This is a digital copy of a book that was preserved for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's books discoverable online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that 's often difficult to discover.
Marks, notations and other marginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book' s long journey from the
publisher to a library and finally to y ou.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying.
We also ask that y ou:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain from automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attribution The Google "watermark" you see on each file is essential for informing people about this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
any where in the world. Copyright infringement liability can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web
at|http : //books . google . corn/
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages appartenant au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter. Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer r attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
À propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse] ht tp : //books .google . corn
LIBRARY
OF THE
University OF California.
RECEIVED BY EXCHANCE
Oass
BULLETIN
DE U
Société
M
d^Etudes
Colopiales
•
SEPTIÉMK ANNÉE
H* J. -«^-f» JANVIE:^ J900
BRUXELLES
IMPRIMERIE A. LE8IGNE
Rue de la Cliarit«, S5
1900
Î^L\
P«gCH.
G. Leval. La Gliine d'après des auteurs récents 1
Carton de Wiart. Le Budget des Colonies à la Chambre française . . 94
D. C. Le Rapport sur les Colonies allemandes 30
D' Dryepoxdt. L'Expédition scientifique anglaise contre la Malaria à la
Côte occidentale d'Afrique 35
J. Plas. La Question des Cables 45
Chronique 50
Bibliographie 61
Sociétés Commerciales 67
GRAVURES
Vue intérieure de la Muraille de Pékin i
Pékin. La Muraille , . . . 3
Pékin. Le Rata-Mem 4^
Pékin. Porte de la Ville défendue 9
Pékin. Palais d'Été 16
Phare à l'embouchure du Fleuve Bleu 16-17
Pékin. Pavillon du Palais d'Été 18-19
Tribunal chinois îl
Carte des cibles sous-marins 4849
en
ai
OF THf
UNIVER8ITY
OF
»S !2
-; 2
3F TME
UNIVERSITY
OF
N^ 1 7« ANNÉE Janvier 1900
ÉTUDES COLONIALES
La Chine
DIAPRÉS DES AUTEURS RÉCENTS
Depuis que la Chine a ouvert ses ports les plus importants au
commerce du monde, l'ignorance où nous étions des mœurs, des
besoins et des ressources de cet immense empire de 400 millions
d'àmes s'est peu à peu dissipée. Des missions, telle la mission
commerciale de Lyon, cmt parcouru la Chine pour le plus grand
proflt des industriels et des négociants d'Europe, et nulle année ne
se passe sans apporter quelque contribution au domaine de nos
connaissances pratiques. Hier c'était l'ouvrage si instructif de
M. Von Brandt, dont une excellente analyse a été donnée aux
membres de la Société d'Ëtudes coloniales, il y a quelques mois.
Aujourd'hui c'est l'œuvre de Lord Beresford «The Break up of
China» qui, rendant compte de la mission commerciale et aussi
quelque peu politique de l'éminent homme d'Etat anglais, complète
les informations antérieures, par des détails nouveaux ou les pré-
cise davantage. Il nous a paru d'un grand intérêt pour les Belges,
de donner, de cet ouvrage tout récent, plus qu'une analyse rapide;
il nous a semblé que certains passages perdraient à être résumés.
C'est pourquoi, tout en passant en revue le plus rapidement pos-
sible les parties non essentielles du livre de Lord Beresford, et
en mêlant à cet or pur le plomb vil de nos remarques personnelles,
nous avons tenu à laisser à certains passages leur valeur tout
entière, sans en rien modifier; le volume de la mission Lyonnaise,
l'ouvrage de M. Bard «Les Chinois chez eux» «The RealChina-
man » de M. Chester Holcombe, nous ont permis de contrôler, de
20355G
ETUDES COLONIALES
compléter ou déjuger mieux de «Break up of China», et c'est du
résultat de ces comparaisons que sont nées les lignes qui vont
suivre.
Dans toutes les contrées du monde, que ce soit en Russie, en
Amérique, en Turquie, en Angleterre ou en Cliine, le premier
représentant que l'on rencontre du pays où Ton entre, et celui qui
se charge, avec le moins d'amabilité possible, de nous recevoir, à
la frontière, c'est le douanier. Arrêtons-nous donc tout d'abord aux
douanes chinoises.
La convention de Shanghaï du 8 novembre 1858, encore en
vigueur en ce moment, fixait à 6 p. c. environ de la valeur argent,
le montant du droit de douane. Nous n'examinerons pas avec
M. Von Brandt, si la Chine a, oui ou non, la faculté de le
relever, on se basant sur le fait de la dépréciation de l'argent qui fait
actuellement descendre Je droit dé douane à 4 et même à 3 1/2 p. c.
de la valeur réelle. Ce droit de douane en Chine prend une
importance bien plus considérable que dans d'autres pays quand
on examine le rapport établi par le plénipotentiaire anglais. Lord
Elgin, entre ce droit de douane et les autres droits et taxes inté-
rieurs du pays. Il y avait, en effet, un nombre incalculable de
droits perçus tant par la province que par les villes d'intérieur
et frappant toutes les marchandises venant de la frontière. Pour
couper court à tout abus et fixer une règle uniforme pour tout
l'Empire, Lord Elgin proposa de supprimer tous ces droits
provinciaux et locaux, et de les remplacer par une taxe unique,
laquelle serait exactement de la moitié du droit de douane. Il fut
entendu que, moyennant paiement de ce demi-droit supplémen-
taire, on pourrait obtenir du gouvernement chinois des laisser-
passer de transit exonérant de tous autres droits ultérieurs quels
qu'ils fussent («frora ail further inland charges whatsoever ») tant
les marchandises allant de la frontière vers l'intérieur du pays, et
ce jusqu'à leur lieu de destination, que les marchandises expédiées
d'un point quelconque de lempire vers la frontière.
Lord Elgin, rédacteur du traité de Tsien-sin de 4858, complétant
l'article 1 du traité de Nankin de 1842, entendait si bien résumer
en ce demi-droit supplémentaire absolument tous les droits autres,
qu'il définissait ce demi-droit de la façon suivante dans une dépèche
LA CHINE
adressée au Foreign Office: « une somme qui sous le nom de droit
de transit libérera de tous autres droits de péage, oclroi ou taxes
quelconques, les marchandises apportées vers ou exportées d'un
endroit quelconque de l'empire ». L'un des correspondants de Lord
Bercsford répétant qu on ne saurait s'expliquer plus clairement,
déplore que, depuis trente ans que le traité de Tsien-sin a été
PÉKIN (LA muraille).
FUOTOGRAPUIE COMMUNIQUÉE PAR M. L. JANSSEK.
signé, ce système de transit-pass a fait une complète faillite, et ne
craint pas d'accuser de ce résultat, en grande partie le gouverne-
ment anglais qui a donné aux termes du traité une interprétation
plutôt restrictive : «Dans plusieurs provinces, dit-il, ce droit de
transit est absolument ignoré ; dans d'autres il est ouvertement
méconnu ».
La France s'est montrée plus énergique dans ses revendi-
cations et au lieu d'adresser seulement des remontrances plato-
niques, à I^ékin, sur la mauvaise administration des provinces,
elle a porté remède au mal, dans la province même où il
ÉTUDES COLONIALES
s'est déclaré, et a ihsisté énergiquement pour que les faveurs du
demi-droit fussent respectées. C'est ainsi que moyennant une taxe
de 7 1/2 p. c. les marchandises suivant la route du Tonkin, c'est-
à-dire allant deMenktzen à Younan-Fu sont libérées de toutes autres
taxes. Les plaintes qu'enregistre Lord Beresford sont nombreuses.
A Tchinkiang on respecte le système du transit-pass, mais on ne
l'applique qu'à un nombre limité de marchandises. Dans la pro-
vince d'Amoy, les marchands ne savent plus à quel saint se vouer
à cause des taxes du Likin qu'on élève sans droit sur leurs mar-
chandises, les dates de paiement et le tarif variant à chaque ins-
tant, les taxes se dissimulant d'ailleurs sous vingt noms divers. A
Canton, l'action énergique du gouvernement britannique a fait
beaucoup pour amener les provinces à faire respecter le système
et on espère que bientôt le transit-pass affranchira de tous droits
les marchandises allant d'un point quelconque à l'une ou l'autre
des provinces sans qu'il soit nécessaire de déterminer même la
destination.
Il n est pas sans intérêt de reproduire ici les principaux termes
de la convention de Chefoo de 48C6 qui complète les deux traités
antérieurs. Il y est dit : « que les certificats du droit de transit
seront rédigés selon une formule uniforme dans tous les ports,
qu'en ce qui concerne les importations il ne sera fait aucune dis-
tinction entre les nationalités des impétrants ». Pour l'exportation,
une distinction est introduite : les produits indigènes transportés
d'un point quelconque de l'intérieur vers un port d'embarquement
peuvent, s'ils sont de bonne foi destinés à être embarqués, être
couverts par un certificat de l'intéressé britannique (je suppose
que les belges sont dans le même c«s) et être, moyennant paie-
ment du demi-droit de douane, libérés de toute taxe quelconque
qu'on aurait pu demander en route depuis le point de départ
intérieur jusqu'au port. Mais si les biens n*appartiennent pas à un
sujet britannique ou ne sont pas destinés à être embarqués, la
faveur du demi- droit ne sera pas appliquée. L'article 7 de la con-
vention de Chefoo, qui confirme l'exemption de tout droit à l'inté-
rieur pour les marchandises importées ayant acquitté le demi-
droit supplémentaire, renferme une clause visant l'exportation qui
ouvre les portes à tous les abus que le traité de Tsien-sin avait
fi. i
I ^
5 S
U3
^!J
LA CHINE
voulu réprimer. Au lieu, en effet, de faire acquitter aux marchan-
dises destinées à l'exportation le demi droit qui doit les exempter
de toutes autres taxes en cours de route et ce dés la première
barrière fiscale que ces marchandises auront à passer, l'article 7
de la convention de 1866 dit : a ces marchandises seront
simplement examinées à la première barrière, mais le demi-
droit sera seulement perçu au port d'embarquement ». Voilà qui
permet aux autorités provinciales de l'intérieur de pressurer
l'exportateur en lui affirmant, ce qui est vrai, qu'au moment où la
marchandise passe la barrière aucun droit n'a encore été acquitté.
Ceux qui connaissent l'Extrême-Orient savent avec quel plaisir
les Chinois s'emparent du moindre prétexte pour arriver à leurs
fins. Chez eux, en effet, l'essentiel est d'avoir un prétexte, de même
que dans toutes leurs négociations, la forme est toujours plus
observée que le fond. A ne considérer que la forme, les Chinois
ne sont-ils pas le peuple le plus poli de la terre? N'est-ce pas chez
eux que l'on entend de ces dialogues débités avec le plus grand
sérieux et dont, cependant, on ne pense pas le moindre mot?
— Quel est voire honorable titre?
— Le nom insignifiant de votre petit fils est Wang.
— Quel cours a suivi votre illustre carrière?
— Très bref, seulement une misérable durée de 70 ans.
— Où est votre honorable demeure?
— La tannière dans laquelle je couche est à tel endroit.
— Combien de précieux fils avez-vous?
— Seulement cinq stupides petits porcs.
L'essentiel chez le Chinois est de conserver ce qu'il appelle la
face, c'est-à-dire la « respectability » des Anglais. La face étant
sauvée, peu importe que l'on mente et que l'on vole.
Une autre clause pleine de difficultés était celle contenant con-
fiscation de toute marchandise destinée à l'exportation et dont une
partie aurait été vendue en cours de route sans autorisation. Cet
article servait de prétexte à des tracasseries sans nombre de la part
des autorités provinciales, quand il manquait au lot de marchan-
dises la plus minime partie perdue ou volée en route. C'est ainsi
qu'il y a un an, un Américain vit 2,000 tonneaux d'huiles
confisqués à Kweilin parce qu'il manquait à son chargement
ÉTUDES COLONIALES
20 tonneaux, sans doute, dit Lord Beresford, habilement, et pour
cause, soustraits avec la complicité du fonctionnaire local.
En 1898, pour mettre bon ordre à cette réglementa- ion, les
ministres étrangers, d'accord avec le Tsung li Yamen et 1 inspec-
teur général des douanes, rédigèrent le règlement suivant, qui est
actuellement en vigueur :
I. — Toute marchandise importée, munie du certificat, allant
d un port du traité à n'importe quelle place de l'intérieur, dûment
indiquée, sera ultérieurement, moyennant paiement d'un demi-droit
de douane pour droit de transit, exemptée de tous autres droits ou
taxes quelconques.
II. — A l'arrivée à destination des marchandises, le certificat
sera détruit.
m. — Si toutes les marchandises munies du certificat sont
vendues au cours de route, le certificat doit être détruit à la
barrière où a lieu la vente.
IV. — Si une partie seulement des marchandises est vendue en
cours de roule, quand le surplus arrivera à la barrière prochaine
le négociant devra déclarer au bureau du Likin quelle espèce et
quelle quantité de marchandise fut vendue et à quel endroit.
Sur la foi de cette déclaration, l'officier du Likin endossera le
certificat et le restant des marchandises pourra, sans délai,
continuer sa route.
V.— Des instructions claires et strictes devront être données aux
fonctionnaires préposés à la barrière la plus proche du port dont
les marchandises pénèlrent à l'intérieur pour leur rappeler qu'ils
ne doivent pas permettre à un certificat, dûment timbré par eux,
de servir une seconde fois pour passer un chargement.
VI. — S'il est établi qu'un certificat a servi une seconde fois, les
. marchandises y spécifiées seront confisquées.
Voyons maintenant à côté de ces droits parfaitement réguliers,
quels droits irréguliers, quelles taxes, les autorités chinoises ont
essayé, ou essayent encore sans doute, d'imposer au commerce de
transit. Les plus importants de ces droits illégaux sont : le Likin,
espèce de droit de douane perçu dans chaque province et même
souvent dans chaque district de province; le Chingfui ou taxe de
défense et le Lotischui ou taxe de destination.
LA CHINK
Le Likiriy dont le nom a souvent déjà paru dans ce résumé,
frappe toute marchandise qui traverse une route, dans la province
ou le district. Illégal quand il s'applique à une charge protégée par
h paiement du demi-droit dont nous avons parlé tout à Theure, le
Likin frappe très cruellement le trafic intérieur, est un obstacle
sérieux au petit commerce et une source féconde d'extorsion. Ce
droit de doiane existant, par une anomalie absurde, à côté de la
douane impériale maritime, permet aux provinces de taxer le
Chinois qui vient d*acheter à TEiiropéen une marchandise qui a
déjà acquitté le droit. Ces barrières du Likin, même quand elles
sont innefïîcaces à extorquer le droit demandé par la province, sur
la preuve énergique que la marchandise est destinée à l'exporta-
tion, et par conséquent couverte de la protection du traité, a
cependant cet inconvénient d'arrêter pendant longtemps le charge-
ment en cours de route et c'est là dessus que les fonctionnaires
provinciaux spéculent.
Pour ne pas manquer sa livraison en temps voulu et n'être pas,
par conséquent, exposé à des dommages-intérêts, le marchand
chinois qui a vendu à Londres paie plutôt quelque i hose à chaque
barrière, pour qu'on ne retarde pas son envoi sous mille prétextes
tracassiers. Mais il est évi lent que ce système est des plus nui-
sibles au commerce, le négociant européen payant un prix trop
élevé pour les marchandises ou bien payant dos frais de transport
fantastiques. Les indigènes qui veulent échapper à la taxe font
souvent en effet faire à leurs envois de lonjjs détours, évitant les
barrières, mais causant un retard très considérable. Lord Beresford
dit qu'il n'y a même aucun remède à s'adresser au consul à cause
de la difficulté de trouver des témoins disposés à déposer devant
le Tao taie. Malheur, en effet, à ce lémoin! Son nom est inscrit
sur le livre noir et si jamais ses marchandises passent à la barrière
on lui fera payer cher sa déposition. Le seul remède préconisé par
lus marchands anglais serait celui -ci : Les consuls devraient avoir
le droit en cas de retard causé par le mauvais vouloir des fonction-
naires du Likin, de frapper ceux-ci d'une amende.
La taxe de destination ou Lotischui est tout aussi vexatoire et
bien qu'elle soit payée par le Chinois, elle intéresse toutes les
nations commerçantes. Elle est levée non seulement sur l'expor-
ETUDES COLONIALES
tation, mais même sur le planteur, et comme elle est mise en régie
on Texagère encore : c'est ce qui a causé tant de mal aux planteurs
de thé et aux marchands de soie.
D*autres taxes existent encore telles que le monopole du sel,
dont nous parlerons plus loin. On comprend qu*ii faille toute Tau-
torité, toutes les influences et toute l'énergie des ministres des
puissances en Chine, pour ramener au respect des traités les popu-
lations sans cesse en train d'essayer d'éluder les clauses les plus
légitimes.
Sans doute, cette situation va en s'améliorant, mais elle subsis-
tera, quoique affaiblie, tant que le régime fiscal de la Chine ne
sera pas modifié. En effet, si l'on va au cœur de la question, il est
facile de comprendre comment et pourquoi il se fait que les auto-
rités chinoises luttent avec rage pour imposer aux marchands les
taxes les plus exorbitantes sous forme de Likin ou autres. Les
taxes, en effet, sont perçues par les provinces et une partie seule-
ment en est distraite pour aller au pouvoir central. Or, le traité
de Tien-sin remplaçant par un demi-droit supplémentaire, comme
droit de transit, les taxes provinciales frappant jadis ces marchan-
dises, ce demi-droit va directement au pouvoir central ce qui
constitue pour la pi'ovince une perte nette dont celle-ci essaie
d'obtenir compensation. A cet effet, certaines provinces frappent
les marchandises de likin, ou méconnaissant le système de transit-
pass inventent de nouveaux droits, (il'est ainsi qu'à Amoy, M. Cass
un des principaux marchands du port expliqua à Lord Uerestord
comment les taxes locales ont, en très peu de temps, ruiné toutes
les minoteries qu'il avait établies pour les Chinois. L'Européen, en
effet, ne peut pas diriger lui-même des minoteries dnns ces pro-
vinces parce que le droit de résidence lui est réfusé ; force donc
est de monter les industries pour les Chinois ; mais alors on IVnppe
ceux-ci de tels impôts qu'ils sont obligés de fermer leurs établis-
sements et c'est ainsi que les industries européennes en souffrent.
Ce même M. Cass voulait monter une briqueterie mécanique,
mais les autorités lui ayant fait savoir qu elles protégeraient les
briqueteries manuelles, il élait inutile d'insister. Dans la province
de Kwantong le capitaine Flemming avait, en 188:2, trouvé des
gisements de charbon et de 1er en abondance, mais en présence de
LA CHINE
rhostilité persistante des autorités, nul n'a pu, jusqu'ici, mettre
ces richesses en valeur. Des exemples de ce genre fourmillent
dans l'histoire commerciale et industrielle de la Chine. Un sujet
anglais achète une propriété dans une localité riche en charbon.
PÉKIN (porte de la VILLE DÉFENDUE).
l'HOTOGRAPIIIE COMMUNigUÈE PAR M. L. JANSSEK.
son titre n'est pas contesté : il porte le timbre du Yamen; et cepen-
dant, quand l'intéressé demande lautorisation d'ouvrir la mine, le
Taotaï de la localité la lui refuse disant que le droit d'exploiter la
mine n'est pas prévu dans le traité. Une société Anglo-Américaine
établie à Kintang et à Wuhu pour exploiter des mines de charbon
a acheté différentes propriétés charbonnières et est en possession
des titres régulièrement timbrés et visés par les autorités chinoises
10 ÉTUDES COLONIALES
de la localité ; l'un de ces titres constate que le terrain a été acquis
pour en exploiter les mines de charbon et un autre titre permet au
propriétaire de faire du terrain tel usage qu'il lui plaira. Et cepen-
dant le sénat du Conseil provincial ne veut pas autoriser ces mes-
sieurs à exploiter leurs mines.
Nous verrons plus loin quelle esl la cause de toutes ces fantai-
sies et de ces vexations qui vont parfois jusqu'à mettre en danger
la vie des Européens.
Tant que, dans la province, on ne sera pas bien persuadé que
chaque altiMnle à la propriété ou à la vie des él rangers sera sévè-
rement ré[)riiné(î par le pouvoir central, il n'y aura pas de sécurité
dans rintérieur du pays. 11 ne fout pas exagérer, évidemment :
dans les ports à traité, le consul Bournes la constaté, on est en
sécurité aussi bien qu'en Angleterre ; mais c'est des petites villes
d'intérieur, des routes et des canaux que nous voulons parler.
Les négociants de Shanghaï se sont plaints amèrement à Lord
Beresford de ce manque de sécurité désastreux pour le commerce,
dû à la mauvaise organisation et à l'insuftisance de l'armée et de la
police en cas d'émeute. Dans la province de Szechouan, à Hunan
dans la vallée de Yangtzé, cette insécurité est telle que bien des
négociants chinois ont refusé de trafiquer dans ces parages. Il
n'est pas jusqu'à Pékin même où, à certains mouîcnts, règne une
anarchie complète ; il suffît d'ouvrir la Gazette Ojp>cielle où on lit :
« 4 janvier 1895 : des prisonniers sont délivrés par une bande
armée, presque sous les murs du palais impérial. 19 octobre 1895 :
les palefreniers et porteurs de chaise des ministres chinois s'em-
parent du riz destiné aux examinateurs et à leur personnel.
i"' janvier 1897 : les gardes du trésor, de complicité avec des
vauriens de la ville, sont rassemblés à l'entrée des caves du trésor,
et lorsqu'on les ouvre, en profitent pour commettre des vols,
l^mars 1897 : un eunuque de la provuice de Tchoun et 18 hom-
mes, appartenant à la domesticité de cette province, enlèvent un
négociant en bois de construction du Yamen et font savoir à sa
famille qu'il ne sera rendu que contre une forte i-ançon.
Dans certaines contrées les indigènes, sans toutefois attenter à
la vie des Européens, ont sur eux et leur industrie des idées abso-
lument fausses et ridicules. 11 en est notamment ainsi pour l'extrac-
LA CHINE 11
tion mécanique de Thuile. A Chefoo non seulement les Chinois se
sont refusés à travailler dans Tusine installée pour extraire l'huile
de certaines fèves, par pression mécanique, mais ils ont boycotté
le produit lui-même si bien que MM Jardine et Matheson ont dû
fermer l'usine, où ils avaient installé un coûteux matériel importé
d'Angleterre. A Swatow, il y a environ 8 ans, on forma une com-
p;<gnie chinoise pour exploiter certaines mines, mais une légende
circula disant que, si l'on introduisait des machines dans la mine,
toutes les femmes de la contrée seraient frappées de stérilité, si
bien que les projets durent être abandonnés. Dans la même contrée
MM. Bradiey et O" projetèrent de fournir la ville de Swatow d'eau
polable, celle de la ville étant boueuse et saumâtre. L'argent néces-
saire fut souscrit par les Chinois de l'endroit, les plans furent
dressés, le terrain acheté et on était prêt quand tout échoua à
cause de l'opposition du peuple des environs. On ne pût jamais
découvrir la cause de cette opposition. Le Tao taie, qui était favo-
rable au projet, finit lui même par changer d'avis, avouant qu'il
craignait le peuple.
Les autorités provinciales ou cantonales chinoises, qui veulent
s'accrocher invinciblement aux errements du passé, causent ainsi
à leurs administrés chinois le plus grand dommage Le monopole
du sel, par exemple, oblige les habitants d'Amoy à importer de
Sin}»apour du poisson salé à un prix infiniment supérieur à celui
qu'il leur aurait coûté s'ils eussent pu le saler rhez eux. A Swatow
les autorités >ont plus clairvoyantes, le monopole n'est pas aussi
sévère et les populations font de beaux bénéfices sur ces salaisons.
Ce monopole du sel est une charge tellement lourde que si l'on
pouvait importer le sel. même en le frappant de 50 p. c. de droits,
on pourrait encore le vendre en dessous du prix que l'on paie dans
l'empire pour le sel du monopole et Lord Beresford remarque fort
justement que ce monopole du sel augmentant le prix de la nour-
riture est une charge beaucoup moins lourde pour le riche que
pour le pauvre et contribue ainsi aux mortalités dans les épidémies.
Tandis que l'importation du sel est interdite, le poisson salé est
admis au tarif du traité c'est-à-dire à 5 p. c. ad valorem.
Il est difficile de parler du sel sans se rappeler I ignorance d'un
des premiers plénipotentiaires chinois qui, venant en Europe, et
iâ ÉTUDES COLONIALES
craignant de ne pas y trouver suffisamment de sel ou de Ty payer
trop cher, emporta dans ses bagages toute une malle remplie du
précieux produit.
Les règlements concernant les grains sont marqués au coin de
la même sagesse économique et sont une des causes certaines des
famines qui désolent la Chine. On peut librement importer le grain
mais, pour le conduire d'une place à une autre dans l'intérieur de
Tempire, il faut une autorisation gouvernementale.
M. Gardner, consul britannique à Amoy, se souvient avoir payé
3 doUards le pécule de riz à Amoy alors qu'il était vendu â dollards
à 30 milles de là. A Tchangon et à Chwancho les autorités
défendent le transport d'une ville à l'autre. Or, les paysans de la
contrée ne cultivant pas plus de riz qu'il n'en faut pour la consom-
mation locale, la moindre récolte mauvaise fait hausser extraordi-
nairement les prix. Il y a dans la vallée du Yanglzé supérieur des
alluvions, comme aux bords du Nil, sur lesquels le blé pousse sans
aucun travail. Mais à cause de celte réglementation de transport,
les récolles abondantes ne profitent pas au cultivateur de ces con-
trées dans la mesure où elles le devraient selon le cours naturel
des choses. M. Gardner à même vu, à cause de cette réglementa-
tion rétrograde, rendant les belles récoltes inutiles au producteur,
des champs entiers de blés magnifiques littéralement dévastés,
soit qu'on coupât les épis pour en faire des litières, soit qu'on y
introduisit les troupeaux.
Comment veut-on qu'un tel système n'entraine pas à sa suite
l'appauvrissement d'une contrée et ne nuise pas par le fait même
au progrès du commerce et de l'industrie de l'étranger? Les
Chinois, comme tout le monde, ne peuvent acheter des marchan-
dises que s'ils ont de l'argent ! Or, une administration aveugle les
empêche d'en gagner. Si des réformes ne peuvent être utilement
introduites par le gouvernement chinois lui-même, que ne
charge-t-il dece soin une commission mixte d'une grande puissance
d'accord avec le gouvernement impérial ?
Il ne suffit pas d'ailleurs d'établir des taxes équitables, propor-
tionnées aux besoins et aux ressources du pays, encore faut-il que
le produit de ces taxes soit encaissé avec intégrité et aille à sa
légitime destination. Une lettre de deux membres de la Chambre
LA CHINE 13
législative de la Cliine, MM. llo-Kai et Wuhu, adressée à Lord
Beresford, va nous découvrir ici une autre plaie de l'administration
actuelle.
<c Le système fiscal de la Chine est certainemont mauvais,
écrivent-ils; le revenu total tombant dans le trésor de lempire ne
représente pas 3/10 des impôts levés dans le pays. »
Avec M. Janneson, consul général britannique, ils disent que le
revenu de la Chine devrait être 3 à 4 fois ce qu'il est actuell^^ment;
les fonctionnaires chinois spéculent sur les revenus ou les afferment
à des régies qui y sont subordonnées, tout cela au grand dam du
commerce internalionnal, de l'industrie et du commerce de la
localité, ainsi que du développement des ressources naturelles
du pays.
Il n'est pas difficile de trouver la cause de celte anarchie, de
ce trouble toujours profitable à certaines opérations louches. Les
fonctionnaires qui ont dû débourser beaucoup pour obtenir leur
charge n'ont qu'un but : rentrer le plus rapidement possible dans
leurs frais, absolument comme les gouverneurs espagnols de jadis
aux Philippines. Comme ils sont mal payés, ils extorquent tant
qu'ils peuvent l'argent des malheureux, et le Bakchich volontaire
ou forcé arrondit leurs émoluments réguliers. Un haut mandarin
de la capitale de l'empire, membre du cabinet, ne reçoit pas plus
de 1,250 francs comme traitement annuel, mais il peut, grâce à
certains émoluments atteindre un total de 5,000 à 6,000 fran» s.
C'est avec ces minces revenus qu'il doit tenir une maison, élever
sa famille, payer ses employés, son secrétaire, ses conseils et
donner des réceptions à ses collègues. En réalité c'est 10 ou 20 fois
ce chiffre qui lui est nécessaire.
Un vice-roi de province a un salaire plus élevé et touche
2,500 francs par an, chiffre qui, grâce à des émoluments divers,
atteint 20 à 25,000 francs; mais, hélas, c'est dans sa propre
caisse qu'il devra puiser tout pour payer son personnel, sa police,
sa chancellerie, sa garde ; qu'il devra prendre les fonds nécessaires
au tribut d'hommage à payer, sinon en espèces sonnantes, tout au
moins en cadeaux précieux aux fonctionnaires de la capitale ; et
nous oublions sa famille et les devoirs de société que lui impose
sa situation. En fait, pour satisfaire à toutes ces exigences, ce
14 ÉTUDES COLONIALES
n'est pas :2,500 mais 100,000 francs qu'il lui faudrait. Naturelle-
ment ce traitement va en diminuant, au fur et à mesure que le
rang diminue lui-même, si bien qu'un petit mandarin ne touche
pas plus qu'un coolie de Hongkong et que les soldats et marins
ne touchent que 5 à 12 francs par mois, quand leur chef ne rogne
pas encore sous quelque prétexte ce maigre salaire.
Respecter l'honneur et l'honnêteté dans une pareille lutte pour
l'existence officielle, devient dès lors un vrai mérite. Ces fonction-
naires aussi mal payés sont bientôt tentés de découvrir, pour y
remédier, tout un système de spoliation et de corruption, alors
que le moins scrupuleux des mandarins acquiert une fortune
fabuleuse. Celui qui veut rester honnête se voit contraint de
renoncer à sa carrière après une courte expérience. Il est aisé de
comprendre, à la lumière de ces faits, comment il arrive qu'une
somme quelconque destinée à un usage déterminé est toujours en
fin de compte trouvée insuffisante, pourquoi, si la somme est
dépensée, aucun résultat satisfaisant n'a pu être obtenu et pour-
quoi des objels de valeur nulle ou inférieure sont acquis avec
l'argent destiné à acquérir des objets de fabrication de premier
ordre. Demandez à n'importe quel Chinois indépendant, disent
MM. Ho-Kaï et Wuhu à Lord Beresford, il vous répondra la même
chose, à savoir que quand une somme quelconque passe du
département des finances successivement à travers les divers
canaux de l'administration jusqu'à sa destination, cette somme va
toujours en diminuant et arrive à son but merveilleusement amoin-
drie. Comment, s'écrient-ils avec raison, la Chine pourrait-elle
espérer une réforme avec un pareil système; tous les mandarins
au pouvoir s'opposeront à une réforme qui leur enlèverait
des bénéfices illégitimes, quoique, à raison des circonstances,
absolument nécessaires. Comment la Chine peut-elle s'attendre à
voir ses fonctionnaires refuser un Bakchich, ou, oserait-elle les
mettre au pilori quand on lui dénonce leur prévarications? Com-
ment peut-elle espérer un revenu loyal, la rentrée de ses 7/10
d'impôts s'égarant actuellement dans la poche de ses fonction-
naires? Comment la Chine peut-elle espérer créer et maintenir une
armée et une marine bien disciplinées, accomplir des travaux
publics, quand les numéraires y destinés doivent fatalement se
LA CHINE
15
perdre en route? Comment pourrait-elle faire un règlement satis-
faisant sur les taxes du Likin, alors qu'une grande majorité de ses
fonctionnaires comptent sur ces sources de revenus publics pour
alimenter leur budget particulier que leur traitement est insuf-
flsant à remplir, et, alors que chaque employé du gouvernement
est forcé de battre monnaie avec tout ce qui devrait revenir à
PALAIS U*£1É (environs DE PÉKIN).
niOTOURAl'IlIK CUMMUMOUÊIi PAR U, L. JANS8KN.
l'État? Comment la Chine peut-elle aller de l'avant dans ses con-
structions de voies ferrées, dans ses exploitations de mines, dans
son essor industriel, manufacturier et commercial?
A notre époque, c'est la bourse la mieux garnie qui gagne la
victoire sur le terrain civil, militaire ou politique ; les abus devraient
donc cesser. 11 faudrait modifier profondément les règlements admi-
nistratifs, changer le taux du traitement des fonctionnaires ; alors
il sera possible de trouver des hommes, compétents et honnêtes,
pour remplir loyalement et bien les devoirs de leurs charges. En
élevant les salaires de ceux qui auraient intérêt à faire de l'oppo-
IG ÉTLnF.S COLOMALKS
sition aux mesures nouvelles, on arriverait bien aisément à mettre
de Tordre dans les revenus de riîlal. L'on pourrait amener la Chine
à confier la perception des impôts à un établissement compétent
tel que, par exemple, la douane impériale maritime; ce serait le
salut de la nation, car la corruption générale qui gangrène les
provinces, n'est-ce pas un mal aussi pour la capitale, pour le pou-
voir central qui assiste impuissant aux dilapidations et n'ose pas
élever la voix?
Le pouvoir central a plus que jamais besoin de l'aide financier
des provinces pour faire face à ses obligations extérieures; il doit
donc le ménager; d'autre part les liens qui unissent ces provinces
au gouvernement central, vont sans cesse se relâchant. Que va-t-il
probablement en résulter pour le commerce étranger à l'intérieur
de l'empire ; le revenu des douanes impériales et maritimes, dont
jusqu'ici les provinces ont eu leur part, est actuellement entière-
ment grevé d'hypothèques pour le service des emprunts étrangers,
et chaque jour les demandes d'argent adressées par le pouvoir
central aux provinces vont en augmentant : quel autre résultat
cette situation peut-elle amener, si ce n'est une augmentation de
l'impôt dans l'intérieur? mais toute augmentation a, non-seule-
ment, un contre-coup commercial, mais également un déplorable
résultat politique. Comme elle est causée par une hypothèque
au piH)flt des prêteurs étrangers pour servir à l'emprunt, le
peuple chinois s'imagine que cette taxe est nécessaire à l'étran-
ger, et ne profite qu'à l'étranger; de là, la haine de ces
étrangers qui semblent, à leurs yeux ignorants, être la cause
de tout le mal.
Il y a du reste une injustice flagrante et une faute administrative
lourde, à faire payer à certaines provinces, dont on hypothèque
les revenus, l'intérêt des emprunts faits au profit de la nation
tout entière. Pourquoi le paysan de la vallée du Yangtzé verra-
t-il ces impôts aller à l'étranger, appauvrissant ainsi sa province,
sans compensation équivalente, alors que dans la province voi-
sine, les impôts levés serviront en grande partie à améliorer les
routes sans qu'il en soit rien distrait dans un but étranger?
On a proposé, pour remédier à l'insuffisance des revenus, de
reviser le tarif actuel des douanes ; mais qu'oRre-t-on pour remé-
M
fiQ
Ci3
ta.
S eu
S3>
LA CHINE 17
dier aux abus, depuis 30 ans vainement signalés partout? Son
Excellence Li-Hung-Tchang avait trouvé un moyen d'une simpli-
cité toute orientale : on n'avait qu'à doubler le droit de douane, de
telle sorte, que les puissances étrangères feraient [payer à leur
propre commerce l'intérêt des emprunts contractés chez eux par
la Chine ! Généralement les commerçants établis dans le Céleste
Empire, et M. Von Brandt l'avait déjà constaté, ne sont pas systé-
matiquement hostiles à une augmentation modérée du droit de
douane, mais ce qu'ils veulent c'est que cette augmentation entraine
avec elle plus de sécurité à l'intérieur et l'abolition de tous les abus
dont on souffre dans la province. Or, ce résultat ne peut être
obtenu qu'au moyen de réformes radicales du système gouverne-
mental actuellement corrompu, réformes qui n'iront pas sans se
compliquer de jalousies internationales et de débats épineux, et
c'est la cependant la seule ressource, si l'on ne veut pas avoir à
envisager, dans un avenir rapproché, des difficultés internatio-
nales autrement considérables.
11 est donc de toute nécessité de fortifier le pouvoir central, de
le régénérer, de le faire rentrer résolument dans une voie civilisa-
trice et productive. Déjà les propositions des puissances, aidées
considérablement par la pénurie de numéraire dans les caisses
chinoises, ont démontré, aux gouvernants de l'empire que les
immenses ressources naturelles du pays ne peuvent plus demeurer
inexploitées, et en conséquence, on a pu arrêter des plans de
voies ferrées, ouvrir des mines, travaux à l'exécution desquels le
capital étranger a été invité à souscrire ; mais il est tout naturel
que les capitalistes se posent aussitôt celte question primordiale :
« De quels moyens le pouvoir central de Pékin dispose-t-il, pour
protéger les concessions accordées dans les provinces? L'expé-
rience que l'Européen a faite, jusqu'à ce jour, de la bonne foi chi-
noise, n'a pas été particulièrement brillante ; quel sera dès lors le
contrôle étranger qu'on accordera pour surveiller les dépenses en
d'autres mains? L'ouverture de la Chine est-elle réelle, est-elle
sérieuse ou n'est-elle qu'un leurre? Si c'est une réalité, il est de
toute nécessité qu'une forte influence étrangère empêche le renou-
vellement de cette ère de chicane, si florissante dans le passé.
Avec un gouvernement faible à Pékin, ouvert à toutes les jalouses
18 ÉTUDES COLONIALES
intrigues des puissances, il n'y a aucun espoir de sécurité, si ce
n'est l'emploi de la force. »
La première condition donc, pour la Chine, de se maintenir dans
son intégralité, réside dans un gouvernement fort à Pékin, en com-
munion d'idées avec la majorité de la nation. La faiblesse de la
capitale doit invinciblement amener le partage de la Chine et
cette considération a fait surgir l'alternative entre ces deux
politiques : celle de la porte ouverte et celle des sphères
d'influences... D'éminents citoyens chinois ne peuvent s'empêcher
de constater eux-mêmes que si le pouvoir reste si faible, s'il n'est
plus en état de redresser, de faire cesser la corruption et
d'imposer sa volonté à l'empire tout entier, la Chine sera l'homme
malade de l'Extrême-Orient; elle sera une cause continuelle de
désaccord entre les nations et deviendra le théâtre d'atrocités sans
nom. Et, dans ces conditions, pour le bien de l'humanité, mille
fois mieux vaudrait-il une Chine partagée entre les nations
capables d'y introduire l'ordre, car la mort nationale est préférable
à la corruption et au déshonneur national.
Celte question est la plus palpitante et, quand on voit la
situation actuelle, le premier mouvement est sans doute de
souhaiter le partage de la Chine; car, quel aide la Chine
pourra-t-elle donner aux puissances dans le travail de réorganisa-
tion que celles-ci préconisent? Son armée et sa marine sont
médiocres, ses fonctionnaires souvent incapables et corrompus,
son revenu ridiculement insuffisant et déjà surchargé de tous les
paiements des intérêts de l'emprunt; l'anarchie règne dans les
provinces, le pays est infesté de bandes de brigands, le peuple
plein d'ignorance et de fatuité. Et, cependant, dans l'opinion de
Lord Beresford, la politique des sphères d'influence n'est pas la
bonne, celle de l'intégrité du territoire est la meilleure. Aidons la
Chine à s'organiser, prêtons-lui notre appui, envoyons-lui des
éducateurs; voilà quelle semble être la bonne solution, car livrée
à ses seules ressources, la Chine est incapable de se relever; ceux
qui pourraient faire les réformes ont intérêt à s'y opposer et s'y
opposent. Le peuple qui voudrait des réformes est impuissant à
les obtenir et ce n'est pas seulement une bonne armée et une
police efficace qu'il faudrait; il faut avant tout couper dans sa
racine la corruption éhontée du fonctionnarisme.
PAVILLON DL PAL^MS D ETE AUX ENVIRONS DE PEKIN.
l'IiorOGUAl'lIlJi COMMUMQUÉi: PAK M. L. JA.NSSLN.
LA CHINE lÔ
On sîit qu'il y a en Chine un parti de la réforme, très persé-
cuté, qui prêche l'ouverture du pays aux idées de l'Occident, qui
est désireux de le voir entrer dans la voie nouvelle. Lord Beres-
ford reçût, à Hankow, la visite de Kan-You-Wei, dont la tête fut
mise à prix pour 10,000 dollars; il pût l'interroger et voici ce
qu'il apprit : « Le parti de la Réforme a pour objet d'introduire en
Chine les idées modernes ; dans sa pensée, si elle ne fait pas elle-
même les réformes nécessairement requises par la marche des
événements, elle sera mise en pièces et partagée entre les nations.
Le parti réformiste est ardemment nationaliste et soutient la
dynastie. Kan-You-Wei dit à son interlocuteur que l'empereur
était parfaitement imbu des mêmes sentiments et qu'il était tout
disposé à demander l'appui de l'Angleterre pour accomplir les
réformes nécessaires; le parti réformiste est profondément
déprimé, mais il na pas succombé..., seulement il est à craindre
que la Chine ne soit en lambeaux avant que les patriotes réforma-
teurs aient eu le temps d'introduire dans le pays des mesures
destinées à maintenir l'empire dans son intégrité. Ces réformistes
de Ran-You- Wei ont payé leur tribut au martyrologe des idées du
progrès, mais on reconnaîtra plus tard leurs sacrilices. Si ce parti
était venu au pouvoir, ajoute-t-il, la Chine aurait été ouverte au
commerce du monde entier et cependant, sur les 430 millions
d'habitants de la Chine, le chef réformateur reconnaît qu'il n'a pas
grand nombre de partisans ; il attribue ce fait à l'ignorance du
peuple, « qui ne sait pas ».
Lord Beresford conclut de sa conférence que son interlocuteur
peut être un excellent patriote, mais que la méthode de son parti
n'est pas pratique. Comment, en effet, espérer changer par un
mot d'ordre de Pékin des lois, des usages, des caractères existants
depuis deux mille ans; il faut commencer par préparer le terrain,
par ouvrir méthodiquement la voie, avant de proposer des
mesures pour lesquelles le pays n'est pas préparé. C'est aussi
l'opinion des Compradores, ces intermédiaires chinois au courant
des idées occidentales comme de celles de leur patrie, gens
instruits et expérimentés. Eux aussi pensent que le mouvement
réformiste est nécessaire, que les modifications que ce parti
préconise doivent, tôt ou tard, être introduites dans le pays, mais
ÉTUDES COLONIALES
ils ne s étonnent pas de l'insuccès de la campagne entreprise par
Kan-You-Wei; il a voulu aller trop vite et son parti n'était pas
organisé pour mener son projeta bonne fin. Ce sont les étrangers
qui, par leur influence, devront mener dans l'empire chinois le
mouvement d'opinion favorable aux sages réformes; mais cette
influence ne deviendra efficace, dans l'intérieur du pays, que le
jour où les étrangers pourront y choisir leur demeure fixe, y
établir le siège de leur famille et le centre de leurs affaires.
L'étranger n'a le droit de résider pour faire le commerce que
dans les ports à traité chinois. Sans doute, il a le droit de voyager
dans un but commercial, mais il lui est interdit d'ouvrir des comp-
toirs en dehors de la limite du port. Cette restriction, non seule-
ment empêche le peuple chinois de l'intérieur de s'initier peu à
peu à la vie occidentale, mais elle est un obstacle considérable au
développement industriel et commercial de la contrée. La Chine a
récemment accordé, aux équipages étrangers, le droit de naviguer
sur les eaux intérieures de l'empire, mais cette autorisation est
presque inefficace si elle n'est pas accompagnée du droit de rési-
dence pour les agents, tant des compagnies de bateaux que pour
des importateurs de marchandises et d'industries. C'est la seule
manière de faire parvenir au consommateur chinois des marchan-
dises d'Europe, sans que celles-ci soient frappées encore d'une taxe
nouvelle et vexatoire rendant le transit-pass illusoire. Comme
l'écrivent certains négociants de la Mantchourie résidant à New-
chwang, sans doute l'établissement, à Tintérieur du pays, d'entre-
prises industrielles, telles que filatures, fonderies de fer, etc.,
amènerait un grand développement du commerce dans la con-
trée, mais avant tout il faut que le droit de résidence soit accordé à
l'étranger; il est indispensable avant tout que celui-ci ait le droit
d'acquérir, ou plutôt, de prendre en location des terres dans 1 in-
térieur, sur lesquelles il puisse établir sa fabrique, ouvrir des
comptoirs d'une façon ininterrompue. Tant que l'on n'obtiendra
pas que ce droit soit formellement établi, les étrangers devront
s'attendre à se voir interdire toute location pour un terme
indéfini, ou même à se voir brutalement privés des avantages
de leurs contrats, par un magistrat ou fonctionnaire hostile ou
timoré.
LA CIIINK
21
Il faudrait aussi que les étrangers eussent les mêmes droits que
les Chinois pour exploiter les mines dans toute l'étendue de
Tempire. Actuellement dans certaines provinces, l'étranger ne peut
se livrer à des entreprises minières que sous le couvert de
noms chinois et quoique, en général, on ferme les yeux, il
peut, à chaque instant, par des fonctionnaires concurrents.
TRIBUNAL CHINOIS.
PHOTOaRAPHIE COMMUNIQUÉE PAR M. L. JANS8SN
être empêché de continuer son exploitation ; or, ce n'est pas
une mince affaire, quand on songe à la richesse considérable
du sol chinois en fait de mines d'or, d'argent, de cuivre, de
charbon et de fer.
On ne saurait jamais déterminer trop clairement les droits et
devoirs réciproques des étrangers, et les obligations dérivant, pour
les Célestes, de contrats passés avec des étrangers. Un fait cité par
Lord Beresford le démontrera d'une façon tangible. La Banque de
Chine et du Japon fut ouverte en 1889 avec un capital nominal d'un
million, porté à deux millions en février 1891 ; comme la société
32 ÉTUDES COLONIALES
prospérait, un grand nombre de Chinois en achetèrent des actions,
mais avant de les leur vendre, on leur fit signer la déclaration
suivante : Par la présente je vous prie de m'inscrire comme porteur
de... actions ordinaires, de la Banque de Chine et du Japon, société
anonyme, qui me sont transférées. Moyennant cette inscription, je
m'engage à opérer les versements de fonds qui seraient appelés
pour libérer entièrement les actions et ce, au jour et à la place fixés
par le directeur, conformément aux statuts. De plus, je consens, à
ce que toutes les questions liligieuses, entre la Banque et moi-même,
soient tranchées, conformément au droit anglais. — Or, cette banque
éprouva des revers en 1893, époque à laquelle les actions n'étaient
pas encore libérées, chacune d'elles pouvant encore être passible
d'un appel de fonds de 7 livres 10. On résolut d'appeler une livre
par action. Les Chinois refusèrent de payer, bien que leur enga-
gement fut écrit en anglais et en chinois; ce fait et l'ampleur du
découvert, environ 400,000 livres, obligèrent la banque à liquider
et à se reconstituer. On plaida la cause devant Son Honneur Tsai-
Chun, Too-taie de Shanghaï et M. Byron Brenan, consul anglais, à
une audience spéciale. Or, malgré la protection de ce dernier, le
Tao-taie rendit un jugement en faveur des Ciiinois. Ce n'étaient
pas tant les marchands qui avaient refusé de répondre à l'appel de
fonds, que certains mandarins et certains fonctionnaires.
La justice chinoise est du reste si belle, que l'empereur Khangie,
à qui des plaintes avaient été faites contre les abus des magistrats,
fit cette étonnante réponse : que vu la grande division de la pro-
priété territoriale et le caractère chicanier des Chinois, il était bon
que ses sujets vécussent dans la crainte des tribunaux,
fussent traités sans pitié, de telle foçon, que tout le monde fut
dégoûté des procès et tremblât davoir à comparaître devant
les magistrats; ceux qui sont querelleurs, têtus et incorrigibles,
qu'ils soient écrasés dans les tribunaux! voilà la justice qui leur
est due.
Le père Hue raconte qu'il a vu, dans un tribunal, le magistrat
muni de petits jetons sur lesquels était inscrit un nombre qui était
celui du coup de bâton à administrer! Les témoins sont main-
tenus à genoux sur des chaînes, pendant plusieurs heures, ou
suspendus par les pouces, ou laissés sans boire ni manger On
LA CHINE 23
comprend qu'il doit être diificile pour les Européens de trouver
des témoins aussi délicieusement traités.
M. Bard, auquel nous empruntons ce détail, donne sur la justice
chinoise des aperçus extrêmement intéressants et qui sortiraient
quelque peu du cadre de ce travail.
Sur les concessions, les étrangers jouissent du privilège de
rexléritorialité, et ne peuvent être jugés que par les tribunaux
consulaires; les Chinois sont jugés par une cour mixte, composée
d'un juge indigène nommé par les autorités chinoises et d'un asses-
seur étranger. En cas de procès entre Chinois et étrangers, si le
Chinois est défendeur, la cause est portée devant la cour mixte; si
cest l'étranger, la cause est jug/^e parle tribunal consulaire, com-
posé du Consul et de deux notables.
Dans un pays où les fonctionnaires sont si mal rétribui^s, on
comprend que les portes du temple de Thémis ne soient pas fer-
mées aux influences financières et qu'un prêtre M. Lucas, un vrai
normand, résidant à Longly, ait pu dire :
Les mandarins et leur police
Font voir leurs grands ongles aigus,
Hs font, même, voir leur justice...
Quand on leur montre des écus.
Il suffit au Chinois de payer le juge, pour que celui-ci devienne
d'une partialité révoltante au détriment des étrangers ; c'est ce qui
explique que les autorités, comme le 28 juin 1898, encouragent,
par leur silence, le pillage de toute une flottille de bateaux étran-
gers et des stations de passage. Les émeutes ne sont pas rares
contre les étrangers, et ont pour cause, tantôt la religion, tantôt
et surtout l'intérêt. L'émeute de 4898 eut pour origine et pour
cause, la jalousie des bateliers chinois à l'égard des petits steamers
naviguant sur les fleuves de TintiTieur.
{A suivre.) G. de Leval.
34 KTUDES COLONIALES
LE BUDGET DES COLONIES
A LA CHAMBRE FRANCIAISE
La discussion du budget des colonies au Palais-Bourbon a été
particulièrement brillante cette année. Nous y avons relevé quel-
ques chiffres, et même quelques discours qui valent la peine d'être
médités. Les débats ont été dominés par deux discours, l'un, tout
à fait remarquable, de M. Etienne, l'autre de M. Decrais, ministre
des colonies ; le rapport présenté sur le budget par M. Doumergue
servait de thème naturel.
Voyons d'abord les discours, et sans nous arrêter davantage à
ceux de MM. d'Estournelles, Motte, Firmin Faure, et d'autres
étoiles de moindre grandeur, arrivons directement aux hading-
speches de MM. Etienne et Decrais.
On sait que le rapport de M. Doumergue se résumait dans cette
conclusion singulière : « La France a eu tort de se constituer un
empire colonial aussi étendu que celui qu'elle possède actuel-
lement. Les territoires qu'elle s'est annexés ont nécessité des
sacrifices considérables en hommes et en argent, et actuellement
ces colonies ne payent pas les sacrifices endurés, par des bénéfices
commerciaux directs pour la métropole. » C'est la réédition d'un
sophisme vieilli, à savoir qu'une colonie n'a de valeur qu'en raison
des subventions dont elle enrichit directement le trésor de la
métropole. Le temps et l'expérience ont fait justice de cette erreur
économique et il n'a pas été diftîcile de démontrer qu'à côté de ces
bénéfices directs et immédiats, un pays trouve dans ses dépen-
dances coloniales la source d'autres profits, moraux ou matériels,
qu'il est nécessaire de faire entrer en ligne de compte lorsqu'on
établit le bilan du doit et avoir du domaine colonial. Les dépenses
supportées pour la constitution de ce domaine trouvent encore
leur contre-partie dans les bénéfices commerciaux réalisés par les
particuliers, citoyens de la métropole, qui sont aussi des contri-
buables, et entre les mains desquels se centralise nécessairement
le commerce colonial. Elles la trouvent en outre dans les bénéfices
que les transports coloniaux font réaliser aux compagnies de
LE BUDGET DES GOLONIKS A LA CHAMBRE FRANÇAISE 25
navigation, aux armateurs, dans les dividendes que les banques
coloniales distribuent à leurs actionnaires, dans le prestige si con-
sidérable que peuvent donner à la France l'annexion à son empire
de contrées telles que TAnnam, le Tonkin, la Tunisie, le Soudan,
le Congo, Madagascar.
Enfin niera-t-oti, pour n'envisager que le point de vue matériel,
que toutes les entreprises, — et les entreprises coloniales comme
les autres — doivent pouvoir supporter à leur début les difficultés
inhérentes à une mise en train, et que rencontrent aussi soit une
maison de commerce, soit une usine, avant qu'elles puissent rému-
nérer directement le capital engagé? Ces considérations sont d'un
ordre assez sérieux pour calmer les appréhensions des gens
timorés qu'épouvante une politique extensioniste, si modérée
soit-ellc, et M. Doumergue, malgré son talent semble être un peu
de ceux-là.
M. Etienne a cru devoir rencontrer dans son remarquable
discours, les objections de ceux qui croient condamner les ambi-
tions coloniales de la France rien qu'en les qualifiant de ce mot
d'un homme d'esprit : la kilometrite. Ce n'est pas le vain orgueil
d'occuper d'énormes superficies de territoires qui a inspiré la
France, mais une véritable nécessité politique que ses gouvernants
ont heureusement comprise.
M. Etienne le fait voir en des termes d'une grande élévation.
« L'Europe tout entière, dit-il, a opéré son exode; elle s'est jetée,
on peut le dire, au pas accéléré vers la conquête de régions qui
touchent à toutes les parties du monde. La France n'a pas échappé
à ce besoin, mais il serait injuste de déclarer qu'elle a fait sa poli-
tique coloniale sans études spéciales, sans vues bien exactes, sans
avoir le sentiment permanent des grands intérêts du pays. L'Angle-
terre elle aussi a suivi une marche véritablement vertigineuse.
L'Allemagne s'est jetée dans le mouvement qui entraîne les autres
nations avec une précipitation qui a étonné ceux qui se rappelaient
les enseignements donnés par le grand chancelier. La France
aurait-elle pu se désintéresser d'un pareil mouvement. Aurait-elle
du laisser successivement toutes les nations de l'Europe s'emparer
de tous les territoires et rester absolument inactive. Je ne crois
pas qu'une pareille thèse puisse être soutenue longtemps à la
26 ÉTUDES COLONIALES
tribune. La France a accompli son œuvre d'extension parce qu'il
était nécessaire qu'elle la fit. Si aujourd'hui on venait nous dire
après vingt ans que la Tunisie est aux mains d'une nation euro-
péenne, que le Tonkin est aux mains d'une autre nation euro-
péenne, que Madagascar est aux mains de l'Anj^leterre, quelle
serait la situation de la France dans le monde? Je pose la question
et je voudrais bien quon y répondit à cette tribune? »
Plus loin il fait remarquer qu'à un point de vue pratique la
France n'a pas à regretter l'extension de son domaine colonial. Le
commerce général des colonies françaises avec le monde entier a
été, en 1898, de 1,154 millions. Dans ce total la part de la France
est de 860 millions, c'est-à-dire plus des trois quarts. Ces chiffres
ont de l'éloquence.
Examinant ensuite dans son ensemble le budget pour 1900,
l'orateur adjure la Chambre de continuer à la politique coloniale
l'intérêt et la bienveillance qu'elle lui a accordés jusqu'ici et il
recommande spécialement à son attention les trois points suivants
pour lesquels il demande de généreux sacrifices pécuniaires qui
seront rapidement compensés : 4** La construction de chemins de
fer coloniaux, élément essentiel de développement et de pros-
périté; ^ l'établissement de câbles transatlantiques français qui
soustrairont la France au contrôle du gouvernement anglais qui
a la haute main sur toutes les lignes existantes; 3** enfin, la
constitution d'un crédit colonial sérieux, suivant l'exemple donné
par les Anglais, les Belges, les Hollandais qui ont compris la
nécessité d'un instrument Hnancier spécial pour leurs colonies.
Dans le discours de M. Decrais, ministre des colonies, qui est
un discours de portée générale, signalons un passage intéressant
relatif à la répartition des charges coloniales, et oii il indique la
tendance du gouvernement actuel en cette matière : « Il me semble
que les colonies devraient être considérées, non comme des pro-
longements de la métropole et des départements d'outre-mer,
mais comme des collectivités distinctes, ayant leur vie et leur
indépendance propres, disposant de tontes leurs ressources,
acquittant toutes leurs charges, sous le contrôle supérieur de
l'État, et recevant de l'État, si besoin est, des subventions dont
celui-ci fixe la quotité.
LE BUDGET DES COLONIES A LA CHAMBRE FRANÇAISE S7
» C'est pourquoi, mon honorable collègue M. le Ministre des
finances et moi, nous inspirant de cette manière de procéder, nous
avons soumis à votre approbation, en conformité de l'article 24 de
la loi de finances le principe et la formule suivants : Toutes les
dépenses civiles et de la gendarmerie sont supportées en principe
par les budgets des colonies. Des subventions peuvent être accor-
dées aux colonies sur le budget de TÉtat. Des contingents peuvent
être imposés à chaque colonie jusqu'à concurrence du montant des
dépenses militaires qui y sont effectuées. »
Voici au surplus le budget des colonies tel qu'il a été dressé
pour l'exercice 1900; les dépenses relatives à l'Algérie et la
Tunisie n'y figurent pas, ces pays n'étant pas dans l'administration
directe du ministère des colonies :
BUDGET DES COLONIES
i« Dépenses communes.
i Traitement du ministre et personnel de l^adminis-
tration centrale Ir. 703,900
2 Matériel de Tadministration centrale i62,000
3 Frais d'impression, publication de documents et
abonnements i06,600
4 Frais de dépêches télégraphiques 150,000
5 Service central des marchés 105,000
6 Service administratif des colonies dans les ports
de commerce de la métropole 107,000
7 Inspection des colonies - . 304,000
8 Secours et subventions 49,500
9 Subventions à diverses compagnies pour les câbles
sous-marins 647,500
2^ Dépenses civiles.
10 Personnel des services civils 395,903
11 Persomiel de la justice I,3t8,971
12 Personnel des cultes 602,000
ÉTUDES COLONIALES
13 Personnel des travaux publics 50,900
14 Entretien des phares de Saint-Pierre et Miquelon. 17,100
15 Frais de voyage par terre et par mer et dépenses
accessoires 262,000
16 Subvention à l'Office colonial 21,000
i&fis Participation à l'Exposition universelle de 1900 . 920,000
16^r Indemnités aux agents de l'Etat à l'occasion de
l'Exposition universelle de 1900 16,800
i6q^ Frais de représentation du ministre à l'occasion
de l'Exposition universelle de 1900 . . . . 50,000
17 Missions dans les colonies 205,000
18 Bourses pour le recrutement du commissariat . 25,000
19 Etudes coloniales 10,000
20 Emigration de travailleurs aux colonies. . . . 100,000
21 Sixième des quatorze annuités à payer à des
exploitations agricoles pour la mise en valeur
d'établissements français 360.000
22 Subvention au budget local du Congo français . 2,178,000
23 Subvention au budget local de Madagascar . . 1,600,000
24 Subvention au budget de certaines colonies . . 393,000
25 Subvention au budget annexe du chemin de fer et
du port de la Réunion 2,508,500
26 Subvention au budget annexe du chemin de fer
du Soudan français 668,000
27 Chemin de fer de Dakar à Saint-Louis .... 600,000
28 Route de Konakry au Niger »
5« Dépenses militaire';,
29 Troupes aux colonies et comité technique . . . 2,523,519
30 Gendarmerie coloniale 1,599,300
31 Commissariat colonial 1,602,100
32 Inscription maritime 60,000
33 Comptables coloniaux 710,040
34 Service de santé (Personnel) 2,319,400
35 Service de santé (Matériel) 801,194
36 Vivres et fourrages 1,526,357
37 Frais de voyage par terre et par mer et dépenses
accessoires 858,300
38 Matériel de casernement, de campement et de
couchage 173,500
39 Matériel des services militaires 880,000
LE BUDGET DES COLONIES A LA CHAMDIlK FRANÇAISE 20
40 Défense des colonies 1,200,000
41 Dépenses militaires du Soudan français. . . . 9,197,399
4S Dépenses militaires de rindo-Chine 18,158,511
43 Dépenses militaires à Madagascar 22,375,482
4^* Services pénitentiaires.
44 Administration pénitentiaire (Personnel) . . . 2,850,300
45 Administration pénitentiaire (Hôpitaux, vivres,
habillement et couchage) ....... 3,711,000
46 Administration pénitentiaire (Frais de transport). 1,185,000
47 Administration pénitentiaire (Matériel) .... 1,300,000
Total pour le ministère des colonies. . . 87,819,086
Voici maintenant l'état des recettes prévues :
CHEMIN DE FER ET PORT DE LA RÉUNION.
1 Kecettes d'exploitation 1,840,000
2 Subvention de l'Etat 2,508,500
3 Subvention de la colonie. (Art. 14 du cahier des
charges du 27 novembre 1875, annexé à la
convention du 19 février 1877.) 160,000
Total. . . 4,508,500
Le vote des divers chapitres du budget «n*a pas soulevé de
grandes difficultés. Le «.gouvernement a néanmoins subi un échec
assez grave à propos des chapitres 29 à 43, relatif aux dépenses
militaires. M. Guillain a fait observer qu'en présence des déclara-
tions faites par des personnes compétentes, et notamment par
M. Lockroy, la défense des colonies semblait n*étre pas suffisam-
ment assurée et que les crédits prévus au présent budget étaient
infiniment trop limités pour remédier à cette situation. Il a
demandé en conséquence une revision des prévisions budgétaires
quant à ces différents postes, et la Chambre, malgré l'opposition
du gouvernement s'est rallié à ces conclusions par 283 voix
contre 250. Les chapitres 44 à 47 ont donné lieu à quelques
manifestations platoniques contre le système de la transportation.
Carton de Wiart.
30 ÉTUDES COLONIALES
LE RAPPORT SUR LES COLONIES ALLEMANDES
Le rapport annuel sur les colonies allemandes, présenté au
Reichstag, contient sur le développement des possessions alle-
mandes, des renseignements auxquels nous empruntons les détails
suivants intéressant le Togo et le Kamerun. Nous donnerons,
dans un prochain article, les détails relatifs aux autres colonies.
Togo.
La population européenne du Togo s'élevait à la fin du mois de
juin 1899, à H8 personnes, ce qui représente une augmentation
de 13 personnes sur l'exercice 1897-1898. La construction de la
nouvelle capitale, Lomé, se poursuit activement. Au point de vue
du régime des pluies, la situation s'est présentée dans des circons-
tances exceptionnellement favorables ; on n'a donc pas eu à déplo-
rer, comme il y a trois ans, un manque d'eau. L'abondance des
pluies n'a pas nui d'une façon particulière à l'état sanitaire. Au
mois de novembre 1898, un deuxième médecin a été nommé à
Lomé par le gouvernement. A l'hôpital de Kleinpopo, cinquante
blancs ont été traités pendant l'exercice.
Au point de vue des cultures, il y a lieu de signaler qu'on a
obtenu des Landolphias, à Kete-Kratschia, un caoutchouc plus pur
qu'auparavant. Dans la région montagneuse de Tapa, on a constate
l'existence d'arbres de Kola et des plantations de Kola ont com-
mencé à être fondées dans ce district. La firme Sholst Douglas
procède actuellement aux travaux préparatoires de rétablissement
de plantations sur une grande échelle à proximité du mont Agu.
Une petite plantation de cocotiers de 6,000 arbres s'est ajoutée
aux plantations antérieures de la région côtière ; elle appartient à
un nègre de Sierra-Leone. La récolte du café se présente sous
d'heureux auspices et les nouvelles plantations de caféiers, appar-
tenant aux stations de l'Etat et des missions dans l'intérieur, se
développent d'une manière suivie. Les récentes plantations de
LE IIAPPORT Sun LES COLONIES ALLEMANDES 31
caoutchouc Manihot Glazovii croissent vigoureusement. Les pal-
miers élaïs fournissent des récoltes comme on n'en a plus vu
depuis des années.
Le jardin d'essais, établi par le gouvernement à Lomé, a rendu
de bons services malgré le congé prolongé de son directeur. Les
nouvelles rues de Lomé ont été pourvues d'arbres, en vue de les
protéger contre le soleil ; on s'est servi à cet effet de cotonniers et
de plantes médicinales.
Le bétail amené de l'intérieur est principalement dirigé vers
Killah, sur la Côte-d'Or. Il arrive toutefois à la côte allemande
des bœufs de Akakpame, qui conviennent très bien comme animaux
de trait et que l'on emploie comme tels, sur les plantations. On a
aussi amené des chevaux de Sansamé Mangu à la côte, mais la
plupart d'entre eux succombèrent au bout de quelques semaines
au changement de milieu ; on n'a pas pu déterminer les causes de
cet insuccès.
Le commerce resUi inactif par suite de la sécheresse jusqu'en
décembre 1898 où les transactions devinrent extrêmement nom-
breuses, grâce à l'abondante récolte des noix de palme. L'exporta-
tion des noix de palme monta de 3,06 i tonnes en 1897-1898, à
4,265 tonnes en 1898-1899; celle de l'huile de palme, de
4,738 hectolitres à 13,070 hectolitres; celle du caoutchouc, de 88 à
177 tonnes ; celle du maïs, de 81 à 477 tonnes; celle des arachides,
de 48 à 79 tonnes et celle du copra, de 3 à 13 tonnes. C'est surtout
l'exportation du maïs et des arachides (ces dernières destinées à la
fabrication d'huile comestible) qui a dépassé toutes les prévisions.
La valeur totale des exportations s'est élevée à 2,016,709 marks,
soit une augmentation de 927,1 19 marks; quant aux importations,
elles ont atteint le chiffre de 3,029,598 marks.
En ce qui concerne les voies de communication, le gouverne-
ment s'est attaché à mettre en bon état la route des caravanes de
Lomé à Misahôlie qui avait beaucoup souffert des fortes averses de
l'année précédente; on a établi notamment de meilleurs ponts. Aux
endroits où les Européens ont l'habitude de s'arrêter pendant la
nuit, on a élevé des abris. La route de Lomé à Akakpame gagne
aussi en importance. On propose de transporter le siège des postes
et télégraphes de Klein-Popo à Lomé.
32 ÉTUDES COLONIALES
L'école oflBcielle de Sebbe a été fréquentée par 47 élèves, et
depuis quelque temps, un instituteur indigène y a été attaché.
Les quatre sociétés de missionnaires, à savoir, celle de l'Alle-
magne du Nord, la Wesleyenne, la Catholique et celle de Bâle,
jouissent chacune d'un subside de 1,000 marks. Les missions
catholiques instruisent 800 enfants, les missions wesleyennes,
366, la mission de TAllemagne du Nord, 614 et la mission de
Bâle, 296.
On trouve des stations de TEtat, dans l'inlérieur, à Misahôhe
(celle-ci a sous sa dépendance la station de Kpandu), à Akakpame,
à Kete-Kratschi, à Sokodé, autrefois Paradau, et à Sansanné-
Mangu.
La commission franco-allemande de délimitation des frontières
était arrivée, à la fin du mois de juin 1899, à Ririkri.
Un capitaliste qui se déclarait disposé à faire des recherches
dans le Togo, pour se rendre compte des richesses du sol, a
obtenu un droit de préférence pour l'exploitation des découvertes
quil ferait; il a commencé immédiatement ses travaux d'investi-
gation.
Kamkrin.
Le nombre des Européens qui se trouvaient dans le Kamerun
au 30 juin 1899, s'élevait à 425 contre 324 pendant l'exercice
1897-1898. Le nombre des décès, pendant la période 1898-1899,
a été, parmi les Européens, de 23. Le nouveau sanatorium établi
à Suellaba, à rembouchure de la rivière Kamerun, devait s'ouvrir
en novembre dernier,
Le rapport estime que le revenu des plantations est assuré. Il y
a, en ce moment, environ 4,000 travailleurs sur les plantations de
Kamerunberg, alors qu'il n y en avait pas 2,000 Tannée précédente;
près de 3,000 d'entre eux sont des indigènes de la colonie. Au
commencement de l'année 1899, on évaluait le nombre des travail-
leurs nécessaires à 6,000. Dans le Nord de la colonie, le commis-
saire du travail, M. von Carnap, a pu recruter de nombreux
Balundus, et le directeur général de la plantation de Victoria,
LE RAPPORT SUR LES COLONIES ALLEMANDES 33
M. Bornmuller, a ramené d'un voyage qu'il a fait chez le chef des
Bali, 700 travailleurs.
Il est plus difficile maintenant de se procurer dans le Sud, des
gens de Jaunde parce qu'ils gagnent plus facilement leur vie
comme porteurs de caoutchouc de l'intérieur à la côte. Pour la
première fois, il a été possible d'obtenir chez les indigènes intelli-
gents et habiles du Togo, des travailleurs pour les plantations
{154 hommes). Il est à espérer que le nombre des recrues aug-
mentera de manière que l'argent reste dans les colonies allemandes
et que les planteurs puissent s'affranchir du concours des indigènes
de Libéria. Il est vrai que les indigènes du Togo reçoivent
âO marks par mois, alors que les autres travailleurs s'obtiennent
pour 6 à 10 marks (outre la nourriture). On a aussi pu amener dans
une plantation 400 travailleurs de Lagos, au salaire mensuel de
20 marks. Le rapport fait remarquer qu'étant donnée la difficulté
de la main-d'œuvre, il ne sera plus accordé provisoirement de con-
cessions près des monts Kamerun.
La superficie des terres exploitées s'est, pendant l'exercice
4898-4899, augmentée de 4,300 à 2,500 hectares, dont 2,200 sont
plantés de cacaoyers. Les trois anciennes plantations ont pu
exporter environ 200,000 kilogrammes de cacao d'une valeur de
240,000 marks; cette quantité fut produite par 300 hectares et le
rendement des arbres de quatre ans et au-dessus s'est élevé de
678 à 751 kilogrammes par hectare. Cette récolte n'a été que
moyenne. Au nombre des entreprises de plantations faites dans
d'autres parties de la colonie, on peut citer deux nouveaux établis-
sements près de Campo; ensuite, sur la rive méridionale du
Samaga, des terres ont été acquises; deux plantations sont entre-
prises entre le Mundane et Johann-Albrechtshôhe ; dans le district
de Rio del Rey, le commerce des factoreries se lie, en général, à
l'exploitation du cacao. Enfin, le tabac et le caoutchouc se pres-
sentent sous d'heureux auspices.
Les deux écoles officielles ont été tréquentées par 497 élèves.
La Mission de Bâle a instruit 3,278 enfants, celle des Baptistes,
30 à 40 et la mission américaine presbytérienne, 275 ; cette der-
nière possède également un médecin ; enfin, la mission catholique
comptait plusieurs centaines d'élèves.
3
34 ÉTUDES COLONIALES
Le commerce d'importation a subi une diminution pendant le
dernier trimestre de l'exercice, par suite du relèvement des droits
.d'entrée, mis en vigueur à partir du i"^ avril 1899. Les exporta-
• lions ont augmenté de 3,900,000 à 5,100,000 marks. Les princi-
pales exportations ont été: Thuile de palme, 32,048 hectolitres
(— 2,208 heet,); les noix de palme, 7,558 tonnes (+466 tonnes);
le caoutchouc, 604 tonnes (h- 163 tonnes); Tivoire, 61,762 kilo-
grammes (+ 12,657 kilogrammes); le bois d'ébène, 263 tonnes
( — 69 tonnes); le cacao, 246 tonnes (h- 37 tonnes); les noix de
Kola, 14 tonnes ( — 36 tonnes). Les importations ont été d'une
valeur de 10,600,000 millions de marks contre 7,100,000 millions
Tannée précédente. Les douanes ont produit 1,033,375 marks
contre 578,000 marks l'année précédente.
l'expédition scientifique anglaise :35
L'EXPÉDITION SCIENTIFIQUE ANGLAISE
CONTRE I^A VLAI^KniA A I^A COTE OCCIJ9ENTALE D'AFltlQUE
On se rappellera qu'il y a quelques mois, sous le titre « Une
école médicale tropicale en Angleterre et en Belgique », nous
exposions, dans le Bulletin de la Société d'Études Coloniales^ les
efforts que faisaient nos voisins d'Anglelerre, sous la haute impul-
sion du gouvernement de la Reine et en particulier de M. Cham-
berlain, pour créer, à Londres et à Liverpool, une chaire de mé-
decine tropicale.
Nous disions alors à nos lecteurs que, sans faire autant de bruit
dans les journaux quotidiens que nos voisins d'Outre-Manche, nous
travaillions, nous Belges, parallèlement et efficacement au même
résultat et qu'une expédition belge était établie au Congo pour
apporter :îussi le tribut de ses études et de son îravail au combat
contre les maladies qui retardent les progrès des Européens dans
les régions équatoriales.
Nous avons appris depuis que notre mission après avoir
séjourné un certain temps à Boma, d'où nous avons reçu plusieurs
rapports d'un haut intérêt qui feront, du reste, l'objet d'un bulletin
spécial, se disposait à gagner Léopoldville où les locaux, préparés
sur les plans du D' Van Campenhout, chef de la mission, pour
servir de laboratoire, étaient à peu près terminés.
Nous disions, d'autre part, que la question de la création d'un
hôpital colonial desservi par des médecins coloniaux avait été
résolue sur des bases modestes, il est vrai, mais suffisantes, à l'Insti-
tut Sainte-Camille, à Anvers, et à la Villa coloniale, à Watermael-
Boilsfort.
Bien que tout ceci nous écarte peut-être un peu de notre sujet,
il n'était cependant pas inutile de rappeler au lecteur, au moment
de lui mettre sous les yeux les premiers résultats du travail de nos
puissants voisins, ce que nous Belges avions fait, dans le même
ordre d'idées et de lui montrer que nous avons tout droit d'espérer
d'apporter à la solution du problème, une part au moins aussi
large que telle autre nation.
36 ÉTUDES COLONIALES
Il y a, du reste, lieu de remarquer que parmi les membres de
la mission anglaise, il y avait un Belge, M. le D*^ Van Neck, qui flt
autrefois plusieurs voyages au Congo, à bord des paquebots
Anvers-Matadi.
La mission était donc composée comme suit :
Médecin-major Ross, F. B. C. S,, professeur à l'Ecole coloniale
de Liverpool.
H. E. Annet, docteur en médecine, répétiteur à l'Ecole colo-
niale.
Ë. E. Austen, dipterologue au Britisli Muséum, délégué du
British Muséum à l'Ecole tropicale.
R. Fielding-Ould, docteur en médecine.
S. Van Neck, docteur en médecine, délégué du gouvernement
belge à l'Ecole coloniale.
Le but principal de la mission consistait à s'enquérir des causes
de la malaria et, éventuellement, de rechercher les moyens de la
combattre. Elle choisit pour lieu des premières recherches la ville
anglaise de Sierra-Leone et rentra en Europe dans les premiers
jours de novembre 1899.
Le rapport sur les travaux de la mission fut lu, en chambre de
commerce de Liverpool, le lundi 27 novembre, par le chef de la
mission, médecin-major Ronald Ross.
Après avoir expliqué que d'après lui la malaria était le seul
obstacle vrai qui s'opposait à la conquête complète, avec occupation
définitive par l'Européen, des splendides régions équatoriales ;
après avoir constaté une fois de plus que l'tidmiration et la pitié
des foules va plutôt aux grandes catastrophes et au bruit, aux
massacres des batailles, qu'aux obscurs héros, qui tombent
victimes de la fièvre et de la maladie en tentant de conquérir pour
leur pays un lambeau de ces terres africaines si riches et si meur-
trières; enfin après avoir fait remarquer que la richesse mêûae de
ces pays est liée à leur insalubrité relative, le major Ross entre
dans le cœur de son sujet.
Fervent adepte du célèbre professeur Koch, le D*^ Ross a publié
plusieurs ouvrages où il a apporté un tribut assez important à
l'étude de l'intervention des moustiques dans la propagation de
la fièvre.
l'expédition SCIENTinQUE ANGLAISE 37
« Notre expédition, dit-il, n'était pas une expédition militaire
pour combaltre les Boers ou les Âchantis, ni une expédition scien-
tifique à la conquête du pôle Nord ou du pôle Sud ; elle ne pour-
suivait rien qui put remplir le lecteur d'horreur ni le faire frémir
pour notre sort. Notre but était des plus humbles, nous allions
apprendre à tuer des cousins. »
L'intelligence du récit nous oblige ici à faire une petite digres-
sion et à exposer en quelques mots en quoi consiste la théorie de
l'infeclion paludéenne par les moustiquiis.
Ce fut, nous l'avons déjà dit, le professeur Koch qui le premier
émit cette idée, se basant sur les raisons suivantes :
1** Les pays sans moustiques quoi que remplissant les conditions
ordinaires d'humidité, de chaleur et d'altitude, sont des pays sans
fièvre (il cite entre autre l'île de Cholé).
2"* L'analogie avec la transmission du parasite de la fièvre du
Texas (maladie du bétail , voisin de celui de la malaria. Comme
Ta prouvé M. Koch, les tiques (insectes parasites du bétail), issues
de générateurs recueillis sur des bètes atteintes de fièvres du
Texas, reproduisent l'affeclion sur des bovidés sur lesquels on les
fixe ultérieurement. 11 a ainsi transporté l'affection dans une con-
trée éloignée de plusieurs semaines de marche du loyer de la mala-
die et où elle n'avait jamais été observée antérieurement.
Ross et Mac Callum (celui-ci pour l'halteridium de Labbé,
parasite du sang de certains animaux qui se rapproche beaucoup,
par sa forme, de l'hématozoaire de Laveran), et P. Manson (direc-
teur du Seaman's Hospilal de Greenwich), ont fait des observations
très intéressantes sur les modifications subies par les corps en
croissant (une des formes de l'hématozoaire de Laveran) dans
l'estomac des moustiques.
On sait que le moustique, après avoir déposé ses œufs dans
l'eau, meurt sur place. Les jeunes larves, très voraces, dévorent
toutes les matières organiques qu'elles trouvent et, partant aussi,
les cadavres de leurs générateurs; on suppose qu'elles s'infectent
de cette façon, puis transmettent par leurs piqûres le parasite à
l'homme.
MM. Grassi, Bignami, Bastianelli et Dyonisi ont pu suivre le
développement du parasite malarien dans le corps d'une variété
38 ÉTUDES I^OLONIALES-
de moustiques (Anophèles Claviger). Ils ont constaté qu'il augmente
de volume dans la paroi du tube digestif de cet insecte, s'y seg-
mente en un nombre considérable de petits corps qui émigreraient
dans tout le tissu du moustique et spécialement dans ses:
glandes salivaires, ce qui expliquerait l'infection par piqûre.
Telle est, dans des grandes lignes, ce que Ross appelle « The
mosquito theory of malaria », théorie qui repose, on le voit, sur
des bases scientifiques sérieuses et qui n'a, à nos yeux, qu'un seul,
tort, c'est d'être trop exclusive, car il ne nous paraît pas douteux
que si les moustiques sont une des causes de la propagation de la •
malaria, il en existe concurramment plusieurs autres parmi les-
quelles nous n'hésitons pas à ranger l'usage d'eau de mauvaise
qualité et celui de légumes crus, souvent souillés de terre et lavés*
dans de mauvaise eau.
En tous cas, il est actuellement une chose presque incontestée
par les sommités du monde médical colonial, c'est que la piqûre
de a l'Anopheles Claviger » produit la fièvre malariale.
Se basant sur ce principe, le chef de l'expédition anglaise se
proposa de tenter l'expérience suivante : S'installer en un point
déterminé de la côte d'Afrique où existât la malaria, rechercher la
présence de l'anopheles et chercher à le détruire dans un certain
rayon.
Le point choisi fut Freetown, capitale de Sierra- Leone où l'expé-
dition s'installa. Le D*" Ross décrit la petite ville de Freetown sous
les couleurs les plus riantes; l'expédition y arriva en pleine saison
des pluies et le climat, cependant, nous dit-il, étaità peine tropical ;
le paysage était merveilleux de couleur et n'était la fatale malaria,
on se serait cru dans un endroit recommandable aux touristes tant
le site avait de charme pénétrant. Et cependant cet endroit char-
mant est d'une insalubrité indiscutable. La cause unique en est la
malaria, car il y a à Sierra-Leone une excellente distribution d'eau
et Ton n'y rencontre guère, comme ailleurs à la côte d'Afrique, de
dysenteries et de fièvres typhoïdes.
Au bout de quelques jours, la chasse aux anophèles fut cou-
ronnée de succès et il suffît de quelques observations pour vérifier
l'exactitude des recherches antérieures, c'est-à-dire la présence
d'hématozoaires de Laveran dans le tube digestif de ces insectes.
l'expédition scientifique anglaise 39
M. Ross constata que les anophèles recherchaient pour habitat
certains petits marais, de nature particulière, assez rares et qu'il
est assez facile à reconnaître pour quiconque en a vu un.
Remarquons, en passant, qu'il est regrettable que M. Ross nous
donne si peu de détails sur Taspect et la nature de ces petite étangs
ou marais ; car le renseignement ci-dessus, qui est la traduction
littérale de son rapport, est notoirement insuffisant.
L'expédition dressa une carte de ces marécages et après examen -
attentif, ses membres conclurent à la possibilité de débarrasser
entièrement Sierra-Leone des anophèles, soit en détruisant les
larves dans les étangs, soit en desséchant ceux-ci.
Le gouverneur de Sierra-Leone, le major Nathan, R. E., C. M. C. '
entrant dans les vues de l'expédition, désigna un médecin pour
diriger les travaux de destruction en question et le D' Alfred •
Jones, de l'Ecole coloniale de Liverpool ainsi que le D' Fielding-
Ould's restèrent pour achever l'œuvre commencée, tandis que les*
autres membres, sous la conduite du D' Ross, regagnaient'
Liverpool.
Le D*" Ross fait suivre cette intéressante communication de
quelques observations que nous publions volontiers, car elles con-
cernent aussi bien notre Congo que la colonie anglaise de Sierra-
Leone.
11 constate d'abord le manque de soins apportés dans la con-
struction des habitations des Européens, manque de soins si frap-
pants à côté des véritables palais que sont les Bungalows Hindous.
Certains Européens habitent des maisons en planches ou en torchis,
construites en plein quartier indigène, Jtoujours malpropre et
malodorant quoi qu'on fasse.
A la vérité dit M. Ross, il semble que les Européens d'Afrique
n'ont pas compris ce fait, si bien connu cependant de leurs congé-
nères de rinde, qu'il leur est impossible de vivre sous les tropi-
ques de la même manière que dans leur pays. En pays chaud, il
faut à l'Européen des maisons bien bâties et aérées ; il lui faut de
l'eau pure et de la nourriture de choix ; il doit faire usage de moyens
artificiels pour se procurer de la fraîcheur, et de plus, il faut qu'il
se mette le plus possible à l'abri de la piqftre des moustiques, ce
fléau des pays chauds.
40 ÉTUDES COLONIALES
Le luxe dans l'habitation n'est pas un excès dans ces pays ; luxe
y est synonyme de confort. Et celui qui fournit réellement du tra-
vail là -bas n'est pas le jeune fou qui court sans casque, boit Teau
qu'il trouve sans se soucier de sa qualité, s'enivre, se couche sans
moustiquaire, et meurt inévitablement au bout d'un court séjour;
le vrai producteur est le vieux colonial, entouré de son luxe de
domestiques, soigneux de sa personne, de ses aliments, de son
logement, qui résiste aux influences malsaines et seul, est à même
de travailler avec succès.
Les gouvernements n'attachent pas, dit notre auteur, une impor-
tance suffisante aux questions de l'amélioration sanitaire de leurs
colonies; le peuple, non plus, n'accorde pas aux recherches
patientes (et souvent dangereuses, parfois même mortelle pour eux)
des sav^ints, toute l'attention qu'elles méritent. C'est ainsi qu'il y
a cinquante ans, on découvrit l'ankylostome duodénal, parasite qui
cause une mortalité efirayante parmi les gens de couleur, et
cependant, c'est à peine si la maladie qu'il cause est signalée dans
les statistiques de mortalité. 11 y a quelques années, Giles décou-
vrit le mode d'entrée de l'ankylostome dans le corps humain ; mais
depuis lors plus rien n'a été tenté.
Autre exemple : il y a quelque temps un parasite fut découvert
qu'on accusa de provoquer la dysenterie, ce second fléau des tro-
piques, qui ne le cède qu'à la malaria en gravité et pour le nombre
des victimes. Depuis, plus rien, et le parasite découvert par
Cunningham semble oublié.
Voilà trente ans que Manson a affirmé la transmission de
l'elephantiasis par les moustiques et la question n'a plus fait
depuis un seul pas en avant.
Et cependant les statistiques ofBcielles sont là qui afflrment
que dans ces quinze dernières années, rien qu'aux Indes, la
malaria a tué septante millions d'individus.
Comme le dit fort bien le D'Ross, c'aurait été une véritable honte
pour les gouvernements d'attendre plus longtemps pour réunir
tous leurs efforts dans le but de conjurer le mal, et c est avec joie
que l'on peut constater que partout le mouvement est donné et
qu'on accorde enfin autant d'importance aux questions d'hygiène
et d'études scientifiques qu'à l'exploitation commerciale; car ce
L'EXPiDITION SCIENTIFIQUE ANGLAISE 41
serait une aberration que de croire que cette dernière n'est pas
intimement liée aux progrès de celles-là. Et nous avons le droit,
nous Belges, d'être légitimement fiers de ce que notre petit pays,
dernier venu à la vie coloniale, a été un des premiers à prendre
finitiative d'études, d'expéditions et d'institutions scientifiques qui
permettront enfin, nous n'en doutons pas, dans un avenir plus ou
moins rapproché, la conquête réelle, efiective et non meurtrière
des immenses, riches et fertiles régions équatoriales.
D' Dryepondt.
4â * ÉTUDES COLONIALES
LA QUESTION DES CABLES
Les événements récents dont TAfrique australe a été le théâtre
ont mis en lumière la prépondérance acquise par la Grande-Bre-
tagne en ce qui concerne les communications par câbles télégra-
phiques maritimes dans le monde entier. En cas de grande guerre
maritime, non seulement l'Angleterre possède des dépôts de
charbon, des ports de radoub, des situations stratégiques de
premier ordre dans toutes les parties du globe, mais encore elle
aurait l'immense avantage de la puissance qui « sait » contre des
antagonistes qui en seraient réduits à deviner les circonstances et
les points de fait. Une fois de plus la part du gouvernement anglais
est peu de chose dans ce monopole exercé par la nation britannique;
il est presque tout entier aux mains des particuliers groupés en
puissants syndicats financiers.
Le gouvernement de la Grande-Bretagne ne possède en propre
que 3,679 kilomètres de câbles, dont 2,102 kilomètres sont affectés
aux services côtiers, baies, estuaires, îles voisines, et 1,777 kilo-
mètres au trafic dit international avec les pays d'Europe immédia-
tement voisins, comme la France, la Belgique, les Pays-Bas, l'Alle-
magne. Ces câbles sont pour la plupart possédés par moitié par
l'Angleterre et par les pays où ils atterrissent, et sont entretenus
décompte à demi par les deux pays intéressés.
Mais, si la Grande-Bretagne ne possède que quelques câbles
servant aux relations européennes immédiates, par contre, Londres
est le siège de nombreuses et puissantes compagnies qui possèdent
et exploitent sous le contrôle britannique, un réseau sous marin
immense de beaucoup supérieur à l'ensemble de tous les autres.
La situation générale se résume comme suit:
Nombre total de compagnies privées : 31 — 20 anglaises.
Nombre total des câbles exploités: 330 — 241 anglais.
Longueur totale des câbles: 280,030 kil — 193,887 anglais.
En un mot, 70 p. c. des câbles en nombre et en longueur sont
sous le contrôle britannique.
Si on remarque que les compagnies anglaises étendent leur
LA QUESTION DES CiVBLES 43
réseau partout où il y un intérêt anglais à sauvegarder, on verra
que le monde entier est tributaire de ces compagnies.
Cette situation a été longuement commentée dans les derniers
temps dans les cercles coloniaux français et allemands. Les par-
lements français et allemand en ont été incidemment saisis. D'après
le Mémorial diplomatique, le gouvernement allemand se propose
de demander au Reichstag des crédits spéciaux pour subventionner
la compagnie des câbles allemands actuellement existante. Les
crédits sollicités tendent à encourager et à appu\er la création
d'un vaste réseau de câbles au service des intérêts économiques
et politiques de l'Empire.
Des incidents caractéristiques démontrent l'énorme importance
politique du monopole anglais en ces matières. C'est ainsi qu'à
l'époque de l'expédition de l'amiral Courbet, l'Angleterre connut
avant le gouvernement français toutes les dépêches télégraphiques
du corps d'expédition français. A la mort du dernier sultan du
Maroc, toutes communications télégraphiques furent coupées pen-
dant les vingt-quatre heures nécessaires au gouvernement anglais
pour prendre les mesures que comportait celte circonstance.
D'autres exemples, fort nombreux, pourraient être donnés.
En France surtout cette situation, que les circonstances pré-
sentes mettent en évidence avec tant de clarté, produit un agace-
ment et un désir d'affranchissement bien naturels.
De nombreux articles viennent de paraître sur la question, met-
tant en relief la sujétion des colonies françaises au réseau britan-
nique.
Ainsi la France possède un câble qui relie l'île de Ténériffe
(Canaries) à Sjaint-Louis du Sénégal. Mais pour que la Métropole
puisse s'en servir, il faut qu'elle emprunte des câbles anglais entre
l'Europe et les Canaries.
La France possède également un câble entre Majunga (Madagas-
car) et Mozambique (côte de l'Afrique portugaise), et de nou-
veau, pour atteindre Mozambique, il faut emprunter des lignes
anglaises.
La France possède encore un petit câble de 87 kilomètres posé
en 1896, entre Obock et Djibouti; là aussi il lui faut passer par les
lignes anglaises afin de se relier à Périm et à Aden.
44 ÉTUDES COLONIALES
Saigon est relié à Haïpbong, mais la Métropole, pour atteindre
Saigon, doit emprunter les câbles anglais.
Enfin, un câble de 1,468 kilomètres, posé en 4893, parla Com-
pagnie française, relie « Mon Repos » (Queensland) à Téoudié
(Nouvelle Calédonie), mais pour atteindre le Queensland, il faut
forcément emprunter les fils anglais qui relient les Indes à
l'Australie.
La Chambre française est saisie d'un projet de résolution invitant
le gouvernement à étudier sans délai la question de l'établissement
de câbles français. Il y a quelque temps déjà, M. Siegfried avait
fait, sur cette question vitale, un très intéressant rapport au Con-
seil du commerce extérieur. Il y montrait qu'en 4871, avec
37,000 kilomètres de câbles, l'Angleterre faisait avec ses colonies
un commerce de 2,835 millions de francs et en 4894, avec
276,000 kilomètres de câbles, un commerce de 6,424 millions
de francs.
Il faudrait à la France une ligne sur l'Afrique occidentale, et
une autre sur l'Océan indien bifurquant à Djibouti pour aller vers
le Sud à Madagascar et vers l'Est en Indo-Chine* M. Siegfried a
calculé ce que coûterait ce réseau. Pour la côte occidentale
d'Afrique il faudrait 20 millions. Pour la ligne de Marseille à
Madagascar par Djibouti 45 millions. Enfin pour l'embranchement
de Djibouti à Tlndo-Chine 30 millions, soit en tout 95 millions.
Des articles remarquables ont paru dans la Revue des Deux
Mondes, dans la Revue des questions diplomatiques et coloniales, dans
Le Temps; dans l'Economiste français, M. Pierre Leroy Beaulieu
traite la question avec autorité. Résumons les détails donnés sur le
réseau de câbles anglais . Il est presque exclusivement la propriété
de ÏEastern Telegraph Company qui s'est d'ailleurs affilié la plupart
des autres compagnies anglaises, assurant ainsi à l'œuvre télégra-
fique de l'Angleterre une unité de conception, de direction et
d'exécution incomparable.
VEastern T. C. s'est formée en juin 1872 et, aujourd'hui, au
bout de vingt-sept ans, son réseau sous-marin particulier com-
porte un développement de 30,000 milles de câbles dont voici à
peu près le détail.
Trois câbles partent de Penzance, à la pointe de Cornouailles ;
LA QUESTION DES CABLES 45
deux atterrissent directement à Carcavello près de Lisbonne, le
troisième n'atterrit à ce même point qu'après avoir touciié Vigo.
De Carcavello, VEastem continue sa route par un double câble,
touchant Gibraltar, puis Malte, d'où elle envoie des rameaux sur
Bône (deux câbles), sur Tripoli, sur la Sicile, sur Zante, Corfou et
Trieste.
De Malte, elle gagne, toujours par une double ligne, Alexandrie
d'où elle rayonne encore sur Chypre, Candie, Rhodes, Zante, le
Pirée, Chio, Ténédos, Lemnos, Salonique. Elle passe d'Alexandrie
à Port-Saïd, traverse le canal de Suez, et, à Suez, s'épanouit en
quatre câbles . Deux sont directs, de Suez à Aden; deux autres
atterrissent à Souakim, Périm et Aden. De Pèrim, deux branches
se dirigent l'une au Nord sur Assab et Massaouah, et l'autre sur
notre colonie d'Obock. La ligne vient aboutir à Bombay, qui est
relié à Aden par trois câbles.
Autour de VEastem et la complétant se groupent les compagnies
affiliés. Ce sont : VEastem Extension Australasia and China T. C.,
YEastern and South African T. C, la West African T. C. VAfrican
Direct Company, la Black Sea T. C, la Brazilian Submarine Com-
pany, la Western and Brazilian T. C, etc.
VEastem Extension développe près de 20,000 milles de câbles.
Son domaine est l'Extrême-Orient et l'Australie. Deux câbles font
communiquer Madras et Pcnang. De Penang, après avoir détaché
un rameau sur Sumatra, le câble file sur Singapour en deux
branches, l'une directe, l'autre indirecte touchant à Malacca. A
Singapour la ligne se scinde. 1** Un câble se détache de Batavia,
tandis qu'un autre va sur Banjœwangie à l'extrémité Est de Java.
De Banjœwangie deux bnmches vont toucher l'Australie à Port-
Darwin et à Rockbuck-Bay; 2** Un second câble atteint le cap
Saint-Jacques en avant de Saigon et de là repart pour Hongkong.
Il y a également un câble direct de Singapour à Hongkong, avec
un seul point d'atterrissement à Bornéo. Hongkong envoie un
câble au cap Bolinao, aux Philippines et un autre jusqu'à Woo-
sung et Shanghaï avec arrêt à Sharp Peak. UEasteim Exte^ision
relie en outre par deux câbles Sydney à la Nouvelle Zèlande.
VEastem and South African T. C. s'est partagé l'Afrique avec
la West African T. C. et VAfrican Direct T. C. VEastem and
46 ÉTUDES COLONIALES
South Africari se greffe sur ÏEastnti à Aden, d'où elle descend
sur Zanzibar. De ce point un câble gagne les Seychelles et Mau-
rice, un autre Mombassa. La ligne poursuit sa route au Sud, tou-
chant à Mozambique, Lourenço-Marquez et Durban. Sur la côte
Ouest, elle relie encore Gapetown à Mossamédès, Benguéla et
Saint-Paul de Loanda.
C'est dans cette dernière ville que se soude à ÏEastern and
South African le câble de la West African, qui remonte sur San-
Thomé (embranchement sur Libreville, l'île du Prince et Bonny)
Kotonou, Accra, Grand-Bassam. La ligne s'ii>terrompt sur ce
point, mais pour reprendre plus loin et desservir Sierra-Leone,
Gonakry, Bolama, Bathurst et Dakar.
Quant à ï African Direct, elle se dirige à Saint- Vincent du Cap-
Vert sur Bathurst, Sierra-Leone, Accra, Lagos, Brass et Bonny,
doublant ainsi une partie du trajet de la West African.
La Brazilian Sub marine T. C. fait comniuniquer l'Europe avec
rAmcrique dii Sud. Elie comprend deux câbles de Lisbonne à
Madère, Saint-Vincent du Cap- Vert et Pernambouc.
De Pernambouc, la Western and Brazilian T. C envoie des
câbles au Nord et au Sud. Au Nord, elle aboutit à Para, par
Ceara et Maranham. Au Sud, elle dessert Bahia, Rio-de-Janeiro,
Santos, Chuy, Montevideo. De Santos, une seconde ligne dessert
Santa-Catarina, Rio-Grande-do-Sul, Chuy, Maldonado et Monte-
video.
Une petite compagnie affiliée, la River Plate T. C, traverse le
Rio de la Plata, mettant en communication Montevideo et Buenos-
Ayres.
Du côté de l'Amérique du Nord, des câbles transatlantiques
relient l'Angleterre au Canada et aux Etats-Unis. Plus bas, vers
l'Amérique du Sud, trois lignes anglaises traversent l'Atlantique
et rattachent le Brésil au Portugal, à l'Espagne et par leurs pro-
longements, à Londres même ; d'autres lignes anglaises s'étendent
du Nord au Sud, le long du Pacifique; d'autres encore envelop-
pent toutes les Antilles et l'Amérique centrale, et complètent ce
premier réseau qui met l'Amérique entière à quelques secondes de
Londres. La côte Ouest de l'Amérique latine est exploitée par
deux compagnies : 1*" la West Coast of America, T. C, qui va dé
D^. QUESTION Q.ES CABLES 47
•Yalparaiso à Chorillos et Callas, par la Serena, Huasco, Caldera,
Antofogasla, Iquique, Arica et Mollendo; S"" la Central and South
American T. C. qui relie Valparaiso, Iquique, Chorillos Payta,
Santa Elena, Buenaventura, San-Pedro, Gonzalez San-Juan-del-
Sur, la Libertad et Santa Cruz.
Au grand réseau homogène anglais il faut ajouter encore :
i. La Mexican, T. C, qui lait communiquer les États-Unis et
le Mexique par les câbles Galveston-Coatzacoalcos et Galveston,
Tampico, la Vera Cruz.
2. La West India and Panama, T. C, qui rayonne dans toutes les
Antilles, sauf à Cuba, desservi par la Cuba Submarine, T. C,
laquelle tend un câble de Batabane à Cienfuegos et Santiago. La
West India détache de la Jamaïque à HoUand Bay quatre câbles.
Le premier relie ce point à Colon. Le second va de iîolland Bay à
Santiago de Cuba. Le troisième passe à San-Juan de Porto-Rico,
San-Thomas, San-Kitts, Antigua, la Guadeloupe, la Dominique, la
Martinique, Sainte-Lucie, Saint- Vincent (deux câbles sur la Bar-
bade), Grenade et la Trinité. La quatrième touche à Ponce de
Porto-Rico, Sainte-Croix et la Trinité La Trinité est reliée à Geor-
getown par deux câbles.
Ce sont des compagnies anglaises également qui assurent la
communication entre 1 Espagne et Ténériffe (la Spanish National
Submarine T. C.) entre Saint-Louis du Sénégal et Pernambouc (la
South mencan Cable Company), entre Lisbonne et les Açores
(YEtlropean Açores T. C.) entre Kennach Cove (Angleterre) et Bil-
bao (Espagne) (la Direct Spanish T, C.) entre Halifax et Tîle Ber-
mude {VHalifax and Bermudas Cable Co), entre la France et
l'Algérie, Bone-Marseille \}'Eastern T. C), entre les Etats-Unis et
l'Irlande (la Direct United States Cable Company). Celte dernière
va de Valentia à Halifax et Hye Beach.
Les communications entre les Indes et l'Angleterre sont assu-
rées également par r/ndo-Ettrop^w T. C, qui jette un câble de
Kurachee à Fao, au fond du golfe Persique, et, par un fil conti-
nental à travers la Perse, la Russie et l'Allemagne, se relie au
système européen.
Enfin une compagnie anglo-américaine ÏAnglo- American T. C,
envoie trois câbles de la Nouvelle-Ecosse en Irlande (Valentia)^
48 ËTLDES COLONIALES
en touchant à Terre-Neuve. La même compagnie fait communiquer
Duxbourg (Etats-Unis) avec Saint-Pierre et Brest.
Le remède à cette situation n*est pas facile à trouver. Ce qui a
aidé la Grande-Bretagne à créer ses lignes télégraphiques mari-
times, ce ne sont ni un plan systématique, ni une idée préconçue
de domination universelle, mais bien au contraire les immenses
intérêts économiques, mercantiles et financiers qu'elle possède
partout. Les trois quarts des lignes télégraphiques interocéaniques
sont aux mains de l'Angleterre parce qu'elle possède l'Inde, les
plus beaux entrepôts du monde, tels que Hongkong, Shanghaï»
Singapour, enfin parce que les trois cinquièmes du trafic des
transports maritimes appartiennent aux armateurs britanniques. Il
y a des compagnies télégraphiques anglaises, parce que presque
seules elles pourraient assurer des dividendes à leurs actionnaires.
Néanmoins le monopole anglais est menacé par les lignes télé-
graphiques terrestres. C'est la solution que préconise Pierre Leroy
Beaulieu en ce qui concerne les relations entre la France et ses
colonies africaines. L'auteur pense qu'on pourrait s'en tenir au
réseau terrestre pour établir une communication entre Oran et
le Sénégal. En effet les colonies du Soudan et du Dahomey sont
reliées depuis l'année dernière dans leur hinterland par des lignes
terrestres qui remontent le Sénégal jusqu'au Niger, rejoignant
ensuite le réseau Dahoméen. On pourrait compléter celte ligne
vers le Congo, si on le jugeait nécessaire, en passant par le Kame-
run à la suite d'une entente avec TAllemagne. On pourrait encore
relier Kotonon à Libreville par un câble. Toutefois une ligne ter-
restre est plus sûre à raison de l'énorme prépondérance maritime
anglaise. Il n'y aurait pas non plus beaucoup à faire pour affranchir
les possessions françaises de l'Indo-Chine de l'intermédiaire des
câbles anglais. Il suffirait pour y parvenir, de racheter en pre-
mier lieu, le câble de la Cochinchine au Tonkin, posé en 1874 par
YEastern Extejision Telegraph, et ensuite de rejoindre par un
câble parti d'Haiphong, le réseau de la Grande compagnie danoise
des télégraphes du Nord. M. Doumer, gouverneur général de
l'Indo-Chine a préconisé un projet qui a été approuvé par le
Conseil supérieur des câbles; il comporte : l"* l'immersion d'un
LA QUESTION DES CABLES 49-
câble sous marin entre Doson et la côte occidentale de la presqu'île
de Lei-Tchéou ; 2* la construction d'une ligne terrestre traversant
cette presqu'île; 3* l'immersion d'un câble sous marin entre
Quang-Tchéou et Hong-Kong; 4"" l'immersion d'un câble sous
marin entre Quang-Tchéou et Amoy.
Selon M. Leroy- Beaulieu, la France pourrait encore essayer de
s'entendre avec l'Allemagne pour faire construire, par une même
compagnie subventionnée, un câble reliant Madagascar à l'Europe,
par la Syrie, Djibouti et l'Afrique Orientale allemande. On parta-
gerait ainsi la dépense et l'on augmenterait fort la recette. Les
relations avec l'Extrême-Orient seront d'autre part assurées dès
que le Transsibérien sera achevé. Cela aussi est de nature à forte-
ment modifier la situation actuelle.
J. PLAS.
50 É1UDES GOLONIAtKS
Chronique
Les Volcans de l'Afrique Centrale. — Deux anglais, MM. Arthur
Sharp et E. Grogan, dont le premier vient de rentrer en Angle-
terre, ont fait d'intéressantes observations sur le lac Kivu et les
volcans qui se trouvent dans son voisinage. Les deux voyageurs
dont l'expédition avait à la fois pour but la chasse et l'exploration
de nouvelles régions, partirent de Chinde en octobre 1898;
remontèrent le Chiré et traversèrent le lac Nyassa pour arriver par
la route Stevenson au sud du Tanganyka. On peut considérer Ujiji
comme le point de départ de la partie de leur voyage qui s'est
déroulée à travers des régions relativement inconnues.
Le lac Kivu se déverse dans le lac Tanganyka, par la rivière
Rusisi. MM. Sharp et Grogan croyaient être les premiers qui
eussent suivi et relevé ce cours d'eau. Mais, quand ils arrivèrent au
lac Kivu, ils constatèrent qu'ils avaient été devancés par un explo-
rateur allemand, le D*^ Kandt, qui, depuis trois ans, parcourait les
rives du lac, explorant la contrée, la relevant topographiquement
et étudiant sa géologie, sa faune et sa flore d'une manière aussi
approfondie que consciencieuse. Le D'^ Kandt avait fait tout le tour
du lac en procédant à chaque minute à des relevés topographiques
et le résultat de ses observations fut que la forme du lac diffère du
tout au tout de celle qui lui est assignée actuellement. Gela n'est
d'ailleurs pas surprenant, car le seul explorateur qui ait aperçu le
lac avant le D' Kandt, le comte von Gôtzen, n'en a vu qu'une
étendue de quelques milles au nord-ouest. Le lac est, d'après
M. Sharp, extrêmement profond; il est entouré de hautes mon-
tagnes escarpées, entrecoupées en tous sens de cratères volca-
niques éteints ; la surface de ses eaux est parsemée d'un grand
nombre d'îles. L'eau du lac est saumâtre et désagréable au goût;
elle contient une grande quantité de poissons qui diftèrent consi-
dérablement de ceux qui vivent dans le lac Tanganyka.
Le trait le plus remarquable de la région du Kivu est formé par
CHRONIQUE 51
les volcans qui se trouveut à quelque distance du lac dans la direc-
tion du Nord. Trois grandes montagnes volcaniques se dressent
sur le plateau élevé que l'on rencontre en cet endroit. L une d elles
possède deux cratères doués d une activité plus ou moins grande.
L un de ces cratères est visiblement actif et, au dire des indigènes,
il fut violemment en éruption il y a trois ans. Quoi qu'il en soit,
tout le pays est couvert de lave et MM. Sharp et Grogan le
décrivent comme la contrée la plus horrible et la moins facile à
traverser qu'ils aient jamais rencontrée. C'est un amalgame de lave
désagrégée, de collines impraticables et d'impénétrables taillis.
Ces derniers fourmillent d'éléphants qu'il est impossible d'appro-
cher. M. Sharp constate aussi que le mont Mfumbiro, qui a joué
un certain rôle dans le traité de délimitation des frontières entre
l'Angleterre et l'Allemagne, n'existe pas.
Après être restés un certain temps au lac Kivu, les voyageurs se
mirent en route pour le lac Albert- Edouard à travers une contrée
qui présentait à leur marche les plus grandes difficultés. Ils con-
statèrent que la rive orientale du lac Albert-Edouard est dessinée
sur nos cartes d'une manière complètement erronée. L'ancien lit
du lac s'étend à une grande distance à l'est de la rive actuelle et a,
en général, l'apparence d'un marais à l'extrême limite duquel
M. Sharp constata la présence de nombreux jets de vapeur qu'il
appelle « geysers bouillonnants » (bubbling geysers). Arrivés à
Toro. sur la côte orientale du lac Albert-Edouard, les voyageurs
se trouvèrent en territoire britannique. Ils se quittèrent en cet
endroit : M. Sharp retournant en Angleterre et M. Grogan conti-
nuant sa route vers le Caire en descendant le Nil. Nous devrons
attendre le retour de M. Grogan, qui est porteur des cartes
dressées par les explorateurs, pour avoir une relation complète
des résultats de cette intéressante expédition mais, par ce qui vient
d'être dit, on peut juger de l'intérêt qu'offre aux esprits observa-
teurs la région volcanique de l'Afrique centrale.
L'Expédition Mackinder au Mont Kénia. — M. Mackinder qui
avait quitté l'Angleterre au mois de juin dernier en compagnie de
deux guides suisses, d'un de ses parents et de deux spécialistes
en sciences naturelles, dans le but d'effectuer l'ascension du mont
É1UDES COLONIALES
Kénia et de s'y livrer à des observations scientifiques, est rentré
dans son pays au mois de novembre dernier, devançant le reste de
son expédition, après avoir réussi à atteindre le sommet de cette
montagne. Il résulte des renseignements que M. Mackinder a
fourni sur son voyage, qu'il a pris comme point de départ Nairobi,
où il avait fait transporter par le chemin de fer de l'Uganda son
expédition et l'escorte qu'il avait engagée.
M. Mackinder et ses compagnons se dirigèrent de Nairobi vers
le nord-est et traversèrent une partie de la rr-gion de Kikuyu qui
est gouvernée par un grand nombre de petits chefs indépendants.
Le pays est peuplé et bien cuHivé. L'accueil que les voyageurs
y rencontrèrent dépendit de Ihumeur particulière de chaque
chef, mais, en général, ils eurent à construire un boma chaque
nuit et à monter la garde. Quand ils eurent atteint les limites
de la région de Meranga, ils trouvèrent un état de choses tout
différent.
Cette contrée est une des plus intéressantes et des plus fertiles
de l'Alrique orientale. Sa constitution politique diffère entièrement
de celle des pays voisins. On peut la décrire comme étant une sorte
de république. Il n'y a là ni chefs, ni rois, et le gouvernement se
trouve aux mains d'un Sliauri où conseil des anciens qui sont au
nombre de cinquante environ. Deux ou trois des anciens sont
reconnus comme chefs. Aussitôt que l'exp'^dilion eut pt^nétrédans
le Meranga, un Shauri fut tenu el il fut décidé qu'on lui accorde-
rait toute assistance. La nourriture était abondante et facile à
acheter. En fait, toute la contrée était cultivée. On y voyait de
grandes plantations de bananiers; des centaines d'acres rtaient
couverts de maïs, de patates douces et de pois et la canne à sucre
s'y trouvait en abondance. Malheureusement, la pluie tomba à
torrents pendant que l'expédition traversait ce riche pays; toutefois
les routes étaient bonnes. A certains endroits, elles étaient coupées
de barrières et avsiient l'apparence de drèves anglaises qu'on
aurait ornées de plantes et de fleurs tropicales. Deux des anciens
accompagnèrent l'expédition jusqu'à la rivière qui forme la fron-
tière nord-est du Meranga. Au delà de ce cours d'eau, s'étendait le
pays de Wagombe, chef que les habitants de Meranga craignaient
beaucoup, Les deux anciens refusèrent absolument de s'y aventu-
CHRONIQDE 53
Ter et même de fournir des subsistances à l'expédition après
qu'elle eut traversé la rivière. Wagombe ne voulut pas d'abord
entrer en rapports avec l'expédition ; mais ensuite il modifia son
attitude et consentit à lui servir de guide vers la rivière Sagana et
à fournir au camp qui devait y être établi les provisions néces-
saires. Une épaisse ceinture de forêts sépare le pays de Wagombe
des plaines herbeuses et découvertes de Leikipai.
Quand les forètslfurent traversées et qu'on fût arrivé à la rivière
Sagana, M. Mackinder demanda au clief quand les provisions qu'il
avait promises arriveraient, 11 répondit qu'il n'avait pas l'inlention
de lui donner la moindre nourriture. M. Mackinder lui répliqua
alors que lorsqu'un blanc fait une promesse il la lient, et que
puisqu'il avait fait une promesse à un blanc, il devait la tenir aussi.
Il ajouta qu'il le reliendrail prisonnier jusqu'à ce que les provi-
sions eussent été fournies. Celte mesure ébit nécessaire en
présence de l'absence complète de vivres dans la contrée qui
entoure le Mont Kénia.
Après avoir établi un camp permanent près des rives de la
Sagana, M. Mackinder partit avec les deux guides, les deux natu-
ralistes et un certain nombre de poiteurs pour établir une instal-
lation temporaire au dessus de la rangée de forêts qui se trouve sur
les pentes du Mont-Kénia, laissant son parent et l'interprète indi-
gène à la tête du camp principal. Les 'guides suisses, qui étaient
d'excellents agents forestiers, marchaient en tête, armés de haches,
et une partie de l'escorte les suivait en maniant de grands cou-
teaux. En suivant des sentiers d'éléphants, partout où ils étaient
praticables, ils traversèrent les forêts en un seul jour alors qu'il
en avait fallu trois précédemment au comte Teleki et à M. Gregory.
Un camp fut établi à 10,000 pieds d'altitude. De là, M. Gregory et
les deux guides suisses, accompagnés de douze indigènes, pous-
sèrent jusqu'à une altitude de 11,500 pieds où un second camp fut
Installé. Bien qu'au-dessous du sol la terre fût humide et tour-
beuse, une longue absence de pluie en avait desséché la surface et
une allumette, tombée par hasard, mit le feu aux herbes. L'incendie
s'étendit avec une rapidité extraordinaire et menaça d'atteindre la
vallée de Hôhnel, ainsi appelée par M. Gregory. Après deux heures
de ravages, l'élément destracteur s'arrêta dans cette direction mais
5i ÉTUDES COLONIALES
il s*étendit au nord et au sud le long du flanc de la montagne
jusqu'à une altitude d environ 12,000 pieds et fut aperçu distincte-
ment de Nairobi, distant de 80 milles au sud-ouest.
Un messager arriva alors au deuxième camp pour informer
l'explorateur que Wagombe faisait de nouvelles difficultés et
refusait de fournir d'autres aliments, ce qui obligea M. Mackinder
à envoyer des hommes au lac Naivasha pour en demander à
l'administrateur de cette localité. L'affaire étant ainsi arrangée,
M. Mackinder retourna au Mont-Kénia et vit que les guides suisses
avaient réussi à établir un nouveau camp à i3,000 pieds d'altitude,
c'est-à-dire à peu de distance des glaciers. Il décida alors de faire
sans tarder une tentative pour atteindre le moins élevé des deux
pics qui forment la cime de la montagne. On convint de
traverser le glacier Lewis et d'essayer d'escalader l'arrête
escarpée qui devait, dans la pensée des explorateurs, leur per-
mettre d'atteindre le sommet. Le glacier fut traversé sans
encombre mais quand ils arrivèrent près de l'arrête, ils consta-
tèrent quelle offrait beaucoup plus de difficultés qu'ils ne s'y
attendaient. Après une longue et laborieuse montée, ils furent
surpris par l'obscurité avant d'être arrivés au but, et ils furent
forcés de passer la nuit dans une situation assez périlleuse, à
15,000 pieds de hauteur, lis s'attachèrent aux rochers au moyen
de cordes et, douze heures plus tard, ils purent reprendre leur
tentative. Mais bientôt ils se butèrent contre une muraille à peu
près verticale de 60 pieds de hauteur et ils furent obligés
de redescendre sans avoir atteint leur but.
Après cette tentative infructueuse, M. Mackinder retourna au
camp principal près de la Sagana pour attendre le retour de la
caravane envoyée à Naivasha. Celle-ci tardait à venir et comme les
vivres commençaient à devenir rare?, il se disposait à se rendre
lui-même à Naivasha, quand les porteurs apparurent, accompagnés
du commissaire de cette localité. Il fut décidé alors que le gros de
la troupe retournerait avec ce dernier et que M. Mackinder ferait
avec les deux guides et quelques porteurs un nouvel essai pour
escalader la montagne.
M. Mackinder partit du camp situé à 13,000 pieds d'altitude, le
H septembre dernier, accompagné par les deux guides et laissant
CHRONIQUE 55
en arrière les deux naturalistes et les porteurs. lis avaient avec
eux une tente de montagne et ils passèrent ia nuit à leur ancien
campement mais dans de bien meilleures conditions. Le
lendemain ils se mirent en route de très bonne heure. Ils jugèrent
qu'il fallait traverser deux glaciers dont la glace était extrêmement
dure Des centaines de marches ;durent être creusées, et on peut
se faire une idée des difficultés qu'ils rencontrèrent, en songeant
qu'un glacier, que les guides croyaient pouvoir traverser en vingt
minutes, réclama, en réalité, trois heures d'efforts. Fort heureuse-
ment, ce glacier fut la dernière diflficulté sérieuse qu'ils eurent à
vaincre et une heure après qu'ils l'eurent franchi, ils atteignirent
le sommet même de la montagne. C'était le 12 septembre, vers
midi. Le temps était magnifique mais ils ne purent rester sur la
cime que pendant une demi-heure au cours de laquelle M. Mac-
kinder fit des observations et prit une ou deux vues. La- hauteur
réelle de la montagne reste à fixer mais, en tout cas, elle est
moins grande qu'on ne l'a supposé; elle doit être de plus de
47,000 pieds, mais de moins de 18,000. La descente au camp de
13,000 pieds se fit sans accident.
Après avoir pris un jour de repos, M. Mackinder se mit de
nouveau en route avec les deux guides pour explorer les flancs de
la montagne au-dessous de la région des glaciers. Ce voyage
dura trois jours et comme ils étaient obligés de porter eux- mêmes
leur nourriture et leurs instruments, ils ne purent se charger
d'une tente, et furent obligés de coucher à la belle étoile. L'explora-
teur fit un grand nombre d'observations qui permettront de dresser
une carte détaillée de la montagne et de son voisinage immédiat.
M. Gregory avait relevé cinq glaciers dont un grand, le « Glacier
Lewis », et quatre petits. En réalité, il y en a 15, et au plus grand des
dix nouveaux, M Mackinder a donné le nom de « Glacier Gregory».
M. Mackinder quitta le Monl-Kénia le 21 septembre. Comme il
était désireux de rentrer en Angleterre le plus tôt possible, il
laissa son expédition en arrière, et arriva ainsi à Londres le
30 octobre dernier, c'est-à-dire 28 jours après avoir atteint la
station de Nairobi sur la ligne du chemin de fer de l'Uganda.
La Région de la Bénué. Dans une note parue dans le Geographical
56 ÉTUDES COLONIALES
Joumaly décembre 1899, M. Lich H. Moseley fait connaître son
opinion sur les régions arrosées par la Bénué et ses affluents, qu'il
a eu l'occasion de parcourir pendant sept années. Nous reprodui-
sons ci-dessous les conclusions auxquelles il aboutit :
« On peut diviser ces régions en deux groupes :
1. Les plaines élevées s'étendant de la rivière Donga jusqu'à
Garua à lest, et se trouvant sous la suzeraineté des Fulalis
mahométans.
2. Les régions montueuses habitées par les païens et s'étendant
au sud et au sud-est de Ibi.
Les. premières sont susceptibles d'un grand avenir. Elles sont
d'une fertilité admirable et débordent de richesses naturelles.
Dans un avenir rapproché, il pourrait s'y faire un commerce
important en ivoire, gomme arabique, indigo, kino, peaux, gutta-
percha -et riz. L'importance de ce dernier produit est évidente
dans une contrée où les habitants se nourrissent de riz.
Les routes comme, du reste, le pays sont, à peu d'exceptions
près, sûres, grâce à . l'aclivilé incessante de la Royal Niger
Company.
La race à laquelle le développement de ces régions est dû, est
incontestablement celle des Hausas. Ceux-ci sont nés marchands.
Ils vont partout et font tout pour Tauiour du commerce. Quoique
n'appartenant pas à ces contrées, ils sont, en beaucoup d'endroits,
plus nombreux que les indigènes et ils deviendront, avec le
temps, la puissance prédominante, car les Fulahs qui possèdent
actuellement le pouvoir, sont une race en voie de disparaître
rapidement. On ne se tromperait pas en appelant les. Hausas les
Parsis de l'Afrique. Ils joueront incontestablement un rôle impor-
tant dans le développement futur de ces régions. Le climat est
beaucoup plus favorable aux blancs que dans n'importe quelle
autre partie des territoires du Niger. Quand le chemin de fer. sera
arrivé jusque là et que les objets de provenance européenne
seront faciles à se procurer, on ne pourrait se tromper en prédisant
l'établissement d'une colonie européenne.
Les régions qui se groupent dans la deuxième division sont
d'une nature toûlement différente. Ce sont de vastes étendues de
pays couvertes de collines et de forêts; de nombreux ruisseaux
CHRONIQUE . S7
coulent vers la rivière Kalzena et la population, composée de
tlifférentes tribus païennes, est clairsemi'e. Bien que le pays soit
couvert d'obstacles naturels qui s'opposent à son développe-
raent, il contient un grand nombre de produits précieux, dont les
principaux sont le caoutchouc, l'ivoire et le bois de construction ;
le caoutchouc se trouve dans la plupart des forêts. Autour de
Kentu, de Macho et à l'ouest de Dama s'étendent de grar.des
régions à caoutchouc. On peut citer parmi les principales espèces
découvertes jusqu'à présent le Ireh (Kixia Africanus, Benth) et,
en petitps quantités, le caoutchouc Balata. On trouve beaucoup
d'ivoire à D.ima. I! semble que les troupeaux d'éléphants, qu'on
chassait autrefois autour de Tebati, se soient réfugiés vers les
solitudes de Dama. L'acajou, le tek et beaucoup d'autres bois se
rencontrent en abondance mais les difficultés du transport retar-
deront naturellement l'exploitation de ces dernières richesses ».
L'Or dans le Bokhaua Oriental. — Nous extrayons d'une
conférence faite par M. W. Rickmer-Rickmers, à la Royal
Geographical Society (I) de Londres, quelques détails intéressants
concernant l'or et l'exploitation aurifère dans la partie orientale
du Bokhara. Cette région, qui est une des moins connues, n'a été
visitée pour la première fois qu'en 1882, par un botaniste russe,
le docteur Regel. Le curieux système de montagnes qui forme
le « conglomérat » du Bokhara oriental s'étend entre les rivières
Vaksh el Panj, deux affluents de l'Amu-Daria. Ce conglomérat com-
prend une superficie d'environ 800 milles carrés. Les stratifica-
tions en sont fort nettes. Le docteur Krafft qui accompagnait
M. Rickmer les attribue à la péri«»de tertiaire. La plus grande
épaisseur de la formation est évaluée à 4,000 pieds. On distingue
deux pics élevés dans cette région, le Hazrat-Ishan (I3,0U0 pieds)
et le Kuch-.VIanor (10,500). Le spectacle qu'offre ce pays est d'une
sauvagerie et d'une désolation extrêmes.
M. Rickmer-Rickmers, après avoir remonté la vallée du
Vakh-Su qui se jette dans le Panj, établit son quartier- général
(4) The Geographical Journal, december 1890.
S8 ÉTUDES COLONIALES
près du Safet-Darya (rivière blanche), un des tributaires du"
Vakh-Su. C'est en parcourant ce pays que le voyageur eut l'occa-
sion de faire, au sujet de l'or et de son exploitation, les intéressantes
observations qui suivent :
« On extrait le précieux métal de cette région depuis des
siècles, comme le prouvent les anciens tas de débris situés
à des niveaux supérieurs à ceux que fréquentent actuellement
les indigènes qui ne travaillent que près de la rivière. La
légende rattache ces vestiges d'anciennes exploitations à Chingiz-
Khan, dont le nom est devenu aussi proverbial dans l'Asie centrale
que celui de la reine Tamara au Caucase. L'outillage dont on se
sert pour traiter le sable aurifère est des plus simple. On étend
une série de morceaux de feutre sur une pente de sable au sommet
de laquelle on place un gril en bois. On jette une pelletée de sable
sur ce gril et puis on l'asperge d'eau. Les matières légères sont
entraînées par leau, tandis que l'or est retenu par le feutre. Tout
l'or en poudre est naturellement perdu; on ne conserve que les
quelques parties qui ont une certaine consistance. Ce procédé ne
permet pas de mettre en œuvre plus d'une tonne de sable par jour.
Les hommes travaillent par groupe de cinq environ. Deux d'entre
eux extraient la matière, un autre la porte vers la rivière et les
deux derniers procèdent au lavage. Ces gens sont tous au pouvoir
d'exploiteurs qui leur avancent à des laux usuraires ce qui est indis-
pensable pour vivre et qui les tiennent ainsi dans une dépendance
continuelle. Aussi, ces malheureux sont-ils dans l'impossibilité
d'arriver jamais à une aisance quelconque et travaillent-ils aussi
peu que possible.
» L'extraction aniîuelle de l'or dans le Bokhara oriental est
évaluée de 20,000 à 30,000 livres sterling, ce qui n'est qu'une
bagatelle en comparaison de ce que les dépôts d'alluvions pour-
raient produire. Les quantités extraites par les indigènes depuis
des siècles ont à peine entamé la réserve et elles ne sont rien à
côté de ce que les Européens pourraient produire en quelques
années. Jusqu'à présent, on n'a pas encore établi la proportion
d'or du conglomérat lui-même, car l'exploitation des dépôts
fluviatiles résultant de sa désagrégation offre aux mineurs de
plus grands avantages. L'origine de l'or doit naturellement se
CHRONIQUE 59
trouver dans les montagnes environnantes qui forment les bancs
conlre lesquels les conglomérats ont été déposés. Lor se présente
exclusivement en tablettes; on ne le rencontre jamais sous la
forme de grains ou de pépites. Le plus gcos morceau que nous
ayons vu pesait à peu près une demi-once et contenait 92.7 d'or
fin. Nous avons fait de grandes recherches sur la distribution du
métal et je communique ici quelques-uns des résultats que nous
avons obtenus. Deux faits d'observation générale se sont révélés
tout de suite, à savoir que la richesse des sables augmente avec la
profondeur et que les terrasses de sable qui se trouvent sur les
rives sont plus riches et contiennent de l'or moins pur que le lit
actuel de la rivière.
)> Les dépôts d'alluvion sont nettement stratifiés et les couches
correspondantes peuvent être plus ou moins aisément identifiées à
des endroits éloignés. La couche supérieure a une épaisseur d'en-
viron 6 pieds et contient en moyenne huit grains d'or par tonne de
sable. Au-dessous de celle-ci, on trouve une couche de sable
de 19 pieds d'épaisseur qui ne renferme pour ainsi dire rien
de précieux. A cette profondeur, on rencontre de grands blocs
constituant une sorte de stratum indépendant destiné en quelque
sorte à protéger ce qui se trouve au-dessous d'eux, à savoir, un
sable noirâtre qui contient au commencement vingt-quatre grains
et dont, 6 pieds plus bas, nous avons pu extraire à peu près un
quart d'once par tonne.
» Le roc qui forme le lit de la rivière se trouve au moins à
20 pieds plus bas, c'est-à-dire, au moins à 45 pieds au-dessous de
la surface. Un indigène prétendait l'avoir atteint une fois.
» Les indigènes creusent le sol comme des mulots et font ce
que l'on appelle en Amérique des coyotle-diggings. Ces tunnels ont
environ 4 pieds de hauteur sur 2 de largeur et descendent à une
grande profondeur. Comme ils sont dépourvus de tout puits
d'aérage, le point le plus éloigné que l'on puisse atteindre dépend
de la possibilité de respirer. Comme les couches sont concaves et
deviennent plus minces à mesure qu elles montent le long du flanc
de la montagne, elles peuvent être successivement coupées à
chaque angle. Les galeries des indigènes se dirigent directement
vers la montagne et descendent rapidement jusqu'à ce qu'elles
60 ÉTUDES C0L0NIAEE8
rencontrent une couche riche que les travailleurs suivent alors
jusqu'au moment où leurs primitives lampes à Thuile cessent de
brûler. De minces et maladifs gargons transportent la terre au
dehors, sur leurs dos. [Is sont à moitié nus et les quelques gue-
nilles qui les couvrent sont trempées de Teau boueuse qui découle
de leurs seaux.
La distribution horizontale de Tor est très égale. Nous avons
constaté les mêmes proportions en différents endroits. Il n'est pas
question de surprises sous forme de grandes petites ou d'amas,
mais il n'y a pas non plus à craindre de sérieuses désillusions car
ce que l'on trouve dans un endroit donné, on est sûr de le retrouver
à cinq milles de là, si les deux localités réunissent les mêmes con-
ditions générales.
Sans l'existence des usuriers et des pressureurs officiels, la
population indigène pourrait arriver à une situation prospère. Elle
a malheureusement perdu toute ambition et toute confiance dans
l'avenir. Bien que la nourriture soit à bon marché et facile à se
procurer aux marchés voisins, les indigènes sont trop pauvres
pour faire des provisions et doivent vivre au jour le jour. Les
famines sont fréquentes et la population en est réduite alors
à manger du pain fait au moyen de moelle dassafœtida, tandis
que des caravanes chargées de grains traversent le pays pour se
rendre à Darwaz. »
HBLIOGRAPHIR 61
BIBLIOGRAPHIE
Dans la Grande Forêt de l'Afrique centrale. Mon voyage au Congo
et à la Mongala en 1896, par Franz Thonner (traduit tU Vatlemand), Bruxelles,
Société belge de Librairie, 1899.
Ce volume est la traduction du récit que M. Thonner a publié à
Berlin, avec un grand succès, sous le titre de In Afrikanische
Urwald. Âpres la publication de tant de relations .de voyages au
Congo, un livre de ce genre ne pouvait réussir auprès du public
belge qu'en offrant un intérêt exceptionnel par la fornae comme
par le fond. Le volume que nous examinons remplit ces condi-
tions difficiles. La relation de M. Thonner se distingue par la
simplicité du récit et l'abondance des observations scientifiques de
tout genre. Son voyage a sans contredit rendu les plus grands
services à l'exploration de la région de la Mongala, une des parties
du Congo les plus intéressantes et les plus productives. On remar-
quera notamment les déterminations anthropométriques prises sur
des noirs de diverses tribus, ainsi que le vocabulaire comparé de
onze idiomes indigènes. L'exécution matérielle, point important
dans une publication de ce genre, est fort belle ; de nombreuses
phototypies, d'une superbe exécution, composent près de la moitié
du volume et forment un véritable panorama géographique et
ethnographique des contrées de la Mongala.
lies Colonies françaises, par Paul Gaffarel, Doyen de la Faculté des Lettres
de Dijon. (Sixième édition, revue et augmentée). Paris, Félix Alcan, éditeur.
L'ouvrage de M. Gaffarel est destiné à donner au public français
un tableau, aussi complet que possible, des possessions d'outre-
mer de la République, si considérablement accrues depuis une
vingUine d'années. Ce travail considérable, par la clarté et la
variété des détails, atteint parfaitement le but qu'il vise et peut
être consulté avec fruit par quiconque prend intérêt au mouvement
ÉTUDES COLONIALES
colonial. La nouvelle édition, considérablement augmentée, donne
des notions très complètes sur les nouvelles colonies africaines.
Le Congo français. Le Loango et la Vallée du Kouilou, par le D' Voulgre.
Paris, Joseph André et C», 1897.
Ce petit livre poursuit le même but que le précédent, dans un
domaine plus restreint. On y trouve Tétude sommaire, mais suffi-
samment complète, du Congo français à tous les points de vue. Le
petit traité de la langue fiote qui s'y trouve joint est intéressant
Une tournée en Indo-Chine (Novembre 1895- Mai 1896), par A. Salles.
Paris, ChamerotelRenouard, i897.
Au Tonkin et en Annam, par A. Salles. Paris. Chamerot et Renouard, 1899.
Ces deux récits de voyages, publiés d'abord dans l'Annuaire du
Club Alpin français, dont l'auteur est membre, ont peu de préten-
tion scientifique, M. Salles s'étant proposé surtout d'attirer ses
confrères en tourisme vers les possessions françaises d'Extrême-
Orient. Toutefois les détails descriptifs qu'il nous donne sur les
pays qu'il a traversés ne manquent pas de valeur documentaire.
Les deux brochures se distinguent par la beauté des phototypies.
In Dwarf Land and Cannibal Country. A record of travel and discovery
in Central Africa, by A.-B. Lloyd. London, T. Fisher Unwin, 1899.
La traversée de l'Afrique, dont ce livre renferme le récit, a été
faite dans des conditions particulièrement intéressantes. L'auteur
s'est dirigé de Zanzibar vers l'Uganda, où il a séjourné assez
longtemps. Il y fut témoin de la dangereuse insurrection des Sou-
danais, qu'il contribua à combattre. Voulant rentrer en Europe
par la côte occidentale, il traversa la grande forêt équatoriale, où
il eut l'oci-asion de voir de près les célèbres tribus naines des
Watua, dont il fait une description intéressante. La dernière par-
tie du voyage de M. A.-B. Lloyd s'est faite facilement à travers
l'Etat du Congo; l'auteur nous donne une curieuse expression de
BIBLIOGAAPJIIE 63
la surprise quil éprouva en trouvant le chemin de fer à Matadi,
après deux ans de séjour dans la profonde barbarie africaine. L'ou-
vrage, édile avec le luxe bien connu des publications anglaises,
est enrichi de nombreuses illustrations, dont plusieurs sont très
remarquables.
The History of South Africa to the Jameson Raid, bij C.-P. Lucas, B. â.
Oxford, Clarendon Press, 1899.
On trouve dans ce livre une histoire complète du Cap et des
colonies voisines, depuis les premiers établissements européens.
Ce récit clair, intéressant, développé sans excès de détails et suffi-
samment impartial, permet de se rendre compte des événements
qui ont amené la situation si compliquée de l'Afrique Australe
actuelle. Les événements qui s'accomplissent en ce moment
donnent au travail de M. Lucas une importance documentaire
exceptionnelle.
IjE République de Colombie. Géographie, histoire, etc., par Rie. Nunez,
consul général de la république de Colombie, et Henri Jalhay, consul de la
république de Colombie. Bruxelles, D. Stevelinck, 1898.
Dispositions légales réglant l'importation et l'exportation dans les
ports de la république de Colombie, par Carlos Â. Roman, traduction de
Rie. Nunez. Bruxelles, 1). Stevelinck, 1896.
Notice sur la culture du caféier en Colombie, par N. Saenz,
traduction de R. Nunez. Bruxelles, Vromant et C''«, 1894.
Ija République de Honduras. Notice historique, géographique et statistique,
par H. Jalhay, consul de la république de Honduras. Anvers, \^ De Backer,
1898.
La République de Nicaragua. Notice historique, géographique et statistique ,
par H. Jalhay. Anvers, ¥• De Backer, 1899.
Le groupe de publications dont les titres précèdent, mérite
Tattention de quiconque prend intérêt à l'expansion commerciale
universelle. La collaboration de plusieurs agents consulaires leur
donne un caractère presque officiel.
64 ÉTUDES COLONIALES
Le principal de ces ouvrages, celui que nous avons cité en
premier lieu, constitue une monographie très développée des
États-Unis de Colombie, dont les richesses, peu exploitées encore,
méritaient d'autant mieux d'être mises en lumière que le com-
merce belge les avait négligées jusqu'à ce jour. Les renseigne-
ments commerciaux et douaniers sont très nombreux et conçus
dans l'esprit le plus pratique. La notice sur la culture du caféier
constitue une contribution importante à l'étude des cultures
tropicales.
Les études sur le Hondunis et le Nicaragua, moins étendues que
les précédentes, sont conçues dans le même esprit et offrent un
intérêt analogue.
The history of the great boer trek and the origin ot the South african
republiCy by the late bon. Henry^CLOETE (John Murray. London). Prix :
un shilling.
Ce livre est une réimpression d une série de cinq conférences
faites devant la Société littéraire de Pietermaritzbourg, en 1852-
1885, par feu M. Henry Cloete, qui a rempli au Natal les fonctions
de haut-commissaire et occupé au Cap des fonctions importantes.
Ces conférences ont le précieux avantage d'émaner d'un homme
qui a vécu au milieu des événements dont il parle, et, à ce point
de vue, elles sont une véritable source de renseignements pour
l'histoire de la colonie du Cap et pour celle des Boers.
M. Henry Cloete a analysé, avec soin et impartialité, les griefs
que les Boers avaient à faire valoir contre l'administration anglaise
et il met nettement en relief les tracasseries et les persécutions qui
les ont amenés à quitter la colonie du Cap pour se réfugier au nord
et à lest, dans de nouvelles contrées où ils espéraient pouvoir
vivre libres et tranquilles.
L'auteur groupe les griefs des Boers sous trois titres : la ques-
tion hottentote, celle des esclaves et celle des Kafirs. Certains mis-
sionnaires anglais — peu recommandables, d'après le portrait
qu'en fait l'auteur— s'étaient institués les défenseurs des Hottentots,
tracassant sans cesse les Boers et les poursuivant devant les tribu-
naux avec la plus grande légèreté. La question du rachat des
OF THE
UNIVERSITY
SÊIL.
OF
FQHMJj
LIGNES anglaises; +-f + LIGNES FIL\N
LES CABLES S
^0/fSjC
>US-MA19INS
BIBLIOGRAPHIE 65
esclaves augmenta encore le mécontentement des Boers, par suite
de la mauvaise foi du gouvernement anglais qui réduisit à
1,200,000 livres, la somme de 3,000,000 livres qui avait été fixée
par les experts de l'administration du Cap. Enfin, les attaques
incessantes des Kafirs qui enlevaient les troupeaux des Boers et
l'altitude du gouvernement qui refusait d'accueillir les plaintes de
ces derniers et excusait même les Kafirs, mirent un terme à la
patience des Boers qui résolurent de se retirer au Natal et ensuite,
vers le Nord, le long de la rivière du Vaal.
M. Henry Cloete rappelle aussi les incidents les plus drama-
tiques de la vie des Boers, notamment le massacre de Piet Retief
et de ses compagnons qui furent traîtreusement lues, au cours
d'une fête, par Dingaan, chef des Zoulous, avec qui ils venaient de
conclure une cession de territoire. L'auteur décrit aussi l'abomi-
nable exécution de cinq Boers qui avaient fui la domination
anglaise à l'époque des tracasseries judiciaires des missionnaires
et qui furent rejoints en route par les soldats anglais. Ces cinq
Boers ayant été condamnés à mort, furent conduits le 6 mars 1816,
à Slacliters Nek sous le commandement du colonel anglais Cuyier,
qui présida à l'exécution :
« Les funèbres préparatifs furent faits en présence d'un grand concours d'amis
et de parents de ceux qui allaient subir la peine de mort. Ils étaient accourus
de tous les points de la frontière pour adresser un dernier adieu à ceux dont
les existences allaient être sacrifiées bien qu'ils eussent nourri un secret espoir
de voir épargner leurs vies. Mais ces espérances furent douloureusement déçues
quand ils virent l'échafaud dressé pour les cinq coupables. Ceux-ci, pleins de
ivsignalion et de fermeté et assistés d'un digne ministre, le Rév. M. Herbold,
montèrent sur l'échelle fatale d'oii, à. un signal donné, ils furent lancés dans
l'éternité.
Mais, même alors, ils furent coïKlamnés à ne pas voir la fin de leurs misères
L'échafaud avait été construit trop hâtivement et était trop peu solide pour
résister au poids et aux efforts de l'agonie des cinq hommes vigoureux qu'on
venait de précipiter dans le vide. Tout l'agencement céda et les infortunés, se
remettant lentement de l'état d'asphyxie dans lequel ils avaient été plongés
partiellement,- se traînèrent vers l'officier qui avait le pénible devoir de faire
exécuter la sentence, en implorant à haute voix leur grAce. Cet appel fut
appuyé par leurs amis qui se trouvaient en dehors du cercle et qui, voyant dans
cette circonstance la volonté de la Providence, ne purent être retenus qu'à
grand'peine de se frayer un passage à travers le cordon des troupes. »
5
66 ÉTUDES COLONIALES
Mais rien n'y fit, car u les coupables furent ressaisis et les préparatifs furent
refaits à la hAte, de manière que le jour ne s'écoulât pas sans que la sentence
eût été exécutée. Malgré les protestations indignées de Tassistance, les cinq
infortunés furent obligés d'escalader Téchelle, un à un, et les derniers rayons
du soleil couchant vinrent mourir tristement sur les cinq victimes expirantes
qui se balancèrent dans Tair jusqu'à ce que tout souflle de vie fût éteint... Les
cordes furent alors coupées et les corps furent enfouis sous l'échafaud par les
mains de l'exécuteur, au milieu des pleurs et des sanglots de leurs amis aux-
quels on refusa même l'autorisation d'emporter les cadavres. »
Cette scène ne fut jamais oubliée par les Boers. Aujourd'hui
encore, aucun enfant au Transvaal ne l'ignore. Trente ans plus
tard, quand M. Henry Cloetc conversait avec des fermiers boers et
tâchait d'adoucir leurs sentiments d'hostilité à l'égard de l'Angle-
terre, il se voyait encore • interrompu par ces mots : « Nous
n'oublierons jamais Slachters Nek ! )>
La Bibliothèque de la Société recevant de nombreuses publications
périodiques, le Balletin en donnera mensuellement un compte rendu
sommaire, renseignant les articles qui méritent d'être signalés spécia-
lement à l'attention des membres dé la Société, au point de vue des
études coloniales proprement dites.
SOCIÉTÉS COMMERCIALES 67
miETES GOMMERGIALES
OONSTITXJTION DES SOOIfiJTfiîS
Sociétés Bolgos
Andréa.
Siège social: Bruxelles.
Constitution: 9 décembre 1899.
Administrateurs: MM. del Marmol-de Macar, banquier à Ensival ;
Renard-de Becker, propriétaire à Bruxelles ; Titeux, directeur de la
société Les Produits de Mayumbé ; Moray, propriétaire à Ixelles.
But: L'exportation, Tacquisition et la vente des produits d'Afrique,
Elle peut établir des usines, sièges d'opération et comptoirs, créer des
succursales en Belgique, en Afrique et dans tous les autres pays.
Capital: 100,000 francs; 200 actions de 500 francs; 300 actions de
dividende.
Répartition: 5 p. c. à la réserve; 6 p c. aux actions de capital;
10 p. c. aux administrateurs et aux commissaires, le solde, 50 p. c.
aux actions de capital, 50 p. c. aux actions de dividende.
Compagnie commerciale de colonies.
Siège social: Anvers.
Administrateurs: ftfM. Herman et Alfred Osterrieth; H. Albert de
Bary, président de la Société Anversoise d'Entreprises Coloniales et
Industrielles; Victor Meer; Edouard DeRoubaix; Auguste Grisar;
Gabriel Trarieux, administrateur de la Compagnie Commerciale
Française du Congo.
68 ÉTUDES COLONIALES
Commissaires: MM. A. de LaveleyeLynen, Léon Fuchs et Kirstal.
But : La Compagnie Commerciale des Colonies est destinée à prendre
la suite du département des caoutchoucs de la firme Osterrieth and C*'.
La société nouvelle bénéficiera des contrats que cette puissante et
ancienne maison avait contractés avec diverses sociétés coloniales
belges et françaises et vendra à Anvers notamment, les produits
coloniaux (ivoire, caoutchouc, etc.,) de la Compagnie Belge des Caout-
choucs du Matto-Grosso (Brésil), de la Compagnie Française du Congo,
de la Compagnie Française de l'Afrique Equatoriale, etc.
Capital : 1,500,000 francs divisé en 3,^00 actions de 500 francs
entièrement souscrites et libérées de 20 p. c.
Répartition : 5 p. c. à la réservé légale et 5 p. c. d'intérêt au capi-
tal appelé: 15 p. c. au conseil, 15 p. c. à la direction et 70 p. c. aux
actions.-
Sociétë belge égytienne de PEzbekieh.
Siège social: Bruxelles.
Administrateurs: S. A. le prince Saïd Haliin Pacha, MM.Limauge,
Nieuwenhuys, Hamoir et Borelli.
Constitution: 30 novembre 181H).
Objet: Entreprise de constructions, pour compte de tiers, de tous
magasins, palais, maisons et autres édifices, sur des terrains apparte-
nant à ces tiers et situés dans le périmètre de la ville du Caire.
Capital: 6,000 actions privilégiées de 50 francs chacune et
6,000 actions ordinaires, sans mention de valeur.
Compagnie Commerciale et Industrielle de la Côte d'Or
(Afrique occidentale).
Sous ce titre, se constituera à la fin de ce mois une société au capi-~
tai de 500,000 francs, ayant pour but Texploitation d'un domaine
(à la Côte d'Or) extrêmement riche on caoutchouc et acajou et dont la
contenance est de plus de 50,000 hectares. Cette exploitation est
SOCIÉTÉS COMMERCIALES
accordée pour une période de quatre-vingt-dix-neuf ans, une fois
renouvelable. En outre, cette Société formera la base de plusieurs
entreprises similaires, dont elle s*est, dès à présent, assuré la préfé-
rence.
Les Cultures de San Thomé.
Prochainement sera constituée, à Bruxelles, la nouvelle société
Les cultures de San Thomé, au capital de 1 million de francs.
La nouvelle société a pour base une exploitation en pleine activité
et en plein rapport, située près de la capitale qui est le plus grand
port de cette île si florissante ; la propriété est à 1,800 mètres du port,
et les magasins et bâtiments à 3 kilomètres.
F^a superficie des terrains est d'environ 1,200 hec^tares, dont la
moitié est exploitée en cultures de cacao, caoutchouc et café, et
Tautre moitié contient de nombreuses lianes de caoutchouc et les plus
riches essences de bois. En ce qui concerne le cacao, 600,000 pieds de
<!acaoyers sont déjà plantés, dont 500,000 en rapport. Le personnel
de la société se trouve déjà sur les lieux et se compose de six agents
blancs et de cent dix travailleurs indigènes.
European Extrême Orient Company.
Siège social: Bruxelles, Boulevard du Hainaut, 87.
Administrateurs : Michel Goutharet; Routier; Bourdelain, Van
Cuyck-Orval.
Commissaire: (t. Nieberding.
But: Importation et exportation vers les pays de rExtréme Orient.
Capital: 125,000 francs; 2,500 actions de 500 francs; 2,500 parts
de fondateur.
Répartition : 5 p. c. à la réserve; 5 p. c. nux actions de capital ; sur
le surplus; 15 p. c. aux administrateurs et commissaires, 2o p c. aux
actions et 60 p. c. aux parts de fondateur.
70 ÉTUDES COLONIALES
Société Françaiso
Société de TOuémé (Dahomey).
Siège social: Paris.
Administrateurs : MM. Adolphe Samson, publiciste, à Paris;
Albert Leplene, administrateur de l'Ouest africain : René Henry,
ingénieur, à Paris.
But: Elle a pour but Texploitation de 137,000 hectares situés au
Dahomey.
Capital: 500,000 francs ; 5,000 actions de capital; 6,000 parts de
fondateur.
PÉKIN-NORD. — MONIIMENI HK MAUHUK.
OF THE
UNIVER8ITY
OF
ÉTOOES GOIiOHlflliES
No 2 7« Année Février 1900
LA CHINE
d'après des auteurs récents
La novîgation fluviale est appelée à se développer d'une façon
considérable, et il y aurait là certainement, pour les Belges, une
source sérieuse de bénéfices, s'ils mettaient à profit les renseigne-
ments que l'auteur de « The Break up of China » donne aux cham-
bres de commerce britanniques. Il n'y a pas longtemps que la
plupart des voies de navigation intérieure sont ouvertes aux
navires à vapeur européens. Le 2â juin 1«98, après une oppo-
sition violente, le vice-roi permit aux petits steamers laccès des
cours d'eau de l'intérieur, aboutissant au Yangtzé. La vi!le de
Tching-Yang, ouverte depuis 1858 sur le fleuve, à proximité du
grand canal, fut la première station d'eau d'où les navires partirent.
Toute une petite flottille de bateaux, une trentaine de petits
steamers, naviguant sous divers pavillons, sillonnent actuellement
ce cours d'eau, et les résultats, en ce qui concerne les transports
de passagers, dépassent toutes les prévisions... En quatre mois
environ 100,000 passagers quittèrent ou arrivèrent nu port de
Tching-Yang; le trafic des marchandises n'était pas encore, il y a
quelques mois, en proportion avec le transport des passagers,
maiî^ Lord Beresford ne voit, dans celte disproportion, que le
résultat d'anciens règlements qui ne tarderont pas à dispîiraîlre et
qui permettent encore actuellement aux fonctionnaires de barrière
72 ÉTUDES COLONIALES
d'exercer leur mauvais vouloir et leur mauvaise foi, pour relarder
les steamers marchands en cours de route. Ces tracasseries, au
sujet du Likin et du Lotich-ouy, ainsi que le refus de permettre la
résidence des Européens en dehors des villes du traité, sont
le plus grand obstacle au trafic fluvial pour les cargo-boats
étrangers
Lord Beresford recommande vivement l'emploi du pavillon
britannique sur tous les bateaux anglais, naviguant ù l'intérieur.
Les cours d'eau attirent d une manière spéciale l'attention du
savant amiral, qui y reconnaît, avec raison, la voie de pénétration
la plus naturelle, en même temps que la plus facile et la moins
chère de l'empire. Il est peu d'endroits d'importance qui ne peu-
vent être atteints par voie fluviale, le pays étant couvert d'un raer-
veillt'ux réseau de fleuves et de rivières reliés entre eux par des
canaux creusés depuis des siècles. Malheureusement, comme bien
d'autres choses en Chine, les magnifiques voies fluviales tombent
en décadence... Le grand canal, une des merveilles de l'art, qui
relie tout le nord de l'empire au Yangtzé, est à sec en plusieurs
places, m:^is est encore navigable sur une centaine de milles et le
serait, sur toute son étendue, si l'argent du trésor, destiné à le
maintenir en bon état, ne se perdait pas en grande pafrtie avant
d'arriver sur les bords du canal. Entre Tching-Yang et Soochow, et
dans la partie nord, des bancs de sable, en attendant que des
dragues y soient amenées, empêchent, pendant plusieurs mois, le
passage même de bateaux n'ayant pas un tirant deau de 3 pieds;
mais comme le budget prévoit chaque année des ressources consi-
dérables pour l'entretien du grand canal, et que le passage des
navires y est soumis à taxe, le remède devra bientôt être appliqué
au mal.
La principale voie fluviale de l'empire est le Yangtzé, qui n'a
d'égal dans le monde que l'Amazone. Ce fleuve, sur l'étendue de
3,000 à 3,500 milles de long, part du cœur même du pays et arrose
sur son parcours les provinces les plus riches qui forment un bloc
de 700 à 750,000 milles carrés Le Yangtzé est navigable l'été, sur
une distanc^^ de 680 milles à partir de la mer, c'est-à-dire jusqu'à
Hankow, même par les grands navires transatlantiques. Passé Han
kow,la navigation devient plus difiicile,mais non dangereusc,et les
steamers, duo- tonnage ordinaire, peuvent encore remonter à
LA CHINE TB
Ycbnn$; silué à 370 milles plus loin. De là à Tchonking, les
grandes joncqucs font généralement le service, à cause des rapi-
des, que peu de steamers osent franchir; ce sont des joncqués
plus petites quî vont à Pincksham, et de légères embarcations qui
se rendent de là à 200 milles plus loin. Il n'y a pas de fanaux la
nuit; les trois compagnies de navigation, de MM Jardine et
Matlicson, de MM. ButerPield et Swin et de la China Marchand Com-
pany, ont placé des bouées permanentes à Etoo : mais malgré cela,
chaque compagnie se précautionne à chaque voyage, et place ses
bouées. Ce fond sablonneux n'est pas stable eU à certaines places,
les bancs changent chaque jour. Il arrive qu en remontant, on ait
7 à ^< pieds d eau, alors qu'à la descente on n'en trouve plus que 4,
au même endroit. En élé tout steamer tirant 16 à 18 pieds passera
jusqu'à Ychang; en hiver cette ville ne sera accessible qu'aux
bateaux de 6 pieds, mais il y a suffisamment de fond à Ychang pour
qu'un steamer y demeure toute l'année une fois qu'il y parvient.
Les fameux rapides du Yangizé se trouvent entre Ychang et
Kwachow sur une distance d'environ 146 milles, mais Lord Beres-
ford, qui a fait, à leur sujet, une enquête approfondie, déclare
qu'ils sont loin d'être aussi dangereux et aussi difficiles que les
rapides du Nil et qu'avant peu « les cart;o-steamers » les franchi-
ront. Une société allemande s'est même constituée dans ce but.
Les joncqups qui font actuellement le service sont plus habiles
que partout ailleurs et jaugent de 50 à 60 tonnes; leur seul incon-
vénient est de mettre trop de temps pour remonter le courant qui
est assez fort, c'est-à-dire de 8 à 9 nœuds, la différence de niveau
étant quelque fois de 5 à 6 pieds sur 800. Les crues les plus fortes
furent de 132 pouces en vingt-quatre heures, les plus fortes
baisses des eaux de 59 pouces en vingt-quaire heures; elles
eurent lieu en 1891, respectivement les 6 et 8 mai. Ces rapides,
qu'une navigation prudente permet de vaincre avec succès, sans
trop de difficultés, pourraient être utilisés comme force motrice et
servir à produire l'électricité, ainsi que la force nécessaire pour
hâler les navires contre le courant; avec une dépense de 1,200,000
à 1,300,000 francs on rendrait le cours d'eau accessible aux
grands steamers, en toutes saisons.
Le grand canal qui, après le Yangtzé, est la voie de pénétration
la plus considérable, part du Tientsin vers le sud et croise sur sa
74 ÊtUDBS COLONIALES
roule de nombreuses rivières ainsi que le Yangtzé lui-même; maïs
au sud de ce fleuve, Lord Beresford vit le lit du canal à sec servir
de lieu d*ébats à des troupes de pouneaux; tout cela, simplement
par manque de soin. Les in<;énieurs trouveraient là un champ
d'activité sans bornes : en oflbt. si ce canal élait suflisamment
entretenu, ce seniit une voie de pénétration excellente, une valeur
inappréciable pour le conunrrce de la nation. Malbeurcusement le
mandarin qui touche annuellement de fortes sommes pour main-
tenir la navigabilité du canal n'a même jamais été se promener au
sud du Yangtzé.
Le fleuve de l'Ouest, qui se jette dans la mer près de Canton,
et arrose des provinces dont pour ainsi dire chaque partie est
cultivée, n'est pas aussi important; le seul cours d'eau qui puisse,
en étendue, rivaliser avec le Yangtzé est le Fleuve jaune. Malheu-
reusement il n'est pas toujoui-s, ni partout, navigable, si bien qu'on
ne pr* voit pas le jour où d<»s steamers européens pourront le
remonter; ses plaines d'alluvions sont les plus riches champs de
blé de la (Uiine, il serait donc à souhaiter qu'on améliorât dans la
mesure du possible le régime de ce fleuve; le ca()ilal consacre à
cet ouvrage de longue haleine ne serait certainement pas impro-
ductif.
Après les chemins qui marchent et en attendant les chemins de
fer, dont nous allons parler à Tinstant, les chemins qui ne mar-
chent pas, les routes, doixent attirer notre attention. Sur une
longueur totale de plus de 20,000 milles, elles relient entre eux
les principaux points du territoire et Lord Beresibrd dit qu'ayant
visité Pékin il y a trente ans et y retournant l'an dernier, il a
trouvé la ville trente foi? plus sale, sentant trente fois plus mau-
vais, et les routes trente fois plus mauvaises... Une mule s'est
noyée dans une fondrière de la route, en fiice de Tune des légations
étrangères! Et cependant le système de routes est bon en Chine,
malgré leur mauvais itat; tout ce qu'il faudrait, ce serait de
rendre ces soi-disant roules, convenables pour les transports des
gens et des marchandises; aussi, Lord Beresford, concul-il h la
création d'un départemcni de voies et communications sur terre et
sureaux. En ce moment, ajonte-t-il, l'argent, destin»^ à la réfection
et à l'entretien des routes, prend une direction seule connue d^
LA CHINE
76
fonctionnaires; un mandarin perçoit des sommes assez ronde-
lettes pour l'éclairage des rues de Pékin, et, dit l'amiral, on
m'îïssurc que le budget alimente six lampes à huile : encore ne
saurais-je dire en quelle localité on les a placées.
Quand les roules seront mieux entretenues, les voies fluviales
débarrassées de leurs obstacles flsçaux et naturels, le grand cana
V^|^^^^^^^^^^^^^H^^r9^^^^^^^^^^^^H;
■y
''"■^•jjii 1
s^ ■ i
^BJÊ^ 1
^M4
SHANGHAI. — JARDIN FT MAISON DE THÉ.
PHOTOOBAPniB COMBIUNIQUÉB PAB 11. L. JANSSBN.
approfondi, les Chinois verront dojà, sans doute, leur patrie
sillonnt^e, dans plus d un sens, par le dragon qui crache du feu,
glissant sur les voies ferrées.
De même que les Romains n'étaient pas plus tôt entrés dans un
territoire vaincu qu'ils y ouvraient ces routes solides que nous
admirons encore aujourd'hui, de même, de nos jours, l'extension
européenne ne se comprendrait pas sans la locomotive; il n'est
donc pas étonnant que Lord BcresfQrd consacre aux chemins de
fer un chapitre spécial de son ouvrage et que nous songions à
le reproduire presqu'en entier.
7G ÉTUDES COLOMALES
Chemins de fer. — La Chine a déjà 345 milles de voies ferrées
en exploitation, mais cest là peu de chose en comparaison des
lignes actuellement en construction et de celles dont les plans
sont seulement arrêtés et dont nous ne parlerons pas; les
quatre grandes lignes en ce moment en construction sont :
La ligne Lu-Han ou Pékin-llankow, dont les 700 milles passent
à travers les provinces du Chilhli-Unan et Upcch ; la concession de
celte voie, pour laquelle 75 millions furent souscrits en France et
50 millions en Belgique est une concession belge; elle paraît
appelée à un avenir brillant.
La ligne Sanhaikwan-Newchvvang, pour laquelle un syndicat
britannique a fourni les fonds, est une ligne chinoise sous con-
trôle chinois, mais les Anghis ont grevé la ligne d'une hypothèque
pour garantir leurs avances.
Les doux autres grandes voies ferrées, celle de Stretken à Vladi-
voslog, et h\ ligne russe Mantchoue, sont toutes deux des
voies stratégiques pour la Russie, mais serviront évidemment aussi
au commerce. Il est probable que malgré l'opposition de TAngle-
terre et les progrès du Japon en Corée, les locomotives russes arri-
vant à destination sur ces lignes déjà actuellement gardées par les
Cosaques, feront de la Manlchourie une province russe. Il est
à remarquer que l'écarlement des voies sur ce parcours est du type
normal russe, cest-à dire de 5 pieds, contrairement à toutes les
autres lignes chinoises qui n ont que 4 pieds 8 1/2 pouces.
Lord Beresford rappelle qu'on ne doit pas perdre de vue en
construisant les chemins de fer, les usages et les mœurs du peuple,
les conditions spéciales du climat et du pays. Les consinictions
coûteuses d'Europe et les matériels légers et rudimentaires d'Amé-
rique sont également à éviter. C'est entre ces deux types qu'il faut,
pour la Chine, choisir un modèle mixte et se baser beaucoup plus
sur l'avis de gens expérimentés de là-bas que sur l'opinion d'auto-
rités étrangères. Les tarifs doivent être modérés, sinon les Chinois
aimeront mieux marcher et le trafic des marchandises ne donnera
pas grand rendement. L'auteur de « Break up of China »,aprèsavoir
conclu que si les lignes de chemins de fer ne sont pas tuées dès
l'abord par quelque extravagance, la plupart d'entre elles seront
d'un bon rapport, donne les détails suivants sur le coût du chemin
de fer, en prenant comme exemple la-Jigne de Tongshan.
LA CIUNE
77
Il y a dans les ateliers de Tongshan, environ 1,000 employés
chinois qui gagnent 4 1,000 livres par an. Le po^rsonnel étranger
se compose d'un directeur pour les locomotives, d'un caissier, d'un
dessinateur-géomètre, d'un directeur de magasin, d'un magasinier-
chef et d'un chef chaudronnier, qui gagnent ensemble environ
1,866 livres. Le matériel roulant sortant en moyenne par an de
ces ateliers se compose.de :
146 wagons de 10 tonnes.
210 id. 20 id.
10 voitures de première classe.
28 id. deuxième id.
10 id. à frein à 8 roues.
8 wagons de 15 tonnes réparées.
n id. 20 id. id.
Le coût approximatif de ces ateliers, y compris ce qui est payé
aux compagnies de mines, ainsi que pour l'eau, le bois, le com-
bustible, le salaire des Européens et des Chinois, s'élève à
14,000 livres, soit environ 352,000 francs par an. La valeur appro-
ximative actuelle des ateliers de Tongshan avec leurs installations
de machines est estimée à 48,000 livres, soit environ 1,200,000 fr.
Les ateliers couvrent une superficie de 1 ,050 yards carrés ; l'étendue
totale des terrains servant aux travaux est de 17 acres. La consom-
mation annuelle de combustibles se décompose comme suit :
Qualité NO Ô . . .
16 tonnes^
id. 9 . . .
60 id.
id. 5 menu .
200 id.
id. 9 id. .
2,234 id.
id. 1 coke .
186 id.
id. 2 id. .
. . 151 id.
Statistique pour les locomotives :
La distance de Tientsin à Tchoung Uso, est de 213 milles sur
laquelle, en moyenne, 36 locomotives roulent par mois, la plupart
78
ÉTUDES OOLONIALBS
sortant de la maison Deubs de Glascow, les autres de la firme
américaine Balduin ; l'exploitation des locomotives coûte :
I. — Salaires des mécaniciens indigènes et des
dides
n. — Salaires des inspecteurs et mécaniciens
européens
m. — Charbon
IV. — Divei*s objets
V. — Lubrifiants, huiles étrangères et indigènes.
VI. — Un tiers du salaire des employés étrangers
Total
Taku
LlTBBS
2,290
324
940
133
5,295
740
316
44
750
106
520
75
4,422
La réparation des locomotives coûte :
VII. — Matériel de réparation (y compris une part
proportionnelle dans les frais d'ate-
lier)
VIII. — Salaire pour les réparations (id.) . . .
IX. — Provisions consommées par la vapeur . .
X. — - Coolies, divers, etc
Total
Frais totaux pour les locomotives.
Total général
Soitfr. . . .
1,778
251
1,378
223
121
17
274
38
S29
1951
48,775
Dépenses par mille (1,6047 k.) occasionnées sur Un mois, pris
dans une moyenne de six mois (Frais d'exploitation) :
Hot
I, 11, VI
HI
IV. V
vii,vni,ix,x
SALAIRES.
COMBUSTIBLE
LUBRinANTS
etc.
COÛT TOTAL
Dl
L*rXPLOITATIfMI
RÉPARATIONS.
. COÛT TTAL
DK L'aPUIITATlOa
iT un
WLtfKmAXtOU.
t, 0.0 i 3/4
soit enTÎron
fp. 0.17 1/2
£ 0.0 2 3/4
fr. 0.27 1/2
t, 0.0.0 1/2
fp.O.(«
3L 0.0.5
fr. 0.50
C 0 0.1 3/4
fr. 0.17 1|2
t, O.O.G 3,4
fr. 0.67 1/2
LA CHINE
79
Pendant les H mois éôoulés, les tubes de 4 chaudières durent
être renouvelés, 5 foyers et 2 chaudières remplacées; la durée
moyenne des tubes dépasse en Chine, 2 ans, les chaudières durent
15 ans, les foyers 5 ans. Les plus anciennes machines importées
le furent d'Angleterre en 1883. M. Kinder, homme très compétent
en la matière, donna à Lord Berestord les renseignements sui-
vants : les: machines américaines sont employées de préférence,
*%.
%
m
f
1
..^-^^^
:>;.-^^^^H
^^^^^^ftlt KlM^L-t^i .^^^^^^H
i
rr j^' ■ <**
^■^mL^I ^^3H~i^^^^^^H
PÉKIN. — ENTRÉE DE LA VILLE TARTARE.
PHOTOGRAPHIE COMMUNIQUÉE PAR H. L. JANSSBN.
bien qu'inférieures aux machines anglaises, vu qu'elles rachètent
ce désavantage de qualité par leur prix moindre qui est de
1,850 livres au lieu de 2,800 et par la rapidité plus grande de
livraison qui est de 4 n^ois et demi au lieu de 24 mois. M. Kinder
construit maintenant lui-même des machines qui reviendront pro-
bablement à 1,600 IL chacune. Il fait tout dans ses ateliers chinois,
excepté les roues et les essieux, et il dit éprouver de grandes diffi-
cultés à trouver des ouvriers habiles. On emploie en Chine le sys-
tème d'attaches américain contant 10 livres par wagon.
Le chemin de fer de Pékin à Shangkwan (3 milles), coûte
80 ÉTUDES €OLQMALES
0,000 livres le mille tout compris, matériel roulant et atelier, c'est-
à-dire environ 93,457 francs le kilomètre. Cette ligne, qui est en
ce moment in seule en exploitation effective en Chine, emploie
tantôt des rails d'acier de 83 livres, tantôt des rails de 70 ou
60 livres, tous du type Sandberg; leur durée moyenne est de
I) ans.
Les Anglais et les Russes, ces derniers surtout, ont su obtenir
de la Chine de sérieuses faveurs pour les lignes construites avec le
capital de leurs nationaux notamment l'exemption des droits d'en-
trée pour tout le matériel. Les Russes en ont fait une des condi-
tions de leur contrat avec la Chine et ont, en conséquence, déjà
importé 36,000 tonnes do matériel sans payer aucun droit. Lord
Bereslord se demande si cette exemption est légitime, puisqu'elle
prive d'un bénéfice escompté la douane impériale, dont le produit
sert de garantie aux poricurs de titres des emprunts.
On remarque dans tout le livre de Thomme d'Etat anglais la pré-
occupation constarite de montrer à ses nationaux quels progrès
énormes la Russie a fait en Chin^, surtout en Mantchourie. H jette
comme un cri d'alarme chaque fois qu'il rencontre les sujets du
Tsar sur sa route et ne peut s'empêcher de reconnaître qu'avec le
chemin de fer stratégique et ses 120,000 hommes dans la Sibérie
orientale et en iManl hourie, la Russie aura bientôt en Chine une
situation prépondérante. Il raconte que chaque fois qu il expose à
des interlocuteurs chinois une idée profitable à l'Angleterre, mais
à laquelle la Russie pourrait être diversement intéressée, les auto-
rités chinoises lui répondent : « Votre idée est bonne, mais que
diraient les Russes? ».
Toutes les industries, commft le chemin de fer, auront grande
chance de se développer en Chine, car les conditions primordiales
de succès ne leur manqueront pas : il y a du charbon en très
grand'* quantité. Les Célestes n'ayant aucun bon système d'extrac-
tion, doivent abandonner les niines à une certaine profondeur;
d'autre part, les routes pour transporter les produits ne sont pas
suffisamment entretenues. Le charbon se vend environ iO francs à
la mine même, mais il y a du charbon en grande quantité, entre
autre à Hankow, à Kwangnin, où il se vend 23 francs la tonne,
alors qu'à 400 milles de là, à Usawghin, il ne coûte pas 10 francs.
LA CHINE 81
Lord Beresford visita les mines Tonkshau; leur rendement est de
2,000tonnes par jour,mais pourrailclregrandementaugraenté. Ces
mines, (|ui sont restéesiOans sans rapporter aucun dividende, sont
maintenant d'un excellent profit; 1 ,000 Chinois, très bons mineurs,
quand les étrangers les dirigent, travaillent aux puits. Le charbon
se vend à la mine de 1 1,25 à 43 francs la tonne. On y creuse un
nouveau puits de 15 à 1,700 pieds de profondeur. Les mines de
Tonkhan et deLuisi qui donnent 450 tonnes par jour ont rpoduit,
en 1896,488.540 tonnes; en 1897, 538,5-20 tonnes; en 1898.
650,000 tonnes; il y eut une moyenne de 35 p. c. de gros charbons
et de 65 p. c. de menu; la production du coke, qui n*est pas
encore travaillé d'après les méthodes de l'Europe, s'élevait en 1895,
à i 1,136 tonnes ; en 1896, à 24,097 ; en 1897, à 29,428 tonnes.
Outre les mines de charbon, il y a du fer, du cuivre, du zinc et
même de l'or dans plusieurs districts.
Lord Beresford passe en revue toutes les villes inléressantes de
la Chine et il serait trop long de le suivre dans cette voie; il nous
a semblé cependant que l'une de ces villes intéresserait surtout la
Belgique, non seulement parce qu'elle est le point de départ de la
ligne de chemin de fer belge mais parce qu'elle est située si admi-
rablement qu'elle deviendra dans un bref délai le Chicago du
Céleste empire. C'est de Uankow que nous entendons parler... Là,
comme dans les ports ouverts, les Anglais et les Français ont des
concessions ou setilemenis pour une durée de 99 ans, c'est-à-dire
qu'ils forment avec nos nationaux une ville dans la ville, s'admi-
nislrant eux-mêmes, votant leurs impôts, organisant une police,etc.
La Belgique obtiendra peut-être, par une politique habile, les
mêmes avantages ; quoi qu'il en soit, en ce moment les Anglais,
Jes Français et les Russes ont des concessions obtenues, dit Lord
Beresford. à la pointe des bayonneltes, ce qui est un moyen de
discussion radicale, mais pas chevaleresque quand un adversaire
est faible comme l'empire chinois.
Les cours dcau, surtout le Yangtzé, nous l'avons vu plus haut,
sont ici navigables; mais les cours d'eau intermédiaires sont peu
sûrs. L'Angleterre a l'intention d'y envoyer quelques bateaux
armés de canons pour tenir les pirates à dislance, exemple qui ne
peut manquer d'être suivi avec, fruit par les autres nations. Le
si irUDES COLONIALES
commerce du thé se fait à Hnnkow sur une grande échelle,
ainsi que le commerce du bambou, de la laine, de la plume, de la
soie et des chiffons; il y a des filatures de coton, une fabrique
dallumeltes, fondée en 1897 par des Chinois, au capital d'un
million de francs et qui donne d'excellents résultats. On vend
à Hankow de Tor, de l'argent, de l'antimoine venant de I in-
térieur de la province et l'on y importe beaucoup de marchandises
d'Europe. Enfin, il y a là une aciérie et une fonderie dirigées par
des Belges,employant 1,000 hommes et donnant 75 tonnes par jour,
de même qu'un établissement pour couler l'acier Ressemer, pou-
vant produire 80 tonnes par jour et en même temps tout entier
occupé à fournir des rails pour le chemin de fer de Shonhaikwang
et ce, a raison de 120 tonnes par jour. Le charbon, qui est excel-
lent, vient de llunan à 200 milles de là où on ne l'extrait qu'à la
surface du sol, au moyen de pioches. Si les directeurs anglais et
belges pouvaient avoir un contrôle absolu sur toutes les parties de
cet établissement, ledividende serait certainement très élevé, mais
il arrive parfois que les fourneaux doivent s'éteindre, tantôt faute
de charbon, Uuitôt faute de minerais
Toute b province est très riche en minerais divers, notamment
en cuivre et en zinc. Si Ton permettait aux étrangers d'exploiter
les mines avec le capital et l'énergie nécessaires, en payant au
gouvernement une redevance pour chaque entreprise, les compa-
gnies pourraient faire de très grosses forlunes et la Chine y
trouver un accroissement sensible de ses revenus. 11 est à regretter
que cette province si riche en produits naturels soit si hostile aux
étrangers: les Célestes y sont si méfiants qu'après avoir commandé
pour une mine d'or, entièrement entre leurs mains, des machines
pour près de 500,000 francs à une maison américaine, ils ont
voulu monter tout le matériel eux-mêmes, refusant aux monteurs
américains l'accès de la mine et des environs, de crainte d'en voir
divulguer les richesses.
La question de l'or nous amène naturellement à parler de la
monnaie et en général des finances de la Chine. Si Lord Beresford
en entamant ce chapitre s'est excusé de devoir s'en référer aux
opinions exprimées par des financiers compétents de Chine et
d'Angleterre, directeurs de banques et autres, nous serons encore
LA CHINE
.<^
A
bien plus excusables en nous référant au résumé si documenté que
fauteur donne de celte opinion.
Lord Beresford rapporta plus de 30 espèces de monnaies diiïé-
rentcs circulant en Chine. M Bard a, dans son livre, réservé un
chapitre amusant à cette question de monnaie. Nestor Roqueplan,
dit il disait avoir connu un infortuné qui avait entrepris de se
rendre du boulevard des Italiens à TOdéon et qui, lorsqu'il était
m
iL
j#<^9B^
, J
^
*;^'««*»..
Si
pi^ 1
.'4^-';. ~
m ''
, i
1 . JM^il
1
t^uiiiiil
'mr^ i
Jff^
H
i{\^
i
c
^.j :
3 1
\i r
1 m^
w
l
\
PÉKIN. — PALAIS D*éTË. PAGODE EN BRONZE.
arrivé à destination avait les cheveux blancs. Semblable sort
menace le le teur bienveillant que nous allons entretenir de la
monnaie chinoise. Il y a d'abord le sapecqm adonné lieu à celte
plaisanterie justifiée que lorsqu'on rencontre une brouelle remplie
de sapées, cela veut dire que cest un bonhomme qui va payer une
somme de cent sons. En effet, pour faire la somme de un dollar,
il faut 8 livres anglaises en sapées, reliés par des ficelles. Le poids
de ces SOO où 1,000 pièces brise souvent le lien qui les relient
en chapelet, et alors il faut ramasser loute celle niilrnille et la
renfiler à nouveau! Et pourtant, pendant plus de 40 siècles, celle
84 ÉTUDES COLONIALES
monnaie a été la seule qui Tût frappée en Chine! Mais la valeur de
celle monnaie nationale diffère de place en place. Un empereur
cbinois, conlinue M. Bard, ayant un jour décrclé que le stock de
monnaie de son empire serait augmenté par le procédé éminem-
mentsimplede donner nominalement à chaque sapec la valeur de 2,
on trouve encore trace de cette mesure dans certaines provinces
de la Chine,
Dans une quantité d endroits un cent de sapées n est pas un cent,
et voici pourquoi : un autre empereur, ayant résolu de faire frap-
per des sapées de fer, voulut les mettre en circulation, mais ses
troupes les refusèrent unanimement ; aux environs de la Grande
Muraille on trouve des quantités de ces pièces que morne
les numismates ne ramassent pas. La tentative a cependant
laissé des traces qui subsisteront encore longtemps après qu'on
aura perdu le souvenir de cette cause de modlRcation aux usages
monétaires. Les mandarins ayant reçu Tordre de faire rentrer
celte monnaie en circulation, le peuple s'y refusa; il s'ensuivit une
longue discussion. Les autorités proposèrent d'introduire 50 sapées
de fer contre 50 de cuivre. On arriva à un arrangement et quoique
pas un sapec de fer n'ait été accepté par personne, il fut convenu
que 85 sapées de cuivre constitueraient un cent, les mandarins
étant censés en avoir fait accepter 15 en fer; ailleurs on a transigé
à 77.
Avec une monnaie aussi incommode, il est naturel que le Chi-
nois ait de bonne heure songé aux billets de banque ; aussi quoique
l'Ëlat n'en émette pas, les banques particulières en font un usage
constant. On en trouve qui valent un peu moing d'un franc. Ces
billets ne sont cependant pas commodes, car avant de les recevoir
il faut s'informer en quelle monnaie ils seront payés, en vraie ou en
fausse, en chapelet de 850, de 770 ou de 500 pièces.
Nous avons déjà fait remarquer au cours de ce travail quelle
était la cause de la faiblesse financière en Chine. Lord Beresford y
revient pour constater que le crédit de l'empire est loin d être bon,
la seule ressource absolument certaine, la douane impériale, étant
obérée jusqu'au dernier centime et le pays n'ayant ni bons garants
à offrir pour les emprunts nouveaux, ni revenus certains pour
faire face aux obligations sans cesse croissantes ; les revenus de
certaines provinces, nous l'avons vu, ont même déjà été donnés
LA CHINE 85
en gage pour garantir certains emprunts et Ton se demande avec
anxiété par quoi ces provinces vont remplacer les revenus dis-
parus pour subvenir aux charges de Tadininistration provinciale
et des travaux publics. L^Empire est dans une mauvaise situation
financière, non pas parce que les revenus sont imsuffisants, mais
parce qu'ils sont gaspillés ou mal administrés : La Chine est seule-
ment mal gérée, de sorte qu'avec une réorganisation financière
bien entendue, et la constitution d'une police et dune armée
sérieuses, son crédit national ne peut manquer do se relever et de
devenir de tout premier ordre. Mais comment s'étonner de sa
pénurie actuellequand on songe que le revenu toUil de 85 millions
de taels ne représente que 1/5 de ce qui est réellement encaissé,
en d'autres mots que 80 p. c. de la recette sont absoi bés par les
frais de perception. Pourquoi, dit Lord Beresford, ne relèverait-on
pas le crédit financier chinois comme on a relevé celui de l'Egypte?
La dette publique de Tempire, pour laquelle les douanes furent
données en garantie, s'élève actuellement de 50 millions à 60 mil-
lions de livres; les emprunts contractés sont les suivants :
i. — Emprunt de 1894, anglais, de 10 miUions de lacis, argentà 7 p.c.
remboursable en 20 ans;
2. — Emprunt de 1895, anglais, de 3 raillions de livres, or à 6 p. c.
remboursable en 20 ans ;
3. — Emprunt de 1895, franco-russe, de 16 millions de livres, or
à 4 p. c. remboursable en 36 ans;
4. — Emprunt de 1896, anglo-allemand, do 16 millions de livres, à
5 p. c. remboursable en 36 ans;
5. — Emprunt de 1898, anglo-allemand, de 16 millions de livres à
4 i/2 p. e. remboursable en 45 ans.
En sus, il y a deux emprunts d'un million de livres chaque,
garantis par d'autres revenus, mais avec cette clause que, si ces
autres revenus sont insuffisanLs, la douane y suppléera.
Il y a, en outre, quelques petits emprunts encore existants mais,
comme ils ne sont pas garantis, nous les passons.
Ce qui prouve bien que les revenus de la douane sont grevés
jusqu'au delà de leurs ressources, c'est que le dernier emprunt
de 1898 est garanti non seulement par le produit des douanes, mais
encore par le produit de la perception du Likin. Disons ici en pas-
86 ÉTUDES COLONIALES
sant qu'il est regrettable de voir les puissances s'appuyer pour un
emprunt sur une perception que tous les efTorte devraient tenter
d'abolir, « le Likin, » nous lavons vu, étant un des plus grands
obstacles au commerce international. Sans doute l'Angleterre et
l'Allemagne ont-elles accepté celte garantie du Likin en attendant
mieux et seront-elles tout disposées à convertir cette garantie en
une autre équivalente, le jour où la réorganisation financière de la
Chine se fera.
L'ère des emprunts est donc passée, aucun argent ne doit plus
être avancé à la (ihine, si ce n'est pour les entreprises produclivcs
donnant aux porteurs une garantie de remboursement, et, au pays
lui même, des ressources nouvelles, capables non seulement de
payer l'intérêt mais d'accroître ses revenus au delà de ce qui en
sera disirait pour faire face aux emprunts.
La question des chemins de fer et des mines est intimement liée à
ces questions d'emprunt et Lord lieresford se demande si le public
se rend bien un compte exact de ce que ces rapports veulent
dire. Va-t-on seulement remplir les poches des lanceurs d'affaires
ou faire œuvre prolitable tant à la Chine qu'aux actionnaires?
Les concessions sont si tentantes sur le papier ! mais sont-
elles réalisables? et même en ce cas, donneront-elles bientôt ou
jamais les profits que l'on vante? Le public ne saurait agir avec
trop de prudence, ni se renseigner assez au sujet de ces conces-
sions auprès des gens compétents se trouvant en Chine même. Où
est située la réj^ion exploitée? quelles sont ses ressources ? quel
est l'esprit de la population indigène? comment le monde ofliciel
a-t-il été amené à encourager le projet, quelles difficultés locales
seront à surmonter, quels sont les moyens de transport et quels
débouchés la nouvelle entreprise a-t-elle déjà, va-t-elle développer
ou créer? Autant de questions qui doivent solliciter toute l'attention
du public.
L'auteur continue en constatant qu'en adjoignant un conseiller
financier à l'administration et aux recettes, en réformant le système
monétaire, en établissant une banque centrale gouvernementale et
en donnant de la publicité aux recettes provinciales et autres, on
arriverait à quadrupler les revenus de la Chine sans augmenter
d'un centime les impôts existants et tout naturellement il en arrive
à proposer la création dun département financier, dirigé par un
SOUBASSEMENT D'lNK I»AG0I)K
LA CHINE 87
sujet anginis, et dont les autres fonctionnaires seraient cosmopo-
lilos. Liï comme ailleurs, le système de la porte ouverte devra être
praliqué à lencoutre de celui des sphères d'influences : nulle autre
question ne souffrirait autant de ce dernier système que la ques-
tion (inancièro; tailler la Chine en morceaux, c'est assurer la dispa-
rition des revenus garantissant les emprunts.
Le système monétaire chinois est aussi confus et aussi désespé-
rément com()romis que son système finîincier. Nous avons vu que
le (( Uiel » est I étalon de la valeur à travers tout lempiro, mais ce
que nous n'avons pas encore dit, c'est que le taol n'est pas, à pro-
prement parler, une monnaie, c'est un poids d'argent d'environ
i, à l J/3 douce; mais ce poids varie encore de province à pro-
vince. L'éUdon commercial est le tael Hai-kwainien ou tael de la
douane, fixé en 1897 comme suit:
Pour les opérations de bourse de Paris, Londres, Berlin, Cal-
cutta et Hongkong.
3,73 Francs français ;
2 Shelling il 3/4 d. anglais
0,72 Dollar or Américain
3,03 Marks allemands
2,34 Roupies indiennes
1,50 Dollar américain.
C'est le Kuping tael (tael du trésor), le Kneiping tael (lael de
Shanghaï) et le tael d'Hankow qui sont le plus généralement en
usage. Ce dernier vaut exactement 3 p. c. de plus que le tael de
Shanghaï et il y a une différence de 10 p. c. entre le plus élevé et
le plus bas de ces trois taels. Non seulement, dit Lord Uercstord,
le tael n'est pas une monnaie, mais je n ai jamais pu rencontrer
dans (oute la rhine un poids d'argent représentant exaclemeut un
tael. La monnaie courante en Chine est le dollar, mais il y en a
neuf espèces, dont cinq sont frappées dans le pays; le plus gène-
nilemejit employé est le dollar étalon frappé au Mexique, les
autres sont :
Le yen Japonais
Le dollar Caroius (d'Espagne)
Le dollar Français (piaslre d'Indo-Chine)
Les monnaies divisionnaires se composent de 5, 10, 20 et
2
88 ÉTUDES COLONIALES
50 cents frappées en Chine, mais les monnaies divisionnaires que
la Chine empltiie surtout sont les cash de cuivre dont la valeur est
de un millième de dollar. Quant au rapport du cuivre à l'argent,
Tauteur de « Break up of China » dit qu'il ne peut mieux Texpli.
quer qu'en rapportant trois questions posées par la Chambre du
commerce de Londres à la Banque de Hankow et de Shanghaï, et
les réponses qu'y lit M. Addis, directeur du Comptoir de Shanghaï,
i'* Question. — La monnaie de cuivre est-elle mise en circula-
tion aux établissements de frappe en Chine à un taux plus élevé
depuis qu'on a fermé les monnaies de l'Inde ou bien cette augmen-
tation de valeur alléguée de la monnaie de cuivre se manifeste-t-elle
après la mise en circulation?
2* Question. — Quelle est l'exacte augmentation de valeur et
quelles furent ses fluctuations?
3* Question. — La baisse des grains et des salaires a-t-elle suivi
la hausse de la valeur de la monnaie de cuivre?
L — Il est diflicile dit M. Addis de répondre à la première ques-
tion dans les ternies où elleest posée. Les établissements de frappe,
les monnaies en d'autres termes, ne sont pas « ouvertes » en
Chine, dans le sens que Ton donne à ce mot. Ce sont des institu-
tions gouvernementales qui achètent le cuivre, le frappent en pié-
cettes de poids et de composition fixes et finalement le lancent en
circulation en en pa>antles soldats et les fonctionnaires. On ne
peut donc pas dire qu'ils livrent la monnaie à un taux plus ou moins
bas ou élevé parce que, l'élalon du poids et la composition étant
déterminés, il n'y a pas de terme de comparaison à établir entre le
cuivre et l'argent. Le taux du change entre la monnaie de cuivre
et l'argent est déterminé par la quantité de cuivre monnaie en cir-
culation. La fermeture des monnaies de Tlnde n'a pas eu non plus
d'effet quant à la composition et au poids des monnaies de cuivre
chinoises: leur type est demeuré invariable. Un lael, (environ
1,1 1/3 d'once) poids de Kung-Fa argent, suffit actuellement pour
acheter du cuivre en assez grande quantité pour frapper 388 grands
sapèques de Pékin ou 7 4/5 detiao (i tiao = 50 grands sapèques
ou 1.000 sapèques nominaux). Dans la capitale, où les fonction-
naires et les soldats reçoivent leur paie, suivant un taux depuis
longtemps fixé à 14 tiao pour un tael du gouvernement, le cuivre
peut toujours être frappé dans une certaine mesure, la perte re-
LA CHINE 89
tombant sur le trésor impérial. Pour obvier à cette perte, on a pro-
posé de réduire le type de la monnaie de cuivre, mais l'Impératrice
douairière s'y est opposée craignant de mécontenter ses soldats.
Dans les provinces, pendant ces cinq dernières années, on peut
dire que la frappe du cuivre a été presque entièrement remplacée
par la frappe de l'argent. En 1897^ les monnaies de Tiensin,
Uchang, Pootcbow et Canton, ont émis les monnaies division-
naires argent suivantes :
214,796 pièces de 50 cents
3i,ar>9,57i pièces de 20 cents
17,892,931 pièces de 10 cents
66,921 pièces de 5 cents
Au taux de, disons 920 sapèques au dollar, cette monnaie
représente l'équivalent de 7,508,902,242 sapèques cuivre, d'une
valeur supérieure à 8 millions de dollars.
II. — Les autres valeurs de cuivré, comparées h l'argent, varient
suivant les provinces depuis la fermeture des monnaies aux Indes.
On peut dire cependant que la moyenne de celte hausse est de
25 p. c. La sapèque de cuivre, sans doute à cause des nombreuses
pièces usées en circulation, obtient sur le marché un prix inférieur
à sa valeur intrinsèque en argent. Aussi s'il est vrai de dire, comme
on l'a vu plus haut, qu'avec un tael argent on achète du cuivre en
assez grande quantité pour frapper 3S8 grands sapèques de Pékin,
il convient d'ajouter qu'il faut 550 de ces sapèques pour obtenir,
sur le marché d'échange, un tael d'argent. Et il y a néanmoins une
hausse de 25 p. c. dont on tient compte. Les causes doivent en être:
l"* La pénurie de sapèques, due à la cessation de la frappe depuis
les dernières 5 à 6 années; 2° La grande quantité de monnaie
fondue pour un usage domestique en guise de lingots de cuivre ;
3® La demande toujours croissante de cette monnaie par une popu-
lation sans cesse grandissante.
III. — La valeur du cuivre ayant augmenté en comparaison de
l'argent, on aurait dû s'attendre à trouver une baisse proportion-
nelle des denrées alimentaires et des salaires. Or, c'est précisément
le contraire qui a eu lieu ; la valeur d'achat du cuivre a monté en
proportion de ce que l'argent est tombé comparativement aux
salaires et aux denrées.
00 ÉTUDES COLONIALES
Ainsi \n fîirine, pour laqiu'llft en 1892 on paynit 2 Uiftis 40 ou
l,70i grands sapoques les 133 1/3 livres, vaul 4 larls tO ou
2 310 i;rîiiKls ?îii fqi is, (u {-î h. Le riz qui î-c M) fiail u) 1*92,
3 dollars 37 ou 3.îi38 saprqnrs Us 213 l/.-J livn?, s\sl vendu
6 dollars 33 ou 5,823 5iaprquis n\ 1898. Onnnionl e.\[iliqurr celle
anomalie? La Royal Aaiatic Society a adressé à co, snjel, h ses
membres en Chine, un quislionnalre que M. F.-E. Tayl(»r sicré-
lairc slalislicien des douanes impériales, analyse dans un rapport
résumé i ar M. Âddis.
Ce dernier, loul en admellaiiL qu'une augmcnlaiion de p<»pula-
tion (au^menfant loujnurs l:: drmande de pnMJuils <ln loule
espèce, alors que la haisse de lardent comparée à Tiu* favorise
les exporlîilions) a une ccrliîine influence, relient c<*pi'ndant
comme cause principale de l'anomalie a(»parenlo ce Tail, que
largent est comme valeur (r.'icliat tombé proporliounriirmcnt
beaucoup plus bas encore que ravilissement de la rni|)pe n a fait
tonïber la valeur d'achat ilu sapé(pie.
Lord Beresford, après avoir reproduit Tanonudie ci-dessus,
répouil à deux questions supplémentaires : I** l.elalon d'or est-il
possible en < hine? Non, dil-il, |)arce que la b.-dauee du (*onnnerce
étant en défaveur de laChim»,il e.sl probable qmî roruedemeiirerait
pas dans le {)ays; 2° quelle variatiou dans le pri\ d(»s deiiré(»s a été
la ct)nséquence de la variation du change? Il répoud : sur six
matières imporlées et de première nécessilé, cinq oui haussé de
30 à 41) p. c. et l'une a baissé de 42 p. c. de janvi(»r i8'M) à octo-
bre 18î»2. Le chan^^e élait de 4 sh. (> d. en I^i'O, il élait de
2 sh. 8 d. en 1898. Les salaires ont également augmenté car ils
sont pa>és en sapéques ; or, en IS90 pour un lael d argent on obte-
nait 1,400 sapéques, tandis que maintenant on n'obtient plus que
1,200 sapéques.
En terminant ce chapitre, si intéressant, des finances chinoises.
Lord Charles, déplorant la diflerence monétaire, souv(»nt grande
dans un espace très restreint, ajoute qu'on pourrait porter remède
à cette situation et préconise les mesures suivantes :
L — Création d'un bureau des finances ayant à sa tète un
étranger, conseiller financier du gouvernement chinois;
11. — Etablissement d'une compt^ibilité publique el réforme des
moyens de perception des taxes intérieures;
LA CHINE
9t
III. — Ef4iblisscraent d'une banque gouvernementale ou privi-
lège donné d.nis ce sens à une banque existanle;
IV. — Création d'une monnaie nalionale, modilîcation du sys-
tème monélainî qui serait admis dans tout lenipire;
V. — Ntnnination par la Chine d'unnconnuission de personnes
autorisées qui feraient une enquête au sujet'de la question etcon-
VOLtUKS A LA GANGUE.
PHOTOGRAPHIE COMMUiNIQUkE FAK M. L. JANSSEN.
clueraient sur la meilleure façon d'introduire les modiflcaiions
souhailéos.
Mais, dit Lord Boresford, ce n'est pas seulement raugmentalion
des salaires des fonctionnaires et l(»s perfectionnements du sns-
lème flnancier de la Chine qui arriveront à modilier lelat de cor-
ruplion et de desordre du pays; ce qu'il faut avant tout, c'est
donner au pouvoir central, au gouvernement, une autorité ferme,
qui se fasse respecter de tout le monde, qui oblige tout le monde
à observer les traités et les lois.
92 ÉTUDES COLONIALES
Une telle autorité ne peut être obtenue qu'avec l'aide d'une
armée et d'un corps de police solidement organisés.
Sans doute cette armée, livrée aux seules autorités chinoises,
rentrerait dans le désordre, si jamais on l'en faisait sortir; mais
ce n'est pas ainsi que l'entendent ceux qui veulent des forces
sérieuses en Chine. Cette armée et cette police seraient organisées
parles puissances suivant un système européen, c'est-à-dire, avec
des budgets publics et bien équilibrés, avec ordre et loyauté;
alors on pourrait organiser fortement toutes les administrations du
pays.
Lord Beresford ne pouvait manquer de s'occuper très sérieuse-
ment de l'armée et de la marine chinoises. Dès son arrivée à Pékin,
il pressent le prince Tchui et les Ministres duTsong-li-Yamcn, afin
de savoir si le gouvernement impérial n'agirait pas sagement en
invitant les nations, ayant un intérêt commercial dans l'empire, à
envoyer quelques officiers pour travailler à la réorganisation de
l'armce chinoise. Le prince répondit que cela entrait parfaite-
ment dans ses vues et que le Tsong-li-Yamen y souscrirait, sans
doute, quand il aurait la conviction que les Anglais désirent sim-
plement agrandir leur commerce sans rechercher des agrandisse-
ments territoriaux.
L'empereur et l'impératrice douairière ne tardèrent pas à
reconnaître qu'il était de l'intérêt de la Chine de proléger le com-
merce et l'industrie, et donnèrent un commencement d'exécution
aux idées préconisées par l'amiral anglais. Le Tsong-li-Yamen
ordonna aussitôt, au v. ce -roi de Ilunan et d'IIupé, d'avoir
2,00U hommes sous les armes afin qu'un officier anglais pût les
faire manœuvrer; i,0')Ode ces hommes devaient être chinois et
sous la conduite de S. E. Tchong-lchi-tong, 1,000 autres seraient
de Mantchourie, dirigés par le généryl tarlare Hsiang-Ing. Or,
quand Lord Beresford, quelques semaines après, arriva à Hankow
et y rencontra le vice-roi, ce dernier l'informa qu'il avait reçu des
dépêches du commandant de réunir ces 2.000 hommes, mais que
deux obstacles s'opposaient à la réalisation du désir du Tsong-li-
Yamen. D'abord, dit-il, si je réunis ces 2,000 hommes ici,
l'exemple sera suivi par toutes les nations qui recruteront des
Chinois, dans la contrée qu'elles se plaisent à appeler « leur
sphère d'influence » et cela conduirait au démembrement de la
LA CHINE 93
Chine. Ensuite, il est impossible de placer les troupes chinoises et
mantchoues sous un même chef et de les amener à travailler de
commun accord. Du reste, ajouta le vice-roi, je n'ai aucun ordre à
donner aux troupes mantchoues, lesquelles sont sous une direc-
tion et une administration différentes. L'expérience n'eût pas
lieu.
Cela n'empêche pas Lord Beresford de faire une enquête
sérieuse par tout l'empire et il arrive à cette conclusion qu'il
n'existe aucune protection efficace pour le développement du com-
merce étranger en Chine, et, qu'actuellement, le commerce anglais
n'est pas en sécurité en dehors des ports ouverts, si Ton entend par
sécurité celle qui est le résultat d'une organisation militaire effi-
cace. Personne, dit-il, ne connaît la force des armées chinoises,
pas même le gouvernement chinois lui-même. Les forces sont
divisées en troupes mantchoues dont les Chinois sont exclus, et
en troupes chinoises qui admettent certains Mantchous dans leurs
rangs. Les armées dans le Nord et près de Pékin sont presque
toutes commandées par des princes Mantchous ; elles sont esti-
mées à 170,000 hommes, mais sans unité de discipline, de
méthode ou d'organisation; il y en a des tronçons dans presque
toutes les grandes villes de l'empire, dirigés par des généraux
Mantchous ou Tartares.
Ces troupes mantchoues jouissent de privilèges que ne par-
tagent pas les troupes chinoises. Chaque homme mantchou, qu'il
appartienne ou non à l'armée, a droit au riz et à 3 taels par mois,
à payer par le gouverneiiient, mais s'il n'est pas de l'armée il doit
s'enrôler à la première réquisition. Nul ne sait quelles sommes
sont consacrées à cette organisation, mais on les estime de un à
trois millions de livres, dont évidemment une bonne partie s'égare
dans la poche des fonctionnaires.
C'est le vice-roi qui, dans la province, paye l'entretien des
troupes, excepté des troupes mantchoues. Dans la province de
Chilhli, l'armée du général Juan-Shi-Kai et l'armée impériale sont
entretenues aux Irais du trésor,'; ces troupes ne sont pas destinées
à quitter les environs de Pékin; chaque soldat de l'empire a droit
à 3 taels (9 sch.) par mois, mais la façon de payer la nourriture et
l'habillement varie d une province à l'autre. Dans l'une les troupes
reçoivent l'argent pour se nourrir et se vêtir, dans d'autres, on
94 ÉTUDES COLONIALES
les nourrit et on les habille; tout cela dépend des généraux.
Comme ceux-ci ont un traitement plutôt nominal, ils se ra trapent
sur les fournitures. L'un de ces généraux qui commande à
iO,00() hommes, sur le papier, n'a en réalité que 800 hommes
sous ses ordres: quand son supérieur passe l'inspiction doses
troupes, il loue des coolies, à raison de 55 centimes, pour remplir
les vides le jour de la revue, et le général inspecteur, qui a lui-même
reçu qm*lques sojuiantes et trébuchantes marques de sympathie
pour fermer les ycîux, met au rapport que tout est en purEût état.
L'armée est c<imposéo de volontaires, mais une fuis qu'on y est
entré, il est diUicilc, sinon impossible, d'en sortir. Bien que cette
question militnire sorte un peu du cadre que nous nnus étions
tracé il paniit inlér ssant de reproduire le rapport de ccrUiine^
inspections [.assécs pur Lord Bercsford L'auteur roi^la deux jours
et une nuit avec le général Juan-Shi-Kai, et eut toute opporlunité
pour, non soulonicnt voir manœuvrer ses troupes, n!:«is pour exa-
miner leur équipement, ainsi que les magasins et même h's livres
de paie. L'armée de ce général comple 7,4C0 honniies presque
tous originaires de Tshangtong. Ces hommes et ceux <le la pro-
vince de Unan sont réputés les meilleurs soldais. L'infanterie est
armée du Mauser allemand; la cavalerie a des Innées ei des cara-
bines Mauser; Tartillerie se compose de dix batteries de six pièces,
de différents calibres, tirant des projectiles de I à 6 livres. Tonles
ces troupes firent à Lord Beresford la meilleure impression, tant
au point de vue de l'éducation militaire que de la diseipliiie; les
armements, sauT l'artillerie et les canons Maxim, éUii^nt en parfait
état. C'est la seule armée qu'il vit en Chine, se rapprochant de nos
armées européennes, sans doute parce que ce général, faisant
une brillante exception, consacre à ses troupes tout l'argent
qui leur est destiné. La cavalerie Mongole, forte d'environ
100,000 honmies est conduite par des princes Mongols, suivant
un système féodal; ces troupes ne sont pas payées; on les dit
favorables à la dynastie actuelle.
A l'exception des troupes du général Juan-Shi-Kai, toutes les
autres n'ont pas ou n'ojit que peu de pratique du tir, ni aucune
orgsmisation de transport.Chose presque incroyable,certainssoldats
sont encore exercés au tir à l'arc et cela d'une façon étrange : ce
qu'il importe, ce n'est pas d'atteindre le but, mais de prendre, en
LA CHINE
9o
tendant l'arc, des poses très académiques. Lord Beresford, conti-
nuant rinspcction, consUite que, dans farméo de S. E Lion-Kwen-
Lî, qui est supposée f«»rte de i20,000 houuues, il n'en a vu
que 8,000, que ces hommes sont très vigoureux, bien habilles, mais
mal disciplinés; il y a trois types de fusils dans une compagnie.
Résumant ces observations, dont le détail nous entraînerait trop
loin, l'auteur nous dit qu'il a renconirc quatorze types différents
RESTAURANT AMBULANT.
PHOTOGRAPMIJS CUMMUNIQUÉE PAR M. L. JANSSEN.
de fusils dans les armées dont il a passé l'inspection, plusieurs
espèces de couleuvrines et plusieurs types d'arcs et de flèches. 11
cite le fait suivant pour montrer à quel degré de ridicule atteint
parfois l'organisation militaire chinoise. Le consul de Wuchouf,
raionte que, pendant les dernières émeutes, les soldats étaient
armés, si l on peut décomment s'exprimer ainsi, de toutes espèces
d'ustensiles, fusils, sarbacanes, cors, joncs et aulres instruments
tapageurs; les patrouilles étaient, en grande partie, sans arme,
cerUiins soldats portant seulement une cage d'oiseaux et un éven-
tail ; et cependant, dit Lord Beresford, on ferait une armée splen-
06 ÉTUDES COLONIALES
dide avec ces hommes; ils ont toutes les qualités nécessaires pour
devenir d'excellents soldats; ils sont sobres, obéissants et très
prompts à s'instruire. Leur héroïsme n'est pas exceptionnel :
ainsi, pendant la guerre sino-japonaise, on trouva le corps du
général Isu, après la bataille de Yalu, entouré de cadavres de cen-
taines, de ses soldats qui s'étaient fait tuer autour de lui. Il ne faut
pas juger de la valeur des troupes chinoises d'après le résultat de
la guerre avec le Japon. Quand elles étaient commandées par des
chefs habiles, elles étaient mal armées, tandis que, quand leur
armement était bon, Thabileté des chefs laissait à désirer.
Pour être complet, nous devrions suivre Lord Bercsford dans
sa visite aux arsenaux et aux chantiers, admirer avec lui larsenal
et la cartoucherie d'Hankow; mais il est temps de conclure et de
reproduire ici les réflexions finales de fauteur, qui résume ainsi
toutes ses impressions :
« Les négociants anglais, et ceci s'applique évidemment à tous
ceux trafiquant déjà en Chine, voudraient obtenir une garantie
pour le capital qu'ils ont exposé; une assurance sembhible devrait
pouvoir être donnée à ceux qui ont f intention de les imiter; plus
le commerce se développera, plus les capitalistes demanderont la
protection de la mère patrie pour les garantir. Si un sentiment
d'insécurité existe actuellement, il est dû à l'état de fait lesse du
gouvernement chinois, à sa corruption et à sa pauvreté ainsi
qu'aux nombreuses émeutes qui éclatent partout dans le pays. Ce
n'est pas que la population soit corrompue : elle est au contraire
honnête; c'est le gouvernement seul et son système de recrutement
et de paiement des fonctionnaires qui laissent à désirer. Les
émeutes ne cesseront que le jour où la corruption des mandarins
aura disparu, et où une armée et uue police sérieuses prêteront la
main aux ordres du pouvoir central.
Si la Chine se désagrège, si le pouvoir central affaibli n'est
plus respecté comme il devrait l'être dans les provinces, n'est-ce
pas aussi la faute des puissances qui, à la pointe de la baïonnette,
obligent les Chinois à de continuelles humiliations dont l'écho
parvient évidemment à l'intérieur du pays? Ce n'est pas en déraen-
branfc la Chine qu'on en fera une nation vigoureuse. Ce qu'il faut
au contraire, ç'e^t panser ses plaies, c'est la guérir et la fortifier.
S3
^ a
-• 8
'i
=
98 ÉTUDES COLONIALES
Ce qu'il faut c'est que les puissances s'entendent pour réorga-
niser rnrniée et la police où, à défaut d entente, que l'une d'elles
prenne l'initiative de faire en Chine ce que l'Angleterre a fait en
Egyple; la population chinoise honnête, respectueuse de l'aulorilc,
se prclora sans nul doute à une réforme qui ne peut que lui pro-
fiter. Qu'on n'objecte pas le coût énorme dune pareille reforme;
il sullirait d'y consacrer l'argent qui jusqu'ici, sortant du trésor,
tomhe dans la poche des inlcrmédiaires au lieu d'arriver à sa
deslinalion. »
(/est ici que Lord Beresford revient à la question brûlante de
la poliliqu'- des sphères d'influence. Qui pourrait dire, écrit-il, ce
que coulerait celte politique en vies humaines et en perles d'ar-
gent, Vésullat forcé de guerres de tarifs; qui pourrait prédire ce
qu'il en coûterait aux puissances européennes pour délendre et
adniiuistn^r par elles-mêmes la population de cet inimense empire
dont I esprit vieux de 4,000 ans ne peut être que forcément con-
servaicur. Des sphères d'influence nominales, comme les Alle-
mands en ont à Shongtang et les Russes en Mantchourie, pourraient
exister tant qu'un scnïblant d'autorité se trouvera à Pékin; mais
quand ce pouvoir s'évanouira, tout croulera dans le sang, au
milieu des émeutes, des rébellions et des massacres, car ce n'est
pas d'un trait de plume qu on change une nation de 400 millions
d'âmes.
On a dit avec raison que le danger d'une nation faible est dans
l'esprit de jalousie de ses voisines qui n'attendent qu'un moment
favorable pour la partager entre elles. Or, ni Lord Beresford, ni
personne, ne changera l'âme des peuples : la jalousie, l'égoïsme
féroce ne cesseront pas plus de battre dans les veines d'une nation
que dans celles des individus. L'ii»térèt sera toujours, hélas, le
mobile des actions humaines, la grande directrice de tous les
mouvements. Ceux qui auront intérêt à l'intégrité de la (^hine
trouveront les plus beaux arguments, les plus humanitaires, pour
condannier la politique des sphères d'influence ; linlérêt viendra-
t-il à changer, la politique changera et le mot « civilisation »
servira une fois de plus à commettre de monstrueuses injustices ;
c'est en son nom qu'on mutilera la Chine, comme on a déjà mutilé
tant d'autres peuples dont le seul tort était de n'avoir pas de bons
canons.
LA CHINE 99
Ce que nous devons souhaiter nous, potit peuple travnilleur
qui nvons lout à gagner ù voir la Chine ouverte au coininorce de
loules les nations, c'est qu'il se trouve en ce vasle rnqiiic qurique
lionnne d'état très intelligent qui suive point par point la diplo-
matie ottomane vis-à-vis des puissances et les cnipcclie d(». se parta-
ger la (ihineen leur montrar.t, ù chacune en particulier, qu'elles
ont un bien plus grand inlérêt à s'en abstenir.
La pdiitique de la porte ouvcrle, conclut Lord r.eroslord. est la
meilleure et la plus juste, car elle ouvre la Chine égalomont à
tou(('s les nations conimei'çan tes et industrielles du ginbr; mais on
ne maintiendra celte polilique qu'en s'assurant que, de l'antre côte
de la porte ouverte, la chand)rc sera en bon ordre.
C'est pour y établir ce bon ordre qu'il faudrait lémganiser
l'armoe, les finances, les impôls, autoriser les élrangrrs h résider
dans l'intérieur, supprimer les barrières fluviales qni grèvent le
connnerce, modifier les règlements du Likin, lacdiler Toclroi aux
étrangers de concessions minièri.»s, introduire proj^n'cssivrnu^nt en
Cliine, nos instUutions et nos lois induslrirlU^s, manpn>s de
fabrique, etc., en un mot doter ce vaste empire de toutes les
mesures qni ont fait leurs preuves partout comme élant éminem-
ment favQrab es à tous les intérêts.
Dans toutes ces reformes, la Belgique aura certainement son
mot à dire; seule peulêlre parnn les nations, elle es! [Hussante
par le travail, l'industrie et le conmierce, sans que sa puissance
puisse p(»rter ombrage à personne. Et le rôle d étlnealrit;e de la
Chine, que les grandes puissances ne verraient qu'avec jalousie
assumer à l'une d'entre elles, ce rôle elles consentiraicînt penl-ètre
à nous le laisser prendre. Mais encore faudrait-il vonloir le prendre.
Cest pour déterminer cetle votonlé individnelle ou coMective à
naître ou à se fortifier que nous avons cru bien faire en nuaiant
sous les >eux du public belge les passages les plus remarqnables
du meilleur livre qui depuis longtemps ait été écrit sur la (hine.
Mais en attendant que les grandes réforn»es soient exécntées,
faut-il s'abstenir d'entreprendre des affaires en Chine? Les diffi-
cultés suscitées aux étrangers sont-elles irrémédiables actuelle-
ment? Ce n'est pas l'opinion de ceux qni ont vécu dans le ( éleste
Empire et qui ont pu observer les causes du succès de plusieurs
sociétés industrielles.
100 ÉTUDES COLONIALES
Le Chinois n'a pas conflance dans les mandarins dont il se voit
exploiti') : mais il travaille volontiers pour un mandarin associé à
des étrangei*s parce qu'il reconnait l'honnêteté en affaires des
européens.
D'un autre côté, si les mandarins sont intéressés dans une
entreprise, ils mettent leur influence au service de celle-ci et la
préservent, non seulement de l'hostilité de la population, mais
encore des mille tracasseries administratives sous lesquelles une
industrie appartenant uniquement à des étrangers succomberait
le plus souvent.
£n attendant que les grands abus soient extirpés et que la Chine
soit r« ellement ouverte, on peut donc y errer des entreprises |
prospères à la condition d y intéresser les mandarins. I
Nous avons tenu à reproduire cet avis que nous avons entendu
émettre par des voix très autorisées. Il corrigera 1 impression, ,
peut-être trop pessimiste, que laisse le résumé du livre de sir j
Ch. Beresford. I
I
G. DE Levai. |
LA MALARIA
D APRES LES DERNIERES RECHERCHES DES ITALIENS
0' R. B^OOBKT
Élève de rinsUtui de Bactériologie de Louvain
Dans ces quelques pages, nous n'exposerons pas longuement
l'état actuel de nos connaissances sur la malaria, ni les conclusions
d'expériences personnelles ; nous parlerons uniquement des résul-
tats des dernières recherches faites par les auteurs italiens, Grassi,
Bignami, Bastianelli, Gelli. Un séjour de deux mois au laboratoire
du professeur Bastianelli, à l'hôpitaJ du S. Spirito, à Rome, nous a
permis de nous mettre au courant des dernières découvertes.
Nous croyons pouvoir nous dispenser de faire ici l'historique
de la question ; Nuttall a fait tout récemment une analyse très pré-
cise des travaux modernes; une répétition serait inutile (1).
Etioiogie. — Comment l'homme gagne-t-il la malaria? — Pen-
dant de lonjcues années Ion a discuté différents agents d'infection,
Tair, l'eau, le sol. Ultérieurement, l'on fut conduit à croire que les
mosquitos n'étaient pas étrangers à la propagation de la maladie.
Ross, le premier, en fournit la preuve expérimentale en décrivant
le cycle évolutif de l'hématozoaire des oiseaux dans le corps du
grey mosquito. Après lui, Grassi, Bignami et Bastianelli (2) ont
éludié et décrit le cycle évolutif de l'hématozoaire de l'homme dans
Y Anophèles, Actuellement Ion est unanime à admettre que la prin-
cipale, sinon l'unique cause d'infection, est la piqûre du moustique
infecté: en même temps qu'il suce le sang de sa victime, le mos-
(I) Centralbl. f. Bakter. Bd. XXV, 1899 n. 5-10.
(% AUi délia SocieU per gli studi délia malaria.
102 ÉTUDES COLONIALES
quilo déverse dans la plaie les sporozoîdes contenus dans ses lubes
salivairos.
Tous les moustiques peuvent-ils donner la maladie? Non.
Disons ici que Ion admet actuellement {classiHcation récente
de Ficaibi, professeur de zoologie à Messine), trois genres de
moustiques :
G Culex.
G. Anophèles,
G. Acdes (ce dernier manque en Italie).
D après le résultat des toutes dernières recherches, il n'y aurait
que le G. Anophèles, qui, au moins en Italie, serait lagent d'infec-
tion {Grassi, Bignaini, Bastianelli). Dans les lieux infectés de
malaria, l'on retrouve généralement les deux espèces de njousli-
ques; d'ordinaire le G. Culex l'emporte en nombre sur le G. Ano-
phèles.
Evolution de l'hématozoaire de la malaria. — Nous nous
occuperons surtout de 1 hématozoaire des fièvres estives : d'abord
ce sont les mieux connues, et ensuite celles qui offrent, à notre
point de vue, le plus d'intérêt.
La vie du p:n*asite comprend deux phases et nous n'en voyons
qu'une se dérouler chez l'homme.
A. Phase asexticlle, chez l'homme.
B. Phase se.nielle, chez le moustique.
En daulros termes, l'honnne n'est que l'hôte temporaire du
parasite, le mosquilo en est l'hôte définitif.
A. Phase asexuelle. — L'homme infecté par la piqûre du
moustique ressent les premières atteintes de la maladie après une
incubation de 10 à 15 jours. Nous n'insisterons pas ici sur les par-
ticularités de l'accès fébrile, ni sur les caractères qui distinguent
l'organisme des fièvres estives de celui des (lèvres primavériles.
Tous ces détails soiit connus depuis des années, grâce aux recher-
ches de Xlarchiafava, ('elli, Bignami et d'autres. Nous nous occu-
perons surtout d'une forme spéciale, caractéristique des fièvres
estives, c'est-à-dire, des formes senji-lunaires, corps en croissant,
de Laveran.
Les semi-lunes furent considérées dans le temps par Bastianelli
et Bignami, comme des formes stériles. Et, en effet, les recherches
récentes ont prouvé que ces formes sont absolument stériles pour
LA MALARIA 103
rhomme et que dans le corps du moustique seulement, elles peu-
vent préseiiter un développement ultérieur.
De quelles formes dérivent les corps en croissant? Nécessaire-
ment des parasites ordinaires des fièvres estives, et cette transfor-
mation doit s'opérer dans la moelle osseuse : c'est, en effet, dans
celle-ci que l'on rencontre, en quantité considérable, les formes
jeunes des corps en croissant. « Les formes les plus petites que Ton
peut avec certitude ranger parmi les semi-lunes, sont déjà pigmen-
tées, ont les contours bien nets, une réfringence très marquée. Si
donc au début, la semi-lune diffère peu de l'amœbe ordinaire, elle
se différencie bientôt et prend des caractères morphologiques et
biologiques particuliers. » (Bastianeili et Bignami). Dans le sang
-en circulation, on ne retrouve chez Thomme que les formes semi-
lunaires adultes.
Les semi-lunes se présentent à frais sous la forme de corps
allongés, ovalaires, à contour net, à réfringence très forte, et au
centre offrant un espace vésiculaire clair, autour duquel sont
rangés les petits bâtonnets de pigment. Après coloration par la
méthode de Romanowsky (1), Ton distingue dans les semi-lunes :
un corps* protoplasmatique, coloré en bleu pâle, plus intensément
à la périphérie qu'au centre ; un noyau formé par la chromatine
1) Nous ne croyons pas inutile de dcenre ici la mùlhotlo de Uonianowsk} telle que
nous Pavons apprise au lal)oralx)ire du prof. Bastianeili. L'on prépare une solution
d*éosine ^ ù 2 p. c. dons de Peau distillée et une solution saturée de bleu de méthylène (de
la fabrique de Hoeclisl). Cette dernière seule doit être (iltrée. On verse les liquides dans
des burettes graduées, dans Ie8(]uelles on peut les conserver indéfîniment. Au moment
de s'en servir, on mélange les deux solutions généralement dans la proportion de 5 ce.
d*éosinc et 2 ce. de bleu de méthylène. Ces proportions peuvent varier dans une très
faible mesure, mais après quelques tâtonnements, Ton retrouve rapidement les doses
exactes. On agite soigneusement le mélange au moyen d'une baguette en verre, et l'on
obtient ainsi un liquide d'une coloration rouge violet foncé, avec un précipité assez abon-
dant. Pour colorer les préparations, il y a quelques précautions à prendre, il faut verser
le liquide soit dans un verre de montre, soit dans tout autre récipient concave. L'on y
plonge le couvre-objet avec le cùté^'préparé en bas, sur la face concave du godet. 11 n'est
pas inutile de remarquer ces petits détails : si Ton ne prend pas ces précautions, le pré-
cipité qui se produit dans le mélange colorant se dépose sur la préparation, et empêche
de distinguer aucun détail. Les couvre-objets chargés de sang ne doivent pas subir de
préparation spéciale : on les dessèche, les fixe ensuite pendant 20 à 50 minutes dans de
ralcool absolu; après un séjour d'une demi-heure à trois quarts d'heure dans le bain
colorant, la coloration est achevée. On lave à grande eau, sèche et monte dans le baume*
loi ÉTUDES COLONIALES
nucléaire colorée eu rou^^e violet, des bâtonnets de pigment ranges
autour du noyau.
En usant d un petit artifice, on arrive ù distinguer deux espèces
de semi-lunes dans le sang de Thomme, bien entendu quand les
parasites sont arrivés à maturité. Pour cela il suflît de garder une
préparation fraîchement faite, dans la chambre humide, pendant
15 à 20 minutes. L'on examine alors à frais ou après coloration, el
Ton constate lapréscnce de deux éléments différents: les uns arron-
dis fc viicrofjameloeètes, pouvant émettre des flagella ou microga-
mètes; les autres fusiformes ou arrondis » macrogamètes.
Dans les microgamelocèles ou élénienls mâles, le pigment n'a
plus conservé la disposition centrale, mais s'est répandu irrégu-
lièrement; la chromatine, partagée en plusieurs petits noyaux,
s'est mise à la périphérie du corps parasitaire. Au moment de la
formation des flagella ou microgamètes, le protoplasme en dilTé-
rents endroits s'allonge, s'étire, formant un mince filament dans
lequel le bloc de chromatine voisin envoie un prolongement. Ces
flagella ou microgamèles, généralement au noml3re de quîitre sont
donc formés d'une partie périphérique constituée par un mince
étui proloplasmatique et d'une partie centrale ou cylindre-axe, con-
stituée par la chromatine (1). Examinant les flagella dans une
préparation à frais, on les voit animés de mouvemcnis très rapides,
capables de déplacer les globules rouges.
Dans les macrogamètes ou éléments femelles, le protoplasme est
coloré plus intensément; la chromatine moins abondante que chez
les microgametocèles, reste accumulée au centre et entourée du
pigment.
B. Phase sexuelle. — Voilà donc les deux éléments sexuels,
mâles et femelles. La formation des microgamètes ne se fait jamais
dans le sang de l'homme. L'Anopheles, en piquant le malade, suce
avec le sang ces formes arrivées à maturité, et c'est dans l'estomac
du moustique que se fait la formation des flagella ou spermato-
zoïdes, et la fécondation. Celle-ci doit évidemment se faire par la
pénétration d'un microgamète â l'intérieur d'un macrogamète.
(1) Dans les préparations C0Q>ei'\ées dans la chambre Iminide cl colorées ensuite, il
]).^ut arriver que la chromatine n'ait'pas fourni de prolongement cylindraxilc: c*est là
uji accident do préparation.
LA MALARIA 105
Mais jusqu'à présent les auteurs llalicns ne sont point parvenus
encore à saisir sur le fait cette fécondalion, ni dans les prépara-
tions à frais, ni dans les préparations colorées.
Pour suivre le développement ullérienr des formes fécondées ou
Ziyotes^ il faut exanuner l'estomac de TAnophelos: c'est une opé-
ration des plus simple. L*inseclc, enfermé par exemple dans un
tube à réaction, est tué en quelques instants au moyen des vapeurs
dether dont on verse quelques gouttes sur le tampon. On Hxc une
aiguille dans le thorax de Tinsecte, puis avec le dos d'un fin scal-
pel on appuie sur l'extrémité candale; retirant ensuite tout le corps
de l'insecte lentement et prudemment, Ion fait sortir de l'abdomen
les tubesde Mîilpighi d abord, l'estomac ensuite. Pour examiner son
contenu, on vide l'estomac sur un porte-objet ou un grand couvre-
objet, et on répartit uniformément le sang, auquel on ajoute une
petite goutte de formai ine ou d'eau pbysiologique. L'on couvre
d'un petit verre pour examiner à frais, ou bien on laisse sécher
pour fixer et colorer ensuite. On peut également examiner lesto-
mac en entier soit à frais, soit après l'avoir fixé et enrobé à la
paraffine; on y pratique alors des coupes en série.
La première modification que subit la macrogamète fécondée, et
cela 8, 10, 12 heures après la piqûre, est sa transformation en ver-
micule. A l'une de ses extrémités, le corps s'amincit, s'allonge un
peu, en même temps qu'il sincurve légèrement. Le pigment,^
d'abord accumulé dans la partie restée sphérique, se déplace et
s'amasse près de l'extrémité effilée. Ce changement de forme est
utile, en ce qu'il permettra à l'organisme de pénétrer plus facile-
ment entre les cellules épithéliales, pour aller se fixer entre les
fibres de la couche musculaire. (Quelquefois le vermicule reste
fixé entre les cellules de l'épithélium).
Fixé dans la tunique intestinale, l'organisme suit son dévelop-
pement ultérieur: il grossit, s'entoure d'une membrane ou capsule,
en même temps que la chromatine nucléaire se divise et se subdi-
vise : chacun de ces petits noyaux s'entoure d une portion de pro-
toplasme. Arrivé à complet développement, le parasite peut avoir
jusque 70 ja. de diamètre, et présente dans son intérieur une infi-
nité d'organismes jeunes, sous forme de petits filaments, longs
d'environ 7 jx. : ce sont les sporozoïtes. En dehors de ceux-ci, le
parasite renferme encore une matière sans structure ou résidu de
106 ÉTUDES COLONIALES
segtnentation, et des corps spéciaux, appelés communément corp^
bruiiH de Ross, Les auteurs ilaliens reganîent ceux-ci comme le
produit d'altérations régressives du parasite.
A ce moment, c'est-à-dire vers le huitième ou neuvième jour, la
membrane qui entoure l'organisme se rompt, et les sporozoïdes
sont mis en liberté. Ils sont repris alors par la circulation du
moustique et retenus dans les tubes salivaires.
Que deviennent ces sporozoïdes? Ce sont eux qui, introduits
dans le sang de l'homme, produiront chez lui des accès de lièvre,
en un mot, l'infecteront de malaria. En effet, le moustique porteur
de ces jeunes organismes, pique un individu sain, et en même
temps qu'il suce le sang, déverse dans la plaie, tout ou partie du
contenu de ses tubes salivaires. La preuve expérimentale de ce fait
fut fournie par Grassi, Bignami et Baslianelli, à l'hôpital du S. Spi-
rito, à Rome.
Un sujet se prêtant librement aux expériences et n'ayant jamais
été atteint de malaria, fut piqué par trois Anophèles infectés expé-
rimentiilement. Après une incubation de dix à douze jours, le sujet
fut pris de fièvre élevée, avec évolution typique de la fièvre estivo-
automnale. Les moustiques ayant servià l'expérience furent ensuite
examinés: tous les trois présentèrent dans l'intestin des organismes
arrivés à maturité et des capsules rompues: deux seulement
avaient des sporozoïdes dans les tubes salivaires.
iMaison se pose alors la question: que deviennent les sporozoïdes
qui ne sont pas déversés dans le sang de l'homme? Pourraient-ils
dans le corps du moustique passer un temps plus ou moins long
sans perdre leur virulence, et notamment traverser la période
hivernale? Ce sont encore là des questions à résoudre.
Pour arriver à élucider rapidement et complètement, la
question du cycle évolutif de l'organisme de la malaria humaine,
les auteurs italiens ont suivi une méthode expérimentale rigoureuse.
A la suite d'observations précises, ils sont arrivés à la conclusion
que chez l'Anoplieles, l'infection malarique n'est pas héréditaire,
et que par conséquent les larves ne sont pas infectées. Ils ont
recueilli donc, dans les eaux stagnantes des lieux habituellement
infectés de [malaria, quantité de larves aussi bien de Culex que
d'Anophèles. Transportées au laboratoire du S. Spirito, les larves
y étaient conservées autant que possible dans les mêmes conditions
LA MALARIA 107
que dans la nature. Arrivés à complet développement, les mous-
tiques servaient aux expériences. Ainsi, par les Anophèles on fai-
sait piquer des malades présentant des semi-lunes dans le sang.
Ensuite les moustiques infectés de cette façon, étaient examinés
régulièrement, pour suivre les différents stades de développement
du parasite. Pour avoir un développement régulier et assez
rapide, on mettait les moustiques dans une étuve à température
constante de30 degrés : le cycle évolutif de Thématozoaire s'accom-
plit alors en huit à dix jours. A la température ordinaire de
Î8 à 20 degrés, le développement est beaucoup plus lent. Les mous-
tiques pouvaient servir alors à infecter des sujets sains, se prêtant
librement à l'expérience.
De celte façon, Grassi, Bignami et Bastianelli, sont arrivés aux
conclusions suivantes :
En Italie, le G. Anophèles seul peut transmettre la malaria ;
Les formes semi-lunaires sont stériles pour riiomme; ce sont les
formes asexuelles de V hématozoaire des fièvres estivo-automnales;
— annvées à maturité et recueillies par V Anophèles, les semi-
lunes subissent la fécondation, et se développent ultérieurement
dans la tunique intestinale deVinsecte ; — ce développement aboutit
à la formation d'une quantité considérable de jeunes organismes
ou sporozoïtes qui se logent dans les tubes salivaires du mousti-
que; celui-ci infecte rhomme en déversant les sporozoïtes dans la
plaie produite par sa piqûre.
Fièvres primavériles : Pour les hématozoaires de la fièvre quarte
et tierce commune, Bignami et Bastianelli ont décrit un cycle évolu-
tif analogue dans les grandes lignes, à celui de Torganisme des
fièvres estivo-automnales. Évidemment, les formes sexuelles ne
sont pas représentées par des semi-lunes, qui forment l'apanage
exclusif des fièvres estivo-automnales.
A un point de vue plus général, Bignami et Bastianelli ont
montré encore, que les parasites dans le corps du moustique
conservent :
i** Leurs caractères morphologiques : on peut toujours distin-
guer, par exemple, l'organisme des fièvres estivo-automnales de
celui de la lierce commune;
2" Leurs propriétés féhrigènes particulières : un Anophèles
infecté expérimentalement de tierce commune, donne toujours à
108 ÉTUDES COLONIALES
riiomme une tierce commune typique; au contraire, infecté de
tierce estive, il produit toujours une fièvre estive typique.
MESURES PROPHYLACTIQUES
Nous indiquerons brièvement quelques mesures prophylacti-
ques décrites par le professeur Celli dans son récent ouvrage :
« La Malaria, secondo le nuove ricerche », et qu'il voulut bien
nous exposer oralement.
I. Pour agir contre les causes dHnfection, il faudrait tout d'abord
dc^truire le germe de la malaria, et empêcher la pénétration de
l'hématozoaire dans le corps de l'homme.
Détruire le germe de la malaria. — Il est de toute évidence
qu'il sera très favorable de poser le diagnostic dès le début de
l'affection.
A. — Avant tout, il faut tâcher d'isoler le malade pour empê-
cher que les moustiques ne puissent venir s'infecter;
B. — Il faut débarrasser le sang aussi rapidement et complète-
ment que possible des parasites ; pour cela on aura recours à la
quinine soit à l'intérieur soit en injections hypodermiques, (bm-
ment agit la quinine? La question n'est pas encore entièrement
élucidée : on sait qu'elle arrîtc les mouvements amœboïdes des
hémosporidies, mais de plus, elle paraît avoir une action nécro-
tisante sur le protoplasme du parasite. La quinine agit sur les for-
mes asexuelles, mais a-t-elle également une action sur les formes
sexuelles? On l'ignore; toujours est-il que, même après l'adminis-
tration prolongée de la quinine, ces formes sexuelles ne disparais-
sent pas du sang. Peut-être que les gamètes seraient incapables de
reproduction : c'est ce que des recherches ultérieures lious
apprendront.
C. — Le mousiique étant l'hôte définitif de l'hématozoaire et le
principal agent d'infection, l'on comprend tout l'avantî'ge qu'il y
aurait à pouvoir le détruire rapidement et facilement. Le profes-
seur Celli a expérimenté soigneusement une quantité considérable
LA MALARIA 109
de substances des plus diverses, et comparé leur action nocive sur
les larves, les nymphes et les zanzares parfaites.
Ces expériences sont relatées tout au long, soit dans son dernier
ouvrage, soit dans les « Annali d'igiene sperimentale. » Citons
quelques exemples.
Action sur les larves (C. fripicus. annulatus) à T** ordinaire
18^- 20* ;
Les larves résistent pendant
Feuilles de tabao en infusion a(|. salui'ée 8 iieurcs
Potasse décinormale , . . . . 4 »
Poudre de chrysanthème 0.003 p. m 7 »
Sublimé corrosif 1 p. m 10 »
Le professeur Celli a expérimenté encore diverses couleurs
d'aniline, et a trouvé surtout actifs le gallal et le vert de malachite,
qui en solution à 0.50 p. m., tuent les larves (G. Culex), en 6
à 12 heures.
Action sur les larves cl les nymphes (G. Culex), à T** ordinaires
d8».20^ ;
Sont tuées
Larves Nymphes.
Eau sulfureuse saturée iO' à oO' 25'
Permanganatedepotasse0.3+HcldOp.m. 15' 1 heure
Eau salée (solut. aq. saturée) .... 30' 1 >»
Action sur les moustiques développés (Culex et Anophèles) :
Sont surtout actifs les gaz anhydride sulfureux et l'hydrogène
sulfuré, la fumée de tabac et Tessence de térébenthine, qui tuent
Tinsecte en une minute.
Dans CCS tout derniers temps, le professeur Celli a expérimenté
dans le même but une matière colorante nouvelle qu'il nous recom-
manda vivement. C'est une poudre jaune lancée dans le commerce
par la fabrique de Weiler-ter-Meer, de Werdingen, et nommée
Larycith III. En solution à 0,50 Voo elle tue les larves des mous-
tiques en deux heures. Ce temps est notablement' abrégé en ajou-
ilO ÉTUDES COLONIALES
tant des mordants à la solution, par exemple de la soude ou de
l'ammoniaque ù 0>50 ou 1 7oo-
Son action est très marquée également sur les mosquitos
adultes. Il suflit de brûler une certaine quantité de Larycith dans
la chambre, pour tuer tous les moustiques. La fumée produite par
la combustion n'est pas du tout incommodante.
II. [1 faut agir contre les causes prédisposantes.
1^ Une question discutée de tout temps et cela bien avant les
dernières découvertes, c'est l'arrangement du terrain dans les
lieux infectés de malaria. Indiquons ici les mesures conseillées par
le professeur Celli.
A. Arrangement des eaux superficielles.
1° II est un fait d'observation que les moustiques, principale-
ment du G. Anophèles, ne vivent que dans les eaux stagnantes. Il
est donc tout indiqué de combattre celles-ci. Pour cela il faut ;
Endiguer, régulariser les cours d'eau, pour éviter les inon-
dations.
Régler le débit des lacs.
B. Arrangement des eaux souterraines et cela principalement
au moyen de drainages.
Ces différents moyens doivent être complétés par l'amélioration
de la culture, et principalement par la culture intensive.
î2'' QuedoiL-on faire pour les habitations dans les lieux infectés
de malaria? Les hal)itants devront toujours avoir soin de munir les
fenêtres de moustiquaires, soit en toile, soit en fil de fer, mais
suffisamment serrés pour empêcher sûrement la pénétration de
tout moustique. De plus, l'on pourra brûler dans les chambres une
certiiine quantité de poudre Larycith III, en la mélangeant au
besoin à un peu de malière organique pour faciliter la combustion.
3° Quant au genre de vie, on peut résumer tous les préceptes
en un mot, éviter les piqûres des moustiques. On ne s'exposera
donc pas le soir, et même avant le crépuscule, dans les endroits
où les insecles abondent. Principe qu'on devrait appliquer surtout
aux ouvriers travaillant en plein air. En effet, les moustiques
LA UALARIA 111
se répandent dnns lair, non seulement le soir mais déjà une ou
deux heures avant le crépuscule.
m. Une importante queslion à résoudre est celle de Vitmnuni-
salion artificielle de Vhomnie contre la malaria.
L*homme peut-il être immunisé contre la malaria? Oui, et la
preuve c'est, qu'en Afrique notamment, plusieurs tribus nègres
sont naturellement immunes contre la malaria (Kocli. Reisebe-
ricLte). De plus, en Italie môme, le professeur Celli a rencontré
plus d'un sujet naturellement immun contre la fièvre malarienne.
Dans certains cas môme, cette immunité serait héréditaire.
A quoi tient cette immunisation naturelle? C'est une question
encore à résoudre. Le professeur Celli a fait des recherches suivies
sans parvenir à un résultat positif. Citons ici ses conclusions :
Le sérum des sujets naturellement immuns contre la malaria,
injecté à d autres sujets, ne les préserve pas de l infection malarique
expérimentale.
Jusquà présent, pendant la défervescence fébrile, on na pu
Diettreen évidence dans le sang des malariques, ni principes immu-
nisants, ni principfS curât ifs.
Quant à l'immunité artificielle, le professeur Celli n'a pu l'obtenir,
ni en injectant les produits morbides de la malaria bovine, ni avec
le sérum sanguin ou les sucs organiques des animaux immuns
contre la malaria.
iMais dans ces tout derniers temps, Celli a obtenu des résultats
conclunnts, en administrant aux sujets en ex( érience des doses
élevées et prolongées (ïeucliinine ou de bleti de méthylène médi-
cinal. Voici la méthode d'expérimentation telle que nous l'exposa
le savant italien.
Il administre aux sujets se prêtant à l'expérience une dose jour-
nalière de 1 gramme ou même de 0,5 gramme de bleu de méthy-
lène ou d'euchinine, et cela pendant quelques jours. H l'infecte
ensuite de malaria au moyen de sang riche en hématozoaires, en
prenant une dose bien plus forte qu'il ne faudrait pour produire
l'infection. Il continue l'administration journalière du bleu de
méthylène ou de l'euchinine pendant 10 à 12 jours après luifection.
Cette méthode a donné au professeur Celli des résultat? excel-
lents. A la lin du mois de novembre, il l'avait expérimentée sur
112 ÉTUDES COLONIALES
5 OU 6 sujets : aucun d eux n'avait eu la moindre élévation de tem-
pérature. Le bleu de méthylène aurait de plus le grand avantage
d'être bien supporté, de ne pas incommoder les voies digestives.
Une expérimentation suivie nous dira tout le fruit que Voii peut
tirer de ce fait, au point de vue prophylactique.
Nous profitons de l'occasion pour présenter Thomm^ge de notre
profonde reconnaissance au professeur Bastianelli pour lainuible
hospiLnIilé qu'il nous accorda dans son laboratoire; aux profes-
seurs Bignami et Celli pour les explications fréquentes qu'ils nous
donnèrent de leurs intéressants travaux.
D'^ A. Broden.
LE RAPPORT
SUR
LES COLONIES ALLEMANDES
(1)
KAMERUN (Suite).
Les autres receltes ont atteint le chiffre de 1,231,386 marks
contre 698,000 marks rannée antérieure.
Le rapport rappelle ensuite l'expédition de Tibati qui s est ter-
minée heureusement, la création d une station près des rapides de
Cross destinée à mettre en valeur le nord de la colonie, l'importante
concession de 80.000 kilomètres carrés fiiite à la Société Nord
West Kamerun et l'expédition vers l'angle delà Sangha et du Ngoko
où le caoutchouc semble être très abondant, ensuite, l'achèvement
destravauxd'arpentageentreprisparlecommandantvonBesserdans
la région des plantations, dont les résultats ont été consignés sur
une carte, la construction d'une voie carrossable de Victoria à Buëa
au pied du mont Kamerun, l'avancementdes travaux de construction
d'une route de Buëa vers Kamerun-haff près de Tiko, la continua-
tion des travaux d'amélioration de la roule commerciale de Kribi
vers Lolodorf et Jaunde ainsi que les constructions du gouverne-
ment dans les stations. A ce dernier sujet, le rapport signale que
le ce Tropenhaus » qui se trouvait à l'exposition coloniale de Berlin
et qui servait de mess pour les fonctionnaires de Kamerunstadt,
est complètemcînten ruines. Il n'a donc nullement répondu à son
but. On a commencé la construction d'un mess d'officiers. A Vic-
toria où une place de médecin vient d'être créée, on a entrepris
(I) Voir p. TiO.
m ÉTUDES COLONIALES
1 édification d'un hôpital et d'une maison pour le médecin. A Buëa,
on a établi des élables pour 25 vaches. D'après les dernières nou-
velles, rélevage y réussit si bien que Ton a ajouté dix nouveaux
animaux reproducteurs aux dix qui s'y trouvaient déjà, Tannée
derniôre.
La scierie établie à Kamerunsladt fonctionne très bien et a tou-
jours de louvrage ; grâce à elle, on peut employer le bois de la
colonie.
COTE SUD-OUEST.
Au V' janvier 1899,1a population blanche s'était élevée de2,5i4,
chiffre de l'année précédente, à 2,872 âmes. Dans toutes les stations
rèjjnait une grande activité dans la construction. VVindhoek avec
ses 63 maisons entourées de végétation luxuriante, présente l'aspect
d'une jolie ville de province allemande.
Il est impossible de donner des chiffres dignes de foi au sujet de
la population indigène de la colonie, à cause des mœurs nomades
des tribus. Le nombre des indigènes a beaucoup diminué chez les
Hcreros et dans le pays de Namas par suite de la crise économique,
due, pour les Hercros, à la peste bovine et, pour les Holtentots,au
manque de goût pour le travail et à la dissipation. En vue de.
remédier à cette situation, l'administration a examiné les ventes de
terres faites par les cliefs indigènes afin d'empêcher que ceux-ci
ne soient lésés et que les pâtures communes ne passent aux mains
de particuliers; ensuite, les prises à bail de terres n'ont pas été
autorisées pour plus de cinq ans de manière âne pas priver trop
longtemps les propriétaires du bénéfice de la plus-value acquise.
Au point de vue du climat et de la santé générale, le rapport
constate que les pluies ont été très abondantes dans le nord et le
centre de la colonie et que, dans le sud, la chaleur a été, au con-
traire, extraordinairement forte, surtout en décembre 1898. Au
mois de mars 1899, le district de Keetmanshoop, situé au sud,
reçut d'abondantes pluies au lieu des nombreux orages qui tra-
versent habituellement le Namaland. On n'a pu faire d'observations
relatives à 1 1 situation sanitaire que sur la force publique. I 8 p.c.
de l'ensemble des hommes sont morts'; sur les 9.4 p. c. de mili-
LE IIAPPOUT SIR LES COLONIES ALLEMANDES i 15
taires qui ont dû être renvoyés en Europe comme impropres au
service sous les tropiques, les 5/6 des cns avaient pour cause la
malaria. Celte maladie ne s observe, d'après le rapport, que dans le
nord. On peut noter aussi, — comme le faisait remarquer le
gouverneur de la colonie dans une conférence faite en Allemagne
pendant son congé, que la force publique se trouve particuhèrement
exposée à la malaria, par suite des fatigues auxquelles elle est
soumise. Il y a, en ce moment, huit médecins militaires et un
médecin civil dans la colonie.
Dans le nord et Test, la situation a été améliorée par rassoclie-
ment des endroits occupés par les blancs; on a aussi creusé et
amélioré les puits destinés à fournir de l'eau potable.
La peste bovine qui a tant éprouvé la colonie, a élé combattue
avantageusement par les pluies abondantes ainsi que par les inocu-
lations faites d'après le système Koch. Les animaux inoculés ont
été complètement immunisés. Grâce à des mesures énergiques, il
a élé possible de protéger le Namaland contre l'invasion du mal, de
sorte que les troupeaux des autres régions peuvent être reconstitués
au moyen d'animaux provenant de cette contrée.
Une ordonnance du mois d'octobre 1898 a rendu plus difticile
l'exportation du bétail en imposant un droit de sortie de 60 marks
par léte (20 marks pour les veaux). Cette mesure a été prise contre
les commerçants du Cap qui voulaient compléter leurs troupeaux
au moyen de bétail tiré des colonies allemandes.
Le mouvement commercial a souffert de la rareté des bœufs
employés aux transports. Les importations se sont élevées au
chiffre de 5,800,000 marks contre 4,900,000 l'année précédente.
Sur ce chiffre, 4,800,000 marks reviennent'à la mère patrie, le
surplus échoit à la colonie du Cap et à TAngleterre. On a exporté
pour 915,000 marks de produits du pays contre 1,200,000 l'année
précédente; la diminution est attribuée aux dillîcultés de la navi-
gation dans la région du guano près du cap Cross. L*Angleterre
a la plus grosse part dans les exportations, à savoir 729,000 marks
dont 695,000 marks de guano.
Les droits d'entrée ont produit 547,800 marks et les droits de
sortie, 122,300 marks. Le total des droits est inférieur de
33,000 marks à celui de l'année précédente mais les droits sur le
guano ont été abaissés de 35 marks à 22.50 marks la tonile.
116 ÉTUDES COLONIALES
La distribution d'eau a été fournie par deux pelils barrages
conslruils près de Windhoeket dus à Tinitialive privée. Une autre
digue est en voie de construction à 35 kilomètres de Windhoek
pour le compte du gouvernement.
Le développement de ragriculturc a été encouragé par une expo-
sition organisée à Windhoek. Un sp'^cialiste en matière de cultures,
qui a rendu de grands services dans la colonie du ('ap, a été attaché
à la colonie en qualité de conseiller et de professeur itinérant.
Deux jardins d'essais ont été installés à Keetmanshoop et à Bétha-
nie; il en existait déjà un à Windhoek.
La construction du chemin de fer de Schwakopmund à Wind-
hoek avait atteint à la fin du mois de juillet, le kilom. III. D'après
les dernières nouvelles, les travaux ont été poussés jusqu'au
kilom. 130.
Le personnel destiné à la construction du port de Schwakop-
mund était encore occupé à la fin de l'exercice, aux travaux prépa-
ratoires (creusement de puits, construction de bâtiments . Les
pierres destinées à la construction du môle se trouvent à une dis-
lance de 2 1/2 kilom. On est en train d'établir une voie d'exploitation.
Les travaux relatifs à la voirie ont été fort nombreux et depuis
le »3 avril 1898, la colonie est rattachée à la mère patrie par
câble.
La Deutsche Colonial gesellschaft fur Sûdwesiafrica a beaucoup
amélioré les installations pour le déchargement des navires dans la
baie de Lûderitz. Elle a aussi montre par ce qu'elle a fait dans son
domaine de Spitzkopje et dans son jardin de Salem qu'elle est dis-
posée ù collaborer aux progrès de l'agriculture. Elle possède un
haras de cent chevaux et est l'éleveur le plus important de la
colonie. Elle emploie, dans ses sept stations, 48 blancs et près de
120 indigènes.
La société hanséalique a envoyé une expédition dans la conces-
sion qu'elle a obtenue.
La force publique se composait à la fin de juin 1899, de 27 offi-
ciers, 7 médecins, un vétérinaire et 710 sous-officiers et soldats.
Environ 115 soldats ayant accompli leur terme de service, se sont
établis à demeure dans la colonie. La troupe disposait de
1,162 chevaux, de 220 pouliches, de 350 mules et de 1,050 bœufs
de trait et de monture.
LR HAPrORT SIK hV.S COLONIES ALLUIANHES H 7
AFRIQUE ALLEMANDE OHIEMALE.
La population européonne s'est élevée pendant Tannée 1898-1899
au chiffre de 1,090 contre 8S0 en 1897-1898. Le dénombrement
des indigènes qui a eu lieu dans presque tous les districts a donné le
cliiftre de 5,i06,000 habitants. On peut donc évaluer la population
indigène, en tenant compte des districts non encore recensés, à plus
de 6 millions drames.
L'état sanitaire des indigènes n'a guère été favorable pendant
Tannée administrative écoulée. La grande sécheresse'qui a régné dans
la colonie a déterminé une famine qui s'est étendue sur une grande
partie du pays. Malgré tous les efforts du gouvernement et dos
particuliers, un nombre considérable d'indigènes sont tombés
victimes du manque de nourriture. La variole .qui trouva un champ
tout préparé dans une population anémiée a causé aussi de nombreux
décès. On a pu combattre cette dernière maladie, dans une certaine
mesure, par la vaccination. On évalue à 30,000 le nombre des
indigènes que Ton a pu vacciner. Des mesures spéciales ont élé prises
pour protéger la colonie contre Tenvahissement de la peste de TInde,
par la surveillance exercée le long des cotes. Mais cela n'a pas sutti
pour garantir la colonie. Il existe, en effet, dans l'intérieur du pays,
près du lac Nyanza, une région où la peste existe à Tétat endémique.
Les hutles où des pestiférés avaient séjourné furent brûlées et la
route des caravanes qui passe par cette contrée, fut déplacée. On
promît aussi une prime de un peso par rat capturé ou tué dans le
district infesté. Les caravanes furent soumises à une quarantaine.
Grâce à ces précautions, on a pu, jusqu'à présent, préserver la colonie
contre l'introduction de la peste. Une autre maladie, dont on doit
tenir compte dans l'Afrique orientale allemande, c'est la lèpre qu'on
rencontre assez fréquemment sur la côte, mais rarement dans
Tintérieur. Elle n'a frappé jusqu'à présent que les gens de couleur. Le
nombre de lépreux peut être évalué à quelques centaines. Il existait
déjà une léproserie à Bagamoyo ; il vient d'en être créé une deuxième
qui est située à Kilvva. Le gouvernement a envoyé une expédition le
long de la côte pour étudier la lèpre, mais le médecin qui la dirigeait
étant tombé malade, elle a dû interrompre ses travaux. Ceux-ci seront
bientôt repris.
L'état sanitaire des Européens n'a guère différé de celui de Tannée
118 ÉTUDES COLONIALES
précédente. Comme alors, la plupart des cas de maladie ont été
déterminés par la malaria, mais un petit nombre seulement a eu
une issue fatale. Les indigènes de la côte et des plaines sont plus ou
moins immunisés contre la malaria et il résulte des observalions
microscopiques des médecins formés à l'école de Koch que la plupart
des cas que Ton attribuait à la malaria ne sont que des catarrhes de
l'estomac ou des intestins accompagnés de fièvres. Il est à remarquer
que les indigènes des montagnes sont aussi exposés à contracter la
malaria que les Européens aussitôt qu'ils abandonnent leurs
montagnes où cette maladie n'existe pas. 11 en est de mém? des gens
de couleur venus d'autres contrées, tels que les Arabes, les Indiens,
les Soudanais, les Abyssiniens, etc.
L'hôpital pour Européens de Dar-es-Salaam est presque entièrement
terminé. Du 1*' juillet 1808 au 30 juin 1899, 207 malades y ont été
admis dont 9o souffraient de malaria et 1i de fièvre hématurique.
Cinq malades sont morts, dont un seul était atteint de malaria.
L'hôpital pour gens de couleur a reçu, pendant la m^me période,
439 malades. A l'hôpital de Tanga, du 13 juin 1898 au 15 juin 1899,
93 Européens ont été traités, dont 2 ont succombé à la malaria;
loG gens de couleur y ont également reçu des soins.
Au bord de la rivière Sigi, près d'Ambond, on a découvert des
sources sulfureuses dont la composition chimique se rapproche
beaucoup de celles d'Aix-la-Chapelle. On les a captées et on s'en sert
avec succès pour le traitement de certaines maladies. On a aussi créé
deux stations sanitaires, dont l'une est située à Amani à une altitude
de 1,000 mètres et dont l'autre se trouve dans l'île de Ulenge.
Depuis le mois de février 1899, un vétérinaire a été mis à la
disposition du gouvernement de la colonie. Il a porté ses études sur
la mouche tsetsé et sur la fièvre du Texas qui règne le long de la côte.
11 a pour but de rechercher quels sont les chemins suivis par les
caravanes où la mouche tsetsé ne se rencontre pas et quelle est
l'étendue de la zone où règne la fièvre du Texas.
On a établi à Dar-es-Salaam un bureau de renseignements que les
colons et les éleveurs de la colonie pourront consulter au sujet des
maladies qui éclateraient parmi leurs troupeaux.
Au point de vue agricole, la colonie a eu particulièrement à souflrir.
On ne se souvient pas d'avoir vu une sécheresse aussi grande dans le
pays. Ce sont surtout les districts du nord qui ont été éprouvés. La
misère a été grande partout. Les caravanes n'ont pas pu trouver les
aliments nécessaires à leurs porteurs. Même dans les régions
montagneuses, la soufïrance a été vive. Le gouvernement a tâché de
LE RAPPORT SUR LES COLONIES ALLEMANDES Ml)
remédier au mal par la distribution de subsistances et de graines.
Heureusement qu'en mai 1899 la pluie s'est mise à tomber. Il faudra
plusieurs années pour que le dommage causé par la famine
soit réparé.
Une conséquence des impôts mérite d'être signalée. Les indigènes
de l'intérieur, trouvant que le transport des céréales destinées à
acquitter leurs taxes est trop coûteux, commencent à recueillir du
caoulchouc et de la cire ou à planter des arachides ou du sésame en
vue du paiement des impôts.
Il a été décidé que la partie nord-ouest de TUsambara, où se.
trouvent les plateaux élevés, ne sera concédée qu'à de petits planteurs
qui n'obtiendront chacun que 200 hectares.
On peut considérer comme terminés les essais de plantation de
légumes d'Europe. Ils ont réussi partiellement. On cultive des pommes
de terre dans presque toutes les stations de l'intérieur et cet exemple
a été suivi par les indigènes de Kilimandjaro et du sud-est du
Tanganika. On a aussi cultivé avec succès dans les stations de
l'intérieur des manguiers, des citroniers, des orangers et des dattiers
et, dans celles qui se trouvent à une altitude plus élevée, des fraisiers,
des groseilliers, des pommiers, des pruniers, des poiriers, etc. Il en
a été de même des plantes ornementales d'Europe (phlox, réséda,
pyrèthre, etc.). Le jardin d'essais de Dar-es-Salaam a été agrandi
pour permettre de nouvelles cultures.
On a importé du bétail européen dans la station de Kwai, dont l'alti-
tude a paru favorable. Un certain nombre de bêtes ont péri, mais les
autres semblent s'être acclimatées; on les croise avec le bétail indigène.
La construction des routes a fait de» grands progrès, la misère
générale ayant mis une grande quantité de main-d'œuvre à la dispo-
sition du Gouvernement. Les routes de caravanes de la cOte à la région
des lacs sont en parfait état, et elles sont pourvues de puits et d'abris.
Tout un réseau de chemins de 5 à 6 mètres de largeur relie les stations
entre elles et avec les missions et plantations. De grands travaux de
construction d'édifices publics et privés ont aussi été faits.
Le produit de la taxe sur les huttes, établie depuis le l^"" avril 1898,
a, malgré la famine, dépassé toutes les prévisions. Il avait été estimé
à 100,000 marks et a dépassé le triple de cette somme. Les indigènes
acquittent la taxe sans murmurer. Les droits de douane ont aussi
atteint un chiflre supérieur de 81,200 roupies à celui de l'année
précédente. Les exportations se sont élevres à 1,332,945 roupies contre
3,736,197 en 1897 et les importations à 11,852,65(3 roupies contre
6,840,731 en 1897.
120 ÉTUDES COLONIALES
Los transports se font par porteurs. Il s'est formé à Dar-eS'Salaam,
un corps permanent de 3,000 porteurs qui ne transportent pour ainsi
que les charges de TEtat.
On trouve, dans la colonie, six missions protestantes et trois
missions catholiques. Il y a aussi deux écoles otticielles, une à Tanga
(^97 élèves) et une à Bagamoyo (63 élèves).
L'armée coloniale se compose de 2,078 hommes, dont 444 appar-
tiennent au corps de police.
ARCHIPEL BISMARCK ET ILES SALOMON.
Le siège du gouvernement a été transporté à Herbcrtshohe, en
Nouvelle-Poméranie, depuis le 1^ avril 1899, date à laquelle l'empire
s*est substitué à la compagnie de la Nouvelle-Guinée. Le gouverneur
est assisté de deux juges dont l'un administre l'archipel Bismarck et
les îles Salomon et l'autre, Kaiser-Wilhelmland.
Dans l'archipel Bismarck et les îles Salomon, les plantations ont
pris une notable extension. Le développement du commerce s'est
trouvé entravé par suit-e de la perte de plusieurs bateaux, dont les uns
ont fait naufrage, tandis qu'un autre a été saisi par les indigènes de
Bougainville et pillé, après que l'équipage eut été massacré. D'autre
part, le manque de moyens de la Société de la Xouvellc-Guinéc a
empêché celle-ci d'exercer, comme il convient, la police des côtes, et
il en est résulté pour le commerce, une nouvelle cause d'aifaiblisse-
ment. Enfin, les luttes constantes des indigènes entre eux, surtout
dans le Nouveau-Mccklembourg a eu également pour effet de troubler
le commerce et d'empéclier le recrutement de la main-d'œuvre. Prt's
des îles Salomon, on a remarqué, à diflërentes reprises, la présence
de navires anglais exerçant le commerce prohibé.
La plaie des chasseurs de têtes a pris de l'extension sur l'île de
Choiseul (cédée récemment à l'Angleterre) ainsi que sur l'île Isabelle.
Les meurtriers venaient des îles Salomon appartenant à l'Angleterre.
Dans la presqu'île des Gazelles, les relations avec les indigènes se
sont améliorées au point qu'on a pu concéder aux chefs certaines
attributions judiciaires et politiques. Les missions s'y sont aussi
développées. 11 y a environ ?i0 missionnaires dans l'archipel Bismarck.
Le Gouvernement a dû sévir plusieurs fois cependant contre les indi-
J
LE RAPPORT SUR LES COLONIES ALLEMANDES i94
gènes de la presqu'île; il n'a pu agir en dehors des limites de cette
dernière, faute de steamer. Une expédition fut aussi dirigée contre les
naturels de Bougainville pour les punir de l'attaque du navire dont il
a été question plus haut.
