV.
(3) Cronieon. cité par Qu<r'F et Echard, Script, ùrd, Prœd.f II, 35, et Mamachi, Annale*^
Ad. an. 1219, p. 13.
(4) Annales, cité par QuÉrir et Echard, Script, ord. Prœl., II, 455.
(5) Annales ordinis Praedicatorum.
(6j Script, ord. Prad., I, 79.
T. .xxxix. 17
SGI SOCIÉTt ARCHEOLOGIQUE RT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
parle B. Gui ; Etienne de Salanhac poursuivit celte œuvre utile; etB. Gui ia
reprit. Dans la suite, le couvent se donna le soin de noter les faits les plus
mémorables, de relever les noms les plus dignes de riiisioire, jusqu'au
xvii<* siècle, jusqu*à la Révolution. Trois œuvres aujourd'hui connues nous
restent comme les témoins de ce zèle studieux et tilial : i® L'histoire du
couvent par B. Gui, intitulée : Fundatio et priores oonoentu» Lemocicensis ;
2'^ une chronique allant jusqu'à la Révolution et dont M. l'abbé licier a sauvé
les débris (1) ; 3<^ un long mémoire ayant pour litre : Memorialia pro con-
ventu Lemooicensl. Ces Meniorialia ou recueils de notices fureni réunis cl
complétéB en 1693. Je les ai trruvés aux Archives de la Haute-Garonne, eu
même temps que Thistoire abrégée des couvents d'Alais, de Béziers cl de
Castres, écrile à la même époque (2). La composition de ces histoires parti-
culières à latin du xvii® siècle esi un t'ait dij^nc d'attention, non pas unique-
ment, qu'on veuille bien le lemarqucr, pour riulérêt propre qu'y trouve
chacun de ces couvents, mais parce qu'elle témoigne d'uno évolution de
Tordre vers les étude.> historiques, que cependant il n'avait à aucune époque
totalement délaissées. Sous l'impulsion de la grande école bénédictine fran-
çaise, les frères i^rèchcurs, en effet, se mirent, à la iin du xvir siècle, avec
activité à étudier l'histoire, et d'abord leur propre histoire, fci le moyen à
prendre qui se présentait naturellement à l'esprit était celui-là même que les
Bénédiciins avaient adopté pour le Monasticon benedicUnuni : recueillir los
faits locaux destinés à être les matériaux d'une histoire générale. Les
frères Prêcheurs publièrent trois grands ouvrages qui sont des chefs-
d'œuvre : Scrlptores ordlnls P^œdicatorum par Quètïf et ëcuard (3), Bul-
larium ordlnLs FF. Prœdlcatorum par Ripgll (4\ Annales ordinis Prœ-
(1) Bxtrcdts de la Chronique des frères Prêcheurs de Zi ..017» (1200-1658^, dans Arch, hi$t.
de la Marche et du Limousin, t. II. 121-135.
(2) Les Archives de l'ordre des frères Prêcheur*, à Rome, possèdent les notices suivantes :
1. De monasterio sororum Poutis Viridis (128\)-1307 , Lib. Kl., fol. 313.
2. De monasterio Sancti Pardulphi (1293-1303). Ibid., fol. 314.
3. De anno fundntionis S. Ronaui Tho'osaiu U'>)6)« L.ib. Haa., fol. 17S.
4. Histoire du couvent de Saint-Gaudens (12921706), Lib. S, fol. 175-188.
5. Histoire du couvent d'Albi (1210-17()«), Lib. S., fol. 247-292.
' Autre histoire du couvent d'Âlbi (1276-1313), Lib. S., fol. 465-490.
6. Mémoire pour le couvent de Béziers (1247-, Lib. S., fol. 337-355.
7. Mémoire pour le couvent de Montauban (1251-1706). Lib. S., fol. 381-411.
8. Mémoire pour le couvent d'Alais (1240-1700), Lib. S., fol. 417-422.
9. Mémoire pour le couvent de Brive (1261-1568), Lib. S., fol. 422-458.
10. MémOTe pour le couvent de Clermon'-Lodève (1317), Lib. Y., foL 176-191 ; S., fol. 533.
11. Fondation du couvent de Can et, vicariat du précédent ((625), Lib. S., fol. 310.
12. Couvent de Rodez (1383), Lib. U., fol. 1-55, fol. 71-98.
13. Fondation du couvent des religieuses de Rodez (1660), Lib. U., fol. !36'^7.
14. Relatio de provincia Tholosana pro capitulo generali (1580), Lib. III., fol. 9-136.
Item. Ms. y en. P. Sebast. Michaeli^, Lib. lit, fol. 480.
15. Historia reformationis Provinciae Tolosanae vl590-1693), Lib. S., fol. 9-136.
16. Varia de provinciis Tolosona et Occitana (1647), Lib. Kl., fol. 213-237,
17. Varia de eonventu S. Severi (1257), Lib. PP., fol. 532.
18. Varia de eonventu Aginnemi (1240-1706 , Lib. Y., fol. 102 ; Lib. S., fol. 327.
(Communication du R. P. Ligiez, archiviste de l'ordre).
(3) 2 vol. in-fol., Paris, 1719-1721.
(4) 8 vol. in-fol., Rom», 1721-1740.
LES ITRÈRRIS PR^CHCUR*; DE LIMOGES. 2d3
diratorunif par Mamacbi (t). Je viens de prononcer le nom de Mamachi,
On sait qu*une commission hisiorique, composée de quaire membres,
fut à sa demande établie au couvent de la Minerve. II la présida. Elle
entreprit à son compte d'écrire l'bistoire générale de Tordre élaborée par
le P. Brémond, un des principaux promoteurs de ces études, et qui, élevé à
la première charge de Tordre, n*avait pu la poursuivre: histoire complexe
et vaste, nstudium tam longum tamque dlfflcUe », disait âlamachi(2); œuvre
impossible à réaliser, si chaque couvent n'avait commencé par se faire con-
naître, par donner ses litres à Tatiention de la commission. Les Memorialia
pro conoeniu Lemooi^ensi offrent un type excellent de ces histoires parti-
culières écrites ou recueillies dans le but indiqué et qui durent s'attacher aux
personnes p)us qu'aux choses (3). lis méritent donc à bien des litres d'être
remarqués et retenus. Faut-il ajouter que, par une fortune malheureuse, les
archives du couvent des frères Prêcheurs de Limoges si anciennes, si
renommées et si considérables, sont en majeure partie perdues? Les Archi.
ves de la Haute-Vienne n'en ont sauvé que quelques débris absolument
insuftisants, même pour ébaucher son histoire. C'est un nouveau motif de
recueillir avec soin les textes qui permettent d'en retrouver le fil. 11 m*a
donc paru utile de réunir et de publier ensemble trois mémoires auxquels
on n'hésitera pas à accorder la valeur de documents sinon directs, du moins
solides : <<> Fundatio et priores conoentus LemoolcenélSy auctore Ber-
nardo Guidonis; i° Memorialia pro conoentu Lemooicensi; 3o Funda-
tiones missarum. Le premier neul a été en partie publié par D. Marlène; les
deux autres sont inédits. Les Memorialia se recommandent d'eux-mêmes. Ils
contiennent quelques anciens textes et représentent la chronique du cou-
vent tenue à jour. Le récent volume de M. Aiig. Molinier : Les obi-
tuaires français au moyen-âge (4), a montré Tintérêt qui s'attache aux
rôles des fondations de messes, i^es Memorialia et les Fundationes mis-
aarum sont donnés ici chacun d'après le manuscrit unique connu. Pour
le texte dp B. Gui : Fundatio et priores conoentus Lemooicensisy j'ai suivi le
ms. 490 de Toulouse {\^ édition) et le ms. 780 de Bordeaux (2« édition) (5).
On trouvera des renseignements sur le couvent de Limoges que je n*ai pas
ici utilisés, dans deux de mes publications auxquelles je me permets
de renvoyer une fois pour toutes : Essai sur l'organisation des études
dans l'ordre des frères Prêcheurs au xiii® et au xiv« siècles (6), Avta
capitulorum prooincialium ordinis fratrum Praedicatorum (7).
il) Tome I (§eal paru). In-foL, Rom«, 1756.
{2 1 PrœfaUo, XIX.
(3) Le P. Reboul avait écrit ane histoire du couvent de Saint-Maximioqae M. l'abbé Albanés
a otllisé^î dans son beau livre : Le couvent royal de Saint- Afaximin en Provence. In 8«, Mar-
seille, 1880. C'est de ce même mouvement vers les étuden historiques que sont sortis, par
exemple, De Botnana provineia par le P Fontana. (1670), Historia cœnohii Avenionensis
par le P. Mahukt(1678|, Afonumenta ronventu$ Tolosanif par le P. PsiiciN (1093), Historia
provindœ hispaniœ, par le P. Meohanus (1725).
(4) ln-8«, Paris, Imprimerie Nationale, 1890.
{i} i/L. Léop. Dblislb, Notice tur les manuserits de Bernard Gui, 320, 321.
(6) Io-8«, Paris, Picard, 1884.
(7| In-8*, Tottlome, Privât (sons presse).
264 SOCIÉTÉ. ARCHÉOLOGIQUR RT BISTORIQUR DU LIMOUSIN
I
FUNDATIO ET PRIORES CONVENTUS LEMOVICENSIS
Auctore R. Gcidoms.
(Bibl. de Toulouse ms. -490. Toi <28, fol. 135. — Bibl. de Bordeaux,
ms. 780, fol. 59, fol. 62)
I. — FUNDACIO CONVKNTUS LEMOVICENSIS.
Anno Domini M°CC**XIX° (1), paulo anlc quadragesiraam (2),
venjt primo frater Pelrus Cellani Tholosanus apud Lemovicas de
Parisius cum sociis sibi datis, rnissus a beato Dominico (3), ut acci-
peret ibi domum ; fuilque paterne et bénigne receptus a venerabili
episcopo Lemovicensi domino Bernardo de Savena(4) et a capilulo
eiusdem ecclesie sedisLemovicensis. Paulo posl diclus frater P. (S)
•
(4) N. st. 1220. Pour B. Gui, Tannée commençait au 35 mars. Vov. le
paragraphe suivant. Cf. Mauachi» Annales ord.Prœd., pp. 522-536.
(2) Dans les premiers jours de février probablemeul. Cette année Pâques
tomba le 29 mars, et le niqrcredi des Cendres le i I février.
(3) « Anno Domini MoCCoXlX», bealus Dominicus de Hyspacia veiiil Pari-
sius et in domo Sancli Jacobi prcfaia convenlum XXX frairum invenil ; el
inde misii Lemovicas ad convenlum accipiendum ibidem fraircm Pelrum
Cellani Tholosanum superius mcmoraium ». B. Gui, Cathalogus Magistro'
rum ordinis Predicatorum, Bibl. de la ville de Toulouse, ms. 490
fol. 54 B. — «Circa annnm Domini MoCC'»Xllll«, ingruonic lempore quo ad
Lateranenseconcilium Romam adiré ceperunlcpiscopi, oblulerunl sesanclo
I»ominico duo probi viri el ydonei de Tholosa. Quorum unus fuii fraier
P. Cellani, qui tuil poslmodum primus prlor Lemovict-nsis ; aller vero fraier
Thomas, vir admodum graiiosus et sermone facundus. Horum primus
nobiles el insignes quas Tholose circa Caslrum.Narbonense domos possé-
derai, oblulit el dedil sancio Dominico el élus sociis. A quo lempore cepe-
lunl primum apud Tholosam in eisdem dominus commorari «. B. Goi,/6'd.,
fol. 53 A. Le premier couvent habile par sainl Dominique eu aujourd'hui le
couvcni de Marie-Réparalrice. Fr. Pierre Cellan fui un des premiers compa-
gnons de sainl Dominique (B. Gui, Bibl. de Touiouse, fol. 39 B); en I2Î6,
l'évêque de Cahors l'appela pour fonder un couvent dans colle ville (B. Gui!
Fund, cono. Caturc, Ibid.^ fol. Ul A); il fui le premier inquisiteur (1233)
el le qualrième prieur du couvent de Toulouse (B. Gui, Fund. cono. Toi.
IbLd., fol. 119 A.)
(4) lîvôquedelîig à 1226.
(5) Manque dans Mariène,
LES FRÈRBS PKÊCBEURS DE LIMOGES. . 165
rediil Parisius, et intérim locus ydoneus pro fratribus querebatur
et disponebatur. Hune locum quesitum et invenlum, scilicet extra
villam ultra Vigennam fluvium, iuxta ponlern qui dicitur Sancti
Marcialis (1), émit pro fratribus et dédit patronus vir venerabilis
dominus Guido de Clausello, archidiaconus in ecclesia memorata,
postmodum vero episcopus in eadem (2).
Anno Domini M^'CC^'XX*', prefalus fraler P. (3), adiunctis sibi
sociis, rediitde Parisius Lemovicas, locumque prefatum paulo post
Natale Domini acceptavit, in quo loco fundata fuit ecclesia in
honore sancte Dei genitricis Marie, de voluntate et assensu prefati
dumini (4) Bernardi, episcopi Lemovicensis. Et prefatus dominus
Guido patronus primarium lapidem posuitin eadem, présente clero
et populo multo, in sequenti festo Anunciationis Dominice (5),
incoante iam anno Domini M*'GC°XXI*'. Intérim vero fratres mane-
bantin domo Sancli Geraldi in una domo ad partem ; et in loco
prefalo ad habitandum cdificia parabantur.
Anno Domini W^GC^^XXP, in feslo Nativitatis Béate Marie perpétue
Virginis mutaverunt se fratres de domo predicta Sancti Geraldi ad
locum suum nova m ultra pontem Sancti Marcialis, quem tune pri-
mitus inhabitare ceperunt. In sequenti autem festo Epiphanie,
constructo iam capite ecclesie, celebrata fuit missa sollempniter in
cadem (6j a prefato domino archidyacono et patrono. In hoc autem
primo loco manserunt fratres annis viginti nec plus nec minus
amplius una die.
Postmodum namque propter multam ineptitudinem et inconve-
nienciam dicli loci, quia notabiliter ab utraque villa remotus et
distans, et in seipso nimis ardus (7) erat, et ad sermones et ad alia
salutis consilia populus confluere non (8) valeret, disposuerunt se
fratres, Deo pro eis melius disponente, mutare ad locum secundum
in quo nunc habitant. De cuius loci empcione et miraculosa solu-
cione, que tune impossibilis fratribus videbatur, necnon et de
muUis aliis contingentibus circa ipsum, de primo quoque loco
plenius et difTusius est notatum in libelle de fundacione conventus
liemovieensis, qui ibidem habetur.
Anno Domini M*» GC*» XL**, in craslino beali Bartholomei apos-
(I) DaPLÈs-ÂGiKR, Chroniques de Saint-Martial de Limoges, 130.
(9) Evêque de U26 à 1235.
(3) llarlène : Petrus Cellani,
(4) Manque dans Martène.
(5) Manque dans Martène.
(6) Manque dans Marlènc.
(7) Marlène : erectas.
(8) Ms. de Toulouse : nec.
266 SOCIÉTÉ AACnéOLOOIQUE ET HTSTORIQUK DU LIMOUSIN.
toli (1), in isto secundo loco fuit benedictum cicniterium liberum et
absque omni condicione, a venerabili pâtre domino Philippe,
Bituricensi archiepiscopo (2), de raandalo domini Peneslrini cardi-
nalis, tune apostolice sedis legati in Francia(3), in presencia cleri
et populi, vacante tune sede Lemovicensi (4).
Anno Domini M*> CC» XLI\ Illlo nonas aprilis (5), fuit fundala
ecclesia fratrum in isto secundo loco a domino Durando, Lemovi-
censi episcopo, tune noviter presulante (6).
Anno Domini M*» CG*XLP, in festo Nativitatis Béate Dei genilricis
Marie, mutaverunt se fratres de primo loco ad secundum, sollemp-
niter ac dévote processionaliter incedentes cum toto provinciali
capitule, qnod ibidem tune exlitit celebratum(7). comitanteclero et
populo multo, necnon et religiosis viris cum canlicis et laudibus,
sicut in prefato libelle plenius est descriptum (8).
II. — PrIORES CONVENTUS LEMOVICENSIS (9).
Primus prier in conventu fratrum Predicaterum Lemovicensi fuit
frater Petrus Gellani prefatus, qui post beatum Deminicum fuit
primus frater ordinis Predicatorum, sicut notatum inveni a fralre
Stéphane de Salanhac (10), vire antique, qui ibidem in eius mani-
bus est professus. Hune fratrem Petrum Gellani beatus Deminicus
suscepit ad ordinem in socium et in fratrem ; ipse vero suscepit
beatum Deminicum et letum qui tune erat, imme incipiebat (il),
ordinem Predicatorum, secum in hospicio proprie Tholose, in quo
hespicio fratres primitus habitaverunt.
Gumque beatus Pater Dominicus post obitum gloriosi principls
domini Symonis, comitis Montisforlis, fratres pro dilatacione
ordinis dispergeret, islum (12) fratrem Petrum Gellani Lemovicas,
(i) Le 35 août par conséquenl.
(2) Philippe Bcrruyer, archevêque de 1236 à 1261.
(3) Jacques de Pecoraria, cardinal-évôque de Palestrina.
(4) Par la mort de Guillaume du Puy. évoque en 1235.
(5j 2 avril.
(6) Evêque jusqu'en 1245.
(7) Voy. dans les Actes de ce chapitre provincial, Acta capUulorum pro-
oincialium, pp. 18-20.
(8) Marlène : llbello contiaetut.
(9) Tiire courant.
(10) Marlène : Salanhaco.
(H) Marlène : qui tune in i no incipiebat,
(12) Ms, de Toulouse : hune.
^
LES FRÈHKS PBÉCHKURS DB LIMOGES. 26t
ut locuiD et conventum ibidem, sicut prelactum est, acciperet,
ileslinavit. Cum vero ignoranciam et libronim penuriam alle-
garet, nam unum solum quaternum de omeliis beali Gregorii
tantara habebat; « Vade, inquit, fili, et confidenter vade, omni die
bis habebo te coram Deo. Et ne dubites, mulluin adquires Deo,
et afferes muUam fructum. Gresces et multiplicaberis, et Dominus
erit tecum ». Et sicut postmodnm familiaribus suis sepius enarra-
vit, cum intus vel extra angustia artabatur invocabat dominum
Dominicum, reducens ad memoriam promissum suum ; et omnia
prospère succedebanl.
Hic frater Petrus multis habitum sanctum dédit, et in terra sicut
unus de prophetis anliqnis apud clerum et populum in magna
reverencia et honore consenuit, optime personatus, constans et
reclus. Prior fuit Leraovicensis annis tredecim. Circa flnem vero
dierum suorum Tholosam rediit, unde extitit oriundus, ubi primus
cum fratre Guillermo Arnaldi (1), viro constantissimo, deputatus
fuit ad inquisicionis ofQcium contra pravitatem hereticam exercen-
dum in partibos Tholosaois et per tolam terram comitis Tholosani,
anno Domini M* CG* XXXIIl», sicut habetur et legitur in Cronica
magistri Guillelmi de Podio Laurencii (2). Hic tandem post multos
bonos labores in conventu Tholosano sancte in Domino diem extre-
raum[clausitj, fructus quietis et pacis eternea Domino percepturus,
VHP kalendas marcii (3), anno Domini M» GG» LV1P(4), ut estime
de anno (5) ex auditis.
Secundus prior frater Geraldus de Fracheto (6) de Castro
(1) LMnquisileur tué à Avignoncl en 4242.
(2) a In dicbus autcm legationis ejusdcm episcopi Tornacensis, pcr sum>
mum Pomificcm commissa esl fratribus ordinis Pracdicalorum inquisitio
ÎD his terris contra haerelicos facienda; fueruntque ad hoc deputali fraicr
Petrus Ccllani et Guillelmus Arnaldi, qui Tolosae quosdam, quos facilius
convinci posse praesumebant, cilaverunt. o Gap. XLIII. Ils exercèrent en-
semble Toffice de l'Inquisition dans le Quercy et à Moissac (G. Pblbisso,
Chronieon, p. 95).
(3) îî février.
(4) 1958 (n. st.).
(5) Ms. de Bordeaux : annis.
(6) B. Gui est revenu sur ce religieux éminent plusieurs autres fois,
d'abord dans son opuscule : Predicatores graciosi et famoai (Bibl. de la
ville de Toulouse, ms. 490, fol. 43, A); ensuite dans son opuscule : De
prioribus prooincialibus (Ibid,, fol. 67, B) : Gérard de Frachet fut pro-
vincial de la première province de Provence de 1251 à Ii59; enfin dans
VHistoire de la fondation du couoent de Montpellier, dont il fut prieur de
IS60à 1963 {Tbid.,ïo\. Ut, B). En 1263, Gérard de Frachet fut désigné
268 SOCIÉTÉ ARCHÊOLOGiQrK ET OISTORIQUR DD LIMOUSIN.
Luceti (1) Lemovicensis diocesis, successit fralri Petro Cellani«
anno Domini W CC XXXIIP. Prefuit autem ac profuit (2)
annis XII., graliosus ac dilectus Deo et hominibus, persona
canctis spectabilis, predicator facundus et fecundus. Hic locum
primum consalte dimisit, incommoda plurael ineptitudineseiuspru-
d enter coDsiderans et attendons: et locum secundnm in quo nunc (3)
habitamus discrète ac sollicite émit, et Beata virgo Maria cum (ilio
sao,ymmo filius meritis et precibus pie matris sue per servum suiim
dominura Aymericum Palmulz, canonicum Dauralensem (4), mira-
culose persolvit. De hoc habetur in Vitis fratrum, lib. primo, cap.VI,
Cum fratres Lemovicenses, etc. (5) ; de quo loco fuerat visio celitas
premostrata, sicut habetur in eodem libro primo, cap. niI'',A^flrrarîf
michi quidam honestuscivis Lemovicerms, etc. (6). Hune locum etor-
dinemhonoravitmullipliciter et promovit. Hic fuitprior provincialis
huius provincie oclavus. Librumquoque, qui Vitas fratfutm inscri-
bitur. ipse compilavit etstudiose recollegit, quinque libellis ipsum
distinguens,ad mandatum venerabilis patris fratris(7)HYmberti, Ha-
p:istri ordinis. Tandem plenusdierum etoperibus bonis, in senectute
bona. migravitad Dominum inconventu Lemovicensi, in festo beali
Francisci, IIII» nonas octobris, anno Domini M°CC°LXXl, etalis sue
annoLXXVP, ab ingressuvero ordinis anno XLVI°, quem intravil
Parisius, in festo beali Martini, anno Domini M° CC'' XXV", sub
fralre Matheo priore, et in sequenti festo Anunciacionis Domi-
nice, in manu Magistri ordinis (8) professionem fecit, sicut scriptum
inveni de manu sua in quodam iibro suo. SepuUus est in claustre
prope oslium ecclesie, ubi habentur insculpti in lapide sequentes
versus :
Fraler Geraldo de Fracheto pie valde,
Tercius liic a le capilur locus immcdiato.
Ordo, gcnus, vila, discrecio, linga polil;i,
Fama, pudor, pietas te iaudant, pax, amor, clas.
comme électeur du Maitre général (IHd.^ fol. 398, B} ; il mourut le 4 oc-
tobre 1371 (Ibid., fol. î5i, B). Voyez sa notice dans Quélif cl Echard,
Script, ord. Prœd.y l, 2159.
(I) Châlus (el non pas Châlucet), arr. de Sainl-Yrieix (Hauie-Vienne*.
Cf. Bernard Gui dans Echanl, Scriptores^ I, 259.
(ât) Ac profuU manque dans le ms. de Toulouse.
(3) Nunc manque dans le ms. de Toulouse.
(4) Le horal (Haute-Vienn**)-
(o) VUœ fratrum^ p. 30. ln-i°, éd. lilbographiée, Marseille, 1875.
(C) Ibld., p. 50.
(7) Fratrin manque dans le ms. Je Toulouse.
(8) Ms. de Toulouse : Magistri Jordan/s.
LRS PRÈRKS rnPXHKURS DE L1M0GRS. ^GO
Tercius prior fraler Hugo de Mala morte (1) Lemovicensis dyo-
cesis successit fratri Geraldo de Fracheto, anno Domini IV^CC^'XI^V®
TelXLVI"; prefuitqueannisquinque. Hic fuit nobilis fçenere et anirai
virlute, vir.magni rigoris et bone discrecionis. Fuit eliam prior
Burdegaiis, ubi fuit in archiepiscopum (2) nominatus, opinionis
et famé preclare. Hic obiil in convenlu Lemovicensi, IIIP kls. ia-
nuarii (3), anno Domini M° CC** LXIII». Tandem post aliquot
annos ad inslanciam venerabilis viri domini Helye de Mala morte,
(iecani Lemovicensis, etaliorum parenlum suorumnobilium, trans-
latum est corpus eius ad fratres Brivenses, ubi avunculus et nepos
in Domino requiescunt.
Quartus prior frater Stephanus de Salanhaco Lemovicensis dyo-
cesis, bis; prima vice, successit fratri Hugoni de Mala morte, anno
Domini M** CC° L**; fuitque inde Iranslatus in priorem Tholosa-
num, anno Domini W CC*» LIX\ Hic frater Stephanus fuit in omni
statu ac gestu suo religionis spéculum aspicientibus, gracia predi-
cacionis et sermonis benedictus in verbo audienlibus, prudencia et
sapiencia preditus in regimine, facundia et loquencia redimitus,
experiencia muita edoctus, in hiis que religionis [sunt] oplime ins-
Inictus et instruens (4). enarrator gestorum et antiquitalum, ac
exemplorum notabilium graliosus et copiosus, morum ac gesluum
maturitate compositus, famosus in tota patria (5). De quo adhuc
infra.
Quintus prior frater Helyas Navarra Lemovicensis dyocesis
successit fratri Stephano ; prefuitque anno uno. Hic fuit vir sanctus
et dévolus, vere religionis spéculum et ymago, veneranda valde
persona, fervens et gratiosus predicalor, in correctione rectus et
constans, zelo salutis aliorum velut aller Helyas succensus. Hic
fuit subprior Tholosanus et prior Narbonensis (6), et Carcassonen-
sis (7) et Figiacensis (8). Tandem in senectute bona, obiil in
convenlu Brivensi, in kalendis (9) septembris, anno Domini
M*CG*LXX*. Sepultus iacetin clauslro prope hoslium capituli ad
levam introeunlibus.
(1) Douais, Les frères Prêcheurs en Gascogne^ p. i}9.
(2) Archevêque de H27 à i2G2.
(3) 30 décembre.
(i) Manque dans Marlène.
f5) QuÉTiF et EoHARi), Scrip, ord, Prœd.y 1, 4lo ; — Dou/.is, Les frèreu
Prêcheurs en Gascogne^ p. 483.
(6) B. Goi, Ftindat, cono. Narbonennis. Bibl. de la ville de Toulouse,
ms. 490, fol. 255.
(7) B. Gui, Funiat. cono. Carcassonemiff. Ibld , fol. tSG, A.
(8) B. Gui, Fondât, cono, biglacensls, Ibld,, fol. 173, A.
(9) Marlène : in calendes, 30 aoûl.
^70 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE OU LIMOUSIN.
Sextus prior frater Geraldus de Sancto Valerico (1) Lemovi-
censis dyocesis saccessit fralri Helye Navarra, anno Domini
M" ce** LX"*; prior fuit annls quinque; fuil autem absolutus in capi-
lulo generali Montispessulani, anno Domini M° CC*" LXV* (2). Hic
de monacho Sancli Marcialis (3) factus est predicalor dévolus et
fructuosus, gratus et letus et largus, et persona venerabilis. Tan-
dem in senectute bona, in conventu Lemovicensi, in die Natalis qua
Christus nalus est mundo, nalus est ipse, ut pie creditur, in celo.
Illucescente siquidem aurora illius diei saneti, voluit et peciil ut
fratres servilores qui ei infirmo assistebant, coram se sibi dicereol
officium misse matutinalis que dicitur in aurora, scilicet : Lux fui-
gebit hodie super nos, etc. ; quo dévote ac attente audito ac explcto,
gracias agens Deo, ait : « Karissimi fratres, officium misse raaioris,
scilicet : Puer natus est nobis, etc., audiam in celo cum angelis » ;
et post paululum in Domino obdormivit, et in missa conventuali
corpus eius fuit in choro fratrum, anno eiusdem Domini benedicti
M" GO* LXXX**. Sepultus est in claustro ante limen ecclesie, ubi
epithaphium eius sequentes conlinel versus :
Hic situs est frater G. de Sancto Valerico.
Subvcnidt mater Chrisli pietatis amico.
Gratus, amans, hylaris, Christo florem iuvenîHs
Optulil elatis, susceptus in ordine gratis
In malutino medio placuil quoque trino«
Ac uni Domino temporc serolino.
Sic ubi complevit annos ter in ortilae quinos
El decies tri nos, moriens in pace quievit.
Frater Slephanus de Salanhaco predictus secunda vice successit
fralri Geraldo de Sancto Valerico, anno Domini W CG" LXV*».
Temporo prioratussuihac ultimavice intravit ordinem et suscepit
habitum de manuipsius,in conventu Lemovicensi, venerabilis pater
dominus Petrus de Sancto Astérie, episcopus Petragoricencis (4),
anno Domini M'* GG° LXVII^; qui annis XXXIIl episcopatum
digne et laudabiliter gubernavit, in ordine vero annis VIII men-
sibus quatuor cum dimidio, vixit Lemovicis laudabiliter et honora-
biliter ; obiitque féliciter pridie ydus iulii (5), dominica die, anno
(4) Saint-Vaury (Creuse).
(2) Bibl. de la ville de Toulouse, ms. 489, fol. 70^ .
(3) L'abbaye de Saint-Martial de Limoges.
(4) Evêque de Périgueux depuis 1234. Voy. plus bas, pp. i3 4^.
^5) 14 juillcl.
Lf.S PRÈRR8 rRÊCHKL'RS DK LIMOGES. 371
Domini M**CC* LXXV» ; sepultus est in medio chori fratrum (1).
Tempore quoque prioralus fratris Slephani hac secunda vice, anno
Domini W CG** LXIX% fuit inctioalum et fundalum dormitorium
ex parte inferiori versus orlum ; et memoralus dominas P., Petra-
goricencis episcopus, primarium lapidem posait in eodem, de
cuias bonis tam in vita ipsius quam post mortem fuit quasi perfec-
tum et consnmpmatum. Hic frater Steplianus compilavit (2) Iracla-
tum quemdam brevem et devotum devotis : De quatuor m quibm
Deus Predicatorum ordinem insignivit, quem ego in notulis scriplum
de manu sua (8) semiperfectum repérions diligencius recoUegi, ipsum
compingens noviler reformavi, pluraque (4) superaddidi in locij
suis secundum exigcnciam materie in eodero (5), quam invencrim in
eodem (6). Prior fuit Lemovicis tam prima quam secunda vice in uni-
verso annisXVI, fuitque absolutus hac vice in capitulo generali Mon-
tispessulani, anno Domini M"* GG° LXXl° (7). Hic fuit prior Poilien-
sis, et Tholosanus ; tandem plenus dierum quasi sexagenarius in
ordine obiit Lemovicis, Vl«» ydus ianuarii (8j,-anno Domini M" CG*
nonagesimo (9) ; sepullus in claustro ante hostium ecclesie.
Septimus prior frater Nicholaus de Monte maurilii, sic cogno-
minatus eral, tamen Lemovicencis dyocesis origine, successit fratri
Stephano de Salaohaco, vir suavis moribus et oplime Utteratus.
Prior fuit anno quasi dimidio; fuit autem absolutus ibidem a
priore provinciali fralre Pelro de Valelica, anno Domini M"* GG**
LXXI®, post Natale Domini. Hic mullis annis rexit et tenait stu-
dium générale in Monlepessulano ac sludiumjTholosanum sollemp-
niter et honorabiliter utrobique, et in Burdegalis; in convenlu vero
Leraovicensi legit et docuit plusquam XV annis ; tandem legens
canonicis in sede cathedralis ecclesie Narbonensis, in cathedra
more doctoris sedens, et cum mirabili fervore et devocione sedens
et (10) exponens illud Eccl. XXIIil, Quasi cedrm exaltata sum in
LihanOy etc., de sapienlia increata et de natura humana in Ghristo et
(1) B. Gui a consacré une notice à cet iliuslre religieux dans son opuscule:
De quatuor in quitus Deua Predicatorum ordinem insignioit. Bibl. de
Toulouse, ms. 490, fol. 35 A.
(2) lis. de Toulouse : incoaoit,
(3) Ms. de Bordeaux : fratris] à la marge : Stepha -,
(4)'Martène : pleraque,
(5) In eodem manque dans le ms. de Toulouse.
(6) C*e8l Topiiscule déjà cité.
(7) Bibl. de Toulouse, ms. 489, fol. 79^.
(8) H janvier.
(9) 121^1 (n. Ht.).
(lOj Sedens et manque dans le ms. de Toulouse.
S72 SOCIÉTÉ AttCHROLOGIQUB ET HISTORIQUK DD LIMOUSIN.
de Virgiae Beata, dulciter et quasi imperceptibiliter cunctis aslan-
tibus, sibi vero féliciter (1 ) in Domino obdormivit, feria Vivante
Ascensionem Domini de mane, quod fuit IIP nonas (2) maii, anno
Domiui M" CO*LXXIX°. Et sic assumpsit euni Deus in officio, in quo
placuerat ei, sicut sepe audivi a plerisque et specialiter a fralre
Hugone de Rofinaco de conventu Brivensi, qui socius eius erat,
et presens fuit (3) et vidit et audivit. Sepullus est Narbone in
claustro fratruni ante hoslium capituli.
Octavus (t) prior frater Johannes de Chastanc Lemovicensis dyo-
cesis successit fratri Nicholao predicto; prefuit annis fere tribus;
fuit autem absolutusincapilutoprovincialiThoiosano, anno Domini
M«GC°LXXIIII". Hic fecil fieri tempore sui prioratus campanile
ecclesie, anno Domini M«CC°LXXIII". Hic fuit vir mente devotus,
fâcie et conversacione ielus, predicator admodum promptus el
copiosus, sedulus attractor magnorum peccalorum ad Deum. Hic
fuit prior Sancli Emiliani et Brive ; tandem in senectute bona et
canicie veneranda, sûbprior Lemovicensis existens, obiit III* kls.
aprilis (5), anno Domini M'^CO'LXXXP; sepuUus est in claustro Le-
movicensi ante ingressum ecclesie (6).
Nonus prior frater Petrus de Muiceone Lemovicensis dyocesîs
de predicacione Brivensi, ter ; prima vice, successit fratri Johannî
de Chastanc, ex lectore Brivensi factus prior Lemovicensis ; confir-
matus fuit in Briva per fratrem P. de Planis (7), priorem Brivensem,
(\) Et quasi., féliciter manque dans le ms. de Toulouse.
(2) Manène : Idua. 5 mai. Ms. de Bord ; de mane, anno,
(3) Et presens fuit manque dans Marlène.
(4) Ce qui suit jusqu'à declmus nonus prior n'a pas élé donné par Mar-
lône.
(5) 30 mars.
(6) Douais, Les frères Prêcheurs en Gascogne^ 433.
(7) Lecteur de théologie au couvent de Cahors en 1268 {Acta capital,
proolnc,^ Bibt de la ville de Toulouse, ms. 490, fol. 305 A); prédicaietir
|i;énéral en 1268 (Ihid.,ioL 306 A); lecteur de Ihéoiuj^ie au couvent de
Limoges en 1270 {Ibld.^ fol. 309 A); au couvent de Périgueux en I27â
(76W., fol. 312 B), au couvent de Brive en 1275 {Ihld., fol. 319 A); prieur
du couvent de Brive deux fois : 1^ de 1264 à 1366. a Primus prior in con-
veuiu fratrum Predicatonim Brivensi fuit fraler P. de Planis, qui bis fuît
prior; prima vice fuit inslilulus in capilulo provinciali Avinionensiin feslo
Béate Marie celebraio, anno Domini M^CC' LXIiU<^. Prior fuit hac vice annis
duobus et amplius, fuitque absolutus in Briva a priore provinciale fralre
Bernardo Geraldi, circa Natale Domini, anno Domini M<*CC"LXV1°. Hic fuil
mafrnus promotor loci, procuralor bonorum et attractor amicorum. — Primus
leclor assignalus Ibidem fuit frater Johannes do Montccuco, qui lamen non
LRS FRÊRBS rRÊCBEURS DE LIMOGES. 973
aano Domini M*CC**LXXI1I1°. Tempore huius hac prima vice fait
coDsumpmatum dormilorium ex parte ecctesie, et fuit facta caméra
lectoris anle hoslium dormitorii, et fuerunt facte camere private,
omnia fere de pecunia domini Pelri (i), PetragoriceDsis episcopi
roemorali ; prier fuit hac vice annis scx ; fuitque absolulus in capi-
tule provinciali Narbonensi, anno Domini M"CC*LXXX% et ibidem
lector Lemovicensis assignatus (2). De quo adhuc infra.
Decimus prior frater Johannes de Nontronio (3) Lemovicensis
dyocesis successit fratri Petro de Mulceone, de subpriore ibidem
prior effectus; prior fait anno uno, fuitque absoiutus in sequenli
capitule provinciali Massilie, anno Domini M'^CC''LXXXP. Hic fuit
bene reîigiosus et bonus; plenusque dierum obiit Lemovicis,
IIII* kls. maii (4), anno Domini M°CCoLXXXIP vel III».
Frater P. de Mulceone prefatus secunda vice successit fratri
Johanni de Nontronio; prior fuit hac vice annis tribus; fuitque
ab.^olutus in via qua ibat ad capitulum provinciale Pirpiniani, anno
Domini M'^CCL'^XXXIIIP. De quo adhuc infra.
Undecimus prior frater Petrus Raymundi Baranho Tliolosanus
successit fratri Petro de Mulceone, de priore Castrensi factus prior
Lemovicensis circa Natale Domini, anno Domini M'»CC°LXXXIIII°.
Prior fuit anno quasi dimidio; fuitque absolulus in sequenti pro-
vinciali capitule Condomiensi, anno Domini M°CC*'LXXXV". Hic
fuit prior Castrensis, Sancti Ëmiliani, Âlti villaris, Podiensis;et
landem subprior Tholosanus obiit extra in predicatione laborans,
.sabbato sancto Pasche (5), anno Domini M<*CCGI''. Sepultus est
Tholose (6),
venii nec legil, undc fraler P. de Plaiiis predictus fuit primus prior et in
ofticio primus lector, tenens ÎDsimul calhedram et quadrigam ». (B. Gui,
Fondât, cono. Brioensis, Ibid.^ fol. 194. Cf. D. Martène, Ampl. collect,,
VI,SOl-506); âo de 1273 à 1275. « Frater P. de Planis predictus secunda
vice successit fratri Helyc de Briva predicto, ex icciore Lemovicensi factus
l>r:or Brivensis» confirmatus ibidem per frairem Stephanum de SalaDhac.
Prier fait hac ?ice annis tribus, fuitque absolulus in capitulo provinciali
Pirpînîani, anno Domini M<^C<*LXXVo. Hic senex bonus et famosus in palria,
obiit in conventu Brivensi, sepultus in inlroitucapiiuli in ipso liosiio, anno
Domini )1'Cl<>LXXXVI<». Hic fuit promotor edifiriorum couventus induslrius
et sollicitus toto tempore quoad vixil ». (B. Gui, Ibid., fol. 194 B}.
(1) Pierre de Sainl-.Astier.
(2) Douais, Les Frères prêcheurs en Gascogne^ 457.
(3) Nontron (Dordogne).
(4) 28 avril.
(5) A la marge, d*une autre main : Prima die aprilis. PAqucs tomba, en
effet, le 2 avril.
(H) Douais, Les frères Prêcheurs en Gascogne, 460.
â74 SOCIÉTÉ ARCntOLOGlQUE RT HISTORIQUE DU L1M0USJN.
Frater P. de Mulccone prefalus Icrcia vice succcssit fratri Petro
Raymundi predicto ; prier fuit anno une ; faitrfue inde prier Lemo-
. vicensis existens Iranslalus ad prioralum Mentispessulani, post pro-
vinciale capitulum Brageriaci,circa feslum sancti Michaeli3(l), anno
Domiûi M^CC^LXXXVI** ; prefuil in conventu Lemevicensi in uni-
verse annis X. Hic luit vir gratus Deo et heminibus, famosus in tola
patria, nebilis génère, nebiiior humilitaiis virtute, super afflictos
et misères gestans viscera pietalis. De prieralu vere Montispessu-
lani factus fuit inquisiler Thelesanus paulo pest Natale Domini,
anne Domini M''CC'*LXXXIX\ De oflicie vere inquisicionis eleclus
et assumptus est ad previncialatura in capitule previnciali Brivensi,
in Âssumpliene Béate Marie Virginis celebrate, anne Demini
M°CC'» nonag^ II**; prierque provincialis existens, in conventu
Mentis albani pesitus ad quera venerat visitandum, migra vit ad
Dominum, VP kls. augusli (2), in feste béate Marthe, anne Demini
M^CC* nenag*V®;ubi prime iacuittumu]atus;deinde translatum fuit
corpus eius ad cenventum fralriim Brivensem, in capitule previn-
ciali Caturcensi (3), anne Demini M^CC*» nenag** VHP, ubi nunc in
Démine in capitule requiescit.
Duedecimus prier frater Pelrus Cepelli de Valeria (4) Lemevi-
censis dyecesis, bis; prima vice successit fratri Petre de Mulceene,
de lectere Caturcensi prier Lemovicensis effeclus circa festum
Omnium Sanclerum, anne Demini M'^CC/LXXXVP; prier fuil bac
vice annis duebus ; fuit autem abselutus per litteram prions pro-
vincialis, quam ipsemet precuravit pest provinciale capitulum Avi-
nienense, anne Demini M'T.C* ecteg* VHP (5), De qne adhuc
infra.
Tercius decimus prier frater Yterius de Cempuhace (6) Lemovi-
censis dyecesis, qualer;primavice, successit fratri Petre Cepelli, de
lecteris cathedra ibidem prieris pesitus ad cadrigam; prefuil anno
une; fuit autem abselutus in sequenti previnciali capitule Narbo-
nensi, anne Domini M°CC° ecteg° IX° (7). De que adhuc^ infra.
Quartus decimus prier frater Gaufridus Leperarii Lemovicensis
(1) 29 septembre.
(2) 29juillel.
(3) Les Actes de ce chapitre sonl muets à ce sujet.
(4) Vallière (Creuse).
(5) Le ms. de Bordeaux porte par erreur nonag". — Douais, Les frères
Prêcheurs en Gascogne^ 452.
(6) Compreignac, arr. de Bellac(Haule-Vienne). hier de Compreignac
mourut a Saiul-Junicn (Haute-Vienne) en 1304.
(7) Douais, /6td., 486. — Le ms. de Bordeaux porte par erreur norKzg^,
LKS FRÈRGS PRÊCHKIIRS DR LIMOGKS. 275
dyoeesissiiccessilfralri Yterio de Compuhaco, de subpriore ibidem
prior effeclus; prefoit anno uno (1) etmodicum ampliiis ; fuit autem
absololus per lilleran vicarii provincie fratris Bernardi de Trilia(2),
in feslo beali Andrée paulo post provinciale capitulum Appamiense,
anno Domini M"CC° nonag*». Hic bonus vir fuit; obiit Lemovicis,
XIIIP kls. iuUi (3), anno Domini M°CO* nonag° V° vcl VI» (4).
Fraler Ylerius de Compuhaco prediclus sccunda vice succcssit
fratri Gaufrido prediclo, ex lectore ibidem, sicut et prius, prior
effectus; prefuit bac vice annis duobus; fuitque absolutus in capi-
lulo provinciali Brivensi per priorem Biluricensem fralrem Pelrum
de Massiis, auctoritate Magislri ordinis ; et fuit ibidem lector Bur-
degalis assignatus, anno Domini M"CC" nonag" Iî° ; non tamen illuc
ivil, set lector Lemovicis remansil.
Frater P. Copclli predictus sccunda vice succcssit fratri Yterio
de Compuhaco ; prëfuit bac vice annis duobus; fuitque absolutus
bac vice per lilteram prioris provincialis fratris Pétri de Mulceone,
quam ipsemel secreto optinuit et in capitulo Lemovicensi in festo
beale Marie Magdalene legit ibidem ad veniam, coram fratribus
liumiliter se proslernens, post générale capitulum Monlispessulani,
anno Domini M'^CC'* nonag*» IIIP. Hic fuit vir mitis, bumilis et dévo-
lus, bene religiosus, dibctusDeoet fratribus, predicalor bonus. In
flore iuventulis et valoris obiit Lemovicis, XV** kls. augusli (5),
anno Domini M»CC* nonag* VIII'' ; quiescit in clauslro iuxta hos-
lium ecclesie immédiate ad levam intrantibus in lumulo fra-
irum XI^*°».
Quinlus decimus prior frater Joannes de Villanova Lemovicensis
dyocesis (6), bis; prima vice, succcssit fratri Petro Copelli, electus
lu sequenti feslo béate Marthe; prefuit bac vice annis duobus; fuit-
que absolutuâ in capitulo provinciali Narbonensi, anno Domini
M^CO» nonag* VI».
Sexlus decimus prior frater Durandus de Pelrucia (7) dyocesis
Rulhenensis de predicacione conventus Figiaci successit fratri
(I) Uno manque dans le ms. de Toulouse.
(3) QuETiF et ËCHARD, Scrift. ord. Prœd., l, 155; — Douais, op,
cU., 393.
(3) 18 juin.
(4) En 1289, il avait été nommé prieur du couvent de Fi$çeac; il n'accepta
pas. B. Gui, Fufvd, cono. FLgLacensis, Bibl. de la ville de Toulouse, ms. 490,
fol. «74 A.
(5) 18 juillet.
(6) Douais, Les frères Prêcheurs en Gascogne, 443.
(7) Peyrusse (Aveyron).
S76 SOCIÉTR ARCnéOLOGlQUB ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Jojianni de Vilianova; prefuil annis quasi duobus; fuit autem
absoLutus in capilulo provinciali Gaturcensi, ubi fuit ipse diffinitor,
aano Domini M»CC* nonag° VHP. Hic fuit prior Ruthenensis et
Narbonensis et poslmoduro fuit prior Pirpiaiani et Albiensis. Hic
obiit Figiaci posl provinciale capitulum Monlis albanl, in quo fuerat
diffinitor, anno Domini M°CCC°ni^, in oclabis Omnium Sanclorum,
VP ydus novembris (1),
Frater Johannes de Villa nova predictus secunda vice successit
fralri Durando ; prefuil hac vice annis tribus ; fuitque absolutus in
capitulo provinciali Agennensi, anno Domini M°CGCI*. Hic fuit
prior Brivensis et prior et leclor pariler Podiensis. Hic obiit in senec-
tute bona in convenlu Lemovicensi, III'' kls. iunii (2), in sabbato,
anno Domini M»CCCV°, ab ingressu vero ordinisanno Domini XLII«.
Frater Ylerius de Compuhaco (3) predictus tercia vice fuit electus
feria VI° infra octabas Assumpsionis Beale Marie (4), et confirmalus
consequenter; tamen non prefuitin hac vice, quia de Caturco ubi
lector erat ad iugum venire noluit prioratus ; landem eleclio et con-
lirmacio cassata fuit, Tholose, in vigilia Puriiicacionis Béate Marie,
anno Domini M^CCCI« (Sj, me présente.
Decimus seplimus prior frater Raymundus Extranei Lemovicensis
dyocesis de predicatione Brivensi successit fralri Johanni de Villa
nova in regimine, electus IlII» ydus februarii, in festo Scolaslice
virginis, anno Domini M"CGCI°; tempore prioratus fuit facta una
pars claustri, scilicet ex parte ecclesie, anno Domini M"CCCIII*,
(1) Ce religieux que B. Gui appelle ailleurs Durand Salpicat, Durcuidus
Salpicati (Fund. cono. Ruthenensis^ Bibl. de Toulouse, ms. 490, fol. 235 B;
Fund. cono, Albiensis. Ihld.^ fol. 219 B) fournil une longue ei belle car-
rière : éludianl de logique au couveni de Figeac eo 1264 (Act. cap. proo.
Ihid., fol. i99 A); étudiant des arts au couvent de Figeac en 1265 (Ibid.,
fol. 300 À); prédicateur général désigné en 1289, en 1286 el en 1300
[Ihid., fol. 335 A, fol. 343 A, fol. 380 A) ; visiteur en i29f, en 1296, et celte
année visiteur spécial du couvent de Pamiers {Ibtd., fol. 366 Â, fol. 370 A,
B); socius de Bernard de Jusic (Douais, Les frères Prêcheurs \en Gas-
cogne, 387), au chapitre général de 1298 {/6id., fol. .?72 B}; définileur au
chapitre provincial 1*98, de 1300 et de 1303 (/6td., fol. 37i B, fol. 379 A,
ol. 387 A); vicaire «le la province en 1299, annonce la mort de frère Ray-
mond Hiinaud provincial [Ibid.^ fol. 376 A, B. fol. 377 A), prieur du cou-
vent de Narbonne (B. Gui, Fund. cono. Narbonensis^ Ibid», fol. 250 A), du
couvent de Rodez (B. Gui, Fund. cono, Ruthenensis^ Ibid,, fui. 225 B), du
couvent de Perpignan (B. Gui, Fund, cono. Pirpiniani^ Ibid., fol. i58 B) el
du couvent d*Àlbi (B. Gui, Fund. cono. Albiensis, Ibid., fol. 219 B).
(2) 30 mai.
(3) De Compuhaco manque dans le ms. de Bordeaux.
(4) 18 août.
(5) 1302 n. st.
LES FRÈRES PRÊCHEURS DE LIMOGES. 977
pro qaa habiiit conventus CXX libras de legalo domine Valérie
Manhana, matris fratris Helie Manha (1). Gonstitit autem amplius
LXXX librarum. Prior fuit anois duobus et dimidio quasi ; fait
autem absolulus in capituio generali (i) Tholose, anno Domioi
MCCOIIIIo(3).
Frater Ylerius de Compuhaco predictus quanta vice successit
fratri Raymundo Extranei, confirmatus Tbolose in orastino sancti
Johannis Baptiste, anno Domini M^'CGGIIII*. Prior fuit bac vice
meusibus fere duobus tantum. Hic prior Lemovicensis existens, obiit
iDter priores Lemovicenses primicie dormientium priorum, quia
nulius ante ipsum obiit ibi in officie prioratus ; obiit autem in villa
Sancti Juniani, ubi precedenti die dominica infra octabas Âssump-
sionis Béate Marie Virginis in ecclesia predicans de eadem : In
omnibus requiem quesivi, more suo voce qua pote rat altiori eius glo-
riosam requiem extollendo, vix Hnito sermone finem predicandi
pariter et loquendi deinceps ibidem coram populo fecit ; indeque
productus ad domum prepositi et ad lectum, diem claudens extre-
mum, pervenit ad requiem quam predicaverat et optarat, sequenti
feria V», scilicet XIII® kls. septembris (4), in festo beati Bernard!
abbatis, anno Domini M^'CCCIIII"; e&demque die fuit corpus eius
aliatum apud Lemovicas et honorifice in capitule tumulatum, anno
vero ab ingressu ordinis XLII', quem ingressus est anno Domini
M**CC«LXIII°, in festo beati Pétri marliris (5), in conventu Lemovi-
censi, priore existente fratre Geraldo de Sanclo Valerico, sub étalé
puerili, circiler XIII aut XIIII annorum, dilectus et electus a Deo
cum puritate et innocencia vite, quam cum claritate famé illibatein
ordine conservavit.
(I) Douais, Les frères Prêcheurs en Gascogne, 427.
(t) GeneraU manque dans le ms. de Toulouse.
(3) Ce religieux a fourni une longue carrière. Eolré dans Tordre en 1965,
(B. Goi, Fund. cono, Brioensls, Bibl. de Toulouse, ms. 490, fol. «96 A], il
fui étudiant des arts au couvent de Figeac en 1966 et au couvent d'Orthez
en H67 {Act. capit.prov. Ibid,, fol. 301 A^ foL 303 B); visiteur en 1991
(Ibld,, fol. 358 B) et en 1304 (Ibid., fol. 391 A); porte au chapitre provin-
cial tenu à Béziers en 1291, une demande de fondation pour Saint-Junien
(Dordogne) (Ibld., fol. 234) ; accepte au chapitre de Brive de i±%i le Ueu
de Sainl-Pardoux (Ibid., fol. 346 A), la province n'ayant pas de provincial;
vicaire de la province en 1299; membre du chapitre général de 1993,
{Ibid.j fol. 359 A); prédicateur général en 1304 (Ibid,, foi. Sdi B; prieur
do couvent de Brive deux fois, de 1291 à 1293, de 1306 à 1308 (B. Gui,
Fund. conv. Brioensis, Ibid.y fol. 195 A, fol. 196 A); prieur du couvent de
Bergerac de 130i à 1306 (B. Gui, Fund. aoM. Brageriaomiêis^ foK 199 B),
(4) 90 août.
(5) Saint Pierre de Vérone dont la fête se célèbre ic 99 avril.
T. XXXIX. 18
2^8 SOCiAtK ARCttéOLOGIQUE Et HlStORlOUK DU LlMOUSlM.
Christiferam venerans, sic damans magnifîcavit,
Quod verbum superans devocio debililavil ;
Rapta fuit mens, liens siluit vox, preco Marie ;
Dum docuit, tune ocubuit lux arclia sophie.
Decimus octavus priorfrater Stephanus Laurelli de Garaclo (i)
Lemovicensis dyocesis, bis; prima vice, successit fralri Ylerio
memorato de lectore ibidem prier effectus, sequenli mense septera-
bris, in feslo Sancle Cruels, anno Domini M° CCGIIII** ; qiio tempore
factum fuit capitulum novum precio CXL (2) librarum, et provinciale
capltulum celebraturo in sequenti feslo beale Marie Magdaiene, et
pars claustri ex parte capiluli pro maiori parle fada; prior fuit
anno quasi uno ; fullque absolulus, paulo posl provinciale capitulum
inibi celebratum, per lilleram prioris provincialis fratris Bertrandi
de Claromonte, infra oclabas beati Dominici ; et repositus ibidem
ad officium lectionis, anno Domini W CCCV» (3).
Décimas (4) nonus prior omnium minimus successi ego frater
fiernardus Guidonis fratri Stéphane Laurelli, in vigilia beati Bartho-
lomei apostoli (8), Burdegalis confirmatus, anno Domini M® CGC V*.
In sequenli vero tempore paschali, anno Domini M* CCCVI", in feslo
beali Georgii marliris (6), quod fuil in sabbato, dominus Glemens
Papa V cum oclo cardinalibus venit Lemovicam et ad domum fra-
Irum Predicatorum declinavit sine diverliculo ad manendum, ubi
concessit priori presenti, agenli gracias et petenli, quod confesser
quem sibi eligeret et ipse prior super fratres, et confessores quos ipse
priorfratribus deputaret,pro una vice eamdem et tantam haberent in
omnibus (7) poteslatem in foro penilenliali absolvendi et dispensandi
ab omnibus culpis et pénis citra purgalorium, quanlam ipse Papa su-
per eoshabcbat (8). In craslinovero inquofuildiesdominica, littera
dominicaliB., idem Papa, visitalo prius corpore Sancli Marcialis.
et benedictione data populo congregato in platea Sancli Geraldi,
recessit apud Sollempniacum (9), versus Burdegalam dirigens gressus
(<) Guérel (Creuse).
(2) Ms. de Toulouse : CXV,
(3) Douais, Les frères Prêcheurs en Gascogne^4S%,
(4) Donné par Marlène, col. 468, 469.
(5) 23 août.
(6) 93 avril.
(7) In omnibus manque dans le ms. de Toulouse.
(8) Quantam, etc., manque dans Martène.
(0; Solignac près Limoges.
Lies FRBRB8 PRÂOHBURS DB LlliOGBd. 979
suos(l). Hoc eodem anno DominiM» CCCVI«,facta fuit libraria pre-
cio C librarum et amplius. Prior fui anno uno et dimidio ; fui autem
absolutus per litteram Magislri ordinis, et faclus inquisitor Tholo-
sanus per litteram prioris provincialis Francie, receptis inde litteris
utriusque Lemovicis, in festo beati Marcelli Pape et martiris (2J,
XVIP kls. febroarii, anno Domini M«CCCVP (3).
Frater (4) Stephanus Laurelli predictus secunda vice successit
micbi fratri Bernardo Guidonis, ultima die ianuarii electus, in
medk) vero sequentis mensis frebroarii conQrmatus Tholose ; ad
eumque pervenit confirmacio in vigilia vei in cathedra sancti Petri,
anno Domini M'CGCVI" (8). Hoc in temporevicecomesLeraovicencis
qui diu impediverat et retardaverat, tandem permisit et concessit ut
fratresprepararentetedificarent (6) sibi portalein locopriusempto
versus barrium de Manhenia, ubi facta fuit porta, anno Domini
M* CGCVII*. Prior fuit bac vice anno uno et mensibus quinque ;
(1) D'après le Regestum ClementU papae V publié par les Bénédictins
du Moolcaflsin (in-fol., Homae, 1885-1888), le pape Clément V se trouva à
La Soulerraine le 15 avril (a*" 78i) et le 16 à Graudmont (n* 407). De
nombreuses bulles furent expédiées de Grandmonl le 18 (a<^ 05S, 953,
etc.), le 20 (no* 4342, 1344, 1346, 1359, etc.), le 21 (no 423) et le 22 avril
(n<» 787, 788, 79i, 793, 1047). Sous la date du 23 avril, trois bulles portent
Datum Lemooicia (n<" 1385, 1386, 1416); par la première {n^ 1385), le pape
accordait cent jours d'indulgences en faveur de Téglise de N. D. de La'
Rochefoucauld, diocèse d'Angoulême, aux fêtes de la Nativité, de TAnnon-
cialion, de la PuriHcaiion et de 1* Assomption de la Sainte- Vierge; par la
seconde (n"" 1386), il autorisait le doyen de cette église à recevoir un
autre bénéfice ad suam sustentoUionem] par la troisième (n* 1416), il
l'autorisait à prendre trois autres églises et à retenir 20 livres tournois sur
Téglise N. D. de La Rochefoucauld. Trois autres bulles portant Datum
LemooicU sont placées sous la date du 20 avril : elles sont toutes les
trois en faveur de Tévêque de Lhnoges, Reginal de la Porte, auquel le
pape accorde le pouvoir de faire recevoir dix religieux dans dix des
maisons régulières du diocèse (no 1336), de créer six prébendes au Dorât
à Ahun, à Moutier-Rauseille, à Saint-Junien et à Saint-Yrieix (no 1388),
et de faire réconcilier par un prêtre un cimetière souillé per effuaio-
nem sangulnis oel seminis (n° 1389). Deux bulles sont datées de Soli-
gnac, où Clément V se trouva le 24 avril (no* 1345, 1335). Le 27, il était
à Excideuil (Dordogne) <n«* 1314, 1318) et le 30 à Férigueux (n»* 4a, 789,
790). Etc., etc.
(2) Manque dans Hartène .
(3) 16 janvier 1307 (n. st.)
(4) Rien de ce qui suit n*a été donné par Hartène.
(») Le 21 ou le 22 février 1307 (n. st.)
(6) Ms. de Bordeaux : préparent ut edificarent.
iÂO SOCIÉTÉ: ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIQUE OU LIMOUSIN.
fuitautem absolulus in capitule provinciali Brivensi, îd festo beale
Marie Magdalene celebrato, anno Doraini M° CGCVIIP.
Vicfcsimus prior /rater Thomas Narmanni (1) de Ageduno successit
fratri Stéphane Laurelli, ceniirmatus in priorem in principio mends
decembris, Baiene, anno Doraini M^CCCVIII*» ; prier fuit anno diini-
die, fuitque absolutus in sequenti capitule provinciali io Petragerat,
in feste beati Barnabe celebrato (2), anne Domini M* GCCIX*.
Vicesimus primus prier frater Guido Helye de Anex.enie (3) suc-
cessit fratri Thème Narmanni, conlirmatus in priorem paulo post
festum sancti Johannis Baptiste, anno Domini M** GCGIX"* ; prier fuit
annis duebus, fuitque absolutus in capitule provinciali Burdega-
lensi, anno Domini M*^ GGGXI^, in festo Assumptionis Béate Marie
Virginis celebrato (4).
Frater Stephanus Laurelli prediclus tercia vice successit fratri
Guidoni Helye, centirmatus in priorem in Pruliane (5), in festo
sancti Glementis (6), anne Domini M»* GCGXP; prier fuit mensibus
sex isla vice, priorque existens, ebiit in conventu Ruthenensi, ad
queia aceesserat visitandum, pridie kls. maii (7), anne Domini
M« CCG» XIP.
Vicesimus secundus prier frater Helyas de Planis Brivensis succes-
sit fratri Stéphane Laurelli, ex prière sererum Sancti Pardulpbi(8)
factus prier Lemovicensis, cenOrmatus quarta die mensis iulii,
anne Domini M"" CGG^'XII*'; prier fuit anno une, fuitque absolu-
tus |n capitule provinciali Albiensi in festo Magdalene celebrato,
^nno Demini M*» CGC« XIIP ^9).
{\) Un autre frère appelé Thomas Narmanni Lemooicen^iA était étu-
diant de théologie àloulouse, en 1305. Act. cap, prov, fîibl. de Toulouse,
ms. 490, fol. 392 A.
(2) M... celebrato manque dans le ms. de Toulouse.
(3) Nexon, près Limoges.
(4) Douais, Les frères Prêcheurs en Gascogne^ 409.
(5) Frouille (Aude).
(6) 33 novembre.
(7) 30 avril.
(8) Saint-Pardoux (Dordognc).
(9) Etudiant de philosophie (naturalia) au couvent de Figeac en 1i87
[Act. cap. proD,, Bibl. de Toulouse, ms. 490, fol. 345 B) ; étudiant de
théologie au couvent de Limoges, en \2%9(Ibid., fol. 350 B); au couvent
de Toulouse, en 1291 (IbLd., fol. 357 B) et en 1992 {Ibid,, fol 359 B);
au couvent de Montpellier, en 1293 {Ibid,, fol. 363 A); sous-lecteur an
couvent de Limoges, en 1296 (IbLd., fol. 369 A); lecteur de théologie au
couvent de CoUioure, en 1298 (Ibld,, fol. 372 B); visiteur en 131.'^ {Ibid.y
foL 418 B); prédicnieur général en 1315 (Bibl. de Toulouse, ms. 488,
LES rRÊRBS PRÊCHEURS DR tlIffOGRS. â8l
Frater GuidoHelye predictus secandavice successit predîcto fra-
Iri Helye, confirmalas in priorem in festo sanctse Cecilie (l)Tho-
lose, anno Domini W CCC*>XIIP; prior fuit aonîs paulo minus
duobas; fuitcfue absolutus per lilteram prioris provincialis post
provinciale capiiulum Sancli EmiUani, anno DomiM M^ CGC* XV*.
Fraler Thomas Narmanni predictus secunda vice successit fratri
Gnidoni Helye, mense augusti, conGrmatus in priorem, anno Do-
mini M* CGC» XV«» ; priop fuit tribus anois ; fuitque absolutus in cafpi-
tulo proviHciaU Brivensi, anno Domini M'* GGG* XVIIP celebrato.
Vicesimus lercius prior frater Dominicus de Monte totrno Tho-
losaniis successit prediclo fratri Thome, confirmatus in priorem
mense iulii, anno immédiate prenominato; fuitqne absoLutus in
capitule provinciaLi Gastrensi, anno Domini M"* GGG XX*", in festo
apostolorum Pétri et Pauli (2).
Frater Thomas Narmanni predictus tercia vice successit predicto
fratri Dominico, confirmatus in priorem in Gastris, anno quo supra;
prior fuit hac vice VII annis ; fuitque absolutus per litteram pro-
vincialis post capiiulum provinciale Lemovicense, anno Domini
M* GGG*» XXVIl*». Huius tempore fuerunt edifîcate due partes
claustri ex parte refectorii et ex parte orti.
Vicesimus quartus prior frater Petrus Guidonis successit pre-
diclo fratri Thome ex lectore Lemovicensi, confirmatus in priorem
in Gaturco, mense iulii, anno quo supra; prior fuit quasi uno anno,
fuitque absolutus Tholose in capitule provinciali celebrato post
capitulura générale, anno Domini M° GGG^XXVIIIo; qui factus fuit
primus lector canonicis Sancli Stephani Tholose (3).
Vicesimus quintus frater Johannes de la Ghiesa successit predicto
fratri Petro, confirmatus in priorem in une iunii, anno Dominique
supra; prior fuit tribus annis, fuitque absolutus in capitule provin-
ciali Lectorensi, anno Domini M» GGG^ XXXP (4).
Frater Thomas Narmanni predictus quarta vice successit predicto
fratri Johanni, confirmatus in priorem in Morlanis, circa feslum
Marie Magdelene, anno Domini M° GGG*» XXXI» ; fuit prior quatuor
annis integris et modicum plus ; fuitque absolutus in capitule pro-
fol 75 a); prieur du monastère de Saint-Pardoux, deux fois, de t3H, à
1312, et en 1314. (B. Gui, Fund. cono, Sanctl Pardulphl, Ihld., fol.
247 B), prieur du couvent de Brive, trois fois, de U09 à 1311, de 4313
à 1314, de 1330 à 4323. (6. Gui, Fand. cono. Brioenais. Ibid, fol. 196 B).
(1) Î2 novembre.
(i) Douais, Les frères Prêcheurs en Gascogne, 402.
(3) I^ouAis, Les frères Prêcheurs en Gascogne, 453, 454.
(4) Voy. les Actes de ce chapitre dans mes Frères Prêcheurs en Gas-
cogne, 210.
S83 SOCIÉTÉ ARGDÉOLOGIQUE ET BI8T0RIQCB DU L1M0USIIC.
Yinciali in Allô villari celebrato (1), anno Domini M' CGC* XXXV»,
in feslo Assiimptionis Béate Virginis.
Vicesimas sextas prior frater Guido de Morluo mari, de Sancto
Asterio (2) Petragoricensis dyocesis, successit memorato fratri
Thome, confirmatus post capitulum AUi villaris, circa festum
Omnium Sanctonim, anno Domini 'M"" CGG"» XXXV».
(I) Actea dans mes Frères Prêcheurs en Gascogne, 931.
(9) Lecteur des arts au couvent de Castres en 1323 {Act. cap. proo.^
Bibl. de Toulouse, ms. 490, foi. 442 B); lecteur de théologie au couvent
de Belvez en 1331 (ïbid., fol. 462 A); visiteur en U^O {Ibld,, fol. 493 B);
prédicateur général en 134i (Ibid., fol. 500 À).
LES FRÈRES PRÊCHEURS OB LIMOGES. ^^3
II
MEMORIALIA PRO GONVENTU LEMOVICENSI
(Archives de la Hauie-Garonne, H. Dominicains étrangers» Limoges).
HEHORIALIA PRO CONVENTU LEMOVICENSI FRATRUM PRAEDIGATORUM eXCCrpta
ex vetustissimo codice characteribus gallicis manu exarato in
pergameno, in guo habetur fundalio hujusce convenlus cum aliis
ad ipsum spectantibus, quorum omnium historia quantum
coDjectare licet, inchoata est circa annum Domini 1240 a fratre
Gerardo de Francheto, aucta deinde a fratre Stephano de Sala-
nhaco, ornata a fratre Bernado Guidoiïis, et ad haec usque
tandem tempora deducta a variis incertisque au[c]lhoribus,
ab omnibus tamen eidem codici mandata, qui integer asservatur
in deposifo, et in quo haec leguntur.
I. — [fUNDATIO PRIORIS ET POSTERIORIS CONVENTOS LEMOVICENSIS]
Anno {i ) Doraini millesimo C0'XIX*(2) circa quadragesimam, mis-
sus est fr. Pelrus Cellani (3), natione Tholosanus, de conventu Pari-
siensi, cum duobus fratribus, quorum alter conversus erat, apud
Lemovicam, ut ibi, accepta domo in iis quae ad nostrum ordinem
pertinent, Domino desérvirent, si quidem beatus Dominicus antea
praedixerat hoc esse suae voluntatis ut apud Lemovicam ubi homi-
nés ecclesiae devolos audierat,fralres inproximo mitterenlur. Cum
igitur dicli fratres ad jam diclum locum deyeuissent, recepti sunt
hilariter et dévote a venerabili pâtre Bernardo de Savene, Lemovi-
censi episcopo, praecipue vero a magislro Guidone de Cluzello,
Lemovicensi archidiacono, qui et lune lemporis decanus erat eccle-
siae Sancti Aredii (4). Hic autem,cum esselvirmagaae au[c]thoritatis
et inter omnes canonicos illius ecclesiae in dandis eleemosinis
niagis excellens, promisitsedaturum dictis fratribus locum ad habi-
tandum. Sed cum adhuc nondum se offerret opportunitas, de volun-
(I) A la marge: Adoentus fratrum apud Lemovicam, anno Domini Î2i9.
(9] liâO, n. st. Voy. plus haut, p. 264, note 1.
(3) Yoy. plus haut, p. 26i.
(4) Saint- Yricix (Haute-Vienne).
284 SOCI^É ARCHiOLOOlQUB ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
tate et consilio dicti archidiaconi, redieraat fratres Parisids; post
pascha, repeteruQt iterutn Lemovicam, habito nuacio praedicto
archidiaconi cum locutn ordini congraum reperisset.
Sequenli autem anno posl Natale Doraini, dictus fr. Petrus rediit
Lemovicam associatus ut supra dictuia est, et datas est locus
fratribus ultra pontem Sancti Marlialis juxta Vigennam fluvium,
emptus si quidera de proprio dicti archidiaconi a Petro Jayo, bur-
gensi castri Lemovicensis, qui eum vendidil prelioLXXXl librarum.
Joannes vero Botis, burgensis Lemoviceusis, cum non haberet
libéras, ad ii^istaatiam oiuUorum praeroit operibus. Hic autem posi^
modum muUa bona eontulit fratribus, inter quae iilud peculiare,
quod ad domum fralrum fontem adduxit propriis suBOkptibus et in
claus^FO convenienter s^ptavit. Intérim vero fratres manebaotin
doma Sancti Gerardi(l), in una domo ad partem sibi, prout con-
suetudo ordiojs est, procurantes. In instanti autem quadragesima,
videlicet oetavo calendas aprilis, quando scilicet Annuntialio
DoEoini in ecclesia solemniter celebratur (2), de voluntale domini
epîscopi, mulio clero et populo praesentibus, dictus archidiaconns
primarium posuit lapidem in fundamento eeclesiae, fundans eam in
honorem beatae et venerabilis malris Domini nostri Jesu Chrisli.
NuUa autem adhuc domus aedificabatur ibi. Intérim vero, scilicel
in prima die ipsius quadragesimae (3), fr. Petrus recepit ad ordinem
unum fratrem clericum nomine Briccium (4) qui usque ad annum
Domini millesimum CC'LXVI supervixit, et in sequenti aestate
unum conversum nomine Martinum de Castro Lemovicensi. Facla
autem. jam domo una, in eodem loco venerunt fratres de domo
Sancti Gerardi ad locum novum, et tune primo inhabitare coepe-
runt, videlicet in festo Nativilatis Beatae Mariae virginis glorrosae.
Do.musautem Lemoviceusis quinta domus ordinisfuitvelquarla(5),
prima filia domus Parisiensis ; secunda vero fuit Remensis.
Tune ad instantiam fratris Pétri prioris missi sunt de Parisiis
très fratres clerici. Caput ecclesiae jam constructum erat, sed non-
(4) [<a maison Saint-Gérald de Limoges. A la marge : Domus SuncU
Gerardi est domus canonicorum regularium Sancti Augustini.
(2) Le jeudi avant le dimanche de la Passion, Pâques ayant dû tomber
le 11 avril en iîîl.
(3) Le U février.
(i) A la marge : Fr. Briccias de Peyrat V«« frater kujus conoent.
Len^v,
(5) Le prieur du couvent de Limoges occupait, au cbapilre provincial
de la première province de Provence, la precniëre place à. gauche, le
prieur du couvent de Toulouse occupant la première à droite. B. (rui, dans
QuÉTiF et ËCHAKD, Script. Qrd, Praed., I, p. ii.
LtS PRÈRK8 PRÂCffEURS 0B L11I04VS. 2H5
dum ibidem dîvinum officiam celebrabatur. Postmodum vero In dîe
E^iphaniae Domini celebrata fuit ibi missa a dieto archidiacono pa-
trono locî. Iste patronus aedifîeavit mijorem partem dorraitorii et
dédit quosdam libros,scilicetbreviarium, missale, Senecam, et ara-
plins quaedam alia, et crucem argenteam quae habet duobrachia (1).
In ipso autem anno, antemutalionem fratram, obiit foeiiciter vene-
rabiîis et primus pater et instilutor nostri ordinis Beatns Doraini-
cus (2] et ideo sequenti anno in festo Pentecostes celebralartt fuit
Parisiis capilulnm générale, ubi interfuit fr. Petpus Cellani cum
supradicto fr. Briccio. Tune vero, inspirante Dei gratia, electus est
concordîter et pacifiée in Magistrum ordinis foelicis recordationis
frater Jordanis Theutonicus natione, sed conversationecoelestis(3).
Hoc autem nomen sortitus est, ut ipse asserebat, quia parentibus
suis causa peregrinationis in Terra Sancta commoranlibus, ibidem
natus, in Jordanis flumine baplizatus est. Per hune autem, cum
esset apud Deumet homines admodum gratiosus, promovit Deus
ordinem longe lateque et religione et numéro fratrum. Hiis autem
quae ad capitulum pertinebant in pace peractis, rediit fr. Petrus
prier apud Lemovicam, adJitis sibi pluribus fratribus. Domus vero
Lemovîcensis fuit de provincia Franciae usque ad aliud générale
sequens capitulum quod post duos annos est iterum Parisiis cele-
bratum ; cui et interfuit fr. Petrus cum dicto fralre Briccio, quo
Ticet renitente assignata fuit domus Lemovicensis provinciae Pro-
viiîciae (4) commutata pro Lugdunensi.
Consummata interius ecclesia, dedicata est solemniter a dicto
palrono noslro jam facto intérim episcopo Lemovicensi. Cumque
fratres dlctum locum inbabitarent a secundo anno mutationis et
deinceps, ipsius loci ineplitudinem et angustiam, necnon grava-
mina, mufta damna et pericula tam corporalia quam spiritualia
recognoscentes, quae ad praesens longum esset revelare, et aequa-
niniiler tolerare non possent, in quinto anno a loci institutione de
communi consilio missi sunt duo fratres ad dictum patronum qui
adhuc archidiaconus erat, super hoc ipsius voluntatem et consilium
(1) A la marge : Non extat illa crux.
{l) Saint Dominique est mori à Bologne, le 6 août 1i2l.
(3) P. Dahzas, Etudes sur les temps primitifs de l'ordre de saint Domi-
nique. Le bienheureux Jourdain de Saxe. 3 vol. in-8^, Paris, Oudin, 1873.
— QuÉTip ET EcBAaD, Scrlpt. ord. Praed,, 1, 93.
(4) Première province de Provence. Le couvent de Limoges passa à la
province de Toulouse en 1303, année où la pr»îmière province de Pro«
vencc tut divisée pour former la province de Toulouse et la seconde de
Provence.
^86 SOCIÉTÉ ARCBéOLOGIQUB RT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
habituri : ipso enim contradicente vel impedienle, non poteraal fra-
tres perficere quod volebant; erat enim magnanimus et salis
potens. Quo audito, dictus patronus, non attendens nec ponderans
verba fratrum,non solumassensumpraeberenonvoluit,sed insuper
non modicum turbatus, se contrarium pro viribus fore asseruit, si
hoc fratres praesumerent attentare.
Tacuerant ergo fratres ad tempus licet gementes, nullam super
hoc memopiam in aperto facientes. Ipse autem deinceps durius se
habuit ad fratres. Gumque per octo annos episcopatum rexisset,
morluus est in senectute bona et plenus dierum. Fuerunt autem
anni vitae eius, ut ipse aliquando asseruit, CXXXX*velamplius(l).
Huic successit dominus Willelmus de Podio, vir venerandus et ma-
gnanimus, canonicus Engoiismensisecclesiae, aetate quidem juvenis
sed morum gravitate senex ; sed quia terra non fuit digna tanlo ac
tali laetari praesule, ante consecrationemlongadetentus in infirmi-
tate infra annum in pace quievit.
Post hune dominus Durandus, ecclesiae Lemovicensis archidiaco-
nus et Sancti Junianif2)praepositus, ab altéra parte capituli electus
est in episcopum. Sed cum causa super ipsius electione diu ventila-
retur et mora ad se periculum traheret, inspirati fratres a Dec,
videntes adesse temporis opportunitatem, ut super mutatione sua,
auxiliante Deo, suum desiderium adimplerent, rogaverunt per se
et per amicos Heliam de Banxagiers et nepotes ejus qui tune tempo-
ris simul convivebant, quatenus terram quamdam quam prope utram-
que villam habebant in parochia Sancti Michaelis de Pistoria (3),
quae ad aedilicandum in ea conventum congrua videbatur, vendere
dignarentur(4).Quodcum posl multasprecespraestiturossepromis-
sissent, investiverunt fralrem Gerardum de Franchetto, tune tem-
poris priorem, pro se et fratribus, de dicta terra, quam ab omni
quittatam dominio et liberam pro sex mille soiidis concesserunt
fratribus in perpetuum possidendam.
Instante prope diem lempore quo fratres ex condicto pecuniam
pro emptione dicti loci numerare tenebantur, et eam in manibus
non haberent nec mutuo possent invenire accipiendam, angustiali
admodum super hoc, omnique humano auxilio destituti, divinam
(1) A la mar^e : Anni vitae Guidonis de Cluzeîlo, episcopi Lemooicensif
et primi conoentus Praedicatorum ultra pontem fundatoris^ fuerunt
centum quadraginta,
(2) Saint-Junien -sur-Vienne, à quelques lieues en aval de Limoges.
(3) Saint-Michel-de-Pistorie, église de Limoges voisine du couvent des
Frères prêcheurs.
(i) A la marge : OV-m erat duplex Lemooicaj una inferior, superlor
altéra, quae et Castrum Lemoticense dicebatur.
LES FRÈRES PRÊCHEURS DR LIMOGES. 987
opem assiduis et instantibus precibus implorabant. Deus autem qui
non deserit sperantes in se, fratribus de die in diem Dei adjutorium
praestolantibus subvenire quantocius non tardavit. Suscitavit enim
illis, si sic loqui fas est, salvatorem dominum Aymericum Palmut
vîrum venerabilem, canonicum Daurentensis (1) ecclesiae, qui et
antea familiaris et benefîcus ordini fuerat, cuique in proposito et
votis erat, expeditis prius domesticis rébus suis, in ordine nostro
Deodeservire, reliquumquevitae cum nostris transigere. Hicinopi-
natoLemovicamadveniens, voeatisincapilulum fratribus, quampluri-
mum se gaudere dixit de futura mutatione conventus, quam ut a
Deo inspiratam impense laudavit, non pauca de primi loci ineptitu-
dine annectens. Quibus omnibus expositis, pro sua erga nos bene-
volentia subjunxit se audivisse nondum nos habere patronum qui
loci noviter empti pretium solvat. « Igitur, inquit, Deus ipse Domi-
nus noster Jésus Christus sit patronus noster et beatissima mater
cjus, cigus missam tam dévote hodie celebrastis (erat quippe sab-
batam); et ego servus ipsorum persolvam pro ipsis pecuniam ad
quam eslis obiigati ». Hiis auditis, quantum exhilarata in Domino fue-
rint corda fratrum frequens ad Deum gratiarum actio satis proten-
debat, nec facile dictu quanta fuerit quorumdam fratrum prae gau-
dio eCTusio lacrymarum, velquot et quantae sanctae imprecationes
tam largo promissori non tantum animo conceptae, verum etiam et
ore propalatae !
Soluta est ergo predicta pecuniae summa dictis burgensibus, qui
postmodum loci pretium mitigantes de recepta jam pecunia reddi-
derunt fratribus LX libras, ita lamen quod tenerentur fralres satis-
facere Bemardo Papalou pro dominio et aliis quae habere poterat
tam ex se quam ex parte mulieris suae in praedicto loco empto a
fratribus, quae omnia praefatus Papalou et uxor ejus Hylaria, datis
prias et computatis quingentis solidis, per integrum et in perpe-
luum fratribus concesserunt et quittaverunt.
Emerunt etiam fralres a Bemardo Ruphi XLII libris domum
quamdam in ipso praedio aediiicatam juxta majorem viam cui nunc
conligua est major porta. Dominium vero hujus domus et cen-
sus XII solidorum ad praedictos burgenses pertinebat. Quae omnia
transierunt sub pretio quod ante habuerant ; hoc enim in venditione
loci promiserant non solum de illa domo, sed etiam de omni loco
qui ad ipsos pertineret, si forte ad ampliandum locum aliquid eme-
retur. In isto autem loco qui ab istis burgensibus emptus est sunt
coemeterium, ecclesia et omnis domus ; et ab ultima parte dormi-
(1) Le Dorai, arr. de Bellac (Haale-Vicnne). A la marge : Daurat est
urbê modlca distans 8 leucis a Lemovica.
988 SOCIÉTÉ AftC^OLÔGIQUflT BT DlStORtQnB DU tlMOUSlK.
torii fendît reèto tramite tertus etclesiam Bfeatae Valeriae (f) u«qoe
a!d mm.
Interea cffrn res în ipso exordio pablicaretar, capellanw Sancti
ifïiehaeli? de Pîsloria in cnjus parochia locus si tus est, et canonici
âancti Aredii (2), dJclae eccFesiae palponi, opposaerunt se fratribos
aedîfieare tolentibus, necnon et capellanî castpi et civitafrs Leraovi-
cénsi^, praecipere awtem qui majores et mefiores videbautur, qui-
dam occtrlte ef quidam manifeste. Venerabitis vero pater Fbilippus
Bitnrriffcnsis archiepfscopns (9), qui vacante sedte Leraovicensi
mutandt consilium et au[c]lhopitalem dederat sa«pe, Beet frustra,
laboravit ut inter fratres et dictum capitulum pacera per oftmia
componeret. Tandem ut totum Deo et non hominibus tribueretur,
fratres cnm dictis capitule et capellano Sancti MBchaelis padfke
concordances promiserunt se daturos X solides renduales (Mctae
eccïesiae Sancti IWicbaelisr, quos postmodum dominos Pelrus Ber-
nard! de Cafoçon assignavit eidem ecclesiae in manso suo, dicto de
VHars, accipiendos. losaper dedermrt fratres eidem capellano,
semel ex pacte, nnirm bonum testimenlum paratun» eum eag»la.
Promisertmt quoque fratres daturos se dîetis caiK)»icis doais cappas
sericas quafs habebant; sed eas cum vidîssenft cffiaonici parvipen-
dentés recipere abniierunt.
Cum adhuc vacante sede incoeptum esset aedificium conVBaCas,
dominus Praenestinus aposlolicae sedis legatus in Prancia, ad ins-
tantiaifi fratTum dédit in mandats vener^brK patrt archiepiscopo
Bituricensî, quatenus in eodem loco fratrura coemetericum benedi-
ceret; et lîcet a multis et magnis occulte et manifeste conlradicere-
tur, aitis eonfusis, aliis per Dei gratiam et domini arehiepiscopi
industrfam pacatis, in presentia cleri et populi benediclum est
coemetericum fralrumliberum et absque omni condilione, videMcei
in die sancti Bartholomei apo^toli (4), anno M" CC" XL*»; riec oblî-
vioni dandum verbum dicti arehiepiscopi. « Eccc », inquil, « ma-
gniHw vobis coemeterium benedixi ; cavete, fratres^, ne aiicm ape-
riatîs tertam ejus, de quo non credatis quod ei Dominuis aperiat
cel^m suam w (5). Tertio post die, allata est littera domina papae
(4) Sainte-Valérie, près le faubourg du Pont-Saint-Marlial.
(i) A la marge : Urba modlcain Lemoolcinio, dlstans 8 cLrcUer JSeucis
a Lemocica.
(3) Philippe Berruyer (Iî36-f260). A la marge : Eplscopus Lemool'
censés est saffraganeus arehiepiscopi Bituricensis .
(4) 24 août.
(5) Le droit privait les héréticfues de la sépulture ecclésiastique. Décret
Grcg. Lib.V,Til. Vil, c. Viil.
LB8 F9ÈRI» PfiÊCHGUftS DS LIMOGES. ^9
super confirmalione eleclionis domini Durandi ; a quo sequcoti anno
fundata est ecclesia fralrucn, scilicet quarto nonas aprilis.
Ab ipso autem principio hujus negotii quaedam matronae casLri
Lemovicensis promiserunt se daturas sumtnam pecuoiae pro loco
ao tique fratrum, in quo post eorucn recessum propooebaat sub
habitu religionis Deo famulari. Huic facto, vacante seJe, dominus
archiepiscopus et postmodum dominus Durandus factus jam épis-
icopus au(c]thontatem praebuit et assensum. Quod cam rescissent,
burgenses castri et civitatis, super hoc habito multo coosilio, con-
gregati in unum et ad episcopum accedentes, coavocatis fratribus,
hoc faclum in magnum damnum utriusque villae in praesens et in
posterum posse contingere asseverabant, rogantes ut destructis aedi-
ficiis loci anliqui, ligna et lapides porlarentur ad construendum
locum novum; quod et factum est de voluntate et assensu domini
archiepiscopi et domini episcopi Lemovicensis tune praesentium.
Destructio autem capellae fere per quinquennium dilata est, spe-
rantibus semper fratribus inventuros se quempiam virum pium qui
empto loco ad prudentum arbitrium, capeliam et coemeterium
gratis acciperet et ibi Deo deservirel. Sed frustratis spe t^ua fra-
tribus cum talis non se ofTerret opportunitas, de consilio et volun-
tate domini Durandi episcopi capella dirula est et locus venditus,
extraclis prius inde coi'poribus fratrum et saecularium ibidem
quondam sepultorum, et ad novum locum cum reverenlia et honore
asporlatis, ibique conditis.
Interea anno Domini n° CC* XLP, cum priores et alii fratres
provinciae secundum consuetudincm ordinis ad celebrandum pro-
vinciae capitulum apud Lemovicam convenissent, die quarta ante
festum Nativitatis BeataeMariae, videlicetsecundo nonas septembris,
supradictus dominus Âymericus Palmut, bonae memoriae patronus
ooster, assumpto in inUrmitate sua habitu ordinis, praesentibus
quibusdam fratribus apud Dauratum (1) migravitad Dominum; cum-
que Lemovicam afferretur, occurrit ei obviam ad duo fere milliaria
multitudo fratrum nostrorum qui ad capitulum convenerant.
Multi quoque fratres Minores, pluresque alii viri et mulieres
de Castro Lemovicensi congregali deduxerunt corpus usque ad
domum antiquam ubi adhuc fratres degebanl. In crastinum vcro
taonorilice sepultus est in capitulo fratrum novi loci, quorum fuit
propositum Iransferendi ipsum juxla ostiuro ecclesiae aparteclaus-
tri, sicut ipse defunclus cum adhuc viveret, requisivit; Deo sic pro-
vidente ut qui frater futurus ad habitandum fratribus locum dede-
rat et in parte aedificaverat, tandem jam factus frater ejusdem loci
(i) A la marge : Le Daurat,
Î90 SOCIÉTR AltCHÉOLOGIQtlB RT IllSTORIQUB DU LIMODSIN.
congruam sibi particulam primus e fratribus tam béate quam
pacifiée possideret. Ipse autem tam vivens quam moriens de bonis
a Deo coUatis fere usque ad valorem ducentaram marcharum fra-
tribus largitus est et juxta cogaomen suum palmas suas extendit ad
pauperes fratres quam largissime.
lu instante feslivitate Nalivitalis Beatae Virginis Mariae, fr.
Ponlius de Lesparra (1), prior provincialis, cum ministris altaris
sacris indutus vestibus reliquias sauctorum et sacra vasa portanti-
bus, omnesque fratres qui ad celebrandum capitulum conveneranl,
quin et muiti ex fratribus Minoribus qui mutuae charitatis erga se
nostris adjunxerant processionaliter et dévote Domino décantantes,
praesenleet comitanteplurima cleri et populi utriusque villae turba,
a loco anliquo ad novum mature properantes hiiariter pervenerunt.
Festivitatem banc et veluti translationem diei serenitas decorabat.
Consummatisque divinis laudibus prout tanta solemnitas exigebat,
dies ista dévote et foeliciter compléta est. Capitulo provinciali juxta
ordinis morem et rilum, divina opitulante gratia, fauste com-
pleto (2), fratres sani et incolumes ad propria redierunt. Fuerunt
autem fratres in primo loco viginti annis; nec defuit nec superfuit
una dies.
Verum cum omne fere spatium dicli novi loci occuparetar a coe-
meterio, ecclesia,claustro, dormitoriis, infirmitorio etaliis officinis,
et admodum exiguus esset hortus ad spaliandum, varias terrae por-
tiones a variis emerunt fratres nostri, quorum omnium nomina et
conditiones contractuum fusius esset hic ea scribere et parum utile
referre. Hoc unum scire juvat, adeo religiosos, ad charitatis oflîcia
erga proximum adeo promptos et faciles, uno verbo in omni virlu-
tum génère adeo praestantes se exhibuisse fratres nostros, ut brcvi
omnium animos, admirationem et benevolentiam sibi concilia-
rint. Quod vel ex eo coUigere in promplu est, quod non lantum
privati homines, verum et magistratus ex publica pecunia ultro con-
tulerint ad integram solutionem omnium dictorum camporum, ex
quibus unilis modo constat totum conventus territorium mûris cir-
cumcinctum, si aliquam coemeterii se[u] areae anterioris ad eccle-
siam et conventum partem excipias, difTusum usque ad quindecim
circiter jugera gallica. Antiquum vero locum in quo primo aedi-
ficata faerat domus fralrum vendiderunt fratres Hugooi Jauvi (?),
burgensi caslri Lemovicensis, dirutis priusei solo aequatis omnibus
aedificiis, asportatisque lapidibus, lignis et aliis ad eonstructionem
novi conventus aptis et utilibus.
(I) Douais, Les frères Prêcheurs en Gascogne^ 466.
(a) Douais, Acta capU, prooinc, 48.
LKS FBÈRES PnèCHKURS DE LItfOGRS. 201
Àccidit secundo mutationis anno iitquidam civis de Belloloco (1),
cujus nomen Âdemarus d'Âguones, unus ex optimalibas illius loci,
fratribus noslris bene affeclus eorumque hospes beneticus, uxorem
habens B[er]engardam nomine, matronam utique humilem et devo-
tam circa vitae suae finem de manu quorumdam fratrum (une prae-
senlium babitum nostri ordinis susciperel, illucque sepeliretur; si
quidem dum viverel et senili uterelur valetudine ut in fratrem con-
versum reciperelur fuerat illi concessum. Postmodum illius uxor
liberis orba, vendilis quae ad ipsam perlinebant, Lemovicam venit
et prope locum frairum quibus spécial! charitate et devotione
aslringebatur, émit ab Helia de Peiteus (?) quamdam domum coe-
meterio propinquam; inqua cum per quatuor clrciter annos com-
morata fuisset, honestam in Domino vitam agens, dédit fratribus
praedictam domum cum omni illius suppellectili et quibusdam aliis
secundum suas facultates; asporlalisque secum coeteris rébus suis,
ingressa est domum sanctimonalium sororum nostri ordinis juxta
castrum de Montargis, sicut diu ante pro ipsa exoraverant fratres
nostri, eisque fuerat concessum.
II. — De morte dohini Durandi, episgopi Lexovigensis.
Circa annum Domini mill. CC. XLIIII, dominus Durandus, Le-
movicensisepiscopus, in rurali domo sua, quae Insula (2j dicitur,una
leuca dislans a Lemovica, graviter aegrotans, diem clausit extre-
mum, mense decembri. Prier autem conventus nostri, fr. scilicet
Gerardus Franchettus, et plures alii ex fratribus nostris adfuerunt
pr|a]esentes ab episcopo vocali, ut ejus ab bac vila exilum devolis
precibus suis Domino commendarent, qui e venit ipsa nocte feslivi-
tatis beati Thomae, martyris (8). Cum vero hinc transferretur ad
urbem, occurrerunt obviam fralres nostri et fratres Minores proces-
sionaliter, necnon et canonici calhedralis ecclesiae cum coeteris
claustralibus et clericis utriusque villae ; populus quoque adfuit
innumerabilis ; delalumque est corpus ejus ad ecclesiam cathedra-
lem, ubi per diem illam et noctem sequentem remansit, celebratis
de more debito ejus exsequiis; die crastina allatum est ad domum
noslrum ubi ipse vivens et mentis compos sepulturam delegerat;
sepultusque est cum reverentia et honore in capitule fratrum
aliquot ante diebus benedicto et destinatoin coemeterium a domino
(1) A la marge : Beaulieu ou Beloc,
(2) Isle, près Limoges.
(3) 29 décembre.
ftfS SOCIÉTÉ ABCgÂOLOâlQUR ET HISTORIQUE DO LIMOUSIN.
BiUiriceftsi archiepiscopo de conseosu domioi Durandi episcopi in
miirmitate positi. Hae auiem exequiae peraclae suni anno Domini
4245, quarlo kaleadas januarii, infra quinquenDium pontificalus
domini Durandi. Propositum aulem fratrum fuit transferendi cor-
pus domini Durandi ad ecclesiam, cum, Domino volente, aedificata
fuisse!. Quod quidem praestitum est, illiusque corpus e capitulo
exlraetum repositam fuit in medio chori ecclesiae nostrae aono
Domini 125S, ut inferius pro loco dicetur
IIL — De BENEFIGIIS ET MORTE DOMINI GuiLLELMI DE MaLOMONTE.
Nec excidai a memoria fratrum, ne forte, quod absit, Ingrati
videamur, quantum dominus Guillelmus de Malomonle, quondam
canonicus et archidiaconus ecclesiae catiiedralis, benefîcus nostri
ordinis extilerit et amicus, avunculus dicti fratris Gerardi de Fran-
clietto secundi prioris nostri. Hic cum sanus et vivons fratres nos-
tros dilexisset, multisque sibi obstrinxisset sibi beneficiis, in tinem
dilexit eos [Joan., xiii,i], in tautum ut apud nos de misericordia Del
etfratrum precibus confisus sepulturam destinaret corpori suo et ma-
num miinilicam porrigeretadeo largam ut ad caput ecclesiae duabus
testudinibus peramplis contentum posset suiBcere construendum.
Ipse vero, disposita provide domo sua, susceplisque dévote eccle-
siae sacramentis, plenus dierum bonorumque operum, migravit ad
Dominum, sepultusque est in capitule fratrum, anno Domini 1247,
pridie idus aprilis (1) ; et postea, anno Domini 1253, translalus fuit
cum domino Aymerico Palmut, patrono nostro, de capitulo, et in
eodem iocello cum dicto patrono repositus in muro ecclesiae juxta
ostium claustri ad ecclesiam, ut infra dicetur fusius.
IV. — De REUQuiis GoLONiA Lemovicam adsportatis.
Anno Domini 1245, frater Geraldus, tune lemporis prier, usque
Goloniam properans causa capituli generalis ibidem celebrandl (2),
altulit inde caput unius ex undecim millibus virginibus quae ibidem
martyrio coronatae coelum celeriter rapuerunl. Attulit etiam de
Treviri unum os longum quod dicitur fuisse debrachio sanctilnno-
ceaiiidelegione Thebaeae; item, quasdam reiiquias sancti Maurilii et
(<) 12 avril.
(!2) Bibl. de la ville de Toulouse, ms. 489, fol, 4&<>; — 1>. Uartènk,
Thésaurus, IV, 1688.
LBS FRàRKS PR^XBEURS DF LIHOGES. 293
sanclae EUsabelh, quaede eadem regione oriunda propter eminen-
tem sanctitatem ab omnibus honoratur. Âttulit quoque reliquias
quorucndam aliorum sanctorum; item, crucem argenteam parvulam
cum ligQO Domini. Sed haec modo non habentur in conventu, cum
majori ex parte perierint in turbulentis bellorum civiliam tempo-
ribus.
V. — De be?iefigiis Stepuani Lespaiers et aliorum.
Praetermittendum non est, sed potius ad posteros per scripta
Iransmiltendum quot et quanta bénéficia fratribus praesliterit Ste-
phanus Lespaiers, burgensis castri Lemovicensis. Gum fratres ad
primum locum inhabitandum devenissent, antequam in ecclesia
divinum olïicium celebraretur altare majus ecclesiae sumptibus
propriis construi curavit, et de omnibus illius ornamentis tam in
calice quam in libris, indumentis, cortinis, mappis, cruce, thnri-
balo, vilreis et hujusmodi abunde providit. Postmodum eodem in
loco erexit capellam testudinatam admodum decoram et amplam,
quam vitreis et picturis et choro exornavit, in eaque posuit imagi-
nem aeream deauralam Beatae Virginis valde pulchram etformosam
et sumptuosam. Adeo enim se fratrum obsequio mancipaverat, vir
aliunde tum natalibus tum opibus clarus, ut vix fîeret opus aliquod
in domo, ad quod ipse de suo non conferret. Fieri quoque curavit
in ecclesia majori crucifixum mediocris staturae ita pulchrum ut vix
simileopus in Iota patria posset reperiri, juxta quem sex aliae ima-
gines fuerunt repositae diligenlissima arte elaboratae. Postmortem
etiam ipsius habuimus de rébus ejus pecuniam satis magnam, et
vitram et quedam aiia et lampadam perpetuam, quae omnia pe-
riere.
Sciendum etiam est quod magister G. de Vidariô in primo anno
adventus fratrum legavit nobis Historias Manducatoris (1) correc-
tas, quas manu sua ipsemet scripserat, et licct hoc forsitan modi-
cum quid videretur, in scriptis tamen redigendum duximus, et
quia primus dédit, et quia débile principium melior fortuna subse-
cula est, maxime vero ut fralres beneficiorum ejus memores
existant coram Deo. Hinc est quod ad notlliam omnium desidera-
mus venire magistrum Aymericum d'Arlis, canonicum Sancti
Aredii, Deo devotum et ordini nostro bene affectum, circa dierum
suorum Onem habitum ordinis nostri sumpsisse sicut dia ante ipsi
fuerat concessum, et in coemeterio noslro fuisse sepultum. Legavit
autem fratribus multos libros quos habebat.
{\) Pierre Gomcstor. PcUroL lat,, cxcviii, 1015.
T. xxxix. 19
toi SOCIÉTÉ A RC0Ê0L06IQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSlft.
Item, magister G. de Chambonio dédit simiiitermultos libres fra-
tribus, plures et meliores prioribus.
ltem,dominus Aymericus Guerrutde villa Sancti Junîani(l)oriun-
diis, quondam archiepiscopiis Lugdunensis (2), cum in nianibus
domini papaelnaocentii apud Lugdunumilli quam regebat ecclesiae
resignasset (3), rediit ad partes Istas et posl paucos annos a tempore
resignalionis suae vilam quam scienlia et probis moribus ornatam
in longum sati$ protraxerat, foeliciter finivit, sepnltusque est in
domo Grandimonlensi. Legavit aulem nobis et fratribus Minonbus
totam bibliam glossatam. Nos vero de consensu fratrum Minorum
habuimus primam partem. Insuper historias Manducatoris et
librum valde pulchrum et bonum cui titulus: Ordinarim episcopo-
mm (4). Item, habuimus quinquaginla libras et quaedam alia.
Item, a pluribus aliis personis fama et doctrina conspicuis multos
alios habuimus libres, tum canonices et sacres, theologicos et
historicos.
VI.— LiTTERAE GOMMENDATITIAE DOMINI DURANDI, EPISGOPI LeMOVICENSIS.
Durandus divina miseratione Lemovicensis episcepus dilecto
sibi in Chrislo officiali sue Lemovicensi, salutem cum dileclione
sincera. Cum domus religioserum virorum fratrum Praedicaterum
Lemovicensium non sit de districtu castri Lemovicensis, imo pelius
civitatis, cum sit in parochia Sancti Michaelis de Pistoria, et nos
ipsos alias tamquam eos ques ampleclimur in visceribus charitalis
velimus quantum cum Domino possumus prosequi gralia et favore,
qui et ralione libertatis sibi per privilégia eis indulta cencessae cum
dmni tractandi sint honestate, rogamus vos atque requirimus qua-
tenus eccasione interdicti lali a nobis in castrum Lemovicense eos
ad servandam hujusmodi senlentiam nuUatenus adstringatis, sed
eos in ea esse libertate libère permitlatis in qua erunl ecclesiae
civitalis vel suburbiorum ejusdem. Dalum
VU. — LiTTERAE DOMINI ÂYMERICI, EPISGOPI LeMOVICENSIS.
Aymericus (1) Dei gratia episcepus Lemovicensis, ecclesiarum
(1) Saint-Junien (Haute-Vienne).
(«) Aymeric Guerry( 1236-1 i45).
(3) Bulle d'Innocent IV, Gall. christ., IV, Inst., 30.
(4) En regard, à la nnarge : Tune temporU pro magno et pretioao dono
habebaniur libri, non introducto adhuc impresslonU U8U,
(5) AirHcric de la Serre de Malemorl (Iâ4tf-I272).
LES PRÈRKS PRÊCQBURS DE I.IUOGBS. SOd
rectoribus Lemovicensis diocesis constitutis ac vicariis eorumdem,
salolem in Domino. Cum religiosos viros fratres Praedicatores
Lemovicenses speciali amore tanquam charissimos filios charitatis
visceribus amplectamur, volumus et rogamus quatenus de sacris
reliquiarum pignoribus quae in ecclesiis vestris habenlur, ad locum
suum Domino dedicandum dignemini liberaliter impartirî, prout
se obtulerit opportunilas et facultas. Dalum Lemovicae, quarto
idas martii, anno Domini mill. ducentesimo quinquagesimo tertio.
VIII. — De CELEBRATIONE OFFICII ECCLESIASTICI IN ECCLESIA NOVA ET CON-
SEGRATIONE MAIGRIS ALTARIS ET ALIORUM MINORUM ALTARIUM.
Ânno Domini millesimo ducentesimo quinquagesimo, sexto idus
septembris, in festivitale Nativitatis beatissimae Yirginis Mariae,
celebraverunt fratres oflîcium ecclesiasticum pro prima vice in
ecclesia nova, duobus tantum testudinibus arcuatae molis peractis
cum porlione templi ; primam missam solemnem decantavit frater
Gerardus deFranchelto, tune temporis prior Massiliensis. Advene-
rat enim Lemovicam ad visitandos fratres et patrem suum, qui de
slrenuo milite in loco hoc factus fuerat humiiis frater. A lempore
autem mutationisde loco veteri ad novum fluxerunt novem anni per
quos fratres ofQcium divinum celebraverunt in capitulo, ante quod
erat porticus in quo recipiebatur populus ad divina, ubi et duo
altaria construcla erant ad celebrandas missas privatas. Venera-
bilis autem pater dominus Philippus, Bituricensis archiepiscopus,
instante morte domini Durandi episcopi Lemovicensis, benedixit
coemelerium in praedictis porlicu et capitulo, sicut supra nolatum
est. Ipse est qui etiam primum magnum coemeterium externum
benedixerat, ut superius dictum est.
Anno Domini millesimo ducentesimo quinquagesimo sexto, in festo
sancli Georgii (1) quod tune conligit in octavis paschae, consecratum
est allare majus ecclesiae nostrae a domino Philippo, Bittiricensi
archiepiscopo,in honorem Dei etvivificae crucis et Beatae Mariae et
omnium sanctorum. Repositae autem fuerunt ibi in latere dexlro
reliquiae inclusae in quodam parvo vasculo aeneo, videlicet de
tribus partibus crucis, item de corpore aposlolorum Pétri et Jacobi,
et martyrum Laurentii et Ëleutherii, Joannis Baplistae, Martini
confessons Turonensis, et Mariae Magdalenae et virginura de Colo-
nia. Haec autem dedicatio facta fuit de voluntale et consensu
domini Aymerici, episcopi Lemovicensis, qui tune temporis pro
(I) 93 avril. Celle année, en effet, la fêle de Pâques tomba le 16 avril*
âOG SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUR DU L1II0US1N.
quibusdam negoliis absens crat. Alio Icmpore aliam capellam infir-
raariae solemniter consecravit dominus Aymericus, episcopus Lenio-
vicensis, in honorem Domini nostri Jesu Cbrisli et beatorum
Joannis Baplistae et JoannisËvangelistae, et eodem anno in eadein
capella sepelivit domiDumJoannem deGaslronovo(i)iahabituordi-
nis nostri, canonicum quondam ecclesiae Sancti Juniani, qui dictam
capellam propriis sumptibus exlruxerat omnibusque decoraverat
ornamentis; multis etiam aliis iisque insignibus benefîciis cumu-
lavit nos praedictus dominus, inter quae illud non omittendum
majorem infirmariam ab ipso propriis sumptibus extructam fuisse,
ad quam footem deduxit peraquae ductum insignem.
Post aliquot annos elapsos nimirum circa annum millesimum du-
centesimum sexagesimum sextum, dominus Petrus a Sancto Asterio,
episcopus Petragoricensis, consecravit alia allaria tum in ecclesia
tum in sacristia.
IX. — De dedigatione ecglesiae nostrae Lemovigensis.
Anno Domini millcsimo ducentesimo quinquagesimo tertio, venit
P. F. Gerardus de Fracheto post celebralum provinciale capitulum
Lemovicae; valediclurus fratribus congregatis, dixitsuae esse volun-
tatis ut ecclesia nostra dedicaretur in honorem beatae et gloriosao
semper Virginis Mariae; et hoc polissimum tribus de causis, quarum
prima erat, quia hoc fundalor noslcr dominas Aymericus Palmut in
votis habere demonslraveral, dum olTerendo pecuniam pro emptione
soli ecclesiae dixcrat quod Dominus noster et ejus sanclissima mater
forent nostri patroni. Secunda, quia multa huic conventui coUata
fuerant bénéficia in festivitatibus Beatae Mariae.Tertia, quia dominus
Durandus, episcopus Lemovicensis, fundaverat ecclesiam ponendo
primarium lapidem in honorem Beatae Mariae. His rationibus moti
fratres omnes consenserunt tali dedicationi in honorem Bealac
Mariae, uno excepte qui erga bealum Dominicumpia motus affectione
cupere se dixit ut in ejus honorem consecraretur. Sed nondum
faustum hoc tempus dedicationisadvenerat. Fluxerunt enim centum
et triginta sex anni post taie coUoquium, antequam lantum hoc
nobis accideret bonum, nempe usque ad annum 1389"™, quo
dominus Aymericus Ghati (2), episcopus Lemovicensis, rogalus
saepissime a fratribus nostris ut ecclesiam nostram consecrare
(1) A la marge : FamLlia baronurn de Castro nooo, gallice Ckàteauneuf,
est inter nobiliores et insigniores LemooicinU.
(2) Aimcric Chathi de rAge-au-':hapt (137J-4390).
Les FRÈRES PRÊCHEURS DE LIMOGES. 397
dignaretur, annuit, pollicitusque est se id praesliturum die unde-
cima julii, quae erat dominica. Quo audito foelici nuntio, conventus
licet pauperrimus et multis debilis obstriclus, confisus de Dei et
Deiparaeadjulorio, cogitare coepil, de necessariis ad tantamsolem-
nilatena, miltere praedictum fratrem Arnaldum ad dominum Ludo-
vicum de Sancto Marco, decanum ecclesiae cathedralls, ut ipsum
noroîne totius communitalis rogaret quatenus ecclesiae nostrae
consecrandae velletesse patrinus; quod lubenter acceplavit, missa
ad conventum salis ampla eleemosina. Deinde dominus Aymericus
episcopus pro hac solemni dedicatione convocandos curavit per
priorem de Chalar(l) dominos abbates Sancli Martialis et Sancti
Martini (2j, canonicos eliam ecclesiae cathedralis Sancti Stephani,
cum priore Sancti Geraldi et capellano Drulliensi(3); quibus libentis-
sime annuentibus, dominus episcopus feria sexta venit de Insulae
Castro cum armatis militibus, quosconduxeranlfralres nostri propter
Anglos qui lune provinciara bellis et caedibus infestabant; mora-
tusque est in conventu per quinque aut sex dies. Instante autem
die praedefinita dedicationis nostrae ecclesiae, dominus episcopus
in primis vesperis sacris indutus vestibus et stipatus praelalis
ad hoc invitatis, reliquias omnes de ecclesia extrahens, illas ad
capeliam Sanctorum Joannis Baptistae et [Joannis] evangelistae,
detulitinde in craslino dici sequenlis quae erat dominica. Ad solis
ortum incoepit solemniter oflicium dedicationis ; circuivit enira ad
extra ecclesiam, ipsamquc aqua iuslrali aspersit; quo peracto,
reliquias oranes quas in capella praedicla collocarat, in ecclesiam
reportavit. Inde ad missam celebrandam properavit, quae cum
multo jubilo tum a cantoribus Sancti Slephani et [Sancti] Martia-
lis, tum a noslris decantata fuit. Consecr^ta est igitur ecclesia
nostra in honorem Domini nostri Jesu Christi, Beatae Virginis
Mariae et vivificae Crucis, a domino Aymerico, episcopo, qui etiam
suae erga nos benevolentiae majora dare volens indicia, dédit
indulgentiam quadraginta dierum lam pro die consecrationis
quara pro octavis perpeluis futuris lemporibus. Insuper dédit
casulam pulcherrimam violacei colons ; allare etiam in honorem
beati Dominici consecravil. Convenlus autem volens aliquod grati
anirai monimentum illi dare, promisit se ejus anniversarium quot-
annis post mortem ejus facturum; quod facere incoepit anno
sequenti, quo praedictus dominus episcopus obiit.
(I) Le Chalard (Haute-Vienne).
(9) Saint-Martial et Sainl-Martin, deux abbayes de Limoges.
(3) La Drouille, prieuré situé non loin de Tabbaye de Grandmonl (Haulc-
Vienne), au nord de Limoges.
I
998 SOCIÉTÉ ARCQÉOLOGI^IIE ET HISTORIQUE OU LIMOUSIN.
X. — De quibusdam reuquiis in ecclesia nostra repositis.
Venerabilis P. Bernardus Guidonis, episcopus Lodovensis, in
manascripto ubi agit de sanctis diocesis Lemovicensis, ita scrtbit :
« Sanclus Martinus confessor qui fuil capellanus Garoli apud Sanc-
tum Praejectum prope Âxiam (1 ) in Domino requiescit, cujus sacrum
eaput habent fralres Praedicatores Lemovicis, cujus partem quidaoi
furtiveabstulit; etcum apud quandam matronam deposuisset pro
00 quod minus reverenter iliud Iractaret, terruit eam per somnia et
per visiones horribiles, nec cessavit sanclus confessor quousque
caput suum reportari fecit. Hic quoque sanctus vindiclaminhomi-
nés castri Lemovicensis qui ecclesiam ejus invaserant et violave-
rant, dum sacerdos celebrarel divina, in eodem die exercuit; nam
inlerfecli sunt ab inimicis suis de Âxia plus quam triginta (2). »
Idem beatus Guidonis ibidem ait : « Sancta Justina et sancla
Rufina virgines et martires apud Fursacum secus flumen Gartampae
quiescunt, quae apud Hispalim civilalera Hispaniae martirisatae
leguntur. Radulphus miles quidam cachinnando nomen Rufinae,
lepori eam assimilavit, cujus equum mox in stabulo ignis absump-
sit, coeleris illaesis relictis. Istarum virginum costas et bracbia
habent fratres Praedicatores Lemovicae. Festum earum agilur die
XIIII augusti (3). » Haec Bernardus Guidonis. Quantum ad dictas
reliquias, capitis scilicet sancti Martini et costas sanctarum Rutinae
et Justinae, conventus fuit sine dubio eis spoliatus : non enim
dignoscuntur defectu schedularum.
XI. — De aliquibus capftulis tam provingialibus quam generalibus
IN CONVENTU LeMOVIGENSI GELEBRATIS.
Primum capitulum provinciale fuit hi<; in antiquo conventu,
nempe ultra fluvium Vigennae, celebratum, in ipsis, ut ita dicam,
ordinis cunabulis. Secundum etiam capitulum provinciale fuit in
antiquô conventu ultra pontem etiam celebratum, anno Domini
millesimo CCXX|X1IIII, cui praefuit frater Romaeus nalione Cata-
launus, quintus prior provincialis (4).
(4) Sainl-Priest-sous-Aixe (Haute- Vienne).
(2) JC///° ydus AugustL Ms. 450 de Toulouse, fol. 244 *. Exempl. original.
(3) Anno Domini M.CCLXXIIL Ms. 450 de Toulouse, fol. 24î fr.
(4) B. Gui, qui a fait la collection des Actes des chapitres provinciaux
de la première province de Provence, passe sous silence ces deux chapitres.
— Voy. sur Fr. Romée, Quélif et Echard, Script, ordin. Praedy I, «64 ;
R. P. Cormier, Le bienheureux Romée de Lioia. In-H», Toulouse, Privât.
1884.
LES FRÈRES PRECHEURS D« LIMOGES. $09
Item, anno Domini millesimo GCXLl% in Nativilate Beatae Virgi-
nis Mariae celebratum fuit aliud capitulum provinciale in hoc con-
venta sub P. fratre Ponlio de Lesparra Burdegalensi, sexto priore
provinciali ; et tune facta est mulatio fratrum de antiquo in novum
conventum.
Anno Domini millesimo G(iLIII, in festo Nativilatis Beatae Mariae
Virginis, (ransaclis jam duodecim annis a mutatione fratrum de
loco antiquo ad novum, celebratum est iterum apud Lemovicam
provinciale capitulum sub ven. P. fratre Gerardo de Frachelo
Lemovicensi et priore provinciali octavo. Paucis aulem diebus ante
capitulum translata sunt corpora : 1® domini Durandi, episcopi
Lemovicensis, de capitulo ad médium chori ecclesiae; 2^ domini
Aymerici Palmut canonici, patroni nostri, et Guillelmi de Malmonte,
eliam canonici Sancti Stephani, ad sepulcrum sibi paratum in muro
ecclesiae juxta ostium quod vadit ad claustrum cum his versibus
leonicis :
Noslri patroDi sunt hic quorum Deus ossa
Sic volait poni sub eadem condila fossa.
Nosier ab hoc emilur locus, allerius fabricatur
Nummis ecclesia. Reddat sibi virgo Maria.
Et consequenter in lapide sunt haec verba.
Anno Domini MCGGXLI®,pridie nonas septembris (1), obiitdomi-
nus Aymericus Palmut, canonicus Dauratensis, et hujus loci emptor.
Anno Domini MGGXLIIP, pridie nonas aprilis (2), obiit dominus
Guileimus de Malmont, quondam archidiaconus Lemovicensis.
Quorum animae requiescant in pace. Amen.
Juxta sepulcrum patroni nostri est aliud vili coopertum lapide.
Magnum autem ihesaurum continet, nempe corpora duodecim fra-
trum qui in antiquo conventu ultra Yigennae pontem obierant, et in
unum collecta in praedicto tumulo fuere reposita cum hoc epitaphio :
Qaamvis exiguo lumulo fratres duodeni
SuDt io conliguo, fama virtuleque pleni.
XU. — SeQUITUR SERIES CAPITULORUM LeMOVIGAE CELEBRATORUM.
Anno Domini MCGLXXVP, celebratum fuit capitulum provin-
ciale in isto conventu in Nativitalae Beatae Virginis Mariae ; et tune
(1) 4 septembre.
(2) i avril.
300 SOCIRTR ARG8É0L06IQUB ST HISTORIQUE DU LIMOUSIIf.
fait eleetus in proYiocialem frater Bernard us Gerardi de Monte
albano. Hic fait undecimus provincialis (1).
Uem,annoMCGGV«, celebralum fuil Lemovicae capilulum pro-
Yinciale, sicut et aliud eliam, anno M GGC XXXIV**, sub ven.
Hugone Campano, Magislro ordinis; sub quo eliam anno, capilu-
lum générale Lfemovicis fuit celebratum. In quo inter alia fuit ordi-
natum ut post quamlibet horam divini officii, cum non conlinuatur
hora vel missa, dicto Fidelium animae, etc., dicatur flexis genibns
antiphona Beatae Virginis Mariae, singularis ordinis et hujus con-
rentus patronae, ut habetur in glossa Constitutionum, cap. deOfficio
ecclesiœ, text. *» (2).
Aliud etiam capilulum générale fuit hic celebratum anno Domini
M. CGCIC'; sedquia frater Joannes de Podionucis factus fuerat
generalis tempore schismatis inler Bonifacium O"""* el Benedictum
iâ*>°^, ideo merito inter générales ordinis non computatur, sicnt
nec capitulorum generalium Âcla sub ipso celebrata vim aliquam
in ordine habere dignoscuntur.
XIIL — De sepulturis insignïbus conventus Lemovicensis.
1. [De fratre Petro de Sancto Asterio, episcopo Petragoricensi\.
Multae sunt insignes sepullurae in hoc convenlu personarum
ulriusquesexus^jquae lum pietateet eruditione, tumecclesiaslicadig-
nilate, tum nobililate claruerunt. Horum praeclarum agmen ducel
illustrissimus simul et piissimus Pelrus de Sancto Âsterio qui, reUcto
episcopatu Petragoricensi, factus est religiosus hujus conventus; in
cujus memoriam appensa est labella in choro continens haec
verba :
Frater Pelrus de Sancto Asterio, episcopus Pelra-
goricensis, summa scientia et eloquentia praeditus,
magnus ac solemnis vir utique plus ac dévolus, filius
domini de Insula prope Petragoras, venit ad hune
conventum fralrum Praedicatorum Lemovicensium
prima die maii anni M CG LXVP ; et in habitu epis-
(1) Les Jetés des chapitres provinciaux de 1241, de 1353 et de ii76
tenus à Limoges, paratlront dans un volume sous presse.
(2) Le chapilre provincial se lint encore à Limoges en 1327 el en 1334.
lUbl. de la ville de Toulouse, ms. 490. Cf. fol 392, 452, 471 B. Douais, les
frères Prêcheurs en Gascogne» 356. Voy. les Actes du chap. général de
1334, dans ms. 489, fol 165, de la Bibl. de Toulouse.
LFS FRÈRES PRÉCHRURS DB L1M0GBS. 301
copali maDsit Ibidem per annum. Tandem maxima euro
diflîcullateprecibusimporlunis cessionem sui episco-
patus obtinuit a domino Clémente 4", dignitate epis-
copali in omnibus et per omnia reservala, quam
cessionem non potuerat oblinere a tribus summis
ponlificibus Gregorio nono, Innocenlio 4° et Alexan-
dro 4". Post paucos dies a dicta cessione oblenta,
habitum ordinis reverenter accepit, et honorabiliter
in eo Deo et ordini militavit annis oclo et mensibus
quatuor cumdimidio. Fecit multa bona conventui tam
in ornaraentis ecclesiae quam in libris et aedificiis;
fecitque aedificare domum de Balaleon. Obiit autem
pridie idus julii, anno Domini M CC LXXV° ; et est
sepuUus in ecclesia hujus conventus in medio chori.
Mémorandum quod anno Domini millesimo sexcentesimo quin-
quagesimo, R. P. F. Petro Ranquet inquisitore Carcassonensi (1),
vicario generali congregationis Sancti Ludovici, .visitante hune
conventum Lemovicensem, apertus fuit, ipso et fratribus praesen-
libus, loeus in medio chori ubi dicebatur sepultus ven. f rater
Petrus de Sancto Asterio; revolutisque lapidibus, repertum fuit
corpus beati episcopi nondum omnino consumptum, licel in calce
sepuUum, cum casula, mitra, baculo et annulo pastorali, et aliis
pontificalibus ornamentis, quae erarit supralanea indumenta ordi-
nis; quod mirum sine dubio videri débet post trecentos viginli et
très annos. Unde fratres acceperunt sibi partes vestimentorum pro
reliquiis, alias vero partes reliquiarum reposuerunt in sacristia
in arca depositi. Plura de eodemven.fr. Pelro rcperiri possenl
in ecclesia eathedrali Petragoricensi suae quondam sedis, ubi dici-
tur haberi pro sancto.
2. De illustrissimo ac venerabili fr. Bemardo Guidonis,
Non longe a turaulo fr. Pétri de Sancto Asterio, nempe ad sinis-
trum latus allaris majoris videtur sepulcrum ven. fratris Bernardi
Guîdonis, filii hujus conventus Lemovicensis et episcopi Lodoven-
sis, qui ex nobili prosapia in solo Lemovieensi ortus juxta sui
nominis proprietatem tanquam nardus odorifera vitae pariter sanc-
tilate ac doctrina odorem suavissimum Deo et hominibus sparsit.
Fuit siquidem vir magni consilii, magnae experientiae et magnae
probitatis et religionis, denique omnium virtutum jubar splendidis-
(I) A la marge, d'une autre niîiin : Anno 1650 prooincia nostra reoe-
batur per prooincialem.
CiOî SOCléTR ARCnËOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
simutn. Qui ex lectore theologiae in conventu Âlbiensi factus esl
prior in multis conventibus, nempe Âlbiensi, Castrensi, Carcas-
sonensi et Lemovicensi ; deinde inqiiisitoris Tholosani et procura-
loris ordinis in Curia Romana officio sublimatus fuit ; quo tempore
a Joatine 2*» papa missus est legatus in Italiam, Galliam et Bel-
gium ad odia extinguenda et pacem inler principes et civitates
promovendam. Cumque praedictis officiis et legalionibus digne et
laudabiliter fuuctus esset, ab eodem Joanne XX!!"" pontifice primo
ad episcopatum Tudensem in regno Gallaeciae, deinde ad Lodoven-
sem in provincia Narbonensi evectus est. t'uit vir in verbo et scriplo
malta facundia praeditus et in his quae ad religionem propagandam
et labis haereticae exierminium pertinent apprime eruditus. Plures
libros composait, unum de Aclis capitulorum generalium jussu
ven. fr. Aymerici, Magistri ordinis, cum tractatu de votis et de
quatuor quibus Deus ordinem fratrum Praedicatorum insignivit, in
quo cuncti fratres nostri nosse polerunt ordinis praedicti primordia
et progressus; librum etiaoi de Praxi offlcii Inquisilionis (1), Chro-
nologiam insuper de Romanis Ponlificibus, Imperatoribusac Regibus
Galliae ab incarnatione Domini usquead sua tempora; Vitas quoque
sanctorum ad instantiara ven. fratris Berengarii, Magistri ordinis,
compilavit et novis lucubrationibus auxit. Licet autem talis ac tan-
ins esset, attamen ita humilis ac erga ordinem bene affectus fuit
ut Avenione existens episcopus, cum multa devotione ac humilitate
renovavil professionem suam coram ven. fratre Barnaba, Magistro
ordinis; posilisque manibus suis inler manus praedicti Magistri ordi-
nis, dixerit distincte haec verba : « Ego frater Bernardus Guidonis
episcopus Lodovensis facio professionem», etc. Tanlae porro puri-
tatis ac innocenliae erat, ut frater Pelrus Sicardi qui ejus confes-
siones per viginti fere annos audiverat, asseret se paratum jurare
quod nunquam deprehendisset in ejus confessione culpam letha-
lem. Miraculis vivus et mortuus claruit. Frater enim Arnaldus
Borgueti, inquisitor Barcinonensis et provincialis Aragoniae, asse-
rebat se a ven. P. Bernardo a gravi inflrmitate Avenione fuisse
liberatum.Cum enim de ejus vitae sanctitate et meritis conGsus sup-
plicasset ut ei in mortis periculo subvenirel, slatim venerabiUs
episcopus ut vidit fldem illius : « In nomine », inquit, « Dei prae-
cipio somno ut redeal ad oculos inquisitoris Barcinonensis, et quod
discedat ab eo omnis aegritudo inquietans ». Et ecce ad verbum viri
Dei repente ab omni inlirmitate praedictus Inquisitor liberalus est.
Hujus miraculirumor in conventu Avenionensi praebuit occasionem
alteri prodigio. Nam frater Guilelmus de Gardaga, qui eodem loco
(\) ln-4% Paris, Picard, 4886.
LKS FRÈRRS PRÊCHEORS DB LIMOGES. 303
et tempore dissenteriae morbo laborabat, audita miraculosa sana-
tione inquisitoris Barcinoncnsis, petiit etiam a venerabili episcopo
Bernardo ipsum visitante, ut ipsam etiam sanare dignaretur. Quod
cam venerabilis GuidoDis ob hamilitatem facere recusaret, attamen
motus continuis iafirmi precibus, imperavit morbo ut a tali die,
nempe festo beati Dominici, patris uoslri, non eum amplius grava-
ret; quod et faclum est, sicut solitus eral referre praedictus frater
de Gardaga. Haec duo signa adeo fucre notoria in conventu Ave-
nionensi ut frater Petrus Bernardi, tune baccalaureus Sacri Palatii
et postea Bayonensis episcopus, jocose diceret, praesente venera-
bili Guidonis, quod frustra ordo fratrum Praedicatorum laborabat
pro canonizatione sanctorum mortuorum cum posset canonizare
sanctum vivum. Hic tandem venerabilis episcopus pontiGcatus
sui anno octavo, post multa virtutum opéra tum in ordine tum
in episcopatu praeclare gesta, in morbum incidit; susceptisque
dévote ecclesiae sacramentis et plenaria indulgenlia peccatorum a
Joanne XXIP sibi concessa, die XXX» decembris foeliciter migra-
vit ad Dominum in castro de Laurosio diocesis Lodovensis, anno
Domini M. GC. XXXI®, aetatis vero suae anno LXXI*». Corpus ejus
iode Lemovicas delatum in ecclesia conventus fratrum Praedicato-
rum condilum est, sicut ipse ordinaverat.
Notandum quod post obilum ipsius, cum frater Thomas Narman-
ni, prior conventus Lemovicensis, in ecclesia post matutinas pre*
ces oraret, vidit subito ingentem ac splendidam luccm quasi de
sede priorali usque ad sanctuarium procedentem; quod cum admi-
raretur ignorans quid porlenderet, tandem facto mane venit nuntius
asserens episcopum Lodovensem e vivis migrasse, ejusque corpus
in conventum Lemovicensem deferri tumulandum. Tune intellexit
praefatus prior lucem illam splendidam significare venerabilem
episcopum, qui vita et doctrina ecclesiam et ordinem illustrarat, et
quod non sine causa lux illa quam viderat a sede priorali versus
sanctuarium procedebat, quia ipse aliqnando prior exliterat; nunc
vero in sanctuario corpus ejus bealam resurrectionem expectare
debebat. Plura de hoc venerabili episcopo reforunt dominus Plan-
tavitius, episcopus Lodovensis, et loan. Bandellus, oflicialis Lemo-
vicensis (1).
3. De illustri ac venerabili fr, Bernardo Bruni,
In dextro latere sanctuarii videtur efllgies episcopi insculpta in
(1) Voy. renoncé des uombrcux travaux consacrés k B. Gui dans mon
opuscule : Un nouoeau manuscrit de B, Gui^ p. 1 , note \ . — Sur le cha-
noine Jean BandM morl en 1639, voy. A. Leroux, Etude criiique sur les
Annaies françaises de Limoges dans les Annales du Midi, 4890, p. 16.
304 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE kT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
lapide. Hic fuit illustrissimus Bernardus Brani, filius hujus conven-
tus Lemovicensis, qui ob praeclares dotes eveclus est ad episcopa-
tum Conseranensem (1), quique moriens in ter fratres voluit sepe-
liri; quibus reliquit Graduale et plures alios libres. Obiit XIII kal.
decembris (2) circa annum M CGGG.
4. De venerabili fratre Martiali BoyoL
In inferiori parte ecclesiae videlur effigies religiosi ordinis cum
bac inscriptione :
HIC JACET YEN. FRATER MARTIALIS BOYOL, OLIM CANONICUS ET OFFl-
CIALIS LEMOVICENSIS, QUI TANDEM IN HABITC ET PROFESSIONE FRATRUM
PRAEDICATORUM ANNIS PLENUS, OBIIT ANNO DOMINI M. GCC. LXXXXVIl'', DIE
XIX» JULU.
Notandum quod cum ejus tumulum fratres nostri vellenl aperire,
anno Domini M. DG. XXIIP, ad sepeliendum dorainum Petrum
Boyol ejusdem familiae, necnon ejusdem ecclesiae caflonicum et
offlcialetn, repererunt praediclum ven. fratrem Martialem tolum
fereincorruptum, vestibus ordinis indutum, suavissimumqueodorem
exhalantem post centuni et viginti sex annos ab inhumatione
sua. Quapropter in alio tumulo corpus domini Pétri Boyol fuit
reposilum. Gernitur iste venerabilis frater Marlialis in habilu or-
dinis in lamina aenea, oblatus Beatae Yirgini puerum Jesum in
ulnis tenenti per B. Stephanum, cum hoc epitaphio :
lUis sub saxis recubat lam nobilc corpus
Martialis Boyol qui modo summa lenet.
Canonicus fuit officialis Lemovicensis
Et burgi pasior, qui bene fovil oves.
Orbis tanta bona dimisit; Praedicalorum
Tandem vila pia jam sibi grala fuit.
Mille quingentis hinc demptis ac tribus annis,
Lace petit clara superos julii décima nona.
Quaeso, Jesu bone, cum superis sit in acthcre tecnm,
Deprecor ut redeat spiritus ad Dominum. Amen.
5. De tumulo domini Dupeirat canonici
Sepullus est in claustro convenlus nostri Lemovicensis dominus
Petrus Dupieirat, canonicus ecclesiae cathedralis Sancli Stephani,
(1) Il ne figure pas sur la liste des évêqnes de Gouserans.
(1) 18 novembre.
LES FRÈRES PRÊCHEURS DR LIMOGES. 305
qui fuit insignis benefaclor conventus, cujus epitaphium in lamina
aenea exaratum sic legitur :
De Peiraio corpus tumulo jacel isto :
Spirilus in coelo sit propitio sibi Christo.
Dudom canonicus fuit ecclesiac cathedralis,
Nobis munificus et amicus specialis. ,
Sanctum Dominicum sibi sentiat auxiliari,
Ut merealur eo duce sanctis associari.
Anno Domini H. CC. L1.
6. De epitaphio Elisabeth de Ventodorio.
In muro portae claustri cernitur in lamina aenea episcopus indu-
tus ponlificalibus et oflicium sepulturae faciens pro femina, fratri-
bus noslris stipatus. Haec fuit nobilis domina Elisabeth de Vento-
dorio (1), quae obiit anno Domini M. CC. LXXVin<», nonis octobris ;
ad cujus sepulcrum hi versus leguntur :
Clansa jacet tumulo generosa sub hoc Isabelis,
Yirtulum titulo rutilans vitiisque rebellis;
Haec fralrum manibus hic noslrorum tumulala,
niorum precibus ponalur in arec beala (3).
7. De sepukris comitum de Quadris.
In sanctuario est sepulcrum concavum illustris et antiquae domus
de Quadris, gallice Descars (3), in quo quiescunl ossa anliquorum
hujus familiae dynaslarum, et inter alios nobilis ac generosus
cornes Carolus Descars, qui obiit anno Domini M. DC. XXIIF, die
quinta augusti. Hic et ejus anlecessores fuerunt insignes benefac-
tores et reparatores conventus Lemovicensis, et inter coeteros emi-
nenlissimus simul et piissimus Annas d'Escars cardinalis de Giuri (4),
episcopus Metensis, qui dédit conventui Lemovicensi prioratum
Nostrae Dominae de Beinaco (5); cujus effigies videlur in fenestra
vitrea c^apellae comitum de Quadris, cum insigniis familiae, quae
in multis locis conventus insculpta cernuntur.
({) Venladour (Corrèze).
(1) Fondations d'anniversaires par Isabelle do Ventadour, 1277. (Archi^
vas de la Haute-Vienne, fonds des Jacobins, n^ 4406).
(3) Les Cars (Haute- Vienne).
(4) Anne des Cars de Givry. évêque de Lîsieux (1585-f598) et de Metz
(4608- 161 i), prêtre card. de Saintc-Susanne (4596): mort en 1642.
(5) L'acte de prise de possession du prieuré de Beynac se trouve aux
Arc h. de la Haute-Garonne. H, Dominicains étrangers, Limoges.
306 SOCIÉTÉ. ARCHéOLOGIQUR ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
8. De imigniis et sepulîuris quorundam nobilium.
In clavi fomicis capituli videntur insignia nobilis domus de
Pompadour (1), videlicet turres sculptae in lapide, in signum sine
dubio quod dynastae hujus domus constructioni vel saltem répara-
tion! dicti capiluli de suis opibus plurimum contalerunt.
In sacristia etiam sub grandi lapide est sepultura baronum de
Monterocherio cum insigniis familiae, scilicet bove circundante pe-
dibus et cauda aves.
In sanctuario similiter, in dextro latere, videntur insignia nobilis
domus de La Tour, nempe très turres cum tribus liliis Borbonicis.
SuDtetaliaepluressepuUurae lum fratrum, tum canonicorum, tum
nobilium, quaenimis esset longum recensere. Haec pro nunc suf-
ficiant.
XIV. — NOMINA FRATRUM QUI IN CONVENTU LeMOVÏCENSI FLORUERUfTT
AB ANNO MCCXX° USQUE AD PRESENTES! 1693»»°> .
(Ex mauascripto ven. P. Beroardi Guidonis parlim desumentur).
1 . [De venerabili fratre P. Cellaîii],
(Honventus Lemovicensis tanta copia viroram illustrium in omni
génère gaudet ut pace (sic) aliorum ordinis couYentuum dixerim,
vix alium reperire Ucebit in quo plures inveniantur fratres sancli-
late conspicui. Testes sunl hujus veritatis venerabiles fratres Ber-
nardus Guidonis et Slephanus de Salanaco, primi scriptores ordi-
nis, qui in primo saeculo ordinis fere ducentos fratres enumerant
qui foelicissime et sancte obierant in praedicto conventu. Horum
omnium nomina brevitatis causa non recensebo, sed tantum prae-
cipuorum. Quorum omnium agroen ducet fundator et primus prior
conventus Lemovicensis venerabilis P. F. Pelrus Gellani, qui post
bealum Domioicum fuit primus frater ordinis fratrum Praedicalo-
rum, quique primus ordinem in suo recepit hospitio Tholosae.
Hune beatus Pater Dominicus post obitum gloriosi principis de
Montfort (2), destinavit et misit Parisiis Lemovicas, ut ibi locum con-
ventus acciperet. Sed cum ignorantiam et librorum penuriam alle-
garet; « Vade », inquit, « fili, et confidenter vade; omni die bis
habebo te coram Deo ; et ne dubites, multos acquires Deo et afferes
multum fructum; cresces et multiplicaberis, et Dominus erit
(*) Pompadour (Corrèzc).
(2) Simon de Montlort morl en l2l8.
LES FRÈRRS PRÂCHRURS DE LIMOGES. 307
lecum. » El sicul ipse poslmodum familiaribus suis saepius enarra-
vit, cum inlus vel exlra anguslia arctabatur, invocabat beatum Do-
minicum, redacens in memoriam promissum suum; et omnia pros-
père succebebant ei. Veniens igitur Parisiis Lemovicas anno Dorainî
MCCXIX" circa quadragesimam, ab episcopo Lemovicensi bénigne
acceptus, locum ad habitandum recepit, ut supra fuse diclum est ;
induitque habitu ordinis multos fratres qui candore famae et
bonae vitae ostenderunt jure merito fratres conventus Lemovicen-
sis fuisse adumbratos per processionem pulcherrimam dealbalorum,
quam quidem vir dévolus bis in somnis viderai in loco ubi nunc
conventus est aedificatus. Tandem postquara conventum Lemovi-
censem tredecim annis sanctissime rexissel et in magna reverentia
apud cierum et populum sicul unus de prophelis antiquis fuisset,
circa finem vitae Tholosam rediit, ubi primus inquisilor cum fratre
Guilelmo Ârnaldi factus est; quo ofRcio per plures annos laudabi-
liter funclus, migravit ad Dominum, octavo kalendas martii (1),
anno M CG LVIP; sepultusque est in conventu Tholosano.
2. De venerabili fratre Gerardo de Francheto.
Secundus prior Lemovicensis qui successit venerabili P. Petro
Cellani fuit venerabilis P. Gerardus de Francheto Lemovicensis
dioecesis oriundus de Castro Luceti (2) ; vir gratiosus et dilectus Deo
et hominibus, praedicalorque facundus ; hic duodecim annis con-
ventui praefuit; quo tempore locum ultra Vigennae ponlem dimisil
ob varia ejus incommoda, secundum vero locum in quo nunc habi-
lamus émit. Sed cum non haberet unde solveret, Beata Virgo
Maria mota fralrum assiduis praecibus canonicum Dauratensem
suscitavil qui pecuniam pro emptione loci persolvit, ut supra dixi-
mus. Hic venerabilis vir ex priore Massiliensi factus est prior pro-
vincialis octavus, rexilque provinciam in pace et aequilate annis
octo; quo lempore ad instanliam venerabilis fralris Humberti de
Romanis, Magistri ordinis, Hbrum qui inscribitur Vitae fralrum com-
posuit(3). Hujusmemoriacumlandibus mullisin ore vivenliumvivit.
Ipse vero in senectute bona migravit ad Dominum in conventu Lemo-
vicensi, in festo beali Francisci, anno Domini MCCLXXl» ; sepultus-
que est in claustro prope ostium ecclesiae, ubi hi versus leguntur :
(1) 2i février.
(î) Voy ci-dessus, p. 268,
(3) Le R. P. Cormier en a donné une é<lition lithographiée, sous le
titre : VUa£ fratrum ordinis Praedicatorum^ in quitus quaniplurima
exempta et monumenta aniiquae oirtutiSf quais ordo initio mouDime
floruUf recenaentur. In 4o. Marseille, 1875, 356 pages. Épuisé.
308 SOCIÉTÉ ARCllÉOLOGrQUE BT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Fraier Gerarde de Franchelo pie valde,
Terlius hic a le capiiur locus immédiate.
Ordo, genus, vila, discrelio, lingua polila,
Fama, pudor, pietas te laudant, pax, amor, aetas.
3. De venerabili fratre Hugone de Malamorte.
Tertius prier Lemovicensis fuit frater Hugo de Malamorte (1), dioe-
cesis Lemovicensis, nobilis génère, sed nobilior animi virtute, qui
quinque annis hune conventum gubernavit, deinde faclus est prier
Burdegalensis ; quo tempore tantam de se excitavit opinionem ut a
majori parte capituli ecclesiae calhcdralis in arcliiepiscopum Burde-
galensem fuerit electus ; quam dignilatem tamen constanli animo
recusavit. Fuit vir magni rigoris elbonae discretionis. Obiitplenas
dierum in convenlu Lemovicensi, anno Domini M CG LXIII", die
quarla januarii.
■
4. De venerabili fratre Stephano de Salanacho,
Quartus prior Lemovicensis fuit venerabilis fraier Stephanus de
Salanacho (2) a burgo suae originis sic cognominatusin Lemovicensi
dioecesi, e manibus venerabilis P. Pétri Cellani habilum ordiois sus-
cepit circa annum M CC XXX""»; expleloque probationis anno et
professione emissa, verbum Dei maximo cum audilorum fructu dis>
seminare coepit. Piurimos namque haerelicos albigenses convertît
ad veram fidem; peccatores etiam multos ad meliorem frugem
reduxit, nec mirum cum de eo dici potest quod Gregorius de
sancto Basilio, quod sermo ejus erat tonitru, quia vita iiiius eral
fulgur ; vivum enim erat exemplar sancti Patris sui Dominici. Nullus
eo erat humilior, nullus continentior, sanctae paupertatis adeo erat
studiosus; et venerabilis frater Bern. Guidonis asse[ve]rat se posl
ejus obitura invenisse scripium quod venerabilis frater Stephanus
rogabat enixe Magisirum ordinis ut peleret a summo ponlifice qua-
tenus juberet ut ab oralione beati Patris nostri Dominici lollerentur
haec verba : temporalibiis non destituatur auxiliis^ « quia », inquie-
bat, « in oralione beali Francisci pelimus terrena despicere, in ora-
lione vero beati Patris Dominici pelimus dari, quod utique incon-
gruum videlur religiosis qui voto solemni bonis temporalibus re-
nuntiaverunt ». In capitule generali Mediolani (3) celebrato, ob suam
(1) Malemort(Corrèze).
(2) Le Grand Bourg de Salagnac (Creuse).
(3) En 1250. D. Mabtkne, Thésaurus, IV, 1704.
LKS PRÂRF.S PRÂCHBURS DR LIMOCKS. 309
singularem prudenliam et in rébus gerendis solertiam, definitor
oleclus est sicutetin Argentino (1), deinde in Scotiam et Angliam a
R. P. Magistro generali visitalor missus, ubique insigniasuae pieta-
lis et prudentiae monumenta reliquit. Electus deinde in priorem
Tholosanum, expleto quadriennio, sui conventus Lemo\1censis
semel alque iterum habenas regendas suscepit ; quo tempore vene-
rabilem dominum Petrum de Sanclo Asterio, episcopum Petrago-
pensem, ordiuis habitu induit. Unus fuit e primis scriptoribus ordi-
nis; quae enim audiverat vel viderat de vita martirum, ponlificum,
cardinalium et aliorum virorum illustrium ordinis fratrum Praedi-
catorum, brevi Iraclatu et compendiocomplexus est. De eo venera-
bilis P. Guidonis haec habet : « Hic fuit vir religionis spéculum
aspicientibus , gratia praedicalionis benedictus , prudentia et
sapienlia regiminis praeditus, facundia sermonis redimitus, expe-
rientia multa doctus, in his quae religionis sunt optime instructus
et instruens, narralor geslorum illustrium et exeraplorum notabi-
lium gratiosus et copiosus tempore opportuno, morura ac gestus
maturilate compositus, famosus et notus toti patriae. » Haec Gui-
donis, quibus nibil addendum superest. Denique hic venerabilis
Stephanus plenus dierum et quasi sexagenarius fere in ordine, obiit
Lemovicis, sexto idus januarii, anno DominiM.GC.XC®; sepultusque
fait in claustro, ante ingressum ecclesiae tertio loco.
5. De venerabili fratre Helia Navarra.
Quintus prior Lemovicensis fuit venerabilis frater Helias Navarra
Ijcmovicensis dioecesis, de quo haec habet Guidonis : « Vir fuit
dévolus et sanctus, veneranda valde persona, fervens et gratiosus
praedicator, in correctione rigidus et zelo salulis aliorum velut
aller Helias succensus, vera religionis imago successit in prioratu
Lemovicensi fratri Stephano de Salanaco, et praefuit anno uno.
Fuit etiam supprior Tholosanus et prior Narbonensis, Garcasso-
nensis et Figiacensis. Tandem in seneciute bona obiit in conventu
Brivensi, kalendis septembris, anno Domini M.CG.LXX*». »
6. De venerabili fratre Geraldo de Sancto ValeiHco.
Sextus prior conventus Lemovicensis fuit frater Geraldus de
Sancto Valerico (2) Lemovicensis dioecesis, qui, ut ail Guidonis, « ex
monacho Sancli Martialis factus est praedicalor dévolus et fructuo-
sus, persona venerabilis, gralus, laetus et largus. Praefuit conventui
(1) En «260. D. Martine, Thésaurus, IV, 1728.
(i) Saint-Vaulry (Creuse).
T. xxxix. 90
3IOl SOGIRTR ARCBÉOLOGIQIIF. ET HlSTOftlQUE DU LIMOUSIN.
Ijewoyicensi anni$ quinque. Tandem in seneclule bona in conventu
LeiDoyiceosiândie NatalisDominiqna Chrislus nalus esl in mundo,
natus est, ut pie credilur, ipse in coelo, illuscescente aurora diei
illius ^a^clae. Post audilum enim officium missae matutinalis qu^e
incipil : Lux fulgebit hodie, etc., dixit sibi ministranlibus quod ofli-
ciui^ missae sequentis, sciMcei Puer natus est nobis, etc., audilurus
erat cum angelis in coelo. Et paulo post anle missam majorem
conyentus, in Domino obdormivit, anno Dominicae incarnaùonis
MCCLXXX*. SepuUus est in claustro in ingressu ecclesiae; elhoc
habet epilaphium :
Hic siius esl frater Geraldus de Sanclo Valcrico.
Subvenîal mater Christi pieialis amico.
Gralus, amans, hylaris Christo tlorem juvcnilis
Obtulil aeUilis, susceplus in ordine gratis.
Sic ubi complevii annos ter in ordioe quiaos
Et decies trinos mortcos in |)ace quievît.
7. De venerabili fratre Nicolao de Monte MûuriUi,
Septimus prior conventus Lemovicensis fuit yenerabilis frater
Nicolaus de Morxle Maurilii(l), sic cognominalus; erat tanien Lemo-
vicensis dioecesis. Successit in prioralu Lemovicensi fratri Stéphane
de Salanaco ; fuilque modico tempore prior. Vir fuit suavis mori-
bus et optime litleratus; per quindecira enim annos et amplius
honorabiliter praefuit studio generali Monlispessulani, Tolosae,
Burdegalae et Lemovicae. Hic tandem lector existens canonicorum
in sede catbedralis ecclesiae Narbonensis et aclu legens sacras lille-
ras coram posilis audiloribus, suavitcr in Domino obdormivil;
sicque assumpsit eum Deus in officio in quo placuerat ei. LfOcns
quem aclualiter exponebat dum obiil erat hic versus Ecclesiasl. 34 :
Qtiasi ceirus exaltata sum in Libano, etc,^ qnem primo de sapientia
increata exponebat, secundo de natura humana a Christo assumpta
et tertio de Virgine Beala. « Fuit vir », inquit Guidonis, «in ordine
magnus opinione, nomine, religione et lilteris. Fuit eliam magnae
innocenliae etpersonaveneranda. Sepultus fuit incapilulo fratrum
Narbonae, anno Domini MGCLXXIX", feria sexta anle Ascentionem
Domini. »
8. De venerabili fratre Joanne de Chastancs.
Octavus prior Lemovicensis fuit venerabilis frater Joannes de
Chastancs Lemovicensis dioecesis. Successit fratri Nicolao de Monte
(1) Peut-^lre Montmo:'cau (Charente)
LES F 116111(8 FflÊCtftEURS DE LIMOGES. 3f f
Haurilii, praeftiitque annis tribus. Tempore hujus factûm est
piDaenlnm ecclesiae positaque sunt funclamenta et partetês elevali
non modicam pro inreriori parte ecclesiae. « Hie fait », inquit Gmdo-
nis, « devotus mente et laetns, praedicator promptus et copiosus,
sedulus attractor ad Deum roagnorum peccalorum, signantér prae •
doDum et midioruro, pro quibus reducendis in viam juslitiae et
salutis libenter et froctuose laborabat. Prior fuit Sancti Aemiliani
et Brivensîs, et lector in convenlibas maltis. Tandem in sefrectute
bona eteanitie Yenerabili sapprior Lemoricensis existens, foeliciter
obiit ; et quiescit in claustro anle ingressum ecclesiae. ObiH autem
tertio kal. aprilis, anno Domini MGCLXXXI*'. d
9. De venerabili fratre Petro de lâulceone.
Nonus prier convenlus Lemovicensis fuit venerabilîs frater' Petrus
de Mulceone Lemovicensis dioecesis, qui êuccessit fratri Joanni
Ghastancs pro prima vice. Fuit enim prior tribus vicibus Lémovicis.
Hnjus tempore consummatum fuit dormilorium anfiquum ex parte
ecclesiae, fuerunlque factae camerae feligiosorum de pecunià
qoam dédit dominus Petrus de Sancto Asterio, episcopos l^elr'agorl-
censis memoratus. De praedicto fratre Petro de Mulceone haed
liabet Guidonis : « Fuit vir gratus et dilectus Deo et hominibds et
famosus in iota patria, nobilis génère, nobilior liumilitatis virluté,
super mîseros et abjectes pia gestans viscera. De prioratu Monlis-
pessulani ubi praefuit annis tribus cum fere dimidiô, translatus est
ad officium Inquisitionis Tholosanae quod exercuit ànnis tribus ;
indeque electus est prior provincialis in capitufo Bfivensi, in festo
Assumptionis B jalae Mariae semper virgiriis. In quo officio exi^itens,
raigravit ad Dominum in conventu Montalbanensi in festo b>ea(àe
Marthae, anno Dominî MCCVC". Deinde iranslalum est corpus ejus
ad convenlum Brivensem posl 1res annos in capitule provinclâli
Caturcensi. »
10; De venerabili fratre hanHê de Nontrônio,
Decimus prior conventus Lemovicensis fuit fratcr Joannes de
Nontronio Lemovicensis dioecesis, qui successit fratri Petro Je
Mulceone. « Fuit », inquit Guidonis, « vir bene religiosus et bonus ;
plenus dierum obiit in conventu Lemovicensi, quarto Ical. maii ({),
anno Domini MCGLiXXXir; sepultusque fuit in claustro. »
11. De venerabili fratre Petro Copelli,
Venerabilîs frater Petrus Copelli fuit duodecimus prioï* convenfUs
(1) iS avril.
3f2 SOCIÉTÉ AdCHÉOLOGlQl'R &T HISTORIOUK DU LIMOUSIN.
Lemovicensis, cui bis praefuil. Oriiindus eral de Valeria (1) in
dioecesi Lemovicensi. Tanlae fuithumililalis, ut cum ex leclore Ca-
larcensi electus esset in prioremLemovicensem, abhoc semei atque
iterom absolvi procuraverit oflicio. « Virenim erat », inquit Guidonis,
« humilis et dévolus, bene religiosus, dilectus Deo et fratribus,
praedicator bonus. In flore suae virtulis et valoris obiil Lemovicis,
decirao quinto kalendas augusti (2), anno Domini MCCIIO ♦».
Quiescit in claustro prope oslium ecclesiaein tumulo duodecim fra-
trum, qui ex primo conventu ubi obierant ultra pontem Vigennae,
traiislati sunt in istum ubi nunc habilamus.
12. De venerabili fratre Yterio de Comprenaco,
Venerabilis frater Yterius de Comprenaco (3) a burgo suae ori-
ginis sic cognominatus, qui situs est non longe a Lemovica, ofGeium
prioris in conventu Lemovicensi 1er exercuil; compulsusque est
ullima vice per sentenliam excommunicalionis ad prioratum accep-
tandum. De hoc venerabili viro P. Guidonis refert quod adolescens
circiter tredecim aut qualuordecim annornm habilum noslrae reli-
gionis sumpserat cum puritate et innocentia vilae quam illibale in
ordine conservavit, et quod licet esset nobilis génère, attamen nobi-
lior animi generosilate vidcbatur, qua omnem vilae ignobilitalem
deleslabatur in quocumque esset. Praedicalor fuit fervidus et
veritatis amicus, qui dura in festo Assamptionis bealissimae Vir-
ginis Mariae de ipsa gloriosa domina noslra devolissime et cum fer-
vore nimio praedicaret apud urbem Sancti Juniani, vocatus a prae-
dicta augustissima regina, ut pie creditur, incidit in morbum quo
infra paucos dies, videlicel in die sancli Bernardi (4), mortuus esi.
Ejus corpus quod primo apud Sanclum Junianum,agente venerabili
Jordano de Monlecuculli, praeposito capituli, humalum eral, trans-
latum fuit in conventu Lemovicensi; ad cujus receplionem maxima
pars civium Lemovicensium obviam venit cum lacrimis et gemili-
bus. Ipsum enim lotus populus diligebat, cum invenirent in eo salu-
bria consilia tam de rébus transitoriis quam aeternis. Hic beatum
Dominicum tenerrime diligebat, cujus capellam variis picluris et
ornamentis adornavit. Sepultus fuit in capilulo et hi versus supra
tumulum ejus appositi, anno obilus ejus qui fuit ab incarnatione
Ghristi MGiiClV"».
(1) Vallière (Creuse).
(2) 18 juillet.
(3) Compreignac (Haute-Vienne).
(4} iOaoùt.
LES PBÈRRS PRÊCHEURS DE LIMOGES. 313
Christiferam vcnerans, sic damans magnificavit
Quod verbum superans devolio debilîlavit;
Rapta fuit mens, flens silull vox, praecoMariae
Dum docuit, tune occubuit lux arca sophiae.
Nomina aliorum priorum conventus Lemovicensis quos venerabi-
lis P. B. Guidonis refert hic annotare necessariurn esse minime
pulo, cum de ipsis nihil fere spéciale au l notatu dignum putal. Hoc
iinum referam quod, anno MCCCVI*, tempore quo idem frater
B. Guidonis, episcopus Lodovensis, de quo supra mentionem feci-
mus, prions raunere in conventu Lemovicensi fungebalur, dominus
papa Clemcns quintus cum octo cardinalibus venit Lemovicam et
ad domumetconventum fralrum PraeJicatorum declinavit, in eoque
hospilari ac manere voluit; quo tempore concessil priori conventus
Lemovicensis quod confessor quem sibi eligeret vel quem pro fra-
tribus deputaret lantam haberet potestatem absolvendi et dispen-
sandi ab omnibus culpis et poenis temporalibus quam ipse papa
habebat, et hoc pro una vice tantum.
Venerabiiis P. Bern. Guidonis post recensitos priores conventus
Lemovicensis usque ad annum MCCCXII refcrre incipit nomina
fralrum qui in praedicto conveiUu foelicissime obieranl(î).Sed quia
prolixior esset eorum omnium narratio nominum quorum funda-
mentum maximum habemus quod sint scripta in libro vitae, maxi-
me cum in primo saeculo ordinis obierint, in quo fratres fere omnes
ad summum perfeclionis et sanctilatis apicem perveniebant per
vilae austeritatem, morum innocentiam, pracdicationis fervorem,
lucrum animarum, ac denique vitae regularis perpetuum tenorem
et observantiam. Quapropter venerabiiis frater Slephanus de Sala-
naco de illis loquens haec habet : « Ordo Praedicatorum habuit ab
initio {supple fratres) qui ad justitiam erudientes mulios luxerunt
in fîrmamenlo ecclesiae et diversas mundi partes illustraverunt
verbis parileret exemplis, sicut stellae in perpétuas aeternitates,
ad quod lucide cognoscendum unum subnecto exemplum.
« Religiosus vir domnus Geraldus de Cardalaco, prior lune, sed
poslmodum abbas Obazinae (2) Cisterciensis ordinis in Lemovicensi
dioecesi, audiverat ortum esse et a summo pontifice confirmatum
onlinem fratrum Praedicatorum ; nullum autem fratrem dîcti ordi-
nis adhuc viderat. Quadam igitur die cum dormiret post meridiem,
ut moris est apud Cistercienses, videbatin visione duos soles ingre-
dientes subito claustrum monasterii, illumque cum vicinis locis
(I) Ces noms ne se trouvent pas dans les mss. connus.
(3) Obasine ou Aubasine (Corrèze).
314 S^'CIRTI^ AftCHiOLOOlQUe RT II1BT0BIQUB DU LIMOrSIK.
liice sua irradiantes. EvigilaQsautempraediclusdoamus prior visio>
nemque in animo versans cum admiratioae, descendit e dormitorio,
invenitque duos fralrcs ordinis Praedicatorum coBventas Lemovi-
censis, nempe frairem Bernardum Alvern«ra, suppriorem Lemovi-
ceDsem,etfratrem JoannemBalislarii^ejusdem conventus aiumnum,
qui ambo erant eximii divini verbi praecones ; statimque in spiritu
didicit ist09 esse duos soles quos in visione viderat. Quapropter
summo affectu deinceps ordinem prosequulus est. »
13. De veneraMi fratre Jeanne Balistario.
tete venerabilis frater Joannes Balistarias, quem ad instar solis
radranftem prior Gislerciensis conspexit, ut dictum est, âiius fuit
urbis et conventus Lemovicensis, quem Deus tanta repievit focun-
dia in ooncionando, utclero pariier et populo esset mirum in modum
acceptais, uberesque frHCtus pro conversions peccalorum et salute
aniniarum ex praedicatione sua reportaret. Postquaoi aulefli veiut
sol mundum divini verbi luce illuminasset, in terris et in ccoventu
Lemovicensi occumbens, octave idus julii radtaturus obiit io firma-
mentuo) coeli, circa annum MCCLX^'^ (1). Ejus sermones tasquam
prctiosa d onilia olim servabaatur in arca conventus ; duqc vero
lapsu temporum periere.
14. De venerabili fratre Radulpho de Quadris.
Frater Radulphus de Quadris (3) ex illustrissima forte comitum de
Quadris, insignium benefactorum conventus Lemovkensis, oriundas
prosapia, magis tamen elegit abjectus esse in dooio Dei io coDveniu
Lemovicensi, quam magnusiasaeculo. Poslquam au(em ut bonus
et fructuosus praedicator viueam Dominl, nempe eeclesiam, exeo-
luissei, amplam a patrefamilias accepit naercedem, deoarium oempn
beaMtKdinis, uqdecimo kalendas septembris(3), circaaanumDomini
MCCL»».
iS. De vmerabili fratre Fetro de Riperia.
Eandem mercedem venerabilis frater PetrusdeRîperia cum prae-
(1) Le 8 juillet d*après ftuéllfel EjChard, Script, ord. Prned,^ 1, 460. La
notice qu'ils lui onl consacrée; ressemble beaucoup à celle-ci. Etienne de
Sal&nhac, B. Gui et MalvenJa, Annal,^ ad an. til7, n. 9, Pont successive-
ment loué comme prédicateur.
(2) Les Cars (Hai^to-Vienne).
(3) 23 aot|t,
LKS FRÈRES pnÊCBEURS DE LIMOCRS. 315
dicto fratre Badulpho accepit, qui eodem modo in vinea Domini
laboravit. Fuit enim, Guidonio teste, vir sanctus, sacerdos et
praedicatop; et ut talis 11° idus februarii (i) ad aeternam sanctorutn
mansionem evocatus est, circa annum MCCL"™.
16. t)e venerabiti fratre Guidons de Monpreset.
Frater Guido de Monpreset sacerdos ab infantia Deo dévolus
intrare meruit in gaudium Domini sui, laborum diuturnorum prae-
mia percepturus, anno Doraini MGCLXII[°, tertio idus januarii (2),
qui etiam ob eximias virtutes specialem babet inscriptionem lingua
vulgari exaratam in una columnarum capituli ex parte claustri.
il. De venerabili fratre Rogerio de Agedunù.
Frater Rogerius deAgeduno (3) specialem inscriptionem meruit
saper tumulum, ob insignem pietatem. «Fuit enim,», inquit Gui-
donis, « vir sanctus, sacerdos et praedicator et ultra modura offi-
ciosus, qui quarto idus augusli (4), anno MCCLXVP, ex bac misera
vita ad beatam transiit. »
Eandem gratiam eodem vei sequenti anno a Domino consecutus
est venerabilis frater Slepbanus Coralli sacerdos, litteralus ac
bonus, sexto idus augusli (5).
18. De venerabili fratre Petro Geraldi de Fraiicheto,
Frater Petrus Geraldi de Francheto qui fuit pater secundum
cârnem venerabilis P. Geraldi de Francheto, secundi prioris c(m-
vcnlus Lemoviceasis, quique ex slrenuo milite faclus est frater
dévolus, postquam Domino soli militasset ac de salutis nostrae
hostibus gloriose triumphasset, coronam regni percepturus, migra-
vil e vivis VHP idus augusli (6), anno circiter MCCLXV\
19. jD^ venerabili fratre Briccio de Peirato.
Frater Brrccius de Peirato (7) ex illustri familia adhuc etiam flo
rente Lemovicis, oriundu8,primus omnium sacri Praedicatorum ordi-
(1) ht février.
(2) H janvier.
(3) \huii, près Guérel (Creuse).
(4) 10 août.
(5) 8 aotfl.
(6) 6 août.
(7) Peyrat-le-Châleau (Haute-Vienne).
316 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET RISTORIOUB DU LIMOUSIN.
nishabitum sumpsil in conventu Lemovicensi de manibus venerabi-
lis P. Peiri Gelîani funiJaloris, anno MCGXXP, et cum eodem
Parisius ad capitulum générale profectus est. Si ergo, ut aiunt
philosophi, primum in unoquoque génère est causa caeterorum,
qaam gloriam et mercedem asseculum fuisse patrem istum crc-
dendum est, qui tôt sanctis religiosis dux fuit ad viam salutis
demonstrandam non solum priorilate sua in ordine fratrura Prae-
dicatorum in conventu Lemovicensi, sed etiam in bono exemplo
elsanclitate. «Fuit enim)),inquitGuidonis, «virsanclus et dévolus,
nec mirum cum ipse primilias spiritus qui sanctos eiïicit hauseril ;
merilo ergo illum credimus in coelo altius a terris snblimatum
cum fundatore conventas Lemovicensis, quem in terris agnosci-
mus eorum primogenitum. Obiit autem octavo idus novembris (1).
anno MGCLXVP ».
20. [De venerabili fratre Stephano Racaldi].
Anno sequenti, XV. kal decembris, frater Stephanus Racaldi
sacerdos, qui mullos libros ecclesiaslicos scripsit, nempe Missale,
libros Evangeliorum et Epistolarum, etc., et per provinciam ad hoc
faciendum discurrens correxit, indesinenterque usque ad finem
vitae suae Deo et fratribus dévote servivit, ad praemia laboribus
suis débita accipienda evocatus est.
21 . [De venerabili fratre Petro Audierii],
Frater Petrus Audierii sacerdos et praedicator, vir mansuetus et
simplex, ad beatitudinem quam Ghristus pauperibus spiritu promi-
sit, evolasse credendus est, XII. kal. junii (2), anno MGGLXVIII".
22. De venerabili P. Bernardo de Cella.
Quanti apud Deura meriti fuerit venerabilis P. Bernardus de
Gella dioecesis Lemovicensis, miraculaquae facit optime testanlur;
de quo nihil aliud legimus nisi quod fuit praedicator fervidus et
gratiosus, qui sine dudio fecit quod alios docuit, sicque talenla a
Deo sibi Iradila amplians, tantam graliam a Domino suo obtinuit
ut mortuus miraculis clarcret, febrientes scilicet sanando. Obiit
in conventu d'Arnet (3) ordinis canonicorum regularium Arfigiae,
(1)6 novembre.
(2) %\ mai.
(3) Cod. ; Darnet. Auj Sainl-Pardoux-d'Arnet (Creuse). L'Arlige était
un petit prieuré de chanoines, sis près Limoges, et qui se disait chef
d'ordre. B. Gui a laissé un potit traité ; De fundacione ordinis Artlgie
in dinceai Lemooicenai, Ms. de Toulouse 450, fol. 3S3 <:-d, fol. 254a.
L88 FRÈBES PRÊCHEURS DE LIMOGES. 347
in quo ejus veoe randae reliquiae asservanlur, anno circitcr
MCCLXX% XIIIo kal. aprilis (1).
23. De venerabilibus fratribtis Joanne Rigaldi et Nicolao Pauta, etc.
al Zelus salutis animarum qao succensi siint fratres Joannes
Rigaldi et Nicolaus Paula effecit ut, trajeclo mari, loca quae a Chrisli
Domini praesentia saoctificalasantipsi suapraedicatione et exemple
bonae vitae sanctiiicare conati sint; quapropter inde ad terram
fidelibus a Christo promissam foeliciter migravere uterque in civl-
tate Aconensi (2), in qua fraler Joannes Rigaldi erat prior conventus
ordinis nostri; frater vero Nicolaus diaconus
Eodem fere tempore, nempe in primo saerulo ordinis nostri,
frater Joannes a Sancto Michaele sacerdos et praedicalor, sparso
diYiniverbi seminein IonginquisPaIaestinaeregionibus,etipse tan-
quam bonum triticum congregatus est in horrea Domini in civilate
Ântiochena. Erant hi très fratres e dioeeesi Lemovicensi oriundi.
bj Venerabilis frater Joannes Milriti de Philitino (3) oriundus in
dioeeesi Lemovicensi fuit sacerdos, praedicator et optimus supprior
conventus Lemovicensis. Quapropter credere pie debemus illum
in coelo duplici honore dignum judicatum, quia in terra bene
praefuit. Obiit in die conversionis Sancti Pauli (4), anno Domini
MCCLXXIVo.
cl Frater Helias Martelli tanto praedicandi evangelii ardore fuit
succensus ut nec glacies, nec nives gelidi septentrionis obstare
potuerint, quominus sacerdotis et praedicatoris apud Saxones
munere fungeretur. In quo oflficio occupatus, lanquam bonus
servus a Domino mercedem accepit. Obiit apud Pontes in Saxonia
in primo ordinis saeculo.
dj Fratres Aymericus Maumeli et Leonardus e dioeeesi Lemo-
vicensi oriundi, in terra se peregrinos considérantes, relicto natal!
solo, apud Niciam (5), in Sabaudiae finibus, lucis exempta demons-
trarunt. Quare tanquam stellac in perpétuas ae terni lates in coelo
fuisse collocatos existimandum est. Obiere in primo saeculo
ordinis.
el Frater Aymericus Carpentarius qui multum et utlliter labo-
ravit Lemovicae, apud Tarasconem (6) in Provincia praemia suis
laboribus débita percipere meruit in eodem saeculo.
(1) 30 mars.
\%) Sainl-Jean-d'Acre.
(3) FelletÎD (Creuse).
(4) 25 janvier.
(5) Annecy (Hanle-Savoie).
(6) Tarascon (Bouches-du-Rhôiie).
318 SOCIÉTÉ ARCKÉOLOGIQUB ET BISTORIQUB DU LIMOUSIN.
fl In ci vitale Aniciensi qiiae vulgo Podium Sanclae Mariae (i) nun-
cupatur, frater Hugo de Monte Valerio sacerdos harailis et dévolus
dioecesisLemovicensis, post multa devotionis ethumilitatis exempla
in cadem civitate moriens, a Domino in coelis meruit exaltari in
primo etiam ordinis saeculo.
gl Frater Nicolans de Prino, Lemovicensis convenlus alumnus,
juvenis, devotus et diaconus, brevi tempore sui exilii curriculum
consummans, ad coelestes epulas veste nupliali coopertus, meruit
evocari apud Narbonam in primo ordinis saeculo.
A/ Frater Aymericus de Bario sacerdos el praedicator gratiosus
et bonus, qui fuit secundus prier conventus Brivensis, in quo
moriens a Domino suo sicut bonus et fidelis servus remuneratus
est.
il Frater Guilelmus de Planis, praedicator bonus et dévolus,
post disseminalum cum fructu copioso verbum divinum, venil ad
Dominum Deum suum, portans manipulos animarum muUarum.
Obiit etiam in conventu Brivensi.
jl Frater Joannes Molini vir innocens, sacerdo?, praedicator et
leclor, haec quinque lalenta sibi a Domino tradita quolidie amplians
et alia quinque lucralus, tandem in vigilia Assumptionis Beatae
Mariae Virginis moriens, dixil se sponso, nempe Ghrislo, et sponsae
Beatae Virgini, Dominicoque parenli optirao dalum esse, nempe
ut cum ipsis in convivio coelcstis patriae in aeternum epularetur.
Obiit in conventu Caturcensi; erat tamen alumnus conventus
Lemovicensis.
kl Frater Petrus Borquoti ex urbe Lemovicensi oriundus, fuit
praedicator gratiosus, famosus, fructuosus et dévolus secundum
B. Guidonis, in muUisque locis fuit prier. Obiit Burdegalae, anno
Domini MCCLXXIX, ut in Actis capituli Biterrensi (2)legitur.
// Frater Petrus de Jutclla fuit sicut lampas accensa et supra can-
delabrum posita;dum boni et religiosilectorismunussedulo obivit,
cxtincta est haec lampas in terris ut in perpétuas aeternitates luce-
ret in coelis. Hoc tantum bonum ipsi accidit in conventu Burdega-
lensi in primo saeculo ordinis.
ml Frater Helias Telfondi de Gora nobilis génère, suavis moribus
et virtute gratissimae societatis secundum Guidonem conspicuus,
sincerae etiam pietatis et religiositatis sacerdos et praedicator,
obiit Tholosae, dum esset socius Inquisitoris, quarla die octobri^,
anno Domini MCCCXI° ; sepultusque fuit in clauslro supra com-
mune sepulcrum ex parte dormitorii.
(4) Le Puy-Nolre-Dame en Velay.
(2) Béziers (Hérault).
LRS FBàBES paÊCHEURS DB LlHOOKS. 319
ni Frater Heiias de Manaco ex urbe Nonlronii (1) oriundus, vir
religiosus valdis qui dum esset supprior in conveatu Lemovicensi
el in gravem et periculosum morbum incidisset, enixe peliit a suo
supprioratu absolvi; in tantam enim limebat onera religtonis, ut
sisli anle tribunal tremendi judicis cum ipsis non auderet ; cumquc
ejus votis &uperiores satisfecissent, tune quasi liber pondère mul-
tum ipsuni premente, laetus exceBsit e vita, anno Domini
MCCLXXXVI.
0/ Frater Petrus deRupe de Reses(2), qui praedicti fratris Heliac
fuit successor in supprioratu Lemovicensi, ipsum etiam anno
sequenti sequutus est ad sepulcrum. Fuit, teste Bern. Guidonis,
modicus corpore, sed magnus virtute et praedicator bonus. Obiit
aulem XIII kalendas augusti'(3). anno MCCLXXXVIt.
24. [De venerahili fratre Guilclmo de Forcellis].
Frateir Guilelmus de Forcellis de Castro Lemovicensi (4)oriundus,
vir devotionis el sanctitalis infatigabilis, qui de oculis suis fontem
feceratlacrimarum, quaesiveoraret, sive missam celebraret, vel de
Deo loqueretur, staiim fiuebant, dutecs lacrimae, testes amoris et
compunctionis internae. CbaritasDei et proximi tanla erat in corde
ejus, ut, cum intra angustos limites continerinequiret, foras ad instar
Rammae erumpere niteretur. Quapropter unus fuit ex illis fratribus
qui ad Cumanorum (S) conversionem procùrandam missi sunt, nbi
quot et quanta incomoda passus sft, ilie novit pro quo patiebatur,
propter quem etiam omnia invicto animo superavit. Sed in iribu-
îationibus suis maximo gaudio replelus est, dum pturimos Cuma-
norum cum princtpibus suis, abjecte inanium deorum cuttu, vidit
coUum Chrisli jugo submitlere; eorum enim conversioni et bap-
tizationi, teste Bern. Guidonis, interfuit. Reversus demum ex illis
geHdis regionibns in natale solum, vitam transegit grandaevam et
oblongam in fervore spiritus et assiduitate orationis et fletus ;
annos enim supra sexaginta vixit in ordine. Optandum sane ut
venerabilis B. Guidonis, qui vitam tam sancti viri verbis paucis
perslrinxit, prolixiorem deea suscepisset narrationera, sane si hoc
esset, omnium virtutum fervenlissimis actibus refectum miraremur.
Ex paucis tamen quos retulit conjicere licet hujus perfecti yiri
(f) Nonlron (Dordogne).
(S) Razès (Haute-Vienne).
(3>' 30 juillet.
(i) Limogcs-chAteau, par opposition à Limoges-cité.
(5) Les Gumans étaient une peuplade tartnrc alors élablie en Hongrie,
dans la région appelée aujourd'hui Grande et Petite Cumanie.
330 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LlHOUSIN.
perfectam sanctimoaiam, quae illi emiaentissimam sedem in coelo
comparavit, V kal. maii (1) anni MCCXCP.
25. [De venerabili fratre Stephano de Malomonte].
Frater Stephanus de Malomonte (2) cura recoiiectione interna et
pace fraterna in sanctitate vitae assidua vixit, leste Guidone, qua-
lem illum beatitudinem quam pacificis Dominas proroisit assecu-
tum pro cerlo tenere debemus. Haec pax quam habuit cum Deo par
vitae sanctimoniam, cum se ipso per recoUectionem internant, et
cum proximo per pacem et fraternum amorera, jusli ejus encomîî
praebenl materiam tanto copiosiorem, quod per quinquaginta annos
quos mansit in ordine illam sedulo servavit, et quotidie juge sacri-
ficium offerens Deo quod sane tanto saepius et reverentius offerre
polerat ad allare, quo se magis iramunem erga Deum et fratres a
culpa sentiebat. Tandem hic vir pacificus revelata facie visurus
perrexit in patriam quem tolies velatum in via susceperat. Obiil Le-
raovicae, XVIII kal. februarii (3), anno Domini MGGLXXXXIII^
26. [De venerabili fratre Petro Bometi],
Frater Petrus Borneti conversus e vico Sancti Joannis super
Ligoram (4) oriundus, vir modicae staturae, sed virtutis et religionis
excelsae et obedientiae perfectae, adeo singuiaris fuit ejus obser-
vanlia et perpetuus vitae regularis ténor, ut per triginta an-
nos et amplius carnes in nullo casu comederit, jcjunia a festo
Sanctae Grucis (S) usque ad pascha in nullo casu sive intus sive
extra fregerit; quotidie matulinis precibus intererat, semperque
alicui bono operi erat intentus ut nemo illum otiosum viderit;
horas canonicas clericorum simul et conversorum fere singulis
diebus dicebat; sicque de virtute in virtutem progrediens, per quin-
quaginta annos et supra Deo et fralribus indefesse in ordine ser-
viens in spiritu et veritale, plenus bonis operibus magis quam anuis,
per heroicam patientiam in multis et gravibus doloribus et morbis
ingressus est in atria Domini. Mirum in eo videbalur quod litteras
sacras quas in scholis non didicerat intelligeret tamen et loqueretur.
Plura venerabilis Ber. Guidonis de eo tacel brevitalis causa ; fatetur
enim se mullo praestantiora in eo vidisse quam référât. Ex quibus
(1) 27 avril.
(%) Peut-être Maumont (Corrèze).
(3) 5 janvier.
(4) Saint-Jean -Ligourc près Limoges.
(5j U septembre.
LES FiiBRBS PRÊCHEURS DE LIMOGES. 3S1
pensare debemus ad quem sui status apicem perfectum iste devotus
frater perveneril; quod sane suflSceret, juxta effatum unius summi
pontificis, ad ejus beatifîcationem. Obiit III» Donas martii (1), anno
Domini MGGXIG^.
Hune devotum frairem secuti sunt in funere post aliquot annos
fraires Stephanus Martelli et Martinus Bonelli conversi, qui diu et
ulililer servierant in ordine, quique ambo, anno Domini M* CGC» II,
obierunt in conventu Lemovicensi.
27. [De venerabili fratre Joanne Mauridi].
Frater Joannes Mauricii Lemovix, sacerdos et praedicator, vir
magnae orationis quam ab initio suae conversionis usque ad finem
vitae indefesse continuavit, in qua eliam crebros gemitus et lacrimas
copiose fundebat, fuitplurimum erga seipsum in religione severus,
et pro observantia regulari conservanda zelo maximo succensus.
Quinquagmla annis vixit in fervore spiritus et operatione assiduus.
Quapropter in eorura numerum receptum censemus, de quibus pro-
phetaait quod dies pleni invenientur in eis [Psal. lxxii, 10]. Obiit
pridie kal. martii (3), anno Domini MGGG^
28. [De venei^abili fratre Gerardo Rosardi de Nontronio],
Frater Gerardus Rosardi (3) de Nontronio vir fuit magnae religio-
nis Jugis contemplalionis, orator indefessus, qui assidue choro inte-
rerat; unde B. Guidonis illum vocat nutricem matrem basimque
chori infrangibilem; quibus verbis persuadere vult illum tanto
affectu chorum prosequutum quanto mater unicum amat filium,
nutrix suum fovet infantulum, et basis suum sustentât supposi-
tum. Tanto enim ardore ad divina persolvenda officia properabat,
ut nuUo negolio, nulla occupatione ab illisposset avelli. Vocat eum
insuper Guidonis virum virlulis et veritatis, quasi dicat illum vir-
lutibus omnibus copiose refertum, sed maxime verilate, qua ab
omni mendacio abhorrebat, in tantum ut de eo dicere possemus
quod ecclesia de B. Dominico pâtre nostro canit, nempe quod lex
veritatis fuit in ore ejus et quod iniquitas non est inventa in labiis
ejus. Obiit in vigilia sancti Lucae evangelistae (4), anno Domini
MGGGVP, ab ingressu vero ordinis anno trigesimo nono.
(1) 5 mars.
(2) 29 février (année bissextile).
(3) Le ms. original portait vraisemblablement Ronsardi'
(4) \7 octobre.
1
3|i SOCIKTé ARCatoLOGIQUS ET RISTOtlQirR DO LIMOUSIN.
29. [De tribus fratribus ad cardinalatum assumptis].
A saeculo millesimo trecenlesimo curreale 1res fratres ordinîs
patria Lemovicenses, qui omnes fuerunt leclores artium in con-
veolu Lemovfcensi, assumpli saat ad cardinalatam, quoram pri-
mus fait
a/ Frater Gerardus de Sanclo Adamaro vd potias Daumario,
conventus Brivensis alumnus, qui dum Parisiis legeret Sententias,
olectus est in capitulo générait Carcassoneasi ia Magislrum gène
raiein ordinis et successorem fratris Hogonis Gampani, anno
Oomini MGCCXLP; deinde ab avunculo suo Glemente sexto
summo pontifice presbiter cardiaalis Sanclae Romanae Ecdesiae
tituli Sanctae Sabinae creatus est. In ejus gratîam malttim fovil
' ordini nostro summas ponlitex Glemcns sextus rescindendo omnia
quae contra ordine m feceratBened ictus papa duodeeimus. Sed non
(tiu lanto patrono ordo fratrum Praedicatorum apud summum pou-
tiiicem gavisusest; nam anno revoluto, morte praematura sublatus
est. Forsan transtulit illum Deussicut Enoch, ne fulgor purporaeei
pondus legationis Galliae cor ejus elevarent et innoeentiam labe-
factarent. Fuit enim vir innocens, gratus, humilis et p^ica^ a« in
pauperes munificus, denique omnium virtulum exemplar. Obiit
Tholosae in legatione Gatliae, anno MGCGXLV<»(1), sepultosque
fuit et Iranslatus in convenlu Brivensi cujus erat professus. In Actis
capituli provincialis Orlhesii celebrali anno MGGCXVI% prae-
diclus frater Gerardus de Daumario positus fuit lector artium in
conventu Lemovicensî, et frater Ber. Gapreoli ad legendum Sen-
tentias ibidem. In capitulo etiam provincial! apud Lectoram idem
frater Gerardus assignatus fuit in lectorem theologiae in eodem
convenlu Lemovicensi una cum fratre Gerardo de Sancto Aredio (4).
6/ Secundus cardinalis Lemovicensis ordinis nostri fuit vencra-
bilis fraler Joannes de Molendino, conventus Brivensis alumnns.
Hic in capitulo Rivis celebrato anno Domini MCCGXXIX* assi-
gnatus fuit lector secundarius theologiae in isto convenlu Lemovi-
censî, deinde ad munus magislri Sacri Palatii et inquisitoris Tholo-
sani evectus ; tandem in capitulo generali apud Barcinonam celebrato
anno MCCCIL* electus est in Magistrum generalem totius ordinis:
(I) Le calendrier du Missel de Jean Joffrcd Te fait mourir en I34Ï.
bAi.uzE, Vitaepap. Aoen,^ IT, 752.
(3) Prima Vua démentis VI, dans Baliizr, VU, pap. Air., 1, xA^\
Tertla Vlta, /6i(i ,98U, Quarta VUa, Ikld., 300, Baluzs« Ibid.^ 8St, 066.
— QuÉTiP cl EcHAHD, ScHpt. oni. PrtBd. I, (*09. — Douais^ Les^ frères
Prêcheurs en Gascogne, 1 56, 24 1 , 41 5.
LES PRfCItES PRèCURlIRS I^R UKOGES. 323
fr^itrum Prâedicalorum: in quo magislerio mansil solum per
annum cl dimidiuro, quia Clemens papa sextus illum in defuncU
nepolis sui fratris Gerardi locum sublimavit, eumque cardinal^m
presbiterum lituli Sanctae Sabinae creavit, anoo MCCCIL'', kal.
januarii, dum in visilandis ordinis provinciis in Gallia esset occu-
palus. De eo legilur quod fuit magnus clericus et egregius praedi-
calor. Obiit aulem Avenione, anno MCCCLVIII», et ejus corpus
ad convenlum noslrum Thoiosanum inhumandum delalum est (1).
c) Terlius cardinalis Lemovicensis ordinis fralrura Praedicatorum
fuilvenerabilis frater Guillelmus Sudre, conventus eliam Brivensis
alumnus, qui primo in capilulo apud Petracoras celebralo positus
fuit lectorarliumin convenlu islo Leraovicensi, anno MCCCXXXI^,
deinde proviocîalis Tholosanus et magister Sacri Palatii factus,
inde ad Massiliensem episcopatumregendum assumptusest,deinum
ab Urbano quinlo summo ponlifice presbiter cardinalis tituli Sanc-
lorum Joannis et Pauli, et episcopus Ostiensis et Veliternus creatus
est (2). Obiit Avenione, quarto kal.octobris (3), anno MGCCLXXIIP
et ibidem in conventu fratrum Praedicatorum tumulatus.
30. [De venerabili fratre Arnaldo Trotan4i\.
Frater Arnaldus Trotandi, praedicator fervidus et devQtus, qui
(1) QoÉTiP et EcHARD, Script, ord. Prœd.y T, 6î7. — Prima Vita Cle-
mentis VI, dans Baluzk, Vitae pap. Ao.^I. 259; Tertia Vita, /è»d., 996 ;
Quarta Vita, Ibid., d08; Baluze, Ibid,, 906, 990. — Frrcki, Monumenta
converUuB Toloaani FF. ordinis Praedicatorum , Soeculum» II, an^ l.^50«
n** 3. — Coemeterium, Ibid,, Pars secunda, cap. Il, n' a. In-fol., Tou-
louse, 1693. — Douais, Les frères Prêcheurs en Gascogne, 439.
(2) a Tercius decirous prior provinciaiis [provlucie Tholosane] frater
Guilhermus Sudre convenlus Brivensis, oriundus de Laguena ; qui cum
esset Icclor CarcasbOimencis elcctus est in eodern capilulo Sancii Gauden-
cii, anno Domini M.CCC.XLVili, infra octavas apostoloruno Pétri et Pauli;
et confirmalus fuit per fratrem Johannem de Molandinîs Magistrum ; rexii-
que provinciam duobus annis, post quos absolulus per liitcram, factus
magister sacri palacil, ubi legitad honorcm Del el ordinis mnltis annis,
et tandem eleeius episcopus Hassiliensis per dominum papam Urbanum
quinlum, assumptus est in presbyierum cardinalem tituli sanctorum
Johannis et Pauli ; deinde promotus est in episcopum Hostiensem et Velle-
trcnsem*. Continuât de B. Gui, Prior proo. Bibl. de la ville de Toulouse,
ms. 490, fol. 73 B. — Prima Vita Urbani V, dans Baluzk, Vitaepap. Av,,
I, 374, 385; Secunda VUa, Ibid,, 405, 409; Baluzk, /6td., 990. 1037, 1036;
lier italicum^ Ibid,, 11, 771 et ss. — Quétif et ëchard. Script, ord
Praedy l, 670. — âlbanrs. Armoriai et sigillographie des éoéques de
Marseille,^^- 84. ln-4«, Marseille, 1884.
(3} 38 septembre.
3Si SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE RT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
procuravit muUa bona conventui et inter alia dedicationem eccle-
siae nostrae Lemovicensis, obiit circa annum MCCGXX""*.
31 . [De illustrissimo fratre Joanne de Podionucis] .
liïustrissimus fraterJoannes de Podionucis (1) conventus Lemovi-
censis alumnus, ex prioreejusdera conventus factus est Magisler or-
dinis fratrum Praedicatorum (2) tempore schismalis inter Benedic-
tum Xni et Bonifaci'im IX»™, sed poslea electo Ulini in capilulo ge-
neraliR.P. fr.ThoraaFirmano proobedientiaBonifaciinonilegitimi
papae, cedens Magisterio in concilio Constantiensi factus est epis-
copus Catanensis in Sicilia et per tredecim annos ecclesiam suam
gubernans, obiit tandem circiler {sic) annum MCCCCXXXI.
Excmplar epistolae (3) quam sanctus Vincenlius Ferrerius scrip-
sit ad Reverendissimum Palrem Joannem de Podionucis, reli-
giosum conventus Lemovicensis ac generalem ordinis fratrum
Praedicatorum.
Reverendissimo in Christo patri fratri Joanni de Podionucis,
Magistro generali ordinis fratrum Praedicatorum.
Reverendissimo Magister et Pater,
Propter inestimabiles me tenentes occupationes non valui ves-
irae Reverentiae scribere ut decebal ; nam, ut ven:m fatear, ex quo
recessi de Romanis usque nunc inclusive, quolidie me opportuit
circumfluentibus undique popuUs praedicare et frequenlissime
celebrare. Itaque post itinera pro communi comestione, dormi-
tione et aliis pertinentiis vix mihi superest tempus, quinimo
itinerando opportet me ordinarc sermones. Verumtamem ne forte
mihi imputaret non scribendo ad negligentiam vel contemptum, ex-
torsi mihi per quamplures dies et septimanas et menses aliquid
teraporis quotidie in tantis occupalionibus, ut saltem breviter scri-
berem vobis aliquid de via quamfeci. Novcrit ergo vestra Reveren-
dissima Paternitas quod postquam recessi de Romanis ubi me
ullimo dimisisti, per très menses continues fui in Delphinatu praedi-
(1) Jean de Puy de Noix, né à Bcynac (Haule-Vienne).
{%) A la marge : Extat epUtola fr, VincentU Ferrerii ad iUum sicut
ad generalem ordinis fratrum Praedicatorum,
Qi) ttuétif et Echard ont cru celle lettre perdue, ils Tool mise sous
la date du t7 décembre 1403. Script, ord. Praed, 1,766 b. Ed. en partie
dans Act. SS., April. 1. 1, p. 480, n« H, en entier par Fonlaua, Afo/ium.
Domin.y 274 ; traduite par Touroû, Hommes illustres^ t. UI, 30.
LFS PRÈHBS PHÊCfiBURS HK LIMOGES. 325
cando in clrciiitu ^erbuno Dei per civitates, casteilaet yillad in qui-
bus Dondum fueram ; praecipue visitavi très illas famosissimas val-
les haereticorum {i) dioecesis Ebreduni, qaarum una vocatur
Frizerna(3), altéra Ârgenteia et terlia Vallis puta. Jam quidem antea
visitaveram eas bis vel ter ; et cum devolione ac reverenlia magna per
(irratiam Dei susceperant catholicae verilalis doctrinam, sed ad eorum
confirroalionem iterum volui visitare. Qiio peraclo, ad requestas
et rogamina multorum lam verbo quam scripto transivi in Lombar-
diam, obi continuo praedicavi per annum et mensem in cunctis
iirbibns, villis et caslris nunc obedienliae, et ultra scllicet in domi-
nio Montisferrati, et ad mullas requestas et rogamina domini et
suorum ; in partibus illis ultra montanis quamplures inveui valles
haerelicorura tamValdensium quamGazariorum perversorum,quas
percurri in dioecesi Maurianensi (3), et singulas per ordinem visitavi
praedicando in unaquaque ipsarum fidem et doctrinam catholicae
veritatis cum improbatione errorum ipsorum, et omnes per Dei
misericordiam ardentissime et cum magno devotionis affectu ae
sermonem confirmante, causam reperi in eis praecipuam haeresum
et errorum esse absentiampraedicalionum. Nam, ut veraciter per-
cepi ab incolis illis, triginta anni erant elapsi quod nullus eis prae-
dicaverat nisi Valdenses haerelici qui ad eos consuetudinarie venie-
bant de Apulia bis in anno. Ex quo considero, Reverendissime
Magister, quanta culpa sit praelalorum ecclesiae el aliorum qui ex
officio seu ex sua professione habent talibus praedicare, et potius
volunl in magnis civilatibus et viliis requiescere in pulcris cameris
cum suis obiectamentis, interire vero animas, pro quibus Ghristus
salvandis mortuus est. Pereunt ex defectu presbiteri spirilualis,
cam non sit parvulis qui frangat panem ; messis quidem muila,
operarii autem pauci. Unde rogo Dominum messis ut mittat opera-
rios in messem suam. De episcopo quodam haereticorum quem
inveni in una valle illarum quae dicilur Lusorio, quomodo voluit
mecum conferre et conversus est ; item, de scholis Valdensium
quas inveni in valle quae dicitur Kngroya et earum destructione ;
item, deGazaris haereticis in valle Pontis, quomodo a suis abomi-
nalionibus conversi sunt; item, de haeriticis vallis Lanlii alias Quini,
ad quam olim confugerant interfectoresbeati Pétri marliris (4), qua-
liter se habuerunt erga me ; item, de cessatione partium ; item, de
guelphis et gibeiinis; item, de conciliatione et pacificatione gene-
(I) Les Vaudois ou Pauvres de Lyon.
(i) EmbruD ^Uaules-Alpes).
(^) SaiDl-Jean-de-MaurieDQC (Savoie),
(4j Saint-Pierre de Vérone, martyr, près Milan, 125:1.
T. XXXIX. â1
'iiÙ SOCIÊTé ARCUÉOLOGIQUB ET RISTORIQUR DU LIMOUSIN.
rali in parlibus illis, el de aliis innumeris quae Deus dignatus est
operari ad gloriam suaiii et utilitatem aniuiarum, taceodeprae-
senti; sed in omnibus benedictus sit Deus. Completis autem Irede-
cim mensibus continuis in Lombardia, intravi Çabaudiam et quin-
que jam sunt menses elapsi ex quo requisitus ulique per praelatos
et dominos palriae pluries, cum magno effeclu eam visitavi, per*
curri dioeceses quatuor, videlicet Àugustoduni, Taranlasiae, Hau-
riauae et Gebennae (1), quae multum habet in Sabaudia, praedi-
cando in circuitu per civi ta tes, villas et castra earum plus et minus,
prout expediens videbatur; el sum modo in diocesi Gebennensi.
ïnter alia vero enormia inveni in parlibus illis unum errorem nimis
dilalatum, celebrando feslum solemniter quolibet anno in crastino
Corpori3 Christi et tenendo confratrias in nomine Sancti Orientis ;
dixcrunt mihi fratres noslri et Minores et alii religiosi, ac etiam
curali quod non audebant jam praedicare vel aliquid dicere contra
hune errorem. Nunc principaliler insistendo, praedicaodo quotidie,
Domino coopérante et sermonem efficaciler confirmante, extirpatus
est, gentesque islae venienles nunc dolent, audientes se tantùm
errasse in fide. Cum vero per Dei gratiam hic error fuerit plenissime
extirpatus, habeo inlrare Lausanensem dioecesim et protinus era-
dicare morem ilUim paganorum quem habent et manifeste, cum
adorant solem sicutDeum, maxime rustici, exhibendo ei de mane
suas orationes et reverenliam ei faciendo. Nam ipsemel Lausanen-
sis episcopus bene per duas vel très diaetas venit ad me humililer
obsecrando ex corde quod suam diocesim visilarem, ubi sunt muN
tae villae haereticorum in iinibus Alemanniae et Sabaudiae; quod
et promisi. Audistis aulem quod haerelici istarum vallium sunt
nimis temerarii et audaces; sed confidens de Dei misericordia con-
sueta,intendo ibi esse circa lempus instantis quadragcsimae ; sicut
aulem fuerit volunlas in coelo, sic fiat. Socius meus frater Anloni-
nus et ego simul cum eo, humililer nos recomendamus vestrae Reve-
rendissimae Palernilati, quam virginis filius indelicienter conser-
ve! in exemplum et custodiam sanclae observanliae regularis.
Amen. Datum in civitate Gebennensi, die décima septembris, anno
millesimo quadringenlesimo quarto.
De manu mea loco sigilH
Inutilis servus Christi humillissimusque Tilius vester
Fr. Vincentius praedicator (2).
(1) Aoste, Tarantaise, Saint-Jean de Maurieune et Genève.
(2) G'csl à celle lettre si curieuse de saint Vincent Ferrier que faisait
allusion cet oraieur dominicain du xv® siècle dont j'ai irouvé Ics^^rmon^.
Elle confirme ma conjecluro que le maître Vincent de ces sermons n'est
autre que saint Vincent Ferrier. Les manuscrits du château de MeroUle,
7i^ 88, 89.
LES FRÈRES PR^HBUBS DE LIMOGES. 327
Hic venerabilis pater frater Joannes de Podio nucis ad quem
scripsit hanc epislolam saoctus Vincenlius Ferrerius, patria fuit
Lemoyicensis el ex priore bujus sui originalis coaventus Lemovi-
censis factus est geaeralis in capitulo generali ibidem celebrato,
anno Dotnlni 1399; fecitque consiruere capitulum conveatus et
librariam superius tesludinatam seu arcuatam cum fenestris ex
parte ciaustri; in qua voiucnina multa et magna, antiqua etiam,
aulcjlborum ordinis etaliorum manuscripta et impressa videbantur
incantenata super iignariis scamnis instar veterum bibliothecarum;
quae modo non extat, sed loco ejus staot ceilae et capella novitia-
tus; imagines etiam grandes lapideas sanctornm patris nostri
Dominici, Pétri martiris, Thomae Àquinatis etsanctae Mariae Mag-
dalenae in dicto capitulo fleri jussit, quae adhuc supersunt. Eral
autem generalis conventuum et provinciarum ordinis in regnis et
urbibus quae sequebantur partes Benedicti XUP. Fuit fervens reli-
giosus et multum exemplaris superior qui, visa decisione concilii
Gonstantiensis, per quam B^nedictus XlIIetalii duoantipapae Gre-
gorius XII^" et Joannes XXIII"* deciarabanlur illegitimi Christi
vicarii, una cum sancto Vincentio Ferrario et aliis religiosis et pro-
vinciis ordinis reliquit partes Benedicti, cessitque generalatui
ordinis in manibus Martini quinti unanimiter electi in pa-
pam ; qui, cognila ejus integritate, elegit ipsum in suum confessa-
riura ac deinde in episcopum Catanae in regno Siciliae, suumque
magnum vicarium apostolicum creavit in iilis parlibus. Fuit autem
generalis, ut notalur in veteri kaiendarlo conventus Lemovicensis,
per annos decem et octo et deinde episcopus Gatanensis per trede-
cim annos; obiitque annoDomini 1431. Non legitur ubi sitsepultus;
auturoandum [estj sane illum in urbe sua episcopali defunctum et
tumulatum, in cujus archiviis plura de eo possent reperiri. Non
etiam reperiuntur Àcta capiluli generalis tempore sui generalatus
in conventu Lemovicensi celebrati, nisi quod ipse primus fuit qui
in hoc suo capitulo instituit ut ofticium Beatae Virginis, matutinis
et laudibus exceptis, in choro recitaretur. Praedictus autem P. fr.
Joannes de Podio nucis successit in goneralatu ordinis fr. Nicolao
Vallisoletano (1), qui successerat fr. Nicolao de Trilia (2) et iste
fr. Helyae Raymondi (3), qui vocatur Tholosanus, quamvis esset
Petracoricensis et alumnus convenlus B T^^eracensis ; cui fratri
Helyae Tholosano nominato successerat frater Raymundus de
Capoa(4} pro provinciis quae legitimo pontiiici Urbano Vl"* adhac-
(1) QuÉTiF et EcHARD, Script. ord. Praed., I, 706.
(9) Alias de Troia. Quetip et Ecu\ko, Ibld.^ 1, 702.
(3) QuAtif et EcBARD, Jbid , 1, OtiO.
(4) QuÊTiF el KcHARO, Ibid., I, G79.
3â8 SOCIÉTÉ ARCBÉOLOGIQUB ET niSTORIQVE DU LIMOUSIN.
rebant; et illi fr. Raymundo, fr. Thomas de Firme (4); et huic, fr.
Leonardus Slacius de Florenlia, qui, wt ait sanctus Anloninos,
3* p. Hist., C. 12, iQ concilie Constantiensi fuit deputalas unus de
electoribus papae Martini; et, ablato schismate in dicto concilio,
remansit unicus lotiusordinisMagister. Al vero,ut8cribitidenn sanc-
tus Antoninus, qui erant tune temporis in aliqua una dignilate plu-
res conslituti quae dividi non posset, uni eorum dabatur illanempe
dignitas, et alleri aliud recompensatorium sicut in ordine fralrum
Praedicatorum conligit, in quo erant duo Magistri générales in
duabus obedientiis, nempe fr. Leonardus de Florentia in obedieniia
Joannis XXIIP, et quidam alius notabilis Magister, qui fuit praefa-
tus venerabilis P. frater Joannes de Podio nucis, in obedieniia
Benedicti XXIir. Decretum ergo fuit ut Magisterium lotius ordinis
cum unum sit, sicut ipse ordo, remaneret fralri Leonardo; alteri
vero collatus episcopatus Calanensis, notabilis dignilas in Sicîlia:
et sic in similibus (2).
Circa praecedenlia in brevi catalogo Magislrorum generaliom
etvirorum illustriura ordinis fratrum Praedicatorum, item et in
libro privilegiorum conccssorura eidem ordini a summis ponliûci-
bus compilalo jussu Reverendissirai P. fr. Slephani Ususmaris (3),
generalis ejusdem ordinis, qui liber habetur in conventu Carcas-
sonensi, leguntur sequentia :
« Vigesimus primus Magister ordinis fr. Simon Lingonensis pro-
vincialis Franciae, qui fuit electus in eonvenlu Castrensi.
« Vigesimus secnndus frater Helias Raymundi Pelragoricensis,
domini papae poenitentiarius, anno 1367, Avenioni ex ordinis vica-
rio Magister eleclus per viginti duos annos praefuit. Primus capi-
tula biennia instituit schismalis lempore anno 1380; cum provin-
ciis Franciae et aliis Cleraenti VII anlipapae obedientibus eidem
adhaesit, ac anno 1389 Avenioni defunctus est. Ex provinciis ergo
quae Clcmenti adhaerebant fralres Cesaraugustae congregali anno
1391 elegerunt fr. Nicolaum de Trilia Provinciae regni ; quo posl
très annos defuncto, in ejus locum sufîeclus est fr. Nicolaus Valliso-
letanus provincialis Hispaniae, cui anno ^399 successit fr. Joannes
de Podio nucis, prier Lemovicensis, electus apud Lemoricas. qui
rexit ordinem usque ad annum i419, quando, sublato de ecclesia
schismale, totus ordo unius lantum Magistri Leonardi Statii obe-
dientiam amplexus est. De quo infra.
« Vigesimus ergo tertius legitimus Magister generalis fuit
(1) QUBTIF et ECHARD, Ibld.^ l, 7-47.
(î) QuÉTiF cl EcHARD, ScHpt, ord. Praed., I, 708; JI, 8ÎI.
(3) UUKTIF cl ËCUARD, Ibid.^ Il, U3.
LKS PABRKS PRÊCHEURS DR LIMOCRS. 320
fr. Rayraundus de Capua, provincialis Lombardiae, a provinciis
Ilaliae et aliis Urbano VP legilimo ponlifici obedientibus eleclus
BoQoniae anno 1380. Hic regularis vitae reparalioni quae tune in
Germania sub fratre Conrado Teutonico et in Italia sub fratre
Joanne Dominici parvis initiis oriri coeperat, plurimum favit per
decem et novem annos quibus ordini sanclissime praefuit, ac tan-
dem anno 1399, Nurimbergae, 5 oelobris, sancte obiit. Hic annus
fuit 1399 quo noster fr. Johannes de Podio nucis electus fuit Le-
movicae, in capitule generali ibidem celebrato, in Magistnim gene-
ralem ordinis, qui tune alium non habebat nec in Italia, nec in Gai-
lia, donee anno 1401, provinciae Bonifacio IX adhaerenles
elegerunt apud Ulinum fr. Thomara de Firme, et post islum fr. Léo •
nardum SUilium Florentinum. »
32. {De venerabili fratre Joanne Mathaei].
Fraler Johannes Mathaei, sacerdos et praedicator, fuit prier
hujus convenlus Lemovicensis ; quo tempore multa bona conventui
procuravit et imprimis imagines sanctorum ordinis quas posuit
super calhedras chori. Insuper ille est qui nomina fratrum, qui ab
anno MCCCGXIP obierunt usque ad annum MCCCCILXIX dili-
genter nolavit. In bis et aliis multis bene meritus de convenlu
Lemovicensi, obiit anno MCCCCLXXII, die prima novembris;
sepultusque fuit in clauslro prope oslium sodalitii Beatae Mariae
Virginis, ubi effigies ejus insculpta in ultime lapide cernitur.
33. [De venerabili fratre Joanne Peconeti],
Frater Joannes Peconeti, sacerdos, hujus conventus alumnus,
post consummatum cursum longioris et annosae vitae, quam in
bonis operibus et moribus transegerat, ad semper tranquillam et
foelicem, ut pie creditur, transiit in vigilia sancti Valentini,
13* februarii, anno Domini MDXVP.
34. [De venerabili fratre Joanne Mazelier],
Frater Joannes Mazelier, hujus conventus alumnus, fuit poeni-
lenliarius domini episcopi Lemovicensi-^, et prier convenlus nostri
in eadem urbe, cui multa bona procuravit. Gum autem per quadra-
gesimam in civitate Sancti Leonardi concionaretur, ibidem morluus
est et iranslatus inde ad conventum Lemovicensem, ubi juxla fun-
datores conventus fuit inhumatus, anno Domini MDXLI®.
35. [De venerabili fratre Aegidio Berton],
Frater Aegidius Berton, conventus et civitatis Lemovicensis
330 SOCIÉTR ARCHFOLOGIQUR RT HISTORIQUE DU IJUOrSIN.
alumnus, dum ex obedientia et charitate in colligendis fïdelium
eleemosinis ad sustentalionem fratrum suorum esset occupatus in
loco de Anedo (1), vila funclus est anno DominI MDIL"*.
XV. — De reformatione conventus Lemovicensis.
Ânno circiter roillesimo sexcentesimo tertio, R. P. Henaldus
Rabaudus, prier conventus Lemovicensis, tactus dolore cordis
intrinsecus propter incompositos mores fratrum sui conventus et
neglectam ab eis ac pessundalam regulae ac constitutionum ordinis
fratrum Praedicatorum observantiam, tanto malovolensoccurrere,
Roroam petiit cum aliis religiosis eodem zelo incensis; detulitquc
secum litteras commendatitias consulum et optimatum urbis Lemo-
vicae, quibus Reverendissiraum patrem generalem enixe preca-
bantur, quatenus aliquos fratres e striction observantia mitterel
Lemovicas ad conventum praedictum reformandum. Eorum votis
et petitioni annuens. Révérend issimus Pater Hieronimus Xa-
vierre (2), pro tune Magister generalis ordinis, ad illos hanc misit
epistolam :
« Âdmodum illustres Domini, salutem.
))Cum vestras litteras accepi,perlegi el consideravi,vixlacrimaruni
habenas coropescere potui, audiens tantas strages conventui nostro
nobilissimo et sanctorum seminario ab humani generis ho^^te illatas;
nec sane tanlo malo mederi posse sperarem, nisi vestrum promptum
animum et ardens desiderium dictum conventum juvandi perpen-
dissem. Quare patres istos advenientes religionis zelantes, refor-
mationem appetentes et a vobis coromendatos humanissime excepi
et omnia quae eorum desiderium et regularis observantiae instaura-
tionem posse juvare cognovi, libentissime conc^^ssi et ordinavi.
Obnixe igitur vos rogo ut dictam reformationem foveatis, protega-
tis, et ut patres filios amplexemini. Valete.
» Romae. die I9& maii anni 1604.
» Admodum illustres domini vester
» Ad vota
» F. Hieronimus Xavierre, generalis
ordinis Praedicatorum. d
Ad petitionem igitur consulum, civium et quorundam religio-
(1) Nedde près Eymouliers (Hauie- Vienne) possédaii un prieuré rele-
vant de Tabbaye de Soligoac.
(2) QuÉTiP et EcBARD, Script, ord. Praed.^ II, 343.
LES FRÈRBS PHÊCHBORS DB LIMOGES. 331
sori:ni convenlus Lemovicensis, missi fuerunl de mandalo et volun-
tate Magistri generalis ordinis e convenlu Tholozano reformalo
Iresfratres, nempeP. fr. RenalusChaillanl Andegavensis,qui factus
faitprior convenlus Lemovicensis, P. fr. Guiielraus Guibert Lerao-
vix et fr. Pelrus Daudiere diaconus; qui omnes pro stabilienda
striction observanlia iaboraverunt in tantum, ut suo bono exemplo
multos scholares ad conventum et ordinem attraherent. Sed proh
dolor! nondum erat maturus fructus reformationis pro conventu
Lemovicensi. Vix enim unus aut aller annus effluxerat, («uod patres
provinciae quibus exosa erat reformatio coegerunl iilos Tolosam
reverti, intimantes eis fraudulenter aliquas litleras Magistri ordi-
nis et obedienliam falso sigillo consignatam, cui nimis creduliler
obedienles reliquerunt conventum et reformalionem in eo inchoa-
lam, maximo omnium bonorum civium moerore, qui eos muilum
diligebant ac venerabantur, eisque largas faciebant eleemosinas.
Negotium ergo reformalionis inteclum remansit usque ad annum
MDCXXII"", quo piis aliquot civibus denuo instantibus per litle-
ras apud Reverendissimum palrem generalem Seraphinum Siccum
pro renovanda reformalione in praedicto conventu Lemovicensi,
ille tandem ad Reverendum P. Georgium Laugerium, vicarium
congregalionis, talem destinavit epistolam :
« In Dei filio sibi diiecto admodum Reverendo P. magistro fratii
Georgio Laugerio, vicario nostrae congregalionis occitanae ordi-
nis Praedicalorum, fr. Seraphinus Siccus (1) Papiensis sacrae
theologiae professor et totius ordinis ejusdem humilis Magister
generalis et servus.
» Inenarrabili gaudio perfundimur cum restaurandae regularis
disciplinae uti (2) a vetere instituto defeceril, opportuna nobis sese
offert occasio. Cives Lemovicenses instantissime a nobis petierunt
ut reformalionem in nosiro conventu ea in ci vitale silo inslituere
vcllemus,idque tum Reverendissimo ejusdem civilalis episcopo cum
universo clero, tum cunclis magislralibus ac civibus gratissimum
fore affirmarunt. Quare nos hujusmodi occasionem amplecli urge-
reque cupientes, presenlium tenore districte libi pr^ecipimus ut
quamprimum ad eam Lemovicensem civitalem te conféras et refor-
malionem juxta nostras constitutiones in praedicto nostro conventu
instituas, fratres ibi degentes suscipiendae reformationi paratos
reipsa reformes ; nonnuUos ex fratribus tuae congregalionis quo
(0 QoiTiP ei EcBARD, Script, ord. Praed., II, 379.
(2) Ubi sans douie.
5.13 SOCIl^TR ARCBÉOLOOIQUF. ET BISTOBIQUK DU LIMOUSIN.
foelicius pergat negotium adciscas ; praesentem prioron Patrem
roagistrum Guilelroum Sicreum, si reformationi sit adversus. Tel
eam vere suscipere et promovere neglexerit, ab officio deponas,
aliumque virum gravem de reformatione bene meritum eligi cures
et electum confirmes, veluli Palrera Guilelmum Guibert, supprio-
rem convenlus Annuntiaiae Parisiensis, aut P. fr. Andream Lagarde
unicum, ut accepi, illius conventusfilium reservatum, aut aliumali-
quem rjui pro tua prudentia ad fovendam, tuendam a te institutam
reformationem sit idoneus.Fratribus vero aliis iu eodemmet convenlu
Lemovicensi existenlibus et vitae reformatae resislentibus de aliis
conventibus a suo provinciali provideri cures, omniaque et singula
facias [quae] ad instituendam juxta nostras constitutiones reforma-
tionem necèssaria tibi visa fuerint et opportuna; ad ea enim pera>
genda his nostris tibi plenam authoritatem et Tacultatem conferi-
mus, excepto quod praedictum conventum a sua provincia separare
non possis. Mandamus vero fratri provinciali nostrae provinciae
Tholozanae et quibuscumque fratribus ejusdem provinciae aliisque
nostrae obedienliae, sub formali praecepto, necnon sub poena ex-
coromunicationis latae sentenciae, bac una pro trina canonica
monitione praemissa, ne te ullomodo sive per se sive per alios,
directe aut indirecte, impedire audeant, quominus hoc tibi reforma-
tionis injunctum munus libère exequi etperficere valeas.In nominc
Patris et Filii et Spirilus Sancti. Amen. In quorum fidem his officii
nostri sigillo munitis manu propria subscripsimus. Datum Romae,
die9»Juliian. 1621. ^>
Rdus p^ fr Georgius Laugerius, vicarius congregationis, hac
accepta Reverendissimi epistola, Lemovicas se contulit, ut injunc-
lae reformationi totis viribus intenderet; et hac de causa misit qua-
tuor patres reformalos, nempe R. P. fr. Thomam Gergot Lemovi-
c[ens]em quem dédit in priorem conventus,P fr. Hyacintum Decor-
des, P. fr. Franciscum JonquouxetP. fr. Andream Lagarde, et
alios successive, qui pauperrimum et ex magna parte destruclum
recipienles conventum, ipsum interiusexteriusque, Deo bene ipsos
juvante et piis largas illis eleemosinas largientibus, reformarunt ;
imprimis enim ecclcsiam et sacristiam novis ornamentis decora-
runt, bibliotecam mullis libris auxerunt, et, quod satius ac utilius
est, plures juvenes bonae voluntatis tanquam reformationis propa-
gines novas habilu ordinis nostri induerunt. Sicque per Dei graliam
et vilam eorum exemplarem conservalus fuit convenlus et confir-
matus in strictiori observanliain tanlum, ut etiam segregalus fueril
post aliquot annos a jurisdiclione provincialis non reformali uni-
tusque congregationi reformatae, quae nunc provincia Tholozana
nuncupatur. Faxit Deus ut in perpeluum in reformatione perma-
neat. Amen.
LKS FnÈRRS PBAcHCORS DE LIMOGES. 3S3
XVI. — OBITUS FRATRUM POST I.NTRODUCTAM REFOUMATICNEM.
4. Primus frater qui post receplam slrictiorem observantiam in
conventQ Lemoviceosi obiit, fuit Tr. Dominicus Buisdeligand con-
versus boDus et anoosus, qui multum laboravit pro introducendis
patribus reformatis in hune conventum Lemovicensem, el cum
ipsis zelo vilae regularis incensus remansit. Ideo pie credendum
illum a Domino misericordiam consequutum, pro cujus amore el
honore institutae reformationi tantopere faveral. Obiit autem circa
annum Domini MDCXXVd'^'", sepultusque fuit inclaustro.
2. Anno Domini MDCXXXP, die 18» augusli, peste ictus obiit
R. P. fr. Franciscus Secousse, conventus Tholosani professus et
tertius prior conventus Lemovicensis post reformatiooem de eo
factam. Hic fuit praedicator doctus et fervidus qui in muitis cathe-
dralibus concionatus fueral, lectorque theologiae admodum dodus
extiterat. Tandem apudBeynacum (l)prioratum conventus Lemovi-
censis quo iverat luem declinandi causa, incidit in eam; sicque
perdevote et dulciter psalmos et bymnum^v^, JUaris Stella canens,
defunctus est et ibidem in coeraeterio communi sepuUus.
3. Eodero anno et eodem modo apud Beinacum obiit fr. Joannes
Desnols con versus natione belga, professus conventus Sanctae
Mariae Annunliatae Parisiensis, reiigiosus perdevotus, pius, obser-
vantissimus et valde laboriosus, qui in eodem loco de Beynaco in
coemeterio communi fuit sepuitus.
4. Eodem quoque anno et eodem modo obiit in conventu Lemo-
vicensi mense martio peste correplus fr. Hyacintus Saint conversus,
filius conventus Tuliensis in Lolharingia, devotus et laboriosus fra-
ter ; sepultusque fuit sub infirmaria conventus ubi decessit.
5. Ânno circiter millésime sexcentesimo trigesimo quinto, obiit
in conventu Albiensi Rd"«P. fr. Thomas Gergot Lemovix, qui fuit
primus prier conventus Lemovicensis ab introducta reformatione
ac de illo bene et optime merilus; quem enim pauperrimum et
undique fere desolatum receperat gubernandum, sua soUicitudine
et in agendis solertia tum in ornamentis, libris et paramentis pluri-
mom ornavit ac reparavit. Fuit enim vir reiigiosus et exemplans,
Rosarii beatissimae virginis Mariae singularis praedicator et egre-
gius cultor, ac propterea, ut pie credendum est, inter ephebos
tantae reginaein coelo collocatus post trigesimum a sua professione
annum.
(i) Beynac près Limoges
334 SOCIBTR ARCHEOLOGIQUE BT HI8T0RIQDB DU LIMOUSIN.
H. R. p. fr. Ludovicus Bertrand, Lemovix hiijusque coaventus
professas, boDus et devotus religiosus, dura Tholosae concionalo.
ris ordinarii munas obiret, ex hac luce sublractus in aeternam mi-
gravit in convenlu Tholozano, circa annum MDCXXXVI.
7. R. P. fr. Hyacintus Binet, urbls et convenlus Lemovicensis
alumnus, postquam fideliter et constanter desudasset pro introdu-
cenda et conservanda strictiori observantia in conventu Carcasso-
nensi, ibidem moriens laborum mercedem percepit, circa annum
MDCXXXVI.
8. R. P. frater Geraldus Garcias Arvernus natione, professas
conventus Tholozani, vir religionis observantissimas et bonus, qui
bis fuit prier conventus Lemovicensis post admissam reforoiatio-
nem ac de eo bene meritus; tempore enim sui prioratus dormito-
rium ex parte Sancti Michaelis de Pistoria(l) fere perfecil et aplum
ad manendum reddidil. Tandem initio sui repetiti prioratus, obiit
anno Domini MDCXXXIX», die IX* februarii ; sepultusque fuit
in capitule.
9. Eodem anno 1639, obiit in eodem conventu fr. Gabriel Fau-
cher, conversus, oriundus e vico Sancti Joannis de Ligora (i)iD Le-
movicinio et hujus conventus professus, devotus valde ol laboriosus
religiosus.
10. Hune secutus est eodem anno alius frater conversus, Nicolaus
Pricquel nomine, qui eral professus conventus Sanclae Hariae
Annunciatae Parisiensis; fuitque dum viverel admodum religiosus
et plus, fidelisque et expertus oeconomus. Obiit in convenlu Lemo-
vicensi, sepultusque est in claustro ante osliumecclesiaesubulliaio
lapide.
H.Anno Domini 1639, obiitillustrissimusR. P. fr. Franciscusde
Lomenius Lemovicensis et ordinis fratrum Praedicalorum alumnus,
qui primum factus fuit abbas abbatiae de Josaphal, deinde episco-
pus Massiliensis per mullos annos (3). Hic parentes videndi causa
venions Lemovicas, ibidem in gravem et extremum morbumincidit,
cumque acutis doloribus gravaretur, haec solum verba ad Deum se
convertens ilerabat : « Domine, non sum aeneus. » Post ejus obi-
tum, corpus ejus delatum est ad ecclesiam conventus Lemovicensis
ut ipse vivons pelierat, in qua per unam noctem mansit; deinde
ad ecclesiam cathedralem Sancti Stephani comilante episcopo Le-
movicensi in pontiflcalibus cum universo clero tam seculari quam
regulari, in sepulcris majorum fuit repositum; ejusque funebrem
(i) Saint-Micbel-de-Pislorie, église paroissiale de Limoges.
(3) Saiiil-Jean-Ligoure près Limoges.
(3) 1634-1639.
LES FRàllES PRÈCBBORS DV LIMOGES. 33S
orationem panygericam (sic) pronunliavit R. P. fr. Basilius Vivi-
nus(l), convenlus Lemovicensis alumnus.
iâ. Ânno DomiDi 1643'' die 21'* junii, obiit in bac conventu
Lemovicensi fraler Raymundas Bodet conversas, olim professus
conventus Foutenensis in provincia Franciae, qui zelo vitae regula-
ris enixe petiit in conventu iste affiliari, in quo pie et laboriose
vivens, res communes et religionem zelans, iaborum metam inve-
nil; sepultusque fuil in clauslro ante porlam capiluli.
13. Eodem anno 1643 [obiil] venerabilis P. fr. Ludovicus Lacour
Leodiensis in Belgio et conventus Tullensis in Lotharingia profes-
sas, assignatus lamen in conventu Lemovicensi in quo religiosis-
sime conversatus est. Erat enim vir bonus, simplex et charitalis
visceribus affluens pro proximis, quorum confessiones bumaniter
et bénigne excipiebat (am in infirmitate quam sanitate, pro quorum
etiam sainte se mortis periculo lempore pestis exposuil. Enituit
insuper ejus chantas erga damnatos ad mortem ob crimina, quos
ad suplicium comitabatur suisque exhorlationibus et admonitioni-
bus illius acrimoniam minuere nitebatur. Tandem post multa cha-
ritatis opéra migravit adDominum in balneisBorbonicis(2)ad quae
sanitalis recuperandae causa se conluierat; sepultusque fuit hono-
rifice in conventu nostro Molisnensi tanquam proximiori.
14. AnnoDoraini 1644*», die 16* julii, obiit in hoc conventu Le-
movicensi R. P. frater Ambrosius Bonet ex oppido Nexonii in Le-
movicinio oriundus, suppriorque existens pro tercia vice dicli
conventus. Hic fuit religiosus admodum erga seipsum austerus,
jejuniis, vigiliis, disciplinis et aliis austeritalibus corpus macerans.
Sororibus tertii ordinis praeposilus, eas ad perfeclionis apicem
tum verbis tum exemplis animabat. Infirmos et pauperes lubenter
visitabat, eos suis exhortationibus ad patientiam accendens, quod
dum faceret in xenodochio suam ibi ultimam contraxit aegritudi-
nem, quae illi ad coelos, ut pie autumandum est, aditum palefecit.
Post ejus mortem populus qui eum summopere diligebat ac vene-
rabatur, non cessavit conlluere ad videndum corpus ejus tota die
qua mansit in feretro expositum; quidam etiam parliculas vestium
ejus scindere visi sunt, quas in reliquias servaverunt. Sepultus
fait in claustro prope ostium ecclesiae.
15. Eodem anno nempel644, obiit in conventu Ruthenensi (3) circa
festum sancii patris nostri Dominici P. fr. Antoninus Combellusex
(0 QoÊTiF et EcHARD, SûHpt, ord. Praed.y II, 608.
(2) Probablemeol Bourbon TArchambault (Allier), plutôt que Bourbonne-
les-Bains (Haute-Marne), en raison de la proximité de Moulins,
(3) Rodez (Aveyron).
336 SOCIÉTÉ ARCBÉûLOGIaUB BT HISTOEIQUB DU LIMOUSIN.
oppido Solonis(l) in dioecesi Lemovicensi oriandus, conventus Le-
movicensis professus, qui fuil vir religiosus, humilis, officiosus et
utilis, quibus virlutibus ad aeternum bealorum regaum sibi viam
communivit.
16. Anno 1650, obiit in hoc conventu Lemovicensi, die 23* fe-
bruarii, P. fr. Bernardas Carrière, urbis et conveotus Baionensis
alumous, qui desiderio strictions observanliae amplectandae Tolo-
sam veniens sub venerabiii P. fr. Sebasliano Michaelis primitias
spiritus reformationis ita hausil ut deinceps in coaventibus in qui-
bus vigebat roanere operae pretium duxerit. Tandem ultimatc in
conventu isto Lemovicensi assignatus et afflliatus est, in quo bis aut
ter supprioris munus exercens pro vitae regularis stabili faoda-
roento piurimnm laboravit. Erga Deiparam virginem tantopere
atîectus erat, ut millies in die eam cum puero Jesu salutaret, plura
dicendo rosaria. Insuper parvum^ejus officium muitis licet morbis
et doloribus atflictus cum diurno quotidie recilaret. In audieadi<
confessionibus tum pauperum lum divitum, magnorum etiam pec-
catorum, charitas et patienlia ejus enituerunt. Denique coelo jam
maturus post sexaginta annos in ordine noslro exactos, religiosus
hic senex, bonus ac timens Deum, migravit ad Dominum; sepui-
tusque fuit in capitulo communi, populo multo concurrente ad ejus
exequias propter bonum nomen et gratiam quam sibi apud omnes
conciliaverat.
17. Anno Domini 1651, die S6^ martii, obiit P. fr. Henricus
Golombus, secundus professus hujusce conventus Lemovicensis
post inlroductam strictiorem observantiam. Hic fuit vilae regularis
tenacissimus cullor et fervidus zelator; quapropter ad officium ma-
gistri novitiorum in conventibus Sancti Maximini et Burdegalensi
electus, illud cum multa sollicitudine et exemplo administravit.
Tandem post vigesimum septimum a suo ingressu in ordinem an
num, anima ejus e carcere corporis egressa, ad coelum, ut pie
creditur, evolavit. Sepultus fuit in claustro juxta portam capiluli.
ubi beatam resurreclionem expectat.
18. Anno Domini 1658, die 4^ decembris, ex bac luce in sempi-
ternam migravit venerabilis et devotissimus P. fr. Hyacinlus Grou-
chaud, hujusce civitatis et conventus Lemovicensis alumnus; cujus
sane si egregias virtutes et praeclara facta omnia recensera vel-
lem, nimium excrescerel mca narratio; pauca de muitis referam.
Ex urbe Lemovica honestis parenlibus originem duxit, apud quos
exacta sancte pueritia, ordinem fratrum Praedicatorum in conventu
Lemovicensi recenter ad vitae regularis normam redacto, amplexus
(1) Peut-être Salons (Corrèze).
' LES FRÈBES PRACHRURS DE UHOOBS. 337
est. In quo per triginla sex annos ita vixit,utse vivum beati patris
noslri Dominici exemplar praeberel. Ejus enim amorem seraphi-
cum erga Deum optimum maximum imilalus, nunquam de eo fere
sine jnbilo et tripudio loquebalor; ad omnia semper promptus
fuit quae ad ejus houorem et serTîtium spectabant. Erga augustis-
simum Eucharisliae sacramentum tenerrima affectus devotione, ab
ipso limine conventus illud profonde adorabat. Croatis (1) Lotbarin-
giam devastantibus, ipse solus in convenfu nostro Bianvilleo roan-
sit intrepidus et jejunus usque ad quartam dîei horam ul sanctis-
simi sacramenli parliculas quaeeranl in sacra pixide deglulirel, ne
in manus impiorum haereticorum deyenirent; quod et praeslilit,
quamvis barbari iili evaginato ense morlem intenlarent. Cumprop-
ler Yertiginis morbum a sacro celebrando impediretur et a sacra
synaxi sumenda iila die cum fralribus adesse recreationi non au*
débat, Yociferans se indignum cum religiosis conversari, cum qui-
tus non esset dignus sacrorum misteriorum parliceps fieri. Beatis-
sîmae Yirginis cnltui totus erat mancipatus, ante ejus imagines
nunquam quin genibus flexis illam yeneraretur praeteribat, sal-
tem dum solus esset; quotidie ejus parvum offlcium cum sacro
tripudio simul cum rosario recitabat, et ne solus in suprema
coelorum regina colenda yideretur occupatus, omnes quos poteral
ad Rosarii sodalitatem amplectendam animabat. Pari deyotionis
sensu erga beatum patrem nostrum Dominicum et sanctos ordinis
rapiebalur, sicut et erga beatum Martialem Lemoyicensium aposto-
lum, in cujus templum cum per urbem gradiebatur, de more ora-
turus intrabat, blande socios ad talem cultum compellens. Pro
proximo gestabat yiscera charitatis; nunquam fuit auditns maie de
absentibus loqui, utpote qui eorum defectus quantumvis apparen-
tes diligenlissime el charitative obtegeret et in bonara partem inter-
pretaretur. Religiosos omnes tam externos quam conlubernales
singulari afTectu prosequebatur, eisque in necessariis pro posse
subyeniebat, foyebat, adjnyabat. In direptione urbis Blanyilleae in
Lotharingia ex motîYO charitatis calicem dédit impio Croatae he-
retico ad redimendam foeminam quam captiyam abducere yolebat
cum pudorîs periculo. Quid dicam de ejus assiduitate in sequela
chori nocte dieque, et caeteris communitatis exercitiis, a quibus
nec aeger abesse yolebat? Et si aliquando uti dispensatione coge-
batur, hoc maximum tormentum reputabat. De patientia ejus in
adyersis et morbis quid loquar? Fuit enim maxime singularis;
nunquam yisus est iratus, nunquam auditus de re aliqua conqueri,
(1) Ces Croates sont éfidemmenl un parti dlmpériaux combattant contre
:a France.
338 SOCIÉTÉ ARCHÉ0L06IQUV ET HISTORIQUB DO LIIIOUSllC.
Dec verbutn minus sapidam proferre, quatnvis pluribus aegritu-
dinibus essel obDoxius. Fidem habebat non vulgarem, spero etiam
ila firmam ut comprebensorem magis quam vialorem diceres.
Obedientiae legibus ita erat addictus, ul quamvis aegerrime per
urbem vagari pateretur, altamen ad superiorum nutum fratram
omnium qui in urbem pergere volebant socius esse non dedigna-
batur. Àb amore parentum ita propler Deum erat alienus, ut tor-
mentum subire viderelur cum illos invisere eosque alloqui cogeba-
tur, quem rigorem erga propriam sororem servant, quinimo et
erga ipsam matrem. Obediens enim Christi discipulus cum ex isto
convenlu Leroovicensi in alium esset assignatus, profeclus est ma-
ire in extremis positajamjamque morilura, et reipsa defuDcta est
die profectionîs filii; dimisitque juxta verbum Christi morluis mor-
tuam sepeliendam. De castitale ejus quid dicam, nisi quod fratres
qui ejus audierunt confessiones asserunt cum justo Tundamento
illum virginitatis candorem usque ad obitum servasse; ad quam
conservandam magna utique diligentia semper usus est. Pauper-
tatem ita coluit, ut quidquid in convenlu vilius aut detritum magis
esset in suos usus assumeret, ilinera sine viatico et pecunia quam
nequidem contingere immédiate audebat conticeret. Ejus labori
indefesso omnia notatu digna quae j imretulimus plurima, plurima-
que aiia memorialia tum urbis tum conventus Lemovicensis debe-
mus [pretermitlere], quae exacte nobis conventus scripta reliquit.
Tandem dévolus iste paler et a seipso et a cunclis rébus caducis
alienus, totus inhians coelestibus, cui vivere cum Paulo Christus
erat et mori lucrum reputabat, ad exlremim suam veniens aegri-
tudinem, mortem quam a longo tempore optabat iaetus aspexit, die
quarta decembris anni supradicli. Vix ejus mors fuit per urbem
divulgata quod factus est concursus populorum ad ecclesiam nos-
tram ad videndum corpus ejus, in tantumque crevit devolio ut ves-
tes defuncii in reliqoias sibi assumèrent, eumque fere nudum reli-
quissent nisi quanlocius fuisset inhumatus. In capitulo claustri
sepuUus fuit, sed praeclarae ejus virtules virenli semper memoria
in ore omnium qui eum vivenlem agnoverunt adhuc vigent et vige-
bunt. Faxit Deus ut ejus precibus et mentis illi aMquaodo m eoelo
conjungamnr.
19. Ànno Domini 1669, die quarta julii, obiit in conventa Lemo-
vicensi venerabilis P. fr. Dominicus Drapeiron e Liber8aco{l) oriun-
dushujusque conventus professus, qui non vulgari pietate fuit cons-
picuus. De eo enim vere dicere possemus quod divus Pauliis de
primis chrislianis, quod mortuus erat et vita ejus abscondita eral
(1) Lubersac (Gorrèze), plutôt que Libersac (Oordogae).
LES PBftRSS PRÊCUEURS DR LIMOGES. 339
cuin Christo in Deo(Colos., III, 3.]; vita enim ejus vere mors poterat
vocari lum propter poenitenliae rigorero, lum propler diligenliam
quam adhibebatut inocculto manerel. Sed lamen nonpotuitlucerna
ejus virtuturo ita sub roodio humililalis delitescere et abscondi
ut non luceret religiosis et saecularibus multis, apud quos adhuc
memoria ejus in benedictione est. Plurimos enim ad cultum
vilae spirilualis efTormavit, lum novilios quorum institution! prae-
fectusestinconventibusÂvenionensi, Burdegalensi et Lemoyicensi,
tum etiam sorores de poenitentia quarumculpas quantumvisexiguas
scveris et salutaribus coercebat poenitentiis. Non enim erat de
illorum numéro confessorum quiconsuuntjuxtaprophetaeeffatum,
pulyillossub omni cubilo manus [Ezech., XIII, 18], quin potius in
poenitenliae tribunaii, ita ab omni humana consideratione alienus
erat, ut poenitenlibus ad illum accedentibus unum e duobus esset
eligendum, aut ad perfectionem tendere viam arctam amplectendo,
aut ad ipsum non acceiiere. In vita spirituali fuit exercilatissimus,
ut testantur ejus scripla summam pielalem redolentia ; in interioris
hominis reforroalione et oratione assiduus, Dei presentiae addictis-
simus erat; vilae insuper regularis iirma fuil columna; denique
omni virtutum génère omatissimus, dignus fuit, ut pie credimus,
ad monlem Domini virtutum in aeternum mansurus accedere die et
anno praedictis.
20. Anno Domini 1672, obiit in conventu Brivensi venerabilis
P. fr. Vincenlius Lansade, civitalis et conventus Lemovicensis
alumnus, qui fuit divini verbi fervidus praeco et unus ex illis quos
propheta nubes vocat, quia, ut ait bealus Gregorius, verbis
pluunt et exemplis coruscant. Sic iste dévolus pater sanctum Vin-
centium patronum suum imitatus, majorem suae vilae partem
insuropsit in evangelii praedicatione. Circuibat enim Salvatoris
exemplo per vicos, castella et parrochias fere continue ut rusticos
et indoclos fidei et doctrinae cbristianae rudimentis imbuerel, et
oves perditas, nempe peccatores, ad gratiae Christ! ovile adduceret.
Porro ila ab omni humana consideratione erat alienus in funclioni-
bus concionatoris et confessarii, ut personam cujusquam non reve-
reretur et leonis ad instar ad nuUius paveret occursum. Hanc
poUssimum ostendit animi magniiudinem erga dynaslam potentis-
simum cui in faciem restilisse dicilur,eumquein confessione audire
récusasse donec quaedam pedagia injuste inducta removissetet
reslilulionem pro eorum inductione debitam fecisset. Qua de causa
mullas passus est persecutiones, opprobria et ludibria, quae laeto
et inviclo animo suslinuil, memor verbi Domini qui bealos illos
nominal qui perseculionem paliunlur propler justiliam [Matth., Y,
lU]. Praecipuus cullus quo beatam virginem Deiparam venerabatur
3iO SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE KT HIBTORIOUK BU LIMOUSIN.
efficiebat ut modis omnibus et tolo conatu Rosarii deyotioBeoi^
ampliare satageret. Plura sunt alia ejus praeclare gesta, quae ad
ineam non renere cognilionem, quaeque hune devotum et fenridum
missionarium adeo venerabilem in populi? reddiderunt, ut post obi-
tum ejus qui contigit circa Testa Paschalia anni praedicti, plures cer>
tatim pro reliquiis sibi assumèrent res quae ejus usui fuerant depu-
tatae. Sepultus fuit in conventu Brivensi, ubi obierat.
21. Anne Domini 1673°, die 17^ martii, obiit venerabilis P. fr.
PetrusÂndre exista urbe Lemovica oriundus, et hujusce conventus
Lernovicensis primus professus post iotroductam strictiorem obser-
vantiam. Hic fuit cbcrubim luminosus in scientia etdoctrina, quam
ostendit in concionibus depromendis cum clarissima fama in multis
regni Gailiae principalioribus cathedralibus. At, quod et rarius et
consequenter mirabilius est, munus concionatoris exercuit absqae
ullo humano respeclu, in omnibus tam oplimatibus quam pauperi-
bus yitia redarguens. Non enim eral ex eorum numéro de quibas
propheta conqueritur dicendo quod sunt canes muti, non valentes
latrare [Isai., lvi, 10]; quin potius nosterdivini verbi praeco in boc
se verum esse demonstravit Dominicanum, id est canem Domini in-
diiïerenter contra omnes peccaiores obiatrantem. Quapropler pro
tessera sumpserat haec verba regii valis : Et ne auferas de are meo
verbum veritatU itsquequaque[Ps. cwiii, 43J. Hujusceveritatis plura
praebuit argumenta in concionibus quas habuit adpopulum civitatis
Lemovicensis et civitalum aliarum in quibus praedicavit, quibus
sufficienter probavit se tanquam fidelem servum Domini mundo
placere non appetiisse. Reiiquit nobis ingenii sui et laboris plurima
monumentain bibliotheca communi asservala, quae ejus profundam
doctrinam et sanctorum patrum claram notiliam aperte déclarant.
Sepultus fuit in concavo capituli, ubi beatam resurrectionem ex-
pectat.
ââ. Girca annum Domini 1674 obiit in insulis Americae R. P. fr.
Josephus Cbastagnac, piis honestisque parentibusLemovicaenatus et
conventus Lemovicensis professus abanno 1656". Hic fuit dévolus et
fcrvidus religiosus, quem solus honoris Dei et salutis animanim
zelus incitavit ut in extremas Americae oras evangelium propalarel.
Quod utique conjicere licet ex ilia animi magnitudine quam osten-
dit in sua ad Americam transmissions Dum enim navis in qua erat
saeva tempestate jaclaretur ita ut omnes qui in illa erant me tu
mortis et laboris nimietate pêne essent exanimes, ipse solus malo
navis voluit alligari ut iode tumentes fluctus intrépide conteaipla-
retur; per quod ostendit quam radicitus infixa esset spei suae
anchora in Dei adjutoris et in testimonio conscientiae suae. Obiit in
iaboriosis fuactionibus suae missionis citius nimis ui videtur, etsi
LES FRÈRRS PRECHEURS DR LIUOGES. 341
quatuordecim fere annos in illis consumpserit pro insulanis Ame-*
ricae, quibus et verbo et exemplo plurimum profuisset, sed pro se
foeliciier dum ex procellis hiijus muadi ereptus, in tranquiUo portu
bealitadinis, ulpiecredimus, conquievit.
S3. Circa annum Dotnini 1678, obiit in conventuTholozano dévo-
lus et fepvidus fr. Jacobus Tirebas, civilatis et convenlus Lemovi-
censis alumnus. Hic fuit vere Israelila in quo dolus non erat et
in quo, si ita loqui fas sit, Adam peccasse non videbatur, ita ut
ma^ister noviiiorum in ejus confossionibus materiam absolutionis
vix inveniret. Quamvis aulem ita reclus esset et innocens, erga
seipHuni lamen austerus existebal. Tholozam missus studiorum
causa, ibi in gravem et ielhalem morbum incidit, quo ex hac luce
migravit post tertium aut quartum a sua professione annum; et
licet fuerit consummatus in brevi, attamen per fervorem etinno-
centiam explevisse illum tempora multa aulumandum est. Sepul-
tus est in convenlu Tholozano, ubi obiit.
24. Anno Domini 1674, in die festo Penlecostes, obiit in hoc
convenlu Lemovicensi R. P. fr. Josephus Romanet, Lemovix et
hujus conventus professus, juvenis sacerdos magnae spei, qui diu
puimonario morbo laborans dolensque quod incolatus ejus in hac
miseriarum valie prolongatus esset, desiderabat cum bealis spiri-
tibus prospicere faciem Domini Dei sui; unde morti proximus R. P.
priori haec divi Pauii verba protulit : « Cupio dissolvi et esse cum
Christo » [Phil., 1,231; et brevi post tempore, carne solutus voto suo,
ut pie credendum est, potilus est. Sepultus est in capitulo com-
mun!, ubi bealam resurreclionem expectat.
25. Qrca annum Domini 1676"™, obiit R.P. fr, Marlialis Boubiat e
Burgooovo (l)in Lemovicensi dioecesioriundus et conventus Lemo*
vicensis professus. Hic fuit Fervidus et doctus religiosus tirmaque
coiumna vitae regularis. Propterea novitiorum institutioni in con*
ventibus Sancti Maximioi et Lemovicensi praefectus est ; in quo
officio per plures annos magno religionis incremento mansit. Tan-
dem iû Monspelieasi conventu prier existons, ibidem subilanea sed
non improvisa morte sublatus est. Sepultus est in conventu Mons-
peliensi.
26. Anno Domini 1676**, circa feslum sacratissimi Corporis
Christi, obiilin hoc convenlu Lemovicensi frater Raymundus iMon-
rejaud conversus, Tholozanus orij^ine et professus convenlus Lemo-
vicensis, pius, exaclus et fervidus religiosus, qui diu et mullum
pro isto conventu laboravit. Unde pie aulumandum est illum labo^
(I) Boarganeaf (Creuse).
T. xxxix. 2Î
3t9 SOCIÉTÉ AKCHÉOLOGIQUB ET BI9T0EIQU£ DU LIMOUSIN.
rum mercedem in coeio a Domino fuisse consecututn. Sepultas est
in capitule claustri.
27. Ànno Domini IGIT", obiit in hoc conventu dévolus frater
Joannes Duclareix e yico SanctiLaurentii (l)in dioeoesiLemovieeiisi
oriundus et hujus conventus professus, novitius magnae spei, qui
pulmonario morbo diu laborans, per mensem fere agonizavit. Tan-
dem in vigilia Nalalis diei Ghristi Domini, sacramenlis rite munitus
ut iu coelo nasceretur, ex hoc mundo migravil. Sepultus fuit in
capitulo, ubi beatam expectat resurrectionem.
28. Anoo Domini 1678, mensejanuario, obiit devotus fralerJor-
danus Robi, hujusce conventus profcssus, diaconus senex et gran-
daevus, erga pauperes valde misericors, quibus fere quotidie su!
prandii portionem relinquebat. Eadem charitate motus fratribus
onerosus esse nolebat, iia ut banc enixe a Deo optimo maximo
gratiam postularet ne eum ante obitum diu in infirmitate dplineri
permitteret ; quam certe obtinuisse eum et credimus et vidimus :
landiu enim licetaeger se in propria cella continuit donec ad extre-
ma redactus ad inlirmariam deduclus est, ubi per unum soium aut
alterum diem manens, sacramentis dévote susceptis, placidissime
obdormivit in Domino. Sepultus fait in capitulo claustri, ubi adven-
tum magni Dei expectat.
29. De venerabili P. /r. Petro Poilefwo,
Anno Domini 1679, obiit, die I* novembris, venerabilis ac im-
morlali laude dignus R. P. fr. Pelrus Poileveus, civitatis el con-
ventus Lemovicensis et alumnus et ornamenlum, cujus memoria
in benediclione est. Hic siquidem ampla parentum beredilatc
dimissa, dum esset hères unicus, per calcatas divitlas simul et
matris vidnae lacrimas perrexit in ordinem fratrum Praedicatorum,
cujus habilum de manu R. P. fr. Pétri André suscepil, annoque
evoluto probationis, professionem coram R. P. fr. Dominico Regio,
Inquisitore Tholosano, emisit. Mirum dictu quot et quanta fervidus
tyro de humani generis hoste trophaea reportavit, quae omnia ille
solus novil qui pugnantem adjuvit et nunc coronat victorem. Seip-
sum enim praebuit vivum omnium virtutum e.\emplar; nam a
Christo Domino edoctus inlerius qui dicit : Discite a me quia mitis
sum et humilis corrfp [Math., xi, 29], mansueludiniet humilitati per
totam vitam assidue operam dédit. Tanta fuit etiam ejus modestia
et continenlia ut ad foeminarum coUoquia nonnisi aegerrime et
coactus etiam in poenitentiae Iribunali accederet. Rarum erat
(1) Peul-étre Ssiint-Laurent-sur-Gorre (Haute- Vienne).
LK8 FRÈRES PRftCBBURS DE LiyOGBS. 343
in eo et fervens poenitentiae desiderium, qao proprio corpori
bellum perpetuam indixeral, illud disciplinis, jejuniis, catenis fer-
reis et aliis plurimis austeritatibus continuo fere edomans. Pau-
pertatis studiosissimus, quidquid in yestiario erat vilius in suos
Qsus semper expetebat. Spiritu coropunctionis et timoris Dominl
itarepletus erat, ut quamyis vilam duceret innocentissimam, atta-
men quolidie unius fere horae spalio crebris gemitibus, lacrimis
et pectoris tansionibus se ad confitenda peccata levissima praepa-
raret. Sed post multos gemitus et suspiria, benignissimus Deas
consolalionibus suis laetificabat aniraam ejus secundum multi-
tudinem dolorum in corde ejus in tanlam, ut ex abundantia
supernae dulcedinis cor ejus ad instar cerae liquescere vide-
retur ; cujus rei indicia et testes erant dulces illae lacrimae ubertim
ex oculis ejus defluentes, maxime dum sacrum missae sacrificium
peragerel. Charitate erga Deum optimum maximum et proximum
ardenti flagrabat in tanlum, ut pro animarum salute multis se
proprii corporis subjiceret cruciatibus. Dono discrelionis spirituum
a Deo optimo maximo mirum in modum fuit insignitus. In vita
etiam spirituali fuit exercitatissimus, in interioris hominis refor-
matione etoratione assiduus ac Dei presentiae addiclissimus fuit.
Quapropter plurimos ulriusque sexus fidèles ad cultum vitae spi-
ritualis eiïormavit, quos ad arctam perfectionnis viam tum verbis
polentibus et divina unclione plenis, tum potentioribus exemplis
adducebat. Spiritu prophetico mulla praedixit quae suo tempore
evenere. Cordium arcana ei divinitus détecta esse pluribus signis
et argumentis demonstravit. Qnid dicam de ejus orationum et pre-
cum eiScacia, quam ego ipsemet qui haec scribo tolies expertus
sum, ila ut ultro falear coram Deo optimo maximo et hominibus
quod sine tam sancti viri precibus e claustro egressus, ut mihi
mens erat, jam sine dubio periissem. Addo praeterea quod si quid
boni in ordine fecerim, hoc ipsum, post Deum et ejus sanctissimam
matrem, precibus ejus me debere veraciter agnosco : quippe qui
de meo semper tepidus et negligens extiti, ejus vero amantissimi
patris pias intercessiones apud Deum optimum maximum', sive
dumviveret,sive nunc etiam postmortem,in necessitatibus expertus
sum efficaciter. Plura alia virtutum opéra hujus sanctissimi viri
brevitatis causa omitto; dicam solum quod bis supprioris et magis-
tri noYitiorum ofBcium in hoc conventu [cum] magno religionis incre-
mento administra vit. Inde vero Reverendissimi Magistri generalis
jussioneasuperiore conventusLemovicensis destiuatus est confes-
ser monialium Sancti Benedicti monasterii quod vulgo Regulam (1)
(4) La Règle, ablmye de Limoges.
344 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE BT BIATORtOUE DU LIMOUSIN.
vocant. Quod munus dum sedulo obiret, îd morbum tncidit, ex
quo (Derilis plenus coeloque jam maturus in feslo Sanctorum Om-
nium, lit eorum sane numerum augeret, placidsssime expiravil
anno 1679^. SepuUus fuit in capituio clauslri. Faxit Oeus oplimus
maximus ut tam sancti viri meritis et precibus ad sanctorum ali-
quando consortium pervenire mereamur. Amen.
30. Girca annum Domini 1685''", obiit in hoc conventu Leino-
vîcensiR. P. fr. JoannesLaschenaud,exdioecesi Lemovicensi orian-
dus et istius conventus professus, qui habitu ordinis levi de causa
primum exutus, militiae saeculari nomen dédit, et per plures annos
inter effraenatam armorum licentiam amorem sacri nostri ordinis
quem invilus deserere coactus fuerat, ita servarît, ut e bello re-
versns maxima cum humilitate et perseverantia denuo habitu ordi-
nis indui postulayerit. Quam gratiam et miscricordiam post multas
preces asseculus, cum magno spirilus fervore omnia religionis
munia obivit; seipsum enim novae militiae adscriptum memorans,
contra très humani generis hostes continuum bellum movit ; de
quibus per Dei omnipotentis auxilium reportata Victoria, consum*
matoque brevi temporis intervallo cum vita certamioe, coronam
beatitudlnisasupremo judice accipere meruit. Quod ex ejus conver-
satione devota et religiosa cum justo fundamento conjicere llcet.
Obiit morbo pulmonario salis longo. Bepultus fuit in capituio
claustri.
31. De venerabili P. fr, Petro Chastagnac.
Ânno Domini 1601, die 17» augusti, obiit in hoc conventu vene-
rabilis et aelerna memoria dignus R. P. fr. Petrus Chastagnac,
actualiler prier, qui honeslissimis et piis parentibns in hac urbe
Lemovica nalus est circa annum 1639"™. Adolescens vero ordinero
fratrum Praedicatorum amplexus, in isto conventu Lemovicensi
sacro habitu religionis indutus est a R. P. fr. Joanne Franc.
Dufaur in die sancto Pentecostes. Judicandum sane est illuro
cum habitu novum hominem induissc novumque spiritum spi-
rare coepisse. Indolem enim suam ad jocosa proclivem dein-
ceps contraxit, ut senilem gravilatem et angelicam modes-
liam toto vitae tempore assumpsissevisus fuerit. Humihtatis nebula
praeclaras animi sui dotes ita obtegere illi curae fuit, ut quarovis
ingenii acumine caeleros quosque antecelleret, omnium lameo infi-
mus et simplicissimus apparebat ; quarovis in scienlia ei doctrina
vix parem haberel in provincia noslra Tholozana, lectores tamen
omnes modestia et mansuetudine superabal; quamvis denique in
concionibus depromendis esset facundissimus et melUflutm pieta-
'
LK8 raintS PRÊCHEURS DE LIHOOBS. 3i5
iem spiràns, altamen saepius ad crates monialium quam in hono*
ratioribuft cathedris praedicare eligebat. Jugis in ejus corde chari*
tas ardebal, qua Deo per ejus praesentiam fere continuam et mentis
elevationem uniius videbalur. Proximo vero quaecumque poterat
iinpendebat o£Dcia, etiam iis a quibus muUa passas fuerat. Purita-
tem tum anlmae, tum corporis ita adamavit ut confessarius qui
ejus excepit confessiones asserat se per quinquennium in ejus
confessionibus peccatum veniale ex voluntate deliberata perpétra-
tum non inTenisse. À Reverendissimo Pâtre Magistro generali
Romain rocalus ut novitiorum institution! in conventu Sanctae
Sabinae praeficeretur, ibidem suae profundae doctrinae et periliae
Clara dédit indicia, respondendo quaesitis circa difQcultates summo
ingenii acumine. Has exercilationes sibi pergratas esse significavit
Innocentius undecimus summus ponlifex. Tholozae et Lemovicis
pluries magistri novitiorum offlcio fanctus, tanta prudentia et pie-
tate illud adminlstra?it, ut omnium sibi derinciret afTectum et ad
quaecumque vellet novitiorum animos pietatis opéra inclinaret
hoc Lemovieensi conventu prions munus exercuit nec minis
nec querimoniis ullis potuit impediri quin missarum stipendia
et celebrationem multa débite or quae nunc ut rite facta pro-
bantnr ; mos enim illi erat ita firmiter bono agnito adhaerere ut
nulla considérations nec ullis hominum dictis aut factis ab illo
prosequendo averteretar, sed tamen ita mitis ut cum nulio pro-
terve contendere, aut verbum minus sapidum proferre toto vitae
teropore in religione auditus sit. Quid dicam de ejus recoUectione
et oralione sine qua nihil aggredi solitus erat, quamque omnipo-
tentissimam fuisse, ut ita loquar, in multis occasionibus probavit
éventas? Quid de ejus observantia regulari, quae tanta et talis fuit
ut ad instar Chrisli Domini, ne perderet obcdientiam perdiderit
Titam? Cum amore et zelo nimio, si ita loqui audeam, constilutio-
nes servandi, ad inflrmarfam ire detrectavit omnium religiosorum
moerore qui illius vires exhanstas esse penitus non ignorabant.
Unde tandem debili talis et infirmitatis ponderi succumbere coactus
est. Illum jamjam morlturum invisit illustrissimus episcopus Lemo-
vicensis (i) ut se ejus precibus commendaret. Obiîtdie 17> augusti
anni i691; vestesque ejus in feretro sunt decerptae a populo qui
eum publiée sanctum appellavit. Nec sine Dei oplimi maximi spe-
ciati providentia factum exislimo illum sanctum virum paucis die-
bus ante feslum sancti Bernardi cujus orationem panygericam in
ecclesia RR. PP. Fuliensium erat pronunciaturus, ex hac vita
migrasse. Aequum quippe videbatur ut quem in meiunua pieiate
(1) Louis de Lasctris d'Urfé (1676-1^95).
346 SOCIÉTÉ AIICHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
et summa devotione fuerat imitatus, hune in mortis tempore seque-
retur. SepuUus fuil in capitule claustri quod sui prioratus tempore
politis lapidibus stratum fuit perpulcre. Si ergo ejus praeclare facta
coeteri taceant, lapides claustri concinne strati clamabunl usque in
fines saeçulorum. Clamabunt et deauratae altarium nostrorum
figurae et tabulata. Concédât nobis Deus optimus maximus ut tam
sancti viri meritis et precibus, in sempiterna beatitadine illi in
aeternum conjungamur. Amen.
32. Anne Domini 1689, circa festa paschalia, obiit venerabilis et
plurima laude dignus R. P. fr. Michael Bonardeau e Sancto Ger-
mano(l)in dioecesi Lemovicensi oriundusethujusceconventus pro-
fessus ab anno 164S; in que se per totum vitae curriculum omnium
virtulum exemplar absolutum exhibuit. Fuit enim regularis obser-
vantiae rigidissimus observator, divini verbi fere cônlinuus ac
fervidus praeco ; cui corporis domitor assiduus, chori et oralionîs
perpetuus amicus, salulis animarum cupidissimus, pro quibus se
plurimis subjecit laboribus et aerumnis; Beatae Mariae Virginis
psaltes egregius, cujus Rosarii sodalilatem in quamplurimis par-
rochiis instituit et restauravit; a dignitatibus et praelaturis reiigionis
ita alienuSfUt prions et supprioris officia in hoc conventu nonnisi sub
formali praecepto obedientiae coactus acceptaverit. Circa finem sui
prioratus, anno nerope 1680, introducta fuit laudabilis consuetudo
singulis diebus dominicis e( festivis Rosarii partem, addito brevi
meditalionis argumente e suggestu concionatoris, recitandi, cujus
author fuit R. P. fr. Antoninus Massoulié (2), provincialis tune pro-
vinciae nostrae Tholozanae, qui hune rilum in Iota sua provincia
induxit pluribus decausis,sed praesertim pro pelenda haereticorum
conversione. Nec tune fefeilil eventus; vix enim très aut quatuor
anni elapsi sunt ab hac saluberrima institutione quod, agente Dei-
para sanctissima, quae sola cunclas hereses in universo mundo
interemit, calvinianae haereseos in toto Gailiae regno et eliam
alibi dissipata sunt fundamenta, oronia nempe haereticorum templa
eversa, fugati ac proscripti nefarii haereseos doctores ac ministri^
caeterique haerelici publiée suam haeresim abjurare coacli, posl
duplicem quam de eorum exercitibus reportavit victoriam dominus
de Sancto Rufo, dux regii exercitus, primam quidem in Delphinala,
secundam vero in Vivariensi provincia, cujus rei nos oculati testes
sumus. Sunt et alia plurima bona quae nobis venerunt pariter cum
illa assidua et publica sanctissimi Rosarii recitatione. Taceo commu-
nia toti ecclesiae, ordini noslro et toti provinciae Tholozanae, ubi
(i) Sainl-Germain-les-Belles (Haute- Vienne),
(î) QuÉTiF IT EcBARO, ScHpU ord. Praedic,» 11, 769, 8^7.
LES FttÊBBS PHtoHEURS DE LIMOGES. 347
hacc devotio magis viguit, ul ad particularia descendam» quae Deus
optimus maximus et sanctissima Deipara virgo coQveDtui Lemovicensi
per islam piissimam Rosarii recitandi consuetudinem contulerunt.
Imprimis enim, quamvis semper, altamea ab illo maxime tempore
floruit conventus isle per observantiam regularem et pietatem sin-
gularem, ita ut religiosi hajusce convenlus in tota hac urbe et
dioecesi sint etiam nunc bonus odor Jesu Ohristi. Floruit insuper et
floret modo sodalilas Sanctissimi Rosarii in tantum, ut optimales
hujus urbis, tam clerici quam saeculares, summo ducant honori in
illa adscribi et ofBcio aliquo fungi. Mirabilis est et superioribus
rétro saeculis nunquam visa tanla magniflcentia in celebratione
festi Sanctissimi Rosarii, nusquam tantus ornatus in templo nostro
visus, nusquam audita tanta simphonia in choro, nusquam tanta
assiduitas confratrum in processionibus, nusquam tantus numerus
(idelium utriusque sexus aggregari volentium in Sanctissimi Rosa*
rii confraternitate ; denique a primaeva convenlus istius Lemovi-
censis fundatione, nihil taie factum accepimus quale nunc cernimus
per Sanctissimi Rosarii devotionem. Sed quia vulgo bona tempo-
ralia adjiciuntur spiritualibus, omnem prorsus superat admiratio-
nem quod convenlus iste qui semper modicus et pauper extitit^
etiam tempore quo saeculares abundabant opibus et divitiis, nunc
tempore belli, inopiae extremae et sterilitatis universalis in toto
fere Galliae regno, in quo maxima pars populi famé jam periit,
et quotidle périt, attamen tam misero tempore claustruro nostrum
cum capitulo concinne politis lapidibus slratum fuit; quod per quin-
que rétro saecula fieri nequiverat. Capella Sanctissimi Rosarii ma-
gnificentissime piclis labellis cum quadratis et egregiis cancellis
decorata fuit. Figurae et imagines ligneae majoris aitaris Rosarii
et Sancti Hyacinthi cum tabulali parle perpulcre sunt deauratae ;
sacristia nostra pretiosis et pluribus ornamentis aucta et decorata;
domus prioratus nostri Beynacensis a fundamenlis erecta et ad
instar convenlus magnifice edificala; mulla alia bona huic conventui
coUata sine dubio per Rosarii devotionem praetereo. Hoc unum
addam sanctissimam virginem Deipararo nostris hisce temporibus
suum beato Alano de Rupe (1) factum promissum adimplevisse, cui
olim dixit quod quandiu Rosarium in ordine fratrum Praedicatorum
floreret, tandiu ipse ordo per pietatem, doctrinam, observantiam
regularem suorum religiosorum maxime floreret, quod nunc
nostri vident, tangunt et experiuntur. Ulinam posteri qui
haec memorialia futuris legent temporibus verborum sanctis->
simae Virginis Deiparae in nobis adimpletorum lotis viribus tam
(1) QuÉTiPct EcBAHD, Script, ord, Praed.y 1, 849.
MB SOCIÉTÉ ARCaiOLOGlQOR BT HISTORIQUK DU LIMOUSIN.
«atabrem Rosarii devolionem studeant ampliare, nec unquam,
quod Deu8 optimus maxirnus avertet, ab ejus publica et assidaa
recitatione jam inlroducta abstineant. Amen.
Haecin gratiacn R<^'P. fr. Micbaelis Bonardeau adjeci,quia prior
erat coDventas et reclor sodalitatis Rosarii, quando laudabilis con-
ftuetudo illud publiée recitandi fuil inlro Jucta, quiqiie postea electus
est in primum parrochum et curatum nostri prioraïus Beinaccnsis,
quem cum per aliquot annos sanctissime et religiossiroe guber-
nasset, obdormivit îd Domino ; sepuitusqae fuit m capitulo con-
tentus cum suis fralribus. Plura sunt ejus praeclare gesta quae non
retuli, quia hic devotus pater humilitatis vélo opéra suabona tegere
imprimis curavit.
33. ÂnnoDomini 1692, obiit in vicariatu Nostrae Dominae Monge-
rensis conventus Bittepensis(l)R. P. Fr. Ântonius Lagrave bujusee
dioecesis et Lemovicensis convenlus alumnus, qui juxta divi Hiero-
niroi coDsilium per calcatum aliquo modo palrem perrexil constant!
et invicto animo in ordinem nostnim, in quo per viginli duos annos
religiose conversatus est. Fuit enim admodum officiosus et charita-
tivus, zeloque incensus pro haereticorum conversione in eorum
misslonibus plurimum laboravit, ac tandem ex zelo nimio justitiae
extremum suum contraxlt morbum ; ex quo vita functus, in coeium
migrasse eredimus.
34. Anno Doraini 1693, die 23» februarii, obiit venerabilis P. fra-
ter Dominicus Froment in hac civitate Lemovica nalus anno 1612,
hujus vero conventus professus ab anno 1633. Hic fuit magna pru-
dentia praeditus, experientia mulla doctus, et in dandis consiliis
sapientiae laude florens. Fuit eliamfigidus vi(iorum censor, pravo-
mm mastix fsicj, ac vilae regularis et chori perpeluus amicus.
Dono diseretionis spirituum aDeo optimo maximo speciaiiler dona-
tus et insignilus, plurimo? utriusque sexus tideles ad perfeclionis
semitaro longo annorum curriculo et usque ad decrepilam aetatem
segniier et sedulo deduxit. De isto conventu Lemovicensi optinie
merilus, cui multa bona sagacitate sua tam in libris qnam in ecciesiae
et sacrisliae ornamentis procuravit, humilitatis sludiosus, mulla
virtutum opéra ejus vélo nobis obtexit; mansuetudinis ac patienliae
Christi Domini sedulus sectator, iudibria mulla et querimonlaa de
se factas, graves etiam et diuturnas aegritudines patienter sustinuit;
et quamvis doloribus muUis vexaretur, quolidie tamen fere choro
intererat ac sacrosanclum missae sacrificium peragebal. Plura
nobis seripta reliquit suae pietatis non obscura indicia, quibus ad
( I ) Douais, Le pèlerinage de Notre-Dame'de- Pitié de Mougères (Hérault),
Son hietoire et son culte.
LIS FBàRBS PRÂCBEURS DE LIH06BS. di9
perfectionis consequendum apicem iter planum, solidum ae rectum
demonslral. Tanla fuit ejus opinio sanclitatis, ut fidèles postobitum
ejus vesliuro particulas in reliquias sibi assumere contenderint.
SepuUus fuit in capitulo claustri, ubi beatam expectat resurrecUo-
nem. Âmen.
XVII. — [BuLLA Pauli quintï pro reformatione conventus
LfiMOViCENSIS].
[Haie operi] finem imponam referendo bullam Pauli quinli
[Maximi] Pontificis directam ad ofBcialem Lemovicensem, anno
Domini ^1606], pro reforroatione conventus Lemovicensis.Iste aulem
officialis erat dominus Petrus Boyol, in juribus licentialus et cano-
nicus ecclesiae catbedralis Sancti Stephani, cujus ossa in hujusce
conventus ecclesia condita jacent. Ex bac bulla conventus Lemovi-
censis praestantia dignoscilur.
Ex bulla Pauli quinti directa ad officialein Lemovicensem
anno Domini 1606.
Paulus episcopus servus servorum Dei dilectofilio offlciali Lemo-
yicensi salutem et apostolicam benedictionem. Romanucn decet
pontificem pia semper animadversione esse sollicitum ut per ejus
communionis opem et auspicium pia et regularia loca quaelibet,
praesertim quae sanctorum Dei pieiatesingulari, fundatione et anti-
quitttte insignia e<^se dicuntur, ac personae iis in locis sub suavi
religionisi jugo et regularis sui fundatoris observantiae institutis,
altissimo jugiter famulantes in suis necessilatibus congruum susci-
piant subsidium, ut exinde personae ipsae snblevatae majores in
vinea Domini, Deo dantc, valeant educere fructus ac fidei orto-
doxae hostium et haereticorum partium in quibus degunt continues
et temerarios conatus et versutias refellere. Dudum siquidem
omnes etc. {Et post alignas lineas :) Et sicut exhibita nobis nuper
pro parte dilectorum filiorum prions et fratrum domus Sancti
Dominici Lemovicensis ordinis Praedicatorum petitio continebat,
domus praedicta a dicti Praedicatorum ordinis primordio ab ipso-
met sancto Dominico fundata vel ejus jussu priscis temporibus in
regnlaris disciplinae observantia, litlerarum scientia tanlumflorue-
rit ut nulli alleri regulari ejusdem Praedicatorum ordinis domui
cessent et ex ejus fratribusduocardinalatus(l),unusque archiepis-
(4) En regard à la marge : Très tectores Lemooicenees fuere cardinales.
3SÔ SOaÉTR AHCHtOLOGlQUK ST HISTORIQUE DU LIMOUSIK.
copâli et quinque vel sex episcopali digaitatibus et honoribus déco-
rât! etplurium summorum pontificum poenitentiarii fuerint, aliique
numéro quadraginta ad inGdelium partes pro divini verbi praedica-
tione transmissi pro fide catholica vitam cum sangaine forliler
profuderint(i) alque in eacentani et viginti fratres alias exliterinf , et
eliam nunc inter insignes totius Galliae regalares domos non infi-
mum locum obtinere censeatur. A centum vero et viginti circiter
annis civitate ipsa Lemovicensi ab Anglis qui illam invaserant
depredata, domus destructailliusque scripluraedeperditae fuerint, ac
ea postea restaurala denuo ab istorum temporum haereticis quibus
magna in parte dicta civitas illiusque circumvicina loca labefacta
reperiunlur funditus eversa et solo adaequata, ac deinde per dllec-
(um lilium nobiiem virum modernum comitem Descars aliquan-
lisper restiluta fuerit, et superioribus annis venerabilis fraternoster
episcopus Lemovicensis et dilecli filii dictae civitatisincolae, quibus
praemissa maximo eorum cum dolore satis superque innotescant,
pristinum diclae domus splendorem secum ipsi revolventes ac illius
jacturam déplorantes, foelicis recordacionis Clementem Papam VIII
predecessorera nostrum et etiam tune existentem dicli ordinis Prae-
dicatorum Magistrum precibus et lilteris sollicitaverint, ut in prae-
dicta domo regularem observantiam a qua iliius fratres propter
hujusmodi ruinas et temporum calamitates defecerant restitui et
litterarum studia quibus potissimum ad haereticorum errores refel-
lendos opus est institui curarent, dictusque generalis Hagister non-
nullos dicli ordinis Praedicalorum fratres, etc., qui in ea regutaris
vitae norroam et studia restituèrent, et transmiserit, etc. Datum
Romae, apud Sanctum Petrum anno incarnationis Domini 1606
maii, pontificatus hostri anno secundo. Sigillalum in plurobo.
(1) En regard à la marge : Martlrum horum nullam mentionem kabe-
mus.
LKS FBiRBS PRÉCHKUR8 DB UMOGES. 354
III
FUNDATIONES MISS ARUM CONVENTUS LEMOVICENSIS
FRATRUM PRAEDICATORUM
1. Una missa solenmis quolibet anno pro domina de Petrabuf-
faria(l), pro qua legavit intestamento suo die 12martii 1304 vigiDti
solidos $iye uDam libram census anaui, quae tamen a triginta et
duobus annis soluta non fuit, nec in posteruro solvenda creditur,
licet servitium factuni sit.
3. Una missa solemnis quolibet anno cum tôt missis privatis
quot sacerdotes interfuerint huic missae solemni, pro Guodefrido
de Turribus (3), pro quabus missis tum solemni[bu|s tum privatis
relicuit (jtc) très libras census annuiin suo testamento, feria quinta
ante festum Annunciationis ann. 1334. Item, idem legavit unam
libram censns annui; praeterea legavit quatuor libras census per-
petui pro una missa singulis diebus dicenda, ita quod pro qualibet
missa non reliquerit très denarios. Diu litigatnm est cum haeredi-
bus; expensae tamen litis satis modicae sunt, nec ascendunt ad
summam triginta vei quadragintalibrarum, si numerentur expensae
ab ipsis solulae.
3. Duae missae solemnes cum absolutione generali singulis
annis pro domino Ronulpho de Quadris (3), pro quabus legavit octo
libras census annui in suo testamënto.
4. Una missa solemnis cum absolutione generali, feria G'^cujus-
libet hebdomadae. Item, absolutio generalis singulis diebus post
complelorium pro domino Guodefrido ejusdem familiae de Quadris,
qui legavit triginta quinque libras census annui pro praefatis, ut
creditur, missis et absolutionibus.
5. Item, missa solemnis singulis diebus totius anni cum absolu-
tione generali, necnon cum vesperis defunctorum singulis septi-
isanis, pro domino Carolo de Quadris eiusdem familiae; pro quabus
missis et vesperis legavit centum libras census annui in suo testa-
mënto 30 martii 1635 ; diuliligatum est cum haeredibus, et tandem
conveotione facta cum domino de Quadris ad minus sexcentas libras
(4) PierrebufHère (Haale-Vienne).
(5) Las Tours (Haute-Vienne).
(3) Les Cars (Haute-Vienne).
992 SOCIÉTÉ AMStffeOLOtflQOB fiT ËISTOtf^l 00 LIMOUSIN.
factarum expeosarum amisimus, qoq adhuc computata diminu-
tione reddituiim qui a pluribas anais debebantur, quae ad sam-
mam sexcentarum adhuc librarum ascendit ; difScit semper eril
istius fundatioDis solutio propler potentiam haeredum ; et isto qui
modo existit semel defunclo, majores lites jure limeolur.
6. Una missa solemnis quolibel anno pro Jacobo Gbeisne, pro
qua legavit unam libram census annui in suo testameuio 30 juiiii
1529.
7. Una missa solemnis quolibet anno et una missa privata
singulis primis diebus domini|ci]s cuiusiibet roensi^ pro Petro
Foresta ; pro quabus reliquil 1res libras census annui in suo lesta-
mento 28 januarii 1362.
8. Una missa solemnis quolibet anno pro Petro Gervais, pro qua
legavit quinque libras census annui in suo testamento 18 augusti
1569.
9. Duae missae privatae singulis septimanis, pro quabusiibet
Jacobus Rogier et Anna Benoist legaverunt duos solidos census
annui in eorum testamento 31 julii 1613.
10. Duae missae solemnes quolibet anno pro Jacobo Rogier et
Gatharina Dubois ; pro quabus legaverunt quinque libras census
annui.
11. Duae missae privatae singulis septimanis pro Joanne Ruaud,
pro quabus legavit viginti quinque libras census annui in suo tes-
tamento 29 decemb. 1620. Haeredes modo pauperiores facli vix
solvere possunt, et specialiter duae domiciilae quae partem haere-
ditatis obtinebanl ut creditoribus satisfacerent bona vendiderunl;
fundationem quantum ad ipsas obtinebant exlinxerunl, solutis
conventui 250 11., quas conventus nondum collocare poluit, sed
acceplare coactus est, ne ad mendicitatem praefatae liliae dedu-
cerentur; et contra alium haeredem actu lilem movimus, imo
proposuimus et annuimus ut non solverel, modo ab onere funda-
tionis essemus liberi et alius satisfaceret.
12. Daodeciffl missae solemnes cum vigiliis defunctorum et
abaoiutione generaii pro Petro Boyol; pro quabus legavit triginla
libras census annui in suo testamento 4 julii 1623.
13. Una missa solemnis quolibet anno pro Petro Merigaud ; pro
qua legavit in suo testamento 26 septem. 1626, quadraginta libras
semel solvendas, sive duas libras census anoui, quae summa aolula
est ; nec tamen constat in quo fuerit expensa.
14. Una missa solemnis quolibet anno cum vigiliis defunclorum
pro Marliali Pabot, et pro aîtero Marliali Pabot alla nû&fta solemnis
quolibet anno; pro quabus solvuntur quatuor Ubrae et decem
LES FftiAES PRECHEURS DR L^MOûRS. 353
solidi census annui; prima missa fuudata esl ia teâlameulo
Si marLii 1627, seconda vero circiler 1665.
15. Très missae privatae singulis aanis pro Joanna Malpieaa ;
pro quabus legavit unaiu Ubraro census annui m sap leBtameato
28 decem. 1627. Una missa priyala qualibet feria 2* tolius aooi pro
Guilhdmo Labiebe; pro qua legavit duodecim libras census aonui
in SUD (estameuto 30 januarii.
16. Viginti missae privalae quolibet anao pro Petro Bourbon ;
pro quabus legavit quinque libras census annui in suo teslamento
il novemb. 1628.
17. Duae missae privatae qualibet septimana pro Petro Dubois;
pro quabus legavit sexcentas libras in suo testamento 27 martii 1631 ;
haec summa soluta est, nec tamen de ejus coUocalione constat»
18. Centum quinque missae singulis annis et septuaginta octo
missae soLemnes singulis eliam annis pro Joanne de la BreuUle et
Anna Gai; pro quabus reliquerunt in suo teslamento 35 juUi 1632
aliquod fundum ex quo proveniunt viginU quinque Ubrae census
annui.
19. Una missa privala qualibet septimana pro Joanne Ruaud ;
pro qua legavit viginti quinque libras census annui in suo testa-
naenlo 30 novemb. 1639; magnis curis et iteratis postulationibus,
neenon nisi multis accepUs injuriis et contumeliis pluribus affecti
sdndici solutionem hucusque oblinere potuerunt; jamquç a
pioribus annis non fuit soluta nec solvenda creditur nisi cogente
sententia judicis, quam tamen litem incohare metuimus propier
potentiam haeredis qui est regiarum causarum procuralor in hac
Lemovicensi curia.
20. Una missa solemnis quolibet anno pro Gnilelmo Nicot; pro
qua legavit centum libras in suo testamento 4 julii 1640, quae in^
sumptae sunt in constructione dormitorii.
21. Una missa solemnis quolibet anno pro Francisco de Titregas ;
pro qua legavit 3 libras census annui in suo teslamento 5 januarii
4641.
22. Una missa solemnis quolibet anno pro Petro Geliere; pro
qua legavit duas libras census annui in suo testamento 20 sepiemb.
1646.
23. Quadraginta quinque missae privatae quolibet anno pro
Petro Gombrouze; pro quabus legavit septemdecim libras census
annoi in suo teslamento i'^ decemb. 1650.
24. Quatuor missae privatae quolibet anno pro Petro Hardi ; pro
quabus dédit in suo testamento 28 augus. 16.. parvuium fundum, ex
quo proveniunl viginti solidi aul circiter census annui.
25. Uoa mi^sa privala qualibet septimana pro Petro Crouchaud;
354 sociftri archéolooique st historique do Limoobik.
pro qua legavit quindecim libras ceosus aanui in sao testamento
21 oclob. 1655.
26. Una missa solemnis quolibet anno pro Sincone {sic) Auxîliat ;
pro qua legavit duas libras census annui in suo testamento 20 mar-
tii 1656.
27. Sex missae privatae pro defunctis quolibet anno pro Josepho
Ghastaigoac; pro quabus dédit quingentas libras semel solvendas
in suo testamento 6 apriiis 1656; quae summa consumpta fuit eo
quod religiosi non adverterint praefatum legatum fuisse cum onere
fundationis, quod tamen onus ideo solum adjunctum fuit ut tollere-
tur haeredibus occasio iiligaiidi pro praefato legato non solvendo,
ut soient plerique liligando se eximere a solutione eorum quae ali-
quis legavit religioni quam vult profiteri.
28. Sex missae privatae quolibet anno pro Leonardo Vilieneufve ;
pro quabus legavit très libras census annui in suo testamento
28 januarii 1662.
29. Una missa solemnis quolibet anno pro Laurentio Beuverie,
quam dotavit quinque iibris census annui 26 maii 1666.
30. Duae missae privatae et una solemnis cum absolutione ge-
nerali quolibet anno pro Jeanne Besse; pro quabus legavit très
libras census annui in suo testamento 31 decemb. 1668.
31 (1). Una missa solemnis quolibet anno pro Josepho Rabbi;
pro qua legavit census annui triginta solides in suo testamento
18 decemb. 1668; non solvitur, nec modo est aliqua spes solutionis,
quia non sunt bona sufficientia ad solutionem.
32. Duae missae privatae singulis mensibus pro Francisco Gra-
bois ; pro quabus legavit quindecim libras census annui in suo tes-
tamento 27 octob. 1670. Item, pro eodem una missa solemnis quo-
libet anno, pro qua dédit quatuor libras et decem solides census
annui; haec summa totalis unde praefali redditus proveniunt
semel fuit soluta conventui; et diligentissima facta inquisitione ut
securius collocaretur, tradila fuit duobus fratribus qui hucusque
exactissime redditus solverunt; modo tandem agnovimus.quod inso-
lubiles prorsus sunt propter plura débita anteriora ab ipsis con-
tracta; unde facta ipsorum bonorum distributione quam creditores
prosequi volunt, ut certius accepimus, summam integram cum suis
reddil[ib]us conventus aroittet.
33. Psalmus De profundis et prosa Stabat singulis feriis. sexliis,
pro quibus conventus accepit sexaginta libras ; praefata summa con-
sumpta fuit, nec uUus ex ea proventus superest.
34. Joannes Goudin scindicus noster secularis (qui scindici
(4) Ms. : 32, et dans la suite 33 au lieu de 3i, 34 au lieu de 33, eic.
LRS FRilIBS PRftCHEUBS DB LIMOOBS. 365
proptertale officium multis poliunlar privilegiis in tolajuridicUone
parlaroenti Burdigalensis in qua degimus, ut inter alia quod ab
omni tutela eximentur, propter quod plures sunt praefati scindica-
lus canditati, qui tameo nullum conferunt fructum conveutui), bis
mille libras cutn ea condilione ut haeres integram summatn semel,
vel centutn libras annui redditus solveret conveutui, non simpliciter
onerans paires nostros, ut fieri solet, sed rogans ut siogulis diebus
una pro ipso missa dicalur; quae summa ab haeredibus semel so-
luta Iradita fait domino de Quadris, cum quo, ut supra diximus
num. 5, diu liligatum est; et quo defuncto amissa penitus credi-
tur, eo quod commune sil apud praefatos nobiles in suis testamen-
tis et nupliarum contractibus omnia boua sustituere, sicque haere-
des posteriores, ut a solutione debilorura suorum immediatorum
praedecessorum se libèrent, nusquam se illorum haeredes pro(i-
tenlur, sed ipsorum bona per suslitutionem vel transaclioneoi âbi
obvenisse dicunt, et tandem ad minus litigandum eril; et propter
illorum poteoiiam et autoritatem vix lites flniuolur necnon nisi
multis factis expensis quae nusquam redduntur.
38. Hae sunt fundationes quarum memoria habebatur et reddi-
tus possidebantur tempore reparatioois conventus qui olim magni-
ficentissimus utpole in quo degebafnjt octoginta fratres bis ever-
sus et destructus fuit, necnon bonis et reddituum titulis spoliatus, in
quo catalogo repositae sunt aliae quae deinceps factae sunt. Praeter
istas autem nuper aliae repe[r]tae sunt, quarum nulla prorsus exta-
bat apud nostros patres memoria, nec illarnm ullo modo possidentur
[redditus] ; quod enim de viridario quodam diciturignoratur prorsus
ubi situm esset, nisi forte sit quidam locuspublicusantejanuam eccle-
siae et conventus, qui ad nostrum fundumpertinel; sed de [eo]nullus
proventiis obvenit conventui, nisi quod 1res domus in extreroitale
constructae aliquid solvunt ad profitendum quod in solo conventus
sunt aedificatae ; praelerea non extal campanile de quo fit mentio,
neque de vitrea aliquid constat; illa siquidem quae modo existit
tota fere muro clausa est; et similiter cappella Sancti Vincentii
quae modo existit, adeo parva est ut nulle modo sit illa de qua
sit sermo, et adeo ecclesiam nostram déformât ut jamdiu conclu-
sum fuerit a patribus nostris ut muro clauderetur; alia denique
bona quorum conventus haeres e[s]l, relictas {sic) sicut et vasa
argentea et paramenta, a nobis non habentur, praefata[s]que fun-
datione[s] légende annotavimus quod quaedam annotantur quae
semel tantum erant faciehdae et non in perpetuum; aliae, ut nobis
videtur, erant tilulo gratitudinis, non vero rigorosae obligationis ;
sunt quaedam pro religiosis qui quaedam bona contulerunt con-
ventui non ante sed post proffessionem, ut constat specialiter de
/
i
356 SOCIRTR ARCHBOLOGIQUB ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
quibiisâam inquisitoribus. Nolavimus eliam quod pliira anniversa-
ria eodem die celebrabanlur sub una missa soleinni,et quod specia-
Hier alicubi dicittir quod conveatus se obligavit ad unam oraUo-
nem in missa, unde concludimus quoJ illi eliam qui praefatas
fundationes constiluebant exigebant solum ut pro ipsis offerelor
sacrificium una cum aliis pro quibus offerebatur, non curaudo
ulrum uua Tel plures missae dicerentar ; tandem in quantum ob-
servare poluimus, hoc manuscriptum erat potius veluli kalenda-
rium a canlore compositum, in quo annolabat tam omnes funda-
tiones perpétuas quam semel faciendis, et omnes denique pro
quibus orare debebant religiosi noslri; sed, ut de his alii judicent,
subjicimus praefatas fundationes u( habentur in praefato vetuslis-
simo kalendario litteris gotlicis conscriplo.
Numerus missarum quae quotidie a (idelibus postulantur uUra
praefatas fundationes jam recensitas ascendit ad viginti circiter
mis$as pro qualibet die, pro quabus otTerunt modo octo, modo
septem, modo quinque solidôs, secundum quod ipsis visum fue-
rit et sine scandale recusari non possunl, neque eliam peli stipen-
dium ab episcopo statulum, quod est octo solidorum. Hoc expe-
rientia comprobatum est sub reverendo Pâtre Chastaignac priore
tune existente ; publica siquidem voce dictum est nos prae nimiis
divitiis quibus abundamus nulle amplius proximorum saluti invi*
gilare, et thesaurizandi cupiditate gabellam supra missas impo-
suisse; cumque soli essemus inter omnes religiosos qui missas
nobis oblatas recusaremus et simul pro nobis oblatis taxatum
stipendium postularemus, ad alios se con verterunt, sicque inlra brève
tempus conventus ad eam paupertatem redactus est, ut vix quin-
decim aut viginti fratres nutrire posset, multis etiam contraclis
débiles adeoque omnibus odibiles facti ut vix coram secularibus
apparere auderemus.
Ad hoc sine dubio evitandum scandalum successores oblatas sibi
missas aeceperunt, accepte stipendie sponte a tidelibus oblato,
scriptis missis iab ipsis postulatis. Numerus vero earum quae di-
cendae restant ascendit ad quinque millia septi[n]gentas et viginti
très, et quarum stipendie fratres consueti et necessarii in hoc
conventu nutriuntur; siquidem omnes redditus conventus ultra
fundationes supra recensitas ascendunt ad summam usque ad
sepli[njgentas vel ocli[n]gentas libras, et pro expensis unius anni
requirunlur circiter quinque millia librarum; unde redditus a sa-
cristia proveniens est plus quam bis mille librarum.
Requiruntur in hoc conventu quatuor leclores tum theologiae,
tum philosophiae tam pro secularibus quam pro religiosis, qui
actu existunt in conventu. Est enim haec urbs caput totius pro-
LES FRÈRES PRÊCHEURS DE LIUOGBS. 357
yînciae Lemovicensis, neque in ea est alius theologiae cursus ins-
titulus. Unde quidam falso proposuerunt, ul audivimus, nullum in
ista provincia reperiri theologiae cursum, cum a tempore repara-
tionis conventus semper seculares apud nos theologiam audierint.
Requiruntur insuper praedicatores hoc anno quatuor, [ut] mittan-
tur [ad] conciones habendas per adventum et quadragesimam; et
hoc notandum, quod praedicatorum stipendia in ista provincia tota
fere consistunt in missis quae a fldelibus praedicatoribus offerun-
tur; quae tamen inter summam a sacristia provenientem non compu-
tantar. EtdocninusEpiscopns alias adhuc postuiavit, si habuissemus.
Requiruntur praeterea officiales ordinarii cujuslibet conventus et
sacerdotes,quiintersint choro et saecularium confessiones audiant;
sex ad minus confessores in ecclesia requiruntur; sicque circiter
sexdecim sacerdotes, imo viginti essent necessarii ad proximo inser-
viendum et divinum officium celebrandum, etcumpauci sacerdotes
inlersint choro, et confessiones, lectiones etpraedicationes..., neces-
sarium fuit instituere noviliatum in isto conventu. Igitur septemde-
cim sacerdotes, quorum duo missam celebrare non possunt, undecim
novitii et très fiatres conversi actu communitatem constituunt.
Postulavimus praeterea praedicatorem ordinarium et unum fratrem
conversum. Sicque ad minus necessarii sunt Iriginta très religiosi
in isto conventu; et ut possemus subvenire dominis curatis qui
quotidie subsidium nostrum requirunt, necessarii adhuc forent ad
minus très vel quatuor sacerdotes. Cum tamen redditus stabiles con-
Yentus una cum fundationibus non efTiciant summam bis mille
librarum, caeteraque omnia proveniant ex fidelium liberalitate,
qui in hac provincia nihil largiuntur nisi pro missarum célébra-
tione, unum solum petimus, ut nobis licilum sit missas nobis sponte
oblatas accipere applicando pro singulis qui eas offerunt, et nihil
exigendo ab ipsis, sed praecise recipiendo quae sponte' offerunt,
cum de facto non solum sint stipendia missarum, sed laborum
omnium quos in eorum sainte procuranda toleramos; neque enim
ex illorum numéro sumus qui novas quotidie missas eraendica[n]t,
quamvis plures habeant etiam fundatas quam dicere possint; sic
tuta consciencia poterimus pro ipsorum salute laborare.
Sequuntur fundationes nuper repertae in vetnstissimo kalendario
nobis hucmque ignotae,
Januarius
mi. non. Ânniversarium domini Joannis de Chirone presbiteri
et parenlum suorum, a quo conventus habuit quadragintajscuta
T. xxxix. S3
358 SOGlèTt ARGVÉOLOGIQVB KT «ISTOHIOUB DU UUOUSIIf .
auri pro aedificio majoris vitreae; et coaventus obligavit se ad
dicenduoi unam missam siogulis hebdomadis feria 2 in capelia
saacU Pétri marliris.
IIL QOB. Anniversarium Catbarinae dePonleeiparentum snonim,
quae legavit viridarium situm ante eonventum ; et conventus obli-
gavit «a tali die ad facieadum dicium anniversarium.
Fundationes missarum conventus Lemovicensis ordinii
fratrum Predicatarum.
4304. Una missa privata singulis diebus, et una solemnis quoli-
bet anno cum tôt privalis quot saeerdotes huic solemni inter-
fuerint, altéra solemnis quolibet eiiam anno ; pro quabus omnibus
solvuntur tantum annuatim ocio librae.
1625. Una missa solemnis quolibet die cum absolutione generali ;
item, vespere defanctorum singulis hebdomadis ; pro qua fuoda-
tione legatae sunt tantum annuatim cenlum iibrae.
1670. Una nûssa privata singulis diebus, pro qua solvuntur
centum librae annuatim; antiquitus una missa solemnis qualibel
hebdomada, pro qua solvuntur annuatim triginta quinque librae.
1613. Duae missae privatae qualibet hebdomada, pro quabus
solvuntur annuatim decem librae et octo solidi.
1620, Duae missae privatae qualibet hebdomada, pro quabus
annuatim solvuntur viginti quinque librae.
1631. Duae missae privatae qualibet hebdomada, pro quabus
semel solutae sunt sexcenta librae; de quarum impensa aut colio-
catione non constat.
1630. Una missa privata qualibet hebdomada, pro qua legatae
sunt annuatim viginti librae.
16S8. Una missa privata qualibet hebdomada, pro qua solvuntur
annuatim quindecim librae.
16... Una missa privata qualibet hebdomada, pro qua solvuniar
annuatim duodecim librae.
1623. Una missa solemnis quolibet mense cum vigiliis defuncto-
rum, pro qua solvuntur annuatim triginta librae.
1670. Duae missae privatae quolibet mense et una solemnis quo-
libet anno, pro quabus annuatim solvuntur circiter viginti librae.
l.%2. Una missa privata quolibet mense et una solemnis quolibet
anno, pro quabus solvuntur annuatim très librae.
1304. Una missa solemnis quolibet anno, pro qua legata est
annuatim una libra.
Anliquitus duae missae solemnes cum absolutione generali, pro
quabus legatae sunt annuatim octo librae.
LUS FRftRBS FRÊGHEURS DR LIMOGES. 359
1K29. Una missa solemnis quolibet anno, pro qna legatae saat
annuatim quinque Ubrae.
15â9. Una missa solemnis qaolibet anno, pro qaa annuatim
legata est una iibra.
1S69. Duae missae solemnes qnolibet anno, pro quabus legatae
sunt annuatim quinque librae.
16%. Una missa solemnis quolibet anno; pro qua solutaesunt
semel quadraginta librae ; de quarum expensa aut coUocatione non
constat.
1627. Una missa solemnis quolibet anno cum Tigiliis defunctorum;
item, altéra missa solemnis qualibet etiam anno ; pro quabus sol-
Tunlur annuatim quatuor librae et decem solidi.
1627. Très missae privatae singulis aonis, pro quabus solvuntur
annuatim viginti solidi.
1628. Viginti missae privatae quolibet anno, pro quabus solvun-
tur annuatim quinque librae.
1632. Gentum quinque missae privatae et suptuaginta octo so-
lemnes, pro quabus solvuntur annuatim circiter viginti quinque
librae.
1640. Una missa solemnis quolibet anno, pro qua semel solntae
sunt centum librae in construclione dormitorii consumptae.
1611. Una missa solemais qaolibet anno, pro qua legatae sunt
annuatim très librae.
1646. Una missa solemnis quolibet anno, pro qua solvuntur an-
nuatim duae librae.
1652. Quadraginta quinque missae privatae quolibet anno, pro
quabus solvuntur annuatim septemdecim librae.
16... Quatuor missae privatae, pro quabus dantur annuatim
viginti quinque solidi.
1666. Duae missae solemnes quolibet anno; pro quabus legatae
sunt annuatim duae librae.
1656. Sex missae privatae quolibet anno pro assecuratione ali-
cujus legati fundatae.
1662. Sex missae privatae quolibet anno, pro quabus legatae
sunt annuatim très librae.
1666. Una missa solemnis quolibet anno, pro qua solvuntur an-
nuatim quinque librae.
1668. Duae missae privatae et una solemais cum absolulione ge-
nerali quolibet anno, pro quabus legatae sunt annuatin très librae.
Psalmus Deprofundis et prosa Stabat singulis feriis sexlis ; pro
quibas solutae sunt semel sexaginta librae.
Praeter istas fundationes sunt et aliae aatiquae septingentarum
360 SOCIÉTV ARCBéOLOGIQUB ET UISTORIQUE DU LlMOUSI!!.
octoginta quinque missarum privatarum et quadragînta quinqne
solemnium, quolibet anno, notatae in veteri cpdice e pergameno
post iteratam conventus destructionem, quibus non fuit satisfactum
usque ad presens tempus, tum quia ignotae erant, tum quia reditus
annuus aut coUocatio nuUo modo apparent nisi in quatuor aut
quinque casibus.
F. Joannes Grosier, supprior.
F. Martinlies probablement Marti-
• netus(«ic) Nicolas, yicarius.
F. Joannes Lagouote, scindicus.
Les Archives de la Haute-Vienne, fonds des Jacobins, contiennent
des pièces relatives à quelques fondations :
1<» Rentes et fondations, n" prov. 3836.
2* Fondations d'anniversaires par Isabelle de Venladour (1277),
n^ prov. 4406.
3" Rente pour fondation d'anniversaire par Bernard de la Por-
cherie (1284), n» prov. 8304.
4* Legs d'une rente à Feytiat pour un anniversaire (4340),
n* prov. 4827.
5® Fondation d'anniversaire par Mathieu Botin (1404), n® prov.
4406.
6'' Legs fait par Guillaume MioUs pour deux anniversaires (1417),
n» prov. 4895.
7* Fondation de Gautier de Pérusse (1422), n^ prov. 4157.
8* Fondations d'anniversaires. Pièces de procès (xiv«-xvui«
siècles), n* prov. 3854.
TABLE DES MATIERES
DES DOCUMENTS SUR LES FRÈRES PRÊCHEURS DE LIMOGES
PuNDATio irr PRiOREs coNvvNTus LsMOviCBNsis, aoclore Bernardo Gui-
dODis S6i
II
Mbmokialu peo gonventu Lemovigensi 283
I. — [FuDdatio prions et posterions conventus Lemoviceosîs] S83
II. — De morle domini Durandi episcopi Lemovicensis 291
III. — De bcD^ticiis et morte domini Guillcimi de Malomonle 303
IV. — De reliquiis Colonia Lemovicam adsporiatis 993
V. — De beneliciis Slephani Lespaiers el alioram 993
VI. — Litlerae commendaiitiae domini Durandi^ episcopi Lemovicensis 994
VII. — Litterae domini Aymerici, episcopi Lemovicensis • 994
VIII. — De celebratione oflicii ecclesiastici in ecclesia nova, et conse-
cratione majoris aitarîs et atiorum minorum allarium 395
IX. — De dedicatione ecclesiae nostrae Lemovicensis 996
X. — De qnibusdam reliquiis in ecctesiu iioslra reposilis 398
XI. — De aliquibus capitulls tam provinciaiibus quam generalibus in
conventa Lemovicensi celcbraiis. 398
XII. — Sequitur séries capitulorum Lemovicae celebratam 999
XIIL — De sepalturis insignibas conventus Lemovicensis 300
1. [De fratre Petro de Sancto Asterio, episcopo Pctragoricensi] 300
3. De illustrissimo ac venerabili fr. Bernardo Guidonis 301
3. De illustri ac venerabili fr. Bernardo Bruni 303
4. De venerabili fratre Martiali Boyol 30l
5. De lumalo domini Dupeirat canonici 304
6. De epitapbio Elizabeth de Ventodorio 305
7. De sepulcris comitura de Quadris 305
8. De insigniis et sepuliuris qaorumdam nobilium 306
XIV. — Nomina fralrum qui in conventu Lemovicensi floruerunt ab
anno MCCXX<» usqae ad presentem \ 693»» 306
I. [De venerabili fratre P. CellaDÎ] 306
9. be venerabili fratre Gerardo de Francheto 307
3. De venerabili fratre Hugone de Malamorte 308
4. De venerabili fratre Stéphane de Snlaohaco 308
363 TABLE DES MATIÈflBS.
Page».
5. De venerabili fratre Helia Navarra 309
6. De venerabili fratre Geraldo de Sancto Valerico 309
7. De venerabili fralre Nicolao de Monte Maurilii 310
8 De venerabili fratre Joanne de Chaslancs 310
9. De venerabili fratre Petro de Miilceone 3H
40. De venerabili fralre Joanne de Nontronio .. 311
1 1 . De venerabili fratre Petro CopeUi 311
H. De venerabili fratre Yterio de Comprenaco 312
13. De venerabili fratre Joanne Balistario 3U
14. De venerabili fratre Radulpho de Quadris 3U
15. De venerabili fratre Petro de Riperla 314
16. De venerabili fratre Gaidone de Monpreset.. Zif^
17. De venerabili fratre Rogerio de Ageduno 315
18. D^ venerabili fratre Petro Geraldi de Francheto*. 1 315
10. De venerabili fralre Briccio de Peirato 315
20 [De venerabili fratre Slepbano Racaldi] 316
21 . [De venerabili fralre Petro Audlerii] 3l6
22. De venerabili P. Cernardo de Cella 316
23. De venerabilibus fratribus Joanne Rigaldi et Nicolao Paula, etc. 317
a/ Joannes Rigaldi et Nicolaus Pauta 317
bl Joannes Mitrili TAl
cl Relias Marlelli 317
d/ Aymericus Haumeti et Leonardus 31"?
el Aymericos Garpentarius 317
fl Hugo de Munie Valerio 318
ji/ Nicolaus de Prlno 3i8
hj Aymericus de Bario , 318
i) Guilelmiis de Pianis 318
jl Joannes Molini 318
kj Peirus Borqueli Sl8
Il Petrus de Jutella 318
m/ Relias Telfondi de Gora 318
ni Relias de Manaco , 319
0/ Petrus de Rupe de Reses 319
tl. [De venerabili fratre Guilelmo de Forcellis] 319
25. [De venerabili fratre Slephano de SiaîaRioate} 3i0
26. [De venerabili fratre Petro Borneti] 3*0
27. [De venerabili fratre Joanne Mauricii] 3Î1
28. [De venerabili fratre Gerardo Rosardi de Nontronio] 3îl
29. [De tribus fratribus ad cardinalatum assumptis] 3i2
al Frater Gerardus de Sancto Adamaro 3*2
b) Frater Joannnes de Molendino 32i
c/ Frater Guillelmus Sudre 3î3
30. [De venerabili fralre Arnaldo Troiaodi] âi3
.'Jl . [De illustrissimo fralre Joanne de Podio nucis] 324
Exemplar epistolao quam sanclus Vincentius Ferrariasscripsit ad
Reverendissimum Patrem Johannem de Podio nucia 3î4
TABLR DKS MXTIÈRES. 363
Pages.
Vigesimus primus Magisler ordinis Praedicatorum, necnon
vigesimus secundus el vigesimus tertlus. . . 328
39. [De venerabili fralre Joanne Malhaci] 3t9
33. [De venerabili fratre Joanne Peconeti] 329
34. [De venerabili fralre Joanne Mazelier] 329
35. [De venerabili fratre Aegidio Berton] 329
XV. — De reformatfone conventus Lemovicensis 330
ICVI. — Obitus fratrum posl introductam reformaiionem 333
1 . Fraler Dominicus Buisdeiigand 333
2. Fraler Franciscus Secousse 333
3. Fraler Joannes Desnols 333
4. Fraler Hyacinlus Saint 3C3
5. Fraler Thomas Gergoi 333
6. Fraler Ludovicus Bertrand 334
7. Fraler Hyacinlus Binel 3)4
8. Frater Geraldus Garcias 334
9. Fraler Gabriel Faucher , 334
iO. Fraler Nicolaus Pricquel 334
1 1. Fraler Franciscus de Lomenius • 334
42. Fraler Raymundus Bodet 335
13. Fraler Ludovicus Lncour * 335
44. Frater Imbrosius Bonet é 335
15. Fraler Antoninus Combellos 335
46. Frater Bernardus Carrière « 336
17. Frater Henricus Golumbus «..^ d3é
1 8. Fraler Hyacinlus Grouchaad' 336
19. Frater Dominicus Drapeiron • • 336
90. Frater Vincenlins Lansade. . • 339
91. Fraler Pelrus André 340
92. Fraler Josephus Chastagnac é 340
93. Frater Jacobus Tirebas * 34i
94. Fraler Josephas Romanel ...«..«.. 341
95. Fraler Marlialis Boubiai 344
26. Fraler Raymundus Monrejaud .341
97. Fraler Joannes Duclareix. . « ^ « 342
98. Fraler Jordanus Robi 342
99. Dv5 venerabili P. fr. Pelro Poileveo *.*,. 342
30. Frater Joannes Laschenaud ««.«.#«.... 344
31 . De venerabili P. fralre Petro Chastagnac *.. » < . . 344
39. Fraler Hichael Bonardeau « .<.....««..■• 346
33. Frater Anlonius Lagrave ^ 348
34. Fraler Dominicus Froment 318
XVII. -- [BuIIa Pauli quinli pro reformalione conventus Lemovicensis] 349
ni
FuodatioDes missarum « . « <«.<«......• 354
DISCOURS A LA LOUANGE DES LIMOUSINS
Ce discours, que nous avons trouvé dans un grenier de Tulle, peul être
daté, selon nous, du siècle dernier, et nous oserions presque le remonier
jusque vers 1738, malgré les détails qu'il conlienl sur noire manufacture
d*armes de Tulle et la vogue lointaine qu'il lui attribue légitimement.
Tulle, en effet, a près de trois siècles, à notre avis, de fabrication des ar-
mes. Il résulte de diverses commandes, par lettres classées dans nos papiers
et écrites il y a plus de cent ans, que les fusils de luxe que Tinduslrie
privée y faisait pour la chasse, n'étaient pas moins en faveur que ceax
destinés à « Tarmée du ponant. »
Nous placerions donc volontiers ce panégyrique, d'une bonne latinité, et
d'une saveur originale pour nous gens du pays surtout, sous l'épiscopat
de Mkt Duplessis d'Àrgentré, prélat qualifié vénérable par La Biche et qui a
laissé divers ouvrages philosophiques et de théologie. Le professeur, un
jésuite sans doute, qui s'adresse ainsi par dessus l'épaule des élèves du
collège de Tulle à la région tout entière, dit-il : LemooLcus, n'était sûre-
ment pas du Bas-Limousin, notre compatriote, comme en témoigne sa lati-
nisation exotique des noms de lieux, tels que le Puy-d'Arnac, en réalité,
Podium-Asnaci, Le Saillant, El Salhent, de Salhento, etc.
On remarquera les détails qu'il nous donne sur les gondoles ageuaises et
le bel éloge de nos savants.
J.-B. Chahpeval.
LEMOVIGORUM PANEGYRICUS.
Mirum forte cuipiam videbitur, auditores, quod Lemovicus, de
Lemovicis, apad Lemovicos aiideat disserere : quorsurn vero? — An
quia laudare se neminem decet? Quasi vero quod Gracos oratores
de Grœcis, Romanos de Romanis decuit olim, hoc idem me non
deceret. An quia in vestras laudes nimium effusus, adulationis
mihi famam turpiter inurere videar vobis? Quasi detracla veritate,
vestram milii liceat gratiam aucupari. Quanquam tamen ita sumus
anime constituli feré omnes ut (]uidquid de natali solo dictum est
gloriosius, universim in nos illud idem atque avide recipiamus.
Verum con(idite, auditores, niliil alienum fictitium nihil ibi inea
DISCOURS A LA LOUANGE DES L1M013SINS. 365
haec proferet ralis ubi se sine fuco prsebeat videndam simplex nu-
daque veritas. Non enim sum ego ex hiis qui amore patriae obcae-
cati, quidquid in eâ gloriosum vident, gloriosius enumerent ad
ostenlationero ; turpe autem quidquid animadvertendum turpiori
pudore dissimulent. Ea dicam qusB oculis subjecta fidelibus nemi-
nem fallant; quse invitis auribus commissa neminem effugiant;
quae certis consignata litteris, neminem decipiant; imo et fidem, ut
à fontibus minime dubiis proficiscuntur, Tel à nolentibus extor-
queant.
Duo bîc igilur occurrunt celebranda in vobis, Leraovici viri :
vester nempè labory religioque vestra, iaborem dico indefessum,
illaesam apello religionem. Quod geminum laudis nostrae caput
opationis gemino dum capite demonstravero, vestra me bénigne
excipiat comitas, sustentet benevolentia, audiat humanitas!
Faveas dicenti, prœsul illustrissime, pro tuo ita singulari in litte-
ras amore, ut juniores musarum alumnos in hoc uno inlentos velis,
quibusque ad nugas dum omnes prsecludis aditus reconditioris
litleraturae penetraiia reseras. Faveas non minus pro tuo in reli-
gionem studio : argumentum enim mihi incumbit ejusmodi, ut ma-
jorem in eo sibi partem religio vindicet. Unum vereor, ne qua-
rum in ecclesia Tutellensi virtutum quotidie testis ipse es oculatus,
earum numerum ne minimum quidem mea non comprehendat
oratio.
Favebis dicenti. Major urbis sapientissime, intervalla negolio-
rum, et ita otio dispunges ut particulam aliquam saltem pretiosi
tcmporis quod in nostra omnium utilitate impendis oratori mihi
quamlibet tenui, ultrô sis concessurus. Non id moleste ferel amata
perinde conjux ut amabilis, uni tibi concessa, ut uni tibi concc-
denda, uni tibi data ut uni tibi danda; marcescente invidiâ, tabes-
cente malitiâ, approbante sapientià, piaudente oppido, communi
que omnium hominum suflfragio.
Favete et vos quotquot adestis, auditores ornatissirai, vestris in
laudibus ibi non immorabor ubi tota mea vestri praeconium suscipit
oratio.
Prima Pars.
Nascimur omnes in labore et ad Iaborem; neque alia servis, alia
dominis, nascendiest conditio. Vitae tamen nécessitas quamvis dura
illa sit, durior in aliis, in aliis esse mitior, saepenumerô solet. Pro-
vinciis quibusdam sic favit praepolens rerum moderator, Deus, ut
mitiorem cœli naturam sorlitae benigniorique solo perfruantur. Op-
pida quaedam sic locuplelat, utlargas illis opes impense distribuât.
366 SOaÊTR ARQBÉOIOGIQUB VT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Viros qnosdam sic informât, ut in eos ingenii sagacitatem, judieii
acumen, merooriaB felicitatem abunde conférât ; dumreliquis haec
omnia minus asquà manu elargitur. Verùm enim verô quibus favet
minus, sedulitate illi atque industriâ natara& vices supplere, com-
moda quasi elapsa revocare, fortunaB bona, labore summo compa-
rare, ita ut undë invideant nemini, unde omnes invideant sibi
habere se glorientar.
Vestra h^c omnium sors est, Lemovici viri, qui natursB parum,
arti debetis plurimum; qui quantô aliis naturâ, vos lanto iliis supe-
riores labore esse existimo.
Quibus ergo in rébus Lemovicorum se proditlabor? In iis tribus,
ni fallor, in agrarum culture, in mercatnrœ studio, in sdentiarum
percepHom.
Ponite vobis ob oculos, auditores, Galli» partem illam, quae
tonornm instar musicorum desultoriis undequaque coUibus eminet;
nisi forte sparsi hinc et inde saltus perfringant oculorum aciem.
Cernite animo agros, naturâ sylvestres, lapidosos, stériles et
malignos, iisque passim quibus scaturiunt fontibus superena tantes,
ni vestrum cum pede animum alio transferre suadeant, et tradn-
cant ad meliora. Gontemplamini ipsius terrae cœlum crassum illud
quidem ac dubium, ita ut frigidum ac tenebrosum cum liquuntur
vicinorum montium nives, liquatis nivibus fervidum sit ac lorri-
dum : nisi forsan aëris inclementia obvalato {sic) licet capite
regredi cogat vos vel invitos. Quo tuo jam cunque est qui, hœc
omnia ubi oculo lustraverit erudito, qui non exclamet protinus;
Solum illud, non hominum sedes^ sed ferarum recessus voluit esse,
imo debuit !
Noii, quaeso, reclamare, vir bone! quisquis es, vldisti patrisB
concessum à naturà munus, artis admirare opus deinceps, prope
dixi miracula intuere. Operosi hue adesle, quotquot estis coloni,
illo non minus pervigiles viro, qui dolere se aiebat quolies antelu-
canâ opificum victus essel industriâ ; hue inquam adeste coioni, et
dignes laborura fructus meo huicce viro coramonslrate, jam vides
ut vel in ipso itineris exordio sylvestrem agri dediscant animum,
ut déclives molliter pedibus areas subjiciant colles, ut in cacumine
ambulacra quibus coronantur sylvae frugiferae utiliter exhibeant,
ut ipsae rupes (quod non credat nisi qui viderit), gravidis onerentur
messibus; ut aquarum scaturigines certis quibusdamin locis coarc-
tatsB, in varies deinde canales influant, pratis irrigandis idone» ;
ut omnis omninô generis arbores adolescant in poma Hesperidum
pomls invidiam factura; ut adornati floribus innumeris horti, spi-
rent soavissimum odorem et verni temporis imaginem continuam
prsB se feranl; ut in vitibus uvœ purpurescant turgidœ; ut et ubi-
DISCOURS A LA LOUANGE DES L1M00SINS. 367
que demùm tellus agricoIaruEn labarl non minus quam Totis res-
pondeat. Alque illud à me assentatoriè magis qaam verè pronun-
ciatu Yideatur.
Teates vos apello, Saliani (1) colles, qai non tam ad nostram
quam aliorum sitim reslinguendam, liquores ministratis suaviter
ignitos, lené mordicantes, sincère limpidos; et vos à Sancto Basilio
vina qua non minorem in pola suavitatem quàm ab baustu sala-
britatem relinquitis I Vosque generosa Pidamacea pectori arnica
magis si minus generosa 1 Magnum hoc profectè vinitorum opus!
Qui dissolvere illud ipsum quod sociaret natura non récusa verunt ;
dum solidos dies pendentes de rupe» novelleta ut conserant ipsis
rupibus excavandis impendunt quidquid babent industriaB ac
laboris.
Testes eritis, et vos, Subterranenses tractus, vos Treniacenses^
vosmetipsi Ussellenses, qui totidem veluli proviaciaB frumentariae ne
patiamur esuriem prastô estis, vestrasqae fruges in borrea nostra
simul devolvendas studiis rivalibus depromilis. Desinant postea
populi nomini nostro infensi — castaneas— deridendo mensisappo-
nere; malim nos apellent verum ut falear, frurnentarii esores
panis (2); magnum hoc profectô agricolarum opus qui variis tempus
satibus assuefacti agros sudantibus membrts humectarum etterram
fruges abnuentem fieri feracem coegére.
Teslem te apello, Donzenacum, cujus persica inter tôt fructuum
delicias, indice vel oculo morsum invitantia salivam nostram com-
movent; quamquam quid dico noslram dum coronandis aulae régime
mensis inserviunt, Lutetiam translata. Magnum hoc profectô olito-
rum opus! Qui surculos modo terebratos, modo perticatos, modo
coronarios inserunt industrii juxta ac laboriosi.
Ât si noster in agrorum cuUurd se prodit labor^ an minus in
mercaturœ studio? an magis illud idem inquirendum.
Fluvialibus oppidis, urbibusve marilimis, mercaturam exercere
neque difûcilis neque operosa res est, auditores; illis enim unda^
prasterlabentes viam indicant quam ingrediantur ; hue illuc convo*
lantes alienigenae docent, quas construant naves asportatœ merces
(4) Le Saillant (Voutezac et Allassac). Saint-Razile-de-Meyssac, jadis
Saint-Baudile, Sancti BaudilU, et Le Puy-d'Arnac, Podium Asnacij trois
erus e<«UiDés du Bas-Limousin.
(2) Dicton : Limousin^ mangeur de potn^ màche-raoes. — Si La Sou-
terraine, Treignac, Ussel sont les greniers du Limousin, d'après ce dis-
cours, Donzeoac en est le verger, car il produit d^excelleots fruits. Voyez
nos Prooerbea patois da pays, en vente 2 l'r. chez M™* Ducourtieux, à
Limoges.
368 SOCIÉTÉ ARCHÉ0L06IQUR ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
divendendas exhibent; opes comparataB, comparandas offerant;
periculis assuefacli pericula timere vêtant; verlitur timorin felicem
atidaciam; felix audacia commercium instituit, fcvet, amplificat,
verum hue! Quam dispar conditio vestra est, Lemovici viri^ qui
quominus nalurâ potestis, subsidio vobis diligentiam comparalis.
Confidite tamen, vobis est pro mari continens, equi pro navibus,
pro gubernatore indastria, nautica pro pixlde inopia, nummi pro
vectoribus, oppidapro portubus, unde freti tumulluantis procellas,
naufragii expertes placido intuemini oculo.
At enim quid hoc est? Men'ludit error amabilis? Vestrurn est
mare cum suis navibus, vestrae naves cum suis mercibus, vestra^
merces cum suis auctoribus, vobis panditur forum argenlarium,
vobis patet syngraphus, curandis mensarià permutatione pecuniis.
Angles jam video ab aquilonibus properantes, Batavos à paludibus,
Hispanos ab australi plagâ, insulares ab insulis, solis ab ortu
Syrios, cœterosque Asiae populos, nummorum vacuos, quia mer-
ciura plenos. At Lemovicos siraul video plenis se fundentes itineri-
bus, ex eâdem provinciâ, sed varium ob flnem proflciscentes ; hic
Anglorum coria, cum butyris Batavorum quaesilurus, Burdigalam
traducitur; ille Hispanorum lanas exculturus, Baionam deducitur;
alii insularium saccharum expurgaturi Rupellam transvehuntur;
alleri trabum fabas torrefacturi oris appeliunt Aremoricis. Praeler-
quam, quôd ut iia transmigrent, non sunt multum adhortandi,
quippe quos turmalim hùc illûc advolanles, cogenle nemine, quol-
annis videmus : an tamen opimis aliorum spoliis locupletati, vos
auditores, ab aliis victos patiemini? Nihil ne vobis erit vicissim
quôd in exteras regiones deducatis? Erit profectô aliquid, non
tantâ cum uberlate, sed non minori cum utilitate. Sunt et erunt
boves qui ruslicis an te laboribus exercebuntur quàm impinguati,
aliéna delibent pascua, alibi devorandi. Sunt et eruni equi, cursu
celeres, crure expediti, cenice ardui, brèves alvo, dorso rolundi,
quos honorificè conscendant provinciarum nobiles, quippe qui ad
honores non ad onera nati, honores tuentur, onera deponunl. Sunt
et erunt, atque hoc vobis peculiare, viri Tutellenses, sunt et erunt
catapulta, qwx miroelaborataeartificio, Rupefortiumtransvehantur,
in regiis servandaî armamentariis; unde, flagrante belle, depromplae,
hostiles frangantimpetus, et licet in oppido omni ex parte indefenso
fuerint fabricalsB, oppidum tamen illud reddant quasi Galllae totius
propugnaculum. Sunt et erunt castaneœ, qusB quanquam ab longin-
quis regionibus despeclœ, avide tamen ab iis recipiantur, ita ut suam
non minus doleant quàm nosmetipsi sortem dolemus noslra.m,
cum, cœlo minus favente, earum quoque minor copia facta sit.
DljGOCRS A LA LOUANGB DES LIMOUSINS. 369
Sanl et erunt encausticœ imagines (i),i\^uvdd, vasa, lineamentis des-
cripta, coloribus temperata, arte configurala, umbrâ ac luce apte
composita, omûibus pingendi lenociûiis adornala, qualia perilus
Zeuxis, doctus Apelles, aut celebris Parrhasius anliquilus descrip-
sisset : qualia efformare qui voluerunt œmuli non ignobiies certaDdo
victi tenuilatem confessi sunt suam, victoribus vobis debitam lau-
dem coDcedendo, laudem vestram tum industriam penilus pers-
pexere.
Vestri me miseret, viri Aginnenses^ qui dulci quod vobis offert
curstis cimbarum reciprocm spectaculo frui gaudelis molles ac desi-
des dùro natursB benigûioris aura afBati, urbem vestram divitiorem
opibus deliciis cumulatiorem pleniorem incolis reddere vobis lici-
tum foret.
Vestramdoleo sortem, viri Engolismenses, quos genio indulgentes
liberaliler, in adornandis opipare conviviis unice videmus occupa-
tos, ut vestrâ modo mensâ excipiatis hospites splendidè ac ma-
gnifice alienâmodo quadrâ, eodem quoque apparatu ab iis vicissim
excipiendi; dùm civitatem vestram eam in quâ maxime floreret
commercium reddere facere liceret vobis absque labore summo,
non levi tamen hujus increraento. [Quo neglecto dicere caetera ne-
cesse estj (ces mots sont raturés).
Veslra me tangit ignavia, Santones viri qui Engolismemiutn ins-
tar victitantes, quô blandius suum vivendi suadent modum eô faci-
liùs admittitis œmulando, pêne dixerim, amplificatis admiltendo.
Dùm mercaturae labores amovetis, temere ad solem reclinati, in
vos apprimé cadit maligna vestrae genlis apellatio.
Nuuc autem, ne oratio longius progressa videatur, quem in merca-
turœ studio laborem vidistis, eundemin liberalibus disciplinis videte.
Quod si quis affirmanti mihi minus assenserit, intueatur in eos qui
in hoc adsunt concilio, ingenio et doctrinà praecellentes viros qui-
que docti sermones utriusque linguae, alienis minus spoliis videntur
divitcs quàm de suo locupletes, sivè in congressu ubi reconditioris
litteratnrae opes, parce non tàm quàm fuse explicant, sive in foro
ubi reddunt populis jura, ornatae rationis pondère suffulti, digni
certe qui Themidem Parisiacam suis cohonestarent judicibus et vel
ab îpsâ vicissim cohonestarentur, vivos tamen et praesenles orait-
tamus sanè : malo enim ne unum quidem nominare quàm debito
quemquam fraudare testimonio. iEtates retrolapsas potius mecum
interrogate.
Muretum admirata quidem es, Roma^ cujus in variis lectionibus
ubertatem etpicturam, in orationibus granditatem« in versibus pie-
(4) Émaux de Limoges.
370 SOCIÉTÉ ARCHKOLOGIQUK BT IltSTORIOUK OU UMOUSIK.
tatem et elegantîam, in disputationibus sublililatem, in epistolis
suavitatem, in schoUis veritatem, aoimo percepisti; nascentem non
vidisti ! hoc Ubi munus indulsii pagus cui Muretus nomen : et unft
quidquid in TtUlio sublimius, quidquid pleniusin Horatio, qniAqmd
in Plinio suavius, tuis assertom roœiiibas invexit.
Baluzium admirata es, Lutetia, non illum quidem criticum in
judicando [severiorem] (semble raturé) faciliorem, celeriorem qui
opus quodcanque probaret vel reprobaret, prout brevi teniporis
spatio placuisset inter legendum Tel displicuisset; non morosam
illum ac difficilem qui limam in authorem exacueret censoriam; non
invidum illum ac severiorem qui oblreetalione operis alieni glo-
riam sibi malignam compararel, sed qnalem debuit esse is qui doc-
tissime eruditus gloriosum eruditi nomen jure sibi adeptus est,
sire in disculiendis operibus alienis, sive dùm suo perpoliret. Sed
veloces nascenti spiritus afilavere Tutellenses, et ingeniam exco-
lendo quidquid habuere illustrius dederunt tibi summè libérales
Auratum admirata es, Burdigala, et musas ipsius ore loqaentes
audiisti, sive dûm sonos ederet molles et elegiacos, sive dùm 6a-
rumnas ripas canora pulsaret testudine, sive dùm heronm facla
celebraret egregius olor, at quam tibi commodavit Lemovicum jure
sibi vindicat!
Innumeri sunt et alii quibus apellari à me, non tàm honorificum,
quàm erit à vobis desiderari gloriosum. Qui ergo in agrorum
culturà, in mercaturae studio, in scienliarum perceptione se prodit
labor indefessus apelletur necesse est quod priore loco demons-
travi, illaesam verô esse religionem hoc altéra orationis meae parte
snperest demonstrandum.
Secunda Pars.
Religioso licet populo nil pulchrius, nil tamen hoc nostro rarius
saeculo, audilores, qui enim se religiosos haberi volunt, nil minus
plerumque quàm religionem amant. Quam loquuntur inter omnes
pauci norunl, qui praecepta admirantur exempla refugiunt, qui
jugum intuentur jugum excutiunt impie audaces. Grescente audaciâ
crescit impielas, quae si semel primarios ac nobiles invadat pestis,
grassatur in infimes brevi tempore contagio et quam ^nfelicem
bonis labem moribus non aspergit! Simile quidpiam in vobis nil
doleo, Lemovici viri, sic enim ego promptes alque alacres ad vête-
rem retinendam religionem, ut ad falsam rejiciendam recentium
hereticorum doctrinam extilisse cognovi.Unde autem patet illaesam
adhuc esse religionem veslram? Ex hoc triplici momento : ex
morum probitatey ex heresum fugd^ ex fidei monumentis, quae Iria
breviter atque ordine perstringo.
DISCOURS A LA LOUANGE DKS LIMOUSINS. 37 f
Probitas worww, patri» decus, civium utililas, religionis colu-
men, jure sempcr extitit; quamdiu viget florent imperia, lutantur
leges, religio manet; altis semel defUa radicibus nullà vi uaquam
labefaclari potest, in tempestate qaiescit, in tenebris elucescit, in
prosperis noD inlumescit, in adversis non concutitur ubique de-
mum sibi conslal. Ubinam autem reperielur in vobis, auditores? —
In quâlibetvitaB condlttone.
Videte eam apud nobiles qui jure suo non abuluntur ad injuriam,
qui e suprême dignitatis gradu descendunt aliquando, ut quoties
occasio tulit tanto inferiores infiniis familiariler fiant quantô iUis
dignitate snperiores. Qui opes adaugent non ut divitiores évadant,
sed ut se prsebeant munificenliores, qui timeri dedignantes, volunt
amari, qui oderunt servitutem libertatis amantes, qui tyrannidem
aspemantur reverentiae studiosi, quique ita dominatum exercent
quasi rêvera non dominarentur. Animadvertile eam in agrestibus
qui anliquam aetatis aureae simplicitatem redolentes, moîle pcra-
gunt otium securi; qui omni fœnore soluti partam hereditario jure
lerram bobi^ exercent suis, liberis transmittendam; qui dominorum
ntilitati potius quàm suo serviunt incremento ; qui nocturnis iabo-
ribus diurnisque fracti' vitam degunt omni carenlem iabe et si à
laboribus quiescant aliquando, sive in viridi gramine, sive in um-
brosis collibus, sive in margine ripae considentes, jocis non nisi
innocuis exhilaranlur.
Gircumspicite eam inforo ubi taies Themis habet judices (quales
hîc oculis designare licet complurcs) viros, qui res suas attendunt
minus quam res intelligant aliénas, qui jura nonint ideo ut rectum
ament, qui vindices legum, legibus obtempèrent, qui ^everè mise-
ricordiae tribuant multum, qui duriter gratiori nihil omnino gratiae
indulgeant, quique justi tenaciter aequitati demùm omnia concédant.
Intnemini eam in mercatoribus qui fideliter callidi calliditatem
à fîde nunquam sejungant; qui honestë avidi de die in diem iucri-
faciant; qui parce fenerantes commodant suum ut reposcant suum
parce amplificaturo; qui nunquam fraudulenti nunquam sunt alié-
na; rei decoctores; quique suo demum contenti fato vivunt moran-
lem fortunam expeclanles.
Spectate eam in re militari ubi noslros sic habet Mars alumnos
animo fortes, manu promptos, viiae sapienler prodiges, ut regem in
solio cum cœleris el prœter cœleros tueantur; qui non indecoro
pulvere sordidi, commilitonum gloriae nihil invident suae tantum
modo studiosi quique tandem palmissi redeant cohonestati pulchro
sese in olio, non desidiosi conlineant.
Observate eam in clero, ubi Dei viventis reperire sit ministres
qui pietate (en interligne, le copiste semble avoir écrit malicieuse-
ment et en sourdine : pape lar)y vigilanliâ et sedulitate insignes,
372 SOCIETE ARCHÉOLOGIQUE KT HISTORIQUE DU LlHOU&lK.
omnibas in suâ quisque conditione praeeunt exemplo; sive qui ad
sublimes erecti gradas solidam diem in horas partiunlur ad sacri
pensa ministerii persolvenda, quique dulci modulamine caelitum
choros pic aflfectu imitantur in terris : sive qui inferiores quamvis
facli oviam pastores, dùm lupos ab ovilibus arcent, et oves à pabu-
lis nocentibus; sive qui infimi dùm devotà simplicitate in minimis
exercent sede, majora impetraturi aliquando; sive in tenerarum
seminario plantarum quse irrigatae auris lepentibus floribus purpn-
rascunt fructus olim editursB, fidèles nempë ne unquam tollant?
educatorum manus.
Cùm autem eâ fueritis probitati morum, hereseos venenam hûc
ad vos dimanâsse nunquam, pari vel potiori jure contendo.
Recurrant in anirais omnes haereseon fluclus et tempestales qui-
bas veluti submersas fuerunt lot Galliarum provinciae. Faerunt
illaBquidem luctus noslri caasa; nec tandem exempli incitamenlum.
Diversas indaerunt formas ut simplicium deciperent oculos; at
columbarum simplicesoculi, aquilarum facti suntocuU perspicaces.
Delegati ad nos fuerunt erroris magistri, eos refellerunt discipuli
veritatis. Armatis viribus accesserant ipsae, constanliae vi repulsae
cesserunt loco ; neque ullam non dico regnantem, sed nec manea-
tem introspeximus, quaenam enim vero apud nos dorainaretar.
An Ariana impietas? an Eutychiana tabès? Altéra divinam Christi
naturam alrâ caliglne obscurabat; naturarum in Ghristo discrimen
auferebat altéra ; hoc satis ut utramque repudiaret constantia nos-
Ira repudiavit.
An domestica pestis Calviniana, quse magnam occupavit regni
partem? At sublatâ veteri, novam aedificabat ecclesiam; at Deum
iramisericordem, hominera coactum, sacraraenta sine re exhibebat,
et hoc ipsum satis ut repelleretur, repuisa est. •
An e Calviniano prognata semine novitas Janseniana? Ampla
verùm et pertinax in consiliis, timida et prudens in incessu, effusa
in progressu, et temeraria, ecclesias retinens ecclesiam reprobal ;
authoritatem (posuit?), de authoritate de flectit, submissionis jugum
exosajugum non excutit, venerata pastores pastores fsicj non au-
dit; vinculum unitatis sensim enodando vinculum non abrumpil;
neque pacata neque belligerans, neque rebellis neque morigera,
crebris confessa vulneribus, vulneribus superstes, pietalis larvâ
vitium dissimulans; nuncia [veri?] mendacii tenax, stabili sede
carens, ,'errabundo quia ex omni parte puisa; illud ipsum plus
quàm satis ut non admitteretur non admissa est.
An Sociniana subtilitas? Qusb nimia subtilitate evanescit,
quae scripturam admittendo scripturaô sensum detorquet, quae non
Deum in Ghristo sed creaturam agnoseit, Arianae similis quam
removimus et idipsum satis ut removeretur remota est.
DISCOURS A LA LOUANGE DBS LIMOUSINS. 373
An SpinosaB eluvies qaae tota in sordibus, spurcitie est infamis,
qui tût Epicuros liabet quot sectarios, qui non sibi placent nisi cum
Yolutantur in cœno libidinum, qui sensuum corporeorum judicio
omnia fere metiuntur; a quâ abhorret natura, humanitas et ratio,
et hoc ipsum satis ut amandaretur, amandata est.
Sola, ergo, apud vos christiana religio quam unam agnoscitis ut
veraro pastoribus ecclesidB adherendo; quod vobis in eâ nasci sammo
Dei optimi maximi beneûcio fuerit concessum gaudentes, iir ei
vivere de vobis vos gioriosius praedicatis, atque foveri eam à vobis
demonstrant egregia qusB extant fidei veslr» monumenta.
Quod enim unquam vel usquam muneris in religioneiu praBter-
missum est à vobis qui per modica intervalla excitatis ubique tem-
pla, excitata exornatis, exornata illuminalis,illuminata conservatis;
qui statuas et imagines in singulis urbium vestrarum angulis ad
publicam proponilis reverentiam, quas eundo et redeundo vosmet-
ipsi pio ritu salutatis; qui insignia crucis in bivio quoque erïgitis,
ut in solo Christiano versari se sciant attoniti qui fuerant primo
hospites et alienigensB; qui sanctorum retiquias apud vos fréquentes
ingenti fervoris spirilu,exusta quoties tellus poscit aquam casiestem
Trequentiori; adhuc comitantechoropervicosetcompitavenerabundi
immensaasportatis, vel quoties nubium glomeraminaagros exundant
resoluta;qui numerosas religiosorum familias hospitio excepistis
etiam non rogati, quibus plerumque et vestes et alimenta dividitis
pié benefici prout singulis opus est quibusque morituri legalam
ssepe saspius scribitis, quasi illi vobis mortuis rerum omnium es-
sent inopes futuri ; qui sodalitates immensis penè sub titulis insti-
tuitis quotidie, ut negotiorum labores pietate temperetis ; qui libe-
ros vestros cavetis iisne magistris quorum dubia fides prsBbeatis
educandos, illos vero committitis eorum fidei, apud quo& non litte-
ras modo, sed multo magis probitatem et addiscant et religionem.
Dum praestita singulis ultro citroque religiosa persequor bénéfi-
cia veslra, quis mihi jure non irascatur si vos de nobis dicendo
ingrate paterer silentio praBtermissos, viri Tutellensesy quibus quan-
tum debeat universum hocce collegium aestimare qui voluerit,
quomodo extiterit à longo tempore, a longo tempore periturum
aestimando si potest, conelur adaequare.
Patetergo ex morum probitate,ex haeresum fugâ, ex fidei monu-
mentis illaesam adhuc esse Lemovicorum religionem, quae altéra
laus vestra est in qua percurrenda quaedara si neglexero vel peni-
tus omisero, hoc in tenuitatem oratoris refundatur ; si votis satis-
fecerim vestris, hoc in vos qui amplam mihi laudum segetem pra-
buistis derivate.
Dixù
T. xxxix. Î4
SOUTENANCE D'UNE THÈSE DE PHILOSOPfflE
AU COLLÈGE DE LIMOGES
En faisant, à la Bibliothèque nationale, des recherches dans un
recueil qui a eu une assez longue carrière et renferme beaucoup
de documents pour l'histoire ecclésiastique du xvm* siècle, les
Nouvelles ecclésiastiques (1728-1803) (I), nous avons rencontré un
document fort intéressant se rattachant à l'histoire de l'ancien
collège de Limoges^ dont nous désirons vivement voir paraître uoe
monographie complète (2). Nous croyons le recueil les Nouvelles
assez rare et la pièce assez peu connue pour que sa reproduction
soit utile dans nos annales limousines.
On y relèvera une vivacilé d'attaque et de critique acerbe qui
tient du reste à l'esprit janséniste du recueil, contre le vénérable
professeur Mitraud et les autres juges de la thèse, et une animo-
site visible contre le collège en général. Mais enfin le tableau de
la séance et des divers incidents qui Tont marquée est, on nous
l'accordera, présenté d'une façon aussi complète que pittoresque,
et ce n'est pas sans un certain sourire qu'on lit le passage relatif
au jacobin et à l'abbé Périgord et à celte sortie grotesque du pre-
mier.
Emile Du Boys.
Extrait des Nouvelles ecclésiastiques {BibL nat, L ^1% c) du
4 décembre 1789, p. 194.
DE LIMOGES.
On a soutenu, le 27 juillet dernier [1789], dans le collège de Li-
mogesy une thèse de Logique, Métaphysique et Morale, qui ne
(i) V. Hatin, Bibliographie de la presse périodique,
(i) Notre confrère M. Leroux a, dans une préface très ample, donné on
aperçu historique de V ancien collège de Limoges en lête de son Inoentair9
sommaire du fonds du collège aux Archives de la Hauie-Vicnne (1883).
SOUTENANCB o'UNB THÈSE DE PaiLOSOPHIB AU COLLÈGE DE LIHOGBS. 975
prouve guère ce qu'où a peu modestemeut avaucé dans le cahier
du clergé du diocèse, que cette maison d'éducation ne se ressent
pas du dépérissement général des études. (Voir notre feuille du
14 août dernier). Deux sujets ont été chargés seuls de répon-
dre, parce que sans doute ils étoient Télite de leur classe, et
qu'on n'en avoit point d'autres qu'on pût présenter. Ils ont paru
cependant fort minces. Cette thèse de Logique a été la seule,
quoiqu'il y ait aussi dans ce collège un cours de Physique et un
de Théologie. Les professeurs de celui-ci sont deux chanoines,
bacheliers ou docteurs de Sorbonne (i), ils ne montrent pas plus
de zèle que les autres pour l'avancement de leurs élèves*
La thèse contient neuf paragraphes. On dit dans le second que
ccle jugement consiste à prononcer sur les idées ; que c*est un
acte de l'esprit; mais qu'on ne sait s'il appartient à la volonté ou
â l'intellect, ou à quelque troisième faculté de l'âme : aut ad ter-
tiam quamdam facultatem; que les philosophes disputent sur ce
sujet, etc. Nous demanderions au professeur M. Mitraïui (2) ce
(4) Le Calendrier ecclésiastique et cioil du Limousin pour l'année 1789
BOUS donne les noms de ces deux professeurs, dont le second est men-
tionné du reste plus loin : Montbrial, bachelier de Sorbonne; Périgord,
licencié de Sorbonne, professeurs de théologie.
(5) M. MUraud était un des deux professeurs de philosophie; Tautre
était {même calendrier) M. Laforest, chanoine théologal de Saînt-Yrieix,
bachelier de Poitiers.
Une nécrologie bien écrite de M. Mitraud a été publiée par les Annales
de la Haute-Vienne (une noie d'Auguste Du Boys nous y a reporté). Le
Ténérnble ecclésiastique, dont la mémoire s'inquiète fort peu des attaques
des NouoeUes^ mourut en 1828, le 8 décembre, caré de Rochechouart,
an milieu de la vénération de ses paroissiens.
c Quelque temps après la chute de celte société célèbre [les jésuites],
nous dit cette Nécrologie, M. Mitraud fut appelé à faire partie du col-
lège de Limoges; la chaire de philosophie lui fut réservée. La Révolution
vint bientôt à éclater ; elle le trouva fort de sa foi et de ses principes ; sa
raison, comme son coeur, repoussa toute indigne faiblesse, toute lâche con-
cession. M. Milrand trouva une honorable hospitalité au sein de la Pologne;
il se livra plus que jamais à son goût par Tbistoire, il étudia l'esprit et les
mœurs des peuples du Nord, et surtout du peuple polonais que, d*après lui,
nous aurait si imparfaitement fait connaître Rulhières. » 11 fonda ensuite,
rentré dans sa pairie, le collège de Magnac-Laval qui devint très prospère.
Il prit la chaire de rhétorique. « Mais bientôt, ajoute la nécrologie, de ce
collège si renommé, d'où sont sortis tant d'élèves, Thonneur de la Société
dans plusieurs déparlements, il ne resta que le souvenir d'une trop passa-
gère illustration. 9(0n sait que le collège de Magnac remonte au xvii*' siècle).
De principal du collège de Magnac, M. Mitraud devint simple desservant
d'une succursale de campagne, et fut ensuite appelé à la cure de Roche-
chouart, qui devait élre sa dernière élapu.
376 soaiTÉ argbéologiquk bt historiqub du limoosir.
qu'il entead par celte troisième faculté de Tâme, qui est inconnue
dans la plupart au moins des traités de philosophie?
11 dit, paragraphe sixième : « Dieu souverainement intelligent
voit les choses présentes, embrasse celles qui sont passées, pré-
voit même les futurs libres. Mais dans quel milieu? Le dise qui
le sait ». Quo autem in mediol Dicat qui noverit. 11 est bien éton-
nant que dans un siècle si éclairé, il se trouve un philosophe qui
ignore quelque chose, et même assez modeste pour avouer publi-
quement son ignorance. 11 faut pourtant le dire, malgré le res-
pect qu'on doit à une humilité si courageuse et si rare; c'est être
par trop ignorant. M. Milraud, professeur de philosophie depuis
plusieurs années ne sauroil pas ce que sait un enfant qui balbutie
à peine son catéchisme ? Qu'on demande à l'enfant pourquoi telle
chose a été? il répondra : c'est Dieu qui Ta voulu. Qu'on ajoute :
Telle chose arrivera- t-elle? Il dira : oui, si Dieu le veut. C'est
donc sa volonté qui fait tout, et il ne se fait rien, si Dieu ne le
veut? Sans doute, parce qu'il est tout-puissant et le créateur de
toutes choses. 11 sera aisé à M. Mitraud d'en conclure que Dieu
voit le présent, le passé et le futur dans sa volonté, dans ses
décrets. Seroit-il possible que ce dogme de la foi et de la raison
fut ignoré dans le collège de Limoges par une douzaine de pro-
fesseurs, tous revêtus du sacerdoce et plusieurs gradués dans des
Universités, même dans celle de Paris? 11 en est sûrement plus
d'un parmi eux qui conuoît ces vérités élémentaires. Qu'il les
apprenne donc à M. Mitraud son confrère, puisqu'il le demande
si humblement : Dicat qui noverit. M, Yitrac surtout n'au2*oit-il
pas dû s'opposer aune thèse qui semble donner le démenti au
témoignage qu'il a rendu dans son fameux cahier en faveur du
collège où, selon lui, les études sont en si bon état. Ne devoit-il
pas craindre, par son silence, de déplaire à M. l'Evéque pour la
première fois de sa vie^ Dieu, comme dit l'enfant, est le créateur
et le souverain maître de toutes choses. Voilà le milieu, ou le
moyen par lequel Dieu voit tous les êtres, tous les événements,
même les déterminations des agents libres. Ne peut-on être phi-
losophe qu'en ignorant une vérité si simple? ou faut-il faire sem-
blant de ne la pas savoir, pour se donner un air de philoso-
phisme ? Si le professeur veut être conséquent, il doit aussi mettre
en question comment Dieu est tout puissant, en quoi consiste sa
toute puissance : Quo medio est omnipotensf Comment sa Provi-
dence gouverne toutes choses : Quo medio est providusl et répondre
à chaque fois : Le dise qui peut : Dicat qui noverit. Ne pas savoir
que Dieu voit tout dans sa volonté, c'est ignorer comment il est
(ont puissant, comment sa providence règle toutes choses.
80UTKIÏANGB D^ONB TBBSB DE PHILOSOPBIB AU COLLÈGK 1>K JMOGES. 377
Nous sommes d'autant plus autorisés à soupçoaner M. Mitraud
d'ignorer ce qui fait la toute puissance et la pro\ i<lruco divines,
au point qu'il seroit fort embarrassé de dire coiiiment il conçoit
l'une et l'autre, que selon lui, Dieu ne conserve pas les êtres par
une action continue, iterata creatione. Dieu ne tient donc pas tous
les êtres dans sa main active et productrice ? Il n'est donc pas tout
puissant? Il n'arrange et ne dispose pas toutes choses selon sa
volonté? Le professeur avoit dit précédemment, dans une thèse
sabbatiney que la conservation de la part de Dieu n'étoit que néga-
tive : Deus négative conservât. C'est-à-dire, que Dieu conserve le
monde en ne le détruisant pas; comme un homme conserva la
maison de son voisin en n'y mettant par le feu.
Suivant M. Mitraud, paragraphe septième, « on peut, absolu-
ment parlant, admettre des idées innées, et l'on peut dire aussi
qu'il n'y en a pas; il dépend de la libre volonté de Dieu d'impri-
mer ou de ne pas imprimer des idées dans notre âme, immédia-
tement et indépendamment des sens. Il faut'donc, ajoute-t-il, s'en
tenir à l'expérience; et il est, sinon certain du moins très proba^
ble que, dans l'état présent, toutes les idées tirent leur origine
des sens ». Cette position paroît être contredite par la suivante où
le professeur dit : « La volonté suit à la vérité les lumières de
l'intelligence, cependant comme elle est libre, elle se tourne du
côté qui lui plaît. Des sentiments innés dans tous les cœurs,
sensus omnium cordibus ingenitiy nous excitent à embrasser cer-
taines choses et à fuir les autres. Il existe donc une différence
essentielle entre le bien et le mal. Il faut donc rejeter avec exécra-
tion les systèmes de Spinosa, d'HelveliuSj de Hobbes, et la fausse
opinion de Puffendorf. Il existe donc une loi naturelle, appuyée
sur des principes inébranlables, qui oblige avant tout, qui ne
dépend point de la volonté arbitraire de Dieu, et qui n'est sus«
ceptible ni d'abrogation ni de dérogation. »
Ces deux positions, quoiqu'elles se suivent immédiatement, ne
sont certainement pas faciles à concilier. Suivant la première,
l'âme peut avoir ou ne pas avoir des idées innées; et l'expérience
prouve qu'il est, sinon certain, du moins très probable qu'elle
n'en a pas. Expei*ientiœ standnm est^ omnes {ideas) in sUUu prx-
senti originem ducere a sensibus. Il est donc au moins très proba-
ble« suivant cette position, que l'âme est créée sans pensée et
sans amour; qu'elle est, au sortir des mains de Dieu, une table
rase, dénuée de toute action, de toute impression, et seulement
capable d'en recevoir par le canal des sens. Dans l'autre position,
au contraire, le professeur déclare qu'il faut absolument admet-
tre des sentiments innés, par conséquent des idées et des amours
378 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGfQUB ET BISTOftlQI}^ DU LIMOUSIN. ' '
innés; que ces senliments imprimés dans notre âme, au momenl
de sa création, sont la base essentielle de la distinction du bien
et du mal et de la loi naturelle. Peut-on plus manifestement se
contredire et détruire d'une main ce qu'on bâtit de Tautre.
Un professeur de philosophie des Jacobins attaqua la septième
position et, la rapprochant de la huitième, prétendit faire voir qu'il
y avoit contradiction à dire, d'un coté que toutes les idées viennent
des sens, et, de l'autre, qu'il existe des sentimens innés, une loi
naturelle,des principes invariables, etc. L'objection parut difficile
à M, de Luret, grand vicaire, chanoine et ci-devant professeur
de théologie. M. Mitraud répondil que par la loi naturelle il
n'entendoit autre chose que le sens pur, sensus purus. Qu'est-ce
que ce sens pur, reprit le Jacobin 7 Quid ille sensus purusl L'abbé
Périgord, qui affecte en tout un air de légèreté, prit la parole et
d'un ton de plaisanterie alloit dire sans doute de belles choses.
Mais M. Martin, principal du Collège, insinua à l'argumentant
qu'il ne falloit pas ainsi pousser son monde. Aussitôt, une troupe
de jeunes ecclésiastiques, qui ne manquent point de se trouver à
ces sortes d'actes, comme auxiliaires, se mit à battre des mains.
Le Jacobin, tout étourdi de cette manière de répondre, salua la
compagnie et s'enfuit.
Il est très certain qu'il n'y a point de loi naturelle, ni de prin-
cipes immuables de conduite dans l'homme, ni de distinction
essentielle entre le bien et le mal, s'il n'y a pas des idées innées,
si toutes les idées tirent leur origine des sens. Helvétius a tiré
formellement cette conférence, en disant que la sensibilité physi-
que et rintérêt personnel ont été les auteurs de toute justice; et en
note, qu'on ne peut nier cette proposition, sam admettre les idées
innées (Diso. 3, c. 4). Lucrèce, en faisant venir les idées des sens,
dit que l'âme est matérielle, et cela est conséquent. Locke n'a
pas jugé à propos de s'expliquer si crûment; mais en faisant
venir toutes les idées des sens, il ne peut dissimuler qu'il croit
possible que la matière pense. M. de Bufion s'embrouille pour
dire que l'âme est spirituelle, ou qu'elle n'est pas matérielle.
C'est sur la même base qu'ont bâli Condillac, Rousseau, Dalem*
bert, Voltaire, de Prades et toute la bande encyclopédique.
M. Mitraud nous permettra de croire au moins très probable que
ces philosophes raisonnent plus conséquemment que lui. Ils ne
pèchent pas par les déductions, mais par le principe qu'ils adop-
tent et qu'ils soutiennent avec tant d'unanimité et de zèle.
Pour faire à M. Mitraud une observation, dont il sera peut-être
plus touché que des difficultés directes, contre lesquelles il est
sans doute aguerri au moyen des suppositions, des distingiu> et
autres échappatoires d'usage ; nous lui représenterons que toute
SOUTENANCK D*UNE THÈSE DE PHILOSOPHIE AU COLLÈGE DB LIMOGES. 379
erreur découle d'un principe. Or, cette impie assertion, que la
sensibilité physique et tintèrtt personnel ont été les auteurs de toute
justice; et que par conséquent il n'y a ni loi naturelle, ni diffé-
rence essentielle entre le bien et le mal moral, ni principes pri-
mitifs de justice et de vérité : dérive-t-elle de la doctrine des
idées innées, ou de l'opinion que toutes les idées tirent leur ori-
gine des sens? II peut s*en rapporter sur ce point à Helvétius et
aux autres prétendus philosophes. Leur but étoit dintroduire
une règle de morale, favorable à toutes les passions et destructive
de la loi naturelle. C'est pour former ce grand œuvre qu'ils ont
fouillé les anciens et les modernes, qu'ils y ont cherché avide-
ment tout ce qui pouvoit leur être de quelque secours. Voyant
que la doctrine des idées innées ne se prétoit point à leurs vues,
ils l'ont attaquée de toutes leurs forces, et se sont efforcés de la
couvrir de ridicule. Ils ont embrassé Topinion contraire, qui étoit
faite pour eux, bien moins jaloux d'être chrétiens que raison-
neurs conséquens. C'est de môme, pour le dire en passant,
qu'ils ridiculisent la prémotion physique (Voy. Y Eloge de M. Da^
lemberty par M. de la Harpe). Il leur faut un Dieu qui ne voit
rien, qui ne se mêle de rien, qui ne prenne intérêt à rien. Ils ne
se conçoivent libres qu'autant qu'ils sont indépendans. La pré-
motion physique répugne à ces présomptueuses chimères. Aussi
s'attachent* ils au système molinien, qui leur donne précisément
le Dieu qu'ils demandent, un Dieu tel qu'ils voudroient qu'il fût..
Nous avons peine à croire que M. M itraud, s'il étoit persuadé de
la vérité de ces réflexions, tint encore à un pareil système. Ses
confrères du moins ne sont peut-être pas indiSerens sur toute
espèce de doctrine, quoique, suivant le bruit public, ils se grati-
fient entre eux de l'affreuse épithète de Rienistes. Mais enfin une
thèse, dont les principes tendent à l'irréligion, a été soutenue
chez eux et en leur présence, sans réclamation ou plutôt avec
leur approbation. S'il n'y a point d'idées innées, il n'y a pas non
plus de péché originel; et que devient la religion sans ce dogme
fondamental? (Voy. les Remarques sur une thèse soutenue en Sor-
bonne en 1751, par M. de Loménie de Briennef aujourd'hui arche-
vêque de 5en^). M. l'Ëvéque de Limoges a beau dire que, 'dans
dans un collège, ce n'est point la science qui est nécessaire aux
professeurs, à cause sans doute de l'opinion établie dans l'épis-
copat que toutes les vertus se réduisent à l'obéissance aveugle,
qui ne peut se concilier avec une solide instruction. Mais entend- il
aussi qu'à la faveur de cette prétendue vertu les professeurs ins-
pirent à leurs élèves les plus dangereuses erreurs? Croit-il ne
deyoiir songer qu'à accumuler des bénéfices, sans se mettre en
peine de l'enseignement public?
NOTES ET COMMUNICATIONS DIVERSES
Note sur une Vierge découverte à Azêrables{Creusé),
La Vierge dont dous publions le dessin a été découverte pen-
dant les premiers mois de Tannée 1891, dans une terre fertile en
vieux souvenirs. Au même endroit, en effet et presque exacte-
ment à la même place, le propriétaire du champ (1) avait extrait,
Tannée précédente, une boîte en pierre fort bien taillée contenant
des cendres et autres débris renfermés dans une urne en veri*e(2).
La plaque en étaiû, dont le relief figure la Sainte- Vierge et
TEnfant Jésus, mesure 0°'095 de hauteur et 0">05 dans sa plus
grande largeur ; plate au revers, son relief à sa plus forte épais-
seur, la tête de la Vierge, n'est que de 0'°01 et son poids de
180 grammes. Un trou rond percé à droite de la tête servait pro-
bablement à fixer la plaquette.
Le temps et peut-être Tauteur de la découverte ont fait dispa-
raître les traits des deux visages, mais les vêtements et les lignes
principales subsistent fort heureusement el permettent d*étudier
cette curieuse figurine.
Debout et soutenant Tenfant «Tésus sur le bras gauche, la
Vierge penche légèrement le haut du corps à droite par un mou-
vement naturel d'équilibre. Une vingtaine de rayons disposés
en cercle forment un nimbe autour de la tête et de la partie
supérieure du corps.
Comme vêtement, une robe à plis droits recouverte d'une sorte
de chlamyde attachée sur Tépaule droite par un bouton et laissant
le bras à découvert. De la main droite la Vierge retient le bas de
sa tunique relevée sur le bras gauche pour former de moelleux
plis sous Tenfant.
Admirablement étudiée, cette figure ne présente aucun défaut:
proportions, pose, plis du vêtement, tout est juste et inspiré delà
nature.
Moins idéale que les Vierges du moyen âge, elle n'en a ni les
formes toujours un peu grêles, ni Texagération de longueur. De-
vons-nous Tattribuer à Tépoque gallo-romaine ? Sa découverte
(4) Le champ des Grands-Pâtureaux, près le village des Penots, com-
mune d'Azérables.
{%) Cette pierre a été transportée au bourg de Sainl-Germain-Beaupré
par le propriétaire, M. Ghaput ; l'urne a été brisée, les cendres et divers
débris dispersés.
Vierge en étain trouvée près d'Azérables (Creuse),
NOTES ET COMMUNICATIONS DIVBRSBS. 381
auprès d'une sépulture de cette époque, son vêtement, le caractère
réaliste dont elle est empreinte, enfin le métal dont elle est
formée (1) nous le permettraient peut-être. Devons-nous, au con-
traire, la ranger parmi les productions de la Renaissance? C* est
notre opinion ; mais peu compétent en ces matières, nous laissons
à de meilleurs juges le soin d'en décider.
G. Berthomibr.
Extraits du râle de la taille pour la ville de Limoges, année 1635 (2).
Les archives delà Haute- Vienne possèdent (série C liasse 146),
un rôle de la taille pourla ville du château de Limoges, remontant
à l'année 1635. Ce document fort intéressant à beaucoup d'égards
fournit des indications trop brèves malheureusement sur un assez
grand nombre d'orfèvres et d'émailleurs. M. Ardant a connu
cette pièce et la mentionne souvent; mais il n'en a nulle part réuni
les extraits se référant ou pouvant se référer à nos artistes. Nous
croyons qu'il n'est pas inutile de publier ces extraits. On les trou-
vera ci-après. Nous n'y avons pas fait seulement entrer les arti-
cles concernant les personnes auxquelles est donnée la qualifica-
tion d'orfèvre ou d'émailleur. Notre relevé comprend aussi les
passages où se trouvent mentionnés des contribuables apparte-
nant à nos familles d'artistes les plus connues et d'où il est pos-
sible de tirer quelque induction sur les alliances, le domicile et
parfois un indice ou tout au moins une hypothèse sur l'identité
de certains de nos émailleurs qu'on n'est pas arrivé encore à dis-
tinguer, avec précision, d'homonymes ayant pratiqué le même
art et vécu à peu près à la même époque.
Consulat (3).
Les héritiers et biens tenants de Jean et Pierre Mouret : Guy-
tard, procureur, doibt paier 10 1.
(\) Nous avions cru tout d*abord que celte vierge était en plomb, mais
après examen attentif, M. Feigneux, entrepreneur de plomberie, nous a
déclaré qu*elle était eu étain. Les Romains metiaieci en œuvre ce métal :
leur exploitation des mines de Moiitebras (Creuse) nous en offre une preuve
certaine.
(9J 11 convient de rappeler ici qoe la Cité et ses dépendances avaient leur
rôle à part. Le montant du réle de 1635 pour la ville et ses orances était
fixé à 6,000 livres, mais avec les accessoires il atteignait près du double ;
d643L «6 s.
(3) Le premier ou les premiers feuillets du relevé par canton manquent;
nous avons supposé que les pages sans titre placées avant le quartier de
m la Porte b se rapportaient au quartier du Consulat.
383 SOdBTB ABCB6OLO6IQOE ET BISTORIQUB DU LIMOUSIN.
La veufve Jeao Veyrier, 4 1. 10 s.
Jean Hardy, et pour son 8^ de l'hérédité de feu Boulhon, 12 1.
Les heoirs de ieu Pierre Mouret : Dominique Mouret, doibt
paier 8 1. 10 s.
La Porte [Poulailler e] :
Léonard Veyrier et pour les biens de Meyze, 13 1.
Pierre Hardy, 24 1.
Martial Hardy, 5 1. 4 s.
Pierre Celiere, le jeune, 16 1. 10 s.
Pierre Celiere Taisné et Jean Celiere, son fils, 16 1.
Manigne :
Jean Reymond, 3 1. 10 s.
Jean Poylevé, sieur de Bondi, 14 1.
Nicolas Reymond, 5 1.
Pierre Guybert, orftmvre, 50 s.
François Limousin, 3 1.
Les héritiers Léonard Limousin, gendre chez Dupin, 4 1.
Jean Limousin, esmailleur, 9 1.
Léonard Limousin, esmailleur, gendre chez Dagen (?), 9 1.
Martin Noailler, dict Chabrou, 9 1.
Les héritiers feu Pierre Reymond, 5 1.
Pinchaud, orfeuvre,20 s.
La veufve et héritiers feu Reymond, esmailleur, 40 s.
Jean Boisse, orfeuvre, 8 1.
Faubourg Manigne,
Noël Laudin, gendre de Guyneau, 40 s.
Le Marché.
François Poylevé, 6 1. 10 s.
La veufve et héritiers de Nicolas Noailler, 8 1.
Pierre Veyrier, 12 1. 13 s.
La Fourie,
La veufve et heoirs d'Andrà Noailler et héritiers de M. Pierre
Lagorce, 17 L
Le Clocher,
Dominique Mouret, 131.
Joseph Boysse. orfeuvre, 10 1.
Jean Penicaud, orfeuvre, 20 s.
Jean Mouret, le jeune, orfeuvre, 40 s.
La veufve Martial Mouret, 9 1. 10 s.
Pierre Roulhac, geudro de Veyrier, 3 1. 5 s.
NOTES ET COMMUNICATIONS DIVERSES. â83
La veufve Jean Guybert, 4 1,
François Guybert, 3 1.
Philippes Poncet, 4 I.
Simon Poncet, 30 1.
François Celiere, orfeuvre, 4 1.
Rue Boucherie [du Collège].
Léonard Noailler, dictChabrou, 4 1.
Pierre Noailler, 31. 3 8.
La veufve d'Hugues Limousin et le Tutour, son fils, 9 1.
La veufve de Léonard Limousin, dicl Jay, 12 1.
Pierre Limousin, dict Jay, 14 1.
Faubourg Boucherie,
Les heoirs Noël Laudin, 8 1.
Mathieu Gosse, dict Reynaud et Pierre Limousin, 61. 10 s.
Lansecot.
Antoine Veyrier, Il 1.
La veufve de Léonard Pinchaud, 2 1.
Jean Noailler, 12 1.
Anthoine Terrasson, esmailleur, 50 s.
Pierre Guybert, et pour l'hereditéde feu François Texendier, 81.
Joseph Blanchard, 4 1.
Louis GUIBERT.
Relation abrégée de la prise de possession de M. de Canisy, évique
de Limoges, 1696.
Le dix-neuvième mai 1696, jour de samedi > M. de Canizy, évo-
que à Limoges, y arriva environ les huit heures du soir,^ dans
un carosse attelé de six chevaux blancs. Les cantons furent au-
devant sous les armes avec tambour jusqu'au-dessus de la Croix-
Malecarre. Il avoit couché à Belat. Les consulz y furent aussi
au-devant avec plusieurs autres cavaliers, mêmes des ecclésias-
tiques; il fust coucher au séminaire, dans la maison qu'avoit faict
bastir son prédécesseur M. d'Urfé. 11 y fust visité les jours sui-
vants de Messieurs des Chapitres Saint-Estienneet Saint-Martial
ensemble, de MM. les Trésoriers, MM. du Présidial et les autres
corps d'officiers de la ville.
Le 24 du dict mois de mai au dict temps, le dict Seigneur de
Canizy se fict recevoir et installer dans sa cathédrale.
A cest effect, il se fict une procession solennelle ou les Compa-
gnies et Communautés et Corps suivants assistèrent. On avoij; faict
384 sogiétA archéologique et historique ou limousin.
fermer les boustiqiies et tapisser devant les maisons des rues ou
il devoit passer. L'assemblée s'en fust a Saint-Eiinnne et en sorti
environ les quatre heures du soir pour aller prendre mon dict sei-
gneur dans le séminaire. Ensuite on passa sur le pav6 devant les
Jacobins et Carmélites, dans le faubourg de Magnigne» à Croche
dor {sic), à la Poullalière, rue Fourie, au Gras, à Boucherie, de là
dans le faubourg Boucherie, dans la Cité et à Saint-Estienne.
La mai*che fust ainsi :
Les pauvres de l'hospital marchoient derrière les administra-
teurs ; eiisuile venoient les Pèlerins (i), puis les Pénitents rouges,
feuilles mortes, gris, blancs, bleus et noirs; après, les Récollets,
les Cordeliers, les Augusiins, les grands Carmes, les Jacobins, les
paroisses deSaint^Michcl do Pislorie, Saint-Maurice, les commu-
nautés de Saint-Pierre, Saint-Michel-des-Lions, puis abbayes des
Bénédictins et Feuillants, puis le chapitre de Saint-Etienne, le
doyen et chantre chappés. IJn prestre devant le pavillon qui por-
toient (sic) la crosse. Monseigneur l'Evesque dessous : Deux pres-
tres à ses costes et les quatre cordons du dict pavillon portés par
quatre consulz et quatre basions portés par quatre gagiers de la
maison de ville; et ensuite venoit le corps du présidial.
Estant à Saint-Estienne, M. le Doyen présenta au seigneur
Evesque l'eau bénite et Tensensa après. Après, il fut conduit au
grand autel et ayant adoré le Saint-Sacrement, il fust prendre
place dans sa chaire à cosié du grand autel et s'y estant reposé
un demi quart d'heure, il commença le Te Deum qui fust suivi du
chœur et de Torgue. Après on chanta l'antienne et verset de Saint-
Etienne. Après il dit Toraison et donna la bénédiction. On lui
osta la chape, eslole, aube et mitre et ganls violets, en ayant de
blancs.
Puis il fust conduit par les dignitaires et chapitres à l'évéché.
Cela finit environ les six heures.
Le vingt aoust 1697, on fist une procession à Lymoges pour
avoir du beau temps et pour lever les grains ; on apporta les
châsses des corps saincts.
[Feuilles volantes en la possession de M. l'abbé Granet^ écriture du
temps).
Institution de foire et marché au bourg de Mortemart,
Aujourdhuy, vingt-quatre may mil sept cent trente, dix heures
du matin, par devant nous, Claude-Louis Micheau, sieur du
Meslier, conseiller du roy, son sénéchal de robbe longue de la
(f) La confrérie des Pèlerins de Saint- Jac<]|ues.
N0TR8 ET COMMUNICATIONS DITERSBS. 3g5
sénéchaussée de MoDlmorillon, en noire hôtel, est comparu maî-
tre Antoine Richard, conseiller, procureur du roy de cette cour,
lequel nous a remoutré, que par arrest de nos seigneurs de la
cour du Parlement de Paris estant en datte du treute-un mars
de Tan présent mil sept cent trente, intervenu sur une requête
présentée en la dite cour de Parlement par le seigneur duc de
Morthemart, af&n d'enregistrement de lettres patentes par luy
obtenues du roy noire sire, au mois d^octobre mil sept
cent six, par lesquelles, pour les causes y contenues» le roy a
créé et élably au bourg de Morthemart un marché tous les mar-
dys de chasque semaine et une fouaïre le troisième mardy de
chasque mois, ainsy qu'il est plus au long contenu par les dittes
lettres patentes et de surannation du trente janvier de Tan pré-
sent mil sept cent trente. Il a été ordonné, avant de procéder à
l'enregistrement des dittes lettres patentes, que d'ofQce, à la re*
queste de Monseigneur le procureur général, il sera informé par
nous à la poursuite de luy dit sieur Richard, comme substitut
de mon dit seigneur le procureur général en cette cour, de la
commodité ou incommodité que peut apporter la création et éta-
blissement au bourg de Morthemart d'un marché tous les mar-
dys de chaque semaine et d'une fouaïre* le troisième mardy de
chaque mois à perpétuité et pour savoir si, à quatre lieues à la
rpnde du dit bourg, il n'y a point les mesmes jours de marchés
et de fouaîres auxquelles le susdit élablissemeni puisse nuire et
préjudicier, et que pour l'exécution du dit arrest et faire l'infor-
mation ordonnée, a fait assigner a comparoir aujourdhuy par
devant nous, au présent lieu et heure, Messire Edmond Rochon,
prestre, curé de la paroisse du dit bourg de Morthemart; Paul
Maisondieu, bourgeois du mesme lieu; M* François de Ver-
dilhac, conseiller du roy, élu en l'élection de Confollan ; Pierre
Bienassis, bourgeois du bourg et paroisse de Blond; Ântoinne
Meusnier, marchand ; Jean Meusnier, aussy marchand du dit
bourg et paroisse de Blond ; Jean Mélivier, bourgeois; Jean Sau-
nier, marchand et meusnier; Pierre Paumier, sindicq, demeu-
rant en la paroisse de Nohic: Messire Louis Dupin, écuyer, sei-
gneur des Bordes, de la paroisse de Bussière-Beauflls ; Louis
Burson, marchand de la paroisse de Montrol; Dupin, écuyer,
sienr de La Cour ; Lethien fils, laboureur et marchand, de-
meurant en la dile paroisse de Montrol, par exploit de Migeon,
huissier royal, du dix-neuf du présent mois, contrôlée à Nohic
par Robert, — et encore Martial Buisson, sieur de Bretignol;
M* Jean Aubroche, sieur de Lavaud, advocat en parlement et au
siège royal de Blac, demeurant en la ditie ville de Blac, par ex-
ploit de Bonnin, huissier royal de ce jour, conlrollé en cette ville
386 SOCIÉTÉ. AKCIliOLiOQIQUR RT HISTORIQUE DD LIMOUSIN.
par Marioa, aux fins de venir déposer de vérité en rinformatioa
que luf dit sieur Richard, comme substitut de Monseigneur le
procureur général, entend faire faire, en exécution et sur les faits
portés par le dit arrest du trente-un mars dernier : lequel arresi
ensemble les lettres patentes mentionnées par iceluy avec les dits
exploits il nous a représenté et, en conséquence, a requis compa-
rution des dits témoins appelés, et qu'il soit par nous proceddé
â Tinformation ordonnée par le dit arrest et, en cas de non-compa-
rution par aucuns des dits témoins, qu'yl soit contre eux donné
deffaut au proffit suivant l'ordonnance, et a signé : A. Richard.
Pourquoy avons donné acte au dit sieur Richard, substitut de
Monseigneur le procureur général, de sa comparution.
(Suivent les dépositions
des parties énumérées ci-dessus et qui sont sans intérêt).
(Extrait des Archives de la Vienne, Montmorillon, 135. — Com-
muniqué par M. 6. Touyéras).
Difficultés survenues entre l'intendant de Limoges^ M. Pajot^ et le
Bureau des finances^ au sujet de l'érection d'une fontaine, 1759.
M. Pajot, intendant de Limoges, avait projeté, près de son
hôtel, la construction d'une fontaine publique; déjà même il
avait mis les ouvriers à l'œuvre, quand le Bureau des finances
de cette ville fit arrêter les travaux. De là conflit et plaintes au
contrôleur général, M. de Silhouette, qui écrivit au procureur
du Roi près le Bureau la lettre que nous reproduisons, à laquelle
il fut répondu dans des termes qui indiquent que les rapports
entre les deux pouvoirs étaient tendus et que la question de la
fontaine ne fut qn'un prétexte à éclat :
A M. le Procureur du roy au bureau des finances de Limoges.
a M. l'intendant de Limoges m'écrit pour se plaindre des dif-
ficultés que les officiers de voire bureau apportent à l'exécutiou
d'une fontaine publique, qu'il a projettée au quartier du nou-
veau bastimentde l'intendance, et dont la dépense se prend sur
les fonds destinés à la construction do ce bastiment. Comme il
paroit que les difficultés ne sont fondées que sur le deffaut d'aï-
lignement donné par le bureau, votre place vous met à portée de
les faire cesser, en le requérant vous-même, comme instruit du
projet, et le faisant donner aux vues de M. l'Intendant et sans
aucuns fraix : par là se trouvera conservée la juridiction du
bureau, qui d'ailleurs ne soufTriroil pas beaucoup d'une atteinte
aussy légère. Je compte cependant que vous m'informerés de ce
qui sera fait.
» Je suis, Monsieur, votre affectionné serviteur. DeSilhoubttb,
» Fait à Versailles, le %S mars 1759. »
NOTES IT COMMUNICATIONS DIVERSES. 387
Le 2 du mois d'avril, le bureau j où siégeaient MM. Léonard de
Fressanges, Regnaudin, de Martin La Bastide, Garât de Saint-
Yrieix, Malledent de Feytiat, Sanson de Masboyor, Benoist de
Yen taux, Noalhié.des Bailles, Durant et Devoyon, procureur du
roi, fit, parTorgane doM. Devoyon, à M. le contrôleur général,
la réponse qu'on va lire :
(( Monseigneur^
» J'avois prévenu vos ordres à l'occasion de la oouvelle fon-
taine, au quartier de Tintendance; la pyramide est placée; si
M. Psyot résidoit à Limoges, il auroit vu les choses par luy-
même et il aime trop la vérité pour s'estre plaint des difficultés
du bureau des finances à ses projets. Jamais ils n'ont esté contre-
dits dans les matières qui peuvent nous concerner, quoy qu'il ne
Dous en ait pas donné de connaissance. Nous luy avons seuUe-
ment représenté que l'ingéuieur commis dans cette province,
dégradoit les clostures des villes, pour employer les pierres à
des cailloutins, et que ce travail étoit plus désagréable et à
charge aux communautés que celuy d'ouvrir des carrières.
» M. Tintendant écouta nos remonstrances et nous dilqu^à
l'avenir on [n'Jy toucberoit rien sans ses ordres et sans nous les
avoir communiqués.
» Cependant, nous avons vu en celte ville (à l'aspect de la
plus belle entrée) destruire une partie des tours et remparts,
sans nous en avoir donné le moindre avis; nous n'y avons porté
aucun obstacle, lorsque nous avons pensé que les matériaux se-
roient employés pour une aile d'augmentation au bastiment de
l'Intendance.
» Cette démolition, faite sans ordre, sans mesures, unique-
ment réglée par l'avantage que certains particuliers en reçoivent
pour un plus grand jour et autres commodités à leurs maisons,
a esté un prétexte pour qu'un chacun continua à son grés les
dégradations même au préjudice de son voisin et le motif de la
requeste de la plainte et du procès-verbal du 29 janvier dernier.
Mais aussitôt que j'ai sçue que les premiers ouvriers qui avoient
fait les brèches étoient employés par l'ingénieur, j'ai cessé mes
poursuites.
» Ces jours derniers, des ouvriers arrachoient et choisissoient
au même endroit les plus belles pierres de taille ; l'un d'eux fut
mandé par mon requis; il dissimula ceux qui l'avoicnt employé
et, sur sa simple déclaration que ces pierres estoient destinées
pour l'intendance, j'ai requis et le bureau a prononcé l'ordon-
nance du 28 mars.
» Il y a quelque temps, nous avons vu prendre une partie
7 <^-1S*
4
388 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
assez considérable de l'eau de la foataine d'Eygoulène pour la
conduire à rinleiidance; quelques particuliers ont souffert de
cette opération par les eaux qui ont filtrées dans leurs caves, et
on a si mal conditionné les pavés que cela forme des creux désa-
gréables et incommodes.
» Cette fontaine d'Eygoulène est un des plus beaux orne-
ments de notre ville; elle emplissoit deux étangs pour fournir du
. secours aux incendies fréquents et dangereux, pour la construc-
tion de nos maisons et pour la propreté de nos rues. Pendant le
travail pour conduire l'eau à l'intendance, les étangs se trouvè-
rent à secq; un feu assés léger dans son principe causa par ses
progrès de grands dommages à plusieurs maisons du quartier de
la fontaine d'Eygoulène. Malgré la clameur publique sur tous
CCS fais {sic), nous avons gardé le silence pour ne pas contredire
les vues de M. l'Intendant.
» Cette fontaine conduite à son hôtel, il ne paroissoit pas
qu'une seconde fut nécessaire au même quartier assez proche de
celle d'Eygoulène; cependant on y en destina une joignante la
maison d'une pauvre femme qui nous présenta sa requête, sur
laquelle nous avons mis Tordonnance du 7 mars, après quoy a
esté fait le procés-verbal et prononcé l'ordonnance du 12.
» Nous avons Thonneur, Monseigneur, de joindre à notre leU
tre tous ces actes pour justiffler à votre grandeur que le bureau
a plustôt fait violence à son zèle pour le bien public qu'il n'a eu
intention de rien disputer à l'autorité de M. Pajot. Nous luy
connaissons des sentiments tropjustes pour penser qu'il en abuze;
nous sommes persuadés que luy-même blâmera ceux auxquels
il commet ses pouvoirs, lorsqu'il connoitra le mauvais usage
qu'ils en font. Messieurs ses prédécesseurs, qui agissoient de
concert avec nous, dans les affaires de notre compétence, pour-
roient nous rendre des témoignages de notre ardeur à concourir
avec eux pour les intérêts de l'Elat et du public.
» Nous supplions Votre Grandeur do nous pardonner si nous
passons les bornes d'une lettre, mais nous obéissons à vos ordres.
Nous devons vous rendre compte de notre ministère et il est
juste que vous soyés informé de ce qui se passe et se fait, dans
une capitalle qui a la gloire de vous avoir donné le jour. Elle
espère pour l'amour naturel de la pairie, de votre attachement
pour le maintien du bon ordre, de vos lumières et de votre pru-
dence pour établir des règles justes el équitables, que vous pro-
tégerés ses officiers et ses habitants.
» Nous avons l'honneur d'être, avec un profond respect, etc. >»
{Registre des affaires secrètes du bureau des finances de Limoges.
— Communication de M. l'abbé Granet.)
AVIS
à MM. les Membres de la Société
Les réuûions de la Société ont lieu invariablement le
dernier niardi de chaque mois. — L'ordre du jour de la
réunion est publié dans les journaux de fimoges, mais
il n'est pas envoyé de lettres de convocation.
Nous ne saurions trop engager ceux de nos confrères
qui changeraient de domicile ou dont l'adresse n'est pas
exactement indiquée à la Liste des Membres de la Société y
à faire connaître leur adresse actuelle soit au Secrétaire
général (M. Louis Guibert, rue Sainte-Catherine, 8), soit
au Trésorier (M. Louis Bourdery, rue Pétiniaud-Beau-
peyrat, 28), de façon à éviter toute erreur dans la présen-
tation des reçus de cotisation et tout retard dans Tenvoi
du Bulletin.
MM. les Membres de la Société sont instamment invités
à adresser ou à faire verser au Trésorier chaque année,
avant le 31 mars, le montant de la cotisation de Tannée en
cours (15 fr. pour les Membres résidants, et 7 fr. pour les
correspondants). — Passé ce délai, le Trésorier fera
encaisser par la poste les cotisations non payées, en ajou-
tant au montant de la cotisation 50 centimes pour frais.
Ceux des Membres de la Société qui n'ont pas encore
retii'é leur diplôme voudront bien le réclamer à M. L.
Bourdery, Trésorier, rue Pétiniaud-Beaupeyrat, 28, en
lui envoyant, s'ils ne l'ont déjà fait, le montant du droit
d'entrée fixé à 10 fr. — Ce droit n'est exigible que des
Sociétaires résidant dans le département.
Les démissions doivent être adressées par écrit au Président
A moins qu'ils n'en témoignent le désir, il ne sera P^^
envoyé de quittance aux Sociétaires qui auront adre^^_
leur cotisation par mandat ou lettre chargée au Trésor^^ *•
lereçtï de la poste pouvant en tenir lieu.
[extrait du catalogîik de \à munm umm\y
V H. 0UCOURTIEUX
T. nuls OEs Ant-:>-i:», lihogb»
isK liBidiialti (ina-tl»), J" n<-|C>rt«HaW«daUiaMittii.|arl.-a.a
CJLLETIIN
IIR UpiiCIKTl;
ARCHfiOrOGïOUE
ET HISTORIQUF,
DU LIMOUSIN]
liiMli XI,. — a- "LIVRAl-i
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LIMOGKS
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V- H. DOCOURTIBOX
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AVIS
à MM. loB Membres de la Société
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La Sfltlél^ arrli.''!
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CfRnil !iOlD cl 11'
Inuii^ nalllM' q\i . . ' ; .
Elli: rDcomniiinJc II IJUi'ilhuii it< -' 'i ■■■;. ■
rngisLritti (les paroisse», les ininiil''^ :< <:i. !< i
dos luaii'ies, des bureaux d'cnrugisinH.i .' i
, fftiâtuauï, Ir;s ihaflrliTS, les coltLiinyii^ i.sii. li.
L'-futciciL'' papiers, livres de comptes, jiiotchii i
1 iiolairi^îi, etc. Il s'y Irouve souvent des iridJiMici i- '^ ■■
La Soci^rli^ prie îoul spéciale mcnl sus MniilMi- im' > -. ■■
EOinniiimi{iicr les procès- vurtiaui; uii ini'iUions il assoinhifi.-^ de niirunn-
taulés paroissiales aul^rieures au xvur sièiti- H tout ducumcni u- ra[i-
lortuiii nu commerce (it à l'industrie du pu.vs avant ITdO.
Le» rèuulonii de la Soci^ti^ ont lieu invariablement le derni-i i ' i
Bliaque moi». — L'ordre dti juiir du la réunion e<it piitili^l dan
«■uux de Làmogi's, mais il n'est pas envoyé de lellres rie ronvi- i
: Noos ne saurions trop engager ceux de nos conrri'restfuirlrji
kdORiicilfOudont l'adresse n'est pas exactement indiquée i\ !.:
^êmbrex de la Sonélé. k faire connaître leur adresse actnrli
.ïcrétaire général (M. Louis Guiberl, nie Sainte-Catherine, ^
Jïésorier (M. Louis Bonrdery, rue Péliniaud-Bcaupeyrat,28;i. '
ftvilcr toute erreur dans la prt^senlation de» rfiçus de cotisjiin ■
retard dans l'envoi du Bulletin.
MM. les Membres de la Société sont inslamment Invités h «ili ■
taire verser au Trésorier chaque annAc, avant le 31 mars, le u !■
la cotisation de l'année encours {iStr. pour les Membres n -i
^ 7 rr, pour les correspondants). — Passé ce délai, le Trésoi'iiîi (na i-u-
Lcaisser par la poste les cotisations non payées, en ajonlonl au m«inlanl
pjlo la cotisation 50 centimes pour frais.
tieux des Membres de la Socii>té qui n'out pas encore r-'ii '■ i
diiilûme voudront bien le réclamer il M. L. Bourdery, Tré-M..
Petiniaud-Beaupcjrat, 28, en li>i envoyant, s'ils ne l'ont déjù fin' :
tant du droit (Ventrée lixé ii 10 fr. — Ce droit nesl exigible- l'i.
Sociétaires résidant dans le département.
Les démissions doiveut être adressées par écrit au Présideoi.
A moins qu'ils n'en témoipent le désir, il ne sera pas envoy'' ■-' in;
tance aux Sociétaires qui auront adressé leur cotisation par n. r
lettre chargée au Trésorier, le rei^n de la poste pouvant en tenu
^êêM
EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE
A LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS
La Souterraine. — Bridiers. — Breith. — Saint-
Oermain-Beaupré et ses Seigneurs
I
LA SOUTERRAINE
De Limoges à la Souterraine, avec Taide de la vapeur sur la
grande ligne de Toulouse à Paris, la distance est assez vile fran-
chie ; après avoir traversé la région si accidentée et bien connue
de la plupart de nos lecteurs, qui s'étend entre les montagnes de la
Creuse et les chaînons d'Ambazac et de Saint-Sulpice-Laurière
jusqu'à la pittoresque vallée de la Gartempe, on entre dans une
contrée moins mouvementée mais dont Faspect frais et riant est
encore celui des paysages de notre Limousin.
Nous voici à La Souterraine : la ville bien située, très vivante,
assise sur le versant d'une colline que baigne la Sedelle, petit affluent
de la Creuse, a fort bon air avec les groupes de ses maisons qui
s'étagent et d'où émergent à quelques intervalles la belle chapelle
du couvent des Dames du Sauveur, la tour de son église, la vieille
porte de ville et le campanile de Técole primaire supérieure (1).
(1) Ce mémoire esi le compte rendu de rexcursion faite le 6 juillet 1891,
par vn certain nombre de membres de la Société archéologique et histori
que du Limousin à La Souterraine, à Bridiers, Breith, puis au château de
Saint-Germain-Beaupré.
Les précieux renseignements qu*ont bien voulu nous fournir les aima-
bles correspondants de notre Société, habitant le canton Je La Souterraine,
nous ont décidé à donner à ce travail plus d'ampleur que ne comportait
T. zu 25
390 SOCIÉTÉ AnCnÉOLOGIQUE Br HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Sur le quai même de la gare nous sommes reçus par MM. Montau-
don, Bellet et Tabbé Cialis, membres correspondants de notre
Société et qui ont bien voulu nous servir de guides pour toute
cette intéressante journée; c'est à leur cordial accueil, à leur obli-
geance extrême que nous devons une grande part des agréments
de notre excursion.
Le ciel qui menaçait au départ ne semble pas cependant vouloir
sourire à nos premiers pas ; c'est sous une véritable averse que
nous jetons un rapide coup d'œil sur la chapelle de Timportanti^
communauté des Sœurs du Sauveur ; cette chapelle est du reste de
construction récente; son vaisseau intérieur plaît au regard par ses
belles proportions, par sa décoration riche et de bon goût ; nous le
préférons beaucoup à la face extérieure d'une ornementation
trop chargée et dont Taspect donne plutôt l'impression d'un chevet
d'église que celle d'une façade d'entrée principale.
A signaler aussi, disons le pour n'avoir pas à y revenir, l'École
primaire supérieure bâtie il y a quelques années seulement sur le
faite de la colline et qui domine la ville de toute la hauteur de ses
galeries et de son élégant campanile. C'est à n'en pas douter,
l'école la plus fastueuse de notre région et probablement aussi la
plus coûteuse. Mais c'est là de l'actualité et notre voyage n'a pas
précisément pour objectif l'examen des œuvres môme très méri-
toires de nos architectes modernes.
UISTORiOUË. — MAISONS ANCIENNES. — PORTES DE VILLE
La ville ancienne présente à notre curiosité des monuments, des
vestiges ou des souvenirs qui à eux seuls valent bien le voyage.
le récit d'une simple excursion. La remarque en sera faite par nos lecteurs
eux-mômes surtout pour la partie relative à Saint-Germain-Beaupré ; loaic-
fois, et sauf pour cette dernière partie, notre intention ne pouvait être et
n'a pas été d'écrire l'histoire des lieux que nous avons visités et décrits;
pour mieux connaUre ces lieux et leur histoire, il sera bon de se reporter
aux ouvrages et aux documents déjà publiés sur la matière et que nous
avons signalés dans nos notes. Celte étude n'est donc nécessairement qu'un
ri'*sumé que nous nous sommes efforcé de faire aussi exact et aussi précis
que possible, en complétant ou en rectifiant nos devanciers sur divers
points.
Si notre travail peut offrir quelque intérêt, il le devra sans nul doute
au concours de nos correspondants et particulièrement aux remarquables
dessins que MM. Albert Gérardin et Georges Berihomier ont bien voulu
composer à cette intention.
EXCURSION ARCBÉOLOGIQUE A LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. 391
Au préalable il conviendrait peut-être ici de placer une notice
historique sur les origines de La Souterraine et ses destinées pen-
dant les siècles écoulés, si celte notice ne devait trop excéder le
cadre d'une simple narration. Les origines ne sauraient d'ailleurs
être déterminées avec une certitude parfaite; avant Tère chrétienne
et pendant les premières périodes de celte ère, La Souterraine
n*existait pas à titre du moins de population agglomérée ; tout fait
présumer que laïcité Gauloise et plus tard Romaine était située un
peu plus loin, dansles champs de Breith ou de Bré que nous visiterons
dan» la journée. Un honorable habitant de La Souterraine, qui avait
au plus vif degré le culte des souvenirs de sa ville natale, M.Fesneau,
admettait que sur remplacement de la ville actuelle avait dû s'élever
jadis un temple dédié à Pluton et dont les Romains se seraient
emparés lors de la conquête, au moyen d'un souterrain qui existe
encore par traces assez bien conservées ; cette assertion ne peut
avoir d'autre valeur que celle d'une conjecture plus ou moins har-
die, comme certaines autres suppositions du même auteur; en tous
cas plusieurs siècles se seraient écoulés avant que les seigneurs de
Bridiers, les plus proches voisins de ces lieux, y aient fait édifier
un fort autour duquel une bourgade dût assez rapidement se for-
mer ; ce fut cette bourgade qui, sous le nom de villa Sosteranea, fut
donnée par Gérald de Crozant, vicomte de Bridiers, aux moines de
l'abbaye de Saint-Marlial de Limoges, à la date du 9 août 997 (1);
s'il en est ainsi, La Souterraine aurait une origine toute féodale ; la
bourgade du x« siècle fit comme beaucoup de ses pareilles; elle
grandit, malgré force vicissitudes et malgré les sièges qu'elle eut à
subir dans la suite, notamment, en l'an 1160 sous le règne de
Louis VII, et en l'année 1381 où elle fut assiégée par le maréchal
de Sancerre.
On trouve à La Souterraine un certain nombre de maisons des
XIV* et xv« siècles, et même des xn« et xni% si nous en croyons quel-
ques uns de nos guides ; notre attention est surtout appelée sur
une curieuse maison de la rue Bessereix, qui présente un singulier
mélange d'ouvertures ogivales au rez-de-chaussée et de fenêtres
en plein cintre au premier étage ; celte construction s'élève au-
(I) M. Fesneau émet l'avis qu'après la ruine de la ville de Breilh dont
nous parlerons plus loin, les malheureux habitants de cette ville durent se
réfugier et se construire de nouvelles demeures autour du fort appelé
Sortoranes où, d*après lui, Pépin le Bref, vainqueur de Waïfer, avaii établi
garnison. Voir dans les Mémoires de la Société des sciences naturelles et
archéologiques de la Creuse^ l. 111, Tarticle de M. Fesneau sur Breith,
ollie peinte.
3d^ SOCtKTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
dessus de caves de grandes dimensions et a subi des remaniements
manifestes; d'après M. Ernest Montaudon, elle serait contemporaine
de l'église; c'est un fait qu'il serait bien diflkile d'affirmer.
Des fortifications et de l'enceinte de la ville, il subsiste encore
deux portes, une tour située rue de la Vigne, et des fragments de
murs et de trois autres portes de petites dimensions que l'on voyait
encore debout au commencement du siècle ; ces restes et ces vesti-
ges suffisent pour reconstituer et suivre l'enceinte telle qu'elle
existait au moyen âge.
Des deux portes encore intactes, la plus intéressante est
celle qui se trouve dans le quartier de Lavaud et qui est cou-
nue sous le nom de porte Notre-Dame ou de la Prison, parce
que jusques vers 1860 elle servait de prison; bien que celte
porte soit réputée de fondation très ancienne, elle ne nous paraît
pas devoir remonter au delà du xvi* ou de la lin du xV siècle ; elle
est du reste fort bien conservée et si elle n'a rien de très saillanl au
au point de vue architectural en dehors de sa galerie de mâchi-
coulis qui supporte le comble, elle attire et retient les regards par
sa structure légère et très élancée ; on accède au corps de logis qui
la surmonte par un escalier et une galerie extérieurs assis sur des
restes des anciennes murailles et dont le bon état d'entretien témoi-
gne que l'édilité locale a quelque souci de la conservation de ses
vieux monuments (1).
L*ÉGLISE ET SA CRYPTE
En quittant la porte de la prison, on arrive directement à l'église.
Celle-ci, débarrassée de l'amas de constructions privées qui l'obs-
truaient naguère du côté du Midi, apparaît maintenant dans toute
l'ampleur de son vaisseau ; c'est un édifice très important. Tune
des églises les plus remarquables de toute la région, qui méritait à
divers titres d'être classée au nombre des monuments historiques
et d'être l'objet de l'intelligente restauration qui en a été faite il
y a quelques années, sous la direction d'un éminent architecte,
M. Abadie (2). La forme est celle d'une croix latine dont la petite
(1) L'autre porte donne accès au quartier du marché au blé dans le fau-
bourg du Puyeharaud; au-dessus s'élèvent deux étages habiles par des par*
liculiers; mais celte porte n*a rien qui puisse fixer Tattention.
(3) Cette restauration n'est pas encore entièrement terminée. La partie
nord de l'église a été reprise de 1848 à 1854, le chœur et le transept sud
ont été restaurés de 1871 à 4878; pendant cette dernière période on a fait
de grandes réparations à l'intérieur, une partie des voûtes a été refaite, des
EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A LA SOUTERRAINE ET DANS SES KNVIRONS. 393
extrémité, celle de Tabside, fait peu saillie sur la croisée et se ter-
mine en carré ; le chevet de cette abside a été reconstruit de nos
jours, mais pour partie en pierre calcaire, ce qui fait un contraste
un peu fâcheux avec le granit d'un ton assez sombre de Tensemble
du monument. A Tautre extrémité qui forme la face occidentale et
sur le portail principal s'élève un clocher très remarquable. Le slyle
de ce monument relève du roman des diverses époques, mais le
transept et l'abside et mémo certains détails secondaires du clocher
appartiennent manifestement au style ogival naissant.
Un aperçu général ne saurait donner une impression assez nette
d'un édifice de nature aussi complexe et qui présente au surplus
des particularités très curieuses. Il est donc nécessaire d'en faire
un examen plus complet et assez détaillé pour permettre aux lec-
teurs d'en apprécier les caractères principaux et les plus originaux.
Tout d'abord à l'extérieur, à la hauteur des bas-côtés, règne tout
autour de l'édifice, même de la base du clocher, mais le transept
excepté, une galerie à parapet reposant sur un cordon aux modil-
lons grimaçants, qui contourne les contreforts à leurs sommets et
qui éveille dans l'esprit, ainsi qu'on l'a déjà remarqué, l'idée d'un
système de défense ; au-dessus et au-dessous de la galerie sont
percées des fenêtres en plein cintre, les premières éclairant la nef
principale, les autres les nefs latérales. Les croisillons du transept
sont flanqués de contreforts dans toute leur hauteur ; sur un de ces
contreforts au Midi se trouve une statue de la vierge avec l'enfant
Jésus sur ses genoux, ainsi que cette inscription : Ereocit me Jacohus
d'Aubusson de Castel NoveU 17-1 5 [i).
Sous le clocher s'ouvre la grande porte, formée de deux arca-
lures ogivales que supportent deux colonnes romanes; elle est enca-
drée sous de larges et profondes voussures formées de six archi-
vilraax, sortamdes ateliers de M. Dideron de Paris, ont élé placés dans les
fenêtres du chœur et du transept, k l'aide de souscriptions particulières.
Certaines parties de Tédilice et surtout la façade du sud, entre le clocher
Cl le transept, restent encore à restaurer. L'église a été classée comme mo-
nument historique en 1845, nous dit M. Montaudon.
(4) Cette date est évidemment celle d'une réparation faite à cette partie
de Téglise.
La môme vierge, mais paraissant beaucoup plus ancienne, se voit au
fronton de la porte latérale qui donne accès dans Téglise du même côté ;
elle est d'un travail assez grossier.
Hais une autre statue, beaucoup plus artistique, représentant la vierge
debout et couronnée, avec Tenfant Jésus au bras droit, occupe une niche
(Je style rayonnant à l'angle sud-est de la tour, vers les deux tiers de la
hauteur totale.
301 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET UISTORIQUE DU LIMOUSIN.
voltes sans chapiteanx et dont les bandeaux polylobés nous
rappellent l'ornementation si caractéristique du grand portail du
Dorât. Au-dessus s'élève une tour massive et carrée, à trois étages,
flanquée au premier de deux tourillons qui sont une addition ré-
cente assez heureuse de l'architecte moderne, percée au deuxième
étage de deux fenêtres ogivales sur chaque face, d'une seule fenê-
tre au troisième étage; ce dernier étage présente ceci de particulier
que chacua des angles de la tour est remplacé ou amorti par une
tourelle ou grosse colonne de granit pleine et unie ; les quatre
colonnes d'angles ainsi que les côtés de la tour supportent une
toiture en charpente dont la physionomie est toute particulière ;
inclinée à la base, cette toiture se relève ensuite perpendiculaire-
ment en forme de prisme, pour s'incliner de nouveau et se terminer
par un lanternon ; ce couronnement n'est peut-être pas celui que
comportait le style de l'édifice, mais tel quel, aux yeux des indigènes
et même des touristes, il ne manque pas d'une certaine origina-
lité (1).
La tour elle-même a dû être remaniée et refaite dans sa partie
supérieure, comme l'indique assez visiblement la différence des
matériaux ; mais cette réfection paraît avoir été faite dans le sens
vertical, notamment pour toute la partie de l'Est qui présente au
sommet des motifs d'une ornementation assez riche rappelant le
style ogival flamboyant, tandis que les autres faces sont surmontées
d'une sorte de petite galerie à niches régnant sur un simple filet
horizontal.
La date de 1506 inscrite sur la face nord de la tour en ces termes :
Lan mil cinq cent et six fus assis et celle de 1604 gravée sur celle
de rOuest et qui est ainsi figurée :
semblent fixer les époques de ces restaurations successives.
(1) M. E. de Beaiifort, doni le nom reviendra assez souvent sous noire
plume au cours de celte élude et qui a fail une descriplion assez complèle
de Téglise ainsi que d'autres monuments des environs, émet Tavis que la
lour dévalise lerminer dans le principe, non par une charpenie en bois,
mais par une plaie-forme avec un parapcieldescîochetonssur les tourelles;
la plaie-forme elle-môme devail être surmontée d'une flèche. Celte flèche
et les clochetons auraient élé délruils par la foudre au commencement du
xvn^ siècle, ajoute le môme auteur. Celle opinion n*a rien d'invraisemblable
[Recherches archéologiques dans les environs de Saint- Benoist^du^SauU
par M. le D** E. de Beauforl, Mémoires de la Société des Antiquaires de
rOuest, années t860-6l).
EXCUUSION ARCHÉOLOGIQUE A LA «"OUTennAINK ET DANS SES ENVIRONS 395
La façade du Sud porte aussi une inscriplion qui a paru à
plusieurs érudits idenlique à celle du Nord, quoique formée de ca-
ractères plus grands et moins bien gravés et qui donnerait aussi la
date de l'année 1506; M. de Beaufort y a lu au contraire celle de
12H qui correspondrait à rachèvement du clocher, antérieur de
peu d'années à celui de Téglise même; nous préférerions assez
volontiers cette dernière version, si les caractères gothiques et
français de cette inscription ne se prêtaient mieux à la première
lecture; la question est encore à trancher.
Quand on pénètre à l'intérieur, on a devant soi une belle nef
composée de cinq travées, accostée de deux collatéraux étroits;
au-delà, la croisée et Tabside au fond de laquelle s'ouvre la grande
baie de la fenêtre principale qui penche légèrement sur la droite
en dehors de Taxe de Fédifice, en commémoration sans doute de
l'attitude de la tête du Christ mourant sur la croix. La longueur de
l'ensemble est de 58 mètres; la largeur de 13 mètres 70 c. Il est
facile en parcourant le vaisseau de retrouver les caractères distincts
des époques auxquelles on doit faire remonter la construction de
ses diverses parties : la première travée, celle du clocher, est voûtée
en une coupole soutenue par quatre colonnes simples à chapiteaux
et porte bien la marque du xi* siècle; les travées suivantes, avec
leurs voûtes en berceau, leurs colonnes accompagnées de colon-
nettes de dispositions et de dimensions variées, leurs chapiteaux
curieusement travaillés, sont évidemment d'une période postérieure;
quant aux nefs secondaires ou collatéraux, elles ont leurs voûtes à
arêtes et leurs arcs-doubleaux en plein cintre.
Si l'aspect de la nef plaît au visiteur par ses proportions heureu-
ses et son bel ordonnancement, il est permis de dire que ce visi-
teur est séduit et tout à fait charmé par la vue du transept et de
l'abside; là tout révèle un art plus parfait et en tous cas les
inspirations de la première époque, si pure, si noble et si
délicate à la fois de l'architecture ogivale. Quatre colonnes
cruciformes, accostées chacune de huit gracieuses colonnettes,
soutiennent avec les demi-piliers et les quarts de piliers des
côtés et des angles les voûtes, dont celle du milieu est ellipti-
que et les autres en berceau, et produisent à l'aide de cette combi-
naison assez simple l'effet d'une profusion de lignes pleines d'har-
monie, que relèvent les fines sculptures des chapiteaux, des crosses
de feuillages et d'un cordon courant à la hauteur des fenêtres tout
au tour de l'abside et du transept, contournant les colonnettes et
donnant lieu par celte rencontre à des motifs d'une décoration
sobre et délicate.
Sous cette partie si remarquable de l'édilice se trouve une crypte
'
I
396 SOCléTÉ ARCBÊOLOGIQUI ET HISTORIQUE DU LISI0U8IR.
dans laquelle nous descendons par une porte et un escalier placés
dans Faile droite du transept; cette crypte assez vaste, voûté, bien
conservée, quoiqu'elle n'ait pas été rendue au culte, comprend trois
chapelles réunies par un couloir et, en face de la chapelle du milieu,
un vestibule ouvrant sur un caveau rectangulaire dans lequel on
remarque un puits à margelle d'une seule pièce; l'existence de ces
puits, comme Ton sait, n'est pas chose rare dans les monuments
religieux de celte époque ; le caveau lui-même communique avec
un autre plus étroit dans lequel se trouvait autrefois, dit-on, le
tombeau de Gérald de Crozant, seigneur de Bridiers, le donateur
de La Souterraine à l'abbaye de Saint-Martial de Limoges. Sur une
grosse pierre encastrée dans le mur du fond de ce dernier caveau,
on aperçoit les lettres d'une inscription qu'il est assez malaisé de
lire et surtout de traduire, d'autant plus que celle-ci est renversée.
IS. MANIBVS
NL FILL ITEM
PATRIS. ITEM
ACVS(l)
Suivant la tradition assez curieuse pour être rapportée, l'inscrip-
tion aurait fait pendant longtemps le désespoir des érudits d'autre-
fois, notamment des religieux de l'abbaye jusqu'à l'époque du
passage à La Souterraine de la reine Catherine de Médicis qui fit
observer que l'inscription était renversée, la pierre ayant été placée
dans la maçonnerie de bas en haut et qui en donna la première
lecture, elle ou plus probablement un des seigneurs de sa suite (2).
Cette inscription qui était évidemment celle d'un tombeau n'était
(t) V. Manuel d'épigraphie, par l*abbé Texier,page 104. Le savant abbé
lisait à la fin de la 3® ligne : PIÊN, qu'il traduisait : pientissUnL
Le même a lu A. C. Y* S. et traduisait : animœ carissimœ ootum soloU,
D'après une autre lecture, il y aurait A. G. V. et Tod pourrait traduire :
anima carissima valeas. *
Du reste, Tabbé Texier n*a pas fourni la traduciion même de cette ins-
cription. Eu outre des abbés Nadaud et Texier, TinscriptioD ainsi que la
suivante relatée au texte ont été relevées par d'assez nombreux épigra-
phisles qui en ont donné des lectures un peu différentes.
(2) M. Ernest Montaudon conserve un vieux manuscrit où on lit ceci :
a ... Dans les fondements de laquelle (église) se trouve une inscription
» écrite en lettres anciennes sur une grosse pierre fort dure, rompue par
» moitié et transposée en deux endroits, laquelle ne se pouvait lire ni
» assembler jusqu'à ce que feu M. Merlin, sieur de Rancy, maître des rc-
» quêtes, passant en la dite ville (de La Souterraine) avec feu M. le dac
\
Clocher de l'û^tisc ile l.a Souu-rraJiic.
EXCUBSION ARGléOLOGI^UB à LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. 397
point la seule ; il en existait une autre qui fut recouverte en 1750
par une maçonnerie et qui a été publiée par plusieurs érudits :
ET MEMORIAE PAVLI.
MEMORIAE PAVLI...
NERTACI AVI N...
VIVVS POS.
Mais suivant Texemple de Duroux, presque tous ont oublié la
seconde ligne, comme le prouve la lecture donnée par l'abbé Na-
daud {Pouillé rayé, p. 126).
Nous estimons avec un savant épigraphiste actuel, M. Espéran-
dieu, que ces deux inscriptions (la seconde rectifiée par l'addition
de la deuxième ligne) étaient les deux fragments d'une seule et
même inscription et que ces fragments doivent être rapprochés
pour pouvoir en faire la lecture qui devient alors facile.
L'inscription entière doit être lue ainsi : Dits tnanibus et memoriae
PauU[%\ni fili[i]; item memoriae Pauli, patris; item f memoriae J Ner-
taci, aviy N[ert]acu8, mvu8pos{uit).
Aux dieux Mânes et à la mémoire de Paullinus, son Gis, de Pau-
lus, son père, et de Nertacus, son grand père, Nertacus a, de son
vivant, élevé ce tombeau (1).
Indépendamment de ces deux inscriptions, M. Fesneau cite Texis-
tence de deux monolithes et celle de souterrains dont une branche
aurait eu son orifice dans la crypte même, comme preuves de
rédification d'un temple païen sur les lieux mômes où s*est élevée
réglise.
Selon cet auteur, Téglise aurait été construite sur les ruines du
temple après la donation de Gérald de Crozant aux moines de Saint-
Martial dont la date a été donnée plus haut, et n'aurait été
9 d*Anjou et la Reine, à la suite de l'armée du duc des Deux-Ponts et de
9 ramiral, en Tan 1569, en laissa des copies.»
Cette indication donne quelque raison à la légende, en donnant toute-
fois le mérite de la découverte à un des compagnons de la reine et non
point à celle-ci.
(1) V. Inscriptions delà cité des Lémooices par M. le capitaine Espéran-
dieu, pages 93 et suiv. —Paris, Tborin, 1891. LMnlerprétenlion de M. Espé-
randieu trouve un appui dans le manuscrit de M. Montaudon que nous avons
rapporté plus haut en note. Mais de plus le rapprochement et la lecture
ensemble des deux fragments dont il s'agit ont été faits, avant cet érudit,
parOruter (copie de Scaliger). En 1569 et plus tard au temps de Scaliger,
la pierre était brisée, mais complète. Nadaud, lui-mômc, avait dû voir le
second fragment et l'avait lu comme Scaliger. (Voir aux pièces annexes la
restitution de Tinscription).
398 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE BT UISTORIQUE DU LIMOUSIN.
achevée qu'en 1220; ces deux dates semblent assez bien concorder
avec les caraclères du monument. Cette fondation, œuvre de deux
siècles, fut pénible, laborieuse, souvent interrompue par la pénarie
des ressources, par des entraves et des difficultés de toutes sortes
et même par des luttes très vives entre les religieux et les bour-
geois. Certains documents semblent en outre établir que les prin-
ces anglais qui dominaient alors dans la /province, coopérèrent à
ToBuvre par leurs subsides et intervinrent même dans rédification
par rinfluence de leurs idées et peut-être de leurs plans.
Un archéologue exercé, M. de Beaufort, qui a publié il y a trente
ans une description technique assez minutieuse de Téglise à
laquelle nous avons déjà fait allusion, adopte cette manière de voir.
On ne saurait mieux faire à cet égard que de renvoyer ceux des
lecteurs qui voudraient avoir une connaissance plus complète du
sujet au mémoire de cet érudit et nous détachons seulement de ce
mémoire ces quelques lignes en sorte de conclusion : « Le mélange
de voûtes ogivales à filets, dit-il, de voûtes en plein cintre, en ber-
ceau, à arêtes, à coupoles, de fenêtres de plein cintre et à ogives,
place clairement la construction de l'église de La Souterraine à une
époque de transition. L'originalité de son portail, de sa tourà tourel-
les anglaises à l'étage supérieur, lui donne dans l'aspect quelque
chose d'arabe et d'anglais; sa galerie sur les bas-côtés et sur le
devant, s'élendant sur les contreforts, fait naître l'idée d'une dé-
fense militaire et donne à présumer qu'elle a été conslruile en
temps de guerre » (1).
Cette appréciation ne manque pas de justesse et si elle rencontre
quelque contradicteurs, elle précise assez bien en tous cas les ca-
ractères particuliers et les plus saillants qui recommandent l'église
de La Souterraine à l'attention des savanls.
M0^UMENTS DIVERS.
La ville de La Souterraine possède encore quelque monuments
de moindre intérêt, notamment un fanal funéraire qui a été réédi-
(4) V. le mémoire de M. de Beaufort, Recherches archéologiques dans
les enoirons de Salnt-Benoist du Sault^ dans le volume de la Société des
antiquaires de TOuest cité plus haut (années 1860-61).
La notice sur La Souterraine est accompagnée d'un plan et d*une vue de
Téglise et de dessins de divers détails des colonnes ou des chapiteaux.
L'auteur y raconte aussi, d'après M. Fesneau, il est vrai, les incidents
sur\enus durant la construclion de l'église, les conflils et luttes avec les
habitants et les moyens financiers à l'aide desquels les religieux parvin-
rent à terminer leur œuvre, en indiquant les principales dates. Il nous
serait assez difficile de conlrôler la véracité de toutes ces assertions.
EXCURSION ARCUéOLOGIQUK A LA SOUTERRAINE BT DANS SES ENVIRONS. 399
fié pièce par pièce dans le nouveau cimetière et qui consiste
en un édicule en pierre de granit taillé, de six à sept mètres d'élé-
vation, de forme prismatique hexagonale, très élancé, reposant
sur un socle massif et surmonté d'une lanterne. Ce fanal offre
beaucoup d'analogie avec celui d'une localité voisine, Sain t-Aignant-
de-Versillat, lequel passe toutefois pour être mieux conserve et
de proportions plus parfaites (1).
Dans un de» murs du même cimetière, on nous a fait remarquer
une pierre très fruste où nous avons eu quelque peine tout d'abord
à distinguer l'effigie d'un personnage; celte figure serait à ce que
Ton rapporte, celle d'un moine, Raymond deVigeois, qui fut tué en
Tan H72 pendant une sédition des bourgeois provoquée par les
contributions levées sur eux pour la construction de l'église ; les
émeutiers furent condamnés à l'amende et à élever un monument
expiatoire ; mais il paraîtrait que la rancune populaire survécut
longtemps au souvenir même de la réparation et que naguère
encore les enfants de la ville ne passaient point devant l'image du
Monsgânier, sans y jeter des pierres. Si la tradition n'est qu'une
légende, celle-ci du moins a son côté piquant.
Quelque rapide qu'ait été notre promenade à travers ces vestiges
du passé, l'heure a passé encore plus vite et nous rappelle que
nous n'avons encore accompli qu'une partie de notre tâche, la plus
facile à coup sûr, puisque nous n'avons pas quitté la ville. Bridiers,
Breith, Saint-Germain-Beaupré sont compris dans le cadre de
l'excursion ; aurons-nous le temps de tout voir ? C'est la question
que plusieurs d'entre nous se posent, eir constatant avec une cer-
taine inquiétude que nous sommes en retard d'une bonne heure
sur l'horaire fixé. Mais les optimistes, il y en a toujours par bon-
heur parmi les archéologues, ont réponse à toutes les préoccupa-
tions; pour remplir son programme, il suffit de vouloir! Aussi bien
après nous être arrêtés quelques instants autour de l'excellente
table de YHôtel de France où l'appétit et la bonne humeur de cha-
cun trouvent aisément à s'exercer, nous empressons-nous de faire
route pour Bridiers, notre première étape, en dépit des objur-
gations des voituriers qui se récrient contre la longueur du
voyage.
(4) Une troisième lanterne des morts existe dans le canton de La Sou-
terraine, au cimelière de Sainl-Eliennc-dc-Fursac; mais elle est d*unc
architecture plus vulgaire que celle des deux fanaux que nous venons
de citer.
400 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGlQUe KT HlSTORfQUB DU LIMOUSllt.
II.
BRIDIERS.
A deux kilomèlrcs de la ville que nous quillons et noii loin de
la grande route reliant cette ville à Sainl-Vaury et à Guérel, se
dresse une haute tour qui de loin sollicite les regards à travers le
paysage où elle forme une masse sombre et qui, lorsqu'on s'en
approche, revêt un aspect très imposant. C'est la tour de Bridiers,
le seul fragment resié debout du grand château féodal qui a existé
durant des siècles au lieu de ce nom.
L'abord en est des plus commodes; un chemin de traverse assez
vite parcouru nous conduit au pied d'une sorte de mamelon ou de
plateau pentagonal dont Tescarpement nalurel d'un côté, factice de
l'autre, domine la colline d'une dizaine de mètres. A l'extrémité
sud de ce plateau, sur un massif en forme de cône tronqué de même
hauteur que l'escarpement et qui lui sert de base, s'élève une tour
cylindrique haute elle-même de vingt-deux mètres ; le diamètre à la
base est aussi de vingt-deux mètres, dans la partie cylindrique de
dix-sept mètres soixante centimètres. C'est assurément l'une des
plus grosses tours que nous possédions encore dans nos provinces
du centre. Le tout est en pierres de granit taille, sauf dans la partie
inférieure où le moellon a été aussi employé dans la maçonnerie.
Ça et là les hautes murailles sont percées de quelques lucarnes ou
fenêtres étroites dont deux sont munies de meneaux, mais sans mou-
lures et sans ornements.
Du côté du plateau, à trois mètres environ au-dessus du niveau du
sol de celui-ci se trouve Tunique porte qui donne accès dans la tour;
on y arrivait autrefois au moyen d'un pont-levis venant retomber sur
une sorte de terrasse qui communiquait elle-même avec le sol par
un escalier et dont les débris se voient encore à une petite dis-
tance de la tour; actuellement c'est à l'aide d'une échelle prêtée par
un obligeant voisin que nous devons faire l'ascension de la porte.
Lorsque celle-ci a été franchie on pénètre dans un couloir long de
quatre mètres, sur lequel donnent à gauche un escalier descendant
dans les soubassements, à droite un autre escalier en spirale qui
meneaux étages supérieurs. En face le couloir débouche directe-
ment dans une belle salle de forme hexagonale de sept mètres
d'élévation et de neuf dans tous les antres sens; dans les
[»ans de l'hexagone se trouvent réparties deux fenêtres aux pro-
fondes embrasures, une cheminée, divers cabinets ou réduits; la
EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. 401
voûte dont les filets retombent aux angles sur des consoles d'un
style très simple, est fort bien conservée ; mais par contre le plan-
cher de la pièce est à peu près en entier effondré et laisse aperce-
voir le soubassement qui servait de cachot et dont robscurilé
régnante rend assez difficile l'examen. Les salles supérieures, au
nombre de deux, reproduisent d'une manière assez exacte les dis-
positions de la première, avec un peu moins de hauteur; l'escalier
que nous avons suivi jusqu^à celle du dernier étage permettait
encore, il y a peu d'années, de monter jusqu'au sommet du donjon
sans risque d'accident; M. de Beaufort qui le visita, il y a quelque
trente ans, décrit la plate-forme qui était munie d'un parapet et
ornée de quatre grandes gargouilles faisant saillie et la toiture
consistant alors en une charpente à six pans surmontée d'un lan-
ternon (1); à cette heure, rien de tout cela ne subsiste. Les ravages
du temps se sont fait sentir sur le malheureux donjon avec une
rapidité et une violence inquiétantes pour l'avenir, bien qu'une
société d'amateurs dévoués en ait fait l'acquisition pour conjurer
les effets d'une ruine toujours croissante; on peut se faire une
idée de la marche de la dévastation, en voyant l'énorme quantité de
gravats, de poussière et de débris, arrachés sans cesse aux maçon-
neries du dessus et qui encombrent l'escalier du faîte jusqu'au bas.
Dans son mémoire, M. de Beaufort parle aussi de deux construc-
tions qui existaient encore lors de son passage, sur la gauche et au
fond du plateau ; ces constructions ont presque entièrement dis-
paru.
La grande tour ou donjon qui menace ruine, avec quelques débris
assez informes sur le côté gauche, voilà donc tout ce qui reste de ce
qui fut le siège de l'importante vicomte de Bridiers.
M. Albert Mazet, architecte à Paris, a essayé après M. de Beau-
fort de reconstituer l'ancien château ; il a publié dans la revue qui
porte pour titre : l'ilmt des monuments, une notice avec un plan dans
lequel il nous représente une enceinte pentagonale suivant les
arêtes du plateau, longue de trente-cinq mètres, large d'une tren-
taine, fortifiée aux angles de quatre tours, en sus de la grosse tour
qui servait de donjon ; la porte d'entrée était à la gauche dé ce der-
nier ; on en voit encore les traces ; les constructions signalées par
M. (le Beaufort devaient s'appuyer aux murs d'enceinte et pouvaient
être des corps de logis pour la garnison, ainsi qu'on en trouve
(f] Toir les Recherches archéologiques 6c M. de Beauforl dans le volume
précité de la Société des antiquaires de V Ouest, pages 140 et s. L'auteur
a donné à la suite de ce volume (planche i) un plan du château restitué et
une coupe verticale du donjon.
401 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE RT HISTORIQUE DU LIMOUSIR.
d'autres exemples dans les forteresses de cette nature. Ce plan
que nous reproduisons ici grâce à l'obligeance de Tauteur et de
l'éditeur de la Retme, est accompagné d'une vue cavalière, des-
sinée aus3i par M. Mazet, et qui doit donner, nous semble-t-il, une
impression assez exacte de l'ensemble du château (1).
Cet ensemble n'avait rien d'exagéré pour une seigneurie de l'im-
portance de celle de Bridiers.
HISTORIQUE.
Au X® siècle, constate M. Leroux, la vicomte de ce nom était déjà
un des huit fiefs principaux du Limousin, sous la suzeraineté du duc
d'Aquitaine, comte du Poitou et Limousin (2) ; au début du siècle
suivant, ce fiet devait appartenir à Gérald de Crozant, le bien-
faiteur des moines de Saint-Martial de Limoges, car dans la dona-
tion faite à cette abbaye, dont il a été déjà parlé plus haut, le dona-
teur est qualifié seigneur de Bridiers (3).
L'historique et la généalogie de la famille sont du reste assez mal
connues et présentent plus que des lacunes ; la liste que Ton a
cherché à dresser des premiers vicomtes ne compte guère que trois
à quatre noms, après lesquels règne un très grand intervalle lais-
sant place seulement à quelques probabilités ; on constate cependant
qu'en 1177 Bridiers fut pris par Henri II, roi d'Angleterre, sur Hu-
gues de Lusignan, comte de la Marche, et par lui donné à Faucon et
Bernard, vicomte de Brosses; c'est ainsi sans doute que la vicomte
passa aux mains de la famille de Brosses, qui paraît Tavoir con-
(<) VAml des monuments et des arts, revue périodique. Année 1891,
Ô" année, n^ 24. Le Château de Bridiers^ par M. Albert Mazet^ avec un
plan et un dessin de reconstitution par Tauleur. On peut rapprocher ce
plan de celui dressé par M. de Beaufort avec lequel il a du reste une assez
grande similitude.
(2) Géographie et histoire du Limousin par M. Alfred Leroux, archi-
viste de la Haute-Vienne, pages 31 et suivantes.
(3) M. de Beaufort, dans son article sur Bridiers, place cette donation en
Tannée 1015, tandis que dans sa notice sur Téglisc de La Souterraine il la
fait remonter, diaprés M. Fesneau sans doute, à 997. Il y a là une inadver-
tance dont ne s'est point aperçu probablement Thonorable archéologue et
qui ne saurait s* expliquer par ce fait que Berald, fils de Gérald et son suc-
cesseur, ayant repris h cilla Sosteranea, en fit plus tard de nouveau dona-
tion ou restitution à l'abbaye, car M. de Beaufort qui relate la mort de
Gérald en 1092, parle lui aussi de la restitution faite par son fils en lui assi-
gnant une date postérieure.
EXCURSION ARCRéOLOGIQUB A. LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. 403
servée assez longtemps, peat-étre jusqu'à la lin du xv* siècle ; par le
même fait et en môme temps elle passait au Poitou pour revenir
peut-être plus tard à la Marche, à ce que présument du moins quel-
ques historiens. Au xvur siècle en tout cas, cette vicomte constituait
une des enclaves poitevines avec une superficie de 102,000 *. hec-
tares (1).
Il paraît aussi résulter de ces faits avec assez de vraisemblance
que la famille des vicomtes de Bridiers, premiers du nom, avait
disparu d'assez bonne heure (2) ; on a vu plus haut que les de
Brosses seraient devenus propriétaires du fief avant même la fin du
XII" siècle et qu1ls le conservèrent jusqu'à la fin du xv; après eux,
celui-ci appartint successivement à Philiberte de Savoye, duchesse
de Nemours (1524), à Jean de La Barre, chevalier, comte d*Etampes
et seigneur d'autres lieux, conseiller et chambellan du roi, premier
gentilhomme de la chambre, gouverneur, prévôt et bailly de Paris
(1528-1531); à Denise de La Barre, femme de Jean de Touteville
(1559); à Claude de Linières, dame du dit lieu et de Clam, vicom-
tesse pour les trois quarts de la dite vicomte et à Paul de Couhet,
seigneur de La Roche (1598) ; à Marguerite d'Aubray (1623). Il passa
(I) V Géographie de M. A. Leroux, plus haut citée, pages 35 cl 40.
(2} On retrouve cependant aux siècles suivants, même après le xv% lo nom
de Bridiers porté par deux familles, celle des Bridiers-Garlempe fixée
depuis longtemps en Provence et celle des Bridiers-Nouzerine ou Nou-
senn qui fournit plusieurs chevaliers ou commandeurs à Tordre de Malte.
Ces deux familles se rattachaient sans doute à celle de Bridiers, dont la
branohe aînée était probablement éteinte.
Voici cependant ce que nous lisons dans un article de M. Napoléon
Bonaparte Wyse sur le donjon de Chamborant, publié dans les Mémoires
de la Société des Sciences de la Creuse {\'oL III, page 233 et la note) : a La
vicomte de Bridiers, une des quatre vicomtes du comté de Poitou, étendait
sa juridiction sur quatre baronnies dont Chamborant était la première.
» Après la première croisade, un chevalier de Bridiers resta en Provence
avec le nom de Bridiers-la-Gartempe, il portait: d'azur, un losange d'ar-
gent au centre de Vécu et trois étoiles ^or, deux en chef et une en pointe,
M Bridiers-Nouzerine, resté au donjon de Bridiers, portait : d^orà la bande
de gueules. Une vicomtesse de Bridiers a été reine d'Espagne. Les com-
commandeurs Hathelin et Jean de Bridiers furent blessés au siège de
Kliodes en 1480. La terre de Bridiers a successivement paisé dans les mai-
sons de Rochecbouard, Mortemart, Montaigul, Naillac-Ccssac, de Brosses, etc.
La tour fut livrée par un traître en 1356 aux Anglais ; il reçut plus tard le
cbàliment qu'il méritait, on voit encore des restes du tableau rappe-
lant son supplice, au mur encore debout de la salle de justice (petite tour
dclT.st)».
Beaucoup de ces assertions demanderaient examen.
404 (société archéologique rt historique du limousin.
ensuite aux mains des Pot de Rhodes (de 1658 à 1720); en Tannée
même 1655, Henry Pot de Rhodes fit reconstruire toute la partie
haute de la grande tour qui était en mauvais état (1). Âpres eus la
terre appartint aux Mesgrigny, puis aux Bouthillier, comtes de
Beaujeu, qui la vendirent en 1756 à dame Henrielle de Ija Roche,
veuve de Jacques Boucher, trésorier des colonies françaises en
Amérique; cette dernière la transmit à sa fille mariée à Louis-
François-Marie-Honorine de Rochechouard-Pontville, condamné à
mort par le tribunal révolutionnaire de Paris. En 1820, madame de
Montagu-Lomagne, né de Rochechouard-Pontville, qui en avait
hérité de sa mère, en fit donation à M. le comte de Hontagu-
Lomagne, son fils, qui aliéna les terres par parcelles et vendit la
tour à la société d*amateurs que nous avons déjà mentionnée {i).
On remarque en définitive que les propriétaires de Bridiers onl
été pour la plupart d'assez grands personnages ; dans le nombre
figurent sous Tancien régime un grand-maître, un chambellan et plu-
sieurs gentilshommes de la Chambre du roi ; et parmi leurs alliances
on relève les noms des Foucauld de Saint-Germain, Barlhon de
Montbas, Pot de Rhodes, de Ligondès, de la Celle, de Chamborand
et d'autres familles non moins connues.
Rappelons enfin que Bridiers fut le siège d'un baillage qui rele-
vait de Montmorillon (3).
(1) Voir aux annexes le marché d'ouvrage qui fut passé à celte occa-
sion entre le seigneur et un maître maçon. La famille Pot de Rhodes était,
on le sait, Tune des plus anciennes et des plus illustres de la province.
Henri Pol de Rhodes dont ii-esl question au lexle était, comme ses ancê-
tres, du reste, grand maître des cérémonies de la cour. Saint Simon en a
laissé un portrait très sympalhiquc. 11 mourut en 1699. (Voir Histoire de
Saint-Germain Beaupré, par l'abbé Ratier, page <37).
(2) M. Albert Mazet a publié dans la notice précitée une généalogie des
seigneurs de Bridiers, qui paraît assez complète à partir de la fin du
XV® siècle, avec des indications que nous n'avons fait que résumer et qui
doivent avoir été puisées à des sources plus sûres que les renseignements
déjà donnés par M. de Reauforl ; M. Mazet, lui-même, au surplus, a tenu
celle liste cl ces indications de ThoiiorableM. Montaudon, notaire à La Sou-
terraine, qui possède parmi ses minutes des titres fort intéressants au
point de vue des origines de propriété.
(3) Voir notamment un article de M. Louis Guibert sur les Enclaoee
Poitevines du diocèse de Limoges^ dans VAlmanach Limousin pour 18d6,
page 86. L'auteur y détermine le périmètre que formait une de ces impor-
tantes enclaves du côté du Nord-Ouest de la Creuse actuelle; elle com-
prenait Azérables, Vareille, partie de Saint-Aignant-dc-Versillat et de Saint-
Elienne-de-Fursac, Nolh,Saint-Priesl-la-Feuille, Saint-Maurice et quelques
LA bOU 1 LRRAINE. — Porte Noire-Dame ou de la Prison.
Plan inédit Ju château Je BrUiers, dessin d'Alben Mazet.
EXCURSION ARCHEOLOGIQUE A LA SOITERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. i05
III
BREITH.
Les tumulus. — La ville gallo-romaine.
Breith, Bridiers, La Soulerraine représentent trois époques suc-
cessives, trois étapes bien distinctes de la marche de la civilisation
dans une contrée dont le rayon ne dépasse guères deux kilomètres;
le lien le plus intime unit évidemment les trois localités; La Sou-
terraine a dû naître de Bridiers, comme Breith a dû être la pre-
mière origine de Bridiers. Il est remarquable en outre que le
déplacement des populations s'est produit là, comme presque
partout ailleurs, dans le sens de Toccident. Est ce le fait du hasard?
Est-ce Teffet, ainsi que le dit M. Mazet (1), de cette impulsion sin-
gulière qui depuis le commencement du monde semble pousser les
races de TEst à l'Ouest? en la circonstance on ne saurait évidem-
ment affirmer la réalité de celte dernière cause. Pour nous, qui
dans le cours de notre excursion devons suivre l'ordre nécessité par
le voyage et non Tordre chronologique, nous avançons en sens
contraire, c'est à dire de l'Ouest à l'Est, et du moyen âge que nous
venons de quitter avec Bridiers, nous remontons en arrière de bien
des siècles jusqu'aux confins de l'ère chrétienne.
Des ruines du château à l'emplacement de ce qui fut Breith, la
dislance n'est pas grande. A mi-chemin, sur la route, voici le village
de Bridiers dans lequel on a cru voir un ancien faubourg, le seul ves-
tige encore debout de l'antique cité. Rien n'y attire l'attention, si ce
n'est peut-être une inscription dont la pierre forme aujourd'hui le
linteau d'une ancienne porte murée et où nous avons bien de la
peine à déchiffrer quelques lettres. Certains érudits l'on lue ainsi :
A S R P Q I R
et ont ivdiimi: Augustoservatori reipublicae quœ infnmid ruebat{i).
hameaux autour de La Souterraine. « La tour de Bridiers, dil-il, était au
Poitou et le baillage dont Bridiers fut longtemps le siège relcvaii de Mont-
morillon. La ville de La Souterraine, donn^^e au xi^ siècle par Gérald de
Crozant à Tabbaye de Saint- Martial, devait sans doute à cette mouvance
d*étre devenue Limousine »
(1) M. Mazet, Notice sur Bridiers, loco eltato, p. 24
(â) C*est notamment la lecture donnée par M. de Bcauforl.
M. Fcsneau lisait les lettre : A I R S R P Q qu'il traduisait: Augusto
imperatori romano senatus romanus populusque,
T. XL. 26
406 SOCIBTB ARCHÉOLOGIQUE ET niSTORIQCK DD LlMOlISIiC.
Celte traduction et les autres qui en ont été données sont évidem-
ment fantaisistes. L'inscription elle-même parait n'être qa*un faux
à M. le capitaine Espérandieu, Fauteur des /n^onpftom de la cité
des Lémovices déjà cité par nous (Paris, Thorin, 1891). Il est
permis en tous cas de la considérer comme suspecte (1).
Un peu plus loin, presque à Tangle intérieur que forment en se
rejoignant les deux routes de Dun et de Guéret, s'élèvent deux
tumulus de proportions tout à fait exceptionnelles; Tun d'eux en
effet présente une circonférence de 184 mètres à sa base, sa hau-
teur est de 15 ou 16 mètres, mais elle devait être plus grande, car le
sommet paraît en avoir été beaucoup aplani et présente mainte-
nant l'aspect d'un cône tronqué ; le second de ces tumulus, le plus
rapproché de la route, est moins vaste dans ses dimensions, mais
il a dû également être réduit dans son élévation.
J'ai prononcé le mot de tumulus, bien que l'origine et la destina-
tion de ces monuments aient été assez discutées : quelques uns, des
militaires particulièrement, les ont considérés comme des mottes
d'observation faisant partie de tout un système de défense ; et de
fait, si l'on raisonnait de leur situation, on pourrait être tenté tout
d'abord d'admettre celte manière de voir ; les mamelons occupent
en effet le centre de retranchements de forme à peu près circulaire,
très caractérisés, et qui avec leurs fossés et leurs levées en goise
de contre-escarpes, constituent assurément un des camps de César
les plus étendus que l'on connaisse. Mais on ne comprend guère
de pareils travaux aussi élevés pour servir de points d'observalion,
alors surtout que dans les environs les points culminants ne fai-
saient pas défaut. M. deBeaufort a émis l'avis, encore moins accep-
table semble-t-il, que ces élévations avaient eu probablement pour
destination de servir de bases ou de plate-formes aux châteaux
primitifs, par exemple au premier château de Bridiers, qui, dans la
suite, aurait été transporté ou plutôt reconstruit sur les lieux on
nous en avons trouvé les ruines.
(1) Une autre inscriplion aurait été découverte en 1873 dans le cimetière
de Breilh, si Ton en croit une correspondance échangée dans le cours de
cette année entre M. Fesneau et M. Egger, en môme temps quele torse d'une
statue en pierre blanche.
Elle serait ainsi figurée en deux fragments
a
D Y ni A A T y
b
0 D . 1 - E
/LERVN
D E-V
M. Espérandieu n'entrevoit pas la possibilité d'une restitution : on ne
saurait môme dire si les lettres proviennent ou non d'un même texte.
EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A LA SOUTiilRRAINE ET DANS SES ENVIRONS. 407
Mais il est plus simple et plus judicieux d'admel^iPe avec la grande
majorité des archéologues, que ces amas de terre étaient réellement
des sépultures. Quand on examine de près, comme nous avons pu
le faire, l'humus qui les compose, on trouve une terre très friable
d*un ton noirâtre et qui rappelle la cendre. Gomment expliquer
d'ailleurs autrement la grande quantité d'urnes funéraires qui y
ont été découvertes ? des anciennes fouilles non encore comblées,
sortent encore sous nos yeux, des blocs de pierres de structure
grossière, mais affectant bien la forme de ces urnes de façon à ce
qu'on ne puisse se méprendre sur leur caractère; la plupart de ces
pierres funéraires ont été enlevées depuis longtemps par les gens
du voisinage et parmi elles il s'en trouvait d'un travail plus délicat;
de plus toutes ces urnes contenaient des cendres et de menus objets
en métal; le doute n'est donc pas permis.
Comme dernier détail concernant les tumulus, disons que dans
ces dernières années un propriétaire du pays a construit, sur la
plate-forme du plus grand des deux, une maison et des bâtiments
agricoles, entourés de cultures diverses; lui-même nous a montré
les objets qu'il a trouvés en creusant les fondations, des clous et
des fers à cheval en quantité, des pièces de bois singulièrement
durcies par leur séjour en terre, quelques monnaies et des mor-
ceaux de métal assez délicatement ouvragés.
Les tumulttë et ïoppidum gaulois qui l'environne marquent en
quelque sorte de ce côté l'entrée de la ville gallo-romaine. Nous
sommes déjà sur l'emplacement de celle-ci et nous allons en par-
courir l'étendue dans un de ses sens tout au moins. Mais si, après
après avoir lu les séduisantes descriptions que quelques amateurs
en ont tracées sous le coup de l'enthousiasme suscité par leurs
découvertes, Ton s'attendait à retrouver de véritables ruines ou
môme des vestiges assez éloquents de la grandeur de Breith, on .
éprouverait évidemmentune grande déception. A travers ces campa-
gnes, où nous portent nos pas, couvertes en ce moment de l'année
de leurs belles moissons bientôt mûres, parmi ces taillis, ces bois de
châtaigniers touffus, etces vertes prairies, nous suivons d'étroits che-
mins bordés de buis épais, indices certains de subslructions ancien-
nes, nous rencontrons ça-et-là des pierres aux arêtes moussues, mais
qui n'ont pas été apportées là par les forces de la nature elle-même,
nous trouvons des débris de poteries, des fragments de briques en
grand nombre; un champ qui domine la colline el que l'on nomme
le champ du théâtre^ est littéralement semé de ces débris ; plus loin
sur le flanc de cette colline et sur un espace d'environ cent mètres
à découvert s'alignent deux retranchements, le terme est il exact?
deux murs plutôt, bâtis en pierres de petit appareil romain, tous
'i08 SÛCléTK AilCHEOLOGIQUB ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
deux de faible épaisseur, parallèles et séparés par une sorle d'allée
ou de couloir.
Voilà tout ce que nous révèle la vue actuelle des lieux, du moins
dans la partie, non la moins importante, que nous avons le temps
de visiter! (i) des fouilles antérieures, peu ou point de traces : les
terres ont dû être remises en état par les propriétaires. Il faut donc
que l'imagination vienne quelque peu en aide à notre esprit qui
cherche et se recueille, pour vivifier de nouveau les souvenirs dis-
parus, pour évoquer l'image de la cité qui n'est plus- Celte évo-
cation du rcsle n'est pas un mirage; le doute ne peut être permis.
En ces lieux, sur une surface qui n'était peut-être pas de quatre
kilomètres carrés, comme l'estimait l'honorable M. Fesneau (2),
mais qui devait être cependant assez vaste, s'élevaient bien vrai-
ment des constructions considérables, des demeures plus ou moins
somptueuses, des rues, des temples, des théâtres aussi sans doute,
et des édifices très divers; là vivait une population qu'animaient
tous les instincts, tous les soins de la vie humaine et sociale. C'était
bien une véritable ville, quoique l'abbé Texier qui n'avait pu assis-
ter, croyons-nous, qu'aux résultats des premières investigations,
n'ait voulu y reconnaître qu'une simple villa.
Les témoignages ne manquent pas et ils offrent les plus grandes
garanties de certitude; à défaut de textes, de documents écrits, qu'on
n'a pas trouvés ou qui sont bien vagues, la pioche des ouvriers
a remué ce sol un peu partout depuis quarante ou cinquante ans
et a mis au jour de toutes parts des substructions importantes, des
murs, des galeries, des citernes, des pavés ou des mosaïques; les
archéologues, les chercheurs, les habitants du voisinage y ont
recueilli les objets les plus variés et souvent précieux, des
vases, des urnes funéraires, beaucoup de fresques représentant des
oiseaux et des fleurs, des médailles ou des monnaies romaines en
quantité énorme, des statues même; de pareilles trouvailles repous-
sent évidemment l'hypothèse d'une simple villa, même des plus
confortables (3).
(I) Tierlaines autres parties méritent aussi une visite, entr'autres le champ
dit des Urnes, qui est burdé de tous côtés par des urnes funéraires, en
nombre considérable, trouvées dans le terrain même, et qu*on a réunies
sur ses limites en guise de clôtures.
(â) Breith, ville peinte^ notice de M. Fesneau, publiée dans les iV#émotre$
de la Société des sciences de la Creuse^ tome III. — A consulter aussi le
mémoire de M. de Beaufort, dans le volume précité de la Société des Anti-
quaires de l'Ouest, et Tarticle de M. Mazet, sur Bridiers, aussi indiqué plus
haut.
(3) Si des fouilles assez nombreuses ont été faites à Breith, il ne paraît pas
EXCURSION ARCBÉOLOGIQUE A LA SOUTERRAINE RT DANS SES ENVIRONS. 409
L'existence d'une cité ne paraît donc pas contestable. Mais de ses
origines, de son rôle politique, de son nom même et de la signifi-
cation de ce nom, de ses destinées et de sa fin, que savons-nous?
Autant de questions qui ont déjà fait Tobjet de bien des contro-
verses, de problèmes non encore résolus et sur lesquels planera
toujours le mystère des temps et des choses non connues !
M. de Beauforl a tenté de démontrer que Breith, Bré ou Breda,
n'était autre que la fameuse station de Prœtoriiim, dont fait men-
tion la carte de Peutinger et dont remplacement exact décourage
encore la science des plus érudits ; mais la situation de Breith ne
répond guère aux indications très précises de la carte.
M. Fesneau, s'étayant de l'autorité deProsper Mérimée qu'il avait
consulté, dit-il, au sujet de l'étymologie du mot, pense que Breith
en langue celtique signifie Ville peinte et que ce nom lui venait des
nombreuses peintures, des fresques notamment qui décoraient les
murailles de la cité.
La même incertitude se retrouve pour la détermination des cau-
ses qui ont pu amener la destruction ou la ruine de Breith et de l'é-
poque où cette ruine a dû se produire.
D'après un vieil écrivain, Chàteaunières de Grenaille, la ville
aurait été détruite de fond en comble par les Anglais pendant leur
domination au mojen âge (1). Mais un pareil événement aurait
laissé quelques traces dans nos chroniques de l'époque.
M. de Beaufort, lui, recule la date de la destruction à l'année 410,
lors du passage des Vandales, qui auraient infligé à la ville le trai-
tement qu'ils firent subir à tant d'autres.
qu'elles aient iamais été entreprises avec une méthode raisonnéa et sur
un plan «(«^oéral d'ensemble; la faute ne peut guère en être imputée aux
explorateurs; il eut fallu sans doute des travaux considérables et forts
coûteux» analogues par exemple à ceux qu'a dirigés le Père de la Croix
à Sanxay, dans le Poitou, à faidc de ressources collectives, pour se rendre
un compte un ppu exact de la topographie de fancienne cité et des riches-
ses qu'elle peut renfermer. A cette heure il n'existe, à notre connaissance,
aucun plan qui en ait é[6 relevé et il nous paraîtrait difficile qu'il put en
élre dressé un avec les éléments épars, trop vagues et trop superficiels que
Ton possède.
(1) Cet écrivain, en parlant des villes remarquables du Limousin, s'ex-
prime ainsi : a ... Et enfin, les vestiges, si aucuns le rocognoissenl, ile
la ville de Bré que les Anglais rasèrent et enveloppèrent au profond d'une
étemelle ruine. »
Chàteaunières, qui a été qualifié plus ou moins juslcmcnt d'hisloricn ou
de géographe, était Limousin, originaire d'Uzcrche. Son opinion ne semble
pas plausible.
ifO SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
M. Fesneau adopte une date intermédiaire et estime que Breith
fut prise et livrée aux flammes par Pépin le Bref, vainqueur de
Waïfer.
Nous rappellerons une autre opinion fort curieuse, signalée par
M. Tabbé Artbellot dans son élude sur Geoffroy de Vigeois, et qui a
sa source dans la Chronique du faux Ttirpin; d'après un passage
de cette chronique et l'avis même du célèbre prieur de Vigeois, la
disparition de Breith comme cité se serait produite après le désas-
tre des armées de Charlemagne à Roncevaux, à la suite d'une vé-
ritable hécatombe des habitants de cette cité qui auraient péri dans
cette funeste défaite (1).
(4) Voir V Etude sur Geoffroy de VigeoLsy par M. Tabbé Arbellot, publié
dans le tome XXXVI (K^ livraison, pag. 435 et suiv.) du Bulletin de la
Société archéologique du Limousin.
Le passage auquel nous faisons allusion est emprunté au chapitre ix
de la chronique faussement atlribuéc à Turpin. Celui-ci faisant rénumé-
ration des plus illustres combattants qui se trouvaient dans Tarmée de
Charlemagne s'exprime ainsi : « Angélier, duc d^Aquitaine, avec quatre
mille combattants ; ils étaient instruits à manier toutes sortes d'armes,
surtout les arcs et les flèches. Cet Angélier, gascon d'origine, était duc de
la ville d'Aquitaine, laquelle ville était située entre Limoges, Bourges cl
Poitiers ; que César-Auguste établit la première dans ces contrées et à
laquelle il soumit les villes de Bourges, de Limoges, de Poitiers, de Sain-
tes et d'Angoulême avec leurs provinces respectives; c'est pourquoi toute
cette contrée fut appelé Aquitaine. Or, cette cité, après la mort d'Angelier,
étant devenue veuve de son duc [oiduata duce suo) fut totalement dé-
vastée, parce que tous ses citoyens périrent à Roncevaux par le glaive et
qu'à partir de cette époque elle n'eut plus d'autres habitants ».
Quelle était cette ville d'Aquitaine, d'importance si prépondérante, et
ainsi caractérisée dans la chronique du faux Turpin? Selon Geoffroy de
Vigeois lui-môme, cette ville était celle de Breith dont la situation répon-
dait exactement à celle indiquée par cette chronique; Geoffroy rapporte
que lorsqu'il fut envoyé à La Souterraine par l'ordre de l'illustre abbé Pierre
(Pierre V del Barry, abbé de Saint-Martial de 1163 à H 74), et résidant en
celle ville, il entendit raconter par plusieurs personnes beaucoup de dé-
tails sur cette ville autrefois fameuse, placée près de Bridiers et d'Esco-
piac; il ajoute que ce lieu renfermait presque deux camps el était situé
du côté du soleil levant.
Et cependant le bon et savant prieur manifeste son étonnement de ce
que dans celle histoire il soit fait mention d'une ville qui s'appelait Aqui-
tainCy d'autant que, dit-il, dans les actes de Saint Martial, docteur des
Aquitaines ou dans les annales de son temps on n'en trouve la citation
nulle part; pareillement dans les vies de Saint Jusl, de Saint Vaulry, de
Saint Eloi, de Saint Pardoux qui sont nés ou ont vécu non loin de cetlo
ville, on n'en cite jamais le nom.
il nous est permis de partager l'étonnement de Geoffroy de Vigeois el
EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. 4i t
Il est assez diflTicile de raisonner avec des conjectures aussi peu
fondées sur des textes certains ; peut-être serait-il plus naturel et
assez judicieux d'admettre que la destruction de Breith ne fut pas le
fait d*uD jour ni d'un même événemcnl et que cette destruction
commencée par les Vandales, ne devint complète et définitive que
sous les règnes de Pépin et de ses successeurs.
Quoiqu'il en soil, que la ruine soit venue un peu plus ou un peu
moins tard, qu'elle ait été plus ou moins précipitée par la main des
hommes, cette ruine est bien entière depuis déjà des siècles (1). Le
temps qui vient à bout de toutes choses a fait là son œuvre comme
en tant d'autres lieux ou la vie humaine s'est éteinte après avoir
brillé de tout son éclat; il a dans sa marche patiente, mais iné-
luctable, comblé les vallées, les galeries, les fossés, aplani les
murs et les sommets, nivelé et recouvert le tout de cette parure
toujours nouvelle qui est celle de la nature même. Cet anéantisse*
ment des œuvres de Thomme est arrivé à ce point qu'il faut un jour
que de véritables pionniers viennent fouiller jusque dans les entrail-
les du sol pour y retrouver péniblement quelques souvenirs de ces
œuvres! Quant à nous, simples visiteurs d'un jour, d'un instant,
devrais-je dire, nous n'avons même pas la satisfaction de pouvoir faire
ce qu'on fait avant nous ces fortunés travailleurs ; il nous faut quitter
les champs de Breith sans avoir pu leur arracher un de leurs secrets,
avec ce regret de l'homme qui sait fouler un trésor sous les pieds
et qui n'a pas le temps ou le moyen d'y atteindre.
môme d'exprimer quelqaes doutes au sujet de cette ville d'Aquitaine et
de son ideDtification avec «reilh. Comment expliquer, en effet, Texistence
d'une ville de cette importance, dont il ne soit pas fait mention dans les
actes publics ou privés de l'époque, et dont le souvenir se soit perdu aussi
vite pour les générations suivantes?
En ce qui concerne Breith même, qu'elle ait été cette ville d'Aquitaine ou
toute autre, il paraît également assez invraisemblable que le désastre de
Roncevaux et le massacre de ses chevaliers et de leurs compagnons aient
pu avoir pour conséquence directe la ruine et la disparition même de
cette cité, si aucune autre cause n'est venue se joindre à celle-ci. Ne
pourrait-on pas voir dans le passage de la chronique une image un
peu hardie de Tauieur s'appliquant à une contrée, celle d'Aquitaine, plu-
tôt qu'à une seule ville? L'auteur il est vrai, emploie le mot urbs pour la
désigner; plus loin il se sert du mot : cioltas. Dans tous les cas l'explica-
cation ne résout pas le problème.
(I) L'absence de tous vestiges importants et extérieurs permet d'assi-
gner à la destruction de Breith une date très reculée. On a supposé du
reste que les habitants des lieux voisins cl notamment ceux de La Souter-
raine ont contribué à celle destruction par les emprunts de matériaux
qu'ils ont du y faire pour bâtir leurs demeures et leur ville ; la supposition
est très admissible.
41â SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LlMOUSlff.
IV
DE BREITH A SAINT-GERMAIN-BEAUPRE.
En laissant Breith, sans revenir sur nos pas comme l'exigerait
l'ilinéraire officiel, et sur la recommandation de nos guides, nous
prenons une petite roule vicinale qui traverse remplacement de la
ville morte et qui doit nous conduire à Saint-Germain-Beaupré, un
peu en vertu de Taxiôme que tout chemin mène à Rome; avons-
nous à le regretter? Non certes, à mon avis! Si la route est plus
longue elle est aussi des plus pittoresques ; étroite et sinueuse, elle
court à travers champs, longeant de belles prairies, enlaçant de son
ruban poudreux les collines boisées, suivant les ondulations du sol
qui sont douces dans la première partie du voyage, ouvrant à
chacun de ses détours une de ces perspectives variées si chères à
nos yeux limousins. Pour être ami des choses du passé, notre cœur
n'en est pas moins sensible aux charmes de la création toujours
jeune, toujours vivante.
Aux environs du petit village de Noth, nous côtoyons à plusieurs
reprises les bords du bel étang de la grande Casine ; sa nappe d'eau,
qui a les dimensions et la limpidité d'un petit lac, baigne les con-
tours harmonieux du riche cadre de verdure et d'ombrages qui
l'enveloppe et brille par instants, étincelante sous les feux du soleil
perçant la nue entre deux averses (1).
Un peu plus loin le sol devient très accidenté; la route descend
des pentes rapides en faisant de brusques lacets ; à notre droite se
creuse une vallée dont le flanc opposé se relève en un versant
abrupt, hérissé de rocs granitiques d'une teinte sombre, dernier
anneau d'un de ces chaînons secondaires que les monts de la Mar-
che poussent au loin et dans tous les sens jusqu'à la région où nous
sommes. Dans le fond de la vallée coule un petit ruisseau qui va
(1) L'étang de la grande Casine, renommé pour Tabondance du poisson,
faisait autrefois partie des terres de Rridiers et de Rhodes. M. Montaudon,
iiolaire à La Souterraine, possède parmi ses minutes un contrat du 9 fé-
vrier 1775 relatif à la vente de cet étang et contenant la généalogie des
derniers maîtres de Bridiers.
Grosse tour de Bridi
EXCURSION ARCHEOLOGIQUE A LA SOUTBaRAlNC ET DANS SES ENVIRONS. 413
non loin de là mêler ses eaux avec celles de la Sedellc, que celle-ci
porte ensuite à la Creuse au pied môme du site grandiose de Cro-
zanl. Le ruisseau nous accompagne jusqu'à Saint-Léger-Bridereix,
autre chef-lieu de commune du canton, où Theure déjà trop avancée
ne nous permet pas de visiter une élégante chapelle du xV siècle
accolée à Féglise ni le dolmen signalé aux alentours. J'allais oublier
un curieux accident de paysage entrevu du moins en passant; ce
sont les trois moulins superposés de Saint-Léger que la même chute
d'eau alimente, formant ainsi une cascade non moins utile qu'ori-
ginale.
Nous quittons près de là notre petite route pour suivre la grande
voie qui mène à Dun-le-Palleteau et prendre bientôt après celle qui
relie cette dernière localité à Saint-Germain. Ce n'est point sans
une certaine inquiétude que nos regards interrogent les campagnes
environnantes d'où aucun château, aucun clocher n'émerge encore
devant nous. Depuis le départ cependant bien des kilomètres ont
été franchis; mais retenons notre impatience; bien joli du reste
le pays qui se déroule autour de nous, joli el portant aussi toutes
les marques de la fertilité et d'une intelligente culture; ce beau do-
maine que nous voyons sur la droite a été taillé presque en entier
dans les vastes héritages qui dépendaient jadis de la vicomte. El
d'aulre part, si nos yeux se portent à l'Est sur l'horizon, ils jouis-
sent d'une vue des plus étendues, ils embrassent toute la contrée
de Dun et môme au-delà jusqu'aux montagnes des trois Cornes,
derrières lesquelles se cachent Saint- Vaury el plus loin Guéret.
Nous touchons d'ailleurs au terme du voyage; c'est au galop de
nos chevaux que nous traversons le bourg de Saint-Germain sans
pouvoir y distinguer autre chose que le clocher bizarre de sa petite
église el quelques instants après les voitures nous déposent à
l'entrée du parc duchâleau.
41 i SOCIÉTÉ ARCHÉOLÛGiaUB ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
SAINT-GERMAES -BEAUPRE
et ses seigneurs (1).
Au touriste qui Taborde par le chemin que nous venons de sui-
vre, le château de Saint-Germain-Beaupré offre tout le charme
d'une surprise; assis au bas de la déclivité d'un coteau que recou-
vrent les ombrages touffus de son beau parc, il apparaît tout à
coup au délour d'une allée, à travers un décor luxuriant de ver-
dure, dans toute l'ampleur et toute la majesté de ses constructions,
de ses tours couronnées de dômes aux formes étranges, de ses ter-
rasses, de ses larges douves encaissées dans leurs quais de pierre,
des pièces d'eau qui l'environnent et qui semblent encore en dé-
fendre l'approche; l'aspect en est vraiment saisissant; ce n'est
point l'effet produit sur l'imagination par la vue d'une de ces for-
teresses féodales, haut situées sur leurs sommets escarpés et
dominant tous les alentours de leurs sombres ruines ; ce.n'est point
Châlucet, ni Crozant, ni même Bridiers! L'impression est ici tout
autre; par elle, l'esprit ;se sent reporté non plus au moyen âge,
mais vers un passé moins lointain où la civilisation plus polie sa-
vait allier déjà aux nécessités d'une défense éventuelle le souci du
confort, le goût du beau et les raffinements d'une vie plus luxueuse.
Ne semble-t-il pas que l'on va voir apparaître, pour compléter ce
cadre somptueux, toute une société de grands seigneurs, de bril-
lants cavaliers, de dames empanachées, tout occupés de leurs dis-
tractions et de leurs plaisirs? Ce n'est là qu'une illusion et la réa-
lité d'ailleurs ne donne pas heu de la trop regretter : si les hôtes
(I) Une observalion sera faite sans doulc par nos lecteurs, c'est que
nous avons donné à cette dernière partie de notre élude relative à Sainl-
Germain-Beaupré une exiension et des développements peu en rapport
avec les notices qui précèdent sur Breith, Bridiers et La Souterraine. On
voudra bien nous pardonner ce qui pourrait être assez justement qualifié
un défaut de proportionnalité; noire excuse est tout entière dans Tinté-
rét très saisissant que nous a paru présenter un sujet déjà traité par quelques
devanciers, mais pour lequel il existe encore bien des lacunes ci des
obscurités qui étaient dignes de nouvelles recherches et d'up nouvel
examen.
EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. 415
qui nous accueillent à Tarrivée ne portent pas le pourpoint et
répée, ce sont bien les plus aimables des hôtes; rien ne saurait
égaler, en effet, la cordialité de cet accueil et la gracieuse obli-
geance avec laquelle MM. Berthomier père et fils, les propriétaires
actuels du château, nous fout les honneurs de celui-ci. Ils savent
prêter à noire visite déjà si attrayante d'elle-même, un intérêt tout
particulier grâce à leurs explications techniques et précises, aux
renseignements historiques, aux détails curieux qu'ils nous four-
nissent et qui témoignent de leur connaissance éclairée des lieux
et des choses qui les concernent. Quels meilleurs guides, du reste,
aurait-on pu souhaiter que les habiles reconstructeurs de Saint-
Germain, que ceux-là même à qui Ton doit d'avoir sauvé le château
de la raine complète qui allait le faire disparaître!
L'auteur de l'excursion archéologique dans cette partie de l'an-
cienne Marche, auquel j'ai déjà fait plusieurs emprunts, M. E. de
Beaufort, visitant Saint-Germain-Beaupré il y a un peu plus de
trente ans, pouvait écrire ces lignes :«.... Hâtons-nous de recueil-
lir, si nous voulons avoir quelque chose ; hier tout le monde par-
lait du beau château de Saint-Germain-Beaupré... Aujourd'hui,
quand on demande le château, on vous répond : les ruines sont au
bas du coteau... que l'œuvre de destruction est rapide, quand tous
les efforts concourent pour la consommer! » (1).
Si M. de Beaufort revenait à cette heure, quels ne seraient pas
son élonnement et sa satisfaction de retrouver au bas du coteau,
non plus les ruines qu'il y avait vues, mais un bel et noble édiflce!
LE CHATEAU ACTUEL.
Essaierai-je ici une description complète et détaillée de cet édi-
fice? Je m'acquitterais sans doute assez mal de ce soin, surtoul
après la description technique qu'un homme de l'art, M. Albert
Mazet, en a tracée dans une notice encore toute récente (2); en
renvoyant le lecteur à cette notice pleine d'exactitude et de préci-
sion, il doit suffire de faire connaître l'aspect général et les traits
{i) Le Château de Saint-Germaln-Beaupré, par M. de Beaufort, Mé-
moires de la Société des antiquaires de V Ouest j tome XXVI, année
S 860-61, page 184.
(2) Saint-Germain- Beaupré f notice publiée par H. Albert Mazet dans
la revue VAmi des monuments, n^ 17, année 1890, avec un plan du châ-
teau restauré. — Grâce à Taimable permission de Fauteur et de Téditeur
de la revue, nous avons pu reproduire ce plan dans notre élude.
416 SOCIÉTÉ ARCUÈOLOGIQUR ET HISTORIOUK DU LIMOUSIN.
les plus saillauls que présente le chàleau actuel, tel qu'il a élé res^
taure par M. Bcrthomier.
Aux angles d'un terre-plein qui affecte la forme d'un pentagone
irrégulier et qui sert d'assietle au château, s'élèvent des côtés de
rOuest etdu Midi trois grosses tours, mesurant chacune Irente-
huit mètres de hauteur jusqu'aux toitures, mais d'un diamètre un
peu inégal qui peut varier de huit à onze mètres ; ces tours sont
construites en moellon taillé et sont ornées dans le haut d'un cor-
don de corbeaux et de mâchicoulis qui sert de soutien à un parapet
en briques ajourées; chacune d'elle est surmontée d'une toiture en
dôme, d'un travail remarquable et chacun des dômes est lui-même
coiffé d'un lanternon très original; le tout est couvert en ardoises.
Les trois tours, qui portent les noms de tours de la Chapelle, Mont-
pensier et du Midi, en allant de gauche à droite à l'arrivée, sont
reliées entre elles par des corps de bâtiments qui n'ont pas tous
les mêmes dimensions, mais qui reproduisent à peu près le même
aspect architectural et décoratif que celui des tours (1^. Le bâti-
ment du fond, le principal logis, est fort élevé; il esl éclairé par de
larges fenêtres de style renaissance et couvert d'un haut toit en
ardoises. On pénètre dans ce logis par une porte assez simple, or-
née toutefois de pilastres et d'un fronton en ogive, placée tout près
de l'angle formé par les bâtiments faisant retour en équerre; dans
ce même angle, une tourelle forme saillie extérieure et renferme
un escalier en spirale.
Le surplus du terre-plein est occupé par la cour d'honneur; à
l'entrée de cette cour, du côté du Sud-Ouest-Sud, deux autres
tours, qu'on appelait la tour Henri IV et la tour du Seigneur ou de
Saint-Germain, dont il ne reste plus que les soubassements, en-
cadrent la lête d'un pont à deux arches, muni d'un parapet en bri-
ques et à jours, qui fait communiquer le château avec le parc et
Textérieur. Tout autour de cette enceinte, régnent des fossés
profonds, d'une grande largeur, enfermés dans des quais en pierre
et remplis d'eau vive; ces quais soutiennent au-dehors des terras-
ses qui forment avec les allées du parc, les abords des étangs etdes
pièces d'eau et les prairies adjacentes, de délicieuses promenades.
Si la physionomie extérieure du château est très séduisante,
l'intérieur ne mérile pas moins d'attirer et de fixer les regards
par la restauration intelligente et fidèle dont il a été aussi l'objet
(1) Cependant les constructions qui avoisincnl la tour du Midi et qui sont
moins élevées que les autres paraissent avoir été édifiées plutôt on vue
des nécessités du service que de la restauration même de celte partie du
château.
EXCURSION AUCBÉOLOGIQUE A LA SOUTERRAINS ET DANS SES ENVIRONS. 417
et de plus par les souvenirs ou les particularités curieuses qu'on
y relrouve encore.
La porte principale décrite plus haut donne accès dans un vesti-
bule voûté et en pierre, comme l'escalier qui lui fait face et dont
les clefs de voûte sont formées de deux écussons aux armes d'un
des seigneurs de Saint-Germain et d'une maison alliée (1).
Au rez-de-chaussée se trouvent, entre autres pièces, deux gran-
des salles, servant Tune de salle de billard, l'autre de salle à man-
ger, toutes deux décorées avec beaucoup de goût; dans cette der-
nière on remarque surtout deux panneaux du xvir siècle, bien
conservés, représentant le premier une vue d'ensemble de l'ancien
château, pris du côté de la façade occidentale, l'autre les défenses
du nord avec pavillon et autres annexes (2).
Au premier étage, la distribution intérieure reproduit à peu près
les mêmes dispositions que dans le bas et offre aussi à notre curio-
sité deux pièces de grandes dimensions, dont une est ort^ée d'une
remarquable cheminée en marbre rouge, reste somptueux de la
décoration primitive ; cette pièce, qu'on appelait la Chambre de
Cléopdtre, parce qu'elle était tendue de tapisseries rappelant l'his-
toire de cette reine fameuse (3), rappelle aussi d'autres souvenirs ;
(I) L'un de ces écussons, d'azur aux fleurs de lys sana nombre, est
celui deGabrielFoucauldI»' qui épousa, par contrat du 29 novembre 1533,
Françoise de Villeluroc el dont nous parlerons en indiquant la généalogie
des Foucauld de Saint-Germain.
Le second est celoi des Vlllelume : d'azur à dix besants d*argent posés
4, 3, 2 et 1.
Le premier de ces écussons, celui de Gabriel, se trouve aussi dans le
parc, près Tangle des fossés de Touest et du nord.
Les armes de Gabriel Foucauld et de sa femme (Gabriel décédé en 1559?),
ne pourraient-elles pas fournir une indication utile pour la date de la
construction ou plutôt d'une des reconstructions du château auxvi^ siècle?
Cest là une question que nous examinerons plus loin.
(î) Nous avions déjà du château de cette époque plusieurs dessins,
entre antres une lithographie insérée dans V Album de la Creuse de Lan-
glade et un autre dessin donné par M. de Beaufort dans les Mémoires des
Antiquaires de V Ouest (tome précité, planche III). Mais ces deux dessins
sont loin de présenter le môme intérêt que les deux panneaux dont il
s'agit au point de vue artistique comme sans doute aussi au point de vue
de Fexactilude.
(3) M.Tabbé Ratier, dans son Histoire du château de Saint-Germain,
a donné une description de ces tapisseries qui se divisaient en six tableaux
ou panneaux représentant des événements divers de Tcxistence de la
reine d'Egypte et qui, en très mauvais état, auraient été vendues à Paris en
1860 (voir page 46Î). x
418 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET H1ST0R1QUB DU LIMOUSIN.
c'est elle, en effet, qui aurait servi d'appartement à W^* de Mont-
pensier pendant son séjour au château, séjour dont la légende a
fait un exil, et dont nous donnons plus loin le récit exact.
Cet appartement était, à ce qu'on assure, et Vassertion est vrai-
semblable, très richement orné ; mais les tapisseries et le mobilier
ont disparu et de rornemenlation ancienne il ne subsiste que la
cheminée.
La partie de Tédifice comprenant la chambre de Giéopâlre, la
salle à manger, avec la tour Montpensier qui lui est adjacente et
quelques annexes et attaches de constnictions voisines, voilà, ou
peu s'en faut, ce que M. Berthomier père avait trouvé encore
debpul au moment de commencer ses travaux; tout le reste est son
œuvre, œuvre de labeur, de difficultés et de patience, dans laquelle
il s'est attaché à reproduire scrupuleusement l'ancien état de cho-
ses, en suivant de point en point les indications que lui ont four-
nies les fondations et les vestiges retrouvés dans les fouilles, les
documents écrits ou les dessins, tels que les panneaux dont il a été
parlé plus haut.
l'ancien CHATEAU.
Cette restauration fidèle permet de reconstituer assez facilement
et en son entier le château qui existait antérieurement et qui s'était
conservé du reste malgré son état de délabrement jusque dans les
premières périodes de notre siècle. Ce château était, comme on le
sait déjà, beaucoup plus considérable : les tours Henri IV et de
Saint-Germain, dont on ne voit à présent que les soubassements
ou étages inférieurs, se dressaient à l'entrée de la cour dans leur
imposante hauteur; celte entrée était la môme que celle de nos
jours, à cette différence près que le pont à parapets de briques ne
joignait pas le terre-plein et laissait un vide sur lequel venait
s'abaisser un pont-levis. Les cinq tours étaient reliées entre elles
par des corps de logis, de proportions et de style identiques à ceux
du grand bâtiment actuel que nous avons décrit. Les crêtes des
toitures, les lanternons des dômes étaient surmontées de girouettes
et de hautes flèches fleurdelisées et dorées qui contribuaient adon-
ner à l'ensemble le plus noble et le plus brillant aspect. Entre les
bâtiments se trouvait comme enfermée la cour d'honneur, assez
étroite, un peu obscure môme à cause de l'élévation des construc-
tions (1); aux angles intérieurs de cette cour se trouvaient des lou-
(') Dans cette cour, on voyait un bassin formé d'un énorme bloc de
granit, où jaillissaii une fontaine ; ce bassin a été transporté en 1861 dans
un jardin de La Souterraine.
EXGDBSION ARCHÊOLOGIQUB A LA SOUTERRAINE ET D>NS SES ENVIRONS 4t9
relies de forme ronde contenant les escaliers de service. Devant la
façade de VOuest s'étendait une terrasse avec jeu de paume, très
nettement indiqués dans le panneau n^ 1 de la salle à manger. Du
côté inverse, celui de TEst ou du Midi, les soubassements encore
intacts à cette heure et qui ne sont pas une des moindres curiosités
du château, servaient d'écuries et communiquaient directement avec
Textérieur par un pont décoré à son entrée d*une porte construite
en pierres et en briques avec niches et d'un aspect assez monu-
mental.
En dehors des fossés formant la première enceinte se trouvaient
les terrasses garnies par devant de balustrades de pierre; au-delà
de ces terrasses, d'autres fossés ou canaux et des étangs, dont un
s'appelait l'étang carré, formaient une seconde ligne de défense;
l'entrée du pont était protégée par un corps de garde accosté d'une
grande tour. Dans le parc, on trouvait divers pavillons et la vaste
orangerie, encore existante, mais qui, hélas I des deux cents oran-
gers qui la garnissaient jadis et faisaient sa renommée, n'en a
conservé que trois ! Ajoutons, enfin, que ce bel ensemble était com-
plété par un cadre magnifique, des jardins, des bosquets touffus
et la belle prairie fort étendue, d'où la demeure paraît avoir tiré
son nom(l).
(I) 11 serait peut-être difBcile de reslituer avec une précision complète
Fétat primitif de Tenceinte et des approches du château ; les fossés inté-
rieurs, nous dit M. Berlhomier, n'ont guère subi de changements; mais
les fossés extérieurs oni été remblayés dans la partie sud-ouest qui
s'éttndait entre la terrasse et le jardin potager; cette terrasse a même été
abaissée et les marches ont été enlevées. Ce travail dut être effectué par
M. de Villemolte, Tun des prédécesseurs du propriétaire actuel ; et Ton
rencontra dans le sol, au cours du travail, un très grand nombre de cer-
cueils.
Le pont du sud- est, dit des Ecuyersy qui était en bois, n'existe plus,
mais le portail en briques qui en marquait l'entrée a été relevé sur la ter-
rasse du même côté.