Sur les deux groupes d'îles, il y avait au l®»^ janvier 1899, 200 blancs,
dont 96 Allemands et 332 Chinois, Samoiens et Fidjiens.
Au point de vue des plantations, on trouvait, au 1*"" janvier 1899 :
dans la. presqu'île des Gazelles, la plantation Ralum, comprenant
1,010 hectares pourvus de cotonniers, de cocotiers et de caféiers; la
plantation de Herbertshôhe, de 751 hectares cultivés de la même
manière ; la plantation de Kinigunan, de iOO hectares de cocotiers ; et,
enfin, quelques petits établissements appartenant à la mission catho-
lique. Les indigènes ont, en plusieurs endroits de la presqu'île,
agrandi les plantations do taro et de bananes existantes et en ont
créé de nouvelles. Le nombre des têtes de bétail de la presqu'île était
de 200. On y trouve, en outre, 40 chevaux.
On évalue à 940,000 marks environ, la valeur des exportations
en 1898-99 (l*'' avril au 31 mars). Le kopra domine (3,632 tonnes,
valeur 726,000 marks). L'exportation du trépang a aussi augmenté
(302 tonnes).
Un Anglais d.' la Nouvellc-Ciuinée anglaise, qui a traité avec une
firme delà colonie, a l'intention d'entreprendre la pèche des perles
avec trois bateaux et un certain nombre de plongeurs. La navigation
est assurée par dix petits steamers appartenant à des particuliers oi îi
des firmes commerciales. Des lignes de bateaux régulières mettent les
îles en communication avec Singapore et avec Sydney. Les principaux
lieux d'enrôlement des travailleurs sont Ncu-Mecklenburg, Buka et
Bougainville. Jusqu'à présent, on n'a pas encore pu se procurer de la
main-d'œuvre dans les îles populeuses de l'Amirauté.
Les recettes du Gouvernement se sont élevées à 14,724 marks pour
le deuxième trimeslre de 1899.
NOUVELLE-GUINEE.
fiCS principales stations de la Nouvelle-Guinée sont : Stephansort,
Friedrîch-Wilhemsliaven et Berlinhafen. Dans la première de ces loca-
lités, on cultive le tabac et le coton et on a fait des essais de culture
de café et de cacao ; on y trouve, en outre, 4,000 cocotiers auxquels
122 KTUDES COLONIALES
il convient d'ajouter les 9,400 autres des stations secondaires de
Konstantinhafen et de Erimahafen. Les arbres souffrent beaucoup
d'une grande sauterelle. On a planté pend^int Tannée 9,400 plantes do
kapok, qui est une sorte de cotonnier. On a fait différents essais de
culture de caoutchouc qui ont donné de bons résullats, particulière-
ment en ce qui concerne le Ficus elastica. Le bétail et les chevaux
comptaient à la fin de septembre 1899, lî29 têtes.
Le nombre des Européens s'est élevé à 22. Depuis janvier 1808, il
existe un hôpital à Stephansort. Une station de kopra, appartenant à
la Compagnie de la Nouvelle-Guinée, a été établie sur l'île Seleo; elle
possède 5,000 palmiers et a rapporté 02 tonnes 1/2 en 1898 Une expé-
dition a été envoyée sur la rivière Ramu pour explorer les richesses
du pays, sous la direction du \)^ Lauterbach. Ses travaux avaient été
poussés assez loin, en 1898, pour qu'on put transporter à la rivière le
vapeur Herzogin Elisabeth.
ILES MAKSCHALL.
Le nombre des étrangers résidant aux îles MarschalK a été
en 1898-99, de 116 dont 61 blancs; 27 de ceux-ci étaient établis à
Jaluit. La production de kopra s'est élevée à 2,770 tonnes contre
2.827 en 1897-98 et 2,417 en 1896-97. La grande plantation de Likieb
ainsi que les îles Ujelang et Krilli, sont entièrement en exploitation;
70 hectares ont été couverts de nouvelles plantations.
Quelques plantations ont souffert de la pluie et l'état particulier de
la mer, en janvier 1899, a causé de grands dommages dans certaines
Iles par suite des inondations qui en sont résultées.
Les importations se sont élevées à 465,700 marks. La tranquillité a
été parfaite dans la colonie. Une succursale de la mission catholique
de Ailtinip, près de Munster, est venue s'ajouter à la mission améri-
caine.
KIAUTSCHAU.
Le rapport du ministère de la marine sur le développement de la
concession à bail de Kiautschau, qui se trouve placée sous sa juri-
diction, s'étend d'octobre 1898 à octobre 1899. Ce document attire
l'attention sur les efforts qui ont été faits pour assurer à la concession
LK r.APl»OUT SrU LKS COLONIES ALLEMANhES 123
une administration aussi peu dépondanle que possible du pouvoir
central et pour y établir rautonomie administrative. A ce dernier
point de vue, on peut signaler la création d'un conseil gouverne-
mental qui est formé par les eliefs des différentes branches de Tadmi-
nistration, auxquels s'ajoutent, quand il s*agit de discuter des
questions coloniales d'une corlaine importance, trois représentants
de la communauté civile ; ensuite, la formation d'une commission
scolaire dont le président délibère de concert avec le Gouvernement
sur toutes les questions relatives à l'enseignement. L'élément chinois
aussi concourt, dans une certaine mesure, à l'administration, notam-
ment par le contrôle qu'il exerce sur les gens de la même race qui
viennent s'établir dans la concession et par la gestion de la nouvelle
ville chinoise de Yangtschiatsun.
On conserve strictement à Tsingtau, le caractère de port libre et
Ton a pu assurer les communications entre cette ville et l'Hinterland
chinois qui était fermé par les barrières douanières, grâce à une con-
vention en vertu de laquelle un poste de douane chinois a été établi
à Tsingtau.
Les affaires sont actives ainsi que la construction. Une troisième
imprimerie va bientôt s'ajouter aux deux autres qui existent déjà, et la
mission catholique facilite les transactions, grâce à une presse pour-
vue de caractères chinois. L'installation centrale d'électricité pour
l'éclairage des rues et des maisons est presque achevée. La navigation
s'est considérablement développée et a enregistré 176 entrées. Les
relations postales avec les parties chinoises de l'intérieur, qui n'exis-
taient pas encore l'année dernière, sont maintenant parfaitement
organisées.
Les lignes à construire par la Shantung Eisenbahngesellschaft ont
une longueur totale de 450 kilomètres; 150 kilomètres, représentant la
distance entre Tsingtau et Weihsau, doivent être construits en trois
ans. On a eu soin, dans le tracé des différentes lignes, de donner
accès à la voie aux importantes régions houillières du nord du Shan-
tung et aux principales localités situées entre Tsingtau et Tsinanfu.
L'empire s'est réservé le droit de racheter les lignes à l'expiration de
la soixantième année. Au mois de septembre 1899, on a entamé les
travaux de terrassement du chemin de fer à la fois à Tsingtau et dans
la ville chinoise de Kiautschau.
L'ordonnance réglant la situation juridique des Chinois est entrée
en vigueur le 15 avril 1899. Deux magistrats de district sont chargés
de l'administration et de la justice. L'école officielle pour Chinois
comptait 50 élèves. Quant à l'école allemande, fondée dans le courant
124 ÉTUDES COLONIALES
de Tannée administrative pour les enfants des Européens, elle est
appelée à combler une lacune dont souffrent vivement de nombreux
Eiu'opéens établis en Chine.
Un petit détachement du 3* bataillon de l'infanterie de marine a été
envoyé à Pékin et à Ticntsin, pour protéger les Allemands résidant
dans ces endroits. Une compagnie s'est aussi rendue à Titschau pour
faire une démonstration contre les autorités chinoises afin de les
amener à réprimer les désordres qui mettaient en péril Taction des
missions catholiques. Enfin, deux compagnies pourvues de 4 canons
de campagne et do 2 maxims, ont été envoyées à Kaumi pour pro-
téger les travaux du chemin de fer. Ces différents détachements sont
rentrés depuis.
Les recettes du Kiautschau se sont élevées à 180,000 dollars, dont
162^000 dollars proviennent de la vente de terres et 11,355 dollars de
Timpôt foncier. Le territoire de la concession est consacré pour les
trois quarts à Tagriculture et pour le quart restant il est livré à
Texploitation forestière ou reste en friche,
CHRONIQUE
GENfEI?ALITES
Expédition anglaise du D' major Ross pour l'étude de la
malaria. ~ Le journal The Lancet, du 9 septembre, signale que
M. Austen, naturaliste du British Muséum, attaché à cette expédition,
a découvert à Kissy (près de Sierra-Leone) la présence d'une espèce de
mouche tsétsé, distincte de celle de TAfrique méridionale (la Glissina
morsitans) et appartenant au type dit west-africain à couleurs
sombres, tels que les spécimens recueillis par M. W.-H. Crosse, à
Asaba, sur le Niger.
Si Ton rapproche la découverte do cette mouche du fait qu'on ne
peut conserver de chevaux à Sierra-Leone, que les mules et le bétail
y dépérissent rapidement, on comprendra l'importance des recherches
que les membres do l'expédition vont immédiatement entreprendre
dans cette voie.
Statistique médicale des Indes néerlandaises pour 1897. —
Il résulte de cette statistique, qui vient d'être publiée, que l'effectif
moyen de l'armée des Indes néerlandaises se composait en 1897 de :
17,234 Européens,
54 Africains,
24,772 Asiatiques.
La mortalité, par maladie, pendant l'année a été de :
295 décès d'Européens (17,10 pour 1,000),
347 décès d'Asiatiques (14 pour 1,000).
Parmi les Européens, les maladies les plus fréquentes ont été :
Les fièvres paludéennes 86 décès
Le choléra 106 »
La syphilis 8 »
Le béribéri 8 »
La fièvre typhoïde 5 »
I^ dysenterie 3 »
- iî26 ÉTUDES COLONIALES
Parmi les Asiatiques, les fièvres paludéennes ont enlevé 74 hommes,
le béribéri 84, le choléra 52, les affections des voies respiratoires 45,
la syphilis 15.
La même statistique nous apprend que sur 1,868 chevaux employés
dans Tannée, il en est mort 23 (12,3 pour 1,000) et 57 ont été abattus
(38,5 pour 1,000); de plus, il en a fallu réformer 77, soit un déchet
de 85 pour 1,000 au total.
(Archives de médecine navale, 1899.)
Mortalité et morbidité de la Guyane française en 1897,
d'après le D> Le Jollie. — H y a lieu de remar(|uer que le
personnel européen de la Guyane se divise en deux catégories :
Personnel libre (armée et fonctionnaires).
Condamnés à la dépoilation.
Les premiers (personnel libre) ont été au nombre de 1,193; ils ont
fourni une mortalité de 10,8 pour 1,000.
Les déportés, au nombre de 5,961, ont, au contraire, atteint une
mortalité de 58,3 pour 1,000.
Le grand écart provient de ce que, au contraire des soldats et
fonctionnaires, qui ne font en Guyane qu'un temps de séjour limité,
les condamnés y restent des périodes parfois assez longues.
Aussi la cachexie palustre et la fièvre bilieuse hématurique font-elles
parmi eux de nombreuses victimes — la moitié dos décès étant causée
par ce genre de maladies — par contre, la dysenterie, cette triste
compagne habituelle du paludisme, est peu fréquente et rarement
grave en Guyane.
(Anjiales d^hygiène et de médecine coloniale, 1899.)
AFJRIQUE^
L'occupation d'In-Salah. — Un événement dont les consé-
quences sont considiérables tant au point de vue commercial qu'au
point de vue politique est celui de l'occupation d'In-Salah par les
Français, il marque le premier pas vers la pacification du Soudan,
dont les tribus nomades et turbulentes ont causé tant d'inquiétudes
au gouvernement français. Le Touàt est le centre de ravitaillement de
ces populations; aussi la politique française a-t-elle pris pour objectif
de s'emparer du chapelet d'oasis qui se développe au sud de l'Algérie,
CIIRONIQLE 127
afin de réduire ainsi ces tribus belliqueuses à robéissance. In-Salali
est le œntre de l'oasis de Tidikelt et riionneur d'y être entré, revient
à la mission Flamand dont le but était purement scientifique, mais
qui s'était toutefois fait accompagner prudemment d'une escorte
de 140 soldats indigènes commandés par le capitaine Pein. La mission
Flamand avait pour objet d'explorer le Tadmait, le Mougdir et l'Erg
d'Adjemor et d'en étudier la géologie, la botanique et l'hydrologie.
Elle devait aussi rapporter des renseignements sur les itinéraires les
plus pratiques pour les caravanes se rendant d'Algérie au Touat et au
Soudan et faire connaître, au point de vue religieux, la situation res-
pective des grandes confréries religieuses dans ces régions. Nous ne
savons naturellement rien encore des résultats du vaste et intéressant
programme scientifique que la mission Flamand s'est tracé; nous
espérons toutefois qu'elle sera aussi heureuse dans le domaine de la
science qu'elle l'a été sur le terrain militaire.
La rapide conquête d'In-Salah semble prouver que l'on s'était
grandement exagéré les dangers d'une action dans le sud de lOranais
et que 1 on a eu tort d'hésiter depuis dix ans à faire contre le Touàt la
démonstration à laquelle M. Cambon s'efforça vainement de décider
le gouvernement. La politique de M. Cambon a été heureusement
reprise par le gouverneur actuel de l'Algérie, M. Laferrière, qui a
appuyé la mission Flamand dont l'envoi rentrait, d'ailleurs, dans le
plan de conquête pacifique du Sahara qu'il s'est proposé.
Une autre considération a aussi contribué à prolonger les hésita-
tions des Français, c'est la crainte de susciter des difficultés de la part
du Maroc. Les sultans du Maroc ont de temps à autre élevé de vagues
prétentionsà la HOuverainctedecesoasis.il y a une quarantaine d'années,
à une époque où circulait le bruit d'une prochaine occupation
française, les habitants du Touât envoyèrent une ambassade au Maroc,
chargée de présents, pour demander au Sultan sa protection. Le Sultan
accepta les présents et promit son appui, mais il n'est jamais inter-
venu d'une manière quelconque dans les affaires du pays, et sa sou-
veraineté semble s'être limitée à un ascendant purement religieux.
il peut paraître intéressant d'examiner rapidement quelles sont les
populations qui habitent les régions nouvellement acquises par la
France et quelle est la valeur de ces contrées.
Le nom de Touât, dont les Européens se servent pour désigner
l'ensemble des oasis qui se trouvent au sud-ouest de l'Algérie, ne se
rapporte, en réalité, qu'à la partie centrale de la région. Celle du nord
s'appelle Gourara et celle du nord-est, Tidikelt. C'est dans cette der-
nière que se trouve In-Salah. On ne peut guère se faire une idée des
138 ÉTUDES COI^ONIALES
limites de chacun de ces groupes d'oasis ni du nombre de^ habitants
qu'ils possèdent. On pense qu'ils renferment 330 ou 330 Kessours ou
villages — dont 156 dans le Touât proprement dit - et que la popula*
tion totale de toute la région s'élève de 100,000 à 144,000 habiUnis. Ces
chiffres se rapportent à la population sédentaire qui est composée d'un
mélange de races les plus diverses. La classe dominante est constituée
par les Arabes ou les Berbères blancs qui ont adopté en grande partie
les coutumes des Arabes. En général, les Arabes et les Berbères vivent
séparés dans leurs villages respectifs qui sont, du reste, régis de
manière différente.
Dans les villages arabes, il existe une sorte de système féodal
modifié dans une certaine mesure par l'autorité d'un conseil des
anciens. L'organisation politique des Berbères est beaucoup plus
démocratique. Au lieu d'un conseil des anciens, ils ont une organisa-
tion municipale qui est présidée par un chef correspondant au Sheikh
des Arabes.
11 faut toutefois remarquer que l'influence arabe a fortement agi sur
l'organisation berbère et qu'il serait fort difficile de donner une des-
cription qui pût s'adapter indistinctement aux institutions de toutes
les communautés berbères. Il existe aussi une classe connue sous le
nom de Cheurfa ou Sheriffs; c'est une sorte de noblesse religieuse
d'origine maure, possédant un nombre considérable de villages. Les
Harritan ou Berbères noirs sont regardes par beaucoup d'auteurs
comme formant la race aborigène. Us occupent une place intermé-
diaire entre les Arabes et les Berbères blancs, d'une part, et les
esclaves nègres qui sont l'élément inférieur de la population, de
l'autre. Les Harritan s'appliquent aux travaux manuels et à la culture
du sol. Us sont sédentaires mais libres de quitter le pays; aussi en
trouve-t-on un grand nombre en Algérie, au Maroc et même dans le
pays des Touaregs.
Les oasis de cette partie du Sahara doivent leur existence à la pré-
sence d'une nappe d'eau souterraine qui provient par infiltration des
pentes du Mont Atlas. Les habitants recueillent cette eau avec soin et
ramènent par des galeries souterraines vers leurs jardins. L'industrie
principale du pays est la culture des dattiers. On rencontre aussi
quelques céréales et de nombreux troupeaux de chèvres et d'ânes. On
ne trouve pas moins de 75 variétés de dattiers dans ces oasis. Elles
forment la principale nourriture non seulement de la population
sédentaire mais aussi des Touaregs Ahaggars qui se rendent chaque
automne au Touât, à l'époque de la récolte, pour échanger contre des
dattes, les produits du Soudan.
CHRONIQUE 129
Le Touât est le point d'intersection des routes de caravanes qui se
dirigent d'Algérie vers Tombouctou et de Tripoli vers le Maroc. C'est
dans cette oasis qu'autrefois les caravanes du centre et de l'ouest du
Soudan venaient échanger l'or, l'ivoire et les plumes d'autruche des
régions méridionales contre les marchandises de l'Europe et des Etats
méditerranéens. Dans les dernières années, l'importance commerciale
du Touât a beaucoup diminué par suite de l'ouverture de nouvelles
routes commerciales vers l'océan Atlantique. D'autre part, le trafic
des esclaves qui s'est toujours fait au Touàt, a aussi beaucoup décru
dans ces derniers temps.
Ce n'est donc pas tant au point de vue commercial que l'acquisition
du Touât importe à la France, c'est plutôt au point de vue politique.
Cette région était un foyer d'intrigues où s'ourdissaient contre la
France toutes sortes de complots; c'est de là qu'est partie aussi
l'agression qui a abouti au massacre de la mission Flatters. La popu-
lation de ces oasis est fanatiquement musulmane ; elle est déchirée
par les factions intestines et n'est unie que dans une pensée : l'exter-
mination des infidèles. On dit que depuis un certain temps, une
partie de la population, fatiguée des exactions des Touaregs et des
Arabes, s'est prononcée en faveur de la France. C'est possible, mais
il y a tout lieu de croire que cette opinion se confine aux classes infé-
rieures du pays. H n'est guère probable qu'elle ait été partagée par
les classes dominantes dont la haine contre les infidèles n'a pu que
s'accentuer devant les excitations des missionnaires du Sheik el
Senoussi qui prêchent les doctrines de la secte musulmane la plus
fanatique.
La Guinée française. — Le développement de la Guinée fran-
çaise dans les dernières années, a fait l'objet d'un récent rapport du
consul anglais, M. Arthur. En 1898, la Grande-Bretagne absorbait à
peu près les trois quarts des exportations et des importations parce
que, jusque dans les derniers temps, le district connu sous le nom de
« Rivières du Sud » dépendait en réalité de Sierra-Leone, au point de
vue commercial. Les Français ont changé cette situation et leur poli-
tique a eu pour but de rendre la Guinée française presque entièrement
indépendante de Sierra-Leone. Actuellement Konakry, leur «iapitale,
est en train de devenir rapidement un des principaux centres com-
merciaux de l'Afrique Occidentale. Par suite de l'imposition de
droits de sortie, les indigènes se voient forcés de vendre leurs produits
dans l'intérieur de la colonie et d'autre part, bien que Konakry soit
nominativement un port franc, des droits d'entrée sont perçus sur
130 ÉTUDES COLONIALES
certains articles originaires d'Afrique dans le but de développer les
ressources du pays. Dos droits analogues sont imposés sur les
marchandises européennes et américaines transportées via Sierra-
Leone ou un aulre port. Il en résulte que les commerçants qui avaient
l'habitude d'approvisionner leurs comptoirs des Rivières du Sud à
Sierra-Leone, ont été obligés de transférer leurs affaires à Konakry et
d'y fonder des élablisscmcnts permanents. Ils ont, du reste, été bien
accueillis par les autorités françaises qui leur ont donné des terrains
pour bâtir et des avantages pour le transport de leurs marchandises
par le Decauville
D'après M. Arthur, la prospérité de la Guinée française est assurée
aussi longtemps que l'industrie du caoutchouc se maintiendra, mais il
esta remarquer que les indigènes sont obligés d'aller de plus en plus
loin d;ms l'intérieur du pays pour en récolter; une grande partie du
caoutchouc provient déjà maintenant du Soudan français.
M. Arthur fait aussi observer que si les autorités françaises ont
réussi à mettre fin au commerce entre la Guinée française et Sierra-
Leone, cette colonie rencontrera de puissants rivaux parmi les autres
colonies françaises, car les marchands établis au Sénégal feront leur
possible pour attirer le commerce vers celte dernière possession.
Le chemin de fer projeté de KoHakry au Niger diminuera" les diffi-
cultés et les frais de transport des produits de l'intérieur à la côte et
contribuera ainsi à favoriser la situation de la Guinée française.
L'arrivée d'un grand nombre de marchands syriens a causé des
ennuis aux commerçants déjà établis dans la colonie. Ces marchands
que l'on rencontre dans la plupart des villes de la cote occidentale,
achètent du caoutchouc et d'autres produits par petites quantités et
s'interposent ainsi entre l'indigène et les établissements commerciaux
réguliers, amenant par suite un renchérissement des produits du pays.
Ils vendent aussi aux indigènes des objets à bon marché et de qualité
inférieure. Bien que la politique de la France ait eu une influence
néfaste sur le commerce de Sierra-Leone, elle n'a pas nui aux impor-
tations ni aux exportations du Royaume-Uni et M Arthur ne pense
pas que l'Angleterre perdra la situation qu'elle a acquise, aussi long-
temps que les pays étrangers seront admis à concourir sur le même
pied que les Français, car elle fournit, dans une large mesure, les
objets que les indigènes demandent le plus.
Lagos. — Le dernier rapport du secrétaire colonial de Lagos se
prononce d'une manière très satisfaisante sur la situation actuelle et
sur l'avenir de celte colonie. La population est heureuse et sa prospé-
rité a augmenté par suite du grand développement qu'ont pris les
CHRONIQUE im
cultures depuis 1893. Le secrélaire colonial estime que les expor-
tations prendront de l'extension quand la ligne du chemin de fer sera
ouverte jusqu'à Ibahan. 11 est à regretter que le port ne soit accessible
qu'aux vaisseaux de petit tonnage car le développement de la colonie
en souffre. On peut toutefois espérer que dans l'avenir, on parviendra
à remédier à l'inconvénient que présente la barre, au moyen do
travaux permanents dont le coût est trop élevé pour pouvoir être
entrepris actuellement.
L'arrangement intervenu entre la France et l'Angleterre aux termes
duquel les territoires situés entre Lagos et le Niger ont été reconnus
comme rentrant dans la sphère anglaise en même temps que les droits
de l'Angleterre sur le Sokoto ont été admis, aura pour efftit d'amener
la pacification d'une vaste étendue de territoire et de déterminer
probablement un nouvel essor dans la culture des produits commer-
ciaux.
Le chemin de fer est ouvert à présent au trafic jusque Abbeokuta
et à la fin de l'année, il atteindra Ibahan.
L'exportation de l'acajou augmente rapidement, mais il est à
craindre que l'industrie du caoutchouc ne tombe à bien peu de chose
dans quelques années à cause de la manière inconsidérée dont il est
exploité par les indigènes. Le commerce de ce produit ne peut être
revivifié que par l'établissement de plantations, ce qui se fait déjà dans
différentes parties de la colonie.
Dans Tîle de Lagos, une grande partie de la population se conforme
à la manière de vivre des Européens ; la masse, toutefois, tient à ses
habitudes et le secrétaire colonial estime que les indigènes sont plus
heureux tout en étant aussi industrieux quand ils ne se sentent pas trop
gênés par les entraves de la civilisation. La polygamie prévaut parmi
eux et leurs nombreuses femmes pourvoient par le commerce à leurs
besoins ainsi qu'à ceux de leurs enfants. Le mari est le centre de la
famille et offre aux femmes asile et protection. La chasse aux esclaves
dans l'intérieur a été presqu'entièrement supprimée et les sacrifices
humains ont pour ainsi dire disparu bien qu'il ne soit pas impos-
sible qu il s'en produise encore de temps en temps dans les districts
les plus éloignés.
Le chiffre total des importations et exportations, qui était, en 1889,
de 834,80* £ s'est élevé, en 1898, à 1,775,192 H tandis que le revenu
de la colonie passait, pendant la même période, de 57,633 C à 196,444 £.
Les trois principaux articles d'exportation sont les noix de palme,
l'huile de palme et le caoutchouc. Pendant les dernières années, hî
commerce de l'huile de palme a diminué sensiblement parce que
i3!2 ÉTUDES COLaNIALES
les indigènes se sont appliqués à l'exploitation du caoutchouc qui leur
offre plus de profit. Mais comme les palmiers exigent peu de soins et
qu'ils abondent dans Thinterland de la colonie, cette branche de
commerce reprendra probablement bientôt de la vie, surtout quand
les porteurs, qui sont engagés actuellement dans les récentes opéra-
tions de rhinlerland, seront libres de nouveau et se trouveront, par
suite, disponibles pour les travaux agricoles.
Le «Lagos Week l y Record» insiste de son côté sur l'importance
qu'il convient d'accorder à l'agriculture dans la colonie. Tout porte à
croire, dit-il, que l'agriculture deviendra le but principal et la seule
source de revenu de la population de Lagos. Le développement de
l'agriculture est manifeste depuis quelque temps et un grand nombre
de gens s'occupent déjà de la culture du café et du cacao. Le prix du
café a subi une si grande dépression que bt^aucoup de planteurs perdent
confiance dans cette culture et il semble qu'une ressource plus sûre
soit offerte par l'exploitation du cacao, du copra et du caoutchouc.
Le premier de ces produits absorbe l'attention de la population de
l'île de Fernando-Po dont les exportations augmentent chaque année.
Etant donnée la vaste étendue de terre dont on peut disposer dans le
Lagos, il n'y a pas de raison pour que c-ettc colonie ne devienne un
centre important do production et d'exportation de cacao et que la
population n'y trouve une prospérité réelle et durable comme c'est le
cas pour Fernando-Po. Les cacaoyers n'exigent pas de connaissances
techniques particulières et ils se développent fort bien quand on les
plante dans un sol convenable et qu'on les protège contre l'envahis-
sement des mauvaises herbes. Le journal insiste aussi sur la nécessité
d'établir des plantations de caoutchouc dont il n'est plus nécessaire,
dit-il, de mettre les avantages en relief.
La Nigeria. — Le premier janvier de celte année, U» gouvernement
anglais a pris otticiellement possession des territoises de la Royal Niger
Company qui, comme on le sait, n'existera plus désormais que comme
simple société commerciale. Le vaste domaine qui vient de s'ajouter
aux possessions de l'empire britannique et qui embrasse une étendue
de 500,000 milles carrés comptant une population évaluée à 35 mil-
lions d'âmes, a été subdivisé pour les besoins de l'administration.
Une porlion en sera ajoutée à la colonie de Lagos qui s'étendra ainsi
jusque vers le 9** degré de latitude nord. Le reste, y compris les terri-
toires connus sous le nom de Protectorat de la côte du Niger et s'éten-
dant sur les deux rives du Niger près de l'embouchure de celui-«i,
sera divisé en deux Protectorats : la Nigeria supérieure (Opper Nigeria)
CHRONIQUE 133
et la Nigeria intérieure (Lower Nigeria), Celte dernière sera la province
cotière dont la frontière intérieure passera par Iddah, sur le Niger et
se dirigera à l'est jusqu'au Lagos et à l'ouest jusqu'au Kamerun. Elle
sera administrée par sir Ralph Moor qui portera le litre de Haut
Commissaire. La Nigeria supérieure se composera du territoire inté-
rieur de la colonie qui est beaucoup plus étendu et qui s'étend jus-
qu'aux limites récemment définies du Borgu et jusqu'à une ligne
allant de Sag sur le Niger, au lac Tchad. Ce territoire qui renferme le
royaume de Sokoto et l'Etat de Nupé, récemment soumis, ainsi que les
cistricts fertiles qui s'étendent au nord de la rivière Bénué, sera
administré par le colonel Lugard, qui après avoir servi dans l'armée
des Indes et au Soudan et s'être fait connaître c-omme administrateur
de l'Uganda (1889-92), s'était engagé au service de la Compagnie du
Niger, sous le titre de Haut Commissaire.
Les forces militaires chargées de la défense des possessions britan-
niques dans le golfe de Guinée continueront à être désignées sous le
nom de West African Frontler Forœ et seront considérablement
augmentées. Leur contingent sera de S,000 à 6,000 hommes, dont
2,500 séjourneront dans le nord de la Nigeria et 1,000 dans le sud:
700 seront attribués à Lagos et 1,200 à la Cùle d'Or. Des droits de
douanes perçus à la côte, une part sera attribuée à la Nigeria supé-
rieure. Le système actuel d'administration sera maintenu tel que la
Compagnie l'avait établi, les principaux agents politiques de la Com-
pagnie étant incorporés au Civil Service de la Couronne. Le siège du
gouvernement de la Nigeria supérieure n'a pas encore été arrêté, mais
on espère trouver une situation salubre sur la rive septentrionale de
la Bénué. La politique du gouvernement britannique se limitera,
autant que possible, au maintien de la paix et à la supression de la
chasse aux esclaves ainsi qu'à l'amélioration des voies de communi-
cations dans le but d'ouvrir le pays au commerce européen.
Au dire des voyageurs qui ont parcouru les contrées nouvellement
annexées, les territoires de l'intérieur sont fertiles et salubres et ren-
ferment de grandes richesses naturelles. Grâce à une population nom-
breuse et active, l'agriculture et les arts industriels ont été portés à
un degré de perfection remarquable. Depuis un millier d'années les
marchés de cette contrée sont visités par les caravanes venant du
Maroc, d'Eg>'pte ou de Zanzibar et il serait d'une importance capitale
pour le commerce européen d'ouvrir vers ces centres, une voie rapide
à partir de la mer.
Angola. Le caoutchouc AJmeidina. — Le consul d'Angleterre
134 KTLDKS COLOMALtS
à St-Paul de Loanda attire l'attention sur le caoutchouc connu sous
le nom d' « Almeidina » qui est devenu un des principaux articles
d'exportation de la colonie portugaise d'Angola. Ce produit était déjà
connu précédemment, mais les expériences auxquelles on l'avait
soumis ne le montraient guère propre à rendre des services au com-
merce. L'avenir de ce caoutchouc semble cependant se présenter
actuellement sous un jour plus favorable puisque les prix qu'il a
atteints sur le marché de Londres se sont élevés à 7 et 8 sh. la livre.
L'Almeidinaou Euphorbia ou potato gum^ comme on l'appelle indif-
féremment, est le suc d'un végétal appelé Euphorbia tiitu^lli. Cette
plante croît littéralement comme une mauvaise herbe dans les districts
maritimes de l'Angola. On la rencontre à chaque pas. Elle escalade
les collines de l'intérieur et se jette des endroits les plus escarpés de
la côte jusque dans la mer. On peut dire que c'est le végétal le plus
prolifique de cette contrée sauvage.
Les terres arides sont nombreuses autour de Loanda. Aucune
plante ne songerait à y établir son habitat; seul, V Euphorbia tirucaili
s'y rencontre perpétuellement frais et verdoyant quelle que soit la
saison. Ses tiges qui ressemblent à des doigts, regorgent de suc que la
moindre piqûre ou blessure fait couler.
On extrait le suc en faisant une entaille dans les branches. (Le
E. tirucaili semble, en général, n'être composé que de branches. Dans
la plupart des cas, celles-ci cachent entièrement la tige principale). La
résine s'écoule aussitôt en un liquide de couleur laiteuse (|ue Ton fait
bouillir, pour les besoins du commerce, jusqu'à ce qu'il durcisse. On
le roule ensuite en boules et on l'expose au soleil. Quand ces boules
sont prêtes à être exportées, elles ressemblent, parait-il, en couleur et
en volume, à la pomme de terre. (]c produit est connu en Europe de-
puis plusieurs années, mais jusqu'à présent, les transactions dont il
a été l'objet, n'ont guère été rémunératoires.
Les exportations d'AImeidina se sont élevées, en 1897, à 72,748 kilos,
évalués par la douane d'Angola, à 3,515,920 reis, ce qui représente
une valeur déclarée, inférieure à fr. 1.25 par livre. De cette quantité,
35,9i0 kilos ont été embarqués à Mossamédès, 82,215 kilos à Benguela
et 4,593 kilos à Loanda.
Cette plante a été plus particulièrement expérimentée dans le Mos-
samédès que dans les autres parties de l'Angola. C'est là qu'il y a dix-
huit ans, Senhor Almeida, qui lui a donné son nom, commença les
observations qui l'amenèrent à transporter une certaine partie de ce
produit en Europe. Les relevés de la douane accusent une augmen-
tation dans les exportations en 1898. Celles-ci ont atteint le chiffre de
CHRONIQLE 135
99,682 kilos d'une valeur de 4,90S,93:J rcis, dont 54,710 kilos, valant
2,753,533 reis proviennent du Mossamédès. Il est probable que
l'exportation en 1899 aura été plus considérable encore.
Le rapport du consul appelle aussi l'attention sur les ressources du
Mossamédès qui est, d'après lui, la partie de l'Afrique portugaise
occidentale où les capitaux européens pourront, en premier lieu, être
rétribués. On a déjà découvert des minéraux, parmi lesquels l'or, en
quantité suffisante pour laisser un profit dans un district qui n'est pas
entièrement dénué de moyens de transport et dont le climat convient
à la race blanche. La cote possède deux ou trois excellents ports na-
turels et si les centres miniers étaient reliés à la mer par des voies fer-
rées, le Mossamédès deviendrait, sous bien des rapports, une région
de transition prospère entre les pays du sud de l'Afrique et les riches
contrées équatoriales de ce même continent.
L'exploration du major Gibbon au Zambèze. — Dans une
lettre adressée à la Société royale de Géographie de Londres (Ij, le
major Gibbon fait l'exposé des travaux de l'expédition depuis le mois
de mars 1899 jusqu'au 31 août de la même année. Le champ d'explo-
ration a compris la région située à l'ouest du Zambèze supérieur où
se trouvent les cours supérieurs de l'Okavongo, du Kwando et d'autres
rivières du bassin occidental du Zambèze.
Le capitaine Quicke, après avoir atteint le confluent du Kubangui et
du Kwando, remonta celui-ci jusqu'à sa source, et puis se dirigea dans
la direction nord-est vers le Lungwebugujqui, lorsqu'il l'aperçut pour
la première fois, était une rivière rapide et profonde d'environ
200 yards de largeur. La vallée de ce cours d'eau, comme celle d'autres
rivières de cette région, est bordée par des ond»ilations de sable blanc
qui diminuent en hauteur à mesure qu'on se rap[u*oche du Zambèze.
La partie inférieure du Kwando fut explorée par le capitaine Hamil-
ton qui constata que ce cours d'eau est beaucoup moins important
que le Kubangui ou le Kwito qui, tous deux, sont ou pourraient être
facilement rendus navigables pour les stern-wheelers.
Le Kwito suit, d'après les relevés du major (libbon, un cours tout
différent de celui qu'indiquent les caries qui le placent à environ
23 milles trop à l'est, il se jette dans l'Okavongo qui présente cette
particularité d'être relié au Kwando CLinyanti) par un canal, connu
sous le nom de Magwekwama (2). Le ninjor Gibbon suivit ce canal à
(1) Geographical journal, janvier 1900.
(2) Voir ci-après rexploratioii de M. Percy Kcitl.
136 ÉTUDES COLONIALES
partir du Kwando et fut frappé de la largeur de son lit, ce qui Tamena
à penser qu'il avait été autrefois le canal principal de l'Okavongo ;
celui-ci aurait donc appartenu jadis au système du Zambèze. Le
canal devint toutefois moins distinct à mesure que l'explorateur se
rapprochait de l'Okavongo; finalement, il fut constaté qu'il n'était
qu'une dérivation de cette rivière utilisée seulement pendant deux mois
de l'année et dépourvue d'eau durant la saison sèche.
Le major Gibbon se propose maintenant de remonter le Zambèze
jusqu'à sa source et de se diriger ensuite vers le Tanganika pour ren-
trer en Europe par la voie du Nil. Quant à ses compagnons, ils con-
tinueront à explorer les affluents du Zambèze.
Exploration de la rivière Linyanti par M. Percy Reid. —
L'expédition de M. Percy Reid (1) confirme les constatations faites
par le major Gibbon relativement au canal qui relie l'Okavongo à la
rivière Linyanti ou Kwando (le Chobe de Livingstone). M. Reid a
observé particulièrement la crue que présente ce cours d'eau à l'époque
culminante de la période sèche, phénomène que M. Selous avait déjà
remarqué précédemment. M. Reid dit que la rivière a deux crues par
an. M. Selous constata le maximum d'élévation des eaux en septembre,
tandis que M. Bradshaw, qui semble avoir séjourné pendant toute une
année dans cette région, déclare que la crue commence en janvier,
qu'elle atteint son maximum en mars et qu'elle diminue ensuite
jusqu'en janvier. On serait porté à croire que le régime des eaux
de cette rivière varie d'année en année. Cette hypothèse est confirmée
dans une certaine mesure, par les observations de M. Selous qui
constate que de 1874 à 1879, les inondations semblaient diminuer
d'intensité chaque année. M. Arnot, qui traversa les sources de la
rivière en 1884, explique le phénomème de la crue à l'époque de la
saison sèche par la nature poreuse du sol près des sources, qui fait
que celui-ci absorbe les pluies jusqu'à la fin de la saison humide.
Transvaal. La production des diamants. — D'après le con-
sul d^ France à Pretoria, on a découvert au Transvaal, en 1898,
22,843 carats de diamants, évalués à 1,093,250 francs contre
5,792 carats valant 287,500 francs, en 1897.
Les districts miniers sont ceux de Bloemhof et de Pretoria. Dans le
district de Bloemhof, on trouve des diamants dans l'ancien lit du
Vaal, surtout à Christiana et à Kromelleboog.
( i , Geogi*aphkal journal, janvier i 900 .
CHRONIQUE
137
On a obtenu, à Christiana, 2,176 carats valant 160,745 francs et à
Kromelleboog, 9,642 carats d'une valeur 711,100 francs, ce qui fait un
total de H,818 carats valant, à raison de fr. 73.74 le carat,
871,575 francs.
Dans le district de Pretoria, on trouve des diamants dans les dépôts
volcaniques et dans les alluvions.
Afrique portugaise orientale. Exportation du caoutchouc
et des arachides. — Le consul anglais à Mozambique donne les ren-
seignements suivants au sujet de l'exportation du caoutchouc el des
arachides, de l'Afrique portugaise orientale, pendant les années 1897
à 1898:
PORTS.
1
1897.
1898. 1
QUANTITÉS.
VALEUR.
QUANTITÉS.
VALEUR.
CAOUTCHOUCS.
Ibo
Tonnes.
75
i6t
V6
70
Liv. st.
26^625
S7,155
5,323
24,853
Tonnes.
85
150
132
100
Liv. st.
30,175
53,250
46.860
35,500
Mozambique
Qoelimane
Chinde i)
Total. . .
ARACHIDES.
Ibo
331
113,955
743
27,877
33,345
27,000
467
165,785
5?>
2,005
2,470
2,000
85
5,190
6,397
4,500
1,148
70,065
86,359
60,750
Mozambique
Quelimaue
GhiDde(l)
Total. . .
6,590
88,005
16,172
218,322
(I) Chiffres opproximatifs.
138 ÉTUDES COLONIALES
AMERIQUE
Les Allemands au Brésil. — Le consul général des États-Unis
à Kio de Janeiro, M. E. Seeger, qui se trouve actuellement à New-
York, a fait récemment une tournée dans les États du sud du Brésil.
Ce qui Ta surtout frappé au cours de ce voyage d'études, c'est la
prépondérance que l'élément germanique s'est acquise dans ces
régions. La vaste république brésilienne, qui possède une superficie
de 8,370,000 kilomètres carrés, c'est-à-dire, une étendue supérieure
à celle de l'Allemagne, de la Russie, de l' Autriche-Hongrie et de la
Turquie réunies, est redevable aux Allemands de l'ouverture de ses
riches provinces méridionales. Ces derniers se trouvent aussi à la tête
des entreprises commerciales et industrielles dans les Etats de Parana,
de Santa Catharina et surtout dans celui de Rio Grande do Sul.
Le consul a dû effectuer la plus grande partie de son voyage à
cheval ou en voiture, car, au point de vue des voies ferrées, le Brésil
laisse beaucoup à désirer. La ligne de Porto Alegrc à Parana n'existe
encore qu'à l'état de projet, et la grande voie qui doit relier Parana-
gua, port de Parana, ou Itajahi, port de l'État de Santa Catharina, au
Paraguay ne se réalisera pas de sitôt. Un travail des plus utile consis-
terait, d'après M. Seeger, à prolonger la ligne qui va actuellement de
Ascencion à Villa-Rica, deux villes du Paraguay et dont la première
est située sur le fleuve Paraguay, jusqu'à l'océan Atlantique, soit sur
la côte de l'État de Parana, soit sur celle de l'État de Santa Catharina.
On aurait alors une voie de pénétration de premier ordre, qui serait
admirablement servie par les deux cours, navigables sur une grande
longueur, du Parana et du Paraguay. Cette ligne ferait plus pour le
développement des États de Goyaz et de Matto-Grosso ainsi que pour
les parties limitrophes du Paraguay et de la République Argentine,
que l'immigration la plus dense et la plus active.
C(»> n'est pas sans regret que le consul américain constate que sur de
longues étendues des pays qu'il a pourcourus, on ignore complètement
la présence de ses compatriotes et qu'on n'y connaît même pas le
drapeau étoile. Tout y est foncièrement allemand. Même à Porto
Alegre, capitale du Rio Grande, les enseignes commerciales et les
inscriptions des rues principales sont allemandes.
Le consul a aussi visité les localités purement allemandes qui se
CHRONIQUE 139
développent sur la pente du Serra Gérai, et il fait du bonheur dont
elles jouissent, le tableau le plus riant. A Blumenau, par exemple,
tout se passe encore de la manic^re la plus patriarcale et la plus pri-
mitive. On n'y rencontre ni gaz, ni électricité, ni téléphone; on n'y
trouve même pas de routes pour les chevaux. Par contre, les mœurs
y sont d'une pureté idyllique, il y existe une prison, mais il semble
plutôt que ce soit à titre de curiosité ou de souvenir de contrées moins
heureuses, car, depuis cinq ans, elle n'a eu l'occasion d'héberger
qu'un unique délinquant, fait qui mérite d'être signalé dans une ville
qui possède 50,000 habitants. A rhutel,oii le voyageur était descendu,
on ne fermait pas les portes des chambres, la nuit. On avait, du reste,
négligé de les munir de serrures. Il est probable qu'on avait considéré
cette dépense comme un luxe inutile dans un pays où les voleurs
semblent une chose inconnue. Dans le café, qui était annexé à l'hôtel,
les clients se servaient eux-mêmes quand l'aubergiste était appelé
ailleurs et, en partant, ils déposaient avec simplicité sur le comptoir
le prix des consommations qu'ils s'étaient offertes.
L'école se trouvait dans le voisinage de l'hôtel et le voyageur éprou-
vait toujours un plaisir particulier à voir, au coup de midi, l'institu-
teur sortir, suivi de ses élèves marchant deux par deux. Le professeur
portait des vêtements d'une coupe oubliée depuis longtemps dans les
pays qui se disent civilisés et il tenait dans ses mains une énorme
tartine dont les dimensions sont évaluées par le consul, avec la dose
d'exagération de tout Yankee qui se respecte, à 24 x 36 centimètres.
Les enfants étaient également pourvus de tartines confortables bien
qu'elles fussent de taille plus modeste. On ne connaît ni mendiants ni
voleurs à Blumenau. Tout y respire le bien être et la satisfaction.
L'argent semble y être en abondance.
La Deutsch-BrazilischeBank, de Rio, dont de capital est de 12 mil-
lions de marcs, fait à Blumenau d'excellentes affaires. Elle distribue
12 p. c. de dividende et pourrait en donner 20 sans se gêner. Elle se
propose d'ouvrir bientôt une succursale à Porto-Alegre.
Hâtons-nous d'ajouter que dans cet heureux pays, dont le climat
ne le cède en rien à celui de la Californie, il y a encore de quoi loger
des millions de gens. On ne peut douter que lorsque ces provinces
brésiliennes, qui ont eu tant à souffrir des révolutions et des émeutes,
auront vu refleurir la paix et la tranquillité, elles ne deviennent le
centre d'un développement économique merveilleux.
BrésiL L'exportation du café. — Le tableau suivant donne
les chiffres des exportations de café du Brésil effectuées par les ports
140
ÉTUDES COLONIALES
de Santos, de Rio de Janeiro, de Victoria et de Bahia, pendant les
années 18dS à 1898 :
t
PORTS.
1885.
1886.
1897.
1888.
Sacs.
Socs,
Sacs.
Socs. i
Santos
3,601,727
4,iavi9
5,665,278
5,745,212 j
Rio de Janeiro ....
2,780,095
2,804,375
4,504,757
3,793,320
Victoria
463J57
275,951
393,044
379,9.1
Bahîn
Total des sacs de 132
livres anglaises) . . .
26-1,775
262,087
292,671
329,7»
7,109,752
7,8tK>,750
10,855,750
10,248,168
Iles Bahamas. — Le rapport du secrétaire colonial «les lies
Bahanias pour 1898, conslate la grande prospérité dont ces îles
jouissent actuellement. Les recettes dépassent largement les dépenses
et elles sont dues principalement à la perception des droits d'entrée.
En 1894. le déficit était considérable et pour le combler, les droits
d'entrée furent élevés et les travaux publics suspendus pour un an.
Ces mesures ramenèrent l'équilibre dans le budget. En 1898, les
importations prirent une telle extension qu'il en résulta un excédent
dans les recettes et, en conséquence, les droits d'entrée furent de
nouveau réduits. Les principales importations concernent les produits
manufacturés de coton, de laine, de lin et de soie. Les droits sur les
produits maraîchers et le bétail ont été maintenus, afin d'encourager
la culture et l'élevage dans la colonie mais sans produire jusqu'à
présent d'autre résultat que de faire payer les consommateurs plus
cher.
Les exportations n'ont cessé de croître dans les cinq dernières
années. Elles comprennent principalement les éponges, qui repré-
sentent plus de la moitié du total, les fruits et la ramie- L'industrie
du sel décline. Les exportations de fruits, oranges et ananas, qui
étaient autrefois aussi considérables que celles des éponges, repren-
nent maintenant de l'importance grâce à l'amélioration de la culture.
On ne signale pas la moindre apparence d'épuisement des éponges
dont la demande excède toujours l'offre. Le commerce de la ramie
a reçu une grande impulsion par suite de la guerre aux Philippines
qui empêche l'exportation de chanvre de Manile.
CIlRONrQOE 141
ASIE
Chine. — Le succès diplomatique que vient de remporter M. Hay,
secrétaire d'État des États-Unis, auprès des puissances ayant des
intérêts en Chine, constitue un événement capital de Faction politique
étrangère dans ce pays.
On se rappelle que dès que la faiblesse témoignée par la Chine pen-
dant la guerre sino-japonaise eut ramené l'attention européenne sur
elle, les partisans de l'action en Extrême-Orient se partagèrent en deux
camps. L'un était celui de la « open door », de la porte ouverte, vou-
lant l'intégrité de l'empire en 1<*. forçant à ouvrir ses marchés à la libre
concurrence. C'était la première thèse anglaise, dont Lord Charles
Beresford est resté le champion. L'autre camp dans lequel l'Angleterre
fut forcée d'entrer devant le fait accompli, veut partager la Chine en
sphères d'influence en vue d'un démembrement possible et veiller
dans c-es sphères à ce que les nationaux seuls jouissent de privilèges.
Le négociations menées par M. Hay sont un retour vers la <c open
door ». Il a successivement obtenu de la France, de l'Angleterre, de
Ja Russie, du Japon et de l'Italie, l'assurance que les intérêts étrangers
quelconques seront sauvegardés dans tout le territoire chinois propre-
ment dit et que ceux des États-Unis le seront même dans les diverses
sphères européennes déjà délimitées, indépendamment toutefois des
colonies eifcctivemcnt possédées. Au dire du Tvnes, l'Angleterre
serait même disposée, au cas où ces engagements seraient. réellement
observés, à orienter à nouveau sa politique dans son sens primitif et à
faire de la « porte ouverte» le but fondamental de son action. Cette
opinion, si conforme aux saines traditions de liberté commerciale de
l'Angleterre, ne peut être enregistrée qu'avec satisfaction par des pays
comme le nôtre, qui ont une puissance productive suflisante pour
aborder, là où une législation artificielle ne vient pas en fausser le
jeu, les grands marchés étrangers.
L'initiative prise par M. Hay dénote avec quel soin les États-Unis
préparent le développement de leur commerce dans l'Extrême-Orient.
Ils y apportent une méthode que nous révèle certain passage du
message de M. Mac-Kinley au Congrès: « Il sera désirable que des
crédits soient votés pour la création d'une commission chargée d'étu-
dier les conditions industrielles et commerciales en Chine et pour
lia ÉTUDES COLONIALES
faire un rapport sur los facilités cl les obstacles que la vente des
|)roduits fabriqués d'Amérique rencontrera dans ce pays ». Connaître
le champ à ensemencer, s'assurer qu'on ne sera pas frustré de la
récolte, voilà des indices sérieux de la conviction avec laquelle les
Étal-Unis s'altaquenl au vaste débouché qui s'ouvre. Tout annonce
qu'il y aura là pour l'Angleterre, monopolisatrîce de fait, un antago-
niste redoutable .
La France a obtenu, durant le mois écoulé, pleine réparation pour
les regrettables incidents do Kwang-Tchéou. Outre une indemnité
[lécuniaire pour les familles des officiers lues, elle s'esl fait accorder la
concession d'un chemin de fer de la baie de Kwang-Tchéou à Ouï-Pou
pour lequel toutes les terres publiques nécessaires seront données
gratuitement. Les capitaux français obtiennenl de plus le droit
d'exploiter les mines de Kantschou et de Lei-tschou dans le Kwang-
tung et de Liu-Tschou dans le Kvvrang-Si. C'est la main mise déguisée
(le la France sur toute la région voisine de la péninsule de Lci-Tschou.
L'étroite cession à bail fait tache d'huile dans la zone d'influence, vers
le Si-Kiang au Nord et le Tonkin au Sud.
(^etle dernière colonie ne reste pas inactive non plus pour augmen-
ter sa sphère d'attraction politique et économique. Après un voyago
dans le Kwang-ïung et le Kwei-Tschou, le consul français s'est installé
à Junnan-Seu pour y traiter de la construction du chemin de fer de
cette ville à Lao-Kai, la ville frontière tonkinoise où le fleuve Rouge
devient aisémenl navigable. La réussite de ces négociations augmente-
rait considérablement l'influence française au Yunnan, au grand détri-
ment des intérêts politiques anglais dont les prétentions sur cette
province se motivent, plus encore par la nécessité d'unir la Birmanie
au Jangtsé-Kiang, que par le désir de tirer parti de ses grandes
richesses naturelles.
Le nomination de Li-Hung-Tchang comme vice -roi du Kwan-Tung
n'est pas non plus sans porter ombrage à la Grande-Bretagne. Hong-
llong et Kan-Lung sont sur la côte de cette province. Le « Bismark
asiatique » ne fut pas toujours des grands amis des Anglais. Si le
ciilme parait assuré dans la région avec un dignitaire de cette impor-
tance, les intérêts anglais pourraient bien y être contrecarrés sur plus
d'un point.
L'appel au haut commissariat de la Mandchourie de l'ancien gouver-
neur du Shanlung, grand ami des Japonais et par conséquent fort mal
disposé pour les Russes, pourra leur servir de consolation. Il est bien
tard toutefois pour espérer arrêter encore les soldats colons du Czar,
quand le Transmandchouricii allonge déjà ses rails vers Port Arthur.
CHRONIQUE H*6
Tout au plus pourra-t-il à force de mauvaise grâce — et J'on sait que
les Chinois sont maîlres dans celle façon de résister à l'étranger —
retarder quelques peu leurs eflforts.
Dans le domaine économique pur, les Anglais font toutefois un pas
considérable en fondant la Compagnie du Shansi patronnée par les
grands financiers londoniens. Le capital de 30,000,000 de francs ser-
vira à la construction de la ligne de Shanghwa à Weiluii où elle se
raccordera à la ligne Pékin-Hankow. La ligne nouvelle servira à
écouler les produits des gisements houillers du Shansi et du Honan,
que Ton dit les plus riches du monde.
Du Kilao-Tchéou, ou plutôt de Berlin, nous est arrivée à la fin de
Tan dernier la nouvelle de la fondation de la a Shantung Eisenbahn-
(iesellchaft » par les principaux établissements financiers allemands,
afin d'exécuter le réseau ferré projeté par le gouvernement pour
rayonner dans la province. La ligne principale allant du port de Tsintan
à Tsinan-fu sur le Hoang-ho navigable, détachera un embranchement
sur les mines de houille de Paschau. Une autre ligne reliera dans la
suite Tsintan à Tsinan-fu en passant par Itschu-fu. Le gouvernement
joue dans la constitution et l'opération ultérieures de la société un rôle
si prépondérant qu'il est prescjue permis de considérer le nouvel
organisme comme une institution d'État. Tracé, construction, action-
naires, bénéfices, tout est sous son contrôle. La société relève directe-
ment du gouverneur de Kiao-Tchéou et de l'ambassadeur allemand à
Pékin Quant au gouvernement chinois sur le territoire duquel la
majeure partie de la voie est construite, il n'en est pas fait mention !
Sa participation dans l'entreprise est nulle.
C'est l'antithèse de sa situation dans la construction du grand tronc
central de Pékin-Hankow, où malgré la présence du syndicat franco-
belge, l'inHuence chinoise reste entière. Les travaux de ce chemin de
fer avancent avec rapidité et fort régulièrement. La première section
de 135 kilomètres est ouverte à l'exploitation et fait une recette men-
suelle de 100 à 120,000 francs qui justifie les prévisions optimistes faites
pour cette grande entreprise. Nul doute que les 25 millions belges qui
y sont engagés n'y trouvent une rémunération satisfaisante. Elle
encouragera nos compatriotes à tourner plus encore leur activité vers
rExtréme-Orient où la moisson s'annonce si riche.
La banque Empain, qui n'avait pas attendu pour y envoyer ses
ingénieurs que le succès s'affirmât, a déjà vu son initiative récompensée.
Un nouveau syndicat belge d'études en Chine est en formation en ce
moment. Créé sous forme de société anonyme au capital de 1 million
et demi, il a à sa tête les sommités industrielles et commerciales du
144 ÉTUDES COLONIALES
pays et se propose d*armer un bateau à bord duquel^une mission, ana-
logue à la célèbre mission lyonnaise, visitera les provinces riveraines
du Yang-Tsé en étudiant les affaires qu'il serait possible d*y créer. Le
roi a accordé son concours financier et sa puissante influence à la
nouvelle entreprise.
Hong-Kong. — D'après le récent rapport de sir Henry Blake, gou-
verneur de Hong-Kong, la situation de cette colonie anglaise se pré-
sente sous le jour le plus favorable. La prospérité croît sans cesse;
plus de 80 p. c. des valeurs commerciales cotées régulièrement sont
au-dessus du pair et rien dans les affaires politiques d'Extrême-Orient
n'est de nature à faire présumer que l'avenir de la colonie ne réponde
pas à son passé. La récente extension du domaine colonial anglais sur
le continent pourra fournir aux capiUiux anglais de nouveaux emplois.
I^s écoles sont bien fréquentées par les Chinois qui se montrent
désireux d'acquérir la connaissance courante de l'anglais. L'immigra-
tion des Chinois est considérable et comme il est inévitable qu'il se
glisse parmi les nouveaux arrivés des vagabonds et des criminels, il
en est résulté pour la police, un surcroît de besogne. Le développe-
ment de la piraterie sur la West- River constitue également un sérieux
obstacle aux progrès du commerce britannique et le gouverneur estime
qu'il est grand temps que l'on agisse énergiquemcnt si l'on veut empê-
cher la ruine du commerce.
Les recettes de Hong-Kong se sont élevées, l'année dernière, à
2,918,159 dollars et les dépenses à 2,841,805 dollars. Dans les deux
cas, les chiffres de l'année précédente sont dépassés. Les recettes ont
augmenté rapidement pendant les cinq dernières années. Les dépenses
ont fait de même, bien que dans une moindre proportion, principale-
ment par suite des travaux publics eff'ectués dans l'intérêt de l'hygiène
et de l'amènement de l'eau.
Le gouverneur est d'avis que la prospérité industrielle se maintien-
dra; le nombre des ouvriers a augmenté, pendant les cinq dernières
années, et les Chinois ont appliqué leurs capitaux et leur activité à une
série de nouvelles entreprises.
Les principales industries de la colonie sont le raffinage du sucre, la
fabrication du ciment, du papier et d'objets en bambou et rottang, la
sculpture sur bois ou ivoire, la mise en œuvre du cuivre, du fer, de
l'or, de l'argent et du bois de santal, le battage de lor, la fabrication
de parasols et les grandes industries qui s'occupent du coton et des
allumettes. La construction des navires et toutes les industries secon-
daires qui s'y rattachent, se développent d'une façon constante. On
CHRONIQUE 145
remarque le même mouvement de prospérité parmi les industries
établies sur la partie continentale de la colonie. La filature du coton
vient d*y être introduite. Un grand établissement est déjà en marche
et les Chinois apprennent avec beaucoup de rapidité et d'intelligence
les différentes opérations qui se rattachent à cette industrie.
La population était évaluée à la fin de Tannée 1898, à 254,400 âmes.
Mandchourie. — Le rapport de M. Hosic, consul d'Angleterre à
Niu-Chwang, contient des détails intéressants au sujet du commerce
présent et futur de la Mandchourie. Depuis la fin de la guerre japonaise,
le commerce n'a cessé de grandir et il est certain que le développement
de l'agriculture et des moyens de communication amèneront un nouvel
essor dans les transactions. Il est possible que ce mouvement ne favo-
rise pas Niuchwang, mais le commerce étranger et la Mandchourie, en
général, y trouveront leur avantage pourvu, bien entendu, que l'on
maintienne les droits actuels qui sont légers et que l'on n'établisse
pas de droits de transport préférentiels.
M. Hosie attire l'attention sur l'augmentation importante de l'im-
portation des cotons américains en Mandchourie où ils sont en train
de supplanter les produits anglais, parce qu'ils sont plus lourds que
ceux-ci, et par suite, demandés davantage dans les provinces froides du
nord et aussi parce qu'ils sont supérieurs aux cotons anglais et moins
chers. Les Japonais font aussi la concurrence aux Anglais dans cette
branche de commerce, mais le défaut d'uniformité de leurs produits
fait que leur rivalité est peu à craindre pour le moment.
M. Hosie se montre plein d'optimisme au sujet de l'avenir-des ti'ois
provinces qui composent la Mandchourie. Un tiers seulement des
terres labourables est cultivé actuellement; la population est claii»-
semée, les ouvriers peu nombreux et les moyens de transport difficiles ;
certaines localités sont pour ainsi dire privées de toute communication
avec les ports de mer. 11 en résulte qu'une petite partie seulement des
récoltes annuelles arrive à la côte avant la fermeture des rivières par
les glaces. L'hiver arrête aussi une des principales industries du pays,
l'extraction de l'huile des fèves.
Le remède à la situation consiste dans l'établissement de voies
ferrées. Les travaux de la section de Mandchourie du chemin de fer
transsibérien avancent et on comptait que la voie serait achevée entre
Port Arthur et Mukden, avant la fin de 1899. A Niu-chwang, le
terminus russe se trouve en face de la ligne chinoise venant de
âbankai-Kuan. Les deux voies sont séparées par la rivière et
distantes de quatre milles. On espère que grâce à la dernière
li(> ÉTCDKS COLONIALES
(lo ces voies Niu-chwang sera relié bicntiH à Pékin. D*après
M. Hosie, cette communication amènera un grand développement
dans l'activité commerciale de la Mandchourie si Ton n'établit
pas de droits différentiels ou de taxes de transport préférentielles.
« Les chemins de fer fourniront un moyen rapide et peu coûteux pour
amener la main d'œuvre dont on a besoin, chaque année, dans Tinté-
rieur de la Mandchourie et ils contribueront à l'occupation définitive
du pays et, par suite, à sa richesse et à sa prospérité. Tous ceux qui
sont au courant des conditions dans lesquelles les individus et des
familles entières se rendent dans l'intérieur pour cultiver, ensemencer
et récolter, en seront convaincus. Les chemins de fer mettront fin au
triste spectacle d'hommes, de femmes, et d'enfants qui se traînent
péniblement, pieds nus et harassés, le long des routes pour accomplir
chaque jour une vingtaine des quelques centaines de milles qu'ils ont
entrepris de parcourir pour trouver un morceau de pain. Ils mettront
un terme à une grande misère et à beaucoup de souffrances. »
Arabie. Le café moka. — Le consul américain à Aden, combat,
dans un récent rapport, l'opinion fréquemment émise qu'aucun café
moka véritable n'arrive des ports de l'Arabie sur les marchés d'Europe
ou d'Amérique. Cette opinion est absolument fausse, dit le consul,
car les livres de son propre consulat et ceux de l'agence consulaire de
Hodeida établissent que plus de 5,000,000 de livres de moka ont été
envoyées de ces places aux Etats-Unis, en 1898, sans parler des quan-
tités qui ont été expédiées en Europe. On a prétendu aussi que le café,
bien que mis sur bateau dans des ports arabes, est en réalité produit
ailleurs et envoyé à Aden pour y êtie transbordé comme étant du
moka. Cette dernière allégation est également fausse, à ce qu'il résulte
d'une lettre émanant des autorités anglaises à Aden.
Il est vrai que des ballots de café, originaires de Java, de Singapoure
et d'autres endroits sont débarqués à Aden, mais, suivant la commu-
nication oftîcielle dont nous venons de parler, ils sont entreposés dans
les magasins des propriétaires et la clef en est déposée dans les bureaux
de l'enregistrement des marchandises. « Quand le propriétaire veut
exporter du café, un agent du bureau est envoyé au magasin muni de
la clef pour compter les sacs et les porter au quai. Comme le marchand
ou le propriétaire ne peut avoir accès à ses marchandises en dehors de
la présence du surveillant, le transport du café de l'intérieur à Aden
pour y être mélangé à celui de Moka ou de Harrar n'est guère pos-
sible. » Le consul ajoute qu'il résulte de l'examen des rapports de
la douane que les cafés étrangers sont rapidement réexportés vers
CIIUOMQUE ii7
d'autres ports car ils ne sont débarqués à Adcn qu'en vue de Jeur
transbordement ; d'autre part, les mesures prises dans l'Arabie turque
pour empêcher le mélange, sont également très sévères. Il n'est pas
douteux que le moka ne soit mélangé à des graines de qualité infé-
rieure en Europe et vendu ainsi comme moka véritable, mais il n'est
guère possible qu'un importateur qui achète dans un port arabe puisse
obtenir autre chose que du moka véritable ou du café de Harrar. »
Japon. — Le commandant en chef de la Hotte anglaise dans les
eaux chinoises a donné avis à l'amirauté anglaise de l'ouverture de
nouveaux ports du Japon au commerce européen. Le tableau suivant
donne la liste alphabétique complète de tous les ports ouverts :
Hamada,
Kobo,
Miyasu,
Nanao,
Nitgate,
Osaka,
Sakai,
Shlmidzu,
Simonoscki,
Taketo>o,
Tsuruga,
Yokkaichi,
Yokohama.
NIPON
ilive, lai.
36.47
X.
long.
. i:n.5
u
34. 5i
»
n
\n 5
Q
:h 40
n
»
4.35 12
M
35.33
»
u
435. H
>»
37.4
»
»
136 57
n
37.56
M
»
439 4
»
34.41
»
»
435.20
»
35.33
»
»
433.42
»
35.4
»
»
138.30
»
32 58
»
»
430.66
))
3i oO
M
»
436.56
u
35.44
»
i>
136.50
n
:u.57
1)
0
436 40
»
35. Î6
»
fi
439.39
KIUKIU
Hakata, position approximative,
lat. 33 36 N.
long. 430 2^ E.
Karatsu, »
»
» 33.26 »
« 429.88 «
Kuchiiiotsu, n
»
» 32.37 »
n 430.4 »
Moji,
»
» 33 . 57 »
» 430.58 »
Nagasaki, »>
i>
« 32. 4i »
• 429.52 «
Uisumi, »
»
n 32.37 »
» 430.26 »
TSU SIBfA
Itsuliara, position approximative, lat. 3k 4 2 N. long. 429.16 E.
Sasuna, » » » 34.39 » » 4 29.22 »
Shishimi, » o » 3t. 31 » » 4 29.17 »
148
ÉTUDES COLONIALES
TEZO
Hakodate, position approximative, lat. 41.47 N. long. 440.43 E.
Kushtro, « » i> 42.68 • » 444.23 »
Moronau, » » » 42.21 » » 440.56 »
Olani, I. » » 43.42 » » 4H.4 »
ILB8 LIUKIU
Naha, position approximative, lat. 26. 1i N. long. 427.41 E.
FORMOSE
Kelung, position approximative, lat. 25.9 N. long. 4 24.45 E.
Tainan, » » » 22.59 » » 120.44 »
Takau, i> » » 22 36 o » 420.47 •
Tamsui, » » » 25.40 » » 424.26 »
BIBLIOGRAPHIE
Koffiecultuur in Guatemala met aantekening betrefTendc de overige cullures, de
mîjnen en den econoinischm toestand van deze Republiek, par J.-W. Morren.
Grand în-^ de 136 pages avec figures et cartes. Âmslerdam, J.-K. de Russy, i899.
Comme l'indique son titre, cet ouvrage a pour objet principal de
traiter de la culture du café au Guatemala. Il renferme en outre une
série de notions sur les autres productions de ce territoire et sur
l'organisation économique de la République. Les lois en vigueur sur
l'engagement des travailleurs et sur les mines sont publiées intégra-
lement. Le tout constitue une monographie dont l'utilité est évidente
pour les entreprises commerciales. Une intéressante notice sur la
production du caoutchouc, par M. José Horta, s'y trouve jointe.
Nous comptons donner la traduction de fragments importants de cet
Neu-Guinea, par le docteur Max Krieger, avec la collaboration de MM. les profes-
seurs docteur A. von Danckelman, docteur F. von Luschan, P. Matscbie et docteur
0. Wartburg Grand in-8o de ISI5A pages avec 3 cartes, 3â planches et de nombreuses
vignettes. Berlin, Alf. Schall, 181>0.
Ce volume considérable constitue la description géographique la
plus complète d'une ten*e importante dont l'étude a été assez négligée
jusqu'à présent. L'histoire naturelle de cette contrée est traitée, en
particulier, avec tous les développements que permet l'état incomplet
des connaissances actuelles. L'ethnographie néo-guinéenne fait l'objet
d'une étude encore plus approfondie. Outre de fort belles planches
hors texte, l'ouvrage est illustré de nombreuses vignettes reproduisant
des idoles ou d'autres objets de fabrication indigène, qui prêtent à de
curieux rapprochements avec les produits analogues de l'industrie des
tribus africaines. En somme, c^ livre est un document géographique
de premier ordre, et l'on ne peut que féliciter la Société coloniale
allemande de l'avoir pris sous son patronage.
liJO ÉTUDES COLONIALES
Von Gapstadt bis Aden. Uetsrskizzcn und Kolonialsludicii, par C. Waldehan Wer-
ther, lieutenant au 2« régiment d*artillcrie de la garde. In-S» de 156 pages avec gra-
vures. Berlin, H. Paetel, 1809.
Ce livre ne se présente pas avec l'appareil scientifique ordinaire aux
publications allemandes. C'est le récit de voyage, augmenté d'obser-
vations généralement humoristiques, d'un jeune officier à travers plu-
sieurs régions de l'Afrique orientale. L'auteur, après avoir séjournt»
dans ces républiques sud-africaines, objet en ce moment de l'attention
universelle, s'est embarqué à Laurenzo-Marquez, pour l'île Maurice,
puis a touché à Madagascar, à Zanzibar, a visité l'Afrique orientale
anglaise et le chemin de fer de l'Uganda, puis a terminé sa tournée
africaine à Aden et à Djibouti. Son livre est d'une lecture agréable et
intéressante.
Strei&flge durch Formose, par Adolf. Fischer. Grand m-B^ de 581 pages avec carie
et nombreuses illustrations. Berlin, B. Behr's Verlag (E. Bock), 1900.
On trouve dans ce livre des renseignements très complets, non
seulement sur Formose et ses indigènes, mais encore sur les deux
peuples dont l'influence a tour à tour prédominé dans l'ile : les
Chinois qui s'y sont depuis longtemps et solidement installés, et les
Japonais qui viennent d'en entreprendre la réorganisation. L'exécu-
tion matérielle du volume est remarquable. Outre un grand nombre
de vues reproduites d'après les photographies de l'auteur, il est
illustré à chaque page de dessins ornementaux de l'artiste japonais
Eisaku Wada, qui lui donnent un aspect particulièrement original.
Dahomé, Niger, Touareg, par le commandant Toutke, 1 volume in-18 jésus
avec une carte. Armand Colin et C»e, 5, rue de Mézières, Paris. A francs.
Du Dahomé au Sahara, la Nature et l'Homme^ par le commandant G. Toutke.
Un volume in-18 jésus, avec une planche hors texte en couleur. Armand Colin et C'*',
5, rue de Mézières, Paris. Fr. 5.50.
Le premier de ces deux livres est le récit d'une des plus importantes
explorations françaises à travers le Soudan. On y retrouve l'intérêt
qui s'attache, pour les lecteurs les moins initiés, à ces expéditions
aventureuses. La valeur scientifique de cette exploration est d'ailleurs
attestée par le prix que l'Académie des sciences de Paris a conféré au
commandant Toulée.
BIBLIOGRAPHIE lol
Le second volume se rapporte au même voyage. Ilj|constitue la
partie descriptive, complément nécessaire de la narration. On y trou-
vera des renseignements de valeur sur les productions et l'état social
des régions parcourues par l'auteur.
La NouTelle France, par £ug. Guénin. Deux volumes in-18 jésu«,
de 390 et 475 pages. Pari«, Arth. Fourneau, 1898.
Cet ouvrage comprend l'historique de la fondation des colonies
françaises du Nord de l'Amérique et de la longue lutte soutenue
<x)ntre l'Angleterre au XVill* siècle. Il existe peu d'histoires plus atta-
chantes et plus fertiles en épisodes dramatiques. M. Guénin a traité
celle-ci avec talent et d'une manière très complète, en utilisant des
sources dont l'énumération seule remplit une trentaine de pages. Les
derniers chapitres du second volume suivent jusqu'à nos jours la
population franco-canadienne. L'ouvrage est publié sous le patronage
du Comité Dupleix.
Annuaire de l'Économie politique et de la Statistique, 56« année, publié sous
la direction de M. Maurice Block. Paris, Guillaumin et G^e, 1899.
Dans cette excellente publication, on trouve notamment tous les
renseignements de statistique générale concernant les diverses co-
lonies contemporaines.
Catalogue des plantes économiques pour les colonies de 1* « Horticole
coloniale ». 1 volume de 160 pages avec nombreuses illustrations.
Ce catalogue, publié par la Société qui possède les serres coloniales
de Linthout et de Moortebeek, est précieux à consulter pour les horti-
culteurs et pour les entreprises de cultures coloniales.
Codes congolais et Lois usuelles en Tigueur au Congo, collationnés sur les
textes officiels et annotés, par A. Ltcops, avocat et greffier au Conseil supérieur de
TÉtat Indépendant du Congo. Bruxelles, Yt« Larcier, 1900.
La fonction occupée par son auteur, et la dédicace du volume à
M. le baron Van Eetvelde, secrétaire d'Etat, donnent à ce recueil un
véritable caractère officiel. Il est édité d après le plan et dans le format
lo2 KTLDES COLONIALES
(les Codes belges de M. De le Court, à cette différence prt>s que la collec-
tion des lois proprement dite est précédée de celle des traités, si
importants, intéressant TEtat. La publication de M. Lycops, faite
avec soin et compétence, sera d'une utilité très appréciée.
La culture du Cocotier, pur le docteur Ernest Duyili.é. In- 18 de 108 liages.
Paris, J. André, 1890.
Ce petit traité comble une lacune dans la série des publications
ayant trait aux cultures coloniales. On y trouve des renseignements
suffisants sur la culture, d'ailleurs très simple, du précieux palmier,
ainsi que sur la fabrication et le commerce du copra.
Petit Guide Médical pratique du Voyageur au Congo, par le docteur Dryepondt,
médecin de FKtat du Congo. Bruxelles, A. Lesigne, i900.
Le docteur Dryepondt, dont les travaux sur riiygicne et la noso-
graphie du Congo sont bien connus des lecteurs du Bulletin, a voulu
dans ce petit ouvrage, mettre à la portée de tous ceux qui partent
pour l'Afrique les notions indispensables pour combattre les dangers
du climat. Par la simplicité de sa rédaction, comme par son petit
V )lume et son prix modique, le Guide atteint parfaitement son but, et
nous osons lui prédire un succès mérité.
REVUE DES REVUES
Nous ne mentionnons sous celte rubrique que les articles parus
dans les Revues reçues par la Société et présentant un intérêt marquant
au point de vue de ses études.
Annales du Musée du Congo. Tome I, fascicule 5. Consacré ù la bntanique; con-
tient sous le nom d^llhutralions de la Flore du Congo, par MM. De Wildeman et Durand,
les noiiccs avec planches des espèces suivantes : Indigofena Dupuisiif Ertmanlhvs
Deicawpsii, Hypolytrum Congenêe^ Iêonemainfundibuliflorufn,Erythrocephalum ereclum^
Ariêtoloc/tia Dewevreiy Dioêcorea Thonneri et D, i'terocaulon, Solanwn Symphyostcmon,
Uvaria Moeoli, Vigna Punclata, ClUoria tanganicetiêis et Desmodium tenuiflorum.
Le MouTement Géographique. N» 1 (7 janvier 1900). Léopold II et Texpansion
économique de la Belgique, par A. J. Wadters. — N» S (ii janvier). Le bilan des explot-
talions africaines. — N" 3 (21 janvier). Rapport et renseignements sur le chemin de fer
du Congo. — N» 4 (28 janvier). La révolte des Batetela.
La Belgique coloniale. N» 1 (7 janvier 1900). L*année coloniale, par R. V. —
— N» 2 (14 janvier). Les caoutchoucs et les gutta-perchas d'Amérique, par T. Patin. —
N" r> (â1 janvier). Les grottes du Katanga, par Ch. Lemaire; L'expédition Mac-Donald,
par A. WiNANDY. — X» 4 (28 janvier). A propos de politique commerciale, par R. V. Les
Grottes do Katanga, par G. Lemaire.
Le Congo belge. N*» 1 (7 janvier 1000). Les lies Philippines. Autre Paquet f réflexions
sur la politique coloniale). — N» 2 (14 janvier). Le Majiirahe. — N" 3 (21 janvier).
Fonctionnaires, par J. P. N<^ 4, 28 janvier. Lu Découverte du Congo.
La Semaine horticole. (Revue des Cultures coloniales). ~ N" 1 (13 janvier 1900).
Vue nouvelle essence à caoutchouc : Ficus Eelveldiana, par Ëm. Lebrun. — N>» 2
(20 janvier). Voyage au Fernan Vaz, par G. de Brandner Cultures coloniales : La Vanille
au Mexique; le Café Libéria à Hou-Héo (Cochinchine), par Laurent Léon.
La Quinzaine coloniale. N*» 1 (10 janvier 1900). Le Budget des colonies pour J900,
pir J. Chaillet-Bert. La Colonisation agricole au Tonkin, par Duchemin. — N» 2
(2.J janvier). Suite des articles précédents. La Défense des colonies et l'armée coloniale,
par M. DE Maltdure.
Bulletin du Comité de l'Afirique française. N» 1 (janvier 1900). L'occupation
d'InSalah. Tunisie; la petite colonisalion française. Soudan Français. Renseignements
divers.
Renseignements coloniaux (Supplément du Bulletin). Le Chemin de fer de
l'Afrique orientale anglaise, par Ch. Mourev. Le Chemin de fer de TEst-Africain alle-
mand. Les Travaux puhlics et le Chemin de fer de Madagascar. Les Chemins de fer de
l'Afrique occidentale française. La Mission Fourneau.
Bulletin de la Société de géographie commerciale de Bordeaux. No 1
(Iff janvier iOOO). L'Agriculture coloniale, par Marcel Daumas. — N» 2 (15 janvier). Les
Progrès de la colonisation en Tunisie, par Gustave Wolfram.
Revue des Cultures coloniales. No 44 (5 (janvier 1900). Le stérilité de certains
hyhrides des caféiers. Les arbres d'abri pour les plantations de caféiers, par L. Pierre.
164 KTIDES COLONIALES
La Culture et la Préparation du gingembre, par G. Lcndes. Notes sur le Sapium biglan
dulosum. Le caféier d'Arabie aux Antilles. Introduction de la Ramie à la Réunion. —
N* 45 (20 janvier). La richesse forestière de la GMe d*I voire, par le lieut. Macairb.
La Patate douce, par V. Darin. Etudes sur le riz et sur le caoutchouc en Gochinchine,
par E.-L. Achard.
La France de Demain. N<) 20 (15 janvier 1900). Le Peuplement de la Tunisie par
les Français, par J. LAURIN^ Pour aller aux colonies, par G. Charlbt.
Journal of the Royal Colonial Institute* (Janvier 1900). Souvenir de la Nou-
velle-Galles du Sud, par M. Stephen.
Deutsche Colonial Zeitung. N« 1 (4 janvier (! 900). Entreprises économiques dans
le Sud-Ouest Africain allemand (avec 2 cartes), parle docteur M^necken . — N<> 2 ,11 jan-
vier). Résumé du rapport officiel sur le développement des possessions aUemandes
en 1898-1899, par le professeur docteur Kibchoff. Articles biographiques divers. — N» 5
(18 janvier). Sur l'établissement de stations dans TAfrique occidentale, par L. Lurz. Suite
de Tarticle du docteur Kirchoff. La frontière du Lac Kiou au point de vue du Droit des
gens, par le docteur Rud. Herhann.
Der Tropenpflanzer. N» 1 (janvier 1900). Le « Chanvre de Lisalraité » ( sur la
culture deTAgave au Mexique et la préparation de la fibre\ par H.-J. Boeken. Le Caou-
tchouc dans TÉtat du Congo, par R. Sculechter. (Extrait du rapport de la mission
envoyée par le KolofwU Wirlhwhafliche Komitee.)
Supplément. Exploration des steppes de 1* Afrique orientale allemande, au point de
vue des productions végétales, por le professeur docteur 0. Warborg et le dedeur
M. SûRKE. Le Sanseveria, par le docteur Axel Prêter. Le latex du Fùnu elaêiica, par le
même.
Deutsches kolonialzeitung. N<» 1 et 2 (l'' et 15 janvier). Renseignements officiels
sur les colonies allemandes. Supplément. Rapport annuel sur le développement des
possessions allemandes en 1898-1899 .
De indische Mercuur. N<»* 1 à 4. — Étude sur les maladies du caféier. — Nom-
breux renseignements commerciaux.
-^ miÉTÉS COLONIALES ^
Sociétés Belges
Compagnie Belge Commerciale, Industrielle et Minière pour
l'Extrême-Orient. — Cette société, dont le but est fort développé
ainsi que l'indique sa dénomination, a été constituée récemment à
Anvers. Le capital est de 500,000 francs, représenté par 1,000 actions
privilégiées de 500 francs qui ont été souscrites en espèces (200 par la
Société Générale Africaine, 200 par M. Alexis Mois, 110 par M. Léonce
Groetaers, 100 par la Banque Franco-Belge, etc.).
Il a été créé, en outre, 2,000 actions de dividende qui ont été répai'-
ties entre les fondateurs.
Les administrateurs sont : MM. Alexandre de Browne de Tiège,
comte Louis de Brouchoven de Bergeyck, Edouard Bunge, Alexis Mois
et Léonce Groetaers.
Ont été nommés commissaires : MM. Fernand Dejardin, Eugène
Pauwels, Philippe Gardon et Constant de Browne de Tiège.
Société anonyme Urselia. — La famille d'Ursel vient de consti-
tuer, à Bruxelles, sous la dénomination ci-dessus indiquée, une
société anonyme ayant pour objet l'exploitation agricole et commer-
ciale d'un domaine de 4,000 hectares dans le Mayumbé. Le capital est
de 500,000 francs, représenté par 500 actions de 1,000 francs.
Ces titres, libérés de 440 francs, ont été répartis entre les différents
membres de la famille d'Ursel, en rémunération de l'apport de la
concession, des plantations, des constructions, marchandises, maté-
riel, etc.
Le conseil d'administration est composé de : MM. duc Joseph,
comte Hippolyte, comte Adrien d'Ursel et Baymond van Ypcrseele de
Strihou
M. le comte Auguste d'Ursel remplira les fonctions de commissaire.
Un Syndicat d'étude d'entreprises en Asie a été constitué
mercredi dernier, à Bruxelles, sous les auspices de la Fédération
industrielle belge pour favoriser l'exportation. La plupart des grandes
Srmes nationales étaient représentées, ou avaient envoyé leur adhésion.
Un groupe financier, à la tête duquel se trouve le Crédit généraf' de
156 ÉTUDES COLONIALES
Belgique, est entré dans la combinaison. Il résulte de l'exposé, très
clair et très lucide, du comte Adrien d'Oultremont, qui présidait la
réunion, que le nouvel organisme — qui sera patronné par le gouver-
nement russe et qui peut escompter le concours sympathique de la
Banque russo-chinoise — prêtera son appui à la constitution des
affaires et entreprises projetées dans la zone d'influence de la Russie
en Asie et, notamment, à Port- Arthur où, à proximité du port mili-
taire, un grand port de commerce sera établi.
Banque belge du Brésil.'— En constitution à Bruxelles. Le capi-
tal sera de 3 millions de francs. But : prêts hypothécaires, étude de
toutes affaires se rattachant au Brésil.
Eastern Products C^, société anonyme. — Constitution : 10 jan-
vier 1900, par-devant M*' Van Halteren, notaire, à Bruxelles.
Siège : Bruxelles.
Objet : la société a pour objet de faire toutes opérations connner
ciales, industrielles, agricoles, financières, de transports, minières et
autres, ce dans les limites les plus étendues, dans tous pays, mais
spécialement en Extrême-Orient.
Capital : 250,000 francs, en i ,000 actions privilégiées de 250 francs ;
il est en outre créé 1,000 actions ordinaires, sans indication de valeur.
Assemblée : troisième mercredi d'avril, à 9 h. 1/2, et pour la pre-
mière fois en 1901.
Bilan : 31 décembre.
Administrateurs : MM. Ernest Melot, Joseph Wégimont, Louis
Thienpont, Maurice Bekaert.
Syndicat franco-belge d'études et d'entreprises dans l'An-
gola.— Il vient de se constituer,sous les auspices de banques belges et
françaises, un syndicat d'études et d'entreprises dans l'Angola. Les
premières recherches portent sur un gisement houiller qui, assure-t on,
serait excessivement riche.
Société Allemande
Il vient d'être constitué, a Berlin, une société pour la construc-
tion de chemins de fer dans la province chinoise de Shantung. Le
réseau que se propose de construire la société en question comprendra
d'abord une grande ligne transversale qui partira du port de Tsinlau
SOCIÉTÉS COLONIALES \bl
pour aboutir à Tsinan-fou, sur le fleuve navigable Hoang-Ho, avec un
embranchement vers la mine de Poschan. On construira ensuite deux
autres lignes qui partiront toutes deux d'itschonfou pour rejoindre
respectivement les deux extrémités de la ligne principale.
Cette dernière devra être construite dans un délai de cinq ans, et il
a été stipulé que la section Tsintau-Weilasien devra être livrée à l'ex-
ploitation trois ans après le commencement des travaux.
Aux termes des statuts, le matériel de construction devra être de
provenance allemande Le tracé de la ligne principale a été fixé par le
gouvernement allemand, avec lequel la compagnie se mettra d'accord
avant de résoudre toute difficulté qui pourrait survenir par la suite.
Le capital de la compagnie a été fixé à 54 millions de francs.
Société Portugaise
Trust Colonial Portugais. — Nous apprenons qu'il a été constitué
ù Lisbonne, une société au capital de dix millions dont un million
cinquante mille francs émis et souscrits à l'acte constitutif.
L'assemblée générale a nommé comme administrateurs :
MM. le général comte de San Januario-Januario, ministre d'Etat ;
Jorge de Mello, vice-gouverneur à Lisbonne et administrateur de
la Compagnie Royale des chemins de fer ;
Schreuter, ancien vice-gouverneur de la Banque de Portugal,
administrateur de la Banque de Commerce ;
le colonel Pa'iva d'Ândrada, administrateur de la Compagnie de
Mozambique, du Zambèze, du Luabo ;
Berger, président de la Banque Impériale Ottomane, vice-prési-
dent du Comptoir d'escompte à Paris ;
Roose, administrateur de l'AfriciUne et du Trust Colonial.
Sociétés Françaises
Compagnie des transports par automobiles au Soudan fran-
çais. — Cette société a pour objet l'exploitation de tous transports
officiels ou privés par automobiles, dans la région du Soudan français,
et notaipnient les transports entre le point terminus du chemin de
io8 ÉTUDES COLONIALES
fer partant de Kayes et les postes sur le Ni^er, ainsi que rexploitation
de tous services de transports accessoires.
Le siège social est provisoirement fixé à Paris, rue de Provence, 46.
Le fonds social est fixé à 1 million de francs, et divisé en 2,000 ac-
tions de 500 francs chacune, qui ont été souscrites et libérées du quart.
Sur les bénéfices nets, il sera prélevé : 1® o p. c. pour constituer le
fonds de réserve prescrit par la loi ; 2*^ somme suffisante pour assurer
le service des intérêts du capital à raison de 3 p- c. ; 3° une somme
qui sera proposée par le conseil d'administration et déterminée par
l'assemblée générale pour être portée au crédit d*un compte spécial
d'amortissement du matériel de premier établissement. Cette somme
ne pourra jamais être supérieure à 20 p. c. des bénéfices nets restant
libres après les deux premiers prélèvements ci-dessus, et elle cessera
d'être prélevée lorsque le crédit de ce compte spécial d'amortissement
aura atteint la moitié du prix d'achat de ce matériel de premier
établissement ; 4*^ un fonds de prévoyance dont l'importance est fixée
par l'assemblée. Le solde sera ainsi attribué : 10 p. c. au conseil d'ad-
ministration, 50 p. c. aux actionnaires, 40 p. c. aux propriétaires de
parts de fondateur.
Ont été nommés administrateurs : MM. Charles Laffitte, proprié-
taire, 13, avenue de l'Opéra ; Antonin Périvier, propriétaire, 144, ave-
nue des Champs-Elysées; Eugène Aine, négociant, 1, place V^endôme ;
Alfred Monprofit, négociant, 15, rue d'Assas ; Bernard Sales, proprié-
taire, 41, rue Notre-Dame-de-Lorette ; Charles Lefrère, avocat,
46, rue de Provence; André Mévil, propriétaire, 112, boulevard
Malesherbes .
Compagnie de la Mobaye. — Un arrêté du ministre des colonies
françaises approuve la substitution d'une société dite Compagnie de
la Mobaye, pour l'exécution d'un dicret accordant une concession
territoriale au Congo français à M. Emile Martin. Cette concession
comprend le bassin de la rivière Bangui ou Mobaye et ses affluents.
Société des factoreries de N'Djolé. — Un arrêté du ministre des
colonies autorise la substitution de la société dite « Société des Fac-
toreries de N'Djolé » à M. Monthaye, pour l'exécution du décret du
9 juin 1899, accordant à ce dernier une concession territoriale au
Congo français.
RAPPORT ANNUEL
DE LA
Société d^Étude^ Colopiale^
-H— i- ANNÉE I899-I900 -<•
Conformément à Tarticle 35 des statuts, le Comité a Thonneur do
présenter à l'assemblée générale son rapport annuel sur la situation
et les travaux de la société.
Membres. — L'assemblée générale du 10 février 1899 a nommé
membre du Comité, M. Jules Leclercq.
La société se compose de 787 membres.
Le nombre des membres protecteurs s élève à 12 par suite de l'adhé-
sion de Mgr Heylen, évéque de Namur, que nous remercions de son
généreux concours.
Ressources. — La cotisation annuelle des membres effectifs s'élève
à 7,870 francs, celle des membres protecteurs à 1,100 francs. Les
abonnements au Btt/teftn produisent environ 1,800 francs. Enfin, la
vente de nos publications nous a donné une recette de 1,200 francs
environ.
Situation flnanoière. — La situation financière reste bonne : au
31 décembre 1899, l'actif s'élève à fr. 40,435,35 dont fr. 20,060,77
doivent rester affectés aux recherches médicales.
Conférences. — Les sections d'études ont organisé les conférences
suivantes :
R. P. Sternackers. — La situation en Chine.
MM. Jules Leclercq. — Ceylan.
deLeval. — La Chine d'après des auteurs récents.
G. t'Serstevens. — Les lies Canaries.
Publications. — Le Manud du voyageur et du résident au CongOy
continue à obtenir un grand et légitime succès et est devenu le vadc-
mecum de tous ceux qui se rendent, non seulement dans l'Etat Indé-
pendant, mais encore dans d'autres colonies africaines, notamment
au Congo français.
160 KÏLDKS COLONIALES
Une deuxième édition, revue et complétée, du Manuel est en voie de
publication. Le général Donny fait appel à tous les membres de la
société pour lui indiquer les améliorations ou rectifications dont l'ou-
vrage, publié sous sa direction, est susceptible.
Nous vendons régulirrement des tirés à part d'un certain nombre
d articles parus dans le Bulletin.
Nous croyons devoir rappeler à nos membres que l'auteur a droit à
oO de ces tirés à part.
Bulletin. — Les articles suivants, ont paru dans le Bulletin :
DeBray, capitaine-commandant d'Etat-Major. — Entreprises
en Chine.
Docteur Dryepondt. — Une école de médecine coloniale à
Londres et à Bruxelles.
R. P. Steenackers. — La situation en Chine.
Docteurs Dryepondt et Van Campenhout. — L » parasite de la
malaria.
Mockler-Ferryman (A. F.) Major. — L'Afrique occidentale
anglaise.
Docteur Védy. — Moyens de protection contre la variole en
Afrique.
D. C. — La Chine et le commerce extérieur.
D. Morris, traduction de L. Pynaert. — Plantes produisant le
caoutchouc du commerce.
V. Pourbaix et J. Plas, avocats à la cour d*appel. — Le régime
économique et les sociétés commerciales du Congo français.
La circulaire ci-dessous a élé adressée à nos membres.
Bmxelles, le fi décembre i89i).
Monsieur,
Nous avons l'honneur de vous faire connaître que le contrat existant
entre la Société d'Études coloniales et la Belgique coloniale ayant élé
dénoncé, ce journal cessera d être servi gratuitement à nos membres à
partir du 1*' janvier 1900.
Les ressources de la société devenues ainsi disponibles seront
employées à améliorer et à développer notre Bulletin,
Le mouvement colonial grandit de jour en jour : il importe que nos
RAPPOHT ANMEL DE LA SOCIÉTÉ d'eTLDES COLONIALES 161
membres soient plus complètement et plus rapidement renseignés sur
tout ce qui l'intéresse.
A cet effet, le Bulletin de la société deviendra mensuel à partir de
Tannée prochaine. 11 paraîtra régulièrement le quinze de chaque mois.
Outre un article de fond, il renfermera une chronique coloniale don-
nant les faits nouveaux relatifs à Thygiène, à l'agriculture, à l'indus-
trie, au commerce et à la marine. 11 sera édité sur papier de luxe^
enrichi de gravures et de cartes, et formera annuellement un volume
de plus de six cents pages.
Dès que les circonstances le permettront, le Bulletin deviendra
bimensuel.
Le comité s'est assuré la collaboration régulière de plusieurs de nos
membres, qui suivront attentivement le mouvement colonial dans
toutes les contrées d'outre-mcr où peut s'exercer l'activité de nos com-
patriotes.
Nous serions heureux de voir ces collaborateurs devenir de plus en
plus nombreux, et nous faisons, dans ce but, un nouvel appel à tous
ceux qui sont à même de nous aider dans l'œuvre nationale que nous
avons entreprise.
Les Seci'étaires, Le Président,
L. ROGET. A. HEERNAERT.
Victor POURBAIX.
MM. Beuckers, Ridart, Brifaut, Carton de Wiart, Clautriau, Crick,
J. Leclercq, G. de Levai, Dryepondt, Goffart,A. Halot, Laurent, Meu-
leman, Plas et Pourbaix ont bien voulu se charger d'analyser mensuel-
lement tout ce qui paraîtra d'important dans les publications colo-
niales étrangères. La <c Chronique » de chaque Bulletin sera ainsi une
source précieuse de renseignements.
Comité de recherches de physiologie et de pathologie
congolaises.
Le comité a reçu la lettre suivante :
Monsieur le Président,
Un triste événement me délie de l'obligation qui m'avait été imposée
de taire le nom du donateur anonyme dont la munificence avait
permis à notre société d'entreprendre des recherches de physiologie et
de pathologie au Congo.
162 KTUDES COLONIALES
J'avais depuis longtemps cherché à trouver le moyen de faire entre-
prendre ces études, les plus importantes peut-être pour le développe-
ment de la colonisation africaine; mais notre jeune société manquait
complètement des ressources nécessaires.
Connaissant l'esprit large et généreux de Madame la baronne de
Hirsch de Gereuth, j'allai lui exposer le plan de l'entreprise : elle
n'hésita pas un instant à faire don à notre société du capital de
50,000 francs qui m'avait paru indispensable pour les exécuter; mais
elle exigea formellement que cette donation restât anonyme.
La mort ayant mis un terme prématuré à la noble existence de cette
femme de bien, je crois pouvoir faire connaître maintenant son inter-
vention si généreuse en faveur de nos études.
J'ajoute que dans le courant de l'année dernière, lorsqu'il devint
évident que les prévisions de dépense de la mission seraient dépassées
de 5,000 francs, MM. F. Bischoffsheim, L. Goldschmidt et G. Moate-
fiore voulant assurer la bonne fin de l'œuvre commencée par leur
parente, s'empressèrent de me remettre cette somme.
Recevez, je vous prie, Monsieur le Président, les assurances de ma
haute considération.
Général DONNY.
Votre comité, Messieurs, est bien certainement l'interprète du sen-
timent unanime de l'assemblée en rendant à la mémoire de la baronne
de Hirsch un hommage de profonde reconnaissance et en exprimant
à MM. F. Bischoffsheim, L. Goldschmidt et G. Montefiore, toute la
gratitude de notre société pour le généreux concours qu'ils ont
apporté à l'œuvre scientifique et humanitaire que la baronne de Hirsch
avait dotée et à laquelle son nom restera attaché. (Chaleureux applau-
dissements.)
Vous savez. Messieurs, que le médecin de bataillon Van Gampenhout
et le docteur Reding se sont embarqués le 26 juin dernier et ont com-
mencé les études de la mission dès leur arrivée à Boma.
M. Reding nous ayant adressé sa démission dans le courant de
décembre sera prochainement remplacé.
Le docteur Van Gampenhout est actuellement installé à Léopoldville.
Il nous a déjà fait parvenir un relevé très complet de ses observations
médicales : elles présentent un très haut intérêt et seront insérées, in
extenso, dans nos BtUletins,
Bibliothèque. — La bibliothèque s'est enrichie d'un nombre
important de publications et reçoit les périodiques dont la liste est
annexée à ce rapport.
RAPPORT ANNUEL DE LA SOCIÉTÉ D*ÉTUDES COLONIALES 163
Nous ne pensons pas qu'il existe en Belgique une réunion aussi
complète de matériaux pour l'élude des questions coloniales. Le cata-
logue en paraîtra prochainement.
Messieurs,
Comme vous venez de l'entendre, notre société est active et pros-
père : il faut qu'elle le devienne davantage encore.
Le mouvement colonial se développe dans le monde entier avec une
intensité qu'explique la situation économique de la plupart des
nations civilisées : prendre une part importante à ce mouvement,
c'est pour la Belgique une question vitale.
Nous demandons donc avec instance à nos concitoyens de vouloir
bien, par leurs travaux, leur propagande ou leurs dons, seconder les
efforts patriotiques de la Société d'Etudes coloniales.
LE COMITE.
^ OF Tri£
UNIVERSITE
OF
ÉTUDES GOIiOHlflliES
No 3
7^ Année
Mars 1900
LE MAROC
D'après des publications récentes
PORTE £UD DE HEKNÈS (MI^QUINEZ).
PUOTOGRAPNIB DB M. G. ItANSAERT.
&3
cents de S. M.
Léopold H, roi
des Bel^^es, à la côte
marocaine, la mission
qui liit confiée avec
grand apparat à M. Ed.
Picard il y a quelques
années,auprès du sultan
du Maroc, les succès
commerciaux que nos
compatriotes ont rem-
porté dans ce pays, les
projets attribués un mo-
ment par la presse au roi des Belges d'établir dans ce pays
extraordinairement salubre des sanatoria pour les agents malades
rapatriés denilat Indépendant du Congo, tous ces élémcnls réunis
ont influé sur Tintérét qui s'est manifesté en Belgique au sujet de
la qnestion marocaine.
bi-^naluns particuliriu m(:nt '/œuvre récente d'un Belge (1),
(I) Le Maruc eitn Intèitlê btlyif , | ai* Vi toh Ctu.iN, Lui\i>iii, iiupriiiici ic Pollcuuis
et Ccutei'ick, 50, nie des Oi plielins.
166 ÉTUDES COLONIALES
M. Victor Coliin, licencié en sciences commerciales, docteur en
sciences politiques et sociales, qui a fait sur ce sujet un livre très
intéressant: Le Maroc et les Intérêts btlges. Sans accepter la
conclusion de l'auteur qui parait vouloir engager les Belges dans
une entreprise semblable à celle du Congo, nous avons trouvé dans
ce livre de nombreux renseignements et documents dont nous nous
sommes servis à maintes reprises dans la courte notice que nous
consacrons aujourd'hui au Maroc.
L'empire du Maroc affecte la forme d'un quadrilatère irrégulier
qui embrasse î>70,000 kilomètres carrés soit une étendue légère-
ment plus grande que celle de la France. Deux des cotés de ce
quadrilatère sont baignés par les vagues, de la Méditerranée d'une
part, entre l'Algérie et Ceuta en face de Gibraltar sur une distance
de 300 kilomètres, et sur une distance de 800 kilomètres par
l'Océan Atlantique d'autre part. Ce vaste pays est traversé du Sud-
Ouest an Nord- Est sur une étendue de 000 kilomètres par la haute
et massive chaîne de l'Atlas dont les cimes les plus élevées
atteignent à peu de chose près l'altitude des pics culminants des
Pyrénées. Au Nord de l'Atlas court une seconde chaîne de mon-
tagnes, dans la direction de l'Est à l'Ouest connue sous le nom de
Rif. Dans ce pays situé entre le 28« et le 36** degré de latitude, au
seuil du Sahara, il y a une diversité de climat telle que la variété
des productions naturelles est réellement infinie. A l'avantage de
posséder front sur deux mers, sur des distances considérables, ce
qui rafraîchit et égalise la température et donne au Maroc
des ports situés sur ces deux mers, s'ajoute cet autre, inappré-
ciable, d'avoir un système fluvial très développé. Grâce aux massifs
de l'Atlas, dont les sommets sont couverts de neiges éternelles, les
cours d'eau sont nombreux, vont jus'qu'à l'Océan au lieu de se per-
dre dans les sables el ne tarissent jamais. C'est une cause de
supériorité considérable sur l'Algérie et la Tunisie, où le manque
d'eau restreint singulièrement la productivité du sol. Les fleuves
du Maroc sont de beaucoup les plus considérables de toute la
région africaine qui confine à la Méditerranée. Sur le versant sep-
tentrionnal le plus important à signaler est la Moulouya qui prend
sa source dans le grand Allas, au djebel Aïtchin, et se jette dans la
Méditerranée après un cours de quatre cents kilomètres. Dans
l'Océan Atlantique se jettent le Sebou, le Bou Begray, l'Oum er
LE MAltOC 167
Rbia, rOued Tensift, l'Oued Sous et l'Oued Draali. Le Sebou, qui
arrose Fez, est un fleuve très important ayant jusque îrois cents
mètres de largeur dans son cours inférieur. Tous ces fleuves
viennent de TÂllas. l.e seul fleuve digne d'attention issu des
montagnes du Rif est le Khous qui se jette dans FAllantique à
Larache.
Au Maroc, à la différence de l'Algérie, de la Tunisie et de la
Tripolitaine, les pluies sont assez abondantes, à cause de la diff*é-
rence considérable de température entre 1»* jour et la nuit, et de la
présence des vapeurs d'eau amenées par la proximité de la mer. Le
climat est d'une salubrité parfaite et la température est d'une dou-
ceur qui n'est égalée nulle part. D'après des observations de
Beaunier, citées par Reclus, couvrant une période de neuf années,
la température moyenne est de 49**4 centigrades. La lempénilure
moyenne du mois d'août, qui est le mois le plus chaud, est de
âl**8 centigrades, celle de février, le mois le plus froid, est de
1 6^5 centigrades. L'extrême chaleur observée est de 3 1** centigrades,
rextréme froid i0**4 centigrades. Sur les flancs de la chaîne Allan-
tiquCt d'élage en étage, se succède avec le refroidissement graduel
de la température la série entière des climats européens. Grâce
aux cîmes neigeuses des montagnes, aux nombreuses rivières qui
en découlent, à l'humidité que renouvellent les courants aériens
rafraîchis par deux mers, le Maroc peut être défini une Algérie
sans sécheresse, ce qui veut dire une des plus fertiles terres et un
des plus délicieux climats du monde.
Un explorateur français, M. de Foucauld, qui a parcouru dans
toute sa longueur la région de l'Atlas marocain, et a réalisé un itiné-
raire de 3,200 kilomètres dit que le grand et le petit Atlas (Rif)
renferment des vallées profondément encaissées et le plus souvent
à pic, dont le fond est entièrement couvert de cultures, de jardins,
au milieu desquels se succèdent une multitude de riches villages,
souvent si rapprochés les uns des autres qu'on a peine à les distin-
guer. Les évaluations du chiffre de la population varient d'ailleurs
beaucoup, entre 2 1/2 millions au minimum et io millions chiffre
maximum. L'accord est donc loin d'être parfait, entre les
voyageurs. Si l'on admet un chiffï'e moyen de 7 millions d'habi-
tants, minimum adopté par Reclus, on peut considérer qu'environ
1 million des Marocains sont des Arabes, habitant en majeure
168 ÉTL'DKS COLONIALES
partie les villes et les campagnes qui entourent les centres popu-
leux. Le fond de la population est berbère- Les Borbrres sont
divisés en trois grandes classe-; les Kabyles forment la première;
Us habitent le Rif; les Chellahàs occupent les deux versants de
l'Atlas et la côte de TOcéan; ces deux groupes ethniques appar-
tiennent à la race blanche; le troisième, les Aratines peuplant le
Sud de FAllas, appartiennent à la race noire Les juifs sont nom-
breux; ils ont une situation malheureuse; honnis et pressurés, ils
n'en ont pas moins réussi à concentrer entre leurs mains une
grande part du commerce du pays. Le Maroc possède un grand
nombre d'agglomérations urbaines, dont la plus importante est
Fez, la capitale politique, qui n'a pas moins de 150,U00 habitants.
Tanger qui a 20,000 habitants est la capitale commerciale et la
résidence des cojisuls et agents diplomatiques étrangers; viennent
ensuite par ordre d'importance Marrakech, Mequinez, Mogador,
Teluan, Larache, Ksarel Kebir, etc., etc.
Le Maroc, Moghreb al-Aska suivant le nom que lui donnent les
Arabes, se divise poliliquemont en deux territoires principaux: le
Tell et le Sahara; le Tell comprend les deux anciens royaumes de
Fez et de Maroc, au Nord du (îrand-Atlas; le Sahara s'étend au Sud,
comprenant les oasis de TaKIet et de Figuig, les t«»rriloires du
Touat, du Draah, du Nun et le Sus. Ces pays sont occu|Ȏs par des
tribus indépendantes sur lesquelles l'autorité du sultan du Maroc
est absolument problématique. Il en est de même de beaucoup de
tribus du Rif, qui suscitent souvent des difficultés à Sa Majesté
Chérifienne en s'adonnant à la piraterie, en rançonnant, depuis des
temps immémoriaux, les bateaux européens échoués sur leurs
côtes, ou qui se risquent trop près de celles-ci Le sultan de Fez,
auquel nous donnons le tilre pompeux d'empereur du Maroc, n'a
qu'un pouvoir illusoire sur la plupart des tribus que Ton à cou-
tume de ranger sous sa domination.
Toute la préoccupation du gouvernement est de faire rentrer
l'impôt et ce n'est pas chose facile L'impôt se compose de Yaichour,
dîme perçue sur 1« s grains et de deux pour cent prélevés sur la
valeur du bétail. Mais le recolement de ces taxes affecte la plu-
part du temps la forme d'expéditions guerrières, et l'ou comprend
que l'on ne puisse pas exiger.de bandes armées un grand esprit
d'équité, une proportionnalité bien exacte de la côte d'impôts.
LE MAROC 169
Aussi le tribut équivnut-il le plus souvent au brigaiidage le plus
odieusement caractérisé.
Chaque année le gouvernement du Maghzen (partie du Maroc qui
reconnaît sans contestation Taulorité du sulian de Fez) invite les
tribus indépendantes à verser l'impôt, soit déterminé, soit laissé à
leur générosité. Il est assez rare que cette invitation soit accueillie.
Aussitôt le Sultan organise une petite expédition. Gomme le
SOKKO (MARCIIK) DK TAN'GKR.
l'IluTOUHAl^lIiK Ui: M. (i. I)AN8AbHT.
fait se répète dans tous les coins du pays, les luttes sont con-
stantes, l'insécurité est perpétuelle.
Le gouvernement du sultan est absolu ; il est à la fois chef poli-
tique et chef religieux; toutefois, son pouvoir est limité d'une part
grâce à l'autonomie presque complète d'un très grand nombre de
tribus, d'autre part grâce à l'influence d'une série de personnages
religieux, sortes de gens qui ne manquenljamais aux pays d'Islam,
au rang desquels on peut citer les ulémas interprétateurs du Coran,
le schek ul Islam, le chérir d'Ouezzan auquel le sultan doit
demander l'investiture
Les chiffres du budget marocain sont purement hypothétiques :
il n'existe aucune comptabilité. Néanmoins, ce qui est certain,
c'est que les recettes sont minces, et que le Trésor de Sa Majesté
est très pauvre. C'est ainsi qu'un mauvais gouvernement arrive à
ne rien tirer malgré toutes ses exactions (à cause de celles-ci serait
170 ÉTUDES COLONIALKS
peut-être plus juste), d'un des plus riches pays du monde. Le plus
important des revenus du Sultan est le droit de douanes établi
dans les ports ouverts au commerce. Ces revenus ont servi pen-
dant longtemps à payer la contribution de 100 millions de francs
que le Maroc a dû payer à l'Espagne après la guerre de Telouaii.
Les autres sources de revenus sont les uionopoles, celui du tabac,
notanmient, les a^ermages des produits de l'industrie, tapis, nat-
tes, les cadeaux des villes, le change sur les monnaies. La dîme
sur les produits agricoles n'entre dans les coffres du Sultan
qu'après s'être allégée en roule du montant des multiples prélève-
ments opérés par les fonctionnaires qui se couvrent ainsi de Tin-
suffisance de leur solde. En additionnant toutes les recettes ordi-
naires et extraordinaires, on arrive à moins de dix millions de
francs par an.
D'après les indications de M. Duval dans son ouvrage : La
Question du Maroc, très hasardées faute de sources officielles,
voici comment s'établissait le budget du Maroc :
Receltes.
4» Coiilribulions sur les terres et les troupeaux. 650,000 piaslrcs de 5 fr. 23 c.)
2" Impôts sur les Juifs . 3(>,000 — —
3" Droits réunis . . 9oO,()00 — —
4" FuliiiratioM de lu moiinaio 50,000 — —
6o Douanes 400,000 — —
6" Veuie du tabac 3o.0(»0 — —
7" Droit du fi.sc 1 50,0 0 — —
8' Lo('aii(m du domaine impérial VO.dOO — —
9» Cadeaux des consuls et des négociants . i^5,()00 — —
Total. . . . S.bOO.UOO piastres
Déj}en8e8.
4" Maison impériale, harem, écuries 440,000 piastres. —
%^ Entre irn des palais et jardins imblirs. . . 65,00> — —
3' Giideaiix à I^ Merque, aux chérifs, aux mos-
quées 65,000 — —
4* Ti*a«lpmcnls des fonctionnaires 50 OOD — ' —
5*" Armée de terre 650,000 — —
6» Marine militaii*c 30.0' 0 — —
7^ HfMioraircs des consuls en Europe .... 45,000 — —
8« Courriei-s 5,000 — —
Total. . . . 990,000 piastres.
Économie annuelle, 1 l/i million de piastres, soit de 7 à 8 millions de francs ; en
trois siècles, 1 milliards.
LE MAROC 171
II n'y a aucune distinction entre le Trésor impérial et le Trésor
de ri^lat; cette confusion, avantageuse pour le Sultan, lest beau-
coup moins pour le pays. La principale dépense publique est celle
du harem de Sa Majesté; les travaux publics n'existent pas, les
fonctionnaires ne reçoivent pas d'appointements : bien plus, ils
doivent payer leur entrée en charge d'un cadeau sérieux au Sultan.
On comprend le sous-entendu d'un pareil système ; si les agents
du SulUu) n'ont pas de salaires ù la charge de l'Etat, ils se rattra-
pent largement, par des exactions sans nombre, sur le malheu-
reux pa>san marocain.
Quand la tribu a payé l'impôt, môme à coups de fusil, elle est
libre pour le reste. Le pouvoir n'intervient guère dans ses affaires.
Les tribus sont des groupes de familles, Kcbilas, unies entre elles
par les liens du sang; elles vivent sous lautonté d'un cheik élu,
assisté d'un conseil (djemahal). Parfois la tribu se subdivise en
sous-tribus (felied ou ied). L'administration de la justice est dévo-
lue à un officier spécial qui porte le nom de cadi; il y a un cadi
par fehed ou tribu L'administration de la justice au Maroc est
d'une barbarie inconcevable pour quiconque n a pas vu les som-
bres Uibleaux de cette répression atroce ou n'en a pas lu les récits.
Elle est appliquée avec un luxe d'atrocités, une insouciance inouie
de la vie et de la soufi*rance humaine par les agents du Sultan et
parfois par l'empereur lui-même qui, comme le Perrin Dandin de
Racine, trouve que :
... cela fuit toujours passer une heure ou deux.
M. Jules Leclercq, membre du Comité de la Société d'Etudes
coloniales, qui a visité Tanger en 1878, nous a donné un récit
typique d'une audien e du cadi à laquelle il a assisté :
« Ce fonctionnaire, nous dit-il, cadi de Tanger, — siège en face
de la mosquée principale, dans une salle d'une grande simplicité,
dont la voûte est soutenue par des piliers de stsle mauresque. Je
lui fus présenté, et, suivant l'usage, j'échangeai avec lui une poi-
^i»ée de main. 11 siégait sur une estrade, assis à la façon des Orien-
taux, les jambes croisées sur des nattes. Il n'avait à ses côlés ni
assesseurs ni greffier; sur les nattes qui lui servaient de tapis
vert, il y avait un roseau taillé en plume et un vulgaire encrier en
172 ÉTUDES COLONIALES
terre cuite. Le cadi tient lui-môme note de ses jugenionts et les
envoie au notaire public qui a mission de les aeter... A peine
élions-nous entrés dans la salle d audience, qu'un pauvre diable
savança devant le cadi, mit un genou en terre et exposa so.i cas.
Il s'agissait d un terrain dont on lui avait usurpé la possession.
Sur l'injonction du cadi, les plaideurs se rendirent chez le notaire
public et là s*élcva entre eux la plus violente discussion : ils
criaient à rompre le tympan d'un sourd. Cette dispute, accompa-
gnée de toutes sortes de gestes menaçants, se prolon;;ea pendant
plus d'une demi-heure. Quant au notaire public, il écrivait aussi
impassible que s'il n'eût rien compris à tous les gros mots qui
pleuvaient autour de lui...
» Du cadi, nous allâmes chez le kalifa. Celui-ci est le juge mili-
taire; il condamne à la prison et à la bastonnade pour les pecca-
dilles ordinaires, et à la mutilation pour des méfails plus graves.
On m'a fait voir Tinstrument qui sert au supplice de la bastonnade.
Ce n'est pas un bâton, comme on pourrait le croire, mais une
lanière de cuir qui déchire affreusement les chairs. Un jour de
marché ne se passe guère sans bastonnade. Le kalifa, voulant
m'être agréable, m'offrit de m'en donner le spectacle : je me hâtai
de décliner cette gracieuseté arabe. Cet excellent kalifa eut trouvé
tout naturel de faire fustiger un pauvre diable pour le plaisir d'un
étranger, de même que le roi M'tésa faisait couper des tètes en
l'honneur du colonel Chaillé-Long. »
Pachas, caïds et autres fonctionnaires sont d'ordinaires de très
peu recommandables personnages.
L'armée est composée d'environ seize mille hommes, payés,
hypolhétiquement le plus souvent, 4 sous par jour. En campagne,
c'est à-dire, presque toujours, ce corps vit sur le pays où il opère
pour le compte de son impérial maître.
L'instruction est nulle au Maroc. Ses plus hauts personnages
sont d'une ignorance stupélîanle. « A mon arrivée à Fez, dit M. de
Campou (Un empire qui croule, le Maroc contemporain), on me
dit qu'il y avait dans tout le Maroc deux savants seulement. Et
quels savanis! Le premier, le caïd Ben Soneiri, grand-maître de
fartillerie, savait autrefois prendre un niveau, et a une partie des
connaissances du dernier arpenteur de France. Le second, le caïd
Ben Abdallah, qui a encore plus de mérite, réside à Maroc Je le
LE MAROC
173
vis dniis coite ville. Après les salutations d'usage, je lui montrai
mou haromèlre, mon thermomètre elma boussole. Il jela un regard
distrait sur les deux premiers instruments ; mais d'un air de fin
connaisseur, il prit aussitôt ma boussole, Tagila un moment, et
resia dans le plus profond silence. II me la rendit après quelques
minutes, me disant qu'elle ne valait rien, elle ne sonnait pas. Il
conibnduit le magnétisme et l'horlogerie. » L'instruction populaire
KOSR-KL-KEBIK (tL KASSAH;.
PMUTUORAPHIK DK M. O. DANSAERT
se réduit à l'étude du Coran. Les juifs seuls ont trois écoles dignes
de ce nom à Tangi r, Fez et Tetuan.
L'esclavage est encore en vigueur au Maroc. Les esclaves noirs
sont achetés à Tombouctou et vendus sur les marchés de l'Oued
Noun, du Tazel Ronalt, tie farondant et de Maroc. En outre, il
existe de véritables hans d'esclaves noirs. Tout arabe aisé possède
des nègres et des négresses; de leurs unions naît une progéniture
dont le maître dispose dès l'âge de sept ans par la vente sur le
marché pul»lic. La *'ente a lieu ouverlement an Maroc, le jeudi
à 4 heures, dans un local spécial, le Sok el Abid — marché aux
esclaves. Le gouvernement non seulement tolère, mais encourage
et protège ces ventes ou mutations qui forment un de ses bons
reveinis.
La richesse principale du Maroc est l'agriculture, les produits
174 ÉTUDES COLOMALRS
agricoles que Ion doit signaler avant tous les autres sont Targa-
nier, le nmïs el la vigne. L arganier est un arbuste spécial aux
environs de Mogador; il porte un fruit de la grosseur d'une prune
qui contient un noyau dont l'amande hro>ée et triturée produit de
riiuile. Cette huile est comestible et vraiment parfaite. H existe
sur les mules de Mogador à Maroc et de Mogador à Agadir de belles
forêts d argîiniers qui ont une superfif^e de plus de 200,0l»0 hec-
tares. L'exportation de ce produit, qui est un monopole nalurel du
Maroc, est interdite, et cette précieuse source de revenus et de
richesses pour le pays reste inutilisée.
Le Maroc est une admirable contiée de grains et de vignes. La
cullure du friuiient, de l'orge, du tabac, du kif ou chanvre, du
haschisch, ne prend aucune extension, bien que le sol s'y prête
admirablement. L'exportation de ces produits est interdite : les
maïs, fèves, pois-chichrs, lentilles, sont soumis à des droits de
sorlie de 10 p. c. et plus. L'exporlalion des bêles à cornes est
limitée à six mille têttîs par année et par pays européen; la sortie
des chevaux et des brebis est interdile. Le Maroc produit encore
des orangers, des dattiers, des oliviers, drs vignes, des palmiers
nains, des accacias gommifères, une essence de pin qui répand
une excellenle odeur et dont le bois sert à la fabrication des meu-
bles précieux.
Malgré son incomparable fertilité naturelle, le mal endémique
dont souffre le Maroc est la famine qui revient périodiquement le
frapper et y produit d'énormes ravages. Il n'y a rien détonnant à
cela; l'interdiction d'exporter empêche le paysan marocain d'éten-
dre ses cultures au delà du nécessaire pour ses besoins personnels;
l'inî^éeurit»' du pays, l'état pitoyable des roules (il n'y a pas une
seule ch:^rrelle dans tout le Maroc), entin l'avidilé des agents de
l'empereur découragput tout sentiment de prévoyance. Vien-
nent des accidents méléréologiqnes, une absence un peu longue
de pluie, la lamine s'installe et régne en souveraine.
L'élevage des moutons et les chèvres est particulièrement
favorable au Maroc: il n'y a qu'un pelit nombre de porcs mais
assez bien de gros bétail. Les animaux domestiques les plus
répandus sont : les chevaux, les ânes, les mulets, les chameaux.
Les chevaux marocains, si célèbres jadis, ont dégénéré, et les
beaux spécimens ne se rencontrent plus guère que dans les
LE MAROC 175
écuries du Sultan et de quelques grands personnages. Une partie
de la popu ation pratique rapicullure el, sur les côtes, elle s'adonne
à la pêche du thon et des sardines. Le sous-sol du Maroc, très
riche, notamment dans les coni reforts de TAtlas, est tolalement
inexploité. On y trouve, notanniient, en abondance, le cuivre, le
nickel, le plomb argentifère et même des quartz aurifères. Le sel
gemme se rencontre également; de nombreuses sources d*eau
minérale, parfaitement appréciées par les Arabes, jaillissent du
sol.
Il n'existe plus dans ces contrées, sauf à l'extrême Sud, ni
panllières, ni lions; c'est à peine si l'on y retrouve encore des
chacals et des hyènes. Le gibier à poil est très rare, tandis que le
gibier à plume abonde : perdrix rouges, cailles, petites out;irdes.
Les cigognes sont très nonïbreuses.
L'entrée et la sortie des marcl»andi?es ne peuvent se faire que
par les ports de Mogador, Safl, Mazagran, Casa HIanca, Rabat,
Laraclie et Tanger. Les droits de douane coniportent 10 p. c.
ad valorem sur tous les produits étrangers imporlés et produits
marocains exportés. Les exportations comprennent des laines
pour la France et l'Angleterre, dos pojuix de chèvre pour Marseille,
des cuirs pour Londres, des bœufs [)our Gibraltar, du maïs pour
le Portugal, des fùves, des pois chiches, de l'huile d'olive, des
amandes et un peu d'alfa pour l'Angleterre, des cires et des
gommes pour la France.
Les deux tiers environ du commerce du Maroc sont entre les
mains des Anglais.
Le commerce au Maroc est fortement affecté par les variations
monétaires. On y emploie les nïonnaies espagnoles el françaises,
outre une moimaie indigène, comme sous le nom de hassanU
frappée en France et en Allemagne sous le feu Sultan. La peseta
espagnole subit de constantes Iluclualions; en i<^97, la prime sur
le papier anglais est montée de 27 p. c. à 35 p. c. Des vaiiations
de 4.5 et de 5.5 p. c. par mois sont fréquentes. Il y a lu une
cause d'instabilité et d'insécurité qui aflfecte fâcheusement le tratic
conunercial.
Kxaminons de près les éléments de slatislique commerciale.
D'après les statistiques consulaires anglaises, les exportations
du Maroc en Angleterre ont suivi une progression décroissante
176 ÉTUDES COLONIALES
très accentuée, puisque de 755,404 livres en 1892, elles
tombent à 218,309 en l^<96. Les statistiques consuhiires belges
confirment ce résultat et indiquent, pour le même laps de temps,
une perle d'environ 12 millions. Le tableau des exportations
anglaises vers le Maroc, d'après les statistiques britanniques, se
présente conime suit :
481>â Livres fit. 585,586
1895 » 404,008
IhOi » 53K,S)85
1805 » 6âO,783
1890 » 480,864
Cela représente un recul de deux millions et demi pendant cinq
ans, recid que les rapports consulaires belges accentuent encore et
portent à qnare millions.
Un coup d'œil sur te tableau du mouvement maritime marocain
suflTit à montrer la prépondérance anglaise à ce poijit de vue.
Voici les chiffres du « Rlates majis Yearbook » donnant le
mouvement de l^9G.
TONNAGE TOTAL
TONNAGE ANGLAIS
DE NAVIRES
NAVIRES ANCLAI9
Tanger. . .
520J85
06,105
1,210
285
Tctuaiï. . .
8,645
6,750
156
05
Laraclie . .
65,645
18,679
15i
52
Ralwt . . .
59,84â
10.559
110
26
Mogador . .
113,488
«1,419
149
25
Dar al aHÏdii .
U5,450
25,160
255
5i
Mazagran . .
150,885
24,5i0
212
58
Saffi . . .
68,286
25,6*5
114
58
014,400 255,6-44 2,516 567
Le quart du mouvement maritime est aux mains de TAngleterre
et dans les trois quarts restants, le petit cabotage espagnol, portu-
gais et marocain figure [)onr une grosso part. La perle du com-
merce anglais tient à l'affaissement général du mnrché marocain;
l'Angleterre possédant une situation commerciale prépondérante,
doit d une façon absolue être la plus gravement atteinte.
L'Allemagne fait de bonnes affaires avec le Maroc. En 1892, elle
LE MAROC
177
lui achetait pour 1,068,225 francs de marchandises; en 1803, pour
1,718,725 frnncs; en 1894, pour 2,-241,720 francs; en 1895, un
léger recul réduisait à 2,<*86,235 francs ses achats qui remon-
taient en 1896 à .S, 076, 440 francs. Ce sont surlout de la cire, de
la laine, des œufs, drs peaux de chèvres et de moulons, les expor-
UUions étaient de 2,485,400 fanes en 1892; en 1893, de
3,904,480 francs; en 1894 et 1895, diminulion par suite des
troubles qui suivirent la mort de Mouley-Ilassam, 3,649,070 francs
et 2,682,375 francs; reprise en 1896, 3 117,705 francs.
TENTE MAnOCAlNE
l'IIOTOORAI'IIIK DE M. O. DANSAKUT.
Les exportations du Maroc en France sont, des laines en suint
pour les fabriques de Tourcoing et de Roubaix, de la laine lavée, de
I huile d olive, des amandes, des pois chiches et surtout des peaux
de chèvres. Ces exportations vers la France sont également en
pleine décadence. Kn 1892, eMes étaient de 6,!)54,250 francs; en
1893, de 7,214,560 francs; puis elles sont lelombées, en 1894, à
5,562,530 francs; en 1895, 5,185,995 francs; en 1896, à
i.655,405 francs.
En 1892, le Maroc importait de France pour 12,877,465 francs
de marchandises et en 1893 pour 13,043,540 francs Depuis cette
époque ces importations sont en décroissance constante; en 1896,
elles ne .sont plus que de 9,050,750 francs, soit, en trois ans, une
diminution d'environ 25 p. c. portant surtout sur les envois de
178
ÉTUDES COLONIALES
sucre qui entrent pour plus de moitié dans son chifTre d'nfTuircs
Le commerce total qui se fait sur la frontière algéro-marocaine est
de 8 ou 9 millions de francs, importations et exporUitions addi-
tionnées. L'exportation de ITiSpagne au Maroc est presque nulle;
moins d'un demi-million de francs. Les importations s'élèvent à
plus de 5 millions de francs, ce qui esl peu, vu la proximité des
deux pays.
La situation commerciale des nations d'Europe sur le marché
marocain ressort du tableau suivant qui indique le chifTre do leurs
exportations vers ce pays, année par année depuis 1802.
Iles britanniques
France
Allemagne.
Belgique
Espagne.
HuHunde
Suèile. .
llalie. .
Ëlals-llnis
Poi-tugol ,
Total'
1892
23,529,000
U,3'. 7,465
3,8V5,i00
4,tiOl,K30
353,825
S55,000
2îi,850
50,500
2.000
40,772 07i
1883
23,ViO,^75
13,043,5t0
3,90^.480
2,057,';il0
595, V75
33,400
23i,C50
44.540
«,7Î5
35,08V,395
1894
Î2,*7S3I5
i 2,H85.550
3,6VH,n70
<,97:,065
526,.J*0
93.6'<5
77,<50
7I,6V0
G.i25
30,8J2,334
1893 1886
Ilesbritonniqucs. . . 23,358,552 49,038,765
France ^,743*80 9,050,750
Alletnogne ... 2,682375 3,1i7,7a5
Bi^lgique 2,465,9«0 2,5J8,'î7.i
Espogne 464,790 280,900
Holluiide 466,525 98,500
Suède 200,750 Î9i*,825
Italie 40,720 57,025
Élate-Unis — —
Portugal 9,100 2J50
ToTADX. . . 40,7^2,072 35,081,395
1897
4 7,Oi0,9.J0
7,582,t»70
2,521,105
3,::)9J98
291,481
08,625
59,5110
49,425
3<',832,:<35
L'Espagne a toujours eu les yeux tournés vers le Maroc, d'où
partirent les Maures qui la vainquirent jadis et la soumirent
LE MAROC
179
presque loul entière au jong de Tlslam. De plus, la grande proxi-
mité de ce territoire, doni la constitution géologique ot climatérique
est de tous points comparable à la sienne propre, lui fait considé-
rer ce beau pays comme le prolongement naturel de la péninsule
ibérique
Les Espagnols y possèdent des établissements : Centa, depuis
1580, Melilla, le l*enon de Vêlez, AIhuccma, le groupe des îles
z:iffarines qu'ils occupèrent en 1848 dans le but d'y supplanter les
Français qui avaient manifesté rintenlion de s'en emparer. Ces
CAMPEMKNT A EL ARAÏSCil (LARACIIE .
l'IlOTOURAPUlK UB M. G. DANSAKRT.
places sont pour la plupart de simples forteresses sans importance
commerciale, lieux de déportation pour les criminels de la mère
patrie et jadis pour les révoltés cubains ou philippins. En 1859, le
Mîiroc fut très sérieusement menacé par les Espagnols. Le Sultan
s'était rendu coupable d'une violation du droit des gens dont la vic-
time était un agent consulaire espagnol. Le gouvernement ne put
obtenir répamtion. Une armée, commandée par le maréchal
O'Dounell s'empara de Tanger puis marcha victorieusement sur
Tetuan. Les Anglais intervinrent et rendirent de nul eflet les avan-
tages des troupes espagnoles; ils firent savoir que l'occupation de
Tanger leur semblait incompatible avec la sécurilé de Gibraltar, et
réclamèrent le paiement à bref délai d'une dette de plusieurs mil-
180 ÉTUDES COLONIALES
lions (le posetas due à TAnglelerre par l'Espagne. Les Espaj::nols
durent faire la paix avec le Sullan du Maroc moyennantune indem-
nité de 100 millions de [)esetas garantie par les douanes. Ils y per-
daient pécunièrement, sans préjudice du sang inutilement versé.
Aujourd'hui que FEspagne a perdu tout son empire colonial, la
fierté castillane Irouve-ait plus que jamais son compte à se ména-
ger au Maroc une compensation aux récentes avanies qu'elle a dû
supporter. Econoniiquement. le Maroc est actiiollement d'une
importance très faible pour TEspagne. Elle n'y ferait probablement
pas ses frais de conr|uète d'occupation et d'administration.
Au cours de ce siècle, la conquête de l'Algérie mit les Français
en contact avec le Maroc; les défaites des Arabes nuisulmans de
l'Algérie étaient vivement ressenties par leurs congénères du
Moglireb AI Aska.et la lutte s'engagea sur les instigations d' Ahd-Kl-
Kadcr entre l'empereur Abderrahuïan et les Français, en 1844. La
lutte ne (ut pas longue; Tanger et Mogador furent bond)ardés, le
maréchal Bu^^eaud délit les troupes du Sidlan à Isly et la paix fut
signée. Il fut stipulé que la ligne séparative entre les possessions
françaises-algériennes et le Maroc serait constituée par une ligne
idéale atteignant la Méditerranée à quelques lieues à i'K>t du cap
d'EI Agua, laissant à l'Ouest la tribu des Beni-Snassen, pass;«nt
entre les « hotts I l-Gharbi et Ech Cherki, el rencontrant le grand
déserta hauteur de Figuig. Les deux parties contractantes s'enga-
geaient à vivre en bons voisins, à ne donner aucun appui aux
rebelles qui chercheraient à fomenter des troubles d'un rôté ou de
l'autre de la frontière, à réprimer toute tentative d'insurrection
pouvant troubler la paix sur la zone commune. Les coloniaux
français ont toujours considéré que la France avait commis une
lourde faute en ne reculant pas jusqu'à la Moulouya les limites de
l'Algérie et en ne s'emparant pas des Oasis de Figuig et de Touat,
refuge ordinaire des agitateurs politiques et religieux de cette por-
tion de l'Afrique. N'oublions pas que la Franre vient de profiter
des circonstances présentes assez lavorables à sa liberté d'action
pour s'emparer du Touat. En effet, la mission française de M. Fla-
mend vient d'occuper In-Salah, la principale des Oasis du Tidikclt.
11 faut sans doute y voir la première étape vers une rectilication
efiective des frontières de l'Algérie de ce côté.
Il fut un temps oii Tanger, le pendant de Gibraltar,, appartenait
LE MAUOC 181
aux Anglais : Charles H Tavait reçu en dot de sa femme, Catlierlne
de Bragance.
L'Angleterre n'admettrait à aucun prix que Tanger et le ter-
ritoire environnant, passât aux mains d une puissance euro-
péenne. Albion ne serait plus seule à dominer du feu de ses canons,
l'étroit passage maritime qui unit en ce point la Méditerranée à
l'Atlantique. En outre, l'Angleterre possède sur les marchés maro-
cains une pn^pondérance commerciale qu'il ne lui plairait pas de
voir supprimée par l'effet de tarifs prohibilils et de droits protec-
teurs qui suivraient vraisemblement l'occupation du pays par une
des nations concurrentes. Les Anglais ont une iniluence considé-
rable à la cour marocaine, qu'ils doivent ù leur habitude d'intervenir
de façon utile pour les intérêts et l'indépendance du Maroc dans
ses conflits avec les autres puissances européennes. Des média-
tions de cette nature ont eu lieu en 1844 vis-à-vis des Français,
en 1859 vis-à-vis des Espagnols. L'Angleterre a immergé un cable
entre Gibraltar et Tanger; elleest la première et souvent la seule à
être informée rapidement et exactement de ce qui se passe dans
l'empire et Ton peut aisément comprendre qu'elle ne se fait pas
faute de profiter d'un tel avantage. En 1892, l'Angleterre envoya
à Fez un ambassadeur, sir C.harles Evan Smilh, qui" essaya
d'imposer au Sultan, Moul-y Hassan, par une attitude terrori-
sante, un traité qui, s'il eût été conclu, eût modifié très avanta-
geusement la condition économique du pays et la situation des
étrangers au Maroc. Ce projet abolissait les entraves à l'exportation,
établissait les tribunaux mixtes, supprimait l'esclavage, etc., etc.
Malheureusement, sir Smilh dut se retirer sans avoir rien obtenu.
L'Allemagne a fait, sur le terrain commercial,des progrès consi-
dérables au Maroc,comme partout ailleurs depuis quelques années.
— C'est en 188G que les premières marques d'intérêt pour ce
pays se révélèrent dans l'empire. Une expédition commerciale fut
envoyée sous les auspices du « Centralvcrein fur Ilandels géogra-
phie ». En 1890, fut fondée une ligne de navigation « l'AtlasIinie »
avec un départ toutes les trois semaines de Hambourg vers Tanger
et les ports marocains de l'Atlantique. La ligne eut un grand
succès; l'exportation par Hambourg était de 4GO,oOO kilogrammes
en 1888; en 1889, de 730,600 kilogrammes; en 1890, elle bon-
dissait à 1,531,000 kilogrammes.
182 KTtnF.S COLONIALES
L'Allemagne et I Angleterre sont au Maroc, en faveur de la poli-
tique de la porte ouverte; peut-cire rAllemagne désire-t elle avoir
sur la côte marocaine un port où elle soit chez elle et divers indices
semblent indiquer quelle espère aboutir à ce résultat. L'Es-
pagne et la France, au contraire, semblent vouloir se créer
tout au moins des sphères dlnlluences. La transformation du Maroc
en colonies française et espagnole avec un cortège de droits prohi-
bitifs et de tarifs protecteurs heurterait trop les intérêts des deux
premières puissances pour que de longtemps elle puisse se réali-
ser. D'autre part, tant que des reformes sérieuses n'auront pas été
imposées au Sultan du Maroc, ce pays n'offrira aux nations de
l'Europe occidentale que de faibles ressources comme débouché
pour les produits industriels et comme fournisseur de denrées ali-
mentaires et de malièrcs premières.
La situation des pavs exportateurs pendant les dix dernières
années est modifiée au Maroc de façon désavantageuse; le pouvoir
d'absorption de cette contrée a diminué de quatre millions, soit
26 p. c. La diminution a clé rcspeclivôment pour : la Grande Bre-
tagne, 28 p. c. ; la France, 4 1 p. c. ; rAllemagne, 1 1 p. c. ; l'Espagne,
18 p. c. ; la Hollande, l'ô p. c. ; la Suède, 73 p. c. ; les Etats-Unis,
100 p. c.
Seule la Bclqique est en progrès, alors que tous les autres
pays sont en décadence. Les exportations belges sont de
3,230,198 francs, ce qui représente une augmentation de
1,637,368 francs, soit de 102 p. c. en six années. M. Victor
Collin, dans son ouvrage : Le^s Intérêts belges et le Maroc,
préconise comme solution à la question marocaine la constitution
d'un Etat Indépendant calqué sur l'Etat du Congo, Etat neutre,
pacifique, administré par les Belges avec le concours d'officiers
étrangers, et offrant dans toute 1 étendue de ses territoires, un
traitement commercial égal pour toutes les nations.
Nous craigons fort que ce rove ne se réalise jamais ; la situation
internationale est bien différente de celle qui a rendu possible la
création de l'Etat Indépendant du Congo ; les convoitises des puis-
sances sont plus jalouses et plus actives qu elles ne l'étaient au
centre de TAfrique en 1878 et en 1884; d'autre part, les Belges ont
cessé d'être vus d'un regard indifférent en matière colonialeoù ils se
sont révélés de rudes jouteurs. L'occupation du Maroc, la victoire
LE MAROC 183
à remporter sur le fanatisme musulman, rendraient nécessaire une
action militaire qui cadre mal avec l'organisation intérieurede notre
pays et le mécanisme de sa vie politique interne.
Pour tous ces motifs et d autres encoie, nous croyons que la
Belgique se contentera de la lutte industrielle et commerciale qui
I)eut lui réserver dans ce pays de nouveaux succès.
J. P.
— >•> LA <'< —
CULTURE DU CAFÉ
Exbt(a!b de l'ouvitade < Koffiecuibuut* în Guabemala >
Par F.-W. MORREN
^ .
On peut dire que le caféier, au Guatemala, est planté presque
partout et en tous terrains. 11 existe des plantations à des hauteurs
de 500 à 5000 pieds au-dessus de la mer ; il en est d'établies sur un
magnifique sol forestier où Thumus mesure plusieurs pieds d'épais-
seur et repose sur un mélange de sable et d'argile, mais il en existe
aussi à des endroits où auparavant croissait une herbe maigre avec
quelques broussailles. Naturellement, la vigueur et la productivité
des plantations varient avec ces circonstances.
Nous allons essayer de décrire la culture, telle qu'elle est pra-
tiquée dans les meilleures exploitations et les mieux conduiies, en
négligeant les plantations mal tenues ou insignitiantes.
La plupart des plantations sont situées dans les vallées méridio-
nales de la chaîne des Andes, dans le Sud-Ouest de la république,
notamment dans les départements de Guatemala, Amatitlan, Saco-
tepequez, Solola, Relaihuleu, Quezaltenango et San Marcos. 11 en
existe d'autres dans le centre du pays, département d'Alta Verapaz,
mais celles-ci ont beaucoup moins d'importance, du moins jusqu'à
présent. D'après les dernières nouvelles cependant, les immigrants
LA CL'LTUIŒ DU CAFÉ AU GUATEMALA 186
allemands leur auraient donné une grande extension dans le
district de Goban.
Dans la plupart des pays tropicaux, la question de la main-
d'œuvre est d'une importance capitale, principalement pour l'agri-
culture qui ne peut la remplacer par l'emploi des machines, ni
même, dans les régions accidentées, par celui des bêtes de somme.
Au Guatemala, la population indigène est restée clairsemée depuis
la conquête, et ne fournit pas un nombre de bras suffisant pour la
mise en valeur du pays.
11 y a quelques années, des planteurs ont essayé de faire venir
des travailleurs de la Chine, du Japon et des iles Fidji, mais les frais
étaient si élevés, et la mortalité si grande, que Tess û n'a pas eu de
suite. Une demande faite à fln de recruter à Java des coolies pour
le Venezuela et l'Amérique centrale a été naturellement rejetée par
le Gouverneur général. Le gouvernement du Guatemala, d'autre
part, a rendu à peu près impossible l'introduction de Chinois. Il
est cependant certain que le gouvernement, aussi bien que les
hommes politiques propriétaires de vastes domaines, ont un inté-
rêt capital à développer les cultures. L'influence de ce double in-
térêt est visible dans la loi sur le travail qui est toute en laveur des
employeurs.
Les travailleurs d'une entreprise agricole sont divisés en trois
classes :
!•* « Colons » (établis à demeure) ;
2** Trabajadores voluntariamento (engagés temporaires volon-
taires);
3** Trabajadores mandamiento (travailleurs commandés).
Celui qui entreprend de nouvelles cultures s'efforce d'abord de
recruter des familles d'Indiens pour les établir sur son domaine,
Cela peut se faire directement, moyennant une avance plus ou
moins forte, ou bien par la reprise de travailleurs d'une exploitation
existante dont le propriétaire, ayant besoin d'argent, cède une ou
plusieurs familles, moyennant le remboursement de leur avance,
plus un bénéfice autant que possible. (Nous aurions écrit qu'il les
vend, si la loi n'avait pas aboli l'esclavage ; la difierence est du reste
sans importance pour le mow.)
Dès que le nombre des «colons» est suffisant, ils forment un vil-
lage indien et un chef (Alcade) est mis à leur tête au nom du gou-
186 ÉTUDES COLONIALES
vernement. Le traitement qu'il reçoit de TEtat est d'ailleurs minime
et il n'est pas difficile au planteur de prendre sur ce chef du vil-
lage une influence absolue.
Les «colons» forment le noyau du personnel ouvrier: c'est
parmi eux qu'on recrute les «caporaux» (inspecteurs indigènes), et
les hommes employés à des travaux spéciaux, par exemple les gar-
diens du bétail, les briquetiers et les gens de métier en général.
Il est très avantageux d'avoir un grand nombre de familles de
colons sur sa plantation, mais il faut leur faire de fortes avances;
des sommes de 300 ou 400 dollars ne sont pas de rares exceptions.
D'autre part, rengagement du colon s'étend à sa femme et à ses
enfants, ces derniers restant engagés si le père vient à mourir, de
sorte que le planteur éprouve rarement une perte totale. Les tra-
vailleurs célibataires s'engagent souvent moyennant une avance
de 40 à 50 dollars.
Les «journaliers» demeurent dans leur village, et s'engagent
seulement pour quelques semaines ou quelques mois, principa-
lement pour le temps de la récolte, mais ils passent également un
contrat avec paiement d'une avance, à l'intervention de l'alcade. A
cause du peu de besoins des Indiens, il est souvent difficile d'en-
rôler un nombre suffisant de travailleurs. Dans ce cas, le succès de
la négociation dépend beaucoup du tact de l'administrateur, qui
doit promettre bon traitement et bonne nourriture, peu de travail
et de fatigues, et affecter une dignité calme pour assurer sa répu-
tation. Un tel administrateur, qui parcourt lui-même les villages,
sait se faire bien venir de l'alcade, sans grands frais, et réussit
presque toujours. On peut aussi se servir d'intermédiaires, de soi-
disant «enrôleurs», mais ce système est bien moins recomman-
dable. Ces enrôleurs sont généralement en relation avec des ven-
deurs A'aguardiente (eau-de-vie), et ceux-ci savent forcer leurs
débiteurs à signer des contrats, qui affectent l'avance du planteur
au paiement de leurs dettes de boisson.
On obtient naturellement par ce procédé un grand nombre de
travailleurs dont les forces et la santé sont ruinées par l'alcoolisme.
Us sont souvent malades, surtout lorsqu'ils ne peuvent avoir leur
boisson journalière, et en somme, coûtent beaucoup plus cher que
ceux qui n'ont jamais fait d'excès.
Si l'administrateur, malgré tous ses efforts, n'a pas roussi à
Mi^
/
^ a^
iéâ
A ^Ê *
" r^
Wl
&
éà
m
S
t ^Hv4»
f^À
Jffipr
i T^l^^'
lè. , j
t^k^^ÊÊ'
^hS^À
K ^^P^^V
'wsr^
K'^*" À
OJ
'Jm
v^
W
F, ^ mêL
^
j^
BRANCHE DE CAFÉIER.
CUCliÉ COMMUNIQUÉ PAR M. P. W. MORREIf.
188 KTLDKS COLONIALES
enrôler un nombre suffisant de travailleurs pour sa récolte, il peut
s'adresser, par requête contenant l'exposé des faits, au chef poli-
tique (jefo politico) du Département. Si ce fonctionnaire est bien
disposé pour le requérant, et considère les causes invoquées
comme force majeure, il adresse un ou plusieurs ordres écrits aux
alcades des villages voisins, pour assister la plantation en char-
geant un certain nombre d'habitants d'aller y travailler jusqu'à la
fin de la récolte (Trabajadores mundamiento). Le salaire est fixé
par le Jefo politico, mais il est calculé au même taux que celui des
autres ouvriers de l'entreprise.
Le salaire est pour un ouvrier adulte de 3 à 4 réaux par jour,
pour une femme de 2 à 3 réaux, et pour les enfants en raison de ce
qu'ils peuvent fournir. Les travaux sont, autant que possible,
accomplis à la lâche. Pour autant que j aie pu m'en assurer dans les
plantations que j'ai visitées (dont les propriétaires étaient alle-
mands), la journée de travail n'est pas trop longue. Elle commence
à 6 heures du matin et finit d'ordinaire vers 4 heures.
Comme nous l'avons déjà dit, il n'y a aucune coopération entre
les directeurs de plantations; jamais de conférences sur le mode
de culture, d'échanges de vue sur les travaux. Les planteurs se
voient rarement et évitent de parler de ce qui a rapport à leurs
affaires. Tout au plus, en longeant ou traversant les terres des
voisins, remarque-l-on superficiellement comment on y travaille
et avec quels résultats.
Chaque administrateur opère donc isolément, mais il doit aussi
rechercher seul les meilleures méthodes; il ne s'instruit que par
son expérience personnelle. C'est, il est vrai, le meilleur des maî-
tres, mais ses leçons durent longtemps et coûtent souvent cher.
C'est pour cette raison que l'on trouve si peu d'uniformité, et
même un manque complet de système dans les fincas comparées
entre elles. Même sur une seule finca on voit suivre des principes
différents, par exem[)le, pour la distance observée entre les caféiers
et pour le plus ou moins grand nombre d'arbres d'ombrage.
Une des entreprises que je visitai avait quelques parties plan-
tées à raison de 2 pieds sur 3 varas, d'autres 2 sur 4, d'autres
encore 3 sur 3 ou^même 3 sur 4; l'administrateur avait visiblement
dû rechercher la distance de plantation la plus convenable. 11 en
était de^même pour l'ombrage ; une partie assez étendue n'en avait
LA CULTURE DU CAFÉ AU GUATEMALA 189»
pas du tout, une autre, encore plus vaste, présentait des arbres
d'ombrage plant^^s assez régulièrement, mais dans les parties le&
plus récentes de l'exploitation on s'était borné, en rasant la forêt, à
laisser debout quelques arbres qui donnaient un ombrage irré-
gulier.
Le caféier, à celte hauteur (environ 2,500 pieds), croît bien sans
ombre mais paraît moins vigoureux.
Les couclies pour semis sont établies sans couverture ni om-
brage et rarement arrosées, si ce n'est quand les jeunes plantes
sont encore très petites et que les pluies font défaut plusieurs jours
de suite. Par contre, les mauvaises herbes sont soigneusement
enlevées. La distance entre les pousses est ordinairement d'un,
quart de vara (environ 21 centimètres).
La siluatioii de la main-d'œuvre, la diflicu'té de disposer d'ui>
nombre de bras suffisant empêchent de défricher en un an de
grandes étendues. D'ordinaire, les cafetales sont agrandies de
10 à 25 acres par an ; 50 acres constituent une rare exception.
Autant que possible, on choisit pour la culture du café du terrain
de foret vierge ; les planteurs disjiosent généralement de nombreux
terrains de ce genre. Le bois est complètement coupé; les indiens-
paraissent être de très bons coupeurs de bois. Après l'abattage on
ne brûle pas le taillis, mais, comme chaque exploitation possède un.
beau troupeau, on chasse sur le terrain une centaine de bestiaux ou
davantage, qui dévorent toute la verdure et écrasent le menu bois.
Les gros bois qui restent tinalemenl sont amoncelés par rangées-
et complètement pourris au bout d'une couple d'années. Le bois de
charpente, toutefois, est traîné à rétablissement pour être scié en
poutres et en planches.
L'excellent bois de construction abonde. Des constructions
établies depuis sept ans n'avaient besoin d'aucune réparation,,
même au plancher et aux iondalions.
Pour la transplantation en pleine terre, on choisit autant que
possible le commencement de la saison des pluies, époque qui
coïncide avec la fin de la campagne des sucres ; mais, comme il
n'existe aucune période de longue sécheresse, on peut procéder
toute l'année à cette opération. On ne redoute pas au Guatemala
que les plants repiqués soient trop grands, au contraire, on pré-
fère employer des plants de semis de l'année précédente qui ont
190 ÉTLDES COLONJALrS
déjà deux ou trois paires de branches. Si les plants sont trop hauts
et ont perdu leurs branches inférieures pour avoir été trop serrés
«ur \es couches, ils sont plantés comme «stumps» en coupant la
tige à environ 6 pouces au-dessus du collet de la racine.
La transplantation a toujours lieu en laissant autour des racines
une motte de terre, qui forme un cube d'environ 20 centimètres.
Cette motte est obtenue, en tirant des lignes entre les rangées de
plants avec un machete bien aiguisé et en tranchant ensuite hori-
zontalement à 20 centimètres sous la tige.
On ne fait pas, comme à Java, avant la plantation des trous de
-deux pieds en carré et d'égale profondeur, qui restent ouverts
quelque temps et sont comblés ensuite. On se borne à creuser, au
moment de la transplantation, une excavation un peu plus large et
profonde qu'il n'est nécessaire pour contenir la motte de terre
qui renferme les racines.
Chez les exploitants soigneux, les jeunes plantations sont
nettoyées avec soin et môme, une couple de fois par an, binées
avec la houe. Pour les plantations plus âgées, l'entretien se borne à
l'enlèvement des mauvaises herbes et au grand nettoyage après la lia
de la récolle. Ce dernier travail consiste à égaliser et à retourner
superficiellement le sol foulé par les femmes chargées de la cueil-
lette, et à enlever des arbres le bois mort et les branches brisées.
Les entreprises où la main-d'œuvre fait défaut ne sont pas en
^tat de faire des travaux d'entretien sérieux. J'ai vu des plantations
arrivées à maturité où il n'était pas possible de pénétrer à cause
des mauvaises herbes hautes et épaisses, existant certainement
-depuis plus d'un an. Le propriétaire n'avait aucun moyen d'enrôler
des travailleurs et devait voir sa récolte périr sur pied. Ce cas
n'est pas isolé; il existe beaucoup de degrés intermédiaires entre
cette situation et celle que nous venons de décrire.
Il n'est question nulle part d'élagage ou d'écimage des caféiers;
j'ai appris que sur une plantation (celle de la société harabourgeoise
Chocola) des essais avaient été faits en vue de réduire les arbres à
«ne seule tige par l'enlèvement régulier des rejetons, ainsi que des
tentatives d'écimage, mais que les expériences avaient bientôt pris
tin, parce que les avantages n'étaient pas en rapport avec l'aug-
mentation du travail.
Lorsque Ton plante des arbres d'ombrage, on emploie au Gua-
§s
192 KTIDES COLONIALES
leraala le « cochin », un arbre indigène à croissance rapide, ayant
un assez vaste branchage à 25 ou 30 pieds du sol. D'après mon
opinion, le feuillage est trop grand et trop serré, par conséquent
Fombre trop épaisse; on a d'ailleurs affirmé que cet arbre perd
son feuillage presque en entier au commencement de la saison
des pluies, mais pour peu de temps, de sorte qu'à la lin des pluies
il Ta recouvré complètement. Le dadap (eiythrinae) \ient bien
dans le pays, mais seulement dans les fourrés; j'ai vu aussi quel-
ques exemplaires du sengon (Âlbizzia molucana), mais ces espèces
ne sont pas employées comme arbres d'ombrage dans les planta-
tions.
Le café, au Guatemala, pousse avec vigueur et abondance. Les
tiges sont fortes avec des branches vigoureuses et un feuillage
épais, pour peu qu on ait donné des soins à Tentretien. Elles
donnent un fort produit annuel pendant une longue série d'années;
des plantations âgées de vingt ans ne donnent encore aucun signe
de décadence. (IJ en existe de plus anciennes encore, mais je ne
les ai pas vues.) On estime que les caféiers atteignent leur pleine
croissance vers la septième année, mais (Jéjà la seconde année
après la transplantation ils donnent un produit appréciable. Les
arbres adultes livrent certainement plus d'un kilogramme de caré
par an; il est reconnu qu'une plantation (d'ailleurs une des meil-
leures) a récollé pendant quatre années consécutives, 40 quintaux
(1840 kil.) par monzana (c'est-à-dire par 1,000 arbres).
Par suite de l'insuffisance du nombre des travailleurs, on ne
peut donner à la cueillette des baies mûres autant de soins qu'il
serait désirable au point de vue de la qualité des grains. Un grand
avantage est que les arbres sont si vigoureux que leurs baies ayant
atteintla maturité ne tombent^ pas rapidement, mais, même en temps
de pluie, peuvent encore pendre aux branches pendant huit ou dix
jours. Comme la première floraison a lieu au commencement de
Tannée, et la floraison principale, environ deux mois après, la
maturation des fruits a lieu de même successivement, mais avec
moins d'intervalle. Dans la finca médiocrement dirigée, et où la
main-d'œuvre est rare, la cueillette se fait au moment où la plupart
des Iruits sont mûrs, à la manière brésilienne, telle que M . van Delden
Laerne l'a décrite aux pages 295 et 296 de son ouvrage bien
connu, c'est-à-dire que toutes les branches portant des fruits
LA CULTURE DU CAFÉ AU GUATEMALA 193
verts, mûrs ou noirs sont arrachées avec les feuilles et les
rameaux, mises dans des paniers et portées à rétablissement.
Voyons maintenant comment la récolte se fait sur les meilleures
exploitations, qui disposent d'un personnel suffisant. L'adminis-
trateur a pris soin d avoir des contrats passés avec des familles
de travailleurs pour le moment où commence la récolte, cest-à-
dire la mi-<ictobre. Il doit avoir soin d'inscrire chaque contractant
sur un registre nominatif avec sa femme et ses enfants, de leur
délivrer un livret avec le compte de leur doit et avoir, et de tîxer
un jour différent pour l'arrivée des travailleurs, car s'ils arrivaient
tous ensemble l'administration serait débordée.
A 5 1/2 heures, la cloche sonne pour l'appel; les inspecteurs
avec les « caporaux » s'assurent que tous les appelés sont pré-
sents, ou portés malades, et à (5 heures commence le travail,
après recommandation faite aux travailleurs d'enlever soigneuse-
ment les baies sans les queues.
A 4 heures, ou plus tôt, si les pluies gênent le travail, on rap-
porte les baies récoltées; un bac ou un panier de dimensions
déterminées contient la quantité exigée de chaque travailleur; la
plupart en livrent beaucoup plus, dans de petits récipients, et il
leur en est tenu compte. Le mesurage se fait par les « caporaux »;
.es inspecteurs le surveillent et en tiennent note.
En général, la cueillette se fait très bien, quand l'administrateur
sait contrôler comme il faut. A la fînca où j'ai assisté à ce travail
avec beaucoup d'intérêt, la manière de procéder ne laissait pour
ainsi dire rien à désirer. Toutes les baies étaient mûres, les fruits
verts ou noirs étaient des exceptions et les arbres dépouillés
avaient peu ou point souffert par brutalité; il ne restait nulle part
de fruits mûrs pendant aux branches, ni de baies tombées sons les
arbres. En un mot, la récolte se faisait avec autant de soin que sur
une plantation de Java.
Sur les meilleures plantations, on cueille trois fois les fruits
mûrs; la quatrième fois on arrache tout, mûr ou non, à la-hàte,
en négligeant toute précaution, car le produit de cette dernière
récolte est toujours inférieur et ne paierait pas les soins qu'on y
donnerait.
Entre les deux façons d'opérer, grossière ou soigneuse, que
nous venons d'indiquer, il y a naturellement d'innombrables
194 ÉTUDES COLONIALES
nuances, de sorte qu'il est totalement impossible de généraliser.
Ce sont les plus grandes entreprises qui travaillent avec le plus
de soin, bien que la récolle à quatre reprises ne soit pas chose
commune. Beaucoup se bornent à deux cueillettes de fruits mûrs,
et à un arrachage.
La manière de récolter est 1res certainement une des causes
des grandes différences de qualité, ou plutôt de la rareté
des meilleures espèces sur le marcl)é. Cet état de choses est
aggravé par le traitement ultérieur du café. Des exploitations qui
ne possèdent que quelques centaines ou quelques milliers de
plants ne peuvent naturellement pas établir d'installations coû-
teuses et doivent se borner à faire sécher la graine au soleil. Elles
ne possèdent qu'exceptionnellement des séchoirs en maçonnerie.
Il y a même des fincas dont la production est grande et qui con-
servent obstinément Tancienne manière de préparer. Mais en
général, les plantations qui font du café leur culture principale,
el surtout celles qui sont aux mains des Allemands, possèdent une
installation complète pour la préparation à la manière des Indes occi-
dentales, qui ne le cède pas aux établissements bien outillés de Java.
L'usage est, à la différence de celui de Java, de laisser le café
récolté, pendant une nuit, dans un bac rem pli d'eau et de ledépulper
le lendemain matin. J'ai soigneusement examiné le café dépulpé et
je n'ai pas pu trouver de fèves brisées ou détériorées. La seule
espèce de machine à dépulper que j'ai vue était celle de Gordon et
Walher. La fermentation dure seulement 24 heures; elle est ter-
minée chaque jour vers midi et immédiatement après commence
le lavage du café dépulpé la veille. Dans un établissement, j'ai vu
un tambour pour le lavage du cale, qui était installé dans une
rigole maçonnée assez longue entre les bacs de fermentation et de
lavage. Le calé qui passait par cet appareil, d'ailleurs simplement
construit, était débarrassé des débris de pelure rouge dont il res-
tait chargé au sortir du bac de fermentation.
La suite de la préparation est absolument semblable à celle de
Java. La plupart des bonnes fiiicas ont des bacs de séchage
maçonnés et plâtrés; on ne connaît pas les toitures mobiles pour
ces bacs; le soir ou à l'approche de la pluie, on réunit le café
séché en monceaux et on le couvre de toile à voile, goudronnée
ou rendue autrement imperméable.
LA CULTURE DU CAFÉ AU GUATEMALA 195-
11 est à remarquer que le café n'est pas séché de manière à
devenir très dur; il reste toujours un peu mou, de sorle qu'on-
peut le rayer avec l'ongle. Sur mon information, on m'a déclaré
que rexpérienee avait démontré qu'une dessiccation complète-
n'ctait pas nécessaire pour conserver la qualité du café de Guate-
mala.
Comme la récolte commence deux ou trois semaines avant la
fin de la saison des pluies, il est parfois nécessaire de recourir au^
séchage artificiel. Quelques grandes plantations possèdent un
appareil Guardiola qui est très suffisant là où l'on dispose d'une-
force hydraulique. La capacité est de 40 picols de café séché par
24 heures.
Pour l'enlèvement de la parche, la machine du Crusonwerke,
sjstème Andersen, est en usage chez quelques planteurs alle-
mands. C'est une machine excellente et solide, mais assez coû-
teuse.
Le transport du café vers les stations du chemin de fer (ou
quelquefois directement vers le port d'Ocos) se fait par les moyens
dont dispose le planteur lui-même. A défaut de chemins prati-
cables pour les chariots, on se sert quelquefois de mules; mais ce
moyen est plus coûteux que le transport par charrettes, malgré les
nombreuses réparations que demandent ces dernières.
Dans tous les cas, il est nécessaire que toute plantation possède
do vastes étables, soit pour les mules, soit pour les bœufs de
trait.
Les tarifs du chemin de fer sont très élevés. De rexlrémité de la
ligne au port de San-José de Guatemala on paie 0,90 dollar par
quintal de 46 kilogrammes. La ligne de Relalhulen au port deCham-
perico demande un peu moins : 0,î)5 dollars par quintal rendu à.
bord.
Le droit de douane à l'exportation s élève depuis Tannée der-
nière à i dollar par quintal (auparavant, 3 d.), et le fret pour
Hambourg à 3 dollars par 1,000 kilogrammes, avec peu de fluc-
tuations.
En comparaison avec Java, la culture du café au Guatemala*
souffre de salaires élevés, d'un droit de douane plus fort et de-
lourds frais de transport, ainsi que des difficultés et des frais con-
sidérables nécessités par le recrutement des travailleurs.
i96 ÉTUDES COLONIALES
Par contre, elle possède d'énormes avantages : une production
annuelle au moins quatre fois plus forte, une situation méléorolo-
gique constante, qui empf^che la perte totale de la récolte, et
^nlin l'absence de toute maladie épidémique et parasitaire.
En dehors du droit de sortie et d'une très légère taxe pour
l'entretien des chemins, il n'existe pas d'impôt direct.
En outre, ce pays bien arrosé offre, sur presque toutes les
plantations, d'abondants cours d'eau pouvant servir de force
motrice. Sur un des domaines que j ai vus, il y avait deux turbines,
respectivement de iO et de 15 chevaux, et l'on aurait pu facilement
^n doubler le nombre et la puissance.
J. B.
LES
Grapcl^ Ré^epvoip^ du Nil
Le train de nuit, parti le soir du Caire, nous débarque
au petit jour à Assioût. La ville arabe se masse, à droite
de la voie, jusqu'aux assises des collines de la chaîne lybienne,
percées d'hypogées. A gauche, c'est une ville moderne,
qui a surgi sur la rive du Nil, faite de constructions hâtives en
pisé ou en tôle gondolée. Des rails rayent le désert en tous sens,
parcourus par de petites locomotives Decauville qui se pressent,
charriant des files interminables de wagonnets chargés de terre.
Puis, lorsqu'on se rapproche du Nil, un spectacle fantastique
apparaît : celui d'une fourmilière humaine, des grappes d'ouvriers
noirs s'agitant dans le lit du fleuve, dont on a un peu détourné le
cour3, travaillant à édifier la digue qui doit devenir le grand
barrage d'Assioût,
Nous sommes en présence de l'un de ces deux gigantesques
travaux, entrepris par les Anglais, pour améliorer le légime des
irrigations en Egypte. L'autre, dont nous parlerons plus loin, est
le grand réservoir d'Assouan.
On sait que la prospérité de l'Egypte entière dépend du Nil;
sans lui, et sans ses inondations tertilisatrices, elle]ne]serait qu'un
vaste désert, et le mot d'Hérodote reste toujours vrai : « L'Egypte
est un présent du Nil. » De là vient le caractère divin prêté au
fleuve dès l'antiquité, et dont le souvenir se perpétue encore
aujourd'hui dans une multitude de coutumes locales. Si la crue
annuelle est abondante, une plus grande quantité des [terres est
arrosée, le limon bienfaisant se dépose plus loin, la récolte en est
augmentée, et, nécessairement, le rendement de l'impôt et
5
198
ETUDES COLONIALES
réquilibre du budget s'en ressentent. Faute de crue, comme ce fut
le cas cette année, le sable reste sable et la famine menace. Aussi,
tous les efforts de ceux qui ont régné sur TÉgyple se sont-ils
portés sur le développement de son système d*irrigations.
D'innombrables canaux ont été creusés, qui s'amorcent au Nil et
amènent l'eau jusqu'à plusieurs kilomètres de sa rive. Le vieux
LES TRAVAUX DU BARRAGE D ASSIOUT.
CI.ICHÉ 1)1:: M. G. UKIGODE.
fleuve lui-même semble vouloir multiplier son" action bienfaisante
et se divise, dans le Delta, en une infinité de branches qui rendent
cette région l'une des plus fertiles du monde. Ainsi le système
hydrographique du Nil, privé d'alïluents, se dispose-t-il comme un
éventail, mais dont les rayons, à l'inverse des autres fleuves, con-
vergent vers sa source, et non vers son embouchure.
Pour augmenter l'étendue des terres arrosées, on a songé, de
bonne heure à retenir les eaux dans des réservoirs ou par des
digues, et, dès le début de ce siècle, on commença les travaux du
grand barrage situé entre le Caire et la mer, à l'intersection des
deux branches principales du Nil qui forment le Delta. Ce barrage
LES GRANDS RÉSERVOIUS DU NIL
199
élève de 4 mèlres le niveau des eaux en amont, du côté du Caire,
et les force à pénétrer dans les canaux qui les disséminent dans
toutes les régions de la Basse-Egypte.
L'effet utile de celte retenue des eaux ne se faisait pas sentir
assez loin, et était nul pour la Haute-Egypte. C'est ce qui décida
les Anglais, lorsqu'ils vinrent occuper le pays, en 1882, par une
LE ML AU MOMENT DE S'ENGAGER DANS LA DEUXIÈME CATARACTE.
CUCUÉ DE M. G. BRIOODE.
fiction qui a revêtu aujourd'hui tous les caractères d'une situation
(le droit, à construire des ouvrages analogues dans TÉgypte supé-
rieure. Les projets d'alors sont aujourd'hui en voie de réalisation :
ils ont abouti à la création des deux grands réservoirs ou barrages
(i'Assouan et d'Assiout, dont nous nous occupons ici.
Les ouvrages entrepris à Assiout, c'est-à-dire à 400 kilomètres
en amont du Caire, constitueront surtout un barrage. On y
construit en travers du Nil, une digue énorme qui n'emmagasinera
pas les eaux, mais en élèvera seulement le niveau pour les chasser
dans le canal Ibrahimieh, lequel irrigue toute la Moyennc-Iîgyple.
On saisit immédiatement l'intérêt de ce travail. Désormais, il
200 ÉTUDES COLONIALES
importera assez peu que la crue soit ou non abondante, puisque
les réservoirs d'Assouan auront emmagasiné les eaux de Tannée
pri^cédente et les laisseront' s'écouler, au gré de {Irrigation
Department^ vers le barrage d'Assiout, qui se chargera de les
refouler vers l'intérieur des terres. La première des photographies
que nous reproduisons ici représente une partie des travaux de
terrassement d'Assiout. Nous avons eu le plaisir d'y retrouver,
parmi les ingénieurs qui forment Tétat-major de cette petite
armée, un jeune ingénieur, Belge au moins par ses études,
M. Caratheodory, fils du distingué Ministre de Turquie à
Bruxelles. Les travaux, commencés à la fin de Tannée 1898 sont
déjà très avancés et seront probablement terminés à la date fixée,
le 13 juillet 1903.
Le Puritan, de ÏAnglo- American LinCy nous conduit d'Assiout à
Assouan, c'est-à-dire 540 kilomètres plus au Sud du Caire, où les
travaux entrepris sont plus importants encore. La digue d'Assouan,
qui formera un véritable réservoir, mesure 2 kilomètres de lon-
gueur environ, sur une épaisseur variant entre 8 mètres à la crête
et 23 mètres à la base. Elle est à cheval pour ainsi dire sur la
première cataracte, et son but est de remplacer celle-ci. Il est, en
effet, universellement reconnu aujourd'hui que les cataractes, qui
ne sont plus guère que des rapides, constituaient jadis de
véritables remparts qui se sont peu à peu eflrités sous l'action
de Teau. Ces remparts naturels formaient d'immenses réservoirs,
d'où Teau se répandait dans les régions voisines. La disparition
progressive de ces digues expliquerait pourquoi la superficie
cultivée de l'Egypte est moindre aujourd'hui que dans l'antiquité,
et c'est pour rétablir artificiellement ces digues que Ton a com-
mencé la construction du grand réservoir d'Assouan. Environ
3,000 ouvriers y travaillent, tous indigènes, sauf quelques cen-
taines d'ouvriers italiens, employés surtout à la taille des
pierres.
Le spectacle de cette multitude humaine, s'agitant dans le décor
grandiose et désolé de la cataracte, sous un soleil de feu, comme
une fourmilière dans laquelle on aurait donné un coup de canne,
est vraiment impressionnant, et Ton songe à ces autres travaux
colossaux exécutés jadis, près d'ici, par cette même race docile et
laborieuse des Fellahs, pour satisftiire les fantaisies de leurs
LES GRANDS RKSERVOIIIS DLML 201
Pharaons d'alors, moins utilitaires et pratiques que ceux d'au-
jourd'hui.
La digue d'Assouan retiendra les eaux à une hauteur supérieure
de 20 mètres au niveau normal de Tété, et la masse des eaux ainsi
retenues s'élèvera à 4 milliard 65 millions de mètres cubes.
D'après le projet primitif, les proportions du réservoir devaient
être plus grandioses encore, mais l'île de Philae, située un peu en
îimont de la cataracte, et qui contient les plus délicieux spécimens
de l'architecture gréco-égyptienne, eût été submergée, et, chose
admirable autant que rare, les ingénieurs se sont inclinés devant
les protestations des artistes. La seconde photographie prise de
l'île de Philae, donne la perspective du Nil au moment où il va
s'engager dans la cataracte. La digue terminée, une grande partie
des rives sera submergée et fera place à une colossale Gileppe.
La dépense totale de res vastes travaux s'élèvera à 2 millions de
livres au moins, répartie comme suit : barrage et écluse d'Assouan,
1,400,000 livres; barrage et écluse d'Assioût, 425,000 livres;
canal Ibrahimieh, 85,000 livres; travaux accessoires, 90,000 livres.
Le budget égyptien aurait quelque peine à supporter la charge de
dépenses aussi considérables, si le Département des finances n'avait
trouvé une combinaison ingénieuse, grâce à laquelle l'État ne
payera l'entreprise que lorsque les travaux seront termint^s, et
lorsqu'il bénéficiera déjà, par conséquent, de la plus value
certaine que procurera au pays cette amélioration du régime des
eaux (1). L'entreprise a été confiée a une importante firme anglaise,
M.M. John Aird et C°, et, d'après le contrat passé avec elle, -le
gouvernement se libérera par des versements semestriels de
78,613 livres, pendant une période de trente ans à partir du
1*' juillet 1903. Quant aux résultats pratiques que l'on espère
relirer de ces travaux, Sir William Garstin estime, qu'après leur
achèvement, par suite de l'accroissement de la superficie cultivée,
la valeur delà récolte annuelle sera augmenté de plus de 2 millions
de livres et que le profit direct du gouvernement sera d'environ
(I: V. Reports on Egypt, de Lord Chômer {Pari, papcn^j IHyj. c. î)i>.Th cl Recueil
consulaire, (Rapport de M. Maskëns, 1KL)9.;
Î02 ÉTUDES COLONIALES
380,000 livres par an. Lord Cromer considère ces évaluations
comme beaucoup trop modestes.
Ces travaux marqueront parmi les entreprises de travaux
publics les plus considérables de ce siècle, et ils contribueront
singulièrement à la formation de cette Egypte Nouvelle, que les
Anglais se flattent d'avoir fait naître.
E. Cauton dk Wiart.
¥
rsTo; LE ^cy^^
Caoutcl)ouc daps FÉtat du Conqo
ET ni lâMlxlil
RAPPORT DU COMITÉ COLONIAL ALLEMAND
Dans le courant de l'année dernière, le Kolonial WirthschafUiche Koniitee a envoyé
dans TEtat du Congo une mission, à la tête de laquelle se trouvait M. Schiechter, chargée
d'étudier la production du caoutchouc dans ce pays et Tintroduction éventuelle de
certaines espèces au Kamerun. Ce fait inU^ressant est resté presque inaperçu en Belgique.
La lettre ci-dessous de M. Schlecliter« publiée par le Tropenpflanzery contient des rensei-
gnements dignes d'attention. Elle est datée du 9 août 1890, de Bonga, ù l'embouchure
de la Sanga.
Ma dernière communication date du 31 mai. Deux jours après
je partis avec mes porteurs pour examiner les plaines sablonneuses
voisines du Slanley-Pool, entre Dolo et Kimuenza, où croît en
abondance une espèce de caoutchouc herbacé. (1) Je trouvai cette
plante en grande quantité. Mes gens me dirent que Ion ne
Texploitait pas ici, mais bien dans le Kvvango, que cette plante
(évidemment celle que le Tropenpflanzer a reproduite sous le nom
de Carpodimis lanceolatus) était une variété mâle, tandis que la
variété femelle, qui donne le véritable caoutchouc, croissait au
Kwango. J'ai fait pendant trois jours les recherches les plus
diverses sur les racines, mais je n'ai obtenu qu'un produit très
poisseux, qui pourrait soutenir la concurrence avec celui de cer-
taines espèces de Ficus. J'ai naturellement recueilli des exemplaires
de la plante, que je vous enverrai plus tard.
Voyant qu'il était inutile de m'arrêler plus longtemps, je me
(1) Dans le texte allemand : IVurzelkauUchuk (caoutchouc des racines).
20i ÉTUDES COLONIALES
rendis à Léopoldville, où je fis des essais sur le latex de plusieurs
espèces de Ficus, qui ne me donnèrent que la niasse poisseuse
que Ton connaît. J ai soumis le latex des espèces les plus produc-
tives à la méthode centrifuge, mais j'ai constaté que cette méthode
ne produisait pas le moindre changement.
Je m'informai auprès de gens qui connaissaient bien les environs
de Léopoldville, si le caoutchouc des herbes était exploité quelque
part, et j appris que cela ne se faisait que dans Tintérieur du
Kwango. Toutes les autres opinions qui ont été publiées là-dessus
reposent visiblement sur de fausses données. Dans le voisinage de
Léopoldville, c'est-à-dire jusqu'à 8 ou même 14 journées de
marche, ce caoutchouc n'est pas utilisé. Le temps et les moyens
me faisaient défaut pour un voyage au Kwango. Tandis que j'atten-
dais à Léopoldville une occasion de remonter le Congo, je lis la
connaissance d'un M. Petermann, qui est établi dans le district du
Kwango. Il me dit aussi que le Cai^odinus était la plante mâle et
ne donnait pas de caoutchouc. Les terrains où le véritable caout-
chouc herbacé se récolte seraient les mêmes au Kwango que près
de Léopoldville, c'est-à-dire des plaines très sablonneuses, enso-
leillées, avec une végétation herbacée d'à peine un pied de haut.
On ne connaîtrait qu'une espèce qui donne du caoutchouc, et
qui se trouve d'ailleui's en abondance. II me promit aussi de
ni'envoyer une caisse de graines, dès que les fruits seraient mûrs.
Comme je l'ai déjà écrit dans mon dernier rapport, je tiens pour
démontré que le caoutciiouc des iierbes ne convient à aucune loca-
lilé du Kamerun ; de petites expériences de culture peuvent seules
démontrer s'il convient au Damaraland. L'introduction des plantes
devrait avoir lieu au moyen de graines, et non au moyen de bou-
tures qui, une fois tirées de la terre, se dessèchent très rapide-
ment.
Le 22 juin, le vapeur « Hainaut » quitta Léopoldville. Je me fis
conduire à TEquateur (Coquilhatville), où je rencontrai l'^c Ire »
(Rickxia).
Le séjour à Coquilhatville et les excursions aux environs furent
des plus intéressants. D'abord j'y trouvai la célèbre plante Bossanga,
qui s'appelle cliez les indigènes « Bassasanga » et chez les Bobangi
« Bokako », et je pus constater que c'est une espèce de Costus, qui
est aussi très commune dans les plantations du Kamerun. Je l'avais
LE CAOUTCHOUC DANS l'ÉTAT DU CONGO ET LE KAMERUN 204>-
déjà soupçonné et j'avais attiré l'attention des directeurs des plan-
tations au Kamerun sur cette plante et sa valeur, en en conseil-
lant Taménageinent. J'enverrai une bouteille de son suc pour
Texamen chimique.
Dans les plantations étendues de Léopoldville, on s'est aussi
occupé de la question des cultures de caoutcliouc. Quelques dou-
zaines de pieds de Manihot Glaziovii avaient été plantés récemment,
avec le même succès qu'au Kamerun. Le latex est bon, mais il no
coule pas assez abondamment. A Léopoldville, où il existe aussi
quelques exemplaires du Manihot dans dos plantations, j'ai fait
recueillir par mes gens 2,000 graines, pour les semer plus tard au
Kamerun dans un endroit approprié, et les laisser à elles-mêmes,
(l'est ainsi qu'il faut traiter le Manihot; comme la plante se multi-
plie et s'étend rapidement, on peut l'abandonner à l'état sauvage.
Je trouvai eniin à Coquilliatville le Kickxia et je vis que ce n'était
pas le Kickxia africana Benth, mais évidemment l'espace décrite
par Stapf en novembre 1898 sous le nom de Kickxia latifolia. qui
malgré toutes les expériences ne donne pas de caoutchouc, mais la
même masse poisseuse que le faux Kickxia du Kamerun. J'en
enverrai également des exemplaires séchés. Il est intéressant de
constater qu'à Coquilhatville on en a planté près de 8,000 pieds,
dans la conviction que c'était le bon Kickxia à caoutchouc. Il y
avait aussi un très petit exemplaire de CastiUoa elastiea; c'est le
seul que jai vu.
On commence aussi à planter les Landolphias, surtout dans les
forêts marécageuses où rien d'autre ne pousse, ainsi que l'IIevea
du Brt^sil, qui paraît d'ailleurs donner de meilleurs résultats dans
les terrains inondables du Congo qu'au Kamerun.
En ce qui concerne le mode d'exploitation des Landolphias, j'ai
réussi à me procurer quelques renseignements certains. Tout le
caoutchouc du Congo vient de l'intérieur, souvent à deux ou trois
semaines de la rive. Sur le Congo même on trouve à peine un
Landolphia, qui ne donne pas do gomme. Je n'ai eu qu'une fois
l'occasion d'être témoin oculaire de l'extraction, le commissaire de
Coquilhatville ne ra'ayant pas permis de pénétrer à l'intérieur, à
cause de la situation momentanément troublée. Quand une liane à
caoutchouc de dimensions convenables a été trouvée, on la détache
des arbres et on l'étcnd sur le sol. Les tiges et les branches les
^OO filUDKS COLONIALES
plus Ibrtes sont soutenues horizonlalement à environ un mètre de
terre sur des pi'|uets, et la saignée commence. A la distance de
1 pied ou i 1/2 pied sont pratiquées des incisions sur la moitié de
récorce, et sous ciiacune est suspendu un petit vase où le latex
s'amasse. Après 24 heures ces récipients sont vidés dans un plus
grand et le caoutchouc est porté au poste voisin. Là il est soumis à
la coagulation par la cuisson, avec ou sans mélange de suc de Bos-
sanga. Après que la masse coagulée a été convenablement pétrie,
elle est étirée en forme de boudin et le jour suivant coupée en
morceaux, qui ressemblent en forme et en grosseur à un quartier
<le pomme de dimension moyenne, coupée suivant son diamètre.
Ces morceaux sont mis à sécher pendant deux mois, et seulement
alors emballes dans des sacs de cuir.
D'après ce qui précède, il me semble que tout le secret de la
qualité du caoutchouc du Congo consiste dans sa dessiccation par-
faite. Par le pétrissage après la coagulation et par Tétirement en
forme de boudin, la plus grande partie de Teau est expulsée ; par
la division en morceaux et par le long séchage, le resle de l'hunii-
<lifé est complètement éliminé. Des expériences ultérieures devront
établir quelle est l'influence du suc acide de la Bossanga sur la qua-
lité du caoutchouc.
Jai examiné également toutes les espèces de Ficus que j'ai
rencontrées, mais je n'ai jamais trouvé que la même matière pois-
seuse comme résultat de mes expériences.
Post'Scriptimi, Il est arrivé récemment une courte lettre de
Banana, datée du 29 novembre, d'où il résulte que M. Schlechtera
achevé son voyage au Congo en bonne santé et avec succès. Il
retournait au Kamerun avec environ 400,000 graines de Kickxia,
1,000 fruits de caoutchouc herbacé et 250 graines d'un Landolphia.
qui donne un caoutchouc excellent. Il écrit : « Le Kickxia est une
plante d'une valeur colossale. On doit féliciter la société du Sud-
Kamerun ; le territoire sud- est de cette société est très riche en
caoutchouc, c'est l'endroit le plus fertile en caoutchouc que j'aie vu
en Afrique, peut-ôtre plus riche que les célèbres districts à caout-
chouc du Congo. I)
Le docteur Schulte im Hofe, qui a été chargé par le Kolonial-
Wirtltschaftliche Komitee d'étudier la culture de la ramie au
Kamerun, a emporté également dans cette colonie une caisse Ward
LE CAOUTCHOUC DANS l'ÉTAT DU CONCO ET DE KVMERUN 2(»7
contenant des plantes obtenues à rEtablissemcnt botanique central
pour les colonies, à Berlin, de graines que le D' Preuss avait
envoyées de l'Amérique centrale. On est heureux de pouvoir
annoncer que les dix vigoureux exemplaires de CastiUoa elastica
sont bien venus et bien enracinés; cette espèce importante et
particulièrement appropriée pour la culture au Kamerun n'existait
pas encore dans cette colonie. Il finit mentionner aussi l'augmen-
tation du nombre, jusqu'ici très restreint, des Hevea existant au
jardin botanique de Victoria, au moyen de jeunes plantes vigou-
reuses.
La plantation du Kamerun qui s'est le plus énergiquement con-
sacrée à la culture des plantes îi caoutchouc, est celle de Moliwe,
qui, sur le conseil du professeur Warburg, entreprend cette cniturc
sur une grande échelle. Jusqu'au 30 octobre 1899, 10 hectares
avaient élé plantés de 3,125 jeunes arbres, dont G 1/4 en Kickxia
de Lagos, à la distance de 5 mètres, et 3 3/4 en Ficus divers, géné-
ralement des Ficiis elastica, à intervalles de 8 mètres. En outre,
on attendait au commencement de décembre des fruits mûrs
du véritable Kickxia de Kamerun. Les exemplaires d'ilevea du
jardin botanique de Kamerun ne sont d'ailleurs pas assez grands
pour donner des boutures, de sorte qu'à Moliwe on n'a pu encore
planter que deux jeunes Hevea et deux jeunes Castilloa. On a
d'ailleurs fait déjà des démarches pour obtenir directement des
graines d'Hevea de l'Amérique méridionale. De même Ton entre-
prendra l'importation en grand du Castilloa de l'Amérique centrale,
ce qui ne paraît pas devoir présenter de difficultés, car un envoi
de 400 graines de Castilloa, fait au milieu de novembre, de
Guayaquil dans l'Equateur par le D' Preuss, est arrivé à Berlin,
après un voyage de 42 jours, en excellent état de germination. Le
D' Preuss a élé également prié d'envoyer de l'Equateur des graines
d'une espèce de Sapium qui donne un très bon cyoutchouc.
ËnOn il faut signaler l'introduction de graines de Landolphia,
de Kickxia et de caoutchouc herbacé de l'Etat du Congo par
M. Schlechter (voir ci-dessus). On espère qu'elles réussiront aussi
bien au Kamerun que les graines de Kickxia et les plants de Ficus
introduits de Lagos par le môme explorateur.
(Tropeiipflnnzer.)
RAPPORT
LES COLONIES FRANÇAISES
M. Auslin Lee vient
de faire paraître dans
les ( l)iplo7natic and Con-
sular reports) une élude
fort complète sur les co-
lonies françaises. L e
rapport a été publié en
janvier 1900; il contient
une foule de renseigne-
ments du plus haut inté-
rêt pour les commer-
çants et industriels qui
désireraient nouer des
relations commerciales
aux colonies françaises;
ils y trouveront I enumération des marchandises demandées par les
indigènes ainsi que l'indication des produits qui peuvent faire
lobjet d'un trafic rémunérateur. M. Lee indique les droits de
douane imposés aux produits à lentrée et à la sortie, le fret
pratiqué entre les différents ports français et les colonies.
Une courte notice donne des renseignements utiles sur la popu-
lation, les mœurs des habitants, les voies de communication, le
budget de la colonie, son personnel administratif et son organi-
sation.
Le rapport comprend environ une centaine de pages et nous
avons cru intéressant d'en extraire les passages relatifs aux colonies
africaines.
VLi: UE LA HADL DK Hd.NAKRY.
Al'IIIE 1>E M. UL IJUANUNKK. CI.ir.IIK COMMUNigiÉ PAR " LA SKMAINE
HORTICOLE ".
LE r.APPOUT srn lks colonies françaises 2(H)
SÉNÉGAL
Depuis 1855 seulement le Sénégal a attiré l'attention des autorités
françaises. Le nom du général Faidherbe qui le premier conçut le
projet de relier l'Algérie aux possessions françaises de la côte ouest
d'Afrique restera associé à la conquête de la région.
Frontières. — La frontière maritime s'étend du Cap Blanco à la
colonie anglaise de la Gambie. Au sud le riche district de Casamance
qui s'étend jusqu'à la Guinée portugaise est englobé dans la colonie.
Les frontières de l'Interland sont mal définies. D'après le décret du
17 octobre 1899, les districts de Kayes, Bafulabeh, Kita, Satadungu,
Bomoko, Segu, Djennch, Nioro, Gumbu, Sokoto et Buguni, qui précé-
demment faisaient partie du Soudan, sont maintenant rattachés au
Sénégal.
Forme du gouvernement. — La forme du gouvernement varie
selon la durée pendant laquelle ces territoires ont été soumis à l'auto-
rité française.
Les districts payant l'impôt ont, à un degré variable, une adminis-
tration autonome tandis qu'une partie considérable du pays est sou-
mise à un protectorat plutôt nominal. Un député représente la colonie
à la Chambre.
Nombre de fonctionnaires. — Le nombre de fonctionnaires de
toutes classes est de ()20 dont 182 occupent des fonctions purement
administratives.
Le nombre de soldats est de 2,600 dont 1,252 indigènes.
Ports principaux. — Les principales villes sont : Saint-Louis, la
capitale; Dakar et Rufisque. 11 semble que Dakar soit appelé à devenir
le principal centre commercial du Sénégal et aussi le port le plus
important non seulement du Sénégal mais aussi de toute la côte de
l'Afrique occidentale.
Budget locaL — La situation économique de la colonie s'est consi-
dérablement améliorée ces dernières années.
Le fonds de réserve a atteint son maximum, et les dépenses locales,
en y comprenant 16,000 livres pour les travaux publics, étaient fixées à
155,618 livres pour 1898, tandis que la part incombant à la colonie,
dans les dépenses générales du budget colonial français pour 1899,
s'élève à 241,859 livres.
210 ÉTL'DES COLONIALES
Budget colonial. — En moyenne, les dépenses totales sont de
390,000 à 400,000 livres. La colonie paie actuellement à peu près
2,000 livres au gouveinen.ent de la mère patrie; mais par suite
de certaines réformes, ce chiflVe sera modifié; les dépenses de l'admi-
nistration civile et de la police, qui s'élevaient à un peu plus de
7,000 livres, tombent à charge du budget local.
La situation commerciale est considérée comme très florissante.
Une série de travaux publics ont été commences; on estime que les
dépenses qu'ils ntcessiteront s'élèveront de 8 à 10,000,000 de francs.
Ils seront couverts par l'emprunt à créer après la conversion de la
dette actuelle.
Les principaux travaux que Ion compte entreprendre sont des
routes dans les environs des villes, un wharf à Saint-Louis et un
chemin de fer qui traversera le pays Baol.
11 est probable que les pays de protectorat de l'intérieur sont
appelés à supporter une partie des frais de ce travail.
La situation prospère de la colonie a eu pour efl'et de permettre à
lu Banque coloniale du Sénégal de payer, pour l'exercice 4807-1898,
un intérêt de o p. c.
Chemin de fer de Saint-Louis. — - La situation du chemin de fer
de Dakar à Saint- Louis ne Fenible pas élre satisfaisante. Les receltes
ne compensent pas les frais d'exploitation. Les intérêts du capital et
le déHcit sur l'exploitation figurent au budget colonial pour une
somme d'environ 40,000 livres.
Tarifs douaniers. — Les droits de douane sont de 7 p. c. ad valo-
rem pour toutes marchandises d'origine étrangère, à l'exception des
« Guinées » qui paient 31 centimes au mètre. Les « Guinées » fran-
çaises et coloniales (et principalement celles des possessions indiennes;
paient 2 1/2 centimes au mètre. Ce qui est la propriété personnelle du
colon est exempté du droit.
Les droits d'exportation sont de 7 p. c ad valorem pour les pro-
duits exportés du district de Casamance, et de fr. 1.S0 par 100 kilo-
grammes pour les gommes exportées du fleuve Sénégal.
Fret. — Les frets pratiqués de Marseilles et de Bordeaux sont les
suivants :
Marseille. — Dakar . . fr. 20 » la tonne.
Buflsque . . 22.50 ))
Saint-Lonis . 40 » »
Les steamers appartenant à la Compagnie Fraissinet, ont un départ
mensuel, ils transportent le courrier et sont subventionnés par le
gouvernement français.
Z O
b ***
"5
!214 ÉTLDKS COLOMALKS
Ce sont les seules lignes régulières vers le Sénégal.
Bordeaux. — Dakar, Rufisque et Corée. 20 francs.
Saint Louis, 30 francs.
Valeur des importations en 1897 et en 1898. — La valeur des
împortalions au Sénégal pour 1898 était de 4,022,283 livres, dont
498,068 livres provenant de France ou des colonies ; les importations
étrangères se chiffraient par 524,215 li\Tes; en 1887, ces chiffres
étaient respectivement de 1,1^5,640 livres et 667,428 livres soit
une augmentation de 133,357 livres pour 1898. On doit remarquer que
l'importation de France et des colonies a augmenté de 169,360 Ii\Tes,
tandis que l'importation étrangère a diminué de 36,603 livres.
Commerce en 1898. — Les statistiques, concernant le com-
merce, viennent de paraître. Les importations atteignent un total
de 1,313,069 livres, dans lequel la France et ses colonies figurent pour
830,852 livres et les nations étrangères pour 482,217 livres, dont
292,554 formant la part de TAngleterre.
Le commerce des tissus de coton et autres se chiffre par 372 mille
livres, dont 120,000 livres, soit à peu près 33 p. c. pour l'Angleterre.
En ce qui concerne les tissus mi-bianchis, blanchis, teints et
imprimés, 68 p. c. (en tenant compte de la valeur) viennent d'Angle-
terre, tandis que plus des 3/5 des Guinées sont d'origine française. Le
-charbon tient la seconde place parmi les marchandises anglaises
importées en 1S98.
Exportations en 1898. — Pendant la même année, les exporta-
tions se sont élevées à 1,154,336 livres. La France et ses colonies ont
importé pour une somme de 916,197 livres de produits, les nations
étrangères 238,129 livres. Les exportations vers l'Angleterre se sont
élevées à environ 26,400 livres consistant presque entièrement en
caoutchouc.
SOUDAN FRANÇAIS
Frontières. — Le Soudan français englobe de vastes territoires ;
ses limites sont au Nord : l'Algérie et la Tunisie, au Sud les terri-
toires de la Nigeria; et en ce qui concerne l'Hinterland une ligne
partant de l'extrémité Sud de la Régence de Tripoli au lac Tchad.
Étendue du territoire et population. — D'après les rapports
annexés au budget des colonies pour 1897, l'étendue du Soudan était
LE RAPPORT SUR LES COLONIES FRANÇAISES 313
évaluée à 120.000 kilomètres carrés et la population à 3,400,000 habi-
tants. Ces chiffres doivent être considérablement réduits depuis la
réorganisation du Soudan.
M. Petit, dans son livre : L'Organisation des colonies françaises,
publié en 1894, fait observer qu'il n'est pas possible de donner un
chilfre exact pour la population ni de déterminer exactement les
frontières du Soudan, qui varient annuellement selon les conquêtes.
Historique. — On peut dire que la conquête française, dans cette
partie de l'Afrique, remonte à Texpédilion contre El-Hadj-Omar,
en 1854, suivie du siège de Médina, sur le Sénégal, et de l'inter-
vention du général Faidherbe en 1857. Jusqu'en 1880, cette ville était
le poste français le plus avancé sur la rivière Sénégal.
Depuis lors, quoique de très nombreuses expéditions, qui rappellent
les noms de Borgnis-Desbordes, Gailieni, Frey, etc., aient été envoyées
dans les directions diverses dans le but de soumettre le pays, on ne
compte cependant pas plus de 39 postes militain^s d'une certaine
importance.
Administration. - Malgré les efforts faits ces dernières années en
vue de soumettre la colonie au régime d'une administration civile,
on peut dire que le pays reste presque entièrement soumis au régime
militaire.
Nombre de postes militaires. — Le nombre de postes militaires
a fait l'objet des critiques de M. Siegfried, lors de la discussion du
budget de 1897, il demandait que ceux-ci fussent réduits dans la
mesure compatible avec le maintien de la suprématie française dans
ces régions.
Les chiffres pour cette année n'ont pas encore paru et malgré la
diminution qui aurait dû être faite, l'effectif des troupes a été
porté d'une façon détournée de 3,256 hommes en 1897 à 3,408.
Budget coloniaL — Depuis 1891 cette colonie a coûté des sommes
importantes à la métropole.
Année : 1894. . . . 470,818 livres.
» 1895. . . . 388,286 »
» 1896. . . . 236,000 »
» 1897. . . . 232,480 »
» 1898. . . . 247,200 »
Le crédit pour cette année s'élève à 246,600 livres, comprenant une
somme de 26,456 livres pour la construction et l'entretien du chemin
de fer de Kayes sur le Sénégal jusqu'à Bomako, sur le Niger.
Le principal obstacle au développement du Soudan se trouve dans
i
214 ÉTLDES COLONIALES
sa situation toujours troublée, qui nécessite de nombreuses expé-
dilions contre les chefs indigènes.
Budget local. — D'après la « Quinzaine Coloniale » les recettes
locales s'élèveraient celte année à un total de 129,247 livres, soit une
au^inentation sur les receltes de 1898 de 21,504 livres.
Colle augmentation de recettes est basée surtout sur une majoration
de la taxe directe.
On pourra voir d'après les chiffres que nous allons donner, et qui
sont puisés au rapport officiel de 1898, que depuis les quatre dernières
années, les ressources financières de la colonie sont en progression
constante.
11 faut remarquer que la diminution en 1897 n'est qu'apparente et
qu'elle est le résultat de la constitution d'un budget spécial pour le
chemin de fer comprenant à la fois les dépenses et les crédits affectes
à ce poste. .
Total.
HcccUes.
Dépenses.
1893. . .
99,585 livres.
99,646 livres.
18G6. . .
138.993 »
129,408 »
4897. . .
118,304 »
118,304 » (1)
1898. . .
149,739 »
149,739 » (1)
Chemin de fer de Kayes à Bomako. — Le chemin de fer de
Kayesà Boinako est un projet dont l'exéculion a été commencée depuis
un certain temps.
Des modifications au programme financier ainsi qu'à la méthode de
construction permettent d'espérer que la ligne sera terminée en 1003.
D'après une convention passée en 1898, le gouvernement et la
colonie se sont engagés à contribuer par parts égales à lacpnslilution
du capital qui ne peut dépasser 24,000,000 de francs et ce par annuités
échelonnées pendant les 24 années qui prendront cours à partir de la
date du contrat.
Le subside alloué par l'État ne sera jamais inférieur à 500,000 francs .
La colonie, en ce qui la concerne, a été autorisée à contracter un
emprunt avec la caisse des dépôts et consignations; le montant'de cet
emprunt est de 3,208,000 francs destiné à payer les travaux en cours
pendant cette année.
(i) D*ûprès les prévisions.
LE RAPPORT SUR LES COLONIES FRANÇAISES 2H>
L'avenir de cette ligne est inconlestablement très grand. Il mettra
en communication rapide et directe le bassin supérieur du Niger, avec
les ports du Sénégal, pendant toute la saison des pluies, lorsque le
tli'uve est accessible aux grands vaisseaux; et même à la saison sèche,
il facilitera considérablement le transit vers l'intérieur.
D'après un rapport otticiel, 164 kilomètres de voie étaient posés
fin 1898. Les receltes de 1898 s'étaient élevées à 16,400 livres.
Le chemin de fer Transsaharien. — Puisque nous parlons de
chemins de fer disons un mot du Transsaharien.
Cet ambilieux projet a trouvé un défenseur en la personne de
M.Leroy -Beaulieu Je directeur bien connu de «l'Economiste Français.»
Dans une série d'articles publiés par lui, il a mis en lumière l'impor-
lance stratégique de ce chemin de fer. D'après lui la situation
qu'occupe la France en Algérie et en Tunisie fait de ces pays des points
stratégiques destinés à commander tout le Nord-Ouest de l'Afrique; en
même temps il nourrit l'espoir que dans l'avenir cette ligne aura
également un trafic commercial. D'après ses prévisions, le coût de
la ligue serait de 10,000,000 à 12,000,000 de livres.
Valeur économique du Soudan. — Le Soudan français est
encore peu connu de sorte que son avenir économique reste probléma-
tique, il est certain que le commerce se développera à mesure que
l'œuvre de pacification se complétera.
En ce qui concerne la situation actuelle, quoiqu'on ne puisse utiliser
que des statistiques incomplètes, le rapporteur du Budget colonial
de 1899 dépeint la situation avec un certain pessimisme.
11 constate que les importations françaises au Soudan comprennent
surtout les marchandises destinées à l'armée, tandis que les marchan-
dises demandées par le négoce seraient surtout fournies par les nations
étrangères. Il note également que l'ensemble des importations a une
tendance à diminuer.
D'après le rapport officiel de 1898, la valeur des exportations de
1897 et de 1898 était de :
Valeur.
1897.
1808.
Importations . .
. . 311,09* L.
318,024
Exportations . .
. . 162,410
143,627
Les importations de la France et de ses colonies, en y comprenant la
Guinée française; étaient de 107,771 livres, celles des nations étran-
gères et de leurs colonies se montaient à 98,816 livres. Le restant
216 ÉTUDES COLONIALES
appartient aux autres pays d'Afrique et principalement à la République
de Libéria.
La valeur des importations de§ tissus français semble plutôt dépas-
ser celle des tissus étrangers; ceux-ci proviennent principalement
d'Angleterre et de Belgique. En général, c'est cet article qui constitue
le principal objet d'importation.
Les renseignements les plus récents et les plus complets relatifs à
cette région ont été publiés par leBoard oftrade: aussi je crois utile de
les reproduire ici in extenso.
Les campagnes des Français de 1889 à 1894 ont ouvert le cours du
moyen Niger au commerce français. En 189o le lieutenant-colonel
Trentinian, gouverneur du Soudan, se consacra à diminuer les
dépenses de l'armée d'occupation et à dévelojiper ragriculture
et le commerce; en même temps il augmenta le nombre de stations
pour la perception du oussourou. L'oussourou est une taxe de
1 p. c. perçue en nature sur les marchandises transportées par
caravanes. L'annexion de la contrée située entre le Niger et le Bani,
rétablissement d'un protectorat sur Massina et la pacification du
Hossi contribuèrent à augmenter le budget local par la perception de
l'oussourou sur les transactions qui se faisaient à la frontière
orientale.
L'auteur del'article de (d'Economiste», d'où ces lignes sont extraites,
écrit que l'établissement de l'autorité française sur ces disiricts fit
renaître le commerce en assurant la tranquillité et la sécurité dans le
pays.
Les besoins des indigènes avaient augmenté, les voies de communi-
cations étaient plus fréquentées, de nouveaux villages avaient été
bâtis ou rebâtis et depuis 18113, les licences, patentes, droits de
marché avaient été régulièrement payés.
Des passages d'eau avaient été établis et des taxes fixes pour le pas-
sage créées.
Un comité consultatif, composé de quatre négociants français et de
trois indigènes, avait été attaché depuis le l*"*^ avril 1897 au gouverne-
ment colonial.
Grâce à cette bonne organisation, le mouvement commercial s'éleva
en 1896 à 28,500,000 francs.
Comme dans tous les pays neufs, l'importation d'articles européens
a une grande importance.
L'importation de tissus au Soudan, en 1896, s'élevait à 3 millions
188,000 francs.
Le pays produit du coton de qualité moyenne. Celui-ci, grossière-
LE RAPPORT SUR LES COLONIES FRANÇAISES SI 7
ment tissé, est vendu en largeur de 20 centimètres à raison de 20 à
50 centimes le mètre, selon la qualité, la couleur et la distance du lieu
d'origine. Les indigènes préfèrent des articles moins grossiers et plus
chatoyants. Tombouctou est un excellent marché pour la soie à la
pièce, de qualité ordinaire, qui s'y vend au prix de lÔ à 15 francs le
mètre.
Voici approximativement le nombre de pièces de tissus importées :
Médina et Kayes 120,000
Tombouctou ...... 18,000
Marchés du Sud 3,000
Le pays a donc consommé 116,000 pièces de 15 mètres chacune, à
un prix variant do 50 centimes à fr. 1.25 le mètre.
Le prix de fr. 1 .25 auquel cet article est vendu à Tombouctou est trop
élevé, de sorte qu'il y a sur ce marché un débouché pour la produc-
tion indigène, et en 1896 la vente de ces articles peut être chiffrée à
110,000 rrancs.
Pour luiter avec les produits indigènes^ le prix des marchandises
importées ne devrait pas dépasser un franc.
En ce qui concerne la concturrence avec les articles français, on
remarque <|ue Tarticle anglais est le plus répandu dans le district du
Su<i où il est maître du marché. Cela tient à ce que les maisons
anglais«'s sont mieux fournies, que leurs relations sont plus cordiales,
leurs prix plus bas, et que les produits de l'intérieur sont payés en
argent et non troqués contre des marchandises.
En re qui concerne Tonibouclou, les piè<'es d'étoffes, à l'exception
de celles de provenance française, viennent du Maroc, du Touat et de
Tripoli.
Après les tissus, ce sont les victuailles qui forment le principal
objet d'importation. En 1896, leur valeur s'élevait à 509,000 francs
dont 30,000 pour Tomhouctou et le restant pour Kayes et Médina.
En ce qui ccmcerne les marchandises consommées par 1 adminis-
tration du Soudan, les provisions et les conserves figurent pour
155,000 francs. Les vins et spiritueux se chiffrent par 141,000 francs.
Les indigentes sont amateurs de sirops, et apprécient également
l'absinthe et l'eau de vie; viennent ensuite le sel et le sucre, respecti-
vement pour un chiffre de 63,000 et 95,000 francs. L'importation de la
farine est aussi en augmentation, mais parmi ces articles de consom-
mation le sel est le produit le plus recherché. Avant la conquête,! le
sel était un objet de luxe, aujourd'hui il ne coûte plus que 20 centimes
218 ÉTUDES COLONIALES
le kilo à Kayes et peut se vendre au Niger au prix de 1 franc La
vente de l'absinthe peut rapi»orter de gros profils.
A Tombouetou, les prix sont beaucoup plus élevés qu*à Kayos. Le
sucre coûte 5 francs le kilogramme et le thé 50 francs. En 1b96, on
importa à Tombonctou 2,687 kilogrammes de sucre d'une valeur de
20,99o francs; 173 kilogrammes de thé d'une valeur de 8,650 francs
et 42 litres d'absinthe, d'une valeur de 8,650 francs. Toutes ces mar-
chandises élairnl d'origine française à l'exception de 175 kilogrammes
de sucre de provenance anglaise et 314 kilogrammes d'origine belge
importés par le Maroc.
Les districts du Sud du Soudan, consomment par an 24,000 francs
de sel brut dont les 3/4 de provenance anglaise; ces*dislricts sont un
marché important pour les produits anglais, tandis que l'on remarque
que les autres parties du Soudan forment un débouché aux mar-
chandises françaises.
Les verroteries sont très recherchées par les indigènes; les districts
du Nord consomment des verroteries de provenance allemande, ceux
du Sud, de provenance anglaise.
Outre ces objets, c'est la France qui importe la plus grande partie
des produits non dénommés; le total d(» ceux-ii s'élève à 307,000 francs
en 1895, dont 257,000 de provenance française, 21,090 de provenance
anglaise, 9,000 de provenance allemande, 20,000 de provenance amé-
ricaine.
Outre le sel, il y a encore un produit qui s'importe en grande quan-
tité au Soudan, c'est la noix de Kola.
En territoire français on ne la trouve qu'à Kissi; elle forme un arti-
cle courant d'échange. On en importa en 1896 pour une valeur de
1,350,000 francs re|)résentant 24,500,000 noix. Les prix varient de
fr. 2.50 à 15 francs les 100 noix suivant leur provenance, leur grandeur
et leur couleur.
Les noix f(uicées sont plus estimées que les jaune clair.
La noix de Kola est recherchée pour ses propriétés médicinales,
elle constitue un excellent tonique. On en fait, dans le pays, une
grande consommation à l'occasion de certaines cérémonies telles que
les fiançailles, les mariages, etc. Le Soudan français importe aussi des
animaux de boucherie, bœufs et moutons; les indigènes ne consom-
ment ni le veau, ni le porc. Les importations de bétail ne sont guère
importantes, elles ne s'élèvent qu'à 14,000 fr.mcs pour les bœufs.
Chacun de ceux ci a une valeur de 60 à 100 francs.
La consommation de Tombouctou est en moyenne par jour de
30 bœufs et de 1,000 moutons. La vallée du Niger, depuis Bomako
LE RAPPORT SUR LES COLONIES FRANÇAISES 219
jusqu'à Sansanding, est surtout une région de pâturages. I^es animaux
y prospèrent rapidement et quoique les troupeaux y aient été décimés
par des épizoolies, il n*est pas douteux que dans un avenir ra[>proché
le Soudan devienne un pays d'exportation pour le bétail.
Il ne sera pas difficile d'améliorer la race de moutons par une judi-
cieuse sélection, et l'élevage deviendra une source de richesse pour le
Soudan.
Ajoutons à ces productions, la gomme, le caoutchouc, Tor, l'ivoire,
le cuir et les plumes. Médina est le grand centre du commerce des
gommes. Le total des exportations de Kayes et de Médina en 1893 était
de 462,504 kilogrammes d'une valeur de 231,000 francs, tandis qu'en
1896 il s'élevait ai, 210,000 kilogrammesd'une valeur de 005,000 francs.
Tombouclou est également un grand marché pour la gomme qui y
vaut lo à 20 centimes le kilogramme.
Le gouvernement du Soudan fait de sérieux efforts pour déveh^ppcr
l'industrie du caoutchouc et en vue d'encourager son exploitation, il
a fait savoir qu'il serait accepté en paiement des taxes.
On le vend aux enchères publiques à Kayes; en 1895 : il rapporta
2,200 francs, en 1896 : 20,500 francs. La valeur du caoutchouc a
augmenté de fr 2.30 en 1896, à 4 francs en 1897. Cette hausse de prix
est due à une meilleure préparation du produit.
L'ivoire est moins abondant par suite de la chasse acharnée que les
indigènes font à l'éléphant.
Le commerce des plumes d'autruches devient de jour en jour plus
important. Une ferme d'élevage a été établie aux environs de Tom-
bouctou et donne de bons résultats financiers; d'autres sont sur le
point d'être créées.
En ce qui «concerne l'or, les avis varient: d'après les dires, les districts
de Boure et de Bambouck en contiendraient de riches gisements.
GUINÉE FRANÇAISE
Frontières. — La Guinée française fut érigée en colonie distincte
en 1893; précédemment elle se trouvait sous la juridiction du gouver-
neur du Soudan.
La colonie est bornée au Nord par la Guinée portugaise, au Sud par
la colonie de Sierra-Leone. A l'intérieur elle comprend le riche pro-
2â0 LTtUliS COLOMM.KS
tectorat du Foula Djallon dont la capitale est Timbo, à 200 kilomè-
1res de la côlc».
De plus la Guinée française comprend actuellement les districts de
Denguiray Siguiri, Rurussa, Kankan, Kassidugu et Beyla récemment
détachés du Soudan français.
Fonctionnaires et colons. — Il y a en tout S41 fonction-
naires; environ 180 soldats indigènes commandés par les Européens
et 42 colons dont 22 de nalionalilé franç^aise.
Konakry. — Il semble que Konakry est graduellement occupée,
dans celte partie de l'Afrique, à supplanter Sierra-Leone au point de
vue commercial.
Navigation. — Les dernières statistiques montrent que durant
Tannée 1898 le mouvement maritime a été de 2.369 bateaux d'un
tonnage de 263,763 tonnes à l'entrée et de 2,286 bateaux d'un ton-
nage de 263.127 à la sortie.
Ils ont débarqué 1 5,393 tonnes de marchandises et en ont chargé
4,491, dont respectivement 9,534 et 2,882 tonnes pour l'intérieur des
colonies anglaises.
Les steamers de la compagnie des Chargeurs Réunis quittant le
Havre et ceux de la compagnie Fraissinet quittant Marseille y relâchent
une fois par mois. La ligne belge aurait abandonné Sierra-Leone
pour Konakry.
Chemin de fer Konakry-Kardamana. — Outre la route de
Konakry au Niger, qui est en partie construite, l'exécution du projet
de chemin de fer semble actuellement chose décidée.
Les travaux commenceront prochainement; la colonie a contracté
dans ce but un emprunt de 8,000,000 francs afin de relier par un
chemin de fer, Konakry à Kardamana sur le Haut Niger.
Si ce projet est mis à exécution, Konakry est appelé à devenir un des
centres les plus florissants de la côte d'Afrique.
Budget locaL — D'après les chiffres du budget pour 1898, les
finances sont dans un état très prospère. Les recettes étaient de
70,763 livres et les dépenses de 53,80o livres. Le subside alloué par le
budget colonial de la mère patrie pour 1899, s'élevait à 12,700 livres.
Valeur des importations en 1892, 1897, 1898. — Depuis les
dernières années, de 1892 à 1897, le commerce de la colonie s'est for-
tement développé.
En 1892, la première année où Ton publia une statistique, les impor-
tations étaient évaluées à 142,94o livres. Les imporlalions françaises
se chiffraient par 24, 134 livres et cellesde l'étranger par H8,8H livres.
En 1897, les importiUions s'élèvent à 302,497 livres dans lesquelles
LE RAPPORT SUR LES COLONIES FKANCIAISES 221
la France et ses colonies figurent pour 48,520 livres, Tétranger pour
233,977 livres. Pour 1898, la proportion est la suivante : sur un total
de 300, 79S livres, la France et ses colonies 59,422 livres, l'élranger
301,573 livres, dans lesquelles le commerce anglais figure pour 65 p.c.
Valeur des exportations en 1892 et 1897. — f^a valeur des
exporlations en 1892 était de 158,912 livres; France et ses colonies
24,237 livres, étranger 134,675 livres.
En 1897, les exportations se chiffrent par 266,347 livres; France,
26,770 livres, autres pays, 239,577 livres, soit pour la France, une
augmentation de 2,533 livres et pour les pays étrangers 104,902 livres
en six ans.
Tarifs douaniers. — Sur les marchandises étrangères importées
indirectement, tissus et objets d'habillement, 20 francs par 100 kilo-
grammes; poudre, 20 francs, autres marchandises, fr. 3.60.
Un droit général d'exportation, fixé à 7 p. c. sur la valeur, est perçu
sur toqs les produits.
Frets. — Marseille à Konakry, 35 francs la tonne.
CHRONIQUE
La Malaria aux Indes néerlandaises d'après les études du
D' Koch. — Le deuxième rappo.l du professeur KobiM-t Koch sur
les travaux de la mission pour l'étude de la malaria, publié par la
« Deutsi he med. Wochensclirift » s'occupe du séjour de rcxpédHion
aux Indes néerlandaises du 21 septembre au 12 décembre 1^99. Les
deux rentres principaux des «^ludes de la mission ont été Batavia et
Ambarawa. A Batavia, le D** Koch trouva moins d'occasions d'étu-
dier les effets de la malaria sur l'homme qu'il ne s'y était attendu
d'aprrs les renseignements recueillis en Europe. Le nombre des mala-
dies dues à la malaria a diminué de plus de îo p. c. dans les quinze
dernières années, grâce, probablement, aux distributions gratuites de
quinine,. D'innombrables germes de maladie qui aurai(»nt pu devenir
nuisibles s'ils avaient été transmis à des personnes saines, ont dû être
détruits par l'us.ige delà quinine.
Le séjour de la mission à Batavia a, par contre, été très fructueux
à un autre point de vue. Il lui a été possible de rechercher sur des
singes, espèces qui se rapprochent le plus de l'homme, si la
malaria est transmissible aux animaux. Des expérienc<*s furent faites
sur 7 animaux (3 orang-outings, 3 hylobates agi lis et 1 hylobate
syndactylus). On leur injecta du sang emprunté à des malades atteints
de fièvre tierce et de fièvre tropicale, mais on ne réussit dans aucun
cas à transmetire la malaria à ces animaux. Et si les singes, qui sont
les ùircs qui se rapprochent le plus de l'homme, sont inaccessibles à
la malaria, on ne peut guère admettre que d'autres animaux qui
s'éloignent beaucoup plus de lui, puissent abriter dans leur sang les
parasites de cette maladie. L'homme est donc le seul porteur des
parasites de la malaria, fait dont la constatation est de la plus grande
importance pour la lutte contre ce mal.
Les recherches que Koch a faites à Ambarawa, dans le centre de
Java« offrent également un haut intérêt. Cette localité est située au
CHRONIQUE 223
Sud du port de Scmarang et la culture du riz s'y fait sur une large
échelle. Celte contrée marécageuse devrait itre considérée, d'après sa
constitution naturelle, comme une région malarienne. On n'y trouva
cependant que peu de mahiria paimi les adultes; en deux semaines,
on ne constata que 21 cas. Toutefois, pour vérifier si, malgré cela,
comme il y avait lieu de le supposer, la malaria n'existait p;is à l'état
endémique dans le district d'Ambarawa, M. Koch mit à profit une
observation faite dans l'Afrique Orientale, à savoir que les enfants
sont particulièrement disposés à contracter la malaria. A cet eflct, il
examina le sang des enfants dans trois villages différents, pour
rechercher s'il contenait des parasites de la malaria. Dans le prenner
village, il trouva des parasites dans le sang de 9,2 p. c. des enfants
examinés, dans le deuxième, dans celui de 12 p.c. et dans le troisième,
dans celui de 22,8 p. c. Des maladies dues à la malaria se rencon-
trèrent, dans la première enfance, chez 16 p. c. des enfants dans le
premier village, chez 13,5 p. c. dans le deuxième et chez 41 p. c. dans
le troisième. Le résultat de cette expérience montre que Texamen des
enfants constitue un excellent moyen de vérifier si une région est
sujette à là malaria ou non. La rareté <le la malaria chez les adultes
s'explique par son abondance chez les enfants. Ceux qui parviennent
à en triompher dans les premières années, acquièrent une résistance
plus ou moins grande contre ces attaques dans la suite.
La mission se livra aussi à des observations de contrôle à Tosari,
dans les monts Tengger; on disait <iue dans cette localité il n'y avait
pas de moustiques et qu'on n'y constatait pas non plus de*, malaria.
Les constatations qui furent fnites prouvaient la justesse de la théorie
concernar.t la corrélation de la présence des montagnes et de la mala-
ria. Les enfants examinés étaient tous, sans exception, indenmes de
malaria. Il est à remarquer qu'à Tosari, on ne cultive pas de riz. La
culture du riz et la présence <le moustiques sont deux laits qui sont
toujours connexes, d'après les ol)s<T\ati(»ns du D'' Koch. Cette consta-
tation amène M. Koch à se prononcer nettement pour la justesse de
la théorie de la propagation de la malaria par les moustiques. Il dit à
ce sujet : v II rentrait dans la mission de l'expédition de reclienher
dans quelles limites l'assertion, souvent répétée, qu'il y a à Java des
localités où il n'y a pas de moustiques et où, cependant, on rencontre
la malaria, se trouve justifiée. A cet efl'et, je me suis informé auprès
il'un grand nombre de médecins anciens et expérimentés; d'autre
part, le colonel de Freytag a questionné les médecins militaires, et
moi-même, j'ai eu l'occasion d'amener la conversati(»n sur cette
question dans les milieux médicaux. Personne n'a pu m'indiquer un
224
ÉTUDES COLONrALES
endroit qui fût indemne de moustiques dans toute i*ile de Java. Toutes
les assertions contraires se sont donc montrées, après un examen plus
approfondi, dénuées de fondement. Là, où l'on prétendait qu'il n'y
avail pas de moustiques, on en découvrit, après des recherches plus
consciencieuses, quelques-uns et souvent même Un grand nombre.
Là, où il n'y a pas de moustiques, il n'existe pas non plus de malaria
à l'état endémique »
La production de l'or dans le monde en 1899. — Le tableau
suivant indique, d'après VEngineering and mining journaly de New-
York, la production de l'or en kiloj;rammes et en millions de francs
(le kilogramme d'or valant fr. 3,444.44), dans les principaux pays
producteurs et dans le monde entier :
1899
KlL.
Australie 93,732
Transvanl 447 470
Éliils Unis .... 97,933
Empire Russe. . . 37.ii7
Caiiaila 20,(313
Mexique ; . . . 42,303
Indes brilaiiniqucs. H, 685
Chine 9,99â
Guysnic 5,739
C(>loml)ie 5,5(i7
Brésil 3,KG9
Hongrie 3.068
Allt-magnc .... 2,847
Chili 2,476
Corée ...... 4,6iG
Total pour le inonde
enlicr .... 435,076
Valeur
KlL.
Valeur
EN MILLONS DE FR.
EN MILLONS DE FR
3*2
447,494
40V
404
440,010
379
338
409,069
276
428
36,:î24
421
74
«7.159
94
42.7
43,9îS9
42.2
40
12,':87
44
24.4
9,Ui*2
34.4
49.8
5,770
19 8
49 2
5,567
49.2
43 4
3.809
13 i
10 5
3.068
40 5
9.8
2,976
40.2
7 3
2,4 IH
7 3
5.6
4,6V6
6.7
4,600
472,025
4,625
Les pays qui figurent dans ce tableau sont les seuls qui produisent
plus de 5 millions de francs dor par an. L'augmentation est, on le
voit, à peu près générale. Elle est de plus de 2o p. c. en Australie
(à cause surtout de l'Auslralie de rUuest), de 30 p. c. au Canada, à
cause du Klondyke, de 10 p. c. aux Etats-Unis. Par contre., il y a
décroissance au Transvaal ; par suite de la guerre, la production a été
presque nulle pendant les trois derniers mois de Tanuéc.
CHRONIQUE 3â5
On peut être assuré qu'avec raugmentation qui se manifeste partout
d'une manière continue, la production du monde atteindra 2 milliards,
dus que le Transvaal sera rentré en pleine activité.
AFRIQUE.
Abyssinie. La mission LeontieflF. — M. Leontieff, accompagné
de ses Sénégalais, vient d*arrivcr à Paris. 11 résulte des détails qu'il a
fournis sur les expéditions qu'il a faites pour le compte de Ménélik,
que des postes et des forts ont été établis sur les principaux points
stratégiques des provinces équatoriales et du lac Rodolphe. M. Leon-
tieff' a rapporté une collection ethnologique remarquable qu'il se
dispose à faire figurer au pavillon de Djibouti de l'Exposition II a con-
signé sur ses cartes son exploration de la rivière Omo, qui prend sa
source dans la Besuma et qui reçoit les eaux des montagnes les plus
élevées de l'Ethiopie avant qu'elles atteignent le lac Rodolphe. La
rivière est navigable à six jours de marche de Ain Ababa et la recon-
naissance qui vient d'en être faite, ouvre de nouveaux horizons à
Djibouti.
D'autre pa»t, quatre Abyssins accompagnés de quatre Russes, se
sont rendus en Russie, porteurs de dépèches importantes de la
mission russe. On dit que les quatre Abyssins ont été amenés en
Russie pour se rendre compte de visu de l'énorme étendue de l'Em-
pire et de la puissance du grand Tsar blanc.
Il résulte des renseignements publiés par les journaux russes au
sujet de l'expédition de M. Leontieif, que celle-ci se c>omposait de
800 Abyssins et d'une centaine de Sénégalais, commandés par un
officier russe. En arrivant à l'endroit où la rivière Omo se jette dans
le lac Rodolphe, l'expédition rencontra une grande opposition de la
part des indigènes qui, armés d'arcs et de flèches, s'étaient réunis au
nombre de 8,000. Quelques volées de mitrailleuses mirent cette bande
en fuite et permirent aux Sénégalais et à quatre Cosaques qui se trou-
vaient a%'ec eux, de franchir la rivière à la nage; après quoi, la troupe
put traverser l'eau à son tour sur un ponton de toile d'une construction
spéciale. L'expédition se partagea alors en deux tronçons, qui s'avan-
cèrent, en maintenant une courte distance entre eux, à travers la
!î^6 ÉTUDES COLONIALES
chaîne de montagnes qui forme le versant des rivières qui se déversent
dans la Méditerranée et le lac Rodolphe. Ces montagnes reçurent le
nom de monts Nicolas II. Eu pr^nélrant dans le cœur de celte région,
IVxpédilion sévit forcée de stî frayer un chemin à main a»méc. Les
Sénégalais se montrèrent, à celle oCiîasion, doués d'une endurance
exlraordinairo, d'une bravoure admirable et d'une grande fermeté.
Tous rendent le plus vif hommage à leurs qualités et les Cosaques
déclarent (|u'i*s ne le cèdent en rien aux meilleurs soldais russes. Les
Abyssins ne possédaient pas le même de^ré d'habileté et d'audace que
les Sénégalais, bien qu'ils eussent fait preuve de patienœ et qu'Us
fussent de bon guerriers. Ils ont appris à fond le niimiement des
armes européennes et après une volée, ils savent marcher à l'assaut à
la bay(mnelle ou au sabre.
Oulre les ()5,000 fusils et les 2i pièces d'artillerie oflVrls par l'em-
pereur de Itussie à Ménélik, les Abyssins ont encore 50,000 fusils et
76 canons pris aux Italiens à la bataille de Tigré.
Ap es avoir avancé pendant une quiii7.aine de jours, la troupe abys-
sine arriva devant un camp bA(i d'après un plan scienlifique et composé
en partie de constructions en bois dans le genre des baraquements
ou dépUs européens. Un étendard anglais flottait au stmimet d'un
mat élevé. Un combat sérieux fut livré à cet endroit. Les défenseurs
du camp qui étaient des indigènes, s'enfuirent rapidement vers les
montagnes; le drapeau anglais fut descendu el le pavillon abyssin fut
hissé à sa place; la conquéle du p:iys, au nom de Ménélik, fut
ensuite proclamée.
Plusieurs villes d'Abyssinie sont déjà reliées entre elles par un
réseau téléphonique et des stations ont été disposées entre elles. On
propose d'établir bienlôt une ligne lélégraphi(|ue à travers toute la
contrée. Les voyageurs venant d'Abyssinie disent que Tattitude de la
population vis-à-vis des innovations européennes est bienveillante
el sympathique. Ménélik lui-même s'intéresse beaucoup à tout ce que
l'on fail et se montre particulièrement bien disposé envers les Russes.
Vis à-vis des Français, il fait preuve de tolérance; quant aux autres
nations, il ne tient pas à leur présence et cherche même tous les pré-
textes pour leur être désagréable». Ceux qui ont pris part à la récente
campagne se plaignent des souffrances qu'ils ont eu à endurer dans le
désert où ils étaient privés d'eau et réduits à vivre à la portion congrue.
Parfois même il leur a fallu se contenter de viande crue, violemment
assaisonnée de poivre. Malgré tout, les Cosaques se plièrent à la situa-
tion, el ils se sont si bien accoutumés à cette vie nomade et aventu-
reuse, qu'ils ont exprimé le désir de retourner en Ethiopie.
cimoMQUE 227
De Berbera au Nil bleu. — L'année dernièrc,uii Anglais,
M. H.-W. Blundell a traversé J'Abyssinic de l'Est à l'Uuest
en suivant dos routes qui, en partie, n'claient pas encore connues. Les
constalations qu'il a faites au cours de son voyage permettront de
compléter, d'une façon notable, les cartes de cette contrée, particuliè-
rement en ce qui concerne les régions qui se trouvent à l'Ouest de
l'Abyssinie. M. Blundell avait déjà, comme il nous l'apprend dans
l'article qu'il consacre à son expédition dans le Geograpliical jinmial,
visité Adclis Abeba, en 1898, en compagnie de la mission anglaise
dirigée par le capitaine Harringlon et, à celte occasion, il avait obtenu
de Ménélik l'autorisation de se livrer à de nouvelles explorations. Il se
remit donc en route au mois de décembre 1898 en parlant de Ber-
bera. Accompagné de lord Lovai, du D"^ Koettlitz, l'ancien compagnon
de Jackson à la terre de François-Joseph, et du naturaliste Harwood, il
arriva à Addis Abeba au mois de jnnvier de l'année dernière. Ménélik
étiiit, à ce moment, parti en expédition vers le Tigré pour soumettre
le Ras Mangascia qui s'était mis en rébellion. M. Blundell profita de
l'occasion pour aller y rejoindre le Négus. La route qu'il suivit d'Addis
Abeba, dans la direction du Nord Ouest, le conduisit vers Miigdala à
travers une partie de l'Abyssinie des moins connue; elle croise un
plateau basaltique de 2,500 à 2,800 mètres de hauteur, qui s'étend du
pays du Danakils jusqu'au Nil bleu supérieur. Le spectacle le plus
caractéristique de ces formations basaltiques était offert par des gorges
dont la profondeur atteignait jusque 1,^00 mètres et dont les parois
étaient garnies de colonnes de basalte d'une rectitude et d'un achève-
ment admirables Les arbres manquaient, pour ainsi dire, absolu-
ment dans cette sauvage contrée. La route traverse, entre autres, <leux
cours d'eim : le Adabai et le Wuntschil, qui vont se perdre à
travers deux des gorges qui viennent d'être décrites, dans le Nil bleu.
Les voyageurs rejoignirent Ménélik auprès de Worro Ilailo;
il leur accorda l'autorisation de faire une nouvelle expédition vers
rOuest et ils retournèrent, vers Addis Abeba, par une route située
plus à l'Est. Celle-ci les fit passer par Ankober, l'ancienne capitale du
Choa, qui ne compte actuellement que 4 à 5,000 habitants, principa-
lement prêtres et moines. Au mois de mars commença le voyage vers
l'Ouest. Ils se dirigèrent par Antotto vers le Hawasch supérieur qui
traverse là un pays de culture très développée, puis vers le
Gibbie, cours supérieur de la rivière Omo, récemment décou-
verte, qui se jette dans le lac Rodolphe. L'expédition marcha
ensuite vers Bilo, dans le pays de Lega, et traversa une contrée
appauvrie par la peste bovine et les incursions des Abyssins, mais
S28 ÉTUDES COLONIALES
paraissant produire du tabac et du coton en grande quantité. A
l'Ouest de Bilo, les voyageurs entrèrent dans une région inconnue qui,
jusqu'au Didessa et au Dabus, deux affluents du Nil bleu, est gou-
vernée au nom du Négus. Deux grandes villes s'y rencontrent, qui
ne se trouvent sur aucune carte : Gatama et Lekemti. La première est
une ville prospère de 40,000 habitants, où se fait un commerce actif;
M. Blundell remarqua surtout sur le marché du blé, du miel et du
coton, ainsi que du fer et du cuivre apportés de l'Ouest. Au Nord-
Ouest de Lekemti, l'expédition rencontra la rivière Didessa qui coule,
vers le Nord, à travers une gorge abrupte et qui, par suite, est difficile
à passer. A quarante-six heures, à l'Ouest de cette rivière, se trouve
le poste de frontières des Abyssins et, dans le voisinage, se rencontre
la vallée du Dabus.
Les voyageurs éprouvèrent ici certaines difficultés. Le gouverneur
se refusait à les laisser passer. Il fallut envoyer un messager à
Ménélik pour obtenir les autorisations nécessaires. Dans l'entretcmps,
M. Blundell et ses compagnons se livrèrent au plaisir de la chasse aux
éléphants, qui abondent dans cette contrée. Us en tuèrent un entre
autres qui mesurait 3"*60 jusqu'à l'épaule. Ils firent aussi une
excursion vers le Nord, au cours de laquelle ils eurent l'extrême
surprise de constater que le Nil bleu coule à 35 kilomètres plus au sud
que ne l'indiquent nos cartes. Il est vrai que jusqu'à présent le cours
du Nil bleu, au Sud de Godsam, n'était connu que par voie de
renseignements. Les difficultés opposées à leur marche ayant été
levées, les voyageurs se rendirent à travers le Sennaar à Khartoum,
par des voies connues. Outres les constatations géographiques,
l'expédition a rapporté des renseignements géologiques et des collec-
tions zoologiques; elle a réuni, notamment, une collection de trois
cents oiseaux, dont un grand nombre étaient entièrement inconnus.
Sénégal. Prix des transports. — Le prix de transport d'une
tonne de marchandises de Saint-Louis aux principaux centres du
Soudan sont les suivants, d'après la feuille de renscii^'nonionls de
V Office colonial.
De Saint-Louis à
Vc. c.
Kayc» 30 »
Mcdina 50 »
Déoubcba 409 TiO
Kita 234 45
«omako :^9â 72
Koiilikoro 4i2 70
CHUONIQUE , â29
Fr. c.
Tombouctou 566 45
Seguiri 424 2î
Kûiikan 445 2
Kouroussa 446 2
Nioro 267 57
Ces prix sont ceux de Taller. Ceux du retour sont moins élevés, de
moitié environ.
Erythrée. L'or. — 11 paraîtrait que, dans les derniers temps, les
bruits qui circulent périodiquement en Italie, au sujet de Texistcncc
de Tor en Erythrée, auraient acquis une certaine consistance. Depuis
quelques mois, le gouvernement a chargé deux experts, dont Tun est
originaire de la Nouvelle-Zélande et l'autre de l'Alaska, de procéder
à des recherches au sujet de la nature et de l'étendue des quartz auri-
fères. Il y a quelques semaines, le ministre des affaires étrangères
d'Italie a confirmé, devant la Chambre des députés, l'existence de dépôts
d'or en ajoutant que les travaux des experts étaient de nature à
justifier les prévisions, mais qu'il fallait toutefois s'assurer d'abord
si l'importance des dépôts était assez grande pour permettre l'exploi-
tation sur une grande échelle. Le gouvernement italien se
montre tout disposé à traiter favorablement toute demande de
concession pour l'exploitation de l'or et à faire tout ce qui est possible
pour encourager l'initiative privée.
D'après le « Bolletino délie Finanze » les recherches se font actuel-
lement à Addi Sciumagalla, localité située à cinq quarts d'heure de
Asmara, le long d'une bonne route, et les résultais obtenus jusqu'à
présent sont très variés, quelques-uns étant très satisfaisants, mais
d'aulres l'étant beaucoup moins.
Afrique australe. Production diamantifère. — Les diamants
exportés du Cap s'expédient presque exclusivement en Angleterre, qui
est le plus grand marché de diamants du monde entier. Les autres
pays où s'exportent les diamants sont : la Belgique, la France et
l'Allemagne, mais les quantités qu'ils reçoivent sont insignifiantes en
comparaison de celles qui se dirigent vers l'Angleterre.
Les exportations de diamants du Cap ont été, pendant les six
années comprises entre 1893 et i898, les suivantes :
Liv. sf.
^895 3,821,000
4804 2,6M,000
480:> 4,775,000
230 ÉTUDES COLONIALES
Liv. st.
1896 . . -*,647,O0O
1897 4,434,000
1898 4,367,000
D'Angleterro, lés diamants sont envoyés dans les différents pays où
l'on pratique la taille des diamants, principalement en Hollande et
en Belgique. Presque tous les diamants de TÉtat libre d'Orange
(Jagersfontein), dont la valeur est estimée à 400,000 liv. st., sont
taillés en Belgique.
En 1897, la production des diamants dans la colonie du Cap s'est
élevée à 3,220,368 de carats, représentant une valeur de 4 millions
de liv. st. Cette production équivaut au cinquième de la valeur totale
des diamants trouvés au Brésil, depuis l'époque de la découverte de ce
pays jusqu'en 1886.
L«» Brésil n'a plus guère d'importance aujourd'hui comme produc-
teur de diamants de parure. On n'y extrait plus, en fait, que îles
diamants noirs que l'on emploie dans l'industrie. Ces diamants sont
recherchés pour leur dureté qui les rend propres au percement des
roches et au polissage des diamants de parure. On les trouve priiici-
pal«*ment dans la province de Bahia.
L'Afrique australe deviendra probablement aussi célèbre que
Golconde puisqu'elle a produit plus de diamants que Tlnde. Dans
cette dernière contrée, on ne découvre, en moyenne, que pour une
valeur de 160,000 à 200,000 liv. st. de diamants par an.
On trouve aussi des diamants en Australie et à Bornéo, mais acluel-
lement on peut dire que l'Afrique australe détient le monopole de la
production des diamants dans le monde entier.
Brésil. Travaux publics. — Le consul des États-Unis à Para,
donne d'intéressants renseignements au sujet de certains travaux dont
l'utilité est incontestable pour le Brésil et qui pourraient constituer des
entreprises rémunératoires. 11 faudrait d'abord réaliser le chemin de
fer de San Antonio de Madeira à Marmore qui a été concédé à un
entrepreneur qui se trouve dans l'impossibilité de mener les travaux
:GiiRO.yiQ.ujç ,1 :231
à bonne ftft. Une riche ceinture de caoutchouc borde cette ligne el leç
ressources agricoles du pays sont immenses. Des ingénieurs envoyé?
par différents syndicats ont, dans les derniers temps, étudié li;?s moye^is
d'achever la voie.
Cetle ligne ne doit avoir que cent milles de longueur. Son but
principal est de contourner les chules do la rivière Madeira qui inter-
rompent la navigation. Un peut se rendre compte de son importance
par le f.iit que cette rivière, qui est navigable sur une longueur de
1«200 milles est le débouché naturel des produits de la Bolivie. La
rivière Madeira, qui se jelte dans TAmazone à quatre-vingts milles de
Tembouchure du Rio Negro, est profonde et accessible h tous les
navires de mer. Aussitôt que le chemin de fer sera construit, on pourra
établir des conmmnications directes avec les Eliits-Unis et TEurope,
Les Cii|)ilaux pourraient trouver un aulre emploi dans la conslriic-
tion d'un port et de docks à Manaos. Ce port est d'une grande impor-
tance et est relié, par des lignes de navi^:>;ation dont le service se fait
tous les dix jours, aux Élats-Unis et à l'Europe. Des centaines de
bati'aux qui remontent et descendent l'Amazone et ses tributaires
doivent, en vertu de la loi, passer par Manaoset y obtenir des autori-
sations de passage des autorités. Pendant la saison sèche et à marée
basse, le Kio Negro se retire à une dislance «le SOO à 1,000 mètres de
la \ille, enïpêchant ainsi les vaisseaux d'aborder. Les plus grands
vaisseaux du monde jTeuvent naviguer sur le Negro. Le gouvernement
est disposé à accorder aux entrepren<'urs tons droits et concessions
désirables. Le coût des travaux est évalué à 500,000 liv. st.
11 serait utile aussi de construiri'. des hangars et des allèges pour
Temmagisinage et le déchargement des m:irchandises. Les navires
doivent actuellement attendre souvent une dizaine de jours avant de
pouvoir débar(|uer leur cargaison.
Il y aurait aussi lieu de construire des cales sèches à Para. Aujour-r
d'hui les navires endommagés par les bois flottants qui sont nombreux
dans les rivières, doivent être envoyés en Europe pour être réparés,
fe nombre des cales dont disposent les ports de la cûte Sud de l'At-r
lanti<|ue étant insuffisant.
L'établissement de scieries à vapeur sur l'Amazone supérieure
constituerait aussi une excellente entr«'prise. Malgré l'existence de
milliers de kilomètres carrés de forêts denses et remplies de bois de
conslruction, les steamers faisant le service entre New-York et les
Etats-Unis apportent de ce dernier pays du bois de sapin à chaque
voyage. Dans certaines parties de l'Amazone, il n'est pas nécessaire
d'attendre la création de chemins de fer pour le transport du bois, cai;
232 ÉTUDES COLONIALES
les cours d'eau font parfaitement cet office. Deux scieries travaillent
toute Tannée en mettant en œuvre les arbres que les rivières entraînent
avec elles.
La construction d'un chemin de fer vers la Guyane anglaise, avec
embranchement vers la Coiombit^ et le Venezuela, ouvrirait de nou-
veaux marchés aux produits étrangers. La région que traverserait la
voie est peu habitée et est couverte de ranclies où l'on élève du bélail.
Cette industrie est malheureusement paralysée par suite du m.iiique
de moyens de transport. A Para et à Manaos, il y a souvent pénurie
de viande. La voie franchirait une vaste région d'arbres à o^ioul-
chouc el un pays contenant des essences de bois précieux et d'aulres
produits de valeur qui trouveraient tous aisément des débouchés. La
contrée est presque plane el renferme du bois aussi dur que le fer,
qui faciliterait le travail.
Les Etats de Para et des Amazones sont deux des plus
riches du Brésil; ils fournissent au gouvernement un revenu compa-
rativement plus élevé que les autres provinces et ils n'ont pas de
dette. Ceci s'explique par le fait que le caoutchouc, qui est le princi-
pal produit de ces réj^ions, n'a pas de rival et va augmentant de prix
avec l'accroissement de la demande, tandis que le café, le sucre, le
tabac et les autres produits du Sud rencontrent de la concurence dans
le monde entier et voient leurs prix s'avilir chaque jour.
La population de Para a doublé pendant les cinq dernières années
et de nouvelles industries y surgissent tous les jours.
Exploration des sources du Xingu. — Le D** Hennann Moyer,
de Leipzig, a fait, le mois dernier, à la Société de Géograpliîe de
Berlin, une conférence sur sa deuxième exploration des sources du
Xingu. La région des sources de cet affluent du fleuve des Amazones
est particulièrement intéressante au point de vue ethnographique, car
les Indiens qui l'habitenl sont restés, grâce à la difficulté de péiiétra-
tion qu'offre cette contrée, en dehors des atteintes de la civilisation.
La première expédition du T)' Meyer a fait connaître les tribus
indiennes des sources orientales du Xingu; la deuxième avait pour
objet d'explorer les sources occidentales de ce cours d'eau, celles qui
descendent du plateau de Matto-Grasso, et de rechercher le cours
supérieur de la rivière Bonuro.
Le D*" Meyer et ses compagnons partirent du Cuyaba, au mois de
mars de l'année dernière et se dirigèrent au nord, vers la crête du
plateau. Ils ne rencontrèrent pendant celte partie de leur voyage que
peu de gibier, mais par contre, ils virent énormément de serpents. Le
CHRONIQUE S33
voyageur s'étonne môme qu'aucun membre de lexpédilion n'ait été
mordu par ces roptilesqui poussc^rent, d'ailleurs, l'indifférence jusqu'à
ne pas même s'inquiéter de son basset. Chemin faisant, ils aperçurent
les traces d'une razzia opérée par une tribu d'Indims entièrement
inconnue jusqu'à ce jour et qui s'appellent les Kaschabi. Il esl pro-
bable que l'un ou l'autre chercheur de caoulchouc leur aura appris à
connaître le fer et autres objets et (|u'ils avaient voulu s'en procurer à
meilleur marché. Il serait utile d'a;<ir éjergiquement contre ces pil-
lards, si l'on ne veut pas qu'ils deviennent, pour les colons, une plaie
plus nuisible encore que les fameux Bororo.
Arrivé sur le sommet du plateau, le l)"" Meyer se dirigea vers le Rio
Fornioso, cours d'eau le [)lus occidental de ceux qui se dirigent vers
le Nord et il le suivit jusqu\m point où, grâce à sa confluence avec le
Rio de las Dombas, il devient navigable pour les canots. Les voya-
geurs se mirent en devoir de construire des embarcations au milieu
d'une nnlure dont la sauvîij;erie n'avait pas encore été troublée par
l'honime. Malheureusenjent, le bois était trop vert; la saison des
pluies venait seulement de finir, ce qui fait que sur les 3i canots qu'ils
avaient construits, il n'y en eut que 10 qui purent être em[»loyés.
Après avoir envoyé un membre de l'expédition sur les bonis du
Kuliseu, situé à l'Ouest, avec les bagages dont il n'avait pas besoin,
le D' Meyer lança tics canots sur les eaux du Rio qui, jusqu'à ce
moment, n'avaient jamais porté d'embarcation. Pendant la première
semninr, la navigation ne fut troublée que par hs accidents habituels
aux rivii'res de celte région et qui sont dus aux trônes d'arbres voguant
à la déiive et aux blocs de rochers qui se radient sous les eaux. Des
singes, drs loutres, des lapins et antres animaux fin^nt le menu des
ex|)h»raieurs. Puis, la scène changea. Des inurailles de rochers dénu-
dés s'avaurèrent et resserrèrent les eaux : on approchait de la régitm
des chuti'S La navigation devint périlleuse. Plus de 150 cataractes
durent être franchies. Malgré toutes les précautions, un grand
nombre d<' canots se [»er(lirent. Quatorze fois il fallut en refaire. On
essaya d«* tourner'Ies ehules par la voie de terre, mais ce fut impos-
sible ; «rinipénélrables broussailles s'y opposèrent. On avançait à
raison de deux kilomètres par jour! BientcU la famine vint s'ajouter
aux épreuves des voyageurs. Beaucoup de vivres avaient disparu avec
les cancits; la contrée n'offrait aucune ressource et la rivière ne ren-
fermaii pas le moindre poisson. La faim devint si impérieuse que
rexpiMlilinn ne recula devant aucune extrémité. Un jour, ils tuèrent
un boa et n'hésitèrent pas à dévorer le clievreuil qu'il venait d'avaler
et qui était déjà en partie couvert de suc gastrique.
234 ÉTUDES COLONIALES
La nourriture ordinaire se composait des bouts amers des nouvelles
fouilles 'd(^ palmier. .Nulle part on n'apercevait la mtûndre trace
d'une habitation humaine ; de temps à autre seulement, des vestiges
de <;hHSseurs. La plus |;nmde infortune qui les frappa fut la perle du
canot qui transportait leur provision de sel. La dysenterie et la fièvre
attaquèrent IVxpéilition, mais sans (cependant causer de décès.
Le 7 Juin, ils arrivèrent au milieu d'un paysage de forints vierges,
près d'une cataracte ^^randiose. La rivière se jette, à cet endroit, d'une
hauteur de 15 mètres. Celle chute, qui était la première qui ait été
découverte dans la région du Xingu, reçut le nom de Bastian Fall.
Maiheureuseinent, en aval de cette cataracte, les appareils <le photo-
graphie et une centaine de vues disparurent dans les eaux. Des chutes
moins importantes suivirent. Deux affluents se mêlèrent bientôt au
cours principal, dont la largeur fut, par suite, portée à 200 mètres et
les explorateurs purent constater qu'ils avaient atteint le Ronuro.
Après un voyaj^e (hî deux mois, l'expédition atteignit l'embouchure
du Jaioba. Ici, les poissons étaient en abondance et ainsi la nourri-
ture ne manqua pas. L'escoi'te emmenée de Cuyaba, fatiguée de priva-
tions, refusa d'aller plus loin et le D' Meyer dut s'engager à ramener
ses serviteurs dans leur pays. Il ne put donc pas continuer ses études
ethnographiques le long du Xingu. L'expédition alla reprendre les
baga^'es envoyés sur les bords du Kuliseu et retourna vers Cuyaba.
De grandes modifications se sont produites parmi les tribus
inditMines de c(4le région qui semblent se resserrer de plus en plus
vers le Kuliseu. Les sauvages Bakairi ont beaucoup diminué; ils se
sont joints, pour la plupart, à la population paisible. La tribu
nomade des Trumai semble également être en voie de disparition.
Dans le but d'apprendre les différents dialectes, il s'est élabli, entre
les diverses tribus, l'usage d'i'changer les enfants.
Grâce à l'expédition de M. M<*yer, les sourcils du Xin^ peuvent
donc être considérées comme définitivement reconnues.
Mexique. Le caoutchouc. — D'après un récent rapport du
consul des Etats-Unis à Mexico, sur l'industrie du caoutchouc au
Mexique, on peut acquérir du terrain propre à la culture du caout-
chouc au prix de 4 shellings à 5 livres l'acre. Les terres appartiennent
toutes à drs particuliers; le gouvernement n'en possède point. Toutes
a»s terres sont couvertes d'une jungle épaisse. On peut y produire du
cacao, des ananas et des bananes aussi bien que du caoutchouc.
On plante le caoutchouc au moyen de boutures, de racines ou
d'arbres produits dans les serres par voie de semis. On met de cent
CHRONIQUE 235
cinquante à trois cents arbres par acre et on commence à les saigner
ciiH| ou quinze années après leur plantation, suivant les localités.
Sous les conditicms les plus favorables, un arbre fournit de 1 à
2 livres de caoutchouc par an. Le prix actuel du marché, à Frontera,
est d<». 2 s. 9 d. environ la livre. La production de l'arbre augmente
avec rrge.
Los régions caoulchoutières du Mexique sont, en général, peu
peuplées el élcâgnées des centres de population. On doit importer de
la main d'œuvre. Le salaire moyen des ouvriers est de 4 s. par jour.
La connaissance de la langue du pays est désirable chez ceux qui
veulent entreprendre la culture du caoutchouc:
Les arl)n»s à caoutchouc se rencontrent depuis la frontière du
Gua(4'mala jusqu'à Tuxpan, sur le golfe du Mexique et Colina, sur la
côte du PaiiHque, au Nord.
La production des arbres dépend de la quantité et de Tuniformilé
de la distribution annuelle de la pluie, ainsi que de l'élévation de la
tempi' rature. Parmi les localités peu élevées, celles qui reçoivent, en
huit ou dix mois, 150 à 200 pouces de pluie se trouvent dans les
meilleures conditions, bien que le caoutchouquier croisse aussi dans
des endroits où il y a six mois de pluie et six mois de sécheresse ;
mais dans ces dernières localités, il exige jusqu'à douze ou quinze
années avant d'arriver à produire, tandis que dans les régions ample-
ment arrosées, il fleurit au bout de cinq ou six ans.
Brésil. Exportation du caoutchouc de PAmazone. — Les
exportai i(»ns de caoutchouc originaire de l'Amazone, y compris celui
qui provi(»nl.des États de Para et des Amazones, ainsi que des répu-
bliques du Pérou et de Bolivie, se sont élevées, en 1809, à'25 mille
401 tonnes, dont 8,954 ont été importées en Angleterre.
Les chiffres de 1898 étaient respectivement de 20,909 et 9 mille
3G4 tonnes.
ASIE.
La situation politique en Extrême-Orient. — Un membre du
parlement anglais, M. Joseph Walton, vient de rentrer à Londres,
après avoir effectué un long voyage à travers la Chine, le Japon, la
Cor&», l'indo-Chine et l'Inde. Il a parcouru les cours d'eau de la Chine
sur une longueur de plus de 3,000 milles, dont 1,600 ont été effectués
236 ÉTUDES COLONIALES
sur le Yang-lsze- Le Times a publié, sur cet intéressant voyage, un
interview auquel nous empruntons les détails qui suivent :
« Au Japon, a déclaré M. Walton, j'ai eu des entrevues avec le
marquis Ito, le comte Oluma, le vicomte Aoki et d'autres hommes
d'état en vue. J'ai constaté, chez chacun d'eux, le même désir d une
coopération plus étroite entre la Grande-Bretagne et le Japon en
Extrême-Orient. Ils ont été unanimes à exprimer la résolution la
plus ferme de s'opposer, même au prix de la guerre, à toute agression
de la Russie en Corée. Cette attitude n'a rien qui doive étonner, quand
on songe qu'il est essentiel pour le Japon d'étendre son territoire, en
présence de la petite surfaciî de terres labourables dont ce pays dispose
et de l'augmentation constante de la population qui s'accroît à raison
d'un million et demi d'ames par an. Or, la Corée est, pour bien des
raisons, le débouché naturel de l'excès de population du Japon.
En Corée, j'ai trouvé des agents russes, officiels ou non, se remuant
activement à Séoul et ailleurs. Ils étendent lentement mais sûrement
l'influence russe dans ce pays, et d'après ce que j'ai vu et entendu, je
considère comme très probable qu'une collision entre la Russie et le
Japon aura lieu au sujet de cette contrée. Un des hommes les mieux
informés de la Chine était d'avis que ce serait chose faite d'ici peu de
mois. Pour prouver qu'il y a des menacées dans l'air, je citerai ce fait
que les russes ont fortifié Port- Arthur de manière à le rendre impre-
nable. Ils ont construit des fortifications qui encerclent pour ainsi
dire la ville et je tiens de source quasi-officielle qu'il n'y a pas moins
de 40,000 hommes de troupe russes dans et autour de Port-Arthur et
de Talien-Wan.
Dans la Mandchourie, j'ai fait une excursion le long du chemin de
fer de Niû-chwang. J'ai constaté que la contrée était occupée militai-
rement et que Ton rencontre des soldats à chaque station.
A Pékin, j'ai vu le prince Ching, président du Tsong-li-Yamen, Li-
Hung-Chang et d'autres. Il résulte des entretiens que j'ai eu avec les
résidents anglais les mieux informés que dans leur opinion, on a
commis une faute en laissant mettre l'Empereur de côté, l'année
dernière, car il en est résulté une plus grande puissance en faveur de
l'Impératrice douairière qui est toute gagnée à l'influence russe. J'ai
constaté qu'à Pékin, où notre politique était toute puissante, il y a
quatre ans, elle ne compte plus pour rien aujourd'hui par suite de nos
hésitations et de nos concessions. Les grands vice-rois de Nanking et
de Chang Chih Tung, entre autres, m'ont dit expressément qu'ils
avaient regardé l'Angleterre comme l'amie de la Chine, mais qu'ils
avaient été amèrement désillusionnés parce qu'ils avaient compte en
GHROMaUE 237
vain sur elle pour soutenir la Chine contre Taggression des autres
puissances. »
Passant à son voyage sur le Yang-tsze, M. Walton dit :
«J'ai remonté le Yang Isze jusqu*à Chung-Keng, soit sur une Ion
gueur de 1,600 milles. J'ai accompli les 1,000 premiers milles en
steamer, puis j'ai franchi, en jonque chinoise, les rapides et les
gorges du Yang-tsze, en ne parcourant que septante milles en neuf
jours. J'ai renc<mtré alors le yacht de M. Archibald Little, dans lequel
j'ai effectué, dans le même temps, une distance de 380 milles. Les der-
niers 400 milles se sont faits à travers le Szu-Chwan, qui est l'objectif
du chemin de for de la Birmanie anglaise et du Yang-tsze supérieur.
Sur les deux rives du fleuve, qui, à CImng-Keng, a une largeur de trois
quarts de mille quand les eaux sont basses, le pays est cultivé comme
un jardin. J'ai vu des milliers de commodes habitations entourées de
bouquets de b:iinbous et d'orangiTs et environnées de piôcesde terre de
l'alluvion le plus riche, cultivées avec le soin le plus minutieux et pro-
duisant deux et trois récoltes d opium, de tabac, d'indigo, de canne à
sucre... C'était un monde nouveau qui n'avait jamais entendu parler
de la guerre sino-japonaise et qui se refusait à croire que la Chine ait
pu être battue. C'était une région de paix, d'abondance et de civilisa-
tion J'ai parcouru plusieurs vingtaines de milles au milieu de fermes,
de villages et de villes et dans tous ces endroits, j'ai été traité avec
bienveillance et courtoisie. Partout où nous apparaissions, la popu-
lation accourait en masse pour contempler notre petit yacht s'é|)0u-
nionnant à se frayer un chemin contre le courant; c était la deuxième
fois seulement qm» cette partie de la riviève était remontée de cette
manière. Plus tard, je descendis les rapides avec le yacht c'était la pre-
mière fois qu'ils étaient franchis par un steamer et j'acromplis le voyage
deChung-Kingà I chang, soitune longueur de 4"7 milles, en 31 heures.
Constamment, notre petite embarcation disparaissait dans le bouillon-
nement des rapides. Les ressources commerciales de cette région sont
si vastes qu'elles peuvent à peine être évaluées. Rien que sur le Yang-
Isze supérieur, il y avait plus de 5,000 jonques de conmierce, occupée
chacune par une centaine d'hommes, ce qui représente un total d'un
demi-million d'honnnes engagés dans le commerce. Tous ces hommes
sont hardis et bien constitués.
Tandis que nous ne faisons rien, continue M. Walton, pour déve-
lopper nos intérêts dans le bassin du Yang tsze, la France, l'Allemagne
et le Japon s occufKMit activement d'étendre leur influence politique et
commerciale. La France a couvert la vaste et populeuse province de
Szu-chwan de missionnaires appartenant à la compagnie de Jésus, qui
238 ÉTUDES COLONIALES
ne se confinent pas exclusivement dans l'activité religieuse. Ils ont fait
un excellent relové géologique de cette province qui a été suivi de
la part des Français, dune demîinde de concession pour l'ouverture
démines, avec droits exclusifs, dans six districts. En ce qui concerne
la navigation du Yang-tsze supérieur, nous sommes redevables aux
jésuites français d'une excellente carte qui vient d'être dressée récem-
ment. Sans eux, nous en serions encore à devoir nous contier à une
carte anglaise de 1861, entièrement surannée et hors d'usage.
Bien que des canonnières anglaises aient été envoyées sur le Yang-
tsze supérieur, il y a plus d'un an, pour surveiller le cours d'eau, un
seul de ces vaisseaux a atteint jusqu'à présent un point situé à plus
de 50 milles de 1-chang et rien n'a élé fait pour permettre à nos offi-
ciers de se familiariser avec la navigation de la rivière supérieure.