Il ; avait encore un autre pont, au nord-ouest, reliant le parterre au
premier étage de la courtine placée entre la tour de la chapelle et la tour
Henri IV ; il n'en reste plus de traces.
Les anciennes écuries situées dans les sous-sols et le cachots qui se
trouvaient sous la tour Montpensier et sous la petite salle à manger, exis-
tent encore; les soubassements où étaient les anciennes écuries sont
d*une ampleur et d'une élévation remarquables.
Dans le tracé du parc anglais actuel, on a respecté plusieurs allées
droites et quelques arbres, marronniers et chênes, vieux témoins du jar-
din à la française ; quant aux trois marronniers gigantesques remarqués
par M. de Beaufort et dont un mesurait quatre mètres trente cenlimètrça
•»'■>•■
430 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET BI8TOR10DE DU LIMOUSIN.
A quelle époque devons-nous faire remonter la construction du
château? Si elle ne peut être très exactement déterminée, cette épo-
que du moins ne saurait être reculée au-delà de la seconde moitié
du XVI' siècle ou du commencement du siècle suivant. Sans doute
il existait bien auparavant et depuis fort longtemps déjà un château
de Saint-Germain-Beaupré ; ce château, dont la date de la fonda-
tion première ne nous est pas connue, avait môme, dû être l'objet
de plus d'une modification ou d'une reconstruction, car au xv* siè-
cle, pour ne pas chercher plus avant, il avait déjà subi plusieurs
sièges, dont un au moins parait bien avéré (1); les traces de rema-
niements multiples et successifs retrouvés par M. Berthomier dans
ses fouilles en sont des preuves assez convaincantes.
Mais le château fut repris évidemment dans son ensemble, sur un
plan et sur des bases nouvelles^ pendant la période dont nous
venons de parler, comme certains détails de style suffisent à le dé-
montrer. Si l'on s'en rapportait uniquement à Tindicalion fournie
par les clefs de voûte de l'escalier principal, marquées aux armes
de Gabriel, premier du nom et de Françoise de Villelume, sa
femme, qui vivaient avant l'année 1560, il faudrait attribuer assez
naturellement au seigneur de ce nom la construction dont il s*agiL
Il nous semble hors de doute en tous cas que la partie de l'édifice
où se trouvent compris TescaUer d'honneur et la jolie porte d'en-
dc circonférence, il n'en reste plus qu'un seul, placé sur la droite de
l'allée principale en allant au château *, les autres auraient été aballns par
la foudre.
On a beaucoup parlé aussi de galeries souterraines qui partaient du
château et se dirigeaient en divers sens; M. IVibbé Ratier en complaît
quatre principales allant aux quatre points cardinaux. Mais ses assertions
reposent surtout sur la tradition. Toutefois, lors de la création du parc
moderne par M. le comte d'Honorati (1850-59), on découvrit une de ces
galeries qui devait être importante, mais que les eaux ou les difficultés du
terrain ne permirent guère de suivre au-delà des fouilles.
(1) M. Tabbé Ratier mentionne, sans les préciser du reste, deux sièges
qui seraient antérieurs à celui fait par les ligueurs sous Gaspard Pou-
cauld.
Le môme auteur, parlant des reconslruciions du château aoléricures au
xvr siècle, prétend que la première fut entreprise sous le règne de saint
Louis par Gui Foucauld^ qui, au retour des croisades, réédifia complète-
ment le château, en lui donnant le caractère romano- byzantin qu'il a tou-
jours conservé depuis...! en i407, Marc Foucauld fit effectuer une nouvelle
restauration du château, en lui conservant le plan et la forme adoptés par
Gui.
Mais Tabbô Ratier ne cite aucun document à l'appui de ses affirmations,
à tous égards fort hasardées.
<•
Plan incJitdu château de Saint-Germain-Bcaupré
relevé et restiiuê par Albert Mazet.
mi
Armes de Gabriel 1" Foucauld
et Je Françoise de ViUelume, sa femme.
fekCURSION ARCtlÉOLOGIQÙK A LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVP'ONS 42 1
trée dont les motifs sont d'inspiration ogivale, date bien de cette
époque ; cette partie est en effet avec les cheminées la seule qui
présente une différence marquée avec le style d'ensemble du reste
de cet édifice. Mais pour le surplus, Tœuvre de Gabriel P% si
elle avait été achevée par lui, a été certainement reprise, restaurée
et peut-être aussi quelque peu modifiée par ses successeurs, à la
suite des destructions tout au moins partielles que subit le château
après sa mort.
En 1580, tout d'abord, le château fut assiégé par les ligueurs qui
s'en emparèrent et le dévastèrent, ce dont Gaspard Foucauld qui en
était alors le maître et qui appartenait au parti protestant se vengea
quelques années plus tard en mettant à sac Châteauponsac et
TArtige. Celte date de 1580, qui n*a pas été citée par Tabbé Ratier
dans son Histoire de Saint-Germain , ne paraît point douteuse, car
elle est certifiée en quelque sorte par une lettre d'Henri IV, alors
roi de Navarre, qui se plaint au duc de Montpensierde la dévasta-
tion du château de Saint-Germain-Beaupré et exprime son regret
de De pouvoir contribuer à son relèvement (1); ce relèvement dut
s'effectuer cependant; car en 1605, le môme prince, devenu roi de
France, revenant de son voyage en Limousin, y séjourna avec une
nombreuse suite. Il est vraisemblable que ce dernier n'aurait pas
choisi ce lieu pour une des étapes de son voyage, si le seigneur de
Saint-Germain n'eut pas été en état de l'y recevoir.
Quelques années plus tard, peu de temps apparemment après la
mort du roi (2), le château éprouva de nouvelles vicissitudes et un
sort pour le moins aussi cruel. En l'absence de Gabriel Foucauld,
fils de Gaspard et deuxième du nom, un fils du gouverneur de Dun-
(4) Celte leltre, datée du i*^ novembre 1580, a été relatée dans une
notice que M. Georges Berthomicr a publiée dans le Bulletin XXXVHI de
la Société arch. et hist. du Limousin (page 190).
(9) Il est fort difficile de préciser la date ; M. Tabbé Ratier qui a parlé de
ces événements d'après les extraits de la correspondance de Gabriel Fou-
cauld et de sa famille {Histoire du Château de Saint-Germain, page 70 et
note) ne Fa pas indiquée et ne pouvait sans doute le faire à défaut de
documents certains; plusieurs passages de cette correspondance dénotent
que ce nouveau siège de Saint-Germain est bien postérieur au passage
d'Henri IV, et d'autre part il n'est guère admissible que, sous les dernières
années du règne de ce prince qui protégeait les Foucauld, un de leurs
ennemis eut risqué une pareille entreprise. Après sa mort et au début du
règne suivant, les troubles qui éclatèrent en beaucoup de lieux, la faiblesse
du gouvernement d'alors et l'esprit de réaction contre la royauté devaient
au contraire faciliter cette entreprise, mais la date exacte reste toujours à
déterminer.
T. XL. VI
Aîî SOCIÉTÉ. AIlCnéoLOGlQtJE t.r HiStOtilQCE DU LIMOUSIN.
le-Palleteau, d'Aumont, héritier de vieilles haines de famille, ob-
tint par surprise un ordre pour mettre garnison dans le château
de Saint-Germain qui passait pour être le rendez-vous des hugue-
nots ; Gabriel était, disait-on le chef de ce parti et était accusé de
vouloir formen ter de nouveaux troubles. Jeanne Poussard de Fors,
épouse de Gabriel, refusa de recevoir cette garnison ; d'Aumont vint
accompagné de quatre-vingts gentilshommes mettre le siège devant
le château, le canonna, le renversa à moitié et força la petite
garnison de se rendre à discrétion avec la châtelaine. Onajoute que
le château fut pillé, dévasté et démoli jusqu'au premier cordon (i).
Gabriel^ après ayoir obtenu justice du souverain, fit rebâtir et
embellir sa demeure dont quelques parties, notamment le rez-de-
chaussée du bâtiment intérieur où se trouvaient la porte et Tes-
calier voûté, avaient dû échapper aux boulets etàla ruine, protégées
qu'elles étaient par les tours Montpensier, du Midi et du Seigneur
et par les courtines et les bastions faisant face au assiégeants.
Gabriel ne borna pas ses soins à cette reconstruction et à ces
embellissements; instruit par l'expérience, il augmenta le système
de défense du château et entoura le parc d'une muraille de 6,000
toises, munie de créneaux, de meurtrières et de portes, qui ne fut
achevée qu'en 1651 et dont on retrouve encore des vestiges (2).
La restauration ainsi entreprise et qui en dehors même des
coupoles et des lanternons qui surmontent les tours, offre bien
les traits distinctifs de l'architecture de la première moitié du
(I] Nous reproduisons & peu près la narration de ce siège faite par M. de
Beaufort {loco cUato)^ d'après Touvrage de TabbéRatier, en y faisant quel-
ques additions et rectifications.
On montre dans le champ dit de la Faisanderie, à quelque distance du
château, du côté sud, remplacement encore assez visible où étaient ins-
tallées les batteries des assiégeants.
(t) Les dimensions de cette enceinte fortifiée paraîtront peut-être très
exagérées. On nous assure cependant que l'ancien parc circonscrit par la
muraille dont il est parlé, était extrêmement vaste et comprenait, outre le
parc actuel, le grand pré, la faisanderie, un pacage d'une vingtaine d'hec-
tares, le bois de La Forge, Tétang du moulin Du Bois, une partie de la
forêt, terre de la maison Breaud, en un mot, une surface correspondant à
retendue indiquée ; on retrouve encore en effet les murs existants à un
mètre du sol, et qui servent de clôture pour une partie du domaine et à
d'autres propriétaires voisins.
Pendant la reconstruction, Gabriel s'était retiré àArgenton; on a dans sa
correspondance une lettre de son intendant écrite au cours de ces travaux,
et dans laquelle celui-ci fait allusion aux poursuites alors dirigées contre
d'Aumont et ses complices.
fcSCURSION AttCHÉOLOGlOUe A LA SOutCRRAlNE Et DANS SES ENVIRONS, iââ
xvii* siècle, ne fut évidemment pas Tœuvre d'un jour (1); elle dût
être dans tous les cas complétée, perfectionnée par ses successeurs.
L'orangerie encore intacte trahit par son style et par la forme de ses
ouvertures ou lucarnes une époque un peu postérieure; les jardins
avaient été tracés d'après les dessins de Le Nôtre. (C'est en 1854 seu-
lement qu'ils ont été convertis en parc anglais). La décoration inté-
rieure qui était des plus remarquables et dont on a conservé quel-
ques vestiges, portait aussi l'empreinte manifeste du goût et des
inspirations du règne du grand roi. Nous avons déjà parlé des
meubles et des tapisseries qui ornaient la chambre dite de Cléopâtre.
L'aile nord du château contenait une belle collection de tableaux
qui était composée surtout des portraits des princes et de grands
personnages de ce règne; cette galerie dont l'existence était un
fait fort rare dans nos contrée et mérite à ce titre d'être signalée,
se trouvait encore à Saint-Germain, en partie du moins, il y a moins
de cinquante ans; elle disparut avec un des derniers possesseurs
du château (2).
(1) La forme des coupoles ou des dômes des tours a pu faire naître dans
quelques esprits des réminiscences du style oriental; mais on ne saurait
admettre avec Tabbê Rntier que ces tours aient par cela môme un carac-
tère byzantin et qu'il faille remonter à Gui Foucauld, au moyen âge, pour
retrouver Torigine de ce type de construction qui aurait été respecté et
conservé dans toutes les restaurations postérieures, môme dans celles des
XVI* et xvn« siècles ; l'honorable auteur n'a pas réfléchi que la forme des
toitures ou des combles de cette sorte se rencontre très communément
dans les édifices construits au cours de ces deux derniers siècles.
(3) Cette galerie devait être importante, si nous nous en rapportons à
divers renseignements et aux assertions de M« l'abbé Ralier, ancien curé
de la paroisse de Saint-Germain; d'après ce dernier, elle comprenait les
portraits des souverains de France à partir d'Henri IV, ceux des mem-
bres de la famille royale, de princes et de grands personnages, et aussi
les portraits des seigneurs de Saint-Germain, de leurs femmes et de leurs
alliés. 11 devait aussi y avoir quelques tableaux de genre.
M. l'abbé Ratier dit môme que M. le comte de VillemoUe, qui était pro-
priétaire du château après 4840, avait alors en sa possession un magnifi-
que portrait de Louis XIV, peint par Mignard, la collection entière de per-
sonnages de la cour d'Henri IV, les portraits des seigneurs de la famille de
Foucauld, de châtelaines, de présidents à mortier et de conseillers du roi
alliés à cette famille. (V. aussi Histoire de la Marche^ par Joulirtton,
tome 11, page 145).
M. de Villemotte, en vendant le château, se réserva et enleva ces ta-
bleaux dont une partie a été léguée par lui dans la suite à la ville de Blois
pour être placés dans son musée.
Nous donnons aux pièces annexes la liste des portraits et tableaux que
possède ce musée, grâce à l'obligeante communication qu'a bien voulu
nous faire son conservateur, M. Eugène Gervais,
4^4 âOClÉtB ARCËéOLOGIQUE Et diSTOàlQUfc bt* LlMOOSlM.
HISTORIQUE.
LES ORIGINES. — LES PREMIERS FOUGAULO.
La magnilicence de la demeare que nous venons de décrire ré-
pondait bien à l'ancienneté, à la noblesse ei à Timportance de ses
maîtres, les Foucauld de Saint-Germain-Beaupré. Peu de familles
dans nos provinces pouvaient, comme celle des Foucauld, s'enor-
gueillir d'une lointaine lignée où le nom s'était toujours perpétué
de mâle en mâle, sans interruption, et du rôle considérable, sinon
toujours prépondérant, qu'elle avait rempli aux époques successives
d^ notre histoire. !
Si les origines de cette maison, comme celles de tant d'autres,
ne peuvent être dégagées facilement des ténèbres ou des ombres
qui enveloppent les premiers temps de la féodalité, du moins son
existence se révèle-t-elle avec une certitude suffisante, môme avec
quelque relief, malgré les divergences ou les lacunes, dès une épo-
que très reculée du moyen âge.
On a pu supposer que le château de Saint-Germain avait été
fondé vers l'an 764 par un officier de Pepin-le-Bref, appelé Fuical-
dus qui aurait donné son nom à la famille des Foucauld ; mais ce
n'est là qu'une légende; s'il paraît assez vraisemblable que le pre-
mier de nos rois Carlovingiens, pendant la guerre acharnée qu'il
poursuivit contre Waïfer et pour mieux assurer sa conquête,
établit des postes fortifiés sur le territoire de l'Aquitaine et en con-
fiât la garde à des compagnons d'armes dévoués, s'il pdt faire
choix de Saint-Germain pour être le siège d'un de ces postes on
châteaux, c'est la tout au plus une probabilité qui ne saurait suffire
pour déterminer une origine (1).
M. l'abbé Ratier qui a eu le mérite d'être le premier historio-
graphe de la famille des Foucauld de Saint-Germain, — nous ne
(1) M. Elie de Beauforl, dans sa courte nolice sur les seigneurs de Sainl-
Germain (voir son ouvrage précité), fait mention de cette fondation et
ajoute, d'après Tahhé Ratier, que vers 1065 Eymeri de Rochechouard
en serait devenu le seigneur par son mariage avec Tunique héritière des
Foucauld et que plus tard, vers Tannée 1200, la terre aurait fait l'apanage
d'un fils du baron de Rochechouard qui reprit le nom de Foucauld. Nous
ne savons à quelles sources M. de Beaufort a pu puiser ces renseigne-
ments qui nous paraissent des plus suspects, mais à coup sûr ce n'est pas
dans Thistoire de Tabbé Ratier, qui parle de la fondation de 764 à titre de
simple légende et ne dit rien d'une alliance avec les Rochechouard.
F.XCVRSiON ARCHÉOLOGIQUE A LA SOUTBRRAliN'E ET DAXS SES ENVIRONS. i35
disons pas le premier généalogiste, car avant lui les généalogies ne
manquaient pas (1), — M. Ratier estime que les Foucauld étaient
originaires du Périgord et descendaient de Gosselin, fils de Guil-
laume Fier-à-Bras et frère de Guillaume V, tous deux ducs de
{^)Le Château de Saint-Germain- Beaupré, — Les Foucauld. — Généa-
logie et légendes, par M. Tabbé Ratier, curé de Saint-Germain. — Li-
moges, imprimerie Henri Ducourlieux, 1861.
Parmi les principales généalogies et sources d'information pouvan*.
servir à ]*étude de l'histoire de Saint-Germain, il convient dès à présent
de citer :
VHiêtoire généalogique et chronologique de la maison de France^ par
le père Anselme, tome Vit, maréchaux de France. Voir le maréchal
Foucauld.
V Armoriai du Périgord et la généalogie des Foucauld, par Clabaud, 1765.
Le ProcèS'oerbaZ de V installation de Louis-Armand Foucauld en la
sénéchaussée de Guéret, en 1718, publié par la Société des sciences natu-
relles et archéologiques de la Creuse, tome H, page 31 2. Ce procès-verbal
cite Froissard, du Haillon, Nicolle Gille, Fontenaillcs, du Vcrdicr et
Tarchevèque du Marca comme ayant parlé honorablement de celte maison.
Le Nobiliaire de Nadand, édité par M. Tabbé Lecler, qui fait aussi men-
tion de quelques uns de ces mêmes chroniqueurs. Malheureusement la
généalogie donnée par le Nobiliaire est fort incomplète, par suite de la
disparition de plusieurs pages du manuscrit; elle a été complétée, il est
vrai, par divers fragments extraits d'autres annalistes, notamment de Cla-
baud, tome n, pages 143 et s., pages 183 et s.
V Armoriai de la noblesse du Périgord^ par A. de Froidefond, publica-
tion toute récente. — Périgueux, imprimerie de la Dordogne, 1891.
Et divers autres ouvrages ou opuscules que nous avons déjà cités ou que
nous indiquerons encore au cours de ce mémoire.
Les Anciens registres paroissiaux qui se trouvent à la mairie du bourg
de Saint-Germain-Beaupré, peuvent aussi offrir quelques indications
utiles. On y rencontre plusieurs actes relatifs aux baptêmes ou aux décès
de membres de la famille des Foucauld, d'autres où ils ont figuré comme
parrains ou comme témoins et revêtus de leurs signatures ; malheureuse-
ment ces registres à peu près complets pour la période de 1700 à 179i,
présentent de trop grandes lacunes pour le xvii» siècle ; le plus ancien va
de 1614 à i6ii et le suivant commence seulement en 1668.
Il existait avant la révolution deux ofiices de notaires au bourg de Saint-
Germain- Beau pré; que d'importants et précieux documents devaient con-
tenir les minutes de ces études ! II n'en reste rien depuis un siècle ; la
folie révolutionnaire les a livrés aux flammes, en même temps peut-être
qu'une partie des archives du château. Nous tenons ce renseignement de
Thonorable M. F. Simon, notaire actuel et maire de la commune.
M. Tabbé Ratier a dû, pour la confection de son œuvre, consulter plu-
sieurs de ces documents ; lui-môme cite la généalogie d'après Clabaud,
le titre d'iustallation et en outre les carlulaires de Saint-Etienne de
426 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET RlSTOniQUE DU LIMOUSIN.
Guienne, où leur maison était souveraine. Cette origine, lui semble-
l-il, ne serait pas autre que celle d'où proviennent les Foucauld de
la Roche ou Laroche-Foucauld et toutes les autres maisons qui por-
tent le nom de Foucauld et dont celle de TArdimalie, en Périgord,
paraît avoir été la maison mère. Cette opinion était déjà celle de
l'abbé Le Laboureur et du généalogiste Clabaud qui a fait observer
que le lion se retrouve comme emblème, tout au moins au début,
dans les armes de ces différentes familles, que leurs possessions
étaient dans le môme voisinage, que les premiers ancêtres des uns
et des autres exerçaient des bénéfices au xi' siècle envers Tabbaye
d'Uzerche, enfin que les mêmes prénoms avaient été fréquemment
et pendant longtemps employés dans ces familles (1). Suivant ces
Limoges, le cabinet de M. Glairambault, Duchêne, Lachesnais-Dubois et plu-
sieurs inscriptions, mais d'une manière générale et beaucoup trop vague
pour permettre de préciser les emprunts qu'il a pu leur faire, si ce n'est
peut-être en ce qui concerne certaines indications de Clabaud.
Il importe aussi de noter que cet auteur a eu en sa possession pendant
quelque temps des livres de comptes du château et des papiers de
famille, tels que la correspondance de Gabriel Foucauld découverte en
4842 (note page 46); Ces documents privés ont été depuis perdus ou sous-
traits et ne se retrouvent malheureusement plus de nos jours.
Le livre de M. l'abbé Ratier est une œuvre des plus estimables, écrite
avec des intentions excellentes, et dans un but élevé; mais l'imagination
de l'auteur y a pris une trop grande place et l'esprit de méthode et de
critique s'y trouve aussi un peu trop subordonné à des considérations
d'ordre purement littéraire ou moral.
(4) Au point de vue de la similitude des armes des familles dont il est
parlé au texte, les généalogistes par nous cités donnent comme exemples :
les armes des Foucauld de Corgnac, de l'Ardimalie, d'Issideuil, etc., qui
étaient : de gueules au lion d'or.
Celles des Foucauld de Pontbriant qui étaient : parti au premier d'or
au lion couronné de gueules^ au deuxième d^azur au pont d'argent
soutenu de trois arches maçonnées de sable.
Aymeric de Larochefoucauld, vicomte de Châtellerault, avait pour armes
un lion et pour brisure une bordure debesants (sceau apposé au bas d'une
charte originale de 4239).
Les armes des Foucauld de Saint-Martial en Languedoc qui ont conservé
le lion avec un chef pour brisure. Au sujet de ces derniers il a paru dans
un journal héraldique et généalogique italien, imprimé à Pise (n** de
novembre et décembre 4875) un article ayant pour litre; « Coup d'œil*
héraldique sur les relations probables entre les différentes branches du
nom de Foucauld », ou l'auteur s'autorise à penser que cette maison des
Foucauld-Saint-Martial est également une branche des Foucauld de l'Ardi-
malie en Périgord.
Quant aux armes des Foucauld de Saint-Germain, elles ont varié, font
EXCUSrON ARCHÉOLOGIQUE A LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. 427
auteurs, la généalogie générale desFoucauld, celle du moins qui
^esso^ti^ait des textes, ne remonte guère au delà de la fin du \f siècle ;
le premier dont il est fait mention, Raymond, vivait au temps du roi
Robert et dHilduin, évéque de Limoges; il fit donation en Tan iOOO
à l'église de Saint-Pierre du Dorât de douze deniers de revenus sur
le moulin de Villepontais. Ses successeurs, auxquels M. Ratier a
consacré un chapitre de son livre, devinrent des personnages assez
importants sous le nom de seigneurs de TArdimalie en Périgord et
donnèrent naissance à diverses branches dont une fut celle desFou-
cauld de Saint-Germain-Beaupré (1).
On rapporte en effet qu'Hélie Foucauld, seigneur de Corgnac, de
TArjElîmalie, d'Issideuil(Excideuil?)etc., qui portait pour armes : de
ggièules au lion d*or, eut cinq fils, dontTun d'eux, Hugues reçut en
apanage la terre de Sainl-Germain-Beaupré et devint la tige des
seigneurs de ce nom. En 1060 celui-ci donna a l'église du Dorât ce
qu'il possédait dans la paroisse de Dinsac. Son fils Etienne figure
dans une autre donation faite par le même Hugues en 1065.
Le fils d'Etienne, aussi appelé Hugues, fut présent, dit l'abbé
Ratier, avec Guillaume et Amelin Foucauld, ses cousins, à une
transaction faite en H08 sous l'épiscopat d'Eustorges, évéque de
observer les mômes auteurs. Ainsi en H78, au bas du testament du Gui
Foucauld, seigneur de Saint-Germain, on voyait un lion aeulf lequel,
ajoute-t-on, figure également le môme dans les écussons sculptés sur le
château et la chapelle de Saint-Germain-Beaupré, maiâ avec un lambel&u-
dessus pour brisure, indice d'une branche cadette.
Ce ne serait qn'en 1393, cent-vingt ans plus tard, que l'arrière petit-fils
du dit Gui, d'après Glabaud, aurait scellé une quittance d'un sceau semé de
fleurs de Us, brisé d'une bande, armes qui n'étaient point de la maison et
lui avaient été attribués par erreur. (Voir Armoriai de la noblesse du
Périgord par M. de Froidefond.
Ces indications, tout au moins en ce qui concerne les armes des Fou-
cauld de Saint-Germain, sont en contradiction avec les autres docunlents
que nous citerons plus loin.
(!) Cette maison d'Ardimalie a toujours été considérée comme apparte-
nant à la meilleure noblesse du Périgord. Le dernier du nom, marquis de
TArdimalie, fut élu député de celte noblesse en 1789, et se fit remarquer
par ses talents et son mérite autant que par son dévouement ô la cause de
la royauté.
M. l'abbé Ratier a donné dans son ouvrage une notice sommaire sur les
seigneurs de TArdimalie.
De toutes les branches des Foucauld, y compris celle de Saint-Germain,
qu'on y rattache, ainsi que nous venons de le dire, il ne resterait plus de
nos jours que celles de Hainay-le-Châleau, de Rieux, de Blis et de Vaux-
de Dussac, ces deux dernières encore fixées en Périgord.
418 SOCIÉTÉ ARCUÉOLOGIQUE ET HISTORrQUl. DU LIMOUSIN.
Limoges et à une donation de ia veuve de Bozon-le- Vieux, comte de
la Marche, en date de l'année 1115 dont il sera parlé ci-après.
Telle serait la filiation des Foucauld de Saint-Germain-Beaupré ;
mais les indications qui précèdent sont assez vagues et ne sauraient
être admises qu'avec beaucoup de réserve ; leurs auteurs ne don-
nent pas de dates bien précises et ne citent pas leurs sources. Il est
à remarquer aussi que dans le procès-verbal de Tinstallation
d'Armand-Louis Foucauld comme gouverneur delà Haute et Basse-
Marche, en 1715, il n'est point parlé de ces origines. Les orateurs
qui prirent la parole en cette occasion pour retracer en termes élo-
gieux rhîstoriijue de la famille du gouverneur, qui fut le dernier
des Foucauld, signalent en premier lieu Hugues Foucauld, en disant
qu'on n'avait pas « de connaissances distinctes des seigneurs qui
l'avaient précédé, mjis que l'on pouvait penser qu'il n'était pas le
premier de sa maison ».
L — L'identité A'Hugues Foucauld^ qu'il ne faut pas confondre
avec le fils d'Hélie dont il a été plus haut parlé, est reconnue par tous
les annalistes et ne nous paraît pas douteuse. Il vivait au commen-
cement du xu" siècle et il souscrivit comme présent sous le titre de
chevalier, avec les principaux nobles du comté de la Marche, à
l'acte de donation consenti par Aldèmodis, veuve de Boson-le-
Vieil, comte de la Marche et par Audebert et Boson-le-Jeune, ses
enfants, au prieuré de Chastein, en l'an 1115 (1).
Le nom de Foucauld qui sera celui de tous les successeurs
d'Hugues jusqu'au siècle dernier, avait pu être à l'origine le nom
particulier du fondateur ou de l'un des ancêtres de la famille,
mais il était devenu et demeura, à n'en pas douter, le nom patro-
nymique de cette famille.
>
IL — Après Hugues Foucauld, la filiation de ses successeuis
médiats, sinon immédiats, Guillaume I" et Guillaume IP, tous
{\) Voir la Généalogie du Père Anselme. — Titre d* installation. —
Nobiliaire de Nadaud (tome II, annexe page 484). a II exislaii, disent Cfs
documents, au trésor de Saint-Germain l'original latin en bonne forme
d*une donation de Tan 1H5, régnante Ludoolco (Louis-le-Gros) tipapa
Pascali sedentc (Pascal II) falie par la veuve de Boson-le-Vieux, comte de
la Marche, et par Audebert et Bozon-le-Jeune, ses enfants, dans laquelle Hu-
gues Foucauld, seigneur de Saint-Germaio, est qualifié chevalier et a signé
comme présent.
Il est à noter que dans le Nobiliaire de Nadaud proprement dit, la gé-
néalogie des Foucauld ne commence qu'au début du xn*' siècle, avec la page
H69, les pages précédentes ayant disparu.
r^^
■'~"^.
1. PivilloB du Tort. — !. :
1. C"l«ln». - lï. J.a de p>i
H). ITiW* d« ChimpiiU*. — ïl. Cl
Façade occidentale du cb'âtcau de Saini-Germain-Bt
Kirdes' — 14. Tcordu «clfneor. — IS, Tour Henri IV. ~ 16.' a
l-Biu de l'iung d« ChimpTille.
Défenses nord du château de Sa! nt- Germain - [kju,i
. — Panneau de la salle à manger, xvn* siècle.
ntpenHBi.- 7. Sllla à mtiigor. ~ 8. Chunhro Montpeniier. - 9. '
o Uidl, — 17. Jirdin pouger, — 18. Corp» ds tuât. — IB. Atlê«
f-vw*
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EXCURSION AR4:aR0L0GIQUB A LA SOUTERRAINE RT DANS SRS EXVIRONS. 4*29
deux qualifiés chevaliers et seigneurs de Saint-Germain-Beaupré,
senoble aussi bien établie par des titres datant des années 1173,
1232, 1237, quoiqu'il existe des divergences sur les noms et que
cette filiation puisse bien offrir quelques lacunes (1).
Doit-on admettre avec l'abbé Ratier qu'entre Hugues et ces deux
Guillaume il y avait place pour d'autres seigneurs du nom de
Foucauld? cet historien cite Amelin fils d'Hugues, puis Ber-
trand, Âmelin II, Raymond et ne parle ensuite que d'un Guil-
laume dit Gui, lequel ne serait aucun des deux dont nous venons de
parler et se confondrait plutôt avec Gui P' qui suit. Mais les faits
et les dates qu'il attribue à ces divers personnages se rapportent
assez exactement à Guillaume P' et à Guillaume II, sauf peut-être
ceux qui auraient trait à Amelin V\ Il semble plus prudent de
suivre à cet égard la généalogie du Père Anselme et les indications
du procès-verbal d'installation de 1715 (2).
(I) Ces titres sont : une donation faite en Tan 1172 au prieuré de Bron-
zeaux depuis uni à Tabbaye de Grandmont, à laquelle fut présent Guillaume
Foucauld avec Amelius et Ramnulphe et Âudebert de la Marche ((itre du
trésor de Tabbaye).
Une autre donation faite par Jordain, chevalier de la Buxière* à labbaye
de Grandmont, de la portion d^une dixme «t Hef située en la paroisse de
Saint-Sylvestre par titre des ides de janvier \ 231 (titres de Tabbaye de Grand-
mont), approuvée par Guillaume Foucauld, chevalier, avec Bozon frère du
comie de la Marche. Au bas de cet acte sont le sceau du comte de la Marche,
brisé d'un lambel, et celui de Guillaume qui est: trois fleurs de 26a (ce qui,
enti-e parenthèses, contredit rassertion de rarmorial du Périfrord, d'après
laquelle les armes des Foucauld de Saint-Germain qui portaient d'abord
un lion n^auraicnt fait place aux fleurs de lis qifen 1393).
Une autre donation par laquelle Guillaume donna à l'abbaye de Grand-
mont le courant d'eau qui tombait dans Tétanfiç de la Tricherie par acte du
dimanche . ... iS37. die dominicâ qud cantatur ocuU mei. Anno mt2*
lesimo ducentesimoDigèsûnoseptimo. Scellé desonscc*au au champ d'azur
j^emé de fleurs de lis d*or sans nombre (même observation que la précé-
dente).
Le procès verbal d'installation fait allusion à d^aulres titres antérieurs ou
postérieurs à ceux-ci, mais dont Tindication n'offre rien de précis.
(9/ M. Tabbé Ratier mentionne la présence d'Amelin I»' à une donation
fhite en M 50 au chapitre du Dorât des dimes de la paroisse de Tersannes.
Il rapporte aussi qu*en 1183, tors de l'invasion des Paillers et des Cot-
lereaux, la seigneurie de Saint-Germain éprouva de grands malheurs; mais
qu au dire de la chronique de Vigeois, les aggresseurs furent arrêtés et com.
pléiement défaits dans les plaines de Dnn, par les confrères de la Paix de
Notre-Dame.
Bertrand Foucauld, ajoute-t-il, prit part à la troisième Croisade et au
430 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
III. — Gui ou Guy, premier du nom, mérite déjà à divers litres
une mention particulière. Il fait un voyage en Languedoc et ac-
compagne le roi Saint-Louis en Terre Sainte. Il teste pendant Thiver
1278 et dans ce teslamenl qui était conservé, paraît-il, au château
de Saint-Germain et qui était réputé un document remarquabU»,
il fait des legs au profit de plusieurs monastères et d'autres dispo-
sitions pieuses.
Gui I*" aurait été marié à Anseline (ou Anceline) de Bri-
diers et en aurait eu plusieurs enfants dont : Gui II 0|j Guyard le
suivant (1).
retour se trouva sans ressources ^ Venise, d*où il ne put se rapatrier que
grâce aux subsides d*un Génois (page 24 et note).
Raymond Foucauld, son petit fils, fils d*Amelin II, épousa Alix de Morle-
mart.
Le Nobiliaire de Nadaud fait aussi mention de ce Raymond, comme ayant
été présent à la donation de 1231 avec Hugues son père (?; et Gui son fils.
D*autre part le Père Anselme cite après Guillaume II Emeric, qa*on ne
trouve dans aucune des autres généalogies.
Evidemment la divergence est complète entre les divers généalogistes
pour la période dont il s'agit; ce ne sera pas la dernière au surplus que Ton
aura à constater.
Nous avons cru devoir adopter la filiation indiquée au texte, qui est celle
du procès-verbal d'installation et même celle du Père Anselme, à rexception
de la personnalité d'Emeric.
(1) D'après le Nobiliaire^ tome II, pages 443 et 144, le même dit
que les armes de Gui I<" étaient semées de France^ — contrairement
encore au dire de Clabaud et de V Armoriai du Périgord qui assurent
qu'elles étaient un Uon seul.
L'abbé Ratier, qui appelle Gui I^^ Guillaume dit Gui (premier du nom de
Guillaume), parle de plusieurs donations où il aurait été présent, d'abord de
celles de 1232 et de 1237 (ou 1297) que nous avons attribuées à Guillaume,
son prédécesseur, puis d'une donation de moulins faite à Grandmont par
Pierre, seigneur de Brigneul, et enfin d'un acte de 1246 où il reconnut
à ce monastère au nom d'Abon, seigneur du Puis, cent sols sur les terres
d'Auziac en la paroisse des Eglises (titres de Grandmont), page 25.
Après Gui, M. Ratier distingue deux autres personnages du même nom,
que nous ne retrouvons pas dans les autres généalogies et qui, d'après lui,
auraient précédé Gui ou Guyard, savoir : 1® Gai, premier du nom, qui
soutint la cause de Louis IX contre Hugues de Lusignan, comte de la Mar-
che et seigneur de Crozani, et qui attaché par la faveur de son souverain
au service de la reine-mère, Blanche de Castille, aurait été chargé par
celle-ci de missions de confiance, notamment du soin de régler des diffé-
rends survenus entre l'archevêque de Narbonne et le vicomte de cette
ville (1231). Au sujet de celte mission, l'abbé Ratier invoque, sans les pré-
ciser du reste, un titre de l'abbaye de Grandmont et des archives de Nar-
EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A LA SOUTKRnAINE ET DANS SES RNVIRONS. 431
IV. — Gui II OU Guyardy fils aîné du précédent et institué par
lui son héritier et seigneur de Saint-Germain, entreprit le voyage
d'outre-mer pour obéir au testament de son père. Il servit plus
tard dans les guêtres de Flandre et au moment de partir il lit, lui
aussi, à la date du ^juillet 1302, un testament dans lequel, après
avoir manifesté ses sentiments religieux et laissé de nombreux legs
en faveur de plusieurs communautés, il réglait l'ordre et les dé-
penses de ses funérailles, assurait le sort d'Ahélis, sa femme, pour
le cas où elle ne se remarierait pas, constituait son fils Guillaume
son héritier universel et ordonnait que tous ses autres enfants, fils
ou filles, entreraient en religion.
Cette dernière disposition du testament est curieuse et même
assez insolite pour Tépoque, a fait remarquer M. l'abbé Texier.
Mais cet acte présente d'autres particularités intéressantes; c'est
ainsi que le testateur y prescrit à ses exécuteurs testamentaires de
ne pas vendre ni aliéner ses bois et qu'il désigne à part une fille et
un fils naturels auxquels il fait quelques legs (1).
Gui avait épousé Âhélis, plus haut nommée, fille de Guillaume de
Saint-Julien; il mourut probablement vers 1320.
bonne, ainsi qu'une lettre du prieur de Saint-Gilles do juin 1255; il invo-
que aussi le témoignage de l'archevêque de Paris du Marca, suivant lequel,
la transaction conseillée par Gui Foucauld fut bien accueillie de toutes
parties. L'auteur ajoute que Gui suivit saint Louis dans ses voyages en
Terre-Sainte, et fut un de ceux qui ramenèrent le corps du souverain?
après sa mort devant Tunis. Gui, dit-il, à son retour, termina la recons-
truction du château qu'il avait entreprise «après la première croisade de
saint Louis. Enfin en 4i73, il aurait acquis de Marguerite, vicomtesse de
Thouars, les droits de celle-ci sur la Beraudic et la vicomte de Bridiers.
9® Gui 11^ fils du précédent, qui aurait épousé Âyceline de Piagut, de
la branche des Pot de Piagut. Il serait Tauteur du testament de 1278 dont
il est question au texte et attribué à Gui l^'^, et aurait eu pourfîls et succes-
seur Gui ou Guyard (V. pages 30 et suiv.).
H. Tabbé Ratier ne donne pas, ce nous semble, des preuves assez posi
tives pour permettre de tenir sa distinction comme suffisamment établie.
Les détails assez complets qu'il fournit en ce qui touche Gui \^^ peuvent
aussi bien s'appliquer au personnage qu'il nomme Guillaume dit Gui et
qui est notre Gui I^'; il ne dit rien du reste de son mariage ni de sa mort.
Quant à Gui II, il signale son mariage avec Ayceline de Piagut : voilà un
fait assez précis qui autoriserait à ne pas le confondre avec le premier
Gui, dont l'union s'était faile avec Anseline de Bridiers. Ce fait demande-
rait une vérification. M. Batier ne citant presque jamais ses sources, il est
fort difficile de pouvoir contrôler ses affirmations qui, dans le cas présent,
sont contraires à celles des autres généalogistes.
{*) Ce testj^ment fait en présence de témoins fut revêtu suivant les rc*
4'Ai SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET IIISTORIQrB DU LIMOUSIK.
LES FOUCAULD
PENDANT LA GUERRE DE CENT ANS.
V. — Guillaume^ III* du nom, chevalier, seigneur de Sainl-
Germain à la suite de son père et chambellan du roi, fut investi
du commandement du château de Crozant par Pierre I", duc de
Bourbon, comte de Clerraont et de la Marche, en vertu de lettres-
patentes du 3 juin 1347. Il prit part à la bataille de Poitiers et y
fut même fait prisonnier avec son fiU (1356).
D'après le Nobiliaire^ il avait épousé Antoinette de Bonneval,
selon d'autres une demoiselle de La Trémoille. Trois enfants (1).
VI. — Guillaume IV (ou Gui III, d'après quelques annalistes),
aussi chevalier, seigneur de Saint-Germain et chambellan du roi,
servit la cause du roi de France contre les Anglais; il était avec son
père à Poitiers, encore très jeune probablement, et il devint ca-
pitaine général en Berri, Auvergne, Bourbonnais et Marche.
Poursuivi à raison d'un meurtre qu'il avait commis pour venger
une injure faite à son père, il obtint des lettres de rémission, en
récompense apparemmeni de ses bons et loyaux services.
C'est à lui que paraît se rapporter la mention faite par Froissard
d'un Foucauld qui prit part, en l'an 1388 (ou 1389), à un brillant
fait d'armes ou tournoi soutenu à Bordeaux par cinq chevaliers
Français contre cinq Anglais ; Guillaume avait pour adversaire le
seigneur de Caumont (Froissard, 3* volume, chapitre 139). Ce
même chroniqueur signale aussi un chevalier du nom de Foucauld
qui était présent devant Tunis en 1390 (W., 4® vol., ch. 10). Ce
chevalier était-il le même que Guillaume dont nous nous occupons?
commandalions de son auteur, des sceaux du chantre et de Toflicial de
Limoges le 4 des calendes d'août 1302. Il a été publié par M. labbé Tixier
dans un des Bulletin de la Société archéologique et historique du Li-
mousin et par M. l'abbé Ralier comme appendice à son ouvrage, p. 181
(lexte lalin cl traduction).
(1) V. Tabbé Ralier. Cet auteur parle aussi d'un titre de Tabbaye de
Colombe, en Poitou, où était mentionné le testamment de Guillaume, en
date du 19 août 1365, et contenant des legs à diverses églises et des dons
à plusieurs personnes.
La filiation de Guillaume 111 et de ses prédécesseurs, disent les généalo-
gistes, est parfaitement établie par des litres de 1282, 1991 et 13i0 sur les-
quels ils ne fournissent pas au surplus d'autres explications.
EXCUtlSlÔN ABCâéOLOÔlQUB À LA ÔÛUtEllKAlTtP. ET bANS SES EttVIRONS. 433
le fait peut faire quelque doute. Les annales du temps mention-
nent beaucoup de personnages du nom de Foucauld et notamment
un Gui Foucauld dit le Borgne, qui servait avec neuf écuyers au
siège de Montignac sous le maréchal de Boucicaut (1398), et plus
tard en Normandie, où il donna quittance de ses gages (14^1j. Ce
personnage était selon toutes vraisemblances de la branche de Saint.
Germain. Son sceau, sans être exactement le même que celui des
Foucauld qui précèdent, était semé de fleurs de lis avec une bande
et avait pour cimier un lis fleuri avec sa tige (1).
Guillaume IV avait épousé Marguerite de Bonneval (2).
VII. — Aubert ou Albert Foucauld, chevalier, seigneur de Saint-
Germain et des Gros, dont il fit hommage au roi (1394) et dont il
aurait rebâti le château démoli par les Anglais, joua un rôle assez
important sous les règnes de Charles VI et de Charles VII, rôle
affirmé par d'assez nombreux documents. Conseiller et chambellan
du roi, nommé capitaine général en limousin par le dauphin de-
puis Charles VII, investi ensuite des mêmes fonctions pour le Ni-
vernais, la Guienne et d'autres provinces, il remplit pour son sou-
verain diverses missions de confiance et notamment il fut chargé
par lui de pacifier les esprits et de faire respecter les instructions
royales dans ces provinces, avec les pouvoirs les plus étendus (let-
tres patentes, 1418). Il prit une part active à la résistance contre
(1) L'abbé Raticr dit que la quittance de gages de 1 421 était scellée de
ce sceau avec deux lions pour support. Ces deux lions étaient-ils une
réminiscence du blason des Foucaud de TArdimalie...?
(î) Les diverses généalogies présentent encore pour cette époque de
rincohérence et de la confusion. L'abbé Ratier dislingue Gui lil et Guil-
laume IV et en fait deux personnalités distinctes; d'après lui. Gui lli au-
rait épousé en 1374 Marguerite de Bonneval et aurait eu pour successeur
Guillaume IV, qui aurait pris part au tournoi de Bordeaux et se serait
marié en 1399; il ne dit pas du reste quelle fut la femme de ce dernier.
Mais il mentionne dans un compte de Pouppart, argentier du roi, du
I*' octobre 1399, une somme de 108 livres parisis pour achats faits par le
roi et le dauphin pour les noces de Guillaume (p. 37).
Cette distinction est-elle fondée? On n'en trouve pas trace dans les
autres généalogies. Ce Gui était-il un personnage autre que Guillaume IV
et son père apparemment, comme le dit l'honorable abbé? La supposition
est admissible, si l'on considère surtout que ce dernier devait être d'un
ftgc avancé lors du tournoi de 1 388, étant déjà un adolescent à la bataille
de Poitiers en 135G. En ce cas c*est son père, Gui Hi, qui aurait été pré-
sent à cette bataille.
Mais le défaut d'une ccrlilude complète ne nous a pas permis de l'ad-
mettre au texte.
4ii SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE Et HIStORIQtJE OU UltOOSiK.
les envahisseurs et se trouvait en 1403 au siège de Courbefy, lors-
que les Anglais en furent chassés.
En juillet 1411, il était au nombre des seigneurs qui soutenaient
la cause du duc d*Orléans contre le duc de Bourgogne et il faisait
partie de Tarmée qui guerroyait contre ce cernier entre la Seine et
rOise et l'obligea à battre en retraite jusqu'à Arras (1).
On attribue à Aubert la reconstruction du château de Saint-
Germain, qui avait été détruit ou fort endommagé par les Anglais ;
mais les indications qu'on donne à ce sujet sont assez vagues et
môme contradictoires (2).
Aubert avait épousé Isabeau Pot de Rhodes dont il eut trois en-
fants, Jean, Marc et Louis.
Son sceau, d'après le Nobiliaire, était semé de fleurs de lis; sup-
port : deux lions; cimier : un /w fleuri, c'est-à-dire à peu près le
même que celui de Gui le Borgne, rapporté ci-dessus. Ces armes
étaient donc différentes de celles des prédécesseurs.
VIII. — Jean Foucauld, fils d'Aubert, fut ainsi que lui, mais en-
core plus étroitement, môle aux luttes du parti français contre la do-
mination anglaise ; en toutes circonstances il s'y fit remarquer par sa
brillante valeur et une certaine fougue aventureuse qui se retrouvera
chez plusieurs de ses successeurs. En l'année 1426, il avait été" fait
prisonnier au siège de Laval et délivré grâce à une rançon pour
laquelle, dit-on, les Etats du Limousin accordèrent 200 livres.
Peu d'années après il combat entre Orléans et Paris et parfois
môme aux côtés de l'héroïque vierge de Domremy.
Jean Chartier dit de lui : « Un chevaUer limousin, nommé Jean
Foucauld, avec trois autres (chevaliers), vingt écuyers et douze
(1) Voir la Geste des nobles (atlribuée à G. Gousinot le chancelier).
Ms. 10297 de la Bibliothèque nationale, règne de Charles Yl, chapitre
cxiii).
(2) L'abbé Ratier dit que le château fut rebâti en 1409 par Marc Fou-
cauld, aux frais du roi Charles VII, et sur le plan même qu^avalt adopté
Gui Foucauld deux cents ans auparavant (page 157). Il y adans cette allé-
gation deux erreurs pour le moins, selon nous : Marc, eu 1409, ne pouvait
être qu'un enfant, s'il était môme déjà de ce monde ; Charles VIT n'était
lui aussi qu'un bien jeune dauphin et n'était pas plus à même de fournir
des subsides pour la reconstruction du château que Marc ne pouvait lui-
môme entreprendre celle-ci.
Le môme historien fait d*Âubert le frère de Guillaume IV et non soa
fils. 11 rapporte, en outre, qu'il alla combattre les Turcs avec les cheva-
liers de Rhodes et qu'il fut l'un des seigneurs Français qui contribuèrent
le plus à faire construire le château-fort de Saint-Pierre en Cilicie
(page 39).
EXCURSION AHCHÉOLOClQtJE A LA SOUTERRAINE ET t)ANS SES ENVIRONS. À^D
archers, avait la conduite et le gouvernement des archers du roi
Charles Vil contre les Anglais en 1429; il faisait partie de la garni-
son de Lagny et, dans une grande escarmouche qui dura trois
jours et trois nuits, il aida à repousser l'ennemi; c'était un vaillant
homme... » La Chronique de la Pucelle parle de Jean Foucauld
dans les mômes termes; elle constate sa présence à l'armée du roi
et aux escarmouches qui eurent lieu contre les Anglais près de
Sentis (août 1429); dans cette campagne, Foucaud partageait le
commandement des archers du roi avec le seigneur de Graville.
Elle parle aussi de sa belle conduite à Lagny, ville mal fortifiée,
dont le roi lui avait confié la défense de concert avec Guillaume de
Loré, et d'une entreprise hardie qu'il avait projetée avec ce dernier
sur Rouen, par le moyen d'un certain Grand Pierre (le Grand-Perrin)
et qui échoua parce que quelques grands seigneurs ne surent pas
tenir compte de leurs sages avis (1). Il est probable aussi qu'il accom-
pagna le roi dans son périlleux voyage à Reims et qu'il assista à
son sacfe.
On rapporte qu'en 1430 Jeanne la Pucelle « tira sur champs avec
Jean Foucauld et autres de la garnison de Lagny et qu'ils rencon-
trèrent trois à quatre cents Anglais qui se mirent tous à pied con-
tre une haie; alors la Pucelle, Jean et les autres délibérèrent de
les combattre et vinrent, à pied ou à cheval, frapper sur eux; là, il
y eut très dure et aspre besogne, car les Français n'étaient guères
plus que les Anglais qui furent tous tués ou pris. Les Anglais de
Paris et de Corbeil vinrent à leur secours, mais ils furent repoussés
par plusieurs vaillants hommes du nombre desquels était Jean Fou-
cauld. »
Nous trouvons encore le môme Jean, en 1431, soutenant l'assaut
du duc de Redfort devant Lagny et l'obligeant par sa valeur à se
retirer, après un siège de cinq à six mois, et non sans avoir enduré
de grandes fatigues et de grandes privations, qui ne cessèrent que
par le secours que lui apporta le roi (2).
Plus tard, en 143S, il est avec le maréchal de Rochefort au siège
de Saint-Denis avec 1,000 ou 1,200 hommes et la môme année il
est choisi par le connétable de Richemonl pour défendre cette ville
et son abbaye, mission dont il s'acquitta avec la môme bravoure.
En récompense de tant de loyaux services, il fut nommé maré-
chal de France (3).
(I) V. Chronique de la Pucelle (altribuée à Cousinot de Montreuil),
chapitres 60, 62 et 63.
(3) V. ViLLARET, Histoire de France, U XV, p. 94.
(3) Le Père Anselme ne cite pas Jean Foucauld parmi les seigneurs
436 àOClRt^. AfKÎHRÔLOGlOUV RT fllStORIQbK bU LISàOUSl.M.
Dan8 la suite, envoyé en Lombardie, il fut nommé podestat de
la ville d'Asti, au duché de Milan, par Valentine, veuve da duc
d'Orléans, et il mourut dans ce gouvernement après avoir institué,
par son testament de l'année 1465, son frère Marc et son neveu
pour ses héritiers (1).
LES FOUCAULD SOUS LES VALOIS.
IX. — Marc Foucauld, conseiller et chambellan du roi, réunit
les seigneuries des Gros, de Châtelus, de Lauriëre et autres à ceUe
de Saint-Germain-Beaupré. 11 fit ériger le prieuré de Bénévent en
abbaye au profit de son frère Louis, qui en prit possession en
grande pompe, accompagné de trois cents gentilhommes, au
rapport d'un titre invoqué par Clabaud, mais qu'il n'est pas possi-
ble de contrôler. Ce qui est certain, c'est que la nouvelle abbaye
devint l'objet de grandes libéralités de la part des maîtres de Saint-
Germain et qu'à partir de la date de cette érection elle se maintint
pendant assez longtemps dans leur famille.
Dans le titre auquel nous venons de faire allusion, Marc Fou-
cauld était, parait-il, qualifié de noble sang et de haute lignée,
appartenant aux comtes de Penthièvre et aux seigneurs de Ghau-
vigny.
Il avait épousé, le 31 octobre 1434 Gallieni de Pierrebuffière,
dont il eut trois enfants; 11 mourut en 1484.
titulaires de Saint-Cermain ; mais rindividualitô et l'importance de ce per-
sonnage ne sauraient être mis en doute.
Les autres historiens sont d'accord pour dire qu*il fut fait maréchal de
France en un temps où cette dignité était assez rare ; le titre dlnsialla-
tion de 1715 le mentionne en cette qualité et comme ayant été célèbre
dans rhistoîre.
Le Nobiliaire de Nadaud donne en ce qui le concerne des détails très
circonstanciés, auxquels nous avons emprunté quelques passages dans
notre récit.
L'abbé Ratier relate aussi quelques autres circonstances sur Jean Fou-
cauld et rapporte qu'il essaya, mais en vain et malgré Tappui du roi, de
faire nommer l'abbé de Bénévent, un de ses neveux, au siège épiscopal
de Limoges.
(1) Après la biographie de Jean, le NobiUcUre de Nadaud présente une
lacune de deux pages (1171 et 1172), lacérées sans doute, et ne reprend
la généalogie des Foucauld qu'au commencement du xvii* siècle, avec
Louis, comte du Dognon.
Lanterne des morts de La Souterraine
t a Souterraine
Pierre tombale du Moine Raymond de Vigeois
dite du Mous Ganter.
EXCURSION ARCHéOLOGlQUE A LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. 437
X. — André Foucauld, fils aîné de Marc, avait été institué/en
même temps que celui-ci, héritier de son oncle Jean dans le testa-
ment de 146S. Seigneur de Saint-Germain, du Verger (1), etc., il
obtint du roi Charles VIII, le 26 novembre 1483, une lettre de sau-
vegarde, dans laquelle il est qualifié chevalier, chambellan et con-
seiller de Sa Majesté. Il fut aussi chambellan du duc d'Orléans, qui
devint plus tard Louis XII. On dit qu'il eut de grandes difficultés
avec François, son frère, gentilhomme de la maison du roi, au su-
jet du partage de la succession de leur père, différends qui se ter-
minèrent par un accord du 27 avril 1584 (2).
André épousa Marguerite d'Aubusson, fille de Jean III du nom et
d'Agnès ou de Catherine de Rochechouard (16 juillet 1469) • il
mourut probablement avant la fin de Tannée 1489 (3). '
XI. — Jacques Foucauld, son Gis, aussi conseiller et chambellan
du roi rendit aveu pour ses terres à Anne de France fille de Louis XI
duchesse de Bourbon, comtesse de la Marche et femme de Pierre II'
duc de Bourbon, à la date du 15 février 1509, d'après quelques anna^
les. Il fut nommé par François PMieutenant du roi dans le Nivernais
le Bourbonnais et la Marche, en vertu de lettres de provision du
30 novembre 1535, qui étaient, paraît-il, conservées au château rtp
Saint-Germain (4). ^iwieau ae
Il avait épousé par contrat du 25 octobre 1506, Claude de Tallev
rand, fille de Jean, seigneur de Grignan et de Chalais, chevalier
d'honneur de la reine-mère, capitaine de la ville de Bordeaux et de
Marguerite de la Tour-Turenne, dont il eut quatre enfants '
Le nobiliaire place son décès avant 1562 ; mais la date précise ne
nous en est pas connue.
XII. — Gabriel Foucauld, premier du nom, seigneur de Saint
Germain, de Naillac, de Fleurât...., né le 7 février 1511 fut chargé
en 1542 et 1544 de la conduite du ban etde l'arrière-ban des gentils
hommes du Berry et de la Marche, et devint capitaine de cent
(4) Le NohlUalre (annexe d'après Clabaud, page 185) cite un bail à
ferme consenti a Jean Compais par André, comme seigneur du Verger
(î) D'après le Nobiliaire, même annexe. ^
Le procès-verbal d'installation ne fait pas mention d'André
(3) Une sœur d'André, Nicole, fut mariée à Jean de Vouhet', seigneur de
ce nom en Bcrri, et fut inhumée dans la chapelle seigneuriale de la
famille de son mari (U86).
L'abbé Ratier cite son épitaphe el dil que Marguerite d'Aubusson, sa
be le-sœur. voulut être enterrée dans la même sépulture (page 46)
(4) D'après le NobUiaire (loco cUatoj. * ''
T. XI. ^
43S SOCIETE ARCHROLOGIQUfC ET HISTORIQUE DU LIMOUSm.
arquebusiers à cheval, colonel des gens à pied et lieulenant de la
cavalerie de l'armée qui fut envoyée en Ecosse sous le commande-
ment de M. de Losse. On dit que, au cours de cette campagne qu'il
suivit à la tête de 500 chevau-légers, il fut en outre chargé de
demander au parlement d'Ecosse la main de Marie Stuart, encore
enfant, et qu'il eut l'insigne honneur de renouveler la cérémonie des
fiançailles et d'épouser la jeune reine au nom du prince qui devait
être François 1I(1S50).
Il importe de noter qu'il avait obtenu en mars 1546 et en jan-
vier 1547 des lettres patentes du roi pour l'établissement de quatre
foires dans Tannée et d'un marché chaque semaine au bourg de
Saint-Germain.
Nous devons rappeler aussi que, selon toutes présomptions, la res-
tauration du château dans le style renaissance dut être commencée
sous Gabriel Foucauld et que la partie de ce château où se trou-
vent ses armes et celles de sa femme et qui était encore debout
au moment de la reconstruction actuelle, faisait partie de son
œuvre.
Gabriel avait contracté mariage le 15 novembre 1533 avec Fran-
çoise de Villelume, fille d'Antoine, écuyer, seigneur de Graveron;
dans le contrat il était qualifié chevalier, baron de Saint-Ger-
main (1); il testa, dit le Nobiliaire, le 10 janvier 1558 et mourut
quelque temps après.
Un de ses fils, Louis, que plusieurs des annalistes rangent au nom-
bre des seigneurs de Saint-Germain, fut considéré du ducd'Alençon,
plus tard François II; il épousa le 24 octobre 1565 Isabeau deSor-
bières et mourut sans postérité le 26 avril 1574. La seigneurie
passa à son frère Gaspard qui en était déjà peut-être le titulaire (2).
(1) I/âbbé Ratier donne à ce mariage la date de 1523 au lieu de celle
de 4533.
(^] Il règne quelque inccrlitudc sur la succession exacte des seigneurs de
Saint-Germain à la fin de celte période. C'est ainsi, que selon le Nobiliaire,
Jacques Foucauld serait mort avant 1563, et son fils Gabriel qu*on loi
donne pour successeur, vers 1558, c'est-à-dire très probablement avant
son père ; on peut supposer que Jacques s'était démis en sa faveur. D'autre
part, il n'apparaît pas très clairement si Gabriel a d'abord eu pour succes-
seur Louis, un de ses fils, ou si Gaspard, son autre fils lui a succédé direc-
tement. Le procès-verbal d'installation, le père Anselme et l'abbé Ralicr
ne disent rien de Louis.
A partir de Gaspard, la filiation des Foucauld devient beaucoup plus claire
et plus certaine, sauf pcut-ôlre sur un point qui demandera examen.
Après avoir noté les divergences et les contradictions mêmes si fréquentes
que nous avons dû relever entre les divers généalogistes pour plusieurs
EXCURSION ARCBÉOL06IQUE A LA SOUTERRAINE ET DANS SKS BMViftONS. 430
SAINT-GERMAIN A L'ÉPOQUE DE LA LIGUE. — GASPARD FOUCAULD.
Pendant les guerres de religion et surtout pendant celles de la
Ligue, le rôle des maîtres de Saint-Germain revêtit un nouveau carac-
tère et prit une importance encore plus grande que sous leurs pré-
décesseurs; on les trouve mêlés à tous les événements, aux dissen-
sions et aux luttes sanglantes dont notre province fut le théâtrcà
cette époque si critique et si mouvementée.
XIII. — Gaspard Foucauld, second fils de Gabriel embrasse, le
premier de sa race, la religion réformée et devient un des partisans
les plus décidés, un des chefs les plus entreprenants de cette reli-
gion dans la Marche et dans le Limousin.
des prédécesseurs de Gaspard, il ne paraît pas inutile, pour mieux faire
ressortir ces divergences, de donner ici la liste des seigneurs de Saint-
Germain-Beaupré, telle qu'elle est indiquée par chacun de ces généa-
logistes.
Généalogie d'après Vabbé Ratier :
Branche des seigneurs de Saint-Germain-Beaiipré : 1. Hugues, fils
d'Uélie (lige des seigneurs de cette branche). — à. Etienne. — 3, Hugues II
(donation de 4115). — 4. Amelin. - 5. Bertrand. — 6. Amelin II. —
7. Ravmond, — 8. Guillaume 1", dit Gui. — 9. Gui 4'^ — 10 Gui 11. —
H. Gui ou Guyard.— 42. Guillaume m. — 13. Gui III.— 14. Guillaume IV.
— 15. Auberlon Albert. — 16. Jean. — 17. Marc. — 18. André. — 19. Jacques.
— 30. Gabriel I". — 24. Gaspard (et après ce dernier). — 2i. Gabriel II.
— 23. Henri. — 24. Louis. — 26. Armand-Louis.
Généalogie d'après le procès- oerbal d'installation de t7î5 :
i. Hugues (donation de 1 1 15). — 2. Guillaume 1®'. — 3. Guillaume II. —
4. Gui !«'. — 5. Gui ou Guyard. — 6. Guillaume III. — 7. Guillaume IV.
— 8. Aubert. — 9. Jean. — 10. Marc. — i I. Jacques. — 12. Gabriel I^^. —
13. Gaspard, etc.... (comme à celle de Tabbé Ratier).
Généalogie d'après le père Anselme :
I. Hugues (donation de 1145). — 2. Guillaume 1''. — 3. Guillaume II.
— 4. Emcric (cités par ordre de date, mais sans que la filiation en soit bien
constatée). — 5. Gui I'^ — 6. Gui II. —7. Guillaume III. -- 8. Gui III. —
9. Aubert. — iO. Marc. — H. André. — 12. Jacques. — 13. Gabriel l'^
— 14. Gaspard.... (les autres comme ci- dessus).
Généalogie d'après le Nobiliaire de Nadaud :
(Le commencement fait défaut), après Raymond, Gis d^Hugues, il cite :
I. Gui. — 2. Gui II, ou Guyard. —3. Guillaume. — 4. Gui III. — 5. Aubert.
— 6. Jean (la suite manque).
440 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET niSTORIQUB DD LIMOUSllT.
Un fait d'arme bien connu, rapporlé par nos chroniques locales,
témoigne de sa fougue et de son intrépidité.
Au cours de Tannée 1576, il se rendait à Châlucet, alors lieu de
rendez-vous de son parti qui projetait sans doute une reprise des
hostilités, quand il fut surpris au petit bourg voisin de Boisseoil
par les gens du capitaine Vouzelle, chef des milices de Limoges,
qui surveillaient les menées des huguenots et les approches de la
forteresse; Gaspard n'ayant avec lui qu'un très petit nombre de
compagnons, dut se réfugier dans Téglise, où après s'être mis à l'abri
d'un coup de main il gagna les combles du clocher et passa la nuit.
Mais le lendemain, à l'aube naissante, s'élant aperçu que la troupe
qui les bloquait allait recevoir du renfort, il prit une résolution
désespérée et se précipita au dehors l'épée à la main sur les mili-
ciensqui, déconcertés par cette brusque attaque, ne purent résister.
Gaspard se dégagea ainsi par ce trait d'audace et Gt même prison-
nier le capitaine Gallichier, d'une honorable famille de Limoges,
qu'il emmena avec lui à Châlucet.
' M. Tabbé Ratier raconte assez longuement le fait dans son histoire
du château de Saint-Germain (1).
Le môme historien dit que les ligueurs, commandés par M. d'Aul-
mont, gouverneur de Dun-le-Palleteau, l'un de leurs principaux
chefs en Marche, s'étaient emparés, à l'aide du canon qu'ils avaient
empruntés aux consuls de Limoges, de plusieurs places appartenant à
Gaspard Foucaud ; au nombre de ces places il ne cite pas nommé-
ment le château même de Saint-Germain-Beaupré ; mais la prise du
château et sa dévastation par les ligueurs ne sauraient faire de
doute à ce qu'il semble, en présence de la lettre si formelle
d'Henri, roi de Navarre, datéede Sainte-Foy et dul"novemdrel580,
dans laquelle s'adressant à son oncle le duc de Montpensier il se
plaint en termes exprès « de la démolition et du razement de la
maison de Saint-Germain». L'événement devait être assez récent au
moment où le prince écrivait cette lettre très élogieuse pour son
fidèle aUié et nous ne croyons pas avoir fait erreur en lui assignant
déjà plus haut pour date cette même année 1880 (2).
( i ) Voir Le Château de SalnUGermain, par Pabbé Ralier, page 50. ■
Voir aussi Histoire de Saint-Martial^ tome IH, pages 795 à 799.
M. Louis Guiberl mentionne aussi cet épisode dans son étude sur
Châlucet. {BulL Soc, Arch, et Hist, du Limousin^ lome XXXil, 1* liv.,
p. 326.
(3) Nous avons déjà en effet fait mention de ce siège en parlant de la
fondation du château et des remaniements qu'il a subis.
BXCURSION ARCBéOLOGlQUB A LA SOUTERRAIKR ET DANS SES ENVIRONS 441
Gaspard Foucauld usa du reste largement de représailles et sa
vengeance pour n'avoir pas été peut -être tout à fait immédiate,
n'en fut que plus complète. Quelques années après (1587), il s'em-
para successivement de Châteauponsac, du prieuré de UArtige Qu'il
livra au pillage, et un peu plus tard de Laurière où après être tombé
au pouvoir de Tennemi il parvint à lui échapper grâce au secours
du vicomte de Châteauneuf, prit la place et brûla une partie de ses
maisons. Il réduisit enfin sous l'obéissance de son maître plusieurs
villes de la Marche et notamment celle de Guéret.
Le prince qui l'honorait de sa confiance et de son amitié le récom-
pensa de ses services en le nommant, en mars 1589, gouverneur de
toutes les places de son parti en Berry et en Marche, et en 1590
gouverneur particulier d'Argenton.
Stimulé par les faveurs royales non moins sans doute que par
l'ardeur de ses convictions et de son tempérament, Gaspard continua
le cours de ses entreprises; mais s'étant mis à la poursuite du
sieur de Toirac, chef ligueur, et celui-ci s'étant réfugié au Moulier
d'Ahun, le seigneur de Saint-Germain fut tué d'un coup d'arque-
buse sous les murs de l'abbaye, qui fut du reste emportée d'assaut
par ses soldats, pillée et brûlée en partie.
Gaspard avait épousé en premières noces et par contrat du
29 août 1563, Gabrielle Rancé fille d'Hélion, seigneur de la Cha-
pelle et de Marie de Magnac, dont il avait eu deux enfants, Gabriel
qui suit et Anne qui conserva la foi de ses pères et devint abbesse
de Morienval; en secondes noces et par contrat du 28 juin 1572, il
épousa Isabeau de Pompadour, fille de Geoffroy, baron de Pompa-
dour et de Suzanne des Cars, qui lui donna trois enfants dont deux
moururent en bas-âge et le troisième, Eslher, fut mariée à Jean
Tiercelin, seigneur de La Chapelle.
M. G. Berlhomier a publié la IcUre d'Henri de Navarre dans le
tome XXXVllI du Bulletin de la Soc, archéol, et histor. du Limousin,
p. 190.
Voir au surplus Lettres mlssioes du roi Henri de Navarre, par Berger de
Xivrey, 1843. Orlg. Archioes du royaume t sect. hist. série K 101, 9.
M. de Beauforl, dans ses Recherches archéologiques {loco citato) signale
bien ce siège comme ayant eu lieu en i580.
M. Ratier qui n*en parle pas, observe toulefois dans son Histoire que le
château n*avait pas subi moins de deux sièges au zvi* siècle.
Âii SOCIBTR ARCnÉOLOGlQUE ET DiSTORlOlB BU LIHOUSIK.
GABRIEL II FOUGAULD
NLLAGB DE L*ABBAYE DE GRANDMONT. — VISITE O'hEISRI IV A SACST-
GERMAIN. — NOUVEAU SIÈGE DU CHATEAU. — LUTTES ET CONVERSION.
XIV. — Gabriel Foucauld, deuxième du nom, chevalier était,
d'aprèsle Nobiliaire, seigneurde Saint Germain, de Dun-le-Palleleau,
de<irozant(1),'vicomledu Dognon, baron de Royan. etc., conseiller
du roi en ses conseils d'Etat et privé, chevalier de son ordre,
maréchal des camps et armées, gouverneur particulier de la ville
et du château d'Argenlon, capitaine de cent hommes d'armes
des ordonnances du roi; il fut fait plus lard gouverneur et
lieutenant général de la Haute et Basse-Marche, par démission de
M. de Schomberg, le 23 avril 16â1 et prêta serment de ses fonc-
tions le 10 mai suivant (2)
Gabriel avait hérité des opinions religieuses de son père en même
temps que de son naturel fougueux et remuant; mais plus ambi-
tieux que lui, d'un caractère peu scrupuleux et même cupide, il
chercha à jouer un rôle personnel où le patriotisme et le désinté-
ressement ne tinrf^nt pas toujours la première place.
Son premier soin fut de venger la mort de son père qui ne lui
paraissait pas suffisamment expiée parle sac de l'abbaye d' A hun.
Il força le château du Mas-Laurens, près Fellotin, qui appartenait
au sieur de Toirac et où celui-ci s'était retiré et en fit passer la
garnison au fil de l'épée ; le cadavre du chef ligueur ayant été
(4) M. E. de Bcaufort dit que Gabriel ne fui investi des seigneuries de Don
et de Crozant, que vers la fin de sa vie, en 1639. Cette assertion parait en
désaccord avccd*aulrcs documents ; ccpendcant, en ce qui concerne Croyant*
le président Ghorlon relate que celle châlellenie fut en efifct vendue, en
1 639, par Louis Xlll à Gabriel Foucauld, pour 1 8 ou âO,000 livres . (Af^/n. p . 83).
(2) D'après M. de Bcauforl, Gabriel aurait, en <6?4, cédé au roi son
gouvernemenl d'Argcnlon et reçu en échange celui de la Haute cl Basse-
Marche; mais la dale de I*annéc 1621 paraît beaucoup plus certaine. Il
exislc dans les registres paroissiaux de Sainl-Germain un acte de baptrmo
de Charles, Tun des fils de Gabriel, dressé le 23 mai 1631 et dans lequel
ce dernier esl déjà qualifié de gouverneur de Haute et Basse-Marche Ce
Charles, qui devint abbé de BénévenI, eut pour parrain Mk»" de LuyncS'
connétable de France, et pour marraine sa lanle Eslher Foucault, femme do
Jean de Vance Tiercelin. Il fut nommé par messirc François Pot de Khodes»
grand maître des cérémonies de France cl baplisé par Me"" André Fremyoi,
patriarche, aumônier du roi, primat d'Aquitaine et archevêque de Bourges-
EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. 443
trouvé parmi les morts fut transporté à Saint-Germain-Beaupré
pour être cloué au pilori. L'année d'après (1592), Gabriel se trou-
vait au combat d'Aumale.
L'affaire du Mas-Laurens et le massacre de Toirac et des siens
n'étaient que des actes de cruelles représailles que justifiaient dans
une certaine mesure les mœurs violentes du temps.
L'invasion à main armée de l'abbaye de Grandmont et les excès
de toutes sortes qu'y commit le maître de Saint-Germain méri-
tent une qualification plus sévère. Au mois de mai 1596, les reli-
gieux de la célèbre abbaye avaient élu conventuellement pour leur
nouvel abbé un homme de grande piété, François Marrand ; ce
choix déplut à Gabriel qui, prétextant d'une nomination obtenue du
roi au profit de François d'Auberoche, son allié, s'empara de Grand-
mont^ non sans effusion de sang, profana les reliques et enleva de
riches dépouilles qu'il transporta à Saint-Germain. Le descendant
de ces pieux chevaliers qui avaient témoigné leur vénération pour
cette abbaye par tant de libéralités, ne craignit pas de mentir à leur
mémoire en commettant de tels meurtres et de tels sacrilèges! Trois
ans après seulement intervint un arrêt du Parlement de Paris qui
confirmait l'élection de Marrand ; mais les infortunes des religieux
ne devaient pas se borner là; Une garnison commandée par Monti-
gnac, gouverneur de Blois, et un certain Barreneuve avait été
envoyée pour protéger le monastère cl le nouvel abbé; ces préten-
dus défenseurs se comportèrent en véritables brigands, et il fallut
recourir à un appel au gouverneur de la Marche et même à l'em-
ploi du canon pour les débusquer de la position. L'abbaye pouvait
enfin se croire sauvée, lorsque le sire de Saint-Germain reparut
et commença une nouvelle occupation, faisant encore une fois, dit
le Père Bonaventure, l'office de voleur plutôt que de pourvoyeur.
Cette occupation se continua pendant plusieurs années encore,
peut-être avec des intermittences, et la délivrance ne paraît avoir
été bien définitive que vers l'année 1607 (1).
Non moins que son père, Gabriel jouissait de la considération
et de l'estime du roi Henri IV; Il avait combattu au service de ce
prince ou même à ses côtés au siège de Rouen, à la journée d'Ar-
qués et à la bataille d'Ivry (14 mars 1390). Mais dans la suite sa
conduite à l'égard de son souverain devint fort équivoque et ne
mérite assurément pas les qualifications assez élogieuses que lui
donnent quelques historiens. L'abbé Ralier convient lui-même qu'il
fut mêlé non-seulement au menées des protestants, mais encore à
plus d'une intrigue et d'une cabale qui allaient contre les inten-
(I) Histoire de Saint- Germain ^ p, 59.
44 i SOCIETE ARCnÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DO LIMOUSIN.
lions du roi. Les Mémoires de Sully précisent et accentuent le carac-
tère de son altitude dans diverses circonstances; ils nous montrent
ainsi Gabriel conspirant en 1594 avec le duc de Bouillon el d'au-
tres seigneurs pour établir une République aristocratique, à
Texemple des Pays-Bas, el dont l'électeur Palatin aurait été le chef.
Une lettre du roi lui-môme écrite à Gabriel au cours de l'année
1597 (vers le 4 juin), fait allusion à ces griefs et contient de plus, à
radresse de ce dernier, des remontrances assez sévères au sujet de
faits qui ressemblent beaucoup à des abus de confiance (1).
En dépit de ces griefs assez fondés, Henri IV, qui, par politique
autant que par nature, oubliait volontiers ou feignait d*oublier les
les torts de ses serviteurs pour ne se souvenir que des services ren-
dus, donna à Gabriel une marque assez particulière de sa considé-
ration en le visitant à Saint-Germain, au retour de ce voyage en
Limousin qui lui avait été inspiré par ses calculs personnels, mal-
gré Topposition de la Cour et qui fut pénible mais fécond en ré-
sultats. Le roi arriva le 24 octobre 1605, accompagné de Sully el
d'une nombreuse suite, coucha au château et en repartit le lende-
main 25 octobre. Il ne séjourna donc pas à Saint-Germain pendant
huit jours, comme l'a écrit Tabbé Ratier, employant ses loisirs à
chasser el à recevoir la noblesse des environs. Les meilleures preu-
ves que Ton a de ce court séjour sont les intéressantes lettres écrites
par le roi à la reine durant cette période de son voyage (2j. Le châ-
teau relevé de ses ruines depuis le siège de 1580, devait alors se
(i) Cette lettre qui existe ù la Bibliothèque nationale, fonds BéihuDC.
mss. 8955, (^ 36 recto, a été publiée par M. G. Berthomicr dans sa notice
[Bull, XXXVIII de la Soc, arch, et hlst. du Limousin, p. 190 et suiv.;.
Quant aux passages des Mémoires de Sully où il est parlé de Gabriel
Foucauld et qui ont été aussi relatés par M. G. Berthomier dans cette
même notice, consulter ces Mémoires (ColIeclionMich. etPouj., chap. lxxx.
p. 27î. — Chap. Liv et lxxv, p. 252).
(9) Les lettres relatées dans la notice de M. G. Berthomier citée plus
haut, portent les dates des 34 octobre (deux) 35 et 36 octobre 1005. Les
deux premières ont précédé Tarrivéc du roi à Saint-Germain, celle da 35
annonce son départ du môme lieu cl la dernière a été écrite en Berr\\
Dans cette correspondance, le prince exprime son impatience de quitter
une province où il a été éprouvé moralement et physiquement, et ensuite
sa satisfaction d'en élre sorti pour rentrer dans a la douce France ».
Il convient toutefois de noter une autre leUre d'Henri IV adressée le 8
novembre 1605 au Landgrave de Hcsse et dans laquelle, parlant de son
voyage en Limousin, il dit qu'il Ta accompli très heureusement.
Le roi était parti pour ce voyage le 15 septembre précédent avec une
petite armée, dont rarlilloric, composée de deux canons, deux couleuvrines
et deux bastardes, était sous les ordres du Sdly.
EXCURSION ARCHEOLOGIQUE A LA SOUTERRAINE ET DAMS SES ENVIRONS. 44$
trouver en bon état de restauration et devait offrir de grandes res-
sources, car, au rapport de Tintendant royal, malgré la suite nom-
breuse du roi et Taffluence probable des visiteurs, la dépense
extraordinaire ne dépassa pas soixante-dix livres tournois. On a
prétendu que le roi, en souvenir de celte réception, avait ajouté
une troisième fleur de lys aux armes des Foucauld; mais nous
avons de justes motifs de penser que ces armes (existaient déjà
telles quelles et depuis longtemps dans la famille.
Cinq ans après, Henri IV tombait sous le couteau de Ravaillac.
Sa mort fut le signal un peu partout de nouvelles dissensions et de
troubles que sa main prudente el énergique n'était plus là pour
réprimer ou pour atténuer. Gabriel Foucauld n'avait point renoncé
à la foi protestante, ni môme sans doute aux visées de son ambi-
tion personnelle ; il passait dans toute la région pour le chef et le
meneur du parti. Seigneur riche et puissant, il devait être plus
qu'un autre exposé aux rancunes et aux entreprises de ses adver-
saires politiques qui avaient aussi peut-être contre lui plus d'une
injure à venger; la faiblesse du gouvernement de la régente favo-
risait aussi les représailles et excitait les revanches à prendre en
fournissant plus d'un prétexte.
C'est pendant cette époque, à une date fort dificile d'ailleurs à
préciser, que se place Taggression violente dont le château de
Saint-Germain fut encore une fois l'objet, en l'absence de son sei-
gneur, et que nous avons déjà racontée avec quelques détails.
Sous le prétexte de concihabules qui s'y tenaient entre les pro-
testants, mais obéissant sans doute à des rancunes personnelles ou
à des inimiliés de famille, un fils du gouverneur de Dun, d'An-
mont, surprit un ordre du souverain pour mettre garnison dans le
château et s'en empara par la force, malgré la résistance opiniâtre
de la châtelaine et de quelques serviteurs; nous savons comment il
le démolit presque entièrement et comment aussi Gabriel le rebâtit
par la suite en y faisant de grands embellissements et en commen-
çant tnéme autour du parc une muraille fortiûée d'une vaste
étendue, pour prévenir le retour de pareilles surprises. Ce siège du
reste fut le dernier.
L'aggression de d'Aulmont ne resta pas impunie ; averti par son
fidèle allié Chateauneuf, le sire de Saint-Germain se hâta de se
rendre à Paris où il se disculpa assez facilement. D'Aumont fut
condamné à faire amende honorable, à payer à la victime une forte
indemnité et de plus il perdit son gouvernement de Dun, qui fut
même plus tard conféré à Gabriel Foucauld (1).
(I) L'auteur de V Histoire du château [de Saint^Germain a donné
4id SOCIÉTÉ ARCHROLOGIQUP ET HISTORIQUE DO LIMOUSIN.
La carrière de ce dernier ne se finit pas avec ces événements.
Il vécut longtemps encore, trop peut-être pour sa gloire et pour sa
réputation ; son caractère entreprenant et son esprit de prosélytisme,
mais surtout son ambition et son avidité trouvèrent bien des occa-
sions nouvelles de s'exercer, et lui suscitèrent des conflits avec ses
voisins et des embarras avec Tautorilé royale. Il dut céder enfin
aux désirs de Louis XIII qui lui voulait quelque bien, mais encore
plus aux volontés de l'inflexible cardinal son ministre, quand peu
d'années avant sa mort il abjura solennellement le protestantisme
avec les personnes de sa famille en l'église de Magnac-Laval et
entre les mains de Tarchevéque de Bourges venu à cette intention.
Dans cette dernière phase de Texistence de Gabriel, à coté des
actes connus de sa vie publique, il y aurait d'autres faits à recher-
cher et à signaler mais sur lesquels règne encore une certaine
incertitude. Devenu gouverneur de la Haute et Basse-Marche en
1621 suivant les uns, en 1624 selon d'autres, il paraît avoir fait de
son pouvoir un usage assez arbitraire et tyrannique, pour ne pas
dire plus. Un célèbre chroniqueur du temps, Tallemant des Réaux,
nous a laissé de lui dans ses Historiettes, une fort vilaine peinture :
« Saint-Germain-Beaupré, dit-il, n'était ni un homme de cœur, ni
un homme de maison fort illustre; ça été un fort grand tyran en
toutes choses : quand un paysan ou un bourgeois avait des biens, il
le forçait à donner sa fille à quelqu'un des gens de M. le Gouver-
neur et c'était ainsi qu'il récompensait ses domestiques. Grand vo-
leur, grand emprunteur à ne jamais rendre et grand distributeur
de coups de bâton. Quelquefois il lui est arrivé de faire assassiner
des gens Madame de Rambouillet, eu égard au pays montueux
où il habitait et à sa manière de vivre, disait que c'était un autre
vieil de la montagne » fl).
L'auteur du château de Saint^ermain, qui connaissait ce pas-
sage des historiettes et le mot de Madame de Rambouillet, car il a
beaucoup de détails curieux, non sur le siège lui-môme, mais sur des
faiis postérieurs qui s'y rallachent, en même temps que sur certaines
particularités de la vie intime et de famille de Gabriel Foucauld ; ces détails
consistent surtout en extraits de la correspondance de Gabriel avec sa
femme, son intendant et d*aulres personnages, correspondance que l'au-
teur avait eu la bonne fortune d'avoir à sa disposition et qui ne se reu-onve
malheureusement plus de nos jours. Nous renvoyons nos lecteurs à ces
extraits qu'il eut été trop long d'insérer ici.
(1) Historiettes du Règne de Louis XJII,
Tallemant des Réaux a tracé d'Heuri, fils de Gabriel, un portrait équiva-
çnt de celui du père et que nous reproduisons plus loin.
EXCURSION ARCBEOLOGIQUK A LA SOUTERRAIKE ET DANS SES ENVIRONS. 447
inlitulé un de ses chapitres « le vieux de la montagne », ne préteguères
d'importance aux accusations de Tallemant de Réaux ; « des juge-
ments si passionnés, dit-il, ne sont guères dangereux ».
Il est permis de faire une part à Texagération, dans ce portrait
du chroniqueur comme dans beaucoup d'autres émanés de sa plume,
qui passent pourtant en général pour avoir un fond de vérité.
Mais on a contre Gabriel un témoignage plus grave, c'est celui
des Cahiers de la Marche, où se lisent les lignes suivantes : « En
1645, les habitants portèrent plainte contre Gabriel Foucauld, leur
gouverneur et obtinrent contre lui, en 163S, une sentence par con-
tumace, rendue en la chambre de la Tournelle.... Henry Foucauld,
fils aîné du gouverneur de la Marche, en 1642, lui succéda dans
cette charge » (d).
La concision de ces lignes, le vague peut-être intentionnel dans
lequel elles restent sur la nature de la condamnation, ne peuvent
rien enlever à la réalité des faits et nous laissent entrevoir une
longue suite de griefs, de débats et de luttes entre Gabriel Foucauld
et ses administrés, où celui-là malgré son audace et la fertilité de
ses moyens, en dépit de ses hautes protections, et après bien des
péripéties, finit sans doute par ne pas être le plus fort.
Gabriel Foucauld n'était pas un homme de trempe ordinaire : sa
personnalité se détache dans la longue galerie des seigneurs de
Saint-Germain avec un relief tout particulier, et jce n'est pas sans
raison que l'abbé Ralier lui a fait une place tout à fait exception-
nelle dans son histoire, en consacrant à sa biographie ses plus longs
chapitres.
Mais si le portrait physique qu'en trace l'honorable auteur est
tout à fait séduisant, quand il nous le représente d'après des pein-
tures de famille, sous des traits dont la fierté était tempérée par
une grâce incomparatde (2) ; si la lecture des extraits de sa corres-
pondance révèle chez Gabriel l'existence de certaines qualités
privées et de sentiments de famille très estimables; s'il possédait
évidemment aussi, malgré les dires de Tallemant, quelques unes
des vertus de sa race. et de son rang, la fermeté, la bravoure, le
dévouement envers les siens qui paraît lui avoir concilié beaucoup
d'amis ou d'alliés en lesquels du reste sa puissance trouva de solides
appuis; on ne saurait souscrire toutefois au jugement beaucoup
trop sympathique et trop indulgent que l'auteur porte sur la mora-
lité de l'homme et dans Tapprécialion de ses actes.
L'abbé Ratier ne trouve guère à lui reprocher que son impêtuo-
(1) Cahiers de la Marche^ édités par M. L. Duval, pages 74 et suivantes.
(2) Voir Histoire du Château^ page 9f •
448 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE BT HISTORIQUK DU LIMOUSIN.
site de caractère qui, dans sa jeunesse surtout, le rendit si redou-
table à ceux qui avaient le malheur de lui déplaire. L*âge corrigea,
dit-il, ce terrible défaut, mais ne répara pas tous les désastres qo il
avait causés (1).
Il subsiste malheureusement contre ce personnage trop de
preuves pour nous convaincre qu'il avait d'autres défauts que Tim-
pétuosité du caractère et que ces défauts ne passèrent pas chez lui
avec rage. Il ne fut, à dire vrai, ni le sujet fidèle, ni le cœur
excellent, ni le seigneur bienveillant que son panégyriste s'est
efforcé de nous représenter. Son excuse fut d'être né et d'avoir été
élevé en un temps de trouble et de révolution où les notions du
juste et de l'injuste étaient facilement confondues, où toutes les
passions et tous les intérêts étaient en lutte, et la raison du plus
fort était souvent la seule loi qui s'imposât aux consciences de ses
contemporains.
Gabriel Foucauld mourut en 1642.
Il avait épousé le li novembre 1607, Jeanne Poussard, fille de
Charles, seigneur de Fors et du Vigean et d'Esther de Pons. De ce
mariage provinrent six enfants. 1** Henri dont nous parlons plus
loin ; 2* Louis, qui s'acquit une grande notoriété, sinon la célébrité
sous le nom de comte du Dognon; 3"* François, seigneur d'Eguzon,
mort à l'armée du roi en Flandre, n'étant encore que volontaire ;4*
Charles, abbé de Bénévenl en 1638; 5** Anna, devenue abbesse de
Morinval, après sa tante; 6* Gabrielle qui épousa un seigneur de
Monlagnac (2).
HENRI F0CJC4UD ET LOU(S COMTE DU DOGNON SON FRÈRE
UNE QUESTION A RÉSOUDRE
XV. — Henri Foucauld, chevalier, vicomte, puis marquis de
Saint-Germain-Beaupré, comte de Crozant, etc., conseiller ordinaire
(1) Le père Bonaventare de Saint- Amable ne pouvait lui pardonner le
pillage des abbayes où tant d*atrocilés avaient été commises et dit de lui
que, môme après sa ccoversion, il conserva dans les actions peu réglées de
sa vie un reste de la lie de son hérésie.
(9) A la suite de la biographie de Gabriel, l'abbé Ratier, fait mention
d*une branche de la famille de Saint-Germain, dont Sully a parlé dans ses
MémolreBj les Saint-Germain de Clan, en Poitou, qui étaient aussi calvinistes
et firent parler d eux pendant cette même période ; un de ses membres
cependant prit part à une expédition en Hongrie contre les Turcs et s'y
couvrit de gloire (1599). — Cette branche reviut aussi au catholicisme.
KIGURSlOlf ARCHEOLOGIQUE A LA SOUTURRAINB ET DANS SES ENVIRONS. 449
au conseil d'état et privé, maréchal des camps et armées du roi,
devint comme son père gouverneur de la Haute et Basse-Marche
et du vivant même de celui-ci qui résigna cette charge en sa
faveur (1).
Admis à la cour où il dût même passer quelques années de sa
jeunesse ainsi que son frère Louis, qui y fut élevé (3), il entra tout
jeune au service du roi et parcourut une carrière militaire longue
et assez brillante, au rapport des généalogistes et des historiens de
la maison. On s'accorde en effet à le représenter comme se trou-
vant déjà guerroyant à Tlle de Ré en 1630, lors de la défaite des
Anglais, au siège de la Rochelle en 1638, à Privas en 1630, puis
aux batailles de Veillanes, de Garignan. Henri à cette époque
n'avait guères plus de SI à 22 ans ; quelques années après, il lève
une compagnie de cavalerie et se fait remarquer par sa hardiesse
contre l'ennemi. En 1642 il est à Lens, puis au secours de Gasal, au
siège de la Molhe en Lorraine, à Landrécies, à Gastellet, à Arras,
à la levée des sièges du Mouron, de Gorbie, à la défaite du comte
de Bucquoy ; il aurait même été blessé le 9 juillet 1671, au siège de
Nimègue, à un âge déjà très avancé. Partout, à ce qu'on assure,
Henri donna des preuves de sa valeur et de son courage (3).
Aussi en récompenses de ses services le roi érigea-t-il à son
profit en marquisat la terre de Sainl-Germain-Beaupré qui était
devenue fort importante (Lettre du mois d'août 1645) (4).
(1) D*après les Cahiers de la Marche, il n^aurail reçu ce gouvernemeul
qu'après la mort de son père en 1042. Le discours d*inslallaiion dii, au
coQlruire, qu'il en fui invesii en 1630. Si cette dernière date n'est pas abso-
lument certaine, il y a lieu de croire du moins qu'Henri était déjà gouver-
neur en 1635; nous en donnerons plus loin un témoignage qui semble assez
convaincant.
(2) M. G. Berthomier dans son étude sur LouU Foucauld, comte du Do-
gnon, vice-anUral et maréchal de France (Montluçon, imp. Herbin, 1890),
a publié d'après la Gazette de Renaudot, le curieux récit d'un ballet qui fut
donné à la Cour en 1633 et dans lequel figuraient Henri Foucauld et son
frère, à côté du baron du Vigean, de Candole, du duc de Longueville et
autres brillants seigneurs.
(3) Si ce n'est peut-être à la bataille d'Eiwhein, en 1673 (?), où du Buis*
son on plutôt Gaticn des Courtils lui reproche de s'être lait couvrir de
honte (voir le Nobiliaire)» Le grand Age d'Henri, il avait à cette époque
soixante- cinq ou soixante-six ans, pourrait expliquer cette défaillance. Mais
le fait même est-il bien établi ?
(4) L'érection de la terre de Saint-Germain en marquisat à cette date ne
fait aucun doute. Dans le discours d'installation de 1715, il est dit que le
roi créa ce marquisat en considération de la valeur et des services qu'Henri
450 soaiéré ARCHÉOLOr.iotir. kt iiistoriqlb di: limousin.
L*abbé Ralicr dépeint le nouveau marquis comme un seigneur
très opulent, hospitalier et recevant ses invités avec une magniti-
cence toute royale. La description qu'il fait du château à cette
époque, de son mobilier somptueux, de sa galerie de tableaux, du
personnel nombreux et de toutes sortes qui Toccupait, des plaisirs
délicats et des distractions variées qu'on y trouvait, renferme à
coté de quelques exagérations probables, une assez grande part de
vérité. Mademoiselle de Monipensier donl nous raconterons plus
loin le voyage à Saint-Germain du temps d'Henri Foucauld, en a
fourni elle-même le témoignage et ce témoignage n'est point banal.
Henri Foucauld avait épousé, le 46 mars 164i, Agnès de Bailleul,
fille de Nicolas, chevalier, baron de Château-Gontier, président à
mortier au parlement de Paris, surintendant des finances, ministre
d'état, et d'Elisabeth Mollier, dont il eut deux enfants : Louis et
Gabriel, ce dernier connu sons le nom de comte de Crozant(l).
Enfin selon les annales, Henri mourut à Saint-Germain le il
septembre 1678, après avoir vu son fils Louis investi de son titre et
de la survivance de son gouvernement dès 1674.
Cette belle carrière du marquis de Saint-Germain, terminée par
une mort paisible, au milieu des siens, dans le château de ses an-
cêtres, entourée môme, à ce que rapportent plusieurs chroniqueurs,
des sympathies et des respects de ses vasseaux, cette carrière et
cette mort paraissent très véridiques. Et cependant, si l'on cons-
tate certaines sources d'information assez dignes de foi, qu'il est
difficile de négliger, bien qu'elles aient été ignorées ou passées
sous silence par les divers généalogistes, la biographie d'Henri
Foucauld telle que nous venons de la présenter se trouverait être
tout à fait problématique.
avait rendu aux combals de l'Ile de Ré, et à plusieurs sièges de villes donl
le dénombremenl est tait dans les letires paientes qui turent enregislrées
en parlement, en la chambre des comptes ei à la coar des aides.
(4) Agnès de Bailleul survécut de longues années a son mari, elle mou*
rut en effet à Paris, le 91 novembre 1706, et fut inhumée à Belle-Chasse
où elle s'était retirée.
D*après le Nobiliaire, Gabriel Foucauld, comte de Crozanl, iils cadet
d'Henri, fit plusieurs campagnes on qualité d*aide-de-camp et de lieulenaal
de la colonne du régiment des gardes et se distingua en diverses rencontres,
particulièrement au siège de Maêsiricht, ^ la conquête de la Franche-Conté.
il prit sa retraite dans son château de Croyant, non loin duquel il fit édifier,
on 1686, une chapelle connue sous le nom de Notre-Dame-des-Places qu'on
y voit encore de nos jours.
M. Tabbé Ralier a consacré au comte de Crozant el à sa fondation deux
chapitres (ch. xxi et ixii), et dit qu'il mourut à la fia de Tannée 1689.
EXCURSION ARGHEOLOGIQUK A LA S0T3TERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. ^51
Un autre chroniqueur du temps, fort connu et très estimé des
érudits, Pierre Robert, lieutenant général au siège du Dorât, qui
était un coiitemporain et connaissait bien les Foucauld, dit expres-
sément dans sa nouvelle chronique qu'Henri fut impliqué dans les
poursuites faites contre un certain nombre de grands seigneurs
aux grands jours de Poitiers (septembre 1634 à la fête des rois
1635) pour voleries, pilleries, concussions, exactions, meurtres,
incendies et autres malversations, et qu'au mois de février ou de
mars 1635, il y eut contre lui un furieux arrest du Parlement de
Paiis, par défaut et contumace le condamnant à avoir la tête tran-
chée, sa maison rasée..., le déclarant indigne et privé de sa charge
de gouverneur, ce qu'ayant prévenu de bonne heure il s'en était
défait au profit de son lils aîné. Et Pierre Robert ajoute que le dit
sieur de Saint-Germain mourut en cet état, sans avoir jamais osé
purger sa contumace (1).
L'articulation est fort nette ; mais ce n'est pas tout. Le chroni-
queur du Dorai, parlant d'Henri, le qualifie par ces mots : Feu mes-
sire et affirme qu'il mourut avant lui ; or, comme Pierre Robert est
lui-même décédé en 1658, il doit s'en suivre nécessairement
qu'Henri Foucauld n'était plus vivant à cette dernière date et n'a
pu mourir par conséquent en 1678 (4).
Ces indications si précises de Pierre Robert trouvent un appui
dans d'autres témoignages (3) et notamment dans un passage de
Tallemant des Réaux; ce dernier, qui a tracé de Gabriel Foucauld
le portrait peu flatteur que nous connaissons et qui n'a pas été plus
indulgent pour ses enfants, s'est exprimé en ces termes sur le
compte d'Henri : « Celui dont nous parlons et qui est son aîné
(Tallemant venait de parler de Louis, comte du Dogoon) n'a pas
(1) Extrait de la nouvelle chronique de Pierre Bobert (de f 598 à 1645).
— Grands jours de Poitiers (1634-35). — Voir aux Chartes^ chroniques,
mémoriaux pour seroir à V histoire de la Marche et du Limousin^ pu-
bliés sous les auspices de la Société des lettres, sciences et ans de la
Gorrèze, par Alfred Leroux et feu Auguste Bosvieux. — Tulic, imp. CrauflFon,
1886 p. 299.
Nous donnons cet extrait comme appendice.
(3) M. A. Leroux, ne pouvant douter de la véracité du récit de Pierre
Robert, n'hésite pas à penser qu'Henri mourut avant 1658 et que c'est par
erreur que le Nobiliaire place sa mort en 1678. {Histoire de la réforme
dans la Marche et le Limousin, — Limoges, Gély, 1888, p. \li et noie ).
(3) On nous assure qu'un honorable magistrat du pays a euentre ses mains
des pièces de la procédure faite contre Henri Foucauld. La condamnation
d'un personnage de cette famille ne peut donc guère être révoquée en
doute ; la seule difficulté est d'établir l'identité du personnage môme.
452 sociérÉ arcbéologiquk et historique du lihoosin.
eu meilleure réputation que son père pour la bravoure et n'est
peut-être guère moins pillard. Il eut une querelle avec un genlil-
homme de feu M. le prince, nommé Villepéau, qu'il attaqua si bien
à son avantage dans la rue Saint-Antoine, qu'un grand laquais qu'il
avait lui donna un coup d*épée dont il mourut. Saint-Germain
voulut faire passer cela pour une rencontre; on demanda grâce au
roi, qui dit : « Ce n'est pas à lui qu'il faut le donner, c'est à son
grand laquais » (1).
Tallemant continue en faisant le récit des difficultés que le sei-
gneur de Saint-Germain éprouva dans la suite pour se marier» de
son mariage avec la fille de feu le Président Bailleul et plus taixl
de ses malheurs conjugaux et de ses vices, qu'il décrit avec une
liberté de langage que l'on ne saurait reproduire ici.
Comment concilier cette peinture plus que déplaisante, ces
graves accusations, cette condamnation à la peine capitale avec
la biographie toute sympathique présentée par les autres histo-
riens? Comment expliquer les rigueurs de la justice et cet étal
de contumace qu'Henri n'osa purger, avec les faveurs du sou-
verain et l'élévation de sa seigneurie en marquisat? Mais sur-
tout comment expliquer la mort d'Henri Foucauld attestée par
Pierre Robert et qui serait survenue avant la sienne, c'est-à-dire
avant 1658, avec le décès de ce môme Henri en 1678? Car à vrai
dire, s'il n'y avait cette circonstance de la date du décès, il ne
serait pas impossible d'admettre, malgré l'assertion du chroniqueur
du Dorât, que le roi finit par faire grâce au gentilhomme coupable
en souvenir de ses services rendus aux armées.
Pour résoudre la difficulté, il faudrait établir que les généalo-
gistes et les historiens se sont trompés en faisant mourir Henri
le H septembre 1678. Mais l'erreur n'est guère soutenable : la cer-
titude du fait ressort au contraire manifestement des documents tes
plus authentiques et dont la foi probante est pour le moins égale à
celle de la chronique de Robert.
Tout d'abord il paraît hors de doute qu'Henri Foucauld vivait
encore quelques années avant cette dernière date. Dans un acte de
naissance de Marguerite Agnès de Malleret, fille de noble Fiacre de
Malleret de LaNouzière, écuyer, du 17 septembre 1665, est présent
comme parrain messire Henri Foucauld, seigneur de Saint-Germain,
gouverneur de la province de la Marche, etc.. (2). D'autre part, le
(1) Historiettes pour servir àVhistolre du règne de Louis XIII, t. VII,
p. 155 el suiv. — Edition Garnier frères.
(t) Cet acte existe sur la première feaUle d'un registre paroissial de
Saint-Germain, à tort qualifié de f 664 à I67i et qui ne commence en réa-
EXCUHSION ARCHÉOLOGIQUE A LA àOUThIRRAINK ItT DANS SES ENVIRONS. id3
rôle de la première convocation et monstre des nobles de la séné-
chaussée de la Haute-Marche, faite à Gucret, le 30 août 1674, par-
devant François Mérigot, seigneur de Sainte-Feyre, sénéchal de la
province, porte sous la rubrique : « Chastellenie de Crozant. . Mes-
sire Henry Foucauld, marquis de Saint-Germain, gouverneur des
provinces de Haute Basse-Marche (1).
Mais la date même de 1678 et les circonstances qui marquèrent
le décès à celte époque, reposent, entre autres preuves, sur un té-
moignage non suspect, celui de Chorlon, président du prési-
dial de Guéret, qui était un contemporain et dont les mémoires
ont une valeur incontestable (2).
Le président Chorlon raconte le décès, au cours de septembre
1678, de M. de Sainl-Germain-Beaupré, gouverneur de la Haute-Basse-
Marche, en soTi château de Saint-Germain, âgé de soixante-huit à
soixante-dix ans ; (Henri, né vers 1608 ou 1609, devait bien avoir cet
âge); il donne des détail^ sur la maladiequi Ta emporté, sur les person-
nes qui l'entouraient à ses derniers moments. « Il était en joie, dit-il,
recevoir M"" la marquise de Saint-Germain, sa belle-fille, venue
avec sa mère... » Il termine en disant que « toute la province
regretta son gouverneur, et certes avec raison, d'autant qu'il en
usait assez bien avec tout le monde, particulièrement avec cette
ville (Guéret)... Il n'était pas mal faisant, il se rendait à la raison.
— Mon père et moi, ohserve-t-il, perdimes en la personne de
M. de Saint-Germain un bon amy et appuy qui avait toujours eu
depuis longtemps beaucoup de considération pour mon père, le lui
ayant tesmoigné en tous rencontres... » (3).
Ce tableau n'est-il pas l'antithèse même de celui que nous re-
présente le chroniqueur du Dorât?
Chorlon connaissait bien Henri Foucauld, il l'avait approché peut-
être de plus près que Pierre Robert, dans la dernière période de
son existence ipême, et rien de ce qui le concernait lui et sa famille
ne lui était indifférent ; dans ses mémoires, tenus d'après Tordre
litô qu'en Taanée f668. L'acle dont il s'agit a Hé évidemment rapporté
sur ce registre; il n*est pas signé; mais il nous parait être de la même
écriture que celles des actes contenus dans le registre lui-môme.
(I) A. Bos VIEUX, BuUeUn de la Sociéié des sciences naturelles et archéo-
logiques de la Creuse, t. H.
(i) Mémoires du Prés'.dent Chorlon {\6Zo'\6So), édités par M. Autorde.
— Guéret, Amiault, 1886. — V. pages 13Î et suiv.
(3) Depuis que nous avons écrit ces lignes, nous avons retrouvé dans
les registres paroissiaux de Saint-Germain l'acte môme de décès d'Henri
Foucauld dressé le ta septembre 1678. Nous le donnons en appendice de
cette étude. Aucun doute ne saurait donc subsister.
T. xu 29
45-i SOCIETE ARCHâOLÛGlQUlK gT itlSTOKlQUB Dti LlSlODStH.
chronologique, il ne manque jamais de relater les événemenls un
peu salUanls relatifs à la maison de Saint-Germain; il men-
tionne ainsi quelques années avant le décès dont il s'agit, celui de
l'abbé de Bénévent, frère d'Henri, survenu en 1676, le mariage du
fils aîné de ce dernier avec M"' Ferrand de Jauvry (ou Janvris) en
1677..., etc. (1).
La contradiction est donc très formelle et le problème subsiste
dans toute sa force. On pourrait un instant être tenté de supposer
qu'Henri Foucauld, décédé en 1678, n'élait pas le môme que celui
condamné en 1635, dont parle Pierre Robert, qu'il était un de ses
fils ou un de ses frères en même temps que son successeur; mais
le chercheur ou le critique ne peut s'arrêter à cette conjecture :
Henri avait trois frères dont la carrière est parfaitement connue et
qu'il n'est pas possible de confondre avec un personnage de ce
nom; c'étaient Louis, comte du Dognon, qui fut mêlé à des événe-
ments importants et mort d'ailleurs bien avant 1678; François, sei-
gneur d'Eguzon, qui périt tout jeune à l'armée de Flandre, et le
prieur de Bénévent, dont le décès est aussi antérieur. Quant à
l'hypothèse d'un fils d'Henri portant son nom, elle doit être
repoussée par cette simple observation que ce fils n'aurait pu être
îlgé en 1678 de près de soixante-dix ans, son père n'étant né qu'en
1608 ou 1609. Au surplus, l'existence de deux seigneurs du nom
d'Henri aurait laissé quelques traces, offert quelques particularités
qu'on ne rencontre nulle part ; aucun annaliste, aucun historien n'y
a fait la moindre illusion, ce qui suflirait déjà à rendre l'hypothèse
invraisemblable.
{{) Mémoires du Préaident Chorlon^ psLges 100, 122. Chorlon constate,
ainsi que nous l'avons déjà dit, que des membres de la famille de Saint-
Germain jouissaient depuis quelque temps de Tabbayede Bénévent, qui était
de Tordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin.
Charles Foucauld, devenu abbé do Bénévent en 1638, n'était pas prêtre
et avait Tabbayc en commande. Le chroniqueur dit qu'après sa mort le roi
refusa au chevalier de Saint-Germain, fils du gouverneur, Tabbaye qui fut
donnée à M. Pellisson, maUrc des requêtes, homme de bel esprit; qu'il y
eut procès entre ce dernier et M. de Saint-Germain qui avait tout pris entre
ses mains, procès porté en la sénéchaussée de Limoges et qui se termina
à l'amiable. Ce Charles Foucauld, dont nous avons cité plus iiaut dans une
note l'acte de baptême (23 mai 16â1), figure lui-même comme parrain et
comme signataire dans Tacle de baptême de Charles de Malleret, fils du
seigneur de Malleret et de La Nouzière, écuyer du* marquis de Sainl-Ger-
mam, né le 3 janvier 1671 . Il y est qualifié haut et puissant seigneur
Messire Charles Foucault, abbé de Saint-Barthélémy de Bénévent, conseil-
ler du roi, aumônier de la reine, premier chanoine de Salnt-Elicnne de
Limoges (Kegislres paroissiaux].
EtCUBSlON ARCËÈOLOGIQOR A L\ SOIÎTRRRAINE Et DANS SBS ENVIRONS. 4o.i
La seule explication à donner nous parait être la suivante : Pierre
Robert du Dorât a confondu probablement la personnalité de
Gabriel Foucauld, père d'Henri, avec celle de ce dernier; la confu-
sion était assez facile ;Talleniant des Réaux nous dépeint le père et
le fils à peu près sous les raémes couleurs; tous les deux étaient
coutumiers sans doute des mômes abus, disons plus, des mêmes
méfaits; ils avaient soulevé contre eux plus d'un grief, plus d'une
plainte ou d'une accusation, avec celte atténuation peut-être pour
le fils que sa jeunesse elles exemples paternels pouvaient dans une
certaine mesure excuser les écarts de sa conduite. Rappelons ce que
nous avons dit plus haut de Gabriel, d'après les Cahiers de la
Marche : celui-ci fut condamné sur la plainte portée contre lui et
par contumace en la chambre des Tournelles en l'année 1635,
c'est-à-dire précisément à l'époque qui suivit les grands jours de
Poitiers et ou Pierre Robert a placé la condamnation d'Henri. Si ce
dernier se trouva mis sur la sellette pendant l'instruction des grands
jours ou après, il est bien cerlain qu'il n'y fut pas seul el que
Gabriel, contre lequel s'étaient élevées tant de réclamations de la
part de ses administrés, dut l'y suivre ou l'y précéder; peut-être des
poursuites furent-elles dirigées en même temps contre les deux et
ces poursuites se lerminèrenl-elles par une double condamnation du
père et du fils, bien que Tallemant ne prête pas d'autre cause
à celle qui a pu intervenir contre le fils que son duel ou plu-
tôt son guet-à-pens à l'égard de Villepréau? Mais Pierre Robert,
fort éloigné de Paris, a pu ne pas connaître exactement la procé-
dure et les faits et imputer à Henri ce qui était le cas de Gabriel ou
tout au moins leur cas commun. Cette confusion des noms ou même
des personnes une fois admise, et il semble bien difficile de ne
pas Ûadmettre, tout le reste concorde parfaitement avec le récit du
chroniqueur du Dorât : Gabriel mourut, en effet, comme l'on sait,
quelques années après, en 1642, c'est-à-dire bien avant Pierre
Robert et dès avant 1635 il avait résigné les fonctions de gouver-
neur en faveur de son fils Henri, ainsi que le rapporte la chronique
d'accord avec toutes les indications qui proviennent des autres
sources.
Il importe d'ailleurs d'observer sur ce dernier point qu'Henri lui-
même, alors âgé de vingt-sept ou vingt-huit ans, n'aurait pu trans-
mettre son gouvernement à son Bis qui n'existait pas encore apparem-
ment, puisque son mariage avec Agnès de Bailleul n'eutlieu qu'en 1644
et que rien ne peut faire présumer qu'il eut contracté une première
union et qu'il eut déjà un héritier. Ce qui doit nous convaincre tout
à fait, c'est précisément ce mariage avec la fille du président de
Bailleul qui précéda d'un an environ l'érection de la terre en mar-
^56 S0C1F.TS ARCHKOLOGIQUB ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
quisat, ce sont les renseignements que l'auteur des Historiettes
donne sur les diffîcuités qu'Henri éprouva pour se marier et le
tableau qu'il fait de ses malheurs conjugaux, en même temps que des
vices qu'il lui attribua, tableau postérieur nécessairement aux événe-
ments dont parle Robert; faits qui seraient en contradiction
formelle avec l'état de contumace, dans lequel, au dire de ci»
dernier, Henri aurait terminé sa vie sans purger sa condamnation.
Nous devons donc conclure sans grande hésitaiion que la sen-
tence capitale dont fait mention la chronique de Pierre Robert ne
saurait s'appliquer à Henri Foucauld et qu'elle ne peut concerner
d'autre que son père. Tallemant ne dit pas positivement qu'Henri
fut condamné à la suite du meurtre de Villepréau ; celte condamna-
tion n'est sans doute pas invraisemblable, qu'elle ait été motivée par
ce meurtre même ou par des faits analogues à ceux reprochés à
Gabriel ; mais si Henri encourut pareille pénalité, il en fut certaine-
ment relevé par la faveur royale dont il reçut même d'autres témoi-
gnages plus sensibles que la grâce ; peut-être aussi, après des éga-
rements regrettables, fit-il oublier plus tard ses excès de jeunesse,
et rompant avec les traditions paternelles justifia-t-il dans une cer-
taine mesure reloge posthume qu'en fit le président Chorlon I
Henri eut un de ses frères, Louis, dont le nom a déjà été pro-
noncé par nous, qui acquit une certaine célébrité sous le nom de
comte du Dognon et qui joua dans tous les cas, au point de vue
de l'histoire générale, un rôle beaucoup plus important que celui de
son aîné. M. Georges Berthomier en a reîracéla carrière et les faits
et gestes dans une notice très documentée et fort intéressante à lous
égards, car elle nous initie en môme temps aux mœurs et à des épi-
sodes curieux du temps de la Fronde (1). Pour connaître et appré-
{{) Louis Foucauld de Saint-Germaùn-Beaupré, comte du hognon,
vicc-ainiral cl maréchal de France (I6Ï6-1659), par M. G. Berthomier
— Montluçon, imp. Herbin, 1890.
L'auleur y relate un grand nombre d'exlrails de documents contempo-
rains relatifs à Louis Foucauld, tels que la Gazette de Renaudot^ la chro-
nique en vers de Loret et des lellros de correspondance.
Le Nobiliaire de Nadaud fournit aussi de nombreux détails sur Louis
Foucauld. L'abbé Ralicr lui a consacré un assez court chapitre de son
histoire (page 115).
Quant à Toriginc du litre de comte du Dognon, on a supposé qa*elte
provenait du nom du petit village du Dognon, situé a proximilé de Saiot-
Gcrniain et de Forgpvieille; cependant, on ne retrouve dans ce lieu aucune
trace de château ni même aucun souvenir historique ; ne pourrait-on pas
admettre avec plus de vraisemblance que Louis Foucauld avait tiré ce
titre d'une autre localité du môme nom, mais beaucoup plus importante,
KXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. 457
cier ce personnage, dont la biographie sortirait par trop des limites
de notre cadre, nous ne saurions mieux faire que de renvoyer les
lecteurs à cette notice elle-même. Quelle singulière figure, peu
sympathique, à coup sûr, rebutante même parfois, mais bien carac-
téristique de répoque où il vivait, que celle de ce comte du Dognon,
de nature complexe, élevé à la cour, protégé même de Richelieu,
brave soldat, marin distingué, moins bon général, qui après avoir
soutenu vaillamment la cause royale pendant la première Fronde en
combattant les Bordelais révoltés, ne vit plus ensuite que Tinlérôt
de sa fortune et de son ambition démesurée, trompa tous les partis,
abusa son protecteur le duc de Condé, fit de son gouvernement du
Brouage et de l'Est une véritable dictature sur TAunis et la Sain-
tonge, entra en révolte ouverte contre les troupes du roi et après
plusieurs revers finit par vendre sa soumission moyennant le gou-
vernement d'Oléron, le paiement de 500,000 livres et le bâton de
maréchal de France !
Louis Foucauld assez maltraité, lui aussi, par les chroniqueurs
de son temps, peu estimé d'une grande partie de la cour, mourut à
Paris le 40 octobre 1639, âgé seulement de quarante-trois ans.
La Gazette de Renaudot assure qu'il fit une fin chrétienne, qu'il
désira être inhumé sans aucune pompe et qu'il laissa de l'argent
destiné à être distribué aux pauvres et à faire dire 6,000 messes pour
le repos de son âme (1).
Les physionomies des Foucauld que nous avons cherché à esquis-
ser à partir de Gaspard, et quelque incomplète que nous ayons
laissé celle de Louis, comte du Dognon, présentent un air de famille
et des traits communs dont on ne peut s'empêcher d'être frappé; de
Gabriel et de ses deux fils, il serait vrai de dire : tel père, tels fils.
Chez le grand seigneur qui intriguait contre son roi, qui s'érigeait
en potentat de province et qui abusait de son autorité, comme chez
fiisaDt partie aujourd'hui de la commune du Chàtonct-on-Dognon (Hautc-
Vienoe), el qui a dû, à certaines époques, être comprise dans les apanages
des Foucauld de Sainl-Germain.
(1) L'abbê Rauier qui n'a consacré qu'une assez courte notice au comte
du Dognon, lui donne k sa mort l'âge de qiiaranle-huit ans. Il fut enterré à
Paris à l'église de VAoe Maria.
Le comte du Dognon avait épousé en 1653 Marie Fourré de Dampierre,
qui mourut longtemps après son mari, le 95 avril '696, et fut inhumée
auprès de lui.
De ce ma^age étaient nées deux filles, dont une, Louise-Marie, mariée
&u marquis Qf Castelnau-Mauvissière, gouverneur de Brest, se trouva
venvc encorelîès jeune et fut l'héroïne de certaines aventures que raconte
M. l'abbé Ratier (chap. xxii).
4r>8 ËÛCIÉTR APCnÉOLOGlQUe KT HISTOBIQUR DU LIllOtSIN
le gentilhomme de cour, esclave de ses passions, ou le frondeur
sans vergogne, on retrouve celte même fougue de tempérament que
tous les trois, semble-t-il, avaient héritée de leur père ou de leur
aïeul, mais aussi môme ambition personnelle, môme avidité, même
absence de scrupules dans le choix des moyens, qui devaient les
entraîner aux mômes abus et aux mômes excès. C'étaienl là sans
doute les fruits d'une éducation et de principes communs ; mais
c'étaient là aussi les défauts du temps auquel ils appartenaient,
époque de transition où les esprits et les mœurs conservaient encore
l'impression des agitations et des violences des guerres civiles ei
étaient comme en travail d'une société nouvelle. Gaspard, Gabriel
et les fils de ce dernier personnifient bien, à notre sens, les périodes
successives de cette époque de notre histoire qui vit à son début la
royauté française mise en péril, battue en brèche et bien près de
sombrer et qui aboutit, après tant de vicissitudes, au triomphe
absolu de la monarchie.
Bien avant môme la mort d'Henri Foucauld, cette tranformation
était déjà un fait accompli : Louis XIV régnait en maître ei comme
le maître le moins incontesté. Chez les derniers Foucauld il n'y
aura plus les instincts, ni les appétits, ni môme peut-être Tétoffc
de politiciens ou de frondeurs; il leur suffira de vivre en seigneurs
pacifiques, respectueux envers leurs souverains et jaloux de ses
moindres faveurs.
LES DERNIERS FOUCAULD.
XVI. — Ijouis Foucauld, fils aîné d'Henri, marquis de Saint-
Germain-Beaupré, comte de Dun, avait obtenu, dès 1674, c'esl-n-
dire quatre ans avant la mort de son père, la survivance de son
gouvernement de la Marche; comme ce dernier, il suivit la car-
rière des armes et prit part aux guerres d'Allemagne, de Flandre
et de Hollande, sous M. de Turenne, avec le litre d'enseigne des
gardes; il se distingua, dit-on, aux batailles d'Enlzen, de Nordlin-
gen, de Cassel et de Senef et devint mestre de camp, puis briga-
dier des armées du roi (1). C'est en cette qualité d'officier général
{\) D'après le Nobiliaire, L'abbé Ratier donne des détails assez expli-
cites sur les campagnes de Louis Foucauld (page 139 el suiv.).
Les Mémoires de M"® de Montpensier fonl mention d'un fait assez peu
flatteur pour la mémoire d'un des Foucauld. Ils raconient en effet qu'à
Tépoque où rinfanlerie royale était occupée à des fortifications nouvelles
à Dunkerque, le ministre Louvois passant à Monlreuil et rendant compte
EXCURSION ARCnéOLOGIQUR A LA SOUTRRRAINR RT DANS SES ENVIRON?. ^159
quMl suivit le dauphin à la conquôle de Philippsbourg et du Pala-
tinat.
Revenu dans ses terres sur le désir même du roi, qu'il voulut
cependant encore accompagner au siège de Namur, il reçut la
mission de faire exécuter dans sa province le nouvel édit rendu
contre les protestants (octobre 168S). Au cours de cette mission,
dit le Nobiliaire, il se rendit à Âubusson, dont il fit démolir le
temple, et par sa modération et sa douceur il entraîna la conver-
sion au catholicisme de trois cent cinquante réformés, y compris
celle de Jean-Antoine Jacoby ou Jacob leur ministre. Cette abjura-
tion eut vraisemblablement d'autres motifs que les exhortations du
gouverneur ou le désir de rentrer dans le giron de TEglise; on
trouve dans l'histoire d'Aubusson de M. Cyprien Pérathon (1) le
texte d'un procès-verbal de l'abjuration qui fut faite en présence
du marquis de Saint-Germain par quinze habitants de cette ville,
dont les noms sont désignés, procès-verbal où les mots d'abjura-
tion volontaire sont bien prononcés; mais l'auteur lui-môme estime
que cette abjuration, comme d'autres, fut faite en réalité pour
obéir au roi. Nous ne connaissons pas d'autres textes de conver-
sions à Aubusson qui aient été publiés, et le chiffre de trois cent
cinquante conversions cité par le Nobiliaire pourrait paraître très
exagéré, si l'on ne possédait une lettre de Louvois du 26 octobre
1685, dans laquelle il est dit que toute la ville d'Aubusson se con-
vertit ainsi. Quant au ministre Jacoby, il abjura le 2 novembre
1685, à Saint-Germain môme, entre les mains du curé de cette pa-
roisse et en présence du gouverneur et de deux autres témoins. Le
procès-verbal de son abjuration, publié par l'abbé Ratier dans son
Histoire du château (2), rapporte qu'il agit de sa bonne volonté et
Je Tétat des troupes, signala la brigade de Sainl-Gcrmain-Bcaupré comnrie
étant la plus faible et la moins bonne de ces troupes. Sainl-Gcrmain en-
courut un blâme très sévère de M. de Lauzon qui menaça môme de le
faire casser et ne céda qu'aux supplications de la duchesse, mais en lui
recommandant de ne plus lui faire de pareilles recommandations. M. le
docteur Vincent a reproduit ce passage dans son article sur le prétendu
exil de Mademoiselle de Montpensier dont nous parlerons plus loin (Mé-
moires de la Société des sciences naturelles de la Creuseyiome IV, p. 301).
Les Mémoires ne donnant pas de date, il nous a été impossible de la
déterminer et de savoir si le fait et le blâme qui en fut la suite doivent
éirc imputés à Louis Foucauld qui parait avoir été un bon officier ou à
Henri Foucauld, son père, tous les deux ayant été meslrcs de camp.
(!) Histoire d'Aubusson, par M. G. PArathon (page 158 et suiv.).
(8) Annexe IV, page 193. — Ce procès-verbal est relaté dans les regis-
t.-es paroissiaux de Saint-Germain.
400 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE El DISTORIQUE DU LIMOUSIN.
sans aucune contrainte; mais la preuve de sa sincérité exigerait
peut-être aussi d'autres éléments de certitude (1).
En 1699, le marquis de Saint-Germain donna son concours à
rétablissement d'un collège deBarnabites àGuéret, créé à l'instiga-
tion de M. Couturier de la Prungne, parent et héritier de Thisto-
riographe Varillas, qui lui avait légué sa fortune pour une œuvre
utile. Les lettres patentes de cette création sont du mois de mars
1699.
Louis Foucauld avait épousé, le 23 décembre 1677, Hélène Fer-
rand, fille de feu Pierre, chevalier, seigneur de Janvry, conseiller
au Parlement de Paris, qui avait péri en 1632 lors de Tembraî^e-
ment de Thôtel de ville par la populace révoltée, et d'Hélène
Gillot (2) ; cette union ne fut pas de longue durée, car la marquise
mourut au château de Saint-Germain dans le cours de Tannée
1682, laissant trois enfants :1° Armand-Louis-François, qui succéda
à son père; 2° Armand-Louis-Joseph, né en 1681, chevalier de
Malte, colonel d'infanterie en 1702, brigadier des armées du roi,
ambassadeur extraordinaire de son ordre dans les Pavs-Bas en
{\) Consulter aussi V Histoire delà Réforme dans la Marche et le Li-
mousin^ de M. Alfred Leroux, page 317. L*auteur pense que beaucoup de
conversions à cette époque ne furent pas volontaires, mais dictées par Tin-
timidation et les mesures violentes dont étaient menacés les récalcitrants.
11 tient pour avéré que des missions de dragons furent envoyées en Mar-
che, sans doute à Âubnsson comme dans d'autres villes où il y avait des
protestants, et que cet appareil militaire dut avoir son influence sur les
résolutions. Un certain nombre de convertis, dit aussi M. Leroux, ne s'en
rendirent pas moins à l'étranger, pour y reprendre le libre exercice de la
religion à laquelle ils avaient renoncé par contrainte; on retrouve les
noms de plusieurs d'entre eux en Allemagne.
(2) Le président Chorlon, dans ses Mémoires (page 32) constate, à la Bn
de Tannée 1677, le mariage de M. le marquis de Saint-Germain, fils de
M. le gouverneur de cette province, et qui avait eu, dès Tannée 1674, les
lettres de survivance du gouvernement, avec M"« Ferrand de Janvry ol il
ajoute i « On dit que c'est un parti de nii<^ (400) mille livres. Les lettres
de survivance avec le contrat de mariage furent enregistrés en Taudience
de la sénéchaussée de Guéret du mois de mars de Tannée présente. On a
donné, dit-il, par le contrat un (4,000) livres de rente pour tout apanage à
M. le chevalier de Saint-Germain, puiné de la maison, et qui est lieute-
nant aux gardes. »
En ^682, le même Chorlon annonce la mort de M*"' de Saint-Germain,
gouvernante, au château de Saint-Germain, d'une fièvre violente. — Les
registres paroissiaux contiennent son acte d'inhumation; décédée le
SO avril 1683, elle fut inhumée le 22 du dit mois dans la chapelle sei-
gneuriale de Téglise.
EXCURSION ARCH^.OLOGIQUE A LA SOUTERRAINE ET DANS SES KNVIRONS. 461
1719; 3* autre Armand-Louis-Joseph, dit le comte de Saint-Ger-
main, né en 1682, enseigne de vaisseau, mort le 11 décembre 170S,
colonel d'un régiment de dragons, et sans postérité.
Louis Foucauld mourut le 23 janvier 1719 (1). Il avait, dès le
mois de mars 1711, résigné sa charge et son gouvernement au
profit de son fils aîné.
Au dire de Tabbé Ratier, Louis Foucauld jouissait de toute l'es-
time du grand roi qui lui aurait fait l'honneur de correspondre
avec lui et lui aurait envoyé son portrait peint par Mignard. C'était,
ajoute-t-il, un homme recommandable par sa grande douceur et
son esprit bienfaisant, quoique d'un caractère ferme à Toccasion,
ayant des connai.ssances étendues et une conversation agréable.
Ces qualités ne l'ont pas empêché d'être décrié par Saint-Simon et
d'être taxé par lai de « ennuyeux et plat important qui n'avait
jamais été de rien et mourut chez lui, laissant son petit gouverne-
ment de la Marche à son fils, homme fort obscur... ».
Comme Tallemant, Saint-Simon ne fut jamais tendre pour les
Foucauld.
XVn. — Armand' Louis François Foucauld, marquis, parfois
aussi appelé le chevalier de Saint-Germain (2), entra très jeune au
service du roi et en 1704 était mestre de camp de cavalerie et colo-
nel d'un régiment. Il prit part à plusieurs campagnes, à celle d'Ita-
lie notamment, dans l'armée de Philippe, roi d'Espagne, et il se
distingua sous le duc de Vendôme aux batailles de Cassan et de
Calcinato, plus tard, à la retraite de Turin, avec le duc d'Orléans,
en Catalogne, aux sièges de Lerida et de Tortosa, en Flandre et en
Allemagne, à Landau et à Fribourg (3). Ces bons et nombreux ser-
vices lui valurent le grade de brigadier des armées (1" février 1710)
et en outre le titre de commandant des troupes du roi en la géné-
ralité de Moulins.
Le 11 mars 1711, Armand-Louis épousa Anne-Bonne Doublet de
Persan, qui était fille de Nicolas, conseiller à la grand'chambre du
Parlement de Paris et de Bonne-Ursule Garnier de Salens. Ce ma-
riage eut lieu sous les auspices du souverain, avec une grande so-
(1) H fut inhumé dans la chapelle le t4 janvier. Les registres paroissiaux
donnent son acte de décès et d'inhumation.
(î) Le Nobiliaire énumère les autres titres d*Armand-Louis; il était en
outre comte de Dun, de Crozant, des Places, seigneur de la Guierche, la
Ligne, le Terrail, Mandrezat, Pierrefilte.
(3) Voir l'ouvrage de M. Tabbé Ratier qui donne des renseignements
plus complets sur.la carrière militaire d^Armand-Louis et le dépeint conime
un brave soldat et un officier de valeur.
i6*. SOCir^.TÊ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
lennité, si nous en croyons les orateurs qui prirent la parole dans
la séance dMnstallalion du même Armand-Louis comme gouverneur
de la Marche et dont nous allons parler plus loin. Louis XIV dai-
gna signer au contrat ainsi que M"*« de Maintenon et plusieurs
princes et grands personnages de la cour (1).
A Toccasion môme de ce mariage et de Tagrément royal, le père
d'Armand-Louis se démit au profit de celui-ci de sa charge de gou-
verneur de la Haule-Basse-Marche; les lettres de provision en date
du mois de mars 1711 ne furent entérinées en la sénéchaussée de
Guéret que le 10 novembre 1715.
Le procès-verbal d'entérinement et d'inslallalion du nouveau
gouverneur qui fut dressé en la circonstance fut marqué surtout
par les harangues que prononcèrent le conseiller honoraire Goulu-
rier de la Prungne et le procureur du Roy ; les deux orateurs, après
avoir fait l'historique de la famille de Louis-Armand Foucauld,
signalé les faits principaux ou même des particularités notables
concernant ses devanciers, s'attachèrent à faire ressortir l'ancien-
neté, l'authenticité de la noblesse de la maison de Saint-Germain-
Beaupré et ces deux remarques, à savoir que cette maison ne
s'était jamais mésalliée et qu'elle s'était perpétuée de mâle en mâle
et de père en fils pendant dix-sept générations (2).
(i) La famille des Persan, à laquelle s*ailiait Armand -Louis, n*était ni
d'ancienne ni de grande noblesse, mais elle était de celles qui avaient su
le mieux faire leur chemin à la cour. Saint-Simon, parlant du père
d'Anne-Bonne, dit que Doublet de Persan, conseiller au parlement,
a trouva le moyen de percer partout et d'être du plus grand monde », et
d'Ânne-Bonne elle-même il dit : « Plus heureuse que sa belle grand-
mère, fille du président de Bailleul, qui ne put obtenir de manger à la
cour et d'entrer dans les carrosses, elle l'obtint fort promptemenl et fut
admise à Marly, ce qui n'était accordé qu'à un bien petit nombre de
grandes dames... »
Mais le même Saint-Simon, parlant de la noblesse des ^ersan, se mon-
tre assez dur : « ... Les deux frères Doublet, tons deux conseillers et dont
l'alné avait du mérite, de la capacité et de l'estime, avaient acheté les
terres de Persan et de Crol dont ils prirent les noms. Ils allèrent à Tau-
dience du premier président de Harlay, il les connaissait très bien, mais
il ne laissa pas de demander qui ils étaient. A leur nom le voilà courbé
en révérences, puis, se relevant et les regardant, comme les reconnais-
sant avec surprise : Masques, leur dit-il, je vous connais Et il leur tourna
le dos. (Saint*Simon, page 404, tome 111).
(2) Cette dernière proposition n'était pas tout à fait exacte; en retra-
çant la généalogie des Foucauld, nous avons constaté, en effet, que tout
au moins l'un d'eux, Jean Foucauld, était mort sans enfants en 1465 et
avait institué pour légataires son frère et son neveu.
Le discours d'installation d'Ârmand-Louis a été publié pour la première
EXCURSION ARCRÉOLOGliiUE à LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. AÙ^
L'orateur qui relatait celle dernière circonstance pouvait-il se
douter qu'avec Armand-Louis, celui même auquel il adressait son
panégyrique, allait s'éteindre la descendance mâle et presque en
même temps la famille des Foucauld?
De son mariage, Armand-Louis eut plusieurs filles et seulement
uu fils, qui périt encore enfant des suites d'un accident; plusieurs
de ses filles elles-mêmes moururent en bas-âge; Taînée seule survé-
cut, Anne-Françoise, qui fut mariée en 1739 avec Alexandre-
Auguste Grivel, marquis d'Onroy, colonel d'un régiment d'infante-
rie de son nom, (ils unique de Paul d'Onroy et de Marguerite-
Françoise de Bourgoin de Fauliers (1).
Le dernier des Foucauld s'éleignit au mois de mars 1782. Ce fut
sans nul doute pour lui, aux approches de la mort comme pendant
la dernière période de son existence, un»; cruelle amertume que la
pensée d'emporter avec lui dans le silence de la tombe le nom
même de ses ancêtres et de sa race. Sa (in fut pieuse, car, nous dit
rhistorien de Saint-Germain, l'arrière pelit-fils des gentilhommes
huguenots était animé de sentiments religieux et avait même
quelque tendance au rigorisme des jansénistes. Le même historien
nous a laissé de ses derniers moments une narration un peu solen-
nelle où l'imagination parait avoir la plus grande part, mais qui
ne manque point de poésie (2).
Armand-Louis fut inhumé dans l'église du bourg de Sîrint-Ger-
main, ainsi qu'il résulte de son acte de décès revêtu des signatures
fois, croyoDS-nous, dans les Annales de Société des sciences naturelles
et archéologiques de la Creuse^ à la suite d'une communication qui en
fut failc à H Fiosvicux, archiviste de ce département, par H. le marquis
de Bonncval, auquel le document appartenait. (9"*' bulletin, page 3l2).
(I) D'après le Nobiliaire, Armand-Louis conserva une autre fille, Anne-
Bonne, qui devint religieuse à Montargis.
(â) D'après lui, le marquis s'entoura de tous les souvenirs des grands
jours, il fit assembler ses anciens compagnons d'armes, tous ses servi-
teurs et mourut en leur adressant ses adieux et en contemplant une der-
nière fois le château et son beau parc, qu'il prévoyait devoir passer bien-
tôt en des mains étrangères. Il avait recommandé & son serviteur de con-
fiance de faire déposer et murer dans îes caveaux de la chapelle ou de
cacher en certains endroits du parc l'artillerie du château et des coffres
où étaient enfermés beaucoup d'objets précieux et des litres de famille.
Ces ordres auraient été fidèlement exécutés. On n'a jamais pu retrouver,
dit Tabbé Ratier, malgré bien des fouilles, les lieux où avaient été déposés
ces objets.
Ces assertions, pour partie assez pou vraisemblables, doivent avoir leur
source dans des traditions accréditées dans le pays, mais dont la preuve
n'ost point établie.
464 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE BT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
d'un grand nombre de seigneurs et d'ecclésiastiques du voisi-
nage (1).
Ânne-Bonne Doublet de Persan, son épouse, mourut elle-même
à Saint-Germain le 16 janvier 1755 et fut enterrée à côté de son
mari sous les dalles de la chapelle seigneuriale que celui-ci avait
fait restaurer.
Leur fille, Anne-Françoise, mariée, comme il a été dit plus haut,
au marquis d'Onroy, ne devait pas conserver longtemps le domaioe
de ses pères. Après une union stérile et qui paraît avoir été des
plus malheureuses, séparée de biens d'avec son mari, elle se retira à
Nancy où elle mourut. En 1772, le château elles terres furent ven-
dus à Nicolas Doublet, marquis de Persan, son cousin, pour le
prix de 500,000 livres (2).
Ce prix était vraisemblablement bien au-dessous de la valeur de
ces importants domaines qui comprenaient, dit l'abbé Ratier, indé-
pendamment du château et de ses dépendances, trente grosses
métairies dans le Berry, le Poitou, la Marche et le Limousin, dix à
douze vastes forêts, presque tous les moulins sur la Creuse depuis
Chéniers jusqu'à Argenton, les moulins sur la Sédelle depuis la
Petite-Chapelle jusqu'à Crozant, les droits sur halle et four banal
de plusieurs localités, les dîmes sur plus de cent vingt paroisses.
Entre les mains du nouveau châtelain, de mœurs frivoles etd*nn
caractère dissipateur (3), ce riche patrimoine ne demeura pas in-
(1) M. l'abbé Ratier a publié cet acte de décès à l'appendice V de son
livre (extrait des registres paroissiaux).
(2) L'auteur de VHistoire du château de Saint^GermcUn place cette
vente à la date du 16 juin 1768 et dit en outre qu'elle fut consentie par
Louis-Henri, marquis de Pons, René de Blinac et la marquise de Jouhé,
cousins et seuls héritiers d'Anne-Françoise, morte à Nancy le \'^ septem-
bre 1766. — Celte date de juin 1763 est erronée; il résulte en effet de
litres authentiques que le marquis de Persan dcvinl acquéreur du ch&teau
le 12 mai 1772 à la suite d'une saisie réelle enregistrée à Paris au greffe
des décrels et requêtes le 13 mars 1769 (Voir notice de H. A. Mazel).
(3) Ce marquis de Persan parait avoir été un vrai marquis fin de «£éc2e.
Dans leurs Portraits du xviii® siècle^ MM. de Concourt raconlent qne la
trop célèbre Théroîgne ou plutôt Terwagne de Méricourt trouva en lui uc
protecteur tout d'abord assez généreux. Par contrat du 21 avril 1786, il
reconnaissait à Anne-Josèphe Terwagne, mineure, demeurant à Paris, rue
de Bourbon-Villeneuve, 5,000 livres de renie annuelle cl viagère, exemple
de toutes impositions, payable de six eu six mois; celle conslitotion
de renie était faite sur le pied de 50«000 livres que le dit sieur de Persan
reconnaissait avoir reçues de demoiselle Terwagne; il avait la faculté de
b'en libérer en restituant cette somme. Le marquis chercha plus lard à se
EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. 4G5
lad ; les terres et les forêts furent vendues les unes après les au-
tres et en 1792 le château avec ses dépendances immédiates fut
lui-môme vendu et acquis par M. Martin Ducouret, président du
district de La Souterraine, moyennant le prix de 88,000 livres,
dont 42,000 furent payées comptant en assignats et le surplus était
stipulé payable en dix ans (1).
Quelques mots seulement nous restent à dire en ce qui concerne
les derniers possesseurs du château. Celui-ci demeura la propriété
de la famille de M. Martin Ducouret jusque vers 1840; la ruine
commencée pendant cette période ne fit que s'accroître sous le
nouveau propriétaire, M. de Grimould, comte de Villemole; il n'en
subsistait plus guère qu'une tour, une tourelle et une partie d'un
corps de logis, quand M. d'Honorati en devint acquéreur ; mais ce
dernier s'occupa de la transformation et de l'embellissement du
parc, plutôt que de la restauration des bâtiments (2). En 1860,
la destinée du château, si longtemps critique, voulut qu'il passât
aux mains de M. Berthomier; on sait déjà que ce fut pour lui le
salut.
UN EPISODE
SÉJOUR DE MADEMOISELLE DE MONTPENSIER A SAINT-GERMAIIS.
Le château de Saint-Germain-Beaupré, en plus des sièges qu'il a
subis et des faits qui se rattachent directement à l'histoire de ses
seigneurs, a été le témoin de plusieurs événements mémorables ; le
passage du roi Henri IV, par nous signalé sous la biographie de
Gabriel Foucauld, est un de ces souvenirs qu'on ne saurait oublier.
Mais au môme titre il convient de rappeler le voyage qu'y fit
le 21 octobre 1666 Anne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de
soustraire à soq engagement, si Ton en juge d'après ce billet que Terwa-
gne écrivait de Gônes, le 9 mars 1789, à son ami Perregaux : « Je vous
suis fort reconnaissante des peines que vous vous êtes données pour me
faire payer de M. de Persan... »
Nous devons cette curieuse indication, ainsi que plusieurs autres d'ail-
leurs, à Fobligeance de M . G. Berthomier.
(4) M. Tabbé Ratier donne comme date de cotte acquisition Tannée
1789; c*esl évidemment une erreur; on a encore le contrat daté du 38 fé-
vrier I79i, enregistré le 22 mars même ann^e.
(3) M. d'Honorati fil effectuer des terrassements et des travaux assez
considérables pour la transformation de l'ancien jardin à la française en
parc anglais.
^
tdG SOCIÉTÉ ARCBËOLOGIQUR KT aiSTORIQUB DU LIKOCSIK.
Monipensier, si connue dans l'hislotre soiis le nom de la Grand'
Mademomlle (1).
Ce voyage se place aii temps où Hen ri Foucauld était le maitre ()■■
f^ainl'Germain; la plupart des annalistes ont raconté que la cél^hre
duchesse Tut exilée à Saint-Germain et qu'elle y lit un asssez Iomj
séjour ; ce récit paraissait d'accord avec la tradition ; on raonlraii
les appartements qu'elle avait occupés, la chambre dite de Cléopâtre,
contenant le riclie ou curieux mobilier qui servait à son usap>:
l'on parlait volontiers des carpes à dos mottxseux qu'elle appelait an
son (l'une cloche près du balcon en fer forgé que l'on voit encore ji
une fenêtre du côté de la tour Montpensier.
Laissons la Grande Mademoiselle nous raconter elle-même son
voyage dans ses Mémoires : a .... Je m'en allai en Berry ou j'ai de-
terres, dil-elle, dans le dessein de voir à vendre du bois où jt
réussiti fort mal ; on prit l'affaire de travers et au lieu d'en fain'
une bonne j'en lis une très mauvaise : je fus voir M"' de Saint-Ger-
main-Beaupré en la Marche, qui n'était qu'à cinq ou six lieut'â
d'Argenton,oùje demeuraisdix ou douze jours. C'est un fort vilain
lieu; le château est tel que je n'y logeais pas. Mais celui de Saînl-
Germain est très beau, très magnifique et sent bien sa maison à<.'
grand seigneur ; j'y fus deux jours où l'on me fit grande chère ; je n'y
en voulais être qu'un; mais ils avaient des poissons d'une si pro-
digieuse grandeur que cela m'ohiigea à y demeurer par les instantes
prières qu'ils m'en firent. Madame de Saint-Germain me vint con-
duire jusqu'à Chiverny où je passai en revenant (SJ ».
(1) C'est par erreur que ce voyage a 616 placé par les uds au cours de
raDn6c 1651, par il'aulrcs, pendant rann6c 1656; la vëritalile date, celte
ddli oclobrc 1666, csl élablic non seulement par les Mémoire» de M"' de
Uonipensicr, mais eneore par la mention qu'a faite de ce voyage le prijsi-
dent Chorlon dans ses Mémoires précités (pages 49 et 90). Cliorlon ajoute
que la compagnie dont il faisnil panie d6puta plusieurs de ses ofticiers
pour alicr saluer cl compliinenler la duchesse.
(S) Ce passage esi extrait de l'édition des Mémolreu publiés par
H. Cliéruel, cliez Charpentier, tome IV, page *î.
H. le docteur Vincent, de la Creuse, qui iiaralt avoir reclirié le premier
l'erreur liisloriquc relative au prétendu exil de M"' de Montpensier, dans
un mémoire insôré en 1873 au ButlelU de la Société des scUnces natu-
rellee et archéologiques de la Creuse, cite aussi le passage des Uémoirei
qui a irnil au voyage ii Saint-Germain, mats avec une version diffé-
rente. Voici cetic version ; «Les affaires que j'eus à Argentan (Argentoa)
m'y tirent séjourner dix â douxe jours, de là j'allai chez M. de Ssiol-Ger-
main-Bcaupré, où je lis la plus grande chère du monde, surtout en pois-
sons d'une grosseur monstrueuse, que l'on prend dans les fossés qui sont
1
fcXGURSlOtf ARCBÂOLOOIQUB A LA SOOtBRRAlKE ET D/NS SfiS ENVIRONS. 4Ù1
Il est donc avéré que Mademoiselle de Monipensier ne fut pas
exilée à Saint-Germain et que son séjour y fut de très courte durée.
C'est ainsi que la réalité fait souvent tort à la légende. Celle-ci, tou-
tefois, comme toutes les légendes est encore assez accréditée pour
que le souvenir de la célèbre héroïne de la Fronde soit resté
attaché à ces pierres et leur ail communiqué je ne sais quel charme
très attrayant.
Combien d'autres personnages moins illustres sans doute, mais
d'importance cependant, ont dû venir aussi en ces lieux, les honorer
de leurs visites et de leurs présences I Si les surfaces claires et lim
pides des pièces d'eau pouvaient encore nous rendre les images des-
grands seigneurs ou des élégantes promeneuses qui s'y sont reflé-
tées, si les murs du château on les bosquets du parc pouvaient nous
redire les échos des conversations et des fêles qu'ils ont entendus,
tout cela nous apprendrait apparemment que Saint-Germain-Beau-
pré fut pendant près de deux siècles le rendez-vous d'une société
brillante et fastueuse. Mais à défaut même de tels témoignages,
l'aspect du château, la grandeur du cadre, l'étendue des dépen-
dances, la magnificence des détails ne suffisent-ils pas à nous
convaincre que ce château et ses maîtres eurent un rôle tout à fait
prépondérant parmi les maisons seigneuriales de la contrée, rôle
bien démontré du reste par tous les textes et les documents qui
nous restent.
très beaux. On leur donne à manger d'une maniôre extraordinaire ; on
sonne une cloche et ils viennent tous. Cela me pa^ut assez singulier pour
le remarquer Ici. M. de Saint-Germain-Beaupré vint me conduire jusqu'à
Chiverny. »
Les deux versions, qnoiqu*assez différentes sur quelques points, sont
intéressantes : mais à la dernière nous préférons celle donnée par M. Ché-
ruel, comme plus authentique. On sait que les curieux Mémoires de la
duchesse parurent pour la première fois en 1735, sous la rubrique ' Ams-
terdam-Paris (8 volumes in-12); mais, ces Mémoires, publiés d*une
manière infidèle dans les diverses collections de Thistoire do France,
notamment dans celle de Petitot, ont été réédités par M. Chérucl d'après le
manuscrit autographe, avec notes historiques (i8S(6-59. — 4 volumes
in-4«).
Mademoiselle de Hontpensier, née à Paris en 1627, moprut en l'année 1699.
468 sociAtb archéologiqub gr iiistoriquk du limousipi.
CONCLUSION.
Dans cette étude, Tintérôt môme du sujet nous a entraîné sans
doute bien au-delà du cadre modeste que nous nous étions proposé
au début; rencontrant sur notre chemin cette curieuse famille des
Foucauld de Saint-Germain, nous n'avons pu résister au désir de la
suivre à travers les âges, d'en rechercher les origines lointaines el
la généalogie, d'en esquisser les particularités et les physionomie?
les plus saillantes; mais, ce faisant, notre but a été surtout de
dégager les faits qui présentent quelque certitude, de ceux qui res-
tent encore obscurs, de rectifier des erreurs trop accréditées, à*"
recueillir sur notre sujet le plus de rcpseignemenls qu'il nous a éiê
possible, d'après le plus de sources qu'il nous a été permis de
consulter. Notre prétention n'a pas été et ne pouvait être d'écrire
rhistoire même de la maison de Saint-Germain. Cette histoire e>i
cependant encore à faire, semble-t-il, même après nos recherches,
même après le livre de M. l'abbé Ratier, ouvrage estimable et d'une
lecture attrayante, mais où l'imagination a trop souvent suppléé
aux incertitudes de l'érudition. Il se trouvera certainement quelque
jour une plume exercée et dévouée, habile autant que savante, pour
retracer cette histoire dans les conditions d'exactitude qu'impose la
science de nos jours et pour nous donner dans cet ordre d'idées et
en quelque sorte l'équivalent de la restauration matérielle entre-
prise pour le château et si bien menée à terme par M. Berlhomier.
Que notre souhait ne soit pas jugé excessif! Peu d'histoires de nos
familles locales nous paraissent offrir autant d'attrait et d'impor-
tance même que celle des Foucauld de Saint-Germain ; et cela non
seulement à raison de l'ancienneté de cette famille, de sa filiation
facile à suivre malgré des lacunes, de la longévité singulière du nom
de Foucauld, du rôle très remarquable qu'ont joué quelques uns
de ses membres et du relief que présentent les physionomies de
plusieurs d'entre eux ; mais encore par ce fait que Texistence des
Foucauld a été assez étroitement mêlée, à diverses époques, aux
événements de noire province, de telle sorte que faire leur his-
toire, c'est en même temps, à bien des points de vue, écrire l'histoire
de celte province.
S'il nous fallait maintenant reprendre le récit de Texcursion du
6 juillet 1891, nous devrions exprimer le regret éprouvé par tous
les membres de notre société de n'avoir pu consacrer à la visite du
EÎCURSIÔN AhCHROLOâlOue A LA SOUte<^tlAlNfi Et DANS &tS RNViRONS. 401^
château de Saint-Germain-Beaupré et de ses environs les instants
que cette visite eut exigés. Malgré les ruines et les modifications
profondes apportées dans ces lieux par la marche des temps et de
la civilisation, bien des souvenirs subsistent encore, bien des ves-
tiges se retrouvent des œuvres de jadis et des faits mémorables que
nous avons notés au cour de notre travail. Mais Theure inexorable
nous refuse cette satisfaction chère au cœur de tout bon archéolo-
gue, comme elle nous prive du plaisir de faire honneur à l'aimable
hospitalité qui nous est si franchement offerte.
Le chemin que nous prenons pour revenir à La Souterraine est
cette fois direct; aussi le retour est-il rapide à travers ces belles et
riantes campagnes, rafraîchies par les averses de la journée et
qu'animent encore les feux du soleil couchant ; à mi-route, nous
traversons le petit bourg de Saint-Aignant-Versillat, sans avoir le
loisir de nous y arrêter, ne fùtrce qu'un instant, pour jeter un coup
d'œil sur sa vieille église romane et pour examiner d'un peu plus
près rélégant fanal funéraire qui domine son cimetière (1).
Et le soir, quand une heure après la vapeur nous ramène à notre
point de départ du matin, la même impression, j'en suis certain,
est ressentie par tous les excursionnistes de notre société, celle que
laisse dans l'esprit une journée des plus agréables et des mieux
remplies, utile à notre instruction personnelle, fructueuse pour la
science qui nous intéresse et pour la connaissance plus complète de
notre vieille et chère province qui gagne tant à être vue de plus
près et à être mieux connue.
Camille Jouhanneaud.
(I) M. Elie de Beaiifort a donné un dessin de ce fanal dans le volume
précité de la Société des antiquaires de l'Ouest (v. planche VU).
M. A Mazet {loco citato. Ami des monuments, 5<» année, 1891, n? 24) cite
rinscriplion de la plus grosse des cloches de l'église de Saini^Aignant-
VerslIIat, d*après laquelle ccUe cloche fut baptisée en (772 et eut pour
parrain messirc Louis-François-Marie-Hooorine vicomte de Roche-
chouard-Ponlville, Bridicrs et autres lieux, et pour marraine dame Anne-
Adélaïde AymcrcUc de Gareau, épouse de haut et puissant seigneur mes-
sire Anne-Nicolas Doublet, chevalier, marquis de Persan, Saint-Germain
et autres lieux.
D*aulrc parl,M. Berlhomier, dans une co mmunication k la Société archéo-
logique du Limousin, a signalé Texislence, au bourg de VersiUat, d'une
curieuse pierre, dite des trois provinces, qui aurait été une borne indica-
tive de la limite du Poitou, de la Marche et du Limousin (lome XXXIX,
séance du 30 décembre, page 798).
T. v., 30
PIÈCES JUSTIFICATIVES ET ANNEXES
ANNEXE A.
INSCRIPTION DE LA CRYPTE DE L ÉGLISE DE LA SOUTERRAINE.
Fragment a (donné par M. Espérandieu, d'après un estampage pris par
M. Guillot, directeur de FÉcole primaire supérieure à La Souterraine).
IS - MANIBVS
NI - FILI - ITEM
PATRIS - ITEM
ACVS
Fragment b (donné par M. Espérandieu, d'après le manuscrit de Legro-?.
reproduisant la copie de Nadaud).
ET MEMORIAE PAVLI
MEMORIAE PAVLL...
NERTACÏ AVI N....
VIVVS POS
Inscription complète (d'après Grûtcr. Copie de Scaliger).
DUS - MANIBUS ET - MEMORIAE PAVLII
NI - FILI - ITEM - MEMORIAE - PAULI
PATRIS- ITEM- NERTACI -AVI N
ACUS VIVUS POS
Restitution (diaprés M. Espérandieu).
(iîIS MANIBUS
NI -FILI -ITEM
PATRIS - ITEM
ACUS
Traduction (d'après le même).
ET MEMORIAE PAVLLt
MEMORIAE - PAVLI
NERTACI AVI Nert
VIVUS POS
Diis manibus et memoriae Paul][i] ni fili(i); item memoriae
Pauli, patris; item (memoriae) Nertaci avi. N[eri]acus, vivus, pos(uit).
ËXCURSTOri ARCHÉOLOGIQUE A LA SOOTÊRRAINB Et DANS SES ENVIRONS. 47*1
ANNEXE B.
Marché pour la démolition et la réfection de la partie haute de la grosse
tour de Bridiers (1®"^ novembre 1655).
Marché éTouvrages. — Le premier jour de novembre mil six cent
cinquante-cinq, après midy, en la ville de La Sousteraine, pardevant le
notlaire royal soubsigné furent presens en leurs personnes haut et puis-
sant seigneur messire Henry Pot, chevalier, seigneur de Rhodes,. ....... .i
...., Mondon, vicomte de Bridiers et autres piasses, conseiller du Aoy en
SCS conseils d'état.... grand maisire des cérémonies de France, demeurant
à présens au chasteau de Bridiers, parr" de la ville d'une part. Et Martial
Pierrefische, maistre maçon demeurant au village de Lacoste paroisse de
Saint-Maurice, d'autre part, lesquelles parties de leurs grès et voUontés
ont fait faire entr*eux les pactes, conventions et obligations qui s'ensui-
veat, c'est asseavoir que le dit Pierrefische a entrepris de faire la desmo-
lition, la charpente et couverture de la grosse tour du dit chasteau de Bri-
diers et mettre le Tout à terre et apcès y faire une vonlte au haut d'icellc
pour servir de plate-forme pavée au-dessus de la d. voulte en bonnes
pierres plaltes et cimentées dans les jointures des d. pierres, en sorte
que Teau né perce point la d. voulte, sur lequel pavé icelui Pierrefische
sera tenu de faire six gargouilles ou conduits es endroits les plus néces-
saires et ce de pierre de taille pour sortir la d. eaue au delà de la mu-
raille de la d. tour, laquelle pierre il sera pareillement tenu de tailler,
et en ouire sera encore tenu le d. Pierrefische de carier deux chambres
dans la d. tour ensemble les gardes robes et cabinets des d. chambres,
faire les enduisages qui seront nécessaires dans les d. chambres et cabi-
nets et faire le tout à ses despans bien et duement et dont il sera fait
visite aussi à ses dépans, en ce que le d. seigneur sera tenu de fournir
les matériaux nécessaires y ceux faire mener et conduire sur la place à la
réserve néansmoings de la pierre et sable nécessaire à faire la d, voulte
et pavé que le d. entrepreneur sera tenu de faire tirer à ses despans, le
d. seigneur devra le faire conduire, et en outre de donner et payer au d.
entrepreneur la somme de trois cents livres tournois et deux arbres pour
employer au d. ouvrage et qui seront nécessaires, que le d. entrepreneur
sera aussi tenu de faire débiter à ses despans, et en outre la démolission
et débrit de la d. tour appartiendra au d. entrepreneur et dont il en
pourra disposer à sa voUonté, laquelle somme de trois cents livres, le d.
seigneur sera tenu de payer à mesure que le d. ouvrage sera fait et continué
et néanmoings tenu de l'avoir fait parfait en bon estât deub. à dire d'ex-
perts et gens à ce cognaissans dans la feste de Saint-Jean prochaine car
ainsy les parties Font voullu et accordé, juré, stipullé et accepté ôt à l'en-
tretenement des présentes obligé et hypothéqué tous et chascun leurs
biens à peine de tous despans, dommages et interesls... Et en outre le
preneur sera tenu de fournir au d. seign' une grosse des présentes à ses
despans dans huit jours. Fait en présence de Jean de Nonbcl, escuyer,
ilî àOCliîà ARCHÊOLOÔIQUri Et HISTOtilQtlB DU LtllOUsm.
sieur de la Tacheety demeuran par"'^ de Naillat et de Piiigaud, mac^^Q
de la présente ville, tesmoinf[s à ce requis et appelés soussignés avec le^
parties, fors dud. Pingaud qui a déclaré ne savoir signer de ce enquis.
Signé : Henry Pot Rhodes, de Montbel, presant; Pierrepichb et LegraS;
notaire royal héréditaire.
(Cette pièce est la cooie littérale, à quelques mots près qui n'ont pu être
déchiffrés, d'un acte faisant partie des minutes de M" Leroy, notaire à La
Souterraine).
ANNEXE C.
Liste des tableadx ou portraits prooenartt du château de Saint -Gérmaiii-
Beaupré et appartenant actuellement au Musée de la oUle de Bloi»-
(Legs de M. le comte de Villemotte).
\ . Une collection de portraits du xvl<* au xviii<> siècle dont la plus grande
valeur, au dire de M. Eugène Gervais, conservateur du Musée de
Blois, est d^éire des portraits historiques provenant de la galerie <ie
Saint-Germain en Berry (ou plutôt en Marche).
9. Un portrait d'homme avec armure, xviii* siècle, toile ovale.
3. Portrait d*enfant, xviii® siècle, toile ovale, jeune fille en Cërès, xtiii*
siècle.
4. Allégorie, xviiio siècle. Haut. i^'SS, larg. <"0Î.
5. Portrait de femme attribué à Jouvenet. Haut. 0«80, larg. 0"60.
6. Portrait de femme cuivre, xviu® siècle. Haut. 0"iO, larg. 0™dO
7. Portrait d'homme, xviu* siècle. Haut. 0™40, largeur 0«»30,
8. Moine de Saint-Germain fils, xviii* siècle. Haut. 0°*45, larg. 0*"36.
9. La fortune, copie d'après Le Guide. Haut. i™82, larg. t'°45.
10. Pavane à la Cour de Henry 111, école de Glouet, xyi« siècle, toile ovale.
Haut. O°^80 sur 0»64 de larg.
il. M™* de Saint-Germain, xvi« siècle, toile ovale 0*»80 sur O^Gi.
iî. Anne d'Autriche, xvii« siècle, toile ovale O^TS 5ur6"58.
13. M'^* de Bourbon-Montpcnsier, xvu" siècle 0"64 sur 4*04 de larg.
U. Le duc d'Enghien, xvii" siècle, toile ovale 0*79 sur O^ISS de larg.
15. Saint-François de Salles, évéque de Genève, xVii® siècle, lotie ovale
0°»78 sur O^eO.
16. Portrait d*enfani en guerrier, xvii® siècle. Haut. 1«34, larg. 0"^.
17. Satyres, enfants, école Flamande, xvii® siècle, 0™8i sur 1"*02 de larg.
18. Mort de Didon, école Flamande, xvue siècle. Haut. 1>°30, larg. 0^4d,
10. Portrait d*enfant avec armure et la croix du Saint-Esprit, toile ovalf.
Haut. 0«°45, sur O^Sô.
{D'après la communication de M, Eugène Gerçais^ conserûùteur du
Musée de Blois).
EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE A LA SOUtERBAINE ET PANS SES E!fVIRONS. i73
ANNEXE D.
Extrait de la nouvelle chronique de Pierre Robert, lieutenant général
au siège du Dorât (1598 à 1645, — des Grands Jours de Poitiers de
ran1634à16Z5),
c Cette cour des Grands Jours (à laquelle de toute part Ton y accourait
» en grande affluence par ceux qui avaient reçu des torts et outrages]
» dura^epuis le premier jour du mois de septembre 1634 jusqu'à la fête
» des Rois 1635 avec effroy et épouvantoment particulièrement des gen-
k» tilshommes, qui se trouyèrcnt pour la majeure partie en grande peine
» et les prisons remplies de leurs personnes. Feu messire Henri Foucaud,
» seigneur de Saint-(iermainrBeaupré, gouverpeur de la Haute-Basse-
9 Marche, avait grand peur que sa vie fut recherchée, car il avait fait
» tant de voleries, piileries, concussions, exactions, fait faire des meur-
» très, fait brûler des maisons et autres malversations qu'il en était en
9 graud'peinc, car il m'écrivit par diverses fois de ce que Ton disait de
» lui aux dits Grands Jours, si je ne savais pas qu'on eut parlé de lui ; et
» de fait, Us dits Grands Jours ne furent sitôt finis, que dans les mois de
» février ou de mars de Tan 1635 il y eut un furieux arrest contre lui au
9 parlement de Paris, donné par défaut et contumace, par lequel il^fut con-
» damné d'avoir la tôte tranchée, sa maison rasée, privé et déclaré indi-
» gne de sa charge de gouverneur, ce qu'ayant prévenu de bonne heure,
» il s'en était défait au profit de son fils aîné en la faveur de qui il Tavait
» résignée; il mourut le dit sieur de Saint-Germain en cot état, sans avoir
9 osé jamais purger sa condamnation, il y eut un gentilhomme du pays
» nommé Coursât, qui demeurait en sa maison, lequel fut pour les maux
x> que le dit sieur de Saint-Germain lui avait fait faire, décapité en place
» de Grève, à Paris, contre lequel sieur de Saint-Germain il y eut tant de
n plaintes contre lui de son vivant dans le Parlement que c'était une
» pillé. »
(Chartes, chroniques et mémoriaux pour servir à V histoire de la Mar-
che et du Limousin, publiés sous les auspices de la Société des lettres,
sciences et arts de la Co rèze, par Alfred Leroux et feu Auguste Bosvieux,
— • Tulle, Grauffon, 1886, page 999).
ANNEXE E.
Acte de décès d'Henri Foucault,
Le 12 septembre 1678, sur les deux heures après minuit, est décédé
hault et puissant seigneur messire Henri Foucault, seigneur marquis de,
ce lieu, comte de Dun, Guierisbc, les Places et auUres lieux, gouverneur
474 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQCR KT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
et lieutenant général pour le Roy des provinces de Haute et Basse-Marcbe,
lequel a été inhumé le 13 du présent moys dans la chapelle de celle
église et dans les tombeaux de ses prédécesseurs. Il est mort (du tout) bon
catholique, après avoir (reçu) tous les sacrements de l'église et dans toui-
tes les marques d'un bon chrétien ; il était grand ausmonier et le (vériia-
ble) père des pauvres (et c'est avec raison) et justice que je le califie. —
Tel faict en présence de Pierre Jabilly (ou Jabely), m« d'escholle (signé) :
Claude Robbrt, Jabilly, Ranjon, Uartin..., Peschant, curé.
ICONOGRAPHIE
Aux dessins inédits de MM. Gérardin et Georges Berlhomier qui accom-
pagnent le texte de cette étude, il est peut-être utile d'ajouter les dessins,
gravures, lithographies et plans qui ont été publiés antérieurement à noire
connaissance sur La Souterraine, Bridiers et Saint-Germain-Beaupré {i)i
LA SOUTERRAINE.
4® La Souterraine, vue de la ville. Gravure sur bois, d'après un dessin
de Taylor (Géographie de la Creuse, de Jeanne).
3° La Souterraine, forteresse de Hugues, annonce de V Album de la
Creuse^ de Langlade.
'3^ Eglise de La Souterraine. Imp. lith. Tripon (Hist, monum.),
4" Église de La Souterraine, Lith. de P. Langlade (Album delà Creuse).
5^ EgUsede La Souterraine. Gravure sur bois {Mosaïque du Midi, 1840).
6® Eglise de La Souterraine, Gravure sur bois, d'après un dessin de
Félix Merion, J. Daucard, sculp. {De Paris à Agen^ par Célestin Port, et
Géogr. de la Creuse, de Joanne).
7*» L'église de La Souterraine {Recherches archéologiques^ de M. E. de
Beaufort *, Bulletin de la Société des antiquaires de V Ouest, années
1800-61, planches annexes), vue de l'église, plan, détails des colonnes et
des chapiteaux).
H^ Intérieur de VégUse de La Souterraine, Clément et Tripon, lithogra-
phes à Limoges {Hlst. monum,)
^ Chapelle souterraine, à La Souterraine. Tripon, del et lith. {Hist,
monum,)
10® Porte de V église de La Souterraine {Dictionnaire d'architecture.
de Viollet Le Duc, tome VII. — Paris, Morel et G'**).
HO Porte de la oille de La Souterraine. Imp. lith. Tripon {Hist.
monum.),
42® Porte fortifiée de La Souterraine, Armes de La Souterraine^
Eglise de La Souterraine avant sa restauration, {Nouo. Dlct, hist. de la
Creuse, par P. Valadcau).
* (1) MM. Ducourtieuz, Fàge, Tixier et Lachenaud. ont fait paraître en 1S91 le Catalogue è"
gravures et de lithographies snr le Limousin, 1* partie : Costume, paytagc*, vues pittoresque*.
(Liinogfes, V^ Ducourtieux). Nous avoos consulté ce travail.
EXCURSiOrf ARCnftOLOGIQUB A LA SOUTERRAINE ET DANS SES ENVIRONS. 475
BRIDIERS.
1* Ruines de la tour de Bridiers, Imp. lith. Tripon {HUt, monum,),
%^ Restitution du château de Bridiers (dessin de M. A. Mazet, Ami
des monuments et des arts^ revue périodique, année 1891, 5° année,
n» 24).
30 Plan de l'ancien château de Bridiers ^ par H. A. Mazet {L^Ami des
monuments et des arts, année 4891, 5* année, n** 24) (i).
4** Plan de Vancienchâteau et Coupe oertica le du Donjon^ par M. E. de
Beaufort (Recherches archéologiques'^ Bull. Société des antiq. de l'Ouest^
planche !'•).
5<* Château de Bridiers^ commune de La Souterraine (Nouveau DicU.
hist, de la Creuse, par P. Valadeau).
SAINT-GBRMAIN-BEAUPRÉ.
lo Château de S aint-Germain- Beaupré, Imp. lith. Tripon {Hist,
monum.),
t^ Château de Saint-Germain-Beaupré, Lith. de Langlade {Album de
la Creusé).
3« Vue du château de Saint-Germain-Beaupré. Eau-forte inédile si-
gnée S. J*
À^ Saint-Germain^ Beaupré^ vue et plan du château {Recherches arch,
de M. de Beaufort; Bull. Soc, des anl. de l'Ouest, années 1860-61, plan-
che III).
5<> Plan au châteuu actuel restauré^ par M. A. Mazet (Revue VAmi des
monuments et des arts^ n® 17, 1890 (2).
&* Château de Saint-Germain- Beaupré {Noue. Dict, hist. de la
Creuse^ par P. Valadeau).
SAINT-AIGNANT-DE-VERSILLAT.
Lanterne des mx>rts, dessin de M. de Beaufort, Recherches archéologi-
ques', Bull. Soc. des antiq. de l'Ouest, années 1860-64, planche VU.
(l, 2) Ces deux plans ont pu être reproduiUi dans notre étude» grâce à l'autorisation gra-
cieuse de M. Mazet et de M. Normand, directeur de la revue l'Ami dea monuments et des
arts»
MONOGRAPHIE
I>€ LA
COMMUNE DE THOURON
Aspect général du pays. — La commune de Thouron n'est pas
tout à fait dans la partie montagneuse du canton de Nantiat. Le
sommet de ses coteaux dépasse peu 400 mètres au-dessus du
niveau de la mer. Riche en étangs, en petits cours d'eau et par
suite en prairies, elle est encore assez boisée. On y trouve de fort
gracieux paysages, qui n'ont pas toutefois les vastes horizons des
montagnes voisines. Le prince Napoléon- Weyse qui a habité quel-
que temps ce pays a écrit, non sans raison, que « Thouron était
une magnifique terre, entourée d'eaux et de forêts, émaillée d'étangs
et de verdoyants pâturages ».
Rivières. — Le Vincoa, qui prend sa source entre Compreignac
et Saint-Sylvestre, est la seule rivière qui arrose cette commune.
C'est le principal affluent de la Gartempe dans le département de la
Haute-Vienne. Il a une longueur de cinquante kilomètres, et dans
son cours inférieur il atteint une largeur de quatorze mètres. Il
traverse les étangs de Tricherie et de Ghâteaumoulin, et sert
ensuite de limite à la partie nord de la commune. Ses eaux sont
assez poissonneuses, mais les poissons voyageurs, comme la truite,
ne remontent pas au-delà de ses étangs.
Nature du sol. Éléments ûu'il fournit a l'lndustrie. — Le sol de
la commune de Thouron est granitique et n'offre aucun élément à
à l'industrie. On trouve partout des carrières de moellon, et en quel-
ques endroits d'assez beau granit pour pierre de taille.
MONOGRAPBIE DE LA COMMUNE DE THOURON. i77
Produits naturels du sol. — Le chêne, le châtaignier et le bouleau
sont les arbres les plus répandus. Le long des ruisseaux croissent
l'aulne, le saule, el un petit nombre de peupliers. L'accacia et le
peuplier blanc sont assez commun. On trouve aussi quelques
arbres verts qui réussissent parfaitement, et quelques sorbiers
dans la forêt qui couvre une superficie de H3 hectares. ,
Le seigle est cultivé partout, pendant qu'on sème fort peu de
froment. Le blé noir ou sarrazin, couvre de nombreuses terres. On
fait aussi un peu de maïs, de trèfle et autres plantes fourragères.
Le botaniste trouvera dans plusieurs étangs, en particulier dans
celui du château et celui de Tricherie Trapa natans, L. ; et comme
curiosité le gui croissant, dans le parc du château, sur Taccacia, le
peuplier blanc et le tilleul.
Langage. — Dans la commune de Thouron tout le monde com-
prend le français et le parle avec les étrangers ; mais le langage
usuel est le patois. Nous sommes ici sur les limites du Limousin et
de la Marche, et par suite sur celles de la langue d'oïl et de la langue
d'oc; aussi le langage se sent-il de ses deiïx dialectes. Je donne,
comme document, un curieux testament écrit dans la langue du
pays, en 1475, par Jehan Faulcon, seigneur de Thouron.
Mœurs. — Les doctrines politiques répandues de nos jours et
rémigration des ouvriers qui atteint encore cette commune, ont une
influence pernicieuse sur la famille et les bonnes mœurs. Beaucoup
d'hommes valides quittent chaque année le pays, et vont à Paris
ou à Bordeaux, abandonnant le soin de leur patrimoine et de leur
famille aux vieillards, aux femmes et aux enfants. Les bénéfices
qu'ils rapportent, quand il y en a, n'ont jamais compensé les pertes
causées par l'abandon de la terre, qui ne reçoit jamais aucune amé-
lioration.
On trouvera de curieux détails se rapportant aux anciens usages,
dans le testament de Jean Faulcon, à la fin de cette monographie.
Commerce. — On ne connaît d'autre commerce dans la commune
de Thouron que la vente des bestiaux et des produits de la terre.
Les habitants fréquentent surtout les foires de Gorapreignac, le 8 de
chaque mois, et celles de Nantiat, le 4. Pour s'approvisionner, ils
trouvent dans ces deux localités de nombreux magasins de dra-
perie, nouveauté, mercerie, etc., etc.
Industrie. — L'industrie est à peu près nulle dans cette commune.
iNSTrruTiops. — Il y a au chef-lieu de la commune une école com-
478 SOCIÉTÉ archéologique; bt historiquk ou liuodsin.
munale pour les garçons . fréquentée par quarante élèves et one
pour les filles qui en réunit trente-cinq. Thouron, qui est une des
onze paroisses composant le doyenné de Compreignac, fait partie de
la perception de Compreignac, et dépend du bureau de poste et
du receveur d'enregistrement de Nantiat.
Voies de communication. — Cette commune est desservie par le che-
min de fer de Limoges au Dorât. La station de Thouron esta quatre
kilomètres du bourg. Elle est traversée dé TOuesl et à TEst par le
chemin de grande communication n"* 5, de Confolens àBourganeaf.
et du Midi au Nord par le n« 7, de Limoges au Blanc. Le chemin
n® 96 de Bellac à Compreignac, est en construction; il doit passer
au village de la Combe.
Souvenirs et monuments msTORiQUES. — Les souvenirs historiques
sont peu nombreux dans cette commune; ils se rapportent surtout
à son château. Il n'y a pas d*aulre monument ancien à citer.
Thouron, chef-lieu de cette commune, doit probablement son nom,
qu'on écrivait jadis Touron, à son ancien château. En Limousin, on
donne le nom de tour à tous les châteaux forts. On dit les tours
deChâlucet, la tour de Bar, la tour deLur, la tour de Royère, etc.,
au lieu de château de Châlucet, château de Bar, château de Lur, châ-
teau de Royère. Le mot Tour a du former Touron et même
Touradis, nom d'un village de cette commune.
Sa position géographique est sur le 46'' degré de latitude nord. La
ligne qui représente ce degré passe près du chef-lieu et divise son
territoire en deux parties à peu près égales. Cette commune, qui a
une population de 571 habitants et une superficie de 1372 hectares,
fait partie du canton de Nantiat et se trouve bornée à TEst par la
commune de Compreignac, au Nord, par celles de Saini-Sympho-
rien et du Buis, à TOuest, par celle de Naniiat, et au Midi, par celle
de Saint-Jouvent.
« L'histoire de cette bourgade, dit le prince Napoléon- Weyse,
est obscure. Elle ne contient que celle des différentes dynasties de
ses seigneurs, et si on le veut bien, les vertus de ses curés,
modestes serviteurs de l'Eglise, qui après une vie silencieusement
dépensée au service de Dieu et de l'autel, se reposaient au pied de
ces mômes autels, où pendant tant d'années ils répandaient le sang
Ihéandrique régénérateur du monde.
» J'ai longtemps habité le Château de Thouron. Il est bien bon de
prier dans son humble église, Dieu, peut-être, parle mieux à l'âme
fidèle dans ce temple villageois déserté que dans ht magnifique
cathédrale. »
NONOGRAPBIR Oë LA COMMUNS DE THOURON. iT9
Nous allons étudier séparément :
I. — L'église.
II. — Le cliâteau et les familles qui ront possédé.
IIL — Le bourg.
IV. — Les villages.
L— L'ÉGLISE.
Thouron fut donné à la cathédrale de Limoges en 1012, puis
cédé à Flavignac en 1084. On trouve ensuite en 1098, la donation
de Téglise de Thouron à Tabbaye de Saint-Marlial. A la suite de ces
donations, Tabbayede Saint-Martial de Limoges posséda l'église de
Thouron et quelques biens fonds dont le revenu servait de traite-
ment au curé. Aussi, depuis cette époque, jusqu'à la Révolution, ce
fut toujours l'abbé de Saint-Marlial qui nomma les titulaires de,
cette cure.
Le patron de la paroisse est saint Pierre-ès- Liens, dont on fait
la fête le 1"' août.
L'église est une construction romane du xu* siècle, restaurée
en 1498. Elle n'a qu'une seule nef (15"',60 sur 5°,50) qui n'a pas
conservé sa voûte primitive. Un lambris en bois, fait vers 1728, l'a
remplacée jusqu'en 1888, époque à laquelle remonte la voûte,
en brique actuelle. Elle est éclairée par quatre fenêtres plein-cintre.
Le sanctuaire (4°,80 sur 8"*,70) a une voûte d'àrète au centre
de laquelle on a placé, postérieurement à 1620, une pierre en forme
de clef de voûte, portant les armes de la famille Dupeyrat. Il est
éclairé par deux baies, décorées, depuis 1861^ de vitraux à person-
nages. Celui duNord représente saint Pierre-ès-Liens, patron de la
paroisse, et celui du Midi la Vierge Immaculée. Au bas sont les
armes des donateurs : parti, au /*' d'argent au lion desable^ armé,
lampassé et couronné de gueules^ qui est du Breuil-Helion de La
Guéronnière ; au 2"" d'argent, à trois vaches bretonnes de gueules
l'une sur l'autre, qui est de Brettes.
La porte ouverte dans le pignon ouest est formée d'une seule
voussure avec colonnette continuée dans le cintre, au-dessus des
chapitaux sans sculpture. Sur une pierre qui la surmonte on lit la
date 1682, indiquant probablement l'époque d'une réparation.
On remarque dans cette église un tableau venant de l'ancienne
abbaye de Saint-Martin-des-Feuillants à Limoges^ qu'a possédée en
dernier lieu la famille de Brettes. Dans un grand cadre triangu-
laire avec la courbure d'une voûte ogivale, sont représentées les
trois personnes de la Sainte-Trinité : Dieu le Père, avec un nvmbe
480 SOC1FTÉ ARCHÉOLOGIQUR KT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
triangulaire; le Fils en face de lui, tenant sa croix; et au haut du
tableau, le Saint-Esprit sous forme de colombe.
La chaire, en bois sculpté, représente le Bon Pasteur,, accom-
pagné des quatre évangéhstes ; elle serait Tœuvre de M. Pacaîlle,
curé de cette paroisse, de 1728 à 1750.
Uéghse de Thouron possède encore des rehques des martyrs de
la légion Thébéenne, placées dans un reliquaire en bois, muni du
sceau de Mgr d'Argentré. On ht sur ces ossements : Sancti Bran-
dini, mart, de legione Thebeorum. Sancti Trani, mart. de legiane
Tbebeorum. Quand à la grande chasse en cuivra émaiUé et doré
qui lui fut donnée en 1790, on verra plus loin le sort qu'elle a eu.
Le clocher en bois, placé au-dessus de la porte, avait jadis plu-
sieurs cloches, dont une à inscription gothique, qui furent prises
pendant la révolution; celle qu'il conserve aujourd'hui a 0"*67 cen-
timètres de diamètre, ce qui indique un poids approximatif de
165 kilos, elle porte cette inscription : IHS, MA. S. Petre, S. Paule
orale pro nobis. — Parrain, noble Gilbert de la Gousse, tnarraine
Gatherine Madoz. — Syndics : Jehan de VaucourbeU et Jehan
Baritau, 1602,
Une vicairie avait été fondée dans l'éghse de Thouron par les
seigneurs du lieu ; elle fut augmentée en 1475 par Jehan Faulcon,
seigneur de Thouron et de Saint-Pardoux dont le leslamenl se
trouve plus loin.
Plusieurs autres fondations existèrent aussi dans cette égUse jus-
qu'à la Révolution. Une note de 1764 nous fait connaître les
suivantes :
« 1° Un service : tous les lendemains de chaque bonne fête de
Tannée, et le jour de saint Jacques et Philippe pour M. Jacques
Dupeyrat de Thouron.
» 2*» Tous les ans, le jour de saint Martial, pour Hélie Madot,
bourgeois de Thouron.
» 3<> Tous les ans, le lendemain de la fôle de saint Pierre-ès-
Liens, pour M. Pacaille, curé de Thouron, qui ayant acheté la
petite cuisine autrement la boulangerie de Jean Crousillaud, la
donna à la cure moyennant un service tous les ans.
» 4» Tous les ans, le jour de la Purification de la sainte Vierge un
service fondé par François Mounier, dit le meunier de la Combe,
taxé deux Hvres deux sols six deniers. Le sieur Martin, notaire de
Compreignac a fait le testament environ l'an 1724.
mS*" Tous les ans le jour de Saint-Joseph, service pour Joseph
Thouron, de Croix-Forge, taxé une livre cinq sols. Le sieur Couly,
notaire à Saint-Jouvent, a fait le testament environ Tan 1740
ou 1745 ».
Il y avait encore un service, tous les ans, le jour de saint Jean,
IIONOGRAPHtS DR LA COHMCNB DE TUOURON. 431
pour Jean Teslet du village de Villelte, qui l'avait fondé par son
leslamenl du 21 août 1770, et un autre le jour de Sainte-Aune pour
Anne Durousôeau, sa mère, chacun une livre dix sols.
Gabriel Mounier, du village de la Grêle, paroisse de Saiot-Jou-
vent, devait annuellement à l'église de Thouron la somme de vingt
livres pour le luminaire de la lampe du saitit Sacrement, somme
qu'il payait à Noël.
Il y avait k Thouron, comme dans la plupart de nos paroisses,
des confréries dont faisaient toujours partie les familles les plus
honorables du pays. Les charges et les dignités étaient ordinaire-
ment mises aux enchères. Le produit de ces enchères formait la
caisse de la confrérie. Les registres paroissiaux de 1720 nous en
font connaître deux : La confrérie du Très-Sainl-Sacremenl, qui
celte année eut les dignitaires suivants : Le roi, M. Dupeyrat; la
reine, M"" de Thouron ; le dauphin, Léonard du Rousseau ; la dau-
phine, M"« Madot ; le mignon, Martial Bérard ; la mignonne, Jeanne
Géraudeau ; le porte-enseigne, Léonard Mounier, etc. La seconde
était la confrérie de Saint-Jean-Baptiste. En 1720, le roi fut
M. Madot; la reine, M"' Madot; le dauphin, M. de Monlaurand,elc.
Pendant toutle moyen-âge, on a souvent enterré dans les églises,
et cette coutume existait à Thouron comme ailleurs. Les regis-
tres paroissiaux nous signalent un certain nombre de ces sépul-
tures. Outre celles des curés du, lieu, dont la place était dans le
sanctuaire, nous connaissons celles des seigneurs de Thouron :
Louis Faulcon, seigneur de Thouron, avait son tombeau devant
l'autel de Saint-Martial. Son fils Jehan Faulcon, par son testament
de 1475, veut être enterré dans le même lieu.
Antoine Dupeyrat, fils de Pierre et d'Isabeau Duléry, estenseveli
le 14 mai 1690 devant l'autel de sainte Madeleine.
Hélie Madot, notaire du bourg de Thouron, est enterré dans
l'église en 1702.
Le 30 août 1747, Anne Jouve, veuve de Jean Pacaille, y est ense-
velie en présence de Léonard Pacaille sont fils, curé de Thouron.
Le 22 février 1752, Marie Origet, épouse de Jean Deschamps, est
enterrée en présence de Jean Deschamps, son fils, curé de Thouron.
Le 11 octobre 1756, Jean Deschamps, époux de la précédente.
Le 8 septembre 1767, François Dupeyrat, seigneur du Mas.
Le 8 décembre 1772, Jean-Baptiste-François Dupeyrat.
Une ordonnance de i776 a interdit les sépultures dans les églises,
et cet usage a cessé dès ce momenl.
Devant la porte de Téglise on remarque une belle croix en
pierre, portée sur une colonne canelée, qui elle-même surmonte
un autel en pierre. C'est là que l'on dépose le cercueil lorsqu'on
vient célébrer des funérailles.
482 SOCIRTR ARCBÉOLOGIQUR ET HISTORIQUE DU LIUOCSIN.
Toutes les sépultures ne se faisaient pas dans l'église, car pour
cela il fallait ou avoir des droits acquis, ou payer une somme à la
fabrique. La plupart des habitants étaient enterrés dans le cime-
tière paroissial. Ce dernier élait à une centaine de mètres au sud
de réglise. 11 paraît très ancien. Au centre se trouve la chapelle de
Saint-Roch, bâtie probablement en 1631, époque à laquelle tout le
pays fut ravagé par la peste. J'ai vu dans cette chapelle, il y a
vingt-cinq ans, deux belles dalles funéraires portant des armes qui
semblent bien être celles de la famille Chauvet; d'argent à trois
fasces d'azur accompagnées de neuf merlettes de gueules ni paitées.
ni becquées, 3, 3, 2 et i , Aujourd'hui, non seulement ces tombes
ont été enlevées, mais encore la toiture de ce petit édifice est tom-
bée, et cette gracieuse chapelle si pieusement élevée au centre du
champ du repos, sous les grands arbres qui ombragent encore tant
de sépultures chrétiennes, n'est plus maintenant qu'une masure.
On a cessé d'enterrer dans ce cimetière en 1864. Le nouveau
est situé beaucoup plus loin au nord-est du bourg.
Voici le nom des curés de Thouron, avec la date à laquelle ils
exerçaient le ministère dans cette paroisse :
Jean Ronger, prêtre, chapelain de Thouron en 14S0.
Vinehaud, le22avriH541.
De VauGourbeil. Deux prêtres de ce nom furent curés de Thou-
ron, à une date qui ne m'est pas connue, peut-êlre vers 1600, lors-
que Jean de Vaucourbeil était syndic de la paroisse.
Pierre Barrèges, était curé de Thouron en 1658, il y est mort et
a été enterré dans le sanctuaire de l'église le 28 mars 1687. A son
enterrement étaient présents Joseph Dupeyral, écuyer, seigneur
baron de Thouron, et Pierre de Vaucourbeil.
Jean-Charles de La Brousse, docteur en théologie 1692, 1698.
Pierre Dutreix, dont on trouve quelquefois le nom écrit Dutreuil ,
1698, 1710.
Guy, 1711, 1719.
Jean Fraisseix, 1720, 1728.
Léonard Pacaille, 1728-1750. Pendant vingt-deux ans qu'il resta
curé de Thouron il fit beaucoup de bien, son successeur a écrit de
lui sur les registres paroissiaux : « Quand il vint à Thouron l'église
était comme une grange. C'est lui qui l'a fit voûter (1), qui fit faire
le retable, qui fit boiser le sanctuaire, et a fait faire la chaire et la
sacristie. En outre, c'est lui qui a fait faire la maison curiale, et
(1) Le sanctuaire conserve encore sa voûte primitive. Celle indiquée ici est
probablement le lambris en bois qui était dans la nef, et qui a été remplacé
en 1888 par une voûte en brique.
MONOGRAPHIE^DB LA COMMUNE DE THOURON. 4B3
cela la plus grande partie à ses dépens. Il est le premier qui com-
mença à faire tout à fait sa résidence à Thouron. Ses devanciers
n'y résidaient presque jamais. Nous devons tous lui savoir obliga-
tion, comme à notre bienfaiteur. »
« Le 15 mars 1750, messire Léonard Pacaille, curé de la paroisse
de Thouron, décédé le jour précédent, en la communion des véri-
tables fidèles prêtres, âgé d'environ cinquante ans, a été inhumé
dans le sanctuaire de l'église, en présence du sieur Jacques Bou-
riaud, son beau-frère, et Négrier, »
Jean Deschamps, 1750, 1782. Pendant tout le temps qu'il a été
curé de Thouron, il a écrit un très grand nombre de notes sur tous
les feuillets libres des registres paroissiaux. Je les ai publiées, en
1890, sous le litre de Chronique paroissiale de Thouron, dans le
tome II des Archives historiques du Limousin. Il nous fait connaître
son arrivée dans cette paroisse : « Je soussigné, curé de Thouron,
y suis entré le 15 mars 1750, nommé par M. Négrier, chanoine de
Saint-Martial, et y ai pris possession le 15 novembre. Cela occa-
sionné par une contestation entre M»' l'Evêque et M" les chanoines
de Saint-Martial, M' de Coëtlosquet, alors évéque, nommait ^, le
curé de Morterol près Bessines, disant que tous les bénéfices cu-
riaux appartenant à M. l'abbé de Saint-Martial, lorsque Tabbaye
est vacante, leur nomination lui appartient de droit. El M" les cha-
noines soutenaient le contraire. Chacun faisait décider leur droit
par les avocats de Paris. Mk^ l'évêque fut condamné. Ce qui fit qu'il
me donna mon visa en vertu de la nomination de M' Négrier, après
m'avoir laissé huit mois vicaire régent. »
En 1764, il donne la liste des services fondés dans l'église
de Thouron, liste qui est reproduite précédemment.
Il constate en 1765 que les châtaignes produites par les arbres
du cimetière « ont toujours été au profit des âmes du purgatoire,
et que les curés en ont employé le revenu en services. On saura
également que les offrandes qui se font aux âmes du purgatoire et
qu'on vend à l'enchère à la porte de l'église, sont privilégiées pour
le curé. De tout temps le curé en a eu la préférence en en donnant
le prix du dernier enchérisseur ».
Les revenus de la cure de Thouron consistaient dans le produit
de quelques terres et de quelques prés, appartenant au chapitre de
Saint-Martial dont cette cure dépendait. En 1769, M. Descharaps
abandonna le tout au chapitre à condition qu'il lui payerait une
pen.sion de 500 livres.
En juin 1782, il quitta la cure de Thouron en permutant avec
Etienne-Antoine Laurier pour une vicairie de chœur à l'abbaye de
Saint-Martial de Limoges. Il passa dans ce nouveau poste les di\
4^4 âOCliT^. ARCBÉOLOGIQtJB Et BlStORIQOE DtJ LIllODSifV.
dernières années de sa vie. La constitution civile du clergé le trouva
ferme dans sa foi ; avec tous les autres membres de ce chapitre il
la repoussa ainsi que le serment schismatique que Ton demandait
alors à tous les ecclésiastiques. Il supporta avec courage le com-
mencement de la persécution, et mourut en décembre 1792, étant
âgé de soixante-dix ans environ. Il a une notice biographique dans
les Martyrs et confesseurs de la foi du diocèse de Limoges (i).
Etienne-Antoine Laurier, 1782, 1793, élaitfils de Martial Laarier
etd*Anne Gondeaud. Il avait d'abord été enfant de chœur, puis
vicaire de Fabbaye de Saint-Martial. Il succéda par permutation à
M. Deschamps, et comme lui il écrivit un grand nombre de notes
sur les registres paroissiaux. Ces notes font partie de la Chronique
paroissiale de Thouron que j'ai signalée plus haut.
Il y fait connaître une lettre de TEvéque de Limoges, du 6 mai
1784, annonçant « que le dessein de Sa Majesté et du Clergé de
France est d'augmenter les portions congrues de M" les cur^s
congruîstes. Ils n'ont que 500 livres et on leur en fait espérer 800. -
En 1788 V le nommé Leypaud achète une tombe dans le cimetière,
attenante le vase de M< Masdoty moyennant 34 sols qu'il a donnés
au syndic fabricien Pierre Nicole ».
« Le 18 mai 1788, dit-il, par permission de M. Fabbé de Moussai,
vicaire général et abbé de Saint-Martial, j'ai béni solennellement
la grande croix de pierre que j'avais fait élever dans le cimetière.
» Cette année [1787] j'ai commencé à jouir des 200 livres d'aug-
mentation accordée par le roi Louis XVI. Les congruistes ontactuel-
lement 700 livres. Je paye aussi 66 livres de décimes. »
En 1790, M. Laurier reçut pour la paroisse de Thouron une des
grandes chasses en cuivre émaillé et doré, provenant de l'abbaye
Grandmont; je donnerai, aux documents, le procès-verbal de sa
translation qu'en a fait le curé de Thouron. Cette magnifique œuvre
d'art a dû être livrée, comme celles de Razès, Saint-Sylvestre, etc.,
à l'agent national recherchant du cuivre pour faire une chaudière.
Au moment de la Révolution, M. Laurier eut la faiblesse d'ad-
hérer à la schismatique constitution civile du clergé, et de prêter
le serment. C'est après cela qu'il se qualifie « curé de Thouron,
aumônier de la garde nationale, secrétaire et greffier de la muni-
cipalité »• Le 28 octobre 1792 il fut élu officier public par 70 suffra-
ges, et arriva en 1794 à oublier tous ses devoirs de prêtre. Il finit
misérablement, peu de temps après, frappé d'une maladie mysté-
rieuse, disent les anciens.
Pendant les premiers jours de la Révolution, un prêtre fidèle que
(I) Limoges, V« H. Ducourtieux, 1892, un vol. in-8«»de 748 p.
HONOGBAPBIB DE LA COMMUNE HE THOURON. 485
je crois originaire de celle paroisse, Jean-Baptisle Mazéraud, s'y
relira après avoir été chassé, pour refus de serment, de Saint-
Priest-le-Beloux, sa paroisse. Il rendit de grands services aux habi-
tants, mais il ne put pas y rester longtemps, et fut obligé d'émigrer
à Chambéry. Il revint dès que la persécution cessa, et y fut main-
tenu pour curé à Tépoque du Concordat, Il y est mort en 1807. Un
décret impérial du 28 août 1808 érigea en succursale cette paroisse
et un très grand nombre d'autres.
Après M. Mazeraud, la paroisse de Thouronfut desservie alterna-
tivement par le curé de Nantiat, de Saint-Jouvent ou de Gomprei-
gnac. Ce ne fut qu'en 1846 qu'elle eut pour curé M. Paul Baleynaud ;
et ensuite :
MM. Jean-Bapliste Chassaing, 1847-1849.
Faure, 1849-1852.
Mathieu Gaston, 1882-1854.
Adrien Ghambon, 1854-1861.
Christophe Cohade, 1861-1872.
Gyprien Verger, 1872-1880.
Jean-Hippolyte Dequioudeneix, 1880.
IL — LE CHATEAU ET LES FAMILLES QUI LONT POSSÉDÉ.
Il serait difficile de dire aujourd'hui ce qu'était l'ancien château
de Thouron. Lç peu de mots qu'on trouve dans les auteurs anciens
le montrent comme une place forte importante. Il était situé près
et au sud-ouest de Téglise, en parlie sur le monticule qui domine
la prairie en partie sur remplacement du château actuel. Construit
au xu* siècle, il devait comme nos autres châteaux limousins de
cette époque, former un quadrilatère avec de fortes tours carrées
à ses angles. Il n'en reste pas la moindre trace,
La chronique de Saint-Martial, qui en parle en 1438, le nomme
Castrum de Touront,
On voit qu'en 1591, M. Boyol de Montcocuet son gendre, M. de
Villelume, y tenaient garnison pour le roi.
En 1634, après le meurtre de Fontréaulx, « la tour du château de
Thouron fut ruinée et démolie en partie ; c'était une place forte,
ajoute Robert, qui avait servi durant les guerres de la ligue et les
autres d'un nid de voleurs et de tanière de brigands. »
En 1658, M. Dupeyrat, trésorier de France en avait réparé une
partie, qui était en élat de résister à une attaque lorsque la force
armée vint de Limoges pour délivrer M"' de Meilhac.
Enfin, dans les dernières années du xviu" siècle M. Joseph
T. XL. 3t
•466 SOCIETE ARCnéÔLOQlQUfe Kt HIStORIQbS DU LlHOUSlN.
Dupeyrat le fit démolir pour construire à la place celui qui existe
aujourd'hui. Le gros œuvre en était à peine terminé lorsque la
Révolution vint tout arrêter, et l'intérieur n'a été fait qu'en 1840
lorsque M. Pascal Eudel en devint acquéreur.
Comme souvenir de l'ancien château il ne reste qu'une fontaine
dont je parlerai plus loin. Quant au nouveau, le dessin que nous
devons à l'habile crayon de M. le baron de Verneilh-Puyrazean,
le fera parfaitement connaître. D'autre part, il a été ainsi décrit
par le prince Napoléon-Weyse :
« Le château de Thouron s'offre au regard au milieu de vastes
pelouses, entremêlées de bosquets à l'anglaise, dans les belles pro-
portions d'un palais.
« Quand le soleil tombe sur son granit brun et poli comme du
marbre, c'est d'un magnifique effet. Deux vastes perrons vis à vis
l'un de l'autre, dont le dernier, un des plus beaux de France, a deux
embranchements, conduiscntau château, sous la majesté d'un fron-
ton grandiose, portant l'écusson des anciens seigneurs du lieu,
effacé par le marteau révolutionnaire.
« Thouron, oasis suisse dans un pays accidenté, n'a pas d'his-
toire. Nous avons cependant sagement fait en sauvant de l'oubli
ces quelques miettes, car de même que les fleuves se composent
de petites rivières et de minces ruisseaux, de môme l'histoire géné-
rale se compose de mille histoires locales et particulières ».
L'architecte limousin qui a construit le château de Thouron est
M. Broussaud, élève de l'architecte Louis, le construcleur du grand
théâtre de Bordeaux. Notre contrée possède plusieurs de ses œuvres
qui ont toutes une grande ressemblance avec le château de Thouron.
C'est à Limoges, l'Évêché et la maison Naurissart, aujourd'hui la
Banque de France. Le château de La Cosse, commune de Veyrac,
celui de La Vergue, commune de Saint-Priest-Ligoure, et celui de
Brignac. On lui doit aussi l'église de Saint-Silvain d'Ahun (1777-
1781).
Les premiers seigneurs de Thouron qui nous soient connus
appartiennent à la famille de La Celle; et ce sont probablement eux
qui ont bâti le premier château. Mais il ne faut pas les rattacher,
comme on la fait à la famille qui tire son nom de La Celle canton de
Dun, famille qui dès le xi* siècle possédait dans cette dernière pa-
roisse le château de Bouëri. Le berceau des La Celle de Thouron
est entre Eymoutiers etTreignac.Les armes établissent parfaitement
cette distinction. Pendant que les seigneurs de La C^Ue-Dunoise
portent d'argent à l'aigle éployée de sable^ membrée d'or^ les La
Celle de Thouron portent d'or semé de fleurs d^e lis et de tours.
MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE DB THOURON. 487
Pierre deLaCelle-Bonnefon (nom de deux paroisses des environs
de Treignac), écuyer, était seigneur de Thouron en 1223. A cette
date il donna plusieurs rentes à Grandmont, ce qui le fit inscrire au
nombre des bienfaiteurs de cette célèbre abbaye.
Jouberl deLaCelle, écuyer, fut seigneur de Thouron, et succéda
à Pierre. En i260, il donna aussi à l'abbaye de Grandmont tous
les droits qu'il avait sur l'étang de Thouron, appelé aussi de
Tricherie.
Je ne puis préciser jusqu'à quelle année les de La Celle possédè-
rent Thouron. Je ne connais que deux autres membres de cette
famille : Hugues de La Celle qui paraît dans une charte de H16,
par laquelle Bernard, vicomte de Comborn, donne un mas de terre
paroisse de Tarnac (Corrèze) à l'abbaye d'Uzerche, et Robert de La
Celle, chevalier qui en 1314 assistait au mariage d'Eble de Venta-
dour, avec Marthe de Comborn, fille de Richard de Comborn, sei-
gneur de Treignac, et en 1329, était témoin dans une vente faite
par le môme seigneur de Treignac à Pierre Rodier, évoque de Car-
cassonne.
La terre deThouron passa de la famille de La Celledans celle des
Faulcon, qui la possédèrent environ deux siècles. Ce changement
se fit probablement par suite d'une alliance avec rhéritière de cette
première maison, car nous voyons les Faulcon dont les armes sont
6' azur à la croix rf'or alias d'or à la croix d'azur, les écarteler d'azur
à trois fleurs de lis d'or 2 et i, mêlées de trois tours d'argent i et 2,
qui sont de La Celle. Les Faulcon étaient une famille fort consi-
dérable. Dans notre province ils étaient seigneurs de Laron, de
Thouron, du Puyménier, barons de Saint-Pardoux, seigneurs de
TAge, deChamborand, en partie des Lèzes, de Boisse, de Lermont,
du Carreau, de Journhac, des Couperies, de Linards, etc., etc.
Louis Faulcon, chevalier, était seigneur de Thouron et de Saint-
Pardoux antérieurement à 1450. Il fut enterré dans l'église de
Thouron, devant l'autel de Saint-Martial; ses descendants ont formé
les branches de Saint-Pardoux, des Lèzes, de Lermont et de Boisse,
de Thouron et du Carreau.
Son fils aîné, Jean Faulcon, seigneur des mêmes lieux et de Laron,
est qualifié noble et puissant seigneur dans un acte du 22 octobre
1461. C'est une transaction passée entre l'abbaye de Saint-Martin-
de-Limoges, en vertu de laquelle il assigne à cette abbaye huit setiers
de seigle à prendre sur la dime de Saint-Symphorien, à la charge
de célébrer chaque année un anniversaire solennel avec vigile et
absoute pour le repos des âmes de ses parents (Arch. hospit. de
Limoges. B. 469). Jean Faulcon qui figure à la Montre des noWes
488 société ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
de la Marche en i470, testa en 4475. Je donne plus loin le texte de
son testament. Il avait épousé Marie de Rochechouart, fille de
Simon de Rochechouart, chevalier, seigneur d'Ancourt-Morogues,
dont les armes sont : onde d'argent et de gueules de 6 pièces en
fasce. Il eut pour (ils : l"" Albert qui suit; 3^ Antoine, qui a fait la
branche des Lèzes.
Albert Faulcon, seigneur de Thouron et du Puyménier, épousa
Charlotte de Linards, dont il eut : 4° Florence Faulcon, qui épousa
par contrat du 4août 4508, Jean Jovion, fils de Mathieu Jovion, sei-
gneur de l'Echoisier, paroisse de Bonnac, qui porte d'azur à trois coqs
d'argent, pattes, becqués et greffés d'or, 2 et 1\^ Foucaud Faulcon,
qui suit; 3* Valérie Faulcon, qui épousa par contrat du 20 février
1530, Christophe de Roffignac, écuyer, seigneur de Sannat, fils de
Guy deRoffignacet de Françoise Chauvet. De Roffignac porte : d'or
au lion rampant de gueules armé et lampassé de même, alias : d'azur
au lion ratnpant d'or. Valérie Faulcon,- qui avait porté à son mari le
fief du Puyménier, testa en 1585.
Foucaud Faulcon, chevalier de l'ordre du roi, était seigneur de
Thouron le 4" juillet 1556. On le trouve parmi les nobles de la
sénéchaussée du Haut-Limousin au ban et arrière ban de 1868.
Lors qu'il entra en possession de la terre de Thouron, elle se com-
posait d'un nombre considérable de villages, mais il en vendit la
plupart. Ainsi en 4566 il vendit, sous faculté de rachat, moyennant
4,000 livres, à Jean Beaubreuil une douzaine de villages dénommés
au contrat, au nombre desquels était le village et tiercerie (1) de
Touradis. Cependant en 1575, il paya Jean Beaubreuil et repris son
bien.
En 1567, il vendit à Léonard Barny, seigneur du Mazet à Com-
preignac, plusieurs autres villages et fonds nobles.
En 1674, il cédait le moulin noble appelé Chàteau-Moulin, avec
quantitéd'autres fonds etdroits considérables, à FrançoisFonlréaulx,
pour la somme de 4,000 livres.
En 1576, il vendait pour la somme de 400 livres à Etienne Yver-
naud, marchand, et à Pierre Massoulard, procureur au présidial de
Limoges, la sixième partie des dîmes de la paroisse de Saint-Sym-
phorien (Arch. hospit. de Limoges, B. 469).
Enfin après cette dernière date, il ne lui restait plus de la belle
terre de Thouron, que le château et le bourg. Lorsqu'il mourut, vers
(1) La tiercerie est le droit seigneurial de la tierce gerbe dans les blés
naissant et croissant sar un fond de terre. Aujourd'hui il n*y a que des
métairies où le propriétaire a la moiiié du blé; les tierceries ne sont plas
connues.
MONOGRArUIE DE LA COMMUNE DE THOURON. i89
1596, ses deux héritiers se partagèrent le peu qu'il laissait et encore
furent-ils bientôt obligés de le vendre. On trouve le 4 février 1620,
Hélène Faulcon, encore dite dame de Thouron en partie, inscrite
au rôle des nobles delaBasse-Marche. Nous verrons plus loin l'acqui-
sition de la terre de Thouron par Pierre de Fontréaulx en 1620.
Pendant que les Faulcon possédaient Thouron deux événements
se rattachant à l'histoire de ce château méritent d'être signalés. Le
premier est le passage Je Charles VII, en à Tannée 1438 ; l'autre, la
mort de Pierre de Boyol et de son gendre, appartient à l'année 1891 .
Le roi de France Charles VII, dit le Victorieux, après avoir recon-
quis sur les Anglais presque tout son royaume, voyageait avec une
suite nombreuse pour montrer au peuple fidèle son fils le Dauphin,
qui fut plus tard Louis XI. 11 vint passer à Limoges une dizaine de
jours. Un moine de l'abbaye de Saint-Martial nous a laissé le récit
détaillé des fêtes et des réjouissances qui eurent lieu à cette oc-
casion. Le roi était au Dorât le 1"*' mars 1438 [n. s. 1439]. Le lende-
main lundis il vint dîner au château de Thouron, accompagné des
ducs d'Anjou et de Bourbon, des comtes de la Marche et de Ven-
dômes, de l'archevêque de Toulouse, des seigneurs de Dunois et de
la Fayette, et autres. Son fils le Dauphin, qui avait dtné à Bellac,
vint le rejoindre à Couzeix, et ils firent ensemble leur entrée solen-
nelle dans la ville de Limoges. On montre aujourd'hui, sous les
beaux arbres du parc, quelques marches en pierre, qu'on croit être
celles de la porte principale par laquelle le roi de France et sa
suite entrèrent dans le château.
Le second événement qui se rattache à l'histoire du château de
Thouron est assez peu connu jusqu'à présent et demande quelques
éclaircissements; je vais les puiser dans des documents contempo-
rains.
Jean de Villelume, fils de Marien-Guillaume de Villelume, sei-
gneur de Barmontet (commune de Verneugheol, Puy-de-Dôme), et
de Louise de Green de Saint-Marsault, embrassa la carrière des
armes, et fut même reçu chevalier de Malte vers 1572. Il vint en-
suite s'établir en Limousin en épousant, le 2 avril 1S88, Jeanne de
Boyol, fille de Pierre de Boyol, seigneur de Montcocu (commune
d'Ambazac) et de Marie Rougier. La famille dans laquelle il entrait
avait passé à la religion prétendue réformée, mais lui était et resta
toujours catholique.
Or Pierre de Boyol faisait la guerre aux religieux de Grandmont.
« Et il avait même fait tuer un religieux du dit Grandmont, honnête
homme, frère du sieur de Lessard (1) ». En 1891, le sieur de Mont-
(i)ChrorUquedeVAnonyme de Saint" Léonard^ publiée par H. A. Leroux,
p. 969.
490 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DO LIMOUSIN.
COCU et son gendre tenaient garnison pour le roi à Thouron. Us
partirent de là avec leurs hommes pour aller secourir la ville du
Dorât assiégée par les ligueurs. Le sieur de Lessard (commune de
Roussac), les voyant passer près de chez lui, crut le moment oppor-
tun de venger la mort de son frère. Il vint donc les attaquer entre
Lessard et la forêt de Rançon. On se battit avec acharnement:
Pierre de Boyol et Jean de Villelume furent tués. Voici ce que la
veuve du dernier a écrit dans son livre de raison : « Dieu relira à
soi Mons. du Bastiment mon mary, le 5" de may 1591, ung diman-
che, heures de vespres, allant secourir la ville du Dorât pour le
service du roi Henri III, roi de France et de Navarre. Fut tué près
la forest de Renquon [Rançon] d'une embuscade des ennemis et
rebelles du roy par Terzane et Cezar le 5* may 1591 ».
Après le combat les survivants remportèrent à Thouron les corps
de ceux qui en étaient parti quelques heures auparavant. Jean de
Villelume fut ensuite transporté à Àmbazac, et enterré dans
régUse paroissiale. En 1789, on y voyait encore sa tombe placée
près des fonts baptismaux.
On a répété plusieurs fois que Jean de Villelume et Jeanne de
Boyol avaient construit au Bâtiment (commune de Ghamboret},
une chapelle catholique et un temple protestant. C'est une erreur.
Le premier auteur de cette assertion voulait seulement dire qu'ils
pratiquaient leur religion séparément et chacun selon sa croyance.
De plus, le livre de raison de Jeanne de Boyol prouve qu'ils n'ont
jamais habité le Bâtiment. Ayant fait observer cela à l'éditeur de
ce livre de raison, il a ensuite placé à Thouron les deux chapelles
en question. Mais Pierre de Boyol et son gendre qui « tenaient gar-
nison pour le roi à Thouron » n'y ont jamais construit aucune cha-
pelle.
Le Nobiliaire du Limousin, en suivant la généalogie publiée par
M. Ambroise Tardieu, s'est aussi trompé sur le nombre de leurs
enfants. Jean de Villelume, marié le 2 aviil 1588, n'a eu que trois
enfants : Pierre, né le 24 avril 1589 ; Marie, née le 16 juin 1590;
et Jeanne, née après la mort de son pèreu le 20 novembre 1591.
Hélène Faulcon, épousa N... du Breuil; ils furent les héritiers de
Foucaud Faulcon son père. Ce sont eux qui firent ériger au milieu
delà cour du château, en 1598, l'élégante fontaine que donne
notre dessin. Elle existe encore, et c'est le seul souvenir qui reste
de l'ancien château. Elle est formée d'une belle coupe en granit
très finement sculptée, que porte une colonne carrée ornée de mou-
lures ; le tout placé au milieu d'un bassin circulaire. Sur le devant
de la coupe se trouve un écus8on eoupé en deux, qui porte au bas la
HONOGRAPUIS DE LA COMMUNE DB THOUBON. -491
date 1598, et au haut des armoiries malheureusement détruites.
Cest pour établir un déversoir, qu'un ouvrier sans goût a pratiqué
un trou au milieu de cet écusson. On y distingue cependant encore
à dextre, le côté et les crénaux d'une tour, ce qui porte à croire
qu'il y avait les trois tours des armes de la famille Faulcon,à moins
qu'on veuille y voir celles de l'époux d'Hélène Faulcon.
Pour conduire l'eau à cette fontaine, le propriétaire fit creuser
et voûter dans toute sa longueur un fort bel acqueduc, qui existe
encore aujourd'hui ; il devait en môme temps servir de sortie secrète
pour l'ancien château. Il passe sous le château actuel, et s'étend à
200 mètres du côté du levant.
Nous avons vu précédemment ce qu'était devenu la terre d3
Thouron après la mort de Foucaud Faulcon. Dubreuil, posséda le
château jusqu'en 1620. A cette époque il fut encore mis en vente.
Pierre de Fontréaulx, écuyer, seigneur de Beaumont, lieutenant
criminel au siège royal du Dorât, s'en rendit adjudicataire. Des
difficultés s'élevèrent pour le paiement qu'il voulait faire au moyen
de créances, et il ne fut mis en possession qu'au mois de septem-
bre 1632, par le prince de Condé, accompagné des sieurs François-
Théodore de Nesmond, qui fut dans la suite président à mortier
du Parlement de Paris, et René Le Voyer d'Argenson, intendant
de justice, police et finances en Limousin, Haute et Basse- Marche,
lorsqu'ils passèrentau Dorât, en allant àLimoges. L'ancien seigneur
die Thouron, gentilhomme du Périgord, chassé de son manoir par
le prince, s'était retiré dans le Bas-Limousin, où il intéressa à sa
cause une grande partie de la noblesse. De là, il épiait l'occasion
de reprendre son château par la force. Pierre de Fontréaulx ne la
lui fit pas longtemps attendre.
Vers le carnaval de 1633, le lieutenant criminel eut la malheu-
reuse pensée d'aller à Thouron faire pécher quelques étangs, sans
tenir compte des avertissement^^ qui lui étaient donnés par ses
amis, auxquels il répondait qu'il était Pierre sans peur; et, pour
prouver son courage, il eut l'imprudence aussitôt arrivé, de faire
ôter quelques grilles de fer, et toutes les défenses du logis.
Du Breuil, averti de ce qui se passait, arrive, pendant la nuit,
avec force Périgourdins, et pénètre dans la maison avec cent ou
cent-vingt hommes armés. Il entre, le pistolet à la main, dans la
chambre ou reposait Fontréaulx en s'écriant avec colère : « Où est
celui qui se dit seigneur de Thouron ?» — « C'est moi », répond
courageusement Fontréaulx; mais du Breuil n'était plus maître de
lui-même le vise à bout portant et l'atteint au bras gauche en
criant : « Tu en mourras ! » Fontréaulx blessé saisis néanmoins un
pistolet et le vise en répliquant : « C'est toi qui en mourras! » Il
493 SOCl&TB ARCHÉOLOGIQUE BT HISTORIQUE DD LIMOUSIN.
arail dit trai, car du Breuil, frappé droit au cœur, tombait raide
mort. Les fils de du Breuil, à la vue du cadavre ensanglanté de
leur père, tirent des coups de fusil sur Fontréaulx, et le frappent
mortellement dans le ventre. Il languit quelques heures, étendu à
terre et priant Dieu; puis ils Tachevèrent.
Le cadavre du lieutenant-criminel, dépouillé de ses vêtements,
fut transporté sur la place devant le château, où il resta exposé à
toutes les injures jusqu'au moment où les habitants du Dorât vinrent
le chercher. Les dix ou douze soldats qui étaient avec Fontréaulx
furent dépouillés de leurs vêtements, blessés, volés et outragés de
toutes les manières.
Un si grand crime ne pouvait pas rester impuni ; la justice s'en
occupa immédiatement, mais il ne fut pas possible d'arrêter les
coupables ; ils furent cependant jugés et condamnés à mort par
contumace.
L'année suivante, la Cour des Grands-Jours se tint à Poitiers et
dura depuis le 1" septembre 1634 jusqu'à la fête des Rois 1633.
Par arrêt delà dite Cour tous les lieutenants-généraux, lieutenants-
criminels et les procureurs du roi de chaque bailliage et sénéchaus-
sée devaient comparaître en personne pour rendre raison de leurs
fonctions et charges. Pierre Robert, lieutenant-général de la séné-
chaussée du Dorât, apprit à la Cour des Grands-Jours que plusieurs
des assassins de Pierre Fontréaulx, qui n'avaient pas subi la peine
à laquelle ils avaient été condamnés par contumace s'étaient
retirés et fortifiés dans le château de Thouron. Par arrêt de la dite
Cour des Grands-Jours du 20 novembre 1634. Paul de Noslet, sei-
gneur de TEspault et du Mas-du-Bosl, sénéchal de la Basse-Marche,
fut commis avec de La Lande, vice-sénéchal d'Angers et prévôt des
dits Grands-Jours, pour arrêter les coupables. Ils arrivèrent à
Thouron avec une force armée suffisante, investirent rapidement le
château et s'emparèrent de tous ceux qui y étaient. Ils furent
emmenés prisonniers à Poitiers, où peu de jours après ils furent
pendus en exécution de la condamnation portée contre eux,
« La tour du château de Thouron, ajoute Pierre Robert, qui
nous a conservé tous ces détails, fut alors ruinée et démolie en
partie; c'était une place forte qui avait servi durant les guerres
de la ligue et les autres d'un nid de voleurs et tanière de bri-
gands ».
La famille Dupeyrat connue à Limoges dès 1108, et dont un des
membres, Etienne Dupeyrat est qualifié chevalier de Saint-Martial
avant 1114, va ensuite posséder Thouron pendant deux siècles, ses
armes sont : d'azur à la tour d'argent ouvrée^ maçonnée et épurée
MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE DE THOORON. 493
de sable. On trouve aussi la variante : d'azur, au château donjonné
de trois tours d'or, maçonnées de sable. C'est en sa faveur que la
terre de Thouron fut érigée en baronnie.
Voici la généalogie de la branche qui a possédé Thouron; elle est
presque entièrement prise dans les registres paroissiaux qui
remontent à 4658.
Jacques Dupeyrat, baron de Thouron, acquéreur la terre de
Thouron eut pour enfant : 1° Joseph qui suit; 2** Marie qui
épousa François Igonin, seigneur de Ribagnac, dont les armes sont :
d'azur à la montagne d'argent, à deux lions affrontés rampant sur
cette montagne, au chef d'argent chargé d'une croix ancrée d'or.
Joseph Dupeyrat, baron de Thouron, doyen des trésoriers de
France au bureau de Limoges, mourut à l'âge de quatre-vingt-dix-
sept ans le 20 juin 1731. Il avait épousé Marguerite Des Maisons,
dont les armes sont : d'argent à un chesne de sinople accosté de
deux maisons de gusules, surmonté de deux étoiles de sinople en chef.
Leurs enfants furent : 1*» Catherine, née le 18 et baptisée le 17 avril
1667, qui épousa Jean de Poncharraud, écuyer, seigneur du Fan,
de la ville de Bellac, fils d'autre Jean de Pontcharraud et de
Suzanne de Rofflgnac; 2*» Léonard, qui épousa, le 29 janvier 1726,
Marie de Pontcharraud, fille de Jean et de Suzanne de Rofflgnac,
veuve de Gaspard Chauvet, seigneur de Nantiat et de Fredaigues;
3*» Joseph, qui suit; 4^^ Jacques, né le 12 juillet 1685, tonsuré en
1705; 5« Thérèse qui se fit religieuse à Sainte-Claire, à Limoges,
en 1703.
Joseph Dupeyrat, baron de Thouron, né le 20 février 1684, épousa
Françoise Vidaud du Dognon, qui mourut en 1754 et dont les
armes sont : d'azur au lion léopardé d'or, au chef de France, sou-
tenu d'or. Leurs enfants furent : 1*» Louis, qui suit; 2* Jean-Joseph,
l(msuré en 1733, était sous-diacre le 2 juillet 1737 lorsqu'il fut
nommé à l'abbaye du Palais, près Bonrganeuf, il reçut ses bulles
le 31 décembre suivant, prit possession le 4 mars 1738, et mourut
en 1741 ; 3« Louise née le 6 et baptisée le 7 juillet 1710 ; 4° Le Père
de Thouron, carme déchaussé, vivant en 1751.
Louis Dupeyrat, baron de Thouron, né en 1720, mourut à vingl-
neuf ans en 1749. Il avait épousé, le 5 novembre 1741, Henriette-
Charlotte -Françoise de La Saigne de Saint-George, fille de Léonard
de La Saigne de Saint-George et de Marie -Anne de Bonneval. Ses
armes sont : écartelé aux /" et 4* de sable au lion grimpant d'ar-
gent armé et lampassé de gueules (qui est de La Saigne), au 2^ et 3'
d'argent à la croix de gueules (qui est de Saint-George). Leurs enfants
furent : l** Joseph, qui suit; 2^ Françoise, qui épousa Grégoire de
de Roulhac, chevalier, procureur du roi aux finances, à Limoges,
49 i SOCIÉTÉ ARCIlÉOLOGl^i(JË KT UISTORIQUE DU LIMODSIN.
dont les armes sont : d'azur à lafasce d'or accompagnée en chef d'un
croissant d'argent et en pointe de trois étoiles de même, 2 et 1-
3° Jean Baptiste-François, qui épousa Madeleine Salot; 4* Marie
qui épousa, en 1764, Jean-Cliarles Baudoulat de Puymège, écuyer,
sieur de La Salvanie de la ville de Tulle, qui porte pour arme^
d'argent, à la rose tigée de sinople hissant d'un croissant de gueules^
surmontés de trois étoiles d'azur en chef.
Joseph Dupeyrat, baron de Thouron, ancien officier de royal-
dragon, était à l'Assemblée générale de la noblesse de la Basso-
Marche, tenue au Dorai, capitale de la province, le 16 mars 1789,
il avait épousé, à Compreignac, le 10 mai 1768, Elisabeth de Cou-
teillas de La Ribière, fille de François de Gouteillas de La Ribière,
avocat au Parlement de Paris, et d'Anne Dérabier. Leurs enfants
furent: 1*» Jean-Baptiste-François, né le8mii 1771, et enterré dans
l'église de Thouron le 8 décembre 1772; 2' Grégoire qui suit;
3® Marie, née le l**" aoûtl77«^; 4° Françoise, née le 27 septembre 1776,
qui épousa Joseph Roulhac de Mazandrieux; 5° Anne-Françoise,
née le 20 décembre 1777, qui épousa Jean-Baptiste Dupuy-Lavaud ;
6° Marie Angélique, née le 25 mai 1779; 7« Marie-Elisabeth, née le
30 juillet 1780, a épousé, le 29 octobre 1806, Geoffroy des Flottes,
ancien capitaine de cavalerie, fils de Jean-Baptiste et d'Angélique-
Françoise Jarrit Delille. Les armes de celte famille nous sont
données par un sceau de Léonard des Flottes, bourgeois de Limo-
ges en 1680, portant un écu chargé de cinq arbres dont trois grands
et deux petits; 8° Marie-Grégoire, née le 11 juillet 1782, a épousé
Antoine Lanouaille; 9<» Marie-Antoine-Grégoire, né le o septembre
1783; 10° Gabrielle Grégoire Thérèse-Françoise, née le 2S février
1785; 11^ Françoise, née le 2 mai i786.
Grégoire Dupeyrat, baron de Thouron, né le 30 août 1772, a
possédé la terre de Thouron en vertu d'une donnalion qui lui en fut
faite par son père et sa mère par acte du 2 juin 1806. Il Ta ensuile
vendue à Pascal Eudel, directeur des douanes à Hambourg, par
acte du 26 juin i810.
Jacques Dupeyrat fut propriétaire de la terre de Thouron à
la suite des héritiers de Foucaud Faulcon. Nous avons tu
Pierre Fontréaulx en devenir adjudicataire par le décret dt»
1620, les difficultés qui suivirent ce décret, et sa mort. En 1637, il
plut au roi d'accorder à Jacques Dupeyrat le droit de prélation, qui
le subrogea au décret de 1620 à la place de Fontréaulx. Alors il
paya cette acquisition en argent, ce que n'avait pu faire ce dernier.
Puis il racheta les différentes parties qui avaient été vendues pré-
cédemment et reconstitua la terre de Thouron qui, en sa faveur,
fut érigée en baronnie.
HONOGRAPRIB DR LA COMMUNE DB THOORON. 495
Dès qu'il fut en possession de Thouron, Jacques Dupeyrat s'oc-
cupa de faire réparer le château qu'il allait habiter, en négligeant
toutefois le donjon ou tour principale, qui avait été démantelée
par ordre de la cour des Grands-Jours. Il avait aussi formé le projet
de construire l'église paroissiale en un autre endroit afin de déga-
ger son château sur ce côté. Les propositions qu'il fit dans ce but à
Tautorité diocésaine, ne purent aboutir, car celte dernière exigeait
qu'une croix fut élevée sur l'emplacement de l'église, et que les
paroissiens conservassent le droit d'y aller en procession, comme
aux autres croix de la paroisse.
En 4658, le château de Thouron fut le théâtre d'événements qui
causèrent une grande émotion dans tout le pays. En voici le récit
abrégé (1).
Anne-Marie de Maleden de Meilhac était pensionnaire au couvent
de Sainte-Glaire à Limoges, lorsqu'il y vint une demoiselle de la
ville, Marie Dupeyrat, qui disait vouloir s'y faire rehgieuse. Nous
allons voir que son but était tout autre.
Le 8 février 1658, jour de la Purification de la Sainte-Vierge,
pendant que les religieuses récitaient l'office, Anne-Marie de Male-
den fut attirée par sa nouvelle compagne dans le jardin et conduite
près du grand portail. La prétendue postulante ayant demandé avec
une apparente ingénuité si la traverse en bois qui fermait la porte
se pouvait enlever, Anne-Marie répond affirmativement, et, voulant
indiquer comment cela se pratiquait^ t^lle avance d'un pas. Mais, à
ce moment, elle se seni arrêtée par sa compagne : la porte s'ouvre,
et deux hommes, d'un bras vigoureux, la saisissent et la jettent en
un carosse à quatre chevaux qui s'éloigne avec rapidité. « On me
fermait la bouche avec les mains, dit-elle, afin d'étouffer mes
cris. Je disais : « Sainte-Vierge! » Je pleurais, je protestais! »
Une femme du peuple ayant vu le carosse et entendu les cris,
réveil fut donné. Demi-heure après, le carosse revenait à vide.
G'était une voiture à quatre chevaux, celle de Mathieu de Malden,
grand père de la victime : cette circonstance inexplicable ajoutait
une perplexité de plus aux perplexités de l'opinion.
Pierre Mouchel dit Champagne, cocher de Mathieu de Malden,
fut immédiatement appelé devant la justice. Joseph Descoutures,
conseiller au présidial, dirigeait l'instruction. Voici ce que révèle
la déposition de ce témoin : le matin avant jour, Pierre Mouchet
pansait ses chevaux près le cimetière des Arènes. Le valet de
chambre de Joseph Dupeyrat, baron de Thouron, l'est venu trouver
et hii a dit d'atteler. M. de Malden, a-t-il ajoute, avait prêté le
(1) Pierre Lafohest, Limogea au \\n^ êiècle^ 3« édit., p. 528,
496 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUB ET BISTOBIQUE DU LIMODSIN.
carosse à son maître pour faire visite à un gentilhomme logé près
Saint-Maurice. Avant d'atteler, le cocher est allé prendre les
ordres de son maître; puis, revenant, il a conduit en voiture le
jeune baron de Thouron et son laquais au lieu indiqué. Là le gentil-
homme, après avoir fait ranger les chevaui contre la muraille est
entré dans le logis Saint-Laurent. Il en est sorti au bout d'un
quart d'heure, et, montant en voiture, a eu soin de tirer les rideaux
sur lui. Tout à coup la porte du couvent s'est ouverte, une jeune
fille vêtue de jaune s'est précipitée dans le carosse : le cocher à
reconnu celle-là; c'était Marie Dupeyrat de Thouron. Au même
moment, une autre jeune demoiselle à lui inconnue, vêtue de gris,
a été jetée dans la voilure par deux cavaliers, dontl'iin portant des
plumets à son chapeau. Celle-ci poussait des cris et disait : « Marie,
ne me quittez pas? » Ces deux jeunes filles étant ainsi dans le
carosse, le cocher, sur l'ordre du jeune baron poussa ces chevaux
du côté du Crucifix d'Aigueperse jusqu'à la maison de la Graule,
et là seulement il s'aperçoit que le carosse est escorté d'une
troupe de vingt-cinq ou trente jeunes hommes armés et à cheval.
Là aussi, dit le témoin, on a fait descendre la demoiselle inconnue,
on l'a assise à cheval, et, sans avoir égard à ses cris, les gentils-
hommes ont pris tous ensemble la route de la Maison-Rouge.
Déjà, en toute h&te, sur la réquisition de la famille de Malden,
le vice-sénéchal rassemblait ses troupes. M. de Champigny, inten-
dant de la généralité, donnait des ordres de son côté, et autorisait
la famille à faire sonner le tocsin dans les paroisses voisines du
château sur lequel la jeune fille était dirigée.
Anne-Marie de Meilhac arriva au château de Thouron brisée de
lassitude. « Le cheval, dit-elle, allait très vite ; je souffrais beau-
coup d'une douleur de côté. Il m'était insupportable de me voir
ainsi entre plusieurs hommes. Quand nous fûmes arrivés, on me
descendit de cheval ; je ne pouvais me soutenir. On m'aida à mar-
cher, et je fus conduite à un appartement où je trouvai du feu;
l'on m'y servit des friandises. Il est facile de juger de Tétonnement
que j'éprouvai en me voyant ainsi séparée de tous les miens. On fit
venir une femme, mais au bout d'un moment elle disparut. Tons
ces messieurs se retirèrent aussi; il ne resta dans l'appartement
qu'un prêtre et le jeune homme qui prétendait obtenir ma
main (1). »
Instruit des préparatifs qui se faisaient à Limoges, le baron de
Thouron pensait que le seul moyen de conjurer l'orage serait de
(<) Vie d' Anne-Marie de Meilhac, Mère du Calvaire^ écrite par elle-
même.
MONOGRArnrE DB la COMMUIfR DE TBOURON. 497
hâter la bénédiction nupliale. Alors le prêtre, couvert d'une élole
et un livre à la main, s'adressant à Anne-Marie de Meilhac qui
était assise, lui demanda, en désignant son neveu, si elle acceptait
ce jeune homme pour son époux : « Non, Monsieur, répondit avec
fermeté la jeune fille; j'ai résolu d'être religieuse 1 » — « C'esl moi
qui prononce, reprit vivement le jeune homme, et je dis oui pour
tous deux. » Et le prêtre couvrit ce mariage illusoire d'une béné-
diction sacrilège.
Anne-Marie de Meilhac n'avait pas tout à fait quatorze ans ; elle
n'était donc pas en âge d'être mariée. Elle devait être un jour fort
riche; c'est à sa fortune que le jeune homme en voulait. Une am-
bition que rien ne justifiait, car le ravisseur possédait des biens
considérables, était Tunique mobile de cette entreprise insensée.
L'attentat avait eu lieu vers sept heures du malin. A une heure
après-midi, commencèrent à paraître en vue du château les trou-
pes envoyées de Limoges. Il y avait deux cents hommes ; le vice-
sénéchal qui les commandait somma le château de se rendre ; mais
les assiégés s'étaient barricadés; du haut des tourelles et de l'em-
brasure des fenêtres, ils menaçaient de faire feu sur la troupe.
Voulant à tout prix prévenir l'effusion du sang, le vice-sénéchal fit
reculer ses troupes et demanda à Limoges du renfort. Le lendemain
dimanche, sur le soir, six cents hommes cernaient la place. Ces
mouvements de troupes coûtèrent aux de Malden trois mille livres.
Le lundi matin 4 février, toute résistance étant impossible, le ba-
ron de Thouron demandait à capituler. Lui et son oncle, en ren-
dant la mineure enlevée, s'engagèrent par écrit à se constituer
prisonniers si la jeune fille se plaignait d'aucunes violences.
Le même jour, pendant que ceci se passait au château de Thou*
ron, Simon Descoutures, avocat du roi, lançait à Limoges un man-
dat d'arrêt contre le gentilhomme et ses complices.
La cour présidiale de Limoges, dont la plupart des membres
appartenaient à l'une ou à l'autre des familles intéressées, ayant
dû se déclarer incompétente, les parties furent envoyées devant le
tribunal de Brive pour y être jugées prévôtalement. Les prévenus
n'avaient évidemment aucun moyen de détruire l'accusation. Dé-
clarés coupables de rapt d'une mineure, crime prévu par l'article 42
de l'ordonnance de Blois, Joseph Dupeyrat, baron de Thouron,
son valet de chambre et Pierre Dupeyrat, chanoine théologal de
Saint-Martial, furent condamnés à la peine de mort par sentence
du 19 juillet 1658. Les prévenus étant contumaces, la sentence fut
exécutée en effigie le 23 du môme mois. Marie Dupeyrat de Thou-
ron, déclarée coupable du même crime, fut condamnée à avoir les
cheveux rasés et à être enfermée en un couvent le reste de sa vie.
498 âOCI^Ê ARCBéOLOGIQCE ET 0I8T0RIQUB DU LIMOUSIN.
Le baron de Thouron et ses complices furent en outre condamni^s
à cinquante mille livres pour la réparation civile, cinq mille livres
d'amende envers la personne offensée et aussi aux dépens, qui
étaient considérables.
Pendant près de cinq ans, tous les biens du baron de Thouron
restèrent saisis. Enfin la famille, qui était des plus honorables de
Limoges, pour mettre un terme à cet état de choses, eut recours à
M^' de La Fayette, évoque de Limoges, qui fut accepté par les deux
partis comme juge arbitre.
Il rendit un jugement arbitral le 10 juillet 1663, aux termes du-
quel la famille de Malden se désisterait de tous ses droits moyen-
nant la somme de 23,000 livres. L'évoque obtint aussi du roi grâce
pour la peine de mort portée contre le baron de Thouron ; lequel
fut renvoyé avec les autres coupables au siège de Bellac pour y
purger la contumace.
La sentence fut révisée. Le 31 janvier 1664 il « a été déclare
atteint et convaincu d'avoir inconsidérément, et par une action de
jeunesse, tiré la dite demoiselle Anne-Marie de Malden du dit
monastère de Sainte-Claire, à l'insu et sans le consentement de la
supérieure et de ses parents et icelle amenée et retenue en sa
maison de Thouron... et pour réparation du fait ordonné que les
accords et contrat (sentence de révoque de Limoges) tiendront et
seront exécutés pour réparation civile.... et en outre le dit Joseph
Dupeyrat, condamné à i ,000 livres envers les religieuses de Sainte-
Claire, 80 d'amende envers le roi et 80 d'amende aux pauvres de
l'Hôtel-Dieu de Bellac, et aux dépens. »
Ainsi fut terminée cette affaire, qui avait si justement ému les
habitants de Limoges et de Thouron. Les sommes versées par le
coupable servirent à M. Malden de Savignac, tuteur de M"*' de
Meilhac, pour les grandes et charitables fondations qu'il fit à Li-
moges et sa nièce devint la Révérende Mère Marie du Calvaire, fon-
datrice du petit couvent de Sainte-Claire.
Joseph Dupeyrat et autre Joseph, fils et petit-fils de Jacques,
l'acquéreur de Thouron^ eurent un procès en 1718, qui vint en
appel en 1728, à propos d'une rente de seigle que leur réclamait
le sieur de Gensignac, qui avait succédé à Fontréaulx comme pro-
priétaire de Château-Moulin. C'est dans un mémoire publié à l'oc-
casion de ce procès que j'ai trouvé le récit des péripéties par les-
quelles passa la terre de Thouron, depuis Foucaud Faucon, jusqu'à
la date de ce procès.
A la fin du siècle dernier, Joseph Dupeyrat entreprit de rebâtir
le château de Thouron. Les travaux, relativement considérables,
HONOGRA^niB t)E LA COMlUlNt; Dft TfiOURON. 499
furent exécutés assez rupicleuicnl sous la direction de Tarchitecte
Bi'ousseaud. Mais lorsque la Révolution éclata, on terminait seule-
ment le gros œuvre, tout l'intérieur était à faire. ïl resta dans cet
état jusqu'au rétablissement de l'ordre.
En i806, Joseph Dupeyrat donna Thouron à son fils aîné Gré-
goire. Ce dernier ne fit exécuter au château que fort peu de tra-
vaux et le vendit, en 1810, à M. Pascal Eudel, ancien directeur des
douanes, à Hambourg.
Le nouveau possesseur fit achever le château et le mit dans l'état
où nous le voyons aujourd'hui; il fit tracer le parc et retendit jus-
qu'au sommet du coteau, d'où l'on jouit d'une belle vue sur les
montagnes de Gompreignac. Après avoir habité ce lieu près de
vingt ans, il se retira à Limoges, et la terre de Thouron fut encore
vendue une autre fois.
G'est en 1830 que la famille du Breuil-Hélion de La Guéronnière
lit cette acquisition. Cette famille, dont les armes sont : d'argent au
lion de sable armé, lampassé et couronné d'or, était fixée en Poitou
au moins dès le xv® siècle. Elle vint en Basse Marciie dès 1750,
par le mariage d'Antoine-Amable du Breuil-Hélion de La Guéron-
nière avec Marie-Sylvine Robert de Villemartin, dont les armes
sont : d'azur, au cygne éployé d'argent becqué et membre de gueules.
Leur fils aîné fut François-Emmanuel-Bernard, qui épousa en
1781 Julie-Elisabeth Irland de Bazoges, dont les armes sont : d'ar-
gent à une fasce de gueules surmontée de trois étoiles d'azur.
Le fils puîné de ces derniers a formé la branche de Thouron,
dont voici la généalogie :
Charles-Antoine du Breuil-Hélion de La Guéronnière, fils de
François-EmmanuelBernard, né en 1783, épousa en 1809 Margue-
rite-Hélène de Tessière de Boisberlrand, dont les armes sont :
losange d'argent et de gueules. Leurs enfants furent : l» Pierre-
Marie-Alfred, qui suit; 2^ Louis-Etienne Arthur, né au Dorât en
1817. a épousé en 183S Marie-Kulalie-Caroline de David Lastour des
Etangs, dont les armes sont : d'or à trois coquilles de saint Jacques
d6*tnop/e;3'»Marie-Sylvie-Hérminie, née en 1821, mariée en 1842
au baron Raphaëlis de Broves; 4° Charles- Antoine, né au Dorât en
1827, marié en 1851 à Iseult de Carion de Nisas.
Pierre-Maric-Alfred du Breuil-Hélion de La Guéronnière, né
au Dorât en 1811, a épousé en 1833 Marie-Aimée, dite Syl-
vie-Anne de Brettes, dont les armes sont : d'argent à trois
vaches bretonnes de gueules l'une sur l'autre. Leurs enfants
sont : 1° Charles-Pierre-René, né à Limoges en 1834, a épousé
en 1882 Théophile-Catherine-Mathilde de Saint-George, dont
les armes sont : d'argent à la croix de gueules; 2° Pierre-
fSOO SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET BISTOKIOUK DU LIMOUSIN.
Gédéon qui suit; 3* Rose-Marie-Louise-Sara, née en 1837, mariée
en 1860 à son cousin Louis-Alexandre-Ludovic du Breuil-Hélion de
La Guéronnière ; 4* Marguerite-Hélène, née en 1840, a épousé en
1860 son oncle breton Henri de Brettes; 5<» Marie-Elisabelh-Angèle,
née en 1843, a épousé en 1861 Georges d'Alexéïeff, maréchal de la
noblesse et maître de la cour de S. M. l'empereur de Russie, dont
les armes sont : d'or au monument en forme de colonne surmonté
d'une étoile d'azur, au chef parti : au /", de gueules à une abeille
au naturel, au 2*, d'azur au livre ouvert d'argent; 6* Marie-Louise-
Gérosime-Marlhe, née en 1845, mariée en 1865 à Pierre-Henri-
Victor Rognes de Fursac, dont les armes sont : de gueules à la
croix ancrée d'argent chargée de cinq billettes d'azur.
Pierre-Gédéon du Breuil-Hélion de La Guéronnière, né à Thou-
ron en 1841, a épousé en 1862 Ida Mummy. Leurs enfants sont :
1" Hélène, qui a épousé en 1884, Georges-Gustave-Edoaard Adet;
^ Alfred ; 3» Gaston ; 4« Robert ; 5* Louis; 6«» Adèle ; !• Madeleine ;
8* Henri.
in. — LE BOURG.
Le bourg de Thouron n'a jamais été fort important. Avec Téglise
et le château, on y trouvait cependant une autre habitation assez
considérable qui a conservé le nom de château des Vaucourbeil. Le
presbytère et cinq ou six autres maisons était tout ce qu'il compre-
nait. Aujourd'hui on y compte en tout dix-huit mai^ns, dix-neuf
ménages et quatre-vingt trois habitants. Je ne crois pas qu'il en
ail eu jamais davantage.
Le château des Vaucourbeil est formé d'un corps de logis flanqué
d'une tour carrée renfermant l'escalier en hélice. D'autres bâti-
ments, en forme de cloître, entouraient une cour carrée. II semble
avoir été bâti au xvi« par la famille dont il porte le nom. Cette fa-
mille a pour armes : écartelé au /•' et 4* d'azur à la tour d'argent,
sur laquelle est posé un oiseau ; au 2* et 3^ d'or au lion de gueules.
Deux prêtres du nom de Vaucourbeil ont été curés de Thouron
antérieurement à 1600. Jean de Vaucourbeil était syndic de la pa-
roisse en 1602, comme nous l'apprend l'inscription de la cloche.
Puis les registres paroissiaux nous donnent quelques détails généa-
logiques sur les habitants de ce château :
Jean de Vaucourbeil, seigneur de l'Age, notaire, habitant le
bourg de Thouron, avait épousé Jacquette Duclou, dont : V Mar-
guerite, qui épousa le 6 février 1661 Louis Goumot, fils de Pierre
Goumot, sieur du Mas-de-Faye, juge lieutenant-sénéchal de Saint
MONOGRAPHIE DR LA COMMUNE t)E mOURON. l)Qi
Âmand-Jarloudeix; ^ Gabriel, qui épousa en 1663 Louise de la
Biolhie, (ille d'Etienne et de Léonarde du Gondeau.
Jacques de V'aucourbeil, avocat, habitant le bourg de Thouron
en 1661, épousa Louise Charron, et alla ensuite se fixer au lieu
noble de Juniat, paroisse de Chamborel, en 1669. Leurs enfants
furent : 1° Marie, née le- 15 juillet 1667, qui eut pour parrain
Sylvain de Vaucourbeil, notaire; 2° Jicquetle, née le 4 septembre
1668; 3Mean, baptisé à Chamborel le 26 juillet 1671.
Pierre de Vaucourbeil, sieur de l'Age, habitant le bour;? île Thou-
ron, était procureur d'office de la justice et châtellenie d<î Thouron
fin 1669, puis conseiller du roi et lieutenant de la maréchaussée de
Bellacen 1677. 11 mourut le 30 avril 1691. Il avait épousé Marie
Guilhem ou Guilhemet, dont : 1** Jacques, qui suit ; 2« Anioine, né
le 14 juin 1669; 3*» Françoise, née le 17 avril 1671, qui épousa à
Thouron, le 2 juin 16S7, Jean Masdot, conseiller du roi au siège
présidlal de Limoges, fils de Uartial Masdot, bourgeois de la ville
de Limoges, et de N... de Jayac; 4' Pierre; 5** Suzanni^ née le
14 mars 1674; 6<> Jean, né le 14 novembre 1675; 7* Marie, née le
16 septembre 1677.
Jacques de Vaucourbeil, écuyer, seigneur du Puybariîau, pa-
roisse de Saint-Jouvent, licencié ès-lois, puis conseiller du roi et
lieutenant de robe courte en la maréchaussée de la Basse-Marche
à Bellac, épousa : 1* Jeanne Roulhac; 2" Françoise Sandemoy. Du
second mariage il eut Marie de Vaucourbeil, qui épousa, le 7 jan-
vier 1720, Mathieu Blondeau, seigneur de Compreignac.
Une autre famille qui a habité le bourg de Thouron et y avait
«{uelque importance est la famille Masdot, dont les armes sont :
d'azur à la fasce d'or chargée d'une flèche de sable dans le même
sens^ accompagnée en chef d'un croissant d'argent et en pointe d'un
lion naissant d'or.
Hélie Masdot, habitant le bourg de Thouron, vendit dans le mi-
lieu du xvu* siècle, à M. Dupeyrat, seigneur de Thouron, le grenier
â blé de ce bourg.
Catherine Masdot était marraine de la cloche fonduo en 1602.
Martial Masdot, bourgeois de la ville de Limoges, mort
avant 1687, avait épousé N... Jayac, dont : I* Jean, qui suit;
2^ Hélie Masdot, notaire au bourg de Thouron, qui fut enterré dans
l'église paroissiale en 1702. A son enterrement assistaient Jean
Masdot, son frère, et Jean Masdot, son cousin.
Jean Masdot, conseiller du roi au siège présidial de Limoges,
épousa à Thouron Françoise de Vaucourbeil, fille de Pierre de
Vaucourbeil, conseiller du roi, lieutenant de robe courte.
T. XL. 3S
SOS SOCIÉTÉ ARCtaKOLOGIQUE ET HISTORIQim Dt) LIMÔUSIK.
Jean Masdot, bourgeois, épousa Jeanne Gercleix, dont : 1^ Fran-
çoise, qui épousa à Thouron, le 26 novembre i72f5, François Du-
faure, sieur de Belisle, fils d'autre François et de Marie Coustiu:
2° Marie, née le 18 septembre 1707.
On trouve aussi à Thouron : Antoine Masdot, écolier, 1693:
Jules Masdot, notaire, 1677; Jean Masdot, praticien, 1692.
Cette famille, dont on signale encore les tombeaux dans le cime-
tière de Thouron en 1785, semble s'être fixée à Guéret, où nous
trouvons en 1767 Louis-Antoine de Madot, écuyer, sieur du Soulier,
épousant Marguerite Prunier.
Dans la paroisse de Thouron, outre les fabriciens qui s'occupaient
de réglise, il y avait aussi des syndics pour les affaires qui regar-
daient toute la paroisse. Plusieurs nous sont connus. Ainsi, lors-
que le 1" juillet 1572 Lazare Amadou, conseiller au Grand-Conseil
érigea le siège secondaire à Bellac, les syndics des paroisses dé-
pendant de ce siège furent convoqués pour Tinstallation. Le procès-
verbal indique parmi ceux qui étaient présents « Messire Foucault
Faulcon, chevalier du roi, seigneur chaslellain en la chaslellenie de
Thouron; Simon Gerbaud,de Richefort, et Jean d'Adam, au Villat,
syndics de la paroisse de Thouron. » L'inscription de la cloche
nous fait aussi connaître Jehan de Vaucourbeil et Jehan Baritau,
qui étaient syndics en 1630.
Jusqu'à la Révolution, la paroisse de Thouron continua à traiter
toutes les affaires qui Tinléressaienl dans des assemblées de pa-
roisse; on en trouve la preuve dans la note suivante, extraite des
registres paroissiaux : « Le 6 juillet 1783, après la messe de pa-
roisse, il fut convenu par Assemblée de paroisse, convoquée le
dimanche d'auparavant, que la paroisse souscrirait ce que de rai-
son pour faire construire dans l'église une tribune, un banc pour
les officiers de l'église et la boiserie nécessaire aux fonts baptis-
maux. »
La justice fut toujours exercée par les seigneurs de Thouron sur
toute retendue de leurs terres et cette châtellenie dépendait du
siège royal de Bellac. Le mémoire de M. de Bornage, rédigé en
1698, nous dit en effet que du siège de Bellac dépendaient six jus-
tices seigneuriales : Darnac, Le Deffens, Touron, Chabannes, Bon-
nac et Nantiat.
Un état des paroisses de la généralité de Limoges dressé en
1687 nous apprend que Thouron avait alors quatre-vingt-huit feux
et que M. le baron de Thouron, trésorier de France à Limoges, en
était seigneur. « C'est un lieu situé sur des collines, entouré de
grands bois et de montagnes; il s'y recueille du blé, deè chastaigne^,
il y a des prés et s'y nourrit des bestiaux. »
Monographie de la commone de tëouron. 8Ô.1
Une statistique de la même époque constate que cette pa-
roisse :
En 1680 payait 727 U. d'imposition et possédait 1 1 bœufs et 44 vaches.
f
En 1681
78411.
En 1682
-- 76711.
En 1683
— 84611.
En 1684
- 80411.
En 1685
— 78011.
En 1686
— 76011.
9 -
.. 47
9 -
- 47
9 -
- 45
10 -
- 63
10 -
- 12
11 -
- 40
Thouron eut aussi ses jours de deuil. Vers la fin de sep-
tembre 1630, un voyageur de nom et d'origine inconnus,
descendu à l'hôtel des Trois-Anges, à Limoges, y mourut de la
peste qui, cette année-là, ravageait l'Europe entière. Telle fut
rorigine de la contagion qui dépeupla cette ville et les environs.
S'il faut en croire les Annales, elle emporta, « tant dans la ville
que dans la Cité, aux faubourgs et la banlieue, 20,000 personnes. »
On pratiqua de grandes fosses au cimetière de Saint-Cessateur, où
furent jetés en hâte et sans les égards accoutumés, les corps bien
souvent privés de cercueil, car les ouvriers, comme les fossoyeurs,
ne suffisaient pas au funèbre travail. Dès le ^S octobre, la paroisse
de Compreignac était atteinte; il dût en être de même de celle
de Thouron. Pierre Mesnagier, réfugié dans sa métairie de Beaune,
a écrit que dans certains villages « il n'est demeuré vivants ni
hommes, ni femmes, ni petits enfants ». Enfin, dans toutes les
paroisses on fit des vœux, des processions en l'honneur de saint
Roch, et le fléau cessa le jour de la fête de ce saint. C'est dans ces
circonstances que les paroissiens de Thouron bâtirent la chapelle
de Saint-Roch au milieu du cimetière. Cette chapelle, dont j'ai déjà
parlé, a été toujours fréquentée, comme heu de dévotion, tant que
le cimetière a existé! Nous verrons plus loin, en 1787, que les ha-
bitants de Thouron eurent encore recours à saint Roch pendant
une nouvelle épidémie.
En 1785, la paroisse fut fort éprouvée. Le curé, dans les notes
qu'il a laissées sur les registres, nous dit : « Cette année, après
six mois de froid et de neiges extraordinaires, il a fait des
chaleurs et des sécheresses si excessives, que toutes les semences
vertes ont séché sur pied. Le foin s'est vendu pris au pré sept
livres dix sols le quintal. Les chanvres ont péri entièrement.
Il n'y a eu que beaucoup de raisins, assez de blé dans le bon
pays et quelques châtaignes. La plupart des particuliers ont
été obligés d'abandonner leurs bestiaux. Les foires n'ont rien valu
et la viande était pourtant très chère. Après l'Ostension de toutes
504 SOClÉTé AllCBÉOLOGlQUR ET HISTORIQUE DU LlMOUSIlf.
les reliques, par mandement de MM. les vicaires généraux, loule>
les églises de Limoges et de la campagne ont exposé le Tri'?-
Sainl-Sacrement, fait des processions générales pour obtenir de la
pluie, et le ciel s*est refusé à nos vœux. Les sources ont presque
tari entièrement et il n'y a eu que très peu de fourrages. »
Pendant cetle disette de fourrages, il était à craindre que des
accapareurs vinssent encore augmenter le mal dont souffraieut
les campagnes; aussi prit-on des mesures pour Tempécher. Le
curé de Thouron note que le 15 août 1786 « il a publie, à l'issue
de la messe paroissiale, un arrêt du Parlement de Paris, par
lequel la Cour fait défense à qui que ce soit de faire aucuns
achapts en foin, paille et autres fourrages au-delà de la quanlilè
nécessaire à chacun, sous peine de 100 livres d'amende ei
ordonne que tous ceux qui auront du fourrage à vendre le fas-
sent taxer par les juges des lieux. Cet arrêt est du 19 juillrî
1785. »
En 1787, le pays eut a souffrir de maladies épidémiques. « Celle
année il est passé certains brouillards qui ont occasionné des
maladies épidémiques. Les gens meurent après trois ou quatre
jour» de maladie; ils sont atlaqués par une douleur vive, sous le
sein gauche; l'humeur se porte aussitôt à la poitrine et ils meu-
rent en pleiue connaissance.
« Le 13 lévrier susdite année, j'ai commencé en Thonneur de
saint Roch une neuvaine pour les malades de Thouron, qui sont
en grand nombre. Les paroissiens s'y rendaient avec affluence.
Il paraît que ce concours plaît au ciel ; les malades donnent espé-
rance de soulagement. »
Le môme nous fait encore conn«iître les dégâts que fit un oura-
gan : « Le 11 novembre 1787, qui éloit un dimanche, il lit un
ouragan et un vent si impétueux qu'il enleva plusieurs couvertures
de maison, arracha une infinité d'arbres et de plantes. »
L'année 1788 fut une des plus froides et des plus cruelles qu'on
ait vues de longtemps. Le setier de seigle, mesure de Limoges, va-
lut 10 livres, et il n'y en eut pas pour tous ceux qui en voulaient.
La gelée pénétra dans la terre de quatorze pouces.
Le 4 mars 1789 eut lieu à Thouron l'assemblée du Tiers-Etal.
M. Martin, juge de Thouron, fut président de cette assemblée;
il eut pour greffier M. Ruaud dit Lafontanelle. Les députés choisis
pour porter les cahiers furent Jean Defianas l'aîné et Jean Ruaud,
laboureur, du village de Commerat.
Par suite du décret du 15 janvier 1790, sur la division du terri-
toire français en quatre-vingt-trois départements, Compreignac fut
un chef-lieu de canton dans le district de Bellac; il comprit les
MONOGRAPHIE DF. LA COMMUNE DE THOUnON. 50S
communes de Compreignac, La Garde-Saint-GéraUl, Sainl-Sympho-
rien, Saint-Sylvestre et Thouron. Plus tard, celte division lerrilo-
riale fut remaniée. On réunit les cantons de Cieux et de Comprei-
gnac, et le chef-lieu de ce nouveau canton, dont fait parlie la
commune de Thouron fut fixé à Nantiat.
Lorsque, au moyen d une commission dite des réguliers, on eut
délruit l'ordre de Grandmont, les révolutionnaires n'ayant pas
encore commencé à s'emparer du bien de leurs victimes, l'évéque
de Limoges, en 1772, obtint une bulle par laquelle les biens de
Grandmont situés dans son diocèse furent unis à la manse épisco-
pale. L'évéché de Limoges, mis en possession de l'abbaye elle-même,
fit distribuer à toutes les paroisses du diocèse l'incomparable
Irésor qu'elle possédait. Thouron reçut alors nne des sept grandes
chasses toutes resplendissantes des feux des pierreries et de l'éclat
des émaux, qui décoraient précédemment l'autel majeur de la
basilique. Elle fut transportée solennellement dans cette paroisse
le H septembre 1790, comme en fait foi le procès-verbal publié
aux documents. Mais peu de temps après elle dut avoir le même
sort que les autres châsse? données à Razès et à Saint-Sylvestre.
Les registres de ces paroisses nous apprennent qu'elles furent
livrées sur la réquisition de l'agent national cherchant du cuivre
pour faire une chaudière.
La période révolutionnaire n'a laissé dans cette commune aucun
souvenir particulier qui ne soit déjà signalé.
La statistique de 1808 nous dit que la commune de Thouron
avait alors 89 feux et 16 hameaux; sa population était de 477 ha-
bitants, comprenant 135 garçons, 125 filles, 81 hommes mari»is,
HO femmes mariées ; 15 veufs, 24 veuves et 17 militaires.
Le nouveau presbytère a été bâti vers 1858, et les écoles et la
mairie en 1890.
IV. — LES VILLAGES.
i
(
CnATEAr-MoiiuN : 1 maison, 1 ménage, 10 habitants. Le moulin
l l'étang formaient un fief de la terre de Thouron qui fut vendu
en 1574, par Foucault Faulcon, seigneur de Thouron la somme
le 4,000 livres, au sieur François Fontréaulx. En 1715 le sieur de
Gensignac le possédait à titre d'héritage. L'étang qui existe tou-
jours couvre une superficie de 15 hectares 19 ares.
Chez-Frapet : 1 maison, 1 ménage, 10 habitants.
Le Cliseau : 3 maisons, 3 ménages, 9 habitants.
L.V Combe : 13 maisons, 13 ménages, 58 habitants.
506 SOCIÊTR ARCHEOLOGIQUE LT HISTORIQUE DU UIIOUSIN.
CoMBECHoux : 1 maison, 1 ménage, 2 habitants.
CoMMÉRAT alias FouLANGEAS. Voir ce dernier nom.
Croix-Forge : 1 maison, i ménage, 9 habitants. Ce village n esi
pas indiqué sur la carte de TEtat-Major.
FoL'LANGEAS : 1 malsou, 4 ménage, 2 habitants.
GouRGEAU-DE-Loi'P : 2 maisous, 2 ménages, 9 habitants. Cc^illape
est placé sur le Vincou, c^^ans un endroit fort pittoresque.
La Maueleiise : 1 maison, 1 ménage, 7 habitants. Ce lieu situé
vers Textrémité méridionale de la forôl de Thouron, a fait partie de
la terre de Thouron depuis les temps les plus reculés, et en a suivi
toutes les péripéties. Avant 1475 il était posséda par Jehan Faulcon.
En 1663, Pierre Dupeyrat était seigneur de La Madeleine, il épousa
Isabéau Duléry, dont : ioJean Dupeyrat, baptisé le 27 juin 1696;
2** Antoine Dupeyrat enterré dans l'église de Thouron, devant
l'autel de Sainte-Madeleine le 14 mai 1699. Le domaine de La
Madeleine et la petite forêt du môme nom, ont été acquis par
M. Athanase Moreny, par contrat du 21 mai 1891.
Une chapelle rurale, dédiée à sainte Madeleine existait en ce
lieu. Jehan Faulcon en parle dans son testament de H75. Elle a été
interdite en 1741, et est tombée en ruine peu après.
Le Mas : 4 maisons, 4 ménages, 25 habitants. Ce lieu est placé
dans une agréable situation, sur une hauteur en face du château
de Thouron. Il faisait partie de la terre de Thouron, comme on le
voit dans le testament de 1475 reproduit aux documents.
Lorsque la famille Dupeyrat fit l'acquisition de Thouron, une di-
ses branches s'établit au Mas; elle le possède toujours; en voici la
généalogie d'après les registres paroisiaux :
Pierre Dupeyrat, épousa, le 25 septembre 1720, Thérèse de
Marsanges, (iile de Paul de Marsanges de Vaulry et d'Anne
de Bretles. La famille de Marsanges porte : d'argent à trois
merlettes de sable, 2 et i . D(i ce mariage naquirent : 1« Pierre
Dupeyrat, ccuyer, sieur du Mas, qui épousa, par contrat du 2 juil-
let 1749, Marguerite Noualhier, fille d'Antoine Noualiiier des Bailles
et de Marguerite de Bigorie. Elle était veuve en 1751 et habitait
Limoges. Ses armes sont : de gueules au chevron de chargé
d'un poisson accompagné de 3 coquilles 2 et I ;^ Jean-François
qui suit.
Jean-François Dupeyrat, chevalier, seiji^neur du Mas, capitaine
au régiment de Sainl-Chamon, mourut le 8 septembre 1767 à l'âge
de quarante-trois ans. Il avait épousé Madeleine Laurens d'Arfeuile
dont les armes sont : d'argent au chevron de gueules accompagne
MONOG&APBIE DE LA COMMUNE DE THOURON. 507
en chef de deux étoiles d'azur et en pointe d'un croissait t du même.
Leurs enfants furent : 1» François, né le 28 mai 1753 ; 2** Joseph-
François, qui suit; 3" Françoise-Madeleine, née le 21 juillet 1786;
*• autre Joseph-François, né le 26 octobre 1788; 5** Jean, né le
!•' septembre 1760; 6" Henriette-Marie, née le 29 août 1761, morte
le 19 février 1762; 7° Joseph, né le 14 novembre 1762, sieur de
Royèras, était commandant de la milice de la paroisse en 1790.
François-Joseph Dupcyrat, chcvaHor, seigneur du Mas, né le
7 décembre 1784, épousa Léonarde Barny de Romanet, dont :
1» Madeleine-Thérèse, née le 6 août et morte le 8 septembre 1782;
^ Marie-Madeleine-Constance-Léonarde, née le 28 novembre 1783,
morte à Tâge de quinze ans; 3° François-Joseph-Hélie-Malhieu, né
le21 décembre 1784; 4** François-Joseph-Léonard, qui suit;8® Pierre-
Prosper, né le 31 octobre 1788, mort capitaine de génie au régi-
ment de Ralisbonne ; 6** Joseph-Magloire, né le 8 juillet 1790.
François-Joseph-Léonard Dupeyrat, né le 6 juillet 1786, mort le
9 août 1868, avait épousé, par contrat du 17 octobre 1820, Marie-
Joséphine Chandeon de La Valette, fille de Georges-Edme-Baltazard
Chandeon de La Valette et de Claire-Emmanuelle-Caroline Corvi-
zirt de Montmarin, morte le 8 octobre 1837. Ses armes sont : d'azur
nu chevron accompagné en chef de deux étoiles, et en pointe d'une
gerbe d'or. Leurs enfants furent : 1* Edmond-Raoul-Georgcs,
qui suit; 2° Louis-Constantin-Emeric; 3° Marie-Thérèse-Georginc.
Edmond-Raoul-Georges Dupeyrat, mort en 1869 avait épousé sa
cousine-germaine, Adélaïde Dupeyrat, fille de Joseph-Magloire,
dont : 1° Henriette, morte le 19 janvier 1860; 2^ Marthe Joséphine,
née le 13 juin 1864, a épousé, le 9 août 1884, Armand Foriasky ;
3"* Louis Emeric, né le 27 octobre 1866, qui a épousé, le 14 juin
1892, Lucile Juge de Saint Martin. Celte dernière famille porte :
d'azur à une main mouvante du flanc senestre, tenant une épée en
pal, qui supporte le fléau d'une balance à deux bassins d'argent.
Dans les dépendances du village du Mas on trouve un très beau
châtaignier dont le tronc a sept mètres de circonférence.
Maison-Neuve : 1 maison, 1 ménage, 10 habitants. Un souterrain-
refuge de Tépoque gauloise a été découvert en 1890 près de ce
village. Il est dans une terre labourée, à 30 mètres de la route.
L*ébouleraent, à la suite duquel j'ai pu y pénétrer, s'est produit à
un de ses carrefours. De là une galerie s'étend à 10 mètres environ
du côté de l'orient; mais à cet endroit elle est fermée par des terres
provenant d'un autre éboulement qui date de quelques années.
Les Pucieux : 18 malsons, 18 ménages, 72 habitanls.
Le Pont : 1 maison, 1 ménage, 12 habitants. Quelques membres
5A8 aoCltlk ARCH^.OLOGIQUR ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
de la famille Diipeyrat prenaient le nom de Dupeyral du Pont,
lieu qu'ils possédaient, et qni est encore un domaine de la lerredr*
Thouron. Dans les anciens litres ce lieu est appelé Ponl-Vieax,
pour le distinguer de Pont-Neuf qui existait près de Maison-
Neuve.
RrcHEFORT : 14 maisons, 14 ménages, 65 habitants. C'est à tort
que le nom de ce village a été écrit Bocheforl sur la carte de
TEtat-major.
RoYÊRAS : Le lieu de Royéras, dont Joseph Dupeyrat était sei-
gneur à la (in du xvui* siècle, n'a conservé aucun bâtiment, son
étang seul existe toujours à quelques centaines de mètres du
bourg.
Saint-iMoras : 20 maisons, 20 ménages, 86 habitants. Martial de
Saint-Moras, qui vivait en 1475, est désigné par Jehan Faulcon,
seigneur de Thouron, pour desservir la vicairie qu'il fonda par son
testament.
TRouRAurs : 13 maisons, 13 ménages, 54 habitants. Foucauld
Faulcon, seigneur de Thouron, en 1566 vendit Touradis, mais le
racheta ensuite.
Tricherie : 2 maisons, 2 ménages 13 habitants. L'étang de
Tricherie, appelé aussi de Thouron, a une étendue de 28 hectares
72 ares.
En 1260 Jaubert de La Celle, successeur de Pierre de I^ Celle,
seigneur de Thouron, donna à l'abbaye de Grandmonl tout son droit
sur l'étang de Thouron, autrement dit de Tricherie. A la fin du
siècle dernier, lorsque le gouvernement, au moyen de la commis-
sion dite des réguliers, eut prononcé la destruction de Tonlre de
Grandmont, les biens que possédait cet ordre dans le diocèse de
Limoges furent unis à la mense épiscopale. Aussi ce fut aux frais
de l'évéché, qu'en 1788, on exécuta des travaux considérables à
la bonde de cet étang. M. Laurier, curé de Thouron, bénit ces
travaux le 4 mai 1788. Le gouvernement s'empara peu après de
tous les biens du clergé et chargea le district et Tadministration
des domaines de vendre cet élang. La vente eut lieu le 18 a>nl
1791, et on en relira la somme de li,200 francs. Aujourd'tiui il
est revenu la propriété de la maison de Thouron.
La Valette : 6 maisons, 0 mén.igos, 35 habitants. Avant 1475,
ce bien appartenait à Jean Faulcon, qui en parle dans son testa-
ment.
Vm.lat ou Vii.LARD : On ne retroiive plus le nom de ce village,
où habitait en 1574 jL»an d'Adum un des scyndics de la paroisse.
MONOr.RAPHIE DE LA COMMUNE DE THOURON.
S09
V - DOCUMEiNTS.
Le lexle du leslament fie Jehan Faulcon, seigneur de Thouron,
nous a élé conserve^, par Robert du Dorât. Malheureusement il
renferme plusieurs mauvaises lectures qu'il n*estpas facile de réta-
blir; aussi sa traduction est elle assez hasardée en plusieurs points.
Malgré cela on y remarque de fort curieux usages de cette époque
déjà reculée.
Ce lexle n'est pas complet, les dernières lignes manquent. Simon
Descoutures, chargé de la vérification des titres de la noblesse en
1666, a examiné ce testament, et il nous apprend dans son Nobi-
liaire que Jehan Faulcon testa en faveur de son fils Antoine.
TEXTE.
You Johan Faulcon, chivalier,
lengut segond la rosade deu monde,
seigneur et adrainistratour de
rhoslel et terre de Thoront et de
Saint-Pardoulx ; cognoissent que
tous esmes en aquet paubre monde
come hosteis et peleris; et que no
eys en héritage perpétuel ; et que
tous devem desirar a parvenir au
benoit réanime de paradis ; consi-
dérant que non es chauso plus
certaine que de la mort, et py plus
incertaine que Touro : you, per la
grâce de Dieu, estant so de mon
corps, et en mon bon perpoux, sens
et mémoire; non voulent départir
de quet misérable monde sen pre-
mièrement ordonar de mon arme et
corps, et de beys lous quaulx nos-
tre Seigneur mê ho donnas et prey-
las en aquet monde, sen faire mon
ordenance, testament et darniere
volontat:laquale chause you fault
en la meilleur forme et manière
que siax ni peu, en eissi que sen
set; en fasen le signe de la hono-
rade creux : in nomine Patris et
Filii et Spiritus sancti. amen,
Jésus,
Premieramenl recommande
mon arme et mon corps à la infi-
nide miséricorde de notre ^ei-
TRADUCTION.
Moi Jehan Faulcon, chevalier,
seigneur et ad ministrateur de l'hô-
tel et terre de Thouron et de Saint-
Pardeux; connaissant que tous
nous sommes en ce pauvre monde
comme hôtes et pèlerins; et que
nous ne Tavons pas en héritage
perpétuel ; et que tous nous devons
désirer parvenir an béni royaume
du paradis; considérant qu'il n'est
pas de chose plus certaine que la
mort' et ni plus incertaine que
l'heure : moi, par la grâce de Dieu,
étant sain de mon corps et en mon
propos, sens et mémoire ; ne vou-
lant partir de ce misérable monde
sans premièrement ordonner ce
qui regarde mon âme et mon corps,
et les biens que notre Seigneur
m'a donnés et prêtés en ce monde,
sans faire mon ordonnance, testa-
ment et dernière volonté, laquelle
chose je fais en la meilleure ferme
elmanièrequi soit et peut, et ainsi
(ju'il s'en suit; en faisant le signe
(le la croix vénérée : au nom du
Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Ainsi soit-il. Jésus.
Premièrement, je recommande
mon âme et mon corps à l'inlinie
miséricorde de notre Seigneur
S10
SOCIRTR ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
gnour Dieu, lo Paire tout pois-
sant, deu Fils et deu Sainl-Esprit,
qui es la saincle Trinitat, lous
treys en une personne ; et beneyle
vergene Marie, précieuse pucelle
Marie, sa benoite maire ; et a Mon-
sieur saint Michau, Tarchange; a
M. saint Gabriel, Tange; a mon
bon ange qui m*a éngarda, a
M. saint Johan-Baptiste, saint
Peyr, saint Pau, saint Andriou,
saint Marsau, saint Lienard, saint
Anlhoni, saint Entropie, saint Se-
bastie et saint Christophe; a mas
damas saincte Anne,saincte Marie-
Magdelaine, saincle Catherine,
?aincle Cécilia, saincte Valeria; et
généralement a tousles saincls elà
toutas las sainctas, angeux, archan-
geux et patriacheys, evangelisles,
apostous, confessours, prophelas,
ignocens et vergenas de paradis;
aux quaulx et a laqualas humble-
ment requeris que me sian advo-
rals et advocadas envers nostre
Seigneur Dieu Jésus-Christ, et a sa
miséricorde, et que Jour plaisso de
mettre en advode, et govidnar ma
paulre arma a l'oure de mon trépas.
Item, — Vuelh et ordonne, que
la sépulture de la paubre c'har-
ronhe de mon corps sie en la
église de monsieur saint Peix de
Thoront, davant l'oustardde mon-
seignour saint Marsau, ou est se-
puiturat monseigneur Louis Fau-
con, chivalier, mon pair, auquau
nostre Seigneur face marse et
miséricorde et a moux prédéces-
seurs.
Item. — Vuelh et ordene que si
lou cas avet que Dieu permette
que you trapasse a la guerre ou
ailleurs loin, per que mon corps
ne peucheestrebounemanl portât
en ladiche esglieso do Thoron, que
quand mon corps siro detiunt, que
l'on fasse coment que sla a porter
moux hos en ladiche esglieso de
Thoron per mo héritier ci des-
Dieu le Père tout puissant, du Fils
et du Saint Esprit, qui est la
sainte Trinité, les trois en une
personne ; et la bénie vierge Marie,
précieuse pucelle Marie, sa bénie
mère, et à Monsieur saint Michel.
Tarchange; à M. saint Gabriel,
range; à mon bon ange qui me
garde; à M. saint Jean-Baptiste,
saint Pierre, saint Paul, saint An-
dré, saint Martial, saint LéonanK
saint Antoine, saint Eulrope, saint
Sébastien, saint Christophe ; et à
Mesdames sainte Anne, sainte
Marie-Madeleine, sainte Catherine,
sainte Cécile, sainte Valérie etgéné-
ralement à tous les saints et a tou-
tes les saintes, anges, archangesel
patriarches, évangôlistes, apôtres,
confesseurs, prophètes, innocents
et vierges du paradis; auxquels et
auxquelles je demande humble-
ment qu'ils me servent d'avocats
et d'avocates auprès de notre Sei-
gneur Dieu Jésus-Christ, et à sa
miséricorde, et qu'il leur plaise de
me mettre parmi ceux qu'il recon-
naît, et garder ma pauvre âme à
l'heure de mon trépas.
Item. — Veux et ordonne que la
sépulture de la pourilure de mon
corps soit en l'église de Monsieur
saint Pierre de Thouron, devant
l'autel de monseigneur saint Mar-
tial, où est enseveli monseigneur
Louis Faulcon, chevalier, mon
père, auquel notre Seigneur fasse
merci et miséricorde et à mes pré-
décesseurs.
Item. — Veux et ordonne que si
le cas arrive que Dieu .permette
que je meure à la guerre ou ail-
huirs au loin, et que pour cela
je ne puisse être aisément porté
en ladite église d«» Thouron. que.
lorsque mon corps sera détruit,
l'on fasse alors de manière à
porter mes os dans ladile église
de Thouron par les soins de mon
MONOGRAPHIE! DE LA COMMUNE DE THOURON.
5fl
soubs nommât, qui sero seignour
de Thoron.
/fem.— Vuelh et ordene et com-
mande à mon héritier qui sera
dessoubs nommât per estre sei-
gnour de Thoron, et a moux exe-
qutours, que ci ampres seranl
nommas, que tous moux debtes
sian payas, amendas et restituas
plainement.
Item, •— Vuelh et ordene que, le
jour que mon corps sera sépul •
lurat, que y sians covidas trente
et un preslre a disre messas, pre-
gar Dieu per mon arme et de
moux parens ; et que chalcun aye
treys soûls, et equillz qui dirant
messas en chants qualtre soulx; et
a tous lour dinar ; et que y aye
Ireze paubres a qui Ton donne a
chascun lo drapl de une raube
bonne et bon drapt, et Ireze tor-
chas de sero que tendranslousdicts
fiaubres, chascune torche de treys
ioras de sero; lasqualas demora-
rans en service de ladicie esglieso,
et autant a la septene de toutas
chausas; et autant au bout de l'an
de prestres; et deprestres que y
en aye cinquante qui ayant pareil-
lement come sur eis dict de rau-
bas; aultres Ireze paubres a
ladicte septene et au bout de
Tan; mas qui ne pourrie à la
septene que remuden lou jour
un meys ampres, et que au bout
de Fannade y aye haulmone cre-
dade, et a tous aquils qui y
voldriant venir avant un liart de
treys deiniers et lour refecliou, et
a chacun jour de ladicie septene et
bout de l'an, y aye autant de tor-
chas comme sus' en dicl, et de
chacuns treys lieras, et aullras
douze torchas de chacune une
lioreetdemie, et l'aullre luminaire
nécessaire. Et que lout demoure
au service de ladicie ('irlieso et de
le chapelo (lelVlap:delaine.
Item, — Vuelh, ordene el co-
héritier ci-dessous nommé, qui
sera seigneur de Thouron.
Item, — Veux, et ordonne et
commande à mon héritier qui sera
ci-dessous nommé pour être sei-
gneur de Thouron et a mes exé-
cuteurs qui ri-après seront nom-
més, que toutes mes dettes soient
payées, amendées et restituées
entièrement.
Item, — Veux et ordonne que,
le jour où mon corps sera ense-
veli, on invite trente et un prêtres
pour dire la messe, prier Dieu
pour mon âme et celles de mes
parents; el que chacun ait trois
sous, et ceux qui diront la messe
chantée quatre sous; et à tous
leur dîner; et qu'il y ait treize
pauvres, auxquels on "donnera à
chacun le drap d'une belle robe et
de bon drap, et treize torches de
cire qui resteront pour le service
de ladite église, et autant de toutes
choses à la septaine ; et autant de
prêtres au bout de l'an ; et des
I prêtres qu'il y en ait cinquante qui
aient pareillementcomme il est dit
I ci-dessus, pour les robes, autres
treize pauvres à la dite septaine
(itau bout de l'an; mais ceux qui
ne le pourront à la septaine, qu'ils
viennent un mois après et qu'au
bout de l'an il y ait aumône criée
et que ceux qui voudront y venir
auront un liard de trois deniers
et leurs repas, et à chaque jour de
la dite septaine et bout de l'an,
qu'il yailaulantdc torches comme
il est dit ci-dessus, et chacune de
trois livres, et autres douze tor-
ches de chacune une livre et
denue, et l'autre luminaire néces-
saire. Et que tout demeure pour le
service de la dite église et du cha-
pelain de Madeleine.
Item. - Veux ordonne el com-
mande que au bout de l'an, et
pareillement i\ la septaine tous mes
$13
SOCIKTR ARCHEOLOGIQUE LT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
mande que, au bout de Tan, et
mais qui porie à la septene, lous
raoux homes et vesis siant covidas
a venir a mas nopsas a laquaux
prege a lous que fassian bonne
charo ; et que aqui l'on ave un
religieu qui généralement, de par
me, requero pardon au poble qui
aqui syro, et a tousaultres, de ce
que non loux aye adjudasen lour
nécessitas, mas lour ay demandât
Ion lour etfaist demandar, preys et
fait prendre injustemant; en non
ay point manlegut jusiice, el que
point n*ay faict mon devoir enver
Ils; et que lour plesso de me par-
donar et pregar notre Seigneur
per mon arme ; et que me donnen
chiecung cinq Paternoster et sept
Ave Maria. El fasse assaberàtous
que aquils que ne me vouldrian
pardonnar que lour semblaire que
me ou mon dici paire lour (an-
guessiam ton, sie herilages ou
aultras chausas, que vuelhan a
mon dict héritier qui sero seignour
de Thoront, el expressément à
mous exequlours. Ions qua'ilx
veilh que inconlinent salisfacion
pianierement so que aquils voul-
drian juras et meltre sur lour
arme, que lour leniens tort, q«ii
justement el inconlinent non
monslrari lo contrarie per gens de
be, sens me alegear nv mon dict
pairs nostras lettras ni pocessious.
Item. — Vuelh et ordene que
despeis lo jour de mon Irepas jus-
quesau bout de l'an, que l'on me
fasse dire chacun jour, durant tout
Tan, une messoaudict autardavant
ma sépulture nonobstant tous loux
aijtrcys services dessus per me
commandas: ont en ave de la
saincte Trinilal, de Notre-Dame, et
en l'honneur deux saincls et
sainctas dessus nommas, et mayde
las douas pois de requiem, en
remissieu de tous péchas et de-
falitnenlsde mondicl paire, parens
et beifuciours.
hommes et voisins soient invités à
venir à mes noces pour lesquelles
je demande à tous qu'on fasse
bonne chère et qu'il y ait un reli-
gieux qui généralement et de ma
part demandera pardon au peuple
qui y sera, et à tous les autres de
ce que je ne leur ai pas porié
secours dans leurs nécessites, si
je leur ai demandé et fait demander
ce qui leur appartenait, pris et fait
prendre injustement: el ne leur ai
point rendu justice et ai manqué à
mon devoir envers eux ; et qu'il
leur plaise de me pardonner et
prier notre Seigneur pour mon
âme et que chacun me dise cinq
Pater noster et sept Ave Maria. El
qu'il fasse savoir à tous ceux qui
ne voudraient pas me pardonner,
qui croiraient que moi ou mon
père leur aurions fait tort soit
pour des héritages ou pour autres
choses, qu'ils s'adressent à mon
dit héritier qui sera seigneur de
Thouron, et expressément à mes
exécuteurs, lesquels, selon ma
volonté, satisferont immédiate-
ment cl entièrement ceux qui vou-
dront jurer et mettre sur leur
âme que nous leur avons fait tort,
et qui avec justice et immédiate-
ment ne seront pas contredits par
des gens de bien, sans alléguer
pour moi ou pour mon dit père
nos titres et possessions.
Item. — Veux et ordonne que
depuis le jour de ma mort jus-
qu'au bout de l'an l'on me fasse
dire chaque jour, durant toute
l'année, une messe à Taulel devant
mon lombeau, nonobstant lous les
autresservices que j'ai commandés
ci-dessus ; qu'il y en ait de la
Sainte-ïrinilé, de Notre-Dame el
en riionueur de tous les saints et
saintes ci-dessus nommés, el même
deux messes de requiem, pour la
rémission de tous les péchés et
des fautes de mondit père, parenls
et bienfaiteurs.
MONOGRAPHIK DE LA CÛMIIUNR DR THOURON.
ÔI3
Item. — En remissieu deu defail- ]
limens et rodemptionde las armas
de mondici pay ei may, de tous
mouxparens, parenlas, beifactours
et que poirien tenir tort, et per la
mie paubre arme, you ordene,
constitui et funde perpetualement
et a tousjours, mays uno messo lo
sepmaine, tous lous dilus, de
requiem en ladicte egliesode Tho-
ront, audict outar de nostras sepul-
turas ; laquale messo fonde de cent
soubs monede corrent ; loux quaulx
assigne saubre Tostan noble de
Vileta sos tengudas oportenuras
cinquante soux, trenlo soubs sobre
rerilage deu Mas que tet Peyre
deu Mas et sas eparienenses ; et
douze soubs sobre la Valola et la
Mazeyro, sobre soqueen teSymon
de la Valeta ; a payar a chacun an
lous dict cenls soubs, au vicari
que diroladicte messo, soubre los
héritages susdicts; et vuelh que
mosscu Marsan de Sainl-Morasprc-
stre, si es en vite et vertus, Paye
et la sierve tant que porro; en
après que sio a donar a mon
héritier et successeur a quieu que
sero seigneur de Thoron a tou-
jours mays, et vuelh et ordone
que touchant toujours mays la-
dicte rende bono et valable, seis en
re faire perdre au prcslre qui ser-
viro, la somme de cent soul)s; et,
en cas que per guerras, ou morta-
iitas ou aultremenl ladicte rende
ne se porrie be pegar, yeu la assi-
gne perpetualement sur Tostar et
seigneurie de Thorontetsas apar-
lenensas,ou que toujours mais en
aultres bons leucs Ton la assigne
et teno Ton bonne a perpeluole-
ment franche et be payade au
vicari et prestre qui ser\iro ; et en
défaut de payemen, tousjours la
assigne e perpetuelitat en ladict
maison de Thoron, et que ave a
toujours niays, et quieu qui sero
seigneur de Thoron a tener lou dict
Item. — En rémission des fautes
et pour la rédemption des âmes
de mon père et de ma mère,
de tous mes parents, parentes,
bienfaiteurs etqui pourraient avoir
quelques torts et pour ma pauvre
âme, j'ordonne, constitue et fonde
perpétuellement et pour toujours,
une messe de requiem chaque
semaine, lous les lundis, en l'église
de Thouron,à l'autel de nos sépul-
tures, laquelle meî^se je fonde de
cent sous, monnaie courante, que
j'assigne sur la maison noble de
Vilaie et ses dépendances pour
cinquante sous, trente sous sur
l'héritage du Mas, que lient Pierre
du Mas et sur ses dépendances,
et douze sous sur la Valete et la
Mazeyre, sur ce qu'en lient Simon
de la Valete; à payer chaque
année au vicaire qui dira ladite
messe, les cent sous pris sur les
héritages susdits; et je veux que
Monsieur Martial de Sainl-Moras,
prêtre, s'il est en vie et en santé. Tait
et la conserve tant quil pourra;
après elle sera à donner par mon
héritier et successeur qui serasei-
gneurdeThouronetloujoursainsi,
je veux et ordonne que tou-
jours cette rente bonne et valable
soit pour le prêtre qui servira
cette fondation, et sans rien
retrancher de la somme de cent
sous, et au cas où par suite de
guerre ou de mortalité, ou autre-
ment, cette rente ne pourrait être
payée, je l'assigne pe petuelle-
ment sur le château et la seigneu-
rie de Thouron el sur ses dépen-
dances, ou (|ue pour toujours elle
soit assignée sur quelque autre
bon lieu, et qu'on la tienne bonne
et perpétuellement franche, et
qu'elle soit bien payée au vicaire
et prélre qui servira celle fonda-
tion; et a défaut de paiement je
l'assigne pour toujours et a perpé-
tuité sur ladite maison de Thou-
81i
SOCIRtE ARCHÉOLOGIQUE Et BISTORlQUE DU LlttOUSlPC.
heritar(outar] devant nostras dicts
sepulturas, be que et ornât de
lior vestemens, en calice, trallas,
luminario et aultras chausas ne-
cessarias
Fact lo xxviii* jour de mars Tan
mil iiiicLxxv.
ron et qu'il en soit ainsi toujours
dans la suite; et celui qui sera
seigneur de Thouron et tiendra
l'aulel devant nos sépultures, le
pourvoira des ornements, calice,
nappes, luminaire et autres chose?
nécessaires
Fait le xxvni* jour de mars de
l'an mil quatre cent soixante-
quinze.
GRANDE CHASSE DE GRANDMONT DONNEE A TDOURON.
Le 9 septembre 1790, je me suis rendu à Limoges accompagné
du sieur Martial Merliadon, officier municipal et électeur du canlon
de Compreignac, habitant le présent bourg de Thouron, et de là
chez M. Legros, vicaire de Sainl-MartiaL qui a eu la bonté de nous
accompagner le lendemain à une des salles de Tévéché, où élanl, il
m'a remis les reliques des saints, avec une chasse, comme il est
dit au procès-verbal, déposé, ainsi que les lettres et autres pièces à
ce concernant, dans les papiers de la cure. Le onze des dits mois et
an que dessus, les susdites reliques ont été conduites par moi et
déposées dans la chapelle Saint-Roch en cette paroisse ; d'où le len-
demain elles ont été transportées en grande célébrité en Féglise
paroissiale, après vespres. Le jour fixe annuel de leur fête, vénéra-
lion et procession, est aussi indiqué dans les susdits papiers déposés
parmi ceux de la cure. En foi de tout quoy nous avons signé pour
servir et valoir en toute vérité. — A. E. Laurier, prêtre, curé.
A Thouron, le H septembre 1790.
A. Lecler.
ÉTUDE BIOGRAPHIQUE
SUR
aUILLu^UMJE LAMY
Patriarche de Jérusalem
I.
Guillaume Lamy, évéque de Charlres et patriarche de Jérusalem,
mort en odeur de sainteté en 1360, occupe un rang distingué parmi
les hommes illustres du Limousin. Ce prélat, que les écrivains de
notre province honorent du titre de bienheureux, et qui a joué un
rôle important dans plusieurs événements historiques, n'a pas été
jusqu'à présent l'objet d'une étude particulière. Nous allons essayer
de combler cette lacune.
La vie de Guillaume Lamy, telle qu'on la trouve dans le chanoine
CoUin (1) et dans le P. Bonaventure (2), renferme sans doute
quelques détails authentiques, mais ne mérite pas grande confiance.
L'auteur de cette vie a écrit un éloge plutôt qu'une histoire; les
détails inexacts qui abondent dans son récit enlèvent tout crédit à ce
qu'il peut dire de vrai; c'est ainsi qu'il représente Guillaume Lamy
comme remplissant les fonctions pastorales dans le diocèse de
Chartres, alors que ce prélat, qui résidait à la cour des papes, était
employé à des missions diplomatiques.
Le chanoine Collin et le P. Bonaventure ont puisé les détails
qu'ils rapportent dans un ouvrage que nous n'avons pu nous pro-
curer, mais que nous avons vu indiqué dans la Bibliothèque Histo-
rique du P. Lelong, et dont voici le titre :
« Recueil de la Vie et des miracles du bienheureux Lamy, évéque
de Chartres et patriarche de Jérusalem^ mort en 1560^ par Luc
Lamy y vicaire de la vicairie fondée par le dit patriarche. — Limoges,
Chapoulaud, in-8«, sans date » (3).
(1) Vies des Saints du Limousin^ 1672, p. 2*4.
(2) Histoire de Saint- Martial, 1. 111, Annales du Limousin, 1685, p. G43.
(3) Bibliothèque historique^ édit. Fontelte, t. I, n° 9385.
^16 SOCifcTR AllCH^.OLOGlQCB RT mSTORIQtJR DU LllIOtJSl?^.
» Cet éloge n'est que de sept pages (1).
Cet ouvrage a dû être publié vers l'an 1665 (2).
Si nous en croyons cette vie légendaire, Guillaume Lamy naquii
à Limoges, Tau 1303; il était lils de Jean Lamy, bourgeois de
celle ville, et de Jeanne de Murmans.
Dès son enfance, Guillaume Lamy donna des présages de ce
qu'il devait être un jour; il assemblait autour de lui nombre de
petits enfants, qu'il invitait à la prière et auxquels il faisait
de petits sermons; puis étant assez avancé dans la langue latine, il
passa en philosophie; et, ayant fait connaître à ses parents qu'il as-
pirait au sacerdoce, on lui permit d'étudier la théologie.
Après la mort de son père, il fui envoyé à l'Université de Paris
où il lit de grands progrès dans l'étude de la théologie et du droii-
canon. Etant parti de Paris pour rentrer en Limousin, il eut révé-
lation, près d'Orléans, de s'en aller au pays chartrain, oiu par ses
prédications et l'exemple de ses vertus, il produisit des fruits mer-
veilleux. Les habitants de Chartres, ayant perdu leur pasteur, firent
instance auprès de Clément VI afin d'avoir Guillaume Lamy pour
évéque. Le pape, ne pouvant leur refuser cette faveur, ordonna à
Guillaume de consentir à cette élection. Forcé de subir le joug,
Lamy remplit tous les devoirs d'un évoque avec un zèle admirable.
A cette occasion, l'auteur de sa vie donne, sur ses exercices de
piété et ses pratiques de mortification, des détails qu'il serait trop
long d'énumérer.
Guillaume Lamy avait environ quarante-huit ans lorsque le
pape Clément VI, étant venu à mourir (1332), eut pour successeur
Innocent VI, de même nation que lui. Ce pape, connaissant les mé-
rites de l'ôvéque de Chartres, l'appela à Avignon et lui offrit le
chapeau de cardinal. Guillaume refusa cette dignité « parce qu\ile
avait trop d'éclat et trop peu de travail pour Notre-Seigneur ».
Alors le pape le pressa d'accepter le patriarchat de Jérusalem (3\
dont le siège était alors à Nicosie, une des plus belles villes du
royaume de Chypre.
Guillaume accepta cette dignité, et se mettant en route, il arriva
à Nicosie où il s'occupa avec zèle de tous les devoirs de sa charge
pastorale. Parmi les bonnes œuvres qu'il énumère, fauteur de sa
(I) Bibliothèque historique, supplément, l. IV.
(i) « Sa Vie, imprimée depuis peu, qai dAcrit ses vertus el ses miracles,
m'exempte cfen parler plus au long ». (P. Bonaventcrb, Histoire ée saint
Martial, t. II, 1672, p. i35).
(3) C'est le pape Clément VI, — el non le pape lunouccnt Vi — qni
nomma Guillaume Lamy patriarche de Jérusalem, en 1349.
ÉTODK BIOGRAPBIQUR ^UR GUlLLAtlHR LAMY. M 7
vie dit que Guillaiirne Lamy envoyait à son frère Ez^chias une
grande quantité de billettes d'or pour les réduire en monnaie, afin
(le marier beaucoup de pauvres (iîles, notamment àLimogcs, lieu de
sa naissance.
Après que Guillaume eut passé sept ans à Nicosie, le pape In-
nocent VI, désirant le voir, l'appela auprès de lui pour appren-
dre de sa bouche l'état de son Eglise de Syrie et de Jérusalem.
Guillaume obéit, se rendit à Avignon, et après avoir rendu compte
au pape des affaires de son patriarchat et reçu sa bénédiction, il
voulut voir ses parents à Limoges, avant de s'en retourner dans son
Kglise « pour y mourir comme en un lit de fleurs ».
Mais, arrivé à Montpellier, il fut pris d'une fièvre violente et
connaissant que Dieu voulait abréger son voyage, il lit son testa-
ment et fonda, des biens de son patrimoine, la vicairic qui porte
son nom dans la chapelle de saint Thomas, située dans la cathé-
drale de Limoges. Puis son âme s'envola vers le ciel, le 9" jour de
juin 1360(1).
Voici la légende : nous allons voir qu'elle diffère un peu de l'his-
toire. Mais avant d'aborder notre sujet, examinons deux qneslions :
!«* quelle est l'année de la naissance de Guillaume Lamy ? 2° quelle
était l'orthographe de son nom en langue vulgaire?
1** D'après sa vie légendaire, composée vers 1665 par Luc Lamy
et reproduite par le chanoine Collin et le P. Bonaventure, Guil-
laume serait né en 1305 et serait mort, à l'âge de cinquante-cinq
ans, en 1360 ; mais celte vie ren ferme tant d'anachronismi's, qu'elle
ne mérite pas grande confiance.
Le docteur Pilton, dans ses Annales de la Sainte Eglis!» (VAix,
publiées en 1668, dit que Guillaume mourut en 1360, à l'âge de
soixante-quatre ans, ce qui porterait sa naissance à fan 1296.
D'après un document du xiv« siècle, le Catalogue des êrégues de
Chartres (2), Guillaume aurait été nommé patriarche de Jérusalem
Tan 1349, à l'âge de cinquante ans, anno quinquagesimo, ce qui
porterait sa naissance à l'an 1299; cette dernière date nous paraît
la plus probable, puisqu'elle s'appuie sur un document conlempo-
rain.
2* Quelle était l'orthographe de son nom en langue vulgaire?
Les écrivains étrangers qui ont parlé de Guillaume Lamy fap-
(I) M. L'abbé Lecler, dans sa Généalogie de la famille Lamy de la
Cfcapc//c (Î873\ a donné la vie du bienhejreux Latny d'après le chanoiin!
Collin el le P. Bonavenlurc.
(i) Cilé par Baluze, Vltœ papar. Aoenion . t. 1, col. 011. — Cartulaire
de Notre-Dame de Chartresy I8C5, l. I, p. 28,
j. XL. 33
$18 SOCIÉTR ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
pellent Guillaume Amici; c'était la coutume au moyen âge, quand
on traduisait le nom de famille en latin, de mettre ce nom au gé-
nitif. — Mais une question se présente : le nom du patriardie
était-il Ami ou Lami?
Dans la séance de la Sorbonne où nous avons lu notre Mémoire
sur le patriarche (8 juin 1892), M. Antoine Thomas, chargé de
cours à laFaculté des Lettres, signalait dans un document du 25 no-
vembre 1325, conservé aux Archives nationales, la meDtion de
« Guillaume Ami, procureurde révérend père l'esvéque de Limoges ».
qui, d'après lui, devait être parent du patriarche de Jérusalem.
Il serait possible que ce fût lui-même. Le procureur de révéque
de Limoges devait être un ecclésiastique. Guillaume ne devait avoir
que vingt-six ans ou environ, mais Hélie Talleyrand de Périgoni,
évéque élu de Limoges en 1324, n'en avait que vingl-cinq. L'ortho-
graphe primitive de son nom serait donc Guillaume Ami. Ce>i
ainsi que rappellent plusieurs écrivains du pays de Chartres. Le
P. Bonaventure-Saint-Amable écrit Guillaume L'Ami avec une apos-
trophe
Les héritiers et neveux du patriarche, écrivant le nom de Laray
sans apostrophe, comme on le voit par une inscription qui élail
placée près de son tombeau (1), nous avons adopté celte orthographe
qui date au moins de quatre siècles.
II
I. — D'après un ancien calendrier de la Cathédrale de Limoges,
Guillaume Lamy naquit d'une famille d'honnêtes bourgeois. Quelques
écrivains étrangers le font naître d'une illustre famille : c'est ainsi
que Souchet, chanoine de Chartres, prétend qu'il était oncle d'El-
zéar de Sabran, Tépoux de sainte Delphine et qu'il fut son premier
maître (2). La maison où il naquit était située dans la Château de
Limoges (3), à gauche en descendant dans le portail Imberl, de
l'autre côté du couvent des Sœurs de la Croix. Au xvn** siècle, et.
(1) Cathédrale de Limoges^ 1883, p. 940.
(î) Souchet, t. III, p. 179. — Souchet est né à Chartres vers 1590. — Son
Histoire de Chartres s'arrôte en Ï620. Elle a été publiée en quatre gros
volumes en 1876 et 1877 parla Société archéologique de Chartres. {Note
de M. le chanoine Goussard).
(3) Au moyen âge, il y avait à Limoges ileux villes, toutes les deux envi-
ronnées de murailles : la Cité, bâtie autour de la Cathédrale, et le Ckdttau,
({ui devait son origine au monastère de Saint-Martial.
KTUDE BrOÛRAPHIOUK SCR GUILLAUME LAMY. fttd
croyons nous, jusqu'à la Révolution, on voyait, devant cette
maison, Testatue {sic) du patriarche (1).
Quelles sont les dignités ecclésiastiques que posséda Guillaume
Lamy avant d'être promu à Tépiscopat? nous n'avons sur ce point
que des données vagues et incertaini3S. L'abbé Devoyon, dans l'épi-
taphe du prélat qu'il a composée, dit qu'il avait été d'abord cha-
noine de Limoges. Quelques écrivains, tels que Souchet, que nous
avons déjà cité, et Doyen, dans son histoire de YEglise des Chartres^
disent qu'il avait été abbé de Saint- Victor de Marseille (2) : nous
n'avons pas trouvé son nom dans la liste des abbés de Saint- Victor
publiée dans IcGallia Christiana.
IL — D'après un ancien document de l'Eglise de Chartres, Guil-
laume Lamy, homme d'une science profonde, d'une grande probité
et de mœurs exemplaires, était /"amt/ter de Pierre Roger, cardinal
archevêque de Rouen, c'est-à-dire qu'il faisait partie de sa maison
ecclésiastique (3). Pierre Roger, qui était né en Limousin, et qui
devait être pape sous le nom de Clément VI, fit nommer Guillaume
Lamy auditeur de la Chambre apostolique, c'est-à-dire auditeur de
Rote (4), comme on dit aujourd'hui. Cette fonction, qui suppose de
grandes connaissances en théologie e( en droit-canon, rattachait
à la cour pontificale. Par suite de la même recommandation, Guil-
laume Lamy fut promu, en 1341, à l'évêché d'Apt en Provence; il
prêta serment le 28 octobre de cette année (5). C'était sous le ponti-
ficat de Benoit XII.
Depuis quelques années, Philippe VI, roi de France, et
Edouard III, roi d'Angleterre, étaient en guerre ouverte. Benoit XII
envoya vers les souverains deux cardinaux pour les engager à
traiter de la paix ou pour convenir d'une trêve : ce fut sans succès (6).
Ce pape mourut le 25 avril 1342. Comme Guillaume Lamy résidait
à la cour pontificale d'Avignon, les cardinaux l'envoyèrent en
(I) Inscripiioi) de la chapelle de saint Thomas, dans la Cathédrale de
Limoges. (Voir noire Histoire de cette cathédrale, 2" édition, p. 240).
C3) Doyen, Histoire delà oUle de Chartres^ 1780, p. 160. — Souchkt,
Histoire de Chartres, l. III, p. 179.
(3) Vir summœ scienlix, probilatiset morum. Hic fuil familiaris Dumini
Clemonli.^ paisse VI et ab eo Âuditor Camerœ apo»loiicae conslilutus et lu
episcopum Aplensem promotus {ap. Baluzb, Vitœ papar. Aoenion^ 1. 1,91 1;
CartulcUre de Notre-Dame de Chartres, I, 28).
(4) Tribunal qui juge les causes importantes de TElat ecclésiastique, et
quelques autres qui y viennent en appel des Etats catholiques de TEuropc.
(5) GalUa chrUtiana, t. Vlll, \ 174, — 1. 1, 361.
(6) Vitasexta Benedictl XII, ap. Baluzs. t. 1, col 335.
StÔ SOCIÉTÉ A n Cil ÉO LOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
France, au commencement de mai 1342, pournégocier la paix enlre
les rois de France et d^Anglelerre (1). Clément VI, élu peu aprê>
(7 mai), lui continua cette légation (2). A la sollicitation du pap<^ et
des cardinaux, dont Guillaume Lamy était Tinterprèle, une irêvr
fut faite entre les deux rois, au mois de février 1343.
III. — Le 11 septembre de Tannée 1342, Guillaume Lamy fui
présent au contrat de mariage d'Ahélide Roger, nièce du pape
Clément VI, avec Guillaume de la Tour : on lit en effet à la fin du
contrat « passé en présence d'Etienne Albert, Pierre- André et Guil-
laume Lamy, évoques de Clermont, de Noyon et d'Apt(3) ».
IV.— C'est à tort que quelques historiens avignonais ont prétendu
que Guillaume Amici, évéque d'Apt, s'appelait Guillaume Amie de
Sabran, et qu*il appartenait à cette illustre famille dont une branche,
celle de Giraud de Sabran, avait adopté le surnom d*Aaiic qur
portèrent après lui plusieurs de ses descendants. Cette erreur a été
reproduite dans un ouvrage récent sur les évéques d*Apl (4).
III
GUILLAUME LAMY, ÉVÉQUE DE CHARTRES
Le 7 octobre 1342, Guillaume Lamy fut transféré au siège épi^-
copal de Chartres (S), où il remplaça Aimeric de Chdlus (6), fami-
lier de Clément VI, promu cardinal du titre de Saint-Martin-des-
Monts. Il prêta serment le 11 oclobrel342 (7).
D'après les notes manuscrites de du Fourny, Guillaume Lamj
n'aurait été consacré évêque que le 11 novembre 1342, ce qui ne se
comprend pas, disent les Bénédiclins du Gallia, puisque il élaii
(1) Dans le Gallia chrUtiana, t. I, col. 3)4, il y a ce lapsus ^ ioier
episcopos Gallise et Ângliae.
(3) Exlant harum rerum testes Litterae Cardinalium et Clemenits in libro
quarlo Epislolarum ejus, Episi 474 et seqq ;Baluze, Vitœ papar, l. I, 90).
(3) Gallia christûma, l. 1, col. 364. — Cet Elieniio Âiiberl, évéque év
Clormonl} devint pape sous le nom d^lnnoceniW. {Gallia christ., i 11,SS7).
(4) Les éoêques d'Apt, leurs blasons et leurs familles, par \l. Jules de
Terris, 1877 — Semaine religieuse d'Aoignon, 10 juin l89i.
(5) Baluze, Vitœ papar. Avenion,, l. I, col. 910.
(6) Appelé parquciques historiens Aimeric de Càdtelus^ « de Chatellux t
secundum Tavellum in nïs. ap. Severt. Episcnpi Carnotenses^ p. 183.
(7) Gnllia chrUtttana, t. Vlll, col. 1174.
ÉTUDE BIOGRAPHIQUE SUR GUILLAUME LAMY. 5)1
déjà évoque d'Apt (1). On pourrait expliquer la chose en disant
qu'il avait été élu évoque d'Apt, et n'avait pas encore été consacré.
Dans un très ancien Catalogne des évéqnes de Chartres, écrit vers
1360, on lit ce qui suit sur cet évéque: «Guillaume Lamy, Limousin,
homme d'une science profonde, d'une grande probité el de mœurs
exemplaires. 11 fut familier du seigneur pape Clément VI et nommé
par lui auditeur de la chambre apostolique, puis promu à Tévôché
d'Apt et ensuite transféré à l'évéché de Chartres, qu'il régit
pendant huit ans, demeurant toujours à la cour romaine; et de là
il fut fait patriarche de Jérusalem, dans sa cinquantième année;
et avec le patriarcat il eut en commende l'église de Fréjus, et il est
réputé saint » (2).
Guillaume Lamy prit possession de Tévéché de Chartres par
procureur et il est douteux qu'il ait jamais résidé dans ce siège,
demeurant, comme on vient de le dire, à la cour pontificale d'Avi-
gnon et chargé par Clément VI de diverses missions diplomatiques.
On cite un évoque, du nom de Bernard, dont le titre épiscopal
n'est pas connu, et qui faisait les fonctions épiscopales en son lieu
et place dans le diocèse de Chartres (3).
Ce qui prouve, ajoute Baluze, la vérilé de ce qui est dit plus
haut, que Guillaume Lamy demeurait toujours à la Cour romaine,
ce sont les lettres des vicaires-généraux de Chartres, datées de 1343,
en réponse aux lettres d'indiction du Concile de Paris : « Aux
révérends pères et seigneurs les évéques de Paris, d'Orléans,
d'Auxerre, de Troyes, de Meaux et de Nevers, ou à leurs vicaires,
— les vicaires généraux, au spirituel et au temporel, de révérend
père et seigneur Guillaume Lamy, évéque de Chartres, qui se
trouve actuellement auprès du siège apostolique — salut et respect
avec honnneur (4).
Le 24 juin 1343, il nomma des vicaires chargés d'annexer la cha-
(1) Ordlnatus episcopus dicitur xi novcmbris in scheJis D. du Fourni,
quod non omnino intelligitur. Jam enim episcopus eral Âplensis, ut cons-
tat, etc. {Gallla Christ, t. VIII, col. 1174).
(2) Guillelmus Amici, Lemovicensis, vir summae scicnlia;, probiialis, ei
morum. liic fuii familiaris Domini Cleinenlis papa; VI, el ab eo auditor
(^amerae apostolicae conslitutus, el in episcopum Âplenscm promoiu^; iiide
que ad episcopalum Carnoiensem irauslalus, quem rexil octo annis,
manens sempcr in Guria romana ; el inde patriarcha Jérusalem faclus, anno
(|uinquage$imo; cum qiio habuitin commenda episcopalum Foro;Juliensenn,
ei sancius repuialur. [Ap B\luze, V/tojpapar. Aoenlon . t. l, col 910-91 I).
— Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, t. I, p. 28.
(3) Noie envoyée de Chartres au P. Lamy, jésuite, à Limoges.
(4) Baluzr, Vitœ papar*Aoenion,^ t. I, col.9l1.
Htî <:0C1ÉtA ArCHÉOtOGlQUE ET HISTOHIQOB DU LIMOUSIN.
pelle (le Gondreville à l'infirmerie de Josapbat (1), près de Charlne^.
La même année, il fut choisi comme arbitre entrd Guillaume
Bertrand, seigneur du château de Saint-Romain, dans le diocèse de
Saint-Flonr, et Jean-de-Chandorat, évoque du Puy, au sujet de la
propriété du Domaine fvillaj de la Chapelle dans le diocèse tïu
Puy (2). '
D'après M. Doyen, historien delà ville de Chartres, lesarmoirit-
de Guillaume Lamy étaient de gueules à la colombe d'argent 1 3 .
Bien avanl lui, les Frères Sainte-Marlhe,dans leur Gallia Christiann
(i656), disent la même chose (4).
IV
SA LÉGATION A NAPLES (1348).
Pendant qu'il était évoque de Chartres, Guillaume Lamy fut
mêlé à un événement tragique qui a eu un certain retenlisseroeni
dans rhiàloire et sur lequel nous allons donner quelques détails.
Robert, roi de Naples, étant mort en 1343, avait désigné, pour
lui succéder, sa pelite-fiUe Jeanne, encore mineure, qui avait
épousé André, frère du roi de Hongrie. L'année suivante (1344),
le pape Clément VI envoya dans le royaume de Naples, comme
légat à latere, Aimeric de Châlus, cardinal-prélre du litre de Sainl-
Martin-les-Monts, pour y prendre les rênes du gouvernement, en
vertu des privilèges de suzeraineté qui donnaient au pape, en cas
de minorité, l'administration du royaume. Ce cardinal, contrarié
dans sa mission, était de retour à Avignon vers la fin de Tannée.
L'année suivante (1345), le pape Clément VI chargea Guillaume
Lamy, le successeur d'Aimeric sur le siège de Chartres, d'aller pro-
céder au couronnement d'André et Jeanne, comme roi et reiue de
Naples (5). L'évoque de Chartres se rendit dans cette ville; mais
avant que la bulle du couronnement fut arrivée, le jeune roi André
périt victime d'un guel-apens (17 septembre 1345).
Il était à Aversa avec la reine et venait de se coucher, quand les
(I) Gallin chrcstiana , t. VIII, col. 1174.
(î) Raluze, Vitœ papar. Aoenlon., l. l,col. 911.
(3) Histoire de la oille de Chartres et du pays Chartrain^ P86, L I,
p. 345.
f4) Gallia Chrisilana, l. I, 1656, archfepiso. Aquenses, p. 18.
(5) Tenta Vita Clémentes V/, ap. Baluze, Vitœ papar. Acenion , l. ï.
col. 291.
ÉTUDE BIOGRAPHIQUE SUR GUILLAUME LAMY 5i3
conjurés réveillent avec précipitation, lui disent qu^il y a une
émeute à Naples et qu'il faut aller Tapaiser. Quand le prince est
sorti de sa chambre, on lui passe autour du cou un cordon de soie,
on rétrangle, on le pend à un balcon; presque en môme temps on
coupe la corde, et le corps inanimé tombe dans un jardin sur
lequel donnait le balcon. On allait l'ensevelir dans cet endroit si
une des femmes de chambre de la reine, hongroise de nation, ne
se fût éveillée. Par le bruit que fait celte femme, les conjurés se
retirent, de peur d'être découverts. Aussitôt la reine se lève et fait
lever ses gens. Elle se rend à flapies, assemble les grands du
royaume, leur expose ce qui s'est passé dans la mort de son époux
et ordonne à Bertrand de Baux, grand justicier, d'informer du
crime (1).
Guillaume Lamy quitta Naples en toute hâte et vint à Avignon
rendre compte à Clément VI de ce triste événement (2). Le pape,
ayant tenu conseil avec les cardinaux, porta les peines les plus sé-
vères contre les coupables et leurs cpraplices (3). La reine Jeanne,
qu'on avait soupçonnée de complicité dans cet assassinat, prouva
son innocence dans une assemblée de cardinaux présidée par le
pape.
Pendant ce voyage qu'il avait fait à Naples comme nonce aposto-
lique, Guillaume Lamy avait été chargé d'une autre mission. En
effet, dans le tome III» des Annales des Frères Mineurs, par Wad-
ding (Appendice, p. 330), on trouve un bref du pape Clément VI,
en date du xii des calendes de septembre (21 août 1345), et adressé
à Jean, archevêque de Naples, et à Guillaume, évéque de Chartres
et nonce apostolique, pour faire restituer et appliquer à des œu-
vres pies les biens laissés par feu la reine Sanche, reine de
Sicile (4).
Les Bénédictins du Gallia chrisiiana prétendent que, d*après
l'auteur de la Seconde Vie de Clément VI, Guillaume J^amy « fut
délégué par le cardinal-légat, Aimeric de Châlus, cette année 1348,
pour apaiser les discordes qui existaient toujours entre les habi-
(I) Histoire de Prooence^ par messire de Gaufridi, Aix, 1C94, t. I,
p. 2<5; — Vita démentis VI, ap. Baluzb, p. Î70, i9ï.
(S) Secunda Vita démentis VI, ap. Bâluzb, Vtiœ papar, Aoenion.,
t. I, col. 270. — Les Bénédictins se trompent quand ils disent : Ut regem
faceret certiorem. 11 ne s'agit pas du roi, mais du pape {Gallia christ,^
t. VIII, col. n7i).
(3) Secunda Vita démentis, ap. Baluze, t. I, col. 270; — Prima Vita,
ibid., col. âi7.
(4) Gallia christlana, t. VIII. col. U7i.
5Î4 SOCIETE ARCBEOLOGIQL'K ET UIStOniQUE DO LIMOISIK.
tanfs de Pise el le vicomte Luchin, el pour engager les pelîls prin-
ces de rilalie à s'abslenir de leurs mutuelles querelles » (1). Nous
avons parcouru celle Seconde Vie de Clément VI, el nous n'avons
pas trouvé trace de celte prétendue mission.
SA LÉGATI0?i A PARIS.
En 1347, au mois d'avril, Guillaume Lamy fui envoyé par
le pape Clément VI, en qualité de nonce apostolique, auprès,
du roi de France, avec Pasteur, archevêque d'Embrun, de Tordrt*
de Saint-François (2). Les deux prélats étaient chargés de présen-
ter à Philippe VI une lettre dans laquelle le pape protestait contre
une ordonnance portée par le roi, qui conlisquail, au proiit du
trésor royal, tous les revenus, dixmes et autres biens apparlenaat
aux prélats el autres personnages ecclésiastiques qui élaient ab-
sents du royaume le 13 février précédent. Le pape proteste contre
ce décret qu'il regarde comme attentatoire à la liberté el à l'immu-
nité de l'Eglise; il annonce au roi l'envoi de deux députés chargés
de traiter de celte affaire avec lui : « Nous vous avons envové, lui
dit-il, nos vénérables frères Pasteur, archevêque d'Embrun, et
Guillaume, évêque de Chartres, nonces du Saint-Siège apostolique,
hommes d'une science profonde, distingués par leur probilé et leur
maturité, ayant à cœur votre honneur et votre intérêt, comme
étant originaires de votre royaume (3).
Le pape écrivit pour le même sujet à Jeanne, reine de France (4;,
à Foulques de Chanac, archevêque de Paris (5), et à Firmin Coque-
(I) Narrai scriptor viiae secundae Clcmenlis VI, quomodo Guillclmns
ab Aimerico Cardinale Lcgato dclcgatus csl ponliticalûs Clcmenlis annoiV,
hoc est 1345, ut discordias, inlcr Pisanos cl Luchinum vicccomilem non-
dum sopitas, conciliarcl, et Insubriae régules à muluis inserendis cladibus
abduccrct [Gallia christ,, t. VIII, col. Mo4).
(i) Voir la lettre do riôment Vi aux deux nonces dans Baluze, VUœ
papar. Aoenion., l II, col. 716.
(3) n Ap'^siolicae sedis nuncios, virus uliqne profundilale scicnliie pw-
dilos, probilaiis el maluriinlis venustate conspicuos, luîque honoris H
commodi, velut oriundos de rej^no luo pra»dic(o, zelaiores sinceros -
{Ap. RALUZiC. VUœ papar. Avenlon,, I. H, 701-703).
(4) D'\CHhUY, Spicilcge, l. IV, p. tli, — Gallia christ., l. Il, col. 1174.
(5) Ap, Baluze, Vitœ papar, Aoenion», t. 11, col. 702.
ÉTUDE BIOGRAPHIQUE SUR GUiLLAUHE LAMY. 525
rel, doyen de cette (église, priant ce dernier de ménager aux deux
nonces apostoliques une entrevue avec le roi Philippe et la reine
Jeanne (1).
Wadding, dans sos Annales des Frères Mineurs^ rapporte que
Guillaume Lamy fut envoyé en France, comme nonce apostoliijue,
avec Pasteur de Sarrescudie, archevêque d'Embrun, pour ol)tenii*
de Philippe VI la liberté de Pierre Bertrand, cardinal-prôtre du
litre de saint Clément et d'autres cardinaux que le roi tenait en
prison, et en même temps pour faire révoquer les décrets que le
roi avait portés contre Tautorité et l'immunité de l'Eglise.
Wadding dit avoir trouvé le titre de cette légation dans le regis-
tre des Lettres secrètes de Clément VI (2), et il ajoute que les deux
prélats durent rester longtemps à Paris pour agir sur le cœur en-
durci du roi et qu enfin, grâce aux instances et à l'intervention de
la reine Jeanne, ils obtinrent la révocation des décrets royaux
portés contre les cardinaux et les ecclésiastiques de leur maison (3).
Sponde, dans son Abrégé des Annales de Baronius, dit, à pro-
pos de la mort du roi Philippe VI : « Qu'on peut difficilement
l'excuser d'un fait qui lui est reproché dans les lettres du pape
Clément VI, à savoir qu'il avait fait mettre en prison Pierre Ber-
trand, cardinal du titre de saint Clément, et quelques autres cardi
naux, ainsi que les ecclésiastiques de leur maison, parce qu'ils
avaient résisté à certains décrets royaux qui attentaient à l'autorité
et à l'immunité de l'Eglise. C'est pourquoi Clément VI envoya vers
le roi l'archevêque d'Embrun, Pasteur, de l'ordre de saint François,
et Guillaume, évéque de Chartres, qui eurent beaucoup de peine à
obtenir la révocation des décrets et l'élargissement des cardinaux,
et qu'ils l'obtinrent toutefois grâce aux soins et à l'intervention de
la reine Jeanne (4).
(I) Ap. Raluze, Vltœ papar, Aoenlon.^ l. Il, col. 703.
(1) In Ubrosecr. annl sextl démentis V/, cp. 171 el i28.
(3) beinde Pasioris 0|)era usus est (Clemcns VI) in multis rébus gravis-
simis; cujus eliam prudentiam et dexlopilalcin cxpcrlus est Clemcns VI,
qui mullis muneribus et legationis functum creavit cardinalcm. In hujus
ponlificis rcgeslo inveni instrumenta legalionis sil)i el (iuilielmo Carnoi.
cpiscopo ad Philippum regem Galliarum commissîP, super reiaxandis seii
libcrandis Pelro Cardinali presbylero litiili Sancli (llemenlis, aliisque car-
dinalibus cl eorum l'amiliaribns, quos rex sub cuslodia detinebat; cl super
revocandis hiis, quœ conlra Kccloslie aucloritaUMn el immiiniialem cons-
litucraU Ui obduraUim Régis animum emullire possonl, longo lempore
Pîirisiisimmorari oporluii; et tandem coopérante, ac sollicite inlervenientc
Joanna regina, oblinnerunl (Wadding, Annales zV/tnoram,6ditioD de Rome,
1733, l. Vil, p «25. — Ad anti. 1339, § 2).
(4J Gum nihilominus vix unquam excusari valcat quod ex regcsto
526 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DO LiMOCSlM.
Baluze, qui a publié plusieurs lettres de Clément VI relatives à
la légation de Guillaume Lamy, soupçonne que Wadding s'est
trompé en ce qui concerne remprisonnement de Pierre Bertrand
et des autres cardinaux ; et la raison qu'il en donne, c'est que
Odoric Rainaldi, dans ses Annales, ne parle pas de cet incident : ce
qu'il n'eût pas manqué de faire si le fait eût été vrai, ajoute
Baluze, en raison de ses sentiments d'hostilité à l'égard de la
France (1).
Le silence de Rainaldi, relativement à. remprisonnement des
cardinaux, ne nous paraît pas suffisant pour infirmer le témoignage
de Wadding, qui déclare avoir lu le fait dans les lettres secrètes
de Clément VI, et que Baluze reconnaît comme un écrivain très
érudit et de bonne foi (2).
VI
GUILLAUME LAMY PATRIARCHE DE JERUSALEM.
En 1349, Guillaume Lamy fut nommé par le pape Clément VI
patriarche de Jérusalem. En lui conférant cette haute dignité, le
pape reconnaissait ses mérites cl le récompensait des services ren-
dus à l'Eglise. Ce n'était pas là un vain titre, comme l'a dit un
savant (3). Il est vrai que Guillaume ne devait pas résider à Jéru-
salem : « Le siège de ce patriarcat, dit l'auteur de sa Vie, avait été
transporté à Nicosie, capitale de l'île de Chypre, où s'étaient réfu-
giées un grand nombre de familles honorables de la Syrie(4) ». Un
des prédécesseurs de Guillaume dans le patriarcat de Jérusalem,
le célèbre Pierre de La Palu, était allé, lui aussi, à Nicosie, ou plu-
sieurs historiens le font mourir (5J.
Nous lisons dans un historien de la ville de Chartres que, « à la
démentis pontificis habemiis, Ipsum in custodiam dédisse Pelrum lier*
trandi S. Clemenlis, aliosque nonnullos cardinales, et eorum famiiiares,
eo quod restitisscnl regiis quibusdam decretis contra Ecclesia& auctorila-
tcm et immunitatcm. Qua de causa missi ad regem à Clémente Paslor
minorila, archiepiscopus Ebrcdunensis, et Guillelmus episcopus Carno-
tcnsis, aegrè dccrelorum revocalionem et cardinalium relaxalionem
oblinucrunt, opéra et intervenlione Joannœ regiiia3(l.l,édit. 1678, p. 506).
(1) Baluze, Vitœ papar. ADenion.^ t. 1, col. 785, 893.
{i) Erudilissimum cl bon» fidei scriptorcm [Ibld , col. 785).
(3) lllo inani lilulo gaudens (Sévkrt, £piscoptCa/'ftote/ises, p. 183).
(4) P. BoNAVRNTURR, t. 111, p. 634; — CoLLiN, Vlcê des Saints^ p. 279.
(5) MoRERi, Diction, hiat., arl. La Palu.
ÉTUDE BIOGRAPHIQUE SUH GUUXAUME LAMY. 527
recommandation de Jean, duc de Normandie, Guillaume Amy rési-
gna son évôché de Charlres à Louis de Vaucemain, Champenois,
qui était conseiller du roi et chanoine de Chartres (1). Louis de
Vaucemain fut élu le 18 mars 1349.
Guillaume Lamy ajouta à son titre de patriarche celui d'admi-
nistrateur perpétuel du diocèse de Fréjus, qui lui fut donné en
commende (4) et dont il touchait les revenus. C'est pourquoi il est
appelé évoque de Fréjus dans une épitaphe rapportée par le Gallia
chrûtiana et qui paraît dater du xv!*" siècle. Le.'^ Frères Sainte-
Marthe disent que c'est seulement en 1357 qu'il reçut le titre d'ad-
ministrateur perpétuel du diocèse deFréjus; mais la date 1349, rap-
portée par Baluze, s'appuie sur un document de tin du xiv® siècle (3).
Joseph Antelme, dans son livre sur les Commencements de
l'église de Fréjus^ rapporte que ce prélat « illustra cette église par
de saintes ordonnances et par une munificence digne d'éloges (4). »
Lequien, dans son Oriem Christianus, a mentionné dans la liste
des patriarches de Jérusalem, en 1351, un certain Guillaume (Guil-
lelmus quidam) qu'il n'a pas su être Guillaume Lamy (5).
Parmi ses prédécesseurs sur ce siège patriarcal, nous comptons,
outre Pierre de La Palu, le célèbre dominicain, Hélie II des Nabi-
naux (de Nabinalis), du diocèse de Périgueux (1345) (6), Pierre
de Casa (Des Maisons, né à Limoges), prieur général de l'ordre des
Carmes, mort en 1348 (7).
Ce titre de patriarche de Jérusalem ne fut pas pour Guillaume
Lamy un vain titre. Si nous en croyons l'auteur de sa vie, il se
rendit à Nicosie, dans l'île de Chypre, où le siège du patriarcat
avait été transféré.
L'île de Chypre, lors de la création du royaume latin (1196),
avait été divisée par le papeCôlestin III en quatre diocèses : Nico-
sie, résidence de l'archevêque, Paphos, Famagousle et Limasso
{Nimocia) (8).
(I) DoYKN, Histoire de la cille de Chartres, l. I, p. 344.
(t) Baluze, Histnr. papar. Acenion., t. I, col 9H .
(3) Gallia Christiana, t. 1, col. 436.
(i) Ecclcsiam noslram administraloria vice modoratur, quam el sanclis
ordinationibus el laudabili munificentia nobililal. Undc illius mcmoria
apud nos anniversario rilu rcviviscil 11 kal febr, (De Initiis enclestœ Foro-
jullensis dissertatiOy 1680, p. 164)
(5) OriervB Christianus, t. III, p. 911.
(6) Baluzr, Vitœ papar. Aoeaion.^ l. I, col. 836; — De Maslatrie, Tré-
sor de chronologie^ clc, p. 2i03.
(7) Baluze, Vitœ papar. Aoenlon.^ 1. 1, col. 791.
{fi) Dis Maslatrie, Trésor de chronologie^ d'histoire et^de géographie,
col. 2303.
3!6 SOCIÉTÉ ARCRÉOLOGIQUR ET HISTORIQUE DO LIMOUSIN.
V Arrivé à Nicosie, il commença, à guise d'un soleil, à épancher
de toutes paris les rayons de ses vertus et de sa doctrine ; il alloit,
d'un cours infatigable, éclairer les dévoyés, fortifier les faibles,
encourager les pusillanimes et frayer le chemin du Paradis à tou^.
Il estoit le père des pauvres, le nourricier des orphelins et la con-
solation des veuves et des malades. Il procuroil rornement des
autels, la réparation des églises, l'érection des hôpitaux et le bien
universel de son peuple. Il marioit les pauvres filles ou les plaçoit
dans des couvents, assistoit avec assiduité et dévotion aux offices
divins et aux affaires de son église. Ne se contentant pas de soula-
ger les pauvres voisins, cstendant bien au loin les effets de sa bê-
néficence, il envoya à son frère Ezëchias quantité de billeties d'or,
avec permission du roi Jean, régnant en France, pour les réduire
en monnoye, aHn de marier beaucoup de pauvres filles, notamment
de Limoges, lieu de sa naissance (i) ».
Ce qui confirme ce séjour de Guillaume Lamy à Nicosie, cVst
une lettre que le pape Clément VI écrivit de Villeneuve, diocèse
d'Avignon, en date du x des calendes d'octobre, an x de son pon-
tificat (22 septembre 1351), pour la cause de la foi des Arméniens :
« A nos vénérables frères Guillaume, patriarche de Jérusalem, Phi-
lippe, archevêque de Nicosie (2), Eude (Odo), évéque de Paphos,
Léger, évoque de Limassol (Nimocie) », etc. (3). Dans celte lettre,
Clément VI leur enjoignit d'envoyer sans retard au calholicon /pa-
^riarcA^y/ des Arméniens, un homme enflammé du zèle de la foi
catholique, (|ui exigeât avec prudence et fermeté des réponses ca-
tégoriques sur les divers articles de foi (4).
{\) P, BONAVKNTURE. t. lll, p. 634.
(9) M. de Masialrie a omis ce nom dans sa liste des archevêques de Ni-
cosie {Trésor de chronologie y d'hUtoire et de géographie, col. iî03).
(3) Vencrabilibus fralribus Guillelmo, patriarchae Hierosolymîlano, et
Philippo, archicpiscopo Nicosiensi, et Odoni Paphensi, et Leodcgnrio Ni-
mocionsi cpiscopis, data x kalendis oclobris (id est 2â scptembris) anno
ponlitlcalus X, ap. Waddingum, t. IV Annalium ad cum annum, num. 3,
p. ^. — De en opislola menlioncm faciunl Rîiynaldus, i. XVI, ad cum an-
num, n<^ 9, et Innocenlius VI. papa in epislola data anno 1353, dif^ I.
ocloh. ihid., ad cum annum, num. 35 (Oriens ChrlstianuSj i740, l. III,
col. 1207).
(4) Wadding, A/ifiaZ. A/c/ior., édil. 1733, Rome, l. VIII, p. 5î; — Rm-
NALDi, ad ann. 135 1, n» i9, edil. Lucsb, 1750, l. VI. — Baluzc fail mentioa
do cette IcUre dans ses Armoires^ 348, fol. 5'.
ÉTUDE BIOGRAPHIQUE SUR GU1LLAUMK LAUY. 5S9
VII
Guillaume Lamy a-l-il été archevêque d'Aix?l]n grand nombre
de savants Tont affirmé. Ainsi Sévert, dans sa liste des évoques de
Chartres, dit que Guillaume Lamy, avant d'être évêque de Char-
tres, fut d'abord archevêque de la province d'Aix (1). — Pitton,
dans ses Anna /^5 de la sainte église d'Aix (1668), cite les paroles
suivantes, tirées des archives de celte église : Le R. P. Guillaume
Lamy, archevêque d'Aix, était un homme remarquable par sa sain-
teté (2). Avant lui, Jean Chenu, dans sa Chronologie des évéques de
France (1621). — Claude Robert, dans sa Gaule chrétienne (1626),
- - les Frères Sainte-Marthe, dans le Gallia Christiana vêtus (1656),
le classent parmi les archevêques d'Aix, et ces derniers prétendent
qu'il siégea dans cette métropole pendant deux ans, ayant remplacé
Arnaud Bernard de Piréto, mort le x de calendes d'août (23 juillet)
1358 (3). Joseph Antelme, dans sa Dissertation sur les commence-
ments de r Eglise de Fréjus (1680), dit que Guillaume Lamy, après
avoir été administrateur de cette église, fut transféré à l'église
métropolitaine d'Aix (4); Nicolas et Pierre Antelme, dans leur
Nomenclature de l'Eglise de Fréjus, disent la même chose. « C'est
une opinion commune, disent les Bénédictins du Gallia Christiana,
que Guillaume Lamy a été archevêque d'Aix (5). Nos écrivains
limousins, tels que Allou, dans ses Monumerits de la Haute-Vienne
(p. 260) lui ont également donné ce titre ; on le trouve dans une
inscription du xvu* siècle, qui était placée près de son tombeau.
Baluze, qui avait d'abord adopté celte opinion dans son ouvrage
inédit sur les Ecclésiastiques illustres du Limousin (6), Ta rejelée
plus lard; et voilà comment il s'exprime dans ses notes sur les
(1) Guiilelmus Âmici, Lemovix, vulgo d^Amy, Rolae auditor, prius
Aqucnsis provinciae archiepiscopus 16, deinde episcopus Carnolcnsis
anno l34l. (Chronologla Historica^ elc, Episcopi Carnotenses, p. 183,
édit. \QiS.)L? première édition de cet ouvrage est de 1607. Sévert aura
probablement confondu l*évéché (ÏApt avec celui d'Aix, (Aqu.), et les
autres écrivains auront reproduit son erreur.
(2y R. D. P. Guiilelmus Amici Aqu. archiepis. erat vir sanclimonia in-
signis. {Annales de la sainte Eglise d'Aix ^ 1668, p. \Hi.)
(3) Gallia christiana vetus^ archiepis. Aqucnses, t. I, 1656, p 18.
(4) Oe InUiis Ecclesiœ ForojuliensLs DisHértatio, p. 464.
(5) GaUia Christiana, t. 1, p. 436.
(6' Catalogus virorum lllaHrlum Lcmovicensium^ quantum ad Ecclc-
fiiam^ fol. 50-51. - Bibliothèque nationale y armoires de Baluge^ n** ^48.
530 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE RT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Vies des papes d'Avignon : « Ceux-là cerlamement se trompent, qui
écrivent qu'il a ^té archevêque d'Aix » (1).
Les Bénédictins du Gallia C hristiana oni adopté celle opinion de
Baluze; et ils s'appuient sur Tépitaphe de Guillaume Lamy qu'on
lisait sur une lame de cuivre placée près de son lombeau, et dan?
laquelle il est dit seulement patriarche de Jérusalem e( évéque de
Fréjus.
« D*après cette épitapijc, disent-ils, il est clair que Guillaume
Lamy n'était pas archevêque d'Aix quand il mourut, car s'il avait
eu cette dignité, pourquoi serait-il appelé simplement évéque de
Fréjus? Rien d'étonnant, si, dans cette épitaphe, il n'est pas fail
mention des évôchés d'Apt et de Chartres, dont il ne jouissait plus
quand il mourut. Or, si avant sa mort, il avait eu en même temps
Tarchevéché d'Aix et Tévéché de Fréjus, il eût été absurde de
mentionner la moindre dignité et de passer Tautre sous silence (2). >
Ce raisonnement des Bénédictins ne nous semblait pas péremp-
toire. Guillaume Lamy aurait pu être nommé archevêque d'Aix,
et donner sa démission de ce siège, comme il Ta donnée des évêchês
d'Apt et de Chartres. Il ne serait donc pas étonnant que celte
dignité ne fût pas mentionnée dans son épitaphe, puisqu'il ne la
possédait plus au moment de sa mort. D'ailleurs Tépitaphe sur la-
quelle se fondent les auteurs du Gallia christiana n'est que du xvi*
siècle (probablement l'œuvre de Bardon de Brun), et celui qui l'a
rédigée a pu ignorer les dignités qu'avait eues Guillaume Lamy.
C'est à tort qu'on l'appelle évéque de Fréjus, puisqu'il n'a été
qu'administrateur de ce siège. Notre savant Nadaud, malgré l'au-
torité de Baluze et des Bénédictins, a maintenu à Guillaume Lamy
le titre d'archevêque d'Aix dans l'épitaphe qu'il a composée, et
que nous publierons plus loin (3).
Nous avons écrit sur ce sujet à M. l'abbé Albanès, et voici la
lettre que ce savant ecclésiastique nous a fait l'honneur de nous
adresser :
u II me semble que la carrière de Guillaume Amici, sur lequel
vous voulez bien m'interrogcr, est assez clairement tracée pour
qu'il n'y ait pas à s'y tromper. Il n'a jamais été archevêque d'Aix.
D'abord évéque d'Apt en 1341, évéque de Chartres en 1342, pa-
triarche de Jérusalem en 1349, et chargé le même jour d'adminis-
trer l'évêché de Fréjus, qu'il a possédé jusqu'à sa mort, cette suc-
(\) Errant profecio qui scribunt illum fuisse arcbiepiscopum Aquensum.
(Vitœ papar. Aoenion., t. 1, p. 911.)
(I) Gallia Christiana^ 1. 1, col. 436.
(3) Voir à l'appendice.
RTUDE BIOGRAPHIQUE SUR GUILLAUME LAUY. S$31
cession de dignités bien établie ne permet pas de le placer dans
un autre siège. D'autre part, il n'y a pas place pour lui parmi les
archevêques d'Aix dont la succession, au xiv» siècle, est parfaite-
ment sûre, malgré les grosses erreurs du GalUa christiana,
Arfna7id de Narcès tint le siège d'Aix de 1329 à 1348; — Arnaud
Bemardi de Pireto lui succéda immédiatement en 1348, et siégea
jusqu'en 1361, où il eut pour successeur Jean Peissoni, jusqu'en
1368 où arrive Géraud de Pousillac jusqu'en 1379. La chaîne est
étroitement liée; toutes les bulles de provisions sont là, et men-
tionnent le prédécesseur et le successeur. D'ailleurs les vacances
du siège sont très brèves, et il n'y a pas un jour où l'on puisse
intercaler un autre archevêque.
» Votre Guillaume doit donc se contenter de ses trois évéchés et
de son patriarcat honorifique : il a laissé assez peu de souvenirs
dans ses deux églises provençales, où pourtant il paraît avec une
assez grande renommée de vertu. Je n'ai vu aucun litre où son
nom soit écrit autrement que Guillaume Amici, Vous seul pourrez
nous dire si dans les titres français on le nomme Lamy, et si sa
famille portait réellement ce nom. J'hésite beaucoup quand il s'agit
de traduire ou d'interpréter un nom du moyen âge, si quelque docu-
ment contemporain ne me sert de guide, aimant mieux le plus sou-
vent laisser le nom tel que je 1^ trouve, que de m'exposer à une
fausse interprétation. Mais en ceci, il est certain que les écrivains
locaux sont plus à même de frapper juste que ceux qui se trouvent
à distance (1) ».
VIII
Signalons l'erreur commise par quelques historiens qui ont pré-
tendu que Guillaume Lamy avait été nommé cardinal. C'est ainsi
que Sabion^ dans son Histoire de Vauguste et vénérable Eglise de
Chartres, dit en parlant des évêques de cette église : « Plusieurs
ont été cardinaux et légats, comme Guillaume 66* évesque (2). »
Doyen, dans VHistoire de la ville de Chartres et du pays chartrain,
dit également en parlant de Guillaume Lamy : « Le pape le fit car-
dinal (3). » L'auteur de la vie légendaire du patriarche dit seule-
ment que le pape lui offrit le chapeau de cardinal, lequel il refusa
à cause que cette dignité avoit trop d'éclat et trop peu de travail
pour Notre Seigneur (4).
(1) Lettre datée de Marseille, 18 juin 1892.
(â) Histoire de Vauguste et vénérable Eglise de Chartres, 2« édition,
1683, p. 79.
(3) Histoire de la vUîe de Chartres, HSd. t. I. p. 314.
\i) P. BOIIAVBNTURK, t. III, p. 634.
t
532 SOCIETE ARCRÊOLQOQUE ET HISTORIQUE DU UMOVSIPC.
Ce que dit Tauleur de celte vie est assez vraisemblable. Guil-
laume Lamy, après avoir été nonce à IJaples et à Paris, avait quel-
ques droits à la pourpre cardinalice; et nous voyons que son collè-
gue dans la légalion auprès du roi Philippe VI, Pasleur, archpv<V|u
d'Embrun, fui admis dans le sacré-collège le il décembre 1350 I
IX
GUILLAUME LAMV, l'ttLVOT I) EYMOUTIERS ET DE LAVAUR
Outre révéché de Fréjus, que Guillaume Lamy avait en coni-
mende, et dont il fut nommé administrateur perpétuel, ce prélai
possédait d'autres bénéfices : ainsi nous trouvons que, en 13SS>, ii
était prévôt du chapitre d'E\mouliers (2); une note publiée par
Baluze, prouve qu'il était également prévôt du chapitre de I^-
vaur (3).
Les papes d'Avignon, pour fournir aux cardinaux et autres di-
gnitaires de la cour pontificale les revenus dont ils avaient besoin
pour soutenir leur rang, les nommaient à des évéchés où ils étaient
dispensés de résider, et leur assignaient d'autres bénéfices eccli'-
siastiques, tels que des litres de prévôts de chapîlre,d'archiprélres,
dont ils louchaient les revenus.
C'est ainsi que, sans sortir du Limousin, le pape Clément V, en
1313, annula l'élcclion de Guillaume d'Ahent (d'Eymouliers), faite
par le chapitre de Sainl-Junien. Le pape dit qu'il s'était réservé la
collation de ce bénéfice, en raison de la plénitude de son pouvoir:
et au mois de septembre i313, il conféra la prévôté de Sainl-
Junien à Gaucehu de Jean, son chapelain, et auditeur du second
degré des causes du sacré palais (4). Nommé par le pape Jean XXII
vire-chancelier du Saint-Siège et cardinal en 1317, ce prélat pos-
sédait encore la prévôté de Saint-Junien en 1336 (5j.
(!) Baluze, Vitœ papar, Aoe/ito/i., t. I, col. 894.
(2) Bulla, in superioribus laudala, in qua appollatur prseposilus Ahealrn-
sis Ecclesia; diœcesis Lemovicensis [GalUa christ, i. 1, col. 4H6) — Nadaid.
Pouilléms.— Leouos, Chapitres du Limousin, Eymouiiers, {Manuscrits du
Séminaire de Limoges).
(3) De Guillelmo isla legunlur in Necrolov^io Ecciesiae Vaurensis ad
diem XXIX. Aprilis : Obilus Domini Domioi Guillelmi Amîci quornlarti
prœposili Vaurensis et palriarchœ Hierosolymilani. (Ap. Baluze, Vitœ pa-
par. Aoenion.^ l. I, col. 1433).
(4) Chronique de Maleu, publiée par nous en 1847, p. 413.
(5) Documents historiques sur la oiMede Sainl-Junien, ibid,^ p. 178.
ÉTUDE BIOGRAPIIIOUB SUK GUILLaCME LAIIY. S(3S
SA MORT ET SA SÉPULTURE
Guillaume Lamy mourut à Montpellier, le 9 juin (360. Son corps
fut d'abord inhumé dans cette ville, dans l'église des PP. Carmes;
puis, au bout de quoique temps, il fut transporté, selon ses der-
nières volontés, dans la cathédrale de Limoges et inhumé dans la
dernière chapelle de Tabside, appelée de saint Thomas, où il avait
fondé une vicairie. « Son mausolée, dit le P. Bonaventure, est
relevé au milieu de la chapelle » (1).
Dans un ancien Calendrier de l*Eglise de Limoges^ publié par
le P. Labbe, on lit ce qui suit :
« V. idus junii. Hic fiât anniversarium quondam dom. Guillelmi
Amici de castro Lemovicarum, et familiae honestorum burgensium
Amici oriundi, Garnotenis episcopi ac Hierosolymitani palriarch»,
viri utique sanctissimi, et miraculis in dies coruscantis, hâc die
defuncti, anno Domini MCCCLX, supra ejus tumulum in capella
S. Thomas (2).
« Le cinq des ides de juin (9 juin). Qu'on célèbre l'anniversaire du
défunt seigneur Guillaume Lamy, originaire du château de Limo-
ges, de la famille des Lamy, honnêtes bourgeois, qui fut évéque
de Chartres et patriarche de Jérusalem, homme assurément très
saint, et qui s^illustre de jour en jour par des miracles ; sur son
tombeau, dans la chapelle de Saint-Thomas ».
Dans cette chapelle, qu'on appelait pour cela la chapelle du
patriarche, on voyait la statue en pierre d'un évéque, représenté à
genoux, avec celle inscription :
GVILLERMVS
AMICI
PATRIARCHA
IHEROSOLI
MITA
NV
S.
près de la statue, sur une lame de cuivre, on lisait, au xvii'* siècle,
l'inscription suivante :
( 1} P. Bonaventurk, l. II, p. 234.
(t) Bibliotheca nooanxas, Ubror.^ t. Il, p. 7G0.
T. XL, 3*
8.1i dOClÉTE ARCHEOLOGIQUE Et illfttORtQUiS DU LlMOtJStK.
Guillermus Âmici, ex urbe Lemovicensi oriuDdus, patriarchâ
lerosoliraitanus et Forojuliensis quondam episcopus, vir pietatf
iDsignis et miraculis clarus, apud Montempessulanum ex bac riia
excedens, migravit in cœlum die nona mensis junii, aono Vè^l
Cujus corpus sacrum, cum primum in templo S. Mariae de Carmelo
honorificis exequiis ecclesiasticae sepullurse mandalum esset, po>i
aliquod tempus, juxta susb piaB voluntalis ultimum elogiom, ifl
Ecclesiam Lemovicensem translatum, ibidem in sacello S. Thomir
nuncupato, celeberrime conditum est, beatam cum sancUs resor-
rectionem expectans (1).
Celte inscription a été probablement rédigée au coonmencemeDî
du xvH* siècle par Bardon de Brun (2;.
XI
Par quel concours de circonstances le patriarche Lamy serail-il
mort à Montpellier?
Si nous en croyons l'auteur de sa vie, le vénérable patriarche,
après avoir été appelé de Nicosie à Avignon parle pape Innocent VL
et lui avoir rendu compte de sa charge pastorale, aurait eu le désir
d'aller voir ses parents à Limoges; et c'est en passant par Mont-
pellier que, saisi d'une fièvre violente il aurait rendu son âme à
Dieu. Malheureusement pour cette version, Montpellier n'est pas
sur le chemin d'Avignon à Limoges. Pitton, dans ses Annales de
l'église d'Aix, donne une version plus vraisemblable, la voici :
« Sesmaux, par l'avis des médecins, Tobligèrentà changer d*air,
et d aller chercher celuy de sa patrie. (C'est leur ordinaire défaite,
lorsque la maladie a mis leur art en déroute, et souvent ils ordon-
nent ce qu'ils n'entendent pas : car le véritable air natal, est celuy
de l'autre monde, puisque nos âmes sont de Dieu). Aussi la maladie
de notre prélat empirant, il fust à Montpelier pour consulter les
plus célèbres médecins de l'Europe. L'escole de médecine y a donûê
(le très grands hommes; elle a cet avantage d'estre la première du
royaume et ses professeurs continueroient dans restiroe de très
sçavants, qui leur est deûe avec justice, et qu'ils ont acquise par
leurs doctes escrits, si les Régences continuoienl d'estre mises à la
dispute, et non pas à l'enchère, et données à prix d'argent, ou par
la faveur d'une personne d'autorité pour quelque service imaginaire,
(1) Ap, Baluze, Vltœ papar, Aoenion,^ 1693, t. I, col. OIS. - GaBi^
christiana, l. I, col. 436.
(2j Voir le P. BoNAVENruuE, l. lll, p. 635,
^UDK BIOGRAPHIQUE SUR GUILLAUIÉE LAMV. fc3it
ce qui est un mal assez commun et universel dans ce siècle cor-
rompu.
» Les médecins de cette célèbre Université ne purent empêcher
que Tarchevôque Amici n'y trouva {sic) la (|n de ses jours, la
soixantc-qualriesme année de son âge, après avoir été notre prélat
environ deux années, et huH celuy de Chartres. Son corps fust mis
en depos dans Téglise des Carmes, d'où il fust porté à Limoges,
lieu de sa naissance, laissant une bonne odeur de sa vie, comme le
témoignent les paroles des Archives de celte Eglise qui disent :
R. D, P. Guillelmus Amici Aqu, archiepi$. erat vir sanctimonia
insignis (1) ».
XII
sors TITRE DE BIENHEUREUX
Guillaume Lamy est appelé bienheureux par beaucoup d'écri-
vains limousins : par Luc Lamy, son biographe; par le chanoine.
CoUin, dans ses Vies des Saints du Limousin (2), par le P. Bona-
venture Saint- Amable (3), etc. Les Annales manvscrites de Limoges
lui donnent même le titre de saint (4).
Un ancien catalogue des évêques de Chartres, rédigé peu de
temps après sa mort (1380), dit quH7 est réputé saint (5) ; dans un
ancien calendrier de Féglise de Limoges, que nous avons déjà cité,
on dit de lui : <i Homme très saint, qui s'illustre de jour en jour
par des miracles » (6); Pilton, dens ses Annales de l'Eglise d'Aix,
rapporte une note tirée des archives de cette église, où il dit de
Guillaume Lamy : « homme remarquable par sa sainteté (7); les
savants auteurs du Gallia christiana disent qu'il est mort avec une
certaine réputation de sainteté (8).
Le P. Bonaventure raconte plusieurs guérisons miraculeuses
opérées par son intercession ; elil ajoute que « le vénérable Bardon
de Limoges a recueilli quelques miracles du saint quMI (il graver
(I) Annales de la Sainte-Eglise d'Aix, par M. J. Pitton, Jocteur en
médecine, de la ville (i*Aix.— Lyon, 1668, in-4^ p. 182.
(i) Vies des Saints du Limousin^ 1672, p. 274,
('-$) Annales du Limousin , t. III, p. 635.
(•4} Annales manuscrites de Limoges, p. !î3f.
(h) El sanctus repuiatur(ap. Baluzb^Vc^c» papar, Aoenion,, t. f,col.9l i).
(6) Viri uiiqae saDCtissimi, et miraculis in dles coruscaniis (ap. Labbk,
BibL nooa ms3. libr. t. II, p. 260).
(7) Vir sancUmonia insignis (Annales de l'Eglise d^Aix, p. 18i^.
(8) GalUa christiana, i, I, coi. 364.
536 SOCIÉTÉ AnCHÉOLOGiQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIK.
sur une lame de cuivre et attacher à la muraille près de son lom
beau » (t. III, p. 635).
Parmi ces miracles, citons la guérison d'un frère carme, noma'^
Annolet, qui était lépreux, et qui après avoir trempé dans de IVa.^
bénite des fleurs qui étaient auprès de son tombeau, en lava <•-
corps et vit sa lèpre disparaître entièrement.
Le chanoine CoUin et le P. Bonaventure disent même quonoi'-
bre la fêle du bienheureux Lamy dans le diocèse de Chartres, elc^^'
par Tordre exprès du siège apostolique (1) ; ils doivent avoir pai?'
cette assertion dans la vie du bienheureux, par Luc Lamy ; mi^^
d'après des renseignements pris à Chartres, ce détail n'est pa^
exact.
XIII
C'est sans doute à cause de cette réputation de sainteté que h
tombe du patriarche Lamy fut profanée par les vandales de 1*3.
Leurs mains sacrilèges, qui épargnèrent les autres torobeaui,
fouillèrent son sépulcre et jetèrent ses ossements au feu. Sa léie.
qui fut retirée des flammes, fut placée plus tard dans une urc»
que Ton conser\e pieusement dans l'église de Saint-Pierre, coran)''
on le voit par l'inscription suivante, gravée sur une lame de cuivir,
dans la chapelle de sainte Anne, qui était celle des pénitents noirs.
« Dans cette urne est renfermé le chef du bienheureux palriar-
che Lamy, qui jeté avec d'autres ossements au milieu dun i^^
allumé dans l'église de Saint-Etienne en 1793, fut plusieurs foi^
rejeté par les flammes. Ce que voyant, un sonneur la ramassa pi»*»-
sèment, et la remit à une sœur de charité, qui elle-même ea tii
cadeau à la Compagnie des pénitents noirs de Saint-Pierre. CV-
pourquoi nous l'avons religieusement, conservée et renfermée dai^
l'urne des cendres du vénérable Bardon de Brun, le 3 mai iSli»
jour de l'Invention de la Sainte-Croix, et placée dans celle chapelle on
nous faisons nos ofïices. »
Dans cette chapelle de sainte Anne, se trouve un vitrail qui re-
présente le patriarche Lamy. Au-dessous on voit ses ârme> :
de gueules à la colombe d'argenty qui sont encore aujourd'hui l^"^
armoiries de la famille Lamy de La Chapelle. M"' Lagorce, ih'*'
Lamy de La Chapelle, fit placer ce vitrail en Thonneur de son îHu^*
tre parent, en 1887.
Quelques années auparavant, son frère, le P. Lamy, de la Com-
pagnie de Jésus, avait transféré le chef du patriarche dans un roli-
quiiire placé au-dessus de l'urne du vénérable Bardon.
(I) r.oLLiN, vies des Saints du Limousin^ p. 274; — P. BosAVumîB^
i. iil, p. u:ij,
ÉTUDE BIOGRAPHIQUE SUR GUILLAUME LAMY. 537
APPENDICE
I
EPITAPHES DE GUILLAUME LAMY ; INSCRIPTIONS DE SA CHAPELLE.
Dans un ouvrage manuscrit du siècle dernier (1780) qui a pour
litre : Recueil d'inscriptions et d'antiquités de Limoges^ par l'abbé
Legros, nous trouvons quelques détails sur les épitaphes de Guil-
laume Lamy et sur diverses inscriptions qui ornaient la chapelle
(le saint Thomas, où le patriarche était inhumé. A l'époque où fut
rédigé cet ouvrage, Tépitaphe latine que nous avons rapportée
plus haut, et que nous avons publiée d'après Baluze, avait disparu.
Citons le manuscrit de Tabbé Legros :
« CV. Dans la chapelle de saint Thomas, dans la cathédrale,
sur le mur collatéral à gauche, en y entrant, on voit trois plaques
de cuivre, dont la supérieure représente le patriarche Lamy, en
habits pontificaux; ses armes au-dessous, et autour deux bande-
rolles qui portent ces mots en caractères majuscules de notre
temps :
Sur Tune :
MVLTI DICVNTVR AMICI : MAGIS AMICA VERITAS.
Sur l'autre :
AMICVS, ANIMiE DIMIDIVM. S. Aug. (1). »
Nous lisons dans un autre manuscrit de l'abbé Legros que ces
inscriptions étaient l'œuvre de Bardon de Brun. Ce vénérable prê-
tre de Limoges avait composé un recueil de la vie et des miracles
du patriarche Lamy qu'il avait fait graver, au commencement du
xvii" siècle, sur une lame de cuivre attachée sur le mur de la cha-
pelle de saint Thomas. Cet ouvrage de M. Bardon était en latin et
gravé sur trois colonnes (2). Le P. Bonaventure confirme le fait en
ces termes : v Le vénérable Bardon, de Limoges, a recueilli
quelques miracles du saint, qu'il fit graver sur une lame de
(I) Legros, Recueil d'inscriptions et d'antiquités de Limoges^ p. 66.
Manuscrits du Séminaire.
(3j Legros, Vies des Saints^ 9 juin. t. lii, p. 374, note 1 .
53d SOCléTB ARCniîOLOrilQUR ET niSTORlQUfe ÙV LIHOUSIR.
cnivpp, et attacher à la muraille proche de son tombeau (1). '
« CVI. Au-dessous des susdites plaques de cuivre, on voit h
ligure en pierre de ce patriarche, qui est à genoux sur on prie-
Dieu, sur la face antérieure duquel on voit ces mots gravés cd
caractères majuscules assez conformes aux nôtres :
GUILLERMUS
AMICI
PATRIARCHA
HEROSOLI-
MITA (2). »
Cette leçon nous paraît plus exacte que celle que nous avons
publiée d'après Baluze.
Voici une épitaphe plus moderne : citons encore Tabbé Legros :
u Dans la chapelle de saint Thomas, dans Tëglise cathédrale, à
gauche en entrant dans la dite chapelle, on lit sur une lame de
cuivre jaune, appliquée au mur collatéral, Tëpitaphe suivante :
D. 0. M.
Hic jacet
Reverendissimus D. D. Guillelmus Amici, gallicè Lamy,
Patriarcha Jerosolimitanus
Ortu Lemovix.
Hujusce Ecclesiae quondam canonicus inclylus,
Apostolicae sedi obsecutus, varias, alternalim, diœceses rexit,
Pluribus ut prodesset.
Zelum quo flagrabat totus impendit totum
In commissas sibi oves ;
Solliciludine pastor, charitate pater, moribus forma,
Summorum pontiflcum benevolentiam, cleri amorem, plebis vola
In se convertit
Vir utique, démentis VI, papas oculatissimi judicio,
a Profunditate scientiae praeditus,
» Probitatis venustate conspicuus,
» Honoris et commodi Regni Francorum zelator sincerus. »
Anno salutis 1360, apud Montempessulanum obiit,
Deo plenus, coelo maturus (3).
Vilae sanctions, mortisque beatae famam obtinet.
Qnae miraris in ipso, imitari satage (4).
(1) P. BONAVENTORE, t. Ul. p. 634.
(2) Legros, Recueil d'Inscriptions^ etc , p. 66.
(3) Dans un premier projet, à la suite de ce mot, on trouve la ligne suivante :
Nalali solo reddidit corpus hic tumnlalum (Leoros, p. 9i).
(4j Lègros, Recueil me, d'inscripilons p. 49. [Séminaire de LimogeB.)
ÉTUDE BIOGRAPIIIÛUR SUR GUILLAUME LAMY. 53d
Celle épitaphe fut composée en 1765 par M. l'abbé Devoyon,
alors chanoine delà cathédrale (1), lorsque le Chapitre de cette
église se détermina à revêtir la nudité de la chapelle du patriarche,
décorer son tombeau et illustrer sa mémoire. L'abbé Nadaud ne
goûta pas cette épitaphe, il en fil une critique quil envoya à
M. Devoyon, et lui substitua la suivante à laquelle ce chanoine fit
quelques emprunts, qu'il a insérés dans celle qu*il fit imprimer en
tête de YEloge du patriarche (2), imprimé en 1771 chez Pierre
Chapoulaud à la suite de l'Eloge de Mb' de La Fayette, évoque de
Limoges.
Voici répitaphe composée par Tabbé Nadaud (inédite) :
Hic
Cum sanctis
Qui aevo suo sanclus reputalus,
[Et cum sodalibus suis
Hujusce Ecclesiae canonicis]
Beatam resurrectionem expectat
GUILLELMUS ÂMICI
Lemovicensis.
Vir utique, teste summo ponliBce Clémente VI,
Profunditate scientiae prœditus,
Probitatis et maturitatis venustate conspicuus,
Honoris et commodi régis Francorum zelator sincerus,
Ad varios apices vicissim sublimatus est :
Cunctis profuit.
Camerae apostolicae auditor,
Praepositus Ahentimonasteriensis et Vaurensis,
Aptensem et Carnotensem rexitEcclesias;
Forojuliensem sibi commendatam
Sanctis ordinationibus et laudabili munificenlia nobilitavit.
Aquisextiensis archiepiscopus,
Demum patriarcha Hierosolymitanus,
jÛbiit apud Montempessulanum,
V. idusjunii, M. CGC. LX (3).
(1) Plus tard supérieur du Séminaire des Missions et vicaire-général
du diocèse.
(2) Legros, Recueil d' Inscriptiona, etc., p. 93. {Manuscrits du Grand'
Séminaire.)
(3) Legros, Recueil ms. d'Inscriptions, p. 93. — On voit que malgré
rautorilé de Baluze et du GalUa christianay Nadaud a maintenu à Guil-
laume Lamy son titre d'archevêque d'Aix.
540 SOCIiri AaCHROLOGIQUR ET HISTORIQOE Dl) LIMOUSIN.
De la fin du xvu" siècle était aussi une autre inscription grayée
sur une lame de cuivre, et attachée au mur collatéral, à droite en
enlranl, en face du tombeau du patriarche; elle portait ce qui suit :
« Ad perpetuam rei memoriam.
» Illustrissime et Révérendissime
» Guillaume Lamy, qui fut auditeur de la Rote dans la cour de
Rome, puis évéque de Chartres, administrateur perpétuel de Fréjus,
archevêque d'Aix et patriarche 4e Jérusalem, mourut à Montpellier
le 9« juin. Tan 1360, et son corps fust transporté à Limoges, suivant
sa dernière volonté, et enseveli dans ce monument, dans la cha-
pelle de StThomas, où il fonda sa vicairie. Les archives de la
ville d'Aix et Jean Chenu, parlent de lui comme d'ung sainct, et
M. Pillon, aux Annales qu'il a faict de Téglise d'Aix, Sainte-Marthe,
i. \, de Aquens, archiep,, t. 2, de Camot. episc, fol. 492, num. Hî,
de ForojuL episc, fol 591, num. 39 ; Vir fuit sanctimonia insignis
qui apud Montempessulanum animam Deo reddidit, die 9 junii, ann.
1360, Le Dictionnaire historique dit qu'il étoit bien aimé et estimé
de Clément VL — Helie Lamy estoit chanoine dans cette cathé-
drale l'an 1391, trente-un ans après le décès du patriarche.
Après luy furent M" François et Jean Lamy, esleuz par le Roy aa
haut pais de Limousin, François vivoit l'an 1S24 et laissa Jean son
ûls, aussi esluz. Sa maison estoit celle qui est au portail Imbert,
ou est l'estatue du patriarche. Jean laissa Estienne Lamy, prévost
de Limoges, auquel appartenoit la maison du Roy de Navarre, qui
est à présent celle de Thré^soriers, etc. (1). »
Cette inscription, relativement récente, manque d'autorité.
II
MEMBRES DE LA FAMILLE LAMY AU XIV* SIÈCLE
/** Etienne Lamy
Une inscription composée de dix vers léonins se trouvait au siècle
dernier, dans le sanctuaire de la petite église de Saint-Jean-Sainl-
Etienne, aujourd'hui détruite. Cette inscription avait été iranscriio
par l'abbé Nadaud, et copiée d'après lui par l'abbé Legros, dan<
(1] LeoROS, Vies des Saints du Limousin^ 9 juin, t. III, p. 37$.
ÉTUDE BIOGHAPHIQIJR SUR GUILLAUME LAMY. 541
son Recueil d'Inscriptions et d'Antiquités de Limoges, Elle est iné-
dite. Elle se rapporte à une fondation faite, l'an i3i2, par Etienne
Lamy. On devait dire, tous les mercredis (quarta feriaj, en l'hon-
neur de Marie, mère du Christ, une messe chantée à haute voix,
avec cierges allumés. Etienne Lamy s'était engagé, par écrit, à
donner pour cette fondation, une rente de seize sols. Il avait mis
cette condition que, si on cessait de dire la messe, la fondation
serait révoquée, et la somme affectée à cet œuvre serait restituée à
rhérilier du fondateur. L'inscription se termine par cette prière :
Faites, 6 pieuse Vierge, que votre Fils soit apaisé^ par le donateur,
afin qu'il lui accorde le lieu du perpétuel repos. Amen.
Voici la copie de l'abbé Legros :
« CCXIV. A Saint-Jean, dans la cité de Limoges, dans le sanctuaire,
du côté de l'épître, on lisoit cette inscription maintenant enlevée,
ou cachée par la boiserie :
Anne milleno lercenleno duodeno
Hic missam dicl Sleph[anu]s stabilivit Amici,
1d quarta ferla : de Christi matre Maria,
Allé caDtando, candelas [atjque cremando.
Octo bis assignans solides, scriptoque (1) signans
Al (2) si cesselur, donatio tune revoc[elur],
Dooatasqoe res habeal (3) suus et ievel hères (i),
Distribuons licite celeslis muQe[ra] vilae.
Fac el placatum (5), pia Virgo, donalore (6) nalum,
Ui concédai ei loca perpeiuae requiei. AiN (ameD) (7). »
^° Elie Lamy
Quelques écrivains ont avancé qu'Ehe Lamy, chanoine de Limo-
ges, était un frère du patriarche. 11 ligure, avec deux de ses con-
frères, Séguin de Pompadour et Bernard de la Tour, dans un acte
solennel du 24 août 1370, par lequel les habitants de la Cité de
Limoges se donnent au roi de France et lui jurent obéissance et
(i) Copie : pictoq.
(ï) Ms: \d.
(3) Ms : heat.
(4) Ms : has:
(5) Ms : deootum qui ne rime pas avec natum.
(6) Ms : dotore.
(7) Lkgkos, Recueil d'Inscriptions et d'Antiquités de Limoges, p. 104.
Manuscrits du Séminaire,
5^2 SOCIÉTÉ ARCBÉOLOGIQUR RT HtSTORlODE DU LIMOUSIN.
fidélité (1). Au mois de septembre suivant, la cité fut prise d^assaut
et saccadée par le prince de Galles.
« Trois ans après (1373), il n'y avoit, dit le P. Bonavenlure, que
quatre chanomes résidons dans la Cité, et y vivant très pauvrement :
Mathieu de Fellelin, HelieLamy, Pierre de Soubrebost et Pierre de
Lubersac(2). »
D'après une inscription de la chapelle de saint Thomas que nous
avons déjà citée, Hélie Lamy vivait encore en 1391 , trente et un ans
après la mort du patriarche; par conséquent c'était plutôt an neveo
qu'un frère de Guillaume Lamy.
3» Marguerite Lamy
Nous lisons dans le Gallia christiana, que Marguerite Lamy, ab-
besse du monastère des AUois (aujourd'hui commune deLaGeney-
touse, Haute- Vienne), en 1348 et. 1354, avait sous sa direction
soixante jeunes filles nobles (3).
Elle figure au douzième rang à partir de la première prieure, et
au dixième rang parmi les abbesses de ce monastère. Voici la noie
que le P. Bonaventure lui a consacrée : « La dixième abbesse Mar-
guerite Amyge, 1347 (4) ».
Elle était contemporaine et vraisemblablement parente du pa-
triarche Lamy, mais nous ne savons à quel degré. Voici la date de
différents actes que l'abbé Nadaud avait trouvés sous son nom :
« Marguerite Amici, alias Lamy ou Lamige, de Limoges, 1343,
134S, 1348, 1387 (5) ».
Pierre de Soubrebost
Pierre de Soubrebost, chanoine de Limoges, fut un serviteur
fidèle et obéissant du patriarche et voulut être inhumé près de loi.
Il y a quarante ans, on voyait son épitaphe engagée dans le mur
de clôture du chœur, du côté de l'abside, en face de la chapelle où
Guillaume Lamy avait son tombeau. Depuis les réparations mo-
derne de la cathédrale, cette épitaphe a été placée dans la chapelle
(1) Voir cet acte dans le Bulletin de la Société archéologique, t. XVill,
p. 117.
(2) P. Bonaventure, 1. 111, p. 664.
(3) Xil. Margarila I. Lamy sexaginla nobitibus puellis pra&crat an. t3i8
cl 1354. {Gallia christiana^ l. Il, col. 617).
(4) P. BONAVKISTURE, t. lli, p. 499.
(5) Bulletin de la Société archéologique ^ t. IX, p. I5i. — Guide dt
l* étranger à Limoges^ 2** par lie, p. t62.
ÉTUDE BIOGRAPHIQUE SUR GUILLAUME LAMY. 5i3
de saint Joseph, dans la muraille à gauche en entrant : en voici le
texte :
liocjacet in loco Dominus P. deSuperhosco.
Nomine vei alio dictus de Momilio.
Vir moribus plcnus, canonicus Lemovicanus.
Hic voluit poni, patriarchae junclus honori ;
Cui bene servivit, iideliler et obedivit.
Iste peragravit Romam, Jacobumqnc Piclavis :
Hic Katerinam coluit, Je banne m que Mariam,
Illico reversus, gratus fuit sibi lecius,
Ubi aegroiavii pluribus hebdomadis,
 festo Magdalene usque fcstum Katcrine.
Félix obivii, hora nona vere finivil,
Novembris mensc, quaria vicesima die,
Anno miileno cenleno ter ociuageno
Quatuor adjunctis. Requies œterna defunclis.
Vos qui transitis, quociens venilis cl ilis,
Cum prece vos silis, ul Chrisius sit ipsi mitis.
Ici gît le seigneur Pierre de Soubrebost,
Appelé d'un aulre nom du MontelL
Homme de bonnes mœurs, chanoine de Limoges.
Il voulut éire inhumé dans ce lieu, partageant Tbonneur du palriarche,
Dont il fui le fidèle et obéissant serviteur.
Il alla en pèlerinage à Rome, à Saint-Jacques, à Poiti*MS : [Vierge.
Il eut beaucoup de dévotion à Sainte-Catherine, à Saint-Jean, ii laS^iinle-
\)h'i qu'il fut de retour, son lit lui fut agréable,
Il y resta malade plusieurs semaines, [Iherine (24 novembre].
Depuis la fête de Sainte-Madeleine {22 juillet) jusqu'à la iôle de Sainte-Ca-
Il mourut heureusement et expira à Theure de none [3 heures du soir).
Le vingt-quatrième jour du mois de novembre.
L'an mil trois cent quatre vingt,
El quatre {ans) de plus. — Repos éternel aux défunts !
0 vous qui passez, toutes les fois que vous allez el venez.
Obtenez, par vos prières, que le Christ soit doux pour lui !
III
V1CAIR1E DE SAINT THOMAS
Le patriarche Lamy avait fondé une vicairie dans la chapelle de
saint Thomas, oiï il était inhumé. Quelles en étaient les conditions?
Quels en étaient les revenus? Nous l'ignorons : nous n'avons pu
nous procurer le titre. Nous voyons par une note manuscrite de
!$U SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUR RT HISTORIQUK DU LIMOUSm.
TabbéNadaud, que M. Vidaud, capitaine, nomma à cette vicairieen
1736. Nous lisons en outre dans un mémoire de M. Maurice Ârdant,
publié dans les Ephémérides de i837, que la famille Navières-des-
Gouttes était en possession de nommer le prêtre titulaire. Les der-
niers ecclésiastiques qui en ont été pourvus sont HM. Roroanet-de-
Briderie, Navières, ancien curé de Saint-Pierre, fondateur du
bureau de bienfaisance et M. Tabbé Cogniasse. Le titre de ce
bénéfice, qui m'a été communiqué, ajoute M. Maurice Ârdant, est
entre les mains de M. Cogniasse du Breuil, conseiller auditeur (i).
L'abbé Arbellot.
(I) Ephémérides de 1837^ par M. Laurknt, p. Î6î.
UN TRIPTYQUE EN ÉMAIL PEINT EN GRISAILLE
par Martin Didier
AU MUSES CIVIQUE DE BOLOGNE
Le Musée civique de Bologne (Italie) possède cinq émaux
peints limousins des xvi' et xvii* siècles, tous intéressants à plus
d'un titre ; mais la pièce principale est un grand triptyque peint en
grisaille, représentant des scènes de la vie de saint Jean-Baptiste,
et qui porte la signature M. D. (avec un I dans le D), dont on peut
voir la reproduction jointe à cette étude (1). Disons tout d'abord
que c'est un des chefs-d'œuvre de notre école limousine au mo-
menl de son apogée ; il doit dater du milieu du xvi* siècle. Il est
signalé comme une pièce extrêmement précieuse dans le Guida del
Museo civico di Bologna, édition de 1887, page 59, salle XIV,
ouvrages d'artistes divers, lettre A. En voici la description dé-
taillée :
Grand triptyque de bois doré, long de 1™ 28 c, y compris les
deux volets, et haut de 0" 59 c, y cpmpris le fronton. La monture
du panneau central est rectangulaire, en largeur, et divisée en six
compartiments par deux meneaux et une traverse formant croix
avec eux; aux deux angles supérieurs, la moulure d'encadrement
est arrondie et laisse en dehors un écoinçon triangulaire de chaque
(1) Le 30 janvier 1892, M. Luigi Frali, directeur de la Section du
Moyen Age et de la Renaissance de ce Musée, nous a fait Thouneur de
faire exécuter pournous une excellente photographie de ce triptyque, qui a
servi à donner la reproduction ci-jointe, sur nos instances personnelles et
celles de notre dévoué confrère, M. l'abbé Georges Ardant, pendant son
séjour en Italie. Nous sommes heureux de les en remercier ici de
nouveau.
546 âÔClKtÉ ARCHROLOGIQÙ^ Bt UlSTOtlfQUË DU LIlÉOUSlft.
Côte; le panneau est surmonté d'un fronton formé de deux longues
accolades élégamment surbaissées. La disposition des deux volets,
combinés pour épouser, une fois fermés, la forme extérieure du
panneau central, comprend en bas un compartiment rectangulaire
séparé, par la traverse, du compartiment supérieur, lequel est ar-
rontli du côté de la charnière, un écoinçon de ce même côlé, et
au dessus une accolade correspondant à la moitié du fronton cen-
tral. Il en résulte que les plaques d'émail sont disposées horizon-
talement en trois ordres superposés, savoir : au premier rang, en
bas, cinq plaques rectangulaires, une sur chaque volet, et trois sur
le panneau principal, hautes chacune deO" 225et larges deO" 165,
sauf celle du milieu, qui ne mesure que 0™ 130 en largeur. — Au
deuxième rang, au-dessus des traverses, cinq autres plaques, de
mêmes largeurs, hautes de 0" 131. — Enfin, au troisième rang,
d'abord les quatre plaques triangulaires qui garnissent les écoin-
çoQs adossés deux à deux de chaque côté des charnières supérieu-
res; puis les quatre plaques allongées, terminées en pointe, qui
occupent l'intérieur des accolades du fronton. Au total, dix-huit
plaques d'émail, peintes en grisaille et or.
L'arrangement général, qui fournit, comme on l'a vu., un ensem-
ble de dimensions considérables, est, en somme, fort simple, mais
de relîet le plus heureux. Nous allons voir que les peintures exé-
cutées par larliste offrent, de leur côté, un très grand intérêt.
Le premier rang est consacré aux sujets.
Première plaque (volet gauche). Lenfance de saint Jean (?). Au
premier plan, à gauche, une femme est assise à terre, allaitant un
enfant; en face et la regardant, se tient un vieillard debout; au
second plan, au milieu, deux hommes et une femme causent, ac-
croupis; au fond, autres personnages, animaux et arbres.
Deuxième plaque (compartiment gauche du panneau cenlrall.
Le Baptême de Notre-Seigneur. Notre-Seigneur est debout dans le
Jourdain, nu, avec une petite draperie seulement au milieu du
corps, les mains jointes, tourné de trois quarts à droite; il plonge
dans l'eau jusqu'au-dessus des genoux. Saint Jean, à gauche, un
genou en terre sur la berge, vê(u d'une peau d'animal et d'un man-
teau flottant, verse de la main gauche l'eau sur la tête du Sauveur.
A droite, en arrière-plan, un petit ange, aux ailes éployées, se tient
debout sur la rive, une draperie entre les bras. Au-dessus du Christ
plane le Saint-Esprit, sous la forme d'une colombe; et, tout à fait
en haut, le Père Eternel apparaît ami-corps dans les nuages, les
bras étendus, bénissant de la main droite, et la gauche appuyée
sur le globe du monde. A droite et à gauche, quelques arbres; au-
delà du Jourdain, des collines.
tjN tri^tYqob èH ÉstÀfL ifbiNt bn crisailLr. 84*9
Troisième plaque (comparliment de milieu du panneau central).
La Prédica'Aon de saint Jean. Saini Jean debout, au centre, dans le
même costume que sur la plaque précédente, parle à la foule, dont
il est séparé par une barrière rustique. Il appuie son argumenta-
tion du geste des deux mains, dont les index se joignent. De cha-
que côté, groupes de personnages habilement étages, hommes,
femmes et enfants. En avant, sont couchés un lion et un cerf. Fond
de forêt.
Quatrième plaque (compartiment droit du panneau central). La
Décollation de saint Jean, Au premier plan, à gauche, le corps du
saint, décapité, est agenouillé et prosterné en avant, les bras liés.
Derrière lui, le bourreau debout, appuyé de la main droite sur une
longue épée, dépose de la gauche la tête de saint Jeaû sur le pla-
teau que lui présente Salomé, s'avançant vers la gauche. Deux
vieillards et diverses figures occupent le fond. La scène se passe
dans un intérieur d'appartement. Au-dessus de la scène principale,
et balançant le motif de la deuxième plaque. Dieu le Père dans les
nuages, la table du festin, à laquelle quatre petits personnages
sont assis, et Salomé apportant la tête de saint Jean sur un plat à
Hérodiade.
Cinquième plaque (volet droit). Sujet inconnu. Un homme âgé
est assis en avant à droite, à côté d*un petit enfant nu qui joue avec
un chien; un autre homme est accroupi derrière lui. A gauche, un
homme et une femme debout, causent ensemble. Les quatre per-
sonnages semblent porter leur attention sur un événement qui se
passerait à droite, en dehors du tableau. Dans le lointain, quatre
petites figures en avant d'un bois à droite, une colline surmontée
d'un château et le ciel.
Le deuxième rang de plaques est entièrement occupé par de Tar-
chitecture et de Tornementation. ^ensemble de la composition a
été di<^posé de façon à encadrer les sujets dans un édifice architec-
tural de style Renaissance, supporté par des pilastres et des sou-
!)assements qui font partie du premier rang, tandis qu'au second
s'élèvent les frontons, amortissements, vases, figurines, consoles
feuillagées, etc., qui couronnent si richement le monument. La
reproduction ci-jointe nous dispense d'une description détaillée.
Au troisième rang, comme nous Tavons indiqué déjà, se trouvent
les quatre petits anges des écoinçons volant dans les nuages et
sonnant de la trompette; et les quatre anges plus grands et dans
la même attitude, sur les deux plaques du fronton central et les
deux demi-frontons des volets. Pour ne pas revenir sur ce détail,
disons de suite que rien ne pouvait mieux convenir au couronne-
ment de l'œuvre que ces figures célestes qui planent dans l'espace
548 SOCIETE ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
au-dessus de la composilion et garnissent si bien les nus du fron-
ton et des écoincons.
Au-dessus du sujet central, la Prédication de saint Jean, le fron-
ton semi-circulaire domine, coname il convient, les frontons trian-
gulaires latéraux. Son tympan est occupé par un écu de forme ita-
lienne que soutiennent deux enfants nus. Sur le champ de i*écu on
lit, en lettres capitales d'or * M * D * avec un I dans la boucle du D.
La partie extérieure du triptyque est en bois naturel, sans aucun
ornement.
Ce monument, considéré à Bologne comme un des objets les
plus précieux du Musée civique, et d'une conservation parfaite, esi
entré dans cette collection lors de Tincorporation, dans cet établis-
sement^ du Musée de TUniversité ; il en faisait partie depuis 1814,
ainsi qu^il ressort du Guide de ce Musée, publié par Schiassi, qui
n'indique pas la provenance antérieure. C'est à M. le directeur,
Lnigi Frati, que nous devons ces intéressants renseignements.
Cette œuvre considérable est également remarquable par \à
composition, le style et l'exécution; elle est digne d'élie classée
parmi les plus belles productions de l'école de Limoges. Au pre-
mier abord on est frappé Je son aspect aussi majestueux qu'êlr-
ganl. L'édifice architectural qui encadre les tableaux ne nuit en
rien à leur effet, malgré sa très réelle importance. De robustes
pilastres, reposant sur un soubassement heureusement propor-
tionné, supportent un solide entablement, terminé lui-même par
des frontons triangulaires latéralement et semi-circulaire au cen-
tre. Chaque scène, comprise dans une travée du monument, reçoit
ainsi son encadrement particulier et se lie intimement à Tarrange-
ment général. Chaque partie, tout en conservant sa valeur propre,
concourt admirablement à l'effet d'ensemble, grâce à l'unité, à
l'harmonie simple et savante du plan. Et cette unité n'a nullement
exclu la variété, car l'artiste a fait preuve dans son décor d'une
richesse d'imagination surprenante; ses motifs, pleins de verve,
sont presque tous variés, mais la pondération est si juste que Toeil
n'éprouve aucune fatigue, aucun trouble à errer au milieu des figu-
res, de la construction générale et des détails. La monture, elle-
même, si sobre avec sa forte moulure et ses petits bois, accuse les
divisions principales aussi heureusement que la solide armature
dune verrière bien comprise. Elle n'a pas à dissimuler sa fonction,
du moment où elle la remplit si justement. D'ailleurs, à la robus-
tesse du monument s'allient une élégance et une originalité plei-
nes de charmes. Si on a mis et maintenu les parties essentielles
franchement en place, on leur a enlevé toute lourdeur par Tadjonc-
MUSÉE civigi
Triptyque en é
I:: BOLOGNE
' Martin Didier
fini
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'Ul
àv*;
Nu
UN TPlPfvQUE EN ÉMAlt PEINT E^ GRtSAILLE. Hii
tion d'un décor qui court partout, sur les soubassements, socles,
pilastres, entablements, tympans, etc., en rinceaux, trophées, car-
louches, mascarons, têtes de chérubins, bustes, vases, consoles
chimériques, amours, génies, anges, etc., tout cela semé à profusion,
avec une science qui atteint le brio, mais d'une main toujours maî-
tresse d'elle-même, et, lorsqu'il le faut, aussi discrète que presti-
gieuse.
Passant à l'examen des sujets proprement dits. Ton n'est pas
moins frappé de la belle tournure des personnages. La noblesse
des poses et des ajustements se ressent de l'école de Raphaël.
Nous ignorons d'après quel maître l'artiste a exécuté ces scènes,
car nous n'osons supposer qu'elles soient de sa création. L'in-
fluence italienne est évidente dans la composition et dans le style
des figures qui sont d'un dessin magistral. D'ailleurs c'est presque
toujours chez Raphaël et les grands maîtres italiens que Martin
Didier prend ses modèles. En même temps, l'émailleur, qui sem-
ble amoureux plus que pas un du beau classique, leur donne cet
air sain et robuste qu'il a su imprimer à toutes ses productions et
qui est une des caractéristiques de son talent, il faut noter aussi
chez lui celte façon particulière d'éclairer le blanc des yeux de ses
personnages d'une touche éclatante dont l'effet est accentué par
le froncement des sourcils et qui donne un certain air farouche à
ses figures, mode d'expression qu'il semble affectionner particuliè-
rement, ainsi que Couly Nouailher et quelques autres émailleurs
de la Renaissance.
Ici, comme dans presque tous ses émaux, Martin Didier a fait des
enlevages à la pointe la base de son travail. Une fois les plaques
émaillées en noir, il les a enduites d'une mince couche d'émail
blanc. C'est sur cette dernière, séchée mais non cuite, qu'après
avoir décalqué tout son sujet, il l'a dessiné et modelé à l'aide de
traits et hachures qui enlevaient la poussière blanche pour faire
apparaître le fond sombre. Ce procédé offre le grand avantage de
laisser l'émailleur traiter en toute liberté et à loisir un sujet de
longue haleine, puisque, travaillant sur une couche sèche, il peut
abandonner et reprendre, à volonté, son sujet. La méthode ordi-
naire de modelé en blanc au pinceau oblige, au contraire, l'artiste
à pousser d'une seule traite dans la pâte, et jusqu'au bout, chaque
partie distincte de son travail, ce qui présente quelquefois de très
réelles difficultés, sur des figures de grande dimension, par exem-
ple; la volatilisation assez rapide de l'essence ne laisse pas toujours
le temps de parfondre les teintes selon les besoins du modelé. Par
contre, les enlevages à la pointe ont l'inconvénient de communiquer
de la dureté et de la sécheresse au travail. Martin Didier y a remé-
T. XL. 3S
^OO SOClBtB ARCHEOtOÛlQtJB ET filSfORtQtlÉ DtJ LlMOUStlC.
dié, comme il convenait, par des lavis de blanc au pinceau étendus
en diverses couches fixées chaque fois par le feu. Ses enlevages
couvrent presque toutes les plaques, où Tarchitecture, les fonds et
les ombres n'offrent qu'un réseau de petites hachures, croisées ou
non, ténues et serrées; mais, par-dessus, les glacis plus on moins
légers de blanc, gradués habilement des demi-teintes aux empâte-
ments des lumières, donnent le moelleux et Téciat et adoucissent le
travail préparatoire de la pointe, qui ne communique pins que de
la netteté et de la délicatesse.
Cet ouvrage est d*un très haut intérêt, tout à la fois pour l'élude
de Tœuvre de son auteur, qu'il place au premier rang de nos artistes
locaux, et pour la connaissance de notre art limousin lui-même,
qu'il nous révèle sous un autre aspect que celui des travaux habi-
tuels de nos émailleurs. Ces derniers, en effet, ont exécuté presque
toujours des œuvres spéciales plus ou moins remarquables à tel ou
tel point de vue. S'ils ont tenté de faire des monuments d'ensemble,
ils s'y sont pris en exécutant des séries, des suites de pièces isolées,
rapprochées ensuite et groupées dans un même cadre de dlsposilion
plus ou moins heureuse : témoins, les tableaux de la Sainte-Cha-
pelle, de Léonard Limosin, où chaque sujet se suffirait à lui-même;
ou bien encore les grands portraits du même arliste, dont l'effet est
considérablement augmenté par la monture, grâce à un arrangement
ingénieux, et voilà tout.
Ici il en est autrement. L'artiste a conçu un monument, il en
a fait le plan et coordonné les différentes parties, non seulement en
vue d'un effet général auquel elles viennent se rattacher avec
bonheur, mais comme les membres d'un tout ihlimement unis
les uns aux autres. Que la composition des sujets proprement dits
soit sienne ou non, il n'en est pas moins créateur d'une œuvre, et il
l'exécute en maitre. Et ce maître semble être un des plus savants
de notre école. Outre l'aspect gras et éclatant qu'il donne à ses tra-
vaux, le grand style de ses figures, la beauté du modelé et la puis-
sance d'effet supérieure qu'il atteint, si l'on étudie de près ses beaux
ouvrages, on est frappé de leur méthode. Dans ce triptyque, par
exemple, tant pour l'arrangement que pour l'exécution, tout esl
raisonné et pesé, mais sans fatigue et sans froideur ; la verve ne lui
fait pas défaut, mais il ne s'y laisse pas entraîner, et son œil ne perd
jamais la justesse de l'effet ; il arrive à un fini délicat et son style»
garde toute sa puissance. Il est en pleine possession de son talent.
Avec les procédés de Pierre Reymond, il a euiprunté les effets de
Jean III Pénicaud, et s'il montre moins de fougue que ce dernier, il
fait preuve de plus de science.
UN TRI^TYQVB EN ÉMAIL PEINT EN GRlâAlLLE. 8îil
Nous avons donné à l'auteur du triptyque de Bologne le nom de
Martin Didier, parce que l'on est convenu de désigner ainsi Témail-
leur qui signe M. D. (souvent avec un Idans le Dj. C'est M. le comte
L. deLaborde qui, ayant trouvé dans les comptes royaux de 1599 Par-
ti cle suivant : A Martin Dicdier, esmailleur de Sa Majesté, la somme
de trente livres tournois à lui ordonnée pour ses gaiges, en a conclu
que cet émailleur ne devait être autre que notre artiste, lequel
n'aurait employé dans ses signatures que les initiales de son nom.
Mais, il est impossible que ce Martin Dicdier, qui est resté en charge
jusqu'en 1609, soit l'auteur du triptyque de Bologne et des nom-
breux travaux signés ou non mais reconnaissables pour être de la
même main. Tous ces ouvrages datent du milieu du xvi* siècle, de
Tapogëe de notre art local, du moment où l'émail bat son plein à
Limoges, et Témailleur du roi, qui cède sa charge de son vivant à son
fils, en 1609, ne devait être qu'un enfant lorsqu'ils ont été pro-
duits. En outre, ce nom de Dicdier n'est pas limousin, il ne se ren-
contre jamais dans nos écrits du Moyen Âge ou de la Renaissance
(ce n'est que sous la forme Dizier qu'on le voit paraître dans la
Creuse) ; le prénom de Martin lui-même est très rare à Limoges au
XVI'' siècle. Par contre, M. D. fait suivre quelquefois sa signature des
lettres PP, ou du mot PAPE, qui ne figurent pas à l'article des
comptes royaux précités, mais qui nous fournissent sans doute Tin-
dication d*un nom ou surnom très limousins, encore de nos jours.
Quel est donc le vrai nom de l'émailleur M. D? L'état actuel des
connaissances historiques locales ne permet pas même de hasarder
timidement une hypothèse, et nous devons attendre que le dépouil-
lement de nos archives ou quelque heureuse découverte nous
donne la clef de cette énigme et permette de déchirer le voile
derrière lequel s'est abrité trop modestement le talent de ce grand
artiste (1).
Quoiqu'il soit, il n'en est pas moins une des gloires de l'école de
Limoges.
Notre émailleur semble avoir affectionné tout spécialement les
sujets tirés de la vie de saint Jean-Baptiste. Portait-il lui-même
parmi ses prénom3 celui du Précurseur, lui avait-il voué un culte
(1) Un auteur italien, Schiassi, dont nous avons déjà parlé, avait donné
une explication aussi erronnée qu'ingénieuse du monogramme M. D. avec un I.
II y voyait tout simplement le millésime 1501. 11 va sans dire que cette in-
terprétation n'a pas besoin d'être réfutée. 11 ne faisait d'ailleurs qu'émettre
le premier^ ou rééditer l'hypothèse émise par Maurice Ardant a EmaiUeurs
et EmaUlerie de Limoges s. — Islc, 4855, page 142.
852 SOClÉTi^ ARGËÉOLOGTQUfi Et HI&TOàlOUE Dt) LllÉOUSlft.
particulier ou recevait-il d'une confrérie, d*une communauté, d'une
personne puissante, de fréquentes commandes en rhonneur du
saint? Nous Tignorons. Toujours est-il qu'il s'est plu à lui consacrer
son pinceau. Nous connaissons quantité de ses plaques reproduisant
des épisodes de la vie de saint Jean-Baptiste, et pas moins de dii
triptyques plus ou moins importants et analogues à celui de Bo-
logne.
Le Musée impérial de TErraitage, à Saint-Pétersboug, possède un
triptyque qui est une réplique à peu près exacte de celui dont noD:^
venons de nous occuper. A cause de son importance et de la simi-
litude frappante des deux monuments, nous n'hésitons pas à en
donner la description (i). Il provient de l'ancienne collection
Basilewsky, achetée en bloc, pour six millions, en 1884, par S. M.
l'Empereur de Russie.
« Collection de l'Ermitage impérial à Saint-Pétersbourg, n* 434.
Triptyque formé de dix plaques d'émail. Grandes plaques, H. 0,240;
— L. 0,150. Petites plaques, H. 0,150; L. 0,150. Art français,
xvi« siècle. — Martin Didier dit Pape.
» Triptyque en cintre surbaissé composé de dix plaques — cinq
rectangulaires — une carrée — et quatre cintrées.
» Partie centrale formée de six plaques. Sur les trois plaques
inférieures, La Prédication de saint Jean-BaptiMe; plaque cen-
trale, saint Jean nimbé, debout, protégé contre la foule par une
traverse de bois fixée à deux troncs d'arbre. Un lion et un cerf cou-
chés au premier plan. A droite, en arrière-plan, une femme assise
à terre tenant un entant nu, et deux personnages au fond ; à gauche,
des hommes et des femmes assis à terre, chantant en s'approchant
— fond d'arbres — sur le terrain à gauche le monogramme M. D.
» Plaque de droite — au premier plan, une femme assise à terre
coiffée d'un turban plat, allaitant un enfant, à côté d'un veillard
debout — huit personnages en arrière-plan — fond d'arbres. Pla-
que de gauche : au premier plan, quatre hommes assis ou debout
et un enfant jouant avec un chien; trois personnages en arrière-plan
— fond d'arbres et un château sur une éminence.
» Chaque plaque est bordée latéralement par un pilastre avec
chapiteau composite et base reposant sur un soubassement à res-
sauts sous chaque pilastre. Cette ornementation est combinée de
façon k ce que les détails de deux plaques adjacentes se raccordent
pour ne former qu'un pilastre.
» Les trois plaques supérieures fîgurent un entablement porté
(i) Telle qu'elle nous a été si obligeamment envoyée par M. le comte
(reorges d'Alexélefi, maître de la Cour de S. H. TEmpereur de Russie.
UN TRIPTYQUE EN ÉMAIL PEINT EN GRISAILLE. 553
par les pilastres, chaque travée est abrilce par un fronton. Celui du
centre est circulaire, orné dans son tympan d'un carlouche où deux
masques sont adossés — et sur son archivolte de deux enfants nus,
debout, appuyés d'une main à un vase central, et tenant suspendus
de Tautre main, l'un un cartel, l'autre un bouquet de feuilles.
» Un fronton triangulaire surmonte chacune des travées latéra-
les, orné d'une tête dans son tympan et surmonté par un ornement
composé d'un balustre feuillage entre deux consoles semi-circu-
laires terminées supérieurement par un masque. De nombreux
fleurons s'en échappent. Une urne placée sur le ressaut qui sur-
monte chaque pilastre sépare et accompagne les trois frontons,
une demi-urne étant figurée sur chacune des plaques adjacentes.
» Volet de droite. — Plaque inférieure. Le Baptême du Christ. —
Saint Jean nimbé, vêtu d'une peau et d'un manteau, agenouillé,
étend la main sur la tête du Christ à nimbe radié, debout dans l'eau
jusqu'au-dessus des genoux. — La colombe descend vers lui. Au-
dessus, Dieu le Père, en buste, dans une auréole de nuages. —
Même fond d'arbres et de rochers; même entourage qu'aux pla-
ques latérales du centre. — Plaque supérieure. Même ornement
qu'aux plaques latérales du centre.
» Volet de gauche. — La Décollation de saint Jean. Plaque infé-
rieure. Saint Jean nimbé, agenouillé de profil à gauche, les mains
jointes, la tête inclinée, derrière lui le bourreau debout, en costume
du XVI» siècle, levant son glaive. Du côté opposé, la fille d'Héro-
diade tenant un plat de ses deux mains. Trois personnages en
arrière-plan, intérieur d'appartement. — Même entourage qu'à la
plaque adjacente, mais en contre-partie. Plaque supérieure sem-
blable à celle adjacente, également en contre-partie. — Grisaille
sur fond noir, d'après un maître allemand, trait et préparation de
hachures par enlevage. Modelé par empâtements, quelques re-
hauts d'or. »
Lorsque ce triptyque était encore en la possession de M. Basilewsky,
ce dernier le lit figurer dans les galeries de l'Art ancien, au Troca-
dero, pendant l'Exposition universelle de 1878. Et voici ce qu'en
disait, dans la Gazette des Beaux- Arts, M. Darcel : « Son tiuivre la
plus considérable (de Martin Didier, à cette Exposition) est le
^ triptyque de la colieclion Basilewsky, composé de dix plaques,
représentant la Prédication de saint Jean-Baptiste, entre le Bap-
tême du Christ et la Décollation, encadrées par une architecture
dans le style de la Renaissance ».
Bien que le triptyque de Bologne soit encore plus complet, puis-
qu'il possède un fronton et des écoinçons^ on a pu voir quelle était
l'importance de celui de Saint-Pétersbourg et sa similitude avec le
5^4 SOCIFTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET flISTORIQUR DO LIMOUSIN.
premier. C'est évidemment le même carton qui a servi aux deux
monuments. Les dimensions des plaques sont à peu près analogues,
la forme en est la même. À peine quelques variantes de détail dans
Tornementation, pour prouver au besoin, la fécondité d'imagination
de l'artiste. La modification la plus notable est dans la scène du
volet gauche, la Décollation de saint Jean, où le saint n'a pas encore
la tête tranchée, tandis que dans le tableau de Bologne, le bourreau
dépose la tête sur le plateau de Salomé, et le corps décapité du
saint s'affaisse à terre. Un changement de cette importance dans
une scène du plus beau style classique n'était pas assurément le fait
d'un artiste vulgaire. La petite scène du festin, qui surmonte ce
sujet à Bologne, semble aussi avoir été supprimée à Saint-Péters-
bourg. Enfin, on remarquera la place différente qu'occupent deux
scènes dans le triptyque de Saint-Pétersbourg, où la plaque du vo-
let gauche est celle de droite du panneau central de Bologne, et où
celle du volet droit remplace celle de gauche du panneau central.
Il est probable qu'elles ont été déplacées après coup sur Tua des
triptyques, car deux de ces plaques portant un pilastre à droite et
un-demi pilastre à gauche, et deux autres un pilastre à gauche et
un demi-pilastre à droite, la transposition peut s'opérer indifférem-
ment sans que l'arrangement architectural ait à en souffrir, A Saint-
Pétersbourg, la signature est au bas du sujet central, qui est tou-
jours la Prédication de saint Jean, et dont la plaque porte, en
conséquence, sur les deux triptyques, un demi-pilastre de chaque
côté. Quant à l'attribution du modèle à un maître allemand, nous
ne voyons pas ce qui a pu la motiver sérieusement; le style est du
plus beau classique italien.
Dans notre description du triptyque du Musée de Bologne, nous
avons tenu à conserver aux sujets la désignation qui leur est donnée
en Italie, où les deux scènes des volets passent pour représenter,
l'une (à gauche) l'enfance de saint Jean, l'autre (à droite) un sujet
inconnu. Le rapprochement de ce triptyque avec celui de Saint-
Pétersbourg et avec ceux du Musée de Lyon, du capitaine Ley-
land, etc., dont nous allons dire quelques mots tout à l'heure,
éclaire nettement sur la nature du sujet. Comme nous le faisions
pressentir plus haut, les deux plaques des volets de Bologne ont
été transposées: celle du volet droit occupait primitivement la
gauche du panneau central, et celle du volet gauche était en face,
à droite. C'est ainsi que les sujets sont encore placés aujourd'hui
sur les autres triptyques du même auteur, où les trois plaques du
panneau central représentent ensemble La Prédication de saint
Jean. On peut voir, en effet, sur la gravure, que les personnages
du volet droit mis à la place du Baptême du Christ, .et ceux du vole t
UN TRll'TYQCK EN ÉMAIL PEINT EN GRISAILLE. 555
gauche remplaçant la Décollation, la scène principale s'explique
d'elle-même : ce sont les auditeurs, tournés les uns et les autres
vers le Précurseur, c'est la foule admirablement mise en place et
équilibrée, en avant d'un môme paysage boisé. L'arrangement des
pilastres et demi-pilastres reste le môme. Il n'y a donc en réalité,
que trois sujets au lieu de cinq, ce qui conviendrait beaucoup moins
bien à la composition d'un triptyque, et c'est la disposition des pla-
ques de Saint-Pétersbourg qui est rationnelle.
La collection de M. Louis Fould, vendue en 1860, contenait
(n** 1995 du Catalogue) un triptyque important de Martin Didier,
monté en ébène doré, composé. de six plaques d'émail peintes en
grisaille légèrement teintée. 11 présente une arcade de plein cintre
dans la partie principale et une demi-arcade dans chacun des
volets. Les trois plaques inférieures sont rectangulaires et mesurent
0"30 de hauteur, sur 0"22 pour le centre etO'°ll pour les volets; les
trois plaques supérieures épousent la forme de l'arcade et desdemi-
ârcades. L'ensemble mesure avec le cadre O^eO de hauteur et 0°»70
de largeur. Partie centrale. Prédication de saint Jean-Baptiste. Fond
de forêt ; hommes, femmes et enfants entourant le saint. Au-dessus,
sur la plaque cintrée. Dieu le Père, porté sur les nues, bénissant. —
Volet gauche. Le Baptême de Jésus-Christ, Môme composition que
celle que nous connaissons déjà. — Volet droit. La Décollation de
saint Jean. Le saint est agenouillé, les mains jointes, devant la
prison ; le bourreau lève le glaive sur sa tôte. C'est à peu près la
môme scène que sur le triptyque de Saint-Pétersbourg, moins
Salomé et les personnages du fond. — Dans chacune des deux par-
ties cintrées qui surmontent les volets, un ange sonnant de la
trompette.
On voit que ce triptyque est à peu près une réédition des deux
précédents, simplifiée. Il fut vendu 7,100 francs et racheté, sans
doute, par M. Edouard Fould. Nous le retrouvons, en effet, à la vente
de la collection de ce dernier (5-9 avril 1869) sous le n^ 201 àu-Cata-
logue. Il atteignit alors le prix de 7,900 francs. Il provenait de la
célèbre collection Didier Petit de Lyon. Cet amateur distingué
déclare que la pièce était d'une parfaite conservation, d'un fort beau
dessin et du style de Raphaël. Elle fut adjugée à M. Soumesson
au prix de 2,310 francs, à la vente de celte collection, en 1843
(no 36 du Catalogue).
Le palais Manfrin, à Venise, possédait autrefois un triptyque de
noire émailleur, presque aussi important que celui de Bologne.
M. de Laborde l'appelle « œuvre capitale de Martin Didier », et
556 SOCIÉTÉ ARCUÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
M. Jules Labarte « peut-être le chef-d'œuvre du maître de la
meilleure époque de la peinture en émail de Limoges ». Sur k
tableau central, divisé en trois parties, s'étale la Prédication de saint
/^aw, avec toute la foule des auditeurs; sur le volet droit, leBaptHnc
de Notre-Seigneur ; sur le volet gauche, la Décollation du Précur-
seur, Peintures en grisaille, signées sur deux plaques, MD avec un
I dans le D, et sur deux autres MDPP, toujours avec un I dans le D.
Au-dessus de ces cinq plaques, dans la partie supérieure, des ara-
besques et des anges. On retrouve bien ici la disposition de nos
deux premiers triptyques.
M. Jules Labarte [Histoire des Arts industriels au Moyen Age et n
la Renaissance. Emaillerie. Page 108), croit que c'est ce triptyque
qui a été acquis par le capitaine Leyland, de Londres. Bien que
probable, cela n'est pas absolument certain, car le triptyque expo>é
à Londres en 1862 par le capitaineLeyland,est ainsi décrit au Cata-
logue de cette exposition (Iraduclion du Catalogue of the spécial
exhibition of works of art on loan at the South Kensitigton Muséum.
London, 1862) : « n« 1726. Triptyque composé de quatorze pan-
neaux de dimensions variées, peints en grisaille sur un fond noir.
La partie centrale est composée de huit plaques et représente la
Prédication de saint Jean-Baptiste, figurée tout entière sous un
dais ouvragé. Sur le volet gauche est le Baptême de Notre-Seigneur,
sur l'autre, la Décollation de saint Jean-Baptiste. Quelques-unes des
plaques sont signées MD (avec un pelill dans le D) PP., d'autres
M. D. (avec un petit I) seulement. Les cinq plaques principales ont
0'",241 sur 0'",177 ; les plaques supérieures ont 0",203 de haut. (De
la collection Manfrini?). Exposé par le capitaine Leyland ».
On voit que c'est avec réserves que l'on indique à Londres la pro-
venance du palais Manfrin. En outre, il est dit ici que le Baptême
de Notre-Seigneur occupe le volet gauche, tandis qu'à Venise, d'aprè<
M. Labarte, ce sujet figurerait sur le volet droit. Peut-être l'un des
auteurs a-t-il commis simplement une légère erreur en nous indi-
quant la place occupée par chaque sujet. Quant au nombre de pla-
ques, qui est ici de quatorze en tout, dont huit sur le panneau central,
cela s'explique, si l'on se rappelle qu'à Bologne, par exemple, il >
a en effet cinq plaques pour les sujets, cinq pour l'architecture v\
quatre pour les écoinçons, 'soit quatorze en tout et huit au mihen
(plus le fronton qui n'existe pas ici). M. Labarte peut avoir négligé
de signaler les quatre plaques très petites des écoinçons. L'iulénM
de ces observations est de savoir si les triptyques Manfrin et Ley-
land ne font qu'une seule et même pièce, ce qui est probable, ou
s'ils constituent deux œuvres distinctes do Martin Didier.
Le capitaine Leyland avait encore exposé son triptyque dans le?
UN TRIPTYQUE EN ÉMAIL PEINT EN GRISAILLE. 557
galeries de VHistoire du Travail à TExposition universelle de 1867,
et c'est de lui que M. Ferdinand de Lasteyrie disait, dans son compte
rendu de celle exposition rétrospective : « Parmi les plus admira-
bles chefs-d'œuvre d'émaillerie, je me contenterai de citer la
Légende de saint Jean^ peinle en grisaille et montée en triptyque,
chef-d'œuvre de Pape qui appartient au capitaine Leyland ».
Nous retrouvons enfin le triptyque du capitaine Leyland, exposé
par lui au Musée de South Kensinglon, à Londres, en 4874 [Cata- '
logue de V exposition spéciale d'Emaux sur métal prêtés, n"601). Il y
est décrit assez longuement, et indiqué comme mesurant en tout
1M55 de large, sur 0"S58 de haut. Il n'est pas dit qu'il provienne du
palais Manfrin. La présence des quatre écoinçons ornés d'anges et
d'enfants, un peu différents de ceux de Bologne, est mentionnée,
ainsi que Tattitude particulière de saint Jean qui dénombre ses
arguments sur ses doigts, au milieu de la foule des auditeurs occu-
pant avec lui les trois panneaux du centre.
Un autre triptyque de Pape, toujours consacré à saint Jean, a eu
aussi son histoire. C'est celui de la collection Debruge-Duménil
{n'> 749 du Catalogue de cette collection). Monté dans un cadre en
ébène, enrichi d'appliques de cuivre doré, il se composait, comme
celui de la collection Fould, que nous avons signalé et dont il
est bien distinct, de six plaques d'émail; trois rectangulaires en
bas et trois cintrées au-dessus, épousant la forme de l'arcade da
plein cintre de la partie centrale, et des demi-arcades des volets.
Au milieu, la Prédication de saint Jean-Baptiste (0"14 sur 0"H), et
sur la plaque cintrée de dessus, le Père Eternel (0"04 sur 0™H à la
base). Volet droit, le Baptême de Notre-Seigneur {0'"14 sur O^OSS).
Volet gauche, la Décollation de saint Jean (mêmes dimensions) ; et
sur chacune des plaques cintrées des demi-arcades, un ange sonnant
de la trompette (hauteur, 0""04; largeur, 0"0o5).
Ce triptyqfue est, comme on le voit, de dimensions bien plus res-
treintes que les précédents, mais les plaques y sont peintes en
émaux de couleurs. Quoique non signé, comme celui de la collec-
tion Fould, il n'en a pas moins été reconnu jusqu'ici, sans conteste,
par MM. de Laborde, J. Labarte, etc., comme l'œuvre de Martin
Didier. M. de Laborde [Notice des Emaux du Louvre, i857, p. 282,
note i) y remarque des « tons violets et verts, que refroidit un
pointillé blanc », des expressions violentes et du rapport avec la
Vierge du môme auteur, n" acluel D. 4i)8 du Louvre. Or, ce dernier
émail est une pièce superbe, exécutée tout entière d'abord en
grisaille, modelée par enlevajçes à l'ai^Miille, et recouverte de colo-
rations sombres, avec fehauts d'or aujourd'hui à peu près effacés.
5$â SOCIÉTÉ ARCBÉOLOGIQUK ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Traitée largement, et d'une main libre, elle est remarquable parle
dessin et la facture, et d'un grand caractère.
Lors de la vente Debruge-Duménil, en 1S50, le prince SoltykofiT
acheta en bloc, pour 300,000 francs, les objets qui devaient faire
partie des deux dernières vacations, et, de ce fait, le triptyque
passa dans sa collection. Il y fut vendu en 1861 (n"" 967 du Catalo-
gue de la collection Soltykofî) 6,9S0 francs et acheté par un riche
amateur, M. E. Dutuit. Ce dernier Texpose au Musée Rétrospectif,
en 1865 (n« 2S5S du Catalogue) ; et M. Labarle, dans son grand
ouvrage précité (p. 111), indique ce « charmant triptyque » comme
un ouvrage de Pape, datant de la meilleure époque de la peinlore
en émail.
Le Musée de Lyon possède encore (n~ 139 à 143 de son CatçLlo-
gue) les cinq plaques rectangulaires (hautes de 24 c), peintes en
grisaille, qui avaient dû former autrefois les parties principales
d'un grand triptyque à décor architectural, comme ceux de Bolo-
gne, de Saint-Pétersbourg et du palais Manfrin. La première repré-
sente le Baptême de Notre-Seigneur, les deuxième^ troisième et
quatrième, la Prédication de Saint Jean^ la cinquième, la Décolla-
tion du Précurseur. On y lit, sur un des pilastres, les initiales :
M. D. L Ces émaux avaient été déjà signalés par M. Didier Petit
dans le Catalogue de sa collection (1843), liste des émailleurs,
page xxvn. — Ces plaques proviennent du legs Lambert au Musée
de Lyon (1880).
Nous ne pouvons pas passer sous silence le grand triptyque de
la collection limousine de M. de Theïs. Il mesurait en tout 0" 52 de
haut sur 0" 76 de large, et était composé de six plaques peintes en
grisaille, avec chairs teintées et rehauts d'or, et montées dans un
cadre d*ébène. La disposition était la môme que pour les tripty-
ques des collections Fould et Debruge-Duménil : au ce|[Ure, la Pré-
dication de Saint Jean, plaque signée du monogramme en or, en
bas à droite; au-dessus, dans le cintre, le Père Eternel; — volet
g^vichey le Baptême de Notre-Seigneur ] — volet droit, la Décolla-
tion de Saint Jean. Dans le haut de chacun des volets, une plaque
en demi-arcade avec un ange sonnant de la trompette. Belle con-
servation. Cette pièce avait figuré à l'Exposition universelle de
1867, dans les galeries de THistoire du Travail. Elle fut adjugée en
1874, à la vente de la collection de Theïs (n® 68 du Catalogne).
9,550 fr. au riche antiquaire parisien, M. Stettiner (1).
(\) \}n comilé local avait été organisé à Limoges en 1892, pour que la
UN TRIPTYQUE EN EMAIL PEINT EN GRISAILLE. 559
Encore un mol d'une pièce importante et d'une collection célèbre
du voisinage. Il s'agit du triptyque de M"* de La Sayetle, de Poi-
tiers (n"* 138 du Catalogm de vente, contenant 130 émaux peints,
4860). Il était analogue de formç et disposition à celui de M. de
Theïs. Six plaques, avec les trois sujets placés dans le môme ordre,
montées en bois noir avec moulures dorées et attribuées à Pape.
Elles étaient peintes en grisaille légèrement teintée. L'ensemble
mesurait 0" 60 de hauteur sur 0* 70 de largeur. La pièce fut ad-
jugée à 10,800 francs.
Nous la voyons reparaître à la vente d'un amateur anonyme, qui
eut lieu les 12 el 13 février 1864 (n' 4 du Catalogue^. Elle n'y atteint
plus que le prix de 5,800 francs.
Le dernier triptyque complet que nous avons à signaler est celui
de la richissime collection Spitzer. Il est, comme les précédents,
composé de six plaques, peintes en grisaille et rehauts d'or, dispo-
sées de môme façon et avec les trois sujets ordonnés de môme.
Comme le dernier, il n'est pas signé, mais attribué à Martin Didier,
On en trouve la description, par M. E. Molinier, dans le splendide
catalogue illustré de la collection Spitzer paru récemment (n« 119).
Il est d'une dimension assez importante, puisque la plaque centrale
mesure 0" 303 de haut sur 0™ 205 de large.
Ce triptyque avait été prôté par M. Spitzer à l'Exposition rétros-
pective d'art industriel de Bruxelles en 1888 (n« 269 du Catalogue),
Nous terminerons ces citations en mentionnant une « très belle
plaque provenant d'un triptyque représentant des personnages
dans un paysage, regardant vers la gauche et paraissant écouter
une prédication. Grisaille par M. Pape. Hauteur, 32 cent. Largeur,
175 millim. » Elle faisait partie d'une vente anonyme qui a eu lieu
en avril 1872 et y a été adjugée à 2,500 francs. Il va sans dire que
c'était la scène de droite du panneau central d'un grand triptyque
analogue à ceux de Bologne, Saint-Pétersbourg, etc., où ta Prédi-
cation de saint Jean occupe trois plaques. Le prix atteint par ce
fragment d'un ensemble considérable prouve la beauté du travail.
ville et la région fussent représentées h rËxposllion historique de Madrid
de celle môme année, en l'honneur du quatrième centenaire de la décou-
verlc de rAmériquc. Le comilé désirait envoyer àTExposilion rétrospedive
de Hladrid une collection d'émaux peints anciens de Limoges. M. Sleltiner
avait eu rextrôme obligeance de mellre son beau iriplyque à noire dis-
position. Malheureusemenl, pour des motifs étrangers, le comilé a du re-
noncer h son projet»
&60 SOaÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Tels sont les dix triptyques de Martin Didier (comprenant de six
à dix-huit plaques), consacrés à saint Jean-Baptiste, que nous
connaissons pour le moment. Nous n'avons pas à insister sur le
rang qu'ils assignent à leur auteur parmi nos artistes locaux.
Il n'est pas sans intérêt de rapprocher enfin de ces monuments
un autre triptyque représentant aussi la Prédication de saint Jean-
Baptiste, attribué celui-là, à Pierre Reymond. Nous voulons parler
des trois grandes plaques (H. 0,317 ; L. 0,158) peintes en grisaille,
qui devaient former primitivement un môme ensemble, et qui ont
été exposées au Musée de South Kensington, à Londres, en 4874
(n»» 699, 700, 701 du Catalogue précité qui en donne une très belle
reproduction.) Les deux premières appartiennent au Musée de
South Kensington, la troisième à M. F. Davis. Les scènes occupent
toute la surface des plaques, qui ne présentent pas, par conséquent,
comme celles de Pape, un encadrement architectural. En outre, la
disposition est très différente. Sur la première plaque, saint
Jean est debout à gauche, en avant d*un grand tronc d'arbre,
enroulé de lierre, et tourné de profil à droite, vêtu d'une peau de
bêle et d'un manteau, tenant de la main droite la longue croix à
oriflamme, et le bras gauche étendu, dans l'attitude d'un orateur;
il est séparé des auditeurs par une barrière rustique. Au premier
plan, on voit de dos une femme coiffée d'un turban et une autre
femme tenant un enfant, assises à terre; au second plan, un grand
cerf couché. Plaque du milieu : la foule groupée des auditeurs, et
deux sortes de grands prêtres ou riches bourgeois debout en avant,
tournés à gauche vers saint Jean qu'ils considèrent. Au premier
plan, un cerf et un lion couchés ou accroupis. Troisième plaque
(plaque de droite) : les derniers assistants, sur divers plans. Un
homme assis à terre, en avant, le menton appuyé sur sa main gau-
che, fixant le saint, dans la pose d'un auditeur attentif; un autre
grand personnage debout à droite, tourné de profil à gauche et
tenant un enfant par la main. Au fond, un cerf debout. Fond géné-
ral de paysage très boisé avec rivière.
La composition est d'un excellent style et dénote le milieu du
XVI' siècle. Mais elle est toute flamande et n'a plus rien du classi-
que italien. Les ajustements et les types sont caractéristiques. Le
dessin est très bon, mais les figures vulgaires et tout à fait réalistes.
L'aspect est d'ailleurs magistral. Les groupes sont habilement
équilibrés; toutefois, la position du Précurseur, à une extrémité âv
la composilion, est beaucoup moins heureuse que dans les tableaux
de Marlin Didier, où il occupe le centre et où l'ccil trouve de suite
et naturellement le sujet principal.
ntf tRI^TYQUE EN ftilAJL ^BIKT ËN 6RISAILL1c. 5^1
Comme exécutant, Pierre Reymond ne se montre guère inférieur
ici à Pape, qui lui a, du reste, emprunté tous ses procédés. C'est la
môme préparation du travail par enlevages, adoucis de lavis au
pinceau, et rehaussés de brillants empâtements dans les lumières,
avec cette même franchise et vigueur de dessin, et cette même
puissance d'effet. Toutefois, que ce soit le fait du modèle ou du
tempérament de l'artiste, nous trouvons à l'œuvre de Pape quelque
chose de plus nerveux et de plus puissant. Quoiqu'il en soit, par la
noblesse et l'élégance de son style, Tagencement plus sobre et plus
savant de la composition et l'importance bien autrement considé-
rable du monument, le triptyque de Martin Didier l'emporte de
beaucoup sur celui de Pierre Reymond.
Limoges, le 14 août 4892.
Louis BOURDERY.
CHRONOLOGIE
DE
[/HISTOIRE DE SAINT-YRIEIX-IA-PERCHE
I
INTRODUCTION
Je n*ai présentement ni le temps ni le goût de composer une
histoire de Saint-Yrieix, pour si intéressant que puisse être le
sujet. Mais comme j'ai réuni d'assez vieille date de nombreux do-
cuments sur cette ville et que toutes facilités m'ont été données
pour en augmenter la somme, je crois utile d'en faire profiter le
public en construisant tout au moins la carcasse de cette hisloire.
D'autres viendront après moiqui y ajouteront deux choses essentiel-
les : la chair et la vie, sans lesquelles il n'y a pas d'histoire digne
de ce nom.
J'ai indiqué, il y a une dizaine d'années, quelles étaient les
sources du sujet (1). Depuis lors, bien des progrès ont été accom-
plis. Un dépôt d'archives fort bien conservé a été inventorié (2) ;
des chroniques et journaux personnels, traitant de Saint-Yrieix, ont
été pubhés (3). Le fonds Bosvieux qui contient, pour la période du
(t) Notes pour se roi r à l'histoire de Saint-Yrieix^ clans le Bull, delà
•Soc. arch, du Limousin^ XXX, p. Î9-38.
(1) Voy. noire inveniaire des archives hospitalières de Saint-Yriolx, dans
Vincent des arch* dép. de la Haute-Vienne^ H suppl.
(3) Dans ïiQ& Chartes^ chroniques et mémoriaux pour servir à Vhistoire
du Limousin 6gure le Journal historique du chanoine A moine de Jarrige,
(600-1633. — Dans les Llores de raison limousins et marchais^ publiés en
CtiRONOLOGIB t>B L^HlStOlRE t)B SAINT- tB1BlX-LA-t>ÉftCHB. &^â
raoyen-âge féodal, une série de textes fort copieuse, a été classé et
analysé par M. J. de Cessac (1). Enfin, pour l'époque révolution-
naire, les nombreux documents provenant de Fadministration du
district, du comité de surveillance et du tribunal de Saint-Yrieix
viennent d'être classés et sommairement inventoriés par les seins
de M. FrayrFournier (2).
Malheureusement la source la plus abondante pour la période
tQoderne, tout au moins pour les deux derniers siècles, est encore
inexplorée : j'entends cette riche collection de registres d'état ecclé-
siastique provenant des cinq paroisses englobées depuis 1790 dans
la commune de Sainl-Yrieix. Cette collection ménage vraisembla-
blement d'intéressantes découvertes à celui qui aura le loisir et le
courage de la dépouiller, la plume à la main. Ce qu'ont fourni jadis
les registres paroissiaux d'Eymoutiers est un demi-garant de ce
qu'on peut attendre de ceux d'une ville collégiale comme Saint-
Yrieix. Un habile chercheur du Bas-Limousin, M. du Teilhel de
Lamothe, nous a entretenu, il y a quelques années, du projet qu'il
avait conçu de tirer de cette collection tout ce qu'elle peut fournir
à l'histoire. Il est à souhaiter que ce projet ne soit pas abandonné
et même qu'il soit étendu aux registres des anciens notaires de la
ville.
Nous allons rappeler sommairement les travaux, malheureuse-
ment fragmentaires, dont Sainl-Yrieix a été l'objet.
Au XVII* siècle, l'historien du chapitre Saint-Martin de Tours,
Raoul Mousnyer consacra deux sections de son ouvrage à la collé-
giale de Saint-Yrieix, membre dépendant du chapitre de Tours (3).
Ces deux sections, nous les reproduisons en appendice, d'après
l'exemplaire conservé à la réserve de la Bibliothèque nationale.
collaboralion avec H. L. Gaibert, figurent le Livre de raison d*uti sieur
Jarnge, 1610-1625, et le Journal du sieur Pardoux Gondinet, 4613-1630.
(I) Inoentaire manuscrit, conservé aux Archives de la Haute-Vienne. Les
pièces concernant Saint-Yrieix sont rangées sous les art. L. 3^-50.
(9) T. 11 et m des Archioea réoolutionnalres de la Haute-Vienne, Voy.
en particulier les art. 719-795, 877-88i, iOOi.1013, 4056-1059, 1086-1088.
4117-1132.
(3) L*ouvrage est incomplet et ne porte pas de date. Nous savons cepen-
dant, grâce à Tobligeance de notre confrère de Tours, M. Ch. de Grand-
maison, qu*il fut imprimé vers 1666. Cf. sur Mousnyer VHiat, de Tourainey
par Ghalmel, IV, 340, et les Mîém, de la Soc, arch, de Touraine^ XXVII
p. 367. La publication parait avoir été interrompue par Tinfluence dès
prévôts é» Saint-Martin de Tours, qui trouvaient que Mousnyer n^avait pas
assez bien parlé des origines de leurs dignités.
664 sbClRTE ARCHÉOLOGIQUE ET QISTORIQOÉ DU LIMOUSIN.
Dans la seconde moitié du xvni*' siècle, Tinfati^able Nadaud fit
entrer dans son Fouillé du diocèse tout ce qu'il put recueillir dans
les archives du chapitre et des paroisses de Saint-Yrieix. Son mé-
moire fut utilement développé par l'abbé Legros en 1784 (1), et,
grâce à la copie qui en subsiste dans le fonds Bosvieux (copie qni
fut faite par Tabbé Roy-Pierrefitle), nous avons pu augmenter notre
chronologie de plusieurs faits inconnus d'autre part.
Plus près de nous, le D' Gondinet, sous-préfet de Saint- Yrieîx
sous rÉmpire et la Restauration, s'occupa moins, il est vrai, de
l'histoire de cette ville dont il était originaire, que des antiquités
de l'arrondissement. Il n'y a pour nous rien à retenir de son mé-
moire, qui d'ailleurs a été publiée en 48S7, dans le Bulletin de la
Société archéologique du Limousin (2), après avoir formé la subs-
tance du chapitre qu'AUou consacra, en 1821, à l'arrondissement de
Saint-Yrieix, dans sa Description des. monuments de la Haute-Vienne.
Enfm Aug. Bosvieux avait lui aussi songé à écrire l'histoire de sa
ville natale. Ce fut sa première et plus constante préoccupation. Dès
1881, n'étant encore qu'élève de l'École des chartes, il faisait,
devant la Société archéologique du Limousin (3), lecture du chapitre
qui traitait des origines du monastère. Publié par lui dans un petit
journal local (4), où il était depuis longtemps oublié, ce chapitre figure
dans notre appendice. Plus tard, au cours de sa laborieuse carrière,
Bosvieux rassembla sans relâche les matériaux du travail d'ensem-
ble qu'ilprojetait. Ces matériaux, nous l'avons dit déjà, subsistant
bruts et informes. Nous en avons tiré bon nombre d'indications et
de documents pour la chronologie et l'appendice qui suivent.
Juste à la même époque, Emile Grignard, l'auteur d'un Diction-
naire géographique de la Haute-Vienne encore manuscrit, présenta
au concours de statistique ouvert par la Société centrale d'agricul-
(!) Mémoire pour le chapitre de Saint-Yridx-la- Perche. (Fonds Bos-
vieux, L. 37). A la fin de ce mémoire, se trouve rindicalion suivante :
« Toutes les additions ci-dessus sont des observations que j'ai faites sur les
lieux, dans un voyage que j'ai fait à Saint-Yrieix au mois d'octobre t78i.
J'ai appris les traditions que j'ai rapportées de M. Paigtion, chaDoioe de
cette église ».
{t) T. Vli, p. 157-I9i. Ce mémoire est daté de 1821. Dès 1819, M. Gon-
dinet avait rédigé une Description etatistique de V arrondissement com-
munal de Saint-Yrieix pour le concours de statistique ouvert en 1819 par
rAcadémie des sciences de Paris. Il subsiste un fragment de cette statistique
dans le fonds Bosvieux, L. 39, et, si j'ai bonne mémoire, dans une liasse de
la série T des Archives départementales de la Haute-Vienne-.
{^) Bulletin, lii, 435 et MS.
(4) Le Frelon, journal de l'arrondissement de Saint-Yrieix.
CHRONOLOGIE DR I/hISTOIRE DR SAINT- YniRIX-LA-PERCHE. 563
ture de Paris, une Monographie du canton de Saint-Yrieix qui
obtint le premier grand prix (23 avril i852 (1). Ce travail n'a mal-
heureusement jamais été publié. On le retrouverait peut-être dans
les cartons de la Société d'agriculture (2).
Nous noterons aussi quelques travaux de détail dont il faudrait
tenir grand compte si Ton écrivait l'histoire de cette ville. Lais-
sant de côté tout ce qui se rapporte à saint Yrieix, à sa vie, à sa
généalogie, nous citerons seulement :
Abbé Arbellot, Le testament de saint Yrieix, dans le Bull, de la
Soc. arch. du Limousin, XXllI, p. 474;
Abbé Barbier de Montault, Inventaire du testament de saint
Yrieix, ibid,, XXXVI, p. 247 ;
Abbé Texier, Commentaire d'une courte inscription du xu* siècle
relevée sur le moûtier, dans le Recueil des inscriptions du Limousin^
p. 164;
Abbé Texier, Description d'une maison du xm* siècle à Saint-
Yrieix, dans le BulL de la Soc. arch. du Limousin, I, 173. Cf. M. de
Verneilh, ibid., III, SS. Cette maison est reproduite dans plusieurs
publications et en dernier lieu dans le Limousin, p. 181.
Abbé Barbier de Montault, Le Trésor de Saint-Yrieix, dans le jBuH.
de la Soc, hist. de Brive, 1892, p. 99-137, avec gravures. L'auieur
ne semble pas avoir connu ce curieux passage des Annales de
Limoges, dites de 1638, p. 160 : « Laquelle chasse de saint Yrieix
a été depuis refaicte d'argent par M. Léonard Baysse (mieux Boysse),
orpheuvre de Lymoges, l'an 1641. »
Camille Leymarie, Essai de classification des anciennes porce-
laines de Limoges. Saint-Yrieix... dans le jBwH. delà Soc, arch.
du Limousin, XXXVII et ss.
* *
La chronologie qui suit est suffisamment abondante pour qu'il
soit possible déjà de distinguer avec quelque netteté plusieurs
périodes dans l'histoire de Saint-Yrieix, j'entends par là l'histoire
des habitants et non pas seulement du chapitre, qui jusqu'ici a seul
préoccupé les historiens.
La plus ancienne de ces périodes, celle durant laquelle notre
petite localité s'appelle Attanum, commence à une époque
(1) Voyez notre notice sur Emile Grignard dans le BulL delà Soc. arch.
du Ltmou^m, XXXVl, p. 180.
(2) On en trouve tout au moins la substance dans son Dictionnaire géo-
graphique de la Haute-Vienne, ms, dont le tome V (lettres T. Z.] porte la
date de 1853.
T. XL. 3G
IS66 SOCIETE ARCHEOLOGIQUE Kt filStORIO^E DU LlMOIJSIff.
qu*on ne saurait délcrmiaer, pour prendre tin à la fondation d'un
monastère de religieux par saint Yrieix, vers 564 (1).
Alors s'ouvre pour les habitants, qui vont se grouper toujours
plus nombreux, à l'ombre de ce monastère, une seconde période*
durant laquelle, serfs ou sujets de Tabbé, ils ne connaissent d'an-
tre pouvoir que le sien, avec ses avantages et ses inconvénients.
C'est le temps des luttes armées, des guerres intestines entre le
chapitre et les féodaux voisins, en particulier le vicomte de Limo-
ges. Uinsécurité est constante, en dépit des murailles dont la ville
est fermée. Pourtant, à partir de 1307, la justice du roi qui prend
pied dans la ville à la faveur d'un partage avec les chanoine^
apporte aux habitants quelques répits, en rendant plus circonspecU
les ennemis du chapitre. Celte seconde période, partagée ainsi en
deux phases, se prolonge jusqu'en 1565.
A cette dernière date commence une troisième période qui ne se
terminera qu'en 1790. Les habitants fatigués de Tautorité du cha-
pitre, leur principal seigneur, demandent au roi la permission de se
constituer en commune pour gérer eux-mêmes leurs affaires. Il y
a vers la même époque des demandes toutes semblables en Limousin :
le consulat de Tulle date de 1566, celui de Bellac remonte à 1571.
Mais ce ne sont plus que des communes administratives, dont le>
pouvoirs ne ressemblent guère à ceux des communes du moyen
âge. Les droits souverains sont maintenant exercés par la royauté;
les consuls ou échcvins élus par les habitants n'ont plus que de*
attributions très limitées.
Quoiqu'il en soit, la volonté manifestée par les habitants en
Tannée 1565 de gérer eux-mêmes leurs affaires, était un acte d'indé-
pendance à l'égard du chapitre et marquait la fin de la tutelle
exercée par celui-ci pendant dix siècles. Les habitants se sentent
majeurs : ils ont place dans l'ensemble des villes du royaume, sou*
la protection du roi. Le chapitre des chanoines n*est plus dès lors
qu'une des institutions de la ville, la plus vieille, la plus respeclée.
celle qui donne encore à Saint-Yrieix tout son lustre, mais enfin um*
unité dans le groupe et non plus comme autrefois la raison délre
du groupe.
Durant cette troisième période, les événements de l'histoire in-
térieure de Saint-Yrieix sont à l'unisson de l'histoire générale de
(1) Il n'est point exact de dire, comme on Ta fait si souvent, qae Saint-
Yricix doit son origine à un monastère, tout comme Saint-LéoDard,
Eymoutiers, elc. Nous savons, en effet, que le monastère fut fondé dans
un lieu déjà habité, dont le nom même nous est connu, ce qui ne paraît
pas avoir été le cas pour Saint-Léonard ni Eymoutiers.
^i.
CHRONOLOGIE DE L*»ISTOtRE DE SAiNT-YRiGlX-LA-PERCBE. 567
la France. Mais après la fin des troubles provoqués par les que-
relles religieuses et le soulèvement des Crocquants, la ville voit
peu à peu, quoique fort lentement, augmenter son importance par
le nombre toujours plus grand des institutions qui naissent dans
son sein. Pendant une ou deux années (lS94etss.), elle est chef-lieu
d'une élection de finances. Elle possède aussi une église réformée
qui ne prendra fin que dans la tourmente de 1628. L'existence de
cette église amène à Saint-Yrieix les Récollets, puis les Clairettes,
plus tard le mouvement de restauration catholique provoque la
formation d'une compagnie de Pénitents. La ville, qui est déjà lieu
d'étape pour les troupes en marche, lieu de garnison pour la ma-
réchaussée, devient, grâce à son hôpital, Tun des mieux adminis-
trés du diocèse, lieu de passage de cette bohème mendiante qui,
sous l'ancien régime, avec des noms divers et par des causes mul-
tiples, circulait sans trêve par tout le royaume. Au milieu du
xvm» siècle, Saint-Yrieix prend subitement une importance considé-
rable par la création d'une sénéchaussée royale qui hérite de
quelques-unes des attributions de la cour d'appeaux de Ségur, sup-
primée par ordonnance du roi. La ville a si bien conscience de son
importance qu'elle songe à en consacrer la durée par rétablisse-
ment d'un collège classique. Le projet fut agité vers 1784, les fonds
furent réunis, mais des obstacles retardèrent l'exécution, et la Ré-
volution survenant porta les esprits vers d'autres préoccupa,
tiens.
A dire vrai, l'avenir de Saint-Yrieix n'était point dans cette direc-
tion. Si cette ville de chanoines a, mieux que celle de Saint-Junien,
vu aboutir ses efforts pour monter au rang de ville auxiliaire du
pouvoir, jamais elle n'a réussi à se placer au rang de Bellac bu de
Brive. De nos jours encore, à une date fort rapprochée de nous,
elle a subi des diminutions qui lui ont été sensibles. Tout au con-
traire, Saint-Yrieix a pris, à la (în de l'ancien régime, une activité
industrielle et commerciale que n'ont eue au môme degré aucune
des villes secondaires de la Haute- Vienne, sauf Saint-Junien, et qui
dure toujours. La découverte de vastes gisements de kaolin en
1768, la fondation d'une manufacture de porcelaine qui en fut la
conséquence en 1775, l'ouverture de la route de Limoges à Gahors
en 1785, donnèrent à l'industrie porcelainière et à l'industrie plus
ancienne des forges et des tanneries, une impulsion nouvelle. 11 en
résulta pour la ville un développement dont le contre-coup se cons-
tate dans l'augmentation progressive du chiffre de la population.
Ce chiffre n'était que de 720 feux nu 2,580 ou 2,680 habitants en
1686, de 700 feux = 2,500 ou 2,600 habitants en 1698. Il est monté
successivement à 5,028 habitants en 1801, à 6,252 en 1808, à 6,078
ti'jH société ABCQÉOLOGIQUB ET HISTORIQUR DU LIMOUSIN.
en 1811, à 6,413 en 1821, à t),54â en 1831, à 6,900 en ISaô ;l). Il
était de 7,613 en 1864. Au recensement de 1891 Saint-Yrieîx comp-
tait 8,711 âmes de population totale (3).
La Révolution consacra ces acquêts. Saint-Yrieix d(*vint chef-
lieu de district et conserva son trii)unal. En 1795, le tribunal est
supprimé comme tous les tribunaux de district, mais il esl réiabli
en 1800, en môme temps qu'est instituée la sous-préfecture de Tar-
rondissement. C'est dire que Saint-Yrieix a possédé dès lors tous
les services, toutes les institutions afférents à cette circonscriplioDi
conseil d'arrondissement, recette particulière, conservation de<
hypothèques, etc.
Mais pas plus aujourd'hui qu'à la fm du xviii* siècle, ce groupe
ment des services administratifs ne donne à Saint-Yrieix une im-
portance particulière. S'il est par sa population en meilleur ranc
que Rochechouart et même Bellac, il le doit à la pratique ininter-
rompue de l'industrie porcelainière, de la tannerie et du lissage,
à l'ouverture de la route de TuUe-Chabanais et surtout à la cons-
truction de la ligne ferrée qui conduit de Limoges à Toulouse.
Bellac et Rochechouart n'ont eu la leur que plus tard. Il le doit
aussi, depuis l'année dernière, à son tramway qui donne aux pro-
duits de la région un débouché sur Périgueux, en attendant qu ib
en trouvent un autre sur Angouléme par Thiviers et Nonlron.
A la Révolution, Saint-Yrieix a perdu son chapitre de chanoines,
et les cinq paroisses qui existaient alors n'en forment plus qu*une
seule. Mais il n'y a aujourd'hui que les historiens pour dénonc4»r
ces pertes : la population n'en parait point souffrir et je sais bien
ce qu'on pourrait attendre d'un plébiscite sur cette question :
Faut-il releverl'antique et vénérable chapitre à qui Saint-Yrieix doit
son renom dans le passé? — Les deux communautés de Réc^ltets
et de Qaireltes ont disparu également, mais ont été remplacées par
d'autres : Verbe incarné, Présentation, Frères de lîji Doctrine.
L'hôpital subsiste toujours, agrandi et restauré. Enfin le projet
de collège communal a été réalisé en 1860.
* *
Ces phases déterminées, nous allons résumer brièvement ce que
l'on sait des diverses institutions qu'a possédées Saint-Yrieix aa
moyen âge et sous l'ancien régime.
(0 Voy. la Statistique de la Géfiéralité de Limogesen 1686 (p. 150.,
le Mémoire sur la Généralité , de 1608 (p. 231), la Statistique de la
Haute-Vienne de 4808 (p. 190), la Statistique générale de la France : ter
ritoire et population, 1837 «p. 279).
(^t) A la Diôme date Sainl-Junien complaît 9,^76 babilants.
CHRONOLOGIE DB L*H1ST0IRB DE SAINT-YRIKIX-LA-PKRCBE. 5C9
En ce qui louche le chapitre, nous serons bref, car le chanoine
Raoul Mousnyer el, plus près de nous, M. A. Bosvieux en ont
relracé soit les origines, soit les relations avec Sainl-Marlin de
Tours. Pour le surplus (relations avec les vicomles de Limoges et
la royauté, réformes intérieures, etc.), on trouvera des détails suf-
Tisants dans la chronologie qui suit.
En 1698, le chapitre était composé d'un doyen, un chantre,
douze chanoines et six titulaires du bas-chœur (1). En 1774, le
P ouille du diocèse (2) lui consacre la notice que voici : « Ce
chapitre relève de celui de Saint-Martin de Tours. 11 est cçmposé ;
K** d'un doyenné, seule dignité élective par le chapitre et conKrma-
tive par les doyen, trésorier et chapitre de Saint-Martin de Tours;
2** d'une chantrerie-personat, avec une prébende y annexée, élec-
tive par le chapitre, qui confirme en même temps; 3** d'une théo-
logale, avec une prébende y annexée, dont le titulaire n'a que le
rang de sa réception; cette place est aussi élective par le chapitre
qui confère en élisant; 4* d'une sacristie, avec une prébende y an-
nexée, dont le titulaire n'a aussi que son rang de réception; il est
élu parle chapitre qui confère; 5** de neuf canonicats on prében-
des, indépendamment de celles ci-dessus, à la nomination du cha-
pitre qui confère en élisant; 6" d'un diaconat; 7** de six grandes
vicairies que le chapitre confère en élisant. »
La liste des doyens a été dressée plusieurs fois. Il resterait à faire
suivre chaque nom d'une notice biographique.
On trouvera la description des sceaux du chapitre, de son doyen
et de son chantre, dans les études sigillographiques que MM. L. Gui-
bert et de Bosredon ont insérées dans le Bulletin de la Société
archéologique du Limousin, XXVI, p. 129 ; XXXVIII, p. 18, et XXXIX
p. 387.
Au xvnr siècle et probablement dès le xvn% lemoûlier avait un
orgue (3). Il passait pour soigner tout particulièrement le chant des
offices et le détail de la liturgie : c'est à lui que le chapitre cathé-
dral de Limoges, en quête de chantres el de « serpents », s'adres-
sait le plus ordinairement (4).
D'après le Fouillé de 1773, la ville de Saint-Yrieix, comprise de
toute ancienneté dans l'archiprétré de La Meyze et le ressort de
Tofflcialité de Limoges, comptait cinq paroisses séculières :
(1) Mémoire de M. de Bornage sur la Généralité de Limoges, p. 183
de notre édiliou.
(«) Edité par Tabbé Lecler, p. <7.
(3) Legros, Mémoire ms. de 4784.
(4) Voy. nos extraits des Registres capilulaircs de Saint-Eticnnc de
Limoges, passim.
570 <^OCIÊTR ARCIIÉOLOGIQUR ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Le MouTiER, sous le vocable de la Vierge et le patronage do cha-
pitre, comptait 1,100 communiants ;
Saint-Pierre, dans les murs, sous le vocable du dit saint et k
patronage du chapitre, comptait 360 communianfts;
Sainte-Catherine, sous le vocable de la dite sainte (antérieure-
ment sainte Valérie) et le patronage du doyen du chapitre, comptait
340 communiants ;
La Noaille, sous le vocable de ?(1) et le patronage du doyen
du chapitre, comptait 560 communiants ;
Notre-Dame, ou la Haute-Chapelle, sous le vocable de la Vierge
(antérieurement saint Jacques) et le patronage du chapitre, comptait
280 communiants. En 1763, le Mémorial des visites ciel' évéqtie porte
cette indication : « Cette église est dans un état si menaçant d'une
ruine prochaine que je Tai interdite, à commencer du 1" octobre
prochain, jusqu'à ce que les bastiraens aient été mis dans un état
solide. Le service est transféré dans l'église de Sainte-Catherine
qui est le plus à portée (2) ».
L'Hôpital nous retiendra davantage. Fondé au milieu du xiii* siê-
ccle, au dire de la tradition (3), plus vraisemblablement dans la
seconde moitié, il fut longtemps dépendant du chapitre et gou-
verné par un aumônier dont le nom, pour être bien entendu, doit
être pris dans son sens étymologique. Ce dignitaire du chapitre
administrait en effet les libéralités ou plus exactement les crédits
que les chanoines allouaient chaque année sous forme d'aumône
aux pauvres de la ville.
Pendant l'époque troublée des xiv« et xv* siècles, l'hôpital dut
subir bien des éclipses. Toutefois son existence paraît démontrée
par de nombreux actes analysés sous les articles B. 12, E. 2, 16, 19
et ss. de notre inventaire du fonds d'archives subsistant.
Au mi|ieu du siècle dernier, les administrateurs de l'hôpital igno-
raient exactement à quelle épo lue Taumônerie primitive avait pris fin.
Cependant le syndic Pierre Gondinet, s'aidant des mentions fournies
par quelques vieux titres de rétablissement, plaçait vers 15671e pas-
sage du régime ecclésiastique au régime laïque (4). 11 ne se trompait
guère. Sans preuve directe, nous pouvons en effet affirmer que le?
syndics hospitaliers, dont l'existence est constatée par un tilre de
(1} Le Poullîé ne l'indique pas. Mais nous apprenons d'autre source que
le vocable était Saint-Pierre de Vérone, succédant à l'Assomption de la
Vierge. ConF. le Mémoire de Lcgros, 1784.
(2) Voy. nos Chartes^ chroniques et mémoriaux^ p. 4!î.
(3) Inoent. des arch. hospit.^ B. 9.
(4; Ibld.^ E. 9 ei 19.
CBRO^OLOGIR DE L*H1ST0IRS DE SAINT-YRIRIX-LA-PERCOE. 571
1567 et dont la nomination avait lieu au xvn* siècle le jour même de
Tolcction des syndics municipaux, remontaient comme ceux-ci à For-
donnance royale de 1365 qui autorisa les habitants de Saint-Yrieix à
former une commune. Cette innovation appelait l'autre: le chapitre
cessant d*exercer la tutelle administrative de la ville et de perce-
voir certaines redevances, cessait en môme temps de gouverner
rétablissement qu'il avait fondé et d'en porter la charge.
L'administrationdessyndics, réorganisée, semble-t il, versl6S7(i),
subsista pendant cent-cinquante ans et s'honora par la bonne ges-
tion des revenus qui lui étaient confiés. En 1727, en vertu d'une
déclaration royale du 12 décembre 1698, un grand changement eut
lieu, qui inaugura la troisième phase de l'histoire de cet établisse-
ment. Un bureau de direction y fut installé (2j, comme dans beau-
coup d'autres hôpitaux, et le contrôle de l'Etat, représenté par
rintendant de la généralité, s'introduisit. Des délégués du chapitre
firent partie de ce bureau jusque vers 1750-51 (3j, date à laquelle
ils crurent de leur dignité de cesser d'y paraître, la présence des
délégués de la sénéchaussée nouvellement établie à Saint-Yrieix
ayant porté ombrage à leur susceptibilité. Ainsi composé, le bureau
de direction a duré jusqu'à l'année 1795. L'hôpital, après avoir
fermé ses portes durant quelques mois (4), les rouvrit sous le régime
de la loi du 16 vendémiaire an V, qui le replaça dans la dépen-
dance directe de la municipalité. C'est le système qui règne encore,
en dépit de toutes les modifications subies.
Au xviu* siècle, trois autres faits sont à noter : d'abord un effort
tenté en 1730, renouvelé en 1749 et 1783, mais toujours vainement,
pour obtenir du roi des lettres patentes qui établissent juridique-
ment l'existence de l'hôpital (5) ; en second lieu, la substitution en
1761 d'une religieuse de Saint-Alexis à la gouvernante laïque qui
jusque là prenait soin des malades (6) ; enfin l'établissement, à une
date incertaine, d'une petite chapelle intérieure, qui devint plus
tard publique (7).
Dans son Mémorial de 1763, l'évéque diocésain ne ménage pas
les critiques à l'hôpital de Saint-Yrieix. « Les bâtiments sont très
(1) Invent, des arck. hospit,^ E. 26, Î7, 28.
(2) Jbid,, B. 9, H. 6, E. *, 44 et ss.
(3)/6id., A. 1, H. 6.
(i) Ibid,, E. 89.
(5)/ôtrf., H. 1, B. 12, A.!, E.2.
(6) Ibid, B. 9, E. 68, H. 6. CL notre inlroluciion à Vlnocnt, des arch
dép,y série E. suppl. p. xxviii, el nos Chartes et chroniques^ p. 41 '.
(7) Legeios, Mémoire de 1784, ms.
571 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
vieux et en très mauvais élat, et les deux salles des malades mal
saines. Il s'y est [en outre] glissé un abus sous le prétexte de la
petitesse des bâtiments qui est que l'on donne des secours au dehors
à des malades sans les faire transporter au dit hôpital, ce qui e^i
sujet à de grands inconvéniens, ce qui entraînerait la ruine de ceUt'
maison, ce qui indique la nécessité de réparer les vieux batimenU
et même d'en construire des nouveaux. L'hôpital a 2000 11. de renii*
au moins » (1).
La situation n'alla point en s'améliorant, si nous en croyons la
Statistique de i SOS (2). L'hôpital de Saint-Yrieix, nous est-il dit.
« jouissaiten 1789 de 1,714 fr. de renie; il donnait asile à quatorze
malades et à trois vieillards. Ayant perdu dans la suite une partie d(»
ses revenus par la cessation du service de plusieurs rentes qu'il
avoitsur des émigrés et sur le clergé de France, il ne put subvenir
à l'acquittement de toutes ses dépenses. En 1801, il trouva dans
l'octroi municipal des ressources suffisantes pour réparer ses pertes
annuelles et pour recevoir le même nombre de pauvres qu'il
admettoit autrefois «.Tel est le point de départ de la prospérité
relative dont il a joui au cours du xix* siècle.
Aux xur et xiv" siècles, Saint-Yrieix parait avoir été desservi,
quelque temps, par trois autres petits hôpitaux, ceux de Saint-André,
Sainte-Anne et Saint-Jean (3), dont l'histoire est perdue. C'étaienl
sans doute des fondations privées qui n'eurent qu'une couru»
existence. La seule mention à nous connue de ces trois petits hôpi-
taux est indirectement confirmée par le nom de « grand hôpital •
donné, dans un acte de 1298 (4), à l'établissement qui vient de nou5
occuper.
Pendant le dernier tiers du xvi" siècle, Saint-Yrieix a possédé
une pelile église réformée, dont l'origine nous est connue (3). Peut-
être a-t-elle vécu ostensiblement : mais la preuve historique fait
défaut, et il y eut assez de troubles de guerre à Saint-Yrieix.
pendant ces trente années, pour rendre l'hypothèse contrairo
plus probable. En tout cas, après la promulgation de TEdil dr»
Nantes, les protestants secrets ou connus se groupèrent en église,
appelèrent un pasteur et se soutinrent assez bien malgré leur petit
nombre jusque vers 1614. Le chapitre des chanoines dut, à parlir
de cette époque, leur rendre la vie fort dure, car l'église n'eut plus
(I) Dans nos Chartes et chroniques, p. it I.
{t) P. Ï37.
(3) Invent, des arch, hospit. A. 1 .
(4) Statistique de la Haute-Vienne de 1808, p. 237.
(5) Voy. ci-dessous la Chronologie, aux anuOes \o6\ et lo6i.
CHR0N0L0G1K DR l'bISTOIBE DB SAINT-YRIEII-LA-PERCHB. 573
de pasteur et parait avoir définitivement disparu dans la tourmente
de 4628, qui abattit violemment tant d'églises issues de la Réforme
protestante (i).
Au point de vue féodal, Saint-Yrieix était, depuis le xn« siècle au
moins, chef-lieu d'une chatellekie qui relevait du vicomte de
Limoges et comprenait six paroisses : la ville proprement dite ou
Moutier-Saint-Yrieix,Glandon, La Nouaille, La Rocliette, Sarlande,
et La Meyze (2).
La haute justice y était exercée par le chapitre, seigneur de la
ville, mais en pariage avec le roi depuis 1307 (3). La basse justice
était, sous le nom de prévoté, aux mains du vicomte de Limoges, à
charge d'hommage au doyen (4). Cette situation a duré jusqu'à
Tannée 17S0. Les appels étaient portés à la cour d'appeaux deSégur
jusqu'à la suppression de celle-ci et sa transformation en séné-
chaussée de Saint-Yrieix (o). A partir de cette date, le chapitre n'a
plus que la basse justice sur une partie de la ville, appelée le
doyenné.
Les registres d'audience de la cour du pariage sont perdus, en
sorte que l'histoire ne sait rien des causes qui furent portées devant
cfîtte juridiction. Mais les registres de la sénéchaussée subsistent
aux Archives départementales de la Haute- Vienne (6). Le dépouil-
lement en serait sans doute fort instructif.
Dès 4268, le chapitre, peu confiant dans sa propre force, avait
demandé au roi de lui envoyer à demeure un sergent d'armes,
chargé de le protéger contre la vicomtesse de Limoges (7). C'est le
premier en date des divers pouvoirs militaires qui ont existé à Saint-
Yrieix : gouverneur particulier au temps des guerres religieuses (8)
(*) Pour tous ces faits, voy. noire Hlat. de la Réforme dans la Marche et
le Limousin, p. 55, 188-189 et 373.
(3) Clkmrnt-^ihon, La Vicomte de Limoges^ p. 143
(3) Voy. la Chronologie, à la date. — Le sceau de la cour du pariage
a été décrit par M. L. Guibert (Bull. Soc arch, du Limousin, XXVI, p. 130,
XXXIII,p. 15). — Il subsiste une leUe de Colberl à Tinlendant de Limoges,
20 juin 1682, relative à ce pariage, mais d'un sens assez énigmaiique :
a Je vous envoyé un arrest qui a esié donné depuis peu au Conseil concer-
nant la justice de Sainl-Yrieix que le roi tient en pariage avec le chapitre
du lieu. Vous tiendrez, s'il vous plail, la main k ce que cet arrest soit
exécuté... ^>. (Lettres de Colbert, édil. P. Clément, VI, p. 75).
(4) CLRMeNT-SiMON, ouv. cilé, p. il et 143.
(5) Voy. la Chronologie, à la date
(6) Une vingtaine de registres, sans compter une soixantaine de cahiers
provenant du Bureau des insinuations (série B).
(7) Voy. noir.' Chronologie, à U date.
(8) BosviEUX, Inventaire, L. 3i.
574 SOCIÉTB ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN'.
et peut-être même plus lard, brigade de maréchaussée au ilemier
siècle (i). Cependant la ville ayant été munie de murailles au \i* ou
xu** siècle, nous devons en conclure qu'il y existait dès lors un
chef militaire. Saint-Yrieix est indiqué comme lieu de garni>on
dans un document de 1567 (2), et figure comme lieu d'étape sur les
caries du xvni« siècle (3).
Les guerres religieuses une fois passées, Thistoire de rÉCHE\i!iAGE
institué en 1565 ne paraît point avoir été bien accidentée (4). Si le>
actes du maire et de ses adjoints pouvaient être retrouvés, ils témoi-
gneraient sans doute uniquement de leurs longs et persévèrant>
efforts pour se garder des gens de guerre, surveiller les foires et
marchés, gérer les deniers publics, contrôler Tadministralion de
rhôpital, résister aux empiétements des pouvoirs rivaux, et, à
mesure que la main du pouvoir central s'appesantit sur eux, st»
concilier la faveur de ceux qui le représentent en exécutant Gdèle-
ment leurs ordres. Leur bonne volçnté était insuffisante cependant
pour remédier à tous les maux, et le cahier des doléances du Tiers-
Etat de la ville prouve que les administrés ne considéraient pas
que tout fut alors pour le mieux (5).
Nous ne pouvons dire exactement combien de temps a duré
l'élection de Saint-Yrieix, instituée en 1594 (6). A coup sûr, peu
de temps. 11 n'est point certain pour nous qu'elle ait été autre chose
qu'un démembrement provisoire de celle de Limoges, géré par une
délégation du tribunal des élus de cette ville.
Antérieurement et postérieurement à cette institution éphémèn\
Saint-Yrieix a toujours fait partie de l'élection de Limoges. A dater
de 1704, elle devint chef-lieu de l'une des 32 subdélégations de la
généralité de Limoges (7).
Nous ne savons pas grand chose de la compagnie des pémtems
(1) Dans un document de 1770 analysé par M. Anl. Thouas, Inoent, des
arch. comm. de Limoges^ FF. t. Mais ilesl vraiisemblable que ceUe brigade
de maréchaussée existait depuis longtemps déjà.
(2) Dans les Mémoire de VAcad, de Clermont, <864, p. 558.
(3) A. Leroux, Inoent , des Arch. dép. de la Haute-Vienne, C. 5-£6.
(4) Voy. notre Chronologie, à la date. PouV le sceau de la ville, voy.
L. GuiBKRT, [Bull, de la Soc, arch. du Limousinj XXVI, p. 1S8).
(5) Il n*en subsiste à notre connaissance que deux exemplaires : Tan à la
bibliothèque du Grand-Séminaire de Limoges (collection Legros), Taulre
dans la bibliothèque do M. de Lalour à Courbefy. Cf. FaAY-FocaNiEB, Bi-
bliographie de Vhist de la Réoolution dans la Haute-Vienne^ u» i3.
(6) Voy. la Chronologie, à la date.
(7) Voy. notre notice sur la Généralité de Limoges^ en tète de Vlncfnu
des arch. dép. de la Haute-Vienne^ série C, p. xxvn.
CHRONOLOGIE DB L*HISTOIRE DE SRINT-YRISIX-LA-PERCIIK. 575
BLEUS fondée vers 1663. Cependant, un siècle plus tard, révoque de
IJmoges, dans le Mémorial de ses yisites, constate que cette com-
pagnie veut se soustraire à la juridiction du curé et ne reconnaître
que celle du chapitre. Il ajoute : « Dans la continuation d'appro-
bation que je leur ai accordée, je leur ai enjoint de reconnaître
leur curé, de lui porter le respect et Tobéissance qu'ils lui doivent,
et ce sous peine d'interdit » (i). Les Pénitents disparurent à la
Révolution. Nous ne voyons pas qu'on ait depuis lors tenté de les
relever.
Nous nesavons rien de la communauté des Récollets, qui remon-
tait à 1613 ou 4618 (2^. Elle n'est même pas mentionnée dans les
Mémoriaux de la visite épiscopale de 1763 (3). Par contre les
Clairettes le sont (4), et c'est de là que nous apprenons qu'elles
étaient gouvernées parles Cordeliersd'Exideuil. « Elles en ont pour
leur aumônier et directeur, nous est-il dit. Elles font faire un bâti-
ment considérable, cequi leur suppose de l'aisance. Elles ont trente-
quatre ou trente-cinq religieuses et ont des pensionnaires » (5).
Les INSTITUTIONS SCOLAIRES n'ont jamais été nombreuses ni impor-
tantes à Saint-Yrieix. Nous avons déjà dit que le plus ancien projet
de fondation d'un collège classique ne remonte qu'à 1784 (6) et ne
fut réalisé qu'en 1860. De bons esprits estiment qu'il y aurait grand
intérêt pour la prospérité de la ville à transformer ce collège en
école primaire supérieure d'où sortiraient des chefs d'atelier experts
et des négociants instruits.
Au commencement du siècle, vers 1804 (7), un sieur Abrias-
(1) chartes et chroniques ^ p. 411.
(î) Sur la valeur de ces deux dates, cf. ci-tlessous la chroDologie,
année 1G.3. — Le sceau des Kécollelsa été décrit par M. L. Guibert, {BalL
de la Soc. arch, du Limousin^ XXVI, p. 13)) et par M. de Bosredon, ibld.^
XXXIX, p. 4«7).
(S) Elle existait encore cependant, puisque les Ephémérldes de 1769 la
nomment .(p. H 4) et lui aitrihuent huit religieux. Toutefois nous ne les
vojons pas représentés lors de Tappel des membres du clergé formant
rassemblée préparatoire de 1789, bien que les Clairettes le soient. (Abbé
Lkcler, Martyrs et confesseurs^ t. I, p. 131). Dans son élude sur les
Franciscains en Limousin, Tabbé Roy-Picrrefiltc consacre exactement deux
lignes aux Kécollets de Saint-Yrieix. C'est dire qu'il ne nous apprend rien.
(4) Leur sceau a été décrit par M. L. Guiberi, comme ci-dessus, XXVl,
p. 4 30.
(5) Chartes^ chroniques et mémoriaux ^ p. 410. Les Ephémérldes de
1765 leur attribuent 26 religieusesde chœur (p. 114).
(6) Legros, Mémoire ms, rédigé en 1784.
(7) Statistique de la Haute Vienne de 1808, p. 918.
STd SOCliTÉ ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIOUE DU LIXOUSIK.
Laforét fonda une école secondaire qui, en 1837, était aux mains de
M. Bonnel-Lamonnerie. A cette dernière date il y avait égalemeol
deux pensionnais de jeunes filles, dirigés l'un par une dame Coo-
damy, Tautre par une dame Crezeunet. La ville possédait égalemeni
en 1839, un instituteur communal et sept instituteurs privés «Ji. Il
ne nous a pas été possible de retrouver les vicissitudes subies par
ces divers élablissemenls.
Il serait instructif de connaître quelles furent les plus anciennes
INDUSTRIES exercées à Saint-Yrieix. Mais les renseignements manquf*ni
avant le milieu du xvni* siècle. En 1765 seulement, les Ephéméridrx
de la Généralité de Limoges consacrent, dans une courte notice sur
Saint-Yrieix, les lignes suivantes à Tlnduslrie et au commerce de
la ville :
« Il y a dans cette ville quelques tanneurs qui préparent de>
cuirs forts, des vaches en baudriers, des veaux et des basanes ;
V Des tisserands qui font des toiles ouvrées et d'autres toiles de
ménage assez bonnes ;
« Trois sergetiers qui fabriquent de grosses serges croisées,
chaîne et trame de laine cardén, à Tusage des gens de la campagne.
« Dans les foires et dans les marchés de celte ville il se débite une
assez grande quantité de fil de chanvre que les fabriquants de dro-
guets de Limoges enlèvent. On y vend aussi un grand nombre de
bœufs qu'on engraisse vers Ségur, Libersat, etc. Cette ville est le
centre du commerce de l'antimoine. »
' La Statistique de 1808 confirme ces détails. Saint-Yrieix, dit-elle,
p. 190, « a quelques tanneries (2) et Ton y fabrique des toiles et des
étoffes communes. On y débite une assez grande quantité de fil de
chanvre qu'achètent les marchands de Limoges pour la fabrication
des droguets; on y fait le commerce de l'antimoine et de la terre à
porcelaine ». Etailieurs, p. 47o: « L'arrondissement de Saint-Yrieix,
qui pourrait fournir beaucoup de meules de cercles par la grande
quantité de ses bois taillis, ne s'occupe qu'accidentellement de ca»
commerce, par la diflicullé des voies d'exportation qui ne lui sont
ouvertes que lorsque les vins abondent dans le département de la
Dordogne »,
Le même ouvrage parle aussi des nombreuses forges qui, depuis
le XVI" siècle, occupaient tant de bras à Saint-Yrieix même et dans
(l) Laurent, Nouo. éphémérides, 1837,
(9) Il esl dit dans un aulrc passage du même ouvrage, p. 477, qu*tt y a
cinq tanneries A Sainl-Yricix.
CHRONOLOGIE DE L*UI8T0IIIE DE SAINT-YRIEIX-LA-PERCHE. 577
les environs. Il y en avait encore deux dans la Tille mèroe en i808 (1)
et quatre en 1821 (2).
Quant à la manufacture de porcelaine fondée par M. Dugarreau
de La Seinie vers 1775 (3), occupée par M. Baignol de 1789 à 1797,
fermée ensuite pendant quelques années, puis rouverte par trois
ouvriers parisiens qui ne purent la faire prospérer, elle passa en
1805 aux mains d*un sieur Clostermann bien connu à Limoges. « Il
fit, la première année, une douzaine de fournées, nous apprend
la Statistique de la Haute-Vienne de 1808 (p. A36). Mais les mêmes
obstacles qu'avaient éprouvés ses prédécesseurs contrariaient déjà
ses opérations ». L'auteur de la Statistique croit en connaître les
raisons. « Cette fabrique, nous dit-il, quoique très rapprochée des
carrières de kaolin et quoiqu*au milieu des bois nécessaires pour
Talimenter, ne prospérera jamais qu'autant qu'on y versera des
capitaux suflisans pour ne pas craindre les variations inséparables
de ce genre de commerce; d'ailleurs, si la localité présente quel-
ques avantages pour les matières premières, elle ojBTre bien des
inconvéniens si l'on considère la diflSculté de se procurer des dé-
bouchés lointains et surtout celle d'y fixer des artistes qui ne pour-
roient trouver à la campagne les agréments dont ils jouissent dans
les grandes villes ».
De main en main, la manufacture s'est perpétuéeetsubsisleencore;
elle a même eu deux concurrentes sous le second Empire. Mais c'est
moins la fabrication de la porcelaine que l'exploitation des carriè-
res de kaolin qui, à Saint- Yrieix, occupe les bras et fait vivre
nombre de familles. En 1808, il y avait dans la ville ou dans la ban-
lieu sept centres d'extraction (4). Il y en avait vingt en 1837 (5).
Antérieurement à la manufacture de porcelaine, Saint-Yrieix pos-
sédait une manufacture de faïence dont l'origine n'est pas exactement
connue. On croit qu'elle fut établie vers 1768 par les sieurs Chape-
lias et Pouyat (6). « Les propriétaires l'affermèrent ensuite à
(1) Statistique delà Haute- Vienne^ p. 403. L'une appartenait à un sieur
Robert, l'autre à un sieur Dujardio. Elles produisaient toutes deux respec-
tivemeni 4000 royr. de fer, consommaieui 6700myr.c(e fonte et 6000 niyr.
de charbon, et possédaient chacune deux aflineries et six ouvriers.
(2) D'après M. Gondinei, Bull, de la Soc. arch, du Limousin^ Vil, 188.
(3) Voy. la Chronologie à celle daie.
(4) Statistique de la Haute-Vienne en 1808, p. 428-429.
(5) Laurent, Nouo. éphémérides, 1837, p, t99.
(6) Dans le Mémoire de l'abbé Legros, rédigé en 1784, je trouve celle pr«^-
cieuse indication : a Le cieur Pouyat en avoii aussi entrepris une (manu-
facture de porcelaine) ; mais il a été obligé de l'abandonner ainsi que sa
fabrique de faïance. v
K^d SOClÉtÉ ARCHÉOLOGIQUE EC HISTORIQUE DU LlHOUSl?f.
M. Robert, maître de forges à Saint-Yrieix, qui la garda pendant
sept aos ; elle fut reprise, par M. Pouyat qui ne tarda pas à l'afifer-
mer de nouveau à deux de ses ouvriers. «iCux-ci la conservèrent
jusqu'au moment où son fils, revenu des armées, se mil à la tétede^
travaux. On y fait (en 1808) une quinzaine de fournées, du prix de
4 à 500 fr. chacune. Les travaux de ce petit établissement n'occu-
pent que six ouvriers. La terre argileuse qu'on y emploie vient de
Sauvagnac, et on y ajoute un quart de casline qu'on lire du dépar-
tement de la Corrèze. Le four est alimenté de petit fagotage et de
genêt. On ne se sert de gros bois que pour commencer le feu, ei
cet usage en exige fort peu.
<( La fabrication se borne presque tout entière à la, plateri^; ou
fait peu de creux. L'émail, qui est blanc, est composé d'élain, de
plomb et de silice. On y môle de la manganèse pour l'émail brun,
dont on recouvre la faïence qu'on destine au fourneau. La faïence
qui sort de cette fabrique est susceptible d'amélioration. La paie
n'en est pas assez solide et son émail pourroit être mieux glacé ; sa
qualité est bien inférieure à celle des faïences de Nevers et de
Strasbourg; cependant la médiocrité de son prix en assure le débit;
elle se consomme presque toute sur les lieux; on n'en vend qu'une
faible quantité qui s'exporte dans les villes les plus rapprochées du
département de la Dordogne. »
Vers 1833, M. Tenant de La Tour, originaire du Chalard, connu
plus tard comme bibliothécaire du palais de Compiègne et comme
auteur des Mémoires d'un bibliophile^ détermina un sieur Noyer à
s'établir imprimeur à Saint-Yrieix. C'est Noyer qui imprima succes-
sivement l'^rMen (1835-37), le Frelon (1840-51), le Nouvel Arédien
(1853-64), VEcho de Saint-Yrieix qui dure depuis 1864, et même,
pendant quelques mois, Y Ordre, journal officiel delà Haute- Vienne
(1841) (1). C'est de ses presses également que sortirent le Limousin
historique d'Achille Leymarie (1837), V Explication du maréchal
Clauzelsur l'expédition de Cotistantine (1837) et maint autre ouvra-
ge que les imprimeurs de Limoges eussent pu prétendre imprimer.