En outre, les canonnières que le gouvernement a envoyées sont abso-
lument impropres à leur destination, tant au point de leur construc-
tion que de leur puissance de propulsion. Ces bateaux ne peuvent
faire que 1 3 nœuds alors que pour luller contre des rapides d'une vitesse
de 13 ou 14 nœuds, ils devraient pouvoir en fournir 16. Ils sont munis
d'hélices au lieu d'aubes et sont munis de plaques de 1/8 alors que
seules les plaques de 3/16 peuvent rendre des services en présence de
la nature rocheuse de la rivière. »
En revenant de son voyage au Yang-tsze, M. Wallon fit une expé-
dition sur la West-River. Il dit à ce sujet:
« On s'attendait à voir l'ouverture de ce cours d'eau profiter au
commerce anglais. A ma grande surprise, j'ai constaté que non seule-
ment Nan Niiig-fu dont le gouvernement britannique avait annoncé
l'ouverture depuis le mois de février 1891) comme port à traité, n'était
pas encore libre, mais que sur celte rivière comme sur le Yang-tsze,
l'accord annoncé ù la Chambre des Communes, aux termes duquel
les marchandises anglais(*s pouvaient être transportées dans des
bateaux anglais vers toutes les villes et stations fluviales de Chine,
était en réalité lettre morte.
Un steamer qui a été construit spécialement en vue du commerce
sur la West River, sur la foi de cet accord, a dû être rappelé parce
qu'on ne lui a pas permis de charger ou de décharger de «irgaison
dans aucune des villes situées entre les ports à traité et que, par suite,
on ne pouvait le faire naviguer avec profit. Rien que Ton ait entendu
dire au parlement anglais que le gouvernement avait décidé de sur-
veiller efficacement la West-River au moyen de canonnières, en vue
de protéger le commerce anglais, j*ai constaté que cela se faisait d'une
manière si insuffisante que la piraterie fleurit à son aise et que des
CHRONIQUE 239
steamers appartenant à des Anglais ont été saisis, pillés et ensuite
employés par les pirates pour caplurer les jonques lourde ment char-
gées. Et ces outrages n'ont pjis été suivis de représailles qu« Iconques
de la part des canonnières Cela ré>ulte de ce que nos oflitiers n'ont
pas l'autorisation de desccndie sur terre el de jiouisuivre les pirates
dans leurs villages. Li*s Fiançais construisent actuellement trois
canonnières destinées à naviguer sur la \Vest-Ri\er ci qujnd elles
seront lancées, nous verrons bien vile qu'ils débarqueront des troupes
pour mettre fin à la piraterie. Et du même coup, ils proci'deront à
l'occupation militaire à notre barbe (vnder our vn'yiimc.)
« J'ai constaté que l'activité des Français dans le Sud de la Chine
contraste d'une manière fiap^unnle a\ec notre politique d'abstention.
Les dangers qui menacent l'avenir du commerce anglais, si nous ne
maintenons pas nos droits et notre ii fluence dans le Sud et le Sud-
Ouest de la Chine, nous sont indiqués par la situation commerciale
actuelle de la Cochinchine, du Cambodge, de l'Aniiam et du Tonkin.
Tandis qu'en 1885, les sept huiti('mes des importations de Tlndo-Chine
venaient de l'Angleterre, de i Alh-magne et de la Suisse, actuellement,
grâce aux tarifs protecteurs imposés par les Français en faveur de leurs
propres produits, les trois quarts des importations Vit nnent de Franco
et un quart seulement du reete du monde. Si, par suite de la négli-
gence de notre gouvernement à poursuivre un(î politi(|ue ferme et
vigoureuse dans le Sud et le Sud-Ouest de la Chine, l'autorité fran-
çaise venait à s'étendre sur les provinces de Zu-chouan, Yun Nan,
Kwang-si, et Kwang-tun — but que les Français poursuivent de fous
leurs efforts — et que l'annexion de ces provinces eût lieu, ce qui arri-
vera Selon toutes probabilités, le connnerce anglais sera «traiïglé là,
de la même manière qu'il Fa été en Indo-Chine, lien sera de même
pour toutes les parties de la Chine qui pourraient être annexées par
un pays protectionniste comme la Russie. »
BIBLIOGRAPHIE
Notes sur la vie française en Cochinchine, par P. Nicolas. In- 13 de 315 pages
a^ec 4G illuslrulioiis. Paris, Ernest Flammarion, 1900.
On trouve dans cet ouvrage, d'une lecture fort agréable, non de
simpJes notes, mais une description pittoresque et assez compli^te
de Saigon et de ses environs. A côté de ses observations, d'ailleurs
intéressanles, sur la vie des colons français, l'auteur a fait une large
place aux mœurs des populations indigènes.
Un aperçu sommaire, mais non sans valeur, de la situation commer-
ciale complète cette étude, qui donne, dans son ensemble, une idée
favorable de la colonie française d'Extrême-Orient.
Almanach des Colonies françaises pour iOOO, public sous la direction de
Ch. IIalais, ré'^idcnt en retraite, avec le concours de plusieurs personnalités colo-
niales. In- 18 de 5i0 pages. Paris (Lcvallois- Perret), impr. Grété de l'Arbre, 1900.
Celte publication nouvelle, due à l'initiative privée, mais encou-
ragée par le Ministère des colonies, est fort bien conçue. Outre les
renseignements officiels, qui forment le corps de toute publiciition de
ce genre, on y trouve pour chaque colonie une monographie brève,
mais donnant ce qu'il est le plus essentiel de connaître, au point de
vue du commerce et des transports.
Autre innovation utile : en tète de la brochure figure une élude sur
l'hygiène aux colonies, due à la plume autorisée du D"^ Treille, qui
y a condensé l'essence de ses remarquables travaux.
Des conditions auxquelles sont soumises l'émigration et rimmigration
4es travailleurs aux colonies françaises et étrangères. Thèse pour le
doctorat présentée à la Faculté de droit de Poitiers, par L. Rougé, avocat à la Cour
d'appel. Poitiers, Marché, 1900.
L'étude de M. Rougé, bien que portant le titre de « thèse », contient
moins d'opinions |)ersonnelles à l'auteur que d'extraits des lois et des
traités réglant la matière dans les différents pays, ainsi que des opi-
BIBLIOGRAPHIE 241
nions émises sur ce sujet par les principales autorités dans les sciences
coloniales. Cette étude est d'ailleurs complète et très méthodiquement
ordonnée.
Le Soudan et nos colonies côtières (Sénégal, Guinée, Côte d*i voire, Dahomey).
Réformes nécessaires dans nos possessions de l'Afrique occidentale, par le général
DE Trentinia.n. In-12 de 125 pages arec carte. Paris, Hemmerlé et G'^.
Ce n'est pas sans raison que J'autcur a cru nécessaire d'appeler
l'attention des gouvernants de son pays sur Ja nécessité de mettre de
l'unité et de l'ordre dans l'administration des possessions si vastes et
si rapidement acquises de l'Ouest africain. Il conclut à rétablissement
d'un gouvernement général fortement constitué, laissant d'ailleurs à
chaque colonie, dont les limites seraient rationnellement établies, une
large autonomie. Il réclame, en outre, un emploi plus économique
des forces militaires et une meilleure organisation douanière. Ce tra-
vail, sérieusement documenté, mérite d'être lu, même par les étrangers
qui n'y peuvent attacher qu'un intérêt purement théorique.
Anuradhapura sous les rois cinghalais, par J Leclercq, correspondant d
rAcadémie royale de Belgique. Bruxelles, Hayez, 1000.
Cette brochure est extraite des bulletins de l'Académie royale. C'est
un curieux fragment de l'histoire de Ceylan, qui fait suite aux diverses
études publiées par l'auteur sur la géographie et les antiquités do
cette île.
Manuel de Culture pratique et commercial du caoutchouc, par Fern. Herbet.
(In-I8de HO pages avec ligures). Paris, J. Fritscli, 1899.
Ce traité est une nouvelle preuve de l'importance qu'on accorde,
dans tous les milieux coloniaux, au développement de la production
du caoutchouc. Il est d'ailleurs peu étendu ; l'auteur s'attache prin-
cipalement à l'exposé de la culture du Manihot Giaziovii, qui est seule
traitée d'une manière complète. On trouve dans ce petit manuel
plusieui's renseignements utiles, qui auraient pu recevoir plus de
développements.
342 ÉTUDES COLONIALES
' La Nature tropicale, fmr J. Constantin, mailrc de ennférences à TEeoIe normale
supérieure (lu«8» de 3l5 |Higrs uvcc 4 60 gravures). Paris, Félix AlcaD, 1899.
Ou trouve dans l'ouvrage de M. Constantin, une étude développée
des Hiractèros si f'r:ipp ints et si curie.ix à tant de litres de la puissante
végétitiun des fortHs éqiiatoriales. Ce trailé de physiologie végélule,
à la hauteur des dernières découvertes et des théories les plus auda-
cieuses «le la science cont(»mporaine, est cependant très accessible
aux lecteurs qui ne possédant qu'une connaissance élémentaire de la
botanique Aussi le croyons nous utile à consulter pour quiconque
s'occupe des cultures tropic^iles On pourrait tiutefois reprocher à
l'auteur d'avoir laissé quel(|uefois son iini>gination prendre un trop
libre cours, comme dans son dernier chapitre, peu lié au reste de
1 ouvra-çc», où il cherche à développer le sens de vieux mythes confus
par dc's hypothèses assez biziirres.
Die Kautschukpflanzen und ihre Koltur. par le professeur D^ 0. Warburc
lii-^o de l«>i pages avec 0. figures. Derlin, 1900.
Le travail de M. le professeur Warburg est publié par les soins du
Kolonial WirIschalUiches Kimitee, qui déploie dans ce genre d études
une activité remarquable. C* traité répond entièrement par son but,
son plan et la plus grande partie de son contenu à celui de M. Morris,
dont notre Bull -lin a publié la traduction Tannée dernière. Cette
coïiicidenci; in(li(|ue combien la question du caoutchouc est actuelle
et importante; elle nous dispense d'ailleurs de donner une analyse
détaillée de ce savant traité. L'ouvrage du D' Warburg est du reste
extrémeuïcnt rccommandable; on peut regretter seulement que le
chapitre consacré aux caoutchoucs africains ne soit pas plus déve-
loppé.
-**
REVUE DES REVUES
Le MouTement géographique. N» 5 (A février . Le commandant Henry sur le
Haut-Nil. — No 0 (11 fovrirr). L'exploration des pro\ince8 centraUs de lu Cliine, par
le capitaine Wingate. Fernando- Po et let» îles espagnoles du goirc de Guinée. — N«) 7
(18 février). La région des roncessions dans le liussin de la Sanglia (u\ec curie), par
A. J. Wautkrs. Le régime des coneesNÎons dans les colonies alleniandeii, \mv 0. S —
N» 8. Lu* flen*e des Aniiizom-s. par S. T. Kernando-Po.
La Belgique coloniale. N» 5 {A fé\r er) et ii<* 0 11 février). Les groltes du Ka-
tanga. par (^h. Lkmaikh). — N<* 7 (18 février . Golonisalion russe. — N» K (tli février).
G'itériumH éc<»iioini(|ues et coloniaux, par R. V. — Les derniers procedô's d'exlraclion
du caoulclioiie.
Le Congo belge N<> 5 (4 février). Sauvagerie. — N" G ( 1 1 févi'ier^. Lu < adnnisation
an b«»n vieux lenip . par J. P. Les lies Philippines : les cnllures. — N» 7 28 f«'\rii>r). Le
Ccmgoaux XVIK* et X VI U© siècles. — N» « (i5 février). Emin-Puclia chez Ich M«iid)ultu.
La Semaine horticole. N"« 5 à 7 (10, 17 et !Î4 février). Gnurs spécial de cidtures
coloniales dtHiné à l'i^Ieole iriiorticullure de Vdvorde. Gnupte-rendu des coni'fiences
du Di* Drye|Minill peu* G. Huuillet Voyage au Feriian-Vaz, piir G. De itHA>b.NKH (suite).
La Quinzaine coloniale. N^ 75 (10 février). Le Huilget des colonies pour i900.
LVxpansKHi ctdoniale de lu France est-elle terminée? par J. GHAiLLKY-BEiir. La ùnloni-
tali n agricole au Tonkin, par Duchësiin. — N" 76 (25 février). La Défense de nos
colonies; le plan fînancier, par Cnaillet-Bert. La Golonisalion agricole au Tonkin
(suite».
Bulletin du Comité de l'Afinque française (février ICOO. Du Niger vers le
lac Tehttd, journal de route du capiiaine Gazcniajou (avec carte;. Le Touûl, par Robert
DE G < IX.
Deutsche Kolonialzeitung. No 5 fl«r février). Gongrès intcinationnl de socio-
logie col. niide, par le Dr G. K. Anton. Arliclcs sur les communicHlions p<i>lales et
téh-graphiqucH des colonies allemandes. — N"6(8 février). Histoire de riiygicne li-opicale
en Ailen[iagn<*. par le Dr Emmanuel Gohn. — N» 7 (15 février). Les lerriloires du la Gom-
pagnie coloniale alleiurinde du Sud-Ouest africain (avec carie). — No 8 {'i'i février/. Les
chemins de fer de l'Afrique orientale allemande (extrait du discours du comte d*Arnim-
Muskau au Reielistagi. Articles descriptifs, avec illuslralions, sur diverses colonies
africaines alleniHiides.
Bulletin de la Société de Créographie de Bordeaux. No 5 (5 février). Musées
commerciaux et coloniaux a Tétranger, par Alb. Mengeot.
Revue des Cultures coloniales. N» 40 (5 février). Des améliorations a apporter
dans les colonies françaises à la cultui'e de la canne à sucre, par Gustave Landes. Un
244 ÉTL'DES COLONIALES
nouveau procédé d*extraction du caoutchouc, par Godefroy Leboeuf. Ckinsidérations sur
le caractère halopli}1c du cocoiier, \mr J. Vilbouche\itch La maladie des racines ou
maladie vcrmiculaire du caféier (extrait d*un rapport de M. Thierry au Syndicat agricole
de la Martinique). Les plantations des poivriers an CamlM)dg(* (rapport àa M. Adh. Lcclèrc,
résident à Kampot. — No 46 • 20 féxrifr U)00) Sur la Graine de Ko^im [Brucca Suma-
Irana et sa constilution chimiqup, par les prof. Em. Heckel et Fa. Schlacdeniiaufe!!.
(Etude sur un remède prétendu nom ran contre la dysentcrii*). L'extraction du caoul
chouc des écorccs (lettre de MM Dvbowsky et Faber) La maladie des racines da
caféier (Cm) Los poivriers au Cambodge (fui). Les arbres à caoutchouc à Gcylan. ^Extrait
du rapport de M. Pnrkin .
La France de Demain. No âl '15 février . Le Peuplement de la Tunisie par les
Français, par J. S\i;rin (fin;. En apprentissu^f (Soudan franeaisj, par Em. IUillado
The GeographicalJoumal (jnn\ipr 1^)00;. Sur les dunes sablonneuses bordant le
Delta du Nil. (uir Vuughan Gomnish. Un record d'exploration dans le Nord-Est de
TAfi-ique. Di^tribulion dt-s prodnciions agricoles en dehors dcb tropiques, par A.-J. Her-
BERTsON. Expédition du lieutenant Kosl«»iï en Asie centrale.
Journal of the Royal colonial Instiiute (février 1900). Tasmania : son état
primitif, présentent futur.
Der Tropenpflanzer. No 2 (février IdOO). Rapport de Texpédition du Kunenc-
Sambesif par H. iuuh (avec 5 gravures). Les frais de production du café dans le Sud du
Hrésil. par E. Prayer I/exphiifuton des a'-bies ù caoutchouc, par le Dr E. Hknrici.
Utilisation de la noix de kola du Kumernn (nipptiit du pharmacien militaire Bemegauau
Ko!. Wirtsvii. Komilce), PInntufions de caontehouc au Mexi(|ue, par Ad. -F Muller.
Indisch Genootschap* Rapport rie lu Gi^mmission pour la révision des conditions
d'admissibilité clans Tadminislrution îles Indes néerlandaises. (Séance du 6 féxrier 1900).
Indische Mercuur. ^N^o à 8 févrii>r). Expéi-imces physiologiques avec le Chinchona
Saecirubra^ par le D^ J.-P. Lotsy. — Sur le rendement de la culture du caoutchouc, |ior
A.-Ë -J. Bruinsma et A.-H. BEhKmuT. — Machine à dépulpcr le café de Libéria
«Graafland »> (a\ec fignres). -^ N«imbreuxr(n«>cignements commerciaux.
Revista Portugueza coloniale morieima. i20 janvier 19(>0>. AgricuUure colo-
niale, par J. Henkiquez. Lu Guinée et la i;oloni>ation agricole par A -F. Lorenço-Maji-
QUES, le chantier naval de Gatembc, par J.-A. V.
ÉTUDES GOIiOHlAIiES
N° -1
7*^ Année
Avril lOTO
CÉARÂ
AMAZONIE
1. VAL DE CAES.
"i. NAVIRES A VAPEIR SUIl l'aMA/ONE.
Kpiis quelques
années, une fiè-
vre d'entrepri-
se nous a saisis Elle s'est
appliquée d'abord au Con-
go, puis à la Russie, plus
récemment à la Chine, et
enfin au Brésil. Le nom
belge était déjà connu
dans le Sud et le Centre
de ce pays, grâce à plu-
sieurs chemins de fer
importants, à des entre-
prises telles que le gaz de
Rio, à des emprunts qui
ont trouvé chez nous de
nombreux souscripteurs.
Aujourd'hui, on com-
mence à peine à nous
apprécier dans le Nord.
A quoi faut-il attribuer
cette extension tardive de notre activité à la région équatoriale
2i6 KIIDES COLONIALES
du Brésil? Tout d'abord, le Brésil occupe une superficie consi-
dérable : près des neuf dixièmes de TEurope. Le Nord est spécia-
lement craint des Brésiliens eux-mêmes pour son insalubrité et
rélévation excessive et constante de la lempérature.
Ce sont à présent les liabitanls du Sud qui nous donnent
Texemple : ils sont nombreux qui viennent s'établir en Amazonie.
La période révolutionnaire de 1893 à 1895 a laissé bien des ruines
de Rio à la frontière d'Uruguay; la crise économique, résultat de
la dépréciation du café et de la monnaie nationale, dure encore à
présent. Il y a là un contraste avec la richesse du Nord et sa tran-
quillité : les troubles politiques ^'y sont produits rarement et sans
cflusion de sang, et le caoutchouc, principal élément d'exportation,
a augmenté de valeur tout en fournissant des récoltes plus aboii-
danles.
On trouve, au Brésil, diverses espèces de caoutchouc : la
mangobeira, la maniçoba, la gomme élastique et le caucho (1) pro-
prement dit. Le mangobeira provient d'arbres répandus sur les pla-
teaux de tout le pays : sa valeur est médiocre, car elle devient
poisseuse et offre peu d'élasticité. Les autres qualités sont plus
recherchées. La maniçoba est exportée du Cearà; la gonnne élas-
tique et le caucho, des ports ama/.oniens.
' Le Ceara est la mère-pairie de l'Amazone. Les terres équato-
riales ne pouvaient être peuplées que par la race cearense, dure
à la souffrance, aux privations et aux températures élevées. Le
Ceara (2) est pourtant sain; son territoire est vaste — plus de
100,000 kilomètres carrés — et productif; aucun excès de popu-
lation — il a 800,000 habitants — n'est à craindre. Pourquoi donc
s'expatrier? Les causes de l'émigration résident d'abord dans les
sécheresses. Alors que la campagne brésilienne est verte et pleine
de sève en toute saison, le Ceara et les régions environnantes
(1) >'ous avons coiisené à ce mol son orlhogiaphc espagnole pour é\itertouie confusion
avec caoulchouc, terme géncraL
(2j Nous sommes rede>uhle de lenseignemenls précieux sur ceUe région aux émincnts
écri^ain8 brésiliens : M. le d^ Thomaz Pompuu, président de rAcadêmise ceairusc, à
M. Uodolpho Theopbilo; au colonel Joào Camara et à M. JofOly.
Les faits généraux que nous signalons sont connnuns ù rinlérieur des Etats de Baliia
ou Maranhâo. De même, quand nous traitons de l'AniOzonie, il s'agit de tous les terri-
toires arrosés pm* T Amazone et ses afiluents.
CKAHA KT AMAZOMK "iH
offrent périodiquement le spectacle d'une nature désolée. Tous les
dix ou onze ans, le fléau s'abat avec une fatale régularité, et tous
les quatre ans, il y a des sécheresses partielles moins désastreuses
mais encore très préjudiciables à la vie de la population. On
attribue ces sécheresses au déplacement, vers le Nord de la région,
des calmes équatoriaux. Le territoire sablonneux et uni du Ceara
présente une déclivité rapide vers la mer : les montagnes, ou plu-
tôt les collines boisées (serras), sont rares et n'offrent pas ainsi de
foyers de condensation aux nuages, et lors des pluies, les rivières
gonflent rapidement, mais l'eau ne s'y maintient pas. Quand la
sécheresse se déclare, les récoltes manquent; le bétail, richesse
fondamentale du pays, meurt de soif et d'inanition. Les habitants
fuient en hâte : les uns se réfugient dans les serras qui forment
alors de vraies oasis; les autres, le plus grand nombre, se dirigent
sur la capitale où les secours sont plus sûrs et plus prompts et
où ils s'embarquent aisément. C'est la ruine pour tous et la mort
pour beaucoup, car bien des « retirantes » succombent en route.
Les cadavres de gens sans sépulture et d'animaux qu'on ne se
donne pas la peine d'enfouir, occasionnent souvent la peste. A
toutes ces calamités il faut ajouter le brigandage qui s'exerce alors
sur une grande échelle et demeure forcément impuni. Il n'y a pour
le moment qu'un remède à ce fléau : la construction de barrages
solides aux endroits favorables, afln de capter les eaux. Les auto-
rités n ont cessé de les recommander et le Gouvernement fédéral a
même exécuté un barrage monumental à Quixadà, village silué à
environ 35 lieues de Ceara. Il est presque achevé et peut retenir
42 millions de mètres cubes d'eau.
Les récits fantastiques de fortunes rapidement acquises, de
salaires rémunérateurs allument aussi une fièvre d'expatriation
chez ces journaliers, payés très modiquement chez eux. Ils voient
certains de leurs anciens camarades revenir au pays avec des
bagues garnies de brillants, des montres et des chaînes en or, bien
vêtus et de l'argent plein les poches.
A cette fascination de l'argent, il faut joindre celle des aventures,
car le ceareux est un peu bohémien. On trouve des ceareux un
peu partout au Brésil.
Pour qui a eu l'heur de parcourir ce pays,c'est d'ailleurs un plaisir
que d'en trouver sur sa route. Nous n'avons pas assez de louanges
248 KTLDKS COI.OMALES
pour laccueil généreux qu'ils font à I étranger. Des premières per-
sonnes de TEtat au plus humble vaqueiro, c'est toujours le même
esprit d'hospitalité large et cordiale. Le plus pauvre seringueiro(l)
ceareux, presque dépourvu de tout dans le fond de l'Amazone, parta-
gera ses provisions avec son hôte et le laissera dormir dans son
hamac bien abrité, tandis que lui-même s'étendra sur le sol, sans
défense contre les moustiques. Le cearens est très imbu d'idées
religieuses comme tous ceux qui sont fréquemment exposés au
malheur. 11 est pénétré de l'amour du clocher plus qu'aucun autre
brésilien, quoique sa terre natale lui soit bien marâtre. Il proclame
partout que sa province est la première du Brésil, sinon du monde.
Un de ses grands défauts — qui ne lui est d'ailleurs pasexclusif —
c'est le jeu. Les loteries de la République et de l'Etat, le jeu des
bichos (loterie transformée), les jeux de dés, les jeux de cartes
sont en faveur dans toutes les couches sociales et dans les villages
les plus éloignés. Nous ne pouvons non plus omettre une passion
qui exerce ses ravages dans bien d'autres pays et spécialement
dans le nôtre. On consomme l'eau-de-vie — le cachaçxi — en
énormes quantités dans toute la population inférieure au Brésil
et surtout au Nord. Après boire, les qualités du cearens deviennent
des défauts : son énergie et sa bravoure se transforment en esprit
batailleur et souvent le couteau donne alors aux querelles un
dénouement sanglant...
La côte est basse et sablonneuse comme celle de tout le Nord
du Brésil. A l'approche de Fostalcza ou Ceara, la capitale, de hautes
masses sombres se détachent pourtant du ciel; ce sont les ieriiles
serras de Porangoba, de Maranguape et de Baturiti. La pointe de
Mocuripe doublée, une ville coquette surgit des sables jaunes, et
plus on approche, plus on en admire l'élégance et le pittoresque.
Débarquer n'est pas bien facile. La mer est très capricieuse et le
canot qui vous emporte doit doubler avec précaution un môle qui
protège une sorte de petit bassin. Les sables ont tout envahi
et déjoué les calculs des ingénieurs anglais chargés de construire
les installations maritimes- La pente de la plage est si douce que
l'embarcation s'échoue à dislance du rivage, ce qui vous oblige
(I) Ouvrier de la fçonime.
CtLVHA F.T AMAZONIE iiO
SOUS peine de vous tremper, à passer dans les bras de nègres
robustes, accourus pour offrir leurs services.
Une promenade en ville donne une impression plus agréable
encore que la vue panoramique. Les rues, formant quadrilatères,
sont larges, bien pavées'et souvent bordées d'arbres; les maisons,
peintes de couleurs fraîches, sont réjouissantes à voir sous ce
soleil tropical; le marché en fer est, avec celui de Pernambouc,
le plus élégant et le mieux tenu du Brésil; un parc ombreux
et soigné permet d'échapper aux rayons brûlants du soleil ; des
tramways dans toutes les directions, une gare de chemin de fer
ajoutent une note pratique à ce gracieux ensemble. Dans Tinté-
rieur, c'est encore le sable, à peine recouvert d'une mince couche
d'humus, parfois les serras. Les prairies alimentent le bétail ; les
serras servent souvent surtout à la culture. 11 suffit d'ailleurs d'un
peu de pluie pour rendre ces sables d'une fertilité étonnante.
Que produit le Céarà? Autrefois le coton et le café surtout
étaient signalés à l'exportation. Le haut prix du coton, consé-
quence de la guerre de la sécession, enthousiasma les producteurs
au point qu'en 1871, la récolte atteignait 8,000 tonnes. En 1898,
on expédiait à peine 300 tonnes. Pour acquérir de nouvelles
terres à la culture du coton comme à celle du café, on détruisit
les forêts par la hache et l'incendie. C'est au point que la terre
végétale des versants n'a plus de protection ; les pluies l'entraînent.
II en résulte le dépérissement des plantations de café. Comme le
Sicambre de Saint Remy, le Céarens adore ce qu'il a brûlé. La
manigoba qu'on avait abattue pour donner du champ aux cultures
rémunératrices est maintenant replantée. Elle devient le principal
facteur de la richesse, concurremment au bétail, et c'est elle qui a
sauvé le Céara de la ruine lors de la sécheresse de 1898. Le lait
de la maniQoba, bien traité, fournit une gomme élastique qui se
rapproche le plus du type Para. Efle se présente sous diverses
formes, selon le mode de récolte. Dans les serras où la terre
est humide et la chaleur tempérée, on incise l'écorce avec une
hachette; le lait est recueilli dans des gobelets, puis passé par
dessus la fumée chaude d'un foyer, ce qui le coagule. C'est la
première qualité de maniçoba : elle se présente en pains de
volumes divers, très chargée d'eau; elle perd une fraction élevée
de son poids en.se desséchant. Dans le sertaô, le sol est d'une
2r>0 ÉTIDKS COLOMALKS
chaleur excessive. On frappe Técorce de coups multiples avec des
hacheltes, des coutelas. Le lait se coagule spontanément sur
récorce même. Ces lamelles qu'on arrache sont mêlées de débris
de bois, mais elles sont très sèches. C'est le chora, les larnus.
Enfin, les paysans qui se préoccupent surtout d'un gain immédiat,
font parfois des entailles à la racine : le lait s'écoule alors dans le
sable et donne la qualité appelée ehào, gomme mêlée de terre et
fort inférieure à la précédente. Ces deux dernières qualités sont
les plus courantes. On les traite sur le marché de Liverpool sous
le nom de de Céara Scraps. Le bétail et ses produits : peaux de
bœufs, de chèvres, figurent à la sorlie pour une valeur considé-
rable. La caruauba, ce palmier si gracieux et dont toutes les par-
ties sont mises à profit, abonde le long des cours d'eau. On se
sert encore beaucoup dans l'intérieur des bougies en cire de
carnanba, mais leur usage diminue : la cire fondue cause des brû-
lures douloureuses, et les bougies de stéarine sont à bon marché.
Enfin, l'élément d'exportation le plus intéressant, c'est l'homme
lui-même. Le Céara est une sorte de vivier pour le Nord du Bré-
sil. Depuis la sécheresse de 1877, l'émigration n'a pas cessé. Son
chiffre de 8,000 adultes est devenu normal et il est porté à 20,000
dans les années de crise. Bien que les statistiques soient d'habi-
tude très sujettes à caution, ces données n'ont rien d exagéré. Au
mois d'avril 1898, nous assistions à d'émouvants adieux dans
toutes les gares de la ligne ferrée qui part de Fnstalez:i. Le
navire en service hebdomadaire sur lequel nous nous embarquions,
portait un millier de passagers de troisième et un grand nombre
restait sur la plage. Décrire la traversée de ces pauvres gens est
presque impossible. Us sont entassés dans l'entrpponi comme les
esclaves à bord des négriers. Les hommes sentrecroisent en un
fouillis inextricable, superposés par trois et plus. Le tmitement du
Lloyd brésilien, mauvais pour les premières, est écœurant pour
les troisièmes; on y manque d'air, d'installations hygiéniques, de
confort quelconque.
Six cents milles séparent Fortaliza de Para. Cette dislance n'est
parcourue qu'en (piatre jours, lo navire faisant escale en vued'Amar-
(I) Kii I8!)7, (wi a cxpni'U'î du (iôara oiiviroii 'JiM) humes de commode iiiniiieoliu \alaiit
CÉARA ET AMAZONIE
251
raçâo pour enlever le courrier du Pianhy, et à Maranhào, rancienne
capitale du Nord aujourd'hui bien déchue. A Maranhào, les familles
aisées étaient nombreuses; mais elles ont immobilisé leurs capitaux
dans des entreprises industrielles, ce rêve au triste réveil de la
politique ultra-protectionniste de la nouvelle république. La plu-
part des fabriques sont tombées ou végètent, en^sorte que les for-
ItVltlt.VC.K nie QTIXAhA.
l'lIuTU(..l;AliIlL; OLSLN h' UANZA.
lunes sont très ébréchées. La ville paraît morte, les trams circulent
peu, riierbe croît dans beaucoup de rues; tout, enfin, y décèle la
langueur. Et ce serait[pis encore sans les ressources que procure
à Maranhào le voisinage de TAmazone. La nuit du troisième jour, on
aperçoit le phare de Salinas, la meresl pleine de phosphorescences,
on croise de nombreux navires. Au point du jour, on est devant
Para...
Nous voici dans cette région des merveilles dont l'opulence a été
€xaltée par tous durant le voyage. A ce moment, le passager
252 ÉTUDES COLONIALES
se recueille ; les appréhensions remplacent les rêves de
richesse.
La fièvre jaune, les fièvres paludiennes, le beri-beri, la variole
font souvent des victimes en effet; mais elles doivent surtout leur
sort aux privations, aux excès ou aux défauts de précautions. Dans
l'intérieur on ne trouve pas les facilités d'existence des villes, la
viande fraîche y est le plus souvent inconnue. Il est d'énormes ter-
ritoires que les basses eaux séparent complètement de toutes rela-
tions extérieures pendant six mois,car ici, ce sont les rivières seules
qui servent de chemins : on ne s'y occupe ni d'élevage ni de culture,
mais uniquement de l'extraction de la gomme. Les denrées alimen-
taires comme le xarque, la farine de manioc, le riz, les haricots,
les biscuits se gâtent après deux ou trois mois. On est bien forcé
de les manger tout répugnants qu'ils soient puisqu'on ne dispose
de rien d'autre. Pour boisson, l'eau dangereuse de la rivière, nr
filtrée ni bouillie. De plus, on boit sans modération l'eau-de-vie de
canne. Un patron qui manque d'eau-de-vie est abandonné par ses
ouvriers. S'il n'y a plus de cachaça dans les environs, on consomme
parfois l'alcool pur. Nous connaissons même des exemples de patrons
qui buvaient alors jusqu'à l'eau de colognc, l'arnica, et d'autres
médicaments à base d'alcool.
Un ami de Tile de Maraji, possesseur de quelques animaux rares
conservés dans l'alcool, avait confié le département des précieux
bocaux aux hommes de la ferme. Quand il revit sa collection, elle
était à sec comme Nelson dans son tonneau.
Le manque de précautions expose toute personne et parti-
culièrement les Européens. C'est ce qui, parmi ces derniers,
fait le plus de victimes dans les villes où, quant au reste,
ils jouissent du confort nécessaire. 11 faut se garder du soleil
de la pluie, et conserver dans le meilleur état les organes diges-
tirs. Est-il étonnant de constater une grande mortalité parmi
les matelots, surtout les norvégiens? Ces hommes du Nord d'une
santé à toute épreuve se préoccupent autant de se tenir à l'ombre
et au sec dans les rues de Para que sur le pont de leur navire. Leur
insouciance de ce ciel de feu et de ses ondées leur coûte souvent
la vie. Sans pouvoir se rallier à une conclusion optimiste, nous
devons à la vérité de déclarer que la plupart des maladies résultenl
des imprudences; parfois, de la peur. Il est donc bon, de ne
CÉAIU ET AMAZONIE 233
débarquer au Para que le cœur tranquille et quelques principes-
sommaires d'hygiène tropicale dans la mémoire.
Sur le pont du navire, la température de la matinée est fort sup-
portable. Des brises souillent constamment sur le fleuve même.
Mais sitôt qu'on est àterre, on constate que la chaleur de Rio, de
Bahia ou de Pernambouc a quelque chose d enviable. Dès 9 heures
du matin, le thermomètre monte implacablement et on est soumis
jusque vers 6 heures à une moyenne de 31'*à32''. L'après midi pour-
tant, la brise de Marajo souille avec intensité ; mais les habitants du
port sont presque seuls à en protiter. La pluie apporte aussi,
presque quotidiennement, quelque modération à la tempéi*ature.
Elle ne tombe plus infailliblement Taprès-midi comme c'était le
cas il y a peu d'années. On demeure parfois sans pluie pendant plu-
sieurs jours et les ondées sont devenues capricieuses. Leur irrégu-
larité à démodé les anciens rendez-vous « depois da chuva » après
l'averse, c'est-à-dire vere 4 heures. Tout change dans l'Amazone. Le
climat, la salubrité, le cours des rivières sont très variables. Telle
localité réputée saine devient un foyer de fièvres; telle autre
s'assainit, dont on évitait le nom comme une évocation du fléau.
Il n'est pas possible d'émettre sur cette question une opinion
absolue. Quant aux causes de ces variations, elles sont très mal
définies : on incrimine les déboisements, les mouvements de
terres, les vents, les courants, les déviations du fleuve, enfin
l'importation des épidémies... Les nuits sont relativement fraîches.
On est vite distrait du serrement de cœur qu'on éprouve à la
pensée des dangers futurs : c'est avec un agréable étonnement qu'on
voit partout l'activité, le mouvement la vie, alors qu'on n'a constaté
dans les autres ports du littoral que la décadence. La baie du Gua-
jaca est animée par de nombreux tninsatlantiques, caboteurs,
steamei's fluviaux, voiliers, allèges; et une flottille de barques
assaille le navire : les canotiers d'Algarve, criards et disputeurs,
sollicitent votre préférence. Le bord du fleuve est dentelé de débar-
cadères et garni des wharfs-trapiches des compagnies de naviga-
tion. L'avenue qui court le long du port est bordée de maisons spa-
cieuses à un étage : les grandes portes du rez-de-chaussée donnent
accès aux magasins; des nègres, des métis demi-nus et ruisselants
de sueur entrent et sortent, poussant des diables chargés décaisses.
Une odeur d'enfumé vous saisit : nous sommes dans le quartier de
2oi KTIDKS COLOMALFS
rexporiation,(Jiins rcinporiuin delà gomme élastique. Ln rue paral-
lèle à cette avenue est occupée par le commerce d*imporlalion.
Puis vient une troisième artère, la plus mouvementée du commerce
de détail. Cette rue est extrêmement pittoresque, tant par la foule
qui s'y presse que par la nature des magasiils qui la composent.
On y coudoie des portefaix portugais, des espagnols, des nègres
à pieds nus, vêtus d'un pantalon et d'une chemise, la tète couverte
d'un oripeau informe; des cuisinières de toutes couleurs revenant
du marché leurs provisions sur la tête, des mulâtresses au regard
vif et accueillant, coquettement attifées, le pied nu à peine engagé
dans la sandale, un corsage blanc très échancré, un petit bouquet
de Heurs piqué dans les cheveux : c'est la vraie brésilienne, chère
aux poètes, séduisant tout le monde par sa grâce, sa coquetterie,
sa nonchalence, son désintéressement. Mêlés à ce populaire, les
gens des classes aisées vêtus à l'européenne : les dames en
toilettes estivales, très claires, ce qui fait ressortir leur teint un
peu basané, leurs magnifiques chevelures, leurs yeux noirs; les
hommes, surtout les fonctionnaires, souvent serrés dans une redin-
gote et, chose incroyable par une telle température, le cou étranglé
par un grand col droit et la tête coiHée du cérémonieux haut de
forme. Dans les magasins, commerçants et commis sont à la
besogne en bras de chemise. Partout des parfums sont dans l'air.
Dans notre pays un tel abus soulèverait la critique : il est néces-
saire ici, car on est trempé de sueur au moindre elTort.
Les maisons de commerce qui attirent cette foule sont souventde
vrais bazars. Les articles les plus divers y sont réunis: on y vend
des chapeaux, du linge, dos vêtements, des harmonicas, des boîtes
à musifiue et des montres. (A Manaos on rase même les clients
barbus dans une pièce adjacente.) Entîn, on ne néglige rien pour
que le client une fois entré vide toutes ses poches.
De juin à octobre, les affaires de di tail sont surtout locales et
suUisent à peine à couvrir les frais généraux. C'est de novembre à
mai que le commerce est le plus llorissant et le plus fructueux: le
travail de la gomme est alors suspendu et les seringueiros affluent
de l'intérieur avec un pécule de quelques centaines de milreis,
quelqi:efois davantage. Cet argent, dont le travailleur n'a pas
l'habitude, paraît lui brûler la poche et il se laisse aisément tenter
comme un enfant.
CKAHA KT AMAZOMK *Zho
Le quartier du commerce que nous venons de décrire est encore
occupé par les banques, les sociétés d'assurance, les bureaux des
courtiers de change et de fonds publics, des notaires et des avocats.
On y trouve aussi de nombreux hôtels, un marché, deux bassins
intérieurs et des jardins publics. Les banques anglaises et les
banques locales sont indispensables aux transactions avec Tétranger
€tsurla place même surtout dans ce pays où le capital circulant fait
défaut: en janvier-février, au Para, comme à Manaos, les négo-
ciants les plus importants et les ban(|ues sont sans numéraire, et
le gouvernement est obligé, pour ne pas entraver les affaires, de
recevoir, en paiement des droits, des promesses garanties par de
bonnes signatures. Les notaires et les sociétés d'assurance sont
encore un mécanisme principal de l'organisation économique. Les
crédits aux négociants et propriétaires de l'intérieur sont à longue
échéance (un an souvent quando Deus quizer) (1) et présentent
d'énormes risques. Une hypothèque et une assurance sur la vie au
profit du créancier diminuent l'aléa qu'offrent la probité, l'activité
et la santé du débiteur.
Qu'on nous permette ici une parenthèse pour signaler la géné-
ralité des tendances protectionnistes au Brésil. On a soumis les
sociétés d'assurance étrangères à des lois draconniennes et on ne
trouve plus ainsi que des conipagnies nationales. On connaît les
droits excessifs du tarif douanier brésilien. Le cabotage n'est plus
permis aux étrangers. Les voyageurs de co lunerce sont frappés de
tfixes municipales hors de toute proportion, souvent de 500 à
1,000 milreis: s'ils ne trouvaient le moyen de tronjper le fisc,
Hs acquitteraient en quelques mois de leur tournée une somme
considérable. Les municipes de l'Amazone, dont les autoritt^s sont
toujours les commerçants principaux, imposent aussi les colpor-
teurs d'une manière écrasante, (^lertains l^tats vont jusqu'à charger
de droits d'entrée les produits des États concurrents bien que ce
soit anticonstitutionnel. Le gouvernement brésilien devrait mettre
au plus tôt un terme à ce chaos, même s'il persiste dans la politique
de protection qu'il a suivie jusqu'ici.
Les hôtels, au l^n*a; ne sont que des maisons ordinaires aména-
gées tant bien que mal. Aussi, leur confort est-il très relatif pour
' l) Onniul Dieu le \ (nuira.
250 ÉTUDES COLONIALES
ce que rcj^arde le logement. Quanta la cuisine, elle n'est pas tou-
jours appétissante et les mets défient trop souvent les mâchoires
les plus robustes. Mais comme la demande dépasse Toffre, il faut
se résigner sans murmurer. De décembre à mai, l'encombrement
est excessif. Deux anses, oii une flottille de grands canots d'intérieur
s'échoue à marée basse, servent de marché concurremment à un
bâtiment spécial. Dans l'un des bassins, on débile le poisson, dans
l'autre les denrées du pays. Ils luttent sous le rapport des odeurs
nauséabondes que dégagent la vase et les détritus, et il est peu
compréhensible qu'une autorité aussi soucieuse de la santé
. publique que celle du Para laisse aux vautours et au courant du
fleuve le soin d'enlever les matières en putréfaction. Cet air pes-
tilentiel est pour quelque chose sans doute dans la prospérité
des guinguettes avoisinantes.
La ville du commerce est flanquée de quartiers rich<*^ et de
quartiers populaires. Les uns et les autres pénètreni loin dans la
campagne ou plutôt dans la forêt. On trouve, dans les premiers,-
de magnifiques avenues bien ombragées, plus belles que dans
aucune autre ville du Brésil, des habitations luxueuses, des villas.
La largeur des rues contraste ici avec les artères étroites de la
vieille ville où, comme partout où les Portugais ont construit,
deux charrettes ne peuvent bc croiser. Les quartiers populaires com-
prennent une partie de la vieille ville, des maisons de pierre, mais
surtout des agglomérations de chaumières en torchis: des habita-
tions moins sommaires les remplacent peu à peu. Toutes Ies<
artères de quelque importance sont sillonnées de rails. Les trams
passent fréquemment, presque toujours regorgeant de passagers.
De quelque distance qu'il s'agisse, le public s'empresse de se ser-
vir du tram qui lui procure un peu d'ombre et de ventilation ou
l'abrite de la pluie. II répond aussi merveilleusement à {'«aspiration
de farniente qui s'empare de tout le monde sous 1 équateur. Ou
comprend à merveille, après quelques années de séjour, l'oppor-
tunité du proverbe cabocio (paysan): « Plutôt assis que debout,
plutôt couché qu'assis, plutôt endormi que couché. »
Grâce à sa richesse, les distractions que Para présente sont plus
nombreuses que dans le reste du Brésil. Des troupes italiennes ou
nationales occupent le théâtre pendant presque toute la saison. On
peut se demander comment une assemblée nombreuse dans un
CKARA ET AMVZOME
257
espace confiné soit possible au Para : le théâtre de la Paix est bien
un modèle du genre pour ce qui concerne l'aération et le confort.
D'ailleurs, Thabitude des températures excessives permet bien des
extravagances. Chose presque incroyable, on danse énormément
dans les maisons particulières et dans les clubs. La bicyclette est
fort en honneur. Dans aucune ville du Brésil, nous n'avons rencon-
l'iwiAimN D cvrjnF.it (ama/.o.nki
tré comme au Para, une sorte de cours, un lieu de promenade
générale le soir. Lavenu^ de la Polvora correspond parfaitement
à nos boulevards centraux pour l'animation, les cafés, l'excellent
pavage de bois et de macadam, le luxe des lumières; elle leur est
bien supérieure par l'exubérance de sa végétation. On a installé
dans les terrains bordant l'avenue, des moulins à chevanx galop-
pants dont les jolies Paraëuses raffolent, grandes et petites. Leur
luxe laisse loin derrière lui le clinquant de ceux de nos foires. Les
258 KTLDHS COLOMALKS
exploitants ont fait une affaire d'or, mais le petit commerce se
plaint parce qu'une bonne partie du budget des familles de condi-
tion modeste passe dans cet amusement nouveau. L'été, pour jouir
de la fraîcheur des brises de mer et échapper aux conventions de
la vie citadine, les riches vont en villégiature à l^ènheiro ou à Mos-
queiro, petites localités à une et deux heures de vapeur de la capi-
tale et desservies tous les jours par des steamers; à Soure, sur la
côte de Marajo, que le bateau hebdomadaire atteint en six heures;
enthi sur la ligne ferrée de Bragança.
La presse compte deux journaux principaux : la Province du
Para et la Feuille du Nord, deux frères ennemis, très bien rédigés
et dont l'opinion est traitée à Rio avec beaucoup de considération.
Para est donc incontestablement une grande ville, et nous en
donnerons d'autres preuves encore. Sa population d'environ
100,000 habitants, augmente tous les jours. Les institutions utiles
et charitables sont nombreuses et l'Hôpital portugais a droit à une
mention toute spéciale. C'est un établissement vaste, propre, bien
outillé. Les sœurs de Sainte-Anne, italiennes ou brésiliennes, y
soignent les malades avec dévouement; les médecins les plus en
renom y sont attachés (I). Il faut rendre hommage à cet admi-
rable esprit de solidarité et de charité qui distingue la colonie por-
tugaise dans toutes les villes du Brésil. S'ils ont le défaut d'être
routiniers à l'extrême, il faut reconnaître que les Portugais sont
des travailleurs infatigables et que, quand ils sont riches, ils se
souviennent de leurs concitoyens pauvres venus, comme eux, pour
tenter la fortune.
Trois cents lieues environ séparent Manaos, la seconde capitale
amazonienne, de Para. Les trar.satlantiques remontent le fleuve
en trois jours et demi lors des basses eaux, et mettent de vingt-
quatre à trente-six heures en plus lors des crues, tant le courant
est alors rapide. Ce n'est donc pas un petit trajet, mais on le regarde
comme un déplacement très ordinaire. Les intérêts qui relient les
deux places rendent les voyages fréquents; il n'existe pas de grand
(1) Qu on nous pernietle (le témoigner ic-i notre rcconnnissunce à réminentpralicien
D'' SiUa Ilosado, ancien inlendant du Para, aux admirables sueurs de Sainte Anne, a
MMargucs, proviseur, à M. le consul Cliermont qui nous ont soigné et soutenu avec
ant d'abnc'gulion et de sympathie lors d'une atteinte de ficvrc jaune en décembre 1897,
CÉAIIA KT A.MAZO.MK 2oî>
centre dans rinlervalle,eldans un pays aussi vaste et aussi chaud,
tout se rapporte à des unités gigantesques. Manaos est à 1 â kilomètres
du confluent du Rio-Negro et de TAniazone. L'eau du Rio-iNcgro
est sombre, et il semble que ce fleuve reflète éternellement un ciel
d'orage. Aussi est-on bien aise de lui voir des rives si attrayantes.
Quand on jette l'ancre, la ville, qui garnit plusieurs collines, pré-
sente un aspect flatteur autiement pittoresque que Para, bâti sur
terrain plat. La baie qui constitue le port de Manaos est très ani-
mée, et on s'étonne de trouver à la ville un air si moderne. Manaos
s'est développée récemment, et les transformations qu'on lui a fait
subir ont provoqué de vraies épidémies de lièvre. Elle a certes
perdu au point de vue de la salubrité; mais rette situation tend à
s'améliorer et elle n'aurait que peu à envier à Para sous ce rapport
si elle disposait d'une alimentation meilleure.
Nous avons dit que Manaos progresse depuis peu. La cathédrale
toute blanche, sur une colline dominant la baie et précédée d'un
joli jardin, est vraiment imposante. Les rues qui l'environnent sont
larges et bordées de bâtisses toutes neuves : il ne reste plus de la
vieille villeque le quartier du grand connnerce. Plusieurs monuments
sont en construction, et ceux qui sont achevés, comme le théâtre,
inspirent un jugement très flatteur sur le bon goût des pouvoirs
publics. On a nivelé, on a pavé beaucoup de rues, et c'est un sin-
gulier spectacle que ces maisons dont le rez-de-chaussée est enterré
ou qui surgit à la hauteur du premier étage : les habitants ont
ainsi l'air de vivre dans, une cave ou dans un poulailler. Ailleurs,
la voie publique est éventrée, et il y a danger de s'enliser dans les
cloaques après une pluie. Avec la sensation d œuvre inachevée que
tout cela éveille, on éprouve la satisfaction de constater que par-
tout où on travaille, on poursuit sérieusement la tâche : le pavage
est excellent où il existe, les aplanissements sont bien exécutés, les
monuments solidement construits. Les progrès acquis sont impor-
tants : la distribution d'eau est plus régulière qu'à Para; les rues
ont un éclairage électrique supérieur et bientôt les particuliers
l'auront à domicile ; des tramways électriques — que Para ne con-
naît pas encore — circulent depuis juillet dernier. Les distractions
sont moins variées que dans la capitale voisine ; mais pourtant des
troupes d'élite, attirées par de larges subventions, animent iré-
buemment son théâtre. L'été dernier, par exemple, le public ama«
^CO KTinKS COÏ.OMALKS
ionien a pu apprécier le grand tragédien Giovanni Eucamule. On
s'explique que des troupes théâtrales étrangères rencontrent un
accueil si enthousiaste quand on sait que les Brésiliens d'une cer-
taine culture sont de remarquables polyglottes.
Il paraît bien loin ce temps où Manaos était la résidence des
gouverneurs impériaux à leurs débuts ou de fonctionnaires en
disgrôce. Manaos suit rapidement Para, si elle n'en a ni l'extension
ni l'importance. Sa population, d'environ 3,000 habitants, augmente
beaucoup lors du passage des gens de l'intérieur. Manaos marche
vite depuis que le gouvernement dispose de vastes ressources et que
l'Étal, dont il est la tête est toujours plus envahi. Comme dans les
autres États du Brésil, le gouvernement tire ses revenus des pro-
duits exportés. Or, l'État d'Amazonas est plus exploitable que le
Para : son territoire est plus étendu (1,900,000 kilomètres carrés
contre 1,100,000), son champ d'action utile occupe une surface
incomparablement plus vaste; dans le Para, les grands fleuves,
affluents de l'Amazone, sont tous coupés de cataractes près de leur
embouchure (1), ce qui restreint fort le peuplement et, par con-
séquent, le travail en amont des chutes. Supprimez les îles (2), et
l'Etat du Para voit ses revenus baisser de plus de la moitié. Les
rivières principales de l'Amazonas sont navigables par les hautes
eaux sur un long parcours. La production de gomme du Para se
chiffre par 8 à 9,000 tonnes; celle d'Amazonas dépasse 1 1 mille
tonnes. Il y a toujours progrès ici, et le premier chiffre se modifie
lentement. Les droits différentiels, favorisant l'exportation des
produits sur les transatlantiques à Manaos même, contribuent
aussi à donner plus d'essor à son commerce. Pourtant, si l'Etat
d'Amazonas encaisse des droits de sortie plus élevés, la cherté de
toutes choses rétablit l'équilibre. La main-d'œuvre est rare et
exigeante. L'expédition, la réception des marchandises sont coû-
teuses. La profondeur de la baie présente sans doute plus de
sécurité qu'à Para on les navires de haute nier se tiennent souvent
(1) Le Tocunliiis, le Vinger, le Tapajoz sont navigaiiles sui- 150 milles environ.
Le ManditM'C iVst sur 700 milles, le Purus sur 1,000 milles, par les basses eaux, sur
environ 3,000 milles en temps de crue, le Jurna sur 500 milles aux basses eaux, sur
!2,000 milles lors des pluies.
(2) Les îles produisent plus de (5,000 tonnes, soit plus dos deux tiere de la production
<le l'Etat du Para.
CKARA ET AMAZONIE 261
à une demi-lieue du rivîtge : à Manaos, ils accostent même à quai,
durant la crue maximum du Rio Negro. Le courant de ce fleuve est
presque insensible, tandis que la marée se montre à Para d'une
extrême violence. Mais les installations, la plage de débarquement
laissent beaucoup à désirer à Manaos. Le mouvement des mar-
chandises est pénible : les charrettes doivent gravir des rampes
abruptes, traverser des cloaques dont nous avons parlé; il n'est
pas étonnant qu'elles chargent à peine 300 kilos lorsqu'elles véhi-
culent, à Para, de 800 à 1 ,000 kilos sans difliculté. Ces causes d'infé-
riorité disparaissent; mais Para restera toujours le grand port de
mer. Les vapeurs qui pénètrent dans l'Amazone doivent y toucher :
les voiliers ne peuvent aller plus loin, le remorquage étant trop
onéreux; les capitaux y sont relativement abondants, les banques
nombreuses; Manaos dispose de bien peu de numéraire et les
exportateurs doivent eux-mêmes faire office de banquiers; le prix
des marchandises importées, comme celui des produits indigènes,
est plus avantageux au Para : le pirarucu, le guarana, le cacao sont
écoulés plus facilement, paroe que les grands acheteurs y résident
et se font concurrence; enfin, quelque multiples que soient les
communications de l'Amazonas avec la- côte, il n'en est pas moins
séparé du monde pendant trois, quatre et même sept jours parfois.
Le câble sous-fluvial, qui a fonctionné bien peu de temps sur toute
la ligne, est presque toujours interrompu et l'absence de contact
intime avec Para et l'Europe, l'incertitude sur le change et les prix,
donne aux affaires un caractère spéculatif des plus préjudiciables.
On est près de désespérer que ce fameux câble arrive jamais à
établir une liaison permanente dans l'Amazone. La compagnie
anglaise qui l'a posé a fait une expérience des plus risquées. Le
câble se rompt à tout moment par suite des mouvements du lit du
fleuve ; dans les ports intérieurs, les ancres le soulèvent parfois
et certains commandants trouvent plus simple de le couper. Les
deux vapeurs de la compagnie sont sans cesse au travail. On a
cherché à améliorer la ligne en la faisant passer dans les six lacs
parallèles à l'Amazone : jusqu'ici, ce changement n'a pas donné le
résultat espéré.
L'isolement de l'Amazonas, son éloignement de Rio — les vapeurs
du Lloyd mettent près de vingt jours à ce voyage — lui don-
nent une sorte d'indépendance. Les nouvelles n'arrivent que bien
2
262 KTL'DKS COLOMALRS
tard dans la capitale fédérale et elles sont alors entourées de ce
caractère incertain et nébuleux que portent toujours les choses
passées et éloignées. D'ailleurs, Tautonomie que garantit la Con-
stitution ne laisse que peu d'occasions au gouvernement central
de contrôler ou d'intervenir. Les petits coups d'Etat ont ainsi clé
assez fréquents, mais ils n'ont jamais eu de suites ])ien sanglantes
et les classes laborieuses leur sont toujours demeurées étrangères.
Si nous exceptons les deux capitales, il n'y a que trois ou quatre
centres de population qui marquent vraiment, encore Obidos San-
tarem, Alemquer, Parintins, n'ont-ils pas chacun 2,000 habitanis.
La navigation à vapeur, qui multiplie ses escales et pénètre davan-
tage dans l'intérieur ramène tout le trafic aux capitales. Le besoin
de points de ravitaillement ou d'expédition est ainsi très faible et les
anciens centres tombent en décadence. En temps de récolte, les
villages sont presque déseris : il y reste l'intendant, le curé —
quand il y en a — et quelques vieilles femme?.
Les éléments de la population (I) dans l'Amazonie consistent
dans les Indiens, les Cabalas ou Métis, les immigrés nationaux et
quelque peu les étrangers.
Les Indiens appartiennent aux tribus les plus diverses. Les
Maues et les Mandurueus, près de Tapajoz, sont doux, assez
tra\ ailleurs, et presque mêlés à la population civilisée. Les Indiens
du Uaupès et des autres affluents du Rio-Negro, comme ceux de
quelques autres fleuves amazoniens, se mettent souvent au service
d'exploitants de la gomme, puis s'en retournent chez eux ; ils ne
comprennent pas le portugais, faisant uniquement usage de leur
propre langue. En général, ils sont paresseux et buveurs, et beau-
coup de propriétaires n'en veulent pas « Indio é caro, mesuco de
graça ». « L'Indien est cher même pour rien », disent-ils. Cepen-
dant, les travailleurs indigènes du Béni sont plus actifs et plus
disciplinés; les jésuites ont fait autrefois leur éducation. L'impres-
sion qu'ils en ont reçue est telle qu'ils révèlent, d'eux-mêmes, au
patron ou au corregidor leur intention de faire un mauvais coup et
sollicitent un châtiment pour éloigner la tentation. Les tribus
hostiles préoccupent encore, dans certaines régions, les gens de
(1) Noiis n*avons pas entendu faire ici de reihnograpliic : notre but est csscnticUe'
ment pratique cl non scientifique.
CKARA ET AMAZONIE
2(i:j
Tintérieur. Leurs attaques sont la suite de leur caractère belli-
queux et pillard; souvent aussi elles résultent des avanies quon
leur fait subir.
A peu de dislance de Para, vers la frontière du Maranhao, des
sauvages assaillent parfois les établissements et coupent les fils
télégraphiques. Les habitants du Rio iVIachados sont célèbres
pour leur courage et leur férocité; ils renouvellent toutes les
années, lors des eaux basses, leurs incursions meurtrières jusqu'à
la rive droite du Madeira. Les Janaperys ont rendu un affluent du
lîio-Negro, très proche de Manaos, presque inaccessible. On parle
encore des Jamamadys, dès Ypuriuans du Purus. Ce sont là les
tribus les plus citées dans TAmazone.
l'A.VUKAMA I»K. ALKMyi KU (AMVZU.NE).
l'IlUT. oi.SKN F, Il AN/A.
On leur fait à toutes une réputation terrifiante, mais il faut, sans
doute, en rabattre. Un explorateur colombien que nous avons
connu à Manaos, M. Velez, nous renseignait la manière originale
dont il s'était tiré d'affaire dans une circonstance critique. Remon-
tant le Jary, il était tombé au milieu d'un parti d'Indiens aux
intentions équivoques. Velez, montrant son Winchester au chef,
tira quelques balles à 400, 600, 800 mètres : il* lui fît compendre
qu'on tuait les porcs avec ce joujou. Et pour achever d'impressionner
l'entourage, il décrocha délicatement un superbe râtelier. Les
Indiens, comme on l'imagine, le prirent pour sorcier.
Dans les malocas d'Indiens doux, le gouvernement installe sou-
vent un religieux ou un instituteur pour les instruire et les amener
264 ÉTUDES COLONIALES
graduellement à la clvilisalion. Les enfants indiens qu'on envoie
dans les villes meurent de langueur : aussi les pères français
ont-ils ti*ansporlé leur orphelinat à Teffé, petite localité de l'Ama-
zone.
Les caboclos ou métis sont répandus dans les endroits qui ont
été habités d'abord par les envahisseurs portugais : les bords de
l'Amazone même et quelques affluents. Ils sont surtout pècheui-s
et consentent rarement à s'interner dans les forêts pour recoller
la gomme : le gain les laisse presque indifférents.
Les immigrés nationnaux — surtout les ceareux — forment la
vraie population laborieuse; mais ils constituent un élément assez
flottant car le seringueiro aspire toujours à revoir son pays natal.
Rarement, il consent à se fixer dans les colonies que le gouverne-
ment lui ouvre.
L'Etat du Para surtout cherche à fixer ainsi sur son lerriloire
des populations agricoles. 11 a d'abord accueilli des Américains
lors dé la guerre de la Sécession ; à présent, il subventionne une
immigration espagnole. Aucune des colonies pourtant, ne parait
prospérer : les nationaux désertent pour les seringoes ; l'étranger
n'y demeure qu'autant que le gouvernement lui fournisse le vivre
et le couvert, et il ne défriche rien. Dès que cette tutelle fait
défaut, l'Espagnol préfère courir la ville, exerçant un métier quel-
conque. Il faut convenir aussi que le choix des colons, remplace- ,
ment des colonies, leur administration ofirent une large prise à la i
critique. j
Il est assez intéressant de constater que les femmes manquent |
ailleurs que dans les centres importants. La raison s'en trouve
probablement dans le fait que les émigrants sont célibataires ou
laissent leur famille au pays. Qiiand des patrons sont satisfaits de
l'activité d'un client, ils se font parfois adresser une femme sur sa
demande. Un de nos amis, grand propriétaire à Marajo, nous mon-
trait une lettre de son frère qui administrait les fermes et terminait
ainsi : ce Expédiez-moi tant de sucre,, de café, decachaça, de hari-
cots, et trois femmes du Maranhâo ». On confond ainsi le beau
sexe avec les denrées les plus vulgaires. Les destinataires, non
plus, ne sont pas bien difficiles. Quelle que soit la femme qui lui
arrive, le seringueiro ou le vaqueiro s'assure une société agréable
et une aide précieuse. La femme de classe inférieure déploie gêné-
ChlAUA ET AMAZOMK 265'
nitement plus d'activité, voire plus d'ardeur au travail que l'homme
môme. . .
La population, telle que nous venons de la décrire, comprend,
de 400,000 à 500,000 âmes pour le Para, de 150,000 à 200,000
pour TAmazonas, soit au total de 600,000 à 700,000 habitants.
Elle se trouve répartie sur un immense territoire de 3,000,000 de
kilomètres carrés, soit 100 fois la Belgique. Dans les coins les
plus reculés de l'Amazonie, on trouve des travailleurs, la culture
occupant un nombre de bras insignifiant : cela témoigne de la
grande dispersion des essences extractives.
Ces essences forment la vraie richesse du pays. Bien que l'ex-
portation dénote un progrès continu, elles sont encore relativement
peu travaillées. Avant de traiter cette question qu'on nous permette
quelques mots sur les autres exploitations.
La pêche est active sur la côte maritime et dans les lacs qui
accompagnent l'Amazone. Ceux qui s'y livrent sont les fils du pays :
nous avons déjà dit leurs préférences pour la vie sur l'eau. Dans les
lacs, on capture surtout le pirarucci, un grand poisson qu'on
sèche, et qui joue dans l'Amazone le rôle de la morue. Il est con«
sommé dans toute la région mais surtout dans les îles où la profon-
deur des eaux rend la pêche difficile. L'élevage du bétail est
pratiqué au Sud-Est de Marajo, dans les prairies du bas-Amazone
(de Santarim à Parintius) et dans les plaines du Rio-Branco. L'en-
semble ne donne pas 500,000 têtes et le poids moyen à l'abattoir
de Para est de 115 kil. : le poids de 150 kil. est considéré comme
un maximum respectable pour un bœuf. Il y a donc nécessité
absolue d'importer le bétail du Ceara et de Buenos-Ayres pour
Talimentation des villes. Dans l'intérieur, on mange généralement
la viande sèche, le poisson, les tortues quand on est à proximité
d une plage qu'elles fréquentent. Le gouvernement du Para et
celui d'Amazonas sont très préoccupés de trouver de nouvelles
prairies, mais à part les zones signalées, c'est presque toujours la
forêt : les prairies artificielles sont beaucoup trop coûteuses pour
qu'on recourre à ce moyen. On cultive la Cciune pour la distillation,
le manioc, le tabac dans le Selgado (1). Le cacao est récolté sur
les bords du Tocantins et du bas-Amazone : sa qualité est supé-
(I) 1.0 Pnra imuilimc au Sud dv Miirnjo.
268 KTIDES COLONIALES
Le patron relire son grand profit de la vente des marchandises.
Il les vend cher, mais, en revanche, il court grand risque quand
le débiteur n'a pas produit suffisamment de gomme ou tombe
malade. Lorsque l'ouvrier dispose d'un solde, le patron fournil
volontiers tout ce qu'il demande; il organise même des fêtes pour
poussera la dépense. Nous avons connu un juif de Tanger — beau-
coup sont établis dans 1 Amazone, — commerçant jusqu'au bout
des ongles, qui achetait des crucifix et des saints pour orner une
chapelle de sa propriété et quand le padre faisait sa tournée, il
l'invitait et le traitait largement. « Je retrouve tout cela, disait-il,
dans les fêtes, les mariages et les baptêmes. » Et, en effet, les
seringueiros invitent alors voisins et amis; ils achètent des vête-
ments, des souliers qu'ils gardent jusqu'à ce qu'ils soient en pièces,
des petites bouteilles de parfum, des pots de pommade qu'ils s'ap-
pliquent entiers sur la tête; ils font bombance : le bal assoifie tout
ce monde et la cachaça coule à pleins verres.
La vie de ces hommes n'est pourtant pas bien enviable. Ils
séjournent dans des forêts marécageuses; leur nourriture est
peu substantielle — toujours des conserves. Ils n'osent chasser
hors de l'estradra de crainte de se perdre, ce qui serait terrible;
les moustiques les assaillent nuit et jour, et il n'est possible de se
faire une idée de ce martyre que lorsqu'on la subi; leur travail
même, si simple qu'il paraisse, est pénible. Durant l'enfumage, la
chaleur du foyer leur brûle les jambes si le cône est en fer; la
fumée les rend parfois aveugles. Pour se guérir des fièvres, des
blessures, ils ne peuvent compter que sur des médicaments som-
maires : la quinine, la maravilha, le cachaçn, ces panacées uni-
verselles. De médecins à consulter, point. Le plus souvent, le
patron est le guérisseur. Il arrive même qu'il fonctionne comme
chirurgien. Un propriétaire nous contait qu'avec un ciseau de
menuisier, il avait amputé à un de ses hommes le doigt de pied
blessé par une épine et attaqué de gangrène.
Les régions les plus exploitées sont le Purus, le plus grand pro-
ducteur (4,000 tonnes), le Juma et le Madeira dans l'État d'Ama-
zonas; les Iles (6,000 tonnes) dans l'Etat du Para. La gomme la
plus estimée est celle du Madeira et de Bolivie, très sèche et bien
fabriquée.
Passons au cancho.
CÉARA ET AMAZONIE 2GD'
Limitée au Pérou, il n'y a pas bien longtemps, la production du
cancho s'est étendue à l'Amazonie brésilienne. La Montana (f),
battue en tous sens, l'envahissement du Brésil s'est fait peu à peu
par la traversée de terres fermes boisées qui séparent le cours supé-
rieur des affluents du haut Amazone. Cette incursion est tout pro-
fil pour le Brésil : les nationaux ne veulent pas dune exploitation
aussi risquée et aussi dure. Les patrons péruviens et leur per-
sonnel de métis n'ont ainsi frustré personne ; au contraire, ils ont
mis au jour une nouvelle richesse. D'ailleurs, les seringueiro
pénètrent à leur tour au Pérou. Il y a là une division naturelle du
travail suivant les aptitudes qui tourne au bénéfice des deux pays.
On recrute les cancheiros à Iquitos et dans d'autres centres. Ces.
travailleurs, demi-sauvages, nés dans la forêt, savent s'y diriger,
supporter l'isolement, les privations. Leur existence est pleine
d'imprévus ; mais le caractère mobile de leur race n'en veut pas
d'autre, et leur paresse se trouve presque satisfaite d'un travail
relativement facile. La tâche journalière est achevée vers 10 ou
H heures du matin. Le c^ncheiro n'a plus alors qu'à chasser et il
se repose ensuite dans sa baraque.
Nous avons observé que le cancho habile la terre ferme. Cela
signifie qu'il faut, pour le rencontrer, s'éloigner des rives basses
des fleuves amazoniens. Souvent les ouvriers doivent remonter
plusieurs jours un petit affluent pour trouver un endroit suffisam-
ment riche.. L'Indien emporte avec lui son fusil, de la poudre et
du plomb pour se procurer sa nourriture : Ja viande fraîche parle
davantage à son estomac que la corne suo^ du seringeo souvent
moisie. Le reste de son bagage comprend de la farine de manioc,
du sel ; quelques médicaments: la quinine, la maraviha ; enfin, ses
instruments de travail: la hache el le sabre d'abatis.
A l'endroit propice, il s'installe, c'est-à-dire qu'il se construit
une baraque rudimentaire dans laquelle il pourra tendre son hamac
à J'abri de la pluie.
Le voîci au travail. Les feuilles, toutes particulières, du cancho,.
emportées par le vent et qu'il découvre à terre, les longues racines
extérieures courant à 15 à 20 mètres du tronc, l'amertume du lait
quis'écoule à l'incision d'une écorce épaisse, c'est là ce qui leguide.
(I Pt'io» ci \ and us.
"ilO ÉTL'DtS CCLOMALES
Assuré de lespèce de Tarbre, il entaille les racines et recueille le
lait dans des calebasses; puis, il attaque le tronc à coups de haclie.
Si sa chute n est pas entravée par la végétation environnante,
larbre est vite ù terre, car le bois est faible. L'Indien pratique une
entaille circulaire ù la hauteur des branches pour empêcher la
fuite du lait vers les extrémités. 11 coupe Técorce de la même ma-
jiière de mètre en mètre, et sous chaque incision, il place une
écuelle qui reçoit le liquide. En deux heures, l'arbre est presque
épuisé. Le lait des calebasses est déversé dans une fosse. Le plus
souvent la capacité de celle-ci est telle qu'après le traitement,
louvrier en retire une planche de 50 à 00 kilos de cancho. 11 faut
de 5 à G jours pour obtenir cette quantité.
La coagulation se pratique quand la fosse est remplie. Contraire-
ment au lait de l'hevea, le cancho ne se solidilie pas naturellement
en masse. L'Indien y ajoute le suc d'une liane, la betilla, et du
savon. 11 brasse pendant deux heures environ et obtient une plan-
. che molle. En la pressant, il expulse une partie de son humidité;
la chaleur fait le reste.
Le lait a continué à suinter goutte à goutte des blessures et des
racines et s'est coagulé de lui-même. L'ouvrier laisse cette lenle
transformation se poursuivre durant la semaine: le dimanche, il
retire lamelles et morceiiux; il les triture en les lavant pour eu
retirer le bois et le sable, puis les roule en boules.
Le premier cancho a éié coagulé artificiellement. Il est tfès
poreux et renferme encore beaucoup d'eau. Il donne un gros
déchet en se desséchant; aussi certains cancheiros le tiennent-ils
dans l'eau jusqu'à l'expédition. Comme on a pu le remarquer, c'est
le plus abondant. On l'appelle cancho en planches.
Le deuxième cancho s'est solidifié par l'action lente du soleil: il
est plus sec et plus propre que le premier. On l'appelle sernamby
ou cancho en boules. Contrairement au sernamby de gomme, sa
qualité est plus appréciée et son prix plus élevé. H est vrai que le
sernamby de gomme renferme des impuretés ou n'a pas été anti-
septisé par la fumée.
Le Pérou n'exporte que 800 tonnes de cancho ; l'Amazonie brési-
lienne en expédie 1 ,âOO. Le principal producteur ici, c'est le Junii
qui entre dans ce dernier chiiïre pour les i?/3. Le Purus lui fera
concurrence et le dépassera dans un avenir très prochain.
CKAIU KT AMA/OME iM
La supériorité de la jçonime élastique sur le canclio s affirme dans
la quantité expédiée comme dans le prix : on envoie plus de
20,000 tonnes de la première, soit dix fois autant.
Pour transporter le personnel, les provisions et enlever au
retour les produits dont nous venons de parler, une vraie Hotte
sillonne les fleuves. 106 steamers de 250 à 300 tonnes relèvent de
la place de Para. Le nombre de ceux qui ont Manàos pour port
d allache est considérable. Beaucoup d'affluents peu profonds sont
desservis par des clialoupes à vapeur. Chaque année des bâtiments
nouveaux augmentent l'intensité du trallc.
Les vapeurs côtiers du Lloyd et du Maranhào apportent chaque
semaine dans TAmazone des travailleurs et des articles d'alimen-
tation.
Quatre compagnies dont deux anglaises, une italienne et une
portugaise assurent les communications avec l'Europe et avec
New- York.
Les inconvénients du climat amazonien sont sérieux. Us ne lèus-
sissent pourtant pas ù entraver l'essor de cette immense contrée.
Tous les ans, la population augmente, les affluents perdus se
découvrent et sont mis en exploitation, et la production grandit.
Nous ne resterons pas plus indifférents ici que nous l'avons été
dans les autres parties du monde. Ce pays neuf, si richement doté
par la nature, nous ouvre |des voies nombreuses pour employer
fructueusement nos capitaux ; il nous présente aussi des enseigne-
ments précieux pour nos. entreprises coloniales,
D. GUILMOÏ
l.ICKNCIÉ EN SCIENCES COMMEIICJALES
LE
CaoutcJ)ouc au Guaten)ala
■y^f^^-* ♦ —
I^ notice qui suit est la traduction d'une étude de M. José Hoita, reproduite en annexe
de l'ouvrage de M. Morren sur le Guatemala. O travail avait été fait à la demande du
gouvernement de ce pays, en vue de favoriser Tintroduction d*une cuKure rémuDcratrice.
Nous avons écarté de notre traduction tout ce qui D*avait pas le caractère de renseigne-
ments spéciaux à la région.*
Description. — Au Guatemala se trouve à lelat sauvage le
Castilloa elastica (un Artocarpus), qui occupe une zone très éten-
due dans toute rAmérique centrale; le caoutchouc fourni par cet
arbre est un des meilleurs, des plus précieux pour Tinduslrie.
Le Castilloa elastica est un arbre élancé, avec une écorce lisse,
mate, d'un vert blanchâtre. A une hauteur de 15 à 20 varas
(lâ^SO à IG^TS) au-dessus du sol, sortent du tronc de grandes
branchçs à peu près horizontales, d'où pendent régulièrement deux
rangées de grandes feuilles ovales, à bords lisses non dentelés.
L'arbre à peu de branches; ses fleurs sont blanches et le fruit
consiste en trois amandes réunies en une grappe.
Le latex, d'où l'on retire le caoutchouc du commerce, se trouve
principalement dans des vaisseaux qui séparent l'écorce de la por-
lion ligneuse du tronc. Cette zone vasculaire est d'ailleurs la région
vitale de l'arbre. C'est pourquoi il est nécessaire, en entaillant
l'écorce pour la récolte, de procéder soigneusement, selon la
méthode décrite ci-après.
Le latex contient plus ou moins d'eau, selon l'époque de la
récolte. On peut compter, comme chiffre moyen, sur 60 p. c. d'éau
et d'autres substances et 40 p.c. de produit utilisable, dont approxi-
mativement 33 p. c. de caoutchouc de qualité supérieure.
LE CVOUTCIIOLC AU (ilAÏEMALA 273
Importance de la culture. — 11 y a peu d'années encore, le
caoutchouc apporté sur les marchés provenait des forêts vierges
d'Amérique et d'Afrique. La demande du produit a été sans cesse
augmentée par une consommation industrielle de plus en plus
grande. Les prix élevés que le caoutchouc a atteints et qui s'élèvent
jusqu'à plus d un dollar par livre (460 grammes), ont entraîné une
exploitation à outrance, qui menace de destruction les espèces
productrices, jusque dans les forêts les plus éloignées.
Il semble donc que le moment est venu de songer sérieusement
à une culture systématique et régulière du caoutchouc; cette cul-
ture sera toujours avantageuse si l'on compare ses frais de produc-
tion à ceux de la récolte dans des forêts éloignées, dont l'accès est
difficile et même dangereux.
Culture. — Le climat le mieux approprié pour la culture du
caoutchouc est le climat chaud de la côte, offrant une température
moyenne de 25 à 35 degrés centigrades et une hauteur de 0 à
1 ,500 pieds au-dessus du niveau de la mer.
Le sol doit être humide, profond et léger. Ni argile, ni pierres.
Le castilloa ne doit pas être planté au soleil. M. Romero paraît
professer l'opinion contraire; nous pensons que c'est une erreur,
et nous fondons notre opinion sur :
a) La nature de l'arbre à caoutchouc même ;
b) Les essais faits à Guatemala, depuis l'année 187â ;
c) La considération que, si l'on plante à l'ombre, on est absolu-
ment certain d'un résultat satisfaisant.
Examinons ces trois points en détail.
a) Si l'arbre, à l'état sauvage, cherche déjà dans les forêts
l'ombre d'arbres plus grands, c'est que par cette protection il se
trouve dans de meilleures conditions pour son développement et
rélaboration de sa sève.
Nous n'a\ons pas l'intention de donner ici une étude physiolo-
gique détaillée de larbre à caoutchouc, mais nous pouvons nous
contenter de celte remarque que les feuilles ne sont pas persis-
tantes, qu'elles n'offrent pas beaucoup de résistance contre le
soleil, et que la nature de leur surface ne s'oppose j^as à l'évapo-
ration de la sève. Il est clair que par le manque d'ombre les
feuilles donnent lieu à une évaporalion extraordinaire, qui doit
exercer une influence nuisible sur la production en latex de l'arbre.
kti:im:s coloniales
Même en accordant que le sol sera peu à peu recouvert par les
feuilles tombées, nous ne croyons pas que celte circonstance suf-
fise pour rétablir l'équilibre entre l'absorption d'humidité par les
racines et l'exhalaison par les feuilles.
On ne doit pas oublier d'ailleurs que sur la côte de locéan
Pacifique règne une sécheresse de six mois consécutifs, état de
choses très défavorable pour les plantations au soleil.
Si le caoutchouquier a besoin d'une atmosphère chargée d'humi-
dité, on ne doit pas supposer qu'il se développera s'il ne jouit pas
d'une quantité suffisante d'air respirable. Un ombrage bas et épais
empêche l'arbre d'élaborer les matériaux nécessaires à sa crois-
sance.
Laissez au caoutcliouquicr un ombrage élevé et bien divisé,
sans taillis ni broussailles, assurez la circulation de l'air et vous
obtiendrez des arbres sains et forts, qui se développeront rapide-
dement, vivroni longtemps et produiront en abondance;
b) La pratique au Guatemala a appris que les arbres ne peuvent
bien se développer au soleil, ni donner une quantité satisfaisante
de produit. A Tabosco, Chiapas et Belize, plusieurs entreprises
ont, pour la même raison, fait des expériences désagréables ;
c) Plantant à l'ombre, il sera toujours facile de diminuer l'om-
brage, si les circonstances particulières du terrain le demandent,
tandis qu'il est impossible de créer de l'ombre après coup.
Nous croyons devoir faire remarquer ici que le mode de culture
recommandé par quelques-uns, qui consiste à planter les arbres à
caoutchouc au soleil et à l'utiliser comme arbre d'ombrage pour
le café et le cacao, est tout à fait inutile. Cette manière de faire a,
d'après des informations dignes de foi, donné de très mauvais
résultats à Tabasco, à Belize (el Cayo), et même dans ce pays
(Quirigux, Zapote). Dans quelques cas on fut obligé d'abattre les
oaoutchouquiers et de les remplacer par des essences mieux appro-
priées (le Caslilloa ne convient pas comme arbre d'ombrage, aussi
bien à cause de ses feuilles que de ses racines); dans d'autres cas,
toute la plantation a dû être abandonnée définitivement.
C'est une méprise que de vouloir cultiver ensemble ces plantes,
qui, comme le café et le caoutchouc, ont des exigences différentes
pour le climat, le sol et l'atmosphère. Le résultat est qu'aucun des
deux végétaux ne se trouve dans les conditions favorables à son
X 0.
ai
o
i2T0 ETUDES COLOM.VLES
développement. En outre, le caoutchouc est si avantageux et d une
valeur si supérieure à celle du café ou du cacao, qu'il mérite d'être
•considéré, non comme un accessoire, mais comme une culture
principale.
Par la culture du caoutchouc, le planteur obtiendra certaine-
ment de meilleurs résultats avec moins de travail et plus de sécu-
rité, que s'il suivait les conseils de ceux qui recommandent les
•cultures mixtes.
Si Ton est appelé à diriger une plantation mixte, il faudra traiter
le caoutchouc comme culture principale, le cacao ou le café comme
accessoire; mais on ne peuf, dans ces conditions, espérer qu'une
production inférieure à la moyenne.
11 nous semble que la culture combinée de la vanille serait
beaucoup plus recommandable, en employant pour soutiens des
tiges grimpantes de la vanille les arbres qui ombragent le caout-
chouc; à la condition de pouvoir compter sur des travailleurs
<îapables, pour l'entretien et la préparation des fruits.
Recommander la plantation à l'ombre, dans un pays aussi riche
en forêts vierges que le Guatemala, revient à conseiller de planter
€n terrain déboisé. 11 existe des milliers de caballerias, où il sérail
suffisant d'éclaircir les bois (abattre partiellement et couper les
Lasses branches et le taillis avec le machete}, pour obtenir un ter-
rain approprié, ombragé et jouissant d'une circulation d'air suffi-
sante, conditions de la plus grande importance pour la culture du
caoutchouc.
Les arbres et plantes coupés doivent être dispersés sur le sol de
manière à les recouvrir comme un manteau, ils empêchent ainsi lo
retour rapide de la mauvaise herbe, et augmentent par leur décom-
position la richesse du sol en matières organiques.
L'endroit où l'on désire planter un arbre à caoutchouc doit être
•entièrement nettoyé sur un espace d'au moins une vara (0*"85) de
diamètre, et l'arbre planté au milieu de cet emplacement
Nous conseillons la plantation au moyen de rejetons semés en
pépinières, parce que l'on obtient par là des résultais incompara-
blement meilleurs que de boutures ou de semis sur place. La
pépinière doit être établie dans un sol humide, ombragé et bien
travaillé où les graines, que l'on recueille ici en mars et en avril,
sont mises en terre à un pied (28 centimètres), de distance l'une
^e l'autre.
LE CAOnCHOrC AU GUATEMALA 277
La graine est semée telle qu'elle est récoltée, avec le péricarpe;
le lavage pourrait nuire au développement ultérieur de la plante et
même nuire à la germination.
Après être restées un an en pépinière, les jeunes arbres, qui
auront une hauteur d'environ un pied et demi (42 centimètres),
seront enlevés avec le plus grand soin (de préférence avec une
motte de terre) et replantés à leur emplacement définitif.
Le semis en pépinière présente d'autre avantages :
A. Economie. — Durant la première année les soins d'entre-
lien se bornent à une très petite surface, tandis qu'en opérant
autrement, tout le terrain doit être nettoyé. M. Romero se trompe
en croyant que ces soins ne sont pas nécessaires. Le caoutchouc-
quier ne pourrait sans cela vaincre la vigoureuse végétation de la
côte;
B. On peut réunir à peu de frais un grand nombre de plants
sur une pépinière, et choisir les plus sains et les mieux déve-
loppés ;
C. La perte sera beaucoup moins grande;
D. L'expérience a démontré que la propagation par boutures,
bien que la croissance soit plus rapide, ne donne jamais une plan-
tation régulière, et que la tige ne pousse pas droit comme il
convient.
En résumé, nous pourrons recommander la plantation en pépi-
nières pour 1 économie, la possibilité de choisir les meilleurs
plants et l'exploitation fructueuse pendant une série d'années.
La plus petite distance que l'on puisse laisser entre les pieds de
caoutchouquier est de six varas (5 mètres) ; il faut les planter
autant que possible en ligne droite si les arbres d'ombrage le per-
mettent ; il serait encore préférable de fixer la distance à huit ou
dix varas (e^TO à 8"40).
Bien que la plantation, comme nous l'avons dit, soit ombragée,
il est cependant nécessaire que les arbres à caoutchouc puissent
tirer parti de tous les éléments nutritifs du sol, sans devoir les
partager avec le taillis et la végétation sauvage. Il sera donc indis-
pensable de procéder, trois ou quatre fois, pendant chacune des
deux premières années, à un nettoyage du terrain, qui consiste
principalement à abattre avec le machete les rejetons qui repa-
raissent. Une fausse économie en fait d'entretien conduira infailli-
278 ÉTUDES COLONIALES
blement à un retard dans Taccroissennent des arbres. La troisième
et la quatrième année, on se borne à deux ou trois nettoyages
et, à partir de la cinquième année, un seul est suffisant jusqu'à
ce que les arbres soient assez développés pour étouffer la végéta-
tion parasite.
M. Romero fixe l'époque où le caoutchouquier donne son pre-
mier produit à la sixième année. Nous estimons ce délai beaucoup
trop court, et nous croyons qu'il serait dangereux pour la réussite
d'une plantation de faire de grandes incisions à des arbres de cet
âge. La tige de l'arbre doit avoir, avant que l'exploitation com-
mence, au moins 12 pulgados (28 centimètres) de diamètre, et une
hauteur de 12 à 15 varas (10 mètres à 12"50), ce qui demande
neuf ou dix ans.
Produit. — Nous nous croyons obligés de réduire considéra-
blement les chiffres de production de M. Roméro (trois livres ou
1 kil. 80 à partir de la sixième année), mais'en admettant même
une production beaucoup moindre, la culture du caoutchouc res-
terait une affaire brillante. Il nous semble que cet auteur a pris
pour la règle le produit extraordinaire d'un seul arbre dans des
circonstances particulièrement favorables.
Notre expérience personnelle, appuyée de celle des meilleurs
agronomes, nous a appris que le latex peut être tiré de l'arbre
deux fois par an, environ deux mois après le début de la saison
des pluies et vers la fin de celte saison; le meilleur moment est
celui où l'arbre vient de laisser tomber ses feuilles ; c'est alors que
la sève est la plus active et abondante.
Un arbre planté dans de bonnes conditions et bien soigné don-
nera, à partir de la neuvième ou de la dixième année un produit
annuel d'une livre (0 kil. 460) de caoutchouc, représentant 2 1/2 ou
3 livres de sève.
Si les agronomes donnaient plus d'attention à l'étude de la nature,
des conditions de vie, etc., de l'arbre à caoutchouc, il semble que
son produit pourrait être fort augmenté.
Extraction du caoutchouc. — Jusqu'à présent, la coutume
au Guatemala a été de faire avec le machete des incisions en forme
de petits canaux, larges de trois quarts de pulgada 17 1/2 milli-
mètres), qui reçoivent le latex provenant des vaisseaux sous
1 ecorce. Dans d'autres pays, par exemple dans les Indes Oricn-
LE CAOUTCHOUC AU GUATEMALA 279
taies, on emploie une espèce de couteau droit, avec lequel on peut
faire des entailles plus nettes et mieux dirigées.
Pour obtenir une bonne quantité de latex, il ne suffit pas de
faire une seule incision au pied du tronc, car les vaisseaux ne sont
pas assez bons conducteurs pour réunir tout le suc sur un seul
point en peu de temps. De plus, le caoutchouc lui-même empê-
chera lecoulement de continuer en se coagulant sur la plaie.
En outre, il est peu recommandable de couvrir le pied de Tarbre
de blessures sans méthode et sans ordre.
Une précaution importante à observer en faisant les entailles,
est de conserver Técorce intacte dans une zone verticale continue
sur toute la hauteur de Tarbre, attendu que si les vaisseaux, qui
sont indispensables à la circulation vitale, étaient coupés sur tout
le périmètre (même par portions et à des hauteurs différentes)
l'arbre périrait en peu de jours.
Pour éviter ce danger et ne pas interrompre par les incisions la
circulation de la sève, nous avons vu appliquer les deux méthodes
suivantes :
P A partir d'une certaine hauteur au-dessus du pied, on pra-
tique des incisions distantes d'un mètre ou d'un mètre et quart,
jusqu'à deux mètres au-dessous des branches inférieures. Chaque
incision est formée de deux entailles symétriques, inclinées à
45 degrés, qui embrassent ensemble les deux tiers du contour du
tronc, et se réunissent par leur base en forme de chevron renversé.
Les points de jonction de chaque couple d'entailles doivent être
placés en ligne droite les uns au-dessus des autres, pour que le
latex qui découle des diverses incisions se réunisse sur la plus
basse, où il sera recueilli comme il est dit plus loin ;
2o Les incisions sont faites à la même hauteur que dans la pre-
mière méthode, mais elles sont continues et consistent en lignes se
recroisant à angles droits, en ayant soin que ces entailles n'inté-
ressent que les deux tiers de la surface du tronc, laissant le tiers
restant de l'écorce intact. Dans les deux cas, la zone d'écorce
épargnée conservera la^ vitalité de l'arbre.
Il est inutile et même dangereux de faire des incisions assez
profondes pour pénétrer jusqu'au bois. Au contraire, il faut veiller
avec soin à ce que les vaisseaux qui sont les plus rapprochés du
bois restent intacts, à fin d'obtenir la reconstitution presque immé-
diate de l'écorce entamée.
280 KTUDES COLONIALES
Pour faire les incisions aux différentes hauteurs du tronc, on
peut employer plusieurs procédés. Nous avons vu des ouvriers
opérer très facilement au Nicaragua, au moyen d'une corde dont
ils entouraient à la fois leur corps et le tronc de l'arbre.
La sève recueillie au point de l'incision inférieure où elle se
réunit, est conduite par une rigole de bois, de métal ou de pierre
dans un récipient en bois ou en maçonnerie.
Le produit obtenu de cette manière doit être coagulé et durci
pour être livré au commerce. Cette partie de la préparation mérite
une étude attentive, parce que l'on n'est pas d'accord sur la
manière la plus sûre et la plus satisfaisante d'obtenir le résultat
désirable.
Nous nous bornons à Tindication brève des principaux procédés
que nous avons vu employer ;
V La manière la plus simple consiste à recueillir le latex dans
un bac ou un récipient quelconque, ou même dans une excavation
creusée dans le sol (ce qui diminue d'ailleurs beaucoup la valeur du
caoutchouc), et à. employer pour la coagulation le suc extrait des
feuilles de la liane appelée Quiebra-Cajete;
2" On peut, en outre, faire usage d'alun, qui exerce sur la sève
une action très rapide ;
3"* L'évaporation de l'eau renfermée dans le latex peut être obte-
nue au moyen du feu, en ayant soin que la fumée ne donne pas une
mauvaise couleur au caoutchouc.
Par solution et pression : on mélange la sève avec de l'eau, on
la décante après repos et l'on répète cette opération jusqu'à ce
qu'il ne reste plus d'impuretés.
Le caoutchouc obtenu après ces lavages répétés, et qui a l'aspect
d'une masse spongieuse, est mis sous une presse qui expulse l'eau.
On obtient par ce moyen un produit blanc de qualité supérieure,
qui doit être séché à l'ombre, de peur qu'il ne s'attache à la sui-
face de la moisissure, ce qui diminuerait la valeur marchande du
produit.
Frais et produit probables d'une plantation. — Les calculs
qui suivent sont nécessairement incomplets et approximatifs, car
les frais dépendent en grande partie du coût des terrains, du plus
ou moins de facilité à se procurer la main-d'œuvre, du mode de
payement (à la tâche, par jour, avec avance, etc.), de la dislance à
LE CAOUTGHOIC AU GlATEMALA
laquelle sont plantés les arbres, de la culture exclusive du caout-
chouc ou de la présence de cultures accessoires et de nombreux
autres facteurs qui modifieront les frais éventuels.
Les chiffres que nous donnons ici ne prétendent donc pas à
l'exactitude absolue; mais pourront servir de guide pour le
planteur.
Admettons que les arbres soient plantés à 6'"70 de distance (1);
chaque arbre occupe donc une surface d'environ 44'"^ 89 (y com-
pris l'espace occupé parles arbres d'ombrage), que nous croyons
nécessaire pour un développement convenable ; il existe, par con-
séquent, 222 arbres par hectare.
Nous estimerons les terrains à 400 dollars par caballeria (envi-
ron 45 hectares) ; ce prix est élevé, car on peut trouver au Guate-
mala des terrains bien situés à meilleur marché, mais nous avons
admis le prix moyen (frais de mesurage compris), auquel le
gouvernement met en vente ses terres d'après les dispositions
actuellement en vigueur. Nous avons donc :
Achat de terrain par hectare 11. H.OO
Clôtures 17.83
Pépinières pour 22:2 planls, déchet compris 2.80
Préparation du sol et de Tombrage, par hectare. . . . 14.30
Plantation de 222 arbres 5.24
Entretien la première année, quatre nettoyages du sol. . 28.87
Idem la seconde année, trois fois 21.43
Idem la troisième année, deux fois 1i.30
Idem les quatrième, cinquième et sixième années,
une fois 21.43
Intérêts à 10 p. c. du capital engagé durant 10 ans. . . ! 14.93
Direction, administration et frais imprévus (par hectare) . 48.15
Coût total d'une plantation de dix années avec 222 pieds, fl. 300.00
On voit par le calcul ci-dessus que pour une plantation de
100,000 pieds il faut environ 450 hectares de terrain, outre la
surface nécessaire pour les constructions et dépendances, et que
les frais de cette plantation s'élèveront à peu près à 135,000 flo-
(I) Le traducteur hollandais a converti les mesures iocaies en mesures métriques, et
les monnaies en AoriDS.
Nous a>ons conservé ses chiffres.
284 ÉTUDES COLONIALES
Budget local. — Cette colonie ne reçoit aucun subside de la
Métropole; au contraire, elle lui rapporte. Les recettes et les dépenses
pour Î898 étaient évaluées à 51,881 livres, dont 10,000 livres étaient
consacrées aux travaux publics.
Considérations générales. — Les obstacles les plus sérieux au
développement de la colonie résident dans le manque de moyens de
communication, et dans le manque de population; celle-ci peut être
évaluée à neuf habitants par kilomètre carré. Cependant, en général,
la situation au point de vue économique est satisfaisante. Bonduku
est devenu un centre important pour le connnerce entre le Soudan et
la Cote. En déc<îmbre 1898, 226 caravanes avec 333 charges, dont
330 de caoutchouc et 5 d'ivoire ont passé par Assikasso. Quoique la
colonie porte le nom de Côte d'ivoire, les exportations de ce produit
sont peu considérables.
Caoutchouc. — En ce qui concerne le caoutchouc, il semble que
l'exportation de ce produit va doubler cette année. Cette augmentation
dans l'exportation de ce produit est due à la méthode employée, qui
ne détruit plus les arbres ou lianes à caoutchouc.
Or. — On espère que, dans l'avenir, l'exportation de la poudre d'or
ira en augmentant. On peut cependant se demander si l'or se trouve
en quantités suflisantes pour assurer une exploitation rémunératrice.
Il semble que les firmes françaises aient une tendance à supplanter
les autres firmes étrangères et nous pouvons citer, comme exemple, le
cas de la Compagnie française l'Ouest-Africain qui vient de reprendre
les affaires d'une ancienne firme anglaise. Une reste plus actuellement
que trois maisons anglaises. 11 est intéressant de signaler qu'il y a plu-
sieurs importants négociants indigènes qui font le commerce de bois
d'acajou et qui traitent directement avec l'Europe.
Valeur des importations en 1892 et en 1897. — Ces importa-
tions en 1892 se chiffraient par 78,399 livres, dont 7,204 livres pour
la France et 71,195 pour les autres pays.
En 1897, les importations s'élevaient à 185,893 livres. La France
figurait dans ce chiffre pour 27,908 livres, soit une augmentation de
1,804 livres en six ans, et les pays étrangers pour 157,985 livres avec
une augmentation de 86,790 livres.
Selon « la Quinzaine coloniale» le total des importations, en 1898,
était de 221,732 livres, soit une augmentation de 35,000 livres.
Valeur des exportations en 1892 et en 1897. — En 1892, le
chiffre des exportations était de 148,068 livres, dont 55,958 livres vers
la France et 92,110 livres vers les autres pays.
En 1897, le commerce s'était élevé à 186,876 livres. La part de la
LE RAPPORT SLR LES COLONIES FRANl'.AISES
m'y
France était de 98,848 livres, soit une augnienlation do 32,81)0 livres
sur les chiffres de 1892, et pour les autres pays 98,028 livres, soit une
augmentation de 5,918 livres.
AI.I.KK f)ES r.OCOTIFnS A l.inRKVIM.E.
n.inif: m: m. m; «ommandwi momiiwi
Tarifs douaniers. — La plupart des produits élrangers payent
10 p. i*. ad valorem; certains articles tels les fantaisies, les inaro(|uine-
ries et les vêlements payent 3 p. c. ad valorem. 11 y a une exception
:28(î ÉTUDES COLONIALKS
importante pour la coutellerie, les outils, la quincaillerie et le tabac
(\m payent respectivement 25, 15, 12 et 10 francs par 100 kilos.
Frets. — Les frets pratiqués de Marseille à Grand-Bassani sont de
*J5 francs plus 10 p. c. par mètre cube pour les liquides, et 40 francs
plus 10 p. c par mètre cube pour les tissus.
DAHOMEY
Le décret du 22 juin 1894 érigea le Dahomey en colonie distincte
des autres possessions françaises de la côte d'Afrique, bien qu'une
partie de ce territoire ait été sous la domination française depuis un
temps considérable. Whydah, la capitale actuelle et le principal centre
commercial de la colonie, n'était jadis qu'un comptoir commercial;
l'intérieur du pays ne fut placé sous la domination française qu'à la
suite de l'expédition de 1893, contre le roi de Dahomey.
Frontières. — La colonie est située entre les colonies de Togo ;i
l'Ouest et de Lagos à l'Est. A l'intérieur elle s'étend jusqu'aux terri-
toires du Haut-Niger par suite de l'annexion à la colonie d'une partie
des territoires de Liptako et de Say, précédemment rattachés au
Soudan.
Principales villes. — Le pays paraît très peuplé; Abomey compte
()0,000 habitants; Adjura 50,000; Kana 25,000; Wydah 15,000. Le
port principal est Kotonou qui possède depuis un certain nombre
d'années un wharf, qui permet de supprimer les inconvénients résul-
tant de la Barre.
Chemin de fer de Kotonou au Niger. — Le principal projet
intéressant le développement économique de la colonie est la mise à
l'étude d'un chemin de fer destiné à relier Kotonou au Niger via Gar-
ni )tvi lie et Nikki.
Le gouvernement français possédera donc prochainement plusieui^s
lignes de chemin de fer reliant ses ports de la cote d'Afrique au grand
fleuve.
Nombre de fonctionnaires. — Le nombre de fonctionnaires est
de 553, dont 45 pour les services administratifs. La force publique se
compose d'un corps de milice locale.
11 y a 21 colons étrangers et 12 Français.
Situation financière. — Au point de vue financier, la colonie
supporte toutes ses dépenses et ne reçoit aucune subvention de la
LE RAPPORT SLR LKS COLONIES FRANÇAISES
287
métropole. Les dépenses locales pour 1898 se chiflVaient par 74 iftillc
653 livres, dont 9,000 livres pour les travaux publics. Les recettes ne
«ouvrant pas rentiôreté des dépenses, on a dû prendre o,9i0 livres sur
le fonds de réserve.
Valeur des importations en 1892 et 1897. — Le commerce
s'est rapidement augmenté à l'importation depuis 4892, date à
laquelle furent dressées les premières statistiques. A ce moment, le
•^
i:.NK RIIK IIE LIUIŒMLI.K
«•.I.lCHft DE M. M, COMM V.M»\NT MONTIIAYK
mouvement commercial à l'importation était de SoiJoG livres, dont
72,747 livres de marchandises d'origine française et 182,012 livres
d'origine étrangère. En 1897, sur un total de 327,452 livres, les impor-
tations de France et de ses colonies étaient de 116,073 livres, soit une
augmentation de 43,328 livres, et les importations des autres pays
210,377 livres, soit une augmentation de 28,305 livres. On remar-
quera qu'au cours de cette période, l'augmentation des importations
s'est faite en grande 'i)artie au profit de la mère patrie.
Valeur des exportations en 1892 et 1897. — En 1892, les
exportations étaient évaluées à 287,521 livres. Les produits en desti-
nation de France ou de ses colonies représentaient une valeur de
•63,320 li\Tes, ceux envoyés vers les autres pays, 224,201 livres.
Après avoir progressé rapidement jusqu'en 189G, les exportations
288 KTIDKS COLONIALES
sont en légrrc diminution on 1890 et 1897 et se chiffrent par 248 mille
863 livres, dont 60,502 livres pour Iji France et ses colonies en dimi-
nution de 2,818 livres avec 1892 et pour les autrespays 1<)8,î^63 livres
en diminution de 55,838 livres.
Mouvement maritime. — Le nonibre de navires entrés dans l(»s
ports du Dahomey est de i83 en 1898, dont 1 1 1 sous pavillon français,
133 sous pavillon anglais, ir>6 sous pavillon allemand et 25 sous
pavillon italien.
Droit de douane. — En général, les droits de douane sont de
i p. c. ad valore^n; il va cependant quelques exceptions, noUuimient
pour les tissus, qui paient îJO centimes, et le tabac, qui paie 35 cen-
times au kilo.
Frets. — Les frets sont de Marseille à Kotonou, pour les liquides,
35 francs par mètre cube, et pour les tissus, 50 francs par mètre cube.
CONGO FRANÇAIS
Les colonies du (iabon et du C.ongo furent réunies par décret du
3 mai 1891 sous le nom de « (iongo Français » Si on y comprend la
région de TOubanghi supérieur qui, depuis 189t, a élé séparé pour
des raisons administratives, c^tte colonie doit être rangée parmi les
plus importantes possessions francais(»s.
Frontières. — Au Nord, la colonie est limitée par le Kamerun, au
Sud par l'Etat Indépendant du Congo, à Tintérieur du pays, sa fron-
tière est délimitée par le cours de TOubanghi et les limites arrêtées
par la convention du 21 mars 1899 réglant la sphère d'influence anglaise
et française.
Population. — Ouoiqu*aucun recensement n'ait été fait on admet
généralement que la population peut être estimée à 5,000,000 d'habi-
tants.
Principaux centres. — La capitale et le siège du gouvernement
est Libreville situé à la cole Xord du (iabon. En I89i, la ville avait
une population de i,700 habitants, y compris environ 200 Européens.
Les autres villes de la côte sont :
Cette Cama et Loango. Cette dernière localité était le point de départ
des caravan(»s vers Brazzaville, le poste français le plus important de
l'intérieur du pays.
Nombre de fonctionnaires. — Le nombre de fonctionnaires est
de 580 dont til occupant des emplois administratifs. La force publi-
oc:
-r. ? :
C r
290 ÉTIDES COLONIALES
que se compose d'une niiliie indigène. J.e nombre do colons est de
78 dont 14 Français.
Budget colonial. — Le monUmt des dé{3enses pour la colonie
en 1899, est de 93,380 livres et la dépense totale à charge de TÉtat
98,600 livres. En 1898, les dépenses locales étaient évaluées à 138,669 li-
vres y compris un subsidede l,000,000defrancspourleHaut-Oubanghi.
Développement de la colonie. — Le Congo paraît être la colonie
qui s'est le moins développée.
Cette situation parait avoir été causée par le manque de moyens de
communication. M. Siegiried, dans son rapport sur le budget colonial
de 1897, fait remarquer « que Ton ne peut s'attendre à voir un déve-
loppement de l'agriculture et du commerce » que lorsqu'il existera
des communications faciles entre la cote et l'intérieur du pays.
Le rapport sur le budget colonial, pour 1899, constate qu'à l'excep-
tion de quelques travaux sanitaires, à Libreville, la construction d'une
ligne télégraphique de Loangr) au cap Lopez actuellement terminée et
celle de Loango à Brazzaville pour laquelle un crédit de oO,000 francs
a été inscrit au budget local pour 1898, on n'a guère fait de travaux
publics au Congo. On doit également reconnaître cjue malgré un
nombre considérable de fonctionnaires il n'existe pas de traces d'une
administration organisée..
Notre domination au Congo est actuellement plutôt une fiction
qu'une réalité. Nous possédons dans un territoire d'environ 1 million
800,000 kilomètres carrés un petit nombre de postes dont l'influence
ne se fait sentir que dans une zone très limitée.
Concessions. — La question des concessions a excité un intérêt
considérable en France et une commission a été envoyée pour délimiter
le nombre de concessions attribuées à des compagnies commerciales.
Une législation nouvelle basée sur les principes de « TactTorrens» a
été édictée.
Certaines des dispositions prises par les autorités pourraient avoir
pour eflet d'entraver l'essor économique de la colonie, et il reste à voir
si elles permettront aux capitaux français engagés dans les entreprises
coloniales au Congo d'avoir une rémunération profitable. Disons
qu'une publication Le Journal des Chambres de Commerce s'est fait
l'écho de rumeurs d'après lesquelles un grand nombre de concession-
naires ne seraient que des représentants de capitalistes belges (1).
Commerce général. — En ce qui concerne le commerce les détails
(1) Pour rénumération des sociétés, voir Bulletin de la Société d'étudee coUmialet,
n«>0, année ^899.
2 ^
< u
1292 ÉTUDES COLONIALES
suivants ont été extraits de la Revue « Trade et Shippiug of Africa ».
Disons seulement que les exportations en 1892, la première année où
des statistiques aient été publiées, s'élevaient à 205,803 livres pour la
France et ses colonies et 9o,9o5 pour les autres pays. Depuis cette
époque elles ont été en augmentation.
Les principaux articles d'importation sont la quincaillerie, les
spiritueux et les tissus, ceux-ci venant en grande partie d'Angleterre.
Le caoutchouc, l'huile de i)alme et l'ivoire forment les principaux
articles d'exportation.
Tarifs douaniers. — En ce qui concerne les droits de douanes, la
colonie est divisée en deux sections. Depuis N'Bombo jusqu'à Cett^».
Cama le tarif général français avec certaines exceptions est en
vigueur.
Les tissus paient 20 p. c. ad valorem, le tabac brut 50 francs et le
tabac manufacturé loO à 250 francs par 100 kil., suivant la qualité.
Un droit provisionnel de 7 p. c. ad valorem est perçu à la sortie sur le
caoutchouc et l'ivoire. Le restant du territoire depuis Cette Camu
jusqu'à Massahe appartenant au bassin du Congo se trouve sous le
régime de l'Acte de Berlin. Les droits varient considérablement sui-
vant la classe à laquelle appartiennent les marchandises.
Les tissus de toutes espèces paient 20 p. c. ad valorem. Les droits
d'exportation perçus sur les marchandises sont calculés à raison de
7 p. c. de la valeur. Actuellement l'ivoire et le caoutchouc seuls sont
taxés.
Frets. — Les frets pratiqués par la Compagnie Fraissinet, de Mar-
seille à Libreville, sont de 40 francs pour les liquides, au mètre cube,
et de io francs pour les tissus .
CHRONIQUE
AFIRIQUE.
Le commerce de la colonie d'Angola en 1897 et 1898.
(Extrait du rapport du consul d'Angleterre.) — La colonie d'Angola
s'étend de l'embouchure du Congo dans l'Atlantique, sur plus de
700 milles de la côte Sud-Ouest de TAfrique. Dans une enclave au
Nord de l'embouchure du Congo se trouvent les ports de Cabinda et
de Landana, viennent ensuite la province d'Angola proprement dite,
les provinces d'Ambrés ou Loanda, de Benguela, de Mossamédès.
La province d'Angola est régie par des lois fiscales spéciales, qui ne
s'appliquent pas aux autres provinces. C'est dans la province d'Angola
que la lutte du commerce étranger avec le commerce portugais, qui y
est spécialement protégé, est la plus vive. La différence de traitement
qui existe entre les marchandises portugaises et étrangères ressort
clairement des chiffres suivants empruntés à VAnnuario Estatico de
la province, pour 1897. Les importations de produits portugais,
frappées de droits, avaient été évaluées pour cette année à la somme
de 2,308,668,071 reis, qui, par suite du traitement de faveur accordé
aux industries nationales, n'ont donné qu'un revenu de douane
de 102,377,738 reis. Pendant la même période, les importations
de même nature (frappées de droits), évaluées pour rÂliemagne
à 377,278,532 reis et pour l'Angleterre à 1,029,372,532 reis, ont
donné respectivement un revenu de douane de 133,863,288 et
396,769,837 reis. Aussi l'Allemagne, qui a envoyé moins du sixième
de la valeur des importations portugaises à Angola, a contribué pour
plus d'un tiers au revenu des douanes, et le Royaume-Uni, avec
moins de la moitié de l'ensemble du commerce portugais, a contribué
au revenu local à peu près quatre fois plus que le Portugal.
L'Angola produit du café, du blé, de la canne à sucre (dans la
vallée de la Cuanza). Des Belges et des Français ont visité récemment
Loanda avec l'intention de fonder des établissements commerciaux
ou agricoles dans les districts voisins de la frontière de l'État Indé-
4
294 ÉTUDES COLONIALES
pendant du Congo et près du confluent du Kwango avec le Kassal.
Toutes ces rivières traversent des régions excessivement riches en
caouti-houc où des capitaux pourraient être avantageusement engagés
ainsi que cela eut lieu pour le même produit dans le Congo.
Bien que soumis à l'influence européenne depuis le commencement
du seizième siècle. l'Angola est resté jusqu'à nos jours comme une
terre en jachère.
Les capitaux européens seront vraisemblablement attirés de préfé-
rence par la province de Mossamédés. Il y a des mines d'or qui peuvent
être exploitées avec profit : les moyens de transport y sont moins
insufiisants que dans le reste de la colonie ; le climat convient à la
race blanche; on pourrait relier par des chemins de fer les centres
miniers avec deux ou trois excellents ports naturels de la cote.
Mossamédés a été occupé comme port portugais en 1839 : la ville a
été fondée en 1849 par une colonie de Brésiliens. En 1881, une expé-
dition de Boers, arrivée du Transvaal, s'est établie sur le plateau de
Ilumpata et l'occupe encore à présent.
Province d'Angola proprement dite. — Les principaux arti-
cles d'exportation de la province d'Angola, en 1897, ont été le
caoutchouc, la cire, le poisson (sec ou salé), le rhum (eau de vie) et
les noix de palme ; le poisson et le rhum ont surtout été exportés
dans les autres provinces.
L'exportation de caoutchouc en 1898 (3,377 tonnes), a presque
égalé la valeur totale de l'exportation de la colonie pendant l'année.
Tandis que le prix du caoutchouc a augmenté et est à présent plus du
double du prix d'il y a dix ans, la récolte de ce produit a plus que
triplé à Angola. Le système, ou plutôt l'absence d'un système quel-
conque dans la récolle, amènera à bref détai la disparition de ce
produit, si les autorités ne la préviennent par des mesures sévères à
l'instar de ce qui a été fait au Congo.
Les principaux objets d'importation à Angola proviennent surtout
du Portugal : en 1897 on a importé principalement : huile d'olive,
vin en barriques, chaussures, chapeaux, pommes de terre, oignons,
biscuits, farine, fromage, lard, viande en conserve, conserves en
général et particulièrement les tissus de coton. Au point de wxe de
l'achat des produits portugais, Angola diff*ère entièrement pour ses
relations commerciales avec le Portugal des possessions portugaises
de l'Est africain où le commerce se trouve, sur une si grande échelle,
entre les mains des étrangers, spécialement des commerçants anglo-
indiens. Malgré le traitement de faveur accordé aux fabricants du
CHRONIQUE 395
Portugal, les cotonnades constituent toujours le principal article
d'importation d'Angleterre à Angola. En 1898, les Portugais ont
presque doublé les importations de leurs cotonnades à Angola, tandis
que les importations de cotonnades anglaises ont de nouveau accusé
une diminution de poids — le meilleur point de comparaison — bien
que la valeur semble plus élevée.
Le commerce général des quatre ports de Loanda, Benguela, Am-
brise,Mossamédèsaété, à l'importation, de 3,969,993,000 reis en 1897
et de 5,431,075,000 en 1898, et à l'exportation de 5,628,289,000 reis
en 1897 et de 7,170,996,000 en 1898. L'année 1898 accuse par suite,
sur la précédente, une augmentation de près de 12 millions de francs.
Cette augmentation, d'après les chiffres déjà publiés pour les premiers
six mois de 1899, sera encore plus élevée à la fin de cette année.
L'augmentation provient du caoutchouc et elle est plus sensible au
Benguela que dans le Loanda.
Province de Loanda. — Le commerce total de Loanda a été en
1898 de 4,724,562,000 reis. Les importations provenant du Portugal
( 1,293,680.000 reis) ont consisté en cotonnades (410,393,000 reis),
huile d'olive, vin, chaussures, pommes de terre, biscuits, oignons, fa-
rine, fromage, lard, viande, conserves, papier, savon, tabac, articles
de laine et coton, de lin. L'Angleterre a importé des marchandises
pour une valeur de 582,084,000 reis, principalement du coton,
L'Allemagne vient la seconde après l'Angleterre pour une valeur
de 185,411,000 reis. Viennent après l'Allemagne, les États-Unis
(44,688,000 reis), la France (41,458,000 reis) et la Belgique (31,319,000
reis), cette dernière presque exclusivement en fusils pour les indi-
gènes.
La concurrence allemande qui n'existait pas en 1874 s'est peu à peu
frayé un chemin à Angola et maintenant elle y est solidement établie
et devient menaçante pour les autres. Autrefois le commerce d'Angola
se faisait exclusivement avec Liverpool ; à présent Anvers et Hambourg
disputent à Liverpool les articles d'exportation et d'importation d'An-
gola. Il y a eu des agents consulaires anglais à Loanda depuis 1840.
L'Allemagne n'y a nommé un consul qu'en 1899. L'Allemand comme
individu est meilleur commerçant que l'Anglais.
Il peut ne pas fabriquer des articles aussi bons que les articles an-
glais — d'aucuns pensent pourtant qu'il fait tout aussi bien — mais
il sait mieux les vendre. On peut s'en rendre compte par la statistique
de la douane de Loanda pour 1898. Pendant le premier semestre
l'Angleterre figure à l'importation pour 40 variétés d'articles, l'Alle-
magne pour 60. Là où le commerçant anglais écarte avec indifférence
396 ÉTUDES CQ^.OmÂIiES
un petit marché comme une affaire dont il s*occupera lorsqu'elle en
vaudra la peine, TAilemand se met tranquillement à étudier les
besoins spéciaux de ce marché et les meilleurs moyens d*y donner
satisfaction, et il finit par le transformer en un grand marché dont les
besoins lui profitent. Le fournisseur allemand prend également plus
de peine pour donner satisfaction à ses clients et leur être agréable,
et avec bonne grâce il se plie aux exigences et cherche à vaincre cer-
taines difficultés devant lesquelles l'Anglais, avec son caractère irré-
ductible, recule.
Province de Benguela. — Les importations du port de Benguela
se sont élevées en 1897 à 1,997,510,000 reis. Ont participé aux impor-
tations soumises aux droits de douane, TAUemagne pour 79,402,000
reis, spiritueux, bières, perles, articles en métal; la Belgique pour
43,035,000 reis, fusils; ritalie pour 6,920,000 reis, perles; l'Amérique
pour 5,297,000 reis, farine et pétrole; la France pour 3,623,000 reis,
beurre; la Hollande pour 1,070,000, cotonnades; l'Angleterre pour
392,658,000 reis, fusils, poudre, cotonnades, articles en métal. Les
articles importés non soumis aux droits ont consisté surtout en ma-
chines agricoles et industrielles et en instruments de précision venus
d'Allemagne, 9,853,000 reis, et d'Angleterre, 15,096,000 reis.
Les principaux articles d'exportation du port de Benguela en 1898
ont été l'eau-de-vie, 1,690,000 reis, le caoutchouc, 3,820,086,000 reis,
la cire, 168,676,000 reis, l'ivoire, 29,003,000 reis.
Benguela est vraisemblablement le seul port important de toutes les
possessions portugaises où le commerce est entièrement entre les
mains de nationaux. Ce centre florissant du commerce du caoutchouc
avait en juin 1898 une population de 612 blancs, presque tous por-
tugais, et de 2,324 indigènes. En 1898, le caoutchouc de Benguela a
atteint à Lisbonne le prix de 1,878 reis par kilogramme. Le port de
Benguela est relié par chemin de fer à la pctile ville de Catumbela,
située à quelques milles de distance au nord; elle est le centre du
commerce du caoutchouc : des caravanes de milliers d'indigènes y
apportent leurs chargements de caoutchouc, d'ivoire, de cire et les
produits des districts de l'intérieur, Bilué, Barlunda et Sobale. Un
projet a été soumis aux Cortès pour la construction d'un chemin de
fer reliant Benguela avec Bilué ce qui développera beaucoup le trafic
de ces districts.
Province de Mossamédès — Aux importations dans le port de
Mossamédès, en 1898 (340,000,000 de reis), ont participç, dans l'ordre
suivant : le Portugal, 268,197,000 de reis en vin, pommes de terre,
farines, provisions, voiles et agrès, tabac et cotonnades; l'Angleterre
CHRONIQUE 297
(38,424,000 de reis) : charl>on, cotonnades, machines agricoles, arti-
cles en métal, armes à feu, perles, riz et poisson ; l'Allemagne
(13,038,000 de reis), articles en fer; la France (5,295,000 de reis) et
les États-Unis (8,408,000 de reis).
Les exportations de Mossamédès consistent principalement en
poisson sec et salé, qui va au Congo jusqu'à Matadi et vers le Nord
jusqu'en territoire français, et en caoutchouc.
L'article peut-être le plus intéressant aujourd'hui de l'exportation
de la colonie d'Angola, est le caoutchouc ou la gomme appelée
c( alméidina », du nom de M. Alméida qui, le premier, fut amené, il
y a dix-huit ans, à expédier ce produit en Europe. Il semble avoir un
certain avenir, car il est coté de 7 à 8 pence la livre sur le marché
de Londres.
Ambris — Le commerce d'Ambris, autrefois bien plus important
que celui de Mossamédès, est bien tombé, et ses statistiques sont les
moins importantes de la province.
Les importations se sont, en 1898, élevées au chiffre de 114 millions
433,000 de reis ; y ont participé : le Portugal (49,475,000 de reis), vin,
huile, fromage, pommes de terres, cotonnades, linges, vêtements,
conserves; l'Allemagne (26,204,000 de reis), spiritueux, liqueurs,
poudre. Les exportations d'Ambris ne se sont élevées qu'à 211 mil-
lions 322,000 reis; elles consistaient presque exclusivement en café et
caoutchouc.
(Diplomatie and Consular Reports).
Gold Coast. — La Gold Coast, dont l'Ashanti constitue en quelque
sorte l'hinterland, est l'une des plus belles colonies de l'Ouest fran-
çais. Elle touche au golfe de Guinée, où elle a environ 550 kilomètres
de rives, et s'étend entre le cinquième degré de longitude ouest et le
deuxième degré de longitude est. Sa superficie est d'environ 39,00(ï kilo-
mètres carrés, soit à peu près un quart en plus que celle de la
Belgique; avec les protectorats, elle a un développement de près de
120,000 kilomètres carrés. La population est évaluée à 1,474,000 habi-
tants, dont environ 500 Européens. Elle a, comme villes principales,
Accra, 16,257 habitants ; Elmina, 10,530 habitants ; Cape Coast
Castle, 11,644; Kwitta, Saltpond et Winneba.
Quant à l'Ashanti, une grande partie n'en a pas encore été com-
plètement explorée. Les régions que l'on en connaît sont mention-
nées comme étant un bon et beau pays, très boisé, bien arrosé, riche
en productions naturelles et susceptible de toutes les cultures propres
au climat des tropiques. Les deux principales rivières entre l'Aisni et
298 r^^TUDES COLOMALF.S
la Voila, sont la Prà, son affluent le Dah, et la Tenda, qui reçoit
le nom d*Ancobra dans le bas de son cours.
Le mouvement commercial de la Gold Coast a suivi la progression
suivante, pendant la période 1893-1898 :
Années. Importation. Exportation.
1893 17,958,000 18,052,000
1894 20,320,000 21,258,000
1895 23,288,000 21,945,000
1896 22.755,000 19.802,000
1897 22,763,000 21,354.000
1898 27,525,000 24,825,000
Les principaux produits d'exportation de la Gold Coast sont l'huile
et les noix de palme, les bois de teinture, d'ébénisterie et de construc-
tion, les noix de kola.
Afrique orientale allemande. Dépôts de charbon. — Le
f< Rcichs-Anzeiger » publie, dans son numéro du 16 février dernier,
des extraits du rapport de M. Dantz, qui a été chargé d'examiner les
dépôts de charbon situés à Muëgabach, au Nord-Est du lac Nyassa,
dans l'Afrique orientale allemande. 11 résulte des études de ce fonc-
tionnaire que l'exploitation du charbon dans cette région ne pourrait
être profitable que s'il y avait, à proximité des dépôts, des industries
faisant une grande consommation de combustible. Ce serait le cas,
si le projet de chemin de fer à travers l'Afrique ou celui d'une ligne
vers la côte orientale allemande entraient dans la voie de la réalisa-
tion ou bien encore si on découvrait de Tor dans les environs. On pour-
rait obtenir environ 350,000 tonnes de charbon par un simple travail
horizontal et sans devoir creuser de puits. M. Dantz donne aussi des
renseignements sur les endroits où les travaux préliminaires pour-
raient être entrepris en employant la main d'œuvre indigène ainsi que
sur les moyens de transport vers le lac Nyassa.
Sénégal. La production de Por. — Le consul anglais à Dakar
déclare que depuis 1893, l'exportation de lor du Sénégal n'a cessé
d'augmenter. En 1898, elle a atteint 128,866 grammes valant
15,464 liv. st. alors qu'en 1897, elle n'était que de 85,044 grammes
d'une valeur de 10,205 liv. st. 11 faut encore tenir compte de ce
qu'une quantité considérable d'or n'a pas pu être recensée par la
douane, par suite de la facilité avec laquelle s'exerce la contrebande
de ce métal. Enfin une bonne partie d'or est aussi employée par les
CHRONiaUE â99
indigènes dans la fabrication des bijoux. Un certain nombre de con-
cessions ont été accordées à des particuliers et à des compagnies et
des travaux de recherche assez importants ont déjà été faits, mais on
peut dire que jusqu'à présent tout l'or exporté provient exclusivement
de l'industrie indigène.
Ile Maurice. — Depuis 1894, les importations de l'île Maurice n'ont
cessé de décroître. La différence en moins entre l'année 1898 et
l'année 1894 s'élève à près de 21 p. c. La roupie y est l'unité de la cir-
culation comme dans certaines parties de l'Afrique orientale, à Zanzi-
bar, par exemple. En roupies, l'importation générale à l'île Maurice
a atteint 28 millions, en 1898, contre 32,800,000, en 1894. La valeur
totale des exportations s'est élevée à 31,800,000 roupies contre
23,390,000 en 1894. L'exportation se maintient donc mieux que
l'importation, ce qui est dû principalement à la sortie du sucre,
dont la récolte a été particulièrement brillante en 1898. Le tarif
douanier des États-Unis, hostile aux primes sur les sucres européens, a
aussi servi l'exportation mauricienne en créant une demande assez
soutenue pour les qualités inférieures de sucre.
Le commerce de l'île Maurice avec Madagascar est également en
diminution. L'importation mauricienne à Madagascar est tombée de
432,000 roupies en 1894 à 110,000 roupies en 1898. L'importation
malgache à l'île Maurice est descendue de 502,000 roupies en 1894 à
481,000 roupies, en 1898.
RJK^niQUB
BrésiL Port de Para. — Le consul d'Angleterre à Para vient
d'informer son gouvernement que l'État de Para se rendant compte de
l'urgence d'améliorer le port de Para, se montre disposé à aider le
gouvernement central à réaliser ces travaux.
Les Chambres législatives de Para s'occupent en ce moment de la
question et le gouverneur propose de demander au gouvernement
central la concession des travaux avec le droit par l'État de Para de les
concéder à un entrepreneur.
Le gouverneur insiste aussi pour que l'entreprise des eaux et des
égouts soit comprise dans la concession pour le cas où l'on trouverait
un adjudicataire disposé à entreprendre tous les travaux à la fois.
300 ÉTUDES COLONIALES
Paraguay. La culture du oaoao. — Un rapport consulaire amé-
ricain constate que le cacaoyer est un des arbres les plus prolifiques
du Paraguay et qu'il croît partout sans exiger de culture. Les noyaux
sont mis dans une machine pour en exprimer l'huile. Tout le savon
du Paraguay se fait au moyen de celle-ci, qui est d'une blancheur par-
faite et surnage sur Teau.
L'exportation du cacao a été très faible. En 1897, la « Banca agricola»
commença à s'y livrer et vendit 2,000 sacs, pesant 95 tonnes, à Liver-
pool. Le prix qu'elle en obtint s'éleva à 1,094 liv. 16 sh. 1 d., ce qui,
déduction faite des frais, lui laissa un bénéfice de 938 liv. 17 s. 9 d.
Le cacao du Paraguay a la plus grande valeur. Bien qu'étant peu
connu, le produit du Paraguay atteignit de 11 liv. 5 «. à 11 liv, 10 s, et
fut proclamé comme étant le plus riche. A Naples, le cacao a égale-
ment obtenu des prix élevés. On y demande 10,000 tonnes par an au
prix de 11 liv. environ.
Au Paraguay, les noyaux coûtent de 1(5 5. à 1 liv. l'arrobe. La cueil-
lette des fruits se paie de 1 1/4 d. à 2 d. l'arrobe.
Les vaches mangent fréquemment la pulpe des fruits en laissant
intacte l'enveloppe qui contient le noyau. On dit qu'une vache peut
nettoyer de 40 à 50 fruits par nuit.
Il serait grandement utile d'avoir une machine pouvant enlever la
pulpe et casser l'enveloppe sans briser le noyau. On en a déjà inventé
plusieurs, mais jusqu'à présent, aucune n'a donné de résultats satis-
faisants. La « Banca agricola » vient d'essayer un appareil français,
mais en tout (îas, le prix est trop élevé pour qu'il puisse devenir d'un
usage général.
Mexique. L'industrie minérale. — L'argent a toujours été un
des principaux produits miniers du Mexique et sa valeur a actuelle-
ment de grandes chances d'augmenter, grâce au développement du
commerce en Chine et au Japon. La plupart des anciennes mines des
districts de Zacatecas, de Ghihuahua et de Guanajuato continuent à
produire régulièrement comme beaucoup d'entre elles le font depuis
deux cent cin(|uanle ans et de nouvelles mines sont encore ouvertes
tant par les indigènes que par les Américains. Les régions de
Chihuahua et de Sonora, dans la Sierra Madré, se distinguent et avan-
cent rapidement conmie productrices d'or et d'argent. Les chemins
de fer du Central Mexicain de Sierra Mailre et de Chihuahua contri-
buent beaucoup au développement de ces nouveaux districts, dont la
richesse est étonnante, en les rendant d'un accès facile. Les prix
avantageux des transports et les salaires élevés qu'offrent les fondeurs.
CHRONIQUE 301
attirent un 'grand nombre de mineurs et de capitalistes, principale-
ment des États de l'Ouest de TAmérique. On trouve du quartz aurifère
en abondance suffisante pour réaliser des profits dans tout le Sonora
central et dans l'ouest du Cliihuahua, mais peu de chose a été faite
dans ce domaine jusqu'à ce que des prospectors américains eussent
démontré la valeur des dépôts.
L'industrie du fer est relativement neuve au Mexique. Toutefois, de
grandes usines commencent à y être fondées. Cette industrie a reçu
une grande impulsion, grâce à la découverte de nouveaux gisements
de houille près de Mezquiz. Il est probable que l'on amènera des
ouvriers du Japon pour les travaux des mines de charbons ainsi que
pour ceux des minières de Chihuahua. La main-d'œuvre mexicaine
est assez abondante, mais, malgré l'augmentation des salaires, les
ouvriers ne se montrent guère disposés à fournir un travail suivi, ce
qui est extrêmement préjudiciable aux grandes fonderies, comme
celles de Monterey et de Aguas Calientes qui emploient 2,000 ou
3,000 ouvriers. Dans les derniers temps, le gouvernement s'est occupé
de cette question et il a ordonné de saisir tous les flâneurs et rôdeurs
qui seraient trouvés dans ces deux localités et de les expédier
immédiatement aux endroits où l'on construit des routes. On dit que
les résultats de cette mesure ont été satisfaisants et que beaucoup
d'entre eux ont repris leur place à l'usine.
Indes anglaises occidentales. — A côté du sucre, qui est la
principale culture des Indes anglaises occidentales, on doit mentionner
le cacao. L'île de Trinidad est mieux connue par sa production de
cacao que par celle du sucre. Pendant les vingt dernières années, il y
a eu, d'après les comptes rendus officiels, une diminution de
712,614 liv. st. dans l'exportation du sucre et une augmentation de
4,218,522 liv. st. dans celle du cacao.
L'île de Grenade dépend entièrement de la culture du cacao. On en
exporte annuellement de 180,000 liv. st. à 160,000 liv. st. On cultive
aussi ce produit à Tile Sainte-Lucie et à l'île Dominique.
Dans les pays qui se prêtent à sa culture, le cacao donne des
bénéfices. Sa production exige peu de travail, surtout en comparaison
des plantations de sucre et elle peut être exploitée aussi bien par les
grands que par les petits cultivateurs.
Dans les îles de Grenade, de Sainte-Lucie et Dominique où un grand
nombre de petits cultivateurs ont déjà établi des plantations restreintes,
on se propose de les aider et de les guider en instituant des professeurs
itinérants et en établissant des champs d'expérience dans chaque
302 ÉTUDES COLONIALES
district pour servir de modèle de culture rationnelle. On t^roit que de
cette manière Texportation du cacao augmentera considérablement
dans rîle de Grenade et qu'on pourra la porter^ au delà du double,
dans une courte période, à Sainte-Lucie et à Dominique.
Un exemple frappant des résultats que Ton peut obtenir en guidant
les petits cultivateurs est offert par l'île de Tobago. La nomination
d'un professeur y a eu pour résultat de faire rapporter à des terres qui
étaient complètement improductives, il y a quelques années, des
récoltes dont la valeur atteint un revctiu annuel de 2,000 liv. st.
Le même succès pourrait être obtenu dans la Guyane britannique
où jadis les Hollandais avaient établi d'importantes plantations de
cacao et dont le sol, selon le botaniste du gouvernement, ne le cède
qu'à peu de contrées en ce qui concerne cette culture, si l'on a soin
de choisir judicieusement le terrain et la situation de la plantation.
Une plantation de caoutchouc vient d'être fondée à Tobago.
L'espèce choisie est le ce Ule » ou « Gaucho » (Castitloa elastica) de
l'Amérique centrale. On a dit récemment que ce caoutchouc se
trouvait à 1 état sauvage à Cuba, mais ce doit être une erreur. On
plante aussi du caoutchouc, dans de petites exploitations, à Trinidad
et à la Jamaïque. On pourrait aussi établir cette culture dans la
Guyane anglaise où l'on rencontre une ou deux espèces de caoutchouc
à l'état sauvage.
La culture des fruits continue à prendre de l'extension à la
Jamaïque. Dans les autres parties des Indes occidentales, il n*est pas
possible d'établir un commerce d'exportation pour ces produits, faute
d'un service régulier de bateaux.
Guyane anglaise. Exportation de Por. — Le tableau suivant
donne les quantités d'or produites, par la Guyane anglaise, pendant
les années 1895 à 1899 :
Années.
1895
1806
1897
1898
4899
Pérou. — Un progrès notable vient d'être fait au Pérou, par l'ou-
verture d'une nouvelle voie de chemin de fer qui met le versant occi-
dental de la région de Montana en communication directe avec un
Quantités.
Valeur.
Onces.
Liv. st.
122,025
451,200
124,715
401,500
122,702
449,200
115.070
412,200
1 12,944
414,800
CHRONIQUE 303
tributaire navigable de l'Amazone. Cette ligne aura aussi l'avantage de
raccourcir considérablement le voyage de Lima en Europe. Lima se
trouve maintenant à une dizaine de jours de distance de Iquito sur
l'Amazone, qui est relié directement à LiverpooL Autrefois le voyage
de Lima durait de deux à trois mois.
L'ouverture du chemin de fer contribuera puissamment au dévelop-
pement de la région de Montana, qui est étonnamment riche en pro-
duits naturels tels que le caoutchouc et aussi, dit-on, la gutta-percha.
Cette contrée se prête également à la culture du café et du cacao. Un
autre produit de valeur est constitué par la laine alpaca. On en exporte
déjà pour 2,000,000 de soles (5,000,000 liv.) par an. La presque totalité
de la quantité exportée est dirigée sur Liverpool, où elle est vendue
aux manufacturiers de Bradford et du continent.
L'ivoire végétal. — La noix qui produit l'ivoire végétal est four-
nie par un palmier que l'on rencontre dans les forêts de l'Amérique
centrale situées sur le versant du Pacifique. La République de l'Equa-
teur fait un commerce assez important de cette matière. En 1897, on
a exporté de cette région 11,500 tonnes d'ivoire végétal.
C'est surtout vers l'Allemagne que se dirige ce produit. Les deux
tiers de l'exportation vont vers ce pays; le reste est absorbé par les
Etats-Unis, la France et l'Angleterre.
L'approvisionnement du marché de Guajaquil se fait pendant la
saison des pluies (février à juillet) quand on peut se servir des rivières
pour -y faire flotter des radeaux. Les noix d'ivoire se vendent non
décortiquées de fr. 3.22 à fr. 3.45 et décortiquées de fr. 5.51 à
fr. 6.78.
Colombie britannique. Gisements aurifères. — D'après le
consul des Etats-Unis à Victoria, en Colombie britannique, il se serait
produit, l'été dernier, un exode vers le cap Nome qui rappelle celui
du Klondyke, au printemps de 1808. On dit que beaucoup de gens se
dirigent de Victoria et de Vancouver au cap Nome plutôt que d'aller à
Atlin ou dans le territoire Noril-Est. Les compagnies de transport de
Victoria s'occupent activement d'aménager des bateaux pour ce long
voyage. Le cap Nome est situé dans l'Alaska, le long du détroit de
Behring et se trouve à 2,500 milles de distance de Victoria par mer.
On dît que le nombre des personnes désireuses de se rendre au cap
Nome est déjà de 05,000.
Il y a actuellement de 5 à 0,000 personnes à Nome City et dans les
environs. Les constructions y sont naturellement d'un caractère pure-
304 ÉTUDES COLONIALES
ment provisoire. Beaucoup d*entre elles se trouvent au-dessous du
niveau de la mer, ce qui né contribue pas à favoriser la santé publique.
L'extrême froid qui règne pendant six mois empêche heureusement
les épidémies de se propager.
Nouvelle Eoosse. La production de l'or. — La production de
Tor en Nouvelle-Ecosse s'est élevée pendant Tannée qui a pris fin au
30 septembre 1899 à 27,772 onces contre 31,104 onces Tannée précé-
dente. Cette diminution ne fait pas présager une nouvelle réduc-
tion pour Tannée 1900, car aux anciennes exploitations sont venues
s'en ajouter d'autres qui vont être mises en œuvre. Il y a tout lieu de
croire que la production en 1900 marquera une sérieuse amélioration
dans le chiffre des extractions.
ASIE.
Inde anglaise. Émigration. — Il résulte de statistiques four-
nies par VIndia Office que le nombre des émigrants sortis de l'Inde a
été, pendant les douze années comprises entre 1887-88 et 1898-99,
de 176,001, soit une moyenne annuelle de 14,6(37. Le nombre de ceux
qui sont revenus pendant la même période a été de 75,375, soit une
moyenne de 6,281 par an, c'est-à-dire environ la moitié des par-
tants. La morfcilité des émigrants est grande dans certaines des colo-
nies où ils se dirigent; d'autre part, parmi ceux qui survivent, beau-
coup reprennent du travail après l'expiration de leur engagement et
se fixent même définitivement dans la colonie. A Tîle Maurice, par
exemple, 69 p. c. de la population (256,000 sur 372,000 habitants)
sont des émigrants indiens ou des descendants de ceux-ci. Au Natal,
à la Trinité, ailleurs encore, le nombre des colons indiens augmente.
Il y a dans l'Inde cinq endroits où l'émigration peut se faire légale-
ment. Ce sont les villes de Calcutta, Bombay et Madras ainsi que les
établissements français de Pondichéry et de Karikal.
A Bombay, l'émigration a cessé il y a quelques années et n a pas été
reprise depuis.
La main-d'œuvre est, en général, suffisamment rétribuée pour ne
pas pousser vers l'émigration. On s'est cependant servi récemment du
port de Bombay et de celui de Karikal pour.Tembarquenient de tra-
CHRONIQUE 305
vaîileurs destinés au chemin de fer de l'Uganda et recrutés pour le
compte du gouvernement.
Par rintermédiaire des établissements français, il ne s'est plus fait
d'émigration depuis 1884, sauf dans Tannée 1888-89. Le port de Cal-
cutta convient le mieux pour l'embarquement des émigrants sortant
des masses appauvries des districts peuplés de Pudh, de Bihar et de la
partie orientale ou des provinces nord-ouest. Le principal courant de
l'émigration descend de cette région le long du Hoogly.
Les émigrants se dirigent principalement vers l'île Maurice, la côte
orientale d'Afrique, les Indes néerlandaises, la Guyane hollandaise,
les îles Fidji et la Jamaïque.
De nombreux travailleurs se rendent encore de Madras à Ceylan et
dans les Straits, mais cette émigration ne rentre pas dans les dispo-
tions des lois sur l'émigration. On n'en tient donc pas compte dans
les statistiques. Il en est de même de ceux qui quittent l'Inde comme
passagers et qui n'ont pas été recrutés par des agences pour aller tra-
vail 1er aux colonies. Les statistiques ne parlent pas non plus des per-
sonnes qui quittent l'Inde pour aller en pèlerinage aux lieux saints
d'Arabie et dont un certain nombre ne retournent pas dans leur
pays.
Siam. Le développement de la bfttisse à Bangkok. — Le
consul des Etats-Unis déclare dans son dernier rapport que la bûtisse
prend en ce moment à Bangkok, des proportions considérables. Il
évalue à 2,500 le nombre des constructions permanentes que l'on a
élevées Tannée dernière ou qui sont en voie d'achèvement. Ces bâtisses
qui ne comprennent pas les constructions temporaires des indigènes,
s'appliquent à tous les genres d'habitations, depuis les magasins et les
maisons sans prétention jusqu'au nouveau palais du Tusit Park et aux
maisons modernes les plus recherchées. On emploie dans les construc-
tions du bois, des briques, de la tôle et des tuiles. 11 y a quelques
années, le bois de tek était la matière la plus généralement utilisée,
mais le renchérissement de ce bois a amené l'importation d'essences
moins chères et l'extraction d'autres bois des forêts du Siam. Jusqu'à
présent, on n'a pas encore découvert d'arbre propre à remplacer le
tek, car, outre la solidité et la durée, ce dernier a le grand avantage
de résister mieux que les autres essences aux attaques des fourmis
blanches.
On se sert maintenant de colonnes en bricjues au lieu de piliers de
tek. Elles sont moins chères, mais comme elles sont lourdes et
épaisses, elles jurent dans des constructions, en général légères.
306 ÉTUDES COLONIALES
Il serait donc Utile de pouvoir les remplacer par de minces piliers
en fer. Quelques grands incendies qui ont ravagé la ville ont
amené les autorités à défendre les toits en chaume et les construc^
tions en bambous, ce qui fait que la ville se couvre de maisons de
briques, de fer et de tuiles.
Dans une ville qui compte de 500,000 à 1,000,000 d'habitants et
qui s'étend rapidement, les travaux de construction de maisons, de
routes, d'égouts et de ponts nécessiteront d'importantes demandes
dont les marchés industriels pourraient profiter. Déjà actuellement,
les Belges envoient au Siam la plus grande partie des tôles qu'on y
emploie, et il n'est pas douteux que si nos industriels voulaient
s'occuper des nouveaux besoins du Siam, ils y trouveraient l'occasion
de se créer d'autres débouchés.
CMINfE
Hankoiv. — Le Consulaire verslagen en berichten donnent un
intéressant rapport du vice-consul néerlandais Wistler sur la situation
actuelle de Hankow. En dehors de l'importante concession anglaise,
dont l'heureuse situation dans le voisinage immédiat de la ville
chinoise fait le véritable entrepôt du commerce extérieur, les con-
cessions obtenues par les Russes, les Français, les Allemands et les
Japonais sont encore en plein travail d'appropriation.
L'impulsion commerciale ne s'est pas ralentie. Depuis quelque
temps de nouvelles maisons françaises, belges et allemandes se sont
établies, et si les bénéfices qu'elles réalisent ne sont plus, par suite de
la dépréciation monétaire et de la concurrence, aussi énormes qu'il y
a dix ans, ils sont cependant largement rémunérateurs.
Le thé forme toujours un des principaux produits d'exportation :
30,000 tonnes dont les 2/3 vont en Russie. Puis, les peaux, les
pelleteries, le tabac, la ramie et la soie; celte dernière en faible
quantité.
L'importation nous intéresse plus directement. « Elle est principa-
lement entre les mains des Chinois, dit M. Whistler, qui se servent
des maisons étrangères d'importîition de Shanghaï. Seules les grandes
maisons à forfait pour compte du gouvernement vont aux firmes
européennes. Il n'est pas douteux, cependant, que l'achèvement des
voies ferrées et la disparition, t<mt attendue, du likin améliorant la
CHRONIQUE 307
situation économique intérieure, permettra aux Européens de Hankow
de s'occuper eux-mêmes de importation. « Citons, parmi les pro-
duits importés, les étofi'es de cotons : coutils, shirtings, velours,
flanelles; les tissus de laine : draps divers; les métaux : clous, fer
blanc, plomb, cuivre ; le sucre brut et raffiné, etc.
Mais déjà la concurrence industrielle indigène se fait sentir. Les
cotonnades, par exemple, souffrent de la proximité de l'usine de
Wuchang. Cette manufacture, créée par le célèbre vice-roi Chang-
Chih-Tung, possèdent 34,000 broches et peut fabriquer 360 pièces de
shirting par jour. La mauvaise direction qui lui a été donnée a
heureusement limité ces effets jusqu'ici.
Parmi les autres usines créées à l'européenne, la grande aciérie de
Han-Iang semble définitivement sortie de l'ère des épreuves. Ses
directeurs belges fournissent au gouvernement des rails et une partie
de l'armement de ses troupes.
La fabrique d'allumettes de Hankow continue à progresser. Sa
production journalière de 360,000 boîtes paraît devoir ralentir l'im-
portation des allumettes étrangères. Ses produits valent ceux du
Japon, mais sont loin encore de ceux des fabricants européens,
11 existe encore cinq fabriques d'albumine, travaillant quatre ou
cinq mois par an, et enfin deux manufactures pour la fabrication du
thé en briques ou en tablettes. Ces dernières, appartenant à des Russes,
exportent la totalité de leur production, 3 millions et demi de taèls,
en Sibérie.
Le rapport termine en donnant un aperçu des communications
existantes ou à créer autour de Hankow. Il confirme l'avenir immense
de la grande voie vers Pékin (belgo-française), celui plus restreint de
la ligne vers Canton (anglo-américaine) et signale l'activité de la
navigation sur le Yang-tse : vingt-neuf vapeurs appartenant à quatre
compagnies anglaises, deux allemandes, une japonaise et une chinoise
mettent Hankow en relation avec Shanghaï vers l'aval et Ichang en
amont.
Chine. Les gildes de crédit. — Les marchands chinois dont les
ressources ne sont pas très considérables ont établi entre eux un
système d'association de crédit qui leur permet de se procurer
l'argent dont ils peuvent avoir besoin à un moment donné dans le
plus bref délai et au taux d'intérêt le plus avantageux. A cet effet, un
certain nombre de petits marchands, une cinquantaine par exemple,
se réunissent et fondent une gilde. Chacun d'eux souscrit lors de la
constitution de la gilde une certaine somme. Supposons que ce soit
308 ÉTUDES COLONIALES
300 taels Ton verra qu'ils parviennent ainssi à réunir immédiatement
un capital de 10,000 taels qui est placé dans une banque comme fonds
destiné à faire face aux prêts.
Chaque membre doit, en outre, effectuer tous les trois ou six mois
un versement de 50 taels. Ces contributions servent à grossir le fonds
des prêts et à supporter certains aléas, tel que le défaut de restitution
d'un prêt par l'un des membres. Tout membre qui a besoin d*argent
a le droit d'emprunter au fonds jusqu'à concurrence d'une somme
déterminée de commun accord aussi longtemps que le capital n'est
pas absorbé. Il paie un certain intérêt, mais ne doit fournir aucune
garantie.
Les avantages .que procurent ces associations sont si bien appréciés
par les membres des différentes gildes de crédit, qu'ils font tous leurs
efforts pour leur maintenir leur bonne renommée. Aussi .est-il rare
(|ue l'un d'entre eux abuse de son droit. Grâce à ces gildes il arrive
souvent que dans un district éloigné de la Chine, un étranger
rencontre un chétif marchand, tel qu'un fruitier ou un vendeur de
légumes, qui se trouve tout à coup disposer d'une somme s'élevant
jusqu'à 5 ou 6,000 taels quand l'occasion de conclure une bonne
aft'aire se présente. Les différentes classes de marchands ont leurs
gildes propres qui s'étendent sur toute la Chine.
Ceylan. — La colonie anglaise de Ceylan qui relève directement de
la mère patrie se montre prospère tant au point de xTie de ses finances
que de son commerce et de son industrie.
Les recettes budgétaires ont été, en 1898, de 25,138,069 roupies
contre 24,006,525 roupies en 1897. Les droits de port, de quais et de
phares ont donné une plus-value de 127,775 roupies par. suite de
l'augmentation constante du tonnage des navires faisant escale à
Colombo, qui est une des principales échelles situées sur la grande
route maritime de l'Extrême-Orient.
En 1898, le tonnage des navires à l'entrée et à la sortie de Colombo
(a de Galle, les deux grands ports de l'île, a été de 7,082,641 tonnes
pour 7,097 navires contre 6,704,747 tonnes et 7,556 navires en 1897.
Le tonnage est donc en plus-value et le nombre des navires en moins-
value, conformément à la tendance actuelle d'augmenter le tonnage
des navires tant pour la marine marchande que pour la marine de
guerre.
Les plus important!»» industries manufacturières de l'île sont le
coprah j les tissus, le sel, l'huile, le tabac, les briques, les tuiles, la
vannerie, la menuiserie et la bijouterie. La principale industrie
CHRONIQUE 309
minière est l'extraction de la mine de plomb. Elle est très pro-
ductive et le deviendra encore plus depuis que Tadministration
cinghalaise dispose d'un expert en la matière, chargé de donner une
direction scientifique à l'exportation de ce produit.
Le commerce extérieur de l'île fait de rapides progrès. Sa valeur s'est
élevée en 1898 à 184,326,924 roupies (93,801,890 roupies pour
l'exportation, 87,825,034 roupies pour l'importation) contre 168 mil-
lions 959,459 roupies en 1897. C'est surtout le mouvement des
charbons qui a été considérable.
Pendant la dernière période décennale, la valeur du commerce
extérieur a passé de 92,007,045 roupies à 181,326,925 roupies. Ce
succès paraît dû pour une grande part à l'utile action de la main
d'œuvre coolie importée des Indes.
Hong-Kong. Importance commerciale de l'Allemagne. —
Pendant les vingt premières années qui suivirent l'occupation de
Hong-Kong par les Anglais, il ne fut guère question de l'influence
commerciale de l'Allemagne dans cette île. Le rôle des Allemands fut,
pendant cette période, si effacé, que le Suisse Eitel qui a écrit une
histoire très complète de Hong-Kong ne les mentionne même pas.
Ce n'est que vers 1860 que l'on commença à noter leurs progrès.
A cette époque, les intérêts allemands avaient acquis assez d'impor-
tance pour qu'on leur réservât une place au sein de la chambre de
commerce qui fut créée à Hong-Kong, en 1861. Depuis lors, l'impor-
tance commerciale des Allemands s'est développée avec une rapidité
remarquable. Un premier fait le prouve déjà : sur les neuf membres
qui se trouvent à la tête de l'organisation commerciale de la colonie,
deux sont Allemands.
En 1891, la population européenne de Hong-Kong, y compris les
équipages des vaisseaux de commerce, se composait de 366 Alle-
mands, 118 Français, 223 Américains et 2,374 Anglais. Mais cette
statistique ne donne qu'une idée imparfaite de l'importance commer-
ciale respective des diverses nationalités représentées à Hong-Kong.
11 vaut mieux de considérer le nombre des firmes commerciales. Or,
à la fin de 1897, il y avait 21 firmes allemandes faisant le commerce
de gros auxquelles il faut ajouter 5 bureaux de courtier et 8 magasins
contre 28 firmes anglaises, 31 firmes indiennes, c'est-à-dire, apparte-
nant à des Parsis ou à des Juifs indiens et, si on laisse de côté une
couple de magasins, une seule firme française. Les maisons allemandes
occupent, en dehors des Chinois et des Métis portugais, environ
180 employés, en majorité allemands. Au point de vue du nombre des
0
310 ÉTUDES COLONIALES
firmes, les Allemands se trouvent donc à peu près sur le même pied
que les Anglais et si Ton fait abstraction des maisons indiennes, ils
laissent les autres nations loin derrière eux. Ces faits ont été reconnus
par une personne autorisée. Sir William Robinson qui, récemment
encore, était gouverneur de Hong-Kong, a déclaré, en rentrant en
Angleterre, que la place de Hong-Kong <c passe de plus en plus aux
mains des Allemands » et que par suite « on peut comprendre que la
mère patrie se demande s*il est utile de dépenser de grandes sommes
pour une communauté commerciale qui semble incapable de lutter
contre ses concurrents ». Le journal le plus répandu et le plus influent
de Hong-Kong, le Hong-Kong Daily Press, fait entendre les mêmes
plaintes. Si on laisse de coté, dit-il, les employés de la marine, de
l'administration et de la justice, ainsi que la garnison, la communauté
anglaise fait triste figure à côté de la colonie allemande. Les rafline-
ries de sucre et toutes les industries qui se rattachent à la navigation
donnent encore la supériorité aux Anglais, mais la plus grande partie
de l'activité commerciale proprement dite est aux mains des Alle-
mands. Les profits qu'ils en retirent ne font aucun doute. Aussi est-ce
à eux, comme le fait remarquer le journal, qu'appartiennent les
meilleures maisons de la ville.
D'autres faits encore montrent Timportance acquise par les Alle-
mands. La plus forte banque d'Extrême-Orient, la « Hong-Kong and
Shanghai Banking «Corporation » dont les capitaux dépassent 20 mil-
lions de marks, ne compte pas moins de quatre Allemands sur les
onze membres qui forment son conseil d'administration; la ce Hong-
Kong and Whampoa Dock Company » qui reçoit dans ses docks
presque tous les navires de guerre anglais qui ont besoin de répara-
tions, possède sur les sept membres de son conseil d*administration,
trois Allemands; en outre, dans ces deux puissantes institutions, le
président du Conseil était, en 1897, allemand; actuellement, elles ont
chacune un Allemand comme vice président. On peut dire la même
chose d'autres entreprises moins importantes que l'on a l'habitude de
désigner comme anglaises. Aussi, il y avait en 1897, dans la « Hong-
Kong and kowloon Wharf and Godown Company » dont le capital
est de 1 million de dollars, sur onze administrateurs, quatre Alle-
mands; dans la « Hong-Kong, Canton and Macao Steamboat Company»
au capital de 1,200,000 dollars, deux Allemands sur cinq directeurs;
dans le « China Traders Insurance Company » qui possède un
capital-actions de 2 millions de dollars, trois des cinq administrateurs
sont allemands; dans le « China Pire Insurance Company », dont le
capital est aussi de 2 millions de dollars, trois des six administrateurs
CHRONiaUE 31 i
sont également de nationalité allemande; enfin, dans la « Hong-Kong
Investment Company » dont le capital-actions est évalué à 5 millions
de dollars, il y a deux Allemands sur sept administrateurs. On
pourrait encore citer un grand nombre d'autres entreprises d'impor-
tance moindre où les Allemands occupent au moins une place
d*administrateur. Les chiffres qui viennent d'être donnés suffisent
pour montrer Timportance de la participation des capitaux allemands
dans les entreprises de cette colonie anglaise. On estime que dans les
sept grandes institutions citées ci-dessus, le chiffre des capitaux
allemands s'élève à 20 millions de marks.
Formose. — L'avenir ne se présente pas sous un jour favorable
pour les commerçants étrangers à Formose depuis l'occupation de
cette île par les Japonais, d'après ce que dit dans son rapport,
M. de Rcns, consul des Pays-Bas à Yokohama. Le commerce du
camphre y a perdu tout avantage et celui du thé est fortement menacé
par suite des mesures prises par le Gouvernement japonais. Quant au
trafic de l'opium, il est entièrement perdu pour le commerce libre.
Outre cela, la navigation sous pavillon étranger rencontre chez les
lignes japonaises subsidiées une concurrence difiicile à soutenir.
Dans ces circonstances, il ne peut naturellement être question
d'établir de nouvelles maisons de commerce. Le contraire est plutôt
vrai. Ainsi deux firmes allemandes établies à Anping et à Takow,
depuis 1898, ont dû cesser les affaires.
Les Japonais n'ont pourtant pas encore pu réussir à fonder de
grandes entreprises industrielles ou commerciales. L'audace et l'ini-
tiative nécessaires leur ont manqué. Ce n'est que lorsque l'État inter-
vient pour accorder son appui, que les capitaux japonais osent se
risquer. C'est le cas de la Banque de Formose, créée en 1898, grâce
aux privilèges concédés par le gouvernement.
Le calme ne règne pas encore complètement dans l'île. Les mécon-
tents ne restent jamais tranquilles que pour quelques mois, puis, on
entend parler de nouveau de combats entre indigènes et japonais.
Il n'est pas même question de tranquillité absolue dans les environs
des villes importantes, particulièrement sur la côte méridionale.
Les Chinois sont les seuls qui ont, jusqu'à présent, tiré parti de
l'occupation japonaise. Ils n'ont jamais gagné autant d'argent. Ils
doivent cette fortune, d'une part, à l'établissement d'une administra-
tion plus régulière et, d'autre part, à l'absence de concurrence. Le
gouvernement japonais oppose, en effet, toutes sortes de difficultés à
l'immigration de nouveaux Chinois.
Si s ÉTUDES COLONIALES
D'un autre côté, le « Japan Weekly Mail » annonce qu'une ordon-
nonce récente défend aux étrangers l'acquisition d'immeubles à For-
mose. Cette prohibition ne s'applique pas à ceux qui ont acquis dos
propriétés avant la promulgation de cette mesure. La même ordon-
nance limite la durée des prises à bail ordinaires à vingt ans et celle
des autres genres de louage de terres à cent ans. Il va aussi de soi
que le code civil du Japon ne s'applique pas à Formose.
Japon. Les étrangers et le droit à propriété immobilière. —
D'après le « Japan Weekly Mail », le chef de l'administration de Ilok-
kaido, considérant que le développement des districts qu'il a sous sa
juridiction prendrait une grande extension si on encourageait les entre-
prises étrangères et le placement des capitaux étrangers, a demandé
au ministère de l'Intérieur que les personnes juridiques qui se met-
traient en règle avec les prescriptions des lois japonaises; fussent
autorisées à acquérir des propriétés immobilières, peu importe
qu'elles fussent constituées exclusivement par des étrangers ou par
des Japonais et des étrangers. Le ministre de l'Intérieur a répondu
qu'aucune disposition des lois japonaises ne s'opposait à l'acquisi-
tion d'immeubles par des personnes juridiques composées d'étrangers.
Il y a lieu de remarquer qu'une décision de justice s'était déjà pronon-
cée dans ce sens.
Corée. — Le commerce de la Corée suit une marche ascendante
malgré les troubles politiques qui agitent ce pays. Il a monté de
H, 000,000 yen en 1894 à environ 2o,000.000 yen en 1898. La valeur
moyenne du yen était en 1894 de fr. 2,68, et en 1898 de fr. 2,57. Le
pays est pauvre en produits industriels, mais très riche en ressources
naturelles, et il produit du blé pour l'exportation en Chine et au Japon.
La pêche est très importante; les principaux centres sont Wusan et
Fusan qui ont été visités en 1898 par 6,838 bateaux de pêche japonais.
Un commerce d'exportation d'or en poudre s'est aussi développé dans
les dernières années; des syndicats allemands et anglais exploitent
des dépôts d'or en poudre de la Corée. L'Angleterre occupe toujours
le premier rang dans les relations commerciales de ce pays.
CHRONIQU 313
AUST^ALASIE
Iles Carolines. — Le gouverneur de la Nouvelle-Guinée a pris
possession de Tadministration des Iles Carolines, le 1®' octobre 1899.
Le groupe des Carolines a été divisé en trois districts ; un commissaire
se trouve placé à la tête de Tun d^eux et un commandant de district à
la tête de chacun des deux autres. Le premier district comprend les
îles situées à TEst du 180**E, le deuxième, les Carolines occidentales et
le troisième, les îles Mariannes. Ces districts possèdent l'autorité
judiciaire et dépendent de la Cour suprême de Hubertshohe. Le
système judiciaire allemand sera introduit dans ces îles, mais on
tâchera de maintenir autant que possible Tancien droit des colonies
espagnoles qui est en vigueur actuellement, en matière civile; dans
les affaires criminelles, on suivra le Code pénal allemand.
Les règles concernant Tacquisition des terres sont analogues à
colles qui sont appliquées à Kiautschou. L'administration seule a le
droit de prendre possession des terres sans maître et de passer, avec
les indigènes, des traités conférant des droits réels. L'administration
peut ensuite vendre des étendues de terres ne dépassant pas 500 hec-
tares à des particuliers ou à des compagnies. Les titres anciens doi-
vent être reconnus judiciairement avant le 1«' octobre 1900.
Les trois seuls ports ouverts actuellement au commerce étranger
sont ceux de Ponape, de Yap et de Saipan où se trouvent les trois sièges
du gouvernement. Tous les vaisseaux qui touchent aux Carolines doi-
vent donc entrer dans l'un de ces trois ports; là seulement ils peuvent
obtenir l'autorisation de visiter d'autres parties des îles. Une exception
est faite en faveur des bâtiments appartenant à des compagnies
établies dans les îles. L'autorisation de se rendre dans d'autres régions
des îles s'accorde moyennant le payement d'une taxe et elle sera
valable pour une ou deux années; elle pourra toutefois être annulée
dans des cas spéciaux.
Un autre décret défend la vente d'armes à feu, de munitions,
d'explosifs et de liqueurs alcooliques aux indigènes.
La monnaie allemande a été introduite dans les îles. Aucun paye-
ment en monnaie étrangère ne sera plus reçu Sipré» le i^ avril 1900, à
l'exception do l'or anglais.
314 ÉTUDES COLONIALES
Des ordonnances très détaillées s'occupent du recrutement de la
main-d'œuvre en Nouvelle-Guinée et dans les Carolines. Les vaisseaux
qui recrutent des travailleurs et les transportent à leur lieu de desti-
nation doivent réunir certaines conditions sanitaires et être pourvus
de vivres suffisants pour les ouvriers engagés. Avant d'entrer en service
comme avant leur libération, les ouvriers devront se présenter chez
les autorités compétentes pour subir un examen médical. La durée des
engagements ne peut dépasser cinq ans et la nature des salaires à
payer est également fixée. L'administration et les particuliers sont
obligés de tenir des listes exaclef, du personnel engagé. Les employeurs
doivent acquitter une taxe de 5 marks pour chaque engagement de
travailleur. L'autorisation de recruter des ouvriers sera immédiatement
retirée à celui qui ferait usage de la violence pour effectuer des. enga-
gements.
BIBLIOGRAPHIE
De bemesting en het dragen van koffie in BraziliÔ. (Communications de la
station ■ d'essais du gouvernement à Gampinas (État de Sao-Paulo), par le
IK F. W. Defert, avec la collaboration de M«« E. Scpmann etL. Uidinus. In -4'* do
250 pages, avec 50 planches. H. de Bussy, éditeur, Amsterdam, i808.
Le travail dont nous nous occupons est un des plus importants qui
aient paru sur la culture du caféier, bien que les recherches de ses
auteurs se soient spécialement limitées, comme le titre l'indique, aux
engrais et amendeitients applicables au sol des plantations, et d'autre
part, à l'opération délicate du séchage de la graine.
Le premier chapitre est formé d'une statistique de la production de
l'État de Sao-Paulo, établie scientifiquement, avec indication de l'alti-
tude des plantations et de la nature des terrains. Les chapitres suivants
renferment: l'analyse chimique des différentes parties du caféier,
l'étude, appuyée sur les expériences de la station otticielle, des divers
engrais organiques et inorganiques applicables à la culture de l'arbuste,
et le compte rendu des essais comparatifs entre l'espèce ordinaire, le
Brésil, et le caféier de Bourbon, essais dont le résultat a été favorable
à celle dernière espèce.
Les chapitres VII à X traitent du séchage de la graine au point de
vue économique et technique. On y trouve la description détaillée,
avec planches figuratives, de toutes les machines à sécher connues, (il
n'en existe pas moins de trente-cinq systèmes), et Texposé des essais
faits à la station de Campinas pour perfectionner les méthodes
existantes.
Le chapitre XI revient sur la question des engrais chimiques, en trai-
tant surtout de ceux qui sont applicables dans l'État de Sao-Paulo.
Dans son ensemble, l'ouvrage considérable que nous venons d'ana-
*yser doit être considéré comme une contribution des plus importante
à l'étude scientifique de la production du café.
316 ÉTUDES COLONIALES
La Vinification dans les Pays chauds. Algérie et Tunisie, par J. Dojast, directeur
de la station agronomique et œnologique d*A.Iger. Un vol. in-8« de 2^ pages, avec
526gures. Paris, Carré etNaud, 1900.
Le traité, qui fait partie de la Bibliothèque de la Revue générale des
Sciences, donne d*ainples notions sur toutes les parties de la fabrica-
tion du vin; les conditions particulières de la fermentation sous un
climat chaud sont exposées à Taide d'expériences faites à la station
agronomique. Ce traité sera d'un grand intérêt pour les colonisateurs
de terres propres à la culture de la vigne.
La Guinée française. Conakry et Rivières du Sud, par M. A8p&-Flkurimokt, conseil-
ler de commerce extérieur de la Franco. Un volume in-iâ de 547 pages, avec deux
cartes et des annexes. Paris, Ghallamel, 1900.
Le livre de M. Aspe-Fleurimont est un des meilleurs qui aient paru
en France sur la question si actuelle de la mise en valeur des colonies.
L'auteur a fait de la situation économique au Sénégal et dans les
régions annexées à cette colonie une étude approfondie, en obsei'va-
teur éclairé et sans préjugés. On trouvera dans ce\ ouvrage des consi-
dérations neuves sur le régime des taxes et sur la répercussion de
celles-ci sur le commerce; les conditions toutes particulières du trafic
avec les indigènes entraînent des conséquences fort éloignées des con-
clusions traditionnelles des économistes théoriciens.
Les opinions de l'auteur sont empreintes d'un sens très -exact de la
réalité, sans illusions sur les erreurs commises et sans pessimisme
systématique. Nous avons remarqué qu'en plus d'un endroit l'auteur
cite l'exemple des Belges et de l'État Indépendant du Congo, comme
modèle d'une politique économique rationnelle et fructueuse.
-^
REVUE DES REVUES
Le Mouvement géographique. N» 9 (4 mars . Le régime des concessions
dans le bassin de la Sanga. Lr Tocanlins-Arnguaya. — N" 10 (11 mars). La Sanga. La
province de Tchc-Kiang. — N" 11 (18 mars). Le prohlème du Wam (bassin de PUbanghi),
avec deux cartes. — N» 12 (25 mars). Au Kalanga, par A. Delcomxu.ne. Le charbon en
Chine. Règlement sur les mines et les chemins de fer chinois.
La Belgique coloniale. N''* 9 à 12 (4, 11, 18 el 25 mars). Critériums économi-
ques et coloniaux, par R. V. — Le protectorat de la Tunisie, par J. Gauraing.
Le Congo belge. No^ 9 à 12 '4, 11, 18 et 25 mars). Le Ma}^imbé. L*éléphant
d*Afrique. Deux expériences sur la malaria.
La Semaine horticole. N"» 8 à il (3, iO, 17 et 24 mars). Voyage au Fernan-Vaz,
par G. De Brandner (suite). Iji culture du cacao à rÉ(iuateur, par C. Booillet. La
culture du dattier, par le môme.
La Quinzaine coloniale. N'> 77 (10 mars% Le nouveau tarif sur le café, par
J. Chailley-Bcrt. La colonisation agricole au Tonkin (fin), par Duchexin. — N" 78
(25 mars). L'enseignement colonial, par J. Chaillet-Bert.
Bulletin du Comité de PAfirique française (mars). Du Niger vers le lac
Tchad (suite du journal du capitaine Cazemajou).
Questions diplomatiques et coloniales. N» 75 (1<''' mai's). Les colonies anglaises,
par M. Ordi.naire. La Gasamance, étude commerciale, par P. Arnaud-Régis. — N" 74
(15 mai's). Au Tidihelt : le programme saharien, par J.- R.-M. Flxma.nd. Le crédit colonial,
par J. Frasoonie. Le Maroc inconnu, par G. Jacqueto.n.
Bulletin de la Société de Géographie de Bordeaux. Musées commerciaux
et coloniaux ù l'étranger (suiio), par Alb. Mengeot. Le poivre de Saigon, par L. Imbert.
Revue des Cultures coloniales N» 48 (5 mars). Un nouveau remède contre la
dyssentcric (le Ko sam), par J. Dibowski. Étude sur les propriétés et Texploitation des
bois de la Côte d'Ivoire, par le capitaine du génie Houdaille. La culture du cacaoyer à
la Martinique, par G. Landes. L'indigo, sa culture et sa récolte dans Tlnde, par
V DkLiGNY. Le cancer du cacaoyer, par J. Vilbouchewitch.
The Geographical Journal (mars 1900). Un voyage du fort Jameson à Vieux-Ghi-
tambo et au plateau du Tongangka, par Rob. Codrington, administrateur de la Rhodesia
du Nord. ^ Le «r Sudd » (végétation flottante) du Nil blanc. Notes sur la géologie et
l'anthropologie de l'Abyssinic, par le D' Reginald K^ettlitz (appendice au voyage de
H. Weld Blundell .
Journal of the Royal colonial Institute (mars iOOO). Une école de médecine
tropicale, par le D^ Patrick Mansoiv. — Les Bahamas, par Sir W. Robirson.
318 ÉTUDES COLONIALES
Der Tropenpflanzer. No 3 (mars 1900). Expédition pour le caoutchouc dans
TAfrique occidentale, par R. Scrlecrcr. — Le Kola au Kamerun, par L. Beinegau
(avec figures). — La cullurc de la Vanille au Mexique, par H. Lengke. — Les colonies
allemandes en 1898-1899 (Togo et Knmerun*.
Supplément. Les travaux d*une plantation de café. Traduit de Touvrage de
F. W. Morren par C. Ettling (avec 8 figures).
N<^ 4. Le Noté au Brésil, par A. Papstein (avec figure). — Notes agricoles sur Ceyian,
par le D^ A. Breyer. — La production du caoutchouc dans TAmérique centrale (Costa-
Rica^ par F. Koschnv. — La culture du café à Gosta-Rica, par le D^* E. Henrici. — Mémo
sujet par J. Kûmpel. — Les colonies allemandes en 4898-1899 (Afrique du Sud-Ouest et
îles océaniennes). Notes sur divers végétaux utiles, par Ad. F. Môller.
Deutsche Kolouialzeitung. N^" 9 ( !•' mars). Remarques sur la situation du ter-
ritoire de Kiautscliau en 1900, par J. Wilda. — Nouvelles de Kiautschau, par E. Prater.
No 10 '8 mars). Le chanvre de Sisnl par le Dr M. Gûrhe. — Images de Yap (Garolines)
par F. Grabowsky (avec 5 figures). N^ 1 1 (15 mars). Quelques mots sur favenir de la par-
tie Nord de l'Afrique occidentale allemande, par E. Dûttnan. — No 12 (22 mars). La
Chine allemande, par E. Prager et II. Gerstenberg. — No 13 (29 mars). La ligne pos-
tale de Shanghaï à Ticntsin, par H. Petzold. Revue des colonies allemandes.
^—^m
OF THE
UNIVERSITY
1^
y
ÉTOOES GOliOHlflltES
No 5 7« Année Mai 1900
DÉBOUCHÉS EN CHINÉ
ponr ks iQgéQiears MécaQicieQs.
(Discours de Lord Ch. Beresford à l'Institut des Ingénieurs Mécaniciens de Londres,)
^?iii^îr:;îEN que ce soit à Tingénieur civil à déblayer dabord la
•^iL^lV route, il y a déjà maintenant un avenir en Chine pour
î^;;;::' l'ingénieur mécanicien, avec un champ d'opérations illi-
mité Preciez en considération que cet empire immense, de H mil-
lions de kilomètres carrés d'élendue et d'une population de près
de 400 millions d'habitants,. pratique encore Tart et l'industrie
avec des outils, des méthodes, des idées d'il y a deux mille ans et
vous conclurez qu'il y a là pour l'ingénieur moderne un champ
d'exploitation étendu et de grande promesse.
Je décrirai en trois chapitres'les débouchés principaux qui s'ou-
vrent à l'ingénieur mécanicien :
I. Travaux de chemins de fer et d'électricité.
II. Travaux de mine.
III. Manufactures.
I. — Chemins de fer et électricité.
En ce qui concerne le premier de ces chapitres, je suis d'avis
que le développement immédiat de la Chine s'effectuera rapidement.
Ainsi que je l'ai promis dans mon ouvrage Morcellement de la
Chine, au moment de la visite que j'ai faite à ce pays, 317 milles
3!20 ÉTUDES COLONIALES
(630 kilom.) de ligne de chemins de fer ont été construits,
2,270 milles (3.800 kilom.) sont en construction et 2,507 milles
(4,i60 kilom.) sont projetés dont les travaux de tracé de la ligne
sont commencés tandis que 1,070 (plus de 1,700 kilom.) sont pro-
jetés sans que les premiers travaux aient été faits. Dans quelques
années nous verrons donc plus de 6,000 milles (i0,000 kilom.) de
voies placées et Tingénieur mécanicien aura trouvé là amplement
de besogne à conduire ou bien à construire ou réparer les locomo-
tives et tout le matériel à Tusage des Chinois et des propriétaires
de ces chemins de fer. Je puis dire que l'énergie, le courage et
les qualités d'habileté de M. C. W. Huider, qui fait honneur à votre
profession, ont accompli l'érection d'ateliers très importants à
Tongshan. Ces ateliers construisent tout leur matériel sauf les
locomotives, mais travaillaient à leur première locomotive lorsque
je les ai visités. M. Iluider espérait pouvoir construire une locomo-
tive au prix de 1,600 liv. st. (soit 40,000 fr.) ce qui coûterait chez
nous plus de 70,000 francs (avec un délai de fournitures de deux
ans). Ce qui lui cause le plus de difficulté, c'est le manque de tra-
vailleurs expérimenlés. M. Huider paie de bons salaires. Les Rus-
ses, qui ont cherché à débaucher son personnel, paient moins que
lui et il ma dit qu'aujourd'hui ces hommes désiraient revenir chez
lui. Les machi.ies roulant sur le chemin de fer de Shan-kai-kwan
sont fabriquées par MM. Dubs de Glascow et Balduin d'Amérique.
Les machines américaines sont plus légères et moins bonnes que
les anglaises, mais suffisent pour le travail qu'on leur demande.
Les prix sont tellement en faveur des machines américaines que
M. Iluider m'a dit avoir gagné 750,000 francs en employant ces
machines; de plus leur délai de fourniture est de quatre mois au
lieu de vingt-quatre, ce qui a permis de travailler et de distribuer
des dividendes plus tôt. L'idée qu'on se fait que des ouvriers expé-
rimentés chinois travaillent à bon marché est erronée, du moins
en ce qui concerne le nord de la Chine. Un bon ouvrier chinois y
touche 60 dol. (150 fr.) par mois. Ces ouvriers travaillent parfaite-
ment aux réparations de chaudière et à leur remplacement et à
d'autres travaux importants. M. Huider estime que le cofit des
300 milles de rail jusque Shan-kai-kwan ont coûte en tout (y com-
pris les admirables ateliers de Tongshan que j'ai vus) environ
150,000 francs par mille. Près de là j'ai vu des ateliers de fabri-
DÉBOUCHÉS EN CHINE 321
cation de ciment, mais on n'y Iravailiait pas et les machines étaient
en train de se rouiller tant est grande l'inaptitude au travail, chez le
Chinois non surveillé par des Européens. Il y avait cependant une
demande de 60,000 à 80,000 tonneaux de ciment par an pour le
chemin de fer que Ton a dû se procurer ailleurs, les ateliers de
ciment ayant été fermés.
Il est une autre difficulté à ajouter à celles dont nous venons
de parler : cest la haine du Chinois pour le « démon étranger »
A répoque de ma visite ces sentiments d'hostilité et de malveillance
se manifestèrent : deux des ingénieurs de M. Huider turent mal-
traités à Fungte et l'on tira même sur eux. Comme exemple de la
légèreté de la façon anglaise de traiter ces incidents en Chine, mon
attention fut attirée sur ce fait, qu'au lieu de demander immédiate-
la punition des chefs du mouvement et le retrait des troupes chi-
noises Kan Suh qui étaient responsables de l'outrage, les autorités
an-laises réclamèrent une conférence de tous les njinistres
étrangprs : comme résultat de leur action réunie, deux des coupa-
bles furent « légèrement » fouettés, recevant la même punition
que des coulies qui avaient abimé le manche d'une pompe et un
morceau de tuyau (valeur 2 dol.) quelques semaines auparavant.
M. Huider fut si mécontent qu'immédiatement il rappela ses
ingénieurs, et les soldats, enhardis par la presque impunité de
leurs camarades, s'empressèrent de détruire des chaudières à
Poihotien et d'enlever des tuyaux de cuivre.
L'affaire fut néanmoins jugée peu après et les troupes rappelées.
Il eût été beaucoup plus sage, me sembla t-il en semblable occur-
rence, de faire assumer par le Foreign Office la responsabilité com-
plète, au lieu de se réfugier derrière les étrangers, dont plusieurs
n'étaient pas fâchés de voir les sujets anglais maltraités.
Le chemin de fer est le plus grand, le plus facile et le plus
rapide moyen de civilisation, et j'envisage avec condance les bien-
faits qu'il apportera à la Chine et au commerce anglais. Les ingé-
nieurs mécaniciens ont un rôle important à jouer dans l'avenir
prochain où le « Cheval de fer » de Stephenson, pénétrera dans
l'empire du Milieu, et je recommande particulièrement à cette
institution de considérer avec attention les grands débouchés qui
s'ouvrent dans cette direction.
J'ai placé l'électricité en tête parce que j'ai appris par les voies
322 ÉTL'DRS COLONIALES
ordinaires d'information, que depuis mon retour de Chine, il est
devenu possible pour le voyageur de se rendre par traction élec-
trique de la station de chemin de fer aux portes de Pékin. Je fus,
moi, transporté dans la cité, sur chaise de mandarin, tandis que
ma suite montait des poneys chinois, et jugeant par ce qu'était
alors l'état des routes, avoir réussi si vite à établir un tramway
électrique, fait honneur aux promoteurs de l'entreprise. Les roules
chinoises étaient parfaites il y a 2000 ans, mais elles n'ont pas été
réparées depuis. Comme je parlais à ce sujet avec un Américain,
il me répondit : « Oui, Monsieur, les routes sont fort mauvaises,
» une mule s'est nojée lautre jour sur la route, devant l'cmbas-
» sade. »
Dans les quartiers européens l'électricité est appliquée à l'éclai-
rage; et même à Hankow, à iOOO kilomètres sur la rivière Yangtse,
on fait des installations électriques. L'abondance et le bon marché
du charbon rendront cette branche de l'industrie concernant Tin-
génieur électricien fort profitable dans un temps fort court.
Les Chinois de la classe élevée apprécient beaucoup le luxe
européen et je ne doute pas qu'ils deviennent promptoment des
consommateurs de l'électricité pour leclairage et l'industrie. Evi-
demment au début tout le matériel d'inslallation doit d'abord être
importé et je désire faire remarquer à votre institution, que nous
sommes très en retard sur l'Amérique et le Japon, en ce qui con-
cerne l'application de l'électricité, et à moins que nous devenions
beaucoup plus énergiques, le grand matériel électrique dont la
Chine aura besoin viendra de ces pays II est plus que probable
que les ingénieurs Japonais et Américains qui accompagneront ce
matériel en Chine seront employés là au lieu d'ingénieurs anglais.
J'ai exposé les raisons de ceci dans mon livre The Break up of
China.
A Kioto, au Japon, j'ai vu le grand matériel d'installation élec-
trique qui, non seulement éclaire deux tiers de la ville, mais aussi
fournit le pouvoir moteur aux tramways de la Cité, à la machine
pour la pompe aux travaux d'eau et à environ soixante industries
différentes à l'intérieur ou près de Kioto. La puissance électrique
est produite par une chute d'eau de 120 pieds (40 mètres).
Le matériel est surtout américain, mais les Japonais commen-
cent à le construire eux-mêmes. A un autre endroit près de Kioto,
DÉBOUCHÉS EN CHINE 323
il y avait un trafic considérable a travers le lac Biva et au delà,
formant une distance totale de 110 kilomètres.
Des bateaux amenaient les passagers et les marcliandises à
50 kilomètres, et à partir de là le transport par terre devenait
nécessaire. Ceci se faisait en assujetissant le bateau dans un ber-
ceau; puis le halant sur nn plan incliné d'une longueur de
1610 mètres par un fil d'acier s'enroulant sur un moteur électrique.
Depuis ceci le trafic augmenta de 10 p. c.
Beaucoup de personnes pensent que les Japonais sont de sim-
ples copistes. Ici ils copièrent, mais copièrent seulement ce qu'il
y avait de meilleur et combinèrent souvent des idées prises à des
sources absolument différentes. A cette époque ilsavaient un canon
à tir rapide aussi bon qu'aucun de ceux existant alors. Une partie
en était basée sur des modèles allemands, une autre sur des mo-
dèles anglais, mais l'ensemble était japonais et essentiellement
différent des autres. De même, le magasin de leur fusil est essen-
tiellement différent de tous les autres, mais tout aussi bon.
Aux Etats-Unis, à Buffalo en particulier, j'ai vu un exemple
analogue d'ingéniosité et de hardiesse. Les merveilleuses chutes du
Niagara sont utilisées pour la production de la puissance électrique
pour des centaines d'industries au prix minime de 1 livre (25 fr.)
par cheval vapeur et par mois.
Evidemment, le Japon et l'Amérique ont eu un grand avantage
sur les pays plus anciens comme l'Angleterre par le fait qu'il est
bien moins coûteux d'établir dès le début les derniers procédés de
l'électricité que de remplacer un système mû par la vapeur, le gaz
et d'autres moyens plus onéreux, comme nous avons à le faire
chez nous. La raison pour laquelle je signale ceci, est que la Chine
se trouve dans la même situation favorable que le Japon ou l'Amé-
rique et que l'ingénieur électricien aura beaucoup de débouchés
devant lui si des institutions comme celles-ci veulent bien se met-
tre à étudier les besoins immédiats de la Chine et aider leurs
membres i\ tirer parti de leur expérience.
Le système de télégraphes existe déjà par toute la Chine et
appartient au gouvernement. Ils sont mal gérés : j'ai appris qu'il
était souvent possible d'aller de Pékin à Nen-Sin et de là à Shan-
ghaï et d'y arriver avant un télégramme lancé au départ. En payant
triple port on arrive à obtenir une vitesse raisonnable, mais le
324 ÉTUDES COLONIALES
service est très mal fait. Le téléphone existe dans certains quar-
tiers étrangers, mais l'administration d'une des compagnies de
téléphone en Chine, m'a dit que tous leurs fils de cuivre étaient
volés par les (Ihinois, ce qui la réduisait à un service peu efficace
avec des fils d'acier.
Au Japon j'ai été très frappé de l'immense application du télé-
phone. Dans les petites villes, on voyait des poteaux portant
trente ou quarante fils téléphoniques.
II. — Mines.
L'ingénieur mécanicien qui a adopté la branche s'occupant des
mines et des machineries les concernant, ainsi que des machines
d'ateliers, d'hydraulique et de travaux de toute espèce, trouvera
qu'il y a assez d'occupation en ce moment pour lui en Chine. Le
pays est rempli de minerai. Le fer, le charbon, l'or, l'argent, le
cuivre, le mercure, le plomb et le sel se trouvent en quantité,
valant la peine d'être exploités, et il ne manque que des ouvriers
adroits et des machines perfectionnées pour développer les res-
sources si riches de cette merveilleuse contrée.
La main d'oeuvre pour les travaux miniers peut être obtenue du
coolie au prix de (200 cash) soit 60 centimes par jour. Nos amis,
les Russes, ont probablement l'esprit ouvert à ce fait iinporUmt en
Mandchourie où un Anglais m'a montré des spécimens d'or obtenus
par lui à l'intérieur du pays.
Un autre Anglais qui a vécu dans le pays depuis des années,
m'a dit que la Mandchourie était un climat convenant aux blancs,
très sain et vivifl;«nt et qui s'appelle Nancomer de même que son
sol et ses ressources. Mais la Mandchourie n'est pas le seul en-
droit où l'on trouve des minerais; par toute la Chine on en
découvre en grands dépôts ; je ne mentionnerai que les merveil-
leux districts houillers du Shansi qui paraissent avoir une épais-
seur de 26 mètres et que le syndicat de Pékin va exploiter, et les
resssources de Shantomy, où j'ai vu une carte de missionnaires
allemands couverte d'indications quant aux endroits où se trou-
vaient l'or, la houille, le fer et d'autres minerais ; je citerai aussi
les districts houillers et les mines de fer de Hangang et d'autres
DÉBOUCHÉS EN CHINE 2:25
endroits sur le Yangtse, et beaucoup d'autres districts où les miné-
raux existent. Cela suffit à indiquer que les richesses de la Chine
dans cette direction sont incalculables. Tous ces grands dépôts
de richesses souterraines appartiennent au gouvernement chinois.
On peut se figurer quel développement on pourrait donner ainsi
aux sources jusqu'ici inexplorées des revenus de la Chine si le
gouvernement britannique possédait toutes les mines du pays et
pouvait exiger une licence importante pour le droit de les exploiter.
J'ai visité quelques-unes de ces mines de charbon : à la surface
de Tune d'elles, le charbon apparaissait et pouvait donc être extrait
à bien meilleur compte; néanmoins les moyens de transport
étaient si défectueux qu'à une distance de 50 kilomètres tout le
gain éUiit absorbé.
L'ingénieur des mines doit naturellement être au courant de tout
ce qui concerne les pompes et l'hydraulique et si, au début il y a
peu à faire pour lui dans sa sphère propre, je l'engagerai Remployer
ses connaissances dans une autre direction, il y a un grand champ
pour des ingénieurs mécaniciens dans beaucoup d'anciennes, et
dans la totalité des nouvelles concessions, en fournissant de l'eau
à la communauté européenne. Dans un endroit comme Hankow,
par exemple, où il n'y a pas de travaux d'eau, non seulement les
Européens, mais les (Chinois de l'autre côté de la rivière, seraient
heureux de voir établir ces travaux. A 'présent, toute l'eau doit
être bouillie pour être absorbée et cela est très désagréable II y a
un projet pour la fourniture d'eau à Canton, projet auquel un
Anglais, jadis membre du Parlement, travaille sérieusement. Il y
a une grande demande de machines pour les mines, pour les
machines et les pompes et toute autre installation de celte espèce
et il ne manque que du capital et des ingénieurs mécaniciens
anglais pour donner un grand débouché à nos industriels fabri-
quant ces produits.
III. — Manufactures.
Il est certain que la grande abondance de charbon et de fer que
possède la Chine, fera de ce pays un concurrent sérieux pour nous
sur le marché industriel. Mais, au lieu de craindre la concurrence,
les fabricants anglais devraient réfléchir et, s'ils sont sages et pré-
326 ÉTUDES COLONIALES
voyants, se convaincre que, pour de longues années à venir, la
(]hine deviendra un acheteur énorme de machines et d'outils
d'acier; avant que la réaction véritable se produise et que nous
commencions à scnlir les effets de sa concurrence, la C.hine sera
devenue si riche que la quantité énorme de nos produits qu'elle
prendra dans une direction, contrebalancera nos pertes d'ailleurs.
Il y a d'autres points dont il faut se souvenir :
1. Un pays pauvre ne peut acheter beaucoup des autres pays;
2. Bien que cela semble paradoxal, la production crée la
demande ;
3. Le commerce en général continue à augmenter même si
Tinduslrie privée en souffre.
Pour expliquer ma pensée :
. 1. Si la Chine est maint(^nant un bon client de TAngleterre, elle
deviendra un meilleur client encore quand elle aura plus d'argent
pour payer. Kilo ne peut obtenir cet argent qu'en exploitant ses
minéraux et en devenant une contrée manufacturière avec de
grandes exportations.
Plus la Chine deviendra riche, plus elle achètera.
2. Je répèle qu'il n'est pas douteux qu'un accroissement de
fourniture appelle un accroissement de demande.
Cela vient de ce que plus on fournit d'un article, plus cet
article devient bon marché pour le fournisseuret pourlacheteur.
L'introduction de la machine, qui a d'ailleurs rencontré de prime
abord de la résistance chez les plus ignorants, a bien prouvé ceci,
notamment dans le cas de l'invention de la machine à tisser par
Arkwright, en Angleterre.
Un autre exemple se trouve chez les races non civilisées, ou
chez celles où la civilisation s'est arrêtée comme en Chine. Quelques
hommes seulement peuvent vivre, et vivre tout juste, d'une grande
étendue de pnys, si chacun vit seulement de ce que lui-même pro-
duit, mais, si sur la môme éloncluc de terrain, un certain nombre
d'hommes se réunissent, installent des machines et des ateliers,
chacun de ces hommes devient un spécialiste, et fournit à toute la
communauté un article que lui seul et quelques autres peuvent
produire, et le pays supporte bien plus d'individus, que lorsque
chacun ne subvient qu'à ses propres besoins.
3 Si la Chine devient une contrée mainifacturière, elle ruinera
DÉBOUCHÉS EN CHINE 3!27
évidemment des industries anglaises privées; mais aussi long-
temps que la quantité, la somme de notre commerce augmente,
nous n'avons rien à craindre. Nos manufacturiers feront de
l'argent dans d'autres directions. — Coventry est un exemple de
ce que j'avance.
La destruction du commerce de rubans a menacé Coventry
de banqueroute; mais l'avènement de l'industrie du cycle a rendu
la ville dix fois plus prospère.
J'ai visité en Chine beaucoup de moulins fabriquant le coton et
la soie.
Parlout j'ai trouvé que les moulins dirigés seulement par des
Chinois étaient des insuccès. Leur système est de payer de forts
dividendes, sans rien mettre de côté pour la dépréciation des
machines; de celte façon, tout tombe en ruine et, lorsque la catas-
trophe inévitable arrive, cela signifie le renouvellement complet du
matériel. — L'industrie de la soie est occupée à se suicider par
rcntôtement à saccrocher aux anciens systèmes, et trouve dans
le Japon, où l'on adopte des machines modernes, un concurrent
redoutable.
Le commerce du thé décline pour les mêmes raisons Des faits
importants m ont été communiqués à propos de l'industrie du thé
aux Indes.
Les progrès qui ont été obtenus par le remplacement du travail
à la main par celui des machines, ont évidemment joué un grand
rôle dans le progrès dans la faveur publique du thé indien et cin-
galais.
Les anciens procédés à la main prenaient une très grande éten-
due de terrain, il (allait quinze personnes pour produire iOO livres
de thé en un temps considérable. L'introduction de la machine par
Davidson a amené un mode de labrication plus propre, plus rapide,
qui demande un quart du temps et un quinzième du travail d'autre-
fois.
Il y a trente ans, il élait impossible de débarquer du thé à
Londres à moins de fr. 1.80 par livre. Aujourd'hui le planteur,
îivec l'aide de la machine, peut débarquer et vendre son thé en gros
à Londres, avec profit, pour fr. 0.80 la livre.
Jusqu'à présent les tentatives d'introduction de ces machines en
(>hine ont échoué, parce que le thé s'y cultive sur des parcelles
828 ÉTUDES COLONIALES
de terrain dont les propriétaires ne veulent pas se si' parer et
est alors récolté quand bon leur semble, sans souci des exigences
de la machine.
J'appelle latlention des ingénieurs mécaniciens sur ces questions
importantes de la manufacture de la soie et du thé, et je crois que
des compagnies anglaises établies en Chine dans des ports à traité
sur des concessions anglaises, pourraient acheter du petit planteur
chinois des quantités considérables de thé et de soie vierge, et
par les nouveaux modes de fabrication et les machines modernes,
produire un article supérieur dans chacune de ces industries, et
en trouver un débit facile.
J ai parlé souvent des machines dans les arsenaux chinois et du
merveilleux travail obtenu. Je n'y toucherai qu'en pnssant, me
réservant, pour les détails, au Break up of China. Voici, néan-
moins., une ou deux anecdotes caractéristiques sur les Chinois.
A Shanghaï, dans le superbe arsenal dirigé par MM. Bunt et
Cornish, tous deux ingénieurs mécaniciens anglais, j'ai vu un
canon Armstrong réparé d'une façon remarquable.
En fait, c'était réellement un canon Krupp avec un appareil de
fermeture Armstrong.
On me dit que l'appareil de fermeture original avait éclaté, et en
visitant un fort, un peu plus tard, je vis pourquoi et comment.
Arrivant à ce fort, je félicitai le mandarin d'avoir des canons
(67 tons) montés dans les bonnes positions, et l'on me montra la
poudre destinée à ces canons. — Je dis alors : « Sûrement, vous
ne vous servez pas de cette poudre dans ce canon? — Si, reprit
le mandarin.- — Mais cela fera sauter vos culasses? — En eÀet,
reprit le mandarin. — L'un de ces canons a vu sauter sa culasse,
ce qui a tué quatre hommes; on en a essayé un autre, ce qui en
tua vingt-quatre. »
Plus tard, je visitai une autre batterie, où se trouvaient cinq
canons de 60 tons.
Observant l'arrangement de ceux-ci, je demandai au mandarin
quelle était la direction de son front. Le mandarin indiqua une
direction, mais la position des canons en accusait une autre. J'en
lis l'observation ; le mandarin secoua la tête et me répondit qu'il y
avait probablement quelque erreur. Je lui fis observer alors qu'un
de ces canons seulement pourrait être employé avec sécurité dans
DÉBOLGHÉS EN CHINE 329
la direction désirée — « Oh, non, reprit le mandarin, nous les
tirerions tous. » Sur ma demande, l'expérience fut laite, et en
pointant les canons dans la position désirée, ils se trouvèrent « en
échelons », de sorle que le souffle d'un canon aurait détruit le
détachement voisin.
Connaissant ceci, je plaçai des chapeaux et vêtements de soldats
autour des canons, et en effectuant le tir successivement, ces vête-
ments furent projetés vers le ciel.
« Vous voyez, dis-je au mandarin. »
« Oui, me répondit-il, nous aurions des hommes tués, mais le
coup aurait quand même atteint l'ennemi, n'est-ce (-as? »
A un autre endroit, se trouvait un canon de 60 tons, se char-
geant par la bouche et dont les arrangements étaient tels que
le canon devait être chargé dans le magasin à poudre. Un canon
mal écouvillonné ou un résidu de sachet incomplètement brûlé
aurait pu faire sauter le tout. J'en fis la remarque, disant que je
n'avais jamais rien vu d'aussi dangereux. Le mandarin sourit, me
tapa sur le dos et dit : « Vous êtes 1 homme le plus intelligent que
j'ai jamais rencontré : c'est précisément ce qui est arrivé l'an der-
nier. Nous avons tiré le canon et le magasin sauta, je vais vous
montrer où. »
Environ cinquante hommes furent tués par cette explosion, mais
on ne changea rien en reconstituant la batterie.
Plus tard, je visitai un moulin à poudre, où se trouvaient d'excel-
lentes machines, de fabrication allemande.
Je reuïarquai cependant, qu'il y avait trop de poudre dans
l'auge et, plus loin, que les fenêtres étaient toutes ouvertes et sans
grillages.
11 pouvait donc arriver que le vent poussât à l'intérieur de la
poussière ou de la pierre braquée qui, en s'introduisant dans
l'auge pourrait, par ta friction, déterminer une explosion. J'en fis
la remarque au mandarin, qui me répondit : « Oui c'est ce qui est
arrivé l'an dernier; ceci est le nouveau bâtiment que nous avons
réédifié. »
Dans d'autres arsenaux, où- il n'y avait pas de surveillance euro-
péenne, les Chinois furent enchantés que je leur montrasse la façon
de régler la vitesse de leurs outils ou d'ajuster leurs engrenages.
Ailleurs je trouvai un homme essayant de forer un canon de six
330 ÉTUDES COLONIALES
poinder et loutil protestant vigoureusement. Je montrai à l'ouvrier
comment l'ajuster et le faire marcher.
Les hommes se réunirent alors dans un coin et parlèrent avec
animation. Je leur demandai ce qu'ils disaient : « Nous disons que
l'Angleterre produit les mandarins les plus remarquables du
monde : nous en avons beaucoup, mais pas un ne connaît les
machines de lalelier ».
En s'occupent des débouchés ouverts en Chine pour les ingé-
nieurs mécaniciens, pour rétablissement de manufactures avec des
machines modernes, sous la direction et la surveillance européenne,
la question de Salaire a son importance. J'ai trouvé que dans la
Chine méridionale, le salaire des coolies ordinaires est de 40 cents
(fr. 0 90) par jour.
Ajusteurs 75 cents (fr. 1.70) jusqu'à fr. 1.25 (fr. 2.90) par jour.
Les serruriers gagnent 60 cents (fr. 1.40; jusqu'à fr. 1.50
(fr. 3 50) par jour.
Les charpentiers 50 cents (IV. 1.15) jusqu'à 80 cents ifr. 1.80)
par jour.
Les maçons 60 cents (fr. 1 .40) par jour.
Les lamineurs et forgerons 30 cents (fr. 0.70) par jour.
Un autre débouché pour les ingénieurs mécaniciens est de s'éta-
blir comme agents pour les machines anglaises dans les établisse-
ments étrangers et les concessions.
Bien souvent j ai vu des machines anglaises, dont les plaques,
portant les noms, avaient été remplacées par des noms allemands
ou belges, et là où les noms anglais avaient été estampillés, on
les avait recouverts de plaques portant des noms allemands ou
belges.
Je vis cette substitution notamment aux mines de fer de Hanyang
et dans un des arsenaux où des outils de Whitvvorth avaient été
ainsi traités
Je le tis remarquer à un marchand chinois, qui me l'expliqua en
me disant que le Chinois préférait acheter ses machines à des
agents locaux plutôt que de les faire venir de pays étranger. Ces
agents, me dit-il, sont le plus souvent des Allemands ou des
Belges, au courant des machines.
Les avantages d'acheter aux agents, sont les suivants :
V L'article est livré plus promptement, étant souvent en stock;
DÉBOUCHÉS F.N CHINE 331
:2" Pas de diiriculté sur le change, pouvant augmenter le prix
après que la commande est faite ;
3" L'agent local est responsable des défectuosités, et peut se
charger des réparations, s'il manque quelque chose.
Je considère ceci comme un point important pour les maisons
industrielles, membres de cette institution; cela donne ainsi de
1 avenir aux jeunes gens qui sont tous ingénieurs mécaniciens et
se chargeraient de pousser les machines anglaises de préférence à
celles des autres pays.
A ce propos, j'appelle l'attention des ateliers de construction
de machines de la Grande Bretagne sur la nécessité immédiate
d'établir une exposition de machines anglaises en Chine, avec des
ingénieurs mécaniciens pour en expliquer et en demander les
usages ei le fonctionnement.
La race Chinoise est une race pratique, et si elle voit ce que la
machine peut faire, elle l'achètera souvent.
Les Américains et les Allemands ont déjà pris les devants pour
installer les expositions de leurs produits, et si nous nous laissons
dépasser, cela peut avoir un effet sérieux sur les machines
anglaises.
Il est un autre point sur lequel j'appelle aussi votre attention.
Bien qu'il regarde les fabricants de produits, plutôt que les ingé-
nieurs mécaniciens, il intéresse aussi ceux-ci, qui bénéficieront
d'une modification dans l'état de choses que je viens de vous
exposer.
J'ai remarqué qu'une des raisons pour lesquelles le fabricant
anglais ne réussit pas à fournir au Chinois ce dont il a réellement
besoin, et perd du terrain dans la concurrence avec les Américains,
c'est que nos machines sont souvent anciennes et surannées. Le
fabricant anglais ne déduit pas de ses profits la part nécessaire
pour faire face à la dépréciation de la machine, et il ne s'empresse
pas de s'approprier la dernière machine, dans l'idée que cela ne
rapporterait pas en proportion.
Les l']lats-Unis sont bien plus avancés que nous sur ce point.
J'ai vu récemment à New- York, une machine à fabriquer le fîl de
fer, qui coûtait 45,000 francs et que l'on n'hésita pas à mettre au
rancart, au bout d'un an, pour la remplacer par une machine plus
perfectionnée. En Angleterre, un homme contrôle un bloc de ma-
332 ÉTUDES COLONIALES
chines à tirer le fil (tréfilerie) tandis qu'aux Etats-Unis il en sur-
veille quatre.
Aux Étals-Unis, les ouvriers sont plus payés, mais leur nourri-
ture, leur loyer, leurs vêtements sont plus chers en proportion.
A Pittsbourg, onze à quatorze caques de clous sont produits par
un homme en un jour, et l'ouvrier l'cçoit 10 francs par jour de
salaire. En Angleterre un homme i\e\\ produit que 6 et est payé à
raison de fr. 7.50 par jour. La ma hine perfectionnée signilîe une
production plus grande à meilleur marché, mais il n'en résulte pas
nécessairement que l'ouvrier en souffre! Au contraire, la produc-
tion plus grande et l'abaissement du prix de production abaisse tel-
lement le prix de la marchandise, que la demande augmente et en
fin de compte, plus d'hommes sont employés à un salaire plus
élevé.
Si la Grande-Bretagne veut conserver en Chine sa situation
prépondérante comme nation commerciale, elle doit, chez elle
d'abord, réaliser de? perfectionnements qui donneront de nouveaux
débouchés aux ingénieurs mécaniciens de la Grande-Bretagne, et
ceci est également applicable à toutes les branches de l'industrie.
Le beurre irlandais se vendrait en Angleterre plus et à meilleur
prix que le beurre danois si les machines récentes et les modes de
fabrication les plus perfectionnés étaient adoptés. — Ceci constitue
un cas spécial à signaler à l'attention de l'ingénieur mécanicien.
Le point le plus important pour l'ingénieur mécanicien est, dans
mon humble opinion, la connaissance de la langue chinoise.
J'appelle la sollicitude de cette institution, sur la nécessité de
former les jeunes ingénieurs mécaniciens à l'étude du Chinois, ce
qui ne peut se faire bien qu'en établissant une école d'ing.'mieurs
mécaniciens à Hong Kong.
La langue chinoise officielle doit être étudiée comme tous les
Chinois instruits Tétudient, mais au point de vue pratique et pour
parler avec le laboureur, chaque homme doit devenir un spécia-
liste dans le dialecte de la province où il se propose de travailler
— c'est ce que tout les Américains et les Allemands.
Je dois ajouter, qu'en cette matière je n étais pas d'accord avec
M. Jackson, chef de la Banque London Hong Kong. Je n'ai pu le
convaincre de la nécessité de la connaissance du chinois qu'en lui
rappelant des placements très importants faits récemment par
DÉBOUCHÉS EN CHINE 333
M. Hillier, leur agent à Pékin. M. Hiilier est un des plus savants
en chinois qui existe, et M. Jackson dut admettre que l'affaire n'eût
pas pu <Hre traitée par un interprête.
Pour la facilité des ingénieurs mécaniciens qui se proposent de
gagner leur vie en Chine et de coopérer au mouvement qui tend en
cemoment àouvrir ce paysjevais résumer les quelques points qui
sont, je crois, les plus importants pour arriver rapidement à
ce but :
1** Chemins de fer. — Pour tout ce qui a rapport au chemin de
fer, il faudrait demander lavis de M. Kinder, ingénieur en chef
des chemins de fer impériaux chinois; les demandes d'emplois
doivent être adressées aux divers syndicats financiers par l'inter-
médiaire de la Banque Hong Kong Shanghaï. Des renseignements
sur celle-ci se trouveront dans mon livre;
2" Les travaux de mines sont exploités par le Pekinsf Svndicate
qui est l'entreprise la plus florissante à présent, et par M. Pritchard
Morgan M. P. Syndicale qui a obtenu des concessions considé-
rables dans la vallée du Yangtse.
Ces deux syndicats sont bien pourvus en ce moment d'ingé-
nieurs civils, mais les ingénieurs mécaniciens y trouverons cer-
laineuïcnt de nombreux débouchés dans un avenir peu éloigné.
Les ingénieurs électriciens et hydrauliciens doivent chercher des
situations près des municipalités des établissements européens et
dans les grandes sociétés;
3** Des annonces dans les journaux Anglo-Chinois, à Tien-Sin,
Shanghaï, Hankow et autres endroits, sont pour le moment le meil-
leur moyen de s'assurer des positions en Chine pour les ingé-
nieurs mécaniciens désireux de trouver une situation dans les
manufactures anglaises ou chinoises.
Pour terminer, jusqu'à ce qu'une sécurité plus complète existe
pour la vie et la propriétés et que le droit de résidence à l'intérieur
soit pleinement accordé, les ingénieurs ne devraient guère a -cep-
ter même des engagements chinois officiels qui exigeraient qu'ils
résident en dehors des établissements européens. Car il ne serait
pas juste pour un homme de s'installer là où la loi chinoise ne
permet pas à un Européen de résider, et puis, de se plaindre que
son consul, peut-être à des centaines de kilomètres de distance,
ne le protège pas.
334 ÉTUDES COLONIALES
F^es ressources latentes de TEmpire chinois sont énormes et
presque impossibles à calculer. Je compte sur Tesprit d entreprise,
sur le courage, la persévérance, la science et les connaissances
des ingénieurs mécaniciens anglais pour obtenir leur aide en vue
de réaliser les ressources latentes de ce grand Empire ei) mainte-
nant toujours haut et ferme le drapeau de la Grande-Bretagne de
quelque coté que le progrès avance.
J'ai la grande espérance que les quatre grandes contrées manu-
facturières : le Japon, l'Amérique, l'Allemagne et la Grande-Bre-
tagne s'uniront pour maintenir la « porte ouverte « et l'intégrilé
de la Chine. Je ne parle pas des autres, parce qu'elles n'ont pas de
commerce. L'année dernière le commerce russe en Mandchourie,
s'est borné à deux cargaisons d'algues marines! ! !
^x^
OF THE >
!iVERSlTY i
^' y
TANANVRIVK. —
LV »:VTIIKI.RV1-K. l-E l'AUlS LE LA lU
>K KT Li IIATTKRIE DE CANONS SL li LA lOI.I.INE.
III Mi! !• uiii.i;\Ns.
LES PIEDS DES CHINOISES
IVline Archibald Little qui, sous le titre de « Intimaie China », a
écrit un livre intéressant sur les mœurs de la Chine, consacre quel-
ques pages curieusçs à la manière dont on comprime les pieds des
Chinoises. II ne faudrait pas croire, comme on Ta fait parfois en
Europe, que la réduction des pieds soit un signe de distinction
réservé aux classes élevées ou qu'elle ait été inventée pour empê-
cher les femmes de circuler trop librement car M'"** Archibald Little
a pu constater cette mutilation chez les mendiantes assises le long
des routes et elle a vu, dans lextrème-nord, des femmes cultiver
la terre, appuyées sur leurs genoux, faute de pouvoir se tenir
debout. D'autre part, elle n'a jamais entendu dire en Chine que le
but de celte déformation fût de prévenir chez les femmes les
velléités de vagabondage.
La tradition s'est naturellement occupée d'expliquer l'existence
de celte coutume barbare en l'enjolivant de légendes. C'est ainsi
qu'on raconte qu'une reine, ayant eu le malheur d'être affligée de
pieds de bouc, prit l'habitude de les déguiser sous des bandages et
de mignons souliers ; façon qu'adoptèrent bientôt toutes les Chi-
noises. On dit encore que la favorite d'un empereur avait coutume,
pour plaire à ce dernier, de se tenir ou de danser sur des fleurs de
lotus et que, pour mieux faire valoir la petitesse de son pied, elle
le serrait dans des liens de couleurs variées de manière à rappeler
la forme du croissant de la lune ou de l'arc tendu.
Mais c'est là de la fable. M™* Little explique le fait d'une manière
moins poétique, mais peut-être plus vraisemblable. 11 faut croire
i}ue les Chinois ont toujours aimé les petits pieds, comme les occi-
dentaux ont un faible pour les tailles de guêpe. On sait quels abus
a entraînés cette dernière fantaisie. Le goût des Chinois en a
provoqué de plus graves encore. En Europe, les femmes triom-
3H() ÉTLDES COLOMALK.S
plient quand elles parviennent à s étrangler la taille d un centimètre
de plus. En Chine, on se réjouit à mesure que le pied se contracte,
se recroqueville et se résorbe jusqu'à n être plus qu'un affreux et
inutile moignon. La joie n*est cependant pas commune et celles
qui sont le plus éloignées d'y participer ou de l'apprécier sont les
malheureuses petites victimes que Ton soumet au cruel et barbare
traitement de la compression des pieds.
Les pauvres fillettes chinoises n'ont guère qu'une couple
d'années à courir et à folâtrer, car la ligature des pieds
commence de bonne heure. Dans l'ouest de la Chine, on applique
le traitement dès la sixième année ; dans l'est, de cinq à sept ans,
au plus tard [à huit. A cet effet, on se sert ordinairement d une
solide bande de toile de deux yards environ de longueur et de
trois pouces de largeur. Au moyen de ce bandage, on serre le
pied de l'enfant aussi fort qu'elle peut le supporter. Le but est de
rendre le pied aussi étroit que possible. On comprimedonc les doigts
de pied, sauf l'orteil qu'on laisse libre, de lelle manière qu'ils appa-
raissent, par-dessous la plante, de l'autre côté du pied. Les doigts
du pied gauche se dirigent donc vers la droite et ceux du pied
droit vers la gauche. Deux fois par jour, soir et matin, on resserre
le bandage et si les os se montrent réfractaires et s'obstinent à
reprendre leur position normale, il arrive qu'on rompe leur résis-
tance en leur appliquant un coup du lourd marteau de bois dont
on se sert pour battre les habits. Immédiatement après chaque
ligature, on force l'enfant à marcher de crainte que la gangrène
ne se mette dans ses membres endoloris. Ce cruel traitement dure
un an. Mais ce n'est pas tout. Les deux années qui suivent sont
encore plus douloureuses. Il ne s'agit plus cette fois de rétrécir le
pied, mais de le diminuer. On enroule donc le bandage de manière
à ramener la partie antérieure du pied aussi près que possible du
talon. Il faut que la cohésion devienne si-parfaite qu'on puisse cacher
une pièce de moqnaie dans l'interstice qui résulte de la compres-
sion des deux parties du pied Tune contre l'autre. Alors seulement
le pied est considéré comme bandé.
Pendant ces trois années de torture,[;les petites victimes ont urt
aspect des plus misérables. Il ne peut naturellement pas être
question pour elles de sauter .ou de gambader librement comme
les enfants de nos contrées. On les voit se traîner péniblement erv
LES PIEDS DES CHINOISES
337
S appuyant sur un bâton un peu plus haut qu'elles ou rester triste-
ment assises en geignant ou bien encore transportées à dos
d'homme. Comme leurs pleurs ne cessent ni la nuit ni le jour, les
bonnes mères chinoises dont elles troublent le sommeil, ont l'ha-
bitude d'avoir, à leur intention, un bambou h portée de leur lit.
Souvent aussK on préfère reléguer ces enfants au jardin, dans une
PIED DK FEMME X'ATURKL ET PIED RÉDUIT A 0 POUCES
daprès une illustration du livro de Mmo Utile.
dépendance. Les jeunes Chinoises ne trouvent un peu de répit à
leurs souffrances que dans l'usage de l'opium. Elles laissent parfois
aussi pendre leurs pieds au-dessus du bois de leur lit pour inter-
rompre la circulation du sang.
Les Chinois ont un dicton d'après lequel « chaque couple de
pieds bandés a coûté un bain de larmes ». Ils prétendent aussi
qu'un enfant sur dix meurt du traitement ou de ses suites. Je
citais ce fait, dit M°* Little, à la Mère supérieure de l'école
pour jeunes filles de Hankow, et elle me répondit : « Oh ! non,
non, cela n'est possible que dans les villes de la côte... » Je
338 ÉTUDES COLONIALES
crus qu'elle voulait dire que, pour le centre de la Chine, Texa-
gération était flagrante ; or, à ma grande horreur, elle ajouta :
Ci mais ici, il y en a plus, beaucoup plus ». Et elle doit s'y con-
naître car, jusqu'à l'année dernière, tous les enfants qui ont reçu
l'instruction chez les sœurs de Hankow, avaient les pieds bandés.
Dans cette institution, on ne procède à la ligature des pieds
qu'une fois par semaine et telle est l'impression que fait cette
scène sur la sœur qui est chargée d'y assister, qu'on est obligé
d'en désigner chaque fois une autre. Aucune des religieuses n'est
capable de supporter deux fois de suite les cris et] les pleurs que
cette opération arrache aux jeunes élèves.
L'institution des sœurs de Hankow ne pratiquait naturellement
cette coutume qu'à son corps défendant. Les religieuses crai-
gnaient, en ne s'y prêtant pas, de nuire à l'avenir des enfants qui,
plus tard, n'auraient peut-être pas trouvé de maris et de mécon-
tenter les parents qui ne leur auraient plus confié leurs filles.
11 y a deux ans, la Mère supérieure s'est cependant décidée à
rompre avec cette odieuse coutume. Et il faut croire qu'elle a ren-
contré un écho encourageant dans le public, puisqu'elle écrivait,
l'année dernière, à M"* Little, que cinquante enfants venaient
d'être délivrés de leurs liens et que, dorénavant, aucune des filles
confiées à ses soins ne serait plus soumise à ce douloureux traite-
ment.
Les conséquences de la compression des pieds sont souvent
terribles. M"'* Reifsnyder, la doctoresse qui se trouve à la tête du
Margaret WiUiamson Hospital, à Shanghaï, dit qu'il arrive souvent
que des doigts de pied se détachent par l'effet des ligatures et qu'il
n'est pas rare de voir tomber la moitié du pied. Cette dame raconte
aussi qu'une petite fille, en défaisant son bandage, s'écria : « Mais
voyez donc! Voilà la moitié de mon pied qui tombe! » et sans
plus s'en chagriner, elle ajouta : « Après tout, je me trouverai
encore mieux avec un demi pied en bon état que les autres avec
leurs pieds entiers mais estropiés. » Et ce fut vrai. Cette jeune
fille marche aujourd'hui plus facilement que les autres! Le pied
de cette enfant avait été bandé par une belle-mère et, au dire de
Mr* Reifsnyder, il n'est pire mal pour une fille, en Chine, que
d'être affligée d'une marâtre.
Le D' Macklin, de Nanking, cite également des faits qui
LKS PIEDS DES CHINOISES 339
démontrent les funestes conséquences de Ja compression. Un
jour, entre autres, on lui apporta à Tliôpital un enfant souffrant
d'un ulcère. L'abcès avait commencé au talon et était dû aux
bandages. Quand le médecin vit Tenfant, le mal avait déjà envahi
la moitié de la jambe et la fillelte aurait certainement succombé
à un empoisonnement du sang si on ne Tavait pas amenée à
PIED t)E FtMMK NATL'KEL ET PIED KÉDt'IT A i '/z POUCES
«l'apn-s uu«* illiislriilion du livre do M«"«* LillU*,
l'hôpital. Un autre cas eut une fin plus tragique. Une enfant de
six à sept ans, fille d'un professeur et petite-fille d'un fonction-
naire, fut conduite à l'hôpital . Ses pieds étaient déjà transformés
en masses noires et corrompues. Les parents refusèrent de con-
sentir à l'amputation. La conséquence en fut que peu de mois
après, les deux pieds tombèrent. Les moignons furent lents ],à
guérir car la peau s'était retirée des os. L'enfant fut ramenée
chez elle; elle s'aftaiblit graduellement et après un an et demi de
souffrances, elle mourut.
340 ÉTUDES COLONIALES
Le D' Me Cartney, de Chungking, mentionne un cas oii il l'ut
appelé auprès d'une petite lille. Quand il enleva les bandages, il
constata que les pieds ne tenaient plus que par les tendons et que
la gangrène avait envahi la jambe jusqu'au dessus de la cheville.
L'amputation immédiate s'imposait. Voilà donc un enfant qui
passera son existence sans pouvoir marcher! La mère de l'enfant
était une fumeuse d'opium endurcie et son inditférence avait amené
ce triste résultat. Le même médecin cite encore le cas d'une
femme souffrant de paralysie dans les jambes. On lui enleva les
bandages, on la massa et on la traita h l'électricité. En moins d'un
mois, elle était guérie et pouvait marcher. Son mal n'avait d'autre
cause que l'étranglement causé par les bandages.
Les Chinois n'ont pas la moindre notion de la physiologie ou de
Tanatomie du corps humain et leur ignorance cause aux femmes
et aux enfants d'indicibles souffrances. La compression des pieds
n'a d'autre raison d être que le caprice de la mode. Les femmes
affligées de ces petits pieds ne sont pas capables de rester en
place. Elles se balancent constamment d'un pied à l'autre et se
meuvent à petits pas comme des personnes marchant sur la pointe
des pieds. La femme chinoise n'avoue cependant pas qu'elle
souffre. Il serait indélicat de le faire.
Nous avons parlé plus haut de l'espace libre que laisse la plante
du pied, quand on en serre la partie antérieure contre le talon.
De nouveaux maux peuvent prendre naissance dans cette étroite
cavité. La transpiration s'y accuniule et si l'on n'a pas soin de la
tenir dans un état de propreté parfaite, elle est envahie par
l'eczéma, puis par les ulcérations et la gangrène. M. Me Cartney
a eu différents cas d'amputation des deux pieds nécessitée de cette
niîinière.
Les pieds bandés sont, pour les femmes, un sujet de souffi^ànces
pour toute l'existence et les troubles qui en résultent ne sont pas
seulement locaux, mais agissent aussi sur les organes internes.
Dans bien des cas, ils influent sur la descendance. La femme chi-
noise marche entièrement sur les talons. On comprend quelles
conséquences doivent en résulter pour l'épine dorsale et pour le
reste du corps. Aussi, on peut dire que la compression des pieds
est la cause générale si pas universelle, de toutes les maladies
internes dont souffi'ent les femmes dans les régions où cette pra-
LES PIEDS DES CHINOISES 3 il
tique est suivie. Des femmes médecins ont observé déjà que dans
les parties de la Chine où la compression des pieds est universelle,
toutes les femmes qui se présentent à Thôpital pour un mal
quelconque, sont toujours atteintes d'un trouble interne grave. Au
contraire, dans les provinces où cet usage n'est que peu appliqué,
il est rare que l'on constate ces mêmes affections.
La plupart des missions ont cru sage de se conformer aux
usages de la Chine et de ne pas combattre la compression des
pieds. Il y en a cependant quelques-unes qui, depuis vingt ans ou
même plus, ont refusé de s'associer à cette pratique. Parmi celles-
ci, on peut citer la Church Mission de llangkovv qui a ouvert une
école pour filles en 1867. En 1895, un des membres de cette mis-
sion écrivait à ce sujet que dès ses débuts, l'institution s'était
engagée à nourrir, vêtir et éduquer les filles âgées d'une dizaine
d'années, à condition que les pieds de ces enfants ne dussent pas
être bandés. L'école débuta avec trois élèves, mais bientôt le
nombre s'accrut. Il y en eut rapidement une douzaine, puis vingt
et trente. Jl y a cinq ans, l'école comptait cinquante pupilles. Au
bout de quelques années, il ne fut plus nécessaire de faire des
démarches pour obtenir des élèves : les demandes dépassèrent le
nombre des places disponibles. La mission a donc pleinement
atteint son but. Les jeunes filles qui sortent de cette institution,
n'éprouvent aucune difficulté à se marier. Elles trouvent toujours
un Chinois converti qui ne rougit pas de leurs grands pieds. Un
nombre considérable d'élèves ont déjà quitté l'école depuis les
vingt-huit ans qu'elle existe et aucune, à la connaissance du
missionnaire qui fournit ces détails, n'a songé à bander les pieds
de ses enfants.
Au mois d'avril 1895, M"'*' Litlle, émue des maux qu'elle décrit
d'une manière si frappante, résolut de créer une ligue contre la
compression des pieds. Jusqu'à ce moment, les étrangers autres
que les missionnaires, ne s'étaient guère préoccupés de combattre
celle plaie. M"*® Little forma un comité composé de dames de Shan-
ghaï et commença une propagande énergique pour l'abolition de
cet usage par voie de réunions et de tracts. Les dames chinoises
furent invitées à des drawing-rooms, où le sujet qui tenait à cœur
au comité fut développé et commenté. On leur cita les endroits de la
Chine où l'on ne bandait pas les pieds des femmes et on leur mon-
842 ÉTUDES COLONIALES
Ira, au moyen de tubes en caoutchouc remplis d'eau que Ton pres-
sait entre les doigts, les désordres que la ligature des pieds devait
fatalement entraîner dans le système de la circulation du sang. Les
efforts de M"* Little ne tardèrent pas à porter des fruits. Elle eut le
bonheur de conquérir à ses idées un des examinateurs de Pékin. Ce
fonctionnaire qui, par suite d'un deuil, s'était retiré à la campagne,
tomba par hasard, en cours de route, sur un des tracts distribués
par M"* Little. 11 le lut avec intérêt. Arrivé chez lui, il entendit les
cris de son enrant qu'on soumettait à la torture des bandages. Son
cœur saignil; les idées exposées dans la brgchure lui revinrent à
l'esprit et le convertirent. Il fit partager sa nouvelle] opinion à
quelques-uns de ses amis et ensemble, ils décidèrent de faire une
proclamation contre la compression des pieds. Cette protestation
fut affichée sur les murs de leur ville ~ Suifu — à l'époque où
les étudiants s'y rendaient pour subir leurs examens. Ce document
est connu sous le nom d'Appel de Suifu. Aussitôt que M™'' Little
eut appris cette heureuse nouvelle, elle résolut de faire réim-
primer cet appel et de le distribuer aux dix mille étudiants qui
allaient venir à Chungking. Ce n'est pas tout; bientôt après, elle
reçut une jletlre de la Compagnie des Marchands Chinois qui est
le principal organisme commercial de la Chine et qui a un carac-
tère semi-officiel, lui demandant communication du tract en ajou-
tant qu'elle avait l'intention de le faire imprimer à ses frais et de
le répandre à profusion dans la province de Kwangtung.
Environ un an plus tard, une autre ligue dirigée contre la com-
pression des pieds fut fondée à Canton par Kang, le conseiller du
jeune empereur qui, comme on se le rapelle, dut s'enfuir de Chine
sous la protection d'un cuirassé anglais. Cette ligue avait réuni
dix mille pères de famille qui s'étaient engagés à ne jamais faire
lier les pieds de leurs enfants, ni à marier leurs fils à des filles
dont les pieds seraient bandés. La ligue avait aussi fondé un comité
à Shanghaï et elle avait présenté des mémoires sur ce sujet
aux vice-rois et aux hauts fonctionnaires. Le vice-roi de Hupeh et
de Hunan répondit en condamnant la pratique et son avis fut, par
les soins du comité de M'"^ Little, placardé dans toutes les villes de
sa juridiction. Le gouverneur de Ilunan alla plus loin : il défendit
la compression des pieds dans sa province. Ce fonctionnaire a
malheureusement été congédié par l'impératrice-mère. Le vice-
LES PIEDS DES CHINOISES 3i8
roi de Nanking loua fort l'œuvre du comité et promit de faire un
manifeste, mais il mourut peu de temps après. Enfin, le vice-roi
de Chibli enjoignit à ses subordonnés de dissuader leurs admi-
nistrés de cet usage.
Une adhésion plus précieuse encore était réservée au mouve-
ment. Un des descendants directs de Confucius, le duc Kung Hui-
cliung se rallia pleinement à l'objet poursuivi par la ligne et s'ex-
prima avec beaucoup d'éloges au sujet de l'initiative des dames
étrangères.
Ou pourrait se demander s'il est encore possible aux femmes
d'enlever les liens qui enserrent leurs pieds. Non seulement c'est
possible, mais beaucoup de femmes l'ont fait. Et depuis lors, elles
sont capables de marcher et elles ne ressentent plus de souffrances.
Il va de soi que les pieds ne reprennent plus leur forme naturelle
et souvent môme, on ne pourra pas abandonner les bandages. La
remise des pieds dans leur état primitif est, en tous cas, une opé-
ration qui exige beaucoup de précautions. Il faut enfoncer de
l'ouate sous les doigts de pied et recourir an massage. Il arrive
souvent que les femmes doivent garder le lit pendant quelques
jours. M"**' Little déclare qu'elle a vu plusieurs femmes enlever leurs
bandages à l'âge de quarante ans. Elle en cite morne une qui était
âgée de soixante ans. Toutes les femmes que M"**^ Little connaît
ont agi ainsi sous l'influence des idées chrétiennes. Elle a cepen-
dant appris que des groupes nombreux de femmes se sont déci-
dées à abandonner leurs bandages en dehors de toute action
étrangère. Il semble donc que l'opinion publique en Chine soit
toute disposée à recevoir les conseils que lui adressent de nom-
breux vice-rois et fonctionnaires et que la barbare coutume de
déformer les pieds des femmes aura bientôt cessé dcxisler.
iM"^ Little ne crie cependant pas trop tôt victoire. Elle appréhende
trop des effets de la réaction qui triomphe actuellement à Pékin et
elle craint que les moments les plus durs ne soient pas encore
passés pour le nouveau mouvement. Espérons le contraire et sou-
haitons que les louables efforts de M"'' Little, soutenus par ceux
des lettrés les plus influents et les plus dislingues de la Chine,
aboutiront sans encombre à la suppression de rotte inutile et
douloureuse pratique.
RAPPORT
LES COLONIES FRANÇAISES
(SUITE)
MAOAGASCAfi
Historique. — L'Ile de Madagascar est une des dernières
acquisitions du domaine colonial français, quoique depuis le
XVll* siècle des liens l'unissent à la France. Le protectorat était
plutôt nominal; le traité du 17 décembre 1885 régla Toccupation
de la baie de Diego-Suarez, et un décret en date du 4 mai 1888
transforma Diego-Suarez, Nossi-Bé et Sainte-Marie de Madagascar
en colonies françaises et les plaça sous la direction unique d'un
gouverneur.
L'occupation etfective ne date que de ces derniers temps.
Depuis les onze dernières années, les événements se sont succédés
et le gouvernement Hova fit place à l'administration française, de
sorte qu'actuellement le pays se trouve virtuellement sous la domi-
nation française.
Quoique l'acquisition de Madagascar soit de date récente, on
doit reconnaître que cette île attire sur elle une grande partie de
l'intérêt public qui semble en France de jour en jour s'attacher
davantage aux questions coloniales.
Les capitaux français, que l'on disait se méfier des entreprises
coloniales, commencent à y trouver un nouveau débouché, et le
courant d'émigration, qui n'a jamais été bien important en France,
semble s'être dirigé vers celte île. Cependant une partie très con-
LE IIAPPOKT SLU LES COLONIES FUANi:AIStS î^iii
sidérable des colons et des petits marcliands qui ont émigré dans
Tîle sont la plupart originaires de Tlle Maurice ou de la Réunion.
Au point de vue politique et économique, on doit reconnaître
que les résultats ont été plutôt négatifs. La soumission des Hovas
et la répression de révoltes qui ont éclaté dans l'île ont occasionné
de fortes dépenses pour Tentretien dans le pays, de troupes consi-
dérables.
Actuellement, Télément militaire a été quelque peu réduit. Sui-
vant les chiffres du budget colonial pour 1899, le nombre de sol-
dats serait de 1 1 ,305 honnnes.
Les démêlés entre les indigènes et les colons nécessitent une
intervention armée, mais on peut espérer que ces difficultés iront
en diminuant ; cependant le général Galtieni n'est pas partisan pour
le uïoment d'une diminution des forces militaires.
Le général Gallieni est lauteur du remarquable rapport sur
Madagascar paru dans le Journal officiel ; c'est également sous sa
direction que fut publié « le Guide de TEmigrant à Madagascar »
renfermant les renseignements les plus autorisés sur cette colonie.
Quoique incontestablement l'île possède des richesses naturelles,
on peut dire que pendant un certain temps encore elle constituera
une conquête onéreuse pour la France.
Budget colonial. — Le coût total de la Colonie pour la mère
patrie est estimé pour Tannée courante, à 997,267 livres, partagé
en deux postes : dépenses militaires, 923,980 livres; subside
direct au budget local, 71,287 livres.
Le rapporteur semble croire à la nécessité de crédits complé-
mentaires.
Ceux-ci se sont chiffi'és en 1898 par 7,000,000 de francs.
En supposant qu'un développement du commerce, comparable
à celui qui s'est produit pendant les deux dernières années, se
maintienne, la mère patrie aura dépensé un million de livres pour
s'assurer un marché de 900,000 livres.
Quoique la situation commerciale montre une forte augmentation
du commerce français, il ne faut pas perdre de vue que celle-ci est
due aux nouveaux tarifs douaniers, et que dans l'avenir on peut
difficilement espérer voir celte progression continuer avec la même
rapidité.
346 ÉILDES COLONIALES
Budget local. — Si on examine le budget local, la situation
est bien plus favorable. Pendant les deux années 1896 et 1897, le
revenu, y compris le subside de la mère patrie, présentait un
excédent; pour la dernière année, cet excédent dépassait soixante
mille livres. Pour 1898, les statistiques n'ont pas été publiées.
La Quinzaine Coloniale, dans un récent article, estimait les
revenus à environ il 3 000 livres, laissant un excédent presque
égal au subside annuel.
Si ces chiffres sont exacts, on peut dire qu'au point de vue
local, la colonie peut se subvenir.
Mais il ne faut pas perdre de vue que les droils de douanes
subiront dans l'avenir une forte diminution.
Par suite des difficultés rencontrées pour la pacification de l'île,
l'administration a fait peu de chose au point de vue de son déve-
loppement économique.
La construction de canaux et de routes a été confiée à des entre-
prises privées. II est évident qu'il eût été préférable de voir de
tels travaux exécutés par les autorités locales.
Moyens de communication. — Dans son rapport, à ce sujet,
le général Gallieni y va rondement. Il projette un réseau complet
de routes dont il serait désirable de commencer immédiatement la
construction et destinées à remplacer les sentiers qui assurent
actuellement les comn.unications entre les différents centres de
l'intérieur du pays.
Chemin de fer Tamatave-Tananarive. — En outre, il préco-
nise la construction d'un cliemin de fer de Tamatave à Tananarive
(Anlananarivo), l'amélioration des ports de Tamatave et de Majunga,
le développement du réseau télégraphique. D'après ses évaluations,
ces travaux devraient coûter 50,000,000 de francs. Cette somme,
il pense l'obtenir par l'emprunt.
Le service financier serait assuré par l'excédent des revenus de
la colonie et ensuite par le subside de la mère patrie.
Pays. — Population. — La superficie de Madagascar est de
plus de 590,000 kilomètres carrés et sa population évaluée de 5 à
G millions d'hnbilnnts.
348 ÉTUDKS COLONIALES
La race la plus nombreuse et la plus intelligente est la race
Hova/originaire de Malaisie.
Les autres tribus, Sakalaves, Betsileos, sont d'origine nègre.
Tout le centre de l'île est montagneux et s'élève à une hauteur de
9,000^'pieds. Autour de la côte se trouve une ceinture de terres
basses, malsaines mais fertiles.
Actuellement les richesses minérales de l'île sont mal connues.
Une ^proposition de loi a été déposée au Parlement pour un
emprunt de 60,000,000 de francs, destiné à la construction de che-
mins dcTer, routes, phares, télégraphes, etc.
Productions. — Mines d'or. — L'or se rencontre en petites
quantités dans certains districts et y a même été exploité pendant
quelque temps. On a découvert peu de mines et les exploitations
se sont portées sur l'or alluvial qui ne se trouve pas en quantités
très rémunératrices.
Autres métaux. — Le fer existe partout, il est exploité par les
indigènes pour la consommation locale et surtout pour la fabrica-
tion de leurs outils- Les mines de cuivre connues montrent qu'elles
ont été l'objet d'une exploitation par les indigènes.
On dit que l'île renferme du plomb, de l'étain, du zinc, de l'anti-
moine, du mercure, du platine, du nickel, du soufre; l'existence
de mines de charbon dans la région du nord de l'île est l'objet de
discussions.
Forêts. — Il y a de grandes forêts qui comptent des essences
de bois précieux : l'ébène, le bois de rose, l'acajou. Cepen-
dant on ne s'est pas beaucoup occupé de la mise en valeur de cette
richesse.
Caoutchouc et piassava. — Parmi les richesses agricoles et
forestières on doit citer le caoutchouc et la piassava. Le caoutchouc
est un des produits les plus importants du pays.
L'arbre et la liane existent dans toutes les forêts,
L'exploitation destructive, notamment dans la région de Fort
Dauphin, Teneriffe et Foulpointe, a fait diminuer en quelques
années dans de fortes proportions l'exportation de la précieuse
gomme.
350 • ÉTUDES COLOMALKS
Le palmier Ralia ne s'étend guère à plus de 15 ou 20 kilomè-
tres de la côte et ne se rencontre pas au delà de 25 ou 50 mètres
d'altitude.
Produits agricoles. — La vanille, le cacao et le café sont un
peu cultivés. Le tabac, le -riz et le manioc le sont sur une grande^
échelle : ces deux derniers produits forment la base de la nourri-
ture des indigènes.
La cire végétale et la cire d'abeilles sont recueillies en grande
quantité. L'élevage du bétail se fait sur un grand pied; l'exporta-
tion des peaux est très importante.
L'élevage du bétail a eu beaucoup à souffrir pendant la dernière
révolte et l'administration a dû prendre des mesures de protection.
Centres commerciaux et ports. — La capitale de l'ile est
Tananarive appelée par les indigènes Antananarivo ; c'est une ville
d'environ 100,000 habitants.
Le principal centre commercial est Tamatave, port situé sur la
côte orientale de l'île. Il y a en tout une vingtaine de ports ou
rades le long de la côte, situés pour la plupart à la côte Est.
Les renseignements que nous publions ici sont extraits de Trade
and Shipping ofAfrica.
Heiieviiie, situé dans l'île de Nossi-Bé est un centre commer-
cial très important. Le port est très bon et les steamers des messa-
geries y font escale deux fois par mois.
C'est également le point de départ du commerce avec les autres
petits ports de la côte Ouest. Un petit steamer les met en commu-
nication avec le service de navigation vers la France.
Le commerce jusqu'à Majunga est aux mains des Indiens qui
vendent des marchandises anglaises et allemandes ainsi que des
tissus de Bombay.
Il existe à Nossi-Bé deux importantes firmes allemandes.
iVlaJunga. — A cause de sa position sur le canal de Mo;;am-
bique et l'excellente situation de son port, Majunga est destinée à
devenir la tête de ligne du trafic avec Tananarive.
La route fluviale du fleuve Betsiboka est accessible aux petits
steamers jusqu'à Suberbieville pendant neuf mois de l'année, jus-
LE RAPPORT SUR LES COLONIES FRANÇAISES 351
qu'à une distance de 200 milles de la côle. De ce point, on a créé
une route vers le plateau central et l'activité commerciale se déve-
loppera fatalement à mesure que la sécurité et la facilité des com-
munication aura aujjmenté.
La situation géojj;raplHque de Majunga en fait un centre de
commerce avec le Sud de TAfrique, qui sera un débouché pour ses
produits naturels, vraies denrées coloniales.
Beaucoup de bateaux de commerce visitent Majunga, les uns
venant de Zanzibar, les autres de Bombay, venant en mars à la
mousson du Nord-Est, et retournant aux Indes en août avec la
mousson Sud-Ouest, chargés des produits de l'île. Ce sont, en
général, des bateaux de 90 à 120 tonnes.
Un petit steamer des Messageries assure deux fois par mois
le service entre Nossi-Bé et Nussi-Vé, faisant escale à Majunga et
Maintirano.
Autres ports de la côte ouest. — Jusqu'au Sud du Gap
Saint-André, dans le district de Mailaka, il y a plusieurs petits
ports, entre autres Tombolaron et Maintirano, qui font un com-
merce important avec la côte d'Afrique. Ces ports ne sont fré-
quentés que par des Indiens qui expédient, aux maisons de com-
merce de Nossi-Bé, de la poudre d'or, de la cire, du caoutchouc et
du bois.
Entre le Mangoky et le Onilahy (rivière Sainte-Augustine) se
trouve le district de Fiherena, oii se trouvent de riches prairies et
forêts.
Les indigènes cultivent le maïs et les pois connus sous le nom de
pois du Cap.
La poudre d'or, le caoutchouc, les écailles de tortue sont aussi
un objet d'exportation; jadis, l'orseille était exportée, mais aujour-
d'hui ce commerce a été abandonné.
Les importations se composent d'étoffes, de tissus de coton, de
verreries, de poudre, d'ustensiles de fer; la plupart de ces produits
sont d'origine allemande.
A un moment, le commerce dans cette région était entièrement
aux mains des Français, mais depuis 1870, ils furent remplacés
par les négociants anglais, allemands, américains, indiens et
arabes qui s elablirent en pays Hovas.
3
382 ÉTUDES COLONIALES
Diego-Suarez est un port d'escale pour les navires de la Com-
pagnie des Messageries maritimes et, depuis le l''^ octobre 1896,
c'est le point de départ des lignes vers Mozambique, Bcïra et
Lorenzo Marques. Les steamers de la Compagnie Le Havre et les
bateaux qui transportent le bétail à Maurice et à la Réunion (ont
escale à Diego-Suarez; il en est de même des bateaux à voile qui,
venant de Bombay avec la mousson Nord-Est, vont ravitailler les
négociants indiens.
, Vohémar. — L'exportation de ce port consiste principalement
en bétail que transporte un bateau appartenant à une compagnie
française. Ce port est également fréquenté par des commerçants
indiens et chinois qui pénètrent loin dans l'intérieur du pays,
portant à dos d'indigènes leurs marchandises consistant en des
tissus de coton conunun et de couleurs voyantes, des ustensiles de
ménage, de la coutellerie ordinaire, des perles fausses, du fil, des
aiguilles, qu'ils échangent pour du riz, de la gomme, de la cire, du
caoutchouc, des peaux, du bois et de la piassava.
Sainte-Marie de Madagascar. — Cette petite ile, située en
face du port de Tintingue, à 12 milles du Continent, possède un
bon port et a une escale des Messageries maritimes.
{A suivre.)
LE DAHOMEY
D'après des publications récentes.
Bibliographie : Du Dahomé au Sahara, par le commandant Toutée ; Dahomey,
Niger, Touareg, par le commandant Toutée ; Ressources économiques et
avenir commercial du Dahomey, par Georges Boreixi ; Articles divers parus
dans la Dépêche coloniale et le Bulletin de l'Afrique française.
La Friinco avait un élablisseiiient au Dahomey dos le xvir siècle.
En 1671, sous le règne de Louis XIV, la Compagnie des Indes
construisit à Wydlia un fort qui fut évacué en 1797. En 1884, sur
la demande de divers chefs de la côte des esclaves, au Sud du
royaume de Dahomey, le protectorat français fut établi dans les
territoires de Porto Novo, Agouc, Grand Popo, Cotonou, La
Baronquères.
Le roi de Dahomey ayant attaqué les nègres de Porlo Novo,
protégés français, un petit corps de troupes fut envoyé au com-
mencement de i890, du Sénégal à Porto Novo. Aux termes d'un
traité conclu avec le roi Behanzin, Cotonou et Porto Novo furent
définitivement cédés à la Franco. Une pension de 20,000 francs
était accordée à Behanzin. En 1892, à la suite de razzias, de bri-
gandages de toutes espèces dont ce dernier s'était rendu coupable,
la lutte recommença. Une expédition, sous le commandement du
colonel d'infanterie de marine Dodds, fit campagne au Dahomey.
Behanzin, après une résistance acharnée, fut enfin capturé et la
France déclara prendre possession du royaume entier. Le 9 juil-
let 1897, une convention franco-allemande a déterminé définitive-
ment la frontière séparant la colonie française du Dahomey des
possessions allemandes au Togoland. Le II juin 1898, une con-
vention anglo-française établit la frontière entre les territoires
anglais et français au-dessus du neuvième degré jusqu'au lac
Tchad.
354 ÉTUDES COLONIALES
Le Dahomey primitif, c'était le petit royaume de Behanzin.
A la suite des annexions, à l'Est du royaume de Porto Novo, à
rOuest de la région de Grand Popo et Agoué, au Nord des terri-
toires au-dessus d'Abomey jusqu'au neuvième degré, il est devenu
le Dahomey français.
Le capitaine Pié driimite actuellement au nom de la France la
nouvelle frontière franco-allemande.
La mission française chargée de fixer sur le terrain la frontière
assignée à TEst du Dahomey par la convention franco-anglaise du
iojuin 1898 est partie le 27 janvier de Marseille. Elle était sous
les ordres du chef d'escadron Toutée, avec le lieutenant de vaisseau
Guignes comme second. Le 21 février la mission s'est mise en
marche ^ers Tchaourou où elle a dû rejoindre la délégation anglaise
et commencer ensuite à partir du parallèle à neuf degrés de lati-
tude Nord, les opérations de délimitation.
Le Dahomey peut se diviser en deux régions absolument dis-
tinctes : le Bas-Dahomey, terre d'alluvion, pays des palmiers à
huile et le Haut-Dahomey, encore peu connu.
Le Bas-Dahomey, à 120 kilomètres de large de l'Est à l'Ouest
sur 100 kilomètres environ du Nord au Sud. La température du
Dahomey varie de dix-neuf à trente-cinq degrés et ces écarts de
quinze degrés environ se retrouvent dans chacun des mois de
l'année. La moyenne annuelle est de vingt-cinq à vingt-sept degrés.
Les écarts constatés constituent un avantage au point de vue de
l'anémie. 11 n'y a pas au Dahomey excès de pluie. Le bulletin
météorologique de la colonie donne 0'"90 pour la hauteur d'eau de
pluie annuelle alors qu'il tombe à Bombay, Calcutta, Ceylan, deux
mètres de pluie dans l'année, aux Philippines, aux Fidji, 2'"50;
dans rinsulinde, aux Comores, 3 mètres. La moyenne de la pluie
en France est 0'"77.
Le Dahomey est avantagé au point de vue climatérique. Peu de
régions du Globe offrent une continuité aussi absolue dans la
direction du vent. Toute l'année vient de l'Atlantique une brise
Sud-Ouest. Le climat est donc un climat maritime; l'atmosphère
est essentiellement océanique. Le Bas-Dahomey est formé par une
immense plaine d'alluvions, s'élevant doucement, sans relief sen-
sible, de la côte, à 100 kilomètres de la mer où les altitudes varient
de 100 à 200 mètres. J^e littoral est bordé de lagunes et une grande
LE DAHOMEY 355
dépression centrale de 10 à lo kilomètres de largeur est occupée
par le marais de ^ô, à mi-distance entre la côte et Abomey.
Suivant l'expression de M. Georges Borelli. membre de la
Chambre de commerce et de la vSociété de géographie de Marseille,
qui possède au Dahomey des intérêts importants, le bas pays n est
qu un immense bois de palmiers à huile, plus ou moins entre-
mêlé d'autres essences et entrecoupé de clairières d'étendue
variable. D'innombrables sentiers font communiquer d'innombra-
bles villages ; le pays est facilement accessible dans toutes ses
parties. Le palmier à huile donne deux récolles par an. Les fruits
de la grosseur d'une prune, pressés en gros régimes compacts de
5 à 10 décimètres cubes environ, ont une pulpe exlérieure
qui, écrasée sur place, donne sans plus de préparation l'huile
de palme. Le noyau a l'aspect d'une très petite noix de coco
de la dimension d'un raisin; il contient une amande qui est
importée telle quelle en Europe. L'huile de palme sert à la fabri-
cation des bougies et du savon, l'amande à la fabrication du savon.
Le manioc enlre pour une grande part dans l'alimentation
des indigènes et il donne à peu de frais d'excellents produits;
cette plante est d'ailleurs très résistante : les sauterelles, qui
dévorent presque chaque année le mais, laissent le manioc
intact. Il existe quelques milliers de cocotiers dans le cercle
de Oindale, mais l'exploitation régulière du Coprah n'a pas
encore été entreprise. Le Cocotier se trouve au Dahomey, mais
la variété indigène est, en général, petite et ne peut, par consé-
quent, lutter avec les colas importés de Sierra-Leone ; il fau-
drait faire venir des graines ou des plants du dehors, ou bien
développer la grande espèce que l'on trouve également sur place,
mais en petite quantité. L'indigo existe au Dahomey, mais il
a besoin d'être soigné et amélioré ; il n a pas été jusqu'ici exporté
et les indigents s'en servent d'une manière, d'ailleurs très pri-
mitive, pour la teinture des tissus de provenance européenne ou
locale. Il est difficile, pour le moment, de dire si l'indigo pourra
devenir un élément sérieux d'exportation.
On ne connaissait guère autrefois au Dahomey que deux sortes
de lianes à caoutchouc indigènes, à peine ou si mal exploitées
que les résultats obtenus par les premiers exportateurs ont tailli
amener la destruction complète de cette plante. Depuis, diverses
356 ÉTUDES COLONIALKS
espèces de ficus ont été reconnues au Dahomey, mais la diflîculté
pratique d'en apprécier la valeur et le peu de soins apportés à leur
culture, n'ont permis qu'un rendement très médiocre. Le Cîiout-
chouc Céara, au contraire, semble devoir donner d'excellents
résultats. En effet, il pousse bien dans les terrains qui conviennent
aux cultures alimentaires, lesquelles .occupent la plus grande
partie des bras. Il demande peu de soins, produit dès la cin-
quième année et se multiplie de lui-même; il tient peu de place.
De plus il ne nuit en rien à la culture du palmier et peut être
planté dans son voisinage (1).
Des essais de cultures de cacao et de vanille vont être entrepris
incessamment. Pour le cacao, les premiers essais faits à ''orto-
Novo ont déjà donné des résultats satisfaisants et il est pro-
bable qu'il en sera de même à Occidali. Le Ricin se trouve sur
place niais en très petite quantité, Il semble très vivace, mais
la qualité n'a pu encore être appréciée.
La colonie se présente comme éminemment propice aux cul-
tures trofâcales; elle semble faite pour assurer, par elle même,
le confort à une population indigène très dense, beaucoup plus
qu'à donner des dividendes planlureux aux Européens par l'ex-
portation de produits riches.
Les Dahoméens sont avant tout des ruraux. Il n'existe que
très peu d'agglomérations importantes. L'immense majorité des
nègres habitant la colonie sont répartis en un nombre immense
de hameaux. Les paysans cultivent le manioc, le maïs, le bana-
nier, l'igname, la patate, le mil, les haricots, les pois et M. Bo-
relli, parlant de la densité de la population dit qu'on ne peut
voyager une demi-heure sans traverser un ou plusieurs villages,
que ce soit dans les lagunes du littoral, sur les cours d'eau ou
dans l'intérieur des terres. M. Borelli vante les quahtés des
Dahoméens « Jamais, dit-il, je n'ai vu un noir ivre. Je n'ai jamais
vu des noirs se battre entre eux. Je n'ai jamais surpris un geste
grossier au milieu de ces amas de nudité, surprenante au début
pour un Européen. La population du Dahomey est donc extrê-
mement douce, paisible et facilement dirigeable, w Le Dahoméen
(1) Rapport officiel sur la siluation agricole au Dahomey, 1890.
LE DAHOMEY 357
n est pns voleur, il est gai et rieur, passionné comme tous les
noirs pour la danse.
Le travailleur est payé de 10 à 15 francs par mois, plus une
. parcelle de terrain ou une petite part dans les récoltes de plantes
alimenlaires.
L'ar^^eni ne manque pas dans le pays; cependant il ne serait
pas sutfisant pour organiser la grande culture.
Les indigènes aisés et les créoles ne peuvent être associés qu avec
beaucoup de prudence à cause de leur facilité au découragement
dès un premier contretemps commje de leur enthousiasme exubé-
rant au premier succès. Le rùle des deux parties dans une associa-
tion de ce genre, serait déterminé par leur nature même : à
l'Européen, les achats en Europe, rinslallation, la direction de
routillage, les relations avec les compagnies de navigation, la
correspondance avec la métropole, en un mot, la conduite géné-
rale de l'affaire; Tindigène, pour sa part, prendra en main le côté
exécution, se vouant à l'utilisation et la surveillance de la main-
d'œuvre avec laquelle il sera en contact direct et qu'il se procu-
rera à meilleur compte.
Les monnaies françaises, anglaises et américaines d'or et
d'argent seules ont cours, ainsi que la piastre cauris de 2,0U0 co-
quilles, dont la valeur varie suivant l'abondance des coquillages.
Les noirs du Dahomey, tout comme ceux des autres parties
de la côte occidentale d'Afrique, ont très rapidement compris
l'avantage attaché aux monnaies européennes, où l'empreinte
garantit la loyauté comme poids et titre. Avant peu les monnaies
indigènes seront abîmdonnées en Afrique.
On trouve dans le Dahomey trois royaumes indigènes princi-
paux : celui de Porto-Novo, celui d'Allada et celui d'Abomey. Le
premier se compose de peuplades répandues sur les rives du
fleuve Oriémé depuis Sagon jusqu'au golfe de Bénin. Elles appar-
tiennent à la race des Nagos. Le royaume d'Allada s'étend entre la
mer et les marais d'Alama : il est en gém'ral peuplé par la race
djége. Au nord des marais d'Alama se trouve le royaume d'Abo-
mey où règne Abogliagbo qui a succédé à son frère Behanzin, le
roi de sanguinaire mémoire. A nord du roNaume d'Abomey, nous
trouvons celui des Mahis et celui de Savé, le premier sur la
rive droite, le second sur la rive gauche de l'Ouémé. Dans ces
358 ÉTUDES COLONIALES
royaiiiTies le pouvoir du roi est absolu, toutefois ce dernier est
sous la surveillance d'un résident français. Ces rois ont sous eux
des agents de deux sortes, d'une part les chefs de village qui
jouissent d'une assez grande autonomie et d autre part les réca-
dères, fonctionnaires royaux envoyés en permanence dans les
bourgades d'une certaine importance, afin d espionner,' contrôler
le chef du village ou assurer l'exécution par lui d'un ordre déter-
miné.
Il s'en faut de beaucoup que le Haut-Dahomey, dans les parages
du Niger ait l'aspect riant du Bas-Dahomey. Nous avons à ce sujet
le témoignage du gouverneur Ballot qui parcourut ce pays en
1894. Partie de Carnotville, la mission du gouverneur atteignit
Nikki, arriva h Boussa et reconnut le principal affluent du Niger,
l'Oly. La région parcourue — dit le rapport officiel de la mission
de 1894 — depuis la rivière Ocpara jusqu'au Niger, est au nombre
des contrées les moins favorisées par la nature et les plus désho-
norées par l'homme.
Il est difficile d'imaginer un pays plus laid, plus pauvre, plus
triste, plus malsain, avec des habitants plus inhospitaliers et plus
ivrognes, plus rapaces et plus voleurs. Les routes sont imprati-
cables, les transactions chez les peuplades l»aribas .sont nulles; le
commerce local existe à peine, les villages étant réduits à se
piller entre eux et à détrousser ou retenir en captivité le voyageur
isolé. Chez les Azokos la situation est la même. Le commerce du
Boussoua, qui cependant possède de très grandes villes indi-
gènes telles que Kayoma, Pagbassou, Dekala, Sakamoudji, dont la
population varie de 15 à 25,000 habilants,est pourtant insignifiant.
Toutefois de grandes améliorations se sont produites dans l'état
politique et économique de la région. Les postes français de Car-
notville, Allafia, Parakou, Guinagourou, Nikki Kaudi, Kariminna,
Madékalé, Houé, Djougou, etc., assurent actuellement la pacifica-
tion du pavs.
Les centres principaux du Dahomey sont Porto-Novo qui est le
chef-lieu de la colonie et compte 35,000 habitants, Abomey capi-
tale du Dahomey, ville située à 120 kilomètres de Colonou et à la
même dislance de Porto-Novo, Agony, ville de 20,000 habitants
sur le fleuve Ouémé, Cotonou, sur la côte des Esclaves et Ouidah,
également situé sur la même côte. Les maisons françaises établies
LE DAHOMEY 3.->9
au Dahomey sont les maisons suivantes : Armandon, père et fils;
Fabre etC'%de Marseille; Mante, frères et Borelli de Royer,
où Royer et C'*; la Société Fers Exportation ; Travaux. Les
maisons étrangères sont : Holt et Welsh, Hutton et Osborne,
John, Konigsdorfer, Lagos Store et Tomluison. Loughland,
Sancta Anna. Tamimou, Ungebauer, Walkden, Witt et Bush. Il
existe un certain nombre de négociants indigènes dont les prin-
cipaux sont : Angelo, Badou, Campos, Paraiso, ïouvalos. Toutes
ces maisons ont des comptoirs à Porto-Novo, quelques-unes en
possèdent en outre à Abomey-Calavi sur le lac Denham près la côte
des Esclaves à Cotonou, Ouidah, Avrékété, ville située à lest de
Ouidah, à Godomey entre Avrékété et Cotonou sur le golfe de
Béum, à Grand Popo sur la côte des Esclaves.
En dehors du trafic d'échange fait par les comptoirs commer-
ciaux, les entreprises de mise en valeur directe des richesses de
la colonie par les Européens sont peu nombreuses. On ne compte
guère comme sociétés que les Magasins Généraux du Bénin qui,
eux aussi, exploitent à Colonou des comptoirs connnerciaux.
Le capital de cette dernière Société est de 100,000 francs divisé
en4,000 actions de 100 francs; son siège social est à Paris, 46, bou-
levard de Magenta. Cette entreprise est du reste, en quelque sorte,
l'annexe de la Société du Wharf de (Cotonou qui a construit une
jetée de plus de 300 mètres pour éviter la barre cl permettre aux
navires d accoster et de décharger leur cargaison, sans transborde-
ment, dans des pirogues ou petites allèges.
Tout récemment s est constituée la première entreprise euro-
péenne d'exploitation directe du sol dahoméen. Le 0 mars 1900, un
arrêté a approuvé la constitution de la Société Ouémé-Dahomey.
Cette Compagnie est ou capital de 500,000 francs, divisé en
5,000 actions de capital. Il a été créé, en outre, 6,000 parts de
fondateurs. La sociolé a pour but l'exploitation d'une concession
comprenant une superficie d'environ 136,000 hectares, en bordure
à l'Est de la colonie anglaise de Lagos, entre le O^'oo et le 7°20' de
lati'ude Nord. Elle rst astreinte au payement de certaines rede-
vances : de 1 à 5 ans, 1,000 francs annuellement, de 6 à 10 ans,
2,000 francs, de 1 1 à l'expiration de la concesssion, 2,000 francs ;
en outre, la compagnie doit annuellement au gouvernement fran-
çais, 15 p. c de son revenu annuel. Elle a du verser un caution-
3()() ÉTUDES COLONIALES
nement de 5,000 fra\ics. II s'est encore formé un a Syndicat des
planteurs de Onidali » qui semble devoir se vouer parlicuiièrement
à la culture du caoutchoutier Ceara.
La colonie du Dahomey a été classée dans la catégorie des
colonies où le tai if douanier métropolitain n'est pas applicable. En
ce qui concerne les produits importés direcleuïcnt du Dahomey en
France, ils sont soumis aux droits du tarif minimum, sauf excep-
tions déternn'nécs par décrets en Conseil d'Klat. Ces dispositions
sont applicables aux bois, huile de palme et huiles siniilaires qui
sont admis en franchise en France, et aux cafés qui ont le bénélice
de la détaxe de moitié. Des taxes de consommation frappent le
tabac (»{5cent. au kil.), la poudre (30 cent.), les fusils (2 fr. pièce), le
sel marin (6 fr. les 1,000 kil.), le sel gemme (14 fr. les 1,000 kil.).