Des détails qui précèdent sur les diverses industries de Saint-
Yrieix, on peut déduire quels étaient les principaux objets de son
commerce. En 1806, un membre du conseil général de la Haute-
Vienne, réclamant le parachèvement de la route de Limoges à
Cahors par Saint-Yrieix, rappelait que cette dernière ville était
« le centre de presque toutes les relations commerciales entre le
(t) Nous devons ces indications exactes à Tobligeance de MPray-Fournier,
qui possède toute une bibliographie de la presse périodique dans la Haute-
Vienne.
CBRONOLOCiR DK L*H1ST01RE DB SAlNT-YRlElX-t<\-PEBâttG. 5*)^
déparlement de la Haute- Vienne elles départements de h Dordogne,
de la Corrèze et du Lot))(l). Nous constatons cependant qu'en 1891,
les recettes effectuées par la gare de Saint-Yrieix (P.-O.) ne se sont
élevées qu'à 288,479 fr., alors qu'elles atteignent 414,400 fr. à
Saint-Junien (2). Nous nous bornons à ajouter que la ville, qui pos-
sédait douze foires par an en 1808, en possède actuellement dix-sept.
Un trait à noter dans l'histoire de Saint-Yrieix, c'est que les
relations sociales et économiques de cette ville ont été beaucoup
plus tournées vers Périgueux que vers Limoges. Cet état de choses
n'a commencé de changer qu'à partir de Térection de la sénéchaus-
sée (1750) et de l'ouverture de la route de Limoges à Cahors (1785).
Auxix' siècle ce changement de front s'est encore tout naturellement
accentué. Mais le irafic du tramway de Saint-Yrieix à Périgueux
(1891) et les relations de famille, par raison de mariage, de parenté
ou de traditions prouvent que Périgueux est resté, en dépit de la
distance (environ 75 kil.), un petil pôle d'attraction pour les Aré-
diens. C'est qu'à l'origine un voyage à Périgueux par la vallée de
l'Isle était chose dix fois plus aisée qu'une excursion à Limoges à
travers les monts et vaux qui séparent cette ville de Saint-Yrieix et
marquent la limite des bassins de la Loire et de la Garonne.
*
Saint-Yrieix a produit quelques hommes connus, dont voici les
noms :
Slodilus, abbé de Saint-Yrieix, éluévéque de Limoges en 843.
Gérald, doyen de Saint-Yrieix, élu évoque de Limoges en 1137.
Elie, moine à Saint-Florent de Saumur, évéque d'Uzès en 13i5,
cariJinal-prôtre en 1357, mon à Avignon en 1367 Connu par
divers ouvrages théologiques.
(Voy. \dL BiO' Bibliographie de M. Ulysse Chevalier).
Pierre Seichespée, de Saint-Yrieix, membre de l'ordre des frères
prêcheurs, vit la Sorbonne condamner en 1559 trois de ses propo-
sitions comme entachées d'erreur.
(D'Argentré, Collect. judiciorum, II, 201 , 282 et ss.).
Etienne Bellengard, auteur d'un Sententiarum volumen absolutis-
simum, publié a Lyon en 1559 et 1587 ; devint principal du
(4) A. Leroux, Analyse des délibérations manuscrites du conseil général
de la Haute-Vlenne^ p. 67.
()} Rapport de Ting^nieur en chef du contrôle des chemins de fer d'Or-
léans (dansi les Rapports des chefs de serolce du département à M, le
Préfet de la Haute-Vienne, l892, p. 63).
580 SOCIÊTé ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
collège de Limoges en 1557 (et non à la fin du xvi'' siècle, comme
il a été dit souvent).
(Voy. Bull, de la Soc, arch. du Limousin, XXXIII, 98).
Léonard Garreau, jésuite, missionnaire au Canada, massacré par
les Indiens en 1656.
Yrieix Gondinet, xvn* siècle, médecin de la reine-mère Anne
d'Autriche.
Chouly de Permangle, né à Saint-Yrieix, mort en 1679. GouTer-
neur de Limoges, se dislinga au siège de Maestricht.
Yrieix de Magonlhier de Laubanie, né en 1614, mort en 1706,
générai français connu par la défense de Landau contre les lroape>
des Impériaux. La Bibliothèque communale de Limoges possèdt^
un portrait gravé de ce personnage.
L'abbé Lecler, dans ses Martyrs et confesseurs de la foi sous h
Révolution (t. 1"'), consacre une notice à plusieurs noms de Sainl-
Yrieix: J.-B. de Paignon, chanoine; P. Y. La Brouhe de La Borderie.
chanoine; Jarrige de La Morélie des Biars, prêtre ; J.-B. Bonhomme
de Forestier, chanoine; Pierre Mazard, chanoine; Jarrige de I^
Morélie du Breuil, chanoine; Jarrige de La Morélie de Puyrédon
doyen; Paignon de Chantegraud, chanoine; Fr. Beaure, chanoine.
Gondinet, sous-préfet de l'arrondissement de Saint-Yrieix, doc-
leur en médecine, associé correspondant des Sociétés médicales de
Paris, de Montpellier, du Gard, de Bruxelles, de Toulouse, de Bor-
deaux, de Marseille, de l'Académie des sciences, belles-lettres el
arts de Turin, de la Société royale et centrale d'agriculture, de la
Société d'agriculture de la Haute-Vienne, de la Société d'agricul-
ture de Saint-Yrieix et de l'ancienne Société royale de médecine de
Paris.
Tels sont les titres qu'il prend dans sa Description statistique
de 1819, dont nous avons parlé ci-dessus, p. 564.
Achille Leymarie, historien et publicisle, mort en 1864.
(Voy. la notice que lui a consacrée M. Buisson de Mavergnier dans
le Bull, de la Soc, arch, du Limousin, Xï, 129, 275).
Auguste Bosvieux, érudit, archiviste de la Creuse, mort en I87r
(Voy. la notice que nous lui avons consacrée dans le BulL de In
Soc. arch, du Limousin, XXXVI, 186 et 276).
De Loménie, écrivain, membre de l'Académie française, mort
en 1878. Son éloge a été prononcé par M. Taine, qui fut son
successeur à l'Académie.
Edmond Gondinet, auteur dramatique, mort en 1888.
(Voy. VAlmanach Limousin pour 1890, partie historique, p. 203).
!
CHRONOLOGIE DE L'HISTOTHE PK SAINT -YRIEIX-LÀ-PKRCHE. 581
Nous finirons par ou commencent d*ordinaire les monographies
méthodiques, en disant que Saint-Yrieix, chef-lieu d'arrondissement
d a déparlement de la Haute- Vienne, appartient dans le passé à la
région historique du Haut-Limousin. A 335°* d'altitude, à 45"* 30'
37" de latitude, à 1* 8' 7" de longitude, il est traversé dans sa lar-
geur par un petit ruisseau de 60 kil. de cours, la Loue, qui sort de
l'étang de Bonneilles à quelques kilomètres au nord de la ville, et
lombe dans llsle un peu au-dessous d'Excideuil. Saint Yrieix est
également situé sur le chemin de fer de Paris-Limoges-Figeac-
Toulouse et est tête de ligne pour le tramway de Périgueux. La
population totale de la commune était de 8711 habitants au recen-
sement de 1891.
T« XL. 37
I
k
l
68$ âOGlÉTÉ ARGBÉOLOOIQUE ET tlISTORlOtJlC DU UllOUSIff .
II
DOCUMENTS DIVERS TIRES DU FONDS BOSVIEUX
EXTRAITS de VaHistoire générale de Saint-Martin de Toun
par le chanoine Raoul Monsnyer [vers 1666] (1)
Cap. XX. — De noblU Ecclesia collrgiata Sancti Aredii Acthanenslf
in agro Lernooicensi constituta.
Ut ad lertiam Matricis Ecclesiœ Sancli Martini Turoucnsis filism transpj-
mus, nunc pergendum nobis ost ad aliam asquè collegiatam et parochialem.
sed à Tumulo Bcatissimi Martini remotissimam, ipsi tamem subjectaïK.
sciiicet sancti Aredii Acthanensis etsi tempore à prœdicta sancti Venanii.
viciniorem ; oam prodire cœpit ut nobilis filia à Basilica Sancti Mariio.
Turoncnsis anno Christi 59i, quo anno migravit è vita sanclus Arcdius ic
agro Lemovisensi Acthanensis oppidi, quod à tanto viro, sancti Aredi>
nonien habuit.
F ro eu jus planiori intelligentia priemittimus sequentin. Sanctus Arcdios
Jocundi Lemovicensis civitatis comiiis et Pelagiae uxoris suae, sanrîr
mulieris quondam filius, cum in loco sui juris et fundi cui Aclhanum
nomen est, ab urbe Lemovica sex leucis Francicis distante, ex sua propru
familia Monasterium Monachorum excitari et aedificari curasset, quod pO'^t-
modum in ceiebrem Abbaliam sub nominc sancti Aredii excrcvil, magn«>-
que pietatis sensu sepulchnim beati Martini, quem pra^cipuo cultu vcnere-
batur, adiisset, indèque regressus, condilo Teslamento, super famiiu
pecunias legasset, haercdcmque majoris partis bonorum suorum fecissfi
et instituisset sanclum Martinum, suos tandem monacbos Acthanenee?
defensioni et protectioni Basilic» cjusdem Sancti Martini Turonensiscom-
misit et submisit, cui tanquam nobiie membrum voluil in perpetoumcssc
subjeclos.
Hic merilô potest cujus esscnt Régulas isti Monachi Acthanenses seu
Arcdiensos, cum nundum sancli Aredii tempore. nec nisi pcr aliqa*>î
annos posteà publicata fuerit et observata in istis Galliae parlibus Aquita-
nicis Sancti Benedicti Régula.
(1) Voy. et dessus, page 563. note 3
CHRONOLOGIE DR l'hISTOIRE DK SAINT-YRIKIX-LA PERCHE. 583
Cui quœslioni apertissimè respondel Grcgorius noster libre decimo his-
loriae Francorum capitc vigesimo, quod esl tolum de viln et goslis sancti
Arcdii, his verbis : Ex propria t'amiliaTonsuratosinslituit Monaclios, cœno-
biumque fundavit, in quo non mod6 Gassiani, verumetiam Basilii, et reli-
quorum Âbbalum qui Monasterialem vitam insliluerunt, celebraolur Regulae,
beatâmuUere viclum alquc vcstitum singulis ministrante.Quibushissancli
Gregorii verbis videas, Monachos Aclbanensesseu Aredienscs, non unam
in suo Monasterio Regulam observasse vivendi, nec plures insimnl, Gas-
siani scilicel, Basilii, et aliorum vilae solitarise el cœnobiticseMagistrorum,
scd exipsis aliqua tanlùm capitula, quae pro tempore existentes Abbates et
vilse Monasticae Patres suisMonachis observanda proponebant.
Cum autem Pipinus Francorum Rex et Pater Caroli Magni hoc oppidum
Aclhanense bellis attritum adiisset, et prislino suo slatui aliquo modo
rcsiiiuere cupiens Aionastcrium Acthanense omninô desolatum, inibi loco
Monachorum ibidem olim exislentium de consilio Primatum suorum triginta
duos regulares canonicos instituil, ac Abbalem, Dccanum, cantorem et
sacrislam Dignitalcs Ecclesise sancti Aredii prsefecit ; qu» omnia postmodum
Carolus Magnus Pipini Régis filius illuc transiens lam sancti Aredii Testa-
mcnlum quam patris sui institutiones, exoratus à canonicis, non modo
ratas babuil, sed pralcrca laudavit et confirmavit, ut sequenlibus charlis
el sequenti hujus nobilis EcclesiiS palet historiâ, quae initium accipiel à
Tcstamento sancti Aredii, à quo lauquam à fonte émanai.
Cap. XXL — InstitutLo Canonicorum in Eccleaia Sancti Aredii Acthanensis
per Pipinum Franciœ Regem factaj et Caroli Magni Imperatoris et
Fçanciœ Régis authoritate^ anno Christi Domini 794, confirmata.
In nomine Domini noslri Jcsu Ciiristi, anno incarnationis ejusdem
Domini noslri 794. Ego Carolus graliâ Dei lotius imperii Romani quamvis
indignus Imperalor, anno siquidem tertio noslri imperii ad Hispanias Iran-
siens parles, ad quemdam locum noslrum nomine Aclhanum, unà cum
exercitunosiro, paulisperad manendum duabus hebdomadis supcrslilimus,
in quo dum morarcmur, anle prœsenliam noslri meorum Antccessorum
Tcstamenta adlata sunt, in quibus luculenier didici, prœfaïus l9cus, qua-
Hter meorum Proedecessorum temporibus, Sigisberti scilicet gloriosissimi
Régis ac Reginœ BrunichildaB,filiiquc ejus Childeberli necnon cliam filio*
rum quoque Childeberli, Teodeberli videlicet elTheoderici fratrum diligen-
tissime à Domno Aredio Abbale filio Jocundi Lemovicorum Principis, ipsis
Regibus adiestanlibus, bcne fuit prœordinatus. Igitur screnissimusac pius
genitor meus Pipinus post adiens hune locum, consilio omnium suorum
Primatum voluit eum reslitui in pristinum gradum quem inveneral jam olim
omnibus bonis penè desolalum ac deslilulum. Volens igitur ibi restiluere
Monachorum normam, sed nonnulli obnixô adclaman tes melius vigere canoni-
corum regulam, dicunl enim inibi deficere viclus Monachorum, abundantiam
aquarum, sive piscium, déesse flumina, déesse stagna el alia quam plura
89i SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE Et BlStORïQUE DU LlHOtSIÎï.
Monachis ncncssaria (qaia sIcuL piscis sine aqua, sic Monachus sine ^.pa »
sine régula) adhuc quod esset Regia domus populorum concursus. Qnid if
ror?vicitmaxima pars acOrdoCanonicorum dévolus, oui et enim trigiotadui*
praebendas raancipavit, undequolidie triginladuo alerenlur fraircs.qnibû-
denique apposuit quatuor adstare columna«, videlicet Âbbatem, Decaoui
Canlorem, et Monaslerii Sacrislam undè in omnibus nécessita tî bus sosl??:-
larelur Monachorum calerva ; hos namquc vero magnis honoribus diîavi
hos igitur lali conventu inler fratrcs esse conslituit, ut (quod absît) si qu>
illorum aliquando à régula doviaveril, ac cum fralribus vivere neglex^rr
separatim hactenus laïcaliter viveret, alque cum fralribus nihil coœmu:
amplius haberet. Canonicos vero in tantam liberalitatem vivere prœcepi
ut nullus scilicetnec Princeps quisquam, nec aliqua cujusque persona,'*
ibi cosequaretur, hoc est in loco Achlano, nec in tota villa propter qn--
Dominus fuit princeps ipsius villae, ac Lemovicae civitalis Aredius, :p
verô sint judices suarum causarum, servorum, ac famulorum suorum, iu a
nullus Ecclesîasticus, intra clauslrum manens, aut alicui Ecclesiasticoser-
viens, Gabium, nec Telonarium, nec aliquam justiliam per vim exsohcrei.
nisi ab ipsis Dominis cum quibus moralus fucrit. Invasores verô Canoai-
corum injuste, nisi satisfacerent cui laescpint, damnali exiUuni persoho-
rint : Unde ego rclcgens pii genitoris mei Pipini Testamcnla, voh r
judicio, ut in perpcluum sint rata, ac perpetualiler firma euro slipulaticBe
subnixa, nullo contradicente, si quis hoc destruere voluerit, vox sua nihr,
proriciat,et coactus auri libras mille et argenti pondéra duo intllia conden.»
natus persolvat, et insupcr bannum noslrum, ac cum Juda Scharioib, »'•
Datan, et Abiron excommunicatus existai, omnes verô dicant amen, >'c
fiât. Infra vero villam si quis letigerit aliam aut perçussent injuste hooore
privatus, bannum noslrum persolvat, et in exilium niiltatur donec salî^-
facial cui lajserit. Ego Carolus gralia Dei Rex hoc Testamentum relegi ac
subscribere jussi sub die calendarum Maïarum, lunA septima, indictiont^
oclavâ, Principibus nostris adlestanlibus, scilicet Dorano Turpione, Oigeno
Palatino, ac Guillclmo Curbinaso, Berlranno validissimo, Rolgerio cor-
nuallo. S. Joscionis Cancellarii, S. Richardi Capellani, S. Astonis Prœpositi
Parisii, S. Aldegarii Lemovicornm Principis. Decrevi etiam ut peoe?
Armarium Domni Turonensis Martini scmper istud haberetur Teslameo-
lum, nam cura istius loci altinct ad locum beati Marlini.S. Leonis Abballs.
S. Frodoarii studiosissimi decani, S. Bernerii Prsecenloris, S. Hicnnn
sacristae. (Et en lettres majuscules ou capitales se lisent ces mots en la der*
nière ligne) : Giroardus domini Caroli Magni notarius, hoc teslamenlam
subscripsil alque diligenter peregit.
En Canonicorum sancti Arcdii instilutio peranliqua, Regio et imperii'j
Diplomate confirmata, cujus haîc ullima verbavaldènolandasuul. DecreNii
etiam ut pênes Armarium Domni Turonensis Martini semper istud hab^
reiur Teslamenlum, Scilicet sancii Aredii, cujus cuslodiRD in Armario, iJ
est in Archivis Sancii Martini Turonensis hanc reddil rationem immeJial'^
posteà idem Carolus Magnus Imperator. Nam cura istius loci, scilicet saoci'
Aredii attinet ad hune locum B. Martini, quibus verbis et immédiate priP-
cedcnlibus palet Garolum Magnum Imperalorem confirmare TcslamcDWQi
CHRONOLOGIE OR l'hISTOIRE DB SAINT-YKISIX-LA-PERCIIE. 58o
r>raRclicli sancti Aredii, et non obscure significare Ecclesiam et canonicos
>ancti Aredii subesse ditioni Ecciesiae Sancti Martini Turonensis et ab ea
Jcpcndere.
Qnod praelerea patet ex Regio Diplomate Caroli Galvi Franciœilem Rogis,
:jui in suo Diplomate dato Turonis civitate, anno decimo qiiinlo rcgni
sui,el Chrisli Domini 855, manifesté déclarât ecclesias sancti Aredii de
Àclhano, et sancti Martini de Rausalia sive de Rodera ab Ecclesia beatis-
simi Martini Turonensis dependere et eidem esse subjectas.
Neque tantum a Regibus nostris et Imperatoribus confirmatum fuit saucii
Aredii Testamentum, verum etiam ab omni Ecclesia Gallicana, quod non
inodô convenions, sed etiam fuit utcunque necessarium, ut sic ab utraque
authorilatc, id est làm spirituali, quam Icmporali vîm haberet cfficaciorcm,
quod ut lectori meliùs iniiolescal, in lucem liic edimus ex archivis cjus-
dom Ecciesiae Sancti Martini, acla nondum visa synodi generalis l4, pro-
vinciarum qu» tune imperio Caroli Calvi Régis Franciae parebant in Tullensi
fiiœcesi Tussiaci cclebralte annoChisti 860,quaBsic habent.
Art a concila secundi TullensU In Gallia celebratl Tussiaci, anno Christ i
iV6'0, pro conflrmatione Tdstamenti sancti Aredii» qui sancturn Marti"
ntim Turonensem instituit suum hœredem.
Sancla generalis Synodus Ecclesiœ Episcoporum Xllll provinciarum Lug-
dunonsium scilicet, Rothomagenslum, Turonensium, Senonum, Vicen-
ncnsium, Aureîatensium, Vesontionum, Moguntinorum, Agripinnensinm,
Trevirorum, Remorum, Biturigensium, Burdegalensium, Varbonensium,
qui secundum instituta Ecclcsiastica favore Sedis Aposiolicœac nutu Domi-
norum nostrorum Caroli et Lolharii Regum gloriosorum, anno DominicaB
Incarnationis DGCG. LX. indictione nonû, septimo Idus novembris conve-
nimus in villam Tussiacum Tullensis parocliiae, omnibus ordinibus, potcs-
latibus, personis ac dignitatibus universis, praesentibus scilicet et fuiuris,
gratia vobis et pax à Dco Pâtre et Domino nostro Jesu-Christo, vcro Filio
ejus, et à spiritu Sancto, Trinitati scllicel individuae Deitatis detur atque
muitiplicetur. Gum apud nos EcclesiasticEC utilitatis atque necessitatis
negotia more Ecclcsiastico vcntilarcntur atque defioircntur, obtulit nobis
vencrabilis abbas Hilduinus Privilégia monasterii Sancti Martini, quorum
lenore comperimus beatorura Episcoporum, ac praedecessorum nostrorum
subscriptionibus roborata, inter quae ostendit nobis Testamcntum sancti
Aredii de rébus à se sancto Martino datis, quod ipse manu suâ cons-
cripsit, et sub maximis attestationibus confirmavit : Testamonla etiam de
Bladomo, et de Burgogalo, ac de Lirardo, nccnon et praeccpla regum attjue
impcratorum qui tempore obitus beatissimi Martini ipsum cœnobium
honorabiliter coluerunt, et rejbus atque donis admoJum, ditaverunt, sacrœ
synodo praesentavit prosecutusque est etiam idem venorabilis abbas
Hiliiuïnus, quoniam infestatione Norlmannorutn qui antc hos annos illud
Monaslerium incenderunl, quaedam tùm privilégia Episcoporum, quëm prae-
686 SOCIETE ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOlTSIN.
cepta Regum ex eodem loco sunt pcrdita, sed plura, paucîs paroaotih:^
Ministrorum sint soliicitudine custodilâ, sed in commotionc regnii]}^*
nota esl, nupcr sediliosorum hominum factione, quaedam loca et >i!h<
minus neccssariô Dominum timentes, sibi in suam pcrnicicm usarpann:
interquos cl EmenusMonasteriuno sancli Aredii,quod ci jani tcrtiè et Re;:^
polcslas et Episcopalis auLhoritas interdixil, sed diabolicâ obdurationv
suo perverso conatu resipisccre noluil, suavis quoque nomioe et durus con.-
mine et aclione, in damnalionem suam sibi usurpare prsesumpsit. i^r-
propter sanclorum Episcoporum ac Prdedecessorum nostroram, qui cm
Deo in Cœlo régnant et in terris Miraculis coruscant confirmalionum Privi-
légia prosequentcs, hoc quoque Privilcgium communi consensu fîcri. et :•
nobis confirmari decrevimus, ut quorum sedibus praesidemus, contirmâ-
tiones eliam roboremus, Ëvangelicâ et Aposlolicà, atque canonicâ etEp.^-
copali autlioritate confirmantes et obtestantes ut honoris Privîlegiamqo>i
cœnobium vcnerandi, semperque colendi beati Martini Pontifîcis lune l>^ir.
poris habuit quando Domnus Carolus divae memoriae Imperator ab i>!
saeculo emigravit, ab omnibus conservetur. Res quoque et mancipia q^i
lempore i)lo ihm in Alemannia, quàm in Francia, vcl in Italia, sive Aqui-
tania, seu in Provincia, \(*\ ubi et ubi legitimo jure posscdil, vel quf
posteà lidelium eidem sancto Domini contulerunt, vcl quae de ester
collata à quocunquc cxtilerint, ncmo contra statuta canonum sibi usurpar?
pnesumat, sive pessumdet, et praesumptorcs qui eas nunc indebilè rett-
nent postquam ex divino mandatur, et hœc prœceptionis et confîrraation><
nostra anthoritas ad eorum nolitiam vencrit nuUalcnus contra slatoi^
divina, vota Fidelium infideli usurpatione sibi evendiccni, sed dispos) i ion i
Rectoris Monaslerii beat! Martini quœ sua sunt, licenter cl libéré ordioari
permitant. At si contra hœc statuta forte quispiam prœsumpseril, secun-
dum Canonicas et Apostolicas Régulas ac Privilégia bcatorum £pisco{K)-
rum qui nos in Domino praecesserunt, et juxta sancti Arcdii Tcstamenlop
à communionc Redcmptionis nostrae, et omnium fidelium societatejudioM<
Sancti Spirltus, alienus efficiatur doncc resipiscat, cl qu» Monastcrio sanoi*
Martini sunt Iradita, cum satisfaciionc restituât.
Herardiis Turonensiam Mciropolis Kpiscopus.
Rodulphus Biturigeusiam Archiepiscopus.
Gantarius Âgripineasis EcclesiaQ Episcopus.
Atto indignas Episcopus ] firmavit.
Launus Aquanislnsc sedis Episcopas.
Arduinas Uvellanensis EcclesiaB episcopus.
Siabilis. Arvarnensis Ecclesiae Episcopus.
Raginelmus Tornacensis Ecclesiae Episcopas.
Hamfridas Morlnensis Ecclesiae Kpiscopus.
Jonas Eduorum Episcopas.
Christlanus Autissiodorcnsis Episcopus.
Reinigius Ecclesia; Lugdunensis Episcopas.
Hincmaras sanctae Ecclesia? Reinoruin Episcopas.
Uvanilo munere Divino Scnnensis Epis<*opas.
Frotharius Burdigalensis Episcopus.
Uado munoro Divino Viennensis Episcopus.
?»^*
CHRONOLOGIE DE L HISTOIRE DE SAlNT-YRIKIX-LA-rKRCHK, 5>.
Agius indignas Episcopas signavit.
Ercambertus indignus Episcopas.
Ercharandus Ca.alancnsis Eccleslae Episcopas.
Isaac sanctae Lingonensis Ecclesias episcopus.
Braldingus Maslicenliura Ecclesiae hamiiis Epi«copn>.
Adalfas Barcinonensis Episi*x)pas.
Hildegarias Moldoosis Eccleslœ Episcopus.
GunbertuB Ebrolcensis Ecclesias Episcopas.
Urisanas sancta Marise titulo Episcopas.
Inganardos sanctse Pictavensis EccleBisB Episcopus.
iGneas Parisii indignas Episcopas.
Andesyndus Helenensis Episcopas.
Ego Aldainus indignas Episcopas Aalensis.
Ego Fridoldus indignas Episcopus.
Staailo Episcopas.
Cîrca banc Testamenli sancti Aredii insigncm ab uno et triginta Epis-
copis in plenaria Galiiarum Synodo Nationali confirmationem, boc est ab
univcrsa Ecclesia Gallicana, observa, quod cum bi sancti Patres confirma-
vcrint absolutè, et juxta volunlalem sancti Aredii omnia quae donavit
Ecclesiœ santi Martini Turonensis ; indè neccssariô scqui eos confirmasse
superiorilatem Ecclcsite praediclic sancti Martini supra Ecclesiam sancli
Aredii, quia ut manifestum est ex ipso Teslamenlo, sanctus Aredius Eccle-
siam à se 8ediBcatam,cum monachis et Monasteriosuo Aclhanensi submisit
el donavit Ecclesiae Sancti Martini Turonensis, eique tanquam nobile illius
membrum, voluit esse subjectam.
Neque solùm Ecclesia Gallicana, sed etiam tolius Ecclesiae Gaput, sum-
mus Pontifex, praedictum sancti Aredii Testamentumconfirmavil, cum enim
SS. D. noster Urbanus Papa H, vcnisseï in bas Galiiarum partes anno
Christi 4096, ipsique Ecclesia Sancli Marlini Turonensis inler allia sua Pri-
viicgia r.onfirmanda, oblata fuissent diclîe synodi 14. Provinciarum Galliœ
acta quae prœdiclum sancti Aredii Tesiamentum confirmabant, eapraedictus
Romanus Pontifex Urbanus in Concilio Piclavis cclebralo, approbavit bis
verbis, quae aliàs citavimus in libro nostro Apologclico jurium et liberla-
lum cjusdem Ecclcsi:e sancli Marlini Turonensis, cap. 4:Quidquid prœtercà
liberlatis, quidquid immunitatis, vcl praedccessores nostri Romani Ponti-
ficcs, vel Turonenses archiepiscopi^ vel Gallicanarum Provinciarum apud
Tussiacum in Tullcnsi Parochia generalis synodus congregala probati et
A postolici confessons Martini revercnlia,veslrœ Ecclesiœ vestrisque praede-
cessoribus contulerunt: Nos quoquc praesenlis Dccreti pagina confirmamus.
Motivum autem seu causa quae impulit Decanum et canonicos sancli
Martini bujus aîvi ad oblincndum ab Urbano Papa supràdiclam confirma-
lionem, ea fuit.
Cum annis aliquot ante banc Urbani Papse confirmalioncm Testamenli
sancli Aredii, canonici Arcdicnses à subjcctione el obedientia qiiam
.sanclo Marlinoel ejusEcclesiai Turonensis debenl, nescio qua de causa dofc-
cisscnt, ipsosqucfacli liojus tandem aliquandopœnilerel, id(;o:(ue vcniara à
Clcro sancli Martini, coram Pciro Decano cl canonicis ejusdcm Ecclosiie
postulassent, seque non modo in sanctum Marlinum,et cjus Ecclesiam gra-
588 SOCIÉTÉ ABCHÉOLOGIaUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIK.
viler peccasse, sponle et ullrô confesst fuissent, sed prœterà se îpsos et
successores suos cum omni sua Ecelesia omnimodam debere Saneto Mar-
lino subjeclionem recognovissenlanno Ghrisli Î090, voluisscnlque insoper,
ut priores quos éligerent, maxime Decanus insiituercnlur el contirmi-
renlur à capilulo Sancli Martini Turonis oui praesenlarentur, hanc ip^i*
culpam ignoscere, lam Petro Doado lune decano, qui vir eral pins eî
bonus, quam cnnonicîs sancli itfarlini quia submissionem eorum recîpie-
bant, non fuit admodum difficile, in quorum omnium recognitionem, et
hujus modi subjeclionis et obedientiae Canonicorum Arediensiunn perenaem
memoriam, ipsos el in futurum Aredienses Canouicos in fralres Ecdesix
sancli Martini inslituerunt; sed ne deinceps similem couarentar defectto-
nem Aredienses Canonici, Praecaventes sancli Martini Decanus el CaDonici,
supràdictam a summo Ponlifice super Testamento sanctl Aredii loties
confîrmalo oblinuerunt : ut sic Pontificiâ, Imperiali et Regia autboritatibos,
eliam Ëcclesi» Gallicanae praemuniti essent in Aredienses canonicos, si aii-
quando conlingerei eos Saneto Martino fore inobedientes.
Inde, boc est, ab anno illo 1090, abhinc scxcenlis ferè annis orlum esl
jus quod iiabentCanonici sancli Martini tanquam superiores Ecclesis sep^è
dictse sancli Aredii confirmandi in hanc usquc diem electiones Uecanorum
Arediensium, jusque iUud alterum quod habcnt, tam Decani, quam Are-
dienses Canonici intrandi chorum EcclesiaB sancli Martini, et in eodein,
locum inter Canonicos ejusdem Ecclesiae bonorabilein, quod baclenùs
observatur.
Yerum cum super his, et modo recipicndi in Arediensi Ecclesiae Deçà-
num, dignitates et Canonicos sancli Martini, Canonicorum Arediensium
superiores, orta fuisset gravis controversia inter Aredienses et sancli Mar-
tini Canonicos quae tam cil6 exlingui non poluit.
Histemporibus circa annum scilicelChristi 1183, prctiosum sancli Aredii
corpus, quod in Eccicsia Monasleril Rauzoliensis per multos annos qaie-
verat, ubi et injuria bcllorum relatum fait in suam Àredicnscm Ecclesiani,
de qua reversîone hxc babet nolanda verba chronica Gaufredis prions
Vosiensis parle allcrâ cap. t3, pag. 339 : Palris Aredii Healissimi Corpus
loco prislino solemnller refcrtur à Guilielmo Vosiensis abbale, Barlho-
lomco f.rioredc Chalax, Beraldo sequino, ci Gulplieriode Turribus prœsenle
et viccpomite, et populo universo.
Quod mcliùs et planiùs innotescere nequis behcvolis lecloribus, quam ex
charlaconcordia; quas anno Christi 1189, faclafuil inler Canonicos ulriusque
Ecciesise, quse sic habct ex arcbivis malricis Ecclesise sancli Martini Turo-
ncnsis, sub inscriptione seu tilulo :
Innooatio ant'quœ inatitutionis inter canonicos Ecclesiœ Beati Mcu^tinl
TuronensiSf ei Canonicos Beati Aredii quœ a Beato Arcdio initinm
habuit.
Philippus Decanus, Rolrodus thesaurarius, Guiilelmus prœcentor, Hamc-
linus maglslerscholarum, Oberlus subJccanus, Augerius celcrarius» el ani-
CHRONOLOGIE DR l'hISTOIRB DE SAlNT-YI\IEiX-LA-Pl.RCHE. 589
versum capîtulum Beali Marlîni Turonensis, Ecclos.ae el Canonicis sancli
Arcdii Âclhanensis in Episcopalu Lcinovicensi in perpcluum. Quoniam
noccndi artifex est praesens aelas, el ibi plcrumquc inîpcdimenlum, ubi
vcritatis csl et justicia inexpugnabilc munimcntum, praesenli paginae testi-
rnonio ad prsesenlium poslerorumque nolitiam Iransmittere dignum duxi-
rnus, laudahilis et antiquas novalioncm institulionis quae à Bealo Aredio
înitium habuit, (irmatae inter nos et Canonicos Beati Aredii, quâ Ecclcsia
corum Ecclcsiae nosirœ lenclur in debitam subjectionis revcrcnliam,
sancilum enim et confirmatum fuit ulriusque favore et asscnsu Ecclesia),
quod quoties Dccanus vel Thesaurnrius noster pro quacunquc occasionc ad
Ecclesiam illorum accessum habuerint, cum processione ab eis recipienlur,
el sedcbunl in digniore sede ipsorum Ecclcsiae, el procurabuntur ab eis •
honorificè secundum faculalcm Ecclcsiae; si quid verô corrigcndum vcl
ordinandum in Ecclcsia illa fuerlt, aulhorilale noslrse Ecclesise cum
consilio Decanl eorum et Capituli poleslalem habeant corrigendi et ordi-
nandi : similiter et quatuor Priores noslri praedicii, excepta processione,
siniplices verô Canonici noslri, si per Ecclesiam illorum transitum habue-
rint, honcslè hospilabunlurel procurabuntur, si vcr6Mansionarius\llicesse
voluerit, litleras Capituli noslri super hoc demonslraverit, Chorus et capi-
lulum intregram praebendam,sicul unus ex canonicis habcbil.Quando crgo
conligerii quod Decanus corum decesscrit, libcram poleslalem habeant
instiluendi Decanum quandocunque voluerint, sed obitum defuncti posl
paucos dies, vel infra mensem denuntiabunt nobis, et si fcslinanter cele-
brata fuerit allerius electio, utrumque simul nobis denunciare debebunl,
c'- nos defuacti excquias celcbrabimus, si ver6 quacunque occasionc conli-
gcrit instiluendi Decani eleciionem ditferri non minus prius nobis defuncti
obitum denuntiabunt ; ita lamen, ut non propter hoc Decani inslitutio
possit impediri vel irratiri, eleciionem aulem ejus qui insiituendus cril,
poslquam facta fuerit, post paucos dies vel infra mcnscm nobis signitica-
bunl.lnslilulo autem Decano^statim Capitulum suum inlrabunt, et Dccanus
fiiJnliter promitlet eis quod infra ipsum annum ad Ecclesiam noslram
veniet, cl Canonici ex parte Capiluli eum nobis prœsentabunt, nisi mani-
festa nécessitas cum impedieril, aut a nobis ampliorcm dilalionem impe-
Iravcrit, si verô evidcnli necessilate impeditus fuerit, quominùs ad prœ-
fatum tcrminum venire possit, per litleras Capiluli excusationem suam nobis
insinuet, et dilalionem ampliorem à nobis obtincat. Cum vero ad Eccle-
siam nostram primùm advenlavcrit, cl Canonici ipsius Ecclcsiae, ipsum
nobis prœsentavcrint, noslrum est eleciionem simul et praîscntationem
approbare, cl Decanum communi assensu Capituli instilulum sine difficul-
tale rccipicmus. Quo facto ipsumdeconsuetudineconcanonicabimus, etipse
slalim prœstabit juramentum quod alii fralres noslri cum canonicantur
prîesliterunt, post modùm aliud prœstabit juramentum, videlicel fidelitalis,
quod ipsc ncc Ecclesiam sancli Aredii, ncc se à subjeclione Eccbrsiae
nostrae subtrahel, nec subtrahi patietur, sed quantum possit conscrvet et
tueatur, el nlhilominùs libcrlatcm et jura et possessiones Ecclesiîe sancli
Aredii mlnui non paliclur nec alienari ; non'aiilem in primo adventu suo,
ipsum cum sociis suis procurabimus, vcrumlamcm in tcmporibus aliis si
590 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET niSTORIQUE DU LIUOUSl!f .
ad Eccicsiam nostram dcclinaverit, ipse )n cxpensis suis providcbit. Caci
aulcm simplices illius EccIcsiœCanonici, forlè ad Eccicsiam nostram tran-
silum habucrinl, si Chorum voiucrint intrarc, clmajoriMissae, el MaiutiQi>
intéresse, habebunl quolidianae fruclum prsebendse sicul Fratres noslrî; si
vero unus ex eis, vel duo vcl très, aliquâ grandi caiisâ de terra sua fucrint
cxpulsi, el h'ileras Capiluli sui in tcslimonium produxerint, in Choro nobi>-
cum erunt, et in Capilulo, el illi simul dimidiae frucium prsebendae penr;-
pient, et si forlè (quod absit) de fidclilate Ecclesiae illorum et subjectioco
quâ nobis tenentur, aliquis malignando moverit quaestionem, cis prsesu-
bimus operam et coosilium, sicul el aliis Ecclesiarum quae ad nos specia-
liter perlincnl praeslare consucvimns canonicis, ut ne forte aliqua malt-
gnandisurriperepossitoccasio,decrevimusid praBsentipaginaecommendare,
et tam nostro, quam Êcclcsiae illorum sigiilo communire. Âclum publiée in
Gapitulo nostro, anno Domini 1185
— His ita constitutis ab utriusque Ecclesiœ Canonicis clapsisquc dcioàt^
aliquot annis ab bac inita concordia, accldit Girardum de Marcbia, sancii
Aredii Dccanum, Circa annum Christi 1215 è yila discodcrc, sicque prr»
eligendo in ojus locum alio Decano intcr Canonicos Arcdicnscs per duu^
annos disceplari, alii unum, alii alterum eligerc volentcs, quod turbas in
Ecclcsia Arediensi plurimas excilavit, donec convenicnles omncs cli^mu
Guidonem de Clausellis Archidiaconum Lemovicensem, virum litlcratum,
providum ethoneslum, de cujus electionc ul/Ccrtiorcs reddcrint ipsî c-auo-
nici Aredienses D. D. Dccanum, Tlicsaurarium et Canonicos sancti Martini
superiores suos juxta eorum slatuln, banc ad ipsos mitlunl cpisloiam com-
monitoriam, quœ sic babel ex archivis ejusdcm Ëcclesiae Sancii Blartinl
Turonensis :
Venerabilibus Patribus el Dominis, Decano et Thesaurario, lotique capi-
tulo Sancti Martini Turonensis, capitulum Sancii Aredii, salutem cl revc-
rcntiam, tam dcbilam, quam devotam. Cum super Decanatu Ecclosi.p
nostrae ferè per biennium inter nos contcnlio fuoril agitata, nunc omui
altcrcatione sopitâ, ad unilatem et concordiam lotum capitulum por Dej
gratiam est rcductum, proindô discrctioni veslrae placuil iulimandutn
quod Magistrum Guidonem Archidiaconum Lcmoviccnscm, viruin liiler.i-
tum, providum et honcslum, cum omnipace in Oecanum Ecclcsiai noslra
promovimus, illum ilaque in proximo Pascliale, vel si melius insimul es*c
polcritis in Oclava, beato Marlino et capilulo, sicul moris est, duximu<
paesenlandum, caetera in ore latoris prœsentium posuimus.
— Huic aulem Guidoni Decano primùm conccssam fuisse à Dominis f>c-
cano, thesaurario, canonicis et capilulo Sancii Martini Turonensis licon-
tiam cl polcstatcm fcrcndi baculum in signum jurisdictionis cl poleslali>
quam habct in ecclcsia Sancti Aredii, patel charla sequcnli exarchi\iv
malricis ecclosiae Sancii Mai Uni Turonensis :
Rcvcrcndis Dominis el in Christo charissimis Decano, el univcrso capi-
lulo Sancii Martini Turonensis : Guido docanus, (oiumque capitulum
Sancii Aredii Iv'dosiae Leniovicensis Oiœcesis, salutem, el cum reverenlu
obcdientiam dcbilam et devotam. Affectum nostrae dilcclionis et zcIuth
quos circa nos et Ëcclesiam nostram gorltis humilitcr atlcndentes vcslrst
«'.HRONOLOGIK DM L*H1ST01RE DE SAINT -YRIEIX-LA- PERCHE. 591
quanlas possumus gratiarum referimus actiones, super co quod Guidoni
venerabili Decano nostro habere Baculum contendentes, ipsum conlulistis
eidciTi in signum dignilatis, jurisdiclionis, potcstalis Ecclesiie noslrse, ab
ecclcsia veslra ab antiqiio indullanim, et haclenùs oblenlarum, conce-
dcnlpsnihilominùs succcssoribus cjus Dccanis noslris in pcrpcluum fcrcndi
Baculum et utendi eodem libcram potcstatem, tune primùm cum à nobis
vobis prœsenlati, secundum consnoludinem anliquam Ecclesiae veslrae ac
noslrae haclenùs obscrvatam, i'uerint insliluii, quod nos ratum et gratum
habcnles commun! asscnsu, cl unanimi in hujus rei testimonium, prae-
scnles litleras sigilli nostri munimine fccimus roborari. Actum anno
Domîni 1221, mense novembri.
— DefuDclo Guidone de Clausellis Decano, ejusque obilu, ut moris erat,
cl dcinceps haclenùs fuil D. D. de capitule Basilicie Sancli Martini
Turonensis denunlialo, eligunt Arcdienses canonici B. in Decanum,
qnem cum quatuor è canonicis suis confirmandum, Turones millunl ad
Ecclesiam sancli confessons Martini, quinto Idus Maii anno Christi 1227,
proul sequens cpislola capiluH Arcdicnsis docel his verbis :
Rcverendis Dominis in Chrislo charissimis, Patribus suis, N. Decano,
P. Thesaurario, universoquc capitulo Bcali Martini Turonensis, B. Gantor,
totuniquc capitulum Sancli Aredii Lemovicensis Diœccsis: salulem et
reverentiam ac subjectionem dcbitam cum honore. Dominalioni veslrae
humiiiler inlimamus, nos graliâ Sancli Spiritus invocalA, Magislrum
B. concanonicum nostrum, virum utlque de logitimo matrimonio natum,
virum ulirà moribus, scientiâ commcndandum, in Decanum nostrum ca-
nonicô ac consensu unanimi clegisse, undè vobis praedictum Magislrum
per charissimos canonicos noslros P. sacrislam, Guillelmum Coiel, Ann.
Gaufridi, N. de Clausellis, Jacobum de Bre cum praesentibus capituli
nostri litleris humililer, proul est antiquae approbatae consucludinis, prae-
seulamus. Data apud Sanctum Aredium, quinto Idus Maii anno vcrbi
incarnati 13i7.
— Circahaec lempora mold conlcnlione sivo disoordlA inlcr Vicecomilem
Lemovicensem, cl Marchiae comilem ; cum Domini Dccanus, Thcsanrarius,
cl canonici Sancli Martini Turonensis, supcriores et Patres Ecclc«»ite Sancli
Aredii limèrent, nec sine causa suspicarcntur, ne indô maii aliquid cve-
niret Eccbîsiae et canonicis Sancli Aredii, filiis et subditis suis, hanc ad
comilem Marchiae cl Engolismae commendatitiam epistolam millunl, ex
archivis Ecclesiae Sancli Martini Turonensis :
Dilecto Domino et amico suo llugoni de Lizigniaco, nobili comiii Mar-
chiae ei Engolismae, N. Decanus, P. Thiîsaurarius, lotumque capitulum
Ecclesiae beali Martini Turonensis : silulem cl amoris intcgrltalcm. Quo-
niam de dilcclione veslra crga Eccicsiam Beali Martini, Patron! nostri
habita cl habenda, nccnon cl de uobililale veslra quae disponil cl agit
singula cum honore, piano conlidinuis, vos precamur humililer et obnixô
pro Ecclesia Sancli Aredii quae nostraî est, ulpolè ad Ecclesiam noslram
iiullo medisnie pertinens cl annexa, qnalenùs si minas et inimicilias inier
vos ex una parte, cl Vic«»comiicm Lemovicensem ex altéra conceptas, in
actum prodire contigerit Ecclcsia; et Villa)) rébus et hominibus Beali
592 SOCIETE ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOI'SIN.
Aredii, et vicis ad ipsam Ecclesiam pertineniibus, velilis parcere. vasia-
tioiiem et rapinam inde pro aniore Dei et Beati Martini mîscrîcordiier
amoventes, scicnles nos exindè vobis esse obnoxios el devotos , el ad ob-
sequia prompliores, lanquam ipsi EcclesigB, el loco Beati Martini el pro-
priis ejus cuUoribus parcerelis, Valete.
— Anno deindô 124.'*, ut prudenteret occulté rébus Ecclesiae su», boUisel
incnrsionibus Anglorum altrilœ, consulerenl, D. D. superioribus suis, non-
cium mittunt cum lilteris quibus rogant fidem nuncii diclis ut adhibeant.
quas ut luce dignas, hic ex archivis matricis Ecclesiae Sammaritinianae io
médium proferimus :
Reverendis in Chrislo Patribiis Dominis el amicis in Christo charissimis,
Decano, Thesaurario el capitulo Ecclesiae beati Martini Tuionensis, Deca-
nus el capilulum Sancli Aredii Lemovicensis diœcesis salulcm cum omoi
reverentia el honore; palernilati veslrse mitlimus dilcctum et concanoni-
cum nostrum Jacobum de Breno latorem praesentium, eamdem roganles
humiliter el devolé, qualenus super his quœ coram vobis proposuerit ex
parte nostra, et Ecclesiae consilium cl auxilium quod polerilis impendatis,
et eidem fidcm indubitanler in omnibus lanquam nobis adhibealis. Damus
eidem concanonico nostro in mandalis, ne plcnariam poleslaiem Iraclandi
de nuncio vobiscum qucmadmodum conslituimus, in Ecclcsia nostra raluni
habcntes et firmum quidquid per ipsum faclum fuerit super praennissis.
Datum quarlâ feriâ post festum apostolorum Pétri et Pauli, anno Doniini
M. ce. XLIIi.
— Cum autem per id tempus Angli qui Aquilaniam et parles Lemovicas
occupabanty invasissent oppidum Arediense, sive quod illud crederent
non salis esse munilum ad resislendum Gallorum incursionibus, sivc alia
de causa, pro majori securitate et tuinonc, propugnaculum seu lurrim
lapideam quadratam, quse eliam nunc conspicilur, in oppidi loco emineo-
tiore conslruunl, sicut ab hoc lempore fuerit Oppido et Aredicnsi Eccle-
siae secura defensio, cui scdulô invigilanles Aredienses canonici, Anglis
expulsis, sibi ipsis restituli, expetunt exinde à su()remo suo Domino Gal-
lorum Rege Philippe hujus nominis tertio Audaci dicto defendi, idcirr.o al>
eo obtinent diploma Regium, quo Rex antedictus eorum Ecclesiam cum
omnibus suis bonis el possossionibus in sua speciali proleclionc et cuslo-
dia suscipil hujusce lenoris :
Philippus Dei gratiâ Francorum Rex, Piclavensi, Pelragoricensi, et aliis
seneschallis, Prsepositis, Balllvis et Allocalis nostris ad quos littcrae pne-
sentes pervenerint salulcm, cum Decanus el capilulum Ecclesiae Sancli
Aredii Lemovicensis diœcesis cum hominibus, possossionibus el aliis lem-
poralibus bonis suis in nostra prolectione et gardia, seu cuslodia speciali
consistant ulpolc privilegiali privilegiis antecessorum noslrorum Regum
Franciœ super hoc concessis Ecclesiae beati Martini Turonensis, cujus ho-
norabile membrum oxislunl, Decanus et capilulum Ecclesiai Sancli Aredii
anledicti, vobis prœcipiendo mandamus qualenus praediclos Decanum cl
capilulum Sancli Aredii, homines, ot possessionos ei alia temporalia bona
sua ab injuriis, violcnliis, et injuslis 0|)pressionihus drfcndalis. Aclimi
Parisiis crastino Nalivilatis beati Joannis Baplislae, anno Domini
M. ce. LXXXIL
CHRONOI.OGIE Dr. L*TltSTOIRE DE SAlNT-YRlRlX-L\-PEKCnB. 593
Dcfunclo Philippe tertio rcgc Francise, Aredienscs caDonici conveniunt
successorcm suum Philippum quart-im dicium le Bel, à quo conlirmalionis
privilegium dictœ siiae Ecclcsiae, huic penilùs similc diplôme Regium ob-
tinent anno chrisli M. CG. LXXXX.
— Deindè sibi rebusquc suis et EccIcsiaB suœ meluenles ob Anglorum
novos incursus, qui Philippum Rogem circa liltus maris Occeani, et
Rupellx partes moliebanlur cum aggredi, majus auditorium justitiae, quam
tam in oppido, quam in adjaccntiis, vicis et locis jus habent per suos
officiarios exerccndi quasi de novo roaedificant in mûris ipsis à pane me-
ridionali, è rcgiono Ecclcsiae susb construclis, ut lam sibi canonicis cl aliis
Ecclcsiae suse clcricis, quam oppidanis esset propugnaculo, intérim in
excrcUio jurisdictionis suse hujusmoJi in mullis impcdiuntur ab otliciariis
prœdicii Régis, hinc indô jurisdictio tcmporalis Ecclcsiae Sancli Aredii
discutilur, et post exactam disculionem, Serenissinius princcps Philippus
Pulchcr anno chrisli i;)07, cum diclis Arediensibus canonicis per suos
Procuratorcs scu commissarios transcgit in hune qui sequitur modum :
Philippus Del graliâ Francorum Rcx, Uniwrsis praesenlcs lillcras inspec-
turis, salulem. Lilteras Decani ei Capituli Ecclcsiae Sancli Aredii, ac dilecli
Guilhermi de Nogarcto militis noslri, et Geraldi de Solo canonici Ecclesiae
praedictae, ipsorum sigillis veris et intcgris sigillatas, noverilis nos ha-
buisse ac diligenter inspexissc, quarum ténor talis est. Universis prsesen-
tes lilteras inspccluris, Decanus et capilulum Ecclesiae Sancli Aredii, salu-
tem, prsesentibus dare fidem. Sequeules lilteras cum veris et inlegris
sigillis loquenlium in eisdem sigillatas, noverilis nos vidisse ac diligenter
inspexisse, quarum lenor talis est Universis praesenles lilteras inspecluris;
nos Guilhermus de Nogareto Domini noslri Régis miles gerens in bac parle
ncgolium ipsius, et Geraldus de Solo caoonicus Ecclesiae Sancli Aredii
Lemovicensis diœcesis, Procurator Decani el Capituli Ecclesiae prae-
dicko, Procuralum ipsorum nomine, notum facimus, quod nominibus
quibus suprà conventiones inivimus, et inlerposuimus quae sequuulur.
Ego ehim Procurator dictorum Decani el Capituli, allendens el consi-
derans evidenter ulililalem Ecclesiae praediclae si Dominus Rex asso-
cietur scu cummuniatur in sequenlibus, cum propler polenliam manus
Regiae, porlio dimidia jurisdictionis infràdiclae plus utilllaiis afferel Eccle-
siae praediclae, quàm si dicla Ecclesia in solidum possideret condilionibus-
que diligenter inspeciis locorum ipsorum ac palriae, necnon potemia
vicinorum, qui dictam Ecclesiam retroactis lemporibus graviter oppresse-
runt, omnino in perpetuum dicto Domino Régi el ejus successoribus
regibus Franciae, omnimodam jurisdiclionem aliam el bassam diclae villae
Sancli Aredii, el tolius alterius terrae Ecclcsiae ipsius, proul mclius et ple-
nios ad dictam Ecclesiam antcà pcrliuebat, necnon et aciiones ipsis Decano
el Capilulo compétentes, rationc jurisdictionis praediclae, et ex causa com-
munionis bujusmodi : Ego dicius Procurator, do et coiicedo dicio Domino
Régi, et diclo ejus militi vice ejus recipienli, dimidiam pariem indivisam
omoimodae jurisdictionis altae et bassae omnium praemissorum, et ex causa
isia constituo dictos Decanum et Capilulum possidere ullra quam praemissa
juriddicliooem praedictam, nomine ipsius Domini Régis, que usque per
594 SOGléTÊ ARCHÉOLOGIQUE ET H1ST0RIQUK DU LIMOUSIN.
cum realis possessio, vel quemlibel eorumdem fueril appreheasa, qiias
non apprehendet, nec occasîone praernissorum aliquid pelci, donec real.=
recompensatio facia fuerit secuudum quod inferiùs coniiuetur: et vice versa
Ëgo Guilhermu!) lie Nogarelo prxdiclus vice Domini Régis pnedîcti, pr^-
dicla recipiens, ex causa permulalionis ejusmodl, promitlo diclum Demi-
num Regom prœslaturum diclae Ecclesiae recompensationem, décerner io
lerra proborum virorum ponendorum cominuniler, arbilrio siaïuenJuai,
postquam valor, el condilio corum qu£ idem Dominus Rex recipîei à dicta
Ecciesia, in pnemissis per probos viros communiter ponendos, fuerÎD;
sstimala anlequam Dominus Rex realiier prsedicla appréhendai. Fuît :iuieai
diclum commun! Iraciatu et concordato inler nos Procuralorem^ et Mililem
prsdictos sub formis cl condiiionibus infràscripiis, videlicel qaod Domi-
nas Rex extra manum suam, vel ejus successorcs non ponent, ner. possiot
ponere aliquid de iis, quae in ipsum per bas lilleras iransferunlor, in:û
absque aliquo medio tenebunt semper.
Item quod villa el terra Sancii Aredii>et homines, villae et lerrse prsdîclJ*
roganlur jure scripto.
Item ponentur sive deputabunlur Viguerius, judex ac servientes ad exer-
cendam et expleciandam jurisdictionem in praedicta villa, et terra commu-
niter per diclos Decanum et Capiiulum el Dominum Regcm quolies opus
erit, seu per depulaios ab eis, qui destituentur per eosdem, cum causa
légitima suberit, cujus cognilionem communiior ipsi Decanus et Capiialom
ac Dominus Rex seu depulandi ab eis habeant.
Item quod servienles in terra Ecclesiae expleelabili, quam diclî Decaous
el Capiiulum habent, sivealii vicarii ejusdem Ecclesiae extra Villam praedictain,
ipsi servienles sinl communiter positi, non tacienl aliquod oflicium sergeola-
rium, nec oxplectabunl nisi cum judiclsinstituti, ut praemitiilur, in qaibos
contineatur faclum, pro quo conlingii, homines expleciabiles cilari, vel in
terra Ecclesiae explectabili, eos oflicio sergentario uli.
item quod nullus alius serviens, sive ofâcialis Régis, nisi depiitatus, ul
praemitiilur à praedictis tn dicla villa, et terra nullum sergentarium oflBcium
exequatur.
Item quodsitibi sigillum commune inler diclos Decanum et Capiiulani,et
Dominum Regem sub quo concedantur, et fiant obligationes, el contractos^
el alia sub modo et forma sigilli Domini Régis in Baylia d'Oleron (I), sive
de monte Dornse. Quod sigillum unus ex officiiilibus icnebit : eritque con-
tra sigillum parvum, cujus sigilli liltera eril sigillum curiae Domini Régis
Francise, et Decani el Capiluli Sancii Aredii. El in charactere erunt scaïun
Domini Régis cum floribus lilii ex una parle, et ab alia parle Âbbas indu-
lus sacerdotal ibus cum crossa; el cum diclo conirasigillo Acia et processus
judiciales villae, et terrae praedictae sigillabuntur; in quo contrasigillo erit
caracier unius tloris lilii, et una crossa el liltera erit sigillum sancii
Âredii.
item quod notarii Régis, sive commissarii sub alio sigillo sive signe, in
dicta villa et lerra non exercebuni oflicium, nisi illi olim solùm qui depu-
tabunlur sub praedicto sigillo.
(1) Il faut très probablement corriger Oléron en Laron, chef-lieu d'un baUUage roT«l,
sU près de Peyrat-le-Château (Haute-Vienne). 'A. L.]
CBRONOLOGIE DR L^TlLSTOinfi DE SAtNT-YftlElX-LA-rERCHR. 595
Item offîcialcs pnedicli, quotiescunque continget eos instiiui, in sua
însliiutionc jurabunt privilégia el lilteras sive mandala concessa à prae-
diclo Domino Roge et praedecessoribus suis Docano et capitulo praîdiciis
cl singiilaribus canonicis, personis et hominibus eorumdem fideliier cuslo-
dire, i^m super bonis Ëcciesiaslicis, quàm super bonis patrimonialibus
eorumdem, ac cosdem gardiare et defcndere cum bonis suis à quibuscun-
que, prout in lilleriis rcgiis et privilegiis conlinetur, et litleras regias el
mandata praediciis Decano et capiti^lo, ac canonicis singuiaribus, et aliis
quibuscunquc direcia secundum conlinenliam el tenorem eorundetn, exe-
culioni cum efifeclu mandare^ quam executioncm diciarum litterarum
Regiarum, Dominus Uex diciis officiulibus institucndis, ut praelermitlilur,
necnon etiam gardiam sive defensionem ipsis, et eorum cuilibel in soli-
dum committel, et cliam mandabit Dominus Rcx per suas litleras quod
omnes justiciarii cl subdili suî, praîdlclis, cl cuilibel eorumdem, inslituen-
dis, ipbis pareant et intendant secundum lonorem litterarum Regiarum,
authorilate super gardia diciis Decano el Cap'tulo, ac Canonicis concessa ;
quam cxecutionem ipsi communes officiales exercebunl, et corum quiiibei
h) solidum, ita quod non sit meliorcondiiio occupanlis absque emolumento
aliquo ad requisilionem Procuraloris, Decani et capiluli ac singularum
personarum ipsius Ecclesia;, vel alterius ipsorum; quod si non feceriot ab
officio suo eo ipso erunt privali absque alia cognilione.
item jurabunl eiiam de emolumcntis diclorum sigillorum fideliter, et
comniuniter respondere diciis Decano et capitulo pro média parte, et
Domino Régi pro alia, necnon elinm et omnia contenta in prsediclis litlcris
iirmiier obscrvare.
Item quod Dccanus elCanonici, sive ca|»ilulum, el aliae personae praediclae
Ecclesiae ac bomines eorumdem qui nunc sunl et pro tempoi-e fuerinl, non
teneantur liligare, seu comparere in aliqua causa coram aliquo alio judice,
nisi coram judicc insliluendo in dicla villa, ut praemitiilur, vel coram
Domino Hegc, seu curia sua paritcr super eorum gardia secundum teno-
rem privilegiorum el liiierarum ipsis concessarum.
Item quod dicli Decanus elCapitulum cogniiionem anniversarioram prsc-
senlium, praeteritorum et iuturorum, sive aliarum rerum legatarum et
Icgaudarum ipsi Ecclesiae, et personis ejusdem censuum et reditoum, el
expleciorum dicla» terrîR sua; ac familiae, soli et in solidum habeanl, ac de-
finitionem et executioncm eorumdem; ita quod ofliciales, qui pro lemporc
fuerinl, ut prsetermittiuir, insiituti, omnem violentiam et inipedlmentum
pro juramenio suo amoveanl, el cxeculionom cum rcquisiti fuerinl absque
expensis, judicii ipsorum super pnemissis conjunctim, vel divisim libéré
exeqni teneantur. El quod Decanus et Capilulum el aliae personae prae-
diclaî Kcclesias possinl acquirere in Fheudis et retro|)heudis dictae Ecclesiae,
lia quod non teneantur ratione amorlisalionis, nec pro medietate.
Item, el quod Dominns Rex, in loco sive molà in qua olim fuit turris
vocata turris abbaiis, aeilincare facial expensis communibus suis, cl diclo-
rum Deeani cl capiluli domum. sive lurrim ubi juslilia reddatur, et ubi
delinqientes teneantur, secundum quoi ipsis oflicialibus vidubilur facien-
dum vocaiis diciis, Domino Regc, seu ejus geniibus, et Decano cl capitulo,
fSdô SOCIKTE ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LlIlOOSIlf.
seu depuialis ab ipsis, qua sediflcalâi eruni commania Donriîoo Re|^ ei
Ecclesiae incmoralîB.
llem quod lolum emolumentum, quod provenire polerit per viam acti>>-
nis seu denuncialionis, vel ex officio vel ex quavis alla causa, ex lolans
praeleritis sive praesentibus casibus quibusciinquo commissis et cominiitrD-
tibus ralionc jurisdiclionis prsediclse communiier dividalur, înter DomiDoni
Regem et Dccanum el Capilulum praedicluin.
llem, de hujusmodi associalione excipienlur ieuda quae à Decano lenea-
lur, el homagia quse ei debenlur nomine EcclesiSf et Turris dtciorum
Decani el Capiluli sita juxla clauslrum diclae Ecclesiae el jurisdiclîo qaain
cl ipsi habenl conjunclim, vel divisim secundum consueludincm lerras Te!
palriae in rébus, quae leiienlur seu movenl de feudis Ecclesiae praedic r,
sive à Decano el Capitule res ipsae moveani el teneantur, aui ài singalari-
bus canonicis, sive ab aliis personis Eccleniae praeJiclae, quae jurîsdiciio lu
solidum, et eliam honores, vendse el alia deveria ad hoc facienlîa rema-
neanl Ecclesiae praefalae, el ejus personis pra;diciis el eorum successoribus
cum expleclis, laliis decimisque quas habenl in hominibus et terris praedi<r-
lis : quod si lorlè praemissorum occasione quia conveotiones et commuaiO'
nem hujusmodi, el 'conlractus fecerint : vel eliam ex eo quod castra de
Chaslucio dicto Chabrol, superius el infcrius, el de CurbeHoo» el de Breno,
cum eorum caslellaniis et perlinentiis, necnon et inparrochiisdeTrocha, de
Benayas, de Lubcrciaco, de Gourbario (1), de Capelia Nantiac, ei de septem
piris, quse sunl de perlinentiis castri de Breno, in solidum, seu pro parte,
sub cerlis pactis el condilionibus, in diclum Dominum Regem transférant
per alias litieras inde confeclas, dicli Decanus el Capitulum, sive singulares
Canonici, ac aliae personae diclae Ecclesiae vexarentur, seu damnum incurre-
rent, Domlnus Rex el successores sui tenebuntur damnum resarcire, et à
quibuscunque eos defendere.
Item, quod Dominus Rex sub speciali gardia sua et suorum surcessonim
diclum Decanum el capilulum ac singulares canonicos cum bonis eorom
palrimonialibus sive hominibus taliabilibus sive de corpore ex causa ponet;
ila quod non teneantur coram aliquo alio judice sseculari respoodere, oisi
solùm coram dicto Rege vel judice instiiuendo, utsuprà praemillitur. Caasae
verè iiomiuum expleciabilium praedictorum communitcr per prsefatum com-
munem judicem insiituendum, procuratore tameo Ecclesiae praeseote. an-
dienlur el definienlur.
Item quod privilégia concessa à praedecessoribus suis Ecclesiae beali Martini
Turonensis, el membrissuis, cujus Ecclesia Sancti Aredii est honorabile mem-
brum, diclae Ecclesiae el personis ejusdem custodielet senrabii. Caeterum ego
Procurator praediclus, diclo militi Domini Régis, pro dicto Domino Rege
solemniler slipulanli, promis! me raclurumetcuralurum bonâ fideqaod dicii
Decanuset Capitulum diclam communionem^et praemissaomniaei singala ex-
presse ratificabunt, approbabunl per solemnes litieras, ac etiam innovabunt, cl
ego dictus miles vice versa promisi Procuratori praedicto, quod dicto Decano
et Capitulo nomine diciae Ecclesiae solemniler stipulanti, me faclurum el eu-
(1) Faute de lecture pour Curbifino. zi Courbefy. [A, L.]
CBIkONOLOGlE DE L*HIST01RK DE SAINT-YniRIX-LA-PERCHE. 597
ralurum boDfttidc, quoddiclusDominus Rexdictam communioneni, praernU-
saque omnia et singula approbabilei raiificabil per suas solemncs Hueras, ac
cllam iDnovabit, in quorum omnium tesiimonium et munimenlum nos
diclus Miles el Procuraior praedictus sigilla nosira duximus praesentibus
apponenda. Âctum Parisius anno Oomini M. CGC. VIL mcnse Augusli, in
die fesli beali Domiiiici confessons. Quae prœmissa universa el singula deli-
berato consilio super omnibus praemissis in capitulo noslro ad lioc specla-
I lier COQ vocato, pensaiâ ulilitaie Ecclesiae noslrae praemissa expresse per
has praesenles lilleras solemniter ionovamus, raliticamus, approbamus, lau-
damus^ et inviolabiliter observare promiltimus, et in fidem et tesiimonium
prsemissorum sigiilum uoslrum,quo commuuiterutimurpraesenlibusliileris,
duximus apponendum. Datum apud Sanclum Aredium mense prsedicio iu
craslinum Assumplionis Beatae Mariae anno Domini M. CGC. Vil. Nos ver6
etiam omnia univera ei singula prout superiùs in liUeris diclorum Mililis
et Geraldi suni descripta, expresse per has prdesentes litteras solemniier
înnovamus, ratificamus, approbamus, laudamus et inviolabiliicr tenere,
cusiotlire, observare et facere promitlimus, et per successorcs noslros
Hcges Francise, ac quoscunque jusliciarios sive subdîtos noslros volumus
custodiri, et in fidem et tesiimonium ac munimenlum omnium praemisso-
rum sigiilum nostrum prsesentlbus litteris jussimus apponi. Actum Pissiaci
anno Dooiini M. GGG. VII, mense Augusti.
— Cum aulem à lemporeinslilutlonis suseadeô copiosèet magnîHcè dotata
cl dilata plurimis bonis subsisterel Ecclesia Sancli Aredii usque ad lempus
Philippi Pulchri Francorum Régis sic ut esset secunda saecularis Ecclesia
quae posl Lemovicensem Ecclesiam t'ulgeret honoribus, el posscssionibus,
et in qua nullus reperiebatur in Ganonicum nisi graduaius aut nobilis
rxislerel; tamen Anglorum bellis altrita, qui per sexaginla annos et am-
pliùs has Lemovicenses partes conlinuis suis incursionlbus vaslarunl, tan-
lam passa est in facultalibus et bonis suis inopiam, ut eorum fer^ dimidiA
parle spolialâ vicenarium Ganunicorum suorum numerum, quo gaudebal el
iselabalur, ad duodenariumreducere, non sine mœrore coacta fuerit, quod
incœpit exequi anno Ghrisli 4422. Siatulo solcmni ea tamen de causa facto,
cujus confirmalionem cum à summo pontitîce peliisset, iliam obtinet anno
sequenii 1423, die octavo Marlii, aiino sexlo Ponlificalus Mariini papae V,
prout sequenli ejusdem Bullà inscriplâ Decano Ecclesiae Lemovicensis, cl
enuDcialivâ eorum quae siiprà diximus, videre est, ex archivis Ecclesiae
prsedictas Sancti Aredii jam primùm in lucem prolata :
Bulla Martini papœ V, quâ numerus ciglnti canonicatuum et prœben-
darum Ecclesiœ Sancti Aredii ob diminutionem facultatum et pro-
oentuum ejusdem Ecclesiœ reducitur ad numerum duodecim canonica-
tuum et prœbendarum qui nunc est in eadem Ecclesia
Martinus episcopus servus scrvorum Dci, dileclo filio decano Ecclesiae
Lemovicensis, salulem et aposlolicam benedictionrm. Regimini univer-
salis Ecclesiae dUponente Domino praesidentes cujus assiduis augmenta-
T. XL. 38
598 SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LlMOUStlf.
tionis et soIlicitudinisassiduitale(?) pulsamur, ulcircasiatum EcclesiaroD
prœserlim Romanne Ecclcsiae immédiate subjeciarum salubriter dirigt'c-
dum, solerter attendamus, ul numerum personarum in eis allîssimo famu-
lantium sic ordine provido limitemus, quod superflua ipsius maltitod
provisione non carcat, nec earum [laucitate dignum Deo servi tium aliqca-
tenus subtrahatur; exhibita siquidcm nobis insuper pro parte dilectorosi
filioruin capituli Ecclesiae Sancli Aredii ejusdem Romanae Ecclesise immé-
diate subjeclœ Lemovicensis diœcesis petitio conlinebal, quod olim ips:
providè attendentes dictam Ecclesiam à tempore primitivae snaB fandatit*-
nis fuisse fundatam, et post etiam per ionga tempora pluribus nolabiiibu*
reditibus, obventionibus, dominiis, deveriis utilibus atque jurisdiclioQi'
bus meram, mixtam, altam, mediam et bassam jurisdictionem habeoliba^
refertam adeo in tantum quod hujusmodi temporibus erat secanda sa^*^
laris Ecclesia post Ecclesiam Lemovicensem in honoribus et commodis.
et in eadcm Ecclesia Sancti Aredii non debebat aliquis in canonicnm redpi
nisl graduatus vel nobilis cxisteret; in eadem viginti praebeodae pro toti-
dem canonicis, ac decanus, canlor et sex majores vicarii ad decaDtaodcs:
et cclcbrandum divina officia, ac eis interessendum, qui illis temporibss
habebant multum notabiliter unde vivere, et eorum statum deceoter suj»-
porlare posscnt, quodquepostmodum, propter guerras hostiles, ferocesqrït
ac miserabiles Ânglicorum insultus, quibus ipsi à sexaginta annis et ultn.
partes ipsas incessanter vastaveranl et a^flixerant et adhuc vasiare etaffligerf
non desinuDt ; dicta ecclesia Sancti Aredii adèo collapsa, ac in egestatem d
inopiam deducta ac in suis fructibus diminuta foret, quod decanus cantor,
canonici et vicarii supràdicti ex fructibus ipsius commode susten tari naqui-
rent, sed cogerentur ab eadem EcclesiaSancti Aredii, omissis inibi omuioo
divinis officiis, hincinde vagari, discurrere, et victum sibi mendicare. Ilaqne
quod, nisi ipsi Ecclesise Sancti Aredii quœ notabilibus aedifîciis constrada.
una de pulchrioribus diclje diœcesis existebat et existit, céleri sucurrerct re-
medio, fioali subjaccret ruiuae, unde ipsius capilulum, eorum decano lunf
in remotis agente, volentes tôt et tamis incommodis ob\iare, et dijudicame^
fore utilius hujusmodi divina officia ex praedictis personis numéro compe-
lenti adimplere, quam illa 3x earum superfluo et excedenti derelinquere,
voto earum unanimi, dictum numerum viginti canonicaturo et totidem
praebendarum ad duodenarium duntaxat numerum reduxerunt, intcr ali^
statuentes quod deinceps inanteà^nullumad aliquosex dictis canonic-atibus
et prsebendis illius Ecclesise Sancti Aredii quovismodo, prcelcr quam per
liberam resignationem simpliciter, vel ex causa permutationis factam vd
fiendam vacantes vel vacaluras, quavis authoritate recipcre et admitiere
dcberent, et quod se ad hujusmodi slalutum inviolabiliter sub perjurii et
privationis praebendarum suarum, quas in eadem Sancti Aredii Ecclesi*
obtinerent pro tempore, pœnis ad hoc corporalibus, praestitis jurameoli^
obligarunt, prout in patentibus iittcris inde confectis, eoramdem Capituli
sigillo munitis, dicitur plcnius conlincri. Quare pro parte Capituli prsfai'
nobis fuit humiliter supplicatum ut reductioni, slaïuto et litteris prœdicli^
apostolicae robur coniirmationis adduceret, et aliàs eis prsmissis oppor-
tune providere de benignitate apostolicà dignaremur. Nos igitur hujus-
CHRONOLOGIE DE l'hISTOIRE UB SAINT-YRlElX-LA-PERCtlE 599
modî supplicaliouibus inclinali, discretioni tuae pcr apostolicd scripta
mandamus quaienus, si ita est, hujusmodi rcduclionem, slatulum et lit-
leras, absque lamcn illorum, qui ante datum prœsentium gratias expec-
lativas ad canonicatus et prsebcDdas in eadcm Santi Âredii Ecclesia,
processusque super iis in talibus fieri consuetos obtinuerint, praejudiciO)
authoritate nostrâ approbes et confirmes, suppicndo defectus omnes qui
fortasse aliàs intervencrint in prsemissis, contradictores per censuram
Ecclesiasticam, appellatione posiposita, compesccndo, non obstantibus
constitutionibus et ordinationibus aposlolicis ac statutis, et consueludini-
bus dictas Ecclesiae Sancti Âredii quibuscunque contrariis, juramento, con-
firmalione apostolicâ, vel quacunque firmitale aliâ roboraiis, aut si aliqui
apostolîcâ vel aliâ quavis authoritate in dicta Ecclesia Sancti Aredii in cano-
nicos sint recepti, vel ut recipiantur insistant, seu si super hoc brevibus
sibi fiendis de canonicalibus et prœbendis ipsius Ecclesiae Sancti Aredii
specialiter aut alias beneficiis Ecclesiasticis in illis partibus générales
Âposiolicae sedis, vel Legatorum ejus lltteras impetrarint, etiamsi per eas
ad inhibitionem, rescrvationem et decretum, vel aliàs quomodolibet sit
processum ; quas quidem litteras et processus habiios per cosdem ad
omnes suppressas praebendas volumus non extendi, sed nullum per hos
cis quod ad assecutionem canonicatuum et prebendarum, aut beneficio-
rum aliorum praejudicium generari, et quibuslibel privilegiis, indultis et
litteris apostolicis generalibus vel specialibus quorumcunque tcnorum
existant, per quae praesentibus non expressa vel totaliter non inscripta,
effectus carum impediri valeat quomodolibet, vel differri, et de quibus
quorumcunque totis tenoribus de verbo ad verbum habenda sit in nostris
litteris mentio specialis, nos autem ex nunc irilum decernimus et inane;
si secus super hiȈ quocunque quavis authoritate scienter vel ignoranter
contlgerit attcntari. Datum Romœ apud Sanctum Petrum octavo idus Mar-
tii Pontificatus nostri anno sexto (1417)
Registrata gratis. C. de Ghomacillis.
Supra dicta autem BuUa fuit exécution! demandata per D. Joannem Rul-
pium decanum Lemovicensem die deciraâ quintà mensis januarii anno
Chrisli 14^6.
— Omni fcrè tempore quo bellis Anglorum Aredienses canonici infestan-
tur, eadem ab illustrissimisD.D. Episcopis Lcmovicensibus, ut Ecclesiam
Ârcdiensem sibi acquirercnt, naclis occasionem horum bellorum, molestiâ
afliciuntur, quod vidèrent eam visitari non posse à decano, thesaurario
et canonicis Sancti Martini Turoncnsis ejusdem superioribus. Rcs ita se
babet. Illustrissimus Dominus Bcrnardus de Bonavalle factus Episcopus
Lcmovicensîs, ut non decsset officio suo diœcesim suam more decessorum
suorum visitât, monet Aredienses canonicos ul sint parati ad se suosque
recipiendum, quia ab hac parte diœcesis sus visilationcm incipere ani-
mum induxcrat. Quibus auditis, Aredienses D. Episcopum per suos depur-
tatos seu commissarios conveniuni, ipsique cum humilitate et modestia
représentant Ecclesiam suam jcum omnibus personis ejusdem nusquam
fuisse de diœcesis Lemovicensi, etiamsi esset in diœcesi Lemovicensi quod
ab ipso sancto Aredio in ipsa sua prima ipstilutionc submissael donata fuc-
600 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUK. RT HISTORIQUE DU LIMOUSIIV.
rit Ecclesise Sancti Martini Turonensis, ut manifeslum erat pcr tesUirf?-
tum ejusdem sancli Aredii confirmatum in generali concîlîo Episcop-r::
Gailiae anno 860, cujus juris cliam haclcnùs erat, eumquc idcircô emv
rogant, ut nihil ob reverentiam sancli Aredii contra cjus institutiocf'
mollatur. Quâ non obstante supplicalione, cum in dictam Ecclesiam civ.
fuisset ingredi, et repulsam passus ab Arediensibus canonicîs, ipsi suhiu-
invicti cum D. D. decano, thesaurario, canonicis, et capilulo Sancli V^'-
tini superioribus suis, convenire cum faciunt coram suprema Parlam'C
Parisiensis curia, in casu novitatis et saisinae ul vocant, in cujos lilis ;'
secutione moritur, anno Cbristi 1403.
Dominus Hugo de Magniaco succcssor ejus immedialus rcsumit iiU'
circa annum Chrisli U05, scd cum aliquol annis postea mîgrare cogiu: •■
diœcesi sua et civitale Lcmoviccnsi ad urbem Parisiensem ut bujusmo.
causam prosequatur, migrai cliam e vi(a.
Pelrus dcniquè de Montebruno île m Ëpicopus Lemovicensis, cum sv<-
rum deccssorum lilem resumpsisset, et iliam animosè fuisset prosecu.2>
aliquot annis, addidit animos D. D. decano, Ihesaurario, canonicis el capi-
tulo Ëcclcsise ftlalricis sancli Martini Turonensis Aredionsis Ecclesissof-
rioribus immedialis ; hi enim litcm canonicorum Arediensium fîlioru^
suorum suam facientes, tandem causam obtinent arrcslo inter parles roc-
tradîctoriè lato anno Chrisli 1444, cujus arresti haec imprimis verl^a consU^^
randa sunt. Notum facimus quod iite molâ inter dilectos nostros decaDum.
thesaurarium et capituium Ecclesiae beati Martini Turonensis, ac decaourcci
capiiulum Ecclesiae Sancti Aredii Lemoviccnsis diœcesis de membris per-
tinenlibus et dependentiis ejusdem Ecclesiae sancti Martini existent^:
consortes, adores, et conqucrenies in casu novitatis et saisinx ex uoi
parle, et detunctum Hugonem de Haignaco epiî^copum Lemovicensem q :•
îoco defuncti Bernardi de Bonavalle etiam episcopî Lemoviccnsis lian:
vivebat prœdecessoris sui immediali^prssentem processum resumpsorat.
defensorem et opponentem in diclo casu ex altéra : super eo quod àkc-
bant dicti actores et conqucrenies quod sanclus Marlinus Turonensis
unus de gloriosioribus confessoribus de quibus commemoralio in sanris
Dci Ecclesia lolaquc christianilate fiebat, crat et fuerat, proptcr ejus hoDO-
rem et reverentiam, suique corporis pretiosi in ipsa Ecclesia requiesceDt>>
reverentiam, plures Imperalores, Rcges Francise et alii Principes el Ma-
gnâtes hujus regni noslri, alleriusque patriae erga eandem ecdesii^^
sancli Martini magnam devotionem habuerant, et ipsam pluribus magoi^
et notabilibus dominiis, redilibus et revenutis(?;iu eodem nostro regoo fi
alibi consislentibus dotaveranl et augmentaverant, eaquc Ecclesia saocii
Martini prsedicla cum personis ejusdem lam in capite, quàm in membris
per privilégia aposlolica ab omni jurisdicilone patriarcharum, ArchtepfS-
coporum, Episcoporum et quorumlibet aliorum Judicum, Ordinariorotn.
Ecclesiaslicorum, notoriè exempta, sedique apostoiicae immédiate subjecii
erat et fuerat : ulterius dicebant dicti actores et conqucrenies, quoi:
sanctus Aredius magnus et notabilis dominus in patria Lemovicensi sai
tempore extiterat, et quandam Abbatiam Reli^iosorum in villa tanc Actb^*
oensi Lemoviccnsis diœcesis, nunc verè sancti Aredii in qua corpus eju>
CHRONOLOCIB DE l'iiISTOIBE DE SAINT-YRIEIX-LA-PKRCHE. 60i
rcquiescit, nuncupata, fundaverat et dotaverat, eamque in sui primsva
iundatione et inslilutione, ob devolioDcm magnam quam crga praedictum
«sanctum Marlinum et ipsius Basilicam habebal, praedicto sancto Marlino
donaveral et subjecerat, et quod de membrîs, perlinentiis ac dependentiis
ipsius exlarct, monachique tune in ea consistentes, et qui ibidem inantca
forent, sub dilione, ordinalione, potestate et dominnlione praedicti sancti
Martini dictaeque suse Basilicae, tàm in spiritualibus quàm in temporalibus
viverent, volucrat et ordinaverat, prout per lestamenlum dicti sancti Are-
flii cjus manu propriâ scriplum.iidem adores et conquerentes latius appa-
rere dicebant, etc. Deinde haec alla verba quae pro parte dicti D. Pétri de
Montebruno episcopi Lemovicensis sunl, valdè notanda. Dicto defensore in
contrarium dicente et proponenle quod diœcesis sua Lemovicensis ma-
gna et ampla, inlra quam dicta Ecclesia sancti Aredii inler plures alias
ecclesias tàm saecularcs quàm regulares sibi subjecta erat et fuerat, quam
ejus personas dictus defensor et ejus prœdecessores Lemovicenses epis-
copi ad causam jurisdictionis suorum jurium episcopalium visitaverant et
reformaverant, ac visilari et reformari, puniri et corrigi fecerant, procu-
ralioncmque ratione dictfe visilationis debitam ab ipsi decano et capi-
lo ecclesiae Sancti Ârcdii saltem semel in anno liberô et absque contradic-
lione receperanl, ac recipi et levari fecerant, etc. Et post quœdam ejus
cxposita sic concludit : quare pelcbat dictus defensor ipsum locum et in
solidum ad causas dicti sui Episcopatus Lemovicensis in possesslone et
saisina diclam Ecclesiam Sancti Ârcdii in praedicta sua diœcesi Lemovi-
censi existentem, et personas aliasque gentes ecclesiasticas ejusdem
saltem semel in anno visitandi et visitare faciendi, et procurationem ra-
lione dictae visilationis debitam ab eisdem recipiendi et exigendi, uecnon
dccanum et capitulum, ac easdem Ecclesiae ipsius singulares personas
reformandi, puniendi, corrigendi, cilandi, excommunicandi, et in eos om-
nom jurlsdictionem Ecclesiasticam ordinariam exercendi manuteneri et
conservarl ne dictos conséquentes ad malam et injustam causam couques-
tos fuisse, et diclum defcnsorem ad bonam et justam causam se oppo-
suisse dici et dcclarari, etc. ; super quibus et multis aliis bic à nobis ex
qualilatibus non ex scriptis ut brevitali studeamus, quid à curia Parla-
menti statutum, et à quibus partibus justilia stctcrit, lector, attende. Visis
igîtur rcqueslâ civili, duobus articulis et litigato praedictis, ipsisque ac
omnibus aliis littcris et cîetcris munimentis, ac requesta suprà dicla dili-
genler cxaminata, compertoque quod prdesens processus absque dictse
Biillcne Innonentii copia judicari potcral, per judicium dtclae curiae nostraî
diclum fuit diclos conquerentes ad bonam cl justam causam se conquestos
fuisse, et diclum opponentcm ad malam et injustam causam se opposuisse,
ipsosque adores et conquerentes in supràdictis eorum possessionibus et
snisinis eadem curia nostra per idem judicium manutenuit et conservavit,
manutenelque et conservai manum noslram in dictis rébus contensiosis
apposilam, ad utilitatem dictorum Actorum et conquerenlium levando et
amovendo, ac eundem defensorem ab expensis causas bujusmodi, el ex
causa relevando; in cujus rei testimonium jiostrum praesentibus litteris
jijssimus apponi sigillum. Dalum Paiisius in Parlamonto nostro vigesima-
quarla die Martii, anno Momini M. CCCC. XLIV, et regni noslri XXlli.
602 SOCIÊTR ARCnÊOLOGlQCB ET HISTORIQUE
E DU LIMOUSIN. J
imque duravit inlerD.lJ
, quomodo D. D. decas^J
Vides itaque hac homni lite quae diù mullumque
Episcopos Lemovicenses el Canonicos ÂredicDSCS
ihesaurarius, canonici ctGapilulum Ecclesias Sancli Marlini Turonensis Sj-
periorcs immédiate dictorum canonicorum Aredîcnsium, causam obu
nuerinl in diclos D. D. Epicospos Lemovicenses pro jurisdictionc eccl^-
siastica et spirituali ejusdem Arediensis Ecclesiae in qua consen'ati s-i^i
et hactenùs conservanlur, et in omnibus aliis suis juribus saper eaiks
Ecclesia.
— Nunc ut ad alia ejusdem Ecclesi» pergamus : videre juval etiam cir^i
illa tempera quanto Principes cl Magnâtes affectu venerarentor £ccle>;a"
Sancti Aredii, babemus enim ex Aclis ejusdem ecclesiae anno Chrisii UiS.
hoc est annis tantum quatuor ab arresto suprà relato, illusirissimuro Prir-
cipem Dominum Joannem de Britannia Gomitem Penlheuriae et Peira-
goricenscm, Vicecomitem Lemovicensem fundasse unum anniversarin^
pro salute patris et matris, ac parentum suorum ; sicut liquel ex Aci>
ejusdem anni quœ sic habent : Egregius Princeps et Dominas Joannes i-
Britannia comes Penlheuriae et Petragoricensis^ vicecomes LeaiOTtc«Ds>
exdevotione sua fundavit in hac Ecclesia Sancti Aredii de Acihano I^isi-
vicensis diœcesis unum anniversarium perpetuum pro salute patns d
matris, ac parenlum suorum, quod dotavit de quindecim Ubris rendasl:-
bus, et tringinta sexleriis frumenti, et quadraginta sexteriis siligiois. ^'i
triginta sexleriis avens rendualibus perpeiuô, quos quidem reditus pne-
diclos promisit assignare in bonis loeis et competenlibus, prout consi:.
per inslrumentum rcceplum per Magislros Petrum de Bosco, Magistrom a
artibus. et Dominum Petrum de Veterinarii, Presbylerum Nolarium, prs-
sentibus nobilibus viris Gualtero de Perussa Domino de Cadris, et Pei.'o
de Boyero Domino de la Jaroussa, etc. Aclum die décima octarâ meQ>i*
octobris annl prsesentis H.CGGC.XLVIII.
Hune autem egreglum Principem fuisse unum ex prsecipuis bcnefado-
ribus suis fatentur Aredienses Canonici c6 vci maxime quod inbaman
volueril in dicta Ecclesia, eu jus ipse vidi sepulchrum in loco seu anii-
quiori sacello in quo nunc habetur capitulum ejusdem Ecclesiœ, cui etm
alia multa bona contulit.
Praelereà sunt alii plures insignes viri in eadem sepulti, inter quos f>t
Sequinus ante quingentos annos Abbas ejusdem Ecclesise, de quo nonai-
hil suprà diximus.
— Cum autem in supcrioribus fusé salis, ut reor, demonstraveriTnu«iQ>
confirmandi vel infirmandi electiones D. Decanorum Ecclesi» saepcdicU»
Sancli Aredii Turonis, quod habetà lanlo tempore insignis Basilica Samii
Martini Turonensis lanquam Matrix diclœ Ecclesiae Arediensis, nihilqa '
supersit amplius in hoc negolio videndum,.quam executio juris hujusmoi/:.
cum sine excculione jus islud mortuum essel ; illa verô executio nou
fieri mclius nequeat, quam ex mullis Decanorum Sancti Aredii confirroj-
lionibus per D. D. decanum, thesaurarium, canonicos et capitulum ialrin-
Ecclesiae Sancli Martini Turonensis ex iniervallo faclis, nos sufficcre puU-
mus si ab annis ducenlis et eo amplius ad hoc usque tempus aliqui^
hujusmodi confirmationes hic in gratiam veritatis exhibeamus; quarum
CHRONOLOGIE DE l'biSTOIRE DE SA)NT~YaiEIX-LA-PERCBB. 603
primam habcmus ad annum Christi 4454, cum enim hoc anno vacasset
dccanatus Sancti Aredii per obitum Reverendi Palris Domini Joannis de
Perussa Sagiensis Episcopi, et in ejus locum fuisset eleclus in decanum
dîclie Arediensis Ecclcsise vir nobilis et eruditus D. Pontius de Salignac,
quem, inquiunl acla ejusdem Ecclesiae Sancti Martini Turonensis, die
Vcneris 27, mensis Junii, coram ipsis Dominis meis personaliler constitu-
Inm canonicaverunt, et facto per ipsum solito juramento quod alii cano-
nici necnon Decani supràdiclœ Ecclesiae Sancti Aredii faciunt et praes-
tant in hoc capitulo, ac facere etpraeslare consuevernnt, ipsum Magistrum
Pentium in Decanum ejusdem Ecclesiae Sancti Aredii duxeruni die se-
quenti horâ tertiâ recipîendum, litteris ejus electionis priùs visis et
inspectis, in quibus habebatur ipsum unanimiter ab omnibus canonicis
faisse electum, qua die advenienie, prœdtctum Dominum Magistrum
Pentium, ex nobili génère procreatum, flexis genibus anie majus Altare
per traditionem Baculi Cantoris hujus Ecclesise, ipsi Domini mei in Deca-
num diclœ Ecclesiae Sancti Aredii recipientes, ipsum deindè in choro ejus-
dem à parle illius sinistra cum solemnitatibus assuetis installarunt, jure
suo et quolibet aiieno in omnibus sempcr salvo.
Ex quibus Actis patel Decanos Sancti Aredii cum in Ecclesia Sancti Mar-
tini Turonensis confirmantur, et primum recepiuntur fieri Canonicos ejusdem
Ecclesiae, et ideô juramentum duplex praestare, primum Canonicorum ejus-
dem Ecclesiae, de quo in superioribus, allerum Dccanorum ejusdem Eccle-
siae Sancti Aredii iidelitatis erga eandem Ecclesiam, quod sic se habet, ex
libro manuscripto rituum et slatulorum ejusdem Ecclesiae, sub hoc titulo :
juramentum Decani Ecclesiae sancti Aredii.
Decanus Sancti Aredii de Acthano jurât juramentum Canonicorum istius
Ecclesiae et deindè jurai in hune modum :
Item juro quod àmodo fidelis ero huic Ecclesiae, et vobis de Ecclesia
Sancti Aredii Acthanensis,ac Decanatu ejusdem, eorumque pertinentiis,et
quod Ecclesiam Sancti Aredii neque me à subjcctione hujus vcstrae Eccle-
siae, nec a vestra substraham aut substrahi patiar : sed quanlùm polero in
tidelitaie, subjectione et obedientia vestra conservabo et tuebor, et quod
libertatem, jura et possessiones Ecclesiae Sancti Aredii minui non patiar
neque alienari, alienataque, si quae sint, ad jus et proprictatem ejusdem pro
posse reducam, et reduci procurabo.
Secunda conlirmatio habetur ad annum Christi i482 de persona Domini
Armandi de Guntault dicti de Biron, his verbis : Die 24 mensis Aprilis con-
venienlibus more solito ad sonum campana^^ capilularis in capitulo hujus
Ecclesije, de manè horâ decantalionis annivcrsarii, Dominis meis, faclaque
coram ipsis relatione D. D. commissariorum super visionc pnediclarum
litlerarum et informatione per. eos cum viris fide dignis facta, quia reperie-
runt cundem Armandum esse de légitime malrimonio ac nobili génère ex
ulroque parente procreatum, aetalis 25 annorum,in Ordine subdiaconatus
constilutum, in legibus bachalarium, ac littérature sufficientis, ac aliàs
vitâ, moribus et conversatione idoneum, ipsam eleclionem laudavcrunt,
approbaverunt et confirmarunt, supplenles omnes et singulos deffectus (si
qui forsan inlervenerint), ipsumquc Armandum coram ipsis praesentem, ut
604 SOCIÉTÉ AnCUÉOLOGIQUE ET UISTORIQUE OC LIMOUSIK.
moris est, canonicaverunt, et facto per eum soîito jaramento, eanden
Armandum ante majus aliare deduclum, per traditionem Baeuli Canlori^
ipsius Ecclesiae per h. Decanum vice eorumdem dedignitato Decanali prs-
dictae Ecclcsiœ Sancli Aredii investiri fecerunt et investivcrunt, et in Ikrt-
num ejusdem EcclesiaB Sancli Aredii receperunt, eidemque stailum in iaiere
siuistro chori per D. Camerarium fecerunt, ut moris est, assigoari, liuens-
que suas super praemissis expediri fecerunt.
Tertia patct adaiinum Cbristi 4540, in persona Domini Anthonii deS^âi-
gnaco, qui die feslo Nalivilalis Bealae Marise Yirginis ejusdem anni foi:
investitus de dignitate Decanali Sancli Aredii per Dominum Claudion]
Briant Canonicumet canlorem Malricis Ecclesiœ Sancli Martini Taronensis,
vice et aulhorilalc Dominoruqi incorum de CapiUilo ejusdena Ecclesiz
Sancti Martini, et ab eis in Canonicum et Fratrcm receptus, et ia nna t\
inferioribus sedibus sinistri lateriscbori ejusdem installatus, eoquod sacris
ordinibus nondum esset iniliatus.
Qnarta confirmatio habetnr ad annum Christi 1604. €um enîm vacasseï
Decanatus Sancti Aredii per obitum Domini Francisci Fabry, electas fuit ic
Decanum Sancli Aredii à majori et saniori parte Gapituli Domious Fran-
ciscus do Bcllengard ejusdem Ecclesiae Canonicus prœbendalus, ia juribos
licentiatus, Diaconus tanquam benèmeritus, sufficiens et idoneos, die
sextâ mensis februarii ejusdem anni, cum bac speciali claasula : Soppli-
cantes nihilominus dlscretos ac vencrabiles Dominos Decanum, Thesaa-
rarium et Ganonicos Ecclesiae bcatissimi Martini Taronensis supràdieir.
ut quatenus dictam clectionem, nominationem et provisionem predictas
confirmare et approbare velint etdignentur, modo et forma in talibns Ëeri
consuetis; qui dictus de Bellengard constilutus personaliter in Capitol^*
Malricis Ecclesiae fuit die 46 mensis februarii confirmatus cum ceremoaiis et
solemnitatibus in superioribus descriptis et assuetis.
Non est hic autem prselermitlcndum ad gloriam et bonorem Ecclesix
Sancti Aredii, praedicti Francisci Fabry Dccani eleclionem aliquantùm fuisse
vexatam à Canonico ejusdem Ecclesiae, qui ide6 diclum Fabr\' in jus voca-
yeral, quod eam non ad Oapilulum, scd ad Regem Francise contra morem
hactenùs in eadem observalum, perlinere conlenderel; verùm audilis
patribus, et inspeclis corum actis cl inslrumcnlis, maxime quod eligendo
conferrcnl, Decanatum Ecclesiaî suae Canonici Aredienses, cujus confirma-
tioncm et approbationem, corum Decani pro lemporc elecli, acciporen'. a
Capitulo insignis Ecclesiae Sancli Martini Turonf:nsis judice ordinario fi
supcriore diclae Ecclesiae Sancti Arodii, dictus Fabry fuit in sua clectione
cl posscssione conscrvatus ; sicquc Canonicis Arcdiensibus jus cUgemii,
Canonicis Sancti Marlini Tiiroiicnsis eorum superioribus jus confirmandi »*»
approbandi Decanos cleclos conservalur; proutconslat Arresto seu Judici»
cquidem solcmni Magni Consllii Régis, hujuscc tenons, hîs vcrbi<
Gallicis :
Nostrodit Conseil faisant droit sur ladite appellation a mis et met icelit;
appellation, cl ce dont a esté appelé, au néant ; et pour le regard de ladite
complainte, après les déclarations de Glusel et de nostrcdit Procurear
général, a maintenu cl gardé, maintient el garde ledit Fabry en la poss<*>-
CnA0N0L06IB DE L^HISTOIRE DR SAINT-YRIRIX-LA-PERCUB. 60o
sien et joaissance du dit doyenné de Saint Yrieys. fruits, profils, revenus et
émolumenls d*iceluy, a levé et osté, lève et oste au profil dudil Fabry nostrc
main, et tous autres troubles et empcschcments mis cl apposez suc lesdils
fruits; et a ordonné et ordonne que les commissaires cslablisau régime et
gouverneinent dMceluy rendront compte et reliquat audit Fabry des fruits
par eux {>erceus, et a condamné et condamne ledit A'upetit es despens de
ladite instance de complainte, dommages et intcresls, et restitution de
fruits, si aucuns y en a. Si donnons en mandement, etc. Donné et prononcé
en Taudience de nosiredlt Grand Conseil à Tours, le dixiesme jour de May
mil cinq cent soixanie et dix sept.
Jam ut quas confirmationes nostrâ aetale fieri vidimus, perstringamus,
du» et non plures factae sunt; quarnm prima, quam ordine nostro
...quintam collocamus, facta fuit die Dominica 30 mensis octobris, anno
Christi 4644, in persona Domini Pauli de Jarrige de la Morellie Diaconi in
sacra Theologia Doctoris, qui more decessorum suorum fuit per bominum
Rcnatnm Saicher Cantorem insignis ejusdem Ecclesiîe Sancti Martini Turo-
mensis anthoriiateet vice D.D.Meorum de Capitule Sancli Martini invesiitus
de dignitate Decanali Sancti Arcdii, et receptus in canonicum, et fratrem
denique installatus in sinistra parle chori, quibus ipse interfui.
Sextam denique et ultimam confirmationem absolvel Dominus Helias de
Jarrige de La Morellie superioris Decani nepos, presbyter et in sacra Théo-
logiae facultate Rachalaureus, qui die Dominicâ 30 mensis octobris anno 4660,
fuit per Dominum Franciscum Le Loyer Canonicum prœbondatum et canlo-
rem ejusdem Ecclesise Sancti Martini Turonensis, more Patri sui, el aliorum
decessorum suorum Decanorum Sancti Âredii, simililcr invesiitus, ut moris
est, et cum solemnitalibus assuetis de dignitate Decanali, quam digni-
tatem modo digne possidet.
— Quibus in hoc negotio haec non sufficiunt plura non sufficient. Quare
ut ad aliapergamus el finem pcculiarishujus historiae Sancti Aredii tandem
faciamus, scirc juvat pro Coronide ex ils quae à nobis allala sunt, Dominos
Decanos Sancti Aredii solilos esse in sua receplionc et inslallaiione jurarc
bcalo Martine làm pro se« quàm pro sua Aredicnsi Ecclcsia, el insigni ejus
Basilicse Turonensi, omnimodam subjeclionem ; quod juramenlum cum
annoChristi 4489 mense maio Ganonici Ecclesise Sancti Aredii (absente suo
Decano) violassent quod Dominorum Cantoris, Cellerarii, Canonicorum
Malricis suae Ecclesiae visitationem in Ecclesia sua Arediensi admilterc, ut
moris eral, récusassent, hujussuifacli cum non longô posleà cos pœniluisset,
veniamque ejusdem à D. D. Superioribus suis peliisscnt cl oblinuissenf,
ne tamen in poslerum simile quid accidal, Canonici Anidienses in judi-
cium vocantur à Decano Thesaurario, Canonicis et Capitule Sancti Martini
Turonensis superioribus suis, agilaia hinc indô per annum causa, de ea
parles tandem inler se dicedunt, maxime quoad superioritalcm et visila-
tionem depuialorum Ecclesiae Sancti Marlini [de quibus prœcipua eral
quaestio) sicque Aredienses Canonici conspiranli consensu por Procuralores
sues prsedictas superioritatem et visitationem subscribunt el obsignanl.
Notum facimus,inquiunl, quod cum nos nuper Dominos Decanum,Thesau-
rarium et Capilulum ipsius Ecclesiae bcalissimi Marlini Turonensis, quibus
60G SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET UISTORIQUK OU LIVODSllC
nos et dicta nostra Ecclesia in spiritualibus et temporalibus immédiate sub-
jicimur, venerabilcs fratres et Canonicos nostros Magistros Bertrandoni de
Royeria et Gabrielem Genlilis Procuratores nostros pro pacifîcaliooe ejiif-
dem diffcrentiae sive discordise, lilis et causse inter dictos Dominos Deca-
num, Thesaurarium et capitulum superiores nostros ex una, el aos ex û\i
partibus, ratione supérioritatis quam habent in dicta noslra Ecclesia, ntc-
non et visitationis cjusdem noslrae Ëcclesiae ac personarum ipsius, etspt-
cialiter quia venerabilescircumspcctosviros Magistros Jacobum d'Argouges
Cantorem et Johannem Guernadum Celerarium et Ganonicos ipsius, Ecde-
si» beati Martini commissarios ab eisdem Dccano, Tbesauraiio et Capiiolo
ad visitandum et corrigendum nos et eandcm noslram Ecclesiam ab anoo
citra depulatos ad hujusmodi visllationcm peragendam, admiuere recu«a-
vimus, etc. Yerùm ut ne ullo unquam tempore suspecta sit fîdes tam
solemnis Aredicnsium Canonicorum consensus, utraquc pars stîpulatur, ai
magni consilii Régis authoritalc et Ârresto comprobetur, quod et faclaai
fuit die vigesimà prima mensis Augusti anno Christi 1490 bis verbisgaliicis:
Ouy laquelle Requête, et vous iesdils traité, transaction,accord etappoiD-
tcment ainsi faits par les dites parties, les gens de nostredit Grand Consei!.
par leur arrest et jugement ont condamné et condamnent lesdites partie^
et cbacunes d'elles endroit soy à garder et entretenir ledit accord, appoio-
tement et transaction de point selon sa forme et teneur, et a ordonné cl
ordonne nostredit Conseil ledit accord et appointement cstre mis à exéco-
tion selon le contenu en iceluy, en ce que exécution y est ou sera requise.
A quo deinde tempore frequunliores fuerunt Dominorum Decanl, Tbe-
saurarii, canonicorum et capituli insignis Ëcclesiae Matricis Sancti Martini
Turonensis in Arediensi Ecclesia visitationes ad boc usque tempos, n
quibus duas nos fecimus, primam anno 1658, et alteram anno 1666, qnas
omnes brevitatis causa praetermittimus, ut buic Arediensis Ëcclesiae hisiorif
tinem imponamus.
— Cum addiderimus prœdictos Sancti Aredii Dominos Dccanum,canonioos
et capitulum idenlidem pro re nala ad faciendas tara Ëcclesiae suae, quain
cymeleriorum ab ea dependentium pollutorum reconcilialiones, reqaisiisse
aulboritatem et licentiam Dominorum Decani, canonicorum et Capituli Ma-
tricis ëcclesiae Sancti Martini Turonensis; quas ctiam proplereà oblinocrunt.
ut his paucis sequcnlibus palet ne iongior sim. Die Dominiez vigesimà
prima mensis deccmbris anno Domini 4502, dicti Domini mei lanquani
superiores et ordinarii judices in bac parte ad reconciliandum magnum
cymeterium de Froyria poUuium per mulilationem ei occisionem, vonera-
bilem virum M. Anlhonium de Vellhan, in decretis Rachalarium, canoui-
cum praebendaium dlclaa Ëcclesiae Sancti Aredii commiscruiii.
Anno 4634, die Mariis non& Aprilis, ob similcm pollutionem propter ho-
micidium in dicta Sancti Aredii Ecclesia die Dominicà in Ramis Palmarum
factam, ad eam reconciliandam D. Franciscum de Bellengard presbyterum,
canonicum Praebcndalum dictae Ëcclesiae commitiunl, et ei liileras bar
in re necessarias expediri el Iransmitti jubenl.
Praelcreà Domini Decanus et canonici Aredienses de bonis Ëcclesiae sus
nihil statuere consueverunt inconsultis dominibus superioribus sais Malri-
CHRONOLOGIE DK L*HiSTOIRE DE SAtNT-YRIBIK-LA-PRRCBR. G07
cis Ecclesi» Sancti Martini Taronensi s, sicut actu seqaenti oppignerationis
veclîgalis Tabularîi forensis Aclbanensis oppidi videre est, ex archivis
ejusdem Matricis EcclesisB :
Anno Domini 1611, die Jovis vîgesimâ mensis ociobris, ad relationem
Domini Guerin caoonici hujus Eccicsiae prœbcndaii, alterius commissario-
rum ad îd depuUtorum, et viso per Dominos superiores in bac parte con-
traclu oppignerationis, vnlgô d'engagement per Dominos Decanum, cano-
nicos et Capitulum ecclesiœ collegiahe Sancti Aredii de Actbano in patria,
seu territorio Lemovtcensi constitulx de membris bouorabilibus hujus
ecclesiae existentis, eisdemque Dominis meis in spiritualibus et lemporali-
bus immédiate subject» de Grafariatu civili et criminali curiae Rcgalis et
communia Pareagii, vulgô du commun Parcage dieti loci et Urbis Sancti
Ârediiy cum pacto seu reservaliooe pacti redempiionis perptHuae, vulgô
Rachapt perpétuel, Magîstro Aredio de la Fon, in juribus licentiato, locum
tenenle pro Rege et dictis de capitule Sancti Aredii in curia Regali prœdicta
pro prelio et summa quatuor mille librarum Turonensium refusioni et solu-
tion! plurimorum denariorum In quibus dicli de cnpilulo tenebantur et
obligabantur applicando, dicto conlraclu de data die 27 mensis junii anno
pnesenti exislente, et per de La Fon notarium Regium dicti loci Sancti
Aredii et Secrelarium Capituli dictae collegiatae receplo, eisdem Dominis
meis perdiclum Bellengard nomine et fine praedictis, prœsentalo. Praefati
Domini mei diclum coniractum oppignerationis, vulgô d'engagement, secun-
dum eju8 formam et tenorem, et sub condilionibus in eo appositis lauda-
runt, ratificarunt et bomologaruni, laudant, ratificant et homologant, eâ
adjectft conditione, ut dicti de Capitule Sancti Aredii processuni inter eos
et Dominum Comitem Descars vertentem prosequi et terminari quam citiùs
poierunt facere, necnon de primis denariis per eos rccipiendis dictum
Grafariatam, sic per eos ut praemitlitur oppigneratum redimere lencantwr.
Denique sicut à Tcstamento sancti Aredii lanquam 2i capite pcculiaris
haec ejus historia incœpit, sic féliciter conligii, nos ab eodem vero sancti
capite finem ipsi facere, cum enim absente Decano hujus collegiatae cccle-
siae mola fuisset inter canonicos Aredienses super ostensione sacri capitis
illius ad veneralionem populorum, controversia, ad quem scilicet illorum
pertineret facienda haec oslensio, nec inter se convonire satis posscnt, re
omnium calculis ad canonicos Superiores Matricis Ëcclesiae delatA, sequens
ab ipsis retulerunl judicium die veneris duodecimft mensis Julii in Capitule
generali anno Domini 1630. Domini met in hanc sententiam devencrunt,
ut nihil eorum quae circa dictam oslensionem hacleniis facta cl observala
fuemnl, inuovari debere conseutiant, pra3rogativam ostensionis bujusmodi
faciebdae, Decaoo absente, vel in sacro presbylcratus ordine munimè cons-
tituto, antiquiori canonico dictae Ecclesiae pro tempore existenli adjudica-
rum, proul authoritate suà supcriori adjudicarunt et adjudicant.
Séries Decanorum aliquot Aredienalum.
I. — Seguinus, abbas Monasterii et Ecclesiae Sancti Aredii, anno Ghrisli
1070, qno eodem temporo Ramnulphus erat ejusdem Eccicsiae Sancti Aredii
608 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE LT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Decanus, ut amplius patebii ex infra dicendis de reslauratione M onasleriî
RauzoUensis, cujus Seguini abbatis videtur sepulcbrum in clauslroejusd^m
Ecclesix.
II. — Geraldus Decanus Sancti Aredii anno 1184, de quo haec faabeniBr
in chronico Gofredi prioris Vosiensis. Vigilia Natalis Domini Geraldus
filius Bernardi, fraler Aldeberti de la Marcha, Sancti Aredii Decanus efficitur.
in. _ Girardus de Marchia Sancli Aredii Decanus circa annum 1300.
IV. — Vuir.elmus cognomento Peregrinus, vicecomiiis Lemovicensis
tilius, reliqiiii vacanlcm Decanatum Sancli Aredii queni circiter ires anoos
possedil.
V. — Guido de Glausellis Archidiaconus Lemovicfosis, soccedîl dic:o
Vuillelmo in Decanaiu, circa annum (916.
Vï. — Geraldus de Javerihac, D. N. Papa per resignationem Vuillelmi
tun'; Dccani in curiâ Romanâ fil Decanuà Sancli Aredii anno 1249.
VIT. — Helias Decanus Sancli Aredii 4382, obiil Parisiis anno Domiui
li93mense Aprili in proseculione negoiiorum dicl£ Ecclesiae.
Vlil. — Oirberlus Pulverelli canonicus Lemovicensis eligilur DccaoQS
Sancli Aredii Scalcnd junii ejusdem aiini (293 per obiium dicli Heliae
IX. — Helias de Malomonle absens Decanus eligilur, et Girberlo saccedii
anno 1396.
X. — Geraldus de Lobescorn eligilur Decanus Sancli Aredii per obiion]
dicli Heliae de Malomonle anno 1305.
XI. — Rolgerius de Tcrminis fil Decanus Sancti Aredii anno Domini I3n«
habuiique Decanatum vacaniem per promoiionem Domini Hugonis Geraldi
ad Episcopalum.
XII. — Guillelmus de Ahento fil Decanus circa annum 13iî; pnescntalar,
ut moris est iMpitulo Sancli Martini Turonensis superiuri, et ordinarïo
ejusdem Ecclesiae Sancli Aredii anno Domini 1H18.
XIII. — Joannes de Perussa, Sagiensis Episcopus in Normannia, et Deca-
natus Ecclesi» Sancii Aredii per plures annos adminislrator perpeiuos,
obiil anno Chrisli l454, cui successit in Dccanalu :
XIV. — Ponlius de Salignac nobili génère orlus, vir pius el doctus,
eligilur ei rit Decanus per obitum dicli de Perussa eodem anno i4S4.
XV. - Pelrusde Salignac, in decreiis licenliatus, successil Pontio palruo
suo in diclo Decanalu, quem resignavit Armando de Guniaull.
XVI. — Armandusde Gunlault diclus de Biron per resignationem supra-
dicli Pelri de Salignac fil Decanus anno Domini i486, fuilque nobili génère
procrealus ex ulroque parenie; cui successil :
XVII. — Ànlhonius do Salaroiaco anno 149r>, cul successil:
XVlil. — Anlhonius item de Salarnlaco junior, superioris nepos, quidiu
vixit in Decanatu, oum in vivis adhuc esscl anno Chrisli 15iO.
XIX. — Jacobus de Bourdeillos fit Decanus anno 1546, per obiium ilirii
Anlhonii de Salarniaco junioris, cui successil :
XX. — Peims de Bourdeilles ejus nepos, qui fuit eiectus in Decanatn
circa annum (558.
XXI. — Franciscus Tenent fil Decanus per cossionem dicli Pclri dtf
Bourdeilles, fuilque receptus anno Domini 1563, obiil aulem anno i576.
CHRONOLOGIE DE L*HISTOIRE DE SAINT-YRIE1X-LA>PERGHE. 6ûd
XXII. — Franciscus Fabry fuit receplus Decanus die pcnuIlimA mensis
Maii 1576, el cum oblinuisselcausam adversus Regalislam, die decimâ mensis
Mali coDseq :cntis anni 1577, judicio seu arreslo Magni Consilii Régis, vir-
tnte illius denu6 possossiouem adiil cjusdem Decanalus; obiit anno Domini
4614 et vacavit Decanalus.
XXIII. — Franciscus de Bellengard, in Juribus licenlialus, fuit in locum
supradicti Fabry eleclus el confirmalus Decanus Sancli Aredii anno i6H,
obiilanno 1616.
XXIV. — Gaspardus de Gentils Dominus de TA^çeauchapt successit diclo
de Bellengard, fuilque in Decanum eleclus à capitulo die decimâ quintâ
mensis Augusli anno Domini 1616, cui successit:
XXY. — Guillelmus Thiersault eodem anno 1616, qui Decanatam tenuit
usque ad annum 1644, quo obiit, vacavit que Decanalus per ejus obitum.
XXVI. — Paulus de Jarrige de la Morelie Diaconus, canonicas Ecclcsi»
Sancli Aredii, successit diclo Domino Thiersault, fuit enim eleclus Decanus
mense Junio ejusdem anni 164i et à matrice Ecclesia Sancli Martini Turo-
nensis irigesima die mensis oclobris ejusdem anni praescns confirmalus.
Obiit anno 1660, vacavit Decanalus per ejus obitum.
XXVII. — Relias de Jarrige de la Moretie,ex fralre nepos, canonicus ejus-
dem Ecclesiae eligitur Decanus eodem anno 1660, quo recipitur à Capitulo
diclse Ecclesiae Sancti Aredii el prsescns conGrmalur à Dominis Decano,
Thesaurario, canonicis et capitulo matricis EcclesiiB Sancti Martini Turo-
nensis; etiamnum vivit.
Sequuntur Bénéficia ad collationem, prooiaionem et omnlmodam dispo-
sithnem D, D. DecoM, Canonicorum et capUuli Ecclesiœ Sœcularis et
Coîleglatœ Sancti Aredii de Acthano pleno jure pertlnentia,
Decanalus quae est digniias prima ejusdem Ecclesiae.
Cantoria quae est ofiicium in eadem Ecclesia.
Sacristinia, quae est iiem ofDcium in eadem Ecclesia.
Praebenda nuncupala de la Salelte puerorum.
Duodecîm canonicalus el praebendae.
Sex vicariae majores semipraebendalorum, quarum duaespectant ad colla-
tionem plenariam Domini Decani, et aliae quatuor pleno jure ad disposilio-
uem praedicti capituli.
Duae Vicariae nancupatae des Palmiers fundalae ad aliare beatissimi Aredii
in praedicla Ecclesia.
Duae Vicariae vocalae de Pompadorio, fundalae ad altare Sancli Frontonis
in pruiîicta Ecclesia.
Prioratus Saecularis Sancli Laurentii.
Prioratos Saecularis Sanclae Calharinae de Ghavaralas.
Eleemosinaria Sancli Aredii.
Vicaria perpétua Beaiae Hariae de Vinea in capella cimelerii de Vinea
fundata.
Vicuria perpétua Beats Hariaa Hospitalts oovi.
6t0 SOCIÉTÉ AaCBÉOLOGlQDB GT HISTORIQUE DU LIHOUSIIC.
Vicaria perpciua Beat» Mariae de Viraco.
Vicaria perpétua Sancli Martini ad altare dicti sanctî infra dictam Ecde
siam Sancti Aredii insiiluta.
Vicaria perpétua Saociae Nagdalenae ad altare ipaius Sanclae ialra dictam
Ëcclesiam insiituta.
Vicaria perpétua Sanctœ Marguaritœ ad ejnsdem altare ia dicia Eeclesii
institu^a.
Vicaria perpétua Sancti Eligii ad illius altare in prsdicta EcclesU
instituta.
Vicaria Sanctae Radegaodis perpétua in altari ejusdem in Ëoclesia pne-
dicta instituta.
Vicaria perpétua Beati Martialis ad altare Sancti Johannis Baptistv, ei
trium sororum Maris Instituto-.
Vicaria perpétua Beati Basilii ad ejusdem aHare in dicta Eeclesiâ
instituta.
Vicaria perpétua Sancti Johannis Evangelistse ad altare, et capellam ejos*
dem Sancti, et in Ecclesia praedicia instituta.
Hue usque de nobili Ecclesia Sancti Aredii Acihanensis, que Gallicè
dicitur:
Salnt-Yriers-la- Perche en Limousuu
ORIGINES DU MONASTÈRES DE SAINT-YRIEIX
Par Aug. BosviEUX
AVERTISSEMENT
Fairt^ d*une manière suivie et sans interruption l*bistoire particulière
d une seule ville, et surtout d*une petite ville, est chose complètement im-
possible ; car, outre Tinsuflisance des documents, qui doivent nécessaire-
ment présenter dans une série de plusieurs siècles de nombreuses lacooes,
il est une ioule d'événements auxquels chaque localité ne prend pas une
pari spéciale et distincte, et dans lesquels elle ne joue qu'un r6ie commun
avec toutes les autres fractions de la nationalité dont elle fait partie. Aussi,
pour mettre en scène pendant toute la durée de son existence une cité
même importante, il faudrait reprendre d'un bout à Tautre Thistotre gêné*
raie de tout le pays, sauf à faire ressortir en leur lieu les faits propres à la
ville dont on s'occuperait. Et ce ne serait plus alors une histoire particulière
qu'on rattacherait à l'histoire générale par ses points de contact, mais une
histoire particulière qu'on détacherait lambeau à lambeau de l'histoire géné-
rale où elle était englobée, et, pour ainsi dire, imperceptible. Un pareil travail
exigerait, non pas quelques pages, mais des milliers de volume où seraient
CHRONOLOGIE DE L*HIST01R$ DE SAmT-YRIBlX-LA-PBaCBB. 6t 1
compilés les innombrables documents qui ont trait à Fhistoire de France,
et des générations d'érudits pour mettre en ordre ces documents et leur
donner i'unilé nécessaire.
Nous serons donc forcés de grouper dans divers récils tous les faits rela-
tifs à rhistoire de Saint-Yrieix que nous rencontrerons, soit dans les chro-
niques locales, soit dans les différents recueils historiques, en ayant soin
d'indiquer à quels auteurs appartiennent les extraits cités, pour en rendre
facile la vérification.
PREMIER RÉGIT
VIE DE SAINT YRIEIX
Avant d'écrire Thistoire d'un pays, il est logique de faire connaître le
théâtre des événements que Ton va raconter, afin que le lecteur ne se
trouve pas transporté sans indication sur un terrain inconnu. C'est une
précaution que rhi:»toricn oublie rarement de prendre, mais qui serait ici
complètement inutile et superflue. En effet, quel est le membre de la
Société qui ne connaît pas la topographie de Saint-Yrieix, qui ignore que
la ville est b&lic sur les versants de deux collines dont les extrémités supé-
rieures sont deux des points les plus élevés (1) du département de la
Haute-Vienne, et qu'elle est traversée et longée par deux ruisseaux qui
prennent leur source aux environs.
Quant à la géographie des lieux où s'élevait l'ancien Attanum, nous ne
pouvons en juger que par conjecture : a Le paya dcoait n'être qu'une Im^
mense forêt ^ s' étendant bien au-delà du château de La Salnie, dit un
oieil historien {i} de Saint-Yrieix^ puisqu'il y aoait là un lieu appelé le
Puy-'dea- Bêtes, c'est-à-dire le lieu oà se cachaient ordinairement une
forte quantité de bêtes ou d'animaux. » Quoique ce raisonnement n'ait
rien de bien concluant, il n'en est pas moins probable qu'avant le vi^ siè-
cle, le lieu d'Atianum n'était en effet qu'une forêt sauvage et déserte, pro-
pre à fournir un repaire aux bêtes féroces, ou un asile aux saints ermites
qui voulaient abandonner le monde, pour louer Dieu dans la solitude.
A cette époque, chaque foréi du Limousin voyait s'élever dans ses pro-
fondeurs, jusqu'alors inhabitées, de modestes oratoires où accouraient en
foule les populations voisines afin d'obtenir les faveurs de Dieu. C'étaient
les habitations de pieux solitaires, dont la renomm(''e s'étendait bien vite
dans les pays éloignés, et qui bientôt se voyaient entourés de nombreux
prosélytes qu'attirait l'éclat de leurs miracles. Autour de la chapelle les dis-
ciples construisaient leurs cellules : et que de villes modernes doivent leur
origine à ces chétives cabanes des premiers ermites. Alors l'amour de Dieu
faisait les villes autour d'une sainte église, comme plus tard la crainte des
hommes fit élc/er les cités aux pieds des donjons féodaux.
(1) Almanach du bureau des longitudes,
(2) Mo range.
612 SOCltrÉ ARCHÉOLOGIQUE BT mSTOHIQUB DU LIMOOSIK.
Les forêts de Pave et de Gomodolîac commençaient à se peopler ft la saiie
de Saint-Léonard et de Saint-Junien, celle d^Âltaoum allait deveutr la
iJemeure d'un saint non moins illustre.
Suivant une généalogie fort ancienne de saint Yrieix, extraite des archi-
ves du chapitre de Saint-Martin de Tours, Arédius était le fils de Jocoode,
gouverneur de Limoges sous Clovis. il était allié par sa mère Pélagie à h
famille des Mérovingiens, et très proche parent du roi des Francs austra-
siens» Théodebert. Grégoire de Tours, son contemporain, sans coofirmer
précisément cette illustre origine, nous apprend que ses parents « teoaieotà
Ijmoges tout à fait le rang d'hommes libres », et son récit semble fixer
la naissance du saint au commencement du vi^ siècle.
Quoiqu'il en soit de son extraction royale, il est certain qu^Arédios fo^
envoyé jeune encre à la cour du roi Théodebert, et quil y exerça la chai^
importante de chancelier. Mais la vie bruyante du palais, les jeux san-
glants, les repas tumultueux des leudes francs convenaient peu à son ime
mélancolique et déjà remplie de l'amour divin. Ses seuls plaisirs étaient
l'étude et la prière, sa seule ambiiton, le royaume céleste et le titre de r^o-
fesseur de Dieu.
Car déjà il avait appris à ronnattre la vraie religion au raoaasière du
VIgeois, où il avait passé son enfance.
« En ce temps, la ville de Trêves avait pour évéque Nicet, bomme d'ooe
grande sainteté, et non-seulement d'une admirable éloquence dans la pré-
dication, mais très célèbre aussi parmi le peuple par ses bonnes œuvres et
ses œuvres merveilleuses. Rencontrant le jeune homme au palais du roi,
et remarquant dans sa figure je ne sais quoi de divin, il lui ordonna de le
suivre. Lorsqu'ils furent arrivés dans sa cellule et eurent parlé des choses
de Dieu, l'adolescent demanda au bienheureux évoque de le cori|^r, de
l'instruire, de l'éclairer et de l'exercer dans la connaissance des livres
divins (4) «. Nicet s'attacha le jeune néophyte, Ia garda auprès de lai* loi
enseigna les vérités chrétiennes, et enfin lui donna la tonsare.
Dieu manifestait déjà la gloire de son confesseur par des miracles et
témoignait d'une manière éclatante que son élu était rempli de la grâce da
Saint-Esprit. Car, un jour qu'Arédius, réuni aux autres disciples de Nicei,
chantait les psaumes dans la cathédrale de Trêves a une colombe descendit
de la voûte, et vint en voltigeant se placer sur sa tête. Lui, s'efforçanl de la
chasser, non sans une honte modeste, elle voltigea encore un peu, pais
revint se placer sur sa tête et son épaule : et non-seulement dans réglise,
mais lorsqu'il rentra dans la cellule de Tévêque, elle voulut continuer de
demeurer avec lui. Cela dura pendant plusieurs jours, ce que Tévéque ne
voyait pas sans admiration (2) ».
La mort de son père et de son frère, Eustache (3), rappela Arédius dans
son pays, auprès de sa mère Pélagie, qui n'avait plus de parents que daoj*
ce fils-là.
(1) Grégoire de Tours. — Trad. de M. Gulzot.
(2) Grégoire de Tours. — Trad. de M, Guizot.
(3) Généalogie de Saint- Yrieix, ma.
CIIRONOLOGIR DB l'hISTOIRR DE SAINT-YRIEIX-LA'PRRClIR. 6l3
Ce fut alors, vers 570, qu'il résolut de se retirer du monde ei d'abandon-
ner les affaires lerrestres, pour se consacrer tout entier au service de Dieu.
II fit bâtir à Limoges Téglise de Saint-Michel de Pîslorie, fil chercher les
reliques de plusieurs saints pour en enrichir sa nouvelle fondation, et vint je-
ler à Altanum les fondements du couvent à qui la ville de Saint-Yrieix doit
son origine. « il lonsura ses propres serviteurs, en fil des moines et leuf
imposa la règle non seulement de Cassien, mais aussi de Basile et des
autres abbés qui avaient institué des ordres monastiques (1)». Pendant qu*à
leur téta il défrichait la terre et glorifiait Dieu par le jeûne et Toraison, sa
pieuse mère veillait aux travaux domestiques, apprêtait la nourriture com-
mune et les vêtements des nouveaux cénobites, allégeant par la prière ses
rudes occupations.
Arédius vivait ainsi dans son monastère, partageant sa vie entre les tra-
vaux des champs ci l'élude des choses divines, guérissant chaque jour par
de nouveaux miracles les malades qui arrivaient en foule vers lui, et ne
quittant sa ct^llule que pour aller en pèlerinage aux tombeaux de Saint-
Julien ou de Sainl-Mariin, lorsqu'un terrible événement le força à regagner
cette cour qu'il croyait avoir abandonné pour jamais. C'était en 579 : le
froid avait été excessif, les vignes avaient gelé, et malgré cela le référen-
daire de Chilpéric, Marc, avait imposé à chaque habitant un impôt de deux
pots de vin par arpent de vignes. Le peuple s'était soulevé à Limoges, avait
incendié les livres du fisc et maltraité le référendaire qui ne fut sauvé que
par la protection de Saint-Féréol, alors évéque. Chilpéric furieux envoya
Jes émissaires en Limousin qui éteignirent la révolte dans des flots de
sang.
Plusieurs prêtres furent même torturés et condamnés à mort. Arédius ne
put voir sans être ému une pareille affliction s'étendre sur se^ compatriotes;
bravant la colère du roi, il se rendit à sa cour, et par ses prières désarma
le courroux de Chilpéric, qui dans un moment de repentir brûla lui-même
toas les registres de rimp6t.
A peine de retour dans son couvent, il en fut arraché de nouveau pour
porter encore des paroles de paix à la cour d'un autre roi, à la cour de
Gontran. Il alla lui demander la grâce du duc Didier qui avait abandonné
le parti du roi de Bourgogne pour celui de l'aventurier Gondovald, élevé
sur le pavois de Brive-la-Gaillarde, et il fut assez heureux pour Tob-
teoir (2).
Ce fut la dernière fois qu'on le vit se mêler aux affaires du siècle. Il vécut
encore qnelque temps dans son monastère, croissant de plus en plus en
sainteté et en réputation, opérant chaque jour de nombreux miracles ;
mais ses jours étaient comptés et Dieu le rappela bientôt à lui. Il était allé
à Tours visiter le sépulchre de Saint-Martin ; et « y étant demeuré quelques
jours, rapporte Grégoire de Tours, ii nous dit qu*il n'avait plus de longs
jours à rester dans ce monde, et que certainement il mourrait bientôt. Il
(1) Grégoire de Toors.
(2) Grég. de Tours.
(yii SOCli^.TÊ AECHÉOLOfîlQUE ET HISTORIQUE DU LlHOUSIIf.
nous dil adieu, e(, s'en allaul, rendit grâce à Dieu de ce qu'avant de mot-
rir il avail obtenu de baiser le tombeau du bienheureux évôqae. »
En arrivant à sa cellule il 6t son testament, qui nous a été conserré, par
lequel il désigna Téglise de Saint-Hiiaire à Limoges pour le lien de $2
sépulture, institua pour ses héritiers les moines d'Attanum el Téglise 4e
Saint-Martin de Tours, sou« la dépendance de laquelle il mit son manastèfe.
nomma Astidius, abbé du Vlgeois, pour son successeur et légua à di?erses
églises, entr'autres au monastère du Yigeois, des richessses considéra-
bles (1).
a Le sixième jour de sa maladie, une femme souvent tourmentée de
Tesprit immonde, que le saint n'avait pu guérir, s*étant fait lier les malci
derrière le dos, commença à crier et à dire : Courez, ciiovens, sorte:
promptemeot, peuple de la ville, allez au devant des martyrs et des confes-
seurs qui viennent se réunir pour les obsèques du bienheureux Arédias.
Voilà Julien qui arrive de Brioude, Privai de Mende, Martin de Tours, Mar-
tial de sa propre ville. Saturnin arrive de Toulouse, Denis de la ville df
Paris, et en voilà beaucoup d'autres de ceux qui habitent le ciel et qae
vous adorez comme martys et confesseurs de Dieu. — Et comme elle com-
mençait à crier ainsi dans les premières heures de la nuit, elle fut attachée
par son maître.
a Mais rien ne put la contenir, elle rompit ses liens et commença à mar-
cher vers le monastère, en répétant les mêmes paroles. En même temps le
bienheureux rendit Tesprit, non sans un témoignage de cette vérité qu'i!
avait reçue par les anges. Lors de ses funérailles, cette femme, avec une
autre que tourmentait aussi le malin esprit, dès que le sépulcre fut fermé.
se trouva délivrée de la malice des démons qui la persécutaient; et je crob
que ce fut par Tordre de Dieu qu'il ne put la guérir pendant cette vie mor-
telle, afin que par ce miracle ses funéraillles fussent glorifiées (2) •.
Arédius mourut le 95 août 59t, et c*est ce jour que l'église le fête. S«9
funérailles furent célébrées par saint Féréol, et il fut inhumé dans l'église
de Saint-Hilaire ou restèrent ses précieuses reliques jusqu'en 1 178.
MIRACLES DE SAINT YRIBIX
La vie des hommes extraordinaires nous apparaît toujours entourée d'no?
auréole de merveilleux, semée de prodiges surhumains, dans lesqoeis
Tenlhousiasme exalté reconnaît sûrement le doigt de Dieu et qu*il regarde
comme des signes infaillibles de prédestination, lorsque ce sont le pla>
souvent de simples effets de la nature. Mais parmi ces hommes, les saiot?
surtout possèdent le privilège de ces aventures miraculeuses, et parre
qu'ils ont des droits légitimes à la protection divine, on dirait, k entendre
leurs légendaires, que Dieu s'est démis en leur faveur de sa toute-puissance.
Aussi quelle foule de miracles bizarres, de merveilles peu surprenantes
(1) TesUment de Saint- Yrieix.
(2) Greg. de Tours.
CHRONOLOGIE DK l'hISTOIRE DE SAINT* YRIBIX-LA-PERCHR. GI5
ont accomplis nos premiers saints, lorsque Tesprit crédule et superstitieux
de nos ancêtres attribuait k une cause surnaturelle les phénomènes tout
naturels que Tignorance leur rendait incompréhensibles. Les miracles de
celte sorte ne sont pas rares en Limousin : lémoio le loup de Saint-Psalmet
qui, ayant eu Tincroyable audace de dévorer Tâne de Termite, fut obligé
de le remplacer dans son service et de porter à la cellule le bois dont était
chargée sa victime (I).
Sous ce rapport, saint Yricix n'a rien a envier aux autres saints, ses
compatriotes ; il a eu sa large part des faveurs divines; et c'est sans doute
à sa considération que son père Joconde, sa mère Pélagie et sa nièce Karis-
sime doivent leur titre de bienheureux. Cette dernière qui était ensevelie
dans notre église, avait la charge de faire retrouver les faucons perdus; et
son image ne manquait pas d'être placée auprès des volières seigneuriales.
Quant à saint Yrieix, ses pouvoirs étaient universels et sans doute aussi
plus réels, car plus heureux que beaucoup d'autres, ils les a conservés
jusqu'à nos jours. Il guérissait les maladies curables et incurables, rendait
la vue aux aveugles, Fouie aux sourds, la force aux paralytiques, chassait
les démons, délivrait les prisonniers, arrêtait les fléaux, découvrait les sources
souterraines, en un mot accomplissait toutes les espèces de miracles connus,
comme nous rapprennent ceux qui ont écrit de lui aux différentes époques.
Ainsi, allant un jour avec sa mère à la basilique de Saint-Julien, à
Brioude, il arriva vers le soir dans un lieu aride et que l'absence d'eau cou-
rante avait rendu stérile. Sa mère lui dit : Mon fils, nous n'avons pas d'eau;
comment pourrons- nous passer ici la nuit? Mais lui, prenant une baguette
(probablement de coudrier), la tourna deux ou trois fois dans le sable, et
il en jaillit une source abondante (9}. Pour ce miracle, quelques siècles plus
tard rinquisition l'aurait brûlé comme sorcier, et de nos jours l'Académie des
sciences l'aurait relégué au rang de ces pâtres divinateurs qui avec le fa-
meux bâton fourchu découvrent l'eau au sein de la terre.
Une autre fois, pendant qu'il voyageait, un nuage de pluie commença à
venir sur lui, et comme il avait sans doute négligé de prendre son man-
teau, il était exposé à se mouiller, lorsque, levant les mains au-dessus de
la tête et s'inclinant un peu sur le cou de son cheval, les nuages se divisè-
rent en deux parts et répandirent autour de lui des torrents d'eau, sans
qu'une seule goutte vint le toucher (3).
Les maux de dents, il les guérissait sans douleur. Un citoyen de Tours,
Westrimond, surnommé Tatlon, souffrait d'un violent mal de dents qui
avait fait enfler sa mâchoires; il s*adressaau bienheureux : et celui-ci ayant
imposé sa main sur l'endroit où il souffrait, la douleur disparut aussitôt, et
depuis ne se réveilla plus (4).
C'était un saint aristocrate que saint Yrieix, et ce qui le prouva bien, c'est
qu^après sa mort aucune force humaine ne fut capable de transporter son
(1) CoLUN« Viei des Saints du Limousin.
(S) Grég. de Tours.
(3) Id.
(4' Id,
61 C SOCléTÉ ARCHÉOLOGlQim ET HISTORIQUE l>ll LIMOITSIII.
corjis sur la place des Savetiers (4)* Que dois-tu donc penser là-hant de t^
protégés, 6 notre illustre patrori, et de quel œil courroucé dois-la regarda'
cette ville qui autrefois t'était si chère, alors que tu en éloignais la peste f
la famine ?
Au XVI* siècle, il se fit plusieurs miracles que nous a rapportés un témc:
oculaire, M. de Jarrige. C'est en 1599 un homme de Coussac qui, aan
demeuré aveugle pendant trois ans, recouvre la vue aussitôt après s'f(r>
frotté les yeux avec la soie qui enveloppait le chef de saint Yrieix. Ce sec:
des femmes de Léymérigie et de Montluc qui, vouant à saint Yrieix leerç
enfants morts-nés, les voient ainsi rendus à la vie.
Et plus près de nous encore, en 4806, cest un journalier des Salices,
Jean Frange, dit Regourdi, qui, n*ayant pu marcher jusqu'à Vàge de$cS
ars, retrouve Tusage des jambes au milieu de la procession des reliques ûf
saint Yrieix où l'on avait fait vœu de le porter, et remonte seol et ssss
secours jusques chez son père. « Il vit encore et marche aussi bien qn'ac
autre. » dit M. Morange, Thistorien, qui rapporte ce fait en 1837. Un aotrt
enfant fut guéri de même dans les Barris (2).
Je pourrais citer encore bien d^autres miracles par lesquels le saint patron
de cette ville a fait éclater sa puissance, Ténumération est loin d>n étn-
épuisée ; mais ceux que j'ai rapportés ne sont-ils pas déjà suffisants poor
établir, aux yeux même des plus incrédules, la sainteté d'Arédios ?
DEUXIÈME RËCIT.
(DE LA FIN DD VI* SlÈChB A LA FIN DU XII* SIÂCLB).
De tous les doyens de Saint-Yrieix, Bernard fut sans contredit le plas
illustre et celui qui joua le rôle le plus considérable. A la mort de sec
frère Aymar IV, arrivée en \ 148, il fut nommé tuteur de son fils Boson,d:t
Aymar Y : et en cette qualité il administra à son profit, concurremmeoî
avec son frère Arehambaud, la vicomte. Les bourgeois de Limoges Fayaoi
insulté au moment où il se faisait remettre, comme représentant du vicom le,
une pleine main des deniers qu'on fabriquait à la monnaie publique, il sVo
vengea en conseillant au roi d^Angleterre de renverser les remparts ds
château (castri), rebâtis depuis peu. Ce roi était alors à Limoges avec^^n
épouse Aliénor et venait de s'y faire sacrer duc d'Aquitaine (M52). Mécos-
tent lui-même de Taccueil qu'il avait reçu de la part de l'abbé de Saîot-
Marlîal, il suivit le conseil de Bernard, et les murs de la ville proprement
dite furent détruits de fond en comble (3).
Bernard avait profité de la minorité de son neveu pour agrandir ses pos-
sessions; et Aymar, pour recouvrer ses biens, fut obligé de lui faire b
guerre. En 1 173, le vicomte mit le siège devant le château d'Excideuiidoot
(1) Geoffroi db Vioeois, Ch. XV. AtUno monasterio magnus iUe qiiiescit Arediu», euic»
corpus ad testimonium urbanae nobUitatis per plateam cerdonum deferri nequivit.
(2) M. Morange, m^.
^3) N» du Frelon 15, 30 décembre 1830 cl 26 janvier, Ch. un et liv.
CHBONOLOGIB DB l'biSTOIRB DR SAINT -TRIKIX-LA-PEaCHE. 617
son oncle s'était emparé, et après un siège d'un mois, il parvint à Ten
chasser. Ce fut le signal d'une guerre générale entre tous les seigneurs du
Limousin, guerre qui dura jusqu'à ce qu'Aymar eût donné à son oncle
nernard le château de Salon à ta place de celui d'Excideuil. Mais Archam-
l>aud qui l'avait enlevé à son neveu, ne le restitua que l'année suivante, et
Bernard, dans un traité de paix définitif, l'échangea contre le château de
Saint- Yrieix (1).
Le doyen était alors arrivé au comble de sa puissance ; mais son pou-
voir le rendit imprudent. Il s'aliéna le roi d'Angleterre, son ancien appui,
en favorisant, contre te gré de ce prince, l'élection de Sebrand Chabot à
Vé\éi\ié de Limoges, élection qui s'élaitfaitc secrètement dans l'abbaye de
Saint-Yrieix. L'intrigue fut découverte au mois de septembre 1 178. a Pour
y avoir participé, les chanoines furent chassés de leur propre demeure,
l'église devint veuve de ses fils, et fut privée pendant vingt et un mois des
saints mystères (2). Bernard, en expiation de ses péchés, entreprit le
voyage de la terre sainte, et il mourut en revenant de son pèlerinage. Il
rapportait de Jérusalem de précieuses reliques et de riches tissus que
GoufBcr de Lasiours recueillit et remit à Téglise de Saint-Yrieix (3).
Au temps où Bernard était doyen se rattachent deux faits très intéres-
sants pour l'histoire de notre ville : le passage d'Henri II, roi d'Angleterre, à
Attanum, et la translation des reliques de saint Yrieix.
En {182, Henri 11 était accouru d'Angleterre avec Henri le Jeune pour
porter secours à son suzerain Philippe Auguste, attaqué par les seigneurs
de son royaume, ayant à leur tête le comte de Flandre ; mais à son arrivée
on France, il trouva la paix rétablie, et il en profita pour visiter ses pos-
sessions d'Aquitaine désolées par la guerre que le duc Richard Cœur-de-
Lion faisait au comte d'Angoulèmc et à ses partisans.
Richard était alors occupé au siège d'Excideuil qui appartenait à Hélie do
Talleyrand ; son père l'y rejoignit peu de temps après la Pentecôte, et,
après s'être emparé des faubourgs du château assiégé, il revint sur ses pas.
a II s'arrêta à Saint-Yrieix pendant quelques jours, se fil présenter la vie
(lu saint, la lut avec respect, et, laissant dans la ville une garnison suffi-
sante, il alla faire le siège de Pierrebuffière qui capitula au bout de douze
jours. »
De là, il retourna à Périgueux pour réunir ses forces à celles de Richard
(|ui assiégeait le Puy-Saint-Front, et Henri le Jeune s'y rendit lui-môme, le
I®' juillet, en passant par Sainl-Yrieix.
L'ordre des faits nous amène à placer ici une discussion historique, et
qui, je l'espère ne paraîtra pas oiseuse, sur les reliques de saint Yrieix.
Un chroniqueur du xii' siècle, mort en 1183, et par conséquent vivant au
temps de la translation du corps de saint Yrieix, qui, par sa position,
devait être bien instruit des événements religieux du diocèse,. GeoflFroi,
moine de Saint-Martial et plus tard prieur de Vigeois, nous a transmis sur
cette translation des détails sans doute très vrais, mais qui sont en opposi-
(1) Voir numéro» du Frelon,, de» 15, 30 décembre IS.Ml Pt Sfi janvier. Chap. LXvii;.
^2) Geoff. du Vig. Ch. lxx.
(3) td. Ch. xxit.
618 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMODSIK.
lion avec cette opinion généralement reçue, que le corps de saint Yrieii
resta dans Téglise de notre ville, après y avoir été transporté.
Saint Yricix avait par son testament choisi pour le lieu de sa sépnltorf
Téglise de Saint-Hilaire à Limoges. Pépin -le-Bref, en 7d3, passant par
cette ville, place dans deux coupes ces précieuses reliques, ei elles farea
conservées à Limoges jusqu'en H 78. (ieoffroi du Vigeois vient confirmer ce
fiit en nous apprenant que, vers 1130, Elle, fils du vicomte Aymar Ifl, est
enterré à Limoges sous le sépulcre de saint Yrieix (i).
Ce môme auteur raconte aussi la translation de <^es reliques en ces ter-
mes : « Le dimanche après les rogations, le 46 des calendes de juin (c'est-
» à-dire le 18 mai), le corps du bienheureux Yrieix est retiré de son tom-
» beau par Tévéque Sebrand, les abbés du Vigeois et de Brantôme, Goil-
» laume et Eudes, et les prieurs du Ghalard et de TArtige, parce qu*oo se
» préparait à reconstruire les murs de la basilique. Le vicomte Aymar ave^
» une foule innombrable, et en même terAps les seigneurs de Lastonrs por-
» tcnt, suivant la coutume, le corps du saint sur leurs épaules • (2).
Du reste, pas la moindre indication sur le lieu où les saintes reliques
sont déposées. Et à Tannée 1182, il ajoute : <( Le corps du bienheureux
» confesseur Yrieix est rapporté solennellement à son ancienne place par
» Guillaume, abbé du Vigeois, Barthélémy, prieur du Ghalard, Gérai Se-
» guin et Gouffier de Lastonrs, en présence du vicomte et de tout le peoi
» pie » (2).
Ce fait est précis et rapporté par un homme digne de confiance ; aussi, à
moins qu'il n*y ait eu une translation postérieure dont Thistoire ne fait pas
mention, il est probable que le corps de saint Yrieix u'a jamais reposé dans
notre ville, et que le Moûtier n*a jamais possédé des reliques de son patrou
que le chef qu'on y vénère encore. Le reste du corps aura disparu saos
doute, lors de la destruction de Féglise de Saint-Hilaire, et aura subi le sort
commun aux reliques des autres saints de la famille de saint Yrieix. Ea
effet» qui nous dirait mieux où reposent aujourd'hui les restes de saint
Joconde, père d' Yrieix, de sainte Pélagie, sa mère, et de sa nièce sainte
Rarissime?
Avec Yrieix s'éteignit la splendeur momentanée d'Âltanum. Les reliqoes
du saint n'étaient pas là pour attirer par leurs miracles la foule pieuse et
souffrante ; ses moines n'étaient encore que de pauvres serfs ignorants et
incapables de prêcher aux hommes la parole divine; et son monastère
n'était qu'une modeste colonie, où chaque habitant, devenu le serviteur de
Dieu après avoir été l'esclave des hommes, s'adonnait comme auparavant
aux pénibles travaux du sol, célébrant par de naïves, mais ferventes prières,
ce roi du ciel qui les affranchissait de la servitude des rois de la terre.
Aussi l'histoire qui avait répandu dans le monde la renommée de leur pre-
mier abbé, se taisait-elle devant leur vie tranquille et ignorée : et c'est A
peine si, à de longs intervalles, quelques donations pieuses viennent révéler
l'existence du nouveau monastère.
(1) GEOFr. DE ViOEois, 1"* partie, ch. xxxvii : qui umen Helias... sub corpore S. Aredu..
Lemovicae tumultatur.
''2) Id.. t"* partie, ch. jcxii: : Patris Âredii beatissimi corpas loco pristino solemniter refer-
tur.... etc.
CHRONOLOGIE DE l'hISTOIRE DE SAINT-YRICTX-LA-PERCHE. 6i0
Cependant, sous les mains des moines, le sol se défrichait et se cultivait;
la Taste forêt d'Attanum entendait résonner, mêlé aux chants d'église, le
bruit des instruments du travail, et voyait, au milieu de ses profondeurs
jusqu'alors incultes, se dresser dans des champs nouveaux des moissons
inconnues; les bâtes sauvages cédaient leur antique demeure à un peuple
d'ouvriers et de laboureurs qui venaient prendre leur part d'une terre sans
maître et établir leurs habitations sous la puissance protectrice d'une sainte
basiliqu*. '
La vie cénobitique, austère mais utile, se continua ainsi pendant près de
deux siècles dans le monastère d'Attanum, sous les successeurs d'Astidius,
son second abbé, et c'était encore la règle monacale qui subsistait, au
milieu du viii« siècle, comme nous l'apprend le testament de Karissime,
nièce de saint Yrieix. Vers 759, cette pieuse femme, voulant enrichir
de ses libéralités la fondatiou de ses ancêtres, disposa, avant de mourir,
de tous ses biens, qui étaient immenses, en faveur du couvent d'Attanum.
Elle lui légua à perpétuité le monastère de Roseille, près d'Aubusson, avec
ses deux cents manses et ses trois cents broderies, mit les moines sous la
dépendance de ses abbés, et n'exigea pour un tel don que la faveur d'être
ensevelie dans la basilique d'Attanum, dans un magnifique tombeau qu'elle
avait acheté du comte de Narbonne (I). Le mausolée a disparu, mais
on remarque encore au Moûtier (l'ancienne église du monastère), près de
la porte du cloître, une pierre scellée qui recouvrait, dit-on, le corps de
Karissime. On peut même voir au bas des marches du grand autel, du côté
du chœur, une pierre sculptée, usée par le temps et le pas des prêtres où
Ton distingue, quoique difficilement, un chevalier dans le costume du
XII® siècle, tenant sur le poing un faucon : c'était peut-être une pierre
vouée pour quelque oiseau perdu à la sainte patronne des chasseurs.
Mais ces libéralités ne relevèrent que momenlanément la prospérité du
monastère d'Attanum : les fîefs légués par Karissime furent bientôt enlevés
par les vicomtes d'Aubusson, et les moines, sans appui et sans forces mili-
taires^ furent contraints de renoncera leurs possessions de la Marche, au
moins pour plusieurs siècles.
En même temps ils cessaient de cultiver la terre, qui jusque là leur avait
procuré les choses nécessaires à l'existence; si bien que, pillés par les
seigneurs voisins de leurs domaines, et n'ayant pas encore distribué le sol
à des serfs qui leur payassent la dlme, il virent leur nombre se réduire de
jour en jour et leur maison tomber en ruines.
C'est dans cet état de misère et de délabrement que Pépin trouva le mo-
nastère d'Attanum, lorsque la guerre d'Aquitaine l'appela en Limousin.
Ce roi, ami du clergé auquel il devait la consécration de son usurpation,
et voulant s*appuyer sur celui d'Aquitaine pour établir sa domination mé.
connue dans cette province, semait partout sur son passage les donations
en faveur des églises et des monastères, relevait les uns de leurs ruines
et en édifiait de nouveaux. Dans une de ses exp<^ditions on Aquitaine,
vers l'an 763, il passa à Allanum, pour se rendre de Uahors à Limoges.
;i) Gallia christiana, t. II, Instrumenta.
0;!0 i^OClÉTF. AltGlié'3L061QUB KT HISTORIQOB DU LIMOOSI:*.
Los moines lui présenlèrent les Charles de doDatioas qui leur avaiest é^
faites par Sigebërl, roi d'Auslrasie. Cbildebert II, son fils, Bruaehaut, s«:
épouse, cl Théodebert Tbéoderic, ses pelils-fiis. Le fondateur de la dynasii^
carlovingienne ne voulut pas se montrer moins généreux que les MéroviB-
giens ses prédécesseurs. 11 se proposait de rendre au couvent sou ancieDoe
splendeur, de le faire même plus puissant que jamais, tout en y laissas.
subsister l'ordre monastique ; mais les moines, dégoûtés de la vie dort
et austère des premiers cénobites, demandèrent avec insistance 1er
sécularisation. Les raisons qu'ils firent valoir sont étranges. Leur monas-
tère, disaient-ils, était une maison royale où arrivaient de toutes par.5
des hôtes qu'il fallait héberger ; puis le sol ne pouvait plus leur prorarer
leur pain de chaque jour et les ruisseaux étaient sans poissons. Or, ajoa-
laient-ils, — de même que pas de poisson sans eau. de même pas dt
moine sans poisson, et partant pas de règle (I).
Sur l'avis des grands de sa cour. Pépin accéda à leur demande : les
pauvres moines devinrent de riches et puissants chanoines. II établit
trente-deux prébendes pour fournir à la subsistance d'autant de chaDoiDP5
et il plaça ceux-ci sous le pouvoir de quatre grands dignitaires : un abbé,
un doyen, un grand -chantre et un sacristain ; il exempta de tout iHbst
et de toute redevance à perpétuité la nouvelle collégiale, avec ses serfs et
ceux qui seraient à son service ; il fit les chanoines hauts justiciers dans
rétendue de leurs terres, et les rendit indépendants de toute puissance
laïque, hors la puissance royale. Toutefois ils ne cessèrent pas, malgré
leur sécularisation, d'être soumis à l'église de Saint-Martin de Tours sou<
la dépendance de laquelle Yrieix avait en mourant placé son monas-
tère (î).
Charlcmagne maintint les privilèges accordés par son père à Tancie^
couvent, maintenant abbaye collégiale et séculière de Saint-Yrieix :
s'étant arrêté en 778 à Atlanum, lors de sa seconde expédition en Espagne,
il confirma la donation de son père dans un diplôme spécial où il la rap-
pelle tout au long, et qu'il fil déposer et garder dans les archives du cha-
pitre de Saint-Martin de Tours. Parmi les signataires de l'acte figure Tabhc
Léon (3).
De celle époque dale véritablcmcnl la puissance de Tabbaye de Saioi*
Vrieix : ses possessions étaicnl immenses et s'étendaient dans le Péri-
gord, le Haut et le Bas-Limousin, la Marche, l'Angoumois. et jusque dan^
l'ilc d'Oléron : ses doyens, indépondanls de Tévôque de Limoges et sou-
mis seulement à Taulorilé du chapitre de Saint-Marlin de Tours qui était
trop éloigné pour pouvoir exercer sa suprématie d'une manière efficace-
ses doyens, dis-je, étaient des prélats aussi puissants que beaucoup d>vé-
qucs, et souvent ils échangeaient leur bourdon contre la crosse épisio*
pale. Ainsi Slodilus, abbé de Saiot-Yrieix d'Altanc, fut le trenlre-troisiêmc
évoque de Limoges. 11 avait été chargé auparavant, en 845, d'apporter lo>
(1) GalL christ., t. II, Instr
(2) /d., ib.d,
(3) Id,, ibid.
CnRO.XlLOGlK DE L'HISTOIRB DE SA1TT-TRIIUX-LA.-PKBCH8. Oïi
restes d'Hatton, autrefois duc d*Aquitaine, à Téglise d'Âlaon que saint
Wandrégisile, descendant de ces princes, avait fait élever dans le Haut-
Aragon et dédiée à la Sainte-Vierge (i).
Cette prospérité eitraordinaire fait dire au vieil historien déjà cité, tou-
jours M. Morange, que « la ville de Saint-Yrieix, suivant Thistoire géné-
rale, est la ville chérie des rois de la première et de la seconde
race des rois de France. » Nous laissons à son auteur la responsabilité
d^une pareille assertion, tout en regrettant qu*ii ne nous ait pas fait part
des faits sur lesquels il motivait son dire.
Car quoiqu'il affirme, nous n'avons trouvé dans Thistoire générale, jus-
qu'au xi^ siècle, que le petit nombre de documents que nous avons
cités.
En I05t, les chanoines de Saint-Yrieix, gr&ce à la protection de Guil-
laume, comte d*Âuvergne, recouvrent le Moùtier-Roseille qui leur avait
été légué par sainte Karissime et enlevé par les vicomtes d'Aubusson. Un
de leurs descendans, Renaud ou Ramnulphe, effrayé de ces paroles de
l'Evangile : le fils ne portera point l'iniquité de son père, et peut-être
plus encore de la protection accordée aux chanoines de Saint-Yrieix par
le comte d'Auvergne, fit réparer le monastère détruit par ses prédéces-
seurs, le replaça sous l'autorité des chapitres de Saint-Yrieix et de Saint-
Martin de Tours en faveur desquels il se désista de toutes ses prétentions
et assura l'indépendance des clercs, en statuant dans sa charte de dona-
tion que quiconque frapperait un clerc, serait condamné à perdre la main
coupable ou à payer au chapitre de Saint-Yrieix cent livres d'argent pur,
sous peine de devenir serf du monastère. A cette restitution il joignit le
don des églises de Saint-Priest et de Saint-Julien dans la Marche. Enfin il
autorisa ses vassaux à faire des donations pieuses à Tabbaye de Saint-
Yrieix, et plusieu^'s imitèrent son exemple. C'est ainsi que notre chapitre
devint possesseur de la chapelle d'Aubusson qui lui fut léguée par Rotgé-
rius et Amélius, tous deux frères, et par Eymery Gorza (9).
Les chanoines de Saint-Yrieix prirent solennellement possession de
leur nouveau fief en y transportant la châsse de leur patron, qui signala
à cette occasion ses mérites par de nombreux miracles (3). A cette époque
l'abbé de Saint-Yrieix était Seguin, et le doyen, Ramnulphe, son neveu,
tous les deux d'une famille noble du château de Lastours, mais vassaux
toutefois des seigneurs de ce lieu. Ramnulphe donna au couvent de Saint-
Martial la ville des Cars et fut enterré ^ Limoges près de la demeure de
l'abbaye de Saint-Martial (i). Seguin est le dernier abbé connu de Saint-
Y'ricix : ce titre dut disparaître vers ce temps, et celui de doyen le rem-
plaça.
(1) FvUKiKL, Hist. de la Gauh: mérid.; chiric •! A H..r
(2) Gall. ehrUt., t. II, lostr.
(3> GfEOFFROI OB ViGEOIS, chap. XIV.
(4) Gboff. db Vie, ?• partie, ch. XXVI, GcUl. cJtrist.
G22 SOCIÉTB ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIHOUSIK,
PIÈCES DIVERSES
Vente de la préoôté de SaLnt-Yrielx consentie au chapitre de ScUnt-YrieU
par Alain d'Albret^ pour le prix de 1800 Uorea. 1483
Saichent tous presens et a venir que, en la court du Roy nostre sire, â
Tours, en droit par devant nous personnellement estably très haiiU et très
puissant prince, Alain, sired'AIbret, conte de Dreux, deGaure,dc Panlievre
et de Perregorl, viconte de Tartas et de Limoges, captai de Bach et sei-
gneur d*Avesnes, soubzmectant soy, ses hoirs, avecques tous et chacons
ses biens meubles et immeubles, ou qu'ilz soient, presens et a venir, i la
jurisdiction, cohertion, povoir et ressort de lad. court, sans nulle autre
advouer, requerre ne demander quant au fait qui s'ensuit : lequel seigneur
a congneu et confesse en droit, en lad. court,
comme il confesse, de son bon gre, certaine science, pure,
franche et liberalle voulente et sans contraincte de nulluy, tant en son
propre et prive nom, que comme légitime administrateur et ayant le
bail et gouvernement de Jehan. Gabriel, Pierre, Amenion, Loyse, Ysabeau,
Charlotte et Anne, ses enffans de feue Madame Fransoyse de Bretaîgne, sa
femme, avoir vendu, cède quicte et transporte, encores parla teneur de se^
présentes vend, cède, quicte et transporte des maintenant a tous jours mes,
perpétuellement, aheritaige, a vénérables personnes, les doyen, chanoines
et chappilre de l'église collégial de Saint-Yrieiy, vénérables scientifâcques
personnes, Messircs Pons de Salignac, doyen, et Bertrand de Royere, cha-
noine de lad. église, tant en leurs propres et privez noms que comme
procureur desd. chanoines et chappitre, ad ce presens et achaptans, pour
eulx, leurs successeurs et d'eulx ayans cause, la terre et seigneurie de la
prevoste de Saint-Yriey, tenue a foy et hommaige desd. doyen et chap-
pitre, ensemble la forteresse diruite, assise en lad. ville dud. Saint-
Yyriey, hommaige, hors les hommaigcs des seigneuries des Cars et de Las
Tours seulement, ensemble comport, droiz, devoirs, cens et rentes, justice
et jurisdiction, droit et ressort, estangs, moulins et autres appartenances
et deppendances quelzconques, et tout le droit que led. seigneur el Mes-
seigneurs ses enffans et chacun d'eulx peuvent ou pourroient avoir csd.
prevoste, terre et seigneurie et autres choses dessusd., et dedans les fins
el limites d'iccluy prevoste, a avoir, tenir, joyr, user, posséder et exploic-
ter desd. achapteurs, leurs successeurs et ayans cause d'eulx, lesd. choses
a eulx ainsi vendues, comme dit est, o tout droit de saisine, de posses-
sion, de propriété, de seigneurie et de domaine, avecques tous et chacuos
les droiz, noms, raisons, actions, pétitions, demandes réelles et person-
nelles, telles comme led. seigneur, vendeur ou non que dessus, y avoitel
avoir povoit paravant ccst fait, et entendoit a y avoir ou temps anteriurs
el en faire doresenavent toute leur plaine voulente, hault et bas, par nom
et tillredela vcndiliondessud: laquelle vendition a este et est faictc pour
le pris et somme de dix huit cent livres lournoiz, paiez contant eo courl,
en nostre présence es espèces d'or cy après declairees, c*ebt assavoir, en
CnnONOLOGlB DB L'HISTOIRB de SAlNT-TRtBlX-LA-PERGBE. 6i3
escuz au soleil, deux cens cinquante six, a trente cinq sols la pièce» val-
lant Iroys cens cinquante cinq livres cinq sols tournoiz ; fleurons, deux cens
cinquante six, vallans seize vingts livres, ducats ; cens quarenle, vallans
deux cens quarente cinq livres tournoiz ; salutz^ soixante unzc, vallans cent
vingt quatre livres cinq solz tournoiz; escuz a la couronne, soixante quatre,
vallans, xxxnj s. uijàd., cent six livres treize sols quatre deniers tournoiz ;
henricques, soixante cinq et demye, a quarente cinq solz pièce, vallans
cent quarante sept livres sept solz six deniers tournoiz ; lyons, quinze, val*
lans trente une livres dix septsols six deniers tournoiz; ung noble de Henry
vallanl soixante dix sol//, fleurons au monde, vingt ung, vallans vingt-huit
livres dix sept solz six deniers ; reaulx et nobles à laroze, quarente, vallans
cent huit livres, carlins, six livres unze solz ung denier, et le résidu en or et
monnoyes de diverses espèces qui se montent en somme toute, la somme
de dix huit cent livres tournoiz : des quelles sommes led. seigneur s*est
tenu et tient par devant nous pour content et bien paie, et en a quicle et
quicte lesd. achapteurs, leurs successeurs et ayans cause. Et par lad. ven.
dition faisant a este dit que Mond. seigneur recompensera Mesd. seigneurs
ses enfifans, et des a présent a voulu que pour recompense ils ayent et a
eulx demeure a jamais perpétuellement la chastellenie, terre et seigneurie
de Moneur en Perigourt; pour en joyr tout ainsi et par la forme et manière
qu*ilz eussent fait de sad. prevoste ; et aussi a voulu et promis led. seigneur
d*Alebret faire avoir pour agréable lad. vendition, et icelle faire ratifier et
approuver a Mesd. seigneurs ses enffans et a leur curateur, ce que sur ce
leur sera baille, et décréter et auctqriser lad. vendiiion par auctoritc de
justice, dedans la fesle de la Penthecousle prochainement venant ; et a
ce faire et accomplir se sont obligez expressément cl de leur bon gre Mes-
sire Antboine de Sallignac, chevalier, s*" dud. lieu de Sallignac, Kegnaul t
de Saint-Chamand, s*^ de Lissac, et Jacques de Livron, s' de Vart, presens
es choses dessus dictes, et ung chacun d'eulx seul et pour le tout, à la
peine de mil livres tournoiz à applicquer auxd. doyen et chappitre si lad.
paine est declairee commise par deffauU de non avoir accomply co que
dessus est dit. Et les quelles choses ainsi vendues, comme dit est, led.
seigneur vendeur en la qualité que dessus, tant pour lui que pour ses
hoirs et ayans cause de luy, a promis et promccl garcnlir, sauver, délivrer
et defifendre auxd. achapteurs, leurs successeurs et ayans cause, de tous,
vers tous et contre tous, et délivrer de tous empeschemens et encombre-
mens quelzconques a tous jours mais, perpétuellement, quoy qu*il advien-
gne, nonobstant droit, us, stille et coustumc de pays a ce contraire ....
, (formules ordinaires).
Ce fut fait aud. Tours et juge a tenir par le jugement de lad. court, led.
vendeur présent et consentant, et promist par les foy et serment de son
corps, pour ce corporellemenl baillez en noz mains, de non jamais faire ne
venir encontre. Et scelle, a sa requeslc du scel royal estably et dont Ton
use aux contratz en la ville, chastellcnie et ressort de Tours, entesmoing de
vérité. Donne le derrcnierjour de janvier, l'an mil cccc quatre vingts et Iroys.
Sous le repli :
Passe par nous. Signé : BoiuAN-CaiERCflAYs.
6U SOCitTR ARCBÉOLOGIQCB ET IIISTOHIQUE DU UU<IU1I>.
El celle iiolc écrite poslMeuremcnl :
> Cancpilc, pour ce que le rachapt de ccalc terre ■ csle Taït,
appert par insIruTUCDl pris par M" Pierre Conault, notaire de S'-l
ïij'de janvier iiij"iij. »
(Le sceau maD<
{ArcA. dép. des BasBes-Pyrénéee. S'-Yrieix. E, 801.)
" Lettres royaux obtenues par Messieurs du chappUre [de Sainct-Yri-
eys\ concernant le bruslement de leurs tUtrea par ceua: de ta reli-
gion B. — 1583. Copie du temps sur papier.
Henry, par la grâce do Dieu roy de France et de Pologne, au senécba
de LimousiD juge viguier de la cour royalle du commun pariage de Saiael-
Vrieys ou leurs lieuteneus ci chacun d'eux sur ce premier requis, salni.
Hos bien amez les doyens, clianoiues et cliappjires de l'esgtiïi; collegi»l1r
du dict Saincl-Yrieys nous ont faicl remoustrer (I) que le camp de ceux dr
la religion prétendue reformée, coriduicl par le feu admirai de Cliastilboo.
passa au mois de juin 1569 par la ville el lieux circonvoi^îias du diti
Sainci-Yriejs (i) et v séjourna l'expace (sic) do trois sepmaine ou cnriroo:
pendant lequel temps (3) les dlcis de la prciendue religion brûlèrent ci
démolirent en parlye loultea les esglizes de la dicte ville et mcsmes la
grande, en laquelle les dicis exposans celebroienl le service diviu, toereni
et meurlrireni inhumaiiiemenl les presbtres et autres, prendrenl, pillèrent,
ravirent et cmporicrcnl entièrement tous et cliacuns les orncmens royaui,
argenteries ei autres meubles des dicis e^;lizcs (4), rompirent cl consom-
merent en rcndres les lettres, Chartres, lillresi documcns el cnseigaernen-
de leur fondation et dmictz pour en faire pcr'lrc la mémoire (5);s*Dbi
prétexte de quoy la pluspart des subjetz, cmpithcotes [sic] ei rcpdevables
aux dicis doyen, chanoines et cliappitrc font a présent rcfuz de leur payer
los cens, renies et auirus droitz et debvoir» qu"ilz leur doibvcnt (6), el ;ilr]
leur en passer lïUres nouveaux cl recognoissanecs sans premic renie ai
II) La chincclteric ravale ae contente d'cDrcgiatrer 1« dcRlmUans <te la pulie inlcrcù.
nm llicmn inolituer une enquête roniradiulre. Le prii^i-i-vrrh.it d<! l'irreildlp de' làtiii'i:--
i-thbè Rarbicr de Montaalt (flu». de h Soc. hitlarigae de Brivt, 1«9!, p. 9»!. Il es p..«-
'^' demi". Touten n'ont donc pai été r.ri» e> lit-.-,
e» ici reproduite,.
CHRONOLOGIR DE L^HISTOIRB DB SAmT-TRIBIK LA PERCHE. 625
leur faire apparoir des originaux d'iceux» scachant bien qu'ilz oni esté
brusiés, pillés et emportés, ainsy que dlct esc : les privant et expoliani par
tel moyen di> leurs biens temporels dont ilz ont tousjours cy-devant jouy
plaineinent et paisiblement, voire de temps immémorial. A quoy ayant
esgard les dicts exposans nous ont très humblement requis et supplié
leur pourvoir.
Nous, à ces causes désirant leur subvenir en cet endroit, vous mandoni^
commettons et très expressément enjoignons par ces présentes que, sy
appcllées ceux qu'il appartiendra, vous appert sommairement, par infor-
raation ou autrement, deuhement de ce que dessus, mesmes des brusle-
mens, emportz et perte de leurs dicts tiltres des dicts cens, rentes,
droilz et debvoirs, de la teneur dMceux, ensemble de leur dicte pos-
session immemorialle ou de tant que suflire doibve, vous en ce cas,
en les maintenant de par nous en leur dicte possession et jouyssance,
faicles lesjouyr etuzer et leurs successeurs au dicte chappilre, plainemeiit
et paiziblemenl, de tous et chacuns leurs dicts biens, renies, droictz et
debvoirs, et leur en payer les arrerrages k eux deubz tant pour le passé
que dores en avant à Tadvenir, ainsy que cy devant ilz en ont tousjours
bien et deubemenl jouy et uzé, nonobstant que pour les raisons dessus
dictes ilz ne puissent faire apparoir des originaux de leurs dicts tiltres, [ce]
que ne leur voulons aucunement nuire ny prejudicier, ce dont en tant que
besoing seroit les relepvons de grâce especial par les dictes présentes, en
contreignant à ce faire, souffrir et obeyr tous ceux qu'il appartiendra ; et
pour ce seront à contraindre mesmes à passer aux dicts exposans tiltres
nouveaux et recognoissances de leurs dicts cens, rentes, droictz et debvoirs
par touttes voyes deuhes et raisonnables, nonobstant oppositions ou appel-
lations quelconques, pour lesquelles et sans préjudice d'icelles ne voulons
estre différé. Car tel est nostre pbnsir. Nonobstant aussy queizconqucs
lettres à ce contraires, de ce faire vous donnons pouvoir, mandons et
commandons k tous nos justiciers, olQciers et subjeiz que à vous en ce
taisant soit obéy.
iionné à Paris, le dixhuietieme jour de mars. Tan de grâce mil cinq cens
quatre vingts trois et de nostre règne le neufviesme.
Signé par le roy en son conseil : Bielment (?) et scellé du grand sceau en
cire jaune.
{Fonds Bosoieux, L, 37, des Archioea départementales de la Haute-
Vienne),
Consultation pour le chapitre de Saint-Yrielx, contre les empiétements
deséoêques de Limoges [i739].
Si M' TEvêque de Limoges envoie un mandement au chapitre de Saint-
Yrieixy ou qu'il vienne sans mandement pour visiter les doyen, chanoines et
chapitre de Sainl-Yrieix, ils auront un notaire royal assisté de témoins pour
dresser procès-verbal de la remontrance qu'ils feront au dit seigneur
évéque, savoir : qu'ils sont membre dépendant du chapitre Saini-Manin de
Tours, soumis immédiatement à la visite, correction et jurisdiction du dit
G26 SOCIÂTé ARCHEOLOGIQUE FT HISTOBIQUE DU LIMOUSIN.
chapitre, privalivemenl à tous autres juges ecclésiastiques, qu'il t de loos
temps exercée sur eux, et qu'ainsi, jouissant depuis un temps îmméoiona.'
de Texemption de la juridiction ordinaire, ils supplient très humblemeLi
ledit seigneur évéque de ne vouloir rien innover. Et en cas qu'au préjodic^
de ladite remontrance, ledit seigueur evêque voulût passer oufre, ils lei
déclarent quMls prennent sa procédure pour trouble à la possession immé-
moriale en laquelle ils sont d*étre visités par les députés dndit chapitre de
Saint-Martin de Tourss, formant complainte et demandant d*éire maintenas
et gardés dans la possession immémoriale qu'ils ont d*6tre visités et corrigés.
tant en corps qu'en particulier par les députés et officiers dudit chapitre de
Saint-Martin de Tour, d*étre exempts de la juridiction dudit seigneur evêqae
et soumis immédiatement a celle du chapitre de Saint-Martin de Tours,
protestant de nullité de toutes les procédures que ledit seigneur evéqee
pourrait faire au préjudice de ladite complainte, sur laquelle il est prealabW
à toute chose que le juge royal statue avant que ledit seigneur evèqoe
puisse passer outre, en conséquence lui déclarent qu'ils se retirent poar
ne pas nuire à leur possession immémoriale, dont ils donneront avis as
chapitre de Saint-Martin de Tours, leur supérieur.
Délibéré par M. Noubt,
avocat au parlement de Paris^
{Fonda Bosoieux^ L, 38, des Archives déparUmentales de la Hctute-
Vienne).
Extrait du Registre des délibérations du chapitre royal et collégial de
Saint 'Yrieix, au diocèse de Limoges, 1790,
' Au chapitre extraordinaire tenu au son de la cloche capUulaire el en U
manière accoutumée, auquel ont assisté MM. Pierre de Lamorelie dePui-
redon, doyen : Jean -Baptiste Valette, chantre; Jean- Baptiste Bonhomme de
Forestier, François Beaure, Jean-Baptiste Paignon, Pierre Mazard, Jean-
Françols de la Morelie, Joseph Paignon de Chantegraud, syndic ; Antoine-
Alexis Labroûhe de Laborderie, Pierre-Yricix I^brouhe de la Gondamioe,
Pierre Pichon, Elie Abriat de La Forest, théologal ; Jean de Sanzillon, cbt-
noiue capitulans de Téglise royale et collégiale de Saint-Yrieix, men>bre de
Tinsigne église de Saint-Martin de Tours, les dits sieurs capitulans ins-
truis que très prochainements on leur signiffîcra le décret portant suppres-
sion de leur chapitre, et qu'on procédera à l'apposition des scellés sar
leurs trésor, archives, effets et mobillier, considérans que quelques boas
citoyens qu'ils veuillent être, ils ne poevent se dissimuler rincompétance
de l'Assemblée nationale sur la hiérarchie en la jurisdiction ecclésiastiques.
Leur état, leur devoir, leurs obligations ne reconnurent jamais d*aatre
source que dans la puissance spirituelle, ils ne chercheront jamais à favo-
riser ou fomenter les murmures d'un peuple religieux qui gémit déjà de
la cessation très prochaine du culte public. Suivaos le conseil de Tapétre
Qbeditc prœpositis vestris, ils lui prêcheront toujours robéissance i l^
CHRONOLOGIE DE l'BISTOIRE DE SAINT-YRIBIX-LA-.PERCÎIE. 627
puissance civile ; mais dans ce mommenl leurs consciences les obligent à
déclarer el ^ consigner sur leur registre le témoignage de leur fidélité et de
leur attachement à la religion catholique et à son église ; que ce n'est qu*en
cédant à la force et à Tempire des circonstances qu'ils vont interrompre
leurs ofHces publics, s'opposans à toute innovation dans Tordre et puis-
sance ecclésiastiques, jusques a ce qu*un concile légalement et librement
convoqué et délibérant» où le souverain ponAfe, seul chef de l'église, et les
évéqùes du royaume, seuls leurs supérieurs de droit de divin, ayent con-
courru auxchangemens des ordres de Téglise de France, de quelque nature
qu'ils puissent ^tre, el notamment du chapitre dont ils sont membres, et
établi dans la ville de Saint-Yrieix, depuis douze siècles près, déclarent
protester, comme ils protestent par ces présentes, contre le décret de
TAssemblée nationale du 43 juillet 1790 portant, sans compétence, sup-
pression de tous les chapitres du royaume, et lui attribuant la puissance
spirituele.
Les S» capitulans ont arrêté que coppie de leur présente délibération
serai délivrée à MM. les commissaires chargés de Texéculion du susd.
décret, qu'ils seront priés de Tinsérer dans leur procès-verbal et de donner
acte auxd. sieurs capitulans de la remise de ladite coppie. Délibéré et
arrêté dans la sale capitulaire du chapitre de Saint-Yrieix, le 23 novombre
1790. Et ont signé lesd. sieurs capitulans, exceptés MM. Valette, chantre,
et Beaure, chanoine. Ainsi signé :
L'abbé de Puiredon, doyen; Forestier, Paignon, Mazard, L. de Lamo-
relie, Paignon de Ghantegraud, l^broûbe de Laborderie, Labrouhe de La
Gondamine, Laforest, théologal; Pichoo, Sanzillon.
Certifié conforme à l'original.
Paignon de Ghantegraud, chao'-syndic.
Contrôlé à Saint-Yrioix, le 9 décembre 4790.
Reçu quinze sous.
Jeantin.
Aujourd'hui, oeufvième du mois de décembre mil sept cent quatre-vingt-
dix, après midy, en la x ville de Saint-Yricix, en Limousin, étude cl par-
devant le notaire royal soussigné, en présence des témoins cy-après nom-
més, a comparu M. Joseph Paignon de Ghantegraud, prêtre, chanoine sindic
du cbappitre de cette ville et y habitant, lequel nousadil et exposé que les
scellés ayant été ce matin, et en vertu des décrets de l'Assemblée nationale,
apposés sur les portes du chœur, sacristie, trésor et archives dud. chap-
pitre,parMM. du Directoire du district de lad. ville, il se seroit présenté
en compaigoie des autres chanoines et doyen, et auroit déclaré h MM. du
Directoire que luy et sesd. confrères protestoient contre le décret de
l'Assemblée nationale du 12 juillet dernier, et auroit prié lesd. sieurs de
recevoir coppie de leur protestation, de l'insérer dans leur procès-verbail
et de luy donner acte, ainsi qu*à ses confrères, de la remise qu'ils en
6î8 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE KT RI)$T0R10UC DU LlVOUSflC.
faisoient. MM. du Directoire s'étant reffasés à leur demande, le dil sinir
PaigDon de Chantegraud, en sa susd. qualité de syndic, nous a présnt^
lad. coppie, et nous a requis de la recevoir en dépôt, pour être inserrrf
au nombre de nos minuttes : ce que nous luy avons accordé. En consequesop
nous a tout presenlement remis et déposé en nos mains la snsd. coppîe,
que nous avons tû écrille sur une grande feuille de papier commuo, es
daite du 23 tiovembre dernier, centrée conformée à son original par ïeé.
sieur Paignon, et controllée ce jourd*huy au bureau de cette TÎlle par
Jeantin, commençaut par ces mots : « Extrait da Registre des délitiéretioo?
du chappiire royal cl collégial de Saint-Yrieix etc. », et finissant par cenx-cy :
« Labrouhe de La Gondamine, Latbrest, théologal ; Pichon, Sanzillioo, > la
susd. coppie contenant un rolle d'écriture, et sans aucune trassure, inter-
ligne ny ranvois. De laquelle susd. remise et dépôt led. sieur Paignon
de Ghanlegraud en sa susd. qualité, nous a requis acte que luy a^ons non-
cédé sous scel royal, pour d'icelle coppie et présent acte de dépôt lay eo
être délivré expédition et aux parties y ayant intérêt. Fait et passé en pré-
sence du s' Jean Lapayre, surnuméraire des Domaines du Roy au Bareao
de Saint-Yrieix, et du s' Nicolas Jarry de La Forge-Basse, pralicse»,
témoius à ce requis, habiians de la présent ville, qui ont signé avec led.
s^ Paignon de ChantegrauH, sindic, et nous.
Paignon de Chantegrauo, chan-siodic
Lapkyrb, Jarrit dk Forokbassb,
GoNDiNET, n'» royal,
Contrôlé à Saint-Yrieix, le 18 décembre 1790. Reçu quince sols, compris
les dix sous p. G l.
JEANTin.
(Fonds BoRoieux, L. 38, des A rchioes départementales delà Haute-Vienne],
CBROXOLOCÏK DB'l'hISTOIRK DR SAINT-YRIBIX-LA-PERCBK. 629
III
CHRONOLOGIE
Epoque romaine. — Sur la carte du Pagus Lemovtctnus de M. Max.
Deloche, Attannm, nom primitif de la localité, figure déjà
dans la vicairie de Cher\ax.
o64. — Fondation d'un monastère à Altanum par saint Yrieix
(t 591). Ce monastère fut par lui placé sous le patronage
de Saint-Martin de Tours. — Grégoire de Tours, Histoire
ecclés. liv. X.
7o3. — Don de Moutier-Rauseille fait par Carissime à saint Yrieix
et à son monastère. — Gallia christ, nova, II. inst. 177.
(Charte fausse, avec ce titre : Additamentum ad instru-
mentum pro Attanensi monasterio quod edidit Quercetanus
in notis ad hibliothecam Cluniacensem. Cf. Labbe, Alliance
chronol. IL p. 405).
794 (?). — Diplôme de Chariemagne en faveur du monastère de
Saint-Yrieix (faux). — GalL christ, nova, II, inst. 178,
sous la date circa 800. Cf. ci-dessus, p. 583.
854. — Diplôme pour Saint-Martin de Tours dans lequel le monas-
" tère de Saint-Yrieix est nommé comme membre dépen-
dant. — Historiens de France, VIII. 537.
Vers 1090. — Erection du monastère en collégiale. La date est peu
certaine. Elle se déduit pour nous de ce fait que, aux
environs de 1090, le successeur d^un abbé décédé prit le
litre de doyen (Bosvieux, Inventaire, L. 37). Une tradi-
tion attribuait cette sécularisation à Pépin-le-Bref, 763,
et ajoutait qu'elle avait été confirmée par Chariemagne
en 794. (Mousnyer, Histoire de Saint-Martin de Tours, Cf.
la charte fausse de 794, mentionnée ci-dessus). AUou
donne la date « vers 1100 », dans sa Descript. des monu-
ments de la Haute-Vienne, p. 351.
Vers 1147. — Mandement de l'archevêque de Bourges au doyen du
chapitre de Saint-Yrieix pour lui enjoindre de réparer
vis-à-vis de Tabbé de Solignac le tort qu'il a causé à ce
dernier en dépouillant l'église d'Ayen et en Toccupant de
T XL. ^g
ftdO SOGlEtK AaCa&OLO0tQU< BT BlSTORlQUB DO LlltOUStlI.
vive force. — A. Leroux^ Chartes, Chroniques et Mémo-
riaux pour servir à l'histoire de la Marche et du Limaum.
p. 31.
Vers 1147. — Requête de Tabbé de Solignac à Tarchevéque de
de Bourges contre le doyen de Saint-Yrieix qui aui:
emprisonné les marchands de Tabbaye. — Ibid.j p. 33.
Vers 1147. — Mandement de Tarchevêque de Bourges à réTéqi^
de Limoges pour Tin viter... à obtenir satisfactioa du doyes
de Saint-Yrieix. — Ibid., p. 33.
Vers 1147. — Mandement de l'évoque de Limoges au doyen d-
Saint-Yrieix pour lui enjoindre, sous peine d'excommaai-
cation, de restituer l'église d'Ayen à l'abbaye de Soligny
et de réparer tous les dommages qu'il a causés à cell^
ci. — Ibid., p. 34.
Vers 1147. — Mandement de l'évêque de Limoges au clergé de li
vicomte pour l'informer de l'excommunication portée coq*
tre le doyen de Saint-Yrieix qui avait dévasté l'égii^
d'Ayen. — Ibid., p. 35.
Vers 1147. — Mandement de l'archevêque de Bourges à Tévégiie
de Limoges pour lui enjoindre de faire exécuter la sen-
tence portée contre le doyen de Saint-Yrieix coupable d^
nouvelles violences. — Jfttd., p. 36.
Vers 1147. — Requête de l'abbé de Solignac à l'archevêque i^
Bourges contre le doyen de Saint-Yrieix qui avait renou-
velé ses violences avec l'appui secret de l'évêque de Limo-
ges. — Ibid,^ p. 37.
Vers 1147, — Mandement de l'archevêque de Bourges au doyen du
chapitre de Saint-Yrieix pour lui enjoindre de réparer
vis-à-vis de l'abbé de Solignac le tort qu'il a causé à ce
dernier en dépouillant l'église d'Ayen et en l'occupanl de
vive force. — Ibid., p. 45.
1174. — Accepit Bemardus fvicecomes] ab Ademaro {vîcecomile-
Lemovicarum] castnim Sti Aredii pro castro Geloneasi
(Salons). — Geoffroi de Vigbois, Chronique dans Bisif^
riens de France, XII, 444.
1178. — Kal. septembris détecta est apud S. Aredium Sebrandi
electio. Idcirco expulsi sunt canonici a propria domo:
extranea facta est mater a filiis, ac per annum ac nieDse>
novem omni caruit mysterio divine. — Geoffroi de Vi-
GEOis, Chronique dans Historie^is de France^ XII, 446.
1181, mai. — Translation des reliques de saint Yrieix par Sébrand
Chabot, évêque de Limoges. — Geoffroi de Vigeois, Ort-
nique, ibid,, XII, 448.
GttROrtOLOGifc DK L*BI8tOIRB DE gAlNt-YRIËIX-LA-PBRCâB. 63 1
Mai 1184 — août 1183. — Constniction, en vingt-sept mois, du
chœur, du transept et d'une partie de la nef du moûtier
de Saint-Yrieix.
il 82. — Henricus rex Angliœ... apud S. Aredium abiens commo-
ratus est ibi (c'est-à-dire à Saint-Yrieix), per dies aliquot:
vitam sancii Âredii honeste suscipiens totam ipse perlegit
ac veneratus est ; et relicta ibi munitione congrua, per-
rexil apud Petram Bufferiam. — Geoffroi de Vigeois,
Chronique dans Historiens de France, XVIII, 212.
\ 182 ou 1183. — Gérald, prieur d'Altavaux, demande au monastère
de Saint-Yrieix les reliques des saints Pierre et Paul, du
pape Sixte, des saints Laurent, Nicolas, Yrieix, Léonard
et du prophète Amas. — A. Leroux, Doc. hist. sur la
Marche et le limousin^ I, p. 85.
1182 ou 1183. — Arnaud de Clermont, prieur d'Altavaux, meurt à
Saint-Yrieix. — A. Leroux, Doc, hist.. 1, 84.
1185. — Innovatio antiquœ instilutionis inter canonicos ecclesiœ
beati Martini Turonensis et canonicos beati Aredii. —
Mousnyer, ci-dessus, p. 588. Cf. Table chronolog. des
diplômes, IV, 75.
1221. —Le chapitre de Saint-Martin de Tours autorise le doyen
du chapitre de Saint-Yrieix à porter la crosse. — Mous-
nyer, ci-dessus p. 591.
1226. — Guido de Glausello successit in episcopatu memorato do-
mino Bernardo... Erat autem decanus Sancti Aredii et
archidiaconus in ecclesia Lemovicensi. — Bernard Gui,
Nomina episcop. dans Historiens de France, XXI, 754.
Vers 1227. — Lettre du chapitre de Saint-Yrieix à Hugues de Lusi-
gnan, comte de la Marche, pour lui demander d*épargner
à leur ville les horreurs de la guerre. — Mousnyer, ci-
dessus, p. 591.
Vers 1243. — Construction de la tour du Plot, qui faisait partie
des fortifications de la ville. — Mousnyer, ci-dessus, p. 592.
1247, 5 sept. — Sentence arbitrale rendue par le prieur du Cha-
lard et un chanoine de Saint-Yrieix sur les contestations
qui s'étaient élevées entre le vicomte de Limoges et le
doyen de Saint-Yrieix au sujet de leurs droits seigneu-
riaux. — Raymond, Invent, des arch. des Basses Pyrénées^
E, 855.
1256, 14 déc. — Hommage rendu par le vicomte de Limoges Gui
VI au doyen du chapitre de Saint-Yrieix. — Bosvieux,
Inventaire du fonds par lui légué aux archives de la Haute-
Vienne, L, 37.
632 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE BT HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
1260, 24 déc. — Altestatioa donnée par le vicomle de Limoges
Gui VI au doyen du chapitre de Saint-Yrieix pour recon-
naître que celui-ci, en fournissant des hommes d'anne>,
n'avait fait qu'un acte gracieux. — Bosvieux, Inventaire.
L. 37.
1265. — Enquête faite sur l'ordre du roi par Henri de Courance>
^de CrosanciisJ^ sénécha\ de Périgord, pour savoir qui
a placé Tétendard royal sur le monastère de Saint-Yrieii
et qui Ten a arraché. L'enquête prouve que ce sont le?
gens du roi qui ont agi dans le premier cas, et ceux de la
vicomtesse de Limoges dans le second. — Olim, édit.
Beugnot, I, p. 217.
1268-69. — Plaintes du chapitre de Saint-Yrieix au roi de Franc*»
contre les injures que lui faisait subir la >1comlesse de
Limoges. Le chapitre demande un sergent royal pour sa
défense. Ce sergent fut accorde et maintenu malgré une
réclamation de la vicomtesse. ~ OKm, édit. Beugnot, 1,745.
1269. — Sentence du conseil du roi ordonnant au sénéchal de
Périgord de contraindre la vicomtesse de Limoges à
remettre au chapitre de Saint-Yrieix les chaînes et autres
objets qu'elle leur doit. — Olim^ édit. Beugnot, I, 781.
1271. — Homines et burgenses Sancti Aredii irruerunl in domum
decani, et très domicellos, qui minati fuerant quemdam
canonicum qui fovebat partem illorum, ceperunt : unde
multa mala passi sunt. — Pierre Goral, Chronique dans
Historiens de France, XXI, 777.
1276. — Arbitrage prononcé à Saint Yrieix entre les consuls ilt»
Limoges et le vicomte. — Pierre Goral, Chronique déjà
citée, XXI, p. 786.
1276, 4 octobre, Vincennes. — Sauvegarde accordée par le roi de
France Philippe III au chapitre de Saint-Yrieix. — Or-
donnances des rois de France, VI, 242.
1279, 24 fév. — Hommage rendu par Arlur, vicomte de limoges,
au doyen du chapitre de Saint-Yrieix. — Bosvieux, Inren-
taire, L. 37.
1282. — Sauvegarde accordée au chapitre de Saint-Yrieix par le
roi de France Philippe III et confirmée par Philippe le
Bel en 1290. — Mousnïer, Hist. de Saint-Martin de Tours,
ci-dessus, p. 592.
1298, 28 sept. — Commission royale donnée à Jean d*Ancey et
Raoul de Bruillac pour régler les différends survenus
entre le vicomte de Limoges et le chapitre de Saint-
Yrieix. — Raymond, Invent, des arc A. des Basses-Pyré-
nées, E, 855.
CHRONOLOGIE DE L*HlSTOiRE DE SAINT- YRIKIX-LA- PERCHE. G33
XIIP S. — Querelles entre le doyen de Saint-Yrieix et le vicomte
de Limoges au sujet de la délimitation de leurs droits. —
Olirn^ édit. Beugnot, I, passim.
1302, 31 mars. — Conventions entre le chapitre de Saint-Yrieix
et le vicomte de Limoges. — Raymond, Invent, des arch.
des Basses-Pyrénées, E. 855.
1302, Sjuillet. — Hommage rendu par Jean de Bretagne, vicomte
de Limoges, au doyen du chapitre de Saint-Yrieix. —
BosviEux, Inventaire, L. 37.
1307, août. — Pariage conclu entre le roi de France et le chapitre
de Saint-Yrieix pour la justice du lieu. — Original aux Ar-
chives nationales, J. 398, n* 28. Cf. les Ordonnances des
rois de France, VI, 238; l'analyse que donne Bonaventure
de Saint-Amable, Annales, p. 608, et Mounyer, ci-dessus,
p. 593.
1308. — « Le doyen des chanoines fait saisir sur les vicomtes de
Limoges les châteaux de Saint-Yrieix, La Roche-F Abeille
et Ségur, pour défaut d'hommage ». — Cl. Simon. La
vicomte de Limoges , p . 1 42 .
1308-1310. — Actes royaux subséquents de l'acte de pariage. —
Raymond, lurent, des arch. des Basses-Pyrénées, E. 856.
1313, 20 août. — Le pape Clément V nomme Roger des Ternes au
doyenné de Saint-Yrieix, vacant par la promotion de
Hugues à révéché de Cahors. — A. Thomas, dans Bull, de
la Soc. arch. du Limousin, XXX, p. 53. Cf. p. 54.
1314, 20 fév. — Arrôt du parlement relatif à un procès entre le
vicomte de Limoges et le chapitre de Saint-Yrieix. — Bos-
viEux, Inventaire, L. 43.
1316. — Violences commises aux foires de Saint-Yrieix par les gens
du vicomte de Limoges. Les coupables poursuivis furent au
nombre d'environ quatre cents. — Raymond, Invent, des
arch. des Basses-Pyrénées, E. 856.
1316, 11 déc. — Sentence du bailli de Limoges rendue entre le
vicomte de Limoges et le chapitre de Saint-Yrieix à propos
des violences commises par les gens du vicomte, pendant
la foire du 25 juillet. — Ibid., E. 856.
1317-1323. — Violences exercées par le vicomte de Limoges contre
les chanoines de Saint-Yrieix, dans un différend mû à
l'occasion de la juridiction. — Archives nat., Actes du
Parlement, II, n"' 5015, 5037, 6160, 6683, 7154 et 7339.
1319, 15 juin. — Charte de Jean de Bretagne, vicomte de Limoges,
autorisant le chapitre de Saint-Yrieix à faire rebâtir la
' tour de la maison contiguë aux bâtiments du doyenné. —
Raymond, Invent, des arch. des Basses-Pyrénées ^l£i. 856.
634 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HL^TORIOOE DU LmODSIN.
1324, 16 dëc. — OrdoDaance royale obligeant le chapitre de Saint-
Yrieix à réparer les dommages commis par lui au préja-
dice du vicomte de Limoges. — Ibid, E. 856.
1334. — Requête présentée au roi par le chapitre de Sainl-Yrieix
contre le vicomte Limoges et réponse de celui-ci, article
par article. — Ibid,, E. 860.
1334. — Violences commises aux foires de Saint-Yrieix par les gens
du vicomte de Limoges. Les coupables poursuivis furent
au nombre d une centaine environ. — /Wd., E, 856.
Vers 1334. — Plaintes du vicomte de Limoges au roi contre le cha-
pitre de Saint-Yrieix. — Ibid. y E. 856.
1370. — Prise de Saint-Yrieix par Duguesclin au nom du roi de
France. — Froissart, Chroniques, à la date.
1376, 4 oct. Vincennes. — Charles V accorde des lettres de sauve-
garde au chapitre de Saint-Yrieix. — Bull, de la Sac.
arch. du Limotmn^ Vil, 178.
1376 (n. st. 1377). — Lettres royaux confirmant le don que le cha-
pitre de Saint-Yrieix a fait au roi de la moitié de la justice
sur la dite ville. — Bosvieux, Inventaire, L. 44. Voy.
ci-dessous à Tannée 1461.
Vers 1423. — Bulle du pape Martin V réduisant à douze le nombre
des chanoines de Saint-Yrieix. — Mousityer» ci-dessus,
p. 597.
Fév. 1430 (n. st. 1431). — Lettres de Charles VII confirmant le
partage de 1307. Voy. ci dessous à Tannée 1461.
Juillet 1445. — Rédaction des statuts du chapitre de Saint-Yrieix par
les déléguésduchapilrede Saint-Martin de Tours, en vingt-
six articles. — Ces statuts sont publiées dans A.. Leroux,
Doc. hist,, I, 276-286.
De nouveaux statuts du chapitre de Saint-Yrieix furent rédigés
en 1490, 1494, 1500, 1511, 1527, 1538, 1610. — Ibid, I,
285, note.
1461, déc. — Accord entre le roi et le chapitre de Saint-Yrieix
relativement à Texercice de la justice. — Ordonnances.
XV, p. 290.
Le roi confirme les lettres de ses prédécesseurs, Charles Vil
(fév. 1430/31) et Charles V (octobre 1376), qui confirmaient
elles-mêmes les patentes de Philippe-le-Bel, d'août 1307,
relatives au pariage.
1475. — Saint-Yrieix octroyé 60 11. à Alain d'Albret, vicomte de
Limoges, à Toccasion du mariage de Jeanne de Bretagne,
sœur puinée de la vicomtesse, sa femme. — Cl. Simo^, La
vicomte de Limoges, p. 40.
CHRONOLOGIE DB L'hISTOIRS DR SAINT-YRIEIX-LA-PBRCHE. 635
1479, 6 sept. — Acte par lequel Alain d'Albret, vicomte de Limoges,
reconnaît devoir foi et hommage au chapitre de Saint-
Yrieix à cause de la châtellènie de La Roche-F Abeille. —
BosviEux, Inventaire, L. 33,
1483 janv. (n. st. 1484). — Vente de la prévôté de Saînl-Yrieix faite
au chapitre du lieu par Alain d^Albret, vicomte de Limoges,
pour la somme de 1800 IL Elle fut rachetée par lui en
janv. 1492 (1493). — Raymond, Invent, des arch. des
Basses-Pyrénées, E. 861. Cf. ci-dessus, p. 622.
XV» siècle. — Droits féodaux perçus à Saint-Yrieix. — Cl. Simon, La
vicomte de Limoges, p. 66 à 68.
1ÎM)6 (?) — Vente de la prévoté de Saint-Yrieix, consentie par
Jean II, sire d'Albret, à Yrieix Gentilz. — BulL de la Soc,
arch, du Limousin, I, 124.
1534, 24 août. — Transaction entre le syndic des habitants de Saint-
Yrieix et le chapitre. (Voy. l'art, suivant).
1537 mars (n. st. 1538). — Ratification par les habitants de Saint-
Yrieix d'une transaction intervenue entre leur syndic et les
chanoines du chapitre, le 24 août 1534, ayant pour but de
mettre fin à plusieurs procès en instance au parlement de
Bordeaux et à la cour du commun pariage de Saint-Yrieix.
— BosviEux, Inventaire, L. 34.
1561, 25 janv. — « Ceulx de la religion nouvelle fisrent la cène à la
forme de Genesve en la présente ville [de S.-Y.]; et fut
faicte en la maison qu'on appelle communément Gyvonnie,
appartenant à Messire Paul Gentilz, viguier de la dicte
ville, où assistèrent, comme je fus adverly, trois ministres.
Et le dict jour mesrae, après ycelle faicte, fust repceu
ministre Yrieiz Gentilz, lequel avoit esté chanoine en
réglise de la dicte ville, curé de Saint-Sulpyce et de Saint-
Guillaume »>. — Journal de Pierre de Jarrige^ édit. Mon-
tégut, p. 4.
1562. — « Nota que le 12 d'aoust, ceulx de la religion nouvelle fis-
rent la cène en la dicte ville [de S.-Y.), en la maison aupa-
ravant faicte, et feust administrée par Messire Yrieix
Gentilz, ministre de la dicte religion. » — Ibid,, p. 6.
1663-1564. — La peste sévit à Saint-Yrieix où il meurt 1978 per-
sonnes. — Ibid,y p. 10. Cf. A. Leroux, Nouv, doc, histo-
riques sur le Limousin, p. 330.
1365. — Lettres royaux portant création de la mairie de Saint- Yrieiz,
composée de cinq échevins, dont Fun prendra le nom de
maire. — Bull, de la Soc, arch. du Limousin, III, 155.
636 SOCICTK ARCHÉOLOGIQUE Kf HISTORIQUE DU UHOUStSV.
« Les habitants de Dostre ville et fauk-bourgs et juridicUoa d^-
Sainct-Yrieys-la-Perche en Limousin [nous] on t faict remon--
Irer qu'ils sont déparliz en cinq parroisses, deux daos le
fort <ie la dicte ville et les autres trois aux faulx-bourgs
d'icetle; n'ayant aucuns consulz, eschevins ny administra-
teurs de leurs atTaires communes et aullres concernant l**
faict, gouvernement et exercice de la ville, ».
1868 nov. — Passage du vicomte de Joyeuse, conduisant de 8 a
10,000 hommes au duc d'Anjou à Chauvigny : «c Ce qui fu>i
une grande foulle pour les habitans de la dicte ville dr
Saint-Yrieix ». — Pierre de Jarrige, Journal, p. 3o.
1569, 2 fév. - 2 mars. — Les compagnies des sieurs de Neu\iIlo h
Masset viennent prendre garnison à Saint-Yrieix, sur l'or-
dre du duc des Cars, gouverneur de la province. « Plai-
dant leur séjour n'y firent chose qui mérite d'escrirc, sinon
manger la poule sur le bonhomme et vivre à discrétion
sans payer aulcune chose, qui fustun commencement delà
ruyne de la dicte ville de Sainct-Yriez ». — Ibid.y p. 39-4i.
Cf. les Mémoires de Castelnau, de La Noue, de SauK-
Tavannes, etc.
1569, 12 juin. —Prise de Saint-Yrieix par messire de Bonneval.
capitaine de l'armée protestante. — Bull, de la Soc. arck.
du Limousin^ IV, 43. Cf. Pierre de Jarrige, Joumai
p. 53-55, et ci-dessus, p. 624, la pièce de 1583.
1575. — Accensement de la tour du Plot, fait par les chanoines à
Jean Carreau, notaire de Saint-Yrieix. — A. Leyharie,
Limousin hist.^ L 336.
1578. — Transaction entre Henri, roi de Navarre, et Yrieix deG»*n-
tilz, seigneur de TAge-au-Chapt, relativement à la prévélé
de Saint-Yrieix. — Ibid., I, 110.
1583. —Lettres royaux obtenues par le chapitre de Saint-Yrieix con-
cernant le brùlement de leurs titres par Tarmée proteslanie
en 1569. — Bosvieux. Itiventairey L. 37. Ces lettres, noa>
les avons publiées ci-dessus, p. 624, d'après une copie du
temps.
1589, 9 mars. — La ville de Saint-Yrieix est mise sous robéissamv
du. roi. — Papier-Journal de Pardoux Roch, cité dans le>
notes du Joumai de Pardoux de Jarrige y p. 97, note 2.
1589, 15 mars. — La ville de Saint-Yrieix est mise par trahison
. sous l'obéissance du sieur de Rastignac, l'un des chefs d«'
la Ligue en Limousin. — Pardoux de Jarrige, Journal^ p. 9'-
Cf. les Annales de Limoges dites de 1638, p. 364.
CHRONOLOGIE DE l'HISTOIRB DR SAINT-YRIBIX-L A -PERCHE. 637
1589, 4 mai. — La ville est prise par l'armée du roi. — Pardoux de
Jarrice, JouniaL p. 98.
1591, 12-30 mars. — La ville est assiégée par les troupes de la
Ligue commandées par M. de Pompadour. Une armée
royale, commandée par M. de I^ Rochefoucauld, est
battue par les assiégeants qui néanmoins lèvent le siège.
— Ibid,y p. 99-103. Cf. les Amiales de Limoges dites de
1638, p. 371.
1594. — Invasion des Crocquants au nombre d'environ 2,000. Une
centaine d'entre eux est empoisonnée par les habitants.
À. Leymarie, Limousin hist.y I, 21.
Yers 1594. — Erection d'une élection de finances, bientôt sup-
primée. — Noël Valois, Invent, des arrêts du Conseil
d'Etat sous Henri IV y n*» 1646. Cf. A. Leroux, Invent,
des arch. dép. de la Haute-Vienne, G. 551.
1603, 1" avril. — Ostension du chef de saint Yrieix. — Antoine de
Jarrige, Journal historique, dans nos Chartes, chroniques
et mémoriaux, p. 310.
1610, sept. — Des chanoines de Tours viennent inspecter le cha-
pitre de Saint-Yrieix et prescrivent diverses réformes.
— Antoine de Jarrige, Journal déjà cité, p. 311-312 (La
note 1, qui indique comme imprimés les statuts rédigés à
cette occasion, est fautive. Ces statuts semblent perdus;.
1613 (1). — Fondation de la communauté des Récollets. La cons-
truction du couvent ne fut achevée qu'en 1620 et l'olFice
n'y fut célébré qu'à partir de 1630. — Journal de Pardoux
Gondinet dans L. Guibert, Livres de raison li'tnousins et
marchoiSy p. 273 et 276, — et Livre de raison d'un sieur
Jarrige, ibid., p. 277.
1617, 10 fév. — Arrêt du parlement de Bordeaux réglant les droits
respectifs du chapitre et des échevins de Saint-Yrieix. —
Antoine de Jarrige^ Journal déjà cité, p. 312.
1621, 9 janv. — 11 mars. — Six compagnies du régiment du sieur
Charon de Louzière prennent garnison à Saint-Yrieix,
commandées par le sieur de Crommières « qui nous a
faict force despance et bailhé beaucoup d'incommodité ».
— Pardoux Gondinet, Journal déjà cité, p. 273.
1625 (?). — Etablissement des Clairettes urbanistes (?). — Nadaud,
(1) Cette date, fournie par Pardoux Gondinet et le Poulllé du diocèse
de 1773, Dous semble douteuse. Nous lui préférerions celle de 1618 que
donnent les Ephémérides de la Généralité de 1765, et quelques aulrcs
ouvrages modernes.
638 SOCIÉTÉ ARGHBOLOeiQQE ET HISTORIQUE DO LIMOOSIR.
Chronologie des évéques de Limoges dans le Dictionnaire
géographique de Tabbé Texier, p. 20. — U semble toute-
fois que ces Clairettes urbanistes se confondent aTec les
Filles de Sainte-Glaire qui arrivèrent en 1630.
1627-1628. — Correspondance entre le gouverneur du Limoasin et
les échevins de Saint-Yrieix au sujet de renvoi de maçons
à La Rochelle pour y construire la digue. — Bull, de lu
Soc. arch. du Limousiny III, 1S8-159.
1630 (1). — Fondation de la communauté des Filles de Sainte-
Claire. — Journal de Pardoux Gondinet déjà cité, p. 273.
1631, avril. — La peste sévit à Saint-Yrieix et emporte de SOO à
600 personnes. — Antoine de Jarrige, Journal déjà cité,
p. 315.
1631, 16 avril. — Ostension des reliques de saint Yrieix. — An-
toine de JARRiGE,/otimaI déjà cité, p. 315.
1632, 17 déc. — Arrêt de la cour des aides de Glermont fixant au
1*' janvier Tépoque des élections municipales. — Bosvieux,
Inventaire, L, 34.
1652-1653. — Réparation des murailles de Saint-Yrieix. — Archi-
ves histor. du Limousin, IV, 110.
1663. — Bulle d'approbation accordée par Alexandre VII à la com-
pagnie des Pénitents bleus de Saint-Yrieix. — Ephéméri-
des de 1765, p. 114.
Cette bulle semble perdue. En tout cas, sa date ne peut
être identique à celle de la formation de la compagnie,
qui existait peut-être déjà depuis plusieurs années. Les
registres paroissiaux de Saint-Yrieix pourraient donner
réponse à cette question.
1668, 19 août. —Lettre de d'Aguesseau, intendant de la Généralité
de Limoges, aux échevins de Saint-Yrieix, pour les
inviter à entreprendre rétablissement de quelque mana-
facture. — BulL de la Soc. arch. du Limousin, III, 160.
1671^ 12 juillet. — Bref de Clément X autorisant Texposition du
Saiat-Sacrement dans la chapelle de Thôpital, avec indul-
gence plénière pour sept ans. — A. Leroux, Inveni. des
arch. hospit. de Saint-Yrieix, C, 1. Cf. E. 2.
1675. — Octav8B Sancti Aredii abbatis et Sancti Juliani martyris (S;
ad usum capituli Sancti-Aredii et de consensu ejusdem
capituli et approbatione superiorum. — Lemovids ex ly-
(I) Et non 1625, comme dit le Dict. giogr. de Tabbé Texier.
(9) 11 s*agit probablement de Saint-ialien de Brioada, à qui saint Yrieix
avait fait b^tir un oratoire, d*après Grégoire de Tours.
CHRONOLOGIK DB L*H18T0IRB DB SAINT*TR1EIX~LA-PBRCHE. 639
pographia Martini Dessables^ MDGLXXV, in-S"* de 82 pa-
ges. — Bull de la Soc, arch. du Limousin, XXXIX, p. 636.
i698..— Les mines de fer des environs de Sainl-Yrieix sont men-
tionnées pour la première fois. — Mémoire de M. de
Bernage sur la Généralité de Limoges, 1698, p. 163 de
notre édition.
XVII* siècle. — Aliénation Ae% terres du domaine royal comprises
dans la circonscription de Saiot-Yrieix. — Mémoire de
1698, p. 220. Cf. Archives nat., Q\ n« 1621.
1723. "- Adhésion des chanoines du chapitre de Saint- Yrieix à la
constitution Unigenitus et à la déclaration faite dans ce
sens par leurs supérieurs de Tours. — Archives départe-
mentales de la HauteVienne, fonds de TEvôché, n» prov.
4073.
1 739. — Consultation pour le chapitre de Saint-Yrieix contre les
empiétements des évéques de Limoges, la dite consulta-
tion délibérée par le sieur Nouet, avocat an parlement de
Paris.— BosviEux, Inventaire, L, 38. Cf. cidessus, p. 628.
i 742. — Le chapitre de Saint-Yrieix fait imprimer à Tours chez
Gripon un cahier in-folio intitulé : Missae sanctorum qui
speciali ritu coluntur in ecclesia regali et collegiata Sti
Aredii de Athano ; puis un Proprium sanctorum qui ritu
speciali coluntur in ecclesia regali et collegiata Beati Aredii
de Athano {s. n. ie lien). ^ Legros, Mémoire... de 1784
(dans BosviEUx, Inventaire, L, 37).
1780. — Edit du roi portant suppression du siège des appeaux
de Ségur et de la justice de la ville de Saint-Yrieix — et
création d'une nouvelle sénéchaussée en la dite ville de
Saint-Yrieix, recevant les appels de trente paroisses envi-
ronnantes. — Bull, de la Soc. arch. du Limousin, VI, 124,
et René Page, La cour d'appeaux de Ségur, 142. Cf. les
Ephémérides de la généralité de Limoges de 1768, p. 114.
Vers 1780. — Etat des sommes auxquelles peut être réglée la
fiuance des officiers du sénéchal de Saint-Yrieix. —
R. Fage, La cour d'appeaux de Ségur, p. 146.
1787. — Lettre de M. de Lespine de Limoges, demandant de Tan-
timoine à un correspondant de Saint-Yrieix. —A. Leroux,
Invent, des arch. hosp. de Saint-Yrieix, G. 1. — Cf. Sta-
tistique de la Haute-Vienne de 1808, p. 422 : « On a dé-
couvert depuis près d'un siècle, dans les environs de
Saint-Yrieix, des mines d'antimoine; mais ce n'est que
depuis quarante ans qu'elles ont été l'objet d'une exploi-
tation régulière... »
640 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE F.T HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
1760.— Règlement du doa gratuit pour les villes du ressort du
Parlement de Bordeaux: Saint- Yrieix, 500 fr. — A. Th^^
MAS, Invent, des arch. communales de Limoges^ CC. 8.
xvui« siècle. — Taxe des villes de l'élection de Limoges pour obt«?-
nir rabolition des cens, renies, etc. dus au roi : Saini-
Yrieix, 1,500 fr. — A. Thomas, Ibid., CC. 12.
1762. — Visite de Tévéque de Limoges aux diverses paroisses de
Saint-Yrieix. — A. Leroux, Chartes, chroniques et mémo-
riaux ^ p. 409 et ss.
1768. — Découverte du kaolin aux environs de Saint-Yrieîx par If
chirurgien Darnet. — Statistique de la HauteVienne en
1808, p. 424. A rectifier parM.Fray-Fournierdans lefiw//.
de la Soc. arch, du Limousin^ XL, 206 et ss.
Vers 1768. — Fondation d'une manufacture de fayence par
MM. Chapetias et Pouyat. Quelque temps interrompue,
vers 1784, cette manufacture subsistait encore sous le pre-
mier empire. — Statistique de la Haute-Vienne de 18C*
p. 441. Cf. ci-dessus, p. 577.
Vers 1775. — Fondation d'une manufacture de porcelaine par
M. Dugarreau de La Seinie, continuée par M. Baignol de
1789 à 1797. — Statistique de la Haute-Vienne de 1808.
p. 433. La date de 1773, quelle fournit, paraît devoir
être corrigée en 1775. Voy. M. Fray-Fournier, Documents,
dans le BulL de la Soc. arch. du Limousin, XL, S* livr.
1781. — Rubriques particulières au chapitre de Saint-Yrieix. Ma-
nuscrit rédigé en 1781 , cité par Bosvieux, Inventaire, L/S^-
Vers 1784. — <» On travaille à y fonder un collège. Il y a des fonds
affectés à cet établissement, dont le doyen actuel jouit,
en attendant quïls s'effectuent ». — Leguos, Mémoire de
1784 (dans Bosvieux, Inventaire, L, 37). — Le projet n»'
réussit pas. Cependant on constate en 1785 la préseDC4'
à Saint-Yrieix d'un professeur d'humanités, le sieur Boiv
set, qui demande que la maison préceptorale soit réparée
à son profit {Invent, des arch. dép. de la Haute-Vienne,
C.81).
1785. — Premiers travaux de construction de la route de Limoge.<
à Cahors par Saint-Yrieix, sous l'intendance de Meulan
d'Ablois. C'est aujourd'hui la route départementale n*i
dite de Limoges à Cahors, classée par décret de janvier
1813. Les travaux, interrompus par la Révolution, ne
furent repris que longtemps après. En 1817 un membre
du Conseil général de la Haute- Vienne déclarait que cett«*
route n'était qu'ébauchée. Antérieurement, Saint-Yrieix
CHRONOLOGIE DE L*HIST01RE DB SAINT-TRIBIX-LA PERCHE. 641
correspondait avec Limoges par Ghâlus. ^ À. Leroux,
Invent, des arch. dép. de la Haute-Vienne, G. 333, 345,
346, et Analyse des délibérations manuscrites du Conseil
général, p. 123, 180, 190, 192. Cf. la Statistique de la
Haute-Vienne de 1808, p. 526.
1729, février. — Les corps constitués rédigent en assemblée pri-
maire leurs doléances. — Celles du tiers-état ont été seu-
les conservées (cf. ci-dessus, p. 574). Les cahiers des
assemblées des trois ordres de la sénéchaussée de Saint-
Yrieix furent rédigés à Limoges avec ceux de la sénéchaus-
sée de Limoges.
1790- — Saint-Yrieix est érigé en chef-heu du district de ce nom.
— A. Teomks, Invent, des arch. comm. de Limoges^ AA,
9his. — N.-B. La circonscription de district et ses ins-
titutions furent supprimées par la constitution de Tan IlL
1790. — Saint-Yrieix est désigné pour siège du tribunal du district
et d'une justice de paix. Cf. Fray-Four.^ier, Bibliographie
de la Révolution, n*^ 238.
1790, 23 nov. — Délibération du chapitre de Saint-Yrieix protes-
tant contre le décret de TAssemblée nationale du 12 juil-
let 1790 qui porte suppression des chapitres du royaume.
— BosviEux, Inventaire^ L. 38. Cf. ci-dessas, p. 626.
Cette protestation fut renouvelée verbalement le 9 décembre
suivant par devant le directoire du district de Saint-Yrieix.
— Ibid.y id.
1791 et 1793. — Saint-Yrieix fournit 373 défenseurs de la patrie. —
BosviEux, Inventaire, L. 34.
1793, août. — Insurrection de la municipalité de Saint-Yrieix contre
la Montagne. — Moniteur universel^ n* du 10 août, séance
du 7 août.
An II, .8 brumaire (29 octobre 1793). — Décret de la Convention
nationale portant que la commune de Saint-Yrieix-la-
Perche s*appellera désormais Saint-Yrieix-la-Montagne.
— Moniteur universel, à la date.
1798. — Institution de la conservation des hypophèques.
1800. — Saint-Yrieix est érigé en chef-lieu de Tarrondissement de
ce nom et devient le siège d'une sous-préfecture et d'un
conseil d'arrondissement.
1800. — Erection du tribunal civil de l'arrondissement de Saint-
Yrieix.
1800. — Etablissement de la recette particulière de Saint-Yrieix.
Vers 1804. — Fondation d'une école secondaire par le sieur Abrias-
Laforét. — Statistique de la Haute-Vienne de i 808, p. 218.
B4t dOClÉTi ARCBtOLOdlOOB filT HliTORIQDE BO LtNODdlR.
1808, 21 aoûl. — Ereclion de la cure de Saint-Yrieîx, de 1" classa
Vers 1822. — Découverte d'une carrière de feld-spath aux enfiroos
de Saint-Yrieix. — A. Leroux, Analyse déjà citée, p. 185.
303 et 330.
1826. -* Achèvement du cadastre de Saint-Yrieix et de soa cantoc
L'examen de la feuille consacrée à Saint-Yrieix môme prou^f
que la ville ne s'est guère agrandie depuis lors. Seule, h
gauche de la route qui mène du chemin de fer au foirai!
à été bâtie. Mais le quartier du Moutier et celui de la Sojxsr
préfecture ne diffèrent pas beaucoup aujourd'hui de cr
qu'iis étaient en 1826. Mêmes constatations sur un plandr
1810, en plusieurs feuilles, conservé aux Archives dépâr
tementales.
1827, 1842, 1884. — Agrandissements successifs du palais de jus-
tice de Sainl-Yrieix. — Archives départementales, série V
Cf. A. Leroux, Analyse déjà citée, p. 201 et 217.
Vers 1833. — Introduction de l'imprimerie à Saint-Yrieix. — Cf. ri-
dessus, p. 578.
1838. — Fondation du premier journal qu'ait eu la ville : YArédien.
— Cf. ci-dessus, p. 578.
1836. — Etablissement des religieuses du Verbe-Incarné. — Ordo
dioc. Lemovic.
1838. — Classement, par décret, de la route départementale n'^
de Tulle à Chabanais par Saint-Yrieix.
La partie comprise entre Ch&lus et Saint-Yrieix avait été
classée dès 1835. La demande de construction de ce tron-
çon avait été faite par le conseil d'arrondissement dès
1806. — Cf A. Leroux, Analyse des délibérations wurnuseri-
tes du conseil général de la Haute-Vienne , p. 67 et 311.
1847, —Etablissement des sœurs de la Charité et de la Présenta-
tion (de Tours). — Ordo dioc, Lemov.
1852. — Formation de la Chambre consultative d'agriculture.
1855. — Etablissement des frères des écoles chrétiennes. — Ordo
dioc, Lemov.
1860. — Fondation d'un collège communal.
1861 . — Fondation de deux manufactures de porcelaine. L'une a
disparu en 1871 ; l'autre dure encore.
1863, 27 mai. — Ouverture du bureau télégraphique.
1867. — Fondation de la Société de charité maternelle.
1868. — Fondation de l'orphelinat agricole de Lafaye près Saiol-
Yrieix (1).
(I) En 1820, le Conseil d'arrondissement de Sainl-Yrieix avait demandé
CliaONOLbOlB DE L^BISTOIRB Dt SAINT- yRlBlt-LA-^SRCËK. 6i3
1868. — Commencement des travaux de restauration du Moutier,
classé, depuis 1841, comme monument historique.
1875. — Ouverture de la ligne ferrée de Limoges à Saint-Yrieix
avec prolongement sur Brive, Figeac, Toulouse, (41 kil.
de longueur, 1 h. de trajet par certains trains).
1884. — Fondation du Ck)mice agricole de Saint-Yrieix. Réclamé
dès 1839. Yoy. A. Leroux, Analyse déjà citée, p. 372.
1887. — Formation du syndicat des boulangers de Saint-Yrieix et
de Tarrondissement.
1890. — Suppression de la recette particulière des finances.
1891, 16 août. — Ouverture du tramway de Saint-Yrieix à la Juvé-
nie et Périgueux (75 kil. de longueur, 5 heures de trajet).
— Rapport de l'ingénieur en chef^ dans les Rapports des
chefs de service à M. le Préfet de la Haute-Vienne,
session d'avril 1892, p. 24.
l'établissement d'une ferme expérimentale. Le Conseil général repoussa
cette demande. (Voy. V Analyse des déUbérationa manuscrites du Conseil
général, p. 156).
A. Leroux.
1
LES BÉNÉDICTINS DE SAINT-MAUR
orig^aires du Limousin
Le monastère de Saint- Augustin, à Limoges, tire son nom d'unt^
église érigée en Thonneur du saint docteur, à la fin da v« siècle, par
révoque du lieu, Rorice TAncien. Ce monastère devint, au moyen-
âge, une florissante abbaye de bénédictins. Un de ses plus beaux
titres de gloire est d'avoir été le berceau de la Congrégation de
Sainl-Maur, qui s'est rendue si célèbre par les savants qu'elle a
produits, et par les œuvres d'érudition qu'elle a publiées.
Le fait n*est pas contestable : il est reconnu depuis le xvii* siècle.
LeP.Bonaventure Sainl-Amable, dans ses Anna/<'S, publiées en 1685.
s'exprime ainsi : « Ce monastère fut mis sous la juridiction des R. P.
(réformés de Lorraine) qui le desservirent avec édification; eL
Tan 1617, le réunirent et redonnèrent à leurs confrères reformés de
France, pour estre doresenavant le chef et le premier monastère de
la très fleurissante Congrégation de Saint-Maur (1). »
C'est l'abbé du monastère de Saint- Augustin, dom Jean RegnaulL
qui fit adopter cette réforme dans son abbaye : aussi est-il appelé,
dans son épitaphe, l'auteur principal de la Congrégation de Saint-
Maur :
HIC lACET
R. P. D. D. lOANNES
REGNAVLT
ABBAS HVIVS-CJE
iMONAST. ET CONGREG.
S" MAVRI PRECIPVVS
AVTHOR. -
OBIIT IN DOMINO 31 JANVAR.
1622 (2).
{{) P. BONAVENT., l. Ml. p. .^55.
[i) Lkgros, Recueil d'inscriptions, p. 24 (manuscrits du Sémioaire}.
tRS B&NiOlCTINS DR &AINT-1IAUR OBIGINAIHES DU MI|OUSIN. Otô
L abbayç de. Sa,ift(rAugujâliQ e^t doac le. berceau de celtei célèbre
congrégation; et voilà pourquoi, dans ia bulle d^lÇ27 quicoofirme
l'èreçtioQ de la Gongrégaliou de Saint-Maur, le monastère de Sainl-
Auguslin est nommé le premier.
La Révolution chassa les religieux de leur monastère. Sou$ le pre-
oaier empire, en 1810, Tabbaye de Saint-Augustin fut transformée
en maison centrale de détention. On vit alors se réaliser cette
parole prophétique de Joseph de Maistre : « Il leur faudra bâtir des
bagnes avec les ruines des couvents qu'ils auront détrttits ».
Depuis 1872, la maison centrale est devenue une caserne d'infan-
terie, et voilà pourquoi la Société Archéologique n'a piis osé mettre
sur le portail de Tédifice Tinscription suivante :
IC[ FUT LE BEHCEAU
DE LA CONGRÉGATION DE SAINT-MAUR.
l^e Limousin a fourni à cette congrégation un certain nombre de
religieux. Nous allons, dans cette notice^ signaler ceux d'entre eux
qui se sont distingués comme écrivains, soit qu'ils aient publié des
ouvrages, soit qu'ils les aient laissés manuscrits.
Dom Jean Audebert.
I. — Audebert (Jean), plus connu sous son nom de religion « dom
Bernard Audebert », naquit en 1600 à Bellac, d'une famille noble et
ancienne, qui a donné un membre distingué à la Compagnie de
Jésus, et plusieurs vice-sénéchaux à la Basse-Marche. A la fin de
sa rhétorique, il entra chez les bénédictins de l'abbaye de Saint-
Augustin de Limoges, qui l'envoyèrent, pour son noviciaX, au monas-
tère de Noaillé, en Poitou. Il y lit profession, à l'âge de vingt ans,
le 11 novembre 1620.
Il occupa successivement diverses charges de son ordre, et fut
appelé, par son mérite, à exercer les plus importantes. D'abord cel-
lérier à Saint-Jean d'Angély, il fut ensuite nommé secrétaire et
visiteur de Gascogne; puis il devint successivement prieur de
Saint-Laumer de Blois (1628), de Saint-Mélaine de Rennes (1630),
de Sainte-Croix de Bordeaux (1633), premier abbé de Saint-Sulpice
de Bourges (1) après que la réforme de Saint-Maur y eut été intro-
duite(1636 et 1639), prieur de Saint^enys en France{l642 et 1645),
assistant du général de l'ordre pendant six ans (1648 et 1681), prieur
(i) GMia chriêtiana nooa^ 1. 11, col. 430. — Reoue catholique de Bor-
deaux^ 1881, p. 983. — Biographie limousine^ p. 33.
T. XL. 44
Ô4(^ dOGIÊTÊ ARCHEOLOGIQUE F.t ItlSTORlQDiS ù\5 LlHOtmiX.
de Sainl-Gsrmaia-des-Prés (1654 el 16B7) ; enfln, dans le cbapitre
général de l'ordre tenu à Marmoutiers, près de Tours, en 1660, û
fut nommé supérieur général de la Congrégation de Sainl-Haur.
et fut continué trois autres fois dans cette charge en 1663, 16d6
et 1669.
A la fin de son dernier Iriennat (1672), étant devenu aveugle, il îux
déchargé de la supériorité, et mourut simple religieux, le 29 août* 673,
à rage de soixante-quinze ans, à Paris, dans le monastère de Saint-
Germain-des-Prés (1).
II. — Dom Bernard Audebert était prieur de Saint-Denys lorsqu'il
prit pos^^ession, pour son ordre, du monastère d'Argenteuil, l^*
11 novembre 1646 (2).
Le 8 novembre 1664, la reine-mère, Anne d'Autriche, accompa-
gnée de Monsieur, frère du roi, se rendit, sans se faire annoncer.
à Saint-Denys, afin d'y prier pour la reine de France Marie-Tbé-
rèse, dont la santé causait de vives inquiétudes. Dom Bernard
Audebert qui se trouvait dans le monastère avec le nonce du Papr
et l'ambassadeur de Savoie, accourut aussitôt pour la recevoir, elsr
plaignit humblement de cette surprise. La reine lui répondit avec sa
bonne grâce ordinaire qu'elle n'était venue que pour faire ses dévo-
tions. Lorsqu'elle eut satisfait à sa piété, dom Bernard lui montra
le trésor des reliques et les tombeaux des rois.
Après la mort d'Anne d'Autriche, son corps fut transporté, \e
28 février 1666, à Saint-Denys, où il arriva à minuit. Dom Bernard
Audebert, comme supérieur général de la Congrégation de Saint-
Maur, fit l'office, et s'avança accompagné d'un diacre et d'un sou<-
diacre pour donner l'eau bénite et faire les encensements. Après
qu'il eut répondu au discours éloquent du grand aumônier àe
France, Henri de la Mothe-Houdancourt, il conduisit le cercueil
royal dans le chœur de la basilique, où se dirent les laudes, qai
furent suivies de l'absoute.
En 1668, il forma le projet d'envoyer quelques-uns de ses reli-
gieux en mission dans diverses localités qui dépendaient des monas-
tères de sa Congrégation, afin de pouvoir récompenser en quelque
sorte, par ces secours spirituels, les travaux de ceux dont il recueil-
lait les fruits temporels. Pour agir en cette affaire avec plus d'aulo-
rite et de succès, il fit proposer son dessein au pape Clément IX,
qui non-seulement approuva son projet, mais encore voulut l'en-
(1) Gallia christiana, t. Vli, col. 482-484.
(2) Mallebay de la Mothe, Plcui pour aeroir à l'histoire du Comté de
la Marche, '767, p. 126.
tK5 Bt^.îniCriN> O'i S\l\T-MAUR ORlGîNORF.S DU M»OUSlN, 617
courager par une indulgence qu'il accorda durant le leraps de cha-
que mission (1).
Dom Marlène, dans la Vie d'un saint religieux de la Congrégation
de Saint-Maur, a fait le plus grand éloge de la prudence, du zèle, de
la douceur et des autres vertus de dom Bernard Audebert. « Ce
grand personnage, dit-il, servit Dieu dans la Congrégation d'une
manière si pure et si dégagée des sens et des créatures, que sa
vie était plus angélique qu'humaine. Dans d'autres ordres reli-
gieux, ajoute-t-il, on poursuivrait avec beaucoup de justice sa cano-
nisation (2j ».
Pendant les douze ans qu'il fut supérieur général, un (certain
nombre de monastères en France, quelques-uns du Limousin, furent
affiliés à la Congrégalion de Sainl-Maur.
Le chanoine Collin, qui a cité dom Bernard Audebert, même de
son vivant, dans son Catalogue des Limomim illustres, dit qu'il se
rendit célèbre par son érudition (3). Le P. Labbe, savant jésîiite,
qui lavait connu alors qu'il était abbé de Saint-Sulpirede Bourges,
rappelle « homme très lettré et très religieux » (4). Dom Esliennol,
bénédictin très érudit, dit qu'il était «le père des gens de lettres » (S);
Son nom figure parmi ceux des dignitaires de la Congrégation de
Saint-Maur qui Krent travailler aux Annales de l'Ordre de Saint-
Benoît et qui (irent rechercher les monuments de celle histoire dans
les bibliothèques et les archives, soit de la France, soit des autres
pays (6). C'est lui qui ordonna au savant Mabillon de publier les
Actes des saints de l'ordre de Saint-Benoît, et de préparer une
nouvelle édition des Œuvres de Saint Bernard (7). « Cet illustre béné-
dictin, qui avait connu particulièrement le P. Bernard Audebert,
n'en parlait jamais qu'avec une profonde vénération; et il rédigea
des mémoires de ce que l'on avait retenu de ce pieux général de la
Congrégation de Saint-Maur » : ce sont les paroles de dom Ruinart
dans sa Vie du P. Mabillon (8).
(4) Dom Fêlibibn, Histoire de l'abbaye de Salnt-Denya^ p. 503, 606, 508.
(2) V'\edu P. Claude Marri/i, préface, p. 59 et 60.
(3) Lemooici multipliai eruditione illustres^ 1660, p. 4. — Voir encore sa
Table chronologique et historique^ vi*' colonne, xvii^ siècle.
(4) Bibliotheca nooa mas.libr,^ t. il, p. 435.
{fi) Antiquit, Benedict» BUuricy pari. 1, p. 76 (ap.;N\DAUD, Mém, mja.,
t. l,p. 4i9).
(6) Mabillon, Annal, Bened.., t. I, prsef. § 1, n° 9.
(7) Acta SS. Ord. «. Bened. sae:.. I, prœf. n. 5. -^ S. Bern. edit, 1690,
praeh, n. 7.
(8) Vie du P. MabiUon, p. 267.
648 SOCiRtB ARCHBOLOGIQUR Et lkl8tO&IQU£ DU LIllOCShH.
IV. —La Re9me Catholique de Bordeaux a publié, en, 1881 , d'aprè?
les manuscrits de la Bibliothèque Nationale, deux lettres adressée^
à dom Bernard Audebert : Tune, lorsqu'il était prieur de Sainte-
Croix de Bordeaux, écrite par le savant Èesly, auteur de V Histoire
des Comtes du Ppitou, en date du 25 avril 1636 ; lautre, lorsqu'il était
abbé de Saint-Sulpice de Bourges, écrite par le P. La vie, de la Com-
pagnie de Jésus, en date du i4 janvier 1637. — Celle publicatioo
porte la signature pseudonyme d'Ant. de Lantendy (1).
On a de dom Bernard Audebert :
1*> Mémoire des antiquités de rabbaye de Saint-Sulpice de Bourges.
de V ordre et Congrégation de Saint-Benoit y dressé en Vannée f63f.
{BibL Nation,, mss. lat. 12,697, fol. 227) ;
2* Des Extraits sur Saint-Denys (mss. lat. 12,678, fol. 169);
3» Mémoires sur l'abbaye de Sainte-Croix de Bordeaux (mss. lai.
12,667, fol. 170).
[Matricule, n** 77; Nécrologe de Vabbaye de Saint-Germain-des-
Prés, mss. fr., 16,861, fol. 14; mss. lat., 12.697, fol. 277; mss.
lat., 12,678, fol. 169; mss. lat., 12,667, fol. 170) (2).
Dom Chapelle de Jumilhac
Chapelle de Jumilhac (Pierre-Benoît), naquit en 1611, an châ-
teau de Sainl-Jean-Ligoure (canton de Pierre-Buffière, Haute-
Vienne), d'une famille qui avait été anoblie par Henri IV, en
1597 (3).
Nous pensons — sans en avoir la preuve positive — qu'il élaii
(ils d'Antoine Chapelle, écuyer, baron de Courbefy, seigneur de Ja-
milhac, qui avait épousé, le 3 janvier 1610, Loyse d'Auteforl, fille
de François, baron d'Aulefort (4).
La noblesse de cette famille alla en progressant : en 16S6, sous
François Chapelle, seigneur de Saint-Jean-Ligonre et baron d*Ar-
feuille, la terre de Jumilhac fut épigée en marquisat (3). .
Pierre-Benoit de Jumilhac étudiait en philosophie à Bordeaux,
quand, se senlant appelé à la vie religieuse^ il prit la résolution de
se consacrer à Dieu dans Tordre de Saint-Benoît et dans la Congre-
(\)Reoue catholique de Bordeaux, ,16 mai 1881, p. MI-Î90. — (L'abbé
L. Berirand). ...-..* .
(â) Ulyssb Robert, Supplément à VHUtoire littéraire deê Bénédictin» de
Saint'Maur. — Paris, Alphonse Picard, 1881, p. «1.
(3) Nobiliaire Limousin^ t. II, p. 605.
(4) NobiUaire Limousin, 1. 1 («"« édition), p. 498, 431.
(5) Nobiliaire Limousin, l. I, p. 410.
LES BÉNÉDICTINS DE SAlNT-MAt'R ORIGINAIRES DU LIMOUSIN. 649
r ' ', ; • ,
gestion deSainUMaur. Cette réforme venait d'être introduite dans
l^abbaye ide Sainte-Croix de Bordeaux. Pierre-Benoît n'avait alors
qil'e dix-Kuit ans. A Tinsu de ses parents, il se rendit au noviciat
de Saiiit-Remy de Reims, où il prit Tiiabit religieux le 24 mars 1629.
Quand le baron de Jumilhac apprit que son fils était au monas-*
1ère deSainl-Remy, il partit en toute hâte pour Reims, et employa
tous les moyens possibles pour le détourner de sa vocation :
mais tout . fut inutile : Pierre-Benoît résista aux intances de son
père, à ses caresses comme à ses menaces, et il fit profession le
6 avril 1630.
.Après ses études, il fut envoyé à Rome par dom Grégoire Tarisse,
supérieur général de Tordre, afin de servir de compagnon à Pierre
Xe Simon, procureur-général près la cour romaine, et pour lui suc-
céder en cas de besoin. Mais sa santé ne put résister au climat et
aux grandes chaleurs de Tltalie, et il revint en France, toutefois
après avoir grandement profité de son séjour dans la ville étemelle.
C*est pendant son séjour à Rome qu'il s'appliqua à bien étudier
les cérémonies de TÉglise. Pour s'en instruire à fond, il consulta les
hommes les plus savants et les plus habiles en celte matière. H
écrivit des notes sur tout ce qu'il apprit, et s'en servit utilement
pour la première et la seconde édition des Cérémonies monastiques,
ouvrage composé par un ancien religieux bénédictin, nommé Bau-
drv.
Au chapitre général de 1647, il fut nommé prieur de Saint-Julien-
de Tours, et quelques années plus tard, supérieur des religieuses ,
du monastère de Chelles. Pendant les guerres civiles de la Fronde,
il fit preuve d'une grande prudence et d'une grande fermeté : grâce
à ses démarches, le monastère fut préservé du pillage, et les reli-
gieuses n'eurent pas à subir les insultes auxquelles elles étaient
exposées de la part des troupes étrangères.
* En 1651, il fut nommé prieur de Saint-Nicaise de Rouen ; mais il
resta peu de temps dans cet emploi, parce que le visiteur de Bre-
tagne étant venu à mourir, il fut appelé aie remplacer. Il remplit si
dignement celle charge, que le chapitre général de 1654 le nomma
visiteur de la province de Toulouse. Le zèle et la prudence dont il
fit preuve pour maintenir ces deux provinces dans la paix et la
régularité lui concilièrent l'estime et le respect de tous. En 1657,
il fut élevé à la dignité d'assistant du père général, et dans ce poste
éilttineht, il rendit de grands services à la congrégation par ses con-
seils et sëà bonè exemples.
En 1660, il fut nommé prieur de Saint-Corneille de Compiègnc;
mais conimè son corps était usé par les travaux et les austérités, au
Chapitre suivant, en 1663, on l'envoya en qualité de prieur, dans
G[»0 SnCIFTÊ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE OU LIMOUSllI.
le monastère de Saint-Fiacre, comme dans un lieu de repos, on.
dispensé des exercices les plus pénibles, il pourrait rétablir se?
forces. Dans tous les monastères dont il fut supérieur, il donna de?
marques de sa régularité et de sa modestie.
Devenu inlirme par suite de ses austérités et de ses travaux, il
supplia le Chapitre général de 4666 de le décharger de la supério-
rité. Sa demande fut accueillie, et le monastère de Saint-Gerroaiu-
des-Prés lui fut assigné pour demeure. Il y fit l'office de sous-prieur,
et donna à la communauté l'exemple de la régularité et des autn^
vertus monastiques.
Ses supérieurs, voyant sa santé rétablie, voulurent le remettiv
dans les charges de Tordre : mais il s'en excusa humblement, ei
demanda de finir ses jours comme simple religieux.
Il mourut pieusement le jour de saint Benoît, dont il portail Ir
nom, c'est-à-dire le 21 mars 1682, à Tâge de soixante-onze an>,
après cinquanle-deux ans de profession religieuse ; il fut inhumé
dans la grande chapelle delà Sainte- Vierge (1).
On a de lui :
« La science et la pratique du plain-chant^ où tout ce qui appar-
tient à la pratique est établi par les principes de la science et confir-
mé par le témoignage des anciens philosophes, des ph^es de l'Eglise
et des plus illustres musiciens; entf autres de Guy Arétin et de Jean
des Murs, par un religieux bénédictin de la Congrégation de saint
Maur, —A Paris, chez Louis BlUaine, 1673, 1 vol. in-4*. »
« L'auteur dit dans sa préface que la principale raison qui Ta
engagé à entreprendre cet ouvrage, est que, dans la multitude
d'auteurs qui ont écrit sur le chant, à peine s'en trouve-t-il un
seul qui ait traité tous les points de théorie et de pratique qui 1^
concernent. Après avoir apprécié les travaux des auteurs, tant an-
ciens que modernes, il déclare que son dessein est de faire un re-
cueil de tout ce qui se trouve épars dans leurs meilleurs livres, et
d'assembler en un corps tout ce qui peut appartenir à la théorie el
à la pratique du plain-chant.
» Le P. de Jumilhac divise son ouvrage en plusieurs parties, et
réduit à six principaux chefs tout ce qui concerne le chant. Chaque
partie est divisée en plusieurs chapitres. La première traite de la
science du chant et ne contient que peu ou. point de pratique ; la
seconde traite des sons ou des voix et de leurs intervalles ; la troi-
sième, du tempsou delà mesure des mêmes sons; la quatrième, des
(1) DoM Tassin, Histoire littéraire de la Congrégation de Saint- Maur,
1770, p. 95-98.
LES BÉNÉDICTINS DE SAINT-UAUR ORIGINAIRES DU LIMOUSIN. 651
tons ou modes des pièces de chant ; la cinquième, de leurs cadences
et du temps ou mesure des silences ou pauses des mômes caden-
ces ; la sixième, de la pratique ou de la manière de s'exercer au
chant.
» L'auteur ajoute deux autres parties, qui sont la septième et la
huitième, et servent de preuves et d'éclaircissements aux points les
plus importants du texte des six parties précédentes. La huitième
et dernière contient tous les exemples figurés dont il est fait men-
tion dans l'ouvrage. Les trois premiers exemples sont représentés
sur des planches gravées; et les autres, au nombre de vingt, sont
seulement imprimés sur les pages du livre. L'auteur n'a pas oublié
les différentes manières dont on notait le chant en Occident, avant
que Guy Arétin, bénédictin du monastère de Pompose au duché de
Ferrare, eût inventé les lignes, les notes, les lettres ou clefs, le B
carre ou le B mol, avec les syllabes tit, ré, mi, fa, sol, la, si. Les
fréquents passages de cet ancien moine italien, cités par dom Be-
noît de Jumilhac, sont pris d'un manuscrit du xi* siècle, apparte-
nant à l'abbaye de Saint-Evroult en Normandie.
» Il y a beaucoup d'art et d'érudition dans le livre du P. de Ju-
milhac. Comme son nom ne paraît point au frontispice, les pères
Bouillard et Le Cerf ont avancé qu'il a seulement dirigé l'impres-
sion de cet ouvrage, et que dom Jacques Le Clerc (1) en est l'auteur.
Mais leur prétention est combattue par dom Martène, qui, dans
rhisloire manuscrite de la Congrégation attribue à dom Benoît de
Jumilhac La science et la pratique du plain-chant (2). »
C'est lui « qui revit et perfectionna les petites Règles de la con-
grégation de Saint-Maur, et celles qu'ell»^ prescrivit à tous les offi-
ciers. Les unes et les autres ifurent imprimées sous le généralat de
dom Bernard Audebert (1663-1669). Elles parurent encore en 1687,
sous ce titre : Règles communes et particulières de la Congrégation
de Saint-Maur, nouvelle édition corrigée sur les constitutions, décla-
rations et règlements des chapitres généraux, 1 vol. in-S'» (3).
Dom François Chazal
Dom François Chazal, un des plus stricts observateurs de la
règle de saint Benoît et des pratiques de la réforme de saint Maur,
(1) Ce religieux, né h Langres, 6 1 profession à Sainl-Âugustin de Limo-
ges, le 10 avili 1641.
(S) Dom Tassin, Histoire littéraire de la Congrégation de Saint-Maur^
p. 98-99.
. (3) Id, lUdy^.dB.
bo2 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ftl IIISTOHIQCE DU LmoUSIKC.
hàt|ult, on 1677, de parents distingués par leur noblesse, dans U
petite ville de Meymac (aujourd'hui Corrèze). Il éhtrti dans te^o-
grégâtion de SainUMaur et pportonçases vœuxâ l'Age de di%-sépî
ans, le 1" août 1694, dans l'abbaye de Saint-Augustin de Limoges.
1. — Elevé par son mérite au\ digbilcs de son ordre, il fut un
dés supérieurs les plus accomplis de la congrégation. Lorscjù'îl^fait
prieur de Sainl-Pîerre de Brantôme, il écrivit rhiétoire de cette
abbaye.
2, — Pendant qfuMl gouvernait Tabbaje de Saint-Mâixent en Poi-
tou, il en composa en latin Thistoire, avec TofiBce de ce palron. On
les conservait dans la bibliothèque de Fleury ou de Sain t<-B^!neît-
sur-Loire.
3.— Dom Chazal fut nommé prieur de cette abbaye dans le Cha-
pitre général de 1717. 11 consacra tous ses loisirs à en composer
une histoire complète. L'ouvrage, en deux volumes io-foffo, est
partagé en douze livres : le premier est précédé d'une épître dédî-
catoire au glorieux patriarche saint Benoît et d'une longue préface.
Celte hisloire, où Ton remarque une critique judicieuse, est pleine
de recherches sur les anciens moines de cette abbaye qai se sont
distingués par leurs vertus, leur sainteté et leur érudition. Dom
Rivet, dans la préface de VHistoire littéraire de la Franee, témoi-
gne qlte le P. Chazal lui a donné plusieurs connaissances et com-
muniqué diverses découvertes sur les savants que Tabbaye dé Fleur>
ou Saint-Benoît-sur-Loire a formés dans tous les siècles; et il
ajoute que dom Chazal a écrit une histoire de cette abbaye « qui
mériterait de voir le jour ».
4. — Ce savant religieux écrivit ensuite la notice des manuscriti
de la riche bibliothèque de Tabbaye de Fleury.
5. — Il composa en outre les oflices de la translation et de Tilla-
tion des reliques de saint Benoît dans celte célèbre abbaye. Ces
offices ont été imprimés.
6. — Le Chapitre général de 17i3 confia à dom Chazal la direc-
tion du monastère de Pontlevoi. Il commença par y attirer les reh-
gieux les plus aptes à instruire la jeunesse qu'on élève dans le
collège ou séminaire de celle abbaye. H en fit Thistoire sur le«
titres originaux, comme il avait fait celle de Solignac et des antres
maisons dont il avait été supérieur.
7. — II composa des Heures particulières à Tusage des écoliers
associés à la petite congrégation de l'Enfance de Jésus. Elles furent
examinées par un grand vicaire de l'évoque de'Blois, et, sur son
{approbation, imprimées dans cette ville chez Philibert Masson.
Devenu hydropiqué depuis quelques années, dom Chazal se pré-
para à la mort, et, au mois de février 1729, il fit son testament spi-
LES RÂTIÉOlCTIffS M gAtUT-IIAIjn ORKINAIftES DU LIMOUSIN. tê^
riUtéldâï]fcSiIeqael:iIttémoigne:son:attachefliBnt à .la isame docifine
et son enlièi^e soamisston àl'EgUse. .11 mourut ie .13 âéi^enÂre
1729, h'Yige ée tinquantwdeuxaii^,. regrette non s^ulemeat detses
codfrèrc^, mais des hommes dn^mofide qui dTaient Tavi^Qt^e 4e
le eoonaitre (1).
Doxn Jaan Colomb
Dmiv Jean 'Colomb naquit à Limoges, xl'use famille de: riches né-
, godants, le là novembre 1688. Il était fils ile. Pierre. Colomb et de
Catherine LaTîe (â). Uentradans la congrégation 4es ifiénédictins
de Saint*Manr, et fit son noviciat à Rennes, dans Tabbaye deSaint-
Mélame. C^est dans celte maison jopi'il prononça sesivœux» le fômai
I707,^à l'âge de dixrnenf ans.
Dom Rivelse Tassocia avec deux anlre& bénédictins, nés à' Limo-
ges, dom Dnctou; et dom: Poucet, pour la composition' de V Histoire
iittépaire de la France, Ces religieux demeuraient ensemble à
Tabbaye de Sainte Vincent du Mans. Le premier volume de ce. grand
ouvrage parut en 1733; le second et le troisième, en 1785; laqua-
■ trième en 1738, et les autres successivement, fiom Coloilib, entré
dans cette carrière en 1727, y marcha d'an pas ferme, sans.-que
rien fût capable de ralentir son zèle et de refroidir son ardeur.
Dom Rivet étant mort en 1749, après la publifialion du .huitième
volume, dom Colomb De cessa de fournir des roémoires.aux conti-
nuateurs de rzrûfotr^/i^ratr^^ domi Taillandier, dom Glémencet,
dom François Clément. Il avait fait, pour la suite de .ce grand ou-
vrage, des recueils considérables^ qui s'étendaient depuis, le xm*
siècle jusqu'au xvi* inclusivement.
(I) Dom Tassun, Histoire lilténUre de la Congrégation de Saint-
Maufy p. 49 J.
(S) Voici 80D acte de baplôme, que nous avons transcril dans les regis-
tres de la paroisse de Saint-Pierre :
<r Ledoaziesme novembre 1688, j^ay baplizé un garçon» n^Jc mpsone
joor, de Pierre Coulomb et de Catherine Lavie (son épouse), a esl^ pommé
Jean et a eu pour parrain Jean Coulomb, et pour marraine d^^ J^ge,.veufve
de feu H" Jacques de Velxlac, vivant procureur au si^ègc pré.sidiat.et «éné-
'clîal de' la présente ville.
' i "(Ont sigtié) *! Framçoise Juge ; Jean Colomb.
y. GiBOT, vicaire.
Dans an autre acte de baptême (^^'janvrer-'tOOd), Pierre; Cimlomb esr dit
maréhand*
Autre acte, t août I0li6.
. '{Archivée^ communales, de Limageê).
'654 SOCIÉTÉ ARCaÊOLOGIQUE RT HISTORIQUE DU LIMOUSIIC.
Dom Colomb ne s'est pas borné à travailler avec applicatiGi) à
VHistoire littéraire de la France : il a donné aussi une utile col-
laboration aux savants auteurs de VArt de vérifier les date$. O
monument de la science historique, entrepris par dom Maur DaL-
tine, continué par dom Clément et dom Durand, eut une première
édition en 1750; une seconde édition, augmentée et complétée par
Dom Clément, vit le jour en 1770. Les savants bénédictins rendeoi
hommage à dom Colomb, et disent dans la préface de leur ouvrage:
« M. Le Jeune, chanoine prémontré de l'abbaye d'Estival, et doE
Jean Colomb, religieux de Tabbaye de Saint- Vincent du Manf.
nous ont aidés, par les mémoires qu'ils nous ont fait parTenir à
débrouiller la chronologie et la succession des grands-a]ailre> du
Temple. Nous avons reçu de dom Colomb bien d'autres services,
dont nous ne devons jamais perdre le souvenir : tant que le Sei-
gneur lui a laissé la vue, dont il est privé depuis trois ans (1767.
il n'a cessé de faire des recherches pour nous; et ce que nou^
avons dit de mieux sur les comtes d'Anjou, du Maine, de Poitiers.
de la Marche, du Périgord et d'Angouléme est le fruit de s^>
recherches (1).
En dehors de sa collaboration à VHistoire littéraire de la France
et à Y Art de vérifier les dates, dom Colomb a composé plusieurs
ouvrages, dont voici le litre :
1® Histoire de l'abbaye de Saint-Vincent du MatiSj qui commence
à la fondation du monaslère, en 572, et finit à Tintroductioa de la
réforme de Chezal^Benoit en 1502 : cette histoire, restée manas-
crite jusqu'à nos jours, a été publiée, sous la direction de MM. An-
jubault et Legeay, dans les Annuaires administratifs de 1864, 1865
et 1866 (2).
2° Lettre sur Gilles de Paris, auteur du poème intitulé Carouiv.
Cette lettre, imprimée dans le Journal de Verdun (septembre !75S,
p. 206), fut réfutée par M. du Radier dans ce même journal Jan-
vier 1759, p. 413);
3** Lettre sur Christophe de Longueil. Dom Colomb le fait cod-
naître comme professeur de droit à Poitiers, fait ignoré, dit Tauteur,
(le ceux qui ont parlé de cet homme illustre (^Journal de Verdn»,
janvier 1764, p. 52);
4' Mémoire pour servir de supplément et de correctif aux écrivais
qui ont parlé de Charles-Fernande moine de la congrégation ât
Chezal'Benoity par le R, P, Colomb, religieux bénédictin (Journal
de Verdun, décembre 1755, p. 445) ;
(1) Art de oérlfier les dates^ édit. 1770, p. viii.
(2)' Nous devons ce dernier repseignement à dom Plolin (Icitrc do
30 février 1866).
LES RÂNâDIGTlNS DK 6AINT-HAUR ORIGINAIRES DU LIMOUSIN. 658
5® On trouve à la Bibliothèque nationale, dans Tun des derniers
volumes de la collection dite de dom Housseau, une correspon-
dance autographe dans laquelle dom Colomb transmet à dom Hous-
seau de fréquents renseignements sur Ihisloire de la province du
Maine, que ce dernier avait entreprise (1);
6" Une Histoire des évéques du Mans a été publiée en 1837 sous
le nom de dom Colomb; mais l'auteur de V Histoire de l'église du
Mans, dom Piolin, bénédictin de Solesmes, fait observer que l'on
peut raisonnablement douter que dom Colomb en soit Tauteur.
D'abord ni dom Tassin ni aucun biographe ne la lui attribuent, et
cependant ils font connaître les ouvrages manuscrits que cet au-
teur avait laissés. Ensuite on ne reconnaît point dans cet abrégé
le talent, le caractère et surtout les idées bien connues de dom
Colomb (4).
Voici, du reste, ce que dom Piolin nous a fait l'honneur de nous
écrire à ce sujet : « L'éditeur de Y Histoire des évéques du Mans,
attribuée faussement à dom Colomb, est Charles-Joseph Richelel»
bibliothécaire de la ville du Mans de 1826 à 1836, puis imprimeur-
libraire au Mans, né à Cacn le 22 janvier 1803, et mort aux envi-
rons de Caen vers 4849 ou 1850.
» Le manuscrit dont il s'est servi existe à la bibliothèque du
Mans. Il est mutilé des premières pages, et Richelet a composé ces
premières pages sans en avertir. Il ne porte aucun nom d'auteur;
mais on est fondé à Tatlribuer à Jean-Baptiste Guyard de La Fosse,
prêtre delà ville de Mayenne et janséniste des plus obstinés.
» Richelet n'allègue aucune raison pour assigner cet ouvrage à
dom Colomb. Il savait que ce religieux avait écrit une Histoire de
r abbaye de Saint-Vincent, Il lui fallait un nom quelconque et un
nom déjà connu : il prit celui-là. Ce procédé était tout à fait dans
les manières de Richelel, et au Mans il n'y a pas le moindre doute
(|u'il n*ait pris ce nom uniquement pour le besoin du moment, sans
s'inquiéter d'autre chose (3). »
Dom Colomb, quoique d'une santé faible et délicate, et malgré
ses travaux continuels, parvint à un âge très avancé. Devenu aveu-
gle sur la fin de ses jours, il était estimé de tous dans la ville du
Mans, autant pour l'aménité de ses mœurs que pour ses grands
sentiments de piété et de religion. Il mourut eu celte ville, dans
l'abbaye de Saint- Vincent, le 30 janvier 1774, à l'âge de quatre-
vingt-six ans (4).
{{) Dom Pjolin, Histoire de Véglise du Mans, l. (, p. cjtiii.
(2) bom Piolin, Histoire de V église du Mans, t. I, p. cxxii.
(3) Lettre de dom Piolin, iO février 1866.
(i) Dom Tassin, Histoire littéraire de la Congrégation de Saint- Maur^
p. 761. — P. Laforest, Limoges au XVII^ siècle^ p. 109,
'On Sait qneA' HUtQire liUéraire de la France, interrompue par U
B^vplutH>n,'fat reprise. en «1807. par ordre de ('empereur/ et que b
ràdaclion «n fut jConTiée à T'Académie des Inscriptions et BeUa-
L«^^^5. DaQs ravertis&ement qui précède le treizième, volume, ie<
continuateurs de ce grand ouvrage rendent un hommage méntè
aux deux bénédictins limousins dom Poncet et dom Colombo « Le<
mémoires de dom Colomb relatifs à VHistaire littéraire restèrest
au Haps, disent-ils, après la mort de ce dernier : ils ont été
recueillis, mis en ordre et conserv.és avec soin par M. l'abbé R^
nouard, conservateur de la bibliothèque départementale du Maos.
lequel, sur un ordre de Son Excellence le ministre dé rintérieur.
en a fait la- remise à la classe d'histoire etlde Qllérature ancienne
» Quelque. insufOsant que soit ce secours, la commission se fait uii
devoir d'en reconnaître l'utilité et de payer le tribut d'esUme dû a
'deux solitaires (sic), qui, sans aucune eàpéraoce de gloire, tétaient
.dévoués. à CA travail (i). »
M. ClémQntfSimon, au ch&teau de^fiacb, commune de. NaTe>
{Gorrèzç), possède, nous .a-t-on-dit, de nombreux manuscrits df
dom Colomb.
Dom François Deschamps
Dom François Deschamps, né. à. Limoges le 24 février ilid {%.
entra dans la congrégation des Bénédictins >de Saint-Maur. li fit
profession dans: l'abbaye de^ Saint-Allyrede Clermont, le 11 octo-
bre 1746 (3), à râg.î de divhuit ans, dit la matricule de l'ordre .
Reçu membre de l'Académie des Sciences et Belles-Lettres de
Clermont-Ferrand, nous ne savons en. quelle année, il y lut plu-
sieurs mémoires, qui sont conservés, à la. Bibliothèque de Cler.
mont, dans les cahiers de cette savante compagnie. Citons en par-
ticulier les deux suivants :
1° Dissertation sur les rois d'Auvergne, par dom . Descbamp$.
ne)igieux bénédictin de la Congrégation de.Saint-rMaur, et de la
Société littéraire de Clermontv lue à l'assemblée publique de 1761.
Cette dissertation existe dans- les registres de la Société. On en
trouve un extrait dans le^Mercure, mars 1765 (p. 1|6 433).
« yauleurrnégligeant de traiter de l'origine des Auvergnats,
comme étant une question fort obscure et peu susceptible de noo-
(1) Hist, lUtér. de la, France^ ^•,^?^^ avertisse çncnl.
(S) Legros^ Poat7té|m8. de Nadauà^ t. If, an. 1805.
(3) DchiTassin, Histoire lùiéraire deYaÙon^régation de Sofni-Ma^^
p. 7Ô9. . ♦ i - .• -
velles lomières, se côntcûle de prouver que leur pays était fort
peuplé et la lïation plrfssante dès ratr 629cte la fottdàtibYi dé' Rome,
ce (pA répond tf ceû't vingt-deux ans avatrt Tère clïrôlîénné. If entre
dans té plus grand détail str^ ce cfuî concerne lèà roîs d'Auvcfgne,
leur gouvérnèibent, leurs richesTses, leurs nftBUrs; et il cMduîl cette
histoire jusqu'à la mort de Vércingétorîx. II fixe la portion de
Gergovia sur h montagne qui en porte le uoni, à mfile lieue éû sud
de Cterniont. R déterminé le passage de l'Allier par César à Vkfiy,
où il prétend qu'on trouve encore, des restes des pieuX ^uî softfte-
naient un pont de bois. EnGn, il traite de Nemossus, caput Arvemo-
rum^ que Strabon platce sur la Loire, mais qui n'était, selon dom
Deschamps, que la première ville d'Auvergne dans cette partie, et
non la capitale dé totit le pays des Arvernes (1). »
Nous lisons dans le Supplément de la Bibliothèque hlstoriqt$e dé là
France, parle P. Lelong (édition Fontette),que, « le 25 août 1766,
dom François Deschamps, bénédictin de la congrégation de Saint-
Manr, lut à l'Académie de Clermoni un Utémoire historique sur les
anciens rois d'Auvergne », qui était sans doute le complémettt ou
la suite du travail précédent, el on ajoute : « Ce Mémoire est entre
les mains de l'auteur, qui travaille à Une histoire générale de
l'Auvergne » (2).
^ Dissertation sur le temps od a técU Vinnebr'and, auteur de la
Vie de saint Aïlyre, évéque de Cïermoni,
Cette Dissertation, conservée dans les registres de la société lit-
téraire de Clérmont, se trouve datiis la Bibliothèque de cette ville.
La vie de saint AUyre, par Vinnebrand, était manuscHte dans les
arctiives de l'abbaye de Sâint-Allyi-e. Ce rtiatluicrit est cité par Sa*-
vàrôn ; et presque tous lés historiens qui ont inailé de l'Auvergne,
dom Mabilion, les auteurs du Gallia chri^tiàna\ s'autorisent de soh
léàïoignage : mais on n'a pôirtt encore assigné d'époyjtfe stire à ce
manuscrit. 'On a dit qu'il est de Vinnebrrftid, moîne de Saint-Xhjrè,
dont on ignore l'époque, cujus œtas ig)%ora'tiir. L'auteur de la dis-
sertation rapporte ce rtianuècrit et le temps xiii a Vécu son auteur &
la fin du vni* siècle ou au commencement du ix® ; il donne en
môme tempâ an entrait de ce manuscrit (3).
Outre les dissertations citées dans la Bibliothèque -dû P. Lelong,
on conserve à la Bibliothèque de Clermont, dans les papiers de
l'anciennne Académie, quatre autres mémoires de doVn Frataifois
Deschamps.
{^)'BWliatfiè^ue historique <ie la France^ par le P. Lelong, édition
Pttrftw^B, h« 3;9I5, t. 1,'p. Uâ.
(ï) Jbid., n» 37,403. l. V, p. 490.
(à) "Blétiàih^ue historique d£ la France, n« fc/ili, t. I; p. Stô.
é
i
d5d SOCIÉTÉ AnCllROLOÛIQÛe Rt BI^rORlOUB DU L1É0US)K.
Les volumes 340 et 347 de la colleclioa Moreau conlieDoent<]o
nombreuse& lettres de ce religieux, toates relatives à sa mission en
Auvergne, et une série de pièces copiées par lui dans des monas-
tères ou des châteaux de la partie haute de cette province (1).
Nous voyons, d'après une note manuscrite de l'abbé Legros î
que dom François Deschamps résidait à Meymac (Corrèze) en 18û5,
Û était alors âgé de soixante-seize ans; il est probable qaile>i
mort, peu de temps après, dans cette ville. Mais nous ignorons h
jdate précise de son décès.
Dom Joseph Duclou
Duclou (Joseph) naquit à Limoges vers 1680. Il était fils de Jean
Duclou, bourgeois et marchand, demeurant faubourg Monlmailler.
ot de Marie Romanet.
Son père, qui prend le titre de sieur duTeilloux ou du Teillol 3
obtint, le 28 mars 4698, un brevet d'armoiries, signé Charl»*?
d'Hozier, que nous avons sous les yeux. Ces armes sont : d^azur à m
chevron d'or surmonté d'un croissatit d'argent, accompagné de troit
clous d'argent, deux en chef et un en pointe.
Joseph Duclou entra jeune encore dans la Congrégation de Saint-
Maur et prononça ses vœux dans Tabbaye de Saint-Augustin de
Limoges, le 30 mars 1698. Ses gouls et ses aptitudes le portaient
vers les recherches historiques, vers Télude des antiquités chré-
tiennes et de la lillérature nationale. Ses supérieurs l'appelèrent à
Paris, fi l'abbaye de Sainl-Garmain-des Prés, pour travailler, sons
la direction du savant Denys de Sainte-Marthe, au Gallia christiana.
Le premier volume de cet important ouvrage avait paru en 1715:
Denys de Sainte-Marthe, en 1717, s'adjoignit dom Duclou; etdaQ>
l'avertissement qui précède le second volume, publié en 1720, il a
soin de dire que, outre les collaborateurs mentionnés dans la pré-
face du premier volume^ il s'est associé, depuis trois ans, deux
membres de sa congrégation, deux hommes très religieux et très
doctes, dom Jean Thiroux et dom Joseph Duclou, qui lai prêteat
l3ur concours pour la continuation et l'achèvement de l'ouvrage
commencé (4).
(1) Lettre de M. A. Vernièrb (Brioude, 21 juillet 1887).
(2) PouUlé ni8, (ieNADAUD, t. Il, an 1803.
(3) Ce domaine noble, situé dans la commune de Chaplelat, fut acheté,
le 14 août 1647, par Jeaa Duclou, aïeul du bénédictin. Les descendants
actuels de Jean Duclou ont ajouté le nom de ce domaine à leur nom de
famille et signent Duclou du Teillol.
(4) Prsetcr adjutores et socios mei laboris in prasralionc primi Gallie Cbris-
LES BéNROrCTINS DB SAINT-MaOK ORlGINAtHKS DU LIllODSIH. 6^0
- Le troisième volume parut en 1725 ; Denys de Sainte-Marllie
étant mort celte année, dom Duclou fut chargé de continuer l'ouvrage
avec la collaboration de dom Jean Thiroux et de dom Félix Hodin. II
lit paraître les deux volumes suivants : le quatrième, publié en 1728,
renferme un grand nombre de ses recherches (I); le cinquième
parut trois ans plus tard (1731).
La réception forcée de la bulle Unigenitus, en 1723, dans la con-
grégation de Saint-Maur, ayant eu pour résultat de faire disperser,
par lettres de cachet, les religieux de Tabbaye de Saint-Germain qui
avaient donné dans les idées jansénistes, dom Duclou subit le môme
sort que plusieurs de ses confrères qui furent bannis de Saint-
Germain à cause de leur opposition à la bulle; il fut relégué dans
Tabbayede Chezal-Benolt, diocèse de Bourges, et ensuite dans celle
lie Saint-Vincent du Mans.
Dans celte nouvelle retraite, dom Duclou, sans cesser de fournir
des matériaux pour la continuation du Gallia christiana, fut associé
à dom Rivet de la Grange pour travailler à V Histoire littéraire de la
France. Ce savant bénédictin, né à Confolens, « ne pouvait suffire à
à ce travail : il choisit parmi ses confrères quelques religieux qui
pussent l'aider dans ses recherches ; il les voulait laborieux, exacts,
réguliers, d'un goût sûr et capables de l'éclairer lui-même dans les
discussions épineuses d'un ouvrage de celte nature: il eut le bonheur
de trouver ces qualités réunies dans dom Joseph Duclou, dom Mau-
rice Poncet et dom Jean Colomb. Ces trois religieux, qui étalon L déjà
ses amis, devinrent ses associés ; ils travaillèrent de concert depuis
ce moment, et leur assiduité fut si grande, qu'en 1728 dom Rivet se
irouva en état de commencer l'impression de ï Histoire litté-
raire (2) ».
Toutefois, le premier volume ne parut qu'en 1733 : dom Rivet
mourul en 1749, après la publication du VHP volume et eut pour suc-
cesseurs, dans la direction de l'œuvre, d'abord domClémencet, puis
dom Clément.
On a de dom Duclou une notice sur dom Rivet. Cette notice a
été publiée dans \^ Journal historique de Verdun, mars 1751,
lianae tomi commémorâtes, duos ex noslro sodalilio à tribus annis accessc-
ruDt, viri religiosissimi et doclissimi domnus Johannes Tliiroux etD.Jose-
pbus Duclou qui mutuam operam mihi conferunt ad suscepli operis conti-
nualionem et perfectionem. {Gallia christiaixa^ t. Il, admonitio).
(1) In prs^^enti volumine, opéra et studio DD. Johannis Thiroux, Joseph
Duclou et Felicis Hodin confecto. [Gallia christiana, t. IV, col. xux).
(3) Eloge de dom Rivet, dans VHlêtoire littéraire de la France t. IX,
p. XXIX.
De nombreux documents, peeueîllis. par le tobecieiifeiL bé^édietin.
Mt servi a^x membres de LlnsUtat chargés de Qe^UaueF ÏBùtoir^
littéraire de la France.
Bom Ducloit mourtil à Sasat-ViDceat da Mans le 34 avril 1735,
wftt la rèpucation d'ua religieux Irès savaat et très piena (1).
Dom I/éoBard Duclou
Ducloa (Léoiianl)> né à Limoges, aevea du préeédeol el hè^t-
dietift comme lui, mourut au monastère de Soligoac Ters 1790 (i .
Ilafail composé un Bieiionnaire de la langue liw^êunnê^ Am\
il montrait l'analogie arec les langues anciennes et modernes.
Cet ouvrage avait paru digne de l'impression, puisqu'il est saivi
du permis d'imprimer.
On trouve, dans le Calendrier limourin de 4777, un prospectus
de ce Dictionnairey proposé par souscription à 5 franoa^ en juîu
1776. L'ouvrage devait former un volume in-8* et paraître en mars
1777; il ne fut pas publié faute de souscripteurs.
Le volume, resté manuscrit (in-é^"), se trouvait, en 1811, entre
les mains de xV. Duclou, commissaire aux impositions : en 185i i)
faisait partie de la bibliothèque de M. Roméo Cbapoolaud, impri-
meur; il appartient aujourd'hui à ses enfants (3).
Dom Dumas (Jean-Laiireiit)
Dumas (Jean-Laurent), né à Lubersa^, diocèse de Umog<»ft iao-
jTMird'hui diocèse de Tulle), fit profession à Saint-Augustin de li-
moges le 15 août 1628, à l'âge de dix-neuf ans. Il était né par
conséquent en 1609« Il monrut, le 8 mai 1676, au moiuaslère do
SOiigiuic. Il a fourni au Monaitkùn Benedictinum: Abrégé des cko-
$n plus remarquables arrivées ou qui se reneantremi au monastère
de SolemnaCy depuis la fondation diceluy, 1663 (BlbltoCheque
natiuiaie, manuscrits ialins, n"" 12^7, fol. 137 (4).
M. l'abbé Leder, coré-doyen de Gompreignac, possède «me copie
de cet ouvrage.
(t) Bom Lb Ceef, Bibliothèque historique de la Congrégation de ^aint--
Maur, p. 465; — Dom Tassin, Histoire littéraire de la Congrégatloti de
Saint'Maur, 1770, p. 792; ~- Âbbô Vitra^, Aiuiales de îBtt^ 31 mi,
p. 173.; — Auguste Du Boys, Biographie limousine^ 1834, p. 213»
(3) Âbbé ViTBAC, manuscrit.
(3) Annales de ÎBÎÎ^ vendredi 31 mai, p. 173; — Biographi$ ImQjtmne,
(Auguste Du Boys), p. StS;^ Laporbst, Limoges au XVtî* gié<d€^ p. aHè,
(4) Matricule f n» 307; — Ulysse Robert, Supplément à rhistoire Utté-
ruire des Bénédictins de Saint-Maur^ p. 41,
lF.S bftl^éDlGtlNS t>B SAlKT-lkAUlt OlfOINAIKft» DO UWODSIN. 661
Dom Dupeyrat (Michel)
Dapeyrat (Michel), né à Limoges vers 4633, fit profession dans
le monastère de Saint-Augustin le 47 février 4654, à Tàge de dix-
sept ans. Il mourut à Saint-Savin de Poitiers le 34 décembre 1694,
à rage de cinquante-huit ans. Il est Tauteur de Commentaires sur
la règle de Saint-Benoit conservés à la Bibliothèque nationale, ms.
lat. 42,642 1^4).
Dom Dupin (Jean- Augustin)
Dupin (Jean-Augustin), né à Limoges eii 4577, embrassa
la réforme de Saint-Vanne et fit profession dans Tabbaye de
Saint-Vanne de Verdun, en Lorraine, à l'âge de trente ans,
le 25 mars 4607. Il fut du nombre des religieux bénédictins
de Saint- Vanne qui vinrent de Lorraine en France pour intro-
duire la réforme dans les monastères. Envoyé à Tabbaye de
Saint-Augustin de Limoges, il seconda puissamment dom
Regnault, le principal fondateur de la Congrégation de Saint-
Maur (2). En 4G35, il se trouvait à Limoges dans Tabbaye de Saint-
Auguslin. Il mourut dans l'abbaye de Sainte-Croix de Bordeaux
le 24 février 4652, à l'âge de soixante-quinze ans. « On conserve en
manuscrit à Saint-Augustin de Limoges, dit domTassin, V Histoire de
celte abbaye, par dom Augustin Du Pin, religieux de ce monas-
tère (3;. Ce manuscrit, que l'abbé Nadaud avait vu, a malheureu-
sement disparu.
Dom Fdye (André-Joseph)
Faye (André-Josephj, né à Solignac en 4654, fît profession à
Saint-Mélaine de Rennes, le 34 août 4672, à Fâge de vingt et un
ans. H nwurut le 45 octobre 4699, au monastère de Beaulieu en
Limousin. Il a composé l'ouvrage qui a pour litre : Le moyen de
vivre content, qui est conservé jl la Bibliothèque nationale (ms.
français 49,322) (4).
(4) Matricule, n» 1376; — Ulysse Robert, loc. cit., p. 80.
(3) Laforest, Limogea au XVIl^ siècle, p. 104, 105,
(3) Dom ÎASsm, Histoire littéraire de la Congrégation, de Saint-Maur^
p. 51 ; — Biographie limousine^ p. 2i6.
(4) Matricule, 0^307; — Ulysse Robert, op. cit., p. 4%.
T. XL. il
^^'
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66S
SOCIÉTÉ ARCaÉOLOGIQUK Kt HISTORIQUE DU LlttOUSIN.
m^
Dom Galand.
Il ^^•
h-^.
Galand (Jean-Martial), né à Saint-Julien, diocèse de Tulle, ni
profession à Bourgueil, le 30 janvier 1724, et mourut à Notre-Dame
des Noyers en 1766. On a de lui :
1» Histoire ou chronique de t abbaye royale de Saint-Maur if
Glanfeuil'Sur-Loire, 1748, ms. franc. 18,923;
2" Histoire des évéques d'Angers. Ibid., p. 261 ;
3** Chronologie des seigneurs de Craon depuis Van 9^7 jns
qu'en i738, ms. franc., 19,863 (publiée par M. NobiUeau).
Il nous apprend lui-môme (ms. fr. 18,923, p. 255) qu'il a corih
posé une Histoire de l'abbaye de Beauiieu-les-Loches, Est-ce 1^
notice qui est dans le ms. lat. 12,797, fol. 158, v^?
(Matricule, no 5767. — Ms. fr. 18,923 et 19,863) (1).
Dom Laurent (François)
9
Laurent (François) alias Laurens et Lorenl, né à Bourgaoeuf.
diocèse de Limoges, en 1625, fil profession dans l'abbaye de Saini-
Augustin de Limoges le 18 octobre 1642, à l'âge de dix-sept ans. Il
mourut le 29 septembre 1688, au monastère de Mauriac, en Au-
vergne. Il a fourni au Monasticon Benedictinum l'histoire du Monas
tère de Saint-Pierre de Mauriac. — Bibliothèque nationale. m>.
lat. 12,683, fol. 159 (2).
»
Dom Martin (Joseph)
Martin (Joseph), né à Limoges vers 1669, fit profession au rai>-
nastère de Saint-Augustin de cette ville le 12 avril 1688, à l'âge
de dix-neuf ans. Il mourut à Saint-AIlyre de Clerraont le 19 juiii
1709. On a de lui : Apparatus in editionem Theodereti, ms. Ju
supplément grec de la Bibliothèque nationale.
(Matricule, n'»3759. — Ms. 417 du supplément grec (3).
(() Ulysse Robert, Supplément à l'histoire des bénédictins de Scùa:-
Maur. p. 47.
(t) Matricule, n" lOlS; m-?, lat. «2,683, fol. '59;— Ulysse Robert.
Supplément à l'Histoire littéraire de la Congrégation de SairU-Maur,
p. 61.
(3) Ulysse Robert, Supplément à l'Hist, littér, de Ut Congrégation de
Saini'hiaury p. 71.
l
LES BÉNÉDICTINS DR SAINT-llAUR OUlGINAlRES DU LIMOUSIN. 56^
Dom Léonard de Massiot.
Dom Léonard de Massiot naquit en 1643, à Saint-Léonard de
Noblac (1), diocèse de Limoges.
La famille Massiot était très ancienne à Saint-Léonard. M. Louis
Guibert, dans son Recueil des livres de raison (2), a publié les regis-
tres de comptes et notes diverses de Gérald Massiot et de ses
enfants, du 17 février 1431 jusqu'à la fin du xv* siècle. Parmi les
prieurs de TArtige, on en trouve deux de cette famille : Etienne
Massiot, prieur en 1432 et 1436; autre Etienne Massiot, en 1468(3).
Léonard entra dans la congrégation de Saint-Maur en 1661 , et il
prononça ses vœux le 13 octobre 1662, dans l'abbaye de Saint-Allyre
de Glermont.
En 1678, il fut nommé prieur de Mauriac. Pendant plus de vingt-
cinq ans, il fut successivement supérieur dans plusieurs monastères :
prieur de Tabbaye de Saint-Savin en Poitou (4701-1702), prieur de
Tabbaye royale de Saint-Cyprien de Poitiers (1703-1709), il fut sou-
vent député aux Chapitres généraux de son ordre; partout il sut
conquérir Teslime et mériter Taffection.
Religieux d'une vertu éminenle, il réunissait une vaste science à
une grande piété. Son talent pour la prédication se fit connaître un
jour dans une grande assemblée. Le prédicateur se trouvant
empêché par une indisposition subite, dom Massiot monta en
chaire et improvisa un sermon qui excita l'admiration de tout son
auditoire.
Sur la fin de ses jours, dom Massiot, devenu très infirme, obtint
d'être déchargé de ses fonctions de supérieur. 11 souffrit ses maux
avec une patience et une douceur admirables. Sa mort répondit à sa
vie édifiante; il rendit son âme à Dieu le 25 avril 1717, à l'âge de
soixante-quatorze ans, dan l'abbaye de Saint-Cyprien de Poitiers,
où il avait été supérieur (4).
On a de lui l'ouvrage suivant :
Traité du sacerdoce et du sacrifice de Jésus-Christ, et de son union
(1) Et non pas à Saint-Léonard de Noaille, comme on lit dans dom Le
Cerf (p. 3!7) et dans dom Tassin (p. 380).
(2) Liorea de raison, registres de famille et journaux indioidueU
Limousins et Marchais, 1 888.
(3) Prieuré de VArtige^ par Tabbé Roy-Pierrefitte, Bulletin archéolo-
gique, t. YiU, p. 102.
(4) Don Tassin, Histoire littéraire de la Congrégation de SainUMaur^
p. 380-81.
6di SOCliTB ARCUÉ0L0G1Q|]E Et DISTOR^QUB l>l) LlliOUSiM.
avec les fidèles dans ce mystère, — A Poitiers, chez Jean Fleuriaut:;
Jacques Faulcon, 1708, iD-4^
Seconde édition en 1714, à Poitiers, chez Jacques Faulcon, in4*,
642 pages.
Ce traité était achevé en 1701, aiors que dom Massiot était prieur
de Saint-Savin en Poitou.
L'ouvrage est divisé en quatre livres. Le premier traite du sacri-
fice en général : on y trouve des pages savantes sur les preuves d?
l'existence de Dieu, sur le culte intérieur et extérieur qui lui estdiL
et sur le sacrifice, qui est la forme la plus excellente du cqIU:
divin.
Le second livre traite du sacerdoce et du sacriGce de Jésus-Chri^i
où le Sauveur est tout à la fois prêtre et victime. L'auteur montn*
Tunité et la durée de ce sacrifice, qui, commencé dans le temps,
se perpétue dans la suite des siècles et se continue tous les joQ^^
sur nos autels.
Le troisième livre traite des effets et du mérite du saciifîced»-
Jésus-Christ, sacrifice d'expiation, sacrifice de louanges et d'actions
de grâces, mystère d'unité, signe de l'union des fidèles, mystère de
foi, oii Dieu manifeste sa toute puissance : ici l'auteur donne
diverses preuves de la présence réelle dans Teucharislie.
Le quatrième livre traite du sacerdoce de Jésus-Christ, en tant qu'il
se communique aux ministres de son Eglise. Ici l'auteur parle de la
dignité des prêtres et de leurs devoirs d'état; il montre le pouvoir
qu'ils ont reçu d'offrir le sacrifice, de remettre les péchés et d'ins-
truire les peuples.
Il termine ce quatrième livre par de savantes considérations sur
les ornements sacrés et sur les cérémonies liturgiques, dont ii
explique le symbolisme et le sens mystérieux ; il entre dans de grands
détails sur les prières et les diverses cérémonies de la Messe.
Les nombreux passages des pères et des docteurs de L'Eglise qui
sont cités dans ce livre accusent chez fauteur une vaste érudition,
et les savanls commentaires dont il les accompagne dénotent on
esprit doué de facultés éminentes.
L'évêque de Poitiers (Jean-Claude de la Poype) à qui cet ouvrage
était dédié, le fit lire dans son séminaire. Il dit, en approuvant ce
traité : « Nous le croyons très utile pour renouveler dans les prêires
et dans le reste des fidèles la foy et la ferveur avec laquelle il faut
participer » au sacrifice de Jésus-Christ.
M. de Rochebonne, évoque élu de Noyon, disait également ; *&
traité m'a paru très capable d'instruire et d'édifier les fidèles ».
Le P. Pouget,de l'Oratoire, auteur in Catéchisme de Montpellier.
s'exprimait ainsi : « Ce livre n'est qu'un précis de ce que les Sainls-
V!.
LES BÉNÊDICTIKS DE SAINT MAUR ORlGlNAfRRS DU LIMOUSIN. 665
Pères ont dit de plus beau et de plus édifiant sur cette impor-
tante matière. Les prêtres et les simples fidèles ne sauroienl trop
se remplir de la doctrine divine répandue dans tout cet ouvrage ».
Ce livre est aujourd'hui fort rare et fort recherché (1).
« Le nécrologe de Saint-Cyprien de Poitiers, où mourut dom
Massiot, rappelle très religieux et très instrui,t dans les lettres.
Supérieur plusieurs fois, il s'aquitta dignement de sa charge, sur-
tout pendant six ans, à Saint-Cyprien de Poitiers. Il mourut muni
des sacrements et est enterré dans le chapitre. Il était habile théo-
logien, quoiqu'il n'eût pas enseigné. Il avait commencé et a laissé
inachevé un autre ouvrage : « De la nature réparée par Jésus-
Christ [i) ».
II. — Ajoutons ici quelques notes sur divers membres de la
famille Massiot.
1. — En 1SS3, le lundi 11 septembre, le siège présidial de
Limoges fut installé par M. Massiot, conseiller au parlement de
Bordeaux (3).
2. — Jacques de Massiot se distingua dans les écoles de droit de
Toulouse, et devint conseiller au parlement da Bordeaux en 1558 (4).
3. — Lacroix-du-Maine, dans sa Bibliothèque Française, publiée
en 1584, cite un Massiot parmi les savants limousins qui florissaient
de son temps (5). Il s'agit sans doute de Léonard de Massiot, dont
nous connaissons un distique latin placé au dessous du portrait de
Bernard de Gérard, historiographe de France, en tôle de son édi-
tion de l'Histoire de France, publiée à Paris en 1576 :
In effigiem B. Girardi Francorum historiographie
Leonardi Massioti Lemovicis Nobiliaci distichon :
Corporis ista quidem est, animi sed imago, volumen;
Carta capax formœ, non opus ingenii,
Léonard de Massiot, fils de Mathieu, conseiller à Télection de
Limoges, était aussi conseiller au parlement de Bordeaux (6).
4. — La famille Massiot fut anoblie au xvi* siècle, et devint pro-
(1) Dans les catalogues du libraire Demichelis, il est coté 20 francs
(février 1865), 24 francs (février 1869), 25 francs (mai I86i). Nous possédons
un exemplaire de la seconde édition.
(î) Nadaud, Dictionn. ma,, p. 287, 318.
(3) P. BONAVENTURE, t. 111, p. 775.
(4) Annales de la Haute- Vienne, il juillet 1812.
(5) Bibliothèque Française, p. 305.
(6) Annales de la Haute-Vienne, i.i juillet 18ti.
666 SOCl^É ARCHÉ0L0G1QUK KT HtSTORIQUC OU LIMOUSIN.
priétaire dn ch&teau du Muraod, qui appartenait, au xv* sièele, àia
famille Daniel (1). Léonard de Hassiot, écuyer, sieur do Morand,
élu en rélection de Limoges, épousa, en 1606, Madeleine de Jo-
milhac, fille d'Antoine Chapelle, écuyer, seigneur de Jumilhac en
Périgord (2).
8. — En 1638, le chanoine Jacques de Massiot fut dépoté avec
le chanoine Jean Fargeaud pour porter à la reine Anne d'Autriche
une relique de saint Léonard (3).
6. — En 1701, on voit figurer parmi les consuls de la ville d/*
Saint-Léonard M. de Massiot, sieur du Muraud, frère oo neveu do
bénédictin (4).
La famille Massiot n'existe plus à Saint-Léonard ; elle est tombée
en quenouille dans la famille Veyrier du Muraud. Le dernier repré-
sentant du nom, Jacques Massiot, chanoine de Périgueux, mort à
Saint-Léonard en novembre 1763, avait une sœur mariée avec
M. Veyrier de ViroUe, qui, en héritant, par son mariage, du châ-
teau du Muraud, ajouta ce nom à son nom de famille.
Dom Maurice Poncet.
I. — Dom Maurice Poncet naquit à Limoges vers Tan 1684.
Il suivit l'exemple d'un frère qui s'était consacré à Dieu dans Tor-
dre de Saint-Benoit, et alla faire son noviciat dans la célèbre
abbaye de Marmoutiers, située dans un faubourg de la ville de
Tours. Il y prononça ses vœux à l'âge de dix-neuf ans, le 27 mai
1705, en même temps que dom Rivet, dont il devait être plus tard
le collaborateur pour VHistoire littéraire de la France.
Il suivit avec beaucoup d'application et de succès les cours do
philosophie et de théologie, sans jamais négliger ni perdre de vue
les moindres obligations de Tétat religieux qu'il avait embrassé; el,
comme il manifestait une rare aptitude pour les œuvres d'érudilion
et les travaux littéraires, il fut envoyé avec dom Rivet à l'abbaye
de Saint-Florent de Saumur, où les supérieurs de la Congrégalion
avaient fondé, pour le perfectionnement des études, une académie
de langues savantes et de sciences ecclésiastiques.
Cette académie, composée de religieux distingués par leurs
(1) Nobiliaire Limousin, t. Il, p. 9 et 36.
(tjNobiUaire Limousin, t. ili, p. 20 ; t. !•% t« édil., p. 428.
(3) L'ABOi Oboux, Histoire de la oie et du cuUe de saint Léonari,
1760, p. 180.
(4) Vie de saint Léonard^ 1863, p. Î72.
LES BENEDICTINS DE SAINT-HAUR ORIGINAIRES DU LIMOUSIN. 667
talents, était dirigée par dom Thierry de Viaixnes, habile théolo-
gien de la congrégation de Saint- Vannes, malheureusement entaché
de jansénisme, que les ordres de la cour, en 1710, avaient transféré
à Saumur à cause de son opposition à la bulle Unigenitus, Dom
Rivet et dom Poncet subirent un peu, il faut l'avouer, l'influence
de leur maître.
L'Académie de Saint-Florent avait pour objet la science de la
théologie dégagée de la méthode scolastique et étudiée principale-
ment dans ses sources. Ainsi c'était surtout dans les textes origi-
naux de l'Ecriture, dans les Conciles, dans les Pères grecs et latins,
dans les anciens historiens de l'Eglise, que les académiciens de
Saumur puisaient la science ecclésiastique.
« L'émulation fut telle dans cette société de. jeunes littérateurs
qu'en moins de deux ans ils composèrent à l'envi plusieurs disser-
tations sur les sujets les plus difficiles de l'érudition sacrée (1). »
Dom Poncet, qui se livrait à l'étude avec beaucoup de zèle et de
succès, fit plusieurs dissertations remarquables, dont une seule,
élaborée vers 17i3, a été publiée en 1760. Elle a pour titre :
Nouveaux Éclaircissements sur Vorigine et le Pentateuque des Sama-
rilainsy par un religieux bénédictin de la Congrégation de Saint-
Maur.
IL — Chose digne de remarque, ce n'est pas dom Poncet qui a
fait paraître cet ouvrage : c'est dom Clément, savant et laborieux
bénédictin, l'auteur de la grande édition de VArt de vérifier les
dates, le continuateur du Recueil des historiens de France, Dom
Clément a revu et publié cette dissertation, du vivant même de
l'auteur. 11 a mis en tête du livre une préface très instructive, et il a
ajouté à la fin une partie du xi'^ chapitre et le xn® en entier (2).
Cette dissertation traite principalement du Pentateuque des Sama-
ritains. L'auteur parle d'abord de l'origifie de ce peuple, des causes
de la haine mutuelle des Samaritains et du peuple juif, des livres
qu'ils reconnaissaient comme canoniques, de l'époque où ils avaient
reçu leur Pentateuque, des différences qu'il y a entre leur texte et
le texte hébreu des Juifs, etc. Dom Poncet met dans tout son jour
et développe parfaitement la preuve que les théologiens ont cou-
tume de tirer du Pentateuque samaritain pour démontrer l'authen-
ticité et l'intégrité des cinq livres de Moïse.
Les journalistes de Trévoux parlèrent de cet ouvrage avec éloge.
Dom Poncet avait composé une autre dissertation qui avait pour
(1) D. Clément, préface du Pentateuqtie Samaritain, p. 13.
(2) FiLLER, Dict, hist,, art. D. Clémcni.
668 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HlSTOaiQt'B DU LfHOUSlN.
litre : « De l'inspiration des livrés saints^ contre Leclerc, MoUma.
Lsesius, Richard Simon »; mds le manuscrit est perda (i).
m. — Dom Poncet avait été appelé à Paris avec Dom Rivei :
mais le$ sentiments d'opposition qu*il avait manifestés, avec sot
confrère, contre la bulle Unigenitus, le firent reléguer avec iaî, ^s
1723 v2), à l'abbaye de Saint- Vincent du Mans. « Ses supérieur-
voulurent sauver avant tput Tintégrité de la foi. Qu'importe h
science, si elle s'égare, et que fait la grandeur de Tesprit si la
vérité s'amoindrit (3) ! »
A Saint-Vincent du Mans, dom Poncet fut associé aux travanv
du savant bénédictin dont ii avait partagé la disgrâce. Dom Rivet.
né, comme on sait, à Confolens (4), avait conçu le vaste dessein
d'écrire VHistoire littéraire de la France. II chercha autour de In:
quelques savants religieux qui pussent l'aider dans cette immeo?^
entreprise, et il choisit pour collaborateurs trois bénédictins nés à
Limoges, dom Joseph Duclou, dom Maurice Poncet et dom Jean
Colomb.
Voici le témoignage que dom Rivet a rendu, dans la préface d**
VHistoire littéraire : « Dom Maurice Poncet, en particulier, ayant
bien voulu, dès 1723, s'associer avec nous pour l'exécution de noire
dessein, en a partagé le travail (autant que les différentes situa-
tions où la Providence l'a mis ont pu le lui permettre) jusqu'au
commencement de celte année 1732. Il est fâcheux que sa santi^
Tait abandonné au besoin, et l'ait obligé d'interrompre ses utiles
recherches (8). »
En 1732, « obligé d'aller où la Providence l'appelait », pournou-
servir des expressions de dom Tassin, il continua d'amasser des
matériaux atin de contribuer à la perfection de ce grand monument
littéraire.
IV. — Ce qui dislingue surtout dom Poncet, c'est le noble dé-
sintéressement avec lequel il se livrait à ses utiles travaux. Loin
de vouloir en retirer aucun avantage personnel, il communiquait
(1) Nadaud, Mém, mss, — Vitrac, Annales de la Haute-Vienne^ 16|mar«
4813.
(t) Si nouseo croyons une feuille clandestine et janséniste inlttulée: In
Nouoellea Ecclésiastiques, celte relégalion aurait eu lieu le 99 août I7il.
(3) L'abbé Saivet, Biographie de dom Rœet .
(4) Voirdansla Semaine religieuse 6' Anf^oul&me^ iO mai et tO juin 1866,
une remarquable biographie de dom Rivet, qu*on doit à la plume facile et
savante de M. Tabbé Saivet (depuis évéque de Perpignan).
(5) Histoire littéraire de la France, préface, p. ixxiu.
LE3 BteBDlCTINS OB SAINT-HAUR ORlGlflAIRBS DU LIMODSIIV. 669
libéralement à ses confrères le fruit de ses laborieuses recherches,
montrant par là qu'il ne travaillait pas dans Tespoir d*une vaine et
stérile renommée, mais dans l'intérêt de la science ecclésiastique
et pour la gloire de la religion.
Parmi les autres bénédictins qui reçurent de lui une précieuse
collaboration, nous citerons les savants auteurs du Nouveau Traité
de Diploinatigue, dom Touslain et dom Tassin. Ces religieux, qui
étaient ses amis, lui en ont témoigné leur reconnaissance dans
deux endroits de leur ouvrage (1).
<( Ce n'était pas seulement à ses confrères qu'il donnait le fruit
de ses lectures continuelles : plusieurs savants séculiers, tels que
M. Ponce des Essarts et M. de Mongeron, profilèrent des mémoires
qu'il leur envoya. »
V. — « Il serait difficile, dit l'historien de la Congrégation de
Saint-Maur, a qui nous avons emprunté une partie de ces détails
biographiques, il serait difficile de trouver un homme dont l'éru-
dition fût plus vasle. Il y Joignait une candeur et une simplicilc
admirables. Mais ce qui fait encore mieux son éloge, c'est sa ten-
dre piété, l'amour de son état et la pratique continuelle et persé-
vérante de toutes les vertus chrétiennes et religieuses (2). » C'est
dans ces saintes dispositions qu'il finit ses jours dans l'abbaye de
Coulombs, au diocèse de Chartres (3), le 2 novembre 1764.
Les manuscrits de dom Poncet relatifs à VHistoire littéraire
du xin* siècle, et s'étendant môme jusqu'à la fin du xiv% furent,
après sa mort, envoyés à Paris, à l'abbaye des Blancs-Manteaux. —
Les membres de l'Académie des Inscriptions, chargés de continuer
IHiMoire lUtérait^e de la France, se sont fait un devoir de recon-
naître l'ulilité des recherches de dom Poncet, et de payer un Iribut
d'estime à son érudition, aussi solide que d^^sintéressée (4).
Un autre bénédictin du même nom, dom Poncet, fut, à l'époque
de la Révolution, le dernier prieur claustral de l'abbaye de Saint -
Augustin, à Limoges.
Bom Armand Vaslet.
Armand Vaslet, religieux bénédictin, prieur de Beaulieu, en
1723 et 1727, a écrit V Abrégé de l'histoire de Beaulieu (5).
(i) Nouoeaa Traité de diplomatique, 1750-1765, t. I, p. 544.
(9) Dom Tassin, HUt. littér, de la Congrégation de Saint Maur, p. 760.
(3) Aujourd'hui canton de Nogent-Ie-Roi, département d'Eu re-ct- Loir.
(4) Hist, littér, de la France, t. XIII, Avcrlissemenl.
(5) Chronique de Brigueil l'ainé, Arckioes historiques^ t. IV, p. 16
(1899).
670 SOCIÉTÉ AnCBÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIHOUSIN.
Dom Verthamond (Jean-Grégoire).
Verthamond (Jean-Grégoire), né à Limoges vers 1601, fil prth
fession à Nouaillé, en Poitou, le 23 mai 1620, à Tâge de dix-neaf
ans. Il mourut le 5 mai 1680, à Jumiëges. Il est Tauleur de di-
vers ouvrages qui sont demeurés manuscrils à Jumièges.
(Matricule, n'88; — Nouvelles acquisitions franc, 4170). Hù-
toire de l'abbaye de Jumièges, 2* partie, p. 184 (1).
L'abbé Arbellot.
(1) Ulysse Robert, Supplément à VHist, littér, des Bénédictins df
SainUMauTy p. 94.
L'ÉGLISE DE BLOND
Parmi les diflférentes communes qui forment T arrondissement
de Bellac, une des plus intéressantes pour Tarchéologue aussi bien
que pour le touriste est certainement la commune de Blond. Au
touriste, ce coin de pays pauvre et montagneux offre plus d'un site
pittoresque, soit que des hauteurs nues et couvertes de bruyères
qui dominent le bourg au Sud, on découvre, charmé, dans la direc-
tion de Bellac et au-delà, un immense horizon ; soit que, tout en
parcourant Tune des cinq ou six roules qui traversent celte com-
mune, on se trouve tout à coup au milieu de quelque vaste lande,
entrecoupée ça et là de vieilles châtaigneraies mélancoliques aux
troncs difformes et plus que séculaires. Que dis-je? Le touriste peut,
à unefaible dislance du bourg, dans la montagne, admirer une véri-
table curiosité naturelle, je veux parler des fameux rochers de Puy-
chaut, ces trois blocs gigantesques qui oscillent sur eux-mêmes.
Mais, plus encore que le voyageur en quête des beaux sites ou des phé-
nomènes de la nature, Farchéologue a, dans la commune dont il s*agi t,
de quoi exercer, de diverses manières, ses sagaces investigations.
En dehors du bourg, l'emplacement encore visible de l'ancien
château de la Barde, ainsi que les ruines gallo-romaines de la forêt
de laTourette; dans le bourg même, la vieille église, semblable de
loin à une sorte de forteresse, tout cela sollicite également l'atten-
tion des amateurs du passé.
L'église de Blond! Il y a certes là le sujet d'une étude spéciale,
d'autant plus qu'elle n'a pas seulement pour nous un intérêt archéo-
logique, mais que, si nous en croyons la curieuse chronique inscrite
en marge de son plus ancien registre paroissial qui remonte à 1559,
elle aurait joué, pendant la seconde moitié jdu xvi* siècle, à l'occa-
sion des guerres de religion, un rôle très important. Aussi e^-ce à
ce point de vue particulier que nous allons nous placer. Nous nous
proposons, dans le court et modeste travail qui va suivre, d'étudier
6Ti SOCIÉTF. ARCRROLOGIQUE RT DISTORIQUE DU LIMOUSIN.
successivement l'église doDt les habitants de Blond sont justemenl
fiers, par son côté archéologique d'abord, puis par son côté his-
torique.
Sous le rapport archéologique, il est certain que cel édifice esl
des plus remarquables. On peut s'en convaincre en considérant taat
soit peu allenlivement les excellentes vues photographiques que je
suis heureux de pouvoir offrir à la Société historique et archéolo-
gique du Limousin et que je dois au talent et à Tobligeance de mon
beau-frère le C*" Maurice des Monstiers Mérinville.
Deux de ces vues surtout nous donnent une idée très complète
du monument que je voudrais essayer de décrire en quelques
lignes.
L'une est prise du côté Est du bourg, l'autre de la petite place
qui précède l'église au Nord-Ouest. La première nous montre l'en-
semble de la nef terminée par un chevet arrondi, éclairé lui-même
par trois fenêtres gothiques et étayé de deux légers contreforts. La
seconde nous fait apparaître, vue de biais, la tour carrée du clocher,
avec sa belle façade que surmonte un campanile et dans la partie
inférieure de laquelle s'ouvre un large portail roman à triple toos-
sure. Acoup sûr tous ces détails donnent à l'église qui fait l'objet de
cette étude un aspect des plus intéressants. Mais ce n'est pas là tout.
Ce qui la recommande le plus, selon moi, à notre attention, c'e-^t
le système défensif qui paraît avoir élé adapté, à une époque donnée,
à chacune de ses parties. Ce n*est pas en effet seulement de loin,
comme nous Tavons dit tout à Fheure, que notre église ressemble à
une forteresse; plus on la regarde de près, et plus ce caractère
lui semble inhérent. Ne voit-on pas d'abord que, tout autour de la
partie supérieure tant de la nef que du clocher, règne, immédiate-
ment au dessous du toit, toute une série de fenêtres, les unes bou-
chées, les autres encore béantes, qui étaient évidemment destinées
à concourir à la défense de l'édifice eu cas d'attaque ? Puis chacun
des quatre gros contreforts servant d'appuis à la tour carrée du
clocher, n'est-il pas surmonté d'une espèce de petit réduit également
pourvu d'ouvertures et par conséquent approprié de même à la
défense? Enfin que dire de ces mâchicoulis qu'on aperçoit au-dessus
du portail, à la hauteur des réduits dont nous venons de parler?
Comme l'indique assez clairement la porte à demi murée dont le
seuil apparaît un peu au-dessus d'eux, ils sont sans aucun doute
les restes d'une sorte de balcon en pierre qui avait pour but, lui
aussi, de protéger de ce côté l'édifice. Ainsi, sous quelqu'aspeetque
l'on considère l'église de Blond, il est évident que nous avons là,
comme à Rançon et à Compreignac, une de ces anciennes églises
fortifiées qui abondaiont autrefois dans la Basse-Marche ainsi que
dans la règioa enYironnante, et qui, noa moins qae les châleaux-
forts^ servaient, en temps de guerre, à la défense du pays.
Très intéressante, on le voit, au point de vue archéologique,
l*église à laquelle nous avons consacré celte élude, Test peut-être
encore davantage au point de vue historique. On connaît en effet
son histoire pendant les guerres religieuses de la moitié du xvi* siè-
cle, où, nous le répétons, elle a joué un rôle relativement impor-
tant. Ce rôle, il est vrai, n'avait pas encore, à notre connaissance
du moins, été mis en lumière par les différents historiens ou chro-
niqueurs qui se sont occupé de Thistoire du pays, et pourtant il
nous est attesté par un témoin irrécusable, par M*' Martial Michau.
Curé de Blond de 1865 à <613, celui-ci, sur les registres
paroissiaux dont la tenue, selon Tusage d'alors, lui était confiée, a
eu l'heureuse idée d'inscrire, en marge, une mention plus ou moins
détaillée de chacun des événements importants ou simplement
curieux, qui, à cette époque mémorable, s'étaient passés dans
sa paroisse ou y avaient eu leur contre-coup. Nous n'avons
donc, pour raconter l'histoire de l'église de Blond pendant les
guerres de religion, qu'à reproduire successivement les passages
les plus intéressants de la chronique laissée par le vieux curé du
xvi' siècle, et nous essayerons en môme temps de compléter ou
d'expliquer ces précieux documents par les renseignements que
nous fournit l'histoire du Poitou, de la Basse-Marche et du Limousin
durant cette môme période.
C'est, nous l'avons dit, à Tannée 1559 que remontent les actes
les plus anciens contenus dans le plus vieux des registres paroissiaux
conservés à la mairie de Blond. Quant à la chronique de Messire
Martial Michau, lequel commence, comme curé de la paroisse, à
écrire de sa main les actes de baptême avec le 1" janvier 1565, celte
chronique débute en octobre de Tannée 1567, à l'occasion du
passage des troupes protestantes dans le pays. Voici, inscrite à la
suite d'un baptême du 29 octobre, la note aussi curieuse qu'impor-
tante relatant les graves événements dont la paroisse qui nous
occupe venait d'être le théâtre.
« Ce mesme jour et penultiesme dud. moys d'octobre, l'église de
B|om fust ruinée et du tout deslruicle par les heuguenaulx jusques
aux grilhes des fenestres et veries, et ne vit ount jamais tant grant
companie de gens d'armes qu'il passa par led. bourg lesd. deux
jours, et autour sept ou huit lieues lellememenl que en passant
ils preigniount les lièvres enlr'eulx sans chiens, et le say par gens
qui en virent prendre les ungs en dessendent de la lande à Mont-
large, et d'autres es landes du chaîne de la lègue, comme me dict
et assura le grant Jehan de la Bourderie, par* de Monsteroullet, en
674 SOCIÉTÉ ARCBÉOLOÛIQUB Et BIStORlQUE DU LlMODSlK.
venant de Montmorilhion, ensemble le lO* jour de janvier 15Tî
emprès que lui et Jehan de Bral en virentprendre deaxesd. laade<
sans ciens et une qui se saulva.
» Les ornements de l'Eglise de Blom furent tous prins par lesd.
heuguenaulx en ung secret qui estoit chez Jehan Marchadier.
demeurant aud. bourg, et fust led. secret enseigné par Maisirt
Guilhelme Gravier, iceulx estant mountés à cheval pour s'en aler.
car ils ne le heussent peu aultremenl trouver, mesmes qu'il>
couchèrent droict dessus sans en rien congnoistre. »
Ainsi, d'après la chronique en question, dans ces derniers jours
d'octobre 1567, l'église de Blond, dont, à la première nouvelle de
l'approche des huguenots, on s'était empressé de retirer les « orne-
ments » pour les cacher chez un habitant du bourg, M« h han Mar-
chadier, l'église de Blond n'avait pas échappé à la fureur icono-
claste de ces terribles partisans : tandis que, pendant deux jours
consécutifs, leurs bandes innombrables ne cessaient de traverser le
bourg de Blond et inondaient le pays à deux ou trois lieues à la
ronde, ceux d'entre eux qui s'étaient arrêtés dans cette localité rai-
naient et détruisaient entièrement l'église catholique, principal objet
de leur haine. Faut-il prendre toutefois à la lettre la phrase de Bles-
sire Martial Michau relative à cette destruction et croire qu'il ne soil
rien resté de réditice dont il s'agit? Evidemment non, puisque le
môme chroniqueur a soin d'ajouter que si « l'Eglise de Blond fut
ruinée et du tout destruicte », ce fut seulemement « jusqaes aux
grilhes des fenestres et verries ». Ce qu'il aura voulu dire surtout
dans sa phrase un peu obscure^ c'est que les huguenots, comme ils
le faisaient du reste partout ailleurs, avaient non seulement détruit
et peut-être brûlé tout ce qui se trouvaient à l'intérieur de l'église
en fait de bancs, confessionnaux et autres boiseries, mais qu'ils
avaient arraché aussi les barraux de fer des fenêtres, et brisé, dans
leur zèle fanatique, lesvitraux où étaient représentés les images de>
saints.
On sait d'ailleurs par l'historien Pierre Robert que, le 81 de ce
môme mois d'octobre 1567, une armée calviniste de 2,000 hommes,
commandée parSaint-Cyr, après avoir incendié lebourgdeI-.eslerp<
et traversé celui de Peyrat, devait venir mettre le siège devant la
ville du Dorât; nul doute par conséquent que la » tant granl com-
pagnie de gens d'armes » qui avait passé par Blond le 29 et le 30.
c'est-à-dire la veille et l'avant-veille, ne soit précisément cette
armée de Saint-Cyr.
Si Tannée 1567 avait été néfaste pour les habitants de la paroisse
dont il s'agit, l'année 1569 devait être pour eux encore plus néfaste.
N'était-ce pas le temps ou les huguenots battaient les catholiques à
L^iOLISR Dl ftLONb. 675
la bataille de La Roche-r Abeille en Limousin, et où Goiigny passait
par le Dorai en se rendant à Poitiers, dont il devait entreprendre le
siège, non sans avoir détruit sur son passage Téglise de Saint-Sau-
veur-de-Charroax? Aussi ne sommes nous pas surpris de voir cette
année-là le bourg de Blond et son territoire en butte, à plusieurs
reprises, aux incursions de Tennemi. Mais laissons la parole à notre
chroniqueur : « Le l"jour de juingi569, dit-il, Téglise de Blom fut
parachevée de ruiner et le clouchier bruslé par ung (parti de) quatre
cent chevaulx qui vindrent de Conroulant conduits par le page
Vosnial et le capitaine nommé Monsieur de Montbrun qui fut lue
trois ou quatre jours emprès devant Chabanois. »
Quel était ce page Vosniat dont parle M* Martial Michau? Nous
rignorons. Quant au capitaine, nommé Monsieur de Montbrun, il
s'agit, croyons-nous, de François deCoussac, seigneur de Montbrun,
qui en février 1568, Tannée précédente par conséquent, avait été
cité au rôle des nobles du Haut-Limousin convoqués pour le ban et
Tarrière-ban. Ce qui est certain, c'est que ces deux chefs hugue-
nots se montrèrent non moins impitoyables pour les malheureux
habitants de Blond que ne Tavaient été deux ans auparavant les
troupes de Sainl-Cyr, puisqu'ils achevèrent de ruiner Téglisè,
déjà si saccagée par leurs devanciers, et môme n^iésilèrent pas à
mettre cette fois le feu au clocher.
Après avoir accompli ces actes de vandalisme, Vosniat et Mont-
brun se dirigèrent du côté de Chabanais où le second de ces deux
personnages devait, paraît-il, trouver la mort; mais leur troupe ne
larda pas à être remplacée par une autre compagnie de gens
d'armes qui, si elle ne se rendit pas coupable d'excès aussi graves,
n'en fut pas moins à charge à la population de notre paroisse, car,
répartie dans les villages où elle était logée, elle se livrait au pillage
et à la maraude. « Le i8« du d. moys (d'octobre) », ajoute en effet
le chroniqueur, « fut prins ung jument de quelque compagnie qui
estoit lougiée à Villeahroulze et Puisgranier (1). D'aulcuns qui s'en
estoient venuz longer à chez la Mercière de lad. compagnie dirent
que ce estoit des larrons et allèrent quérir des gentilshommes qui
estoient pour lors à Puisregnau pour icelle (jument) avoir; lad.
compagnie estant venue, il n'y demeura homme au bourg? que trois
ou quatre, tant ils estoient aimés? et firent de grant chouses? »
Puisregnau, dont il est ici question n'est autre que Puernaud,
lieu noble, aujourd'hui disparu, qui étaitsitué tout près du village de
ce nom, à quelques centaines de mètres du bourg de Blond, non
(1) Villerajouze et Puygrcnier, villages situés dans la montagne aa sud
el dans la paroisse de Blond.
loin de la route actuelle de Vanlry. Tenu directement à foi et hom-
mage de la chateHenie de Mortemart (1), il appartenait alors à
« N. H. Melchior de Blom, escuyer, seigneur de Beaupuy ».
donl une fille avait été baptisée le 4 avril 1863 dans Téglise de
Blond, et dont la femme, damoiselle Marguerite de Gaing, arait
figuré comme marraine Tannée d'après dans la même église {2..
Le seigneur de Puernaud était par conséquent bon catholique
et ce n'était pas lui qui avait attiré volontairement les huguenots
dans son manoir. D'autre part, comme on le voit, les gentilshommes
du parti contraire aux catholiques qui avaient occupé momentané-
ment ce manoir faisaient observer aux soldats auxquels ils com-
mandaient un semblant de discipline, puisqu'ils s'étaient chargés
d'aller punir eux-mêmes les larrons calvinistes de ViHerajouze et
de Puygrenier.
Vers la môme époque, avait eu lieu de l'autre côté de Limoges la
bataille de La Roche-l' Abeille à la suite de laquelle Coligny victo-
rieux emmena son armée dans le Poitou afin d'en assiéger la capi-
tale. Il dut passer à peu de distance de Blond, entre le bourg et la
ville de Bellac et c'est très f,robablement au passage dans la con-
trée del'armée protestante que fait allusion M"" Martial Michau dans
le passage suivant de sa chronique écrit en marge des actes du
mois de juillet (1569).
<( En ce temps ici emprès passa le camp des heuguenaulx, eU an
plus près de nous, longèrent à Nouy (3) et Mazières (4) et tenoit
tout jusques à la Vienne (5) et bien cinq ou six lieues en bas, et
(f) Voir aux archives de la Vienne Paveu renda en 1540 au roi Fran-
çois h' à cause de son comté du Poitou et tour de Maubergeon par « luQt
ei puissant seigneur M'® François de Rochechonart, chevalier, gentilbonime
ordinaire de la chambre du Roi, seigneur des baronies de Morlheaian •
eic» pour « son chaslel place forte seigneurie et baronie de Monhemart,
terres et seigneuries de Beaufre et de <a Bar^ dépendantes d'icelle, etc. On
voit par cet important document que la terre seigneuriale de la Barde,
dont relevaii toute la partie poitevine des paroisses de Blond, Berneuîl,
Breuil-au-Fa, Vaulry, et Cieux, était dès lors annexée à la baronie de Mor-
lemart, ce qui nous explique comment il lesie aujourd'hui si pou ée
chose de son ancien manoir, sans doule déjà en ruine au xvi^ siècle.
(â) Voir dans le Dictionnaire des familles du Poitou^ par Beauchei
Filleau, la généalogie de la famille de Blom.
(3) Nouie, commune du canton de Mézière», arrondissement de Bellac.
(4) Mézières, chef-lieu de canton, arrondissement de Bellac.
(5) La Vienne passe en effet à l'Isle Jourdain, qui éiait sur le chemin de
Tarmée de Coligny pour se rendre sous les murs de Poitiers.
Ëgliw de Blond (la^adc).
• - F
l'êolisc db blond. 677
séjournèrent cinq ou six jours et bruslëreat plusieurs églises (1) et
maisons, et tuèrent beaucoup de prebtres et paisaas. »
Une des conséquences du passage des protestants non loin de
Biond en cette circonstauce fut évidemment une nouvelle occupa-
lion par eux du bourg et l'iropossibilité où se trouva le curé de bâp-
User les enfants nés alors. Aussi en marge des actes de baptême
relatifs à ces derniers et qui ne sont pas rédigés à la manière ordi-
naire, a-t-il inscrit cette note très significative dans son laconisme :
« Ne faut s'esmerveiller des actes cy dessoubs inscripts contre la
forme des aultres parce que ce est pour démonstrer que les eufens
qui naquirent lors ne peurent estre baptisés jusques à ce que les
heuguenaulx se en furent aiez. »
Les huguenots s'en allèrent en effet et M*" Martial Michau ainsi
que ses paroissiens eurent enfin quelques mois de tranquillité rela-
tive. Mais, le 3 octobre, nouvelle alerte, comme nous rapprend
notre chronique.
« Le 2* jour d'octobre 1569, vindrent treize chevaulxde vouleurs
des quartiers de Saint-Savin(â), heuguenaulx, entre lesquieulxestoit
Mons. du Vinau, Paient d'Escheyrac et Mons. d'Antainlt qui se
départit àMaubertrand (3) de peur qu'il ne feustcongneu en délibé-
ration, pour prendre M^ Jehan Gravillact de Vergondau, et, ne Taiant
peu tro.uver, prindrent M* Guillelme Gravier et François VerdiUac,
et tuèrent W Jehan de la Gousture d'un coup de pistolle pour ce
qull ne vouloit suivre, et YoulèrentNoslet(4} droict au poin du jour
( 1 ) Entre autre, croyons-aouo, celle de Berneuil ; car, en reconatruisaiit der-
nier cmeni celle vieillis é{g[lise,oa a retrouvé dans la partie supérieure cle« murs
de$ bouts de poutres et de solives calcinés parle feu, preuve manifeste d'un
incendie survenu autrefois dans l'édifice en question (communication due à
robligeance de M. Henri Noualhier, maire de Berneuil.)
(2) Saint-Savin-sur-Gartempe, chef-lieu de canton dans la Vienne, au
nord de Montmorillon. Celte petite ville possédait une abbaye célèbre, qui
fut, pendant les guerres de religion, dévastée par les huguenots, irôs nom-
breux dans le pays ; voir pour Thistaire de cette abbaye à Tépoque en
question, la Chronique des éoénements arrhes à Saint-SaoUi et aux
encirone depuis Vcu^née ÎS62 jusqu'en 1607, (D. Fonlenet^ii t. XXV, p.
615 et suiv.).
(3) Maubertraod, village situé dans TancieuDe paroisse de Vacqueur,
aujourd'hui réunie à celle de Btoud. *
(4) Nollet, lieu noli>le dans la paroisse de Bload, appartenait alors à
uoe famille du même nom qui figure souvent sur le» regUures paroissiaux
de Blond et dont un membre, Robert de Nollet, escuy.er, S** de Rousseix,
après avoir servi vers 1587 comme homme 4'armes dans la oompagoie d'or-
donuance de Gabriel delà Rie, seigneur de La Goste-Mézières, devait, en l$04,
commander à Bellac une compaanie de cent hommes de g aerre ar^pie-
busiérs k pied fcançaiso (Voir Bibl. nat., oab. des èiures, dossier Nollet aux
Carrés d*Hozier, et fonds français, montres, vol. 25,830, n" 1,107.
T. XL. 48
670 SOClirA AECHÉOLOGIOPK IT BISTORIQUK do LIHODSltl .
etMons. de Font Haubert (i), el tuèrent un cousturier de la Bastide
à mon advis à Nouic et blessèrent le cousturier des Ages d*un coup
de pistoUe qui desceda le 15* jour de décembre emprès, et lesdits
prisonniers furent délivrés en ung chasleau qu'on nomme Lavau,
paroisse de Bussières-Poictavine, à la poursuite de Hoos' de la Geste
et le Cadet deDroux, et les compagnies qui les suivirent. »
Nous n'avons malheureusement guère de renseignements à don-
ner au lecteur sur les trois chefs huguenots, venus de Sainl-Savin,
dont parle le curé de Blond. Quant au nom des personnages qu'ils
étaient venus chercher pour les emmener au loin comme otages et
qui furent tués ou blessés en essayant de se soustraire au sort
funeste qui les menaçait, ces noms ne nous sont, point inconnus. Ce
sont ceux des principaux habitants de Blond et le même registre
paroissial où est contenue notre chronique les cite plus d'une fois
chacun dans les actes de baptême de l'époque. Ils furent, ajoute le
chroniqueur, conduits au château de Lavau, dans la paroisse de
Bussière-Poilevinc (2). Ce fait, assez intéressant pour nous à con-
naître, prouve deux choses : d'abord que ce château, qui appartenait
alors à Jehanne de Razès (3), « veuve de feu Nycolas de la Lande >
et à son fils, autre Nicolas de la Lande, avait pour châtelains des
seigneurs attachés au parti calviniste, puisqu'il était assez fort pour
qu'on crût pouvoir y déposer en toute sûreté des prisonniers.
Il n'est pas non plus sans intérêt pour nous de savoir le rôle im-
portant que jouaient dès cette époque-là, dans la noblesse du pays.
Gabriel de la Rye, seigneur de La Coste-Mézières, et Pierre Je
Ghamborant, fils cadet de feu Pierre de Ghamborant, seigneur de
Droux, et de Philippe de Loubes. Avons-nous besoin de dire que
tous deux étaient réservés aux plus brillantes destinées? Le pre-
mier, qui avait été les années précédentes homme d'armes dans la
compagnie du comte d'Escars (4), devait devenir successivement
« lieutenant de trente lances du Roi sous la charge de Monsieur
de Morlemarl» (1573-1574), enseigne de la compagnie du duc d'An-
jou, frère du Roi (1577-1580) (5), chevalier de l'ordre et capitaine
(t) Le sieur de Fontmobert, terre située dans les environs de Bellac eo
tirant vers Morlemart, était à cette époque un Audebert, dont no descen-
dant, Pierre Audebert, sieur du Fiancourl en Saiut-JunieD-les-Gombes, élatt
vers le milieu du xvu^' siècle, vice-sénéchal de la Basse-Marche à BeUac.
(3) Le fief de Lavau en Russière-Poitevioe relevait directemeni de labaroû-
nie de Morlemart. Il est cité en ceUe qualité dans les aveux de Morlemart
au comté du Poitou.
(3) D'après le rôle pour 1 arrière ban de la noblesse du Haut-Limousin
dressé en 1568.
(4) Rôle de Tarnère ban de 4»68.
(5) Voir, dans les différents recueilsde montres, conservés aux manuscrits
L*éALlSB DB BLOND. 679
d'une compagoie de cinquanle hommes d'armes d'ordonnance
(1585) (1); enfin, en 1588, gouverneur de la Haute et Basse-Marche,
en remplacement du vicomte de la Guierche (2). Le second, seigneur
de Droux en partie, de La Beaune, Monl-Givray, La Pougerie, du
Coulombrail, baron d'Ars et de Neuvy-Saint-Sépulchre, sera sous
Henri III chevalier de Tordre du Roi, gouverneur pour S. M. de la
grosse tour de Bourges, conseiller, chambellan et colonel de la
garde suisse de François de France, duc d'Alençon, son Ueutenant
général en Berry, etc. (3). Remarquons aussi, pour revenir à leur
rôle dans la délivrance en 1569 des otages de Blond, que ni Tun ni
Tautre n'étaient absolument étrangers à cette paroisse. Au mois de
janvier de la même année, « Gabriel de la Rie, s' de la Goste »,
n'avait-il pas tenu sur les fonds baptismaux de Téglise de Blond
u Jehanne, fille de N. H. François de la Cousture? » Et de son côté,
le « Gadet de Droux » n'avait-il pas pour oncle Martial de Lavau,
seigneur de Brouilles?
Pendant la période qui s'étend de 1569 à 1580, si nous nous en
rapportons à la chronique de M"" Martial Michau, les habitants de
la paroisse de Blond semblent avoir joui d'un assez long répit de
la part des huguenots.
D'après les mémoires de Pierre Robert, dans le courant de l'an-
née 1573, un chef protestant, Sarrabourg, accompagné de 4 à 5,000
hommes, aurait pris les faubourgs de Bellac, et, après être entré
dans la ville, y aurait commis les plus grands désordres. Notre
chronique ne fait, il faut bien le reconnaître, aucune allusion à cet
événement. Et cependant il s'en faut que, même en ces années-là,
la paroisse de Blond eilt toujours été à l'abri des exactions des
gens de guerre. Quand ce n'étaient pas les troupes protestantes
qui passaient par le pays, c'étaient les troupes royales, et les pas-,
sages de celles-ci, pour être moins redoutés, ne laissaient pas
d'être encore assez onéreux pour les habitants. Pour se convaincre
de la vérité de ce que nous avançons, il suffit de relire, dans les
Registres consulaires de Limoges, les doléances présentées au Roi
par l'assemblée syndicale en 1581. « La continuation des troubles »^
de la Bibliolhëque naiionale, celles relatives à la compagnie Je René de
Rochechouarl, seigneur de Monemart, et à celle de François, duc d'Anjou.
(1) Voir aux archives nalionales, dans les registres du Parlement, une
plaidoirie de janvier 1585, au sujet d'un procès entre Guy de Daillon et
Gabriel de la Rie (X^» 5134, f^ 4).
(2) Voir dans VHiatoire du Dorât, par M. Aubugeois de la Ville du Bost,
la lettre écrite à cette occasion par Henri III au seigneur de La Coste-
Mézlères.
(8) Voir dans le Dictionnaire des familles du Poitou déjà cité la généa-
logie de Chamborant.
èSO SOCIÉTÉ ARCâEOLOOIQOB ET BISTOlUQUIk 00 LlMODSlN.
7 est-il dit, « ayant toujoars esté grande audict païs (de Limousin)
puis l'aD 1575, les habitants dMcelui ont esté... privés de traficq da
bestaiI...ont esté contraints par emprisonnementde leurs personne?
et prinse de leurs meubles, de payer la solde de ceulx de la religion
prêt, réformée qui tenoientpar force les chasleaux et places fortes
aud. pays, etc. ». Il résulte également de cet important et intéres-
sant document que « led. pays, puis Tan 1569, » aurait « tousjoan:
esté visité par les gens de guerre, tant à pied qu'à cheval », appar-
tenant à l'un et à Tautre parti. Nous n'entrerons pas ici, avec les
auteurs des Doléances, dans le détail de ces fréquents passages
d'armées qui y sont tous énumérés; nous nous contenterons
de relever celui du régiment du sieur de Bussy (I), qui
pendant Tannée 1875, peu de temps après l'armée du vicomte
de Turenne, auraient passé et même séjourné en Limousin.
Or, nous savons, par un des actes de baptême rédigés par
M* Martial Michau, que, dans les premiers jours de mai de celte
même année 1575, une des compagnies du régiment de Bussy
était logée à Blond ou dans les environs. Le 2 mai, en effet, Jehan,
fils de Noël Pouyat, demeurant à Grateyrolle, fut tenu sur les
fonts de l'église qui nous intéresse par « Jehan de Bruet de Douvre
Quérial, natif de Bouchain, près Abbeville, en Picardie, estant logé
chez led. Noël, de la compagnie du cappitainc de Saint-Séval du
régiment de Mons' de Bussi ».
Etait-ce aussi un chef de guerre en garnison momentanée à
Blond ce « Mons. de la Villatte (â) », qui le 7 juin 1579, d'après une
(1) Louis de Glermonl, seigneur de Bussy d*Amboise, bien célèbre dans
l'histoire du règne de Henri 111 donl il était Tun des c Mignons * el qui lui
donna en t576 le gouvernement de l'Anjou. Il avait reçu en 1674 le corn-
mandement d'un régiment d'infanterie composé de quatre compagoies,
et avail assisté avec son régiment aax prises de FoQtenay e*. de Lasignaa
sur les huguenots en septembre 1574 et en janvier 1573. L^historien de
Bussy, A. Joubert, nous apprend qu'après la reddition de Lusignau, celoi-ci,
pour se reposer de ses fatigues, était retourné à la Cour. C*est alors évi-
demment que son régiment fut envoyé prendre ses quartiers d'hiver dans ie
sud du Poitou, et c'est ainsi que le capitaine deSaint-Séval, à la tête d'nne
des compagnies de ce régiment, se trouvait au printemps suivant du cdié
de Blond.
(9) Il y avait dans la paroisse de Saint-Junien-Ies-Combes le lien noble
de la Villatte dont était alors seigneur propriétaire Charles Chauvet,de Tan-
cienne et illustre famille des Chauvet de Frédaigues, de Sannat, de la Vil-
laUe^ etc. Marié en 1557 avec Françoise du Mosnard. il était père de Jehan
Chauvet, S*" de la Villatte, qui devait faire partie en 1577 de la compagn'e
d'ordonnance du duc d'Anjou dont Gabriel de la Rie devait être de son
côté enseigne. Peut-être le meurtrier de Léonard Baritaud était-il ce Char-
les Chauvet, seigneur de la Villatte.
L*EGLISB DS BLOND. 681
note de notre chroniqueur, se serait rendu coupable d'un de ces
actes malheureusement trop communs dans les temps de guerre
civile en tuant, probablement sans motif de légitime défense, un
habitant du bourg que sa paisible profession — c'était un tailleur
— aurait dû mettre à Fabri d un sort semblable? Toujours est-il
qu*en marge de Tacte de baptême de Léonard Michau qui eut pour
parrain : « Léonard Barilau, tailheur », le curé a inscrit la note
suivante : u Led. Léonard Baritau fust blessé d'un coup d'espée
le jour de Pentecoste emprès, environ vespres, par Mons' de la
VlUatte, qui estoit le 7 juing 1579, lequel décéda dud. coup le 10*
jour dud. moys emprès... »
Cependant, dans Tintervalle de calme relatif où ils avaient vécu
de 1569 à 1580, les habitants de Blond non seulement avaient ré-
paré les dégâts faits par les huguenots à leur église en 1567 et en
1569, mais encore, par tout un système de forliflcations, très pro-
bablement celui dont nous voyons aujourd'hui les restes, Tavaienl
mise en état de soutenir en cas de besoin, fermée et gardée par eux,
un véritable siège. Et bien leur en avait pris, car de juillet 1580 à
mars 1581, la guerre entre les protestants et les catholiques ayant
recommencé dans le Limousin et dans les provinces environnantes
plus vive que jamais (1), il n'y eut guère de jour où ils ne pussent
craindre de voir tout à coup apparaître quelque troupe ennemie sur
leur territoire, voire même à l'entrée de leur bourg. Ainsi « le lundi
au soir 23* du pr* moys de janvier 1581 », c'est M» Martial Michau
qui parle, « vint grant nombre de lansquenets penssant loger au pré-
sent bourg ». Mais les habitants, encouragés par leur curé et peut-
être commandés par M* Guillaume de la Cousture (2), étaient sur
leurs gardes ; retranchés dans leur église comme dans un château-
fort, et apparaissant en armes à chacune des ouvertures faites en
forme de meurtrières que nous y avons signalées au début de celle
étude, ils opposèrent la force à la force. Les assaillants furent,
pour employer les termes de notre chroniqueur, « repoussés à cops
d'arquebusades » et obligés d'aller chercher gite ailleurs.
Ils n'allèrent pas loin du reste et purent s'établir, pour y passer la
(f ) Voir les Registres consulaires de Limoges pour celle époque.
(t) Les registres paroissiaux de Blond mentionnent en effet, à la date du
10 janvier 1607, rinhumation d'un certain « M*' de La Couture » qualifié en
cette occasion o cappilaine de Blond » Peut-être est-ce ce personnage qui, en
459f , lors du siège de Bellac par les ligueurs, avait joué un rôle si actif du
côté des royalistes; en tous cas si M^ Guillaume de La Coulure avait jamais
exercé réellement les fonctions dont en 1607 il portait le titre, c*est pendant
les guerres religieuses que ces fonctions avaient dû lui être conférées.
981 SOCIKTE AKCliOLOGIQOB Wt BlSTOftlQUI DU LIMOCSIK.
nuit, au manoir de la Couture, dans la paroisse de Vacqueur (i). Us
« logèrent, scavoyr est le commissaire coronal et sa compagnie et
une autre à la Cousture, où il y avoit plus de cinquante feux dehors
sans ceulx qui estoient au couvert. Les autres logèrent à Bedone-
ret, Vocées, la Vergne, le Broutilh Lage, Ghasteau Bastard, Mont-
large, Boneisset, Champeimart etàGouhas(2); et partirent le mardi
de bon matin. Le commissaire dict qu'il estoit pour le moings à la
Cousture neurcentou bien mille sans les femmes ».
Ce passage par la paroisse dé Blond, à la (in de janvier 1881, des
lansquenets huguenots qui en sont repoussés, puis vont passer la
nuit àia Coulure, n'est évidemment qu'un des nombreux épisodes de
la vie inquiète et surexcitée que durent mener les habitants de cette
paroisse pendant huit mois, de juillet 4580 à mars 158i ; quant à
rhistoire de Blond pendant ces huit mois, M« Martial Michau la
résumée dans la note suivante placée par lui en regard d*un acte de
baptême du 10 juillet 1580 :
« Le lundi 18* jour de juillet aud. an, Téglise de Blom a est^
fermée et gardée par les habitans en temps de guerre sans y faire
aucung servisse, mais se faisoit au cimetière jusques au vendredi
17 de mars 1581, auq. jour on se réunist dedans y faisant Toifice; et
estoit le vendredi devant les Rameaux. Ce a esté ung grant profOt
pour la paroisse, car il ne vint compagnie qui ne fût repoussée ».
Ici s'arrête, au point de vue des documents relalirs aux guerres
de religion, la chronique de M* Martial Michau. Grâce à cette
chronique si précieuse et pourtant restée jusqu'ici inédite, on voit le
rôle important qu'a joué en ces années là Féglise qui a fait le prin-
cipal objet de cette étude. D'abord saccagée et détruite en partie par
les protestants, lors de leurs premiers passages, elle s'est vue
bientôt remise en état, puis fortifiée par les habitants qui, à Tabri
derrière ses murs crénelés, ont pu, pendant les dernières guerres
religieuses, préserver entièrement leur bourg et leur territoire de
nouvelles incursions de la part de l'ennemi. Ainsi l'archéologie et
rhistoire s'unissent pour faire de cette vieille église un des édifices
religieux de l'arrondissement de Bellac à coup sûr, et peut-être du
(1) L'ancien manoir de La Couture, qui fait aujourd'hui partie du terri-
toire de Blond, est situé sur unt éminence aux trois quarts escarpée, qoi
domine à une asseï grande hauteur la vallée do Vincou. U appartenait
à François de La Couture, escuyer, seigneur dndit lieu, mari de d'^* Marie
du Queyroix, et homme d'armes en 1573 de la compagnie de René de Mor-
temart, seigneur de Rochechoaart.
(2) L.a plupart de ces villages sont situés dans la commune de Blond, non
loin de La Couture.
ESSAI DE CLASSIFICATION
DES
ANCIENNES PORCELAINES DE LIMOGES
BAINT-YRIBIX, 80LI6NAG, ETC.
coNssRrAts
AU MUSÉE NATIONAL ADRIEN DUBOUGHÉ
(suite) (!)
Je vais maintenant essayer de présenter un résumé de rhisloire
de rannexe de Limoges pendant les derniers temps de son exis-
tence ; peut-être enlrerai-je dans des détails quelque peu étrangers
à mon sujet, en manière de circonstance atténuante je répéterai
que, de certaines données qui au premier abord peuvent paraître
indifférentes, il est parfois possible, au point de vue de raltriba-
tion des pièces, de tirer des inductions utiles. D'autre part, croyant
avoir à faire connaître quelques faits nouveaux, je me suis laissé
entraîner à profiter de l'occasion qui m'était offerte de les donner
au public.
On se rappelle que Massié reprit la direction de la Manufacture
lors de la retraite de M. Allnand père, nous verrons plus loin que,
de certaines pièces conservées aux archives départementales et
aux archives municipales de Limoges, il semble résulter que, pen-
dant une partie de sa durée tout au moins, la direction de Massié
fut à peu près simplement nominale (2).
(1) Voir le Bulletin de la Société archéologique, t. xxxvii, xxxviii et
XXI1X.
(2) Nous voyons dans une pièce publiée tout récemment par M. Fray-
Fournier dans le Bulletin de la Société archéologique^ que M. Massié qol
a créé la fabrique de faïence portait le prénom d'André, tandis qoe le
dernier directeur de la Manufacture royalo se nommait Joseph, il paraît
que c'est déjà Joseph que nous avons vu en 1771 s'associer avec Foumeyral
et les Grellet.
Grâce à des recherches actives, dirigées avec une remarquables saga-
ESSAI DB CLASSIFICATION DIS ANCIENNES PORCELAINES DE LIMOGES. 685
Après le départ d'AlIuaud, la Manufacture parait avoir 1res peu
produit ; il est probable que son personnel fut diminué, il est égale-
ment à présumer qu'il ne sortit plus de ses fours que des objets
usuels.
Peut-être un certain nombre de pièces produites pendant les der-
nières années de la fabrication ont elle été surdécorées plus tard.
Nous verrons bientôt deux fabriques employer le môme blanc,
dans certaines circonstances ; il ne paraît pas improbable que pen^
dant la période impériale, par exemple, des fabricants s'étant
procuré à de bonnes conditions des produits de la Manufacture
au moment de sa vente les ont confiés à leurs décorateurs. Alors
on fabriquait certainement avec beaucoup plus de difficulté qu'on
ne le fit plus tard ; ceci suffit à rendre plausible la supposition sou-
mise en ce moment au lecteur, laquelle s'appuie sur certains faits
dans le détail duquel il serait superflu d'enlrer aujourd'hui.
Une pièce des archives nous apprend que, au moment de la vente,
la porcelaine « cuite » qui se trouvait à la fabrique fut évaluée à
340 livres environ, ce chiffre indique déjà un stock respectable,
mais il est probable que, antérieurement, d'autres ventes de blanc
avaient eu lieu, d'ailleurs la question est d'assez mince importance.
Cependant il a paru nécessaire de signaler un fait qui, négligé ou
mal observé pourrait devenir une cause d'erreurs regretables. Mais
il serait inutile d'insister.
Je reviens à l'histoire de la Manufacture pendant les derniers
temps de son existence. Les archives de la Haute- Vienne possèdent
une pièce de laquelle il semble résulter que la fabrication avait
presque complètement cessé en 1794. Il s'agit d*un rapport fait
par Paul-Esprlt-Marie-Joseph Martin, délégué par le district de
Limoges à l'effet de « constater l'état d'inaction dans lequel se
trouve la Manufacture et indiquer les moyens de lui rendre son
activité ». Martin s'étant transporté à la Manufacture, fit connaître
au citoyen Massié, directeur provisoire, l'objet de sa mission et
voici en résumé quel fut le résultat de leur conférence si l'on peut
ainsi dire.
. Il existait alors à la Manufacture deux fours, mais on ne faisait
aucun usage du plus grand que Martin et son collègue proposent de
démolir en partie, « sauf à le rétablir lorsque la Manufacture sera
ciié ei un 1res grand esprit de suite, M. Fray-Fournier est parvenu à dé-
couvrir, aux Archives de la Hdute-Vienne, aux Archives nationales et à
laBibUothèque de la rue Richelieu, des pièces grâce auxquelles l'histoire de
la découverte du kaolin et celle des commeacemènts de la fabrication de
la porcelaine à Limoges pourront bientôt être écrites.
686 SOCIÉTÉ ARCBB0L0G1QUB BT HISTOBIOUK DU LIMOUSIK.
en activité », afin de se procurer les briques nécessaires pour ré-
parer le petit four qui avait précédemment, sans doute, reçu des
modifications intempestives, puisque nous lisons dans la pièce des
archives » qu'il est indispensable de changer les trois bouches, de
rëlablirles feux dans leur premier état, de démonter la cheminée
et de rélargir, » grâce à l'économique mais assez étrange combioai-
son proposée par le délégué, ces réparations ne devaient s'élever
qu'à la somme de 120 livres environ.
Une visite aux ateliers permit de constater qu'il y existait on
stock d'au moins vingt-cinq fournées de « porcelaine fabriquée
(pour environ 30,000 fr.) et prêt à mettre au four qui attendu sa
fragilité dans Télat appelé crû dépérissait journellement ».
Un peu plus loin nous voyons que les ouvriers demandaient as
délégué la fourniture de deux cents rondeaux de bois estimés cent
livres.
Constatation est faite qu'il existe une réserve de kaolin assez
grande pour entretenir la fabrique pendant longtemps.
Martin ajoute : « Attendu, qu'il faut à peu près un al)al de boi<
par fournée, il en résulte qu'il est instant d'autoriser le directeur
provisoire à s'en pourvoir ainsi que de terre à gazette ».
Et plus loin : « Il résulte donc de notre examen que la dépense
extraordinaire pour mettre la manufacture de porcelaine en valeur
consiste dans la réparation du four et dans l'achat des rondeaux :
qu'on ne peut comprendre dans la dépense extraordinaire. Tachai
du bois et de la terre à gazette, objets de dépense courante et jour-
nalière pour lesquelles il suffira de mettre une somme à la dispo-
sition du directeur provisoire, à la charge par lui d'en rendre
compte à qui de droit. ')
Nous ignorons si les réparations demandées furent exécutées.
La chose paraît probable, cependant une pièce dont il sera ques-
tion plus loin établit qu'au moment de la vente il y avait encore
deux fours, et il n'est pas spécifié que l'un d'eux fut démoli en par-
tie, mais, dans un des inventaires fait au moment de la vente (celui
où sont comprises les porcelaines cuites), nous voyons mentionnée
« une partie de barres de fer provenant du grand four à porce-
laine ». Faut-il conclure de là qu'il avait été donné suite aux pro-
positions de Martin?
Un important document auquel j'ai déjà fait de larges em-
prunts me servira encore pour établier que, contrairement à ce que
croyait M. François Alluaud fils, les ouvriers de la Manufacture ne
s'étaient pas dispersés au moment où M. Alluaud père avait quitté
la direction, ou peut-être seulement avait presque cessé de s'eo
occuper. Voici d'ailleurs reproduit in extenso les très curieux pa?-
ESSAI DE CLASSIFICATION DES ANCIENMKS rORCBLAINKS DR LIMOGES. 6S7
sages du rapport de Rolland qui nous intéressent, rappport déjà
cité plus haut.
a Depuis le 1" mai 4788 jusqu'en octobre 1792, le nouveau
directeur AUuaud prétend avoir fait pour 46,306 livres 6 sous
3 deniers d'avance, et réclame en ce moment le remboursement
de cette somme.
» Dans les détails qu'il joint à cette demande, il estime par
aperçu la totalité de Factif de cet établissement à une somme de
soixante-seize mille sept cent vingt-huit livres, vintg mille sept
cents livres pour local, ustensiles, créances solides et approvision-
nement de bois, ci 20.500 11.
» Pour cinquante-un mille deux cent vingt-huit
livres de porcelaine, ou crues dans les ateliers, ou
fabriquées, existant soit au magasin, soit dans divers
dépôts à Limoges, Toulouse, Bordeaux et autres
villes, ci 81 . 228 11.
a Douze cents quintaux de mauvaises pâtes, évaluées
à trois mille six cents livres, ci 3.600 11.
« Et six cents quintaux de kaolin décanté, évalué
à douze cents livres, ci 1 .200 11.
<c II résulte d'autres renseignements donnés par le
directeur caissier Alluaud, qu'il reste dû à cette ma-
nufacture, pour ventes faites h crédit à divers parti-
culiers depuis son origine jusque et y compris les neuf
derniers mois de 1792, une somme de six mille six cents
trente-deux livres deux sous; mais la solvabilité de
ces créances n'étant point vérifiée et pouvant se re-
garder, au moins en partie comme douteuse, je ne la
compterai que pour mémoire, ci mémoire.
Total 7r~76/728ir
«c Sur lesquels en déduisant, s'il y a lieu, les quarante-six mille
trois cents six livres six sous trois deniers réclamés par le direc-
teur Alluaud, ci 43.306 11. 6 s. 3. d.
« Et les quatorze mille quatre cents vingt-
deux livres onze sous quatre deniers réclamés
par l'ancien directeur Grellet, ci 14.422 11. 11 s. 4 d.
Total 7 60.728 11. 17 s. 7 d.
« Il ne resterait en actif réel qu'une somme de quinze mille
neuf cents quatre-vingt-dix-neuf livres deux sous cinq deniers
ci 15.999 11. 2 s. 6 d.
<c Le directeur Alluaud m'a remis en même temps un compte-
rendu des recettes et dépenses de la manufacture pendant les neuf
premiers mois de 1792.
68H SOCIÂTK .\RCnÉOLO'«IQUt: RT BI8T0R1QCK DU UMODSIV.
« Dans ce compte les dépenses pour les mêmes premiers mois df
1792, montent à 43.387 livres 17 sous 3 deniers savoir :
« Les appointements des principaux employés, le directeur e;
son commis, le contrôleur et son commis, s'élèvent à la somme de
trois mille neuf cent soixante quinze livres, ci. . 3.975 11.
« Lesappointemenls et salaires des ouvriers au
nombre de dix seulement, cinq mille sept cent
trente-six livres un sou neuf deniers,ci S.736 11. i s. 9d.
« En dépenses diverses telles que achat d'or
et couleurs, pâtes, terres, briques, charbon,
chandelle et autres fournitures , deux mille
trois cents dix-huit livres six deniers, ci 2.3i8 11. 6 d.
« En dépenses extraordinaires pour loyer de
magasin, deux cent vingt livres, ci 220 11.
u En achat de bois, six cent soixante livres, ci. 660 11.
« En remises à 4 p. ®/o au directeur en sus de
ses appointements et autres revenus à 4 p. •/©
sur les ventes faites à l'entrepôt delà dame Tha-
raud, quatre cents soixante-dix -huit livres
quatre sous, ci 478 11. 4 s.
Total 13.387 U. 17 s. ad.
« Dans ce même compte, les recettes montent à une somme de
sept mille trois cent quatre-vingt-six livres deux sous six deniers
ci 7.388 11. 2 s. 6d.
« Mais le directeur AUuaud y a mal à propos
compris pour neuf cent trente et une livres trois
sous six deniers 7.385 11. 2 s. OJ.
« Acompte reçus des anciens débiteurs et en
déduisant cette somme, il ne restera d'effectif
pour la recette des neuf premiers mois de 1792
que six mille quatre cent cinquante quatre
livres dix-neuf sous, ci 6.454 U. 19 s.
« Ainsi pendant les neuf premiers mois de Tannée 4792, cet éta-
blissement n'a offert que 6.45411. 19 s. de recette pour 13.387 11.
17 s. 3 d. de dépenses, et présente dès lors pour ce seul espace do
temps un déficit de six mille neuf cent trente-deux livres dix-huit
sous trois deniers, ci 6.93211. 18s.3d.
« Ajoutez à ce détail : 1^ que depuis l'acquisition de la manafac-
ture de Limoges ou plutôt la mine de kaolin qui en dépendait et que
Ton dit main tenant épuisée n'a pas fourni pour plus de 18,017 livres
de matières à celle de Sèvres ;
« 2* Que depuis celte même acquisition et indépendamment de
teSSAl DÉ OLÂSSI^ICATION t)Bâ ANâlKNlfBS ^ORCKLAINRS bB LlHOGKS. d8d
rarticle précëdeat, la caisse des b&timeDls et celle de la ci-devant
liste civile ont versé dans cet établissement plus de ^3,000 livres,
lesquelles ont été payées par le caissier de Sèvres sur les
822,208 livres de secours dont il a été fait mention plus haut ;
tt 3*» Que dans ces 233.000 livres, Tacquisilion originelle dont le
fonds fut évalué à 30 ou 40.000 livres par Darcet et ne présente
maintenant tout compris qu'une valeur de 16.000 livres au plus est
entrée pour une somme de 106.000 livres.
<' Et Ton aura une idée que je n'ose encore regarder comme ap-
proximative de rinconcevable absurdité de cette opération.
« Mon opinion est qu'il faut se hâter de se défaire d'un tel éta-
blissement et mon premier mouvement fut même d'ordonner sur le
champs la suppression des travaux qui après tout n'intéressent quo
neuf à dix ouvriers, car je ne comprends pas les principaux em-
ployés dans les éonsidérations que leur sort peut inspirer. J'ai cru
néanmoins convenable, avant de prendre aucun parti, de me pro-
curer des renseignements plus positifs, et j'ai écrit en conséquence
au département de la Haute- Vienne, pour qu il ait à me rendre
incessamment un compte rendu détaillé de l'état au vrai et tant à
charge qu'à décharge de cette onéreuse et inutile entreprise. »
Il est évidemment intéressant de rapprocher les lignes que l'on
vient de lire des indications et renseignements donnés par
M. François Àlluaud dans un travail écrit de sa main dont un pas-
sage est reproduit plus haut.
Il paraît que le pessimisme de Rolland, sans doute assez justi-
Hé à un certain point de vue, mais qui s'était peut-élre exagéré à la
suite de certaines manœuvres plus ou moins avouables, il paraît
que le pessimisme de Rolland n'était pas partagé par tout le monde
à Limoges. Nous savons eu effet que des intrigues furent nouées à
plusieurs reprises par divers personnages, qui désiraient voir tom-
ber entre leurs mains l'ancienne Manufacture royale et cela dans
les meilleures conditions possibles pour eux.
Il sera suffisant de donner quelques détails sur celles de ces
menées qui, grâceà de nombreuses pièces, nous estla mieux connue.
On trouve aux Archives de la Haute-Vienne (1) un important
dossier, grâce auquel nous sommes dès à présent renseignés au
sujet de certaines intrigues qui, ainsi qu'il est dit plus haut, se
nouèrent entre quelques personnages, dont certains assez peu
scrupuleux, à l'effet d'acquérir à vil prix l'ancienne Manufacture
royale. Les pièces en question : interrogatoires, lettres saisies, etc.,
(I) Comité de survetUance de Limoges : suspects, affairas Brlgaeil et
Préat, série I^. 852. Archives départementale, série L. 95.
690 SOCIÉTÉ AACBÉOLOGIQOR RT HISTORiQUt DO LlMOUSlIf.
n'éclairent qn'un point de vue delà question, néanoioins elles met-
tent sur une piste que l'historien futur de la Manufacture ne derra
pas abandonner. Jusqu'ici on avait pu que soupçonner ces istri-
gués dont nous ne connaissons pas encore l'histoire complète mats û
est probable qu'elles se multiplièrent sous toutes les formes, b
définitive, la Manufacture était considérée par quelques iodividiis
comme une proie qu'ils se disputaient et que, encore une foi>,
chacun d'eux cherchait à s'approprier par des moyens plus oa
moins licites.
M. Brigueil (1), ancien maire de la Cité, personnage notable et
possédant des capitaux importants, songea à s'adonner, accessoire-
ment sans doute, à la fabrication delà porcelaine. L'ancienne manu-
facturé royale végétait ; on ne savait trop ce qui sérail décidée
d'elle; serait-elle abandonnée, vendue ou lui donnerait-on use
impulsion nouvelle ? Cette dernière hypothèse paraissait alors U
plus invraisemblable. Quiqu'il en soit, posséder la Manafactare
royale devint l'objectif de Brigueil. Cette pensée assez naturelle, si
(1) Voici la noliceDècrologique publiée sur M. Brigueil, au moment de sâ
mon arrivée en 1809, par le Journal du département de la H atUe- Vienne.
« Le 47 de ce mois, à dix heures du matin est décédé par suite d'ane re-
monte dégoutte, M. François Brigueil du Mazé, ai'jointaii maire de la con-
mune de Limoges, où il était né le 17 juin 1745.
a Dans le temps où il y avait deux mairies dans notre commune, Vune pour
la ville, Tautre pour la cité ou ancienne ville, ce qui a cessé d'exister eo
4794, M. Brigueil, qui dans sa jeunesse avait été négociant et garde do
comte d'Artois, fut successivement notable, échevin et maire de la cité
depuis 1776 jusqu'au changement opéré dans nos administrations par U
constitution de l'assemblée nationale. Ensuite il a été un des admioistra-
teurs du district de Limoges et i*' adjoint au maire de Limoges lors de la
réorganisation par le pouvoir consulaire de l'état présent. Il étaitaussi lîeo-
tenant de la dixième conservation de la grande louvelerie, membre et tré-
sorier de la Société d'agriculturo, des sciences et des arts de son départe-
ment. A la tête d'une fortune brillante qu'il savait augmenter par des sociétés
de commerce, il savait aussi en faire les honneurs avec dignité et la rendre
utile à ses coociloyetis et profitable aux infortunés. Toujours très attaché
au quartier qui l'avait vu naître, il a travaillé à y établir un monument qui
conservera longtemps la mémoire de ses bienfaits, puisque ce monument est
connu sous le nom de fontaine Brigueil. II laisse une jeune veuve et un fils
à qui les regrets de leurs conciioyens doivent être de grands motifs de
consolation de la perte d*uQ époux et d'un père digne de ces deux noms ».
M. François Brigueil mourut au moment où sévissait à Limoges la terrible
c maladie espagnole », il parait qu'il contracta le germe de ce mal en visi-
tant des prisonniers ; ce fut pour ménager l'opinion publique que Ton parla
d'une remonte de goutte.
ESSAI DE CLASSIPICATION DKS ANCIENNES PORCELAINES DR LIMOGES 69 I
elle ne lui Yinl pas, lui fut certainement inspirée par un homme qui
se mélat beaucoup, trop peut-être, de ses projets et de ses affaires;
il s'agit de Prëat, ancien peintre sur porcelaine de la Manufacture,
personnage intelligent, mais qui parait s'être complu aux intrigues.
M. Brigueuil avait des relations suivies avec M. d*Hautefort qui
possédait de vastes terres dans le Périgord. Il s'occupait beaucoup
des terres et des intérêts de M. d'Hautefort; celui-ci ayant émigré,
ses papiers furent mis sous séquestre et une correspondance volumi-
neuse ayant été saisie chez lui, on trouva des lettres compromet-
tantes pour Brigueil qui fut arrêté. Les Archives possèdent un des
interrogatoires que subit l'ancien maire de la Cité, à la date du
io ventôse an II.
Cet interrogatoire ayant révélé que Préat avait servi de corres-
pondant à Paris entre Brigueuil et Hautefort, Préat fut incarcéré
le jour même, le lendemain il fut également appelé devant le
Comité de surveillance de la commune de Limoges ; il était accusé,
conjointement avec Brigueil, d'avoir pratiqué auprès du ministère
et des commissaires de la Convention des menées pour acquérir à
vil prix un établissement national.
Préat paraît avoir été un homme très entreprenant, très remuant
et sans doute sans beaucoup de scrupules; praticien, probable-
ment fort habile, il devinait l'avenir réservé, à Limoges, à l'in-
dustrie porcelainière. Ayant toute la confiance de Brigueil peut-
être en abusa-t-il pour conduire celui-ci là où il n'aurait pas songé
à aller, toujours est-il que Préat, dont la sincérité n'était pas la
plus grande vertu, dut autant que possible dissimuler, même à
l'homme dont il s'était fait le factotum qu'il comptait bien, pour
arriver à ses fins, ne pas se laisser arrêter par les scrupules habi-
tuels aux parfaits honnêtes gens.
Préat songea d'abord à se faire nommer directeur provisoire de
la Manufacture et, plus tard, lorsque le comité put, grâce à la cor-
respondace trouvée chez Brigueil, formuler contre Préat une accu-
sation basée sur des preuves matérielles, celui-ci pour se disculper
et donner le change sur le but qu'il poursuivait, afilrmait encore
qu'il n'avait jamais eu qu'une visée, celle de la direction provisoire.
Notre intrigant se rendit à Paris et là il se livra à une série de ma-
nœuvres fort habiles d'ailleurs. Il voulut se faire nommer commis-
saire pour le règlement de « l'affaire de la porcelaine », selon ses
expressions, puis ne pouvant parvenir à ses fins, il tenta de se joindre
aux commissaires venus de Paris. Son but était de les circonvenir,
grâce aux connaissances spéciales qu'il possédait; peut-être à un
moment donné songea-t-il à trahir les intérêts de Brigueuil et à
intriguer à son propre bénéfice, c'est du moins ce qui semble res-
sortir d'un passage assez curieux de son interrogatoire.
601 SOCIÉTÉ A1ICil#.OL0GlQOK RT HlSTORIQOK BtJ LIHÔOSI9I.
« Brigaeit, dit-il, m'ayant offert à plusieurs reprises de me mettra
à la tête de rétablissement de la porcelaine et m*ajaiit donné à
entendre qu'il roe ferait un sort, je crus d'après ces offres réiléree>
qu'il compterait mes talents pour quelque chose, et qu'en metUat
des fonds dans cette manufacture, nous partagerions le profil; bien
loin d'effectuer celte promesse, j'appris par une voie sûre qa'U
avait été à Saint-Yrieix trouver Baignol, qu'il lui avait offert d«*
compter ses talents pour une somme de quarante-huit mille livres
ou à peu près avec une somme de vingt-quatre mille que Baipol
pouvait mettre, ce qui faisait en tout soixante-douze mille livn^.
Brigueil offrit de mettre pareille somme à intérêts commuos ; j^
devais d'autant moins me douter de cet arrangement destniciif
(les avantages qu'il m'avait offerts, qu'à son retour de Sainl-Yri^U
il m'en parla et me proposa une place inutile de contrôleur, en m^
disant : « Je ne veux pas que tu cesses de travailler, je te donnerai
des appointements suffisants pour vivre, tu surveilleras loale la
manufacture , et s'il te reste quelque temps tu peindras pour
Ion compte. » Voyant que Brigueil avait manqué à ses promesse?
et m'étant persuadé qu'il serait plus avantageux pour la République
de nommer un directeur provisoire à la porcelaine que d'en faire
la vente en bloc, je crus devoir écrire à Brigueuil de ne pas presser
le rapport de Doudet qui tendait à amener la vente de l'établisse-
ment de la porcelaine. »
Quelques extraits de la correspondance de Brigueuil et de Préal,
conservée aux archives, suffiront à faire bien complète la lumière
dans l'esprit du lecteur.
Préat à Brigueuil, H août 1793. ~ « EnGn ne pressez pas Doudet
sur son rapport, vous gâteriez toute ma besogne, le ministre ennuyé
va me nommer commissaire pour aller sur les lieux lui en faire nn
rapport officiel. Vous devez sentir que j'arrangerai tout cela au
mieux, mais surtout ne pressez pas Doudet, je vous le répète. An
reste tout va bien. Ayez l'air à Limoges de ne plus vous soucier de
cet établissement. »
Un mois auparavant (10 juillet), Préat recommandait, au con-
traire, à Brigueil de presser Doudet pour qu'il se décidât enfin à
faire le rapport dont il était chargé depuis plus de six mois. Dans
une autre lettre du même à un destinataire inconnu (31 juillet),
nous lisons : « Dites au citoyen Brigueil que je fais tout mon possi-
» ble pour accélérer la vente de la manufacture, etc.
Du même à Brigueil (23 août) « . . . . Soyez assuré que je met5
tout en œuvre pour conclure Taffaire de la porcelaine, mais Au-
doin, député, m'a remis à quinzaine et m'a promis de m'en ct^Jtger.
Soyez tranquille, tout ira bien. »
KSSAI DB CLASSIlriCATION DES ANCIBNNKS PORCELAINES DB {.IMOGES. 693
Du même au même (8 septembre) « l'affaire de la manu-
facture se poursuit avec chaleur, j'ai été voir Audoin à Sèves (sic)
à la manufacture, il m'a dit qu'ils étaient deux pour celte affaire et
qu'il ne pouvait rien décider sans son collègue, il m'a engagé à
l'aller voir, ce que je fis celui-ci ne parait pas décidé à me donner
cette commission et il voudrait y aller lui-même ; il doit aller à
Sèves mercredi rejoindre Audoin, et là ils décideront définitive-
ment cette affaire. »
« Du même au même (<3 septembre)... Je vous ai rendu compte
dans mes dernières lettres de l'envie qu'a le député Batelier, collè-
gue d' Audoin, de venir lui-même à Limoges terminer l'affaire de
la manufacture ; mais il m'a promis de m'employer comme com-
missaire-adjoint. Ainsi telle détermination qu'il prenne vous voyez
que nous réussirons. Surtout n'ayez plus l'air à Limoges de vous
occuper de cette affaire, vous y avez des concurrents, vous en avez
à Paris et il est inutile de chercher à payer cet emplacement plus
cher qu'il ne vaut.
» Batelier va à Sèves aiyourd'hui, il doit m'écrire ce qu'il aura
Jécidé sur mon mémoire; s'il ne m'écrit pas promptement, j'irai
encore à Sèves et je le presserai de s'expliquer.
» Soyez sans inquiétude je mets à cette affaire toute l'activité
possible.... » '
Du même au même (17 septembre). — « L'affaire de la porcelaine
va lentement, je n'ai pas encore reçu des nouvelles d' Audoin et
Batelier qui doivent être réunis en ce moment à Sèves. J'ai écrit
la même chose au citoyen Hautefort ; je ne lui cache pas ainsi qu'à
vous que vous avez bien des concurrents, AUuaud a repris, il a
nommé un des ouvriers sous chef en lui promettant de lui donner
la direction de la manufacture nouvelle qu'il se propose d'établir
au cas que celle nationale ne lui soit point adjugée. Vous voyez
qu'il a des vues. Un particulier de Paris en a aussi envie et m'a
fait demander des renseignements que je n'ai pas donnés. Cependant
le moins dangereux concurrent est toujours celui qui est éloigné.
» Mon avis à moi est celui que je vous ai toujours donné est
d'établir (m'c), que vous ayez l'emplacement national oui ou non.
Le meilleur remède contre la concurrence que vous paraissez crain-
dre c'est les fonds que que vous pouvez y mettre, les connaissances
db citoyen Hautefort et le choix des ouvriers. Cependant où en sont
les choses je vous conseille d'attendre la vente, je me propose de
communiquer ces vues à Audoin.
» Souvenez-vous bien qu'à Paris, on ne va pas faire acquisition
de bijoux dans une rue ou il se trouverait par hasard quelques orfè-
vres isolés; mais que l'étranger, le curieux cherchent toujours les
quartiers où ces sortes de marchands sont les plus communs.
T. XL. 44
6d4 SOCI^à ARCHÈOLOGlQtnt St ttlSTORlQt'fe bU LtMOOSlN.
» Je n*al pas besoin xla vou^i faire l'applicalioa de cette eonpi-
raison, vous la sentez comme moL Tout ce que je vous dirai, c'esi
que plus il y aura de manufactures de porcelaine à Limoges (>1b2
cette ville acquerra de renom pour ces sortes de marchandises. »
Ces derniers passages montrent chez Préat une hauteur de m
qui n'était point commune au xvnr siècle parmi les gens de sa coir
dition.
Le lendemain du jour où il l'avait écrite, Préat crut devoir ajouter
à sa lettre le passage suivant: « Du 18. Rapprends à Tinstant parii
voie des journaux qu'Audoin en commission à Sèves a été rappelé
pour avoir voulu soutenir des employés de la manufacture eotK
autres un individu qui se trouvait arrêté comme suspect. Ceci retar-
dera peut être nos affaires. Jlrai voir Batelier ce soir ».
Du même au même (S5 septemdre). « Je comptais partir arec
Batelier et terminer promptement notre affaire; mais sa commissloo
se prolonge à Sèves, il ne pourra guère finir que dans un mois;
mais tout est arrangé et nous correspondrons ensemble en atten-
dant son arrivée. J'ai vu le citoyen Hautefort, et nous avons l'an
et l'autre, à cette seconde entrevue, gagné beaucoup. Je part lundi
prochain et je serai à Limoges vendredi soir, je ne vous ferais door
aucun détail que de vive voix. »
Les lettres de Brigueil, qui se trouvent aux archives dans le dos-
sier que nous étudions, sont moins intéressantes que celles de
de Préat, cependant quelques extraits doivent trouver leur place ici.
Brigueil à Préat (5 juillet). « Je pense bien que d'accord avec le
citoyen Hautefort vous ferez tout ce qui est en vous pour accélérer
la vente de la fabrique de porcelaine en notre faveur et certes la
République dans son intérêt doit être bien aise d'abandonner un
établissement grevant, et dans le particulier les artistes languissants
à côté de cet établissement sont également intéressés à voir refi-
vre cette manufacture. Les actionnaires pénétrés de ces intérêts et
de l'amour qu'ils portent à cet établissement, désirent une prooipte
décision, faites donc tout ce qui sera en vous pour l'obtenir, je
vais m'accoler à Doudet et je ne le quitte pas avant qu'il ait fait sod
rapport ».
Ce passage doit être compté à l'actif de Brigueil, il parait évident
qu'il avait des sentiments bien meilleurs que ceux de Préat. Je re-
marquerai le mot « actionnaire » qui, au xvnr siècle, avait la même
signification qu'aujourd'hui. Je n'ai malgré mes recherches pu
recueillir aucun renseignement sur ce que pouvaient être ces action*
naires.
Le 22 juillet Brigueil parle sur le même ton :
« Si vous pouviez accélérer la vente de la manufacture, von»
KdSAi bB CLA98iriCAtI0N t>ES AKaBNNBS PORCBLAIKÊS DB LIHOOBS. 695
tireriez un ver rongeur à la République et vous feriez du bien aux
ouvriers de ce départeraeut. De la manière dont nous avions projeté
de monter cette fabrique, avec les connaissances du citoyen Hau-
lefort, en temps de paix, nous ferions de belles et bonnes affaires. Je
pjense qull est temps de travailler à cet établissement parce que
je crois que la Convention ne tardera pas à nous délivrer des bri-
gands de la Vendée, etc. »
Voici un dernier extrait : il est tiré d'une lettre datée du 22 sep-
tembre :
« Occupe^ vous toujours de notre établissement de porcelaire; si
nous ne pouvons obtenir celui de Limoges, nous en formerons éga-
lement un sur un autre local. Comme vous Tobservez, je crois bien
qu'une autre fabrique ne fera aucun tort à la nôtre; ce n'est pas la
consommation de la ville qui peut être considérée pour beaucoup
et rétablissement qui par ses talents, ses soins et ses ressources
fera de meilleur ouvrage en imposera à l'autre. »
La Gn judiciaire que reçut TafTaire dont nous venons de nous
occuper ne nous est pas connue.
On pourrait constater des intrigues du même genre que celles de
Préat, mais pour le faire il faudrait peut-être sortir des borner qu'il
est raisonnable de donner à ce travail.
L'ancienne manufacture royale fut vendue, le 18 vendémiaire
an V, aux citoyens Jean Jouberl, Jean-Baptiste Cacate et François
Joly, demeurant en la commune de Limoges, laquelle acquisition
fut faite au prix de 40,084 11. 10 s. 9 d. (1).
Préalablement les citoyens Lamontagne, qualifié tantôt de por-
celainier, d'artiste en porcelaine et d'entrepreneur, expert nommé
par Tadministration départementale, Pierre Chabrol fils, expert, et
Joseph Brun, artiste en porcelaine, nommés dans l'intérêt de la ré*
publique; Etienne Baignol, directeur de la fabrique de Saint-Yrieix,
choisi par Cacate, Joubert et Joly, avaient, sur le procès verbal
d'estimation, procédé à divers inventaires que possèdent encore
les Archives de la Haute- Vienne et dont il a été question plus
haut.
L'inventaire des citoyens Lamontagne et Chabrol, daté du 5 fruc-
tidor an IV (22 août 1706), est consacré à la désignation des immeu-
(1) Cette somme totale se décompose ainsi : Prix des
immeables 36,0001.
Outils et ustensiles 48,000 1.
Matières premières, terres, pâles et objets manufactu-
rés et non cuits 2,98i I. 10 s. 0 d.
40,0S41. 408. 9 d.
M6 SOCliti AKCflàOLOGIQUlC îtr ttlSTOUlQÛÉ t>t) LIHOUSIII.
bles où Tex-Manufacture royale se trouvait installée. L'analyse d;
cette pièce ne se lie peut-être pas très directement aa sujet d**
cette étude, cependant je crois devoir la présenter sommairemect
au lecteur qui trouvera, sans doute, quelque intérêt à connaiur
quelle était la disposition des locaux où Tindustrie porcelainièn-
trouva son berceau à Limoges.
Les bâtiments de la Manufacture étaient situés route de Paris,
comme on sait, ils faisaient face au portail du citoyen Daclon, leur
étendue était de vingt-et-une toises quatre pieds huit pouces en lon-
gueur, sur une largeur de trois toises trois pieds (1), Au rez-it-
chaussée le bâtiment de la fabrique était divisé en trois magasinf
et un bureau boisé, ces quatre pièces garnies de rayons; à la suite
du bureau on trouvait trois petits ateliers dont un garni de rayoïiN
plusieurs (2) grands ateliers également garnis de rayons, enfin un
petit cabinet au-dessus duquel la cave était située.
Au premier, on trouvait un corridor, une cuisine, trois chambres
dont une boisée, « partie en alcovre » et plafonnée, enfin une qua-
trième et servant d'atelier aux peintres laquelle était garnie de
de sept petites planches, un rayon et d'une petite armoire : pln>
trois greniers dont deux rayonnes servant de magasins.
Un petit bâtiment occupé par le citoyen Massié, mesurait cinq
toises quatre pieds huit pouces de longueur, sur deux toises trob
pieds de largeur, ce bâtiment ou maison se composait au rez-de-
chaussée d'une cuisine, d'un petit salon et d'un escalier, au premier
étage on trouvait deux chambres à coucher et un cabinet, au-dessus
un grenier.
En face de la petite maison de Massié (3) il y avait un hanganl
mesurant six toises en longueur et largeur. A la suite du dit ban-
gard il s'en trouvait un autre de dix-huit toises un pied, sur quatre
toises cinq pieds. Dans ce dernier avait été établie la fosse garoiî'
de planches où on faisait « tremper » la pâte.
Un local mesurant six toises deux pieds de largeur, sur quatre
toises un pied six pouced de longueur, contenait un four, une dé-
(') Dans une antre pièce (cahier des charges datée dn 18 veodéniîtire
an V (9 octobre 4 796), on évalue le « local » de la Manufacture à environ trois
seterées, mesure de Limoges. Le procès-verbal d'expertise de Chabrol et
Lamonlagne donne la môme mesure pour pour remplacement où se trof-
vait la Manufacture en y comprenant les jardins.
(9) Le bas de la page sur laquelle se trouvait le chiffre indiquant les
dimensions des grands ateliers a été brûlé.
(3) La partie de la pièce où la situation de cette maison est indiquée so
trouve être brûlée.
K8SAI DE CLASSIFICATION DES ARCIBlfNES PORCELAINES DE LIMOGES. 697
charge, un atelier à cazettes et un petit magasin garni de rayons.
Dans un local plus petit,; quatre toises trois pieds de longueur et
largeur, se trouvait un second four.
Un bâtiment serrant de déchargeoir et surmonté de deux gre>
niers, mesurait neuf toises et deux pieds de longueur, sur deux
toises deux pieds de largeur.; à la suite du déchargeoir, la moufle
était installée dans un local de neuf pieds de longueur, Tinventaire
de note encore aux petits bâtiments de latrines.
L*expertise avait durée trois jours.
Les archives possèdent un inventaire fait par Etienne Baignol
et Gérome Lamonlagne, des marchandises non cuites, ustensiles
et outils divers qui se trouvaient à la Manufacture au moment de
la vente, plus haut il a été tiré un certain parti de cette pièce
qui nous fait connaître, mais très sommairement, la fabrication
habituelle de la Manufacture, mais il n'est peut-être pas inutile
d'examiner, en ce moment, les passages de la pièce en question
qui ont rapport aux outils et ustensiles.
Une remarque s'impose d'abord, c'est que au moment de la
vente le mobilier (outils compris) de la Manufacture était des plus
pauvres. On dirait volontiers qu'il était sordide ainsi que les indi-
cations suivantes le montrent.
La Manufacture ne contenait que cinq tours (deux estimés
35 francs et trois à 12 francs chacun), nous y voyons encore figurer
deux lournettes, un seul carré à faire les croûtes, quatre paires de
règles et une billette, deux moufles très mauvaises, etc.
Ces indications suffisent à nous montrer que, tout au moins en
dernier lieu, la production de la Manufacture était très restreinte,
ou a vu que d'après le rapport de Rolland, les ouvriers de la Ma-
nufacture étaient seulement neuf ou dix, il semble que d'après
le document que j'analyse rapidement, ce chiffre doit encore être
réduit puisque nous ne voyons mentionner que huit chaises.
Un autre inventaire (dont il a été question précédemment) nous
fournît la preuve que la confection des figures avait à Limoges une
certaine activité.
La vente de la porcelaine cuite eut lieu après celle des bâti-
ments, ustensiles, etc, Les archives de la Haute- Vienne en possè-
dent l'inventaire dressé par Etienne Baignol qui signe Baigihol
cadet. Cette pièce ne donne lieu à aucune remarque intéressante.
Les archives municipales nous montrent une décision dans les re-
gistres des délibérations du Conseil municipal, en date du 1" bru-
maire an V (1" octobre 1796), selon laquelle, ce Conseil nomme,
sur l'invitation de l'Administration . départementale, le .citoyen
Duclou comme Commissaire, pour, de concert avec celui du dépar-
698 SOCiftTÉ A1CBÀ0L06IQUI KT BISTORIOCT DO UHOUBlll.
tement, et sous la surveillance du receveur au département, pro-
céder à la vente dans le plus court délai possible de la porf^
laine cuite se trouvant dans les magasin de la « fabrique naûo-
nale. »
La Statistique du département de la Haute-Vienne^ publié en 1808
et rédigée par Rougier-Ghatenet, contient sur rinduslrie de U
porcelaine à Limoges, un intéressant article qui pourrait biee avoir
été inspiré, ou peut-être même écrit par M. ÂUuaud, car on 3
trouve les mêmes faits et jusqu'aux mêmes phrases que dans le
travail déjà cité paru dans les Ephmérides de Laurent ; le passagv
suivant n'est pas sans intérêt.
« Quels qu'aient été les vices d'administration de cette manuiàc-
ture et les circonstances malheureuses qui se sont réunis pour ea
paralyser les travaux, elle n'a point été onéreuse au trésor pubUc
et le gouvernement en a retiré l'avantage de créer un nouveaa
genre d'industrie dans la ville de Limoges. Cette ville de son céié
n'a point à regreter cet établissement puisque son but principal a
été rempli et qu'elle en est plus que dédomagée par les diverses
fabriques qu'elle a vu s'élever sur les ruines de l'ancienne mana*
facture royale ».
Il y aurait bien des objections à faire contre cette manière d'en-
visager la question. Par les détails donnés plus haut on voit quel
fonds il faut faire sur cette ailirmation, que la Manufacture ne fot
pas onéreuse à l'Etat; d'autre part il n'est peut-être pas très abso-
lument exact de prétendre que le but principal poursuivi avait été
atteint. Il parait au contraire probable que si la pensée qui semble
avoir animé Turgot lorsqu'il établit la première manufacture li-
mousine n'avait par été brusquement abandonnée, l'industrie eut
pu réaliser des progrès autrement rapides que ceux qui furent ef-
fectués. Sans vouloir nier aucun service rendu, peut-on n'être pas
frappé de ce fait si caractéristique que la fabrication de la porce-
laine ne fut réellement et définitivement naturalisée à Limoges
qu'alors que la succursale privilégiée en eut disparu? En somme la
fabrique royale paraît avoir surtout été utile aux intérêts privés de
quelques personnages habiles (1).
(4) On a géDéralement considéré les («rellet comme des spécsUleun fi
dans mon travail ce point de vue a éié accepté, voici cependant quelqies
paroles prononcées à Toccaslon de la mort de Greliet, fiar le citoyen Boa-
Ihac, vice-président de la Société d'agricultore, à la séance publique teaae
par cette société le 6 thermidor ao XÎ.
« Le citoyen Grellet-Habili^T possédait des connaissances pan ordi-
naires en agriculture et en métallurgie, directeur de la manufactart de
BS8AI DR CLASSIFICATION BBS ANCICffNI» POKCRLAINES DE LIMOGES. 999
Il convient de faire une exception pour Massié qui parait avoir
terminé sa vie dans la médiocrité. Cest au moins ce qui semble
résulter d'une délibération du Conseil municipal de Limoges, séance
do H floréal an IV.
« Vu la pétition présentée par le citoyen Joseph Massié, lisons
nous dans ce document, directeur provisoire de la Manufacture Na-
tionale de porcelaine tendante à demander un certificat qui cons-
tate qu'il a trois filles à sa charge et qu'il ne possède pour toute
fortune qu'une petite maison située dans cette commune. L'admi-
nistration monicipaie convaincue de la vérité de l'exposé du pétition-
naire arrête que le certificat qu'il réclame lui sera délivré. »
Cependant s'il est permis de faire quelques réserves sur la façon
dont l'annexe de Sèvres fut conduite, il est bien incontestable
qu'elle a aidé à l'expansion de l'industrie porcelainière, en créant
à Limoges un certain nombre de spécialistes dont quelques uns
paraissent avoir été fort habiles. D'ailleurs il est a peu près impos-
sible de porter aiQourd'hui un jugement ferme sur la valeur des
pièces sorties des (ours de la Manufacture Royale (depuis 478*), car
nous ne connaissons guère sa production ; on peut espérer que plus
tard il n'en sera plus ainsi, cependant il y a lieu de croire que
jamais nous ne pourrons nous rendre compte de ce qu'était la pro-
duction de la Manufacture Royale aussi bien qu'il nous est permis
de le faire peur la fabrication caractérisée par la marque C. D.
En somme la fabrique de Limoges perdit à peu près tonte per-
sonnalité lorsqu'elle devint succursale de Sèvres, et il paraît pro-
bable que c'est à Sèvres qu'il faudrait aller chercher les éléments
de son histoire, c'est peut-être également à Sèvres, que nous pour-
rions apprendre à distinguer les produits, assez nombreux vraisem-
blablement, sortis de la fabrique Limousine, mais sortis terminés,
achevés parla dorure et la peinture.
Nous voyons dans la statistique que M. Alluaud ne reçut que de
faibles acomptes sur la somme qu'il réclamait, somme considérable
ainsi qu'on sait. Il intervint un arrangement dans lequel M. Âl"-
porcelaine de Limoges, pendant qu'elle fut régie pour le compte de l'ancien
gouvernement, celte précieuse fabrication lui dût, en grande partie, les
succès qu'elle obtint à cette époque ; zélé, actif, laborieux, non moins
bardi dans ses conceptions qu'infatigable dans ses recherches et ses expé-
riences, la Société en le perdant a vn à regretter un de ses membres les
plus distingués soua plusieurs rapports ».
Ce témoignage est précieux pour la mémoire de Grellet; peut-être lorsque
rbistoire du commencement dé la fabrication de la porcelaine nous sera
nnieux connue, peut-être pour te rôle attribué à Grellet preudra-il pour
nous UD nouYcl aspect.
700 SOaiTÉ ARCHiOLOGIQOB KT HISTORIQUE 00 LIHÔ08III.
luaud obtint comme compensation la carrière ou partie de la car-
rière jadis acquise à Saint-Yrieix par la liste civile (1).
Nous avons vu que l'ancienne Manufacture Royale fut acquise par
MM. Joubert, Cacate etJoly, — ce dernier disparait de Tassodaiioii
après l'an VIII, — il exisle aux archives une lettre du directeur de«
domaines à l'effet de demander aux administrateurs de la Haote-
Vienne, des poursuites contre les trois acquéreurs de la Manufac-
ture, qui à cette date (28 brumaire an YIII) ne s'étaient pas encore
complètement acquittés. Dans une autre pièce conservée au mém^
dépôt et datée de Tan X, il n'est plus question de Joly.
Dans une pétition signée de Joubert cadet et de Cacate, ceoi-d
donnent sur eux-mêmes des détails qui ne manquent pas d'intérêt.
Ils nous apprennent qu'ils avaient travaillés à l'ancienoe fabrique
dont la <c chute fit disparaître leurs moyens d'existence, alors ils
réalisent les débris de leur patrimoine, mettent à contribution h
bourse de leurs amis et font l'acquisition de la Manufacture ^ dao^
la suite de la pièce les signataires cherchent à établir qu'il y aurait
lieu de leur accorder une réduction de 1 ,762 fr. en se basant sor
cette considération, qu'ils avaient acquis une manufacture en acti-
vité, ce qui selon eux impliquait que les outils faisaient partie de
l'acquisition et ne devaient pas être payés à part. Joubert et Cacatle
poursuivirent, avec des fortunes diverses, leurs revendications et
l'affaire eut sa solution en Tan XI, alors le gouvernement de la Ré-
publique, le conseil d'Etat entendu, les débouta par un arrêté du
22 prairial (Archives de la Haute- Vienne).
La Statistique nous fait connnaltre les faits suivants :
« MM. Gacatte et Joubert se partagèrent cette manufacture, le
premier fabriquait pour son compte dans la partie qui lui était
(2) On lit le passage suivant dans la notice sur Vergniaad, rédigée vers
1849, par M. François Aliuand et insérée dans Fouvrage de M. Vaiel:
Vergniaud^ manuscrits ^lettres et papiers, a Parmi les lettres qui nous restent
il en est une qui nous raontre fexquise délicatesse des sentiments de Ver-
gniaud: son beau-frère, à qui il conservait autant d'amitié quede recooDais-
sance, était créancier de Tétat et de la lisie civile, il pria Vergniand de
solliciter le règlement de ses comptes et le remboursement de ses avances.
Certes il ne s'agissait pas de demander une faveur mais un acte de jusltee.
Vergniaud écrit à M. Alluaud, le 18 décembre 1791 : c Si le mtnistrip n'est pas
« de bonne volonté il me sera impossible de vous être utile, commeje neveu
<t pas que Ton puisse jamais m'accuser d'avoir eu une opinion qai foi le
« prix d'une faveur, je me suis fait un devoir de n'en solliciter ancuoe quand
« je parviendrais à avoir assez de crédit -pour en obtenir. Je crois que ceue
« profession de foi doit me rendre plas digne encore de votre ettioie et de
c votre amitié. »
ESSAI 0B GLASSIFIGATION DBS AUCIBHIIIS PORCELAINES DE LIMOGES. 701
échue; M. Joubert afferma la sienne. La médiocrité de la fortune de
M. Cacate et la nombreuse famille dont elle était chargée fsicj, ne
lui permirent jamais de faire les avances nécessaires pour se mettre
au-dessus des chances du commerce et pour assurer le succès de sa
fabrication, par le beau choix des matières, et, dans les derniers
temps s'étant avancé dans ses dépenses et ne pouvant plus soute-
nir sa fabrique, il a été forcé de la mettre en vente «.
D'autre part M. Paul Ducourtieux (Limoges d'après ses anciens
plansj nous apprend que M. AUuaud fils loua Tancienne manu-
facture, pendant qu'il achevait la construction de la grande fabrique
desCasseaux, » d'après le passage ci-dessus, tiré de la Statistique,
on voit que ce fut avec Joubert que traita M. François Alluaud.
D'après M. Paul Ducourtieux {loc. cif.). la Manufacture Royale
(c'est-à-dire la fabrique établie sur son emplacement) a appartenu
successivement à MM. Pierre Tharaud, Legay, Barbe et Poncet,
Poucet, Poncet et Àrdant, Vaslet de Fontaubert, auxquels il faut
ajouter MM. Thouvenet et Spikel, enfin MM. Jouhanneaud et Bou-
det, possesseurs actuels.
Je n'ai pas trouvé la plus légère indication pouvant permettre
d'attribuer aucune des pièces conservées au Musée céramique à la
fabrique Cacate, qui peut être considérée comme la suite de la Ma-
nufacture. Mais on a vu par ce qui précède que l'histoire de la
fabrique en question nous est à peu près absolument inconnue.
FABRIQUE MONNERiB. — Lcs registres des délibérations du Conseil
municipal de Limoges nous donnent les indications suivantes :
« Séance pubhque du 19 ventôse, troisième année républicaine. —
Etablissement d'une manufacture de porcelaine par les citoyens
Monnerie et Joubert : « Les citoyens Léonard Monnerie et Jean
Joubert demandent l'agrément de la municipalité pour rétablisse-
ment d'une manufacture de porcelaine dans la maison et dépen-
dances du dit Monnerie, située faubourg de Paris, section de la
liberté.
» Le Conseil général, voulant seconder les intentions de la Con-
vention nationale, qui vient de donner au commerce tout l'encou-
i*agement nécessaire pour le faire fleurir, a donné son agrément
à rétablissement proposé, ne pouvant en résulter aucun inconvé-
nient fâcheux, étant situé hors l'enceinte de la ville. »
(Deuxième registre des délibérations du Conseil général de la
commune de Limoges. — Archives de l'hdtel de ville).
Dans son Aperçu statistique sur l'exposition de Limoges en 1855,
M. Ravenez donne les renseignements suivants sur la fabrique qui
nous nous occupe :
19% MCltTÊ AKCHÉ0L061QUI BT BISTOtlQOE DU .LMOUKlIt.
« En 1794, M. Horinerie établit une nouvelle manufacture à
Limoges, dans Tancien couvent des Augustins, dont il avait fait
l*acquisition au mois de septembre 4793. Jusqu'en 1800, ses opéra-
tions y furent assez régulières, il s'y faisait par an environ dix-
huit fournées, qui occupaient une vingtaine d'ouvriers et de ma-
nœuvres. Mais, sous Tempire, celte fabrique ne fit que languir, et,
en i808, elle ne se maintenait que par TintelUgence de son direc-
teur : c'est celle où est établi aujourd'hui M. Ruault. »
En Tan X, la Société d'agriculture de Umoges organisa, sor
l'invitation du gouvernement, une exposition préparatoire qui devait
permettre de choisir des spécimens des produits de Tindostrie
limousine dignes de figurer à l'exposition de Paris. Sur un tableau
annexé au rapport présenté par le citoyen Martin au nom de la com-
mission centrale, à la séance tenue par la Société d'agriculture le
47 prairial an X, on trouve la mention suivante : « Un cabaret de
porcelaine blanc et or de six tasses et soucoupes, une caflfetière (sic).
une théière et un sucrier. Moonerie, fabricant à Limoges. Prix :
60 francs. »
En l'an XI, la Société d'agriculture organisa une nouvelle expo-
sition qui, comme celle de l'année précédente, eut lieu dans 1 an-
cienne chapelle du collège. Dans le rapport lu par le citoyen Mar-
tin à la séance du 6 thermidor an XI, le passage suivant est
consacré à Monnerie :
« Le C. Monnerie, créateur de sa fabrique dans des temps diffici-
les, n'a offert qu'un vase de pharmacie sans peinture ni dorure et
un plateau de déjeuner peint et doré; le vase, d'ailleurs, remar-
quable par sa grandeur, a paru fumé, et les mascarons servant
d'anses ne sont pas de bon goût; le plateau, peint par son (ib,
élève de l'Ecole centrale, présente, dans la femme sortant du bain
qui en fait le sujet, des formes gracieuses au fini moelleux gui, eo
annonçant de grandes dispositions, faisaient oublier les incorrec-
tions de ce joli tableau ; mais, au moment où le public applaudis-
sait à ses succès, cet infortuné jeune homme, non moins intéressant
par ses vertus privées que par ses talents, épuisé par l'excès da
travail, luttait contre une mort prématurée qui peu de jours après
l'a enlevé à sa famille et à ses nombreux amis.
» Comme fondateur d'un établissement qui tend à augmenter la
fortune publique, le jury décerne au citoyen Monnerie une médaille
d'argent. ».
On serait tenté de reconnaître dans le vase exposé par Monnerie
en l'an XI la pièce par laquelle commence la nomenclature qui
fait l'objet de ce travail; cette pièce, je l'avais attribuée aux pre*
ESSAI DK eLASSinCATION DES AlfCIERIIES P0ECBLAIWE8 DE LIMOGES. 702
miers temps de la manufacture Massié, Grellet et Fourneyrat;
j'avoue qu'il m*e8t bien dilHcile de renoncer à cette pensée en pré-
sence do caractère décoratif très franchement Louis XV du rase en
question ; si c'est bien notre vase qui a été exposé par Monnerie en
Tan XI, on pourrait penser qu'il ne l'avait pas lui-même fabriqué.
FABRIQUE INDÉTERMINÉE (fin dU XVUl* Sièclc)
44. — Jatte à fraises, forme coupe. Décor barbeau. Bord couvert
à dents de loup. Or.
Largeur, 23 1/î. Hauteur, H/±
Aucune marque.
Don de M. le vicomte de Pelleport.
L'émail de cette pièce a quelques légers défauts et n'a pas une
aussi belle « étente » que dans les pièces portant la même décora-
tion et sortant de la fabrique Baignol, où on ne paraît pas avoir
jamais employé la dent de loup.
La tonalité de la décoration, ainsi que les particularités de la
bordure en dents de loups semblent défendre l'attribution à Bai-
gnol. Les dents de loup, la puissance des verts etc., font songer à
l'annexe de Sèvres. Nous nous trouvons évidemment en face d'une
pièce exécutée à une époque où les traditions de l'ancienne Manu-
facture Royale étaient encore très vivantes.
48. — Saucière. Elle est de forme ovale très allongée, fixée à
un bateau dont le fond est rectangulaire et l'ouverture très évasée
octogonale (disposition qui a été d'abord appliquée en porcelaine
tendre), la saucière elle-même est droite, avec plusieurs filets en
relief en haut et en bas. Aux deux extrémités elle portait deux
oreilles (qui ont été brisées) percées au milieu. Couvercle rentrant
surmontée d'une petite poignée rectangulaire dont les angles droits
sont abattus, Décor barbeau bleu, vert et noir. Sur la saucière et
son couvercle, bords festonnés or.
Longueur de la jatte (prise à l'ouverture) : 30, hauteur : y com-
pris le couvercle,
Aucune marque.
Don de M"* A. Ferru.
Cette pièce parait postérieure à la précédente, cependant sa
forme était bien connue à la fin du xviir siècle. Il faut remarquer
que la bordure en dents de loups si usitée par les décorateurs de la
fabrique du comte d'Artois, ne paraît pas avoir été employée par
les fabriques qui succédèrent à l'annexe. Au Musée, on ne la cons-
tate sur aucune des pièces pouvant avec quekjues raisons être
attribuées à BaignoL
704 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LlMOUSIir..
LES PREMIÈRES FABRIQUES. ^ Alluaud. — Par 88 situatioD, par
la nature de ses travaux, M. François Âlluaud père dût être
appelé un des premiers à se livrer à la recherche du kaolin. Cette
recherche, on s'en occupa beaucoup dans le monde officiel et îl
était naturel qu'un homme qui portait le titre de géographe du
roi s'y attacha; d'autre part, la connaissance qu'il possédait cer-
tainement de la topographie du département le rendait particuliè-
rement propre à ce genre d'investigations.
L'histoire de la découverte du kaolin est à refaire. Déjà on peut
prévoir le moment où les erreurs acceptées trop légèrement jus-
qu'ici seront enfin réformées (1). François Alluaud père fut-îl pour
quelque chose dans la découverte du gîte de Saint-Yrieix ? C'est ce
qu'il n'est pas possible de dire encore, je le crois du moins, mais ce
qui est certain, c'est que de très bonne heure on le voit proprié-
taire de carrières de compte à demi avec Elie Leymarie de Laver-
gne, puis Etienne Baignol, etc.
Quoiqu'il en soit, les kaolins qu'il exploitait, Alluaud père dut
tout naturellement songer à en tirer directement parti en devenant
lui-même fabricant de porcelaine, d'autant plus que la manufac-
ture royale de Sèvres et celles de Limoges, possédant elles-méme^
des carrières, n'offraient aucuns débouchés, la chose est du moins
fort probable. Nous ne savons pas d'une façon certaine quels motifs
lui firent choisir Bordeaux pour donner suite à ses projets, mais il
est facile de trouver certaines raisons de ce choix : la porcelaine
était alors un produit de luxe, elle se vendait très cher et s'écoulait
surtout dans la noblesse et la haute bourgeoisie ; or Bordeaux était
admirablement placé pour opérer sur un pareil terrain : au cen-
tre d'une riche contrée, où la noblessse était nombreuse, cette
ville possédait, dans son sein même, une grande bourgeoisie com-
merciale et une petite noblesse parlementaire, qui par d'adroites
alliances avait su acquérir l'opulence. D'autre part, les foires de
Bordeaux, qui attiraient les visiteurs en nombre immense, consti-
tuaient un excellent champ d'opérations.
L'annexe limousine avait bien un dépôt à Bordeaux, mais sans
doute, comme il arrivait souvent alors, il avait périclité à la suite
d'une mauvaise direction.
(I) M. Fray-Fournier adécouvi^rtà ce sujet des documeats fort carieu
dont il poursuit la publication dans le Bulletin de la Société ordléo-
logique.
KSSAI Dfi CLAS8I»ICÀT10^; DES ANClBNNKS l^OftCBLAmBS DK LlItOGES. 705
BieQ que Vhistoire de la fabrique de Bordeaux constitue un sujet
qui ne se rattache pas très directement à Tobjet traité dans cet
Essai, il a cependant paru intéressant d'entrer ici dans quelques
détails relatifs à cette fabrique de Bordeaux, une des plus ancien-
nes créées en province. Le lecteur verra par le court récit qui va sui-
vre à quels efforts étaient obligés, au xvui* siècle, les citoyens coura-
geux qui, alors, tentèrent de doter leur patrie d'une industrie dont
la fortune devait être plus tard si éclatante.
Je ne suis pas en mesure quant à présent de donner un ensem-
ble complet de renseignements sur la fabrique de Bordeaux, j'ai
trouvé les indications suivantes dans la correspondance de Ver-
gniaud que M"** V« Victor AUuaud a bien voulu, très libéralement,
me permettre de consulter, j'ai même été autorisé à prendre quel-
ques notes.
Le première mention faite par Vergniaud, de la fabrique de Bor-
deaux, se trouve dans une lettre datée du 11 avril 1786. Il est pro-
bable que cette fabrique devait avoir été établie depuis quelque
temps, quelques mois tout au moins, car le succès commençait à
répondre aux efforts de ses promoteurs. Vergniaud en effet informe
son beau-frère de la réussite d'une fournée, peu de rebut et presque
rien de cassé, il est vrai que les pièces avaient beaucoup d'épaisseur
« elles sont cependant belles, continue Vergniaud, et les apparences
doivent tout faire présumer pour le succès de cet établissement ».
M. Alluaud s'était associé un certain Vanier ; — Vergniaud écris
parfois Vannier — porcelainier habile mais homme très besogneux
et probablement très désordonné. «Cet homme est misérable dit
Vergniaud et le moindre retard (dans l'envoi des fonds) le met aux
abois et dans l'impossibilité de travailler ».
Dès cette première lettre, nous voyons entrer en scène une per-
sonne qui suscitera à Vergniaud bien des embarras. C'est M"*
Vanier : avare, dissipatrice et de mauvaise foi, tels sont les traits
sous lesquels nous la connaîtrons bientôt.
En 1797 la manufacture continue à donner de belles espérances,
mais rien que des espérances; une lettre en date du 18 juillet nous
apprend de curieux détails. « Je mène de temps en temps quelqu'un
à la manufacture ; dès qu'elle sera un peu connu, je suis persuadé
qu'elle aura peine à suffire aux commandes et je prédis un instant
où il faudra redoubler d'avances pour lui assurer le succès et les
bénéfices que nous promet la beauté de la porcelaine et pour fournir
un débit qu'assure l'infériorité du prix sur celle de Paris. »
Gomme on voit il n'est pas question de la porcelaine de Limoges ,
mais nous sommes en 1787 époque ou par suite de la mauvaise di-
rection de Grellet notre Manufacture Nationale périclitait.
706 SOCIÉTÉ ÀftCaÉOLDOIQUI ST BIBTOMQOB PU ilKOOSlM.
Un an après (26 juillet 4788) naus trouvons dans la corrcspondanee
de Vergniaud une note analogue. « J ai vu a^jo^d'hui M. Vanier
qui m'a prié de vous prévenir que le mois était fini et qu'il compte
sur vous pour le prochain courrier, je lui ai avancé sept louis par
ce qu^ila fait des dépenses extraordinaires pour faire serrer etToi-
turerdu charbon de terre et du bois, celui-ci sert pour faire cuire
les couleurs; il a fait cette semaine Fessai du petit four destiné à
cet usage, le succès a été complet et je vous en porterai un écbantS-
Ion avec moi, j'ai mené à la manufacture plusieurs dames parieraen-
taires qui en ont mené d'autres et je présume que les commaDdes
mettront Vanier hors d'état de monter un magasin à la foire Je suis
votre orateur, jusqu'à présent cela m'a assez bien réussi. »
Il semble d'après les indications de Vergniaud que M. ÂJluaud
versait tous les mois à Vanier, une somme considérable; deux mille
livres probablement; plusieurs reçus s'élevant chacun à ce chiffre sont
en effet mentionnés ; il se produisait parfois des retards dans renvoi
des fonds, circonstance qui n'a rien d'extraordinaire étant donné
la difficultés des communications, Vanier et surtout Madame Vanier
jetaient alors les hauts cris : « J'ai reçu ce matin, pion cher frère la
visite de M. Vanier, écrit Vergniaud, à la date du 4 juillet, ii a pleuré
comme un enfant sur le retard que vous lui faites éprouver, il m'a
dit qu'il vous avait prévenu qu'il n'avait pas d'argent, ni crédit,
qu'il aimait mieux tout abandonner que d'être dans cet état... que
c'était d'autant plus malheureux que jamais il n'avait fait d'aussi
bel ouvrage (ici des détails sur la misère personnelle de Vanier), il
vous observe qu'il n'a pas encore vendu et qu'il ne s'est pas encore
fait annoncer, parceque ce serait une folie, tant qne le magasin
n'est pas encore assorti, qu'il fait une fournée tous les quinze joars
que c'est là ce qui consomme le fonds, mais en même temps que
c'est là le seul moyen de pouvoir paraître à la foire et que d'ailleurs
quand il travaillerait moins il ne pajxraitni plus ni moins de loyer...
je crois que vous auriez tort de négliger cet établissement, si j'avais
mes petits fonds du Chateiiet je ne balancerais pas à vous prier de
m'associer jusqu'à concurrence; si jamais un établissement de ce
genre a dû réussir il me semble que c'est à Bordeaux, surtout que je
puis connaître qu'il est en très bonnes mains, etc; »
Il est peut-être permis de trouver extraordinaire que malgré tous
ses efforts, toute son habileté, malgré les sacrifices considérables
pour l'époque faits par M. AUuaud; Vanier ne soit pas arrivé plus
rapidement à des résultats effectifs, on peut se démander si Ver-
gniaud n'était pas légèrement optimiste, lorsque à la date du 44 avril
1788, il écrivait les ligues suivantes ; « J'allai voir hier matin M. Va-
nier, il travaille à force. Il attend un ouvrier pour faire desassieUes.
EdSAI JM CUL331F1CAT10H D&S AlICttNNSS PORGBLAlNBS OB LlHOGKS. 707
Le four a faire cuire les couleurs est prêt. Je pense qa*à la foire
vous pourrez avoir au beau magasin et écraser les marciiands de
Paris parce que vous pourrez donner d'aussi belle marchandise a
20 p. 100 meilleur marché., et cependant faire les mêmes bénéfices
il ne s'agira que d*être assorli et d'avoir des services complets « (ce
passage a été reproduit par H. Vatel, toutes les autres citations que
l'on a trouvé, on que Ton trouvera ici sont inédites), je crois d'ailleurs
pouvoir vous dire qu'il y a du jet et de l'ordre dans la manufacture
on y fait de la porcelaine magnifique, j'y vais quelquefois, le maga-
sin commence a être brillant, le four est excellenl, sur la dernière
fournée qui s'est faite il n'y a eu que sept pièces invendables et un
petit nombre de celles dites second choix. »
Malgré ces belles espérances, la porcelaine de Vanier ne parut
même pas à la foire. Les sacrifices continuent toujours sans que
l'on constate de résultats, cependant dans une lettredu 16 mailT89,
Vergniaud annonce que a cette semaine Vanier à vendu quelque
chose ».
Mais enfin Vergniaud commence à concevoir des inquiétudes ;
en février 1790, il écrit : « Je crains qu'on ne vous trompe, quel-
ques propos d'ouvriers augmentent mes craintes, il doit en venir
deux demain pour m'instruire, ils sont inquiets sur leur payement,
j'ai taché de les calmer; Vanier crie misère, on m'assure qu'il a de
Targent, le mandat de M. de Laporte n'est pas retiré, il en doit le
montant quoiqu'il soit bien impossible qu'il n'ait pas vendu de
quoi s'acquitter depuis que cette affaire dure, il a livré à 50 p. 100
de pertes pour mille livres de marchandises à Verneuil, cet homme
pourrait faire son lot et décamper... ».
Mais Vanier ne devait pas « décamper » après avoir fait son lot
ir le 9 mars 1790, Vergniaud annonce à M. AUuaud la mort du
pauvre diable survenue à la suite d'une fluxion de poitrine compli-
quée dune fièvre putride. Alors commence pour Vergniaud une
série d'ennuis, de fatigues, de dégoûts de toutes sortes qu'il sup-
porte avec une patience et une égalité d'humeur véritablement ad-
mirables. La fabrique royale était alors^ pour M. Alluaud, une très
grosse charge qui l'absorbait complètement et lui imposait de
lourds sacrifices, sa présence eut été bien nécessaire à Bordeaux,
malheureusement des intérêts supérieurs l'appelèrent à Paris, où
il dût faire un assez long séjour (1); il fut d'autre part obligé de
faire d*autres voyages en sorte qu'il ne répondit par aux appels
(1) La suscription d'une leUre de Vorgniaiid nous apprend une particn-
Urité assez ioierrésante, M. Allaaud éiail descendu chez « M. Darcei, mem-
bre de TAcadémle royale. »
708 SOCIKtA archéologique BT BI8T0RIQÛB DC LlltOCStfl.
réitérés et pressants de Vergniaud. Celui-ci continua pendant quel-
que temps la fabrication, puis commençât une liquidation rendue
très laborieuse par suite des circonstances dans laquelle elle était
faite : il fallait surveiller étroitement Madame Vanier dont « les
mains et Thumeur processive étalent également dangereuses.» Cette
malheureuse femme semble n'avoir connu aucuns scrupules, dou5
la voyons convaincre de mensonge à plusieurs reprises, diantre
part sa mauvaise foi était évidente, Yergniaud nous la montre du
vivant môme de son mari prenant les ouvriers en pension se faisasi
payer régulièrement par eux et ne s'acquittant pas elleHOsémp
envers ses fournisseurs (elle devait huit cents francs à sa boulan-
gère) d'autre part les ouvriers l'accusaient v de friponnerie et
d'avoir enlevé pour plus de mille francs de marchandises aTant la
mort de Vanier », eniin Yergniaud constata des détournements, de<
ventes clandestines à vil prix, etc.
L'affaire se termina par une sentence arbitrale qui déclara
M. Alluaud créancier de la société, pour une somme d'environ
13,000 francs, mais Madame Vanier eut l'adresse de faire porter
ses dettes particulières (tailleur, marchand de vin, etc.) comme
dettes de la société. Il y avait un stock considérable de marchandi-
ses, mais nous ignorons dans quelles conditions la vente pât s'en
opérer.
En résumé M. Alluaud, par la faute de ses associés ou collabo-
rateurs, se trouva avoir fait en pure perte des efforts et des sacri-
fices considérables qui eussent dû suffire pour créer une florissante
manufacture. Il avait réussi à produire des porcelaines de choix,
pouvons nous croire d'après les quelques renseignements qui nous
sont parvenus (1^ ; elles étaient décorées et dorées, il est probable
qu'un certain nombre de pièces sorties de cette fabrique furent en-
voyées à Limoges, où quelques unes se trouvent peut-être encore;
mais à quels signes les reconnaître? Pour nous conduire dans cette
très difficile recherche, nous ne possédons aucune indication, mais
on peut espérer qu'une sérieuse et minutieuse étude de la ques-
tion amènerait la découverte de certains indices^ grâce auxquels
on pourrait avec quelque fondement faire des attributions à la
manufacture de Bordeaux.
Cette manufacture de Bordeaux nous intéresse assez directement,
nous autres Limousins, parce quelle a été créée par un des nôtres
et qu'elle a reçu les soins d'une de nos gloires les plus pures; elle
(I) Nous voyons dans la correspondance de Yergniaud qa'nn particulier
avait commandé à la manufacture de Bordeaux un service du prix
de 1 .900 livres.
KS8AI D8 CLA8SiriC/.Tt<Ml MS ANCiSNNBf POfiCCLAIMBS »8 I.IIIOÛKS. 709
est Itmousiae en quelque sorte peut-on dire mais ce qui mi ÛH
maintenant indobitaMe, c>st qoe c'est i Bordeatii et par la créa*
tioD de la fabrique, sur laquelle je viens d'appeler Tattentien 4u
lecteur qu'une famille qui devait avoir une action coasidé^raUe wt
le développement de la première industrie de notre ville à fait 9és
débuts dans la carrière céramique.
Il est probable que, ainsi qu'il est dit plus haut^ M. AUuaud père
avait été appelé un des premiers à mettre son activité au service des
promoteurs do mouvement à la suite duquel se firent les débuts de
la porcelainerie limousine. C'est là d'ailleurs un point qui sera mis
CD lumière par des recherches subséquentes, conduites plus loin
qu'il ne m'est permis de le faire ici, étant donné le cadre de ee
modesle travail.
En terminant cette disgression, ^ car c'en est une ^ je dois
rectifier une errenr commise plnts haut j'ai dii que, h la manufac-
ture de Bordeaux, on avait fait des essaie de cul' son à Ja bouille,
mais il y a plus eiil ressort de la correspondance de Vergniaud,
qae la cuisson an charbon de ierre fut exdusjvemeni employée à
l'usine de N. Ailuaud. La bouille a été employée dès le xvm'' sfiècle,
comme combustible par plusieurs fabricants céramistes, mais il
a'est pas téntéraiire de présumer que c^est ches M. Alluaud que
cet (emploi se fit avec le plus de suite. C'est là d'ailleurs un point
qu'il sera Cacile d'élucider.
Autre rectifieàiim, la datte de i780 a été hsnardèe ici eonme
celle de la fiwdaUon de la fabrique bordelaise, mais après le dé-
pouillement qu'il m'a été permis de faire de la correspondance
de Vergniaud, il me semble que la pinemiëre mauiufocture de
M. Alluaud n'a dut prendre naissance qu'à une époque un peu ptos-
térieune; nous pouvons croire que Yanier ne menait pas rapide*
ment les choses^ mais il paraît difficile que si^ ans après ses débuts
il n'eu fut arrivé qu'au point où nous le voyons lorsqu'il estquestion
poar la première fois de l'entreprise à laquelle il éUiii associé; k
litre puren^ut hypothétique, j'indiquerais volontiers Taunée 1784
comme cette du 'Commencement de la manufactaire de Bordeaux.
Nous avons vu que M. François Alluaud père dirigea pieudaut de
longues années la manufacture de Limoges, de ITÀè à 1793, nous
savons, d'autre ipart, par la con*espondance échangjée entre ^i-
gueil et Préut que, en 1793, Fraucçois AUaaad père avait repris à
Limoges la Jaforicalion de la ptoroelaine. M. fiaveoez s'est donc
tnampé lorsque^ dans l'ouvrage cité ^éjçi^ il place en 1796 la «créa-
tion de la première usine Alluaud; vwci «bailleurs comnent U «'.eu-
prime À ce siyet : «( U. Albiaud père feada uue nouvelle usine en
17â8. Sou ige ue hû ppraiettsAt (pius alors 4e donner beau^np
T. xii. 45
7fO ^OGlirà AttCHèoLOGlQUk Rt HISTOtIQOB DU UHOUSIK.
d'aclivllë à ses travaux, il s'altacha priocipalemeol à étudier la
composilioD des pâtes et des kaolins qu'il livrait ensuite au aotra
fabriques, malheureusement la mort vint Tarrôter dans ses expé-
riences en juillet 1799. »
On ne voit figurer aucun produit de la fabrique Alluaud sur k
tableau de l'exposition des produits de Tindustrie de Tan X, mat'
dans le rapport de Martin, également cité plus haut (an XI) on lit :
u La fabrique du C. Âlluaud aîné a offert de beau blanc sa&s
décoration, et parmi les peintures, en petit nombre, on a remarqué
un pot-à-eau, sujet pastoral, peint par Yienot-Lafayette avec antafii
de grâce que de vérité. Les talens et les connaissances du C. Âlhiand,
l'activité qui règne déjà dans sa fabrique quoique naissante, sod:
un sûr garant qu'il écartera tout ce qui lient à la routine, et qoe
sous sa direction Tart fera des progrès rapides. Comme membre
de la Société, le Jury n'a pu lui décerner un prix, mais il lui foie
des remerciements au nom de ses concitoyens. »
Le il prairial an XII, la commission centrale se réunissait au
salon des arts et « portait Tattention la plus scrupuleuse sur toas
les objets soumis à son examen ». Voici la partie de son procès-
verbal ou il est question de la fabrique Alluaud.
« Cette fabrique a fait depuis Tannée dernière des progrès
étonnants, élégance et variété dans les formes, richesses et grâce
dans les ornements, blanc pur et bien glacé, tel est le résultat des
observations du Jury quand à cette fabrique, en général. »
Pour cette même année 1803, je trouve un document qui ne
manque pas d'intérêt :
« Manufacture de porcelaine de M. Alluaud aine, place de lu
Liberté, à Limoges,
» François Alluaud aîné, propriétaire de Kaolin et de Petunzé,
obligé d'établir un four pour les essais des matières préparées qui
alimentent la plupart des manufactures de TËtat et notamment
celles de Sèvres, a insensiblement créé une manufacture de porce-
laine qui vient de recevoir l'activité nécessaire pour remplir promp-
temenl les commandes qui lui sont adressées, tant en blanc qu>n
décorations de tous genres.
» N'ayant rien négligé pour assurer le succès de ses travaux, le ci-
toyen Alluaud a eu la satisfaction d'obtenir une porcelaine dont la
solidité de la pâle et la beauté du blanc ne laissent rien à désirer.
Les formes sont aussi commodes qu'élégantes et les peintures dans
les goûts les plus nouveaux... » {Journal de la Haute-Vienne, 2 fri-
maire an Xil, 34 novembre 1803).
On le voit François Alluaud fils, qui était aux armées lorsque"
son père fonda ses premières manufactures à Limoges, reprit, à son
RSSAl DB CLASSIPICAtlON DES ANCIENNES FORCELAINES DE LIMOGES. ^ll
retour, la pensée paternelle. Et ce fut par une petite fabrique
d'essai qu*il débuta, laquelle devint insensiblement la grande ma-
nufacture que l'on a connue.
En somme nous savons que vers 1784 François Alluaud père
établit une fabrique à Bordeaux, en 4793 nous le voyons créer
une nouvelle manufacture qui, probablement^ continua à fabriquer,
peut-être avec des interruptions, mais jusqu'à sa mort. Peu après
sans doute celte fabrique fut reprise par M. Âlluaud (ils aîné
lorsqu'il put quitter le service militaire; elle était d'abord peu dé-
veloppée, et tant sous la direction du père que sous celle du 61s,
elle ne constitua d'abord qu'une sorte de grand laboratoire d'essais.
Plus tard cette fabrique située d'abord rue des Anglais, fut rem-
placée par une autre manufacture lancé pendant la construction
(lu bàtitiment des Casseaux.
Bientôt il sera nécessaire de reprendre cette notice sur la Manu-
facture Alluaud et alors on entrera dans des détails plus circonstan-
ciés sur les fabriques créées ou exploitées par MM. Alluaud au
commencement du siècle.
46* Vase dit bouquetier, ouverture évasée débordant sur les lignes
générales qui affectent le galbe d'une gerbe (forme qui appartient
au style de l'époque de Louis XYI, bien qu'alors elle n'ait pas été
employée en céramique). Le vase proprement dit dont le fond est
percé d'un trou pour l'écoulement de l'eau d'arrosage s'adapte sur
pied bas indépendant, à plan circulaire comme celui du vase.
Le décor du fond est simplement constitué par trois bandes dorées
de diverses largeurs dont la plus étroite se trouve au milieu. Le vase
est divisé par des motifs en or s'arrangeant dans le sens vertical,
entre ces motifs un médaillon ovale avec cadre en or mat sur le-
quel de délicats ornements s'enlèvent en bruni, le champ du mé-
daillon est en brun pourpre (laque de mars) au milieu s'enlèvent,
en blanc, divers attributs qui changent avec chaque médaillons ; au-
dessus et au-dessous du médaillon des ornements en or disposés
dans le sens vertical. En bas deux bandes or, en haut une bande à
l'extérieur et à l'intérieur en bande plus large.
Hauteur : 14 centimètres, largeur, (à l'ouverture) :14 c.
Aucune marque.
Don de M. Dubouché.
— Le même, pendant du précédent; quelques-uns des attributs
différents.
Ce modèle a été exécuté dans diverses fabriques de Limoges pen-
dant de longues années ; ce qui m'a fait penser que Ton pouvait
attribuer les spécimens qui se trouvent au Musée à la fabrique
Alluaud, c'est parce qu'il parait remonter à une époque où cette
713 SOCIÊtI AACHK0L061QUK BT BlSTOAlQQt OU UIIOUSIH.
fabriqae était déjà renommée. Mais c*est surtout parce que dâSi
roraemeatatioQ oa remarque certaines analogies arec des vais
que l'on sait avoir été fabriqués chez Alluaud.
Les vases du Musée sonl peu importants, il serait bien à souhaiter
que des spécimens plus caractéristiques prissent place dans w
vitrines.
Fabrique d'Etientib Baignol. -— La famille d'Etienne Baîgool est
très anciennement et très honorablement connue à Limoges. Toid
à ce sujet quelques détails (jue M. W. Guérin, fabricant de porce-
laine à Limoges, a bien voulu demander à M. Camille Bai^ol, m-
nufacturier à Boulogne sur-Mer qui, très obligeamment, lui a Li:
parvenir des renseignements très intéressants.
H. Camille Bilgnol possède un très curieux manuscrit dont toïci
le litre plein d'une saveur du bon vieux temps : « Dans ce petit pa-
pier sont escrits les discours faits et prononcés en public par
M'* Pierre et Jehan Baignol frères, advocals au siège presiJial de la
vile deLymoges, enfans heriliers de Pierre Baignol, conseiller et
enquesteur pour h Roy audit siège. » Une note marginale qui sr*
trouve à la page 140, mentionne que Joseph Baignol, procureur
aïeul de Pierre et de Jehan Baignol, fut le 1'' juin 1^6 l'un de^
fondateurs de « la frairie instituée soubs le nom du pretieux corp>
de Dieu et laquelle se célèbre en nostre paroisse de Sainl-Hichel-
des-Lyons par ses vingt-quatre confrères ».
Sur la liste des consuls de limoges, on relève les noms de plu-
sieurs membres de la famille Baignol savoir :
Guillaume Baignol, notaire, consul en 15(S et 1522. Ce doit être
le même qu'un Baignol ou de Baignol (BaignoUi), notaire, aatcor
d'un terrier élaboré en 1S03 et 1504 pour le monastère de Saint-
Martial ; il existe également un terrier postérieur, œuvre d*us Bai-
gnol et concernant aussi Tabbaye de Saint-MartiaK Ces pièces sont
conservées aux archives du département de la Haute-Vienne (1).
Albert Baignol, consul en 1520 et 1525.
Joseph Baignol, celui dont il est tjuestion plus haut comme Tuo
des fondateurs de la « frairie » de Saint-Michef , consul en 15S8,
1696 et 1597.
Pierre Baignol (probablement Tun des auteurs du manuscrit
cité plus haut), consul en 1633.
D'autre part il a été relevé sur diverses pièces anciennes, le>
(1) Les indications COBCcrnaul les pièces des archives m'ont été d«D-
nées par M. Louis Guibert.
SS8A1 DE CLA8SIFICAT10II DKS ANCIENNES PORCELAINES DE LIMOGES. 71 3
noms de Joseph Baignol, sieur de Lavaux, 1656; Pierre Baignol
consul, 1726, et enfin d'un Pierre Baignol, lieulenanl au régiment
d'Anjou. On trouve aussi la trace d'alliance avec des familles nobles
contractées par des demoiselles Baignol.
Ces renseignements ne sont pas indifférents : en effet, en voyant
qualifier Etienne Baignol d'ancien tourneur de la Manufacture
Royale, on pourrait penser qu'il appartenait à une famille de pro-
létaires et que lui-môme était un ouvrier, ce qui n'eut certainement
pas amoindri son mérite, tout au contraire peut être, mais il est
intéressant de constater (constatation que nous aurons encore à faire)
que, au début de la fabrication de notre ville, un jeune homme ap-
partenant à la meilleure bourgeoisie ne craignait pas de déroger
en devenant simple tourneur. La tradition s'est conservée à Limo-
ges que les premiers porcelainîers portaient l'épée. C'est là un fait
qu'il serait peut-être imprudent d'accepter sans contrôle, mais il est
possible que ce qui a donné naissance à cette légende, si c'en est
une, c'est que la pratique de l'art de la porcelaine était alors consi-
dérée en quelque sorte comme une profession libérale.
Dans les pages que je consacrerai plus tard à la fabrique de La
Seynie, dirigée par Ktienne Baignol, je donnerai des détails sur les
commencements de ce céramiste.
Nous avons vu plus haut Préat dire que Brigueil avait songé à
une association avec Etienne Baignol pour la création d'une
fabrique de porcelaine, le fait n'a rien que de très vraisemblable,
il prouve le cas que l'on faisait de la capacité du directeur de La
Sevnie.
Quoiqu'il en soit Etienne Baignol s'établit à Limoges en 1797,
selon M. Radenez, dans une partie du couvent des Augustins
achetée à M. Mourier. Sa fabrique eut deux fours et employa
G4 ouvriers, mais il est probable que ce dernier chiffre était bien
plus modeste au début.
Etienne Baignol avait été associé à des exploitations de kaolin ;
à Limoges ; il établit un moulin à pâte au pont Saint-Martial.
En Tan X, la commission centrale déclara que les produits en-
voyés par Baignol « étaient dignes de figurer aux portiques du
Louvre ». Ces produits sont ainsi désignés sur le tableau de Martin ;
a Un cabaret en porcelaine blanc et or, composé de douze tasses,
un pot au lait, une caffetière [sic), une iheyère [sic\ et un sucrier,
60 fr.
» Un pot à eau forme d'urne avec sa jatte, blanc et or 25 fr.
» Deux vases dorés et à guirlandes de roses, 180 fr.
n Le buste du premier Consul avec son pied d'estal décoré (le
buste du premier consul appartient à la Société d'agriculture et des
71 i SOCliTB ARGHÉOLOOIQUB ET HISTOftIQUB DU UMOUSm.
arts qui prie le ministre de l'agréer. Ci-joint la description da
pied d'estal). »
A titre de curiosité je donne cette description :
« Description du buste de Napoléon, premier consul de la Rêpi-
blique française :
» Au milieu du pied d'estal et sur le devant est un mèdaillts
doré, au centre duquel on voit un chiffre en blanc composé de troi?
lettres : B.P. C. (Bonaparte, premier consul), de la droite de cechiSne
sort une main présentant une branche d*olivier, simbole (sic) de U
clémence, de la gauche une autre main tenant des balances, embif-
me de la justice.
» Au-dessus du médaillon est un soleil, principe de la lumière,
entouré d'une couronne civique et, reposant sur le manteau codsq-
laire, deux guidantes de fleurs sortant du soleil semblent annoncer
le retour du printemps ; enfin le médaillon est soutenu de laurier^
et d'une palme, symbole de la victoire et de la paix.
» Le pied d 'estai en marbre vert d'Italie rappelle les victoire*
du premier consul et le socle en porphire offre l'emblème de la
stabilité d'un bon gouvernement, au sommet du pied d'eslal et sons
le buste est un autel soutenu par la prudence, duquel s'élèTC une
flame {sic) pure, simbole du génie vertueux ; à droite et à gaaclie
de cet autel est une chouette, emblème de la sagesse, et une cigope
emblème de la piété filiale ; sur la lame les jeux de la paix et diffé-
rents attributs des sciences, des arts, du commerce et de l'abon-
dance. — Martin. »
Il est sans doute permis de condamner la composition de Tœuvre
compliquée et prétentieuse dont on vient de lire la description faite
dans une phraséologie flagorneuse bien caractéristique, mais rien ne
démontre que la pièce en question fut sans valeur artistique. Ce
devait être un morceau fort curieux d'un art qui n'était pas sans
mérite ; Tart révolutionnaire nous a, en effet, laissé des spécimens
qui nous le montrent dérivant d'une inspiration originale : entre la
grâce élégante du style Louis XVI et la pesanteur bourgeoise du
style impérial, les austères artistes de la Révolution se sont créés
une place bien à part.
Quoiqu'il en soit, on doit regretter la perte d'une œuvre qui était
peut-être la plus importante de celles que produisit Etienne Bai-
gnol. Il est probable que le buste du premier consul était de gran-
des dimensions ; ce devait être un biscuit d'une réelle valear ;
d'autre part les emblèmes, les figures, les attributs, etc., dont il
(I) M. Camille Baiguoli de Bordeaux, petit-fils d*Etieane Baigool» Bit
approximativement la naissance de ce dernier à 1730.
ESSAI DE CLASSIFICATION DES ANCIENNES PORCELAINES DE LIMOCES. 715
était accompagné, nous fourniraient de précieuses indications sur
Tétat de Fart k Limoges au commencement du siècle. Peut être
d'ailleurs le buste du premier consul n'a-t-il pas péri et se retrou-
vera-t-il un jour dans quelque grenier.
Voici comment le rapport de Martin apprécie les envois faits par
Baignol à Texposition de Tan XI :
<( La porcelaine en général était plus belle et mieux décorée que
Tannée dernière ; parmi celle surtout de la fabrique du C. Baignol on
a particulièrement distingué trois vases, dont un grand, forme
Médicis, peints en sujets de la fable par Yienot-Lafayette ; quatre
vases blanc et or, décorés par Clostermann; un pot-à-eau et sa
jatte, peints et décorés par Faure, âgé de dix-sept ans, élève de
TEcole Centrale; une corbeille en blanc, un porte-pendule en biscuit
et trois Christs modelés par Bonnevie ».
En Tan XII Baignol n*exposa pas.
Les envois à l'exposition de Paris, en 1806, font Tobjet de la men-
tion suivante au compte-rendu officiel : (^ L Enlèvement des Satines
et le Cheval de Marly de la fabrique de M. Baignol de Limoges, dont
rindustrie et l'activité sont dignes d'éloges ».
En 1809 nous voyons Etienne Baignol figurer sur la liste des
souscriptions en faveur du Lycée pour une somme de 100 francs, ce
qui constituait un fort chiffre; sa souscription, en effet, n'était
dépassée que par deux autres sur la liste où elle figurait.
Dans une.lettre adressée à M Guérin pour lui donner des rensei-
gnements sur Etienne Baignol, M. C. Baignol, de Bordeaux , donne les
très intéressants détails suivants :
t Etienne Baignol, était désigné par tous les ouvriers, les siens et
ceuxc^es autres fabricants, sous le nom de père Baignol, dans le sens
intime du mol.
» Après sa mort (1814) et pendant la durée d'une génération lors-
qu'un ouvrier, quelque fut sa condition : tourneur, mouleur, jour-
nalier ou useur de grain venait à mourir, il était admis que le père
Baignol ayant eu besoin d'un porcelainier l'avait appelé près de lui.
» Il était le caissier des pénitents de toutes les couleurs, et le jour
(le ses obsèques les ouvriers et pénitents voulaient porter son corps,
c'était à qui le prendrait le premier ; ce premier point fut réglé dans
l'église en faveur des pénitents, sans trop de difficultés, par suite
du respect qu'inspirait le lieu saint, mais lorsque l'on fut arrivé à la
place Hontmailler, les ouvriers demandèrent à remplacer les péni-
tents, ceux-ci refusèrent; la chronique dit qu'il s'en suivit une
mêlée, presque une bataille, ou plus d'un pénitent perdit son bonnet
et où plusieurs ouvriers furent blessés; on convint enfin que les
ouvriers et les pénitents porteraient le corps à tour de réie >».
4I€ socitri AMBioLooiooB RT mairoïkiQOi »« Liiiovsui.
Oh peut ajouter qu'encore AQjoQrd'bm les porcelainiers rempb-
cent volontiers le terbe « moorir m par Texpression paloise c "m
veîre Bogniau ».
II serait à peu près impossible de placer suivant un ordre chrMo-
lo^qne rigoureux la série assez nombreuse des pièees sorties de li
fabrique Baignol conservées au Musée, je me sois borné à les réonir
par groupes. Dans un premier groupe se trouvent placées les ptèfe5
qui, par leurs formes surtout, se rapprochent du style en usage à la
fin du xvin* siècle, puis viennent, dans cet essai de classi6eatH>Dj<^
pièces qui ont paru dater de Tépoque de la Révolution et du com-
mencement de TEmpire ; la fabrique Baignol ayant prodoit beau-
coup de biscuits, il est assez étonnant et très regrettable qoe
le Musée ne possède pas une série de spécimens de ce genre de fabri-
cation. En ce genre, la production de Baignol est seulement repré-
sentée par un buste du premier consul et encore celte attribatioo.
qui est très probable, n'est-elle pas absolument certaine f Enfin une
classe spéciale a été formée pour les pièces qui portent une ou plin
sieurs rangées de perles blanches en relief, genre de décoration qui
parait avoir été pratiqué pendant un temps assez long à la fabrique
Baignol.
47* Grande cafetière, forme balustre, anse à ressaut rappelant
le style rocaille, bec ouvert, couvercle débordant légèrement et à
bouton en olive, le bec est doré en plein, l'anse dorée, mais seule-
ment à Textérieur. Le décor en or est ainsi constitué : large filet à U
base, second filet à la partie où la base se rattache à la panse; ao
milieu de la bande concave un piparUy en haut un large filet, motif
ornemental en bande dans le style de Salem hier; le couvercle e^t
décoré de feuilles de vigne ornementales, le bouton doré en pleio
dans sa partie supérieure.
Hauteur : ilS c. ; largeur (la plus grande) : 1S c.
Aucune marque.
Don de M. Dubouché.
L'attribution à la fabrique Baignol est motivée par la décoration
du couvercle, qui présente certaine analogie avec quelques partie>
delà décoration de plusieurs vases. Le motif, dans le style de Salem-
bier, porte aussi des feuilles ornementales qui rappellent celle de U
vigne, on les retrouve sur une pièce portant la signature de Baignol.
Les formes de ce vase conduisent à penser que le blanc a pu éir^
fabriqué à la fin du xvm* siècle, la décoration paraît aussi appartenir
à la même époque. Elle en a au moins tous les caractères, le
pipant de la base, par exemple, rappelle de très près, la facture
des décorateurs de la fabrique du comte d'Artois.
B9SAI ftl e^ASSIFICATKMi DBS ANCIKNWI9 WfteBLAINBS DB LIMOGES. 717
48* Pot-à*eau, sur piédouche ou aiguière^le corps de la pièce est
divisé en deux sections au milieu de la panse ; la partie inférieure
affecte la forme obconique, les lignes en sont convexes, les lignes de
la partie supérieure sont au contraire concaves et Touverlure se
trouve ainsi rétrécie ; bec découvert, bords de l'ouverture sablés;
des trous d^attache que Ton remarque à la partie supérieure de
Tanse indiquent que la pièce a eu un couvercle, Tanse rappelle celle
de Taiguière n"* 51, mais elle a moins d'importance et n'est pas
aussi correctement dessinée ; elle pèche surtout par rattache infé-
rieure. Sur les deux faces latérales un écusson ogival, que je consi-
dère comme caractéristique de la fabrique Baignol occupe la place
principale et est un bouquet de roses, orné de feuillages et fleu'
rettes; riche décoration en or avec quelques ornements en rouge et
bleu très mal cuit. Â la partie inférieure formant culot, couronne de
fleurs ornementales, larges bandes ; en haut et en bas sur le pié-
douche, le milieu du vase et Torifice entourant le bec : bande sur la
partie médiane, ornements divers en or.
Les formes de cette pièce appartiennent à lart de la fin du
xvni* siècle, mais on se trouve en présence d'une persistance de
style; le blanc doitdater des premiers temps de la fabrique Baignol,
mais le décor semble un peu plus récent.
Aucune marque.
Hauteur : 26 c. ; largeur :11c.
Don de M. Dubouhé.
49* Grande théière ou pot-à-eau, forme balustre, bec couvert, anse
à ressaut, le couvercle à bouton ogival, rentrant dans la bande con-
cave dont le col est exhaussé; en bas piédouche rudimentaire, (ilet
or, à la base pipant dans la partie concave du piédouche; en haut:
guirlande, branche de vigne ornementale, pipant dans la partie
concave de la bande supérieure, laquelle bande délimitée par deux
filets, sur l'un se trouve des hachures, palmettes, etc. or. Le bou-
ton du couvercle doré en plein sur la partie supérieure seule-
ment; bord couvert; guirlande ornementale, au dessous du bec,
médaillon circulaire délimité par une bande or, lequel médaillon
attaché par un ruban or, dans le médaillon et sur un fond café clair,
peinture pochée, non achevée, représentant une figure à mi corps,
coiffée d'un chapeau de paille et portant des fleurs Couleurs emplo-
yées: vert, rose, jaune, brun (la peinture pourrait bien être un esssai).
On remarque sur cette pièce le pipant caractéristique déjà signalé
plus haut sur une autre pièce.
Hauteur : 25 c. ; largeur : (à la panse), lie. 1/2.
Aucune marque.
Don de M« Dubouché*
71 B SOCIÉTÉ AftCHÉOLOGlOUB ET HISTORIQUE DU UMOUSIK.
50* Grand pot-à-eau a bec et sa cuvette, forme bateau. Le pol-î-
eau forme baluslre très simble ; anse avec arrêt pour placer le
pouce ; bec fermé en forme de gueule de poisson ; à la partie supé-
rieure la bande concave qui parait caractéristique de la fabrique de
Baignol ; couvercle rentrant à bouton sphérique ; riche décor, en
or a rinceau goût de Tempire, mais avec des réminiscence de Sa-
lembier; des papillons polychromes sont semés ca et là, (couleurs
employées : noir, rose, bleu, vert, orange, ocre foncé, jaaoe son*
fre ; la décoration est divisée en trois bandes ou étages ; sur le
milieu deux paysages en grisaille dans un médaillon ovale pjr>
forme, inscrit dans un trapèze, les écoinçons en brun roage, (laque
de mars). La cuvette est enrichie d'une décoration analogue.
Hauteur du pol-a-eau : 25 c; largeur (au plus grand diamèlre de
la panse) : 1^2 c. i/2.
Longeur de la cuvette : 32 c. 1/2; largeur : 23 c. 1/2.
Don de M. Dubouché.
Marque : le chiffre 23, en bleu, sous la cuvette et sous le pot-à-eaa.
81" Pot-à-eau sur piédouche ou aiguière, accompagné desa cuvette
de forme dite bateau. Anse en S à laquelle le couvercle est releou
par une attache métallique; la forme générale du pot-à-eau a quel-
ques rapports avec celle du pot-à-Iait n'*48, la partie inférieure e>t
en forme d'œuf, les lignes de la partie supérieure vont au contraire
concave, bec découvert, le couvercle offrant une moulure légère-
ment concave et à plate-forme de laquelle se détache un bouton
polylobé.
La décoration très compliquée, très soignée, manque d'harmooi*^
en certaines de ses parties ce qui semblerait indiquer que Tartistc
qui l'a exécutée n'avait une habitude suffisante de la peinture sur
porcelaine ou tout au moins s* était livré rarement à des travaux
aussi considérable. Cette décoration comporte, pour le piédouche
deux larges bandes, un filet et un pipant, pour la partie inférieure de
la panse, un fond richement quadrillé or, sur lequel se détachent
quatre médaillons fond blanc, portant alternativement des attributs
champêtres, dans le style du xvm* siècle en polychromie et des
corbeilles de fleurs posées sur des tables, également en polychro-
mie ; la partie supérieure du vase présente des médaillons sur
chacun desquels est figuré, en grisaille, un amour sur fond rose:
corbeilles de fleurs sous le bec et, en face Tanse ; vases couvert^,
au-dessus des médaillons; lambrequin, rinceaux, guirlande de fleurs
bandes verticales sur lesquels se trouvent figurées des fleurs sur
fond vert claire etc., ces ornements sont exécutés en or ou en poly-
chromie.
BSSAI DE CUSSiriGATlOIC DKS AMC|Blf|fB8 rOUCELimBS DB LIMOGES. 719
Ào fond de la cuvette el sur champ saumon, on remarque une
figure couchée et une guirlande de feuilles de vigne en noir (rap-
pel des poteries grecques), sur les parois décoration analogue à
celle de la partie supérieure de la panse : médaillons fond rose
représentant alternativement des amours et des attributs champê-
tres ou plutôt pastoraux, corbeilles de fleurs, vases fermés, bandes
verticales portant des fleurs, rinceaux, lambrequin, etc., large
bande or.
Toute la palette du peintre sur porcelaine a été employée ; sur le
piédouche du vase, on remarque le pipant et dans la décoration
des deux pièces les feuilles de vigne en or ; deux des caractéris-
tiques de la fabrique de Baignol.
Hauteur du vase : 25 c; largeur de la partie la plus large: 19 c;
longueur de la cuvette : 33 c. 8 m.: largeur : 23 c; hauteur : 8 c.
Aucune marque.
Don de M. Dubouché.
52® Pot-à-lait (?), forme balustre, anse sans ressaut, bec fermé ;
au-dessus de l'attache du bec se trouve un exhaussement en forme
de bande concave (disposition qui parait caractériser certaines pièces
de Baignol), décor : le bec et Tanse dorés en plein extérieurement;
deux larges filets d'or à chaque extrémité; à la partie supérieure un
ruban de couleur rose avec filet vert au centre, sur le ruban se
détachent des bouquets où Ton remarque une rose, des marguerites
et des belles de nuit, feuillages de rosier; couleurs employées :
rose, violet, jaune, rouge de fer, vert et noir; pendentifs formés par
des guirlandes de fleurs ornementales rattachées au large ruban
rose, par de légers rubans, le tout en or, fleurettes *f pipant ».
Au centre de la panse un écusson ogival en or (carastéristique
de certaines pièces de Baignol), sur lequel on voit le chiffre V. C.
entrelacés en capitales bâtardes; la pièce a son couvercle rentrant
dont le bouton a disparu.
Hauteur : 21 c; largeur (à la panse) : 12 c.
Aucune marque.
Don de M. A. Dubouché.
53"" Sucrier couvert forme obconique, anses en anneau fixées à la
panse, couvercle forme doucine surmonté d'un bouton rond, les
anses et le bouton dorés en plein ; même décor que le précédent,
chiffre identique (cette pièce a évidemment fait partie du même
service), fermeture sablée.
Hauteur avec le couvercle : 15 c; largeur : 12 c.
Aucune marque.
Don de M. A. Dubouché.
790 50CIRTI AMGHiOLOOIQUB ET MISTORIQUE DU LIMOUSIN.
54* Veilleuse, en trois pièces, forme géDérale d*oii vase; le pkJ
ou soubassement en forme de bande étroite percé de trous d'aéra-
tion, reçoit un vase à deux anses dont le haut est également perte
de trous ; la cafetière de la veilleuse se place sur Touverture de n
vase et porte un bec et une anse. Le couvercle est à bouton poiDta.
décor or, les anses du vase et le bec de la caretière or plein, surira
soubassement et le piédouche du vase filets de diverses largeurs,
sur la panse du vase et celle de la théière, bandes portant une fiiK
décoration genre « pipant »; sur la bande de la théière écu^son
ogival portant le chiffre R. M. V.; sur la partie inférieure de U
théière bande décorée d*une guirlande de lierre ornemeolal.
Hauteur: 21 c. 1/4; largeur du vase pris dans le plus grand dia-
mètre 12 c, 1/4.
Aucune marque.
Don de M. de Laëre.
Sî^" Sucrier couvert, forme obconique, anses en anneau fixés à
la panse, couvercle en doucine avec bouton sphérique (même modèle
que le n» 53), décor barbeau ; couleurs employées : bleu, ?ert,
rouge de fer, brun (ces deux dernières en traits légers), filet, près
louverture du vase et touches d'or sur les anneaux ; bord couvert,
sur le couvercle et touches en pétales de marguerite au bouton,
en or.
Hauteur (avec le couvercle) : 14 c; Urgeur : 9 c. 7.
Aucune marque.
Don de M. Charles Boudet.
86* Théière forme droite, couvercle rentrant avec bouton sphé-
rique; anse en S sans ressaut; bec à attache polygonale et k ouver-
ture circulaire: décor barbeau; à labase,tiiet or; à l'ouverture, large
Olet en bord couvert touche$ décoratives, points et palmettes sar
Tanse et le bec, touches en pétales de marguerite sur le boulon;
brindilles alternant avec les barbeaux à la partie supérieure (large-
ment convexe) de la théière, toutes ces décorations or.
Hauteur : \6 c; largeur (du plus grand diamètre) : 12 c. 1/2.
Aucune marque.
Don de M. Gh« Boudet.
B7* Tasse et sa soucoupe, forme dite litron, même décor que ks
pièces ci-dessus.
Hauteur : de la tasse 6 c; largeur: 6 c; hauteur de la soucoupe:
2 c. 1/2; largeur : 12 c. «/*•
Aucune marque.
Don de H. Gh. Boudet,
ESSAI SB CLASSIFIGATIOC OU ANClBNIfBS PCyBGRLAlNU OS LIMOGBS. 784
88« Le même.
Aucune marque.
Don de M. Ch. Boudet.
59^ Soucoupe (même service).
AucuQd marque.
Don de M. Nivet-Fontaubert.
60* Assielle forme ronde, large Blet au bord, même décoration.
Largeur : 23 c.
Aucune marque.
Don de M. Adrien Dubouché.
61° Vase ornemenlal, en deuK parties, piédouche panse et col;
le piédouche joint au culot forme une partie, la panse jointe au
col forme une autre partie, reliées par un écrou ; anses en cros-
ses, feuilles ornementales; base carée. La base, le piédouche, le
culot or plein, maïs deux lilets en relief sont réservés en blanc,
les anses et le col or plein. La panse est divisée en plusieurs zones.
Dans la zone supérieure qui est la plus large, à la face antérieure
dans un médaillon de forme ogivale, on remarque un rébus : offert
par Tamitié (os, fer par, la, mi, tié) deux cygnes dans les queues se
terminent par un motif ornemental accostés. A la face postérieure,
an médaillon de môme forme avec le chiffre entrelacé E. M. en
capitales bâtardes, accosté par deux cornes d'abondance. Les
cygnes et les cornes modelés par brunissage à l'effet, les antres
zooes décorées de motifs géométriques, etc.
Hauteur ^ e. et 1/2, largeur 6 c. et 1/î (ouverture dn goulot),
la plus grande dimension de la panse : iO c.
La forme et le décor de cette pièce fort intéressante à plusieurs
point devue,semblentindiquer répoque révolutionnaire, je croîs ce-
pendant qu'elle ne remonte qu'au commencement du siècle, la
loge maçonnique « La parfaite amitié », jouissait alors à Limoges
d nne véritable vogue ; faut-il supposer que nous nous trouvons en
présence d'un objet ofrert;à quelque personnage parla loge en ques-
tion dontBaignol faisait partie.
69" Sucrier même forme que les n'^'SS et^; suria panse, décoration
eo frise représentant une femme en costume pseudo antique qui soi-
gne une plante en pot ; plus loin on enfant en costume mod^ne
s'appuie sur une bêche, accessoires champêtres, outils aratoires,
caisses d'orangers, etc., en tan bistré avec rebanls d'or; dans les
fonds arbres, rochers or; filets el anses or. Sur le couvercle des fa-
briques eides arbres traités par le même procédé et dafts le même
go&t, filet en bord oapuvert or et foMUton er plein.
7fî SOCiftTA AltCBftOtOGIQOB KT RISTORlQUt DU LIMOCSIIV.
Marque en rouge indéchiffrable, mais ou Ton croit reconn^tre
les deux L. enlacées de Sèvres.
Don de M. Paulin Talabot.
Hauteur : 16 c, largeur : 42 c.
63*^ Tasse forme litron et sa soucoupe, sur la tasse un amoar oo,
tenant une guirlande or, semble danser entre deux coupes fumantes,
attributs divers dans le goût antique ; une gaine surmontée d'nof
tête barbue, autel en forme de colonne, bouclier sur lequel s€
trouve un cœur percé d'une flèche, carquois, etc., arbres et brin-
dilles en or. Le génie et les attributs traités dans le même goût
que ci-dessus ; deux larges filets or. La soucoupe est ornée d*iine
décoration en frise, représentant des vases, des trépieds, des autels
fumants, etc., bistre rehaussé d*or, brindilles et arbres formaot
lointains or, deux larges filets or. Le centre est occupé par ane dé-
coration en or formant rosace où Ton remarque quatre pointes
de flèches et des chutes de fleurs.
Hauteur de la tasse :9c.; largeur :6 c. — Soucoupe, hauteur : 3;
largeur : 12 et 1/2.
Aucune marque.
Don de M. Paulin Talabot.
64^ Tasse et sa soucoupe (même blanc que le numéro précédent;,
mais la décoration diffère par sa disposition. Dans un cartel de
forme rectangulaire les coins supérieurs abattus en écoinçons.
un guerrier assis sus des rochers s'appuie sur une h&che à lai^e
tranchant. Sur la face de la tasse opposée au cartel, on remarque
un paysage traité en or (fabriques, ruines, etc.), dans le goût da
xvni* siècle, ce paysage forme une bande qui n'occupe que la partie
supérieure de la panse ; larges filets d'or et anse dorée. La soucoupe
porte comme décoration quatre vases en bistre avec rehauts d'or
surmontés de têtes de femmes or. Ces vases portés sur des trépieds
en or, alternent avec des palmettes bistres, relevées d'or et accom-
pagnées de brindilles, traits, etc. Au centre même décoration que
le numéro précédent.
Aucune marque.
Don de M. Paulin Talabot.
Ces trois pièces malgré certaines disparates de décoration pa-
raissent avoir appartenu au même service, la tasse portant le nu-
méro 63 a une décoration plus caractéristique et semble apparte-
nir à la période révolutionnaire. Le dessin est incorrect et l'exécu-
tion négligée. D'autre part, l'aspect sombre des figures se détachant
sur le fond blanc est assez déplaisant; cependant ces figures sont
exécutées avec une hardiease qui n'est pas sans saveur ; peut-être
ftSSAI bS CLASSItlCATION DBA ANClBIfNCS POIICKI.AIIIBS DB LlMOÛBS. 7^3
est-ce là l'œuvre d'un amateur comme il y en avait alors quelques-
uns à Limoges.
65^ Sucrier même modèle que le n^* 83 décor, deux grands pa-
pillons et plusieurs Qlets et anneaux d'or, insectes ailés ; couleurs
employées : rouge, bleu, vert-d'eau, brun, noir, jaune-clair, jaune-
foncé.
Hauteur : 10 c; largeur (à Touverture) : il c. 1/2.
Aucune marque.
Don de M. Adrien Dubouché.
66'' Tasse forme dite litron, très mince, anse à ressaut, décor un
papillon et deux insectes ailés ; couleurs employées : brun ou noir,
orange, vert-d'eau, violet, jaune souffre. Filet bord couvert pipant
sur l'anse or.
Hauteur : 8 c. 1/2; largeur ; 8 c. 1/2.
Aucune marque.
Don de M; Adrien Dubouché.
67<^ lia même, même décor. Mêmes couleurs sauf le vert.
Aucune marque.
Don de M. Dubouché.
68» La même, décor très fini, constitué par une guirlande
ou l'on remarque des feuilles de vigne, des grappes de raisins
blancs et noirs, des épis de blé, des coquelicots. Couleurs em-
ployées : rouge, vert, jaune, brun, violet. Deux larges filets or,
l'anse et l'intérieur dorés en plein.
Marque : sur le fond extérieur de la tasse la signature Millier en
caractère de bâtarde tracé en or. La soucoupe même décor, porte
au centre un large filet et une rosace or.
Don de M. ProsperLajudie.
69*» Petit sucrier sans couvercle et sa soucoupe ; le sucrier forme
œuf sur piédouche très simple, anses fixés à la panse; le pied or
plein large filet à l'ouverture, les anses or plein (l'intérieur de la
pièce n'est pas doré), même décor que ci-dessus. Soucoupe même
décor que ci-dessus.
Hauteur du sucrier : 8 c. et 1 /2; largeur à l'ouverture : 8 c. Hauteur
de la soucoupe : 2 c. et 1/2 ; largeur : H c. 1/4. Le sucrier porte la
même signature que la tasse n* 68.
Don de M. Prosper Lajudie.
70** Tasse et sa soucoupe forme litron ; anse simple, la tasse est
décorée d'ornements de fantaisie en forme de pendentifs en or.
Hauteur de la tasse :5 c. 4 m.; largeur : 66. — Soocoape fome
obconique, décor analogue à celui de la tasse, largear de la sou-
coupe 11 c; hauteur 2 c.
Aucune marque.
Acquisition.
li"* Grande tassse ou génieux forme calice, sur piédouche bas,
fond bleu grand feu(probableflient posé sur eouverle), d'on toa
particulier un peu clair; près du bord, ornement courant : sortes de
rosaces inclinées ; sur la face antérieure un cartel ogi^ral orné de
draperies, portant au centre en anglaises un chiffre entrelacé ou on
distingue un L. et un D, l'autre lettre ne peut être bien lue.
Hauteur, 13 c, largeur (à Touverture), 8 c. et 8 mil.
Don de M. Dubouché.
72° Vase sur piédouche et à col large ; appendices à la place de>
anses en forme de bec de théière, se terminant à la partie infé-
rieure par une feuille et à la partie supérieure par une 4éte de chi-
mère. Dans un cartel trapézoïdal la figure de mercure en grisaille
couleur bistre ou sépia ; à la face opposée^ un cartel de méoie ferme
dans lequel un ovale est inscrit, dans les écoioçons, des iasiru-
ments de musique de très petites dimensions en or mat, fond en
laque de mars d'une très vive nuance cire à cacheter. Au centre an
sujet traité en grisaille^ mais mince, neprésentaot une divinité cou-
ronnant Tamour; orniments courants enéeutés avec une gnnit
liberté; mais manquant de stjfle, iilete larges or, les appendices ser-
vant d'anses en or plein.
Hauteur : 22 c. 5 m. ; largeur du goulot: 8 c. 8 m. ; lapins grande
largear à la panse.
▲u rêvent on lit Vinscr iption stjivaatequi a été iascrite au me-
ment de l'entrée au Musée : « Doni^ par M. Baigaol cadet, fabri-
qué en 1806 par M. Etienne Baignol son père et décoré par le
donateur. »
*~ Le même. Dans un cartel une bacchante tient une coupe et use
grappe de raisins en grisaille ou bistre. Sur Vautre face un soj^t
en grisaille noir mince qui parait être le sujet connu sous le nom de
jeunesse d'Achile.
TS"" Assiette à bords circulaires; au centre, une rose4»aoia& et
feuillages (rose et vert de cuivre) le mari; est décoré d'uAe guir*
lande de feuillage (pipant) entre deui filets of , bande de nibao
croisé au milieu guirlande (pipant) et Oearetles, te tompovpre;
de distance en distance, médaillon circulaire avec fleurette or;
larges rinceaux, pendentifs etc.; rose, noir et or, vases en Meus
minces mr pendentif r^se.
KSSAI DE CLASSIPlèATlOH bSd ANGIBITMBS P0RCBLA1NKS fel LtSlOOB'*. 7){S
Largeur de l'assiette 21 .
Aucune marque.
Don de M. Dubouetié.
74* Large soucoupe bords obconique ; au centre paysage avec
deux ligures de paysans en costume moderne, les figures et le
paysage en noir sur fond saumon. Bandes or entourant le fond et
formant bord couvert sur le roarly guirlande or, formée par bran-
che de vigne ornementale.
Aucune marque.
Largeur : 17 c. 1/4 ; hauteur : 3 c.
Don de M. Dubouché.
IS"" Vase évasé, rappelant par la forme générale les vases dits
Borghèse, mais les proportions sont mauvaises et mal étudiées: une
base carrée ^orte le piédouche, la partie inférieure du vase est
surmontée d'un bandeau sur lequel se détachent deux têtes sur-
montées d'une sorte de corne, la partie supérieure du vase est très
allongée sur la base et le piédouche du vase, larges bandes dorées
sur le bandeau court feuilles et fruits de lauriers trësomemanisées,
sur le corps du vase ornements palmettes ; les têtes et leurs appen-
dices sont dorés en plein, toute l'ornementation est dorée.
Hauteur, 24 c; largeur (à l'ouverture), 9 c.
Aucune marque.
Don de M. Dubouché.
«
76** Buste de Napoléon I", porté sur un piédouche, qui est lui-
même supporté par un piédestal de plan circulaire en marbre de
deux variétés. Napoléon jeune est encore maigre, sur ses épaules
se drape uii manteau orné d'abeilles en relief, le col largement
ouvert est retombant comme ceux que portaient les généraux de
la République, sur la poitrine on remarque une décoratiou; la
tête est couronnée de lauriers.
Hauteur du buste, le piédouche compris, 18 c.
Aucune marque.
Acquisition.
Ce buste remarquable d'ailleurs parait être une sorte d'adap-
tation de celui de Boizot, représentant Bonaparte en général de
Tarmée d'Italie et dont on peut voir une reproduction en biscuit
(Sèvres) dans la collection Gasnault au n*» 1342. Le modeleur de
BaigQol a ajouté le manteau et la couronne de lauriers et retranché
la chevelure qu'il a ainsi rendu très courte.
77* Coupe sur pied ou baguier, le pied est léger à sa base, il
porte une rangée de perles laissées blanches, un second rang de
T. XL. 46
^26 dUCIÉ^E ARCBÉOLOttlQtl^ ET aiSTOBIQUB DU ÙèOfÙSlK^
perles se trouve à rattache du pied avec la coupe ; la coUpe trfe
évasée porte à sa partie supérieure une sorte de rebord au milieu
duquel se trouve uu troisième rang de perles blanches ; des app**&-
dices tenant lieu d'anses se terminent en têtes de femmes. La dé-
coration du dessous de la coupe présente deux cartels à fond laque
de mars sur lequel se détachent des instruments de musiqoe et
des branches de lauriers traités en grisaille; des ornements e£
forme de grandes feuilles sont réservés sur le fond général doré ea
plein; les têtes sont revêtues d'une teinte verte, avec légères dorures
pour imiter le bronze.
Hauteur, 8 c; largeur à l'ouverture, H c.
Aucune marque.
Don de Madame Gavami.
78"* Vase torme dite Borghèse, le piédouche est supporté par
une base carrée; ce piédouche se rattache au culot du vase par nu
bandeau étroit sur lequel se trouve une rangée de perles en relief
laissées en blanc, une rangée de perles pareilles se voie également
à la partie ou le culot se rattache au vase ; des anses détachées
prennent naissance au bas du culot et se terminentilans leur partie
supérieure par des bustes de génies portant des ailes qui vont
joindre*le corps du vase.
Les bandeaux de la base sont dorés en plein, le demi boudin qui
termine le piédouche également doré en plein, large bande à h
partie supérieure de ce piédouche sur lequel une légère ornemen-
tation a été tracée; le culot porte également une légère décoration
en or, le corps du vase est revêtu d'un fond rose sur lequel se dé-
tachent deux médaillons carrés dorés et brunis à l'effet, l'un de ces
médaillons porte un aigle dont les serres s'appuient sur des arme^
(bouclier, cimetère, flèche, faisceau de licteur), sur l'autre médailloQ
des ruines dans le style du xvui* siècle ; les appendices formant
anses sont dorés en plein, les génies sont bronzés, le rebord est
orné d'une large bande or.
Cette pièce est formée de deux partie reliées par un écroude fer,
Tune constitue le piédouche, l'autre le vase et son culot.
Marque : un B en cursive, suivi d'un trait qui indique un 1 supé-
rieur, c'est-à-dire en petit caractère comme lettre terminant un mot,
tracé sous la baseià la pointe. Une marque en bleu de four parais-
sant être celle de la fabrique de la Courlille se voit également sous
la base. Les perles en relief laissées en blanc sont tout à fait
caractéristiques de la fabrication d'Etienne fiaignol, il paraîtrait
donc difficile de lui enlever ces pièces, peut-être Baignol fabri-
qua-t-il pour M. Pouyat? Parmi les pièces authentiques de la
ESSAI DE CLASSlPmATlÔN DftS AÏÏCIENNES PORGRLAlNES DE Ll)l0GBS. 1î*i
Courtille qui se trouvent au Musée, plusieurs présentent les formes
de Baignol.
— Le même, mais le motif du cartel représentant des ruines est
différent, l'un des génies a été cassé.
Hauteur : 22 c. 1/2 ; largeur à la partie supérieure : 13 c.
Même marque.
Don de Madame Gavarni.
79» Grand plat découpé à jour dit plat à g lace, les jours sont
disposés en deux zones rayonnant, petites palmettes en relief,
cordon de perles, cette pièce ne porte aucune décoration peinte.
Largeur, 30 c.
Aucune marque.
Don de M. Dubouché.
80® Bol ou écnelle couverte avec assiette ou présentoir sur pied.
Le bol est porté sur un pied assez haut, deux anses évidées ter-
minées par des têtes de femmes dans le goût antique ; rangs de
perles en relief au pied et près du bord supérieur du bol. Le cou-
vercle à bord dépassant a la forme générale d'un grand congé,
terminé par une petite plateforme circulaire sur laquelle est posé
le bouton de forme aplatie ; sur le dessus du bouton est figurée en
relief une fleur ornementale en relief (marguerite ou chrisanthème).
Hauteur totale (jusqu'à Textrémité du boulon) : 16 c. 1/2; largeur
du bol sans les anses 15 c, le couvercle porte deux rangées de
perlos» Tune près du bord, l'autre près de la plateforme.
Le présentoir ou soucoupe est porté par un piédouche bas, il est
également décoré de deux rangs de perles délimitant le marli;
larges bandes d'or sur le bol, le couvercle et le présentoir, le dessus
du bouton or, larges bandes d'or sur les anses partant de rattache
et s'arrétant à la naissance du buste.
Largeur de la soucoupe : 22 c.
Aucune marque.
Acquisition.
81* Tasse forme droite avec rebord s'évasant portée sur trois pieds
en forme de pattes de lion se terminant par des feuilles ornementales;
au-dessus de chaque pied ou griffe, sur la panse un masque de
génie entouré d'une sorte d'auréole à pétales, l'anse est formulée en
crosse, son extrémité s'appuit sur un des masques, sa partie supé-
rieure était formée par une tête, cassée aujourd'hui, accompagnée
de deux ailes éployées. La décoration est constituée par de larges
coupesàpied rempliesde fruits, lesquelles s'appuient sur les masques;
entre chaque paire de grandes coupes, une petite coupe en forme
de cratère avec des anses en serpents au-dessus d'un culot donnant
> t
^28 SÔCliTB AkkCIlBOLOeiQUB ET BlSTOtilQtJB DU tlHOOSIlV.
oai^ance à deux fleurons auxquels est attachée une draperie. La
soucoupe sur pied bas est ornée d'une rangée de perles en relief
restées blanches. Décor analogue à la tasse, toute la décoration en
or est brunie à l'effet.
Cette piéee d'un style sévère rappelle le genre révolu (ioiiDaîre.
Hauteur : 25 c; largeur : 12 c.
Aucune marque.
Don de M. Dubouché.
82"* Tasse ou génieux sans anse ; cette pièce de formes îDusitées
est divisée eh trois zones : la zone inférieure sur plan polygonal est
légèrement obconique, la zone intermédiaire sur plan circulaire e^t
délimitée par deux rangs de perles se détachant en relief, la zone
supérieure, de peu de hauteur, présente simplement un rebord évasé,
elle est également sur plan polygonal. Le décor en or est coDstitué. à
la partie inférieure, par un large filet, à la partie intermédiaire par
un rinceau où Ton remarque des rosaces, la partie supérieure est
ornée d'une large bande, le bord est laissé blanc, et une large bande
dorée se voit également à Fintérieur.
Hauteur : 10 c; largeur à l'ouverture : 8 c.
Aucune marque.
Don de M. Broussaud.
82(> Tasse forme droite, anse très simple sans ressaut; entre deux
bourrelets on remarque, en haut et en bas une rangée de perles en
relief laissées blanches ; en haut et en bas larges bandes or, le
champ laissé entre les deux rangées de perles a été couvert d'an
fond clair nuance nanquin, sur la partie opposée à Tanse, deux
dauphins se regardant sont peints en brun ou bistre, relevé de
touches d or, ils lancent des jets d'eaux parles naseaux, la bouche et
le nombril.
Hauteur : 6 c.; Largeur :6 c.
Don de M. Gaston de Lépinay.
83** Paire de chandeliers forme des plaqués de l'époque de
Louis XVI ; une base très moulurée supporte un fût obconiqoe qui
lui même est surmonté d'un vase destiné à recevoir le flambeau:
rangées de perles à la base et à la bobèche. — Ces chandeliers soal
en blanc.
Hauteur, 68 c; Largeur à la base, 30.
Aucune marque.
(^es chandeliers appartenaient à la compagnie des pénitents
blancs à Tépoque de sa dissolution ; ils ont été offerts au Musée par
M. Emile Pouyat.
Les rangées de perles désif^ent la fabrique d'Etienne Baignol,
ESSAI DR CKASSiriCATlON SES ANCIKNRBS F0RCCLAINB8 DE LIMOGES. 719
qui, ainsi qu*oii la va plus haut, était trésorier des compagnies de
pénitents de toutes les couleurs.
85° Tasse et sa soucoupe forme dite à griffe ; la tasse montée sur
trois pied, anse en crosse. Près de l'ouverture une rangée de perles
laissées en blanc, décor fond bleu mat, dit bleu Dumont (1), sur
lequel se dessine une bande où se remarquent des médaillons
occupés par des attributs divers, carquois, fruits, fleurs, cœur en-
flammé, léte de folie, masque tragique, fruits, instruments de musi-
que, perles, etc. et brunissage à l'effet, au centre un écusson, un
chiffre entrelacé M. T. V. (?) capitales anglaises ; les pieds, Tanse
et l'intérieur de la tasse dorés en plein. La soucoupe décor analo-
gue, mais le centre en blanc, un disque or modelé à l'effet en
rosace.
Hauteur de la tasse : 10 c; largeur à l'ouverture : 9 c.
I-Argeur de la soucoupe, 16 c. 1/2; hauteur, 3 c. 1/2.
Aucune marque.
Don de M. Gabriel Thomas.
La fabrique établie à Limoges au commencement du siècle par
Etienne Baignol a laissé, parmi les praticiens et les amateurs, une
grande réputation. Il paraît probable que cette bonne renommée ne
fera que s'accroître à mesure qu'avanceront les études, à peine
ébauchées aujourd'hui, sur l'histoire delà porcelaine à Limoges. On
peut esp/;rer que ces études, en se poursuivant avec quelque conti-
nuité, créeront un mouvement grâce auquel notre modeste collec-
tion des porcelaines Limousines conservées au Musée céramique
s'augmentera dans de larges proportions. Si, comme il est naturel
en l'espèce, on pressent l'avenir par le fait actuel, il est à présumer
que la proportion très remarquable qui s'observe aujourd'hui entre
le nombre des pièces provenant de la fabrique Baignol et le chiffre
total de nos porcelaines limousines ne fera que s'accentuer; la répu-
tation de notre vieux porcelainier ne pourra qu'y gagner et bientôt
peut-être, tout au moins au point de vue de la production voisine de
l'art, le premier rang ne pourra plus lui être contesté. D'ailleurs
depuis de longues années que les personnes qui s'intéressent àla por-
celaine limousine reconnaissent le haut mérite des pièces sorties de
la fabrique dont nous nous occupons en ce moment. Il y a trente
ans déjà, au moment où se formait notre superbe Musée céramique
les mots: « C'est du Baignol » étaient, dans la bouche de l'excellent
Adrien Dubouché, le suprême éloge pour un morceau nouvellement
(I] Du nom d'uo professeur de recelé centrale de la flaute- Vienne qui
Tàurait inventé.
730 SOCIÊTft ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQOC DO LIMODSIIC.
entré ; et il fallait voir comme il les prononçait avec une satisfactioB
orgueilleuse — orgueilleuse pour son cher Musée.
Les porcelaines que je propose d'attribuer à la fabrique BaipoL
pour la période à laquelle nous sommes arrivés, sont au nombre
de trente-huit etj*ai procédé avec une extrême circonspection dans
mes recherches. J'indique d*ailleurs un peu plus loin, mais trèf
sommairement, comment j'ai conduit mon travail. Ces (rente-bail
pièces forment un ensemble très varié, je dirais volontiers très com-
plet, grâce auquel il nous est permis, dès à présent, de nous faire
une idée à peu près exacte de ce que fut la fabrication de BaignoL
On me permettra de dégager quelques notions générales de l'étodé
de ces pièces, de leur comparaison soit entre elles, soit avec les pro-
ductions contemporaines.
Généralement les produits de Baignol sont d'une qualité remar-
quable, le blanc en est fort beau, supérieur je crois à celui de laMaao-
facture Royale et, sans injustice pour personne, on pourrait peut'-étre
dire que c'est ce fabricant-artiste qui a commencé la haute réputation
à laquelle la manufacture limousine devait atteindre. D'une pâte irré-
prochable, d'un façonnage presque toujours sans défauts, d un
émail superbe et d'une cuisson parfaite, les belles porcelaines de
Baignol constituent des céramiques de premier ordre. Quant à la
décoration, elle nous montre chez notre fabricant une constante
, préoccupation d'étendre les ressources dont on disposait alors:
parmi les productions décorées chez Baignol, les essais ne sont pas
très rares, d'autre part, sa palette est la plus étendue de celles alors
employées à Limoges ; la réussite de ses pièces, soit comme fabrica-
tion, soit comme décoration est généralement parfaite.