Les alcools [)ayent une taxe de 3 francs l'hoctolitre pour les
spiritueux de 0" à 10°; la taxe s'augmente de 3 francs pour chaque
dizaine de degrés en plus jusque oO"*; au-dessus de ce degré, il y a
une surtaxe par hectolitre de 40, 50 et 60 centimes, suivant que,
respectivement, l'alcool titre de 50 à 80°, de 70 à 00*"; cette
surtaxe peutjaiL^si être (Ixée à 10 p. c. ad valorem. Leur valeur
est déterminée par les prix de facture majorés de 25 p. c. Les
marchandises non dénommées payent 4 p. c. Sont exempts de tous
droits : les animaux vivants, viandes fraîches, poissons Irais,
graines, noix de coco et de kolas, amandes de palme, armes et
munitions de guerre, embarcations, macfiines, vivres et malériel
d'Étal, effets à Tusage des voyageurs, matériaux de construction,
instruments aratoires, objets mobiliers, outils, instruments d'art
et de mécanique, livres et imprimés, instruments de précision, de
musique, de nrathématiques, médicaments, ornements d'église,
emballages, fûts et futailles, monnaies ayant cours légal.
Le mouvement commercial du Dahomey, pendant 1899, s'est
élevé à plus de vingt-cinq millions, dont voici le détail : Impor-
tations, fr. 12,348,970.74; exportations, fr. 12,719,819.72,. soit
un total de fr. 25,068, 160.46 contre un total de fr. 17,533,326.35
en 1898. Les augmentations à l'importation portent principalement
sur les poudres, monnaies, boissons, verres et cristaux et ouvrages
en bois. Les tabacs et tissus sont légèrement en diminution.
Quant aux exportations, tous les produits du cru sont en
augmentation, principalement les amandes et huiles de palme.
LE DAHOMEY 361
les noix de cocos et coprah, les kolas; rexportalioii du caoul-
cliouc s'est élevée de I3JI9 kil. en 1898, à 14,4.35 kil. en 1899.
Le commerce avec la France a été le suivant : importations de
France : fr. 3,448,()67.46; exportations pour la France, Ir. 3 mil-
lions 433,70i.8o. soit un total de fr. 6,88-2,372.31.
Les importations proviennent par ordre d'importance, d'Alle-
magne (i, 110,000 Ir.), de France (3,448,000 fr ), de Lagos
(3,117,000 ft.), d'Angleterre {1,370,000 fr.), des lîtats-Unis
(24,000 fr ), etc.
Les exportations élaient destinées, par ordre d'importance,
pour : Lagos (7,219,000 fr. plus 8,000 fr. d'exportations directes
pour l'Angleterre), France (3,433,000 fr ), Allemagne (2 millions
127,000 fr.), etc. Le mouvement de la navigation a été à l'entrée
de 4il vapeurs d'un tonnage de 398,500 tonneaux; sur ce nom-
bre, 126 anglais, 423 français, 183 allenmnds et 9 italiens. Le
nombre de sortie est ideiiticjue.
Le budget du Dahomey, pour 1900, est arrêté comme suit :
Recettes :
Conli'ibulioiis iiidireotos fr. 1,806,000
Produits divers 44,000
Impôts indigènes 3.')0,000
Total des HTcltes . . . fr. 2,200,000
Dépensées :
Dettes exigibles fr. .'5,600
Services îidministrotifs 433,01)
Aftiiires politiques et Indigènes 439,820
Troupes indigènes et police 227,155
Services financiers 268,476
Divers services 448.860
Travaux publics, flottille, ports et rades . . 539,220
Service de santé 04.575.48
Haut Dahomey 483,238.43
Dépenses diverses et imprévues .... -160.047.09
Total des dépenses . . fr. 2,200,000.00
Le Dahomey possède une ligne côtière très peu développée; la
largeur de la colonie est seulement de 120 à 150 kilomètres de
l'Est à rOuest, tandis qu elle pénètre à Tintérieur des terres sur une
36S ÉTUDES COLONIALES
distance de 8 à 900 kilomètres jusqu'au bief navigable du moyen
Niger, qui s'éter.d lui-même sur près de iOOO kilomètres, entre
les chutes de Zuider, en amont, et celles de Boussa en aval.
Divers cours d'eau se jettent dans le golfe de Bénin : l'Ouémé, la
rivière Sô, la rivière Couffo, le fleuve Mono, l'Agbadoch l'Ocpa
affluents de l'Ouémé, mais ces cours d'eau ne peuvent pas être
utilisés comme voies de pénétration à l'intérieur du pays ; le peu
de profondeur des eaux, la présence de rapides nombreux, rendent
la navigation impossible à une courte distance de leur embou-
chure.
Il existe en ce moment en France un très vif courant qui
entraine les autorités gouvernementales à l'exécution de travaux
publics aux colonies; les emprunts conclus pour leur réalisation
se succèdent nombreux. Rien d étonnant donc à ce que le projet
d'un chemin de fer de pénétration de la côte vers l'hinterland du
Dahomey ait surgi. Le 19 mars 1896 arrivait à Cotonou une mis-
sion d'études dirigée par le chef de balaiirm du génie Guyon,
comprenant comme personnel technique les capitaines du génie
Pilonneau et Cambier, le lieutenant Bachellery, 16 sous-offîciers
et soldats. La mission eut beaucoup à souffrir de sa traversée des
marais de la Lama. Néanmoins le H septembre 1^09 elle avait
terminé son travail. La côte dahoméenne est rectiligne ne pré-
sentant nulle part une baier, un port naturel pouvant servir de
refuge aux navires. De plus, à 400 mèlres du rivage se fait déjà
sentir la barre, qui peut seulement être franchie, au prix de multi-
ples dangers, parles pirogues conduites par les indigènes.
Pour obvier à cet inconvénient, une société de capitalistes a créé
à Cotonou un wharf qui, s'avançant de plus de 300 mètres dans la
mer, permet de traverser à pied sec et sans danger la bande hou-
leuse déferlant le long de la côte. Aussi la mission d'études a-t-elle
amorcé son chemin de fer à Cotonou d'autant plus que Cotonou
est la seule localité de la côte qui communique avec Porto Novo,
la capitale du pays, par le lac Nokoué.
La voie ferrée projetée se dirigera de Cotonou vers Paon, oii
elle rencontrera l'embranchement venant de Ouidah qui la fera
communiquer avec la lagune navigable de Grand-Popo à Ouidah,
avec le lac Ahémé, le Couffo et le Mono. De Paon, la ligne se pour-
suit vers Alîada et Toffb à travers un pays très fertile, boisé, en
LE DAHOMEY 363
partie couvert de palmiers, où de vastes cultures tropicales pour-
raient être établies. Au delà de Toflo la ligne franchit la Lama et
pénètre dans le royaume d'Abome\ , qu'elle traverse en se dirigeant
ver Atchérilié sur la rivière Zou. Plus au Nord la ligne traverse
les provinces de Paouignan, Agouagon, Savé, Tcliaourou. Au delà
de Tcliaourou les pâturages du Niger renferment de nombreux
bestiaux qui seront d'un écoulement lacile lorsqu'on pourra les
amener à la côte. Le projet admet que pour les marchandises de
peu de valeur relativement à leur poids, le tarif ne devrait pas
dépasser le prix de 70 centimes par tonne kilométrique. Pour les
marchandises riches comme le caoutchouc, le calé, etc., le chiffre,
de 2 francs pourrait être choisi. D'après les évaluations du projet,
la recette kilométrique probable serait alors de 13 à 14,000 francs
au tarif de 70 centimes. Si Ton déduit de ces chiffres les Irais
d'exploitation, soit au maximum 5,000 francs par kilomètre, on
peut en conclure que la recette nette kilométrique serait au moins
de 8,000 francs.
Le comité des travaux publics des colonies a estimé le prix total
de la construction à 60,000 francs par kilomètre. Si l'on déduit
de ce chiffre la valeur des terrassements déjà faits, on arrive à
une somme de 57,000 francs pour terminer la voie ferrée; soit
au total 40 millions environ.
On recommande la construction de ce chemin de ier par une
compagnie concessionnaire. Celle-ci devrait rémunérer un capital
de 40 millions de francs à 6 p c. (ce taux est nécessaire pour
compenser l'insuffisance inévitable des revenus pendant les pre-
mières années). Les recettes d'exploitation n étant évaluées qu'à
1,500,000 francs, le déficit de 900,000 francs sur le revenu
nécessaire de 2,400,000 francs serait obtenu, non pas sous la
forme onéreuse de garantie d'intérêts, mais sous celle de conces-
sions territoriales. On (aïeule que si, par kilomètre de ligne
exploitée, la compagnie recevait 25 hectares de terrain au Sud de
Dam et 200 hectares au Nord de ce village, la recette correspon-
dante, après la mise en valeur, serait de 7,750 fr., soit pour toute
la ligne jusqu'au Niger, 5 1/2 millions qui ajoutés aux recettes de
l'exploitation, porteraient le bénéfice annuel à 7 millions, pour
une mise de fonds totale de 40 millions; soit plus de 17 p. c. Il
nous semble qu'il y a un « trou » dans cet exposé : on néglige de
364 ETUDES COLONIALES
tenir compte du capital rendu nécessaire par la mise en valeur des
terrains concédés, capital qui sera nécessairement considérable.
Toutefois, re n'est pas au système de concession, à Tinitiative
privée, que semble s'être arrêtée TAdministration coloniale fran-
çaise. La colonie dispose 'annuelément dune subvention de
500,000 francs pour ce chemin de fer. On pourrait, avec cette
somme, garantir un emprunt de 10 millions, ressource reconnue
suffisante pour construire 180 kilomètres de voie ferrée
Les receltes locales de 1899 se sont élevées à la somme de
2,7Go,850 francs, dépassant de 86'),8')0 francs les recettes prévues
au budgel de la colonie.
Cet excédent de recettes a été versé à la caisse de réserve et
servira, avec les 500,000 francs inscrits annuellement au budget
ordinaire, à subvenir aux frais de construction de l'infrastructure
du chemin de fer que la colonie établira elle-même, sans avoir
recours au moindre emprunt de la métropole.
Les travaux de débroussaillemcnt et de piquetage de la ligne
sont commencés depuis le mois d octobre 1899. Les travaux de
terrassements de la plate-forme commenceront à partir du l*"' mai
prochain. On ne peut assez souhaiter l'avancement de ce raiiway
L'exemple de la prospérité que le chemin de fer du Congo belge a
répandue dans les territoires de l'Iitat Indépendant ne doit pas être
perdu pour les autres colonies. La situation du Dahomey serait
singulièrement amélioiée par un chemin de fer unissant la partie
navigable du Niger à l'Océan.
On peut tirer une conclusion des renseignements que les der-
niers écrits sur le Dahomey nous doinient; celui-ci apparaît
comme une des plus belles colonies africaines de la Franco, rela-
tivement saine et propre aux exploitations d'agriculture coloniale.
La population est dense, pacifique, de sorte qu'avec du tact, le
troublant problème de la main-d'œuvre y peut recevoir une solu-
tion satisfaisante. Ce sont là des avantages que les capitalistes
semblent cependant n'avoir pas apprécié à leur juste valeur. Les
entreprises européennes du Dahomey sont, en somme, peu nom-
breuses; le capital qui s'y consacre est très restreint.
CHRONIQUE
GENERALITES
Capitaux allemands dans les entreprises d'outre-mer. — Le
ministère de la marine en Allemagne s'est livré à une enquête sur Timpor-
tancedes capitaux allemands engagés à l'étranger. Ce travail ne donne
qu'une idée approximative du sujet; dans bien des cas, il a été impos-
sible d'arriver à des constatations absolument sûres. Quoi qu'il en
soit, les chiffres cités sont loin d'être dépourvus d'intérêt. Il n'a pas
été tenu compte, dans ce travail, des capitaux placés en Europe, à
l'exception de la Turquie, ou dans les colonies allemandes ou dans
les Etats-Unis de l'Amérique du Nord. Pour ceux-ci, on évalue
l'imporlance des capiaux allemands à deux milliards environ.
On estime que l'Amérique du Sud a reçu de i 3/4 à 2 milliards de
marks, de l'Allemagne, dont un quart s'est dirigé ves la cote occiden-
tale et dont le reste se partage entre la République Argentine et la
côte orientale. Ces capitaux ont été consacrés pour la majeure partie
— les deux tiers — àdes buts commerciaux. L'acquisition de propriétés
et de plantations intervient pour une forte part dans cette somme;
p<ir contre, les capitaux consacrés à l'industrie n'ont pas encore atteint
le même développement.
Les pays et les îles de l'Amérique centrale, y compris les états sud
américains de la mer des Caraïbes et le Mexique, qui, en fait, ofl*rent
à l'activité allemande une sphère d'égale étc^ndue, possèdent pour
1,000 à 1,200 millions de capital allemand.
Si l'on ajoute aux chiffres qui précèdent, le placomont fait dans les
Etats-Unis et dans l'Américjue l)ritanni(|ue du Nord, on constate q\u\
le continent américain pris dans son ensemble, représente pour
l'Allemagne un intérêt de i 1 i2 à 5 milliards.
Dans l'Océan Pacifique, les CÂipilaux allemands se sont, jusqu'à
présent, conœntrés principalement sur le continent australien. Des
î>50 à 600 millions que ces contrées ont reçus, les cinq sixièmes sont
366 ÉTUDES COLONIALKS
placés sur lo continent et ont été consacrés pour la moitié à des
entreprises industrielles, minières et agricoles, et pour l'autre moitié
aux intérêts commerciaux.
En Asie, y compris le Levant, le montant des capitaux allemands
s'élève à près de un milliard et se répartit pour un bon tiers sur l'Asie
orientale; pour un quart sur l'Inde anglaise et sur les Indes néerlan-
landaises ainsi que sur les Philippines; les deux cinquièmes restants
échoient à l'empire turc ; une partie de ces derniers capitaux étendent
toutefois leur action sur l'Europe et l'Afrique. C'est aussi dans cette
dernière région que l'augmenlation des placements a été le plus
sensible.
En Orient comme en Chine, les capitaux se sont principalement
dirigés vers les entreprises de chemins de fer et vers l'industrie. Dans
les autres contrées, exception faite cependant pour la fertile région
des Moluques, ce sont, au contraire, les établissements de crédit et de
commerce qui prédominent fortement.
L'Afrique a, abstraction faite de l'Egypte et des colonies allemandes,
absorbé plus d'un milliard de marks; elle se trouve donc sur le même
pied que l'Asie. La presque totalité de cette somme est engagée dans
les entreprises minières du ïransvaal. Moins d'une centaine de mil-
lions reviennent aux régions cûtiéres du nord, de l'ouest et de l'est de
l'Afrique.
Le total général des capitaux allemands placés dans ces différents
pays est donc de 7 à 7 1/2 milliards. Les revenus que produit cette
somme sont inconnus. Il n'est pas possible de les évaluer même
approximativement. En admettant un taux moyen de six pour cent,
qui pour un grand nombre d'entreprises d'outre-mer est beaucoup
trop faible et qui, d'autre part, tient compte tant des placements
moins avantatageux que du fait qu'une certaine partie des intérêts
reste à l'étranger, on pourrait évaluer de iî20 à 450 millions de marks,
la somme dont le revenu annuel de l'Allemagne s'accroît graco aux
placements du capital national dans les entreprises d'outre-mer.
L'expédition de (c l'Albatros » dans l'Océan Pacifique — La
chaloupe de pêche à vapeur à bord de laquelle se trouve le professeur
Al. Agassiz, chef de la section scientifique de l'expédition, se trouve
actuellement dans l'Océan Pacifique, où elle procède à des sondages.
Le bateau, qui a quitté San-Francisco, le 23 août 1899, est arrivé, le
30 septembre à Tahiti et le 12 octobre, à Suwa (Iles Fidji) d'où il
s'est dirigé sur Yokohama. D'après une communication envoyée par
le chef de l'expédition aux « Petermanns Mittheilungen » 250 son-
CHRONIQUE 367
dages avaient été pratiqués avant l'arrivée à Suwa. Il en résulte
qu'on a constaté la présence d'une dépression de 4,600 â 5,300 mètres
au nord des îles Marquises entre le 24.5 degré latitude N. et le 6.5
degré latitude S. dans une région où Ton n'avait, pour ainsi dire, pas
encore pratiqué de sondages. Au sud-est de Tonga, on a découvert des
profondeurs de 8,303 et de 7,977 mètres et on a pu descendre avec
succès la traîne à 7,626 mètres. Déjà auparavant, on avait relevé dans
cette région des profondeurs énormes, allant jusqu'à 9,000 mètres et
au-dessus.
Le professeur Agassiz écrit qu'à 7,626 mètres, il a retiré de la mer
un limon noirâtre contenant des radiolaires et des fragments d'une
sorte de grande éponge contenant du gravier. M. Agassiz dit encore
que la partie la plus intéressante de ses recherches s'est faite sur les
récifs de corail des îles Paumotu, de la Société, Cook et Tonga. Mais
il n'ajoute pas si ses observations confirment ou infirment la théorie
que son père et lui professent au sujet de la formation des bancs
de corail.
AFRIQUE
Afrique occidentale. La région du maximum de pluie. —
Il résulte d'observations faites régulièrement depuis 1895, sur la quan-
tité depluietombceàDebundscha,situéesur le flanc occidental du mont
Kameroun, que cette localité est, jusqu'à présent, la plus pluvieuse
de l'Afrique et, à part une autre, la plus pluvieuse du globe. La
pluie excessive de 1895 avait été considérée comme un phénomène
anormal, mais les années suivantes ont montré qu'il n'en était rien,
car la quantité de pluie tombée pendant ces dernières, a légèrement
dépassé le chiffre de 1895. Les Mittheilungen nus den deiitschen schutzge-
bieten donnent les résultats des observations faites en 1898, ainsi que
les chiffres comparatifs des trois années précédentes, La moyenne
des quatre années est de 9,462 millimètres. Des observations faites
dans une autre station de la même région, s'ac<îordcnt parfaitement
avec celles de Debundscha. Il est tombé annuellement dans cette der-
nière, 9,344 millimètres d'eau. Les plus grands nombres se remar-
quent de juin à octobre. Les plus petits en décembre et janvier. On a
relevé plus d'une fois 30 millimètres de pluie en une seule nuit. Cette
chute considérable de pluie semble se rencontrer sur un petit espace,
car les chiff*res fournis par d'autres stations de la même région sont
i
368 ÉTUDES COLONIALES
beaucoup moins élevés. Sur la rivière de Kameroun, la moyenne des
cinq années 1804-1898 n'a été que de 3,997 millimétrés.
Les chemins de fer dans les colonies anglaises de l'Afrique
occidentale. — Les détails qui suivent sont empruntés à une confé-
rence faite, au mois de février dernier, par M. Frédéric Shelford, à la
Chambre de commerce de Liverpool. M. Shelford s'est successivement
occupé des chemins de fer existants, projetés ou en voie de construc-
tion dans les colonies de Gambie, de Siorra-Leone, de la Côte d'Or
et de Lagos.
Gambie. — Cette colonie ne possède qu'une surface très restreinte :
200 milles de longueur sur 30 ou 40 de largeur. On n'a jamais pro-
posé d'y construire de chemin de fer, la rivière suHisant à tous les
besoins des transactions.
Sierra-Leone. — Cette colonie possède un excellent port naturel,
un des plus beaux du monde, i^es steamers déchargent leurs cargai-
sons dans des allèges qui n'ont (jue quelques centaines de yards
à parcourir pour déposer les marchandises le long d'un quai. Il est à
espérer que l'on fera bientôt la dépense relativement modérée de la
construction d'un wharf, permettant aux navires d'opérer leur dé-
chargement directement.
Le premier objet qui frappe la vue du passager ilébarquant à
Sierra-Leone, est le chemin de fer qui vient aboutir au débarcadère.
Au-dessus de celui-ci, se trouve le bureaux de la ligne, tandis que les
ateliers, les hangars et les autres dépendances sont situés à un mille
et demi plus loin, à Clinetown.
Le chemin de fer de Sierra-Lf^one a un écurtement de 2 pieds
6 pouces. II a été commencé en 1891) et terminé à la fin de 1898, mais
il n'a été ouvert au trafic que le i*"" mai 1899. La construction de la
voie a subi de grands retards, par suite de la révolte à propos de la
taxe sur les huttes. Cette sédition causa une cessation complète des
travaux pendant la partie la plus favorable de la saison sèche et,
d'autre part, la grève des mécaniciens anglais empêcha l'envoi des
machines et autre matériel. La voie traverse une contrée extrêmement
accidentée. On n'y rencontre pas moins de onze grands viaducs sur
les dix-huit premiers milles. Leur construction a également été une
c<mse de lenteur dans l'avancement des travaux. La longueur de la
ligne actuellement ouverte est de 32 milles (Songotown) et une nou-
velle section, allant jusqu'à Rotofunk', est maintenant en con-
struction.
CHRONIQUE 369
Eu 1894, en avait procédé à un examen sommaire du pays à partir
de Songotown vers Bumban, dans la direction du nord, on passant
par Kokell, mais le gouverneur de la colonie, sir Frédéric (^aniew,
ayant découverl, plus au sud, une région riche en huile de palme et
bien peuplée, il fut décidé de pousser la ligne dans celte direction et
de la mener de Songolown à Kolofunk. Des études faites en 1899
semblent démontrer qu'il ne serait pas difficile de créer une ligne
légère se dirigeant du point terminus de la voie actuelle jusqu'à Bo,
qui se trouve à une distance de 80 1/2 milles.
Le chemin de fer actuel n'est susceptible de desservir qu'une sur-
face peu étendue. Sa prolongation jusqu'à Bo lui permettrait, au con-
traire, de mettre en valeur une aire d'environ 5,000 milles carrés qui,
à présent, n'envoie peut-être pas le moindre produit sur les marchés
de Freetown ou des autres localités do la côte.
Cote d'Or. — Des études en vue de l'établissement de chemins
de fer ont été faites sur la Côte d'Or, dans toutes les directions.
En 1894, on étudia le tracé d'une ligne allant de Oda (Insuaim)
à Apam (53 milles); en 1897, celui d'une ligne se dirigeant de Accra
à Oda (77 milles) et d'une ligne allant de Accra à Apam (42 milles).
On fit aussi une élude préliminaire de la région qui se trouve entre
Oda et Kumasi (103 milles), à la fois, en suivant une route occiden-
tale près du lac Busumchwi et en suivant une route orientale. Dans
la même année, des études furent faites entre Accra et Pong, sur la
Volta, et de Sekondi à Tarkwa. Celte dernière ligne fut autorisée et
rx)mmencée en 1898.
On prétend que la route de Sekondi à Kumasi est bien supérieure à
celle d'Accra. Cette dernière présente un grand nombre d'obstacles.
A 40 milles d'Accra, on rencontre une colline et après avoir traversé
la rivière Prah, on arrive dans une région très accidentée, à travers
laquelle il est presque impossible d'établir un chemin de fer. La
population, par contre, est considérable et le commerce en produits
agricoles et forestiers est peut-être aussi important que celui que
pourrait offrir la route de Tarkwa.
Il i>'y aurait pas de grandes difficultés à étendre la ligne Sekoudi-
Tarkwa jusqu'à Kumasi. Lecoûtde cotteligne serait d'environ 5,0001iv.
st. à 5,500 par mille, et la contrée est, en général, plus aisée
qu'entre Sekoudi et Tarkwa. La distance de Tarkwa à Kumasi (»st de
141 milles; la longueur totale de la ligne serait donc de 181 milles.
I^e pays que cette voie aurait à traverser est couvert de forêts et un
grand nombre de c^urs d'eaux et de marais doivent être franchis. On
370 ÉTUDES COLONIALES
peut espérer tirer de ces régions une quantité considérable d'ituile et
de noix de palme ainsi que de caoutchouc.
Dans Test de la colonie, des études ont été faites, comme il a été dit
plus haut, entre Accra et Pong. 11 en résulte que l'établissement d'une
ligne entre ces deux points n'offrirait pas de difficultés. La végétation
que Ton rencontrerait en route est peu dense; les travaux de terrasse-
ment ne seraient pas très importants et la population que l'on pourrait
employer est très considérable! Le but de la ligne serait d'amener à
Accra la grande quantité d'huile et de noix de palme, ainsi que de
caoutchouc, que les indigènes n'apportent pas au marché à présent,
parce qu'ils trouvent que l'opération n'est pas assez rémunératoire.
Cette ligne pourrait aussi transporler les produits qui descendent la
Volta et servir également de moyen de communication entre Accra et
Aburi, la station sanitaire de la colonie.
La ligne de Sekoudi à Kumasi et celle d'Accra à Pong desserviraient
respectivement les parties occidentale et orientale de la colonie. Il
resterait encore à s'occuper de la riche contrée qui s'étend autour de
Insuaim ou Oda, où l'huile et les noix de palme sont en abondance et
dont la nombreuse population est très industrielle. Il semble donc
que l'un ou l'autre jour, la nécessité de construire une ligne entre
Apam et Insuaim s'imposera.
Lagos. — La ville de Lagos proprement dite, dont la population
est de 40,000 âmes au moins, se trouve dans une île au milieu d'une
lagune. En 1895, des études furent faites dans la colonie de Lagos et
dans son hinterland. La longueur des tracés examinés en cette année
est très étendue. Les ingénieurs allèrent de Lagos à Otta; de là à
Haro, Abookuta, Ibahan et lebu Ode. Il a été décidé de construire une
ligne de Lagos, t;ia Otta à Abeokuta, qui possède 150,000 habitants, et
de là à Ibahan, qui compte environ 180,000 âmes. La population est
aussi très dense le long de la route.
La ligne, dont l'écartement est de 3 pieds 6 pouces, a été commencée
en 1896, et d'importants chantiers ont été ouverts dans l'île de Iddo
et sur le continent. Les travaux de terrassement sont achevés main-
tenant jusque Ibadan. La ligne d'Abeokuta a été ouverte le i«' août
dernier. L'avancement de la section Abeokuta-lbadan a été extrême-
ment rapide. En sept mois, on a exécuté 41 milles et demi de terras-
sement.
Outre Obeokuta et Ibahan, qui sont des localités de dimensions
énormes, il existe encore plus au nord d'autres villes de grande éten-
due. Parmi ces dernières se trouvent Oyo, avec une population de
CHRONTQUR 371
60,000 habitants; Ogbomosho, qui en compte 30,000, et Ilorin, qui
en possède 70,000. On dit que hi région qui s'étend au-delà de Iba-
dan est beaucoup plus découverte quejcelle qui a été relevée récem-
ment, et il résulte des observations faites par sir Gilbert Carter, au
cours de son expédition dans cette contrée en 1892, qu'il n'y aurait
pas d'obstacles insurmontables à la prolongation du chemin de fer
jusqu'au Niger.
Le protectorat de la côte du Niger. — Il résulte du rapport
présenté par sir Kalph Moor, commissaire et consul général du pro-
tectorat de la côte du Niger, que les receltes de la colonie se sont
élevées, en 1898-99, à 169,567.18 liv. st., dont 160,669.13 liv. st.,
proviennent des droits de douanes. A cette somme, il faut ajouter la
balance de l'année précédente, soit 13,159 liv. st., ce qui porte le
total des receltes à 182,727.17 liv. st. Les recettes de 1898-99 accusent
une augmentation sensible sur celles de l'exercice précédent. La
cause s'en trouve dans l'importation considérable d'objets soumis aux
droits d'entrée qui a eu lieu au mois de mars 1899 et qui a été déter-
minée p<ir la crainte d'une revision du tarif douanier.
Les dépenses ont été, en 1898-99, de 146,751.17 liv. st. Il est donc
resté en caisse un boni de 35,976 liv. st. Il y a eu cependant des aug-
mentations de dépenses dans certaines branches de l'administration,
notimiment dans celle de la marine. Ce dernier département se charge
de tous les transports du gouvernement et a, par suite, dû acquérir
deux nouvelles embarcations.
L'exercice écoulé n'a vu naîlre aucune législation quelconque. L'ac-
tivité du gouvernement s'est tout entière concentrée sur l'organisation
des tribunaux consulaires et indigènes. Il existe dans la colonie huit
cours consulaires. Elles ont jugé, durant l'année, 486 affaires et pro-
noncé 349 condamnations. L'année précédente, les chiffres avaient
été respectivement de 655 affaires et 545 condamnations. On peut en
conclure qu'il s'est produit une amélioration parmi les gens soumis à
la juridiction de ces tribunaux.
11 y a ensuite vingt-trois tribunaux indigènes qui sont placés sous
la direction d'un magistrat et des chefs de district. On compte que
ces tribunaux rendront de grands services en matière adminisiralive
et qu'ils serviront à enseigner aux indigènes les principes de la jus-
tice européenne.
Le nombre des navires qui ont visité la colonie est de 375 contre
340, l'année précédente. Le commerce total s'est élevé à l,507,287liv.
st. Une valeur de 1,457,340 liv. st., c'est-à-dire les 96,6 p. c, a été
transporlée sojis pavillon anglais.
372 ÉTUDES COLONIALKS
Lo service postal a pris de Textension, ce qui est dû à rintroductiou
de la taxe d'un penny par lettre et à la réduction du port pour les
colis postaux. Les communications vers Tintérieur liiissent beauœup
à désirer. Il n'existe pas de chemin de fer et la construction de routes
est très difficile, eu égard à l'absence complète de matériel. On a
toutefois commencé à établir quehjuos routes dans le district d'Opobo
et dans les territoires de Bénin.
Togoland. Industrie du fer. — M. Hupi'eld donne, dans les
Mittheilungen atisden Deuischen Schutzgebieten, un aperçu de l'indus-
trie du fer telle qu'elle est pratiquée par les indigènes du Togoland.
On trouve du minerai de fer partout dans les schistes cristallins dont
se compose la zone des montagnes s'étcndant au Nord-Est et au Nord
de la colonie. Bien que l'on aperçoive, en de nombreux endroits de
cette» zone, des vestiges d'anciennes exploitations, l'industrie ne
s'exerce plus de nos jours que dans les deux districts de Basari an
Nord et de Boem au centre. La production est plus forte dans la pre-
mière de ces régions, qui est un pays de collines isolées plutôt que de
chaînes de montagnes. Les habitants parlent un langage qui diffère
de celui de leurs voisins, mais qui présente certiiines analogies avec
celui des Gurmas, qui habitent plus au Nord. Ils ont la haine de
l'étranger et n'ont guère subi l'influence des Mahomélans ou des
Européens. L'industrie reste donc dans une situation primitive. Dans
le district de Boem, la production va en diminuant par suite de l'im-
portation du fer d'Europe (spécialement d'Angleterre). Le métier de
forgeron subsistera toutefois, mais subira probablement certaines
modifications.
Soudan égsrptien. — Dans son rapport sur la situation de l'Egypte,
en 1899, lord Cromer dit que l'on comptait voir le chemin île fer du
Soudan atteindre Halfaya, qui se trouve à la jonction du Nil bleu et
et du Nil blanc, en face de Khartoum, dans le courant du mois de
septembre dernier. Des retards sont cependant survenus. Le pont de
l'Atbara a pris plus de temps pour être établi qu'on n'avait calculé et,
d'autre part, de fortes pluies ont endonnnagé la voie en maint
endroit. La ligne n'a donc pu être ouverte qu'au 31 décembre 1809.
On a pris des dispositions pour élablir dus ponts et des caniveaux, de
manière à éviter des interruptions de trafic par suite de pluies.
Lord (>ronier ajoute que, dans son dernier rapport, il avait émis
l'idée d'étendre la ligne jusqu'à Abu-Haraz. Cette direction reste celle
qui lui paraît le plus convenable, mais il propose d'abaniioiiner ce
CHRONIQUE 378
projet pour le moment et de consacrer toutes les ressources dis-
ponibles à rnmélioration de la partie de la ligne actuellement
construite.
Le chemin de fer de Beira. — La création du chemin de fer de
Bcira, qui attire actuellement l'attention, est le résultat d'un arrange-
ment conclu entre la Grande-Bretagne et le Portugal, le 11 juin 1891.
Cette convention avait principalement pour but de fixer les frontières
entre les possessions des deux pays, à la suite de l'occupation des ter-
ritoires de Lobengula par la Bntish South Africa Company. Le gou-
vernement portugais s'engageait à construire un chemin de fer,
destiné à relier la Khodésia à Beira, et à ne pas imposer, sur les mar-
chandises transportées, un droit de transit supérieur à 3 p. c. La
concession de la ligne fut accordée à la Compagnie du Mozambique,
qui la transféra plus tard à la Beira Raiiway Company, société anglaise
enregistrée à Londres. La ligne fut construite entre Be«ra et la fron-
tière portugaise (Umtaii, à cette époque) par sections. Elle fut terminée
en 1898. La longueur totale de la voie est de 2<*3 milles. Elle est plus
étendue qu'on ne l'avait prévu ; d'abord, parce que la frontière portu-
gaise a été reculée de 17 milles vers l'Ouest, et ensuite à cause des
détours que la ligne a dû faire par suite de la nature montueuse du
pays. C'est ainsi qu'entre Fontesvilla et Chimoio, la distance à vol
d'oiseau est de 75 milles, tandis que la ligne fait 120 milles. La voie
s'élève constamment depuis Beira jusqu'à Umtaii, où elle atteint une
altitude de 3,450 pieds. La vitesse moyenne des trains de passagers
n'est que de 12 milles à l'heure et celle des trains de marchandises de
10 milles. Le voyage entier de Beira à Umtaii, prend généralement
deux jours. On passe la nuit à l'un ou l'autre point d'arrêt.
A Umtaii, la ligne se relie à celle de la Mashonaland Raiiway
Company, qui s'étend jusqu'à Salisbury, capitale de la Rhodésia,
située à 170 milles de là. Salisbury est donc relié à Beira par une
ligne de 373 milles et au Cap par une ligne de 1,350 milles. La ligne
Beira-Umtali avait été construite à un écartement de deux pieds,
tandis que celles de Umtali-Salisbury a un écartement de trois pieds
six pouces. On s'occupe maintenant de transformer la voie de Beira-
Umtali, de manière à la faire correspondre à cette dernière.
Le chemin de fer de Beira traverse un pays insalubre. Beira, elle-
même, est une petite ville située sur une langue de terre qui s'avance
dans la mer, de sorte qu'elle est menacée à tout instant d'être engloutie
par les flots. Elle est habitée par 500 blancs et près de 1,500 indi-
gènes. Ses caractéristiques sont : chaleur, poussière et malpropreté.
374 • ÉTUDES COLONIALES
La ville n'est pas saine, mais sa situation serait bien pire encore si elle
n'était pas constamment balayée par les vents du large. Son port est
excellent. Il est protégé par un banc de sable qui, à marée basse,
est à sec. A marée haute, l'eau est toutefois assez profonde pour per-
mettre l'accès des plus grands bâtiments. On a construit dans une
profondeur d'eau de cinq brasses un pier, le lon^ duquel les navires
se trouvent en sûreté.
La première partie du chemin de fer traverse des marécages et des
sables mouvants. La voie n'a pas été solidement établie. Au passage
des trains, on voit jaillir la boue noire des marais. La chaleur est
accablante; l'odeur des eaux croupissantes est affreuse, et une
myriade d'insectes, avides de sang, s'abattent sur les passagers. Le
voyage de nuit a d'autres inconvénients : des moustiques pénètrent
en masses dans les wagons et les marais dégagent des vapeurs méphi-
tiques et mortelles. On arrive ainsi à Fontesvilla, dont le climat est
particulièrement mauvais. La « malaria » y règne sans conteste.
A l'époque des pluies, cette localité et le pays qui l'entoure sont
transformés en une mare de trois à quatre pieds de profondeur.
Au delà de Fontesvilla, le pays s'élève. Il est couvert de hautes
herbes alternant avec des marécages et est habité par d innombrables
troupeaux de gros et de petit gibier. On y rencontre aussi des lions
très dangereux. Le pays est extrêmement fertile, mais n'est pas habi-
table pour les Européens. A une journée de marche de Fontesvilla,
commence la région de la mouche Tsetsé, qui s'étend jusqu'à une
journée de marche au-delà de Chimoio. Dans cette contrée, la vie est
impossible à n'importe quel animal, sauf l'âne et la chèvre. Dans
certains endroits, même ceux-ci ne peuvent pas résister.
Madagascar. Les cultures : café, coton, caoutchouc, thé. —
On cultive le café à Madagascar depuis nombre d'années. Il existe des
caféières très belles, quoique abandonnées à elles-mêmes et fort mal
soignées, dont l'âge varie de six à quarante ans. Il est bien clair que
les régions oii existent d'aussi vieilles plantations sont propices à la
culture de cette plante précieuse. On en trouve trois espèces : V Arabica,
le plus répandu, le Bourbon et le ïAbena, Cette dernière espèce, de
qualité habituellement inférieure aux précédentes, est cultivée sur la
côte Est avec un plein succès et sa qualité est, à Madagascar, supérieure
à ce qu'elle est partout ailleurs. Ce produit, encore peu important, se
<îonsomme sur place. Mais cette culture se répand beaucoup et elle est
appelée à un grand avenir.
Le succès des diverses espèces de café paraît donc assuré à Mada-
CHRONIQUE 375
gascar, à la seule condition de choisir les terrains propices. Des plan-
teurs ont eu cependant des mécomptes, notamment dans le Betsiléo,
où un grand nombre de caféiers ont été gelés. Cet accident prouve
qu'il y a une réelle imprudence à faire des essais de ce genre dans
certaines parties trop froides du haut plateau.
Le gouvernement local fait faire en ce moment, dans les environs
de Tananarive et en divers points, des plantations de coton à titre
d'essai. Cette mesure est excellente; si cet arbuste, comme beaucoup
le prétendent, réussissait en Imérina, ce serait un aliment nouveau, et
non des moins importants, à la colonisation.
On va également faire l'essai, dans différentes localités et à diverses
altitudes, d'un arbre à caoutchouc, VUevea brasiliensis, dont les graines
ont été envoyées de la Guyane. On a fait, du reste, plusieurs tentatives
de ce genre. Des colons ont planté divers arbres à caoutchouc, notam-
ment le Ceai'a.
On prépare également des plantations de thé dans les environs de
Tananarive. Là, le succès paraît assuré, car le sol a la même compo-
sition, à peu près, que celui qui produit à Ceylan dexcellents thés.
C'est une terre argilo- ferrugineuse, exempte de calcaire. On sait, en
effet, que cette plante se trouve très mal de la présence du calcaire dans
le sol. Quant à l'altitude et à la température, ii n'y a pas à s'en inquié-
ter. Il existe dans l'Himalaya, des plantations de thé à des altitudes
plus considérables que c^lle du plateau de l'Imérina, et dans des
régions soumises à une température plus basse. D'ailleurs, on a
remarqué que si la quantité du thé diminue, sa qualité augmente.
Il existe déjà dans le Betziléo, une plantation de thé contenant
20,000 pieds dont les produits ont un arôme très fin.
AMERIQUE
Colombie britannique. Le Cannibalisme. — Deux mission-
naires viennent d'adresser au gouvernement de la Colombie, un rap-
port au sujet d'une scène de cannibalisme qui a eu lieu dernièrement
chez les Indiens. Une fête nationale, célébrée dans le nord de la
Colombie, avait attiré des Indiens de différentes tribus. Dans les réu-
nions de ce genre, il règne généralement une grande excitation reli-
gieuse. Les Indiens se livrèrent bientôt à une danse de mort. Cette
cérémonie constitue un spectacle horrible et exige toujours une ou
376 ÉTUDES COLONIALES
plusieurs victimes. La dernière de ces danses funèbres remonte à
1885; elle coûta la vie à cinq malheureux. Au cours de la dernière
fête, Tenthousiasme atteignit rapidement le plus haut degré. Un grand
feu fut allumé autour duquel une vingtaine d'Indiens et d'Indiennes
s'engagèrent dans une ronde folie. Les danseurs et les centaines d'In-
diens qui contemplaient ce spectacle infernal, entonnèrent un chant.
Ce n'était, au début, qu'un faible soupir; de minute en minute, il
s'élevait et devenait plus net, plus bruyant, plus intense; à la fin, il
éclata en un cri strident et inarticulé. Tout à coup, un des danseurs,
se détachant de la chaîne, s'élançii à l'intérieur du cercle; un deuxième
le suivit et une femme fit de même. Ces malheureux s'offraient en
sacrifice. A cette vue, l'excitation des danseurs ne connut plus de
bornes. Ils se ruèrent sur les victimes comme des furieux ; ils leur arra-
chèrent avec leurs dents, des lambeaux de chair des bras, des jambes
et du tronc; puis, ils se remirent à danser avec une nouvelle rage.
Cette horrible scène se répéta jusqu'à ce que chacun des assistants
eût eu sa part du dépeçage et que les victimes eussent succombé à
leurs blessures. Les deux missionnaires durent assister à ce spectacle
sans pouvoir intervenir. Le gouvernement a envoyé des troupes pour
arrêter les organisateurs de cette lamentable affaire et les Indiens qui
ont participé aux meurtres.
ASIE
Chine. Le commerce extérieur en 1899. — L'inspecteur
général des douanes maritimes impériales vient de publier le rapport
relatif au commerce extérieur de la Chine pour 1899. Il constate que
la situation commerciale de la Chine a été caractérisée pendant cotte
année par un développement étonnant et que les marchands, tant
nationaux qu'étrangers, ont réalisé de beaux bénéfices dans toutes les
branches de l'activité. La situation politique, tout en manquant de
stabilité, n'a pas donné lieu à des craintes immédiates. Le change est
resté remarquablement ferme; la récolte du riz a été abondante; l'été
s'est montré, pendant la période critique pour le ver à soie, particu-
lièrement favorable; et, abstraction faite de la piraterie sur la West
River, il n'y a pas eu de troubles de nature à entraver le commerce.
Le résultat a été que l'année 1899 a battu tous les records précédents
et a accusé un progrès sans comparaison. Le commerce total a été
CHHONIÛUE 377
rvalué à 460,o33,288 Hk. TIs (le laël valant fr. 3.75), c'esl-à-dire une
augmenlalion de 91,916,805 Hk. TIs sur Tannée 1898, et plus du
double de l'année 1890. Le commerce intérieur a été particulièrement
actif et les changements notables qui résulteront do Textension des
voies ferrées sont déjà prouvés.
Les villes de Niu-chwang et de Tientsin portent déjà la marque de
rimpulsion résultant de Tamélioralion des voies de communication;
(a, malgré Tapparilion de la peste dans le premier de c^s ports, les
chitfres du commerce dans les deux villes montrent un sérieux
progrès.
La ligne russe a été achevée jusqu'à Mukden, et celle de Pékin à
Hankow avance rapidement. D'autres voies ferrésc sont exécutées avec
la même activité et, partout où elles sont achevées, on constate la
même amélioration dans la situation commerciale.
F^e revenu total de Tannée aéléde 26, 061, 400 Hk. TIs. c'est-à-dire,
4,158,003 Hk. TIs. de plus que Tannée précédente, et 3,143,439 Hk.
TIs. de plus qu'en 1890, qui était jusqu'à présent Tannée la plus favo-
rable. F/augmentation s'est faite dans toutes les brantîhes îles douanes,
l^es droits de transit ont progressé de 717,738 à 835,880 Hk. TIs. Le
nouveau règlement du YangIze, abolissant les dépôts en matière de
droit pour le cabotage dans les ports du Yangtze, est entré en vigueur
le l^"" avril, et le compte de ces dépôts a été clôturé. F^es droits prove-
nant du cabotage ont été de 1,375,219 Hk. TIs. contre 1,011,145 Hk. TIs.
Tannée précédente. Les droits d'entrée 'non compris le droit sur
Topium) ont atteint le chiffre de 0,050,023 Hk. TIs., ce qui représente,
sur un commerce d'importation de 228,955,088 Hk. TIs., déduction
faite de Topium, un droit ad valorem de moins de 3 p. c.
La plus grande augmentation se constate dans les exportations.
Leur valeur, en 1899, est estimée à 195,784,832 Hk. TIs., soit une
augmentation de 30,747,083 sur le chiffre de Tannée antérieure et
de plus (lu doïible de celui de 1890. La valeur nette des importations
accuse aussi un progrès, mais plus faible; elle a été de 204 millions
748,i55 Hk. TIs., soit une augmentation de 55 millions sur Tannée
précédente. H est à remarquer que les importations américaines et
japonaises ont accusé la plus forte augmentation.
F^es statistiques du mouvement maritime sont toujours en faveur de
l'Angleterre. FI y a eu 7,004 entrées de vaisseaux venant de ports
étrang(»rs. Leur tonnage total a été de 5,479,000 tonnes. En 1898, il
y eu a 0,098 vaisseaux représentant 4,927,000 tonnes. Les entrées des
bâtiments de cabotage ont été de 25,350, représentant un tonnage de
11,147,000 tonnes contre 19,958 bâtiments et 12,10i,000 tonnes
378 ÉTUDES COLONIALES
en 1898. Le tonnage total, à l'entrée et à la sortie, a été de 39 millions
268,000 tonneaux. L'Angleterre y a contribué pour S9 p. c. ; la Chine,
pour 24 p. c. ; le Japon, pour 7 p. c. ; l'Allemagne, pour 5 p. c. ; la
France, pour 2 p. c. ; la Suède et la Norvège, pour 1 p. c. ; la Russie^
pour 1 p. c. et l'Amérique pour 1 p. c. Il peut être intéressant
d'indiquer les pourcentages fournis par les différents pavillons dans le
tonnage total : Le pavillon anglais intervient pour 63 p. c. ; le
japonais, pour 13 p. c. ; l'allemand, pour 8 p c. ; le français, pour
o p. c. ; le chinois, pour o p. c. ; l'américain, pour 3 p. c. ; le suédois
et norvégien, \)Out 2 p. c. ; les autres pavillons, pour 3 p. c. Le tonnage
employé par le commerce étranger a à peu près doublé depuis 1890.
Japon. Le commerce en 1899. — Le rapport du consul
anglais au Japon constate que l'année 1899 a marqué, pour le Japon,
le commencement d'une ère commerciale nouvelle qui est appelée à
exercer, sur les transactions de ce pays, une inlluence considérable.
Jusqu'à présent, toutefois, on n'a pas encore observé de changements
profonds. Il ne faut pas oublier que le Japon est un vieux pays et qu'il
lui faudra un certain temps pour sortir de son ancienne voie.
Le nouveau tarif douanier, qui impose des droits d'entrée plus
élevés, est entré en vigueur au commencement de 1899, et, en juillet
de la même année, tous les droits sur les exportations ont été abolis.
L'introducticm «lu nouveau tarif a eu pour conséquence d'amener une
diminution ancumale dans le chiffre des importations pondant les
deux premiers mois de l'année. Une grande quantité de marchandises
étrangères ont, en ert'et, été introduites au Japon à la fin de 1898 pour
profiter de l'ancien tarif.
Pendant le deuxième semestre de l'année, le commerce étranger s'est
développé et, à la fin de 1899, il avait atteint le chiffre le plus élevé
qu'il a jamais obtenu depuis l'ouverture du pays au commerce
étranger — sauf en 1898.
Le commerce général a été, en 1899, de 44,440,123 liv. st., dont
22,499,363 liv. st. pour les importations et 21,940,760 liv. st. pour les
exportations. Comparés à l'année 1898, ces chiffres accusent une
diminution de 5,828,982 liv. st pour les importations et une augmen-
tation de 5,020,066 liv. st. pour les exportîitions.
Un fait à remarquer est la diminution des importations de mar-
chandises manufacturées et l'augmentation correspondante des
importations de matières premières. C'est le cas, notamment, pour la
laine.
L'industrie du Japon a été, en général, dans un état Horissant
CHRONIQUE 379
en 1899, bien qu'elle soit entravée par le manque dorganisation
technique et de capital à bon marché. Cette dernier»» difficulté est
causée par les grandes dépenses que le Japon fait à l'étranger pour
ses armements et qui font sortir du pays des capitaux importants.
Le rapport s'occupe aussi du droit des étrangers de posséder
le sol et les mines. Les étrangers, dit-il, sont exclus du droit
de propriété immobilière au Japon. La Chambre de commerce
de Tokio et d'autres associations se sont exprimées en faveur de la
concession de ce droit aux étrangers, mais il n'est pas probable qu'il
soit reconnu à d'autres que des Japonais d'ici longtemps. Les
étrangers doivent donc se contenter du « droit d'emphytéose », et,
quelle que soit la longueur de sa durée, il ne pourra jamais suppléer
au défaut de propriété. 11 semble cependant que les personnes
juridiques, c'est-à-dire les sociétés composées d'étrangers et constituées
conformément à la loi japonaise, aient le droit d'acquérir la propriété
du sol.
Les étrangers ne peuvent pas exploiter les mines ni posséder des
actions dans les entreprises minières. Un amendement vient, toutefois,
d'être adopté à la loi sur les mines, aux termes duquel les « personnes
juridiques », dimt les étrangers ont le droit de faire partie, peuvent
obtenir le droit d'exploiter des mines.
Japon. Construction et amélioration de ports. — Le gou-
vernement du Japon a l'intention d'entreprendre de grands travaux
de construction de nouveaux ports ou d'amélioration de ceux qui
existent déjà. De nombreux projets ont vu le jour à ce propos. On
peut en tirer les renseignements suivants.
Le vice-ministre des communications estime approximativement à
59,000,000 de yen ou 6,000,000 de liv. st. le coût d'établissement
d'un port dans l'île de Tokio. A Kobe, les frais du port sont évalués
à 23,000,000 de yen ou 2,400,000 liv. st.
A Osaka, il y a toujours une rivalité entre Yokohama et Kobe. Le
premier de ces ports a toujours eu l'avance dans le mouvement com-
mercial jusqu'à Tannée dernière, grâce à son grand commerce de
soie. Le succès définitif de l'une ou l'autre de ces villes dépendra des
travaux qui y seront entrepris. A ce sujet, il y a lieu de remarquer
qu'à Osaka les transformations sont commencées depuis deux ans,
tandis qu'à Yokohama on en est toujours aux discussions.
La baie, ou plutôt l'archipel de Matsushima, qui se trouve à environ
220 milles de Tokio, a toujours été célébré comme une des « trois
plus belles vues » de l'empire. Sa proximité de Sendai, la capitale
38â ÉTUDES COLONIALES
nous fûmes entourés par des hommes armés. Nous leur dîmes que
nous étions des missionnaires et que nous n'avions pas de moyens de
défense. Le chef ordonna alors à sa bande de mettre bas les armes
jusqu'au lendemain quand nous serions partis. M. Paton a dormi
plusieurs fois dans des villages de cannibales et a toujours été bien
traité. Une autre fois, une tempête étant survenue pendant un voyage
en mer, le missionnaire fut sauvé par les indigènes au grand péril de
leur propre vie.
Au cours d'une excursion dans l'intérieur du pays, M. Paton passa,
il son insu, la nuit dans un village particulièrement connu pour son
cannibalisme. Le matin, à son réveil, il chercha à se concilier
l'amitié du chef et lui fit des petits présents. En retour le chef lui
donna une lance que neuf générations successives s'étaient transmises
et aussi une cuiller en bois sculpté d'un poli admirable. Quand je dis
aux indigènes de la c<)te d'où je venais, continue M. Paton, ils se
mirent à rire et ne voulurent pas me croire. Pour les convaincre, je
leur montrai la cuiller et ils s'enfuirent épouvantés. J'appris alors que
cette cuiller n'était employée par les indigènes de ce village que dans
les festins des cannibales et que le chef s'en servait pour retirer du
chaudron la part du corps qui lui revenait. C'est ainsi que s'expliquait
le merveilleux poli de la cuiller et la frayeur des indigènes.
Certaines des coutumes du pays sont horribles. Dans la partie de
l'île de Malekula où habitait M. Paton, les gens malades sont enterrés
vivants dèsqu'ilsdevicnnentuntropgrand embarras pour leurs parents
ou leurs amis. Le missionnaire courut un jour vers un village où l'on
venait d'enterrer vivante, une petite fille de cinq ans, mais il arriva
trop tard. L'enfant venait justement d'expirer : le corps était encore
chaud. Une autre fois, un indigène qui avait été assommé au cours
d'une querelle fut enterré à l'endroit où il était tombé. L'homme reprit
connaissance au moment inéme où des chiens, qui rôdaient dans les
environs, étaient parvenus à gratter la mince couche de terre qui le
recouvrait. Il se releva et retourna au village où son apparition causa
une vive émotion. Mais depuis cet événement, le malheureux n'a plus
jamais recouvré la raison.
^
AVIS. — Les notices bibliographiques des ouvrages reçus durant le mois
d'avril paraîtront dans la prochaine livraison.
ÊTDOES GOIiOHlflliES
No G 7« Année Juin 1900
Les Supplice^ Judiciaire^
!^ous le titre de « Horreurs chinoises », M. Henry Norman
consacre, dans son excellent livre sur rExtrême-0rient(4),
un chapitre saisissant aux supplices en usage en Chine.
M. Norman, qui est un voyageur d une grande scrupulosité, a eu
le courage d'aller voir par lui-même comment se rendent les
sentences judiciaires en Chine et de quelle manière on les applique.
Ses observations ont donc la valeur de documents absolument
sûrs et Ton pourra constater par les faits qu'il rapporte qu'il
n'exagère rien en donnant aux pages dans lesquelles il les con-
signe, la qualification d' « Horreurs ».
C'est à Canton que M. Norman s'est livré à l'étude de ce triste
côté de mœurs chinoises. Celte ville est une des plus mal famées
de la Chine. Le crime y fleurit sous toutes les formes. La populace
y est particulièrement turbulente et agressive vis-à-vis des étran-
gers. La mauvaise réputation de Canton est si bien établie qu'il
arrive souvent qu'un domestique indigène, amené d'une autre
partie de la Chine, préfère rompre son contrat plutôt que de
mettre le pied dans cette ville.
Le jour où M. Norman visita le tribunal, le magistrat était assis
dans son Yamen, rendant la justice. C'était un homme d'une quaran-
taine d'années environ, d'apparence placide; son front était large
(1) The pcoples and politics of thc For-East.
384 ÉTUDES COLONIALES
et ouvert et son nez était garni de l'énorme paire de lunettes de
rigueur. Il leva les yeux sur M. Norman et ses compagnons
comme ceux-ci entraient et parut visiblement ennuyé de leur
visite. Ils ne s'en préoccupèrent pas beaucoup car ils étaient
accompagnés d'un consul que le fonctionnarisme chinois n'impres-
sionne guère. L'endroit ne rappelait que fort peu la pompe et la
majesté dont on s'efforce d entourer la justice dans nos contrées.
Le fauteuil du magistrat, garni d'étoffe rouge couverte d'inscrip-
tions en grands caractères, était à peu près le seul objet qui eût
un caractère officiel. Derrière le juge, s'alignaient une demi-dou-
zaine de ces parasols d'honneur rouges dont les Chinois sont si
fiers. Devant lui, s'étendait un grand espace vide, autour duquel
se pressait une multitude bigarrée dont les figures les plus sail-
lantes étaient celles d'une série d'individus mal soignés qu'on
appelle les a coureurs du Yamen ». Ils ont pour mission de
courir devant leur maître pour lui frayer un passage dans les
rues et d'exécuter tout ce qu'il lui plaît de leur commander, y com-
pris l'application de la torture.
Le magistrat était tranquillement assis dans son fauteuil et
écrivait activement pendant que, devant lui, plusieurs personnes
parlaient à la fois. C'étaient probablement le plaignant, le prévenu
et les agents de police. Au bout de quelques instants, le juge
interrompit les parleurs en prononçant d'une voix basse et sans
même relever la tête, une simple syllabe. L'effet en fut magique. La
foule recula et dans le petit groupe qui se trouvait devant le fau-
teuil, on vit un individu se tordre les mains en poussant un profond
soupir Avant même que les spectateurs étrangers se fussent rendu
compte de ce qui se passait, ils virent une quantité de mains
obligeantes aider l'homme à se débarrasser de ses culottes. Cette
petite opération terminée à la satisfaction de tous, l'individu se
coucha tout de son long, face contre terre. Puis, un des « cou-
reurs » s'avança, armé d'un bambou, long de trois pieds, large
de deux pouces et épais d'un autre. II s'accroupit à côté de la
victime et, tenant le bambou horizontalement au niveau de la
chair, il se mit à faire pleuvoir une série de coups légers sur les
cuisses du condamné9 Tout d'abord, l'opération sembla n'être
qu'une farce ; les coups étaient excessivement faibles et le patient
ne poussait pas le moindre cri. Mais quelques minutes après,
LES SUPPLICES JUDICIAIRES EN CHINE. 388
un grognement de douleur s'échappa des lèvres de la victime :
sous la répétition des coups, la chair était devenue toute bleue.
Bientôt elle se congestionna et il fallut plusieurs hommes pour
maintenir ce patient qui, au début, s'était étendu à terre de son
propre gré. La foule suivait ce spectacle avec une curiosité
intense. De larges sourires grimaçants distordaient les visages et
une exclamation, aussitôt étouffée, soulevait les poitrines chaque
fois qu'un élancement de douleur arrachait un cri d*angoisse à la
victime ou provoquait une convulsion de son corps. La cascade
de coups continuait à tomber imperturbablement. Pas un coup
n était appliqué plus fort qu'un autre. A la fin, le juge laissa échap-
per un nouveau mot de sa bouche et le supplice cessa avec la même
soudaineté qu'il avait commencé. L'homme fut remis sur ses pieds
et conduit dans la cour, où il put s'appuyer le dos contre le mur. Il
ne pouvait naturellement pas être question de lui offrir une chaise.
On appela ensuite un agent de police. Le magistrat lui posa une
ou deux questions et écouta avec patience ses verbeuses explica--
tions. Puis, il laissa tomber la fatale syllabe. L'agent de police eut
vite fait d'achever sa... toilette de circonstance et il s'étendit
aussitôt dans la pose réglementaire. La flagellation commença.
Mais' cette fois, les coups résonnaient tout autrement. Le son était
beaucoup plus net et plus clair. On aurait dit que l'on frappait
avec du bois sur du bois. Et, en effet, la différence des deux châti-
ments était complète. L'agent de police avait collé un morceau de
bois sur sa cuisse avec de la cire et les coups tombaient sur cette
planchette sans lui causer plus de mal que s'ils avaient été appli-
qués sur ses semelles. La fraude était évidente. Tous ceux qui étaient
présents, le juge y compris, voyaient ce qui se passait» La justice
chinoise offre donc cette particularité qu'il faut distinguer entre
le châtiment d'un délinquant ordinaire et celui d'un fonctionnaire.
L'agent de police avait été, para!t-il, condamné à la fustigation
pour avoir négligé d'arrêter un coupable malgré l'ordre qu'il avait
reçu. Quand il eut subi sa punition humiliante, le poiiceman se
releva, rajusta ses vêtements et reprit son office auprès du tribunal.
Pendant que M. Norman et ses compagnons assistaient au châ-
timent qui vient d'être décrit et que les Chinois appellent a man-
ger du bambou », d'autres scènes, rappellant les tortures des
époques les plus cruelles, se passaient dans une salle voisine.
386 ÉTIDES COLONIALES
Dans un coin, on avait lié un homme sur une banquette de
manière à courber son corps autant que possible dans la forme
d'un arc. Son dos reposait sur le banc tandis que ses mains et
ses pieds étaient attachés respectivement aux pieds de devant et
de derrière de la banquette. On avait mis l'homme et son banc
debout. L'ensemble qu'ils formaient, reposait d'une part sur les
genoux du condamné et de l'autre sur les pieds du banc. La posi-
tion de la victime était aussi grotesque que pénible. Ses mains et
ses pieds étaient bleus, ses yeux sortaient de leurs orbites et sa
bouche haletait convulsivement. Il devait se trouver dans cette posi-
tion depuis un certain temps déjà car il était sur le point de perdre
connaissance. On semblait l'avoir oublié. Quelques gamins se
tenaient là, le regardant bouche-bée. A part ceux-ci, personne ne
paraissait se préoccuper plus de lui que s'il avait fait partie du
mobilier de la pièce.
Dans un autre coin de la salle, un malheureux subissait la peine
deT c< agenouillement sur les chaînes ». Une corde mince et solide
avait été attachée à ses pouces et à ses orteils, puis accrochée à
un poteau horizontal. En tirant sur cette corde, on soulevait natu-
rellement le patient de terre et ses genoux devenaient la partie la
plus basse de son corps. Sous l'homme se trouvait une chaîne
formée d'anneaux à bords tranchants et roulée sur elle-même à la
manière des cordages que les marins enroulent sur le pont des
navires. On relâcha la corde de façon à faire porter tout le
poids du corps de la victime sur ses genoux qui, eux-mêmes,
venaient s'appuyer sur la chaîne. L'opération est simple mais les
résultats en sont affreux. Et cet homme avait déjà subi une longue
suite de tortures! Ses chevilles, entre autres, avaient été battues
avec un morceau de bois dont la forme rappelle celle d'un maillet au
jeu de cricket. Lorsque le supplice eut pris fin, deux fonctionnaires
vinrent défaire la corde et l'homme s'abattit comme une masse. Ils
le repoussèrent de dessus la chaîne et le remirent sur ses pieds.
Mais au moment où ils le lâchèrent, il retomba sur lui-même
comme un sac vide. Ils retendirent alors sur le sol et, pendant une
couple de minutes, ils frictionnèrent vigoureusement ses genoux.
Mais ce fut en vain. Le malheureux était totalement incapable de se
tenir debout et ils furent forcés de le traîner au dehors.
Comme M. Norman sortait de là, une femme se tenait devant le
^^jr*
SUf'PLICKS JUniCIAIRES CHINOIS.
Kri.nMlu«'lioii «riiiic «raviuv <-liinoisr. I>:tiiivs iiijo illastial.oii du liv^e «l.- M. Noniuiu.
388 KTUDES COLONIALES
magistrat et faisait une déposition. Son témoignage ne dut pas
paraître assez sincère ou assez prompt au juge car il eut
l'ecours à V « arracheur de vérité ». C'est un petit instrument
réservé exclusivement au beau sexe; sa forme est exactement celle
d une semelle qu'on aurait fendue à la partie large et réunie au
talon. On lui en appliqua sur la bouche une claque qui résonna
comme un coup de pistolet.
Le plus terrible des châtiments chinois est le ling-chi ou la
mort par les a mille coupures ». On le désigne aussi sous le nom
de « mort lente » ou de « découpage ». Il est destiné aux con-
damnés pour triple meurtre et aux parricides, mais le code pénal
est probablement aussi élastique pour l'application de cette peine
que pour le reste. Voici un exemple d'insertion concernant
le ling-chi, extrait de la Gazette de Pékin :
« Me Pei-Gas, gouverneur du Kuangsi, fait savoir qu'un triple
empoisonnement a été commis dans sa province. Une femme qui
avait été battue par son mari à cause de sa négligence et de sa
malpropreté, alla prendre conseil auprès d'une vieille herbo-
riste. Sur les instigations de celle-ci, elle fut cueillir des herbes
vénéneuses sur la montagne et s'en servit pour empoisonner
successivement son mari, son beau-père et son beau-frère. Elle a
été exécutée par mort lente.
» Rescrit : que la Commission des peines en prenne note. »
Le condamné est attaché à une croix grossièrement façonnée.
Puis, l'exécuteur s'approche armé d'un couteau affilé. Il saisit
dans les parties musculaires du corps tels que les bras et les
cuisses, dos peignées de chair qu'il tranche. Il coupe ensuite les
articulations et enlève successivement toutes les parties saillantes
du corps, telles que le nez et les oreilles, les doigts et les orteils.
Après cela, il coupe les membres un à un; d'abord les poignets et
les chevilles; puis, les coudes et les genoux; enfin, les épaules et les
hanches. Pour terminer, il perce la victime au cœur et lui tranche la
tète Le condamné meurt naturellement avant la fin de l'exécution,
à moins que le bourreau n'agisse avec beaucoup de dextérité. Si
la victime est assez heureuse pour avoir des amis qui achètent
lexécuteur, celui-ci lui administre \\\x préalable de lopium ou bien
il lui perce subrepticement le cœur après les premières incisions.
Il serait facile de citer des dizaines d'exemples de ce supplice
LES SUPPLICES JUDICIAIRES EN CHINE. 389
d'après la Gazette de Pékin, et, très probablement, elle ne publie
qu'un petit nombre des cas ou il est appliqué.
Enfin, M. Norman nous fait assister à une décapitation dont il ^
été témoin. Il n'est pas difficile de jouir d'un spectacle de ce genre
à Canton. La rivière y pullule de pirates. Et quand des gens de cette
espèce se laissent prendre, leur compte est généralement vile réglé.
Quelques coups de bambou pour commencer, puis quelques mois
de prison — et il n'est pas nécessaire de dire ce que c'est qu'une
prison chinoise — agrémentés d'une série de tortures variées et
de manque de nourriture et pour finir, un beau matin, « un coup
sec et tranchant » sur le lieu de supplice.
L'exécution, dont M. Norman fut témoin, était fixée à quatre
heures et demie. Le guide vint donc le prendre lui et ses compa-
gnon à Shameen, le quartier étranger de Canton, à quatre heures.
La chaise h porteur les transporta rapidement à travers les rues
de la ville indigène. Rien de saillant jusqu'au moment où ils arrivent
près de l'endroit de l'exécution où ils vont se buter contre une foule
nombreuse. Les coolies n'hésitent pas. Ils plongent directement à
travers l'attroupement qui cède devant eux et s'arrêtent devant
deux hautes portes de bois gardées par quelques soldats. A enten-
dre ces hommes, dit M. Norman, on croirait qu'ils préféreraient
mourir sur place plutôt que de vous laisser entrer. Mais la vue de
quelques pièces d'argent exerce sur eux une influence miraculeuse.
Us nous ouvrent aussitôt la porte et s'efforcent vainement d'arrêter
le flot des indigènes qui nous suivent et nous poussent devant eux
jusqu'au milieu de la cour. Nous sommes dans un espace découvert
d'une cinquantaine de yards de longueur et d'une douzaine de lar-
geur, compris entre deux maisons dont les murailles blanches l'en-
tourent sur trois côtés. Aujourd'hui c'est le champ d'exécution ; hier
et demain, le chantier où le potier qui vit là, fait sécher ses vases de
terre. Pas de plateforme; pas d'espace barricadé; rien que ce mor-
ceau de terre nu et boueux, tellement encombré de Chinois, con-
tinue M. Norman, que nous sommes poussés vers le centre, à peine
à quatre pieds de distance de ce qui va se passer. Inutile d'essayer
de reculer : nous y sommes et nous devons y rester.
Tout à coup, les portes s'ouvrent de nouveau et un étrange et
hideux cortège qu'un hurlement de joie parti de la foule accueille,
s'avance d'un pas incertain. En tête marchent quelques soldats en
390 ÉTUDES COLONIALES
baillons qui s'efforcent de frayer un chemin. Puis, une file de coolies
portant les victimes dans des paniers étroits et bas accrochés à des
barres en bambou. Chaque fois qu'une couple de porteurs arrivent
•au milieu de la cour, ils se penchent, déversent leur charge vivante
sur le sol et s'en retournent rapidement. Les prisonniers ont les
pieds et les mains enchaînés et sont dans l'incapacité absolue de
faire le moindre mouvement. Le bourreau est présent et indique
la place où chaque charge doit être déposée. Il est habillé exacte-
ment comme les autres coolies qui se trouvent là ; il n'est revêtu
d'apcun signe dislinctif. Chaque condamné porte, fixé dans sa tresse,
un morceau de bambou fendu dans lequel est passée une longue
bande de papier pliée, mentionnant le crime qu'il a commis
et l'ordre d'exécution. L'un après lautre, les condamnés sont
amenés et jetés à terre. Cette procession semble ne jamais devoir
finir. Enfin, on aperçoit au-dessus des têtes de la foule, les
chapeaux de deux mandarins subalternes derrière lesquels les
portes se referment. Le nombre des condamnés est de quinze
et le bourreau les fait disposer sur deux rangs, distancés l'un
de laulre d'environ deux yards et faisant face dans la même
direction. Tous ont l'air parfaitement indifférents saut un seul
à qui on avait probablement administré de l'opium, dernière
faveur que les amis d'un condamné peuvent toujours lui fournir
en corrompant les geôliers. Ils échangent des remarques entre
eux ; quelques-uns causent avec les spectateurs ; l'un d'eux qui
chantait pendant qu'on l'amenait, conserva sa belle" humeur jus-
qu'au bout. Les bourreaux, car ils sont deux maintenant, s'avan-
cent. Le plus jeune retrousse ses manches et son pantalon ; puis, il
se choisit un sabre toutàl'aise. i^endanlcc temps, lautre, un homme
d'un certain âge, recueille les feuilles de papier et les met de côté. Ce
travail terminé, il se met derrière le condamné qui occupe la pre-
mière place dans la rangée qui se trouve le plus près de lui et le
saisit par les épaules. Le plus jeune des bourreaux s'approche et
se poste à la gauche du condamné agenouillé. Le moment fatal est
venu. Il se fait un profond silence. Dans les deux rangées, les
condamnés qui se trouvent derrière la victime, tendent la tête et le
cou pour voir. Je n'essaierai pas, poursuit M. Norman, de décrire
les émotions de ce moment : l'horreur, l'affreuse répulsion,
le regret d'être venu, la crainte obsédante d'être éclaboussé de
LES SUPPLICES JUDICLMRES EN CHINE. 31il
sang et la fascination irrésistible qui fige votre regard sur chacun
des détails.
Le couteau est levé. C'est un sabre à deux mains, court, à lame
large, épanouie vers la pointe, pesante à la partie supérieure et
naturellement tranchante comme un rasoir. Pendant un instant, il
reste suspendu dans Tair : le bourreau vise. II tombe. Il semble
que ce soit sans aucun effort. Il tombe simplement et paraît même
choir lentement. Mais quand il arrive au cou de la victime, il ne
s'arrête pas; il continue à descendre. Avec une lenteur pleine
d'épouvante, il passe droit à travers les chairs et vous n'êtes réveillé
de votre stupeur passagère que lorsque la tête bondit et roule
comme une boule et que, pendant une fraction de seconde, deux
jets de sang écarlate jaillissent en courbe gracieuse sur le sol.
Un flot épais de sang les suit et inonde le sol. Aussitôt que le coup
a été porté, le second exécuteur lance le corps en avant en pous-
sant un « Ouf! ». Le cadavre s'écroule en une masse informe. Et
de toutes les poitrines s'élève un bruyant « Oh! » exprimant à la
fois la satisfaction et l'approbation de l'assistance pour la maestria
du coup.
Mais on ne s'arrête pas. L'exécuteur enjambe le cadavre et passe
au premier condamné de l'autre rangée. Le couteau se lève de
nouveau, retombe, et une nouvelle tête roule, tandis que deux
autres jets de sang jaillissent. Le corps est refoulé sur le côté.
L'aide crie « Ouf! » et la foule répond « Oh! ». Deux hommes
ont vécu. Le bourreau revient vers le deuxième condamné du pre-
mier rang et l'affreux spectacle se poursuit.
Deux choses vous frappent : le brutal réalisme de l'opération et
la facilité extraordinaire avec laquelle on tranche une tète humaine.
Si l'on considère l'exécution dans son ensemble, on croirait assis-
ter à la tuerie d'un troupeau de porcs dans un abattoir ; si on l'en-
visage dans ses détails, elle n'est ou ne se nble pas être plus diffi-
cile à accomplir que de fendre un navet avec une houe ou de
rompre un chardon d'un coup de canne. Chop, chop, chop — les
têtes roulent l'une après l'autre en autant de secondes. Arrivé au
septième condamné — le couteau est-il émoussé, le bourreau est-
il fatigué? — le cou de la victime n'est tranché qu'à moitié. Mais
l'exécuteur ne s'arrête pas pour si peu. Il retourne rapidement en
arrière, prend un autre sabre et passe à Thomme qui suit. II ne
392 ÉTLDES COLONIALES
revient au septième patient qu'après que les autres têtes gisent
dans des flaques de sang devant les épaules qui les portaient en-
core quelques secondes auparavant. Et chacun des condamnés a
assisté à la mort de ceux qui se trouvaient devant lui avec une
curiosité bestiale et a[ensuite tendu son propre cou au couteau ! La
terre est trempée de sang. On y patauge jusqu'à la cheville. Les
spectateurs rugissent de plaisir et de fureur. Les horribles corps
décapités gisent çà et là dans des attitudes grotesques et eflrayan-
tes. Le bourreau est rouge jusqu'aux genoux. Ses mains dégouttent
de sang. Croyez-moi sur parole, dit M. Norman, à ce moment-là,
on se sent le cœur bien faible.
On n'est heureusement pas retenu plus longtemps. Aussitôt
que la dernière tête est tombée, la foule s'en va avec précipitation -
Il ne reste que quelques gamins qui jouent avec les cadavres et
se bousculent l'un lautre dans la mare de sang. Les troncs sont
jetés dans un fossé et les têtes sont enfermées dans de grands
vases de terre qu'on empile avec ceux qui garnissent déjà la mu-
raille de l'atelier du potier. J'ai eu quelques moments d'entretien
avec le bourreau après l'exécution, ajoute l'auteur. Décapiter n'était
pas la profession de sa famille; il ne le faisait qu'occasionnellement.
Mais le métier n'était plus comme autrefois. Auparavant il recevait
deux dollars par tête coupée ; maintenant, ce n'est plus que cinquante
cents. A ce prix-là, il ne vaut guère la peine de trancher des têtes.
Il est vrai que cela ne prend pas beaucoup de temps. — Voulez-
vous m'acheter le couteau? me demanda-t-il. — Certainement.
— Neuf dollars. —Je l'ai accroché à mon mur, conclut M. Norman,
et il m'est un excellent antidote contre tout ce que je lis sur les
progrès de la civilisation en Chine.
*v
VOYAGES DE M. 600DREAO -4-
•^ DANS L'AMAZONIE
Des avantages économiques que Torientation coloniale a donnés
à la Belgique, ceux qu'elle retirera indirectement de son œuvre afri-
caine semblent devoir être de beaucoup les plus considérables. Le
Congo a été une école où nous avons appris comment nous devions
nous attaquer au monde. Le succès d'initiation affirmé, certain,
nous cherchons de nouveaux champs d'activité où des conditions
analogues à celles déjà rencontrées nous permettront de déployer
nos forces, exercées par un premier effort. Pour l'exploitant de la
plaine congolienne, il n'est pas de région où les productions, le
climat et, dans une certaine mesure, les facilités d'accès ressem-
blent plus à celles qu'il connaît déjà, que l'Amazonie. II y a un
intérêt capital pour lui à étudier celte vaste contrée qui sollicite
ses hommes et ses capitaux. L'analyse des « voyages de M. Henri
Coudreau » qui ont paru récemment, nous permettra de faire con-
naître rapidement la zone Sud-orientale de l'État de Para, une des
plus riches et des plus curieuses du pays.
Voyage au Tapajoz.
Le Tapajoz, le grand affluent méridional de l'Amazone, descend
des plateaux du Matto Grosso en cascades qui l'interrompent
jusqu'à Goyana. 11 reçoit dans son cours supérieur le Sâo Manoel,
important affluent venant aussi du Sud. Le confluent de ces deux
rivières commande ainsi une vaste région située économiquement
dans l'aire de l'Etat de Para, mais que l'Etat de Matto Grosso
revendique énergiquement. Le voyage que M. Coudreau fit au
Tapajoz pour le compte du gouverneur du Para devait apporter à
celui-ci de quoi prouver l'utilité du rattachement du territoire con-
testé à l'Etat amazonien.
394 ÉTUDES COLONIALES
Parti de Para par vapeur le 25 juillet 1895, M. Coudreau
débarqua le 2 août à Itaituba à quelques kilomètres en amont
duquel les chutes font cesser la navigation par steamer. Trente
maisons sur une rangée, deux palmiers, quatre manguiers, une
vague pelouse : c'est la « ville )>. Voici Tîle de Goyana et adieu
l'eau tranquille.
Jusqu'au cœur de Matto Grosso ce ne sont plus que rapides et
chutes échelonnés à intervalles variables. On s'embarque sur une
« igarilé », barque du pays de 6 tonnes de charge à peu près, que
Ion vide et passe à la corde aux rapides, pour la recharger ensuite
et continuer l'ascension.
Voici d'abord les rapides du Bas-Tapajoz que les voyageurs
contournent par un sentier. Le senhor Auguste y assure le service
des transports avec un âne unique qu'il loue moyennant 10 cen-
times par kilogramme de charge.
Cette organisation rudimentaire est la seule du genre. Plus en
amont il va falloir assurer soi-même le portage.
Le voyageur reprend sa navigation sur la large rivière, glissant
sans effort ou roulant en tumulte, entre des berges busses, con-
stamment cachées par 1 épaisse forêt vierge où ne se voient ni
villages, ni camps, ni prairies. Toujours la forêt inhabitée pen-
dant des jours et des jours. La carte indique tout proche un nom :
Maugabal Grande. Ce doit être une ville. C'est l'établissement de
M. Pinto, un des plus importants de la rivière : six maisons!
Pedro Pinto a, comme tout le monde, des hommes au caoutchouc,
mais il fait aussi de l'élevage et a commencé une plantation de
caoutchoutiers qui ont déjà quelques années. Avec ses 500 tètes
de bétail, ses seringaes naturels en exploitation et ses seringaes
plantés, Pedro Pinto représente une des « jolies situations » du
Tapajoz. En face « un village » indien, le plus septentrional de la
tt grande » tribu Mundurucù. Sa population, hommes, femmes,
enfants, trente au total, travaille pour Pinto.
Des lieues encore de rivière et de forêt sans traces d'hommes.
Un établissement en ruines apparaît. C'est la mission abandonnée
de Barracal, tentative malheureuse mais instructive. Le fondateur
Fr. Castrovalvas avait réuni là, il y a quelque vingt ans, 600 Indiens
Mundurucus qu'il voulait régénérer par le travail. La plupart
avaient déjà été employés chez des blancs où ils avaient acquis
VOYAGES DE M. COUDKEAU DANS l'aMAZOME. 30y
quelques connaissances agricoles. Mais l'endroit était mal choisi.
Il était fertile, mais malsain. Les Indiens moururent en grand
nombre et quand le frère abandonna son œuvre, cinquante seule-
ment de ses indigènes restaient : les autres étaient morts. Cette
expérience fut elle décisive? Il est permis de ne pas le croire.
L'entreprise s'annonçait florissante quand les fièvres s'emparèrent
du personnel de la mission. Un autre terrain et l'échec retentissant
eut peut-être fait place à une victorieuse démonstration. Que ne
renouvelle-t-on cet essai de concentration et de conservation de ce
qui manque le plus à l'Amazonie : l'homme?
Le rideau de verdure a repris sans trêve. De temps à autre
cependant, une cabane de seringaes apparaît, puis une large
éclaircie se dessine, une nappe d'eau se déverse dans la rivière.
C'est le rio das Tropas, très riche en caoutchouc, qu'exploitent
environ 200 négociants de Marano, aidés d'Indiens. La rivière
est, dit-on, fort insalubre, mais a le grand avantage d'être aisé-
ment navigable.
Le 25 septembre, après trente-cinq jours de voyage, depuis
Itaituba, M. Coudreau est à Chacorâo chez M. Cardozo, autre
personnalité importante du Tapajoz. « Cardozo, dit-il, est au nom-
bre des principaux éleveurs de la rivière. Outre sa ferme d'élevage,
il a su créer des prairies artificielles où paissent une trentaine de
têtes de bétail. Parlant peu, réfléchi, intelligent, très probe, ser-
viable, Cardozo est, à mon sens, une haute personnalité. »
C'est à ces rares habitants de marque qu'il faut s'adresser pour
obtenir pilote et hommes pour continuer son voyage. Seuls ils
disposent régulièrement d'un personnel sur lequel on peut
compter. La plupart, comme ce M. Silva, rencontré plus haut
aux rapides de Capoeiros, sont d'anciens militaires venus en gar-
nison dans la basse rivière et qui, libérés, ont pris femme et
remonté le fleuve pour créer au hasard de leur activité, de floris-
sants mais trop rares établissements, dans le grand désert
d'arbres.
Nous sommes arrivés au confluent du Sao Manoel, point straté-
gique que revendique le Matto Grosso. Pour affirmer ses droits et
sans attendre l'avis du Conseil fédéral, il envoya de Cuyaba, en
1894, une expédition chargée d'établir un poste de douane au
confluent contesté. Le poste fut fondé malgré les protestations du
31)6 ÉTUDES COLONiALKS
Para. Il n'en reste plus aujourd'hui que des ruines et un petit
cimetière. L'expédition a été détruite entièrement à son voyage de
retour et ce massacre est venu démontrer le bien fondé du ratta-
chement politique et économique de ces régions à l'Ëtat du Para.
La richesse en caoutchouc ne cesse pas sur le haut Tapajoz : les
îles, les rives voisines, les coteaux à 1 horizon en regorgent. Un
seul civilisé, M. Leite, l'exploite. Il dispose d'une tribu indienne et
cherche à grouper autour de lui tous les Apiacas afin de se livrer
en grand à la récolte dé la gomme et à l'élevage.
Après la chute de Saûil-Simon et les nombreux rapides qui
suivent, on atteint la grande chute Auguste. Ces deux « sauts »
sont les seuls que les bateaux ne puissent franchir à vide. Il faut
soit les abandonner, soit les traîner, au prix d'énormes difficultés,
au milieu des rochers.
Les grands « sauts » Auguste sur le Tapajoz et Sele Quedas,
sous la même latitude, sur le Sao Manoel, constituent dans le
bassin du Tapajoz la limite méridionale de la zone amazonienne.
Au point de vue climatologique, au point de vue ethnique, au
point de vue des productions et surtout des communications, il y
a là une frontière naturelle.
Les intérêts considérables que la Belgique a déjà et se prépare
encore au Matto Grosso nous engagent à insister sur ce point.
Quelle est la valeur du Tapajoz pour la pénétration au Matto
Grosso?
Nous avons vu que de Para il faut huit jours de vapeur pour
atteindre Itaibuta ; puis quatre-vingt-cinq jours de canot avec des
transbordements pour atteindre au delà de 37 groupes de rapides
et de chutes le saut Augusto. Au delà de celui-ci, limite des éta-
blissements civilisés, il faut remonter pendant 500 kilomètres le
fleuve et l'Adrinas encombré de rapides pour atteindre, à travers
un désert parcouru par les seuls féroces Tapanhunas et Parin-
tintins, les premiers blancs du Matto Grosso.
Arrivé à Porto Vehlo après quinze jours de cette montée, on
prend la route de terre jusque Diamentino ou Rosario (deux jours)
d'où l'on descend le Cuyaba jusqu'à la ville de ce nom.
Les marchandises qu'on expédierait de Para pour ravitailler
éventuellement des postes du Matto Grosso, mettraient donc près
de trois mois et demi pour arriver à destination, en admettant que
VOYAGES DE M. COUDREAL' DANS l'aMAZONIE. 397
la cinquantaine de transbordements qu'elles auraient subis leur
laissent quelque valeur et qu'elles aient échappé aux Indiens
bravos. La voie du Tapajoz semble donc peu recommandable pour
atteindre le Matto Grosso ; elle parait, au contraire, une route
relativement fréquentée pour en sortir.
« En dépit des Tapanhunas, dit M. Coudreau, l'Arinos, voie de
communication directe et depuis longtemps fréquentée entre le
Tapajoz et les villes du Matto Grosso, est parfaitement connue.
Déjà les gens du Matto Grosso y exploitent des seringaes, tout en
faisant l'élevage du bétail dans les Gampos. L'Arinos qui coule en
pays plat, est, dit-on, extrêmement riche en seringaes. Il en serait
de même du Juruena où l'on s'est récemment installé ; toutefois,
ce dernier est encore peu connu, car la crainte des Indiens bravos
retient les chercheurs de caoutchouc. »
L'explorateur n'a mis que vingt-cinq jours pour descendre le
fleuve depuis la chute Auguste jusqu'à Para. Il faut donc compter
sur un bon mois à peu près, pour aller du Matlo Grosso à la mer
par le Tapajoz.
M. Coudreau a eu l'occasion, au cours de son voyage, de com-
pléter et de rectifier les données que l'on avait sur la tribu des
Mundurucus, la plus importante de la rivière. Importance relative
puisqu*ils comptent au plus 1,500 âmes, mais considérable cepen-
dant dans un pays où l'absence d'hommes est l'obstacle capital à
vaincre pour mettre les richesses naturelles en valeur.
Les Mundurucus sont dispersés en une cinquantaine d aldéas —
villages — disséminés sur la rivière et dans l'intérieur. C'est dans
les campos du Cururu-Cadeiry qu'ils vivent pour la plupart et leurs
parcours vont d'entre Secundary et Madeira jusqu'au Xingu et des
formateurs du Tapajoz et du Saô Manoel aux derniers rapides
d'aval vers les Maues. Sur un espace de 300,000 kilomètres carrés
— la moitié de la France — ils répandent la terreur sur les petits
groupes d'autres races. Ils sont agriculteurs et chasseurs. Leurs
cultures rudimentaires, limitées à quelques rares plantes de la
forêt voisine, leur sont d'un grand secours. Mais propriétaires
d'un vaste territoire couvert de forêts vierges et de prairies, bons
chasseurs et possédant d'excellents chiens, ils tirent de la chasse
leur principale alimentation. Le goût et ta nécessité de la chasse,
au lieu de les réunir, de les agglomérer, tend au contraire à les
398 ÉTIDES COLONIALES
isoler toujours davantage, puisque ce n'est qu'à la condition d'être
rares pour le gibier que celui-ci peut Jes nourrir.
C'est le motif qui pousse les familles Mundurucus à se disperser
pendant Tété. La tribu n'en reste pas moins fortement unie par des
liens moraux. Les parents, très attachés à leurs enfants, les élèvent
et les protègent avec sollicitude. Tous sont très sobres, vivant pen-
dant les jours pluvieux d'hiver de patates, d'ignames et decasthanas.
Dès que Tété arrive ils s'organisent pour la razzia et par fortes
troupes de 100 à 200 hommes vont tomber à Tlmproviste sur les
villages sans défense où ils brûlent et tuent, pour voler les femmes
et les enfants.
Ils sont toutefois amis des blancs, dont ils ont compris la puis-
sance mieux que d'autres de leurs congénères. Mais quel usage
faire de cette amitié? Quel effet utile en tirer? Leurs mœurs
vagabondes et guerrières se refusent le plus souvent à les laisser
s'établir autour de quelque seringa brésilienne pour y faire la
récolte du caoutchouc. Nous avons vu cependant qu'ils ne sont
pas totalement réfractaires à pareil travail. Certains gros négociants
de la rivière en ont attiré de petits groupes autour de leur établis-
sement et se sont fait proclamer chef de Faldéa qui constitue leur
seule ressource en main-d'œuvre. Le travail facile de récolteur de
gomme et de berger pourrait être à ces semi-nomades une excel-
lente initiation à la vie sédentaire et aux travaux agricoles propre-
ment dits. Mais la race décroît rapidement et l'on peut se demander
si sa vitalité sera suffisante pour lui permettre d'achever une
évolution à peine naissante aujourd'hui.
L'absence d'hommes, voilà ce qui domine impérieusement le
développement économique de l'Amazonie tout entière. Sur son
immense itinéraire, qui en d'autres régions du monde, la France
et l'Espagne, par exemple, lui permettraient de rencontrer 50 mil-
lions d'hommes, M. Coudreau trouve une population qu'en amont
à Itaituba, qu'il évalue comme suit :
Civilisés des rives du Tapajoz 1,080
Id. du alto Tapajoz 73
Id. duS. Manoel 152
Id. de l'intérieur 1,680
Au total 2,985 civilisés auxquels il ajoute 1,460 Mundurucus et
100 Apiacas. Tout le Tapajoz ne suffirait pas à peupler un de nos
bourgs belges.
r .
^'
TANAKAI?IVE.
spect de:ia Ville.
VOYAGES DE M. COUDllEAU DANS l'aMAZONIE. 399
Pourtant, lentement, les civilisés le peuplent. Ils arrivent par la
seule poussée d'instinct qui leur fait pressentir un pays d'avenir.
Ce n'est pas seulement le caoutchouc, exploité aujourd'hui
jusqu'à Salto AugUvSto et abondant jusqu'au centre du Matto Grosso
où les gens de Diamantina le travaillent sitôt au-dessous des Cam-
pes Geraes et dans l'Arinos, le Summidoro, le Rio Preto et le
Bas Juruena; ce n'est pas le caoutchouc seulement qui fait la
richesse du Tapajoz, dont il constitue provisoirement, en attendant
mieux, la production principale.
Il serait difficile de connaître la production totale de beaucoup
des plus importants exploiteurs de borracha. Mais la récolte
annuelle de trois des gros négociants de la rivière vaut seule une
petite tort une.
Ceux qui ont voulu faire œuvre durable, MM. Cobra, Tartagura,
Pedro Pinto et quelques autres ont planté. Mais leurs plus ancien-
nes plantations n'ont encore que cinq ans au maximum et le caout-
chouc demande dix ans pour être saigné. Les îles les plus riches:
de Cururu, 20 estradas ; de Conceizao, 10 ; de Marengo, 20, ne
vaudront jamais une plantation.
Le Tapajoz des rapides a commencé et il veut continuer : il veut
planter du caoutchouc et créer des prairies artificielles pour élever
du bétail, en attendant de pouvoir se pousser vers le Campos
Geraes du Curucu-Caderi.iy. La terre est là vaste et féconde, n'at-
tendant que le semeur. Quand celui-ci viendra en nombre, le
bassin du Tapajoz sera une des plus riches régions du Brésil.
Et M. Coudreau recherchant l'attache du florissant Etat futur avec
la civilisation, le port où s'entreposeraient les produits d'Europe
et ceux de l'intérieur, désigne l'île de Goyana et la rive voisine pour
ce point de grand avenir. C'est d'amont en aval la fin des chutes,
d'aval en amont le terminus de la navigation à vapeur. Entre les
frontières du Matto Grosso et Santarem il n'est pas, dit-il, de
situation plus avantageuse. Le climat y est sain, les ressources
abondantes et variées; Itaituba, la « ville » actuelle sise un peu
plus bas, n'a rien de tout cela. L'une doit être délaissée pour l'autre.
Quelques négociants intelligents l'ont compris et déjà une dizaine
de maisons s'élèvent sur les rives et dans les îles voisines, noyau
d'une ville qui dans un avenir lointain, mais sûr, sera une des plus
considérable de l'Amazonie.
La Question des Passes de Transit
EN CHINE
L'avenir du commerce étranger en Cliine dépend étroitement de
la solution de la question du likin, c'est-à-dire des droits perçus
par les autorités chinoises aux différentes barrières que les mar-
chandises doivent traverser en cours de route. L'incertitude et
l'arbitraire de ces taxations amenèrent TAngleterre à conclure
avec la Chine une convention substituant à ces taxes diverses, un
droit unique et fixe connu sous le nom de droit de transit. La
difficulté semblait donc être résolue d'une façon toute simple.
Mais on avait compté sans les autorités locales dont les revenus
recevaient par cet arrangement une atteinte des plus sensible.
Elles s'opposèrent par tous les moyens à l'observation loyale des
conventions diplomatiques et depuis quarante ans que celles-ci
existent, les commerçants étrangers n'ont cessé d'émettre des
plaintes et d'envoyer des protestations au sujet des agissements
des mandarins. Le gouvernement chinois semble disposé mainte-
nant à mettre un terme à celte situation préjudiciable. Il vient de
charger deux commissaires de rédiger des propositions de revision
des tarifs douaniers actuellement en vigueur. Aussitôt que ces
deux commissaires auront reçu les rapports des gouverneurs des
provinces, ils se mettront en rapport avec sir Robert Hart, le
directeur général des douanes impériales maritimes de Chine.
Les points principaux des propositions chinoises sont, paraît-il,
les suivants. Pas d'augmentation des droits de. sortie ou des
passes de transit pour l'exportation, mais revision du txirif d'expor-
tation sur la base de 5 p. c. ad valorem; par contre, augmentation
à concurrence du double, des droits d'entrée et des droits de tran-
sit pour les importations. Ces deux droits seraient perçus en même
temps dans le port d'entrée, sans distinguer si les marchandises
LA QUESTION DKS I»ASSES DE TRANSIT EN CHINE 401
sont destinées au port même ou à rintéricur. En d autres termes,
les droits d'importation seraient accrus de 5 p. c, taux actuel, à
15 p. c. ad valorem. En retour de ces concessions, la Chine s'en-
gagerait à supprimer le likin et les autres droits sur les impor-
tations.
C'est surtout la suppression des droits intérieurs qui est le point
intéressant. La Chine aura-t-elle le courage de tenir la main à
l'observation par les mandarins des promesses qu'elle fait? Le
passe ne répond guère de l'avenir. Le mépris :ivec lequel les auto-
rités locales ont traité jusqu'à présent les conventions internatio-
nales et le peu d'empressement dont le gouvernement central a fait
preuve dans la répression des abus, ne permettent pas de se faire
trop d'illusions. Le meilleur moyen d oter aux fonctionnaires de
l'intérieur l'envie de recourir à des moyens détournés pour récu-
pérer les droits qu'ils perdent par l'eflet des passes de transit,
serait d'intéresser les provinces pour un tantième dans le produit
des droits de douanes. Le fera-t-on? C'est le secret des négocia-
tions qui vont s ouvrir bientôt.
Les récentes propositions de la Chine reportent l'attention sur
la situation actuelle et sur les abus dont souffre le commerce inter-
national en Chine ainsi que sur la manière dont les mandarins s'y
prennent pour tourner les traités et pour décourager toute initia-
tive étrangère. Ce côté de la question chinoise a été étudié d'une
façon remarquable par MM. Neville et Bell (1). Ces messieurs ont
été envoyés en Chine par la Chambre de commerce de Blackburn
pour y étudier sur place les ressources du pays et la possibilité
d'y trouver des débouchés pour les produits anglais. Il était donc
naturel qu'ils portassent spécialement leur attention sur les me-
sures qui entravent la libre action du commerce étranger en
Chine.
Avant d'entrer dans les détails de la question, il est bon de jeter
un regard sur les traités qui ont établi les conditions dans les-
quelles les étrangers ont le droit de faire le commerce dans l'Em-
pire du Milieu. La première guerre de Chine aboutit, en 1842, à la
conclusion du traité de Nankin, par lequel le gouvernement chi-
(l) Report of the mxmon'to China of the Blackburn Chamber of commerce. l»y H. Xe-
vnie and H. Bell.
40â ÉTUDES COLONIALES
nois s'engageait à établir dans les cinq ports de Canton, Amoy,
Shanghaï^ Foo-chow et Ning-po, qui.étaient alors ouverts au com-
merce international, « un tarif équitable et régulier de droits
d'entrée et de sortie ». L'article 10 disposait que « lorsque les
marchandises anglaises auront acquitté, dans Fun des ports indi-
qués, les droits et taxes établis conformément au tarif qui sera
arrêté postérieurement, ces marchandises pourront être transpor-
tées par les marchands chinois vers les provinces et les villes de
l'intérieur de TEmpire chinois en payant un supplément comme
droit de transit, lequel n'excédera pas ... p. c du droit fixé parle
tarif pour ces marchandises ».
11 fut ensuite convenu par la « déclaration relative au droit de
transit » signée à Hong-Kong, le 26 juin 1843 que :
(c Considérant que le taux du droit de transit n'a pas été fixé
par le traité, le supplément de droit à percevoir sur les marchan-
dises anglaises (c'est-à-dire après le paiement des droits d'entrée)
comme droit de transit, n'excédera pas les taux actuels, lesquels
sont établis sur une échelle modérée. »
En 1858, fut conclu le traité deTien-tsin, par lequel dix nou-
veaux ports furent ouverts au commerce étranger et dans lequel
il fut stipulé, outre d'autres changements importants, que :
(C Considérant qu'il a été convenu par l'article X du traité de
Nanking que lorsque les marchandises anglaises auront acquillé
les droits d'entrée fixés au tarif, elles pourront être transportées
dans l'intérieur, libres de toutes autres taxes, sauf un droit de
transit dont le montant ne peut pas dépasser un certain pourcentage
des droits du tarif; considérant que, d'autre part, aucun renseigne-
ment n'ayant été fourni au sujet de l'import de ce droit, les com-
merçants anglais se plaignent constamment que les autorités pro-
vinciales imposent, au détriment du commerce, des taxes nouvelles
et arbitraires, comme droits de transit, sur les produits en route
vers les marchés étrangers et sur les importations en route vers
l'intérieur, il est convenu que dans un délai de quatre mois à par-
tir de la signature du présent traité, dans tous les ports ouverts au
commerce britannique et dans un délai de même durée pour les
ports qui seraient ouverts dans la suite, les autorités chargées de
la perception des droits seront obligées, à la requête du consul, de
déclarer le montant des droits à percevoir sur les produits depuis
LA QUESTION DES PASSES DE TRANSIT EN CHINE 403
le lieu de production jusqu'au port d'embarquement, et pour les
importations, depuis le port consulaire en question jusqu'au mar-
ché intérieur indiqué par le consul. Une notilication en sera publiée
en anglais et en chinois pour rintbrmation g<hiérale. Mais il sera
loisible à tout sujet anglais qui désire amener des produits achetés
à l'intérieur vers un port ou transporter des importations d'un
port vers un marché intérieur, d'affranchir ses marchandises de
tous droits de transit par le payement d'une seule taxe. Le montant
de celle taxe pourra être perçu sur les exporlations à la première
barrière qu'elles passeront, et sur les importations dans le port où
elles seront débarquées ; contre payement de cette taxej un certi-
ficat sera délivré qui affranchira les marchandises de toute charge
ultérieure quelconque. Il est convenu ensuite, que le montant de
celle taxe sera calculée aussi exactement que possible à raison de
2 1/2 p. c. ad valorem et qu'elle sera fixée pour chaque article dans
la conférence qui doit avoir lieu à Shanghaï pour la revision du
tarif. »
La conférence se tint à Shanghaï et le 8 novembre 1858, un
accord fut signé qui fixait l'échelle des droits du tarif, calculés à
raison de 5 p. c. des prix courants des marchandises sur le mar-
ché. Certaines clauses furent adoptées dont lune, le n** VU, est
importante parce quelle définit plus clairement la portée de l'ar-
ticle XXVIII du traité de Tientsin :
« Il est entendu que l'article XXVIII du traité de Tientsin sera
interprété de manière à signifier que le montant des droits de tran-
sit qui peuvent être légalement perçus sur les marchandises impor-
tées ou exportées par des sujets britaniques, sera de la moitié des
droits du tarif. Les droits de transit sur les marchandises seront
acquittés de la manière suivante. S'il s'agit d'importations : aus-
sitôt que notification aura été faite, dans le port d'entrée d'où les
importations doivent être expédiées vers l'intérieur, de la nature et
de la quantité des marchandises, du bâtiment qui les a débar-
quées et de la place de l'intérieur à laquelle elles sont destinées,
ainsi que de tous autres renseignements nécessaires, le receveur
des droits de douane, délivrera, après vérification et perception
du droit de transit, un certificat de payement du droit. Celui-ci doit
être produit à chaque barrière et visé. Aucun autre droit ne pourra
être perçu sur les importations munies de ce certificat, peu importe
404 ÉTUDES COLONIALES
réloignement de leur lieu de destination. S*il s'agit d'exportations :
les produits achetés par un sujet anglais seront examinés et notés
à la première barrière qu'ils passent en se dirigeant vers le port
d'embarquement; un mémorandum indiquante quantité des pro-
duits et le port où ils doivent être embarqués y sera déposé par la
personne préposée à la garde des produits; celle-ci recevra alors
un certificat qui devra être produit et visé à chaque barrière tra-
versée le long de la route vers le port d'embarquement. A l'arrivée
des produits à la barrière la plus proche du port, avis en sera
donné à la douane du port et, quand les droits de transit auront été
acquittés; les produits pourront passer. Toute tentative de passer
des marchandises vers l'intérieur ou l'extérieur, autrement que par
la voie qui vient d'être indiquée, les rendra passibles de confisca-
tion. Toute tentative de faire passer une quantité de marchandises
plus grande que celle qui est spécifiée dans le certificat, rendra
toutes les marchandises de la même dénomination énoncées au cer-
tificat, passibles de confiscation. La douane refusera l'autorisation
d'exporter pour tous les produits dont on ne pourra justifier le
payement des droits de transit, aussi longtemps que ceux-ci n'au-
ront pas été acquittés, »
Les extraitsqui précèdent ontcté publiés dans un a mémorandum
sur la question des droits de transit » édité par The China Associa-
tion. Dès le commencement, les autorités provinciales considé-
rèrent ces traités avec un déplaisir marqué et elles s'appliquèrent à
rendre les concessions illusoires. Cette opposition n'étonnera per-
sonne, caria nouvelle organisation portait un coup direct au sys-
tème qui leur avait permis jusqu'alors de se remplir les poches de
gains mal acquis et qui, en même temps, appauvrissait sérieu-
sement le trésor provincial. Les 7 iji p. c. que perçoivent dans
les ports à traité, les douanes maritimes impériales, en substitu-
tion à toutes les charges intérieures, sont remis directement au
Gouvernement central à Pékin. Il est vrai qu'une petite partie en
est destinée aux provinces, mais comme elle est consacrée à un
service déterminé, elle ne vient pas augmenter le revenu général
de la province. C'est dans ce fait que réside tout le secret des diffi-
cultés rencontrées jusqu'à présent dans l'observation des traités par
les mandarins et la raison de leur opposition à toutes les conces-
sions propres à rendre leur pays plus accessible aux marchandises
LA QUESTION DES PASSES DE THANSIT KN CHINE 405
et aux commerçnnts étrangers. L'arrivée d'étrangers est loin d'être
regardée comme un bienfait pour les mandarins en fonctions, car
elle amène généralement un efibrt pour remédier aux griefs des
commerçants et pour mettre un frein à la taxation illimitée des
marchandises, réformes qui ne s'effectuent qu'aux dépens des
finances provinciales. Ils considèrent plutôt les étrangers comme
une menace contiiuielle pour leurs intérêts, et loin de suivre une
politique libérale qui amènerait une extension du commerce dont
lout le monde profiterait, ils adoptent une tactique dont le but est
d'étouffer toute initiative et de décourager même le plus opiniâtre
des commerçants. On ne doit pas oublier que les fonctionnaires
provinciaux n'ont pas seulement à envoyer chaque année des
sommes déterminées à Pékin mais qu'ils doivent, au moyen du
revenu ordinaire, faire face h toutes les dépenses d'administration
de leur province et soutenir toute une armée de parasites et de
partisans de tout grade. Los appointements des fonctionnaires,
grands ou petits, sont absolument insuflisanls pour supporter les
frais considérables qu'entraîne inévitablement l'occupation d'un
emploi public en Chine. Et comme la plupart des mandarins s'ef-
forcent non seulement de récupérer les dépensesjqu ils ont encou-
rues pour acquérir leur poste, mais encore de se retirer à l'expira-
tion de leur terme de service les poches bien garnies, ils s'opposent
énergiquement à tout système de nature à transférer les revenus
de leur propre trésor à celui de l'Empire.
Pékin en profite, mais les provinces en souffrent et en dépit
du fait qu'une source de revenus sure a été enlevée aux autorités
provinciales, on les invite à envoyer à Pékin des sommes de plus
en plus fortes pour pouvoir tenir tète aux exigences de la situation.
Serrés donc, d'une part, entre une diminution de revenus et,
d'autre part, entre une augmentation de dépenses, les mandarins
provinciaux se sont trouvés dans une situation intolérable. Quand
après cela, les révoltes des Taïpings et des Mahométans vinrent
drainer toutes les ressources du pays, ils furent réduits à de telles
extrémités pour trouver de l'argent qu'ils n'hésitèrent pas à laisser
de côté les traités et à faire tomber la lourde main du collecteur
d'impôts sur les marchandises étrangères. Les termes vagues des
traités leur livraient une porte de sortie dont ils s'empressèrent de
se servir. Ils prétendirent que par « droits de transit », on enten-
406 ÉTUDES COLONIALES
dait la taxation des marchandises pendant le voyage et qu'ils agis-
saient selon leur droit en imposant un loti-shui ou taxe de destina-
tion quand la marchandise avait atteint son lieu d'arrivée. Il est
évident que l'admission d'un principe pareil ferait des concessions
une clause vide de sens. Qu'y aurait-il de plus absurde que de
stipuler que les marchandises seraient affranchies de toute taxation
en route, mais de permettre qu'elles pourraient être soumises au
lieu d'arrivée à une taxe de destination qui pourrait facilement
monter à plus du double des droits supprimés? Si les rédacteurs
des traités, sir Henry PoUinger en 1842 et lord Elgin en 1838,
avaient eu l'intention d'accorder un tel pouvoir aux autorités pro-
vinciales, ils l'auraient sûrement défini avec précision et restreint
à certaines limites, et ils n'auraient certainement pas permis à l'ar-
bitraire ou au caprice d'un mandarin local, de rendre les conces-
sions des traités illusoires. Que telle n'a pas été leur intention,
résulte d'une dépêche subséqirente de sir Henry Poltinger au
Foreign Office et d'une dépêche de lord Elgin de 1858 disant :
« Il n'y avait qu'un seul remède aux abus dont le commerce souf-
frait : c'était la substitution d'un seul payement fixe aux nombreuses
et irrégulières taxations actuelles. »
Il est incontestable que les traités de Tientsin et de Nanking
ont entendu dire que les marchandises seraient libres de circuler
dans les parties les plus reculées de l'Empire, sans avoir à payer
d'autres taxes que celle de 7 1/2 p. c, versée pour droit d'entrée
et de transit. Mais tout le monde reconnaît que ce traitement, à
part quelques cas, n'a jamais été obtenu. Dès que les mar-
chands commencèrent à envoyer vers l'intérieur des marchandises
munies de passes de transit, il apparut clairement que les fonc-
tionnaires provinciaux ne consentiraient pas volontairement à un
arrangement qui touchait à leurs caisses et au sujet duquel ils
n'avaient pas été consultés. Aussi longtemps qu'il s'agit de mar-
chandises appartenant à un négociant étranger et directement con-
signées par lui, les tentatives d'éluder les traités furent rapidement
portées à la connaissance des représentants consulaires anglais
qui présentèrent des observations aux autorités provinciales ou au
gouvernement central. Le résultat en fut, généralement, d'une
part, la publication de proclamations confirmant les traités et
posant en principe que l'étranger agissait dans les limites de son
LA QUESTION DES PASSES DE TRANSIT EN CHINE 407
droit, en réclamant l'exemption des taxes locales et, d'autre part,
la continuation des abus comme auparavant. Dans un petit nombre
de cas, on recourut à des moyens plus énerjçiques et l'on obtint
plus de succès; les passes de transit furent respectées pendant un
certain temps. Il y avait toutefois un point que les autorités chi-
noises ne voulurent jamais admettre, c'est que les sujets chinois
pussent profiter des concessions des traités et introduire des mar-
chandises dans l'intérieur grâce aux passes de transit. Us préten-
daient que du moment où l'importateur anglais avait reçu le prix
de ses marchandises, il était sans intérêt et que ni lui ni son con-
sul n'avaient rien à voir dans ce qui pouvait arriver à l'acheteur
chinois. A cette époque, le commerce intérieur n'était pas, comme
maintenant, presque entièrement aux mains des Chinois et les
intérêts des étrangers étaient beaucoup plus considérables dans
l'intérieur qu'actuellement. Aussi les commerçants étaient-ils per-
sonnellement intéressés à la stricte observation des passes de
transit et dans l'extension et la reconnaissance de celles-ci sur la
plus vaste étendue du pays possible. Graduellement, les Chinois
s'emparèrent d'une part de plus en plus grande du commerce inté-
rieur, grâce à leur mode de vie plus économique et à leurs moindres
frais généraux. Ces avantages finirent même par concentrer
presque entièrement le commerce d'exportation à Shanghaï et à
Hong-Kong où les marchands chinois de tout l'Empire se rendaient
ou envoyaient leurs agents pour acheter les marchandises impor-
tées. Dès que le prix en a été payé, l'importateur étranger n'a
plus à se préoccuper de leur sort. C'est l'affaire des marchands
chinois de débattre la question des passes de transit avec les fonc-
tionnaires.
11 suffit d'un séjour de quelques semaines en Chine, disent
MM. Neville et Bell, pour voir à quel point le pays est dominé par
le fonctionnarisme et avec quel respect le peuple considère les
autorités gouvernementales. Les abus les plus flagrants peuvent
être commis et se continuer pendant des années; un mandarin
corrompu peut ignorer les traités internationaux et mutiler le
commerce de toute une province; qui oserait s'y opposer? Per-
sonne. Aucun Chinois tenant à sa liberté ne s'exposerait à encourir
le courroux de ses gouvernants, et comme le marchand étranger a
été payé des marchandises qu'il a vendues, la question est sans
intérêt pour lui.
408 ÉTUDES COLONIALES
Les fonctionnaires ne peuvent cependant pas soutenir que les
passes de transit ne profitent pas aux sujets chinois en présence
des termes de la convention de Cliefu de 1876, qui ne laissent
aucun doute sur ht question. La clause IV contient la disposition
suivante : « Le Gouvernement chinois reconnaît que les certificats
des droits de transit seront rédigés d'une manière uniforme dans
tous les ports et qu aucune différence ne sera faite dans les condi-
tions qui y seront insérées; et que, en ce qui concerne les impor-
tations, la nationalité de la personne qui les possède ou en est
porteur sera sans influence. »
D autres circonstances doivent encore être prises en considéra-
lion quand on recherche dans quelles limites il a été fait usage des
passes de transit et quelles sont les causes qui restreignent leur
emploi. Dans certaines provinces la taxation locale est si légère
qu'il est plus avantageux de payer les droits aux ditférentes bar-
rières que de prendre une passe de transit. Il est évident qu*il n'y
a pas de prolit à se munir d'une passe de transit quand les taxes
locales n'excèdent pas 2 1/2 p. c. et qu elles ne sont pas imposées
trop rigoureusement. Même quand le likin et les autres taxes
dépassent légèrement le coût de la passe de transit, le commerçant
a encore plus d'intérêt à payer les taxes locales parce que les mar-
chandises qui acquittent le likin traversent plus rapidement les
barrières que celles qui voyagent sous des passes de transit.
L'aversion des percepteurs du likin pour le système des passes de
transit est si grande qu'ils ne négligent aucune occasion d'opposer
des obstacles aux commerçants assez ost^s pour se prévaloir des
concessions des traités. Un des moyens habituels est de fatiguer le
porteur d'une passe en lui imposant de longs et ennuyeux délais
aux barrières, sous des prétextes comme ceux-ci : « Oh! nous
n'avons pas le temps d'examiner vos certificats aujourd'hui. Vous
devez attendre. » Et cela se répète plusieurs jours de suite pendant
lesquels le malheureux marchand a le dépit de voir les marchan-
dises qui paient le likin rapidement examinées et délivrées, même
quand elles arrivent quelque temps après les siennes. D'autre part,
les conditions pour la délivrance des passes de transit sont trop
restrictives. Le traité stipule que les marchandises qui voyagent
sous des passes de transit doivent rester dans leurs ballots ou
emballages originaires; le nom du steamer qui lésa importées
LA QUESTION DES PASSES DE TRANSIT EN CHINE 409
doit être délivré; et le lieu de consignation doit être déclaré et
maintenu. Dès que les ballols primitifs ont été ouverts ou divisés,
la passe de transit cesse d'être valable et la cargaison est soumise
à la taxation locale. Cette stipulation, ainsi que Tobligation de
déclarer le lieu de destination avant d'obtenir la passe, sont de
graves inconvénients; les marchands indigènes s'en plaignent
beaucoup. A partir du moment où le commerçant a indiqué le
marché où il compte diriger ses marchandises et que la passe lui
est délivrée, il n'est plus fondé à les transporter dans un autre
endroit. 11 est donc empêché de vendre quoi que ce soit de sa
consignation en route. S'il rencontre un acheteur avant d'arriver
au lieu de destination, il est obligé de refuser ses ordres, car s'il
vendait ses marchandises, elles seraient aussitôt confisquées. Cette
circonstance est particulièrement dure quand, arrivé au bout de
son voyage, le marchand trouve le marché encombré ou déprécié
et qu'il ne peut se débarrasser de ses marchandises avec profit.
S'il veut les transporter dans un autre endroit, il tombe sous le
coup des droits locaux, car la passe de transit ne protège les mar-
chandises que jusqu'au lieu déclaré. Le système des passes de
transit a donc un très grand inconvénient et on pourrait citer une
foule de cas où des marchands auraient pu vendre avantageuse-
ment une partie de leur transport en route et où, arrivés à leur
lieu de destination, ils ont du attendre pendant des semaines avant
de trouver un acheteur.
Dans beaucoup de parties de la Chine mais plus particulière-
ment dans le Sud, un autre et puissant facteur s'oppose au libre
usage des passes de transit et constitue un obstacle bien difficile à
surmonter. Il s'agit des gildes commerciales qui ont été amenées à
agir de concert avec les fonctionnaires dans la perception des taxes
par suite des circonstances suivantes. Les autorités provinciales
notamment dans le Kuang-tung, le Kwang-si et le Kuang-su ont
consenti, d'abord à une époque où les exigences croissantes
de Pékin avaient amené de sérieux embarras financiers, à afîermer
à certaines gildes ou syndicats de capitalistes, moyennant un
subside annuel déterminé, la perception du likin sur différents
articles. Les fonctionnaires gagnent à ce système la certitude de
voir entrer régulièrement chaque année la somme stipulée dans
la caisse de la province et l'avantage d'être dégagés de la respon-
410 ÉTUDES COLONIALES
sabilité de percevoir eux-mêmes les droits cédés. Les membres
des gildes et des syndicats, d autre part, étant intéressés dans la
vente de l'article sur lequel ils lèvent les droits, peuvent, en impo-
sant une taxation excessive sur les marchandises de ceux qui ne
font pas partie de la gilde ou du syndicat, se débarrasser de leurs
concurrents et s'assurer un monopole de fait pour un article
déterminé. Les sommes recueillies par les gildes sont réparties,
déduction faite des frais, à certains intervalles entre leurs mem-
bres, en proportion des marchandises expédiées vers l'intérieur
par chaque firme. En présence des droits prohibitifs et de l'appui
des fonctionnaires sur lequel les fermiers peuvent toujoui's
compter, il est impossible à quelqu'un qui ne fait pas partie de la
gilde ou du syndicat de faire le commerce dans la branche
affermée. Les articles qu'on afferme généralement sont les mar-
chandises en balles, les fils et l'huile de pétrole.
Ce système de perception des impôts est plus répandu dans le
Sud que dans les autres parties de l'Empire. L'action des gildes qui
contribuent ainsi à l'imposition de taxes intérieures est des plus
repréhensible et exerce une influence pernicieuse sur le commerce
en créant de puissants monopoles qui n'hésitent pas à écraser tout
concurrent individuel qui tente de faire le commerce dans un des
articles qui leur ont été affermés. Ce système continue à se déve-
lopper, car à l'époque où MM. Neville et Bell se trouvaient dans
le Kwang-si, on venait encore d'afficher un avis annonçant que
le likin sur l'huile de pétrole venait d'être affermé à un syn-
dicat, lequel, moyennant le payement annuel d'une somme de
12,000 Hk. TIs. obtenait, pour une période de dix ans, le droit de
percevoir une laxe de 30 cents par caisse d'huile, c'est-à-dire,
45 p. c. ad valorem. M. Frayer, consul d'Angleterre à Canton,
élève dans son rapport de 1896, les mêmes plaintes au sujet de
l'action néfaste des gildes fermières d'impôts dans le Kwang-tun.
On ne peut donc pas s'étonner que devant la puissance et l'orga-
nisation des forces qui se liguent contre eux, les marchands isolés
aient renoncé danî=; certaines provinces à se servir des passes de
transit. Quelques chiflVes montreront combien est restreint l'usage
des passes et combien se sont trompés ceux qui s'imaginaient
que ce système allait ouvrir une nouvelle ère de prospérité au
commerce.
\Ji QUESTION DES PASSES DE TRANSIT EN CHINE 411
A Shanghaï, en 1896, on a expédié vers rintérieur des mar-
chandises pour une valeur de 1,000,000 Hk. TIs. ; sur ce chiffre,
48,000 Hk. Tls., soit moins de 5 p. c. étaient couvertes par des
passes de transit. Il est vrai que le likin sur les pièces de tissus
y a été affermé à la gilde des tissus.
A Chin-Kiang, les marchands* font grand usage des passes de
transit. On ne s'y plaint que des retards subis aux barrières,
mais les passes ne sont valables que dans l'intérieur de la pro-
vince de Kwang-su. La valeur des marchandises allant vers
l'intérieur sous le couvert des passes a été de 7,742,113 Hk. Tls.
en 1893, et de 8,102,187 Hk. Tls., en 1896. Ces chiff^res montrent
avec quel empressement les marchands chinois tirent profit des
concessions des traités, morne quand elles sont restreintes.
A Hankovv, les marchands se plaignent amèrement que Ton ne
tienne aucun compte de leurs passes de transit aussitôt qu'ils
sortent de la province de Hupeh. Cette violation des traités est
d'autant plus sensible que Hankow est le grand centre commercial
des provinces de Hunan, Honan, Ruicliow et de certaines parties
du Shen-si. Les marchandises qui se dirigent vers ces provinces
sont lourdement frappées par le likin et autres taxes locales.
A Chung-kin, aucune passe de transit n a été demandée entre
1891 et le commencement de 1896. L'expérience faite par quel-
ques marchands indigènes en 1891 a suffi pour en dégoûter tout
le monde pendant cinq ans. Voici ce qui s'était passé. Des
marchands chinois avaient pris des passes pour 10,000 liv. st.
de fils de coton. Ils avaient payé 2 1/2 p. c. sur la valeur de leurs
marchandises et les avaient embarquées. Arrivés à la première
barrière, ils furent arrêtés et on leur réclama le likin. Ils pro-
testèrent, mais en vain. Certains d'entre eux passèrent par les
exigences du fisc et purent continuer leur route. Les autres
refusèrent. Au bout de quinze jours, on les laissa aller mais on
réclama aux destinataires une indemnité pour la perte subie par
les autorités. On inventa à cette occasion une taxe de 3 p. c.
Voyant l'inutilité des passes, les marchands ne s'en servirent plus.
Une ordonnance fut d'ailleurs publiée aux termes de laquelle les
marchandises arrivant sous le couvert des passes de transit
payeraient une taxe de destination de 3 p. c. ad valorem, dont
celles qui passaient par les douanes indigènes étaient affranchies.
412 ÉTUDES COLONIALES
En 1896, une nouvelle tentative fut faite pour tirer parti des
passes de transit. Les mêmes manœuvres furent employées par
les fonctionnaires et il est probable qu'ils auraient réussi si les
charges résultant de la guerre sino-japonaise n'avaient pas obligé
les mandarins à augmenter considérablement les droits de likin.
Le premier envoi fait en 1896 fut trailé exactement comme ceux
de 1891. Les taxes locales furent exigées malgré l'acquittement du
droit de transit de 2 1/2 p. c. Les marchands indigènes tirent
alors appel à l'intervention des étrangers. Des représentations
énergiques furent faites aux autorités qui donnèrent l'ordre de
relâcher le transport, mais la taxe de 3 p. c. resta exigée des desti-
nataires. A la lin de 1896, 1,107 passes avaient été demandées
pour des marchandises d'une valeur de 1,011,000 Hk. Tls. ou
170,000 liv. st. Ce chiffre n'augmentera probablement pas étant
données l'opposition des autorités et aussi la diminution des taxes
locales faite dans le but de rendre les passes de transit moins
attrayantes
L'influence du likin a été très sensible dans la province de Kui-
Chow où se faisait un commerce actif d'importation et d'expor-
tation. Depuis l'imposition de droit de likin rigoureux par un
nouveau gouverneur, la demande de produits étrangers ne cesse
de décroître. Mais c'est dans le Sud de l'Empire et particulière-
ment dans les provinces de Kuang-si et Kuang-tung que la
situation est la plus mauvaise. Dans ces deux provinces les droits
de likin, de fu-shui et de loti-shui ont toujours èli exceptionnel-
lement élevés. Comme le commerce de ces provinces est énorme
— Kuang-tung est la province la plus riche et la plus peuplée de
l'Empire — elles ont été considérées par les autorités comme un
domaine d'où il faut écarter à tout prix les innovations étrangères.
Obtenir un des postes élevés dans ces provinces équivaut à une
certitude de faire fortune. Aussi la concurrence pour y arriver
est-elle des plus acharnées. Et comment ces gens se préoccupe-
raient-ils du développement du commerce ou de l'industrie aussi
longtemps qu'ils sont sûrs de se retirer de leur office les poches
bien remplies? Une branche de commerce peut facilement être
tuée par une taxation excessive — comme cela a été le cas pour le
commerce du thé — ce qui n'empêche que ces gens cupides ne
restreindraient pas leurs exigences d'un iota pour la faire renaître
LA QUESTION DES PASSES DE TRANSIT EN CHINE 413
Pendant de nombreuses années après la signature des traités
relatifs aux droits de transit, les autorités de Canton ont refusé
absolument de reconnaître, sous quelque forme que ce soit, la
validité des passes. Elles les considéraient comme nuisibles aux
finances de la province et employaient tous les moyens pour les
rendre inopérantes. Et ceux qui avaient laudace de vouloir en
user étaient lobjet d'un traitement tel qu'il enlevait à tout autre
l'envie de recommencer. Ce n'est qu'en 1^9 1 , quarante-neuf années
donc après la signature du traité de Nankin, que les marchands
poussés à bout par les tracasseries et par l'augmentation inces-
sante des droits de likin, se réunirent et firent, appuyés par les
consuls étrangers, un effort sérieux pour obtenir la délivrance et
le respect des passes de transit. Le résultat de cette opposition
fut qu'à la fin de 1891, pas moins de 1,950 passes avaient été
délivrées pour une valeur en marchandises de 1,741,864 Hk. Tls.
ou de près de 400,000 liv. st. La vaste étendue de pays sur
laquelle ces marchandises se répandirent montre quel dévelop-
pement étonnant le commerce prendrait dans les districts arrosés
parlaWest-River si les marchandises pouvaient y circuler sans être
écrasées par les impôts locaux. Malheureusement à la fui de 1891,
un fonctionnaire des douanes survint qui ordonna de saisir et
d'emprisonner plusieurs marchands qui avaient eu la témérité de
se faire délivrer des passes. Par ces mesures et d'autres violences,
il parvint à enrayer le mouvement de réformation. En 1892, le
commerce passait de nouveau par les mains des receveurs du
likin et contribuait aux revenus de la province. Les marchands
étaient tellement terrorisés qu'en 1894, il ne fut pas réclamé une
seule passe de transit et qu'en 1895, il n'en fut demandé qu'une
seule pour des marchandises valant 1,739 Hk. Tls. ou 300 liv. st.
L'aventure arrivée à un Anglais, M. Andrew, au commencement
de 1896, dépeint nettement la façon d'agir des mandarins pour
atteindre leur but. M. Andrew avait acheté à Hongkong des pièces
de tissus et autres marchandises qu'il se disposait à vendre à
Wochow. 11 paya régulièrement 5 p. c. de droits d'entrée et
2 1/2 p. c. de droits de transit. Arrivé à Wochow, il exhiba sa
passe de transit aux receveurs du likin et se mit en devoir de
vendre ses marchandises. Il en plaça divers lots à des marchands
chinois et il était convenu que le paiement se ferait le lendemain.
414 ÉTl DES COLONIALES
Mais pendant la nuit un canot à vapeur arriva de Hongkong amenant
deux détectives de la gilde qui avaient obtenu la ferme des droits
de likin sur les pièces de tissus. Le lendemain les acheteurs
vinrent trouver M. Andrew et lui exprimèrent leur regret de ne
pas pouvoir prendre livraison des marchandises parce qu'on les
avait menacés de poursuites s'ils trafiquaient avec lui. Us ajoutèrent
que si les autorités ne déclaraient pas qu'on ne les molesterait pas,
ils seraient obligés de rompre leurs contrats. La terreur de la
population de déplaire aux autorités était si grande que les servi-
teurs de M. Andrew l'abandonnèrent et que lui-même ne put qu'à
grand'peine se procurer des vivres. Le consul anglais à Hongkong
intervint, mais sans succès. Il fallut télégraphier au marquis de
Salisbury et à l'ambassadeur anglais à Pékin pour réclamer une
intervention énergique de leur part. A la fin, le préfet de Wochow
céda et fit une proclamation où il reconnaissait le droit des Euro-
péens de transporter des marchandises à l'intérieur, mais en ajou-
tant la réserve que nous avons déjà rencontrée maintes fois, que
dès le moment où les marchandises sont transférées à des sujets
chinois, le likin et les droits de douanes leur seront appliqués.
La situation de M. Andrew était encore pire. Aucun acheteur ne
voulut prendre livraison des marchandises dans ces conditions. Le
consul de Hongkong protesta contre le texte de l'ordonnance. Le
vice-roi ne voulut rien entendre et l'affaire fut portée à Pékin.
Après deux mois de négociations, M.Andrew put enfin vendre ses
marchandises. Mais il le fit avec perte et l'indemnité qu'il obtint
dans la suite ne compensa pas le dommage. L'énergie du consul
anglais eut au moins ce résultat que le vice-roi rédigea une ordon-
nance dans laquelle il reconnaissait que les marchandises arrivées
au lieu de destination sous le couvert d'une passe de transit se
trouvaient absolument dans la même situation au point de vue de
la taxation que celles qui avaient acquitté le likin tout le long du
chemin. Mais on ne doit pas se faire trop d'illusions. Un fonction-
naire chinois, serré de près, peut promettre des réformes, mais
l'observation ou la mise en vigueur des promesses est tout autre
chose. Il faut faire preuve d'une vigilance constante, sinon on voit
se fermer petit à petit la porte qu'on a eu tant de peine à ouvrir.
Ce fut, du reste, le cas, car un grand nombre de plaintes furent
bientôt émises par les marchands chinois à qui on cherchait à
â
a,
M
s i
"a M
S S
s:
51
416 ÉTUDES COLONIALES
imposer, d une façon ou de l'autre, certaines charges destinées à
indemniser les autorités de la perte que leur avaient fait subir les
marchandises voyageant sous des passes de transit. 11 est si facile
pour les autorités d'imposer au marchand suspecté d'avoir éludé le
likin, une taxe plus forte en attribuant à son commerce une valeur
plus grande qu'il n'a en réalité!
L'ouverture du port de Wuchow-Fu au commerce international
en 1897 a été regardé par les autorités chinoises comme une véri-
table calamité et elles ont mis toute leur astuce et toute leur
influence en jeu pour dépouiller les étrangers des avantages con-
férés par les traités. Elles ont considéré l'ouverture de ce port
comme une diminution de leur autorité et ont vu d'un mauvais œil
entrer directement dans le trésor de l'Empire des sommes qui
autrefois passaient par leurs mains sans en sortir intactes. Les
firmes étrangères qui avaient envoyé des steamers à Wuchovv
éprouvèrent la plus grande difficulté à trouver des cargaisons.
Elles s'informèrent et apprirent bientôt que les autorités craignant
que les marchands chinois n'abandonnassent les jonques pour se
servir de ces steamers, venaient d'établir un tarif différentiel en
faveur des jonques. Elles y arrivèrent en créant pour les marchan-
dises transportées par ces dernières, une taxe de destination légè-
rement moins élevée que le montant des droits de transit. Le pro-
cédé n'était pas nouveau. Il avait déjà été appliqué dans d'autres
parties du pays où la navigation avait pénétré. A l'époque où
MM. Neville etlBell se trouvaient à Wuchow, les compagnies de
navigation luttaient contre cette manœuvre des autorités chinoises
et contre les autres mesures par lesquelles elles essayaient d'annu-
ler les avantages qui résultaient pour les étrangers de la réouver-
ture des porls. Les marchands chinois sont aussi intéressés que les
étrangers à voir mettre un terme aux agissements des mandarins.
Ils le montrent, du reste, assez par l'intérêt avec lequel ils
s'informent du fonctionnement des passes de transit et par leurs
tentatives de réclamer des passes pour transporter leurs propres
marchandises.
La situation sur la West-River n'est donc pas plus encoura-
geante que sur le Yanglsé. Dans les ports qui se trouvent sur la
côte, les mêmes manœuvres sont mises en jeu avec cette différence
que les différents systèmes fiscaux (|u'on y applique ont fini par
LA QUESTION DES PASSES DE THANSIT EN CHINE 417
être acceptés par les marchands. A Swatow, on ne demande pas
de passes de transit, car aussitôt que les marchandises cessent
d'être protégées par elles, elles sont imposées plus lourdement
que si elles avaient payé le likin tout le long de la route. A Amoy,
l'importance des marchandises dirigées vers l'intérieur, sous le
couvert des passes, augmente. En 1896, 3,281 permis ont été
délivrés pour une valeur en marchandises de 116,000 liv. st. sur
une importation totale de 1, 140,000 liv. st. A Foochow, Wenchow
et Ningpoo, le pourcentage des marchandises voyageant sous le
couvert des passes, est insignifiant en comparaison des importa-
tions. Gela est dû au Fait que les autorités du likin ont réduit leurs
exigences dans des limites raisonnables afin d'attirer les marchan-
dises vers les voies qu'elles contrôlent. Dans les ports de Chefoo,
de Newchang et de Tientsin, les taxations intérieures sont faibles,
de sorte que la nécessité de recourir aux passes n'existe pas. La
taxation est la plus forte dans les provinces les plus riches, les
plus fertiles et les plus peuplées, donc précisément dans celles où
le commerce étranger pourrait faire le plus de profits.
Il est grand temps que l'on songe à mettre fin à cette situation
d'arbitraire et d'insécurité qui existe depuis plus de quarante ans au
mépris des conventions les plus explicites des traités. Car à quoi
sert-il d obtenir l'ouverture de nouveaux ports au commerce inter-
national si les autorités chinoises peuvent continuer à rendre les
transactions impossibles par leurs agissements et leurs violations
constantes des conventions. L'histoire des passes de transit ne
semble avoir été que trop bien résumée par les paroles suivantes du
baron von Gumpach : « Les stipulations des traités n'ont guère été
autre chose qu'une source abondante de correspondances pour les
diplomates et les hommes d'état; d'ennuis, de vexations et de désap-
pointement pour les marchands étrangers; d'abus et d'extorsions
pour les fonctionnaires indigènes et leurs sous-ordres ; de dupli-
cité et de faux-fuyants pour le Tsung-li-Yamen. »
RAPPORT
LES COLONIES FRANÇAISES
(SUITE)
MA19AGASCA«l
Principaux articles d'importation. — Les tissus de coton
forment le principal article d'importation, puis viennent les spi-
ritueux dont la consommation s'est tellement accrue que Ton a
dû prendre des mesures pour l'enrayer. Citons encore le vin, le
charbon, les tissus variés, le riz, les machines et objets en fonte.
Les statistiques les plus récentes sont fournies par le rapport
du général Gallieni ; elles nous font connaître que le pays qui
a la plus grande part dans les importations est la France, puis
l'Angleterre, enfin l'Allemagne et les Etats-Unis.
Importations en 1896. — En 1896^ l'ensemble des impor-
tations s'élevait à 553,977 liv. La valeur des marchandises de
la France et de ses colonies était de 218,406 liv. dont 72,488 liv.
pour les tissus Les importations de l'Angleterre et de ses colonies
étaient de 179,540 liv., dont 128,763 liv. pour les tissus. Les
importations allemandes se chiffraient par 21,346 liv. et celles
des Etats-Unis par 28,675 liv.
MADAGASCAR. — FEMMES HOVA-BEUIMISARAKA.
Cliché (le* M. Locamus
420
ETUDES COLOMALKS
Droits d'entrée sur les tissus de coton par 100 kilogrammes.
POIDS PAR lai MKTRKS.
Au delà de 100 kilogr . . .
De 11 à 13 kilogr
De 9 à 1 1 — . . . .
Nombre do fils
l»ar t înillim. oarivs.
DROIT.
S 35
—
77
francs
( 36
+
M8
^ 35
—
87
f 36
+
VS\
—
^ 35
—
111
--
f 36
+
17^2
^ 35
-
131
—
f 36
■f
230
—
K 35
—
139
—
f 36
+
300
—
, 35
—
287
—
' 36
+
550
—
De 7 à 9 — ....
De 5 à 7 — ....
De 3 à 7 — ... .
Moins que 3 kilojîr 620 —
Valeur des importations en 1897. — L'unncc 1897 a
marqué la transaction entre l'ancien et le nouveau système
douanier. Le tofal des importations pour celte année a été de
727,085 liv., parmi lesquelles 140,925 liv. pour la France et ses
colonies, dont 440,925 liv. pour les tissus, soit une augmentation
de 193,546 liv. sur 1896.
Le commerce anglais était représenté par 206,624 liv., dont
116,629 liv. de tissus de coton. Cette augmentation est due à
la création de réserves en vue de Taugmentation de droits prévue
par'le nouveau tarif. La part de TAllemagne et des Etats-Unis
était respectivement de 32,442 liv. et de 6,304 liv. plus 88,000 liv.
de tissus importés via TAngleterrc.
Effets du nouveau tarif. — En 1898, le nouveau tarif a
commencé à faire sentir ses efTets : d'après l'annuaire de Mada-
gascar, les importations de tissus de coton de provenance an-
glaise se chiffrent par 17,000 liv.
Sur le total des importations évalué à 857,069 liv., la France a
fourni pour 640,316 liv., dont 247,366 liv. pour les tissus, soit
une augmentation totale de 22^,364 liv.
48:2 ÉTUDES COLONIALES
L'ensemble des importations étrangères n'atteint pas 216,733 1.,
dont 94,854 liv. pour l'Angleterre et ses colonies ; l'Allemagne
environ 40,000 liv.
Exportations. — Les principaux articles d'exportation sont
le caoutchouc, les peaux, le rafia, le bétail, la cire, la vanille, l'or,
la viande conservée et le bois.
Valeur en 1896. — La valeur des exportations était de
142,809 liv., dont 41,851 liv. en destination delà France et de
ses colonies, et 100,957 liv. pour les autres pays, dont 61,075 liv.
en destination de TAngleterre.
En 1897, les exportations ont atteint le chiffre de 172,976 liv.,
dont 60,061 liv. pour la France et 112,913 liv. pour les autres
pays.
Développement des exportations. — L'exportation du caout-
chouc, en 1898, est en diminution d'environ 25 p.c. sur les chiffres
de Tannée 1896, malgré une hausse sur la valeur de ce produit.
La diminution est de 1,400 liv.
Il y a une forte augmentation dans l'exportation du bétail qui
s'expédie au Transvaal, à la Réunion, à Tîle Maurice et au Mozam-
bique.
Il y a également progression pour le commerce du bois : la
valeur du bois exporté passe de 3,000 liv. en i896, à 5,000 liv.
en 1898. Les exportations de peaux sont en diminution. Les
exportations d'or sont en légère progression. L'industrie de la
viande conservée est très prospère et l'exportation des conserves
a atteint le chiffre de 15,600 liv. L'exportation du ratîa est restée
stationnaire, tandis que celle de la vanille a triplé.
Mouvement maritime. — Le mouvement gt^néral de la navi-
gation dans les ports Malgaches a été de 3,691 navires avec un
tonnage de 827,531 tonnes; les navires sous pavillon français
ont été au nombre de 2,069 avec un tonnage de 604,194 tonnes;
le nombre des navires anglais a été de 1,477 avec un tonnage de
169,249 tonnes.
LE RAPPORT SUR LES COLONIES FRANÇAISES 4S3
Frets. — Le prix du fret de Bordeaux à Tamatave et Majunga
est de 40 fr. plus 10 p. c. par mètre cube ou par 700 kilog. Les
chargeurs réunis chargent du Havre pour fort Dauphin, Manau-
jary et Vatomandry au prix de 60 fr. plus 10 p.c, pour Tamatave
40 fr. plus 10 p.c. par mètre cube ou 700 kilogs. De Marseille,
le .fret est de 50 fr. par mètre cube ou par tonne; le prix est
le même pour Nossi-Bé, Diego, Suarez, Tamatave et Majunga.
Mesures administratives prises en vue du développement
économique de la Colonie. — Durant ces deux dernières
années, le gouverneur-général a pris une série de mesures des-
tinées à favoriser Tactivité commerciale de la Colonie. Des
chambres de commerce, destinées à renseigner Tadministration
en matière commerciale, ont été créées dans différentes localités.
Pour favoriser le commerce inlérieur, de nombreux marchés,
qui avaient disparu à la suite de la dernière révolte, ont été
rétablis et pour protéger le commerce européen contre la con-
currence des asiatiques et des africains dont les européens avaient
beaucoup à souffrir, on a soumis les négociants africains et asia-
tiques à une licence spéciale.
CHRONIQUE
GENERALITES
. L'expédition du D' Koch pour l'étude de la malaria. — Le
h' Koch vient de faire paraître un. nouveau rapport sur ses travaux.
11 s'agit cette fois de Tctude de la malaria dans la Nouvelle Guinée alle-
mande pendant les mois de janvier et de février de cette année. L'expé-
dition est arrivée le 26 décembre 1899, à Stephansort où, grâce à
l'appui de la compagnie de la Nouvelle Guinée, elle a trouvé d'amples
occasions de faire des observations sur les personnes. La compagnie
maintient deux hôpitaux, un pour les blancs et un aulre pour les
gens de couleur. Le B" Koch a pu examiner, à Stephansort, 734 per-
sonnes dans l'espace de deux mois. De ce nombre, 157, c'est-à-dire
21,4 p. c, furent reconnues comme atteintes de malaria. Ce chiffre
doit cependant être augmenté. M. Koch n'a considéré comme souffrant
de malaria que ceux qui contenaient des parasites dans leur sang. Les
gens alleints de malaria, ne renferment pas toujours des parasites
dans le sang qu'on extrait de leurs doigts; or, c'est celui qui a servi
de base aux expériences. Il se produit souvent aussi des périodes
pendant lesquelles on ne découvre rien dans le sang. 11 faut tenir
compte de cette circonstance et le D*^ Koch pense qu'il y a lieu par
suite d'augmenter les chiffres de 25 p. c.
Les 734 personnes examinées comprenaient 21 Européens, 240 Chi-
nois, 209 Malais et 241 Mélanésiens. Étaient atteints de malaria :
57,1 p. c. des Européens, 26,3 p. c. des Chinois, 25,3 p. c. des
Malais et 10,9 p. c. des Mélanésiens.
Des observations ont aussi été faites sur des indigènes de Kaiser
Wilhelmèland. On a choisi, à cet effet, les villages de Bogadjim, près
de Stephansort, de Bongu, près de Konstantinhafen et de l'île de
Tamara. Les chiffres fournis par Bogadjim et Bongu sont intéressants
au point de vue des proportions qu'ils fournissent pour les différents
(\ge6. A Bongu, la malaria avait atteint 100 p. c. des enfants au-dessous
CHRONIQUE 425
de deux ans, 46,1 p. c. des enfants de 2 à 5 ans, 23,5 p. c. de ceux de 5 à
40 ans et 0 p. c. des personnes de 10 à 43 ans. A Bogadjim, la mala-
ria avait atteint 80 p. c. des enfants au-dessous de deux ans, 41,6 p. c.
de ceux de 2 à 5 ans et 0 p. c. des personnes de 5 à 55 ans.
Le D»" Koch résume comme suit les résultats de ses travaux dans le
district qu'il a étudié : « Le district de la baie de l'Astrolabe ne le cède
à aucun autre endroit des tropiques au point de vue de la malaria.
Friedrich Wilhelmshafen est de la même nature et il y a des indices
qui montrent que toutes les cotes de Kaiser Wilhelmsland sont infec-
tées de malaria. Par contre, les îles qui se trouvent près de la côte,
semblent être en partie indemnes. »
Les chiffres fournis par Bogadjim et par Bongu montrent que la
malaria diminue progressivement et rapidement avec Tûge. Le plus
grand nombre des cas de malaria se rencontrent chez les enfants de
moins de deux ans. Le D' Koch en conclut que les habitants des
régions tropicales acquièrent au bout de quelques années une immu-
nité naturelle contre la malaria. « Déjà les constatations faites à Java,
dit-il, établissent clairement cette immunité progressive, et les obser-
vations de Bogadjim et de Bongu appuient ce phénomène de preuves
presque indiscutables. A Bogadjim, on ne trouve pas un seul individu
atteint de malaria parmi les gens qui ont dépassé la cinquième année;
par contre, on la trouve d'autant plus fréquemment parmi les petits
enfants. Bongu se présente de la même manière sauf qu'on y rencontre
des cas isolés jusqu'à la dixième année, après laquelle, la malaria
disparait entièrement. Si on se contentait, dans des populations
comme celles de ces localités, d'examiner les adultes ou même les
adolescents en laissant de côté les enfants, on ne découvrirait pas la
moindre trace de malaria et on arriverait à cette conclusion erronée
qu'on se trouve en présence d'une population qui est absolument
indemne de malaria, c'est-à-dire qui est inaccessible à cette maladie.
Je suis convaincu que les mêmes circonstances se présentent dans les
autres régions malariennes et je serais heureux que cette communica-
tion pût amener les observateurs à faire leurs études de la même
manière que moi, tant en Allemagne quedans les autres colonies alle-
mandes, notamment dans l'Afrique orientale et occidentale. »
Les observations du D"" Koch ont aussi démontré que le nombre des
cas de malaria parmi les enfants diminue avec l'augmentation de l'âge
des groupes examinés. Cette diminution s'explique par la force de
résistance que les enfants acquièrent avec l'âge. Le D*^ Koch déclare
ensuite que les nouveaux arrivés dans une contrée malarienne se
comportent exactement comme les enfants qui y naissent. Ils sont
426 ÉTUDES COLONIALES
atteints par la malaria et ont à souffrir de la maladie jusqu'à ce qu'il
aient atteint un degré d'immunité suffisant.
Le D»" Koch décrit de la manière suivante l'histoire de la malaria en
Nouvelle Guinée: La malaiûa règne depuis longtemps parmi les indi-
gènes de la côte de Nouvelle Guinée, comme le prouvent les constata-
tions faites dans les villages de Bogadjim et de Bongu. Le mal a peut-
être été importé de l'Archipel malais ou des Moluques par les trafi-
quants. Les premiers Européens qui entrèrent en relations avec cette
côte eurent beaucoup à souffrir de la malaria ; les premiers colons
encore plus. La situation s'améliora peu à peu, à mesure que les colons
s'immunisaient davantage. Les rapports médicaux commencèrent
alors à déclarer que par suite de telle ou telle mesure sanitaire ou du
développement de la culture ou d'autre chose, la malaria était en voiede
décroissance. Tout à coup, elle éclate cependant de nouveau : non pas,
comme le disent les rapports par suite de circonstances climatériques
spéciales, mais chaque fois qu'un nombre assez considérable de nou-
veaux ouvriers, c'est-à-dire de personnes entièrement susceptibles, est
amené. Ces nouveaux venus doivent, comme les enfants nés dans une
contrée malarienne, acquérir, au prix d'un nombre de victimes plus ou
moins grand, l'immunité qui leur permette de vivre d'une manière
permanente dans un pays de fièvres.
Comme moyen de combattre la malaria, le D"" Koch recommande
l'emploi raisonné de la quinine, spécialement en vue de prévenir les
nouveaux accès. La méthode qu'il préconise consiste à administrer à
ceux qui souffrent de malaria, pendant les intervalles où la fièvre se
calme, donc presque toujours pendant les premières heures du
matin, un gramme de quinine jusqu'à ce que les parasites aientdisparu
de son sang. On suspend alors le traitement pendant sept jours, puis,
on fait prendre de nouveau, deux jours de suite, un gramme de quinine,
après quoi, nouvel intervalle de sept jours suivi de deux jours de
quinine et ainsi de suite pendant au moins deux mois. Ce traitement
adonné jusqu'à présent d'excellents résultats.
Un souvenir de Livingstone. — La Société royale de Géogra-
phie de Londres vient d'ajouter à sa collection une précieuse
relique de Livingstone. Il faut se rappeler que lorsque le grand
missionnaire mourut au centre de TAfrique, ses fidèles serviteurs
embaumèrent son corps et le transportèrent à la côte. Les restes
de Livingstone furent ramenés en Angleterre et reposent actuelle-
ment à l'Abbaye de Westminster. Le cœur du célèbre explora-
teur avait été enterré au pied de l'arbre, à l'ombre duquel il avait
CHRONIQUE 427
rendu le dernier soupir. Un de ses serviteurs, Jacob Wainwright,
grava une inscription commémorative dans le tronc de cet arbre et,
avant de partir, iJ donna à Cliitambo, le chef de la région, des instruc-
tions précises pour protéger les alentours de l'arbre contre Tenvahis-
sement des herbes. 11 craignait que les incendies de prairies qui,
presque chaque année, ravagent la contrée, ne détruisissent ce précieux
souvenir. Chitambo mourut peu de temps après et fut inhumé sous le
même ombrage. Son successeur transporta son village à quelques
milles de là.
L'arbre qui portait l'inscription de Wainwright échappa heureuse-
ment à la destruction. Aucun blanc ne le visita pendant plus de vingt
ans, bien que la fille de Livingstone eût expédié une plaque en bronze
pour indiquer la place où son père était mort, et que la Société de
Géographie eût envoyé de nombreux présents au chef pour l'engager à
veiller à la conservation de la plaque.
Après bien des vicissitudes, cette dernière fut remise au nouveau
Chitambo par le capitaine belge Bia et un procès-verbal constatant le
fait fut rédigé par celui-ci; le chef indigène et ses principaux digni-
taires y apposèrent leurs marques en présence de témoins. Malheureu-
sement, la plaque qui avait été érigée dans le village de Chitambo, fut
volée peu de temps après par un chasseur d'esclaves arabe.
L'endroit où Livingstone est mort n'a été visité ni par le capitaine
Bia, ni p^r le lieutenant Francqui qui l'accompagnait. Le premier
Européen qui s'y rendit fut M. Glave qui faisait un voyage à travers
l'Afrique pour le compte d'un journal américain. Malheureusement
M. Glave mourut à la côte au moment où il se disposait à rentrer en
Europe. M. Poulett-Weaterley fut le deuxième blanc qui vit l'arbre. Il
se hâta d'écrire en Europe qu'il était encore debout mais dans un état
de vétusté tel qu'il allait bientôt périr. L'inscription gravée dans son
tronc était donc menacée de disparaître à jamais.
Des mesures immédiates s'imposaient si l'on voulait éviter ce regret-
table événement. C'est dans ces circonstances qu'il y a deux ans, au
sein d'une réunion de la Société de Géographie, M. Alfred Sharpe,
commissaire du Protectorat britannique de l'Afrique centrale, proposa
à la Société de faire enlever du tronc la partie portant l'inscription et
de la faire expédier à I^ondres où elle serait placée parmi les autres
reliques que possède la Société. « Ce serait, disait M. Sharpe, non
seulement un intéressant souvenir de Livingstone et de la grande
œuvre qu'il a réalisée en Afrique, mais aussi une preuve du dévoue-
ment dont les indigènes de l'Afrique sont capables; ce serait une
démonstration de l'amour et du respect qu'ils avaient pour Living-
428 ÉTUDES COLOMALKS
stone qu'ils ont transporté sur une distance de Umt de milles et qu'ils
ont amené à Kabenda où il mourut. »
M. Sharpe, dont la proposition avait été agréée, se disposait à don-
ner suite au vœu de la Société, mais ses nombreuses occupations en
Afrique Tempéchèrent de remplir personnellement la promesse qu'il
avait faite. Apprenant Tété dernier que M. K. Codrington, administra-
teur de la British South Africa Company y devait se mettre en route
pour entreprendre une tournée d'inspection dans la région de Ban-
gueulu, il le pria de se charger de la mission. M. Codrington y con-
sentit volontiers. Arrivé au village de Chitambo, M. Codrington fut
conduit par un chef auprès de l'arbre qui heureusement, était encore
debout, mais son état justifiait pleinement le cri d'alarme jeté par
M. Poulett-Weatherley. L'arbre fut abattu. L'intérieur en était pres-
qu'entièrement creux et l'inscription avait disparu en partie. Pour
autant qu'elle était encore lisible, elle portait ce qui suit :
Dr. LIVINGSTONE.
May i, 187.-5.
. . . . LA MNIASERE
UCIIOPCRE.
Le poids de la section enlevée était énorme; il fallut donc la réduire
considérablement. Au prix de grandes fatigues, M. Codrington parvint
à la faire transporter sur le plateau de Tanganyka d'où elle fut envoyée
à Zomba et de là, à Londres où elle vient d'arriver.
En déballant le précieux colis, on constata que le morceau de bois
avait parfaitement supporté le voyage. Des mesures immédiates vont
être prises pour en assurer la conservation. Le bloc se trouve actuel-
lement placé dans une des salles de la Société de Géographie, à
Londres.
AFRIQUE
Une trayersée de P Afrique du Cap au Caire. — Nous avons
déjà eu l'occasion de signaler les observations faites par M. Sharpe,
sur les volcans de l'Afrique centrale, au cours de son expédition dans
la région du lac Kivu (i). Le compagnon de ce dernier, M. Grogan,.
(1) Voir ^tt/Tefifi, p. 50.
CIIUOMQLK 42î)
qui continua sa route en descendant le Nil, vient de faire, à Ja Société
de Géographie de Londres, une conférence sur sa traversée de l'Afrique
du Cap au Caire. Le voyage de M. Grogan a surtout présenté do
rintérét à partir du lacKivu. Le développement des cotes de cette nappe
d'eau doit être énorme, dit l'explorateur, et égaler celui de n'importe
quel autre lac de la même superficie. Ce lac est très profond et ne
renferme ni crocodiles, ni hippopotames. Toute la contrée environ-
nante est semée de petites collines dont la majeure partie sont isolées,
de sorte que le chemin ne cesse de monter vt de descendre. La popu-
lation du pays est connue sous le nom de Wakuanda et se divise en
deux classes dont la première, les Watusa, sont les aristocrates. Le
seul travail auquel ils condescendent à se livrer, c'est de traire leurs
vaches et de battre leur beurre. Pour le reste, ils se reposent sur les
aborigènes, les VVahutu, qu'ils dominent. L'influence de la civilisa-
tion du Nord s'observe dans la manière dont les montagnes sont
découpées en terrasses pour faciliter l'agriculture, dans les essais
rudimentaires d'irrigation, dans la clôture des villages et des champs
cultivés au moyen de haies et aussi dans l'établissement de réservoirs
artificiels munis d'auges latérales pour abreuver les bestiaux. Le coup
d'oeil que présente la contrée, est magnifique. C'est un mélange des
paysages de TEcosse, du Japon et des îles de l'Océan indien. Le sentier
que suivait le voyageur le menait parfois jusqu'à i ,K00 pieds d'alti-
tude et il jouissait alors d'une vue superbe sur le lac et sur les innom-
brables îles dont il est semé. A l'angle nord-est du lac, les collines
s'arrêtent et une pente, interrompue çà et là par des cônes de volcans
éteints mais d'une forme parfaite, s'élève graduellement de la surface
de l'eau jusqu'au pied des volcans. Les grands cratères sont au nombre
de six : deux d'entre eux sont encore en activité; les autres sont
éteints depuis longtemps. La plaine au nord du Kivu est dépourvue
d'eau par suite de la nature poreuse du sol. La nombreuse population
qui l'habite se procure l'eau qui lui est nécessaire en faisant des inci-
sions dans le tronc des bananiers. (]omme l'humidité est retenue par
le sol, les forêts qui garnissent les pentes des volcans sont d'une luxu-
riance inouïe et d'une densité telle que seuls les éléphants peuvent s'y
frayer un passage.
Comme nous le savons déjà par les déclarations de M. Sharpe, le
mont Mfumbiro, que les Anglais ont accepté lors du règlement des
frontières avec les Allemands, comme compensation en échange du .
Kilimandjaro, n'a jamais existé que dans l'imagination de certains
hommes d'Etat anglais.
H. Grogan descendit ensuite la vallée du Rutchuru ou Kako, qui se
430 ÉTUDES COLONIALES
jette dans le lac Albert Edward. 11 en conclut que ce cours d'eau est
la véritable source du Nil. La source du Nil Victoria se trouve à
40 milles plus au Sud, de sorte que dans l'espace de six jours l'explo-
rateur traversa les deux sources du Nil. Celles-ci prennent naissance
à peu de distance l'une de l'autre, mais comme elles suivent des direc-
tions différentes, elles embrassent une vaste étendue de terres avant
de se jeter dans le lac Albert. Pendant qu'il explorait cette dernière
contrée, M. Grogan aperçut des créatures d'apparence simiesque qui
l'observaient, cachées derrière des troncs de bananiers. Après quelques
instances, son guide parvint à en décider une à s'avancer. C'était un
homme de haute taille qui avait les longs bras, les bajoues pendantes
et les courtes jambes du singe. Il était d'une microcéphalie et d'un
prognathisme accentués. Les signes de l'abrutissement étaient si forte-
ment empreints dans la population de ce pays que M. Grogan la plac^
au-dessous de n'importe quelle autre tribu indigène qu'il a rencontrée
en Afrique.
La contrée comprise entre les deux lacs Kivu et Albert Edouard est
certainement la clef du problème géographique et géologique de
l'Afrique moderne. La vallée de la Kusisi est évidemment, sur une
longueur de 60 milles, l'ancien lit du Tanganyka. D'autre part, le lac
Kivu a été soulevé en même temps que toute la région qui s'étend
autour ainsi qu'au nord et au sud des volcans.
Le Rulchuru inférieur est également l'ancien lit d'un lac dont une
partie i.'a été mise à sec que très récemment. L'ensemble du lac
Ruisambu, avec les marais qui l'environnent à l'est et la Semliki à
l'ouest, conduit à cette conclusion que la moitié septentrionale de la
iSemliki n'est qu'un vaste terrain entrecoupé de marécages. La largeur
du Nil, qui a l'apparence d'un lac et qui se rétrécit près des rapides
de Dufilé pour s'élargir de nouveau jusqu'aux marais du Rohl, du
Bahr-el-Ghazal, du Bahr-el-Djébel et du Bahr-el-Zaraf qui sont une
véritable mer de roseaux, est une autre preuve de l'ancienne existence
d'une vaste mer intérieure ou d'une vaste prolongation de la mer dont
les lacs actuels ne sont qu'un faible reste.
Dans le Toro, M. Grogan rencontra d'immenses troupeaux d'élé-
phants et il se livra pendant trois semaines aux plaisirs de la chasse à
Mboga. De cette localité, il descendit à Wadelai par la côte occiden-
tale du lac Albert Nyanza, et de là à Bohr. 11 entreprit alors une
marche de 400 milles à travers des marais inconnus, où il s'égara
plusieurs fois. Mais il fut heureusement rencontré par le major Dunn,
de l'expédition du major Peake, chargée de couper les barrages de
Sudd qui entravent le cours du Nil. Il arriva ainsi à Sobat d'où il gagna
le Caire.
CHRONIQUE 431
I
Dahomey. Le chemin de fer projeté. — Le commandant Guyon
qui a été chargé d'étudier le tracé du chemin de fer projeté de l'Océan
au Niger vient de publier les résultats de sa mission. Cette question
se présente actuellement dans des conditions très favorables. Le
Dahomey jouit, comme du reste la Guinée française et la Côte d'ivoire,
d'une grande prospérité. Le Dahomey a eu, l'an dernier, un excédent
de recettes de 800,000 francs. Il est donc possible' de construire le
chemin de fer aux frais de la seule colonie que la réalisation de ce
projet rendrait encore beaucoup plus riche. A l'heure actuelle, elle
retire ses principaux revenus de l'exportation de l'huile de palme
dont elle a vendu plus de 30,000 tonnes pendant le dernier exercice;
mais elle produit, en outre, du caoutchouc, de la gutta percha, sans
parler des innombrables troupeaux des savanes du Nord et aussi des
cultures de denrées coloniales dès à présent entreprises aux environs
d'AUada . Mais dans l'état actuel des choses, le manque de moyens de
communicatiim rend l'exploitation de l'intérieur impossible. Tous les
transports se font à dos d'homme, ce qui ne permet pas aux produits,
récoltés à plus de 150 ou 200 kilomètres du littoral d'arriver au point
d'embarquement sans subir des majorations de prix excluant tout
commerce. Sans compter que l'activité vainement dépensée de milliers
de porteurs serait beaucoup plus utilement employés à l'agriculture.
Un chemin de fer s'impose donc.
Le tracé de chemin de fer a été arrêté de Cotonou jusqu'au nord du
Dahomey proprement dit, avec un petit embranchement sur Ouidah,
à travers le riche pays d'Allada, et la province moins fertile, mais
beaucoup plus peuplée et cultivée d'Abomey, où les rois dahoméens
avaient concentré les esclaves razziés dans toutes les régions voisines.
Plus au Nord, une étude plus sommaire a été fait jusqu'à Tchaourou,
à mi-chemin du Niger, en ui^ point où l'on quitte la zone littorale
aux produits riches pour rentrer dans la région beaucoup plus maigre
des pâturages soudanais.
D'après les officiers de la mission, le procédé de construction le
plus avantageux serait de faire établir l'infrastructure de la ligne par
des corvées rétribuées fournies pas les chefs indigènes et dirigées par
un service spécial organisé à cet effet dans la colonie. Le travail pro-
duirait une route permettant l'usage de voitures ou pousse-pousse bien
supérieurs comme rendement aux porteurs actuels et sur laquelle on
pourrait poser peu à peu la voie dont le coût total serait de 6o,000 fr.
par kilomètre. Pour couvrir par un chemin de fer du gabarit d'un
mètre, les 700 kilomètres qui s'étendent de l'Océan au Niger, il fau-
drait donc dépenser 40,000,000 de francs.
433 ÉTUDBS COLONIALES
t
On a choisi Cotonou comme point de départ de la ligne projetée
parce que ce centre côtier possède déjà un appontement, le seul de
ce littoral, qui permette de débarquer le matériel lourd nécessaire au
chemin de fer, sans courir les dangers de la barre. Mais alors même
qu'aucune installation n'y existerait encore, Cotonou est le débouché
tout naturel du Dahomey. Ce point est celui où la grande lagune de
Porto-Novo, où se jette TOuémé, se rapproche le plus de l'Océan.
C'est la tête de ligne littorale de la navigation fluviale de la colonie.
Le chemin de fer ne fera donc que s'ajouter aux voies naturelles qui
font de Cotonou le vrai port du Dahomey et la concentration de tout
trafic sur ce point permettra d'y améliorer et d'y compléter les insta-
lations maritimes encore sommaires.
Dahomey. Culture du ricin. — Le ricin exige, pour bien venir,
une terre de moyenne consistance, argilo-silic^use ; il est nécessaire
que ces terres conservent une humidité suffisante pour permettre aux
plantes de se bien développer.
Les semis se font avant la fin de la saison des pluies. On sème par
paquet de trois à quatre graines et l'on conserve entre les lignes et sur
les lignes un espacement de deux mètres. 11 est bon de ne pas enterrer
la graine à plus de 2 ou 3 centimètres dans le fond d'une petite
cuvette qui sera comblée au moment des binages. Après la levée, on
ne conserve qu'un plant par paquet, les autres sont arrachés ; quand les
plantes ont un mètre, on les butte.
La récolte commence trois à cinq mois après le semis; elle se
renouvelle pendant deux ou trois ans. Les inflorescences sont coupées
entières au moment où les capsules jaunissent. On les laisse sécher
sur des nattes au soleil. Les graines se dégagent d'elles méifnes. On
peut compter sur un rendement moyçn de 1,500 kilogrammes. Le
ricin vaut en ce moment de 27 à 30 francs les 100 kilogrammes.
Afrique allemande occidentale. — L'arrangement au sujet de
la construction du chemin de fer de Great Fish Bay, dans le territoire
portugais jusqu'à Otavi dans le territoire allemand, vient d'être défi-
nitivement ccmclu. C'est à Otavi que doit se trouver le centre d'exploi-
tation minière de la. South West African Mining Company. Le montant
des capitaux qui seront engages dans la construction du chemin de fer
et l'exploitation des mines a été fixé à 2,000,000 liv. st. L'affaire est
constituée par des financiers anglais et allemands.
La longueur de la ligne sera de 400 milles. Elle sera le premier
tronçon de la voie qui est destinée à se r(»lier à la ligne du Cap au
CHRONIQUE 433
Caire. La compagnie vient de faire appel à un premier versement de
80,000 liv. st. pour envoyer à Otavi une expédition chargée d^explorer
les mines de cuivre de Ja région.
Afrique allemande sud-occidentale. Un remède contre la
mortalité des chevaux — On dit que le médecin en chef Kuhn a
découvert la possibilité d'immuniser au moyen d'injections les
chevaux sains contre la maladie qui fait tant de ravages parmi ces
animaux dans la colonie allemande du Sud-Ouest de l'Afrique.
Le docteur Kuhn s'est occupé de l'étude de la mortalité des chevaux
dans cette région depuis 1898 et il vient d'annoncer au gouverne-
ment qu' « il était réservé à la colonie Sud-Occidentale de résoudre
complètement le problème de la mortalité chevaline », D'après le doc-
teur Kuhn le mal serait une sorte do malaria propagée par les
moustiques. M. Kuhn qui se trouve déjà depuis quatre atis en Afrique
vient de prolonger son séjour à la demande du gouvernement afin de
terminer ses inoculations préventives. Un certain nombre de chevaux
nialades ont été inoculés et se trouvent bien actuellement. Les chevaux
et les mulets inoculés portent à la jambe gauche un signe représentant
un crocodile. Le procédé du docteur Kuhn exige environ huit
semaines, pendant lesquelles les chevaux ne peuvent être montés. Le
lieutenant Egger s'est aussi occupé activement de la mortalité cheva-
line et a assisté le docteur Kuhn dans ses travaux. Il s'est particuliè-
rement attaché à guérir les chevaux déjà malades, et a réussi dans de
nombreux cas, surtout quand les poumons n'étaient pas encore
envahis par les sérosités. Le sérum du docteur Kuhn conserve son
efticacitc pendant plusieurs mois.
Afrique portugaise orientale. — Les rapports consulaires anglais
de Mozambique et de Uuilimane pour l'année dernière, contiennent
des avis peu favorables sur la situation des possessions portugaises de
cette région. Dans chacune de ces villes, le commerce décline surtout
au point de vue des exportations. La cause en est attribuée pour
Mozambique à la turbulence d'un chef voisin et à l'absence de sécu-
rité pour la vie et la propriété. Il n'est donc pas possible d'entreprendre
l'exploitation agricole d'une manière régulière. De longues périodes
de sécheresse ont également contribué à ce triste état de choses.
A Quilimane, on accuse le mode d'affermage des taxes, connu sous
le nom deprazo, grâce auquel le fermier a, en réalité, le monopole du
commerce dans le district qui lui est concédé. Le consul a visité der-
nièrement le pays environnant Uuilimane et a constaté qu'il est très
434 ÉTUDES COLONIALES
riche en caoutchouc. Il ne doute pas que si la sécurité était rétablie et
que Ton pût se livrer à une exploitation suivie du sol, cette colonie ne
devienne un centre important pour la production du caoutchouc. La
paix et le travail sont les éléments nécessaires pour faire de ce pays
une contrée riche, et de Mozambique, un port commercial important.
A Quilimane la paralysie du commerce est tellement grande que les
meilleures maisons européennes en retirent leurs agences.
Baie de Delagoa. — Un rapport militaire anglais fournit quelques
renseignements sur la baie de Delagoa dont nous extrayons les détails
suivants :
La baie de Delagoa connue aussi sous le nom de Lourenço-Marquez,
d'après celui qui Ta découverte, est le port le plus méridional de
TAfrique portugaise orientale. Elle est située entre le 23<*o0 et 20°40
de latitude sud et entre 32«40 et 32*^50 de longitude est. On l'appelle
souvent « le meilleur port de l'Afrique australe. » La baie est séparée
de l'Océan Indien par une succession d'îles et de bancs de sable; trois
canaux d'accès passent entre ces derniers. Celui du nord est le plus
large et convient le mieux pour des vaisseaux de fort tonnage. Il a
une profondeur de 36 à 48 pieds.
' La baie n'a été sondée qu'imparfaitement et on ne peut pas trop se
fier aux cartes ou aux bouées. La partie méridionale de la baie est
d'une navigation difficile à cause des dépots amenés par les trois
fleuves qui s'y déversent. Les vaisseaux d'un tirant d'eau de 24 pieds
peuvent traverser la barre et entrer dans le port de Lourenço-Marquez
mais les bâtiments d'une jauge supérieure doivent mouiller à environ
huit milles de la ville.
Lourenço-Marquez, capitale et siège du gouvernement de l'Afrique
orientale portugaise, se trouve sur la rive nord de l'English River, une
des rivières qui se jettent dans la baie. La contrée qui l'entoure est
marécageuse et malarienne ; la ville elle-même qui se trouve à 30 pieds
au dessus du niveau de la mer, a une mauvaise réputation bien que la
santé publique s'y soit beaucoup améliorée depuis, qu'une gi'ande
partie de la population a émigré à Reuber point, localité située à une
altitude plus considérable, et qu'elle a été pourvue d'eau de bonne qua-
lité. La ville possède un hôpital de 300 lits et est éclairée à l'électricité.
En décembre 1898, la population totale était de 4,902 âmes se
répartissant en 2,242 Européens, 913 Asiatiques et 1,747 Africains.
San-Thomé et Principe. Culture du cacao. — La culture du
cacao prend une importance de plus en plus grande dans les îles de
CHRONiaUB 43o
San Thomé et de Principe et les exportations de cet article suivent une
progression constante.
En 1889, les exportations de cacao de ces îles avaient une valeur de
1,500 contos ou plus de 6,000,000 de francs; en 1899, elles ont
atteint le chiffre de 5,200 contos ou plus de 20,000,000 de francs.
La récolte de cacao qui, en 1889, était de 2,371,395 kilogrammes,
a été, en 1899, de 13,143,000 kilogrammes.
Le tableau suivant montre le développement de la production du
cacao à San Thomé et à Principe pendant les six dernières années :
1894 lli,872sacs.
1895 117,423 —
1896 IÎ5,I59 —
1897 Ul,663 —
1898 165,755 —
1899 219,052 --
Quand les terres qui restent encore disponibles pour la culture du
cacao dans ces îles auront été mises en exploitation, Texportation
annuelle pourra s'élever à 24,000,000 kilogrammes représentant une
valeur de 8,000 contos.
La quantité de cacao de San Thomé restera alors fixée à ce chift're et
l'on n'aura pas à craindre de surproduction. Les envois de cacao sont
d'ailleurs généralement vendus avant leur arrivée à Lisbonne, et d'autre
part, les essais de plantation de cacao que Ton a faites dans d'autres
parties de l'Afrique, notamment dans l'Angola, n'ont pas réussi. Le
cacaoyer ne produit presque pas à 6 degré au sud de l'équateur.
Madagascar. Le commerce de 1800. — Le commerce de Mada-
gascar a subi une progression notable en 1899. Les importations ont
passé de près de 14 millions en 1896, à près de 28 millions en 1899,
ce qui représente un accroissement de près du double, et les expor-
tations se sont élevées de 3,605,951 francs en 1896 à 8,045,441 francs
en 1899.
Pour les importations, le fait notable est le développement considé-
rable de la part de la France. C'est ainsi que les tissus d'origine fran-
çaise, qui, en 1896, représentaient seulement le tiers des tissus
importés, figurent aujourd'hui pour les neuf dixièmes. Les importa-
tions de vins de France ont passé, de 391,309 francs en 1896, à
2,167,689 francs en 1899; tandis que celles des vins étrangers tom-
baient de 40,671 francs à 3,963 francs. La part de la France, dans les
envois de riz, a passé de 13,068 francs à 760,196 francs en 1899;
436 ÉTUDES COLONIALES
tandis que celle de l'étranger tombait de 373,874 francs à 53,4SS francs.
Ces exemples pourraient être multipliés.
D'autre part, les produits de la colonie, qui, en 1896, étaient expor-
tés, en majeure partie, en Angleterre et en Allemagne, sont aujour-
d'hui, en grande majorité, expédiés en France; la part de la métro-
pole représente aujourd'hui les cinq huitièmes des exportations
malgaches.
Les importations de caoutchouc en France, par exemple, ont passé
de 103,862 francs en 1896, à 1,047,382 francs en 1899.
A propos de commerce de Madagascar, il faut noter que Tamatave
y a concouru moins que les années précédentes. Les marchandises
importées par ce port ont été de 10,592,872 francs pour l'année 1899
contre 11,634,857 francs en 1898 et 10,899,083 francs en 1897, soit
une diminution de 1,041,985 francs sur le chiffre de l'année 1898 et
de 305,211 francs sur 1897.
Le poids des marchandises importées a été de 15,853,480 kilogr.
La part de ce port représente encore les tren^te-huit centièmes du
commerce des importations de la colonie et les trois dixièmes environ
de celui d'exportation, malgré la peste qui a sévi, on s'en souvient,
à diverses reprises, à ïamatave, en 1899.
Madagascar. La soie d'araignée. — On pourra voir, à la section
coloniale de l'Exposition de Paris, une collection de rideaux de lit
fabriqués à Madagascar avec de la soie fournie par une araignée du
pays. Cet insecte, qui est énorme et que l'on trouve en grande quan-
tités dans certains districts de l'île Malgache, se nomme l'halabe.
C'est à M. Nogué, directeur de l'Ecole technique d'Antananarivo,
que l'on doit l'utilisation de l'halabe. Et les résultats obtenus jusqu'à
présent font prévoir que l'industrie de la soie d'araignée prendra bien-
tôt une grande importance. La grande difficulté était de trouver un
moyen pratique pour dépouiller les araignées femelles de leur soie.
M. Nogué y est arrivé en imaginant un ingénieux appareil qui permet
de a traire » une douzaine d'insectes à la fois. Les araignées acceptent
avec beaucoup de résignation la réclusion temporaire qui leur est
imposée dans l'appareil, bien que leur caractère soit, en général, loin
d'être d'une douceur exemplaire. Ainsi, le mode ordinaire par lequel
l'halabe femelle répond aux avances des mâles, consiste simplement à
les dévorer. Et il arrive bien souvent que le même sort atteigne les
halabes femelles plus faibles. La soie est enlevée, d'après le procédé
de M. Nogué, au moyen d'un mécanisme à main, tournant avec une
grande rapidité. Aussitôt qu'une araignée a fourni toute sa provision
CHRONIQUE 437
de fils, elle est remplacée par une autre, de sorte que le travail se
poursuit sans interruption. Les halabes dépouillées sont remises en
liberté et peuvent, dix jours après, être soumises de nouveau à l'opé-
ration. La soie de ces araignées est d'une couleur or extrêmement
brillante; elle est beaucoup plus fine que celle des vers à soie; sa
force de résistance est remarquable et on peut la tisser sans la
moindre difticulté.
Guinée française. — L'aspect pittoresque du Fouta-Djàlon a
permis au gouverneur, M. Bayol, de l'appeler la Suisse africaine,
image poétique mais bien peu exacte cependant d'après ce qu'en dit
M. le D'^Maclaud, membre d'une mission d'études à travers la Guinée
française et le Fouta-Djalon. Des plateaux dénudés que les indigènes
appelcnt bowals semblent caractériser le Fouta-Djalon ; ils en occupent
les neuf dixièmes en superficie. Vers le mois de mars, quand les
pluies commencent à tomber, un tapis de graminées extrêmement
frêles et délicates semble sortir de la pierre. Ces plateaux contiennent
deux plantes très intéressantes. La première, dont le nom scientifique
est Lonchocaiyus Cyaeiius n'est pas autre chose que la liane indigo.
Elle n'est pas exploitée par les Européens, mais le' commerce de
l'indigo avec les pays du Soudan est très important. La seconde est
le Landolphia ftendelotiiy la liane à caoutchouc. On s'étonne de trouver
sur ces plateaux, où il semble que rien ne devrait pousser, des lianes
à caoutchouc en très grande abondance. La raison que donne de ce
phénomène M. Maclaud est paradoxale en apparence. Quand les ani-
maux qui se nourrissent des finiits mûrs du Landolphia, en ont
disséminé dans la brousse les graines au hazard de la digestion, la
saison des pluies fait éclore rapidement les jeunes plantes. Celles qui
sont tombées en bonne terre ont atteint une hauteur de un mètre,
quand cesse l'hivernage; celles que le hazard a disposées sur le rocher
n'ont guère que quelques centimètres de tige, leurs racines ont dû
aller parfois bien loin pour chercher une fissure d'où elles pourront
tirer leur nourriture. Mais quand vient Tépoque des grands incendies
annuels, la liane des bas fonds perdue au milieu d'une épaisse végéta-
tion herbacée, disparait dans le brasier. Tandis que la plante du
bovval, chétive il est vrai, mais plus résistante encore que les frêles
graminées qui constituent le révêtement végétal du plateau rocheux,
en est quitte pour roussir l'extrémité de ses feuilles. D'année en année
elle devient plus robuste, son écorce épaisse et couverte de cicatrices
la défend de l'incendie.
En un mot la liane à caoutchouc est commune dans les endroits où
438 ÉTUDES COLONIALES
elle ne devrait pas se trouver. Cette liane présente divers aspects. Elle
est tantôt sarmenteuse, sur le bowal ; au contraire dans les endroits
boisés, elle escalade les plus grands arbres et elle laisse tomber de
leur cime de véritables bouquets de jolies fleurs blanches, dont
l'odeur rappelé le jasmin et le muguet.
ASIB
Annam. La culture du coton. — M. Judée, qui s'est livré à des
essais de plantation du cotonnier américain dans T Annam, fournit
des observations intéressantes sur les expériences qu'il a faites. Le
climat de TÂnnam, dit-il, se prête tout particulièrement à la culture
du coton, car ses saisons bien établies et régulières le disposent mieux
que son voisin, le Tonkin, à ce genre de culture. L'hivernage qui com-
mence vers la fin de septembre est terminé en mars ; les orages ne font
leur apparition que vers la fin de juillet, l'on a donc environ cinq à six
mois pour laisser mûrir et pour récolter son coton, ce qui ne peut se
faire au Tonkin où la saison des pluies vient précisément en mai, juin,
juillet et août, c'est-à-dire au moment de la récolte, fait qui rend
presque impossible la culture du coton.
De tous les terrains, celui qui convient le mieux à cette culture est
le terrain sablonneux-argileux. Le meilleur moment pour semer est
le mois de novembre ou décembre au plus tard. C'est alors que les
pluies, si nécessaires aux jeunes plants, sont les plus abondantes.
Il y a une chose importante qui doit fixer le planteur sur le choix
du terrain à acquérir : c'est le voisinage de la mer qui est un puissant
auxiliaire, car les effluves marines donnent au coton une souplesse et
une élasticité que n'ont pas les cotons de l'intérieur, ce qui est une
raison pour préférer l'Annam au Tonkin.
En Amérique, où la main-d'œuvre est chère, cette culture nécessite
un capital variant de 600 à 900 francs par hectare. En Annam, où la
journée des ouvriers est très bon marché, l'on peut arriver à réduire
sensiblement le capital engagé. M. Judée l'estime de 300 à 3o0 francs
par hectare.
Asie Orientale. Mission commerciale des Etats-Unis. — Un
bill concernant l'envoi d'une mission commerciale améric^aine en
Chine ot au Japon, vient d'être déposé «nu parlement de Washington.
CHRONIQUE 439
Le crédit demandé est de 73,000 dollars. L'exposé des motifs fait
remarquer que des missions analogues ont été envoyées par TAngle-
terre, la France et l'Allemagne et qu'elles ont fourni aux commerçants
et aux industriels de leurs pays respectifs, de précieuses informations
pour l'exportation de leurs produits.
Le commerce des Etats-Unis avec l'Asie Orientale s'est développé
d'une façon brillante dans les dernières années et les pays industriels
d'Europe constatent des effets de leur concurrence dans différentes
branches de l'activité. Voici les progrès faits par les exportations des
Etats-Unis vers la Chine, le Japon et Hong-Kong dans les dernières
années :
DOLLARS.
189o 12,491,597
1896 19,302,819
1897 31.239,950
1898 36,645,3U
1899 39,490,6o3
En 1899, les exportations se sont réparties en 17,26i,688 dollars
pour le Japon, 14,930,440 dollars pour la Chine et 7,732,525 dollars
pour Hong-Kong.
Shanghaï. Musée commercial américain. — Le Musée com-
mercial de Philadelphie vient de réaliser un projet que la «National
association of Manufacturées » avait émis depuis quelques temps, à
savoir, l'établissement d'un magasin et d'un musée d'échantillons à
Shanghaï. La dite association a envoyé récemment aux principales
firmes d*exploitation des Etats-Unis, une invitation à s'associer au
projet et les adhésions ont été si nombreuses que la réalisation de
l'idée peut être considérée comme décidée. La National association a
déjà acquis, depuis plusieurs mois, un vaste terrain sur lequel s'édi-
fiera un grand bâtiment destiné à la vente et à l'exposition de pro-
duits américains.
Sibérie. — Les Russes qui fondaient de si belles espérances sur
l'achèvement du chemin de fer de la Sibérie pour ouvrir de nouveaux
débouchés à leur commerce et à leur industrie en Sibérie et dans la
Mandchourie, se voient menacés d'une concurrence ruineuse de la
part des Américains. Ceux-ci ont introduit pendant l'hiver d'énormes
quantités de marchandises par Wladiwostok. Ces marchandises com-
prennent tous les articles imaginables à des prix défiant toute con-
currence. Mais ce n'est pas seulement Wladiwostok et les autres villes
4i0 ÉTUDES COLONIALES
de la Sibérie Orientale que les Américains ont envahi, ils ont pénétré
jusqu'à Irkutsch, le centre commercial de la Sibérie. De plus, ils ont
commencé à acquérir de grandes étendues de terrains pour s'y livrer
à l'exploitation des mines ou pour y établir des moulins. Ces diffé-
rents faits ont amené les négociants russes, établis en Sibérie, à
envoyer une députation au gouverneur de Saint-Pétersbourg pour le
prier de prendre des mesures contre l'envahissement des produits
américains. Il n'est pas impossible qu'on les y accueille favorable-
ment, car on doit craindre dans les milieux pétersbourgeois que les
Américains n'attirent à eux les grands profits que l'ouverture de la
Mandchourie semble promettre.
La concurrence américaine attire l'attention sur le développement
de Wladiwostok dont l'existence n'est pas encore lointaine. Quand,
après 1870, la Société des Télégraphes du Nord dont le siège est à
Copenhague, entreprit l'établissement d'un câble entre Wladiwostok et
Hong-Kong, elle fut obligée de commencer par abattre des arbres
dans la première de ces localités pour construire des logements pour
ses ouvriers. Aujourd'hui, Wladiwostock est une ville de 30,000 habi-
tants dont le tiers sont des Chinois, des Japonais et des Koréens.
Parmi les Européens, on trouve les Allemands qui tiennent le com-
merce dans leurs mains. La ville présente un caractère mixte. Dans le
port, fourmillent les sampans chinois, tandis que dans les rues, on ne
rencontre que des attelages russes. Les chantiers navals sont très
étendus et leur énorme bassin de radoub peut recevoir des cuirassés
de 12,000 tonneaux. On y trouve aussi des chantiers pour la construc-
tion des torpilleurs et deux docks flottants. La ville est protégée par
plusieurs batteries. La situation de Wladiwostock serait parfaite sans
la rudesse du climat. En hiver, le port est gelé. Le gouvernement
russe a fait construire, en 1897, à Copenhague, le brise-glace Nadeschny
qui sert à permettre l'accès du port, pendant la saison rigoureuse.
Formose. Production du camphre. — A propos de la pro-
chaine adjudication du monopole du camphre à Formose qui donne
lieu à des compétitions extrêmement vives, un journal local fait
remarquer que sur les six millions de catties de camphre produits dans
le monde, Formose en fournit cinq. A Java, à Sumatra, à Bornéo et au
Japon, la réserve est presque épuisée, tandis qu'à Formose, il y en a
encore pour quatre-vingts ans. D'autre part, comme cinquante ans
suffisent pour amener un camphrier à maturité, on peut considérer
cette île comme une mine inépuisable. La seule condition nécessaire
est un mode de plantation rationnel.
CHRONIQUE 441
OCEANIE
Java. Rapport commercial pour 1898. — Le Moniteur offieiel
du Commetxe, publié en France par Je Ministère du Commerce, con-
tient un excellent rapport de M. Belin, consul de France à Java, sur
la situation commerciale des possessions hollandaises d'Océanie. On
y trouve un aperçu général de la situation agricole de la colonie,
d'autant plus nécessaire que la prospérité économique du pays est
intimement liée à Tétat de l'agriculture. La crise agricole et indus-
trielle dont les Indes néerlandaises souffrent depuis 1884, loin de
diminuer, s'est au contraire étendue et a progressivement augmenté.
Au début, ce n'était que l'industrie sucrière qui semblait sérieusement
en cause, mais peu à peu les atteintes de la crise se sont fait sentir sur
tous les produits de l'agriculture. Le dépréciation générale des pro-
duits agricoles ne provient pas de causes inhérentes à la méthode de
culture ou aux procédés commerciaux de la colonie; il faut en recher-
cher les motifs dans la surproduction du globe. En ce qui concerne
le sucre, les planteurs paraissent satisfaits de la situation actuelle qui
s'est améliorée depuis 1887. Ils ne désirent qu'une chose, c'est, que
cette situation dure encore de nombreuses années; mais ils redoutent
la mise en exploitation des territoires conquis par les États-Unis de
l'Amérique du Nord. Il est certain que si les États-Unis, aujourd'hui
un des principaux clients de la coloniedes Indes néerlandaises, venaient
à faire défaut, ce serait un coup néfaste porté à l'industrie du sucre.
Aussi le commerce de l'Ile de Java s'efforce de s'attirer le marché
asiatique pour la vente des sucres afin de remédier à cette éventualité.
Ce commerce efl'ectue actuellement un travail opiniâtre de pénétration
dans les principaux ports de la Chine. La récolte de sucre s'est élevée
à 11,349,523 piculs (le picul vaut 61.76 kilog.) chiffre supérieur
à la récolte la plus considérable depuis 1884, celle de 189o avec
8,85o,7d0 piculs : elle surpassait presque du double celle de 1884. Les
prix des sucres, suivant qualités, sont actuellement de 6,87 1/2 à
7 fl. 2o le picul. Il découlerait d'informations personnelles du consul
de France que, loin d'atteindre 6 fl. 30 (chiffre renseigné par les
publications officielles), les frais de production du sucre ne s'élève-
raient qu'à la somme de 3 fl. 50 par picul, ce qui laisserait encore au
producteur un bénéfice de plus de 100 p. c. et une large marge pour
442 ÉTUDES COLONIALES
lutter contre la concurrence. Il existait, au 31 décembre 1897, 171 raf-
fineries de sucre à Java. La moyenne de rendement des plantations
de sucre à Java est de 91,86 piculs par bouw (le bouw équivaut à
7,096 mètres carrés). Il existe deux procédés pour traiter la canne à
sucre ; celui de la compression, qui a l'avantage de ne nécessiter qu'un
matériel rudimentaire et peu coûteux est presque exclusivement
employé, quoiqu'il laisse perdre une grande quantité de matière sac-
charinée, et souille le produit obtenu de toutes espèces d'impuretés.
Trois raffineries seulement emploient à Java le procédé de la diffusion.
Le matériel d'une raffinerie normale au moyen de ce procédé coûl«
de 5 à 600,000 florins.
Les produits de la culture de la canne à sucre donnent des résultats
très variables. Ces écarts ne s'élèvent pas à moins de 40 à 4S p. c.
Autrefois Java s'était acquis une sorte de monopole de fait pour la
vente des cafés. Aujourd'hui Java en est arrivé au point de n'être
plus maître du cours des prix qu'il est |obligé de régler sur ceux du
Brésil. La culture est pratiquée de préférence sur des hauteurs de
800 à 1000 mètres au dessus du niveau de la mer, c'est-à-dire à des
altitudes où la température est moins variable. Le rendement dans
les bonnes années varie entre iO et 20 piculs par bouw quand l'arbre
atteint son plein développement. J^e café demande cinq années de
culture pour arriver à la production. Le café des Preangers est le plus
estimé dans le commerce. Plusieurs procédés sont employés pour
remédier aux atteintes du terrible champignon « l'hemileia vastatrix »,
qui amène le dépérissement des caféiers auxquels il s'attaque en moins
de deux années. Deux de ces procédés sont dûs au docteur Burck,
ancien directeur du jardin botanique de Buitcnzorg.
Le premier de ces remèdes est préventif : on emploie une solution
de 0 p. c. de chloride de fer (F 2 C L 6) à laquelle on ajoute autant
d'hydroxyde de fer (F 2 0 H), qui est nécessaire pour bien faire adhérer
la solution aux feuilles. Cette solution est appliquée à la partie infé-
rieure des feuilles au moyen d'un pulvérisateur. Cette opération doit
être effectuée au moins une fois par mois, dès l'apparition de la
maladie et plus tard à de plus longs intervalles jusqu'à ce qu'elle ait
disparu. Le second remède consiste à piquer, dès le début de l'infec-
tion, les feuilles attaquées, au moyen d'une aiguille trempée dans de
l'acide sulfurique. Ces deux remèdes n'ont d'ailleurs donné que .de
médiocres résultats, l'n troisième moyen auquel on a eu recours et
qui est radical, est de détruire les plants du caféier de Java et de les
remplacer par le Libéria, qui semble jusqu'ici rebelle aux atteintes de
l'Hemileia vastatrix.
CHRONIQUE 443
Les récolles des plantations de caféiers du gouvernement (il y faut
comprendre non seulement les produits des plantations que TEtat fait
fructifier pour son compte, mais aussi les cafés qu'il achète aux indi-
gènes pour les écouler ensuite sur les marchés d'Europe) ont donné,
au point de vue des profits réalisés, de maigres résultats, pour ne pas
dire des pertes. Les résultats obtenus pour la première vente de 1899
ont affecté péniblement les planteurs. La production des plantations
de l'Etat a atteint en 1898, 247,393 piculs; il n'a été mis en vente par
les soins de l'Etat, en 1898, que 100,000 piculs. Les marchés de Batavia,
d'Europe et des Etats-Unis regorgent de stocks considérables inven-
dus. Les exportations de cafés des particuliers se sont élevés à
243,962 piculs à fl. 59.17 1/2 le picul comme prix extrêmes.
Le thé est à Java une culture d'importation. Le thé se cultive à Java,
soit sur des terres cédées par le gouvernement, en location ou en
emphythéose, soit sur des terres cédées en propriété à des particuliers.
On y cultive principalement deux sortes de thé : le thé chinois et le
thé d'Âssam, qui tous deux ont d'ailleurs parfaitement réussi. Comme
dans l'île de Ceylan, Java tend à remplacer la culture du café par celle
du thé. Il est difticile d'exposer le bilan commercial d'une plantation
de thé, mais ce bilan peut être établi par déduction. En effet, la plu-
part des plantations de thé ont été formées en sociétés et le cours
actuel des titres peut faire apprécier la valeur commerciale des
plantations de thé. Il faut remarquer l'espoir que fonde l'épargne sur
la culture du thé, puiscjuc toutes les émissions de ces sociétés ont été
souscrites entièrement et que la valeur des actions de ces entreprises,
qui n'ont même pas encore fourni de rendement, ont atteint des cours
au dessus du pair : c'est dire la confiance que le public met dans la
rémunération future de ce genre d'industrie. En ce qui concerne les
plantations en rapport, le taux de capitalisation est variable. En effet,
la société « Perbawatie » qui, depuis 1894, distribue des dividendes
variant entre 18 3/4 et 25 p. c. a vu le cours de ses actions ne s'élever
qu'au taux de 207 i/2 p. c, tandis que les actions des sociétés
« Goalpara » et « Ramawatie » qui n'ont réparti respectivement que
des dividendes de 8, 17 et 12 1/4 p. c. pour la première et 12 p. c.
pour la seconde ont atteint les cours de 175 et 172 p. c. de leur
valeur primitive. En général, le public à Java est assez confiant dans les
entreprises nouvelles, c'est un public d'emballement. Le café a été tué
par la surproduction du globe, le consul français craint pour le thé,
dans un avenir relativement rapproché, un sort de même nature.
Autrefois la culture du tabac à Java se bornait aux nécessités de la
consommation ; aujourd'hui, on l'a passablement étendue et le tabac
44i ÉTUDES COLONIALES
de Java est devenu un article d'exportation. C'est à Besoukhi que
l'industrie agricole du tabac est la plus développée.
En 1887, Java et Dell n'exportaient que 21,330,604 kilogrammes de
tabac; en 1898, ce chiffre montait à 61, 632,647 kilogrammes. La
valeur des tabacs ne subit pas les fluctuations de prix que l'on relève
pour le café et le sucre. C'est une culture de toute sûreté si on parvient
à effectuer les récoltes dans de bonnes conditions. On affirme que cer-
taines plantations des sultanats de Deli et de Langkat parviennent à
distribuer des dividendes de 200 à 250 p. c.
Malgré l'extension de la culture du riz à Java, on n'arrivera pas à
satisfaire aux besoins de la consommation locale. En 1898, il y a eu
une différence en faveur des importations, de 17,733,679 kilogrammes
Dans ce chiffre ne figure pas le montant des riz apportés dans Java par
le cabotage entre les diverses îles de la Sonde. II n'existe que peu de
sociétés anonymes s'occupant de la culture du riz. Parmi celles-ci, la
« Maatschappij tôt exploitatie van Rystlanden » a donné en 1898,
30 p. c. de dividendes. Les actions de cette société valent actuellement
1,950 florins chacune pour une valeur nominale de 1,000 florins.
Les plantations de quinquina à Java, se divisent en plantations du
Gouvernement et plantations des particuliers. L'Etat possède des plan-
tations à Lembang, Nagrak, ïirtasari, ïjissirocan, Tjibeureum, Tjibi-
toeng, Rioeng-Goenoeng et Kassali-Tjimidii.La production totale des
quinquinas provenant du Gouvernement a été en 1897 de 325,887 kil .
Il existe environ une centaine de plantations de quinquina apparte-
nant à des particuliers. Les exportations d'écorces de quinquina se
sont élevées en poids, de 703,313 livres à 8,360,480 livres en 1898.
Les Hollandais qui dirigent continuellement leurs efforts vers la meil-
leure mise en valeur des produits de Java, ont fondé en 1896, à Ban-
doeng, une usine pour la fabrication du sulfate de quinine. Cette
entreprise a été fondée au capital nominal de 400,000 florins.
Il existe encore d'autres produits agricoles secondaires : Tindigo,
fourni par Tindigotier, genre de légumineuse ; en 1898, son exportation
a monté à 873,436 kilogrammes et le coprah, huile végétale, obtenue
par la compression de l'enveloppe de la noix de coco dont l'exporta-
tion est en décadence dans les dix dernières années avec 33,754 tonnes
en 1898.
Dans toute la colonie, y compris Sumatra, Bornéo et les Celebes,
il n'y a que 3oo fabriques ou usines. En considérant que la popula-
tion s'élève à 40,000,000 d'habitants, on est surpris de constater le
minime développement de l'industrie proprement dite. Les importa-
tions pour le compte des particuliers se sont élevées à 171,658,153 flo-
CHuoNiQrE 445
rins en 1898, pour le compte de TÉtat à 8,163,279 fl. Les exportations
pour le compte des particuliers ont été de 204,193,898 florins, celles
de l'État de 13,560,199. Ces dernières sont en décadence. Les impor-
tations de la Belgique sont très peu importantes. Elles comprennent
de la bière en bouteilles, du ciment, des machines à vapeur, verreries,
ouvrages en fer, confections, mercerie, tissus de soie et de demi-soie,
engrais, le tout pour des chiffres infimes.
La gutta-percha. — La gutta-percha est une substance épaisse et
gommeuse fournie par un arbre qui croissait autrefois en abondance à
Sumatra et dans les autres îles du détroit de la Sonde. Antérieure-
ment, cet arbre était très répandu dans les forets qui s'étendent au
pied des montagnes de la péninsule de la Malaisie, mais à force
d'épuiser les plantations, les indigènes les ont détruites si bien que la
gutta-percha provient aujourd'hui de Bornéo et de l'archipel indien.
La gutta-percha est produite par un grand arbre qui mesure de l'"50
à 2 mètres de diamètre, sa tige est droite et atteint une hauteur de 20 à
25 mètres. La principale cause de la disparition de la gutta-percha a
été le mode d'extraction du produit. Les indigènes, en effet, procé-
daient à l'extraction de la précieuse gomme par la saignée, ce qui
amenait la mort de l'arbre. Le consul de France à Singapore a fait un
rapport intéressant relatant la genèse de l'industrie de la gutta-
percha en Malaisie. 11 a fait ressortir notamment l'état actuel de cette
industrie qui à l'aide de procédés nouveaux parvient à extraire la
gutta des feuilles de l'isonandra. M. Ledeboer est l'inventeur de ce
procédé.
Une société hollandaise s'est formée pour l'exploitation du procédé
dont il s'agit. Cette société a pour nom « Nederlandsche gutta-percha
maatschappij ». Ses statuts ont été approuvés le 4 juin 1898. Le siège
social est établi à Medan (Sumatra). Le capitid est de 200,000 florins en
2,000 actions de 100 florins. Le but de la société est : la mise en valeur
d'une concession à bail emphytéotique plantée d'isonandra et située
dans l'île de Lingga (archipel de Riouw) d'une superficie de 2 mille
800 hectares, la récolte des feuilles des arbres cultivés et l'achat des
mêmes feuilles dans l'archipel de Riouw, la préparation de la gutta-
percha et la vente des produits obtenus. La société prétend pouvoir
fabriquer avec le procédé dont elle dispose des quantités considérables
de gutta d'une qualité supérieure. Depuis plusieurs années déjà les
feuilles étaient l'objet d'un commerce dans l'archipel de Riouw; elles
étaient exportées à l'état sec sur Singapore, pour être dirigées ensuite
sur l'Europe où on procédait à l'extraction par des procédés chi-
OF TH€
UNIVERSITY
CF
446 ÉTUDES COLONIALES
miques. Cette exportation a cessé, la gutta fabriquée en Europe ne
répondant pas aux desiderata. La société nouvelle ne travaillera que
la feuille verte et fraîche, et l'enverra chercher dans les différentes îles
par un navire spécial. En outre la société crée des plantations d'Iso-
nandra. Dès la première année elle étêtera les arbres afin de les forcer
à se développer en largeur. Dès la deuxième année on peut prévoir
une petite récolte. D'après les espérances de la société une plantation
de 400,000 arbres de cinq ans donnerait dans la cinquième année
4,000 tonnes de feuilles mortes; 60 kilogrammes de feuilles d'Iso-
nandra donnent 1 kilogramme de gutta.
Pour préserver le procédé de M. Ledeboer de toute divulgation une
surveillance des plus sévère est exercée tant sur la plantation que sur
l'usine de Lingga, afin d'écarter les indiscrets. Une nouvelle entreprise
d'extraction de la gutta au moyen du rendement par les feuilles a
été créée à Bornéo, près de Pontianak, par M. Brandt de Singapore.
BIBLIOGRAPHIE
Streifzûge durch Ost- und Sfld-Afrika, par Mohitz Schanz. In-8o de 216 i)ages.
Berlin, Meiiieckc (Deutscher Kolonial Verlag), 1900.
L'intéressant ouvrage que nous analysons constitue une sorte de
voyage idéal, ou de revue géographique des contrées de l'Afrique
Orientale et Australe. Il transporte successivement le lecteur dans
l'Afrique britannique, allemande et portugaise, puis à Zanzibar, aux
Cbmores, à Madagascar, aux îles de la Réunion et de Maurice, et enfin
dans ces pays du Cap, qui appelent aujourd'hui, par un privilège plus
glorieux qu'enviable, l'attention universelle. On est frappé du grand
nombre de renseignements géographiques, économiques, statistiques
et même historiques, qui se trouvent réunis sous un volume relative-
ment mince, dont l'impression, toutefois, est peut-être un peu trop
compacte Le livre est d'un grand intérêt, et continue dignement la
série des publications de son auteur, qui s'est fait un nom entre les
géographes et les économistes de l'Allemagne.
Sûd-Afrika und der Handel Deutschlands. Brochure in-8o de 52 pages. Dresde,
Steinkopff et Springer, 190<).
Ce petit, mais utile travail est principalement destiné aux commer-
çants. C'est une étude des divers pays qui divisent l'Afrique Australe,
au point de vue de leur productivité et de l'avenir commercial de
chacun d'eux. Un tableau statistique du commerce de l'Allemagne
avec l'Afrique Australe, complète la brochure, dont il n'est pas besoin
de faire ressortir l'intérêt d'actualité et qui sera consultée avec profit
par les hommes d'affaires, quelle que .soit leur nationalité.
Bilans congolais. Etude sur la valeur cominerciale du Congo par rapport à la Bel-
gique, par Alpli. PosKiN, licencié en sciences commerciales. Bruxelles, 0. Schepens
et Ci» (Société belge de librairie), 1900.
L'auteur de cette intéressante brochure s'est proposé, en vue des
débats qui peuvent se rouvrir cette année sur la question de l'annexion
du Congo à la Belgique, de mettre sous les yeux de nos compatriotes
448 ÉTUDES COLONIALES
les résultats obtenus dans les bassins du grand fleuve par notre activité
coloniale. Ce travail donne des renseignements très étendus siu* les
productions utiles du territoire et sur les soixante-cinq sociétés belges
qui se sont constituées pour la mise en valeur du sol congolais. Il per-
met d'apprécier d'un coup d'œil la productivité de notre grande entre-
prise africaine. L'auteur conclut avec raison au maintien du système
de gouvernement qui a produit ces résultats.
Histoire de la découyerte du Kalagua, par Ch. Patin, consul général honoraire
à Bruxelles, Weissenbruch, 1900.
M. Patin, que ses études botaniques ont fait connaître au public
colonial, consacre cette petite brochure à un nouvel antiseptique
végétal, extrait d'une plante du Pérou et qui, d'après les expériences
relatées par l'auteur, paraît pouvoir être employé avec succès contre la
tuberculose.
La pacification de Madagascar (opérations d*octobre 1896 à mars 1899). Ouvrage
rédigé d*aprcs les archives de Tétat-inajor du corps d'occupalion, par F. Hellot.
Un volume in-4o de 528 pages, illustré, avec 51 cartes. Paris, Chapelot et Q^, 1900.
Ce travail qui porte en tète le nom et le portrait du général Gal-
lieni, contient le compte rendu détaillé des opérations militaires
auxquelles a donné lieu la soumission de Madagascar.
Il est rédigé d'après les rapports officiels et les spécialistes peuvent
y trouver, en dehors des récits d'expédition, des indications intéres-
santes sur le fonctionnement des divers services militaires. L'ouvrage
est édité avec un véritable luxe, peu ordinaire dans la publication
de rapports militaires et qui dénote la préoccupation de se faire lire du
grand public.
La trayersée de l'Afrique (du Zamhèze au Congo français), par Edouard Foa. Un
volume in-lâ de 5:25 pages, avec 44 gravures et une carte. Paris, Plon-Nourrit et C*^
1900.
Le récit du long voyage de M. Foa, dont l'importance n'est ignorée
d'aucun de ceux qui s'intéressent aux sciences géographiques, est des-
tiné à occuper une place d'honneur dans l'histoire des explorations
africaines. Les lecteurs belges y verront de longues pages consacrées
à la traversée des régions orientales de l'Etat du Congo. M. Foa les a
trouvées fort troublées par la révolte des Batetela qui venait de se
BIBLIOGRAPHIE 449
produire, et sur les causes de laquelle il émet des appréciations très
dignes d'attention. Il fait d'ailleurs un portrait fort élogieux de plu-
sieurs de nos compatriotes. L'attrait de ce livre, auquel on peut pré-
dire un succès mérité, est augmenté par la beauté de ses illustrations.
 signaler aussi les échantillons de musique indigène transcrits à la
fin du volume.
Monographie de Tombouctou, par Mgr Hacquard, vicaire apostolique du Sahara
et du Soudan français. Un volume in-12o de 120 pages avec illustrations et une carte.
Paris, Société des Études coloniales et maritimes, 1900.
Ce petit ouvrage est divisé en trois parties : géographie physique,
géographie politique et histoire de la conquête. Ecrit dans un but
de vulgarisation, il contient à ces trois points de vue des renseigne-
ments succincts mais non sans valeur.
La France au point de vue moral, par Alfred Fouillée. Un vol. in-8** de
416 pages. Paris, Félix Alcan, 1900.
Le livre de M. Fouillée est le témoignage d'un penseur indépen-
dant, d'un observateur éclectique et sans esprit de parti sur la crise
morale d'un grand peuple. Beaucoup d'ouvrages ont paru en France,
qui s'inspirent du même sentiment d'inquiétude patriotique. Les
principaux apôtres du mouvement colonial se sont efforcés d'y faire
voir un moyen de relever et de développer l'énergie nationale. C'est à
un tout autre point de vue que s'est placé M. Fouillée, mais son livre
n'en est pas moins utile et recommandable. La lecture en est très
attachante, même pour les étrangers qui ne sont guère plus exempts
que les Français des maux dérivant d'une civilisation intense, dont
la marche toujours fiévreuse est bien propre à troubler l'équilibre
des intelligences et des caractères.
En plein Soleil, par Léopold Gourouble. Un vol. in-lâ de 103 pages avec
deux cartes. Bruxelles, P. Lacomblez, 1900.
Nous trouvons dans ce petit volume quelques impressions d'Afrique
d'un ingénieux humoriste belge, devenu magistrat congolais. La plume
alerte et l'ironie de bonne humeur de M. Gourouble se retrouvent dans
le récit de son voyage à Bankana, et dans le fragment plus court con-
sacré à la passe Swinburne. C'est le Congo humoristique, que les
lecteurs graves auraient tort de dédaigner, car ce genre de récits
4S0 ÉTUDES COLONIALES
complète heureusement notre documentation sur l'Afrique, en nous
donnant l'impression vivante de la vie qu'on même là-bas, et du
caractère des populations.
Au Congo (1S98). Impressions d'un touriste, par le baron E. de Mandat-Grancey.
Un vol. in-12 de 500 pages, avec gravures et une carte. Paris, Pion - Nourrit,
et Oie, 1900.
Voici Tun des plus intéressants parmi les nombreux récits de
voyage qu'a enfantés la célèbre excursion de 1898. La plupart de ceux
qui avaient été invités à l'inauguration du chemin de fer se sont cru
obligés d'offrir au public leurs impressions d'Afrique. Celles de
M. de Mandat-Grancey, observateur « très parisien », sont extrême-
ipent curieuses à lire, un peu superficielles parfois, mais souvent très
remarquables. Sous une forme enjouée, et au milieu de nombreuses
digressions, on y trouve une théorie très complète et très juste de ce
que doit être de nos jours une colonie d'exploitation. Ce qui frappe
dans les opinions de l'auteur, d'ailleurs peu partisan pour son propre
pays de la politique coloniale, c'est Tadmiration qu'il exprime haute-
ment pour le roi Léopold et pour le gouvernement du Congo belge.
Le Laos et le protectorat français, par le capitaine Gosselin, ancien commis-
saire du gouvernement du Laos. Un vol. in-lâ, illustré de cinq gravures et d'une
carte du Laos. Paris, Perrin et O^, 1900.
Cet ouvrage donne des renseignements intéressants sur l'un des pays
soumis au protectorat français en Extrême-Orient, sur les mœurs de
la paisible et douce population laotienne et sur les abondantes pro-
ductions utilisables de la contrée. Un des chapitres les plus curieux
de ce livre, d'ailleurs fort bien écrit, c'est le récit dramatique de la
fuite du jeune roi d'Annam Ham Njhi, qui chercha vainement au Laos
un refuge contre l'invasion.
Deutsch Ost-Afirika, par le Dr F. Wahltmann. Un vol. in-S» de 92 pages avec
46 planches et une carte. Berlin, F. Telge, 1900.
Le D*" Wahltmann donne dans ce livre le récit du voyage qu'il fit
dans l'Afrique Orientale allemande, en 1897-1898, pour le compte de
la section coloniale du ministère des affaires étrangères. C'est une des
nombreuses missions scientifiques que la colonisation allemande orga-
nise pour préparer la mise en valeur des territoires. Celle de M. Wahlt-
mann est importante par les renseignements qu'elle donne sur les
BIBLIOGRAPHIE 451
entreprises de cultures coloniales, café, agave, vanille, tabac, etc.,
dont le territoire allemand possède des exemples très remarquables.
La valeur de Touvrage est augmenté par ses nombreuses planches,
d'une fort belle exécution, représentant pour la plupart des vues de
plantations.
Les Finances de la Russie au XTX^ siècle (Historique et Statistique), par Jean
DE Bloch. Deux vol. 111-4", de 2($6 et 518 pages. Paris, Guillaumin et O^, 1000.
L'ouvrage de M. do Bloch est un véritable historique de l'empire
russe, depuis Pierre le Grand, conçu au point de vue financier, qui
entraîne, du reste, une série d'aperçus sur la direction politique
adoptée suc4;essivement par les empereurs. Ce travail est très intéres-
sant et mérite d'être signalé au public belge : on n'ignore pas que le
développement économique actuel de la Russie est lié à l'expansion
de notre propre industrie.
Carte de FÉtat indépendant du Congo, publiée par la Belgique Financière.
En vente à la librairie Falk fils, à Bruxelles.
Cette c^rte se distingue des publications analogues, déjà mises dans
le commerce, en ce qu'elle porte l'indication des limites des conces-
sions commerciales accordées par l'Etat.
ÉTAPES GOIiOHlflltES
No 7 7« Année Juillet 1900
LA KAÏIÊÂTION -^
^ YANÊ-TZE-KIANg
)ne des questions qui préoccupent le plus les nations
occidentales désireuses de pénétrer en Chine et de s'y
créer de nouveaux centres d'activité, est assurément
celle de la navigation du Yang-tze-Kiang. Ce fleuve constitue une
admirable voie de pénétration dans une des parties les plus riches,
les plus actives et les plus peuplées de la Chine. Creusé dans un
sol fécond, bordé de villes nombreuses, alimenté par d'importants
affluents, le système du Yang-tze-Kiang sera aux mains des nations
assez avisées pour en tirer parti, un instrument de richesse dont
il n'est pas possible d'estimer l'étendue. Tout ce qui peut nous
aider à mieux connaître cette région mérite donc d'être accueilli
avec empressement; il nous semble donc d'un haut intérêt de
faire connaître les idées exposées dernièrement par M. Bruno
Navarra, ancien éditeur du Ostasiatischer Lloyd, au Central
Verein fur EandeUgeographie, de Berlin (1). On verra par les
détails qui vont suivre, que M. Navarra connaît à fond le sujet qu'il
a traité et que ses avis sont dignes d'arrêter l'attention de tous
(1) hxpcrt — Organ de» CefUralvef*ein» fur HandeUgeographie und Fortkrung DeuUcher
Intereaen im AwUmde, 1900, no* 5, 6, 7, 8.
iSi ÉTUDES COLONIALES
ceux qui dirigent leurs yeux vers la mise en valeur des ressources
de la Chine. >
En décrivant, au début de sa conférence, Tenlrée du Yang-tze-
Kiang, M. Navarra déclare qu'il est resté comme tous les voyageurs,
d'ailleurs, sous le coup de l'inoubliable impression que produit sur
le spectateur, l'immense embouchure par laquelle le fleuve se jette
dans l'Océan. Ce spectacle avait déjà frappé, au XIIP siècle, Marco
Polo, qui représente ce cours d'eau comme étant le plus grand de
la terre et comme réunissant dans ses eaux plus de bateaux et de
marchandises que tous les fleuves et mers de la chrétienté ensemble.
Il dit encore que le « grand fleuve » a, en certains endroits, une
largeur de 10 milles marins — assertion qui n a rien d'exagéré —
et qu'au dire des fonctionnaires des douanes, le nombre des bâti-
ments qui remontent ce cours d'eau s'élève, chaque année, à deux
cent mille.
Comme le Nil, le Yang-tze-Kiang change plusieurs fois de nom
dans son cours de plus de 800 milles. Depuis sa source, qui se
trouve dans leThibet, jusqu'aux frontières du Kokonor, il est connu
sous la dénomination de Muru-Susu ou de Katschi uran; de
Hsûtschu-fu à Yatschaufu, deux localités commerciales de la pro-
vince de Setschuen, il porte le nom de Kinschakiang, c'est-à-dire,
de fleuve au sable d'or ; il reçoit ensuite l'appellation de Takiang,
le grand fleuve, et enfin, dans son cours inférieur, on le désigne
sous l'expression de Yang-tze, qui signifie, selon l'étymologie la
plus vraisemblable, descendant de la terre ou enfant du pays. La
quantité d'eau que ce fleuve déverse dans la mer est évaluée,
d'après les calculs les plus récents, à trois quarts de millions de
pieds cubes par seconde.
La longueur du cours du Yang-tze, depuis sa source jusqu'au
moment où il se perd dans l'Océan près de Shanghaï, est de
3,.000 milles marins; à vol d'oiseau, celte dislance ne serait que
de i,800 milles marins. En quittant le Thibet, il arrose successi-
vement les provinces de Yunnan, de Setschuen, de Hupeh, de
Kiangsi et de Kiangnau. Le sol que le fleuve a créé depuis
qu'il existe doit représenter une superficie énorme. Depuis le
XIV® siècle, il s'est formé, à son embouchure, une île (l'île de
Tsungmiée) d'une longueur de 35 milles marins et d'une largeur
de plus de 10 milles. Au temps de Marco-Polo, il n'y en avait pas
LA NAVIGATION DU YANG-TZE-KIANG 488
encore de trace. Les principaux affluents du Yangtzé sont, en
partant de sa source, le Yaiungkiang, le Minkiang, que les Chi-
nois regardent comme, le cours originaire du fleuve et qui est
lui-même navigable, le Kialing-Kiang et le Wukiang. Entre
Itschang et Hankau, le Yangtze absorbe les eaux du lac Tungting,
le plus vaste de la Chine (60 milles allemands) ; il les lui rend,
du reste, à l'époque de sa crue. Près de Hankau, il reçoit le
Hankiang qui est navigable et qui offre cette particularité de
n'avoir au moment où il se jette dans le Yangtze que 200 pieds de
largeur, tandis que son cours devient de plus en plus large à
mesure qu'on s'éloigne de son embouchure. Au-dessous de Kin-
kiang, les eaux du lac Poyang, dont la superficie est de 20 milles
allemands, se déversent dans le fleuve qui, ensuite, est encore
alimenté par une douzaine d'autres grands affluents et par plu-
sieurs lacs.
D'après les dernières observations, le cours inférieur du Yangtze
est beaucoup plus récent que le cours supérieur, celui qui se
trouve au-delà des rapides. La grande province de Setschuen
constituait, à une époque géologiquement parlant, peu éloignée,
une immense mer intérieure. L'énorme masse d'eau qu'elle conte-
nait, rompit le barrage naturel que les monts séparant le Set-
schuen de la province voisine de Hupeh, opposait à sa force, et,
laissant après elle le lit du lac à sec, permit au système fluvial
actuel de s'organiser. La conformation présente de la vallée du
Yangtze ne peut, du reste, pas être considérée comme définitive.
Les principaux rapides du fleuve sont nés dans les temps histo-
riques et l'un des plus dangereux, celui deYunyanghien, ne remonte
qu'à l'année 1896; il fut déterminé par suite d'un écroulement
dans la chaîne de montagnes voisine et il interrompit, pendant un
certain temps, toute communication.
Le cours inférieur du Yangtze n'offre pas de difficultés particu-
lières à la navigation, sauf peut-être à l'endroit connu sous le nom
de « Langshan Crossing ». C'est un banc de sable qui se trouve à
une cinquantaine de milles en amont de Wusung, l'avant-port de
Shanghaï, et qui est dangereux par suite du changement continuel
qui s'y produit dans la profondeur de l'eau. Au printemps et au
plus fort de l'été, c'est-à-dire pendant la saison des hautes eaux,
des steamers dont le tirant d'eau atteint jusqu'à 25 pieds peuvent
456 ÉTUDES GOLONIALKS
arriver facilement à Hankau, situé à une distance de 600 milles
marins de Wusung. Pendant l'hiver, le fleuve n'est navigable, a
cause du peu de volume de ses eaux, en amont de Wuhu, qui se
trouve à mi-route entre Shanghaï et Hankau, que pour les stea-
mers d'un tirant d'eau moyen. Les différences qui se produisent
dans le niveau des eaux du fleuve sont considérables. Ainsi à
Hankau, il s'élève parfois, au mois de juillet, de 55 pieds tandis
qu au mois de mars, il baisse d'un nombre égal de pieds. Dans
la même ville, la rapidité du courant est de 3 milles marins à
l'heure, en hiver, tandis qu'en été, elle est de 4 milles et parfois
plus.
La navigation est un peu plus difiicile sur la longue distance,
d'environ 400 milles marins, qui s'étend de Hankau à Itschang. On
peut toutefois la considérer comme n'ofirant aucun danger pour les
steamers. Le nombre des accidents dont les vapeurs ont été vic-
times sur cette partie du fleuve, est insignifiant. Dans les vingt
dernières années, on n'en cite guère que deux. En hiver, l'eau
baisse souvent de 30 à 40 pieds entre Hankau et Itschang, et le
fleuve n'est alors navigable que pour les bâtiments dont le tirant
ne dépasse pas 5 à 6 pieds.
La dernière section du Yanglze, navigable pour les steamers, est
celle qui s'étend de Itschwang à Tschungking. Elle a une longueur
d'environ 450 milles marins. Par suite des rapides qui commencent
à quelques milles en amont de Itschang, la navigation rencontre
certaines difficultés qui sont toutefois loin d'avoir l'importance
qu'on leur attribue dans les journaux anglais. Cette section n'a
pas encore été parcourue par un steamer, mais il résulte de l'avis
de gens compétents qui ont étudié le cours du fleuve dans cette
région, qu'il serait parfaitement possible à des steamers spéciale-
ment construits et pourvus de puissantes machines, d'assurer le
service sur cette partie du Yangtze.
La navigabilité du cours supérieur du Yangtze a attiré l'attention,
pour la première fois, en 1869. L'Angleterre chargea alors un
officier de marine et un de ses consuls en Chine d'étudier la ques-
tion sur les lieux. Leur rapport fut nettement défavorable; ce qui
n'a rien d'étonnant si l'on songe que la vitesse des vaisseaux de
guerre n'était, il y a trente ans, que d'une dizaine de milles à
l'heure et qu'une canonnière ne pouvait guère fournir plus de 5 à
LA NAVIGATION DU YANG-TZE-KIANG
457
6 milles à l'heure. Aujourd'hui une vitesse de 15 à 20 milles n'a
rien d'extraordinaire.
En 1886, un marchand anglais établi à Itschwang, M. Archibald
Little, qui avait consacré beaucoup de temps à l'étude du régime
du coui's supérieur du Yangtze, fonda, en Angleterre, une société
dans le but de lancer sur le fleuve un steamer destiné à faire le
service entre Itschwang et Tschungking. Le bateau qui était un
GORGES DU NlUKAN.
sternwheel d'une contenance de 300 tonnes, arriva à Itschwang
en 1888. Malheureusement sa force dé propulsion n'était pas
assez grande pour vaincre la force de l'eau et on le vendit à la
« China Merchants Go » qui l'employa à la navigation entre Han-
kau et Itschwang.
A part les rapides, la section Itschwang-Tschunking n'offre
guère de dangers pour les vapeurs appropriés à la nature du
fleuve. Us doivent toutefois être doués d'une vitesse de 1:2 à 14 mil.
les. D'après les calculs les plus récents, la vitesse du courant, près
de Yunyang, dans le rapide le plus dangereux, ne dépasse pas
4S8 ÉTUDES COLONIALES
7 à 8 nœuds à Theure pendant la saison des hautes eaux. II suffi-
rait donc de disposer d'un steamer faisant 15 nœuds, ce qui est
aujourd'hui une vitesse facile à obtenir, pour remonter aisément
le courant. On ne doit toutefois pas perdre ici de vue un facteur
dont Tiraportance ne pourra être démontrée que par l'expérience.
Dans des circonstances ordinaires, un bateau qui lutte avec une
vitesse de trois nœuds contre un courant de deux nœuds, avancera
d'un nœud. Si cette règle était générale, un bateau qui navigue
avec une force de 15 nœuds contre un courant de 8 nœuds, devrait
avancer de 7 nœuds. Il est cependant douteux qu'un marin expé-
rimenté soit de cet avis, car on ne doit pas oublier que le bateau
qui lui te contre le courant cherche aussi à atteindre un niveau
plus élevé. On doit donc admettre qu'il dépensera une partie de sa
force à réaliser ce deuxième objet. Il faut encore tenir compte des
changements de courants qui peuvent survenir à tout instant et
qui sont périlleux. Quoi qu'il en soit, on peut admettre qu'un
bateau d'une vitesse de 15 nœuds est capable d'entreprendre la
montée du fleuve sans courir de risques sérieux. Comme en été,
les eaux du Yangtze montent de 30 à 40 pieds, les bateaux n'ont
pas à craindre, à cette époque, d'aller se heurter contre les rochers
dormants ou autres obstacles du même genre. En hiver, le cou-
rant doit avoir une vitesse moyenne de 5 nœuds et une capacité
de HO pieds cubes à la seconde. Ces chiffres démontrent que
même au moment des plus basses eaux, on pourrait trouver, dans
les endroits les plus dangereux, un canal de 15 pieds de profon-
deur au moins.
L'importance commerciale du Yangtze fut mise en lumière par
l'ambassadeur anglais Lord Macartney (1796), et par Lord
Amherst (1816), mais ce n'est qu'en 1842, pendant la guerre anglo-
chinoise, que des bâtiments étrangers naviguèrent pour la pre-
mière fois sur les eaux du fleuve. Au mois d'août de cette année,
une flotte anglaise se dirigea vers Tschinkiang et après s'être
emparée de cette place, elle se rendit à Nanking où le gouverne-
ment chinois fut obligé de signer le traité auquel cette dernière
ville a donné son nom.
Il s'écoula cependant encore seize années avant que l'on prît des
mesures pour ouvrir au commerce, les provinces arrosées par le
Yangtze inférieur. Le traité de Tien-tsin qui fut conclu en 1858,
LA NAVIGATION DU YANG-TZE-KIANG 489
donnait au5c .anglais dans son article X, le droit de faire le com-
merce sur le 'ce grand fleuve »; en outre, trois ports devaient être
ouverts entre l'embouchure du fleuve et la ville de Hankau. A cette
époque, le pays était troublé par la révolte des Taipings qui occu-
paient Nanking. Il fut entendu que l'ouverture des trois ports ne
se ferait qu'après le rétablissement de l'ordre. Une expédition
anglaise remonta cependant le fleuve en i858 jusque devant Hankau
et une autre alla établir, en 1861, des consuls dans les ports de
Tschinkiang, de Kiukiang et de Hankau, sans rencontrer la
moindre opposition.
Après que la paix eût été rétablie (1863), la navigation étrangère
prit un grand essor entre Shanghaï et Hankau. Cette dernière ville
est le centre de transbordement du thé et pendant la saison du thé
(mai-aoùt) de nombreux vapeurs et voiliers sillonnent les eaux du
Yangtze. Une firme américaine établie en Chine vers 1850 et dis-
parue depuis une dizaine d'années, avait fait construire en Amé-
rique plusieurs bateaux sur le principe des vapeurs fluviaux usités
sur ce continent, grâce auxquels elle établit un service régulier
de passagers et de marchandises entre Shanghaï et Hankau. Des
vapeurs et des voiliers étrangers se rendaient aussi dans ce dernier
port. Ils étaient du modèle connu sous le nom de « Theeklippers »
et naviguaient presque tous sous pavillon anglais. C'étaient les
voiliers les plus rapides qu'on eût encore construits; ils parcou-
raient la distance de Shanghaï en Angleterre en 90 ou 100 jours
au maximum. Vers 1860 et les années suivantes, on voyait encore
de ces bateaux à Hankau. Us ont dû finalement céder devant la
navigation à vapeur.
Le transport du thé donnait lieu, chaque année, entre les
bateaux, à des concours à qui amènerait le plus tôt sur le marché
anglais le thé embarqué à Hankau. Ces courses étaient suivies
avec grand intérêt en Angleterre dans les milieux intéressés. On
pariait fort à ces occasions et les armateurs faisaient construire
des bâtiments spéciaux pour prendre part à ces luttes de vitesses.
Le record fut battu, il y a une quinzaine d'années, par le Stirling
castle qui fit le voyage de Hankau à Londres en trente jours, soit
à une vitesse moyenne de 14 milles par heure. La grande concur-
rence que le thé indien a fait au thé chinois depuis une vingtaine
d'années a eu pour eflet de faire cesser complètement ces courses.
460 ÉTUDES COLONIALES
Actuellement le transport du thé de Hankau se fait presque exclu-
sivement par des bâtiments russes. En 1885 encore, on chargeait
quinze bateaux anglais pour Londres et trois navires russes pour
Odessa ; en 1890, il n*y avait que quatre bateaux anglais et huit
russes ; depuis lors, les navires anglais ont entièrement cédé la
place aux russes. Le thé en destination de Londres s'embarque à
présent à Shanghaï.
Actuellement le service entre Shanghaï et Hankau est assuré
régulièrement par six compagnies de navigation : quatre anglaises,
une chinoise et une japonaise. Ce sont :
Nombre
de vapeurs. Tonnage.
BuUerfield et Swire 5 5.695
Jardine, Matheson &0 3 5,180
China Mercbants & 0 4 5,025
Grcaves&Co 4 3,175
Geo. Me Bain & Co 2 1,325
Nippon Yuseu Kaischa 2 815
Totaux. . . . "TF 21,215
La Chine participe donc à la navigation régulière du Yang-tze
avec quatre steamers et le Japon avec deux. La capacité de ces
navires varie entre 400 et un peu plus de 1,900 tonneaux. Us sont
tous, à l'exception de ceux de la « China merchants » qui sont
munis de roues à aubes, des steamers à hélice ; plusieurs ont même
de doubles hélices. La vitesse est de 10 à i4 milles à Theure et le
voyage aller et retour de Shanghaï à Hankau exige, en moyenne,
une semaine.
A côté de ces bâtiments, naviguent un grand nombre de vapeurs
qui vont prendre du riz à Tsinkiang ou à Wuhu pour le trans-
porter à Canton. On ne rencontre pas de voiliers étrangers sauf un
genre spécial de bateaux appelés « Lortschas ». Ce sont pour la
plupart d'anciens voiliers devenus impropres au service de mer
dont on a enlevé les mâts et qu'on a appareillé à la manière des
jonques, c'est-à-dire qu'on les a munis de trois mâts élevés por-
tant chacun une voile. Autrefois ces lortschas se trouvaient sous
le commandement d'Européens ayant sous leurs ordres un person-
nel composé de Chinois. Aujourd'hui tout l'équipage est chinois.
Les lortschas doivent, contrairement aux jonques qui échappent à
L-V NAVIGATION DU YANG-TZE-KIANG
461
l'autorité des douanes maritimes qui sont placées sous une direc-
tion étrangère, faire des déclarations d'entrée et de sortie au
bureau des douanes. Il n'est pas possible de donner une évalua-
tion, même approximative, de Timportance du mouvement des
jonques sur le Yang-tze. On peut dire toutefois que ce système
de transports décroit chaque année pour faire place à la navigation
à vapeur.
Le service à vapeur de la section Hankau-Itschang (environ
400 milles marins) est assuré par trois sociétés : une anglaise, une
chinoise et une japonaise. Jusqu'à l'ouverture de Itschang (1887),
cette partie de fleuve n'était parcourue que par les jonques. Une
couple d'années plus tard on vit apparaître un petit steamer de la
« China merchants » et bientôt après un vapeur anglais. En 1890,
il s'y trouvait cinq steamers faisant le service des passagers et des
marchandises. D autre part, les premiers bateaux avaient été rem-
placés par d'autres plus grands et plus pratiques ; ces derniers ont
une contenance de 700 à 1,000 tonneaux. Il y a une couple d'années,
une compagnie japonaise est également entrée en concurrence.
Chacune de ces trois sociétés possède un steamer dans cette
région. Le bateau chinois est suranné; ceux des compagnies
anglaise et japonaise sont récents et jaugent de 6 à 7 pieds;
leur fond est plat et leur vitesse maxima est de 10 à 12 nœuds à
l'heure. Ils font le voyage à la montée en 50 heures environ et à la
descente, en 35 heures; bien entendu, si le temps est favorable.
La troisième section, celle de Itschang à Tschungking, qui doit
sa mauvaise réputation aux rapides, a une longueur de plus de
400 milles marins. De tout temps, les transports y ont été effectués
par de lourdes jonques. On peut diviser ces jonques en trois caté-
gories, selon qu'elles ont une capacité de 20 à 30 de 40 à 50 ou
de 60 à 70 tonneaux. On rencontre aussi quelques bateaux de plus
de 100 tonneaux mais leur navigation est très difficile et très
risquée dans la région des rapides. Le tirant d'eau des jonques des
trois classes est de 1 à 3 pieds. Leur prix est respectivement
de 100, 300, et 700 taëls, entièrement appareillées. Elles ont un
fond plat et un seul mât muni d'une grande voile. Quand on se sert
de cette dernière, on descend dans l'eau une longue rame que l'on
adapte à la proue ; cette rame est plus importante pour gouverner
l'embarcation que le long gouvernail qui se trouve à la poupe ;
462 ÉTUDES COLONIALES
grâce à elle, on peut faire tourner le bateau sur place en quelques
secondes ; elle protège aussi contre le risque de heurter les écueils
et elle est d'un grand secours pour doubler les coudes brusques ou
raides.
Un pilote et un timonier sont responsables de la marche de ces
jonques. Les grands bateaux ont à la montée, un équipage d'une
centaine d'hommes dont quinze rament ou poussent le bâtiment au
moyen de longues perches ; ces bateliers ont aussi la charge de la
longue rame; sept ou huit hommes sont nécessaires pour le service
du petit bateau qui précède la jonque et qui sert de canot de pilotage ;
ce dernier indique le chemin dans les passages difficiles; on l'emploie
aussi à transporter à terre et ensuite à ramener à bord, les hommes
qui doivent haler l'embarcation à travers les rapides. Les grands
bateaux emploient à ce travail de 70 à 80 personnes. Près de
chaque rapide, on trouve en outre des stationnements de plusieurs
centaines de coolies qui offrent leurs services pour le halage. Une
grande jonque emploie jusqu'à 150 haleurs supplémentaires ; une
jonque moyenne 100, et une petite 50. Chaque coolie reçoit
8 kàsch (à peu près 3 centimes) pour ce travail.
L'équipage est enrôlé pour chaque voyage. Chaque homme
reçoit pour le parcours de Itschang à Tschungking, environ
10 marks outre la nourriture. La traversée dure de vingt à trente
jours, selon la saison. Au retour, l'équipage n'obtient que rarement
un salaire; il paie sa traversée par son travail.
La saison la plus favorable est l'hiver. L'eau est alors à son
niveau le plus bas et par suite, le courant est le plus faible. Les
grandes jonques, entièrement chargées, exigent un mois, en hiver,
pour arriver à Tschungking; les moyennes et les petites font le
voyage plus vite et plus facilement. La descente se fait en dix à
douze jours. En été, la montée réclame plus de temps; par contre,
la descente se fait plus vite.
Les jonques sont très solidement bâties. Comme elles ont plu-
sieurs cloisons étanches, le nombre des embarcations qui dispa-
raissent est très restreint. On évalue la perte annuelle à 2 p. c. La
plupart des échouements se produisent de mai à juillet, pendant
l'époque de la plus forte crue.
L'affrètement d'une grande jonque pour le voyage d'Itschang-
Tschungking est d'environ 3,000 marks; celui d'une jonque
LA NAVIGATION DU YANG-TZE-KIAXG
463
moyenne es^ de moins de la moitié de ce prix et celui d'une petite
n'est que de 500 marks. Le prix de location pour le retour est
d'environ la moitié du voyage d*aller. Le fret à la montée est
naturellement plus élevé qu'à la descente. Il présente cette singu-
larité de ne se calculer qu'à la pièce. Une caisse d'aiguilles à
coudre paie donc le même prix qu'une balle de coton, c'est-à-dire
HALEURS CHINOIS.
une moyenne de 6 marks par pièce. Le poids ne joue aucun
rôle. Le colis peut peser 50 ou 500 livres. Ce fret est très avan-
tageux si on le compare à celui que réclament les vapeurs de la
ligne Shanghai-Hankau. Une grande jonque peut transporter envi-
ron SOO balles de Shirtings ou 240 balles de fils de coton. I^our
mieux pouvoir les arrimer et les manier, on réunit généralement
deux balles en une seule. On peut se faire une idée de l'impor-
tance du mouvement des jonques en évaluant à 200,000 le nom-
bre des hommes d'équipage qui arrivent annuellement à Tschung-
king.
464 ÉTL'DES COLONIALES
On possède des statistiques sûres sur le mouvement des steamers
de la section Tschingkiang-Itschang, les deux extrémités de la
navigation à vapeur sur le Yang-tze-Kiang. D'après les données
des douanes maritimes impériales chinoises, le tonnage, tant à
rentrée qu'à la sortie, a atteint. Tannée dernière, 12 millions de
tonneaux. Le port le plus fréquenté a été Tschingkiang, puis
viennent Wuhu, Kiukiang et Hankau. L'importance de la naviga-
tion fléchit à mesure que l'on remonte le fleuve. Tandis qu'à
Tschingkiang, elle représente 4 millions de tonneaux, à Hankau
ce chifire tombe à plus de la moitié. Des deux autres ports situés
en amont de Hankau, Schasi et Itschang, le dernier n'accuse que
300,000 tonneaux environ. Il n'est pas question de Tschung-king
qui, jusqu'à présent, n'est desservi que par les jonques.
Les 12 millions de tonneaux se répartissent de la manière sui-
vante : plus de 8 millions pour les navires anglais et plus de
3 millions pour les chinois; le reste se partage entre les autres
nations, c'est-à-dire entre l'Allemagne, la Norwège, et le Japon.
La navigation japonaise fait des progrès constants, grâce à l'éta-
blissement d'un service régulier.
Après cet intéressant et complet exposé de la navigation du
Yang-tze, M. Navarra passe à l'examen de la valeur commerciale
des ports à traité situés sur les rives du fleuve. La première
ville qui se présente à l'attention est Shanghaï, qui est devenue,
en un demi-siècle, un des centres commerciaux les plus impor-
tants du monde. On peut comparer la situation de ce port aux
villes hanséatiques de Hambourg et de Brème, car il constitue
également une petite république. Shanghaï qu'on a, à juste titre,
appelée la « colonie modèle » a sa propre administration commu-
nale. Son territoire s'étend sur une superficie d'environ cinq
milles allemands. Dans cette enceinte, vivent près d'un demi mil-
lion d'habitants dont à peine 10,000 sont étrangers. Les frais
d'administration de la ville s'élèvent à un demi-million de marks
par an.
La richesse que les grands marchands chinois ont accumulée à
Shanghaï est énorme; on ne possède malheureusement pas de
renseignements pour l'évaluer. Le mouvement commercial avec
l'étranger est intense. On s'en fera une idée en songeant que
l'importation et l'exportation réunies montent ù 250 à 300 millions
LA NAVIGATIOxN DU YANG-TZE-KUNG 465
de marks par an. Les navires qui entrent et sortent du port repré-
sentent un total de 10 millions de tonnes par an. Dans l'avenir,
l'importance de Shanghai ne pourra qu'augmenter. Celte ville
n'est reliée aujourd'hui par chemin de fer qu à son avant-port de
Wusung, situé à environ deux milles allemands de distance, mais
cette ligne sera bientôt prolongée vers les villes de Sutschau et de
Hangschau et portée ensuite jusqu'à Tschingkiang, port à traité
JONQUE DE CHARGE.
du Yang-tze. Elle se soudra ici à la ligne à construire par le syn-
dicat anglo-allemand, de Tien-tsin à Tschingkiang. D'un autre
côté, la ligne de Kiau-tschéou à Itschaufu doit se rattacher à cette
dernière. Shanghaï verra donc sa sphère commerciale s'étendre
encore davantage.
A Wusung, le gouvernement impérial a cédé une étendue con-
sidérable de terrain pour l'établissement d'une station étrangère.
On propose d'y faire de grands travaux de quai. Et il est à croire
que les grands bâtiments européens se rendront dans ce port pour
opérer leur chargement et* déchargement.
466 ÉTUDES COLONIALES
Tschinkiang est, en réalité, la porte du Yang-tze. Cette ville se
trouve dans la province de Kiangsu, à environ 150 milles marins
de Shanghaï. Autrefois, elle avait une grande importance straté-
gique parce qu'elle commande le canal impérial qui, dans son voi-
sinage, débouche dans le Yang-tze. Cette ville possède 150,000 habi-
tants dont 200 environ sont étrangers. Le commerce étranger de
Tschinkiang a atteint l'année dernière, un peu plus de 23 millions
de Hk. Tls. dont 12 1/2 millions de Hk. Tis. reviennent aux impor-
tations.
Nanking a été différentes fois le siège de la cour chinoise. En
dernier lieu, ce fut au commencement du XV" siècle sous la dynastie
des Mings. Les murs qui l'entourent ont une étendue de cinq
milles allemands. Cette ville ne compte toutefois qu'un demi mil-
lion d'habitants. Elle ne s'est pas encore relevée des ravages que
lui ont fait subir les Taïpings et elle ne le fera peut être jamais.
Une grande partie de l'étendue comprise dans ces murs est occu-
pée par des champs.
Bien que Nanking eût été déclaré port ouvert par le traité fran-
çais de 1858, les étrangers n'ont jamais insisté pour son ouver-
ture. Celle-ci s'est faite, sans réclamation, au printemps de l'année
dernière. Il semble, du reste, douteux que la ville acquière jamais
une importance comme port, à cause de la proximité de Tschin-
kiang.
Wuhu se trouve à mi-chemin entre Tschinkiang et Kiukiang.
Cette ville a été ouverte au commerce étranger en 1877. Sa popu-
lation est de 80,000 habitants dont 150 étrangers. Grâce à l'expor-
tation du riz, cette place a pris une grande importance pour la
navigation à vapeur. Le commerce extérieur de Wuhu a atteint,
l'année dernière, la valeur de 10 millions de Hk. Tls. ; les impoi*-
tations étrangères ont contribué pour près de 4 millions de Hk. Tls.
à ce chiffre,
Kiukiang a été ouvert en 1858, mais les étrangers ne s'y sont
établis qu'en 1861. Il se trouve à moins de 200 milles marins de
Hankau. La population est de 50,000 âmes. Les étrangers sont au
nombre de 200. Cette ville est devenue un port prospère grâce à
l'exportation du thé- La plus grande partie du thé se transporte
cependant à Hankau pour être envoyé de là en Europe. Le com-
merce extérieur de Kiukiang a atteint, l'année dernière, le chiffre
LA xavi(;ation du yang-tze-kiang 467
de 17 1/2 millions de Hk. Tls. dont 7 millions Hk. Tis. pour les
importations.
Hankau, dans la province de Hupeh, se trouve à environ
6â0 milles marins de Shanghaï. Cette ville se trouve au confluent du
Han et du Yangtze et en face de Wutschang, la résidence du gou-
verneur général des deux provinces de Hu. Hankau a été proclamé
port ouvert en 1858, mais les étrangers ne s'y établirent qu'en 1861.
La population de cette ville est de 800,000 âmes. Le nombre des
étrangers est sujet à des fluctuations, la saison du thé en amenant
un gnind nombre. On peut cependant dire qu'il s'en trouve de
400 à 500.
Hankau est un centre commercial de premier ordre ; d'abord,
parce que c'est le grand marché pour l'exportation du thé et ensuite
parce que c'est le dépôt de toutes les marchandises venant de
l'ouest de l'empire. Du million et demi de piculs de thé (environ
200 millions de livres) que la Chine a exportés l'année dernière,
près des deux tiers provenaient de Hankau. La plus grande partie
de ce thé se dirige vers la Russie, partie par mer, partie par voie
de terre. Au point de vue de l'importance du commerce extérieur,
Hankau occupe la troisième place. Elle n'est dépassée que par
Shanghaï (88 millions Hk. Tls. en 1898) et par Tien-tsin(63 millions
Hk. Tls.). Son commerce extérieur ^^ atteint, l'année dernière, une
valeur de 54 millions Hk. Tls., dont 16 millions Hk. Tls. pour
l'importation.
Hankau est sans aucun doute destinée à prendre bientôt une
nouvelle importance. La grande usine métallurgique, la fabrique
d'armes et de poudre et les tissages qui se trouvent dans les envi-
rons (Hanyang) et qui appartiennent au vice-roi de Wutschang lui
donnent déjà l'apparence d'une ville industrielle. L'achèvement de
la ligne Pékin-Hankau, construite par un syndicat belge, augmen-
tera encore la prospérité de la ville.
Le port de Shasi se trouve à 85 milles en amont de Hankau. Il a
été ouvert par le traité de Shimonoseki (1895). Mais on peut se
demander si le choix du Japon a été heureux, étant donné que
cette ville se trouve à si peu de distance de Hankau. Shasi compte
80,000 habitants. Le nombre des étrangers y est excessivement
minime. L'importance commerciale de cette place est insignifiante.
Son commerce n'a atteint que le chiffre de 171,000 Hk. Tls. l'année
468 ÉTUDES COLONIALES
dernière ; 24,000 Hk. Tls. en reviennent aux importations étran-
gères. Cette ville n'intéresse donc pas beaucoup le commerce
extérieur. Elle a toutefois une valeur assez grande pour le com-
merce du Hupeh. On y constate presque toujours la présence d'un
grand nombre de jonques. Shasi est le point d'intersection des deux
grandes voies de communication de la Chine, dont l'une se dirige
du nord au sud et l'autre de l'est à l'ouest.
Itschang qui se trouve à 1,000 milles marins de Shanghaï a été
ouvert le 1- avril 1877. Cette ville a 35,000 habitants dont 60 à 70
sont étrangers. Cette localité a perdu beaucoup de son importance
par suite de l'ouverture de Tschung-King en 1891. Le commerce
y est tombé pendant les dix dernières années de 12 millions de
Hk. Tls. à 1 1/4 million.
A quelques milles au-delà de Itschang, commencent les gorges à
travers lesquelles le Yangtze se fraie un passage. Le paysage y est
magnifique et les rapides présentent un coup d'œil plein d'attrait.
La section Itschang-Tschungking a été peu fréquentée jusqu'à pré-
sent, mais cette situation changera aussitôt quun vapeur confor-
table aura été lancé sur cette partie du fleuve. Dans un an, un
steamer allemand fera le service de cette section.
Tschungking, qui se trouve dans la province de Setschuen et
qui est éloigné de Shanghaï, de 1,400 milles marins, est la capitale
commerciale de la Chine occidentale. Bien que cette ville ait été
reconnue au commerce étranger par le traité de 1876 et ouverte
officiellement en 1891, les Japonais ont stipulé expressément dans
le traité de Shimonoseki (1895) qu'ils auraient le droit de prolonger
leurs lignes de navigation jusqu'à cet endroit. La ville se trouve
bâtie sur une presqu'île rocheuse et compte 300,000 habitants. Les
étrangers qui s'y trouvent actuellement sont presque exclusivement
des employés de consulats et des douanes et des missionnaires.
Tschungking ne possède que fort peu d'industrie locale, mais il
a de l'importance au point de vue commercial parce qu'il est le
centre où convergent les produits de l'Ouest et du Sud-Ouast de
l'empire pour être vendus ou pour être transbordés. Son commerce
extérieur a monté en trois années, de 1896 à 1898, de 13 miUions
à 17 1/2 millions de Hk. Tls.; les importations entrent pour huit
millions de Hk. Tls. dans ce chiffre, il est certain que l'établisse-
ment d'une ligne de steamers contribuera beaucoup au développe-
LA NAVIGATION DU YANG-TZE-KIANG 469
■ raent de cette place, en attendant le jour où elle sera reliée par
chemin de fer à Itschang et à Hankau.
Le tableau suivant donne les chiffres du commerce extérieur
(importations et exportations) des ports à traité situés sur le
Yangtze, y compris Shanghaï, depuis 1896, en Ilaikwan-taels :
PORTS. 1896. 1897. 1898.
Tschungking .... 18,151,000 17,971,000 17,426,000
Itschang 2.210,000 1,799,000 l,29o.000
Schasi 42,000 516,000 ■< 71,000
Hankau 44,506,000 49,720,000 55,771,000
Kiukiang 14,250,000 14,865,000 17,500,000
Wuhu 11,624.000 8,888,000 10,180,000
Tschinkiang 22,950,000 24,145,000 25,145,000
Shanghaï 95,055,000 101,852.000 88,644,000
11 résulte des chiffres précédents, que le commerce extérieur
n a augmenté dans ces ports depuis 1896, que d'un peu plus de
8 millions de Hk. Tls. Si Ton fait abstraction de Shanghaï, qui n'est
pas, à proprement parler, un port du Yangtze, Taugmentation a
été de plus de 15 millions de Hk. Tls.
Il peut être intéressant de donner quelques renseignements au
sujet des provinces où sont situés les ports à traité afin de se
rendre compte des articles dont se compose le commerce d'expor-
tation des ports du Yangtze. Les articles d'importation ne diffèrent
guère de ceux qui sont introduits à Shanghaï. Ils consistent donc
principalement en tissus et fils de coton, tissus de laine et demi-
laine, métaux, opium, pétrole, couleurs, allumettes, sucre,
machines, etc.
La première province que Ton rencontre en remontant le fleuve
est le Kiangsu, dont la superficie est d'environ 100,000 kilomètres
carrés et la population de 2^ millions d'âmes. Elle possède donc
en moyenne 200 habitants par kilomètre carré, c'est-à-dire un
nombre supérieur à celui des autres provinces chinoises. Grâce à
sa fertilité, cette province est appelée le « Jardin de la Chine ». Le
système des canaux y est extrêmement développé. Les principaux
produits du pays sont le thé, la soie, le riz, le coton et le sucre.
La province voisine est celle de Anhui. Sa superficie est de
442,000 kilomètres carrés et sa population de 22 millions comme
celle du Kiangsu, mais à cause de sa plus grande étendue, elle ne
9
470 ÉTUDES COLONIALES
compte que 155 habitants par kilomètre carré. Les principales
productions sont le thé, la soie, le coton, le blé, le riz et le
chanvre.
La troisième province que baigne le fleuve est le Kiungsi, dont
la superficie est de 180,000 kilomètres carrés. Sa population est
évaluée à 25 millions d'âmes. Elle a donc 138 habitants par kilo-
mètre carré. Les principales productions sont le thé, — la qualité
noire, connue sous le nom de « Kaisow »> qui est très recherchée,
ainsi que la qualité verte très appréciée, que Ton appelle « Moyune »
— puis, le chanvre et le tabac. On y fait aussi un grand commerce
de porcelaines façonnées dans les fabriques impériales de King-
tetschin.
En remontant le fleuve, on rencontre ensuite la province de
Hupeh qui a une superficie de 185,000 kilomètres carrés, et une
population de 30 millions d'âmes, ce qui donne une moyenne de
160 habitants par kilomètre carré. Les principales productions sont
le thé, la soie, le coton, le tabac et le blé.
Sur le Yangtze supérieur, on trouve enfin la province de
Setschuen. C'est la plus étendue des provinces de l'empire. Elle a
une superficie de 400,000 kilomètres carrés. On évalue sa popula-
tion de 50 à 70 millions d'habitants. Les productions naturelles
sont très variées. Les principales sont la soie, l'opium, le thé, le
tabac, le sucre, le riz, le blé, le chanvre, la rhubarbe, la noix de
Galle, la cire, le musc, la laine, les peaux, etc.
On peut conclure de tout ce qui précède que la région arrosée
par le Yanglze est une des plus riches de la Chine. Plus d'un tiers
du commerce extérieur de la Chine, soit environ 125 millions de
Hk. TIs. revient aux ports directement situés sur le Yangtze.
Shanghai n'est donc pas compris dans le chiffi'e cité.
L'Allemagne se dispose à prendre une part importante à l'organi-
sation du service des transports sur le Yangtze. Dans le courant de
la présente année, toute une flottille de vapeur battant pavillon
allemand, sillonnera les eaux de fleuve. Deux firmes allemandes,
Rickmer de Brème et Melchers et C^, de la même ville, font cons-
truire en ce moment des bâtiments spécialement destinés à la naviga-
tion dans les eaux chinoises.
Le nombre des nouveaux bâtiments de la firme ftickmer est de
six, dont deux sont destinés au cabotage sur les côtes chinoises
LA NAVIGATION DU YANG-TZE-KIANG
471
tout en pouvant à l'occasion, être employés sur le Yangtze. Ces
deux bateaux qui sont déjà achevés ont 260 pieds de longueur et
37 pieds de largeur. Ils sont pourvus d'une double hélice. On
estime qu'ils pourront fournir sans effort 12 nœuds à l'heure.
Des quatre vapeurs à double hélice destinés à naviguer sur le
Yangtze, deux ont commencé le service, au commencement de
l'année. Ils sont bâtis sur le modèle des bâtiments fluviaux améri-
cains. Ils ont une longueur de 247 pieds et une largeur de 38 pieds.
Leur vitesse est d'environ 14 nœuds.
Pour la ligne JHankau Itschang, un bateau de dimensions plus
petites sera construit à Shanghai, Un autre destiné à la section
itschang-Tschungking est envoie de construction à Bremershaven.
Ce dernier aura 200 pieds de longueur et de 30 de largeur. Il sera
pourvu de deux puissants projecteurs électriques pour pouvoir tra-
verser, même de nuit, les endroits dangereux du fleuve. On espère
atteindre une vitesse de do nœuds. Entièrement chargé, ce bateau
n'aura qu'un tirant d'eau de quelques pieds.
Les quatre bateaux destinés aux fleuve présentent cette innova-
tion d'être chauffés au pétrole. On se servira à cet effet de pétrole
de Bornéo qui est une sorte de kérosène épaisse, mais se distin-
guant cependant de celle-ci en ce qu'il ne présente pas les mêmes
dangers d'incendie. Il ne s'enflamme pas non plus spontanément,
même par les températures les plus élevées. Le chauffage au
pétrole a encore de grands avantages tant au point de vue de l'éco-
nomie de personnel que de la moindre place occupée par le com-
bustible. Les six steamers de la firme Rickmer possèdent aussi
pour le transport des passagers, des installations qui ne laissent
rien à désirer.
La firme Melciiers et C** fait construire en ce moment quatre
steamers à Shanghaï. Trois en sont destinés à la ligne Shanghai-
Hankau et un â la ligne llankau-Itschang. Ils auront les mêmes
dimensions que ceux de la firme Rickmer et seront terminés dans
le courant de l'été.
La concurrence allemande est appelée à rendre des grands ser-
vices au commerce du Yangtze. Jusqu'à présent les trois grandes
compagnies qui en exploitent la navigation (2 anglaises et 1 chi-
noise) ont pu imposer des prix de transport très élevés. Et comme
elles avaient formé une sorte de « Ring », il fallait bien passer par
472 ÉTUDES COLONIALES
leurs exigences. Les lignes allemandes qui ne sont aucunement
liées envers les premières, pourront donc faire baisser les tarifs au
grand profit du commerce en général.
L'activité des Allemands s'est encore révélée dans le domaine de
la navigation par l'établissement récent d'une ligne postale impé-
riale vers l'Extrême-Orient. L'Allemagne tient à s'affranchir le plus
possible du pavillon anglais pour effectuer le transport de ses mar-
chandises en Chine. Un autre fait dont l'importance n'a échappé à
personne, est le rachat de deux lignes anglaises connues, celle de
« Alfred Holt » et celle de la « Scotish oriental S. S. C*' » qui
depuis nombre d'années effectuaient les transports entre Singapore,
et les Indes orientales, d'une part, et le Siam et Hongkong, d'autre
part. Ces deux lignes ont été acquises par le « Norddeutscher
Lloyd » qui les emploiera au service des côtes de la Chine et aussi
comme moyen d alimenter la ligne principale qui fait le service
direct de l'Allemagne vers l'Extrême-Orient.
En terminant son excellent exposé, M. Navarra ajoute qu'il est
indispensable pour assurer le succès des Allemands qu'ils aient
en Chine, plus de marchands, plus de consuls et' plus de canon-
nières. Il est incroyable, dit-il que jusqu'à présent, il ne s'est
établi, en ce qui concerne les ports du Yangtze, de firmes allemandes
■que dans le territoire récemment concédé de Hankau. Et cepen-
dant les sept ports de ce fleuve représentent ensemble le tiers du
commerce extérieur de la Chine. Il faut aussi nommer un plus
grand nombre de consuls de carrière, car c'est le seul moyen de
faire respecter le prestige d'un pays en Chine. Enfin, il faut des
canonnières pour garantir la sécurité des [Allemands établis dans
les ports et cette nécessité devient d'autant plus impérieuse que
dans le courant de cette année, le fleuve sera sillonné par toute
une flottille de steamers allemands.
-^ PEKIN ^
Les événements qui se déroulent actuellement en Chine attirent
particulièrement l'attention sur la capitale de l'Empire du Milieu.
Il ne peut donc manquer d'intérêt d avoir quelques renseignements
précis sur celte ville. Nous ne pouvons mieux faire, pour donner
une idée exacte .de Pékin, que de traduire du livre que vient de
faire paraître M. von Brandt, le passage ci-dessous Comme on le
sait, l'auteur de .< Au Pays des Tresses » (1) a résidé long-
temps à Pékin en qualité d'ambassadeur d'Allemagne. 11 a donc eu
l'occasion d'étudier de près cette ville et les mœurs de ses
habitants.
Après avoir donné un aperçu historique de Pékin, M. von Brandt
donne la description suivante de cette ville :
a Pékin n'était pas auparavant une ville d'accès facile. Depuis
le milieu de l'année 1897, le chemin de fer de Takou à Tien-Tsin a
été prolongé jusque près de Pékin. On peut donc se rendre
aujourd'hui à la capitale en quelques heures. 11 ne sera cependant
pas inutile de donner une description des ennuis et des difficultés
du voyage d'autrefois, ne fût-ce qu'à titre de souvenir.
» Tien-Tsin qui est ouvert au commerce international depuis
1858, possède des concessions européennes étendues et une nom-
breuse population étrangère. Pendant neuf mois de l'année, cette
ville est desservie, presque tous les deux ou trois jours, par des
vapeurs partant de Shanghaï. Ces navires appartiennent à des
compagnies anglaises ou à la compagnie chinoise Tlie China
Merchants C^ Ils sont pourvus de tout le confort désirable et
font le trajet en temps normal en trois jours. Il arrive malheureu-
(1) Aui dem Lande des Zopfes. Plaudereien einet alten Chinesen, Georg Wigand.
Leipzig.
474 ETUDES COLONIALES
sèment souvent que les circonstances ne sont pas normales, et
alors le voyage dure fréquemment cinq, six et même sept jours.
» Il règne souvent un brouillard épais sur les côtes de la Chine.-
Les steamers sont alors forcés de ralentir leur marche ou, ce
qui est pire, de jeter Tancre. La barre à l'embouchure du Pei-ho,
na, quand les circonstances sont favorables, qu'une profondeur de
H pieds. Aussi, quand un navire manque le flux ou que les
allèges destinées à prendre une partie de la cargaison, ne sont
pas disponibles, il lui arrive vite de subir un retard de douze ou
vingt-quatre heures.
» Ensuite, le Pei-ho, qui traverse un pays plat en faisant de
longs détours, ne contient que peu d'eau, et, d'un autre côté, pen-
dant la période des inondations, son courant est extrêmement
violent, de sorte que les navires sont fréquemment obligés de se
mettre à l'ancre ou de renoncer complètement à atteindre Tien-Tsin,
qui ne se trouve pourtant qu'à une centaine de kilomètres de l'em-
bouchure du fleuve. Dans ces cas, le voyageur doit s'arranger
comme il peut, pour arriver à la concession étrangère, et atteindre
l'hôtel qu'il y a choisi ou la maison amie qui l'attend, à moins,
toutefois, qu'il n'ait préféré se confier au chemin de fer chinois, en
débarquant à Takou ou plutôt à Tongku situé en face de cette loca-
lité. Mais ce dernier moyen a aussi ses inconvénients, car le service
de la ligne est très irrégulier et très lent et les wagons laissent
énormément à désirer au point de vue de la propreté.