Au point de vue artistique, les productions de Baignol se recom-
mandent à notre attention. Ses biscuits ont joui d'une juste réputa-
tion, il s'appliqua avec suite à ce genre de fabrication on semble
avoir excellé l'annexe de Sèvres ; les biscuits de Baignol ne sont pas
très nombreux aiyourd'hui ; le Musée en possède un qui n'est pas
sans valeur.
Quant aux porcelaines d'usages, aux pièces décoratives, etc.. les
formes, généralement bien étudiées, en sont très variées et appar-
tiennent à des inspirations diverses. Parmi les pièces que j'ai eu à
désigner il en est quelques-unes qui sont de pur style Louis XVI,
par exemple, les numéros 47 et48, etc.,d'autres rappellent la période
révolutionnaire ; par exemple les numéros 61, 77, 80 et 81, tandis
que certaines sont bien de leur époque, c'est-à-dire de l'époque
impériale (du commencement surtout), il faut citer notamment les
numéros 50 et 51 .
Comme il a été dit déjà, les décorations sont très diverses, beau
t,
ESSAr DF. CLASSIFICATION DRS AHCIRNNES PORCKLAINF.S DR LIMOGES. 731
coup de pièces sont seulement dorées, avec parlies brunies à Teffet,
mais avec quelle richesse et le plus souvent avec quel goût? Les
décorateurs limousins savaient poser Tor avec une grande décision,
souvent beaucoup de verve. Lorsqu'ils ne créaient pas leurs modèles
ils en adoptaient de bien choisis; et parmi les travaux qu'ils nous
ont laissés, certains pourraient peut-être encore aujourd'hui être
regardés avec profit.
Nous rencontrons dans la production de Baignol quelques fonds
d'une belle venue ; le fond dit laque de mars pourrait môme avec
d'autres caractères faire distinguer certaines de ses pièces.
On remarque dans la fabrication de Baignol les traces de certaines
iradilions décoratives, de certaines habitudes d'atelier, qui peuvent
fournir des indications précieuses, par exemple les filets de perles
en relief laissées blanches ont longtemps été particuliers à cette
fabrique. Dans la décoration un certain cartel en écusson ogival et
une guirlande en feuilles de vigne interprétées très librement font
reconnaître, presque à coup sûr, un grand nombre des produits de
notre fabricant. Un « pipant » rappelant les anciens procédés déco-
ratifs de la manufacture du comte d'Artois, constitue aussi un carac-
tère qu'il ne faut pas négliger. Il convient aussi de noter l'emploi,
pour les anses surtout, de bustes souvent ailés et imitant le bronze,
par l'application d'une couleur vert foncé avec des rehauts d'or.
Dans la décoration, on reconnaît — et la chose s'explique aisé-
ment — quelques-unes des traditions de l'annexe de Sèvres et de
la fabrique du comte d'Artois. Baignol a dû en effet employer un
certain nombre des décorateurs jadis attachés à ces manufactures ou
plutôt à cette manufacture, emploi qu'il a dû faire concurremment
sans doute avec des artistes qui s'étaient formés plus tard. Des
praticiens venant des fabriques de Bordeaux (première fabrique
Ailuaud),de Paris (manufacture de laCourtille?), etc., durent aussi
prêter leur concours au céramiste limousin.
Nous savons encore fort peu de chose sur les premiers fabricants
limousins; nous sommes dans la même indigence de renseigne-
ments au sujet des artistes qu'ils employèrent; Clostermann, venu
de Sèvres, resta longtemps à Limoges ou à Saint-Yrieix. Nous l'avons
vu préparer les couleurs à l'annexe de Sèvres, fonction alors fort
importantes, puis, pendant la période impériale, décorer quelques
pièces en or, mais, quelle était sa valeur artistique, quel était le
genre qu'il cultivait le plus habituellement, dans lequel il excel-
lait? C'est lace que nous ignorons encore; la lumière se fera-t-elle
sur ce point qui a son importance ? C'est là ce qu'il est difficile de
prévoir dès à présent.
Mais quant au peintre Préat, quant au porcelainier Lamontagne,
734 SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE ET iriSTOniQCB DU LIVOUSIIt.
jeune peintre est correct dans son dessin, sa louche est légère t^i
moelleuse, ses figures sont pleines de grâce et de senliment. Le jnry
convaincu qu'avec du travail et de bons exemples M. Faure peol
devenir un peintre très gracieux, lui décerne une médaille d'argent
« Le jury fait mention de M. Tharaud, élève de la fabrique de
MM. Alluaud, et de M. Baret, artiste travaillant dans celle de
M. Monerie ».
Grâce à la collection du Musée, grâce aussi à des indicatioDs
telles que celles qui nous ont été fournies par les registres de U
Société d'agriculture, la période qui s'étend des dernières années
du xvai* aux premières années du xix« siècle — de 1788 à 1804 ou
1806, si l'on veut, — est assez connue pour qu'il soit possible de
chercher à dégager quels étaient les caractères, dirai-je artisti-
ques, de ses productions en porcelaine.
Les formes longtemps traditionnelles que nous avions empruntées
à la Saxe, qui nous les avaient prises d'ailleurs antérieurement, mai>
pour les alourdir, sont bien définitivement abandonnées. CependanU
de la longue pratique du goût rocaille, il est resté à nos artistes une
certaine prédilection pour les lignes souples. Les formes guindées,
empruntées à la céramique anglaise, n'eurent chez nous, au moins
en thèse générale, qu'une vogue éphémère. En revanche, nous con-
servâmes longtemps les modèles appartenant à un genre delransition
où les formes anciennes ont été laborieusement épurées (la plupart
appartenant à la fabrication de Baignol).
Dans certaines pièces du Musée, nous constatons une plus grande
recherche de l'originalité; les anciens souvenirs paraissent oubliés,
c'est bien à un style nouveau que nous avons à faire. La pièce 48,
appartenant à la fabrication de Baignol, peut donner idée des com
binaisons de lignes que nos artistes trouvaient alors; cette pièce
est d'ailleurs loin d'être irréprochable : l'anse, maigre, chétire
pourrait-on dire, est assez mal formulée; dans le galbe du vase od
a peut-être plus cherché la bizarrerie que la correction, cette pièce
a des qualités cependant; il y a dans ses lignes, l'anse misé à part,
une décision, une fermeté dont nos artistes se déshabitueront trop
vite.
L'aiguière n» 81 est remarquable. Ici l'anse a été bien étudiée, on
a su lui donner des formes à la fois logiques et gracieuses, le profil
du vase est également correct et élégant.
Nos artistes ne furent pas toujours aussi heureux ; certaines de
leurs compositions doivent être franchement condamnées ; Telle es(
par exemple la veilleuse 54, quelques pots-à-eau sont aussi bien
lourds, les tasses à griffes (citons les n^* 83, etc.) imitées des modèles
parisiens affectent des aspects solennels assez hors de propos,
ESSAI DB CLASSIFIGATlOlf DRS ANCIKNNKS l'ORCELAINKS DE LIMOGES. 735
d'autre part ces pièces sont trop solidement construites ; on a donné
une physionomie pesante à des objets essentiellement mobiles ce
qui est une faute contre le bon sens artistique.
Les vases d'ornement fabriqués pendant cette période sont géné-
ralement d'assez faibles dimensions, leurs formes ne manquent pas
de pureté. Nous voyons déjà paraître les imitations plus ou moins
réussies du vase Borghëse dont il sera fait plus tard un véritable
abus.
Quant aux décorations, elles sont très variées et de valeur très
inégales. Les roses en jetés réguliers ou non ont complètement
disparu, mais nous trouvons encore assez fréquemment des roses,
au naturel, traitées en médaillon et formant sujet principal. Ces
fleurs sont exécutées parles mêmes procédés que pendant la pé-
riode antérieure; les barbeaux sont nombreux, ce genre de décora-
tion est plus ancien que la porcelaine dure et a d'abord été en
usage pour la porcelaine tendre et la faïence.
Ce qui a été dit plus haut à propos des porcelaines de Baignol,
peut s'appliquer aux autres fabriques limousines.
fA suivre j, Camille Leymarie.
DOCU MENTS
POUR SERVIR A L*BiSTOIRB
DE L'INDUSTRIE ET DES MANUFACTURES
EN LIMOUSIN
DÉCOUVERT! OU KAOLifv (saite).
p.-/. Macquer au ministre Berlin. .
A Paris, ce ISaoasl 1768. (fj
Monsieur,
Aujourd'hui, veille de notre départ, M. Tarchevéque de Bordeaui
vient de me communiquer une lettre qu'il a reçue hier du siear
Villaris. Par cette lelire, ce dernier marque de nouvelles méfiances
et indécisions et il fait entendre qu'il ne donnera aucune iodicatioo
de la terre avant d'être en possession de la récompense qui loi est
promise, sauf à la restituer s'il ne remplit point les conditions
qu'il a annoncées. M. Tarchevéque de Bordeaux pense que dans
ces circonstances il serait à propos d'attendre pour partir qu'il eût
parlé lui-même au sieur Villaris, devant être à Bordeaux au com-
mencement de septembre, il doit vous écrire à ce sujet. De mon
côté, Monsieur, je serais au désespoir de rien faire légèrement
et d'occasionner la moindre dépense inutile à la manufacture. C'est
pourquoi j'ai cru que je devais différer mon départ et attendre de
nouveaux ordres de votre part. 11 est fâcheux d'avoir à faire à une
aussi mauvaise tête que celte de Villaris, cela nous a fait perdre
un temps précieux et occasionné toujours quelques dépenses en
pure perte, car j'ai loué une chaise à deux qui coûte un écu par
jour, sans compter beaucoup d'autres faux frais qui seront aussi
en pure perte si notre voyage n'a pas lieu. Je ne puis cependant me
figurer que le sieur Villaris soit assez dépourvu de bon sens ponr
persister dans une méfiance aussi déraisonnable et je crois qu'en
lui parlant et lui exposant les choses telles qu'elles sont, je par-
viendrais facilement à lui faire connaître ses véritables intérêts.
(1) Nous n'avons pu nous procurer cette lettre et quelques autres qui
suivent assez tôt pour les donner à leur rang. Nous sommes ainsi foité de
rompre l'ordre chronologique.
DOCUBIENTS SUR L*lNiyDSTm KT LRS MANDFACTOilBS EN LlllOUSlN. 737
Mais daztô le eas même oè toute négociation deviendrait impratica-
ble avec lui, ne serait-on pas fondé à espérer de trouver la terre
dont il s'agit sans son secours. Nous somiâes assurés qu'elle ne
peut être à une grande distance de Bordeaux. La moitié de ce terri-
toire est borné à dix ou douze lieues du côté de la mer. En pre-
nant toutes les informations convenables dans le païs, nous pour-
rons découvrir l'endroit où le sieur Villaris a été plusieurs fois et
même depuis peu. Nous sommes deux qui connaissons cette terre
parfaitement et, dès que nous l'apercevrons, elle ne nous échap-
pera certainement pas. Pour moi, Monsieur, si vous jugiez
qu'il Mtà propos de faire cette recherche, je me sens tout le zèle
et tout le courage nécessaires pour la bien faire et si j'avais le
bonheur de réussir, il en résulterait une épargne au moins de dix
ou douze mille francs pour la manufacture.
Les nouveaux fours que nous avons fait construire à Sèvres,
M. de Monligny et moi, réussissent très bien, et, dès que nous
aurons une bonne terre comme celle que noijs cherchons, la ma-
nufaclure pourra faire la plus belle et la plus excellente porcelaine
qui soit au monde.
J'attends vos ordres et suis , etc.
Macqùer.
f Bibliothèque nationale y fonds français, n^ 91 55).
Le Ministre Berlin à V Intendant de Bayonne,
À Compiègnc, le 30 août 1768.
Quoique les différentes terres, Monsieur, que l'ingénieur de votre
département a découvert et que vous m'ayez enyoyées n'ayent pu
faire de la porcelaine, comme «lies approchent cependant de la
qualité de celles qu'on recherche, je ne doute pas qu'on ne parvienne
i)ientôt avec son secours à les découvrir. C'est pourquoi je me suis
déterminé d'envoyer sur les lieux M. Macquer, de l'académie royale
des sciences, qui est commissaire dans cette partie à la manufac-
ture du Roy et qui connaît très bien la terre dont il est question. Je
vous prie de l'adresser à votre subdélégué et à l'ingénieur qui a fait
les premières recherches et de donner des ordres afin qu'il soit
secondé dans les fouilles et dans les démarches qu'il sera obligé de
faire, sans cependant faire aucun éclat, ny ébruiter autrement son
voyage que comme celuy d'un curieux d'histoire naturelle qui fait
des recherches pour son objet. Je vous serai très obligé. Monsieur,
des facilités que vous procurerez à M. Macquer qui, indépendamment
delà commission dont il est chargé, mérite par lui-même les égards
dus au rang diotinguè qu'il tient parmi les savants de l'Europe.
75S <OCIÊTè AUCBÈOLOGIQQR Kt ttlSTOftlQOB DO LIMOUBIK.
Je sais, Monsieur, votre très humble et très obéissant senriteor
Bert0.
(Bibliothèque nationale^ fonds français, n"" 91 35 J.
Parent, premier commis des finances, à M. Maequer.
Gompiègne, S4 août 1768.
Je viens de communiquer, Monsieur, à M. Berlin, la lettre qoe
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 21 et qui ne m'est par^^
nue que ce matin parce que vous l'aviez mise sous Tenveloppe du
ministre et qu'elle a séjourné comme il est assez d'usage aa secré-
tariat. J'ai mes ports francs et vous pouvez m'écrire directemeoL
Je serai enchanté d'entretenir avec vous une correspondance qni
me flatte à tous égards.
M. Berlin me charge de vous marquer qu'il croit inutile de dé-
clarer l'objet de vos recherches; il a déjà répandu luy même l'en-
vie qu'il a d'avoir de la terre à porcelaine, soit par les ingénienr^
des ponts et chaussées qu'il avait chargé de lui en procurer, soit
par MM. les Intendants et d'autres personnes, mais que s'il Toa.^
arrive de trouver ce que nous cherchons et que vous en wt^i
physiquement sûr, vous avertissiez M. Tin tendant afin qu'il pres-
sente le propriétaire. M. Berlin sait bien qu'il faudra donner plus
que la valeur, mais on ne trouve pas partout des Villaris.
Je crains que vous n'ayez pas reçu ma lettre d'hier par laquelle
je vous marquais que M. Berlin vous priait de vous abstenir de
voir le sieur Villaris à Bordeaux, ce particulier ne méritant plus
aucune considération.
Nour attendrons avec empressement de vos nouvelles. Je dis
nous, car je vous prie de marquer directement à M. Berlin ce qui
vous réussira, les moindres détails l'intéressent et il est juste qu'il
ait les premières nouvelles...
Rien n'égale le sincère attachement avec lequel j'ai Thonneur
d'être votre très humble et très dévoué serviteur.
Parekt.
(Bibliothèque nationale, fonds français, n** 91 55),
P,'J. Maequer au ministre Bertin.
A Bordeaux, ce 3 septembre 1768.
Monsieur,
Devant vous rendre un compte exact de toutes mes opératioDs,
DOCUMBNtS SOa LlNOUStRlB Et LES AaNOPaCTURBS GN LUOUSIII. 739
j'ai rhonneur de vous informer que pendant lout le chemin que
nous avons fait depuis Paris jusqu'ici, nous n'avons cessé d'observer
tous les terrains que nous parcourions, surtout dans les endroits où
la terre était ouverte, soit pour les chemins, soit pour les puits,
mettant pied à terre toutes les fois que nous apercevions quelque
chose qui nous paraissoit digne de remarque. Ces observations
n'ont point été inutiles ; nous avons trouvé entre Tours et Poitiers
une terre qui nous parait s'approcher beaucoup de celle que nous
cherchons, nous en avons emporté un échantillon avec nous pour
Texaminer plus exactement à la première occasion, et si elle se
trouve bonne nous nous proposons de sonder ce terrain plus parti-
culièrement à notre retour.
Arrivé icy, je me suis conformé à vos intentions ; j'ai vu M. l'In-
tendant dont je ne pouvois manquer d'être bien reçu et bien secondé
avec la recommandation que j'avois de votre part. Il m*a fait dîner
le lendemain avec M. de Saint-André, premier ingénieur des ponts
et chaussées de la généralité, auquel j'ai remis une description et un
échantillon de la terre ; il n'en connoit point de pareille dans son
district, mais il enverra la description que je lui ai laissée à tous les
sous-ingénieurs de son dictrict, et d'icy à peu de temps, s'ils con-
noissent quelque chose d'analogue, j'en serai informé. M. de Saint-
André se prête avec beaucoup de zèle à toutes ces recherches. J'ai
appris de lui qu'il y avoit à l'intendance un cabinet qui contenoit
plusieurs terres et pierres du pais. Ce cabinet a été fait pa^
M. Boulin, alors qu'il était intendant de Bordeaux. Le sieur Villaris,
qui étoit fort lié avec lui, a travaillé à cette collection.
M. l'archevêque de Bordeaux est icy présentement, il m'a fait
l'honneur de m'inviter à dîner chez lui. Je vois par sa conversation
qu'il est très mortifié de voir manquer cette affaire dont il s'étoit
mêlé avec tant de zèle ; il m'a répété encore que s'il se trouvoit en
argent il achepteroit le terrain où se trouve la bonne terre pour en
faire présent au Roy. Il doit être fort mécontent lui-même du sieur
Villaris; cependant je sens bien par la manière dont il m'en parle
qu'il souhaiteroit beaucoup que sa négociation se renouât^ mais vos
ordres sont si précis à ce sujet. Monsieur, que je lui ai dit nette-
ment que je ne pouvois parler de rien au sieur Villaris.
M. le doyen du Chapitre de Bordeaux avec lequel j'ai dîné chez
M. l'Archevêque et auquel j'ai dit que l'objet de mon voyage étoit
des recherches d'histoire naturelle et de minéralogie s'est empressé
de la manière la plus obligeante à me conduire dans deux cabinets
assez complets, dont l'un appartenant à un riche négociant de cette
ville et l'autre à l'ecclésiastique qui est bibliothécaire du collège
royal (cy devant les jésuites) et qui me paraît être le meilleur natu-
raliste de l'académie de Bordeaux. Ce dernier me donne tous les
740 SOCIÉTÉ ARCHiOLOGlQlïfe KT HldTOtllQVI ftU UttOOSlM.
reaieignements imaginabf^^ ôt l'ayant mis sans affeclalîoii sur 1 ar-
ticle des terres, toat ce qu'il m'a dît à ce sojet me confirme encore
qtie c'estdans laChalosse et depuis Dax jusqu'aux Pyrénées, (fui n'eu
soiit pas fort éloignées, qu'il faut aller les chercher.
Il résulte donc de toutes les perquisitions que j'ai faites que c'est
dans ce païs qu'il faut aller. J'ai appris même que le sieur ViHam
Fa parcouru; en conséquence, ne voyant plus rien à faire icy, noo?
allons nous y acheminer dèâ demain ou après demain. J'ai d'autant
plus d'empressement de partir et de quitter Bordeaux que malgré
toute l'économie possible, les frais de séjour y sont excesafe pour
ceux qui ne âont pus habituellement domiciliés dans la viBe.
Le sieur Millot, mon compagnon de voyage, se comporte très bic«:
il n'épargne ni soins ni peines ; c'est lui qui a remarqué le premier
la terre que nous avons trouvée en cheitiin et pendant que je prend?
ici le plus de renseignements qu'il m'est possible par les moyens
dont j'ai eu l'honneur de vous rendre compte, il fait la môme<Âose
de son côtéen questionnant avecprudence les ouvriers des verrerie?,
des fayenceries, avec lesquels il peut se lier et qui par la nature de
leur travail peuvent avoir connaissance de ce que nous cherchons.
Je prévois que je serai obligé de séjourner plus longtemps à Dax
que dans tout autre endroit; ainsi, si vous avez quelques ordres a
me donner, je crois que vous pourrez me les envoyer à l'adresse de
M. de Borda, président au présidial dé Dax, correspondant de notre
académie des sciences de Paris, qui a fait des recherches sar les
terres de son païs, que tout le monde me dit être savant et comma-
nicatif et sur lequel je compte beaucoup par toutes ces raisons.
Je suis, etc.
Macquoi.
fBibiothèqâée nationak, fonds français, n"" 9i3ô).
P.'J: Macquer au ministre Bertiri.
A Dax, ce 18 septembre 1768.
Monsieur,
Comme Bayonne n'est qu'à douze heures de Dax et que je comp-
tais y trouver M. rin'tendant, je m'y suis rendu de Bordeaux, mai?
jai appris en arrivant que M. d'Aine était à Pau ; il m'aurait falln
faire encore une assez longue route pour l'aller trouver, et d'ailleurs
je prévoiais par tout ce que j'avais appris que je pourrais me passer
de ses ordres et même de l'assistance de M. Gleise qui est aussi à
Pau. Je me suis donc contenté de voir M" de Morancin eft du €oar-
neau, ses subdélégués, qui m'onl donné une lettre pour M. de la
Fargue, siibdétégcré à Dax, dontjc ne me servirai cependant, siritant
rn
DoctttRNTs Sun L^'iNbustam ter les kkANCFAcruhes en uhousin. W
vos intentions que dans le besoin et probablement ce besoin n'aura
pas lieu, car je trouve dans M. de Borda, président au présidial de
Dax, correspondant de notre académie des sciences, tous les secours
et toutes les lumières que je peux désirer. C'est un savant rempli
de zèle, qui n'a nulle prétention, nuls secrets et qui joint à ces
belles qualités une modestie charmante ; il a fait une des plus belles
collections que j'aye encore vues de minéraux, de terres et de pier-
res, et ce qui est très précieux pour nous, c'est que ce cabinet n'est
composé uniquement que des terres et des pierres du païs, toutes
en bon ordre, avec l'indication précise des lieux dont elles sont tirées.
Vous croirez bien, Monsieur, que j'ai profité de la bonne volonté de
M. de Borda pour examiner en grand détail toute cette collection.
Entre beaucoup de bonnes terres que j'y ai vues, j'en ai remarqué
deux qui m'ont paru l'emporter infiniment sur les autres, l'une est
d'un lieu qu'on nomme Bellus et l'autre est de Pouillon qui est l'en-
droit où M. Gleise a déjà commencé à chercher par vos ordres.
Pour ne m'en pas rapporter uniquement à moi, j'ai prié M. de Borda
qu'il trouvât bon que mon compagnon Millot examinât aussi ses
terres, et il n'a pas balancé à donner la préférence à celles dont j'ai
l'honneur de vous parler. M. de Borda nous a laissé prendre non-
seulement ces deux terres, mais encore toutes celles que nous avons
voulu; voyant môme que cela était l'objet qui nous intéressait le
plus, 11 nous en a procuré encore trois autres qu'il n'avait pas pour
le présent et qu'il fit venir d'assez loin par des exprès. Notre premier
soin a été de comparer la plus belle de ces terres avec celle de
Passau et celle du sieur Villaris dont nous avions emporté des
échantillons avec nous et nous avons remarqué d'abord que, quoi-
qu'elle les égalât en beauté, elle était cependant d'une nature diffé-
rente, mais comme il ne faut pas s'en rapporter aux seules appa-
rences, nous nous sommes mis en devoir de faire un examen plus
complet. Millot a entrepris d'en faire des lavages et même l'essai au
feu et quoique nous manquassions de tous les ustensiles nécessai-
res à ces opérations, il y a suppléé on ne peut pas mieux par son
adresse et par son industrie. Sa chambre est devenue notre labo-
ratoire et représente presque une petite manufacture de porce-
laine, aux fours près que nous ne pouvions avoir et auxquels nous
avons suppléé par la forge d'un serrurier. Au moyen de toutes les
précautions que nous avons prises, nos essais s'y sont trè<^ bien
faits; ils nous ont décidés sur celle de toutes ces terres à laquelle
nous devons donner la préférence. Elle a fait une porcelaine qui
nous parait approcher de celle du sieur Villaris, quoique nous ne
puissions nous dissimuler qu'elle lui est bien un peu inférieure en
beauté et que nous n'ayons quelque crainte qu'elle le soit aussi un
peu en bonté. Mais ce n'est encore là, Monsieur, qu'un premier
T. X'- 47
aperçu. Nous alious présenteaient visiter les lieux eui-mémes e(
faire fouiller aussi amplement qu'il le faudra pour trouver tout ce
que ces cantons peuvent renfermer de bonnes terres. Peot-étre en
trouverons nous de beaucoup supérieures à celles que nous avo&s
déjà essayées, car M. de Borda n'a pas plus fait fouiller que
M. Gleise ; il s'est contenté de prendre des échantillons de celles
qu'il a eu occasion de trouver dans les fouilles faites pour tirer de k
marne et de les ramasser en simple naturaliste. Quoique très savant
dans la minéralogie et très bon physicien, il ne s'est point du toat
occupé de chymie, il n'a point de laboratoire ni aucun des instru-
ments nécessaires aux expériences, il n'a jamais pensé à faire delà
porcelaine et tout savant qu'il est d'ailleurs, il n'a pas méiae le$
premières notions sur cet objet. S'il s'était occupé de ce travail,
c'aurait été un grand avantage pour nous, car du caractère dont il
est, je suis assuré qu*il nous aurait prêté son laboratoire, tous ses
ustenciles et qu'il nous aurait communiqué sans la moindre restric-
tion toutes les connaissances qu'il aurait pu avoir, sans autre motif
que celui d'être utile et de contribuer au progrès des sciences etdfô
arts. C'est un des plus aimables et des plus estimables hommes que
je connaisse, je ne puis assez vous exprimer, Monsieur, tout ce qu'il
fait pour nous donner les facilités dont nous avons besoin; il est
d'ailleurs la prudence et la discrétion même. J'ai cru qu'avec uo
homme comme celui-là je pouvais, je devais même mouvrir jus-
qu'à un certain point; il scait donc que le but de nos recherches est
une terre propre à la porcelaine et que c'est par vos ordres, Moo-
siéur,que nous faisons ces recherches. Cette confidence qui Ta bean
coup flatté lui fait prendre en même temps toutes les mesures con-
venables pour entrer dans nos vues, c'est-à-dire pour que nos
opérations se fassent bien, mais sans éclat et comme de simples
recherches d'histoire naturelle, ce qui lui est facile puisqu'il est
est connu comme naturaliste depuis longtemps dans toute la
province
Macquer.
(Bibliothèque nationale, fonds français, n''91 35),
P,'J. Macquer à son frère, avocat au Parlement, à Paris.
A Dax, ce SS septembre 1768.
Je VOUS ai dit sans doute qu'il n'y a pas moyen d'avoir la terre du
sieur Villaris, par ce qu'il est encore plus fâché contre le Ministn'
que le Ministre contre lui; an moyen de quoi ma comramission est
t>OOUllSNTS MR L^NI>«ftrill« Et LRS HAKurACTUtlfi» KH UttOUSm. 743
de chercher dans ce pais cy d'autre terre équivalente dont M. Berlin
avait quelques indications. Je suis occupé présentement à cette
recherche, nous en avons déjàtrouvé plusieurs presque aussi belles,
mais pour être assurés au juste de leur qualité, il faut que nous en
fassions les essais et pour cela nous avons établi icy une sorte de
petit laboratoire, malgré vent et marée, car nous avons eu toutes
les difficultés imaginables à surmonter pour cela dans ce pais où Ton
connaît moins la chymie et la porcelaine que Talcoran. Mon compa-
gnon Millot m'a été d'une ressource infinie pour cela. C'est un
homme plein d'expédients, d'industrie, d'adresse et d'activité. C'est
un homme admirable dans une pareille occasion, et je suis enchanté
de l'avoir avec moi; il fait avec ses doigts et son couteau des creu-
sets et des étuis mieux que bien d'autres ne les feraient sur le
tour; voici qu'il va entreprendre de faire des tasses de porcelaine
avec les mêmes outils et je crois qu'il y réussira. Bref, il me paraît,
d'après les essais en plaquette, que nous avons déjà un pis aller en
terre qui approche de bien près du Villaris, car réellement ce pais
cy est abondant en terres très belles et des plus singulières. Dès
que nous serons décidés sur la meilleure, nous tournerons nos
pasvers Paris
Magquer.
{Bibliothèque nationale, fonds français, n*" 9135),
PJ-. Macquer à son frère,
A Dai, ce 4 octobre t7^8
Nous avons eu le bonheur de trouver une terre à porcelaine qui
en vérité me parait valoir celle Villaris. C'est une des plus singuliè-
res et des plus originales terres que j'aye encore vues ; elle est en
gâteaux et galettes de différentes grandeurs qui sont entièrement
enveloppés d'une croûte de terre jaune rouge et dont les angles
sont arrondis comme ceux des cailloux roulés ou galets de la mer. En
voyant ces g&teaux, on n'imaginerait jamais que c'est une belle terre
blanche, on les prendrait d'autant plus pour de simples pierres
jaunes qu'ils ont exactement la dureté de la pierre, il faut un mar-
teau pour les casser ; on voit alors que leur intérieur est une
matière très belle et très blanche^ mais cette matière ne se délaye
pas dans l'eau comme toutes les terres, on l'y laisserait pendant
huit jours qu'elle resterait toujours aussi dure. Il faut nécessaire-
ment la broyer, après cela aussi elle devient aussi liante que les
meilleures terres et ce qu'il y a de mieux c'est qu'elle fait une fort
V4i SOClifcTB AtlCHiotOGitilUE tX àlStO^IQtB DO ÙÉOÛStlr.
belle porcelaine qaand elle est bien choisie et bien ëplochèe.
Cela me donne une grande satisfaction, car il aurait été assez
désagréable de revenir sans avoir rien trouvé
Macquer.
{Bibliothèque nationale^ fonds français, n"" 9135.)
P.'J. Macquer au ministre Bertin.
A Dax, ce A octobre 1768.
Monsieur,
Nous voici revenus des tournées que nous venons de faire pour
la recherche des terres dans le territoire de cette ville. Vous ver-
res par le mémoire que j'ai Thonneur de vous envoyer que nous
avons non seulement visité les endroits où avait été M. Gleise ei
ceux qu'il avait indiqués, mais encore plusieurs autres et que nous
avons fait fouiller autant que nous l'avons cru nécessaire dans tous
ceux qui nous ont paru mériter cette attention. Vous verres aussi
par ce môme mémoire que celte recherche nous a procuré ont»
nouvelle terre à porcelaine supérieure à toutes celles dont il était
venu des échantillons d'icy à Paris et qui se trouve en quantile
suffisante pour le service de la manufacture.
Nous attendons, pour nous décider entièrement sur le mérite de
cette nouvelle terre, que nous ayons constaté par des épreuves en
grand la bonté de la porcelaine qui en résultera, car pour ce qui
est de la blancheur, elle approche si fort de la belle (terre) de
Villaris lorsqu'elle est bien choisie et bien épluchée que pour moi
je ny vois point de différence sensible.
Je crois donc que nous avons rempli vos instructions, Mod-
sieur, autant qu'il était en nous et même avec bonheur et que
notre voyage n'aura pas été infructueux pour la manufactore.
Comme j*ai lieu de croire que nous avons épuisé ce territoire par
nos recherches, je ne vois rien de mieux à faire pour le présent
que de nous en retourner à Bordeaux avec notre butin où nou^
ferons encore quelques tentatives pour découvrir s'il est possible
l'endroit où le sieur Villaris a trouvé sa terre, après quoi nous
reprendrons la route de Paris
Macquer.
(Bibliothèque nationale, fonds français, no 9135),
P.'J. Macquer à son frère.
Bordea::x, li octobre 1768.
>
Le lendemain de mon arrivée icy, j'ai été voir M. l'archevêque
DOCUNRNTS SUR l'INDUSTRIK ET LES NANUFACTORES EN LIMOUSIN. 743
de Bordeaux. Je Tai trouvé fort inquiet de savoir si nous avions
trouvé quelque belle terre; pour le contenter, je lui ai fait voir
celle dont je vous ai parlé avec les essais que nous en avions
fait et ceux de comparaison avec la terre de Villaris. Il en a été
très étonné, il ne pouvait en croire ses yeux. Le sieur Villaris est
entré lui-même comme tout cela était étalé sur la table; il Ta exa-
miné avec la même attention et la même surprise que M. Tarche-
véque. 11 me paraissait d'autant plus fâché d'avoir manqué son
affaire que M. Bertin, auquel M. l'archevêque avait écrit, à ce que
j'ai lieu de présumer, aussitôt après mon départ de Bordeaux,
pour tâcher de le raccomoder, ne lui avait fait aucune réponse ;
mais une circonstance assez singulière, c'est que pendant que nous
étions là tons les trois à nous regarder sans rien dire, la réponse
du ministre est arrivée et elle contenait que puisque le sieur Villa-
ris se repentait de ses mauvais procédés, il consentait à tenir ses
premiers engagements aux mêmes conditions. La joie a succédé en
un moment à l'inquiétude et à la tristesse. On voulait sur le champ
me déclarer Tendroit où est la terre; mais comme il s'agit d'enga-
ger par là la manufacture à une dépense de quinze ou \ingt mille
francs, dont peut-être elle pourra se passer à cause de notre dé-
couverte, j'ai cru que la prudence exigeait d'attendre que j'eusse
reçu moi-même une lettre de M. Bertin, que j'attends d'un jour à
l'autre, en réponse à celle où je l'informais de la découverte de
noire nouvelle terre.
Ainsi, cher frère, voilà un incident qui probablement retardera
un peu mon retour. J'en suis d'autant plus fâché que comme
M. Villaris espère beaucoup depuis cette lettre que son affaire va
se terminer, il ne se tient plus si fort sur la réserve et qu'il m'a fait
entendre que je m'en retournerai par un autre chemin. J'ai lieu de
présumer que ce sera par le Périgord et par le Limosin.
Je suis, cher ami et frère, votre très humble et très obéissant
serviteur et frère.
Magquer
f Bibliothèque nationaley fonds français, n* 9135).
P.'J. Macquer à son frère.
Limoges, i novembre f 768.
Voici pour le coup, très cher frère et ami, la fin de mes opéra-
tions et de mon voyage; il est bien temps que tout cela finisse, car
sans compter le désir que j'ay de me retrouver avec vous, les
pluies continuelles et tous les tristes avant-çoureurs 4e l'hiver qui
7-16 SOCliTÉ ABCBiOL(iâiai)R RT BIS90»li^| MJ LUIOCISUE»
arrive à vue d*œil el qui sont de si mauvais eompagaoos de vovmge,
me font h&ter ma marche et courir graud traio pour trouTer un aiKi
sous notre toit commun. J'ai eu tous les contre-tems et tous tes
désagrémcns possibles tant de la part du ciel que de celle de la
terre, c'est-à-dire des chemins, pour constater le kaolin de M. Til-
laris, qui se trouve beau, bien conditionné et bien abondant, ce
qui me fait plaisir, car ce M. Villaris, quoique singulier^ est réell^Miit
un fort aimable et un fort galant homme. D'ailleurs, il est toiyottrs
agréable qu'une commission dont on est chargé se teroiine heu-
reusement.
Je suis arrivé d'hier icy et j'y passe anjourd'hui la journée petr
faire charger sur {sic) un roulier environ 800 livres de la nouvelle
terre qui est d'une blancheur el d une beauté à se mettre à
genoux devant et je compte partir demain pour m'en retooraer i
Paris.
Je suis votre très affectionné serviteur, ami et frère.
Macquer.
fBMiaikèque uatianal»^ fonds français, n"" 9i Sa).
Villaris à Macquer.
BordeaDK 3 décembre I76S.
Monsieur le Minisire et vous, Monsieur, me faites espérer que
i'auray bienlost des marques de sa bienveillance et que je recevrai
incessamment huit mille livres, que les sept mille restantes me
seront payées dans un an. Permettez que je prenne la liberté de
vous prier de représenter à Monsieur le Ministre qu'il avait eu la
bonté de me promettre cette dernière somme dans tes six premiers
mois de l'année prochaine. J'avais espéré que par Taveu sincère
de la dépense et de la perte que m'a occasionnées cette découverte
(comme j'ai eu l'honneur de vous en canvaincpe}^ qui eibcède iafini*
ment la récompense, il n'aurait non seulement pas prolongé le
payement, mais l'aurait accéléré. Cela me fait une si grande diffé-
rence que si j'étais à portée de la représenter à M. le Ministre,
j'aurais tout lieu d*espér«f non-«eQlement l'exécution de sa pre-
mière promesse, mais encore qu'il aurait eu la bonté de me faire
compter tout à la fois les 18,000 livres....
J'ai l'honneur d'estre très parfaitement, Honneur, votre très
humble et très obéissant serviteur.
ViLLAAfS.
fmblioihègue nationaUy fonds françaity W" 9i3ô).
DOCONBNTS SBR L*INDUSTR1B ET LES HANUPACTUAeS BN LIMOUSIN. 747
Damet à ViUaris.
SaÎDl-Yrieix, le 3 avril 1769.
Monsieur et cher ami,
Je ne scais si vous avez reçu les deux lettres que j'ai eu l'hon-
neur de vous écrire pour vous donner avis qu'il y a trois semaines
qu'il arriva un jeune homme de Paris en poste qui fit ramasser un
sac de ia terre en question et la mit gur des chevaux de poste
pour remmener à Paris. Dix jours après, il arriva deux Messieurs,
aussy en poste, dans une voilure, avec le jeune homme dont je
vous ai parlé, qui était leur valet de chambre, pour s'emparer du
terrein et faire marché avec la dame à qui appartenait le terrein
de la terre en question. Je compris qu'ils voulaient nous jouer le
tour. Je fis si bien que je fis rompre le marché à la dame, lui fai-
sant entendre qu'elle ferait une grande faute, qu'elle tirerai! meil-
leur parti de cette terre si elle voulait s'en rapporter à moi et que,
d'ailleurs, elle désobligerait M. Bertin, le ministre, qui» voulait
rendre service à Monsieur son fils, qui était au service, et de pa-
tienter quelque temps que certainement je lui en ferais tirer parti ;
de plus, qu'elle ne devait pas oublier que M. le Ministre avait
envoyé des commissaires sur les lieux pour examiner cette terre.
Toutes ces raisons firent qu'elle n'a rien voulu arrêter avec eux ;
ils sont repartis sans pouvoir réussir. Je les ai questionnés beau-
coup; ils me dirent que cette terre était pour faire de la porcelaine
et que de plus ils en avaient fait une tasse qu'ils avaient présentée
au Roy qui l'avait approuvée. Ils en achetèrent d'un particulier
dont je vous ai déjà parlé, qui a son terrein de l'autre côté du
chemin qui va de Saint- Yrieix à Limoges, pour faire conduire par
des rouliers à Paris pour en faire, disaient-ils, un service de por-
celaine pour le Roy. J'ai aussi empêché ce particulier de faire au-
cun marché avec eux, il s'est contenté de leur en vendre quelques
sacs. Je crois que ce n'est point de porcelaine qu'ils veulent en
faire, mais bien ce que vous savez. Ils me parlèrent beaucoup de
vous et me dirent qu'ils vous connaissaient et que vous étiez un
élève de Rouelle. Ils me parlèrent aussi d'un médecin de Parme et
de Plaisance qui était venu avec vous et me dirent qu'il avait fait
tout ce qu'il avait pu pour tirer parti de cette terre, mais qu'il
n'avait pas pu réussir et que c'était lui qui la leur avait! indiquée.
Ils me sollicitèrent beaucoup pour engager la dame Du Montet à
leur vendre la permission de creuser pendant vingt années. Je leur
répondis franchement qu'ils ne réussiraient pas, qu'elle n'était pas
destinée pour eux, que le terrein était déjà arrêté, qu'inutilement
ils avaient feit le voyage.
7i8 SOCIÉTÉ ARCBÉOLOOIQUB F.T HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
Il s'agit donc de prendre vos mesures là-dessus. Car Madame
Du Montet va écrire par le courrier à M. le Ministre pour deman-
der la permission de vendre celte terre au plus offrant et dernier
enohërisseur. Le dessein de ces gens-là était de faire conduire la
terre à Limoges dans un magazin pour ensuite la faire conduire
par des rouliers à Paris. Je n'ai jamais pu savoir quel était leur
nom; quand je le leur demandai, ils me dirent qu'il était inutile de
les interpeller puisque je ne voulais pas leur rendre service ; ils
sont frères, d'une assez grande taille, ils ont le visage long, le nez
aquilin, cheveux et sourcils noirs, mais le cadet a une trace à la
face sous la mâchoire inférieure, du côté droit, faisant grande
figure, galonés et un très joli équipage. Voyez si vous les connais-
sez par le signalement que je vous en fais et soyez persuadé que
je ne négligerai rien pour vous favoriser dans votre entreprise, mais
faites des démarches de votre côté. Mandez moi le langage qu'il
faut que je tienne à la dame pour empêcher la vente, car si H. le
Ministre la demande pour quelqu'une de ses créatures, il réussira.
Faites donc agir auprès de lui. En attendant de vos nouvelles, j'ai
l'honneur de me dire, avec attachement. Monsieur et cher ami, etc.
Darrst.
(Bibliothèque nationale, fonds français, n^ 9i 35).
Uarchevêque de Bordeaux à Macquer.
Bordeaux, 8 avril 1769.
Le sieur Villaris vient de recevoir une lettre du sieur Damet,
chirurgien de St.-lrieix, avec lequel il avait fait connaissance lors-
qu'il fut sur les lieux pour chercher les 30 livres de terre que je
vous rerois à Paris et pour s'instruire du possesseur du terrcin.
Pour dépayser le sieur Damet, il lui avait fait confidence qu'en
qualité d'apothicaire il faisait de l'eau forte et que cette terre estait
très propre à cela et qu'il devait obtenir un privilège de M. Bertin
pour faire de l'eau forte. De sorte que ce chirurgien vous a re^rdé
comme un commissaire du Roy pour examiner la nature de cette
terre dans rintérest du sieur Villaris. C'est pourquoi il lui donne
avis, par une lettre du 3 avril, qu'il est arrivé à St.-Iriey, trois se-
maines auparavant, un jeune homme, etc. (j'aime mieux vous en-
voyer copie de la lettre que le sieur Villaris a reçue. Il me faudrait
trop de temps pour vous transcrire icy tout ce détail). J'écris au-
jourd'hui, en conséquence, à M. Bertin, je l'exhorte à finir tout de
suite l'achat de ce terrain s'il ne veut qu'il lui soit eniçvé.
DOGUMBIfTS SUR l'iNDUSTRIB ST LES MANUFACTURES EN LIMOUSIN. 749
Il parait que c'est votre médecin de Parme (1) qui a divulgué le
secret à Paris et qui vous accompagna et qui peul-estre Ta vendu à
M. Lauraguais, car je me douterais que ce pourrait bien estre luy
qui est allé à grand trall sur les lieux...
Soyez persuadé de rattachement avec lequel j'ai l'honneur
d'estre, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
f L'Archevêque de Bordeaux.
(Bibliothèque nationale y fonds français ^ n** 91 35.)
Damet à Villaris.
Saint- Yrieix, le 10 avril ^769.
Monsieur et cher ami,
J'ai reçu votre lettre on date du 8 courant et j'y réponds dans ce
moment. Les deux Messieurs dont je vous avais parlé sont reve-
nus. Ils ont fait faire 400 sacs de toile d'étoupe pour voiturer de la
terre à Paris. Le particulier qui possède le terrain de l'autre côté
du chemin de Limoges leur en a vendu une quantité étonnante à
1 1. iO s. la charretée. Us ont fait tout ce qu'ils ont pu pour avoir
celle de M"** de Montet, qu'ils ont trouvée meilleure, même jusqu'à
demander des ordres à l'intendant qui les leur a refusés sur une
lettre que je lui écrivis à ce sujet. M"* de Montet, qui me doit avoir
de grandes obligations pour un service important que je lui ai
rendu, ainsi que son fils, m'ont promis que personne ne l'aurait
que vous; et même je lui ai (je l'ai) si bien persuadée, qu'elle ne
vous coûtera pas si cher que ce que vous aviez pensé. Ces Mes-
sieurs s'appellent Messieurs Consfor, anciens écuyers de Madame
la Dauphine. Ils emportèrent le matin 30 milliers de cette terre
pour Limoges, pour la transférer à Paris. Us m'ont assuré que
c'est pour faire de la porcelaine, que les autres terres dont ils se
servaient avaient besoin d'être dissoutes dans l'eau-forte pour en
séparer les matières qui n'étaient point vitrifiables d'avec les coirs
(quartz) et le miqua. Us sont partis pour Paris en poste et ont dit
qu'ils reviendraient dans peu. Us ont passé double avec Bordas, le
particulier en question. Us ont pris de grandes qualités dans leurs
doubles, ils sont riches et possèdent beaucoup de terres en justice,
à ce qu'il parait, par leurs adresses. Us ont chargé Taubergiste de
Saint-Pierre du fauxbourg où est la terre de (la) leur faire con-
(I) M. Camati, médecin de la cour de Parme, que Macquer rencontra
en Gascogne d'abord, à Bordeaux ensuite, et qui, à force d'insister, finit
par se faire admettre en la compagnie de celui-ci
7A& SOCIKTR ARCnÉOLOGIQBR ET B1.ST0IIIQCK DO UHOOSIS.
duire. Ils se sont engagés de faire crenser la terre, de recmiiUerle
pays, moyennant 1 1. 10 s. la charretée, ce qui fait dix qQmtaox. Ib
dMnent 15 s. par jour aux ourriers. Je n'ai pas su ce qu*il leur es
coule de port. Ils prétendent faire un magasin à Limoges, pour
porifler la terre, afin qu*il leur en coûte moins de port.
Dabiiet.
f Bibhathèque nationale, fonds français^ n" 9155).
L'archevêque de Bordeaux à M. Macquer
A Bordeaux, ce 45 avril 4709.
Vous verrez, Monsieur, par la lettre que le sieur Villaris a rcçoe
de son ami, chirurgien à St-Iriey, que les personnes qui onlsca
nostre découverle sont bien plus alertes qu'on ne Test da costé de
la manufacture de Sèvres et qu'ils n'épargaent point la dépensa
puisqu'ils ont enlevé, chez un voisin de Madame du Monté,
vingt milliers de celte matière poar les faire venir par terre â
Paris. Je vous avoue que je crois que la manufacture de Sèvres
aura à se reprocher de se trouver prévenue dans la fabricatios
d'une bonne porcelaine, tandis qu'il y a deux ans qae si on avait
voulu on en aurait travaillé (1). Ce s^^a sûrement un sujet de re-
proche de la part de Sa Majesté si ces particuliers viennent à loy
présenter les premiers ouvrages qui en auront esté faits et comptez
que si ces particuliers trouvent le moïen de réussir, toute nostre
belle porcelaine ancienne tombera, car je vois que les bell^'s
couleurs, les beaux fonds ne viennent pas aussi bien sur la bonae
porcelaine que sur celle qui se fait à Sèvres. Il en sera de cette
porcelaine comme des marbres qui se fonX en stuc. Peut-estre en
tait-on des ouvrages qui ont plus d'éclat que le marbre, le jaspe «^
(1) Après les actives recherches faites pour découvûr le kaolio, ea se
s'expliquerait pas les lenteurs mises à s'assurer M possessioa do terraîo
dans lequel on Tavait enfin trouvé. 11 faui savoir que, d'une pari, U Gibri-
cation de ta porcelaioe dure était considérée à la Manufacture comme iâ
ruine des traditions de Sèvres, qui jusqu'alors n'avait produit que de la
porcelaine tendre; aussi M. Boilcau, directeur, et M. Harroet, contrôleor,
montrèrenl-iis à Tégard de celte innovation plus que de la froidenr. £a
second lieu, les essais d*applicalion des couleurs ne donnèrent pas tout
de suite des résultats satisfaisants et cet insuccès servit de prétexte 9n\
r<^sistances des fonctionnaires de la Manulaclure. Il ne fallut rien moias
que la réussite des expériences faites par des particuliers pour éoHMivoir
le personnel de Sèvres et déterminer l'acquisition des gissmenls de
k^oliq .
nocuMiNTs suB l'ctidustrir rr u» «ANiir^cmeKs rn livousin. 754
le porphire, mais eela n'empêche pas qu'on ne donne la préfé-
rence à ]a nature (plutôt) qn'à Tart.
Je sais bien que pour moy je serais de cet avis et que je préfé-
rerais de La porcelaine simplement blanche et bien exécutée aux
phis beaux ouTrages de fritte (1).
J'écris encore aujourdliuy à M. Berlin et je lui envoyé un double
de la lettre que je vous adresse dans cellecy. Je l'exhorte à donner
tout de suite des ordres au sieur Villaris d'achepter le terrain. G'esl
le moyen de finir cette affaire tout de suite et de^ l'avoir an prix
plus bas. Je lai adjo«te que vous lut certifieriez la droiture de
cœur du sieur Villaris, qu'il pouvoit y mettre confiance et qu'il
estoit incapable de rien faire qui fut contre l'honnette honnne.
Soyez persuadé, Monsieur, des sentiments avec lesquels j'ay
l'honneur d'estre votre très humble et très obéissant serviteur.
f L'archevêque de bordeaux.
{Bibliothèque nationale, fonds français, n'9i35,)
L'archevêque de Bordeaux à M. Maoqmr.
Bordeaux^ % may 1769.
VoQ& savez sans doute que M. Bertia m'a marqué de faire achep-
ter le terrain de Madame Du Monté (2) et même celuy du particulier
qui a vendu de la terre aux deux particuliers de Paris. En consé-
quence, le sieur Villaris partit d'icy le dimanche 33 avril ayant
avec luy 3,500 1. et ordre de ma part, au cas qu'il eût besoin de
davantage, ae m'écrire et que lui en? oyerois des inscriptions sur
le receveur des tailles de Périgueux.
M. Bertin demandait 20 barriques de la terre de M*"* du Monté
et 20 barriques de celle du particulier pour estre portée à Bor-
deaux et de là à Rouen et à Tours, mais comme M. Bertin a vu par
une lettre du sieur Darnet, chirurgien à Saint-Hyrieis que les deux
(1) Porcelaine ou verrerie «paque.
(9) Par acie da 5 mai 1709, passé devant M® Voisin, notaire, Villaris
acquit de daneda Monietet de son fils, demeurant à Saiot-Yrieix, moyen-
nant le prix de 3,000 livres, le droit a de faire creuser la levrc blanche qui
se trouve dans la terre appelée du cimciière, du côté de la maison, dans
le haut dti pré, jusqu*à Ja première rigole, dans tout le reclos des bœufs
et le morceau de terre qui se trouve dans le reclos », avec permission
d'exploiter tant qu'il y aura de la lerre, sauf à recombler les fosses.
Le 37 du même mois, Villaris fit, devant le même notaire, déclaration
que Tacquisition réauUaot du contrat du & mai était panr le compte du rpj
et de sii manufacture de Sèvres,
752 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUB DO LIMOUSIN.
particuliers de Paris avaient emporté 30 milliers de cette matière
par les rouliers de Limoges et qu'il craint d'estre prévenu dans la
fabrication de la nouvelle porcelaine par les particuliers qui loi
(s'en) attribueraient la découverte, il m'a marqué d'ordonner à
Villaris d'envoyer ces 40 barriques par les rouliers au moindre
tems qu'il pourrait. En conséquence, j'écrivis au sieur Villari5,
mais malheureusement, comme il n'y a qu'un courrier par semaine
qui parte pour Limoges, le courrier estant parti à S heures da
matin, et ma lettre arriva à 6 heures, ainsi je me décidai sur le
champ à faire partir un valet de chambre pour attraper le courrier
en chemin et lui faire remettre ma lettre ou aller à St-Hîryes join-
dre M. Villaris, ou aller jusqu'à Limoges au cas qu il fût parti pour
cette ville. Mon valet de chambre ne put partir que vers les 9 heu-
res à cause de la messe et de la permission qu'il faut avoir pour
qu'à la poste on donne des chevaux. Il rencontra le courrier à
neuf passes de Bordeaux, dans le Périgord, et luy remit ma lettre
et la recommanda au courrier, qui promit de la mettre à la poste à
Limoges, où M. Villaris l'ira retirer. Je ne pourrai avoir de lettre
du sieur Villaris que jeudi prochain et je compte que H. Bertm
aura des nouvelles aussitôt que moy.
Il ne parait pas que ces deux particuliers ont mis de Taction
dans celle affaire et que la nouvelle porcelaine paraîtra plus tét
qu'elle n'aurait paru. Ainsi, vous ne manquerez pas de besogne
pour faire les nouvelles recherches tant pour la cuisson de cette
porcelaine que pour les couleurs. Il faudra voir si vous ne trouve-
rez pas les moyens d'allier les couleurs avec des verres plus durs.
J'espère que vous me donnerez des nouvelles de la réussite.
Soyez persuadé. Monsieur, des sentiments avec lesquels j'ay l'hon-
neur d'estre votre 1res humble et très dévoué serviteur.
f L'ARCHEVÊQUE DE BORDEAUX.
fBibliothèqtie nationale, fonds français^ n*» 9135).
Monsieur,
Villaris à Macquer.
A Bordeaux, le 29 juillet 1769.
Si je ne n'ai pas répondu en son temps à la lettre que vous m avez
fait l'honneur de m'écrire, c'est qu'elle ne m'est parvenue que fort
tard à Saint-Yrieix (où je ne suis de retour que depuis le 23 de ce
mois), et comme j'avais reçu des ordres de H. le Ministre de faire
voiturer la terre qui me restait par Montignac, les différents voyagea
que j'ai esté obligé de faire soit pour me procurer des fAlailies et
bOCUllBlh'S SUR L^NDVâTllIR Kt LRS ÉANUl^ACtÛRRà feS tlttOUSlI^. 7$d
les moyens de la faire voiturer, je n'ai plas esté apportée (à portée)
de la poste.
Je suis bien flatté d'avoir rempli les attentes de M. le Ministre.
J'ai rhonneur de vous assurer que ce n'est pas sans beaucoup de
peine; il est sûr que je ne peux sans abandonner la pharmacie faire
de si longues absences, car il ne m'est pas possible de réparer pour
cette année le vide que cette opération m'a occasionné dans mon
état. Je ne crois pas que M. le Ministre puisse mieux placer sa con*
fiance pour cette exploitation qu'en M. Darnet, mais je crois qu'il
sera essentiel de fixer la manière d'opérer et comme je suis dans
l'intention d'aller à Paris, j'aurai l'honneur de vous faire part de
mes opérations et obsen^ations.
M. l'Archevêque a eu la bondé de me communiquer votre lettre
et m'a dit que M. des Mares était celuy qui disait m 'avoir indiqué
le Limousin ou TOvergne. J'ai l'honneur de vous assurer avec toute
vérité que M. Desmares ne m'a donné nul renseignement ni personne
au monde. II est trop jaloux de ses talens, il désire trop d'estreseul
utile et, je crois, trop intéressé à cette découverte pour que je doutte
beaucoup qu'il eut esté trop généreux pour faire un tel aveu à qui
que ce fut
Je suis avec toute la sincérité possible,
Monsieur,
Vôtre très humble et très obéissant serviteur.
ViLLARIS.
{Bibliothèque nationale, fonds français, n'^ 9135),
Monsieur,
Parent à Macquer.
Compiègne, 30 juillet l769«
Le sieur Darnet, de Saint-Yrieix, se plaint de ce qu'il a seul donné
réveil à Villaris du kaolin; que cet apoticaire lui avait promis de
partager avec lui le prix de la découverte et qu'aujourd'hui il se
moque de lui. Mais voici ce que cette pique a produit. Messieurs Hoc-
quarl ont découvert à Saint-Yrieix du petunzé. M. de Lépine, subdé-
légué de Limoges, en fit voir un morceau au sieur Darnet, qui fit part
au sieur Villaris de l'endroit où il se trouvait. Darnet aujourd'hui
craint que Villaris ne se iasse également honneur de sa découverte
pour l'en priver et il en envoyé un petit sac à M. Bertin. Ce ministre va
passer deux jours à Paris. Je charge un de ses gens du petit sac à
votre adresse pour le remeUre aa suisse de Thotel, chezqai vous foa*
drez bien le prendre. Il y en a, dil Darnel, de deux qualités, rune
chargée de mica, et Tautre qui n^en a pas, mais toutes deux égale-
ment fusibles. Je vous prie d'en faire part à M. de M ontigni et d^eu
faire promptemcnt répreuve. Quoiqu'il soit bien difficile de faire
plus beau que les pièces d'épreuve avec le silex, si néanmoins ce
petunzé était utile, je proposerais à H. Berlin d'en écrire au sieor
Darnet, sinon nous réconduirions. Voyez y, j'attendrai de vos aoo-
velles incessamment, afin de pouvoir proposer quelque chose à
M. Berlin à son retour de Paris.
Rien n*égale le sincère attachement avec lequel j*ai rhonneor
d'être votre très humble et très obéissant serviteur.
{Bibliothèque nationale^ fonds français, n® 9155),
Pareht.
U Archevêque de Bordeaux à Macquer.
Bordeaux, 9 aoosl 1 709.
Monsieur,
Il est très faux, Monsieur, que le sieur Darnet se plaigne du sieur
Vilaris, j'ay encore vu ce matin une lettre qu'il a écrite au sieur
Vilaris, dans laquelle il est bien éloigné de se plaindre, car il la y
rend compte qu'il trouve une maison à louer pour servir de magasin
à renfermer le kaolin pour le laisser sécher avant de le mettre dans
les barriques ce qui diminuerait considérablement le poids, et par
conséquent le transport en sorte que une barrique qui pèse un mil-
lier ne pèserait que six cent livres. Il prétend qu'on veut affermer
cette maison cent livres, mais qu'il espère l'avoir pour soixante
livres.
Pour ce qui est de la connaissance de cette terre blanche ou
kaolin, il est bien sûr qu'il l'a fait connaître au sieur Vilaris, mais
ne connaissant point de quel usage elle pouvait eslre et cela il y a
quatre ans. Il lui raconta même que M. Desmarets estoit venu le
voir et lui avait dit que c'estait une bonne terre à foulon, mais que
n'y ayant point de manufacture de draps dans le pays, on ne pouvaii
en faire aucun usage.
M. Villaris a chargé, suivant les ordres de M. Bertin, le sieur
Darnet de veiller à la conservation du terrain et il le fait tout exac-
tement, car ayant trouvé un homme qui avait esté faire des ordures
dans l'excavation qu'on a fait pour tirer le kaolin, il porta plainte
au juge qui ordonna à cet homme d*aller nettoyer Tendroit et qui a
bOCUtilfit^TS 8ll« L INbÛSTRlE Et tF.S «lAHVl^ACtUAKS EK LlJÉOUâlN. 755
fait dëfease, sons peina de prison, d'aller gaster cet endroil. Ainsi,
vous voyez que les propos de M. Hocquart sont privez de tout fon-
dement, et le siear Darnel n'a aucun lieu de se plaindre du sieur
Villaris, mais je crois que M. Berlin ferait bien de donner une pelite
pension au sieur Darnet pour l'engager à avoir soin du local et pour
veiller à l'exploitation.
f L'Archevêque de Bordeaux.
{Bibliothèque nationale, fonds français, n"" 91 35),
Monsieur,
Millot à Macquer.
A SHint-Yfieix, ce 19 août 1770.
Je croirais manquer si je ne vous donnais avis de mes opérations
et de ce que j'ay fait à Sàint-Yrieix jusqu'à présent. J'ai première-
ment esté en arrivant tout droit à l'escavation, là où j'ay trouvé le
sieur Darnet qui m'a très bien reçu et a voulu que je fasse ma rési-
dence chez luy. Le lendemain nous avons esté voir la maison dont
il avait parlé à M. Boileau lorsqu'il estait à Paris. J'ai trouvé cette
maison en très mauvais état, il est vrai qu'il y passe un ruisseau au
bas du jardin, distant de la maison d'à peu près 10 à 12 toises
et toujours en montant. L'on n'aurait pu y venir sans la porter à
bras ou bien faire un hangar sur le ruisseau qui aurait coulé cher et
Ton n'aurait pu y faire arriver la terre qu'avec des hottes ou civières.
Nous en avons trouvé une autre près de M. Darnet, beaucoup plus
commode quoiqu il n'y ait point de ruisseau. Cette maison est com-
posée d'un grand cellier de la grandeur de 40 pieds de long sur 15 de
large. Ce dépôt tiendra plus de 80 milliers de terre prête à laver;
A cdté du tas j'ai fait placer 3 grands cuviers pour en faire le lavage .
l'on y a fait venir l'eau d'un puits qui est dans le jardin par le moyen
d'une gouttière longue de 7 toises, au-dessus du cellier, il y a deux
grandes chambres. Dans la plus aérée et la plus exposée au soleil,
j'ai fait faire des tablettes tout autour et dans le milieu pour y mettre
sécher la terre d'à peu près le nombre de 5 milliers. L'on se servira
de moules de paille pour ressuyer les terres sortant des cuviers aussi
bien que ceux de plâtre. J'ai fait ouvrir un trou de 15 pieds sur
tout à cotté de celuy de l'année dernière. Le décomble a été près de
8 pieds avant que de trouver la bonne. Cette terre est très blanche,
mais bien sableuze par endroits, et bien capricieuse dans toute sa
masse. Cependant je crois qu'il nous donnera à peu près la moitié de
boa au total. Je ne perds pas un seul moment depuis trois semaines,
j*ai profité du beau temps, et je crois avoir bien fait, le temps s>st
remis à la pluye ces jours icy. J'ai déjà dans notre dépôt près de
quarante milliers de terre et Ton commence à laver à force. Si c*'
n'était la grande occupation que j'ay dans ce pays, je ne pourrais y
rester un moment. Tout y est plus cher qu*à Paris et bien de la
misère dans le même peuple. Les Messieurs de Gombron font parier
d'eux dans ce pays, mais pas en bien. M. de Lépine, subdélégué de
Limoges, leur a prêté pour faire l'exploitation de Tannée demiêrf
4,000 l. et ne peut pas en avoir le premier liard, quoi qu'ils plaident
ensemble. Il y a à la manufacture de fayance de Limoges un jeune
homme de Paris qui commence à faire de la porcelaine. G*est N. de
Lépine qui a écrit à M. Darnet ces jours cy. M. Darnet a aussi
reçu une lettre d'un nommé Depardieu, de Chantilly, pour en faire
un établissement dans ce pays. Si vous voulez faire part du prin-
cipal de cette lettre à M. Boileau ou à M. Marmet^ je vous serai bien
obligé. Je leur ay écrit il y a trois semaines et je n'ay pas encore eu
le plaisir d'avoir de leurs nouvelles.
J'ai rhonneur d'être, Monsieur, avec l'attachement le plus
sincère, votre très humble et très obéissant serviteur.
MiLLOT.
{Bibliothèque nationale, fonds français, n"^ 9135).
Varchevêque de BordeaiAX à M. Macquer.
A Bordeaux, ce 39 septembre 1769.
Les mauvais procédez qu'éprouve M. Villaris de la part du
sieur Darnet me paroissent bien extraordinaires. J'ay écrit à ce
sujet à M. de Montigni et à M. Bertin et leur ai marqué que je con-
naissois le sieur Villaris pour un homme de probité et très véridi-
que, que le sieur Darnet n'avoit d'autre mérite que d'avoir dit au
sieur Villaris qui alloit cherchant de la terre propre à faire de la
porcelaine, qu'il y avait dans le pays une terre blanche et de ravoir
mené sur les lieux et lui avoir fait connoitre cette terre blanche
dont il ne connoissail nullement la propriété puisqu'il lui adjoula
que M. Desmarest, qui est attaché à M. l'Intendant de Limoges,
ayant vu cette terre, après ravoir examinée, avoit dit que cette terre
luy paraissoit une bonne terre à foulon par sa finesse, mai>
que n'y aïant pas dans le Limousin de manufacture de draps, elle
devenoit inutile. Il est vray que le sieur Villaris fit accroire au
sieur Darnet que cette terre seroit propre à faire de l'eau forte et
bbCtlMKNTS SUR L'^INDtSTRIB Et L^S AAIfOFACtURte? KÏÏ tlMOOSIN. 78?
qa'il cberchoit à obtenir un privilège, et le sieur Darnet en
estoit si persuadé que lorsque il'* Hocquart viûrent sur les lieux
pour achepter le terrain de Madame du Montet et qu'ils acheptë-
rent un terrain à costé appartenant à un particulier, il en donna
avis au sieur Villaris et luy marqua que ces Messieurs prélendoient
que cette terre estoit propre à la porcelaine, mais qu'il scavoit à
quoy s'en tenir et que c'estoit pour ce qu'il scavoit et l'exhortant à
obtenir incessamment son privilège.
Il est vray que la Manufacture et M. Bertin ont grande obligation
au sieur Darnet pour avoir empêché ces M" Hocquart d'enlever
cette matière à la manufacture de Sèvres et je crois qu'il mérite-
roit une gratification. J'engage M. Bertin à la luy faire donner. Il me
semble également qu'il y auroit de la justice à luy donner une pe-
tite pension pour la garde du terrain et pour diriger l'exploitation
de la terre et l'envoy qu'on en fairoit à Montignac
f L'archevêque de bordeaux.
{Bibliothèque nationale, fonds français, n** 91 Sô,)
t xi. tB
V^d SOGIÉtil ARCttéOLOÔkQÛE eV àlS^ORIQÙB OU iiÉoudik»
LA PREMIÈRE MANUFACTURE DE PORCBLAmE DE UMOGES.
L'une des questions les plus inléressanles que soulève Thistoire de Ttrt
céramique moderne est celle des origines et des développements des pn-
mières manufactures de porcelaine en Limousin.
Or, les écrivains spéciaux se sont bornés jusqu^à présent à répéter des
généralités qui ne laissent pas que de présenter parfois de notables inexK-
titudes; d'autre part, si Ton en excepte le mémoire donné, en 1837, par M. F.
Alluaud, dans les Nouvelles éphémérides du ressort de la Cour royale de
Limoges, on ne trouve sur ce sujet, dans les recueils locaax, qoe deco«rU
articles qui sont loin d'offrir un ensemble de connaissances approfondies.
Dans VEssai de classification des anciennes porcelaines de Limoges publié
ici-môme, M. Camille Leymarie a, le premier, entrepris avec une réellecom-
pétence, servie par un rare esprit de pénétration, de restituer aux aldiers
de Limoges et à leurs produits le rang qui leur revient. Quoique écrit à un
point de vue spécial, son travail apporte une sérieuse contribution à rbi>-
toire définitive et complète de la céramique limousine.
L'élude d'ensemble que comporte une telle matière, —nous voulons dire
celle qui est destinée au grand public, — reste donc à faire. Nous poovo&s
affirmer que les matériaux ne manqueront pas à quiconque voudra
tenter de l'écrire. On peut même dire que leur abondance répond à Piah
poriance de la question. Les archives nationales possèdent, en effet, mé-
langées aux papiers de la manufacture de Sèvres, une série considérabk
de pièces relatives aux fabriques du Limousin. Pour une période tout aa
moins (1784-1790), on peut suivre de près les travaux de nos céramistes.
Ignorés ou négligés jusqu'ici, ces documents permettront de substituer
aux notions vagues et incertaines des notions complètes et précises et ils
éclaireront d'un jour tout nouveau différents points jusqu'ici mai connus.
A quelles influences la manufacture de Limoges dut-elle sa rapide pros-
périté? Quelle suite de circonstances amena plus tard sa décadence, sx
vente au roi et son annexion à Sèvres? Autant de questions que nol ne
s'est encore avisé de résoudre.
Quoiqu'il en soit, la persistance de traditions erronées dans les pablici*
tions locales les plus récentes nous porte à rappeler brièvement ce qoe
furent les débuts de la fabrication de la porcelaine à Limoges. Nous oe
ferons usage que de renseignements puisés aux sources mêmes.
L'étude des origines de cette industrie conduit tout d'abord à examiner
quelle part Turgot a prise à son introduction dans notre province. Disons
immédiatement que cette part fut considérable. On ne peut douter, ea
effet, qu'avec son grand sens pratique, Téminent intendant de Uoioges
n'ait tout de suite compris quelles immenses ressources le pays pouvaU
retirer de la nouvelle industrie et qu'il n'ait résolu d'en faire bénétider U
province dont l'administration lui était confiée.
Dès la découverte des kaolins de Saint-Yrieix, il était à prévoir, \n
l'abondance des gisements, qoe leur exploitation ne serait pas restreinte
aux seuls besoins de la manufacture royale et que de nouveaux centres de
fabrication ne tarderaient pas à être créés. Eu égard aux difficultés de trans-
port, ceux-ci devaient, autant que possible, être placés à proximité da
lieu d'extraction de la matière première. Limoges, distant de huit lieues
seulement de Saint-Yrieix^ s% trouvait dans des conditions d^autant plus
favorables que cette ville possédait déjà une faïencerie susceptible d'être
transformée rapidement et k peu de frais.
Cest dans .cet établissement que furent faits, sous la direction de Turgol
lui-même, les premiers essais de fabrication et de cuisson de la porce-
laine dure. Satisfait des résultats obtenus, Turgot prend Tiniliative de b
création d'une fabrique spéciale. Après s'être assuré la coopération du
faïencier Joseph Massié, il tourne vers ce but l'activité des sieurs Pierre et
Gabriel Grellet frères. A défaut de connaissances techniques, ceux-ci
passaient du moins pour avoir une grande pratique des afiPaires, et de plus
disposaient de capitaux. Indépendamment de leur commerce d'épicerie en
gros, de chaudronnerie et de fers, ils exploitaient à Limoges une tréfilerie à
laquelle ils avaient projeté d'annexer une fabrique de faulx ; l'un d'eux
venait même de faire un voyage en Allemagne pour se rendre compte des
procédés de fabrication. Aussi, ne fût-ce qu'après bieo des hésitations qu'ils
se décidèrent à accepter la tftche qui leur était offerte. Turgot leur adjoignit
UH homme du métier, Nicolas Fournerat, élève du célèbre Rouelle, employé
par le marquis de Courtanvaux, de TAcadémie des sciences, à des recherches
et à des travaux chimiques, et, le 1"' mars 1771, un acte d'association fut
passé pour une durée de neuf années, sous la raison Grellet frères, Massié
et Fournerat.
Sous l'impulsion féconde de Turgot, les progrès furent rapides; nul
mieux que l'intendant de Limoges n'était capable de provoquer ces progrès.
Ea effet, il apportait, avec sa collaboration assidue, de hautes connaissances
en chimie Au surplus, il n'invente pas, il applique. On le voit arracher à
la manufacture de Sèvres les secrets de sa fabrication et jusqu'au modèle
de ses fours. Il abrège ainsi la période des tiVtonnements et des expé-
riences, a On a fait ici, — écrit le 25 novembre I77i, à son fils, M. de
Lépine, subdélégué de Turgot, — de la porcelaine qui est très belle,
mais ^horriblement chère. J'ai actuellement quatre correspondants qui
m'en demandent... » Et le 4 S mai 4773 : a quant à la porcelaine, tout ce
que je puis faire passer à ces dames, ce sont quelques pots à pommade,
le tout étant extrêmement cher: un service de six tasses assorti se vend
cinq louis (1). »
Cependant Turgot, qui volt dans la porcelaine, non pas un sujet de
laboratoire mais un nouveau fonds d'industrie et de commerce, ne né-
glige point le côté économique. 11 place au même rang, dans ses préoc-
cupations, l'art de produire et l'art de vendre. Il ne lui suffit pas d'avoir,
l'un des premiers, précisé et formulé dans ses écrits la loi du progrès ; il
en poursuit l'application immédiate. C'est au nom de l'intérêt public et en
vue de la création d'une industrie nationale qu'il réclame pour le nouvel
établissement une part des avantages dont la manufacture de Sèvres est
(1) M. de Lépine, — Tun des bons esprits de son temps, — semble avoir longtemps douté
de Tavenlr réservé à l'industrie de la porcelaine. Son opinion à ce sujet fut très certame-
ment partagée par un grand nombre de ses contemporains et c'est pour ce moUf que nous
Avons cru devoir la mettre en lumière. Le 11 juillet 1774, il écrit encore à son fils : t La po-
terie de Savigny foumisscût, U y a deux cents ans, les meUleurs creusets que l'on put trouver
en France, maie elle est totalement tombée à ce que je vois par votre lettre. Il y a aussi
deux cents ans que le Limousin était plein de verreries dont il n'existe pas la moindre tnee,
si ce n'eat va reste de four qui se trouve encore dans la paroisse d'Ambazac. Si l'on a cessé
de faire du Terre dans notre province, c'est que depuis deux cents hhs les ouvrier» trouvaient
il peine le payement deîeurs frais j il en sera de même un jour de la porcelaine, h
*76b SOCIÏTÊ AUCBKOLOGIQUfe ET hlStO^IQUS bQ XtHoUslK.
seule à jonir : exemption des droits des cinq grosses fermes pour la ctr*
culation des produits à Fintérieur et sortie en francbise poor TexporUlioB
à Tétranger. Le 48 juillet 1773, il écrit à cet effet au contrôleur générai
des finances et il lui représente que le commerce de la porcelaine n'exis-
tant pas encore, il ne résultera de la concession des avantages sollicitée
aucune diminution dans les revenus du roi. Le 9 septembre, le conseiller
d^Etat Trudaine de Honligny, chargé des détails relatifs au coramercc,
lui répond que le contrôleur général consent à la sortie en franchise,
mais non à la levée des droits de circulation daos le royaume, qui tirerait
à de trop grosses conséquences. €e ne sera qu'un an plus tard et lon^ie
Turgot, devenu à son tour contrôleur général, aura tout pouvoir à cet etei,
qu'il s'empressera d'accorder ce qu'il avait vainement demandé.
Mais là ne se borneront pas ses encouragements. Un arrêt du 15 février
1766, tout en proclamant la liberté de la fabrication de la porcelaine* avait
expressément prohibé les décors polychromes et la confection des ûgnrts.
A la manufacture du roi seule était réservé le droit de c peindre en plu-
sieurs couleurs, d'employer de l'or appliqué ou incrusté et de faire de$
figures ou ornements de ronde-bosse avec de la pâte de porcelaine eo
biscuit, sans couverte ou avec couverte. » Turgot couvre de sa haote
. protection les infractions à ce privilège, et dès l'année 1774, il sortait des
ateliers de Limoges une caisse entière de statuettes ou figurines.
Pour soutenir la concurrence avec les autres fabriques établies déjà uo
peu partout et qui, mieux outillées sans doute, produisaient à plus bas
prix les objets d'usage, les directeurs de la manufacture de Limoges cher-
chaient à emprunter une somme de 60,000 livres. Turgot intervient
encore et leur fait accorder, à titre de subvention la moitié de la sommé
réclamée. Hais, ne voulant pas laisser l'établissement qui était, pour une
large part, son œuvre personnelle, livré peut-être à Findifférence de s^
successeurs, il juge prudent de répartir la subvention en dix annuités de
3,000 livres chacune. Elles étaient payables moitié sur les fonds libres de
la Généralité, moitié sur ceux du commerce et furent d'ailleurs versées rép-
lièrement ainsi que l'attestent les quittances qui nous ont été conservées.
L'association constituée en 1771 fut dissoute, le 31 juin t774, à Tégard
de Fournerat, qui se sépara de ses coassociés. Presque aussitôt après,
celui-là entra à la manufacture de La Seinie. Or, aux termes de leurs cod-
ventions, chacun des associés s'était interdit, en cas de départ, d'établir
une nouvelle fabrique à vingt lieues à la ronde ou même de participer à
sa création. Poumerat se vit donc intenter un procès par Grellel et
Massié ; l'affaire fut portée devant l'intendant de Limoges auquel était
réservée la connaissance des difficultés de cet ordre. Poumerat, qui prit
pour la circonstance la qualification (ïartUte irioenteur^ allégua poor «a
défense qu'il avait été contraint de s'éloigner de ses coassociés par suite
de leurs mauvais procédés à son égard. Il leur reprocha amèrement de
lui avoir enlevé le secret de faire la porcelaine, inconnu avant lui dans la
Généralité. Il n'en fut pas moins condamné, par sentence de l'intenda&t
d*.4ine du 30 janvier 1775, à 6,000 livres de dommages intérêts.
Nous arrêtons ici cet aperçu de Tune des phases les plus actives de Fexis-
tence de notre première manulacture de porcelaine. Nous avons seulemeai
voulu montrer la possibilité d'écrire, avec toute la précision et i*exaetilDde
qu'exige la critique moderne, l'histoire de notre grande indostrie.
DOCUMBHTS SUR L*iMDUSTRIE ET LKS MANUFACTURES EN LIMOUSIN. 761
Turgot, intendant de Limoges, à P.-J. Macquer
A Limoges, le 7 mai 4771.
Vous m'avez fait rhonneur de ni'écrire, Monsieur, il y a un peu
plus d*un mois, une lettre qui vraisemblablement s'est croisée avec
celle que j'avais adressée à M. Parent pour vous. Je ne puis
qu'être infiniment sensible à ce que vous voulez bien me dire
d'obligeant sur votre voyage en Limousin. J'ay regretté double-
ment de n'en avoir pas été instruit et d'être privé par là du plaisir
de vous en rendre le séjour le plus agréable qu'il m'eût été possible
et de celuy de faire une plus ample connaissance avec vous.
J'avais prévu l'obstacle que voire délicatesse mettrait à la com-
munication que je désirais du nouveau fourneau et j'ay eu l'honneur
de vous mander que j'écrivais à M. Bertin pour obtenir son consen-
tement. A sa place je ne ferais pas difflculté et je ne comprends
pas pourquoi on ferait mystère d'une chose utile pour favoriser une
manufacture plutôt qu'une autre. Cependant je n'ay point reçu de
réponse. Gomme il est intéressant pour l'entrepreneur de savoir
s'il doit espérer ou non d'avoir les plans du nouveau fourneau, je
vous serai infiniment obligé de vouloir bien me marquer quelle a
été la décision de M. Bertin afin que si elle ne vous donne pas la
liberté de me faire part de ce secret, l'entrepreneur puisse aller en
avant et faire construire son fourneau sur le principe de ceux
d'Allemagne.
J'ay l'honneur d'être avec l'estime et l'attachement le plus sincère,
Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Turgot.
{Bibliothèque nationale, fonds français, n"* 9135),
Ix ministre Bertin à Turgot
Versailles, 3f mai 1771.
J'ai vu par la lettre que vous m'avez écrite le 28 avril, qu'il s'est
établi à Limoges une manufacture de porcelaine qui, profitant de
Tarrét que j'ai rendu en 1766 pour la liberté de cette fabrication,
se propose d'en faire une grande consommation {sic) à cause du bon
marché des matières premières qui se trouvent sur les lieux ; mais
76$ SOCtÊTR ARCHÉOLOGIQUE BT BtSTORIQOB DU LtMOUSm.
qu'il serait question de construire également un fourneau capable
de cuire la porcelaine dans toutes ses parties et que vous souhai-
teriez que M. Macquer, à qui vous avez écrit, pût être autorisé à voos
envoyer le dessin de celui dont on se sert à la manufacture. Ce
serait peut-être fort difficile à cause des changements qu'on y fait
tous les jours à mesure qu'on s'aperçoit de quelque inconvénleot
ou d'une amélioration nécessaire et Ton ne vient ainsi à la perfec-
tion que par degrés; une personne qui m'est attachée donna à h
manufacture de Sève dans le mois de février 1769 un mémoire ei
les dessins d'un four rond à quatre chauffes qu'elle esLime qui
serait meilleur et d'un feu plus égal que les fourneaux carrés longs
de Saxe et de Frakendal. On l'adopta dans le temps, on y fit coire
avec succès de la porcelaine, mais on s'aperçut qu'il serait plus
avantageux de supprimer une chauffe. Le nouveau four qui a été
construit à trois chauffes a très bien réussi, ce qui n'a pas empêché
qu'on y ail fait de nouveaux changements dont on ne connaîtra
peut-être lesavantages ou les inconvénients qu'après un certain nom-
bre de fournées. Dans cet étal, je crois ne pouvoir rien faire de mieux
que de vous envoyer le premier mémoire el les dessins qui l'ac-
compagnent. Je suis persuadé que vos artistes parviendront à en
tirer un bon parti et j'apprendrai avec plaisir qu'ils sont parvenu?
à y faire cuire la porcelaine parfaitement.
Je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Bertu«.
{Bibliothèque nationale, fonds français, n* 9135).
P.-J. Macquer à Turgot.
Monsieur,
Je vous demande bien pardon de ma lenteur à vous répondre,
mais il n'a pas dépendu de moi de le faire aussitôt que je le dési-
rois. M. Parent, que j'ai vu deux jours après avoir reçu la lettre
que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 7 mai, m'a confirmé
dans l'idée que j'avois déjà de la très bonne intention de M. Bertin
de vous communiquer ce que vous demandez et dont je ne pouvois
douter d'après la conversation que j'avois déjà eue avec ce minisire
depuis votre première lettre. M. Parent m'a dit de plus qu il m'en-
verroit le surlendemain une copie de la réponse que M. Bertin
devoit vous faire afin de me mettre moi-môme à portée d'avoir
rhonneur de répondre à votre lettre. Mais Madame sa fille étant
DOCUMENTS SOR l'iNDUSTRIB ET LES UANUFACTURES EN LIHOUSIN. 763
venue à accoucher dans cet inlervalle, tout cela s'est trouvé dé-
rangé, de manière que craignant d'attendre encore trop longtemps,
j'aime mieux, sans savoir bien au juste ce que^M. Bertin décidera,
vous témoigner toujours, Monsieur, Tempressement que j'ai de ré-
pondre à la confiance dont vous m'honorez.
11 me paroit que le ministre, malgré toute sa bonne volonté, ne
peut guère s'empêcher d'avoir égard jusqu'à un certain point aux
représentations des principaux employés de la manufacture de
porcelaine dont Tintéréi est que cette manufacture prospère, se
soutienne et puisse même se soutenir d'elle-même dans le cas où
le roi viendroit à l'abandonner à ses propres forces. Or, ils pen-
sent presque tous qu'attendu les dépenses considérables qui vien-
nent d'être prises sur ses fonds pour l'établissement de la nouvelle
porcelaine, la communication de ses secrets et de ses procédés par-
ticuliers, lui deviendroit très préjudiciable, s'ils étaient connus
avant qu'elle ait eu au moins le temps de se remettre de ces
dépenses extraordinaires et d'une banqueroute qui l'ont fort
arriérée. Je présume donc, d'après tout ce que j'ai entendu dire,
que M. Bertin prendra un milieu pour vous satisfaire, Monsieur,
sans donner trop de mécontentement aux personnes dont je viens
de parler et ce sera de vous envoyer le plan d'un four fort différent
de celui d'Allemagne et qui, à mon avis, lui est fort supérieur, que
nous étions sur le point de faire exécuter à Sèvres, si à force de
faire des changements à celui dont nous nous servons à présent,
nous ne fussions parvenus à lui faire produire à peu près tout le
bon effet que nous désirions. Peut-être même M. Bertin vous a-t-il
déjà envoyé ce plan et, d'après tout ce que j'ai observé depuis
longtemps, je ne balance point à vous conseiller. Monsieur, d'en
gager l'entrepreneur de Limoges à construire par préférence celui
dont vous recevrez le plan. N'ayant point vu aller ce dernier, je tie
puis vous affirmer positivement qu'il produira le meilleur effet pos-
sible; mais autant que les connaissances que j'ai acquises sur cet
objet me le permettent, je crois pouvoir vous assurer qu'il fera
très bien. Je ne serais pas même surpris qu'il fit encore mieux que
celui dont nous nous contentons, car ce dernier, quoique passable,
n'est pas encore à beaucoup près au point de perfection où je crois
qu'il est possible de porter des fours de ce genre et quand il
s'agira de le reconstruire, je compte bien proposer des réformes et
des changements à y faire.
Voilà, Monsieur, tout ce que je puis avoir l'honneur de vous dire
pour le présent ; j'aurais encore bien des choses à vous ajouter sur
tous ces objets, mais cela ne se peut guère dans une simple lettre.
Je saisirai avec j^rand empressement l'occasion de vous en entrele-
7^ SOCIÉTÉ AftCBiOLOGIQlTB ET HISTOBIQOE OU LIMOUSIN.
nîr de vive voix dans le preiliier séjour que vous ferez à Paris si
TOUS voulez bien me permettre d'avoir Thonneur de tous 7 faire
ma cour.
Je suis, avec l'attachement le plus vif et le plus respectueux,
. Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Hagqokr.
A Paris, ce M' juin hllî.
fbibliothègt^ nationale, fonds français^ n"* 9135).
Turgot au ministre Bertin.
A Paru, le 48 joi]letl773.
Lorsque j'ai eu l'honneur de vous rendre compte des essais faits
à Limoges pour établir une manufacture de porcelaine et des pre-
miers succès qu'ils avoient eus, vous avés bien voulu nie faire
faire espérer que vous protégeriez les entrepreneurs et que vous
leur accorderiez un arrêt du Conseil. J'en ai rédigé un projet que
j'ai rhonneur de vous adresser. Outre l'objet principal, je veux
dire la permission d'établir la manufacture, ses dispositions pré-
sentent quelques encouragements qui me paraissent nécessaires
pour indemniser les entrepreneurs des pertes qu'ont du occasionner
les premiers essais nécessairement infructueux. Le principal de ces
encouragemens est l'exemption des droits de traite soit à rentrée
des provinces des cinq grosses fermes, soit à la sortie du royaume
pour rétranger. Comme j'ai présumé que vous pourries faire quel-
que difficulté d'accorder cet article sans vous concerter avec
M. Trudaine, je préviens celui-ci en lui envoyant copie du proijet
d'arrêt et j'espère que vous ne trouverez de la part de M. le Con-
trôleur général aucune opposition.
L'article qui m'attribue la connaissance des contestations entre
les associés est d'une très grande importance dans tes circonstan-
ces où se trouve cette fabrique et j'ose vous supplier de l'adopter
aussi.
Je suis avec respect,
Votre très humble et très obéissant serviteur.
TUHGOT,
(Archives nationales, 0\ n* 2063),
DOCUMENTS SUa L*IMOUSTfilB ET LES XANUFACTtJRBS EN LlUOUSlIf. 765
Privilèges accordés à la manufacture de porcelaine de Limogés
Extrait des registres du Conseil d'Etat da Roy.
Sur la requête présentée au roi étant en son Conseil par les
sieurs Grellet frères, Massier et Fourneira, contenant que le dit
Massier, l'un d'eux, ayant obtenu, le 8 octobre 1837, des lettres
patentes portant permission d'établir une fayancerie en la ville de
Limoges (1), a fabriqué pendant longtemps et fabrique encore de
la fayance dans la manufacture qu'il a établie à cet effet; que,
depuis, ayant seu que la province du Limousin contient toutes les
matières les plus propres à la fabricalion de la porcelaine, le dit
sieur Massier, aidé du sieur Fourneira et des sieurs Grellet frères,
auxquels il s'est associé, a fait différentes recherches sur les mé-
langes et la proportion des matières qui entrent dans la composi-
tion de la porcelaine et qu'ils se sont livrés de concert à différentes
expériences pour parvenir à découvrir cette composition; que,
quelque dispendieuses qu'aient été ces expériences, les succès mar-
qués qu'elles ont eus les ont de plus en plus encouragés à poursui-
vre l'exécution de leur dessein. C'est pourquoi ils ont été conseillés
de recourir à Sa Majesté pour obtenir les encouragements et
exemptions qui leur sont nécessaires. Requéraient à ces causes les
supplians qu'il plaiseà Sa Majesté les autoriser à faire passer à l'étran-
ger, en exemption de tous droits, les ouvrages de porcelaine provenant
de leur manufacture, exempter eux, leurs commis et ouvriers de toute
taille et impositions à raison de la dite industrie; requérait en
outre le dit sieur Massier, en son nom, qu'il plaise à Sa Majesté le
confirmer en tant que de besoin dans les privilèges et exemptions à
lui précédemment accordés par les dites lettres patentes du 18 oc-
tobre 1737 pour l'établissement de la manufacture de faïence à lui
appartenant. Vu la dite requête, signée Bellart, ensemble l'avis
du sieur Turgot, intendant et commissaire départi en la généralité
de Limoges; vu pareillement les lettres patentes du 8 octobre 1737;
ouï le rapport, le Roy étant en son Conseil, a autorisé et autorise
lesd. Grellet frères, Massier et Fourneira à faire passer à l'étranger,
en exemption de tous droits, les ouvrages de porcelaine provenant
de leur manufacture à la charge par eux de peindre, graver ou
imprimer au revers de chaque pièce de porcelaine les lettres
(1) André Massié (et non Massier), titulaire du privilège de 1737, était
décédé depuis le 23 septembre 1763. Mais son privilège étant transmis$i-
ble à ses eufants, on ne considéra que le nom sans se préoccuper d'éta-
blir une distinction entre le père et le fils,
766 SOCIÊTé ARCnÉOL0G!QUR ET BISTORIQDB DU L1H0USIR.
C. D. (1) et de faire leur soumission par deyant le sieur inteodant
et commissaire départi en la généralité de Limoges, de se serrir
uniquement de lad. marque dont ils déposeront Tempreinie ao
greffe de Tintendance; ordonne Sa Majesté quelesd. Grellet frères,
Massier et Fourneira, leurs premiers commis, leurs peintres, sculfh
teurs, modeleurs, répareurs et tourneurs travaillant depuis $ii
mois dans leur manufacture seront exempts de tailles et autres
impositions à raison de lad. industrie et qu'ils ne pourront étr^
imposés que pour leurs facultés personnelles ou autre commerce
et trafic particulier; fait défense Sa Majesté aux officiers des élec-
tions et collecteurs de les imposer dans les rôles des tailles et au-
tres impositions ordinaires et extraordinaires en cas qu'il n'y aient
pas encore été compris, ni d*augmenler les sommes pour lesquelles
ils pourraient avoir été précédemment compris dans iesd. r6-
les, si ce n'est à proportion du bien qu'ils acquéreront, ou en cas
de commerce, trafic ou travail autre que celui relatif aux ouvrages
de lad. manufacture et à l'effet par Iesd. commis, artistes et ou-
vriers de jouir desd. exemptions de tailles et autres impositions, il
sera rerais tous les six mois par Iesd. Grellet frères, Massier et
Fourneira au sieur intendant et commissaire départi un état signé
d'eux contenant les noms de leurs premiers commis et autres per-
sonnes employées à lad. manufacture ; enjoint Sa Majesté au sieor
intendant et commissaire départi en la généralité de Limoges de
tenir la main à l'exécution du présent arrêt, lui attribuant à cet
effet toute juridiction et connaissance qu'elle interdit à lootes ses
cours el autres juges. N'entend au surplus Sa Majesté rien innover
relativement aux privilèges accordés au dit Massier par les lettres
patentes du 8 octobre 4737, pour la manufacture de fayance qu'il a
établie el dans laquelle il continue de fabriquer pour son compte
particulier ; desquels privilèges led. Massier continuera de jouir,
Sa Majesté l'y confirmant en tant que de besoin.
Fait au Conseil d'Etat du roy, Sa Majesté y étant, tenu à Ver-
sailles le 30 décembre 1773.
(Archives nationales, F^^, n* 1494).
(1) 11 était d*usage, toutes les fois que l'iateudaut adressait au ministre
compétent ane proposition devant motiver un arrêt du Conseil, qa il pré-
parât lui-môme un projet d'arrêt et le joignit à sa proposition.
D'après le projet présenté par Turgot, le cachet qui devait servir a
marquer les produits de la manufacture de Limoges devait porter les let-
tres G. M. F., initiales des directeurs. Lorsqu'il fallut expédier Tarrét, on
y substitua les lettres C. D., qui seraient les initiales du comte d* Artois»
Ce prince venait de recevoir en apanage la vicomte de Limoges et prenait
la manufacture sous sa protection.
I
bOCCMKNTS SUR L^NDUSTRIE ET LES HAMUFACTURES BR LIMOUSIN. 76?
Exemption de droits de circulation en faveur des produits de la
manufacture de Limoges (17 74),
Extrait des registres du Conseil d'Etat du Roy.
Sur la requête présentée au Roy en son Conseil par les sieurs
Grellet frères, Massié et Foumeira, entrepreneurs d'une manufac-
ture de porcelaine à Limoges contenant que par arrêt du Conseil
du 30 décembre 4773, Sa Majesté a bien voulu : 4*^ autoriser les
suppliants à faire passer à l'étranger en exemption de tous droits
les ouvrages de porcelaine provenant de leur manufacture à
la charge par eux d*y faire mettre la marque qui leur y est
prescrite ; ^ leur accorder, ainsi qu'à leurs premiers commis,
leurs peintres, sculpteurs, modeleurs, répareurs et tourneurs tra-
vaillant depuis six mois dans lad. manufacture l'exemption de
taille et autres impositions à raison de lad. industrie ; 3"^ enjoindre
au sieur intendant et commissaire départi en la généralité de Limo-
ges de tenir la maio à l'exécution du dit arrêt, Sa Majesté luy
attribuant à cet effet toute jurisdiction et connoissance ; que les
suppliants n'ayant obtenu par cet arrêt qu'une partie des grâces
qu'ils avaient sollicitées, il est arrivé qu'ils ont éprouvé des diffi-
cultés pour leurs envoys de porcelaine à Paris, soit par l'apposi-
tion du plomb, soit par la visite au bureau d'Àrgenlon, où une
caisse de figures a subi une avarie de 1,2001. et qu'en outre plu-
sieurs de leurs ouvriers à qui ils avaient fait des avances ont
abandonné nuitamment la manufacture ; que, pour obvier à ces
deux inconvénients qui leur causent un préjudice considérable, il
seroit de la bonté du Roy de joindre aux grâces qu'il leur a déjà
accordées par led. arrêt celle d'exempter de tous droits à la circu-
lation dans le royaume les ouvrages de porcelaine provenant de
leur manufacture et d'attribuer au sieur intendant et commissaire
départi la connoissance de toutes les contestations relatives à la d.
manufacture. Requéroient à ces causes les suppliants qu'il plût à Sa
Majesté ordonner que tous les ouvrages de porcelaine fabriqués
dans lad. manufacture et marqués de la marque prescrite par led.
arrêt du Conseil du 30 décembre 4773, pourront circuler dans tout
le royaume en exemption de tous droits et que toutes contestations
qui pourront s'élever entre eux, leurs associés, ouvriers et autres
à l'occasion de leur société ou des travaux de lad. manufacture
seront portées pardevant le sieur intendant et commissaire départi
en la généralité de Limoges pour être par luy jugées sauf l'ap-
pel au Conseil ; luy attribuer à cet effet toutes cour, jurisdic-
tion et connaissance et icelles interdire à toutes ses cours et
autres juges.
768 SOCIÉTÉ ARGBÉ0L061QCE BT DISTOHIQUC DU LiMOOSlN.
Vu lad. requête, ensemble Tarrét du Conseil du 30 décembre
1773; ouï le rapport du sieur Turgot, conseiller ordinaire et au
Conseil royal, contrôleur général des finances.
I^ Roy en son Conseil a ordonné et ordonne que tous les onwn-
ges de porcelaine fabriqués dans la manufacture établie à Limoges
par les sieurs Grellet frères, Hassié et Fourneira et marqués de la
marque prescrite par Tarrét du Conseil du 30 décembre 1771
pourront circuler librement dans tout le royaume en exemption dr
tous droits. Veut Sa Majesté que toutes les contestations qui pour-
ront s'élever entre les suppliants, leurs associés, ouvriers et autres,
à Toccasion de leur société ou des travaux de lad. manufacture
soyent portées pardevant le sieur intendant et commissaire départi
en la généralité de Limoges pour être par luy jugées, sauf Tappel
au Conseil ; Sa Majesté luy attribuant à cet effet toutes cour, jurL»-
diction et connoissance qu*elle interdit à toutes ses cours et autres
juges. Fait à Versailles le 15 novembre 1774.
{Archives nationales^ F* /^, n* 1494).
(A suivre J. A. Fray-Fourmer.
CIMETIÈRE
Gallo-Romain, MéroTingien et GitroUngien
DE LA COURTINE, A LIMOGES
kxx mois de janvier i892, à Toccasion de fouilles exécutées pour
a construction d*une maison à Tangle des rues de La Courtine et
Dalesme, on a découvert une partie de l'ancien cimetière de Limo-
ges, qui, croyons-nous, remonte à la période gallo-romaine.
Nous avons pensé que la description de ce cimetière pourrait
présenter quelque intérêt au point de vue archéologique, bien qu'il
soit beaucoup moins ric)ie que ceux découverts sur d'autres points
de la France.
Cette pauvreté tient à ce que cette partie du cimetière, placée sur
la limite de la première enceinte du Château de Saint-Martial (i)
et de remplacement occiipé par les bâtiments du monastère de
Saint-Martial, a été complètement bouleversée au x*" siècle.
A répoque gallo-romaine, les cimetières étaient établis en dehors
des villes et sur le bord des voies. Le cimetière gui nous occupe
bordait la grande voie de Lyon à Saintes, dont l'étape avant Limo-
ges était Prœtorium, le Puy-de-Jouer (?) (Creuse) et l'étape suivante
Cassinomagus, Chassenon (Charente). La voie passait à 1200 mètres
de l'agglomération principale de notre Augustoritum^AsLUs la direc-
tion de l'Est à l'Ouest. En rapprochant les diverses découvertes
de monuments funéraires gallo-romains faites dans notre ville, nous
(1) Cest sous ce nom que Ton désignait ragglomération qui s'était grou-
pée autour de Vabbaye de Saint-Martial et qui fut entourée de murailles
dans la première moitié du x* siècle. Voir Chroniques de Saint-Marllalf
édition DuPLis-AoïsR.
pensons que ces monuments indiquent le tracé de la Yoie romaine,
qui devait passer entre les rues de la Courtine et de SaintpHarlial
actuelles pour gagner le sommet du plateau.
De Prœtorium, après avoir suivi les vallées du Taurion et de li
Vienne, la voie atteignait notre ville par la route du Palais, suivait
la rue du Hasgoulel actuelle et atteignait le premier plateaa, oc-
cupé aujourd'hui parla cathédrale, auprès de laquelle on trouveuD
premier indice de son passage, le roilliaire encore dehoul, dooi
finscriplion est devenue anépigraphe par suite des intempéries,
mais qui présente la plus grande ressemblance avec celui â'Abii&(i >.
On remarque aussi auprès de ce milliairey derrière le chevet de la
cathédrale, un monument funéraire gallo-romain qui a pu être
déplacé, mais qui devait certainement se trouver dans le voisinage
ainsi que plusieurs autres cités par M. Espérandieu (2).
Sur le second plateau, occupé aujourd'hui par la place de la
République, se trouvait un autre indice du passage de la voie, non
moins certain que le premier, le tombeau de saint Martial. Ce point
a été conservé très exactement à travers les âges à cause de la vé-
nération que Ton avait pour ce saint, sur le tombeau duquel on avait
élevé une petite chapelle plus tard, englobée dans la grande basili-
que de Saint-Sauveur, construite au x* siècle et démolie pendant
la Révolution.
De ce point, la voie gagnait le plateau occupé aujourd'hui par
Saint-Michel-des-Lions et enfin celui occupé par TAmphithéâtre.
£Ue prenait ensuite la direction de Vemeuil, et traversait avant
d'y arriver le village des Vases, mot qui signifie tombeau dans le
pays (3). Au-dessous de Vemeuil, la voie traversait la Vienne, passait
dans la forêt d'Aixe, puis au-dessous de Cognac, suivait la direc-
tion de Saint-Cyr et de Saint- Auvent, traversait la forêt de Roche-
chouart et continuait vers Cassinomagus.
Lorsque les moines de Saint-Martial construisirent la basilique
et leur monastère, ils firent disparaître les traces de la voie. Troa-
vaut à leur portée d'excellents matériaux dans les tombeaux payens
qui entouraient celui deTapôlre d'Aquitaine, ils les utilisèrent dans
leurs divers bâtiments. Cependant ils conservèrent à la partie Est
du terrain, celle dans la direction de Prœtorium sa destination
(1) Espérandieu, Inscriptions de la Cité de Lémovices, p. 43 et 103.
(9) Id. ibLd.,p. 61, 79, 8â, 85.
(3) M. Tabbé Lecler a bien voulu nous communiquer les dessins de
lombes mérovingiennes découvertes au village des Vases.
tlUm^KB ÔALLO-ROHAIN, MÉkOVINÙIEN ET CAHOLlNOlEh. )Tl
première : sous les noms de « Cimetière de la Courtine » et de
u Grand Cimetière de Saint-Martial ».
Presque tous les monuments épigraphiques gaiio-romains con-
servés au IHusfe nalional Adrien Daboucliô ont élé trouvés soit
'dans les Tondations de l'égiise Saint-Martial et du monastère de 1790
à iSOO, soit dans les rues avolsinantes. Tout uo ëlage de l'une des
maisons de la place Fournier est construit avec des monuments
funéraires et on en trouve aussi un grand nombre dans les murail-
les des maisons des rues Saint-Martial et de la Courtine. On peut
facilement s'en rendre compte en se reportant aux ouvrages qui
trailent des inscriptions de Limoges (1).
Toutes les fois que le soi de ce quartier a été fouillé, on a mis au
jour un grand nombre de sépultures. En 1836, lors de la construc-
tion du Thé&tre qui occupe une partie de l'emplacement de la basi-
lique; en 1844, lors de l'ouverture de la rue Dalesme et de la
construction de maisons à l'angle de cette rue, et en 1862, lors de
la construction des maisons qui forment l'un des côtés de la place
Fournier, toujours on a fait des découvertes archéologiques inté-
ressantes et on a mis au jour une quantité de tombeaux apparte-
nant à difTérentes époques (3).
En nous appuyant sur les découvertes faites ces temps derniers
rue de la Courtine, nous essaierons de démontrer que le point qui
nous occupe, placé sur le bord de la voie romaine, a reçu les sépul-
tures des habitants de Limoges, sans interruption, de la période
gallo-romaine au xm» siècle. D'après Grégoire de Tours, cité par
Viollet le Duc, on aurait continué à enterrer dans les cimetières
gallo-romains à l'époque mérovingienne; il parait résulter des
découvertes de M. l'abbé Cochet et de plusieurs autres archéolo-
gues, qu'il en fut de même pour la période carolingienne, dont les
sépultures se superposèrent à celles de la période précédente.
La partie récemment fouillée se trouve à SO mètres de l'ancien
tombeau de Saint-Martial. Elle mesure il mètres de longueur sur
(I] Voy. DufioDi, E«ai kiÊtorique sur la Sénatorerie de Limoges,
Limoges, 1811 ; — Allou, [iescription de» monumenU det différenis âgen
obaeroéê dana la Haute-Vienne. Limoges, ISil ; - TaiPON, Hittorique
monumental de V ancienne province du Limoatin. Limoges, 1837; —
Tkxier, Manuel d'épigraphie. Poitiers, 1851; — VAtLBNTiN, Bulletin
ép' graphique de laGaale. Vieaae, l88t-82; — EsfËRAKDiEir, liucriptione
de la Cité des Lémonicei. Paris, t39l.
(S) Voy. Bulletin de la Société d'Agriculture, eciencea et artê, l. XVI,
XVn et XVIII et l. XXIII, p. 78 ; — Balletin de ta Société arckéot. et AUt.
du Lim. l. IX. p. 9i ; t. XII, p. 93 ; t. Xltl, p. 173 et 2t3. Unelques-uDs de
CCS tombeaux ont été déposés au Musée DalioDal Adrien Dubouché,
la rue Dalesi^e et i2 mètres sur la rue dfi la Courtine, sojf, ane
superficie de 204 mètres carrés. Le cimetière occupait le Tersant
d'une colline tournée à l'Est et regardant le cours supérieur jk U
Vienne, qui coule à une distance de mille mètres.
La profondeur de la fouille est de trois à quatre mètres an-dtt-
sous du niveau des rues adjacentes. On a atteint le solide, sans
parvenir à la couche inférieure des tombeaux, qui reposent dans m
tuf très dur, et se superposent les uns au-dessus des autres en tnk
ou quatre couches, d'une façon irrégulière.
La section du terrain montre les différents niveaux qui se sont
succédés par la suite des temps. Nous en avons observé quatre
très distincts. La terre de ces différentes couches est mélangée d*Qi^
quantité de débris : briques de toutes sortes, ossements, fn^-
ments de poteries gallo-romaines et mérovingiennes, cailloux roulés.
cendres, etc. A Tun des anglesde la fouille, du côté de la rue de la
Courtine, on remarque un ossuaire de 3 mètres de c^té, situé dans
la couche supérieure, qui dut être le réceptacle de tous les osse-
ments recueillis lors du percement de la rue de la Courtine, en 174i,
sous Tintendant de Tourny.
Pendant les débiais, qui ont duré de la fin de janvier à la fin de
février, on a remarqué le bouleversement des tombes de la couche
supérieure, leur différence d'orientation, leur superposition et la
variété de leurs matériaux. 11 est impossible de ne pas reconnaître
qu'il y a eu sur ce point une grande modification de Tétat primitif
du cimetière. Cette modification avait été déterminée par la cons-
truction de la muraille du Château, entre 902 et 936 (l)et par celle
de l'église de la Courtine. Plusieurs tombes furent utilisées dans
les murailles que Ton construisit à cette époqiie.
Nous allons vous présenter le résultat des' fouilles par ordre
chronologique.
PÉRIODE GALLO-ROHAINE.
De la période d^incinération, c* est-à-dire des trois premiers siè*
clés, on n'a pas trouvé de monuments en place. Les monomenti)
que nous décrivons ci-après ont été utilisés comme matôriaox* H
semblerait même que Ton se soit attaché à les détruire.
Le premier est un cippe carré surmonté d'un fronton ayant à
son centre un croissant (S) ; il est en granit à gros grains pror^iant
(I) Chroniques de SalnUMartial^ éd. DuPLts-ÂQma. p. 3, 40-49.
(S) Le Qiusée de Saintes possède plusieurs stèles ornées d'un croi99aoi.
Voy. L. AvfiiAT, Catalogue du Musée de Scùnies^ période gallo-romaioe.
CmKTlènB GALLO*A0UAiN, tlÊliaViNGiEN ET CAÎldLlNGlEN. 1l^
de carrières situées entre Aureil et Saint-Léonard. Hauteur,
03 cent, (y compris le fronton, 17 cent.); largeur, 42 cent.; pro-
fondeur, 59 centimètres. Ce cippe a été repiqué à la base et du
côté gauche. Les proportions du fronton nous font connaître sa
largeur primitive, 52 centimètres.
Les quatre lignes de l'inscription, seules existantes, ont 0,075
millimètres de hauteur; elles sont placées dans un encadrement
de 5 centimètres de largeur. Les lettres ont gardé la trace d'une
peinture rouge.
Cette stèle était incorporée dans le mur de la chapelle de la
Courtine, construite vers le x* siècle, le côté des lettres tourné
vers le blocage.
Le propriétaire du terrain, M. Marbouty, a bien voulu offrir au
Musée national Adrien Dubouché ce monument ainsi que les au-
tres débris que nous lui avons signalé. Nous sommes heureux de
pouvoir l'en remercier ici.
Voici rinscription :
miSmknibus
cTMEMO.m^
. INOSSA
.)NAME
• • »
AUX DIEUX MANES ET A LA MÉMOIRE DE ..INOSSA ...NAME.
Il existait encore une ou plusieurs autres lignes, car la pierre
est repiquée à la naissance de la cinquième ligne.
Le seul point abrévialîf est après mémo; il est placé au pied de
la lettre et parait rond autant que le grain du granit permet d'en
juger. L'E manque au commencement de la deuxième ligne ; une
lettre manque aussi au commencement de la troisième ligne; mais
il en manque deux au commencement de la quatrième, qui débute
par un trait arrondi pouvant appartenir à un D, à un 0 ou à un Q.
Les savants qui se sont adonnés à l'épigrapbie pourront peut
être, malgré ces lacunes, obtenir la lecture complète de l'inscription.
En nou« appuyant sur les Inscriptions de la Cité des Lémovices,
par M. Espérandieu, qui date les monuments d'après la forme plus
ou moins pure des lettres, nous pensons que le nôtre peut être
attribué au m* siècle. Comme dans les inscriptions d'Arrènes
(Crease) et de Châteauponsac (Haute-Vienne), qui sont de cette
époque, on remarque l'irrégularité de hauteur et de largeur des
lettres ; le premier des trois M est écrasé ; les trois S ont des ten-
dances vers la cursive; les trois A ont un écartement exagéré ; les
deux 0 ont la forme légèrement pointue, ils sont moins haut que
les aulrfô lettres; les E, très étroits, ont lenrs branches égales.
T. XL. 49
ili SOCléTè ARCItÉOLOGIQUE ET BlSTOblQUE fit! LlHOUSllt.
Le second monument est un cippe prismatique trouvé dans le
mur de soutènement de la chaussée de la rue de la Courtine. li est
semblable à celui placé derrière le chevet de la Cathédrale, mais
la boule qui le surmontait et surtout l'inscription qui en formait la
base n'ont pas été retrouvées. Hauteur, 0,73; largeur au sommet.
0,25, à la partie inférieure, 0,67. Sous cette partie se trouve une
réserve creusée, de forme rectangulaire, (de 0,32 sur 0,40 et 0,03
de profondeur), qui indique qu'elle servait de couvercle à Turne
renfermant les cendres, comme cela a été observé maintes fois
dans plusieurs monuments de la France, et notamment dans ceai
de la Haute- Vienne et de la Creuse.
Enfin, un cippe carré a été utilisé pour former la partie arrondie
de la tête de Tun des sarcophages en granit du xn* siècle. Hau-
teur, 50 cent.j; largeur, 30 cent. L'inscription, très maltraitée par
le tailleur de pierre, est illisible; elle se composait de quatre ligne>
de 0,06 cent, de hauteur dans un encadrement de 0,04 cent, «ie
largeur. Nous avons cru lire : DI, début habituel des inscriptions
funéraires.
Nous pensons que Ton doit attribuer à la fin de la période gallo-
romaine les nombreuses tombes en briques et en calcaire trouvée^
dans la couche inférieure du cimetière de la Courtine. Elles avaient
la forme d'un parallélipipède. Leur dimension variait suivant la
taille du défunt de 1»,75 à 2» en longueur, de O^^iO à 0-,50 en
largeur. Elles étaient orientées, la tête au couchant, les pieds aa
levant, et formaient des alignements réguliers allant du nord au
sud; les sépultures étaient séparées par des intervalles variant de
0™,50 centimètres à 1 mètre. Les tombes étaient formées de
briques ou de morceaux de pierre de 0",40 à 0",45 sur 0",S5 à
O^jéo, et de 6 à 8 centimètres d'épaisseur; ils étaient posés
de champ sur les côtés de la tombe, et à plat pour le fond et le
couvercle. Le ciment, s'il y en a eu, n'était pas apparent. Il sem-
blerait au contraire que, la fosse étant creusée, on l'aurait tapissée
(le briques ou de pierres. Dans quelques-unes, on s'était seni
de tuiles de couverture, dont on avait abattu le rebord, ou bien,
à défaut de briques assez larges, le fond comme le couvercle se
composaient de deux briques réunies qui présentaient une partie
concave sur laquelle reposait le corps et une partie convexe pour
le recouvrir.
Les tombes d'enfant, en briques, étalent en plus grand nombre
que celles des grandes personnes et, comme elles étaient souvent
ClJlïTlfcllE CaLlO-ROUAIN, HÉBOVlNGtSN if CAHCILIKCIkn. ^7$
accolées à celles en granit de la couche supérieure, nous pen-
sons que ce mode de sépulture pour les enfants a subsisté jusqu'au
xui* siècle.
La plupart de ces tombes s'étaient affaissées sous le poids de la
terre et des sépultures placées au-dessus. Aux trois mètres de terre
sous lesquels elles reposaient était venue s'ajouter, depuis le com-
mencement du siècle, une couche de même épaisseur pour former
la terrasse située à l'angle de la rue.
Par suite de cet affaissement on devait se douter que les infiltra-
tions avaient entraîné beaucoup de terre à l'intérieur des tombes.
En effet une épaisse couche de terre recouvrait le squelette. A celte
terre se trouvaient mélangées des pierres dune certaine grosseur,
que les eaux n'avaient pu entraîner ; mais suivant les observations
du M. l'abbé Cochet, qui lui aussi a trouvé beaucoup de cercueils
ri^mplis de terre, ces pierres avaient dû être mises pour soutenir
la tête au moment de l'ensevelissement (1). Les eaux ont donc sim-
plement déplacées les pierres qui avaient servi d'oreiller.
Nous lui empruntons aussi une observation qu'il nous a été impos-
sible de vérifier complètement au cimetière de la Courtine, parce
qu'il aurait fallu suivre les travaux du matin au soir. Dans les cime-
tières du Ménii et de Fécamp, M. Cochet a vu « le terrain sillonné,
souterrain emenl par des substructions de SO à 60 centimètres
il'épaisseur, courant en sens divers n. Ces murs, d'après lui, for-
maientdes carrés et des séparations, des compartiments funéraires
destinés à marquer la division des familles. A la Courtine, nous
avons rencontré plusieurs de ces murs, construits en petit appareil,
quelques uns servant de socle aux sarcophages en pierre des épo-
ques suivantes.
Les squelectes étaient intacts, la tête tantôt droite, tantôt légère-
ment inclinée sur le cété, la bouche ouverte ou fermée, les bras
allongés et serrés le long du corps. Les tombes de cette époque ne
contenaient qu'un seul corps. Les ossements étaient natjrellement
en moins bon état que ceux des couches supérieures, k cause de
l'époque reculée des sépultures et de l'humidité plus grande à cette
profondeur. Ils étaient aussi plus légers et plus fragiles.
Les objets recueillis dans les tombes gallo-romaines se réduisent
(I) L'Abbb CocBET, La fformandie souterrain», pOMabn,
^?Ô SOCIÉTÉ ARCaÉOLOGIQUE Et lUStORtQCÊ bU UltÔUStN.
à forl peu de chose; ceux en métal sont iellemeDl oxydés qu'ils soDtà
peine reconnaissables. S'appuyant sur la pauvreté de ces IrouTaiUesel
sur ce fait, depuis longtemps mis en lumière par M. Félix de Ver-
neilh, que dans le Limousin et le Périgord les tuiles à la roinaiDe
furent en usage jusqu'au x* ou xi"" siècle, quelques personnes oe
pouvaient croire que les tombes en briques remontassent à l'époque
gallo-romaine.
Une découverte est venue dissiper tous les doutes. Dans Tunede?
tombes, et mélangée à la terre dont elle était remplie, l'entrepre-
neur, M. Daccord, a trouvé un phallus en bronze avec anneau de
suspension, recouvert de sa patine, dans un parfait état de conser-
vation. Cet objet, beaucoup plus ancien que la tombe, a dû être
placé là comme souvenir; son exécution dénote une des plus belles
périodes de Tart romain.
Quelques cercueils renfermaient une petite boule d'aspect verdâlre
dont nous donnons l'analyse d'après M. Barret, conservateur de la
section de minéralogie au Muséum du Limousin : « Matière cal-
vreuse, transformée par le feu, dans laquelle on dislingue de
rémail cuivreux, du charbon de bois, des grains de sable et des
paillettes de mica. Il semble qu'il y ait quelques parcelles d'or non
attaqué ». Peut-être était-ce un bijou ou une amulette?
Signalons encore une bague, des épingles de suaire, des agrafes
et des boucles en bronze, très oxydées et ne présentant qu'an
médiocre intérêt.
Pouren terminer avec la période gallo-romaine, on a trouvé aulour
des tombes un chapiteau et des moulures en marbre, un fût de
colonne cannelée, en grès blanc, de 0" 35 de diamètre, des piliers
carrés en poudingue polygénique de Montbrond, de 0" 50 de côté:
des bases de colonne en granit ayant un diamètre de 0* 66 et des
claveaux de 0" 90 de longueur, qui par leurs proportions ont dû
appartenir à un édifice très important, peut-être à l'Amphi-
théâtre (i).
Les fragments de poteries samiennes avec ornements en reUef
étaient nombreux sur le sol. On y a trouvé aussi des défenses de
sanglier.
La seule monnaie romaine découverte en février 189Sesl un grand
bronze de Néron; mais en 1862, on en avait trouvé, dans le
voisinage, , aux effigies de Claude, Néron, Vespasien, Antonio-
le-Pieux, ainsi qu'une statuette de la Vénus ptidique en bronze (2\
(1) D'après les Annales manuscrltea^ dites de 1638, les moines de Saint-
Martial auraient été autorisés par Louis-le-Débonnaire àse servir des pierres
(le Ta m phi théâtre pour leurs cox»tructions.
(ij Bulletin de la Soc, arch. et hiat. du Limousin^ l. XXXIV, p. 260.
ciuerièRK gallo-romain mêrovingikn et caroliingien. 777
En 1836 (1) et en 1844 (î), on en avait trouvé aussi. Mais nous
pensons avec M. labbë Cochet que la découverte d'une monnaie ne
peut déterminer une date si elle n'est corroborée par d'autres objets.
En présence de monnaies de plusieurs règnes, il faut prendre la
dernière en date.
PÉRIODES MÉROVINGIENNE ET CAROLINGIENNE.
C'est aux périodes mérovingienne et carolingienne que nous
attribuons les tombeaux en calcaire delà couche moyenne du cime*
tière, quelquefois côte à côte avec ceux de la période gallo-
romaine, et dont q.uelques-uns étaient engagés sous les muraiUes
de réglise de Sainte-Marie de la Courtine et sous celles du
Château, construites au x' siècle.
Le calcaire dont ils sont formées provient de TAngoumois et
devait être conduit à Limoges par la voie de Saintes.
Le poids énorme de la terre qui recouvrait ces tombeaux en avait
écrasé plusieurs ; ajoutons que l'humidité du sol les avait rendu
mous et friables. C'est avec beaucoup de peine qu'on a pu en recoos*
tituer deux, qui ont été déposés au Muséum du Limousin.
Leur forme était trapézoïde.
Comme les tombeaux en briques, ceux en calcaire étaient de
dimensions variable, suivant la taille des défunts ; la longueur était
de 1» 90 à 2« 10 ; la largeur à la tête de 0» 56 à O"" 68 ; aux pieds,
de O"» 3S à 0» 45; et la profondeur de 0» 35 à 0« 45.
lis se composaient de deux pièces, Tune pour Tauge, l'autre
pour le couvercle. L'auge était à arête vive, plus large à la tête
qu'aux pieds; elle présentait cette particularité, observée sur plu-
sieurs points de la France, que les angles du côté de la tête étaient
inégaux, l'un droit, l'autre aigu. Le couvercle était à dos d'âne
et présentait une grande épaisseur.
Les corps avaient la même disposition dans les cercueils que
pendant la période précédente. Dans ceux qui avaient offert un pas-
sage aux infiltrations, une quantité de terre recouvrait entiè-
rement le squelette et remplissait la tombe, dont les dimen-
sions permettaient parfois de mettre deux corps. Fréquemment
on a trouvé deux squelettes dans la même tombe; souvent aussi
un squelette de fçmme avec un squelette d'homme, ce qui semble
(3) Bulletin de la Soc. d* agriculture, sciences et arts^ 1829, p. Mî,
1837, p. 61, 1838, p. 426, 1839, p. 64, IH, 143.
(%) Ibld.y 1845, p. 78. V. aussi Bull, de la Soc, arch. et hlst. du Ll^
mousin, t. IX à Xlli.
778 SOCIÉTÉ ARCnÉOLOGlQUE ET HISTORIQUE DU UHOCSIR.
indiquer que la sépulture renfermait les deux époux. Lorsqae celle-
ci contenait deux corps, on trouvait quelquefois Tun des crânes
placé aux pieds ; cette particularité a été observée dans d'autres
cimetières de la même époque.
Le corps du défunt avait laissé une empreinte brune dans le fond
des sarcophages en calcaire.
A notre connaissance on n'a pas trouvé d'objets dans ces sépultures.
L'absence de sculptures sur ces tombes cependant si faciles à
travailler, nous les fait ranger parmi les tombes non apparentes.
Nous devons cependant faire exception pour trois d'entre-elles.
dont malheureusement on n'a trouvé que des fragments, aussi ne
sommes-nous pas sûr que ce soit des tombeaux.
La première, en calcaire, présente un motif d'entrelacs des plas
gracieux, avec bordure. On remarque à la base un double cordon
de moulures. Nous devons le dessin de cette pierre à l'extrême
obligeance et à l'habile crayon de M. Jules Tixier. Gomme la pierre
est creusée en dessous des deux côtés, dans le sens de la longueur,
et qu'à la base elle présente un vide elliptique permettant de croire
à un emboîtement, il se pourrait que ce fût un fragment de porte
ou un compartiment d'un édifice.
Les deux autres, en terre cuite, sont beaucoup plus épais d'nn
côté que de l'autre, comme s'il devaient former une bordure ou
un lambris. La terre assez fine est bien cuite, les ornements sont en
relief. Le motif décoratif du premier fragment est formé par dea\
lignes en zizag séparées par un filet et placés dans un encadre-
ment ; le second offre une série d'oves dont le sens est alterné.
PÉRIODE DU XI" AU XUI* SIÈCLE.
Les tombes du xi' au xin® siècles peuvent se subdiviser en plu-
sieurs catégories suivant les niveaux auquels on les a rencontrées.
Lesl plus anciennes, croyons-nous, sont celles formées de la
façon la plus rudimentaire : des blocs de granit d'épaisseur et de
longueur différentes pour les côtés, à la tête une pierre de champ,
une brique ou une pierre arrondie extérieurement et intérieure-
ment ; le fond tapissé avec des briques de couvertures dont les
rebords sont abattus, et enfin le couvercle formé, comme les
côtés, de deux ou trois blocs d'épaisseur et de longueur inégales.
Il semble que la ville traverse une période de misère. Le goût
artistique a disparu. Ou se sert de matériaux provenant d'édifices
en ruines. Les briques de couvertures, les anciens dallages en gra-
nit^ les linteaux de portes, etc., ont été utilisés.
Monument mérovingien au cimetière de la Courtine
ClUBriÈRE GALLO-ROMAIN» MÉROVINUIKN ET GAROI^INGISN. 779
Dans le spécimen recueilli au Muséum du Limousin une partie
de Tun des côtés et du couvercle se compose de larges dalles en
granit dont on a taillé les rebords.
D'autres tombes sont entièrement en granit. L'auge, qui est quel-
quefois en deux pièces, présente une excavation qui donne Tidëe
du corps enveloppé de son suaire, comme une momie égyptienne.
La place de la tête n'est pas réservée. Le couvercle est prismati-
que, en dos d'âne ou semi-circulaire.
Le granit qui a sçrvi à ces tombes, d'après M. Barret, est un gra-
nit granuli tique à gros grains provenant des carrières des environs
de Saint-Léonard ou d'Âmbazac (Haute-Vienne).
Pour quelques-unes, les pierres formant la partie arrondie de
la tête sont en grès quartzeux et feldspathique connu sous le
nom de molasse^ que Ton trouve près de Montbron (Charente).
Aux granits est venu s'ajouter une matière nouvelle, particu-
lière au Limousin, c'est le poudingue polygénique de Montbron.
Le nombre des tombes en poudingue est très considérable au
cimetière de la Courtine.
D'après M. Barret, le poudingue est composé d'une pâte informe
à cléments multiples provenant de roches primitives et de fragments
plus ou moins roulés de roches diverses, telles que schistes cris-
tallins, schistes micacés et satinés, serpentine, etc., le tout forte-
ment altéré et coloré en vert ou en rouge par du fer silicate et
oxydé. Son aspect verdâtre a fait croire tout d'abord que les tom-
bes étaient en serpentine, dont les gisements bien connus des
architectes de nos églises du xu* siècle, avaient servi à tailler les
colonnettes des portails, etc. Mais le poudingue dont il s'agit vient
de Montbron (Charente), où les Limousins avait l'habitude d'aller
chercher leurs matériaux depuis la période gallo-romaine.
Le poudingue de Montbron ne pèse pas plus que le calcaire, ce qui
le rendait transportable. Il se prête bien à la taille, mais son grain,
très gros, ne permet pas de le sculpter. Il est très poreux et, en le
mouillant, on sent très bien l'odeur cadavérique dont il s'est
imprégné.
On s'est servi du poudingue pour les tombeaux de la région, et
on en trouve un certain nombre dans le cimetière de Chassenon,
Tune des étapes de la voie romaine de Lyon à Saintes, située à
proximité des carrières.
Les cercueils en poudingue ont tous la même forme, ce qui ferait
supposer qu'ils étaient taillés dans la carrière même, pour être
ensuite transportés dans diverses localités. Le couvercle est plat,
d'une seule pièce. L'auge est aussi d'une seule pièce, elle a la
780 SOCIÉTÉ ARCflèOLOGIQee BT HISTOftIQUE BU LIMOUSIH.
forme trapézoïde. Les deux angles extérieurs da côté de la tête
sont abattus ; à rintërieur la place de la télé est ménagée par on In-
tervalle entre deux cubes de 4Î cent, carrés, moins élevés de
10 cent, que le bord de Tauge; entre eux une saillie de0",04 forme
Toreiller où la tôle reposait.
Enfin nous arrivons à la dernière forme des tombes. Celles-ci se
composent de deux pièces en granit, Tune pour l'ange, Tautre pour
le couvercle, qui est prismatique, en dos d'&ne ou semi-eireolaiFe.
Dans range, la place de la tête est ménagée. G*est le type bicD
connu des sarcophages du xm* siècle.
Les objets découverts sont les suivants : des ampoules en verre
très mince ayant contenu de Teau bénite ou des parfums, one
barre de fer et une sandale en gros cuir encore fixée aa pied do
défunt.
D'après la forme des tombeaux, nous pensons que Ton cessa d'eu-
terrer dans le cimetière de la Courtine après le xm* siècle. A celte
époque, les bâtiments du monastère de Saint-Martial, à la suite d*Qn
incendie probablement, furent transportés du côté nord de la ba-
silique et Tespace qu'ils occupaient autrefois devint une place pu-
blique connu sous le nom déplace de la Claustre. D'autre part de
nombreuses églises paroissiales furent construites et elles eurent
toutes leur cimetière particulier.
Nous avons dit plus haut que les sépultures de la couche supérieure
seules étaient diversement orientées. Nous nous sommes expliqué
le fait plus lard lorsqu'on a dégagé les murs de la chapelle de la
Courtine. Il était d'usage, pendant la période romane, d*enterrer
dans l'intérieur ou sous la gouttière des églises. Cet usage s'est
manifesté d'une façon curieuse à La Courtine. Sans parler des nom-
breuses tombes placées à Tinlérieur, on en a trouvé sur le senil
de la chapelle dix en poudingue, se touchant toutes par la léte et
formant comme un soleil rayonnant. Le long des murs de la cha-
pelle, les cercueils étaient échafaudés les uns au-dessus des autres
avec une intention pieuse bien évidente.
M. l'abbé Cochet, rendant compte de ses découvertes à Bouteille
près Dieppe, cite uu certain nombre de personnages qui avaient
demandé comme une faveur d'être enterres sous la gouttière de
l'église.
A part le phallus en bronze dont il a été question» nous avons
dit que les autres objets trouvés présentent peu d'intérêt. On a lieu
d'être surpris de ce mince résultat, qui ne peut avoir pour cause
qu'une spoliation des sépultures à une époque reculée. En voici une
preuve. On venait de dégager uo beau sarcophage en granit placé
CiaiETlÈBK GALLO-ROMAIN, MÉHOVINGlfiN ET CAROLINCIBN. 78 1
contre le mur près de rentrée de la chapelle et reposant sur une
muretle en petit appareil romain. Ce sarcophage mesurait
2"", 10 de longueur sur 70 cent, de largeur, et il avait un couvercle
en dos d'âne d'une seule pièce pesant un poids énorme. Huit hom-
mes vigoureux parvinrent à soulever ce couvercle, et, contre toute
attente, les personnes présentes >constatèrent que Tauge ne conte-
nait qu'un squelette incomplet, dont les os avaient été déplacés. Le
crftne, cette partie du squelette qui se conserve le mieux et le plus
longtemps, n'y était plus.
Le nombre des tombes découvertes dans ce petit coin du cime-
tière de La Courtine s'élève à plus de cent cinquante, d'après l'in-
dication de l'entrepreneur, M. Daccord, qui s'est servi de leurs
débris pour construire les fondations et les caves de la maison.
» *
On a vu plus haut que nous signalions une monnaie romaine,
un grand bronze de Néron, ce qui ne veut pas dire que ce soit la
seule découverte ; car les fouilles nécessitées par les constructions
voisines en avaient fait découvrir un plus grand nombre de la
même période.
Nous devons dire un mot des autres monnaies trouvées dans les
fouilles.
Les monnaies françaises qu'il nous a été permis de voir se répar-
tissent ainsi : une carolingienne, quatorze capétiennes ; toutes sont
plus ou moins frustes.
La monnaie carolingienne est en argent; elle a été frappée avant
le xm* siècle par l'un des comtes de la Marche (1). Elle porte :
^ LODOICVS, entre deux grènetis, croix dans le champ.
4 ^ EGOLISSIME entre deux grènetis, croisette entre quatre
annelets, dérivation du type odonique (2).
C'est un type connu de tous les numismates.
Parmi les monnaies capétiennes, on remarque un petit tournois
d'un Philippe (VI, très probablement). Cette monnaie est très
fruste et elle est coupée en deux.
(!) Hugues IK de Lusignaa, comte de la Marche, par son mariage avec
Maibilde d^Angouléme, en 4181, avait réuni les deux comtés.
(2) Le Musée national Adrien Dubouché possédait déjà celle monnaie.
Quelques auteurs, et notamment Tabbé Micbon et Fillloux, pour ne citer
que ceux de notre région, Pont attribuée à tort à Louis-le-Débonnaire.
C'est en effet ce ror qui établit des comtes d*AngouIême en 839. Mais
d'après plusieurs aateup» c'est jusqu'à Louis-d'Outremer qu'il faut des-
cendre pour trouver le monnayage qui nous occupe. Notre monnaie a été
frappée du x<* au xm* siècle, parce qu'à partir de celte dofnièrc époque
l'un des annelets fut remplace par un croissant.
*8I SOCIÉTÉ AftCaÉOLOGlQUB ET HISTORIQUE DU LIMOUSIR.
e PHILIPPUS REX, croix.
« e TURONUS CIVIS, châtel.
Quatre grands blancs de Charles VII, dont la présence dans le
cimetière peut s'expliquer parlavisitedeceroiàVabbaye de Saint-
Martial en 1439 et aux libéralités qu'il dut faire à cette occasion (f );
— les autres monnaies sont pour la plupart des doubles tournoi^
en cuivre de Louis XIII ou de Louis XIV.
Toutes ces monnaies ont été offertes au Musée national Âdriec
Dubouché et nous devons nos remercîmen^s à M. Louis Marboutv,
propriétaire, et à M. Daccord, entrepreneur.
♦ ♦
Au point de vue de la topographie du vieux Limoges, la fouille
de la rue de la Courtine a permis de déterminer exactement :
!• une partie de Tenceinte de Château de Limoges an x* siècle;
2^ remplacement et les dimensions de Téglise de la Courtine.
La portion de Tenceinte se compose d'un mur de Î^ïSO d'épais-
seur sur 12° de longueur, placé entre les rues Fourie et de la
Courtine, et parallèle à ces deux rues. Il fait une saillie de 2",50 sur les
maisons ayant façade rue de la Courtine et se trouve à 1 1",65 de Faii-
gnemenl de cetle dernière rue. Il se terminait brusquement, comme
un mur démoli, du côté de la rue Dalesme, à une distance de
4° 75 de cette rue. 11 supporte la maison où se trouvait Tinslitu-
tion Barbaud jusqu'à une hauteur de 8°" correspondant à la hau-
teur du premier étage des maisons voisines, du côté de la rue de la
Courtine, et à la hauteur du rez-de-chaussée de ces mêmes maisons
du côté de la rue Fourie. Au-dessus de ce niveau, s'élève une mu-
raille moderne de 8"* de hauteur et de 70 centimètres d'épaisseur,
ce qui donne à la maison une hauteur totale de 16°.
Il est à remarquer que le mur de 2" ,50 doit son épaisseur à la
juxtaposition de quatre murs différents; les deux premiers, de
30 cent, et 70 cent., d'épaisseur appartenaient à l'église de la
Courtine, et les deux autres, ayant 1" et 60 cent., fermaient à la
fois les dépendances de l'abbaye et le Château de Limoges.
Les ouvertures pratiquées dans ce mur du côté de la rue de la
Courtine mettaient en communication le rez-de-chaussée du côlé
de la rue Fourie avec une terrasse. L'architecte qui a pratiqué ces
ouvertures, au commencement de ce siècle, connaissait bien l'épais-
seur de la muraille, aussi a-t-il pu sans inconvénient pour sa soli-
dité faire amener les terres qui formaient la terrasse.
(1) Ch. de Si-Martial, p. 202.
CIMCTIÂRE GALLO-ROMAIN, MÀROVINGIBN ET CAROLINGIEN. 783
Les fenêtres des étages supérieurs sont sans intérêt pour nous
puisqu'elles ont été pratiquées dans le mur moderne construit au-
deasus de l'ancien mur d'enceinte. La surélévation de ce mur est
de date récente, car les maisons voisines, construites du \m* au
XIV* siècle, n'avaient que deux étages et on voit très bien qu'elles
ont été exhaussées d'un étage à une époque postérieure.
Du reste, le mur de Téglise de la Courtine s'appuyant sur
cette partie du mur d'enceinte, avait obligé l'architecte du xni« siè-
cle à tourner la façade de cette maison du côté de la rue Fourie,
et c'est de côté qu'elle avait toutes ses ouvetures autrefois.
II se pourrait que la maison dont nous parlons ait appar-
tenu autrefois à l'abbé de Saint-Martial, et que ce soit celle dési-
gnée dans plusieurs actes sous le nom de la Loge. D'après une note
de M. Louis Guibert, reproduisant une confrontation tirée d'un
acte de 15S1 (1), il est dit : « ... maison à deux arceaux de la rue
de la Claustre confrontée entre la maison de l'abbé appelée laLoge,
la maison acquise de Joseph de Julien par Béchameil^ la place de
la Claustre par devant et la maison de Béchameil par derrière. ».
Le voisinage de l'ancienne tour de l'Abbé, construite dans l'axe
de la rue Dalesme actuelle, donnerait une nouvelle force à celle
hypothèse.
La maison a été tellement modifiée de nos jours, qu'il est bien
difficile de se rendre compte de ce qu'elle était au xiv« siècle,
mais elle a conservé cependant une cuisine spacieuse, avec voûte
en arête soutenue par des piliers cyUndriques sans chapiteau.
Du côté Nord, on remarque une vaste cheminée, à droite et à
gauche de laquelle se trouvent deux petits fours, probablement des-
tinés pour les rôtis ou la pâtisserie. Dans cette cuisine s'ouvrent
les prises d'air des caves très profondes, placé au-dessous, comme
il en existe dans toutes les anciennes maisons de Limoges.
Expliquons maintenant les raisons qui nous font penser que
celte muraille est un des restes de l'enceinte du Château au
X* siècle.
On sait que la porte Orgolet (2) se trouvait dans l'axe de la rue
Poulaillère située presque en face de la rue des Taules. En venant
du haut de la ville pour se raccorder à cette porte, le mur d'en-
ceinte était placé derrière les maisons de la rue du Consulat,
(f) Gazette du Centre du M février 1892.
(3) La porte Orgolel a reçue dififérents noms. En 1305, eUe s*appclle
Poissonnière (CAr. de S.-Martlal, p. 441); en 1401, elle s'appelle
Poulaillère(CAr. de S.-Martial, p. ÎOI).
781 SOCICTÊ ABCBÉOLOGiaUK ET DISTORIQUE DU LlMOUâlN.
côté pair, comme Tindique la différence de niveau entre celte ne
et les cours intérienres des maisons (1).
De l'autre côté de la porte Orgolet, située à peu près en face da
n° 5 de la rue des Taules, le mur se prolongeait dans la direction in-
diquée par la portion découverte, en passant devant la façade
des maisons du xni* siècle encore existantes, pour aboutir à la tour
de la Courtine ou de TAbbé située dans Taxe de la rue Dalesme,
comme nous Tavons dit. Le mur enfermait ensuite les cimetières de
Saint-Martial, en passant derrière les maisons de la place Fouroier
jusqu'à la rue Mirebeuf, se dirigeant vers la rue Saint-Nicolas et
englobant la partie basse de la place de la République actuelle.
Sur ce point, le mur de Tenceinte du x' siècle retenait les terres
qui formaient la Terrasse (2), à la hauteur de la rue Fitz-James
actuelle.
L'enceinte du x* siècle laissait en dehors des quartiers 1res
importants qui furent englobés déa'x cents ans plus tard dans la
seconde enceinte (3). L'abbé pensait-il qu'une enceinte pins
étendue eut été trop difficile à défendre ? Etait-il gêné par les pré-
tentions du vicomte ou des bourgeois? Nous pensons que ces rai-
sons ont dû dicter les limites de la première enceinte.
Voici maintenant l'histoire de notre pan de mur, telle que nous
l'apprennent les CAroniîM^« ie Satn^Afarrtal (édition Duplès-Agier;.
En premier lieu, la partie de la chronique écrite par Adhémar
de Chabannes dans la première moitié du xr siècle, nous apprend
qu'Etienne (920 f 937), le septième abbé, fit construire deux por-
tes dans le château de Saint-Martial, une près des monnayeurs (4;
appelée Orgelet, et l'autre près des Arènes, appelée Fustinic.
Dans la chronique rédigée par Bernard Itier à la fin du xir siè-
cle et au commencement du xni^, il est dit que l'abbé Etienne fit
(\) y. tioire mémoire sur Limoges d'après ses anciens plans^ p. 47 et ss.
(2) La me de la Terrasse actuelle doit son nom à cette terrasse, i
laquelle elle aboutissait.
(3) V. Limoges d'après ses anciens plans, p. 47 et ss.
(4) Chroniques de Saini-Martial de Limoges, p. 3. — Nous persistons
à croire, jusqu'à preuve du contraire, que le mot scutarius doit être Ira-
duit ici par fabricant d'écus ou monnayeur et non par fabricant de bou-
cliers. Nous pensons que le nom de Scutari ou Escudari donné à la porte
de la Cité la plus rapprochée du qnarUer des Monnayeurs, ad scutario^,
venait du voisinage de Tancien atelier monétaire. 11 se poarrait même qoe
le domum aus rscbausiers des Chroniques de S. Martial (p. 40) eàt ia
même origine, la Monnaie. On trouve dans du Gange, au mot 5etaat«m, la
mention suivante : EsccciAU^in Chron. Franc. ad. anq. i:^, apud Leboeuf^
tom. 1. Dissert. pag. cxlviij.
CtltfiTIERE GALLO-ROklAlN, IIÂtiOVI^'GrBN Et CAKOLlNGlSN. 785
construire la morèns bu courtine (1), la tour de la Courtine et la
maison aus e^chausiers.
Un peu plus loin, la tnéme chronique (2), indique que cette
tour de la l!lonrtioe s'écroula en 1211; précédemment elle avait
été incendiée le jour de la fête de saint Hugues (39 avril).
C'est tout ce que les chroniques nous disent au sujet de celte
partie de la muraille, contre laquelle étaient construits les bâti-
ments claustraux dont la basilique de Saint-Sauveur formait Tun
.des côtés du rectangle (3).
Dans Tangle le plus rapproché de la place Satint-Pierre se trou-
vait l'église de la Courtine dont nous parlerons plus loin, qui
se reliait à la basilique par le cloître. Plusieurs moines étaient
enterrés dans ce cloîlriî, entre autres Pierre II dit Aubon, dont la
sépulture étaient devant Tautel de Sainte-Marie, probablement
devant réglise de Sainle-Marie-de-la-Courtine (4).
A la suite des nombreux incendies du premier monastère (S) et
surtout après l;i révolte des bourgeois contre Tabbé de Saint-
Martial et le vicomte, lorsqu'ils eurent obtenu des privilèges des
fils d'Henri II d'Angleterre, nous voyons les moines abandonner
leur premier monastère et en construire un nouveau de l'autre
côté de la basilique à partir de lâ40 (6).
Bernard Itier nous apprend du reste que le premier monastère
était en très mauvais état dès 12*20 et que la reconstruction du
cloître seul, qui tombait de tous côtés en ruine, exigeait une dé-
pense de 50,000 sous (7).
(1) AnsDjefcde la MorènCy v. Limoges d^ après ses anciens plans, p. 44 etss.
(2) Chr. de S. Martial, p. 80.
(3) Ihid., p. 89.
(4) Annales manuêcrites, p. 447. Dans ses Monastères du Limousin,
M. Roy-PierrcfiUe fait remarquer que cet abbé, indiqué dans le GaUla
Christiana diaprés plusieurs manuscrits, ne hgure pas dans la liste donnée
par le conlinualeur d'Adhémar ei par Mabillon.
Y. pour les constructions du monaslère, leurs additions ou leurs répa-
rations les Chroniques de Saint- Martial^ p. IS, 66, 84, 92, 100, 107,
M 4, 193.
(8) Les Chroniques de Saint-Martial en signalent sept de 952 à \tlO
(V. pages 4, 5, 10, 4â, 48, 52, 56, 66 et 107) ; les Annales manuscrites,
flUes de 1638, ajoutent ceux de 919, 1051, 1403,4147, p. Ht, 441,446
et Ï52.
(6) Chr. de S.-Martial^ p. 423, 156. C'est à tort que M. Duplès-Agier
émet un doute sur l'annnée où le nouveau cloître fui consiruiti Le texte est
formel.
(7) Ibld., p. 408 cl 109. 1
786 SOCiFtÉ ARC|IÉ01.0GrQVK KT mStOHlQtJB Dt LlllOtJSilt.
A la fin du xiii' siècle, les bourgeois s'emparent des temins
occupés par les fossés et les murailles de la première eneeinte.
Suivant la disposition des lieux, ils adossent leurs maisons à U
muraille, ou ils font disparaître complètement celle-^i.
C'est ainsi que sur la place de la Claustre, traversée par la roe
de la Courtine actuelle, cinq maisons datant du xrv* siècle ont été
construites à Talignement du parement extérieur de l'ancien mur
détruit, tandis que du côté de la rue des Taules, les maisons odI
deux façades, Vune sur cette dernière rue et Vautre sur la place.
A Faulre extrémité de la rue, il n'était pas possible de démolir
l'ancien mur sans démolir en même temps Téglise de la Cour-
tine qui s*appuyait dessus. Pour cette cause, le mur d'enceinte fut
conservé et la maison que Ton construisit s'y adossa, ayant sa fa-
çade du côté de la rue Fourie.
•
Les bâtiments du monastère disparurent donc de la place de
la Claustre après 1240 et celle-ci conservera la même physio-
nomie Jusqu'aux premières années du xviu' siècle :
Au fond de la place (côté est) se trouvaient les ruines de Tancieo
cloître qui reliait Téglise de la Courtine à la basilique de Saint-
Sauveur, comme le prouvait l'existence d'une porte murée (1) un peu
au-dessus de la porte du Lion. Au sud, les maisons bourgeoises
avec leurs deux arceaux au rez-de-chaussée, dont quelques-unes
subsistent encore. Au nord, la basilique, dans le transept de la-
quelle était pratiqué le portail méridional appelé porte du Lion à
cause d'un lion de pierre^ monté sur un socle, qui se trouvait à
côté (2). A gauche de celte porte se trouvait encastré dans la mu-
raille le haut-relief connu sous le nom de la Chiche^ si souvent
décrit. Puis venait la grande sacristie à l'angle de laquelle un
escalier accédait aux archives placées au-dessus, la petite sacristie,
la maison du marguillier, le marché au blé, dit la Claustre, près
duquel se trouvait les étalons de mesure de grains encastrés dans
le mur de l'église et enfin à l'ouest, la grande maison Romanet du
Cailiaud, dont une partie subsiste encore, à l'angle de la place et de
la rue des Taules. L'autre angle était formé par la maison Thé-
venin.
Au centre de la place se trouvait la fontaine de marhre ou mieu\
de Saint-Martial ou du Cloitre, dont l'image nous a été conservée
dans un plan du commencement du xvi* siècle, exécuté probable-
(4] BuU. de la Soc» d^agricuUure, sciences et artSi t. XI p. il, pi. iv.
(3) Ce lion se trouve aujourd'hui dans le jardin du Musée national Adriea
Dubouché.
J
CTttfcTlinK GALLO*ftOMAm, ItéROVlNGIEIf ET CAROtmÛlKN. 787
ment à l'occasion dn procès au sujet du partage des eaux entre les
consuls et Tabbé de Saint-Martial (1).
La fontaine est bien telle que nous la décrit Âbraham-Golnitz
lors de son passage à Limoges avant 1631 (2) : « .... celle de
Saint-Martial est en marbre noir (3) ; mais son ancienneté est cause
qu'elle est fendue et qu'elle menace ruine; elle a été consolidée
avec des liens de fer qui en assurent la durée. L'eau de cette fon-
taine est regardée comme un médicament par les habitants; elle
est aussi utile aux ouvriers qui travaillent les métaux (les émail-
leurs), car sans elle ils ne pourraient pas donner la couleur bleue
aux objets de cuivre ; leurs œuvres sont travaillées avec le plus
grand art et sont expédiées en grand nombre chez les Turcs. »
Derrière le Cloître sejtrouvait l'un des cimetières de Saint-Martial
qui à rorigine devait déborder sur la place du Cloître, mais nous
ne pensons pas que Ton ait enterré du côté de la place à partir
du xHi* siècle. Ce qui nous le fait croire, c'est que les tombes les
moins anciennes trouvées à la Courtine sont de cette époque. Du
reste, à dater du moment où les moines ont transféré le cloître
du côté nord de la basilique, ils cessent d'enterrer de ce côté.
De plus, des églises nombreuses se sont élevées et elles sont
toutes entourées de leur cimetière particulier.
La place du reste n'était pas grande. Le plan que Turgot fit
dresser en 1765 (4) nous en donne la dimension : 40 mètres dans
sa plus grande largeur et 64 mètres dans sa plus grande longueur ;
mais, comme on l'a vu plus haut, de nombreuses maisons en
saillie en réduisaient beaucoup la surface.
Le même plan indique les modifications apportées à la place de
la Qaustre par le tracé de la rue de la Courtine, en 1742. Du côté
(1) Ce plan appartient à la Société archéologique du Limousin. V. au
sujet du procès des eaux les Reg, co/is., 1. 1, p. 9^1 15.
(2) Ahrahami Golnitz itinerariumBelgicO' Gallium, — Lugduni Batao^
exofjicma EUeoiriana, 1631, in-12. — La traduction relative au Limou-
sin a été donnée par M. Tabbé Lecler dans VAlmanach limousin de 18'75.
(3) 11 est à croire que cette vasque en marbre provenait d'un édifice
gallo-romain. Lors de la percée de l'avenue de la Révolution nous avons
signalé la découverte de fragments d'une vasque en marbre blanc, qui de-
vait orner le jardin d'une riche habitation romaine. Les Annalea manus-
crites (p. U6) disent en parlant de la fontaine du Clottre qu'elle provenait
de la rue Mcuia, Il se pourrait que cette rue se trouvât autrefois dans
l'ancienne ville romaine du Pont-Saint-Martial et que son souvenir ait été
conservé encore an xvi' siècle, date de la rédaction de la première partie
des Annales.
(4) Ce plan appartient aux Archives départ., série C, 443, feuille 3.
786 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGtQUK ET Ett$TO&tQ0K DU LIMOCStK.
nord» une maison, la seule existante, était frappée d'alignèmeat.
Celait la grande maison Romanet du Gaillaud, tajoronrinii à
M. Lajudie, qui a conserré, du côté de la rue des Taules, ses deui
arceaux surmontés d'une corniche avec modillons sculptés. Les (er-
rainsenprolongementfurenltransformésenjardins avec terrasse. De
l'autre côté de la rue, on vendit aux propriétaires riverains les
seize mètres qui les séparait du nouvel alignement, pour faire anssi
des jardins au-devant de leurs maisons.
Lorsque la terrasse ft Tangle de la rue de la Courtine existait,
on était loin de se douter que Téglise de la Courtine, qui arait
vu bien des enterrements, se trouvait elle-même enterrée sous
quatre mètres de terre.
L'église, que les fouilles nous ont permis d^exhumer, était
orientée. Elle se composait d'une seule nef avec abside en cul de
four, soutenue par trois contreforts. Le mur latéral, parallèle à la
rue de la Courtine, était à 4"* 30 de cette rue, et il y avait une dis-
tance de 3" 40 entre Textrémité de l'abside et la rue Dalesme.
La chapelle avait 12 mètres de longueur totale, savoir : contrefort,
0" 75 ; mur de l'abside, 0" 80 ; abside, S" 50 ; mur séparant l'ab-
side de la nef, 0»eO.; nef, 6» 80; seuil, 1" 18. Sa largeur totale, en
y comprenant les deux murs de 0" 70, était de 7* 40. Le diamètre
de l'abside était de 4 mètres en y comprenant les deux murs de
0"" 80. À trois mètres du seuil, mais pas tout à fait dans Taxe de la
chapelle, se trouvait une ouverture circulaire de 1"80 de diamètre,
donnant accès à un puits (funéraire?) dans lequel on n'a rien trcavé.
Ces dimensions ne concordent pas avec celles données par
le P. Bonavcnture (1) : 9 pieds de largeur sur 20 de longuenr,
soit 3 mètres sur 7. Cet auteur ajoute que « devant l'autel se
trouvait un degré ou escaUer conduisant à quelque cave pour
enterrer les morts ». Si on n'a pas retrouvé l'escalier devant
l'autel, en revanche, on a découvert plusieurs cercueils et une
grande quantité d'ossements. Il est à croire, du reste, que le pre-
mier caveau étant plein, on construisit le puits dont il est question
plus haut.
Le niveau de la chapelle était à deux mètres en contrebas delà
rue de la Courtine. Le dallage était formé par des carreaux de bri-
ques en terre rouge, dont quelques uns étaient encore en place.
On a trouvé aussi quelques petits fragments de vitraux peints, très
altérés par le temps. Une moulure du portail accuse le xiv* siècle.
La chapelle portait plusieurs traces de réparations, notamment
(!)T.ll, p.3o6.
RUK DE LA COURTINE
Plan de la chapelle de la Courtine
sappuyant sur l'enceinte du Château de Limoges au x* siècle
dans Tabside :1a cendre et les charbons dont quelques pierres étaient
couvertes réyëlaient les traces d'un violent incendie.
Gomme nous l'avons dit plus haut, le mur latéral droit faisait
corps avec le mur d'enceinte. Ce mur, comme tous ceux de la cha^
pelle, s'appuyait sur des tombeaux. Il existait des tombes à une
grande profondeur sous l'emplacement même de la chapelle, et
celle-ci étaient complètement entourées par des tombes empilées les
unes au-dessus des antres. Nous en avons compté douze disposées
en éventail sur le seuil, toutes réunies par la tête.
Voici maintenant ce que nous avons pu retrouver dans les chro-
niques ou les annales, relativement à l'église la Courtine.
La chronique de Geoffroy de Vigeois (f 1185) (1) prononce plu-
sieurs fois le nom de l'église de Sainte-Marie de la Courtine ; elle
nous apprend qu'elle renfermait le tombeau de l'un des architectes
de la basilique, Amasius, construit par lui-même. L'église, d'après
cela remonterait au x* siècle.
Nadaud et Legros reproduisent le même renseignement et nous
apprennent que celte église avait le titre de cure en 1158.
L'église de la Courtine est aussi mentionnée dans une bulle
d^Urbain III de 1186 qui nomme tous les bénéfices dépendant du
monastère de Saint-Martial.
Dans les Chroniques de Saint-Martial (2), nous voyons que le
vingt-cinquième abbé, Isembert(1174 1198), homme très doux et
calme, qui s'était fait remarquer par la bonne administration du
prieuré de Rofiac, dirigea avec non moins d'habileté l'abbaye de
Saint-Martial. Entre autres choses, il fit réparer l'hôpital de Saint-
Martial, construire les moulins d*Aigueperse> la chapelle du cime-
tière (3), enfin le cellier contre la chapelle de Sainte-Marie, qui
n'était autre que l'église de Sainte-Marie de la Courtine, comme la
désignait Geoffroy de Vigeois. On a trouvé, en effet, juste en face
de cette chapelle, une ouverture à plein cintre donnant accès à des
caves très vastes.
(1) Ap, Labbe, B/6Z* Aooa, 11,985, Chronica Gaufredi prions Vosiensis.
« et Âmasîum qui sepulchrum apostoli [Martialis] et suum, quod est in
ecclesia Sanctae Narfœ de Corlina, propriis manibus construit... v.
(2) Chr. de S. -Martial,. p. 13 à <5.
(3) D'après Tabbé Roy- PierreHUe, MonctêtèreB da Limou9inf Saint"
Martial, p. 45, Nadaud croit que celte chapelle .dn cimetière est celle de
la Courtine. 11 se trouve en désaccord avec lui-mèmo, puisqu'il lui donne
le titre de cure en i\b%, c'est-à-dire vingt ansplus-t6t. De plus» le texte
fait certainemept allusion à deux chapelles distincles^^l'une dans le cime-
tière, Taotre appelée de Sainte-Marie, u ....Oapellam que est in cimiterio
edificari et dedicari fecît, cellarium justa capellam Saocte Marie cQQa«
truxit... B. Ch. de S,-Martial» p. t4.
T. ih 50
^90 société AftcaèoLoôiQDE Et historique bu LlHOCht^.
Sur les moulins d'Aigueperse, Isembert prit 60 sous de renl^
annuelle pour la cérémonie des frères, qu'il institua le lundi de la
semaine qui suit le deuxième dimanche après Pâques, jour où Tod
chante : Misericordia domini, et 40 sous pour son anniversaire
personnel. Quelques lignes plus loin, les Chroniques reviennent sor
l'anniversaire général institué par Tabbé Isembert, pour lui, pour le>
moines de Saint-Martial et pour tous ceux qui reposent dans le
cimetière de Tabbaye, avec procession par les frères et prêtres
dans tout le cimetière. Le même jour les pr(^tres qui avaient
revêtu Taube devaient recevoir le pain et le vin, comme l'un des
frères. En outre 200 pauvres devaient recevoir Taumône et 300 w
Pistrino et les frères dans le réfectoire, d'après les rentes acquises
pour cela et selon la nouvelle règle.
Si nous nous sommes étendu sur cet anniversaire général, dont
la charte de fondation est rappelée aux pièces justificatives des
Chroniques (1) vers Tannée 1220, c'est qu'il y est fait plusieurs fois
mention des prêtres et des clercs de ï église de la Courtine, Il est dit
dans l'acte que Raymond, abbé de Saint-Martial, et le chapitre géné-
ral, réunis à la prière de Guillaume La Couche, de la volonté et do
consentement de tout le couvent, a institué et décrété que chaque
année, le quatrième jour après l'octave de la grande fête du bien-
heureux Martial, pour les parents du même Guillaume déjà décédés
et pour tous les frères déjà ensevelis dans le cloître ou en dehors,
dans les cimetières, on fasse l'office solennel des morts, comme
l'avait commandé l'abbé Isembert.
Les Archives départementales possèdent le texte d'une transac-
tion consentie en 1224, devant les consu]s de Limoges, sous le por-
che de l'église de la Courtine.
D'après les Annales manuscrites (2), à la suite de la prise de la
Cité de Limoges par le s' de Pompadour, en 1589, les religieuses de
la Règle se retirèrent dans le Château et firent leurs offices dans la
chapelle de la Courtine.
Lorsque les Ursulines vinrent se fixer à Limoges, elles restèrent
quelque temps dans la maison Dupeyrat, place du Qoître, et firent
probablement leurs offices dans la chapelle de la Courtine. Trois ans
après, les Oratoriens, arrivant à Limoges, restèrent quelque temps
dans la même maison Dupeyrat.
Il parait qu'en 1557, le chapitre de Saint-Martial avait cédé la
(1) CAr. de S.-Marticd, p. 301 et 301
(2) Anruilea m<mu8crUe8 de Limoges, dites Manuscrit de 1638j publiées
par E. Ruben, F. Achard etP. Ducourtieux,!page 370.-— Limoges, V^Dacoor-
lieux, 1878, in-8».
ClltËTlèRE GAlLO-nOllAm, taÊROVlMûIfiif Et CAftOLINGiBN. 70 i
chapelle aune confrérie pour y tenir ses réunions. Celte confrérie
se, composait de quatre chanoines de la cathédrale, quatre chanoi-
nes de Saint-Martial, quatre prêtres communalistes de Saint-Pierre-
du-Queyroix et quatre de Saint-Michel-des-Lions, deux officiers ou
magistrats et deux marchands (i).
Au xvm* siècle, la chapelle qui était en très mauvais état et les
ruines du cloître opposaient un obstacle à la circulation entre la
haute et la basse ville. En 1742, l'intendant de Tourny, qui venait
de créer les allées et la place qui ont longtemps porté son nom (2),
décida Fouverlure d'une rue partant de la rue des Taules et abou-
tissant à Tancien fort Saint-Martin, qu'il avîdt remplacé par une
porte. Ce fut le signal de la démolition de la chapelle de la Cour-
tine, dont les plans ne firent plus mention, et qui tomba dans Ton-
bli après son enfouissement sous trois mètres de terre.
*
Il nous reste à vous dire un mot de la conformation des crânes.
Pour cela nous n'aurons qu'à emprunter l'opinion de M. le D' Vacher,
de Treignac (Corrèze) (3) « ...La race lémovike appartient au type
sous-brachycéphale de la division de Broca. L'indice céphalique,
c'est-à-dire le rapport du diamètre transverse de la tête au diamètre
antéro-poslérieurest de 82, d'après des mensurations que j'ai faites
sur le vivant. La collection crâniologique du Muséum d'histoire
naturelle de Paris, qui comprend trente crânes limousins, fournit
un indice céphalique un peu moins élevé que la mensuration sur le
vivant; il n'est que de 78. Mais ces crânes, recueillis dans les
anciens cimetières Saint-Pierre et SAINT-MARTIAJj (celui qui nous
occupe), remontent à une époque reculée, très probablement au
X* ou xu* siècle.... »
Contrairement à l'opinion du docteur Blanchard, qui prétendait
que les Limousins avaient la tête pointue, en forme de melon, M. le
docteur Vacher dît que cette conformation du crâne est loin d'être
la règle générale et que d'après ses observations personnelles, elle
n'existe que dans un cinquième des cas.
Au cimetière de la Courtine, sur dix crânes recueillis par le
Muséum du Limousin, un seul présente la forme pointue.
En dépit du dit-on d'après lequel les eaux du Limousin gâtent les
(1) Article de M. L. Guibert, dans la Gazette du Centre^ du 17 février 1893.
(2) Avenue des Bénédictins et place Jourdan actuelles.
(3) Association française pour ravancemenl des sciences, 19* session. -—
Limoges, 1890.— Paris, 1891, I vol. in -8.
fdî SOClBTi ARCHiOLOGiQQB rr BldTORlQOK Ht LlIlOlIStlC.
dents, toates les mâchoires que noas aToos recueillies étaient gar-
nies de dents superbes et en parfait état.
En résuméi ce coin du cimetière de la Courtine nous a pêraii5
de suivre, de la fin de la période gallo-romaine jusqu'au xni* siëde
les différents modes de sépulture usités à Limoges, d'étudier la
forme et la nature des matériaux employés pour leur construclion et
de recueillir des observations anthropologiques sur les premiers
habitants de notre ville.
Grâce à cette fouille, on a pu obtenir des indications précieuses
pour la topographie de l'ancien Château de Limoges, dont Tenceinte
du x"" siècle passait sur ce point. C'est par elle que Ton a déterminé
remplacement et les dimensions de Téglise de la Courtine, qui ^
rattachait par un cloitre à l'ancienne basilique de Saint-Sauveur.
Nous avons essayé d'établir que les inhumations dans ce cime-
tière se sont succédées sans interruption pendant dix siècles, et
que ce champ de repos avait reçu les générations qui ont formé le
berceau du vieux Limoges.
Paul DccouRnEux.
BOITE EN VERRE
dans une sépulture g^Uo-romaine
TROVVÉR A LIMOGES
Le 3i mai 1893, en creusaot les fondations de la maison de
M. Gustave Demartial, située avenue de la Révolution, à Limoges,
presque en faee du débouché du premier tronçon de la rue de la
Croix-Verte, les ouvriers découvrirent une sépulture gallo-romaine.
On sait que la ville gallo-romaine A' Angustaritum^ bien qu'elle
couvrit Tespace occupé par la ville de Limoges actuelle, avait
son point de concentration autour du vieux Pont-Saint-Martial,
dont les piles datent de Tépoque de la conquête (1).
Lors de l'ouverture de Tavenue de la Révolution, la pioche du ter-
rassier avait mis au jour de nombreuses substructions ; on recueil-
lit des fûts de colonnes, des moulures et des lambris en marbre, des
poteries samiennes, des briques de toutes formes, des monnaies du
haut empire, une statuette du dieuTherme en bronze, etc. (2).
Après ces découvertes, il était permis d'espérer que l'on en
ferait de nouvelles lorsque Ton construirait les maisons bordant
ravenue.
Déjà, les fondations d'une maison située un peu plus bas que
celle de M. Demartial, près de l'usine à gaz, ont nécessité la démo-
lition d'une voûte de grande dimension, celle d'un four peut-être,
et d'un aqueduc parallèle à la Vienne qui coule à deux cent mètres
de ce point. Les murs gallo-romains avait près de trois mètres d'é-
paisseur, et ils étaient tellement difficiles à démolir que l'on dut
(I) Congru» archéologique éa Frano» i6« sesaioD, Limoges, t. L
(9) . Vt>yQ2 aotre noiice aur les Oécotioertta faUes 6ur Z emplacement de
oUle gaUo romaine^ dans le BM, de la Sac. arch.^ i. XXKIV, p. t j9.
794 SOCIAtB ARCHiOLOGIQUE BT HISTORIQUS DU LlMODSlit.
employer la mine. Les ouvriers recueillirent des fragment de cor-
niche en plâtre d'un excellent effet décoratif.
La sépulture qui nous occupe a été trouvée à 5"* ,50 de Taligne-
ment de l'avenue et à une profondeur de trois mètres, dans des
terres rapportées. Elle était placée sur le solide; la couche de terre qui
la recouvrait à Torigine n'avait pas plus de SO centimètres d'é-
paisseur, comme la section du sol rindique. Elle se présentait sous
la forme d'un coffre en pierre, de forme parallélipipédique, ayant
1",05 de longueur, 0"',70 de largeur et 0,"*65 de hauteur.
Les petits côtés du coffre étaient orientés du nord au sud. De
nombreux vases en terre ou en verre l'entouraient sur ses face>
nord, ouest et sud. Ces vases avaient dû contenir soit des aliments,
soit des liqueurs précieuses. Leur nombre et leur nature indiquaient
déjà une riche sépulture.
Les vases pour les liquides, au nombre de cinq, sont tous eu
verre d'un blanc verdâlre et affectent la forme cuboïde, avec un
goulot court et une seule anse carrée.
Un sixième vase en verre se trouvait dans l'intérieur du coffre:
il a la forme cuboïde, avec une large ouverture, sans goulot ni
anse. Cette sorte de vase servaient aux Romains pour éteindre le^
flammes du bûcher avec du vin (1).
Les vases pour les aliments sont en terre de différentes couleurs,
de formes et de dimensions variées. Ceux en terre rouge ou sa-
mienne sont très gracieux de forme et de décoration, ce sont des
bols ou coupes ornés sur leur pourtour extérieur d'une joli bor-
dure. Les plus grands (hauteur 0«»,32, plus grand diamètre 0",26j
sont en terre grise, ce sont des cruches à large ouverture, sans gou-
lot, à une seule anse arrondie. Un vase en terre rougàtre (hauteur,
0°*46), sans anse de forme ovoïde, présente sur son pourtour quatre
rangées de stries largement espacées. Les vases en terre noire,
sans anse aussi, sont de deux sortes, les uns aux parois épaisses
sont intacts, les autres en terre beaucoup plus fine, recouverts d'un
beau vernis, n'ont pu résister à la pression des terres et se sont
tous brisés.
Arrivés sur les lieux deux heure aprèj la découverte, nous n*avons
pas vu les vases en place et nous n'avons pu en Gxer la position que
d'après les dires des ouvriers. Mais, comme dans le cimetière gallo-
romain de Bersac, nous avons constaté qu'ils étaient placés contre
le coffre en pierre et sur le même niveau que lui,
(I) Coutume» et cérémonies obaeroées par les Romains, tradait dv latin
de Nieuport, par Tabbé Desfontaines. — Paris* Nyon, 4740, p. 808. CHé
par Sauzat, La Verrerie, p. 45. — Paris^ Rackette^ 1875, I vol in-<8.
BOITE EH VBERB DAMS UNE SÉPULTORE GALLO-EOMAINB» ^95
Le coffre est en poudingue polygénique des environs de Mont-
bron (Charente), c'est-à-dire de même nature que les tombes du
xu* siècle trouvées dans Tancien cimetière de La Courline. Ce rap-
prochemenJ nous permet de dire qu'au moyen âge, comme à l'épo-
que gallo-romaine, les habitants de Limoges continuaient à tirer
leurs matériaux des environs de Chassenon, Tune des étapes de la
grande voie de Lyon à Saintes.
Le poudingue, d'un poids relativement léger, se taille très facile-
ment, mais sa texture rocailleuse ne se prête pas à la sculpture.
Aussi n'avons-nous trouvé aucune inscription sur le coffre.
Le couvercle du coffre a une épaisseur de cinq centimètres sur
son pourtour. I^e coffre, lui-même a une bordure de O'^.lî, dont
0",5 forment une saillie à l'intérieur pour recevoir le couvercle
qui s'emboîte exactement dessus et intercepte ainsi le passage des
eaux ou de tout autre corps étranger.
L'intérieur du coffre se trouve réduit par le fait de cette épaisse
bordure ; il mesure 0'",46 de largeur sur 0",81 de longueur, lorsque
le fond du couvercle a0°,60 de largeur sur 0,95 de longueur, mais
celui-ci est moins profond de 0'",05.
Indépendamment du petit vase en verre dont il a été parlé plus
haut et qui était placé dans l'angle N. 0. , le coffre contenait une boite
en verre remplie des cendres du défunt. Cette boîte affecte la forme
d'un parallélipipède et elle se compose de six plaques de verre
mesurant, les quatres du dessus, du dessous et des grands côtés,
0",27 de hauteur sur 0",47 de longueur ; les deux des petits côtés
©"^jâe à 0'",27 carrés. L'épaisseur des plaques varie entre cinq et
sept millimètres.
Ces plaques devaient être plus grandes, car elles n'ont conservé
leur bord naturel que sur un ou deux de leurs côtés, les autres ont
été coupés péniblement et d'une façon irrégulière avec un instru-
ment en acier. Le diamantde nosvitriersn'aaucuneactionsur elles.
Le verre est coulé et non souflé, comme l'indique les inégalités
d'épaisseur et le renflement des bords naturels. La matière forme
comme un bourrelet sur les bords. L'une des plaques a deux de ses
angles arrondis naturellement.
Le verre a la même nuance blanc-verdâtre et la même trans-
parence que celui des flacons qui accompagnaient la sépulture;
mais il n'est pas diaphane. Le temps lui a donné la teinte irisée
par endroits.
Aux angles de la boîte en verre se trouvaient de nombreux mor-
ceaux de fer très oxydés, semblant avoir appartenu à une armature.
Il fallait du reste une armature solide pour maintenir les grandes
plaques et leur contenu. Peut-être cette armature était elle appli-
706 .SOCitTÊ ARCBS0L06IQUB Et MSTO&H}0B DO LIKOUSIK.
quée sur un cadre en bois, dont nous atons trouvé les traees. L*ar-
matore était ornée, mais les omements sont tellements fhistes qu'il
est impossible de les distinguer.
Les cendres, d'après les traces laissées sur les parois des
plaques qui en sont encore recouvertes, remplissaient la boîte.
Elles ont Taspect d'un mastic grisâtre et forment un pâte très
douce au toucher.
Lorsque Tarmature, rongée par la rouille, s'est affaissée, les pla-
-ques de verre des côtés se sont renversées sous le poids des ceo-
dres, qui se sont répandues dans l'intérieur du coflre; la plaque de
dessus est descendu alors doucement, emprisonnant sur la plaque
du dessous une très faible partie de son contenu. C*est dans cet état
que la botte en verre s'est présentée à nous, à l'ouverture du
coffre.
M. Jules Tixier, qui, avec rassenliment de H. G. Demartial, a
recueilli au Muséum limousin la boite en verre, le coffre et qoei-
ques-uns des vases qui l'entouraient, a bien voulu dessiner tous
CCS objets. Nous l'en remercions bien sincèrement.
*
La boite en verre constitue tout l'intérêt de cette découverte. Il
est très rare de rencontrer des plaques de verre antique de grande
dimension et tous les auteurs qui ont parlé du veri^, ont décrit de
très petits morceaux. Il faut arriver à la Renaissance pour retrou-
ver les grandes plaques des vitraux peints.
L'incinération du corps, la forme du coffre en pierre, la nature
du verre de la boite contenant les cendres, et les vases qui entou-
raient le coffre, tout indique une sépulture de la première partie de
la période gallo-romaine. La présence d'une monnaie nous aurait
permis de préciser la date de la sépulture, mais les. ouvriers nous
ont assuré qu'ils n'en avaient pas trouvé. .
Le fait d'enfermer les cendres dans une boîte en verre est unique
dans notre Limousin. Les nombreuses sépultures gallo-romaines
trouvées jusqu'à ce jour sur notre sol se présentent de la façon
suivante : une urne en pierre cubique ou cylindrique, ayant le plu5
souvent un couvercle sphérique, renfermant ou non une urne en
verre ou en terre.
Nous avons consulté Y Abécédaire d'archéologie de M. de Cau-
mont, pour savoir si des découvertes semblables à la nôtre avaient
été faites dans d'autres départements. Nous y avons trouvé la des-
cription de coffres en pierre de même forme, mais dans lesquels on
avait trouvé Turne en verre contenant les cendres accompagnée
BOITE EN VEftRB DAMS UN£ SÉPULTURE GALLO-ROMAINE. 797
des vases accessoires pour les aliments. Aucun ne renfermait une
boite en yerre.
Nous avons écrit à M. Salomon Reinaeb, directeur du Musée de
Saint-Germain pour lui faire part de notre découverte et lui de-
mander s'il possédait des plaques semblables et si des découvertes
analogues avaient été faites sur d'autres points de la France.
M. Salomon Reinach, auquel nous adressons tous nos remerci-
ments, a bien voulu nous répondre ce qui suit :
(c Dans le catalogue sommaire du Musée, il est question (p. 86) de
fragments de vitres romaines, provenant de Garnac, Compiègne et
Saalburg. Une découverte analogue à celle qui vous occupe a été
faite à Saintes (Revue arch., 1873, 1, 227). On s'est d'ailleurs vaine-
ment demandé alors ce qu'elle signifiait. Il existe à Hombourg une
plaque de verre provenant du camp de Saalburg qui a 0" 40 sur
O*" 30. Les vitres que nous possédons ne sont que des fragments ».
Le mémoire de la Revue archéologique auquel M. Reinach fait
allusion a pour titre : Tombeau gallo-romain découvert à Saintes, en
novembre 4871, par M. Tabbé P. Th. Grasilier (1). Nous lisons à la
page 15 : « Il nous reste à signaler quatre petites vitres carrées,
légèrement concaves d'un côté. Quel a pu en être l'usage? Je dois
soumettre cette question, ainsi que beaucoup d'autres, au jugement
lies hommes compétents ».
Dans le Catalogue du Musée archéologique d'Angers, si bien rédigé
parle fondateur de ce Musée, M. Godard-Faultrier, nous trouvons,
sous le n"" S846 la mention d'une plaque de verre de cinq à six milli-
mètres d'épaisseur, sans indication de dimension, trouvée dans le
Balnehm des Châlelliers de Frémur (Maine-et-Loire) en 1872.
Si Ton consulte l'ouvrage de Labarte [Les Arts industriels), celui de
Gerspach, et celui de Sauzay [La Verrerie), on voit que le verre
était connu des anciens : Pline dit que les verreries de l'Egypte
et de la Phénicie étaient très florissantes de son temps. Il ajoute
que des fabriques de verre s'étaient établies en Espagne et en Gaule
après la conquête. D'autres auteurs du i" siècle ont parlé du verre.
Citons entre autres : Tacite, Philon, Flavius Josèphe, Sénèque,
ce dernier semblait même dire qu'il fut trouvé de son temps, alors
qu'il remontait à plusieurs siècles avant notre ère.
(4) 11 en a <^lé fait un tirage à part (Parls^ Didier , 1873, in-8<> de 15 p.)
dont nous devons la communicalion à Tobligeance de H. Louis Âudiat,
président de la Société archéologique de la Sainlonge et de l'Auqis,
798 SOCIÉrÉ ARCHÉOLOGIQUK BT HMTOaiQUB DU UM0U8III.
Malgré ces autorités, plusieurs savants du xvui* siècle se refa-
saient à faire remonter les plaques de verre à une aussi haute anti-
quilé. Il fallut pour les convaincre que Wlnckelman, qui défendait
la cau.^^e des anciens, découvrit dans les ruines d'Herculanam des
fragments de vitre et des châssis destinés à les recevoir. Quelques
années plus tard, Tarchitecte Mazois, dans son ouvrage sur les
Ruines de PompiU rendit lui aussi hommage aux anciens. Les vitres
qu'il découvrit étaient encore posées dans les rainures d'un châssis
en bronze; elles mesuraient 0" 50 de largeur sur 0" 74 de hauteur;
leur épaisseur était de cinq à six millimètres.
La découverte de l'avenue de la Révolution à Limoges vient
apporter une nouvelle preuve sur ce point controversé de Fart da
verrier à l'époque antiqiie.
Paul DUCOURTIEI'X.
SAINT PIERRE DAMIEN A LIMOGES
Saint Pierre Damien, cardinal d'Ostie, est un des personnages
les plus considérables du xi' siècle ; c'est un des écrivains ecclésias-
tiques les plus distingués de son temps; ses œuvres ont été recueil-
lies en un volume in-folio. Nos écrivains limousins avaient ignore
jusqu'à présent que saint Pierre Damien fût venu à Limoges.
M. Tabbé Georges Ardant, dans ses recherches à la Bibliothèque
du Vatican, a eu la chance de découvrir un document qui met ce
fait en lumière.
Saint Pierre Damien est venu à Limoges, et voici à quelle occa-
sion : Tan 1063, les religieux de Tordre de Cluny avaient pris
possession de Tabbaye de SainUMartial (1).
Cette prise de possession ne se fit pas sans difficultés. Les an-
ciens moines se révoltèrent contre les nouveaux venus. Ils envahi-
rent leurs cellules, décidés à leur faire un mauvais parti.
L'abbé de Cluny envoya Pierre Damien à Saint-Martial de Limo-
ges pour y mettre la paix.
Après avoir publié le texte transcrit par M. Tabbé Georges Ar-
dant, nous essaierons d'en donner la traduction.
L*abbé Arbellot.
Vatican, 4920.
De Gallica Domini P. Damiani profectione et ejus ultramontano
itinere.
Prologus. Inceptio itineris. Kadaloo^ non pastori, sed antique
draconi. Qualiter D. Petrus se habuerit in Gallico itinere. De Do-
(i) Dlplês-Agxer, Chroniques de Saint-Martial^ p. 48.
800 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQCB ET HISTORIQUE DU UMOUSIN.
roino Adraldo Bremetensi abbate. Laus Gluniacensis coDgregationis
ejusque abbatis.
De Lemovicensi labore.
In Lemovicensi namque civitate, célèbre, devotissimum atque
ditissimum in honore S. Martialis quoddam est monasterium, qQod
Gluniacensis abbas noviter adqaisierat. Sed quia illius loci moDa*
chi sibi non obtemperabant,maxima in eo, tanc temporis, discordiâ
versabalur.
HuJQS namque adquisitionis intuitu et ejusdem abbatis odio, pront
erant seculares monachi a monasterio recedentes, per ejus celluiai^
tiospitare coeperunt et monasterium hostiiiter impugnabant et
monachorum, quos ibi de Cluniaco posuerat, sanguinem siliebant.
Ad tantam quoque vesanae mentis audatiam monachi ipsi pro-
ruperant ut burgum, in quo monasterium positum est, concrema-
ren^ et cuncta quae circa monasterium fuerant ignibus devaslarent;
et nisi Romana auctoritas interveniret et ex apostolica sede rêve-
renda sibi persona succurreret, vîdebaturlocus pessumdari et maxi-
mum praejudicium pati.
Quid super hoc negotio abbas faceret ignorabat ; quo se vcrteret
nesciebat. Hujus itineris pondus nobis suggcrere verecundans time-
bat, causam perfici aliter minime sperabat. Tandem erupit in
vocem quod scatebat in mente et quo ille doluerat, ut medicarelor
oravit. Hoc ipse abbas rogabat, hoc tota congregatio precibu.<
llagitabat.
Tune nostér Osliensis episcopus hune sibi laborem super impo-
nere paululum haesitavit et vix posse perflcere credidit. Sed quia
pro sainte ejus monasterii venerat cicius adquievit et in suis mem-
bris circumquaque positis sibi auxiliari disposuit.
Sed ante ipsius profectionis initium, cunctis cum fratribus in
capitule residens, peracto serraone, se totus in terra prosterailur
et ut sibi auxiliarentur multis requisîvit precibus. Girovagum sana-
fratYam (coenobilam?) et, ut consueveral, se miserum monachum
clamitabat. Inter haec, tan la sibi coelitus lacrimarum tribaitur
copia quod omnes a fundo cordis longa traxere suspiria et unus-
quisque sibimct displiccns sic proclamabat : 0 bone Jhesu, sibomo
isle quem uUrà homines credimus, sic ubevlim lacrimans, Umet,
quid nos faciemus, aridi et. ad 6jus comparationem virtutibus
alieni? -r- Nam sicut abbas, me adstante, postmodum retulit, mul-
tum istae lacrimae omnibus profuerunt, audientium melioraverant
animes et mentes prospectantium solidaverunt.
Tune abbas, communi fratrum consilio, slaluit ut abbinc pro ejn>
araore f emper unus pauper pasceretur et vestirelur, et unus semp^T
SAINT PlBRttE DAXIKN A LIIIOGES. ^)
pro eo psalmus in coromunt cantaretur, et denunciato sibi ejus
obitu, semper in suo anniversario solemnem in conventu missaoi
celebfare, festtyam corporum refectionem fratribus praeparare et
qaidquid a mensa remaoserit, pro ejus animae salute, paupôribus
statuit erogare.
Sic omnium fratrom societate muniti et pacis osculo confirmati,
ad S. devenimus Martialem.
Interea nostri adventus rumor monachoram qui monasterium
infestabant corda concusserat et eos circooiquaque per divcrlicula
fecerat latitare. Sed mox ut renimus, illis litterae destinanlur qua-
tenus romanae sedis legato se repraesenlarent etallegationeshujus
negotii si justam sperarent, sine alicujus contrarieiatis suspicione
juslitiae ralione dependerent.
Alioqain sub imperio abbatis deinceps rivèrent.
Sed quia prislinae factionis vermis eorum viscera corrodebat
et Cluniacencem ordinem omnino suscipere renaebant, ad deniin-
tiatum ratiocinium venire spreverunt, illum sibi praesse abbatem
poenitus interdixerunt. Tune illius civilatis episcopo comileque
consttlto, ad hujus diiBnitionis calculum res ita protrahilur. In
hujus namque episcopatus ecclesia quam devota frequentia popu-
lorum repleverat, illoram contumacem absenliam coram omnibus
praesul iste narraverat, qualiter apostolicae sedis legato reveren-
tiam et abbati debitam obedlentiam recusabant.
Tune apostolica auctoritate, populo coUaudante, praocepit ut
njsi iila hostilis audacia a monasterii et monachornm cessione ees-
saret, excommunicationi procal dubio subjacerent. Supra hoc vero
quod abbati obedire nolcbant diffluitivam distulii proferre senten-
tiam.
Isto igitur negotio taliter diffinito et monasterio in tranquillitate
jam posito, ne a divinae servitutis offlcio pars nostri itineris aliqua
vacaret, redeundo ventmus Silvaniacum.
Sequilur : De conservatione ecclesiae et S" Odilonis corpore
commulato. De congregata synodo. Madsconensis episcopus. Rbe-
thoricae locutionis proemiura. De Reversione (i).
I
Il y a dans la dié de Limoges un célèbre, très dèrot et très
riobe DQOaasftère en Thonneur de saint Bfartial, donti'abbé deCIuny
ayait fait récomment l'acquisition. Mais oomme les moines de ce
(4) Le flfUinuserit ne porte ni date ni nom d*«atetir.
802 SOCIÉTÉ ARCRÊOLOGl^OB ET BI&TOUlQUft bC LlMOOâlK.
lieu ne lui obéissaient pas, une très grande discorde y régnait
alors.
Car en vue de Tacquisition de ce monastère, et en haine de VabM
qui s'y trouvait, les moines séculiers qui se tenaient hors du mo>
nastère commencèrent à s'emparer des cellules et ayaient soif do
sang des moines que Tabbé de Cluny y avait placés.
Ils en étaient venus à un tel degré d'audace et de foUe qu'ils
avaient mis le feu au bourg dans lequel est situé le monastère, en
sorte que tous les environs du monastère avaient été ravagés par
le feu; et si l'autorité de l'Eglise romaine n'était pas intervenue et
si un légat député parle Saint-Siège n'avait pas porté secours, ce
lien était perdu et devait souffrir les plus grands préjudices.
II
Quel parti prendre dans cette affaire? Tabbé Tignorait. Il ne sa-
vait de quel côté se tourner. Il craignait de nous suggérer l'idée
de ce pénible voyage, et il n'espérait pas autrement venir à bout
de son projet. Enfin, la pensée qui était cachée dans son
cœur se manifesta sur ses lèvres, et il pria pour avoir un remèdf
au mal qui causait sa peine. Et ce qu'il demandait, toute la Con-
grégation l'implorait par ses prières.
Alors notre évéque d'Ostie hésita un peu à prendre sur ses
épaules un fardeau si lourd ; à peine croyait-il pouvoir réussir. Mais
parce qu'il était venu pour le salut de son monastère, il acquiesça
promptement et il se disposa à demander secours aux membres de
l'Ordre qui se trouvaient autour de lui.
Mais avant les préparatifs du départ, se trouvant en chapitre
avec tous ses frères, après avoir prononcé le sermon, il se pros-
terna tout au long sur la terre, et il demanda par beaucoup de
prières qu'on vint à son secours. Il disait hautement qu'il n'était
qu'un cénobite vagabond (girovagum), et comme il avait coutume
de le dire, qu'un misérable moine.
Cependant il reçut du ciel une si grande abondance de larmes,
que tous, du fond du cœur, poussaient de longs soupirs ; et chacun,
mécontent de soi-même, s'écriait : « 0 bon Jésus, si cet homme,
que nous croyons au-dessus des hommes, et qui pleure si abon-
damment, est dans la crainte, que ferons-nous, nous si arides, et
en comparaison si éloignés des vertus?» Car, comme l'abbé, en ma
présence, l'a déclaré plus tard, ces larmes furent très utiles à nous
tous, elles améliorèrent les sentiments des auditeurs et affermirent
le cœur des assistants.
Alors l'abbé, avec Tassentiment commun des frères, décida qu a
SAINT PIERRE DAtelEN A tlHOÔfiS. 803
Tavenip, par amour pour lui, on nourrirait toujours un pauvre,
qu'on le vêtirait, et qu'un psaume serait chanté en commun pour
lui et que, quand on annoncerait sa mort, on célébrerait toujours
à son anniversaire une messe solennelle dans le couvent, qu'on
préparerait pour les frères un repas de fête, et que tout ce qui res-
terait de la table serait donné aux pauvres pour le salut de son
âme.
Ainsi fortiGés par la société des frères et confirmés par le baiser
de paix, nous arrivâmes à Saint-Martial.
Cependant le bruit de notre arrivée avait fait impression sur le
cœur des moines qui infestaient le monastère et les avait fait
cacher ça et là dans les environs. Mais, dès que nous arrivâmes,
on leur envoya des lettres, en vertu desquelles ils eussent à se
présenter devant le légat du siège romain, pour faire connaître
leurs droits, s*ils avaient de justes raisons, sans aucun soupçon de
contrariété et en toute justice.
Autrement qu'ils eussent désormais à vivre sous la conduite et
le commandement de Tabbé.
Mais comme le ver de l'ancienne faction leur rongeait les entrail-
les et qu'ils refusaient absolument de recevoir l'ordre de Cluny, ils
s'abstinrent, par mépris, de se rendre à l'assemblée et ne voulu-
rent pas du tout se soumettre à cet abbé.
Alors, après avoir consulté l'évêque de la Cité ainsi que le comte
pour prendre une solution définitive, l'affaire est ainsi décidée.
Dans l'église de cet évêcbé, que la foule pieuse des peuples avait
remplie, l'évêque, devant tous, avait déclaré leur absence contu-
mace, comme quoi ils avaient refusé de rendre respect au légat du
siège apostolique et l'obéissance due à l'abbé.
Alors, par l'autorité apostolique, aux applaudissements du peu-
ple, il ordonna que si cette audace hostile des moines et cet éloi-
gnement du monastère ne cessait pas, ils encourraient certaine-
ment l'excommunication.
Mais pour ce qui est du refus d'obéir à l'abbé, il différa de pro-
noncer une sentence définitive.
Cette affaire étant ainsi terminée, et le monastère étant remis en
tranquillité, de peur que notre voyage nous fit perdre une partie de
l'office divin, nous nous mimes en route, et à notre retour nous
arrivâmes à Souvigny.
VARIÉTÉS ET DOCUMENTS
DOCUMENTS INÉDITS SUR PEYRAT-LE-CHATEAU.
La ville de Peyrat-le-Château, située au pied des collines de La
Marche, qui lui servent de ceinture au nord, au midi, à Test el
à i^ouest, dans le vaste et fertile bassin de la Maulde, est des pla^
anciennes du Limousin. Elle existait longtemps avant la fondation
des trois villes voisines, Bourganeuf, Saint-Léonard et Eymoutier?.
Connu dans la période du premier nH)yen âge sous les noms de
Patriy Patriagum, Patriciacum, d'où est venu Pairat ou Peyrat, elle
devait former, à l'origine, une station ou mutation romaine.
On y voit encore, à Textrémité de la forteresse, non loin de la
route nationale, n** 140, des vestiges parfaitement conservés de la
muraille qui servait d'enceinte au fort on oppidum. La maçonnerie
fait corps avec le mortier ou ciment romain. C'est en cet endroit
que M. le baron de Bertier-Bizy, en faisant rétablir une allée on
plantation de diénes, a découvert, en 1868, trois pièces de monnaie
en bronze doré, de la dimension d'une pièce de deux francs, por-
tant, d'un côté, le galbe de Jules César, et de l'autre, deux mains en-
trelacées, avec cette inscription : virtus et fides^ courage et fidélité.
La configuration de cette petite ville, son site agréable sur le ma-
melon de la Garde, son grand étang dont les eaux baignent ses ver-
gers, ses maisons et ses tours, son enceinte de mnraiUes et de fossés
de plus de buit cents mètres d^étendue, les nombreux souterrains qui
sillonnent le fort ou la motte carlovingienne en tous sens, les cinq
portes fortifiées de son enceinte de forme triangulaire, de Saint-
Denis, de Saint-Martin, du Barlet, de L&ge et du Marchedieu, ses
faubourgs du Haslibath, Mdrcfaedieu et Barlet, eoramuniquant avec
la ville ancienne, aujourd'hui ensevelie sous une épaisse couche d«
gazon, tout nous indique que Peyrat, Patriagum ou lepagasPatriagi,
ainsi qu'il est fait mention dans les chartes mérovingiennes ou ca-
rolingiennes de 627, 636, 811, 905 et 949, a joué un rôle important
dans l'antiquité la plus reculée.
Ses souterrains, la plupart voûtés et inexplorés jusqu'à c<
bocuikEMts KT VAniÉtÊà. 86:>
joar, sonl 1res remarquables. Ceux du château du Montcil, sout
construits en forme de croix latine.
Avec les vestiges, encore subsistants, de la forteresse, sorte d'el-
lipse arrondie, ayant plus de deux cents mètres de longueur et
formant deux enceintes à trois assises superposées parfaitement
distinctes, on peut supposer qu'il existait à Peyrat des antiquités de
trois époques successives : un oppidum gaulois avec ses souter-
rains, qu'on désigne toujours sous le nom de la motte, un castel-
lum romain à Tendroil où on a découvert les médailles de Jules
César, et au nord, le château féodal des Lusignan, comtes de la
Marche, reconstruit avec ses tours et pont-levis après la prise et
l'incendie de Peyrat par les Brabançons et les Albigeois, com-
mandés par Laubard et le jeune Raymond VI, comte de Toulouse,
le 7 février 1484.
Dans le bois taillis de Villechenine, Villa caninia, on signale
des mégalithes, deux blocs de pierre dont Tun posé en équilibre
sur Tautre, remontant, d'après toute vraisemblance, à Tépoquè
celtique. De vastes souterrains ont été découverts en cet endroit,
en 1888.
Près du village de Quenouille ou Counouille, sur le versant du
grand Grandmont, se trouve un grand bac en pierre, en forme de
demi-cercle, appelé Bac le cube^ Bô lo Cubo. Un banc en pierre est
taillé dans l'intérieur de cette piscine monumentale, objet d'un
culte superstitieux. A Figeac, il existe, parait-il, une piscine sem-
blable sur une montagne.
Au village de Brudieu se trouvent plusieurs auges en pierre de la
plus haute antiquité, creusées dans le roc. Etaient-elles destinées aux
chevaux des comtes de Brudieu, morts dans la première croisade,
ou aux sacrifices des Gaulois, avant l'établissement du christia-
nisme? — Toutes les conjectures sont permises. — Chose digne
de remarque : avec les siècles et avec les années, ces auges dimi-
nuent de profondeur, d'après les obsei;vations mômes des anciens
de la contrée.
Il existe peu de monuments, dignes de ce nom, à visiter à Peyrat
le-Chàteau. Seule, la tour carrée du xm* siècle, aux grandes propor-
tions, offre un certain intérêt. L'église de Saint-Martin, détruite en
1184, fut reconstruite au xni" siècle. Elle était qualifiée cure en ville
murée. L'ancienne église ou chapitre de Saint-Denis était cons-
truite dans le môme style que l'église paroissiale, mais dans de plus
vastes proportions. Elle fui démolie en 1793. D'immenses ossuaires,
creusés dans le tuf, ont été découverts en 1890 sur l'emplacement
de Tancien prieuré ainsi que de nombreux sarcophages mérovin-
giens dans une cave de la rue du Hà.
T. XL. 6i
S6() SOClftTÊ ARCUÊOLOOQbE Et OiStORIQUK bt) Ulkotâlit.
Les églises ou chapelles de Saini-Jean et de Pompëry ont disparu
depuis la prise et Fincendie de Peyrat. On n'en trouve plus de
trace que dans les archives.
Ouant à rhôpital, il subsiste encore avec sa chapelle de Sainte-
Anne. Mais le canloti de Royères et les villages de Peyrat ne lui
servent t)lus les renies accoutumées. La dernière municipalité, peu
soucieuse des intérêts des pauvres, a vendu, en 1882, le pré qui
constituait sa seule ressource.
Toutefois, nous ne devons pas oublier Tancien palais de justice
ou auditoire avec sa belle façade aux ouvertures armoriées et
sculptées, qui le distinguent, au premier coup d*œil, des autres
habitations.
Il est expliqué dans la charte de 1449, reproduisant les charte?
de 1283 et 1306, que la ville de Peyrat-le-t^hâleau avait été de tonte
ancienneté « une noble ville, close et fermée, bien peuplée de
» gens, tant nobles que gens d*église,... qui par belles lettres,
») titres et contracis, ont de très beaux et nobles privilèges, liber-
» tés et franchises, à eux longtemps donnés, passés et octroyés
» par feus, de bonne mémoire, les prédécesseurs de feu messire
» Louis de Pierrebuffière. » Ces privilèges consistaient à ne payer
que 56 livres d'imposition et à jouir des six puis communaux, entoa-
rant la ville, et des forêts du Mont Laron, La Chavanière, Crouzat
et La Gladière, sous Tadministration de quatre consuls, élus tous
les ans, le 22 février.
Parmi les auteurs qui ont écrit sur Peyrat-le-Chàieau nous pou-
vons citer : Jacques Doublet, Thistorien deTabbaye de Saint-Denis,
en 1625, qui consacre plusieurs pages au prieuré de Saint-Denis
de cette ville; — Uhier, prieur de Grandmont, sur la prise de
Peyrat ; — le çhroniqneur Geoffroy de Vigeois, le bénédictin Michel
Félibien, les abbés Nadaud et Legros. Plus récemment M. Grellet-
bumazeau, ancien conseiller à la Cour de Limoges, Alfred Jacobs
et ÎMk*" Rougerie ont aussi publié quelques opuscules sur la petite
ville dont nous voudrions retracer Thistoire, et qui a été le siège
du gouvernement militaire créé en 1449 par Charles VII pour les
trois villes de Bourganeuf, Eyrfioutiers et Saint-Léonard.
Nous avons déjà fait paraître dans le Bulletin de la Société
archéologique y tome XXX VU, page 391, Tinventaire des litres de
la baronnie de Peyrat et des notes diverses sur la barbnnie de
Nedde et de La Villcneuve-au-Comte, détachée de Peyrat au
XVI' siècle.
MM. Retié Page et Leroux ont bien voulu insérer, dans le tome IV
des Documents historiques de la Haute-Vienne , la chatte de privi-
lèges concédée aux habitants dé Peyrat par Jeanne de la Marche,
VARlÉtès Et bucuiikfiNtâ. ftO^
le <•' jain 1313, ta IraosacUon des consuls de Peyrat avec Olivier
de Saiat-Oeorgcs, seigneur de Meyrigrvat, du 8 novembre 1411, la
charle de privilèges, du 16 juin 1495, concédée par Louis III de
Pierrebufflère el Facte de partage fait entre François et Gabriel
de Pierrebufflère du 10 juillet 1557.
Les pièces dont la série cotnmence avec le document ci-
après ont une très grande importance, en ce sens qu'elles nous
initient aux rouages administratifs ou féodaux de cette époque.
Ija vente de la terre de Peyrat, enclave poitevine, consentie
le 23 novembre 1364 par Geoffroi et Jean de M(^rtemart à Guy
Albert, frère du pape Innocent VI, énumère les vingt-deux
paroisses qui dépendaient alors de cette baronnie et contient un
vrai traité sur les serfs plus ou moins attachés h la glèbe, au nom-
bre desquels étaient les inquilini, attachés à la maison, à la fa-
mille, les ascriptices^ attachés à la terre, et les emphitéotcs. Enfin
les deux aveux ou hommages des 24 juillet 1624 et 27 juillet 1779
complètent la période féodale.
Pierre Cousseyroux, avocat.
I. — Privilèges et franchises de Peyrat.
On trouve dans un mémoire imprimé à Paris, en 1787, que le
Parlement de Paris, par arrêt de 1778, avait maintenu les habi-
tants de Peyrat dans leurs privilèges et franchise, dans tout le vaste
bassin, formé par les six montagnes, les six puis ou champs froids
qui entourent leur ville, et par conséquent les avait exemptés de
tous droits de lods et ventes et autres devoirs féodaux pour tous
les héritages situés dedans leur consutat et franchise^ ainsi qu'elle
est réglée et se comporte dans les fins^ limites et finages de la dite
ville de Peyrat^ ses appartenances et dépendances.
Le baron du Palland et son ancien fermier général, Perron, sieur
de La Coux, avaient soutenu que la franchise ne s'étendait pas au^
delà de la ville et des faubourgs, ou du moins au-delà des quatre
croix monumentales qui sont plantées aux quatre points cardinaux
de la ville comme celles d'Àhun. Les consuls avaient fait opposition
au terrier.
Production fut faite des anciennes chartes de privilèges. La pre-
mière en date est de 1283. Le mémoire en question en cite quel-
ques fragments. Quant aux chartes elles-mêmes, elles sont restées
enfouies dans la poussière du greffe du Parlement de Paris. « Une
» contestation (est-il dit dans la cliarte de 4283) s'étant élevée
SbS SOCtETE ARGklEOiOGIQUk fct HlstoklQUk DU LkltOCSttC.
» entre nous [Gui de Lusignan] et nos bourgeois, et nos liomnie>
» et DOS femmes, en la ville de Peyrat, qui sont par communauté
h de la taille de Peyrat, sur ce que le seigneur les prétendait
» taillables à volonté et aux quatre cas. Les habitants soutenaient,
» au contraire, n*étre tenus seulement pour les choses dessus ^ies
» qu'à 50 livres de la monnaie courante de la Marche, à chaccnao.
» et qu'il en était ainsi de temps immémorial. [Allusion à la
» charte de Jean-Sans -Terre de 1215, trouvée en la Tour de Lon-
» dres, page 112, t. !•' des Rotuli litterarum patentium, qui coii-
» firme les anciennes coutumes de Peyrat, pratiquées sous le règne
» d'Henri II, son père] A raison de ce, le seigneur Guy de Lusi-
» gnan reconnaît qu'il ne pourra demander aux bourgeois iJt'
» Peyrat que 50 livres par an et 25 livres aux quatre cas, pour rai-
» son de taille ou de quête en autre manière, » Dans les article?
suivants, le seigneur baron accorde aux habitants de Peyrat la
libre disposition de leurs biens, tant entre-vifs que par lestameoU
à la charge seulement de lui en faire.hommage. - Guy de Lusignaa
confirma cette première charte par une seconde de l'an 1306, qui
fait mention d'un autre privilège, celui ^e l'usage dans trois forêts :
(La Chavanière, Monllaron et Crouzat) que le seigneur baron
déclare commun aux habitants de Peyrat et à tous les sujets de la
seigneurie qui se soumettront à payer la taille de celte ville :
« Voulons, y est-il dit, et octroyons auxdits bourgeois, nos hommes
» etfemmes,etautresquisontetse rendrontpar50»m^,ç(l),depa)er
» à nous les deniers sus dits et de faire les autres choses conve-
» nables et nécessaires à la dite ville de Peyrat, pour raison de<
» deniers dessus dits, soient habilans en la dite ville ou en la chA-
» tellenie de Peyrat, qu'ils puissent user et exploiter en nos dites
» forêts; car c'était leur droit d'ancienneté et les trouvâmes fu
» bonne et longue possession. » — Enfin dans un dernier article de
cette charte de 1306, le seigneur baron permet aux consuls et
habitants de Peyrat d'incorporer en leur bourgeoisie les forains et
et étrangers qui viendraient pour demeurer au bourg et au baril
[faubourg] de Peyrat, à l'exception des hommes taillables du sei-
gneur et de ses vassaux.
La charte de 1449, mentionnée dans l'inventaire des titres de la
(I) Le moi par sonnler ou parsurUer est d'origine très ancienne. On 1?
trouve employé deux fois dans la charte de i306. Ceux qui acquéraient
droit de cité à Peyrat, étaient aussi appelés parsonniers.
La même expression est mentionnée deux fois dans la chanson de
Roland (voir les vers 434 et 474) : MuU orgoUluê parçuaier y oo/yj,
'^MuUi aores or^oillusparçunier.
VAUtÉTÊS BT DOCUMRNTB. 800
baroDnie, reproduite dans le Bulletin delà Société archéologique,
tome XXXVII, page 407, débute ainsi : le Roy voulant exempter de
tous logements de gens de guerre les habitans de la ville de Peyrat,
ensemble les paroisses de Saint-Martin-Château et Beaulieu, nom-
mait un gouverneur pour les trois villes, Bourganenf, Esmoutiers
et Saint-Léonard. Le baron du Palland porta, le dernier, ce titre
pompeux. — En 1449, Louis de PierrebuflBère lit une transaction
entre Pierre de Viilard et Jean Brunet, noble homme, et les autres
manans et habitants de la ville de Peyral, où il est expliqué que
la ville de Peyrat avait été de toute ancienneté « une noble
» ville close et fermée, bien peuplée de gens, tant nobles que
» gens d'église,... qui par belles lettres, titres et contrats, ont
» de très beaux et nobles privilèges, libertés et franchises, à
>> eux longtemps donnés, passés et octroyés par feus, de bonne
» mémoire, les prédécesseurs dud. feu messire Louis de Pier-
» rebufllère. — Nonobstant ces privilèges, le seigneur baron
» avait fait prendre les pierres des maisons de plusieurs habitans
» pour s'en servir aux réparations de son château ; que pour faire
» construire un étang, il avait pris, occupé et noyé, outre les
» fossés de la ville, plusieurs vergers, prés, terres et autres pro-
» priétés appartenant particulièrement aux habitans de la dite
» ville et faubourgs de Peyrat, et que pareillement prend, noyé et
» occupe la dite eau, une très belle rebière et patureaux, conte-
» nant de 15 à 20 journaux de prés, laquelle rebière est joignant
>} aux fossés de la dite et est commune aux habitants de la dite
» ville et fauxbourgs d'icelle, pour y faire paître et paturager leur
» bétail, et autrement les exploiter à leur profit. » — Les consuls
et habitants soutenaient, en outre, que la place du château et
plusieurs autres étaient de toute ancienneté des appartenances et
dépendances de la dite ville et franchise; — qu'ils en avaient une
jouissance immémoriale. En conséquence, ils demandaient justice
à leur seigneur sur tout cela et la confirmation de leurs dits privi-
lèges, usanc.es et franchises dont ils offraient de représenter les
litres. Le procureur général de Louis de Pierrebufïière disculpa le
seigneur baron des reproches qu'on lui avait faits, et il déclara
« qu'il n'entendait en rien préjudicier aux privilèges, franchises et
» libertés des d. consuls et habitans, tant que leur touche. » Après
s'être fait représenter les deux premières chartes, Louis de Pierre-
buffière les confirma, en absolvant les habitans de toutes les contra-
ventions qu'ils avaient pu commettre. Il leur octroya, en outre,
que « tous les bourgeois, hommes, femmes, manans et habitans
» en la dite ville, fauxbourgs de Peyral et ailleurs, en la dite châ-
h lellenie de Peyrat, (jui sont de la dite communauté et francluse,
M SOCIÉTÉ ARCBÉQU>GIQOE BT HISTOAIQUB DU LIMOUSIN.
>» tant présens qu'absens, leurs hoirs et successeurs paissent èdi*
» fier des maisons au-dedans du dit clos et closure du dit ehàtfau,
» et que, tant leurs maisons et édiflces, biens, meubtes et immea-
)> bles quelconques soient leurs et de telle et pareille condition el
» jouissant de tels et pareils privilèges, libertés et fraocbise^,
» comme faisaient et ont accoutumé faire et font dès i présent les
» bourgeois et autres panans et habilans en la dite ville, taux-
» bourgs et communauté du dit Peyrat, et que les dits con-
» suis puissent y faire les mêmes exploits. » Depuis Tordon-
nance de Philippe-le-Bel de il^7, tout aspirant à la bourgeoisie
devait faire une déclarion devant le prévôt ou le maire d'acheter
une maison en la ville, dans l'an et jour et d*y résider depuis la
veille de la Toussaint jusqu'à la Saint-Jean. Les seigneurs exi-
geaient à peu près les mêmes formalités.
V Pour plus amples spécification et déclaration des octrois, pri-
» vilèges et choses dessus dites et ci-après déclarées et accordées, »
on convint de plusieurs articles. Les pf*emiers, que nous regret-
tons de ne pouvoir reproduire (le mémoire les passant sons
silence), sont relatifs au château. On règle la police qui s'y obser-
vera, et l'on assure de nouveau à ceux qui demeureront les méoies
privilèges qu'aux habitans, en les soumettant également à Tauto-
rite des consuls.
L'article 6 'porte, « que les dits consuls, habitans et retrabans
» ne seront tenus payer à mondit seigneur de nulle autre somme,
» fors que la somme de 56 livres à lui due poiu* raison de la dite
» franchise, aux termes et en la forme, manière d'ancienneté, fors
» que aux quatre cas, etc.
» Article 7. A icelle payer seront tenus contiibuer tous et un
» chacun les habitans et retrahans au dit châtel et en la dite \ille
» et franchise de Peyrat, ensemble toutes les personnes qui ont el
» auront héritages, cens et rentes et autres devoirs en la dite
» franchise, chacun selon leur taux. A l'exception de ce que le sei-
» gneur aura dans le château. »
I^,s articles 8 et suivants jusqu'à l'article 22 exclusivement trai-
tent de la garde el police du château, de ses murailles et àvs
maisons qui y seront construites par les habitants. On y prend les
plus grandes précautions pour qu'il n'y reste point de masures et
d'emplacements vides.
Sur la disposition des biens, l'article 22 permet aux habitant;
de tester comme ils l'ont fait d'ancienneté et de donner même
leurs biens immeubles à Téglise, et au cas, y est-il dit, « que, pour
» les amortissements mondit seigneur les aurait mis eu sa main,
}) qu'il ne les puisse teuir qu'an et jour, dedans lequel sera teuu
VARlÉTiS BT DOCUIIBNTS, 81 i
» de les amortir, et recevqir le prix de ses amorlissemfins, et prp-
» nant le prix et juste estimation que pourrait valoir, si retenir les
» voulait sans y mettre autre charge de rente réservé à
» mon seigneur qu'il puisse retenir à soi des prés jusqu*à 30 jour-
)> naux, en payant de la franchise pour pareille part et portion
» que feraient les d. hahitans, s'ils avaient et tenaient les d. prés.
L'article 23 assure au seigneur baron « le droit de succéder aux
» biens, meubles et immeubles des habilans décédés ab intestat
» et sans hoirs, qui par raison leur doivent succéder, à la charge
» des frais funéraires. »
L'article 24 oblige, le seigneur baron « dévider ses mains des
» biens immeubles tombés et déshérence dans Tan et jour, sans y
» pouvoir mettre aucune charge eu tant que touche les dits château,
» ville et fauxbourgs dud. Peyrat, tant seulement et ainsi que dessus
» est dit au deuxième et précédent article, et aussi s'il n'y avait prés
» que mondil seigneur puisse retenir, comme dit est dessus. » — Le
seigneur baron ne pouvait donc exercer le retrait féodal dans les
limites de la franchise. Article 23. « Item^ en tant que touche les
» autres propriétés, villages et héritages situés en la dite fran-
» chise, hors la dite ville et fauxbourgs de Peyrat, quand le cas
» adviendrait que mondit seigneur puisse les retenir en sa main,
» ainsi que a accoutumé faire de toute ancienneté et fait de pré-
» sent et y mettre telles charges, rentes de blé et argent et autres
» rentes, sans servitudes que bon lui semblera pourvu et que les
» tenanciers d'iceux seront tenus eux obliger aux dits consuls,
» à payer leurs parts et portions de la dite franchise, comme les
» autres habitans d'icelle et à ce faire les fera obliger mondit sei-
» gneur aux dits consuls et passer lettres en bonne forme. » —
Les articles suivants et derniers que le mémoire ne daigne pas re-
produire, parce qu'ils ne sont pas utiles à sa cause subtile des
lods et ventes, concernent uniquement le château, les foires et
marchés de Peyrat, les élaux que les'bourgeois plaçaient devant
leurs portes et les mercuriales de la halle aux grains. — Les exemp-
tions des droits seigneuriaux, d'après le seigneur baron, ne
s'étendaient pas au-delà de la ville, du château, des fauxbourgs et
de la prairie commune, qui louchait la ville. Les consuls soute-
naient, au contraire, que cette exemption s'étendait autrefois dans
toute la seigneurie de Peyrat, et qu'elle n'avait été restreinte au
bassin des six puis que par l'usurpation des seigneurs de Peyrat.
Les domaines exempts ne doivent aucune charge au seigneur de
Peyrat. Il ne peut pas même y en imposer, lorsqu'ils tombent en
ses mains à titre de déshérence ou autrement. M. Guentin de
Richebourg, baron de Peyrat, dans un but d'agrandissement, avait
exercé le retrait féodal ou son droit de prélation sur le domaine
'B\t SOCtÂTÉ ARCaéoLOGCQUB ET filSTORlQOB DD LlMOUSllI.
de Chasse-Pierre-le-Besson, au village de Mazel, dépendant da fie!
de La Garde. Mais Jean Mayeux, gendre de Léonard Salon, exci-
pant des privilèges de la franchise de Peyrat, fit débouter le
baron de sa demande par sentence des requêtes du Palais, du
23 juillet 1725, au Parlement de Paris.
Les consuls et habitants de Peyrat, dans leur opposition aa
terrier du baron, en 1787, protestaient devant le Parlement de
Paris contre les droits généraux de péage qui n'existaient pas pour
les habitants, de guet, d'arbans et de corvée, qui avaient éiè
réduits par Tordonnance du 1*' janvier 1687, de chasse et de pèche
qui n'étaient autres que ceux autorisés par la coutume de
Poitou et les lois du royaume et non autrement, et de dime, parc*
qu'il n'y avait pas d'autres fonds, dans la terre de Peyrat, grevés
de la dîme laïque, que les siens propres du Bost La Combe et Lin-
tignat. >- Enfin les consuls sommaient les reconnaissants à la
peine grave de la commise (1), qui n'était autre chose que la con-
fiscation de la tenure des reconnaissants pour inexécution des
conditions. Les consuls contestaient, en outre, au baron le droit
de patronage des églises et bénéfices de Peyrat, parce que le
prieuré de Saint-Denis, appartenait à l'église de Saint-Martial de
Limoges et la cure de Saint-Martin au prieuré de Saint-Denis.
Quant aux prêtres filleuls de la paroisse, ils avaient place en la
communauté des prêtres de la commune libre, par cette seule
qualité, sans la nomination de personne, en sorte que le seigneur
de Peyrat ne pouvait pourvoir qu'à la seule chapellenie de Saint-
Christophe, le sieur Bieublanc du Bosc ayant le patronage d'une
autre chapelle. — Les habitants de Peyrat pouvaient donc, avant
la Bévolution de 1789, donner leurs biens à Téglise, protester vic-
torieusement contre les empiétements de leur seigneur et faire
reconnaître en justice leurs droits et leurs privilèges sur les prai-
ries, tejres et forêts communales et sur la place même du château
et de plusieurs autres, qui étaient une dépendance de leur ville et
franchise. Ils administraient librement leur petite république sons le
gouvernement du roi très chrétien.
P. CoL'SSEYROox, avocal.
(1) La commise, terme de jurisprudence féodale, signifiait la confisca-
tion d'un fief au profit du seigneur, faute, par le vassal de rendre Ir5
devoirs auxquels il était tenu. — Dans les pays de droit coutumier, la com-
mise des rotures, à défaut de payement du cens, était autrefois le droit
commun. « Qui ne paye son cens, dit Loysel, doit perdre son champ. •
— Dans les pays de droit écrit existait la commise emphitéotîque, qoi
n*était autre chose que la confiscation de la tenure de Temphitéote pour
inexécution des conditions.
VAniÉTÉS ET DOCUMENTS. b^3
II. — Fondation d'une vicairie dans une chapelle contiguë à l'église
de Saint-Etienne d'Eymoutiers par Pierre Laporte, chanoine
d'Eymoutiers, en février i289, nouveau style. — Yidimus de
4512. — Sceau épiscopal pendant sur queue de parchemin, celui
de l'official perdu (Rente sur le village d'Artinsec, paroisse de
Peyrat).
Universis présentes litteras inspecturis, Cantor et Officialis Lemo-
vicensis eternam in Domino salulem. Noverilis nos vidisse sequen-
tes litteras sigillis reverendi patris in Chrislo Domini Guirberti,Dei
gratia quondam Lemovicensis episcopi, ac venerabilium virorum
prepositi et capituli Ahentensis una corn sigillo dilecti in Christo
Pétri Laporta« canonici dicte ecclesie Ahentensis sigillatas, quarum
ténor sequitur in haec verba :
Guirbertus,Dei gratia Lemovicensis episcopus, universis présen-
tes litteras inspecturis salutem in Domino. Noveritis quod dileetus
in Christo Petrus Laporta, canonicus ecclesie Ahentensis, coram
Pelro de Pinu, clerico nostro jurato, personaliler conslitutus,
facit et constituit, pro sainte anime sue et parentum suorum
defunctorum, quandam vicariam in capella quam idem canonicus
fecil edidcare in villa Ahentensi, contigua ecclesie lieati Stephani
Ahentensis. Gui vicarie idem canonicus perpetuo assignavit et
conlulit redditus qui secunlur : videlicet quadraginta solides et
octo sextarios silliginis et sex sextarios avene quos habebat ren-
duales in manso dArtinsec, parrochie de Peyraco, et vigenli quin-
que solides renduales in manso de Pers Villemojane, sito in par-
rochia de Belle Monte, quos acquisivit videlicet quinque solides
ab Helia de Peyraco, domicello, et vigenti solides a dicto Bote du
Thillia et hujus uxore, et novem sextarios selliginis et quinque
sextarios avene renduales in manso de Fomosa, sito in parrochia
de Belle Monte, et vigenli solides renduales in manso de Vedrina,
et quindecim solides renduales in prato illorum de Podîo de La
Vacharessa prope Ahentum et decem solides renduales in manso
deLa Broa Guidonis Bernardi, sito in parrochia de Chambareto.
Item assignavit, ad opus candelle faciende ad celebrandum missas
in eadem capella, duos sextarios silliginis renduales quos habebat
in dicto manso de Vedrina, et unum sextarium frumenli rendualem
quod habebat in dicto manso de Vedrina, ad tenendum in dicta
capella, pervicarium qui pro tempore fuerit, unam lampadem ar-
dentem, (qui mansus de Vedrina est situs in parrochia Sancli
Âtûândî), lev^ndos, tenehdos et percipiendos per vicarium qui pro
BU SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE BT BISTORIQU^ DU LIMOUSI!!.
teinpore fuerit in dicta capella. Item voluit quod vicarius ipsia?
vicarie qui pro tempore fuerit, singulis diebus celebrel pro aniim
ipsius canonici et parentum suorum missam Vel faci^
cclebrare in eadem capella, exceptis tamen diebus donainicis >t
festisj in quibus capellanus Béate Marie de Àh^.nto primo anlequas
aliquis celebret, consuevil celebrare usque ad evangelium. Qaibns
diebus dominicis et festis, idem caoonicus voluit quod dictos liea-
nus missam celebret in dicta capella posl euvangelium ; roliiit
eliam quod idem vicarius, antequam celebrel, indutus sacris vesli-
bus, cum aqua benedicta ad lumulum suum et parentum saonira
accédât et ibi commemorationjem et absolutionem faciat pro an!-
mabus defunctorum. Quam vicariam retinuii idem canooicus per
ipsum quamdiu vixerit conferendam persone de qua sibi videbi-
tur expedire. Post mortem vero ejusdem canonici et post morlem
illius vicarii cui dictus canonicus in vita sua dictam vicariau du\e-
rit conferendam, si eam in vita sua conferre contingat, voluit idem
canonicus quod venerabiies viri prepositus et capituUim Ahenteo-
sesdiclam vicariam conférant proximiori clerico de génère ejusdem
canonici. Qui dictam vicariam volgierit et duxerit acccplaDdam,
receplo prlus juramento ab eodem clerico cui coUala fuerit dicta
vicaria, nisi promolus fueril, quod infra annum a tempore collatio-
nis computandum se faciat in presbyterum promoveri, et nisi hoc
faceret, voluit quod ad hoc pcr nos vel oilicialem nostrum com-
pellatur vel successores nostros pro tempore, vel ad resignaDduoi
dictam vicariam. Et nisi inveniretur clericus de génère ipsius ca-
nonici cui conferretur dicta vicaria vel qui vellet eam acceplare,
voluit idem canonicus quod dicli prepositus et capitulum illa vice
lantummodo eandem vicariam idoneo conferrant sacerdoli infra
mensem a die obitus ipsius vicarii computandum. Et si infra die-
lum mensem non conlulerint dictam vicariam, voluit et precepii
idi>m canonicus quod nos vel successor noster pro [tempore alicui
clerico de génère ipsius canonici si invenialur, cui dictam vica-
riam velit acceplare; vel si non invenialur, quod alicui idoneo
sacerdoli conferremus sub modo et forma prediclis. Item voluit idem
canonicus quod vicarius quicumque insliluelur in eadem vicaria,iuret
in institutione sua seprediclas conditiones observare. Et si contin-
geret quod dicta vicaria alicui de génère ipsius canonici conferre-
tur qui non esset promolus, voluit quod dictam vicariam officia-
rius faciat [deservire] per alium sacerdotem donec promolus fuerit,
ul diclum est, infra annum. Item voluit quod vicarius prediclus
oiTiciel ecclesiam Âhentensem prout alii vicarii ecclesie ante dicte.
Quibus omnibus noslram impartimur aucloritatem et consensum,ei
iu leslimonium premissorum acta fuerunt coram diclo nostro clerico
VABIÉT^ ET DOCUMENTS. 8J&
jnralo,lx)conostri,cuinobls hec omola relulit viva Yojce. Ù}]m rela-
Uooi fidem plenariom adhibemus. Presentibus litteris sigillum nos-
trum un^ cum sigiilo preposili et capituli et canonici predictorum pre-
senlibus Ultéris sigilluiD nostrum duxicQus apponendum ad instantiaiQ
canonici meroorati. Et nosjprefati preposilus et capituluœ Ahentenses,
ad iostantiam ipsius Pétri Laporta, canonici nostri, premissis om-
nibus consentimujs et nostrum impartimur consensum et assensum.
Et volumus et concedimus quod premissa omnia observentur et
promiltimos qnod premissa faciamus observare et teneri. £t da-
mus perpeluo vieario dicte vicarie et concedimus qaod in cotidianis
distributionibus ecclesie nostre tantum babeat et percipiat quan-
tum una» de vicariis ipsius ecclesie desservientibus in eadem .cou-
suevit percipere in distributionibus predictis. Et in testimonium
premissorum presentibus litteris sigilla nostra una cum sigillis
predictorum domini episcopi et canonici duximus apponendum in
tc&limoQîum premissorum. Et ego prefatus P. Laporta sigillum
meam appono ad majorera roborem flrmiiatis. Datum vui calenda»
martii, anno Domini M. ducentensimo octuagesimo octavo.
In cuius visionis et inspectionis testimonium nos prediçtus can-
tor sigillum nostrum et nos prediçtus oflicialis sigillum nostrarum
curiarum presentibus litteris duximus apponendum, tertio kalen-
das septembres, anno Domini millésime trecentesimo duodecimo
(Cette pièce nous a été communiquée par M. Léon Balmet et dé-
chiffrée par M. Leroux).
III. — Achapt de la rante deue sur le villaige d'Artens, sittué en la
parroysse de Peyrat, là où il est fait mention des esploictz et ser-
visses, par Pierre Jaubert de Noblac, damoiseau, le 3 juin i 351 ,
— (Transcription de M. Aubépin, archiviste du Cantal).
Nos Petrus de Peyraco, custos sigilli autentici domini illustris
Régis Francie, in baylia Lemovicenci constitutif Notum facimus
universis quod coram ûdeli juralo et commissario noslro subscriplo,
ad hec specialiter depulalo, personaliter constitutis Rigaudo de
ArfolUa, doraicello, pro se et suis heredibus et successoribus pre-
sentibus et futuris, ex una parte, et Guidone de Grandimonte de
Bosco, domicello, procuratore et ut procurator et nomine procu-
ratorio Pétri Jauberti de Nobiliaco, domicelli, et pro ipso Petro
JauberU et pro suis heredibus et successoribus presentibus et
futuris, ex altéra parle, prefatus Rigaudus, non cohactus, non
scductus, scd gratis, provide, cl scienlcr, dixil, asseruit et dedjt
Bl6 SOCIÉTÉ ARCHËDLOGIQCTK ET HlSTOIIlQUft DO UMODSlR.
intelligi predicto Gaidoni presenti, recipîenli ac sollcmpnilerpro
dicto Petro Jauberti stipulanti, quod mansus seu tenementom
inferius de Artens, parrochie de Peyraco, quod tenct GeraWa-^
Leretier de Artens, homo ipsius Rigaudi, et idem Geraldus Leretj^r
sunl ipsius Rigaudi et serve conditionis, talliabiles et explecu-
hiles dicli Rigaudi et sibi speclant, et est in posse seu quasi po5>i>
dendi et explectandi predictos lenementum et hominem in oiddi
conditione et génère servilulis per lantum lemporis quod suffici:
et jus est sibi acquisitum. Item asseruit diclus Rigaudus quod dic-
tus mansus sive tenementum valet eidem Rigaudo auno quolib*'t
in terminis soUitis quinque sextaria siliginis rendualia, mensun
Peyraci, et vinatam, et duos solidos pro encennio (1), el unaa
gallinam rendualem in festo Nativitatis Domini, et quatuor vigeoii
ova in fcsto Paschc annuatim, el servicia et explecta consaeu
Item asseruit et recognovit idem Rigaudus quod in dicto man^j
pcrsone subscriple habent redditus infra scriptes, scilicct magiî^ier
Johannes Quinlini, clericus, sex sextaria siliginis et unum se\ia-
rium avene, rendualia, mensure Peyraci, in auguslo, annaatiro:
et dictus Pelrus Jauberti, quinque sextaria siliginis rendualia, dkw
mensure, et decem solidos in denariis renduales; ilem et JohaDOlu>
Cosleli, très eminas siliginis et unam eminam avene, renduales.
dicte mensure, et unam gallinam et quinque denarios renduale.>
in auguslo annuatim. Item... et capitulum Ahentis mouaslerii,
novem denarios renduales annuatim lin terminis consuelis. Item
capellantis de Peyraco, duas turtadas siliginis, mensure Pegraa.
renduales. Itemprior de Peyraco pro cereo pascali très obolos ren-
duales Item heredes domini Hugonis de Sancto Georgio, niilili>.
duodecim solidos renduales annualim in terminis consuelis. Ceit--
rum, cum ul predicilur supra dictus Petrus Jauberti habeal in dicto
manso dictos decem solidos renduales quos idem Rigaudus alia-^
ibidem vendidit et assignavit dicto Petro, Ucet ibidem ipsos non ha-
béret, idem Rigaudus gratis et provide reddidit, cessit, solnt per-
petuo penilusque quittavit eidem Petro Jauberti et suis, diclo Gui-
done présente et stipulante, supra dictos quinque sextarios siligini>
renduales quos idem Rigaudus asseruit, ut supra, se habere io
dicto manso pro dictis decem solidis rendualibus quos, ut supra,
dictus Petrus habet in dicto manso, in satisfactionem el recompen-
sationcm eorumdem, dictusque Guido quo supra nomine quilla>ii
(1) Le moi encœnium y d'après Ducange, veut dire présent, lioo îaîUal;
encœniare: étrcnner, origine du mol grec, xaivo;, nouveau. Nous ivods
l'expression patoise, usitée encore dans les baux à ferme, intrageafy
droit d'entrée.
dictum mansam de decem solidis renduaiibus prenolatis. Quibus
sic dictis, actis et assertis, preiïatus Rigaudus, non cohactus, non
seductus, sed gratis, provide et scienter, vendidit, cessil, concessil.
Suivit perpetuo penitusque quittavit supradicto Petro Jauberti,
dicto Guidone présente, recipienle ac sollempniter pro dieto Petro
et suis stipulante, ad ejusdem Pétri lieredumque suorum faciendam
ex nunc perpetuo omniniodam volunlatem in vilu pariter et in
morte, predictos mansum et homineni Geraldum Leretier et herc-
des suos ipsius Geraldi^ présentes et futuros, cum omnibus homi-
nibus, heredibus, proprietatibus, possessiouibus, domibus, ortis,
pratis, ripperiis, aquis, aquarura cursibus, terris calidis et frigidis,
arboribus, juribus et perlinentiis dicti mansi et cuxn prediclis
vinata, duobus solidis pro encennio et galiioa renduali et quatuor
vigenti ovis in terminis supradiclis, serviciis et explectis consuelis
que dictus Rigaudus habet in manso prenotato et quecumque jura,
deveria, cause, querele et actionnes ipse Rigaudus habet in eodem
manso quoquo modo, precio siquidem vigenti trium librarum mo-
nde nunc currentis, sculo auri valente trigenta solidos, ut asse-
ruerunt dicte partes; quas vigenti très libras dicte monete predictus
Rigaudus recognovit se habuisse et récépissé légitime a dicto
emptore in bona pecunia numerala, ipsumque emptorem quittavit
perpetuo de summa pecunia an tedicte, renuncians exceptioni dicte
pecunie non habile, non receple, non numérale, nec bene
soluté et exceptioni spei numerationis, solutionis et receptionis
future. Kt devestiens se predictus venditor de prediclis omnibus,
ut supra perpetuo venditis et declaratis, et eorum singulis et de
eorum jure, deverio, dominio, proprietate, possessione et actione,
usu, servicio et explecto, sibi pertinentibus in eisdem, predictum
procuralorem presentem et recipientem ad opus dicti Pétri Jau-
berti et suorum investivit perpetuo per tradicionem notule presen-
tium iitterarum et in ipsum emptorem et suds omnia jura, loca,
nomina et actiones reaies, personales el mixtas, utiles et directas,
judicis officium et beneficium restitutionis in inlegrum, eidem ven-
ditori compétentes et competituras in predictis omnibus perpetuo
vendilis, contra quascumque persoaas, res et loca ratione et occa-
sione eorumdem, ex causis et titulo predictis, cessit et transtulit
perpetuo pleno jure, nichil prorsus sibi suisque idem venditor re-
tinens in eisdem ipsum emptorem conslituit ex nunc procuratorem
ac verum dominum supra hoc in rem suam. Voiens et concedens
dictus venditor quod dictus emptor per se vei per alium nomine et
ad opus sui et suorum possessionem omnium predictorum perpe-
tuo venditorum, quando cumque sibi placuerit, appréhendât, pro-
mittensidem venditor se predicta omnia perpetuo vendila et eoruii^
quelibet garire, gare&tire, tnerl, deiTerldere et ad pacetn tetle^éeidett
emplori et sois ia judicio et extra judicium ab ômni homine, domiQo.
dominio et persona, sazinâ, amparamento, emptione et evictioBc
aniversali el parliculari, obligalione, engatgio, irti^etitioûe et im-
pedimenlo quibuscumque, ut fuerit rationis, et causam seu lites
in qua super hoc moveatur in se suscipere et ad Qnem debitum ter-
minare, et si quid forsan eiinde evictum fuei'lt, illud et omnia
dampna intéresse deperdita, missiones et expensas que et qitas
dictus emplor vel sui facerenl ob defanctum dicli garimenti, eidern
emplori et suis emendare ac pènitus ressarcire, et tamen excepib
et salvis rcddilibus superius declâralis per tcnentem dictaiti mao-
sum personis superius expressis persolvendis. Item dictus Rigao-
dus solvit el quitlavit perpeluo diclum Geraldum Lerelier et suos
heredes, ipso Geraldo présente et stipulante ac recipiente pro <e
et suis, de omnibus queslis, malis tollis et aliis quibuscumque
debitis, actionibus et petionibus que et quas dictus Rigaudus babot
el habere et requirere potesl, polerat et posset contra diclum
Geraldum Lerctier usque in hodiemaro diem ; precepitque dictas
Rigaudus viva voce eidem Geraldo presenti quod ipse Geraldus
deinceps et perpeluo obediat et respondeat dicto Petro Jauberti
et suis in et de omnibus illis in et de quibus respondebat
eidem Rigaudo; ipsumque Geraldum et suos heredes res et
bona sua quecumque, presentia et futura, eidem Petro Jau-
berti et suis sohit, cessit perpeluo penttusque quiltavit. Quibus
mandato et quiitalione audilis et intellectis, preffatus Géraldus
Lerelier, coram jurato subscripto ibidem personaliler constilutus.
gratis et provide promisil obedire el respondere deinéeps el per-
peluo prediclo Petro Jauberti et suis lu et de omnibus deveriis,
servituUbus, serviciis el expleclis, sicul homo servus ac sicut obe-
diebat dicto Rigaudo. Renuncians super premissis dictus Rigaudu.<^
el dictas Geraldus, quantum ipsum tangit, omni exceplioui doli.
fori, vivi, mali, loci, in factum actioni, sine causa conditioni et
omni usui, consueludini et slatuto patrie sive loci omnique privi-
legio, eliam juri per quod quibuscumque decepiis quoiAodo libel
subvenitur, et dicenli generalem renunciatiotionem non valere ni«i
quatenus est expressa, et omnibus aliis et singulis racionibus, de-
ceptionibus, cavillationibus, <iubvenlionibus et deflSniUonibu5
utriusque juris canonici et civilis que contra tenoi'em presenlinm
possent proponi. Et bec omnia dictus Rigaudus et dictus Geraldos,
quatenus ipsum tangit, sub obligalione sui et hefedum ac omnium
bonorum suorum mobilium, immobiIium,presentium et futuronim,
promiserunl altendene, tedere, servarô, Tàcere et compléfe el con-
tra non venirc, preslitis ab ipsis Rigaudo el Geraldo^ et conini
quolibet qualeousquamlibet tangil^adsanclaDcievangelia manibus
tacta juramentis. Yolentes et permitentes dicli Rigaudus et Geral-
dus et eorum quilibet, quatenus qUemlibet tangit, se et suos quan-
tum ad hoc per gentes et servientes domini Régis Francorum el
per aiium quemcumque judiceno,' si necesse fueril, compelli. Hec
autem acta fuerunt coram Petro Gaillelmi, (ideli juralo nostro,
qui dictos Rigaudum etGeraldum, présentes, volentes, et eorum
qucmlibet pro se el suis, predicto Guidone de Grandimonte, ins-
tante et recipiente pro dicto Petro Jauberti et pro suis, aucloritate
predicta, légitime condempnavit ut idem juratus premissa nobis
(ifieliter retulit per présentes ; relacioni cujus. Nos fidem plenam
adhibentes et premissa laudantes et confirmantes, sigillum predictum
rogium hiis presentibus littcris duximus apponendum in fidem et
tostimonium omnium premissorum. Constat de rasuris. Datum et
actum coram dicto jurato, presefilibus Hugone Malohega de Sol-
nnanhat el Johanne Fabri, filio quondam Bernardi Fabri de Pcyraco,
ad hec testibus vocatis, die tercia mensis junii, anno Domini mille-
simo trecentesimo quinquagesimo primo. P. Guillelmi recepit et
scripsit.