» Les véritables difficultés ne commençaient cependant autrefois
qu'à partir de Tien-Tsin. La voie de terre eût été le mode le plus
simple, si les chemins, surtout pendant la saison des pluies,
n'étaient pas absolument impraticables et si le mode de transport,
c'est-à-dire les charrettes chinoises, n'étaient pas le plus épouvan-
table instrument de supplice de l'ancien monde. Le coffre en bois
de ces véhicules, qui sont recouverts d'une bâche, repose sur
l'essieu d'unecouple de roues hautes et étroites. On attelle une bête
de somme dans les brancards et une autre — parfois c'est un
cheval — est attachée devant la première. Le cocher, quand il ne
marche pas, ce qu'il fait aussitôt que le chemin devient mauvais,
s'assied sur les brancards. Le voyageur étranger fait bien de suivre
cet exemple, car il n y a que les Chinois qui sachent résister au tour-
ment de l'intérieur de la charrette, qui est cependant pourvue d'un
PÉKIN 475
matelas et bourrée de couvertures. Le voyage de Tien-Tsin à Pékin
durait généralement trente-six heures, y compris la halte de quel-
ques heures à rai-chemin, dans la petite ville de Hosiwu. A une
époque plus ancienne, on effectuait souvent la route en vingt-quatre
heures; mais pour le faire sans conséquences dommageables pour
son cerveau ou son corps, il fallait être doue d'une charpente solide
et d'une bonne humeur à toute épreuve.
» Le voyage se faisait aussi à cheval, en ayant soin d'envoyer en
avant des chevaux de relais, ce qui permettait d'abréger beaucoup
la durée du trajet. On trouve à louer des chevaux partout à Tien-
ïsin. On les appelle « Bunders » parce qu'ils stationnent sur le
« Bund », c'est-à-dire, sur le quai. Avec quatre relais, il est sou-
vent arrivé qu'on parcourût les cent et quelque vingt kilomètres
qui séparent Ticn-Tsin de Pékin en sept ou huit heures. Ce genre
de locomotion n'était naturellement permis qu'aux personnes habi-
tuées à de longues et rudes chevauchées. Tout [autre aurait couru
le risque d'avoir le sort d'un de mes amis qui eut à expier sa hâte
d'atteindre la capitale de l'Empire du Ciel, en passant, dans son
lit, couché sur son ventre, le temps qu il s'était proposé de consa-
crer à la visite de la ville.
» Un autre mode de transport était fourni par la chaise portée
par des mules. Mais ce moyen est lent et coûteux et il n'est pas à
recommander à ceux qui sont sujets au mal de mer car le continuel
balancement de la grande caisse carrée que l'on suspend entre deux
brancards attachés aux selles de deux bêtes de somme dont l'une
marche devant la chaise et l'autre derrière, provoque souvent le
même effet que le courroux de Neptune.
» En général, les étrangers choisissaient la voie;d'eau. Les grands
et petits bateaux qui servent à cet usage sur le Pei-ho sont bien
entretenus et commodes. Tout ce qui est nécessaire à un voyage
de quelques jours, en fait de nourriture, boisson, glace, vaisselle,
matelas, etc., ainsi que le domestique qui remplit en même
temps les fonctions de cuisinier, — et ils savent tous cuisiner
suffisamment pour ce qu'il y a à préparer — était fourni par
rhôtelier ou par un ami. Ce voyage qui, en amont, durait ordinai-
rement trois jours et, en aval, un jour et demi, ne manquait pas
de charme, quand le temps était favorable, et il était, en outre,
très instructif.
476
ÉTUDES COLONIALES
» Les barques sont mises en mouvement au moyen d'avirons, de
voiles et de gaules mais la plupart du temps l'embarcation est halée
par deux ou quatre hommes. L'endurance et l'entrain des Chinois
pendant ce travail pénible sont réellement surprenants. A l'époque
des inondations, quand on coupe à travers les champs de maïs ou
de millet, pour raccourcir le chemin ou pour éviter la violence du
courant dans le lit même du fleuve, j'ai vu des gens se démener et
s'épuiser, pendant des heures, plongés dans l'eau jusqu'aux genoux,
pour dégager un bateau qui avait touché le fond et jamais je n'ai
entendu de plainte ou de parole de mécontentement ou remarqué
qu'ils faiblissaient dans leurs efforts. Un mot amical, une plaisan-
terie ou la promesse d'un petit verre à la prochaine station étaient
toujours accueillis avec transport.
» J'ai vu réaliser, par les bateliers et les porteurs chinois, dans
des circonstances difficiles, des efforts presque incroyables. Mes
porteurs m'ont transporté, un jour, dans les montagnes près
de Pékin, sur une dislance de 45 kilomètres comprenant
une grande partie de sentiers malaisés et glissants et une passe
élevée, en cinq heures. Ils étaient huit, c'est-à-dire le double ou
nombre ordinaire, — mais aussi, je pèse cent kilogrammes — et
un relai de même effectif se trouvait à mi-route. Pendant tout ce
trajet, ils n'ont pas perdu un instant leur bonne humeur ; il leur
arrivait même souvent de faire quelques centaines de pas au trot.
Au mois de juin 189:2, j'ai effectué en bateau, en cinquante-deux
heures, la distance de Tien-Tsin àTungchau, qui est de 140 kilo-
mètres par eau, contre le vent et la pluie et contre le courant du
fleuve qui s étendait au loin sur ses deux rives et était agité comme
une mer. Après cela, j'ai effectué, en chaise à porteurs, la route
de TungshauàPékin, en faisant un détour de 25 kilomètres imposé
par 1 état des chemins et les débordements. Et notez que, pendant
toute la durée du voyage, mes porteurs avaient souvent de l'eau
jusqu'aux genoux et toujours au moins de la boue jusqu'à la che-
ville. Une pareille performance est rare même en Chine.
» Le spectacle qu offrent le fleuve et ses rives, diflère absolu-
ment d'après les saisons. Au printemps et à la fin de l'automne, la
contrée fait la même impression que la Basse-Egypte, immédiate-
ment après que les eaux du Nil se sont retirées. Tout est unifor-
mément gris; et dans la large plaine dénudée, n'apparaissent.
PÉKIN 477
d'une façon un peu plus distincte, que les villages qui sont
toujours situés sur une petite éminence. Le fleuve qui est presque
à sec coule lentement entre ses hautes rives. L'ensemble du pays
fait Teffet d'une contrée pauvre et déchue à laquelle, suivant
l'expression du représentant d'un grand syndicat qui se rendait
à Pékin à lune de ces époques de l'année, on ne prêterait pas
un centime. Il est vrai que, quelques semaines plus tard, quand
ce délégué refit le même voyage, il déclara n'avoir jamais vu de
pays plus riche, ni de contrée à laquelle on prêterait plus volon-
tiers autant de millions qu'elle désire. La vue que présente la
grande plaine est, en effet, tout autre aussitôt que les pluies d'été
commencent. Les champs sont alors couverts de maïs et de millet
qui, en plusieurs endroits, ont jusqu'à douze pieds de hauteur
et davantage. Entre les tiges, s'élève joyeusement la troisième
récolte, composée de fèves, patates douces et autres genres de
légumes. (La première récolte se compose de blé, en majeure
partie, peu abondant et très court de tige.) Ce n'est que dans les
environs de Tien-Tsin que l'on rencontre des cultures de pavots à
fleurs blanches et aussi, depuis quelques années, la fraîche ver-
dure des champs; au-dessous de cette ville, on cultive beaucoup
de légumes et de riz...
» Pékin n'apparaît à l'œil du voyageur qu'au moment où il se
trouve directement devant les murs de la ville. Il nen perçoit
toutefois l'impression grandiose que lorsqu'il pénètre dans la
ville par une des portes latérales, la porte de l'Est, et qu'il suit
le pied du mur de la ville tartare en se dirigeant vers la porte du
Sud. 11 a alors à sa gauche, au-delà d'un fossé, les maisons de la
ville chinoise et à sa droite, surgissant de monticules de sable
accumulés à leur base, les hautes murailles de quarante pieds
d'élévation, garnies de créneaux, de bastions et de tours massives
qui en gardent les angles et les portes. Les dernières de ces tours
s'avancent au-dessus des constructions en forme de demi-lune
qui protègent l'entrée des portes. Les jours de fortes pluies, ou
quand des orages de poussière rendent l'air presque impénétrable
et que les rues sont désertes, on pourrait se croire transporté
devant les murs de Babylone ou de Ninive. Sur les murailles, qui
ont une largeur de trente-six pieds, cinq ou six chariots de
guerre antiques pourraient, du reste, facilement rouler de front.
478
ÉTUDES COLONIALES
» Les murs sont une des promenades préférées des étrangers, aux-
quels on a réservé exceplionnellemenl Taccès d une des rampes
qui y conduisent. En principe, les Chinois eux-mêraos ne peuvent
se rendre sur les murailles, surtout les femmes, dont la présence
pourrait effaroucher le dieu de la guerre. Aussi, Taccès aux murs
est-il défendu par des portes fermées et des haies d'épines. Du
haut des murailles, on a une belle vue sur la ville dont les toits
apparaissent au milieu d'épaisses masses de feuillage. Les toits
couverts de tuiles glacées, jaunes, bleues et vertes du palais impé-
rial et des principaux temples, scintillent et brillent aux rayons du
soleil et Ion comprend aloi's l'exagération des anciens écrivains
qui affirment qu'ils sont recouverts d'or. Les maisons se dirigent
toutes de l'ouest vers rest,c'est-à-dire que les toits descendent vers
le nord et le sud, ce qui donne lieu à un spectacle curieux quand,
en hiver, une journée ensoleillée suit un jour de forte neige.
Celui qui se promène sur la muraille constate alors avec étonnement
que la ville chinoise, qui se trouve au sud, est plongée dans une
neige épaisse, tandis que la ville tartare n'en offre pas la moindre
trace. 11 faut, pour comprendre ce phénomène qui au premier
moment vous plonge dans l'ébahissement, se rappeler que l'on ne
peut apercevoir de l'une moitié de la ville, que le côté nord, et de
l'autre moitié, que le côté sud des maisons.
» Pékin réserve, du reste, plus d'une surprise aux étrangers.
Celte ville est très différente de celles du sud de la Chine. Elle
ressemble plutôt à un immense camp bien que l'on n'y rencontre
guère d'hommes armés si ce n'est au retour d'un exercice ou d'une
revue. Et cependant, Pékin n'a jamais été et n'est, théoriquement
au moins, rien d'autre. Après la conquête de la Chine par la
dynastie actuelle, les Mandchous et les Mongols ainsi que les
Chinois qui s'étaient joints aux nouveaux maîtres du pays, furent
divisés en huit bannières ou, si l'on veut, régiments. Presque toute
l'étendue comprise dans la ville tartare, c'est-à-dire aux alentours
du palais impérial, fut divisée entre les princes et les nobles
mandchous ainsi qu'entre les membres des vingt-quatre bannières.
Le peuple et les marchands, qui étaient tous d'origine chinoise,
furent refoulés dans la ville chinoise, séparée de !a ville tartare
par une muraille élevée. On agit de même dans les autres grandes
villes à mesure des progrès de la conquête. Des garnisons com-
PÉKIN 479
posées de troupes des bannières y furent placées et on leur indi-
qua certaines parties de la ville comme quartiers où elles vécurent
séparées des Chinois. Leurs chefs étaient les généraux Lirlares,
comme on les appelait. On les rencontre encore de nos jouis dans
les villes du Sud où ils occupent le même rang que les gouver-
neurs généraux, ils doivent contresigner toutes les pétitions et
tous les actes adressés au trône. En réalité, leur poste est plutôt
honorifique. Les prescriptions qui régissent les membres ries ban-
nières sont toujours en vigueur bien qu'en fait, on les tourne
souvent. Le gouvernement a toutefois, dans les derniers temps»
veillé avec plus de rigueur à l'observation de certaines oblip:ations
légales, notamment, en ce qui concerne Tinaliénabilité des terres
concédées aux membres des bannières. Ceux-ci continuent à rece-
voir régulièrement une solde consistant en argent et en riz. Ils ne
peuvent se marier qu'entre eux. Cette défense est souvent éludée.
Ainsi, quand une jeune fille qui fait partie de ce milieu veut
épouser un Chinois, on l'inscrit simplement au registre des
décès. Les jeunes filles appartenant aux bannières, ne sont pas
soumises au traitement de la compression des pieds. C'est parmi
elles que l'on choisit l'épouse de l'Empereur et toutes les servantes
du palais. Quand l'époque du mariage de l'Empereur approctie, le
préfet des bannières reçoit l'ordre de défendre à toutes les jeunes
filles des bannières de se marier. Il doit aussi envoyer une liste
de toutes les filles nubiles de cette caste. Ces dernières sont
ensuite amenées une ou plusieurs fois devant l'Empereur qui fait
lui-même son choix.
» Pékin a, surtout en hiver, l'apparence d'une ville orientale. De
longs convois de chameaux, superbes animaux à double bosse
dont la tête, le cou et la poitrine sont garnis d'une loiii^nie et
épaisse crinière, traversent les rues, chargés de charbon et de
chaux. Partout on rencontre des groupes de Mongols en robes el
bonnets rouges ou jaunes, portant de hautes bottes en cuir, les
uns à pied, les autres montés sur des poneys velus ou sur des
chameaux de course élancés. Ils rappellent en maintien, ex()res-
sion et couleur de visage, nos jeunes campagnards venant pour la
première fois à la grande ville et comme eux, ils sont fréquemment
victimes des filous qui les entraînent dans des tavernes louebes où
ils les enivrent pour les dépouiller ensuite. Les femmes mon^^oles
480 ÉTUDES COLONIALES
ont les mêmes vêtements que les hommes y compris les hautes
bottes. Elles sont souvent réellement belles, mais auraient besoin
dune bonne savonnée pour être présentables. Leur tête, leurs
oreilles, leurs nattes, leur cou et leur poitrine sont chargés de
lourds bijoux dargent enrichis de coraux, de turquoises et
d'émaux; les plus riches remplacent généralement ces pierres pré-
cieuses par des perles. Il n'est pas rare que les parures qu'une
femme mongole porte sur elle, représentent une valeur de 2.000 à
d5,000 marks et davantage. Les Mongols sont toujours joyeux et
il suffit de leur jeter un « Mondo-mondo » (Bonjour) pour mctlre
toute une troupe en gaîté. Leur quartier général se trouve sur une
place située dans les environs d une des ambassades étrangères.
Ils y vivent sous des tentes et des couvertures de feutre et y
vendent du mouton et du gibier. C'est eux qui approvisionnent
principalement Pékin de ces subsistances. C'est un coup d'œil
extraordinairement original que de voir une longue file de cha-
meaux déambulant gravement, chargés de moutons dépouillés et
raidis par la gelée, ou d'antilopes recouvertes de leur peau ou de
centaines de faisans.
» Une vie intense règne alors dans les rues principales. Les
magasins s'y suivent. Us sont ornés de devantures richement sculp-
tées où l'on aperçoit les traces d'anciennes dorures sauf quand il
s'agit de boutiques nouvellement ouvertes. Celles-ci apparaissent
toutes rayonnantes de couleurs fraîches et de récentes dorures.
Dans les rues mêmes, se trouve une double rangée de tentes,
d'échoppes et de tables, où l'on oftre en vente tout ce que l'on peut
imaginer. Dans les grandes tentes se tiennent principalement les
marchands de vieux habits. Devant elles sont postés une demi-dou-
zaine dadolescents, ayant en main un ou deux articles d'habil-
lement, dont ils vantent à grands cris et sans répit, les avantages
et le prix. Aussitôt qu'un badaud s'arrête, ils le saisissent et l'entraî-
nent rapidement dans l'intérieur de la lente où on l'habille ou le
déshabille, selon qu'il veut acheter ou vendre.
» Devant les gargottes sont assis de nombreux consommateurs
qui dévorent des ragoûts dont l'odeur n'est guère appétissante ou
fument dans leurs petites pipes devant une tasse remplie du rhum
chaud qu'on leur sert dans une cannelle d'étain. Les devantures
des boucheries sont garnies d'une douzaine de moutons dépouillés
PÉKIN 481
et sans (ête; les moutons de choix, les têtes, les queues grasses et
les intestins sont suspendus à Tintérieur de la boutique où ils
attirent les acheteurs. Chez le charcutier qui se trouve deux mai-
sons plus loin, de longues guirlandes de cochons de lait cuits,
d'aspect appétissant, garnissent Tétalagc, Les affaires y vont bien
mieux que chez les concurrents mahométans, car un morceau de
porc gras est encore ce que les Chinois préfèrent par dessus tout.
» Ici, un attroupement bruyant et joyeux s'est formé autour d'un
jongleur qui a comme collaborateurs une chèvre à l'air contristé et
un singe galeux. Non loin de là, se tient un conteur, assis sur un
siège bas. Autour de lui, sont accroupis ses auditeurs attentifs. Il
leur raconte des histoires sur les combats des trois royaumes ou
des chapitres d'un roman qui n'est pas précisément destiné à la
jeunesse. A peine est-il arrivé au passage le plus intéressant, ce
qu'on annonce en frappant deux morceaux de bois l'un contre
l'autre, qu'il saisit une théière, placée à côté de lui, et, pendant
qu'il se verse une tasse et la boit lentement, très lentement, un
gamin fait le tour de l'assistance et recueille les quelques pièces de
cuivre que l'auditoire veut bien abandonner.
» Ce qui frappe, à Pékin, c'est le nombre restreint de femmes que
l'on voit dans les rues. Et celles que l'on rencontre appartiennent
pour la plupart aux classes inlérieures. Ce n'est que bien rarement
que l'on aperçoit une femme mandchoue bien habillée, à pied, la
pipe en main, suivie d'une servante et évitant soigneusement de
salir ses souliers de feutre dans les nombreuses flaques de boue
du chemin. Les femmes des classes supérieures ne se montrent
guère en public. Elles ne le font que vers le nouvel an, quand
elles visitent les magasins ou quand elles vont aux marchés qui
se tiennent à cette époque ainsi qu'à certains jours de chaque
mois. Pour faire des visites ou à d'autres occasions, elles se
servent de voitures. Quand celles-ci leur appartiennent, elles
sont généralement accompagnées d'hommes à cheval. Si elles
n'en ont pas, elles prennent des voitures de louage; il s'en trouve
aux coins des rues comme chez nous. Les cochers se livrent de
véritables batailles pour se disputer le voyageur. Celui qui l'em-
porte est souvent le plus mal arrangé de tous, car tous les pale-
freniers le tirent et le poussent en tous sens.
» Je n'ai jamais observé que Ton exerçât des violences contre les
482 ÉTUDES COLONIALES
femmes, mais bien souvent j'ai pu voir une Xantippe acariâtre
prendre la rue à témoin de ses différends domestiques ou autres.
Je n'oublierai jamais une scène d"un genre différent, à laquelle
j'ai assisté un jour. Une jeune dame à petits pieds passait dans une
des rues principales. Elle appartenait visiblement à une famille
distinguée. Derrière elle, venait une voiture de maître, accompa-
gnée de deux serviteurs à cheval. La jeune fflle se jeta tout à coup
à terre et toucha le soi de son front. Elle se releva, aidée d'une
suivante élégamment vêtue qui marchait à côté d'elle; ensuite, elle
retourna à l'endroit où sa tète s'était posée et recommença la céré-
monie. Pendant une maladie de ses parents, elle avait fait le vœu,
si ceux-ci guérissaient, de visiter de cette manière quelques
temples de la ville et d'aller y prier.
» On rencontre souvent des hommes qui, pour accomplir une
promesse de ce genre, se rendent à des centaines de milles de
distance. D'autres revêtent le vêtement rouge des condamnés et
traînent de lourdes chaînes derrière eux.
» Dans les environs de Pékin se trouve, près du célèbre lieu de
pèlerinage de Miaosengshau, un rocher escarpé, d'une hauteur de
60 pieds environ, d'où chaque année, plusieurs personnes se préci-
pitent en accomplissement des vœux qu'elles ont faits., Le vieux
prieur du temple de Tachiaosse, qui sert de résidence d'été à
l'ambassade allemande, trouvait la chose fort déplaisante. Il la
considérait comme contraire aux prescriptions du boudhisme et il
s'opposait à ces manifestations de tout son pouvoir. Quand on lui
reprochait d'agir de la sorte, il avait coutume de répondre : « Celui
» qui pose cet acte en accomplissement d'un vœu sincère et en
» ayant la conscience nette s'en tire toujours avec une légère bles-
» sure, mais celui qui n'y cherche que la satisfaction d'une vaine
» gloriole se brise inmanquablement le cou. »
» Ce n'est pas sans raison que Pékin a été appelée la ville des
mauvaises odeurs, de la poussière sans répit et de la bouc sans
fin. Pendant l'hiver, quand la température descend souvent à
16 degrés centigrades et davantage au-dessous de zéro et que les
pluies sont totalement suspendues, la ville est enveloppée d'un
épais nuage de poussière qui, si elle agit comme un désinfectant,
rend le séjour dans les rues extrêmement désagréable. Quand
viennent alors les orages du printemps, qui amènent de grandes
PÉKIN 483
masses de poussière des hauts plateaux de la Mongolie et peut-
être aussi du désert de Gobi, les eoacbes inférieures de l'air sem-
blent transformées en une masse transparente d'an jaune brunâtre.
Ce nuage cache entièrement le soleil ; les parties les plus ténues en
pénètrent partout et couvrent en quelques minutes tous les objets
d'une couche épaisse de sable fin. En plein été, quand le ciel
ouvre ses cataractes, cette poussière se change en une boue noire
et épaisse ; dans les rues et les ruelles coulent des ruisseaux et se
précipitent des torrents ; les cours et les jardins deviennent des
mares et des lacs, et toutes les communications sont interrompues.
La traversée d'une rue est une entreprise que ne risquent que
ceux qui ont un courage particulier ; elle expose, du reste, les
souliers et les pantalons aux plus grands dangers. On ne peut
alors passer la cour du Tsung-li-Yamen que sur des planches
posées sur des appuis et, même dans les ambassades étrangères,
on a dû recourir à des moyens semblables. Arrive-t-il qu'une voi-
ture tombe de la partie supérieure d'une rue dans la partie infé-
rieure, il se fait souvent que ceux qui se trouvent assis dans
l'intérieur se noient avant qu'on ait pu .leur porter secours. Les
communications entre la ville et les environs, comme entre les
diflérents quartiers de la ville, sont fréquemment interrompues
pour plusieurs jours.
» On pourrait se demander comment vivent les étrangers à Pékin.
Il y a 200 ou 300 Européens dans cette ville qui, si elle ne compte
pas des millioiis d'habitants, en possède toujours 5 ou 600,000.
Du nombre qui vient d'être cité, on doit tout d'abord retrancher
les missionnaires catholiques et protestants qui vivent exclusive-
ment entre eux et pour eux-mêmes et qui n'entrent que rarement
en rapports avec les autres cercles de la colonie étrangère de Pékin.
Cette dernière se compose des membres des ambassades étran-
gères et des fonctionnaires de l'inspectorat général des douanes
chinoises pour les marchandises importées, exportées ou trans-
portées en cabotage sur des bâtiments de construction étrangère.
Dans le désert de poussière et le lac de boue qu'est Pékin,
les hôtels des ambassades étrangères, la maison de sir Robert
Hart et les habitations des autres étrangers qui, à peu d'exceptions
près, se trouvent très près l'une de l'autre ou peuvent être atteintes
en quelques minutes, forment de véritables oasis que leurs habi-
484 ÉTUDES COLONIALES
tants ne quittent pas volontiers. C'est ainsi qu'elles apparaissent
aussi à l'étranger qui arrive à Pékin, harassé, couvert de pous-
sière et accablé de chaleur pour visiter la ville. Entre ces différents
points régnent des rapports suivis. En été et hiver, ils revêtent la
forme de dîners d'apparat ou d'intimité, de soirées dansantes, de
bals, voire même de bals masqués. Pékin a compté un hiver jus-
qu'à vingt-six danseuses. Sur ce nombre, il y en avait plus d'une
qui aurait eu plutôt à jouer le rôle de chaperon dans d'autres
endroits, mais celte circonstance ne diminuait ni leur propre
plaisir ni celui de leurs cavaliers. Pendant les mois d'été, tous
ceux qui peuvent s'affranchir de Pékin, se rendent dans les mon-
tagnes qui entourent la ville. Elles ont une hauteur de 2,000 à
4,000 pieds. On trouve à se loger dans les dépendances des
grands temples. On y mène, somme toute, une vie très saine,
véritable existence de plein air et de contemplation, bien qu'elle soit
souvent troublée par les moustiques et autre vermine rampante ou
aîlèc. Vers le milieu ou la fin d'août, la saison des pluies touche à
sa fin. Le temps merveilleux dont on jouit alors invite aux excur-
sions plus ou moins longues, et ce n'est souvent qu'à la fin
d'octobre que les derniers amateurs de villégiature rentrent en
ville.
» Le climat de Pékin est continental. La latitude est celle de
Lisbonne et de Naples. Les hivers y sont très froids et les étés très
chauds. L'hiver est, sans contredit, la plus belle saison. Abstrac-
tion faite de quelques chutes de neige, il est d'une sécheresse
presque absolue. Le soleil brille sans interruption dans un ciel \
toujours bleu. Ni la Riviera ni aucune autre région ne possèdent des )
hivers semblables. C'est en général en mai que la chaleur se produit
subitement. Juin est, toutefois, encore supportable. Ce n'est qu'en
juillet qu'il commence à taire désagréablement chaud. Les maisons
sont heureusement construites en prévision des canicules. Elles
ont toutes de larges vérandahs, des stores en nattes et des jalou-
sies. On ne les ouvre qu'après le coucher du soleil et jusqu'à son
lever, de sorte qu'on réussit à y maintenir la température à 21 ou
22 degrés Réaumur.
» Le séjour de Pékin est surtout accablant quand la période des
pluies coïncide avec celle de la plus grande chaleur. Mais ceci
n'arrive que tous les cinq ou six ans. Pendant ces journées de
PÉKIN 48S
31 degrés Réaumur et ces nuits de 28 degrés, qui durent quelques
semaines, on cuit littéralement dans son jus. C'est très inconfor-
table, mais on ne le considère pas comme malsain. Quand ces
quatre semaines caniculaires, que les Chinois savent annoncer avec
une certitude absolue, sont passées, les nuits deviennent fraîches
et agréables.
» Les mois de septembre et d'octobre ne laisseraient rien à dési-
rer s'ils n'étaient pas les plus malsains de l'année et si la malaria ne
faisait pas alors son apparition. Aussi longtemps que la grande
plaine est recouverte d'eau, elle ne dégage aucune odeur. Ce n'est
que lorsque le soleil se met à chauffer le sol desséché que les
influences pernicieuses s'observent. Toutefois, ce ne sont que les
imprudents qui en sont victimes. Bien des localités en Europe,
"d'ailleurs, ont, à juste titre, une plus mauvaise réputation que
Pékin sous ce rapport.
» En ce qui concerne les relations avec l'Europe, les lettres exi-
gent généralement de quarante à cinquante jours pour effectuer le
voyage. En hiver, il en faut- dix déplus. Les communications avec
Shanghaï sont alors interrompues par suite des glaces qui
obstruent le Peiho. Il faut donc expédier les lettres par voie de
terre, ce qui requiert de onze à dix-huit jours. Cette situation a
ses avantages. On n'est pas obligé alors de parcourir de nombreux
journaux quotidiens et Ion est averti par le télégraphe de la fin
d'une crise avant même d'en avoir soupçonné le commencement. »
Le Kola au Kamerun
(Tr&dnit d'DD arliele de H. L. Beroegan im le « Tropeaphozer ».)
•$-
Grâce à l'obligeance de M. Haay, suppléant temporaire du consul
allemand à Monrovia, j'ai reçu par le vapeur Alice Woermann, un
panier de noix de kola fraîches — de la variété dite des Haoussas,
le Cola vera de K. Schumann (1), — que j avais demandé lors de
mon passage à Libéria pour faire des expériences comparatives
avec le kola du Kamerun — autre variété, — et pour des essais
de plantation.
Ces noix de kola, de couleur rose et blanche, étaient disposées
par couches entre de grandes feuilles cordiformes en partie dessé-
chées, dans un panier d'écorces, solidement emballé dans de la
grosse toile. Les fruits s'étaient conservés parfaitement frais. Dans
quelques noix se voyaient les mêmes petits vers blanc que l'on
trouve dans le kola du Kamerun.
Je m'assurerai à mon prochain passage à Libéria si les diffé-
rences de couleur que présentent les noix correspondent à des
variétés distinctes.
Après en avoir conféré avec M. Stolzenburg, directeur de la plan-
tation Victoria, chez qui j'étais logé, je l'engageai, eu égard à la sé-
cheresse régnante, à planter les noix de kola provisoirement dans
des pots, où les jeunes plantes pourraient être convenablement
arrosées tous les jours. Au commencement de la saison des pluies
les kolatiers devraient être replantés dans des endroits favorables,
différents par l'altitude et la composition du sol. Des graines ont
(1) On trouve dans le Tropenpflanzer du mois d'avril 1900 une élude botanique de
M. le professeur K. Schumann» faisant ressortir les caractères qui distinguent les deux
espèces de kolatier : le cola vera de la côte de Guinée et le cola acuminata du Kame-
run. Cette dernière espèce se retrouve dans le nord du bassin du Congo.
LE KOLA AU KAMERUN 487
été distribuées aux sociétés de plantations West Afrikanische
Pflanzung Victoria et Bimbia (directeur M. Friederici), au jardin
botanique et à la mission catholique de Bonjongo (Engelsberg).
Au 16 décembre j'avais reçu de tous les destinataires Tavis que la
plantation avait eu lieu aussitôt après la réception des fruits.
A l'occasion de ma présence à Bonjongo, où je reçus pendant
deux jours chez les Pères de la mission, ainsi que chez les sœurs
de Mapauja, la plus gracieuse hospitalité, je me suis fait promettre
par les Pères qu'ils emploieraient un grand nombre de kolatiers
comme arbres d ombrage sur leur plantation. (La mission a planté des
cacaoyers et des caoutchouquiers (Kickxia elastica) qui réussissent
fort bien.) L'altitude, la profondeur du sol, les conditions météoro-
logiques de Bonjongo paraissent très favorables à là culture du kola.
A Ober-Boando, dont l'altitude est un peu inférieure à celle de
Bonjongo, l'arbre réussit très bien, comme je m'en suis assuré, et
donne des fruits abondants. J'y ai vu le kolatier en nombreux
exemplaires, croissant à peu de distance et formant une sorte de
bois. J'y ai pris des photographies, ainsi qu'au jardin botanique.
Les graines confiées au jardin botanique, que M. Bikert avait
plantées en couche, étaient entrées en germination le 2 janvier. Ces
plantes seront, d'après l'ordre de M. le gouverneur, replantées au
commencement de la saison des pluies sur la nouvelle route de
Boana à Buea, par les soins de M. Deixtel, qui vient de créer un
fort joli parc à Buea, où le terrain offrait beaucoup de difficultés.
Je suis convaincu, soit dit en passant, que Buea deviendra avec
le temps une station sanitaire très fréquentée, non-seulement pour
le Kamerun, mais aussi pour les colonies voisines, principalement
Lagos, pourvu que la localité soit desservie par une ligne de navi-
gation régulière. Pour les cures de lait, recommandées aux con-
valescents de la malaria, il existe une execellente laiterie, ainsi
qu'un potager abondant en légumes et en fruits. On pourrait éviter
à beaucoup d'agents le retour prématuré en Europe pour cause de
santé en établissant à Buea une sorte de colonie de villas; je crois
que l'endroit conviendrait, à condition d'établir une communication
commode avec la côte via Victoria — un tramway tiré par des
mules de Victoria à Wegelager, et un service d'automobiles de
Wegelager à Buea — de manière à permettre d'atteindre sans
fatigue le sanatorium.
488 ÉTUDES COLONIALES
Après cette digression, je reviens à la plantation du kolatier,
M. Conrau, ce connaisseur distingué des choses d'Afrique, avec
lequel j*ai eu l'avantage de passer quelque temps, m'a fait remarquer
que dans ses excursions à l'intérieur du Kamerun, il a trouvé le
kolatier à une hauteur de 1,200 mètres, ce qui porte à croire que
cet arbre réussira sur la route de Boana à Buea. A Kriegschiffsha-
fen, M. Friederici me montra un kolatier importé, qui était planté
depuis dix ans, fleurissait régulièrement, mais n'avait jamais donné
de fruits. J'ai vu, en outre, dans la même localité trois exemplaires
du kolatier du Kamerun, qui n'avaient jusqu'ici porté aucun fruit,
à ce que me dit M. .^riederici. De même j'ai vu sur la plantation
de la société Victoria quelques jeunes arbres à kola, plantés depuis
trois ans, d'après M. Slolzenburg, mais en mauvais état. Dans ces
deux stations, les arbres ont trop peu de lumière, mais il semble
qu'ils souffrent surtout de la trop grande humidité, à cause du voi-
sinage de la mer.
L'exemplaire de Cola vera existant au jardin botanique aura
porté des fruits pour la première fois cette année. L'arbre est
abrité et a beaucoup de lumière. En examinant la noix de kola de
Libéria, qui est consommée en grandes quantités par les Haoussas,
on constate qu'elle est plus grasse que les noix qui proviennent du
Kamerun.
La couleur des noix de kola dites « rouges » est en réalité rose,
rappelant la couleur de chair; celle du kola « blanc « est d'un
blanc légèrement jaunâtre ; quelques noix blanches ont des taches
vert foncé, de la grandeur d'une tête d'épingle. Tandis que les
noix du Kamerun se divisent en quatre ou cinq segments, celles
de Libéria n'en ont que deux.
Les kolas de Libéria, sans distinction de variétés, sont d'un
goût fortement amer et non mucilagineux. L'arrière- goût est forte-
ment aromatique, rappelant le café. Des tranches fraîchement cou-
pées de kola rose ou blanc, exposées au soleil et à l'air sur du
papier blanc, brunissent rapidement par leffet de l'oxydation du
tannin.
Si l'on fait bouillir dans de l'eau le kola de Libéria, la décoction
devient d abord verte (par fluorescence), et ensuite rouge-brique
(par réaction sucrée). Si l'on ajoute à la même décoction quelques
gouttes d'acide chlorhydrique, elle prend une magnifique couleur
LE KOLA AtJ KAMERL'N 489
rouge framboise. L'extrait de kola par Téther acétique prend la
même couleur par l'addition de quelques gouttes d'acide chlorhy-
drique. Le kola du Kamerun donne absolument les mêmes réactions.
La matière colorante du kola est, à en juger par ces réactions,
absolument la même dans les deux espèces. Je n'ai pu en obtenir
en opérant sur des noix séchées par des indigènes. La méthode de
séchage indigène détruit donc la matière colorante du kola.
Ayant fait un extrait par le chloroforme, j'ai obtenu par évapo-
ration les aiguilles caractéristiques de la caféine, visibles au
microscope. L'identité de la caféine a été confirmée par l'analyse
chimique. De nouvelles expériences auxquelles je procéderai de
concert avec M. le professeur D" Thoms permettront une compa-
raison quantitative entre les kolas de Libéria et du Kamerun.
Tandis que le kola du Kamerun, cuit dans l'eau pendant une
demi-heure, produit des filaments brillants et soyeux, formés
par la matière gommeuse, on ne remarque rien de pareil avec le
kola de Libéria.
Un essai d'extrait de kola de Libéria a présenté un arôme ana-
logue au café et un goût agréable, bien qu'amer.
L'extrait de noix de kola fraîche peut avoir de l'importance pour
l'industrie du chocolat, car, à mon avis, il améliore le goût du cho-
colat et son action rafraîchissante est hors de doute.
M. Conrau m'a assuré que dans ses explorations il emportait
toujours du kola frais comme provision principale, et que ses
porteurs ont vécu presque uniquement de kola pendant plusieurs
jours. Les matières albumineuses qu'il contient lui donnent une
véritable valeur alimentaire, de sorte que l'on peut parfaitement
admettre que des tribus nègres vivent de bananes et de kola,
comme Robert Koch l'a affirmé dans une conférence.
Un essai de sirop concentré et clarifié, obtenu de noix fraîches
de Libéria, a donné avec du lait une boisson très rafraîchissante,
qui rappelle, pour le goût, le lait de kola du Kamerun. D'après les
recherches faites par le D' Schumburg, et dont il a donné les
résultats au Congrès contre la tuberculose, le lait de kola mérite
une attention particulière au point de vue de l'alimentation de
l'armée et de la population, d'autant plus qu'on peur, le confec-
tionner avec du petit-lait, qui peut ainsi être avantageusement uti-
lisé pour la consommation journalière.
490 ÉTUDES COLONIALES
M. le professeur Thoms a reçu pour l'expérimenter du vin de
kola fait ici avec des noix fraîches et du vin rouge de Portugal et
des Canaries. D'après mon expérience, l'eau minérale mêlée avec
un peu de vin de kola est une boisson rafraîchissante par excel-
lence sous les tropiques, et d'autant plus utile, que la grande
quantité d'eau minérale dont on use ici par les chaleurs (42 degrés
centigrades aujourd'hui!) fatigue à la longue l'estomac. L'addition
d'un peu de caféine et de tannin, sous forme de vin de kola, rend
l'eau minérale plus digestive, et je préfère cette boisson au mélange
de cognac et de whisky ou même de vin blanc.
J'ai éprouvé sur moi-même un effet bienfaisant du kola au point
de vue sanitaire dans des accès de colique, accompagnés de vio-
lentes douleurs, que je m'étais procurés en goûtant des graines de
croton fraîches du jardin botanique. Une décoction de kola frais
du Kamerun, qui était très visqueuse et prenait, par l'addition d'un
peu d'acide citrique, une magnifique couleur rouge framboise, fut
dans ce cas une excellente boisson diététique.
Une décoction de riz ou d'avoine, préparée avec des noix de
kola fraîches me paraît être une boisson diététique recommandable
en cas de dysenterie; cette innovation serait utile aux sociétés
de plantations de cette colonie, dont les travailleurs sont souvent
atteints de dysenterie lorsqu'ils sont soumis au régime alimentaire
du riz.
L'expérience enseigne journellement ici, que les travailleurs
venant de THinterland, par exemple les Bali, les Bangwe, les
Yaunde, sont exposés à la dysenterie à cause du changement de
climat et de régime, et qu'un très grand nombre d'entre eux ont
succombé à cette maladie. Il y a donc lieu de s'occuper activement
de procurer à ces travailleurs une meilleure nourriture. Je ne pou-
vais croire, à l'origine, que le régime du riz fût la cause princi-
pale de la dysenterie, attendu qu'il est bien connu que le riz, bien
préparé, est un aliment de digestion facile, et même une nourri-
ture pour enfants. Mais je me convainquis bientôt que les travail-
leurs ne font pas assez cuire le riz, et que les désordres de la
digestion se produisent rapidement après la consommation de ce
riz mal préparé.
Les administrations des plantations pourraient améliorer, sans
grands frais, le régime alimentaire de leur personnel en établis-
LE KOLA AU KAMERUN 491
sant dans les quartiers de travailleurs une chaudière pour la cuis-
son du riz (par exemple du système Lenking). Les noirs auraient
ainsi leur principale nourriture convenablement préparée; il fau-
drait y joindre un peu de viande salée ou de poisson. La grande
mortalité régnant aujourd'hui effraie les indigènes de l'intérieur,
et leurs chefs n'envoient plus de travailleurs à la côte. Il en résulte
un danger sérieux pour la main dœuvre, car Lagos et Libéria
n'exportent plus d'ouvriers agricoles, et les indigènes voisins des
plantations ont peu d'aptitudes au travail et préfèrent le portage.
Les chefs de l'intérieur envoient souvent leurs hommes les moins
robustes, paresseux et maladifs, qui sont rapidement atteints de
la dysenterie. C'est une raison de plus pour s'occuper de l'amélio-
ration de leur nourriture.
Une autre mesure à prendre serait l'installation de machines à
pétrir le pain et de fours pour la cuisson. 11 serait très avantageux
de fournir aux noirs un pain de farine de riz, de maïs ou d'ara-
chides rpêlée de seigle, bien préparé et bien cuit. Les frais d'éta-
blissement d'une boulangerie, qui fabriquerait aussi du pain de
qualité supérieure pour les blancs, seraient minimes en comparai-
son des avantages qui en résulteraient. La question de l'eau
potable mérite aussi une attention toute spéciale.
J'ai pu dernièrement réaliser le désir que j'avais depuis des
années, de faire cueillir devant moi des noix de kola pour m'assu-
rer, sur des fruits absolument frais, si la caféine s'y trouve à l'état
libre ou combiné. M. Stolzenburg, directeur de la plantation
« Victoria », a eu l'amabilité de me conduire au village de pêcheurs
de Bota, où après de longs palabres j'ai pu obtenir des guides qui
connaissaient l'emplacement des arbres à kola. J'avais avec moi le
photographe de la station, un mulâtre du nom de Frédéric Lutte-
rodt, muni d'un bon appareil qui m'a permis de prendre des
images de l'arbre, de ses feuilles et de ses fruits. xMes études feront
l'objet d'une communication ultérieure.
NOTICE
les Avantages de la Culture des Vanilliers
LES « JATROPHA CURCAS »
L'observation m'a démontré que le vanillier, comme du reste
toutes les lianes, fleurit abondamment, lorsqu'il peut émettre des
rameaux de 50 centimètres à 1 mètre retombants, suspendus en
l'air. Il faut en outre, que ces rameaux une fois en fleur, soient à la
portée des fécondateurs pour faciliter l'importante opération de la
fécondation.
Il faut aussi que. le support des vanilliers soit constitué par des
espèces dont l'épiderme ne se renouvelle pas chaque année, et que,
autant que possible, Técorce soit bien vivace, et non pas sèche.
Il est désirable que ce support produise des branches courtes,
trapues, peu bifurquées, et ayant peu de feuilles, qu'il s'accommode
d'un demi-ombrage, car le vanillier à besoin d'être ombragé, mais
toutefois pas autant qu'on le croit généralement.
Toutes ces conditions sont obtenues par l'emploi du Jatropha
Curcas. C'est un arbrisseau trapu, à bmnches fortes, peu ramifiées,
permettant facilement la suppression des rameaux inutiles, et
n'émettant pas, comme d'autres, des gourmands qui détruisent
l'équilibre. C'est une espèce qui croit assez vite, et un an après sa
plantation, on peut commencer à faire celle des vanilliers. On se
servira de boutures de 50 centimètres qu'on aura eu soin de couper
la veille, afin de laisser sécher les blessures. La coupe aura été
LA CULTURE DES VANILLIERS 493
faite sur le mérithalle, à environ 1 centimètre au dessous d un œil,
A la plantation on fera un petit trou à 25 centimètres du pied du
Jatropha, pour y enterrer ce chicot de mérithalle, et on couchera
la bouture jusqu'au pied de Tarbre, en la faisant reposer sur la
terre, et on la recouvrira de terreau et de feuilles. L'extrémité sera
attachée à l'arbre; lorsque le premier œil se développera, il pren-
dra lui-même sa direction en se fixant sur le tronc principal, et
lorsque le rameau arrivera aux bifurcations de larbre on lui fera
prendre autant que possible la plus grosse branche sur laquelle il
s'attachera par ses racines adventices, et on le laissera courir,
jusqu'à ce qu'il dépasse d'environ 75 centimètres l'extrémité de cette
branche. A ce moment on fera le pincement, en supprimant l'extré-
mité. Peu de temps après, un nouveau rameau se développera sur
la courbe formée par la chute de cette première branche, on le
pincera aussi lorsqu'il aura atteint 60 ou 75 centimètres : et les
rameaux se multiplieront ainsi à l'infini, en répétant toujours le
même pincement.
Ces pincements répétés, développeront probablement des
rameaux au-dessous de la bifurcation des branches du Jatropha, et
ces nouveaux rameaux devront être dirigés vers une branche
encore libre du même arbre. On multipliera ainsi ses bifurcations
jusqu'à ce que toutes les branches du Jatropha aient leur rameau
de vanillier. On pourra aussi pour stimuler le développement de
ces rameaux secondaires faire une incision transversale sur le
mérithalle au-dessus de l'œil qu'on voudra développer, et pour
cette incision, qui pourra être faite en croix, si la vigueur du
vanillier est très grande. Pour cela on introduira perpendiculaire-
ment au mérithalle une lame de canif traversant le milieu de la
branche de vanillier, et lui donnant une longueur d'environ 2 cen-
timètres. Si l'on doit faire l'entaille en croix, c'est-à-dire double,
on répétera la même incision dans l'autre sens, afin que sur ces
2 centimètres de long, le vanillier soit partagé en quatre. Ces
entailles se ressouderont et formeront un bourrelet, après avoir tou-
tefois entravé la sève qui aura développé la branche qu'on désire.
En même temps, cette entrave aura fait apparaître à la partie de la
branche qui lui est supérieure, de nouvelles racines, favorables
au plus grand développement de cette partie.
Si l'on dispose d'un grand nombre de boutures, on pourra en
494 ÉTUDES COLONIALES
mettre 3 ou 4 au pied de chaque plant de Jatropha Gurcas, afin de
le garnir plus tôt de branches de vanilliers.
Chaque branche de vanillier retombant, comme il est indiqué,
se mettra sûrement à fleurs, dans l'année de sa formation, mais
comme tous les yeux d'une même branche ne se mettent pas tou-
jours à fleurs en même temps, il arrive que chacune de ces
branches donne des fleurs pendant deux à trois récoltes. Lorsque
tous les yeux d'une branche auront fructifié, on fera la suppression
de la branche et l'on continuera ainsi cette suppression pour
dégager la plante des rameaux inutiles. En suivant ce système, on
peut être sûr de faire produire chaque année une grande quantité
de gousses à chaque plante.
Il arrive quelquefois, qu'après le pincement, surtout si le
rameau pincé est très fort, Toeil de l'extrémité se développe
en rameau. Dans ce cas il faut pincer de nouveau ; mais pour éviter
la repousse de la branche pincée, lorsque celle-ci est forte, et pour
l'obliger à développer un œil utile, cest-à-dire celui situé à sa
base, et destiné à fournir le remplaçant plus tard, on arrivera à ce
résultat en meurtrissant la branche sur un des mérithalles de sa
base. On pourrait aussi faire l'entaille en croix, indiquée plus haut,
car il faut toujours éviter que la sève se perde dans des prolonge-
ments de branches de plus de 1 mètre et la faire plutôt servir à
multiplier le nombre des branches retombantes, que nous avons
indiquées.
Le Jatropha Curcas, ne s'élevant qu'à 4 ou 5 mètres, il arrive
ainsi que tous les rameaux de vanilliers sont à la portée des fécon-
dateurs, car les plus hautes branches, par le poids de la multipli-
cation des rameaux de vanilliers s inclinent, ce qui facilite
l'opération de la fécondation.
L'instrument que j'ai employé pour cette fécondation, consistait
en une aiguille émoussée, et emmanchée du côté du trou dans
un morceau de bois, gros comme un crayon; à l'aide de cet
instrument, mes ouvriers fécondaient de 800 à 900 fleurs par
jour.
Il est facile de se rendre compte journellement de la marche de
la fécondation, car les fleurs de vanilliers, n'étant ouvertes qu'un
jour, le lendemain elles sont toutes fermées, mais celles qui ont été
fécondées sont inclinées vers le sol, tandis que celles qui ne l'ont
LA CULTURE DES VANILLIERS 49S
pas été, soit à cause de leur trop grande abondance, soit à cause de
la négligence des ouvriers, restent dressées.
La plantation qui remplirait les meilleures conditions pour une
culture scientifique et raisonnée, devrait être établie de la manière
suivante. Les Jatropha Curcas seraient plantés à 4 ou 5 mètres de
distance et en quinconce. Tous les 12 ou 15 mètres, il y aurait
dans les allées, et aussi plantés en quinconce, des Gastilloa elastica,
pour donner l'ombrage nécessaire aux vanilliers. Cette espèce se
prête admirablement à cet eflet, car l'arbre s'élève perpendiculai-
rement, et ne donne des branches qu'à la partie supérieure,
permettant ainsi la circulation de l'air nécessaire à la bonne culture
des vanilliers. De plus, par son caoutchouc, il est d'un grand ren-
dement pour le planteur. Il se prête fort bien aussi à la régulari-
sation de l'ombrage, car s'il devient trop touffu, on peut diminuer
cet ombrage en le saignant et en faisant une plus forte extraction
du latex.
Une plantation établie sur ces bases, donnera certainement après
cinq ou six ans, une livre de bonne vanille par pied.
Pour donner une idée de l'avantage de ce système qui est le
seul que je préconise, je terminerai en disant ce qui m'est arrivé
aux serres de Laeken. Il y a deux ans, dans une visite aux serres
royales, accompagné de M. Van Obbergen, chef des cultures de
Sa Majesté, je lui ai fait observer que son vanillier sur lequel il
y avait une douzaine de fruits en deux ou trois grappes, devait en
produire beaucoup plus. Il m'a répondu que les vanilliers fleuris-
saient difficilement en serre, et tout en lui faisant observer que
cela dépendait de la manière de les traiter, je lui ai dit qu'il
obtiendrait pour la récolte suivante 50 gousses, s'il voulait suivre
les préceptes que je lui indiquerais, ce qu'il a accueilli avec
empressement. Après avoir fait incliner tous les rameaux, dans
une position retombante, par leur extrémité, je l'ai engagé à
donner aux nouvelles pousses la même direction, ce qu'il a fait,
et l'année suivante, il a eu plus de 50 gousses, qui viennent de
mûrir cette saison. Par ce système, on pourrait cultiver sous
verre la vanille avec profit, comme on le fait de la vigne.
Je voudrais enfin signaler deux espèces de vanilliers, qui
existent en Colombie, en dehors du Vanilla planifolia :
L'un ressemblant à ce dernier, lui est cependant supérieur, car
496 ÉTUDES COLONIALES
la gousse est plus pleine et plus régulière sans jamais présenter
la forme de massue, ce qui est avantageux pour le commerce.
L'autre est une espèce nouvelle à fruits anguleux, plus secs,
défectueux sous ce point de vue, pour le caprice du commerce,
mais bien supérieur, eu égard à la consommation, car son parfum
est bien plus fin et plus prononcé que celui des espèces qu'on
trouve sur notre marché. Celle-ci devrait être propagée dans les
colonies.
Puisque nous venons de traiter dun Jatropha, l'appellerai
l'attention sur le Jatropha gossypiifolia var : staphysagrifolia, qui
a des propriétés médicales très importantes. Un article paru dans
le journal Le Nouveau Monde à la date du 17 février 1900. fait
connaître que le gouvernement américain a envoyé aux îles Sand-
wich, le D' Carmichael. il dit : On va expérimenter pour guérir la
lèpre dans les îles Sandwich un nouveau remède avec lequel on a
déjà obtenu, dit-on, des résultats remarquables. Ce remède est le
produit d'un arbrisseau vénézuélien dont la culture a été introduite
dans les îles, sous la direction du D" Carmichael de l'hôpital
maritime des États-Unis, qui a été chargé par les autorités à
Washington d'expérimenter ce produit.
La lecture de cet article m'a rappelé qu'en Colombie des guéri-
sons de la lèpre ont été signalées par un prêtre dans l'Etat de
Santander, à l'aide de décoctions de Jatropha gossypiifolia var.
Staphysagrifolia, arbrisseau d'environ 1^50 de hauteur, qui croît
dans tous les climats chauds de la côte de Colombie. 11 doit être
le même que. celui signalé comme provenant du Venezuela. J'ai
présenté à la Société d'acclimatation de Paris une couple de
plantes et quelques graines qu'elle voudra distribuer parmi ceux
de ses membres qui s'y intéressent. J'ai aussi quelques livres
de la plante sèche, que je mettrais volontiers k la disposition de
la société pour des applications thérapeutiques. J'ai eu connais-
sance de cette plante, d'une manière très particulière. Elle montre
que les peuplades indiennes de l'Amérique du Sud, encore demi-
sauvages, conservent le secret de la propriété de certaines plantes,
que nous ignorons, et pour s'exprimer à leur égard, ont des
idées très baroques, qui sont vraies au fond, mais qui sont expri-
mées d'une manière ridicule. Certaines propriétés de ces Jatropha,
m'ont été signalées comme suit :
LA CULTURE DES VANILLIERS 497
Nous avons une plante, m'a dit l'Indien , dont les feuilles arra-
chées en tirant par le haut donnent une décoction qui sert de
vomitif, mais si la feuille est arrachée en tirant de haut en bas, la
décoction devient vomitive et purgative. Cette narration ma causé
naturellement la plus grande incrédulité, mais plus tard, ayant
entendu répéter le cas, par un fermier qui m'a assuré qu'il
l'employait régulièrement dans les cas de maladies de ses ouvriers,
cela m'a fait penser que dans lune des décoctions il pouvait y
avoir quelque chose de plus que la feuille, c'est-à-dire, l'inAores-
cence ou le fruit, et ayant découvert la plante, j'ai observé qu'en
prenant une feuille, et lorsqu'on la tire par le haut, le pétiole se
rompt à peu près à la base du limbe, tandis que si on l'arrache en
tirant par le bas, la feuille se détache ordinairement avec la hampe
qui porte souvent des fleurs et des fruits. Ceci explique l'énigme
et donne raison ù Tlndien.
J'ai voulu faire cette narration pour appeler l'attention sur les
ressources que nous pouvons encore tirer de ces pays, qui nous
ont déjà donné tant de bonnes choses. Par ma longue expérience
de plus d'un quart de siècle, passé en Colombie et dans l'Amérique
centrale, je me suis fait la conviction que la science, au point de
vue de la médecine et de l'agriculture tropicale doit encore espérer
beaucoup de ces pays, et je voudrais, avec l'aide des sociétés
savantes, contribuer à l'introduction de remèdes nouveaux.
La question de la culture du caféier préoccupe beaucoup les
coloniaux et comme il y a même des gouvernements qui à tort ou à
raison imposent comme condition aux concessionnaires de planter
un certain nombre de caféiers, je voudrais ici émettre le vœu de
ne plus voir recommander la culture du café dans les pays chauds,
c est-à-dire dont la moyenne thermique est de plus de 25''; mieux
valent les cacaoyers, car, dans ces conditions, le cacaoyer produi-
sant plus que le caféier, il n'y a pas lieu de recommander cette
dernière essence, dautant plus que les cafés provenant de ces
régions auront de plus en plus à lutter contre ceux, produits sur
les montagnes, qui leur sont bien supérieurs en qualité et en pro-
498 ÉTUDES COLONIALES
duction. Il faudrait donner aux planteurs des règles courtes et
nettes, comme je l'ai fait à propos du caoutchouc dans la Belgique
coloniale. Pour le cacaoyer et le caféier, on pourra leur dire : si
le climat est chaud, humide, le terrain profond, autant que possible
alluvial, c'est le cacaoyer qu'il faut planter. Si le terrain est
en pente, escarpé même, et avec une bonne proportion d'humus,
et si la température moyenne est de 15 à 22**, c'est le caféier qu'il
faut planter.
Patin.
LIyenir de la êutta-Pergha
(1)
On s'est souvent demandé ce que l'avenir réserve à la production
de la gutta-percha, en présence de la diminution constante des
arbres qui la produisent. La cause de cette disparition ne doit pas
seulement être cherchée dans la destruction des arbres, mais aussi
dans le fait que les Chinois qui cultivent le poivre et le gambier
détruisent, en défrichant une partie de forêt, un grand nombre des
jeunes arbres à gutta-percha. Et le mal que font ces Chinois est
d'autant plus grave qu'ils abandonnent généralement leurs empla-
cements après une exploitation de trois ou cinq années, pour se
livrer plus loin à un nouveau défrichement. Les champs aban-
donnés sont ensuite envahis par les mauvaises herbes et par les
lianes, au point qu'il est impossible aux arbres forestiers, y com-
pris donc la gutta-percha, d'y prendre encore racine.
Les récolteurs de gutta-percha abattent les arbres, sans se
préoccuper de leur développement ultérieur; il est arrivé ainsi
que dans certaines régions où les arbres à gutta-percha étaient
autrefois très abondants, on n en montre plus que quelques rares
exemplaires à titre de curiosité. On a même cru pendant un cer-
tain temps que l'espèce principale, la Palaquium Gutta, avait
complètement disparu et qu'on ne la rencontrait plus qu'à Java,
dans le Jardin botanique de Buitenzorg. Tel n'est heureusement
pas le cas. On trouve encore une série d'arbres de cette espèce
dans la petite île de Singapore ; d'autre part, la presqu'île Malaise
fournit encore ce produit au commerce sous le nom de « getah
tabanmerah ». iMais il n'en est pas moins certain que le nombre
des arbres diminue.
La situation est sans aucun doute la même à Sumatra et à
(1) H. Semler, Die tropUche agricuUur,
398 ÊTIDES COLONIALES
isoler toujours davantage, puisqye ce n'est qu'à la condition d'être
rares pour le gibier que celui-ci peut les nourrir.
C'est le motif qui pousse les familles Mundurucus à se disperser
pendant Tété. La tribu n en reste pas moins fortement unie par des
liens moraux. Les parents, très attachés à leurs enfants, les élèvent
et les protègent avec sollicitude. Tous sont très sobres, vivant pen-
dant les jours pluvieux d'hiver de patates, d'ignames et decasthanas.
Dès que l'été arrive ils s'organisent pour la razzia et par fortes
troupes de 100 à 200 hommes vont tomber à l'improviste sur les
villages sans défense où ils brûlent et tuent, pour voler les femmes
et les enfants.
Us sont toutefois amis des blancs, dont ils ont compris la puis-
sance mieux que d'autres de leurs congénères. Mais quel usage
faire de cette amitié? Quel effet utile en tirer? Leurs mœurs
vagabondes et guerrières se refusent le plus souvent à les laisser
s'établir autour de quelque seringa brésilienne pour y faire la
récolte du caoutchouc. Nous avons vu cependant qu'ils ne sont
pas totalement réfractaires à pareil travail. Certains gros négociants
de la rivière en ont attiré de petits groupes autour de leur établis-
sement et se sont fait proclamer chef de l'aldéa qui constitue leur
seule ressource en main-d'œuvre. Le travail facile de récolteur de
gomme et de berger pourrait être à ces serai-nomades une excel-
lente initiation à la vie sédentaire et aux travaux agricoles propre-
ment dits. Mais la race décroît rapidement et l'on peut se demander
si sa vitalité sera suffisante pour lui permettre d'achever une
évolution à peine naissante aujourd'hui.
L'absence d'hommes, voilà ce qui domine impérieusement le
développement économique de l'Amazonie tout entière. Sur son
immense itinéraire, qui en d'autres régions du monde, la France
et l'Espagne, par exemple, lui permettraient de rencontrer 50 mil-
lions d'hommes, M. Coudreau trouve une population qu'en amont
à Itaituba, qu'il évalue comme suit :
Civilisés des rives du Tapajoz 1,080
Id. du alto Tapajoz 73
Id. duS. Manoel 152
Id. de l'intérieur 1,680
Au total 2,985 civilisés auxquels il ajoute 1,460 Mundurucus et
100 Apiacas. Tout le Tapajoz ne suffirait pas à peupler un de nos
bourgs belges.
/ .
t".
502 ETUDES COLONIALES
lande et la Chine. On doit cependant remarquer que l'importation
de balata des Indes Occidentales et de la Guinée est comprise dans
celle de la gutta-percha.
Il est évident que la Hollande s'est laissé enlever presque entiè-
rement son marché naturel de gutta-percha par l'Angleterre. La
quantité de gutta-percha amenée directement en 1898 n'était que
de 6,000 kilogr.; encore s'agissait-il de qualités de Bornéo impor-
tées via Makassar*. L'année précédente, l'exportation se montait à
i 1,000 kilogr. Il y a, en outre, un stock de 9,000 kilogr. de ben-
kules blancs depuis une couple d'années.
Il résulte des tableaux d'importations de Singapore où, comme
il a été dit, la très grande partie de la gutta-percha des Indes et de
l'Asie est transportée, que la presqu'île Malaise suit de loin
Sumatra et Bornéo, et que Java, la Cochinchine et le Siam ne
produisent pour ainsi dire pas de gutta-percha.
Il est difficile de dire si c'est Sumatra ou Bornéo qui exporte le
plus de gutta-percha, car on exporte beaucoup de gutta du Sud et
de l'Ouest de Sumatra (Palembang, Benkulen, Padang) qui ne
passe pas par Singapore. Il est vrai, d'autre part, qu'il s'en exporte
directement en Europe de l'Est de Bornéo, par Makassar.
*
CHRONIQUE
GEHZnRLflTZB
Monument éleyé à la mémoire de Liyingstone en Afrique.
— Quand il fut question de faire envoyer à Londres le morceau de
l'arbre portant l'inscription commémorative de la mort de Livingstone
^^^
l* ' -
JP^ \- '.^.*
iife£.- IL
^ ° tf T^Ê
g^Li*% '^^^K^^M^^^w
m^
P^^^tC^m
.W'.^^À
S&^è^i^'-'t
S»i^
B^jS^^&i^ ',
^
f ^*'^3î:;v.!;
L*ARBRE AU PIED DUQUEL LE COEUR DE LIVINGSTONE A ÉTÉ ENTERRÉ.
MPUNDU (près du lac BANGWEULU).
(Communiqué par T/te Geographical Journal, )
804 ÉTUDES COLONIALES
dont nous avons parlé dans notre numéro du mois dernier (1), la
Société de Géographie de Londres décida de faire élever à l'endroit où,
se trouvait l'arbre à l'ombre duquel Livingstone mourut et au pied
duquel son cœur fut enterré, un monument destiné à marquer l'em-
placement où le grand explorateur rendit le dernier soupir.
A peu près à la même époque où la Société de Géographie avait pris
l'initiative de ce pieux hommage, un mouvement se manifestait
dans le même but dans le Protectorat de l'Afrique centrale anglaise.
Sir Henri Stanley fut prié de lui accorder son appui. Il s'empressa
de le faire et bientôt une sonrnie considérable fut réunie par le
comité qui s'était constitué autour de lui. La Société de Géographie
entra en communication avec le comité de Sir H. Stanley et les groupes
se fusionnèrent. Le comité général qui en résulta fit preuve de beau-
coup d'activité : le-s matériaux nécessaires à la construction du monu-
ment à élever près du lac Benguelo sont prêts et pourront sous peu
de jours être embarqués en destination de l'embouchure du Zambèze.
Nous devons à la gracieuseté de la Société Royale de Géographie de
Londres,de pouvoir mettre sous les yeux de nos lecteurs, les illustra-
tions représentant l'arbre auprès duquel Livingstone est mort, l'inscrip-
tion enlevée du tronc et le monument qui va être bientôt érigé à la
mémoire de l'illustre explorateur en Afrique.
Ce monument se composera d'un élégant obélisque de 20 pieds de
haut, surmonté d'une croix. Il sera construit au moyen de grands
blocs de béton qui, au point de vue de la solidité, vaudront les pierres
les plus dures. On ne trouve, du reste, pas de pierres dans la partie
de l'Afrique où l'édifice s'élèvera. Le béton sera envoyé dans des
cylindres de métal hermétiquement clos. Il y en aura 450, pesant
chacun 50 livres. On expédiera en même temps trente moules en chêne,
doublés de métal, de 18 pouces carrés, et d'environ 10 pouces de pro-
fondeur. Plus de 300 blocs seront employés à la construction. Des
instructions détaillées indiquant le mode d'emploi du béton accompa-
gneront l'envoi. Il n'est donc pas à craindre que l'on fabrique des
blocs impropres à leur destination. M. Codrington, le représentant de
la South Africa Company y dans le district duquel se trouve le lac Ben-
guelo, a déjà fait fabriquer une grande quantité de briques qui pour-
ront être employées dans la construction. La South Aflîca Company a
appuyé avec beaucoup de dévouement et de générosité les difiTérents
efforts qui ont été faits pour honorer la mémoire de Livingstone. Elle a
(1) Voir Bulletin, p. 426.
SECTION DE l'arbre DE LIVI.NGSTONE PORTANT L*INSCR1PT10N COXSIÉMORATIVE.
Communiqué par The Oeographfcal Journal.)
506 ÉTUDES COLONIALES
pris à sa charge le transport du morceau de l'arbre à Londres et elle
s'est engagée maintenant à amener gratuitement les matériaux destinés
au monument, du lac Nyassa au lac Benguelo.
Deux plaques de bronze, que l'on encastrera solidement dans des
blocs de béton pendant qu'on moulera ceux-ci, seront placées sur
deux faces opposées du monument. Elles porteront l'inscription
suivante :
Ce monument a été élevé à la mémoire du D' Lîvîngstone, missionnaire et explorateur,
par ses amis. Il est mort ici, le 4 mai 1875.
Deux autres plaques, placées sur les autres côtés du monument,
auront l'inscription suivante :
Ce monument se dresse à Tendroit où se trouvait autrefois Tarbre au pied duquel le
cœur de Livingstone a été enterré par ses fidèles serviteurs indigènes. L'inscription sui-
vante avait été gravée dans le tronc de Tarbre : « David Livingstone. Mort le A mai 1873
CShuma, Souza, Mniasere, Uchopere ».
AF^QUE
Mort de Samory. — L'almamy Samory qui vient de mourir à
Njole, dans le Congo français, où il avait été interné avec son fils et
une suite de cinq personnes, a été le plus redoutable adversaire
de l'expansion française en Afrique Occidentale. Chef de la région du
Ouassoulou, sur les rives du Haut-Niger, il avait su profiter de la
période d'anarchie qui précéda la conquête du Soudan par les Français
pour se tailler dans l'Ouest africain un immense empire, grâce aux
troupes nombreuses et bien armées qu'il avait constituées.
Dès l'arrivée des Français, en 1884, les relations de la France avec
lui furent très tendues. Il tenta d'arrêter le capitaine Binger lors de la
grande exploration de ce voyageur en 1889. A diverses reprises, des
envoyés des commandants supérieurs conclurent avec lui des traités
d'alliance. Mais il se servit habilement de la neutralité des Français
pour accroître son territoire et augmenter sa puissance : la traite des
esclaves lui fournissait des sofas de plus en plus nombreux et il se
ravitaillait dans les colonies anglaises de la côte occidentale d'Afrique
en armes et en munitions.
MONUMENT A ÉLEVER A LA MÉMOIRE DE LIVINGSTONE
PRÈS DU LAC UENGWEULU.
^Communiqué par The Geographical Journal.)
508 ÉTUDES COLONIALES
Bientôt il menaça les postes français du Soudan et, dès cette époque,
des colonnes furent presque chaque année dirigées contre lui par les
généraux Archinard et Combes, les colonels Humbert et Monteil.
Chaque fois l'effort insuffisant que la France tentait contre lui lui
permettait de s'enfuir soit à l'Est, soit au Nord, et de reconstituer ses
approvisionnements et ses bandes dans les territoires soudanais qu'il
ravageait. Le rappel de la colonne Monteil, envoyée contre lui en 189S
de la Côte d'Ivoire, lui valut un prestige nouveau dont il sut profiter
pour étendre sa domination jusqu'au nord-ouest du Dahomey.
Ce n'est qu'en 1893 que le gouvernement français se décida à mettre
fin à cette résistance sans cesse renaissante. L'occupation du Mossi et
du Gourounsi, en 1896, permit à la France de relier ses ports du
Soudan 4 ceux de la Côte d'Ivoire. Le chef de bataillon de Lartigue,
commandant de la région Sud du Soudan, fut chargé d'assurer cette
jonction en rejetant Samory vers l'Ouest. Les opérations furent très
brillamment menées malgré les difficultés qu'offrait à la marche de la
colonne, la forêt équatoriale oii Samory se réfugiait.
Battu à Nzô par le capitaine Woelffel, Samory essaya de s'enfuir vers
l'Est. Mais une petite colonne légère, confiée au commandand Gouraud,
le poursuivit sans répit et, le 29 septembre 1898, cet officier surpre-
nait, à Guétémou, Samory, son fils et ses principaux lieutenants dans
le camp où l'almamy se croyait à l'abri de toute atteinte. Rejoint à la
course par le sergent Bratières, Samory se rendit, et le conmiandant
Gouraud et ses officiers réussirent à soumettre le camp tout entier
sans effusion de sang.
Samory capturé, son prestige uniquement personnel détruit, ce fut
la fin de la résistance. L'almamy fut amené à Kayes et exilé de là au
Congo où il vient de mourir; une cour martiale condamna à mort les
chefs qui avaient participé à l'assassinat du capitaine Braulot et les
autres furent déportés soit à Tombouctou, soit au Congo.
La disparition de Samory est le dernier acte de la pacification de
l'Afrique Occidentale. L'expansion française a dû vaincre deux chefs
musulmans redoutables, Âhmadou, sultan de Segou, et Samory,
almamy du Ouassoulou. Le premier, battu par le général Archinard,
a dû fuir vers le lac Tchad ; le second a été battu par le commandant
de Lartigue et capturé par le commandant Gouraud.
Kamerun. — Il résulte de déclarations faites par le consul Bosen
à l'Assemblée générale de la Deutsche Kolonid-GeséUschaft^ et confir-
mées par le gouverneur du Kamerun, M. von Puttkamer, que le gou-
vernement a décidé d'établir une station militaire à Garua, dans le but
CHRONIQUE 509
de fournil*, à l'expédition scientifique que la Société coloniale va
envoyer dai» l'Hinterland du Kamerun, l'appui nécessaire. Cette expé-
dition disposera, outre des 125,000 marks fournis par la Société colo-
niale, des 100,000 marks que le gouvernement a retiré de l'octroi de
la concession de la Société Nord-West-Kamerun et d'un crédit de
50,000 marks qui sera porté au prochain budget. L'expédition qui
rencontrera à Garua cellç que l'administration de la colonie envoie de
son côté, se dirigera vers le lac Tchad en remontant les cours du
Logone et du Chari. Elle reviendra à la côte en explorant de plus près
le Neba ou le Sannaga. D'autre part, la force publique a été renforcée
et un nouveau poste sera créé près des chutes Cross. On n'aura donc
plus à craindre des rebellions comme celles qui se sont produites
récemment.
Le nombre des médecins militaires sera porté à huit et l'on augmen-
tera également le nombre des sous-piRciers de santé. Rien ne s'oppose
à ce que ces médecins assistent les planteurs ou les employés des
factoreries.
Le gouvernement a aussi décidé d'Aablir un commencement d'ad-
ministration autonome. La colonie aura d'ici un an, à élire une
représentation des colons, établie sur le modèle des législative councHs
des colonies anglaises.
Basutoland. — Le Basutoland fournit la main-d'œuvre sans
laquelle l'exploitation des ressources naturelles de l'Afrique du Sud
ne serait guère rémunératoire. Il donne les bras nécessaires à l'agri-
culture dans l'Ëtat Libre, les terrassiers pour la construction des
chemins de fer, les travailleurs pour les mines de diamant de Jagei*s-
fontein et de Kimberley comme pour les mines d'or du Transvaal, et
la majeure partie des domestiques pour les territoires environnants.
Tous ces noirs gagnent de bons salaires qu'ils rapportent au pays.
Pendant le dernier exercice, le nombre des hommes qui ont reçu des
passes pour travailler à l'étranger n'a pas été inférieur à 37,371 . De
ce nombre, 5,771 sont allés à Johannesburg, 1,096 à Kimberley,
4,944 à Jagersfontein, 1,635 aux charbonnages de la colonie du Cap
et 34,175 sont allés louer leurs bras comme valets de ferme ou domes-
tiques de maison.
La population basutolandaise augmente assez rapidement. De
818,324 indigènes et 578 Européens, en 1891, elle a passé à 263,000
l'année dernière.
La colonie du Cap donne au Basutoland une subvention de
450,000 francs. Par contre, les recettes douanières basutolandaises
MO ÉTUDES COLONIALES
sont créditées au compte de la dite colonie. La taxe d'habitation a
fourni, pendant le dernier exercice, une somme de S91,9S0 francs,
c'est-à-dire plus de la moitié des recettes.
Les productions naturelles du Basutoland comme celles de tant
d'autres colonies africaines, sont entièrement à la merci d'une période
de sécheresse, contre laquelle l'on n'a encore pris aucune des mesures
de précaution qu'offre la disposition du sol et des cours d'eau. Au
Basutoland, comme presque partout ailleurs, ces cours d'eau consti-
tuent, à condition de les aménager ad hoc, des réser\'oirs naturels
d'eau pluviale et fluviale grandement suffisants pour corriger les fan-
taisies hygrométriques de l'atmosphère et prévenir les désastres que
la sécheresse comporte.
Afrique centrale anglaise. Le café. — D'après le Natal
Mercury, la première plante de café de l'Afrique centrale anglaise fut
amenée de Kew par des missionnaires. Depuis lors, plusieurs autres
ont été introduites. On peut dine toutefois que la plus grande partie
des caféiers de cette région provient de la plante de Kew. Le café se
cultive maintenant sur une grande échelle. Grâce à d'énergiques mesu-
res, on a pu protéger la colonie contre la maladie qui a troublé le
Natal. On constate de plus en plus que pour atteindre un succès com-
plet, il faut fournir au café le plus d'ombre possible. Le café de
Blantyre est réputé pour être le meilleur du monde et il obtient les
plus hauts prix. L'exportation augmente constamment. L'année der-
nière, elle était de 100 tonnes et cette année, on compte que la récolte
en atteindra 110.
La culture du café ne produira tout ce dont elle est capable que
lorsque la colonie sera dotée du chemin de fer qu'elle réclame depuis
longtemps. L'étude du tracé de la ligne est achevé. Elle devrait partir
de Chiromo sur le Chiré inférieur pour aboutir à un point du Chiré
supérieur, au-delà des chutes Murchison. La nécessité de cette voie
résulte du fait qu'actuellement il y a près de 100,000 charges de
56 livres chacune, attendant d'être transportées. Cette ligne sera la
grande voie de pénétration vers le centre de l'Afrique. On prétend que
le chemin de fer de l'Uganda aurait dû suivre cette roule. La réalisa-
tion en aurait alors été moins coûteuse et ne se serait pas heurtée à de
grandes difficultés de construction. Quand la ligne de Chiromo sera
établie, il faudra en construire une autre pour relier l'extrémité sep-
tentrionale du lac Nyassa au Sud du ïanganyka. La longueur en
sera de 210 milles. On aura ainsi un accès rapide au centre de
l'Afrique.
CHRONIQUE 511
Uganda. Le chemin de fer. — Le chemin de fer de l'Uganda est
ouvert au commerce sur une longueur de 362 milles. La ligne est con-
struite actuellement sur une étendue de 583 milles. Les travaux de
terrassement sont achevés sur les 80 milles suivants. Les études prépa-
ratoires sont terminées pour tout le tracé. On possède assez de matériel
en Afrique pour poursuivre la construction de 150 nouveaux milles.
Le matériel nécessaire au pont est prêt, au moins jusqu'au Man Escarp-
ment. Des plans détaillés pour le restant des travaux d'art seront bien-
tôt fournis.
Les recettes brutes de la partie exploitée, abstraction faite du trans-
port du matériel destiné à la construction de la ligne, excèdent déjà
4 liv. st. par mille et par semaine et augmentent à mesure que s'accroît
la longueur de la ligne ouverte au trafic. Sur cette base, les recettes
seraient du double des estimations faites dans le rapport de 1893 où
on évaluait le revenu total de la ligne entière à 61,000 liv. st. par an,
c'est-à-dire à 1 liv. st. 15 sh. par mille et par semaine. On peut
compter sur un mouvement beaucoup plus considérable que mainte-
nant aussitôt que la ligne atteindra le lac et que des steamers prolon-
geront le trafic à travers celui-ci.
La baie de Delagoa. — La prospérité d -^ la baie de Delagoa date
de l'établissement du chemin de fer qui la relie à Johannesburg. Le
mouvement d'importation et d'exportation se développa aussitôt. Il ne
prit cependant pas immédiatement toute l'extension dont il était
susceptible. L'incurie et la corruption de l'administration portugaise
furent causes que les commerçants du Transvaal se servirent bientôt
de nouveau des lignes du Cap, de Port Elisabeth et d'East London.
Ces derniers itinéraires étaient plus longs et plus coûteux mais ces
désavantages étaient amplement compensés par la sécurité des
transports.
Le Portugal comprit heureusement les grands profits qu'il pour-
rait retirer de cette baie si elle était pourvue d'une administration
soigneuse et régulière. Mais la colonie de Mozambique, pas plus que
la mère patrie, n'était en mesure de supporter les frais de grands
travaux. On accorda donc des concessions à des sociétés ou à des
particuliers. Grâce à ce moyen, la ville se transforma et devint de
plus en plus prospère.
Les services publics, tels que la poste, la police, les douanes sont
naturellement aux mains des Portugais ; mais l'éclairage électrique,
les égouts et autres exploitations d'intérêt général, appartiennent à
des particuliers : Allemands, Français ou Anglais.
512 ÉTUDES COLONIALES
Le quartier supérieur de la ville se développe rapidement et se
couvre d'agréables villas. Elles n'ont, en général, que peu de jardins :
le prix du terrain est trop élevé. Il varie de 200 à 300 francs le mètre
carré.
La baie de Delagoa est un lieu de spéculation, et comme dans tous
les endroits de ce genre, la vie est chère. Une bouteille de bière se
paye 2 shillings, un kilogramme de glace, 1 shilling. Une simple
maison de cinq à six chambres se loue de 373 à 628 francs. Les
salaires des domestiques sont aussi très élevés. Un nègre qui s'occupe
simplement du cheval de son maître reçoit de 100 à 150 francs par
mois.
Le commerce de la colonie du Gap en 1899. Les effets
d'une guerre. — Les affaires se sont progressivement ralenties de
mois en mois pendant cette année, dès le premier trimestre, et cela n'a
fait que s'accentuer lors de la déclaration de guerre, le 9 octobre.
C'est ainsi que pour les importations générales, la différence entre les
quatrièmes trimestres de 1898 et 1899 constitue une diminution de
23,500,000 francs ; pour les derniers semestres des mêmes années, le
déficit n'est plus que de 21 millions et pour l'année entière il est réduit
à 18 millions de francs; ce qui indique que l'année 1899 eut été une
année prospère. Ce fait est encore mis en évidence par les exportations
des produits coloniaux qui sont en augmentation de 18,400,000 fr.
pour 1899, mais que contrebalancent les diamants qui ont diminué
de 29,196,000 francs : par suite de l'investissement de Kimberley, il
n'existait plus d'exportation de diamant pendant le dernier trimestre.
La plus-value des produits coloniaux ne tient d'ailleurs pas à une
production plus grande, mais à la hausse des prix. Les quantités en
laines et en peaux ont, au contraire, diminué. Sans ces événements,
Tannée qui vient de s'écouler eut donc été particulièrement heureuse
pour le Cap. Du transit, il n'en est plus question depuis la déclaration
de guerre. Les communications sont, en fait et en droit, interrompues.
La navigation souffre énormément de Tétat de choses actuel, les
bateaux marchands ne peuvent plus venir aux quais qu'occupeïit les
transports militaires et qu'encombrent les vivres et munitions de
toute nature destinés à l'armée anglaise. Ils doivent faire leurs opéra-
tions sur rade ce qui est beaucoup plus long et plus cher. Le charbon
est rare. Celui du Natal n'existe plus, les charbonnages de Dundee
étant aux mains des Boers ; celui du Transvaal ne vient plus : il n*y a
que du charbon importé directement d'Angleterre et dont le prix a
presque doublé : de 42 shillings à 42 sh. 6 p., il est monté à 70 et
CHRONIQUE 513
75 shilling' la tonne. De là augmentation des frets qu'accentue Tacca-
parement de tous les bateaux marchands anglais pour le transport de
Tarmée et de son intendance. Il y a heureusement une contre-partie :
la population civile des grandes villes, notamment de Cape Town s'est
considérablement accrue de réfugiés qui ont fui Johannesburg : tous
les hôtels, les boarding houses regorgent de monde. Naturellement, le
commerce bénéficie largement de cet accroissement momentané de la
population. Enfin, les autorités militaires apportent beaucoup d'argent
dans le pays, et réfugiés et militaires contribuent dans une large me-
sure à atténuer les pertes qu'entraînera forcément l'état de guerre.
Les importations de l'année 1899 ont été inférieures à celles de 1898
de 20,865,207 francs. Les exportations sont moindres de 8,150,933 et
le transit a fléchi de 18,788,895 francs. Les droits de douane ont
rapporté 5,146,581 francs en moins. Par contre, le numéraire afilue,
il en a été importé 75,231,233 francs en plus et exporté 12 millions
221,202 francs en moins qu'en 1898. Cette augmentation dans le
numéraire est attribuée à la présence des troupes anglaises et aux
dépenses qu'elle entraine.
(Rapport du consul général de France à Capetown.)
Algérie. L'occupation du Gourara. — Les oasis du Gourara
sont entièrement en possession des Français, sans aucune effiision de
sang.
La colonne Ménestrel a reçu la soumission de nombreux ksour,
dont les principaux sont Tabclkoza, Fatis, Elhadj, Gullman et Timmi-
moun. Ce dernier ksour est le plus important de la région du Gourara.
Le Gourara s'étend à l'Est et au Sud d'une vaste dépression saline, qui
recueille les eaux s'épandant du versant Sud du grand Atlas oranais.
Ce pays est constitué par douze groupements d'oasis. On compte dans
ces douze districts 2,500,000 palmiers. La population totale est éva-
luée à 80,000 âmes, se décomposant comme suit : 16,000 Arabes,
23,000 Berbères Zenata, 3,000 Chorfa, 18,000 Hlarratin ou métis de
nègres, 13,000 nègi*es. Cela représente 1,800 cavaliers et 17,000 fusils.
La plus importante des oasis du Gourara est Timmimoun qui, à elle
seule, comprend 22,000 habitants et 700,000 palmiers.
L'occupation française de ces territoires, revendiqués par le sultan
du Maroc, ne se fait pas sans protestations énergiques de ce dernier.
Le 9 juin, lit-on dans le Times, le gouvernement marocain a adressé
de Marakech, au gouvernement français, une demande formelle de
soumettre à l'arbitrage européen toutes les questions soulevées par
ol4 ÉTUDES COLONIALES
l'occupation française des oasis du Touat, de Tidikelti, du Gourara
et du district d'Ihli. Le Maroc prétend que l'occupation de ces terri-
toires par la France constitue une violation du territoire du Maroc et
du traité de 18 iS. Le gouvernement marocain dit, en outre, qu'il a en
sa possession, à Marakech, une vaste correspondance avec les deys
d'Alger qui prouve, de façx)n concluante, que le Touat fait partie inté-
grante du territoire marocain. On peut sérieusement douter que la
France consente à négocier sur ces questions dans un moment où
l'action lui est si favorable. En effet, l'occupation de ces régions pou-
vant être considérée comme accomplie, le gouverneur général de
l'Algérie y a créé deux annexes du service des affaires indigènes, l'une
à In Salah pour le Tidikelt, l'autre à Timmimoun pour le Gourara.
Une annexe a également été créée à Igli pour la région de laZousfana
et de l'Oued Saoura.
L'Afrique Orientale allemande. — Le gouvernement allemand
vient de publier son rapport annuel sur les territoires soumis à son
protectorat dans l'Afrique Orientale. Le commerce y arrive péni-
blement à un chiffre d'affaires de 16,000,000 de marks. Le gou-
verneur de cette colonie attribue la diminution des affaires constatée
à diverses causes, dont la suppression de la traite des nègres qui était
la source d'un commerce très intense à Zanzibar, le principal marché
d'esclaves. D'autre part, la concurrence ne tarda pas à s'établir entre
les commerçants allemands, anglais et belges, concurrence d'autant
plus difficile à soutenir pour les possessions germaniques qu'elles ne
possédaient que très peu de moyens de communication et que souvent
l'exportation des produits de ses cultures et des régions sises dans
l'Afrique Centrale devait être confiée aux voies du Zambèse, du Shiré
et du Congo, qui offrent aujourd'hui des communications régulières
et rapides. La production qui a le plus diminué depuis dix ans est
celle de l'ivoire qui, actuellement, est à peine le tiers de ce qu'elle
était en 1889, diminution due à la quantité minime reçue du dehors
et aux faibles productions dont doit se contenter la colonie allemande.
Le commerce, tant d'exportation que d'importation, a surtout décliné
pendant la période de 1890 à 1895. Le produit le plus rémunérateur
de la colonie allemande est le caoutchouc, qui abonde dans les districts
de Upogoro, Mahenge, Songea et Doude et forme le principal objet
des transactions entre Anglais, Allemands et Belges. Beaucoup de
plantes de caoutchouc ont été détruites dans ces immenses forêts et
particulièrement sur les versants cotiers où l'exploitation est plus
facile, par les mauvais procédés employés pour la récolte du latex,
CIIROMQCE 515
aussi le gouvernement allemand a-t-il prix des mesures très sévères
pour enrayer le mal et prévenir la destruction des plants existants.
Le café est spécialement cultivé dans TUsambara, où il donne un grain
très apprécié. La population des territoires allemands soumis au pro7
tectorat est difficile à évaluer; toutefois, le chiffre de 6 millions est
aujourd'hui seul admis. L'industrie est nulle dans ces pays et la
population ne trouve que de faibles ressources dans l'agriculture, sa
principale occupation.
Le chemin de fer du Damaraland. — La convention conclue, le
î28 octobre 1899, entre le gouvernement allemand et la British South
Âfrica Company, à la suite des négociations auxquelles M. Cecil
Rhodes venait de se livrer personnellement à Berlin, n'est pas
publique. Toutefois, quelques-unes de ses clauses sont connues. L'une
d'elles porte que le chemin de fer entre Great Fish Bay, dans la colonie
portugaise d'Angola, et Otavi, dans le Damaraland allemand, ne sera
que la première section d'une grande ligne destinée à traverser tout le
Sud-Ouest africain allemand et à rejoindre le Transvaal. D'après le
correspondant du Times à Berlin, il est stipulé que cette ligne passera
à travers toute la colonie allemande.
La ligne de Great Fish Bay (un peu au Sud de Mossamédès) à Otavi
(sur le 20® degré de latitude Sud) n'est donc que le commencement
d'une future grande ligne allant de l'Atlantique à Johannesburg ou
Pretoria. La convention du 28 octobre 1899 déclare que, lorsqu'elle
sera complétée, les droits de douane imposés par le Portugal, l'Alle-
magne et l'Angleterre, dont elle traverse successivement les territoires,
ne pourront dépasser 3 p. c. au total, savoir au plus 1 p. c. dans
chacune des colonies ; M. Cecil Rhodes a donc obtenu non seulement
l'assentiment du gouvernement allemand, mais aussi celui du gouver-
nement portugais.
La compagnie formée pour la construction du chemin de fer de
Great Fish Bay à Otavi, qui est le centre des gisements de cuivre
allemands, est exclusivement anglo-allemande. L'un des directeurs
n'est autre que le consul général d'Angleterre à Berlin, M. Schwabach,
qui représente au conseil d'administration la maison Bleichrôeder.
Un certain nombre d'actions et de parts de fondateur ont été réparties
d'office. Il n'y a pas d'émission publique. Sur les fonds déjà réunis,
une première somme a été prélevée pour envoyer une expédition de
prospecteurs à Otavi. Cette expédition est partie par un navire de la
Castle Line, qui interrompra sa route ordinaire pour la débarquer à
Swakopmund, dans le Sud-Ouest africain allemand.
S16 ÉTUDES COLONIALES
Nous assistons donc, en somme, à une grande entreprise du gou-
vernement allemand pour mettre en valeur sa colonie, en les reliant
aux chemins de fer anglais du Sud de l'Afrique.
La protection des animaux en Afrique. — Récemment a été
conclue à Londres une convention internationale en vue d*enrayer en
Afrique l'extermination d'un certain nombre d'espèces animales dont
la conservation est reconnue nécessaire.
La zone à laquelle s'appliquent les prescriptions de cette convention
est limitée au Nord par le SO® parallèle et au Sud par le cours du
Zambèze et la frontière septentrionale de la colonie allemande du Sud-
Ouest Africain.
Voici comment la convention classe les différentes espèces animales
dont elle avait à s'occuper :
Animaux dont on veut assurer la conservation :
A cause de leur utilité : les vautours, les hiboux, l'oiseau séculaire,
les pique-bœufs.
A cause de leur rareté et du danger de leur disparition : la girafe,
le gorille, le chimpanzé, le zèbre des montagnes, les ânes sauvages,
le gnou à queue blanche, les élans, le petit hippopotame de
Libéria.
Animaux dont on veut interdire la destruction à l'état non adulte,
et dont il est défendu de tuer les femelles quand elles sont accompa-
gnées de leurs petits : l'éléphant, les rhinocéros, l'hippopotame, les
zèbres, les buflSes, les antilopes et gazelles, les ibis, les chevrotains.
Animaux qui ne doivent être tués qu'en nombre restreint : les
mêmes qu'à l'article précédent, puis, en outre, les sangliers, les singes
à fourrure, les fourmilliers, les dugongs, les lamantins, les petits
félins, le serval, le guépard, les chacals, le faux loup, les petits singes,
les autruches, les marabouts, les aigrettes, les outardes, les francolins,
les pintades, les grands chéloniens.
Animaux nuisibles dont on désire réduire suffisamment le nonfibre :
le lion, le léopard, les hyènes, le chien chasseur, la loutre, les cyno-
céphales, les grands oiseaux de proie (sauf les vautours, les hiboux
et l'oiseau séculaire), les crocodiles, les serpents venimeux et les
pythons.
Conune mesures d'application, la conférence a proposé, entre
autres, l'établissement de saisons de chasse, la délivrance de permis,
l'organisation de réserves pour ces animaux, la prohibition de l'usage
de la dynamite pour la pêche et la confiscation des dents d'éléphant
d'un poids inférieur à «^ kilogranunes.
GUROMQUE 517
Le Haut-Nil n^avigable. — On sait que le Haut-Nil élait encombré
par des bancs d'algues qu'on appelle sedd qui entravaient complè-
tement la navigation. Les journaux anglais avaient suggéré à maintes
reprises l'idée de faire sauter ces barrages; mais l'entreprise avait été
regardée comme irréalisable, jusqu'à ce qu'un oflScier belge, le com-
mandant Henry, après plusieurs tentatives infructueuses et des efforts
sans cesse renouvelés, est enfin arrivé à débarrasser le Nil des bancs
qui Tobstruaient,
Au commencement de mai, le major Peack de la Royal artillery
descendait le Nil jusqu'à Kéro à bord d'une canonnière. Le capitaine
Peack a bien voulu se charger des lettres que les officiers belges lui
ont confiées. Parties de Kéro, le 6 mai, ces lettres sont arrivées
le 7 juin en Europe, donc en un mois et trois jours, alors qu'aupara-
vant une lettre venant du Nil par le Congo, mettait quatre à cinq mois
La première tentative que fit le commandant pour faire la trouée du
Nil jusqu'à Kartoum date de juillet 1899, c'est la troisième qui vient
de réussir. Le commandant Henry était parti de Kéro depuis le
IS septembre 1899 pour essayer de franchir les barrages.
H a eu la bonne fortune d'y rencontrer un officier anglais, le major
Peack, qui avec o steamers et 700 pionniers derviches attaquait l'obstacle
depuis le mois de décembre. Ce travail terminé, le major Peack pour
consen^er son œuvre ou plutôt lui donner une sanction pratique, est
venu jusqu'à Kéro avec une canonnière le Tamaï. Voilà donc le Nil
ouvert à la navigation. C'est une véritable conquête géographique. Ajou-
tons que le commandant Henry est rentré en Europe par la voie du Nil.
Madagascar. L'or. — On vient de découvrir à Madagascar, une
vallée contenant des alluvions aurifères d'une richesse supérieure à
tout ce qu'on avait trouvé jusqu'ici. D'après les constatations les plus
sérieuses, on trouve là environ 10 à 12 grammes au mètre cube. C'est
la vallée de l'Ampoasary. L'Ampoasary est un affluent de gauche du
Mananjar\'. Cette rivière peut avoir une longueur de 80 kilomètres.
Ses sources ne sont pas très riches ; ce n'est guère que vers la fin de
son parcours que l'on commence à trouver de l'or en quantité sérieuse.
La moitié supérieure de la rivière va être ouverte à l'exploitation pu-
blique à compter du l^*" mai prochain. Mais déjà de très importantes
quantités d'or ont été recueillies soit dans les prospections, soit dans
les exploitations clandestines.
Cette découverte va rappeler l'attention sur la question de l'or à
Madagascar. On s'est peut être un peu précipité en déclarant que le
pays n'ofire à cet égard que des ressources médiocres et sans avenir.
518 ÉTUDES COLONIALES
La vérité est que Ton n'a pas encore fait, sauf sur un nombre de
points très restreint, une étude vraiment sérieuse. Les formations
aurifères varient, comme on sait, avec chaque pays, et Ton peut dire
que les plus expérimentés en cette matière, ont toujours une expé-
rience à faire. L'étude spéciale d'un pays aurifère nécessite donc tou-
jours un temps assez long, surtout lorsque, comme à Madagascar, les
les communications sont lentes et onéreuses.
La démonstration que l'on attend aurait probablement déjà été faite
si la législation minière, en vigueur à Madagascar, n'entravait pas la
mise en exploitation. Le général Gallieni, qui s'était ému des plaintes
suscitées par cette législation, avait fait étudier une reforme du
décret du 17 juillet 1896. Le nouveau projet fut examiné par tous
ceux qui s'occupent de recherches ou d'exploitations aurifères dans
la colonie et approuvé par tout le monde.
A Paris, malheureusement, ce projet fut rejeté. Sans entrer dans la
description détaillée du décret du 17 juillet 1896, on peut citer un
exemple qui permettra d'apprécier une de ses dispositions princi-
pales. Un mineur, après des recherches laborieuses, trouve un
gisement aurifère assez important. 11 contient environ 700 à 800 hec-
tares d'alluvion de richesse moyenne et — c'est du moins son affirma-
tion — un filon qui serait très riche. Il est assez naturel qu'il ait le
désir de tirer parti d'une découverte dont il s'est assuré la possession
en remplissant les formalités exigées; mais malheureusement il n'est
pas riche et n'a que peu d'argent. Sa qualité d'inventeur lui donne
droit à quatre-vingts lots sur l'espace que protège le signal qu'il a
placé sur le terrain. Or, s'il demande un permis d'exploitation, il lui
faudra prendre les quatre-vingts lots pour sauvegarder ses droits. S'il
n'en prenait que deux, par exemple, le jour où la région serait ouverte
à l'exploitation publique, la loi ne lui garantirait que ces deux lots et
tout le monde pourrait venir prendre possession des autres. Mais,
pour prendre quatre-vingts lots il faut pouvoir payer d'avance la taxe
mensuelle due pour chaque lot, soit au moins 35 francs par lot et par
mois, ou 2,800 francs pour les quatre vingts lots, somme dont le
mineur ne peut pas disposer.
On attendait donc le nouveau décret qui décidait que la taxe pleine
n'était due que pour les lots exploités alors que les autres ne devaient
payer que 5 francs par mois. La taxe à payer par mois ne se fût élevée
ainsi qu'à 430 francs pour quatre-vingts lots. Le mineur aurait alors
pu commencer à exploiter un seul lot et étendre peu à pou son exploi-
tation. Le Trésor y perd également puisque maintenant il ne touche,
pas de taxe. Dans l'imérina seulement, il y a au moins cinquante
personnes dans le cas de ce mineur.
CHRONIQUE 519
A^IEWQUB
Les mines d'or du Klondike. — H. Me Connell, qui avait été
chargé par le service géologique du Canada de faire une enquête sur
le Klondike, vient de déposer son rapport qui est présenté comme
« le premier résultat d'une étude systématique et jusqu'à un certain
point scientifique de ce district ».
La région du Klondike est décrite au point de vue topographique
comme « un plateau élevé coupé en tous sens par de nombreuses et
profondes vallées. Le point le plus élevé, le Dôme, est à 3,050 pieds
au-dessus du Yukon à Dawson et à 500 pieds seulement au-dessus des
chaînes de montagnes qui se trouvent à sa base. Ces dernières s'éloi-
gnent en lignes irrégulières et s'abaissent graduellement jusqu'aux
rives des principales rivières du pays. Les cours d'eau sont peu impor-
tants, ils ont rarement plus de 15 pieds de largeur; des forets gar-
nissent les chaînes inférieures et les flancs des montagnes, mais le
fonds des vallées n'est que partiellement boisé ».
M. Me Connell considère ce que le massif du Klondike, composé
principalement de schistes micacés de couleurs claire, est le groupe
le plus important du district; il constitue la roche à filons qui se
trouve le long des parties productives de tous les cours d'eau riches
et qui semble être par nature associée à la présence de l'or ». Les
veines de quartz sont extrêmement abondantes dans les schistes du
massif du Klondike et il n'est pas douteux, ajoute M. Me Connell, que
(( l'or dans les plaeers et dans le gravier qui les accompagne sont
d'origine locale et qu'ils proviennent des veines de quartz et de schiste
du district ». De grandes veines de quartz n'ont pas encore été déter-
minées jusqu'à présent, mais M. Me Connell considère comme
« improbable que le contenu métallique des veines aurifères ait été
répandu dans les vallées ». Des zones productives de roches à filons
seront encore découvertes, à son avis, mais les difficultés de prospec-
tion sont grandes dans une contrée dont la surface est presque par-
tout recouverte d'une épaisse couche de mousse.
Les graviers du district sont de quatre espèces diverses et se trouvent
à des niveaux différents. Ce sont : les graviers des ruisseaux, ceux
des terrasses, ceux des rivières et ceux des vallées. On trouve de l'or
partout dans les graviers des ruisseaux ; les parties les plus riches se
SSO ÉTUDES COLONIALES
trouvent généralement vers le mil lieu de leur cours. M. Me Connell
évalue la longueur des parties rémunératrices des différents ruisseaux
à 30 milles et la valeur d'or qu'elles contiennent à « environ
95 millions de dollars, estimation qui est loin d'être exagérée ».
Ce chiffre ne comprend pas les longues étendues de gravier des
ruisseaux qui se trouvent trop bas pour pouvoir être exploitées actuel-
lement.
Il est établi, d'autre part, que les terrasses près des principaux cours
d'eau contiennent de riches claims. En ce qui concerne le gravier des
vallées des niveaux supérieurs, à savoir : celles de Bonanza, de l'Eldo-
rado, de Bimker et de Quartz Creek, M. Me Connell estime « qu'ils
peuvent presque rivaliser en importance avec les graviers des ruis-
seaux. Ils sont partout plus ou moins aurifères et sur de grandes éten-
dues, ils sont même très riches ».
On peut se faire une idée de la valeur des champs d'or du Klondike
d'après la production des trois dernières années. Elle a été en 1897,
de 2,500,000 dollars; en 1898, de 10 millions de dollars; et en 1899,
de 16 millions de dollars.
L'exploitation des claims des ruisseaux se fait par puits ou galeries.
Les opérations se poursuivent pendant tout l'hiver. La terre est dégelée
au moyen de feux ou bien en chauffant de l'eau dans les puits au
moyen de pierres brûlantes. On a introduit une machine permettant
de dégeler par la vapeur. Elle finira par remplacer les autres modes
d'opérer. Elle est d'une grande simplicité. On se sert d'une petite
chaudière qui envoie la vapeur à travers des tuyaux en caoutchouc à
des pointes d'acier. On pousse les tubes dans le sol durci par la gelée
et on chasse la vapeur dans la terre pendant six à huit heures. Les
pointes dégèlent de un à trois yards cubes de gravier à la fois. La
matière obtenue est mise en tas et lavée au printemps à l'époque des
inondations. Il est rarement nécessaire d'établir des boisages dans les
puits, pas plus en été qu'en hiver. La boue gelée qui recouvre le gra-
vier est si tenace qu'il n'est pas rare de voir, près des cours d'eau, des
voûtes de plus de cent pieds d'ouverture qui tiennent sans l'aide d'un
pilier.
Les graviers des terrasses s'exploitent à découvert quand ils ne sont
pas recouverts de terre ou au moyen de puits dans le cas contraire.
BrésiL Immigration. — Le consul anglais à Para dit dans son
rapport, que le nombre total des immigrations au Brésil a été, en 1898,
de 5,280 personnes qui presque toutes, reçurent l'assistance de l'État.
2,92i venaient d'Espagne et 2,292 de différentes parties du Brésil. En
CHRONIQUE 5ât
outre, environ 30,000 Brésiliens de TÉtat de Ceara se rendent annuel-
lement dans îe Para et T Amazonie pour travailler dans l'industrie du
caoutchouc. L'Etat fait tous ses efforts pour développer les industries
agricoles et pour améliorer le marché du travail. Le gouvernement
italien s'étant relâché de son opposition à l'émigration de ses nationaux
vers le Brésil équatorial : 1 ,000 Italiens sont arrivés à Para. On dit que
rémigration a été suspendue jusqu'à ce que le gouvernement ait reçu
des rapports favorables sur les premiers émigrés. Des capitaux belges
importants ont été placés dans l'Etat. Les Belges ont acquis un grand
domaine à caoutchouc et une entreprise d'éclairage électrique et ils ont
obtenu des concessions agricoles. En outre, ils négocient pour obtenir
le transfert d'une ligne de tramways et l'éclairage électrique de la ville.
La Société belge pour l'exploitation du caoutchouc a été la première
à introduire au Brésil de la main-d'œuvre des Indes anglaises occi-
dentales.
Bolivie. Le caoutchouc. — Au cours d'une conférence faite à
la i( Society of Arts », sir Martin Conway a donné des renseignements
sur l'industrie du caoutchouc en Bolivie, basés sur ses propres obser-
vations et recherches.
Les forêts à caoutchouc de la Bolivie se trouvent dans les pro\inces
du Nord et de l'Est. Elles couvrent de vastes étendues, mais, par suite
de la difficulté des transports, on n'a pu exploiter jusqu'à présent
qu'un nombre relativement restreint de districts. Dans le Nord, la
région du Rio Béni est la plus importante. Le caoutchouc qu'on y
récolte est transporté par la rivière Madeira jusqu'à l'Amazone. Il se
vend dans le commerce comme caoutchouc de Para. La quantité de
caoutchouc originaire de cette région est très considérable, et, si les
moyens de transport étaient meilleurs, elle deviendrait bientôt une des
premières contrées productrices de cet article. Sir Martin Conway n'a
toutefois pas visité cette région ; ses observations ont porté sur les
forêts de la province de Larecaja dont les produits sont exportés par
le port péruvien de Mollendo, d'où lui vient son nom de caoutchouc de
Mollendo. On dit que l'arbre producteur est le Siphonia elastica, appar-
tenant à la famille des Euphorbiacées. Sir Conway a malheureusement
égaré les spécimens qu'il avait emportés. La détermination botanique
de la plante ne peut donc pas encore être regardée comme définitive.
C'est un grand arbre de la taille d'un orme à peu près et qui pousse en
groupes de 100 à 150 individus. On le rencontre jusqu'à 3,000 pieds
au-dessus du niveau de la mer dans les vallées qui s'éloignent de la
Cordillera Real vers le Nord-Est, notamment dans celles de Mapiri, de
S22 ÉTUDES COLONIALES
Tipuani, de Coroico, de Challana et de Zongo. On récolte le caoutchouc
deux fois par an, d'avril à juillet et d'octobre à mars. Un même arbre
ne peut être saigné que pendant trois mois par année, après quoi, il lui
faut un repos de neuf mois. Par contre, s'il est traité de cette manière
et que les incisions se fassent avec soin, l'exploitation ne semble pas
influer sur sa vitalité. La vie d'un arbre, saigné chaque année, est
longue et dépasse les quinze années nécessaires pour produire un
arbre au moyen de semences.
La méthode de récolte et de préparation du caoutchouc est à peu
près la même qu'au Brésil. Dans ce dernier pays, le lâtex est coagulé en
plongeant une palette de bois dans le liquide et en la tenant ensuite
dans la fmnée d'un feu de bois de palmier auquel on ajoute, si pos-
sible, des noix du palmier Montacu. On répète cette opération jusqu'à
ce qu'il se soit formé une masse suffisamment grande; on coupe
celle-ci sur les côtés, puis on l'arrache de la palette ; le caoutchouc est
alors prêt pour l'exportation. La production moyenne d'un arbre en
pleine croissance est évaluée de diverses façons; quelques-uns la por-
tent jusqu'à 7 livres, et personne ne l'estime à moins de 3 livres. Les
chiffres suivants montrent le développement qu'a pris l'exportation du
caoutchouc de Mollendo dans les dernières années :
LITRES
1895-1894 37,587
1894-1893 80,734
1895-1896 251,341
1896-1897 292,121
1897-1898 491,087
On ne possède pas encore les chiffres pour 1898-1899, mais la pro-
duction l'a également emporté de beaucoup sur celle de l'année précé-
dente. La qualité du caoutchouc Mollendo est, à en juger par les prix
qu'il obtient, à peu près égale à celle du Para. En 1898, celui-ci a varié
sur les marchés anglais entre 3 sh. 5 3/4 d. et 4 sh. 4 1/2 d. la livre,
tandis que les prix des Mollendo ont été de 3 sh. 4 d. à 4 sh. 1 1/2 d.
la livre.
Les principaux obstacles au développement de l'industrie du caout-
en Bolivie sont les difficultés de transport et le fait que tous les vivres
des récolteurs doivent leur être amenés de fort loin jusque dans les
forêts qui sont inhabitées. Dans beaucoup de cas, la seule voie d'accès
des forêts est constituée par des r.entiers le long desquels les mules
avancent avec difficulté. Quand ce pays sera ouvert par de bonnes
routes, il n'est pas douteux que la production du caoutchouc n'y
prenne un large essor.
CHRONIQUE 523
ASIB
Inde anglaise. Production du caoutchouc en Assam. — Le
chiffre total du caoutchouc produit par les forêts de l'Assam, tant en
deçà qu'au delà des frontières anglaises, a été en 1898-1899, de
3,599 maunds ou environ 280,317 livres, ce qui constitue, comparé
au produit de l'année précédente, une augmentation de 756 maunds
ou 61,997 livres environ. L'augmentation s'est surtout manifesté dans
les divisions forestières de Cachor, Darrang et Lakhimpor. Elle est le
résultat d'une exploitation plus active des collines de Manipor, Dafla,
Nupor et autres, provoqué par un accroissement de la demande et
par la hausse des prix. La production, bien que beaucoup plus consi-
dérable que celle de l'année précédente, est restée en dessous de celle
de 1896-1897, qui a dépassé 4,000 maunds ou près de 300,000 livres.
La diminution est due à la destruction continue des arbres par suile
de l'exploitation excessive des années précédentes à laquelle a dorme
lieu une demande pressante de caoutchouc. Ce dernier se paie environ
4 shillings la livre sur le marché de Londres.
Chine septentrionale. Les chemins de fer. — Un rapport du
ministre des Etats-Unis à Pékin, annonce que la section Tien-Tsin-
Shamhaikuan-Newchwang du chemin de fer impérial est achevée. La
distance de Tien-Tsin à Newchwang est de 34,863 milles anglais. La
ligne de Tien-Tsin à Chinchow dont la longueur est de 2(5,863 milles
anglais et sur laquelle des trains circulent depuis quelques temps,
rapporte, dit-on, 14 p. c. du capital engagé. On compte que lorsque
la ligne sera entièrement achevée, elle produira un intérêt de 30 p. c.
Le chemin de fer de l'Est-Chinois (russe), qui est achevé actuelle-
ment depuis Port-Arthur jusqu'à Moukden, est relié à Newchwang.
Par suite du danger que présente la circulation des trains en Chine
pendant la nuit, le voyage de Port- Arthur à Pékin durera environ
trois jours.
Les Russes travaillent avec beaucoup d'énergie à Tachèvement de
la voie destinée à relier Moukden à Vladivostock et on pense que les
deux grands points stratégiques de la Russie en Extrême-Orient, Port-
Arthur et Vladivostock seront reliés par chemin de fer au mois d'avril
prochain.
824 ÉTUDES COLONIALES
Les trains circulent actuellement sur le chemin de fer de Sibérie
jusqu'à Stretensk, sur la rivière Shilka, un tributaire de l'Amour. De
cette localité, il faut se servir de la voie fluviale jusqu'à Khabarovsk,
d*où la ligne conduit à Vladivostock. La durée du voyage de Saint-Pé-
tersbourg à Vladivostock s'établit actuellement comme suit : de Saint-
Pétersbourg au lac Baïkal, neuf jours; du lac Baïkal à Stretensk, trois
jours; par eau jusqu'à Khabarovsk, six jours; de là à Vladivostock, un
jour; total 19 jours. La section de Vladivostock à Stretensk est terminée
en partie et on compte que dans dix-huit mois, la ligne entière sera
ouverte.
Chine. L'action commerciale des Japonais. — Une grande
association s'est récemment formée au Japon pour développer l'in-
fluence japonaise dans l'empire chinois. Elle vient de publier un
rapport sur la part que pourraient prendre les Japonais dans le mouve-
ment maritime de la Chine. Jusqu'ici cette part est assez modeste,
sauf sur le littoral coréen où presque toute la navigation est faite par
les bateaux japonais de la Nippon-Yusen-Kaisha. La compagnie
russe du chemin de fer de la Chine orientale vient de mettre en chan-
tier, i7 navires, qu'elle afl'ectera au service des lignes de Corée : ce sera
pour les Japonais une redoutable concurrence.
Mais la grosse question, pour les Japonais, est de prendre part à la
concentration et à la distribution des marchandises d'importation ou
d'exportation, qui passe par le grand emporium de Shanghaï. Ce
port a fait, en 1898, un commerce de 195 millions de taëls sur
377 millions que représente le total du commerce extérieur de la
Chine. Le rapport conclut à la nécessité pour les Japonais, de créer
des lignes de navigation maritime reliant Shanghaï aux autres ports
chinois, surtout ceux du Nord, et fluviale dans l'immense réseau navi-
gable du Yang-tsé.
La compagnie Nippon-Yusen-Kaisha a décidé, en octobre dernier,
d'afiecter deux de ses vapeurs à la ligne Shanghaï-Tien-Tsin, mais c'est
une bien faible concurrence pour battre en brèche de puissantes com-
pagnies étrangères qui disposent de vingt-cinq vapeurs fournissant
51 voyages par mois. De ce côté, la marche des bénéfices à faire est très
large : les frets sont très chers; par exemple, la tonne de filés de coton
paie 8 shillings de Shanghaï à Tien-Tsin. Sur le Yang-tsé, le pavillon
japonais ne brille pas non plus beaucoup jusqu'à présent. Trois vapeurs
japonais de la Osaka-Shosen-Kaisha parcourent le fleuve dans sa
partie inférieure, facilement navigable, jusqu'à Hankéou. Leur ton-
nage total est de 1,'I02 tonnes contre 19 vapeurs et 22,000 tonnes aux
CHRONIQUE 525
compagnies sino-éirangères qui desservent le bas fleuve. Cependant,
la Osaka-Shosen-Kaisha fait d'excellentes affaires et cette compagnie
se propose, grâce à la subvention que les chambres viennent de lui
allouer, d'augmenter son effectif sur le Yang-tsé-Kiang. Sur le fleuve
entre Hankéou et Itchang, la Compagnie japonaise n'a qu'un petit
vapeur contre cinq vapeurs chinois et étrangers, d'un tonnage total
de 3,500 tonnes.
Les Japonais étudient en ce moment la navigation des affluents du
Yang-tzé et des grands lacs qu'ils traversent. De ce côté, le rôle dévolu
aux étrangers semble être de remorquer, quand le vent est contraire,
les innombrables jonques de charge ou de pêche qui sillonnent ces
eaux intérieures. Mais, le rapport japonais le constate, les Anglais ont
pris les devants, et un de leurs petits vapeurs a commencé à tenter
cette industrie. Cependant, une compagnie japonaise, la Taite-Kiseu-
Kaisha qui a établi, en 1897, un service fluvial entre Shanghaî-Sou-
Tchéou et Shanghaï-Kiang-Tchéou, se propose de desservir prochai-
nement les lacs et cours d'eau du Honnan.
Plus tard, quand les Japonais feront un peu moins maigre figure
dans le Centre et le Nord, ils s'attaqueront à la région méridionale de
Hong-Kong.
Navigation à vapeur sur le Haut Yang-Tsé. — H résulte d'une
dépêche du consul général de France à Shangaï, que les compagnies
de navigation anglaises, à la suite du succès de la tentative faite
récemment par les trois canonnières : le Woodcock^ le Woodlark et la
Snipe, pour remonter le Yang-Tsé, en amont d'Itchang, se préparent
à organiser des services réguliers sur cette partie du fleuve. Le pre-
mier des quatre bâtiments que la « Yunnan Company » avait com-
mandés dans ce but, vient d'être lancé sur les bords du Whampoo.
Le Pioneer est un vapeur de 200 tonneaux de jauge, expédié en pièces
à Shangai, où il a été monté et ajusté dans les ateliers de ce l'Oriental
Dock ». Ce navire est muni de deux roues à aubes et mesure 180 pieds
de longs sur 30 de large. Ses arrangements intérieurs lui permettent
de transporter quatorze passagers de première classe, trente de
seconde et nouante de troisième. Le tirant du Pioneer ne dépasse pas
6 pieds quand le navire est chargé de 100 tonneaux, 6 1/2 pieds avec
un fret de 160 tonneaux. Il est probable que ce bâtiment, grùce à sa
vitesse de 14 nœuds, réussira à remonter les rapides du Haut Yang-
Tsé.
On compte 1,400 milles de Tchonking à Shanghai, par le fleuve.
Celui-ci traverse les régions les plus fertiles et les plus peuplées de la
52(> ÉTUDES COLONIALES
Chine; il a été, depuis la plus haute antiquité, le véhicule naturel des
populations riveraines. Entre Tchong-King, le fleuve est resserré et
peu profond. On a réussi à le remonter au moyen de navires d'un
faible tirant d'eau. Actuellement, dix-neuf vapeurs descendent et
remontent le fleuve entre ses points de navigabilité extrêmes avec un
tonnage de 22,000 tonnes.
Actuellement 3 compagnies sino-européennes assurent le service
des passagers et des marchandises sur le haut fleuve, entre Hankéou
et Itchang, au moyen de cinq vapeurs d'un tonnage de 3,500 tonnes.
L'Osaka Shosen Kaisha possède également sur cette section du fleuve,
un vapeur de faible tonnage. L'intéressante initiative des Anglais
assurera désormais les transports en amont d'Itchang.
Nouveaux chemins de fer en Indo-Chine. — Conformément
aux dispositions de la loi du 25 décembre 1898, relative aux chemins
de fer de l'indo- Chine, le gouverneur de l'Indo-Chine a proposé au
Président de la République française de faire ouvrir les travaux du
chemin de fer de Saigon à Tamlinh, constituant la première section
de la ligne de Saigon à Kanh-hoa et au Lang-Bian, qui fait partie du
réseau dont la conslructioii était autorisée. Le comité des travaux
publics du ministère dos colonies a reçu communication des projets
y relatifs et a approuvé les projets techniques et les projets de con-
trat, ainsi que les évaluations des dépenses des travaux. Les évaluations
pour la ligne d'Haïphony à Hanoï et à Vietri (154 kilomètres) sont de
18,600,000 francs, celles pour la ligne d'Hanoï à Vinh sont de
2{,800,000 francs, pour la section de Saigon à Tamlinh (132 kilom.),
elle arrivent à un total de 12,900,000 francs, soit pour l'ensemble des
lignes ou sections de lignes, 53,100,000 francs. Les allocations prévues
par la loi pour les lignes dont il s'agit, atteignent 53,886,000 francs,
total supérieur à l'évaluation ci-dessus. Conformément aux disposi-
tions du décret du 29 décembre 1898, une première somme de 50 mil-
lions a été réalisée sur le montant total de l'emprunt autorisé par la
loi. Au surplus, le budget général de l'Indo-Chine porte, au cha-
pitre 18, article 2, un crédit de 4,162,000 francs, suffisant pour gager
un emprunt de 50 millions à réaliser. En conséquence, le Président
de la République a autorisé, par décret du 17 juin 1900, l'ouverture
des travaux du chemin de fer de Saigon au Long-Bian et au Khanhhoa.
Sibérie. La colonisation. — Le chemin de fer transsibérien
n'aura pas seulement une grande importance pour le transport des
passagers et des marchandises entre l'Europe et l'Extrême-Orient, il
CHRONIQUE 527
est aussi appelé à exercer une influence considérable sur la colonisa-
tion russe en Sibérie. Des colons russes ont commencé à s'établir en
Sibérie après que celle-ci est devenue une partie de l'empire, mais ce
n'est que dans la seconde partie du siècle actuel que la colonisation a
pris de larges proportions. On en attribue la cause à l'émancipation
des serfs. Les terres étant devenues insuflSsantes ou s'étant épuisées,
de nombreux paysans russes émigrèrent en Sibérie, pour y chercher
de bonnes terres labourables.
On évalue l'émigration vers la Sibérie à plusieurs centaines de mille
personnes pendant les vingt-cinq dernières années. Il fallut donc
bientôt la réglementer. Ce fut une des tâches du comité spécial qui
dirige la construction du chemin de fer transsibérien. Le comité indi-
qua certaines étendues de terres où les colons pouvaient s'établir.
Quand les terres qui se trouvent dans le voisinage immédiat de la
ligne eurent été occupées, le comité entreprit le drainage d'une vaste
étendue de sol marécageux à travers laquelle passe la ligne et l'irri-
gation d'une autre ; de cette manière, un nouveau champ s'ouvrit à
l'activité des colons. En outre, des terres furent concédées aux colons
dans la région des taïga ou des ourmans, c'est-à-dire dans les vastes
forêts qui s'étendent vers le Nord jusqu'aux contrées impropres à la
culture, qui bordent l'Océan arctique. Un grand nombre de colons
se sont depuis établis dans la région des taïga et même beaucoup
parmi les anciens colons de Sibérie ont préféré la solitude des régions
septentrionales au contact des nouveaux arrivés.
Un des effets de la colonisation sera d'amener une répartition plus
égale dans la population de l'Empire russe. On espère aussi que l'im-
migration introduira des procédés de culture plus modernes en Sibé-
rie, où la culture a eu jusqu'à présent, plutôt un caractère extensif
qu'intensif.
Les chiffres de l'immigration en Sibérie sont, pour les dernières
années, les suivants :
1^5 61,435 immigrants.
1894 62,612 —
189S 108,039 —
1896 202,302 —
1897 86,575 —
1898 205,645 —
1899 223,981 —
Les émigrants reçoivent des billets de chemins de fer au quart du
prix ordinaire en troisième classe. Des dépôts ont été établis le long
de la ligne, où ils peuvent obtenir la nourriture, le logement et les
528 ÉTUDES COLONIALES
soins médicaux. Ces derniers sont délivrés gratuitement. On a aussi
fondé des dépots, où les émigrants peuvent se procurer du bois de
construction et des instruments agricoles. On leur accorde aussi des
facilités de payement.
Japon. Reoensement de la population. — La population du
Japon s*élève, d'après le recensement fait à la fin de 1898, à 44 mil-
lions 733,379 âmes, soit une augmentation de 754,884, par rapport à
Tannée précédente. Les villes les plus peuplées sont Tokio, avec
1,425,366 habitants et Osaka, avec 811,855.
La population étrangère du Japon reste stationnaire. L'augmenta-
tion depuis 1891 est de moins de 500 personnes. D'après les derniers
chiffres, le nombre des résidents étrangers était de 4,718, non com-
pris les Chinois, qui comptent environ 5,300 représentants.
BIBLIOGRAPHIE
Plant» ThonnerianaB Congolenses, par Ë. De Wildeman et Th. Durand. —
Un vol. în-A» de 1 18 pages et 25 planches lithographiées, orné d*une carte du bassin de
la Hongalla et précédé d'une introduction de M. Franz Thonner. Bruxelles, Société
belge de Librairie, 1000.
Cet ouvrage renferme l'étude scientifique détaillée des végétaux dont
M. Thonner avait récolté des exemplaires dans son exploration du pays
des Bangalas. Les auteurs de cette analyse botanique, M. le D' De Wil-
deman, aide- naturaliste au jardin botanique de Bruxelles et M. Th.
Durand, conservateur au même établissement, se sont déjà fait con-
naître par leurs travaux sur la flore congolaise.
La collection étudiée par eux comprend 120 plantes, dont une
cinquantaine n'avaient pas encore été signalées au Congo et dans ce
nombre on ne compte pas moins de vingt-trois espèces et quatre
variétés nouvelles. Les recherches de M. Thonner ont donc produit
des résultats d'une importance assez considérable pour la science;
quelques unes des plantes nouvelles pourront peut-être être utilisées
pour les cultures.
L'introduction que M. Thonner a ajouté au travail de MM. De Wil-
deman et Durand est un abrégé de son voyage, consistant princi-
palement dans la description physique des localités où il a fait ses
trouvailles. Les planches qui complètent le volume, dessinées par
M. d'Apreval, sont d'une belle exécution.
Kolombien, par le professeur De Fritz Regel. ~ Un vol. in-4** de 275 pages avec
illustrations, 53 planches et une carte. Berlin, Alf. Schall, 1000.
Le remarquable ouvrage que nous examinons fait partie, comme le
livre du D*" Krieger sur la Nouvelle-Guinée, dont nous avons rendu
compte il y a peu de mois, de la Biblioihek der Làndei'kunde.
Le nouveau volume tiendra un rang distingué dans cette belle col-
lection. Les publications concernant la Colombie, contrée assez
négligée depuis Humboldt, viennent d'ailleurs à propos. On trouve
530 ÉTUDES COLONIALES
dans le travaille M. Regel une étude fort complète de ce pays à tous
les points de vue, non seulement scientifiques mais économiques et
pratiques. La partie qui nous en semble la plus remarquable est le
chapitre consacre au règne végétal qui se présente, dans cette région
tropicale, sous des aspects aussi variés que magnifiques. L'ouvrage de
M. Regel est une des meilleures productions géographiques de ces
dernières années.
La valeur du volume est encore rehaussée par sa superbe exécution
matérielle. Les nombreuses planches qui, d'après les esquisses de
M. A. Berg, reproduisent les types de la végétation colombienne,
méritent une mention toute spéciale.
Das Vordringen der Russisohe Macht in Asiën, par le comte Max Yorck von
Wartenburg, colonel d'état major. Brochure in-S» de 67 pages, avec une carte de
TAsie-centrale. -^ Berlin. E. Smittlerand Shon, 1900.
Cette brochure, déjà parvenue à sa deuxième édition, traite un sujet
dont l'actualité n'a pas besoin d'être démontrée. On y trouve l'histo-
rique très complet des progrès de la puissance russe en Asie depuis
Pierre le Grand et, comme conclusion, des considérations politiques
du plus haut intérêt.
L'exploitation de notre empire colonial, par Louis Vignon, lauréat de Tln-
stitut. — Un vol. in-lâ de 355 pages. Paris, Hachette et 0«, iOOO.
La politique française, depuis une vingtaine d'années, s'est appli-
quée avec zèle à accroître le domaine colonial de la République; elle
a pris moins de soin de le mettre en valeur. De nombreux écrivains
s'efforcent de réparer cette lacune. Le livre de M. Vignon, dans cet
ordre d'idées, mérite d'être signalé. L'auteur montre une grande éru-
dition dans les questions coloniales, et une intelligence remarquable
des problèmes économiques. Il combat par d'excellents arguments et
des exemples probants les préjugés protectionnistes de ses compa-
triotes. Nous avons eu la satisfaction de remarquer que, comme beau-
coup d'auteurs étrangers, M. Vignon cite avec éloges l'activité au Congo
des Belges et du gouvernement de l'Etat indépendant.
Au8 dem Lande des Zopfes. Plavulereim einet cUten Chinegm, par M. von Brandt.
Un vol. in-iâ de 195 pages. — Leipzig, Sevig Wigand, 1900 (2« édition).
Les événements actuels ont provoqué l'apparition ou la réédi-
tion de nombreux ouvrages sur la Chine, les uns traitant ex-professo
de l'avenir économique de l'Empire, les autres, consacrés à l'exposé
CHRONIQUE 531
des mœurs si curieuses de ses habitants. Le livre de M. von Brandt
appartient à cette dernière catégorie. Il est original et intéressant
comme on peut en juger par la traduction que nous donnons d'un de
ses chapitres. L'auteur a pris pour sous-titre « Causeries d'un vieux
Chinois ». C'est en effet, le résumé de ses impressions durant un long
séjour en Chine qu'il nous donne ici; en général, il paraît avoir meil-
leure opinion de la race chinoise que la plupart des autres écrivains
contemporains.
La fièvre bilieuse hématurique, par le D^ Henri Nimal. Extrait de la Gazette
médicale belge,) — Liège, H. Poncelet, 1900.
Il est question dans cette brochure, de la plus redoutable des
maladies africaines. On sait que la Société d'Études coloniales poursuit
en ce moment l'étude de la malaria. Le petit ouvrage du D"" Nimal
contient un résumé des travaux parus dans cet ordre d'idées, dont
l'importance n'a pas besoin d'être démontrée.
^
ÉTUDES GOItOHiflItES
No 8 7* Année Août 1900
NOTE SUR L'ÉTIOLOGIE
LE DIAGNOSTIC ET LE TRAITEMENT
de quelques formes cliniques de la Malaria
Par le D^ A. POSKIN
Médecin consultant aux Eaux de Spa (Belgique)
-^
Il n'existe pas aujourd'hui de doute sur l'existence et la nature
du microorganisme qui détermine la malaria. L'hématozoaire de
Laveran, en effet, se retrouve toujours dans le sang des malades
atteints, quelle que soit la forme clinique sous laquelle la maladie
se présente et quelle que soit la position géographique du lieu
habité par le malade.
L'habilat de l'hématozoaire de Laveran est très étendu; on le
trouve au Sud par 40** de latitude et au Nord, par 60** de latitude.
Ce n'est donc pas seulement sous les zones torride et chaude qu'on
le trouve ; c'est aussi dans la zone tempérée et aux confins de la
zone froide que l'hématozoaire peut se développer, vivre et infecter
l'organisme.
11 m'a paru utile de faire cette constatation pour pouvoir dire
mon opinion en ce qui concerne le mode de propagation de l'hé-
matozoaire et, surtout, la voie suivie par lui pour arriver à l'orga-
nisme humain.
On croyait autrefois que le terrain marécageux ou celui qui,
Favait été, était une condition essentielle du développement de la.
534 ÉTlîDES COLONIALES
malaria ; d'où, la dénomination fièv7*e paludéenne, donnée à laffec-
tion qui sévissait endémiquement dans les pays à marécages.
On sait aujourd'hui que le marais n'est pas nécessaire pour pro-
pager la maladie et que tous les pays marécageux ne sont pas
nécessairement des pays à malaria.
On a observé souvent que des épidémies de malaria se dévelop-
paient en terrain sec, en pays de montagne, loin de tout marais, à
l'occasion de travaux de défrichement ou de terrassement, d'où la
notion que la maladie se prenait par l'air respiré, ou autrement,
mais, en tout cas, par la mise en liberté, par le travail de l'homme,
de l'hématozoaire contenu dans le sol. De là, le nom de malaria
(mauvais air).
Je passe sous silence quantité d'hypothèses quant au mode de
propagation de la malaria pour arriver à une théorie qui, déjà
ancienne en ce qui concerne la malaria, la fllariose, etc., a été
reprise en ces dernières années par un professeur éminent,
R.Koch, de Berlin, et pardes savants allemands, anglais et italiens.
Je veux parler de la propagation de la malaria par l'intermédiaire
des moustiques.
Le professeur Koch et, après lui, des missions scientifiques
anglaises et allemandes se sont rendus sur les côtes orientale et
occidentale d'Afrique, aux Indes Néerlandaises, dans la Nouvelle-
Guinée allemande et ailleurs pour vérifier le fait de la présence de
l'hématozoaire de Laveran dans l'estomac des moustiques et le fait
a été reconnu exact. On a même démontré la possibilité de trans-
mettre le microorganisme, du moustique à l'homme, par voie épider-
mique. Il paraît donc certain que c'est un mode de propagation
de la malaria; mais, prétendre que c'est le seul mode, c'est
évidemment une exagération. Et il est nécessaire de combattre cette
exagération ; car alors, toute la prophylaxie de la malaria consiste-
rait à faire la chasse aux moustiques et à les détruire pour éteindre
la maladie et rendre salubres des contrées réputées inhabitables.
Le moustique peut propager la maladie en transportant l'héma-
tozoaire de l'homme à l'homme, du sol et des marais, ou des végé-
taux qui y croissent. L'inoculation se fait par la piqûre et l'insertion
du microbe sous l'épiderme, mais il est évident que l'hématozoaire
doit préexister dans le sol et, dès lors, on peut supposer qu'il peut
emprunter d'autres voies que le moustique pour arriver à l'homme*
FORMES CLINIQUES DB LA MALARIA 53S
En. fait, l'hypothèse se réalise. Il existe des contrées où il n'y a
pas de moustiques et où la malaria règne endémiquement. Tels les
pays du Nord, de la zone froide et même de la zone tempérée. Dans
les pays chauds, sous les tropiques, il existe de vraies oasis en ce
qui concerne les moustiques et qui pourtant sont de vrais cime-
tières pour les blancs qui y résident et qui succombent aux atteintes
des formes les plus graves de la malaria.
Tous ceux qui ont habité le Congo Belge, savent qu'à Matadi,
par exemple, il n'y a pas de moustiques. On peut dormir sans
crainte de leur morsure, sans protection de la moustiquaire.
Matadi est sur le flanc d'une montagne rocheuse, sans végétation ;
il n'y a pas de marais dans la partie^ bâtie et habitée. Il y a le voi-
sinage du fleuve soumis à des crues périodiques, mais cette position
est commune à beaucoup d'autres agglomérations de blancs sur le
fleuve Congo.
Et Matadi est l'endroit du Congo où l'on meurt le plus de la
malaria (I)! Des agents, venus d'Europe, en parfait état de santé,
n'ayant jamais résidé qu'à Matadi, sont morts rapidement des
formes pernicieuses de la malaria sans qu'on puisse incriminer les
moustiques.
Dans les Polders des Pays-Bas et à Anvers, on ne peut non plus
dire que ce sont les moustiques qui inoculent la maladie à ceux
qui viennent y résider. Et pourtant la malaria atteint souvent les
nouveaux arrivés; on y a observé de véritables épidémies à l'occa-
sion de travaux où l'on remuait le sol, comme à l'occasion des
travaux de terrassement nécessités par les fortifications. J'ai per-
sonnellement constaté à Anvers qu'à l'occasion du curage des
fossés des fortiflcations ou des étangs du Parc, on observait en
ville une recrudescence d'accès de malaria. Cette recrudescence
tenait évidemment à la nature du sol anversois qui est marécageux.
Dans bien des cas observés par moi-même, après enquête minu-
tieuse, je n'ai pu incriminer que l'air comme véhicule de l'héma-
tozoaire.
Je crois donc que le mode de propagation de la malaria est divers
(1) Au temps de mon séjour dans le Bos-Gongo (Blatadi), en 4895-189i, la mortalité
annuelle était de 18 p. c. environ du nombre des agents blancs.
536 ÉTUDES CCLONIALES ^
et que la contamination par les moustiques est peut-être la moins
fréquente des causes de cette affection.
Dans un précédent travail (1), j'exprimais à propos des formes
cliniques de la malaria et de la pathogénie des symptômes, l'opi-
nion suivante :
(( L'unité ctiologique de la malaria et des observations souvent
répétées nous ont montré l'étroite relation existant entre les diver-
ses manifestations de la fièvre malarienne. De même que le bacille
d'Eberth peut déterminer des manifestations variées de la fièvre
typhoïde, depuis la fièvre muqueuse jusqu'aux manifestations les
plus redoutables de la fièvre ataxique ou adynamique en passant
par la fièvre typhoïde proprement dite, nous croyons que l'héma-
tozoaire de Laveran détermine des formes variées de fièvre inter-
mittente, depuis la fièvre simple jusqu'à la fièvre pernicieuse en
passant par la fièvre bilieuse hémoglobinurique. Si l'hématozoaire
est en quantité modérée dans le sang, il détermine un accès aigu
qui peut prendre le type quotidien, tierce, quarte et les mêmes
types doubles suivant le temps mis par l'hématozoaire, pour se
développer ou selon qu'il y a plusieurs générations d'hématozoaires
qui se développent en des temps différents. Dans ce cas, la des-
truction de l'hémoglobine par l'hématozoaire n'est pas suffisante
pour amener des symptômes spéciaux à la présence de l'hémoglobine
et de ses dérivés dans le plasma sanguin, ni l'hématozoaire assez
abondant pour amener une réaction violente de l'organisme contre
les produits toxiques sécrétés par lui. Si, au contraire, l'hémato-
zoaire est plus abondant à un moment donné, non seulement il
amène une fièvre intense qui détruit les globules rouges, en met-
tant en liberté de l'hémoglobine, mais cette destruction vient
s'ajouter à celle qui est produite par l'hématozoaire. L'hémoglo-
bine, mise en liberté comme telle, envahit le plasma sanguin et
les tissus, y subit une transformation chimique qui aboutit, d'une
part, à la formation du pigment jaune et, d'autre part, à la création
d'un ictère qui, en raison de son origine, est appelé hémalogène.
C'est ainsi qu'est constituée la fièvre bilieuse.
(1) V Afrique Equatoriale. — Climatologie, Nosologie, Hygiène. Bruxelles, 1897.
Société belge de librairie, 16, rue Trcureubcrg, page 16â.
FORMES CLINIQUES DE LA MALARIA 537
» Dans un cas absolument analogue à ce dernier, si nous sup-
posons rhématozoaire encore plus abondant, non seulement, il y
aura fièvre bilieuse, mais encore l'hémoglobine, mise en liberté
comme telle dans le plasma sanguin, est tellement abondante que
le foie et les jautres organes ne peuvent parvenir à la transformer
entièrement en matière colorante de la bile et qu'une partie de
rbémoglobine passe en nature à travers le filtre rénal et constitue
la fièvre bilieuse hémoglobinurique, »
Je n'ai absolument rien à retrancher à cette thèse que je
crois conforme à la réalité et qui donne une pathogénie ration-
nelle et plausible des symptômes de l'affection. Si j'y reviens
aujourd'hui, c'est pour en compléter 1 étude, y ajouter de nou-
velles considérations basées sur des observations personnelles et
sur des constatations anatomiques résultant de l'examen de ma-
lades ou de pièces anatomiques provenant d'autopsies de sujets
ayant succombé à l'une des formes à paroxysmes pernicieux de la
maladie.
L'unité étiologique de la malaria est un dogme basé sur l'obser-
vation constante de l'hématozoaire de Laveran dans le sang. Tout
le monde l'admet quand il s'agit des formes simples, communes de
la malaria. Les divergences d'opinion commencent dès qu'on étu-
die les fièvres à paroxysmes pernicieux, ou les formes rémittentes
de la malaria. C'est de cette divergence d'opinion que je veux
m'occuper.
Dans l'étude des fièvres à paroxysmes pernicieux ou des fièvres
rémittentes à forme gastrique ou hépatique, etc., il y a lieu de
distinguer les formes suivantes :
1° Il y a des fièvres à forme gastrique ou hépatique (bilieuse ou
hémoglobinurique) qui peuvent survenir chez des individus dans
le sang desquels on ne constate pas l'hématozoaire et chez lesquels
on est sûr qu'il n'existe pas encore, par exemple chez les nou-
veaux arrivés ;
2* 11 y a des fièvres à forme gastrique ou hépatique (bilieuse ou
hémoglobinurique) qui peuvent survenir chez des individus dans
le sang desquels existe l'hématozoaire mais où il n'est pas la cause
immédiate de l'affection qu'il ne fait que compliquer en y ajoutant
ses effets;
3° 11 y a des fièvres à forme gastrique ou hépatique (bilieuse ou
538 ÉTUDES COLONIALES
hémoglobinurique) qui atteignent des individus atteints de malaria
et chez lesquels l'accès fébrile malarien survient en même temps ou
est provoqué par la fièvre à forme gastrique ou hépatique;
4" Enfin, il y a des fièvres à forme gastrique ou hépatique
(bilieuse ou hémoglobinurique) qui se déclarent sous l'influence
de l'hématozoaire et en dehors de toute autre cause. A mon avis,
ce sont les formes les plus rares.
Je crois nécessaire de faire ces distinctions, car le succès du
traitement dépend du diagnostic exact de la forme clinique. C'est
même à l'absence de ce diagnostic clinique que sont imputables les
insuccès et surtout les divergences d'opinion en ce qui concerne
l'action de la quinine dans les fièvres à paroxysmes pernicieux.
Beaucoup d'individus succombant en Afrique et dont la mort est
imputée à la malaria avec accès pernicieux, sont morts tout sim-
plement d'une vulgaire indigestion, d'un embarras gastrique
fébrile (mauvaise alimentiition comme quantité et surtout comme
qualité) avec fermentations putrides amenées par des conditions
climatériques spéciales, d'un excès de boissons alcooliques, d'un
excès de fatigue, d'un surmenage physique ou intellectuel, d'une
marche forcée au soleil, souvent aussi de refroidissement, parfois
victimes de leur imprudence, plus souvent de leur inexpérience et
de leur ignorance des règles de Thygiène tropicale. Si l'on défal-
quait du compte malarien toutes les victimes du climat, on verrait
que là malaria ne tue pas tant, même en Afrique.
Beaucoup de fièvres rémittentes simples, la forme gastrique et
hépatique (bilieuse simple) sont des affections de première inva-
sion, qui surviennent chez des individus indemnes et nouvellement
arrivés en Afrique; dans ces cas, ces fièvres ne sont pas impu-
tables à l'hématozoaire de Laveran. On ne le trouve d'ailleurs pas
dans le sang.
Ce sont des fièvres dites climatiques, imputables aux éléments
météorologiques (chaleur, humidité, hypertension de la vapeur
d'eau) et aux troubles apportés aux fonctions digestives par les
mêmes éléments météorologiques, ou par les excès dans le boire
et le manger, les excès de fatigue, etc. H est évident que les fièvres
climatiques dues uniquement à la chaleur, à l'humidité et à l'hyper-
tension de la vapeur d'eau doivent être très rares si même elles
existent. Il serait d'ailleurs difficile d'expliquer l'action de ces trois
FORMES CLINIQUES DE LA MALARLV 539
éléments seuls pour produire Taugmen talion de température du
corps.
Plus nombreux sont les cas où ces trois éléments météorolo-
giques, sous l'influence d'excès et d'écarts de régime et du mauvais
fonctionnement des émonctoires naturels (urines et sueurs) (1)
déterminent des troubles gastro-intestinaux fébriles qui peuvent
s'accompagner d'ictère, s'ils sont intenses ou si le foie est en état
d'hypofonction par une cause préexistante. En réalité, dans ces
cas, il s'agit d'une autointoxicalion d'origiîie alimentaire ou orga-
nique dont les symptômes sont en raison directe de Vabondance
des toxines alimentaires ou organiques non éliminées par les
émonctoires habituels et de Vétat fonctionnel de la glande hépa-
tique.
Si le foie, qui est le chimiste de l'organisme, est en bon état
fonctionnel, il parvient à transformer toutes les toxines qui lui
sont apportées par la veine-porte et tout se borne à des symptômes
d'embarras gastro-intestinal plus ou moins prolongé, avec une
réaction fébrile parfois intense, mais ne se prolongeant pas au
delà de quatre ou cinq jours sans transformations ultérieures en
accès intermittents.
Si le foie est en état d'hypofonction, ou s'il est débordé par la*
quantité considérable de toxines qui lui sont apportées par la
veine-porte, aux symptômes d'embarras gastro-intestinal fébrile,
se joindront des symptômes d'ictère (fièvre bilieuse simple) et,
dans ce cas, l'ictère sera hépatogène et parfois hématogène.
L'ictère hépatogène proviendra de l'action immédiate des toxines
(1) £n Afrique, où le chiffre de rbumidité relative de Tair est toujours voisin du chiffre
de rbumidité absolue, avec une chaleur moyenne parfois supérieure à celle du corps,
l'organisme ne peut réagir pour rétablir l'équilibre et ramener la température du corps
à la normale par la sueur et le refroidissement qui résulte de l'évaporation dans l'atmo-
sphère puisque celle-ci est saturée.
De là, augmentation de la chaleur normale du corps, rétention d'une partie des pro^
duits d'oxydation des tissus, dont l'élimination normale se fait par la sueur et la peau,
sans compensation de la fonction urinaire toujours inférieure à ce qu'elle doit être ; puis
fermentations abondantes des matières gastro-intestinales, production de toxines et sur-
menoge du foie.
Il ne faut pas oublier qu'une substance alimeutairc parfaite, de bonne qualité et inof«
fensivc quand les organes de sécrétion sont saius, peut devenir très dangereuse quand
ces organes sont malades. Or, les organes d'un et et d'excrétion sont : le foie, les reins,
les glandes sudorifères, etc.
540 ÉTUDES COLONIALES
sur le tissu du foie et du fonctionnement excessif de la glande
hépatique pour détruire les toxines avec un certain degré de
catarrhe des voies biliaires. L*ictère hétnatogèm qui vient s'y
ajouter sera dû, si le foie est en état d'hypofonction, à Faction des
toxines sur le sang par réaction chimique sur les globules rouges,
mise en liberté de Thémoglobine et transformation ultérieure en
éléments de la bile. Voilà, à mon avis, le mécanisme de la produc-
tion de ces fièvres.
Le diagnostic clinique de ces différentes formes semble, a prion,
difficile à faire, en raison de la communauté des symptômes prin-
cipaux. Je ne crois pas cependant cette difficulté insurmontable,
avec un peu d'attention et de jugement, une recherche minutieuse
des commémoratifs et des symptômes et l'examen microscopique
du sang, qui doit pouvoir être fait par tous les médecins qui exer-
cent dans les pays à malaria.
Sous [peine d'abuser de la bienveillante hospitalité qui m'est
accordée dans les colonnes de ce bulletin, il ne m'est pas permis
d'entrer dans des détails sur le diagnostic différentiel à faire entre
les formes cliniques des fièvres gastriques et bilieuses. Je me bor-
nerai à donner des indications au moyen desquelles on pourra
faire un bon diagnostic, nécessaire pour finre une bonne thérapeu-
tique.
. La fièvre, dite climatique , celle qui est due aux éléments météo-
rologiques seuls, doit être très rare. Elle se diagnostiquera par
exclusion.
Pour le diagnostic des fièvres à forme gastrique et bilieuse, on
se basera sur :
1^ L'époque d'arrivée du malade et la durée de son séjour en
pays à endémie malarienne;
2** Les écarts de régime, les excès de tout genre qui ont précédé
la fièvre ;
3® Les antécédents du malade : absence ou présence d'accès
fébriles caractéristiques antérieurs ;
4° La présence ou l'absence de l'hématozoaire de Laveran dans
le sang. Dans cet examen, on recherchera très attentivement les
formes divei*ses de l'hématozoaire et les phases du cycle d'évolu-
tion. Cette recherche permettra, si les ;résultats sont positifs,
d'exclure la fièvre, dite climatique, la forme gastrique ou bilieuse
FORMES CLINIQUES DE LA MALARIA 541
pure, d'affirmer l'intoxication malarienne et, par l'observation des
formes et du cycle d'évolution de l'hématozoaire, de dire si l'accès
malarien a précédé ou accompagné la fièvre gastrique ou bilieuse
et, dans ce dernier cas, si la fièvre gastrique ou bilieuse a été la
cause de l'accès malarien;
5^ Le mode de début. Dans la moitié des cas, le frisson, qui est
le premier stade de l'accès malarien, manque dans les pays tropi-
caux. L'accès est précédé par un malaise spécial : léger lumbago»
avec irradiations douloureuses vers les cuisses, établi dès la veille
et qui va s'accroissant jusqu'au moment de l'invasion et le frisson
du premier stade est remplacé par une sensation de chair de poule
et d'horripilation. Le frisson manque plus rarement et les vomis-
sements sont presque la règle dans les fièvres à forme gastrique
ou bilieuse;
6° L'hypersplénie caractéristique d'intoxication malarienne fait
défaut dans les fièvres à forme gastrique ou bilieuse simple des
nouveaux arrivés;
7"" La température est ordinairement plus élevée dans la malaria,
les oscillations therraométriques (rémissions et exacerbations)
sont plus amples, allant de 1 à 3 degrés, tandis que dans les
fièvres à forme gastrique ou bilieuse simple, la fièvre est plus con-
tinue avec des rémissions moins étendues. L'heure des rémissions
et des exacerbations fébriles est aussi à considérer : rémissions
nettement matinales, exacerbations nettement vespérales dans les
formes gastrique ou bilieuse simple, tandis que, dans les mômes
formes malariennes, les exacerbations fébriles surviennent à diffé-
rentes heures du jour suivant la dérivation de la fièvre rémittente.
On peut même observer deux exacerbations fébriles en vingt-
quatre heures, une à midi, l'autre à minuit avec des rémissions
matinales et vespérales ;
S"* L'action spécifique de la quinine sur la malaria et son action
nulle, souvent nuisible dans les formes non malariennes.
J'ai omis à dessein de parler jusque maintenant de la fièvre
bilieuse hémoglobinurique d'une manière spéciale. Et pourtant,
une grande partie des considérations qui précèdent s'appliquent
aussi à cette forme clinique. C'est affirmer ainsi ma conviction
quen pays tropical, la fièvre bilieuse hémoglobinurique nest pas
toujours malarienne.
542 ÉTUDES COLONIALES
Voici comment j'ai défini ailleurs la fièvre bilieuse hémoglobi-
nurique : (1) «... La forme bilieuse hémoglobinurique de la fièvre
rémittente est constituée quand Thémoglobine, mise en liberté
non seulement par faction des hématozoaires de Laveran sur les
globules rouges, mais aussi par faction des toxines sécrétées par
eux sur les globules rouges restés intacts et par celle de la fièvre
intense elle-même, lorsque l'hémoglobine, disons-nous, n'ayant pu
être complètement transformée en matière colorante de la bile, à
cause de son abondance, est en suflRsanle quantité dans le plasma
sanguin pour traverser le filtre rénal comme telle ou plutôt sous
forme de methémoglobine. U y a donc dans la forme bilieuse
hémoglobinurique, non seulement de fictère hématogène constituant
la forme bilieuse simple, mais, en plus, il y a hémoglobinurie,
c'est-à-dire, de la methémoglobine en nature dans les urines...
Il n'y a pas de microbe spécial de fhémoglobinurie... Dans
l'Afrique équatoriale, nous n'avons jamais observé fhémoglobinurie
sous la l'orme non malarienne. »
Contrairement à ce que j'avais affirmé, la fièvre bilieuse hémo-
globinurique, observée dans les tropiques, n'est pas toujours
malarienne, c'est-à-dire, qu'elle n'est pas toujours la manifestation
grave de l'intoxication aigûe par l'hématozoaire. Elle frappe, il est
vrai, très rarement les individus récemment en puissance de
malaria, plus rarement encore les nouveaux arrivés indemnes. Je
crois cependant que des exemples de ces atteintes, exceptionnelles
sans doute, existent dans la littérature médicale.
Plus nombreux sont les cas de fièvre bilieuse hémoglobinurique
observés chez des individus profondément anémiés par un ong
séjour aux pays tropicaux, fatigués et surmenés. Beaucoup de
ceux-ci sont d'anciens fébricitants, ayant subi antérieurement
plusieurs atteintes de fièvre bilieuse simple. Chez ceux-ci, la fièvre
bilieuse hémoglobinurique peut être une manifestation suraigûe
de l'hématozoaire de Laveran, comme elle peut être la manifesta-
tion d'une autointoxication alimentaire ou organique survenant
chez un individu dans le sang duquel on trouve l'hématozoaire,
mais où celui-ci n'est pas la cause immédiate de l'atteinte hémoglo-
binurique Dans ce dernier cas, cetle forme de fièvre bilieuse
(1) D'-. A. PosKix, loc. i-il. p. 170.
FORMES CLINIQUES DE LA 3IALA1UA 543
hémoglobinurique peut être compliquée d accès malarien et être
rendue plus grave de ce fait, comme elle peut évoluer seule sans
que les effets de l'hématozoaire viennent s'y ajouter.
Cette distinction est très importante à faire au point de vue de
la marche à suivre pour le traitement. D'un diagnostic exact peut
dépendre la vie du malade. Ce diagnostic est très ardu, mais il
n'est pas impossible. Les mêmes éléments que j'ai énumérés plus
haut serviront de base à un diagnostic exact ; j'insiste tout parti-
culièrement sur l'examen microscopique du sang, sur les anam-
nestiques. principalement le refroidissement, les privations ou les
excès alcooliques ordinaires, l'usage d'aliments avariés, surtout
de conserves de viandes et de poisson, le surmenage physique, la
chaleur élevée avec une atmosphère presque saturée d'humidité
avec hypertension de la vapeur d'eau et hypertension électrique.
Pour bien se rendre compte de la pathogénie de cette forme
clinique et de la prédilection qu'elle manifeste pour les vieux fébri-
citants et ceux qui ont fait un long séjour sous les tropiques, il
est nécessaire de rappeler l'état du sang, l'état des organes et
principalement 1 état du foie, de la rate et des reins.
Je n'ai pas besoin d'insister sur les lésions du sang; elles sont
assez connues: Diminution de la masse, diminution du nombre
de globules rouges ; présence de globules rouges à noyaux ; aug-
mentation du nombre de leucocytes mono et polynucléés; présence
constante du pigment mélanique et ocre, formes variées de l'héma-
tozoaire. Ce sont ces lésions qui déterminent les symptômes de
l'anémie tropicale qui ne manque jamais après un séjour plus ou
moins prolongé sous les tropiques.
La rate est toujours hypertrophiée. L'hypertrophie porte sur-
tout sur les éléments conjonctifs non seulement de la capsule mais
sur ceux des travées fibreuses qui en dérivent. Le pigment méla-
nique est très abondant et répandu dans la pulpe et les capillaires
veineux et même dans les gaines préartérielles et les cellules
parenchymateuses.
Les lésions du foie sont de beaucoup les plus importantes.
L'hypertrophie de l'organe est de règle, sauf aux périodes ultimes
de la cachexie. Cette hypertrophie s'explique par l'accumulation
du pigment mélanique dans les cellules hépatiques, par l'accumu-
lation dans les capillaires de leucocytes, de cellules migratrices
544 ETUDES COLONIALES
(d'origine splénique?). par l'hypertrophie et Thyperplasie des cel-
lules hépatiques, par la prolifération excessive des éléments con-
jonctifs des gaines de Glisson et par la cirrhose commençante.
On trouve parfois les lésions de l'hépatite nodulaire parenchyma-
teuse ou celles de la cirrhose à la fois interstitielle et parenchyraa-
teuse. L'organe est donc en état d'hypofonction habituelle du fait
des lésions chroniques qui atteignent le parenchyme.
. Les altérations du rein sont identiques à celles du foie et de la
rate. L'épithélium des tubes sécréteurs et des capsules de Bow-
mann est imprégné d'une matière colorante très divisée, dérivée
de l'hémoglobine. Le tissu conjonctit des cloisons intertubulaires
est légèrement épaissi. Ces altérations vont parfois jusqu'aux
lésions de la néphrite diffuse ou glomérulaire, parfois de la
néphrite à granulations de Bright de Kelsch et Kiener.
Sous l'influence de la malaria, la succession des lésions organi-
ques s'opère de la façon suivante :
Périodiquement, l'hématozoaire de Laveran envahit le sang ; il
attaque les globules rouges dont il digère une partie de l'hémoglo-
bine transformée en pigment mélanique. Les toxines sécrétées par
l'hématozoaire agissent dans le même sens et aident à mettre en
liberté une partie de l'hémoglobine. Le globule complètement
altéré est détruit par la rate. Celle-ci emmagasine les produits de
cette destruction jusqu'au moment où, sous l'action d'un travail
incessant, la rate surmenée, s'hypertrophie et se sclérose. C'est
alors au foie à suppléer à la fonction insuffisante de la rate et à
élaborer l'hémoglobine mise en liberté par la destruction glo-
bulaire. C'est alors que commence l'infiltration pigmentaire. Peu à
peu, s'établit une cirrhose peri-sus-hépatique irrégulière, dissémi-
née, en îlots.
Lorsque le foie est infiltré des produits de l'hémoglobine, cette
substance passe dans le rein ; après ce dernier organe, tous les
tissus et toutes les glandes peuvent emmagasiner la matière colo-
rante (pancréas, poumons, peau, cerveau, épiploon, etc.).
La rate, le foie, les reins jouent dans cette affection le rôle pro-
tecteur des ganglions lymphatiques vis-à-vis d'une infection quel-
conque, ils exercent une fonction d'arrêt vis-à-vis des microbes,
de leurs toxines et des produits inflammatoires et ce n'est que
FORMES CLINIQUES DE LA MALARIA 545
lorsqu'ils sont débordés successivement par l'abondance ou la
virulence de ceux-ci qu'ils les laissent passer dans le sang.
Voici, d'autre part, quelles sont les modifications fonctionnelles
et les lésions organiques que Ion observesous l'influence prolongée
du climat tropical.
C'est d'abord un abaissement de la pression vasculaire qui
Impressionne peu à peu les organes en les disposant à la pléthore
(foie, rate, tube digestif, etc.).
C'est ensuite la modification constante et profonde des fonctions
digestives. Celles-ci sont toujours altérées et viennent compliquer
la pléthore du foie, de la rate et des glandes abdominales. Ces
modifications portent non seulement sur l'estomac, mais aussi sur
l'intestin; de là, une digestion incomplète des aliments, fermenta-
tions putrides et autointoxication alimentaire dont les produits
viennent augmenter le travail du foie. Ces troubles digestifs se
trouvent encore accrus par la suractivité de la fonction sudorale.
C'est encore la diminution constante de la quantité d'urine
excrétée.
C'est le suractivité fonctionnelle du foie sous l'influence des
troubles digestifs, se manifestant par de la polycholie ; c'est la
diminution de la production d'urée et de glycogène, indice d'une
diminution du pouvoir destructeur du foie vis-à-vis des poisons
organiques puisés dans les voies digestives et ailleurs.
Cet exposé anatomo-pathologique va me servir à expliquer la
pathogénie de la fièvre bilieuse hémoglobinurique sans faire inter-
venir l'action d'un microbe spécial.
, Un exemple me permettra de mettre en évidence cette patho-
génie :
Voici un explorateur, ou un agent qui a séjourné depuis plus
d'un an dans un district éloigné de l'Afrique Equatoriale, ou un
agent atteint précédemment de fièvre bilieuse hémoglobinurique,
"OU encore un agent qui, après un premier séjour au Congo, a été
rapatrié, puis, est revenu reprendre ses fonctions au continent noir
après un trop court séjour en Europe. Il a eu plusieurs accès
fébriles antérieurs à forme rémittente, gastrique ou bilieuse; il
porte les stigmates de l'anémie tropicale. On constate qu'il a de
ï'bypersplénie et un gros foie. Un peu sous l'influence du climat,
ist beaucoup sous l'influence d'un mauvais régime alimentaire au
oi6 ÉTUDES COLONIALES
point de vue de la quantité et surtout de la qualité, peut être sous
Tinfluence d'excès alcooliques antérieurs, ses fonctions digestives
sont languissantes. Il a peut être souffert de dysenterie et de
diarrhée tropicale. C'est un excité au point de vue génésique, usant
largement, abusant même du coït. C'est un surmené au point de
vue du travail physique, de la fatigue musculaire imposée par de
longues marches au soleil ou p^r des parties de chasse. Il est cou-
vert de bourbouille (lichen tropicus) et ses membres inférieurs
sont couverts de sarnes (ulcères phagédéniques).
La grande saison sèche est arrivée (automne et hiver). Voilà une
proiç pour la fièvre hémoglobinurique si certaines circonstances
étiologiques viennent à se réaliser.
A, — Chez un tel sujet, ainsi disposé, un accès fébrile franche-
ment malarien vient à se déclarer, après un excès de marche au
soleil, un travail, même léger ou simplement la surveillance de
travaux de terrassements en terre vierge, marécageuse ou non, ou
encore après le séjour prolongé ou le campement sous la tente et
sur la terre nue pendant une nuit, à proximité d'un marigot au
début de la saison sèche ou au commencement de la saison des
pluies et après une journée très chaude, orageuse, ou aussi après
un refroidissement (beaucoup plus fréquent en Afrique qu'on ne
le croit communément), refroidissement survenu par rabaissement
normal de la température extérieure, ou par évaporation rapide
de sueur, ou par une chute abondante de pluie mouillant les vête-
ments et le corps sans possibilité de changer de linge; cet accès
fébrile pourra déterminer la forme bilieuse hémoglobinurique. Il
suffira pour cela que la virulence des hématozoaires soit exaltée
par les causes que nous venons d'énuraérer et qui favorisent leur
éclosion et qu'une génération plus abondante d'hématozoaires
envahisse le sang en un temps donné. Dans ces conditions, avec
l'allération préexistante de la rate, du foie et des reins et l'état
hydrémique du sang, l'hémoglobine mise en liberté par l'hémato-
zoaire, par les toxines et par la fièvre ne pourra être transformée
complètement en matière colorante de la bile ; elle franchira le
filtre rénal pour apparaître à l'état de methémoglobine dans les
urhies. Il y a, à la fois, ictère hépatogène et ictère hématogène
intense et hémoglobinurie. Cette polycholie anormale se traduit
non seulement par un ictère intense, mais encore par des vomis-
FORMES CLINIQUES DE LA MALARIA 547
sements bilieux abondants, d'abord jaunes puis vert cuivre.
C'est dans cette forme clinique qu'on trouve une température
très élevée et qui reste très élevée, mais presque toujours avec des
oscillations de grande amplitude.
B. — Dans les mêmes circonstances étiologiques : individuelles
et climatériques, de temps et de lieu, le même agent fait un excès
alcoolique (bière, vins ou liqueurs), un repas trop copieux avec
viandes noires, faisandées ou en conserve, du poisson salé, mariné
ou à l'huile (morue, sardines, thon, saumon, caviar), des crustacés
en boîte (homard, langoustes, etc.) ; ajoutez à cela une tempéra-
ture élevée, un état hygrométrique sursaturé de l'atmosphère avec
hypertension de la vapeur d'eau, une tension (ïlectrique considé-
rable précédant ou suivant un orage, de précédentes sueurs
diffuses ayant encore diminué le pouvoir digestif des liquides
gastro-intestinaux, une augmentation de la température du corps
résultant de l'accumulation des calories organiques ou de la cha-
leur extérieure agissant sur le corps par Tintermédiaire d'un air
sursaturé d'humidité, bon conducteur du calorique et empêchant
à ce moment le rétablisseme de ntl'équilibre calorique en s'oppo-
sant à l'écoulement de la sueur et à son évaporation. Il va se
produire un catarrhe gastro-intestinal fébrile, fermentation putride^
production de toxines alimentaires auxquelles viendront se joindre
les poisons organiques non éliminés. Le foie déjà surmené et en
état d'hypofonction ne pourra suffire à sa tache malgré l'hyper-
cholie manifestée par l'ictère et les vomissements bilieux ; il sera
débordé.
Les toxines, résorbées dans le sang, agiront comme telles sur
les globules rouges, mettront l'hémoglobine en liberté et celle-ci
passant à travers le filtre rénal constituera l'hémoglobinurie.
Une remarque importante à faire au point de vue du diagnostic,
c'est que l'hémoglobinurie qui dépend d'une auto-intoxicatiun
alimentaire ou d'une résorption de poisons élaborés dans l'orga-
nisme, évolue souvent sans fièvre^ ou avec une température à peine
au-dessus de la normale, parfois même en-dessous de la normale
et, en tous cas, avec des rémissions de plus courte étendue qus
Vhémoglobinurie malarienne. Il n'est pas rare d'observer en même
temps des symptômes d'urémie se manifestant par une violenta
céphalalgie, des hallucinations et du délire.
548 ÉTUDES COLONIALES
Souvent l'éclosion de cette hémoglobinurie sera le point de
départ d'un accès fébrile malarien qui viendra y ajouter des symp«
lômes propres et rendra plus intense encore le symptôme hémo-
globinurie à cause de l'action élective de Thémazotoaire sur le
globule rouge. L'accès malarien peut coïncider avec le début de
rhémoglobinurie, ou bien, il peut se déclarer pendant le cours
de l'affection primitive ou même arriver tout à la fin. Il est évident
que cette complication grave doit pouvoir être prévue et qu'il est
nécessaire, en cas d hémoglobinurie non malarienne, d'user de
moyens préventifs pour écarter l'accès fébrile malarien.
Le frisson qui survient parfois au cours de l'affection, une
élévation subite de température sans coïncidence nécessaire avec
les rémissions matinales et les exacerbations vespérales ordinaires,
l'augmentation de l'ictère, de l'hémoglobinurie et des vomissements
bilieux attireront l'attention. Mais pour cela, il est nécessaire
d'observer le malade de près, de prendre la température toutes les
heures, ou toutes les deux heures et de pratiquer l'examen du
sang, pour surveiller 1 eclosion. et l'apparition de l'hématozoaire
de Laveran.
On pourra, dans ce cas, faire un diagnostic précoce de la forme
clinique de l'hémoglobinurie, prévenir parfois les complications et
feire une thérapeutique rationnelle et efficace.
Sans doute, ce sont là des considérations basées uniquement sur
l'observation clinique des malades.
Si elles ne sont démontrées ni physiologiquement, ni anatomo-
pathologiquement, elles pourront être vérifiées sur place par les
médecins. Est-ce d'ailleurs la première fois que des observations
cliniques ont ouvert le chemin aux constatations physiologiques,
anatomo-pathologiques et même bactériologiques?
L'histoire de la médecine est là pour dire que des conceptions,
purement théoriques basées sur la clinique, se sont vérifiées
longtemps après, alors qu'au moment où elles étaient émises, il y
avait impossibilité matérielle de prouver leur justesse.
Est-ce que les médecins des colonies n'avaient pas prévu dès
longtemps que, des fièvres observées par eux, toutes n'étaient pas
malariennes et que beaucoup dépendaient d'un état particulier des
Toies digéstives? Est-ce que leur thérapeutique par les évacuants
(vomitifs, purgatifs, etc ) ou par la saignée ne leur a pas donné des
FORMES CLINIQUES DE LA MALARIA 549
succès, peut-être aussi nombreux que ceux des médecins de nos
jours?
Nos prédécesseurs appelaient ces formes cliniques des fièvres
putrides. Etaient-ils si loin de la vérité? Et pourtant, ils ne con-
naissaient ni l'hématozoaire de Laveran, ni les toxines, ni les pto-
maïnes. ni tous ces poisons que l'organisme élabore avec tant de
profusion et qui font de l'homme une des bêtes les plus venimeuses
de la création ?
L'efficacité de certains traitements, la nocuité de certains médi-
caments dans des formes cliniques qu'on a toujours cru identiques
démontrent péremptoirement que la vraie notion de la maladie a
fait défaut d'une manière absolue ou relative. C'est toujours le
ce Naturam morborum ostendunt curationes » qu'il aurait fallu
observer de près.
Un exemple éclatant qui vient à l'esprit de tout observateur,
c'est celui de l'administration de la quinine.
Le principe actif du quinquina est reconnu, sans conteste, comme
le spécitique de la malaria, quelle que soit la forme clinique.
Pourquoi ce médicament héroïque échoue-t-il misérablement
dans des formes cliniques identiques d*aspect et de symptômes?
Pourquoi guérit-il l'hémoglobinurie et pourquoi la provoque-t-il
ou l'aggrave-t-il dans certains cas où les symptômes initiaux
semblent comporter le même diagnostic?
Tout simplement, parce que la première forme est malarienne et
que la seconde ne l'est pas.
Dans les mêmes cas, pourquoi l'eau chloroformée, sans quinine,
guérit-elle l'hémoglobinurie et pourquoi est-elle inetlicace dans
d'autres cas?
Parce que la première forme n'est pas malarienne et que la
seconde l'est. L'eau chloroformée, dans une autointoxication
hémoglobinurique fait l'office d antiseptique des voies digestives ;
elle favorise la diurèse et l'élimination des toxines du sang, sans
compter son action aneslhésiante locale. C'est là tout le secret de
son action tant vantée.
La conclusion de cet exposé, c'est que le traitement de certaines
formes cliniques, rangées souvent sous la même étiquette de mala-
riennes, doit, pour être précis et efTicace, être précédé d'un bon
diagnostic, et s'attaquer à la cause, cause qui doit être recherchée
550 ETUDES COLONIALES
avec soin avant de prescrire la thérapeutique. D'une intervention
thérapeutique précoce, énergique et précise dépend le succès final
et souvent l'enjeu est la vie ou la mort d'un homme et cela, dans
des pays oii les unités humaines acquièrent une valeur double de
celle qu'elles ont ailleurs.
Je dois me borner à énoncer dans cet ordre d'idées quelques
principes généraux.
I. — Avant tout, une bonne hygiène individuelle et une bonne
hygiène publique sont les pivots de la prophylaxie malarienne et
tropicale et des manifestations redoutables, les lièvres à paroxysmes
pernicieux à formes gastrique, hépatique simple et hémoçlobinu-
rique. Ce n'est pas ici le lieu d'énumérer les desiderata de l'hygiène
surtout en pays tropical ; mais je considère comme primordiale en
prophylaxie l'excellence des conditions hygiéniques privée et
publique. C'est beaucoup l'affaire des pouvoirs publics s'ils con-
sentent à se laisser guider par les conseils de médecins expéri-
mentés, seuls compétents en ces matières.
II. — En ce qui concerne la médecine aux colonies, il ne faudra
pas perdre de vue que les entités morbides sont là-bas bien plus
redoutables que dans nos pays et qu'il faudra, pour leur disputer
la vie humaine, des médecins instruits d'abord, mais surtout, par
un stage préalable, connaissant à fond les maladies tropicales et
leur traitement, sachant faire un bon diagnostic basé et sur des
observations cliniques et sur des constatations bactériologiques et
anatomo-pathologiques.
Comme corollaire à ce desideratum, il sera nécessaire de pré-
munir les agents et les explorateurs contre leur ignorance et leur
inexpérience en leur enseignant les dangers d'une hygiène relâchée
elles premières notions d'un traitement en cas de maladie.
III. — La diététique sera rigoureusement surveillée. Autant
que faire se peut, les conserves alimentaires (viande et poissons)
ne viendront que comme supplément extraordinaire dans les repas
et on s'assurera de leur bonne conservation. // faut proscrire
radicalement les boissons alcooliques, les apéritifs et surtout Valh
sinthe. On résiste aux maladies du climat tropical à condition d'être
FORMES CLINIQUES DE LA HALARIA 551
sobre. J'ai toujours admiré la robustesse et la résistance des
Sénégalais, ceux qui, Musulmans (dits Marabouts), s'abstiennent
scrupuleusement de toute boisson alcoolique et fermentée et qui
ne boivent que de Teau. Les missionnaires catholiques, sobres par
principe et toujours par pauvreté, fournissent aussi un déchet
moindre que les autres agents et explorateurs. Serait-il si difficile
aux blancs de suivre cet exemple, non pas à la lettre, mais au
moins de supprimer de leur ordinaire les liqueurs et les vins
alcoolisés à un haut titre, labsinthe surtout et les bières d'expor-
tation (allemande principalement) qui sont de véritables poisons
hépatiques?
IV. — Dans les formes cliniques où Thématozoaire de Laveran
doit être seul incriminé, le quinquina, ou ses sels, en temps oppor-
tun, par voie gastro-intestinale ou sous-cutanée sera le médica-
ment de choix, sans pour cela négliger l'antisepsie du tube digestif
et l'élimination des toxines microbiennes par les divers émonctoires
(reins, peau, etc.).
V. — Dans les formes cliniques, qui sont sous la dépendance
avérée d une auto- intoxication, l'indication primordiale est d'éva-
cuer au plus vite les produits toxiques en s'adressant à la voie
gaslro- intestinale (méthode évacuante), et en stimulant les fonc-
tions d'excrétion des émonctoires (reins et peau). H faut de plus
enrayer l'absorption des poisons par l'usage des antiseptiques
gastro-intestinaux en choisissant ceux qui ne diminuent pas les
fonctions rénales. 11 ne faut pas perdre de vue que certains pur-
gatifs (sulfate de soude, sulfate de magnésie, par exemple), sont
par leur action évacuante les meilleurs antiseptiques des voies
digestives comme le prouvent les expériences précises de Gilbert
et de Dominicis.
Les purgatifs salins, le calomel seul ou associé à la scammonée,
l'ipéca, l'eau chloroformée, etc., seront les médicaments de choix.
ha quinine est nettement contrindiquée dans ces formas cliniques.
Les médicaments évacuants et les antiseptiques doivent suffire à
abaisser la température. Si l'on est forcé d'intervenir, on recourra
de préférence à l'hydrothérapie, principalement sous forme de
drap mouillé,SAkis\ d'enveloppements de couvertures sèches jusqu'à
552 ÉTUDES COLONIALES
production de sueurs et sans aller jusqu'aux sueurs profuses. C'est
un moyen qui m'a toujours réussi et que je puis recommander
dans ces cas et aussi dans les mêmes formes malariennes.
VI. — Dans les formes mixtes, on recourra à la combinaison
des deux méthodes. La quinine sera donnée pendant les rémis-
sions ; mais on choisira de préférence, pour l'administrer, la voie
sous-cutanée.
■^
L'HFRIQnE OKIEIITILE
Le Gouvernement allemand, ému des bruits qui circulaient au
sujet de l'avenir des plantations dans l'Afrique Orientale allemande,
a chargé un spécialiste, M. Wohltmann, connu déjà précédemment
par ses études sur la valeur du Kamerun au point de vue de la
culture, de se rendre dans l'Afrique Orientale pour y faire une
enquête sur place. M. Wohltmann avait pour mission d'examiner
les plantations existantes, de rechercher si d'autres régions de la
colonie convenaient à la culture et de porter son attention sur un
emplacement convenable pour un jardin d'essais. On verra par les
constatations de M. Wohltmann que si l'Afrique Orientale alle-
mande n'est pas comparable, au point de vue de la richesse du sol,
à d'autres colonies, notamment au Kamerun, elle est loin de
n'offrir aucune ressource pour l'établissement de plantations ; seule-
ment, il faut étudier le terrain et ne fonder des cultures que dans
les milieux qui leur conviennent. M. Wohltmann attache une grande
importance au développement de la population indigène, car il
voit surtout dans cette colonie, un débouché pour les produits
manufacturés allemands. Grâce à l'influence des Arahes, les indi-
gènes ont d'ailleurs déjà atteint un degré de civilisation qui leur
permet d'apprécier l'utilité des marchandises d'Europe.
M. Wohltmann divise les territoires qu'il a visités en trois
groupes : la région basse, la région des collines et celle des
montagnes.
554 ÉTUDES COLONIALES
Le sol. — La région basse s'étend le long des côtes, de Muoa
au delta de la Rufiji. Elle se compose, en général, de terrains
d'alluvions marins sablonneux reposant sur un lit de marbre
coralloïde ou de marne calcaire. Dans les parties les plus basses,
on rencontre des terres marécageuses qui, selon leur altitude ou
les saisons, présentent des caractères tantôt d'humidité, tantôt de
sécheresse. L'uniformité de cette région est interrompue par les
crêtes des collines qui s'avancent de l'intérieur et par les alluvions
des rivières dont les plus étendues sont celles du delta de la Rufiji.
M. Wohltmann n'a pas visité la côte au Sud de cette dernière
rivière mais il semble qu'à partir de là, la région basse se réduise
à une simple bordure.
Il est probable qu'au-dessous des couches calcaires de la région
basse, se trouve une couche d'eau que l'on pourrait amener à la
surface au moyen de puits artésiens. Ce serait un avantage inap-
préciable pour la colonie, tant au point de vue de l'agriculture que
de la salubrité publique. Les villes de Dar-es-Salaam, de Baga-
moyo, etc., pourraient ainsi être pourvues d'une distribution d'eau
salubre. La nécessité de procéder à des sondages s'impose donc.
Même si le résultat désiré n'était pas obtenu, ces travaux permet-
traient de se rendre mieux compte de la constitution géologique de
la région côtière.
La région des collines se compose d'éminences de caractères
géologiques différents. Dans le Nord, les collines renferment des
grès et des pierres calcaires. Au Sud de Pangani, elles sont con-
stituées par les produits de désagrégation provenant des mon-
tagnes cristallines de l'intérieur. 11 serait intéressant de vérifier la
quantité de chaux que contiennent ces collines, car cette substance
semble être aussi propre à servir à la construction que le marbre
coralloïde de la côte. Dans certaines localités, on a pu l'employer
avec avantage et épargner ainsi, les frais de transport de la chaux
depuis la côte.
Dans la région des montagnes, M. Wohltmann a visité la partie
qui s'étend au Nord de Pangani, à savoir, les monts Usambara de
l'Est et de l'Ouest. Cet ensemble qui s'élève à une altitude de 700 à
2,000 mètres, se compose de schistes cristallins et de gneiss ou
des produits de désagrégation de ces minéraux. Il est coupé du
Nord au Sud par la vallée de Luengera qui, à son extrémité infé-
S56 ÉTUDES COLONIALES
rieure, se trouve à une altitude de 320 mètres environ. Le sol des
montagnes de TUsambara se compose de terre rouge (sil) et de
terre jaune (argile ocreuse) pures. Il est plus fertile que celui de
la région des collines et de la région basse, à l'exception, toutefois,
des terres d'alluvions du Pangani où l'on cultive la canne à sucre,
et de celles du delta de la Rufiji.
Climat. — Le climat de l'Afrique Orientale allemande est très
changeant. Même à la distance de 130 kilomètres dans l'intérieur,
il varie grandement de localité à localité. En outre, il n'oflTre pas
beaucoup de fixité. On peut, comme dans d autres régions, y
distinguer une saison des petites pluies et une saison des grandes
pluies, mais ces deux périodes sont très irrégulières. Parfois
même, la saison des pluies ne se produit pour ainsi dire pas. Les
chutes d'eau annuelles sont aussi très variables dans chaque
endroit.
La partie méridionale de la côte reçoit beaucoup moins de pluie
que celle du Nord. La moyenne annuelle de la pluie n'est que de
850 millimètres à Lindi; dans le delta de Rufiji, elle s'élève à
1,200 millimètres; à Dar-es-Salaam, elle est de 1,046 à 1,161 mil-
limètres; à Kitopeni, près de Bagamoyo, les moyennes ont varié
de 830 à 1,231 millimètres de 1892 à 1896. A Tanga, on a constaté
des chiffres variant entre 1,600 et 2,100 millimètres. Les plus
grandes quantités de pluie s'observent sur le flanc Sud-Est de
rUsambara : plus de 3,000 millimètres à K\\amboro; 2,800, à
Magrotto; 2,000, à Bulwa; 1,500 à 2,000, à Ngambo.
L'humidité de l'air n'atteint pas non plus un degré très élevé
dans l'Afrique Orientale allemande. Elle est même insuffisante
pour un grand nombre de cultures tropicales. Par contre, la cha-
leur totale et sa répartition mensuelle dans la région basse est
suffisante pour toutes les cultures. Dans l'Usambora Oriental, elle
convient parfaitement à la culture du café. Dans TUsambara Occi-
dental, les limites de cette dernière culture se trouveront détermi-
nées par les altitudes où la température descend à moins de
5* centig. pendant la saison froide.
La raison pour laquelle les montagnes de l'Usambara sont la
région la plus pluvieuse et celle où les pluies sont les plus régu-
lières, résulte du fait de la condensation de vapeurs qui se
L'AFRIQUE ORIENTALE ALLEMANDE 5S7
produit au sommet de ces monts, qui ont une altitude de près de
§S,000 mètres, quand la mousson humide du Sud-Est souffle au-
dessus de la contrée. La condensation se fait d'autant plus sûre-
ment que la montagne est couverte d'une épaisse forêt. Quand la
mousson a passé au-dessus de la région basse et de celle des
collines où elle ne perd pas beaucoup d'humidité, elle vient se
briser dans les montagnes de l'Usambara. Il n'est donc pas éton-
nant qu'il y ait de si fortes pluies dans ces montagnes. Mais la
chute d'eau n'est pas égale dans tout l'Usambara. Il va de soi que
les flancs élevés du Sud et du Sud -Est absorbent la plus grande
partie de la pluie et que, par suite, le Nord en reçoit moins.
Aux pluies correspondent les brouillards qui sont particulière-
ment épais dans TEst comme dans l'Ouest de l'Usambara. Ils sont
très utiles, notamment dans la saison sèche, parce qu ils amènent
une quantité d'humidité qui contribue au développement des
cultures. Le brouillard est souvent tellement épais que les toits
dégouttent comme s'il pleuvait.
Les flancs Nord et Nord-Ouest de l'Usambara sont encore expo-
sés au souffle brûlant de la mousson qui sort des steppes sèches
du Nord. Cette circonstance influe aussi défavorablement sur leur
situation climatérique.
Les forêts jouent un rôle important dans le climat du massif de
l'Usambara. On devra donc bien se garder de déboiser jamais le
sommet ou les crêtes de ces montagnes.
Cultures appropriées. — On peut conclure de ce qui précède
que la partie méridionale de la côte de la colonie allemande ne
convient pas aux cultures tropicales les plus précieuses, telles
que le cacao, le café, le poivre, la noix muscade, les clous de
girofle, etc., parce que la quantité de pluie qui y tombe est absolu-
ment insuffisante. Il ne peut y être question que de la culture de
plantes qui aiment un climat sec, ou qui, tout au moins, peuvent
le supporter, comme par exemple la ranie, les plantes tinctoriales
et les plantes oléifères. En outre, dans certains endroits privi-
légiés, on peut aussi cultiver du tabac, du riz et de la canne à
sucre.
' Dans la partie septentrionale de la côte, on peut, dans les dis-
tricts les plus pluvieux, cultiver les plantes précieuses, sans avoir
558 ÉTUDES COLONIALES
à se préoccuper de Tirrigaiion. On ne pourra toutefois le faire que
dans les endroits où les pluies annuelles sont régulières. Là où des
oscillations annuelles de 75 p. c. et au delà se présentent, la cul-
ture de ces produits, sans irrigation, n'offre aucune garantie.
Le massif de TUsanibara présente, pour la culture du thé, la
juste mesure de pluie qui convient.
L'élude climatérique de la colonie est d une importance capi-
tale. Elle seule peut donner une image exacte des cultures qui
conviennent aux différentes régions On ne peut donc établir assez
de stations de météorologie ou tout au moins de postes pour
relever les quantités de pluie dans TAfrique Orientale allemande.
C'est la pluie qui décide en premier lieu du succès des cultures
dans cette contrée. En créant des postes de pluviomètres, on ne
ferait, du reste, qu'imiter l'exemple des Américains qui ont étudié,
de cette manière, il y a vingt ans, la valeur agricole des plaines du
Far-Wesl, et celui des Anglais qui ont mis ce procédé en action
dans l'Inde depuis qu'ils s'y sont établis.
Cultures indigènes. — La population indigène est assez forte
près des côtes et, en plusieurs endroits, le sol est cultivé avec
soin. C'est le cas dans la région de Bondéi et dans le delta de la
RuQji où, grâce aux irrigations, on cultive du riz d'excellente
qualité sur de grandes étendues. Les indigènes ne se sont pas
encore préoccupés de l'exploitation des produits agricoles desti-
nés à l'exportation, sauf pour quelques-uns que les Arabes envoient
à Zanzibar ou dans l'Inde. Les cultures des indigènes se limitent
presque exclusivement aux denrées alimentaires que l'on con-
somme sur place, telles que le millet, le maïs, les bananes, le
sésame, les arachides, les melons, etc. Les procédés d'agriculture
sont des plus primitifs. Les indigènes se contentent de mettre le
feu à la brousse ou à la forêt pour se créer un champ et aussitôt
que le sol est épuisé, ce qui arrive au bout de deux ou trois
années, il portent l'incendie plus loin. Ils ne connaissent ni la
charrue ni la pelle; ils se contentent de remuer la terre avec une
houe grossière.
Les plantations et leur avenir. — Les plantations, fondées
jusqu'à présent, n'ont pas toutes réussi. On peut en attribuer la
B60 ÉTUDES COLONIALES
cause, en partie, au manque d'habileté avec lequel plusieurs
d'entre elles ont été établies, en partie, à l'incertitude du climat
qui se manifeste particulièrement dans l'Afrique Orientale, en
partie, à l'inaptitude du sol dont on n'a pas su apprécier les qua-
lités avec justesse et enfin au mauvais choix des cultures. C'est
ainsi que les plantations de coton ont dû être abandonnées presque
toutes, parce que la côte orientale d'Afrique n'a pas de saisons
sèches fixes et durables et que, d'autre part, les saisons des pluies
ne sont pas régulières. La culture du tabac, essayée à Lewa, a
également échoué parce que la plus grande partie du sol qu'on y
avait consacré, ne convient pas à ce genre de plante.
Après ces premiers insuccès, les planteurs ont agi avec plus de
prudence et la situation actuelle montre que si l'on tient compte
des diverses circonstances énoncées ci-dessus et que l'on fasse un
choix judicieux des cultures, les plantations peuvent parfaitement
rémunérer les capitaux qu'on y consacre.
M. Wohltmann a visité successivement les principales planta-
tions de l'Afrique Orientale allemande. Lespace nous manque
malheureusement pour le suivre dans les détails de l'examen
technique approfondi et consciencieux auquel il s'est livré. Nous
devrons donc nous contenter de résumer les constatations qu'il a
faites.
Plantations de café. — Le café est la culture la plus étendue
de la colonie. M. Wohltmann a examiné une douzaine de planta-
tions de café. On en rencontre dans le massif de l'Usambara, dans
les territoires qui précèdent ces montagnes et même près de la
côte au sud de Pangani. Dans les montagnes on cultive principa-
lement le café arabe et dans les terrains bas, le café Libéria.
L'expérience a montré que celte distinction est fondée si, bien
entendu, il est prouvé que le Libéria se prête au climat de
l'Afrique Orientale allemande. La qualité du café de la colonie alle-
mande a été reconnue comme excellente par les experts. M. Wohlt-
mann a pu le constater lui-même, en 1893, à l'Kxposition de Chi-
cago, où l'on pouvait goûter tous les cafés du monde et où il a pu
se livrer à des expériences systématiques sur les différentes
espèces.
La question de la main-d œuvre se présente, en général, d'une
L AFRIQUE ORIENTALE ALLEMANDE
561
manière satisfaisante pour les plantations de café. La population
de la côte est assez nombreuse et celle de Tintérieur est travail-
leuse. On n'est donc pas exposé à manquer d'ouvriers dans Tave-
nir. Les salaires sont relativement élevés. A Ngambo, par exemple.
COCOTIER DE TROIS ANS ET DEMI, A KiUMONi.
on paie, par mois, 10 roupies de salaires plus 4 roupies pour la
nourriture; il faut y ajouter les frais d'enrôlement, de logement,
de médicaments et de surveillance. On compte, en ce qui con-
cerne ces derniers, qu'il faut au moins un surveillant par vingt à
trente ouvriers. Si l'on fait le compte de tous ces Irais, on arrive
à dépenser par ouvrier, de 15 à 16 roupies par mois, c'est-à-dire
environ 27 francs. Ce qui fait pour 27 jours de travail, un franc
par jour. C'est beaucoup en comparaison des salaires qu'on paie
S68 ÉTUDES COLONIALES
dans d'autres pays produisant le café. Dans d'autres localités,
comme Magrotto et Schôller, les salaires sont moins élevés ; ils
varient entre 80 et 94 centimes.
 l'exception de quelques plantations, les frais d'exploitation
sont assez élevés. Alors qu'à Java et à Ceyian, les frais du café
arabe sont évalués de 62 à 75 centimes par plant, à raison de
2,000 plants par hectare, non compris lamortissement du matériel
et du bétail, et de 1 franc à fr. 1.12, tous frais compris, le coût
par plant est beaucoup plus considérable dans l'Usambara. On
peut l'évaluer à fr. i.85 par plant, sans amortissement; dans cer-
taines localiti^s, il faudrait même admettre le chiffre de fr. 3.30. Il
faut donc que les récoltes soient bonnes pour que Ton puisse
lutter contre la concurrence de Java et de Ceylan. Cette augmen-
tation de frais est principalement attribuable à l'élévation des
salaires et aux difficultés des moyens de transport. Aussi faudrait-
il que l'on prolonge le chemin de fer Tanga-Muhesa jusqu'à
Korogwe.
Plantations de cocotiers. — Tout le long de la côte de
l'Afrique Orientale allemande, on aperçoit des cocotiers, isolément
ou en groupes. Le climat de la côte leur convient parfaitement et
le sol, à quelques exceptions près, également. Le cocotier exige
beaucoup de soleil et de clarté et un emplacement près de la mer.
Il se contente de 1,200 millimètres de pluie par an. Il croît par-
tout^ sauf dans les terrains rocailleux ou marécageux à eau sta-
gnante. 11 préfère les terres contenant un peu d'alcali comme les
sables de la mer. On n'a malheureusement pas tenu compte de ces
faits et c'est ce qui explique l'échec de plusieurs entreprises de
plantation de cocotiers.
Il existe dans la colonie plusieurs grandes plantations de coco-
tiers dont l'étendue atteint jusqu'à 1,500 et 1,600 hectares et qui
contiennent jusqu'à 200,000 cocotiers- En dehors des plantations
récentes, on peut citer celle du sultan de Zanzibar, celle de la mis-
sion catholique de Bagamoyo, celles des îles Mafia et Koma, qui,
toutes, démontrent que le sol se prête à cette culture. Des milliers
d'hectares encore vacants pourraient y être consacrés.
Plantations de ramie. — L'Afrique Orientale allemande con-
564 ÉTUDES COLONIALES
stilue un excellent terrain pour la culture de la ramie. Cette
plante, que l'on cultive principalement dans rAmérique Centrale,
croit dans les terrains les plus pauvres, même s'ils sont rocail-
leux. Elle réclame beaucoup de soleil et de chaleur et ne supporte
pas beaucoup l'humidité. On la rencontre, en Amérique, dans des
endroits où il tombe à peine 300 à 400 millimètres d'eau par an.
On la cultive aussi dans les Indes Occidentales où la quantité
annuelle de pluie est la même que dans l'Afrique Orientale. Son
principal avantage pour la colonie allemande, c'est qu elle résiste
parfaitement aux longues et fortes périodes de sécheresse qui
mettent en péril toutes les autres cultures. D'autre part, elle ne
souffre pas, même pendant les années où le volume de pluie
atteint son maximum, c'est-à-dire 3,000 à 2,500 millimètres.
La culture de la ramie trouve donc les conditions les plus
favorables dans l'Afrique Orientale allemande et offre toutes
garanties de succès. Il existe deux plantations de ramie dans la
colonie.
Les fibres les plus précieuses sont fournies par la ramie d'Amé-
rique mais la quantité qu'elle produit n'est pas aussi considérable
que celle du chanvre de l'île Maurice.
Plantations de vanille. — La vanille n'est pas une plante très
difficile au point de vue du climat ou du sol. Elle exige toutefois
une certaine attention. Elle aime une humidité abondante de
l'atmosphère et modérée du sol. Si la rosée est forte et si l'air
contient suffisamment d'humidité, elle se contente de 1,200 mil-
limètres de pluie par an, pourvu qu'ils soient répartis sur huit
mois. Elle préfère comme terrain un humus humide. L'Afrique
Orientale allemande réunit ces conditions dans plusieurs endroits.
Aussi la culture de la vanille se fait-elle déjà avec succès en deux
endroits : Bagamoyo et Kitopeni. Dans cette dernière plantation,
fondée en 1891 , il y a déjà 155,000 plantes et, bientôt, il y en aura
75,000. La qualité de cette vanille est très bonne. Elle se vend de
55 à 66 marks à Hambourg.
Plantations de canne à sucre. — La canne à sucre se cul-
tive en petites étendues dans plusieurs endroits de l'Afrique Orien-
tale. La culture en grand ne se fait que sur le Pangani par les
L AFRIQUE OaïKNTALE ALLEMANDE
865
Arabes. Les deux rives du l^aiigani inférieur possèdent un terrain
extrêmement fertile qui renferme près de 700 hectares de planta-
lions^de-ôanne à sucre appartenant à des Arabes qui les irrigent
au moyen des eaux saumâtres de la rivière. On se propose de
traiter la canne à sucre dans un établissement monté d'après les
' 1
• ï'
i.
' -Mt^M •V
>.
fmf'wm^wr^'^ .
H^WW^J^
.1 '^:^'
SIGAL AGAVC, A KIKUGWt.
procédés les plus nouveaux en obligeant les Arabes par contrat à
livrer le produit de leurs plantations. Ce projet a des chances de
succès. Malheureusement la culture de la canne à sucre est limitée.
Les terres qui lui conviennent n'embrassent guère qu'une étendue
de 4,500 hectares.
Le bétail. — L'élève du bétail est encore dans un état très
rudimentaire chez les indigènes de l'Afrique Orientale allemande.
Près de la côte, le gros et le petit bétail sont, en tous cas, suflBsants
3
f)66 l-TLDKS COLONIALES
pour pourvoir aux besoins de Talimentation des Européens.
On trouve des troupeaux dans presque tous les villages. Les
bêtes de somme et les vaches laitières font partout défaut. Le
Gouvernement allemand s'est attaché à développer Télève du
bétail en établissant des stations ou dépôts à Dar-es-Salaam, à
Pangani et à Mafia.
La colonisation. — Il a beaucoup été question de la colonisa-
tion de l'Afrique Orientale allemande par des colons allemands.
M. Wohltmann met en garde contre toute précipitation dans cet
ordre d'idées. Les plateaux des tropiques, même à une altitude de
1,200 à 2,000 mètres, sont loin de donner tous les apaisements à
cet égard. Il ne peut certainement pas y être question, pour le
paysan allemand, de cultiver le sol à la sueur de son front, comme
il le fait dans son pays. Les observations que l'auteur a faites au
Brésil démontrent que dans les pays chauds, même là où il n'y a
pas de fièvres, la race germanique ne peut pas s'adonner d'une
manière permanente à la culture des champs. Elle ne tarde pas à
perdre une partie de ses qualités et à dégénérer. Il en serait autre-
ment, cela va de soi, si le paysan allemand se contentait de diriger
et de surveiller le travail des noirs. Mais, pour cela, il faut des
capitaux et ceux qui en possèdent sont la minorité. Il ne s'agira
donc jamais d'émigration en masse.
On a envisagé spécialement pour l'émigration des colons
allemands, les plateaux de TUsambara Occidental, les montagnes du
Pare, le Kilimandjaro et le plateau de Uhehe. Il est à remarquer
que ces divers emplacements sont d'une étendue restreinte et ne
pourraient, par conséquent, recevoir qu'un petit nombre de
colons. Ensuite, la colonisation de ces régions ne sera possible
que lorsqu'elles auront été rendues facilement accessibles, sinon
les colons manqueraient de' débouchés. Aussitôt que des commu-
nications existeront, on pourra tenter une expérience. Ce sera le
cas pour l'Usambara Occidental, quand le chemin de fer Tanga-
Muhesa aura atteint Mombo ou Majindi.
Station de Kwai. — La station de Kwai se trouve dans une
des vallées de l'Usambara Occidental. On s'y occupe de 1 élève du
bétail et d'essais de culture. On y rencontre les produits de toutes
L AFRIQUE ORIENTALE ALLEMANDE
567
les zones : des pommes de terre, des pois, des fèves, des
betteraves; puis, des ananas, des tomates, des citrons, des
oranges; ensuite, du café, du quinquina, de la cannelle, etc.;
VANILLE, A KITUPENI.
enfin, tous les genres d'arbres forestiers. Le climat semble se
prêter à toutes les cultures, sauf celles des tropiques propre-
ment dites. Il est, du reste, très égal. Les nuits y sont Iraîches
et reconstituantes.
Population. — Au point de vue de la fertilité du sol et de la
868 ÉTUDES COLONIALES
facilité des communications, l'Afrique Orientale allemande doit
être rangée après bien d'autres colonies. Elle ne peut, sous ce
rapport, le disputer ni à Cuba, ni à Java, ni à Tintérieur de l'Inde,
ni même au Kamerun. Par contre, elle offre, au point de vue de la
densité de la population, plus d'avantages que les autres colonies
allemandes. La population de la côte est passablement nombreuse
et, grâce à l'influence des marchands arabes et indiens, elle a
acquis des goûts assez développés. Elle constitue donc, pour les
produits manufacturés allemands, un débouché qui ne cessera de
s'élargir. La population de l'Afrique Orientale allemande fait
partout une excellente impression. Dans presque tous les villages
de la côte, on rencontre des artisans (Fundi), ce qui n'est pas
encore le cas au Kamerun. Cette dernière colonie ne possède pas
non plus des villes ou villages de l'importance de Bagamoyo,
Pangani, Tanga, etc. Les terres ne manquent pas pour nourrir
une population indigène beaucoup plus considérable que celle qui
existe actuellement. Pour favoriser le développement de la popula-
tion, il serait utile d'encourager l'agriculture par la création de
puits artésiens, comme on a fait dans le Sud de l'Algérie et dans
l'Inde anglaise. On devrait aussi fournir aux indigènes des
semences et des plantes utiles ainsi que des instruments
aratoires. Il faudrait également leur donner des conseils en ce qui
concerne l'élève du bétail.
On ne peut pas non plus perdre de vue les obstacles qui
s'opposent au succès des cultures et des récoltes. Telles sont, par
exemple, les sauterelles qui réduisent des tribus entières à la
famine. On devrait combattre ce mal d'une manière énergique et
suivie, comme on le fait dans la République argentine, où l'on
détruit les sauterelles et particulièrement leurs nids au moyen du
feu; on y creuse aussi des fossés profonds à parois verticales,
dans lesquels ces insectes viennent tomber. On peut en faire
disparaître ainsi des milliards chaque année.
Voies de communication. — L'Afrique Orientale allemande
possède un chemin de fer, des lignes téléphoniques et télégra*
phiques le long de la côte, des lignes de vapeurs vers Zanzibar,
des ponts et des routes larges et en bon état vers l'intérieur. Ces
dernières ont été pourvues, dans ces derniers temps, d'abris pour
V5
'>*îl
U
•. ".'^
u
1 ,tt
y:
o
''»:î
a.
870 ÉTUDES COLONIALES
les voyageurs, ce qui dispense ceux-ci de l'obligation de déplier
leurs tentes. Le chemin de fer devrait être prolongé jusqu'aux
lacs par le Kilimandjaro afin de mettre en valeur TUsambara et de
permettre le transport du café qui s'y cultive. On peut compter
qu'en 1902. la production du café s'élèvera à o,000,000 de kilo-
grammes.
On a aussi émis l'idée d'effectuer les transports de l'intérieur
vers la côte au moyen de charrettes traînées par des bœufs,
comme on le fait dans TAfrique Occidentale allemande. Ce
système ne semble pas praticable pour le moment. Le terrain de
la colonie est trop montueux. Il faudrait, avant tout, commencer
par créer des routes.
Les rivières de la colonie ne constituent guère des moyens
de communication. Le Pangani n'est navigable qu'à son embou-
chure.
Valeur 'de la colonie au point de vue de la eultupe. — En
résumé, on peut dire que l'Afrique Orientale allemande renferme
énormément de terrains propres à la culture du cocotier et de la
ramie. L'établissement de ces plantations ne doit pas se limiter à
la côte, mais peut même s'étendre dans l'intérieur, à la région des
collines, sous réserve, bien entendu, de la question des frais de
transport. En agissant judicieusement, on peut être sûr de retirer
du profit de ces plantations.
Les terres convenant à la canne à sucre sont beaucoup moins
nombreuses. En dehors de la vallée du Pangani, il n'y a que le
delta de la Rufiji qui se prête à cette culture. Il y aurait place là
pour rétablissement de plusieurs fabriques. Dans les terres basses
et sablonneuses de la côte, il ne serait pas possible de cultiver la
canne à sucre si les prix du marché sont bas, car le sol de cette
région exige de grands frais de fumage.
La culture du tabac a de l'avenir dans le delta de la Rufiji.
On a reproché à ce tabac de brûler mal. On procède actuelle-
ment à de nouvelles expériences de culture pour corriger ce
défaut. Le tabac pourrait peut-être réussir également dans
l'Usambara Occidental.
Le riz peut se cultiver dans les endroits que les cours d'eau
recouvrent de leurs inondations et dans ceux qui sont submergés
u
s
o
572 ÉTUDKS COLONIALES
par les pluies. On devrait recommander cette culture aux
indigènes.
. La vanille peut devenir une grande ressource pour la colonie.
On la cultive avec succès à Bagamoyo et à Ketopeni, mais d'autres
endroits s'y prêtent aussi. On ne devrait, en tout cas, fonder des
plantations de vanille que là où il est possible de s'assurer de l'eau
car le régime des pluies est trop incertain dans l'Afrique
Orientale.
La culture du café occupe déjà près des côtes toutes les terres
disponibles. Il est douteux que le café Libéria réussisse, d'une
manière générale, dans la partie basse de la colonie, car on n'y
trouve pas les conditions d'humidité que cette plante réclame. 11
n'est donc pas à conseiller d'y établir de nouvelles plantations
pour le moment. Il vaut mieux attendre les résultats de celles qui
existent déjà. Dans la partie haute de la colonie, les essais de
Libéria ont complètement échoué par suite des conditions
climatériques.
Dans cette dernière région, le Mlingastock et l'Usambara
Oriental, sont entièrement occupés par les plantations de café
arabe. L'Usambara Occidental n'est pas partout propre à la culture
du café. On peut évaluer à 5,000 hectares, les terrains qui s'y
prêtent.
On peut dire, en ce qui concerne les autres cultures que
Ton voudrait introduire dans l'Afrique Orientale allemande,
qu'il faut exclure celles qui exigent une grande humidité
de l'air, des pluies abondantes et régulières et une tempé-
rature élevée et uniforme. C'est le cas pour le cacao, le poi-
vre, la muscade, etc. Par contre, les plantes oléifères et albu-
mincuses y prospèrent.
En dehors de la côte et de l'Usambara, la colonie renferme
certainement, dans Tintérieur, des terres propres à la culture,
notamment dans le Kilimandjaro, mais leur exploitation est
subordonnée à l'établissement de moyens de communication. On
ne doit, toutefois, pas fonder de trop grandes espérances sur
l'intérieur du pays. Mieux vaut laire exploiter cette région par les
indigènes qui savent porfaitement subsister sur un sol pauvre et
même en retirer assez pour pouvoir, en outre, acheter des
marchandises étrangères. Car rAUcmagne doit voir surtout un
L AFRIQUE ORIENTALE ALLEMANDE
573
débouché pour ses produits dans TAfrique Orientale. Comme con-
clusion de ses observations, M. Wohllmann ajoute que l'Afrique
Orientale allemande n'est, en aucune façon, un pays ricliemcnt
doté de la nature, où il suffit d'étendre la main pour recueillir des
$1
^ -fz . -•*
•^>5
BE1TERAVES A KWAI.
fruits, comme au Kamerun; il faut commencer par faire celle
colonie avant de pouvoir récolter. Et, pour contribuer à ce
résultat, M. Wohltmann propose de compléter le département
des cultures par un institut d'études scientifiques et profes-
sionnelles. 11 recommande comme emplacements de cultures,
Mwai et Mombo.
LE PMPLE GimOIS
La psychologie des Chinois a déjà fait i objet de bien des opi-
nions. Les unes ont été louangeuses, les autres défavorables,
particulièrement celles des auteurs qui établissent un parallèle
entre la stagnation chinoise et l'initiative des Japonais qui, en peu
d'années, se sont assimilé les institutions occidentales. La véri-
table raison de ces divergences d'opinions réside probablement
dans l'abîme qui sépare la mentalité des Chinois de celle des Occi-
dentaux. On ne peut guère étudier les mœurs et les coutumes de la
Chine à travers nos idées et nos concepts, car les institutions
chinoises nous apparaissent alors comme inconséquentes et
incohérentes. Pénétrer l'esprit des Chinois exige naturellement
une longue observation et une fréquentation assidue de ce
peuple. Des voyageurs qui ne font que parcourir plus ou moins
rapidement un pays n'ont ni les loisirs, ni loccasion de se livrer à
une étude aussi laborieuse et aussi prolongée. Ils aiment donc
mieux juger d un peuple par l'impression qu'il fait sur eux ou par
l'idée qu'ils s'en font. De là, tant d'avis disparates et contradictoires.
La question est cependant d'une importance capitale. Il n'est pas
possible d'entrer en relations sûres et suivies avec une nation qu'à
condition de la connaître, de savoir se conformer à ce que ses
mœurs ont de fondé et de légitime et d'éviter ce qui doit nécessai-
rement heurter ses sentiments et ses idées acquises. 11 serait donc
ridicule autant que funeste de mépriser les coutumes d'un peuple,
parce qu'à première vue, elles nous paraissent étranges, puériles-
LE PEUPLE CHINOIS 575
OU baroques. Il faut se demander quelle est l'idée qui se cache
derrières ces apparences, quel est le mobile qui fait agir ce peuple
d'une manière déterminée, et quelle est la relation à laquelle cor-
respond une manifestation donnée. On ne violente pas impunément
une conduite basée sur une tradition immémoriale, et Ton ne peut
agir avec assez de précaution quand on veut modifier un ordre de
choses qu'une longue série de siècles a consacré. Il faut tenir
compte, quand on veut juger la Chine, de la mentalité spéciale de
son peuple, résultat de lenorme accumulation d'idées, de pré-
jugés, de coutumes et de superstitions qui se sont entassées au
cours de l'étonnante durée de cet empire, et dont aucune force
extérieure n'est venue troubler la cohésion.
Un auteur réputé ajuste titre, M. Colquhoun, a étudié le ditficile
et complexe problème de la psychologie chinoise dans son livre :
China in transformation. La longue expérience qu'il a acquise
dans les différentes fonctions qu'il a exercées en Orient avant de
se rendre en Chine, l'avait admirablement préparé à pénétrer l'esprit
des Chinois. Il a su découvrir ce qu'il y avait de logique et de
sensé dans bien des manières d'agir des Chinois, qui, au premier
abord, paraissent contradictoires et inconciliables. H a également
déterminé avec grande justesse, semble-t-il, les caractères spé-
ciaux qui distinguent la civilisation chinoise de celles de l'Occi-
dent, et qui lui donnent son originalité.
Deux grands faits, au dire de M. Colquhoun, différencient le
peuple chinois de tous ceux que nous voyons autour de nous ou que
nous connaissons par l'histoire : sa masse et sa durée sans précé-
dent. Ces deux faits expliquent bien des choses qui, à première vue,
apparaissent à l'étranger comme des paradoxes. L'histoire ne nous
offre aucun autre exemple d'une telle accumulation d'expériences,
de coutumes, de cérémonies et de superstitions. Les premières
nations contemporaines de la Chine sont toutes tombées en pous-
sière depuis longtemps; plus d'une, plusieurs fois même; et la
chaîne de leurs traditions a ]été rompue. On peut, toutefois, se
demander si, au lieu d'avoir à reconstituer péniblement l'histoire
de ces nations d'après des inscriptions tumulaires, ou leur religion
d'après des bribes de mythologie, nous trouvions encore debout
les anciens Egyptiens et les anciens Grecs, nous ne constaterions
pas chez eux les mêmes superstitions confuses et contradictoires
U7G ÉTUDES C01.0.MALEî>
se superposant, couche par couche, et mêlant aux survivances des
temps les plus reculés, les accrétions les plus récentes. L'accumu-
lation résultant d une durée aussi longue doit être énorme et si
Ton y ajoute un troisième facteur, l'isolement, on ne peut plus
s'étonner du caractère complexe de la civilisation chinoise ou de sa
forme particulièrement conservatrice. Ce qui a élé la cause de la
longue existence de cette nation a aussi dû être celle de sa cristal-
lisation. Et c'est ce qui rend si hasardeuses toutes les innovations
imposées à la Chine du dehors.
On peut se demander quel rôle les Chinois seront capables de
jouer dans le mouvement industriel ^oh ils seront bientôt forcés
d'entrer. Pour se faire une idée exacte à ce sujet, il faut considérer
les Chinois sous le rapport des ressemblances qu'ils ont avec nous
plutôt que sous celui des dissemblances qui n'est que le côté pitto-
resque de la question. Aucune nation ne peut être jugée avec certi-
tude d'après ses livres, car il y a toujours un abîme entre les
aspirations et la réalité, entre les maximes des savants et les cou-
tumes du peuple. Il faut donc, pour se faire une idée pratique du
Chinois, le prendre dans sa vie réelle et agissante. Nous le con-
naissons intimement depuis une soixantaine d'années, nous pou-
vons donc parler de sa manière d'agir, si pas de ses pensées.
La qualité prédominante du Chinois, celle qui le caractérise
comme race, tant chez lui qu'à l'étranger, c'est, sans aucun doute,
son activité. Il a presque la passion du travail. Il parcourt les
mers et les continents à sa recherche. 11 semble né pour être le
scieur de bois ou le porteur d'eau de l'humanité; mais pas comme
un esclave. Le Chinois est toujours un marchand; il vend son tra-
vail moyennant salaire.iDans les contrées où sa race est persécutée,
c'est à son activité qu'on en veut, car elle fait concurrence au tra-
vail moins soutenu des blancs qui estiment qu'ils ont le droit de
dissiper la moitié de leur temps.
Combinées avec le goût du travail opiniâtre, le Chinois possède
deux autres qualités : la docilité et la tempérance. Celle-ci lui
permet de s'enrichir par une double économie : celle du temps et
celle de l'argent. Celle-là le rend apte à préparer la conquête dans
la soumission. Il se contente d'exploiter des claims épuisés pour
un gain infinitésimal, et il se laisse chasser quand il plait à son
frère supérieur, le blanc, de l'exproprier. Le Chinois est un incom-
LE PEUPLE CHINOIS 57T
parable agent pour extraire des déchets de Tindustrie humaine, le
dernier profit qu'ils contiennent. Il ne demande aucun confort;
encore moins, aucun luxe. Mais bien qu'il sache se tirer d'afiaire
avec une maigre pitance, il ne se laisse pourtant manquer de rien
quand il peut s'offrir une nourriture fortifiante et choisie.
Le sentiment, tel que nous le concevons, n'est pas compris par
le Chinois. Sa vie est établie sur une base commerciale. Cela est sî
vrai que quand les salaires sont très bas. il lui arrive de faire la
balance entre le travail et la nourriture, et de conclure que puisque
une dépense de force déterminée exige une telle quantité de nour-
riture, le feu n'en vaut pas la chandelle. Il travaille un nombre
d'heures ridiculement long pour un profit extrêmement modéré. Le
tintement du marteau de l'artisan et le bourdonnement des navettes
s'entendent dans les rues à toutes les heures de la nuit, et l'aube
trouve déjà l'ouvrier au travail. L'endurance du Chinois apparaît
clairement aux étrangers dans des besognes comme celles de
domestique et de garde-malade. Il excelle dans ce genre d'occu-
pation. Peu importe l'heure [à laquelle les maîtres rentrent, les
domestiques sont toujours debout, et, le matin, ils répondent au
premier appel, comme s'ils avaient eu douze heures de repos
ininterrompu. Comme garde-malades, les Chinois sont tranquilles,,
précautionneux et infatigables. Point n'est besoin avec eux dé
régler un roulement entre les gardes de nuit et de jour. Les bribes
de sommeil qu'ils peuvent saisir à l'un ou à lautre moment perdu,
leur sufiisent.
La robuste musculature des Chinois s'allie à une grande finesse.
Leurs mains et leurs pieds sont bien faits et leurs doigts ont uae
subtilité et une délicatesse remarquables. Leur habileté dans les
travaux les plus ténus, tels que la sculpture fouillée du bois ou de
Fivoire, la peinture en miniature et la fine broderie est bien con-
nue. Aussi, quand les industries manufacturières d'Europe seront
introduites en Chine, ne rencontrera-t-on aucune difiiculté pour
trouver la main d'oeuvre nécessaire aux productions les plus déli-
cates. De nombreuses expériences ont démontré l'aptitude des
artisans et des mécaniciens chinois à se servir des machines. Ce
n'est pas seulement à l'atelier et sur les chantiers que l'habileté
des Chinois a été éprouvée et . appréciée, mais aussi dans les
emplois qui entraînent des responsabilités, comme ceux de machi-
878 ÉTUDES COLONIALES
nisles à bord des steamers ou sur les locomotives. Convenable-
ment entraîné, le Chinois répond à toutes les exigences.
La capacité intellectuelle des Chinois peut aller de pair avec
celle des meilleurs occidentaux. Leurs études littéraires, où la
mémoire joue un rôle si important, prouvent qu'ils sont capables
d'une grande perfection mentale. On dit que si le « Paradis perdu »
avait été détruit, Macaulay aurait pu le reconstituer de mémoire.
Mais même une force de mémoire comme celle de Macaulay, n'est
que peu de chose, comparée à celle de beaucoup de Chinois qui
savent réciter par cœur leur treize classiques tout entiers. Et elle
n'est rien à côté de celle de certains Chinois qui, outre les treize
classiques, savent débiter une grande partie de leur littérature
nationale. Un Chinois, que M. Colquhoun connaît, était capable, à
l'âge de soixante-six ans, de repéter, mot à mot, des lettres qu'il
avait reçues, dans sa jeunesse, de quelques-uns de ses amis, célèbres
comme stylistes. Mis en ligne contre des élèves européens, le Chi-
nois n'est, sous aucun rapport, inférieur à ses concurrents occiden-
taux. 11 est capable de tenir tête à ses compétiteurs aussi bien en
mathématiques et en sciences appliquées qu'en métaphysique.
Quand on considère l'avenir de la Chine, on ne peut donc pas
perdre de vue les deux grandes ressources dont elle dispose :
la capacité physique et la capacité intellectuelle. Et l'on peut
s'imaginer quel sera l'avenir de la Chine quand ces forces seront
mises en contact avec l'activité mentale et les applications méca-
niques de l'Occident : la Chine étonnera et effrayera le monde.
La Chine possède donc toutes les garanties de succès que don-
nent les forces physiques et intellectuelles dirigées par un autre.
Mais est-ce à dire que la Chine ne pourra jamais jouer de rôle
dirigeant? Beaucoup de gens le pensent et l'expérience semble
jusqu'à présent leur donner raison. Mais le verdict n'est pas défi-
nitif. Il leur suffirait de posséder le dixième des esprits créateurs
des races caucasiques pour devenir un puissant facteur dans les
progrès de l'avenir. Et puis, qu'est-ce qui nous permet de dire
qu'il n'y a pas dans cette Chine qui se contente actuellement de
copier, un talent à l'état latent qui ne demande qu'une occasion
pour s'épanouir et fleurir? Avant de répondre à cette question, il
convient de rechercher, avec M. Colquhoun, la véritable cause de
la stagnation et de l'esprit de routine de la Chine.
LE l'EliPLh CHINOIS 579
Certains traits du caractère des Chinois les empêchent d'obtenir,
dans la voie du progrès, les mêmes succès que les nations chré-
tiennes-c II suffira d'en citer quelques-uns. L'un d'eux est univer-
sellement connu : c'est l'indifférence pour la vérité. Le mensonge
n'est pas honteux à leurs yeux. Il est seulement honteux de ne pas
savoir sauver les apparences. Combinez les deux idées et il en
résulte une défiance générale. Or, celle-ci est des plus nuisible à
la coopération, sans laquelle il n'est pas possible de produire
économiquement même une simple épingle.
Intimement unie au mensonge, on rencontre l'absence de scru-
pules dans les affaires d'argent. Prendre à l'un pour donner à
l'autre, faire un trou pour en boucher un autre, sont des procédés
naturels aux Chinois, depuis l'Empereur jusqu'au dernier degré
de l'échelle sociale. Les malversations fleurissent dans tous les
rangs de l'administration. Elles sont tolérées comme une simple
peccadille dans un pays où la moindre infraction à l'étiquette
filiale est punissable comme un crime. Avec un code de morale
financière pareil, il n'est pas possihle de fonder des sociétés par
actions, car personne n'aurait confiance dans l'honnêteté des
administrateurs, il eh existe cependant quelques-unes à Hong-
Kong. Les mines ne rapportent rien à leurs propriétaires parce
que les ouvriers pillent la production; il en est de mênje des
fabriques de coton où les ouvriers emportent la matière brute,
cachée dans leurs vêtements. Les principales compagnies chi-
noises sont des machines qui servent à l'appropriation en grand
des fonds d'autrui, surtout quand un fonctionnaire y a la main. U
n'est donc pas nécessaire de (chercher plus loin pour comprendre
le manque d'esprit d'entreprise des Chinois ou pourquoi ils
aiment mieux placer leurs fonds à faible intérêt dans des banques
étrangères que de le confier à leurs propres compatriotes, même
aux conditions les plus tentantes. Cette préférence pour la sécurité
qu'offrent les étrangers, est, d'après M. Colquhoun, le principal
levier par lequel on pourra développer les ressources commer-
ciales, industrielles et financières de la Chine. C'est par la probité
que nous pourrons lutter contre les Chinois. Cela résulte d'une
observation purement empirique : la probité des banquiers et des
marchands chinois est proverbiale et elle est, sans nul doute, la
cause de leur prospérité.
580 ETUDES COLONIALES
Il est difficile d'expliquer, en l'absence de toute séparation de
castes, des phénomènes aussi contradictoires qu'une fidélité excep-
tionnelle, dans certains cas; et une fraude systématique dans
d'autres. Il semble' évident qu'une cause générale doive ici faire
sentir ses effets. On peut la trouver peut-être dans le fait que
chaque profession exige un entraînement spécial d'où résulte une
sélection parmi ceux qui se proposent de la suivre. Chaque profes-
sion a son propre code d'honneur et chaque société, sa propre loi
de conservation Le commerce ne peut vivre sans confiance et
l'expérience continue de plusieurs siècles a gravé cette loi dans
l'esprit de ceux qui s'y engagent. La sélection tend constamment à
l'expulsion des individus qui n'obéissent pas à cette loi nécessaiw.
L'hérédité ajoute son aide puissante pour maintenir la pureté de la
corporation. Des traditions transmises de père en fils, pas tant
sous forme de maximes que isous celle de la pratique journalière,
s'impriment profondément dans le caractère, et les enfants suivent
naturellement la voie de leur père et de leur famille au milieu
de laquelle ils ont grandi. Il leur serait même difficile de faire
autrement.
Le code d'honneur différent qui prédomine dans les cercles
officiels, peut également s'expliquer par les nécessités de lexis-
tence. Aucun fonctionnaire chinois ne peut vivre de son traite-
ment. Que lui reste-t-il donc à faire? Une tradition immémoriale
lui montre la voie. Or, la corruption qu elle indique, n'afiecte pas
seulement les services publics mais elle atteint aussi le caractère
de l'individu qui s'en rend coupable. La malversation une fois
admise, il n'est plus possible d'en indiquer les limites. La néces-
sité dégénère bientôt en rapacité et celle-ci ne fait que grandir.
Quelques fonctionnaires résistent cependant à la tentation géné-
rale. On les regarde comme une sorte de monstruosité de vertu,
comme un genre d'éléphants blancs, qui, à ce titre, ont droit à
une indulgence illimitée. Ces fonctionnaires-là doivent être riches
ou avoir des amis riches, ou s'en remettre à quelque habile homme
d'affaires qui agit derrière leur dos.
Le danger des nouvelles entreprises, c'est d'être en dehors de
la tradition et, par suite, en dehors de la protection du code profes-
sionnel qui est si efficace dans sa propre sphère. Si un personnage
officiel a un intérêt dans l'affaire, sa seule préoccupation sera de
LE PEUPLE CHINOIS 581
s'en faire une vache à lait. Toutes ses habitudes intellectuelles pro-
testeraient contre Tidée d avoir le moindre égard pour les droits
des actionnaires.
La morale commerciale des Chinois apparaît sous son jour le
plus défavorable quand elle se trouve en contact avec le droit occi-
dental. Ainsi, leur attitude est peu édifiante quand il est fait appel à
eux pour un nouveau versement sur les actions qu'ils ont souscrites
dans des sociétés étrangères. C'est là un des cas où la tradition est
en défaut de leur montrer la voie à suivre. Toute l'afiaire est du
reste étrangère à leurs coutumes. Ils ne comprennent rien aux
formes juridiques européennes et ils ne se font pas le moindre
scrupule d'en éluder les termes quand ils peuvent. Entre eux, la
rectitude de la conduite est garantie et assurée par la coutume et
la force de celle-ci est plus grande que celle d'un décret de loi ou
de justice. Un contrat commercial, par exemple, rédigé et signé,
n'a qu'une valeur très secondaire; mais si le prix du marché a été
versé, il est inattaquable. La remise du prix sans l'écrit a plus
d'efficacité que celle de l'écrit sans le prix. On ne peut donc pas
espérer qu'un peuple qui se meut dans une telle atmosphère de
traditions et de coutumes, puisse facilement s'adapter au méca-
nisme des législations étrangères, d'autant plus que celles-ci
varient de nation à nation et qu'elles sont susceptibles d'être modi-
fiées au cours de chaque session parlementaire.
Le respect pour la loi, tel que nous le concevons, n'est pas com-
pris par les Chinois. Le sentiment qui les pénètre n'est pas seulement
du respect pour la loi : c'est un véritable culte. Elle est pour eux
plus que la religion. Mais les lois européennes sont comme des
dieux étrangers introduits dans leur panthéon. Elles n'ont pas de
prise sur leur sens moral. Toute l'attitude du Chinois vis-à-vis de
cette législation diffère donc fondamentalement de celles des
peuples d'Occident. C'est un fait dont doivent tenir compte tous
ceux qui font des afiaires avec la Chine. Le Chinois s'entoure de
garanties tout autres dans ses transactions commerciales que les
Anglais, par exemple, qui ont toujours un avocat à côté d'eux pour
les guider ou les éclairer sur la portée d'une clause d'un contrat.
Le marchand ou le banquier chinois n'envisagent en aucune façon
la possibilité de pouvoir recourir, en cas de besoin, aux tribu-
naux. Ils agissent comme s'ils ne disposaient pas de cette ressource.
4
5gâ ÉTUDES COLONIALES
Leur première précaution, pour se prémunir contre la tromperie et
les malentendus, est de choisir rigoureusement leur clientèleet de
n'entrer en relations qu'avec des gens irréprochables ; c'est lappré-
ciation réciproque qui cimente la confiance des gens d'affaires
entre eux.
Les contrats écrits Irouvent rarement place dans le système
chinois tandis que chez nous, ils jouent un rôle essentiel.
Nos juristes mettent la structure verbale d'une convention
au-dessus de tout; les Chinois, au contraire, font tout dépendre de
Tintention évidente et raisonnable des parties. Les uns consi-
dèrent le contrat; les autres la chose qui fait lobjet du contrat.
La différence entre les deux points de vue est presque inconci-
liable et il serait aussi erroné de notre part de vouloir juger
l'équité chinoise au moyen de nos idées que de la part des Chinois,
de dire que nous manquons de bonne foi parce que nous tirons
avantage d'une question de technique pour éviter une obligation
désavantageuse. La moralité qu'il faut conclure de cette situation,
c'est que chaque partie devrait rencontrer son co-con tractant sur
le terrain de celui-ci; les étrangers devraient se fier aux sanctions
consacrées de temps immémorial chez les Chinois pour lier la con-
science commerciale de ceux-ci et les Chinois ne devraient avoir
confiance dans les étrangers que pour autant qu'ils obtiennent des
contrats signés en due forme.
Une cause de défiance entre Chinois et étrangers a pour raison
le manque de ponctualité des Chinois. Sauf en matière de banque,
le temps n'a pas pour eux la mémo valeur que pour nous. Leurs
façons d'agir sont plus lentes que les nôtres. Il en résulte souvent
chez nous de l'irritation et même de la suspicion quand ils ne tien-
nent pas à temps une obligation importante. On doit Taiieune
large part à leurs habitudes et surtout à la complexité de leur vie
sous ce rapport. On leur reproche d'être superstitieux. Il est
même difiicile pour un étranger de concevoir à quel point leurs vies
sont enveloppées d'un tissu de nécromancie, de sorcellerie, de
culte des animaux, de chance, de mauvais œil et d'un millier d'au-
tres influences qui nous paraissent grotesques et puériles. C'est
un résultat naturel de la longue durée de cette nation. Toutes ces
superstitions ont pu s'accumuler lentement en une masse gigan-
tesque. Tous les actes de la vie chinoise sont réglés par un forma-
LE PEUPLE CHINOIS 583
lisme minutieux et personne ne songerait à s'en départir. Les
étrangers ne comprennent pas cela et il s'ensuit nécessairement
des frictions. Mais, en outre, les Chinois, même les plus raison-
nables et les plus pratiques, sont sous la domination des sorciers
et des diseurs de bonne aventure ainsi que sous celle du « sort »,
au point qu'ils vivent dans la crainte perpétuelle de dire ou de faire
quelque chose dans un moment néfaste ou dans un endroit néfaste
ou d'une manière néfaste ou en compagnie de gens néfastes.
Une convention avantageuse peut être abandonnée par suite de
quelque avertissement occulte- Et il arrive souvent qu'on accuse
le Chinois de mauvaise foi quand, en réalité, il se trouve sous le
coup d'une influence qu'il n'ose pas avouer et qui l'amène à fournir
une excuse embarrassée et mensongère.
Ce qui nous apparaît comme mystérieux dans les habitudes
chinoises, nous semblerait probablement simple si nous en avions
lexplication. Il est possible que si l'idée de famille, qui est le
principe tondamenlal de leur vie nationale et privée, était bien
entendue, on pourrait y trouver la clef de bien des singularités appa-
rentes. Les appeler idolâtres parce qu'ils adorent leurs ancêtres
n'est qu'une pétition de principes. Et, comme dit avec raison
M. Colquhoun, il vaudrait mieux examiner la portée de cette relation
que l'on appelle «idolâtrie» et rechercher l'importance du rôle que
les ancêtres jouent dans la vie chinoise. Or, il semble que leur
autorité soit la force qui maintient la cohésion de la Chine. Ils ne
font qu'un avec la postérité ; et la tombe des ancêtres est l'autel
familial. Les ancêtres assistent aux délibérations delà famille et en
sanctionnent les délibérations.
Les effets de ce culte sur la vie journalière du peuple sont divers.
Comme la famille est l'unité de l'Etat, il existe une responsabilité
collective pour la conduite de chaque membre. C'est grâce à elle,
que l'ordre est observé dans chaque village ou ville sans interven-
tion de police ou d'armée. Ce n'est pas un mince avantage. La
responsabilité de la famille, en matière financière, donne aussi de
la sécurité aux affaires, car une dette ne s'éteint jamais que par le
paiement et elle se transmet de père en fils. Un mauvais côté du
système est l'obligation morale de ceux qui sont riches de soutenir
tous les membres de leur famille, parce que ce principe décourage
l'esprit d'entreprise et l'activité. C'est un sérieux obstacle aux pro-
584 ÉTUDES COLONIALES
grès industriels, car, à peine un homme est-il parvenu à fonder,
par son énergie, une industrie florissante, qu*il est accablé par
tous les malchanceux de sa famille. Ceux-ci vivent à ses dépens et
il est obligé de les employer de préférence à des gens qui lui
seraient utiles, même au risque de ruiner son entreprise. Il est
impossible aux Chinois de s'affranchir de ce préjugé et on doit
tenir compte de ce fait dans tous les projets de coopération que
l'on propose à des Chinois.
En examinant le système social de la Chine, on doit distinguer
entre la capacité du peuple au point de vue individuel et sa capacité
au point de vue public, entre sa valeur comme matière susceptible
d'être moulée et dirigée par d'autres et son pouvoir d'organiser et
de conduire ses propres forces tant industrielles, commerciales et
politiques que militaires. La première capacité a déjà été examinée.
Il reste à s'occuper delà seconde.
Le Chinois au point de vue de la vie publique, telle que nous la
concevons, n'existe pas jusqu'à présent, La nation ne s'occupe pas
plus des affaires politiques qu'elle ne le fait, selon le conseil de
Confucius, des questions théologiques. La maxime populaire dit
que puisque les mandarins sont payés (et se paient) pour s'occuper
de l'administration publique, c'est leur affaire de s'en charger ;
quant au peuple, il cultive son jardin et paie ses taxes. L'esprit
public est donc un sentiment inconnu aux Chinois. On dit souvent
que les Chinois, comme nation, n'ont pas de patriotisme. Mais
cette opinion, fait remarquer M. Colquhoun, peut être l'effet de
nos préventions ou de notrq défaut d'apercevoir la véritable relation
qui existe entre le sujet et l'objet de ce que nous appelons patrio-
tisme. Les exemples du dévouement le plus pur et le plus élevé
ne sont pas rares et, dans ces cas, l'idéal n'apparaît pas fort diffé-
rent du nôtre. Cependant, si l'on parle seulement de ce qui agit
sur les masses, telles que nous les voyons et non telles qu'elles
sont intrinsèquement, on pourrait peut-être dire que ce qui repré-
sente le sentiment du patriotisme en Chine, est une survivance de
l'esprit de clan, affectant de petites étendues séparées entre elles.
Ce ne serait donc pas un patriotisme provincial ni même civique,
mais plutôt un esprit local, qui, à l'occasion, est capable de résister
aux extorsions ou de s'opposer à une immixtion.
Dans les sentiments militaires des Chinois, on observe, comme
LE PEUPLE CHINOIS 585
dans leurs sentiments patriotiques, la même indifférence. Leur
manuel de stratégie remonte à une date antérieure à Tère chré-
tienne. Leur tactique est plus primitive que celle des Zoulous. Il
n'existe pas de concentration. Chaque régiment ou bataillon com-
bat pour soi seul. Aucun d'eux ne veut en aider un autre; encore
moins une partie de Tarmée veut- elle se sacrifler au succès com-
mun.
On estime généralement peu le courage du soldat chinois. Il y
a toutefois des circonstances atténuantes à sa conduite. La manière
dont les soldats sont recrutés, traités, payés et conduits, excuse
bien des choses. Quand on les envoie sans armes contre des
forces bien disciplinées et bien équipées comme celles des Japo-
nais, il ne leur reste qu'à battre en retraite. Mais quand ils sont
nourris, disciplinés et armés convenablement, comme c'était le cas
pour la marine chinoise, ils laissent peu à désirer en fait de cou-
rage. Les Chinois sont plutôt attirés par les qualités personnelles
du chef que par une cause. Gordon aurait pu les conduire partout.
Ils auraient de même suivi le brave amiral Ting qui mourut dans
le siège de VVei-hai-Wei. Il ne s'agit donc probablement que d'une
simple question d'organisation comme pour les Égyptiens.
On peut dire que ce n'est pas par le génie militaire, scientifique
ou politique, mais par le génie commercial que la Chine s'est dis-
tinguée dans le passé et qu'elle a le plus de chance de briller dans
l'avenir. Les Chinois sont nés marchands. Placez-les dans n'im-
porte quelle situation sociale, même la plus éloignée de l'atmo-
sphère commerciale, ils penseront encore en monnaie. Comme les
Juifs ils ont la tendance instinctive de tout évaluer en argent. Mon-
tre&leur n'importe quel objet, pour les instruire ou provoquer leur
admiration, leur première et dernière pensée est la valeur qu'il
représente. Tendez l'oreille aux conversations des bateliers, des
coolies ou des ouvriers et vous verrez qu'elles tournent toujours
autour d'un même sujet : l'argent.
Ce n'est pas le gain en lui-même qui inspire cette passion du
marchandage. Comme tous les orientaux, du reste, le Chinois est
fasciné par l'amour du commerce comme par un sport. On dit que
le grand Li-Hung-Chang éprouvait un plaisir plus pur à dépouiller
un de ses employés de la moitié de sa quinzaine après avoir
bataillé avec lui toute une après-dînée, que s'il avait sauvé une des
g86 ÉTUDES COLONIALES
provinces de TEmpire. On considère comme une maxime de
sagesse pour un bachelier de se laisser battre aux échecs par un
oncle riche.
Une autre caractéristique du Chinois qui mérite d'être notée,
et qui le distingue des Occientaux et peut-être aussi des Orien-
taux, c'est qu'en dépit de sa parcimonie, il n'est pas vil. 11
devient généreux à l'excès quand la fantaisie lui en passe. Il a un
souverain mépris pour les bagatelles en soldant un compte. Il sait
subir une perte avec stoïcisme et il ne poursuit que bien rarement
en paiement d'une dette. La désinvolture avec laquelle le Chinois
traite les questions d'argent contraste d'une manière frappante
avec la rigueur qu'y apportent les étrangers. Et si on pénètre au
fond de ce fait, on ne pourra guère parler de supériorité ou d'in-
fériorité, car la générosité des Chinois trouve une compensation
dans les mille petits profits sur lesquels ils se rabattent, tandis
que la minutie des étrangers se justifie par la précision des
comptes et l'absence de toute marge où ils puissent se rattraper.
La combinaison de l'avidité, d'une part, et de la prodigalité, de
l'autre, produit parfois des résultats qui, bien que très naturels en
eux-mêmes, sont à la fois comiques et paradoxaux quand on les con-
sidère au point de vue étranger. Il y a quelques années, vivait,
dans un des ports secondaires, sur le pied princier légué par
Tcc East India Company » l'agent d'une puissante firme de Shanghaï.
Son « boy » ou maître d'hôtel, comme le reste de la domesticité,
d'ailleurs, se faisait de bonnes rentes aux dépens de l'établisse-
ment. Les temps vinrent à changer et l'importante maison dut
cesser les affaires. Abandonné, l'agent se décida à continuer le
commerce à son propre compte et à mettre à profit les relations
qu'il s'était créées parmi les marchands indigènes et étrangers.
Il ne pouvait naturellement plus être question de maintenir l'an-
cien train de maison. Il appela donc son fidèle c< boy »> et lui
3xposa sa situation : impossible de continuer l'ancienne et dispen-
dieuse manière de vivre, bien au regret de devoir se séparer d'un si
bon et si ancien serviteur, et ainsi de suite. Le « boy » se plia aux
circonstances d'une façon un peu inattendue. « Pourquoi maître
est-il si chagrin ? Je suis bien triste que maître ne gagne pas d'ar-
gent. J'aimerais de rester au service de maître. Combien maître
peut-il m'offrir ? » Le maître se gratta la tête et réfléchit un
LE PEUPLE CHINOIS 587
instant ; puis, il énonça une somme qui ne représentait que les
deux tiers du chiffre atteint par les frais du ménage jusqu'à ce
moment. « Bien, bien, maître, la somme que vous fixez suffira »
répliqua laccommandant serviteur. Le ménage continua donc. Rien
ne fut changé. La table était aussi abondante et les domestiques
aussi corrects et aussi respectueux qu'auparavant. Il n'y avait que
les frais qui avaient diminué de trente pour cent. Une année se
passa. La nouvelle entreprise, comme toute affaire récente, avait
rencontré des difficultés. Le résultat était une déception. De nou-
veau, le maître eut à s'expliquer avec son serviteur; de nouveau,
la solution de la difficulté se trouvait dans la réduction du train de
maison. « Bien, bien, maître, dites-moi combien vous pouvez
donner » répondit le boy. Le maître était sérieusement embarrassé.
Il cita un chiffre qui était exactement la moitié de ce qu'il payait
à l'origine. Le boy accepta avec autant de plaisir que la première
fois. Le ménage poursuivit sa carrière, sans qu'il y eut une
feuille de salade ou une perdrix ou un champignon de moins.
Seuls, les frais étaient réduits à de modestes proportions. Il va
sans dire que, dans le bon vieux temps, le rusé Chinois avait fait
danser l'anse du panier; mais quelle facilité d'accommodation et
quelle fidélité dans l'infortune !
Veut-on maintenant un exemple d'un cas opposé? M. Colquhoun
cite le fait suivant, arrivé récemment à Pékin. Un Français tenait
maison dans cette ville. Il était accompagne de sa femme. Pendant
plusieurs années, leur ménage avait poursuivi sa route doucement
et économiquement. Pas une ride n'avait troublé leur félicité domes-
tique. Un beau jour, ils constatèrent une augmentation notable dans
leur budget mensuel. Ils firent des remontrances h leur maître
d'hôtel, mais ce fut en vain. Impassible, celui-ci apportait chaque
mois la même note. A la fin, le maître résolut de congédier le dômes-
tique. Quand lesuccesseur de ce dernier eut été installé, il tint à son
maître un discours enpidgin english dont la teneur était qu'il se
trouvait dans l'impossibilité de gérer le ménage plus économique-
ment que son prédécesseur. Le ujaître fut surpris, à cette haran-
gue; il discuta quelque temps mais ne put rien tirer d'autre du
domestique. A la fin du premier mois, la noie présentée corres-
pondait, à quelques centimes près, à ce qu'elle avait été aupara-
vant. Le maître fit des observations qui furent reçues avec respecl;
588 ÉTUDES COLONIALES
mais, le mois suivant, le môme compte reparut. Le maître flnil par
jeter le manche après la cognée et par se résigner à son sort
Quelque temps après, quand toute mésintelligence eut disparu,
le maître demanda à son domestique de lui expliquer, simplement
pour satisfaire sa curiosité, comment il se faisait que le taux des
frais de ménage qui, pendant plusieurs années était resté le même,
s'était tout à coup élevé sans qu'il y ait eu le moindre changement
dans les prix du marché ou qu'il se soit produit une autre cause.
Pris en confidence, le boy regarda son maître avec douceur et lui
dit que comme il avait eu la chance de faire une excellente affaire,
.quelque six mois auparavant, ses domestiques s'étaient jugés en
droit d'en prendre leur part.
On reproche souvent aux Chinois d'être ingrats. Ce qui est vrai,
en Orient comme, du reste, en Occident, c'est qu'un mauvais
maître n'a jamais eu un bon serviteur. Et ceux qui so plaignent le
plus, fait observer M. Colquhoun, sont généralement ceux qui ne
méritent pas d'autre sort. Tous les étrangers qui ont étudié les
Chinois, d'une manière humaine et sympathique, reconnaissent leur
dévouement et leur gratitude. Le Chinois s'attache, cœur et âme,
à l'étranger qui a su gagner sa confiance. Pour y arriver, il faut
leur montrer, non par des mots mais par des actes, que l'on se
préoccupe de leur bonheur autant que du sien propre. Un
exemple illustrera la force d'attachement dont les Chinois sont
capables. Un Anglais, qui était retourné en Chine, après une
absence de plusieurs années, fut tout surpris de recevoir, un
jour, la visite de quelques Chinois qu'il ne connaissait pas. Ils
étaient bien vêtus'et fort respectueux. Après les préliminaires habi-
tuels de toute conversation chinoise, le plus important des visi-
teurs expliqua qu'il était le fils d'un Chinois mort depuis plus de
vingt ans, à une époque où il n'était encore qu'un enfant; que sa
famille lui avait parlé de la bonté avec laquelle l'Anglais avait traité
son père dans ses vieux jours ; qu'à son grand regret, il n'avait
jamais eu l'occasion d'exprimer sa reconnaissance pour ces bienfaits.
Or, il venait d'apprendre qu'une personne portant le même nom
que celui de l'ami de son père était arrivée récemment dans la ville.
11 ne savait pas si c'était la même. Et c'est simplement pour
s'informer qu'il faisait une visite. Il fut transporté de joie quand il
sut qu'il avait découvert la personne qui l'intéressait. L'Anglais
LE PEUPLE CHINOIS 589
el le Chinois échangèrent alors des nouvelles de leurs familles
respectives et ce dernier demanda la permission de pouvoir pré-
senter ses hommages une autre fois. Quand il revint, il était chargé
de cadeaux de grand prix, destinés aux enfants de celui qu'il avait
retrouvé si fortuitement.
Les exemples de générosité au profit des Européens en matière
d'argent ne sont pas rares. Ils étaient plus nombreux à l'époque de
la génération précédente, quand le commerce, surtout celui de
Canton, se traitait largement, à la manière des princes-marchands.
Les circonstances ne permettent plus d'agir de la sorte aujour-
d'hui : les affaires ont pris un caractère plus particulier et plus
limité. A cette époque, la confiance la plus complète était la règle
entre les marchands de Hong-Kong et les commerçants européens et
américains. Les affaires se faisaient alors par chargements entiers.
Un survivant du vieux régime, qui vivait à Canton en 1884, étaif,
par suite de l'effondrement de sa firme, tombé de l'opulence dans
la misère. Il se trouvait fortement engagé vis-à-vis d'un marchand
chinois. Celui-ci, voyant que le vieux commerçant restait à Canton
sans jamais retourner dans son pays ni dans sa famille, lui demanda
pourquoi il se refusait la consolation naturelle de la vieillesse,
car une séparation perpétuelle de la famille est particulièrement
intolérable aux Chinois. Croyant en deviner la raison, il tira de sa
poche, dit-on, un des plus gros billets du commerçant et le déchira
devant celui-ci, en disant: « Et maintenant, pouvez-vous retourner
chez vous? » Il se peut que le récit ne soit pas littéralement vrai,
mais il exprime bien les sentiments dont les Chinois sont capables.
Naturellement, on peut dire que ce ne sont là que des cas excep-
tionnels. Mais s'ils ne sont pas plus répandus, n'est-ce pas la faute
des étrangers qui ne s'attachent pas suffisamment à gagner la
confiance des Chinois?
Une des qualités les plus précieuses des Chinois et qui leur sera
des plus utiles pour le développement ultérieur de leur pays, c'est
la façon merveilleuse dont ils savent endurer les choses
désagréables et leur invincible contentement dans toutes les cir-
constances. Tous ceux qui ont voyagé parmi eux ou qui ont eu
l'occasion de les observer rendent hommage à leur inaltérable
bonne humeur dans les situations les plus pénibles comme dans les
travaux les plus durs- Leur gaîté est sans égale. Ni le froid ni la
590 ÉTUDES COLONIALES
chaleur, ni la Taim ni la fatigue ne peuvent les abattre. Ni le mal-
heur ni les calamités ni la maladie n'ont de prise sur eux. Il sem-
ble, comme dil un auteur, qu ils aient pris l'habitude de regarder
les choses du bon côté.
Suivant un écrivain, « le bonheur est plus qu'ils n'espèrent: ils
se contentent d'être aussi heureux que possible » et, parlant d'un
Chinois, employé à pousser une lourde brouette en voyage, souvent
pendant plusieurs mois de suite, cet auteur ajoute: :c Au cours de
ces expéditions, il était obligé de se lever tôt, de voyager tard, de
transporter de lourdes charges par dessus de roides et difficiles
montagnes, par toutes les saisons et tous les temps, de passer à
gué des rivières glacées, pieds et jambes nues, et, à la fin de la
journée, de préparer le souper et le logement de son maître. Tout
ce travail était fourni pour une rémunération des plus modiques et
sans la moindre récrimination. Et au bout de plusieurs années de
ce service, le maître put déclarer qu'il n'avait jamais vu son
domestique hors de soi !
Aussi, la conclusion de cet auteur est-elle que : « si l'on doit
ajouter foi aux enseignements de l'histoire en ce qui concerne le
triomphe des « plus aptes », un avenir splendide est réservé à la
race chinoise. »
-*♦
Le sorgho est avec le manioc une des bases de Talîmentation des
races bantoues qui peuplent le bassin du Congo.
Non seulement ils en font une galette dure et peu appétissaiite
pour les Européens, mais ils s'en servent encore pour faire une
bière qui, convenablement décantée, est parfaitement buvable,
même pour les Belges initiés aux voluptés du gueuze-lambic ou de
Fuitzet ou des multiples « blondes » ou brunes qui Ibnt chez nous
les délices des palais blasés.
Seulement, TEuropéen rendrait aux nègres un signalé service en
introduisant chez eux les meilleures variétés de sorgho.
Le sorgho est originaire du Nord de la Chine, où le climat est
relativement froid, et son introduction en France date de 1851,
époque à laquelle M. de Montigny, alors consul de France à
Shanghaï, envoya des graines de cette plante à la Société de
Géographie de Paris.
Dans l'Amérique du Nord, il est cultivé sur une grande échelle
dans les Etats de lowa, Rio Grande, Virginie, Louisiane, Mary-
land, Kansas, etc. La partie méridionale de la France et
l'Algérie possèdent aussi des cultures importantes de sorgho.
A la République Argentine, cette culture est connue dans la pro-
vince de Buenos-Aires où elle constitue un excellent fourrage.
A Santiago del Estero, on a depuis longtemps cultivé le sorgho
dont on extrait sucre et alcool et où on poursuit cette culture.
Dans la province de Santa-Fé, il existe des distilleries de
592 ÉTUDES COLONIALES
sorgho, mais c est surtout dans la région Nord que cette culture a
pris une extension dont il est difficile de prévoir la limite en pré-
sence des résultats financiers obtenus et de l'enthousiasme justifié
qu ils ont produit chez les distillateurs et producteurs.
Culture. — La terre défrichée, ameublie, hersée dans les con-
ditions ordinaires de la culture du mais, est prête à recevoir la
semence. Les cavités sont réglées de manière à contenir trois
graines de sorgho. Un ouvrier sème facilement un hectare par
jour avec un appareil adapté à une charrue traînée par deux
bœufs. On ne conseille nullement d enterrer la graine : le sol étant
bien égalisé par la herse, le sillon est ouvert par la charrue qui
porte elle-même le semoir; le piétinement du laboureur suffît ainsi
que la terre qui retombe dans le sillon pour recouvrir la graine.
D'ailleurs les pluies qui surviennent régularisent l'ensemencement
et couvrent la graine d'une terre fine très favorable à la germi-
nation.
C'est une grande erreur d'économiser la graine. Il faut 10 kilos
par hectare. La levée s'effectue en 5 ou 6 jours et les sillons des
champs offrent, après 15 jours, le riant aspect d'une magniflque
ligne verte, herbacée, pleine de vie. Evitons avec soin de toucher
aux jeunes plantes. Laissons-les croître en nombre, en touffes , il
n'y a aucun danger. Quand la plante a atteint 15 à 20 centimètres
de hauteur et si la levée a été uniforme et trop parfaite^ c est-à-dire
si les touffes sont épaisses, passons la herse et nous obtiendrons
un résultat excellent. Peu à peu, la plante grandit, les sujets les
plus vigoureux prennent le dessus et l'éclaircissement s'opère de
lui-même sans le concours de la main de l'homme. A partir de
60 centimètres, la végétation est exhubérante jusqu'à la production
de la graine et le sorgho mûr atteint 2"50 à 3 mètres de haut.
L'écartement des sillons est de 40 à 50 millimètres, celui des
tiges de 25 à 30. Le buttage, si avantageux pour donner aux tiges
plus de résistance à l'action des vents, s'effectuera avec une petite
charrue « Vigneronne », trainée par un bœuf ou un cheval. Les
radicelles adventives et la vigoureuse végétation du sorgho sont
un obstacle immédiat à la levée des herbes nuisibles.
Grailles. — Le choix de la graine doit être l'objet des soins les
plus délicats et c'est pour n'avoir pas tenu compte de cette
observation que beaucoup ont essuyé des pertes dans la culture
LE SORGHO 593
du sorgho. On connaît 34 variétés de sorgho, dont une dizaine
sont propres à la disUHerie. Il faut écarter sans pitié la semence
de sorgho à balai. La facilité de croisement des races produit un
sorgho dont la tige sèche est formée de cellulose sans jus utile et
dont le rendement absolument nul aux champs comme à l'usine,
conduit aux plus déplorables résultats.
Les signes caractéristiques d'une bonne variété de sorgho
résident dans la forme de Tépi. Ce diagnostic est sûr. Les bonnes
classes ont un épi lourd, compact, à grains serrés, pouvant peser
plus de 200 grammes. Les qualités inférieures ont un épi à rameaux
isolés, retombant, peu fourni en graine; leur tendance est celle du
sorgho à balai. Quand cette qualité se rencontre, il faut l'extirper
du champ, sinon l'abâtardissement des races est rapide et son
dernier terme est le sorgho à balai,
La tige de sorgho atteint facilement de 2.50 à 3 mètres; des
nœuds sont espacés comme ceux de la canne à sucre de 15 à
20 centimètres. Sa grosseur arrive à 28 millimètres de diamètre
pour les races orange et rarement dépasse 18 à 20 pour les
ntinnesota.
Le rendement à l'hectare varie suivant les soins apportés à la
culture, le terrain, les engrais. Pratiquement, on peut aisément
compter sur 30 tonnes de tiges par hectare et 15 à 20 p. c. de
leur poids en graines, soit environ 4,000 kilos de graines propres.
Nous trouvons dans des renseignements de M. Rusk, secrétaire
du département d'agriculture de Washington et de M. Wiley, chi-
miste à cet établissement, les analyses ci-après, prises dans la
série de 29 variétés de sorgho et qui sont celles qui méritent
l'attention du cultivateur et de l'industriel :
Pour cent de jus
VARIÉTÉS. Sucre
cristallisable Glucose
1 Unden debule 17. 12 0.54
2 Early orange (hàlif) 17.05 1.69
3 Link's Hybrid 16.52 0.24
4 Texas Honey-Drip 10.35 2.42
5 Planters friend 16.21 0.55
6 Folger's Early 15.71 1.65
7 Late orange (tardif) 15.71 i.92
594 ÉTUDES COLONIALES
8 Black african 15.46 0.51
9 Kansas orange 15.39 0.56
10 Chineseimphee 15.19 0.37
il Early Amber (Minnesota) . . . . 12.67 1.28
12 Sorghuni bicolor 14.45 0.61
On voit donc quelles différences notables présentent entre elles
ces variétés de sorgho et Ton voit aussi qu'il en existe qui équiva-
lent à la canne à sucre, ce qui tend à démontrer que, par une
prudente et scientifique sélection, on arrivera, comme on la obtenu
pour la betterave, à posséder des variétés parfaitement applicables
à la fabrication du sucre. Les expérimentateurs en sont convain-
cus, étant donné que le seul inconvénient actuel réside dans la
proportion de glucose, que la culture peut réduire, et dont la
science pourra indiquer les moyens de paralyser Tact ion.
Les termes moyens des analyses sont les suivants: densité 1,062,
sucres fermentescibles 14 p. c. du jus. On considère ce chiffre
comme général pour les variétés Orange hâtif et tardif. Il corres-
pond, avec une extraction de 50 p. c. au moulin, à un rendement
en alcool à 90** de 36 litres par tonnes de tiges de sorgho.
Les ensemencements commencent dès les premiers jours d'août
et se poursuivent jusqu'à fin janvier. On commence par semer
l'Orange tardif et on continue dès novembre par 1 Orange hâtif.
120 à 140 jours suffisent pour que le sorgho atteigne sa maturité
et soit convenable à distiller. En échelonnant ainsi les ensemence-
ments on arrive à récolter, de janvier à juillet, du sorgho frais
dans de bonnes conditions. Le froid ne paraît pas exercer d'in-
fluence sensible sur le sorgho destiné à la distillation. La coupe
s'effectue comme pour la canne, mais avec cette différence qu'il
n'y a pas lieu d'enlever les feuilles qui constituent un poids insi-
gnifiant. La coupe de l'épi se fera soit au champ, soit à l'usine,
mais en aucun cas ne devra précéder notablement la coupe de la
tige.
Distillation, — Le moulin vulgairement employé pour la canne
à sucre sert également à l'extraction du jus du sorgho. La macé-
ration et la diffusion donnent pour le sorgho des rendements
incomparablement supérieurs. Le jus sortant du moulin est géné-
ralement souillé par de la graine, de la fine bagasse et autres
impuretés. Il convient de le faire passer sur une toile métallique,
LE SORGHO 595
qui retient ces matières solides, lesquelles servent de nourriture
aux cochons.
Le jus possède une teinte vert glauque. Pour faciliter l'extrac-
tion et en raême temps la diffusion nécessaire à la fermentation, on
dispose au-dessus du cylindre supérieur du moulin une injection
deau bouillante. Un élévateur spécial prend la bagasse et la
déverse directement dans les chars qui la transportent où Ion
désire. Une disposition particulière du foyer de la chaudière à
vapeur permet de brûler une bonne partie de la bagasse, écono-
misant ainsi le bois ; les cendres recueillies sont répandues sur les
champs.
Le jus amené à l,OoO de densité est échauffé par Tinjection de
vapeur jusqu'à 30° centigrades environ et coule dans la cuve à
fermentation. La fermentation ne nécessite aucune addition de
levain, elle s'opère immédiatement, et quand l'usine possède un
bon pied de cuve, sa marche est assurée.
Le jus fermente avec beaucoup de régularité et dégage une
odeur suave. En quarante-huit heures, une cuve de 200 hectolitres
est tombée, et peut se distiller. Le jus possède alors une teinte
ambrée, limpide et a pour densité 1,005 à 1,007. Il arrive parfois
qu'il se produise une fermentation avec dégagement de vapeurs
rutilantes « nitreuses », dues aux matières azotées du jus. On
obviera à cet inconvénient par une ébullition préalable du jus avec
de l'acide sulfurique. Dans le but de clarifier et faciliter la fermen-
tation, on ajoutera au jus environ 1 à 2 p. c. de sciure de
quebracha, qui agit par le tannin qu'elle renferme. Le jus de
sergho fermenté ou vin, peut se conserver plus d'un mois sans
altération; on on possède l'assurance pratique.
La distillation s'opère avec les appareilr, connus.
Les vinasses, élevées par des pompes centrifuges, sont répan-
dues sur le sol au moyen de canaux appropriés, constituant ainsi
une irrigation de ces engrais.
Il faut mentionner ici que le sorgho convenablement traité
fournit un vinaigre de qualité extra. C'est là une industrie qui
nécessite peu de capital et donnera de bons rendements.
CHRONIQUE
AFRIQUE
L'Expédition Slatin pacha au Kordofan et au Darfour. —
Slatin pacha a effectué, du mois de mai au mois de septembre de cette
année, une expédition à travers le Kordofan et le Darfour pour le
compte d'un syndicat anglais. Le D^ Linck, de l'Université de léna,
l'accompagnait en qualité de spécialiste. A son retour au Caire, ce
dernier a donné quelques renseignements sur son voyage. Depuis les
guerres des Mahdistes, ces provinces sont dans un état pitoyable. Elles
ont été entièrement dévastées et sont complètement dépeuplées. A la
place de villes autrefois prospères, on n'aperçoit plus que des mon-
ceaux de ruine. El Obéid qui était, autrefois, une cité de 50 à 60 mille
habitants, n'en compte plus actuellement que 5 à 600. Le sol, qui est
d'une grande fécondité naturelle, n'est plus exploité. Les indigènes
n'en cultivent plus que la partie nécessaire à leur subsistance. Çà et là
seulement, on aperçoit quelques champs de millet; pour le surplus,
le pays n'est qu'une vaste steppe. Les nègres qui vivent constamment
en lutte contre les Arabes, sont exploités et pressurés par ces derniers
de toutes les manières. Les Arabes excitent, en outre, les diverses tri-
bus nègres les unes contre les autres. Les Arabes sont un grand
obstacle à la prospérité du pays et les autorités ne font rien pour y
remédier. Les fonctionnaires égy^ptiens et indigènes se laissent d'ail-
leurs trop facilement corrompre par eux.
Ces régions ne renferment que peu de gibier. La destruction des
éléphants se poursuit rapidement, malgré toutes les mesures que l'on
a prises. Le professeur Linck croit, du reste, que les conventions
internationales pour la protection de la faune indigène, si elles sont
efficaces vis-à-vis des (îhasseurs étrangers, ne pourront rien contre
les indigènes armés de Remington. On trouve énormément de caout-
chouc dans ces contrées, mais la main d'œuvre manque pour l'exploi-
ter. Le climat est très supportable. La température monte, pendiant
le jour, à 42 degrés Celsius, mais la nuit elle descend, en général, à
20 degrés.
Tripoli. Commerce des caravanes. — Le vice-consul d'Angle-
terre à Tripoli dit, dans son rapport, que les relations commerciales
se sont améliorées entre Tripoli et l'intérieur de l'Afrique. Les rap-
ports commerciaux ont cessé avec le Bornou et n'ont lieu que d'une
façon précaire avec le centre du Soudan ; par contre, ils se développent
vers le Wadai, où le nouveau Sultan encourage le commerce. Le
Wadai est la contrée la plus accessible des trois qui viennent d'être
citées. Les marchands qui s'y sont rendus l'été dernier, ont réalisé
des profits qui se sont montés dans certains cas, à 50 p. c. Beaucoup
d'autres commerçants se disposent également à équiper des caravanes.
La tranquilité est, du reste, entièrement rétablie dans le Wadai. Il
n'en est pas de même du Soudan, où les routes continuent à être peu
sûres, particulièrement au Sud de Ghat, où les tribus nomades atta-
quent les caravanes qui ne sont pas suffisamment protégées par dès
hommes armés. Quant au Bornou, il n'y a pas d'espoir de voir bientôt
le commerce y renaître.
Nigeria. L'organisation de la force publique. — La force
publique de la Nigeria est la plus remarquable de toutes les troupes
de l'Afrique Occidentale, tant au point de vue du nombre et de l'équi-^
pement des soldats que de la proportion d'officiers anglais. Cette force
se compose de deux bataillons d'infanterie, de trois batteries d'artil-
lerie et d'une compagnie du génie, possédant une section télégra-
phique. Elle a aussi des départements de transport et des services
médicaux parfaitement organisés. Les soldats sont recrutés parmi les
Hausas et les Yorubas et pour une faible partie parmi les Nupés.
L'enrôlement des Yorubas est une innovation qui a donné de bons
résultats. On a toutefois eu soin de séparer les Hausas et les Yorubas^
en compagnies distinctes. Les troupes sont cantonnées à Yebba, à
500 milles en amont du Niger, et à Lokoja, au confluent du Nigei" et
de la Bénué. Depuis que l'Angleterre a annexé la Nigeria, on s'est
appliqué à ouvrir les territoires montagneux de l'intérieur où l'on
trouvera peut-être bientôt des emplacements plus sains que ceux du
l)ord du Niger.
Les soldats, tant Hausas que Yorubas, sont des hommes splendides.
Us apprennent facilement le maniement des armes et sont très durs à
la fatigue. Leur point faible est le tir. La justesse de leur visée a cepen-
dant fait des progrès depuis que la troupe existe. La tentative de former
une compagaie d*infauterie montée a échoué par suite de l'inaptitude
des chevaux à résister au_ciimat de la vallée du Niger.
Un bataillon se compose de huit compagnies, de ISO hommes cha-
cune. Il est commandé par un lieutenant-colonel, un commandant en
second, un adjudant et un quartier-maître. Chaque compagnie a un
commandant et deux otKciers subalternes ayant au-dessous d'eux cinq
officiers non commissionnés, sans compter les gradés indigènes.
Chaque compagnie a un maxim et les hommes sont armés de carabines
Lee-Ênfield. Les batteries d'artillerie sont armées de canons de sept
livres et de Maxim -Nordenfelt. Les officiers ne restent en Afrique que
pendant douze mois consécutifs.
Afrique allemande Sud-Occidentale. — La superficie de
l'Afrique allemande Sud-Occidentale est de 830,960 kilomètres carrés;
elle équivaut à celle de l'Algérie et de la Tunisie réunies. Le pays
manque de cours d'eau, mais on lui attribue des richesses minières
prodigieuses. Dans la partie Nord-Est, on a prospecté des gisements
d'or et des mines de cuivre.
La colonie a l'avantage d'être placée dans la zone tempérée où la
race blanche peut vivre et prospérer. Elle a une situation géographique
analogue à celle du Queensland et des provinces brésiliennes du
Parana. Les hautes terres ont le même climat que la Rhodesia, le
Transvaal et l'Etat libre d'Orange et les parties basses sont aussi saines
que la Natalie et Delagoa Bay.
Le littoral est couvert de dunes de sable et ne possède qu'un petit
' nombre de baies. La côte est difficilement accessible. La rade d'Angra-
Pequena qui pourrait abriter une flotte entière et Walfish-Bay, qui
possède un beau port, sont des enclaves qui appartiennent à l'Angle-
* terre. Il en est de même des nombreux îlots à guano dont quelques-uns
sont exploités par des maisons de Capetown.
Dans l'intérieur du pays, le relief s'élève assez rapidement, et on y
rencontre des massifs montagneux, dont le point culminant est à une
altitude de 2,000 mètres. Certaines régions sont très fertiles. Dans la
saison des pluies, la végétation y est luxuriante; l'herbe atteint la
' hauteur d'un homme. L'élevage du bétail est donc appelé à yprospé-
' rer comme dans les régions voisines.
La population du Damaraland se compose, en chiffres ronds, de
• 200,000 individus de race hottentote, moins susceptibles de civilisation
que les Cafres, et d'environ 4,000 blancs. Ces derniers sont employés
*^dans l'administration, la construction du chemin de fer de Schwakop-
' mund et dans les mines. Il y a aussi des colons libres.
CHRONIQUE 599
L'accroissement de la population allemande parait assez rapide.
Cette population qui ne comptait que 200 âmes en 1896, atteignait
2»000 individus en 1898. On trouvait quelques Boers dans la colonie.
Il ne faut pas s'en étonner puisqu'ils ont essaimé jusque dans la pro-
vince portugaise de Mossamédès.
Les Allemands songent à diriger une partie du courant d'émigration
germanique vers cette région, où les blancs peuvent vivre et faire
souche comme le montre l'exemple des Boers.
Afrique Orientale allemande. Dock flottant. — Le dock flot-
tant, destiné à l'Afrique Orientale allemande, qui est en construction
à Kiel, est presque terminé et pourra être sous peu transporté en
Afrique. Le dock sera démonté et remonté sur place. L'Empire pos-
sède toute une flottille de bâtiments de toutes dimensions, qui font
des voyages réguliers le long de la côte allemande dont la longueur
est d'environ 500 milles marins. Il y a, à Dar-es-Salaam, un petit chan-
tier pour la réparation et l'entretien de ces bâtiments, ainsi que pour
ceux de quelques grandes firmes commerciales. Comme les grands
bâtiments de la flottille et les croiseurs stationnés dans les eaux de
l'Afrique Orientale devaient se rendre à Bombay ou au Cap, en cas
de réparations importantes, le Reichstag a approuvé, dans la dernière
session, la construction d'un dock flottant en acier, du prix de
600,000 marks, à Dar-es-Salaam. Ce dock, qui est supporté par quatre
pontons et dont les parois latérales vont en diminuant à partir de la
ligne de flottaison, est construit de manière que chacun des pontons
puisse être supporté par les autres et être mis lui-même en dock.
La force de ce dock est de 1,800 tonnes. Il peut donc recevoir non
seulement les vapeurs de l'État, mais aussi les croiseurs. On pourra
éviter ainsi les frais considérables de la mise en dock dans les ports
anglais.
Ce dock flottant peut admettre des bâtiments d'une calaison de
20 pieds. Il est pourvu de tous les perfectionnements et a d'excel-
lentes pompes. Il pourra donc aussi servir aux bâtiments de com-
merce étrangers. Il est établi de manière à pouvoir être agrandi si
dans l'avenir les circonstances le commandent. Il est probable que
cette nécessité se présentera bientôt. Ce dock n'afTranchit pas seule-
ment les navires allemands de la dépendance des ports anglais, mais
il contribuera aussi au développement du port de Dar-es-Salaam, en
attirant les bateaux qui ont besoin de.réparations.
L'expédition Moore au lac Tanganyka. — Le but principal de
600 ÉTL'DES COLONIALES
Texpédition Moore, qui vient de rentrer en Angleterre, après an^
absence de quinze mois, était de faire une étude biologique complète
du lac Tanganyka. Elle ne s'interdisait pas cependant de porter son
attention sur la structure géologique des chaines de montagnes qui
bordent les deux rives du lac ni de pousser ses recherches vers le
Nord, jusqu'au lac Kivu et aux lacs Albert-Edward et Albert, ewt
remontant la vallée de la Rusisi.
Partie de Zanzibar, l'expédition remonta le Ghinde et atteignit, à la
fin du mois de juin 1899, en passant par Blantyre, le Sud du Victoria
Nyassa. Les précédentes tentatives pour découvrir la profondeur ma-
xima du lac avaient échoué, par suite de la longueur insuffisante des
fils à sonde dont on disposait. M. Moore était heureusement pourvu
d'un attirail scientifique complet. Il a pu établir que la plus grande
profondeur du lac Nyassa est de 430 brasses.
Après avoir traversé le plateau qui sépare le lac Nyassa du Tanga-
nyka, l'expédition commença l'investigation de ce dernier à la fin de
septembre. La position des différentes localités où elle passa fut dé-
terminée scientifiquement. Il en est résulté que la position de la
moitié septentrionale du lac se trouve indiquée sur les cartes à envi-
ron vingt milles trop à l'Ouest.
Pendant qu'il naviguait sur le lac, M. Moore a eu l'occasion de
rassembler une ample collection de poissons. Quelques-uns de ceux-ci
sont de très grande taille. D'autres étaient inconnus jusqu'à présent.
Le résultat général des observations faites par M. Moore, l'amène à
douter que le lac ait jamais été en communication avec la mer. Toute-
fois la constitution géologique de la rive occidentale plaide en faveur
de l'hypothèse que le lac se soit étendu autrefois vers l'Ouest et qu'il
ait couvert une partie de ce qu'on appelle aujourd'hui le bassin du
Congo.
M. Moore a examiné avec soin la Lukuga, une des issues du Tanga-
nyka Les montagnes qui s'étendent le long de la rive occidentale du
lac sont très hautes, mais s'abaissent graduellement vers la vallée de
la Lukuga. La nature de cette rivière, à son point de jonction avec le
lac, laisse difficilement admettre qu'elle ait jamais pu être bloquée
par la végétation .
L'expédition remonta ensuite la vallée de la Rusisi par la route que
M. Grogan avait suivie peu de temps auparavant et arriva au lac Kivu.
Dans la région nord de ce lac, elle rencontra deux volcans en acti-
vité. Les relevés topographiques faits dans cette contrée, placent le
cours de la Rusisi, ainsi que le lac Kivu, à une assez grande distance
plus vers l'Ouest qu'ils ne sont indiqués sur les cartes. M. Moore est
porté à croire avec M. Grogan, que le mont Mfumbiro, qui a figuré
dans divers traités de frontières, n'existe pas.
En quittant la région du Kivu, M. Moore suivit la rive occidentale
du lac Albert-Edward. M. Grogan en avait longé la rive occidentale.
Après avoir traversé la rivière Semliki, M. Moore consacra quelque
temps à Texamen du Mont Ruwenzori. Il est arrivé à cette conclusion
que le Ruwenzori n'est ni un massif isolé ni un plateau, mais une
chaîne de montagnes possédant plusieurs pics et s'étendant de l'extré-
mité nord du lac Albert-Edward à l'extrémité sud du lac Albert, pour
suivre ensuite dans une direction nord-est la rive orientale de ce
dernier lac. M. Moore est parvenu à faire l'ascension du pic qu'il
considère comme le plus élevé de la chaîne, jusqu'à une hauteur de
16,500 pieds. La ligne des neiges commence à l'altitude de 13,000 pieds.
M. Moore a également constaté l'existence de plusieurs glaciers. Les
flancs de la montagne sont garnis de forêts d'herbes et de bambous.
Près du sommet, M. Moore a découvert des mousses. Il y a aussi réuni
une collection de spécimens géologiques très intéressants.
Après avoir ajouté à sa collection des poissons du lac Albert Nyanza,
M. Moore se dirigea vers l'Uganda et atteignit la côte, à Mombasa, en
se servant du chemin de fer de l'Uganda.
M. Moore a rapporté du centre de l'Afrique, près d'un millier de
poissons, tous en excellent état de conservation. L'étude de ceux-ci
jettera une nouvelle clarté sur les problèmes biologiques que soulève
la dépression du centre africain. La collection de spécimens géolo-
giques de l'expédition est également du plus haut intérêt. Enfin, les
observations astronomiques qui ont fixé la position exacte d'un grand
nombre d'endroits, permettront aux cartographes de rectifier les
cartes des régions parcourues par l'expédition.
Le télégraphe au Victoria Nyassa. — L'achèvement de la ligne
télégraphique de l'Océan Indien au Victoria Nyanza met le monde en
communication avec les sources du Nil. La ligne a atteint les chutes
Ripon qui est le point où le Nil sort du lac. Les habitants de la Basse-
Egypte pourront dorénavant connaître, plusieurs mois à l'avance, la
situation des eaux du Nil inférieur et savoir quelle quantité d'eau ils
doivent lui emprunter pour faire face aux besoins des irrigations. Des
renseignements précis sur l'état des eaux du Nil représenteront pour
la Basse-Egypte, une valeur inappréciable. Actuellement les dépêches
du Nyanza doivent être transportées par steamer jusqu'à Zanzibar, ce
qui prend plusieurs jours. 11 y a cinq ans, quand on a commencé la
construction de la ligne et du chemin de fer qui la longe, le délai le
f
602 ÉTUDES COLOMALES
plus court dans lequel des nouvelles du lac pouvaient atteindre
l'Europe, était d'environ quatre mois.
La région du Victoria Nyassa. — Un médecin de la marine
allemande, le D' E. Fulleborn, a fait dernièrement, à la Société de
géographie de Berlin, une conférence sur les voyages qu'il a effectués,
pendant un terme de trois années, dans la région du lac Nyassa.
Parti de Lindi au Sud de l'Afrique orientale allemande, le voyageur
a remonté la rivière Rowuma, qui sépare les possessions allemandes
et portugaises de cette partie de l'Afrique, jusqu'à ses sources qui se
trouvent dans le voisinage du lac Nyassa. 11 s'est alors dirigé le long
de la côte orientale du lac, vers l'extrémité Nord de celui-ci où est
situé le pays de Kondé. Il est ensuite revenu vers la côte.
La rivière Rowuma ne pourra jamais être utilisée comme moyen de
communication. Même si la partie inférieure de ce cours d'eau, qui
mesure 200 mètres de largeur, était assez profonde, ce ne serait pas
encore possible parce que le Rowmna n'offre pas d'étendues d'eau
calme suffisantes pour permettre la navigation.
En général, les rivières de la côte Orientale de l'Afrique, suivant en
cela la configuration du pays qui se développe en terrasses, possèdent
de longs biefs séparés par des chutes ou des rapides de peu d'étendue.
Le Rowuma se présente tout autrement. Depuis sa source jusqu'à son
embouchure, il ne cesse de descendre en une pente ininterrompue de
sorte que son cours n'est qu'une longue suite de rapides. Tout au plus
serait-il navigable, çà et là, sur un parcours de quelques milles;
pour le surplus, ses eaux écument contre les innombrables îles et
rochers qui encombrent son lit.
La population sur la rive allemande est rare. C'est le résultat des
incursions des Wangoni qui ont dévasté la contrée, Les troupes alle-
mandes ont maintenant rétabli l'ordre parmi ces peuplades. Les habi-
tants se sont pour la plupart réfugiés sur la rive portugaise. Grâce à
la sécurité renaissante, la population augmente cependant du côté
allemand et le commerce se relève.
Dans tous les endroits où l'eau ne fait pas défaut, la rive allemande
réunit toutes les conditions pour assurer le succès de l'agriculture et
de l'élève du bétail. On pourrait y cultiver de grandes masses d'ara-
chides. Ce produit constitue une des principales ressources de la
colonie portugaise. On pourrait aussi exploiter la cire et le caoutchouc.
Ce dernier produit devrait toutefois être traité d'une façon plus ration-
nelle qu'il ne l'a été jusqu'à présent, si l'on veut en assurer la con-
servation.
On ne rencontre que peu de terres cul
passe la plupart du temps à travers de i
peuplade, intéressante sous bien des rap|
ils sont originaires de la côte occidental
contourné l'extrémité Nord, en soumettai
leur passage. Ce sont d'habiles forgen
minerai le fer nécessaire à la fabrication
ustensiles. Les femmes occupent une sit
tribu, chose toute différente de ce que To i
Afrique. On écoute leurs avis dans les ce i
goni ingurgitent d'invraisemblables qmi
qu'ils font avec des grains de millet. Rie;
nécessaire à la fabrication de leur boissoi i
quer assidûment à l'agriculture. Auparr
éleveurs de bétail. Mais leurs bestiaux <:
ticulièreraent les grosses pièces. Il leur w.
chèvres et de moutons. Leur pays, la régioi i
est bien peuplé et bien cultivé.
Le mouvement des bateaux sur le lac N;,
breux vapeurs anglais y assurent le trafi :
canonnière anglaise. Les Allemands ne pci
mais c'est le meilleur des bâtiments qui n
reste, bien rémunéré son capital dans les i
La voie la plus rapide et la plus commo[
qui remonte le Zambèze et le Chiré. C*est
emploie. Elle rencontrerait une forte con<;
une ligne de chemin de fer partant de Lin
cette route serait plus courte et beaucoi;
partie du trafic anglais lui échoirait aussi,
de charbon car on a découvert des mines
Kondé. Les vapeurs n'emploient pas encore
fés avec du bois, dont la réserve est sufTiSii
Le pays de Kondé, qui se trouve à l'extréii
de toute la région du Nyassa. Les habitai
bois de bananiers. On voit souvent ceux-ci :
de plusieurs lieues au bord des cours à
représenter de plus engageant et de plus ri£
les murs sont ornés d'élégants dessins tiss<
grande qu'on aurait peur d'y entrer avec
Les habitants vivent principalement de lail
La coiU'ure des hommes est singulière.
604 ÉTUDES COLONIALES
en petites tresses au moyen de colle et de graisse de manière à faire
ressembler la tête à une cuirasse noire.
A Ulinga, sur la rive orientale du lac, le voyageur rencontra les
hommes les plus maigres qu'il ait jamais vus. Ces gens sont d*unc
longueur et d'une maigreur effrayantes. Malgré cela, ils sont extrême-
ment résistants au froid. Bien qu'ils soient presque nus, ils sup-
portent parfaitement le climat assez rigoureux de leurs montagnes
qui sont à une altitude de 2,000 mètres. Il arrivait souvent qu'il
gelait la nuit. M. Fulleborn frissonnait alors dans ses vêtements
tandis que les indigènes ne sentaient rien.
Les habitants de cette région aiment la musique. Il ont de véritables
orchestres. Mais chaque instrument n'a qu'un son.
La mission Flamand au Touftt. — On se rappelle que c'est à la
mission Flamand que la France est redevable de la conquête des
oasis du Touât qu'elle désirait depuis si longtenps. Lors du succès
initial de l'expédition, la prise d'In-Salah, on avait mis en doute le
caractère scientifique de la mission. Bien à tort, semble-t-il, car
M. Flamand vient d'adresser à la Société de Géographie de Paris une
notice sur les recherches qu'il a faites au Tidikelt. Cette région n'a
été visitée avant lui que deux fois : en 1825, par le major anglais
Laing, et en 1864, par l'explorateur allemand Gerhard Rohlfs.
M. Flamand a dressé une carte de cette région, fixé la position astro-
nomique de certaines localités et déterminé des hauteurs baromé-
triques. Il s'est aussi livré à des études géologiques et préhistoriques
et il a porté son attention sur la situation économique du pays.
Il résulte des renseignements de M. Flamand qu'à de grandes dis-
tances, le commerce tout entier du Tidikelt dépend du bon vouloir des
Touaregs. Ces derniers se rendent dans les oasis poury échanger contre
des dattes, les principaux objets dont les habitants ont besoin, tels que :
armes, cuirs, étoiïes. Toute guerre entre les habitants des oasis et les
Touaregs finit toujours pour les premiers par la destruction de leurs
villages. Les hostilités ne manquent d'ailleurs jamais. Les habitants
abandonnent alors leurs maisons et s'enfuient vers leurs Kasbas. Ce
sont des sortes de citadelles dont l'extérieur est assez imposant. Elles
sont munies de murs épais et élevés, surmontés de créneaux. Elles
peuvent parfaitement protéger la population qui s'y réfugie contre des
sièges de longue durée. Les habitants des villages ont soin d'y
déposer leurs provisions et leurs richesses. Les Touaregs ne sont pas
les seuls fournisseurs d'armes et de munitions du Tidikelt. Il en vient
beaucoup aussi du Maroc par le Talifet et Uadi Sauras.
C'est une erreur de croire que les To !
des oasis, au point de vue économique
qu'ils tirent leurs subsistances. Le conti
pour l'Est. Ce fait a une grande impori
Français n'auront nullement, comme il
regs en occupant les oasis.
La principale culture des oasis, dep i
Salah, est celle des dattiers. Ils sont plani
ombreux et bien irrigués. A l'ombre de
d.e l'orge et des légumes, tels que chou: ,
fait d'excellentes conserves. On renconi
quelques vignes qui appartiennent aux
sont recherchées comme arbitres et coi
tions commerciales et à leur influence ( i
une de ces familles qui assura la sécurité
Tombouctou.
M. Flamand a également découvert et !
inscriptions préhistoriques gravées dam
grand nombre de belles inscriptions prt' ■
Hassi-Mongar. Elles sont creusées dans
verte, ou amarante. Le temps ne les a gi i
l'air d'être relativement récentes. Les
Tilmas-Djelguem sont ornés de sculptii
figures d'animaux. L'étude de ces intéres ■
probablement de faire la lumière sur l'éj
mait et du plateau deMzalb.
Madagascar. Ports et phares. — L
gascar par les Français, le système deii
amélioré. Les vaisseaux peuvent mainteni
même la nuit. Deux phares ont été érigés
Majunga. On en construit aussi un au ca
Le plan complet de l'éclairage des côtes ii
struction de grands phares à Majunga et :
au cap Saint-Vincent et au cap Saint-Ami
l'entrée des principaux ports. En vue de n
nombre des feux, on se servira, pour indii
d^ fanaux à verres de couleurs variées îi
gentes. Les feux blancs désigneront les ei
En vue d'améliorer les moyens de char
-des marchandises, on a construit des quai
OUO ETUDES COLONIALES
deux à Tamatave. On a estimé que la construction de ports entraîne-
rait une trop grande dépense. Un autre wharf, entièrement en fer, va
être établi à Tamatave par une société commerciale. On en construit
actuellement encore un à Hajunga et il en existe deux à Diego-Suarez,
dont l'un appartient à une société de navigation.
D'autres travaux ont dû être entrepris pour protéger Majunga et
Tamatave contre l'envahissement des flots; à Majunga, le banc de sable
qui protège la plus grande partie de la ville est constamment menacé
par la mer. En 1881, une bande de la côte, d'une largeur de 50 mètres,
a clé enlevée; en 1891, la résidence française fut détruite et la mer,
rompant la barrière de sable, a envahi la lagune et une partie de la
ville. Pour empêcher le retour de désastres de cette nature, on a
planté des lignes de poteaux dans le sable et protégé le sommet du
banc. A Tamatave, la mer a empiété depuis quelques années sur le sol
de l'île et l'on a dû le protéger au moyen de digues de roseaux de
5 mètres de largeur.
ASIB
Chine. Les puits de sel du Szechuan. — Les puits de sel sont
une des curiosités comme aussi une des principales industries du
Szechuan. Quand on a traversé le dernier rapide du Yangtze, on aper-
çoit les premières traces du commerce du sel. Pendant la saison des
hautes eaux, en été et en automne, les puits sont submergés. Mais
aussitôt que le niveau du fleuve baisse, une ville de huttes de paille
naît sur ses bords et des chaudières destinées à l'évaporation sont
établies sur des fours de terre glaise. Tout cela dure jusqu'à ce que le
flux submerge à nouveau les sources et disperse les installations.
Le siège principal de l'industrie du sel se trouve un peu à l'Ouest
du fleuve. Au delà de Chung-King et à mi-chemin entre cette ville et
la capitale de la province se trouve Chentu, ville grande et prospère,
qui existe uniquement grâce aux sources de sel. Comment et quand
ces puits ont été découverts sont un de ces points au sujet desquels
les Chinois ne donnent pas de réponse satisfaisante. En tout cas, ils
existent depuis très longtemps.
Le puits proprement dit est une petite ouverture de quelques pouces
de diamètre, au-dessus de laquelle on place une pierre forée. Sur
celle-ci se dresse une grue primitive, au sommet de laquelle tourne
une roue. Un câble passe sur cette roue et à son extrémité est attaché
un tube en bambou qui descend dans le puits. L'autre extrémité de la
corde se dirige vers un hangar voisin, où il est i
cylindre de bois de 80 à 60 pieds de circonférence,
axe vertical. Quand le tube est descendu dans le puil
sont attelés au cylindre et se mettent à tourner en rc
bientôt enroulée autour du cylindre et le tube de 1
entre les montants de la grue. Un homme le saisit, ei
mité inférieure au-dessus d'un récipient, pousse une
l'intérieur pour ouvrir la valve et fait jaillir ainsi plusie
boueuse et noirâtre. Le tube est ensuite relâché, le
jusqu'à ce que le tube touche le fond et l'opération r
La saumure est conduite vers les hangars à trave
bambou enduits de gomme. En certains endroits, or
gaz naturel en faisant des sondages pour trouver du
amené dans des tuyaux de paille tressée recouverts
hangars, où il est distribué sous des rangées de ch
contenant la saumure. Le travail d'évaporation se pour
car les Chinois ne savent pas régler l'emploi du gaz ni
Le sel obtenu est une masse dure d'apparence
Chinois sont cependant très fiers du produit de leurs |
ment que son pouvoir de salaison est plus grand <^
matière blanche importée par les étrangers.
Chine. Etrangers dans les ports à traités. -
Reichs-Anzeiger publie la statistique suivante sur
étrangers, répartis d'après leurs nationalités respectiv
dans les ports à traités :
1808 1809 Au
Anglais 5.148 5,562
Japonais 1,698 2,440
Américains .... 2,056 2,335
Russes 165 1,621
Portugais 1,082 1,423
Français 920 1,183
Allemands 1,043 1,134
Espagnols 395 448
Scandinaves .... 200 244
Belges 169 234
Danois 162 198
Italiens 141 124
Hollandais 87 106
Autres 155 161
Totaux. . . 13,421 17,193
Ces chiffres ne se rapportent qu'aux ports à trailés. Ils ne com«-
prennent donc pas la population étrangère de Port-Arthur, Hong-
Kong, Tsing-tau, etc.
Le tableau suivant donne le nombre de firmes étrangères établies
dans les ports à traités :
Anglaises
Japonaises
Allemandes
Françaises
Américaines
Russes
Portugaises
Belges
Italiennes
Hollandaises
Espagnoles
Autrichiennes
Danoises
Scandinaves
Totaux. . . 773 933 IGO
Exploration de la presqu'île malaise. — L'expédition anglaise
qui avait pour but d'explorer les parties inconnues de la presqu'île
malaise vient de rentrer en Angleterre. De Bangkok, les membres de
l'expédition se rendirent directement à Singora, où ils commencèrent
leurs travaux par une exploration de l'Inland Sea, lac dont la super-
ficie est de 60 milles sur 20. Les indigènes de cette partie de la pres-
qu'île vivent dans une profonde barbarie. La manière dont ils enterrent
leurs morts est particulièrement curieuse. Les cadavres sont enve-
loppés dans des étuis en bambou de la forme d'un cigare; puis on les
suspend horizontalement, à environ 8 pieds de hauteur, dans les
arbres, de manière que les pieds soient un peu plus élevés que la tête.
Des précautions sont prises pour éviter qu'ils ne soient dévorés par
les fauves. Ces lieux de repos se trouvent à proximité des villages. Les
ossements qui, à la longue, viennent à tomber sont recueillis et inci-
nérés. Certaines tribus enterrent leurs morts dans des cercueils, mais
en ayant soin de les lier par les cheveux à des barres adaptées à l'inté-
rieur. Ces dernières tribus prétendent être d'origine indoue. Leurs
4888
1899
Augmentation
vu 1899
398
401
3
H4
195
81
107
115
8
37
76
39
43
70
27
16
19
3
20
10
— 10
9
9
—
9
9
—
8
9
1
4
9
5
8
V
o
—
3
4
1
—
(j
2
CHRONIQUE
chefs se considèrent comme les préposés de Di<
s'incliner devant tout habitant de la terre. £lles p(
sacrés mais ne savent pas les expliquer. Ces tribus
disparaître. Il n'en reste plus que quelques famillei
L'expédition visita aussi les iles où les hirondell
nids comestibles. Cette contrée est étroitement surv
l'on n'y dérobe des nids. Les sentinelles ont l'ordre
ceux qui s'en approchent sans motif. Les indigènei
nudité presque complète; ils furent extrêmement su
des blancs.
Au cours de leur voyage, les explorateurs eureni
voir servir des plats assez étranges, tels que des foi
taupes, des abeilles et une sorte de sauterelles. La
s'empare de ces dernières est curieuse. Deux ou t
réunissent la nuit autour d'un feu de bois très vif.
une torche allumée, tandis que les autres battent
intervalles réguliers. Les sauterelles, attirées par le
par la clarté, s'abattent et viennent se poser sur les
du feu.
Un jour, les voyageurs dénichèrent une couple d
dans le creux d'un arbre, au bord de la route. Mai
difficile de les nourrir, on les confia à une femme
allaita. Elle prétendait, du reste, avoir déjà rendu j
soins maternels à un jeune ours.
De Singora, l'expédition se rendit à Patani et es<
fiesar ou Indragiri jusqu'à une hauteur de 3,000 i
ensuite Biserat, dans le Jalor. Cet endroit était tr
observations scientifiques. Malheureusement, uneép
y éclata. Les explorateurs parcoururent les grottes f
renferment la superbe salle de la statue (Gua Gambî
admirer une colossale image de Buddha d'environ 1
teur. Continuant leur route, les voyageurs arrivère
ils firent l'asccnsion^du mont Tahan, le pic le plus
qu'île. Sa hauteur est évaluée à 10,000 pieds. Ils d<
une autre montagne, le pic du cercueil, dont l'élé^
moindre.
Le gouvernement siamois a fait plus qu'on ne le
ment pour rétablir l'ordre dansjcctte contrée. Les 1
observées et les impôts se paient régulièrement. L
encore, mais sous une forme très adoucie et, cl
nombre considérable d'esclaves sont affranchis légale
OIU ETUDES COLONIALES
a presque disparu et les mutilations, comme sanctions des condam-
nations, sont défendues. La peine de mort n'est permise qu'avec le
consentement du gouvernement siamois.
Pendant une épidémie de variole, les indigènes exposèrent leurs
enfants et les laissèrent froidement mourir de faim. Le sultan de la
contrée reçut du gouvernement siamois une punition exemplaire. Ce
fait ne se reproduira donc plus. En somme, les progrès de la civilisa-
tion y sont considérables bien qu'on ait à lutter contre de grandes
difficultés.
^>'-^^
BIBLIOGRAPHIE
lia Conquête de TAfriqae, par J. Darcy. Un vol. in-18 de 560 j
Paris, Perrin et 0«, 1900.
L'auteur a réuni en un volume une série d'articles
Correspondant. Il s'occupe peu, dans ces études,
coloniale de son propre pays, mais il traite en détai
coloniale de ses rivaux anglais et surtout allemands. (
mant aux progrès de l'Allemagne qu'il accorde une al
admirative.
Plusieurs chapitres sont consacrés, d'autre part, à
colonies portugaises, ainsi qu'à l'Etat Indépendant
l'auteur retrace Thistorique et décrit la situation écon
merciale. Cette partie de son ouvrage est pour nous f(
malgré quelques appréciations contestables. Le livre <
dans son çnsemble une importante étude de politique
Un Oatre-Mer aa XVII« siècle. Voyages au Canada du baron d
avec une introduction et des 'notes par M. François de Nion. -
538 pages. — Paris, Plan-Nourrit et Qe, 1900.
Ce volume fait revivre la figure originale d'un des an :
teurs français. Les vingt-cinq lettres du baron Louij •
Hontan, écrites d'un style vif et animé avec une verve 1 :
donnent un tableau pittoresque des premiers temps de
française au Canada. Il est intéressant de rapprocher
expéditions coloniales de notre temps. Les épisodes piq i
quent pas. On constate en le lisant que ce n'est pas d'à
les colonisateurs se plaignent d'être entravés par les :'
ETUDES C0L0?1IAL£S
Llndépendance des Boers et les origines des Répnbliqaes Snd-ctfiri-
caines, par M. Jules Leclercq. — Une brochure in-8o de 103 pages. — BriixeUes,
LebègueetCie, 1900.
Cette intéressante brochure reproduit un travail publie par la
Bévue des Deux-Mondes. M. Leclercq y relate en quelques chapitres
l'histoire si dramatique du grand trek de 1836. Il est peu de récits
aussi émouvants que celui des combats livrés aux Matabélés et aux
Zoulous par les héroïques compagnons de Piet Retief et de Prétorius.
Même si les événements contemporains n'étaient pas venu lui donner
de l'actualité, le dernier ouvrage de M. Leclercq n'aurait pas manqué
d'intéresser de nombreux lecteurs.
sortes de formes. » On considère ces mots comme sappliquant à
la gutta-percha puisqu'il n'existe pas d'autre matière qui puisse
être employée à la fabrication de gobelets et qui possède la remar-
quable propriété de s'amollir dans l'eau chaude de manière à pou-
voir prendre la forme que l'on désire. A première vue, il pourrait
paraître singulier que l'on mentionne la gutta-percha comme étant
un « bois » ; ce n'est, somme toute, pas si étonnant quand on con-
sidère que la gutta-percha préparée comme elle l'élait autrefois par
les indigènes, était d'une couleur jaune-brun clair, ressemblant
beaucoup à celle de différentes variétés de bois; de plus, elle
montrait une texture nettement fibreuse. Un observateur même
expérimenté pouvait donc être induit en erreur.
Les remarquables propriétés de la gutta-percha passèrent
cependant inaperçues. On n'y vit qu'une curiosité et rien de plus.
Il était réservé à notre siècle, qui a su si brillamment tirer parti de
tous les produits utiles, de découvrir à nouveau cette précieuse
substance et de l'appliquer aux arts et à l'industrie sous le nom de
gutta-percha. Chose curieuse, en 1843, deux hommes réclamèrent
l'honneur d'avoir réintroduit cette matière en Europe; tous deux
habitaient à Singapore et étaient médecins. L'un, d origine espa-
gnole, était le D' José d'Almeida. Il apporta des spécimens à
Londres, au printemps de celte année, et les présenta à la Royal
asiatic society. L'autre était de descendance écossaise. C'était Je
D*^ William Montgomerie. Il envoya des spécimens à la Society of
arts.
Les spécimens du D*^ d'Almeida furent soumis, par les soins du
secrétaire de la Royal asiatic society, à un spécialiste. M. d'Al-
meida lui-même avait envoyé des échantillons à un autre spécia-
liste. Malheureusement, ni l'une ni l'autre de ces deux personnes
ne fit d'expériences sur les produits qu'on leur demandait d'ana-
lyser. L'envoi de spécimens à la Royal asiatic society resta donc
sans effet pratique.
Il en fut autrement à la Society of arts. Une commission fut
chargée d'examiner les spécimens du D' Montgomerie.. Elle arriva
à la conclusion que « cette substance constitue un article de
grande valeur, qui pourrait être employé avec profit dans un
^v'Md nombre d'arts et d'industries du pays. » L'attention était
allirée sur le nouveau produit. M. William Siemens s'en procura
LA CL'TTA-PEUCIIA
\in échantillon et lenvoja à son frère Werner, à
priant de rechercher si on ne pouvait pas utiliser c
isoler les fils téléj^raphiques. Cette invitation devait
séquences considérables que l'on connaît.
Dans le mémorandum dont le D'Montgomerie ava
l'envoi de ses spécimens et dans une lettre qu'il éci
au Mechanics* magazine, il dit qu'il eut connaissance
mière fois, de la gulta-percha, en 4822, quand il é
adjoint de la Présidence à Singapore. Il perdit toutef
de vue jusqu'en 1842, époque à laquelle il aperçut d
d'un bûcheron malais, un parang (hache) dont le ma
d'une substance qui lui semblait inconnue. Sa curiosi
davantage quand il entendit dire que cette matière
remarquable proprit'té de s'amollir et de devenir pi
l'eau bouillante. Il prit lobjet et demanda au Malais c
de cette matière autant qu'il pourrait en trouver.
La communication du D' Montgomerie fut suivie c
dû à la plume du D' Thomas Oxley, où celui-ci donne
tion générale de l'arbre à gutta-percha, de ses feuil!
fleurs — il n'en avait pas vu les fruits — et où il déc:
dont on en extrait le latex. Il recommandait aussi l'en
matière pour les usages médicaux : bandages, sering
pour vaccin...
La Society of Arts s'est encore occupée de la quest
quand elle promit une récompense pour la découver
stance nouvelle qui pût être employée comme un su
gutta-percha. En i8G3, elle offrit la médaille de la s
qui découvrirait une nouvelle substance ou composit
à pouvoir servir de succédané au caoutchouc ou à la
dans les applications de l'art et de Tindustrie.
Propriétés générales et détermination bot
de la gutta-percha.
La principale propriété delà gutta-percha et celle qi
immédiatement du caoutchouc avec lequel on la coi
vent, est, sans aucun doute, d'être susceptible de s
devenir malléable dans l'eau chaude, de conserver 1
616 ÉTUDES COLONIALES
lui a donné en se refroidissant et de devenir ensuite dure sans être
cassante comme d'autres gommes Le caoutchouc, d'autre part,
ne s'amollit pas dans l'eau chaude et conserve presque entièrement
son élasticité et sa force. Il est toutefois à remarquer que l'eau,
comme telle, n'exerce aucune action amollissante sur la gutta-
percha. On peut obtenir le même résultat par l'air chaud, mais un
peu plus lentement.
La température exacte à laquelle la gutta-percha s'amollit dépend
de la qualité de la substance. Toutefois, les genres les plus durs
deviennent plastiques à 150*> F. (65.5^ C.)
Quand la gutta-percha est chauffée dans l'air à une température
bien supérieure au point d'ébullition de l'eau, elle se décompose et
finalement entre en combustion en produisant une flamme fumeuse
et en répandant une odeur pénétrante caractéristique comme celle
du caoutchouc qu'on brûle. Si on la chauffe à l'abri de l'air, —
dans une cornue par exemple — on obtient des produits gazeux et
liquides analogues à ceux qui résultent de la distillation du
caoutchouc.
Dans sa première communication, en 1843, le D' Montgomerie
disait que les spécimens qu'il envoyait provenaient d'un grand
arbre forestier, originaire de Singapore, mais qu'il n'avait pas eu
l'occasion de le voir. 11 tâcha d'en obtenir des fruits et des fleurs,
mais ne réussit pas. En 1844, un collectionneur, M. White,
envoya une branche séchée de cet arbre à un botaniste, le D*^ Wil-
liam Griflith, qui détermina l'arbre comme appartenant à la famille
des Sapotées ou Sapotacées. Il supposa qu'elle était apparentée au
ckiysophylltim mais il lui fut impossible de se prononcer définiti-
vement en l'absence de fruits ou de fleurs. L'année suivante,
M. White donna lui-même une description de la plante. M. White
rattachait aussi la plante aux Sapotacées ou Ebenacées. Sa descrip-
tion du feuillage et du fruit est excellente, mais il n'essaya pas de
donner un nom à la plante et n'entreprit pas de décider avec quel
genre connu, elle présentait le plus d'affinités.
Toutes les Sapotacées sont des arbres ou des arbustes et sont
presque toutes originaires des tropiques, de l'Inde, de l'Afrique ou
de rÂmérique. On en trouve aussi quelques-unes dans les parties
méridionales de TAmérique du Nord et du Cap de Bonne-Espé-
rance. Elles se caraclérisent par la sécrétion de sucs laiteux, qui ne
CHRONIQUE 513
75 shillin$fsrla tonne. De là augmentation des frets qu*accentue Tacca-
parement de tous les bateaux marchands anglais pour le transport de
Tarmée et de son intendance. Il y a heureusement une contre-partie :
la population civile des grandes villes, notamment de Cape Town s*est
considérablement accrue de réfugiés qui ont fui Johannesburg : tous
les hôtels, les boarding houses regorgent de monde. Naturellement, le
commerce bénéficie largement de cet accroissement momentané de la
population. Enfin, les autorités militaires apportent beaucoup d'argent
dans le pays, et réfugiés et militaires contribuent dans une large me-
sure à atténuer les pertes qu*entraînera forcément l'état de guerre.
Les importations de Tannée 1899 ont été inférieures à celles de 1898
de 20,865,207 francs. Les exportations sont moindres de 8,150,933 et
le transit a fléchi de 18,788,895 francs. Les droits de douane ont
rapporte 5,146,581 francs en moins. Par contre, le numéraire afflue,
il en a été importé 75,231,333 francs en plus et exporté 12 millions
221,202 francs en moins qu'en 1898. Cette augmentation dans le
numéraire est attribuée à la présence des troupes anglaises et aux
dépenses qu'elle entraîne.
(Rapport du comul général de France à Capetown,)
Algérie. L'occupation du Gourara. — Les oasis du Gourara
sont entièrement en possession des Français, sans aucune effusion de
sang.
La colonne Ménestrel a reçu la soumission de nombreux ksour,
dont les principaux sont Tabelkoza, Fatis, Elhadj, Gullman et Timmi-
moun. Ce dernier ksour est le plus important de la région du Gourara.
Le Gourara s'étend à l'Est et au Sud d'une vaste dépression saline, qui
recueille les eaux s'épandant du versant Sud du grand Atlas oranais.
Ce pays est constitué par douze groupements d'oasis. On compte dans
ces douze districts 2,500,000 palmiers. La population totale est éva-
luée à 80,000 âmes, se décomposant comme suit : 16,000 Arabes,
23,000 Berbères Zenata, 3,000 Chorfa, 18,000 Hlarratin ou métis de
nègres, 13,000 nègres. Cela représente 1,800 cavaliers et 17,000 fusils.
La plus importante des oasis du Gourara est Timmimoun qui, à elle
seule, comprend 22,000 habitants et 700,000 palmiers.
L'occupation française de ces territoires, revendiqués par le sultan
du Maroc, ne se fait pas sans protestations énergiques de ce dernier.
Le 9 juin, lit-on dans le Times, le gouvernement marocain a adressé
de Marakech, au gouvernement français, une demande formelle de
soumettre à l'arbitrage européen toutes les questions soulevées par
514 ÉTUDES COLONIALES
Toccupatlon française des oasis du Touat, de Tidikelti, du Gourara
et du district dlhli. Le Maroc prétend que l'occupation de ces terri-
toires par la France constitue une violation du territoire du Maroc et
du traité de 18io. Le gouvernement marocain dit, en outre, qu'il a en
sa possession, à Marakech, une vaste correspondance avec les deys
d'Alger qui prouve, de façon concluante, que le Touat fait partie inté-
grante du territoire marocain. On peut sérieusement douter que la
France consente à négocier sur ces questions dans un moment où
l'action lui est si favorable. £n effet, l'occupation de ces régions pou-
vant être considérée comme accomplie, le gouverneur général de
l'Algérie y a créé deux annexes du service des affaires indigènes, l'une
à In Salah pour le Tidikelt, l'autre à Timmimoun pour le Gourara.
Une annexe a également été créée à Igli pour la région de laZousfana
et de l'Oued Saoura.
L'Afrique Orientale allemande. — Le gouvernement allemand
vient de publier son rapport annuel sur les territoires soumis à son
protectorat dans l'Afrique Orientale. Le commerce y arrive péni-
blement à un chiffre d'affaires de 16,000,000 de marks. Le gou-
verneur de cette colonie attribue la diminution des affaires constatée
à diverses causes, dont la suppression de la traite des nègres qui était
la source d'un commerce très intense à Zanzibar, le principal marché
d'esclaves. D'autre part, la concurrence ne tarda pas à s'établir entre
les commerçants allemands, anglais et belges, concurrence d'autant
plus difficile à soutenir pour les possessions germaniques qu'elles ne
possédaient que très peu de moyens de communication et que souvent
l'exportation des produits de ses cultures et des régions sises dans
l'Afrique Centrale devait être confiée aux voies du Zambèse, du Shiré
et du Congo, qui offrent aujourd'hui des communications régulières
et rapides. La production qui a le plus diminué depuis dix ans est
celle de l'ivoire qui, actuellement, est à peine le tiers de ce qu'elle
était en 1889, diminution due à la quantité minime reçue du dehors
et aux faibles productions dont doit se contenter la colonie allemande.
Le commerce, tant d'exportation que d'importation, a surtout décliné
pendant la période de 1890 à 1893. Le produit le plus rémunérateur
de la colonie allemande est le caoutchouc, qui abonde dans les districts
de Upogoro, Mahenge, Songea et Donde et forme le principal objet
des transactions entre Anglais, Allemands et Belges. Beaucoup de
plantes de caoutchouc ont été détruites dans ces immenses forets et
particulièrement sur les versants côtiers où l'exploitation est plus
facile, par les mauvais procédés employés pour la récolte du latex.
CHRONIQUE 515
aussi le gouvernement allemand a-t-il prix des mesures très sévères
pour enrayer le mal et prévenir la destruction des plants existants.
Le café est spécialement cultivé dans TUsambnra, où il donne un grain
très apprécié. La population des territoires allemands soumis au pro^
tectorat est difficile à évaluer; toutefois, le chilfre de 6 millions est
aujourd'hui seul admis. L'industrie est nulle dans ces pays et la
population ne trouve que de faibles ressources dans l'agriculture, sa
principale occupation.
Le chemin de fer du Damaraland. — La convention conclue, le
:28 octobre 1899, entre le gouvernement allemand et la British South
Âfrica Company, à la suite des négociations auxquelles M. Cecil
Rhodes venait de se livrer personnellement à Berlin, n'est pas
publique. Toutefois, quelques-unes de ses clauses sont connues. L'une
d'elles porte que le chemin de fer entre Great Fish Bay, dans la colonie
portugaise d'Angola, et Otavi, dans le Damaraland allemand, ne sera
que la première section d'une grande ligne destinée à traverser tout le
Sud-Ouest africain allemand et à rejoindre le Transvaal. D'après le
correspondant du Times à Berlin, il est stipulé que cette ligne passera
à travers toute la colonie allemande.
La ligne de Great Fish Bay (un peu au Sud de Mossamédès) à Otavi
(sur le 30^ degré de latitude Sud) n'est donc que le commencement
d'une futiu*e grande ligne allant de l'Atlantique à Johannesburg ou
Pretoria. La convention du 28 octobre 1899 déclare que, lorsqu'elle
sera complétée, les droits de douane imposés par le Portugal, l'Alle-
magne et l'Angleterre, dont elle traverse successivement les territoires,
ne pourront dépasser 3 p. c. au total, savoir au plus 1 p. c. dans
chacune des colonies ; M. Cecil Rhodes a donc obtenu non seulement
l'assentiment du gouvernement allemand, mais aussi celui du gouver-
nement portugais.
La compagnie formée pour la construction du chemin de fer de
Great Fish Bay à Otavi, qui est le centre des gisements de cuivre
allemands, est exclusivement anglo-allemande. L'un des directeurs
n'est autre que le consul général d'Angleterre à Berlin, M. Schwabach,
qui représente au conseil d'administration la maison Bleichrôeder.
Un certain nombre d'actions et de parts de fondateur ont été réparties
d'office. Il n'y a pas d'émission publique. Sur les fonds déjà réunis,
une première sonune a été prélevée pour envoyer une expédition de
prospecteurs à Otavi. Cette expédition est partie par un navire de la
Castle Line, qui interrompra sa route ordinaire pour la débarquer à
Swakopmund, dans le Sud-Ouest africain allemand.
une autre non moins importante, à savoir la présence dans l'un
et l'absence dans l'autre, de matière albumineuse dans les
graines. Les explications qui précèdent ont pour but d'établir
nettement que Isonandra gutta, Diclwpsis gutta et Pdlaquium
gutta ne sont que différents noms d'une seule et même plante et
que ces changements de nom ne signifient nullement, comme
certaines gens semblent le croire, que la plante qui existait
auparavant est actuellement éteinte et qu'elle a été remplacée par
une autre espèce.
La plante à gulta-percha que les indigènes appellent Taban
merah à Perak et Niato balam tembaga (ou Abang), à Sumatra, est
un arbre élevé dont le tronc est parfaitement droit et cylindrique.
Il atteint une hauteur de 60 à 80 pieds et un diamètre de 1 à
3 pieds. On dit aussi que dans certains endroits, notamment à
Perak, on a rencontré des arbres de plus de 150 pieds de haut
et de 4 à 5 pieds de diamètre.
D'après M. SéruUas, l'arbre atteint sa maturité à 30 ans. Il
mesure alors 45 pieds depuis le sol jusqu'aux branches inférieures
et sa circonférence est de 3 pieds à hauteur d'homme environ.
Les feuilles sont réunies à l'extrémité des branches et sont
alternées; leur forme est obovale et lancéolée et elles ont une petite
projection ou bec à leur sommet. Les feuilles des vieux arbres
mesurent de 4 à 5 pouces environ de longueur et de i 3/4 à
2 1/2 pouces de largeur au milieu. Celles des jeunes arbres sont
beaucoup plus grandes ; elles atteignent une longueur de 9 ponces
et une largeur d'environ 3 pouces. Ce détail montre que les diffé-
rences de taille et de forme des feuilles ne suffisent pas à elles
seules pour indiquer une différence d'espèce, comme on l'a parfois
supposé. La surface supérieure des feuilles est d'un vert brillant
et le côté inférieur d'un brun doré quand les arbres sont jeunes
et d'un brun rougeâtre quand ils sont vieux. Cette nuance est due
à la présence d'une couche épaisse de poils soyeux qui recouvrent
aussi la nervure médiane et le pétiole. Ce dernier a généralement
un pouce ou un peu plus de longueur. Les nervures latérales
s'éloignent de la nervure médiane presque à angle droit; elles ne
sont pas très apparentes, car elles s'enfoncent dans la substance de
la feuille. Elles sont au nombre de 20 ou 30 de chaque côté, ce qui
a une certaine importance, comme on le verra dans la suile. Les
CHRONIQUE 517
Le Haut-Nil a^avigable. — On sait que le Haut-Nil élait encombré
par des bancs d'algues qu'on appelle sedd qui entravaient complè-
tement la navigation. Les journaux anglais avaient suggéré à maintes
reprises l'idée de faire sauter ces barrages; mais l'entreprise avait été
regardée comme irréalisable, jusqu'à ce qu'un ofiScier belge, le com-
mandant Henry, après plusieurs tentatives infructueuses et des efforts
sans cesse renouvelés, est enfin arrivé à débarrasser le Nil des bancs
qui l'obstruaient,
Au commencement de mai, le major Peack de la Royal artillery
descendait le Nil jusqu'à Kéro à bord d'une canonnière. Le capitaine
Peack a bien voulu se charger des lettres que les officiers belges lui
ont confiées. Parties de Kéro, le 6 mai, ces lettres sont arrivées
le 7 juin en Europe, donc en un mois et trois jours, alors qu'aupara-
vant une lettre venant du Nil par le Congo, mettait quatre à cinq mois
La première tentative que fit le commandant pour faire la trouée du
Nil jusqu'à Kartoum date de juillet 1899, c'est la troisième qui vient
de réussir. Le commandant Henry était parli de Kéro depuis le
15 septembre 1899 pour essayer de franchir les barrages.
Il a eu la bonne fortune d'y rencontrer un officier anglais, le major
Peack, qui avec o steamers et 700 pionniers derviches attaquait l'obstacle
depuis le mois de décembre. Ce travail terminé, le major Peack pour
conserver son œuvre ou plutôt lui donner une sanction pratique, est
venu jusqu'à Kéro avec une canonnière le Tamaï. Voilà donc le Nil
ouvert à la navigation. C'est une véritable conquête géographique. Ajou-
tons que le commandant Henry est rentré en Europe par la voie du Nil.
Madagascar. L'or. — On vient de découvrir à Madagascar, une
vallée contenant des alluvions aurifères d'une richesse supérieure à
tout ce qu'on avait trouvé jusqu'ici. D'après les constatations les plus
sérieuses, on trouve là environ 10 à 12 grammes au mètre cube. C'est
la vallée de TAmpoasary. L'Ampoasary est un affluent de gauche du
Mananjarj'. Cette rivière peut avoir une longueur de 80 kilomètres.
Ses sources ne sont pas très riches ; ce n'est guère que vers la fin de
son parcours que l'on commence à trouver de l'or en quantité sérieuse.
La moitié supérieure de la rivière va être ouverte à l'exploitation pu-
blique à compter du 1^ mai prochain. Mais déjà de très importantes
quantités d'or ont été recueillies soit dans les prospections, soit dans
les exploitations clandestines.
Cette découverte va rappeler l'attention sur la question de l'or à
Madagascar. On s'est peut être un peu précipité en déclarant que le
pays n'oflre à cet égard que des ressources médiocres et sans avenir.
muni d'une sorte de corne, a un goût douceâtre; il est mangé par
les indigènes. Une branche munie de fleurs et de fruits de chacune
de ces variétés est reproduite aux fig. 4 et 5.
Les gommes de ces deux espèces de Palaquium sont connues
sous le nom degetah taban merah et degetali taban sutra parmi
les Malais et celle du Payena sous celui du getah Sundek, ou Sooni^
ou Soondie ; ce dernier est la véritable expression anglo-malaise.
Le mot malais geiah, qui a été traduit par gutta, désigne
l'.G .\.
FiK. o.
simplement Texsudation visqueuse de la plante et getah taban est
la sécrétion de cette espèce particulière d'arbre appelé Taban,
Comme c'est de cet arbre-ci et non du pertja que la gomme appelée
maintenant « gutta-percha » est dérivée, il est regrettable qu'on
lui ait donné une dénomination inexacte quand elle a été introduite
pour la première fois en Europe.
Distribution géographique.
A l'époque où Montgomerie obtenait ses premiers spécimens, les
arbres à gutta-percha étaient abondants dans les anciennes forêts
de l'île de Singapore qui s'étendaient jusque près de la ville. Les
CHRONIQUE 519
A^E«{IQUS
Les mines d'or du Klondike. — M. Me Connell, qui avait été
chargé par le service géologique du Canada de faire une enquête sur
le Klondike, vient de déposer son rapport qui est présenté comme
« le premier résultat d'une étude systématique et jusqu'à un certain
point scientifique de ce district ».
La région du Klondike est décrite au point de vue topographique
comme ce un plateau élevé coupé en tous sens par de nombreuses et
profondes vallées. Le point le plus élevé, le Dôme, est à 3,050 pieds
au-dessus du Yukon à Dawson et à 500 pieds seulement au-dessus des
chaînes de monlagnes qui se trouvent à sa base. Ces dernières s'éloi-
gnent en lignes irrégulières et s'abaissent graduellement jusqu'aux
rives des principales rivières du pays. Les cours d'eau sont peu impor-
tants, ils ont rarement plus de 15 pieds de largeur; des forêts gar-
nissent les chaînes inférieures et les flancs des montagnes, mais le
fonds des vallées n'est que partiellement boisé ».
M. Me Connell considère « que le massif du Klondike, composé
principalement de schistes micacés de couleurs claire, est le groupe
le plus important du district; il constitue la roche à filons qui se
trouve le long des parties productives de tous les cours d'eau riches
et qui semble être par nature associée à la présence de l'or ». Les
veines de quartz sont extrêmement abondantes dans les schistes du
massif du Klondike et il n'est pas douteux, ajoute M. Me Connell, que
(c l'or dans les placers et dans le gravier qui les accompagne sont
d'origine locale et qu'ils proviennent des veines de quartz et de schiste
du district ». De grandes veines de quartz n'ont pas encore été déter-
minées jusqu'à présent, mais M. Me Connell considère comme
« improbable que le contenu métallique des veines aurifères ait été
répandu dans les vallées ». Des zones productives de roches à filons
seront encore découvertes, à son avis, mais les difficultés de prospec-
tion sont grandes dans une contrée dont la surface est presque par-
tout recouverte d'une épaisse couche de mousse.
Les graviers du district sont de quatre espèces diverses et se trouvent
à des niveaux difTérents. Ce sont : les graviers des ruisseaux, ceux
des terrasses, ceux des rivières et ceux des vallées. On trouve de l'or
partout dans les graviers des ruisseaux ; les parties les plus riches se
520 ÉTUDES COLONIALES
trouvent généralement vei*s le millieu de leur cours. M. Me Connell
évalue la longueur des parties rémunératrices des différents ruisseaux
à 50 milles et la valeur d'or qu'elles contiennent à « environ
95 millions de dollars, estimation qui est loin d*étre exagérée ».
Ce chiffre ne comprend pas les longues étendues de gravier des
ruisseaux qui se trouvent trop bas pour pouvoir être exploitées actuel-
lement.
Il est établi, d'autre part, que les terrasses près des principaux cours
d'eau contiennent de riches daims. En ce qui concerne le gravier des
vallées des niveaux supérieurs, à savoir : celles de Bonanza, de l'Eldo-
rado, de Bimker et de Quartz Creek, M. Me Connell estime « qu'ils
peuvent presque rivaliser en importance avec les graviers des ruis-
seaux. Ils sont partout plus ou moins aurifères et sur de grandes éten-
dues, ils sont même très riches ».
On peut se faire une idée de la valeur des champs d'or du Klondike
d'après la production des trois dernières années. Elle a été en 1897,
de 2,500,000 dollars; en 1898, de 10 millions de dollars; et en 1899,
de 1G millions de dollars.
L'exploitation des claims des ruisseaux se fait par puits ou galeries.
Les opérations se poursuivent pendant tout l'hiver. La terre est dégelée
au moyen de feux ou bien en chauffant de Peau dans les puits au
moyen de pierres brûlantes. On a introduit une machine permettant
de dégeler par la vapeur. Elle finira par remplacer les autres modes
d'opérer. Elle est d'une grande simplicité. On se sert d'une petite
chaudière qui envoie la vapeur à travers des tuyaux en caoutchouc à
des pointes d'acier. On pousse les tubes dans le sol durci par la gelée
et on chasse la vapeur dans la terre pendant six à huit heures. Les
pointes dégèlent de un à trois yards cubes de gravier à la fois. La
matière obtenue est mise en tas et lavée au printemps à l'époque des
inondations. Il est rarement nécessaire d'établir des boisages dans les
puits, pas plus en été qu'en hiver. La boue gelée qui recouvre le gra-
vier est si tenace qu'il n'est pas rare de voir, près des cours d'eau, des
voûtes de plus de cent pieds d'ouverture qui tiennent sans l'aide d'un
pilier.
Les graviers des terrasses s'exploitent à découvert quand ils ne sont
pas recouverts de terre ou au moyen de puits dans le cas contraire.
BrôsU. Immigration. — Le consul anglais à Para dit dans son
rapport, que le nombre total des immigrations au Brésil a été, en 1898,
de 5,280 personnes qui presque toutes, reçurent l'assistance de l'État.
2,924 venaient d'Espagne et 2,292 de différentes parties du Brésil. En
CHRONIQUE 521
outre, environ 30,000 Brésiliens de l'État de Ceara se rendent annuel-
lement dans fe Para et TÂmazonie pour travailler dans l'industrie du
caoutchouc. L'Etat fait tous ses efforts pour développer les industries
agricoles et pour améliorer le marché du travail. Le gouvernement
italien s'étant relâché de son opposition à l'émigration de ses nationaux
vers le Brésil équatorial : 1,000 Ilaliens sont arrivés à Para. On dit que
l'émigration a été suspendue jusqu'à ce que le gouvernement ait reçu
des rapports favorables sur les premiers émigrés. Des capitaux belges
importants ont été placés dans l'Etat. Les Belges ont acquis un grand
domaine à caoutchouc et une entreprise d'éclairage électrique et ils ont
obtenu des concessions agricoles. En outre, ils négocient pour obtenir
le transfert d'une ligne de tramways et l'éclairage électrique de la ville.
La Société belge pour l'exploitation du caoutchouc a été la première
à introduire au Brésil de la main-d'œuvre des Indes anglaises occi-
dentales.
Bolivie. Le caoutchouc. — Au cours d'une conférence faite à
la « Society of Arts », sir Martin Conway a donné des renseignements
sur l'industrie du caoutchouc en Bolivie, basés sur ses propres obser-
vations et recherches.
Les forêts à caoutchouc de la Bolivie se trouvent dans les provinces
du Nord et de l'Est. Elles couvrent de vastes étendues, mais, par suite
de la difficulté des transports, on n'a pu exploiter jusqu'à présent
qu'un nombre relativement restreint de districts. Dans le Nord, la
région du Rio Béni est la plus importante. Le caoutchouc qu'on y
récolte est transporté par la rivière Madeira jusqu'à l'Amazone. 11 se
vend dans le commerce comme caoutchouc de Para. La quantité de
caoutchouc originaire de cette région est très considérable, et, si les
moyens de transport étaient meilleurs, elle deviendrait bientôt une des
premières contrées productrices de cet article. Sir Martin Conway n'a
toutefois pas visité cette région; ses observations ont porté sur les
forêts de la province de Larecaja dont les produits sont exportés par
le port péruvien de Mollendo, d'où lui vient son nom de caoutchouc de
Mollendo. On dit que l'arbre producteur est le Siphonia elastica, appar-
tenant à la famille des Euphorbiacées. Sir Conway a malheureusement
égaré les spécimens qu'il avait emportés. La détermination botanique
de la plante ne peut donc pas encore être regardée comme définitive.
C'est un grand arbre de la taille d'un orme à peu près et qui pousse en
groupes de 100 à 130 individus. On le rencontre jusqu'à 3,000 pieds
au-dessus du niveau de la mer dans les vallées qui s'éloignent de la
Cordillera Real vers le Nord-Est, notamment dans celles de Mapiri, de
523 ÉTUDES COLONIALES
Tipuani, de Coroico, de Challana et de Zongo. On récolte le caoutchouc
deux fois par an, d'avril à juillet et d'octobre à mars. Un même arbre
ne peut être saigné que pendant trois mois par année, après quoi, il lui
faut un repos de neuf mois. Par contre, s'il est traité de cette manière
et que les incisions se fassent avec soin, l'exploitation ne semble pas
influer sur sa vitalité. La vie d'un arbre, saigné chaque année, est
longue et dépasse les quinze années nécessaires pour produire un
arbre au moyen de semences.
La méthode de récolte et de préparation du caoutchouc est à peu
près la même qu'au Brésil. Dans ce dernier pays, le lâtex est coagulé en
plongeant une palette de bois dans le liquide et en la tenant ensuite
dans la fumée d'un feu de bois de palmier auquel on ajoute, si pos-
sible, des noix du palmier Montacu. On répète celte opération jusqu'à
ce qu'il se soit formé une masse suffisamment grande; on coupe
celle-ci sur les côtés, puis on l'arrache de la palette ; le caoutchouc est
alors prêt pour l'exportation. La production moyenne d'un arbre en
pleine croissance est évaluée de diverses façons; quelques-uns la por-
tent jusqu'à 7 livres, et personne ne l'estime à moins de 3 livres. Les
chiffres suivants montrent le développement qu'a pris l'exportation du
caoutchouc de MoUendo dans les dernières années :
LIVRES
1895-1894 37,587
1894-1895 80,734
1892^1896 251,341
1890-1897 292,121
1897-1898 491,087
On ne possède pas encore les chiffres pour 1898-1899, mais la pro-
duction l'a également emporté de beaucoup sur celle de l'année précé-
dente. La qualité du caoutchouc Mollendo est, à en juger par les prix
qu'il obtient, à peu près égale à celle du Para. En 1898, celui-ci a varié
sur les marchés anglais entre 3 sh. 5 3/4 d. et 4 sh. 4 1/2 d. la livre,
tandis que les prix des Mollendo ont été de 3 sh. 4 d. à 4 sh. 1 1/2 d.
la livre.
Les principaux obstacles au développement de l'industrie du caout-
en Bolivie sont les difficultés de transport et le fait que tous les vivres
des récolteurs doivent leur être amenés de fort loin jusque dans les
forêts qui sont inhabitées. Dans beaucoup de cas, la seule voie d'accès
des forêts est constituée par des rentiers le long desquels les mules
avancent avec difficulté. Quand ce pays sera ouvert par de bonnes
routes, il n'est pas douteux que la production du caoutchouc n'y
prenne un large essor.
CHRONIQUE 533
ASIE
Inde anglaise. Production du caoutchouc en Assam. — Le
chiffre total du caoutchouc produit par les forets de TAssam, tant en
deçà qu'au delà des frontières anglaises, a été en 1898-1899, de
3,599 maunds ou environ 280,317 livres, ce qui constitue, comparé
au produit de l'année précédente, une augmentation de 756 maunds
ou 61,997 livres environ. L'augmentation s'est surtout manifesté dans
les divisions forestières de Cachor, Darrang et Lakhimpor. Elle est le
résultat d'une exploitation plus active des collines de Manipor, Dafla,
Nupor et autres, provoqué par un accroissement de la demande et
par la hausse des prix. La production, bien que beaucoup plus consi-
dérable que celle de l'année précédente, est restée en dessous de celle
de 1896-1897, qui a dépassé 4,000 maunds ou près de 300,000 livres.
La diminution est due à la destruction continue des arbres par suite
de l'exploitation excessive des années précédentes à laquelle a dorme
lieu une demande pressante de caoutchouc. Ce dernier se paie environ
4 shillings la livre sur le marché de Londres.
Chine septentrionale. Les chemins de fer. — Un rapport du
ministre des Etats-Unis à Pékin, annonce que la section Tien-Tsin-
Shamhaikuan-Newchwang du chemin de fer impérial est achevée. La
distance de Tien-Tsin à Newchwang est de 34,863 milles anglais. La
ligne de Tien-Tsin à Chinchow dont la longueur est de 26,863 milles
anglais et sur laquelle des trains circulent depuis quelques temps,
rapporte, dit-on, 14 p. c. du capital engagé. On compte que lorsque
la ligne sera entièrement achevée, elle produira un intérêt de 30 p. c.
Le chemin de fer de l'Est-Chinois (russe), qui est achevé actuelle-
ment depuis Port-Arthur jusqu'à Moukden, est relié à Newchwang.
Par suite du danger que présente la circulation des trains en Chine
pendant la nuit, le voyage de Port- Arthur à Pékin durera environ
trois jours.
Les Russes travaillent avec beaucoup d'énergie à l'achèvement de
la voie destinée à relier Moukden à Vladivostock et on pense que les
deux grands points stratégiques de la Russie en Extrême-Orient, Port-
Arthur et Vladivostock seront reliés par chemin de fer au mois d'avril
prochain.
d'arbres adultes de Tahan merah et Tabaii sutra dans les forêts
sauvages des Sakais, en territoire indépendant, mais comme il fut
atteint de fièvre, il dut rentrer en France. Aussitôt qu'il fut rétabli,
il retourna dans la péninsule malaise et apporta de là à Singapore,
les plantes qu'il désirait. Il découvrit ensuite, en 1887, dans les
jungles de Bukit Tineli, des spécimens authentiques de VIsonandra
gutta, de Hooker, en fleurs.
A la fin de 1887, M.Sérullas, prit, au lieu déjeunes arbres, des
rejetons des anciens, munis de pousses, et les transporta à Singa-
pore. Il les traita avec de grands soins et en trois mois, il eut la
satisfaction d'avoir au moins vingt pousses vigoureuses sur chaque
rejeton. Séruilas reçut ensuite des instructions pour recueillir des
graines d'Isonandi^a gutta dans les forêts de Singapore. Pendant
qu'il exécutait cette mission, il fut pris d'une attaque de dysenterie
et dut revenir en France. Il apprit alors que les crédits nécessaires
à ses études étaient supprimés et que les plantes qu'il avait lais-
sées à Singapore avaient été abandonnées par le gouvernement
français qui se désintéressait de la question. Ainsi finit la qua-
trième et dernière expédition en vue de rechercher les arbres à
gutta-percha.
{A suivre.)
CHRONIQUE 525
compagnies sino-étrangères qui desservent le bas fleuve. Cependant,
la Osaka-Shosen-Kaisha fait d'excellentes affaires et cette compagnie
se propose, grâce à la subvention que les chambres viennent de lui
allouer, d'augmenter son effectif sur le Yang-tsé-Kiang. Sur le fleuve
entre Hankéou et Itchang, la Compagnie japonaise n'a qu'un petit
vapeur contre cinq vapeurs chinois et étrangers, d'un tonnage total
de 3,500 tonnes.
Les Japonais étudient en ce moment la navigation des afiluents du
Yang-tzé et des grands lacs qu'ils traversent. De ce côté, le rôle dévolu
aux étrangers semble être de remorquer, quand le vent est contraire,
les innombrables jonques de charge ou de pêche qui sillonnent ces
eaux intérieures. Mais, le rapport japonais le constate, les Anglais ont
pris les devants, et un de leurs petits vapeurs a commencé à tenter
cette industrie. Cependant, une compagnie japonaise, la Taite-Kiseu-
Kaisha qui a établi, en 1897, un service fluvial entre Shanghaï-Sou-
Tchéou et Shanghaï-Kiang-Tchéou, se propose de desservir prochai-
nement les lacs et cours d'eau du Honnan.
Plus tard, quand les Japonais feront un peu moins maigre figure
dans le Centre et le Nord, ils s'attaqueront à la région méridionale de
Hong-Kong.
Navigation à vapeur sur le Haut Tang-Tsé. — Il résulte d'une
dépêche du consul général de France à Shangaï, que les compagnies
de navigation anglaises, à la suite du succès de la tentative faite
récemment par les trois canonnières : le Woodcock^ le Woodlark et la
Snipe, pour remonter le Yang-Tsé, en amont d'Itchang, se préparent
à organiser des services réguliers sur cette partie du fleuve. Le pre-
mier des quatre bâtiments que la « Yunnan Company » avait com-
mandés dans ce but, vient d'être lancé sur les bords du Whampoo.
Le Pioneer est un vapeur de 200 tonneaux de jauge, expédié en pièces
à Shangaï, où il a été monté et ajusté dans les ateliers de ce l'Oriental
Dock ». Ce navire est muni de deux roues à aubes et mesure 180 pieds
de longs sur 30 de large. Ses arrangements intérieurs lui permettent
de transporter quatorze passagers de première classe, trente de
seconde et nouante de troisième. Le tirant du Pioneer ne dépasse pas
6 pieds quand le navire est chargé de 100 tonneaux, 6 1/2 pieds avec
un fret de 160 tonneaux. Il est probable que ce bâtiment, grâce à sa
vitesse de 14 nœuds, réussira à remonter les rapides du Haut Yang-
Tsé.
On compte 1,400 milles de Tchonking à Shanghaï, par le fleuve.
Celui-ci traverse les régions les plus fertiles et les plus peuplées de la
528 ÉTUDES COLONIALES
soins médicaux. Ces derniers sont délivrés gratuitement. On a aussi
fondé des dépôts, où les émîgrants peuvent se procurer du bois de
construction et des instruments agricoles. On leur accorde aussi des
facilités de payement.
Japon. Reoenaement de la population. — La population du
Japon s'élève, d'après le recensement fait à la fin de 1898, à 44 mil-
lions 733,379 âmes, soit une augmentation de 754,88i, par rapport à
Tannée précédente. Les villes les plus peuplées sont Tokio, avec
1,428,366 habitants etOsaka, avec 811,888.
La population étrangère du Japon reste stationnaire. L'augmenta-
tion depuis 1891 est de moins de 800 personnes. D'après les derniers
chiffres, le nombre des résidents étrangers était de 4,718, non com-
pris les Chinois, qui comptent environ 8,300 représentants.
♦»'4>
BIBLIOGRAPHIE
Plantœ Thonnerianœ Congolenses, par E. De Wildeiian et Th. Durand. —
Un vol. in-4o de 118 pages et 25 planches lithographiées, orné d*une carte du bassin de
la Hongalla et précédé d'une introduction de M. Franz Thonner. Bruxelles, Société
belge de Librairie, 1900.
Cet ouvrage renferme l'étude scientifique détaillée des végétaux dont
M. Thonner avait récolté des exemplaires dans son exploration du pays
des Bangalas. Les auteurs de cette analyse botanique, M. le D' De Wil-
deman, aide- naturaliste au jardin botanique de Bruxelles et M. Th.
Durand, conservateur au même établissement, se sont déjà fait con-
naître par leurs travaux sur la flore congolaise.
La collection étudiée par eux comprend 120 plantes, dont une
cinquantaine n'avaient pas encore été signalées au Congo et dans ce
nombre on ne compte pas moins de vingt-trois espèces et quatre
variétés nouvelles. Les recherches de M. Thonner ont donc produit
des résultats d'une importance assez considérable pour la science;
quelques unes des plantes nouvelles pourront peut-être être utilisées
pour les cultures.
L'introduction que M. Thonner a ajouté au travail de MM. De Wil-
deman et Durand est un abrégé de son voyage, consistant princi-
palement dans la description physique des localités où il a fait ses
trouvailles. Les planches qui complètent le volume, dessinées par
M. d'Apreval, sont d'une belle exécution.
Kolombien, par le professeur D' Fritz Regel. — Un vol. in-4« de 275 pages arec
illustrations, 55 planches et une carte. Berlin, Alf. Schall, 1900.
Le remarquable ouvrage que nous examinons fait partie, comme le
livre du D' Krieger sur la Nouvelle-Guinée, dont nous avons rendu
compte il y a peu de mois, de la BibliotJiek rfe»- Làndei'kunde.
Ije nouveau volume tiendra un rang distingué dans cette belle col-
lection. I^s publications concernant la Colombie, contrée assez
négligée depuis Humboldt, viennent d'ailleurs à propos. On trouve
DÔZ
t.HJUt.ii tiULU.MALfc.^
dégagement d'acide carbonique diminue rapidement chez Thomme
à mesure que la température extérieure monte, depuis 0*" jusqu'à
+ Sâ'^-SS** environ ; au delà de cette température , la quantité
d'acide carbonique dégagée augmente de nouveau. »
La plupart de ces expériences sur Tinfluence des températures
élevées ayant été faites chez V homme non habillé, nous avons cru
intéressant de les reprendre chez Vhomme habillé. Ces recherches
ont été faites avec la chambre de Petlenkofer, au Laboratoire de
M. le professeur Rubner, directeur de l'Institut d'Hygiène à
Berlin, en collaboration avec le D' Wolpert, assistant à l'Institut (I).
Nous donnons dans le tableau ci-contre les principaux résultats
de ces recherches. Le sujet en expérience, très gras, pesait
iOO kilogr. environ ; il séjournait dans la chambre pendant au
moins 6 heures à chaque expérience. Ce n'est que dans les expé-
rience dans l'air humide et à une température très élevée, 35"-37**,
que la durée du séjour a été portée à 4 heures.
Dégagement de COi (acide carbonique) et de Hfi (eau)
au
repos
et au
travail.
I. A +20«^22o.
18. Repos, air sec
È
ï
Prodi
l)ar 1
eu (0"
CO.
icliou
eure
imnu's
hi
n
2 :•
l
II
II
0
38 0
49 5
20O6
29 4
40
0 58
5. — air humide. .
0
32 5
28
21 3
50 5
33
0.88
5. — — ...
0
28 8
25 3
20.8
61.0
40
1.4
17. Travail, air sec
5375
49 8
61.6
21.4
25.3
80
1.14
â. — ail* humide . • •
5:s75
46.6
67
21.
52.6
83
1.1
3. - — . . . .
5375
5i 6
90 3
22 8
58 0
125
0.87
II. A +28'-30«.
46. Repos, air sec
0
37.6
115.6
29.7
25
123.3
0.1
12. — air humide. . . .
0
445
201
30.
66
216 6
1.1
10. Travail, air sec
5375
48 6
160
28.8
26
165
0 81
11. — air humide. . . .
5375
45.7
194
29.8
60
233.3
»
20. — — . . . .
5375
50 3
162
29.3
68
243 3
»
III. A +36'>-37".
10. Repos, air sec
0
42.6
216.6
36.6
25
233.3
1.19
15. — air humide. . . .
0
46.7
440.7
35.2
66
475
»
13. Travail, air sec
5375
50.3
357
36.6
35
375
1.12
14. — air humide. . • .
5375
60.7
5345
34.
66
542 2
0 75
(1; Ces recherches seront publiées in extenso dans les Archiv fur Hygiène^ à Berlin.
CHRONIQUE 531
des mœurs si curieuses de ses habitants. Le livre de M. von Brandt
appartient à cette dernière catégorie. Il est original et intéressant
comme on peut en juger par la traduction que nous donnons d'un de
ses chapitres. L'auteur a pris pour sous-titre « Causeries d'un vieux
Chinois ». C'est en effet, le résumé de ses impressions durant un long
séjour en Chine qu'il nous donne ici; en général, il paraît avoir meil-
leure opinion do la race chinoise que la plupart des autres écrivains
contemporains.
La fièvre bilieuse hématurique, par le D^ Henri Nimal. Extrait de la Gazette
médieale belge.) — Liège, H. Poncelet, 1900.
Il est question dans cette brochure, de la plus redoutable des
maladies africaines. On sait que la Société d'Études coloniales poursuit
en ce moment l'étude de la malaria. Le petit ouvrage du D'^ Nimal
contient un résumé des travaux parus dans cet ordre d'idées, dont
l'importance n'a pas besoin d'être démontrée.
^
b34 ETUDES COLONIALES
Influence de quelques causes externes.
1. Dans les tableaux qui précèdent, nous voyons que lair
humide, à une température élevée (plus de 22**), exerce sur l'orga-
nisme une action nocive plus considérable que Tair sec à la même
température. Ce fait est corroborré par des sensations subjectives
bien plus désagréables dans Tair à humidité relative élevée.
11 semble a priori que dans Fair humide, l'homme devrait
émettre moins de vapeur d'eau que dans l'air sec. Les résultats de
nos expériences nous ont forcé d'admettre l'opinion contraire.
Certainement dans l'air chaud et sec, Févaporation de la vapeur
d'eau à la surface cutanée se fait plus facilement, l'air ambiant
n'étant pas aussi chargé d'humidité. Par contre, dans l'air chaud et
humide, cette évaporalion cutanée est nécessairement plus difficile,
moins rapide. Par conséquent, dans Tair chaud et sec, l'organisme
pour une perte moindre en eau, dégagera tout autant de calories.
Mais il faut envisager aussi que le travail de sécrétion de la sueur,
absorbe un certain nombre de calories : ce nombre augmente
naturellement avec la quantité d'eau sécrétée En conséquence,
dans l'air chaud et humide, l'évaporation d'eau à la surface cutanée
étant en partie entravée, et par là même, la perte de calorique
étant diminuée, l'organisme, par une sécrétion plus abondante de
sueur, doit chercher à rétablir l'équilibre.
2. Un facteur important dans letude de l'influence des tempé-
ratures élevées sur l'organisme, est Fintensité du déplacement de
l'air. Il est un fait d'observation universelle, même dans nos cli-
mats, qu en été, les fortes chaleurs sont plus faciles à supporter
quand il y a du vent, c'est-à-dire quand Fair se renouvelle fré-
quemment. Dans les tropiques, Fon aura donc soin de construire
les habitations dans des endroits découverts, où les vents ont faci-
lement accès. Dans l'intérieur des habitations, on aménagera une
ventilation facile et régulière.
3. Mentionnons enfin un troisième facteur, Vliabillejnent. Quand
la température ambiante est élevée, les habits à mettre ser()nt
légers et surtout spacieux pour permettre le renouvellement fré-
quent et facile de la couche d'air qui entoure immédiatement la
surface du corps.
recherches, était lergographe de Mosso (I). Cet appareil très ingé-
nieux permet d'enregistrer le travail fourni par un seul muscle,
par exemple, le muscle fléchisseur du doigt médian. Après nous être
exercé au fonctionnement de l'appareil, nous avons recherché s'il y
avait des différences dans la forme et l'étendue des contractions, à
différentes températures :
1*^ Quant à la foiine des contractions y le tracé graphique était
identique dans tous les cas, à 20% à 28*» comme à 37*» ; contractions
au début]très fortes, diminuant ensuite graduellement ;
2** Quant à Yétendue des contractions ou somme de travail four-
nie, elle était pour nous sensiblement la même à ces différents
degrés de température.
Citons quelques exemples pris au hasard.
1
à 20O-22O.
Il : à 28O-30O.
III : à 3>-3C.
Humidité relat.
faible.
Humidité relat.
élevée.
Humidité relat.
faible.
Humidité relat.
élevée.
20. "i mkgr.
25 4 —
28
30
mkgr.
22.2 mkgr.
2^.9 —
50.3 -
27.7 —
26.5 mkgr.
27.8
25.7 mkgr.
28 8 —
30.0 —
De ces quelques exemples, nous pouvons conclure que, le travail
muscnlaire peu intense — n'intéressant qu'un seul muscle — n*est
pas notahleimnt influencé par V augmentation de température du
milieu ambiant ;
La courbe des contractions musculaires pour un sujet donné,
n'est pas modifiée.
Mais en est-il de même pour le travail musculaire intense, celui
fourni par un ouvrier, par exemple? — Non. C'est un fait
d'observation journalière qu'un ouvrier, dans un milieu à tempéra-
ture anormalement élevée, est incapable de fournir la même somme
de travail que dans un milieu à température ordinaire, ou à basse
température.
(1) Ces expériences seront publiées m extenso dans les Archiv fur Hygiène, à Berlin.
ÉTAPES GOIiOHlflltES
No 8 7e Année Août 1900
NOTE SUR L'ÉTIOLOGIE
LE DIAGNOSTIC ET LE TRAITEMENT
de quelques formes cliniques de la Malaria
Par le D' A. POSKIN
Médecin oonsaltant aux Eaux de Spa (Belgique)
-^
Il n'existe pas aujourd'hui de doute sur Texistence et la nature
du microorganisme qui détermine la malaria. L'hématozoaire dç
Laveran, en effet, se retrouve toujours dans le sang des malades
atteints, quelle que soit la forme clinique sous laquelle la maladie
se présente et quelle que soit la position géographique du lieu
habité par le malade.
L'habilat de l'hématozoaire de Laveran est très étendu.; on le
trouve au Sud par 40** de latitude et au Nord, par 60** de latitude.
Ce n'est donc pas seulement sous les zones torride et chaude qu'on
le trouve; c'est aussi dans la zone tempérée et aux confins de la
zone froide que l'hématozoaire peut se développer, vivre et infecter
l'organisme.
11 m'a paru utile de faire cette constatation pour pouvoir dire
mon opinion en ce qui concerne le mode de propagation de l'hé-
matozoaire et, surtout, la voie suivie par lui pour arriver à l'orga-
nisme humain.
On croyait autrefois que le terrain marécageux ou celui qui,
Favait été, élait une condition essentielle du développement de la.
CONCLUSIONS.
De ces considérntions générales, nous croyons pouvoir conclure :
I. En dehors de toute autre influence Ja chaleur seule ne saurait
constituer un obstacle à Vacclimatement de l Européen entre les
tropiques;
II. Pour obtenir le maximum de forces et de résistance, VEuro-
péen suivra toujours les règles d*une hygiène très sévère;
III. Au début de son séjour dans les tropiques, on exigera de
l'Européen, le minimum de dépenses organiques.
Nuus sommes heureux de pouvoir offrir ici à M. le prof. Rubner,
l'expression de toute notre gratitude pour l'hospitalité si cordiale
qu'il nous accorda dans son laboratoire et les conseils éclairés
qu'il nous prodigua au cours de nos recherches.
D' A. Broden,
niicien élève de rinslilut de Bactériologie
de Loiivaiii.
+
FORMES CLINIQUES DE LA MALARIA 538
En. fait, l'hypothèse se réalise. Il existe des contrées où il n'y a
pas de moustiques et où la malaria règne endémiquement. Tels les
pays du Nord, de la zone froide et même de la zone tempérée. Dans
les pays chauds, sous les tropiques, il existe de vraies oasis en ce
qui concerne les moustiques et qui pourtant sont de vrais cime-
tières pour les blancs qui y résident et qui succombent aux atteintes
des formes les plus graves de la malaria.
Tous ceux qui ont habité le Congo Belge, savent qu'à Matadi,
par exemple, il n'y a pas de moustiques. On peut dormir sans
crainte de leur morsure, sans protection de la moustiquaire.
Matadi est sur le flanc d'une montagne rocheuse, sans végétation;
il n'y a pas de marais dans la partie^ bâtie et habitée. Il y a le voi-
sinage du fleuve soumis à des crues périodiques, mais cette position
est commune à beaucoup d'autres agglomérations de blancs sur le
fleuve Congo.
Et Matadi est l'endroit du Congo où Ton meurt le plus de la
malaria (I)! Des agents, venus d'Europe, en parfait état de santé,
n'ayant jamais résidé qu'à Matadi, sont morts rapidement des
formes pernicieuses de la malaria sans qu'on puisse incriminer les
moustiques.
Dans les Polders des Pays-Bas et à Anvers, on ne peut non plus
dire que ce sont les moustiques qui inoculent la maladie à ceux
qui viennent y résider. Et pourtant la malaria atteint souvent les
nouveaux arrivés ; on y a observé de véritables épidémies à l'occa-
sion de travaux où l'on remuait le sol, comme à l'occasion des
travaux de terrassement nécessités par les fortifications. J'ai per-
sonnellement constaté à Anvers qu'à Toccasion du curage des
fossés des fortiflcations ou des étangs du Parc, on observait en
ville une recrudescence d'accès de malaria. Cette recrudescence
tenait évidemment à la nature du sol anversois qui est marécageux.
Dans bien des cas observés par moi-même, après enquête minu-
tieuse, je n'ai pu incriminer que l'air comme véhicule de l'héma-
tozoaire.
Je crois donc que le mode de propagation de la malaria est divers
(1) Au temps de mon séjour dans le Bas-Coogo (JMatadi), en 4893-1894, la moilalité
annuelle était de 18 p. c. environ du nombre des agents blancs.
836 ÉTUDES COLONIALES ^
et que la contaniinalion par les moustiques est peut-être la moins
fréquente des causes de cette affection.
Dans un précédent travail (1), j'exprimais à propos des formes
cliniques de la malaria et de la pathogénie des symptômes, l'opi-
nion suivante :
« L'unité éliologique de la malaria et des observations souvent
répétées nous ont montré l'étroite relation existant entre les diver-
ses manifestations de la fièvre malarienne. De même que le bacille
d'Ebertli peut déterminer des manifestations variées de la fièvre
typhoïde, depuis la fièvre muqueuse jusqu'aux manifestations les
plus redoutables de la fièvre ataxique ou adynamique en passant
par la fièvre typhoïde proprement dite, nous croyons que l'héma-
tozoaire de Laveran détermine des formes variées de fièvre inter-
mittente, depuis la fièvre simple jusqu'à la fièvre pernicieuse en
passant par la fièvre bilieuse hémoglobinurique. Si l'hématozoaire
est en quantité modérée dans le sang, il détermine un accès aigu
qui peut prendre le type quotidien, tierce, quarte et les mêmes
types doubles suivant le temps mis par l'hématozoaire, pour se
développer ou selon qu'il y a plusieurs générations d'hématozoaires
qui se développent en des temps différents. Dans ce cas, la des-
truction de l'hémoglobine par l'hématozoaire n'est pas sufiisante
pour amener des symptômes spéciaux à la présence de l'hémoglobine
et de ses dérivés dans le plasma sanguin, ni l'hématozoaire assez
abondant pour amener une réaction violente de l'organisme contre
les produits toxiques sécrétés par lui. Si, au contraire, l'hémato-
zoaire est plus abondant à un moment donné, non seulement il
amène une fièvre intense qui détruit les globules rouges, en met-
tant en liberté de l'hémoglobine, mais cette destruction vient
s'ajouter à celle qui est produite par l'hématozoaire. L'hémoglo-
bine, mise en liberté comme telle, envahit le plasma sanguin et
les tissus, y subit une transformation chimique qui aboutit, d'une
part, à la formation du pigment jaune et, d'autre part, à la création
d'un ictère qui, en raison de son origine, est appelé hématogène.
C'est ainsi qu'est constituée la fièvre bilieuse.
(1) V Afrique Equatoriale, — Climatologie, Nosologie, Hygiène. Bruxelles, 1897.
Société belge de iibrtairie, 16, rue Trcurenbcrg, page 162.
FORMES CLINIQUES DE LA MALAIllA 537
» Dans un cas absolument analogue à ce dernier, si nous sup-
posons rhématozoaire encore plus abondant, non seulement, il y
aura fièvre bilieuse, mais encore Thémoglobine, mise en liberté
comme telle dans le plasma sanguin, est tellement abondante que
le foie et les jautres organes ne peuvent parvenir à la transformer
entièrement en matière colorante de la bile et qu'une partie de
l'hémoglobine passe en nature à travers le filtre rénal et constitue
la fièvre bilieuse hémoglobinurique. »
Je n'ai absolument rien à retrancher à cette thèse que je
crois conforme à la réalité et qui donne une pathogénie ration-
nelle et plausible des symptômes de l'affection. Si j'y reviens
aujourd'hui, c'est pour en compléter letude, y ajouter de nou-
velles considérations basées sur des observations personnelles et
sur des constatations anatomiques résultant de l'examen de ma-
lades ou de pièces anatomiques provenant d'autopsies de sujets
ayant succombé à l'une des formes à paroxysmes pernicieux de la
maladie.
L'unité étiologique de la malaria est un dogme basé sur l'obser-
vation constante de l'hématozoaire de Laveran dans le sang. Tout
le monde l'admet quand il s'agit des formes simples, communes de
la malaria. Les divergences d'opinion commencent dès qu'on étu-
die les lièvres à paroxysmes pernicieux, ou les formes rémittentes
de la malaria. C'est de cette divergence d'opinion que je veux
m'occuper.
Dans l'étude des fièvres à paroxysmes pernicieux ou des fièvres
rémittentes à forme gastrique ou hépatique, etc., il y a lieu de
distinguer les formes suivantes :
IMl y a des fièvres à forme gastrique ou hépatique (bilieuse ou
hémoglobinurique) qui peuvent survenir chez des individus dans
le sang desquels on ne constate pas l'hématozoaire et chez lesquels
on est sûr qu'il n'existe pas encore, par exemple chez les nou-
veaux arrivés ;
2* 11 y a des fièvres à forme gastrique ou hépatique (bilieuse ou
hémoglobinurique) qui peuvent survenir chez des individus dans
le sang desquels existe l'hématozoaire mais où il n'est pas la cause
immédiate de l'afiection qu'il ne fait que compliquer en y ajoutant
ses effets;
3** Il y a des fièvres à forme gastrique ou hépatique (bilieuse ou
II.— :Réparbîtîoii des cultui<es de caniies à sac±i^
dans les dlvet^ses pai<ties du monde.
A. EN ASIE.
L'Asie, et plus particulièrement l'Inde septentrionale, est la
première contrée oii l'histoire nous révèle l'existence de cullures
de cannes à sucre. C'est encore aujourd'hui une des contrées où
cette culture est la plus étendue.
Dans le Bengale, les plantations de cannes s'étendent sur
environ 67,000 hectares. Le Behar et l'Orissa renferment égale-
ment un grand nombre de cultures.
L'Assam, dont la température est un peu inférieure à celle des
trois provinces précitées, rachète ce défaut par une forte humidité;
sa production lient, dans l'Inde, le second rang après celle du
Bengale.
D'après Balfour et Krùger, les provinces du Nord-Ouest et
rOude ne posséderaient ensemble, en fait de cannes à sucre, que
la moitié de la superficie des plantations du Bengale. Leur climat
plus continental se prête moins à la culture, qui se concentre le
long des fleuves. Plus à l'Ouest encore, dans le Rajpatana et le
Pendjad, où le climat devient franchement aride, on ne trouve
plus que des cultures isolées, donnant des plantes de petite taille,
d'ailleurs assez riches en sucre. On retrouve des cannes de grande
dimension vers l'embouchure de l'Indus.
Les hautes montagnes du Nord et du Nord-Ouest de l'Inde
marquent naturellement la limite de la culture sucrière; on l'a
essayée sans succès dans les vallées de Cachemire.
La production dans l'Inde méridionale, est soumise aux mêmes
lois climatériques. La canne réussit bien le long des côtes, mais
moins sur les plateaux intérieurs du Décan. Elle occupe de grandes
étendues dans le bassin inférieur du Godawary.
La culture de la canne, à Caylan, est d'origine assez récente;
introduite, semble-t-il, par des boudhistes réfugiés du continent.
Cette culture, bien que perfectionnée par des procédés modernes,
FORMES CLINIQUES DE LA MALARIA 539
éléments seuls pour produire Taugmentalion de température du
corps.
Plus nombreux sont les cas où ces trois éléments météorolo-
giques, sous l'influence d'excès et d'écarts de régime et du mauvais
fonctionnement des émonctoires naturels (urines et sueurs) (1)
déterminent des troubles gastro-intestinaux fébriles qui peuvent
s'accompagner d'ictère, s'ils sont intenses ou si le foie est en état
d'hypofonction par une cause préexistante. En réalité, dans ces
cas, il s'agit d'une autointoxication d'origine alimentaire ou orga-
nique dont les symptômes sont en raison directe de Vabondance
des toxines alimentaires ou organiques non éliminées par les
émonctoires habituels et de Vétat fonctionnel de la glande hépa-
tique.
Si le foie, qui est le chimiste de l'organisme, est en bon état
fonctionnel, il parvient à transformer toutes les toxines qui lui
sont apportées par la veine-porte et tout se borne à des symptômes
d'embarras gastro-intestinal plus ou moins prolongé, avec une
réaction fébrile parfois intense, mais ne se prolongeant pas au
delà de quatre ou cinq jours sans transformations ultérieures en
accès intermittents.
Si le foie est en état d'hypofonction, ou s'il est débordé par la*
quantité considérable de toxines qui lui sont apportées par la
veine-porte, aux symptômes d'embarras gastro-intestinal fébrile,
se jomdront des symptômes d'ictère (fièvre bilieuse simple) et,
dans ce cas, l'ictère sera hépatogène et parfois hématogène.
L'ictère hépatogène proviendra de l'action immédiate des toxines
(1) En Afrique, où le chiffre de rtiumidité relative de i*air est toajoars voisin du chiffre
de rhumidilé absolue, avec une chaleur moyenne parfois supérieure à celle du corps,
Torganisme ne peut réagir pour rétablir Téquilibre et ramener la température du corps
à la normale par la sueur et le refroidissement qui résulte de Tévaporation dans l'atmo*
sphère puisque celle-ci est saturée.
De lu, augmentation de la chaleur normale du corps, rétention d*une partie des prO'
duits d'oxydation des tissus, dont FéUmination normale se fait par la sueur et la peau,
sans compensation de la fonction urinaire toujours inférieure à ce qu elle doit être; puis
fermentations abondantes des matières gastro-intestinales, production de toxines et sur*
ménage du foie.
11 ne faut pas oublier qu'une substance alimentaire parfaite, de bonne qualité et inof«
fensivc quand les organes de sécrétion sont sains, peut devenir très dangereuse quand
ces organes sont malades. Or, les organes d'un et et d'excrétion sont : le foie, les reins,
les glandes sudorifcres, etc.
540 ÉTUDES COLONIALES
sur le tissu du foie et du fonctionnement excessif de la glande
hépatique pour détruire les toxines avec un certain degré de
catarrhe des voies biliaires. L'ictère hématogène qui vient s'y
ajouter sera dû, si le foie est en état d*hypofonction, à l'action des
toxines sur le sang par réaction chimique sur les globules rouges,
mise en liberté de rhémoglobine cl transformation ultérieure en
éléments de la bile. Voilà, à mon avis, le mécanisme de la produc-
tion de ces fièvres.
Le diagnostic clinique de ces différentes formes semble, a pnm,
difficile à faire, en raison de la communauté des symptômes prin-
cipaux. Je ne crois pas cependant cette difficulté insurmontable,
avec un peu d'attention et de jugement, une recherche minutieuse
des commémoratifs et des symptômes et l'examen microscopique
du sang, qui doit pouvoir être fait par tous les médecins qui exer-
cent dans les pays à malaria.
Sous îpeine d'abuser de la bienveillante hospitalité qui m'est
accordée dans les colonnes de ce bulletin, il ne m'est pas permis
d'entrer dans des détails sur le diagnostic différentiel à faire entre
les formes cliniques des fièvres gastriques et bilieuses. Je me bor-
nerai à donner des indications au moyen desquelles on pourra
faire un bon diagnostic, nécessaire pour faire une bonne thérapeu-
tique.
. La fièvre, dite climatique, celle qui est due aux éléments météo-
rologiques seuls, doit être très rare. Elle se diagnostiquera par
exclusion.
Pour le diagnostic des fièvres à forme gastrique et bilieuse, on
se basera sur :
1^ L'époque d'arrivée du malade et la durée de son séjour en
pays à endémie malarienne;
2° Les écarts de régime, les excès de tout genre qui ont précédé
la fièvre ;
3^ Les antécédents du malade : absence ou présence d'accès
fébriles caractéristiques antérieurs ;
4° La présence ou l'absence de l'hématozoaire de Laveran dans
le sang. Dans cet examen, on recherchera très attentivement les
formes diverses de l'hématozoaire et les phases du cycle d'évolu-
tion. Cette recherche permettra, si les ;résultals sont positifs,
d'exclure la fièvre, dite climatique, la forme gastrique ou bilieuse
FORMES CLINIQUES DE LA MALARIA 541
pure, d'affirmer l'intoxication malarienne et, par l'observation des
formes et du cycle d'évolution de l'hématozoaire, de dire si l'accès
malarien a précédé ou accompagné la fièvre gastrique ou bilieuse
et, dans ce dernier cas, si la fièvre gastrique ou bilieuse a été la
cause de l'accès malarien;
5*> Le mode de début. Dans la moitié des cas, le frisson, qui est
le premier stade de l'accès malarien, manque dans les pays tropi-
caux. L'accès est précédé par un malaise spécial : léger lumbago,
avec irradiations douloureuses vers les cuisses, établi dès la veille
et qui va s'accroissant jusqu'au moment de l'invasion et le frisson
du premier stade est remplacé par une sensation de chair de poule
et d'horripilation. Le frisson manque plus rarement et les vomis-
sements sont presque la règle dans les fièvres à forme gastrique
ou bilieuse;
6^ L'hypersplénie caractéristique d'intoxication malarienne fait
défaut dans les fièvres à forme gastrique ou bilieuse simple des
nouveaux arrivés;
7** La température est ordinairement plus élevée dans la malaria,
les oscillations thermométriques (rémissions et exacerbations)
sont plus amples, allant de 1 à 3 degrés, tandis que dans les
fièvres à forme gastrique ou bilieuse simple, la fièvre est plus con-
tinue avec des rémissions moins étendues. L'heure des rémissions
et des exacerbations fébriles est aussi à considérer : rémissions
nettement matinales, exacerbations nettement vespérales dans les
formes gastrique ou bilieuse simple, tandis que, dans les mômes
formes malariennes, les exacerbations fébriles surviennent à diffé-
rentes heures du jour suivant la dérivation de la fièvre rémittente.
On peut même observer deux exacerbations fébriles en vingt-
quatre heures, une à midi, l'autre à minuit avec des rémissions
matinales et vespérales ;
8^ L'action spécifique de la quinine sur la malaria et son action
nulle, souvent nuisible dans les formes non malariennes.
J'ai omis à dessein de parler jusque maintenant de la fièvre
bilieuse hémoglobinurique d'une manière spéciale. Et pourtant,
une grande partie des considérations qui précèdent s'appliquent
aussi à cette forme clinique. C'est affirmer ainsi ma conviction
qaen pays tropical, la fièvre bilieuse hémoglobinurique nest pas
toujours malarienne.
effet, cultivée un peu partout par les indigènes, mais n'a pas
encore fait l'objet d'exploitations coloniales.
En Austraiia, la canne à sucre a été introduite en 1850, mais
Fexploitation industrielle n'a commencé que vers 1874. Elle est
d'ailleurs limitée à la côte orientale, dans le Queensland et la Nou-
velle-Galles du Sud. Dans cette dernière colonie, dont le climat est
déjà un peu froid, la production n'est que la moitié environ de
celle du Queensland, où 25 p. c. environ des terres cultivées sont
consacrées à la canne. Les plantations, qui s'arrêtent à l'Ouest, au
golfe de Carpentarie, atteignent au Sud le vingt-neuvième paral-
lèle. Mais la culture, sous cette latitude, devient déjà difficile ; la
canne ne mûrit qu'en deux années et les gelées se font quelquefois
sentir.
c. EN AMÉRIQUE.
La culture de la canne à sucre possède aux Etats-Unis une
grande extension dont il n'est pas facile de tracer la limite septen-
trionale. On peut admettre toutefois qu'elle ne dépasse jamais le
37* degré de latitude Nord, entre l'Atlantique et le Mississipi. Plus
à rOuest, la limite des plantations s'abaisse rapidement, à cause
de la sécheresse du climat; on n'en retrouve plus au delà des
montagnes rocheuses. Les champs de cannes sont surtout multi-
pliés autour du golfe du Mexique, et principalement dans le delta
du Mississipi, où les conditions climatériques les plus favorables
à la plante sont réunies au plus haut degré. Ils occupent dans la
Louisiane 9,7 p. c. du territoire agricole, dans la Floride i ,2 p. c,
dans le. Texas et la Géorgie 0,2 p. c, dans l'Alabâma et le Mis-
sissipi 0,1 p. c. En général, la proxiuction sucrière a beaucoup
souffert depuis la guerre de Sécession de la perte de main-d'œu-
vre causée par l'abolition de l'esclavage. L'emploi croissant du
sucre de betterave lui a également causé un tort considérable.
La plus grande partie du Mexique est comprise dans la zone
de la canne. Toutefois les cultures se trouvent surtout dans lés
provinces occidentales, mieux arrosées que celles qui bordent la
côte du Pacifique. Ces cultures ne s'étendent pas seulement dans^
FORMES CLINIQUES DE LA MALAHIA 543
bémoglobinurique peut être compliquée d accès malarien et être
rendue plus grave de ce fait, comme elle peut évoluer seule sans
que les effets de l'hématozoaire viennent s'y ajouter.
Cette distinction est très importante à faire au point de vue de
la marche à suivre pour le traitement. D'un diagnostic exact peut
dépendre la vie du malade. Ce diagnostic est très ardu, mais il
n'est pas impossible. Les mêmes éléments que j'ai énumérés plus
haut serviront de base à un diagnostic exact ; j'insiste tout parti-
culièrement sur l'examen microscopique du sang, sur les anam-
nestiques. principalement le refroidissement, les privations ou les
excès alcooliques ordinaires, l'usage d'aliments avariés, surtout
de conserves de viandes et de poisson, le surmenage physique, la
chaleur élevée avec une atmosplière presque saturée d'humidité
avec hypertension de la vapeur d'eau et hypertension électrique.
Pour bien se rendre compte de la pathogénie de cette forme
clinique et de la prédilection qu'elle manifeste pour les vieux fébri-
citants et ceux qui ont fait un long séjour sous les tropiques, il
est nécessaire de rappeler l'état du sang, l'état des organes et
principalement 1 état du foie, de la rate et des reins.
Je n'ai pas besoin d'insister sur les lésions du sang; elles sont
assez connues: Diminution de la masse, diminution du nombre
de globules rouges ; présence de globules rouges à noyaux ; aug-
mentation du nombre de leucocytes mono et polynucléés ; présence
constante du pigment mélanique et ocre, formes variées de Théma-
tozoaire. Ce sont ces lésions qui déterminent les symptômes de
l'anémie tropicale qui ne manque jamais après un séjour plus ou
moins prolongé sous les tropiques.
La rate est toujours hypertrophiée. L'hypertrophie porte sur-
tout sur les éléments conjonctifs non seulement de la capsule mais
sur ceux des travées fibreuses qui en dérivent. Le pigment méla-
nique est très abondant et répandu dans la pulpe et les capillaires
veineux et même dans les gaines préarlérielles et les cellules
parenchymateuses.
Les lésions du foie sont de beaucoup les plus importantes.
L'hypertrophie de l'organe est de règle, sauf aux périodes ultimes
de la cachexie. Cette hypertrophie s'explique par l'accumulation
du pigment mélanique dans les cellules hépatiques, par l'accumu-
lation dans les capillaires de leucocytes, de cellules migratrices
La cote ae la uuyane oritannique, au contraire, est Doraee de plan-
tations de cannes, dont les produits représentent 90 p. c. de
l'exportation de cette colonie.
Au Venezuela les conditions naturelles sont favorables et les
plantations assez nombreuses, mais les procédés de l'industrie
sucrière sont arriérés. Cependant Semler évalue l'exportation à
9 millions de kilogrammes.
Dans la Colombie, la situation générale est analogue. La côte
du Pacifique, avec ses deux saisons de pluie, convient particuliè-
rement à notre culture. On trouve des plantations jusqu'à l'altitude
de 2,000 mètres.
Le territoire de 1 Equateur, très élevé et peu arrosé, n'offre
qu'un petit nombre de lieux propres à la canne à sucre ; telles sont
par exemple les fertiles allusions du Guayaquil.
La culture sucrière du Pérou se présente dans de tout autres
conditions que celles des autres pays américains. Elle y est fort
ancienne, et même, à ce qu'il paraît, d'origine indigène. L'auteur
espagnol Pedio Cieza rapporte avoir vu au Pérou, en 1533, des
champs de cannes à sucre bien irrigués. Quoique la température,
et surtout l'humidité insuffisante n'y soient pas très favorables, la
culture péruvienne est encore florissante, principalement sur la
côte, ainsi que sur les pentes de la Cordillière, où elle atteint
laltitude de 1,700 mètres. La partie orientale du Pérou , qui
appartient au bassin de l'Amazone, conviendrait mieux à ce genre
de plantations, mais le défaut de communications y rend toute
exploitation impossible.
Cette dernière remarque est également applicable à la Bolivie,
dont le climat est entièrement favorable à la canne. On en trouve,
à l'Est des montagnes, jusqu'à la hauteur extraordinaire de
3,150 mètres. Mais la production n'a guère d'importance commer-
ciale.
Au Chili, la culture de la canne ne se rencontre que dans le
Nord, principalement dans la province deTarapaca La sécheresse
du climat et l'introduction de la betterave lui sont défavorables.
Le Paraguay et l'Uruguay ne présentent que quelques planta-
tions peu développées. Ces pays se trouvent sur la limite méridio-
nale de notre végétal.
La canne se rencontre dans i'Argantina jusque vers Tembou-
cliure de la Plata, mais la culture n'a d'importance sérieuse que
dans le Nord-Ouest du pays, aux environs de Tucuman. Malgré
son éloignement de la mer, cette province a une exportation assez
importante.
Le sol des Pampas est excellent pour la plantation de la canne,
mais les conditions climatériques, et surtout les froids assez pro-
noncés en hiver, s'opposent à l'extension de cette plante essentiel-
lement tropicale.
D. EN EUROPE.
La canne à sucre n'est pas restée aussi complètement étrangère
à notre continent que ses conditions climatériques pourraient le
taire croire. Au moyen- âge, les Arabes l'avaient assez largement
répandue sur les rivages de la Méditerranée. Le Péloponnèse en a
conservé assez longtemps des vestiges. Les cultures de la Sicile
sont mieux connues ; elles ont d'ailleurs rapidement décliné à partir
du XIV« siècle.
La seule contrée européenne qui 'ait conservé la culture de la
canne est la côte Sud-Ouest de l'Espagne (i). Abritée contre les
venis du Nord par la Sierra Morena et la Sierra Nevada, cette
culture est plus fructueuse que la latitude ne permettait de l'espé-
rer. Du temps des Maures, elle s'étendait jusqu'aux environs de
Valence (39** lat. N). Aujourd'hui elle ne dépasse guère le
37* degré. On la trouve surtout le long de la côte, entre Cadix
et Almerïa. La production n'a pas cessé d'être d'une importance
assez considérable, car sur trente-neuf fabriques de sucre que
possédait l'Espagne, Kruger en compte dix-neuf qui traitaient le
suc de la canne, et dix-neuf la betterave.
(1) On ne peut meulionncr que pour mémoire un essai de culture ù Nice, qui
pouvait réussir.
{
oi6 ÉTUDES COLONIALES
point de vue de la quantité et surtout de la qualité, peut être sous
l'influence d'excès alcooliques antérieurs, ses fonctions digestives
sont languissantes. 11 a peut être souffert de dysenterie et de
diarrhée tropicale. C'est un excité au point de vue génésique, usant
largement, abusant même du coït. C'est un surmené au point de
vue du travail physique, de la fatigue musculaire imposée par de
longues marches au soleil ou par des parties de chasse. Il est cou-
vert de bourbouille (lichen tropicus) et ses membres inférieurs
sont couverts de sarnes (ulcères phagcdéniques).
La grande saison sèche est arrivée (automne et hiver). Voilà une
proiQ pour la fièvre hémoglobinurique si certaines circonstances
étiologiques viennent à se réaliser.
A. — Chez un tel sujet, ainsi disposé, un accès fébrile franche-
ment malarien vient à se déclarer, après un excès de marche au
soleil, un travail, même léger ou simplement la surveillance de
travaux de terrassements en terre vierge, marécageuse ou non, ou
encore après le séjour prolongé ou le campement sous la tente et
sur la terre nue pendant une nuit, à proximité d'un marigot au
début de la saison sèche ou au commencement de la saison des
pluies et après une journée très chaude, orageuse, ou aussi après
un refroidissement (beaucoup plus fréquent en Afrique qu'on ne
le croit communément), refroidissement survenu par l'abaissement
normal de la température extérieure, ou par évaporation rapide
de sueur, ou par une chute abondante de pluie mouillant les vête-
ments et le corps sans possibilité de changer de linge; cet accès
fébrile pourra déterminer la forme bilieuse hémoglobinurique. Il
suffira pour cela que la virulence des hématozoaires soit exaltée
par les causes que nous venons d'énumérer et qui favorisent leur
éclosion et qu'une génération plus abondante d'hématozoaires
envahisse le sang en un temps donné. Dans ces conditions, avec
l'alléralion préexistante de la rate, du foie et des reins et l'état
hydrémique du sang, l'hémoglobine mise en liberté par l'hémato-
zoaire, par les toxines et par la fièvre ne pourra être transformée
complètement en matière colorante de la bile ; elle franchira le
filtre rénal pour apparaître à l'état de methémoglobine dans les
urines. Il y a, à la fois, ictère hépatogène et ictère hématogène
intense et hémoglobinurie. Cette polycholie anormale se traduit
non seulement par un ictère intense, mois encore par des vomis-
FORMES CLINIQUES DE LA MALARIA 547
sements bilieux abondants, d'abord jaunes puis vert cuivre*
C'est dans cette torme clinique qu'on trouve une température
très élevée et qui reste très élevée, mais presque toujours avec des
oscillations de grande amplitude.
B. — Dans les mêmes circonstances étiologiques : individuelles
et climatériques, de temps et de lieu, le même agent fait un excès
alcoolique (bière, vins ou liqueurs), un repas trop copieux avec
viandes noires, faisandées ou en conserve, du poisson salé, mariné
ou à l'huile (morue, sardines, thon, saumon, caviar), des crustacés
en boîte (homard, langoustes, etc.) ; ajoutez à cela une tempéra-
ture élevée, un état hygrométrique sursaturé de l'atmosphère avec
hypertension de la vapeur d'eau, une tension «îlectrique considé-
rable précédant ou suivant un orage, de précédentes sueurs
diffuses ayant encore diminué le pouvoir digestif des liquides
gastro-intestinaux, une augmentation de la température du corps
résultant de l'accumulation des calories organiques ou de la cha-
leur extérieure agissant sur le corps par Tintermédiaire d'un air
sursaturé d'humidité, bon conducteur du calorique et empêchant
à ce moment le rétablisseme de ntl'équilibre calorique en s'oppo-
sant à l'écoulement de la sueur et à son évaporation. Il va se
produire un catarrhe gastro-intestinal fébrile, fermentation putride^
production de toxines alimentaires auxquelles viendront se joindre
les poisons organiques non éliminés. Le foie déjà surmené et en
état d'hypofonction ne pourra suffire à sa tache malgré l'hyper-
cholie manifestée par l'ictère et les vomissements bilieux ; il sera
débordé.
Les toxines, résorbées dans le sang, agiront comme telles sur
les globules rouges, mettront l'hémoglobine en liberté et celle-ci
passant à travers le filtre rénal constituera l'hémoglobinurie.
Une remarque importante à faire au point de vue du diagnostic,
c'est que l'hémoglobinurie qui dépend d'une auto-intoxication
alimentaire ou d'une résorption de poisons élaborés dans l'orga-
nisme, évolue souvent sans fièvre^ ou avec une température à peine
au-dessus de la noi^male, parfois même en-dessous de la normale
et, en tous cas, avec des rémissions de plus courte étendue que
l'hémoglobinurie malarienne. Il n'est pas rare d'observer en même
temps des symptômes d'urémie se manifestant par une violente
céphalalgie, des hallucinations et du délire.
La partie orientale de i Airique intertropicale, iBoms Dien arro-
sée que le versant opposé, se prête moins à la culture de la canne.
On en trouve cependant des champs très étendus dans le Mozam-
biqua, principalement dans les terres d alluvion du bassin du Zam-
bèze. Plus au Nord, nous trouvons des plantations arabes dans
nie de Zanzibar et sur la côte qui lui fait face. D'autres existent
dans l'intérieur, mais isolées et sans importance Le gouvernement
colonial allemand s'efforce de développer cette culture. Il existe
quelques points, tels que la vallée du Pangani, où la fertilité natu-
relle du sol promet de bons résultats.
L'Afriqua Oriantala britanniqua offre à l'intérieur, notam-
ment dans l'Uganda et sur les bords du lac Victoria, des condi-
tions climatériques favorables. Mais la production y est paralysée,
comme dans une grande partie de l'Afrique, par la nécessité de
confier le soin des cultures aux mains inexpertes des indigènes.
L'Afrique australe est, en général, trop tempérée ou trop aride
pour notre graminée. On la trouve cependant cultivée au Trans-
vaal sur les bords du Limpopo. Mais la culture a pris une extension
beaucoup plus grande au Natal, où la canne, introduite de l'île
Maurice en 1858, couvre maintenant une bande de iO kilomètres
de largeur le long de toute la côte, et produit 1,000 tonnes de
sucre (en 1884-85). C'est là qu'elle atteint son extrémité méridio-
nale en Afrique, vers le trentième parallèle Sud.
Terminons] en donnant quelques détails sur les îles africaines.
Les Açores ont un climat trop européen, mais. à Madère les plan-
tations prospèrent et donnent de 350 à 500 tonnes par an. La cul-
ture a moins réussi aux îles Canaries, malgré l'analogie du climat.
Aux îles du Cap Vert nous retrouvons la température tropicale; la
quantité de pluie y est insuffisante, mais on y remédie en cultivant
la canne dans des bas-fonds humides.
Les îles du golfe de Guinée ne laissent rien à désirer comme con-
ditions climatériques. A San Thomé la culture est particulièrement
florissante.
Quant aux îles de l'Océan Indien, l'exploitation de la canne
existe de longue date dans les îles Mascareignes (Maurice et la Réu-
FORMES CLINIQUES DE LA MALARIA S49
succès, peut-être aussi nombreux que ceux des médecins de nos
jours?
Nos prédécesseurs appelaient ces formes cliniques des fièvres
putrides. Etaient-ils si loin de la vérité? Et pourtant, ils ne con-
naissaient ni l'hématozoaire de Laveran, ni les toxines, ni les pto-
maïnes, ni tous ces poisons que l'organisme élabore avec tant de
profusion ei qui font de l'homme une des bêtes les plus venimeuses
de la création ?
L'efficacité de certains traitements, la nocuité de certains médi-
caments dans des formes cliniques qu'on a toujours cru identiques
démontrent péremptoirement que la vraie notion de la maladie a
fait défaut d'une manière absolue ou relative. C'est toujours le
ce Naturam morborum ostendunt curationes » qu'il aurait fallu
observer de près.
Un exemple éclatant qui vient à l'esprit de tout observateur,
c'est celui de l'administration de la quinine.
Le principe actif du quinquina est reconnu, sans conteste, comme
le spécifique de la malaria, quelle que soit la forme clinique.
Pourquoi ce médicament héroïque échoue-t-il misérablement
dans des formes cliniques identiques d'aspect et de symptômes?
Pourquoi guérit-il l'hémoglobinurie et pourquoi la provoque-t-il
ou l'aggrave-t-il dans certains cas où les symptômes initiaux
semblent comporter le même diagnostic?
Tout simplement, parce que la première forme est malarienne et
que la seconde ne Test pas.
Dans les mêmes cas, pourquoi l'eau chloroformée, sans quinine,
guérit-elle l'hémoglobinurie et pourquoi est-elle inefficace dans
d'autres cas?
Parce que la première forme n'est pas malarienne et que la
seconde l'est. L'eau chloroformée, dans une autointoxication
hémoglobinurique fait l'office d'antiseptique des voies digestives ;
elle favorise la diurèse et l'élimination des toxines du sang, sans
compter son action anesthésiante locale. C'est là tout le secret de
son action tant vantée.
La conclusion de cet exposé, c'est que le traitement de certaines
formes cliniques, rangées souvent sous la même étiquette de mala-
riennes, doit, pour être précis et efficace, être précédé d'un bon
diagnostic, et s'attaquer à la cause, cause qui doit être recherchée
AFRIQUE
Mission Richardson à Kano. — La mission anglaise à la tète de
laquelle se trouvait le rév. Richardson et qui avait pour but de nouer
des relations avec le Kano, a, comme on le sait, été renvoyée par le
chef de ce royaume. Les principaux adversaires de Tintroduction de
la civilisation dans cette partie de l'Afrique, sont Témir de Sokoto, le
roi de Kano et le roi de TUgu. 11 est probable que si on parvenait à
s'entendre avec l'émir de Sokoto, les autres changeraient d'attitude.
La Compagnie du Niger faisait un présent annuel à l'émir ; le gouver-
nement impérial n'a pas continué dans cette voie et l'émir a refusé
dernièrement de laisser passer une ligne télégraphique par ses Etats.
M. Richardson donne de la ville de Kano, la description suivante.
Comme dans toutes les autres villes des Hausas, dit-il, on ne pouvait
rien apercevoir de l'extérieur. Un mur de 40 pieds de haut enferme
Kano, et un fossé de 8 pieds de profondeur entoure le mur. Les por-
tes de la ville sont en bois, mais elles sont hautes et lourdes, et gar-
nies de plaques de fer. La nuit, on appuie contre elles, deux fortes
poutres pour empêcher qu'on ne les ouvre, car ces portes n'ont pas de
serrures. Les murs sont extrêmement larges du bas, mais vont en
s'amincissant vers le sommet où ils n'ont plus qu'un pied de largeur.
De l'intérieur il est facile d'escalader les murs. Un chemin de ronde
tourne autour d'eux à 3 pieds du sommet. Même à l'intérieur des
murs, on ne pouvait apercevoir aucune maison. On ne découvrait
qu'une succession de champs dont les habitants tirent leur nourri-
ture en cas de siège prolongé. La mission passa devant la célèbre
roche de Dala. On dit qu'elle contient de l'or et que le jour où l'homme
blanc l'en extraira, le royaume de Kano aura vécu.
fy °Jy è -'
ffN
X
FORMES CLINIQUES DE LA MALARIA 551
sobre. J'ai toujours admiré la robustesse et la résistance des
Sénégalais, ceux qui, Musulmans (dits Marabouts), s'abstiennent
scrupuleusement de toute boisson alcoolique et fermentée et qui
ne boivent que de Teau. Les missionnaires catholiques, sobres par
principe et toujours par pauvreté, fournissent aussi un déchet
moindre que les autres agents et explorateurs. Serait-il si difficile
aux blancs de suivre cet exemple, non pas à la lettre, mais au
moins de supprimer de leur ordinaire les liqueurs et les vins
alcoolisés à un haut titre, l'absinthe surtout et les bières d'expor-
tation (allemande principalement) qui sont de véritables poisons
hépatiques?
IV. — Dans les formes cliniques où Thématozoaire de Laveran
doit être seul incriminé, le quinquina, ou ses sels, en temps oppor-
tun, par voie gastro-intestinale ou sous-culanée sera le médica-
ment de choix, sans pour cela négliger l'antisepsie du tube digestif
et l'élimination des toxines microbiennes par les divers émonctoires
(reins, peau, etc.).
V. — Dans les formes cliniques, qui sont sous la dépendance
avérée d une auto-intoxication, l'indication primordiale est d'éva-
cuer au plus vite les produits toxiques en s'adressant à la voie
gaslro- intestinale (méthode évacuante), et en stimulant les fonc-
tions d'excrétion des émonctoires (reins et peau). Il faut de plus
enrayer l'absorption des poisons par l'usage des antiseptiques
gastro-intestinaux en choisissant ceux qui ne diminuent pas les
fonctions rénales. Il ne faut pas perdre de vue que certains pur-
gatifs (sulfate de soude, sulfate de magnésie, par exemple), sont
par leur action évacuante les meilleurs antiseptiques des voies
digestives comme le prouvent les expériences précises de Gilbert
et de Dominicis.
Les purgatifs salins, le calomel seul ou associé à la scammonée,
l'ipéca, l'eau chloroformée, etc., seront les médicaments de choix.
La quinine est nettement contrindiquée dans ces formées cliniques.
Les médicaments évacuants et les antiseptiques doivent suffire à
abaisser la température. Si l'on est forcé d'intervenir, on recourra
de préférence à l'hydrothérapie, principalement sous forme de
drap mouillé^mm d'enveloppements de couvertures sèches jusqu'à
c>
:^
c
tîon et d'une personne désignée par l'acheteur. Ces deux délégués
choisiront un président. Le gouvernement conserve le droit d'établir
un impôt général sur les terres et les maisons.
Afrique allemande Sud-Occidentale. Irrigation et agricul-
ture. — De nombreux travaux d'irrigation ont été effectués dans
l'Afrique allemande Sud-Occidentale, notamment aux fermes de
Voigtland et de Hoffnung, près de Windhoek. Le gouvernement vient
de commencer la construction d'une digue, dont le coût sera de
75,000 francs, dans un endroit situé à 35 kilomètres de Windhoek.
Elle a pour but de retenir les eaux d'une vallée et d'assurer la régula-
rité de la distribution. On compte que l'on pourra emmagasiner ainsi
environ 8,000,000 mètres cubes d'eau.
On ne peut pas dire que l'agriculture soit dans un état florissant
dans la colonie. Un spécialiste appartenant au département de l'agri-
culture du Cap, vient d'être engagé. On espère que ses conseils aide-
ront les fermiers à améliorer la situation agricole du pays. Trois nou-
veaux jardins d'essais, fondés dans le district de Keemansdorp, vien-
nent d'être ajoutés à ceux qui existaient déjà. Deux appaitiennent au
gouvernement, le troisième est une entreprise privée.
Afrique allemande orientale. Les plantations. — Les planta-
lions d'agave du gouvernement, à Kurazini, ont été l'objet de grands
soins. Le matériel nécessaire pour la préparation de la fibre a été
considérablement augmenté. Les nouvelles machines ont été impor-
tées à l'île Maurice et donnent de très bons résultats. Les plantations
couvrent actuellement 50 acres. Il y a, en outre, 480,000 jeunes
plantes dans les couches. On a doublé le nombre des ouvriers. Au
i®"" août 1899, plus de 4,500 kilogrammes de fibre avaient été exportés.
Un plan pour l'établissement d'un chemin de fer decauville a été
élaboré.
Le jardin de Mohorro a eu à lutter contre les mauvaises conditions
(îlimatériques. Une saison très humide a été suivie d'une autre extrê-
mement sèche. Cette dernière a empêché de faire de grands essais de
l)lantation de tabac. La saison écoulée a également été très sèche, de
sorte qu'il n'a pu être question de préparer les terres mises à part
pour les expériences de culture de tabac. Les essais faits sur la vanille
ont échoué. On pense même qu'il est inutile de les renouveler à
Mohorro. La vanille a mieux réussi à Kitopeni età Chambisi, bien
que de grandes pertes aient été éprouvées par suite des pluies prolon-
gées. La culture de l'opium n'a pas non plus donné de bons résultats
L'IFRIQaB ORISnTILS
Le Gouvernement allemand, ému des bruits qui circulaient au
sujet de l'avenir des plantations dans l'Afrique Orientale allemande,
a chargé un spécialiste, M. Wohltmann, connu déjà précédemment
par ses études sur la valeur du Kamerun au point de vue de la
culture, de se rendre dans TAfrique Orientale pour y faire une
enquête sur place. M. Wohltmann avait pour mission d'examiner
les plantations existantes, de rechercher si d'autres régions de la
colonie convenaient à la culture et de porter son attention sur un
emplacement convenable pour un jardin d'essais. On verra par les
constatations de M. Wohltmann que si l'Afrique Orientale alle-
mande n'est pas comparable, au point de vue de la richesse du sol,
à d'autres colonies, notamment au Kamerun, elle est loin de
n'offrir aucune ressource pour l'établissement de plantations ; seule-
ment, il faut étudier le terrain et ne fonder des cultures que dans
les milieux qui leur conviennent. M. Wohltmann attache une grande
importance au développement de la population indigène, car il
voit surtout dans cette colonie, un débouché pour les produits
manufacturés allemands. Grâce à l'influence des Arahes, les indi-
gènes ont d'ailleurs déjà atteint un degré de civilisation qui leur
permet d'apprécier l'utilité des marchandises d'Europe.
M. Wohltmann divise les territoires qu'il a visités en trois
groupes : la région basse, la région des collines et celle des
montagnes.
Mal \, USê%3 VâVLêVl.^ 1 AU CtJ
(Benadir) ont fait des progrès au point de vue commercial dans ces
dernières années. Ce qui manque le plus, c'est un bon mouillage.
Aucun des ports de la côte n'offre d'abri suffisant pour les grands
bâtiments. Ils ne sont pas même favorables aux embarcations indi-
gènes. Brava est le port le plus facile et il pourrait être encore amé-
lioré. Le développement agricole du pays est très difficile à cause de
la sauvagerie et de la perfidie des tribus somalis^. II existe des terres
qui conviennent parfaitement à la culture de sansé-viera, de l'agave,
des cocotiers» de la durra» du sésame et du coton. Les habitants les
plus paisibles sont ceux de Mogdishu où la sécurité est presque com-
plète. Cette localité compte 6,000 âmes. En résumé, le consul estime
que l'on ne doit pas déprécier la cote de Benadir, mais qu'il faudrait
améliorer le» moyens de communication. On pourrait aussi faire des
travaux d'irrigation en se servant du Shebeli et du Juba.
Ethiopie. — La mort du négradas Âghedau laisse vacante dans
l'empire abyssin une place qui sera fort convoitée et qui mérite une
mention particulière. Le négradas Aghedau, que les blancs appelaient
familièrement « l'agent de change », car, à le voir, on devinait un
homme de finance, était le suprême prévôt des marchands de l'empire,
quelque chose comme le surintendant du commerce et des douanes de
l'Ethiopie.
Une pareille situation ne va pas sans de très gros bénéfices et celui
qui en est investi est toujours un personnage cossu, puissant et envié.
L'organisation commerciale de l'Ethiopie est intimement liée à la
si tuation du négradas.
L'Afrique, qui nous a toujours paru extrêmement en retard, est en
général, couverte de marches, et l'Abyssinie ne fait pas exception à la
règle, au contraire. L'Abyssin aime courir les marchés, où il va troquer
quelques marchandises contre des thalers ou des sels, ou bien contre
d'autres denrées dont il a besoin.
Lorsqu'on voyage, il ne se passe pas un jour sans qu'on rencontre
sur les routes de longues théories de gens se rendant au marché, leurs
marchandises chargées sur des chevaux, des mulets ou des ânes. Les
femmes, proprement vêtues ce jour-là, portent triomphalement à la
main ces pains de sel, qui sont la monnaie divisionnaire du pays. Les
Gallas ont à cet égard les mêmes goûts que les Abyssins, et il ne
serait pas étonnant qu'il y eut plusieurs centaines de marchés dans le
seul Choa.
Addis Ababa a un marché quotidien, sauf le dimanche, et une foire
hebdomadaire le samedi. Marchés et foires se tiennent près de l'église
de Saint-Georges. Des rangées de pierres indiquent les ]
soumises à un droit payable aux employés du prévôt
Le marché aux chevaux est à côté, sur une esplanade i
faire galoper les montures. Les menus objets sont suri i
les femmes. On trouve là toute les denrées du pays : d
miel pour faire l'hydromel, du ghecho pour le faire fer ;
notre houblon), du kousso, qui çst la médecine la plus e i
un pays où presque tout le monde a le ver solitaire et i
Enfin, les objets à bon marché de fabrication européei i
dans de petits coins sous de légers parasols : aiguilles, |
tons, etc., etc.
Vers le milieu du marché s*élève une sorte de pavîl •
mentaire avec un étage en forme de baldaquin. C'est là |
prévôt des marchands ou ses commis, juges du marché :
voirs assez étendus. Tout près est l'arbre qui sert de p
condamnés.
Il faut que la leçon soit comprise par le plus gra ■
gens possible. Les voleurs sont jugés et punis séance U
le tour du marché sous la verge, criant à haute voix
lequel ils sont punis. Tous les marchés sont organisé
façon, car chaque gouverneur a un prévôt des marchanc >
' qui surveille le commerce, perçoit les droits de place et ;
sommaire pour les délits de vol. Chaque marché constit i
que l'empereur attribue à ses chefs. Le ras Makonnen, ;
perçoit les revenus d'un certain nombre de marchés. T i
chefs profitent ainsi des faveurs du maître.
Les grands centres commerciaux sont, outre A :
Ankobar, Leka, Djimma (ces deux derniers en pays G i
qui est aujourd'hui le centre commercial le plus i
l'Ethiopie, Sokota dans le Larta, Dane dans les Wolk ,
le Tigré.
Quant au commerce avec l'Europe, il est centralisé à I
Ababa et à Adoua. Cette dernière ville est fort déchue de
importance, mais Harrar ne peut manquer de voir s'accr
périté commerciale dès que le chemin de fer sera tern
tout le commerce européen est aux mains des Français, d-
niens et les Grecs sont les petits intermédiaires.
Bien que les capitulations n'existent pas en Ethiopie,
tique les Abyssins font autant que possible régler les
Européens par les Européens eux-mêmes, et il n'est pas i
que ceux-ci préfèrent s'en remettre au juge Abyssin.
Telle est, en peu de mots, l'organisation commerciale de l'Ethiopie.
Elle n'est point aussi rudimentaîre qu'on pourrait l'imaginer, car
c'est la seule administration éthiopienne qui comporte une bureau-
cratie assez nombreuse et occupée.
AMÉRIQUE
L'Amazonie. Caoutchouc. — L'Amazonie qui est le plus grand
État du Brésil, s'étend entre le 74® et le 54® degré longitude 0. et entre
le 4® degré latitude N. et le. 10^ degré latitude S. Sa superficie est
d'environ 600,000 milles carrés. Elle est bornée au nord par la
Guyane britannique et le Venezuela; à l'ouest, par la Colombie, le
Pérou et la Bolivie; au sud, par l'Etat de Matto-Grosso et à l'est, par
l'Etat de Para.
Près des frontières du nord et de l'ouest, on rencontre quelques
plateaux; en général, cet Etat se compose, toutefois, de grandes
plaines basses et couvertes de forêts, coupées par les innombrables
tributaires du fleuve des Amazones. Ils descendent tous des Andes et
se dirigent vers la branche de l'Amazone, que l'on appelle le Soli-
moes. Comme ils coulent à travers un terrain plat, leur cours est, en
général, très sinueux et leurs eaux sont lentes. Le courant du fleuve,
par contre, est relativement rapide; sa vitesse est d'environ quatre
milles par heure.. Le Solimoes, qui se dirige de l'ouest vers l'est,
coupe l'Etat en deux parties presque égales et constitue une voie com-
merciale de la plus haute importance entre Para, qui se trouve à
l'embouchure de l'Amazone, Manaos, la capitale de l'Amazonie et
Iquitos, situé dans le Pérou.- Il est navigable jusqu'à cette dernière
localité, pendant toute l'année, pour les vaisseaux qui ne jaugent pas
plus de douze pieds.
Le tableau suivant donne les distances entre Manaos et les princi-
pales localités situées sur le fleuve des Amazones et .sur les affluents
de celui-ci :
Dislauoe. Rivii^res.
De Manaos ù S^** Antonio 697 milles Madeira
Id. à Alto Acre 59 jours Purus
Id. k Bocca do Breu 30 — Juriia
Id. à Ouro Oreto 21 — Julahy
Id. a Bocca do Jaquirama ÎO -~ Javary
Id. ù Ponço de Mansericlie 24 — Solimoes
Id. à Camanaos 8 — Rio Negro
Id. à Boa Vista 10 — Rio Branco
A\ B. — Le nombre de jours indiqué comprend les escales.
11 est à remarquer que la plus grande partie des gi
Solimoes se dirigent du nord au sud. C'est le cas po
sert de frontière entre le Brésil et le Pérou, le Jutî
Punis et la Madeira. Un seul grand tributaire coule
c'est le Negro. Bien qu'on ne rencontre pas de monta
ver à l'extrémité nord ou ouest de l'Etat, la partie
nord du Solimoes est, en général, beaucoup plus
marécageuse que celle du sud. Sur le cours supérieu
un affluent du Negro, on trouve de grandes plaines d
sous le nom de campos geraes où l'on élève de noml
C'est aussi pour cette raison que cette partie de l'Et.
une valeur moindre et qu'elle est moins explorée qi
dionale où d'immenses étendues de terres marécageu
précieux Hevea Braziliensis dont on extrait du caou
dire que l'importance commerciale de l'Etat dépend
production du caoutchouc qui est la principale indu
Les tableaux suivants indiquent la production du
l'Amazonie et dans les autres contrées d'où l'on retire
que la répartition de la consommation du caoutchouc
Production annuelle du caoutchouc :
Amazonie (Brésil, Pérou, Bolivie) 2
Autres régions de TAmérique du Sud
Amérique Centrale et Mexique
Java, Bornéo et archipel de la Sonde
Afrique orientale et occidentale S
Madagascar et Maurice
Inde, Birmanie et Geylan
Total. • • l
Consommation du caoutchouc :
Etats-Unis et Canada î
Angleterre i
Europe (Angleterre non comprise) i
Total. . . l
Brésil. Le caoutchouc. — Le consul d'Ângletei
dans son rapport pour 1899, que l'exportation du ca(
5il augmente constamment. En 1897, l'exportation av
i 9,223 liv. st. et en 1897, elle a atteint le chiffre de î
Comme on le sait, le meilleur caoutchouc vient de
celui qu'on appelle seringueira. Mais le climat de cet
plus mauvais. Il fait périr de fièvre un grand nombre de récolteurs.
Le consul propose donc aux planteurs de tourner leur attention vers
la culture du mangabeira ou du maniçoba que Ton exporte de Bahia.
Le mangabeira pousse presque partout dans cet Etat et se développe
dans des sols sablonneux où rien d*autre ne pourrait pousser.
Dans certaines zones de l'intérieur, fertiles en sol riche et rouge, les
arbres donnent plus de quatre fois autant de suc que dans les terrains
sablonneux. Ces arbres produisent, en outre, un fruit excellent, laman^
gaba. Si Ton ne devait tenir compte de la difficulté de la plantation,
cette variété, qui exige de huit à dix ans avant de produire, serait
Tarbre à caoutchouc de l'avenir.
Si Ton considère toutes les circonstances pour et contre, le mani-
çoba présente plusieurs avantages. Il est facile à planter, tant au
moyen de graines que de boutures; il atteint, en six ou huit mois, une
hauteur de six pieds dans n'importe quel sol et fournit une quantité
considérable de suc au bout de trois ans environ ; beaucoup plu^
donc, proportionnellement, que n'importe quelle plante caoutchou-
tière. Un planteur a mis plus de 100,000 maniçoba sur ses terres et va
augmenter ses plantations jusqu'à concurrence de 1,000,000 d'arbres.
Il est convaincu que cette industrie donnera, dans quelques années,,
des résultats étonnants.
Brésil. Les plantations de café. — Le consul général d'Angle-
terre à Rio dit que l'on a fondé fort peu de nouvelles plantations de
café au Brésil dans les trois dernières années. La production annuelle
ne dépassera donc pas, pour un certain temps, les derniers chiffres.
Les nouveaux plants que l'on a établis ne pourront que contrebalancer
la perte éprouvée par suite de la disparition des vieux arbres.
Les détails suivants, empruntés au dernier rapport du secrétaire de
l'agriculture du gouvernement de Sao Paulo, indiquent l'étendue de
la culture du café au Brésil. Il existe, dans la province de Sao Paulo,
15,075 plantations dont 11,S34 possèdent 50,000 arbres au moins;
1,844 en ont de 60,000 à 100,000; 999 de 100,000 à 200,000; 397 de
200,000 à 500,000, On trouve, sur ces plantations, 1,703 machines
pour nettoyer le café, dont 1,203 sont mues par la vapeur et 460 par
l'eau. La dette hypothécaire de ces plantations est évaluée à
240,000,000 de milreis ou 200,000,000 de liv. st. environ.
Dans le Minas Geraes, il y a 2,739 plantations : 1,234 de moins de
50,000 caféiers; 844 de plus de 100,000 et 64 de plus de 500,000. De
ces plantations, 500 font usage d'eau pour mettre leurs machines en
mouvement et 1,243 emploient la vapeur.
saison des vents du sud avec des températures très élevées. On note
pendant cette saison 28**, 32° et plus en juillet et en août ; en septem-
bre des températures de 18<>, 20<> et 22o. Dès octobre la température
s'abaisse brusquement à 10** et 12" et novembre, décembre et janvier
offrent un froid très rigoureux. C'est la saison des vents du nord-est,
avec des tempêtes de poussière glacée et des températures moyennes
de6*>àl2^
w La climatologie du Nord de la Chine peut se traduire par la for-
mule suivante : température très élevée et chaleur presque tropicale
en été; pluies abondantes et vent du sud de juin à octobre; froid très
vif en hiver, avec vent du nord et tempêtes de poussière. Pendant
la saison des pluies, les cours d'eau débordent, les terrains sont
inondés, et les routes, en tout temps fort mal entretenues deviennent
tout à fait impraticables.
w Pendant l'hiver, le sol est recouvert d'une épaisse couche de
poussière dans laquelle les véhicules s'enfoncent jusqu'au moyeu des
roue$ et n'avancent qu'au prix des plus grandes difficultés.
» L'eau potable en Chine est de très mauvaise qualité, c'est un
point hors de doute et sur lequel on ne saurait trop insister, en rai-
son de la fréquence et de la gravité des affections intestinales : aussi
les Chinois boivent rarement, très rarement, de l'eau pure et la rem-
placent par du thé. Sur les navires de la division de Chine, on fait
exclusivement usage, depuis nombre d'années, d'eau distillée comme
eau de boisson, et c'est grAce à ce précepte hygiénique de premier
ordre que la santé de nos équipages ne cesse de se maintenir dans les
conditions les plus satisfaisantes. Pour un corps expéditionnaire
opérant dans ces régions, la question de l'eau de boisson est plus
difficile à résoudre : on ne peut fournir aux hommes en colonne de
l'eau distillée ni de l'eau stérilisée, produite par des appareils spéciaux
qui doivent être réservés pour les hôpitaux et les établissements per-
manents à terre. Tout au plus pourrait-on distribuer aux hommes
de l'eau bouillie, et encore la chose serait bien difficile à réaliser dans
maintes circonstances. Mais le Chinois fait usage comme boisson de
thé, et on devra l'imiter et veiller d'une manière toute particulière à
ce que les hommes n'usent, comme boisson courante, que de cette
infusion, qui a l'avantage d'être un aliment d'épargne. Bu chaud ou
froid, le thé est une boisson excellente qui n'offre pas d'inconvénient
pour ceux qui n'en usent pas avec excès. Le thé chaud désaltère beau-
coup mieux qu'une boisson froide même pendant les chaleurs. Pen-
dant les marches, il sera également utile de faire un usage constant
de filtres de poche du système Lapeyrère, au permanganate de potasse ;
L AFRIQUE ORIENTALE ALLEMANDE
561
manière satisfaisante pour les plantations de café. La popûlalion
de la côte est assez nombreuse et celle de l'intérieur est travail-
leuse. On n'est donc pas exposé à manquer d'ouvriers dans l'ave-
nir. Les salaires sont relativement élevés. A Ngambo, par exemple.
COCOTIER DE TROIS ANS ET DEMI, A KIUMONI.
on paie, par mois, 10 roupies de salaires plus 4 roupies pour la
nourriture; il faut y ajouter les frais d'enrôlement, de logement,
de médicaments et de surveillance. On compte, en ce qui con-
cerne ces derniers, qu'il faut au moins un surveillant par vingt à
trente ouvriers. Si l'on fait le compte de tous ces frais, on arrive
à dépenser par ouvrier, de 15 à 16 roupies par mois, c'est-à-dire
environ 27 francs. Ce qui fait pour 27 jours de travail, un franc
par jour. C'est beaucoup en comparaison des salaires qu'on paie
562 ÉTUDES COLONIALES
dans d'autres pays produisant le café. Dans d'autres localités,
comme Magrotto et Schôiler, les salaires sont moins élevés ; ils
varient entre 80 et 94 centimes.
A l'exception de quelques plantations, les frais d'exploitation
sont assez élevés. Alors qu'à Java et à Ceylan, les frais du café
arabe sont évalués de 6S à 75 centimes par plant, à raison de
2,000 plants par hectare, non compris lamortissement du matériel
et du bétail, et de 1 franc à fr. 1.12, tous frais compris, le coût
par plant est beaucoup plus considérable dans l'Usambara. On
peut l'évaluer à fr. 1.85 par plant, sans amortissement; dans cer-
taines localiti^s, il faudrait même admettre le chiffre de fr. 3.30. Il
faut donc que les récoltes soient bonnes pour que Ton puisse
lutter contre la concurrence de Java et de Ceylan. Cette augmen-
tation de frais est principalement attribuable à l'élévation des
salaires et aux difficultés des moyens de transport. Aussi faudrait-
il que l'on prolonge le chemin de fer Tanga-Muhesa jusqu'à
Korogwe.
Plantations de cocotiers. — Tout le long de la côte de
l'Afrique Orientale allemande, on aperçoit des cocotiers, isolément
ou en groupes. Le climat de la côte leur convient parfaitement et
le sol, à quelques exceptions près, également. Le cocotier exige
beaucoup de soleil et de clarté et un emplacement près de la mer.
Il se contente de 1,200 millimètres de pluie par an. Il croît par-
tout^ sauf dans les terrains rocailleux ou marécageux à eau sta-
gnante. Il préfère les terres contenant un peu d'alcali comme les
sables de la mer. On n'a malheureusement pas tenu compte de ces
faits et c'est ce qui explique l'échec de plusieurs entreprises de
plantation de cocotiers.
Il existe dans la colonie plusieurs grandes plantations de coco-
tiers dont l'étendue atteint jusqu'à 1,500 et 1,600 hectares et qui
contiennent jusqu'à 200,000 cocotiers. En dehors des plantations
récentes, on peut citer celle du sultan de Zanzibar, celle de la mis-
sion catholique de Bâgamoyo, celles des îles Mafia et Koma, qui,
toutes, démontrent que le sol se prête à cette culture. Des milliers
d'hectares encore vacants pourraient y être consacrés.
Piantatlons de ramie. — L'Afrique Orientale allemande con-
Le consul croit que le développement de Tien-Tsin ne fera que
grandir. Cette ville vient immédiatement après Shanghaï. Il y existe
actuellement quatre banques étrangères, quatre-vingt et une maisons
de commerce et 1,400 résidents étrangers. Le prix du terrain a forte-
ment augmenté depuis douze ans. Dans certains cas, le prix de l'acre a
monté de 3,000 taëls à 45,000 taëls. On y a établi une canalisation
d'eau et de gaz. D'importantes habitations se construisent à Tien-Tsin
et une nouvelle ville se bâtit, le long de la cote, à 160 milles de dis-
tance. Les importations ont été, l'année dernière, de 5,891,968 liv. st.,
et les exportations de 3,854,884 liv. st.
Birmanie. — La Birmanie a été dotée par la nature de tous les
dons. Son climat ne pourrait être meilleur et son sol est d'une iné-
puisable fertilité. Au commencement du XX® siècle, elle promet d être,
pour l'ancien monde, ce que la Sicile a été autrefois pour l'Italie.
Maintes fois, ce pays a sauvé l'Inde de la famine. Chaque année, on en
exporte au moins 8,500,000 tonnes de riz, valant 11,000,000 de liv. st.
Les forêts, qui sont en grande partie inexploitées, représentent une
valeur colossale. Le commerce des poissons rapporte plusieurs mil-
lions par an. On ne remarque pas dans ce pays, comme dans tant
d'autres de même nature, l'extrême richesse alliée à l'extrême misère.
Il n'y est pas fait abus de la richesse; on l'emploie, au contraire, à
des buts religieux ou éducatifs. Le plus grand titre d'honneur
qu'on puisse donner à quelqu'un, est celui de « Fondateur de
temple ».
Le commerce est aussi développé que celui de l'Europe. Les étoffes
de soie et de laine, les sculptures sur bois et les objets en métal de la
Birmanie jouissent partout d'une grande réputation. L'architecture
est, sous bien des rapports, quelque peu bizarre et trahit évidenunent
l'influence hindoue. On peut qualifier sans exagération, les temples
de la Birmanie, de merveilles. À Pagan, une des anciennes capitales,
les ruines couvrent des milliers d'acres. Rien ne tenait plus à cœur
aux anciens rois que l'édification de temples. On dit même qu'une
dynastie lui doit sa chute : elle avait ruiné le pays par ses construc-
tions.
L'histoire politique de la Birmanie peut être exposée en peu de
mots. Des nomades, venus du Nord, s'établirent d'abord dans le pays.
Puis, vers le X® siècle, un peuple d'origine annamite en fit la conquête.
La Birmanie fut alors, pendant sept siècles, le théâtre de luttes intes-
tines. Au milieu du XVIII® siècle, les Birmans se soulevèrent sous la
conduite de Alaung-Paga, surnommé le Sauveur. Us s'affranchirent
Le mode de lenure qui paraît le plus favorable — il a donné d'ex-
cellents résultats au Tonkin — est le métayage. Jusqu'à présent, les
colons s'en sont assez bien trouvés et il ne semble pas qu*ils aient
l'intention de l'abandonner. Généralisé au Tonkin et très commun en
Annam, ce régime n'existe en Cochinchine qu'à l'état d'exception.
Les plantations européennes y sont huit fois sur dix soumises à l'ex-
ploitation directe. L'Annamite de la Cochinchine se fixe bien sur une
concession, accepte volontiers du riz, des outils de labour et des
buffles. Mais dès que le planteur prétend rentrer dans ses débours, en
prélevant sur la récolte ultérieure une part déterminée, l'indigène fait
des difficultés et déserte le plus souvent la concession. Malgré ces
inconvénients et la versatilité d'esprit de l'Annamite cochinchinois,
certains colons sont entrés dans cette voie.
Le riz est naturellement la base de l'exploitation agricole des plan-
teurs. Il occupe les cinq sixièmes des surfaces cultivées. Cette culture
assure à celui qui s'y adonne des résultats presque certains. Elle lui
permet, d'autre part, de se livrer à des cultures de denrées coloniales
plus rémunératrices, sans doute, mais aussi plus hasardeuses. Les
cultures autres que le riz comprennent 4 à 5,000 hectares. Citons, en
première ligne, le café, qui s'étend sur une superficie de 681 hec-
tares, dont 171 en Cochinchine, 50 au Cambodge, 266 en Annam et
194 au Tonkin. On compte dans ce dernier pays, 18 plantations de
café au-dessus de 20 hectares. Les principaux centres dans lesquels
sont ces plantations, sont les provinces de Hung-Hou, de Ha-Nam, de
Nin-Binh et de Hoa-Linh.
Certains planteurs se sont livrés à cette culture sur une grande
échelle. L'un d'eux possède jusqu'à 200 hectares de café. Malgré tout,
les résultats de cette culture n'ont rien de définitif. On en est encore
à se demander ce qu'elle est susceptible de donner. Il en est pas de
même pour le thé, dont l'aire de culture est bien inférieure (185 hect.),
mais qui a permis en Annam, surtout à quelques colons, de réaliser
d'importants bénéfices. Ils achètent des thés indigènes, qu'ils manu-
facturent dans des usines spéciales et les expédient en Europe. La
Cochinchine et le Cambodge sont, par excellence, des pays produc-
teurs de poivre, et le nombre de pieds plantés s'accroit tous les jours.
Les poivrières appartenant aux colons occupent 213 hectares, dont
175 en Cochinchine. Elles sont toutes en plein rapport, mais la plus
belle est sans contredit celle de Hong-Chong, sur le golfe de Siam,
dans la province de Ha-Tien, qui comprend 38 hectares.
Si Ton compare les planteurs en les cataloguant par profession, on
observe que le pourcentage des fonctionnaires est supérieur à tous
unilUiMuiJJc
les autres. L'apport qu'ils ont fourni à la colonisation,
surtout, est considérable. Par contre, le colon plantei
Tonkin et en Ânnam, pays de grandes concessions et d'
colonisateur que la Cochinchine. De tous les planteu
entrepreneurs qui semblent montrer le plus d'initiat
missionnaires, ils possèdent d'innombrables plantati<
connaît, sauf en Cochinchine et au Cambodge, ni
l'étendue.
Les causes d'insuccès les plus fréquentes sont le dé
pour les cultures locales, le manque de capitaux, l'î
main-d'œuvre et l'absentéisme. Il est singulièrement i
mencer par une autre culture que le riz. C'est par exe
ture de soutien. Le manque de capital est une cause i
succès. On ne saurait trop répéter qu'en tenant con
inévitables, des difficultés provenant du climat, de Tii
la plupart des colons, des défrichements souvent née
lenteur de rapport de certaines cultures, il est imprude
à faire de la colonisation en Indo-Chine à moins d'un
mum de 40 à 80,000 francs.
La question de la main-d'œuvre préoccupe à la fois T;
et le colon, car s'il y a pléthore dans certaines régions -
dans l'Annam — la population est clairsemée dans les
de l'Indo-Chine. L'immigration des pays surpeuplés v(
sont à peine, n'a été jusqu'à présent qu'imperceptible
l'Annamite, très sédentaire, très attaché à la vie de '
déplace que sous le coup d'une nécessité absolue. L'î
émue des plaintes des colons, s'occupe en ce morne
mouvement d'émigi*ation chinoise à Hai-Nan, où fond
agence allemande.
L'absentéisme est la dernière cause d'insuccès, im
rare. La présence du colon dans son exploitation est ; i
sable que celle du chef d'industrie dans son usine
n'avoir pas tenu assez compte de ce principe, que pa
teurs ont échoué dans leurs entreprises de colonisa
rare de trouver, en effet, un indigène ou un métis asse i
et avisé pour remplacer l'Européen dans ses fonctions.
Formose. — Dans son rapport, M. Ichihara, aid( I
du gouvernement de Formose, dit que les travaux d i
de Taku à Tainan avancent rapidement ainsi que c(
Kelung. Les écoles ont formé jusqu'à présent 200 bacl
japonais. Un certain nombre en sont employés dans les bureaux du
gouvernement, mais la plupart remplissent les fonctions d'insti-
tuteurs dans les écoles primaires de Taipeh, Taichiu et Talnan.
Les rues de Taipeh sont bordées de magasins et de dépôts comme à
Tokio.
Le commerce des indigènes consiste dans la vente de marchandises
importées de Hong Kong, à des prix relativement bas.
La force des brigands diminue considérablement. Il n'y a plus de
chefs disposant de plus de 70 hommes. Des armes sont cependant
encore introduites en contrebande de la Chine. Le nombre des Japo-
nais résidant à Formose est de plus de 40,000. Le chiffre de la popu-
lation indigène inscrite est de 2,500,000 habitants. La population des
îles Pescadores est évaluée à 100,000 âmes.
OCÉANIE
Java. Combustible liquide. — Une compagnie exploitant le
pétrole à Java va mettre bientôt sur le marché un nouveau combus-
tible. Le fait a son importance en présence de la hausse du prix du
charbon. Ce combustible est le résidu résultant du raffinage du pétrole,
et l'expérience prouve qu'à bord des steamers, il est supérieur au
charbon, sous plusieurs rapports.
On prétend qu'une tonne de ce combustible a une puissance de
chauffe égale à celle de deux tonnes du meilleur charbon japonais.
On pourra aussi l'employer dans l'industrie, les entreprises de tram-
ways à vapeur, etc.
Un grand tank a été construit dans le port de Batavia. Il peut con-
tenir environ 4,000 tonnes de ce liquide, dont la source est, paraît-il,
inépuisable. Le prix en est très modéré si on le compare aux prix
actuels du charbon. Le tank est relié au port par une canalisation de
six pouces de diamètre. Les navires peuvent donc remplir leurs réser-
voirs en un très bref espace de temps. On projette de construire des
tanks du même, genre dans d'autres ports.
Bornéo. Un enterrement chez les Madangs. — M. Ch. Hose,
résident anglais du district de Baram, dans la partie anglaise de l'île
de Bornéo, décrit de la manière suivante un enterrement auquel il
«^iiitui^iULir.
assista chez les Madangs, peuplade du centre de Tile.
sistaît en une caisse de bois, creusée dans un tronc
orné de dessins circulaires noirs et rouges et une petite
était représentée à chaque extrémité. Ce cerceuil était 1
perche qui reposait sur les épaules de treize porteurs,
monde fut arrivé au lieu d'inhumation, un homme cuei
minces, de cinq pieds de long. Il en fendit un presque
mité, puis, il planta en terre la partie encore entière
former un V à travers duquel une personne pouvait pas
en deux que la partie supérieure de Tautre bâton et pas;
à travers l'ouverture, de manière à former une croix. I
lement dans le sol. Le convoi funèbre monta ensuite ve
l'enterrement devait avoir lieu et chacun des assistants
le V. Après que le cercueil eut été posé sur un échafi
orné de dessins, ce qui était la fin de la cérémonie,
retournèrent en se suivant sur les talons aussi vite qu(
repassèrent par l'ouverture du bâton, en prononçant ui
le sens était : « Protège-nous contre le malheur et la ma
tous furent passés, on lia ensemble les deux bouts du bâ
mots furent adressés au bâton en forme de croix qu'i
mur de séparation entre les vivants et les morts. Tous 1
se baignèrent alors en se frottant avec du gravier. M
voir une réminiscence de l'idée mosaïque de l'impur
Pour les Madangs, c'est une grande satisfaction que
tenir les esprits des morts loin d'eux. Ils pensent que W
çoit de la mort du corps que quelque temps après qu<
transporté au lieu d'inhumation et qu'il ait eu le temps
les armes que l'on enterre avec le cadavre. Jusqu'à (
ferment le lieu dlnhumation en liant le bâton fendi
craignent donc le retour des esprits des morts.
Nouvelle-Guinée anglaise. — La Nouvelle-G
.semble se prêter avantageusement à la culture des ara
cimens de la première plantation qu'on y a fondée, \
leures arachides produites dans d'autres régions. Le
râbles à cette culture sont susceptibles de rapport
évaluations, au moins 4 tonnes d'arachides par acre, ei
ditions spéciales, ils pourraient donner deux récoll
terres peuvent s'obtenir du gouvernement à raison (
Vacre, en pleine propriété. On n'a fait usage, jusqu'à
main-d'œuvre indigène ; son coût est de 3 liv. st. par
nourriture et d*habillcmcnt des indigènes ne sont qu'une bagatelle.
Les vêtements consistent en une simple bande de calicot, tournée
autour des reins et la nourriture se trouve dans le pays. En général ,
pour la valeur d'une livre de tabac ordinaire, on peut nourrir
50 hommes pendant un mois. Le planteur doit posséder une embar-
cation de 8 à 10 tonnes pour aller acheter la nourriture dans les
différentes iles.
Iles Samoa. Commerce en 1899. — Malgré les troubles intérieurs
qui ont agité les îles de Samoa pendant plusieurs mois, l'année der-
nière, l'exercice 1899 marque un progrès considérable tant en impor-
tations qu'en exportations. Le chiffre obtenu est même le plus élevé
qui ait été atteint depuis 1892, année où les statistiques officielles ont
été fondées. Ce résultat est dû à l'excellente récolte de copra. Le
chiffre des importations a été de 2,141,004 marcs 'et celui des expor-
tations de 1,488,960 marcs.
Les objets d'habillement et les denrées alimentaires continuent à
être les principaux articles d'importation. Les indigènes apprécient
beaucoup les viandes salées et conservées. Ils les consomment à l'occa-
sion de leurs festivités. En temps ordinaire, ils se nourrissent de pro-
duits du pays.
Les Samoyens se trouvent en contact avec les Européens depuis
soixante-dix ans. Ils se sont, pendant cet espace de temps, assimilé un
grand nombre d'habitudes européennes. Le soir, par exemple, on voit
brûler des lampes à huile dans toutes les habitations indigènes. La
machine à coudre est maniée avec beaucoup de dextérité par les
femmes du pays. La demande d'ombrelles est toujours forte, car on
les considère comme un signe de distinction.
On peut affirmer que les importations augmenteront chaque
année. Le rétablissement de l'ordre permettra aux indigènes de
s'adonner à la culture du sol et d'augmenter, par suite, leur puis-
sance d'achat.
La plus grande partie du copra exporté, est préparée par les indi-
gènes. Ils le font d'une façon très primitive, en faisant sécher les
noyaux de la noix de coco au soleil. Une société allemande s'applique
à cette industrie avec de grands soins. Ses produits sont beaucoup
plus recherchés. Les indigènes cueillent trop souvent, dans leur hâte
de réaliser un profit, les fruits avant d'être mûrs. Cette société ne
recueille les fruits que lorsqu'ils sont tombés à terre. Elle fait aussi
sécher les noix dans des appareils à chauffage spéciaux, donnant une
chaleur plus uniforme que celle du soleil.
BIBLIOGRAPHIE
Der Tabak, Studieti nber seine Kultur und Biologie, par C.-J. Koning. — Un vol.
in-4* de 87 pages. Amsterdam, J. H. et G. Van Heteren, et Leipzig, Wllhelm Engel-
mann, 1900.
Le travail de M. Koning est une étude botanique et chimique très
approfondie, entreprise à l'instigation de M. le professeur Forster, à
qui l'auteur a dédié son ouvrage. Le point principal des recherches de
M. Koning était de s'assurer si les bactéries jouent un rôle dans la
fermentation du tabac. Ces recherches se sont étendues à un grand
nombre de questions intéressant la physiologie et la culture de la
plante, et même à l'étude des maladies parasitaires qui l'attaquent.
L'ensemble constitue une véritable monographie du tabac. Bien que
les expériences qui s'y trouvent relatées, faites en Hollande, aient
porté principalement sur des tabacs du pays, leurs conclusions n'en
sont pas moins applicables aux plantations. exploitées dans des con-
trées exotiques.
L'auteur consacre plusieurs chapitres, que nous ne pouvons résu-
mer ici, à la classification commerciale des tabacs, aux engrais chi-
miques, aux procédés de culture, à l'anatomie et à la physiologie de
la plante. Ce dernier chapitre contient une remarquable description
des tissus de la feuille du tabac. Suit une longue étude physique et
chimique des conditions de la fermentation; l'auteur y relate les
importantes expériences auxquelles il s'est livré dans les magasins de
tabacs de MM. Herschel à Amersfoort et de Hartog à Wageningen. De
l'examen bactériologique résulte l'existence, dans la fermentation, de
plusieurs bacilles; l'auteur les a étudiés soigneusement et a fait entre
autres cette constatation intéressante que la présence du Bacillus tabaci
a pour effet de développer un arôme agréable.
La dernière partie de l'ouvraj^e est consacrée aux maladies parasi-
LE PEUPLE CHLNOIS 575
OU baroques. Il faut se demander quelle est Tidée qui se cache
derrières ces apparences, quel est le mobile qui fait agir ce peuple
d'une manière déterminée, et quelle est la relation à laquelle cor-
respond une manifestation donnée. On ne violente pas impunément
une conduite basée sur une tradition immémoriale, et Ton ne peut
agir avec assez de précaution quand on veut modifier un ordre de
choses qu'une longue série de siècles a consacré. Il faut tenir
compte, quand on veut juger la Chine, de la mentalité spéciale de
son peuple, résultat de l'énorme accumulation d'idées, de pré-
jugés, de coutumes et de superstitions qui se sont entassées au
cours de l'étonnante durée de cet empire, et dont aucune force
extérieure n'est venue troubler la cohésion.
Un auteur réputé ajuste titre, M. Colquhoun, a étudié le difficile
et complexe problème de la psychologie chinoise dans son livre :
China in transformation. La longue expérience qu'il a acquise
dans les différentes fonctions qu'il a exercées en Orient avant de
se rendre en Chine, l'avait admirablement préparé à pénétrer l'esprit
des Chinois. 11 a su découvrir ce qu'il y avait de logique et de
sensé dans bien des manières d'agir des Chinois, qui, au premier
abord, paraissent contradictoires et inconciliables. Il a également
déterminé avec grande justesse, semble-t-il, les caractères spé-
ciaux qui distinguent la civilisation chinoise de celles de l'Occi-
dent, et qui lui donnent son originalité.
Deux grands faits, au dire de M. Colquhoun, différencient le
peuple chinois de tous ceux que nous voyons autour de nous ou que
nous connaissons par l'histoire : sa masse et sa durée sans précé-
dent. Ces deux faits expliquent bien des choses qui, à première vue,
apparaissent à l'étranger comme des paradoxes. L'histoire ne nous
offre aucun autre exemple d'une telle accumulation d'expériences,
de coutumes, de cérémonies et de superstitions. Les premières
nations contemporaines de la Chine sont toutes tombées en pous-
sière depuis longtemps; plus d'une, plusieurs fois même; et la
chaîne de leurs traditions a'^été rompue. Ou peut, toutefois, se
demander si, au lieu d'avoir à reconstituer péniblement l'histoire
de ces nations d'après des inscriptions tumulaires, ou leur religion
d'après des bribes de mythologie, nous trouvions encore debout
les anciens Egyptiens et les anciens Grecs, nous ne constaterions
pas chez eux les mêmes superstitions confuses et contradictoires
jeunes Isonandra de Singapore en 1847. La moitié en vivait
encore deux ans plus lard. En 1883, deux d'entre ces derniers don-
nèrent des fruits et des graines en abondance et, en février de
l'année suivante, on planta dans le Cultmu'tuin de Tjikeumeuh,
150 plantes provenant de ces graines.
En 485G, le jardin de Buitenzorg reçut aussi 2,000 jeunes spéci-
mens de Niato balam tembaga, de la côte occidentale de Bornéo
que le directeur M. J. E. Teijsman, répartit en trois endroits dif-
férents de nie de Java. De deux de ceux-ci, ils disparurent mais
quatre-vingts de ceux qui furent envoyés à Purwokarta vinrent à
maturité. Bien qu'ils ne fussent pas d'une vigueur exceptionnelle,
ils ont cependant produit régulièrement depuis 1883, des graines
qui se sont montrées excellentes pour la propagation.
En 188i, différentes sortes de Palaquium et des Payena ont été
plantés à Tjikeumeuh. Au nombre se trouvait le Pal. Oblongifolium
apporté à Padang par le D*^ Burck. Les autres spécimens compre-
naient du Pal, Gulta^ Pal. Treubri, Pal. Borneense et des Payena
Lerii.
En 1885, un vaste jardin d'essais a été créé par le gouvernement
hollandais à Tjipetir dans la régence de Preanger, à l'altitude de
1,300 pieds. On y mit les mêmes plantes qu'à Tjikeumeuh. En
1895, c'est-à-dire, onze années après avoir été plantés, les arbres
ont fourni des fruits en abondance. La plantation a depuis été
étendue.
Propagation des arbres à gutta-percha.
On a dit fréquemment que les arbres à gutta-percha ne pouvaient
pas être propagés au moyen de graines. On peut cependant affir-
mer le contraire sur l'autorité du D*^ Treub. Toutefois, les
graines ne conservent pas longtemps leur pouvoir de germination.
Une méthode plus sûre est celle du marcotage qui consiste à
enterrer une branche de l'arbre dans la terre; on l'y laisse prendre
racine; après quoi, on la sépare de la plante mère.
D'après les renseignements obtenus d'un vieux Chinois par le
D' Obach, on peut aussi se servir de boutures prises sur un vieil
LE PEUPLE CULNOIS 577
parable agent poar extraire des déchets de l'industrie hamaine, le
dernier profit qu'ils contiennent. II ne demande aucun confort;
encore moins, aucun luxe. Mais bien qu'il sache se tirer d'affaire
avec une maigre pitance, il ne se laisse pourtant manquer de rien
quand il peut s'offirir une nourriture fortifiante et choisie.
Le sentiment, tel que nous le concevons, n'est pas compris par
le Chinois. Sa vie est établie sur une base commerciale. Gela est si
vrai que quand les salaires sont très bas, il lui arrive de faire la
balance entre le travail et la nourriture, et de conclure que puisque
une dépense de force déterminée exige une telle quantité de nour-
riture, le feu n'en vaut pas la chandelle. Il travaille un nombre
d'heures ridiculement long pour un profit extrêmement modéré. Le
tintement du marteau de l'artisan et le bourdonnement d&s navettes
s entendent dans les rues à toutes les heures de la nuit, et Taube
trouve déjà l'ouvrier au travail. L'endurance du Chinois apparaît
clairement aux étrangers dans des besognes comme celles de
domestique et de garde-malade. Il excelle dans ce genre d'occu-
pation. Peu importe l'heure [à laquelle les maîtres rentrent, les
domestiques sont toujours debout, et, le matin, ils répondent au
premier appel, comme s'ils avaient eu douze heures de repos
ininterrompu. Comme garde-malades, les Chinois sont tranquilles^
précautionneux et infatigables. Point n'est besoin avec eux de
régler un roulement entre les gardes de nuit et de jour. Les bribes
de sommeil qu'ils peuvent saisir à l'un ou à Tautre moment perdu,
leur suffisent.
La robuste musculature des Chinois s'allie à une grande finesse.
Leurs mains et leurs pieds sont bien faits et leurs doigts ont uae
subtilité et une délicatesse remarquables. Leur habileté dans les
travaux les plus ténus, tels que la sculpture fouillée du bois ou de
l'ivoire, la peinture en miniature et la fine broderie est bien con-
nue. Aussi, quand les industries manufacturières d'Europe seront
introduites en Chine, ne rencontrera-t-on aucune difficulté pour
trouver la main d'œuvre nécessaire aux productions les plus déli-
cates. De nombreuses expériences ont démontré l'aptitude des
artisans et des mécaniciens chinois à se servir des machines. Ce
n'est pas seulement à l'atelier et sur les chantiers que l'habileté
des Chinois a été éprouvée et appréciée, mais aussi dans les
emplois qui entraînent des responsabilités, comme ceux de machi*
le sol et tournissent un produit dont il est laeile de tirer prolit.
Comme les arbres à gutla-percha commencent à fleurir en grand
nombre à Tjipetir, on pense que dans les années qui vont suivre,
ils procureront des quantités considérables de graines. En ce qui
concerne le Payenna Leerii, le gutla-percha qu'il produit n'est pas
d'aussi bonne qualité que celui des genres Palaquium; par contre,
cet arbre convient admirablement au boisement. Il supporte un
ombrage épais et forme très vite des plantations serrées et cou-
vrant entièrement le sol. Plantés de 10 à 42 mètres de distance,
ces arbres constituent, après onze à douze années, une foret sombre
et épaisse, dépourvue pour ainsi dire de taillis et dont les branches
descendent jusqu'au sol. Même l'ombrage des larges couronnes du
Manihot Glazovii ne nuit pas aux arbres.
Les difficultés principales de la culture se trouvent dans les frais
relativement élevés de l'entretien . Elle n'est déjà pas bon marché
à cause de la difficulté que l'on rencontre à se procurer des grai-
nes, mais ensuite, les couches exigent un arrosage abondant et les
jeunes plantations réclament beaucoup de soins. Pendant quatre
années au moins (parfois six) le sol doit être sarclé convenable-
ment et, pendant les quatre années suivantes, il doit être bien
entretenu. Planter d'une façon trop compacte pour éclaircir dans
la suite, exige trop de ces graines coûteuses; il vaut mieux planter
entre les arbres, pour les abattre plus tard, d'autres essences
forestières moins chères ou des plantes à caoutchouc, ou mieux
encore peut-être, assurer la propreté du sol au moyen d'une culture
intercalaire peu coûteuse.
Récolte de la gutta-percha.
Comme il a été dit plus haut, le latex est contenu dans des
vaisseaux isolés qui se trouvent principalement dans les parties
inférieures de l'écorce, mais qu'on rencontre aussi dans les feuilles.
La figure 7 montre une section d'une petite branche a et une
feuille fc et c du Palaquium gutta. On remarquera les nombreuses
cellules du latex L dans les deux premières couches de
l'écorce PB et SB de la branche, aussi bien que dans la moelle P.
Les sections de feuille montrent, dans un cas, fc, la terminaison de
LK l'KUPLh CHINOIS 579
Certains traits du caractère des Chinois les empêchent d'obtenir,
dans la voie du progrès, les mêmes succès que les nations chré-
tiennes^ II suiBra d'en citer quelques-uns. L'un d'eux est univer-
sellement connu : c'est l'indifférence pour la vérité. Le mensonge
n'est pas honteux à leurs yeux. Il est seulement honteux de ne pas
savoir sauver les apparences. Combinez les deux idées et il en
résulte une défiance générale. Or, celle-ci est des plus nuisible à
la coopération, sans laquelle il n'est pas possible de produire
économiquement même une simple épingle.
Intimement unie au mensonge, on rencontre l'absence de scru-
pules dans les affaires d'argent. Prendre à l'un pour donner à
l'autre, faire un trou pour en boucher un autre, sont des procédés
naturels aux Chinois, depuis l'Empereur jusqu'au dernier degré
de l'échelle sociale. Les malversations fleurissent dans tous les
rangs de l'administration. Elles sont tolérées comme une simple
peccadille dans un pays où la moindre infraction à l'étiquette
filiale est punissable comme un crime. Avec un code de morale
financière pareil, il n'est pas possible de fonder des sociétés par
actions, car personne n'aurait confiance dans l'honnêteté des
administrateurs. Il eh existe cependant quelques-unes à Hong-
Kong. Les mines ne rapportent rien à leurs propriétaires parce
que les ouvriers pillent la production; il en est de même des
fabriques de coton où les ouvriers emportent la matière brute,
c:ichée dans leurs vêtements. Les principales compagnies chi-
noises sont des machines qui servent à l'appropriation en grand
des fonds d'autrui, surtout quand un fonctionnaire y a la main. 11
n'est donc pas nécessaire de (chercher plus loin pour comprendre
le manque d'esprit d'entreprise des Chinois ou pourquoi ils
aiment mieux placer leurs fonds à faible intérêt dans des banques
étrangères que de le confier à leurs propres compatriotes, même
aux conditions les plus tentantes. Cette préférence pour la sécurité
qu'offrent les étrangers, est, d'après M. Colquhoun, le principal
levier par lequel on pourra développer les ressources commer-
ciales, industrielles et financières de la Chine. C'est par la probité
que nous pourrons lutter contre les Chinois. Cela résulte d'une
observation purement empirique : la probité des banquiers et des
marchands chinois est proverbiale et elle est, sans nul doute, la
cause de leur prospérité.
580 ÉTUDES COLONIALES
Il est difficile d'expliquer, en l'absence de toute séparation de
castes, des phénomènes aussi contradictoires qu'une fidélité excep-
tionnelle, dans certains cas; et une fraude systématique dans
d'autres. 11 semble évident qu'une cause générale doive ici faire
sentir ses effets. On peut la trouver peut-être dans le fait que
cliaque profession exige un entraînement spécial d'où résulte une
sélection parmi ceux qui se proposent de la suivre. Chaque profes-
sion a son propre code d'honneur et chaque société, sa propre loi
de conservation Le commerce ne peut vivre sans confiance et
l'expérience continue de plusieurs siècles a gravé cette loi dans
l'esprit de ceux qui s'y engagent. La sélection tend constamment à
l'expulsion des individus qui n'obéissent pas à cette loi nécessaiit).
L'hérédité ajoute son aide puissante pour maintenir la pureté de la
corporation. Des traditions transmises de père en fils, pas tant
sous forme de maximes que sous celle de la pratique journalière,
s'impriment profondément dans le caractère, et les enfants suivent
naturellement la voie de leur père et de leur famille au milieu
de laquelle ils ont grandi. Il leur serait même difficile de faire
autrement.
Le code d'honneur différent qui prédomine dans les cercles
officiels, peut également s'expliquer par les nécessités de Texis-
tence- Aucun fonctionnaire chinois ne peut vivre de son traite-
ment. Que lui reste-t-il donc à faire? Une tradition immémoriale
lui montre la voie. Or, la corruption qu elle indique, n'affecte pas
seulement les services publics mais elle atteint aussi le caractère
dû l'individu qui s'en rend coupable. La malversation une fois
admise, il n'est plus possible d'en indiquer les limites. La néces-
sité dégénère bientôt en rapacité et celle-ci ne fait que grandir.
Quelques fonctionnaires résistent cependant à la tentation géné-
rale. On les regarde comme une sorte de monstruosité de vertu,
comme un genre d'éléphants blancs, qui, à ce titre, ont droit à
une indulgence illimitée. Ces fonctionnaires-là doivent être riches
ou avoir des amis riches, ou s'en remettre à quelque habile homme
d'affaires qui agit derrière leur dos.
Le danger des nouvelles entreprises, c'est d*ètre en dehors de
la tradition et, par suite, en dehors de la protection du code profes-
sionnel qui est si efficace dans sa propre sphère. Si un personnage
officiel a un intérêt dans l'affaire, sa seule préoccupation sera de
LE PEUPLE CHINOIS 581
s'en faire une vache à lait. Toutes ses liabitudes intellectuelles pro-
testeraient contre Fidée d'avoir le moindre égard pour les droits
des actionnaires.
La morale commerciale des Chinois apparaît sous son jour le
plus défavorable quand elle se trouve en contact avec le droit occi-
dental. Ainsi, leur attilude est peu édifiante quand il est fait appel à
eux pour un nouveau versement sur les actions qu'ils ont souscrites
dans des sociétés étrangères. C'est là un des cas où la tradition est
en défaut de leur montrer la voie à suivre. Toute l'affaire est du
reste étrangère à leurs coutumes. Ils ne comprennent rien aux
formes juridiques européennes et ils ne se font pas le moindre
scrupule d'en éluder les termes quand ils peuvent. Entre eux, la
rectitude de la conduite est garantie et assurée par la coutume et
la force de celle-ci est plus grande que celle d'un décret de loi ou
de justice. Un contrat commercial, par exemple, rédigé et signé,
n'a qu'une valeur très secondaire; mais si le prix du marché a été
versé, il est inattaquable. La remise du prix sans l'écrit a plus
d'efficacité que celle de l'écrit sans le prix. On ne peut donc pas
espérer qu'un peuple qui se meut dans une telle atmosphère de
traditions et de coutumes, puisse facilement s'adapter au méca-
nisme des législations étrangères, d'autant plus que celles-ci
varient de nation à nation et qu'elles sont susceptibles d'être modi-
fiées au cours de chaque session parlementaire.
Le respect pour la loi, tel que nous le concevons, n'est pas com-
pris par lesChinois.Le sentiment qui les pénètre n'est pas seulement
du respect pour la loi : c'est un véritable culte. Elle est pour eux
plus que la religion. Mais les lois européennes sont comme des
dieux étrangers introduits dans leur panthéon. Elles n'ont pas de
prise sur leur sens moral. Toute l'attitude du Chinois vis-à-vis de
cette législation diffère donc fondamentalement de celles des
peuples d'Occident. C'est un fait dont doivent tenir compte tous
ceux qui font des affaires avec la Chine. Le Chinois s'entoure de
garanties tout autres dans ses transactions commerciales que les
Anglais, par exemple, qui ont toujours un avocat à côté d'eux pour
les guider ou les éclairer sur la portée d'une clause d'un contrat.
Le marchand ou le banquier chinois n'envisagent en aucune façon
la possibilité de pouvoir recourir, en cas de besoin, aux tribu-
naux. Ils agissent comme s'ils ne disposaient pas de cette ressource.
i
dérants. Aussi, pour se faire une idée de la valeur technique d'un
spécimen de gutta-percha, esl-il indispensable de déterminer les
proportions relatives de la gutta et de la résine. Outre ces deux
constituants, il faut encore tenir compte d'autres éléments, à savoir :
l'eau renfermée dans la matière, qui atteint souvent un chiffre
élevé, et les impuretés, telles que fibres de bois, écorces, sable, etc.
Ces deux derniers éléments représentent la tare ou la perte que
lait findustriel quand il procède à lepuration de la gutta-percha.
On voit donc que pour fixer la valeur commerciale d'un spéci-
men de gutta-percha, il faut déterminer au moins quatre compo-
sants : l'eau, les impuretés, la résine et la gutta. Plus grande sera
la proportion de cette dernière, meilleure sera la matière.
Il ne faut cependant pas perdre de vue non plus qu'il y a diffé-
rentes qualités de gutta. Bien que l'analyse de deux spécimens
différents puisse donner exactement le même résultat, leurs pro-
priétés physiques et mécaniques peuvent différer énormément, et,
ce qui est plus important encore, leur durabilité peut varier gran-
dement, par suite d'une différence dans leur constitution molécu-
laire. 11 est donc indispensable, après avoir déterminé les compo-
sants quantitativement, d'examiner la gutta elle-même; ce qui, il
est inutile de le dire, exige beaucoup de jugement et d'expérience.
Le tableau suivant donne les importations et la valeur de la
gutta-percha à Singfapore pendant les cinq années de la période
1892-1896 :
Bornéo .
Péninsule
malaise. . .
/ Diit. North Bornéo . .
I Drunei
J Sarawak ...
(Bornéo proprement dit .
Labuan
Archipel Sulu . . . .
; Penang
Perak
i Salangor
j Sungei Ujong . . . .
< Malacca
j Jolior
f Pahang
Tringganu
\ Kelantan
Valeur
Quantité.
Valeur.
par livre.
Cwts.
Lîv. st.
Pcnoe.
4,201
26,240
15.4
279
2,279
17.5
14,232
115,842
17.5
76,688
560.145
45.7
1,445
11,162
17.5
255
1,547
11.5
11,298
120,560
22.9
344
2,378
14.8
776
5,756
15.9
189
1,454
16.5
536
2,206
20.0
646
5,542
17.7
2,589
15,911
14.5
2,088
12,645
15 0
1,234
7,050
12.0
LA CLTTA-PERCIIA
G87
Extraction des feuilles.
La méthode actuelle qui consiste à obtenir la gutta-percha du
latex contenu dans Técorce de Tarbre, après avoir abattu celui-ci,
est naturellement des plus nuisibles. Il y a une demi-douzaine
d'années, on a proposé d'extraire la gutta-percha des petites
FiG. 8.
même les distinguer facile-
branches et des feuilles que Ion peut enlever sans faire de tort à
l'arbre. On épargnerait ainsi les arbres et, d'autre part, on ren-
drait les fraudes plus difficiles, car les feuilles de gutta-percha sont
aisément reconnaissables et on peut
ment de celles des espèces apparentées
La figure 8 montre une petite branche et plusieurs feuilles
exceptionnellement minces de Palaqiiium (Dichopsis) gutta. On
remarquera la projection caractéristique de lextrémité supérieure
des feuilles. Elles ont aussi une teinte rouge brun prononcée et un
reflet soyeux. Ces feuilles ont chacune au moins vingt-deux ner-
vures latérales qui s écartent pour la plupart, des deux côtés de la
nervure médiane, à un angle de 70 à 80 degrés environ. Si on les
compare à celles qui se trouvent reproduites à la figure 9, et
qui appartiennent à des arbres qui fournissent une qualité infé-
rieure de gutta-percha, le Dichopsis poliantha et le Dichopsis pus-
f^V^^PJl^TX /a/J iA4/A
-sff^.'-ir:
FiG. 9.
tulata, on sera frappé de la grande différence qui existe entre elles,
non seulement au point de vue de la grandeur et de la forme, mais
aussi à celui du nombre et de la proéminence des nervures laté-
rales qui ne sont que douze ou quinze de chaque côté, au lieu
de vingt-deux et^davanlage. L'angle que présente la rencontre des
nervures dans ces deux espèces de Dichopsis est aussi plus aigu ;
il est, en général, inférieur à 70 degrés.
Quand on casse ou déchire une feuille ou une tige de Palaquium
gutta, on constate la présence d'une quantité de petits fils blancs,
ressemblant à une toile d'araignée, qui s etendeiit à travers Touver-
LE PEUPLE CHINOIS 585
dans leurs sentiments patriotiques, la même indifférence. Leur
manuel de stratégie remonte à une date antérieure à Tère chré-
tienne. Leur tactique est plus primitive que celle des Zoulous. Il
n'existe pas de concentration. Chaque régiment ou bataillon com-
bat pour soi seul. Aucun d'eux ne veut en aider un autre; encore
moins une partie de l'armée veut- elle se sacrifier au succès com-
mun.
On estime généralement peu le courage du soldat chinois. Il y
a toutefois des circonstances atténuantes à sa conduite. La manière
dont les soldats sont recrutés, traités, payés et conduits, excuse
bien des choses. Quand on les envoie sans armes contre des
forces bien disciplinées et bien équipées comme celles des Japo-
nais, il ne leur reste qu'à battre en retraite. Mais quand ils sont
nourris, disciplinés et armés convenablement, comme c'était le cas
pour la marine chinoise, ils laissent peu à désirer en fait de cou-
rage. Les Chinois sont plutôt atlirés par les qualités personnelles
du chef que par une cause. Gordon aurait pu les conduire partout.
Ils auraient de même suivi le brave amiral Ting qui mourut dans
le siège de Wei-hai-Wei. 11 ne s'agit donc probablement que d'une
simple question d'organisation comme pour les Égyptiens.
On peut dire que ce n'est pas par le génie militaire, scientifique
ou politique, mais par le génie commercial que la Chine s'est dis-
tinguée dans le passé et qu'elle a le plus de chance de briller dans
l'avenir. Les Chinois sont nés marchands. Placez-les dans n'im-
porte quelle situation sociale, même la plus éloignée de l'atmo-
sphère commerciale, ils penseront encore en monnaie. Comme les
Juifs ils ont la tendance instinctive de tout évaluer en argent. Mon-
trez-leur n'importe quel objet, pour les instruire ou provoquer leur
admiration, leur première et dernière pensée est la valeur qu'il
représente. Tendez l'oreille aux conversations des bateliers, des
coolies ou des ouvriers et vous verrez qu'elles tournent toujours
autour d un même sujet : l'argent.
Ce n'est pas le gain en lui-même qui inspire cette passion du
marchandage. Comme tous les orientaux, du reste, le Chinois est
fasciné par l'amour du commerce comme par un sport. On dit que
le grand Li-Hung-Chang éprouvait un plaisir plus pur à dépouiller
un de ses employés de la moitié de sa quinzaine après avoir
bataillé avec lui toute une après-dînée, que s'il avait sauvé une des
690 ETL'DES COLONIALES
SOUS un rouleau, et puis on les agite dans leau. On dit que la
gutta se rassemble alors à la surface de Teau en une niasse albumi-
neuse et qu'il suffit de la recueillir au moyen d'un mince tamis de
cuivre. On la plonge ensuite dans l'eau chaude et on la presse
dans des formes. On prétend que ce système qui vient d'être essayé
à Singapore, a donné des résultats remarquables sous le rapport
de la qualité du produit. La fabrique était malheureusement de peu
d'importance et comme les feuilles sèches venaient de Bornéo et
Johore et occasionnaient par suite de grands frais de transport
(4.D dollars par pécul), il n'a pas été possible d'obtenir des résul-
tats financiers favorables. En 4898, une société s'est fondée à
Medam, à Sumatra, pour l'exploitation de ce procédé Elle va
construire une fabrique dans l'île de Lingga, dans l'Archipel
Riouw près de Singapore dans le but d'exploiter les arbres à ^utta-
percha qui s'y trouvent encore ainsi que les produits de la culture
forestière de différents genres de i^ilaquium, entreprise sur une
grande échelle au moyen de boutures et de pousses.
Que cette tentative soit couronnée de succès ou non, nous nous
trouvons en tout cas à un tournant de la culture de la production
de la gutta-percha qui aura aussi son importance pour d'autres
régions convenant à cet arbre, comme la Nouvelle-Guinée et
le Kamerun, à condition toutefois que l'on ne découvre pas le
moyen de la remplacer par un produit industriel ou que l'on n'ar-
rive à la fabriquer elle-même scientifiquement. Ni l'une ni l'autre
alternative ne s est encore réalisée. Malgré tous les mérites des
produits industriels qu'on a voulu substituer à la gutta-percha, la
qualité essentielle de celle-ci, le pouvoir d'isoler les courants élec-
triques, leur fait défaut ; en tous cas, ils ne la possèdent pas
unie à une durabilité suffisante; or, cette condition est indispen-
sable dans le revêtement des fils télégraphiques et surtout des
câbles.
Le produit obtenu en 1878 de la distillation d'écorces de bou-
leau et connu sous le nom de gutia française, ne remplit pas non
plus ces conditions. On ne sait pas encore si le produit découvert
récemment sous le nom de velvril et qui est un composé de
collodium, de coton et d'huile de ricin et de lin nitrifiée se
conservera.
Succédané naturel. La balat
Par contre, il existe parmi les succédanés nn
percha, les pseudo-guttas comme on les ap]
genre, qui, dans une certaine mesure, peut n
c'est la balata.
Fie. H.
La balata est le produit d'un arbre, le Mimu
naire de la Guyane, de la Jamaïque, de Tile Ti
zuéla et qui appartient, comme les arbres à guttî
des sapotacces. Cette masse possède, jusqu'à u
propriétés qui caractérisent la gutla-percha.
chaleur et peut, dans cet état, être versée dans cl
en feuilles comme la gutta-percha. Elle est auî:
conducteur de rélcctricité. On prétend (jue le p
balata équivaut à celui de la gutta-percha. Com
la balata est influencée de manières très diversi
les acides. On distingue des espèces très résistantes et d'autres
qui se détériorent très vite. Comme la balata possède beaucoup de
solidité et qu'elle ne se détend pas quand elle est soumise à une
tension, elle convient parfaitement à la fabrication de courroies de
transmission. Elle peut aussi être employée dans la plupart des cas
où l'on fait usage de gutta-percha.
La gutta contenue dans la balata est d'excellente qualité mais ce
produit renferme à côté de la gutta, une quantité équivalente de
résine, composée de deux parties d'albane et de trois parties de
fluavile. C'est à ^ce mélange qu'est attribuable le fait que, même
par les températures les plus basses, la matière ne durcit pas et
qu'elle reste toujours flexible et molle, voire même élastique.
Bien que la balata ne puisse valoir, à cause de la grande quan-
tité de résine qu'elle renferme, que comme succédané de gutta-
percha de deuxième ou troisième qualité, elle obtient cependant,
en général, des prix plus élevés que la gutta-percha.
Dans la plupart des cas où on fait usage de gutta-percha, on peut
aussi employer la balata et un grand nombre de fabricants la
considèrent comme une bonne qualité de gutta-percha. Dans les
tableaux d'importation, elle est classée, sous la rubrique gutta-
percha et après qu'elle a été mise en œuvre, son nom disparaît
entièrement.
Quelques petits envois qui parvinrent depuis 4860 en Angle-
terre de la Guyane britannique, trouvèrent rapidement des acqué-
reurs mais ce n'est que depuis 4880 que de grandes quantités ont
été exportées. Quelques années plus tard, la Guyane hollandaise
(Suriname) se mit à exporter. Quand, en 4891-1892, la production
de la Guyane anglaise diminua, Suriname prit la tête. Aujourd'hui,
il semble que le Venezuela devienne une contrée importante pour
la production de la balata. Si l'on ne tenait pas compte des places
de transbordement, on constaterait que ce pays a déjà dépassé la
Guyane britannique et que, bientôt, il se trouvera au premier
rang, dépassant même Suriname. Aux Indes Occidentales, on ne
cultive que peu de balata, et ce qui, d'après les déclarations, vient
de là, est pour la plus grande partie, originaire de la Guyane et
transbordé à l'île Trinidad. La Guyane française possède aussi
d'importantes forêts de balata; mais, par suite du peu d'esprit
d'entreprise qui règne dans cette colonie, elles restent inexploitées.
Les prix de la balala sont, en général, plus él( ;
moyens des guUa-percha de l'Asie, ce qui prouve
trouve bon emploi. Aucune surproduction n a jî \
se propose de faire des plantations de balata €
comme avantage que les arbres ne doivent pas (
qu on puisse en recueillir le suc.
Un intéressant rapport de M. Jenmau, dirccteu
nique de la Guyane britannique : Balata and BalaU
le travail le plus sûr qui ait paru sur cette questio i
quelques renseignements utiles.
Le nom vulgaire de Bullettree s'applique à i
genre Mimusops, le M. balata et le M. globosa. L .
de la première espèce qui s'étend de la Jamaïque ei
jusqu'à la Guyane. Quelques arbres de M. glo ;
de la Jamaïque, qui croissent dans le jardin botani(
britannique, paraissent être d'une autre variété q ]
pays que Ton désigne sous ces deux noms.
Le M. balata qui, pour bien le distinguer, deu
non bullettree mais arbre à balata, atteint jusqu i
hauteur et porte une large couronne. Le tronc
20 mètres de hauteur, est presque cylindrique; i
de 420 à 450 centimètres. L'écorce a une épaisî-
mètre environ et est couverte de crevasses, s'éi
même direction, à la distance de 2.5 centimèti
bois dur et solide qu'on connaît à Suriname sous l(
viande de cheval, ù cause de sa couleur, est un des
de la colonie ; il résiste aux termites et est employ
cas où l'on exige une grande solidité et une longi
exporte, chaque année, de grandes parties aux V\]
vient, entre autres, excellemment pour les bill;
chemins de fer.
L'arbre est plus répandu dans l'Est et l'Ouest di
dans le Centre. On le trouve le plus fréquemmeii
Orientale du fleuve Berbice jusqu'au Corentin,
encore plus loin vers la Guyane hollandaise où ui
ricaine a obtenu récemment l'autorisation d'exp
sur une étendue de plusieurs centaines de mille î
générale, les arbres sont plus nombreux dans
590 ÉTUDES COLONIALES
chaleur, ni la faim ni la fatigue ne peuvent les abattre. Ni le mal-
heur ni les calamités ni la maladie n'ont de prise sur eux. Il sem-
ble, comme dit un auteur, qu'ils aient pris Thabitude de regarder
les choses du bon côté.
Suivant un écrivain, « le bonheur est plus qu'ils n'espèrent: ils
se contentent d être aussi heureux que possible » et, parlant d'un
Chinois, employé à pousser une lourde brouette en voyage, souvent
pendant plusieurs mois de suite, cet auteur ajoute: :< Au cours de
ces expéditions, il était obligé de se lever tôt, de voyager tard, de
transporter de lourdes charges par dessus de roides et difficiles
montagnes, par toutes les saisons et tous les temps, de passer à
gué des rivières glacées, pieds et jambes nues, et, à la fin de la
journée, de préparer le souper et le logement de son maître. Tout
ce travail était fourni pour une rémunération des plus modiques et
sans la moindre récrimination. Et au bout de plusieurs années de
ce service, le maître put déclarer qu'il n'avait jamais vu son
domestique hors de soi !
Aussi, la conclusion de cet auteur est-elle que : « si Ton doit
ajouter foi aux enseignements de l'histoire en ce qui concerne le
triomphe des « plus aptes », un avenir splendide est réservé à la
race chinoise, »
\
Les instruments employés au travail sont uni
peret et deux ou trois calebasses pour recueillir ;
leur commence par enlever une lanière d'écurce d i
que le suc se met à couler avec rapidité, il enli
mousse et Técorce morte du côté du tronc où
Ensuite, il tranche* ou creuse avec son couperet, i
dans récorce en commençant pjir la base du trc i
un deuxième en partant du même point mais d :
Ces canaux ont ordinairement une longueur de
forment au bas du tronc, un arc aigu. Immédiate i
du point de réunion, il fait une entaille dans l'écc '
avec son couteau de manière à pouvoir y introdu i
calebasse. Souvent aussi, il glisse une feuille d
maranta dans Tentaille; la calebasse se pose alor
coule sur la feuille et ainsi dans la calebasse.
Après ces préparatifs, les canaux sont rapidemei I
le haut, en courant parallèlement à une distance d(
aussi loin que le récolteur peut atteindre, c'eî ;
environ 2'"25 du sol. Au bout de cinq ou dix min i
sont creusés et le suc coule pendant quarante ou s i
d'abord rapidement en formant une rainure, puis
lentement jusqu'à ce qu'après trente minutes, il n ;
suinter.
Les bons récolteurs coupent Fécorce avec soir
gent pas larbre. La plupart cependant blessent 1 ;
coup de couperet. Il en résulte que de nombreux
sent et meurent. Les grands arbres sont saigne:
opposés. Et quand on le fait avec soin, on pett
lopération, une année suivante, aux deux autres c!
Après avoir été employées pendant quelques )
basses sont tellement enduites de balata à l'intériei
vent, de temps en temps, être plongées dans l'eai
en enlever la balata après qu'elle s'est amollie.
Le produit des arbres varie d'après les circonst;]
dont le tronc a un diamètre de 37 à 50 centimèl
saigné jusqu'à une hauteur de 2'"2o, peut, dans des
produire 1.50 litre de latex. Un arbre pourrait
depuis qu'on commence à Texploiter jusqu'à ce qu'il meure,
jusqu'à 20 litres de suc
A Suriname, on applique actuellement un système d'entailles
obliques qui se rencontrent latéralement de manière que tout le
suc s'écoule dans une même calebasse. 4.50 litres de latex donnent
environ',500 grammes de balata séchée. Un récolteur d'habileté
moyenne peut recueillir par jour, 18 litres de suc. Ceux qui sont
très expérimentés peuvent atteindre jusqu'à 50 litres, ce qui
représente un gain de 30 marks.
Dans la Guyane française, on prétend que, par des saignées
rationnelles, on peut obtenir en été, 3 à 4 litres, et, pendant la
saison des pluies, 7 à 8 litres de suc. On compte comme minimum
de rapport, un litre par arbre.
Autrefois, on abattait les arbres pour les saigner ensuite. On
creusait dans lecorcc des canaux courant dans la même direction,
à une distance de 30 centimètres l'un de l'autre. Actuellement,
cette m^Hhode semble être abandonnée par tout le monde.
Pour sécher le latex, on le verse dans des baquets en bois peu
profonds que l'on a, au préalable, enduits de savon, d'huile ou de
graisse pour éviter que la balata n'y adhère. Ces baqu( ts sont expo-
sés le plus possible à l'air, parfois même au so'eil Quand le temps
est beau, la balata est séchée en deux ou trois jours; quand il fait
humide, l'opération dure une semaine ou encore plus. Quand le
séchage est arrivé au point que le suc d'un baquet forme une
feuille compacte, on renverse le baquet sur une latte ou une corde.
Ce qui reste d'humidité s'écoule alors rapidement des feuilles qui
se durcissent.
On trouve beaucoup de matières étrangères dans le suc La
falsification s'exerce sur une large échelle. Les agents doivent tou-
jours être sur le qui-vive pour ne pas être trompés.
Si la balata constitue un précieux succédané de la gutta-percha,
on n'a, par contre, guère rencontré de succès dans la recherche
d'autres produits naturels du même genre. L'attention a tout
d'abord été portée sur les nombreuses espèces de Palaquium,
par exemple, sur le produit du Palaquium ellepticum, appelé
Pauchontee. C'est un arbre que l'on trouve à Wynaad, à Coorg et
à Travancore dans l'Inde. Jusqu'à présent, on a trouvé le moyen
de rendre cette matière susceptible de prendre différentes formes;
seulement quand elle se refroidit, elle dévie
neuse. Elle est de peu d'utililé comme prodi
gutta-percha. Le Palaquiuîn obovatiim, de la ]
de Mergui n a pas donné de meilleurs résultais I
du Palaquiimi Krantzianum, de la Cocliinch i
Sussu, de la Nouvelle-Guinée et d'autres eno
plus heureux avec les produits de diverses
Payena, conuiie par exemple, le P. Bawun e (
Nouvelle- Guinée. On a aussi essayé diflérente '
sops, mais, à part le M. balata et aussi le gU i
que de mauvais produits, comme par exemp ,
Brésil, du Massaranduda qui possède un suc (
et du Schimperi d'Abyssinie.
On avait fondé de grandes espérances sur
Parkii, dont larbre appartient également à la i
cées. D'après les analyses de Heckel et de SchI; ;
matière ne contient pas moins de 91.5 p. c. d
de 6 p. c. d'albane et de 2,5 p. c. de fluavil .
échantillon assez vieux et qui n'étiiit plus en I
Obach n'a trouvé que 14 p. c. d'une matière ress(
et qui n'était ni dure ni résistante. Il est vrai qi i
duit une fermenlation. 11 semble, d après les c: :
été faites en petit, que ce produit ne convienne i
des câbles mais qu'il se prête fort bien à la re[
chés et à la fabrication de galvanos. Le SclUi i
graines contient aussi, à ce que l'on dit, de 0,i
matière analogue.
On a également expérimenté le suc durci de T I
arbre fruitier bien connu des tropiques de la (;
cées mais on n'a pas non plus obtenu de çésu i
conquis depuis quelques années une grande impo
rique du Nord, sous le nom de Chicle, On ob i
du tronc et des fruils par pression et fermentati i
lyse, ce produit contient 17,2 p. c. de caoutcl
véritable gutta ; ensuite, 44,8 p. c. de résine, î
4 p. c.de gomme et 8,2 p. c. de matières autres :
duit ne vaut rien pour isoler les fils télégraphiq
il est assez plastique, il est propre à la fabricatioi
peut aussi servir comme vernis imperméable dans certaines
solutions.
Oiia aussi fait des expériences sur les sucs d'autres Ibmilies et
sur la possibilité de les employer comme gutta-percha. Uji a exa-
miné, entre autre, dt:s l-^uphorbiacées, comme le £\ Kaiiimamioù
deTInde et te E. TiriicaUi d'Afrique et du Sud de TAsie, mais ces
deux plantes n'ont donné qu'un produit résineux qu'on peut
employer comme mastic. On a vante frériuemment comme pro-
duisant du caoutchouc et de la gutta, un arbuste très répandu
dans rinde et en Afrique, qui regorge de suc et qui appartient à
la famille des Asclepiadacées, la Caïotroim procera, ainsi que la
Caloiroph (jiganiea qui lui est apparentée. Or, ce suc ne peut être
employé ni dans l'un ni dans lautrc cas. Ce suc épaissi ne possède
pas d'élasticité ; d'autre part, ce produit n'est qu'un juauvais isoia-
îeur. Par contre, il est plastique et on le recommande pour rendre
les étoffes imperméables.
On dit encore qu une plante apparentée étroitement aaCa4^/î7/ofl
Timn, la plante caoutcliouquière du centre de rAmérique, fournit
une espèce de gutta-perclia. Maïs comme cet arbre est connu
depuis longtemps et que sou suc sert à ftilsilîer le caoutchouc, il
n*est pas probable qu*il ait quelque importance technique. On ne
négligerait, du reste, pas l'exploitation d'un boji gutla-percha
dans cette région.
mkm DE M. 60DDRË&U -4-
-^ DANS l
SUITE [l]
II. — Voyage entre Tooantins el
Ce voyage, le cinquième de M. Coudreau dî
n'embrasse pas un seul grand itinéraire remc
grands tributeires de l'Amazone, mais l'élude d(
nettement délimitée, en la pénétrant par une s
sances parallèles menées à peu de distance les
Cette région d'environ 300 kilomètres de 11
300 kilomètres du Nord au Sud, qui s'étend dt
Bas Xingu et du Rio Laguna au haut Curupul
proximité de la capitale, une des moins connut
Les sept mois que consacra M. Coudreau à s
permis d'en déterminer le caractère et les resso
« Toute cette région, dit-il, d'entre Tocanti
guère bonne dans son ensemble. L'hiver amène
lielles journalières, tombant pendant plusieurs
intensité telle qu'il est impossible de voir à quelc
soi. Dans cette intensité plate, chaque ruisi
rivière. L'eau monte de 2 à 3 mètres au-dess
estival et à perte de vue envahit la forêt, r
baignant les arbres à mi-tronc, sans que par
jours, une seule éminence de quelques mètret
(i; Voir Builetin, no 0, 1900.
CHRONIQUE
AFmQUE
L'Expédition Slatin pacha au Kordofan et au Darfour. —
Slatin pacha a effectué, du mois de mai au mois de septembre de cette
année, une expédition à travers le Kordofan et le Darfour pour le
compte d'un syndicat anglais. Le lY Linck, de TUniversité de léna,
raccompagnait en qualité de spécialist^î. A son retour au Caire, ce
dernier a donné quelques renseignements sur son voyage. Depuis les
guerres des Mahdistes, ces provinces sont dans un état pitoyable. Elles
ont été entièrement dévastées et sont complètement dépeuplées. A la
place de villes autrefois prospères, on n'aperçoit plus que des mon-
ceaux de ruine. El Obéid qui était, autrefois, une cité de 50 à 60 mille
habitants, n'en compte plus actuellement que o à 600. Le sol, qui est
d'une grande fécondité naturelle, n'est plus exploité. Les indigènes
n'en cultivent plus que la partie nécessaire à leur subsistance. Çà et là
seulement, on aperçoit quelques champs de millet; pour le surplus,
le pays n'est qu'une vaste steppe. Les nègres qui vivent constamment
en lutte contre les Arabes, sont exploités et pressurés par ces derniers
de toutes les manières. Les Arabes excitent, en outre, les diverses tri-
bus nègres les unes contre les autres. Les Arabes sont un grand
obstacle à la prospérité du pays et les autorités ne font rien pour y
remédier. Les fonctionnaires égyptiens et indigènes se laissent d'ail-
leurs trop facilement corrompre par eux.
Ces régions ne renferment que peu de gibier. La destruction des
éléphants se poursuit rapidement, malgré toutes les mesures que l'on
a prises. Le professeur Linck croit, du reste, que les conventions
internationales pour la protection de la faune indigène, si elles sont
efficaces vis-à-vis des chasseurs étrangers, ne pourront rien contre
les indigènes armés de Remington. On trouve énormément de caout-
chouc dans ces contrées, mais la main d'oeuvre manque pour l'exploi-
CHRONIQUE 897
ter. Le climat est très supportable. La température monte, pendant
le jour, à 42 degrés Celsius, mais la nuit elle descend, en général, à
20 degrés.
TripoU. Commerce des caravanes. — Le vice-consul d'Angle-
terre à Tripoli dit, dans son rapport, que les relations commerciales
se sont améliorées entre Tripoli et l'intérieur de l'Afrique. Les rap-
ports commerciaux ont cessé avec le Bornou et n'ont lieu que d'une
façon précaire avec le centre du Soudan ; par contre, ils se développent
vers le Wadai, où le nouveau Sultan encourage le commerce. Le
Wadai est la contrée la plus accessible des trois qui viennent d'être
citées. Les marchands qui s'y sont rendus l'été dernier, ont réalisé
des profits qui se sont montés dans certains cas, à 50 p. c. Beaucoup
d'autres commerçants se disposent également à équiper des caravanes,
La tranquilité est, du reste, entièrement rétablie dans le Wadai. Il
n'en est pas de même du Soudan, où les routes continuent à être peu
sûres, particulièrement au Sud de Ghat, où les tribus nomades atta-
quent les caravanes qui ne sont pas suffisamment protégées par dès
hommes armés. Quant au Bornou, il n'y a pas d'espoir de voir bientôt
le commerce y renaître.
Nigeria. L'organisation de la force publique. — La force
publique de la Nigeria est la plus remarquable de toutes les troupes
de l'Afrique Occidentale, tant au point de vue du nombre et de l'équi-
pement des soldats que de la proportion d'officiers anglais. Cette force
se compose de deux bataillons d'infanterie, de trois batteries d'artil-
lerie et d'une compagnie du génie, possédant une section télégra-
phique. Elle a aussi des départements de transport et des services
médicaux parfaitement organisés. Les soldats sont recrutés parmi^ les
Hausas et les Yorubas et pour une faible partie parmi les Nupés.
L'enrôlement des Yorubas est une innovation qui a donné de bons
résultats. On a toutefois eu soin de séparer les Hausas et les Yorubas,
en compagnies distinctes. Les troupes sont cantonnées àYebba, à
500 milles en amont du Niger, et à Lokoja, au confluent du Wiger et
de la Bénué. Depuis que l'Angleterre a annexé la Nigeria, on s'est
appliqué à ouvrir les territoires montagneux de l'intérieur où l'on
trouvera peut-être bientôt des emplacements plus sains que ceux clu
bord du Niger.
Les soldats, tant Hausas que Yorubas, sont des hommes splendides.
Ils apprennent facilement le maniement des armes et sont très durs à
. la fatigue. Leur point faible est le tir. La justesse de leur visée a cepen*
dant fait des progrès depuis que la troupe existe. La tentative de former
598 ÉTUDIfIS COLONIALES
une compagnie d'infanterie montée a échoué par suite de l'inaptitude
des chevaux à résister au.climat de la vallée du Niger.
Un bataillon se compose de huit compagnies, de 150 hommes cha-
cune. Il est commandé par un lieutenant-colonel, un commandant en
second, un adjudant et un quartier-maitre. Chaque compagnie a un
commandant et deux otKciers subalternes ayant au-dessous d'eux cinq
officiers non commissionnés, sans compter les gradés indigènes.
Chaque compagnie a un maxim et les hmnmes sont armés de carabines
Lee-Enfield. Les batteries d'artillerie sont armées de canons de sept
livres et de Maxim -Nordenfelt. Les officiers ne restent en Afrique que
pendant douze mois consécutifs.
Afrique allemande Sud-Occidentale. — La superficie de
l'Afrique allemande Sud-Occidentale est de 830,960 kilomètres carrés;
elle équivaut à celle de l'Algérie et de la Tunisie réunies. Le pays
manque de cours d'eau, mais on lui attribue des richesses minières
prodigieuses. Dans la partie Nord-Est, on a prospecté des gisements
d'or et des mines de cuivre.
La colonie a l'avantage d'être placée dans la zone tempérée où la
raceblanche peut vivre et prospérer. Elle a une situation géographique
analogue à celle du Queensland et des provinces brésiliennes du
Parana. Les hautes terres ont le même climat que la Rhodesia, le
Transvaal et l'Etat libre d'Orange et les parties basses sont aussi saines
que la Natal ie et Delagoa Bày.
Le littoral est couvert de dunes de sable et ne possède qu'un petit
' nombre de baies. La côte est difficilement accessible. La rade d'Angra-
Pequena qui pourrait abriter une flotte entière et Walfish-Bay, qui
possède un beau port, sont des enclaves qui appartiennent à l'Angle-
• terre. Il en est de même des nombreux îlots à guano dont quelques-uns
sont exploités par des maisons de Capetown.
Dans l'intérieur du pays, le relief s'élève assez rapidement, et on y
rencontre des massifs montagneux, dont le point culminant est à une
altitude de 2,000 mètres. Certaines régions sont très fertiles. Dans la
saison des pluies, la végétation y est luxuriante; l'herbe atteint la
' hauteur d'un homme. L'élevage du bétail est donc appelé à yprospé-
•' rer comme dans les régions voisines.
La population du Damaraland se compose, en chiflres ronds, de
• 200,000 individus de race hottentote, moins susceptibles de civilisation
que les Cafres, et d'environ 4,000 blancs. Ces derniers sont employés
-dans l'administration, la construction du chemin de fer de Schwakop-
' mund et dans les mines. Il y a aussi des colons libres.
Un autre petit affluent offre une extraordinî !
caoutchou tiers encore vierges, de cacao sylvestn
de bois précieux. « Il n'est pas possible d'ini |
district de colonisation, remarque le voyageur. »
Mais voici la bouche du Yamunda. Les terres ht
presque immédiatement couvertes d'une végéLal :
pauvre. On rencontre partout le caoutchouc et i
ils ne paraissent nulle part bien abondants. La le
plutôt basse. La terre n'est pas riche.
De temps à autre une baraque de récolteur ( i
donnée. Devant Tune d'elles, un essai de jardii
pied de piment, quelques touffes de canne à sucre
des pastèques et parfois du tabac.
La rivière devient sinueuse. Par endroit elle ( ■
toujours à courant assez fort. Tantôt sur une riv ;
autre des baraques; des baraques récemment aban<
en ruines, d'autres dont il ne reste que des vestig i
ces rives Tliomme passe sans se fixer. »
Les berges s'élèvent lentement. La forêt comm :
des essences plus riches. La flore guyanaise y pa •
ques-unes de ses espèces : le palmier coco, le bur
Voici quatorze jours que, sans un arrêt, depuis F;
canote et lève la rivière. Quelques jours de rep :
l'ascension. Des plages, des berges rocheuses, d
quelques pieds de copalin; la rivière se poursuit c <
Calme et monotone, étroite, de peu de fond, elh
forêt de médiocre venue. Les caslanhas (châtaigmi
mencent à devenir beaucoup plus nombreux. Paru
ros, on rencontre aussi quelques pieds de copalin,
Bien que la préparation de l'huile decopalinne soit {
importante de l'industrie du Para, elle est cependai
Après trois semaines de navigation la région de-
chûtes commence au Travessao da legada. Plus
ce cachoeiragrande » l'embarcation chavire et se
arrêt de quinze jours pour en construire une nom
forêt de la rive droite, les charpentiers trouvent qii
cacao de matto ou cacao sylvestre. Les castanhas ne
mais le caoutchouc n'est guère abondant. »
On est arrivé à la limile fin Yamiinda connu. Pas un blanc n'a
reraonlé plus hauL Tous ont été arrélés sans doute par les rapides
et une grande chnte de A mètres qui» pendant 6 jours, coupent la
rivière. Durant le portage le long de ces rapides, M» Coudreau
rencontre de nombreux pieds de eaontclioue.
I*uis la rivière redevient caltne et brusquement « voici, rive
gaucfiG, une chose sin«^ulière : une baraque de chasse indienne
abaïKlonnôe. Il y a donc des Indiens dans la rivière? « Et celle
cbûse rare de rimraense solitude amazonienne : des homn^cs, vient
ajoulcr un danger de plus à ceux que menacent déjà les explora-
teurs.
Le Yamnndfi se fait petit, une largeur au hasard donne 53 nièlres
seulement à un élargissement eu pays plat. Sur les rives ce sont
parfois des montagnes assez fortes pour le pa\s, 80 à 100 mèlres,
parfois dos terres noyées.
Puis un nouveau rapide: la eaehoeira daspedras solias h partir
duquel le caoutchouc devient eonj nui n. Par cndroils il est même
furtabnndaïd. C'est la gomme de qualilé moyenne fiiirr/f»^.
Les traces d'Indiens se renouvellenl, plus nombreuses, [ïlus
fraîches. En voici qui interpellent fie la rive, les voyageurs* Ce
sont des Crichanàs fin Jajiapiry, l'alllucnt de l'Amazone coulant à
130 kilomètres dans rOui?sï. (j'S hifliens sont sauvages et enicls,
Ils sont dun voisinage peu ^ùr. U* Coudj-eaii, n'ayant que quelques
fusils pour se protéger^ jugeprndcntdc battre en retraite. A loreede
rames il descend la rivière en neuf jours, chavirant deu\ fois dims
les rapides, nolaj)tau passage une ancienne [ïlautation de ntanioc,
la seule de tonle la rivière, et laliseiice absolue de toute nouvelle
trace d'habilanls.
« Depuis les ijauls tin Yanuinda, [tersonne. Entre les Indiens da
cours supérieur et lu petite la^^emla de Seraphim, à la touche du
Yamunda, pas une âme. ()ans tout le bassin du Yamunda, b popu-
lation civilisée est représentée uniquement par Seraphim Gomcs
et sa famille à Tembouchure de la rivière. »
Seraphim a une trentaine de bêtes à cornes et cinq ou six che-
vaux. Ses prairies sont petites et médiocres. Toute la ferme se
réduit aune baraque pour les habitants et un hangar pour le bétail.
L'endroit, argileux, est humide et peu salubre. Mais il est le ter-
minus du service de la chaloupe à vapeur du lac de Faro — ce
service pourrait l'hiver aller jusqu'aux chutes — et Gomes y reste
pour ne pas s'éloigner de la rivière. Dans l'intérieur, cependant,
s'étendent des terres élevées, bien plus saines et plus riches, cou-
vertes de superbes massifs de châtaigniers. Les baraqnes, les cul-
tures, les pâturages s'y trouveraient bien mieux. Mais pour s'y
établir, il faut penser, comparer les avantages de cet établissement
dans les hautes terres, aux inconvénients d'une courte roule à faire
chaque fois qu'il faudra se rendre à la rivière, en conclure le
transfert de la ferme. C'est beaucoup trop pour Tindolent habitant
des rivières de l'Etat de Para. S(»n énergie s'est émoussée dans un
milieu humide et surchaufTè, impropre à la vie animale. Il vit
comme il peut, là où le hasard l'a fait échouer.
La brève analyse que nous venons de faire de trois des voyages
de M. Coudreau, nous a permis de signaler lextrême prudence
avec laquelle doivent agir ceux qui visent à s établir dans la région
amazonienne, et les ditricullés considérables qui les y attendent.
Sans doute le caoutchouc v est abondant, mais son aire de dis-
persion est immense et, nous venons de le voir, des régions
en conliennent bien peu et même pas du tout. Sauf en quelques
points déjà exploités, ni les nombreuses rivières d'entre Tocantins
et Xingu,si bien situées cependant, ni le bas Yomunda entier ne
valent qu on s'y arrête. Seuls le Tapajoz et U haut Yamunda oflrent
de l'intérêt au point de vue de la gomme. Encore les arbres à caout-
chouc n y sont-ils nombreux que par endroits.
Les difficultés de communication dans ces deux rivières sont
loin d être négligeables : le bassin du Tapajoz n'est qu'un escalier
allant du Jatto Grosso à Ilaituba et la partie riche du Yamunda est
précisément celle qui dévale des massifs montagneux guyanais. Il
y a aussi la difficulté de délimiter exactement les vastes conces-
sions et de s'assurer de la valeur des titres de propriété. Enfin et
surtout il y a la question de la main-d'œuvre qui domine le déve-
loppement économique de TElat de Para tout entier. Il n'y a pas
d'habitants dans ces régions. Les Indiens même n'ont pu résister
au climat, leurs tribus nombreuses au moment des migrations qui
les amenèrent dans l'Amazone sont en voie de rapide disparition,
Les descendants des Portugais se maintiennent dans quelques
centres plus salubres que les autres.
La masse des blancs indigènes et des métis qui travaillent le
caoutchouc dans la forêt doit s'y recruter à grand peine, offrant un
concours incertain et cher. Nous avons vu que certains proprié-
taires indigènes parviennent à grouper autour d'eux quelques
Indiens. Cette pratique n'est guère possible pour une société euro-
péenne qui se crée. Il ne reste que la main-d'œuvre importée. La
Chine et les Antilles peuvent en fournir. Mais on sait les frais et les
aléas que pareille jnéthode comporte.
Lieutenant Goffart.
Les Parties incoQQues du fi
Quelles sont les parties du monde qui peuvent ei
sidérées comme inconnues, se demande M. H. S
des derniers numéros du (ilobus, une intéressante
graphie allemande Ce n'est pas sans raison que
dique pour le XIX® siècle, l'honneur d'être appelé co
XVI® siècles, une ère de découvertes. Les progrès
phie a faits au cours des cent années qui sont pi
sont, en effet, immenses. Et cependant, si on compjj
obtenus à ce qui reste à faire, on doit reconnaître q
cle lègue à celui qui le suit, une tâche d'invesligatio
vertes plus étendue qu'on ne le pense généralement
Ainsi, si l'on considère les régions du pôle non
nos connaissances actuelles de cette partie du mond(
limites suivantes. Dans la partie de la mer glaciale,
la terre de Wrangel, à l'est, et le nord du Spitzt
l'inconnu s'étend au-delà des voies suivies par la Jea
et par le Fram de 1894 à 1896. Dans le nord du (
renseignements se limitent, d'une façon générale, ai
éloigné atteint par Lookwood en 1882 (cap Washin
ploration de la baie de l'Indépendance (1892) par I
faut-il ajouter que la portion de la côte orientale con
cap Bismarck, découvert par Rayer, en 1870, et la
pendance, ainsi que la partie de la mer située en fs
aussi inconnues. La partie de la terre de Grinnell
vers l'ouest est à peu près identifiée. Par contre, i
de l'importance de la terre d'Ellesmere qui se trouv
terre de Grinnell, ni de la mer qui se développe au n
pel Parry. De longues étendues de côtes de la te
atlenaent également des relevés plus exacts, un peut, toute-
fois, espérer que Tannée prochaine, Tinconnu qui enveloppe le
pôle nord sera nolablement diminué, grâce aux nombreux efforts
qui se dirigent actuellement vers cette région.
Le pôle sud sera bientôt aussi l'objet de toute une série
de tcntalives d exploration. C'est autour de ce point que se
trouvent les parties inconnues du monde les plus considérables.
On en est réduit actuellement en ce qui concerne ces régions,
à de simples conjeclures. Notre connaissance de ces contrées ne
dépasse le 70^ degré de latitude qu'en six endroits : au 170^ dt?gré
de longitude Est, où James Ross découvrit, en 1840, la terre Vic-
toria et ses volcans; où Borchgrevingk détermina pendant
l'hiver 1899-1900 le pôle magnétique du Sud et parvint à atteindre
la latitude du 78* degré 50, jusqu'à présent, la plus élevée; au
160« degré longitude Ouest, où Ross rencontra probablement, en
184:2, des masses continentales; au 110* degré longitude Ouest
(Cook, 1774); au 90^ degré longitude Ouest, où le navire de lex-
péJition belge poussa jusqu'au delà du 71° degré 30 de latitude
Sud; au 3> degré longitude Ouest, où Wedell parvint, en 18:23,
un peu au-delà du 7i' degré 30 latitu le Sud, et enfin au 150* degré
longitude Ouest (Ross, 1843).
La cartographie du continent asiatique a bénéficié d'importantes
découvertes au cours du X1X° siècle. 11 reste cependant encore
de grandes et de petites éte.idues où les efforts des pioniers
trouveront un vaste champ d'activité. La Haute-Asie ouvre une
ère immense aux recherches scientifiques. Au Tliibet, il reste
beaucoup à faire encore malgré les travaux des voyageurs russes,
anglais et français. C'est le cas notamment pour la contrée qui
s'étend au nord de la route de Nain Singh en 1874-1875, au sud
du Kwenlun et à l'ouest de l'itinéraire de Rhins en 1893. Au nord
du Kwenlun et des routes suivies par Prschewalski et Hedin
s'étendent aussi jusqu'au Tarim, d'immenses déserts inconnus.
Il en est de même pour la partie du Gobi qui se développe à
TEst du Lop-Nor et qui n'a guère été parcourue jusqu'à présent.
La moitié orientale de l'Hymalaya n'est connue que d'une façon
très approximative. Les pics qui s'y trouvent et qui sont les plus
élevés de la terre ont été mesurés trigonométriquement, il est vrai,
mais ni le pied, ni le sommet de ces montagnes n'ont jamais été
CHRONIQUE 605
C'est une erreur de croire que les Touaregs dépendent entièrement
des oasis, au point de vue économique, et que c'est de là seulement
qu'ils tirent leurs subsistances. Le contraire est plutôt vrai, du moins
pour l'Est. Ce fait a une grande importance, car, s'il est établi, les
Français n'auront nullement, comme ils l'espéraient, maté les Toua-
regs en occupant les oasis.
La principale culture des oasis, depuis Foggarat-Sua jusqu'à In-
Salah, est celle des dattiers. Us sont plantés dans des jardins agréables,
ombreux et bien irrigués. Â l'ombre des palmiers, on cultive du blé,
d.e l'orge et des légumes, tels que choux, carottes et navets, dont on
fait d'excellentes conserves. On rencontre aussi quelques figuiers et
quelques vignes qui appartiennent aux familles riches. Ces dernières
sont recherchées comme arbitres et conseillères, grâce à leurs rela-
tions commerciales et à leur influence qui s'étendent fort loin. C'est
une de ces familles qui assura la sécurité de Barth quand celui-ci visita
Tombouctou.
H. Flamand a également découvert et copié dans le désert quelques
inscriptions préhistoriques gravées dans les rochers. On trouve un
grand nombre de belles inscriptions près de la source renommée de
Hassi-Mongar. Elles sont creusées dans des blocs de couleur grise,
verte, ou amarante. Le temps ne les a guère patinées. Aussi ont-elles
l'air d'être relativement récentes. Les rochers calcaires près de
Tilmas-Djelguem sont ornés de sculptures représentant de petites
figures d'animaux. L'étude de ces intéressantes découvertes permettra
probablement de faire la lumière sur l'époque préhistorique du Rad-
mait et du plateau de Mzalb.
Madagascar. Ports et phares. — Depuis roc<3upation de Mada-
gascar, par les Français, le système des phares a été complété cl
amélioré. Les vaisseaux peuvent maintenant pénétrer dans les ports,
même la nuit. Deux phares ont été érigés à Tamatave et deux autres à
Majunga. On en construit aussi un au cap Ambre, à l'ouest de l'île.
Le plan complet de l'éclairage des côtes malgaches comprend là con-
struction de grands phares à Majunga et à Nossi-bé, au cap N' Gontsy,
au cap Saint-Vincent et au cap Saint -André. Des fanaux indiqueront
l'entrée des principaux ports. En vue de réduire autant que possible le
nombre des feux, on se servira, pour indiquer les passages dangereux,
de fanaux à verres de couleurs variées au lieu de lumières conver-
gentes. Les feux blancs désigneront les endroits sûrs.
En vue d'améliorer les moyens de chargement et de déchargement
des marchandises, on a construit des quais ou des wharfs. Il en eiiste
JNiger qui se trouve au iNora-JiiSl ae la route suivie par bartn en
1853, ainsi que la région comprise entre le Niger inférieur et la
Benué inférieure. On ne sait pas grand chose non plus au sujet du
fond de lliinterland du Kamerun, d autant plus quon ne connaît
pas encore le résultat des observations allemandes faites dans
cette région. On peut dire la même chose de la partie du Congo
français située au Nord du 8* degré de latitude et setendant
jusque près du Wadaï et du Darfour. Dans l'Etal Indépendant du
Congo il reste également beaucoup à faire. On y a relevé le tracé
des grands fleuves, il est vrai, mais on n'a pas encore exploré les
territoires compris entre ces cours d eau. Ensuite, une foule de
questions se présentent encore concernant les sources du Congo,
les contrées qui touchent à l'Afrique centrale anglaise et à l'Afrique
portugaise orientale, les sources du Kagera et la région des
volcans de l'Afrique centrale; il en est de même de la partie de
l'Afrique anglaise orientale comprise entre la Tana, le lac
Rodolphe et la Djuba, ainsi que du Sud de iMadagascar. On ne
peut cependant nier que la tache blanche qui recouvrait la carte
de TAfrique est en voie de disparaître rapidement. Le zèle des
différents états colonisateurs pour faire pénétrer la lumière dans
le « continent noir » ne se relâche, du reste, pas, et c'^st ce qui
fait que nos connaissances géographiques font de si rapides
progrès dans cette partie du monde.
Il peut paraître extraordinaire, au premier moment, que TAmé-
rique du Nord ne soit pas encore connue dans tous ses détails.
C'est cependant le cas. Les résultats des explorations qui se font
en ce moment dans l'Alaska, où la lièvre de l'or attire tant de gens,
nous montrent combien peu nous connaissions cette région aupa-
ravant Les caries sont inexactes ou insu flîsan tes et les expéditions
des gouvernements américain et canadien rapportent, chaque
année, un important tribut de connaissances nouvelles. Dans le
Salvador et dans les régions comprises entre les grands cours
d'eau et les grands lacs du Nord, bien des points sont encore
obscurs.
Dans l'Amérique centrale, quelques parties du Honduras, du
Nicaragua et de Costa-Rica ne sont pas encore suffisamment
connues.
Dans l'Amérique du Sud, la situation est, pour certaines parties,
à peu près la même que pour TAfrique. Ou coi
Andes du Pérou, les hautes montagnes de la B(
lagnes du Sud du Venezuela et de la Guyane 1
des fleuves de cette partie du monde ont été rel
mlère foison à nouveau, pendant les vingt demi
un grand nombre d autres cours d'eau importante
la venue d'un explorateur, tels que l'Apopt
de Cuguan, qui débouchent dans le Yapura, e
Vichada, qui se jettent dans l'Orénoque. Il en
presque tous les affluents du Rio Branco, et des
de rUruba et du Uatunia, qui descendent du N
dans l'Amazone. La région comprise entre les
amont de Man.ios et au Nord de l'Amazonie en fac
qu'à Obidos est encore complètement inexplo
affluents méridionaux de l'Amazone ont élé visité
par des voyageurs allemands et anglais. Mais il e:?
grandes forêts vierges dont l'étendue égale celle d
personne n'a encore pénétré. D'autres queslionî
par l'exploration des forêts vierges de la Bolivie, •
Grosso, de l'Ouest du Sao Paulo, de l'Atacama
méridionale du continent y compris la J^atagonie
Terre de Feu appartenant au C.hili.
En Anstralie, la terre d'Arnhem, dans le Nord,
de nouvelles explorations et les vastes solitudes d
tralio Occidentale, ainsi que du Nord et du Su
Méridionale n'ont été traversés jusqu'à présent qt
raires fort éloignés les uns des autres.
Parmi les îles, l'immense Nouvelle Guinée e
pénibles mais utiles explorations, car elle est, ma
s*y est fait, toujours une terre inconnue.
La face de notre globe, dit M. Singer en conc
comme dans ses grandes lignes mais nous ne
actuellement la photographier avec tous ses tra
replis. Il semble même qu'il nous faudra attei
encore avant d'y arriver.
)
LES PORTS A TRAITÉ
■3- EU CMIKfE -^
^
Les négociai ions «jui seiijjageroiit bientôl entre la VMm et les
puissances cin'opéGnnos auront nultirellcmcnt pour objet fie régler
d'une manière preeise, la situai ion et les droits des èlrangers
dans TKmpire du Milieu. 11 nu manrjnora certainement pas d'inté-
rêt dallirer, dans cet ordre d'idées, rallention sur lu politique
suivie [ïar les IbncLionnaires cliinois à 1 égard des avantages que
les traités ont reconnus aux Européens dans les ports qui leur ont
été ouverts, et sur les mesures qu'il y aurait lieu de prendre pour
éviter fju'ils ne ptiîsseut eontinuer h r<?streindrc d*unc manière
détournée les di'oits qui appartiennent, d'une manière incontes-
table» aux étrangers.
Dans un article (1) destiné à faire partie du rapport snr les
travaux tic la Comnusston commerciale envoyée par rÂlicmagneen
Extrême-Orient, M. 11 Schumacîier émet à ee sujel des idées qui
nous paraissent dignes d être citées. L'auteur y lait aussi riiisto-
rique de Torigine et du développement des ports a traité qui sont,
dit- il, des porls ou les nationaux dun Etat qui a passe avec la
Cdine un traité renfermant la clause delà nation la plus favorisée,
peuvent se fixer et faire le commerce; les navires de cet Etat ont
aussi le droit de visiter ces points et d'y charger ou décharger des
marchandises; cntin, ces porls jouissent de certains avantage;» au
point de vue douanier.
X\) Die Cùineêi8chen Veriroyt/tù/tn, liitc tvirUdiafltiche Stttlung nnd liedeuiung.{iaiiv-
bitchcr fur Nntionalœkonomic und S(atistik, 1808.)
CHRONIQUE 609
chefs se considèrent comme les préposés de Dieu et refusent de
s'incliner devant tout habitant de la terre. Elles possèdent des livres
sacrés mais ne savent pas les expliquer. Ces tribus sont à la veille de
disparaître. Il n'en reste plus que quelques familles.
L'expédition visita aussi les îles où les hirondelles construisent les
nids comestibles. Cette contrée est étroitement surveillée de peur que
l'on n'y dérobe des nids. Les sentinelles ont Tordre de tirer sur tous
ceux qui s'en approchent sans motif. Les indigènes vivent dans une
nudité presque complète; ils furent extrêmement surpris d'apercevoir
des blancs.
Au cours de leur voyage, les explorateurs eurent l'occasion de se
voir servir des plats assez étranges, tels que des fourmis rouges, des
taupes, des abeilles et une sorte de sauterelles. La manière dont on
s'empare de ces dernières est curieuse. Deux ou trois indigènes se
réunissent la nuit autour d'un feu de bois très vif. L'un d'eux tient
une torche allumée, tandis que les autres battent des mains à des
intervalles réguliers. Les sauterelles, attirées par le bruit et guidées
par la clarté, s'abattent et viennent se poser sur les gens assis autour
du feu.
Un jour, les voyageurs dénichèrent une couple de jeunes léopards
dans le creux d'un arbre, au bord de la route. Mais comme il était
difficile de les nourrir, on les confia à une femme siamoise qui les
allaita. Elle prétendait, du reste, avoir déjà rendu précédemment ces
soins maternels à un jeune ours.
De Singora, l'expédition se rendit à Patani et escalada le Gunong
Besar ou Indragiri jusqu'à une hauteur de 3,000 pieds. Elle visita
ensuite Biserat, dans le Jalor. Cet endroit était très favorable aux
observations scientifiques. Malheureusement, une épidémie de variole
y éclata. Les explorateurs parcoururent les grottes de la localité, qui
renferment la superbe salle de la statue (Gua Gambar), où l'on peut
admirer une colossale image de Buddha d'environ 100 pied^ de hau-
teur. Continuant leur route, les voyageurs arrivèrent à Ligeh, d'où
ils firent l'ascension^du mont Tahan, le pic le plus élevé de la pres-
qu'île. Sa hauteur est évaluée à 10,000 pieds. Ils découvrirent aussi
une autre montagne, le pic du cercueil, dont l'élévation n'est guère
moindre.
Le gouvernement siamois a fait plus qu'on ne le pense générale-
ment pour rétablir l'ordre dansjcetle contrée. Les lois sont partout
observées et les impôts se paient régulièrement. L'esclavage existe
encore, mais sous une forme très adoucie et, chaque année, un
nombre considérable d'esclaves sont affranchis légalement. La torture
la France et ensuite les Ëlals-Unis ont fait avec la Chine des
conventions attribuant à leurs nationaux, dans les ports à traité
importants, des quartiers bien situés où seuls ils ont le droit de
s'établir et qu'ils administrent eux-mêmes. Ainsi se sont formés
bientôt les établissements étrangers. Los Anglais et les Américains
ont pu organiser ces concessions selon leurs goûis personnels.
Ils y ont introduit des services de voirie et d'hygiène, des
écoles, etc Ce que l'administration européenne autonome a pu
faire en peu de temps à Shanghaï, Tientsin. Hankou et Canton
mérite, à juste titre, d être admiré. Les concessions européennes
constituent un contraste frappant avec les villes chinoises qui se
trouvent à côté d'elles.
Cette séparation de Tadministration chinoise sest faite de
diverses façons. On peut distinguer deux sortes d'élablissements :
la concession, comme, par exemple, à Canton, où le gouverne-
ment étranger prend à bail du gouvernement chinois une étendue
délerminée du sol qu'il donne ensuite lui-même en location, et le
seulement^ comme à Shanghaï où les étrangers acquièrent eux-
mêmes et progressivement le sol des possesseurs chinois sans l'in-
tervention d'une nation étrangère. Lrs limites entre les deux
formes d'élablissements sont, du reste, difficiles à délerminer,
parce que les accords relatifs à leur fondation différent de cas à
cas.
Toujours est-il que le sol de ces établissements, et c'est ce qui
les distingue des colonies, reste la propriété de la Chine. 11 n est pas
acheté mais seulement loué à temps. Un loyer, très minime il est
vrai, est, d'ailleurs, payé. L'établissement continue à faire partie
du port à traité. Les étrangers y relèvent de leurs consuls respec-
tifs et les Chinois de leur justice nationale. Les résidents ne sont
nullement soumis à la juridiction du gouvernement qui a obtenu la
concession, comme ce serait le cas dans une colonie. La clause de
la nation la plus favorisée est également applicable aux concessions.
Les nationaux des autres pays ont donc le droit de s'y établir et d'y i
faire le commerce. Il n'y a qu'une différence en faveur de la nation
à qui appartient la concession : elle a le droit de déterminer les
conditions de vente et de location des terres qui lui ont été concé-
dées. En réalité, les non-Anglais, par exemple, n'ont jamais
éprouvé la moindre difficulté à acquérir des terrains dans une
BIBLIOGRAPHIE
La CSonqaéte de rAHriqae, par J. Darcy. Un vol. in-lS de 360 pages avec carte. —
Paris, Perrin et 0®, 1900.
L'auteur a réuni en un volume une série d'articles publiés dans le
Correspondant. II s'occupe peu, dans ces études, de l'expansion
coloniale de son propre pays, mais il traite en détail de la politique
coloniale de ses rivaux anglais et surtout allemands. C'est principale-
mant aux progrès de l'Allemagne qu'il accorde une attention presque
admirative.
Plusieurs chapitres sont consacrés, d'autre part, à la situation des
colonies portugaises, ainsi qu'à l'Etat Indépendant du Congo, dont
l'auteur retrace Thistorique et décrit la situation économique et com-
merciale. Cette partie de son ouvrage est pour nous fort intéressante,
malgré quelques appréciations contestables. Le livre de M. Darcy est
dans son ensemble une importante étude de politique contemporaine.
Un Ontre-Mer aa XVII« siècle. Voyages au Canada du baron de la Hontau, publiés
avec une introduction et des "notes par M. François de Nion. — Un vol. in-i8 de
338 pages. — Paris, PJan-Nourrit et O*, 1900.
Ce volume fait revivre la figure originale d'un des anciens colonisa-
teurs français. Les vingt-cinq lettres du baron Louis-Armand de la
Hontan, écrites d'un style vif et animé avec une verve toute gasconne,
donnent un tableau pittoresque des premiers temps de la domination
française au Canada. Il est intéressant de rapprocher ces récits des
expéditions coloniales de notre temps. Les épisodes piquants n'y man*
quent pas. On constate en le lisant que ce n'est pas d'aujourd'hui que
les colonisateurs se plaignent d'être entravés par les fonctionnaires.
traité dès qu'elles auraient acquitté les droits portés au tarif
arrêté de commun accord entre l'Angleterre et la Chine. Les
étrangers avaient aussi le droit de s'établir et de commercer dans
les mêmes ports. L'isolement des étrangers n'a pas lardé à amener
les Chinois à prétendre que les droits reconnus par les traités se
restreignaient à la partie du port où les étrangers avaient fixé
leurs demeures. Us cherchaient donc à identiûer la notion de
port ù traite avec celle de concession étrangère. Ce n'est que
dans l'étendue de celte dernière que l'étranger aurait eu, d'après
eux, le droit de commercer et de se fixer!
Dans la convention de Chefoo de 1876, sir Thomas Wade avait
consenti à engager le gouvernement anglais à entrer dans les vues
des (Chinois et même à procéder ù une délimitation dans les ports
où il n'existait pas encore de concession étrangère. Heureusemenf ,
le gouvernement anglais ne ratifia pas la proposilion de sir Wade.
Au contraire, il déclara expressément que la question resterait en
suspens pour faire l'objet d'un examen ultérieur entre les deux
gouvernements. Comme aucun arrangement n'est encore intervenu,
la question peut être considérée comme étant toujours ouverte. La
solulion n'en peut, du reste, être un moment douteuse. Il est
certain que, lorsqu'on a arrêté le tarif des droits, on ne s'est
nullement borné à considérer les seuls objets dont les étrangers
pourraient avoir besoin pour leur usage pei'sonnel, mais qu'on a
eu en vue les importations de marchandises dans Tintérieur du
pays. Le tarif des droits arrêtés en commun serait d'ailleurs
complètement dépourvu de portée si, à la limite de l'étroit
territoire occupé par les étrangers et avant. même qu elles soient
entrées dans les mains des Chinois, les marchandises pouvaient
être imposées selon le bon vouloir des autorités chinoises.
Malgré cela, les Chinois ont imposé en différents endroits leur
manière de voir. A Canton, ils ont entouré la petite île de
Schamien, où se trouve rétablissement étranger, d'une barrière
douanière que les marchandises ne peuvent franchir qu'en payant
des taxes s'clevant au moins au chiffre des droits qu'elles ont déjà
acquittés. Ils ont agi d'une façon analogue à Futschou et à
Hangtschou.
L'attitude des Chinois a été la même à l'égard du droit de
résidence des étrangers dans les parties des poris à traité qui sont
ÉTUDES GOItOHiflItES
No 1) 7^ Année Septembre 1900
LI»GUfTH-PERCHH
(i)
■S-îjHÎ-
Historique
* 'année 1847 restera mémorable dans les annales de l'in-
dustrie de la gutta-percha. C'est dans le courant de
cette année que la plante dont on tire cet utile produit
fut nommée et déterminée par sir William Jackson Hooker,
directeur des jardins de Kew et que le D' Ernst Wiener von
Siemens, alors lieutenant d'artillerie en Prusse, employa la gutta-
percha pour isoler les fils télégraphiques sous-marins et inventa
une machine pour recouvrir les fils de cette matière. Cette der-
nière est encore employée de nos jours, avec de légères modifi-
cations.
Il semble que ce soit vers le milieu du XVII* siècle que le pre-
mier spécimen de gutta-percha ait été apporté en Europe par les
deux Tradescant, père et fils. Ce dernier en parle dans un livre oii
il désigne cette matière, parmi d'autres curiosités qu'il avait rap-
portées de ses voyages, de la façon suivante : « Bois malléable à
gobelets {mazer wood) qui, chauffe dans l'eau, peut prendre toutes
;l) Cet article est tiré de la savante communication sur la gutta-percha faite pur le
De Eugène Obach à la Society ofArUy de Londres, qui a paru dans le journal de cette
société, en 1808» Nous nous sommes aussi serri de rexcellent ouvrage du D' Semler,
Die tropiiche AgricuUurj pour compléter certains chapitres de notre article, notamment
ceux où il est question de la propagation de la gutta-percha, de l'extraction de ce produit
des feuilles de l'arbre à gutta-percha et du succédané naturel de la gutta-percha, la
Balata. Nous rappelons aussi que la Société d*Etude$ coloniates a déjà publié précédem-
ment un article sur la gutta-balata. (Voir Bulletin, 1805, p. 206.)
renfermer dans leurs concessions, il ne sera pas possible de
cacher aux autorités le transfert des marchandises. Si, au con-
traire, le marchand étranger pouvait se fixer au milieu de la
population chinoise et vendre lui-même en détail, la surveillance
et les poursuites deviendraient si difficiles par suite du grand
nombre d'acheteurs qu'elles seraient bientôt abandonnées parce
qu'elles seraient impraticables. D'autre part, le marchand étranger,
appuyé par son consul, pourrait tenir tête aux exigences des man-
darins, ce qu'un Chinois n'oserait naturellement pas faire. Les
consuls anglais ont différentes fois déjà conseillé à leurs nationaux
d'agir de laso^te. Le consul Brenan invite même les négociants
anglais h élablir des comptoirs de détail dans l'intérieur du pays
afin de s'ouvrir des débou^'hés plus vastes. Il serait donc haute-
ment désirable que l'on combatte énergiquement la manière étroite
dont les Chinois interprètent la portée des traités.
Un autre inconvénient de l'isolement des étrangers, c'est de
constituer un obstacle au développement économique de la Chine.
Ce pays n'entrera dans une voie nouvelle que s'il y est mené par
les étrangers. Le Chinois sait admirablement fiure le commerce
en suivant le mode traditionnel qui lui a été inculqué, mais il
manque des qualités supérieures, du coup d'œil et de Tinitintive
qui sont indispensables pour se frayer à soi-même un chemin
nouveau. Et même chez ceux qui possèdent ces capacités, elles ne
peuvent s'épanouir en présence de la corruption de l'administra-
tion chinoise. Les progrès des Chinois dépendent dont;, avant
tout, des étrangers.
Mais si les étrangers veulent voir réussir leur initiative, il faut
qu'ils apprennent à connaître la vie chinoise et à se tenir au cou-
rant des événements chino'S. Il semble malheureusement que
l'existence des étrangers, au sein de leurs concessions dont
l'agrément et le confort sont si éloignés du genre de vie et des
idées chinoises, ne peut que diminuer les occasions de se familia-
riser avec le milieu chinois. La tendance à l'isolement est, du
reste, devenue si forte, la séparation d'avec le monde chinois est
si tranchée que dans certaines villes, comme à Shanghaï, par
exemple, nombre d'étrangers n'ont jamais mis le pied dans la ville
indigène.
L'admission des Chinois dans les concessions étrangères a
LA GUTTA-PEUCIIA 618
un échantillon et lenvoya à son frère Werner, à Berlin, en le
priant de rechercher si on ne pouvait pas utiliser ce produit pour
isoler les fils télégraphiques. Cette invitation devait avoir les con-
séquences considérables que Ton connaît.
Dans le mémorandum dont le D'Montgomerie avait accompagné
l'envoi de ses spécimens et dans une lettre qu'il écrivit plus tard
au Méchantes' magazine^ il dit qu'il eut connaissance, pour la pre-
mière fois, de la gutta-percha, en 1822, quand il était médecin-
adjoint de la Présidence à Singapore. Il perdit toutefois ce produit
de vue jusqu'en 1842, époque à laquelle il aperçut dans les mains
d'un bûcheron malais, un parang (hache) dont le manche était fait
d'une substance qui lui semblait inconnue. Sa curiosité fut excitée
davantage quand il eiitendit dire que cette matière possédait la
remarquable proprit'té de s'amollir et de devenir plastique dans
l'eau bouillante. Il prit l'objet et demanda au Malais de lui fournir
de cette matière autant qu'il pourrait en trouver.
La communication du D' Montgomerie fut suivie d'un mémoire
dû à la plume du D' Thomas Oxley, où celui-ci donne une descrip-
tion générale de l'arbre à gutta-percha, de ses feuilles et de ses
fleurs — il n'en avait pas vu les fruits — et où il décrit la manière
dont on en extrait le latex. Il recommandait aussi l'emploi de cette
matière pour les usages médicaux : bandages, seringues, capsules
pour vaccin...
La Society of Arts s'est encore occupée de la question en 18o4,
quand elle promit une récompense pour la découverte d'une sub-
stance nouvelle qui pût être employée comme un succédané de la
gutta-percha. En 1863, elle offrit la médaille de la société à celui
qui découvrirait une nouvelle substance ou composition de nature
à pouvoir servir de succédané au caoutchouc ou à la gutta-percha
dans les applications de l'art et de l'industrie.
Propriétés générales et détermination botanique
de la gutta-percha.
La principale propriété delà gutta-percha et celle qui la distingue
immédiatement du caoutchouc avec lequel on la confond si sou-
vent, est, sans aucun doute, d'être susceptible de s'amollir et de
devenir malléable dans l'eau chaude, de conserver la forme qu'on
d'abord une fraclion de contribuables aisés, et ensuite, il était à
craindre que les concessions ne devinssent des lieux de refuge,
non seulement pour les criminels de droit commun, mais aussi
pour les criminels d'État et qu'elles ne constituassent des asiles
pour les réformateurs et les novateurs de toute sorte. C'est ce
sentiment qui a amené le vice-roi Tscliang-Tschi-Tung à faire
insérer dans l'acte de la concession allemande de Hankou que « les
Chinois ne seront pas admis ù s'établir dans la concession ». A
Hangtschou, l'administration chinoise s'est réservée le conlrôle
de la police chinoise et le résultat en a été que presque pas de
Chinois ne se sont établis dans la concession.
L'immigration des Cliinois dans une concession est naturelle-
ment limité par l'espace disponible. C'est surtout à Canton qu'on
observe ce fait. Cette ville fut ouverte aux étrangers après que les
Anglais l'eurent prise en 1837. Ils s établirent dans la petite île de
Shamien, qui est reliée à la ville populeuse de Canton par deux
ponts et, par suite, facile à surveiller par les douanes chinoises.
Auoun élément indigène ne vient troubler la paix de cette conces-
sion, mais par contre, elle est descendue au rang d'une succursale
de Hongkong.
L'étendue d'une concession joue donc un grand rôle dans sa
destinée. Là où il n'y a pas assez d'espace pour admettre l'élément
chinois, le contact entre les étrangers et les Chinois ne s'établit
pas suffisamment pour favoriser l'essor des affaires. Et, dans
l'avenir, l'étendue des conccsssions acquerra une plus grande
importance encore, car, à mesure que les Chinois participeront
davantage au commerce international, il faudra que l'on puisse
mettre plus de terrains à leur disposition, pour soustraire leurs
établissements et leurs demeures à l'ingérence des mandarins.
C'est à Shanghaï que l'ensemble du problème semble avoir reçu
la meilleure solution. Ici aussi la concession est devenue trop
petite. L'afflux des* Chinois et la hausse incessante des loyers ont
même obligé les étrangers à abandonner leur concession. Ils ont
émigré de leur établissement surpeuplé pour aller s'établir sur le
territoire chinois. Grâce au bon accueil que leur a fait l'administra-
tion chinoise, il n'en est pas résulté jusqu'à présent d'inconvénients.
La situation n'est toutefois pas normale. On aurait pu éviter l'incon-
cy
.^
LA GUTTA-PERCHA 617
semblent pas avoir d'utilité : ils peuvent servir à guérir les bles-
sures de la plante en les recouvrant comme d'une cire ou en ser-
vant d'antiseptique, mais leur véritable importance fonctionnelle
n'est pas encore entièrement établie.
Le suc laiteux ou latex est contenu dans des vaisseaux — dis-
posés en séries longitudinales comme les vaisseaux de tannin du
houblon et les vaisseaux mucilagineux du Tradescantia — qui se
trouvent placés principalement dans les parties intérieures de
l'écorce mais que l'on rencontre aussi dans la moelle et dans les
tissus de la feuille (dans le merenchyine), mais pas dans le bois.
Les Sapotacées ont des branches rondes; leurs feuilles sont
alternées, simples, entières et pétiolées ; elles n'ont pas de stipules.
Le feuillage de quelques-unes est remarquable pour sa beauté ;
leurs feuilles sont d'une brillante couleur vert d'émeraude à la
partie supérieure et elles ont à la partie inférieure, un beau reflet
métallique, à tonalités d'or ou de cuivre, dû à la présence d'un
duvet soyeux ou poilu. L'inflorescence est axillaire et les fleurs
hermaphrodites sont régulières et unies. Le calice est libre et
persistant, divisé en quatre segments ou sépales, qui sont parfois
disposés en série double. La corolle est monopétale et a le niême
nombre de segments ou pétales que le calice; les étamines, qui
surgissent de la corolle sont égales en nombre et opposées aux
pétales. Les anthères étant généralement tournées vers l'extérieur,
il y a un style avec un stigmate généralement lobé. Le fruit est
une pulpe charnue, contenant différentes cellules, renfermant
chacune une graine. Dans quelques espèces, il est considéré
comme comestible, comme, par exemple, dans YAchras Sapota,
dans le ChTfsophyllum Cainito et dans le Luciima mammosa. Les
graines ressemblent à des noix et sont cohérentes ; elles contien-
nent fréquemment une huile coagulée, employée au lieu de beurre
par les indigènes pour cuire leurs mets. Ce que l'on appelle
Galam butter, par exemple, provient de la Bassia hutyracea.
Les Sapotacées sont intimement apparentées à deux autres
familles, fournissant aussi d'importants produits économiques, à
savoir : les EbenacéeSj auxquels appartient l'arbre qui fournit
l'ébène {Diopyrosebenum) et les Styracées, dont quelques-unes
donnent des résines utiles, telles que la gomme-benzoine (Styrax
benzoi7i). Les trois familles forment ensemble un ordre naturel.
^ Le GI]oix des Graines de Saféiers ^
La question du clioix Jes graines est d'une importance évidente
pour les planUitionè de café. Cette question a été traitée à uji poïût
de vue piirticulièrenieiit intéressant par M, ii, Vogler te Tretes (I).
Nous croyons utile de donner une traduction rjbrégée de eetie
élude.
L auteur examine la question de la dégénérescence, signalée à
tort ou à raison, du café produit pur certaines plantations des Indes
Orientales, et les moyens d'y porter remède par nue sélecUon
judicieuse des foraines. 11 cite à ce sujet les constatatiojis laites par
la science européenne.
Voici ce i(ucdit CIl Darwin dans sou onvnigeSrir la varialum
iks animaux donwsliques ci des plantes cultivées:
K Aucun médecin Jie doute de rinlluencc salutaire qu'exerce le
changement d air sur les cojivalescents. Les paysans soJit con-
vaincus que le chaagcjuent de pj'airie lait du bien à leur bétail-
Quant aux plantes, un trouve avajit;igeux de laire venir la ^nniine
d'un autre eiKlroit que celui oU Ton veut semer- Mais la dllférence
des (jonditions d'existence entre les deux localités doit èire peHie
elpeii sensible.
ij En Europe, on admet généralement qu en prenant continuel-
lement In graijïe de la jnéuje plante, oji fait à la longue dég;éncper
la qîndîté ef la rpiimtilé. Un marcliarjd de j^^nunnSj qiti obt^uiait
toujours les meilleurs prix sur le marché, assurait qu il devait son
succès à ce qu il possédait deux fermes, différentes par le sol et
Taltitude, et faisait régulièrement semer dans l'une les graines
obtenues dans l'autre.
(1) Koffiegids, mai, 1000. — tndUche iitrcaur, 25« année u« 25.
LA GUTTA-PERCH.V
619
appartenait au genre Bassia, avec lequel elle présente tant d'affi-
nités. Sir W. Hooker écrivit alors au D' Oxley pour obtenir quel-
ques branches fleuries. Il reçut peu de temps après une branche
chargée de fleurs et de fruits, renfermée dans une boîte en zinc
dont les deux extrémités étaient
fermées au moyen de gutta-percha.
Les^ spécimens d'Oxley per-
mirent enfin à sir William de
décrire la plante exactement. 11 en
fit faire aussi un dessin qui est
reproduit dans la figure ci-contrè.
Hooker rattacha la plante au nou-
veau genre des Sapotaceœ du
D' Wight et lui donna le nom de
Isonandra gutta. Le calice et la
corolle de Texem plaire envoyé par
Oxley se divisent chacun en six
segments. Cependant, d'après la
description de Wight du genre
Isonandra, on constate que les
fleurs sont divisées en quatre seg-
ments. 11 y avait donc un désac-
cord. Hooker lui-même l'avait déjà
remarqué, mais il n'a probable-
ment pas considéré la différence comme assez importante pour
justifier la création d'un nouveau genre et il n'en connaissait
naturellement pas d'autre qui convînt mieux. Néanmoins le nom
donné à l'origine à la plante de gutla-
percha par Hooker a été abandonné
pour cette raison, et on lui a substi-
tué, en Angleterre, celui de Dichopsis
Y^^ 2 gutta Benth. et Hook. fil., et celui de
Palaquium gutta Burck, sur le conti-
nent. La différence de structure entre la fleur du genre Iso-
nandra et celle du genre Dichopsis ou Palaquium est indiquée
à la figure 2. On y voit des sections de la fleur à quatre seg-
ments (tétramère) de l'un. A, et de la fleur à six segments
(hexamère) de l'autre, B. A côté de cette différence, il y en a
FiG. \.
» C'est ainsi que Ton trouve chez les arbres fruitiers de TAmé-
rique des variélés qui peuvent supporter Je climat froid des étals
du Nord. Beaucoup de variétés américaines de poires, de prunes
et de pêches, qui croissent et produisent merveilleusement dans
leur pays natal, ne réunissent pas quand on les implante en Angle-
terre. Et cependant ces variétés ont à subir là-bas un hiver plus
rigoureux que le nôtre. Mais notre été n'a pas une chaleur suffls-
sante.
» Des expériences réitérées ont établi que des variélés anglaises
de froment ne réussissent pas en Ecosse. C'est généralement la
qualité du produit qui diminue, mais la quantité dégénère parfois
aussi.
» Les graines du blé de Tlnde, semées en Angleterre, produisent
des moissons extraordinairement maigres, là où le blé anglais
aurait parfaitement réussi. C'est un exemple d'acclimatation d'un
pays chaud dans un pays froid.