En i396, Léonard Velaud, damoiseau de Peyrat, parent et héri-
tier de Pierre Jaubert de Noblac, décédé (Rigaud d'Arfeuiile étant
aussi décédé), fit rédiger par le garde du sceau royal, dans le bail-
liage de Limoges, pour lai, en son nom et au nom de ses successeurs
et héritiers, la reddition delà rente d*Artens de cinq septiers de seigle,
quatre-vingts œufs et une vinade, par le fidèle juré et commissaire
(in sceau royal de Tofficialité de Limoges, Pierre Leblanc prêtre :
ladite rente due, autrefois, par Gérald Lérelier d'Artens, à perpé-
tuité Thomme de Pierre Jaubert de Noblac, et maintenant par
Gérald Socat d'Artens. Il est expliqué dans cette charte en latin,
qui n'est que la reproduction de la précédente, que le dit Bernard
Velaud, noble homme, damoiseau de Peyral, ne peut réclamer au
tenancier d'Artens plus qu'il n'était dû à Pierre Jaubert de Noblac
el à Rigaud d'Arfeuiile.
Témoins appelés, Guidon Esmoins, domiceliOy et Jean Medici,
prêtre, anno millésime trecentesimo nonagesimo sexto. Signé
Pelrus Leblanc, prêtre. fA suivre).
NOTA. — Les successeurs de Pierre Jaubert de Noblac prirent le nom
de Jaabert du Masfaure qu'ils ont conservé jusqu^en 1789. GeUc famille,
mentionnée dans rhistoire de Saint-Léonard, par H. Louis Guibert, est
Tobjet d'une généalogie spéciale.
SiO dOCléTE ÀttCttEOtOÔIQUR Et âlSTORIQUK bt^ Lt!É0t}S1!f.
Le collège de Grégoire X/, à Bologne
M. Corrado Ricci, dans son article sur Tarchitecte Giot-anni in
Siena, publié par YArchivio Storice dell Carte, Rome 1892, p. 23S-
S66, a un chapitre intitulé : Collegio Gregoriano. J'en traduis <!*'
qui nous intéresse au point de vue de la biographie du f^K
Limousin :
a En 1371, Grégoire XI acheta aux Pepoli un palais à Bologne
pour y fonder le collège que de son nom on appela Grégorien.
L^édilice, selon Giuseppe Guidicini, serait celui qui s'élève à Tangl'
méridional de la via Sampieri et de la via Castiglione (Cose nota-
bili de Bologna, Bologne, 1868, I, 3i7). Il conserve encore son
aspect ancien et a de beaux arcs au portique; on y voit aussi ui.
gracieux balcon du xv siècle.
» Dans la via Castiglione, n"" 7, s'élève une ancienne maison :
aux chapiteaux existe le sigle ou monogramme de Grégoire \l.
Elle correspond précisément à Tarrière du vieux palais Pepoii.
Nous ne saurions dire si, à la rigueur, cette maison seule formait
le collège Grégorien ou s'il s'étendait jusqu'à comprendre l'édilicp
désigné par Guidicini. Au reste, cela parait assez probable à qui
réiléchit que le pape avait voulu faire un grand institut.
'> Ghirardacci, dans sa Storia di Bologna, Bologne, 1657. (. IL
p. 202-203, nous fournit deux documents à ce propos. Dans le pn-
mier, Grégoire XI délibère de « fabriquer un collège fameux
dans l'autre, il nomme pour ses acteurs et procureurs, pour Tachai
du palais, Bernard de Guy, prieur de Marmande, et Jean de
Sienne, citadin. »
La difticulté soulevée me parait facile à résoudre, quand on a \u
les lieux : Grégoire XI acheta le palais Pepoli et s'en servit comme
il était; mais, le trouvant insuffisant, il ajouta par derrière ud«'
construction nouvelle, qu'il marqua de son monogramme. L'en-
semble prit le nom de collège Grégorien, souvenir glorieux à la
fois pour la France et pour le Limousin. Aussi je voudrais qu»^
notre Société possédât une photographie des deux faces du collèi:''
(ancienne et nouvelle), ainsi que des chapiteaux qui datent et nom-
ment le monument.
X. Barbier de Montault.
VAHlèTÉS ET i>ocuiiETrrs. 8il
Note relative à Véglise des Jésuites de JAmoges
Les Jésuites de Limoges firent bénir, en 1629, leur chapelle,
commencée en 1607; ils devaient être aivides de Tenrichir de reli-
ques. Je reçois de Benayes, où je ne sais quel hasard Fa jetée, une
pièce de 1630 qui semblerait répondre à ce souhait. Elle porte sur
son pli : AuR, P, Emmanuel Martel {t douteux), recteur du collège
de la compag^ de Jésus, à Lymoges, Mais je dois dire : 1° que ce
papier ne porte ni sceau, ni visa d'aucune autorité; 2^ que le car-
dinal qu'on y nomme ne se trouve pas dans le Dictionnaire des car-
dinaux de la collection Migne; 3** que beaucoup des noms Je saints
énumérés me paraissent étranges, étant données les règles de
l'Eglise pour la dénomination des saints inconnus des Catacombes
(V. Gerbet, Esquisse de Rome chrétienne, t. P% chap. ii, p. 93 de
l'édition Tolra).
« Ego infrascriptus Joannes Baplista Fabius, cùm jussu Illustris-
simi ac Reverendissimi domini^Federicii Cardinalis Zoller, reliquias
aliquot sanctorum martyrum ex cœmeterio Callixti extraxissem,
juxta facullalem diclo 111"^ D"* Federicio cardinal! a Sanclissimo
domino nostro Gregorio Papa decirao quinto per brève apostoli-
cum factam, et aliquas mihi dono dari a diclo lU""" D°^ cardinali
liumiliter postulassem, meisque iile votis bénigne annuens, aliquas
ex ils quas meis manibus extraxeram. concessisset, postquam eas
aliquot annos decenter asservassem in variis capsulis sigillo muni-
tis, tandem anno millesimo sexcentesimo trigesimo ex eisdem ali-
quas partes R. P. Stephano Sage, Societatis Jesu religioso, dono dedi
eique brevis apostolici exemplum ostendi quod Sanctitas Gregorii
Papae decimi quinli dicto III"** D°° Cardinali Zoller concesseral, et
juratus supra sancta Evangelia easdem quas dicto Patri Stephano
Sage dabam sacras reliquias me ex dicto cœmeterio Callixti mani-
bus meis extraxisse, à dicto Cardinali dono accepisse cum facul-
tate alteri dandi vel Roma asporlandi, eidemque R. P. Stephano
Sage dono dare confirmavi et quidquid habebam juris in eum
Iransferre confirmavi, coram venerabili sacerdote Hieronymo Sca-
vincio. In cujus rci (idem hoc praesens scriptum, manu mea sub-
scriptum, dedi 30 octob. 1630.
»Nomina sanctorum quorum reliquias dedi hase sunt : SS. Âlexan-
der, Antonius, Augustinus, Agapilus, Amadous, Aurélia, v. m.,
Bernardus, Bruno, Basilissa, Cornélius, Camillus, Constantius,
Cœrasius,Chrysostomus,Cyriacus, Cosmus,Camilla, v. m., Corona,
T. XL. 52
^iî dOGlirÉ ARCHÉOLOGIQUE KT HIStOEIOUk DU LIMOUSIN.
V. m.,Damianus,Domistius, Edoardus, Ëlisabetha, v. m.,Fabianas;
Fabritius, Famianus, Fœlix, Federicus, Fulgenlius, Faustinus, Fran*
cisca, Y.m., Gloriosus, Generosus, Gervasius, Honoratus, Joaones,
Jacobus, Innocens, Julius, Isidorus.Laurentius, Lucianus, LaYînii,
Y.m., Laurentia, v.m., Modestas, Marcellinus, Marcellus, Hacarin?,
Mauritius, Marinus,MichaeI,Maximma,v.m., Magdalena, t. m., N(h
minatus^ Octavius, Parthenius, Petrus, Paulus, Placidus, Palroa,
Y. m.,Pauliiia, y. m., Perpétua, y. m.,StephaDUs, Saturninas, Sabi-
nus. SeYerinus, SeYera, y. m., Torquinius, Valentinus, VincenUus,
Vilalis, Venantius, Valerius.
» lo Gioan^ Battist, de Fabio afferma e jiuro sopra Vetangeh
havere data dette reliquie (1).
Ego Hieronymus ScaYincius, de Macerieno, SpoletanaB dioecesi"^,
sacerdos, fidem facio diclum Joannem Baptîstam Fabium , romanuiD,
quem Yirum probum judico, dictas reliquias dicte Patri Slephano
Sage dédisse, juramento supra sacra EYangelia quse supra scripta
sunt courirmasse.
TÂbbë POLLBRIÈRE.
DÉLIBÉRATIONS D'ASSEMBLÉES PAROISSIALES
Acte de ville relatif à l'envoi en quariier à La Souterraine d'une
compagnie de cavalerie et au logetnent des hommes et des chevaui
(18 septembre 1732}.'
Aujourdhuy, dix-huitième jour du mois de septembre mil sept
cent trente-deux, en la Yille de La Souteraine et place publique
d'icelle, lieu accoutumé à faire les actes de Yille, par deYant le no^
royal soussigné, prësens les tesmoins cy-bas nommez, se sont pré-
sentez Mess" les consuls de la dite Yille de La Souteraine de la pré-
sente année mil sept cent trente-deu?^, lesquels en parlant à tous
les habitants icy couYoquez et assemblés à leur diligence, ils ooi
dit q*" ont eu des ordres de M. le marquis de Tourny, intendant de
Limoges, de tenir un logement prest pour les caYaliers et cbeYaux
d'une compagnie de dragons ou cavalerie qui doivent arriver en
cette ville incessamment pour y rester en quartier jusqu'à nouvel
ordre, ce qui fait q^* somment les d. habitants d'indiquer sur le
champ des maisons et escuries convenables, si mieux ils n'ayment
loger la d. compagnie chascun chez eux.
(I) Ecrilare d'autre main : le scribe est le témoin invoqué, Scavinzi.
VARlériS BT DOCUMENTS. 823
Lesquels habitants, bien informés des sud. ordres et de Texposé
cy-dessus, après avoir deliibéré enlreux, ils ont tous unanimement
consentes que la d. compagnie fut casernëe, et po' y parvenir ils
ont indiquez les maisons appeliez de Laudiance, de Lavillatte Ga-
cheny, du Couret, de Logas, et de Desrivaux, lesquelles ils ont
soutenus eslre plus que suffisantes pour loger les cavaliers et che-
vaux de la d. compagnie, et quant au logement des officiers de la
<]. compagnie, ils ont indiquez la maison du s' Joseph Pignet de
Mézières, laquelle ils soutiennent estre très convenable pour les y
loger.
Et à rinstant, les d. consuls s'estant porté avec la majeure et
plus saine partie des d. habitants dans les d. maisons en présence
de M. de La Rochebrune, commissaire des guerres, icelles bien
examinez, ils ont remarquez que la maison de Laudiance con-
tiendra dix-huit cavaliers et douze chevaux, que le loyer est par
chascun an de la somme de vingt livres ; q' faut faire dans la pre-
mière chambre une cheminée de dix pieds d'autheur; dans le gre-
nier mettre quatre appuys de chascun sept pieds de longueur pour
soutenir la charpente, employer à la couverture deux cent de latte,
deux milliers de clous et douze cent de thuille, q* faut mestre dans
Tescurie un appuy de neuf pieds pour soutenir la poulre, accom-
moder la porte qui est dans le jardin, de manière qu'elle puisse
fermer et s'ouvrir commodément et que les chevaux y puissent
entrer et sortir, netoyer la d. escurie et chambre ; mettre des chas-
sits aux croisées, des ratelliers dans les chambres po' accrocher
les bardes et armes, des dressoirs pour mettre le pain et autres
ustancils, ainsy que de tout il sera nécessaire. Lesquelles répara-
tions ayant esté vues et bien examinées par Georges Chantaud,
charpentier, et Pierre Commarteau, recouvreur, ils ont promis
faire le tout pour et moyennant la so* de cinquante-cinq livres. El
sur le champ distraction ayant esté faitte des réparations utilles
pour le prop" d'avec celles qui lui sont indifférentes, il a esté dit
et arresté que le prop'" en supporterait cinquante livres et les ha-
bittants cinq livres.
Que, dans la maison de Lavillatte Gacheuy, il y logerat quatre
cavaliers et quinze chevaux, que le loyer de cette maison est de
vingt livres, q* convient metlre dans la chambre vingt-cinq plan-
chans de chascun deux pieds et demy de longueur, raccommoder le
plancher et iceluy terrer, mettre un appuy de huit pieds de lon-
gueur pour soutenir le d. planché, hausser la cheminée de
trois pieds et pour la couverture un cent de latte, cinq cent
de clous et quatre cent de thuille, faire une auge et un
ratellier de dix-huit pieds de longueur chascuns, mettre trois
824 SOCIÉTÉ ARCHÉdLOGlaUB feT lllStORIQUK OU LlItOUSlK.
appuys pour soutenir Tauge, raccommoder les auslres raslel-
tiers et auges qui y sont, faire dans la snsd. escurie les pssés
nécessaires et un glassis pour découllcr les eaux, taire tous cliassits,
rastelliers pour accrocher les bardes et armes et les dressoirs pour
mettre le pain qui seront nécessaires dans la d. roaisoD. El It"
tout vile et examiné par les d. Chantaud et Commarteau. ils ont
promis le faire pour la somme de trente-cinq livres, dont il eo sera
supporté par le prop" la somme de vingt livres et les quinze livres
par les habitants.
Dans celle du Gouret, il y logera douze cavaliers. Le loyer de
cette maison est de vingt livres. Les d. Gbanteau et Gomoïarleaa
ayant aussi examiné les réparations qui conviennent y estre faîUes.
ils ont dit ny en avoir aucune, si ce n'est de mettre et employer à
la cheminée quatre pleines auges de mortier et q^ convient aussi
d'y mettre des rastelliers po' accrocher les hardes et armes, et des
dressoirs pour mettre le pain, ce q'» ont promis faire pour la somme
de quatre livres dix sols, dont il en sera supporté par le prop"
douze sols et le surplus par les habitants.
Dans la maison de Logat, il y logera huit cavaliers et chevaux :
que le loyer de cette maison est de vingt livres ; et icelle vue et
examinée par les susnommés, ils ont dit q^ n'y avait de réparations
à y faire si ce n'est une auge et un ratellier de sept à huit pieds de
longueur cbascun et y faire les chassiLs, rastelliers et crochets et
dressoirs nécessaires : ce q^* ont promis de faire pour la somme de
quatre livres dix sols. Et attendu que cette réparation ne tourne
pas à l'utilité du prop", il n'en supportera rien.
Que l'escurie des Desriveaux contiendra six chevaux, le loyer
estimé à dix livres ; laquelle escurie ayant été vue et visiltée par les
desnommés cy-^essus, il ne sy est trouvé aucunes réparations à y
faire, non plus que dans la maison du d. Pierre Pignel.
Tous lesquels loyers cy-dessus montent à la somme de quatre-
vingt-dix livres. cy 90 "•
Les réparations à la somme de quatre-vingt-di.x-neuf
livres cy 99 «
Total cent quatre-vingt-neuf livres cy 189 »•
Laquelle somme les d. habitants veuUent et consentent, attenda
que les prop'«" des d. maisons ne sont pas à présent en estât de
faire faire les susd. réparations, qu'elles soient réparties sur eux et
autres habitants suivant les facultés d'un chacun, sauf aux d. ha-
bitants de répeter contre les susd. prop"' ce qui se trouvera excé-
der les loyers ainsi q^* sont cy-dessus expliquez et q* soit aussi
reparly tous les faux fraits et fournitures que les d. consuls seront
VARIÉTÉS ET DOCUMENTS. 835
obligez de faire pour le logement de la d. com-pagnie suivant Testât
quMls en rapporteront deûement veriffié et attesté.
Et les d. Chantaud et Comârteau, establis comme dessus, demeu-
rants en la présente ville, promettent et s'obligent de f» louttes les
susd. réparations et fournitures, ainsi qu'elles sont cy-dessus figu-
gurées, fournir tous mathériaux, leur peine et celle des ouvriers
et avoir icelles faitles et rendues parfaitles dans huit jours, à peine
de tous dépens, dommages int^, en ce q^ leur sera payé la d. somme
de quatre-vingt-dix-neuf livres, prix des d. fournitures et répara-
tions.
Dont et du tout les d. habitants ont requis acte au d. nV% q^
leur a octroyé po' servir et valloir ce que de raison.
Fait en présence de M® André Raimond Betôlaud, clerc, et de
s' Pierre Dardanne, marchand, habitant de cette ville, lesmoins
connus, requis et appelles. Et ont les d. Commarteau et consuls
signez avec les d. habitants, qui ce sont soussignez, et le d. Ghan*
taud déclare ne sçavoir signer de ce interpellé. Signé : P. de Com-
MARTALD, BONNET, LaROCHE, LaCOUTURE, MoNTAUDON, DE GUARTEMPB,
subd.; MoNTAUDON, Desvarenes, BoN?jET, Salleton, Devollondat,
Savy, Forgemol, Rocherolles, Commarcniat, Pier Margotin, Bos-
deau, Betôlaud, Malerbaud, A. Deslignêres, Ranjon, not" royal.
Conlrollé à La Souteraine le 26* septembre 1732. Reçu douze sols.
Signé : Nonique.
(Communication de M. J. Bellel).
Délibération de l'assemblée paroissiale de Saint-Auvent relative à la
réparation de Véglise (26 juin 1740).
Aujourd'huy dimanche, vingt-sixième jour du mois de juin mil
sept cent quarante, par devant nous, notaires royaux de la séné^-
chaussée de Montmorillon, soussignés, étant au devant de la grande
porte et principale entrée de Téglise paroissiale du bourg et
paroisse de S* Auvant, à l'issue de la messe paroissiale du dit
lieu, célébrée par Monsieur le Curé, les habiians sortans de l'ouïr,
assemblés au dit lieu, faisant la plus grande et la majeure partie
d'iceux convoqués au son delà cloche en la manière accoutumée
pour déhbérer ensemble sur les affaires qui concernent la dite pa»-
roisse, a comparu en personne sieur Gaspard de Soudanes, m* chi-
rurgien, habitant au bourg de S' Auvent, lequel, en qualité de
fabricîen et de seindic nommé et fondé de procuration des habitahs
826 SOCIÉTÉ ARCBÊOL06IOUB BT HISTORIQUB OU LIMOUSIN.
pour négocier l'affaire dont sera cy-après parlé, a dit et remontré
aax autres habitans, parlant à eux en général, qui leur a demandé
cette convocation afin d'examiner que le chœur et le sanctuaire de
leur dite église avec le clocher qui est édifié sur le même chœur
ayant eu besoin de réparations, surtout le dit clocher, qui a été
totalement ruiné, il y a six ans, les dits habitans se pounreureni
contre Messieurs du chapitre de S* Junien, décimateurs principaux
de la dite paroisse, pour les obliger en celte qualité à faire les
dites réparations; ensuite il auroit été fait état des dites réparations
et procédé à l'adjudication par un bail au rabais, laquelle adjudica-
tion auroit été enterrinée par arrêt du Conseil d'Etat du quinze
février mil sept cent trente-sept, qui auroit ordonné que les som-
mes portées parla dite adjudication seroient payées par les déci-
mateurs et renvoyées pour l'exécution du dit arrêt Jevant M* Lenain.
intendant de Poitiers, commis par le dit arrêt, auquel arrêt les dits
sieurs du chapitre de S^ Junien ayant formé opposition de leur part
et recherché des oppositions tierces, ils en furent déboutés ; le dit
sieur commissaire ordonna l'exécution du dit arrêt et prononça
une guarenlie en faveur du dit chapitre contre leurs co-décimaleurs
pour contribuer leur quotité par son ordonnance du vingt-huit oc-
tobre mil sept cent trente-neuf, de laquelle le dit chapitre interjeta
appel au dit conseil, sur lequel les habitans, en la dite personne du
dit sieur de Soubdanes, ont été ialimés eten ont obtenus une dé-
charge des condamnations contre eux prononcées par le sieur
intendant de Poitiers, commissaire du Conseil, avec dépens par
arrest par deffaud du neuvième may dernier, qu'ils ont fait signi-
fier au sindic le troisième juin aussi dernier : tout quoy communi-
qué aux habitans de cette paroisse, il a été délibéré qu'ils y forme-
roient opposition, ce qu'il a du depuis fait, en sorte qu'il est
question à présent de poursuivre la dite opposition pour faire
rapporter le dit arresl, demander l'exécution de l'ordonnance du
dit sieur commissaire du conseil du dit jour vingt-huit octobre 1739
et au dit arrest du conseil du quinze février 1737; et comme pen-
dant les dites poursuites déjà faites et le temps qui s'écoulera
devant celles qui sont à faire pour obtenir un arrest définitif au dit
conseil, il s'accumule des dégradations faulte des dites réparations,
qu'il y aura par conséquent une grosse augmentation des répara-
tions à faire au dit chœur, sanctuaire et clocher, il sera nécessaire
d'en former demande au dit chapitre de S^ Junien; et, attendu qo*iI
n'a aucun fonds de la fabrique entre les mains, il requiert les dits
habitants en général et chacun en particulier de lui fournir les fonds
nécessaires pour faire les dites poursuites, à fin et à mesure et an cas
où ils ne les luy fourniroient pas h présent comptant, qu'ils consentent
VARIÉTÉS ET DOCUMENTS. 837
qu'il en fasse un emprunt et promettant à présent de demeurer so-
lidairement obligés avec luy d'en faire le payement au porteur dans
le temps qu'il prendra avec lui, et en conséquence, requiert que les
dits habitans^ pour la dite majeure part icy assemblés^ tant pour
eux que pour les autres absents, ayant à délibérer présentement
sur la dite remontrance, ensuitte la ditte assemblée de la majeure
partie diceux ayant unanimement délibéré sur la ditte remontrance
aussy présents et entre autres M* Jean de la Garde, sieur de la
Besse, juge sénéchal du S* Auvant; sieur Sébastien de Mareilhac,
bourgeois; M* Jean de La Roche, notaire et procureur au dit lieu;
sieur François Touyéras, bourgeois ; sieur François Chapus, aussi
bourgeois; Jean et François Thamageron, maréchaux; Jean Rayet,
marchand ; Paul Rousselat, marchand ; Léonard-Laurent-Pierre de
Chezemartin, marchand, tous habitans du d. bourg de S' Au?ent;
Jean et Léonard Glanissen, marchands; François de La Joubertie,
Martial et autre Martial Chambord, habitans du village du Roule,
présente paroisse; François de la Garde, charron; Pierre Mamaud,
Léonard et Simon de Marcillac, habitans du village de Chez-Monne-
rie; François de Villard, marchand du village de laNouzille, et Jean
Saneslas dit Lamont, laboureur du village de Marthegoutte; Jean
Thomas et Jean Leboutet dit Ragot, Jean du Solier, maçon du vil-
lage du Peyrat; Léonard et Pierre de Vignerie, François Brun, tous
marchands du village de Trimolas; Pierre de Marcillac, marchand
du lieu de Planchât; Jean Vareille, musnier; Jean Vareille dit
Maraud, marchand du village de Boivieux; Martial Jallageas, mar-
chand : Maniai Boissaud, Louis Monnerie, laboureurs du village de
laBellemenie; Léonard Javellaud, marchand; François Blanchel,
Pierre et Léonard Nénert frères, laboureurs du village de Royer;
Louis Monnerie et Jean Fourgeaud, Jean Peyrichon, du village de
Soumagnas; Pierre Pouzy, marchand du village de la Berle,letout
paroisse du dit S' Auvent, tous convoqués à cet effet au son de la clo-
che, en la manière accoutumée, tant pour eux que pour les autres
habitans absents, ont dit qu'il est nécessaire de faire promplemenl
la dite poursuite et demande ci-dessus énoncée au dit conseil d'Etat,
donné de nouveau pouvoir au dit sieur de Soiidane, en la dite qualité
de sindic des dits habitans et fabriciens de la dite paroisse de faire
les dittes poursuites telles qu'il jugera nécessaire, consentent qu'il
fasse un emprunt jusques à la concurrence de la somme de quatre
cents livres pour employer aux dittes poursuites, les frais de laquelle
ils promettent de lui allouer sur le simple état qu'il en rapportera
de lui cerlifflé, promettent les d. habitans icy assemblés et convo-
qués, tant pour eux que pour les autres absens, de rendre et payer
avec le dit sieur Soudane la ditte somme de quatre cens en qui
828 SOCléTÉ ARCHÊOLOGIQUJB ET HISTOAIQUB OU LIMOU$IX.
luy sera à cet effet prêtée à celay qui la prêtera dans les termes ei
pactes qu'il stipulera en vertu du présent acte et sur la représenta-
tion simple du billet d'emprunt que le dit sieur Soudane en la ditk
qualité en aura donné. A l'effet de quoy, il mettra entre les maÎËS
du prêteur de la ditte somme une expédition des présentes es
forme; approuvent dès à présent ce qui sera sur ce par lay fait
et s'obligent pour le payement de la dite somme ci emprunter taai
pour eux icy présens que pour les autres habitans absens, solidai-
rement les uns pour les autres, et le meilleur d'un chacun d'eui
seul pour le tout, sous les renonciations au bénëdce de division.
d'exécution de bien et ordre de droit à eux donné à eutendre par
nous, dits noltaircs soussignés, être tel que de plusieurs obligés
ensemble pour une même chose, un n'est tenu du fait de raolre
sans avoir fait les dittes renonciations, ce qu'ils ont dit bien sçavoir
et entendre, et y ont dabondant renoncé et à toutes choses, privilè-
ges à ce contraires sous l'obligation et hipotëque de tous et cbacuos
leurs biens présens et futurs, et en cas de paiement solidaires par
les uns, les autres s'obligent au remboursement même de tous frais
qui pourraient se faire à peine de tous dépens et dommages intérêts,
et consentent même les dits habitans que pour parvenir à faire les
paiemens et remboursemens de la ditte somme de quatre cens
livres, même de toutes autres sommes qu'il sera nécessaire d'em-
prunter pour la môme affaire que dessus cy-après jusques à défini-
tion. Dont et de ce que dessus le dit sieur sindic et habitans et com-
parans ont requis acte à eux concédé par nous dits nottaires, qui,
pour l'exécution de leurs réquisitions, les en avons jugé et con-
damnés; et ont les soussignés signés avec nous dits nottaires ; les
autres ont dit n'être nécessaire et les autres ne sçavoir signer, de
ce dûment requis. Fait et passé au dit lieu et place du dit S^ Au-
vaut, le dit jour, mois et an susdit. (Suivent les signatures, au nom-
bre de vingt-quatre, dont trois notaires.) — Controllé à Saint-Au-
vant, le 26 juin 1740. Reçu douze sols. Signé : De la Garde.
(Communication de M. Gabriel Touyéras).
Assemblée paroissiale de Saint-Auvent : Nomination de Syndics.
(6 janvier 1741).
Le sixième jour du mois de janvier mil sept cent quarante et on,
au bourgt de S^-Auvant, sous la halle et place publique du dit Uea,
environs les dix heures du matin, à issue de messe paroissialle du
dit bourgt et paroisse, par devant les Not'"^* royaux de la sénéchaas-
VARIÉTÉS ET DOCUMENTS. 630
sée de Montmorillon, soussignés, se sont présentes en leurs
personnes, Léonard Leboutet, demeurant au village de Trin-
solas, d'une part, Junlen Hélias, demeurant au village de Royer,
le tout paroisse du dit S^-Auvant, les quels nous ont dit
qu'ils avoient été nommés scindics du dit bourg et paroisse par
les dits habitans pour en faire la fonction jusques au premier du
présent mois et qu'ils devoit être deschargé du dit office et charge
de scindic ainsi qu'il apparoist par l'acte du mil sept cent
quarante receu par no" à S'-Auvant, controllé au bourgtdu
dit lieu par Delagarde, et comme les dits habitans ont de coutume
de s'assembler sous la dite halle du présent lieu, les dits Hélias et
Leboutet nous ont requis de nous transporter avec enn au dit lieu
où Ton a accoutumé de nommer les dits scindics. A quoiadhairant,
nous nous sommes transportés avec les dits Hélias et Leboutet
sous la ditte halle et place publique, où étant les habitans du dit
bourg et paroisse assemblés, qui est M" Jean de Lagardo, sieur de
La Besse, juge sénéchal du d. lieu ; M* Jean Delaroche, no" et pro-
procureur au p* lieu; sieur François Gaspard de Soubdanes, sieur
Sébastien de Marcillac, sieur François Chapus aussi bourgeois ;
M* Jean et François Tamagnon, maréchaux ; Laurent Rayet, mar-
chand ; Jean de Laylevoix, sergent ; Paul Rousselat, m** , demeu-
rant tous au dit bourg; Pierre et Léonard de Vignerie, m^"; Fran-
çois Brun, m^ , d' au village de Trinsolas ; Léonard Javellaud, m^ ;
François Blanchard, laboureur d' au village de Rouyer ; d'autres
Jean et Léonard Glanisson, m^' du village de Roule; Jean Dela-
garde; Charron et Léonard Giraud, de villages de Chez-Monneric
et autres, le tout paroisse de S'-Auvcnl, auxquels les dits Hélias
et Lebouttet ont remontré que leurs charges de scindic finissoicnt
depuis le premier du présent mois et ont sommé les dits habitans du
dit bourg et paroisse de nommer d autres sindics, sy non et fautte
de ce ont protesté de n'être tenu d'aucuns événements. D'une môme
voie ont nommé pour scindic du dit bourg et paroisscde S*-Auvent,
pour en faire la fonction pendant un an à comler de ce jour-
d'huy, JeanBouyer, dit Jean de Lâge, demeurant au village de
Lâge, laboureur; et Jean Goursaud, journalier, demeurant au
village du Roule, le tout paroisse du dit S'-Auvenl : dont et du tout
les dits Hélias et Lebouttet nous ont requis acte aussi bien que
les dits habitans, de ce qu'ils ont nommé au lieu et place des
dits Lebouttet et Hélias que nous leurs avons octroyé chacun à
leur égard. Après leur avoir fait la lecture du présent acte aux dits
habitants, les dits soussignés ont signé et les autres ont déclaré
ne scavoir signer de ce interpellés. (Suivent les signatures).
Controllé à S'-Auvant le 6 janvier 1741, R. N. Delagarde commis,
(Communication de M. G. Touyéras).
830 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIK.
Assemblée paroissiale de Saint-Cyr : nomination d'un sfnéic.
(25 février 1742).
L'an mil sept cents quarante-deux, et le dimanche viogt-cinquièai '
février, à Tissue de la messe paroissiale du bourgt et paroisse de
S^-Cyr, au-devant la grande porte et principale entrée de Téglw
du dit lieu, les habilans de la dile paroisse assemblés au son de
la cloche et convoqués à la manière oiccoutumée par devant nous
no"" royaux de la sénéchaussée de MontmoriUion, soussigné, ayaiit
par eux été requis de nous transporter au dit lieu, c'est présenif
messire Junien Périgord, prêtre, curé du dit bourgt et paroi5>«-
du d. lieu, qui a proposé aux d. habitans qu*il n*y a point de sein-
dicts fabriliens dansTéglise de la dite paroisse, qu'il est nécessaire'
d'en nommer présentement deux, qu il les sommes d'en nomnitr
présentement, faute de quoi il proteste d'en faire nommer par
monseigneur Tinlendant. A quoi les d. habitans assemblés compo-
zantla plus grande partie de la d. paroisse ont réponduqu'ils éloient
prest de nommer les deux scinditcs fabritiens et sur le champs il>
ont délibéré ensemble et après leurs délibérations, ont unanime-
ment nommé Jean Léger, s' de La Fond, bourgeois, demeurant au
village de La Barbe; Léonard Rouchette, laboureur du village de
Broussas, susdite paroisse, les quels icy présents ont accepté leurs
nominations, fait leur soumilion et prorois de saquiler de lear
devoir et de leur charge : dont et de tout quoi le dit sieur caré, les
d. habitans et les d. fabritiens en ont requis acte que je leur ai
octroyé. Parmis les quels habitans étoient particullièreroenl
M« Estienne Allegraud, Jean Descubes, sieur du Repayre, Jean
Allegraud, Estienne DcHgnas, Jean Allegraud, Guillen Allegraud,
Pierre Allegraud, André Rouchette, Laurent Chapus, Pierre Cha-
baud, Pierre Legnias, Estienne Reyx, Simon Reymondeau, Laurens
Rouchette, Pierre Nénert, Guillen Allegraud, Pierre Monoerie.
dont ceux qui savent signer ont signé et les autres déclaré
ne sçavoir de ce duement requis. Le dit sieur curé a signé el h^
autres ont déclaré ne sçavoir. Fait et passé au devant de la d.
grande porte de l'église les d. jour mois el an susdit.
Suivent neuf signatures et celles des deux notaires royaux.
Mallebay de Massé et Touyéras.
Controllé à St-Auvent, le 1^^ mars 1742, reçea deux sols.
Signé : L. Lhomme.
(Communiqué par M. G. Touyépas).
VARIÉTÉS ET DOCUHSMTS. 831
Assemblée de paroisse de St-Laurent-^ur-Gorre. Examen de diverses
réclamations relatives à des cotes de taille (37 décembre 1774).
ÂQJourd'hy, jour de feste vingt-ieptieme jour du mois de dé-
cembre mil sept ceDls soixante-quatorze, à issue de la grand messe
paroissiale du bourg et paroisse de 8*-Laureas-8ur-Gorre, célébrée
par H. le vicaire du dit S^-Laurens, Iqs habitaos assemblés sous la
halle et place publique au son de la cloche à la manière accou-
tumée, par devant nous notaires royaux de la sénéchaussée de
Montmorillon, soussignés, a comparu Anthoîne Duuoyer, sindic du
bourg et paroisse du d. S^-Laurens, lequel en parlant aux dits
nianans et habitans, leurs a remontré qu'il a receu de Monsieur de
La Fordie, subdélégué de Monseigneur l'intendant de Poitiers
trois mémoires d'oposition en surtaux au rolle des tailles de la
paroisse du d. S'-Laurens-sur-Gorre pour la présente année mil
sept cents soixante-quatorze, qui ont été donnés et fourny par de-
vant Messieurs les présidents lieutenant conseillers du roy et eleus
en Télection de Gonfolens par Clément Ratinaud, du village.de la
Roussille, collon du s' du Pcyrat, habitant de la d* paroisse de
S*-Laurens, qui dit que son bien est symodique et que son revenu
a beaucoup prés suflsant pour ie nourir et sa famille ; qu*il est
obligé de faire valoir le bien d'autruy à moitié fruit et que tout son
bien consiste en une petite maison et jardin, trois septérées de
prés, trois septérées de terres seigle et six à sept septérées de
bruyère le tout médiocre, qui ne fait en tout que douze à treize
septérées et qu'il a été cotisé depuis trois ans en sa de prin-
cipale taille a douze livres douze sols et en soixante-quatorze à
quinze livres ; Georges Frugier, dit Lirat, collon du dit sieur du
Peyrat, auvillage de Bruyère, sus dite paroisse de S'-Laurens, qui dit
que son bien et si modique et que son revenu n'est pas suffisant
pour le nourir et sa famille, qu'il est obligé de faire valoir le bien
d*autruy à moitié fruit et que tout son bien consiste en une petite
maison, grange et jardin, quatre septérées de prés, trois septérées
de palureaux, huit septérées de terres à seigle et douze septérées
de bois chastagniers, ce qui fait en tout environ vingt-sept septé-
rées, le tout de qualité très médiocre ; et Jean Reynaud, dit le Reyx,
du village de Bruyère, sus d. paroisse de S*-Laurens, dit que son
bien et sy modique et que son revenu n'est pas suPisant pour le
nourir et qui ne possède que trois septérées de prés, une septérée
de terre et bois châtaigniers avec une petite maison et grange et
se trouve cotisé trois années consécutives à dix livres douze sols et
aujourdbuy à treize livres deux sols.
S39 SOCIÉTÉ ARCB^.OLOGlQO£ ET HISTOEIQUB DU LIMOUSIN.
A quoi le d. sindic, manans et habitans de la d. parois>o'>
S'-Laureus, fezanl la plus seyne et grande partie des principaiî
habitans, lesquels après avoir examiné les trois mémoires d^ojnr-
sltion en surtaux des tailles fourny par les d. Clément Ratioâs^I.
Georges Frugier et Jean Reynaud, dit le Roy, ont tous unafliffir-
ment et d'une mesme voye dit et déclaré qu'ils ne sontpa5s»ir-
chargés et que bien au contraire qu'ils ne sont pas taxé à la laiH.
qu'ils doivent avoir et tout ce qu'ils ont avancé par lear d. oposiii'^'i
est faux et supozé. Donc et tout quoy les d. comparans nous on:
requis acte que nous leur avons octroyé pour leur servir et valloi-
ainsy que de raison. Fait et passé au d. lieu et place pubUiinf
le d. jour mois et an sus dit. Lecture faite les soussignés ont sigc*^
et les autres ont déclai'é ne sçavoir signer ny n*ellre de bezoin.
Signés : A. Dunoyer, sindit; de CnArzEMARirN, Pierre Ratsuk
A. Raynaud, deLv Cote de Chaizemartin, L. Braud, Jacques Rollvii».
M. Lavergike, Pierre Frugier, C. Veyreton de Massaloux, n* royal.
TouYÉRAs, notaire royal.
Controllé à S*-Auvent le 1«^ janvier 1775, reçu quatorze sols.
Signé : de Marcilluc.
(Communication du môme).
Privilège d'Eugène III pour l'abbaye de Solignac. Sa date.
Le R. P. Rigaudie a étudié une bulle, jusqu'alors inédite, que
possèdent les Archives de la Haute-Vienne sous le n* 8949 ftù fonds
de Solignac. C'est un privilège du pape Eugène II[, acconlé a
l'abbaye de Solignac en 1147. Puis, après la consciencieuse étude
qu'il en a faite, il en a enrichi le dernier Bulletin de la Société
archéologique, t. XXXIX, p. 639.
Dans les savantes notes qui accompagnent ce document il nous
dit : « Ce parchemin a subi plusieurs déchirures, dont la plus n^-
gretlable parait avoir été occasionnée par l'arrachement du sceau
en plomb appenda au privilège et qui manque. Malgré cela, il o>t
facile de rétablir sûrement le privilège dans son intégrité, à l>x-
ception toutefois de la date du mois et du jour qu'il est impossibk
de préciser, »
L'impossibilité de rétablir cette ççgretlable laciine subsistera
toujours si on s'en tient au parchemin lui-niéme, car personne ne
peut l'étudier avec plus de sagacité et en retirer plus d'indicationi:
fructueuses que le R, P. Rigaudie. C'est donc ailleurs qu'il faut
c rcher la solution.
VARIÉTÉS ET DOCUMENTS. 833
Celte bulle, avant de venir au dépôt de nos archives départe-
mentales, était conservée au trésor de Tabbaye de Solignac. Elle y
était notamment vers 1658 lorsque Fr. Laurent Dumas composa la
Chronique du monastère de Saint-Pieire de Solignac^ chronique
encore inédite, dont je possède le texte autographe de Fauteur.
C'est un petit in-i*» carré de 180 pages, dont le manuscrit des
Archives nationales n*» 19,857, ne contient qu'une partie. Or
ce religieux reproduisant dans son manuscrit les documents qui
avaient quelque importance historique, ne pouvait oublier le
privilège d'Eugène III. Il donne, en effet, le texte de cette bulle,
pris sur l'original qui n'avait alors aucune déchirure. S'y lit très
distinctement : « Datum XVIII K"^. Oct. »
Donné le 18* des calendes d'octobre, c'est-à-dire le 14 sep-
tembre.
Il suit de là que l'indication du 6 septembre (VllI id. sept.)
fournie par la nouvelle édition des Regesta Pontif. Roman, de
Jaffé au n** 9130, ne doit être exacte.
Dans rénumération des églises appartenant à l'abbaye de Soli-
gnac, le R. P. Rigaudie lit dans le texte de la bulle : « Ecclesiam
Sancti Elegii Delvica, » Et il hésite à identifier cette église. Notre
manuscrit va encore lever les doutes à ce sujet. Il porte : « Eccle-
siam Sancti Elegii de Vicano. » C'est en effet le Vigen, qui appar-
tenait à Solignac en 1147. Il ne peut pas y avoir de doute sur cette
identification, puisque le cartulaire de cette abbaye nous apprend
que Gaucelin de PierrebulBère céda à l'abbé Guy, qui siégeait en
1071, le fief presbytéral de Saint-Eloi de Vico.
À. Lecler.
ERRATA
Il s*est iDtroduil quelques légères erreurs dans la nolice chrono-
logique sur Sain t-Yrieix. Ainsi, rimprimerie de Noyer fut ëublie
en 1835 (et non vers 1833, comme il est dil). — Le médecio d'Annie
d'Autriche s'appelait Pardoux Gondinet (et non Yrieix). — H. de
Latour habite aujourd'hui Le Ghalard (et non Courbefy). — Danfi
la liste des hommes notables, on a oublié Antoine de Laloor, tra-
ducteur des Prisons de Silvio Pellico (1833). Voy. l'article qui lui
est consacré dans la première édition du Vapereau.
A. L.
NÉCROLOGIE
M. Astaix.
La Société archéologique et historique du Limousin a perdu, au
cours de rannëe 1890, un de ses membres les plus dévoués, un de
ceux dont le concours fidèle et sûr lui a été le plus précieux.
M. Astaix, ancien directeur de TEcoIe de médecine de Limoges,
chevalier de la Légion d'honneur, est mort le 24 septembre, après
quelques jours seulement de maladie, C'était un savant modeste,
un professeur distingué, un homme d'une haute honorabilité et
d'une rare bienveillance. Il a laissé des regrets unanimes à
Limoges, où sa laborieuse carrière, qui s'était écoulée sous les
yeux de tous, fournissait le meilleur des exemples et la plus élo-
quente des leçons.
Originaire du département du Puy-de-Dôme, M. Astaix était
venu se fixer dans notre ville après avoir fait à Paris de fortes
études couronnées de succès exceptiounels. Ces succès, s'il avait
eu de l'ambition, lui eussent ouvert une brillante carrière scienti-.
lilique. Ses goûts lui firent préférer une existence tranquille, où
rétude modeste, le bien fait sans étalage et les joies intimes de la
famille tiendraient une plus large place. Il établit à Limoges une
pharmacie des mieux organisées. Très consciencieux, très dévoué,
très charitable, chimiste d'une réelle valeur, il jouissait auprès de
ses confrères d'une autorité fort grande et auprès de l'adminis-
tration et de la population, d'un crédit dont il sut user au profit
du bien public. Il avait conquis peu à peu une situation exception-
nelle, et après la mort du regretté docteur Bardinet, il fut choisi
pour remplacer l'éminent chirurgien à la tête de notre Ecole de
médecine.
M. Astaix appartenait depuis longtemps à notre Société archéo-
logique, dont il était le premier Vice-Président. L'association
comptait peu de membres aussi compétents que lui et d'une compé-
tence aussi variée. Il avait étudié avec un soin particulier les ques-
836 SOCIÉTÉ ARCHÊOLOGIQOE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIK.
tiens relatives à rémaillerie et les possédait à fond. Aussi passait-
il ajuste titre pour an véritable connaisseur et son opinion était-
elle d*un grand poids. Il s*étàit également occupé de tout ce qoi
a trait à la fabrication et au décor de la porcelaine et on lai doit,
dans cette voie, de savantes recherches et d'utiles constatalioD>.
Les cours et conférences qu'il fit à diverses époques sur ces ma-
tières furent très appréciés et rendirent de réels services i rio-
dustrie limousine.
Ajoutons que M. Astaix a pris une part très active à la fondation
du Musée céramique, et que c'est en grande partie 'k lui que noire
ville a dû la renaissance de l'émaillerie après une interruption de
plus d'un demi-siècle.
Chrétien exemplaire, citoyen dévoué, père de famille modèle.
M. Astaix avait exercé des fonctions gratuites de toute sorte; il
avait notamment appartenu au conseil municipal pendant de lon-
gues années, et dans les questions d'instruction, de voierie, dans
celles surtout où la sanlé publique était intéressée, il était fort
écouté de ses collègues. Il était de plus membre du Conseil
d'hygiène depuis sa fondation et il apportait un zèle tout parti-
culier aux travaux de cette commission, appelée à rendre tant de
services dans une vieille et populeuse cité comme la nôtre.
La mort de cet homme excellent n'est donc pas seulenient un
deuil pour sa famille, pour ses amis« pour le corps médical, poor
les associations où il exerçait, comme dans la nôtre, une ioflaenco
que sa nature douce et sympathique faisait accepter de tout le
monde. C'est une véritable perle pour la ville de Limoges et nos
concitoyens Ton vivement ressentie.
Louis GCIBBRT
ADDITION
AU NKMOIRE ; '
UN TRIPTYQUE EN ÉMAIL PEINT EN GRISAILLE
PAR MARTI?i DIDIER
Au Musée civiQue de Bologne
(p. 54r> do présent Bulletin;
Depuis quenoti;e Iravail avait (Hé mis sous presse, nous avons eu
la bonne fortune, en dcpouillantlesarchivesdu xvii« siècle, de l'étude
de M" Billard, notaire à Limoges, fonds Thoumas, de mettre la
main sur une transaction, en dale du 10 mars 1652, entre Cathe-
rine Didier et la dameBonnaret(?) veuvedus' Michel de Neufvillars,
dit Chambe Nègre habitant le village de La Croze dune part, et
les enfants de Neufvillars d'autre part, pour le payement auquel
ils avaient été condamnés envers elle. — Au dos de l'acte, le
22 juillet 1652, elle leur délivre quittance de 50 Hvres. Voici l'é-
noncé : « présents en leurs personnes Catlicrine Didier, veufve de
feu Pierre Mérigou, vivant, .marchant de la pr°^ ville »
Signé à l'acte et à la quittance d'une écriture quasi gothique, mais
très nette : Catherine Didier.
Ce nom de Didier, que Ton n'avait pas encore remarqué en
Limousin ne pouvait manquer de nous intriguer; mais l'acte ne
fournissait pour nous aucune donnée intéressante, si ce n'est tou-
tefois rindication que Catherine était veuve de Pierre Mérigou,
nom qui ne nous était pas inconnu dans la liste des anciens émail-
leurs.
Aussi nous reportâmes-nous aussitôt à \ Inventaire sommaire des
archives communales de Limoges dressé par M. A. Thomas en 1882,
et comprîmes-nous, seulement alors, tout l'intérêt de la mention
suivante : GG. 108, ligne 5. — Saint-Michel-des-Lions. Baptêmes,
8 mai U>âl : «Jehan, fils de Pierre Mérigou, eymaUleur: parriu
Jehan Didier, m* brodeur; marrine Catherine Boolestey, veiif^t»
de feiit Léonard Merigou. »
En 1621, Catherine, mariée à Pierre Mérigou, émailleur, avait eu
un fils, Jehan, auquel elle avait donné pour parrain son frère Jehaa
Didier; la marraine avait été prise au contraire du côté paternel:
c'était la belle-sœur de Pierre Mérigou. Nous trouvons donc à c«tte
date une famille Didier bien implantée à Limoges : Jehan, maître
brodeur, est à la tôte d'un atelier d'art industriel ; sa sœur Cathe-
rine a épousé un émailleur; en 1652, elle est veuve.
Sans exagérer Timportance de ces constatations, il était bon
qu'elles fussent faites ; et si elles n'autorisent pas, sans conteste,
rhypothèse suivante, au moins permettent-elles de rétablir avec
quelque vraisemblance : Martin Didier, qui figure aux comptas
royaux en 1399 comme « esmailleur de Sa Majesté », et qui avait,
sans doute, succédé à Léonard Limosin dans cette charge, vers !oTb.
était Limousin et Pierre Mericrou, son élève, serait devenu son
gendre avant 1621 (1).
Mais les faits ci-dessus ne jettent malheureusement pas un grand
jour sur la question de savoir si Témailleur M. D. est bien notre
Martin Didier. Sa lille présumée, Catherine, mère en 1621, et
veuve en 16S2, avait pu naître plus ou moins avant dans le xm*
siècle, ce qui ne rendrait pas inadmissible absolument la supposi-
lion de M. de Laborde (2) : « Ton remarquera qu'il (Martin
Didier) s'est retiré en 1609, sans doute par le bénéfice de son grandi
âge et pour céder sa place à Albert Dicdier, probablement son fils.
On peut donc renfermer son activité, comme peintre esmaiUenr d»
lioy^ entre les années 1574 et 1609 ; mais il a pu travailler dès
1550, et dans les vingt années qui suivent cette dale conquérir la
réputation qui l'a désigné pour devenir le successeur de Léonard
Limosin, dont il était peut-être l'élève. »
15 janvier «893.
Louis BOI'RIIER^.
(i) il est (h'ident que Pierre Mérigou « marchand » est le mènie que
l>ierrc Miîrigou « esmailleur », ce lllre iHanl rarement donné dans les aclcs
notariaux du 2cvii° siècle, où toutes les professions sont confondues sous !e
nom de « marchant ».
On ne connaît aucun émail de Pierre Merigou, qui aura laiss<^ sans doute
le voile de Panonvmat sur ses travaux.
(^ ; Sotif-e des Emauœ du Louvre^ 1857, page î80.
■K'
, (■
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
SÉANCE DU MARDI, 27 JANVIER 1891
PréAldence de M. Tabbé AROBLLOT» président
Présents : MM. le chanoine Arbellol, de Bruchard, Paul Ducour-
lieux, Fray-Fournicr, Gany, Ed. Hersant, Tabbé Joyeux, Nivet-Fon-
laubert, Savodin et L. Guibert, secrétaire.
Lecture est donnée du procès-verbal de la dernière séance, qui
est adopté.
Un certain nombre de volumes et de publications sont parvenus
au secrétariat de la Société dans le mois qui vient de s'écouler.
M. le président les signale et donne une mention particulière à VAl-
manach Limousin pour le département de la Coirèze^ publié par
M. Paul Ducourtieuxet où se trouvent de fort bons articles d'his-
toire et d'archéologie; à l'étude de M. L. Guibert sur la Commune de
Saint-Léonard au treizième siècle, qu'accompagnent des textes fort
curieux et fort pittoresques; à la dernière livraison du Gay-Lussac,
renfermant un travail aussi intéressant que précis de M. le docteur
BouUand sur les Maladies épidémiques et contagieuses à Limoges, Il
appelle également lattention sur le dernier bulletin de la Société
archéologique duPérigord, qui renferme plusieurs articles de M. le
baron de Verneilh, entr'aulres une notice sur le château des Com-
bes, dans le Nontronnais ; sur le tome XIII du bulletin de la Société
archéologique de Bordeaux, contenant des renseignements sur les.
Dorai de Limoges, établis dans la capitale de la Guyenne; enfin sur
la Revue de Saintonge^t d'Aunis, où il est rendu compte do l'étude
de M. Arbellot sur les Sources de VHistoire de Grégoire de Tours.
En adressant à la Société son originale et piquante étude sur les
T. XI. 53
■ *V I
Bà8 SOCIÉTÉ ARCHÂOLOGIQCK BT Ol$TORfQOK DO LIHOUSIV.
Chanson» rustiques du Limousin, M. Camille Leymarîe fait appd ac
concours de ses confrères pour enrichir son recueil de Yienx ciuii^
populaires de notre pays. M. le président transmet cet appel et
signale quelques curieux couplets dans lesquels un paysan de Boar-
ganeuf raconte à sa manière les incidents d'un royage à Poitiers.
M. Arbellot ne se rappelle qu'une partie de la chanson ; il ne la
plus entendu chanter depuis son enfance; .elle paraissait dater ds
temps de Louis XIV.
M. Alfred Leroux vient d'être nommé officier de rinstruction pn-
blique. M. le président eût été heureux de le féliciter d*une distinc-
tion si bien méritée et il témoigne le regret que M. T^roux ne soit
pas présent pour recevoir ses compliments et ceux de ses confrères.
La Société^ si récemment éprouvée par la mort de M. Astaix, vieot
de faire une nouvelle perte . qui ne lui sera pas moins sensible.
M. Joseph Brunet, membre Jionoraire, est mort il y a peu de jour<.
à sa propriété de la Bourgade. M. le président rappelle les titres de
M. Brunet au souvenir de tous ceux qui aiment leur province et
étudient son histoire. La. carrière politique de Tancien président da
conseil général de la Gorrëze, de Tancien sénateur, de Tancien mi-
nistre, ne nous appartient pas. Nous nous souviendrons, tonlerois,
que M. Brunet a donné un concours paissant à l'œuvre, s! chère i
tout Limousin, ^e Tachèvement de la cathédrale, et que la Société
lui doit sa reconnaissance comme établissement d'utilité pnUique.
Mais c'est surtout la part prise par M. Brunet aux études mêmes et
aux travaux de la Société qu'il convient de rappeler. Il appartesait
à la compagnie depuis 1852 : secrétaire-adjoint en 1854, secrétaire
général en 1861, il ne put, bien que réélu en 186S, continuer ces
fonctions qu'il avait remplies avec sa netieté d'esprit et sa cons-
cience ordinaires. M. Brunet a donné au Bulletin une excellente
Notice sur l'ancienne Chartreuse de Glandier et a publié le Terrier
de l'église de Beaumont. Il y a deux ans, au retour de son voyage à
Constantinople, il annonçait renvoi d'une photographie du tombeau
du fameux Achmet-Pacha, qu'il se proposait de faire acc(Hnpagner
de quelques pages. Il est resté jusqu'à la fin sympathique à la Société
et attentif à ses travaux. La Société s'associera aux hommages de
respect et de regret qui lui ont été rendus et au deuil si profond, si
justifié de sa famille.
Sont présentés en qualité de membres titulaires :MH.rabbé Gra-
nd, curé de Saint-Hilaire-Bonneval, par MM. Garrigou-Lagrange et
L. Guibert; et Pierre Cousseyroux, avocat àLimoges,parMM. le cha-
noine Arbellot et L. Guibert. M. l'abbé Lecler et M, le comte des
Monsliers-Mérinville, présentent comme membre correspondant
M. le comte de Beauchesne, membre de la commission historique et
PBOrls-VRRBAb'X MS SKAMCC!<. 839
archéologique de la Mayenne, a« ch&leau de Tor ce, par Ambrières
(Mayenne).
Il sera statué à la séance de fémersur ces présentations, confor-
mément au règlement.
La table de la salie des séances est couverte d'objets et de frag-
ments antiques, provenant des fouilles commencées par M. Tabbé
Joyeux, curé d'Oradour-sur-Glane, sur divers points de cette com-
mune. M. le président donne la parole au laborieux chercheur pour
exposer les résultats de ses investigations.
M. l'abbé Joyeux raconte qu'il y a quinze mois environ, allant
bénir une maison à Orbagnac, village de sa paroisse, il remarqua,
parmi des débris, un fragment de tuile antique. Il y avait donc là
d'anciennes constructions. M. Joyeux se mit en devoir de les recher-
cher. A vingt mètres à peine de Fhabitation, dans un champ appar-
tenant à M. Martial Peyroux, et dont le niveau était sensiblement
exhaussé par des débris, il rencontra de nombreux fragments d'ob-
jets; des briques à dessins parallèles, du verre, des poteries, de
curieuses petites figures en terre blanchâtre, creuses : oiseaux, pois-
sons, ours, animaux domestiques, un buste brisé. C'est sur une
étendue de dix mètres carrés à peine que toutes ces trouvailles ont
été effectuées. H. Joyeux fait successivement passer ces fragments
sous les yeux de son auditoire, en indiquant les circonstances dans
lesqueUes chacun a élé recueilli.
Au nord d Oradour, dans les dépendances du village du Theil et
à 300 mètres environ de ce village, M. Joyeux a reconnu des cons-
tructions antiques d'une assez grande importance ; il a, sur une
longueur de 30 mètres environ, fait dégager une muraille que vien-
nent rejoindre, à droite et à gauche, d'autres murs transversaux. Il
y a là beaucoup de débris, et on y trouve de curieuses briques à
emboîtages.
Enfin, à 3 kilomètres au-dessus du Theil, dans un champ dit
« Champ du Bois », l'existence d'autres substructions a été consta-
tée. On a recueilli là non seulement une petite lampe en bronze et
un objet du même métal qui parait élre un éperon, mais une hache
en silex brisée.
M. Joyeux rappelle que ces diverses stations sont échelonnées le
long de la voie qui se dirigeait de Limoges sur Poitiers et dont on
retrouve d'importants (ronçons, en fort bon état, dans la forêt de
Veyrac et aux abords de l'étang de Cieux, qu'elle traversait. Les
gens du pays appellent cette voie le Chemin du diable. Sur son par-
cours, plusieurs camps retranchés avaient été construits : ceux de
Charra et celui des Chastres sont assez bien conservés et présen-
tent encore un relief fort net sur une partie de leur contour.
8tO SOCIETE ARÛ&ÉÔLOGiQUft Et titSTORlOUE DO LiMOCStK.
M. le président remercie, au nom de la Société, M. l'abbé J6\eo\.
dont il rappelle les fouilles si fructueuses au mont Gargan et an
mont Ceix, et qu'il encourage à poursuivre ces intéressantes recher-
ches. La Société n*hésitera pas à aider son laborieux pionnier en
mettant à sa disposition, sur l'exercice 1891, une subvenlion ausî;
large que le permettra Tétat de ses finances.
A propos des fouilles du montCeix, M. deBruchard fait connaitre
que de nouvelles substructions ont été découvertes auprès de celles
mises au jour par M. Joyeux et parle delà prodigieuse quantité de
débris antiques qu'on rencontre dans tousles champs des enviroD<.
Une lettre de M. Charles Blanchaud signale Texistence de restes
gallo-romains sur plusieurs points, dans les environs du Dorât, no-
tamment au Fan, sur remplacement même de l'habitation de M.d*Or-
fond, maire de Verneuil-Moûliers. N'y aurait-il pas eu à cet endroit
un temple, — fanum? Quoi qu'il en soit, on y a découvert des tuile?
à rebords, des briques à dessins concentriques, des fragments d'en-
duits avec des peintures.
À propos de la coramunicaliou faite par M. Demassias à la der-
nière séance, relativement aux Charités du Pas-de Calais, M. Edouard
du Basty, conservateur des hypothèques à Sens, a envoyé à la So*
ciété une note fort intéressante sur les confréries analogues qui
existent en Normandie^ et dont plusieurs possèdent des chartes et
des archives fort anciennes. Ces Charités se recrutent, comme celle
de Béthune, parmi les chefs de famille et se proposent de rendre les
derniers devoirs à tousles morts de la paroisse, riches du pauvres.
Dans certains endroits où les Charités ont disparu, on tire au sort.
chaque année, le nom d'un certain nombre de chefs de maison doni
l'assistance aux obsèques de tout habitant de la commune sera obli-
gatoire pendant toute Tannée qui suivra.
M. Anloine'Thomas a bien voulu signaler à la Société, dans une
note dont M. Guibert donne lecture, un passage de lettres de rémis-
sion accordées, en 1353, à Tévéque de Limoges par le maréchal
d'Audrehem, lieutenant du Roi entre la Loire et la Dordogne, et où
il est dit que le prélat a bien mérité du Roi en consentant notam-
ment à la démolition de son château de Xoiliaic (sic). M. HoUnler,
(]ui a publié ce document, a pensé que la localité en question est
Noaillac, près Meyssac (Corrèze); tel n'est pas Tavis de Jf . Thomas :
il estime qu'il s'agit ici de Noblat, près St-Léonard, et M. Arbellol
et M. Guibert considèrent la chose comme certaine. M. Thomas se
demande ensuite s'il ne faudrait pas chercher dans Novalia plutôt
que dans Nobiliacum l'étymologie de ce nom de Noblat. H. Arbellot
ne saurait partager cette opinion. Une fort ancienne Vie de Saint-
Léonard, écrite au vP ou vu' siècle, donne le nom de celte localité
.• ■. .' • , '-■••.. .1
• •/■••■
PROCiS-VERBAUX DES SBANCRS. 811
SOUS lâ forme Nobiliacum et ajoute que Saiut-Léouard appela ainsi
ce territoire : « eo quod a nobilissimo rege datum ftierat »,
Il est donné lecture par M. Ducourtieux d'une noie de M. Félix
Vandermarcq relative à la station de La Bélhoule, commune de
Champagnac, à 3 kilomètres et demi d'Oradour; M. Vandermarcq
constate que cette station, occupée à l'époque gallo-romaine, l'avait
été pendant la période antérieure; il a, en effet, découvert, auprès
des tuiles à rebords, briques, pesons de tisserand, anse de vase, gran-
des poteries, le talon d'une hache néolithique en silex jaune et divers
éclats de silex. Il signale de plus un ustensile qu'il croit être un
moulin à main. On trouve à La Béthoule un très ancien puits, de
22 pieds de profondeur^ que M. Vandermarcq se propose de fouiller.
Peut ôlre est-ce un puits funéraire?
L'église d'Oradour-sur-Glane renferme un joli cul-de-lampe en
granit, sur lequel est sculpté un paysan jouant de la chabrette. Pour
accompagner un charmant dessin de ce motif, dû à l'obligeance et
au talent de M. le baron de Verneilh, M. Paul Charreire a bien
voulu, en quelques pages, donner à la Société une notice sur la cor-
nemuse, dont il rappelle la haute antiquité, et dont la race blanche
a, parait-il, le monopole exclusif. La musique rudimentaire de la
race jaune et de la race noire ne connaît pas cet instrument. L'émi-
nent maître de chapelle regrette l'abandon de la chabrette : elle
avait une originalité et une saveur qui convenaient admirablement
aux mélodies rustiques.
M. L. Guibert rappelle que le Journal du consul Lafosse^ jadis
publié par lui, donne quelques renseignements intéressants sur la
période delà Fronde à Limoges; une copie des Annales de 1638,
trouvée par M. Tabbc Granct dans les archives de la famille de
Voyou et collationnée par M. Leroux, fournil aussi quelques notes
sur cette époque. Il donne lecture d'un document relatif aux mêmes
événements, surtout aux lentatives de M. de Sauvebœuf, et copié
par lui dans les manuscrits du Séminaire.
La séance est levée à dix heures un quart.
Le secrétaire général,
Louis Guibert.
■ ■'.
1*:
842 sociéTé archéologiqus et histoeiqok ]>« linoosiit.
SÉANCE DU MARDI U FÉVRIER 1891.
Présidence de If. l'abbé ilLltBEL.L.OT, I»r««Id««il.
Présents : MM. le chanoine Arbellot, Louis Bourdery, Jean de
Bruchard, Paul Ducourtieux, René Fage, Fray-Fournier, Ed. Her-
sant, Camille Jouhanneaud, Alfred Leroux, Paul Marlaux, Savodin,
et L. Guibert, secrétaire.
Après la lecture et Tapprobation du procès^verbal de la dernière
réunion, M. le Président fait connaître les titres des oaTrages et
publications reçus depuis lors, en appelant d'une façonspédale Tal-
tention sur les suivants :
1^ Le dernier Bulletin de la Société des lettres, sciences et arts
de Tulle, renfermant de fort intéressants travaux, parmi lesquels il
faut citer la continuation de VHistoire du collège de Tulle, par
M. Qément Simon, et de la précieuse série des documeals relatifs
au siège de cette ville (en 15iB3), publiée paç M. René Fage (on y
trouve aussi la suite de Tarticle de M. Arbellot sur les oeurres du
Père Martial de Brive, le tempérament poétique le plus remar-
qpble qu'ait produit le Limousin dans les temps modernes);
^ Le dernier Bulletin de la Société scientifique de Brive, dans
lequel M. Alfred Leroux publie un livre de raison de la famille de
Saint-Feyre donnant des renseignements fort curieux sur un Toyage
de l'auteur du manuscrit en Italie à la suite du duc de Nemours et
un pèlerinage à Rome fait un peu plus tard. On y remarque anssi
une chanson dont quelques vers sont très connus : Les Châtaignes
du Limousin» Les éditeurs disent qu'on n'eu connaît pas Tautear.
Suivant M. Arbellot, l'auteur n'est autre que l'improvisateur
Eugène de Pradel. M. Guibert croit qu'un seul couplet peut lui
être attribué avec certitude.
M. le Président signale un certain nombre de brochures fort inté-
ressantes accompagnées d'excellents dessins, et dont M. Albert
Mazel, architecte à Paris, membre correspondant, a bien voulu
faire hommage à la Société; — une notice de M. L. Guibert sur Us
anciens syndics du commerce à Limoges; — une livraison du Bulle-
tin de la Société des Amis des Sciences de Bochechouart, avec des
articles de MM. R. Fage et Précigout.
Après la lecture d'une circulaire de M. le Ministre de Tinslruc-
tion publique, ayant trait à la prochaine réunion des Sociétés des
Beaux-Arts à Paris, M. le Président donne .communication d'une
rROCàS-miAUl DEB SUIHCK8. 843
lettre de M. Àûtoine Thomas, relative à Tëtymologie du nom de
Noblat et faisant remarquer Fanlagonisme qui existe entre la forme
latine Nobiliacum, paraissant dériver d*un gentiliee, et la forme
vulgaire : Noalae, Noalhac, Nouale, qu'on trouve aux xii% xm* et
xiv* siècles. Cette seconde forme indique une autre racine que
celle de Nobiliacum. M. Thomas demande si les localités placées
autour de l'ancien château ne porteraient pas un nom trahissant
cette autre étymologie, qui pourrait se rapporter à Nêvalia. On ne
connaît malheureusement pas de nom répondant à ce type, et le
lieu a tooiours été dit : Noblat ou Pont de Noblat.
M. Tabbé Georges Ardant, qui poursuit à Rome ses études de
théologie, a signalé à M. Arbellot divers ouvrages faisant mention
de Tautel de Saint-Martial dans la basilique de Saint-Pierre. Il
résulte des renseignements fournis par lui, que le tableau de
Spadarino, placé au-dessus de cet autel, était sur toile, et qu'il a
été enlevé en 1824 seulement : on sait qu'il se trouve aujourd'hui
déposé dans Tatelier des mosaïstes.
M. Tabbé Granet, curé de Saint-Uilaire-Bonneval, et M. Pierre
Cousseyroux, avocat à Limoges, présentés à la dernière séance,
sont successivement élus, au scrutin secret, membres titulaires de
la Société; M. le comte de Beanchesne, également présenté à la
réunion de janvier, est admis comme membre correspondant.
M. Albert de Latour, propriétaire au Chalard, et demeurant à
Paris, rue de l'Université, 38, est présenté en qualité de membre
correspondant, par MM. le chanoine Arbellot et L. Guibert.
L'ordre du jour appelle la lecture par M. Louis Bourdery, tré-
sorier de la Société, du compte des recettes et dépenses pour
Texercice 1890.
Après avoir constaté que la Société compte actuellement i47
membres titulaires et 65 membres correspondants, M. Bourdery
résume les opérations de Tannée 1890 comme suit :
Recettes.
En caisse au l^ janvier 1890 367 95
133 cotisations de titulaires à 15 fr * 1 . 980 »
62 — ' correspondants à 7 fr 434
5 droits d'entrée des titulaires à 10 fr 50
Subvention du Conseil général pour 1890 500
Prodoit de la vente des bulletins et publications 37 25
Boni sur frais d'encaissements par la poste à charge
des sociétaires sans déduction des frais d'encaissements
portés aux dépenses 29 85
Total des recettes 3.399 05
su SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQCB ET BtSTQRIQUE DU LIMOUSIN.
Dépenses.
Impression du Bulletin de 1888, lonie 37 1 .905 6»
AilocalioD pour le déplacement du jubé de la cathé-
drale et allocations diverses 133 -
Bibliothèque de la Société : acquisitions,abonnemenls. 112 Tr»
Appointements de Tencaisseur 130
Chauffage, éclairage, service des séances 67 8i)
Ports, fournitures, impressions diverses 237 3<i
Total des dépenses 2.586 65
D'où un excédent de recettes de 812 fr. 40, qui se trouvait en
caisse le 1«' janvier 1891 : ce qui, avec les 5,349 fr. 90, déposés à
la banque de MM. Lamy, Maigne et C*' (les intérêts à 3 •/. poor
1890, soit 159 fr. 10 compris), porte Tactif de la Société à la date
du 1" janvier 1891, à 6,162.fr. 30.
Tous les membres correspondants ont acquitté leurs cotisalions
pour 1890; parmi celles des membres titulaires une seulemeoi est
encore due.
M. le président remercie M. Bourdery de ce rapport et le félicite
de Texcellente situation qui vient d'être constatée; une bonne ges-
tion financière est la première condition de la prospérité d*uDe
entreprise. Cela est vrai d'une Société archéologique comme d'une
iamilleou d'un Etat.
M. le comte de Couronnel a adressé à M. le Président un extrait
fort intéressant d'une lettre écrite au mois de novembre 1746, par
l'abbé de Laval (depuis cardinal) à un de ses amis d'Angleterre ei
dans laquelle est rappelée la part glorieuse prise aux opération"^
militaires d'Allemagne et de Flandre, par Gui-André-Pierre de
Montmorency- La val, frère de l'auteur de la lettre. A l'affaire de la
Mesle, il commandait les troupes françaises, qui battirent un ennemi
supérieur en nombre et lui enlevèrent vingt pièces de canon. Celle
journée valut au jeune colonel le grade de brigadier. 11 reçut à
Raucoux une affreuse blessure dont il ne guérit jamais, bien qu'il
ait survécu de longues années et soit parvenu, en 1783, à la haute
dignité de maréchal.
. Un nouveau procès-verbal d'assemblée paroissiale, celle-ci tenue
en 1750, devant la porte de l'église d'Oradour-sur-Vayres (alors en
Poitou), et convoquée à l'occasion de difficultés relatives à la
dime, est communiquée par M. G. Touyéras, qui y joint un extrait
des manuscrits de dom Fonteneau concernant Finstitution, les
attributions et prérogatives des trésoriers généraux sous Tancien
• régime.
tt
^ -^ ;
TROCÈS-VERBAUX DES SEANCCS. 845
M. Georges Berthomier appelle l'attention de la Société sur le
nom de Farliste qui a exécuté, en 1631, les beaux vitraux du
chœur et du chevet de l'église de Sainl-Eustache à Paris. Ces ver- .^
rières sont signées : Soulignac, Ce Soulignac ne serait-il pas un
Limousin? On ne connaît jusqu'ici aucun artiste de notre ville qui
ait porté ce nom.
Lecture est donnée, par M. Arbellot, d'une notice biographique
sur Yrieix de Chouly de Permangle, né vers 1604 à Saint-Yrieix et
petit-fils du premier maire de cette ville. Destiné de bonne heure
au métier des armes, il débuta au siège de Saint-Jean-d'Angély,
puis suivit Louis XIII devant Montauban et devant La Rochelle.
Devenu maréchal-de^-logis de la compagnie de chevau-légers de
la garde du roi, Permangle fit bravement son devoir pendant la
Fronde, en Angoumois d'abord, puis sous les murs de Paris. Ce
fut lui qui, au passage du Rhin, se lança le premier dans le fleuve,
et il est regrettable que Boileau ne l'ait pas jugé assez grand sei-
gneur pour citer son nom. Blessé à la tête au siège de Maëstricht,
il prit part à la conquête de la Franche-Comté et s'y distingua,
comme partout. Le roi lui donna, comme retraite, la place — créée
pour lui — de gouverneur de la ville de Limoges.
Permangle mourut en 1676, au château de Brie, près Champa-
gnac, alors en Poitou. Sa fin fut des plus édifiantes. Le P. Séra-
phin Avril, augustin, prononça son oraison funèbre dans l'église de
Saint-Pierre, en présence de l'évêque, de l'intendant, des consuls et
(les officiers du présidial. Peu après, un second service solennel eut
lieu dans l'église de Champagnac et une nouvelle oraison funèbre
fut faite par le P. Boniface Peyron.
Au mois de décembre 1890, au cours des travaux pour la ligne de
Limoges àBrive parllzerche, dans la tranchée près du village de La
Frélillc, commune de Salons-la-Tour (Corrcze), il a été trouvé,
sous un monticule, des poteries gallo-romaines que M. l'ingénieur
Draux a bien voulu offrir au Musée national Dubouché et que pré-
sente M. Ducourlieux. Tout n'a pas élé conservé ; car les ouvriers,
malgré les recommandations qui leur avaient été faites, n'avaient
pas apporté grand soin à recueillir ces débris et en avaient laissé
disperser une partie, mais on a pu sauver les fragments de
deux belles amphores, d'une forme très allongée, à col étroit avec
double anse et d'une terre assez fine, fabriquées hors du pays selon
toute probabilité, ne mesurant pas moins de un mètre vingt cen-
timètres de longueur chacune, et dont l'une a pu être presque
complètement reconstituée. On a trouvé aussi des petits pots, une
jatte sans pied et une sorte de terrine, le tout de terre fort
grossière et de mauvaise fabrication. La matière de ces derniers
■f-^
p,
M6 SOCIÉTÉ ARCliM.OC»QlrE ET WSIORK^I» BQ LIMOUSIH.
objets doit, diaprés les personnes compétentes qu'a consultées
M. Ducourtieux, provenir des gisements qui s'étendent enife
Donzenac et Magnac -Bourg.
Dans les papiers de la famille Péconnet du Ghatenet, M. Guibert
a copié un certain nombre de documents intéressants. Dans le nom-
bre, il mentionne des lettres de « veneur et louvetier » du ressort
de. la Sénéchaussée de Limoges, accordées en 1607 à JeaA Pécon-
net^ sieur du Chatenet, et qui ne diffèrent pas iMkablemeAl des
commissions de nos lieutenants de loavelerie. Ces leilres stat
accompagnées du procès -verbal d'installation de Jean Pécoanet
dans cette charge en 1610.
M. Guibert donne également lecture d'un contrat d'apprentt»-
sage aux termes duquel la veuve de Jean Péconnet, en son vivani
maître orfèvre de Limoges, place, en 1643, son fils Joseph chez un
maître poêlier de Saint-Léonard, Léonard de Bruxelles, pour ôire
initié à cette industrie.
M. Page lit deux lettres fort agréables et fort bien tournées de
Mascaron, écrites à Toccasion de son arrivée dans sa ville épisco-
pale. Il parait que Ia[bonne impression produite sur le prélat par
l'accueil empresse des habitanls de Tulle, ne dura pmnt. Mascaroo,
en les quittant, se montra peu eharilable à Tendroit de ceux qui
avaient été ses ouailles durant quelques années.
On donne souvent le nom d'Arfeuille au cardinal « de A.f riColto •
qu'on fait naître près de Fetlelio. Il parait qu'on se trompe el en
ceci et en cela. Le véritable nom de cette famille est AigrefeuiUe
ou Graffeuille, et le cardinal sérail natif de Graffeuil, près Lalond,
paroisse de Ghampagnac-Ia-Prune. M. Arbellot reconnaît que
M. Clément Simon a établi le fait d'une façon à peu près indis-
cutable.
La séance est levée à dix heures.
Le secrétaire généraL
L. GumERT.
SÉANCE DU MARDI 31 MARS 1891
Pi-éelUcnee de M. Pabbé ilLllBK&.1.0T, pr6»iaeaU
Présents : MM. le chanoine Arbellot, Paul Ducourlieux, Fray-
Fournier, Alfred Leroux, Léonard MouOe, Nivet-Fontauberl,
G. Touyôras cl L. Guibert, secrétaire.
PROCàs-VfiRBAUX DES SfEANCES. 847
M. L. Guiberl donne lecture du procès-verbal de la dernière
réunion» qui est adopté.
M. le Président ënumère les volumes et publications adressés à
la Société depuis la dernière séance. Il signale particulièrement
une brochure de M. Ducourtieux sur une intéressante monnaie mé-
rovingienne frappée à Cussao; une notice de M. Martial Imbert sur
les Anciennes populations du plateau central; Tarticle de M. Meillet
sur les Mines de Yaiulry et de Cieux qui a paru dans le Gay-Lussac;
les dernières livraisons delà Revue de tart chrétien, Avl Bulletin
archéologique, du Bulletin historique et phihlogique du comité des
travaux historiques, où il est fait mention de travaux de M. Arbel-
lot et de M. Guibert; de la Revue archéologique du Maine^ qui
contient des planches reproduisant les tombeaux émaillés des
Plantagenét; ^ml Bulletin de la Société d'agriculture de Poitiers^ où se
lisent d*excellentes pages de M. le colonel Babinet sur la première
période de Thistoire de Jeanne d'Arc : de Vaucouleurs à Poitiers,
M. Babinet rappelle Texamen auquel fut soumise la jeune bergère
lorraine et la part qu'y prit un religieux limousin de l'ordre de
Saint-Dominique, frère Seguin. Celui-ci ayant demandé à Théroïne
quel langage parlaient « ses saintes » et l'archange Michel, s'attira
cette riposte : — « Meilleur que le vôtre. » Seguin ne garda pas
rancune de cette boutade et porta plus tard témoignage de la sain-
teté de Jeanne. M. Arbellot se demande si ce religieux ne serait
pas originaire de Saint-Junien. Maleu mentionne au xiv* siècle un
chanoine de cette ville du nom de Seguin, et il existe encore près
de Saint-Junien, deux himeaux conservant le nom de la même
famille : les Seguines et la Maison Neuve des Seguines .
Le tome XXXVIII* du Bulletin de la Société va être incessam-
ment distribué. M. le Président en présente un exemplaire à la
Société et recommande à son attention ce beau volume, de plus de
cinq cents pages, contenant un grand nombre d'articles, de curieux
documents, et dix planches dont une carte féodale du limousin et
de la région au commencement du xvu'' siècle.
Une circulaire de M. le Ministre de l'instruction publique, dont
il est donné lecture, annonce que la réunion annuelle des Sociétés
savantes s'ouvrira le mardi 19 mai, à deux heures, n la Sorbonne.
La Société désigne, pour la représenter à ces réunions, MM. Louis
Bourdery, Henri B. de l)lontégut, Paul Ducourtieux, A. Judicis et
Paradis.
Il donne communication d'une lettre de la Société de Gymnastique
demandant à la Société archéologique d'allouer, à l'occasion des
fêtes du Congrès qui aura lieu à Limoges au mois de mai, une
subvention qui serait convertie en prix. Le Bureau a reçu plusieurs
Bi8 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU'LIHOUSIII.
fois (les demandes de ce genre ; il n*a cru pouvoir les accaeillir qn^,
lorsque le but de la fête était en rapport avec l'objet spécial Af^
travaux de la Société, et, sauf avis contraire de celle-ci, il eslimr»
qu'il n\Y a pas lieu de donner suite à la lettre en question.
M. Albert de Latour, demeurant à Paris, rue de TUniversilé, 38,
présenté à la dernière séance, est élu au scrutin secret, membre
correspondant de la Société.
M. Tabbé Granet, membre de la Société, a trouvé, dans le^^
papiers de la famille de Voyon, à La Planche, un récit intéressant
de l'entrée de M»' de Carbonel de Canisy, évéque de Limoges,
dans sa ville épiscopale, et de sa prise de possession (4696..
M. Guiberl donne lecture de ce document.
M. Guibert donne aussi lecture d'un article du Conciliateur àe h
Corrèze, relatant une excursion des plus intéressantes effectuée par
notre confrère Ernest Rupin et M. Raymond Pons dans la grolie
de la Crousade, à trois kilomètres de Graraat. I^s explorateurs ont
rencontré des traces évidentes de la présence de l'homme dans c**s
cavernes, notamment les restes d'un pont. Peut-être la Crousade,
dont une partie seulement a pu être reconnue, réserve-t-elle à ses
visiteurs des surprises analogues aux merveilles des camsfs de
Padirac, découvertes, il y a peu d'années, par M. Martel, Tinlrépide
explorateur de nos curiosités souterraines.
Une monnaie en cuivre rouge, à refligie de Claude, trouvée par
M. Vidal, fabricant de caisses, dans les terrains de son établisse-
ment, rue des Sœurs-de-la-Rivière, derrière le petit quartier de
cavalerie, est présentée par M. Ducourtieux : Tête à gauche, avec
la légende D. N. TI. CLAVDIVS CJES. AVG. P. M. T. P. — Au
revers, un personnage en tunique courte, debout et paraissant tenir
d'une main une globe ou une victoire, de l'autre une lance ou un
long bâton. Les lettres S C sont très lisibles dans lelchamp; mais
la légende circulaire est effacée. M. Ducourtieux rappelle que
M. Maurice Ardant avait autrefois trouvé d'autres monnaies de
Claude dans le même quartier.
Une note de M. l'abbé Lecler, dont M. Ducourtieux donne lec-
ture, signale la découverte à Compreignac d'un nouveau souterrain-
refuge creusé dans le tuf. Une des branches de ce refuge s'avance
dans la direction du souterrain déjà découvert sur la place de
l'église et dont une distance de 50 mètres à peine la sépare.
L'ordre du jour appelle la lecture d'une notice de M. Arbellot
sur Aymeric Guerrut, archevêque de Lyon. Ce prélat naquit vers
la fin du xïi* siècle à Saint-Junien, où sa famille est d'ailleurs con-
nue au moyen-âge. Chanoine de cette ville, puis chanoine du Mans,
ensuite archidiacre de Paris, il fut, en 1236, élu à l'archevêché de
PR0C6s-YKRDAUX DES SEANCKS. M%
Lyoïi; il assista en 124o au Concile œcaménique lenu dans celle
ville. Peu après il résigna son archevêché et se retira au monastère
de Grandroonl, où il mourut, en 1257, après avoir passé ses der-
nières années dans le recueillement et la prière. C'est toutefois à
tort qu'on a prétendu qu'il avait pris Thabit de religieux. Aymeric
Guerrut légua sa bible et divers autres volumes, avec cinquante
livres d'argent, aux Frères Prêcheurs de Limoges. Son tombeau,
recouvert d'une dalle de cuivre émaillé, se voyait dans le chœur
des clercs, à Grandmont. Dépouillée de ses ornements par les sei-
gneurs de Saint-Germain-Beaupré, au cours des guerres de religion,
celte sépulture fut ouverte en 1639 et on y trouva le corps de Tar-
chevéque, revêtu de ses ornements pontificaux. L'épilaphe de ce
prélat lui donne le nom d'Aymeric Arips : il faut lire : a Ripis ou
à RipariiSy — « des Ribières. »
M. Guibert donne communication à la Société de quelques passa-
ges du cinquième volume des Registres consulaires de Limoges dont
il prépare l'impression. Il lit une lettre du chancelier à l'intendant
au sujet de la prétention élevée par les curés de Saint-Pierre
d'obliger les consuls à faire célébrer dans cette église loutes les
cérémonies religieuses qui se faisaient aux frais de la ville; il [si-
gnale également une délibération du 28 mai 1758, relative à l'acqui-
sition par le roi de la maison de Goux et à la cession de cet
immeuble à la ville à la condition qu'il sera perpétuellement affecté
au logement de l'intendant. M. Guibert rappelle à ce sujet combien
on est mal fixé sur ce qu'on appelait le Breuil (préfecture actuelle),
résidence noble au xui" siècle, et qui appartint plus tard aux Jau-
viond, aux de Julien et à d'autres familles riches de la ville. Est-ce
bien cette maison qui est appelée le Palais royal du Breuil à
répoque même où elle appartient aux de Julien? Ce nom de
« Breuil » ne servirait-il pas à désigner une île tout entière de
maisons, et n'y a-t-il pas eu, au \vi« siècle, plusieurs « maison du
Breuil? »
Quoi qu'il en soit, M. L. Guibert ne pense pas que les intendants
aient, dès la fin du xvn*» siècle, comme l'ont écrit plusieurs auteurs»
d'après Legros, croit-il, résidé au Breuil. Frémin habite près de
Saint-Pierre; d'Aguesseau, le territoire de la même paroisse.
(M. L. Guibert fait remarquer en passant qu'il ne connaît aucun
document ni tradition permettant de penser que cet intendant ait
jamais habité la maison de la rue du Consulat ou l'inscription
d'une plaque commémorative lait naître son fils, l'illustre chance-
celier); Bidé el de Nesmond demeurent sur le territoire de la
paroisse de Saint-Maurice. Dans son plan de Limoges, Jouvin de
Rochefort n'eût pas manqué d'indiquer l'alTcctation du Breuil a
856 SOCIÉTÉ ARcaAoLOoiQim n aisvoftiQui du liiioosiii,
rinteodance, si cette affectation edt existé de son temps. Il écril
simplement « Le Breuil ». On connaît beaucoup de lettres d'istea-
daots de Limoges datées d'Ângonléme, et toute porte i cmire 4|n ils
ont pan résidé à Limoges d*ane feçon ininterrompue antèrieuns
ment à 1700.
M. Fray-Fournier dit que le fait est certain en ce qui cooeeme
M. de Bemage et ses deux prédécesseurs, qui séjournèrent près-
que constamment à Angouléme; mais il y a lieu de croire que dès
les premières années du xvin* siècle, les intendants ont balHt^
Limoges d'une façon constante. Il connaît de nombrenses ordon-
nances dont la date peut en témoigner.
Le Livre Juratoire de la bastide de Beaumont en LomagM, tran^
crit et annoté par M. Gustave Babinet de Rencogne, publié sous la
direction de M. François Moulenq, a été offert, Tan dernier, à la
Société par M, P. de Rencogne. M. Guibert a étudié ce très inté-
ressant volume et en rend compte. Il signale tout particulièrement
les ordonnances municipales du xni'' et du xiv* siècles qu'on j
trouve. Il cite des dispositions relatives à lobservation du dimanche,
h la vente de certaines denrées, à la lixation des prix, la défense
aux bouchers d'abattre et d'écorcher les animaux à Tintérieur des
murailles, Tinterdiction aux hôteliers de stationner sur la voie
publique, de solliciter bruyamment ou avec importuoité les voya-
geurs et les passants, de se disputer, etc.
Dans rintroduction dont il se propose de faire précéder rînveo-
taire de la série C des archives départementales, M. Â. Lerotti
rapelle que la généralité de Limoges, créée en i5S8, plusieurs
fois supprimée, a été définitivement maintenue en 1S83. Dès 1594,
les trésoriers généraux adressaient au roi de curieuses doléances;
on en connaît d'autres au milieu du xviii* siècle, inspirées par
Tamour-propre et Tinlérôt du corps. Comment se fait-il qu en 4789,
les trésoriers n'aient pas rédigé de cahier spécial? M. Lerou ne
peut Te^pliquer qu'en supposant qu'ils se soient joints à titre indi-
viduel au corps de la noblesse, dont un d'eux a, du reste, signé le
cahier.
 partir de 1635, l'intendant prend une situation prépondérante
qui rejette les trésoriers au second plan, et ceux-ci se trouvent
confinés dans leurs attributions administratives et financières qui,
au siècle suivant, seront encore diminuées par l'avènement des
ingénieurs. M. Leroux rappelle que, comme plusieurs autres corps
judiciaires ou administratifs, le bureau des trésoriers sabit le
contre-coup des événements de la Fronde. Un arrêt du conseil
ordonna en 1651 son transfert à Saint-Léonard ; mais il ne reçut
pas d'exécution, les trésoriers ayant protesté et obtenu un arrêt de
maintien.
nocfcs-vcuftAm du sraiicrb. B51
M. Trajr-Fonrnier exprime r^vis que te premier arrêt dut être
mis à exécution, et que le transfert eut réelieroent lieu.
A« sujet des conflits survenus entre les trésoriers de France et
les magistrats du présidîal, et des arrêts rendus par le Conseil pour
régler les préséances et éfker le retour de pareils incidents, plu-
sieurs membres rappellent l'esclandre qui se produisit en 1681 dans
régtise Saint-Michel. Cette affaire donna Heu à une vive polémique
et inspira plusieurs pièces de vers. On en troave dans un curieux
recueil dont parlent M. Fray-Fournier et M. Guibefl, et dont
M. le chanoine Tandeau de Marsac possède un exemplaire. A pro-
pos de ces vers, on est amené à rappeler la pièce bien connue,
composée à propos de la réparation de la fontaine d'Algoulène.
C'est une requête adressée à Tintendant par la nymphe de la fon-
taine. Elle se termine ainsi :
Oq gravera sur le bassin
De celle célèbre Ton laine :
« Je sois la superbe Aigodène ;
» Algdan antrefois me 6st
» Et Salonces me rétablist. »
• M. Fray-Fournier se demande si Salonces ne désignerait pas
rintendaut Barbery de Saint-Contest. Il se peut même qull n'y ait
là qu'une mauvaise lecture et qu'un copiste ait lu Salonces où on
avait écrit St-Contest ou S, Contet.
A la prochaine réunion, M. Leroux entretiendra la Société des
intendants de Limoges, dont il a pu dresser une liste complète, en
donnant, grâce aux indications recueillies par M. Fray-Fournier
dans les ouvrages généraux, quelques renseignements biogra-
phiques sur chacun d'eux.
La séance est levée à dix heures un quart.
Le secrétaire général^
L. GUIBERT.
SÉANCE DU 28 AVRIL 1891
PrésIOenee de M. l'abbé ARDELiCOT, Président
Présents : MM. le chanoine Arbellot, E. Hervy, de Bruchard,
P. Charreyron, P. Ducourtieux, l'abbé Granet, Guyoooet, Hersant,
'8Si SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET BISTORlOUB DU LIMOUSllC.
Alfred LBroux, Fray-Fournier, P. Mariaux, ' Maurat-Ballange,
L. Moufle, Paradis et L. Guibert, secrétaire.
Après la lecture et l'adoption du procès-verbal de la séance de
mars, M. le Président conomuniquc à la Société diverses lettres.
parmi lesquelles un mot fort aimable de M. L. Delisle, le savafi:
administrateur de la Bibliothèque nationale, joignant un complî-
ment flatteur à Taccusé de réception du dernier Bulletin de la So-
ciété, et une autre lettre de M. Antoine Thomas, contenant une
rectification au procès-verbal d'une séance de 1889. Il est dit à tort
à ce procès-verbal que Selabunnac a été une vicairie administra-
tive : au texte cité par M. Deloche, le mot vkaria ne désigne ni
une vicairie géographique ni une vicairie administrative, mais uc
simple droit de justice.
M. le Président signale tout particulièrement, au nombre de>
ouvrages reçus par la Société depuis la dernière réunion, le non-
veau volume de M. René Page sur la Prise de Tulle, où sont réunie
des documents d'une rare précision et d'un haut intérêt. Cet inté-
rêt a été vivement apprécié, et noire savanl compatriote, M. Delo-
che, a fait du livre de M. Fage l'objet d'une communication spéciale
à l'Académie des Inscriptions.
Mention est également faite des derniers Bulletins des Sociétés
de Brive etde Tulle, contenant des articles très variés de MM.Emile
et René Fage, Leroux, Lecler.Poulbrière, Froidefond, Ducourtieux.
L. Guibert, Rouméjoux, de Veyrières ; - du Bulletin de la Société
de Rochechouart, qui renferme d'intéressantes pages de M. d'Abiac
et de M- Ducourtieux ; — de celui des Antiquaires de Poitiers, où
se trouve l'ouvrage de M. le capitaine Espérandieu sur les inscrijH
lions antiques du pays des Lémovices. M. le Président rend hom-
mage à la valeur exceptionnelle de ce travail, déjà signalé, du resio,
à une précédente séance.
Une livraison des instructions du Comité des travaux historicjaes:
Numismatique de la France, par M. Anatole de Barthélémy, est
présentée ù la Société. On y renconlrc un certain nombre d'indi-
cations précieuses sur les monnaies découvertes en Limousin ou
en provenant.
Il est aussi donné communication de la première livraison d'une
belle publication inlilulée l' Architecture et la Sculpture en France^
par M. de Noé.
M. R. Fage et M. P. Cousseyroux, se trouvant empêchés d'assi>-
ter à la séance, font présenter leurs excuses à là Société.
A la dernière séance, M. de Latour a été admis comme membre
correspondant. M. de Latour habitant une partie de Tannée Le
Chalard, a demandé à faire partie de la Société en qualité de mem-
bre titulaire. Son admission à ce litre est prononcée.
rROCfts-nDR&AUX DBS SfeÀNCfeS. Btô
L'ordre du jour appelle une communication de M. Alfred Leroux
sur Tapplication de la loi de Baer aux rivières de la région. Celte
loi a plusieurs formules. Celle dont M. Leroux étudie Uapplication
peut se résumer ainsi : tout cours d*eau coulant dans le sens du
méridien subit une déviation dans un même sens. S'il se dirige de
réquateur vers le pôle, il devance le mouvement du globe et dévie
à TEst; si au contraire il va du pôle à Tëquateur il dévie à TOuest.
Il suit de là que, géographiquement du moins, les cours d'eau ap-
partiennent à la rive vers laquelle se portent leurs eaux. Cette loi,
appliquée à la portion de la Vienne qui sépare le Limousin de
I*Angoumois, adjuge la rivière au Limousin. Par la même raison
le Cher, entre l'Auvergne et la Combraille, doit être regardé comme
un cours d'eau auvergnat, et la Dordogne, entre Port Dieu et La
Valette, comme un cours d'eau limousin. Une conséquence de ces
constatations est de rattacher les îles placées au milieu de ces
rivières au territoire vers lequel les eaux dévient. L'application
pratique de cette conséquence a été récemment faite aux lies du
fias-Rhône.
M. Ducourtieux communique un sceau de cuivre trouvé à Cha-
banais et qui lui a été confié par M. Foureau. Ce sceau, qui est
écartelé et contre écartelé des armes de France, de Chabannes,
de Dammartin et de...., pourrait avoir appartenu à Gilbert de Cha-
bannes, gouverneur du Limousin en 1473. Les caractères de la
légende, d'une lecture assez diflicile, sont en effet du xV" siècle.
Quelques^poteries, parmi lesquelles un fort joli plat de terre rouge
très fine, avec une bordure à feuilles de lierre d'une très forte
saillie, sont présentées par M. Hersant. Elles ont été trouvées der-
rière le jardin de l'hôpital, au bord de la nouvelle avenue.
C'est une figure des plus intéressantes que celle de Guillaume
Lamy et il est grand temps qu'une biographie sérieuse de ce per-
sonnage soit écrite. M. Arbellot, qui y travaille, résume à grands
traits la vie du patriarche, sur lequel le chanoine Collin et le
P. Bonaventure de Saint-Amable ont débité beaucoup d'erreurs,
empruntées, semble-t-il, à un opuscule imprimé à Limoges, chez
Chapoulaud, dans la première moitié du xvii* siècle : Recueil de la
vie et des miracles du bienheureux Lamy, par Luc Lamy, vicaire
d'une vicairie fondée par le patriarche. Cet écrit, aujourd'hui in-
trouvable, a été signalé par le P. Lelong.
Fils de Guillaume Lamy, d'une famille appartenant à la plus
vieille bourgeoisie de Limoges, le futur patriarche naquit dans la
maison longtemps occupée par cette famille, à gauche du Portail-
Imbert, en descendant : sa statue se voyait au devant de cette mai-
son, qui appartient aujourd'hui à M. Ghatard.
T. XL. 54
Ô&4 SOCiFTé ARCHÉOLOGfQUB ET HtsrOAIQt» DU LIMOUSIN.
Le jeune Guillaume montra les plus heoreases disposîUons. En-
voyé à Paris, où il fut reçu docteur en droit canon, il fnt de bonm
heure attaché à la cour pontificale et y résida presque toute sa vie.
H était auditeur de Rote, quand il fut promu, en 4341 , à Féréch^
d'Apt. Dès Tannée suivante, le pape Benoît XII renvoyait auprès
du roi de France et du roi d'Angleterre pour amener entre eux ui
accommodement.
Transféré d'Apt à Chartres en 1342, il ne paraît pas avoir jamais
pris personnellement possession de ce siège; mais il revint en
France en 1347 pour obtenir la mise en liberté de divers cardi-
naux, retenus par Philippe VI à l'occasion de faits qui sont as^ex
mal connus. Il avait été délégué par le Saint-Siège pour procéder
au couronnement de la reine de Naples et de son époux André d^
Hongrie; mais ce dernier mourut avant la cérémonie.
Devenu patriarche de Jérusalem, il remplit en même temps les
fonctions d'administrateur du diocèse de Fréjus : il tenait même les
prévôtés de Lavaur et d'Eymoutiers en commende. Fut-il archevê-
que d*Aix? Baluze Ta cru d'abord, puis est revenu sur cette of»-
nion. Nadaud, qui avait étudié avec soin la question, la résolut
dans le sens de l'affirmative.
Guillaume Lamy mourut à Montpellier le 9 mai 1360. Son corp5,
enseveli d'abord dans une église de cette ville^ fiit plus tard trans-
porté, selon son désir, dans la cathédrale de Limoges : il y avait
fait construire une chapelle sous Finvocalion de saint Thomas,
qu'il avait dotée d'une vicairie. C'est là qu'il fut inhumé, sous on mau-
solée surmonté de sa statue. Le tombeau fut détruit et la sépultare
violée sous la Révolution. On jeta les ossements du patriarche dan>
les flammes; sa tête fut rejetée du brasier et ramassée par un des
assistants, qui, après le rétablissement du culte, la remit à ia con-
frérie des Pénitents-Noirs. Elle se trouve aujourd'hui renfermée
dans une urne qu'on volt k Saint-Pierre, dans la chapelle de sainte
Anne, autrefois occupée par cette Compagnie.
Guillaume Lamy, qu'un ancien catalogue des évéques de Char-
tres représente comme un prélat « d'une science profonde et d'une
vie exemplaire », mourut en odeur de sainteté. On lui attribue un
certain nombre de miracles.
M. L. Guiberl, dans quelques fragments d'une étude sur la com-
mune en Limousin, de jiafln du xu' au milieu du xv** siècle, fait
ressortir les obscurités qui régnent sur l'origine de nos groupes
municipaux. Ceux-ci lui semblent cependant s'être organisés pour
défendre leurs membres contre les dangers extérieurs, contre les
bandes de pillards, contre les violences et les contre-coups des
guerres privées, plutôt que pour se soustraire à l'exercice
l>ROcis-vca&AUx dès SÉAIVCES. 8ao
régulier des droits du seigneur local. La lulle avec ce dernier
ne se produisit que plus tard, après que Tinlérét supérieur de la
défense cûmraune réclama d'une façon moins évidente, moins im-
périeuse, la discipline, l'union étroite entre le château et l'abbaye
d'une part, et -le bourg formé à ses pieds, de l'autre.
Le mouvement communal se rattache, dans notre pays comme
ailleurs, à la campagne menée par l'Eglise contre les violences des
seigneurs elles guerres privées. M. Guibert rappelle les décrets
des conciles provinciaux de Charroux (vers 988), de Poitiers (vers
998), de Limoges (1031), la création sous le patronage de TEglise
et sur l'initiative d'un simple charpentier du Puy, de la grande con-
frérie des Pacifères, dont les membres prirent part à plusieurs
combats contre les bandes des routiers appelées dans la contrée
entre 4170 et 1200. Il caractérise le beau rôle de gardiens de la
paix publique qu'ont longtemps rempli nos évoques.
M. Guibert insiste sur les différences notables qui existaient en-
tre les institutions municipales des diverses villes du Limousin et
de la Marche : les unes ne possédant qu'une organisation toute
rudimentaire; les autres, le château de Limoges, par exemple,
jouissant d'un ensemble d'institutions dont le caractère républicain
est à peine atténué par la reconnaissance de la suzeraineté du roi
de France ou du roi d'Angleterre el l'obligation de fournir le service
militaire au souverain.
Dans les archives de la famille de Voyon, à La Planche, M. l'abbé
Granet a trouvé un assez grand nombre de documents intéressants
dont il en a signalé déjà plusieurs àla Société. Il donne lecture d'une
curieuse correspondance échangée en 1759, entre le contrôleur
général Silhouette et le bureau des trésoriers de France de
Limoges, au sujet de l'établissement d'une fontaine à proximité
de l'intendance. Un conflit s'était élevé, à propos de la question
d'alignement, entre le bureau et l'intendant PajotdeMarcheval,qui
résidait alors à Angouléme.
La lettre du bureau à Silhouette est un modèle de lettre admi-
nistrative. Sous les formes les plus correctes, sous les périphrases
les plus élogieuses, elle constitue un réquisitoire contre les prati-
ques de l'intendant et contre celles de l'ingénieur de la généralité
qui empiétait sans cesse sur les attributions du bureau.
M. Fray-Fournier fait connaître à la Société un document d'une
réelle importance pour l'histoire industrielle de la province, docu-
ment qu'il vient de découvrir dans les registres du présidial de
Limoges. C'est le texte de l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 mai 1736,
autorisant André Massié, architecte et entrepreneur des ponts el
chaussées de la généralité, à établir dans la province, vu l'éloigné»
8K6 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET ItlSTOaiQUE DU LIMOUSIN.
ment de Nevers, Bordeaax et autres centres de fabrication, une ma-
nufacture de faïence et attribuant, avec un privilège sans Hmitation
de temps à la manufacture elle-même, diverses exemptions au di-
recteur, au contre-maitre et au peintre. La requête sur laquelle
est rendu cet arrêt nous apprend que Massié avait déjà fait des
essais de terre et appelé des ouvriers étrangers.
Plusieurs membres font ressortir l'intérêt de la découverte
de M. Fray-Fournier. Elle nous fixe exactement sur le point de
départ de la fabrication de la faïence à Limoges. L*arrét de 4736
met une condition au privilège accordé à Massié : c'est que la ma-
nufacture sera établie dans le délai d*un an. Cette condition a été
remplie Tannée suivante, puisque des lettres patentes royales sont
expédiées pour rendre la concession définitive.
La séance est levée à dix heures et quart.
Le secrétaire général^
L. GUIBERT.
SÉANCE DU 2 JUIN 1891
Prénldence de Bf* l*abbé ARDELiLiOX» pr^sldeot
Présents : MM. le chanoine Arbellot, E. Hervv, Pierre Coussev-
roux, Ducourlieux, Fray-Fournier, Tabbé Granet, Hersant, Alfred
Leroux, P. Mariaux, L. Moufle et René Fage, secrétaire.
Le procès-verbal de la précédente séance motive une observation
de M. le président; il y est dit que le patriarche Lamy avait fail
construire, dans la cathédrale de Limoges, une chapelle sous Tinvo-
cation de saint Thomas; or, Guillaume Lamy était encore très jeune
au moment de la construction de cette chapelle; il serait peut-étn^
imprudent de la lui attribuer. Après cette observation, le procès-
verbal est adopté.
M. le président communique à la Société les publications reçues
depuis la dernière séance et signale tout particulièrement : !• les
Institutions privées et les sociétés d'économiey d'épargne oti de crédit
àLimogeSy par M. Louis Guibert (extrait de la Réforme sociale);
2« le Petit Guide à Limoges, publié par M. Paul Ducourtieux à l'oc-
casion de la fête fédérale de gymnastique ; 3** trois brochures de
Mk' Rarbier de Montault, dont une sur les Ostensoirs du XIV* nèck
PROCèS-VIBBAUX DES SÉANCES. 857
en Limousin; 4® les Souvenirs d'une ancienne famille, la Maison de
Maillytn Artois, par M. le comte de Goaronnel; 5° le Recueil de
l'Académie des jeux floraux pour 1 89iy contenant un éloge de M. de
Belcastel, par M. Dubédat; &" une suite de vingt-deux planches in-
piano coloriées, représentant les vases panalhénaïques, don du
ministère de Tinstruction publique.
La Société française pour Tavancement des sciences tiendra son
Tingtième congrès à Marseille, du 17 au 24 septembre prochain; la
Société française d'archéologie se réunira du 16 au 26 juillet, pour
sa 88* session à Dôle, Salins, Besançon, Montbéliard, et terminera son
congrès par une excursion en Suisse; la Société archéologique du
Tarn-et-Garonne célébrera, les 23 et 24 juin, le 28* anniversaire de
sa fondation à Montauban. La Société est invitée à se faire représen-
ter à ces diverses solennités scientifiques.
M. Paul Solanet, propriétaire à Saint-Geniez-d*01t (Aveyron), est
présenté comme membre correspondant par MM. Arbellot et Char-
reyron; il sera statué sur son admission à la prochaine séance.
La parole est donnée à M. Pierre Cousseyroux, qui communique
une analyse de registres de la justice seigneuriale de Peyrat-le-
Château et fait connaître les causes criminelles soumises aux juges
de cette seigneurie de 1669 à 1724. Les vols, les coups et blessures,
les infractions aux ordonnances de police sur la tenue des cabarets
sont les délits les plus communs. Il est à remarquer que le vol avec
effraction n'était puni que d'une amende, tandis que le délit de
chasse était puni de deux jours d'emprisonnement. Dans cette pé-
riode de plus d'un demi-siècle, trois jages s'étaient succédé sur le
siège de Peyrat-le-Château : Lafont des Yaiades, Léonard Garreau
et Gabriel Laborne.
M. Paul Ducourtieux lit une courte notice de M. Tabbé Lecler sur
une monnaie russe du x* siècle, donnée au musée national Adrien
Dubouché, par M. d'Aléxeïeff, maître de la cour de Russie.
C'est une pièce en argent pur, dite grima de Kiew, du poids de
31 francs, sans effigie ni inscription, une sorte de lingot en forme
de losange dont les deux extrémités seraient coupées.
M. le président donne lecture de quelques passages d'une intéres-
sante étude de M. l'abbé Georges Ardant sur l'autel de Saint-Martial
dans la basilique de Saint-Pierre de Rome. Cet autel était orné d'un
tableau représentant saint Martial et sainte Valérie, peint en 1627
par Spadarino, artiste peu connu, mais non sans mérite si l'on en
croit certains appréciateurs de son œuvre. L'autel primitif fut dé-
moli, reconstruit plus tard et consacré, le 14 novembre 1657, par le
cardinal Barberini. Les pèlerins d* Aquitaine s'y rendaient en foule.
Le tableau de Spadarino, assez bien restauré, le surmontait encore
8!SS SOCIÊTR ARCBÊOtOOIQUE Et HISTOftlQOB DU LIMOUSIN.
âo commencement de ce siècle ; on Ta enlevé le i9 mars \&U. poor
lui substituer une mosaïque représentant saint François, li a élr
placé dans la chapelle de sainte Catherine de la Rota et de là dao^
la galerie de Tatelier des mosaïques où on peut le roir encorv.
L'autel est resté consacré à saint Martial et à saint Léon IX, mai5^ li
est plus connu actuellement sous le nom d*autel de saint Françots.
à cause de la mosaïque qui a remplacé le tableau de Spadarino: il
est situé dans le fond du transept de gauche de ta basilique.
La bibliothèque Victor-Emmanuel de Rome possède une des plu>
anciennes vies de Saint-Martial qne Ton connaisse ; elle proTient
d'un couvent des montagnes de la Sabine. M. le président, à qni
M. Fabbé Ardant a fait part de cette précieuse découverte, esûwv
que cette vie a dû être écrite au v« ou au vi« siècle.
En compulsant les ouvrages généraux, les mémoires du temp>,
nos chroniques et les documents de nos archives, M. Fray-Fournipr
a recueilli assez de renseignements pour établir de succintes el
substantielles biographies des intendants qui ont successivement
administré le Limousin. Il communique à la Société quelques-unes
de ces notices.
Le premier en date est Charles Turquant, qui fut envoyé à Limo-
ges en 1588 avec le titre de surintendant en la justice et police. Il
avait pour mission de résister au gouverneur du Limousin, Edme lio
Hautefort, qui tenait pour fa Ligue et s'était mis à la tête d'un véri-
table complot dans le but de livrer la ville à ceux de son parti. Tur-
quant usa de rigueur, déjoua les projets des ennemis du roi, :^o
montra courageusement dans toutes les échauffourées, et finit par
faire reconnaître partout s(m autorité.
Un de ses successeurs fut Jean de Thumery, sieur de Boissize, con-
seiller au Parlement, un des quatorze envoyés en Guyenne pour rem-
placer la chambre mi-partie. La duchesse d'Angoulérae venait d'être
nommée gouvernante du Limousin en 1893; il fallait, pour Tassisler,
un homme prudent et expérimenté: le roi ht choix de Boissize. Son
séjour à Limoges fut de très courte durée; mais il y revint bienlùl
eu qualité d intendant de la justice (1594). Il assista à Tévacuation
de Gimel, dernière place détenue par les ligueurs dans le pay.>.
Les esprits s'étaient calmés; la paix régnait maintenant dans la
province. Boissize s'appliqua à réconcilier les partis. Il resta trois
ans en Limousin. En 1598, il fut envoyé comme ambassadeur en
Angleterre, y séjourna pendant quatre années, reçut différentts
missions de Henri IV et de la régente, fut un des signataires du
traité de Saiote-Menehould, en 1614. Il mourut en 16Î3.
Méry de Vie, qui s'était distingué aux côtés de Henri lY, à la
bataille d'Ivry, fut envoyé à Limoges pour assister le jeune gouver-
PROCès-VBBBAVX DBS SÉik!«CEft. S59
near de la famille de Ventadour ; il y résida assez longtemps et
réussit à y maintenir la tranquillité. Il fut nommé ensuite conseiller
d*Etat, président du Parlement de Toulouse, ambassadeur et enfin
garde des sceaux en 1622; il mourut peu après dans le courant de
septembre de la même année. C'était un bibliophile de goût; il
avait réuni dans sa collection un certain nombre de Groslier.
L*ordre du jour appelle la lecture de M. Alfred Leroux sur la
Société d'agriculture du Limousin. Lorsqu'elle fut fondée, en 1759,
il n'existait, en France, qu'une seule société de ce genre, qui avait
son siège en Bretagne et datait de 1757. Elle se composa, au dé-
but, de sept membres. Ce nombre ne tarda pas à grossir; aux
membres titulaires résidants furent adjoints des associés libres et
des correspondants étrangers. M. de Lépine fut son secrétaire pen-
dant plus de vingt-cinq ans. Plusieurs de ses membres ont acquis
une notoriété locale : Trésagaet et Dépéret entre autres ; quelques-
uns se sont fait un nom dans les sciences, notamment l'astronome
Montagne. Le clergé lui fournit un assez grand nombre de corres-
pondants. La Société d'agriculture de Limoges avait fondé une bi-
bliothèque spéciale, souscrivait à des publications importantes;
elle eut l'idée de publier un bulletin, mais fut obligée de renoncer
à cette entreprise et se contenta de faire imprimer quelques mé-
moires. En 1766, elle institua des concours, avec des récompenses
pour les travaux les plus méritants. Elle s'était divisée en plusieurs
sections, répondant aux diverses branches de l'agriculture et de
l'élevage; les prairies, les défrichements, les reboisements, la séri-
ciculture, les haras avaient chacun leurs spécialistes. Les associés
ne se bornaient pas à des discussions théoriques et à des échanges
d'observations ; ils faisaient aussi de la pratique, avaient un champ
d'expériences et une pépinière. Malheureusement, les ressources
de la Société ne suffisaient pas à ses besoins; elle fut obligée
d'abandonner bientôt sa pépinière et son champ d'expériences.
C'est à elle que l'on doit les premières observations météorologi-
ques faites avec suite et scientifiquement dans la province. L'astro-
nome Montagne les commença en 1762; il avait un correspondant
h Briveet un autre à Angouléme; à Limoges, il comptait un émule
dans la personne de l'abbé Cabanis. •
La Société d'agriculture était ouverte à toutes les idées de pro.
grès, et nous la voyons prendre l'initiative d'une foule de mesures
et d'institutions profitables au pays. C'est ainsi qu'elle jette les ba-
ses d'un catalogue des plantes de la région et d'un calendrier bota-
nique; qu'elle étudie l'installation d'une serre chaude à Limoges;
qu'elle se met en correspondance avec la Gazette de l'agriculture.
Tous ces projets ne purent être réaUsés. La ville de Limoges dût
860 SOCIÉTÉ ARCaÉOLOGIQUE BT fllSTORlQUK DU LIMODSIEI.
toutefois à ses instantes démarches la création d'une école ▼étén*
naire qui ne fonctionna que peu de temps.
Parmi les membres les plus actifs de la Société d*agricaUare.
quelques noms sont à retenir : Montagne, qui devint membre <:e
rAcadémie des sciences; Second de Gouyolie, qui avait établi sor
ses domaines une pépinière de 100,000 sijgets d'arbres variés; Del-
peuch, avocat à Bort, qui avait porté de douze à cinquante le nom-
bre des bétes à cornes de ses étables, et de 6,000 à 8,000 le nom-
bre de ses gerbes, qui annonçait à la Société la publication de
Dialogues champêtres et av,ait mérité d'être qualifié par ses collè-
gues de « célèbre agriculteur ».
Malgré cette activité de quelques-uns des siens, la Société allait
en déclinant. En 1773, elle n'a plus de réunions. Quelques efforts
tentés en 1777, pour ranimer son zèle, sont infructueux. On essave
en 1781, pour lui donner un peu de vie, de lui adjoindre un bu-
reau littéraire. Ces tentatives échouèrent. En 1785, elle saspeod
ses travaux.
Tous ces renseignements, puisés par M. Alfred Leroux dans le
registre des délibérations de la Société d'agriculture, ont vivement
intéressé les membres présents à la réunion.
La séance est levée à dix heures un quart.
Le secrétaire,
René Fage.
SÉANCE DU MARDI 30 JUIN 1891
Présidence de M. I*abb6 ilLRDELIX>X, Pré»Meat*
Présents : MM. le chanoine Arbellot, Hervy, P. Cousseyrou^,
P. Ducourtieux, René Fage, Fray-Foumier, l'abbé Granet, Alf. Le-
roux, L. Moufle, Paradis, Raynaud et L. Guibert, secrétaire.
Après la lecture et l'adoption du procès-verbal de la dernière
séance, M. le Président rend compte des livres et publications
reçus depuis le commencement du mois.
M. Albert Mazet, architecte à Paris, a adressé à la Société une
notice intéressante sur la tour de Bridiers (Creuse) et sur le châ-
teau dont elle constituait le principal édifice. Un plan et une jolie
vue cavalière accompagnent ce travail.
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«1 .^ »■ ■ r ■ • , : , :*■ ■
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PEOCfcs-VBBBAUX DES SiX^ICES. 861
Avec une brochure intituée : Le prince royal de Danemarck à
Rocheforten 1692, M. Emile Du Boys envoie la copie d^un article
Jes Nouvelles Ecclésiastiques sur une thèse de philosophie pré-
sentée à Limoges en 1789, la dernière probablement qui ait été
soutenue dans notre ville.
M. Ludovic Drapeyron, qui promet pour le prochain bulletin un
article sur Fayen, notre médecin-géographe du xvi« siècle, a envoyé
deux très curieuses notices sur Le premier atlas national français
et son Evolution. De son côté, M^' Barbier de MontauU a fait don à
la Société du tome quatrième de ses œuvres complètes. Ce beau
volume appartient à la première série des travaux archéologiques
du prélat et se rapporte aux antiquités, usages liturgiques, églises,
musées et collections de la ville de Rome.
M. le Président signale aussi la dernière livraison du Bulletin
de la Société des Amis des Sciences de Rochechouart, avec mention
particulière d*un article de M. Mathey sur le temple de Ghassenon,
— et la Revue de l'Art chrétien, où se lit un remarquable travail
de M. Muntz sur les fondations du pape limousin Grégoire XI, à
Avignon et dans le Gomtat. 11 est parlé, dans cet article, de deux
évoques de Gatane, Martial et Elle, originaires du Limousin, que
plusieurs auteurs avaient déjà mentionnés, à propos des émaux
(le la cathérale de Gatane, attribués à des artistes limousins.
Au nom de M. Georges Berthomier, M. Guibert communique un
croquis très fin d'une vierge en plomb, soutenant TEnfant Jésus, et
trouvée aux Grands-Patureaux, commune d'Azerables (Greuse).
L'influence de la Renaissance se fait sentir, de la façon la plus
singulière, dans le costume de cette figure.
M. Gyprien Pérathon, qui s^associe toujours utilement aux tra-
vaux de la Société, a voulu répondre à rappel adressé par le Secré-
taire général à tous les membres, en vue de la recherche et de la
publication d'anciens procès-verbaux d'assemblées paroissiales.
M. L. Guibert communique quelques pages de M. Pérathon fort
intéressantes, avec des procès-verbaux de la communauté d'An-
busson et de cette curieuse baiUe rurale du Masvoudier, déjà
signalée par M. Duval, et dont les consuls paraissent avoir été
choisis dans quatre villages différents du territoire de la franchise.
Autre communication de M. Gabriel Touyéras : enquête relative
à l'établissement des foires à Mortemart. Particularité à remar-
quer : c'est l'autorité judiciaire, et non l'autorité administrative,
qui procède à cette information.
Deux lettres intéressantes de Ms^ du Goëtlosquet, évéque de Li-
moges, ont été communiquées à M. L. Guibert par un neveu du
prélat, religieux de l'ordre de Saint-Benoît. La première de ces
»..•
863 SOCIÉTÉ ABCHÉOLOGfQOE ET HI.StOftfOV< DU LIMOUSIN.
lellres témoigne du respect de l'évêque pour les anciens usages de
son clergé, notamment pour certaines libertés qui ne lui parais-
saient pas offrir d'inconvénient, vu le bon esprit des ecclésiasti-
ques du diocèse : Mp" du Coëtlosquet y manifeste également le désir
de voir disparaître, au moins de Tintérieur des églises, les tiim
seigneuriales qui en salissent les murs et d'affranchir, dans la
mesure du possible, la maison du Seigneur de celte « servitude '..
La seconde de ces letlres se rapporte an curieux procès entre te
roi et révéque d'une part, et le comte du Saillant, à propos de
droits de régale, possédés jadis, probablement usurpés par le»
anciens vicomtes de Combom.
H. Paul Solanet, industriel à Saint-Geniez d'Olt (AveyroB), pré-
senté à la dernière séance, est admis, au scrutin secret, en qualité
de membre de la Société.
MM. Charreyron et Maurat-Ballange présentent en la même qua-
lité, M. Jules Laumond, avocat à Bourganeuf (Creuse).
M. L. Guiberl rend compte de Tétat d'avancement de la puMica-
tion du cinquième volume des Registres consulaires de la viUe de
Linwges, Les deux tiers environ de la copie sont prêts. Un des
membres de la commission chargée de ce travail, M. Paul Mariaox*
a donné sa démission en raison de ses occupatiMis. M. Paol
Ducourtieux est désigné pour le remplacer.
L'ordre du jour appelle une lecture de M. Fray-Fouroîer sur la
Feuille hebdomadaire, le premier journal qu'ait eu Limoges. Dès
1773, Poiliers possédait une feuille d'annonces. Dans les premiers
mois de 1775, un étranger nommé Ghambon, sur lequel nous sa-
vons peu de chose, mais qui était, à coup sûr, un esprit entrepre-
nant et plein de ressources, forma le projet de fonder une pnbûca*
lion périodique à Limoges. Grâce à l'aide de Turgot, qui s*inléres-
sail de loin à tout ce qui se passait dans son ancienne généralité,
il surmonta les obstacles d'ordre administratif qui pouvait entraver
l'exécution de ce projet, et le 28 avril 1778 parut le prospectus
d'une feuille portant pour titre : Affiches, annonces et avis iirer$
ou Gazette hebdomadaire. Le prix était modeste : 6 livres pour
Limoges, 7 livres 10 sols pour le reste du royaume. Le cadre de la
publication était assez vaste et correspondait à peu près au cadre
du journal tel que nous le comprenons aujourd'hui : nouvelles d'in-
térêt général, informations locales, communications de particuliers,
articles littéraires et scientifiques, annonces, etc. Le premier nu-
méro parut le 30 mai.
Son apparition ne produisit pas beaucoup d'elTet; elle semble
même avoir passé presque inaperçue; toutefois l'entreprise réussit
Ghambon essaya vers le même temps de fonder une Académie on
PROCÈS-VERBAUX DES SE.VNGRS. .863
Société IHtéraire; mais Tabbé Vitrac, qu'on pressait de se mettre
en avant, ne paraît pas s*en être soucié. Clîambon annonça peu
après la fondation d'un cabinet de lecture. La Peuille hebdomadaire
paraissait entrer dans une période de prospérité, lorsque tout à
coup, dans le numéro du 27 décembre 1775, on annonça, en ter-
mes assez singuliers, que Chambon se relirait et que les commu-
nications devraient à l'avenir être adressées à Chapoulaud, Tim-
primeur de la feuille. Chambon se trouvait sous le coup de
poursuites pour l'impression clandestine d'un livre : la Théologie
portative, dont l'Assemblée générale du clergé de 1775 avait spé-
cialement demandé la suppression au roi.
Le président remercie M. Fray-Fournier de cette communication
fort intéressante et d'une forme très littéraire.
Le projet de mise en état de navigabilité de notre Vienne, tant
(le fois repris et tant de fois abandonné, est plus ancien qu'on ne
le croit communément. M. A. Leroux rappelle que, vers 1537, les
habitants de Poitiers demandèrent la canalisation de la Vienne
entre Limoges et Châtellerault. Vauban fit entrer le projet dans
son programme de grands travaux publics; plus lard M. de Saint -
Laurent proposait de joindre la Vienne à la Charente afin de faci-
liter le transport c|es grains.
Les autres rivières de la contrée ont été l'objet de projets ana-
logues. Dès 1606, Henri IV autorisait des particuliers à exécuter
certains travaux pour faciliter la navigation sur la Vezère. Sous
Golbert, une somme de 120,000 livres fut levée dans retendue des
généralités de Bordeaux et de Limoges, pour la canalisation de
cette rivière; mais la mort de Colbert survint et ces fonds recuriînt
une autre destination. Le projet parut plusieurs fois sur le point
de se réaliser. Il fut même un instant patroné par le comte de
Provence; mais n'aboutit pas, dans son ensemble du moins.
Quant à la Dordogne, Vauban et Colbert voulurent la canaliser,
mais il n'y fut exécuté que quelcjues travaux imposés ou confiés à
des particuliers.
M. Leroux a trouvé trace d'un grand projet conçu pendant la
seconde moitié du xvui* siècle, pour relier la Vienne à la Dordo-
gne, à la Corrèze et à la Creuse.
M. Fage rappelle qu'au xviii" siècle quelques travaux furent
exécutés sur la haute Dordogne, notamment au Malpas, près
Argentat.
Le frère Séguin des Séguines, qui faisait partie de la commission
ecclésiastique chargée d'examiner Jeanne d'Arc à Poitiers et de se
prononcer sur le caractère de sa mission, était, on le sait, origi-
naire de Saint-Junien. M. l'abbé Arbellot, qui a dcyà entretenu la
864 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMODSIIT.
Société de ce personnage, donne lecture de Timportante déposition
qu'il fit au procès de révision ; il avait alors soixante-dix ans, était
professeur de théologie, doyen de l'Université et doyen de la Fa-
culté. Il rendit hommage à Tinnocence, à la vertu, à la Sainteté de
la Pucelle, sans lui garder rancune de quelques boutades dont il
aurait pu se montrer froissé.
Quatre monnaies sont présentées par M. P. Ducourtieux : Tune,
fort détériorée, trouvée à la gare des Bénédictins et appartenant à
M. Guyonnet, est une fausse pièce, très légèrement dorée, de la fin
xiV" siècle ou de la première moitié du xv* ; la seconde est un petit
bronze d Auguste : (LESAR AVGVSTVS IMPERATOR, trouvé,
comme les deux suivantes, aux environs d'Eymoutiers, et offrant
au revers un autel avec le mot AVG. La troisième est un
moyen bronze avec la légende : TIBERIVS GLaudius C£Sar
AYGusttis Tribunitia ^otestate. Au revers, un soldat lan-
çant le javelot, entre les lettres S G. La dernière est un petit
bronze avec les mots : JVLIVS CRISPVS NOBILISSIMVS C^SAR;
au revers, un autel avec Tinscription : YOTIS XX, et la légende :
BEATA TRANQUILLITAS.
M. Cousseyroux entretient la Société de l'importance ancienne de
Peyrat-le-Chàteau. Cette petite ville ne possédait pas moins de cinq
églises ou chapelles. L'église de Saint-Martin était l'église parois-
siale. Le prieuré de Saint-Denis dépendait de l'abbaye de Saint-
Denis en France. M. Cousseyroux signale les décimateurs princi-
paux de la ville et des environs de la ville au dernier siècle et
rappelle un curieux procès entre la marquise d'Orbec et le prieur
Maledent de Feytiat, au sujet des moulins et du droit de pêche de
l'étang. Ce procès fut terminé à l'avantage de la marquise d'Orbec,
par un arrêt du conseil du 19 mars 171S, dont M. Cousseyroux
fait une vive critique.
Après quelques explications données par M. L. Guibert sur
l'excursion projetée pour le 6 juillet à La Souterraine, Bridiers,
Breith et Saint-Germain-Beaupré, la séance est levée à dix heures
et quart.
Le secrétaire général,
L. Guibert.
PROCÊS-VSRlIAUX DBS SEANCES. 865
SÉANCE DU 28 JUILLET 1891
Présidence de l*abbé ilABELiIAyr, Préuldent
Présents : MM. le chanoine Arbellot, Em. Hervy, L. Bourdery,
Brisset-Desisles, P. Gharreyron^ Chassoux, P. Gousseyroux, abbé
Demars, J. Dubois, P. Dacoartieux, R. Fage, Fray-Foarnier, Gany,
le président Gilbert, Tabbé Granet, Hersant, Jodicis, Alf. Leroux,
P. Mariaux, Paradis, Pérussault, G. Raynaud et L. Guibert, secré-
taire.
A Fouverture de la séance, M. Guiberl demande la parole et
exprime, au nom de ses confrères présents et absenls,à M. le cha-
noine Arbellot, récemment nommé officier de Tinstruction publique,
toute la joie qu'ils ont éprouvée de la nouvelle distinction récem-
ment obtenue par leur vénéré président. Leur affection pour lui
n'est pas un des moindres liens de la Société. M. Guibert rappelle
los services rendus par M. Arbellot à l'histoire et à Tarchéologie
limousine et le prie, au nom de tous, de ne pas perdre de vue sa
Biographie générale limousine, dont il a tous les éléments, et que
lui seul est en mesure de publier.
Après quelques paroles de remerciements de M. Arbellot, le
secrétaire donne lecture du procès-verbal, qui est adopté.
Un certain nombre de livres et de livraisons de bulletins ont été
reçus depuis la dernière séance. M. le président signale tout par-
ticulièrement le dernier Bulletin de la Société scientifique de Brive
avec un article intéressant sur Téglise de Lubersac, et une suite de
dessins des chapiteaux de cette église; la Revue de FAunis, analy-
sant le Bulletin de la Société; le n"" H du Bibliophile limousin, ren-
dant compte des derniers ouvrages relatifs à la province qui aient
paru; un numéro du Vrai Français, avec les portraits de
MM. Charles Sibillot, Vernanchet et Malfroy ; le Bulletin historique
et philologique du comité des travaux historiques; deux articles de
M. L. Guibert, relatifs à la Culture des propriétés collectives au wu"
siècle et à quelques usages locaux relatifs au serment, extraits de
cette dernière publication.
M. Jules Laumond, avocat à Bourganeuf, présenté à la dernière
réunion, est élu, au scrutin seci^et, membre correspondant de la
Société.
M€ SOCIÉTR AlU:BiOL06IQOB ET aiSTOillQOC DO UMOUStir.
M. Fabbé Georges Ardant,- licencié ès-letlres, licencié en Ihéolo-
gie et en droit canon, en ce moment à Rome, où il achève ses éco-
des, est présenté, comme membre résidant, par M. le chanoîQ»-
Arbellot et M. L. Guibert.
M. l'abbé Demars fait passer sous les yeux de ses confrères nn
certain nombre de médailles et monnaies parmi lesquelles on rt^
marque plusieurs moyens et petits bronzes des Flaviens et de>
Antonins, un Constantin, des pièces étrangères et un fort curieux
jeton paraissant avoir appartenu à une société bachique, peut-éln-
à une association de représentations théâtrales comme il en existait
une à Limoges vers le milieu du dernier siècle.
M. Cousseyroux communique un doublon d'Espagne de 1777 et
une pièce en cuivre doré représentant un écusson rond, écartelr'
des armes de France et du Dauphiné, et découvert dans un sou-
terrain à Peyrat-le-Cliâteau. I^a légende est d'une lecture fort
difficile.
Une lettre de M. Camille Jouhanneaud, qui s*excuse de ne pou-
voir assister à la séance, annonce pour une réunion ultérieure sou
rapport sur Texcursion faite le 6 juillet, par la Société, à La Sou-
terraine, Breith, Bridiers et Saint-Germain-Beaupré.
Il est également donné lecture d'une lettre de M. Tabbé Jouhaod.
curé de La Porctierie, relative aux antiquités existant dans sa
paroisse.
L'ordre du jour appelle la lecture des notes de M. Joseph Bnmet
sur la visite qu'il fit au tombeau d'Achmet-Pacha (Glaade-
Alexandre de Bonneval) au cours d'un voyage à ConstanUoople,
en 1888. L'éminent avocat avait bien voulu, avant de partir, pro-
mettre à M. Guibert qu'il lui enverrait, pour la Société archéologi-
que, une description de cet intéressant monument. Ces notes, très
complètes et fort curieuses, ont été remises, après la mort de
notre regretté confrère, par M"« Brunet à M. Guibert, avec deux
belles photographies représentant le tombeau. Ce monument
s'élève dans un ancien cimetière dépendant du tekké (couvent
des derviches tourneurs de Péra, que décrit M. Brunel. A la tête
et aux pieds du tombeau, dont le visiteur a noté avec soin les
dimensions et dont il indique Tétat actuel, se dressent deux cippes
de pierre : celui de la tête est le plus haut et porte, outre la
boule à turban qui marque la plupart des sépultures, une ins-
cription souvent reproduite, mais qui, dans plusieurs notices, a
été donnée avec une date erronée (4425 de l'hégire au lieu de
4460 qui correspond exactement à l'année 4747 de notre ère.
date de la mort de Bonneval-Pacha). La tradition du couv^^ot est
que cette sépulture est celle d'un français du nom de Botùcal,
PUOCtS-VCIlRAUZ DBS SEANCKS. 807
TBilitaire distingué et grand diplomate, qui avait embrassé Tisla-
aiisroe et fut un bienfaiteur spécial du tekké.
Au cours de ses études sur les Etats particuliers de la vicomte de
Turenne, M. René Page a constaté que des relations avaient existé en-
tre ces états et Christophe Ju«tel, né et mort à Paris, mais apparte-
nant, en qualité d'intendant, à la maison du vicomte de Turenne. On
sait que Justel a composé des travaux d'un haut intérêt pour notre
province; en 16â3, il fit paraître le Discours de la maison de Bouil-
lon, et douze ans plus tard son Histoire des vicomtes de Tnrenne.
Dès avant 4634, on trouve ce savant en rapport avec les Etats, dont
il reçut plusieurs gratifications. Il avait été employé par eux pour
obtenir la confirmation des privilèges dont jouissaient les habitants
ile^la vicomte, privilèges auxquels on attachait une grande impor-
tance. M. Page rappelle que les Etats se réunissaient deux fois par
an et qu ils se composaient des consuls et syndics des villes et
bourgs principaux du grand fief dont les seigneurs ont joué un
rôle si considérable dans notre histoire.
M. l'abbé Granet a trouvé, dans les registres du Bureau des
trésoriers de Prance à Limoges, la preuve irréfutable de la trans-
lation de ce Bureau à Saint-Léonard au cours de Tannée 1650. On
savait que la mesure avait été ordonnée, mais on doutait qu elle
eût été mise à exécution. L'intendant Foullée, dont le séjour à
Limoges a laissé de très mauvais souvenirs, avait prétendu obliger
les trésoriers généraux à travailler en sa présence et avec lui à
l'assiette et à la répartition de la taille. Les trésoriers ayant pro-
testé, il se retira, mais il revint peu après avec une escorte
en armes et des archers qui demeurèrent dans la cour du
Bureau, pendant que Poullée se présentait de nouveau dans la
salle des réunions et renouvelait ses sommations : sur un nouveau
refus de la majorité des trésoriers, il partit en les menaçant de les
chasser. Il fit en effet suspendre plusieurs d'entr'eux de leurs fonc-
tions.
Le conflit fut porté devant le conseil du roi. Le conseil, circon-
venu par Poullée et indisposé par les mauvais traitements dont les
deux trésoriers qui avaient pris le parti de l'intendant avaient été
l'objet de la part de beaucoup de leurs concitoyens, ordonna, par
arrêt du 3 juin 1650, le transfert du Bureau de la Généralité et des
diverses recettes en dépendant k Saint-Léonard. Ce transfert, qui
devait être effectué dans les trois jours de la signification de l'arrêt,
est constaté par l'enregistrement, à la date du 23 juillet, de l'arrêt
en question, à Saint-Léonard, par une décision du Bureau en date
27 juillet, ordonnant aux huissiers de se rendre dès le lendemain
à leur poste, et par l'élection de domicile de divers receveurs à
Saint-Léonard, le 28 juillet et jours suivants.
868 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DO LIMOUSW.
Le 28 septembre de la même année, la mesure fat rapportée :
ragitation produite par la dureté des procédés de rintendant me-
naçait de s'étendre. Les deniers royaux et les ofQciers des finance
devaient être plus en sûreté à Limoges qu'à Saint-Léonard. Le bu-
reau fut réintégré à Limoges et les trésoriers suspendus reprirent
leurs fonctions.
M. Fray-Fournier rappelle qu'avant 1648, FouUée avait habité
Limoges avec le titre et les fonctions d'intendant de la généralité,
mais qu'à cette date de 1650, il était un des quatre intendants gé-
néraux des finances de France et s'occupait exclusivement de iâ
rentrée des impôts pour le compte des fermiers. Il faal tenir
compte de ce détail pour comprendre son rôle.
M. Leroux fait remarquer qu'il ne ressort nullement des docu-
ments, si intéressants, du reste, mis au jour par H. l'abbé Granet,
la preuve du transfert de l'élection à Saint-Léonard.
M. Guibert dit que ce transfert a pu être une conséquence de
celui du Bureau des trésoriers, sans qu'aucun conflit spécial entn-
Foullée et les élus y eût donné lieu. On sait que le Musée possède
la matrice d'un sceau portant les armoiries de France et la légende :
Scel de la sen. pre. et elect. du Haut-Limosin à S.'Léonard.
Mais ce sceau se rapporte, tout donne à le penser, à la période
agitée qui suivit la mort de Henri III, où les troubles qui éclatè-
rent à plusieurs reprises à Limoges motivèrent aussi le transfert
des sièges des principales juridictions dans la petite ville voisine.
M. Guibert donne lecture de quelques chapitres de son travail
sur les Communes limousines du xn^ au xv« sièchy dont il
a, à une précédente séance, lu la première partie. II montn^
le serment constituant le lien essentiel du pacte communal et rap-
pelle que la coutume de Limoges interdisait le serment corporatif.
L'organisation des métiers parait du reste avoir été tenue en suspi-
cion par le Consulat, non-seulement à Limoges, mais dans d'autres
villes. A Brive, sous saint Louis, les chefs des métiers rénsslreol
à renverser l'ancien régime municipal et à en établir un nouveau à
leur profit; mais le Parlement, saisi de l'affaire, prescrivit en
1257 le retour aux coutumes, et cette curieuse révolution n'eut
pas de suites.
Les relations des corps municipaux avec le clergé, les actes par
lesquels la commune affirme sa foi et ses sentiments religieux, les
fondations religieuses ayant un caractère municipal sont l'objet
d'un chapitre particulier. M. Guibert parle ensuite de toutes les
œuvres charitables qui attestaient la solidarité des membres de la
commune et leur sollicitude pour les pauvres et les malades. Aussi
le dévouement du citoyen au groupe est-il complet et se traduit-il
PfiOCis-VBàBAUX HKS 8KiNCBI«. 869
de la mamère la plus expressive. M. Guibertcite des manifestalions
de reconnaissance et de dévouement pour la commune et men-
tionne un certain nombre de legs faits à son profit par des citoyens
du xiu'' au xv^ siècle.
Il termine en donnant quelques détails sur le rôle et le pouvoir
des consuls du Château de Limoges aux xiii° et xiv* siècles, en insis-
tant sur la diversité et la largeur de leurs attributions et en faisant
ressortir le caractère républicain de nos institutions municipales
à cette époque.
I^a séance est levée à dix heures et quart.
Le Secrétaire général,
Louis GUIBERT.
SÉANCE DU 28 AOUT
Présidence de M. l'abbé ARBEI^I^OT, Président
Présents : MU. le chanoine Arbellot, Em. Hervy, P. Ducourtieux,
Fray-Fournier, Tabbé Granet, A. Leroux, P. Mariaux et L. Guibert,
secrétaire.
Le procès-verbal de la séance de juillet est lu et adopté. A propos
de la communication de M. Fage concernant Juste!, M. Leroux dit
qu'il croit pouvoir attribuer à cet érudit le Recueil anonyme des
Privilèges de la vicomte de Turenne, dont la première édition parut
en 1630 et la seconde en 1652.
M. le président présente à la Société l'inventaire de la série C des
archives départementales, dressé par M. Leroux, et qui vient de
paraître. Cette publication est un nouvel instrument de travail mis
à la disposition des chercheurs, et son auteur a rendu un signalé
service à l'élude de l'histoire limousine. La Société est heureuse de
se joindre au conseil général du département pour remercier et fé-
liciter M. Leroux.
M. Leroux répond que le conseil général de la Haute- Vienne est
un de ceux qui apprécient l'importance des publications de ce genre
et que chaque année il vote une somme relativement élevée pour les
dépenses de publication de l'inventaire.
M. le comte de Couronnel, conseiller général et membre de la
T. XL. 55
8^0 SOCIÂTB AJICttÈOtOGlQUE Et BIStOftiQtJE DO LIMODSIN.
Société, a offert à la bibliothèque son intéressant livre : Sauremn
d'une ancienne famille. Ce n'est pas seulement un ouvrage généalo-
gique : Vintérét qu*il présente dépasse le cadre modeste do sujet h
on y trouve beaucoup de renseignements sur l'histoire de rArto.'
et même sur l'histoire nationale. Des remerciements sont adressera
M. de Couronnel.
Le président a également reçu de M. l'abbé Paré, vicaire généra'
de Tulle, un ouvrage intitulé : LEgypte et la Terre sainte^ joumcl
d'un pèlerin du diocèse de Tulle y récit du voyage accompli, il y a peu
de mois, par Mgr Dénéchau, que l'auteur accompagnait. La lectur*'
de cette brochure est des plus attachantes; mais est-il bien exaci.
comme l'avance M. Paré, qu'aucun évéque Français n'avait visité b
Palestine, depuis les Croisades? Le fait ne paraît-il pas invraisem-
blable si on considère surtout combien les pèlerinages étaient fré-
quents à l'époque où ils étaient aussi longs que périlleux ? PlusieDr>
de nos évéques de Limoges visitèrent alors la Palestine ; l'un d*eai
môme, Jean de Veyrac, y mourut. Si, depuis le treizième siècle, il
ne paraît pas qu'aucun des successeurs de saint Martial ait fait ci"
pèlerinage, il n'a pas dû en être de même partout et on souhaite-
rait, pour l'honneur de Tépiscopat français, que M. l'abbé Paré fût
convaincu d'erreur.
Le dernier bulletin de la Société de Tulle contient, avec la snitt"
de l'excellente histoire du Collège de cette ville, par M. Clément
Simon, d'intéressants documents de H. Champeval et un acte des
plus précieux pour l'histoire municipale de la région : le traité con-
clu à Martel, en 1296, entre le vicomte de Turenne et les bourgeois
de Beaulieu, au sujet de la justice de cette ville. La dernière livrai-
son des Antiquaires de l'Ouest renferme 4in compte-rendu des mé-
moires figurant au bulletin de la Société de Limoges.
Une lettre de M. Teste, habitant le département delà Nièvre, in-
forme le président qu'il possède l'inventaire des archives du château
de Châlus, probablement perdues aujourd'hui.Il serait utile de pos-
séder au moins un sommaire et des extraits de ce document.
M. Félix Peyronnet signale, dans le Cantal, un petit émail signé
I. L. (Jacques Laudin) et représentant Louis XIV. Il est possible, vu
les dimensions indiquées, qu'il s'agisse d'un simple émail de bourse.
Au nom de M. Berlhomier, M. Guibert donne lecture d'uneconrte
notice sur la curieuse vierge d'étain, de l'époque delà Renaissance,
trouvée aux Grand.s-Patureaux, près Saint-Germain-Beaupré, et
dont un dessin a été communiqué à une réunion précédente. —
M. Berthomier signale, en outre, la découverte, dans l'église de
Saint-Germain, d'une litre funéraire, offrant, sur sa bande noire, de
60 c. de haut, qui entoure toute l'église, des écussons aux armes
t>ROCis-?fiRBAUX DKS SftANCfiS. 871
des Foucauld. Enfin, en nettoyant un tableau représentant un évé-
que et placé dans l'ancienne chapelle des Seigneurs, dans la même
église, on a pu lire le nom de Pelage sur un livre foulé aux pieds
par ce personnage : on doit en conclure que, conformémenl.àran-
cienne tradition locale, et contrairement aux indications actuelles
de rOrdo^ le patron de l'église de Saint-Germain serait Saint-Ger-
main d'Auxerre et non Saint-Germain de Paris.
M. Bellct communique plusieurs pièces trouvées aux environs de
La Souterraine : une intéressante monnaie gallo-grecque, bombée,
présentant au droit une figure de femme et au revers un cheval
avec des signes qa'on rencontre assez fréquemment; un grand
bronze d'un Antonin, des petits bronzes de Dioclétien et de Gallien,
une pièce en argent de Volusianus, un moyen bronze indéterminé ;
— plus un tesson de poterie portant le sigillum : Divix, déjà ren-
contré dans le pays. Ce mot a été reproduit deux fois sur le même
fragment, mais, semble-t-il, à une date moderne.
M. Tabbé Georges Ardant, présenté à la dernière réunion, est élu,
au scrutin secret, membre résidant de la Société.
En tête de Tordre du jour figure une communication deM.Tabbé
Ardant^ Il a trouvé dans un manuscrit de la Biblothèque valicane
(n** 4,920) le récit d'un voyage fait à Limoges par saint Pierre Da-
mien, cardinal, légat du pape et protecteur de Tordre de Cluny. Ce
voyage, dont le récit, malheureusement trop sommaire, est dû à un
des compagnons du saint, avait pour but de mettre fin aux désor-
dres occasionnés par Vinstallation violente des clunistes à Saint-
Martial. Un certain nombre de religieux n'avaient pas voulu se sou-
mettre à la volonté du vicomte et avaient été chassés de Tabbaye.
Les expulsés se livraient aux actes d'hostilités les plus condamna-
bles à regard de la nouvelle communauté. Ils auraient même poussé
la folie, d'après l'auteur anonyme, jusqu'à mettre le feu aux maisons
qui entouraient le monastère. Ils refusèrent de comparaître devant
le légat, et l'évéque dut les sommer de se soumettre sous peine
d'excommunication. On ne voit pas si les choses s'arrangèrent :
Pierre Damien, en quittant Limoges, se rendit à Souvigny.
M. l'abbé Granet analyse la première partie du plus ancien regis-
tre du Bureau de la généralité. Il y relève bon nombre d'édits et
lettres royaux, mais parfois l'enregistrement est postérieur de plu-
sieurs années à la date de l'acte. Parmi les faits notés par M. Gra-
net, mentionnons une dépense de 138,500 livres pour les quartiers
d'hiver des troupes et les étapes en 4648, mise à la charge de la
généralité; l'envoi, en 1649, de soldats dans les paroisses où la
perception de l'impôt avait provoqué des révoltes ; l'arrivée à Li-
moges de chevaux chargés de l'argent provenant des recettes des
87) SOCIÉTi AKCttÉOLOOtQUB ET HBTOUrQt» DQ LtHOUSlK.
élections dû Bas-Limousin. Ces aoimattx et leur précieuse ehargt
s'égarëfent parfois en chetDin. Il semble résulter des bord^^ni
dépouillés par M. Granet que Tor était alors bien rare dans la pro-
vince. On neroll guère figurer à ces bordereaux que des pièces d**
vingt-sept sols^ de vingt-quatre sols, de vingt sols, de treize sols et
demi, de douze et dix sols.
M. Ducourtieux, qui, Tan dernier) a présenté à la Société nn plas
de Limoges dressé par Tingénieur Morancy en 1785, en comraiu]!-
que un autre dressé par M. AUuaud en 1768, avec ce texte : « Plan
de la ville de Limoges, levé sous les ordres de M. Turgot, intah
dant. » Celui-ci est moins détaillé, ayant été fait à une échelle beao
coup moindre, mais il est fort bien dessiné et remarquablement
net. M. Ducourlieux note les différences entre les deux docamenu:
mais il eonstate que beaucoup d'indications portées au plan AJluaud
sont de beaucoup postérieures à la date qui y est inscrite. C'est
aiosi^ par exemple, qu'on y voit figurer le projet de mairie de
Tan VIII, sur remplacement même de Thôtel de ville actuel.
Si les Cisterciens tiennejQt une grande place dans l'histoire mo-
nastique de la province, on ne voit pas que saint Bernard ait eu des
relations spéciales avec les habitants du Limousin et y ait exercé une
action particulière. Il vint pourtant dans le diocèse, mais ne fit qu*eD
traverser la partie ouest, très probablement en 1147, lorsquHl re-
gagnait Poitiers en revenant de Toalouse, --* et non en 1135 comme
rindique Nadaud .
H. Arbellot signale et étudie cet épisode "p^ connu. Le passage
de saint Bernard fut signalé par deux miracles : au Châtelard, en
Angoumois, où il célébra la messe en présence de Lambert, évéqoe
d'Angouléme, et de Gérald, évêque de Limoges, il guérit un enfant
boiteux et privé de l'usage d'un bras; le lendemain, à Saint-Ger-
main, en Limousin, il rendit la vue à un aveugle-né. Les localités
où ces prodiges ont été accohiplis ne peuvent être, d'après M. Arbel-
lot, que Châtelard-la*Rivière, aujourd'hui commune de Cherres,
canton de Montembœuf (Charente), et Saint-Germain, sar la Viense,
canton et arrondissement de Confoiens, alors en Limousin.
M. Guibert signale à la Société quelques documents d*an certaîo
intérêt pour l'histoire limousine, notés par lui au cours de recher-
ches aux archives de l'Etat et à la Bibliothèque nationale : il note
un récit inédit des événements de 1589; une lettre de Tévéque
Sébastien de l'Aubespine au chancelier (1577) ; une charte da
xi° siècle relative aux Eschausiefs {Escaumru), qui étaient de^
officiers de l'abbaye de Saint-Martial ; des inventaires inédits du
trésor du monastère, notamment de la sacristie du sépulcre (xR'
et xm"" siècles) ; une curieuse déclaration de lévéque Aymericde
la. Serre permetlant au roi Saint-Louis de ne pas opérar certaiaeè
restiiuUoQS dans son diocèse (1259) ; un arrôt duParlement de 1321
relatif à des violences exercées par les religieux de Sainl-Marlial
sur deux sergents royaux ; une chronique limousine notant surtout
les faits dUntérét municipal et allant de 1372 à 1543-
La séance est levée à dix heures un quart.
Suivant Tusagç, la Société ne tiendra pas de séance en septembre,
he secrétaire généraly
LOUi^ GUIBERT.
'mmm
SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1891
Présidence de M. Tabbé il.RBBL.LiOX, Président.
Présents : MM, le chanoine Arbellot, Son Exe. G. d'Alexéïeff,
Em. Hervy, Brisset-Desisles. Chassoux, Tabbé Demars, Paul
Ducourtieux, Reu^ Page, Fray-Fournier, Gany, le président Gil-
bert, Ed, Hersant, G. Jouhanneaud, Tabbé Lecler, Alf. Leroux,
Malevergne de LaFaye, G. Marbonty, Paul Mariaux, G. Raynaud,
V. Rogues de Fursac et L. Guibert, secrétaire
M, le Président invite M. le comte d'Alexéïeff à prendre place
auprès de lui et le remercie du témoignage de bienveillant intérêt
qu'il donne à la Société en assistant à la réunion. Il se félicite de
voir par là s'alBrmer, en quelque sorte, sur le terrain de la science,
comme elle s'est affirmée sur tous les autres terrains, la sympathie
qui unit deux grands peuples et dont les roanifestalions récentes
trouvent, ce soir, dans l'assemblée, un modeste mais cordial et
et chaleureux écho.
M. d'Alexéïeflf remercie M, le président. Rattaché depuis long-
temps au Limousin par le plus intime des liens, il suit, avec un
très grand intérêt, les travaux de la Société à laquelle il est heu-
reux d'apparUînir. Il apportera en Russie le souvenir le meilleur
de raccjueil plein d'aimable cordialité qu'il reçoit ce soir de ses
collèges.
Lecture est donnée du procès-verbal de La dernière séance.
M. Fage fait remarquer que l'attribution à Justel du Recueil des
Libertés et privilège^ de la vicomte de Turenne lui semble bien hasar-
874 SOCIÉTÉ ARCBÉOLOGICUB BT HISTORIQUE t>l) LIMOUSIN.
dée : il y a, en effet, des différences assez notables entre le teite
de certains documents compris à cet ouvrage et celai des méiiie<
pièces insérées dans YHistoire d^s vicomtes de Turenne.
M. le président signale les ouvrages reçus par la Sociélé depDi>
la dernière séance : deux charmants volumes de MM. Emile fi
René Page : Portraits du vieux temps et Oléron^ tous deax aus?i
finement pensés qu'élégamment écrits; une notice fort complète t\
fort attachante de M. Ed. Decoux-Lagoutte sur M. Joseph Bninei:
un brochure de M. Tabbé Georges Ardant, sur V Autel de Samt-
M rtial à Rome, dans laquelle notre jeune et distingué confrère a
réuni de nouveaux détails sur une question qui ne doit être indif-
férente à aucun bon Limousin ; un mémoire fort curieux de M. Ch.
Sibillot sur la Navigation aérienne, siyet d'un si haut intérêt scienti-
fique, mais d'une si redoutable difficulté. M. Arbellot mentionne
encore d*excellenls articles de MM. Thomas, Leroux, Pérathon dâQ>
\e Bulletin de la Société des sciences naturelles et historiques de Guéret,
une note sur la cloche de la Chapelle-Montbrandeix dans les Mémoirrx
de la Société des archives de la Saintonge ; enfin, dans le Bulletin du
Comité des travaux historiques, les discours de M. le Ministre de
rinstruction publique et de M. Gaston Boissier, et le compte-rendu
du congrès des sociétés savantes où se lit le résumé de plusieurs
communications relatives au Limousin.
Le troisième volume des Archives historiques du Limousin vient
de paraître; il comprend un Choix de documents historiques, parmi
lesquels de nombreux extraits des procès-verbaux des réunions de
notre Société d'Agriculture au dernier siècle. Le second fascicule
des Archives révolutionnaires de la Haute-Vienne va être également
mis en vente : il renferme un Inventaire des documents manuscrits
et imprimés de la période révolutionnaire conservés anx archives
départementales. M. le Président présente les deux volumes à
la Société; il remercie, au nom de tous, MM. Alfred Leroux et
Fray- Fournier, à qui on doit ces utiles publications. C'est un nou-
veau et précieux contingent qu'ils apportent à l'histoire de notre
chère province.
Une lettre de M. le curé de Peyrilhac, accompagnée d'une photo-
graphie, décrit un reliquaire sur lequel se trouve gravé le portrait
du vénérable Bardon de Brun ; cet intéressant objet, provenant do
château de La Motte, est aujourd'hui au Queyroix, entre les mains
de M. de Bruchard. Le même, correspondant rappelle qu'à
Chavagnac on conserve la chambre du pieux « avocat des pauvres *•
et qu'au Breuil existe un petit portrait de saint François de Sales
qu'on croit lui avoir appartenu.
M. Antoine Thomas, le savant maître de conférences de
PKOCàs^VIRBAUX DIS SÉANCES. 875
la Faculté des lettres de Paris, a eu occasion d'étudier un
docament cité par M. Emile Molinier dans son ouvrage sur le
maréchal d*Audrehem. Cette pièce mentionne une renie assignée à
la date de i382, par le maréchal, sur la ^réyôié de Malleo et de
Leron. Il est évident qu'il s'agit ici, non de Mauléon et d'Oloron,
comme l'avait cru M. Molinier, mais de Masléon et de Laron, dont
le bailliage ou prévoie royale a fait l'objet d'une notice de M. L. Gui-
bert. Ce dernier n'avait pas trouvé de mention du siège de Laron
postérienremenl à 1333. Le document signalé par M. Thomas permel
de donner à l'institution de Philippe-le-Bel dix-neuf ans au moins
d'existence de plus. La rente en question fut rachetée en 1356 par
le roi, au prix de 400 florins.
M. Gaillemer, doyen de la Faculté de droit de Lyon, a bien voulu
communiquer à M. l'abbé Arbellot des reproductions fort curieuses
des sceaux du Limousin Aymeric Guerrut, archevêque de Lyon, et
de ses ofilciaux. — Un souterrain refuge vient d'être découvert tout
auprès de l'église de La Croix ; la lettre de M. le curé de cette pa-
roisse qui annonce cette découverte est remise à M. l'abbé Lecler. —
Il est enfin donné lecture d'une délibération de l'assemblée parois-
siale de Saint-Laurent-sur-Gorre, datée du 4 octobre 1744 et rela-
tive à l'adjudication de la ferme d'une maison léguée à la paroisse
pour l'enlretien d'une lampe (communication de M. G. Touyéras),
et d'une lettre de M. Michel Gondinet, relative à un inventaire in •
téressant dressé après la mort de Pardoui Gondinet, médecin de
la reine Anne d'Autriche, mort en 1678 ou 1679, et où sont détail-
lés les titres des ouvrages de la bibliothèque de Pardoux et ceux de
ses manuscrits.
La parole est donnée à M. Camille Marbouty qui, dans un récit
attachant et sans prétention communique à la Société les impres-
sions de son récent voyage dans l'Amérique du Sud. Sans fatigue
et sans mal de mer, il conduit ses auditeurs à Pernambuco et leur
donne un aperçu de la nature si riche et si variée de ces chauds
climats. Voici Rio-de-Janeiro avec sa magnifique rade, puis Buenos-
Ayres, où nous nous arrêterons un peu. Les caprices du terrible
pampero rendent aussi dangereux que difficile l'abord de la côte.
La ville, qui compte 550,000 habitants, est immense; quelques-
unes de ses rues, qui toutes se coupent à angle droit, ont jusqu'à
2,800 numéros. Il faut dire que l'édililé, plus prodigue encore de
plaques indicatrices que celle de Limoges, fait meltre des numéros
aux fenêtres comme aux portes. La population a un aspect affairé
qui contraste singulièrement avec celle des villes espagnoles du
continent. M. Marbouty décrit sommairement les édifices, les égli-
ses du xvH* siècle, richement décorées, avec leurs rétables flam-
876 SOCIBTÂ ARCHftOLOOIQOK ET lISTOBiQUE DC LIMOCSIK.
boyanls et leurs aulels d'argent massif, les habitations luxueuses,
la Douane, qui remonte à Tépoque de la conquête.
Après avoir donné lin aperçu des gargantuesques festins aux-
quels il a eu Toccasion d'assister, et montré les convives, assis
autour d'un jeune mouton tout entier, grillé à point, en dépeçant
les plus succulents morceaux et les ingurgitant sans avoir recours à
la fourchette, jugée là-bas un luxe inutile, — le sympathique voya-
geur transporte son auditoire au milieu des pampas, dont il décrit
1 aspect et les immenses horizons ; il les invite à la chasse do
batitoUy un des gibiers les plus appréciés du pays. Puis remettant
à une prochaine réunion la suite de sa lecture, M. Marbonty lait
passer sous les yeux de ses collègues un très intéressant et très
authentique émail de la première moitié du xvr siècle, qu'il a
trouvé au-delà de l'Atlantique et qu'il a patriotiquement rapatrié.
M. Paul Ducourtieux rappelle que H. le comte d*Alexéteff, nu-
mismate distingué et auteur de publications estimées sur la matière,
avait bien voulu, l'an dernier, oiïrir au Musée national Adrien
Dubouché une rare et curieuse monnaie slave : un rooble du x* siè
de, petit lingot d^argent ayant la forme d'un paraliéltpîpède de 77
millimètres sur 40 et pesant une demi livre byzantine. M. d'Alexéœff
vient de faire au musée un nouveau cadeau. M. Ducourtieux
donne la description des pièces qui le composent : ce sont des
monnaies de Pierre-le-Grand, de Catherine II, de Nicolas !•», toute
la série des pièces d'argent d'Alexandre III, enfin une précieuse
médaille représentant d'un côté le pape Qément XIV et de l'antre
Jésus-Christ chassant les Jésuites, avec cette singulière légende :
Nunquam novi vos : discedite a me omnes! M. Ducourtieux re-
mercie, au nom du musée, le donateur : celui-ci répond qu'il se
fera un plaisir d'augmenter la série russe de la collection nuiuis*
matique du musée.
La vicomte de Turenne a été, jusqu'en 1738, un vériud)le Etal.
M. René Page détermine ses limites exactes qui seooblent avoir peu
varié, et constate qu'elle jouissait encore à cette époque de la plu-
part de ses anciennes coutumes.
La vicomte possédait ses « Etats » comme la France et ceux-ci
avaientdes sessions ordinaires et des sessions extraordinaires comme
nos Parlement? modernes. M. Page a étudié avec soin l'histoire de
ces Etats, que les savants ont négligée jusqu'ici et sur laquelle il
donne quelques détails. Il constate que leur composition a change
après 1550. Avant cette date, le clergé et la noblesse y avaient
leurs représentants comme les communes. A partir de 1388, on
n'y trouve plus que les consuls et syndics d'un certain nombre de
villes et de bourigs. Il s'est produit là une sorte de rëYohXtiM dé-
mocratique dont les causes restent ignorées.
PBOCès- VERBAUX DK9 9BA{l€fiS. 877
L'ordre du jour appelle la lecture du rapport de M. Camille
Jouhauueattd sur Texcursion faite le 6 juillet dernier par la Société.
Après un remerciement sympathique donné à nos confrères,
MM. Bertbomier, E. Montaudon, Bellet et Tabbé Cialis, dont Tobli-
geaate cordialité et la parfaite connaissance du pays ont singuliè-
rement accru Tagréraenl et le profit de cette journée, M. Jouhan-
neaad décrit la ville de La Souterraine, ses vieilles et pittoresques
maisons, son école roonumentalei sa belle église restaurée par
M. Abadie et dont le rapporteur caractérise avec beaucoup de
netteté les remaniemente successifs. Il nous fait descendre avec lui
dans la crypte, mentionne Tinscription incrustée dans une muraille
et que lut la première, s'il faut en croire une curieuse tradition,
la reine Catherine de Médicis à son passage à La Souterraine. Nous
montons par la vieille échelle de pierre, adossée aux maisons voi-
sines, jusqu'au sommet de la tour qui surmonte la principale porte
(le ville. M. Jouhanneaud n'omet rien, ni les caves profondes de
plusieurs habitations, ni le fanal du cimetière, ni le tombeau de
Mous Ganier.
On a mis en doute la valeur des anciennes légendes des saints.
M. Arbellot pense que si, pour quelques-unes, la critique doit faire
des réserves, c'est dépasser la mesure et tomber dans un fâcheux
excès, que de refuser toute autorité, même traditionnelle, à ces
intéressants documents, comme Ta fait M. Tabbé Duchesne, mem-
bre de rinstitut, dans son mémoire sur YOrigine des sièges épisco-
panx de l'ancienne Gaule. Il y a, entre la valeur historique et la
valeur traditionnelle, la différence qui existe entre la certitude et
la grande probabilité. L'histoire ne peut se passer de la tradition :
elle lui emprunte maint récit, et Grégoire de Tours, l'autorité prin-
cipale de l'école historique exclusive, dans la discussion sur Tapos-
tolicité des églises de Gaule, s'inspire lui-même à chaque instant
des légendes et des traditions. D'après M. Duchesne, les vies des
saints de la Gaule seraient toutes postérieures à Gharlemagne. Or,
pour nn grand nombre., on peut historiquement démontrer qu'elles
sont antérieures; il en est ainsi des légendes de saint Martial, de
saint Clément de Metz, de saint Austremoine, de saint Memmie,
de la passion de saint Denis et de beaucoup d'autres. D'une façon
générale, on peut dire que les légendes plongent leurs racines dans
le passé le plus lointain : la méthode scientifique consiste non à
rejeter en bloc toute cette série de témoignages, mais à séparer ce
qui estdouieuxou apocryphe de ce qui est certain ou très probable.
M. L. Giiibert a publié naguère le curieux LÂ^re de raisoti d'un
riche bourgeois de Limoges, Etienne Benoist. Un registre du Par-
lement de Poiliors nous apprend qu'en 1432, ce personnage fut
accusé tottt simplemisai d'avoir iué sa troisième lemmei Jeanne
87S SOCIÉTR ARCHÉOLOGIQUE ET BISTOEIQUB VO LlHODSIIf.
Colomb. Les enfants d'un premier lit de Jeanne n'avaient rin
trouvé de mieux que cette imputation pour s'exonérer du paiement
à Etienne, d'une somme assez considérable donnée à titre de gain
de survie par leur mère. Le brave bourgeois n'eut pas de peine i
se disculper. M. L. Guibert donne la physionomie de l'affaire, ré-
sume les débats du procès et cite quelques curieux passages de$
plaidoiries.
La séance est levée à dix heures et quart.
Le Secrétaire général^
Louis Guibert.
SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1891
Préalden<se <le M. l'abbé ARBELiIX>X, Rréstdent
Présents : MM. le chanoine Àrbellot, l'abbé Demars, René Page,
Fray-Fournier, Albert Gérardin, Eug. Goutenègre, l'abbé Granei,
Camille Jouhanneaud, Alfred Leroux, Camille Marbouty, Ducour-
tieux, Léonard Moufle et L. Guibert, secrétaire.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. Le se-
crétaire s'accuse lui-même d'avoir omis d'y mentionner la très
curieuse communication de M. l'abbé Lecler sur le refuge de Gom-
preignac, un des plus grands souterrains ^àe ce genre qu'on ait
signalés et un de ceux que l'aménagement et la complication de
leur plan recommandent plus particulièrement à l'attention des
archéologues. La communication intéressait d'une façon toute spé-
ciale le secrétaire, et, en écoutant M. Lecler, il a oublié de prendre
des notes.
M. le président présente V Annuaire- Almanach de la Creuse pour
1892, offert par l'éditeur, H. Ducourtieux, et non moins intéressant
que d'habitude. Il contient, entre autres articles, la suite du « Dic-
tionnaire des noms de lieux de la Creuse » par M. l'abbé Lecler.
Ce dictionnaire va être publié à part.
La Société a également reçu une curieuse plaquette de M. Emile
Du Boys : Une page inédite de la Chronique des élections à f Acadé-
mie française.
M. le président signale, dans les Bulletins des Sociétés de Tulle
et de Brive, des textes importants publiés par M. Clément Simon.
PllO€ibS-VBIlBAUX DIS SBAUCES. 879
De deux lettres de Philippe Hervé, il résulterait que Tancien
principal du collège de Tulle était en pourparlers avec les consuls
lie Limoges, pour prendre la direction du collège, en 1593, c'est-à-
dire peu d'années avant la remise de cet établissement aux Jésui-
tes. On trouve aussi dans ces bulletins un précieux Dictionnaire
des médecins Limousins, de M. R. Page, et des remarquables articles
de MM. Ernest Rupin, Ducourtieux, Champeval, etc. Les Mémoi-
res de la Société du Périgord renferment notamment une excel-
lente liste des sénéchaux du Périgord, dres3ée par. M. de Bosredon
(plusieurs de ces officiers furent aussi sénéchaux du Limousin), et uu
très intéressant inventaire du château de Montréal (1569), publié
par M. B. de Montégut.
Lecture est donnée d'une circulaire de M. le Ministre de Tins-
truction publique, relative aux sujets dont Tétude est recomman-
dée aux sociétés savantes, et d'une lettre de M. Gh. Sibillot annon-
çant que le projet d'aérostat métallique, système François Gouttes,
est en voie de réalisation.
M. l'abbé Demars a découvert et fait passer sous les yeux de la
Société un manuscrit dont le contenu mériterait une étude spéciale.
C'est l'inventaire, dressé en 1778, époque de la suppression du
monastère, des titres et archives du couvent des Gélestins des Ter-
nes (Greuse).
M. L. Gnibert donne lecture d'une lettre de M. l'abbé Joyeux,
empêché par une indisposition de se rendre à la séance. M. Joyeux
a continué ses fouilles avec succès. Au Coudounier, commune
(i'Oradour-suf-Glane, il a mis à découvert des portions de murail-
les assez considérables; à Orbagnac, il a trouvé, outre des restes
de constructions sur lesquels il fournit quelques détails, des frag-
ments divers, de menus objets en terre cuite, notamment un buste
de femme, une pointe de javelot, etc. Le courageux pionnier se
propose de poursuivre ses travaux, et il espère pour l'an prochain
une bonne moisson.
La bibliothèque de la Société a reçu de M»'' Barbier de Mootaull
quelques feuilles d'un assez beau papier provenant d'un registre
du château de Ghilleau (Deux-Sèvres). Le filigrane présente, outre
rinscriplion : Limousin-Surfin^ un écu portant de... au pal de...
avec la couronne impériale et la date de 1742. Deux lions pour
supports.
M. l'abbé Guimbaud, vicaire de la paroisse de Saint-Joseph de
Limoges, est présenté en qualité de membre de la Société, par
MM. Arbellot et Granet.
La Société doit à M. Bénaud, de La Souterraine, communication
d'an mémoire manuscrit intitulé : Sommaire description de la ville
^t pos« du Boussadois, Ce mémoire, qui parait être du commen-
880 SOCIÉTÉ ARCBÉOLOOIQUS ET mSTOIlIQUB PU UMOUSlIf .
cemeat du dernier siècle, donoe quelques délails sur les monih
inents, les juridictions, Tétat féodal, les usages; il est iacdil, el
M. Guibert estime qu'il serait utile de le publier.
La parole est donnée à M. Camille Harbouty, qui continae la
lecture de ses intéressantes notes de voyage. Nous le suIvods de
Buenos-Âyres à Meodoça : K50 lieues, qu*on franchit en trois jours
sur le chemin de fer du Pacifique. Meodoça, détruite en 1861 par
un tremblement de terre, s'est relevée de ses ruines et compte
30,000 habitants. Mais nous y débarquons un jour d*élection, et
les revolvers partent tout seuls, La place n'est bonne en ce mo-
ment ni pour un négociant ni pour un touriste, M. Marbouty se
décide à passer au Chili en franchissant la Cordilliëre. Deux jaunes
Espagnols qui vont à Panama partent avec lui. Le consul de France
lui a procuré des guides. Quels guides! Des personnages d'un pit-
toresque admirable, mais qui semblent échappés de la collectioa
des Gueux de Callot. Par bonheur, ils n*ont de brigands que la
mine, et le voyageur n'a que des éloges à donner a leur dévout*-
ment.
Le chemin est pénible : on traverse d'abord la plaine pierretisc,
crevassée, couverte de poussière blanche ; puis on commence à c^
calader les contreforts de la grande cbaioe. La route est semée de
carcasses d'animaux : les innombrables troupeaux qui traversent
la montagne dans la belle saison laissent en chemin un dixième au
moins de leur effectif. On aperçoit beaucoup de condors. Le condor
est l'oiseau le plus grand et le plus fort qu'on connaisse : sa taille
atteint un mètre et son envergure trois mètres; mais bien des
récits fabuleux ont couru sur son compte. M. Marbout; décrit
rhospitaijté sommaire qu'on trouve dans les posadas à la fin de
chaque journée de marche. — On monte, on monte toujours. Le
regard du voyageur embrasse bientôt un immense horizon et la
magniOque spectacle qui se déroule devant lui élève sa pensée vers
le créateur de ces meneilles. Plus l'homme se sent petit et plas
son cœur cherche et appelle Dieu.
Continuant à son (x)ur le rapport sur l'excursion du 6 juillet,
M. Jouhanneaud, quittant La Souterraine, conduit ses auditeurs à
Bridiers. Bridiers, avec sa grosse tour ronde de 32 mètres de dia-
mètre, a été un point féodal qui mérite d'être étudié; on connaît
pou l'histoire de la famille qui Ta occupé; mais on entrevoit
qu'avant le xq« siècle elle a dû jouer un rôle important. Après
avoir décrit le château, dont à part la tour il ne reste plus rien que
des ruines et dont M. Albert Mazet a publié un joli plan et un inté-
ressant essai de restitution, M. Jouhanneaud parcourt le ierritoire
de Tancienne vilie gallo-romaine de BreijJi : ville et non pas sim-
ple villa, car les vestiges de ses constructions cmvrmit nne étea
l>EOCfts-TS«ftàtJS DBS SÉANCBS. 881
due de plusieurs kilomètres. Ces restes ne sont pas aussi caracié-
risés qu'on pourrait le désirer, et il faut plus d'une fois que Fima-
gination vienne en aide au témoignage des yeux. Après s^ét^-e
arrêté devant rinscriptron antique encastrée dans le mur de la
façade d'une maison sur le bord de la route, M. Jouhanneaud parle
des deux grandes mottes ou tumulis qu'on observe plus loin et des
nombreux objets qu'on y a découverts. Il rappelle les résultats des
fouilles faites dans les environs et indique les différentes traditions
relatives à la ville de Breilh, en faisant remarquer qu'une d'elles
se trouve consignée dans la chronique du prieur de Vigeois, au
XII' siècle.
Le rapport de M. Jouhanneaud est complété et commenté par
les charmants dessins de son collaborateur, M. Albert Gérardîn;
celui-ci a mis à la disposition de la Société son crayon alerte et
fidèle avec une obligeance dont on ne saurait trop le remercier.
Au nom de M. Joseph Dubois, M. Leroux communique le com
mencement d'une étude sur les registres paroissiaux de Bujaleuf.
Ces registres, qu'on possède à partir de 1614, renferment une chro-
nique non sans intérêt. Notons quelques détails sur le jubilé de
1648 et sur le voyage que fit, en juin de la même année, l'évôquc
de Limoges, Mp^ de Lafayette, dans ces parages. Il ne confirma
pas moins de 4,000 personnes à Saint-Léonard, de 500 à Bujaleuf
et de 9,000 à Eymoutiers. On sait qu'autrefois les évêques ne fai-
saient pas d'aussi fréquentes tournées qu'aujourd'hui, et nos livres
de raison nous montrent souvent des hommes de cinquante à
soixante ans se présentant à la confirmation avec leurs enfants et
leurs pelits-enfants.
M. Tabbé Granet poursuit Tintéressant travail de dépouillement
des registres du bureau d6s finances de la généralité. Il note au
passage bien des faits curieux. En 1641, le roi crée cinquante offi-
ces d'archers. Ils sont tous acquis par la même personne, qui les
revend au prix de 1,300 11. l'un. Peu d'années après, la réparation
des murailles de Saint-Yrieix entraîne diverses difficultés. En 1656,
la ferme du Domaine, dans la Basse-Marche, est adjugée pour une
période de cinq ans : M. Granet fait connaître les clauses du cahier
des charges. Les années qui suivent 1650 sont marquées par des
impositions extraordinaires que provoquent les fréquents passages
de troapes.
Esqaissant la description géographique de la vicomte de Tu-
renne, M. R. Page dit qu'elle n'a emprunté ses limites k aucune
circonscription antérieure. Son territoire ne correspond ni à
l'aacienne vicairie de Turenne ni à celui du pagns Torinensis,
qui englobait plusieurs vicairies environnantes. C'est aux puis-
sants seigneurs des Echelles que le petit Etat dut sa constitution,
8S2 SOCIÉTÉ ARGBÉOLOOIQUB ET BISTORIOVK DO LIMODSIH.
et un membre de cette famille, Bernard, qui vivait à la fia
du V siècle, est considéré comme le cbef de la lignée de^
vicomtes; ses terres s'étendaient sur le Limousin, le Quercy et
le Périgord; mais, à la suite d*un différend porté devant la reine
Blanche, une sentence de cette princesse adjugea la portion péh-
gourdine à Elie Rudel ; ces territoires firent plus tard retour à k
vicomte de Turenne, mais ils lui revinrent privés de leurs anciens
privilèges et formèrent une sorte d'annexé, soumise aux impôts
royaux, en dehors de Tautonomie de la vicomte et de Taclion des
Etats.
Vu rheure avancée, les autres lectures portées à Tordre du jour
sont remises à la prochaine réunion, et la séance est levée à di\
heures et demie.
Le secrétaire général,
L. GUIBERT.
SÉANCE DU 29 DÉCEMBRE
Présidence de M. l'abbé ARBeL.L.OX, PrésldtMt*
Présents : MM. Arbellot, comte de Beauchesne, Ducouriieux*
Guyonnet, Granet, Camille Jouhanneaud, Alfred Leroux, Malever-
gne de Lafaye, Nivet-Fontaubert, Paradis, Reynaud et Savodin.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté après
quelques menues rectifications.
M. le président présente les ouvrages adressés à la Société par
leurs auteurs : Les communes en Limousin du douzième au quinzième
siècle^ par M. Louis Guibert; VAlmanachr Annuaire Limousin pour
1892, par M. Ducourtieux ; le dernier Bulletin de la Société des Amis
des arts de Rochechouart, contenant les procès-verbaux de Tannée
1890; enfin le Rapport sur les antiquités de la France présenté à
rinslitut par M. Roberl de Lastey rie. L*auteur signale d'une façon
fort élogieuse la monographie de la Commune de Saint-Léonard de
Noblat au treizième siècle, par M. Louis Guibert, qui a obtenu au
concours une mention honorable.
La seconde partie de YAlmanach limousin renferme un certain
nombre de notices historiques sur lesquelles H. le président appelle
Tatlention : L. Dessalles, les Prénoms patois limousins ; L. Gnibert,
le Troisième mariage d'Etienne Benoist; A. Leroux, les Sociétés sa-
^EOCts-VKkftAUX DES SEANCES. 883
vantes de Limoges; G. Leyroarie, la Poterie d'oc et la Poterie d'oïl;
G. Jouhanneand, Revue littéraire; P. Ducourtieux, la XV IP Fête
fédérale à Limoges.
Le président énuroère ensuile les publications périodiques reçues,
par échange, depuis la dernière réunion : Le Journal des Savants,
la Bibliographie des travaux historiques et archéologiques^ par M. R.
de Lasteyrie; les bulletins du Musée autrichien de Vienne; les mé-
moires des Sociétés historiques du Maine, de la Touraine, de Dijon,
etc.; leB Chroniques d'Âmaldi et de Strambaldi, publiées par
M. René de Mas-Latrie, dans la Collection des documents inédits.
Le président entretient ensuite la Société de la découverte faite à
Peyrat-le-Château, par M. Rouleau, d^environ cinq cents barbarins
coupés par le milieu pour obtenir une monnaie divisionnaire. On a
d'autres exemples de ce procédé rudimentaire, que la Banque de
France n'approuverait sans doute pas aujourd'hui.
Il est donné lecture d'une notice de M. le comte de Gouronnel sur
une découverte de poteries romaines, faite dans le domaine de
Peu-Marchoux, dépendant de Thospice de Magnac-Laval. Elles pa-
raissent provenir dune sépulture. L'une de ces poteries, présentée
à la Société, est dans un parfait état de conservation : c'est une sorte
de jatte à trois pieds, qui a tous les caractères des objets similaires
du second siècle de notre ère. M. de Gouronnel se réserve d'en
faire don au musée Adrien Dubouché lorsque la section archéologi-
que sera reconstituée. Il prie la Société de vouloir bien en accepter
le dépôt.
M. Toùyéras, qui continue ses fructueuses recherches dans les
registres des notaires de l'arrondissement de Rochechouart, com-
munique trois procès-verbaux d'assemblées de paroisses à Saint-
Auvent et Saint-Gyr, de 1740-42. Ges assemblées ont pour objet la
nomination de syndics et la réparation des bâtiments paroissiaux.
MM. L. Guibert et Nivet-Fontaubert présentent comme membre
titulaire M. Maurice Laporte, de Jarnac.
On vote sur l'admission de M. l'abbé Guimbaud, vicaire de Saint-
Joseph.
Pendant qu'on procède au vote, M. le président donne lecture
d'une circulaire de M. le directeur des beaux-arts annonçant que la
16* session des Sociétés des Beaux-Arts coïncidera, en 1892, avec
la réunion des sociétés savantes. Les adhérents sont invités à com-
muniquer d'avance les mémoires dont ils voudraient donner lecture.
M. l'abbé Granet entretient la Société du château de Breuil^ près
Janailhac, et demande si on connaît des documents relatifs à ce
lieu dit.
M. le comte de Beauchesne, de la Société historique du Maine»
offre à la Société cinq grandes photographies de la curieuse église
su sociHi AneaÉOLOoiQtn n viBTaRtgOB >D limousin.
de Blond, prisf sons ses divers &speets par M. le comte des Moiiii-
(ierR-Méri[)vi)le. Le président remercie M. deBeauchesoe de ceiloD.
qui prendra place dans les cartons de la Société.
Le même membre lit une notice sur cette église de Blond pendani
la seconde moitié du xvi' siècle. Klle fut, en 4ÎMt7, rarafîée par les
troupes huguenotes qui venaient de l'Angoumoîs. Elle le fat de uob-
veau, à deux reprises, en 4S69, par les mêmes troupes conduite
par M. de Montbrun. Pendant les années qui suivirent, elle troun
quelque répit ; mais au commencement de la Ligne, vers 1380, H
liabitanls trouvèrent bon de la fortifier pour résister auxeonemi^.
On retrouve aujourd'hui encore les mâchicoulis qui furent pratique?
au-dessus du portail principal, et tes réduits de défense qui hireot
établis dans la partie supérieure de l'édiSce. A ce point de vue.
l'église de Blond n'est pas sans ressemblance arec celles de Beilaf.
de Rançon et de Compreignac.
Ces détails sont empruntés par M. de Beanchesne k une chroni-
que du temps, composée peut-être par un curé de Blond dn nom de
Charraing. et couchée par lai snr les registres paroissiaux. Dans
lenr étal actuel, ces registres commencent en 1559 {et non 4665,
comme il a été dit ailleurs). La chronique s'étend de 4567 k 1580.
Elle doit prendre rang désormais k côté des relations hisloriqies
rjui ont été signalées, depuis quelque temps, dans les registres pa-
roissiaux d'Eymoutiers, Magnae-Laval, Thouron, Bujalear, etc. Au
dire de l'auteur de la chronique, les huguenots, qui étaient de 900 i
4,âOO, prenaient dans la campagne les lièvres à la main.
Le président remercie M. de Beanchesne de son intéresMate eom-
mnnication.
M. Leroux a la parole pour annoncer à la Société que les négo-
ciations dont il avait été chargé, il y a trois ans, pour obtenir les
extraits historiques laissés par feu M. Duplès-Agier vieoneit
d'aboutir.
M'" Duplès-Agier, qui habite Versailles, a remis à la Société ar-
chéologique, outre la copie des Chroniques ie Sainl-Martiai, que
son frère avait publiées pour la Société de l'histoire de France, bon
nombre de pièces inédites tirées des manuscrits de la BibliolhN)ue
et des Archives nationales et intéressant le moyen-àge limousin.
M. Leroux est chargé de trier ces papiers et de transmettre a
M"' Duplès-Agier les remerciements de la Société.
L'ordredu jour appelle la suite do rapport de M. C. Jonhanneand
sur l'excursion faite par la Société le 6 juillet dernier. M. JouUaa-
neand présente d'abord les dessins faits par M. Berthomier de quel-
ques panneaux du château de Saint-Germain-Beaupré (Creuse; «
retrace brièrement l'historique de ce monument d'après la récenie
notice de M. Mazet. Ce n'est plus la forteresse, à l'aspect redovla-
PROCès-VBRBAUX DES SÉANCBS. H8a
ble, que les Ligueurs détraisirent en 4580, mais un manoir recons-
truit à la fin du xvi* siècle ou au commencement du xvii« siècle
avec cinq tours, de nombreux fossés et des étangs de défense ; il
était alors plus considérable qu'aujourd'hui. Peu à peu ruiné après
la Révolution, il a été restauré, à partir de 1860, par le propriétaire
actuel, M. Berthomier, avec intelligence et avec goût.
De nombreux souvenirs historiques se rattachent à cette rési-
dence. Henri IV y séjourna en 1605, et la grande Mademoiselle en
1636. Un nouveau siège, subi vers 1615-1618, dévasta le manoir qui
ne fut complètement réparé qu'en 1650. Il possédait alors dévastes
jardins dessinés par Le Notre, et une galerie de portraits historiques
qui sont aujourd'hui pour la plupart au musée de Bloià. La seigneu-
rie de Saint-Germain-Beaupré fut érigée en marquisat en 1645. A la
fin du xvi* siècle, les seigneurs étaient protestants : l'un d'eux fut
tué au siège d'Ahun en 1591; un autre, Gabriel, abjura le protes-
tantisme en 1631 ; son fils Henri fut condamné à mort en 1635, en
punition de ses nombreux crimes. Pendant tout le xvu" siècle, les
Saint-Germain-Beaupré occupèrent dans la Marche des situations
importantes.
L'excursion de la société s'est terminée à Saiol-Germain-Beaupré,
où elle a trouvé auprès de MM. Berthomier père et lils le plus gra-
cieux accueil.
M. le président prend à son tour la parole pour entretenir la so-
ciété de Bardon de Brun, dont les œuvres poétiques étaient fort
connues à la fin du xvi* siècle et au commencement du siècle sui-
vant. Bardon a composé une tragédie de Saint- Jacques, qui fut
représentée à Limoges en 1596 et 1597, sur la place des Bancs;
des poésies, dont un sonnet gravé en 1624 sur la porte du tombeau
de Saint-Martial, et reproduit par Bonaventure de Saint-Amable ;
une prose à l'honneur de saint Martial, publiée par Bandel dans ses
Annales de 1638^ une prose latine en l'honneur de saint Martial,
qui date également de 1624 et ne compte pas moins de trente-trois
strophes de six vers; d'autres pièces que l'on trouve imprimées dans
les Œuvres du P. Solier, enfin une lettre latine au cardinal Bellar-
niin, en faveur de l'apostolat de saint Martial.
En raison de l'heure avancée, M. le président suspend sa lecture.
D'autres communications portées à Tordre du jour sont renvoyées à
la réunion de janvier 1892.
La séance est levée à dix heures.
Pour le secrétaire général^
Par délégation^
Alfred Leroux.
■■b
t. XL. 56
LISTE
DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ
AU MOMENT DE LA PUBLICATION liU BULLETIN
BUREAU
Président-né, — M. le Préfet de la Haule-Vienne (J).
Président. — M. Tabbé Aebellot, I. P. ^ ift.
Vice- Présidents. MM. Hervy (Emile) et Nivet-Fontaubert.
Secrétaire général. — M. Guibbrt (Louis), A. y.
Trésorier. — M. Bourdrry (Louis), ^.
Secrétaire. — M. Fagk (René), A. ^J^.
Bibliothécaire-archioiste. — M. Leroux (Alfred), I. P. ||.
Adjoints, — MM. Moufle (Léonard) et Marbouty (Camille).
CONSEIL DWDMINISTRATION
MM. les iMembres du Bureau.
M. Tabbé Tandeau de Marsac.
M. Mariaux (Paul).
M. Lachbnaud (Emile).
COMITÉ DE PUBLICATION
MM. le Président, les Vice-Présidents, le Secrétaire géxNéral.
M. Tabbé Lbcler.
M. Jouhannbaud (Camille).
M. Leroux (Alfred, I. P. ^.
M. DucouRTiEux (Paul), A. ^.
M. Fray-Fournier (Alfred), A. ^f.
Commission chargée de la publication des Registres consulaires de la
oiUe de Limoges
M. GuiBERT (Louis), A. ^, Secrétaire général de la Société.
M. DE Bruchard (Jean).
M. DucouRTiEOx (Paul), A. ^.
M. Fougeras-Lavergnollb (Gaston).
M. Marbouty (Camille).
M. Moufle (Léonard).
(I) La Société a été fondée le 26 décembre 1845, et s'est constituée à la suite de U ocinc>-
tion d'une commissioa pour la recherche, Tétade et la conservatioa des monument» histon^3<«
désignée, le 3 du même mois, par M. Morisot, préfet de la Hante- Vienne.
LISTE DES MUiBIlBS. 887
MEMBRES RÉSIDANTS
MM.
Arbbllot (labbé), I. P. 0 >{(, cbauoine de Limoges, correspondant hono-
raire du Comilé des travaux historiques, boulevard de la Corderie, 49.
NivET-FoNTAUBERT, ancîen directeur d^assurances, villa Saint-Georges, près
Aixe-sur-Vienne.
18»0
Rrisset (Frédéric), ancien juge au tribunal civil, 9, boulevard Louis Rlanc.
182SI
Graves (le comte de), propriétaire, à Verne»jil-sur-Vienne.
18»8
RoGUEs DE FuRSAC (Victof), notaire, à Âixe-sur-Yienne.
I8SIO
Lecler (l'abbé), curé-doyen de Compreignac (Hte-Vienne).
Tandeau de Marsac (Fabbé), chanoine de Limoges, S, place Fournier.
i^eo
Labonne (Martial de), propriétaire, au château de Montbrun, par Dournazac
(Haute-Vienne).
itiei
Garrigou-Lagrangb (Joseph), ancien avoué, 33, avenue Foucaud.
Hervy (Emile), notaire honoraire, 33, boulevard Gambetla.
I8e3
*• Font-Réaulx (Théophile de), ancien notaire, à Saint-J union.
Le Sage (Charles), ^, A. ^, ingénieur civil, ancien maire de Limoges,
18, rue Péliniaud-Beaupcyrat.
Lagrangb (Paul), propriétaire, 20, rue Manigne.
Jabet (Edmond), propriétaire, 37, boulevard Gambetta.
Maurat^Ballange, ^, ancien conseiller à la Cour d*;ippcl, 5, faubourg des
Arènes.
d88 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU LIMOUSIN.
MM.
DucouRTiBux (Paul), A. 0, imprimeur-libraire, membre correspoDdaat dt
comité des Sociélés des Beaux- Arts des déparlcmenls, 7» rae des Ardoes.
Ardant (Georges), imprimeur, 14, rue Pont-Hérisson.
GuiBERT (Louis), A. ^, directeur d^assurauces, correspondant du minislère
de l'instrucUon publique pour les travaux historiques, membre corres-
pondant du Comité des Sociétés des Beaux-Arts des départements, rse
de rObservatoire.
JouB/NNEAUD (Camille), avoué, 28, boulevard Victor-Hugo.
Joyeux (Pabbé), curé d*Oradou>sur-G]ane (Haute-Vienne).
Larue (Armand), avocat-agréé au Tribunal de commerce de Limoges.
6, avenue de Juillet.
Pinot (l'abbéj, curé de Saint-Michel, 13, impasse des Clairettes.
* RoHANET DU Gaillaud (Frédéric), ^, au château du Caillaud, près Isle.
Sbnehaud, greffier au Tribunal de commerce, f9, rue du Consulat.
I8r3
•*
Cressac-Bacbellbrie (de), percepteur, au Dorât.
Page (René), A. ^, 'avocat, correspondant du ministère de rinslroctioo
publique pour les travaux historiques, 25, boulevard Gambetia.
Gadon (Abel), avoué à la Cour d*appel, 3^ boulevard Montmailler.
Vandbrharcq (Eugène), propriétaire, 7, rue du Général Gérez.
BooDBT (Gabriel), A. Q^ docteur en médecine, l,rue du Général Gérez.
Ravmondaud (E.), ^, L p. ^, directeur de TEcole de médecine, 28, iaa*
bourg Manigne.
BouRDBRY (Louis), i|||c, avocat, peintre émailleur, correspondant du miois-
1ère de Tinstruction publique pour les travaux historiques, membre
correspondant du Comité des Sociétés des Beaux-Arts des départements,
38, rue Pétiniaud-Bcaupeyrat.
Constantin (Jérémie), avocat, 43, avenue de Juillet.
Léobon-Lètang, notaire, à Sainl-Priest-Ligoure, par Nexon (Haute-Vienne;.
** Montégut (Emile), ^, homme de lettres, rue des Gharselx, 6.
Penicaut (Léonce), négociant, 3, place Denis Dussoubs.
Beaure-d'Augères (J.-B.-Gustave), avocat, 15, rue Gondinet.
Guérin-Lézâ (Guillaume dit William), ^ fabricant de porcelaine, It, roe
du Petit-Tour.
LISTE DES MEMBRES. 889
MM*
**MoNSTiBB$-MéRiNyiLLB(le comte Jean des), aa château du Fraissc, par
Mézières (Haute-Vienne).
Noualhier (Gabriel), propriétaire, à Linards.
* YiGiBR (fabbé), curé, à iuzances (Creuse).
* Cercle de l'Union, à Limoges.
Dblor (Adrien), propriétaire, maire du Vigcn.
Deluret de Fbix, propriétaire, rue d'isly.
fiBRARD (Emile), négociant, 9, boulevard Montmaillcr.
Laportb (l'abbé), curé-doyen à Saint-Mathieu (Haute-Vienne).
PoMMÊLiB (le baron Melchior de la), ^ , propriétaire, au château du Mont-
joffre, près Saint-Léonard.
Berger (Elie), L P. O, professeur au Lycée, 9, avenue Saint-n^loi.
Blanchaud (Charles), au Dorai (Haute-Vienne).
* Ducuateau (Georges), notaire, à Bessines (Haute-Vienne).
GouTENÈGRE (Eug.), A. Oi profcsscur honoraire au Lycée, 23, rue du Consulat.
** Leroux (Alfred), i.P. ^, archiviste de la Hle-Vienne, 48, faubourg de Paris.
Leygonib, ingénieur hydrographe, 3, rue du 11^ Mobiles.
Prouff, médecin-oculiste, 4, avenue de lu Gare.
TuÊzARD (Lucien), notaire, 8, rue Pont-Hérisson.
Bkllabre (Jules de), propriétaire, au château de Puyjoubert, commune de
La Geneytouse, par Saint-Léonard.
Lachenauo (Emile), entrepreneur, 7, avenue du MidL
LÊPiNAY (Gaston de), maire de Lissac, au château de MorioUes, par Larche
(Corrèze).
Mallbvbrgne de la Fate, ancien juge suppléant près le tribunal civil de
Limoges, 33, boulevard Victor Hugo.
BooLLAND (Henri), docteur en médecine, 36, boulevard Victor Hugo.
Drmengeon (Emile), receveur Je Fenregistrement, i3, cours Jourdan.
* Laporte, docteur en médecine, à Bessines.
Marbouty (Camille), négociant, 48, cours Gay-Lussac.
1891
Geay, architecte, inspecteur des bâtiments diocésains, 36, avenue de Juillet.
Gilbert (l'abbé), vicaire général, 10, boulevard de la Cité.
Mariaux (Paul), avocat, 48, avenue de Juillet.
Merlin-Lehas (Abel), avoué près la Cour d'appel, 3, rue Léonard Limosin.
890 SOCIÉTÉ ARCBÉOLOGIQUI BT HISTORIQUE DU LIMOUSIK.
MM.
Brisset-Desislrs, aDcieû fhagistrat, directeur de la compagnie d^Assuranecs
générales sur la vie, H, avenue de Juillet.
RouRDKAu Dt Lajudie, (André), 9, rue Cruchedor.
Cathbu (Théodore de], ^, propriétaire, au château de Juillac, près Limoges.
Chatard (Emile), propriétaire, h Vicq, par Magnac-Bourg.
Nénbrt (André), 4, avenue Garibaldi.
Savodin (Jules), 50, avenue de Juillet.
TixiKR (Jules), architecte, directeur du Muséum^ 34, boulevard Gambetia.
Bruchard (Jean de), avocat, 8, boulevard Monlmaillcr.
Chassoux, ^, ancien préfet, 7, avenue de Juillet.
Dbgrond, ^, ancien préfet, 9, place Denis Dussoubs.
Fougbras-Lavergnolle (Gaston), avocat, 24, boulevard Carnol.
LouvET (André), avoué près la Cour, 8, cours Bugcaud.
Moufle (Léonard), avocat, rue de l'Observatoire.
WoTTLiKG, A. ^, architecte, ancien directeur des travaux de la ville, 4.
avenue des Chareates.
De Bletterjb, docteur en droit, avoué près la Cour d*appel, 13, faubooi^
des Arènes.
Bourdeau d'Antony, docteur en médecine, 5, avenue Garibaldi.
Brigueil (Louis), ^, ancien président do Tribunal civil de Lyon, S, boule-
vard Carnol.
Coffre (l'abbé), secrétaire ^ l'Evôché.
CouRONNEL (comte de), if, membre du Conseil général, à Magnac-Laval.
Delcaire (Maurice], avoué près la Cour d^appel, 3, rue du Général Cérex.
DoRAT (Hubert), 0. "j^, lieutenant-colonel en retraite, 8, rue des Augustios.
Gaumy (l'abbé), curé de La Meyze (Haute- Vienne).
Gérardin (Albert), avocat. 11, boulevard Gambetta.
Gilbert (A.), ^, président du Tribunal civil, 27, avenue du MidL
* Lacoste (André), négociant, à Ghâteauponsac (Haute-Vienne).
Lamy de la Chapelle (Charles), avocat, i, boulevard Carnot.
Maurat-Ballange (Albert), avocat, 16, place du Champ-dc-Foire.
Mazard fils, 4C, boulevard Carnot. i
Do Mazeaubhiin (Antoine), avoué près le Tribunal civil, 5, rue Neuvc-de-Paris.
* MoYNAT (l'abbé), supérieur du Petit-Séminaire du Dorai (Haulc-Viennc;.
PiEDON (Joseph), 13, boulevard de Fleurus.
Sazerat (René), t, rue Dalesme.
188tt
Blëynib (Louis), I. P. 0, docteur en médecine, 4, rue d'Isly.
BouDET (Louis), 3« rue du Général Céroz.
LISTE DIS MEMBRBS. 891
Boucheron (Edouard du), capitaine d'étaumajor, avenue Foucaud.
GabrigoU'Lagrange (Paul), À. ^, secrétaire général de la Société Gny-
Lussac, à l'Observatoire météorologique, 23, avenue Foucaud.
GuYONNET, chef de district à la compagnie d'Orléans, avenue SaîntrEIoi,
maison Barny.
Maigne (Léopold), banquier, 8, rue Pétiniaud-Beanpeyrat.
Paradis, entrepreneur de serrurerie, 6, rue des Gharseix.
Dehartial (André), avocat, 17, rue Pétiniaud-Beaupeyrat.
Fray-Fournier, a. ^, chef de bureau à la Préfecture de la Uaute-Viénne,
rue de la Croix-Verte, 4.
Letmarie (Camille), A. ^, conservateur de la Bibliothèque communale,
correspondant du ministère de Tinstruction publique pour les travaux
historiques, membre correspondant du Comité des Sociétés des
Beaux-Arts des dépàrlcments, 14, rue Borneilh.
* CuARBONNiÊRAs (l'abbé), curé de ChàleauneuMa-Forôl.
CouRifUKJOULs (E.)i 0.*, I. P. tl, proviseur honoraire du Lycée de Ver-
sailles, 46, rue Péiiniaud-Beaupcyrat.
Dubois (Joseph), avoué, 16, boulevard Victor Hugo.
Hersant (Edouard), directeur particulier de la compagnie d'assurances la
Prooidence^i, place Manigne.
JuDicîS (Antoine), architecte, 13, rue EUe Berlhet.
Lézaud (Maurice), directeur particulier de la compagnie d'assurances la
Foncière^ 3, cours Jourdan.
Montaudon-Bousseresse, 0. ^, directeur honoraire de rEnregistrcment et
des Domaines, administrateur de l'hospice, 46, avenue Garibaldi.
Vergniaud (Camille), conseiller de Préfecture, I, avenue du Midi.
Brouard (Arsène), naturaliste, A Limoges, rue Porte-Panel.
Desbordes (Charles), propriétaire au Mont-Rù, près Rançon (Haute-Vienne).
* Ecole nationale d'Arts décoratifs de Limoges.
Gany, sous-chef de bureau à la Préfecture, iS, boulevard de la Cité.
* Lacbenaud (Henri), étudiant, avenue du Midi.
Raynaud, »ii, directeur des Magasins généraux du centre, vice-consul du
Portugal, 26, boulevard Victor Hugo.
Texier (Hubert), avocat, t, boulevard Carnot.
Tbomas-Doris (René), docteur en médecine, à Eymouticrs (Haute-Vienne).
D'Abzac, percepteur, à Aixe (Haute-Vienne).
Charreyrom (Pierre), avocat, docteur en droit, boulevard de FIcurus.
*Demars (l'abbé), curé du Chàtenet-en-Dognon (Haute-Vienne).
Monique (l'abbé), à Nedde (Haute-Vienne).
SOCIÉTÉ inCBÉOLOGlQUE BT iLSTORIQtJB DU LIHODMI*.
HH.
DuBoii (ArmaDd), I. P. Q, docteur en médectne, rue du CodsdUi. 9.
Griffin (Waller], consul des Elala-Unis de l'Amérique du Nord à LîmOfes.
PéiussAULT, pharmacien, place Sainl-Pierre, II.
Sabroux (l'abbé), curé de Sa int-Laurenl- les- Eglises, pir U Jontbèn
{Hante- Vienne).
■ SOI
CoussEYRoux (Pierre), avocat, rue des Vénitiens, 91.
Gbanet (l'sbbe), curé de Saint-dilaire-Bonncval {H au te- Vienne).
GuiHBAUD (l'abbé), vicaire à Saint-Joseph, faubourg de Paris, 11.
Tenant db Latoub (Albert], au Cbalard, par Saim-Vrielx.
ISO»
Abdant (l'abbé Georges}, vicaire i Saini-Jo&epb, laubourg de Paris, 19.
Chaptre (Henry Fayolle ne Conus db], #, chef d'escadron de canlerie
territoriale, au château du Couret, commune de Saini-Uarenl-lcs-EglIses,
par La Jonch^rc (Haute-Vienne).
FoNTANEAU (El.), #, ancien ofTn'ier de marine, cours Bugeand.
Galaro De BtAHK (Ad. de), propriétaire, avenue Garibaldi, S,
Laportb (Maurice), #, négociant, maire deJarnac.
LoRGUB, propriéUire cl maire, A Honlrol-Sénart, par Hortemart [Haulc-
Vienne).
Mabouet, docteur en médecine, maire à Rochechoaart.
RouLBAC (Abel de), propriétaire, boulevard de la Corderie.
MEMBRES HONORAIRES (I)
is»«-is7e
DeLOcas (Maximln), C. Ht , membre de l'Institut [Acadâmie des InsciJptionsV
ancien chef de division au Ministère du commerce, 5, rue Bersche II, Paris.
Rougkbib (Mgr), évêtjue de Pamicrs,
ise^'iseo
Lahohbièbb, C. #, membre de l'iusliint (Académie des sciences morales
et politiques), Crémier Président honoraire à la Cour de Cassation, 5, me
d'Assas, Paris.
LISTE DES MEMBRES. 893
MM.
DuBÉDAT, ^, ancien conseiller à la Cour d^appel, à Toulouse.
Claritie /Jules), 0. ^, de rAcadémie Française^ administrateur du Théâtre
Français, rue de Douai, 10, à Paris.
Lastbtrib (Comte Robert de), ^, de TÂcadémie des Inscriptions, profes-
seur d*archéologie à FEcole des Chartes, 10 bis, rue du Pré-au-Clercs,
Paris.
Dblisle (Léopold), C. j||&, de TAcadômie des inscriptions, administrateur
général, directeur de la Bibliothèque nationale, rue de Richelieu, Paris.
MEMBRES CORRESPONDANTS
MM.
Clément-Simon, ancien procureur général, château de Bach, près Naves,
par Tulle (Corrèze).
Lemas (Elie), #, I. P. Q, inspecteur d'Académie en retraite à Brive (Corrèze).
isett
CousTiN DU Masnadaud (Ic marquis db), au château de Sazcrat, par Béné»
vent (Creuse).
Debort (Gabriel), propriétaire, à Montaiguet (Allier).
Tandeau de Marsac, notaire, 44, place Dàuphine, à Paris.
PiCHON (François), avocat, 36, rue Carpenteyre, à Bordeaux.
AuBÂPiN, archiviste du département du Cantal, à Aurillac.
**
Drgoox-Lagoutte, ancien magistrat, 46, route d^Angouléme, à Périgueux.
*• PouLBRifcRB (Pabbé), directeur au Petit-Séminaire de Scrvières (Corrèze).
894 SOCIÉTÉ ARCllEOLOOiQUK ET HISTORIQUi: DU LIMOUSIN.
MM.
Demautial (Henri), procureur général, à Angers.
Maoaket du Basty (Edouard)j Gonservaleur des hypothèques, à Sens (Yonae)
**
Barbier oe Hontault (Mgr), ^^ I. P. ^, prélat de la maison de Sa Sain-
teté, 35, rue Saint-Denis, à Poitiers.
AuBussoN Ds SouBREBOST (Edouard), propriétaire, au château de Poinsouze,
par Boussac (Creuse).
Lambbrtyc (le marquis de), au château de Cons-la-Granville, par Longuyoo
(Meurthe-et-Moselle).
MoNTCBEuiL (Paul oe), châlcau de Monlcheuil, près Nontron (Dordogno).
MoNTVAiLLER (Paul de), avocat, à Conf'olens (Charente).
Petit-Séminaire d'Ajain (Creuse).
David (Gaston), avocat, 33. rue de Caudéran, à Bordeaux.
DuJARRic DES Combes, A. ^, licencié en droit, ancien notaire, à Périgueux,
rue de Paris, 9.
Maleplank (Paul Vilyrier de), receveur particulier, à Chàleau-Chiaoo
(Nièvre).
Mazaudoi:) (Philibert), notaire à Treîgnac (Coirèze).
Bonhomme de Montaigut (Henri), ancien magistral, aux Ombrais, près La
Rochefoucauld (Charente).
BosviEUx (Paul), inspecteur de reuregistrement, à Niort (Dcux-Sèvrcs).
CiALis (Pabbé), curé de La Souterraine (Creuse).
Rancogne (de), à Angouléme (Charente).
** Thomas (Antoine-André), professeur à la Faculié des lettres de Toulouse,
chargé de cours à la Faculté des lettres de Paris, boulevard Raspail, 213,
à Paris.
FouGRRAs (Joseph), sous-inspecteur de l'enregistrement, à Fontenay-le-
Comte (Vendée).
MoLiNiER (Emile), conservateur adjoint au Musée du Louvre, 5^, quai
Bourbon, à Paris.
**
LISTB 0£S MBVBaBS.
899
199^
MM.
Berthouier (Georges), propriélaire, au châlcau de Sainl-Germain-Bcaupré,
par La Souterraine (Creuse), et à Paris, 85, rue d'Amsterdam.
Grrllkt db Fleurelle, substitut du procureur général, à Agen.
Sevneville (db), conseiller à la Cour des Comptes, 5i, rue de Grenelle, à
Paris.
Dbmartial (Octave), ^^ conseillera la Cour d'appel, U, rue de Tlnduslrie,
à Poitiers.
RuBBN (Emile}, libraire, Charleville (Ardennes}.
IIkcquart (Arlhar}, au ch&leau de Vost, par Aigurandc (Indre).
TuÉZARD (Philippe), ingénieur civil, rue de Chazelics, 32, à Paris.
TouMiEux (Zenon), notaire, à Royère (Creuse).
**
Chami»isval (Jean-Baptiste), avocat, à Figeac (Lot).
Hellet, instiluleur communal, h Saint-Maurice, par la Souterraine (Creuse).
*' Fage (Emile), A. Q, vice-président du Conseil de préfecture de la
Corrèze, président de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Tulle.
lÉzAUD (Georges), ^, ancien magistral, avocat, à Chambon-sur-Voueize
(Creuse).
Mazet (Albert), architecte, boulevard des Balignolles, 26, à Paris.
** Rupin (Ernest), L P. |^, président de la Société scientifique, historique
et archéologique de la Corrèze, à Brive.
Termes (Emile des), inspecteur de la Compagnie d'Assurances générales,
rue de TEst', 30, à Poitiers (Vienne).
1999
RosREDON (Philippe de), 0. *, ancien conseiller d'Etal, 1"^, rue Verte, à
Sainl-Cloud (Seine-ct-Oise).
Drapeyrow (Ludovic), L P. ^î, professeur au Lycée Charicmagne, directeur
de la Reoue de Géographie^ rue Claude Bernard, 55, Paris.
GoKDiNET (Michel), avocat, docteur en droit, boulevard Saint-Germain, 234,
Paris.
Mbunier-Poutbot (Narcisse), rue du Bac, à Suresnes (Seine).
Touyéras (Gabriel), percepteur, à Salnt-Julien-l'Ars (Vienne),
DuLAf et. C% libraires, 37, Soho-S<juare, Londres,
896 SOCIÉTÉ ARCBÉOLOGIQUB ET HISTOIIIQtlE DU LIMOUSIN.
** AlexéTeff (Son Excellence le comte Geurges d'), maître de la Cour et
S. M. l'Empereur de Russie, tuteur honoraire, rue Serguievskaya, lO-lS,
Saint-Pétersbourg.
Bénauo (L.), joaillier, à La Souterraine (Creuse).
Cars (le duc des), 75, rue de Grenelle, Paris.
FiLBOULAUD (Alfred), propriétaire, à Bourganeuf (Creuse).
MoNTAUDON (Ernest), notaire, ancien membre du Conseil général, à La Son<
terraine (Creuse).
** Pératbon (Cyprieo), membre correspondant du Comité des Sociétés dcâ
Beaux-Arts, à Aubusson.
RiGAUDiE (R.-J.). missionnaire de Tlm maculée-Concept ion, à N.-D. deGa-
raison (Hautes-Pyrénées).
** Verneilh (baron de), au château de Puyraseau, par Piégut (Dordogne).
Verthahon (comte de), chftteau d*Hauterive, par Saint-Germain-d'Esteail
(Gironde).
Beaucbesne (comte de), membre de la Commission historique et méiéoro-
logique de la Nayenne, au château de Torcé, par Ambrières (Mayenne).
Laumond (Jules)^ avocat, à Bourganeuf (Creuse).
Solanbt (Paul), propriétaire, à Saint-Geniez-d'Ault (Àveyron).
âutorde (F.)* archiviste du département de la Creuse, à Guéret,
Cbastenet de Géry (Paul), receveur de TEnregistrement et des Domaines,
à TonnaV'Charente.
Saint-Saud (Aymar d'Arlot, comte de), propriétaire, membre dé plusieurs
Sociétés savantes au château de La Valouze, par La Roche-Chalais
(Dordogne).
Tandbau de Marsac (Henri), propriétaire, à Marsac, par Bénévent (Creuse).
Trouet (Fabbé), curé à Quiers, par Mormant (Seine-et-Marne).
Etablissements auxquels la Société enooie ses publications :
Ministère de Tlnstruction publique, à Paris.
Bibliothèque de TEcole des Chartes, à Paris.
Bibliothèque communale de Limoges.
Archives départementales de la Haute-Vienne*
Grand-Séminaire do Limoges.
Ecole normale d^Instituteurs, à Bellevue, près Limoges.
LISTE DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES
Aisne :
Société Historique et Archéologique de Châleau-Thierry.
Société Archéologique, Historique et Scientifique de Soissons.
Algérie :
Société Historique algérienne, à Alger.
Société Archéologique de la province de Conslantinc.
Académie d'Hippone, à Bône.
Amer :
Société d'Emulation de rAllier, à Moulins.
Aube :
Société Académique de l'Aube, à Troyes.
Aveyron :
Société des Lettres, Sciences et Arts de TÀveyron, à Rodez.
Bonobes-da^Bhône :
Académie des Sciences de Marseille.
Société de Statistique de Marseille.
Académie des Sciences, Agriculture, Arts et Belles-Lettres d*Aîx.
Charente :
Société Archéologique et Historique de la Charente, à Angonlème.
Ctaarente-Inférieare :
Société des Archives historiques de la Saintonge et de FAunis, à Saintes.
Cher :
Société des Antiquaires du Centre, à Bourges.
Corrèie :
Société des Lettres, Sciences et Arts de la Corrèze, ^ Tulle.
Société Scientifique, Historique et Archéologique de la Corièze, à Brive.
Côte-d'Or :
Académie des Sciences, Arts et BeHes-Leltres, à Dijon.
Crenie :
Société des Sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, )i Guéret.
898 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQCK ET fllSîORlQUB DO LIXOQSiN*
Dordogne :
Société Biâlorique el 4rchéoIogique du Périgord, à Périgoeox.
DonbB :
Société d^Emulalion du Doubs, à Besançon.
Eon-et-IiOlr :
Société Danoise, à CiiUeaudun.
Plniatère :
Société Académique de Brest.
ftard :
Académie du Gard, à Nîmes.
Garonne (Hante-) :
Académie des Jeux Floraux, k Toulouse.
Société Archéologique du Midi de la France, à Toulouse.
Gironde :
Société Archéologique de Bordeaux.
Héranlt :
Académie des Sciences et Lettres, à Montpellier.
Revue des Langues Romanes de Montpellier.
nie-et-7ilaine :
Société Archéologique, à Rennes.
Indre :
Rédaction de la Reoue du Centre, à Châteauroux.
Ittdre-et-IiOire :
Société Archéologique de Touraine, à Tours.
Société française d*Archéologie pour la conservation et la description des
monuments, à Tours.
Isère :
Académie Delphinale, à Grenoble.
Société de Borda, à Dax.
Loir-et-Chtr :
Société Archéologique, ScicntiGque et Littéraire du Vendômois, à Vcnd6R»>.
Loire :
Société d'Agriculture, Industrie, Sciences, Arts, Belles-Lettres, à St-Etienoe.
Loire (Hante-).
Société Agricole et Scientifique de la Haulc-doirc, au Puy.
Loire -Inl6ileure :
Société Archéologique, à Nantes.
Loiret:
Société Archéologique de TOrtéanais, à Orléans.
SOCIETES COARESPONBANTRS. 809
Lot:
Société des Eludes Liuérairçs, Scienlifiques, Artistiques du Loi, à Cahors.
Lot-et-Garonne :
Société d'Agriculture, Sciences et Arts, à Agen.
Maine-et-Loire :
Société d'Agriculture, Sciences et Arts de Maine-et-Loire, ù Angers.
Jlame :
Société Archéologique, à GhMons-sur-Maroe.
Académie des Lettres, Sciences et Arts, à Reims.
Meartha-et-Moselle :
Académie de Stanislas, à Nancy.
Morbihan :
Société Polymathique du Morbihan, à Vannes.
Nord :
Société des Sciences, de rAgriculture et des Arls, à Lille.
Oise :
Société Académique d'Archéologie, Sciences et Arls, à Beauvais.
Comité Archéologique, à Senlis.
Pas-de-Calais :
Académie des Sciences, Lettres et Arts d'Arras.
Société Académique, à Boulogne-sur-Mer.
Société des Antiquaires de la Morinie, h Sainl-Omcr.
Pny-de-Dôme :
Académie des Sciences, Belles-Lettres et xVris, à Clermont-Ferrand»
Pyrénées (Basses-) :
Société des Sciences, Lettres et Arls, à Pau.
Bhéne :
Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts, à Lyon.
Sa6ne-et-Loire :
Académie des Sciences, Agriculture, Arts et Belles-Lettres, à Mâcon.
Société Eduenne, à Autun.
Sartbe :
Société Uislorique et Archéologique du Maine, au Mans.
Savoie :
Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie, à Chambéry.
Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arls de Savoie, à Chambéry.
Savoie (Baate-)
Société Florimontane, à Annecy.
Seine :
Société des Antiquaires de France, à Paris.
Société Française de Numismatique et d'Archéologie, à Paris.
900 SOCléTÉ AHCBÂOLOGIQUB ET IIISTORIQUK DU LlHOVStX.
Selne-At-M arne :
Soctélé Historique ei Archéologique du Galinaisy à Fontainebleau.
8«ine-et-0iM :
Société Archéologique de Rambouillet.
Sdlne-Inféridiire :
Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts, à Rouen.
Sevras (Dans-) :
Société de Statistique, Sciences et Arts des Deux-Sèvres, à Niort.
Somme :
Société des Antiquaires de Picardie, à Amiens.
Académie des Sciences, Belles-Lettres, Arts, Agriculture, à Amiens.
Tarn-at-aaromia :
Société Archéologique de Tarn-et-Garonne, à Montauban.
Var :
Société d'Etudes Scientifiques et Archéologiques, à Draguignan.
Académie des Arts du département du Var, à Toulon.
Vlanna :
Société des Antiquaires de TOuest, à Poitiers.
Vianne (Haata-) :
Société d'Agriculture, Sciences et Arts, à Limoges.
Société Gay-Lussac, à Limoges.
Société botanique et Revue scientifique, à Limoges.
Société des Amis des Sciences et des Arts, à Rochechouart.
Yonna :
Société des Sciences Historiques et Naturelles de TYonne, à Auxerre.
Société Archéologique, à Sens.
AHamagna :
Société historique dWix-la-Chapellc {Aafhner Geschichiscerein).
Belfllqaa :
Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux -Arts de Belgique,
à Bruxelles.
Académie royale d'Archéologie d'Anvers.
Etats-Unis d*Amériqaa :
Société Smithsonienne, à Washington.
TABLE DES MATIÈRES
Une visite au tombeau d'Ach met -Pacha (Claude^Alexandro de Bon-
neval), par M. Joseph Brunet 5
Zizim à Rour^aneuf et à Rome, par M. le chanoine Ârbellot H
Les gravures originales de Léonard Limosin à la Bibliothèque na-
tionale, par M Camille Lkymauie 40
Les assemblées des habitants d'Âubusson et la Bailie de Masvoudier,
par M. Cyprien Pératbon 40
Ayroeric Guerrul, archevêque de Lyon, par M. le chanoine Arbrllot 59
Essai de classification des anciennes porcelaines de Limoges, Saint-
Yrieix, Solignac, etc., conservées au Musée national Adrien
Dubouché (suite), par H. Camille Leymarib 71
Le Chapelet à Limoges, du xv^ au xviii* siècle, par Mgr Barbikr db
MONTAULT 90
Anciens statuts du diocèse de Limoges, par M. Tabbé Lf.<:lbr i93
Documenls pour servir à Thisloire de l'iDduslrie et des manufactu«
res en Limousin, publiés par M. A. Fray-Fournier 464
Elude historiqne sur Tancienne vie de saint Martial, par M. le cha-
noine Arbellot S13
Les Frères Prêcheurs de Limoges (1220-4693). documents publiés
par M. l'abbé Douais (table spéciale) S6<
Discours à la louange des Limousins, oublié par M. J.-U. Cbampeval 361
Soutenance d'une ihèse de philosophie au collège de Limoges, pu-
bliée par M. Emile du Boys 374
Notes et communications : Vierge d^Azérables, par M. G. Bertho-
hier. — Rôle de la taille de Limoges en i635, par M. Louis Gui-
BBRT. — Relation abrogée de la prise de possession de Mgr de
Canlsy, évéque de Limoges, 1696, communication de M. Tabbé
Grankt. — Institution do foire et marché à Mortemart, communi-
cation de M. G. TocYÉRAS. — Difficultés survenues entre Tinten-
liant de Limoges, M. Pajot, et le bureau des tinanccs, au sujet
de Tércclion d*une fontaine, 1759, communication de M. Tabbé
ItRANKT 380
Excursion archéologique à La Souterraine et dans ses environs, par
M. Camille Jouhann eaud . . : 389
Monographie de la commune de Thouron, par M. l'abbé A. Leclrh. 476
Elnde biographique sur Guillaume Lamy. patriarche de Jérusalem,
par M l'abbé Arbkllot * 515
^Q triptyque en émail peint en grisraille, par Martin Didier, an Mu-
sée civique de Bologne, par BI. Louf» Bourdery 515
flOi
• •
003 SOCIETE ARCHEOLOGIQUE ET aiSTOEIQUE DO LlHOUSIIf.
Chronologie de l'histoire de Sain t-Yrieiz- la-Perche, par M. A. Le-
roux •• 56Î
Les Bénédictins de Sainl-Nauroriginairesdu Limousin, par M. l'abbé
Arbbllot W4
L'église de Blond, par Bl. te comte oe Beauchbsnb 67i
Essai de classification des ancienne» porcelaines^ de Limoges, Saint-
Yrieix, Solignac, etc., conservées au Musée national Adrieii
Dubouché (suite), par M. Camille Leymarib 684
Documents pour servir à Thistôirc de l'industrie et des manufactures
en Limousin (suite), par M. A. Fray-Fournler 736
Cimetière gallo-romain, mérovingien et carolingien de la Courtine
à Limoges, par H. Paul Ducouhtieox. T69
Boite en verre dans une sépulture gallo-romaine trouvée à Limo-
ges, par M. P. Ducourtieox 793
Saint Pierre Damien à Limoges, par M. Tabbé Arbcllot 799
Documents inédits sur Peyrat-le-Château, par M. P. Cousseyroox... Mi
Le collège de Grégoire XI à Bologne, par Mgr X. Barbiea de Mon-
TAULT 820
Notes relatives à Féglise des Jésuites de Lionoges, par M. Tabbé
POULBRIÈRC 9l\
Délibérations d'assemblées paroissiales: La Souterraine, 1731, com-
munication deM. J. Bkllbt;— Saint- Auvent, 1740 et l74l;Sainl-
Cyr, 1748; Saint-Laurent-sur-Gorre, 1774, communications de
M. G. TOUYÉRAS i SU
Privilège d'Eugène lli pour l'abbaye de Solignac : sa date, par
M. Tabbé A. Llcler 83)
Errata 83i
Nécrologie : M. Astaix, par M. Louis Guibsrt 835
Addition au Mémoire : Un triptyque en émail peint en grisaille, par
Martin Didier, au Musée civique de Bologne, par L. Boorobry... 836
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Séance du 87 janvier 1891 837
— du 24 février 1891 84t
— du 31 mars 1891 846
— du 88 avril 1891 . 851
— du 8 juin 1891 856
— du 30 juin 1891 860
— du 28 juillet 1891 863
— du 85 août 1891 869
— du 27 octobre t89i 873
— du 2 i novembre 1891 878
— du 89 décembre l»9l 883
Liste des membres de la Société au moment de la publication du
Bulletin . ... . 886
Liste des Sociétés correspondantes 897
TABLE.
903
PLANCHES
Pages.
Tombeao d*Achmet-Pacba dans le cimetière du Teické de Péra (vue
d^ensemblel, dessin de M. L. BouitDERT,d*après une photographie t
Tombeau d*Achmct Pacha dans le cimelière du Tekké de Péra (c6lé
ouest), dessin de H. L. Bouangav, d'après une photographie.. . . S
Derviches tourneurs du Tekké de Péra, dessin de M. A. G^hardin,
d'après une photographie 6
Château de Bonrganeuf en 4742, côté du nord, d*après un plan
dressé par M. Desmarty Il
Marques de Léonard Limosin, dessin de M. G. Leyiiarie 41
Vierge en étain trouvée près d'Axérables (Creuse), dessin de M. G.
Berthomier 380
La Souterraine (vue d'ensemble), dessin de M. A. Gerardin H89
Eglise de La Souterraine, détails, — — 396
— — clocher — — 397
La Souterraine, porte Notre-Dame ou de la prisoD, dessin de M. A.
Gbrardin 404
Plan inédit du château de Bridiers, dessin de M. A. Mazet 405
Grosse tour de Bridiers, dessin de M. A. Gerardin 41 S
Château de Bridiers (ensemble des ruines), dessin de M. A. Gbrardin 413
Plao inédit du chJkteau de Saint-Germain-Beaupré, relevé et restitué
par M. A. Mazkt 430
Armes de Gabriel i Foucauld et de Françoise de Villelume, sa
femme, dessin de M. A. Géraroin 4Î0
Château de Saint-Germaio -Beaupré, dessin de M. A. GÉRARDirr.... 49i
Façade occidentale du château d^ Saint-Germain- Beaupré, panneau
de la salle à manger, ivu^* siècle, dessin de M. G. Berthomier. . . 438
Défenses nord du château de Saint-Germain-Beaupré, panneau de
la salle à manger, xvu^ siècle, dessin de M. G. Berthomier 1^8
Lanterne des morts de La Souterraine, dessin de H. A. Gérardin... 437
La Souterraine, pierre tombale du moine Raymond de Vigeois, dite
du Mou8 Ganier^ dessin de M. A. Gérardin 437
Fontaine du château de Thouron, i598, dessin de ^. i. de Verneilb 476
Château de Thouron, dessin de M. J. de Verneilh 477
Triptyque eo émail peint en grisaille par Martin Didier, reprodcc»
tion directe d'une photographie 549
904 SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE ET lUSTORIQUE OU LIMOUSIN.
Eglise de Blond, façade, reproduction d'une photographie 6î6
Eglise de Ulond, chœur, — — fn
Tombes sur le seuil de Téglise de la Courtine, reproduction directe
d'une photographie 113
Bijou gallo-romain Irouvédans une des tombes, grandeur naturelle 773
Tombe mérovingienne du cimetière de la Courtine, dessin de M. Ju-
les TlXlEÇ '781
Plan de la chapelle de la Courtine, s'appuyant sur l'enceinte da
château de Limoges au x* siècle, relevé par M. P. Daccord, en-
trepreneur 789
Tombeau gallo-romain contenant une boite en verre, déccovert
avenue de la Révolution (maison Demartial), dessin de M. Jales
TlXIER . 7 797
Vases trouvés autour du tombeau gallo-romain, dessin de M. Jales
TlXIER 797
Untioge», irap. V H. Ducourtieux, 7, me dei Arènes,
• - *A -^ -
^
«'
I
.VS DU BULLETIN
* arréable à nos confrères en leur
p 4 possède encore quelques collec-
r' ît que ces collections peuvent être
rès fixes par le Bureau :
; ima nçiAfK 6 i^i«a 4p^l^«^ t. 1 à
et 3 du
'f'-^'/^^^-Ai ai^ 55f 4 *.v*. '■ - . . ' - v • et 4 du
■'tji^^:; \nn ^-J :v --/p.:. . . 180 fV.
1
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■•••'■.
V '"^ ^^- -* :: ^ n , , I t I à
- — - , . - ,— -, — • ~ m: »-— ^. «..^ . _ _ ,. . 7
XXXV, — manquent treize livraisons ; celles 2 et 3 du
t. I, — les livraisons 3 et 4 du t, II,— les livraisons 1, 2, 3
et 4 du t. III, — la livraison 2 du t. IV, — les livraisons
1 et 2 du t. XXIII, prix 160fr.
3" Une collection incomplète comprenant les livraisojis
1 et 4 du t. I, les livraisons 1 et 2 du t. II, les livraisons 1
et 4 du t. IV, les livraisons 3 et 4 du t. V, les livraisons 2
et 4 du t. XII, les tomes %\, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32,
83, 34 et 35, prix 75 fr.
La Société possède en outre quelques exemplaires des
t. 24, t% 27, 28, 29, 30, 33, 34, 35, 36, 37 et 38, à 7 fr.
le volume ou à 4 fr. la livraison semestrielle.
Les envois seront faits contre remboursement.
Adresser les demandes à M"'' V Dugourtieux, impri-
meur-libraire de la Société, 7, rue des Arènes, Limoges.
Avis important
Avec la présente livraison, MM. les Membres de la So-
ciété recevront le titre du tome XL et une planche omise i<
, la 1" livraison de ce volume et qui doit être jointe àTarticle
de M. Leymarie, page 41.
Le cinquième volume des Registres consulaires vient
de paraître. Il est envoyé, avec la présente livraison, aux
Sociétés et aux pey^sonnes qui se trouvent déjà en posses-
sion des quatre premiers. En cas d'omission, s'adresser
au Secrétaire général de la Société.
^^^^^f
^^^^^^m DAY USE
^^^^^^^^K anuRN To desk from which borroved
^^^^1 LOAN DEPT.
^^^^^■■HP Thh book i, due on ihe Isjt date scamped below, ar
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