» Le contraire a lieu lorsque l'on introduit du blé de France aux
Indes occidentales. Ce blé donne des épis entièrement stériles, ou
portant une ou deux misérables graines, tandis que les grains
récoltés dans les îles donnent à côté une énorme moisson. Il en est
de même avec les raisins. Ces expériences démontrent que le blé
et la vigne doivent être acclimatés pour pouvoir produire aux Indes
occidentales. »
Darwin rapporte beaucoup d'exemples analogues, mais ceux qui
précèdent suffisent. On peut, en les résumant, en déduire les règles
suivantes :
1*> Des changements petits et peu sensibles dans les conditions
d'existence peuvent amener chez une plante une plus grande pro-
ductivité et une végétation plus vigoureuse;
2° Des changements, également peu importants, peuvent d'autre
part causer une stérilité partielle ou complète ;
3** L'une et l'autre de ces conséquences dépendent de la nature
des modifications du milieu;
¥ De grandes modifications dans les conditions extérieures, un
grand changement de climat, peuvent entraîner la stérilité et la
dégénérescence du végétal ;
5** Les variétés de plantes, croissant et produisant bien sous un
climat, transplantées sous un climat très différent, devront subir
LA (;UTTA-PERCHA
624
fleurs, dont quatre sont groupées ensemble dans Taxe des feuilles,
sont blanches; le calice est de couleur brun or; les étamines sont
au nombre de 12 disposées en séries simples et insérées dans la
gorge de la corolle ; elles ont des anthères sagittées, tournées vers
Texlérieur. L'ovaire est supérieur et a six ovules; il se termine en
un seul style qui est plus long que les étamines. Le fruit est
pulpeux et ovoïde; il a environ 1 1/2 pouce de longueur et 1 pouce
de diamètre. (V. fig. 1 et fig. 3.)
L'arbre à gutta-percha qui vient d'être décrit n'est pas la seule
plante qui fournisse ce produit.
La gutta-percha qu'on rencontre
dans le commerce est souvent le
produit d'autres arbres dont la
valeur est très inégale.
Il n'est pas possible de les citer
tous. Deux seulement présentent
un intérêt particulier. L'un est le
Dichopsis oblangifolia ou Pala-
quium oblongifolitim, Burk, le
ïaban sutra de Perak ; l'autre est
le Payena Seerii^ Benth. et Hook.
(Keratophorus Leerii, Hasskarl) ou
Sundek de Perak, Niato balam
hanngin (ou Sœndi) de Sumatra.
Le premier est très intimement
apparenté au Taban merah (Palaq.
gutta, fig. 3), qui a été décrit, et, en réalité, celui qui l'a décou-
vert, le Hollandais De Vriese, la considérait simplement comme
une variété de Ylsonandra gutta de Hooker. On la regarde actuel-
lement comme une espèce indépendante.
C'est un arbre de taille plus petite, dont les feuilles ont une
nuance brune plus jaunâtre ù la surface inférieure. Les fleurs ont
une teinte rouge et on dit que l'apparence générale de l'écorce est
entièrement différente.
Le Payena, d'autre part, bien qu'il appartienne aussi aux Sapo-
lacées y diffère beaucoup plus de Tlsonandra. Les petites feuilles
sont autrement formées et ont une teinte rougeâlre quand elles
sont jeunes; les fleurs sont blanches et le fruit, qui est charnu et
^^y^'Ù
Fig. 3.
62:^
ËTDDKS COLONIALES
muni d'une sorte de corne, a un goût douceâtre; il est mangé par
les indigènes. Une branche munie de fleurs et de fruits de chacune
de ces variétés est reproduite aux flg. 4 et 5.
Les gommes de ces deux espèces de Palaquium sont connues
sous le nom àegetah taban mer ah et dégelait taban sutra parmi
les Malais et celle du Payena sous celui du geiah Sundek, ou Sooni,
ou Soondie; ce dernier est la véritable expression anglo-malaise.
Le mot malais geiah, qui a été traduit par gutta, désigne
F.o
Fie.
simplement lexsudalion visqueuse de la plante et getah taban est
la sécrétion de celte espèce particulière d'arbre appelé Taban.
Comme c'est de cet arbre-ci et non du pertja que la gomme appelée
maintenant « gutta-percha » est dérivée, il est regrettable qu'on
lui ait donné une dénomination inexacte quand elle a été introduite
pour la première fois en Europe.
Distribution géographique.
A l'époque où Montgomerie obtenait ses premiers spécimens, les
arbres à gutla-percha étaient abondants dans les anciennes forêts
de l'île de Singapore qui s'étendaient jusque près de la ville. Les
LA CLTTA-PEUCHA
623
spécimens sécliés qu'il envoyait, provenaient de la jungle de Bukit
Tiniah qui ne se trouve qu'à sept milles de la ville.
Aussitôt que les utiles propriétés de la gutta-percha eurent été
reconnues en Europe, et que le produit fût demandé, les pays qui
entourent Singapore furent explorés avec une grande énergie dans
le but de découvrir des arbres Taban. La population indigène
s'adonna avec passion à la récolte de la getah et le résultat en fut
qu'un grand nombre d arbres âgés et de grande taille, peut-être
des centaines de mille, furent stupidement détruits pendant les
\ fLUZOM ^
y - I -.
Caroline islanos
INOO-MALAVAN RCOION
^•---:■>^^>
AU^rno-MALAVAN RtG<ON
FiG. 0.
quatre ou cinq premières années. Des forêts entières furent dénu-
dées comme celle de Singapore, par exemple. Les explorations se
poursuivirent avec une vigueur telle qu'avant la fin de 1848, le
Taban avait déjà été découvert à Pahang, Johor, Malacca, Selangor,
Perak et Pénang dans la péninsule Malaise ainsi que les îles de
Rhio, Gallang et Singga dans l'archipel de Johor. On l'avait aussi
rencontré à Siak, Kampar, Indargiri, Tongkal, Jambi et Palem-
bang, en Sumatra, et à Cuti, Passir, Pontianak, Sarawak et
Brunei, en Bornéo. Depuis celte époque, l'arbre a été trouvé dans
le Nord et le Nord-Est de Bornéo, sur la côte Occidentale de
Sumatra et dans quelques districts des côtes Orientale et Occiden-
tale de la péninsule Malaise.
de larves, après les avoir épurés et en les recouvrant d'un filet de gaze,
des marais naturels comme aussi des bassins d'expériences artificiels
revêtus de ciment; mais aussitôt qu'on les découvrait, on ne tardait
pas à constater que des œufs y étaient déposés.
Les auteurs disent aussi que dans une des parties du district de
Freetown qui leur a servi de champ d'expériences et qui était éloignée
d'un ruisseau, ils ne purent pas trouver d'anophèles, même après
avoir effectué, dans plusieurs maisons, les recherches les plus con-
sciencieuses, tandis que, près du ruisseau, dans des habitations petites,
malpropres et sombres, ils en découvrirent toujours un certain
nombre.
Dans les huttes de paille des domestiques indigènes, ils ont tou-
jours trouvé un nombre considérable d'anophèles femelles. Au-delà
des limites de la ville et dans les taillis épais qui couvrent la plus
grande partie de la colonie de Sierra-Lcone, ils ont constaté partout
^la présence de larves d'anophèles. Il s'en trouve aussi des multitudes
dans les cours d'eau des montagnes partout où ceux-ci forment des
marais qui leur conviennent.
En dépit de cette diffusion générale, il semble pourtant pleinement
établi que la principale source de danger pour les voyageurs se trouve
dans les huttes et les habitations mal tenues des indigènes. L'insecte
reste toutefois inoffensif aussi longtemps qu'il n'a pas aspiré de para-
sites en suçant le sang d'une personne déjà infectée. C'est pourquoi
le D^ Koch pense qu'il serait possible de faire disparaître la malaria
en administrant systématiquement de la quinine à toutes les personnes
dans le sang desquelles on découvre la présence de parasites.
Les auteurs arrivent à cette conclusion que les habitations indigènes
sont la source la plus féconde des anophèles et qu'aussitôt que les
insectes ont été infectés en aspirant le sang d'une personne souffrant
de malaria et dont le sang contient des parasites, les habitations indi-
gènes deviennent, par une conséquence naturelle, des foyers de pro-
pagation des plus dangereux. Une maison européenne peut, par suite
des dépendances indigènes qui l'entourent, devenir, à son tour, un
centre de fièvre. C'est dans ces conditions que vivent les planteurs de
café dans l'Afrique centrale anglaise et que se trouvent, au bord des
rivières, les stations sanitaires des différentes compagnies. Dans ces
habitations, le malade est exposé à de fréquentes ou même à de con-
stantes réinfections, et tout voyageur qui s'y arrête la nuit, court le
risque d'être infecté. Il y a une concentration évidente d'anophèles
partout où se rencontre un défrichement accompagné d'habitations,
surtout si elles sont indigènes.
LA liniA-PERCIlA 623
Les lignes pointillées de la carte indiquent la configuration pro-
bable des deux anciens continents dont chaque groupe d'îles faisait
auparavant partie. On remarquera combien les pointillés se rappro-
chent lun de l'autre aux endroits où se trouvent maintenant les îles
de Bali et de Lombok. La conséquence de ce qui vient d'être
exposé, est que les règnes animal et végétal de ces deux îles qui ne
sont éloignées lune de l'autre que de 15 milles environ, diffèrent
beaucoup plus oitre eux que ceux du Japon et de la Grande-Bre-
tagne, par exemple, qui sont séparés par tout un continent.
La ligne pointillée représente, selon Wallace, la ligne de sépa-
ration entre la région Indo-Malaise et la région Austro-Malaise.
Cette ligne, passant entre l'île de Bornéo et les Célèbes, rattache
ces dernières et les petites îles de la Sonde à une région biolo-
gique entièrement différente et qui n'a rien de commun avec les
particularités de la faune et de la flore Indo-Malaise.
Après avoir démontré que les Célèbes et les petites îles de la
Sonde n'appartenaient pas, comme les autres, au continent asia-
tique, à une époque relativement récente, il reste à expliquer
pourquoi Java et les Philippines ne possèdent pas d'arbres de
gutta-percha bien qu'il soit admis qu'ils fassent partie du même
groupe que Bornéo et Sumatra. Voici la raison : Après que la
faune et la flore malaises typiques eurent existé depuis un certain
temps sur le continent asiatique et probablement pendant la
période miocène, les iles Philippines d'abord, puis Java, en furent
détachés, pendant que Bornéo, Sumatra et la péninsule malaise
continuèrent à en faire partie.
A cette époque, les genres de Sapotacées propres à cette contrée,
n'étaient pas encore sufiîsamment différenciées pour produire ces
espèces particulières qui fournissent un latex contenant de la
gutta-percha. Quand, à une période ultérieure le travail de sépa-
ration se fut continué de manière à couper toute communication
avec ce continent, les arbres à gutta-percha restèrent emprisonnés
dans les îles où ils se trouvent maintenant. Il est très probable
qu'en même temps que la submersion graduelle des parties inter-
médiaires du continent, une action volcanique ait aussi prêté son
aide à la désagrégration du sol. II existe, en effet, une suite de
montagnes volcaniques tout le long de Sumatra et de Java, comme
on peut le voir sur la carte, et nous savons par la récente éruption
pas prémunis contre la fièvre au moyen de quinine et ils atlribuent leur
immunité à Tusage constant de moustiquaires pendant la nuit.
Une double expérience sur la malaria. — Au commencement
de celte année, le Colonial office, de commun accord avec l'école des
maladies tropicales, de Liverpool, décida de faire une double expé-
rience sur la malaria. 11 s'agissait de démontrer, d'une part, que si l'on
se met à l'abri des morsures des moustiques, on ne peut pas con-
tracter la malaria même dans les endroits les plus dangereux, et
d'autre part, que l'on contractera inmanquablement cette maladie si
on se laisse piquer par les anophèles, l'espèce de moustiques qui sont
les propagateurs de ce terrible mal. On possède actuellement sur ces
deux expériences des renseignements qui confirment pleinement les
hypothèses qu'on avait formulées.
La première épreuve, l'épreuve défensive, pourrait-on dire, a eu
lieu dans la partie la plus paludéenne de la Campagne romaine. On
a construit, près d'Ostie, une cabane dans laquelle des Européens
pourraient parfaitement vivre sous les tropiques. Elle a été munie
d'une porte garnie de toile métallique, de fenêtres pourvues d'éerans
et de tous autres moyens propres à la garantir contre la pénétration
des moustiques. Deux observateurs expérimentés, accompagnés de
deux domestiques, y séjournent depuis le mois de mai dernier et y
resteront encore jusqu'au mois d'octobre prochain, c'est-à-dire pen-
dant toute la saison de la fièvre. Ils ont la liberté d'aller et de venir
comme il leur plait, pendant le jour. Mais ils sont tenus de se trouver
dans leur maisonnette depuis une heure avant le coucher du soleil
jusqu'à une heure après son lever. Si ces hommes échappent à la
maladie, il sera établi qu'on peut se garantir contre les atteintes de la
malaria par des moyens aussi simples que peu dispendieux. Car,
dormir à l'endroit choisi pour l'expérience équivaut, selon les
Romains, à contracter sûrement la fièvre malarienne, même à un
degré violent.
L'expérience ne sera terminée qu'au mois d'octobre. On peut dire
toutefois, que les personnes qui s'y sont soumises avec un dévouement
qu'on ne peut assez louer, étaient en parfaite santé au 12 septembre
dernier, date à laquelle elles ont été examinées par les docteurs
Grassi, Rossi et Zapitza.
Il est donc plus que probable qu'on pourra conclure de cette expé-
rience qu'il est possible d'éviter la malaria en se réfugiant dans une
cabane disposée ad hoc avant le coucher du soleil.
La deuxièn e épreuve qu'on pourrait, par opposition à la première,
LA GUTTA-PERCHA 627
pas avoir été très heureux. M. Seligmann dut conclure que non
seulement il n'avait pas trouvé d'arbres à gutta-percha en Cochin-
chine, mais qu'il ne pensait pas que cette contrée convînt à cette
culture.
La deuxième expédition fut confiée par le résident anglais de
Perak à un anglais, M. Léonard Wray. Il avait pour mission d'ex-
plorer la contrée et de faire rapport sur les diflférents arbres dont
la gutta-perclia commerciale est obtenue. M. Wray, qui se mit en
route en 1883, put réunir un grand nombre de spécimens de
plantes produisant du caoutchouc et de la gutta-percha qu'il
envoya aux jardins botaniques de Calcutta, Ceylan et Kew pour y
être examinés et déterminés. Dans son rapport, M. Wray suggère
l'idée d'utiliser également pour l'extraction de la gomme, l'écorce
qui, à l'état sec, contient M p. c. de gutta-percha et que l'on jette
actuellement.
Le gouvernement hollandais chargea, en 1883, un botaniste
hollandais, le D' W. Burck, de Buitenzorg, de se rendre à Sumatra
et d'y étudier les arbres à gutta-percha qui se trouvent sur les pla-
teaux de Padang, le long de la côte occidentale. Le D' Burck dis-
tingua quatorze espèces différentes, parmi lesquelles, le Niato
balam tembaga ou Durian de Ampaloo (Halaban) qui fournit une
qualité excellente de gutta-percha, et le Niato balam banngin ou
Sundai qui donne le getah soondie, substance de deuxième ordre.
Le premier est identique au Palaquium oblongifolium et le deu-
xième au Pajena Leriiy qui tous deux ont été décrits plus haut. Le
rapport du D^ Burck est un des meilleurs travaux sur la matière.
Le D' Burck rapporta de son expédition une série de jeunes
arbres à gutta-percha qui furent plantés au jardin botanique de
Buitenzorg et transférés ensuite au jardin de culture de Tjikeu-
meuh qui se trouve près de là. Le D' Burck n'apprit l'expédition
de M. Seligmann-Lui qu'à son retour, mais les deux savants com-
parèrent leurs notes et furent entièrement d'accord sur les con-
clusions.
Chacune des trois expéditions dont il vient d'être parlé, ne
durèrent que quelques mois. Celle de M. SéruUas qui les suivit,
s'étendit de 1884 à 1889. Le gouvernement français chargea,
en 1884, M. SéruUas de se rendre dans la péninsule malaise et
d'y recueillir des plantes. M. SéruUas trouva un grand nombre
Les inondations du Nil et les pluies de l'Inde. — M. I. Eliot,
chef du service météorologique du gouvernement de l'Inde, déduit de
ses observations qu'il existe une relation plus intime et plus exacte
entre les inondations du Nil et les pluies de l'Inde qu'on ne l'avait
supposé. Les années de famine dans llnde sont généralement des
années de faibles inondations en Egypte. M. Eliot cite à l'appui de ses
dires, des statistiques relatives aux vingt-cinq années comprises
entre 1875-1899. Pendant celte période, il y eu cinq années où la
moyenne de la pluie dans l'Inde, abstraction faite de la Birmanie,
était de plus de 3 pouces au-dessous de la moyenne qui est de
41 pouces. En 1876, le Dekkan et le Mysore ont souffert de sécheresse,
mais en Egypte, il y a eu une forte inondation. En 1877, 1891 et 1896,
années de pluies insuffisantes dans l'Inde, le Nil est resté bas et
l'année dernière où le déficit était d'environ H pouces dans l'Inde, le
Nil a eu la crue la plus faible du siècle. Pendant les six années où la
pluie a dépassé la moyenne dans l'Inde, le Nil a eu également de
fortes crues.
En somme, comme dit M. Eliot, les faits sont suffisants pour
démontrer que les deux contrées agricoles, l'Egypte et l'Inde, dont la
prospérité dépend presque exclusivement de la distribution et de la
quantité de la pluie, sont affectées, chaque année par des conditions
météorologiques générales et des variations dont les causes ne sont
encore connues qu'imparfaitement. On suppose, cependant, que la
coïncidence est due au fait que les pluies de la période juin à sep-
tembre ou octobre en Abyssinie, sur les plateaux de l'Arabie méri-
dionale et dans le Nord de l'Inde, proviennent d'une source commune.
L'ensemble de ces régions est fortement chauffé en mai quand il n'y
tombe pas de pluie. L'action solaire détermine, pendant ce mois, dit
M. Eliot, des changements météorologiques qui préparent la voie aux
courants de la mousson, mais qui ne les provoquent pas. Si les courants
sont détournés par des conditions locales, ou si les vents Sud-Est sont
plus faibles que d'habitude, il en résulte de la sécheresse dans l'Inde
et peu de pluie sur les plateaux de l'Abyssinie. L'année dernière, les
courants ont été détournés vers l'Afrique australe. M. Eliot pense
qu'une étude plus approfondie de la météorologie de l'Australie, de
l'Océan Indien et aussi de l'Océan Antarctique pourrait déterminer les
influences qui font dévier les courants. Il croit qu'il serait utile
notamment d'établir des stations d'observations au sud de l'île
Maurice.
l'influence des températures élevées 631
ciales pour pouvoir étudier les phénomènes qui se passent sous
rinfluence d'une température anormalement élevée. Les premières
expériences dans ce sens ont été faites sur des animaux, placés
pendant plusieurs heures ou plusieurs jours dans des chambres
métalliques, à des températures plus ou moins élevées. (Expériences
de Rosenthal sur cobayes. — Werhowsky : examens du sang chez
le lapin à une température élevée.)
Ultérieurement, avec la chambre de Pettenkofer, Ton a entre-
pris de multiples expériences chez l'homme. Deux points ont
surtout été examinés : le dégagement de vapeur d'eau et l'émission
d'acide carbonique; ce dernier facteur donnant très bien la mesure
des combustions opérées.
A priori, voici comment on se figurerait la réaction de l'orga-
nisme. A mesure que monte la température extérieure, l'organisme,
d'un côté, augmenterait la déperdition de calorique (surtout par
laugmentation de l'évaporation d'eau aux surfaces cutanée et res-
piratoire) ; — de l'autre côté, diminuerait la production de chaleur
interne (en consommant moins d'oxygène, et dégageant par consé-
quent moins de 00^).
En est- il ainsi en réalité? Cest l'opinion de beaucoup de physio-
logistes ; d'autres sont d'un avis opposé. Dans son « Traité de
Physiologie humaine », Frédéricq dit à ce propos (p. 199) : '< J'ai
démontré, en me basant sur les chiffres de mes propres expérien-
ces et en utilisant ceux des expériences de Voit et de Page, que la
ressource de la variation inconsciente de la thermogénèse, fait
complètement défaut à l'homme dans sa lutte contre le chaud. Si
la température extérieure monte, si elle dépasse + 20*" à + 25**, la
proportion de C. (carbone) brûlé dans l'organisme ne baisse pas,
elle s'élève au contraire. Cette augmentation dans lenergie des
combustions interstitielles vient donc s'ajouter aux autres causes
qui mettent en danger la constance de la température interne.
Pour lutter contre le chaud, l'organisme en est uniquement réduit
à augmenter les pertes de chaleur par rayonnement et évaporation.
La courbe de la production de chaleur en fonction de la tempéra-
ture extérieure présente un minimum voisin de + 20**. »
D'un autre côté, le D' Wolpert, assistant à l'Institut d'Hygiène,
à Berlin, qui, dans ces dernières années, fit de nombreuses expé-
riences avec la chambre de Pettenkofer, nous dit à ce sujet: « Le
contiennent environ 3,000 tonnes de charbon. Il ne faut pas oublier
que cette surface ne représente qu'une petite partie des grands dépôts
de charbon du Shan-Si. Richthofen évalue à 630,000 millions de
tonnes, le charbon que renferme le Shan-Si. L'aire du charbon serait
donc plus étendue que celle de la Pensylvanie. Tout le charbon du
Tse-chau est de l'anthracite et il est assez dur pour supporter n'im-
porte quel poids dans les fours. On amène annuellement 50,000tonnes
de charbon environ à la surface. Le combustible se transporte au
moyen de charrettes ou de bêtes de somme. Mais la grande épaisseur
et la position presque horizontale du charbon permettrait, comme l'a
suggéré Richthofen, de faire courir de longues lignes de rails en tun-
nel à travers la couche et de charger directement les wagons dans les
mines en destination de lieuy. éloignés.
On trouve aussi du minerai de fer à 2 ou 3 pieds de profondeur,
mais la quantité de fer y contenue ne permettra probablement jamais
de faire des travaux de mines à de grandes profondeurs. Le district
contient aussi de la terre réfractaire de bonne qualité. On en fait des
briques et des poteries à bon marché.
Coohinchine. Immigration chinoise. — Pendant l'année 1899,
il est arrivé 20,216 Chinois en Cochinchine. Sur ce lotal, il y avait
15,414 hommes de 19 à 55 ans. Pendant la même année, il y a eu
14,787 départs volontaires dont 11,889 d'hommes de 19 à 58 ans.
Compensation faite des départs et des arrivées, l'augmentation de
l'effectif chinois en Cochinchine ressort à plus de 5,000 pour l'année
1899, au 31 décembre de laquelle, on estimait à 95,152, dont
69,405 hommes de 19 à 55 ans, le nombre de Chinois vivant dans cette
colonie. Le mouvement de l'immigration chinoise en Cochinchine
est, on le voit, assez considérable ; mais il ne représente qu'une faible
portion de l'émigration chinoise annuelle.
Cochinchine. La culture du café. — On cultive, en Cochinchine,
du. café Libéria et du café arabe. On produit du premier, environ
27,000 kilogrammes par an, dont 5,000 proviennent des plantations
des indigènes. Le café arabe ne produit que 2,500 kilogrammes
environ. Le café Libéria est beaucoup plus résistant que l'arabe. La
culture de celui-ci est délaissée de plus en plus parce qu'il succombe
trop facilement aux attaques de Vhemileia et qu'il est affecté par
l'humidité du climat. On fait aussi des expériences d'acclimatation de
certaines variétés du coffea arabica de la Réunion ainsi que de variétés
du café arabe greffées sur le Libéria.
l'iNFI.LENCK des TEMPÉRATIUKS ÉLEVÉES 633
Nous constatons ainsi que :
D'une façon générale, plus la température s'élève, plus Vhornme
habillé dégage CO^ et H^O, et par conséquent plus il perd en poids.
Si nous comparons le séjour dans Pair humide à celui dans Tair
sec, nous constatons que pour l'homme habillé :
— A la température de 20'-22', les pertes de Vorganisme sont à
peu près égales, ou légèrement moindres dans Vair humide ;
— Ala température de 28''-3(h, les pertes sont déjà sensiblement
plus considéi'ables dans l'air humide que dans l'air sec ;
— A la température de 35^ à 36"*, cette différence s'accentue
encore, et Vorganistne perd notablement plus dans Vair humide.
Ces conclusions sont applicables à l'organisme au repos comme
au travail.
Nous avions déjà écrit les conclusions qui précèdent quand
nous eûmes l'occasion de suivre les intéressantes conférences de
notre confrère, M. Dryepondt, sur « L'Hygiène et la Pathologie
des pays chauds ».
De 1 avis de la plupart des médecins français qui s'occupèrent
de l'hygiène dans les tropiques, le D"" Dryepondt nous dit que
rémission de CO^ est moindre, ou tout au moins n'est pas plus
considérable chez le sujet vivant dans les régions tropicales. Tout
au début seulement du séjour, la quantité de CO^ dégagé serait
augmentée.
iNos expjTiences n'infirment en aucune façon celte manière de
voir. En effet, nos recherches furent faites dans un climat tempéré
( Merlin), sur un sujet n'ayant jamais séjourné dans les pays chauds.
Dans les conditions de nos expériences, nous pouvions donc
l'assimiler à un Européen au début de son séjour dans les tro-
piques ; abstraction faite évidemment de toute cause de maladie.
Du reste, si nous examinons la physiologie comparée, nous
voyons que les physiologistes admettent que l'organisme des ani-
maux chauds lutte contre les causes d'échauffement en augmen-
tant les pertes de chaleur, mais aussi en restreignant la production
de chaleur interne (Frédéricq). Pourquoi n'en serait-il pas de même
pour l'homme? Peut être l'organisme humain a-t-il besoin de plus
de temps pour s'adapter à ces nouvelles conditions.
Dès 188S, les plantations d'arbres à thé s'étendaient sur 20,000 acres,
mais l'exportation n'atteignait pas 700,000 IhTes. En 1892, 262,000 hcc^
tares étaient consacrés à la production du thé, dont l'exportation
atteignait 71 millions de livres. Enfin, en l'année 1900, l'étendue
consacrée à cette culture n'est pas moindre que 380,000 acres, tandis
que la production est estimée au chiffre colossal de 140 millions de
livres.
L'histoire de l'agriculture ne mentionne pas de transformation plus
extraordinaire que cette substitution du thé au café à (^eylan, opération
qui a si bien réussi que l'étendue des nouvelles cultures dépasse de
beaucoup celle des anciennes. L'étendue la plus grande que le café ail
jamais couverte à Ceylan était de 272,000 acres (en 1877) et l'exportation
atteignait 105 millions de livres. Vingt-trois ans après, il ne reste plus
que quelques plantations éparses de caféiers (peut-être 7,000 encres),
mais celles de thé occupent 380,000 acres, et produisent 140 millions
de livres d'excellente qualité.
Les champs de thé, à Ceylan, se trouvent à toutes les altitudes,
depuis le niveau de la mer jusqu'à 7,000 pieds. Il existe environ
1,600 plantations, qui occupent un nombreux personnel européen, et
environ 400,000 travailleurs indigènes, hommes, femmes et enfants.
Presque toutes les plantations ont une installation industrielle avec
les machines nécessaires pour préparer complètement le thé, tel qu'il
doit être livré au commerce. On peut dire qu'aucun produit tropical
n'est préparé et emballé avec autant de soin que le thé de Ceylan.
Le capital employé dans les entreprises de production du thé est
évalué à 9 millions de liv. st. Les consommateurs de thé de Ceylan,
ont aujourd'hui le meilleur thé du monde, et le moins cher eu égard
à sa qualité.
L'excellence du thé de Ceylan a attiré de bonne heure l'attention du
marché de Londres, et la consommation de cette denrée s'est rapide-
ment étendue dans toujt le Royaume-Uni, oh elle maintient toujours
sa position prédominante.
En Australie, la contrée du monde où se fait la plus grande con-
sommation de thé (175 livres par habitant), les produits de Ceylan
furent rapidement appréciés. Des analyses officielles, faites pendant
l'exposition de Melbourne, en 1881, confirmèrent cette bonne opinion.
Le thé de Ceylan a remplacé en grande partie celui de Chiné, et est
préféré à celui de l'Inde.
Au Canada, le même thé a pris rapidement la première place, et sa
consommation se répand de plus en plus. 11 est également apprécié
sur le continent européen, et spécialement en Russie.
l'influence des températures élevées 635
Le travail à une température élevée.
1. Le travail intellectuel est-il possible au même degré, dans
une atmosphère à température élevée (dépassant + 2o<>), comme
à une température ordinaire (+15® à 20°)? — Quand nous avons
fait les expériences de respiration au Laboratoire de l'Institut
d'Hygiène, à Berlin, nous nous sommes surveillé à cet égard. Nous
étions pendant les trois quarts de la journée dans une chambre
assez spacieuse, dans les mêmes conditions de température et
d'humidité que le sujet en expérience.
A SS'^-SO*, dans l'air humide comme dans l'air sec, le travail
intellectuel s'opérait très facilement, même pour des calculs longs
et compliqués.
A SS^'-Se*', le travail intellectuel devenait plus fatigant, et de
temps à autre il se glissait de petites erreurs dans les calculs.
Dans son récent ouvrage, Die Kamerun Kûste, le D*^ Fr. Plehn
s'étend assez longuement à ce sujet. De même que le D' Van der
Burg {De Geneesheer in Nederlandsch Indië), il n'admet pas que
l'activité intellectuelle soit notablement diminuée après un séjour
de quelque durée dans les pays tropicaux. Et il conclut que « des
altérations des propriétés intellectuelles ou morales de l'homme
sous la seule influence des conditions climatériques sont inadmis-
sibles. La fréquence de leur production dans les tropiques doit être
attribuée à des influences externes dépendant le plus souvent du
genre de vie ».
2. Travail corporel. — Il a été admis de tout temps que dans
un milieu à température très élevée, la somme de travail fournie
par l'homme était inférieure à celle que le même sujet pouvait pro-
duire à une température modérée ou à basse température. Cette
opinion repose sur des faits d'observation très nombreux et n'est
certainement pas à mettre en doute.
Sur le conseil de M. le professeur Rubner, nous avons cherché
à étudier de plus près ces modifications, pour déceler si possible
des variations dans l'étendue ou la nature des contractions mus-
culaires,
L appareil} se prêtant le mieux, semblait-il, à ce genre de
L avenir de la production dépend dans une large mesure des tarifs
douaniers plus ou moins élevés auxquels il sera soumis dans les pays
de grande consommation. L'exemple de la Grande-Bretagne tend à
prouver l'importance des effets de la législation. En 1837, le droit
perçu sur les thés importés dans le Koyaume-Uni, était de 2 sh. 1 d.
par livre. La consommation s'élevait cette année à 30,263,206 livres
(c'est-à-dire moins de 1 1/4 par tête d'habitant), et le produit du droit
était de 3,190,125 livres. Le droit fut réduit graduellement sous le
ministère de M. Gladstone; il était de 1 sh. 10 d. par livre en 1854,
de 1 sh. 5 d. en 1858, de 1 sh. en 1863, et fut enfin réduit à 6 d. par
livre à partir du l®''juin 1865. Le résultat de ses mesures libérales
fut un accroissement considérable de la consommation, et même un
accroissement du revenu. En effet, la consommation se montait
en 1867, à 111,061,160 livres, et la recette de la douane à 2 millions
776,529 liv. st.; en 1887, la consommation se montait à 183 millions
635,885 livres et l'impôt à 4,590,897 liv. st.; enfin, durant l'année
1899, la consommation du thé a été de 241 ,41 0,240 livres, tandis que
l'impôt produisait 4,023,504 liv. st., bien que le droit eût été réduit
à 4 d. par livre.
Les planteurs anglais espèrent que les gouvernements d'Europe
suivront cet exemple, et abaisseront les taxes, généralement élevées,
qui frappent le thé. La modération des droits paraît, en effet, con-
forme aux principes d'une bonne économie financière. On sait que la
Belgique a entièrement aboli le droit, il y a quelques années; il faut
toutefois convenir que la consommation belge ne paraît pas avoir con-
sidérablement augmenté depuis.
(Diaprés un article de M. J. Fergusson paru
dans le Journal of Society of Arts.)
Japon. L'or dans l'île Hokkaido. — Le consul d'Angleterre à
Hakodate rapporte qu'en 1898, on a découvert de l'or en quantités
considérables dans les voisinages des rivières Tombetsu et Horobetsu
et de leurs affluents dans les provinces de Ketami et de Teshio. 0»
avait déjà trouvé, depuis quelques années, de la poudre d'or, mais en
petite quantité. L'extraction annuelle ne dépassait pas 1,570 onces.
Cet or se rencontrait principalement sur la côte occidentale de Teshio.
Le centre de la nouvelle surface aurifère est la montagne Horono-
buri, qui renferme des rivières contenant des dépôts d'or. On présume
que la montagne elle-même renferme de riches veines aurifères. On a
pas jusqu'à présent procédé à des travaux de prospection, mais on se
propose d'entreprendre bientôt un examen scientifique du sol. La
méthode suivie actuellement pour laver Tor est des plus primitive.
Dans certains cas, on ne se sert que d'une natte de paille pour filtrer
le sable.
D'après un rapport officiel, la production totale de l'or en poudre
a été, en 1899. d'environ 14,477 onces, ce qui représente une valeur
d'à peu près 48,000 liv. st. Cette évaluation est considérée comme de
beaucoup inférieure à la réalité. Des autorisations pour exploiter des
LA CULTURE DU TUÉ A CtYLAN. — ntPKiUAGK DES JEUNES POUSSES
{Musions belges.)
claims d'une étendue totale de 185,757 acres, ont été accordées
en 1899, non seulement dans le voisinage des nouvelles découvertes,
mais dans toutes les parties de l'île.
Corée. Nécessité de la connaissance de la langue indi-
gène. — Le consul général d'Angleterre à Séoul attire l'attention sur
l'utilité de la connaissance de la langue du pays.
« Les marchands anglais, dit-il, pourraient contribuer puissam-
ment à s'ouvrir les marchés d'Extrême-Orient, en apprenant les
langues indigènes, mais il semble que ce soit le moindre de leurs
soucis. Les désavantages qui résultent de la situation actuelle sont
pourtant évidents. Les esprits des orientaux sont trop portés à suivre
les voies tracées, et « l'antique coutume » est pour eux un puissant
I
Coréens restent fortement attachés à leurs traditions immémoriales.
Ils sont excellents dans la pratique courante du commerce qu'ils sont
habitués à exercer, mais il ne faudrait pas attendre d'eux qu'ils s'at-
tachent à étendre ou à développer le commerce ou à ouvrir de nou-
veaux marchés. Le Coréen qui parle l'anglais vous dira tout juste ce qui
le frappe et cela est fort mince. Il est totalement dépourvu de cet
esprit d'entreprise et d'observation qui caractérise l'homme d'affaires
de l'Occident.
» Les Allemands, toujours pratiques, ont vite reconnu ce fait, et l'on
ne rencontre plus qu'exceptionnellement, une maison commerciale
allemande en Orient, qui ne possède pas au moins un homme capable
de parler la langue indigène. Il y a, en Corée, une firme allemande et
une firme anglaise. Il est presque inutile de dire que la maison alle-
mande a un Allemand sachant parler le coréen,, taudis que la maison
anglaise n'a pas d'Anglais connaissant cette langue. »
AFRIQUE
L'expédition du major Gibbons au Zambèze. — Le major
Gibbons, chef de l'expédition qui avait pour but d'achever l'exploration
du pays des Barotsés et de rechercher la distribution géographique des
tribus de cette contrée, vient de rentrer en Angleterre après avoir par-
couru l'Afrique pendant deux ans et trois mois. Le major Gibbons a
pleinement réussi dans la tâche qu'il s'était proposée. Tout le pays
compris entre la rivière Kafukive à l'est, la rivière Kuvito, à l'ouest et
la ligne de séparation des eaux du Congo et du Zambèze, au 18' degré
de latitude sud, c'est-à-dire une surface de 200,000 milles carrés a été
explorée au point de vue hydrographique et ethnologique.
Un des résultats principaux de l'expédition du major Gibbons a été
la découverte de la source du Zambèze qui se trouve à environ
100 milles de distance de l'endroit supposé. L'expédition rencontra
aussi dans le Barotséland une tribu de Bushmen, complètement diffé-
rents de ceux qu'elle avait vus auparavant. Ils sont extrêmement
timides, de complexion délicate, sans être d'une petitessse exagérée.
Leurs lèvres ne sont pas épatées ; au contraire, elles semblent rentrer,
e qui leur donne l'apparence de n'avoir pas de dents ; leur peau est
"'""'^ 7„,
"^ ^UCa.
claire; elle n'est guère qu'un peu plus foncée que celle d'un blanc
brûlé par le soleil. Ils sont armés d'arcs et de flèches et ne possèdent
aucun genre d'habitation. Ils se nourrissent principalement de cou*
leuvres et à la fin de leurs journées de chasse, ils se couchent à terre
n'importe où pour dormir. Ils n'ont pour tout vêtement qu'une peau
de chat qu'ils s'attachent autour des reins. Ils sont très doux. Après
quelques difficultés, le major Gibbons parvint à en prendre plusieurs
photographies.
Le Zambèze prend sa source à environ 5,000 pieds d'altitude dans
un pays onduleux sans être montagneux. La contrée est presque
entièrement dépeuplée par suite de la chasse aux esclaves. En traver-
sant le Barotséland, le major Gibbons constata que le commerce des
esclaves se faisait dans tous les endroits écartés. Il en résulta des
difficultés, car les porteurs de l'expédition refusèrent d'avancer
ailleurs que le long de la route des caravanes. Le major Gibbons
s'était, heureusement, procuré cinq ânes quelque temps auparavant.
Il put donc poursuivre son chemin en se servant de ses bêles de
somme. Quatre boys l'accompagnèrent. La marche était extrêmement
difficile. Ils étaient obligés de construire jusqu'à quatre ponts par jour
pour pouvoir traverser le fond des vallées dont le sol était très
spongieux. La situation s'empira encore par la perte de deux ânes que
les lions emportèrent. Le major rencontra alors la mission belge du
lieutenant Lemaire avec lequel il continua son voyage pendant un
mois. 11 se sépara de lui à la station belge de Lukatu, dans le Katanga.
Le major Gibbons remonta ensuite vers le nord en traversant la suite
des lacs de l'Uganda. 11 revint en Europe par la voie du Nil. Il résulte
des observations qu'il a faites pendant cette partie de son voyage que
les cartes devront subir de nombreux changements, en ce qui concerne
la position, la forme et l'étendue de la plupart des grands lacs,
notamment, des lacs Kivu et Albert-Edouard. Ce dernier diffère abso-
lument en forme et en étendue des dimensions que lui donnent les
cartographes.
Le major Gibbons a parcouru l'Afrique sur une distance de plus de
13,000 milles. C'est le plus long itinéraire qu'un explorateur, peut-être
même Livingstone, ait jamais fourni. Pendant ce long voyage, le major
Gibbons n'a pas eu à se servir une seule fois de ses armes. 11 a eu aussi
le bonheur de ne perdre aucun de ses boys.
Le major Gibbons rend aux Belges un hommage particulier. « J'en
ai rencontré un grand nombre, dit-il, j'ai traversé onze de leurs sta-
tions, j'ai passé quinze jours au Katanga et trois mois sur le Nil
supérieur et je dois déclarer que je n'ai jamais observé le moindre fait
qui put donner raison aux accusations portées contre eux et qui ne
sont, à mon avis, que des rumeurs indigènes auxquelles [on a trop
facilement accordé crédit. »
Lagos. Régime foncier. — Une ordonnance du secrétaire de la
Colonie de Lagos vient de régler les conditions de validité des conces-
sions de terres et de forêts. Le . gouvernement ne reconnaîtra les
PESAGE DU THÉ A CEYLAN.
{Missioiu behjfs,)
cessions faites par des indigènes à des étrangers que si ceux-ci
prouvent que les terres qui en font l'objet appartiennent réellement à
leurs cédants et qu'elles ne sont réclamées par aucun autre indigène.
Une réunion publique sera annoncée où l'on proclamera les noms des
véritables propriétaires. Quand ceux-ci seront connus, ils délimiteront
de concert avec le cessionnaire, les terres qui font l'objet de la tran-
saction. Le prix sera ensuite fixé en présence d'un délégué du gouver-
nement. On déterminera aussi de quelle manière les paiements se
feront et comment ils se répartiront entre le gouvernement et les
divers ayants droit.
Dans les concessions forestières, le concessionnaire sera tenu de
Girî tILDES COLONIALES
II. — - flépsLvtltiott des cal taises de caniies à sacife
dans les divefises paitfeies du monde.
A. EN ASIE.
L'Asie, et plus particulièrement l'Inde septentrionale, est la
première contrée oii l'histoire nous révèle l'existence de cultures
de cannes à sucre. C'est encore aujourd'hui une des contrées où
cette culture est la plus étendue.
Dans le Bengale, les plantations de cannes s'étendent sur
environ 67,000 hectares. Le Behar et l'Orissa renferment égale-
ment un grand nombre de cultures.
L'Assam, dont la température est un peu inférieure à celle des
trois provinces précitées, rachète ce défaut par une forte humidité;
sa production tient, dans l'Inde, le second rang après celle du
Bengale.
D'après Balfour et Krùger, les provinces du Nord-Ouest et
rOude ne posséderaient ensemble, en fait de cannes à sucre, que
la moitié de la superficie des plantations du Bengale. Leur climat
plus continental se prête moins à la culture, qui se concentre le
long des fleuves. Plus à l'Ouest encore, dans le Rajpatana et le
Pendjad, où le climat devient franchement aride, on ne trouve
plus que des cultures isolées, donnant des plantes de petite taille,
d'ailleurs assez riches en sucre. On retrouve des cannes de grande
dimension vers l'embouchure de l'Indus.
Les hautes montagnes du Nord et du Nord-Ouest de l'Inde
marquent naturellement la limite de la culture sucrière; on l'a
essayée sans succès dans les vallées de Cachemire.
La production dans l'Inde méridionale, est soumise aux mêmes
lois climatériques. La canne réussit bien le long des côtes, mais
moins sur les plateaux intérieurs du Décan. Elle occupe de grandes
étendues dans le bassin inférieur du Godawary.
La culture de la canne, à Ceyian, est d'origine assez récente;
introduite, semble-t-il, par des boudhistes réfugiés du continent.
Cette culture, bien que perfectionnée par des procédés modernes,
l'extension GÉOGRAPUIULE DE LA CANNE A SLCUE 643
ne suffit pas à la consommation de l'île. Elle est presque entière-
ment concentrée dans la région Sud-Ouest, qui est mieux arrosée,
mais la nature généralement sablonneuse du sol lui convient peu.
La canne à sucre est cultivée depuis une époque reculée
dans toutes les parties de l'Indo-Chine, ainsi que dans les îles
Andaman et Nicobar. C'est encore dans les vallées des grands
fleuves que les champs de cannes sont le plus développés. Au
Siam et en Gochinchine la plupart des plantations appartiennent à
des Chinois qui ont établi des raffineries et des distilleries dont
les produits sont principalement destinés à la consommation
chinoise.
La péninsule malaise, malgré sa configuration montagneuse,
abonde en cannes à sucre. On a remarqué que la plante souffire
assez souvent des vents salins dans le voisinage trop rapproché
de la mer.
Il est remarquable que malgré l'ancienneté et l'étendue de leur
production, les Indes soient encore obligées d'importer du sucre.
C'est en grande partie aux méthodes arriérées de production qu'il
faut attribuer cette situation.
La partie méridionale de la Chine appartient à la région où la
canne peut être considérée comme indigène. Aussi la culture en
est-elle très développée.
Grâce à la fertilité dix loess y qui constitue là le sol arable, la
limite septentrionale de notre plante s'élève assez haut, jusque
vers le SO* degré de latitude Nord, et atteint à peu près la ligne de
séparation des bassins du Yang-tze et du Hoang-ho. Les cultures
chinoises sont fort soignées, bien que fermées aux perfectionne-
ments modernes. Ici encore les exigences de la plante en ce qui
concerne l'humidité ont eu pour effet de concentrer les plantations
dans la région côtière et dans les vallées des grands fleuves.
L'île de Formose, dans sa partie méridionale, offre des condi-
tions climatériques très favorables à la canne. Llle est en quelque
sorte partagée entre deux cultures qui s'excluent mutuellement par
leurs exigences différentes. Le Nord et les montagnes produisent
de grandes quantités de thé, le Sud-Ouest soumis à l'influence des
moussons, est consacré à la production sucrière.
comme dit le consul anglais dans son rapport, engagés pour un an.
A lexpiration de leur terme, la plupart d'entre eux reviennent dans
leur pays. L'argent qu'ils rapportent, passe vite aux mains des mar-
chands indiens qui savent s'y prendre pour les tenter par des mar-
chandises à leur goût. Le gouvernement portugais ne s'est préoccupé
que très récemment du recrutement de la main-d'œuvre dans son ter-
ritoire. Il faut maintenant que les travailleurs soient engagés. en vertu
d'un contrat en bonne forme à Inhambane ou à Lourenço Marques.
A leur arrivée à Johannesburg, ils sont remis entre les mains d'un
représentant portugais, agréé par le gouvernement du Transvaal, qui
veille à leurs intérêts.
Les agents recruteurs doivent prendre une licence du prix de
230 liv. st. Cette somme relativement élevée est vite regagnée, car les
agents reçoivent de 3 à 6 liv. st. par « boy » rendu à Johannesburg.
Les événements actuels ont naturellement interrompu ce trafic et les
indigènes du district de Inhambane ont même beaucoup de peine i
payer la taxe sur les huttes. Cet impôt a produit, pendant la dernière
année financière, 76,676 liv. st.
Les principaux articles d'exportation sont le caoutchouc, la cire,
les arachides, le copra et le « mafureira » qui est une noix fournissant
une huile épaisse et très odorante. De grandes quantités en sont
exportées, chaque année, vers Marseille, où elle est transformée en
graisses, savons et bougies. Les palmiers se trouvent à profusion tout
le long de la côte. Ces arbres produisent énormément. Il n'est pas
rare de voir des palmiers porter jusqu'à 200 noix. Ces noix consti-
tuent aussi une des principales denrées des indigènes. Elles forment
la base de tous leurs repas. Un grand nombre d'arbres sont saignés et
l'on fabrique du vin de palme avec leur suc. Quand il est frais, ce suc
est agréable au goût mais il devient très vite une boisson capiteuse. En
le distillant, on en obtient une grande quantité d'alcool.
En toutes saisons, on trouve de quoi faire de l'alcool, car on le
retire de différentes sortes de palmiers, de la canne à sucre, des
oranges, des mangues, des ananas, des bananes, du fmit du « kozu »
qui est très répandu et du manioc. Il s'ensuit que les indigènes
peuvent s'enivrer pour très peu d'argent, jouissance qu'ils ne se
refusent du reste pas.
Inhambane a. aussi un grand avenir comme producteur de sucre.
A peu de distance du port s'étendent de grands espaces éminemment
propres à la culture de la canne à sucre. Une plantation est déjà
établie près de la baie. La canne y pousse avec beaucoup de vigueur.
Elle atteint souvent 12 et 14 pieds de longueur. Des machines pour
CIIRONIQIJB
écraser la canne y ont été établies mais jusqu'à prés
de cette plantation ne s'est pas encore occupé d I
sucre. Il se contente d'employer le suc à la distill;
serait d'autant plus facile d'établir des plantations
que la main-d'œuvre y est abondante et à bon mj :
qui sont préférées pour la plantation de la cann< i
cinq pences par jour outre la nourriture. Dans 1'
d'œuvre est encore moins chère. La question des
pas non plus de difficultés grâce à un cours d'eau (
trée favorable à cette culture sur une longueur de 1
Le café sauvage croît en abondance. La fève est :
est excellent. De grandes quantités de maïs s'expo
Bay et Durban où elles obtiennent de bons prix.
Le port d'Inhambane est considéré comme un de
la côte orientale. Le registre de l'hôpital témoigne i
peu de maladies sérieuses dans le district. La vie e
se procure des volailles, des chèvres et des mo
modérés et l'on trouve des œufs et du poisson pen<
Par contre, toutes les denrées importées sont très ( i
l'élévation des droits d'entrée. Les fruits tropicaux i
variés. Dans l'avenir, ce pays deviendra probablemc i
ducteur de fruits. Les chevaux, le bétail et les mout( i
bien et l'on trouve autour des nombreux lacs d'eai
rages abondants pendant toute l'année.
Zanzibar. — Le dernier rapport du Consul gêné
Zanzibar décrit la situation de cette île comme des pi i
importations et exportations qui avaient beaucoup a i
se sont encore accrues en 1899. Ces résultats sont dus
récoltes de clous de girofle et à la famine qui a régn(
Les importations se sont élevées, en 1899, à 1,596,é
grande partie des marchandises importées provienne] i
africaines. 11 ne semble donc pas que le commerc
Zanzibar au profit de Mombasa. Les tissus forment
des importations; le riz, les clous de girofle, l'ii
monnayé viennent ensuite. L'Inde conserve le premi
nations importatrices. Près du tiers de la totalité des
revient. Le Royaume-Uni vient ensuite. Les export
1,513,407 liv. st. Les principaux articles exportés soi
ceux qu'on importe, ce qui démontre l'importance de
entrepôt commerciaL L'Afrique allemande orientale i
646 ETUDES COLONIALES
effet, cultivée un peu partout par les indigènes, mais H*a pas
encore fait l'objet d'exploitations coloniales.
En Australlei la canne à sucre a été introduite en 1850, mais
l'exploitation industrielle n'a commencé que vers 1874- Elle est
d'ailleurs limitée à la côte orientale, dans le Queensland et la Nou-
velle-Galles du Sud. Dans cette dernière colonie, dont le climat est
déjà un peu froid, la production n'est que la moitié environ de
celle du Queensland, où S5 p. c environ des terres cultivées sont
consacrées à la canne. Les plantations, qui s'arrêtent à l'Ouest, au
golfe de Garpentarie, atteignent au Sud le vingt-neuvième paral-
lèle. Mais la culture, sous cette latitude, devient déjà difficile ; la
canne ne mûrit qu'en deux années et les gelées se font quelquefois
sentir.
c. EN AMÉRIQUE.
La culture de la canne à sucre possède aux Etats-Unis une
. grande extension dont il n'est pas facile de tracer la limite septen-
trionale. On peut admettre toutefois qu'elle ne dépasse jamais le
37* degré de latitude Nord, entre l'Atlantique et le Mississipi. Plus
à l'Ouest, la limite des plantations s'abaisse rapidement, à cause
de la sécheresse du climat; on n'en retrouve plus au delà des
montagnes rocheuses. Les champs de cannes sont surtout multi-
pliés autour du golfe du Mexique, et principalement dans le delta
du Mississipi, où les conditions climatériques les plus favorables
à la plante sont réunies au plus haut degré. Us occupent dans la
Louisiane 9,7 p. c. du territoire agricole, dans la Floride 1,2 p. c,
dans le. Texas et la Géorgie 0,2 p. c, dans l'Alabâma et le Mis-
si.^^sipi 0,1 p. c. En général, la production sucrière a beaucoup
souffert depuis la guerre de Sécession. de la perte de main-d'œu-
vre causée par l'abolition de l'esclavage. L'emploi croissant du
sucre de betterave lui a également causé un tort considérable.
La plus grande partie du Mexique est comprise dans la zone
de la canne. Toutefois les cultures se trouvent surtout dans Ifes
provinces occidentales, mieux arrosées que celles qui bordent la
côte du Pacifique. Ces cultures ne s'étendent pas seulement dans^
ainsi que le développement des stations de Tintérieur qui sont situées
le long de cette ligne, n'ont pas empêché le commerce de Zanzibar
d'augmenter considérablement, non seulement pendant l'année der-
nière, mais au cours de la dernière décade.
Afrique portugaise orientale. Commerce et mouvement
maritime de Chinde. — Le vice-consul anglais à Chinde dit que
le commerce dans le district de cette ville est presque nul, mais que le
port de Chinde est l'entrepôt principal de l'Afrique centrale anglaise,
du Zambèze et de la région des lacs. La majeure partie des compa-
gnies commerciales qui ont des agences à Chinde reçoivent toutes
leurs marchandises de leurs sièges principaux d'Europe. La méthode
habituelle des maisons africaines est d'envoyer une commande en
Europe; elles reçoivent immédiatement les marchandises réclamées.
Les marchands indiens agissent de même : leurs marchandises leur
viennent de Bombay, ils font la plus grande partie du commerce de
détail indigène. Aucun européen n'a encore essayé de leur disputer ce
genre d'affaires, ils en ont le monopole de fait. Cela est dû à leur
mode de vie économique, à leur patience inépuisable vis-à-vis des
acheteurs indigènes et à leur connaissance du goût des indigènes
pour les étoffes, les perles, etc., bon marché et voyantes.
La vallée du Zambèze étant entièrement divisée enprazos ou conces-
sions territoriales octroyées, par le gouvernement, à des compagnies,
les autres marchands n'ont pas de chance d'y faire des affaires. La
compagnie qui possède un prazo a seule le droit de commercer dans
les limites de son territoire.
Les cargaisons en destination de Chinde continuent à être transbor-
dées à Durban, à Lourenço-Marques, à Beira ou à Mozambique. Les
marchandises souffrent beaucoup de cette situation et il en résulte
une grande perte de temps.
L'eau a, à l'époque des hautes marées, une profondeur moyenne de
17 pieds à la barre. On pense que celle-ci a subi des modifications,
mais il est difficile de dire quelle a été l'importance de ce changement.
Le besoin d'un pier ou d'un wharf est évident. Il n'y a aucune faci-
lité pour le déchargement à Chinde. Cette lacune se fait d'autant plus
sentir qu'à mesure que l'intérieur du pays se développe, on importe
plus de matériel et de machines. La construction d'un -pier ou d'un
wharf offre de grandes difficultés à cause de l'érosion rapide de la cote.
Madagascar. Transports intérieurs. — Le mode de transport
dans rintf^riour de l'île de Madagascar, dit le consul anglais dans un
rapport récent, est le même que celui qui était appliqué avant l'occu-
pation française. Les voyageurs sont transportés en palanquin et les
marchandises à dos d'homme.
Dans tout village important on trouve, le long des routes, un abri
mis à la disposition des voyageurs. On peut aussi se procurer facile-
ment des conserves chez les marchands locaux. On évite les voyages, à
Madagascar, pendant les mois de janvier, février et mars à cause des
grandes pluies.
Le prix de transport des marchandises ordinaires jusqu'à Antana-
narive est, à partir de :
Tamatavc (216 milles) 40 liv. st.
Vatomandry (156 — ) 30 —
Majunga (365 — ) 48 —
Le prix de transport des passagers et marchandises de la capitale
à la côte est généralement la moitié du voyage en sens contraire.
Ces moyens primitifs de transport seront probablement remplacés
bientôt par le charriage. Le gouvernement a dépensé de fortes
sommes pour la construction de routes reliant Antananarive aux
cotes occidentale et orientale, à Majunga et à Tamatave, ainsi qu'à
Betsiléo au sud. Les deux premières seront terminées probablement
à la fin de 1900 et des compagnies de transport se proposent d'établir
des services d'automobiles et de chariots traînés par des bœufs.
L'organisation du Chari. — L'organisation des territoires du
bassin du Chari, entre le lac Tchad et l'Oubanghi, s'imposait, depuis
les derniers événements qui ont bouleversé la région ; les événements,
en effet, ont montré que les frontières de la région supérieure du
Congo français ne jouissaient pas encore d'une tranquillité définitive
et que des dangers pouvaient les menacer inopinément. Or, dans cette
colonie, de vastes concessions territoriales ont été accordées depuis
deux ans à des sociétés françaises, qui vont faire là une très impor-
tante expérience de colonisation. 11 importait, désormais de protéger
efficacement ces territoires ainsi que ceux de l'allié des Français,
.Gaouravy, le sultan du Baguirmi. C'est à ce besoin que répond la
nouvelle organisation.
Une mesure analogue, la création en octobre 1899, de véritables
confins militaires dans la boucle du Niger a eu pour effet d'abriter le
Sénégal et l'ancien Soudan, devenu territoire civil, contre toute incur-
sion des Touareggs et des autres peuples turbulents de l'Afrique occi-
dentale française. Ces confins militaires se soudant sur les rives du
CHRONIQUE
Tchad aux nouveaux confins militaires du Chari,
gai à rOubanghi, un cordon continu de grand'ga
les colons pourront travailler en paix et prospér
de la nouvelle mesure se défendent de vouloir po
taire. Ils estiment que c'est se conformer aux prii
graduelle de l'administration civile et éviter les
reuses, qu'organiser ainsi, sur la périphérie d<
défensive militaire solide, dépendante de l'admii
colonies correspondantes.
Le 6 septembre dernier le ministre des coloi
Conseil d'Etat à raison de l'urgence de la mesun
des rapports qu'il avait reçu sur les événements r
raison du fait qu'il fallait profiter, et immédii
annuelle de l'Oubanghi et du Chari si l'on ne y
d'une année cette organisation. Le Conseil d'Etat
extraordinaire de 1,350,000 francs, crédit dont
demandée au Parlement à la rentrée.
Au point de vue administratif, le nouveau terril
borné d'une façon générale par les territoires (
Congo et de l'Oubanghi. Ainsi, il sera constitué pa
et celui de la Kémo; il aura son point de départ
confluent de la Kémo. Au Nord, il s'étendra ju
point de vue des effectifs du nouveau territoire m
appliqué a été de ne mettre dans les troupes qui
de blancs que dans les cadres, et de plus dans la n
treinte. Le climat et l'éloignement Texigaient; qu
de transport qu'exigerait l'envoi de troupes un peu
parcours de 2,500 kilomètres, dont 500 à 700 ki
Kémo et Gribingi, de portage. Aussi n'enverra-t-o
officiers nécessaires au commandement et à l'orga
toire; quant aux troupes, elles seront, dans la me i
levées sur place et seront constituées d'un bâtai
indigènes composé de quatre compagnies de dl
escadron de cavalerie indigène fort de 100 hommes |
sultan Baguiruci ; d'une batterie d'artillerie, constiti
à tir rapide. Les troupes d'infanterie seront stationi i
ligne de défense du Chari, de Goulféi à Fort-Archai
la cavalerie et à l'artillerie, elles seront probable
Massenya dans une région qui n'est pas monlagneui
du fourrage.
iOZ ETUDES COLONIALES
AMÉRIQUE
Mexique. Exploitation des mines. — Grâce à la loi du
6 juin 1892 qui a mis la propriété et l'industrie minière sur le même
pied que toutes les autres, et leur a accordé l'appui dont toute pro-
priété et tout travail ont le droit de jouir, une ère de prospérité s'est
ouverte pour cette industrie. Le mouvement que cette loi a provoqué
est considérable, et, sous son influence, la production des métaux
précieux notamment, a subi une augmentation extraordinaire.
Au 30 juin 1899, le nombre des concessions de mines d'or exploi-
tées au Mexique était de 866, et elles occupaient une superficie de
8,621 hectares. D'autre part, le nombre des concessions mixtes (or et
argent) était de 1,801, avec une superficie de 18,137 hectares. Quant
aux mines d'argent, elles se chiflrent par 5,000 d'une richesse incom-
parable. Plus de 100,000 personnes sont employées aux travaux des
mines.
Outre les mines d'or, il en est beaucoup d'autres qui donnent des
bénéfices considérables. Telles sont les mines de cuivres du Boléo
(Basse Californie), les mines de fer de Durango et les mines de cina-
bre et d'antimoine de Houelle, de Sinalda, de Sonora, etc.
Il a été fait beaucoup déjà mais il reste encore plus à faire. « Le
sous-sol du Mexique, a dit Alexandre de Humboldt, est un inépuisable
trésor. »
Indes Occidentales anglaises. L'île Dominique. — L'île Domi-
nique est située à mi-route entre les îles françaises de la Martinique
<3t de la Guadeloupe. Elle comprend à peu près 300 milles carré».
C'est une des îles les plus considérables des Indes occidentales
anglaises. La culture du sucre y est pour ainsi dire abandonnée. Après
uno assez longue période de dépression, l'île est entrée dans une nou-
velle phase de prospérité. Le gouvernement anglais a voté un crédit,
grâce auquel les plateaux et les vallées de l'intérieur vont être rendus
accessibles. Plus de 100,000 acres de terre vierge deviendront ainsi
disponibles pour la culture.
Les habitants de l'île Dominique manquent malheureusement de
capitaux. Il y aurait donc, d'après M. Hesketh Bell, l'administrateur
de cette île, moyen pour les jeunes gens disposant d'un millier de
CllltOMQU£ lOO
livres sterling et décidés à patienter pendant trois ou quatre ans, de
se créer une jolie situation conune planteurs. Le climat est excellent
et convient particulièrement, aux personnes souffrant de la poitrine.
La fièvre jaune n'y a plus été signalée depuis cinquante ans. Les
enfants des Européens s'y développent aussi bien que dans nos con-
trées, surtout sur les collines. Il y a fort peu de malaria et les mous-
tiques ne sont pas particulièrement incommodants. La température
varie de 53 à 90 degrés Fahr. selon les saisons et l'altitude. Les pluies
sont abondantes et les chutes d*eau nombreuses. Le sol est d'une fer-
tilité remarquable et se prête admirablement à la culture de tous les
produits tropicaux, notamment les fruits. La main-d'œuvre ne manque
pas. Les salaires sont de 8 pences à 1 sh. 3 p. par jour.
Les principales cultures pratiquées à présent sont celles du cacao,
des citrons, du café, des épices, des oranges et autres fruits. Tous ces
produits donnent d'amples profits. La valeur des terres cultivées à
beaucoup augmenté depuis trois ans. Un signe caractéristique, est
que fort peu des propriétaires dont les terres commencent à produire,
sont disposés à les vendre.
Les exportations de l'île. Tannée dernière, ont été du triple de celles
d'il y a cinq ans. Plus de 1,500,000 de livres de cacao sont exportées
annuellement. Le sol et les conditions climatériques se prêtent avan-
tageusement à la culture des oranges, des ananas et des bananes. Un
planteur de Ceylan a fait, à une altitude de 2,000 pieds, une expé-
rience de plantation du café <( Blue Mountain », une des qualités les
plus renommées de la Jamaique, qui a parfaitement réussi. La vanille
a également donné de bons résultats et il ne semble pas y avoir des
raisons pour que le tabac n'y réussisse aussi.
L'île possède un excellent jardin botanique, placé sous la direction
du D' Morris, directeur de l'agriculture dans les Indes occidentales.
On peut s'y procurer de jeunes plantes des différentes variétés des pro-
duits économiques à des taux inférieurs à leurs prix de revient. Les
planteurs peuvent ainsi diminuer la longueur de la période d'attente.
Les terres de la couronne s'achètent actuellement à 10 sh. l'acre. Des
facilités de paiement sont accordées.
3zr
BIBLIOGRAPHIE -
-^
La colonisation lyonnaise. Exposition universelle de 1900. Rapport présente par
le comilé départemental du Rhône, à la viiP section (colonisation . — Un volume
iïï'À^ de i73 pages avec 7 planches. Lyon, Rey et Oe, 1000.
Le commerce lyonnais s'est toujours distingué par son active parti-
cipation au mouvement colonial français. Le rapport présenté à l'occa-
sion de l'Exposition débute par deux chapitres dus à H. Ulysse Pila,
membre de la Chambre de commerce de Lyon et à M. V. Pelosse, secré-
taire de la dite Chambre, qui résument, à grands traits, l'histoire de
la colonisation lyonnaise avant i9U0. L'exposé de l'expansion coloniale
lyonnaise actuelle, très active dans la plupart des possessions fran-
çaises, et surtout en Algérie, en Tunisie, au Tonkin et à Madagascar,
est fort étendu et détaillé; la plus grande partie du texte est formée
des notices fournies par les propriétaires des établissements colo-
niaux eux-mêmes; beaucoup de ces travaux offrent un grand intérêt.
Ce volume se complète par un chapitre relatif aux missions reli-
gieuses ayant leur siège à Lyon, dû à M. V. Groffier et par des aperçus
sur l'enseignement colonial, dont l'organisation est encore incom-
plète.
Superstition, crime et misère en Chine, par le D' J. J. Matignon, attaché & la
légation de France, à Pékin. — Un volume in-8* de 375 pages avec 67 illustratioDS .
(2« édition). Paris, Masson et 0«; Lyon, Storck et O; iOOO.
Peu de livres, parmi la riche littérature, que le conflit d'Extrême-
Orient a fait éclore, donneront une idée plus exacte et plus complète
de l'état intellectuel et moral du peuple chinois, vu, il est vrai, sous
ses plus mauvais aspects, que l'ouvrage de M. Matignon.
Ce n'est pas, il est vrai, un traité composé ex professOy mais une
réunion d'articles plus ou moins étendus, résumant les observations
l'extension géographique de la canne a sucre 653
iiion). Elle a conservé une grande importance, bien qu'elle souffre
de l'épuisement graduel du sol, comme il arrive dans beaucoup
d'anciennes colonies.
Dans les groupes des Seychelles et des Comores, le sucre de
canne constitue la principale production; l'exploitation en est
importante, eu égard à la faible étendue des îles.
La canne à sucre a été introduite à Madagascar par les Arabes.
La côte occidentale, mieux favorisée sous le rapport du régime
des pluies, convient à la culture de cette graminée. Des fabriques
de sucre existent à Ivondrona. Toutefois, l'exploitation sucrière,
négligée par les indigènes, a été paralysée jusqu'à ce jour par les
rivalités entre colons anglais et français. On peut espérer que la
situation deviendra meilleure depuis que l'île possède un régime
colonial régulier.
♦»'•<»
l'utilité, au point de vue essentiellement pratique et réaliste qui doit
dominer dans la littérature coloniale, nous semble moins évidente.
Tel qu'il est, ce petit livre ne manque cependant pas d'intérêt et
d'utilité.
Colonies allemandes impériales et spontanées, par M. H. Hauseb, professeur
è rUniversité de Glermont. — Brochure în-S» de i40 pages avec cartes. Paris, Nony
etCie.
Cette brochure est destinée à former le premier fascicule d'une
série à*Études d'économie coloniale. M. Hauser y a réuni des monogra-
phies brèves, mais suffisamment complètes, des diverses possessions
acquises dans ces dernières années, par l'empire allemand. L'auteur
y a joint un chapitre consacré à ce qu'il appelle les colonies spontanées^
formées par les nombreux émigrants allemands, dans les deux Amé-
riques, sans oublier les curieux établissements des « Templiers » de
Palestine. Les conclusions de l'auteur, qui s'attache à faire ressortir
la forte organisation du mouvement colonial allemand, ne^ peuvent
qu'être approuvées.
^>--^
ciiuon:qi:k 655
Los maisons sont admirablement construites bien qu'on ne se serve
que de terre glaise et que le bois soit excessivement rare. Mais ces
habitations ne sont pas une masse de huttes disposées sans ordre;
bien au contraire, elles bordent des allées spacieuses. La plupart des
rues de Kano ont do larges trottoirs entre lesquels s'étend une partie
creuse; c'est de là qu'on a extrait la terre qui a servi à construire les
maisons. Aucune habitation de quelque importance n'est dépourvue
d'arbres, de sorte que la ville a l'apparence, d'un vaste jardin.
Le marché est énorme. II y a naturellement plusieurs marchés dans
cette ville qui compte une centaine de mille habitants, mais le princi-
pal d'entre eux est superbe. On y trouve à peu près tout ce qu'on peut
imaginer : du sucre à 1 sh. la livre, du coton, du cuir, des aiguilles,
des porcelaines, des objets en étain, des tissus teints, du charbon de
bois, de la viande, des esclaves, des chameaux, des chevaux, toutes
sortes de denrées, du froment (que l'on cultive près de Kano), des
gazelles, des oiseaux, etc. La monnaie du pays est encore représentée
par les cowries, mais on accepte aussi le thaler de Marie-Thérèse. Les
riches achètent volontiers l'or et l'argent que l'on offre en vente cfir les
Hausas sont experts dans le travail de ces métaux.
La ville a 13 portes que l'on ferme tous les soirs. Sa circonférence
est de lî2 à 14 milles. Elle représente, en général, un rectangle, mais
certaines parties des murs sont irrégulières. Ce serait une ville diffi-
cile à prendre si elle était bien défendue. Après avoir pénétré dans
'enceinte, on aurait à prendre d'assaut chaque cour, car toutes les
maisons sont protégées par des murs de 8 pieds.
La mission fut reçue par le roi, mais en dépit de ses instances,
elle ne put rien obtenir et le roi lui enjoignit de quitter immédiate-
ment son royaume.
Afrique allemande Sud-Occidentale. Conditions de vente
des fermes du gouvernement. — Les conditions pour la vente des
fermes du gouvernement ont été arrêtées comme suit : le prix de
l'hectare est fixé de 50 pf. à 1 mark. En cas de pluralité, d'amateurs, il
doit être procédé aune adjudication publique. L'acheteur peut acqui-
tcr le prix de vente par fractions dont l'import doit être au moins du
dixième du prix.
La dette doit être acquittée entièrement dans les quinze ans de la
date de l'acte de vente. L'acheteur est tenu de commencer l'exploita-
tion de la ferme au plus tard dans les six mois qui suivent la vente. Le
gouvernement a le droit de faire contrôler l'observation de cette condi-
tion par une commission composée d'un représentant de l'administra-
teux cependant que les résultats soient en rapport avec les sacri-
fices que réclameront ces travaux, car, pendant les fortes averses,
les rivières et les torrents des montagnes déversent dans la baie
des quantités énormes de terres et de détritus. Ce port, qui pour-
rait recevoir les plus grands navires, est maintenant tellement
ensablé que les bâtiments à fort tirant doivent jeter l'ancre à
3 1/2 kilomètres de Kelung et les passagers arriver à terre au
moyen de jonques.
Kelung est un port franc. On n'y rencontre cependant aucun
Européen. L'insalubrité du climat en est la cause. Il y pleut deux
cent soixante jours par an, ce qui ne contribue pas peu à propa-
ger la dangereuse fièvre typhoïde qui y règne. En outre, les
changements de température y sont des plus soudains. Tout le
Nord de Formose est, du reste, particulièrement gratifié de pluies.
Non seulement la mousson Sud- Ouest, qui dure de mai à septembre,
mais aussi celle du Nord-Est, qui règne d'octobre à mars, déversent
sur cette région des masses de pluies. On explique ce phénomène
par le fait que la mousson Nord-Est souffle d'une façon ininter-
rompue sur le Kuro-Shiwo, le gulfstream du Japon, qui remonte
la côte orientale de Formose dans la direction du Nord. Les
vapeurs qui en résultent sont refoulées vers l'île ; elles s'amon-
cellent contre les montagnes et crèvent ensuite en averses colos-
sales sur le Nord de Formose.
Les montagnes qui entourent Kelung sont remplies de veines
de charbon. Plus des trois cinquièmes du commerce d'exportation
de cette ville ont pour objet le charbon. Il est à bas prix, mais c'est
le moins bon de toute l'Asie orientale. Il brûle très vite, donne
beaucoup de suie et sent très mauvais. On en a exporté, en 1897,
pour 30,000 Yen (1).
Kelung possède un chemin de fer qui la relie à Taipeh et à
Shinchiltu. Cette ligne a son histoire. Vers 1880, une firme
anglaise avait construit un chemin de fer à Shanghai pour ratta-
cher cette ville à Wusung, situé à l'embouchure du Yang-tze.
Aussitôt que le gouvernement de Pékin eut appris cette innova-
tion, il fut pris de peur. Il craignait que d'autres provinces ne
(1} Le Yen vaut 2.56 francs.
CHROMQUE 637
jusqu'à présent. Les essais sont, toutefois, trop récents pour qu'on
puisse se prononcer définitivement. On a mieux réussi dans les essais
de culture de l'indigo. La récolte en a pu être faite trois mois et demi
après l'ensemencement. La préparation de la plante pour en obte-
nir un produit tinctorial a été confiée à un Chinois. Un très beau
bleu a été obtenu.
Le reste du jardin a été semé de riz, maïs, mtama, sésame et autres
semences du même genre. La grande sécheresse a exigé plusieurs
ensemencements. Les plantations de café ont donné de bons résultats
et il est certain que le thé réussira également dans ce terrain. Les
fruits européens ont assez bien réussi malgré la sécheresse prolongée.
Il est probable que la tentative de produire des céréales d'Europe sera
abandonnée pour faire place à la culture de fourrages pour les che-
vaux et le bétail.
Uganda. — Dans son rapport sur le protectorat de l'Uganda, le
commissaire, sir Harry Johnston, se prononce d'une manière favorable
au sujet du climat et de la salubrité de cette contrée. Elle est, dit-il,
grâce à ses hauts plateaux étendus, aussi salubre pour les Européens
que les meilleures parties du Nord ou du Sud de l'Afrique. Les seules
parties dangereuses sont les bords du Nil et les rives du Victoria
Nyanza. Il évalue la population totale du protectorat à 4 millions
d'âmes environ. Les guerres civiles, les invasions et parfois la famine
ont diminué le nombre des habitants dans les dernières années.
Une des races indigènes les plus remarquables sont lesBaganda qui
non seulement sont susceptibles d'atteindre un degré de civilisation
élevé, mais qui sont déjà en voie de l'acquérir.
En vue de faire face aux dépenses de l'administration, sir H. John-
ston propose d'établir une taxe modérée sur les huttes. A raison de
4 sh. par hutte ou famille, la taxe rapporterait un revenu annuel de
160,000 liv. st. Il propose aussi d'exiger un permis de chasse à l'élé-
phant ce qui aurait, en outre, pour effet de restreindre la destruction
des éléphants.
La principale culture du pays est la banane, bien que le sol rému-
nérerait largement d'autres cultures. Le commerce de cette région est
actuellement aux mains des Allemands, parce que le portage dans
l'Afrique Orientale allemande est mieux organisé et moins cher.
Quand le chemin de fer anglais de la côte atteindra le lac, cette
situation changera certainement.
Côte italienne des Somalis. — Le consul italien de Zanzibar
constate que plusieurs des localités le long de la cote sud des Somalis
760 ÉTUDES CCLOMALES
étaient des missionnaires ou des marchands qui vivent à Amoy et
ne viennent dans l'île qu'à l'époque de la récolte du thé.
Taipeh, où mène la ligne de Kelung, était autrefois la rési-
dence des vice-rois chinois ; elle est maintenant le siège du gou-
vernement japonais. C'est la ville où l'on rencontre le plus de
Japonais. Ils y donnent le ton, ce qui ne leur arrive dans aucun
autre endroit de l'île. Cette localité sera bientôt pourvue d'amélio-
rations hygiéniques, dont le gouvernement du Japon a confié la
réalisation à un spécialiste.
La situation de Formose n'est pas encore d une tranquillité par-
faite. La cession de cette île au Japon, a provoqué beaucoup de
mécontentement en Chine. Les Chinois de l'île furent soutenus •
secrètement dans leur résistance contre les Japonais et les
fameuses bandes des Pavillons noirs, qui donnèrent tant de fil à
retordre à la France, vinrent à leur rescousse. Elles durent toute-
fois céder devant les troupes japonaises; mais la paix ne s'ensui-
vit pas. Et c'est, dit M. Fischer, la faute des Japonais. Ils ont agi
avec une telle férocité dans leur répression, massacrant souvent
des villages entiers pour se venger des méfaits de quelques indi-
vidus, qu'ils ont réduit une grande partie des indigènes au
désespoir, en s'en faisant des ennemis irréductibles. Sous leurs
apparences civilisées, les Japonais cachent, du reste, encore, des
sentiments d'une grande barbarie. C'est cet état de choses qui rend
le séjour et les voyages dans Tintérieur de l'île si dangereux pour
les étrangers.
Le gouvernement japonais n'épargne ni les frais, ni les efforts
pour effacer le sentiment de la nationalité chez les Chinois de For-
mose et pour les rattacher au Japon. Chaque année, il élève de
nouvelles écoles où l'on enseigne la langue japonaise et l'amour du
Japon. Les Chinois qui connaissent le japonais, trouvent aussi des
emplois auprès du gouvernement et des marchands japonais.
En 1898, il y avait à Formose, outre le Kokugo-gakko, c'est-à-dire
l'Ecole des langues, où les Japonais apprennent le chinois et les
Chinois le japonais, et les 4 succursales de cet établissement,
10 ()Colcs publiques, ayant 25 succursales et comptant ensemble
1,400 élèves; il y avait, ensuite, des écoles de missions, soutenues
par des sectes bouddhistes, qui possédaient 650 élèves. Les écoles
chinoises, où l'on n'enseigne que le chinois, sont au nombre de
ntSlEiTr: VKRS SL'll IPG.VN.
i,224U et compieni environ 2u,uuu eieves. u y a, en outre, 4 écoles
de missionnaires chrétiens avec 160 élèves. Les Japonais se sont
aussi préoccupés de Tinstruction des jeunes filles. Une école a
été ouverte en i897 et comptait 48 élèves, dont 17 étaient mariées.
Le gouvernement japonais, qui se montre assez indifférent à
l'égard des différentes religions dans la métropole, semble vouloir
se servir aussi de la religion comme d'un moyen de propagande
nationale à Formose. C'est ainsi qu'il favorise les missionnaires
bouddhistes et shintoïstes qui marchent d'accord avec lui, tandis
qu'il décourage les missionnaires chrétiens qui n'enseignent aux
Chinois que la langue de ceux-ci.
Un phénomène nouveau mérite d'être signalé, car il en résul-
tera pour l'avenir une plus forte opposition entre les intérêts
chrétiens et bouddhistes. Le bouddhisme a trouvé dans la haine
de l'étranger, qui s'est grandement développée depuis la guerre
sino-japonaise, un puissant allié. Aussi, l'avenir du christianisme
se présente sous un jour de moins en moins favorable au Japon et
à Formose. La secte des Shin envoie actuellement un grand nom-
bre de prêtres dans les îles du Sud et dans tous les ports d'Ex-
trême-Orient pour y répandre la religion de Bouddha et y élever
des temples. La propagande en faveur du bouddhisme et du Japon
se fait aussi au moyen d'images. C'est ainsi que le prieur d'un
temple d'Osaka a envoyé dernièrement à Formose et aux îles Pes-
cadores, dix mille statuettes en bronze de Bouddha, au dos des-
quelles on grave les noms des soldats morts dans ces contrées.
Les Chinois qui ne voulaient pas vivre sous le régime japonais,
ont eu un délai de deux ans pour vendre leurs biens et quitter For-
mose. Beaucoup de riches Chinois ont usé de cette faculté. Leur
départ se fait sentir vivement, surtout en présence du manque de
capitaux des Japonais. Beaucoup de Chinois ont aussi abandonné
l'île parce qu'ils étaient pressurés par les fonctionnaires japonais
qui les menaçaient de les traiter comme des rebelles s'ils ne cédaient
pas à leurs prétentions. Ils ont donc préféré vendre à vil prix
leurs palais et se retirer. M. Fischer a eu l'occasion de visiter un
de ceux-ci et il en a rapporté l'impression que le goût des Chinois,
leur idéal de beauté et leur sentiment esthétique, ne pourront
jamais s'accorder avec les nôtres. C'est ainsi qu'au lieu d une grille
ou d'une haie, les Chinois aiment à avoir des murs garnis de
découpures en guise de fenêtres et simulant des
des papillons ou dps nuages. Dans cette habita
entouraient un lac, étaient divisés en pans do
ornés de vases de dix pieds de haut garnis de
d'autres fleurs de mêmes dimensions; les aul
chauve-souris aux ailes étendues ou des feuilles
était dessinée en maçonnerie, etc. Le jardin étal
riche en arbres et en buissons taillés en forn
nature réfrénée et rabougrie à plaisir rappelait 1
Chinois compriment les pieds de leurs enfants.
é^^.
FOUR A DISTILLER LE CAMPHRE.
Dans les villes chinoises de Forraose, on aj ;
portes de la cité ainsi que devant les temples, d !
Une ouverture y est praliquée, par laquelle on ii I
talion de papier monnaie. C'est une manière d*êl
dieux, des plus répandue parmi les Chinois. En c ;
la fabrication de ce papier occupe un nombre co i
blissements.
Les Chinois de Formose fument couramment To :
nais, qui en défendent la consommation chez eux i
sévères, sont oblig(^s de le tolérer. Le prohiber,
sédition, tout comme si, en Allemagne, ajoute
tentait de défendre de boire de la bière.
Le long des limites de la région des sauvage;
664 ÉTUDES COLOMALKS
saison des vents du sud avec des températures très élevées. On note
pendant cette saison 28°, 32o et plus en juillet et en août ; en septem-
bre des températures de 18«», 20« et 22o. Dès octobre la température
s'abaisse brusquement à 10** et 12*^ et novembre, décembre et janvier
offrent un froid très rigoureux. C'est la saison des vents du nord-est,
avec des tempêtes de poussière glacée et des températures moyennes
de6«à 12^
» La climatologie du Nord de la Chine peut se traduire par la for-
mule suivante : température très élevée et chaleur presque tropicale
en été; pluies abondantes et vent du sud de juin à octobre; froid très
vif en hiver, avec vent du nord et tempêtes de poussière. Pendant
la saison des pluies, les cours d'eau débordent, les terrains sont
inondés, et les routes, en tout temps fort mal entretenues deviennent
tout à fait impraticables.
» Pendant l'hiver, le sol est recouvert d'une épaisse couche de
poussière dans laquelle les véhicules s'enfoncent jusqu'au moyeu des
roues et n'avancent qu'au prix des plus grandes difficultés.
» L'eau potable en Chine est de très mauvaise qualité, c'est un
point hors de doute et sur lequel on ne saurait trop insister, en rai-
son de la fréquence et de la gravité des affections intestinales : aussi
les Chinois boivent rarement, très rarement, de l'eau pure et la rem-
placent par du thé. Sur les navires de la division de Chine, on fait
exclusivement usage, depuis nombre d'années, d'eau distillée comme
^au de boisson, et c'est grâce à ce précepte hygiénique de premier
ordre que la santé de nos équipages ne cesse de se maintenir dans les
conditions les plus satisfaisantes. Pour un corps expéditionnaire
opérant dans ces régions, la question de l'eau de boisson est plus
difficile à résoudre : on ne peut fournir aux hommes en colonne de
l'eau distillée ni de l'eau stérilisée, produite par des appareils spéciaux
qui doivent être réservés pour les hôpitaux et les établissements per-
manents à terre. Tout au plus pourrait-on distribuer aux hommes
de l'eau bouillie, et encore la chose serait bien difficile à réaliser dans
maintes circonstances. Mais le Chinois fait usage comme boisson de
thé, et on devra l'imiter et veiller d'une manière toute particulière à
ce que les hommes n'usent, comme boisson courante, que de cette
infusion, qui a l'avantage d'être un aliment d'épargne. Bu chaud ou
froid, le thé est une boisson excellente qui n'offre pas d'inconvénient
pour ceux qui n'en usent pas avec excès. Le thé chaud désaltère beau-
coup mieux qu'une boisson froide même pendant les chaleurs. Pen-
dant les marches, il sera également utile de faire un usage constant
de filtres de poche du système Lapeyrère, au permanganate de potasse ;
CHIIONIQUE 665
ces filtres onl l'avanUige de débarrasser l'eau d'un grand nombre de
germes les plus nocifs. 11 en sera délivré aux troupes. Pour la désin*
fection des puits toujours contaminés en Chine l'emploi facile et peu
coûteux du permanganate de potasse ou de chaux doit être recom-
mandé. 11 suffit de S à 10 grammes de permanganate de potasse
pour i litre d'eau. On l'emploie concurremment avec un mélange d'un
quart de charbon de bois pilé et trois quarts de sable fin. Les services
administratifs emportent 260 kilogrammes de permanganate de
potasse. Le soldat devra éviter avec un soin extrême l'usage des
alcools si répandus en Chine. On y retire du sorgho une eau-de-vie qui
possède un goût empjTeumatique très prononcé; cette eau-de-vie se
vend à un prix des plus minimes, 60 à 100 sapèques soit 80 à 50 cen-
times. On fabrique encore des eaux-de-vie de grains qui sont tout
aussi impures et offrent un aussi grand danger pour la santé.
» On peut se procurer dans le Nord de la Chine de la viande de bou-
cherie en abondance, des volailles, du gibier, des légumes frais et des
fruits de bonne qualité; il faut, d'une manière générale, proscrire la
viande de porc, cet animal étant le plus souvent atteint de ladrerie et
de trichinose.
» Le poisson de rivière est mauvais à cause de la saleté excessive des
cours d'eau. 11 a toujours un goût très prononcé de vase et il est pru-
dent de s'en abstenir, ainsi que des écrevisses et des crevettes que l'on
trouve dans ces cours d'eau.
» Le nord de la Chine possède des chevaux trapus, peu gracieux de
forme, avec la tête grosse et la croupe ravalée rappelant le poney
écossais; il possède aussi des mulets très vigoureux qui sont de belle
taille et remplacent, dans cette région, presque entièrement le cheval
comme animal de selle ou de trait.
» Pendant la saison chaude, le paludisme sévit avec une assez grande
intensité dans le bassin du Peïho, et il est nécessaire, pour se mettre
en garde contre ses manifestations, de suivre rigoureusement les règles
de prophylaxie édictées pour les expéditions en pays paludéens.
» Les coups de chaleur et les insolations s'observent fréquemment
en juillet et en août, et les congestions du foie sont aussi assez com-
munes, pendant les mois d'été; mais la dominante de la pathologie
estivale, en Chine, en dehors du paludisme, est certainement la
diarrhée qui oflre souvent des complications d'une formidable
gravité.
» 11 est donc de toute nécessité que les diarrhées, même celles qui
paraissent les plus bénignes, soient soignées, dès le début, car les
épidémies de choléra sont fréquentes en Chine, et toute diarrhée peut
haut environ, alimenté au moyen de bois. On y place un ou plu-
sieurs chaudrons de fer que l'on remplit d'eau. Ces chaudrons sont
munis d un tube en bois à travers lequel passe la vapeur d'eau. Ces
tubes sont remplis de petits morceaux de bois de camphrier. La
vapeur qui s'imprègne en traversant ces morceaux de camphre, va
se condenser dans un récipient placé dans de l'eau courante, oii
elle se cristallise. D'autres tubes apportent au chaudron l'eau néces-
saire pour remplacer celle qui s'évapore. Les morceaux de bois
restent soumis à la distillation pendant vingt-quatre heures. Il faut
à peu près un mois pour que le récipient soit rempli de camphre.
Si bas que soit le niveau de la civilisation chez les sauvages de
Formose, leur vie de famille est cependant régulière et heureuse.
Maris et femmes se gardent une fidélité absolue et les femmes et
les enfants sont traités de la manière la plus affectueuse par les
hommes. Les jeunes filles apprennent à filer, à tisser et à piler le
grain. Aussitôt qu'elles sont en âge d'être mariées, on les tatoue,
du moins chez les peuplades du Nord de l'île. Les mariages donnent
lieu à de grandes beuveries.
Les huttes des sauvages sont extrêmement primitives. On plante
deux pieux en terre sur chacun desquels on place une poutre dont
l'extrémité inférieure repose sur le sol, puis on couvre le sommet
et les côtés de bambous. Ces huttes n'ont pas de cheminée; la
fumée s'y répand donc au point de rendre l'air irrespirable pour
tout autre que leurs habitants. On ne rencontre pas chez les sau-
vages du Nord comme chez ceux du Sud, des images de dieux
bien qu'ils croient cependant à un dieu des montagnes et à des
esprits. Ils n'ont non plus ni prêtres ni médecins ; l'art de guérir est
aux mains de vieilles femmes qui se livrent à toutes sortes de jon-
gleries devant les malades.
La façon d'enterrer les morts est singulière. On hisse le cadavre
dans Tintérieur de la hutte au moyen d'une corde attachée à la
charpente ; puis, on creuse une fosse au-dessous ; après cela, on
coupe la corde de manière à faire tomber la dépouille dans la
fosse. On la recouvre ensuite de terre. Quand le sol de la hutte est
farci de cadavres, les habitants abandonnent l'habitation et vont
en construire une autre. On procède parfois aussi aux inhuma-
tions sur des collines encloses de haies, mais on ne recouvre l'en-
droit où elles ont eu lieu d'aucun signe, car les vivants ne veulent
CHRONIQUE 667
construit, a envoyé sur les chantiers toute la main-d'œuvre dont elle
peut disposer. On espère que la section Tsingtau-Kiautschau sera
terminée dans les premiers mois de 1901.
Tien-Tsin. — Le consul anglais à Tien-Tsin dit, dans son rapport,
que le commerce de cette ville se développe rapidement et qu'il a plus
que doublé dans les dix dernières années. En 1889, il s'élevait à
31.2 millions de taëls et en 1899, il a atteint le cl^iffre de 77.6 mil-
lions. Les progrès sont attribuables aux efforts des marchands étpan*
gers qui ont favorisé le commerce d'exportation, à la politique clair-
voyante de Li-Hung-Chang quand il était vice-roi de Tien-Tsin, à la
proximité des ambassades étrangères qui empêche la violation des
traités et, enfin, à l'établissement de banques étrangères ainsi qu'à la
construction de chemins de fer. On dit généralement que Tien-Tsin
est le port de Pékin, de la Mongolie et de la Sibérie. L'aire qu'il draine
est encore plus vaste. Elle embrasse toute la partie de la Chine qui
s'étend au nord du fleuve Jaune jusqu'au Thibet, [à l'ouest, car les
ports du Shantung — Chifu et Kioo-chau — ne desservent que leur
voisinage immédiat. En réalité, Tien-Tsin est la clef du commerce du
Turkestan Oriental et du Thibet. Le chemin de fer qui court le long de
la côte vers Shanghaï et qui vient d'être prolongé jusque Niuchwang,
a contribué à la prospérité de Tien-Tsin. La ligne de Pékin-Niuch-
wang via Tien-Tsin a couvert tous ses frais Tannée .dernière. Les
passagers ont été au nombre de 2,174,808 et les marchandises ont
atteint 722,428 tonnes.
La situation du Pei-ho ne cesse d'empirer. Autrefois, les steamers
arrivaient toujours à Tien-Tsin, même s'ils devaient s'alléger pour
traverser la barre ; mais, l'année dernière, un seul a osé courir le risque
d'être retenu dans la rivière. Le canal s'est rétréci et est devenu moins
profond et la barre s'est élargie. Ces changements sont dus, paraît-il,
aux canaux que l'on a construits dans les vingt dernières années et
qui, en détournant une partie des eaux de la rivière, diminuent d'autant
la force de son courant. On va essayer do remédier au mal en mettant
des vannes aux canaux. Il serait préférable que le gouvernement con-
fiât la solution des difficultés que présente le régime des eaux à Tien-
Tsin à des ingénieurs européens. Il n'est pas rare actuellement de voir
des vaisseaux retenus devant Taku pendant une semaine ou plus
longtemps encore. Il en résulte un grand préjudice pour le com-
merce, par suite des frais qu'entraîne le transbordement sur allèges.
La barre devrait être approfondie au moins jusqu'à 14 pieds. A coté
des intérêts du commerce, il faut encore tenir compte de ceux des
cultivateurs, dont les champs sont ruinés par les inondations.
7 i/^pr^
pas se souvenir des morts. On comprend que les Chinois chez qui
le culte des ancêtres est si vif, méprisent les sauvages et les con-
sidèrent comme des brutes dépourvues de tout sentiment de civi-
lisation. Il est vrai qu'ils ont une
autre raison pour les traiter de la
sorte, car les sauvages sont des
chasseurs de têtes chinoises enra-
gés. Quand ils vont à la chasse,
ils portent sur leurs épaules un
(ilet rouge auquel pend une tresse
de Chinois.
Un des districts les plus dange-
l'eux pour les Chinois, peut-être
le plus dangereux, est celui de
Polisha. D'après les statistiques
dressées par le gouvernement, il
revient à ce district, 232 des
496 têtes enlevées à des Chinois,
en 1897. Dans cette même année,
des Japonais aussi avaient été
décapités par les sauvages. En
outre, 77 Chinois et 3 Japonais
avaient été blessés.
On voit aussi dans les huttes,
un ornement que les sauvages
appellent « Takanan » et qui
s accroche à la charpente. Il con-
siste en un cercle de bambou, d un
pied et demi à deux pieds de dia-
mètre, auquel pendillent une quan-
tité de fils d'environ cinq pieds de
longueur que l'on a passés à travers une quantité de rondelles
découpées dans la moelle de ïaralia papijrifera et ayant un pouce
d'épaisseur. L'extrémité inférieure des fils est généralement garnie
de coquillages. Au-dessous de cette sorte de baldaquin se trouve
le sac où l'on met les têtes des Chinois décapités; plusieurs tresses
de Chinois y sont attachées.
Aussi longtemps que les fêtes sont fraîches, on les place sur un
TÊTL DE CHINOIS l>KCAPITfe.
bloc de quatre pieds de haut et on leur met une batate dans la bou-
che. Pendant la fête qui se fait à 1 occasion de la capture d'une
tête, on verse du satnshu dans la bouche de cette tête en l'honneur
des mânes du décapité. Au-dessus de la tête, pend, comme au-
dessous du Blet, un baldaquin A*aralia papyrifera. Plus tard, les
tresses sont généralement accrochées en guise d'ornement dans le
fond de la hutte tandis que les crânes sont placés devant ou à
proximité de l'habitation sur des échafaudages de bambous.
La montagne la plus élevée de Formose est le mont Morisson.
On ne le connaissait jusque dans les derniers temps que de nom.
11 est redevable de celui-ci à un capitaine de navire anglais qui le
découvrit à la fin du siècle dernier. 11 n'a été escaladé qu'en 1896
par M. Honda, un professeur japonais de Tokio, qui avait été
chargé de l'explorer par son gouvernement. Ce professeur con-
stata que le mont Morisson n'est nullement de nature volcanique,
comme on le supposait généralement, et qu'il devait avoir une
hauteur de 14,350 pieds au-dessus du niveau de la mer. Des
relevés trigonométriques précédents, exécutés depuis la mer,
n'avaient donné que 12,830 pieds de hauteur. Le professeur
Honda explique cette différence en disant que la cîme réelle est
cachée par un pic qui empêche de la découvrir de l'Océan. La
végétation du mont Morisson est admirable. M. Honda découvrit
des camphriers et des chênes jusqu'à 6,500 pieds d'altitude;
plus haut, il vit des pins; à partir de l'altitude de 10,500 pieds
jusqu'au sommet, il trouva des sapins et différentes sortes de
mniperus.
En se dirigeant par mer vers le Sud de l'île, M. Fischer passa
parles îles Pèscadores. Depuis 1884, époque où les Français
occupèrent momentanément ces îles, au cours de leur guerre contre
le Tonkin, elles possèdent une réputation détestable au point de
vue du climat. A cette époque, succombèrent, en peu de temps,
au choléra, 400 Français, et parmi eux l'amiral Courbet et plu-
sieurs officiers auxquels le gouvernement français a fait ériger un
monument. Les Japonais furent encore plus maltraités quand ils
prirent possession de ces îles, il y a cinq ans. Et cependant le cli-
mat des Pescadores vaut mieux que celui de Formose, car celui-ci
est humide tandis que l'autre au contraire souffre du manque d'eau.
La plus peuplée des villes du Sud de Formose est Tainanfu
dont Amping est le port. On y trouve une mission de YEnglish
Presbyterian Church qui comptait 1,250 adeptes en 1895. Les
marchands européens (il y en a quatre), vivent à Amping, qui est le
centre du commerce du sucre blanc et brun. L'exploitation de ce
produit est encore peu développée car les Chinois s'obstinent à s'en
tenir à leurs procédés antédiluviens. Il existe des moulins excessi-
vement primitifs, où les planteurs envoient leurs produits. On
CRANES DE CHINOIS EXPOSfS DEVANT UNE HUTTE.
pousse les cannes sous deux meules mises en mouvement par des
buffles. Les meules passent deux fois sur la canne et le jus qui en
sort coule à travers un bambou dans un chaudron où on le fait
bouillir. Par ce procédé, on perd au moins 50 p. c. du suc.
On trouve aussi à Amping, de nombreux parcs à huîtres. Les
Chinois sont très friands de ce mets. La production de l'île ne
suffit pas aux besoins de la consommation. Il s'en importe encore
une grande quantité de la Chine. L'endroit le plus renommé pour
les huîtres est Amoy. L'huître de Formose, contrairement à celle
d'Europe, est meilleure en été qu'en hiver.
Les Pîiiwnns que I on l'oncoulrc dans le Sud de Formose, pra-
tiquent, dans leur vie de famille, des principes Spartiates. Ils agis-
sent rudement avec les jeunes enfants, estimant qu'il est parfaite-
ment inutile de conserver des êtres faibles. Pour le reste, l'esprit
de famille est très développé La femme n est pas, comme chez lant
de peuplades asiatiques, un être qui tremble devant son mari, Elle
marche à côté de lui comme son égal. Les lilles se marient jeunes
et sont absolument libres dans le choix de leur époux. Celui qui
veut épouser une jeune fille dépose devant la maison de celle-ci
une poignée de brindilles. Si elle est enlevée, il en conclut que sa
demande est agréée. 11 fait alors des cadeaux aux parents de sa
fiancée et Tunion est prononcée par le chef de la tribu. La femme
suit Thomme dans sa famille et est considérée comme un membre-
de celle ci.
A Ramari, au Sud-Ouest de Formose, M. Fischer a constaté que
les indigènes enterrent aussi leurs morts dans Tintérieur de leurs
habitations. Ils creusent un trou dans le sol et y déposent le cadavre
auquel ils donnent une position assise. Les indigènes ont une
grande frayeur des maladies contagieuses, et les endroits où se
trouvent des malades atteints d'un mal de ce genre sont évités sur
l'ordre du chef. Les herbes médicinales ne jouent qu'un petit rôle
dans le traitement des maladies. Les indigènes ont plus de con-
fiance dans les simagrées et les exorcismes des sorcières. Les
morsures des serpents, qui sont assez fréquentes, se traitent en
faisant sucer la plaie par des gens qui en ont la spécialité et qui se
font payer ce service très cher.
La superstition joue un rôle essentiel dans la vie des Paiwans.
Ainsi, éternuer en dehors de sa maison est réputé comme un pré-
sage de grands malheurs. Aussi, celui qui éternue dans ces circon-
stances, abandonne-t-il immédiatement l'entreprise dans laquelle
il était engagé. Les Paiwans attribuent aussi beaucoup d'impor-
tance au vol des oiseaux, surtout à celui d'une sorte de roitelet à
plumage noir. Cet oiseau vole-t-il au-dessus du chemin ou s'élève-
t-il directement vers le ciel, c'est l'annonce d'une infortune. Toutes
les affaires fixées à ce jour sont remises, même les mariages.
Les sorcières jouissent aussi d'une grande confiance. On les
consulte avant d'entreprendre une affaire sérieuse : chasse, pèche
ou guerre. Elles interrogent les esprits dans un lieu situé dans la
montagne. L'écho est considéré comme la voix de ces derniers.
Leurs réponses sont toujours ambiguës comme celles de l'oracle
de Delphes. On ne consacre que les plus jolies filles de la tribu au
métier de sorcières. Elles ne se distinguent d'ailleurs pas, par
leur genre de vie, des autres femmes du village.
Les Paiwans sont de grands buveurs d'alcool. Ce vice est très
préjudiciable au développement de la population, car les enfants
qui boivent, jeunes, de ïarrnk et du snmshu meurent très tôt. La
HABITANTS DAMI.
mauvaise habitude de mâcher du bétel règne aussi fortement chez
eux. Les enfants commencent déjà, à deux ou trois ans, à fumer et
à mâcher du bétel.
Certains chefs de sauvages, tels ceux des Ami, près de Pilam,
reçoivent des subsides de un à sept yen par mois du gouverne-
ment japonais pour maintenir l'ordre parmi leurs gens, éviter que
la tranquillité ne soit troublée entre tribus et porter les événements
à la connaissance de l'autorité. C'était déjà la coutume sous la
domination chinoise. Les Japonais avaient cru pouvoir rompre
avec cette tradition. Mais comme des troubles ne tardèrent pas à
éclater et que des gendarmes japonais furent assîissinés, le gouver-
nement se décida à rétablir les subsides.
2
Les Japonais ont commencé à fonder des écoles dirigées par des
instituteurs japonais dans les villages des sauvages. Il en existe
jusqu'à présent quatre, dont trois au Sud- Est de Tîle, et une au
Su * L'instituteur d'une des premières, située à Maran, disait que
les enfants venaientà l'école dès six heures du matin, mais pas très
régulièrement, car ils doivent partager leur temps entre l'étude et
la garde des bœufs. M. Fischer visita l'école, qui est spacieuse et
bien aérée. Les parents des élèves assistaient aux cours, appuyés
contre les murs de la classe. Ils venaient voir inoculer la science à
leur progéniture. Sous les bancs rampaient les jeunes frères des
élèves, qui s'amusaient à tourmenter les doigts de pieds de leurs
atnés. Le professeur levait des feuilles de papier portant des mots
écriLs en grandes lettres que les élèves devaient répéter. Ils étaient
une cinquantaine et travaillaient avec ardeur. Les parents aussi
semblaient s'intéresser considérablement à la leçon. Leur présence
avait ce grand avantage que les plaintes du professeur sur le
manque d'application de l'un ou de l'autre de ses pupilles, se trou-
vaient aussitôt sanctionnées par une correction bien sentie.
Comme dans toutes les écoles japonaises, on ne s'occupe pas
à Maran de l'enseignement religieux , mais l'instituteur cherche à
inculquer à ses élèves des principes de bonne conduite, d'obéis-
sance aux parents et de soumission au chef de la tribu.
Le village de Maran n'est qu'à trois quarts d'heure de celui de
Pelam et, cependant, l'idiome est si différent entre les deux loca-
lités que les habitants se comprennent à peine. Les indigènes de
Maran comme les Ami, de Pelam, ont à peu près les mêmes céré-
monies. Chez les uns comme chez les autres, les vieillards sont
traités avec la plus grande déférence tant qu'ils vivent, mais
à peine sont-ils morts que l'attitude à l'égard de leur mémoire
devient des plus brutales. Ces peuplades estiment qu'elles ne
doivent aucune considération au cadavre. Aussitôt que le corps
est enterré, on pose une petite table en bois sur la fosse. Avant de
se retirer, chacun y jette une poignée de terre et crache dessus.
En même temps, il apostrophe le mort, en lui disant qu'il doit
désormais se contenter de son sortet rester où il est; que, pendant
ses années de vieillesse, on l'a traité avec égards malgré tous les
ennuis qu'il occasionnait, mais que maintenant il ne devrait pas
s'aviser de revenir, sinon on le traiterait de la manière dont ou
vient d'agir sur sa tombe. Après ces aimables paroles, on se livre
à une orgie et on ne pense plus au défunt.
deux des Ami qui habitent près de la mer ou d un fleuve traitent
assez rudement leurs enfants. Ils les plongent chaque jour dans un
seau d'eau froide. Plus tard, quand ils sont devenus plus forts, ils
les jettent dans la première rivière qui est à leur portée et les y
laissent frétiller quelque temps. D'après les parents, les fils élevés
de cette façon deviennent d'excellents nageurs et des plongeurs
émérites.
Les Japonais ont pour principe de se montrer très indulgents
vis-à-vis des sauvages et ils ferment volontiers les yeux quand
ils commettent des délits contre les Chinois. M. Fischer doute
cependant que les efforts et les sacrifices que font les Japonais pour
transformer les sauvages en paisibles agriculteurs atteignent leur
but. Il croit même qu'il n'est pas impossible que toute la peine que
se donnent les Japonais ne profite en fin de compte aux Chinois,
car, malgré toutes les faveurs dont jouissent les marchands japo-
nais, ils ne sont guère capables de lutter contre les Chinois qui
sont beaucoup plus habiles et surtout mieux pourvus de capitaux.
Que réserve l'avenir au Japon dans l'île de Formose?Trouvera-t-il
une compensation pour les sommes considérables qu'il y a déjà dépen-
sées et qu'il devra encore y consacrer? Il est difficile de répondre
à cette question, pense M. Fischer. On peut cependant rappeler que
dans la plupart des colonies, ce n'est que la deuxième ou la troisième
génération qui recueille généralement. En tous cas, les Japonais
semblent s'être repris des erreurs qu'ils ont commises au début de
leur occupation. Le nouveau gouverneur est décidé à appliquer
tout un plan de réformes financières. Il projette d'établir le mono-
pole du sel qui rapportera annuellement 640,000 Yen; celui du
camphre existe déjà. L'impôt sur le riz sera exigé en argent au lieu
de l'être, comme maintenant, en nature: il en résultera un bénéfice
important. Les jonques et les vapeurs qui n'appartiennent pas à des
sujets japonais seront soumis à une taxation élevée. Des mesures
énergiques seront prises pour mettre fin à la contrebande.
Lesréformeslesplusimportantes concernent la propriété foncière*
Une commission a été instituée pour établir un cadastre, caries déli-
mitations des terres laissaient beaucoup à désirer sous la domina-
tion chinoise. Dans un espace de trois «ans, des cartes à d/i,20O
U0
ETUDES COLONIALES
seront achevées. Ce travail coûtera plus de 3 millions de Yen. Ces
cartes donneront des délails exacts sur la naturedu sol : montagnes,
terres labourables, prairies, etc. Jusqu'à présent, il n'existait h
Formose qu'une apparence de cadastre et des titres de propriétés
privés, mais la révolution les a détruits en grande partie. La plus
grande confusion règne donc dans ce domaine.
Jusqu'à présent, les agriculteurs seuls payaient des impôts.
Dorénavant, les propriétaires et les commerçants en acquitteront
également. L'exemption des droits de douane sera aussi supprimée
pour certains articles. Reste à voir si les Chinois se laisseront
imposer toutes ces réformes sans protester.
Formose est riche en produits naturels bien que la valeur de
certains d'entre eux, tels que le camphre, ait été exagérée. On ne
doit pas non plus désespérer de trouver des ressources minérales
dans l'intérieur de l'île. Mais pour exploiter toutes ces richesses, il
faut des voies de communication : routes, chemins de fer et canaux.
Or, l'argent fait malheureusement défaut au Japon pour les réaliser.
Aussi semble-t-il que sans l'intervention du capital étranger, qu'un
chauvinisme étroit tend à repousser, le Japon aura bien des diffi-
cultés à mettre sa nouvelle acquisition en valeur.
^-^f-
CUBA
^1^ SON AVENIR
"^^^--^
♦^
Bibliographie. — Baron B. Nothomb, Rapport sur Cite de Cuba, paru en 1899
dans le Recueil des rapports des secrétaires de légation de Belgique. —
Charles Benoist, L'Avenir de Cuba. — Cuba, article paru en 1897 dans
le Contemporain. — Rapports des consuls belges, parus dans le Recueil Consu-
laire. (Passim,)
Cuba est une île longue de 670 et large de 40 à 200 kilomètres
et dont la superficie n'est pas moins de 126,700 kilomètres carrés.
Sa forme est celle d'un arc irrégulier dont la convexité est tournée
vers le Nord. Ses côtes sont bordées de récifs et d'îlots. Une
chaîne de montagnes assez élevées la traverse dans toute sa lon-
gueur. Les rivières sont nombreuses mais de peu d'étendue. Le
climat est chaud et sec ; les vents du Nord et de l'Est le tempèrent.
L'île abonde vraiment en richesses minérales, houille, cuivre,
argent, aimant, cristaux de roche, salines, eaux thermales; et en
richesses agricoles, sucre, café, tabac, bois de construction, de
peinture, d ebénisterie.
La plus grande partie de l'étendue de Cuba est une plaine d'une
altitude de 30 à 100 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le
pays a surtout le caractère d'une plaine dans la province de
La Havane et plutôt celui d'un plateau de faible altitude dans les
provinces de Matanzas, Santa-Clara, Puerto-Principe. Plus à
l'Ouest, entre la frontière de Puerto-Principe et la ville de Cien-
fugos s'élèvent sur la côte méridionale une suite de pics avec une
hauteur maxima de 1,800 mètre?. Les principales montagnes se
r.iuui^o i^uijUi^iALin.o
trouvent sur les bords de Tîle, le centre étant occupé par des
montagnes secondaires et généralement par des plaines. Les mon-
tagnes ont parfois des sommets rocheux, mais le plus souvent,
elles sont couvertes de végétation jusqu'à la cîme; leurs altitudes
moyennes conviennent admirablement à la culture du café et du
cacao.
Les rivages de l'île sont fréquemment occupés par des marches,
quelquefois par de vrais marais qui rendent les côtes plus insa-
lubres que l'intérieur. La nature a admirablement favorisé l'île de
ports naturels; des baies réunies à la mer par d'étroits goulots
forment des refuges sûrs que l'homme doit à peine améliorer pour
en faire des ports de premier ordre. La plus grande de ces baies
est celle de Cienfugos, longue de 17 et large de 8 kilomètres; le
chenal a 5 kilomètres de longueur. Toutes les flottes du monde
pourraient y trouver place. Il y a en tout 54 ports. Il y a seule-
ment i9 phares sur cette grande étendue de côtes où la navigation
est pourtant si dangereuse à cause de la présence de nombreuses
îles et cayes le long du rivage. Les cayes sont des chaînes d'îles
parallèles à la côte qui laissent une véritable mer intérieure entre
la terre ferme et le large, mer où le navigateur trouve difficilement
sa route et où le pirate a longtemps élu domicile.
Cuba a une importance stratégique et commerciale de premier
ordre par sa position géographique relativement aux autres points
de la superficie planétaire. La Havane est vraiment privilégiée :
située vers le milieu du Nouveau-Monde, au centre de la grande
Méditerranée américaine, elle se trouve précisément à l'origine
du courant du golfe et, par conséquent, au point de départ de la
route naturelle des Antilles vers l'Europe Occidentale. En même
temps elle est placée au lieu de convergence des lignes de naviga-
tion qui, de tout le pourtour du golfe, se dirigent vers la porte de
sortie. Le delta du Mississipi, c'est-à-dire l'ensemble du bassin
fluvial le plus populeux des Etats-Unis, s'ouvre directement vers
La Havane; Cuba est à quelques heures seulement de l'extrême
pointe de la Floride, c'est-à-dire des Etats-Unis. Par là, sa valeur
spécifique s'accroît de sa valeur de position. Elle vaut infiniment
plus pour les Etats-Unis que pour toute autre puissance et notam-
ment que pour l'Espagne, dont la séparait toute la largeur de
l'Atlantique. C'est ce que les Etals-Unis ont compris, dès qu'il y a
LA GUTTA-PEKCIIA G81
arbre. II est préférable de les planter dans une noix de coco pour
y prendre racine et puis de les transplanter. De jeunes plantes
obtenues de cette fagon s'achètent à Penang et à Batavia à raison
de 50 cents la pièce. On peut aussi transplanter de jeunes
arbres de la jungle ou des plantations; ils se vendent également à
bas prix à Malacca. Le D' Treub dit que les jeunes plantes prove-
nant de marcottes sont plus vigoureuses que celles qui sont pro-
duites par les graines. Le greffage est impossible, au dire de
M. Ridley, à cause des bacilles et des champignons qui attaquent
la plante.
Les fruits mûrissent à la Hn de la saison des pluies ou au com-
mencement de la saison sèche. On doit alors les semer immédiate-
ment dans des couches. Au commencement de la saison des pluies,
on les met en pépinière et quinze à dix-huit mois plus tard, on les
plante en plein air. Comme ombrage, on se sert à'Albizzia moluc-
cana. Les meilleures distances à observer sont : pour le Pala-
quium Treubii, 3x3 mètres ; . pour le P. Treubii parvifolium,
4x4 mètres; pour le P. bornesense, 4 x 4 ou 4,50 X 4.50 mè-
tres; pour le P. Cutta, 4.50x4.50 ou 5 x 5 mètres. Là où
Ton ne rencontre pas de mauvaises herbes, d'herbes ou de buis-
sons, on peut aussi appliquer de plus grandes distances. Mais
comme cette culture n'est à recommander que dans les pays très
humides, où les mauvaises herbes poussent en grand nombre, les
chiffres cités plus haut sont, en général, à observer. Dans la suite,
il faudra naturellement éclaircir la plantation, mais il est probable
qu'en le faisant, on pourra déjà retirer un petit profit.
A Tjipetir, c'est le Palaquium Gutta qui a poussé le plus rapi-
dement. La hauteur des arbres dans une plantation de treize
années est de 12 mètres. Il ne semble pas, du reste, que les
Palaquium Gutta appartiennent aux géants de la forêt; ils font
plutôt l'effet de petits arbres aimant à vivre à l'ombre d'autres.
Comme culture intercalaire, on a essayé le café de Libéria, mais
avec peu de succès parce que son développement rapide nuit
aux arbres à gulta-percha. Comme ces derniers ont des racines
superficielles, on recommande comme culture intermédiaire, les
arbres à kapok qui ne donnent pas trop d'ombre dans les pre-
mières années, et qui, plus tard, quand ils en donnent, sont très
élevés; ils ont aussi des racines qui s'enfoncent profondément dans
t:àl\JXftMJ Vlt/Llt/llAX&LlUO
L'année 1893, une des plus mauvaises, donne 6,610 décès, dont
1,300 attribués à la consomption et 645 à la fièvre jaune. Le
danger réel que présente ce dernier fléau est très minime. Plus de
gens meurent du typhus dans les pays tempérés que de la fièvre
jaune dans les pays tropicaux. A Cuba, les décès causés par la
consomption sont beaucoup plus nombreux que ceux produits par
la fièvre jaune. Celle-ci n'entraîne la mort que dans 10 p. c. des
cas constatés. Les Américains ont pris des mesures énergiques
d'assainissement dans l'île de Cuba. C'est au nettoyage et au repa-
vage des rues et à l'établissement d'égouts qu'ils ont songé en
premier lieu. Le général Brooke, à l'époque où il était gouverneur
militaire de la province de Santiago, taisait fouetter en public les
habitants, souvent honorables, qui négligeaient de nettoyer le
trottoir devant leurs maisons. Les Américains sont grands experts
en hygiène et ils récoltent déjà les fruits de leurs précautions. Au
mois de mai de cette année, la fièvre jaune n'a pas encore fait son
apparition. Peut-être parviendront-ils à la faire complètement
disparaître de l'île.
Le dernier recensement de la population fait par les Espagnols
date de 1887. Il indique une population de 1,631,687 habitants.
La densité variait beaucoup suivant les j)rovinces. La population
actuelle doit être considérablement moindre que celle de 1887.
On peut estimer d après M. le baron B. Nothomb qu'elle a décru de
250,000 personnes et serait actuellement de 1,380,000 personnes.
Avec une densité de population égale à celle de la Belgique, la
population serait de 20 millions d'habitants. Des 1,631,687 habi-
tants de 1887, 1,102,689 étaient de race blanche, 485,187 nègres
ou mulâtres et 43,811 Chinois.
L'île possède de grandes villes qui par le nombre de leurs habi-
tants feraient figure dans un état Européen. La Havane dépasse le
chiffre de 200,000 âmes, Santiago de Cuba 72,000; Puerto Prin-
cipe 47,000; Holguin 35,000; Sancti Spiritu 33,000; Matanzas et
Cienfugos 27,000 ; Cardenas 23,000. Ce ne sont pas des villes à
demi-barbares comme d'autres agglomérations dont nous sommes
étonnés parfois d'apprendre l'importance. Pas une cité des
Antilles ne peut se comparer à La Havane : plus de 6,000 voitures
-parcourent les rues de cette capitale; de nombreuses embarcations
circulent d'une rive à l'autre du port, où mille bâtiments peuvent
CUBA. SON AVEMK 7»3
trouver place et qui regoil ctiaque année plus de â,000 navires ; le
mouvement du port, l'animation des rues, les couleurs vives
(jaune, rose, vert, bleu clair) des maisons, les bouquets de pal-
miers des places, la végétation touffue des larges promenades,
donnent à la ville un aspect d'une gaieté singulière. Si les villes
cubaines jouissent des magnificences de la nature tropicale, elles
ont aussi bénéficié, comme les villes d'Espagne, des progrès
modernes : gaz, lumière électrique, tramways, chemins de fer.
La société y est aussi élégante et cultivée qu'en Espagne.
Cuba est arrosée par plus de deux cents cours d'eau auxquels on
peut donner le nom de rivières; l'eau est claire et abondante en
toute saison, mais, à cause du peu de longueur de l'île comparée
à sa largeur, ces rivières n'offrent pas d'utilité comme moyens de
communication.
Les habitants, pas plus que ceux des autres pays de la zone
tropicale, ne se livrent à l'industrie; ils préfèrent exploiter le sol et
vendre à l'étranger les produits obtenus au lieu de les travailler
eux-mêmes. La moitié de l'île est couverte de grandes étendues de
forêts encore vierges : 15 millions d'acres ou près de 6 millions
d'hectares sur les 29 millions d'acres ou 12 millions d'hectares
que comprend le pays. 25 p. c. seulement de la surface du sol
ont été exploités jusqu'à présent et ont servi d'une façon quel-
conque à augmenter la richesse de l'île. La production agricole
qui manque de bras pourrait être développée considérablement.
l/élevage est une ^es richesses de Cuba. Les éleveurs avaient fait
dans les dernières années de grands sacrifices pour développer
leurs entreprises. On évaluait en 1873, à 584,725 le nombre des
chevaux et mulets, à 2,485,766 celui des têtes de gros bétail,
à 78,494, celui des moutons et brebis, à 570,195, celui des porcs.
Le gros bétail, les mulets et les chevaux sont renommés; de
race andalouse, les chevaux ont perdu en slalure et en largeur de
poitrail, mais ont gagné en sobriété et en force d'endurance. Le
gros bétail a prospéré surtout dans la province de Puerto-Principe.
Les concessions minières couvrent 13,727 hectares dans la pro-
vince de Santiago; il y a 138 mines de fer, 88 de manganèse,
53 de cuivre. L'une d'elles a exporté 326,009 tonnes de fer
en 1892, 383,865 en 1893, 153,609 en 1894. Il y a des mines de
fer, de nickel et de cobalt dans la province de Pucrto-Principc.
X4l\jMJ IIiO
On a découvert deux dépôts de pétrole en 1894 près de Manza-
nillo, et une mine de charbon au Nord-Ouest de Santiago. Plu-
sieurs mines de cuivre sont exploitées dans la province de la
Havane.
Les principaux produits sont le sucre, le tabac, les fruits et le
bétail. Le café et le cacao ne tiennent qu'une place secondaire. Les
forêts et les richesses minérales n'ont guère encore été exploitées.
Chaque région de l'île se livre de préférence à un genre de cul-
ture qui lui donne un caractère distinctif, quoique les autres pro-
duits s'y retrouvent aussi. En allant de l'Ouest à l'Est, on rencon-
tre Pinar del Rio où se cultive surtout le tabac; Puerto-Principe
pays d'élevage du bétail. Santiago contrée qui produit les fruits et
le café et où l'on trouve également des métaux.
D'après une évaluation officielle faite en 1894^ il y avait à ce
moment.
d,IOO plantations de sucre;
8,875 » de tabac ;
194 » de café ;
4,298 fermes de bétail ;
23,238 fermes;
37,703 exploitations agricoles.
M. Clark dans son ouvrage Commercial Cuba (New -York, 1898)
a fait l'estimation suivante de la valeur actuelle de l'île, d'après les
chiffres de 1894. D'après M. Clark on peut fixer à environ 300 mil-
lions de dollars la valeur des exploitntipns agricoles. Il estime à
85 millions de dollars la valeur des produits obtenus. Le nombre
des propriétés bâties était fixé à 89,435 par les statistiques
espagnoles avec une valeur imposable de 12 millions de dollars;
ce dernier chiffre était au-dessous de la réalité. La valeur impo-
sable des propriétés rurales était également fixée à 1 2 millions de
dollars.
La plus grande partie du territoire cultivé de Cuba est occupée
par la canne à sucre. L'espèce la plus répandue est la canne
blanche, dite Bourbon, qui dure de sept à neuf ans. Par suite,
tous les sept ou neuf ans il faut replanter. La récolte se fait tous
les dix ou les onze mois et le rendement moyen est de 80 kilo-
grammes de cannes par hectare. La culture du sucre remonte
aux origines de la colonisation de l'ile, probablement à l'année
LA CLTTA-PEUCIIA 685
Composition chimique de la gutta-percha.
Après les analyses faites depuis 1843 par différents chimistes,
Payen arriva, en 1852, à la conclusion que la gutta-percha purifiée
contient trois éléments : une substance insoluble dans l'alcool
froid ou bouillant, qu il nomme Gutta pure, une résine cristalline
blanche, soluble dans lalcool chaud mais pas dans l'alcool froid,
qu'il appelle Albane et, enfin, une résine jaune amorphe, qu'il
désigne sous le nom de Fluavile.
Tout récemment, M. Oesterle, procédant à une analyse plus
approfondie, découvrit un quatrième composant qu'il nomma
GuHane. M. Obach se livra également à une analyse et obtint la
composition suivante :
ALBANE. FLUAVILE.
C= 78.06 p. c. 0 = 80 79 p. c.
H =10.58 — H = il.00 —
0 = 10.46 — 0= 8.21 —
100.00 p. c. 100.00 p. c.
ce qui correspond à la formule : Gio H,o 0. La composition de la
fluavile semble varier daprès les différentes sortes de gutta-
percha.
La gutta pure est insoluble dans Téther et dans l'esprit de pétrole
faible à une température ordinaire, tandis que l'albane et la fluavile
fondent aisément dans ces liquides. L'un ou l'autre de ces dissol-
vants peut donc être employé pour séparer les composants rési-
neux de l'hydro-carbone.
La gutta possède toutes les bonnes qualités de la gutta-percha,
mais à un degré plus accentué ; elle devient molle et plastique en
chauffant et dure et résistante en refroidissant, sans être le moins
du monde cassante.
Quant aux résines, elles sont molles à la température ordinaire
et très friables quand elles sont dures.
La guttii forme donc l'élément précieux de la gutta-percha et les
résines ne sont que des composants accessoires qui, bien que tolé-
rables et peut-être même désirables en quantité relativement petite,
exercent cependant une action nuisible quand ils sont prépon-
riiijuj:.:^ tiULiuniALiCd
vend-il? Qui achète ces 1,100,000 tonnes? Qui mange ce mil-
liard passé de kilogrammes? Il y a trente-cinq ans déjà, avant la
guerre de Dix Ans, en 1865, on calculait que les Etats-Unis à eux
seuls, achetaient 62 p. c. du produit total, les autres pays 22 p. c.
TEspagne pas plus de 3 p. c. Pour les cinq dernières récoltes que
la statistique ait analysées, la proportion n'a varié qu'à l'avantage
des Etats-Unis, lesquels en sont venus presque à accaparer tout le
sucre de Cuba : en 1893, 680,000 tonnes sur 818,000, en 1894,
l'exporlation totale était de 1,023,719 tonnes dont 965.524 ont été
expédiées aux Etals-Unis, 24,372 au Canada, 23,295 en Espagne,
10,528 en Angleterre; en 1895 les Etats-Unis ont reçu 770 mille
tonnes sur un million, en 1896, ïla totalité de la production, en
1897,202,000 tonnes sur 212,000.
Les Etals-Unis sont avec l'Angleterre les plus grands importa-
teurs de sucre du monde. Leur importation moyenne annuelle de
sucre brut est de 1,500,000 tonnes. Pendant les années de la
guerre, l'Europe avait pris la place de Cuba ruinée par la lutte.
C'est alors que furent établies des surtaxes sur le sucre de bette-
rave. Le résultat ne se fit pas attendre. Pendant l'année finissant
le 30 juin 1898, sur une importation de 2,600,000,000 de livres,
l'Europe ne prend plus part que pour de 140,000,000 livres, soit
un dix-huitième seulement. Le sucre do cannes que ne fournit pas
Cuba est apporté sur le marché américain des provenances sui-
vantes : Java, Antilles anglaises, Guyane anglaise, Saint-Domingue,
Brésil, Porto-Rico, Philippines.
a On peut admettre, dit M. le baron Nothomb, que 1 importation
du sucre aux Etats-Unis est constante et n'augmente qu'avec sa
population. « Le sucre européen est donc en compétition directe
avec celui de Cuba. Il n'y a pas de place à la fois pour une importa-
tion de Cuba de 950,000 tonnes comme en 1894 et une importation
d'Europe de 600,000 tonnes comme en 1897. Aucun des deux
centres de production n'entend céder la place qu'il a perdue l'un
par la guerre, l'autre à cause des surtaxes. Les Américains mange-
ront-ils du sucre de canne ou de betterave? Problème dont la solu-
tion semble devoir être le triomphe de la canne. L'acquisition de
territoires tropicaux poussera le gouvernement américain de plus
en plus à favoriser la fabrication naturelle au détriment de
la fabrication artificielle. L'annexion de Cuba aux Etats-Unis, leur
incorporation au nomore des btals ne l Union, est vivement
souhaitée par les planteurs et les grands fabricants de sucre. Par
rafiranchissement de taxes douanières qui en serait la suite, ce
serait la fortune doublée ou triplée pour eux. Malheureusement
pour eux ce projet a contre lui la nécessité pour les Etats-Unis de
sauvegarder les intérêts de leurs possessions coloniales, produc-
trices de sucre dans des conditions moins avantageuses que
Cuba, telles sont : Hawaï, Porto-Rico, les Philippines. En outre,
il existe dans l'Union même des Etats producteurs de sucre et
producteurs dans de mauvaises conditions. La production de la
Louisiane a été en 1894-1895 de 325,000 tonnes, le sol est moins
favorable que celui de Cuba et la plante doit être replantée tous
les ans. Des exploitations sucrières ont (également été instaurées
en Californie.
En 1893, Cuba a exporté 9,300 pipes de rhum (de 125 gallons)
la production a été de 15,000 pipes. Actuellement, la fabrication
de ce produit a presque disparu à cause des mesures fiscales et du
prix peu rémunérateur qu'on en obtient.
Le tabac vient au second rang, par ordre de valeur, dans les
productions cubaines. Le poids brut de la récolte annuelle est
inférieur à celui de beaucoup d'autres pays producteurs, mais la
qualité en est particulièrement appréciée, surtout celle des tabacs
de Textrémilé occidentale ou Vuelta de Abajo (province de Pinar
del Rio) et de la plaine de Manicaragua (entre Cienfuegos et Trini-
dad). Beaucoup de tabac des autres Antilles de l'Amérique Cen-
trale est envoyé à Cuba pour y être travaillé. En 1893, l'île a
exporté 227,865 balles de tabac. La plus grande partie des cigares
fabriqués est consommée dans le pays; on a exporté 134 mil-
lions 210,000 cigares en 1894 et en 1893, 39,581,493 paquets de
cigarettes. Les Etats-Unis reçoivent les deux tiers de l'exportation.
Celle-ci a subi depuis 1889, une diminution rapidement croissante.
Entre les deux années extrêmes, 18S9-I897, l'exportation aux
Etats-Unis est tombée de plus de 100 millions de cigares en 1889,
à 34 millions en 1897.
Les Etats-Unis achètent toujours leur provision de tabac à
Cuba, mais au lieu de l'en tirer à l'état de produit fabriqué ils
len tirent à l'état de matière première : des manufactures ont été
établies en territoire américain et il y a là trop de gens avisés qui
courent après la fortune pour qu ils n'aient |»as vu la nouvelle
chance d'enrichissement qui passait. Aussi, dit M. Charles Benoist,
Tont'ils bien vue, et ont-ils supputé qu'avec les bienfaits d'une
paix durable et d'un gouvernement stable, de la sécurité garantie
aux producteurs et de la loyauté garantie aux amateurs — en par-
tie peut-être détournée par la fraude; — avec l'apport nécessaire
d'intelligence, d'activité et de travail, les 240,000 balles, qui jadis
faisaient le contingent de la Vuelta Abajo, arriveraient à 500,000
et qu'il en serait de même dans la Havane, dans las Villas et les
provinces orientales. Et, quand ayant le Kentucky à fr. 0,85 le
kilogramme, les Etats-Unis auront par surcroit les tabacs cubains
à 1.85, 2.50 et 2.70 francs, ils en tiendront pour tous les palais
et pour toules les bourses; et, quand fournissant déjà près de
500 millions de livres (pouncls) sur les deux milliards qui sont
consommés dans le monde, ils disposeront, en outre, des 62 mil-
lions de livres que produit Cuba et des 8,800,000 livres qu'y
ajoute Puerto Rico, ils seront les maîtres du marché du labac.
L'accaparement des tabacs cubains a d'ailleurs déjà commencé.
Avant l'occupation américaine, les compagnies pour l'exploitation
du tabac étaient : P the Henry Clay and Bock Cy, au capital de
2,500,000 dollars; 2*^ the Partagas Cy, compagnie anglaise, au
capital de 1,500,000 dollars; 3" Upmann and C», société allemande
et 120 autres marques de moindre importance. Depuis l'occupation,
il s est créé sous le tilre de The Havana commercial Company, un
syndicat américain qui, du premier coup, a absorbé quatorze
factoreries.
Certaines terres consacrées à la culture du tabac, rapportent
jusqu'à 7,000 dollars par an de tabac par hectare; un bénéfice de
10 à 35 p. c. sur le capital intéressé est habituel. Les plantations
n'appartiennent gi^néralement pas aux fabriques de cigares de la
Havane; celles-ci préfèrent 'acheter aux plantations, de façon à
pouvoir choisir chaque année le meilleur produit, il y a des excep-
tions. Les plantations appartiennent le plus souvent à des Cubains ;
les étrangers réussissent moins bien, le tabac devant être entouré
de soins que l'indigène connaît par intuition.
La production du café est en fait abandonnée à raison de l'orgie
de production du Brésil. La culture des caféiers suffit actuellement
à peine aux besoins de l'île
LA GUTTA-PERCIIV
689
ture (fig. 10, A, B, C). Ils sont formés par le latex coagulé con-
tenu dans les vaisseaux dont on a pu voir une section microsco-
pique à la figure 9. S'il s'agit d'une tige plus ou moins forte
(Bg 10 D), il faut user d'une certaine force pour vaincre la résis-
tance de ces fils et les rompre. D'autre part, si c'est une feuille
d'un arbre à gutta de qualité inférieure qui est brisée de cette
façon, on n'observe que peu ou point
de ces fils et par suite on n'y trouve
que peu do gutta.
Un arbre de dix ans donne 7 kilo-
grammes de feuilles sèches, et un de
trente ans, 11 kilogrammes. Comme les
feuilles contiennent de 9 à 10 p. c. de
gutla-percha, on pourrait obtenir de la
cueillette annuelle autant que l'on retire
maintenant d'un arbre entier. D'après B
une évaluation nouvelle mais probable-
ment trop optimiste, un arbre de Pala-
quium, âgé de quatre ans et incisé
convenablement , donnerait environ
15 katies (donc plus de 9 kilogrammes)
de feuilles fraîches ; un arbre de pleine
croissance (?) âgé de quinze ans, donne-
rait sans en souffrir, 60 kilogrammes
de feuilles.
Les premières méthodes d'extrac-
tion se faisaient au moyen d'agents chi-
miques. Rigole (1892) se servait de fig. io.
sulfure de carbone, Sérullas (1892) de
toluène chaud, Ramsay (1897) d'huile de résine, Obach (1897)
d'esprit de pétrole bouillant. Rigole obtenait la gutta-percha' en
distillant la solution, Sérullas et Ramsay en la précipitant au
moyen d'acétone, Obach en refroidissant simplement l'esprit de
pétrole. Ces différentes méthodes chimiques ont l'inconvénient de
mettre en danger la durabilité de la gutta-percha, notamment
sous l'action de l'air ou de la lumière.
On a essayé récemment d'appliquer une méthode mécanique. On
humecte les feuilles au moyen d'eau chaude; on les réduit en poudre
l'Espagne avait tout intérêt à s'en défaire contre espèces son-
nantes. L'Espagne, trop fière, n'entendit rien ; Cuba est mainte-
nant perdue pour elle et non seulement on ne l'a pas payée, mais
elle a payé pour la perdre. Par le traité de paix, signé à Paris le
10 décembre 1898. entre l'Espagne et les États-Unis, ces derniers
reçoivent en dépôt de l'Espagne, qui y renonce, pour un temps
illimité, ou sans autres limites que celles qu'il leur plaira à eux-
mêmes de fixer à leur occupation, Hle de Cuba, nette pour eux de
toutes dettes et charges. Les plénipotentiaires de l'Union disaient
que leur pays ne prenait pas Cuba, qu'ils en acceptaient seulement la
garde; que l'Espagne renonçait bien à tout droit de souveraineté et
de propriété sur cette île, mais qu'elle ne la leur cédait pas, tandis
qu'elle leur cédait Puerto-Rico et les derniers débris qui lui res-
taient des Indes occidentales, avec l'ile de Guame dans l'archipel
des Mariannes, cela gratuitement, et ceci contre une indemnité de
20 millions de dollars, l'archipel des Philippines; que gronde
était la différence, et que comme l'Espagne ne cédait pas Cuba,
elle ne pouvait leur céder davantage la dette de Cuba. Pour éviter
que ce soient les États-Unis qui aient à supporter les charges
transmises, ils se sont refusés à paraître accepter la souveraineté
à laquelle les Espagnols renonçaient sur la grande Antille.
L'évaluation de la dette de Cuba a fortement varié d'après les
divers économistes qui en ont parlé. Récemment, M. Paul Leroj-
fiaulieu arrivait à un peu au delà de deux milliards de pesetas;
M. Robert Porter arrêtait au 30 décembre 1898 — au moment des
négociations — le total de la dette à 2,598 millions de francs. Mais
ce qui demeure incontesté, ce qui est incontestable, et ce qui,
pour l'avenir est important, ce que tout le monde reconnaît,
Espagnols, Cubains, Américains, c'est que jusqu'à la période de
troubles, de révoltes et d'expéditions militaires, qui s'ouvre
vers 1860, le budget de l'île, si médiocrement administrée et si
incomplètement exploitée qu'elle fût, se soldait par des excédents.
Les excédents versés au Trésor espagnol étaient-ils au juste de
45 millions, comme on le croyait en 1837, ou de 55 millions,
comme on le disait en 1844, et comme M. Buchanan le répétait
en 1848? N'étaient-ils, au contraire, que de dix millions, comme
d'autres le soutenaient? Toujours est-il que c'étaient des excé-
dents; que c'était de la richesse, alors que par toutes sortes de
LA CLTTA-VERCHA
694
Succédané naturel. La balata.
Par contre, il existe parmi les succédanés naturels de la gutta-
perclia, les pseudo-gultas comme on les appelle, au moins un
genre, qui, dans une certaine mesure, peut remplacer la gutta :
c'est la balata.
FiG. il.
La balata est le produit d'un arbre, le Mimusops Balata, origi-
naire de la Guyane, de la Jamaïque, de l'île Trinidad et du Vene-
zuela et qui appartient, comme les arbres à gutta-percha, à la famille
des sapotacces. Cette masse possède, jusqu'à un certain degré, les
propriétés qui caractérisent la gutta-percha. Elle s'amollit à la
chaleur et peut, dans cet état, être versée dans des formes ou roulée
en feuilles comme la gutta-percha. Elle est aussi un très mauvais
conducteur de l'électricité. On prétend que le pouvoir isolant de la
balata équivaut à celui de la gutta-percha. Comme cette dernière,
la balata est influencée de manières très diverses par la lumière et
celles qui sont improductives sont exemptes de la taxe ; toutes
les surtaxes sont supprimées.
Les droits d'entrée et d'exportation sont perçus par les autorités
militaires. Ils se sont élevés pour les quatre premiers mois de
cette année à 4,443,999 dollars, soit i3 millions par an. Les
douanes sont placées sous le contrôle d'un auditeur du service des
douanes. Les monnaies espagnoles et américaines ont cours
également. Le pîiys est administré avec extrêmes prudence et
économie par les autorités militaires; une meilleure forme de
gouvernement ne pourrait pas être trouvée dans les circonstances
présentes. Le revenu des douanes est suffisant pour couvrir les
dépenses générales et il n'est pas nécessaire de recourir à des
emprunts.
Provisoirement, aucune concession n'est accordée. L'adminis-
tration militaire veut empêcher l'arrivée des aventuriers sans
moyens financiers qui s'abattent sur les pays neufs. Le plus grand
^ouci du moment est d'obtenir des populations, et avant tout des
troupes insurgées, qu'elles reprennent la culture de la terre, dont
elles sont déshabituées. Les seuls travaux entrepris actuellement
sont des travaux d'assainissement.
LA GtTTA-PERCHA G93
Les prix de la balala sont, en général, plus élevés que les prix
moyens des gutta-percha de l'Asie, ce qui prouve que celle matière
trouve bon emploi. Aucune surproduction n'a jamais eu lieu. On
se propose de faire des plantations de balala et Ton fait valoir
comme avantage que les arbres ne doivent pas être abattus pour
qu'on puisse en recueillir le suc-
Un intéressant rapport de M. Jenmau, directeur du jardin bota-
nique de la Guyane britannique : Balata and Balata industinf, lS85j
le travail le plus sûr qui ait paru sur cette question, fournit encore
quelques renseignements utiles.
Le nom vulgaire de Bullettree s'applique à deux espèces du
genre Mimusops, le M. balata et le M. globosa. La balata provient
de la première espèce qui s'étend de la Jamaïque et de l'île Trinidad
jusqu'à la Guyane. Quelques arbres de M. globosa, provenant
de la Jamaïque, qui croissent dans le jardin botanique de la Guyane
britannique, paraissent être d'une autre variété que les arbres du
pays que Ton désigne sous ces deux noms.
Le M. balata qui, pour bien le distinguer, dcvTait être appelé
non bullettree mais arbre à balala, atteint jusqu'à 35 mètres de
hauteur et porte une large couronne. Le tronc, qui a près de
20 mètres de hauteur, est presque cylindrique; son diamètre est
de 120 à 450 centimètres. L'écorce a une épaisseur d'un centi-
mètre environ et est couverte de crevasses, s'étendant dans la
même direction, à la distance de 2.5 centimètres environ. Le
bois dur et solide qu'on connaît à Suriname sous le nom de bois de
viande de cheval, à cause de sa couleur, est un des plus compactes
de la colonie ; il résiste aux termites et est employé dans tous les
cas où l'on exige une grande solidité et une longue durée. On en
exporte, chaque année, de grandes parties aux I*ays-Bas. Il con-
vient, entre autres, excellemment pour les billes des lignes de
chemins de fer.
L'arbre est plus répandu dans l'Est et l'Ouest de la colonie que
dans le Centre. On le trouve le plus fréquemment depuis la rive
Orientale du fleuve Berbice jusqu'au Corenlin, mais il s'étend
encore plus loin vers la Guyane hollandaise où une société amé-
ricaine a obtenu récemment lautorisation d'exploiter la balata
sur une étendue de plusieurs centaines de mille acres. En règle
générale, les arbres sont plus nombreux dans l'intérieur des
de caoutchouc. Il alloue un million de reis par lot de 2,000 serin-
gueiras (arbres à caoutchouc) plantés convenablement. Il est exigé
que la plantation soit faite sur un terrain appartenant en propre au
planteur ou bien loué par lui. Par contre, une taxe de 23 p. c.
ad valorem est perçue à la sortie des gommes élastiques.
Etat de 8ao-Paulo. — Vient ensuite l'Etat de Sao-Paulo où
Ton rencontre à Tétat naturel le mangaheira. Cet Etat s'est contenté
jusqu'à présent d'établir des primes pour la plantation et la culture
de cet arbre, et de percevoir un droit de 13 p. c. ad valorem sur
le caoutchouc exporté.
Etat de Matto Grosso. — L'Etat de Matto Grosso garantit,
par la loi du 22 mars 1898, à ceux qui découvrent de nouvelles
seringaes (I) le droit de les acquérir à titre de vente ou de location,
indépendamment de Tenchère publique, au prix établi par la loi.
Ce droit est acquis à celui qui, ayant l'intention d explorer l'inté-
rieur du pays, demandera préalablement à la Direction des terres
l'autorisation nécessaire, en indiquant, autant que possible, les
limites de la zone qu'il compte parcourir.
Aux termes de la loi du 10 avril 1900, la permission d'explora-
tion ne pourra être concédée pour plus de trois ans et ne compren-
dra pas une étendue supérieure à 12,000 hectares.
Le prix de vente des terres destinécsà l'industrie extractive, qui
était fixé à 5,000 reis l'hectare par la loi du H avril 1898, pourra
être abaissé jusqu'à 3,500 reis.
A l'expiration du terme de la permission d'exploration, le décou-
vreur devra présenter à la Direction des terres, un rapport accom-
pagné du plan des terrains parcourus, afin de déterminer son droit
d'acquisition. Celui-ci est indépendant des enchères publiques.
Les permissions pour l'exploration sont concédées aux conditions
suivantes: a) le requérant doit déposer au trésor de l'Etat, une
somme de cinq cents reis; b) le concessionnaire ne pourra pas
extraire de caoutchouc ou quelque autre matière végétale avant
d'avoir acquis les terres ou se trouvent ces produits.
(1) Ai'Ijpcs à caoulcli «iic cl par cxleiision, forêts où ils se rcnronlrrnl
Etat des Amazones. — Le règlement sur la répartilion des
terres, du i**" juillet 1897, organise le service de la direction des
terres, règle le mode d'aliénation des terres publiques et établit
un registre obligatoire de toutes les terres possédées dans l'Etat.
Les terres vacantes, c'est-à-dire celles qui ne sont pas consa-
crées à un service fédéral, provincial ou municipal, ou qui
n'appartiennent pas légitimement à un particulier, ou dont la
possession n'est pas fondée sur un litre valable, peuvent être ven-
dues par TKtat, soit publiquement, soit autrement, s'il le juge
convenable. Les prix seront fixés en tenant compte de la situation
des lois et de leur destination. Le prix des terres vacantes est fixé,
dans le périmètre des villes, à un milreis le mètre carré, et, dans les
périmètres suburbains, à 500 reis. Le versement du prix pourra se
faire immédiatement ou à terme. Les lots des périmètres urbains
ne pourront avoir plus de 22 mètres de façade et 66 de profondeur;
ceux des périmètres suburbains, plus de 50 mètres de façade et
132 mètres de profondeur. Les lots destinés à l'industrie agricole
ou à l'élevage ne pourront avoir plus de 12 kilomètres de longueur
sur 12 de profondeur, et ceux qui sont destinés à l'industrie
extractive, plus de 10 kilomètres de longueur sur 10 de profondeur.
Les lots qui sont disputés par plusieurs amateurs seront tou-
jours mis aux enchères. Les terres adjugées publiquement devront
être payées immédiatement.
il ne pourra être procédé à des mesurages dans les terres
publiques que sur la requête du chef du département de l'indus-
trie. Il y désignera la surface à délimiter et les noms des posses-
seurs. La demande, à cet effet, devra être signée par un ou plu-
sieurs possesseurs intéressés.
Quand le gouverneur de l'État le jugera utile, il pourra faire
procéder à la division et à la délimitation d'une partie des terres
publiques dans le but de les mettre en vente ou de les faire servir
à l'établissement d emigranis ou de centres de colonisation. Les
ingénieurs ou géomètres, chargés de ce travail, donneront, autant
que possible, une forme rectangulaire aux Jots.
Tous les possesseurs de terres de l'Etat sont tenus de faire
inscrire leurs propriétés, peu importe sur quel titre se basent
leurs droits, dans un registre spécial, dans un délai de deux ans.
Les déclnrnlions, h opt effet, devront porter le nom du possesseur,
696 ÉTUDES COLONIALES
depuis qu'on commence à Texploitcr jusqu'à ce qu'il meure,
jusqu'à 20 litres de suc
A Suriname, on applique actuellement un système d'entailles
obliques qui se rencontrent latéralement de manière que tout le
sue s'écoule dans une même calebasse. 4.50 litres de latex donnent
environ' 500 prammos de balata séchée. Un récolteur d'habileté
moyonno peut recueillir par jour, 18 litres de suc. Ceux qui sont
très expérimentés peuvent atteindre jusqu'à 50 litres, ce qui
représente un gain de 30 marks.
Dans la Guyane française, on prétend que, par des saignées
rationnelles, on peut obtenir en été, 3 à 4 litres, et, pendant la
saison des pluies, 7 à 8 litres de suc. On compte comme minimum
do rapport, un litre par arbre.
Autrefois, on abattait les arbres pour les saigner ensuite. On
creusait dans Fécorce dos canaux courant dans la même direction,
à une distance de 30 centimètres l'un de fautrc. Actuellement,
celte nv'thode semble être abandonnée par tout le monde.
Pour sécher le latex, on le verse dans des baquets en bois peu
profonds (jue l'on a, au préalable, enduits de savon, d'huile ou de
graisse pour éviti^r que la balata n'y adhère. Ces baqu< ts sont expo-
sés le plus possible à Tair, parfois même au so'eil Quand le temps
est beau, la balata est séchée en deux ou trois jours; quand il fait
humide, l'opération dure une semaine ou encore plus. Quand le
séchage est arrivé au pnint que le suc d'un baquet forme une
feuille compacte, on renverse le baquet sur une latte ou une corde.
Ce qui reste d'humidité s eeoule alors rapidement des feuilles qui
se durcissent.
On trouve beaucoup de matières étrangères dans le suc La
falsiticalion s'exerce sur une large échelle. Les agents doivent tou-
jours être sur le qui-vive pour ne pas être trompés.
Si la Indala constitue un précieux succédané de la gulta-percha,
on n a, par contre, guère rencontré de succès dans la recherche
d'autres produits naturels du même genre. L'attention a tout
d'abord été portée sur les nombreuses espèces de Palaquium,
par exemple, sur le produit du Palaquinm ellepticum, appelé
Pauchonlee. C'est un arbre que l'on trouve à \Vynaad, à Coorg et
à Travanoore dans l'Inde. Jusqu'à présent, on a trouvé le moyen
de rendre cotte matière susceptible de prendre ditTérentes formes;
LA GUTTA-PERCHA
seulement quand elle se refroidit, elle devient cassante et rési
ueuse. Elle est de peu d'utilité comme produit à mélanger à la
gutta-percha. Le Palaquium obovatum, de la presqu'île Malaise et
de Mergui na pas donné de meilleurs rt^sultats. Il en est de même
du Palaquium Krantziajium, de la Cochinchine, du Palaquium
Sussu, de la Nouvelle-Guinée et d'autres encore. On n'a pas été
plus heureux avec les produits de diverses espèces du genre
Payena, connue par exemple, le P. Bawun et le Mentzeli, de la
Nouvelle- Guinée. On a aussi essayé diflérenles espèces deMimu-
sops, mais, a part le M. balata et aussi le globosa on n'a obtenu
que de mauvais produits, comme par exemple, du M. elata du
Brésil, du Massaranduda qui possède un suc que l'on peut boire,
et du Schimperi d'Abyssin ie.
On avait fondé de grandes espérances sur le Butyrospermum
Parkii, dont l'arbre appartient également à la famille des sapota-
cées. D'après les analyses de Heckel et deSchIagdenhauffen, cette
matière ne contient pas moins de 91.5 p. c. de gutta pure à côté
de 6 p. c. d'albane et de 2,5 p. c. de fluavile. Dans un autre
échantillon assez vieux et qui n'était plus en bonne condition,
Obach n'a trouvé que 14 p. c. d'une matière ressemblant à de la cire
et qui n'était ni dure ni résistante. Il est vrai qu'il peut s'ôtre pro-
duit une fermentation. 11 semble, d'après les expériences qui ont
été laites en petit, que ce produit ne convienne pas à la fabrication
des câbles mais qu'il se prête fort bien à la reproduction de cli-
chés et à la fiibrication de galvanos. Le Selvbnttcr extrait des
graines contient aussi, à ce que l'on dit, de 0,5 à 0,7 p. c. d'une
matière analogue.
On a également expérimenté le suc durci de ÏAchras Sapota, un
arbre fruitier bien connu des tropiques de la famille des sapota-
cées mais on n'a pas non plus obtenu de résultat. (îe produit a
conquis depuis quelques années une grande importance dans lAmé-
rique du Nord, sous le nom de Chicle, On obtient cette matière
du tronc et des fruits par pression et fermentation. D'après l'ana-
lyse, ce produit contient 17,2 p. c, de caoutchouc mais pas de
véritable gutta; ensuite, 44,8 p. c. de résine, 9 p. c. de sucre,
4 p. c.de gomme et 8,2 p. c. de matières autres que l'eau. Ce pro-
duit ne vaut rien pour isoler les fils télégraphiques, mais comme
il est assez plastique, il est propre à la fabrication de statuettes ; il
Un jour, fatigué de tousser et de cracher, il fit mander un
savant des environs et lui demanda conseil :
Examen de lurine... des chèvres du malade; auscultation de
quelques-uns de ses sujets, invocation à Allah, à la lune, aux
étoiles, absorption de quelques queues de rats et de lézards et
surtout de moult pots de bière de sorgho; recueillement pour
méditation (chez nous, on dirait pour cuver l'ivresse) et, finale-
ment, décision :
Le cas étant grave, il fallait un remède énergique. On fit incor-
porer au patient environ 500 grammes de cheveux coupés
menus. Il a fallu, pour les avoir, tondre une dizaine de têtes
plus sales les unes que autres (le lavage de cheveux en aurait fait,
paraît-il, disparaître les propriétés curatives).
Le chef avale stoïquement, souffre mille morts, tousse, crache,
rctousse, crache du sang, vomit, a des convulsions, se tord,
s'affale, se roule par terre.
Et le savant, fort de sa science, restait calme, prédisant la gué-
rison avec un sérieux imperturbable-
Au bout de quelques jours, ;les tortures prirent fin; mais le
uiaiade avait ajouté une maladie d'estomac à sa maladie de poitrine,
ce qui rendit ce malheureux inconsolable, car c'était un goulu
remarquable.
Le médecin, pas béte, se fâcha contre le chef et lui attribua la
cause de son infortune. Il était, m'a confessé lui-même le pauvre
diable, mal préparé à recevoir la médecine, et les cheveux ont
poussé dans son ventre? Le chef le croit, et, côr^ comique, ce
brave homme raconte bénévolement son aventure à qui veut
l'écouter et ajoute invariablement : « Ne faites pas comme moi,
mon ami, et, si un jour vous devez avaler des cheveux, faites bien
attention qu'ils ne repoussent pas dans votre ventre ».
Merci bien ! Je profiterai du conseiL
Commandant L. Chaltin.
GÉNÉRALITÉS
Quelques remarques sur la méthode de Romano^w^sky. —
Dans un des précédents numéros du Bulletin, nous avons
décrit, en quelques mots, la méthode de coloration de Roma-
nowsky-Zumann, telle que remployaient les auteurs italiens à la
fin de 1899. Nous disions alors qu'il fallait pour réussir la colora-
tion des hématozoaires de la malaria, des matières colorantes
spéciales extrêmement pures : bleu de méthylène médicinal et
éosine p de la fabrique de Hôchst. De plus, il fallait mélanger ces
colorants en proportions exactement mesurées.
N'ayant pas à notre disposition, au laboratoire de Léopoldville,
ces matières colorantes spéciales, nous avons essayé une méthode
recommandée dernièrement par le D*'Nocht,de Hambourg. D'après
lui, ce qui, dans la méthode de Romanowsky, donne à la chromo-
line la coloration spéciale, est une matière colorante rouge qui se
produit dans les solutions alcalines de bleu de méthylène. Sans
rien préjuger quant à la nature de ce produit, Noclit l'a appelé
a Rolh aus methylenblau ».
Voici comment nous procédons actuellement :
Nous diluons, dans 1 2 c. c. d'eau trois à quatre gouttes d'une
solution d'éosine AG. à 2 Vo. (la seule éosine cristallisée dont nous
disposions). Nous ajoutons ensuite goutte à goutte une solution de
bleu de méthylène à 2 p. c. jusqu'à obtention d une coloration
violette.
Nous agitons soigneusement le mélange dans lequel se produit
un précipité très lin, et ajoutons trois à quatre gouttes de « poly-
chromes métbylenblau » de Unna (étant alcaline, cette solution
renferme en assez grande quantité du « Rolh aus métbylenblau »).
Les préparations séchées de sang sont fixées dans l'alcool absolu
pendant dix à quinze minutes, séjournent dans le mélange colo-
rant pendant cinq minutes, et sont lavées soigneusement à VesiU
Les avantages des modifications du D*^ Nocht sont multiples :
1*> La coloration est beaucoup plus expéditive que par le procédé
de Zumann ;
2** Il ne faut pas de matières colorantes spéciales;
«3« Les solutions peuvent être à n'importe quel titre ;
4" Les proportions des différentes solutions ne doivent pas être
rigoureusement mesurées ;
5* Enfin, la coloration est absolument sûre.
La méthode de Romanowsky étant actuellement le meilleur pro-
cédé de coloration pour l'hématozoaire de la malaria, il n'est pas
sans intérêt de signaler les perfectionnements qu'on y apporte.
(Communiciilion du D'' A. Broden.)
La malaria. — Dans la conférence qu'il a faite à la réunion annuelle
de la British Association au mois de septembre dernier, Je major Ross
a établi de la manière suivante les différences qui existent entre les
deux genres de moustiques : les Anophèles et les Culex.
Le genre Anophèles seul est dangereux; l'autre est parfaitement
inoffensif. On peut facilement le distinguer l'un de l'autre. Ainsi, les
Anophèles se posent sur les murs en dressant leur queue perpendicu-
lairement au mur. Les Culex, au contraire, laissent pendre leur
queue. Les Culex se reproduisent dans l'eau contenue dans des vases
ou des seaux; les Anophèles, dans les marais. Les larves des CtUex cou-
lent à fond quand on les dérange, celles des Anophèles glissent le long
de la surface.
Il est douteux que les œufs de V Anophèles puissent vivre au delà de
quelques jours hors de l'eau. Les œufs sont déposés en forme de
triangle équilatéral. Ils éclosent rapidement et les larves se nourrissent
alors de l'écume verte qui nage sur l'eau. Une soirée tranquille, après
ou avant la pluie, est le temps le plus favorable à Téclosion des larves.
Les adultes, à ce que pense le major Ross, peuvent vivre un an. On a,
en tout cas, pu les conserver en vie dans des tubes pendant plus de
un mois. Il est certain aussi, qu'en Angleterre et en Italie, ils hivernent.
i
La femelle de V Anophèles seule fait des morsures,
soit la période où ces moustiques se repaissent
constate des morsures pendant toute la journée di
dentale. Le Culex se reconnaît à son bourdonnemei
contraire, est silencieux. On peut donc être mordu
voir immédiatement.
Le major Ross a constaté que l'absorption de sa
pour amener les œufs à maturité. Il a observé des
tiques et il ne les a jamais vu pondre qu'après un n
La cartographie des colonies allemandes. —
de 1901, contiendra les crédits suivants destinés a
cartes des colonies allemandes: pour le Kamerun, 4
les Togo, 3,000 marks ; pour l'Afrique Sud-Occiden
On va reprendre la publication des cartes con
orientale allemande. La feuille relative au delta de
presse, d'autres suivront dans le courant de l'hiver
destinés à permettre des relevés topographiques et d
de lieux ont été confiés à des fonctionnaires et à de
sont déjà distingués dans ce genre de travaux. D'i
d'instruments ont eu lieu pour les différentes coh
pour l'Afrique Sud-Occidentale.
En ce qui concerne la fixation des points les plus ii
dressement des cartes, on estime qu'il ne sera pas née
des spécialistes au Togo ni dans l'Afrique orientale,
différentes commissions de délimitation des froi
régions sont pleinement suffisants. Dans l'Afrique or
gulations faites dans l'IJzambara et les travaux de l'cj
de l'astronome Koklschùtze, ont fourni un grand n(
de repère sûrs. On attend aussi de M. Lamp, membn
du lac Kivu, d'importantes déterminations de lieu
.Vord-Ouest de l'Afrique allemande orientale.
Dans l'Afrique allemande Sud- Occidentale, de nom
nations locales ont eu lieu aux cours des rectificatioi
faites de concert avec les Anglais. Ces travaux ont été
tance d'un astronome de l'observatoire du Cap.
Dans le Kamerun, il n'existe pour ainsi dire pas de
astronomiques. On se propose de joindre un astronoi
sion de rectification des frontières qui se dirigera
iSaiign. D'autiv pari^ un sjH'i'iuJitstc acrnjujiii^uuj'Hi in i^v
t[ui va se diriger vers la lioime.
Comme il est très difficile de trouver des astronomes, on a proposé
de mettre au courant de cette science des officiers qui ont déjà fait
preuve de capacités et d'endurance aux colonies. Les Français et les
Anglais ont appliqué cette façon de procéder depuis longtemps, et
avec succès.
AFRIQUE
Expédition Congolo-Allemande du lac Kivu. — D'après la
Deutsch Ost Afrikanische Zeitung^ les membres allemands de l'expé-
dition se sont mis en route pour le lac Kivu, au commencement du
mois d'octobre. Ils sont partis de Daar-es-Salaam, se dirigeant sur
Tabora. Les Belges prendront la voie d'eau, via Chinde. Les Allemands
ont mis à leur disposition les vapeurs Hermann von Wissmann et
Hedwig von Wissmann.
On compte inaugurer les travaux vers la fin de l'année, probable-
ment vers le 15 décembre. On commencera à déterminer la positio»
astronomique de l'extrémité Nord du lac Tanganyka et ensuite, la ligne
partant de cet endroit jusqu'au point d'intersection du 30® degré de
de longitude Est de Greenwich et du 1.20'' degré de latitude Sud. Dès
que ce point aura été fixé, on y élèvera une pyramide en pierre. Dne
autre pyramide sera placée à l'extrémité Nord du lac Tanganyka. On
en posera également de distance en distance le long de la ligne géodé-
sique qui reliera ces deux points.
La détermination des deux points extrêmes sera particulièrement
difficile parce que tous les calculs devront se faire à l'aide de la lune.
Quand il s'est agi d'établir la frontière anglo-allemande au Sud du
Nyassa, on a pu se servir de l'observatoire du Cap par l'intermédiaire
du télégraphe.
Le travail de l'expédition sera facilité par les éludes du D' Kaudt
qui se propose de refaire le tour du lac Kivu, mais en sens contraire,
cette fois. Malheureusement les travaux du D' Kaudt, n'offrent pas ime
certitude absolue parce qu'il n'est pas spécialiste et qu'il n'a pas
suffisamment de bons instruments.
On est disposé à croire, d'après les dernières nouvelles reçues, que
le lac Kivu ne se trouve pas situé autant à l'Est qu'on le pensait. Les
Allemands n'obtiendraient donc au plus, qu'une partie de ce lac.
Afrique centrale anglaise. — Le commissa
traie anglaise constate, dans son rapport, que la
graphe africain transcontinental étend progressif
le Nord. Elle est maintenant en voie de constructi(
taie du Tanganyka. La compagnie a aussi établi
du lac Nyassa à Fort Jameson, le siège actuel de
pany dans le Nord-Est de la Rhodésia. Cet embran(
en octobre 1899 et a fonctionné depuis lors, d*ui
santé. La compagnie continue à employer des ouvi
De nouvelles routes ont été créées dans différent!
d'elles qui se dirige de Domvia Bay à Fort Jamesc
nera un accès facile du lac Nyassa au siège de la çoi
un parcours moins long que celui de la route de ¥
L'année écoulée a démontré d'une favon conclua
construire un chemin de fer de Chiromo à Blai
éventuellement être prolongé jusqu'au lac Nyassa. .
la main-d'œuvre qui pourrait être employée au dé\
culture est absorbée par les transports à effectuer
tyrc. Les nécessités des transports OHt augmenté d;
portions que tous les hommes dont on pourrait dis
ne suffiront pas. Les indigènes préfèrent le portag
vail car ils y gagnent plus vite et plus facilement
probable, à moins que l'on ne construise un cher
protectorat de l'Afrique centrale ait atteint le max
duction et de ses exploitations. Une ligne de chem
trait d'utiliser pour l'agriculture Jes milliers d'in
actuellement aux transports.
Abyssinie. L'expédition Léontieff. — Comr
comte Léontieff* est, depuis plusieurs années, au ser
On ne possédait que peu de renseignements sur Tact
rateur dans le Sud de l'Abyssinie. Léontieff* vient de
Bulletin de la Société de géographie de Paris, un réc
tion accompagné d'une carte intéressante. Il en rési
tieff' a conduit les troupes de Ménélick à la conque
qui se trouvent au delà de Choa et de Kaff*a, dans la
dionale. Il a aussi rapporté de son expédition de pré
ments scientifiques sur le Sud de l'Ethiopie. Ménclicl
soumettre eff*cctivement à sa puissance les territoire
vers les pos^^essiuns biila!ini([iies dans ki dîrcelioji d
du Nil et do SobiU et qui lui avxiîpnt oit' attribues c*oïr.
fluenco. Nous savons, du reste, par les voyages récents de Bonchamps,
de Wellby et de Smith, que la puissance de Ménélick s'est établie
jusqu'à une grande distance dans l'intérieur du pays des Gallas et que
ses troupes traversent — et dévastent — les contrées situées sur les
frontières occidentales de son empire.
Léontiefl' fut nommé, en 1898, général-gouverneur des provinces
équatorialcs d'Abyssinie. Elles s'étendaient alors jusqu'au lac Pagade
et à la bouche méridionale dé l'Omo. Il partit d'Addis-Ababa, le
1" juin 1899 pour en prendre possession et les étendre. L'expédition
qui était commandée par un état-major d'officiers russes et français et
qui disposait de plusieurs maxims, était composée de quelques cosa-
ques, de 130 tirailleurs sénégalais, de 50 cavaliers arabes montés sur
des chameaux et de 2,000 hommes de cavalerie et d'infanterie abys-
sines. Ces derniers qui étaient accompagnés de leurs femmes et de
leurs enfants, devaient dans la pensée de Léontieff, servir à coloniser
les provinces gallas.
Léontieff se dirigea vers le Sud-Ouest le long du versant oriental
des monts d'Ethiopie, Il traversa ceux-ci à 7 degrés de latitude Nord,
prés de la bouche centrale de l'Omo et reprit possession du pays des
Gallas au Sud de ce cours d'eau. Il avait déjà résidé précédemment
dans la ville de Bako en qualité de gouverneur.
Cette région de plateaux dont l'altitude est de 1,200 mètres et davan-
tage est très peuplée et bien cultivée. Partout, on rencontre des plan-
tations de café, au milieu desquelles se trouvent des villages. La ville
de Bako même compte 2,000 huttes ce qui représente une population
d'environ 10,000 âmes. Elle possède un grand palais gouvernemental
et une église abyssine. Elle se trouve à une altitude de 2,600 mètres et
constitue une fortification naturelle, facile à défendre. Léontieff ne
rencontra guère de difficultés à rétablir l'autorité abyssine dans le
pays. Il laissa des garnisons dans les principales villes et se dirigea
vers le Sud avec les 800 hommes qui lui restaient pour soumettre les
tribus indépendantes de l'Omo inférieur. Il eut à soutenir de nom-
breux combats. Un jour, entre autres, il livra bataille à une troupe
de 6,000 hommes qui, bien que dépourvus d'armes à feu, se battirent
avec la dernière énergie. Après le combat, Léontieff avait perdu plus
du quart de son effectif. Il soumit ensuite le pays jusqu'au lac
Rodolphe et éleva le Fort Sénégal sur l'Omo inférieur. Il retourna
alors à Addis Ababa et de là en Europe pour préparer une nouvelle
expédition. Deux de ses officiers poursuivirent la conquête vers le Sud
pendant son absence et construisirent le Fort Ménélick à 3 degrés de
latitude Nord, sur la rive du lac Rodolphe.
Les relevés faits par M. Léontieff sont d'une grande précision. Ils
sont du reste appuyés par des observations astronomiques. L'itiné-
raire de l'explorateur complète les routes suivies par Vanderheyne,
Bottego, Darragon, Wellby et autres. En certains points, notamment
au Sud de la route de Bottego et jusque près du lac Rodolphe,
M. Léontieff a parcouru des régions absolument inconnues avant lui.
La rive occidentale du lac Rodolphe avait déjà — ce que M. Léontieff
ignorait — été précédemment relevée par Bottego (1896), Caven-
dish (1897) et en partie par le major Austin (1898). Pour le surplus,
l'itinéraire du comte Léontieff concorde parfaitement avec ceux de ses
devanciers.
Le comte Léontieff est en route, en ce moment, vers le lac Rodolphe
sur lequel il compte lancer un steamer. Les journaux ont parlé der-
nièrement d'une expédition française qui aurait été arrêtée par les
Anglais dans le pays des Somalis ou des Gallas. On se demande — si
ce bruit est fondé — s'il ne s'agit pas de l'expédition Léontieff' qui est
accompagnée par des troupes coloniales et des officiers français. Il
est à remarquer, d'ailleurs, que le Fort Ménélick près du lac Rodolphe
se trouve sur un territoire réclamé par l'Angleterre.
Abyssinie. Expédition Erlanger et Neumann. — Les mem-
bres de l'expédition scientifique du baron Carlo Erlanger et de
M. Oscar Neumann ont quitté, le 7 juillet dernier, Scheikh Hussen, la
ville sainte des mahométans pour se diriger au Sud-Ouest vers la
montagne Gara Daz. Au pied de la montagne, ils découvrirent de
nombreuses pétrifications, notamment des exemplaires (ÏActaconella,
le fossile typique de l'âge miocène. Ils escaladèrent cette montagne
dont la hauteur est de 2,800 mètres et visitèrent le temple qui s'y
trouve. Ils se dirigèrent ensuite vers Abulcassine situé sur la rive Nord
du Wabbi. Il s'y trouve également un temple qui sort de lieu de pèle-
rinage à la population musulmane de la région. Un bon chemin
conduit au sommet ; il est pourvu de garde-fous en bambous aux
endroits dangereux. Près du sommet, se trouvent des grottes sacrées;
et, dans un grand pan de rocher, on découvre de nombreuses cavernes
d'accès difficile qui servent d'abri aux pèlerins. A peu de distance de
là, on voit le tombeau du grand Sheikh ; il est orné d'anneaux de
cuivre, de perles de verre et d'autres objets considérés comme précieux
dans cette contrée. Tous ces trésors sont à découvert et personne ne les
surveille. Aucun croyant n'oserait d'ailleurs y toucher. Tout alentour
. de la montagne, on ne découvre ni habitation, ni ferme. Les pèlerins
doivent traverser le fleuve Wabbi pour atteindre la montagne.
/
D*Abulcassine, rexpédition se dirigea vers le plateau de Didda dans
le pays des Gallas Arussî. Il constitue une grande plaine d'herbes,
froide et rude. On n'y aperçoit que des fermes isolées. Les habitants
qui galoppent de l'une à l'autre sur leurs petits chevaux ardents, font
plutôt songer aux anciens Huns qu'à une peuplade africaine.
Entre Hanash et Addis Ababa, le chemin devint beaucoup plus
mauvais. La saison des pluies avait commencvé. Le Hotzo, affluent du
Hanash, s'était transformé en un torrent impétueux. Il se jetait, en
une largeur de 180 mètres d'un rocher de 20 mètres de haut. L'expé-
dition dut abandonner un grand nombre de charges ; les chameaux et
les bêtes de somme, s'enlisaient dans la boue.
Les relevés faits au cours de la route ont permis de compléter les
itinéraires de Donaldson Smith, de Ragazzi et de Léopold Traversi.
Les voyageurs ont découvert un grand nombre d'oiseaux nouveaux.
Ils ont aussi réuni des échantillons de pierres éruptives. Arrivés à
Addis-Abeba, ils furent reçus par Ménélick. Cette localité ressemble
plutôt à un grand village ou à un camp qu'à une ville. Le palais de
Ménélick se trouve au centre du village, au milieu des champs et des
prairies. Des maisons purement provisoires servent d'abri aux habi-
tants. Des ponts sont jetés sur les ruisseaux qui deviennent des tor-
rents à la saison des pluies. Toute la localité n'est alors qu'un vaste
marais.
Les voyageurs se proposent de suivre deux routes différentes pour
continuer leurs recherches scientifiques. Le baron Erlanger compte
se diriger vers le lac Rodolphe et M. Neumann vers Sobat et le lac
Abaja.
Du lac Rodolphe au Nil. — • Le capitaine Wellby a donné derniè-
rement à la Société de géographie de Londres, une conférence sur le
voyage qu'il a fait du lac Rodolphe à la vallée du Nil :
« Il est diflScile, dit l'explorateur, de déterminer jusqu'où s'éten-
dent, vers le Sud, les territoires Abyssins. Ils atteignent les environs
des lacs Rodolphe et Stéphanie ou de Gallop ou Buzz et de Chuwaha
comme les appellent les indigènes. »
Les deux faits qui ont le plus frappé M. Wellby pendant son voyage
de Haros à Addis-Abeba, en 1898, sont les vastes étendues de plaines
couvertes d'herbes, qui restent à l'abandon et la rareté de villages et
d'habitants. Il serait diflScile de rencontrer un pays plus propre à
L'élevage. . .
Addis-Abeba, la capitale, est complètement dépourvue d'arbres.
Autrefois, cet endroit était bien arboré mais le bois a été petit à petit
ttiinuniUUEi
abattu pour les services domestiques. On ne sait e.
sera transportée plus loin ou si Ton replantera des
A répoque de l'expédition, Ménélick était enga
contre le Ras Mangascia. Le roi était suivi d'une t
100,000 personnes. Le groupe le plus pittoresque
reine Taïtou. Elle était assise sur une mule et entoura
également montées sur des mules. Toutes ces dai
ombrelles de couleur différente. Le roi faisait preuv
rosité vis à vis de ses sujets en les traitant largemen
la déférence même aux plus pauvres. Il faisait p
qualités d'organisateur et d'administrateur. En se
taine Wellby,'Méqélick lui demanda de lui envoy
cartes qu'il dresserait des parties de ses états qu'il ti
Après avoir visité le Sud du lac Gallop, le capitaine
à Fachoda, en traversant une région encore inconn
différentes tribus sur la route. L'une d'elles est celle
sont pacifiques et désireux de faire des échanges. C'eî
Plusieurs hommes de cette tribu avaient sept pieds c
extrêmement bien musclés. Leurs cheveux, qui soi
comme du feutre, leur descendent jusqu'à la ceintui
lait et de viande et d'un peu de dhura. Une autre tril
tranquilles, respectueux et intelligents. Entre les qi
quième degrés, se trouve une puissante peuplade
voyageur rencontra encore les Nuers et les Nynaks,
Schillouks qui, tous, sont des races remarquables.
Le pays compris entre le lac Rodolphe et la vallée di
une suite de collines qui se dirigent vers le Nord et U
par des vallées verdoyantes dont la plupart sont d'un»
nante et dont le sol est composé d'aliuvions et de tern
la culture du coton. Le capitaine Wellby se demanda
ment comment ces régions n'étaient pas habitées. A e
de latitude Nord, il découvrit une des sources du Sobî
aucune difficulté à établir une ligne télégraphique ou m
de fer dans cette contrée.
La frontière anglo-abyssine. — L'expédition e
dernière par le gouvernement anglais pour détermin
anglo-abyssine, entre le lac Rodolphe et le Sobat et la i
fait par une des colonnes du colonel Macdonald en
rentrer en Angleterre.
L'expédition était dirigée par le major H.-H* Aust
708 ÉTUDES COLONIALES
atlendent ('gaiement des relevés plus exacts. On peut, toute-
fois, espérer que Tannée prochaine, Tinconnu qui enveloppe le
pôle nord sera nolablement diminué, grâce aux nombreux efforts
qui se dirigent actuellement vers cette région.
Le [)ôlc sud sera bientôt aussi l'objet de toute une série
de tentatives d'exploration. C'est autour de ce point que se
trouvent les parties inconnues du monde les plus considérables.
On en est réduit acluellemcnt en ce qui concerne ces régions,
à de simples conjeclures. Notre connaissance de ces contrées ne
dépasse le 70® degré de latitude qu'en six endroits : au 170® degré
de longitude Est, où James Ross découvrit, en 1840, la terre Vic-
toria et ses volcans; où Borcligrevingk détermina pendant
l'hiver 1899-1900 le pôle magnétique du Sud et parvint à atteindre
la latitude du 78* degré 50, jusqu'à présent, la plus élevée; au
160* degré longitude Ouest, où Ross rencontra probablement, en
184:2, des masses continentales; au IIO* degré longitude Ouest
(Cook, 1774); au 90® degré longitude Ouest, où le navire de lex-
péiJition belge poussa jusqu'au delà du 71* degré 30 de latitude
Sud; au 3.> degré longitude Ouest, où Wedell parvint, en 18:23,
un peu au-delà du 74® degré 30 latitu le Sud, et enfin au 150® degré
longitude Ouest (Ross, 1843).
La cartographie du continent asiatique a bénéficié d'importantes
découvertes au cours du XIX® siècle. Il reste cependant encore
de grandes et de petites éte.idues où les efforts des pioniers
trouveroiîl un vaste champ d'activité. La Haute-Asie ouvre une
ère immense aux recherches scientifiques. Au Tliibet, il reste
beaucoup à faire encore malgré les travaux des voyageurs russes,
anglais et français. C'est le cas notamment pour la contrée qui
s'étend au nord de la route de Nain Singli en 1874-1875, au sud
du Kwenlun et à l'ouest de l'itinéraire de Rhins en 1893. Au nord
du Kwenlun et des routes suivies par Prschewalski et Hedin
s'étendent aussi jusqu'au Tarim, d'immenses déserts inconnus.
Il en est de même pour la partie du Gobi qui se développe à
l'Est du Lop-Nor et qui n'a guère été parcourue jusqu'à présent.
La moitié orientale de l'IIymalaya n'est connue que d'une façon
très approximative. Les pics qui s'y trouvent et qui sont les plus
élevés de la terre ont été mesurés trigonométriquement, il est vrai,
mais ni le pied, ni le sommet de ces montagnes n'ont jamais été
LES PARTIES INCONNUES DU MONDE 709
explorés. Est de même inconnue, au point de vue de lexploration
moderne, la contrée qui s'étend vers FEst, depuis Bhutau, au delà
du Tsangpo-Brahmapoutre, les cours d'eau du Nord de Tlnde et
le Yangtsekiang, jusqu'au Kansu, le Szelschuen et le Yunnan. Les
cours supérieurs du Salucn et du Mékong restent également à
déterminer sur une longueur de i,400 à 1,600 kilomètres. Le
Yanglsekiang même n'a pas élé relevé d'une manière satisfaisante,
sur plusieurs centaines de kilomètres au delà de Batang. Il s'agit,
dans ces différents cas, de régions qui, à raison de Lur constitu-
tion physique, sont d'un accès très difTicile. On peut encore
signaler la Chine elle-même, Formose, le Siam, l'Annam, Bornéo,
le Pamir, des parties de l'Afghanistan, du Balulschistan, de la
Perse et de l'Asie mineure.
Bien des efforts devront encore cire consacrés à ces différentes
régions. L'Arabie aussi offre \n\ vaste champ à l'initiative des
explorateurs. Depuis les endroits atteints, à partir du Sud par
Wrode (1843) et Uirsch (1893' jusqu'à Riad, dans le centre de
TArahio, s'étend une région de 1,000 kilomètres qui n'a pas encore
été relevée.
C'est surtout l'Africiue qui a été rohjel des recherches des
voyageurs pendant le cours du XIX* siècle. On peut même dire
que tout ce que l'on sait de ce continent est le résultat des travaux
faits pendant cette période. Beaucoup de points ne sont cependant
pas encore éclairés et il suffit de jeter un regard sur une carte à
grande échelle pour être convaincu que l'avenir nous réserve
encore bien des découvertes intéressantes. Une contrée très peu
connue est celle qui s'étend entre le Niger au Sud, les oasis de
Tidikelt au Nord, l'itinéraire de Lenz à l'Ouest et les routes suivies
par Barth et Duveyrier à l'Est. A l'Ouest de la route des caravanes
Tombouctou-Maroc et jusqu'à lOcéan, bien des lacunes se
présentent encore. Et nous ne sommes pas mieux renseignés
sur la région du Sahara Oriental comprise entre la route
des caravanes Murzouk-Boinou et le Nil. Sur cette partie de
l'Afrique, comme sur la précédente, nous possédons quelques
renseignements, grâce aux voyages de Barth et de Nachtigal,
mais l'avenir aura à nous montrer dans quelle mesure la réalité
répond à l'image que nous nous en faisons. Peu connus sont
encore l'hinterland de la côte d'Ivoire et la partie de la boucle du
710 ÉTUDES COLONIALES
Niger qui se trouve au Nord-Est de la route suivie par Barlh en
1853, ainsi que la région comprise entre le Niger inférieur et la
Benué inférieure. On ne sait pas grand chose non plus au sujet du
fond de i'binterland du Kamerun, d autant plus quon ne connaît
pas encore le résultat des observations allemandes faites dans
cette région. On peut dire la même chose de la partie du Congo
français située au Nord du 8* degré de latitude et s étendant
jusque près du Wadaï et du Darfour. Dans l'Etat Indépendant du
Congo il reste également beaucoup à faire. On y a relevé le tracé
des grands fleuves, il est vrai, mais on n'a pas encore exploré les
territoires compris entre ces cours d'eau. Ensuite, une foule de
questions se présentent encore concernant les sources du Congo,
les contrées qui touchent à l'Afrique centrale anglaise et à l'Afrique
portugaise orientale, les sources du Kngera et la région des
volcans de l'Afrique centrale; il en est de même de la partie de
l'Afrique anglaise orientale comprise entre la Tana, le lac
Rodolphe et la Djuba, ainsi que du Sud de Madagascar. On ne
peut cependant nier que la tache blanche qui recouvrait la carte
de l'Atrique est en voie de disparaître rapidement. Le zèle des
différents états colonisateurs pour faire pénétrer la lumière dans
le (c continent noir » ne se relâche, du reste, pas, et c'est ce qui
foit que nos connaissances géographiques font de si rapides
progrès dans cette partie du monde.
Il peut paraître extraordinaire, au [ircmier moment, que l'Amé-
rique du Nord ne soit pas encore connue dans tous ses détails.
C'est cependant le cas. Les résultats des explorations qui se font
en ce moment dans l'Alaska, où la fièvre de l'or attire tant de gens,
nous montrent combien peu nous connaissions celte région aupa-
ravant Les cartes sont inexactes ou insuffisantes et les expéditions
des gouvernements américain et canadien rapportent, chaque
année, un important tribut de connaissances nouvelles. Dans le
Salvador et dans les régions comprises entre les grands cours
d'eau et les grands lacs du Nord, bien des points sont encore
obscurs.
Dans l'Amérique centrale, quelques parties du Honduras, du
Nicaragua et de Costa-Rica ne sont pas encore suffisamment
connues.
Dans l'Amérique du Sud, la situation est, pour certaines parties,
LES PARTIES INCONNUES DU MONDE 7H
à peu près la même que pour l'Afrique. On connaît foit peu les
Andes du Pérou, les hautes montagnes de la Bolivie et les mon-
tagnes (hi Sud du Venezuela et de la Guyane Un grand nombre
des fleuves de celte partie du monde ont été relevés pour la pre-
mière fois ou à nouveau, pendant les vingt dernières années. Mais
un grand nombre d'autres cours d'eau importants attendent encore
la venue d'un explorateur, tels que TApoporis, le Yary et
de Cuguan, qui débouchent dans le Yapura, et le Guainia et le
Vichada, qui se jettent dans rOrénoque. Il en est de même de
presque tous les affluents du Rio Branco, et des cours du Tigre,
do rUruba et du Uatuma, qui descendent du Nord pour se jeter
dans l'Amazone. La région comprise entre les cours d'eau en
amont de Manaos et au Nord de TAmazonie en face du Manaos jus-
qu'à Obidos est encore complètement inexplorée. Les grands
affluents méridionaux de l'Amazone ont élé visités principalement
par des voyageurs allemands et anglais. Mais il existe entre eux de
grandes forêts vierges dont retendue égale celle de la France et où
personne n'a encore pénétré. D'autres questions seront résolues
par l'exploration des forêts vierges de la Bolivie, du Sud du Matto-
Grosso, de l'Ouest du Sao Paulo, de l'Atacama et de l'extrémité
méridionale du continent y compris la l^atagonie et la partie de la
Terre de Feu appartenant au C.hili.
En Australie, la terre d'Arnhem, dans le Nord, réclame encore
de nouvelles explorations et les vastes solitudes de l'Est de TAus-
tralic Occidentale, ainsi que du Nord et du Sud de l'Australie
Méridionale n'ont été traversés jusqu'à présent que par des itiné-
raires fort éloignés les uns des autres.
Parmi les îles, l'immense Nouvelle Guinée exige encore de
pénibles mais utiles explorations, car elle est, malgré tout ce qui
s*y est fait, toujours une terre inconnue.
La face de notre globe, dit M. Singer en concluant, nous est
connue dans ses grandes lignes mais nous ne pourrions pas
actuellement la photographier avec tous ses traits et tous ses
replis. Il semble même qu'il nous faudra attendre longtemps
encore avant d'y arriver.
• Les transactions ont porte sur les animaux de boucherie et de basse-
cour, les principaux produits du sol, etc.
Dans un kabary, tenu le jour même de la foire, le capitaine Rebel
a développé le but que poursuit l'autorité supérieure en instituant ces
foires et les avantages qui en résulteront pour la population. Si les
foires sont tout à fait en décadence en Europe, et surtout en France,
où la plupart de celles qui existent ne sont plus qu'un très pâle reflet
de celles d'il y a seulement soixante ans, il ne s'ensuit pas, en effet,
que cette institution ne puisse rendre pendant longtemps encore des
services à Madagascar, pour les raisons mêmes qui les justifiaient et
assuraient naguère leur splendeur dans les pays où l'organisation
économique actuelle tend de plus en plus à faciliter sans déplacement
les relations commerciales.
ASIE
Chine. La ville de Szemao. — On a cru longtemps que Szemao
était le grand entrepôt commercial du Sud-Ouest du Yunnan, mais
maintenant que celte ville est ouverte au commerce étranger on s'est
aperçu que c'était une erreur.
Le commissaire des douanes chinoises mentionne dans son rapport
que le commerce de cette localité n'a pas dépassé 30,000 liv. st.
l'année dernière et qu'il a été moins considérable que celui de
l'année précédente. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur les statistiques,
dit-il, pour voir combien peu sont justifiées les espérances que Ton
avait fondées sur Szemao, dans laquelle on voyait une porte d'entrée
pour les marchandises étrangères.
Autrefois, cette place jouissait d'un commerce important. Il y a
soixante ans, c'était le rendez-vous des marchands de la Birmanie, du
Siam et des Ëlats Laotiens, qui apportaient des marchandises étran-
gères, des nids d'hirondelles, des cornes de daims et du coton brut et
emportaient, d'autre part, des métaux, de la soie, du sel et de l'or.
Beaucoup de villes de l'Ouest et du Sud-Ouest de la Chine tiraient
leurs approvisionnements en marchandises étrangères de Szemao*
Mais la rébellion mahométane dans le Yunnan, l'ouverture du Yang-
Ize à la navigation, le progrès de Hong-Kong et l'occupation de la
Birmanie supérieure par les Anglais ont causé la ruine de Szemao
LES PORTS A TKAITÉ EN CHINE 713
Les étrangers peuvent aussi, temporairement, en se munissant
d'un passeport délivré à cet effet, vendre ou acheter dans un rayon
de 100 Li, ou un peu plus de 50 kilomètres ; ils ne sont pas obligés
d'en demander un, s'ils ne s'absentent du port proprement dit que
pour cinq jours. Le trailé de Shimonoseki leur a aussi donné le
droit d'élablir des dépôts d'importation et d'exportation dans ce
rayon, mais jusqu'à présent il n'a pas été fait usage de celte clause.
En dehors du port à traité, les étrangers ne peuvent ni s'établir à
demeure, ni acquérir des terrains, ni élever des constructions. Il
n'a été fait exception à celte règle que pour les missionnaires. Le
baleau étranger qui aborderait dans un port non concédé, serait
frappé de confiscation ainsi que sa cargaison.
Tous les étrangers qui résident dans un port à trailé ont les
mêmes droits car tous les traités conclus avec la Chine contiennent
la clause de la nation la plus favorisée. Ils ont tous été rédigés
d'après le liaité anglais de Nankin, de 18i2. Les ports ù Iraité ont
un caractère éminemment international. Aucun État ne pourrait,
par un acte unilatéral, porter atteinte aux droits d'un autre État.
Les nationaux des différents Étals se trouvent sur un pied d égalité
parfaite.
Les droits octroyés aux étrangers par les traités ne sont pas
restreints à une partie quelconque du port à traité. Us peuvent se
fixer, acquérir des terres, construire et faire le commerce dans
toute l'étendue du port. Ils sont aussi soustraits à la justice
chinoise et ne relèvent que de Tautorilé de leurs consuls respectifs
dans toutes les affaires civiles et répressives, mais les traités pri-
mitifs ne les affranchissent pas de l'autorité administrative chi-
noise. Us ne pourraient donc pas se dispenser d'observer les
mesures de police ou de payer les impôts.
Dans les ports à traité où ils sont peu nombreux, comme Wuhu,
Itschang, Swalau, etc., les étrangers vivent plus ou moins disper-
sés. Mais comme cet isolement entraîne de grands inconvénients
résultant, d'une part, de la différence de milieu et de la malpro-
preté de la population chinoise, et d'autre part, de l'arbitraire des
mandarins qui changent constamment, les étrangers ont pris
l'habitude, dans tous les endroits où ils sont en nombre, de se
grouper et de s'établir à part de la population chinoise. Les gou-
vernements étrangers ont encouragé cette tendance. L'Angleterre,
714 ÉTUDES COLONIALES
la France et ensuite les États-Unis ont fait avec la Chine des
conventions attribuant à leurs nationaux, dans les ports à traité
inoportants, des quartiers bien situés où seuls ils ont le droit de
s'établir et qu'ils administrent eux-mêmes. Ainsi se sont formés
bientôt l(;s établissements étrangers. Los Anglais et les Américains
ont pu organiser ces concessions selon leurs goûts personnels.
Ils y ont introduit des services de voirie et d'hygiène, des
écoles, etc Ce que l'administration européenne autonome a pu
faire en peu de temps à Shanghaï, Ticntsin. Hankou et Canton
mérite, à juste titre, dclre admiré. Les concessions européennes
constituent un contraste frappant avec les villes chinoises qui se
trouvent à côté d'elles.
Cette séparation de ladministration chinoise s'est faite de
diverses façons. On peut distinguer deux sortes d'établissements :
la concession, comme, par exemple, à Canton, où le gouverne-
ment étranger prend à bail du gouvernement chinois une étendue
déterminée du sol qu'il donne ensuite lui-même en location, et le
settlement, comme à Shani^haï où les étrangers acquièrent eux-
mêmes et progressivement le sol des possesseurs chinois sans l'in-
tervention d'une nation étrangère. Lrs limites entre les deux
formes d'établissements sont, du reste, difficiles à déterminer,
parce que les accords relatifs à leur fondation diffèrent de cas à
cas.
Toujours est-il que le sol de ces établissempnts, et c'est ce qui
les distingue des colonies, reste la propriété de la Chine. Il n est pas
acheté mais seulement loué à temps. Un loyer, très minime il est
vrai, est, d ailleurs, payé. L'établissement continue à faire partie
du port à traité. Les étrangers y relèvent de leurs consuls respec-
tifs et les Chinois de leur justice nationale. Les résidents ne sont
nullement soumis à la juridiction du gouvernement qui a obtenu la
concession, comme ce serait le cas dans une colonie. La clause de
la nation la plus favorisée est également applicable aux concessions.
Les nationaux des autres pays ont donc le droit de s'y établir et d'y
faire le commerce. Il n'y a qu'une différence en faveur de la nation
à qui appartient la concession : elle a le droit de déterminer les
conditions de vente et de location des terres qui lui ont été concé-
dées. En réalité, les non-Anglais, par exemple, n'ont jamais
éprouvé la moindre difficulté à acquérir des terrains dans une
LES PORTS A TRAITÉ EN CHINE 715
concession anglaise. Ce n'est guère, d'ailleurs, que dans les
concessions anglaises que le cas s'est présenté jusqu'à présent.
I ar le fait de l'introduction de non-Anglais, l'administration des
concessions anglaises a perdu de plus en plus son caractère
national. L'administration est toujours basée sur une ordonnance
émanant du gouvernement anglais et le consul anglais continue à
y exercer la haute surveillance. .Vlais comme le principe de l'admi-
nistration autonome y est appliqué sans tenir compte de la natio-
nalité des résidents et que tous les possesseurs du sol ont le droit
df participer aux élections du Conseil municipal, celui-ci a pris un
caractère international qui ne fera que s'accentuer avec le dévelop-
pement des intérêts non-anglais en Chine. Ainsi à Tientsin, le
président du Conseil municipal a été, pendant quinze ans, un
Allemand. A Shanghaï, le caractère international s'affirme encore
plus. Depuis 1863, les établissements américains et anglais, à côté
desquels existe encore une concession française, se sont fusionnés,
et, en même temps, l'autorité supérieure a été transférée au corps
consulaire à la tête duquel se trouve son doyen. Le conseil muni-
cipal est nommé par tous les résidenls qui paient une certaine
somme d'impôts. Il se compose de neuf membres. Ce caractère
d'internationalité n'est pas sans offrir des inconvénients, car, pour
modifier le statut qui sert de base à l'administration de la conces-
sion, il faut le consentement de tous les consuls, même de ceux
qui représentent les pays qui ont le moins d'intérêts en Chine.
C'est ce qui tait que, depuis dix-sept ans, on n'est pas encore
parvenu à obtenir la revision de ce statut. L'internationalité de
Shanghaï a été reconnue aussi pendant la guerre sino-japonaise.
Le Japon a alors déclaré qu'il considérait Shanghaï comme terri-
toire neutre. Le succès de la concession de Shanghaï a conduit
à la création de concessions internationales dans d'autres ports,
tels que Hangtschou et Sutschou.
L'habitude que les Européens ont prise de se grouper et de
vivre séparés de la population chinoise n'a pas été sans entraîner
des inconvénients. KUe a conservé à l'esprit chinois son hostilité
séculaire à l'égard des étrangers et sa tendance constante à
diminuer et à réduire les concessions faites dans les traités. Ainsi,
le traité de Nankin, de 48i2, portait que les marchandises
étrangères pourraient circuler librement dans l'étendue du port à
716 ÉTUDES COLONIALES
traité dès qu'elles auraient acquitté les droits portés au tarif
arrêté de commun accord entre l'Angleterre et la Chine. Les
étrangers avaient aussi le droit de s'établir et de commercer dans
les mêmes ports. L'isolement des étrangers n'a pas lardé à amener
les Chinois à prétendre que les droits reconnus par les traités se
restreignaient à la partie du port où les étrangers avaient fixé
leurs demeures. Ils cherchaient donc à identifier la notion de
port à traité avec celle de concession étrangère. Ce n'est que
dans rétendue de cette dernière que l'étranger aurait eu, d'après
eux, le droit de commercer et de se fixer!
Diuis la convention de Chefoo de 1876, sir Thomas Wade avait
consenti à engager le gouvernement anglais à entrer dans les vues
des (-hinois et même à procéder à une délimitation dans les ports
où il n'existait pas encore de concession étrangère. Heureusement,
le gouvernement anglais ne ratifia pas la proposition de sir Wade.
Au contraire, il déclara expressément que la question resterait en
suspens pour faire l'objet d'un examen ultérieur entre les deux
gouvernements. Comme aucun arrangement n'est encore intervenu,
la question peut être considérée comme étant toujours ouverte. La
solulion nei\ peut, du reste, être un moment douteuse. Il est
certain que, lorsqu'on a arrêté le tarif des droits, on ne s'est
nullement borné à considérer les seuls objets dont les étrangère
pourraient avoir besoin pour leur usage personnel, mais qu'on a
eu en vue les importations de marchandises dans Tintérieur du
pays. Le tarif des droits arrêtes en commun serait d'ailleurs
complètement dépourvu de portée si, à la limite de l'étroit
territoire occupé par les étrangers et a vaut, même qu'elles soient
entrées dans les mains des Chinois, les marchandises pouvaient
être imposées selon le bon vouloir des autorités chinoises.
Malgré cela, les Chinois ont imposé en différents endroits leur
manière de voir. A Canton, ils ont entouré la petite île de
Schamien, où se trouve rétablissement étranger, d'une barrière
douanière que les marchandises ne peuvent franchir qu'en payant
des taxes s'élevant au moins au chiffre des droits qu'elles ont déjà
acquittés. Ils ont agi d'une façon analogue à Futschou et à
Hangtschou.
L'attitude des Chinois a été la même h l'égard du droit de
résidence des étrangers dans les parties des ports à traité qui sont
LES PORTS A TRAITÉ EN CHINE 717
en dehors des concessions. Il serait complètement impossible
aujourd'hui à un étranger de s'établir dans la partie chinoise d'un
port à traité pour y faire le commerce. Il ne pourrait y obtenir le
moindre bout de terrain. Aucun Chinois ne se risquerait à lui faire
une cession immobilière, car il sait trop bien quel sort les autorités
lui réserveraient. Même à Hangtschou, qui se distingue des autres
villes chinoises par sa bienveillance vis-à-vis des étrangers, il n'a
jamais été possible d'obtenir le déplacement de la concession
étrangère qui s'impose pour différentes raisons. La bureaucratie
chinoise a toujours su trouver une foule de prétextes ou de moyens
de procédure pour prononcer la nullité des contrats de cession que
les étrangers avaient obtenus. Parfois même on emprisonne tout
simplement le cédant ou le prête-nom chinois. Et quand un consul
étranger proteste contre cette manière d'agir, on lui répond que
lemprisonnement n'a pas pour cause une tentative de vendre un
terrain à un étranger, mais une contravention aux lois chinoises.
Nul ne s'y laisse d'ailleurs tromper; mais aussi personne n'ose
s'exposer à encourir le même sort.
Les conséquences économiques de la situation actuelle ne sont
pas aussi insignifiantes qu'on pourrait le croire à première vue.
Les trois villes citées plus haut comptent ensemble une population
de 3,850,000 âmes. Elles appartiennent, en outre, à la partie la
plus riche de l'Empire et sont portées à adopter des mœurs et des
liabitudes nouvelles. Leur puissance d achat à Tégard des mar-
chandises européennes dépasse donc de beaucoup la moyenne de
la Chine. Le consul Bourne estime — et il ne semble pas que ce
soit une exagération — que les deux villes de Canton et de
Fulschou offrent pour les cotonnades du Lancashire un débouché
plus considérable que la province tant disputée de Yûnnan, dont
la superficie est de plus de 100,000 milles carrés.
Le droit de s'établir au milieu de la population chinoise ne peut
pas non plus être indifférent aux étrangers. Le seul moyen de
protéger les marchandises étrangères contre une taxation excessive
en territoire chinois, est d'empêcher ou tout au moins de rendre
aussi difficile que possible que les autorités chinoises puissent les
suivre au moment où elles passent des mains du marchand
étranger dans celles du Chinois. Or, aussi longtemps que les
étrangers se contenteront de faire le commerce en gros et de se
Pre8qn*ile Ifalaise. Les troglodytes de Koh-Sih-Sah. — Noos
avons déjà eu roccasîon de parler des travaux de l'expédition que
rUniversité de Cambridge a envoyée dans la presqu'île Malaise. (1)
Le naturaliste Annandate donne, dans un article qu*il a consacré à
cette mission, quelques i enseignements sur les habitants des cavernes
des îles Koh-Sih-Sah. Ce groupe d*îles se trouve près de la baie de
Tale-Sap (au Nord de Sengora, côte orientale, 7*15 lat. n ). On avait
mis en doute, mais à tort, Texistence de ces habitants des cavernes qui
s'occupent de la chasse aux nids d'hirondelles. L'expédition visita le
principal des villages de ces troglodytes. Les habitants ont établi leurs
demeures dans une caverne dont les dimensions sont restreintes et où
le jour pénétre par diverses ouvertures pratiquées dans la voûte. Ces
tr(^lodytes ont construit, au moyen de bambous, des plateformes qui
servent d'habitation aux différentes familles. Quant aux célibataires, ils
établissent leurs pénates dans les recoins de la caverne. Quelques-
unes des plateformes qui étaient exposées à l'eau découlant de la voûte,
étaient munies de toits en feuilles de Pandanus.
A la sortie de la caverne, se trouvaient deux petites armoires. L'une
contenait une image représentant le dieu des oiseaux de caverne;
Tautre renfermait des pierres en forme de quille, qui constituaient un
objet d'adoration. Devant ces pierres, on dépose des nids d'hiron-
delles en offrandes. Tout autour d'elles, se trouve un amas confus
de crânes de crocodiles, de têtes d'espadon, de queues de raies, de
mâchoires de requin, de bâtons de parfums dans de petits vases, de
figures de buffle en terre glaise et de bâtons et pierres grotesquement
taillés.
Les habitants de cette région se disent Siamois, mais on les tient
pour des Malais, ayant du sang chinois dans les veines. Leur langage
est un dialecte chinois très rude et difficile à comprendre. Les
cavernes dans lesquelles on trouve les nids d'hirondelles sont beau-
coup plus grandes que celles où vivent les troglodytes. De petites
offrandes de riz, de bâtons parfumés et du papier chinois, simulant du
papier-monnaie, sont déposés à l'entrée des cavernes où la chasse est
la plus fructueuse.
Corée. — On sait que les Coréens, comme les Chinois, sont essen-
tiellement conservateurs. Il n'est pas aisé de leur faire modifier, et
surtout abandonner, leurs coutumes. Les Japonais ont complètement
(1) Voir Uulilin, p. G:)8.
LES PORTS A TRAITÉ EN CHINE 719
heureusement amené un correctif à cet état de choses, en établis-
sant certains liens entre les deux milieux. Cetie admission des
Chinois peut être limitée en droit et en f<ut. Comme les concessions
ont été fondées en vue de réparer les étrangers de la population
indigène, il est tout naturel que Ion ait disposé qu'elles fussent
inaccessibles aux Chinois. Dans la suite, on s'est cependant rendu
compte de l'utilité de la présence des Chinois. 11 rtait, en effet,
avantageux pour le négociant étranger que le marchand chinois
résidât dans la concession. Il l'avait ainsi à sa portée pour traiter
les affaires courantes; il le mettait ensuite à l'abri des autorités
chinoises. Les concessions ne tardèrent donc pas à devenir le
quartier général de tous les marchands chinois, traitant habituel-
lement avec les étrangers. Leur établissement avait encore un autre
avantage. [1 augmentait les revenus de la concession et rendait par
suite son administration moins onéreuse aux étrangers. Enfin, il
amenait un renchérissement du prix des terrains dont plus d'un
étranger a su profiter. On eut du reste soin, de prévenir, par voie
de réglementation, les inconxénients que cette vie en commun
aurait pu entraîner. Les Chinois, de leur côté, furent heureux de
pouvoir se soustraire aux exactions et à l'arbitraire de l'adminis-
tration chinoise. Partout où ils y furent autorisés, les Chinois émi-
grèrent en foule vers les concessions étrangères. A Tschinkiang,
par exemple, la plus grande partie de la concession est couverte
de leurs bùtiments au grand profit du commerce de cette place.
A Shanghaï, la communauté chinoise s'est développée encore plus
qu'à Hongkong, qui est pourtant une colonie anglaise. Ils y sont
soixante fois plus nombreux que les étrangers.
Dans les concessions nouvelles de Sutschau et de Ilangtschou,
les terrains ont été immédiatement achetés par les étrangers et ils
n'ont pas tardé à acquérir une plus-value considérable; de 250 dol-
lars, le mau a atteint, en peu de temps le prix de 900 dollars.
Inutile de dire que cette hausse ne s'est pas faite en vue de
l'arrivée prochaine d'acheteurs étrangers, mais bien de celle des
marchands chinois.
Toutes les concessions n'ont pas pu s'ouvrir aux Chinois. Des
fonctionnaires chinois avisés n'ont pas tardé à voir le danger que
pouvait avoir pour la Chine cette immigration. Ils y perdaient
720 ÉTUDES COLONIALES
d'abord une fraclion de conlribnables aisés, et ensuite, il était à
craindre que les concessions ne devinssent des lieux de refuge,
non seulement pour les criminels de droit commun, mais aussi
pour les criminels d'État et qu'elles ne constituassent des asiles
pour les reformateurs et les novateurs de toute sorte. C'est ce
sentiment qui a amené le vice-roi Tscliang-Tschi-Tung à faire
insérer dans l'acte de la concession allemande de Ilankou que « les
Chinois ne seront pas admis à setablir dans la concession ». A
Hanglschou, l'administration chinoise s'est réservée le contrôle
de la police chinoise et le résultat en a été que presque pas de
Chinois ne se sont établis dans la concession.
L'immigration des Chinois dans une concession est naturelle-
ment limité par l'espace disponible. C'est surtout à Canton qu'on
observe ce fait. Celte ville fut ouverte aux étrangers après que les
Anglais Icurcnt prise en 1857. Ils s établirent dans la petite île de
Shamien, qui est reliée à la ville populeuse de Canton par deux
ponts et, par suite, facile ù surveiller par les douanes chinoises.
Auoun élément indigène ne vient troubler la paix de cette conces-
sion, mais par contre, elle est descendue au rang d'une succursale
de Hongkong.
L'étendue d'une concession joue donc un grand rôle dans sa
destinée. Là où il n'y a pas assez d'espace pour admettre l'élément
chinois, le contact entre les étrangers et les Chinois ne s'établit
pas sufiisamment pour favoriser lessor des affaires. Et, dans
l'avenir, Ictcnduc des concesssions acquerra une plus grande
importance encore, car, à mesure que les Chinois participeront
davantage au commerce international, il faudra que l'on puisse
mettre plus de terrains à leur disposition, pour soustraire leurs
établissements et leurs demeures à Tingérence des mandarins.
C'est à Shanghaï que l'ensemble du problème semble avoir reçu
la meilleure solution. Ici aussi la concession est devenue trop
petite. L'afflux des* Chinois et la hausse incessante des loyers ont
môme obligé les étrangers à abandonner leur concession. Ils ont
émigré de leur établissement surpeuplé pour aller s'établir sur le
territoire chinois. Grâce au bon accueil que leur a fait l'administra-
tion chinoise, il n'en est pas résulté jusqu'à présent d'inconvénients.
La situation n'est toutefois pas normale. On aurait pu éviter Tincon-
LES PORTS A TRAITÉ EN CHINE 721
vénient de la situation actuelle. Il suffisait de réserver une partie
de la concession exclusivement aux habitations des étrangers.
C'est ce quon a fait dans l'acte de la concession allemande de
Tientsin. Il porte qu'un tiers du territoire ne pourra être aliéné
qu'à des Allemands.
En fondant une concession ôtrangère on devra donc veiller,
d'abord, à ne pas lui donner de trop petites proportions, ensuite,
à assurer aux Chinois le droit de s'y fixer et, enfin, à en réserver
une partie exclusivement aux étrangers.
ce n'est pas seulement au point de vue littéraire qu'ils offrent de Tin-
térét.
La maison Dietrich Reimer, éditeur des œuvres précédentes de
M. Baumann, s'est chargée, par une initiative qu'on ne saurait trop
louer, de la publication de son dernier livre, dont le bénéfice net sera
consacré à élever un monument à la mémoire de l'auteur. L'édition
est d'ailleurs fort soignée, ornée d'illustrations d'un caractère très
artistique, exécutées d'après les photographies de l'auteur.
Die akklimatisatioii der Europ&ischen und inbesondere der Germa-
nischen Rasse in den Tropen und ihre hauptsftchlichen Hindernisse,
par Friedrich Wolffert. — Leipzig, BreitkopfT cl Hârtel, 1900.
Cette brochure fait partie de la collection de conférences cliniques
fondée par R. v. Volkmann. L'auteur y examine la question de l'accli-
matation des races européennes, et de la race germanique en particu-
lier, sous les tropiques. Cette étude est pleine de renseignements
intéressants, entre autres, d'observations sur les symptômes de dégéné-
rescence observés sur les enfants de blancs à la Guyane. Les conclu-
sions en sont résolument négatives pour les contrées tropicales
proprement dites ; il en est autrement des climats sub-tropicaux.
Un séjour dans l'Ue de Ceylan, par J. Leclercq. — Un vol. in-iâ de 204 pages
avec 16 gravures et une carte. Paris, Plon-Nourril et C»'», 1900,
La série des récits de voyage de M. Jules Leclercq vient de s'enri-
chir d'un nouveau volume qui ne sera pas moins apprécié que les pré-
cédents. Les pages pittoresques et intéressantes à plusieurs titres y
abondent. On remarquera principalement les chapitres consacrés à la
description des ruines trop peu connues d'Anadhapura et d'autres
monuments des anciens rois de Ceylan, non moins précieux par leur
beauté que par les souvenirs historiques qui s'y rattachent.
Au point de vue des études coloniales proprement dites, on trouvera
dans cet ouvrage des renseignements de valeur sur les productions et
l'administration de l'île.
Le drame chinois (juillet-août 1900), par Marcel Monnier. — Vn vol. in-18 de
175 pages. Paris, Félix Alcaii, 1900.
Dans ce volume sont réunies une série d'études publiées par l'auteur
dans le TempSy pendant que se déroulaient les dramatiques événe-
ments de cet été. Les opinions de M. Monnier méritaient d'être con-
LE CHOIX DES GRAINES DE CAFÉIEHS 723
» Tessier est d'une opinioi) opposée; il prétendait avoir sans
inconvénient employé pendnnt dix années des graines provenant
de la terre même où elles étaient semées.
» On peut admettre qu'en général le changement de semence
est avantageux. Comme la vicorganiqiie dépend de rinfluence con-
tinuelle et réciproque des « forces » les plus compliquées, il se peut
que leur action soit modifiée dans Tun ou l'autre sens par des
modifications même petites cl peu sensibles. »
Il faut insister sur ces derniers mots.
Dans le chapitre Suhnlité par suite de modification dans les con-
ditions vitales, Darwin ajoute :
« La stérilité totale ou partielle se produit souvent chez des
plantes ou des animaux soustraits à leurs conditions naturelles
d'existence; ce fait se remarque, môme lorsque le changement est
peu important. »
Celte observation n'est pas en contradiction avec la pré édente.
« Si d'une part un léger changement des circonstances exté-
rieures accroît la vigueur et la productivité de la plante, certaines
aulres causes peuvent causer la stérilité.
» C'est un tait que beaucoup de plantes exotiques, tout en étant
vigoureuses, donnent peu ou point de graines dans nos jardins et
nos serres. Je ne parle pas des plantes qui, se trouvant dans un.
milieu trop chaud ou trop humide ou ayant reçu une fumure trop
forte, développent trop leur feuillage et par suite ne donnent pas de
fleurs; je ne parle pas non plus des fruits, qui ne mûrissent pas
par défaut de chaleur, ou qui pourrissent par excès d'humidité, ni
des plantes dont la stérilité est une conséquence de l'absence des
insectes qui assurent leur fécondation. En dehors de ces cas, il
existe de nombreuses espèces, dont la fécondité diminue ou dis-
paraît par le changement des conditions d'existence. »
Après avoir donné plusieurs exemples de ce fait, Darwin
ajoute :
« Je pense que la stérilité de beaucoup de plantes exotiques
dans ce pays doit être attribuée au changement de climat. »
Darwin ajoute, dans son chapitre Acclimatation:
« Les plantes subissent plus rapidement les influences du climat
que les animaux. On peut admettre que toutes les plantes cultivées
depuis longtemps ont donné des variétés, dont la constitution s'est
adaptée à un certain climat.
A la vérité, en dehors de Tlnde, qui fait l'objet d'un chapitre inté-
ressanl, on n'y trouve guère de détails que sur les peuples d'an-
cienne civilisation, et non sur ceux qui font l'objet de la colonisation
actuelle. Il serait fort désirable de voir s'étendre de ce a'dé des études,
trop négligées à notre avis pour des préoccupations strictement
utilitaires, comme s'il était moins important pour le possesseur d'une
colonie de connaître la psychologie de ses sujets que les cours du
caoutchouc.
In den "Wildnissen Afrikas und A siens, souvenirs de chasse par le major
VON WissMANN. — In-i*» avcc 28 gravures hors texte et 45 illustrations. Berlin, Paul
Porey, 1900.
Le major von Wissmann, non moins célèbre par ses exploits cyné-
gétiques que par ses explorations, vient de publier un ouvrage
consacré aux divers gibiers qu'il a poursuivis dans ses voyages. Ce
magnifique recueil aura dix livraisons, dont la première vient de
paraître. L'édition est faite avec un grand luxe ; les illustrations,
types d'animaux d'une réalité frappante, sont de la plnsbelleexéculion.
La Questione coloniale, e i Propoli di Razza latina, .par Gust. Goen. Un vol.
in-12de 567 pages. Livounie, RalT. (riusti 1901.
L'ouvrage de M. Coen a eu pour origine les vives controverses qui
se sont produites en Italie à la suite des échecs éprouvés en Afrique.
L'auteur s'est efforcé de traiter la question coloniale avec impartialité,
sine ira et studio, comme le porte son épigraphe.
A cet effet, il a comparé la politique coloniale de l'Italie à celle
d'autres pays, notamment à l'activité coloniale de la France d'une
part, et de l'Allemagne d'autre part.
Ce travail vient heureusement compléter la série des publications
qui ont paru sur cette question dans la plupart des pays civilisés.
Gode télégraphique colonial, par le lieutenant Fer.n. Nrs. Un vol in 4o
de 59i2 pages, publié par la Gazette coloniale de Bruxelles, 1900.
Le Code télégraphique du lieutenant Nys se distingue des codes
existants en ce qu'il est conçu encore des besoins particuliers du com-
merce colonial. L'utilité en sera grandement appréciée par les direc-
tions (le nos nombreuses sociétés, auxquelles il fournit un moyen de
correspondance facile et économique avec leurs agents d'Afrique.
CIUUCD UUUU]ll
iNo 12
7« Annice
Note sur l'Utilisation ratii
DE IL'lLlPHMT
-^
^E tous temps Téiéphant a été utilisé en A
et rend encore les plus grands services
à Tindustrio, à la chasse, à la gueri
animal de parade et de luxe. Dans Tantiquité il en
Afrique, mais il paraît avoir servi presque ex(
guerre, aux jeux de cirque, aux cortèges de para(
écrits constatent ces faits et j'attire tout spéciali
du lecteur sur les travaux importants de M. Bo
articles du Congo illustré des 13 mars et 24 avril
Congo belge des 15 novembre 1896 et 15 janvier
ques-uns enfin du Mouvement géographique et
coloniale qui sont extrêmement intéressants, à la
et qui renvoient à nombre de sources précieusej
voudront approfondir l'étude des questions q
ci-après et dont Timportance m'a frappé en suite
au Congo et au Siam.
Le Siam conslitîie l'habitat par excellence de Tel
Congo celui presque exclusif de ce précieux indi
africaine qui ne se rencontre plus guère que dans
toriale.
Si de nos joui^ rèléplianl n'est plus employé ei
rattribuer, non à ce que Tespèce d'Afrique n'est pas domesticable
comme d'aucuns le pivHendent d'une façon absolument gratuite,
mais à ce que son utilisation a été abandonnée il y a quelques
siècles et à ce que depuis lors il a disparu des parties du continent
africain qui seules étaient accessibles, il y a peu de temps encore,
aux peuples d'une civilisation suffisament développée. Les indi-
gènes, qui jusqu'en ces derniers temps habitaient seuls les régions
où se rencontre encore l'éléphant africain, n'avaient besoin à aucun
litre de ces puissants auxiliaires à l'état vivant et asservi : ils
n'ont donc pas dû songer à les capturer et à en tirer parti. Sans
commerce, sans industrie, formant de petits groupes sans cohésion
nationale, ces pauvres sauvages vivaient au jour le jour comme les
éléphants eux-mêmes : ils n'avaient pas besoin d'animaux pour les
servir.
Depuis l'achèvement du chemin de fer du Congo, l'ère de
lexploitation industrielle du bassin du grand fleuve ne tardera
pas à s'ouvrir comme l'a déjà fait si brillamment celle du com-
merce. Étant donnée la puissance de transport de ce merveilleux
engin qui a fait disparaître le grand obstacle à la pénétration de
l'Afrique équatoriale et à l'évacuation de ses produits, le moment
est venu de rechercher plus que jamais tout ce qui peut assurer
et activer le développement économique de l'Afrique centrale.
Aussi j'attire l'attention, et on ne pourra trop le faire, sur l'élé-
phant domestique, cet auxiliaire si utile de l'homme dans les
deux branches maîtresses de son activité : le commerce et
l'industrie.
Les principales qualités dont il y a à tirer parti dans l'éléphant
sont sa force musculaire et son poids considérable, sa grande taille
et la conformation spéciale de certains de ses organes, l'intelli-
gence avec laquelle il exécute les travaux qui lui ont été enseignés,
la facilité de son dressage et de son entretien, sa mémoire et la
persistance de l'éducation qu'il a reçue, même lorsque la liberté
lui est rendue pendant des périodes assez longues, enfin sa pru-
dence.
Là où il est le plus remarquable actuellement, au Siam et en
Birmanie, c'est dans son travail en forêt et sur les chantiers pour
l'exploitation des bois. Pour le travail en forêt il supplée à
nombre de manœuvres et de moyens mécaniques. Il y est d'autant
GENERALITES
La Malaria. — La Royal Society de Londres vient de publier
d'intéressants travaux sur la malaria dus aux D" Daniels, Christophers
et Stephens. On sait que les larves de l'espèce d'anophèles qui propa-
gent la malaria se trouvent en abondance en Afrique dans des maré-
cages peu profonds comme ceux que l'on trouve dans les dépressions
rocheuses après l'évaporation partielle d'une pluie copieuse ou après
le passage d'un torrent. On sait aussi que ces larves peuvent être
rapidement détruites en versant dans le marécage du pétrole ou du
sel. Certaines personnes ont cru et ont même prédit avec confiance
que l'emploi de ces moyens suffirait pour arrêter, au bout d'un certain
temps, la propagation des insectes et pour débarrasser les localités
infestées de leur présence.
Cet espoir n'a jamais été partagé par le major Ross, qui a dirigé,
comme on se le rappelle, l'expédition malarienne envoyée à Freetown,
et il semble qu'il faille définitivement y renoncer. D'abord, le travail
et les frais de l'application de l'un ou de l'autre de ces remèdes à tous
les marécages susceptibles de renfermer des larves, même en se limi-
tant au territoire de la ville de Freetown, seraient énormes. Ensuite,
et ceci est plus important, l'expérience a démontré que l'effet de ces
mesures n'est que temporaire. Les marais ne sont épurés que pour un
certain temps. Après un terme de quelques jours, les larves sont
aussi nombreuses que jamais. On a eu beaucoup de peine à découvrir
comment et quand les marais s'étaient repeuplés, mais on sait mainte-
nant que les habitations de Freetown contiennent un nombre consi-
dérable d'anophèles femelles qui se cachent avec beaucoup de soin,
pendant le jour, et qui se dirigent, pour y déposer leurs œufs, vers
tous les marais qui conviennent à cet effet. On a pu garder indemnes
débarquement à la scierie, lis s attellent a eux-mêmes a ces
énormes pièces de bois, sachant parfaitement mettre et enlever les
crochets avec leur trompe. D'autres placent le madrier devant la
scie et, lorsqu'il a été divisé en planches, transportent celles-ci
dans une autre partie du chantier. Là ils les mettent en pile, les
alignant avec la plus grande correction, de façon à ce qu'une
planche ne dépasse pas lautre. Cela tient du prodige. Mon cicé-
rone me disait que ces braves animaux font preuve de plus d'intel-
ligence que beaucoup de coolies. On prétend même qu'ils finissent
par distinguer le bon bois du mauvais. »
L'éléphant est également précieux sur les chantiers des grands
travaux publics, surtout quand ceux-ci sont difflcilement acres-
sibles, non seulement parce que son emploi réduit considérable-
ment la main-d'œuvre nécessaire, mais surtout parce qu'il dispense
de l'emploi de nombre d'engins mécaniques, mouffles. treuils, eic,
et de l'établissement de dispositifs spéciaux, voies portatives de
roulage, échafaudages, etc., pour le déplacement des fardeaux. On
cite des exemples remarquables de leur emploi à Ceyian; les
Allemands les ont utilisés à la côte orientale pour la construction
du chemin de fer, etc., etc. Ils pourraient être aussi avantageu-
sement employés à certains travaux agricoles; j'ignore si la chose
se fait. Au Siam, où la peste bovine a considérablement contrarié
l'agriculteur dans ces dernières années et où l'éléphant est si
abondant, la chose paraît à tenter et les chances de succès seraient
d'autant plus grandes que les Siamois sont familiarist^s avec le
dressage de cet animal qu'ils emploient couramment pour leurs
transports et pour leurs exploitations forestières.
Pour le service des transports, l'éléphant convient surtout dans
les cas difficiles, à défaut de routes et comme animal de bût. En
dehors de son travail en forêt, c'est la manière la plus usuelle dont
il est employé au Siam. C'est aussi la manière dont il est le plus
utilisé dans l'Inde anglaise, notamment par l'armée où son emploi
est répandu et parfaitement réglementé. Il peut passer des
rapides tumultueux, des gués profonds, des marais et terrains
inondés, des fourrés inextricables, là où aucun autre animal ne
pourrait le faire. Il escalade les roches aussi bien que les mules,
descend les côtes les plus abruptes; point n'est besoin pour lui de
sentiers frayés : là où il ne peut s'en tirer par l'adresse ou par la
UTILISATION RATIONNELLE DE L ELEPHANT O
ruse, il use de la force; mainls obstacles, même des arbres assi
forls, cèdent sous la poussive de son front puissant.
Comme animaux de trait, ils ne sont pas avantageux, ne coi
viennent même pas du tout, sauf en forêt et sur les chantiers poi
donner un coup de collier ou traîner des fardeaux à courte distance
Il est du dernier grotesque et digne seulement d'un cirque de foire
d'altcler un éléphant à une voiturclte à la manière d'une chèvr
ou d'un poney, comme j'en ai vu l'image dans un journal illustr
Travail des éléphants au Sfam. — Fie. II.
;
récent. Non seulement les qualités spéciales si précieuses de l'élé-
phant en commandent un emploi plus judicieux, mais une voiture,
en rapport avec la taille et la force de l'animal, devrait être monu-
mentale et de construction spéciale pour tirer parti de sa puis-
snnce de traction. Il est à remarquer, en outre, qu'employé à la
traction, il devrait pousser le joug du front et non tirer par
collier ou bricole comme on le fait actuellement. Je reviendrai sur
ce point dans la suite du présent article.
Ktant données la grande utilité des éléphants et leurs aptitudes
spéciales si préci^^uses, il serait désoIntH do Ins voir dispnrnître
d'Alrique, Fort Ijcurt^usement la cliosc a iHé roconiuic vX les fçou-
venicmenls intéressés se ^oiit préoccupés de leur conservation.
On devra non seulement montrer la rigueur la plus intran-
sigeante dans l'application des mesures déjà prises ou arrêtées
pour assurer cette conservation, mais aussi prendre le plus de
précautions possibles pour augmenter leur reproduction. Il est
admis que rien ne justifie leur destruction : ils ne sont pas dan-
gereux, à de rares exceptions près, même à l'état sauvage, tant
qu'ils ne sont pas attaqués, pas plus que les chevaux ou le bétail;
leur chair n'est pas comestible ou du moins est mauvaise, sauf
quelques partres de la tête, et n'est mangeable que par les indi-
gènes qui en seraient vite dégoûtés si on en mettait d'autre facile-
lement à leur portée; leur dépouille n'est pas utilisée ni en tous
cas indispensable (fait-on autre chose que des guéridons affreux
des oreilles et de mauvais pots à tabac de la dépouille des pieds);
enfin il n'est pas besoin de les tuer pour avoir leur ivoire, point
important sur lequel j'insiste et que je développe ci-après. Au
contraire, continuer à les exterminer, c'estjtarir la source de ce
produit précieux. Il est à remarquer que l'ivoire n'a de valeur
qu'en raison de la beauté et de la finesse de son grain et de sa
rareté, que son emploi est de pur luxe, qu'il n'est iijdispensable
pour aucun usage utilitaire et, point extrêmement important, qu'il
n'y a que la partie pleine de la défense qui soit précieuse. Ce
n'est guère que pour la confection des billes de billards que son
emploi s'impose plus ou moins, tant que l'on n'aura pas trouvé une
autre matière possédant au même degré : l'élasticité, l'indéforma-
bilité sous les actions atmosphériques ou autres, la solidité, la légè-
reté et la faculté de prendre un beau poli. Et encore, à part les
billes constituant les jeux de prix, ceux que l'on appelle les jeux
de professeurs, combien n'y en a-t-il pas en toutes espèces de
matières autres que l'ivoire ! Or, les billes sont prises exclusive-
ment dans les parties pleines des défenses et s'il fallait absolument
obtenir de grandes quantités d'ivoire de cette nature, on pourrait,
sans inconvénients, le prendre aux animaux vivants sans dom-
mages pour ceux-ci, comme nous le verrons plus loin. Je signale,
en passant, un article très intéressant sur l'ivoire, de M. E. Gautier,
dans hRevue générale des Sciences, du «30 octobre 1897, 8*"' année,
n<» 20.
11 y a donc bien intérêt, à tous les points de vue, non seulement
à protéger, mais aussi à multiplier l'éléphant, j'estime ne pou-
GimONIQUE 731
appeler l'épreuve offensive, a consisté dans l'expérience suivante : On
a pris des moustiques de laboratoire, c'est-à-dire des moustiques
sortis de l'œuf dans un laboratoire. Ces moustiques n'avaient jamais
eu l'occasion de s'assimiler des germes de malaria. On les a ensuite
nourris à Rome sur des malades atteints de fièvre tierce et contenant^
dans leur sang, d'après les constatations microscopiques, des para-
sites. Ces moustiques ont été transportés à Londres et sustentés au
moyen de sucs végétaux jusqu'au moment où les germes de la malaria
furent parvenus à la glande vénéneuse. On les a alors laissés voler
dans une cabane spéciale où dormait un Anglais qui n'a jamais quitté
son pays. On conjecturait qu'après un délai d'une dizaine de jours
cette personne présenterait des signes de fièvre paludéenne et que l'on
découvrirait dans son sang le parasite de la malaria. L'expérience
n'offrait aucun danger particulier, car la forme de fièvre que le sujet
contracterait est des plus bénignes et peut être aisément vaincue au
moyen de quelques doses de quinine.
Conformément à ce programme, le D' Bastianelli envoya à Londres,
trois groupes d'anophèles qui avaient aspiré le sang de malades atteints
de fièvre tierce. Le fils du directeur de l'Ecole des maladies tropicales,
M. Manson, a consenti à se prêter à l'expérience. Il a été mordu tous
les deux jours par les insectes aussi longtemps que ceux-ci ont vécu.
L'expérience se fit avec le premier groupe d'anophèles dans les deux
premières semaines de juillet, avec le second à la fin d'août, et avec
le dernier pendant la deuxième semaine de septembre. M. Manson
conserva la santé jusqu'au 13 septembre où il fut pris tout à coup de
fièvre. Le 17 septembre, on découvrit des parasites dans son sang. La
nature du mal était identifiée. Les parasites ont été vus par le D' Man-
son et plusieurs autres médecins. Il était donc avéré que la fièvre avait
été communiquée par les anophèles en l'absence de toute autre cause.
Le retard dans l'apparition des symptômqs chez M. Manson peut être
attribuée soit à l'état des insectes qui l'attaquèrent en premier lieu
soit à la nécessité d'un certain délai pour que les parasites se déve-
loppent en nombre suffisant pour déterminer la fièvre.
Ces expériences sont en parfaite corrélation avec celles auxquelles
le D' Grassi se livre en ce moment dans les plaines de Salerne. Cer-
taines cabanes habitées par les gens du pays ont été protégées contre
l'intrusion des moustiques au moyen de toiles métalliques. Le résultat
en a été surprenant. Les personnes qui les occupent n'ont pas eu un
seul accès de fièvre de toute la saison. Par contre, dans d'autres
cabanes qui se trouvent à quelques pas des premières, le mal fait ses
ravages habituels.
la péninsule où Ton ne travaille que pendant une partie de l'année
et où les éléphants sont employés au transport.
La question de savoir si Téléphant d'Afrique est domesticable
comme son congénère d'Asie a été très discutée. Quant à moi je
suis convaincu qu'il l'csl, sinon au même degré, en tous cas au
point de pouvoir rendre de grands services. M. Bourdarie et toutes
les autorités qu'il cite, llanolet mon compatriote et bien d'autres
encore sont d'avis également que cette domestication est possible.
En 1889-1890, j'ai vu au cap Lopez le jeune parfaitement domesti-
qué auquel fait allusion M. Bourdarie. Docile, mais espiègle, ce
jeune animal circulait en liberté dans la factorerie française à
laquelle il appartenait, ainsi que dans les environs. H fut tué par
les soldats ou les douaniers du port voisin, sous prétexte que par
ses familiarités, il importunait ces soudards et qu'il arrachait par-
fois en jouant les poteaux de la vérandah. C'est un acte inqualifiable
que cette exécution.
Il existe actuellement un jeune éléphant domestiqué chez les
missionnaires à Fernand-Vaz, peut-être d'aulres encore, notam-
ment au poste créé par l'Ktat Indépendant du Congo, spécialement
à cette fin. D'après les nombreuses études déjà faites ù ce sujet,
particulièrement par M. Bourdarie, d'après le témoignage de
j\l. Cari Hagenbeek de Hambourg, qui a vu tant d éléphants afri-
cains passer dans son établissement, d'après les exemples faciles
à contrôler dans les cirques et dans les jardins d'acclimataiion,
la domestication possible et même facile me paraît indiscutable-
ment établie et il est étonnant qu'elle n'ait pas encore été tentée
depuis longtemps sur une vaste échelle. M. Bourdarie au Congo
français, les Allemands dans leurs colonies, l'Etat Indépendant du
Congo ont entrepris la chose, mais jusqu'à quel point ces entre-
prises sont-elles méthodiques, étendues et seront-elles soutenues?
Le personnel qui est chargé est-il compétent, est-il préparé seule-
ment? Quelle est son expérience? Où a-t-il lait école?
Le peu de résultats pratiques obtenu jusqu'à présent dans l'Etat
Indépendant du Congo me paraît devoir être attribué à ce que le
personnel s'est attaché à capturer des éléphanls trop jeunes.
Ce qu'il y aurait lieu de faire, pour éviter des mé^-omptes
futurs et pour ne pas compromettre davantage le succès de la
louable entreprise qui a été tentée et provoquer son abandon, serait
ciiitoMUL'E 733
ASIE
Chine. La ramie. — Le consul d'Angleterre à Kuikiang, dit dans
son rapport, que la culture de la ramie a pris une grande extension
dans le centre de la Chine pendant les dernières années. C'est surtout
dans la province de Hupei qu'on rencontre ce produit. Il s'expédie de
Kiukiang vers Shanghaï d'où il est envoyé au Japon, à Canton, Chin-
kiang et autres ports chinois où on le transforme en un tissu que
les indigènes portent en été. La ramie donne trois récoltes par an, La
première qu'on plante pendant l'automne précédent vient à maturité
en juin, la deuxième est mûre en juillet et la troisième vers octobre.
Le deuxième récolte est inférieure aux deux autres; elle ne reste en
terre que pendant un mois et l'extrême chaleur empêche son dévelop-
pement. La première est généralement meilleure et dans les bonnes
saisons elle atteint jusqu'à 70 pouces de hauteur. On la roule en balle
selon la longueur des tiges. On en obtient de 10 à 12 taels par picul
de 133 livres. Le prix dépend des marchés japonais vers lesquels
60 p. c. de la production totale s'exporte. Les deuxième et troisième
récoltes obtiennent de il à 8 taëls le picul.
On dit que les marchands allemands achètent de la ramie à Shan-
ghaï et un envoi a été fait directement, il y a peu de temps, par une
finne chinoise à Hambourg.
Chine. Les mines de charbon du Shan-Si. — Le professeur
Drake, de Tien-Tsin, a publié récemment un rapport sur les mines de
charbon de la province de Shan-Si qu'il a visitées l'automne dernier,
particulièrement celles de Tse-chau qui furent, pour la première fois,
portées à la connaissance du public, en 1870, par le baron von
Richthofen et dont Texploitation a été concédée à une compagnie
anglo-italienne. On y arrive de la côte en traversant des plaines
basses. On monte ensuite vers un plateau où se trouvent les mines.
Le charbon exploitable se trouve dans une couche qui repose sur un
Ut de calcaire. Il est probable qu'au-dessous de ce stratum se trouve
une nouvelle couche de charbon. L'épaisseur moyenne du charbon à
Tsechau n'est probablement pas inférieure à S2 pieds. A un endroit, on
exploite la mine par une galerie qui descend à 329 pieds. M. Drake
estime que les 150 milles carrés qui se trouvent autour de Tse-chau
s'approchent de lui et en un clin d'œil le nœud coulant forme à rextrcmité du
câble en rotin lui est adroitement passé au pied. L'animal reste encore tranquille
un instant jusqu'au moment où le fracas produit par le déroulement du rotin
sur le sol Taffole; alors la fuite et la poursuite commencent. Partout où il se
dirige dans sa frayeur les trois ombres noires le suivent, le lourd câble traînant
parmi les souches d'arbres. Chaque fois qu'il s'arrête les chasseurs fixent ce
câble à l'arbre le plus proche et à force de tirailler, courir, trébucher, et aussi
de frayeur, il est bien près d'être épuisé à la nuit tombante. En cas ou les chas-
seurs disposent d'éléphants dressés, il les amènent alors pour lui tenir compagnie et
le calmer. Les trucs les plus ingénieux sont employés pour arriver à engager un
nœud coulant à un autre des pieds lîc la bète tandis que celle-ci se jette péni-
blement de droite et de gauche : chaque fois que la corde qui la retient touche
un arbre, un lien l'y fixe, diminuant le flottement, laissant chaque fois moins de
jeu à la bète, tant et si bien qu'elle se trouve bientôt amarrée à un solide
tronc d'arbre. Il n'est pas fait de feu auprès du captif pour ne pas l'efirayer et
((uelque deux à trois cents kilogrammes de bambou délicat et autres friandises
lui sont apportés journellement jusqu'à ce qu'il soit habitué aux figures qui
vont et viennent autour de lui, s'asseyent en face de lui et lui parlent. C'est à ce
moment que les bons sentiments sont précieux chez le dresseur et qu'un
homme étourdi ou cruel se fait du jeune éléphant un ennemi pour la vie. Si le
jeune éléphant peut être sauvé d'abattement, de dépérissement, si les blessures
produites par les liens en jonc qui le retiennent uq s'enveniment pas, il pourra
bientôt porter en toute sécurité le gouverneur, le roi lui-môme, mais il
n'oubliera jamais, jusqu'à la mort, l'impression de l'homme ou les moyens
employés à l'éduquer pour sa nouvelle vie.
On remarquera dans ce récit que les éléphants dressés ne sont
pas indispensables: ils n'interviennent que pour faciliter et activer
le dressage et non pour coopérer à la capture.
La manière dont a été capturé le jeune éléphant. des mission-
naires de Fernand-Vaz (I) est à peu près bonne, mais ce qu'il y a à
condamner dans le procédé, c'est le massacre du troupeau entier
auquel les Pahouins se sont livrés pour capturer un seul jeune.
Si des méthodes de ce genre de chasse nécessitant la destruction
d'un troupeau pour la capture problématique d'un jeune est tolé-
rée, on aura ajouté une cause nouvelle de destruction à celles déjà
existantes, ce qu'il faut à tout prix éviter.
Les captureurs ne peuvent en aucun cas, sauf ceux de force
majeure et pour leur défense personnelle, tuer les éléphants qu'ils
pourchassent, et même ils doivent s'entraîner à les inquiéter le
,1) Voir Uelgiqtm Coloniale du 19 novembre 1899.
CHRONIQUE 735
Une grande partie du café de Cochinchine est acheté par des mar-
chands chinois. Les planteurs font des efforts pour vendre directement
aux consommateurs. Un syndicat de planteurs fait des démarches pour
ouvrir un magasin de vente pour le café.
La production du café en Cochinchine est encore inférieure à la
consommation du pays et ce produit est importé par des firmes
européennes. Le prix du café indigène varie de fr. ^ .7S à 2 francs le
kilogramme, vendu par quantités de 60 à 100 kilogrammes. Une
certaine quantité atteint jusqu'à fr. 2.50 le kilogramme.
Environ 148 hectares de café produisent actuellement. 147 autres
ont été plantés mais ne rapportent encore rien. Us commenceront
à produire trois ans après leur plantation, mais on ne peut en
attendre de récoltes rémunératrices que lorsqu'ils auront cinq années
d'existence.
Ceylan. Développement du commerce. — Les importations
se sont élevées, en 1899, à 111,992,349 Rs. et les exportations à
j 11,953,937 Rs., soit un mouvement commercial total de 223 millions
948,286 Rs. ou d'environ 15 millions de liv. st. Si l'on fait abstraction
de l'argent monnayé, le chiffre total est de 213,007,870 Rs. ou du
double de celui de 1890. Cette augmentation considérable est due
aux plantations de thé qui ont atteint à présent leur maximum. Les
prix sont trop bas pour encourager la fondation de nouvelles entre-
prises. Les planteurs s'appliquent maintenant à produire du thé vert
pur afin de disputer au thé de Chine et du Japon les 60,000,000 de
livres importées annuellement par les Etats-Unis. La difficulté du
transport du thé de Chine par voie de terre détournera probablement
une partie de la clientèle russe vers Ceylan.
A coté du thé et du cacao et des plantations de caoutchouc, la
culture des noix de palme, par les Européens et les indigènes mérite
d'être signalée. Le riz ne semble pas prendre d'extension malgré
Tabolition des taxes. Les importations de riz de l'Inde, dépassent de
2 millions de bushels, celle de 1892.
Le boni de 1899 a été de 962,202 Rs. qui seront affectés à l'extension
de chemins de fer dans le Nord. Le port de Colombo a été amélioré et
il est de plus en plus apprécié comme port d'escale et station de
charbon.
Les plantations de thé à Ceylan. — Ceylan, de 1837 à 1882, a
été un grand centre de production du café. Mais les maladies parasi-
taires qui ont sévi sur les caféiers ont eu pour effet d'obliger les
planteurs à s'occuper d'autres cultures.
dent réciproquement, et qu'à beaucoup près, ils ne portent pas
tous de l'ivoire, du moins en quantité exploilxible. Ces massacres
sont plus qu'impardonnables, ils sont criminels, inhumains, anti-
économiques. L'ivoire ne devrait provenir, et les pouvoirs
publics devraient y tenir impitoyablement la main, que des stocks
existants, des animaux succombant de mort naturelle ou victimes
d'accident, enfin du tronçonnement des défenses des éléphants
vivants. Celte dernière opération se pratique couramment sur
certains animaux de parade et de luxe et parfois sur ceux employés
Fie. V.
Fie. VI.
sur les chantiers quand ceux-ci sont astreints à un travail trop
fatigant, épuisant; tel est le cas pour celui que j'ai vu à l'œuvre
à Bangkok. Pour le travail sur chantier les défenses servent, soit
comme levier pour mouvoir des fardeaux (fig. I), soit comme sup-
port pour les soulever ou les transporter (fig. II). soit comme
point d'attache d'amarres (fig. III). On conçoit aisément que plus
elles sont longues, plus la résistance à vaincre aura son point d'ap-
plication près des pointes, plus le bras de levier de la résistance
sera considérable et en conséquence plus l'effort h faire par l'ani-
mal sera considérable pour une même résistance à vaincre. Plus
les défenses seront longues plus le travail sera fatigant et moins
longtemps il pourra cire poursuivi. Pour un travail courant
(\) Fig IV ; Défenses norniaîes.
et soutenu il y nura donc généralement av;
la défense. Quand Fciéphant doit faire un
ou brusque avec sa défense comme levier
brise et il y est d'autant exposé que sa défense
1 état sauvage cela lui arrive assez souvent, co
nombre de tronçons de défenses arrivant sur 1
de brisure ancienne. On peut conclure de ces
dite des défenses trop lon^fues n'est pas en ra
musculaire de Tan i mal, surtout si cette dern
\
Fi*;, VJI.
h\G. VllL
mélliodiquement, comme cela doit arriver inévn
animaux bien nourris et bien entraînés Irava
tiers; 2** que le tronçonnement de ses défensei
ciable à i'aïiimal puisque celles brisées accidenii
brisure n'est pas soignée n'en soulIVent pas.
J'ai vu un c!é pliant travaillant à Bangkok t
tances assez longues, en les transportauL sur
maintenant de la trompe, des poutres de bc
8 mètres de long sur O^iG à 0"'tO d equarrissa,
d'un mètre cube, et un poids d'une tonne, au
tandis que ses défenses étaient intactes et relati
(I) Fl§. LX : Groeli(*ls forU et courla pour le traiisp<>rt de poi
ne pouvait soutenir pareil travail d'une façon continue et après
quelque temps, on devait lui laisser des repos fort longs, de
plusieurs journées parfois. On s*est alors décidé à lui raccourcir
les défenses en coupant leurs pointes et en affûtant le tronçon
restant de manière à lui donner la forme d une dent normale
courte (fig. V), ce qui a eu d'excellents résultats augmentant de
beaucoup la capacité et la régularité de travail de la bête. J*estime
que Ion pourrait aller plus loin dans cet ordre d'idées, qu'on
pourrait couper carrément presque toute la partie pleine de la
dent (Bg. VI) et sans affûter la partie restante, munir celle-ci d'une
Fig. X (1).
Fie. XI.
Fig. Xll.
armature ou d'un outil mobile approprié au travail que l'on attend
de l'animal, absolument comme on munit l'ouvrier de l'outil con-
venant au travail qu'il a à effectuer. Ainsi, pour rendre à Fanimal
ses défenses normales et pour lui permettre le genre de travail
analogue à celui du levier ou du pic, on adapterait des pointes
longues (fig. VII), pour le transport des fardeaux, des pointes
courtes droites (fig. VIII) ou en équerre (fig. IX, X et XIII) ou des
crochets (fig. XI). Au cas où l'animal devrait tirer des fardeaux
ou de lourds véhicules, les défenses recoupées ou non pourraient
porter le joug (fig. XII), ce qui serait prélérable au collier ou à la
bricole. On pourra enfin adopter la combinaison de deux quelcon-
ques des armatures simples (fig. XIV par exemple). Ces armatures
(1) Fig. X : Crochets forts et longs pour le transport de ballots de coton, etc.
seraient d'ailleurs de formes variées à étudier
genre de travail à effectuer : pour les terrasse
forme de pioche, de bêche ou de pelle, pour 1(
plus divei^s encore, etc., etc.
Ces propositions pourront paraître quelqu
ceux qui ne sont pas familiarisés avec les apti
et que les innovations effrayent» mais il est à rc
que chose de ce genre a été fait dans lantiqui
aux défenses des éléphants de combat, des an
ils fauchaient, de façon sanglante et terrible, 1
iMG. \III(l).
Fie. \i
Mes pfropositions ne sont peut-être pas notivellt :
connaissance do leur appIicaLioii et il serait in
cas, de les voir cxpériiiienlcr ici même eJi Euro
ineJit convaincu que ces expériences bien con(
de boïis rêsulUits, Ce serait ujic belle entrepris
haut point, pour un cirque sérieux ou au établis
tation. Ce serait plus utile que les acrobaties q
leur faire faire actuellement* l*ûur n'ejî citer qu'u
pas puéril ot mesquin, pour un établissement se
le jardin zoologique d'Anvers, d'y voir Feléphan
velle d'une méchante boîte à musique et suri
affublé d'un tablier. Je trouve ce spectacle
(l) Fig, XII 1 : CroclieU légers longs pour le transport de canjvc
pituuA, Il idit^iiiuiit liuiuuiu, un jcAïuiii ^uuiu^iqut? uevidii iiuiib
moiilrer un spectacle plus sérieux, plus inslruclif. Que Ton y
montre Téléphant accomplissant le travail intelligent qu'il fournit
journellement au Siam et en Birmanie, à Ceylan, aux Indes. Ce
stra édifiant, instructif et moral en ce sens que ce spectacle ferait
rougir de honte et de dépit pas mal de manœuvres humains abrutis
par lalcool, et par le fait incomparablement inférieurs aux élé-
phants comme habileté et clairvoyance dans laccomplissement de
leur lâche.
Beaucoup des exercices que Ton voit faire actuellement dans les
cirques sont bons, mais moins pour montrer le parti qu on peut
tirer des éléphants que comme exercices d'assouplissement et de
gymnastique pour ceux-ci. Si les directeurs de cirque voulaient
supprimer les parties ridicules des exercices de leurs éléphants
et s'efforcer de mettre en lumière le mieux possible leurs aptitudes
utiles, ils aideraient puissamment à la propagande poursuivie avec
tant d'ardeur par M. Bourdaric et d'autres. Ils seraient d ailleurs
largement récompensés de leurs efforts par les spectacles intéres-
sants et neufs offerts ainsi au public qui y accourrait en nombre.
A l'attention avec laquelle le public a suivi quelques causeries que
j ai faites sur les éléphants, avec projections lumineuses, j'ai pu
constater combien ce sujet l'intéresse. Il est utile de montrer le
parti pratique à tirer des animaux exotiques en général, car rares
sont ceux qui peuvent aller les voir travailler au loin et précieuse
est la chose pour ceux qui comptent s'expatrier. On peut instruire
tout en amusant et en intéressant et faire travailler un animal de
manière à montrer, d*une façon tangible, le parti pratique qu'on
peut en tirer. Découvrir et mettre en lumière une aptitude nouvelle
utilisable, une méthode plus rationnelle de travail, c'est rendre un
service important à la cause de la colonisation.
L'éléphant s'offre, sous ce rapport, comme un sujet des plus
remarquable.
J. Cauton.
,ri:re a thé en fleurs.
{Missions btltjei.)
et dans certaines parties même très insalubres, loiit ciepencl, ici
aussi, de 1 altitude. En général, les districts qui se trouvent entre
3,500 et 5,500 pieds d'altitude peuvent être considérés comme
modérément insalubres ; ceux qui sont situés à moins de
3,500 pieds d altitude doivent être tenus, dans letat actuel des
choses, comme très malsains. On trouve naturellement, dans les
diverses réjçions, des endroits qui devraient être sains et qui ne le
sont pas; de même qu'il y en a d'autres qu'on présumerait devoir
être malsains et qui, sans raison apparente, sont salubres.
D'une manière générale, on peut dire que la région qui s'étend
le long des rives du Nil est manifestement insalubre pour les Euro-
péens. La situation de Wadelai semble cependant faire une heu-
reuse exception. Les côtes du lac Albert, surtout celle de l'est,
sont également insalubres, comme aussi les environs du lac
Baringo. Les pays riverains du lac Rodolphe sont tellement
brûlés et desséchés qu'il n'y existe probablement pas de devra
malarienne; par contre, on dit que la dysenterie y règne par suite
de la mauvaise qualité de l'eau.
Les rives du Victoria Nyanza sont contaminées par la proxi-
mité de terres m»irécageuses. La fièvre hématurique y règne à
l'état endémique bien qu'elle soit d'une forme plus bénigne que
celle du lac Nyassa et de l'Afrique Occidentale. Le climat du Victo-
ria Nyanza est cependant agréable, grâce à la situation .élevée de
ce lac (environ 4,000 pieds d'altitude), qui modifie l'effet de la
chaleur solaire et procure des nuits fraîches.
Dans le royaume de l'Uganda et dans les provinces de Rusoga
et de Kavirondo, le climat, au point de vue de la température,
peut être qualifié d'excellent. Ces régions sont un des nombreux
exemples de pays africains tropicaux où le climat n'est pour rien
ou pour peu seulement, dans les maladies qui y régnent. La mala-
ria dont les Européens souffrent dans ces contrées est due entiè-
rement aux germes de maladie qu'ils ont contractés dans les
régions marécageuses. Le climat de la vallée du Nil est, par
contre, si chaud dans certaines saisons de l'année qu'il est parti-
culièrement préjudiciable à la santé. Celui du plateau de Mau est
souvent froid et humide; mais, pourvu d'une bonne habitation, le
colon peut y jouir d'une bonne santé, au milieu des vents et des
brouillards.
M. Johnston, comme d'autres personnes,
d'anophèles aux environs du Victoria Nyan;
où des personnes souffraient de fièvre liéma
beaucoup améliorer la situation climatcrique <
nant les marécages et en faisant disparaître
de plantes dans lesquels les moustiques Iron^
abri. Ainsi, à Port Alice, le pays était entièi
hautes herbes ou bien de forêts et de brouss
naires qui y résidaient souffrirent des mou
années. Un jour, on prit la résolution de
herbes et les broussailles. C'est à peine si V
un moustique dans cette localité. On pourrail
en a pas, si, à l'occasion d'une récente érupi
turique, on n'avait constaté, pendant un certai
des anophèles dont il est parlé plus haut.
Une autre cause de maladie est, pour les f
que pour les missionnaires, l'insuffisance d
tables. On tâche d y remédier malgré les
transport de la tôle ondulée et du ciment. 0
aussi des briques et des tuiles dans le prote
indiens ont été engagés pour scier en planche
que contiennent les forêts. Comme on ne peu
du verre tant que le chemin de fer n'atteindrn
on remplace les vitres par des moustiquaires,
que le vent ne souffle trop fort dans Tintérieui
recouvre ces fenêtres de volets en calicot blanc
Météorologie. — On n'a pas encore pu i
renseignements sur la météorologie du î)rot( i
moyenne de pluie, dans le royaume de l'Ui
de 60 pouces par an. Dans le sud, on n'en
que 40; dans le nord, la quantité aura probi
moindre. L'année 1899 a été d'une sécheres!
indigènes ne se souviennent guère d'une sai
A l'exception de la région à moitié dése
Rodolphe et de celle de la Rifl Valley (Naivae
partout pendant tous les mois de l'année. Dan5
mant l'ancien empire d'Upnnda, h pinio
repartie sur toute I année quil n existe pour ainsi dire pas
de saison sèche. Les mois les plus pluvieux sont, toutefois, ceux
qui suivent les équinoxes. Le plateau de Mau est, en général,
extrêmement humide. Parfois, ce[»endant, il est affecté par
l'extension de la sécheresse qui règne si souvent dans la Rift
Valley et dans les régions avoisinantes de l'Afrique orientale
anglaise.
La partie la plus humide du protectorat est probablement le
Toru, sur le versant du mont Ruwenzori. Il y a souvent pénurie de
pluie dans la partie basse ou septentrionale de rUnyoro et dans la
partie septentrionale du Busogo. Le pays Bukew, qui se trouve
entre ces deux régions, jouit d'un régime de pluie régulière. Aussi
ne souffre-t-il pas de la famine, aux époques où à l'est et à
Touest, la nourriture est absolument insuffisante.
Dans la province du Nil et dans le nord de l'Unyoro, la chaleur
est excessiveà certaines époques de l'année. Le thermomètre monte
souvent à 100 degrés à l'ombre, parfois même à 113. On dit aussi
que la chaleur est excessive dans le nord de la Rift Valley et dans
les régions qui se trouvent autour du lac Rodolphe.
Dans le royaume de l'Uganda, la chaleur atteint rarement
90 degrés. La nuit, le thermomètre descend jusqu'à 50 degrés,
mais généralement il se lient à 65. Sur les plateaux de plus de
5,000 pieds, la température est celle du nord de l'Afrique.
A 7,000 pieds, le thermomètre descend souvent à zéro et même au-
dessous.
La neige se rencontre sur le mont Ruwenzori à partir de l'alti-
tude de 14,000 pieds. Le sommet le plus élevé de cette montagne
a probablement une hauteur de 17,000 pieds. Au sommet du
mont Elgon, qui dépasse légèrement 14,000 pieds d'altitude, la
neige tombe parfois et reste pendant quelque temps.
Le trait le plus désagréable du climat des régions du lac Vic-
toria Nyanza sont les violents orages qui y régnent. Ils sont
précédés par un ouragan de courte durée. La pluie qui accom-
pagne ces orages, forme souvent une véritable trombe d'eau. Les
éclairs sont terribles et le tonnerre est littéralement assourdissant.
On en est cependant généralement « quitte pour la peur ». Le
nombre des accidents causés par ces phénomènes effrayants est
peu considérable.
Population. — La population totale con ;
du protectorat de l'Uganda peut être évalue
A millions d'individus. Les guerres constai !
dans quelques districts, la famine ont causé
population dans les dernières années. La fan
partie relativement peu étendue du prolect ■
Busogo. C'était autrefois une région à popui
la sécheresse de '1898*1899 a fait périr i i
bananiers d'ofi les indigènes tirent leur nouri .
d'autres produits végétaux, ils auraient pu i
facilement le préjudice causé par une saiso
sèche-
On peut dire d'une façon générale que la p
ment nègre. Dans les parties septentrionaleË
sur les plateaux de l'Uganda, d'AnkoIe et de '
un certain nombre de négroïdes dus au mêla
indigène avec les Gallas ou aux derniers vci .
anciennes.
Plus de la moitié de la population se trouv
centrée dans le royaume d'Uganda et dans l( ^
d'Aniiole, de Toru, dllnyoro, de Busogo
A Texception d'une petite partie du sud et de
celte population est entièrement de langue b i
est d*un type archaïque et d'une grande pure! \
Au point de vue physique, on observe de ?
comme dans toute l'Afrique bantoue. On { »
types de nègres ou de négroïdes, entre lesq '
nient un grand nombre de variétés résultai]!
cinq types fondamentaux.
Ce sont ;
1 . Le nègre d*un noir de jais et de traits
occidentale.
2. Le nègre de peau plutôt brune, de tru
caractéristique de l'indigène de l'Afrique c(
représenté par les Nyam-Nyam, les Fan et Ict
3. Le nègre du Nil, grand, à mollets milice-
à traits assez beaux, bien que par suite de l'hii
le visage, cette caractéristique ne soit pas sou'.
4". UG negroiue ae meiaiige uaua, lype auquel les paireb Liauiiua,
qui vivent au milieu de la population bantoue, doivent leur peau plus
claire et leur grand courage personnel, il améliore aussi la popula-
tion nègre du Nil dans le tiers oriental du protectorat.
5. Les pygmces, qui ont probablement, avec les Bushmen
du sud de l'Afrique, une origine commune. On en trouve des
types plus ou moins purs à l'extrémité occidentale du protectorat
sur les irontières de TEtat Indépendant du Congo (Toru).
On peut les diviser en deux types : Tun, à peau jaunâtre d'appa-
rence simiesque, l'autre, à peau noire poilue. 11 y a des signes
manifestes de lexistence de cette population pygmée à la base des
peuples de l'Uganda. L'horrible type pygmée se retrouve constam-
ment parmi les Baganda de langue bantoue et dans les tribus de
chasseurs nomades des forèls de xMau (Anderobo).
Toute la population qui descend du nègre du Nil et qui habite
Test et le sud du protectorat va absolument nue, à l'exception de
quelques tribus, comme les Massai, par exemple, où les femmes
s'habillent. D'autre part, presque toutes les populations de langue
bantoue s'habillentet regardent la nudité absoluecomme une honte.
La propagande religieuse semble absolument impossible à pré-
sent parmi les nègres niloliques de la moitié orientale du protec-
torat. Ces populations ne s'intéressent à rien de ce qui n'est pas
de nature purement matérielle. Les populations de langue bantoue,
au contraire, sont portées vers les sentiments religieux et la rapi-
dité avec laquelle le christianisme s'est répandu à travers le
royaume d'Uganda est un des plus grands triomphes que les
partisans de la propagande chrétienne puissent invoquer. Le
changements que les missionnaires catholiques et protestants sont
parvenus à réaliser chez les indigènes de cette contrée sont réel-
lement extraordinaires. Il y a loin de Thabitant actuel à celui qui
vivait aux temps troublés et barbares de Mutesa et de son fils
Mwanga.
Bien que les populations nègres nilotiques répudient les vête-
ments, ils font un commerce très actif en certains articles tels que
le fer, le cuivre, le fil de cuivre, les perles, les fez rouges et les
vêtements arabes. Les chefs aiment à se parer de ces derniers aux
grandes occasions. La population de langue bantoue recherche
les étoffes et les articles manufacturés, y compris les phono-
graphes et les gramophones.
ciinoNiQUE 747
écraser la canne y ont été établies mais jusqu'à présent, le propriétaire
de cette plantation ne s'est pas encore occupé de la fabrication du
sucre. Il se contente d'employer le suc à la distillation de l'alcool. Il
serait d'autant plus facile d'établir des plantations dans cette région
que la main-d'œuvre y est abondante et à bon marché. Les femmes
qui sont préférées pour la plantation de la canne à sucre, gagnent
cinq pences par jour outre la nourriture. Dans l'intérieur, la main-
d'œuvre est encore moins chère. La question des transports n'offre
pas non plus de difficultés grâce à un cours d'eau qui traverse la con-
trée favorable à cette culture sur une longueur de 10 à 12 milles.
Le café sauvage croît en abondance. La fève est petite mais le goût
est excellent. De grandes quantités de maïs s'exportent vers Delagoa
Bay et Durban où elles obtiennent de bons prix.
Le port dlnhambane est considéré comme un des plus salubres de
la côte orientale. Le registre de l'hôpital témoigne qu'il n'y a que fort
peu de maladies sérieuses dans le district. La vie est bon marché. On
se procure des volailles, des chèvres et des moutons à des prix
modérés et l'on trouve des œufs et du poisson pendant toute l'année.
Par contre, toutes les denrées importées sont très chères par suite de
l'élévation des droits d'entrée. Les fruits tropicaux sont abondants et
variés. Dans l'avenir, ce pays deviendra probablement un grand pro-
ducteur de fruits. Les chevaux, le bétail et les moutons se développent
bien et l'on trouve autour des nombreux lacs d'eau douce, des pâtu-
rages abondants pendant toute l'année.
Zanzibar. — Le dernier rapport du Consul général d'Angleterre à
Zanzibar décrit la situation de cette île comme des plus favorables. Les
importations et exportations qui avaient beaucoup augmenté en 1898,
se sont encore accrues en 1899. Ces résultats sont dus aux importantes
récoltes de clous de girofle et à la famine qui a régné sur le continent.
Les importations se sont élevées, en 1899, à 1,S90,606 liv. st. La plus
grande partie des marchandises importées proviennent de contrées non-
africaines. II ne semble donc pas que le commerce se détourne de
Zanzibar au profit de Hombasa. Les tissus forment presque le quart
des importations; le riz, les clous de girofle, l'ivoire et l'argent
monnayé viennent ensuite. L'Inde conserve le premier rang parmi les
nations importatrices. Près du tiers de la totalité des importations lui
revient. Le Royaume-Uni vient ensuite. Les exportations ont été de
1,513,407 liv. st. Les principaux articles exportés sont les mêmes que
ceux qu'on importe, ce qui démontre l'importance de Zanzibar comme
entrepôt commercial. L'Afrique allemande orientale a absorbé le tiers
rindigène apprenne à apprécier d'abord les bienfaits qui découlent
d'une administration sage et régulière. Il faudra naturellement
un cerlain temps avant d'avoir atteint ce but.
Produits végétaux. — Les deux tiers environ du protectorat
possèdent un sol remarquablement fertile. Il est difficile de dire
quelle abondance de produits agricoles ces régions donneraient,
si elles étaient cultivées par une des races industrieuses de
l'Asie. Actuellement, les races de l'Uganda sont singulièrement
arriérées au point de vue de l'agriculture, même en comparaison
des autres Africains, sauf, peut-être, dans les provinces de l'ex-
Irême nord, vers le Nil. Dans la plupart de ces fertiles contrées,
la principale nourriture de Tindigène est la banane. Cette plante
ne requiert, pour ainsi dire, aucun soin dans ces régions pour
rester une source constante de produits alimentaires. Elle se pro-
page d'elle-même, en poussant successivement des jets qui s'élèvent
de la tige souterraine ou rhizome. Beaucoup d'autres plantes du
même ordre végétal des zingiberacées se développent de la même
façon. C'est également le cas pour la plupart des orchidées. On peut
parfaitement enlever une tige du rhizome et la planter en terre.
On ne tardera pas à avoir un jeune arbre vigoureux qui portera
sieurs grappes de fruits. Pendant que la tige grandit au-dessus du
sol, le rhizome se développe au-dessous et forme une succession
de nouvelles pousses. Les tiges croissent et produisent des fruits,
puis meurent. Abandonnés à eux-mêmes, les bananiers semblent
continuer éternellement à s'étendre et à pousser des tiges qui dis-
paraissent pour faire place à d'autres. En dehors du premier tra-
vail qu'entraîne la plantation d'un terrain au moyen de pousses
de bananes, les indigènes n'ont guère autre chose à faire qu'à
cueillir les fruits à mesure qu'ils mûrissent. En général, cependant,
les bananes sont cueillies avant d'être arrivées à maturité. C'est
dans cet état que les indigènes les mangent après les avoir fait
cuire. Du fruit mûr, ils font une bière douce. Ils emploient aussi les
feuilles et la tige du bananier, ainsi que le suc aqueux qu'elles
contiennent.
Pendant la saison exceptionnellement sèche de 1899, les bana-
niers ont langui ; dans quelques districts, ils ont même péri. La
population n'avait pas d'autre récolte pour se nourrir, et comme
CIIIIOMQLK 749
ainsi que le développement des stations de Tintérieur qui sont situées
le long de cette ligne, n*ont pas empêché le commerce de Zanzibar
d'augmenter considérablement, non seulement pendant Tannée der-
nière, mais au cours de la dernière décade.
Afrique portugaise orientale. Commerce et mouvement
maritime de Ghinde. — Le vice-consul anglais à Chinde dit que
le commerce dans le district de cette ville est presque nul, mais que le
port de Chinde est l'entrepôt principal de l'Afrique centrale anglaise,
du Zambèze et de la région des lacs. La majeure partie des compa-
gnies commerciales qui ont des agences à Chinde reçoivent toutes
leurs marchandises de leurs sièges principaux d'Europe. La méthode
habituelle des maisons africaines est d'envoyer une commande en
Europe; elles reçoivent immédiatement les marchandises réclamées.
Les marchands indiens agissent de même : leurs marchandises leur
viennent de Bombay. Ils font la plus grande partie du commerce de
détail indigène. Aucun européen n'a encore essayé de leur disputer ce
genre d'affaires* Ils en ont le monopole de fait. Cela est dû à leur
mode de vie économique, à leur patience inépuisable vis-à-vis des
acheteurs indigènes et à leur connaissance du goût des indigènes
pour les étoffes, les perles, etc., bon marché et voyantes.
La vallée du Zambèze étant entièrement divisée enprazos ou conces-
sions territoriales octroyées, par le gouvernement, à des compagnies,
les autres marchands n'ont pas de chance d'y faire des affaires. La
compagnie qui possède un prazo a seule le droit de commercer dans
les limites de son territoire.
Les cargaisons en destination de Chinde continuent à être transbor-
dées à Durban, à Lourenço-Marques, à Beira ou à Mozambique. Les
marchandises souffrent beaucoup de cette situation et il en résulte
une grande perte de temps.
L'eau a, à l'époque des hautes marées, une profondeur moyenne de
il pieds à la barre. On pense que celle-ci a subi des modifications,
mais il est diflScile de dire quelle a été l'importance de ce changement.
Le besoin d'un pier ou d'un wharf est évident. 11 n'y a aucune faci-
lité pour le déchargement à Chinde. Cette lacune se fait d'autant plus
sentir qu'à mesure que l'intérieur du pays se développe, on importe
plus de matériel et de machines. La construction d'un -pier ou d'un
wharf offre de grandes difticultés à^cause de l'érosion rapide de la cote.
' Madagascar. Transports intérieurs. — Le mode de transport
dans rîntérieur de l'île de Madagascar, dit le consul anglais dans un
qu'au point terminus de la ligne d'où ils seront expédiés à Mon*
baza. Quand ces conditions dé transports seront réunies, aucune
autre partie de l'Afrique tropicale ne pourra probablement entrer
en lutte avec l'Uganda pour la production du café.
Le coton se rencontre à Tétat sauvage ou à demi-sauvage, prin-
cipalement sur l'emplacement des anciens campements d'Ëmin-
Paclia. Il est de bonne qualité et a de longues Pibres, mais, au
point de vue économique, il n'a d'importance qu'en ce qui concerne
la consommation locale, car il n'est pas probable qu'il puisse sup-
porter les frais de transport par chemin de fer jusqu'à la côte.
Le ricin croît en abondance et l'huile qu'on en extrait facilement
en écrasant la graine constitue un excellent lubrifiant.
Les graines de sésame donnent une bonne, huile. On les ren-
contre à certains endroits dans l'Uganda, mais pas aussi abon-
damment que dans l'Afrique centrale anglaise.
Le caoutchouc doit être très abondant dans tous les lourrés du
Protectorat à moins de 5,000 pieds d'altitude. Il est principale-
ment représenté par deux espèces de Landolphia, par un ficus et
par un arbre appelé scientiiîquement Tabernœniontana. Le caout-
chouc deviendra probablement un des principaux articles d'expor-
tation dans l'avenir. Jusqu'à présent, les indigènes ne se donnent
guère de peine pour le recueillir bien qu'ils connaissent sa valeur
et les arbres qui le produisent.
Il y a aussi lieu de faire remarquer que le sol et le climat de
près de la moitié du Protectorat se prêtent admirablement à la
culture du cacao et du thé. M. Whyte, qui a une grande expé-
rience des plantations de l'Inde et de Ceylan, considère que
certaines parties de l'Uganda sont particulièrement propres à la
culture du thé. Il compare ces parties du pays à celles qui se
trouvent à une hauteur moyenne à Ceylan. La pluie, fait- il observer,
est un peu moindre qu'à Ceylan, mais elle est répartie plus régu-
lièrement sur toute l'année. Le thé fait l'objet d'une demande active
de la part des indigènes les plus civilisés de l'Uganda et du Toru.
M. Whyte estime que cette demande ainsi que celle qui a pour objet
lesucre, le café, le cacao et d'autres produits, est assez importante.
Il n'y a pas de doute que lorsque les communications par voie du
Nil seront mieux organisées et que le fleuve sera débarrassé du
sudd, une grande quantité de produits de l'Uganda pourront des-
cendre ce cours d'eau pour alimenter le Soudan.
CHRONIQUE 751
Tchad aux nouveaux confins militaires du Chari, formeront du Séné-
gal à rOubanghi, un cordon continu de grand*gardes, à l'abri duquel
les colons pourront travailler en paix et prospérer. Les inspirateurs
de la nouvelle mesure se défendent de vouloir pousser à l'action mili-
taire. Ils estiment que c'est se conformer aux principes de l'extension
graduelle de l'administration civile et éviter les expéditions aventu-
reuses, qu'organiser ainsi, sur la périphérie des possessions, une
défensive militaire solide, dépendante de l'administration ci\ile des
colonies correspondantes.
Le 6 septembre dernier le ministre des colonies s'est adressé au
Conseil d'Etat à raison de l'urgence de la mesure nouvelle à raison
des rapports qu'il avait reçu sur les événements récents du Chari et à
raison du fait qu'il fallait profiter, et immédiatement, de la crue
annuelle de l'Oubanghi et du Chari si l'on ne voulait pas retarder
d'une année cette organisation. Le Conseil d'Etat accorda un crédit
extraordinaire de 1,330,000 francs, crédit dont l'approbation sera
demandée au Parlement à la rentrée.
Au point de vue administratif, le nouveau territoire militaire sera
borné d'une façon générale par les territoires des concessions du
Congo et de l'Oubanghi. Ainsi, il sera constitué par le bassin du Chari
et celui de la Kémo; il aura son point de départ sur l'Oubanghi au
confluent de la Kémo. Au Nord, il s'étendra jusqu'au Tchad. Au
point de vue des effectifs du nouveau territoire militaire le principe
appliqué a été de ne mettre dans les troupes qui vont être formées,
de blancs que dans les cadres, et de plus dans la mesure la plus res-
treinte. Le climat et l'éloignement Texigaient; qu'on pense au prix
de transport qu'exigerait l'envoi de troupes un peu nombreuses sur un
parcours de 2,800 kilomètres, dont 500 à 700 kilomètres, entre la
Kémo et Gribingi, de portage. Aussi n'enverra-t-on que les quelques
officiers nécessaires au commandement et à l'organisation du terri-
toire ; quant aux troupes, elles seront, dans la mesure du possible,
levées sur place et seront constituées d'un bataillon de tirailleurs
indigènes composé de quatre compagnies de 150 hommes; un
escadron de cavalerie indigène fort de 100 hommes pris aux forces du
sultan Baguiruci ; d'une batterie d'artillerie, constituée par des canons
à tir rapide. Les troupes d'infanterie seront stationnées, le long de la
ligne de défense du Chari, de Goulféi à Fort-Archambault. Quant à
la cavalerie et à l'artillerie, elles seront probablement installées à
Massenya dans une région qui n'est pas montagneuse et où se trouve
du fourrage.
troncs des dattiers sont employés dans la construction. Ils forment
d'excellents piliers pour les wharfs ou piers, et aussi des colonnes
pour soutenir les vérandahs; en réalité, on peut les employer dans
une foule de cas et la demande dont ils sont l'objet est si intense
qu'il sera bientôt nécessaire de prendre des mesures pour assurer
leur conservation.
Faune. — Le Protectorat de l'Uganda est essentiellement un
pays d'élevage. Seuls, les districts inhabités comme les forêts de
Mau ou les sommets des montagnes élevées et aussi certaines con-
trées désertes autour du lac Rodolphe, sont dépourvus de trou-
peaux. Le bétail appartient à deux races distinctes. Dans l'est et
le centre ainsi que dans le pays des Shuli, des Madi et des Bari,
arrosés par le Nil, les bœufs sont du type zèbre indien à bosse et
à petites cornes. Les vaches de cette espèce sont souvent dépour-
vues de cornes. Dans la partie nord de la région du lac Rodolphe,
sur les collines à l'est du Nil et au sud-ouest, à Ankole, on trouve
le remarquable bœuf galla dont les cornes sont immenses.
Les chevaux se développent partout dans le Protectorat, pourvu
qu'on prenne soin de les abriter contre les fortes pluies. Ce pays
semble indemne des herbes vénéneuses que l'on rencontre si
souvent dans d'autres parties de l'Afrique, et qui tuent tant de
chevaux.
L'âne sauvage appartient aux régions désertes qui se trouvent
autour des rives nord du lac Rodolphe et peut-être aussi à la
région qui s'étend entre ce lac et le Nil supérieur. Ces ânes sont
faciles à dompter; ce sont des animaux grands, forts et beaux. Ils
produiraient probablement d'excellentes mules si on les croisait
avec les chevaux arabes ou somalis.
Les zèbres sont très communs dans les parties basses de
l'Uganda. Les indigènes n'ont fait aucune tentative jusqu'à présent
pour les domestiquer.
La contrée qui se trouve à l'ouest du lac Rodolphe possède des
chameaux. On ne pourrait, toutefois, employer ces animaux que
dans les régions sèches de lest du Protectorat; ailleurs, le climat
est trop humide.
Les indigènes ont de grands troupeaux de chèvres et de
moutons.
ciinoNiQUE 733
livres sterling et décidés à patienter pendant trois ou quatre ans, de
se créer une jolie situation comme planteurs. Le climat est excellent
et convient particulièrement, aux personnes souffrant de la poitrine.
La fièvre jaune n'y a plus été signalée depuis cinquante ans. Les
enfants des Européens s*y développent aussi bien que dans nos con-
trées, surtout sur les collines. Il y a fort peu de malaria et les mous-
tiques ne sont pas particulièrement incommodants. La température
varie de 53 à 90 degrés Fahr. selon les saisons et l'altitude. Les pluies
sont abondantes et les chutes d'eau nombreuses. Le sol est d'une fer-
tilité remarquable et se prête admirablement à la culture de tous les
produits tropicaux, notamment les fruits. La main-d'œuvre ne manque
pas. Les salaires sont de 8 pences à 1 sh. 3 p. par jour.
Les principales cultures pratiquées à présent sont celles du cacao,
des citrons, du café, des épices, des oranges et autres fruits. Tous ces
produits donnent d'amples profits. La valeur des terres cultivées à
beaucoup augmenté depuis trois ans. Un signe caractéristique, est
que fort peu des propriétaires dont les terres commencent à produire,
sont disposés à les vendre.
Les exportations de l'île, l'année dernière, ont été du triple de celles
d'il y a cinq ans. Plus de 1,500,000 de livres de cacao sont exportées
annuellement. Le sol et les conditions climatériques se prêtent avan-
tageusement à la culture des oranges, des ananas et des bananes. Un
planteur de Ceylan a fait, à une altitude de 2,000 pieds, une expé-
rience de plantation du café ce Blue Mountain », une des qualités les
plus renommées de la Jamaique, qui a parfaitement réussi. La vanille
a également donné de bons résultats et il ne semble pas y avoir des
raisons pour que le tabac n'y réussisse aussi.
Llle possède un excellent jardin botanique, placé sous la direction
du D' Morris, directeur de l'agriculture dans les Indes occidentales.
On peut s'y procurer de jeunes plantes des différentes variétés des pro-
duits économiques à des taux inférieurs à leurs prix de revient. Les
planteurs peuvent ainsi diminuer la longueur de la période d'attente.
Les terres de la couronne s'achètent actuellement à 10 sh. l'acre. Des
facilités de paiement sont accordées.
Chemins de fer. — Le chemin de fer de l'Uganda a alteint
h rampe de Kikugu à un mille ou deux de la frontière. Dans
quelques mois, la ligne aura été prolongée jusqu'au bas de la
rampe. Elle se reliera alors à la partie en construction à Navanka,
dans la Rifl Valley. Il existera ainsi une communication entre Mon-
basa et l'extrémité de la rampe de Mau, c'est-à-dire jusqu'à un
point situé à moins de 100 milles du Victoria Nyanza.
Lacs navigables. — Le lac Victoria est navigable dans toutes
ses parties pour les navires d'une jauge considérable. Il faut cepen-
dant être très prudent en suivant les passages qui séparent les îles
de la terre ferme, parce qu'ils contiennent souvent des rochers
dormants. Sous la conduite d'un pilote expérimenté, les voyages
peuvent cependant se faire sans danger entre les îles et la rive du
lac. On préfère celte dernière voie à celle du milieu du lac, parce
que les eaux du Victoria Nyanza sont très agitées. L'eau est plus
tranquille dans les c;maux et on y trouve aussi lavantage de pou-
voir atterrir facilement pour faire du bois.
Depuis le moment où il sort du Victoria Nyanza jusqu'au moment
où il atteint Kakoge, le Nil est constamment interrompu par des
rapides et des chutes. A partir de ce dernier point, il est navigable
jusqu'au lac Kioga et puis, vers le nord, jusqu'à Foweira. La plu-
part des grandes branches du lac Kioga sont navigables pour les
petits bateaux à vapeur. Au delà de Foweira, le Nil cesse d'être
navigable jusqu'à Fajao. Depuis ce point, il peut être parcouru par
de petits steamers jusqu'à Dufile. On rencontre alors une série de
rapides qui s'étendent sur une longueur de 70 milles. Le fleuve
ne redevient navigable qu'à partir de Beden ou Fort Berkeley, mais
depuis cette localité, sauf en cas d'obstruction causée parle sudd,
il l'est jusqu'à Khartoum.
Le lac Albert est navigable pour les steamers. On dit que le lac
Rodolphe a également une profondeur suffisante pour les steamers
ou les launches; il en est de même du lac Baringo. Les lacs Nai-
vasha et Nakuro sont navigables pour ces petits bâtiments.
iVloyans da transports. — En dehors de ces voies d'eau et de
la route carrossable qui ne va pas au delà de Kavirondo, tous les
transports doivent se faire par porteurs ou par bêtes de somme.
BIBL10GRAPU1E 755
que l'auteur a pu faire durant un séjour de trois ans et demi au milieu
iun peuple qui perd beaucoup à être vu de près. La profession de
Fauteur se trahit dans plusieurs de ses études, dont les détails anato-
miques et pathologiques semblent destinés aux spécialistes de la
médecine légale. D'autre part, les superstitions, qui pèsent sur l'esprit
des Chinois, sont exposées mieux et plus complètement, pensons-
nous, qu'elles ne l'ont jamais été, et l'étude détaillée des causes du
suicide et de l'infanticide, celle surtout du culte des morts, élément
fondamental de toute la civilisation chinoise, contribueront grande-
ment à faire la lumière sur les mystères de la psychologie des
Célestes, énigme encore en partie obscure pour nous et dont la solu-
tion est indispensable à l'avenir de nos relations économiques avec
l'Extrême-Orient.
Le volume que nous venons d'analyser est précédé d'une préface ,
due à M. Marcel Mohnier, dont les considérations politiques sont
dignes d'attention.
Six moitf dans TAttié. (Un Transvaal français), par Camille Dreyfds. — Un
volume in-8o de 522 pages, avec 35 gravures et 4 cartes. Paris, Société française
d'éditious d*art, 1900.
Cet ouvrage contient le récit, intéressant à plus d'un titre, d'un
voyage d'exploration dans les possessions françaises de la côte
dlvoire. Le sous-titre, un peu ambitieux, indique que l'attention de
l'auteur, au point de vue économique, s'est surtout portée sur les
gisements d'or que les indigènes Attiés ont commencé à exploiter
d'une façon nécessairement primitive.
Au récit du voyage de M. Dreyfus, sont- joints en appendice une
série de notes sur le chemin de fer projeté de Kong et les ressources
commerciales de la côte d'Ivoire, puis un devis complet de création
d'une plantation de caoutchouc Manihot, enlin un petit lexique de la
langue afrt^ (dialecte boddet).
De la préparation méthodique d'une mission coloniale. (Le caoutchouc
au Soudan français.) Essai d'économie coloniale par M. L. d*ANTHONAT, ingénieur
des Arts et Manufactures, en collaboration avec M. G. Vilain, docteur en lettres. —
Brochure de 88 pages, avec carte du Soudan français, Paris, A. Rousseau, 1900.
Cette brochure est conçue sur un plan assez singulier; on y trouve,
entremêlés, des renseignements dont la valeur nous parait incontes-
table, sur le commerce du caoutchouc et son avenir au Soudan fran-
çais, et des considérations théoriques d'économie générale, dont
GÉNÉRALITÉS
Résultats de l'expédition allemande contre la malaria. — Le
professeur Koch a exposé, le mois dernier, à la section berlinoise de
la Société coloniale allemande, les résultats de l'expédition organisée
parle gouvernement allemand pour Tétudede la malaria. Depuis les
découvertes de Laveran, a-t-il dit, on sait que la maladie est déter-
minée par un parasite qui, grâce à sa forme caractéristique, est facile
à découvrir dans le sang du malade. Les maladies malariennes ne sont
pas toutes de la même forme. Elles constituent différents groupes,
dont chacun correspond à un parasite déterminé. Dans nos régions
tempérées, on connaît deux genres de fièvre malarienne : la quarte et
la tierce. Plus au Sud, en Italie, en rencontre d'autres formes, parmi
lesquelles les observateurs italiens croyaient autrefois pouvoir discer-
ner trois groupes. Plus au Sud encore, on trouve la malaria des tro-
piques. Comme on le sait, le professeur Koch a démontré, il y a déjà
trois ans environ, qu'il n'y avait qu'un seul hématozoaire qui déter-
minât la malaria, en Afrique orientale. Ce parasite est du type de celui
de la fièvre tierce mais il se distingue de ce dernier en ce qu'il
provoque des accès plus longs et plus graves. Il n'était pas encore
établi, à cette époque, s'il en était de même pour les autres pays tro-
picaux.
Comme le parasite peut se maintenir longtemps dans l'homme,
la guérison ne se fait pas, comme dans d'autres maladies, en quelques
jours ou en quelques semaines. Les accès se répètent par groupes,
chaque récidive correspondant à une nouvelle génération de para-
sites.
La manière dont les parasites s'introduisent dans le sang, a long-
temps été un mystère. On supposait que c'était par l'intermédiaire de
l'eiiu, de l'air ou des aliments. Finalement, l'hypothèse de Koch, que
les moustiques tranféraient la maladie à l'homme, devint, grâce aux
observations du D^ Ross,. une certitude. On démontra que la glande
des moustiques se remplit de parasites, puis, qu'avant d'aspirer du
sang, les moustiques doivent vider leur glande dans ta plaie et qu'ainsi
les parasites s'introduisent dans le corps de l'homme. Pour contrôler
ces recherches, une expédition préliminaire fut, sur la proposition
de Koch, envoyée à Rome, au mois d'août 1898. Elle confirma pleine-
ment les observations de Ross. Jusqu'à ce moment, on ne savait pas
non plus combien il y avait de genres de malaria en Italie. Il fut éta-
bli alors que dans ce pays, œmme en Afrique orientale, il s'agissait
toujours du même parasite, il en est de même en Amérique. Le tra-
vail de l'expédition malarienne fut simplifié par ces observations.
Il était acquis que l'on n*avait affaire qu*à trois espèces d'hémato-
zoaires dont deux se rencontrent aussi dans les climats tempérés et
dont le troisième appartient aux tropiques.
L'expédition se mit en route au printemps de 1899. Elle visita
d'abord un centre de fièvres connu, qui se trouve entre Rome et
Livourne, Grosseto et les niarenunes toscanes. La malaria ne règne
pas, en hiver, en Italie. Elle ne commence qu'en été à une époque
bien déterminée. Le professeur Koch arriva avant ce moment à Gros-
seto et put constater que les personnes qui en souffraient alors
n'étaient pas atteintes de malaria récente, mais de récidive. A partir
du 23 juin, la nouvelle malaria apparut subitement pour s'affaiblir
graduellement. A la fin de novembre, donc 4 1/2 mois plus tard,
l'Italie était de nouveau affranchie de cas de malaria récente.
La question suivante se posait alors : que deviennent les hémato-
zoaires pendant la période indemne de malaria? La réponse est que
les parasites doivent passer la période franche dans le corps de
l'homme, car dans aucun des animaux étudiés par Koch (singes,
chauve-souris, oiseaux, couleuvres, etc.), on n'a pu découvrir de
parasites. Il est vrai qu'on trouve aussi des parasites de malaria chez
les animaux, mais ils sont différents de ceux de l'homme. Chaque
animal possède un parasite déterminé qui est particulièrement adapté
aux cellules de son sang et qui ne peut être transmis à un autre
animal. Les essais de transmission des parasites à des singes anthro-
pomorphes restèrent également sans résultat. Il fut prouvé que
l'homme seul était le dépositaire des hématozoaires de la malaria
humaine.
Pour empêcher la propagation des parasites, il faut briser le cercle
qu'ils doivent parcourir, de l'homme au moustique et de celui-ci à
l'homme. On peut y arriver en tuant, pendant l'époque franche, les
parasites que Ton rencontre dans les cas de récidive. Si Ton entame
la lutte contre la malaria de cette manière, le moustique n'offre plus
qu*un intérêt théorique bien qu'il apparaisse partout comme le seul
propagateur des hématozoaires.
De Grosselo, l'expédition se rendit à Java, où elle arriva à la période
malarienne qui correspond à la saison des pluies. Elle poursuivit
ensuite ses travaux en Nouvelle-Guinée, où le professeur Koch
séjourna jusqu'au 8 août de cette année. Le professeur Koch croit
qu'il y a deux mille ans, Java doit avoir été dans la même situation
que la Nouvelle-Guinée aujourd'hui et que cet état de choses a duré
jusqu'à ce que, grAce à l'immigration des Hindous et à la culture du
riz nécessaire à l'alimentation de la population, la situation se soit
modifiée et ait permis le développement économique de cette île. La
Nouvelle-Guinée possède les mêmes chances de prospérité que Java,
mais il faut, au préalable, faire disparaître la malaria qui attaque
tous les Européens et qui enlève la plus grande partie des enfants
indigènes. L'observation suivante est d'une grande importance pour
trouver le moyen d'y arriver.
Déjà à Java, le professeur Koch constata que la malaria n'est, à pro-
prement parler, qu'une maladie infantile. En Nouvelle-Guinée, il y a
des districts où aucun enfant au-dessous de deux ans n'en est indemne.
A l'âge de cinq ans, la malaria disparaît, en règle générale. Ce
n'est qu'exceptionnellement qu'elle perdure chez certains enfants
jusqu'à la dixième année. Cette constatation est très importante pour
fixer les endroits où se produisent les infections malariennes. Quand
il s'agit d'adultes qui changent souvent de lieu de séjour, on ne sait
pas où ils ont été infectés, tandis que les enfants restent, en général, au
même endroit. Il fut ainsi permis au professeur Koch de déterminer
les foyers de malaria de la colonie allemande de la Nouvelle-Guinée.
Sur la rive de Kaiser Wilhelmland, il n'y a qu'un seul endroit indemne,
près du Cap Friedrich Wilhelm. Les montagnes y sont dépourvues
de forêts vierges et les habitants en semblent appartenirà la popu-
lation autochtone de l'ile. On a l'impression que l'affection a été
amenée dans ces parages, de l'ouest, par des marchands malais. Il
faut aussi signaler que dans quelques îles, on ne rencontre qu'un seul
genre de malaria; les autres n'ont pas encore été importés. Cela
prouve aussi que les différents genres ne se transforment pas l'un dans
l'autre.
Comme l'immunité que l'homme acquiert contre la maladie à la
suite d'accès répétés, ne s'obtient qu'insensiblement, il se fait qu'il y a
beaucoup de malades qui ne font plus attention au mal bien qu'ils
OCU ËTUUES COLUNIALËS
des médecins, qui travailleront le microscope à la main et recherche-
ront les cas latents. II faut ensuite que la quinine soit facile à acquérir
et faire comme le gouvernement hollandais, par exemple, qui a amené
une diminution de la malaria en répartissant 2,000 kilogrammes de
quinine dans Tîle de Java. On devrait appliquer le même système,
d*abord à la Nouvelle-Guinée et à l'Afrique sud-occidentale et
rétendre ensuite, quand on aurait acquis une base d opération plus
large. En terminant sa conférence, le professeur Koch a exprimé la
conviction que dans un délai plus ou moins éloigné, le plus grand
obstacle au développement des colonies tropicales aurait disparu.
Combustible liquide. — L'emploi du pétrole comme combustible
à bord des navires a déjà pris une certaine extension. Le vaisseau ami-
ral français dans les eaux chinoises consomme régulièrement du
pétrole. Il en est de même des vaisseaux de guerre allemands Branden-
burg et Fùrst Bismarck qui se trouvent aussi dans les mers de Chine.
Environ quinze steamers anglais, dont quelques-uns jaugent 4,000 ton-
neaux, servant aux transports commerciaux dans les eaux chinoises
emploient aussi du pétrole. Au moins seize bâtiments russes font
régulièrement usage de ce combustible. Le prix élevé du charbon amè-
nera très probablement un développement de cette nouvelle application
du pétrole. Le charbon de Carditf coûte environ 70 sh la tonne à
Singapore, tandis que la tonne de combustible liquide ne coûte que
30 sh. De plus, la puissance calorifique du pétrole est de 23 à 30 p. c.
plus grande que celle du charbon.
On peut disposer les grilles des [chaudières de manièraà remplacer
à volonté le chauffage au charbon par la combustion du pétrole.
L'opération s'effectue en trois heures. Les soutes à charbons peuvent
en douze heures être appropriées pour recevoir du pétrole. Le remplis-
sage des soutes avec du pétrole se fait beaucoup plus vite qu'avec du
charbon.
L'Arachide. — La Société a reçu |de M. Th. Fleury l'hommage
d'un exemplaire de sa bonne étude, L Arachide, principalement celle
de la Sénégambie, sa culture, son commerce, sa transformation en
huile et en tourteau. Celte publication qui a paru à Bordeaux, chez
Feret et fils, se recommande non seulement par sa documentation pré-
cise et scientifique, mais encore par la compréhension qu'elle révèle
des côtés pratiques du sujet. Ce dernier point est dû sans doute à cette
circonstance que M. Fleury est un directeur de l'Huilerie de Bacalan,
et non un simple compilateur de statistiques, diagrammes et brochures
spéciales.
L aracniae esi une pianie nerDacee annueue i
25 à 50 centimètres et dans Tlnde de 40 à 80 cei
Elle appartient à la famille des légumineuses ca
d'un jaune d'or, sont polygames, portées sur
axillaires. Ses feuilles sont alternes et composée
folioles ovales, elles sont un peu duveteuses au-<
face supérieure. L'arachide aime les sols légers
ment irrigués ; les sols argileux compactes ne
parce qu'elle y enterre difficilement ses fruits. C
sablonneux, susceptibles d'être arrosés pendant
que l'arachide végète le plus facilement.
Cette plante réussit encore très bien sur les s
elle ne donne alors que des fruits de mauvaise qi
L'arachide comme le trèfle et, en général, les |
des légumineuses, prenant à l'atmosphère par
grande partie, si ce n'est la totalité, de son azote,
dans un état florissant à l'aide d'engrais dépour
La fumure de cette légumineuse est faite en Sent
bien simple; pour restituer au sol les élément
été enlevés par la récolte précédente, les noirs b:
gans, après les avoir entassées, les racines sèches
herbes qu'ils y ont coupées, puis ils en enterr
mélangées aux folioles azotées de la plante aba
constituent un engrais suffisant. Pour remuer la t
se servent d'une petite bêche en forme de croissar
n'a lieu au Sénégal qu'après les premières pluies,
mencement de juillet ; on pratique dans le sol dej
timètres de profondeur distancés les uns des autr •
mètres dans lesquels on jette une ou deux arachic ■
et on nunt'iiïe la terre iivoc \ù pit-d. Quelt[UJ^rois ji
nation, on fait tremper les seaicjïros dans l'eau pc i
jours avant do les mettre eu terre. Lorsque le f I
bine et on le b»Ule. On renouvelle cette opération
formée. Dans rinlcrvallt^ ou sarcle si cela esi nco
11 faut environ 100 kiloj^ranimes de graines po
d'un hectare. La récolte se fait au Sénégal trois o
les ensenn*nceuienls, depuis novembre jusqu'en
jusqu'en février. Les gousses sont arrivées â parf
les plantes ont pris une teinte jaune et que les tigv
presque sèches. On récolte Tarachide comme i.
c*est-à-dirc en arrachant le plant que Ton secoue
exiraire le sauie ui les parues terreuses qui duiiereui aux racines ei
aux gousses et en cherchant dans la terre les gousses qui auraient pu
y rester. Les femmes et les enfants des noirs détachent ensuite une à
une les gousses des pédoncules oii elles sont attachées : travail long
et assez pénible auquel le noir paresseux se soustrait toujours.
Pour conserver ses qualités natives, l'arachide doit voyager dans sa
cosse et être soigneusement préservée de l'humidité; elle doit être
transportée par des navires de premier ordre, steamers ou voiliers en
fer, afin de le mettre à l'abri de la fermentation et de toute avarie de
mer. L'arachide écossée sur les lieux de production rancit vite,
s'échaufle et s'altère en route. L'huile provenant de l'amande décom-
posée est rance, ne peut être utilisée que pour la savonnerie, et le
tourteau possède une odeur et une saveur désagréables qui le rendent
nuisible aux animaux ; il ne peut servir alors que comme engrais.
La Sénégambie, dans une année favorable, importe en France
70 millions de kilogrammes d'arachides, d'une valeur moyenne de
IS millions de francs. Les bonnes graines de la Sénégambie, celles du
Cayor, du Baol et du Diander que l'on payait autrefois sur les lieux
de production, de 16 à 18 francs les 100 kilogrammes ont valu, de
1883 à 1893, jusqu'à 30 et 32 francs les 100 kilogrammes, tant la con-
currence est grande sur les marchés. Le prix de ces graines rendues à
quai, à Bordeaux, varient entre 22 et 42 francs les 100 kilogrammes.
Dans les terrains silicieux, l'arachide rapporte, terme moyen 90 p. c,
quelquefois 200 et même davantage, en buttant convenablement les
pieds et les espaçant un peu ; dans les terres compactes, le rendement
varie de 25 à 40 p. c. Dans les années chaudes, les arachides sont en
général d'une qualité supérieure; elles sont petites lorsque le manque
d'eau se fait sentir et si les pluies sont abondantes, elles ne mûrissent
pas.
AFRIQUE
La marine marchande allemande et l'Afrique australe. —
Le gouvernement allemand s'efforce de développer les relations com-
merciales de l'Allemagne avec les ports de l'Afrique australe en accor-
dant des subsides à la ligne de l'Afrique orientale. Les raisons qui ont
amené le gouvernement à prolonger les routes actuelles, sont, comme
on letrouve exposé dans le mémoire justificatif du projet qui est devenu
loi, le 23 mai dernier, le désir d'encourager le commerce extérieur de
rAIlemagne, de développer l'industrie intériei
des navires, d'affranchir le commerce allemand
Tctranger, d'éviter les transbordements et d'ass
sant pour le transport des passagers.
Les contrats antérieurs assuraient l'existence
entre Hambourg et l'Afrique orientale allemand'
Bay et d'un service accessoire vers les ports
mandes et portugaises. La compagnie de la ligi
taie devait organiser un départ par mois. Mais «
sa ligne jusque Durban, établit un service heb<
de Zanzibar à Bombay et organisa un départ tous
vitesse minima pour la ligne principale était d(
subside était de de 1,125,000 francs. En 1891
21,651 tonnes de marchandises; en 181)8,
78,517 tonnes.
Le nouveau contrat maintient les lignes exiî
vitesse de la ligne principale, améliore la flotte [
veaux bâtiments et étend la ligne jusqu'aux po
Cap, à cause de l'importance de celle-ci pour le
et dans le désir d'avoir un port autre que Delagc
niquer avec le Transvaal.
Il y a un an environ, une compagnie de Hambc
ne faisaient auparavant escale qu'à Port Elisabet
Australie, commença à visiter Cape Town toutes
Aucune autre compagnie n'avait établi de servie
magne et la colonie du Cap, de sorte que les marc
étaient dirigées sur Londres pour être transport
des steamers anglais. C'est pour éviter cet état
a établi un service exclusivement allemand. Un
sera établi autour de l'Afrique. Les navires passe
par le canal de Suez et par les îles Canaries. Le
oriental feronl escale à Anvers à l'aller; ceux du
Amsterdam, à l'aller, et à Botterdam, au retour.
La vitesse sera de 12 nipuds à la c^jle occidcii
10 i/2 i la cote orientale. Un service bi-mensuel
bourg et les porl^ de la cùtc orientale jusque héi
1,887,500 francs pour quinze ans. Le contrat ei
i'^'^ avril 1901.
La flottille du Haut-Congo. — Le Journal ofj
publier Tacte de rétn}cession k la k Compagnie de
ports Congo-Oubanghi » des services de navigation à vapeur imposés
à diverçes compagnies concessionnaires de territoires au Congo fran-
çais et un arrêté approuvant la substitution de la <c Compagnie de
navigation et transports Congo-Oubanghi » aux Sociétés de la Mobaye
et de la Kote, et à la Compagnie des Sultanats du Haut-Oubanghi,
pour l'exécution du service de navigation prévu aux cahiers des
charges annexés à leurs décrets de concession.
Par cett« combinaison, ces sociétés sont déchargées de l'obligation
de mettre à flot et entretenir en service, pendant toute la durée de
leur concession, les bateaux à vapeur de grand et petit modèle qui
leur sont imposés par leurs cahiers des charges.
Congo français. Transports fluviaux. -— Voici le tarif des
transports adopté d'un commun accord par les dix sociétés conces-
sionnaires du Congo français, ayant adhéré aux Messageries fluviales
du Congo :
(Prix en francs à la tonne de 1,000 kilogrammes ou par tête.)
PRIX
RETOUR
PRIX POUR PASSAGERS
NOMS
BLAWCS
NOIRS
des sociétés concessionuairrs
adhérentes.
•<
M
CL
1
1
1
<
i
b
C
<
1
Compagnie de la Léfini
200
200
150
75
40
45
50
Société de la N'Kémé N^Kéni .
240
240
180
120
65
45
50
Compagnie française du Congo .
3(5
515
240
145
110
80
55
Société de l'Afrique française .
545
545
260
225
150
70
50
— de l'Afrique équatoriale
545
545
260
225
150
70
50
Compagnie franco-congolaise .
450
450
540
255
m
85
60
— de la Kadel Sangha .
450
450
540
255
190
85
60
— de l'Ékéla Sangha .
450
450
540
255
190
85
60
— des caoutchoucs et j
duits de la Lobay .
îro-
400
400
580
290
215
80
55
— de rOubanghi Ombella
510
810
585
510
230
80
55
Ce tarif est considéré, par comparaison avec celui en vigueur entre
rÉtat Indépendant du Congo et les Sociétés belges, comme devant
rémunérer largement les services des Messageries.
FORAIOSE
viclime de grand iDatin quand le brouillard ne s*est pas encore dis-
sipé. Et puis, ils sjnt, comme les Chinois, du reste, habitués à ce
continuel roulement.
Comme on le sait, Formose renferme beaucoup de camphriers.
TOU R DE GARDE.
Ces arbres sont les rois des forêts de cette île. Ils croissent assez
vite. Leurs feuilles ont souvent plus de 20 pieds de circonférence.
Leurs troncs sont employés comme bois de construction, là où on
peut les transporter facilement. On obtient le camphre par distilla-
tion. On ne peut se servir à cet effet, que des troncs qui contiennent
beaucoup de suc et particulièrement des racines.
Les fours à camphre consistent en un four d'argile de 4 pieds de
la perception et d'amener insensiblement au moyen de ces remises, la
suppression des anciennes contributions perçues sans contrôle..
Complètement résolue dans le Bas-Dahomey, la question de l'impôt
rencontrera quelque temps encore, dans le haut pays, certaines diffi-
cultés de détail qui disparaîtront d'elles-mêmes dès que, l'usage de la
monnaie s'étant répandu dans la colonie, l'impôt pourra cesser d'être
perçu en nature. Ces inconvénients tiennent d'ailleurs beaucoup plus
à l'insuffisance de personnel, à l'étendue des territoires et aux diffi-
cultés matérielles de recouvrement et de perception qu'à la mauvaise
volonté des contribuables eux-mêmes.
En ce qui concerne l'année 1900, les résultats déjà obtenus sont
tellement remarquables qu'il est permis de penser, sans exagération,
que le montant de l'impôt perçu atteindra, pour cette période, le
chiffre de 500,000 francs.
Exploration des sources du Nil. — Les Mittheilungen am den
Deutschen Schiitzgebieten publient une relation du voyage du D"" Kandt
à la source du Kagera ou Nil Alexandra. Le D*" Kandt se mit en route
à la fin de janvier 1898 de Tabora pour se rendre au confluent du
Ruvuvu et du Kagera. Une évaluation consciencieuse du volume des
eaux des deux rivières prouva que le Kagera était la plus importante.
Le D*" Kandt se décida à en remonter le cours. Il rendit d'abord vLsite
au roi de Ruvuvu. 11 pense que l'individu qu'on lui a présenté comme
étant le roi ne l'est pas en réalité et que Ton cache le véritable roi
pour des motifs de superstition. En suivant le Kagera dans ses sinuo-
sités, le voyageur arriva au confluent de l'Akanyaru et du Nyavarongo.
Il se décida à suivre ce dernier parce qu'il était le plus important.
Après l'avoir remonté pendant six jours, il arriva à l'embouchure du
Mkunga, son affiuent le plus considérable. Celui-ci prend sa source
dans les environs du Kirunga oriental, connu précédemment sous le
nom de Ufumbio, d'où découlent également des cours d'eau par le
Ruchuru vers le lac Albert Edward.
Le [)■• Kandt quitta le Nyavarongo pendant quelque temps pour
faire le tour du Kirunga. Il dit que le nom de Ufumbio n'est jamais
appliqué à la montagne. C'est la désignation d'un district situé au Nord *
et renfermant un groupe de volcans éteints, composé de plusieurs
centaines de pics et de cratères.
En se dirigeant vers le Sud par une plaine de lave, le long du Sabyin,
montagne à deux pics et recouverte de neige éternelle, il arriva à Kivu.
De là, il poussa vers le Sud-Est et regagna le Nyavarongo qui avait,
CHRONIQUE
dans cette région, le caractère d'un torrent de i
travers des vallées ravissantes, mais dont Tag
les bandes de pillards qui infestent la contrée. F
est formé par la réunion du Mhogo et du
remonta celui-ci jusqu'à sa source à travers un !
tagneux, mais complètement inhabité. Il n'élail
seurs de miel. Les abeilles y sont, du reste, ti •
altitude de 7,000 pieds, l'explorateur put voir I
mètre au-dessous de zéro.
Le D' Kandt visita aussi la source du Mhogo i
gea vers l'extrémité Nord du Tanganyka, d'où i i
son expédition au lac Kivu (1).
Rhodésia. Le caoutchouc. ~ Il est ét^ >
considérables de terres à caoutchouc de grande
trouvent dans le nord-ouest et le nord-est d
le Sud de la Rhodésia, il existe du caoutchouc
vallée du Sabi et le long du Zambèze. On a ai
Ton découvrira des variétés de valeur plus grand
toire de la Rhodésia et que certaines espèces p •
dans les régions plus sèches du plateau méridio
D'autre part, les méthodes d'extraction de
destructives, et l'absence de réglementation
fatalement la disparition des arbres. Les met i
actuelles sont défectueuses et déprécient le caou
Sud.
Le caoutchouc indigène qui a été reconnu jusq
principalement à la catégorie des grandes lia
d'autres végétations.
Afrique occidentale anglaise. Chemins
d'Or, le chemin de fer Sellondi-Tarwa va être proh
Il desservira une contrée aurifère et sera i
exploitations d'or auxquelles il profitera partie
aura 180 milles de longueur et 3 pieds 6 pouc
traversera des forêts épaisses. La route est loii
pays est très accidenté au-delà de Tarwa. Une
comprenant vingt-sept ingénieurs, a quitté Livei
[i) Voir BuUttin, p, m.
nier. Elle aura besoin de dix-sept cents porteurs et travailleurs qui
devront être amenés d'Angleterre. Toutes ces personnes s'occuperont
exclusivement de l'étude de la ligne. La grande difficulté consistera
dans le recrutement de la main-d'œuvre. On espère pourtant que les
agents recruleurs parviendront à réunir les dix mille travailleurs
nécessaires.
A Lagos, les trois ponts de fer reliant la ville au continent sont
terminés et le chemin de fer va être ouvert au trafic jusqu'à Ibadan.
La ligne a une longueur de 126 milles et 3 pieds 6 pouces d'écartement.
Elle relie entre elles les villes de Lagos, d'Abeokuta et d'Ibadan, dont
la population est respectivement de 60,000, 150,000 et 180,000 habi-
tants. Les principaux travaux d'art sont le pont de Carter (2,000 pieds
de longueur), celui de Denton (900 pieds) et quelques autres ponts.
On étudie le prolongement de la ligne vers Ogbomisho, llorin et le
Niger.
On envisage aussi la création d'un chemin de fer vers le pays des
Hausas.
A Sierra-Leone, une nouvelle section de la ligne à 2 pieds 6 pouces
d'écartement a été ouverte. Le trafic s'étend donc jusque Rotifunk. On
a commencé le prolongement de la ligne jusque Bo (80 km.). La pente
sera de 1 : 35. On a décidé de construire la ligne aussi légèrement que
possible, et d'employer des ponts en bois. La partie ouverte de la ligne
comprend 11 viaducs en fer, et un pont de 600 pieds de longueur sur
la rivière Ribbi.
Usages commerciaux au Maroc. — Nous extrayons le passage
suivant d'un rapport du ministre français à Tanger, M. Revoil :
ce Rarement les fabricants eux-mêmes traitent les affaires avec ce
pays; les transactions sont faites par des négociants établis au Maroc
qui réunissent en leurs mains beaucoup d'articles.
» Il n'y a d'exception que pour les sucres et les bougies qui, en
raison de l'importance de leur consommation, sont en grande partie
livrés directement par les fabricants eux-mêmes. Ces deux articles
jouissent du privilège de pouvoir être vendus en majeure partie au
comptant, les sucres contre de la monnaie française et les bougies
contre de la monnaie anglaise. Tous les articles d'importation alle-
mande sont vendus en monnaie française. Les Anglais ne vendent
que contre de la monnaie anglaise. 11 y a quelques années, on avait
adopté le système de vendre en monnaie espagnole ou marocaine,
en majorant les prix. Ce système a donné lieu à des déboires, par
suite des variations continuelles du change et il a été abandonné;
aujourd'hui on ne traite plus en monnaie espagnole que quand il
s'agit de marchandises sur place, livrables de suite.
» Les ventes se font, soit à forfait, soit à la commission ; la plus
grande partie de l'importation est faite à forfait ; les affaires à la com-
mission se traitent toujours valeur comptant et sont passibles d'un
courtage de 5 p. c. en Angleterre et de G p. c. en France et en Alle-
magne; les payements par la clientèle se font alors en compte-cou-
rant: on stipule toujours que le délai de six mois ne doit pas être
dépassé; cela n'empêche que souvent les factures ne sont payées qu'au
bout d'un an. Les affaires très importantes en colonnades anglaises se
traitent à ces conditions.
» Les affaires à forfait consistent en remise de marchandises par le
fabricant au commissionnaire établi au Maroc, à un prix déterminé.
Ces affaires sont généralement réglées à quatre mois, exceptionnelle-
ment à six mois; mais les payements ne sont que très rarement faits à
terme fixe, et il est diflicile d'obtenir des commissionnaires des inté-
rêts, même si le principe en a été admis. »
Madagascar. — Le Journal officiel de Madagascar, du 13 octobre,
constate la réapparition de la peste à Tamatave.
Le caractère épidémique des cas constatés ne semble pas douteux.
M. Géraud, doyen des médecins principaux de la marine, est décédé à
Mahatsara, le 28 septembre, à la suite d'un accès pernicieux. Le géné-
ral Gallieni a pris toutes les mesures nécessaires pour préserver le
reste de Madagascar et notamment l'Emyruc où le fléau, s'il n'était
arrêté, pourrait faire les plus grands ravages parmi les populations
hovas. On pense que, grâce à la construction récente d'un magasin
de transit isolé, les mesures de quarantaine n'auront pas d'influence
trop préjudiciable pour les intérêts commerciaux de Tamatave.
Les travaux de la roule sont toujours poussés très activement. Les
chantiers de la route de Tamatave sont installés dans la fameuse forêt
Alaqui, avec la fièvre togo, devait arrêter les colonnes marchant sur
la capitale malgache.
On compte sur les chantiers plus de douze mille travailleurs, qui
répondirent spontanément à l'appel du général Gallieni. Ils sont
payés un franc par jour. Les médecins de service sur la route signa-
lent l'état sanitaire comme aussi satisfaisant que possible.
Le général Gallieni espère pouvoir francliir en automobile, en
janvier prochain, toute la route de 300 kilomètres entre Tananarive et
la mer.
Grâce aux routes, on voit de plus en plus dans l'île, et surtout
\
aux environs de Tananarive, des voitures attelées, et les Malgaches
s'occupent avec entrain de l'élevage des chevaux. La vente des pou-
lains et des pouliches, au dernier grand marché de Tananarive, a
donné des résultats étonnants. L'administration pousse, le plus pos-
sible, avec sa jumenterie d'Ampasika, les indigènes dans cette voîel
La tranquillité semble complète, sauf encore dans quelques régions
sud de l'île, où le colonel Lyantey continue son œuvre de pacifica-
tion et de pénétration.
AMÉRIQUE
Mexique. La culture du tabac. — L'agronome attaché à l'am-
bassade allemande à Mexico communique des renseignements inté-
ressants sur la culture du tabac au Mexique. Sur les trente états dont
se compose ce pays, il y en a vingt-deux qui cultivent le tabac. Les
principaux sont ceux d'Oaxaca et de Veracruz qui produisent respecti-
vement 3,194 et 1,786 tonnes sur un total de 8,936 tonnes (1891). Dans
ces deux élats, de. grandes exploitations ont été créées par des capita-
listes étrangers. La plantation et le mode de préparation y ont été
améliorés selon la méthode suivie à Cuba. Dans l'état de Oaxaca, les
principales plantations de tabac se trouvent à Valle Nacional ; dans
celui de VeraciTiz à San Andres Tuxtla.
Le mode d'exploitation dans cette dernière localité est particulier.
Des entrepreneurs plantent et préparent à leurs frais quelques dizaines
de milliers de plants de tabac et reçoivent comme rémunération,
d'après certaines bases, la valeur en argent du quart de la récolte. Ce
qu'il y a de singulier dans cette manière d'exploiter, c'est que le plan-
teur doit fournir les travailleurs. L'entrepreneur est chargé de la
surveillance de ceux-ci et reçoit de ce chef, une rémunération spéciale.
Les couches se préparent de la fin juin au commencement de juillet.
Puis on sème une nouvelle couche tous les six ou sept jours. Depuis
la deuxième moitié de septembre jusqu'à la fin d'octobre, les jeunes
plants, qui doivent avoir au moins 10 centimètres de hauteur, sont mis
en terre. On distance les rangées de 85 à 90 centimètres. Dans les
rangées, les plantes sont de 4o à 53 centimètres l'une de l'autre. Les
champs doivent tUre nettoyés deux ou trois fois pendant la période de
croissance des plantes. On procède en même temps dans les champs
exposés au veut du Nord à un buttage destiné à protéger les plantes.
Quarante jours après la mise en terre, on émon
huit jours plus lard, on les tigeonne pour la i
dernière opération se fait enq^re deux fois ou < •
Les propriétaires mexicains laissent pousser une
semences Les planteurs étrangers ont des ehan •
plantes destinées à fournir les graines.
Trois mois après la plantation commence la
plantes entièrement et on les suspend, le même j( i
Vingt-cinq à trente jours plus tard, on les met e
fermenter. Cinq ou six jours après, on enlève
range par classe. On ne suit pas partout le mer
Dans certaines exploitations, on ne coupe pas la I
à enlever les feuilles et à les répartir en trois cla i
même coup mais par trois équipes d'ouvriers. D'
méthode de Cuba, ils coupent la tige en trancli
chaque morceau porte deux feuilles opposées.
On considère à San Andres Tuxtla, comme \ -
un produit de t3 kiloî;ramnics df* fi^uin^s préparée ,
Hans les minét^s favonihles, on al loi ni Xi kilogr
sente de 000 a 800 kilogrammes â rhectaie. Dans*
récolte jusqu'à !iî, 000 ki l< i^Tamnies mais d\} n labac I
L'expier talion du tabac brut, qui avait dlml t
aujj^menlé de uouvoau en 18137181)^1 pour al te
(Î^,2T0 tonnes en IH08-t81VJ;. Ct* relèvement est tii
iiuction â (luljii, îa's chant-es de lutter avantageuse
do Cuba ne sitnt LDUlefuiià que peu importantes, n i
leures (jualités du Mexique» p:iree que les modes '
pn*paratto[i ne soni pas à la fiauleiir de ceux iie C
Equateur. Café- — JViqïirs Texpert agricole a
allenjaiides dans l'Amérique du Sud, (e Café ne ^e
bien dans i'iiUnnspbt-re îiuiuide el eliaiide de TEq
contrées qui jouissent d'un eliuiul plus frais. Les
plantés trop près Tun de fautre dans l'Equateur,
production est médiuire, en moyenne iil kilograi
au maximum oOO, Les arbres soûl distancés de 3.^
talion se fîiit pendant la saison des pluies, géiiéml
lévrier. L;i réroltealieu pendant ia saison sèche
juin. Après avoir été cueillies, les graines sont mise
On enlève ensuite les écorees au moyen de uiacliine
de café non décorliqué donnent 100 kilogramme!
quantités de café exportées varient d'année à année. En 1898, l'expor-
tation a été de 2,531 tonnes.
Guyane anglaise. Diamants. — Le consul américain à Denie-
rara dit, dans son rapport sur les diamants de la Guyane anglaise,
que Ton connaît depuis plusieurs années l'existence de diamants dans
cette contrée. En 1890, 749 pierres, pesant 5t4 i/2 grains, furent
découvertes. Le commissaire des mines constata, dans son rapport
de 1893, que des diamants avaient été découverts dans des placers d'or.
Jusqu'à cette époque, la plus lourde pierre qu'on eût trouvée pesait
8 grammes. Au mois de mars dernier, 282 pierres furent découvertes
à 250 milles en amont de la rivière Mazaruni. Elles furent envoyées
à Londres et évaluées 2 liv. 10 sh. par carat. Pendant la première
semaine de juillet, 400 petites pierres furent apportées à la côte de la
même localité. Elles furent lavées en dix-huit jours par neuf hommes,
d'après des méthodes très primitives. Ces pierres sont octaèdres et
varient en poids d'un gramme à un carat et demi à l'état brut. Les
marchands de Londres les considèrent, dit-on, comme supérieures aux
diamants de l'Afrique du Sud et les estiment à 25 à 50 p. c. au-dessus
de ces derniers. Ils déclarent qu'elles valent les pierres du Brésil.
La distance de Barbica et du confluent de l'Essequibo et dn Maza-
runi, à l'endroit où les diamants ont été trouvés, est de 250 milles.
Les mines se trouvent à environ 5 milles de la rivière. On y arrive par
un sentier qui traverse une jungle tropicale. Les provisions et les ins-
truments sont amenés à dos d'homme. Le voyage dure huit jours à
l'aller et deux jours et demi au retour.
Une concession de 2,000 acres a été accordée à une firme locale, dans
le voisinage de ce lieu, pour l'exploitation des pierres précieuses. Des
spéculateurs ont envoyé un ingénieur et des mineurs pour explorer
ce district et découvrir l'endroit d'où proviennent les pierres trouvées,
ASIE
Chine. Routes et moyens de communication. — Le baron von
Richtofen a fait, le mois dernier, à la Société de géographie de Berlin,
une conférence sur les routes et les moyens de communication en
Chine, particulièrement au point de vue des mouvements de troupes.
La Chine proprement dite, c'est-à-dire le « pays des dix-huit pro-
vinces )) est, d'après M. von Richthofen, une contrée à circulation
intense. Tout s'y agite comme dans une fourmi
les plus limités, les Chinois savent réaliser des
montagnes et les plateaux qui se rattachent à
qui s'étendent jusque près de Shanghaï, divis
parties : la Chine du Nord et celle du Sud. D'ai
de collines et de monticules qui se dirigent du
partagent chacune de ces parties en une divi
autre, située à l'Ouest, qui est d'un accès diflicil
La Chine septentrionale est le pays des rout
nale, celui des cours d'eau et des sentiers. Le
cation le plus efficace est cependant l'homme, qu
porteur. On pourra se faire une idée de l'impo
se représentant que la charge qu'un train de m
de 2o wagons, transporterait en quelques heurei
nécessiterait, en r.liine, EVniploi de o,000 [K'>i"h:*ui
Aussi, comprend -on ta terreur des Chinois qui 1
I du portage, en voyant construire des chemins de J
I on se sert, (\^n% ie Nord , do l'Ane, dont la t^harge e:
^ du mulet, qui poHe 120 kilogrammes et du di
i80 kilogrammes- Dans cette région, on ne reii
cultes pour établir «les chemins* Ils sont pour h
\ Autrefois, on s'était préoccupé de créer des m
Iles voltureï^. Kublni Khan avait établi de grandes
le pays, jusque prés de la Chine méridionale; n
que les ponts, sont depuis longtemps tombés
voies de conmmnication se trou vent- elles dans
pitoyable. Seules, les brouettes à deux roues, la t^
et le délice des Chinois, sont capables de résisl
la partie orientale do In Cliine du Nord, des rou
.entre elles, sauf quand les ditiicnltés du terrair
On peut donc dire que celle partie de la Chine e
lation. Deux routes seulement conduisent de Pé
[500 kilom/) par-dessus la chaîne des hauteurs q
orientale de la partie occidentale de la Chine du
au Nord de Pékin, à travers laquelle passe la rot
Kalgan cl la Mandchourie et que Timpéra triée a s
ensuite, au sud, la porte du Fleuve iaune, acUic
très dJrtîcile pour les voitures, mais d^unegrandf
futur chemin de fer. Dés quci les montagnes soi
situé à l'ouest est libre, La région qui se trou\
ment toute facilité de cimnnunîcalîon^ mais il
danger des inondation^ résultant de la rupture des digues que les
Chinois ont pratiquée différentes fois.
La Chine méridionale est un pays montagneux comme il y en a peu.
|je nombre des cours d'eau est si considérable que la navigation
doit nécessairement y jouer un grand rôle. Les bateaux peuvent
pénétrer jusque dans les affluents les plus reculés. On ne peut guère
se servir que de bâtiments construits selon la mode du pays, parce que
les cours d'eau sont sujets à des abaissements de niveau considérables
(|ui durent parfois pendant six mois. Us ne sont alors accessibles
qu'aux petits bâtiments. Le transport entre les différents points
navigables se fait au moyen de p)orteurs. En été, quand les fleuves
coulent à pleins bords^ la circulation des troupes est presque impos-
sible dans les vallées parce que les sentiers sont beaucoup trop
étroits. Dans la province de Shansi, les crevasses, dues à l'érosion du
loess, opposent aux mouvements des troupes de grandes diiScultés. Il
est cependant à noter que les Chinois ont su faire passer leurs troupes
par cette région lors de la révolte dans le Kaschmir.
Inde anglaise. Café. — A la fin de 1899, les plantations de café
dans l'Inde anglaise couvraient 274,298 acres qui se trouvaient, à
l'exception de 450 acres, dans le sud du pays. La culture du café est
limitée, pour la plus grande partie, à la région élevée qui se trouve
au-dessus de la côte Sud-Ouest et qui comprend les régions de Mysore,
Coorg et les districts de Malabar et de Nilgiris. Us représentent les
90 p. c. de toute l'étendue plantée de café de l'Inde. On cultive aussi
du café en Birmanie, dans l'Assam, dans le Bengale et à Bombay,
mais dans de faibles proportions.
La production a été très pauvre depuis 1896. Celle de l'année
dernière (1899-1900) a été la plus mauvaise de toutes. Elle n'a été
que de 17 2/3 millions de livres, c'est-à-dire à peine plus de la moitté
de la production d'il y a quinze ans. Cette diminution est due princi-
palement aux mauvaises saisons et à la maladie des plantes. Il faut
ajouter que la baisse des prix depuis 1867 a enlevé tout stimulant à
l'extension de la culture du café.
Siam. Musée commercial japonais à Bangkok. — On vient
d'établir à Bangkok un musée commercial japonais. Cet établissement
se trouve placé sous la direction du gouvernement japonais qui en
supporte toutes les dépenses, sauf le traitement du directeur.
L'établissement occupe de vastes locaux bien appropriés et se trouve
dans la partie la plus commerçante de la ville. On se propose d'y
Le De kieu a été instigateur de ce mouvement, et c'est grâce à ses
encouragements et aussi à Taide pécuniaire accordé aux villages que
cette culture est aujourd'hui si prospère. Les mamelons et montagnes
de la province de Hung-Hao se prêtent merveilleusement à ce genre de
plantations ; l'indigène y trouve avantage et semble vouloir s'y adonner
tout particulièrement. Il y aura là, dans un avenir prochain, une
ressource précieuse pour la province. 4,000 coolies seraient, au cours
de l'année, venus du Delta aider les habitants de cette région dans
leurs travaux de défrichement. Le prix de la main-d'œuvre est de
6 tiens (= 10 cents environ) el trois repas par jour. Ces coolies ne
séjournent pas dans les villages; ils montent du Delta lorsque les
travaux des rizières sont terminés et retournent dans leur commune
au moment de la récolte. Quelques-uns, cependant, se sont définitive-
ment installés dans le pays.
OCÉANIE
Java. La situation économique. — Dans une conférence faite ré-
cemment à Amsterdam, à la Ligue des instituteurs néerlandais, M. Van
Kol, membre de la deuxième Chambre des Etats-Généraux, a attiré
l'attention sur la a situation économique des Javanais ». Il ne la
dépeint guère sous un jour encourageant et il en attribue la respon-
sabilité à l'exploitation outrée dont les Javanais sont victimes.
Les Européens détiennent les grands capitaux : commerce, industrie,
tout est dans leurs mains. Il ne reste presque rien pour l'indigène.
De là, résulte la misère dont les indigènes souffrent dans un des pays
les plus riches du monde.
La nourriture presque exclusive du Javanais est le riz. La consom-
mation du riz était de 1.83 picul par tête en 1870-1880; elle n'était plus
que de 1.58 picul en 1893-1899. Même la production de son principal
élément d'entretien diminue. Il est, en outre, pressuré par les Arabes
qui lui avancent de l'argent à des taux usuraires. Mais bien pires encore
sont les exigences du fisc hollandais qui rédame le dixième du pro-
duit du riz comme fermage. Quand la provision de riz est absorbée,
ce qui arrive généralement trois mois après la récolte, le Javanais se
soutient avec du maïs ou du jagœng; après cela, il se rabat sur les
feuilles et les racines mangeables. Outre le riz, il possède un peu de
hensive et aime à s'instruire, mais on ne lui en offre pas Toccasion.
En ce qui concerne la situation religieuse, l'Islamisme gagne tous les
jours du terrain. C'est un danger auquel on n'a pas suffisamment prêté
attention. Le militarisme coûte annuellement 50 millions à l'Inde. Le
cinquième des plantations sont aux mains des Européens. Les valeurs
des sociétés indiennes représentent aux bourses hollandaises un capital
de 203 millions de florins. La communauté javanaise s'appauvrit
chaque année de 70 millions de florins.
Le résultat de cette politique économique, conc'ut M. Van Kol, a
été la création d'un prolétariat à Java. Il règne un esprit de haine et
de vengeance contre les Hollandais. Les révoltes de Tjilegon et de
Serarg en sont des exemples. Aussi M. Van Kol estime-t-il qu'il est
temps de suivre une autre politique coloniale.
Java. Plantation de gutta-percha par le gouvernement. —
Le gouvernement hollandais a résolu de fonder à Java une entreprise
officielle de plantation de gutta-percha. La grande importance de ce
produit au point de vue international commande de prendre des
mesures pour éviter qu'il ne disparaisse ou ne diminue. Le gouverne-
ment ne causera aucun tort à l'industrie privée par son établissement
parce que celle-ci n'a pour ainsi dire rien réalisé dans ce domaine.
Il sera aussi plus facile d'établir un marché de gutta-percha à Java
quand le gouvernement sera directement intéressé à la vente de ce
produit.
11 n'y a pas de doute que l'établissement doive être fondé à Java, en
présence du succès qu'y ont obtenu les plantations faites jusqu'à pré-
sent. Dans son rapport sur la plantation de Tjipetir (Java occidental),
le directeur de ce jardin botanique dit : « Uuand on voit maintenant à
Tjipetir les plus anciennes plantations de ces deux espèces (Pala"
quium gutta et Palaquium borneënse), on peut dire que l'espoir émis
à cette époque (il y a dix ans) non seulement n'est pas déçu mais est
dépassé de beaucoup. Ces arbres forment des parties de bois com-
pactes, renfermant des sujets de croissance particulièrement satisfai-
sante et n'exigeant plus aucun entretien. Il est parfaitement possible
d'arriver à un succès. »
Le gouvernement se propose tout d'abord d'étendre la plantation de
Tjipetir qui compte actuellement 2i0 bouws en y incorporant un ter-
rain avoisinant de 315 bouws, qui sera planté exclusivement des espèces
de Palaquium qui ont si bien réussi à Tjipetir.. On tâchera ensuite de
trouver dans la résidence de Preanger 200 bouws de terrain €onve-
nant à la gutta-percha et aussi peu éloignés que possible de Tjipetir.
On les couvrira en une période de cinq à dix i
de Palaquium borneënse et de Paîaquium oblofii
espèce donne également un produit excellent.
On estime qu'une somme de tO,000 florins s
pour la réalisation du projet.
Iles Gook. — D'après le rapport adressé p
Cook au gouverneur de la Nouvelle-Zélande qu
ces îles, l'avenir du commerce s'y présente sous
propriétaires indigènes plantent des bananiers
dans des terrains qui n'avaient pas été cultiva
commerce se développera donc dans l'avenir el
pour qu'il n'atteigne le quintuple de ce qu'il re)
L'année dernière, les caféiers ont été attaqu
l'île de Rarotonga qui, par suite, ne pourra plu
dant les années suivantes.
La culture des oranges est très importante et
dérable encore si on pouvait faire comprendre î
des fumures artificielles et de l'émondage.
Le résident regrette de devoir constater que la
de Rarotonga est peu recommandable et que leî
dront rien d'elle. Elle est composée pour la pli
I de fugitifs, sauf toutefois en ce qui concerne lej
I sobres, travailleurs et soigneux de leurs affaires.
Rarotonga et Aitutaki sont actuellement les
bien situées au point de vue du commerce parce
traversés par des canaux. Les autres îles, bien qu
en dehors de la route des navires. La seule indu;
vent, par suite, pratiquer est celle du copra. Or
même de tirer profit de leurs produits, soit p;
j marchands, soit par l'intervention de l'État.
j L'année dernière, les exportations ont été de
importations de i3,oo'i liv. st. Les principales e
copra (à peu près la moitié du total), les huîtres
oranges. Les principales importations sont le col
conserves.
NouTelle-Ghiinée allemande. — La situât
plus satisfaisante dans la Nouvelle-Guinée allen
EiJn>|M'*<'ns (juo |i;irmî les f^ens de couleur, grûcM!
clo quinine dû IV Koch, La question de la main-
été résolue avec succès. Grâce à la Hotte de la Compagnie de la Nou-
velle-Guinée, les différentes plantations ont été abondamment pour-
vues de travailleurs, et à Herbersthohe on se demande même s'il n'y a
pas lieu d'augmenter l'exploitation.
La Compagnie de la Nouvelle-Guinée a réussi à enrôler de nouveau
les Javanais qui avaient été précédemment employés de sorte que le
nombre des ouvriers javanais nécessaires est même dépassé. Elle est
aussi parvenue à réaliser un projet que l'administration des Indes
hollandaises avait rejeté, en fondant une colonie javanaise indépen-
dante dans les environs de Herbertshohe. On s'est déjà procuré le
nombre de familles nécessaires pour le peuplement de cet établisse-
ment.
On a abandonné définitivement la culture du tabac à Stephansort.
On ne la pratiquera plus qu'à Jomba. Les premiers échantillons de
café sont arrivés récemment à Stephansort. Ils ont été trouvés de si
bonne qualité qu'une attention particulière sera portée à cette culture.
Les plantations de cocotiers sont en excellent état. Les essais faits avec
le Castilloa et le Ficus ont parfaitement réussi en ce qui concerne la
croissance des plantes. La Compagnie de la Nouvelle-Guinée a aban-
donné le projet de planter du coton dans les terres d'alluvion car ce
sol est trop précieux pour être appliqué à cette culture, dont les profits
sont trop restreints et les frais d'entretien trop grands.
Nouvelle-Calédonie. Le nickel. — Le nickel de la Nouvelle-
Calédonie est supérieur en (jualité et en quantité à celui du Canada.
On extrait environ 120,000 tonnes de minerai par an. Elles repré-
sentent une valeur de 20,000,000 de francs et sont produites par plu-
sieurs compagnies, dont deux grandes, possédant ensemble un capital
de 30,000,000 de francs. L'industrie du nickel se poursuit donc acti-
vement en Nouvelle-Calédonie. Elle est cependant susceptible d'être
encore étendue.
La situation économique des habitants de la Nouvelle-Calédonie les
force à laisser le plus grand profit de l'industrie aux Anglais. Le char-
bon dont on fait usage vient de l'Australie et coûte fort cher. On est
donc obligé de vendre le minerai sans en extraire le nickel. Les Anglais
l'achètent, les Français n'ayant pas les machines nécessaires pour le
mettre en œuvre, et le transportent à Glascow, où il est fondu. Le
nickel est alors expédié aux ateliers du Havre, où il est achevé.
Tahiti. Ressources. — Le consul anglais à Tahiti attire l'attention
des capitalistes sur les placements avantageux qu'ils pourraient faire
CLBA. SON AVL-NIU 781
eu des Etats-Unis : le gouvernement et le peuple, les hommes
d'Etat et les hommes d'affaires. Avoir Cuba, tout de suite tout le
monde est tombé d'accord là dessus : ce n'est que sur le proctdé,
acheter ou prendre, que Ton s'est divisé.
La flore de Cuba, comme on la remarqué, comprend presque
toutes les plantes qui vivent dans les autres Antilles et sur le
pourtour de la Méditerranée américaine, de la péninsule de la
Floride aux bouches de l'Orénoque : les détroits qui séparent
Cuba des côtes continentales ne sont pas assez larges, pour que
la plupart des semences n'aient pu être transportées, soit par les
courants marins, soit par les vents, soit par les pattes, les ailes
ou les déjections des oiseaux. Tous les grands arbres de la côte
américaine remarquables par la majesté de leur port, la beauté
de leur teuillage, l'éclat ou le parfum des fleurs se retrouvent sur
les rives de Cuba; plus de trente espèces de palmiers déploient
leur éventail au-dessus des bois ou des broussailles, et on est
surpris de rencontrer des arbres qui semblent dépaysés sous la
zone torride, des pins qui se mêlent au palmier et à l'acajou.
En 1876, un catalogue des seules plantes phanérogames de Cuba,
non compris celles que les Kuropéens ont introduites, énumérait
3,350 espèces.
Le climat de Cuba n'est pas aussi malsain qu'on le croit généra-
ment. C'est, au contraire, une des parties les plus saines de la
zone tropicale.
Tout l'intérieur de l'île se compose de grandes plaines légère-
ment surélevées ou de plateaux de hauteur moyenne d'une salu-
brité parfaite. Le long des côtes la situation est plus mauvaise. Les
villes avaient une réputation d'insalubrité bien connue, mais la
faute en est au manque absolu des mesures d'hygiène les plus
élémentaires.
La moyenne de la mortalité annuelle atteint souvent 33 p m. à
La Havane; à Santiago, elle est généralement de 3U p m. A la suite
de la révolution et de la guerre, la mortalité s'est considérablement
accrue. Le département américain de la santé, installé à La Havane
a calculé que 17,000 personnes étaient mortes dans celte ville
pendant les sept premiers mois de 1898, sur une population de
200,000 habitants. Mais ce chiffre est anormal et ne se représen-
tera plus : il est dû au blocus de la ville par la floltc américaine.
BIBLIOGRAPHIE •<-
Viezucht und BodenkuHur in Sûdwestafrika. Ckinseils aux émigrants, par
Ernest Hermann. — Un vol. in-8« de 95 |)age8. Berlin, DeuUche Kolonial Verlag
(G. Meineeke), iOOO.
Les possessions allemandes du Sud-Ouest africain ont été jusqu'à
ce jour fort peu productives, et constituent une des parties les plus
ingrates du continent noir. Elles ont toutefois l'avantage d'un climat
qui permet l'installation de colons agricoles à titre permanent.
L'étude de M. Hermann, qui y a résidé pendant onze années, est con-
sacrée à l'examen des exploitations possibles dans la colonie. Il y est
principalement traité de l'élève du bétail, qui paraît être la seule res-
source importante pour l'avenir de la région. Lesxonseils de lauteur
aux futurs colons dénotent un esprit pratique et prudent. Quelques
pages, à la fin de l'ouvrage, consacrées aux rapports des colons avec
les indigènes, méritent aussi d'élre signalées.
History of Rhodesia, d*après les sources officielles, par Howard Hansman . — Un
vol. in-iâ de 381 pages avec carte. Londres et Edimliourg, William Blackwood and
sons, 1900.
Le livre de M. Hansman est consacré à l'histoire, courte, mais
extrêmement mouvementée, de la nouvelle colonie britannique, qui,
à tant de titres, a mérité l'attention générale. L'auteur suit la Rhode-
sia depuis sa fondation ; il retrace les péripéties de la première guerre
contre les Matabélés, puis celles du raid Jameson, « cette déplorable
affaire, dont les effets sont encore sentis dans l'Afrique australe, et
sont responsables, pour une part considérable, des troubles qui ont
éclaté depuis lors ».
La grande rébellion des Matabélés, en 1896, est relatée avec
beaucoup de détails. L'auteur examine enfin la situation politique
et économique de la Rhodesia. Les événements contemporains y ont
fait ajouter deux chapitres, racontant les siègei
Mafeking. L'ensemble de l'ouvrage constitue u
de renseignements pleins d'intérêt, même pour
pas les opinions de l'auteur, grand admirateur i
il a dédié son ouvrage^
I^es Chemins de fer aux Colonies françaises, non com
par M. Eue. Lemaire, docteur en droit. — Un vol. in-4o de
et Roy, 1900.
La question des chemins de fer est absolument
nies contemporaines. Le recueil de M. Lemain
nombre dVxtraits de documents authentiques, est
utilité. On y trouvera l'examen détaillé de toutes
ou projetées dans les colonies françaises, y comp
Le volume se termine par des conclusions génén
résultats de l'expérience, en ce qui concerne les
concession des lignes, la construction de la voi
l'exploitation et les tarifs.
Rôle économique et social des voies de communica
ingénieur des mines. — Un vol. grand in-t6 de H 5 pa{
VeGh.Dunod,i890.
L'ouvrage de M. Campredon, justement estin
compose de doux parties, dont la première se div •
consacrés à l'étude, des cinq grandes classes de r
cation : les routes, les voies ferrées, les voies na ^
maritimes, étudiées dans leur développement et
nomiques, enfin les moyens de communication t. i
Les faits développés par l'auteur à titre d'e >
un tableau presque complet de l'histoire comn :
renferment un grand nombre de données sur le
contemporain. La seconde partie, traitant du roi
communication, se compose de considérations (
abstrait, et qui offrent le même intérêt que les p î
Reflections on the origins and destiny of Impérial ;
M.-A. — Un vol. in-8« de 515 pages, LondrcF, Macnai i
L'impérialisme britannique occupe trop de pi :
contemporaine pour qu'il soit nécessaire de fai !
tance que revêt, au moins à litre documentaire.
à l'étude et au développement de cet état d'esprit. Le livre de
M. Cramb est d'ailleurs remarquable à plus d un titre, et ses idées,
qu'il ne convient pas de discuter ici, sont souvent fort originales.
Son chapitre What is war? en particulier, constitue une curieuse apo-
logie de la guerre, en opposition absolue avec les tendances pacifiques
si répandues de nos jours.
Profils blancs et frimousses noires (impressions congolaises), par Léopold
GouROUBLE. — Un vol. in-12 de 370 pages, avec illuslralions. Bruxelles, P. Lacom-
blez, iOOl.
Ce livre nouveau de l'auteur de En plein soleil a, comme les œuvres
déjà connues de M. Courouble, des qualités de style et d'expression
éminemment pittoresques qui en fait un des plus agréables échantil-
lons de notre littérature congolaise. C'est d'ailleurs, sous sa forme
légère, l'œuvre d'un observateur sagace des mœurs indigènes et de la
vie coloniale, et l'on y trouvera sur le fonctionnement de la justice de
l'État Indépendant, des détails « vécus » dont on chercherait vaine-
ment l'équivalant dans les plus volumineuses compilations coloniales
Historical geography of West-Africa, par G. P. Lucas, 2e édition revisée par
M. H.-E. Egerlon. Publication de la Clarmdon Press d'Oxford. — Vu vol. in-12 de
502 pages avec cinq cartes. Londres, H. Frowde, 1900.
Cet intéressant volume fait partie d'une série de publications con-
sacrées à l'histoire géographique des colonies anglaises. On y trouvera
un résumé très complet des premières explorations qui ont traversé et
fait connaître le continent africain. Vient ensuite une étude dévelop-
pée de la colonisation européenne à la côte de Guinée, avec une série
de notices sur l'état présent de chacune des colonies britanniques
existant dans cette région. Un dernier chapitre est consacré aux îles
de l'Océan Atlantique.
Ce volume, avec ceux qui font partie de la même série, constitue
une collection remarquable et des plus utile au point de vue géogra-
phique et colonial.
ci^o
CUBA. SON AVENIR 785
1530; mais à la Qn du siècle dernier la production annuelle
n'était encore que de .28,000 tonnes. En 1823 elle était de
75.000, en 1848 de 225,000, en 1893 de 815,894, en 1894 -
Tannée qui précède le commencement de la dernière insurrection
— elle était de 1,054,214 et en 1895 de 1,100,264 tonnes. Depuis
elle a décru considérablement, elle était de 348,124 tonnes en
1896, de 262,434 en 1897, de 232,038 en 1898. Pour l'année 1899
elle est estimée à 307,903 tonnes. De 1840 à 1894 l'augmentation
a été de 400 p. c; alors que dans les autres pays producteurs de
sucre de canne, elle n'était que de 200 p. c. On peut évaluer, en
temps normal, la production du sucre à plus d'un million de
tonnes. Les meilleurs témoins assurent qu'il y avait à Cuba, au
commencement de l'insurrection dernière environ huit cents
bateyes aux usines. Parmi ces usines il en est qui ne fabriquent
pas plus de 10,000 à 15,000 sacs de sucre par an et qui valent de
500,000 à 750,000 francs, mais il en est qui fabriquent de
75,000 à 100,000 sacs, dont la valeur est de 3,500.000 à
5,000,000 de francs. Prenant une moyenne proportionnelle il
li'est pas téméraire d avancer que chaque usine fabrique 50 mille
sacs de sucre et vaut, bâtiments, machines et outillage 2 millions
de francs. Il suit de là que les 800 bateyes que l'on comptait en
1895 à Cuba, pouvaient fabriquer chaque année 40 millions de sacs
et représentaient une valeur de 1 milliard 600 millions de francs.
En 1895-1896 le sucre se vendait au prix de 25 francs les
100 kilos, le produit de la récolte s'élevait en gros à 250 millions
de francs. Telle est, ou plutôt telle serait, la production sucrière
de Cuba, année normale.
Cuba est admirablement favorisée pour la culture du sucre.
D'énormes étendues de terrain à pou près planes, naturelle-
ment bien irriguées, permettant la culture sur une plus grande
échelle que dans les autres Antilles, le voisinage d un marché aussi
rémunérateur que celui des États-Unis, principal importateur de
sucre de canne du monde, une terre d'une admirable fertilité qui
ne nécessite pas de changement de culture et grâce à laquelle la
même plante peut être coupée de huit à vingt-cinq ans, sans qu'il
soit nécessaire de replanter tous les ans, voilà les causes qui font
de Cuba le producteur de sucre de canne par excellence.
Tout ce sucre qui sort des vastes plaines de Cuba, où se
Cuivre, 598.
Cultures, ii6, 606.
Force publique, 116.
Immigration, 599.
Irrigation, 116, 657.
Jardins dressais, 116.
Malaria, 115.
Mines de cuivre, 432, 515.
Or, 598.
Population, lU, 598.
Remède contre la mortalité des
chevaux, 433.
Routes, 116.
Superficie, 598.
Vente des fermes du gouverne-
ment, 655.
Albatros (L'expédition de), 366.
Almeidina, le caoutchouc, 134, 297.
Amazonie, 245 et suiv., 262, 393 et
suiv., 660, 699 et suiv.
— Voir Brésil, Caoulcfwuc, Xingu,
Vamunda,
Ami :
Mœurs et coutumes, 774.
-- Voir Formose.
Ambris, 297.
Amoy, 8, 12.
Passes de transit, 417.
Amping :
Canne à sucre, 771.
Parcs à huîtres, 771.
Angoiji :
Canne à sucre, 651.
Caoutchouc, 134, 294.
Commerce en 1897 et 1898, 293.
Produits, 293.
Anhui, 469.
Ankober, 227.
Annam :
Coton, 438.
— Voir Indo-Chine.
AltOPHËLES :
Description, 800.
Destruction, 727.
Huttes indigènes, 728, 729.
Larves, 727, 800.
Marécages, 727.
Uganda, 813.
— Voir Malaria.
Appel de Suifu, 342.
Arachides, 860.
Afrique orientale allemande, 119,
558.
Afrique orientale portugaise, 137,
746.
Ki.merun, 34.
Nouvelle Guinée anglaise, 673.
Togo, 31.
Archipel Bismarck, 120.
Arinos, 397.
ASHANTI, 297.
AssioiTT, 197.
Atchour, 168.
Baie de Dblagoa, 434, 511.
Bako, 804.
Balata :
Pays d'origine, 501, 691 et suiv.
Propriétés, 691.
Récolte, 695. •
Bananes :
Afrique orientale allemande, 558.
IlesCook, 881.
Uganda, 848.
Bangkok :
Commerce en 1899, 816.
Tek, 816.
— Voir Siam,
Bannières (Troupe des) (Chine), 479.
Barracal (Mission de), 394.
Bastian Fall, 234.
Basutoland, 509.
Beira :
Chemin de fer, 373.
Bengueiji, 296.
Bénué (Région de la), 55.
Berbera, 227.
Beresford (lord), 1 et suiv.
Bétail. (Voir Élevage,)
Birmanie :
Paragua
Commerce, 668.
Principe >
Historique, 668.
San-Tho
Productions naturelles, 668.
Uganda,
Blundbll, 227.
Café:
BoKHARA ORIENTAL (L'oF dans Ic), 57.
Afrique < '
Bornéo :
Afrique!
Mœurs des Madangs, 672.
Archipel 1
BouvjE :
BrésiM ]
Caoutchouc, 521.
Ceylan, ' 1
Voies de communications, 522.
Choix de
Brésil :
Congo fr 1
Allemands, 138.
Cuba, 78 ,
Cacao, 265.
Culture (1 i
Café (exportation), 139.
Equateur
Café (plantations), 662.
Iles Cook
Canne à sucre, 647.
Inde ang i
Capitaux belges, 521.
Indo-Chii ;
Caucho, 217, 269.
Inhambai i
Chemins de fer, 138.
Java, ÂAi
Conditions d'exploitation du
Lagos, 13 1
caoutchouc, 792 et suiv.
Madagasc i
Gomme élastique, 266.
Nouvelle- ;
Immigration, 520.
Togo, 30.
Protectionnisme, 255.
Uganda, i
Travaux publics, 230.
Canne a sucre :
— Voir Manaos. Para.
Afrique, 6 '
BuEA [Kamcrunj :
Afrique oi i
Station sanitaire, 487.
602.
BUSHMEN, 740.
Afrique 01 i
— Voir Pygmées.
Amérique
Angola, 6
Cables sous-marins, 42.
Asie, 642.
Cacao :
Australie,
Amazonie, 703.
Brésil, 64'
Ceylan, 735.
Ceylan, u
Culture, 497.
Conditionji
Dahomey, 356.
Cuba, 784.
Femando-Po, 132.
Europe, 61
Guyane anglaise, 302.
Formose, (
Indes anglaises occidentales, 301.
Guyane an
Kamerun, 33, 34.
Guyane frji
Lagos, 132.
Guyane ho
Madagascar, 350.
Inde angla
Nouvelle-Guinée, 121.
Indo-Chine
Inhambaiie, 746.
Japon, 644.
Java, 441, 615.
Kamerun, 651.
Mexique, 646.
Nouvelle-Guinée, 645.
Océanie, 645.
Paraguay, 649.
Tahiti, 882.
Uganda, 652,851.
Zanzibar, 652.
Cambodge. (Voir Indo-Chine.)
Camphre :
Distillation, 765.
Production, 440.
— Voir Formose,
Cannibalisme :
Colombie britannique, 375.
Canton, 383.
Concession étrangère, 720.
Distribution d'eau, 225.
Passes de transit, 413.
Caoutchouc :
Afrique orientale allemande, 119.
Almeidina, 134.
Amazonie, 246 et sulv. 660.
Angola, 134, 294.
Assam, 523.
Benguéla, 296.
Bolivie, 521.
Brésil, 235, 246, 396, 661, 792
et suiv.
Caoutchouc herbacé, 203, 206.
Castilloa elastica, 205, 207, 272.
Céara, 246 et suiv.
Ceylan, 735.
Consommation mondiale, 661.
Costus, 204.
Côte d'ivoire, 284.
Cuba, 302.
Dahomey, 355.
État du Congo, 203 et suiv.
Guatemala, 272.
Guinée française, 130, 437.
Hevea Brasilensis, 661.
Inde anglaise, 642.
Indes anglaises occidentales, 302.
Kamerun, 203 et suiv.
Kickxia, 205, 206.
Landolphia, 205, 206, 437.
Madagascar, 348, 374.
Mangabeira, 602.
Manihot Glazovii, 205.
Mexique, 234.
Mossamédès, 297.
Nouvelle-Guinée, 881.
Pérou, 303.
Production mondiale, 661.
Rhodésia, 869.
Serlngueira, 661.
Siphonia elastica, 521.
Soudan, 219.
Systèmes d'exploitation des fo-
rêts, au Brésil, 793 et suiv.; en
Afrique, 865.
Tapajoz, 396.
Togo, 30, 31.
Uganda, 841.
Lie, 302.
Cap (Colonie du) :
Commerce en 1899, 512.
Cap au Caire (Traversée de l'Afrique
du), par M. Sharpe, 428 et suiv.
Capitaux allemands dans les entre-
prises d'outre-mcr, 365.
Cartographie des colonies alle-
mandes, 801.
Céara, 245 et suiv.
Barrage de Quixada, 247.
Caoutchouc, 249.
Élevage du bétail, 249.
Émigration, 246. 250.
Population, 246.
Production, 249.
Sécheresse, 246.
Céara (ville), 248.
Ceylan, 308.
Cacao, 735.
Caoutchouc, 735.
Café, 736.
CLHA. SON AVENIR
Il y a dans TUe de Cuba 1,800 kilomètres de chemins de fer,
dont 1,500 sont reliés à la Havane. La partie occidentale du pays
possède un réseau complet, dans la partie orientale il n'existe que
des tronçons reliant les villes de Tintérieur à la côte. Les chemins
de fer sont entre les mains des Espagnols et des Anglais; les Amé-
ricains n'y avaient qu'une très faible part.
Le réseau est partagé entre plusieurs compagnies. La principale
est celle des « Ferro Carriles Unidos » en connexion avec la
« Banco de Commercio », une institution espagnole.
Jusqu'à présent, le gouvernement américain administrant pro-
visoirement nie, a refusé d'accorder de nouvelles concessions de
chemins de fer. Les routes n'existent qu'à 1 état rudimentaire. Un
réseau complet de routes n'a jamais été établi à cause de la forme
allongée de l'île qui favorise le transport par eau plutôt que celui
par terre, même d un point de l'île à l'autre; aussi le cabotage a-t-il
pris une grande importance.
. Cuba est reliée à TAmcrique et à l'Europe par de nombreuses
lignes de navigation. Les principales compagnies de navigation
sont : la « Compania Transatlantica Espanola » ; elle expédie tous
les dix jours un navire de Cadix et un autre dé New- York; là
« New-York and Cuba Mail Steamship Cy (Ward Line) » avec trois
départs par semaine et un service ultra rapide; la « Compagnie
française » a une ligne mensuelle via Saint-Nazaire. Des bateaux
anglais et allemands naviguant entre le Mexique et Southampton ^t
Hambourg font escale une fois par mois à La Havane. Anvers est
également relié directement à ce port.
En 1848, Buchanan, secrétaire d'Etat au ministère des affaires
étrangères aux États-Unis, oflrait, d'accord avec le Président,
50 millions, et au maximum, pour en finir, iOO millions de pesos
— 500 millions de francs — pour l'achat de Cuba. L'offre lut for-
mellement faite et déclinée; plus tard, en 1853 et 1854, la négo-
ciation fut reprise sans un meilleur succès; plus tard encore,
en 1869, M. Sickles, ministre des États-Unis à Madrid, n'en revint
pas moins à la charge auprès du général Prim, qui, lui non plus,
ne céda pas. Jusqu'à la veille même de la rupture et de la guerre,
les Américains ont voulu démontrer aux Espagnols — ce qui
était vrai, mais ce qui était sûrement la dernière chose qui put
être comprise des Espagnols — que plutôt que de perdre Cuba,
3
4i\9Z
JSTUUES LULUNIAUSS
Système fiscal, .13.
Taxes de destination, 7, 406.
Télégraphes, 323.
Téléphones, 322.
Thé (Commerce du), 327.
— Voir Commissions d'études. Chinois.
Ports à traité.
Chinois :
Esthétique, 767.
Qualités et avenir, 574 et suiv.
Cire :
Afrique orientale allemande, 119.
Afrique orientale portugaise, 746.
Benguela, 296.
Clous de girofle :
Zanzibar, 747.
COCHINCHINE :
Culture du café, 734.
Immigration chinoise, 734.
— Voir Indo- Chine.
Cocotiers :
Afrique orientale allemande, 562.
Archipel Bismarck, 121.
Dahomey, 355.
Togo, 30.
Madagascar, 374.
Nouvelle-Guinée, 121.
Colombie britanmoue :
Cannibalisme, 375.
Or, 303.
Colonies allemandes (Rapport sur les),
30 et suiv.
Colonies françaises :
Budget des —, 24.
Rapport sur les — , 8 et suiv.,
283 et suiv., 344 et suiv.
Colonisation :
Afrique orientale allemande, 566.
Afrique sud-occidentale allemande,
599.
Combustible uquide, 672, 860.
Commerce des esclaves :
Maroc, 173.
Zambèze, 742.
Commissions d'études en Chine :
— des Etats-Unis, 141.
— de société belge, 143.
Compràdores, 19.
Compression des pieds :
Chine, 335 et suiv., 479.
Concessions étrangères :
Chine, 23.
Congo français :
Budget, 290.
Commerce, 290.
Concessions, 290, 864.
Culture du café, 744.
Douanes, 292.
Population, 288.
Télégraphe, 290. -
Copra :
Afrique orientale portugaise, 746.
Dahomey, 355.
Iles Marshall, 122.
Iles Samoa, 674.
Java, 444.
Nouvelle-Ouinée, 122.
Togo, 31.
Corée, 236.
Ëcoies, 819.
Chemin de fer, 819.
Commerce, 312.
Nécessité de connaître la langue
du pays, 739.
Or, 312.
Ports ouverts, 820.
CÔTE d'ivoire :
Budget, 284.
Caoutchouc, 284.
Commerce, 284.
Or, 284.
Population, 283.
Télégraphe, 283.
Cotonniers :
Afrique orientale allemande, 560.
Annam, 438.
Archipel Bismarck, 121.
Nouvelle-Guinée, 121.
CUBA. SON AVENIR 791
Cluses et par toutes sortes d'issues, il s'en perdait beaucoup, alors
qu'il n'y avait en valeur que la huitième ou la douzième partie de
l'île.
Les Américains ont eu cette île pour rien. Car il importe assez
peu de savoir si Cuba deviendra un jour politiquement américaine
ou si elle demeurera cubaine. Économiquement, Cuba sera néces-
sairement, fatalement américaine. Cette américanisation aura lieu
par les hommes et par le dollar principalement. Cuba n'a encore
qu'un million d'habitants blancs; elle pourrait sans peine en con-
tenir dix fois plus. Les États-Unis, immense réservoir d'hommes,
noyeront au bout d'un certain temps sous le "flot de leurs émi*
grants la première race blanche qui y vécut. L'américanisation de
Cuba par le dollar sera autrement rapide encore. Déjà à la fin
de 1896, le président Cleveland estimait au quart de milliard la
somme des capitaux américains engagés à Cuba. Cette somme
pourra être portée sans peine au décuple.
L'île est gouvernée par les autorités militaires américaines.
M. le baron Nolhomb donne, dans le Recueil des rapports des
secrétaires de légation de Belgique, un exeellent (résumé de cette
organisation. Le gouverneur général est le général Brooke, com-
mandant en chef de l'armée d'occupation. Le gouverneur rend des
décrets de sa propre autorité, mais reste en contact avec le gou-
vernement de Washington. Il n'y a pas de pouvoir législatif; tout
pouvoir émane du gouverneur général. Le gouvernement civil
se compose de quatre départements, ayant à leur tête des secré-
taires nommés par le gouverneur général. Les secrétaires et les
secrétaires assistants sont Cubains, de même que les autres fonc-
tionnaires civils de Tîle.
Pour l'administration locale, l'île continue à être divisée comme
sous le régime espagnol, en cent trente quatre municipalités,
terme qui comprend des districts ruraux aussi bien que des
villes.
L'assise des taxes est complètement modifiée et beaucoup sim-
plifiée. Les taxes sont perçues par les municipalités et servent
aux besoins de Tadministralion locale. Elles sont de 8 p. c. sur la
valeur du revenu des propriétés dans les villes de La Havane.
Matanzas, Sagua, Cardetias, Cienfuegos et Santiago; ailleurs, elles
descendent à 6 et à 5 p. c. Les terres ruinées par la guerre et
Electricité, 323.
Produits manufacturés, 333.
ÉTATS Shans. (Une race qui disparaît),
815.
Ethiopie.
— Voir Abyssinie,
Expédition congolo-allemande au lac
Kivu, 802.
— Voir Lac Kiuu,
Eitrême-Orient (Situation politique),
235.
« Faibherde » (Le), 808.
Fièvres (Différents types de).
— Voir Malaria.
Fièvre dutexas, H8.
FORMOSE :
Canne à sucre, 643, 771.
Camphre, 440, 765.
Chemins de fer, 671, 758.
Climat, 758.
Commerce, 311,672.
Ecoles, 672, 760, 774.
Etrangers, 312.
Impôts, 777, 778.
Japonais, 672.
Manque de capitaux, 762, 778.
Monopoles, 776.
Parcs à huîtres, 771.
Population, 672.
Ports ouverts, 148.
Propagande religieuse, 762.
Propriété foncière, 776.
Sauvages, 764 et suiv.
Subsides aux chefs sauvages, 773.
Tours de garde, 764.
Fleuve jaune, 74.
Forge pubijque :
Afrique oriental» allemande, 120.
Afrique sud - occidentale alle-
mande, 116.
Nigeria, 133, 597.
Fostaleza.
— Voir Ceara (ville).
Gambie.
Chemin de fer, 368.
GoLD Coast :
Chemin de fer, 368, 869.
Commerce, 298.
Population, 297.
Gommes :
Brésil, 266.
Soudan, 219.
GOURARA, 513.
GoYANA (Ile de), 394, 399.
Grand ganal (Chine), 72, 73.
Grands réservoirs du Nil, 197.
Barrage d'Assioût, 197, 199.
Barrage d*Assouan, 200, 201
Barrage du delta, 198.
Coût des travaux, 201.
Grogan (E.), 50.
Guatemala (Culture du café au), 184 et
suiv.
Division des travailleurs, 185.
Main-d'œuvre, 185, 189.
Plantation, 188.
Préparation, 194.
Production, 192.
Récolte, 198.
Salaires, 188.
Transports, 195,
— (Culture du caoutchouc au), 272 et
suiv.
Coût d'une plantation, 281.
Extraction, 279.
Prix, 273.
Production, 278.
Guinée FRANÇAISE, 129, 219.
Budget, 221.
Caoutchouc, 130, 437.
Chemindefer, 130, 220.
Commerce, 220.
Indigo, 437.
Marchand Syriens, 130.
GUTTA FRANÇAISE, 690.
^ CONDITIONS ^
AUXQUELLES EST SOUMISE
l*Exploitation du Caoutchouc au Brésil ('^
Les conditions de rexpioitation du caoutciiouc dans les forêts
domaniales du Brésil sont réglées par les législations particulières
des divers États de la République. Parmi les vingt Etats dont se
compose la fédération, fort peu ont adopté des mesures sur la
matière.
Le climat ne permet pas la culture d'arbres à caoutchouc dans
la partie méridionale du Brésil, c'est-à-dire dans les provinces de
Rio Grande do Sul, de Santa Catharina et de Parana. Nous n'avons
donc pas à nous en occuper.
États dépourvus de législation sur l'Industrie extrac-
tive. — Il n'y a pas de décrets réglementant l'exploitation du
caoutchouc dans les États de Rio de Janeiro, de Minas Geraes,
d'Espirito-Santo, de Parahyba, de Rio Grande do Norte et de
Sergipe. Le premier venu peut y récolter le caoutchouc dans les
forêts domaniales.
L'Etat de Minas Geraes seul perçoit un droit de 4 p. c. sur la
valeur officielle du caoutchouc exporté.
L'Etat de Ceara, si riche en Maniçobas, n'a pas non plus réglé
l'exploitation de la précieuse gomme.
État de Para. — L'Etat de Para a établi, par la loi du
20 mars 1896, des primes pour l'encouragement des plantations
(1) Extruit de documents communiqués par le Blinislre des AfTuires étrangères de
Belgique.
university
OF
Ile TRi5n>AD, 30t.
Inde AiieLAiSB :
Caoutchouc, r>33.
Café, 876.
Canne à sucre, 642.
Ëmigration, 304.
Or, 813.
Puits artésiens, 813.
Thé, 814.
Indes anglaises occidentales, 301,
752.
— Voir Ile Dominique,
Indes néerlandaises :
Gutta-percha, 623.
Immigration, 30").
Statistique médicale pour 1897,
125.
— Voir Java.
Indigo :
Afrique allemande orientale, 657.
Dahomey, 355.
Guinée française, 437.
Java, 444.
Indiens, 234, 262, 269.
Indo-Chine, 239.
Absentéisme, 671.
Café, 070.
Canne à sucre, 643.
Chemins de fer, 526.
Hét^tyage, 670.
Main-d'œuvre, 671.
Plantations, 669.
Poivre, 670.
Riz, 670.
Thé, 670.
Inhambane :
Café, 747.
Canne à sucre, 746.
Commerce, 745, 74().
Recrutement des « boys », 746.
Salubrité, 747.
Inondations du Nil et pluies de l'Inde,
732.
In-Salah, 126, 180.
— Voir TouàL
ITCHANG, 73, 468, 713.
Ivoire :
Afrique orientale allemande, 514.
Benguela, 291.
Kamerun, 34.
Soudan, 219.
Ugunda, 825.
Zanzibar, 747.
Ivoire végétal, 303.
Japon, 236.
Canne à sucre, 644.
Comment en 1899, 378.
Électricité, 322.
Étrangers, 312, 379, 528.
Mines, 379.
Or, 738.
Population, 528.
Porls (Construction de), 379.
Ports ouverts, 147.
Téléphone, 225.
Jardins d'essais :
Afrique orientale allemande, 122,
566, 656.
Afrique sud-occidentale alle-
mande, 116.
Dominique, 753.
Togo, 31.
Jatropha Curcas, 493.
JaTROPHA GOSSYPiiFOLIA, 496.
Java :
Café, 442.
Caisses d'épargne, 879.
Combustible liquide, 672.
Coprah, 444.
(lutta-percha, 627, 680.
Impôts, 879.
Indigo, 444.
Malaria, 222 et suiv., 858.
Plantation de gutta-percha du
gouvernement, 880.
Population, 444.
(iuinquina, 444.
Riz, 444.
Situation commerciale, 448.
l'exploitai ION DU CAOLTCIIOUC Al' BRÉSIL 795
Etat des Amazones. — Le règlement sur la répartition des
terres, du l'*" juillet 1897, organise le service de la direction des
terres, règle le mode d'aliénation des terres publiques et établit
un registre obligatoire de toutes les terres possédées dans l'Etat.
Les terres vacantes, c'est-à-dire celles qui ne sont pas consa-
crées à un service fédéral, provincial ou municipal, ou qui
n'appartiennent pas légitimement à un particulier, ou dont la
possession n'est pas fondée sur un titre valable, peuvent être ven-
dues par l'Ëtat, soit publiquement, soit autrement, s'il le juge
convenable. Les prix seront fixés en tenant compte de la situation
des lots et de leur destination. Le prix des terres vacantes est iixé,
dans le périmètre des villes, à un milreis le mètre carré, et, dans les
périmètres suburbains, à 500 reis. Le versement du prix pourra se
faire immédiatement ou à terme. Les lots des périmètres urbains
ne pourront avoir plus de 22 mètres de façade et 66 de profondeur;
ceux des périmètres suburbains, plus de 50 mètres de façade et
132 mètres de profondeur. Les lots destinés à l'industrie agricole
ou à l'élevage ne pourront avoir plus de 12 kilomètres de longueur
sur 12 de profondeur, et ceux qui sont destinés à l'industrie
extraclive, plus de lOkilomètres de longueur sur 10 de profondeur.
Les lots qui sont disputés par plusieurs amateurs seront tou-
jours mis aux enchères. Les terres adjugées publiquement devront
être payées immédiatement.
il ne pourra être procédé à des mesurages dans les terres
publiques que sur la requête du chef du département de l'indus-
trie. Il y désignera la surface à délimiter et les noms des posses-
seurs. La demande, à cet effet, devra être signée par un ou plu-
sieurs possesseurs intéressés.
Quand le gouverneur de l'État le jugera utile, il pourra faire
procéder à la division et à la délimitation d'une partie des terres
publiques dans le but de les mettre en vente ou de les faire servir
à l'établissement d*émigranls ou de centres de colonisation. Les
ingénieurs ou géomètres, chargés de ce travail, donneront, autant
que possible, une forme rectangulaire aux jots.
Tous les possesseurs de terres de l'Etat sont tenus de faire
inscrire leurs propriétés, peu importe sur quel titre se basent
leurs droits, dans un registre spécial, dans un délai de deux ans.
Les déclarai ions, à cet eflfet, devront porter le nom du possesseur.
Kénia, 51.
Madagascar :
Budget, 345.
Caoutchouc, 348.
Chemin de fer, 346.
Commerce, 350, 351, 418.
Commerce en 1899, 435.
Cultures, 350, 374.
Foires régionales, 811.
Forêts, 348.
Historique, 344.
Mouvement maritime, 422.
Or, 517.
Ports, 350 et suiv., 605.
Régime minier, 518.
Richesses minérales, 348.
Soie d'araignée, 436.
Transports intérieurs, 749.
Voies de communication, 346,
750.
Wharfs, 606.
Mafureiba, 746.
Maïs ;
Afrique orientale allemande, 558.
Togo, 31.
Majunga, 350.
Malalse (Presqu'île). Exploration an-
glaise, 668 et suiv.
Malaria :
Afrique orientale allemande, 118.
Afrique sud - occidentale alle-
mande, 115.
Coloration des hématozoaires,
798.
D'après les recherches des Ita-
liens, 101 et suiv.
Expédition allemande contre la
malaria, 856.
Expédition belge au Congo, 35.
Expédition du D' Ross à Sierra-
Leone, 35, 125.
Expédition des D" Daniels, Chris-
tophers et Stephens à Sierra-
Leone et à la Côte d'Or, 727.
lu^peuiuuii au ly jvocn aux mues
néerlandaises, 222 et suiv.
Expédition du D»" Koch en Nou-
velle-Guinée allemande, 424 et
suiv.
Expédition dans la Nigeria, 729.
Expériences du D' Grassi en Ita-
lie, 731.
Formes cliniques de la malaria,
535 et suiv.
Mozambique, 374.
Traitement, 535 et suiv.
Uganda, 842.
Utilité des moustiquaires, 729,
730.
— Voir Anophèles. Ctdex. Fièvres.
Manaos, 231,258.
Mandarins :
Prévarication, 14.
Traitements, 13.
Mandchourie :
Agriculture, 145.
Climat, 224.
Commerce, 145.
Chemin de fer, 145, 237.
Richesses minérales, 224.
Manioc :
Dahomey, 355.
Madagascar, 350.
Maranhao, 25 t.
Marchands indiens :
Afrique orientale portugaise, 749.
Maroc :
Agriculture, 173.
Armée, 172.
Budget, 169, 170.
Climat, 167.
Commerce, 175, 176, 182.
Division politique, 168.
Douanes, 175.
Elevage, 174.
Esclavage, 173.
Etablissements espagnols, 179.
Famines, 174.
Gouvernement, 169.
\7U6rn; iniuuu-iusirucsuuc ^ia*«;,
480.
Guerre hispano-marocaine (1859),
479.
Importance commerciale de l'Al-
lemagne, 481.
ImpMs, 168.
Influence anglaise, 481.
Instruction, 472.
Justice, 17.
Population, 467.
Ports ouverts au commerce,
475.
Projet de réforme (1892), 481.
Rictiesscs minières, 475.
Tribus, 474.
Matto grosso, 393 et suiv.
Meranga (Région de), 52.
Mettob, 797.
Mexique :
Canne à sucre, 646.
Caoutctiouc, 234.
Industrie minière, 300.
Mines d'argent, 752.
Mines d'or, 752.
Mines de cinabre, 752.
Mines de cuivre, 752.
Mines de for, 307, 752.
Tabac, 872.
Meyer (D' h.), 232.
MOxNT Mfumbiro, 51, 429, 604.
Mission commerciale des Etats-Unis,
en Asie, 438.
MissiOiNS :
Afrique orientale allemande ,
420.
Kamerun, 33.
Togo, 32,
Moka, 146.
Mont Kénia, o2.
Mont Morisson, 770.
Mont Nicolas II, 226.
MooRE. (Voir Tangaîiika,)
Mortalité des chevaux (Remède contre
la), 433.
Caoutchouc, 29T.
Commerce, 435, 296.
Mines d'or, 294.
Mouche tsétsé, 448, 425, 374.
Mundurucus (Tribu des), 39T.
Musée commercial :
Chine, 330.
Siam, 876.
Nankin :
Commerce, 466 :
Traitéde— ,2, 401,713.
Nègres (types) :
Uganda, 845.
Nigeria, 432.
Commerce, 433.
Commerce en 4898, 371.
Division politique, 133.
Force publique, 433, 547.
Recettes en 1898-99,371.
Voies de communication, 372.
Nil, 430.
Cataractes, 200.
Exploration des sources, 868.
Grands réservoirs, 497.
Navigabilité du Haut-Nil, 517.
— Voir Inondations du Nil et les pluies
de l'Inde.
Nil bleu, 227.
Nil Victoria, 430.
NiPON, 447.
Noix de palme. (Voir Huile de palme.)
Nouvelle Calédonie :
Nickel, 882.
Situation économique, 882.
Nouveli^-Écosse, 304.
Nouvelle-Guinée allemande, 121.
Canne à sucre, 645.
Caoutchouc, 882.
Javanais, 882.
Recrutement de la main-d'œuvre,
244.
Situation sanitaire, 858, 881.
Tabac, 881.
NOUVELLB-GUINÉE ANGLAISE :
Arachides, 673.
Gutta-percha, 626.
Malaria, 424 et suiv.
Nouvelles-Hébrides :
Cannibalisme, 380.
Omo, 225, 227, 804.
Opium :
Formose, 763.
Java, 879.
Or :
Afrique allemande sud-occiden-
tale, 598.
Bokhara, 57.
Colombie britannique, 303.
Corée, 312.
Côte d'ivoire, 284.
Erythrée, 229.
Guyane anglaise, 302.
Inde anglaise, 813.
Japon, 738.
KIondike, 519.
Madagascar, 348, 517.
Mexique, 752.
Mossamédès, 294.
Nouvelle-Ecosse, 304.
Production du monde en 1899,
224.
Sénégal, 298.
Soudan, 219.
Tonkin, 817.
Uganda, 853.
Paiwans :
Mœurs et coutume, 771.
— Voir Formose (Sauvages).
Para, 231, 251 et suiv.; 299, 393 et
Buiv.
Paraguay :
Cacao, 300.
Canne à sucre, 649.
Parties inconnues du monde, 707.
Pavillons noirs, 760.
Pei-ho, 476, 567.
PÉKIN :
Aspect, 477, 479.
Climat, 484.
Communications, 474, 485.
Etrangers, 483.
Murailles, 477.
Ville tartare, 479.
Ville chinoise, 479.
Pepowans :
Mœurs et coutumes, 766.
Territoire, 764.
— Voir Formose.
Perles (Pèche des), 121.
PÉROU :
Produits naturels, 303.
Voies de communication, 302.
Peste, 417.
Peste bovine, 115.
PlASSAVA :
Madagascar, 348.
Plumes d'autruche :
Soudan, 219.
Ports a traité, en Chine :
Administration des concessions,
715.
Admission des Chinois dans les
concessions, 718, 719.
Définition, 712.
Droits des étrangers, 713.
Concession et seulement, 714.
Quartiers étrangers, 714.
Restrictions des droits des traités
par les Chinois, 715 et suiv.
Prazo, 433, 749.
Presqu'île malaise, 818.
Protection de la faune africaine,
516.
Puits artésiens :
Afrique orientale allemande, 554.
Inde anglaise, 814.
Pygmées :
Uganda, 846.
— Voir Btishmen.
INDEX
901
Quinine :
Java, 444.
— Voir Malaria.
QiiXADA (Barrage), 247.
Ramie :
Afrique orientale allemande, 562.
Chine, 753.
Iles BahamaSy 140.
Recrutement de la maind'oltyre :
Afrique orientale portugaise, 7 46.
Guatemala, 185.
Nouvelle-Guinée allemande, S14.
Régime des terres :
Afrique centrale (Protectorat),
865.
Afrique sud - occidentale alle-
mande, 655.
Brésil, 700.
Colonies anglaises, 865.
Etat Indépendant du Congo, 865.
Iles Carolines, 313.
Lagos, 743, 866.
Lourenzo Marquez, 866.
Mozambique, 866.
Uganda, 853.
Régime minier :
Madagascar, 518.
RÉGION DU MAXIMUM DE PLUIE . Afrique K
367.
Reuber point, 434.
Rhodésia, 869.
RiCHARDsoN (Mission) au Kano, 034.
Ricin :
Dahomey, 432.
Uganda, 850.
RioNÉGRO, 231.
Rivières DU sud, 1:29.
Riz:
Ceylan, 735.
Indo-Chine, 670.
Java, 444.
Uganda, 850.
Zanzibar, 747.
Ross. (Voir Malaria,}
RowuMA, 602.
Rusisi, 430, 600.
RUTCHURU, 429.
RuwENZORi ^Montj, 601, 844.
Samort, 506.
San-Thomé :
Cacao, 434.
Sao Manoel, 393 et suiv.
Sapèqve, 83.
Sapotacées. (Voir OuUa-percha.)
ScHWAKOPMUXD (Port dc), 116, 810.
SÉNÉGAL :
Budget, 209, 210.
Chemin de fer, 210.
Commerce, 212.
Douanes, 210.
Or, 298.
Serlxgueiro, 248.
Shanghaï :
Convention de — , 2, 403.
Commerce, 464.
Concession étrangère,714et suiv.
Habitants, 464.
Musée commercial des Etats-
Unis, 439.
Passes de transit, 411.
Shan Si (Mines de charbon du), 733.
Shantcng :
Mines de charbon, 813.
— Voir KiauUcliau.
Sharp (Arthur), 50.
Shasi, 467.
Shimonoseki (Traité de), 715.
SiAi^f :
Développement de la bâtisse, 305.
Musée commercial japonais, 000.
— Voir Bangkok.
Sibérie :
Chemin de fer, 524.
Colonisation, 526.
Concurrence américaine, 439.
Immigration, 527.
Sierra-Leoxe. (Voir Lagos.)
VU2
blUUKS LULUMALKS
SWGAPORE :
Gutta-pcrcha, 622, 676.
Slatin pacha, 596.
Soie, 327.
Soœ d'araignée, 436.
SoMALis ^Gôte italienne des) :
Agriculture, 658.
Commerce, 658.
Ports, 658.
Soo-CHOW, 72.
Sorgho :
Aire de culture, 591.
Culture, 592, 594.
Distillation, 594, 665.
Graines, 592.
Rendement, 593.
Variétés, 593.
Soudan égyptien :
Chemin de fer, 372.
Soudan français :
Budget, 213, 214.
Chemins de fer, 214, 215.
Commerce, 215.
Population, 212.
Sources SULFUREUSES, 118.
SuppucES judiciaires en Chine, 383 et
suiv.
Suriname :
Balata, 693.
Szechuan :
Influence française, 239.
Productions, 470.
Puits de sel, 606.
SZBMAO, 812.
Tabac :
Afrique orientale allemande, 560.
Cuba, 784, 787.
Java, 443.
Mexique, 87C.
Nouvelle-Guinée, 882.
Uganda, 849.
Taël, 87.
Tahiti :
Canne à sucre, 882.
Commerce en 1899, 675.
Plantations, 883.
Taipeh, 760.
— Voir Formose.
Tanganika :
Expédition Moorc, 599.
Position géographique, 600.
Poissons, 601.
Profondeur, 600.
Tapajoz, 393 et suiv.
Plantations, 399.
Population, 398.
Taxe sur les huttes :
Afrique allemande orientale, 119.
Dahomey, 867.
Uganda, 657.
TCHINKIANG, 4, 71, 466.
Télégraphe africain transconh -
NENTAL, 805.
Températures élevées (Influence des)
sur l'organisme humain, 629 et
suiv.
Thé:
Ceylan, 735, 736.
Chine, 327, 459.
Inde anglaise, 814.
Indo-Chine, 670.
Java, 443.
Madagascar, 374.
Tonkin, 877.
Uganda, 850.
Theeklipper, 459.
Tientsin :
Chemins de fer, 667.
Commerce, 667.
Passes de transit, 417.
Prix du terrain, 668.
Traité de —, 2, 8, 402.
— Voir Pei'ho,
TORAGO, 302.
Tocantlns. (\'oir Xin^,)
Togo :
Bétail, 31.
Commerce, 31.
Culture, 30.
CIIKOMQIE 801
La femelle de V Anophèles seule fait des morsures. Bien que la nuit
soit la période où ces moustiques se repaissent de préférence, on
constate des morsures pendant toute la journée dans l'Afrique occi-
dentale. Le Culex se reconnaît à son bourdonnement; V Anophèles, au
contraire, est silencieux. On peut donc être mordu sans s'en aperce-
voir immédiatement.
Le major Ross a constaté que l'absorption de sang était nécessaire
pour amener les œufs à maturité. Il a observé des milliers de mous-
ticjues et il ne les a jamais vu pondre qu'après un repas de sang.
La cartographie des colonies allemandes. — Le budget colonial
de 1901, contiendra les crédits suivants destinés au dressement des
cartes des colonies allemandes: pour le Kamerun, 4,000 marks; pour
les Togo, 3,000 marks; pour l'Afrique Sud-Occidentale, 1,000 marks.
On va reprendre la publication des cartes concernant l'Afrique
orientale allemande. La feuille relative au delta de la Rufigi est sous
presse, d'autres suivront dans le courant de l'biver. Des instruments
destinés à permettre des relevés topograpbiques et des déterminations
de lieux ont été confiés à des fonctionnaires et à des officiers qui se
sont déjà distingués dans ce genre de travaux. D'importants achats
d'instruments ont eu lieu pour les différentes colonies notamment
pour l'Afrique Sud-Occidentale.
En ce qui concerne la fixation des points les plus imporUints pour le
dressement des cartes, on estime qu'il ne sera pas nécessaire d'envoyer
des spécialistes au Togo ni dans l'Afrique orientale. Les résultats des
diflTérentes commissions de délimitation des frontières dans ces
régions sont pleinement suffisants. Dans l'Afrique orientale, les trian-
gulations faites dans l'Uzambara et les travaux de l'expédition récente
de l'astronome Koklschùtze, ont fourni un grand nombre de points
tic repère sûrs. On attend aussi de M. Lamp, membre de l'expédition
<lu lac Kivu, d'importantes déterminations de lieux dans la partie
Nord-Ouest de l'Afrique allemande orientale.
Dans l'Afrique allemande Sud-Occidentale, de nombreuses détermi-
nations locales ont eu lieu aux cours des rectifications de frontières
faites de concert avec les Anglais. Ces travaux ont été faits avec l'assis-
tance d'un astronome de l'observatoire du Cap.
Dans le Kamerun, il n'existe pour ainsi dire pas de déterminations
astronomiques. On se propose de joindre un astronome à la Commis-
sion de rectification des frontières qui se dirigera bientôt vers la
Sanga. D'autre part, un spécialiste accompagnera la grande expédition
qui va se diriger vers la Bénue.
904
ETUDES COLONIALES
Yamunda :
Caoutchouc, 702.
Castanhas, 703.
Quina, 703.
Voyage ;Coudreau) au — , 702.
Yang-tze-Kiang :
Commerce des ports du —, 469.
Compagnies de navigation, 73,
460, 470, :m.
Mouvement fluvial, 464.
Navigabilité du —, 72, 237, 433,
525.
Rapides du —, 73, 456.
Système fluvial du —, 455.
Yezo, 148.
Zambèze (Expédition du major Gibbons
au), 135, 740.
Buslmien du —, 740.
Source du —, 740, 742.
Zanzibar :
Canne à sucre, 652.
Clous de girofle, 748,811.
Commerce, 747.
Ivoire, 748.
Main-d'œuvre, 811.
^
ciinoMQUE 803
Afrique centrale anglaise. — Le commissaire de l'Afrique cen-
trale anglaise constate, dans son rapport, que la compagnie du télé-
graphe africain transcontinental étend progressivement sa ligne vers
le Nord. Elle est maintenant en voie de construction sur la côte Orien-
tale du Tanganyka. La compagnie a aussi établi un embranchement
du lac Nyassa à Fort Jameson, le siège actuel de la Chartered Com-
pany dans le Nord-Est de la Rhodésia. Cet embranchement était achevé
en octobre 1899 et a fonctionné depuis lors, d'une manière satisfai-
sante. La compagnie continue à employer des ouvriers indigènes.
De nouvelles routes ont été créées dans différentes directions. L'une
d'elles qui se dirige de Domvia Bay à Fort Jameson, par Dowa, don-
nera un accès facile du lac Nyassa au siège de la compagnie à Charte et
un parcours moins long que celui de la route de Kota-Kota.
L'année écoulée a démontré d'une façon concluante la nécessité de
construire un chemin de fer de Chiromo à Blantyrc, qui pourrait
éventuellement être prolongé jusqu'au lac Nyassa. Actuellement toute
la main-d'œuvre qui pourrait être employée au développement de la
culture est absorbée par les transports à effectuer du Shiré à Blan-
tyrc. Les nécessités des transports oat augmenté dans de telles pro-
portions que tous les hommes dont on pourrait disposer cette année,
ne suffiront pas. Les indigènes préfèrent le portage à tout autre tra-
vail car ils y gagnent plus vite et plus facilement de l'argent. Il est
probable, à moins que l'on ne construise un chemin de fer, que le
protectorat de l'Afrique centrale ait atteint le maximum de sa pro-
duction et de ses exploitations. Une ligne de chemin de fer permet-
trait d'utiliser pour l'agriculture Jes milliers d'indigènes employés
actuellement aux transports.
Abyssinie. L'expédition Léontiefif. — Comme on le sait, le
comte Léontieff est, depuis plusieurs années, au service de Ménélick.
On ne possédait que peu de renseignements sur l'activité de cet explo-
rateur dans le Sud de l'Abyssinie. Léontieff vient de publier, dans le
Bulletin de la Société de géographie de Paris, un récit de son expédi-
tion accompagné d'une carte intéressante. Il en résulte que M. Léon-
tieff a conduit les troupes de Ménélick à la conquête des territoires
qui se trouvent au delà de Choa et de Kaffa, dans la direction méri-
dionale. 11 a aussi rapporté de son expédition de précieux renseigne-
ments scientifiques sur le Sud de l'Ethiopie. Ménélick est en train de
soumettre effectivement à sa puissance les territoires qui s'étendent
vers les possessions britanniques dans la direction du lac Rodolphe,
du Nil et de Sobat et qui lui avaient été attribués comme sphère d'in-
Asie : Chine. — Hong-Kong. — Mandchourie. — Arabie. Le café Moita.
— Japon 141
Bibliographie 149
Sociétés coloniales 155
Rapport annuel de la Société d*Études coloniales 159
N» 8. — MARS.
Le Maroc, d'après des auteurs récents 165
F.-W. HoRREN. — Culture du café au Guatemala^. 184
E. Carton DE Wi art. — Les grands réservoirs du Nil 197
Le caoutchouc dans l'Etat du Congo et le Kamerun S03
Rapport sur les colonies françaises 208
Chronique. — Généralités: La malaria aux Indes néerlandaises,
d'après des Études du D'' Koch. — La production de l'or dans le
inonde en 1899 222
Afrique: Abyssinie. La mission Leontieff. — De Berbera au Nil Bleu. —
Sénégal. Prix des transports. — Erythrée. L'Or. — Afrique aus-
trale. Production diamantifère 225
Amérique: Brésil. Travaux publics. — Exploration du Xingu. —
Mexique. Le caoutchouc. — Brésil. Exportation du caoutchouc de
l'Amazone 230
Asie : La situation politique en Extrême-Orient 235
Bibliographie 240
N« 4. — AVRIL.
D. Guilmot. — Céara et Amazonie 245
Le caoutchouc au Guatemala 272
Rapport sur les colonies françaises 281
Chronique. — Afrique: Le commerce de la colonie d'Angola en 1897
et 1898. — Province d'Angola proprement dite. — Gold Coast. —
Afrique orientale allemande. Dépôt de charbon. — Sénégal. La
production de l'or. — lie Maurice 291
Amérique: Brésil. Port de Para. — Paraguay. La culture du cacao. —
Mexique. L'industrie minérale. — Indes anglaises occidentales. —
Guyane anglaise. Exportation de l'or. — Pérou. — L'ivoire végé-
tal. Colombie britannique. Gisements aurifères. — Nouvelle Ecosse.
La production de l'or
Asie: Inde anglaise. Emigration. — Siam. Le développement de la
bAlisse ù Bang-kok. — Chine. Hankow. Les gildes de crédit. —
Ceylan. — Hong-Kong. Importance commerciale de l'Allemagne. —
CIIRONÎQUR 805
Les relevés faits par M. Léontieff sont d'une grande précision. Ils
sont du reste appuyés par des observations astronomiques. L'itiné-
raire de l'explorateur complète les routes suivies par Vanderheyne,
Bottego, Darragon, Wellby et autres. En certains points, notamment
au Sud de la route de Bottego et jusque près du lac Rodolphe,
H. Léontieff a parcouru des régions absolument inconnues avant lui.
La rive occidentale du lac Rodolphe avait déjà — ce que M. Léontieff
ignorait — été précédemment relevée par Bottego (1896), Caven-
dish (1897) et en partie par le major Austin (1898). Pour le surplus,
l'itinéraire du comte Léontieff concorde parfaitement avec ceux de ses
devanciers.
Le comte Léontieff est en route, en ce moment, vers le lac Rodolphe
sur lequel il compte lancer un steamer. Les journaux ont parlé der-
nièrement d'une expédition française qui aurait été arrêtée par les
Anglais dans le pays des Somalis ou des Gallas. On se demande — si
ce bruit est fondé — s'il ne s'agit pas de l'expédition LéontieH' qui est
accompagnée par des troupes coloniales et des officiers français. Il
est à remarquer, d'ailleurs, que le Fort Ménélick près du lac Rodolphe
se trouve sur un territoire réclamé par TAngleterre.
Abyfisinie. Expédition Erlanger et Neumann. — Les mem--
bres de l'expédition scientifique du baron Carlo Erlanger et de
M. Oscar Neumann ont quitté, le 7 juillet dernier, Scheikh Hussen, la
ville sainte des mahométans pour se diriger au Sud-Ouest vers la
montagne Gara Daz. Au pied de la montagne, ils découvrirent de
nombreuses pétrifications, notamment des exemplaires d'Actaconellaj
le fossile typique de l'âge miocène. Ils escaladèrent cette montagne
dont la hauteur est de 2,800 mètres et visitèrent le temple qui s'y
trouve. Ils se dirigèrent ensuite vers Abulcassine situé sur la rive Nord
du Wabbi. Il s'y trouve également un temple qui sert de lieu de pèle-
rinage à la population musulmane de la région. Un bon chemin
conduit au sommet ; il est pourvu de garde-fous en bambous aux
endroits dangereux. Près du sommet, se trouvent des grottes sacrées;
et, dans un grand pan de rocher, on découvre de nombreuses cavernes
d'accès difficile qui servent d'abri aux pèlerins. A peu de distance de
là, on voit le tombeau du grand Sheikh ; il est orné d'anneaux de
cuivre, de perles de verre et d'autres objets considérés comme précieux
dans cette contrée. Tous ces trésors sont à découvert et personne ne les
surveille. Aucun croyant n'oserait d'ailleurs y toucher. Tout alentour
. de la montagne, on ne découvre ni habitation, ni ferme. Les pèlerins
doivent traverser le fleuve Wnbbi pour atteindre la montagne.
N" 7. — JUILLET.
La navigation dw Yang-Tze-Kiang -453
Pékin 473
Le Kola au Kamcrun 486
Ch. Patin. — Notice sur les avantages de la culture 'des vanilliers sur
les « jairopha curcas » 492
L'avenir de la gutta-percha 499
Chronique. — Généralités : Monument élevé à la mémoire de
Livingstone en Afrique 503
Afrique : Mort de Samory. — Kamerun. — Basutoland. — Afrique
centrale anglaise. Le café. — Uganda. Le chemin de fer. — La
baie de Delagoa. — Le commerce de la colonie du Cap en 1899.
Les effets d'une guerre. — Algérie. L'occupation de Gourara. —
L'Afrique orientale allemande. — L" chemin de fer du Damaraland.
— La protection des animaux en Afrique. — Le Haut-Nil naviga-
ble. — Madagascar. L'or 506
Amérique : Les mines d'or du Klondike. — Brésil. Immigration. —
Bolivie. Le caoutchouc 519
Asie : Inde anglaise. Production du caoutchouc en Assam. — Chine
septentrionale. Les chemins de fer. — Chine. L'action commerciale
des Japonais. — Navigation à vapeur sur le Haut Yang-Tsé. —
Nouveaux chemins de fer en- Indo-Chine. — Sibérie. La colonisa-
tion. — Japon. Recensement de la population 523
BiBLlOGRAPHIB 529
N« 8. — AOUT.
D' A. PosKiN. — Note sur l'étiologie, le diagnostic et la traitement
de la malaria 533
L'Afrique orientale allemande 553
Le peuple chinois, d'après M. Colquhoun 574
Le sorgho 591
Chronique. — Afrique : L'expédition Slatin-pacha au Kordofan et au
Darfour. — Tripoli : Commerce des caravanes. — Nigeria. L'orga-
nisation de la force publique. — Afrique allemande sud-occiden-
tale. — Afrique orientale allemande. Dock flottant. — L'expédition
Moore au Tanganyka. — Le télégraphe au lac Victr)ria. — La ré-
gion du Nyassa. — La mission Flamand au Touât. — Madagascar.
— Ports et phares 596
Asie : Chine. Les puits de sel du Szechuan. — Chine. Etrangers dans
les ports à traités. — Exploration de la presqu'île malaise. . . 006
Bibliographie 611
N» 9. ^ SEPTEMBRI
La gutta-percha
D»" A. Broden. — De rinfluence des températures él
nisme humain. ... . . . ' . . . .
L'extension géographique de la canne à sucre. .
Chronique. — Afrique : Mission Richardson à Ka
mande sud-occidentale. Conditions de vente des
vernement. Irrigation et agriculture. — Afrique
taie. Les plantations. — Uganda. — Côte italienne
Ethiopie
Amérique : L'Amazonie. Caoutchouc. — Brésil. Le
plantations de café
Asie : Conseils au corps expédi'ionnaire de Chine. —
chemin de fer. — Tien-Tsin. — Birmanie. — Ind
mose
OcÉANiB : Java. Le combustible liquide. — Bornéo. —
chez les Madangs. — Nouvelle-Guinée anglaise,
commerce en 1899. — Tahiti. Le commerce en \i
BlBUOGRilPHIE
NO 10. — OCTOBRE.
La gutta-percha (suite)
Lieutenant Goffart. — Voyages de M. Coudreau dans
Les parties inconnues du monde
Les ports à traité en Chine
Le choix des graines de caféiers
Chronique. — Généralités : La malaria. — Une d(
sur la malaria. — Les inondations du Nil et les pi
Asie : Chine. La ramie. Les mines de charbon du Shan-Si
Immigration chinoise. La culture du café. — Ce
ment du commerce. — Les plantations de thé à (
L'or dans l'île Hokkaido. — Corée. Nécessité de 1;
la langue indigène
Afrique : L'expédition du major Gibbons au Zambèze
foncier. — Congo français. Culture du café. Prol
indigènes de l'Afrique australe. — Afrique orie
Le commerce d'Inhambane. — Zanzibar. — Al
orientale. Commerceet mouvement maritime de Ch
Transports intérieurs. — L'organisation du Cha
Amérique : Mexique. Exploitations des mines. — Indes occidentales
anglaises. L'île Dominique 752
BlBUOGRAPHlE 7S4
N» 11. — NOVEMBRE.
Formose, d'après M. Fischer 757
Cuba 779
Conditions auxquelles est soumise Texploitation du caoutchouc au
Brésil 793
Une lettre du Commandant Chaltin 797
Chronique. — Généralités ; Quelques remarques sur la méthode de
Romanowsky. — La malaria. — La cartographie des colonies alle-
mandes 799
Afrique: Expédition Congolo-alleraande du lac Kivu. — Afrique centrale
anglaise. — Abyssinie. L'expédition Léonlieff; Expédition Erlanger
et Neuman. — Du lac Rodolphe au Nil. — La frontière anglo-
abyssine. — Afrique australe. Débouchés. — Le commerce alle-
mand dans TAfriquc australe. — Zanzibar. Le commerce des clous
de girolle. — Madagascar. Essai do foire régionale 802
Asie : Chine. La ville de Szemao. — Shantung. Le charbon. — Inde
anglaise. Or. Puits artésiens; Production du thé. — États Shans.
Une race qui disparaît. — Bangkok. Commerce en 1899. — Tonkin.
Concessions minières. — Presqulle Malaise. Les troglodytes de
Koh-Sik-hah. — Corée 812
BlBUOGRAPHlE 824
NO 12. — DÉCEMBRE.
J. Carton. — Note sur Tutilisation rationnelle de l'éléphant. . . . 825
Le Protectorat de l'Uganda 841
Chronique. — GÉiNéralités : Résultats de l'expédition allemande
contre la malaria. — Combustible liquide. — L'arachide . . . 856
Afrique : La marine marchande allemande et l'Afrique australe, —
La flottille du Haut-Congo. — Congo français. Transports fluviaux.
— Diflerents systèmes d'exploitation des forêts à caoutchouc. —
Dahomey. Impôt indigène. — Exploration des sources du Nil. —
Rhodésia. Le caoutchouc. — Af.nque occidentale anglaise. Che-
mins de fer. — Usages commerciaux au Maroc. — Madagascar. . 862
Amérique : Mexique. La culture du tabac. — Equateur. Café. — Guyane
anglaise. Diamants , 872
Asie : Chine. Routes et moyens de communication.
Café. — Siam. Musée commercial japonais à Bar
Thé
OcÉANiE : Java. La situation économique. — Java. PI
percha par le gouvernement. — Iles Cook. —
allemande. — Nouvelle-Calédonie. Le nickel. — 1
Bibliographie
Index
Table générale de i/année 1900
Of THE
UNIVER8ITY
OF
l\
CURONIQUR 811
Pretoria et un service de steamers vers l'Amérique et l'Europe, Cape-
town perdra une partie considérable du trafic destiné à Tinterieur de
TAfrique.
Zanzibar. Le commerce des clous de girofle. — D'après un
rapport du consul des Etats-Unis, les clous de girofle que Ton con-
somme dans le monde entier, sont produits par les iles de Zanzibar et
de Pemba qui sont les principaux centres de production du sultanat.
Les clous de girofle étaient, «autrefois, le seul produit économique
exporté par Zanzibar. Bien que des efforts aient été faits récemment
pour encourager les cultivateurs indigènes à s'occuper d'autres pro-
duits, la culture des clous de girofle est encore et sera probablement
toujours, la principale occupation des indigènes. La récolte de 1899 a
été plus forte que celle des années précédentes. Mais il est à remar-
quer que les cultures ne sont pas gérées de manière à les maintenir à
la hauteur qu'elles ont acquise dans le passé. La question de la main-
d'œuvre est la grande difficulté. Depuis la prohibition de l'introduction
des esclaves, la main-d'œuvre a diminué avec une rapidité croissante
d'année en année, et depuis le décret d'affranchissement des esclaves
de 1897, l'offre de travail a toujours été au-dessous de la demande.
On s'eflbrce, partout où c'est possible, d'engager les esclaves libé-
rés à se fixer sur les plantations de leurs anciens maîtres et à travailler
pour eux en vertu d'un contrat libre, soit moyennant salaire, soit en
concédant à leurs employeurs un certain nombre de jours de travail
en échange de l'allocation de parcelles de terres qu'ils cultivent à leur
propre profit.
11 semble toutefois difficile d'inciter l'indigène à travailler plus long-
temps qu'il ne le faut pour assurer sa subsistance. Il préfère passer le
surplus de son temps dans l'oisiveté. Cette situation, si elle perdure,
amènera naturellement une diminution dans la production et aura
aussi pour effet de faire venir sur le marché des produits de qualité
inférieure, car sans culture suivie, le meilleur sol ne peut fournir de
récoltes satisfaisantes.
Madagascar. Essai de foire régionale. — L'administration
procède en ce moment à un essai intéressant : elle tente d'installer en
certains centres des foires dont les résultats peuvent être très favo-
, râbles. Au mois d'août dernier, une de ces foires s'est tenue à
Talatan-lmerinarivo (secteur de Montasoa). Une foule considérable,
qu'on peut évaluer, dit-on, à 12,000 personnes, venues des secteurs
voisins, a circulé sur ce marché.
HOME USE
CIRCULATION DEPARTMENT
MAIN LIBRARY
mil boiA îi dus on tJie lijt Hâte stimped Mm.
1 month roans miy ba mmmni by tMnt 642-1405.
6 inonth lumt may be recharied by br[n|ln| liooks
t« Cjrciffitjon Desk.
It9ïiiwalf and richarfes may bi iRid» 4 dayi pdor
to due date.
AU BQOKS ARE SUBJECT TO RECALL T DAV$
mm un chickes out.
-i-T-l7]S74 10
jANnl980
HtlliS
(Ef«7»ttO)4T9--AS2
Çtniftl Lîliranr
Hntvtrftty ^ CafEf«niïi
Stftiltf
CHRONIQUE 813
comme centre commercial. Cette ville n'a pas l'espoir de se relever
dans les circonstances actuelles parce que le Yunnan est ravitaillé de
marchandises étrangères par d'autres localités qui conviennent mieux
aux marchés orientaux.
Il existe toujours un certain commerce en coton, en sel et en thé.
Le thé qu'on cultive au Sud de Szemao est très recherché. On dit
qu'il possède des qualités médicales. On en produit environ 130 mille
piculs par an. Les puits de sel alimentent une vaste région qui
s'étend au Sud jusqu'à Luang Prabang et à l'Ouest jusqu'au Saluen .
Le sel est le moyen d'échange ; on se sert peu de l'argent et la mon-
naie de cuivre n'est pas courante. Les caravanes de sel se dirigent vers
le Sud chaque hiver, mais ce commerce diminuera aussi, quand les
communications auront été améliorées en Birmanie.
Shantung. Le charbon. — La Société des mines du Shantung
donne, dans son rapport, des renseignements sur les gisements de
charbon du Shantung. Une commission d'ingénieurs des mines a été
chargée d'étudier le terrain au point de vue de l'étendue, de l'impor-
tance et de l'exploitation des couches. On possède actuellement des
renseignements sur les gisements contenus dans une zone de 30 lieues.
Il en résulte que, abstraction faite de quelques gisements assez
importants de minerais de fer, la concession renferme cinq grands
bassins houillers dont trois se trouvent dans la zone que doit côtoyer
le chemin de fer en construction de Tsingtau à Tsinanfu. La Société
s'occupe surtout en ce moment de l'exploration de la région qui se
trouve près de la mer, au Sud de Weihsien, point terminus de la
section Tsing-Tan-Weihsien, qui sera livrée en premier lieu à
l'exploilalion. On a fait un grand nombre de sondages dans cette
région. Ils ont permis de constater la présence de plusieurs gisements
exploitables. Les sondages ont révélé l'existence de veines de i et
1.80 mètre d'épaisseur à des profondeurs de 160 à 166 mètres. Un
autre sondage a établi l'existence d'une couche de 4 94 à 78 mètres
de profondeur. Les ingénieurs s'occupent de déterminer l'étendue de
ces couches. Les troubles actuels ont malheureusement interrompu
leurs travaux. Les analyses des échantillons ont démontré que les
gisements du Shantung pourront fournir d'amples quantités de com-
bustible pour l'usage domestique, l'industrie et le chauflage des
chaudières.
Inde anglaise. Or. Puits artésiens. — Le gouvernement de
rinde vient de publier le rapport de la section de géologie pour
814 ÉTUDES GOLOMALKS
1899-1900. Des études ont été faites sur la nature des roches aurifères
dans la Birmanie et dans le Sud de Tlnde. Dans le district de Wuntho
en Birmanie, on a découvert des roches contenant de Tor en quantité
satisfaisante, mais il est douteux que le minerai soit suffisamment
abondant pour permettre rétablissement d'exploitation sur une échelle
assez vaste pour produire des bénéfices commerciaux.
Les roches les plus importantes du Sud et du Sud-Ouest du district
de Wynard offrent peu de chances de profit.
Le service de géologie a recherché s'il y avait moyen d'augmenter
la quantité d'eau, dont l'Inde peut disposer, en creusant des puits
artésiens. Des essais ont eu lieu en différents endroits, mais avec peu
de succès, sauf dans le district de Quctta. En général, les conditions
favorables au creusement de puits artésiens semblent faire défaut
dans les grandes plaines de l'Indus et de Gange, ainsi que dans la
péninsule proprement dite. Dans le Rajputana, le Gujarat et le Sind,
par contre, les circonstances semblent plus propices.
Pendant la dernière période de sécheresse les indigènes n'ont pas
rencontré de- difficultés à se procurer de l'eau dans les vastes plaines
du Gujarat. Ils en ont trouvé, bien qu'elle fut un peu saumâtre, à
40 ou 50 pieds de profondeur. On poursuit actuellement les expé-
riences en diflérents endroits.
Inde anglaise. Production du thé. — La surface plantée de thé
dans rinde n'a cessé d'augmenter pendant les quinze dernières années.
La surface totale était en 1885, de 283,928 acres, en 1890, de 344,827,
en 1895, de 465,717 et à la fin de 1899, de 516,732 acres. De ce dernier
nombre, 198,673 acres se trouvent dans l'Assam (vallée duBrahma-
poutreK 132,478 dans le Cachor et le Sylhet (vallée de la Surma),
132,923 dans le Bengale et 23,103 dans le Travancore.
La culture du thé se concentre dans les endroits où une pluie abon-
dante et un climat humide et égal favorisent le développement des
feuilles et permettent par suite de fréquentes cueillettes. La produc- '
tion moyenne par acre est, dans les vallées du Brahmapoutre et de la
Surma, de 448 livres, tandis qu'à Duars et Darpling (Bengale), elle est
respectivement de 533 et 2,811 livres.
Les plantations varient considérablement en étendue. DansTAssam,
où l'industrie est exercée par des Européens abondamment pourvus de
capital et où l'économie des frais généraux a amené la fusion des
domaines, les plantation ont une étendue moyenne de 1 ,266 acres ; dans
le Bengale elle n'est que de 727 acres. Dans la vallée de Kangra
(Pundjab), où les indigènes cultivent le thé, les plantations ne com-
prennent que 4 arres.
CHIIONIQUE 815
La quantité de thé produite pendant les quinze dernières années, a
augmenté dans une proportion plus forte que celle des plantations.
Elle s'est accrue de 161 p. c, alors que la surface occupée par les
plantations n*a augmenté que de 82 p. c.
La quantité produite en 1899 s'est élevée à 186,f)00,000 livres. Le
nombre des personnes employées d'une façon permanente dans les
plantations est de 558,000 et celui des ouvriers temporaires, de
400,000. L'Inde consomme relativement peu de thé. La consommation
ne dépasse pas 8,000,000 de livres dont 2,750,000 sont fournies par
l'étranger, principalement la Chine. L'Angleterre absorbe les 97 p. c.
du thé de l'Inde^ Le prix du thé est sujet à de grandes fluctuations.
États Shans. Une race qui disparaît. — Dans son dernier rap-
port, M. Hildebrand, qui administre la partie méridionale des Etats
Shans, fait mention des Red Karens, qui habitent le district de
Kareum. Cette tribu était autrefois très belliqueuse et ne vivait que des
rapines qu'elle commettait au préjudice de ses voisins. Aujourd'hui,
grâce à un chef éclairé, cette situation a bien changé. Celui-ci a fait
construire des routes et a favorisé l'immigration des Shans. Aupara-
vant, le commerce du bois était la seule industrie du pays, tandis que
maintenant de nombreuses branches d'activité se sont implantées dans
cette contrée. Malheureusement, cette prospérité semble être fatale à
la population indigène : les Red Karens diminuent d'une façon
effrayante. M. Hildebrand estime que, pendant les dix dernières années,
le tiers de la population a disparu. De vastes plaines, qui étaient cul-
tivées en 1875 et même encore en 1888, quand il repassa par les mêmes
endroits, sont aujourd'hui abandonnées et envahies par les herbes.
Une population laborieuse et paisible, mélange de Karens, de Shans
et deTaungthu, prend peu à peu la place des Red Karens.
Dans les autres États Shans, M. Hildebrand a constaté la même
diminution du chiffre de la population. H l'évalue à 25 p. c. pour les
vingt-cinq dernières années. Les chefs et leurs peuples le savent et en
sont alarmés. Ils l'attribuent à l'émigration vers la Birmanie, ainsi
qu'aux nombreux décès parmi les enfants et les adultes.
-M. Hildebrand se trouve embarrassé d'expliquer ce changement.
L'émigration ne peut entrer en ligne de compte que pour une faible
mesure. L'attitude de la population s'est, du reste, modifiée d'une
façon frappante. Au lieu d'être comme auparavant une bande de demi-
sauvages, se promenant armés jusqu'aux dents, de fusils, de sabres et
de lances, ils sont devenus un peuple timide et peureux et presque
dépourvu d'armes. C'est à peine si M. Hildebrand a vu un fusil ou
810 ÉTLDKS COLOMALtS
une lance pendant son voyage à travers ces Elats, alors qu'autrefois il
était toujours entoure d'hommes armés qui ne portaient jamais moins
de trois lances et qui avaient, pour la plupart, des fusils. De pillards^
ils sont devenus de paisibles cultivateurs. Mais le changement s'est
opéré d'une manière trop soudaine : il n'a pu se produire sans
l'accompagnement d'un grand nombre de décès. Les Karens sont
cependant bien traités; leurs récoltes sont bonnes; ils ne paient que
«les taxes légères et peuvent, à leur propre étonnement, aller et
venir librement. « La commodité même de cette vie, dit en conclu-
sion, M. Hildebrand, semble être contraire à leurs instincts et leur
constitution. »
Bangkok. Commerce en 1899. — Le commerce total de Bang-
kok s'est élevé en 1899, à 5,655,912 liv. st. contre 5,913,302, l'année
précédente. La diminution est due à l'insufiisance de la récolte de riz.
L'exportation de ce dernier produit a été la plus faible depuis 1892.
Elle s'est élevée à 428,661 tonnes valant 2,223,953 liv. st. L'expor-
tation du bois de tek, qui vient en second lieu, a beaucoup augmenté
en quantité et valeur. Les Anglais en achètent la plus grande partie.
Aussi, sont-ils intéressés aux mesures que vient de prendre le gouver-
nement pour assurer la conservation des forêts.
Une des difficultés que rencontre le commerce du tek réside dans
rinsuflisance des éléphants. La cause en est attribuable aux Français qui
entravent l'exportation de c^s animaux à l'Est du Mékong, contrée où
le Siam s'approvisionne. Des Chinois tentent en ce moment d'amener
un troupeau de la presqu'île Malaise. D'autre part, il n'est pas douteux
qu'on ne finisse par adopter les charrettes et autres moyens de trans-
port dans les forêts.
La consommation de tek augmente rapidement en Europe, tant
dans l'ameublement que dans la construction des navires et des
w^agons de chemins de fer. On évalue à 1 ,000 tonnes la quantité de
tek employée dans la construction d'un navire de guerre.
La principale des importations est représentée par les marchandises
de coton (421,357 liv. st.) puis viennent: l'acier, le fer et les
machines. Tous ces produits sont en avance sur l'année précédeiîte*
En parlant de l'importation des liqueurs, M. Carlisle, l'auteur du
rapport d'où nous extrayons ces renseignements, dit que, si une grande
quantité des spiritueux importés sont bon marché et mauvais, ils ne
valent cependant pas moins que ceux qu'on fabrique dans le pays.
Dans une affaire jugée dernièrement à Bangkok, un Chinois était pour-
suivi pour avoir falsifié l'alcool indigène qu'il vendait en y mêlant des
CHRONIQUE 817
substances nuisibles à la santé. Le prévenu avoua avoir mélangé à la
liqueur le reste d'une médecine qui lui avait été prescrite pour un
mal à la jambe et qu'il n'avait pas eu l'occasion d'employer. Il préten-
dait d'ailleurs, que le remède n'avait fait qu'améliorer la qualité do la
liqueur et que ses clients recherchaient particulièrement cette
mixture.
Il est diflijcile de répartir le commerce de Bangkok d'après les
nationalités parce que la plus grande partie se fait avec Hongkong et
^ingapore. On peut toutefois dire que plus .de la moitié en revient à
l'Angleterre, et le cinquième à l'Allemagne. La construction de che-
mins de fer continue à se développer au Siam La ligne de Korat sera
terminée celte année et d'autres moins importantes sont projetées. Au
31 mars 1899, le gouvernement avait dépensé un million de liv. st.
pour la construction de chemins de fer.
Tonkin. Concessions minières. — Le Bulletin économique de
l' Indo-Chine vient de donner d'assez précieux renseignements sur le
mouvement des concessions minières au Tonkin. Depuis Tannée 1888
jusqu'au 30 juin 1900, il a été fait au Tonkin 374 déclarations de
recherches en périmètre réservé. Sur ce nombre, 299 périmètres ont
fait l'objet d'une renonciation ou ont été frappés de déchéance. Il
restait donc 75 périmètres en état d'exploitation ou soumis à des
fouilles, ou dont la concession n'était pas encore périmée, à la date du
30 juin 1900.
Les substances recherchées dans ces 75 périmètres sont très variées;
la plus répandue d'entre elles est la houille remarquée dans 26 péri-
mètres, soit plus du tiers du nombre total. D'ailleurs, sur sept titres
de propriété de mines délivrés de 1888 au 30 juin 1900, six concernent
des mines de charbon, et on sait que quelques-unes ont déjà pris un
certain développement .
Après le charbon, viennent le fer, avec 9 périmètres, l'or avec 7,
puis le cuivre avec 3, l'argent et le plomb avec 3 également. On
trouve encore des périmètres pour l'antimoine, le graphite, le
pétrole, le salpêtre, le zinc.
Le nombre des carrières concédées était de 49, au 30 juin 1900; sur
ce nombre, 47 sont exploitées; 2 seulement ont fait l'objet d'une
renonciation de la part du concessionnaire. De 37 de ces carrières, on
tirait des pierres, des moellons et des roches calcaires; l'une d'elles
fournit des calcaires qui servent à la fabrication du ciment. On comp-
tait, en outre, 1 carrière de marbre, 1 de marbre blanc, 1 de pierre de
taille, 1 degrés dur, 1 tic pierre à chaux, etc.
HIK ÉTUDES COLOXULES
Presqu'île IfaUûe. Les troglodytes de Koh-Sih-Sah. — Nous
avonK déjà eu l'occasion de parler des travaux de l'expédition que
rilniverstté de Cambridge a envoyée dans la presqu'île Malaise. (1)
l^e naturaliste Annandate donne, dans un article qu'il a consacré à
iuiiie mission, quelques lenseignemenls sur les habitants des cavernes
des Iles Koh-àSih-Sah. Ce groupe d*îles se trouve près de la baie de
Talc-Sap (au Nord de Sengora, cote orientale, 7«lo lat. n ). On avait
mis en doute, mais à tort, Texistence de ces habitants des cavernes qui
s'occupent de la chasse aux nids d'hirondelles. L'expédition visita le
principal des villages de ces troglodytes. Les habitants ont établi leurs
(iomcurcs dans une caverne dont les dimensions sont restreintes et où
le jour pénétre par diverses ouvertures pratiquées dans la voûte. Ces
troglodytes ont construit, au moyen de bambous, des plateformes qui
servent d'habitation aux différentes familles. Quant aux célibataires, ils
établissent leurs pénates dans les recoins de la caverne. Quelques-
unes des plateformes qui étaient exposées à l'eau découlant de la voûte,
étaient munies de toits en feuilles de Pandanus.
A la sortie de la caverne, se trouvaient deux petites armoires. L'une
contenait une image représentant le dieu des oiseaux de caverne;
Tautro renfermait des pierres en forme de quille, qui constituaient un
objet d'adoration. Uevant ces pierres, on dépose des nids d'hiron-
delles en offrandes. Tout autour d'elles, se trouve un amas confus
do crùnes de crocodiles, de têtes d'espadon, de queues de raies, de
màchoii*es de requin, de bâtons de parfums dans de petits vases, de
figures do buflle en terre glaise et de bâtons et pierres grotesquement
taillés.
I^os habitants de cette région se disent Siamois, mais on les tient
pour dos Malais, ayant du sang chinois dans les veines. Leur langage
est un diuloi^te chinois très rude et difficile à comprendre. Les
oavornos dans lesquelles on trouve les nids d'hirondelles sont beau-
coup plus grandes que celles où vivent les troglodytes. De petites
oliVundes do riz, de butons parfumés et du papier chinois, sLmulanl da
p^ipior-monnaie, sont déposés à l'entrée des cavernes où la chasse est
la plus fructueuse.
Corée. — On sait que les Coréens, comme les Chinois, sont esseii-
tiollomonl oonsenateurs. 11 n*est pas aisé de leur faire modifier, eft
suHvnU abandonner* leurs coutumes. Les Japonais ont c«>mplèleaienk
\oà' V •' i 4. \K 0?î<.
CHRONIQUE 819
échoué quand ils ont voulu moderniser la civilisation coréenne avec
IMropétuosité qui leur a si bien réussi à eux-mêmes. Ils ont tenté,
entre autres, de faire renoncer les Coréens à leurs aigrettes et à leurs
manches larges, mais sans obtenir le moindre résultat. Les Coréens
n*ont jamais pu comprendre Tutilité de ces changements.
Cela ne veut pas dire cependant, comme le fait remarquer le cor-
respondant du Times à Séoul, que les Coréens ne soient susceptibles
de progrès dans aucun sens. De même que les Chinois, ils sont dispo*
ses à adopter les produits de l'industrie étrangère du moment qu'il en
résulte un profit pour eux. Leur amour du progrès n'a rien de senti-
mental. 11 est purement utilitaire. Aussi, le meilleur moyen d'attein-
dre l'oreille de ce peuple, est de lui parler le langage qu'il comprend.
Les Coréens refusent obstinément de se couper les cheveux, mais ils
ont accueilli avec joie la ligne de chemin de fer de Séoul au port qui
se trouve à SO milles de distance. Se couper les cheveux leur apparaît
comme une pure extravagance, tandis que le chemin de fer réduit les
frais de voyage et de transport au quart de ce qu'ils étaient aupa-
ravant.
D'autres travaux utiles ont également été faits ou sont en cours en
Corée. On va bientôt construire un aqueduc destiné à pourvoir Séoul
d'eau pure en abondance. On prendra l'eau à 7 milles de distance
dans la rivière Han qui n'est qu'un torrent de montagne. Dans quel-
que temps, un bain ne sera donc plus pour les Coréens un luxe auquel
on songe et après lequel on soupire pendant des mois.
La ville possède aussi un tramway électrique à traction aérienne,
des installations pour la lumière électrique et un système d'égouts.
Des efforts ont été faits également pour améliorer les écoles, tant
dans la capitale que dans les provinces. Il existe des écoles séparées
pour l'enseignement de l'anglais, de l'allemand, du russe, du français,
du japonais et du chinois. Les écoles indigènes ont été perfectionnées
par l'introduction de branches telles que les mathématiques, la géo-
graphie et l'histoire universelle. On adonné une attention principale
aux questions militaires et on s'est attaché à détruire dans le peuple
l'opinion courante que l'on sort de sa caste en devenant soldat. Une
excellente école militaire a été fondée à Séoul, dans des bâtiments
étrangers.
On ne pourrait pas dire qu'il n'y ait eu certains reculs dans la situa-
tion, pendant les dernières années. Mais ce sont plutôt des retraites
de positions prises pendant la période d'enthousiasme qui a suivi la
guertre sino-japonaise. En tout cas, Séoul se trouve dans d'excellentes
conditions pour suivre un développement matériel sérieux.
8:»
rr.ae» :'.»LJ>L»^i5
On peu: ■en*^.*^ n^tcLii' c^tfr '{i^ <iit: 2»:c- -j.^^ >.rtî ■; l: rir ouverts
au comment» înteriMi;'. cal H \'i*i li at.-* -ifr rt -vir irî< rldiess« auri-
fères de la Cjor^d^ a <?ce -fiitrvccjîv* :%ir :r:c> >Tir Lv-its^ un anglais, un
amériiraiii et un alI-rtLd^v:. Il rvî?te ^irojcv z.^^ ie$<h j5?es à faire dans
ce domaine. De riofc-es ^.:5«;c:»iîi-> iV i» c .,•? i:;:?u>:iit leur mise en
exploitation et d*a-il:v< rvî?J5Ccrvrfî> ::ii-:i.cr*> J^f nient rtre prospec-
tées, L'a^i^'ulture ù^^rx.; AX55?i f.cr^-r Kriu.vup plus qu'elle ne le
fait actueLrrm^fa:. •.►tr >'j::i«: v a r.:« «l fj^r Ittitenivcl ses pratiques.
BIBLIOGRAPHIE -^
Xi'année coloniale, puliliée sous ladireclion de M. Ch. Mourey, chargé du service de
la statistique à l'OHice colonial, et M. L. Brunbl, docteur en droit. — Première année
(1899). Un vol. in-S» de 415 pages. Paris, Th. Tallandier, 1900.
La nouvelle publication dont le premier volume a paru cette année
constitue, à proprement parler, un annuaire statistique des colonies
françaises, dont les données sont puisées aux sources les plus sûres
et les plus oftîcielles. Des études détaillées, enrichies d'illustrations,
sont consacrées aux diverses possessions de la France. On y trouve
également des renseignements utiles sur les organismes coloniaux
<le la métropole, principalement sur l'activité de V Alliance française.
Le volume s'ouvre par trois remarquables notices sur Madagascar,
par le général Galliéni, sur les Budgets locaux des colonies, par M. Pic-
quié, inspecteur générai des colonies, et sur la Mise en valeur du
Congo par M. E. Teissier. Il se termine par une bibliographie très com-
plète de la littérature coloniale française en 1899.
\J Année coloniale paraît devoir occuper un rang distingué parmi les
périodiques consacrés à l'étude des questions coloniales.
Afrikanische Skizzen, par Oscar Baumanx. — Un vol. in-8« de 111) pages,
avec 13 photogravures et 7 figures dans le texte. Berlin, Dictrich Kpimer ^Ernst
VoUen;, 1900.
L'auteur de cet ouvrage, décédé récemment, s'était l'ait un nom
<lans la littérature coloniale allemande par ses récits de voyage, écrits
d'une manière attachante et pittoresque. Les Esquisses africaines, qu'il
a rapportées de son dernier voyage à Zanzibar, sont une série de récits
intéressants, parfois dramatiques, où se dépeignent les mœurs des
populations de l'Afrique orientale. La question de l'esclavage, vitale
dans ces régions, y joue un grand nMe. OKuvre d'un bon observateur,
5
822 ÉTUDES COLONIALES-
ce n'est pas seulement au point de vue littéraire qu'ils offrent de l'in-
térêt.
La maison Dietrich Rcimer, éditeur des œuvres précédentes de
H. Baumann, s'est chargée, par une initiative qu'on ne saurait trop
louer, de la publication de son dernier livre, dont le bénéfice net sera
consacré à élever un monument à la mémoire de l'auteur. L'édition
est d'ailleurs fort soignée, ornée d'illustrations d'un caractère très
artistique, exécutées d'après les photographies de l'auteur.
Die akklimatisation der Europftischen und inbesondere der Germa-
nischen Rasse in den Tropen und ihre hauptsftchlichen Hindernisse,
par Friedrich Wulffert. — Leipzig, BreitkopfT et Hartel, i900.
Cette brochure fait partie de la collection de conférences cliniques
fondée par R. v. Volkmann. L'auteur y examine la question de l'accli-
matation des races européennes, et de la race germanique en particu-
lier, sous les tropiques. Cette étude est pleine de renseignements
intéressants, entre autres, d'observations sur les symptômes de dégéné-
rescence observés sur les enfants de blancs à la Guyane. Les conclu-
sions en sont résolument négatives pour les contrées tropicales
proprement dites; il en est autrement des climats sub-tropicaux.
Un séjour dans 111e de Ceylan, par J. Leclercq. — Un vol. in-12 de 29i pages
avec 16 gravures et une carte. Paris, PlonNourrit et O", 1900,
La série des récits de voyage de M. Jules Leclercq vient de s'enri-
chir d'un nouveau volume qui ne sera pas moins apprécie que les pré-
cédents. Les pages pittoresques et intéressantes à plusieurs titres y
abondent. On remarquera principalement les chapitres consacrés à la
description des ruines trop peu connues d'Anadhapura et d'autres
monuments des anciens rois de Ceylan, non moins précieux par leur
beauté que par les souvenirs historiques qui s'y rattachent.
Au point de vue des études coloniales proprement dites, on trouvera
dans cet ouvrage des renseignements de valeur sur les productions et
l'administration de l'île.
Le drame chinois (juillet-août 1900), par Marcel Monnier. — Vn vol. in-18 de
175 pages. Paris, Félix Alcaii, 1900.
Dans ce volume sont réunies une série d'études publiées par l'auteur
dans le Temps, pendant que se déroulaient les dramatiques événe-
ments de cet été. Les opinions de M. Monnier méritaient d'être con-
biblio(;rapiiik 823
servécs, car elles émanent d'un observateur entendu, qui a vu de près
et longtemps les choses de la Chine. Ecrivant au moment le plus aigu
du conflit, ses jugements se distinguent pourtant par le sang-froid
et la modération, qualités difficiles à conserver en pareilles circon-
stances.
Le Cochinchine au seuil du XX<* siècle, par L. Imbert, secrétaire-adjoint de la
Société de Géographie commerciale de Bordeaux. — Une brochure de 32 pages in 8".
Bordeaux, J. Durand, iOOO.
La brochure de M. Imbert reproduit une comnmnication faite au
Congrès des Sociétés françaises de géographie, tenu à Paris au mois
d'août 1900. On y trouvera des renseignements complets sur les dift'é-
rentes branches du développement économique de la colonie, et sur
les ressources qu'elle oftre au commerce et à l'immigration.
Les richesses minérales des colonies françaises, I. Guyane française ; II. you-
velle Cnlédonie, par L. Pelatan, ingénieur à Paris. — Deu\ brochures in-S<* de 56 et
55 pages, avec cartes. Liège et Paris, Le Soudicr, 1900.
Les travaux de M. Pelatan ont paru dans la Revue univei'selle des
mines. Ils émanent d'une plume compétente et contiennent des ren-
seignements dignes d'attention. La brochure consacrée à la Guyane
donne de nombreux détails sur les gisements aurifères, les seuls dont
l'exploitation soit possible dans cette région, et sur les obstacles
qu'apportent à l'industrie de l'or la nature et surtout l'administration
de la colonie. Les ressources minérales de la Nouvelle-Calédonie sont
beaucoup plus variées et mieux utilisées ; l'auteur y décrit les mines
de nickel, de cobalt et de chrome, dont l'importance est bien connue,
et signale de nombreuses autres exploitations possibles pour l'avenir.
Les facteurs de l'évolution des peuples, par le D^ Aug. Matteuz/i, traduit de
ritalien par M'i« Gatti de Gamond. — Un vol. in- 12 de 410 pages. Bruxelles, Mayolez
et Andiarte et Paris, F. Alcan, 1900.
L'ouvrage de M. Matteuzzi a pour objet d'aborder sous un point de
vue nouveau la théorie, encore si hypothétique, du développement
des civilisations humaines. Réagissant dans une certaine mesure contre
la manière de voir trop étroite de l'école anthropologique, qui avait
exagéré la notion de la race, il insiste sur l'influence des milieux,
climatique et tellurique, et sur l'hérédité des caractères acquis, comme
éléments essentiels de la formation des peuples. Ce livre est riche th»
faits et d'observations ingénieuses.
82 i ÉTUDKS COLONIALES
A la vérité, en dcliors de IMiule, qui fait l'objet d'un chapitre inté-
ressant, on n'y trouve guère de détails que sur les peuples d'an-
cienne civilisation, et non sur ceux (|ui font l'objet de la colonisation
actuelle. 11 serait fort désirable de voir s'étendre de ce coté des études,
trop négligées à notre avis pour des préoccupations strictement
utilitaires, comme s'il était moins important pour le possesseur d'une
colonie de connaître la psychologie de ses sujets que les cours du
caoutchouc.
In den Wildnissen Afirikas und A siens, souvenirs de chasse par le major
VON WissMANN. — In-i* avec i8 gravures hors texte et 45 illustrations. Berlin, Paul
Porey, 1900.
Le major von Wissmann, non moins célèbre par ses exploits cyné-
gétiques que par ses explorations, vient de publier un ouvrage
consacré aux divers gibiers qu'il a poursuivis dans ses voyages. Ce
magnirique recueil aura dix livraisons, dont la première vient de
paraître. L'édition est faite avec un grand luxe ; les illustrations,
types d'animaux d'une réalité frappante, sont de la plus belle exécution.
La Questione coloniale, e i Propoli di Razza latina, .par Gust. Goen. Un vol.
in- 12 de 567 pages. Livourne, HafT. (liusti 1901.
L'ouvrage de M. Coen a eu pour origine les vives controverses qui
se sont produites en Italie à la suite des échecs éprouvés en Afrique.
L'auteur s'est efforcé de traiter la question coloniale avec impartialité,
sine ira et studio, comme le porte son épigraphe.
A cet effet, il a comparé la politique coloniale de l'Italie à celle
d'autres pays, notamment à l'activité coloniale de la France d'une
part, et de l'Allemagne d'autre part.
Ce travail vient heureusement compléter la série des publications
qui ont paru sur cette question dans la plupart des pays civilisés.
Gode télégraphique colonial, {mr le lieutenant Fern. Nys. Un vol in io
de o9â [)ages, publié par la Gazette coloniale de Bruxelles, 1900.
Le Code télégraphique du lieutenant Nys se distingue des codes
existants en ce qu'il est conçu encore des besoins particuliers du com-
merce colonial. L'utilité en sera grandement appréciée par les direc-
tions de nos nombreuses sociétés, auxquelles il fournil un moyen de
correspondance facile et économique avec leurs agents d'Afrique.
ÉTUDES GOIiOHlflliES
No 12 7^ Année Décembre 1900
Note sur FUtilisation rationnelle
y^E tous temps Téléphant a été utilisé en Asie où il a rendu
et rend encore les plus grands services au commerce et
à rindustrio, à la chasse, à la guerre, enfin comme
animai de parade et de luxe» Dans l*antiquité il en fut de même en
Afrique, mais il parait avoir servi presque exclusivement à la
guerre, aux jeux de cirque, aux cortèges de parade. De nombreux
écrits constatent ces faits et j'attire tout spécialement l'attention
du lecteur sur les travaux importants de M. fiourdarle, sur les
articles du Congo illustré des 13 mars et 24 avril 1892 et ceux du
Congo belge des 15 novembre 1896 et 15 janvier 1898, sur quel-
ques-uns enfin du Mouvement géographique et de la Belgique
coloniale qui sont extrêmement intéressants, à la portée de tous
et qui renvoient à nombre de sources précieuses pour ceux qui
voudront approfondir Tétude des questions que j'esquisserai
ci-après et dont Fimportance m'a frappé en suite de mes séjours
au Congo et au Siam.
Le Siam constitue l'habitat par excellence de l'éléphant d'Asie, le
Congo celui presque exclusif de ce précieux individu de la faune
africaine qui ne se rencontre plus guère que dans l'Afrique équa-
toriale.
Si de nos jours l'éléphant n'est plus employé en Afrique, il faut
826 ÉTUDES COLONIALES
rattribuer, non à ce que Fespèce d'Afrique n'est pas domesticable
comme d'aucuns le pnHendent d'une façon absolument gratuite,
mais à ce que son utilisation a été abandonnée il y a quelques
siècles et à ce que depuis lors il a disparu des parties du continent
africain qui seules étaient accessibles, il y a peu de temps encore,
aux peuples d'une civilisation sufTisament développée. Les indi-
gènes, qui jusqu'en ces derniers temps habitaient seuls les régions
où se rencontre encore l'éléphant africain, n'avaient besoin à aucun
titre de ces puissants auxiliaires à l'état vivant et asservi : ils
n'ont donc pas dû songer à les capturer et à en tirer parti. Sans
commerce, sans industrie, formant de petits groupes sans cohésion
nationale, ces pauvres sauvages vivaient au jour le jour comme les
éléphants eux-mêmes : ils n'avaient pas besoin d'animaux pour les
servir.
Depuis l'achèvement du chemin de fer du Congo, l'ère de
lexploitation industrielle du bassin du grand fleuve ne tardera
pas à s'ouvrir comme l'a déjà fait si brillamment celle du com-
merce. Étant donnée la puissance de transport de ce merveilleux
engin qui a fait disparaître le grand obstacle à la pénétration de
l'Afrique équatoriale et à l'évacuation de ses produits, le moment
est venu de rechercher plus que jamais tout ce qui peut assurer
et activer le développement économique de l'Afrique centrale.
Aussi j'attire l'attention, et on ne pourra trop le faire, sur l'élé-
phant domestique, cet auxiliaire si utile de l'homme dans les
deux branches maîtresses de son activité : le commerce et
l'industrie.
Les principales qualités dont il y a à tirer parti dans l'éléphant
sont sa force musculaire et son poids considérable, sa grande taille
et la conformation spéciale de certains de ses organes, l'intelli-
gence avec laquelle il exécute les travaux qui lui ont été enseignés,
la facilité de son dressage et de son entretien, sa mémoire et la
persistance de l'éducation qu'il a reçue, même lorsque la liberté
lui est rendue pendant des périodes assez longues, enfin sa pru-
dence.
Là où il est le plus remarquable actuellement, au Siam et en
Birmanie, c'est dans son travail en forêt et sur les chantiers pour
l'exploitation des bois. Pour le travail en forêt il supplée à
nombre de manœuvres et de moyens mécaniques. Il y est d'autant
UTILISATION RATIONNELLE DE l'ÉLÉPIIANT
827
plus précieux que la main-d'œuvre est rare dans ces régions
infectées de fièvres pernicieuses, où les hommes ne résistent que
difficilement. 11 ne le cède en rien à ceux-ci, même aux plus intel-
ligents; il est même parfois supérieur comme habileté et clair-
voyance à nombre d'entre eux, abrutis par un travail bestial, par
les privations ou par lopium. Tout!parliculièrement pour assurer
le flottage des bois dans les cours d'eau torrentiels obstrués de
roches et dans les rivières aux méandres capricieux, il n'est pas à
Travail des éléphants au Siam. — Fig. I.
remplacer. En ce qui concerne son travail sur les chantiers
d'exploitation des bois, je reviendrai plus tard sur ce que j'ai vu
personnellement et je ne crois pouvoir mieux faire qu'en laissant la
parole à un ancien de la Cambre, au camarade Puck Chaudoir, qui
dans son bel ouvrage : Ballade autour du monde, s'exprime en ces
termes :
« Personne ne devrait quitter Rangoon sans aller voir travailler
les éléphants dans les chantiers et scieries de bois. Ces animaux
font preuve d'une réelle intelligence. J'ai été stupéfait de ce que je
leur ai vu faire et ne l'aurais pas cru, si on me l'avait raconté.
Lorsque la cloche annonce l'heure du travail, l'éléphant se rend de
lui-même à sa besogne. Les uns traînent les arbres du lieu de
g^g ÉTUDES COLONIALES
débarquement à la scierie. Ils s'attellent d'eux-mêmes à ces
énormes pièces de bois, sachant parfaitement mettre et enlever les
crochets avec leur trompe. D'autres placent le madrier devant la
scie et, lorsqu'il a été divisé en planches, transportent celles-ci
dans une autre partie du chantier. Là ils les mettent en pile, les
alignant avec la plus grande correction, de façon à ce qu'une
planche ne dépasse pas lautre. Cela tient du prodige. Mon cicé-
rone me disait que ces braves animaux font preuve de plus d'intel-
ligence que beaucoup de coolies. On prétend même qu'ils finissent
par distinguer le bon bois du mauvais. »
L'éléphant est également précieux sur les chantiers des grands
travaux publics, surtout quand ceux-ci sont difficilement acces-
sibles, non seulement parce que son emploi réduit considérable-
ment la main-d'œuvre nécessaire, mais surtout parce qu'il dispense
de l'emploi de nombre d'engins mécaniques, mouffles. treuils, eic,
et de l'établissement de dispositifs spéciaux, voies portatives de
roulage, échafaudages, etc., pour le déplacement des fardeaux. On
cite des exemples remarquables de leur emploi à Ceylan; les
Allemands les ont utilisés à la côte orientale pour la construction
du chemin de fer, etc., etc. Ils pourraient être aussi avantîigeu-
seraent employés à certains travaux agricoles; j'ignore si la diose
se fait. Au Siam, où la pesle bovine a considérablement contrarié
l'agriculteur dans ces dernières années et où l'éléphant est si
abondant, la chose paraît à tenter et les chances de succès seraient
d'autant plus grandes que les Siamois sont familial ist^s avec le
dressage de cet animal qu'ils emploient couramment pour leurs
transports et pour leurs exploitations forestières.
Pour le service des transports, l'éléphant convient surtout dans
les cas difficiles, à défaut de routes et comme animal de bât. En
dehors de son travail en forêt, c'est la manière la plus usuelle dont
il est employé au Siam. C'est aussi la manière dont il est le plus
utilisé dans l'Inde anglaise, notamment par l'armée où son emploi
est répandu et parfaitement réglementé. Il peut passer des
rapides tumultueux, des gués profonds, des marais et terrains
inondés, des fourrés inextricables, là où aucun autre animal ne
pouri*ait le faire. Il escalade les roches aussi bien que les mules,
descend les côtes les plus abruptes; point n'est besoin pour lui de
sentiers frayés : là où il ne peut s'en tirer par l'adresse ou par la
UTILISATION RATIONNELLE DE L*ÉLÉI>HANT
829
ruse, il use de la force; maiiils obstacles, même des arbres assez
forts, cèdent sous la pouss(^e de son front puissant.
Comme animaux de trait, ils ne sont pas avantageux, ne con-
viennent même pas du tout, sauf en forêt et sur les chantiers pour
donner un coup de collier ou traîner des fardeaux à courte distance.
Il est du dernier grotesque et digne seulement d'un cirque de foire,
d'alteler un éléphant à une voiturette à la manière d une chèvre
ou d'un poney, comme j'en ai vu l'image dans un journal illustré
Travail des éléphants au Siam. — Fie. II.
récent. Non seulement les qualit^'s spéciales si précieuses de l'élé-
phant en commandent un emploi plus judicieux, mais une voiture,
en rapport avec la taille et la force de l'animal, devrait être monu-
mentale et de construction spéciale pour tirer parti de sa puis-
sance de traction. Il est à remarquer, en outre, qu'employé à la
traction, il devrait pousser le joug du front et non tirer par
collier ou bricole comme on le fait actuellement. Je reviendrai sur
ce point dans la suite du présent article.
litant données la grande utilité des éléphants et leurs aptitudes
spéciales si précieuses, il serait désolant de les voir disparaître
d'Afrique. Fort heureusement la chose a été reconnue et les gou-
vernements intéressés se sont préoccupés de leur conservation.
830 ÉTUDES COLONIALES
On devra non seulement montrer la rigueur la plus intran-
sigeante dans l'application dos mesures déjà prises ou arrêtées
pour assurer cette conservation, mais aussi prendre le plus de
précautions possibles pour augmenter leur reproduction. Il est
admis que rien ne justifie leur destruction : ils ne sont pas dan-
gereux, à de rares exceptions près, même à Tétat sauvage, tant
qu'ils ne sont pas attaqués, pas plus que les chevaux ou le bétail;
leur chair n'est pas comestible ou du moins est mauvaise, sauf
quelques partfes de la tête, et n'est mangeable que par les indi-
gènes qui en seraient vite dégoûtés si on en mettait d'autre facile-
lement à leur portée; leur dépouille n'est pas utilisée ni en tous
cas indispensable (fait-on autre chose que des guéridons affreux
des oreilles et de mauvais pots à tabac de la dépouille des pieds);
enfin il n'est pas besoin de les tuer pour avoir leur ivoire, point
important sur lequel j'insiste et que je développe ci-après. Au
contraire, continuer à les exterminer, c'estjtarir la source de ce
produit précieux. Il est à remarquer que l'ivoire n'a de valeur
qu'en raison de la beauté et de la finesse de son grain et de sa
rareté, que son emploi est de pur luxe, qu'il n'est indispensable
pour aucun usage utilitaire et, point extrêmement important, qu'il
n'y a que la partie pleine de la défense qui soit précieuse. Ce
n'est guère que pour la confection des billes de billards que son
emploi s'impose plus ou moins, tant que l'on n aura pas trouvé une
autre matière possédant au même degré : l'élasticité, l'indéforma-
bilité sous les actions atmosphériques ou autres, la solidité, la légè-
reté et la faculté de prendre un beau poli. Et encore, à part les
billes constituant les jeux de prix, ceux que l'on appelle les jeux
de professeurs, combien n'y en a-t-il pas en toutes espèces de
matières autres que l'ivoire! Or, les billes sont prises exclusive-
ment dans les parties pleines des défenses et s'il fallait absolument
obtenir de grandes quantités d'ivoire de cette nature, on pourrait,
sans inconvénients, le prendre aux animaux vivants sans dom-
mages pour ceux-ci, comme nous le verrons plus loin. Je signale,
en passant, un article très intéressant sur l'ivoire, de M. E. Gautier,
dans h Revue générale des Sciences, du 30 octobre 1897, 8"' année,
n« 20.
Il y a donc bien intérêt, à tous les points de vue, non seulement
à protéger, mais aussi à multiplier l'éléphant, j'estime ne pou-
UTILISATION RATIONNELLE DE L ELEPHANT
831
voir trop le répéter. En conséquence, ce qu'il y a lieu de faire,
c'est avant tout de répandre le plus possible à portée de l'indigène
des animaux à chair comestible, tels que porcs, poules,
chèvres, etc., etc , puis de prendre, et surtout d'appliquer les
mesures les plus draconiennes contre la destruction des éléphants.
11 faut de plus domestiquer le plus possible de ceux-ci et laisser
libres, en forêt, ceux dont on n'a pas l'emploi immédiat ainsi que
les femelles destinées à la reproduction.
Travail des éléphants au Siam. — Fie. III.
En liberté ils se reproduisent mieux qu'en captivité, ils se nour-
rissent, s'élèvent et, s'entretiennent sans frais et comme ils sont
relativement faciles à capturer, il y a de grands avantages et pas
d'inconvénients à les laisser libres. C'est d'ailleurs ce qui se passe
au Siam où Ton ne détruit plus ces intéressants animaux. On ne
capture et dresse que ceux dont on a besoin, les autres continuant
à vivre libres en forêt. Souvent, aussi des animaux dressés sont
abandonnés à eux-mêmes pendant des périodes assez longues de
non emploi et recapturés sans l'ombre d une difficulté au moment
où on en a besoin. Le cornac se borne à aller constater de temps
en temps si l'animal ne s'éloigne pas trop, ne quitte pas le district.
Le cas se présente entre autres dans les exploitations minières de
832 ÉTUDES COLONIALES
la péninsule où Ton ne tr<nvaille que pendant une partie de Tannée
et où les éléphants sont employés au transport.
La question de savoir si l'éléphant d'Afrique est domesticable
comme son congénère d'Asie a été très discutée. Quant à moi je
suis convaincu qu'il l'csl, sinon au même degré, en tous cas au
point de pouvoir rendre de grands services. M. Bourdarie et toutes
les autorités qu'il cite, llanolet mon compatriote et bien d'autres
encore sont d'avis également que cette domestication est possible.
En 1889-1890, j'ai vu au cap Lopez le jeune parfaitement domesti-
qué auquel fait allusion M. Bourdarie. Docile, mais espiègle, ce
jeune animal circulait en liberté dans la factorerie française à
laquelle il appartenait, ainsi que dans les environs. 11 fut tué par
les soldats ou les douaniers du port voisin, sous prétexte que par
ses familiarités, il importunait ces soudards et qu'il arrachait par-
fois en jouant les poteaux de la vérandah. C'est un acte inqualifiable
que celte exécution.
11 existe actuellement un jeune éléphant domestiqué chez les
missionnaires à Fernand-Vaz, peut-être d'autres encore, notam-
ment au poste créé par TKtat Indépendant du Congo, spécialement
à cette fin. D'après les nombreuses éludes déjà faites à ce sujet,
particulièrement par M. Bourdarie, d'après le témoignage de
M. Cari Ilagenbeek de Hambourg, qui a vu tant d'éléphants afri-
cains passer dans son établissement, d'après les exemples faciles
à contrôler dans les cirques et dans les jardins d'acclimataiion,
la domestication possible et même facile me parait indiscutable-
ment établie et il est étonnant qu'elle n'ait pas encore été tentée
depuis longtemps sur une vaste échelle. M. Bourdarie au Congo
français, les Allemands dans leurs colonies, l'Etat Indépendant du
Congo ont entrepris la chose, mais jusqu'à quel point ces entre-
prises sont-elles méthodiques, étendues et seront-elles soutenues?
Le personnel qui est chargé est-il compétent, est-il préparé seule-
ment? Quelle est son expérience? Où a-t-il lait école?
Le peu de résultats pratiques obtenu jusqu'à présent dans l'Etat
Indépendant du Congo me paraît devoir être attribué à ce que le
personnel s'est attaché à capturer des éléphants trop jeunes.
Ce qu'il y aurait lieu de faire, pour éviter des méiiomptes
futurs et pour ne pas compromettre davantage le succès de la
louable entreprise qui a été tentée et provoquer son abandon, serait
UTILISATION HATIONNELLE DE L'ÉLÉPHANT 833
d'envoyer le personnel qui en est chargé acluellement, non pas à
Fernand-Vaz, où il n'y a rien à apprendre, mais au Siam, aux
Indes, en Birmanie, etc., pour se familiariser avec la capture, le
dressage et rulilisation. Puis de l'envoyer en Afrique avec des
équipes de chasseurs et dresseurs laotiens, siamois ou bir-
mans, etc. L'appui et l'intervention de S. M. le Roi de Siam, les
plus efficaces qu il soit possible de se procurer, seraient certaine-
ment acquis à l'entreprise, car co monarque à l'esprit éclairé,
aux larges vues, est ami du progrès sous toutes ses formes et est
très entreprenant. Des indigènes d'Afrique bien choisis, attachés
à ces équipes asiatiques, auraient bien vite fait d'apprendre le
métier si conforme à leurs aptitudes el à leur goût et seraient
bientôt suffisament entraînés pour pouvoir opérer eux-mêmes.
Je suis convaincu qu'il serait inutile d'importer des éléphants
dressés d'Asie : ce- serait sans nul doute avantageux pour la
chasse et le dressage, mais extrêmement coûteux. Une méthode
de chasse et de dressage usitée couramment au Siam d'après
Warington Smjth et ne nécessitant pas remploi d'éléphants dres-
sés me paraît être d'application recommandable et facile en
Afrique. Dans son remarquable ouvrage : Five years in Siam,
Warington Smyth s'exprime au sujet de cette chasse à peu près
en ces termes :
La chasse aux éléphants telle qu'elle se pratique au Siam consiste, non à les
exterminer comme le font les barbares africains ou les cruels et cupides chré-
tiens assoiffés de sang ou convoitant quelques kilogrammes dMvoire, mais à les
capturer, les dresser et les utiiiser comme il convient qu'ils le soient par des
hommes. C'est un sport non sanguinaire qui demande beaucoup plus d'adresse,
d'audace, de sang-froid que de les tuer d'un coup de fusil comme on le ferait
d'un chien enragé ou d'un loup affamé. Pour la capture d'un éléphant telle
qu'elle se praUque dans l'intérieur, trois hommes agissent de concert. Hs
s'enfoncent dans la forêt où ils doivent vivre de la façon la plus rustique, cher-
chant et traquant le troupeau et, sans alarmer celui-ci, choisissent leur proie.
Ils confectionnent sur place un câble de lianes ou de rotin de 50 à 60 mètres
de long et commencent la longue poursuite et l'observation du troupeau. Le
silence et le calme le plus complet s'imposent au point de ne pas briser un brin
de bois mort, d'éviter même de faire du feu pour cuire leur riz. C'est un travail
pénible, épuisant de jour et de nuit jusqu'au moment ou la chance d'opérer se
•présente enfin. La proie convoitée est un beau jeune mâle surpris isolé du trou-
peau, sommeillant aux heures chaudes du milieu du jour dans un fourré de bam-
bou, un pied en ])artie levé de terre. Silencieusement et vivement les chasseurs
834 ÉTUDES COLONIALES
s'approchent de lui et en un clin d'œil le nœud coulant formé à rextréniilé du
câble en rotin lui est adroitement passé au pied. L'animal reste encore tranquille
un instant jusqu'au moment oii le fracas produit par le déroulement du rotin
sur le sol raffole; alors la fuite et la poursuite commencent. Partout où il se
dirige dans sa frayeur les trois ombres noires le suivent, le lourd câble traînant
parmi les souches d'arbres. Chaque fois qu'il s'arrête les chasseurs fixent ce
câble à l'arbre le plus proche et à force de tirailler, courir, trébucher, et aussi
de frayeur, il est bien près d'être épuisé à la nuit tombante. En cas ou les chas-
seurs disposent tVéléphants dressés, il les amènent alors pour lui tenir compagnie et
le calmer. Les trucs les plus ingénieux sont employés pour arriver à engager un
nœud coulant à un autre des pieds i!c la bote tandis que celle-ci se jette péni-
blement de droite et de gauche : chaque fois que la corde qui la relient touche
un arbre, un lien l'y fixe, diminuant le flottement, laissant chaque fois moins de
jeu à la bête, tant et si bien qu'elle se trouve bientôt amarrée à un solide
tronc d'arbre. 11 n'est pas fait de feu auprès du captif pour ne pas l'effrayer et
quelque deux à trois cents kilogrammes de bambou délicat et autres friandises
lui sont apportés journellement jusqu'à ce qu'il soit habitué aux figures qui
vont et viennent autour de lui, s'asseyent en face de lui et lui parlent. C'est à ce
moment que les bons sentiments sont précieux chez le dresseur et qu'un
homme étourdi ou cruel se fait du jeune éléphant un ennemi pour la vie. Si le
jeune éléphant peut être sauvé d'abattement, de dépérissement, si les blessures
produites par les liens en jonc qui le retiennent uc s'enveniment pas, il pourra
bientôt porter en toute sécurité le gouverneur, le roi lui-même, mais il
n'oubliera jamais, jusqu'à la mort, l'impression de l'homme ou les moyens
employés à l'éduquer pour sa nouvelle vie.
On remarquera dans ce récit que les éléphants dressés ne sont
pas indispensables: ils n'interviennent que pour faciliter et activer
le dressage et non pour coopérer à la capture.
La manière dont a été capturé le jeune éléphant. des mission-
naires de Fernand-Vaz (I) est à peu près bonne, mais ce qu'il y a à
condamner dans le procédé, c'est le massacre du troupeau entier
auquel les Paliouins se sont livrés pour capturer un seul jeune.
Si des méthodes de ce genre de chasse nécessitant la destruction
d'un troupeau pour la capture problématique d'un jeune est tolé-
rée, on aura ajouté une cause nouvelle de destruction à celles déjà
existantes, ce qu'il faut à tout prix éviter.
Les captureurs ne peuvent en aucun cas, sauf ceux de force
majeure et pour leur défense personnelle, tuer les éléphants qu'ils
pourchassent, et même ils doivent s'entraîner à les inquiéter le
il) Voir Befgique Coloniale du 19 novembre 1890.
UTILISATION RATIONNELLE DE L ELEPHANT
835
moins possible. D'autre part, il n'est pas nécessaire, et en général
pas avantageux, de capturer des animaux trop jeunes, il ne faut
au contraire les prendre que lorsqu'ils auront le développement et
lîï vigueur voulus pour supporter le dressage et rendre des ser-
vices immédiatement après. On constatera par la gravure ci-contre
que l'on capture des animaux ayant déjà la taille des adultes.
Pour terminer ce court aperçu se rapportant à la capture des
éléphants, je signalerai qu'il existe au Siam une administration
spéciale dépendant directement des services de la Cour et qui
TlfAVAIL DES ÉLÉPHANTS AU SlAM. — FiG. 1111>«S.
s'occupe exclusivement des éléphants au service de l'Étal. Je
reviendrai ultérieurement sur les procédés remarquables de cap-
ture, dressage, etc., tels qu'ils sont pratiqués par celte adminis-
tration.
J'ai déjà fait remarquer que la cause principale de la destruction
des éléphants d'Afrique, en dehors du besoin de se procurer de la
chair comestible de la part des indigènes, est actuellement, de la
part des étrangers ou en raison de leur influence, de se procurer
l'ivoire.
Pour arriver à abattre une bcte qui en porte, on est souvent
obligé d'en sacrifier plusieurs autres, attendu que ces animaux
vivent généralement en groupe, qu'attaqués ils fuient ou se défen-
836
KTL'DKS COLONIALES
dent récipi'oquemeiit, et qu'à beaucoup près, ils ne portent pas
tous de Tivoire, du moins en quantité exploitable. Ces massacres
sont plus qu'impardonnables, ils sont criminels, inhumains, anti-
économiques. L'ivoire ne devrait provenir, et les pouvoirs
publics devraient y tenir impitoyablement la main, que des stocks
existants, des animaux succombant de mort naturelle ou victimes
d'accident, enfin du tronçonnement des défenses des éléphants
vivants. Cette dernière opération se pratique couramment sur
certains animaux de parade et de luxe et parfois sur ceux employés
FiG. V.
FiG. VI.
sur les chantiers quand ceux-ci sont astreints à un travail trop
fatigant, épuisant; tel est le cas pour celui que j ai vu à l'œuvre
à Bangkok. Pour le travail sur chantier les défenses servent, soit
comme levier pour mouvoir des fardeaux (fig. I), soit comme sup-
port pour les soulever ou les transporter (flg. II), soit comme
point d'attache d'amarres (fig. III). On conçoit aisément que plus
elles sont longues, plus la résistance à vaincre aura son point d'ap-
plication près des pointes, plus le bras de levier de la résistance
sera considérable et en conséquence plus l'effort h faire par l'ani-
mal sera considérable pour une même résistance à vaincre. Plus
les défenses seront longues plus le travail sera fatigant et moins
longtemps il pourra être poursuivi. Pour un travail courant
(1) Fig IV : DOfoDSrs iiormaîcs.
tTILISATlOX RATIONNELLE DE L ELEPUANT
837
el soutenu il y aura donc généralement avantage à raccourcir
la défense. Quand l'éléphant doit faire un effort considérable
ou brusque avec sa défense comme levier, il arrive qu'il la
brise et il y est d'autant exposé que sa défense est plus longue. A
letat sauvage cela lui arrive assez souvent, comme en témoigne le
nombre de tronçons de défenses arrivant sur le marché avec trace
de brisure ancienne. On peut conclure de ces faits : i*» que la soli-
dité des défenses trop longues n'est pas en rapport avec la force
musculaire de l'animal, surtout si cette dernière est développée
r?s f-T)
FiG. vu.
F.c. VIIL
Fie. IX (I).
roéthodiquemenl, comme cela doit arriver inévitablement pour les
animaux bien nourris et bien entraînés travaillant sur les chan-
tiers; S"" que le tronçonnement de ses défenses n'est pas préjudi-
ciable à l'animal puisque celles brisées accidentellement et dont la
brisure n'est pas soignée n'en souffrent pas.
J'ai vu un éléphant travaillant à Bangkok déplacer à des dis-
tances assez longues, en les transportant sur ses défenses et les
maintenant de la trompe, des poutres de bois de teck de 7 à
8 mètres de long sur 0"30 à 0'"40 d'équarrissage, soit un volume
d'un mètre cube, et un poids d'une tonne, au moins. Au début,
tandis que ses défenses étaient intactes et relativement longues, il
(I) Fig. IX : Crochets forts et courts pour le transport de poutres, rails, etc.
838
ÉTUDES COLONIALES
ne pouvait soutenir pareil travail d une façon continue et après
quelque temps, on devait lui laisser des repos fort longs, de
plusieurs journées parfois. On s'est alors décidé à lui raccourcir
les défenses en coupant leurs pointes et en affûtant le tronçon
restant de manière à lui donner la forme d'une dent normale
courte (fig. V), ce qui a eu d'excellents résultats augmentant de
beaucoup la capacité et la régularité de travail de la bête. J'estime
que Ion pourrait aller plus loin dans cet ordre d'idées, qu'on
pourrait couper carrément presque toute la partie pleine de la
dent (fig. VI) et sans affûter la partie restante, munir celle-ci d'une
Fie. X(l}.
Fie. XI.
Fig. XII.
armature ou d'un outil mobile approprié au travail que l'on attend
de l'animal, absolument comme on munit l'ouvrier de l'outil con-
venant au travail qu'il a à effectuer. Ainsi, pour rendre à Tanimal
ses défenses normales et pour lui permettre le genre de travail
analogue à celui du levier ou du pic, on adapterait des pointes
longues (fig. VII), pour le transport des fardeaux, des pointes
courtes droites (fig. VIII) ou en équerre (fig. IX, X et XIII) ou des
crochets (fig. XI). Au cas où l'animal devrait tirer des fardeaux
ou de lourds véhicules, les défenses recoupées ou non pourraient
porter le joug (fig. XII), ce qui serait prélérable au collier ou à la
bricole. On pourra enfin adopter la combinaison de deux quelcon-
ques des armatures simples (fig. XIV par exemple). Ces armatures
(1) Fig. X : Crochets forts et longs pour le transport de ballots de coton, etc.
UTILISATION RATIONxNELLE DE L ELEPHANT
839
seraient d'ailleurs de formes variées à étudier selon les besoins, le
genre de travail à effectuer : pour les terrassements ils seront en
forme de pioche, de bêche ou de pelle, pour les travaux agricoles
plus divers encore, etc., etc.
Ces propositions pourront paraître quelque peu fantaisistes à
ceux qui ne sont pas familiarisés avec les aptitudes des éléphants
et que les innovations effrayent, mais il est à remarquer que quel-
que chose de ce genre a été fait dans lantiquité, quand on fixait
aux défenses des éléphants de combat, des armes avec lesquelles
ils fauchaient, de façon sanglante et terrible, les rangs ennemis.
Fie. XMl(l}.
Fk;. XIV.
Mes prropositions ne sont peut-être pas nouvelles, mais je n'ai pas
connaissance de leur application et il serait intéressant, en tous
cas, de les voir expérimenter ici même en Europe. Je suis intime-
ment convaincu que ces expériences bien conduites donneraient
de bons résultats. Ce serait une belle entreprise, louable au plus
haut point, pour un cirque sérieux ou un établissement d'acclima-
tation. Ce serait plus utile que les acrobaties que Ion s'évertue à
leur faire faire actuellement. Pour n'en citer qu'un exemple, n'est-il
pas puéril et mesquin, pour un établissement scientifique, tel que
le jardin zoologique d'Anvers, d'y voir l'éléphant tourner la mani-
velle d'une méchante boîte à musique et surtout faire dinette,
affublé d'un tablier. Je trouve ce spectacle lamentablement
(1) Fig. Xni : Crochets légers longs pour le transport de cauues à sucre, bambous, etc.
840 ÉTUDES COLONIALES
piteux, tristement ridicule; un jardin zoologique devrait nous
monirer un spectacle plus sérieux, plus instructif. Que Ton y
montre l'éléphant accomplissant le travail intelligent qu'il fournit
journellement au Siam et en Birmanie, à Ceyian, aux Indes. Ce
s( ra édifiant, instructif et moral en ce sens que ce spectacle ferait
rougir de honte et de dépit pas mal de manœuvres humains abrutis
par Talcool, et par le fait incomparablement inférieurs aux élé-
phants comme habileté et clairvoyance dans laccomplissement de
leur lâche.
Beaucoup des exercices que Ton voit faire actuellement dans les
cirques sont bons, mais moins pour montrer le parti qu'on peut
tirer des éléphants que comme exercices d'assouplissement et de
gymnastique pour ceux-ci. Si les directeurs de cirque voulaient
supprimer les parties ridicules des exercices de leurs éléphants
et s'efforcer de mettre en lumière le mieux possible leurs aptitudes
utiles, ils aideraient puissamment à la propagande poursuivie avec
tant d'ardeur par M. Bourdaric et d'autres. Us seraient d'ailleurs
largement récompensés de leurs efforts par les spectacles intéres-
sants et neufs ofïerts ainsi au public qui y accourrait en nombre.
A l'attention avec laquelle le public a suivi quelques causeries que
j'ai faites sur les éléphants, avec projections lumineuses, j'ai pu
constater combien ce sujet l'intéresse. Il est utile de monirer le
parti pratique à tirer des animaux exotiques en général, car rares
sont ceux qui peuvent aller les voir travailler au loin et précieuse
est la chose pour ceux qui comptent s'expatrier. On peut instruire
tout en amusant et en intéressant et faire travailler un animal de
manière à montrer, d'une façon tangible, le parti pratique qu'on
peut en tirer. Découvrir et mettre en lumière une aptitude nouvelle
utilisable, une méthode plus rationnelle de travail, c'est rendre un
service important à la cause de la colonisation.
L'éléfihant s'offre, sous ce rapport, comme un sujet des plus
remarquable.
J. Carton.
* Le Protectorat de FUgaiida ♦
Limites. — Dans son intéressant rapport sur l'Uganda (1),
M. H. Jolinston, commissaire spécial du protectorat, fixe comme
limites de celte colonie, à Test, le protectorat de l'Afrique Orien-
tale, au sud, la frontière anglo-allemande, et, à l'ouest, l'Etat
Indépendant du Congo. Au nord, la frontière n'a pas encore été
déterminée.
Climat. — Ce vaste territoire se caractérise par le fait qu'une
grande partie de son étendue constitue un pays parfaitement
salubre et aussi habitable pour les Européens que les meilleures
parties du nord et du sud de l'Afrique. Cette situation est due à
l'existence de vastes plateaux dans l'est, le nord et le sud-ouest
du protectorat. On peut dire que toutes les terres qui se trouvent
à o,S00 pieds d'altitude et au delà sont presque entièrement
indemnes de malaria et propres à l'établissement des Européens.
Il n'est pas impossible, bien que jusqu'à présent rien ne soit
venu le confirmer, qu'il existe dans les forêts de la montagne nei-
geuse du Ruwenzori,une sorte de fièvre des montagnes analogue à
celle que l'on observe sur le versant boisé de l'Himalaya. Le pla-
teau de Mau, qui se trouve à l'extrémité opposée du protectorat et
qui est également couvert d'épaisses forêts, est absolument indemne
de fièvres. C'est, en réalité, une des régions les plus salubres du
monde.
Le centre et peut-être le nord-est de l'Uganda sont malsains
(1) ParUamentary Report hy Her Majeslij's Spécial Commiêtioncr on tke Proiecloraie of
Uganda (Africa, no 6 [1900]).
842 ÉTUDES COLONIALES
et dans certaines parlies même très insalubres. Tout dépend, ici
aussi, de laltitude. En général, les districts qui se trouvent entre
3,500 et 5,500 pieds d'altitude peuvent être considérés comme
modérément insalubres ; ceux qui sont situés à moins de
3,500 pieds d'altitude doivent être tenus, dans l'état actuel des
choses, comme très malsains. On trouve naturellement, daiis les
diverses répfions, des endroits qui devraient être sains et qui ne le
sont pas; de môme qu'il y en ad autres qu'on présumerait devoir
être malsains et qui, sans raison apparente, sont salubres.
D'une manière générale, on peut dire que la région qui s'étend
le long des rives du Nil est manifestement insalubre pour les Euro-
péens. La situation de Wadelai semble cependant faire une heu-
reuse exception. Les côtes du lac Albert, surtout celle de l'est,
sont également insalubres, comme aussi les environs du lac
Baringo. Les pays riverains du lac Rodolphe sont tellement
brûlés et desséchés qu'il n'y existe probablement pas de fièvre
malariennc; par contre, on dit que la dysenterie y règne par suite
de la mauvaise qualité de l'eau.
Les rives du Victoria Nyanza sont contaminées par la proxi-
mité de terres marécageuses. La fièvre hématurique y règne à
l'état endémique bien qu'elle soit d'une forme plus bénigne que
celle du lac Nyassa et de l'Afrique Occidentale. Le climat du Victo-
ria Nyanza est cependant agréable, grâce à la situation .élevée de
ce lac (environ 4,000 pieds d'altitude), qui modifie l'effet de la
chaleur solaire et procure des nuits fraîches.
Dans le royaume de l'Uganda et dans les provinces de husoga
et de Kavirondo, le climat, au point de vue de la température,
peut être qualifié d'excellent. Ces régions sont un des nombreux
exemples de pays africains tropicaux où le climat n'est pour rien
ou pour peu seulement, dans les maladies qui y régnent. La mala-
ria dont les Européens souffrent dans ces contrées est due entiè-
rement aux germes de maladie qu'ils ont contractés dans les
régions marécageuses. Le climat de la vallée du Nil est, par
contre, si chaud dans certaines saisons de l'imnée qu'il est parti-
culièrement préjudiciable à la santé. Celui du plateau de Mau est
souvent froid et humide; mais, pourvu d'une bonne habitation, le
colon peut y jouir d'une bonne santé, au milieu des vents et des
brouillards.
LE PROTECTORAT DE L*L'GANDA 843
M. Johnston, comme d'autres personnes, a pris des spécimens
d'anophèles aux environs du Victoria Nyanza, dans des endroits
où des personnes souffraient de fiè\Te liématurique. On pourrait
beaucoup améliorer la situation climatérique de TUganda en drai-
nant les marécages et en faisant disparaître les amas d'herbes et
de plantes dans lesquels les moustiques trouvent si facilement un
abri. Ainsi, à Port Alice, le pays était entièrement recouvert de
hautes herbes ou bien de forets et de broussailles. Les fonction-
naires qui y résidaient souffrirent des moustiques pendant des
années. Un jour, on prit la résolution de faire disparaîlre les
herbes et les broussailles. C'est à peine si Ton rencontre encore
un moustique dans celte localité. On pourrait même dire qu'il n'y
en a pas, si, à l'occasion d'une récente éruption de fièvre héma-
turique, on n'avait constaté, pendant un certain temps, la présence
des anophèles dont il est parlé plus haut.
Une autre cause de maladie est, pour les fonctionnaires plutôt
que pour les missionnaires, l'insuffisance d'habitations confor-
tables. On tâche d y remédier malgré les frais qu'entraîne le
transport de la tôle ondulée et du ciment. On fabriquera bientôt
aussi des briques et des tuiles dans le protectorat. Des ouvriers
indiens ont été engagés pour scier en planches les superbes bois
que contiennent les forêts. Comme on ne peut songer à importer
du verre tant que le chemin de fer n'atteindra pas le lac Victoria,
on remplace les vitres par des moustiquaires. Et pour empêcher
que le vent ne soufïle trop fort dans Tintérieur dos habitations, on
recouvre ces fenêtres de volets en calicot blanc.
Météorologie. — On n'a pas encore pu réunir beaucoup de
renseignements sur la météorologie du protectorat. La quantité
moyenne de pluie, dans le royaume de l'Uganda, semble être
de 60 pouces par an. Dans le sud, on n'en a relevé, en 1899,
que 40; dans le nord, la quantité aura probablement été encore
moindre. L'année 1899 a été d'une sécheresse particulière. Les
indigènes ne se souviennent guère d'une saison pareille.
A l'exception de la région à moitié déserte autour du lac
Rodolphe et de celle de la Rift Valley (Naivasha), la pluie tombe
partout pendant tous les mois de Tannée. Dans les provinces for-
mant l'ancien empire d'Uganda, la pluie est si également
844 ÉTUDES COLONIALES
répartie sur toute i*année qu'il n'existe pour ainsi dire pas
de saison sèche. Les mois les plus pluvieux sont, toutefois, ceux
qui suivent les équinoxes. Le plateau de Mau est, en général,
extrêmement humide. Parfois, cependant, il est affecté par
l'extension de la sécheresse qui règne si souvent dans la Rifl
Valley et dans les régions avoisinanles de l'Afrique orientale
anglaise.
La partie la plus humide du protectorat est probablement le
Toru, sur le versant du mont Ruwenzori. Il y a souvent pénurie de
pluie dans la partie basse ou septentrionale de l'Unyoro et dans la
partie septentrionale du Busogo. Le pays Bukew, qui se trouve
entre ces deux régions, jouit d'un régime de pluie régulière. Aussi
ne souffre-t-il pas de la famine, aux époques où à l'est et à
l'ouest, la nourriture est absolument insuffisante.
Dans la province du Nil et dans le nord de rUnyoro, la chaleur
est excessiveà certaines époques de l'année. Le thermomètre monte
souvent à 100 degrés à l'ombre, parfois même à 1 13. On dit aussi
que la chaleur est excessive dans le nord de la Rift Valley et dans
les régions qui se trouvent autour du lac Rodolphe.
Dans le royaume de l'Uganda, la chaleur atteint rarement
90 degrés. La nuit, le thermomètre descend jusqu'à 50 degrés,
mais généralement il se tient à 65. Sur les plateaux de plus de
5,000 pieds, la température est celle du nord de l'Afrique.
A 7,000 pieds, le thermomètre descend souvent à zéro et même au-
dessous.
La neige se rencontre sur le mont Ruwenzori à partir de l'allî-
tude de 14,000 pieds. Le sommet le plus élevé de celte montagne
a probablement une hauteur de 17,000 pieds. Au sommet du
mont Elgon, qui dépasse légèrement 14,000 pieds d'altitude, la
neige tombe parfois et reste pendant quelque temps.
Le trait le plus désagréable du climat des régions du lac Vic-
toria Nyanza sont les violents orages qui y régnent. Ils sont
précédés par un ouragan de courte durée. La pluie qui accom-
pagne ces orages, forme souvent une véritable trombe d'eau. Les
éclairs sont terribles et le tonnerre est littéralement assourdissant.
On en est cependant généralement « quitte pour la peur ». Le
nombre des accidents causés par ces phénomènes effrayants est
peu considérable.
LE PROTECTORAT DE L'uGANDA 845
Population. — La population totale comprise dans les limites
du protectorat de l'Uganda peut être évaluée à un peu moins de
4 millions d'individus. Les guerres constantes, les invasions et,
dans quelques districts, la famine ont causé une diminution de la
population dans les dernières années. La famine n'a affecté qu'une
partie relativement peu étendue du protectorat — le district de
Busogo. C'était autrefois une région à population très dense, mais
la sécheresse de 4898-1899 a fait périr un grand nombre de
bananiers d'où les indigènes tirent leur nourriture. S'ils cultivaient
d'autres produits végétaux, ils auraient pu supporter bien plus
facilement le préjudice causé par une saison exceptionnellement
sèche.
On peut dire d une façon générale que la population est entière-
ment nègre. Dans les parties septentrionales du lac Rodolphe et
sur les plateaux de l'Uganda, d'Ankole et de Toru, il y a peut-être
un certain nombre de négroïdes dus au mélange de la population
indigène avec les Gallas ou aux derniers vestiges d'immigrations
anciennes.
Plus de la moitié de la population se trouve probablement con-
centrée dans le royaume d'Uganda et dans les provinces voisines
d'Ankole, de Toru, d'Unyoro, de Busogo et de Kavirondo.
A l'exception d'une petite partie du sud et de lest du Kavirondo,
cette population est entièrement de langue bantoue. Leur langue
est d'un type archaïque et d'une grande pureté.
Au point de vue physique, on observe de grandes différences,
comme dans toute l'Afrique bantoue. On peut distinguer cinq
types de nègres ou de négroïdes, entre lesquels il y a naturelle-
ment un grand nombre de variétés résultant du mélange de ces
cinq types fondamentaux.
Ce sont :
1 . Le nègre d'un noir de jais et de traits rudes de l'Afrique
occidentale.
2. Le nègre de peau plutôt brune, de traits assez fins, type
caractéristique de l'indigène de l'Afrique centrale tel qu'il est
représenté par les Nyam-Nyam, les Fan et les Mangbuttu.
3. Le nègre du Nil, grand, à mollets minces et peau très noire,
à traits assez beaux, bien que par suite de l'habitude de se tatouer
le visage, cette caractéristique ne soit pas souvent apparente.
846 ÉTUDES COLONIALES
4. Le négroïde de mélange Galia, type auquel les pâtres Caliima,
qui vivent au milieu de la population bantoue, doivent leur peau plus
claire et leur grand courage personnel. Il améliore aussi la popula-
tion nègre du Nil dans le tiers oriental du protectorat.
5. Les pygmces, qui ont probablement, avec les Bushmen
du sud de l'Afrique, une origine commune. On en trouve des
types plus ou moins purs à l'extrémité occidentale du protectorat
sur les irontières de 1 Etat Indépendant du Congo (Toru).
On peut les diviser en deux types : Tun, à peau jaunâtre d'appa-
rence simiesque, l'autre, à peau noire poilue. Il y a des signes
manifestes de l'existence de cette population pygmée à la base des
peuples de l'Uganda. L'horrible type pygmée se retrouve constam-
ment parmi les Baganda de langue bantoue et dans les tribus de
chasseurs nomades des forêts de Mau (Anderobo).
Toute la population qui descend du nègre du Nil et qui habite
l'est et le sud du protectorat va absolument nue, à l'exception de
quelques tribus, comme les Massai, par exemple, où les femmes
s'habillent. D'autre part, presque toutes les populations de langue
bantoue s'habillentet regardent la nudité absoluecomme une honte.
La propagande religieuse semble absolument impossible à pré-
sent parmi les nègres nilotiques de la moitié orientale du protec-
torat. Ces populations ne s'intéressent à rien de ce qui n'est pas
dénature purement matérielle. Les populations de langue bantoue,
au contraire, sont portées vers les sentiments religieux et la rapi-
dité avec laquelle le christianisme s'est répandu à travers le
royaume d'Uganda est un des plus grands triomphes que les
partisans de la propagande chrétienne puissent invoquer. Le
changements que les missionnaires catholiques et protestants sont
parveims à réaliser chez les indigènes de cette contrée sont réel-
lement extraordinaires. 11 y a loin de l'habitant actuel à celui qui
vivait aux temps troublés et barbares de Mutesa et de son flls
Mwanga.
Bien que les populations nègres nilotiques répudient les vête-
ments, ils font un commerce très actif en certains articles tels que
le fer, le cuivre, le fil de cuivre, les perles, les fez rouges et les
vêtements arabes. Les chefs aiment à se parer de ces derniers aux
grandes occasions. La population de langue bantoue recherche
les étoffes et les articles manufacturés, y compris les phono-
graphes et les gramophones.
LE PROTECTORAT DB L*UGANDA 847
Les seuls moyens de payement dont les indigènes disposent
actuellement sont l'ivoire, le bétail, les ânes, les moutons et les
chèvres, ainsi que les produits végétaux. Les indigènes pourraient
naturellement devenir beaucoup plus riches, s'ils pouvaient être
amenés à exploiter les véritables ressources de leur pays, comme
le caoutchouc, les gommes, les essences de leurs forêts et les
minéraux de leurs montagnes. Cela se fera sans nul doute quand
le chemin de fer aura atteint le lac Victoria et que ses milliers de
milles de côtes pourront être visités *par des steamers. De nom-
breux marchands s'y rendront alors, et, par les avantages qu'ils
offriront aux indigènes, ils pousseront ceux-ci à rechercher
au loin les produits échangeables.
Taxation indigène. — Comme dans le Protectorat de l'Afrique
centrale anglaise, le plus sûr moyen de faire face aux dépenses de
l'administration, dans l'Uganda, consiste dans l'établissement d'une
taxe sur les indigènes.
La taxation des indigènes a commencé le l*"" avril 1900. Elle est
de 3 roupies (4 sh.) par maison ou hutte servant à l'habitation.
On a aussi établi un port d'armes de 3 roupies par fusil. Dans les
districts où l'on est parvenu à mettre un terme à la destruction
des éléphants, un permis de chasse pourra aussi être imposé aux
chefs indigènes moyennant payement.
Dans quelques districts, les indigènes sont tenus, en vertu de
conventions, de veiller à la conservation des routes. Il en résultera
une économie pour l'administration. Si Ion évalue la population
du protectorat à 4,000,000 d'âmes, et en supposant qu'une per-
sonne sur cinq paiera la taxe sur les huttes, il en résulterait un
revenu de 160,000 liv. st. par an. Les permis pour la chasse des
éléphants pourront, de leur côté, rapporter 5,000 liv. st.
Les territoires du protectorat qui sont particulièrement fertiles
et bien arrosés, pourraient, sans difficulté, nourrir une popula-
tion de 20,000,000 d'individus.
En ce qui regarde la taxation locale, il faut toutefois agir avec
prudence. Bien que, par rapport au chiff*re actuel de la population,
elle puisse produire 160,000 liv. st., il est cependant douteux
qu'elle rapporte plus de 15 à 20,000 liv. st. Il ne serait pas pru*
dent d'exiger le paiement de la taxe à main armée. Il faut que
848 ÉTUDES COLONIALES
Tindigène apprenne à apprécier d'abord les bienfaits qui découlent
d'une administration sage et régulière. Il faudra naturellement
un cerlain temps avant d'avoir atteint ce but.
Produits végétaux. — Les deux tiers environ du protectorat
possèdent un sol remarquablement fertile. Il est difficile de dire
quelle abondance de produits agricoles ces régions donneraient,
si elles étaient cultivées par une des races industrieuses de
l'Asie. Actuellement, les races de l'Uganda sont singulièrement
arriérées au point de vue de l'agriculture, même en comparaison
des autres Africains, sauf, peut-être, dans les provinces de l'ex-
trême nord, vers le Nil. Dans la plupart de ces fertiles contrées,
la principale nourriture de l'indigène est la banane. Cette plante
ne requiert, pour ainsi dire, aucun soin dans ces régions pour
rester une source constante de produits alimentaires. Elle se pro-
page d'elle-même, en poussant successivement des jets qui s'élèvent
de la tige souterraine ou rhizome. Beaucoup d'autres plantes du
même ordre végétal des zingiberacées se développent de la même
façon. C'est également le cas pour la plupart des orchidées. On peut
parfaitement enlever une tige du rhizome et la planter en terre.
On ne tardera pas à avoir un jeune arbre vigoureux qui portera
sieurs grappes de fruits. Pendant que la tige grandit au-dessus du
sol, le rhizome se développe au-dessous et forme une succession
de nouvelles pousses. Les tiges croissent et produisent des fruits,
puis meurent. Abandonnés à eux-mêmes, les bananiers semblent
continuer éternellement à s'étendre et à pousser des tiges qui dis-
paraissent pour faire place à d autres. En dehors du premier tra-
vail qu'entraîne la plantation d'un terrain au moyen de pousses
de bananes, les indigènes n'ont guère autre chose à faire qu'à
cueillir les fruits à mesure qu'ils mûrissent. En général, cependant,
les bananes sont cueillies avant d'être arrivées à maturité. C'est
dans cet état que les indigènes les mangent après les avoir fait
cuire. Du fruit mûr, ils font une bière douce. Ils emploient aussi les
feuilles et la tige du bananier, ainsi que le suc aqueux qu'elles
contiennent.
Pendant la saison exceptionnellement sèche de 1899, les bana-
niers ont langui; dans quelques districts, ils ont même péri. La
population n'avait pas d'autre récolle pour se nourrir, et comme
LE PROTECTORAT DE L*UGANDA 849
elle ne possède que peu d'animaux domestiques, elle a dû souffrir
de la faim. Si les habitants avaient planté des céréales, qui ne
réclament pas autant d'humidité que les bananes, ils auraient pu
se rabattre sur elles comme sur une deuxième source de subsis-
tance.
A lexception peul-être du blé, de l'orge et de l'avoine, presque
toutes les céréales poussent avec vigueur dans les parties basses
de l'Uganda. Quant au blé, à l'orge et à l'avoine, ils croissent
fort bien, pour autant qu'on puisse en juger par les expériences,
sur les plateaux et dans les régions plus sèches du nord du
lac Rodolphe. Bien que de nombreuses vallées marécageuses
s'étendent entre leurs collines, les Baganda n'ont guère été des
producteurs de riz. Ce n'est que maintenant que dans le voisi-
nage de Kampala et d'Entebbe, tous les marécages et les vallées
marécageuses ont été transformées en rizières.
Dans les parties nord et nord-est du Protectorat, entre le Nil
et le lac Rodolphe, on cultive les arachides en grandes quantités.
Les pommes de terre sont cultivées maintenant sur une grande
échelle par les Baganda, qui les vendent aux Européens. Elles
croissent d'une manière superbe dans ce pays, comme, du reste,
les tomates, le brinjall et le tabac. Le tabac de l'Uganda est d'ex-
cellente qualité et on croit, eu se basant sur des expériences faites
à Kampala, qu'il peut fournir une feuille de qualité supérieure
pour servir d'enveloppe de cigare.
Le café pousse à l'état sauvage dans tous les districts montueux.
Préparé convenablement, il a un parfum délicieux et il peut
être vendu tel qu'il est recueilli des plantes sauvages. Le café
donne les résultats les plus satisfaisants en culture. M. Whyte,
directeur du département scientifique et agricole, estime que le
royaume d'Uganda et les districts voisins de Busoga, d'Unyoro et
de Toru, sont destinés ù être de grands producteurs de café. Le
sol, l'eau et labondance d ombre fournie par les forêts, constituent
un ensemble de circonstances favorables que l'on voit rarement
réunies dans de telles proportions. La main-d'œuvre est presqiie
aussi bon marché que dans l'Afrique centrale anglaise. Toutefois,
pour que les plantations de café puissent devenir des entreprises
commerciales, il faut que le chemin de fer soit achevé jusqu'au lac
et que des steamers transportent les produits à travers le lac jus-
880 ÉTUDES COLONULES
qu'au point, terminus de la ligne d'où ils seront expédiés à Mon*
baza. Quand ces conditions de transports seront réunies, aucune
autre partie de TAfrique tropicale ne pourra probablement entrer
en lutte avec l'Uganda pour la production du café.
Le coton se rencontre à l'état sauvage ou à demi-sauvage, prin-
cipalement sur remplacement des anciens campements d'Emin-
Pacha. Il est de bonne qualité et a de longues fibres, mais, au
point de vue ergonomique, il n'a d'importance qu'en ce qui concerne
la consommation locale, car il n'est pas probable qu'il puisse sup-
porter les frais de transport par chemin de fer jusqu'à la côte.
Le ricin croit en abondance et l'huile qu'on en extrait facilement
en écrasant la graine constitue un excellent lubrifiant.
Les graines de sésame donnent une bonne, huile. On les ren-
contre à certains endroits dans l'Uganda, mais pas aussi abon-
damment que dans l'Afrique centrale anglaise.
Le caoutchouc doit être très abondant dans tous les fourrés du
Protectorat à moins de 5,000 pieds d'altitude. 11 est principale-
ment représenté par deux espèces de Landolphia, par un ficus et
par un arbre appelé scientidquement Tabernœinontana. Le caout-
chouc deviendra probablement un des principaux articles d'expor-
tation dans l'avenir. Jusqu'à présent, les indigènes ne se donnent
guère de peine pour le recueillir bien qu'ils connaissent sa valeur
et les arbres qui le produisent.
Il y a aussi lieu de faire remarquer que le sol et le climat de
près de la moitié du Protectorat se prêtent admirablement à la
culture du cacao et du thé. M. >Vhyte, qui a une grande expé-
rience des plantations de l'Inde et de Ceyian, considère que
certaines parties de fUganda sont particulièrement propres à la
culture du thé. Il compare ces parties du pays à celles qui se
trouvent à une hauteur moyenne à Ceylan. La pluie, fait il observer,
est un peu moindre qu'à Ceylan, mais elle e?t répartie plus régu-
lièrement sur toute l'année. Le thé fait l'objet d'une demande active
de la part des indigènes les plus civilisés de l'Uganda et du Toru.
M. Whyte estime que cette demande ainsi quecellequi a pour objet
lesucre, le café, le cacao et d'autres produits, est assez importante.
Il n'y a pas de doute que lorsque les communications par voie du
Nil seront mieux organisées et que le fleuve sera débarrassé du
sudd, une grande quantité de produits de l'Uganda pourront des-
cendre ce cours d'eau pour alimenter le Soudan.
LE PftOTËCTORAT D£ L'UGANDA 851
La canne à sucre croit admirablement dans les meilleures parties
du Protectorat. i^On la cultive dans presque tous les jardins indi-
gènes. Certaines cannes ont jusqu'à 15 pieds de longueur; elles
sont robustes et présentent une grande distance entre les nœuds.
Elles sont aussi bien développées que la moyenne des cannes des
Indes occidentales. La canne à sucre repousse ici pendant plu-
sieurs années de la souche et constitue uner essource importante
dans l'alimentation des indigènes. On a importé des machines
pour écraser la canne et on a déjà produit du sucre brut qui fait
partie des rations des troupes indiennes. Auparavant, le sucre
brut (gur) devait être importé de Tlnde.
Presque tous les légumes de l'Angleterre sont cultivés et pous-
sent avec succès dans la contrée. Les orangers, les citronniers
et les manguiers qui ont été plantés il y a quelques années ont
très bien réussi ; mais, à lexception du plateau de Mau, il serait
impossible de cultiver des arbres à noyaux, des pommiers, des
poiriers ou d'autres arbres qui requièrent un véritable hiver.
Bois. — Le bois d'ébène {Diospyros) se trouve dans les forêts
de rOuest, comme aussi le camwood {Raphia). Un arbre très
répandu est l'arbre à encens. La gomme qu'il exsude constitue le
principal ingrédient de l'encens.
Les superbes bois de construction qui garnissent les forêts de
Mau seront, dans l'avenir, un des grands objets d'exportation de
l'Uganda. Ce bois s'obtient de trois conifères : un genévrier et
deux espèces de Podocarpus. Ce bois ne vaut pas la peine d'être
exporté en l'Angleterre, mais il pourra certainement concourir
avec les bois de Norwège qu'on importe sur la côte orientale
d'Afrique et dans l'Inde. Il le fera d'autant mieux, qu'il résiste, à
ce qu'il paraît, aux attaques des fourmis blanches.
Cette espèce de bois rendra aussi de grands services dans la
colonie même, car on peut l'employer dans la construction des
navires, dans celle des maisons, dans l'ameublement et dans les
travaux les plus délicats de l'ébénisterie. On dit que dans les forêts
de l'Uganda, qui se trouvent à une altitude inférieure à 5,000 pieds,
il n'existe que deux sortes de palmiers : le Makendu ou dattier
sauvage et une magnifique espèce de Raphia dont, contrairement
aux autres Raphia, la tige atteint une très grande hauteur. Les
852 ÉTL'DES COLONIALES
troncs des dattiers sont employés dans la construction, lis forment
d*excellents piliers pour les wharfs ou piers, et aussi des colonnes
pour soutenir les vérandalis; en réalité, on peut les employer dans
une foule de cas et la demande dont ils sont l'objet est si intense
qu'il sera bientôt nécessaire de prendre des mesures pour assurer
leur conservation.
Faune. — Le Protectorat de l'Uganda est essentiellement un
pays d'élevage. Seuls, les districts inhabités comme les forêts de
Mau ou les sommets des montagnes élevées et aussi certaines con-
trées désertes autour du lac Rodolphe, sont dépourvus de trou-
peaux. Le bétail appartient à deux races distinctes. Dans l'est et
le centre ainsi que dans le pays des Shuli, des Madi et des Bari,
arrosés par le Nil, les bœufs sont du type zèbre indien à bosse et
à petites cornes. Les vaches de cette espèce sont souvent dépour-
vues de cornes. Dans la partie nord de la région du lac Rodolphe,
sur les collines à l'est du Nil et au sud-ouest, à Ankole, on trouve
le remarquable bœuf galla dont les cornes sont immenses.
Les chevaux se développent partout dans le Protectorat, pourvu
qu'on prenne soin de les abriter contre les fortes pluies. Ce pays
semble indemne des herbes vénéneuses que l'on rencontre si
souvent dans d'autres parties de l'Afrique, et qui tuent tant de
chevaux.
L'âne sauvage appartient aux régions désertes qui se trouvent
autour des rives nord du lac Rodolphe et peut-être aussi à la
région qui s'étend entre ce lac et le Nil supérieur. Ces ânes sont
faciles à dompter; ce sont des animaux grands, forts et beaux. Ils
produiraient probablement d'excellentes mules si on les croisait
avec les chevaux arabes ou somalis.
Les zèbres sont très communs dans les parties basses de
l'Uganda. Les indigènes n'ont fait aucune tentative jusqu'à présent
pour les domestiquer.
La contrée qui se trouve à l'ouest du lac Rodolphe possède des
chameaux. On ne pourrait, toutefois, employer ces animaux que
dans les régions sèches de lest du Protectorat; ailleurs, le climat
est trop humide.
Les indigènes ont de grands troupeaux de chèvres et de
moutons.
LE PROTECTORAT DE l'UGANDA 853
Uivoire de l'Uganda est de première qualité. Les défenses des
éléphants mâles sont souvent d'une longueur et d'un poids excep-
tionnels.
Les abeilles sauvages fournissent une grande quantité de cire
qui pourra devenir un article d'exportation.
Minéraux. — Le fer se trouve presque partout dans le Protec-
torat. liCS indigènes le mettent en œuvre sans difficulté. En ce
qui concerne les autres minéraux, on n'est guère fixé encore. On
parle vaguement de lexistence du cuivre dans la région du Nil,
mais on ne possède jusqu'à présent aucune information précise. On
dit; de même que le gravier des rivières du nord-ouest du lac
Rodolphe contient de l'or qu exploitent les indigènes. Mais sous
ce rapport, le pays a été trop peu exploré pour qu'on puisse
dire s'il est une contrée riche en métaux précieux ou si, au con-
traire, il en est dépourvu.
Quant au charbon, on rapporte qu'il s'en Irouve sur les pentes
du mont Elgon.
Régime des terres. — La question de la possession des terres
peut être considérée comme réglée en partie dans la plus grande
étendue du Protectorat. Dans toutes les régions occupées par une
population plus ou moins dense, les terres inoccupées appartien-
nent à la couronne ou elles ont été transférées par traités moyen-
nant payement d une indemnité, ou à la suite de guerres, comme
dans rUnyoro.
Il est défendu à tout étranger d'acquérir des terres des indigènes
sans l'autorisation préalable du gouvernement.
La possession d'une grande partie du territoire du royaume
a été garantie aux indigènes. Le reste du pays, y compris les torcts,
a été transféré à la couronne.
Colons Européens. — Si Ion fait abstraction des mission-
naires, il n'y a actuellement que onze Européens établis dans
la contrée. Sur ce nombre, il y a trois Allemands et un
Italien; les autres sont Anglais. Un grand nombre dmdigènes
de rinde anglaise se sont fixés comme marchands dans le Pro-
tectorat.
834 iruDfô colonialcs
Chemins de fér. — Le chemin de fer de FUganda a atteint
la rampe de Kikugu à un mille ou deux de la frontière. Dans
quelques mois, la ligne aura été prolongée jusqu'au bas de la
rampe. Elle se reliera alors à la partie en construction à Navanka,
dans la Rill Valley. Il existera ainsi une communication entre Mon-
basa et l'extrémité de la rampe de Mau, cest-à-dire jusqu'à un
point situé à moins de 100 milles du Victoria Nyanza.
Lacs navigables. — Le lac Victoria est navigable dans toutes
ses parties pour les navires d'une jauge considérable. 11 faut cepen-
dant être très prudent en suivant les passages qui séparent les îles
de la terre ferme, parce qu'ils contiennent souvent des rochers
dormants. Sous la conduite d'un pilote expérimenté, les voyages
peuvent cependant se faire sans danger entre les îles et la rive du
lac. On préfère celte dernière voie à celle du milieu du lac, parce
que les eaux du Victoria Nyanza sont très agitées. L'eau est plus
tranquille dans les canaux et on y trouve aussi l'avantage de pou-
voir atterrir facilement pour faire du bois.
Depuis le moment où il sort du Victoria Nyanza jusqu'au moment
où il atteint Kakoge, le Nil est constamment interrompu par des
rapides et des chutes. A partir de ce dernier point, il est navigable
jusqu'au lac Kioga et puis, vers le nord, jusqu'à Foweira. La plu-
part des grandes branches du lac Kioga sont navigables pour les
petits bateaux à vapeur. Au delà de Foweira, le Nil cesse d'être
navigable jusqu'à Fajao. Depuis ce point, il peut être parcouru par
de petits steamers jusqu'à Dufile. On rencontre alors une série de
rapides qui s'étendent sur une longueur de 70 milles. Le fleuve
ne redevient navigable qu'à partir de Beden ou Fort Berkeley, mais
depuis cette localité, sauf en cas d'obstruction causée parle sudd,
il l'est jusqu'à Khartoum.
Le lac Albert est navigable pour les steamers. On dit que le lac
Rodolphe a également une profondeur suffisante pour les steamers
ou les launches ; il en est de même du lac Baringo. Les lacs Nai-
vasha et Nakuro sont navigables pour ces petits bâtiments.
Moyens de transports. — En dehors de ces voies d'eau et de
la route carrossable qui ne va pas au delà de Kavirondo, tous les
transports doivent se faire par porteurs ou par bêtes de somme.
LE PROTECTORAT DE l'uCANDA 855
Grâce à Tabsence de la mouche tsetse dans tout le Protectorat, rien
ne s'oppose à développer considérablement les moyens de trans-
port en employant des animaux.
Les seuls bâtiments que Ton rencontre actuellement sur le Victo-
ria Nyanza sont : un petit b.iteau à vapeur allemand appartenant
aux autorités de Mwanza; un autre petit bâtiment dépendant de
ladminislration de l'Uganda; un vapeur appartenant à une firme
anglaise, établie dans FUganda ; un bateau à voile de la Church
Missionainf Society et un bâtiment arabe. Bien que ces navires ne
soient pas considérables, ils ont pu rendre de grands services en
facilitant le commerce avec l'Afrique allemande orientale. Sir
H. H. Johnston conclut son rapport en ajoutant qu'il regrette de
devoir dire, qu'en ce moment, l'Uganda dépend presque entière-
ment de l'Afrique orientale allemande pour les marchandises dont
il a besoin. En réalité, les Européens, résidant dans ce pays, se
trouveraient bien souvent dans l'embarras, si deux firmes alle-
mandes ne s'y étaient établies. Celles-ci tirent toutes leurs mar-
chandises de l'Afrique allemande orientale où le portage est à bon
marché et bien organisé.
Le chemin de fer anglais n'a fait que peu de chose jusqu'à pré-
sent pour modifier la route suivie par les marchandises vers
l'Uganda. Il est toutefois certain que lorsque la ligne aura atteint
le lac, tous les autres moyens de transport disparaîtront devant
kl
Dans l'Uganda même, le chemin de fer a amené de grands chan-
gements, notamment dans le transport des passagers et des che-
vaux. Les passagers sont transportés maintenant en peu de jours
de Mombaza à la frontière de l'Uganda, dans une région qui est,
jusqu'au lac Victoria, parfaitement salubre pour les hommes et
les animaux.
-^<^
GÉNÉRALITÉS
Résultats de l'expédition allemande contre la malaria. — Le
professeur Koch a exposé, le mois dernier, «à la section berlinoise de
la Société coloniale allemande, les résultats de l'expédition organisée
par le gouvernement allemand pour l'étude de la malaria. Depuis les
découvertes de Laveran, a-t-il dit, on sait que la maladie est déter-
minée par un parasite qui, grâce à sa forme caractéristique, est facile
à découvrir dans le sang du malade. Les maladies malariennes ne sont
pas toutes de la même forme. Elles constituent différents groupes,
dont chacun correspond à un parasite déterminé. Dans nos régions
tempérées, on connaît deux genres de fièvre malarienne : la quarte et
la tierce. IMusau Sud, en Italie, en rencontre d'autres formes, parmi
lesquelles les observateurs italiens croyaient autrefois pouvoir discer-
ner trois groupes. Plus au Sud encore, on trouve la malaria des tro-
piques. Comme on le sait, le professeur Kocli a démontré, il y a déjà
trois ans environ, qu'il n'y avait qu'un seul hématozoaire qui déter-
minât la malaria, en Afrique orientale. Ce parasite est du type de celui
de la fièvre tierce mais il se distingue de ce dernier en ce qu'il
provoque des accès plus longs et plus graves. Il n'était pas encore
établi, à cette époque, s'il en était de même pour les autres pays tro-
picaux.
Comme le parasite peut se maintenir longtemps dans l'homme,
la guérison ne se fait pas, comme dans d'autres maladies, en quelques
jours ou en quelques semaines. Les accès se répètent par groupes,
chaque récidive correspondant à une nouvelle génération de para-
sites.
La manière dont les parasites s'introduisent dans le sang, a long-
temps été un mystère. On supposait que c'était par l'intermédiaire de
l'eau, de l'air ou des aliments. Finalement, l'hypothèse de Koch, que
CHRONIQUE 857
les moustiques tranféraient la maladie à l'homme, devint, grâce aux
observations du U'' Ross, une certitude. On démontra que la glande
des moustiques se remplit de parasites, puis, qu'avant d'aspirer du
sang, les moustiques doivent vider leur glande dans la plaie et qu'ainsi
les parasites s'introduisent dans le corps de l'homme. Pour contrôler
ces recherches, une expédition préliminaire fut, sur la proposition
de Koch, envoyée à Rome, au mois d'août 1898. Elle confirma pleine-
ment les observations de Ross. Jusqu'à ce moment, on ne savait pas
non plus combien il y avait de genres de malaria en Italie. Il fut éta-
bli alors que dans ce pays, œmnie en Afrique orientale, il s'agissait
toujours du même parasite. II en est de même en Amérique. Le tra-
vail de l'expédition malarienne fut simplifié par ces observations.
U était acquis que l'on n*avait affaire qu*à trois espèces d'hémato-
zoaires dont deux se rencontrent aussi dans les climats tempérés et
dont le troisième appartient aux tropiques.
L'expédition se mit en route au printemps de 1899. Elle visita
d'abord un centre de fièvres connu, qui se trouve entre Rome et
Livourne, Grosseto et les niarenuiies toscanes. La malaria ne règne
pas, en hiver, en Italie. Elle ne commence qu'en été à une époque
bien déterminée. Le professeur Koch arriva avant ce moment à Gros-
seto et put constater que les personnes qui en souffraient alors
n'étaient pas atteintes de malaria récente, mais de récidive. A partir
du 23 juin, la nouvelle malaria apparut subitement pour s'affaiblir
graduellement. A la fin de novembre, donc 4 1/2 mois plus lard,
l'Italie était de nouveau affranchie de cas de malaria récente.
La question suivante se posait alors : que deviennent les hémato-
zoaires pendant la période indemne de malaria? La réponse est que
les parasites doivent passer la période franche dans le corps de
l'homme, car dans aucun des animaux étudiés par Koch (singes,
chauve-souris, oiseaux, couleuvres, etc.), on n'a pu découvrir de
parasites. Il est vrai qu'on trouve aussi des parasites de malaria chez
les animaux, mais ils sont différents de ceux de l'homme. Chaque
animal possède un parasite déterminé qui est particulièrement adapté
aux cellules de son sang et qui ne peut être transmis à un autre
animal. Les essais de transmission des parasites à des singes anthro-
pomorphes restèrent également sans résultat. Il fut prouvé que
l'homme seul était le dépositaire des hématozoaires de la malaria
humaine.
Pour empêcher la propagation des parasites, il faut briser le cercle
qu'ils doivent parcourir, de l'homme au moustique et de celui-ci à
l'homme. On peut y arriver en tuant, pendant l'époque franche, les
8o8 ÉTUDES COLONIALES
parasites que l'on rencontre dans les cas de récidive. Si Ton entame
la lutte contre la malaria de cette manière, le moustique n'offre plus
qu'un intérêt théorique bien qu'il apparaisse partout comme le seul
propagateur des hématozoaires.
De (irosseto, l'expédition se rendit à Java, où elle arriva à la période
malarienne qui correspond à la saison des pluies. Elle poursuivit
ensuite ses travaux en Nouvelle-Guinée, où le professeur Koch
séjourna jusqu'au 8 août do cette année. Le professeur Koch croit
qu'il y a deux mille ans, Java doit avoir été dans la même situation
que la Nouvelle-Guinée aujourd'hui et que cet éUxi de choses a duré
jusqu'à ce que, grâce à l'immigration des Hindous et à la culture du
riz nécessaire à l'alimentation de la population, la situation se soit
modifiée et ait permis le développement économique de cette île. La
Nouvelle-Guinée possède les mêmes chances de prospérité que Java,
mais il faut, au préalable, faire disparaître la malaria qui attaque
tous les Européens et qui enlève la plus grande partie des enfants
indigènes. L'observation suivante est d'une grande importance pour
trouver le moyen d'y arriver.
Déjà à Java, le professeur Koch constata que la malaria n'est, à pro-
prement parler, qu'une maladie infantile. En Nouvelle-Guinée, il y a
des districts où aucun enfant au-dessous de deux ans n'en est indemne.
A l'âge de cinq ans, la malaria disparaît, en règle générale. Ce
n'est qu'exceptionnellement qu'elle perdure chez certains enfants
jusqu'à la dixième année. Cette constatation est très importante pour
fixer les endroits où se produisent les infections malariennes. Quand
il s'agit d'adultes qui changent souvent de lieu de séjour, on ne sait
pas où ils ont été infectés, tandis que les enfants restent, en général, au
même endroit. Il fut ainsi permis au professeur Koch de déterminer
les foyers de malaria de la colonie allemande de la Nouvelle-Guinée.
Sur la rive de Kaiser Wilhelmland, il n'y a qu'un seul endroit indemne,
près du Cap Friedrich Wilhelm. Les montagnes y sont dépourvues
de forêts vierges et les habitants en semblent appartenirà la popu-
lation autochtone de l'ile. On a l'impression que l'affection a été
amenée dans ces parages, de l'ouest, par des marchands malais. Il
faut aussi signaler que dans quelques îles, on ne rencontre qu'un seul
genre de malaria; les autres n'ont pas encore été importés. Cela
prouve aussi que les différents genres ne se transforment pas l'un dans
l'autre.
Comme l'immunité que l'homme acquiert contre la maladie à la
suite d'accès répétés, ne s'obtient qu'insensiblement, il se fait qu'il y a
beaucoup de malades qui ne font plus attention au mal bien qu'ils
CHRONIQUE 859
sachent qu'ils ne sont pas guéris. Ces cas latents doivent aussi être
surveillés parce qu'ils peuvent, comme pour le choléra ou la peste,
importer la maladie avec la plus grande facilité. Aussi pour com-
battre efficacement la malaria, ne doit-on pas seulement s'occuper
des malades actuels, mais aussi des enfants et des cas latents, recher-
cher les parasites qu'ils contiennent et les rendre inoffensifs au moyen
de la quinine. C'est de cette manière que le professeur Koch a agi à la
plantation de Stephansort. Sur les 700 personnes qui y étaient
employées, 137 étaient infectées de malaria. On les traita par la
quinine et, en deux mois environ, les parasites furent détruits. Mal-
gré la saison défavorable et des travaux dangereux, il ne se présenta
plus que quelques cas de fièvre quarte dont furent victimes des gens
provenant de villages qui n'ont pas pu être contrôlés. L'essai fait à
Stephansort a démontré que les principes sur lesquels M. Koch
s'appuie, sont justes. Si l'homme n'était pas le seul dépositaire des
parasites, des cas de maladie auraient dû se produire constamment. •
Que l'on puisse faire en grand ce qui a été fait en petit à Stephan-
sort, résulte du fait que les cas de fièvre attribuables à la malaria
ont disparu dans le nord de l'Allemagne, grâce à l'emploi de la qui-
nine. Dans l'armée de l'Allemagne du Nord et ensuite dans celle de
l'Allemagne entière, il y eut, en 4869, 43,300 cas de malaria ; en 1889,
1 ,800; en 4896, 230. La morbidité a donc diminué de plus du. centuple.
Dans les endroits de l'Allemagne du Nord, où, il y a trente ans, on
rencontrait de nombreux centres d'infection, le professeur Frosch n'a
plus pu en découvrir un seul pour y expérimenter la méthode Koch.
Et cependai\t les marais et les moustiques ne manquent pas. Grâce à
la facilité avec laquelle on peut se procurer de la quinine, on a pu se
débarrasser des parasites.
On a proposé d'autres mesures pour combattre la maladie, telles que
la destruction des moustiques par l'assèchement des marais et eaux
stagnantes, ou des moyens de prévention contre les piqûres des mous-
tiques : moustiquaires, maisons paramoustiques. Ils peuvent être appli-
qués dans des cas particuliers, mais, dans la pratique, ils ne pourront
jamais être d'un emploi étendu. Toutes les tentatives d'immuniser les
gens contre la malaria ont échoué jusqu'à présent. 11 ne faut aussi
accueillir qu'avec prudence la nouvelle récente qu'on aurait retiré de
chevaux atteints de la peste, un liquide immunisant. L'application
prophylactique de la quinine ne peut pas non plus être prolongée
longtemps.
Le professeur Koch estime qu'il est nécessaire d'envoyer, pour
l'application du système qu'il préconise et qui « n'est pas très simple »
860 ÉTUDES COLONIALES
des médecins, qui travailleront le microscope à la main et recherche-
ront les cas latents. 11 faut ensuite que la quinine soit facile à acquérir
et faire comme le gouvernement hollandais, par exemple, qui a amené
une diminution de la malaria en répartissant 2,000 kilogrammes de
quinine dans Tîle de Java. On devrait appliquer le même système,
d'abord à la Nouvelle-Guinée et à l'Afrique sud-occidentale et
l'étendre ensuite, quand on aurait acquis une base d opération plus
lai^e. En terminant sa conférence, le professeur Koch a exprimé la
conviction que dans un délai plus ou moins éloigné, le plus grand
obstacle au développement des colonies tropicales aurait disparu.
Combustible liquide. — L'emploi du pétrole comme combustible
à bord des navires a déjà pris une certaine extension. Le vaisseau ami-
ral français dans les eaux chinoises consomme régulièrement du
pétrole. Il en est de même des vaisseaux de guerre allemands Branden-
burg et Fùrst Bismarck qui se trouvent aussi dans les mers de Chine.
Environ quinze steamers anglais, dont quelques-uns jaugent 4,000 ton-
neaux, servant aux transports commerciaux dans les eaux chinoises
emploient aussi du pétrole. Au moins seize bâtiments russes font
régulièrement usage de ce combustible. Le prix élevé du charbon amè-
nera très probablement un développement de cette nouvelle application
du pétrole. Le charbon de Cardiff coûte environ 70 sh la tonne à
Singapore, tandis que la tonne de combustible liquide ne coûte que
30 sh. De plus, la puissance calorifique du pétrole est de 25 à 30 p. c.
plus grande que celle du charbon.
On peut disposer les grilles des [chaudières de maniera à remplacer
à volonté le chauffage au charbon par la combustion du pétrole.
L'opération s'effectue en trois heures. Les soutes à charbons peuvent
en douze heures être appropriées pour recevoir du pétrole. Le remplis-
sage des soutes avec du pétrole se fait beaucoup plus vite qu'avec du
charbon.
L'Arachide. — La Société a reçu |de M. Th. Fleui7 l'hommage
d'un exemplaire de sa bonne étude, L Arachide^ principalement celle
de la Sénégambie, sa culture, son commerce, sa transformation en
huile et en tourteau. Cotte publication qui a paru à Bordeaux, chez
Feret et fils, se recommande non seulement par sa documentation pré-
cise et scientifique, mais encore par la compréhension qu'elle révèle
des côtés pratiques du sujet. Ce dernier point est dû sans doute à cette
circonstance que M. Fleury est un directeur de l'Huilerie de Bacalan,
et non un simple compilateur de statistiques, diagrammes et brochures
spéciales.
CHRONIQUE 861
L'arachide est une plante herbacée annuelle atteignant au Sénégal
35 à 50 centimètres et dans Tlnde de 40 à 80 centimètres de hauteur.
Elle appartient à la famille des légumineuses cœsalpinées. Les fleurs,
d'un jaune d*or, sont polygames, portées sur de longs pédoncules
axillaircs. Ses feuilles sont alternes et composées de deux paires de
folioles ovales, elles sont un peu duveteuses au-dessous et lisses à la
face supérieure. L'arachide aime les sols légers pouvant être facile-
ment irrigués; les sols argileux compactes ne lui conviennent pas,
parce qu'elle y enterre difficilement ses fruits. C'est dans les terrains
sablonneux, susceptibles d'être arrosés pendant les grandes chaleurs
que l'arachide végète le plus facilement.
Cette plante réussit encore très bien sur les sols d'alluvion, mais
elle ne donne alors que des fruits de mauvaise qualité.
L'arachide comme le trèfle et, en général, les plantes de la famille
des légumineuses, prenant à l'atmosphère par ses feuilles la plus
grande partie, si ce n'est la totalité, de son azote, peut être entretenue
dans un état florissant à l'aide d'engrais dépourvus de cet élément.
La fwnure de cette légumineuse est faite en Sénégambie d'une façon
bien simple; pour restituer au sol les éléments utiles qui lui ont
été enlevés par la récolte précédente, les noirs brûlent sur leur lou-
gans, après les avoir entassées, les racines sèches des arachides et les
herbes qu'ils y ont coupées, puis ils en enterrent les cendres qui,
mélangées aux folioles azotées de la plante abandonnée sur le sol,
constituent un engrais suffisant. Pour remuer la terre légère, les noirs
se servent d'une petite bêche en forme de croissant. L'ensemencement
n'a lieu au Sénégal qu'après les premières pluies, c'est-à-dire au com-
mencement de juillet ; on pratique dans le sol des trous de 8 à 10 cen-
timètres de profondeur distancés les uns des autres de 30 à 40 centi-
mètres dans lesquels on jette une ou deux arachides, on ferme le trou
et on ramène la terre avec le pied. Quelquefois pour hâter la germi-
nation, on fait tremper les semences dans Teau pendant deux ou trois
jours avant de les mettre en terre. Lorsque le plant est levé, on le
bine et on le butte. On renouvelle cette opération quand la graine est
formée. Dans l'intervalle, on sarcle si cela est nécessaire.
11 faut environ 100 kilogrammes de graines pour l'ensemencement
d'un hectare. La récolte se fait au Sénégal trois ou quatre mois après
les ensemencements, depuis novembre jusqu'en janvier et parfois
jusqu'en février. Les gousses sont arrivées à parfaite maturité quand
les plantes ont pris une teinte jaune et que les tiges et les feuilles sont
presque sèches. On récolle l'arachide comme la pomme de terre,
c'estrà-dire en arrachant le plant que l'on secoue fortement pour en
863 ÉTUDES COLONIALES
extraire le sable et les parties terreuses qui adhèrent aux racines et
aux gousses et en cherchant dans la terre les gousses qui auraient pu
y rester. Les femmes et les enfants des noirs détachent ensuite une à
une les gousses des pédoncules où elles sont attachées : travail long
et assez pénible auquel le noir paresseux se soustrait toujours.
Pour conserver ses qualités natives, l'arachide doit voyager dans sa
eosse et être soigneusement préservée de l'humidité; elle doit être
transportée par des navires de premier ordre, steamers ou voiliers en
fer, afin de le mettre à l'abri de la fermentation et de toute avarie de
mer. L'arachide écossée sur les lieux de production rancit vite,
s'échaufle et s'altère en route. L'huile provenant de l'amande décom-
posée est rance, ne peut être utilisée que pour la savonnerie, et le
tourteau possède une odeur et une saveur désagréables qui le rendent
nuisible aux animaux ; il ne peut servir alors que comme engrais.
La Scnégambic, dans une année favorable, importe en France
70 millions de kilogrammes d'arachides, d'une valeur moyenne de
15 millions de francs. Les bonnes graines de la Sénégambie, celles du
Gayor, du Baol et du Diander que l'on payait autrefois sur les lieux
de production, de 16 à 18 francs les 100 kilogrammes ont valu, de
1883 à 1893, jusqu'à 30 et 32 francs les 100 kilogrammes, tant la con-
currence est grande sur les marchés. Le prix de ces graines rendues à
quai, à Bordeaux, varient entre 22 et 42 francs les 100 kilogrammes.
Dans les terrains sillcieux, l'arachide rapporte, terme moyen 90 p. c,
quelquefois 200 et même davantage, en buttant convenablement les
pieds et les espaçant un peu ; dans les terres compactes, le rendement
varie de 25 à 40 p. c. Dans les années chaudes, les arachides sont en
général d'une qualité supérieure; elles sont petites lorsque le manque
d'eau se fait sentir et si les pluies sont abondantes, elles ne mûrissent
pas.
AFRIQUE
La marine marchande allemande et l'Afrique australe. —
Le gouvernement allemand s'efforce de développer les relations com-
merciales de l'Allemagne avec les ports de l'Afrique australe en accor-
dant des subsides à la ligne de l'Afrique orientale. Les raisons qui ont
amené le gouvernement à prolonger les routes actuelles, sont, comme
on le trouve exposé dans le mémoire justificatif du projet qui est devenu
loi, le 25 mai dernier, le désir d'encourager le commerce extérieur de
CHRONIQUE 863
TAllemagne, de développer l'industrie intérieure et la construction
des navires, d'affranchir le commerce allemand de Tintermédiaire de
l'étranger, d'éviter les transbordements et d'assurer un service suffi-
sant pour le transport des passagers.
Les contrats antérieurs assuraient l'existence d'une ligne principale
entre Hambourg et l'Afrique orientale allemande, Zanzibar et Delagoa
Bay et d'un service accessoire vers les ports des possessions alle-
mandes et portugaises. La compagnie de la ligne de l'Afrique orien-
tale devait organiser un départ par mois. Mais elle prolongea bientôt
sa ligne jusque Durban, établit un service hebdomadaire secondaire
de Zanzibar à Bombay et organisa un départ tous les quinze jours. La
vitesse minima pour la ligne principale était de 10 î/2 nœuds et le
subside élait de de 1,123,000 francs. En 1891, la ligne transporta
21,651 tonnes de marchandises; en 1898, le chiffre était de
78,517 tonnes.
Le nouveau contrat maintient les lignes existantes, augmente la
vitesse de la ligne principale, améliore la flotte par l'addition de nou-
veaux bâtiments et étend la ligne jusqu'aux ports de la colonie du
Cap, à cause de l'importance de celle-ci pour le commerce allemand
et dans le désir d'avoir un port autre que Delagoa Bay pour commu-
niquer avec le Transvaal.
11 y a un an environ, une compagnie de Hambourg, dont les navires
ne faisaient auparavant escale qu'à Port Elisabeth, en se rendant en
Australie, commença à visiter Cape Town toutes les quatre semaines.
Aucune autre compagnie n'avait établi de service direct entre l'Alle-
magne et la colonie du Cap, de sorte que les marchandises allemandes
étaient dirigées sur Londres pour être transportées à destination par
des steamers anglais. C'est pour éviter cet état de choses que l'on
a établi un service exclusivement allemand. Un service bi-mensuel
sera établi autour de l'Afrique. Les navires passeront alternativement
par le canal de Suez et par les îles Canaries. Les navires du service
oriental feront escale à Anvers à l'aller; ceux du service occidental à
Amsterdam, à l'aller, et à Rotterdam, au retour.
La vitesse sera de 12 nœuds à la côte occidentale d'Afrique et de
10 1/2 à la côte orientale. Un service bi-mensuel se fera entre Ham-
bourg et les ports de la côte orientale jusque Beïra. Le subside est de
1,887,800 francs pour quinze ans. Le contrat entrera en vigueur le
l^' avril 1901-
La flottille du Haut-Congo. — Le Journal officiel français vient de
publier l'acte de rétrocession à la « Compagnie de navigation et trans-
864
ÉTUDRS COLONIALES
ports Congo-Oubanghi )) des services de navigation à vapeur imposés
à diver^s compagnies concessionnaires de territoires au Congo fran-
çais et un arrêté approuvant la substitution de la « Compagnie de
navigation et transports Congo-Oubanghi » aux Sociétés de la Mobaye
et de la Kote, et à la Compagnie des Sultanats du Haut-Oubanghi,
pour l'exécution du service de navigation prévu aux cahiers des
charges annexés à leurs décrets de concession.
Par cette combinaison, ces sociétés sont déchargées de Tobligation
de mettre à flot et entretenir en service, pendant toute la durée de
leur concession, les bateaux à vapeur de grand et petit modèle qui
leur sont imposés par leurs cahiers des charges.
Congo français. Transports fluviaux. — Voici le tarif des
transports adopté d'un commun accord par les dix sociétés conces-
sionnaires du Congo français, ayant adhéré aux Messageries fluviales
du Congo :
(Prix en francs à la tonne de 1,000 kilogrammes ou par tête.)
'
^'
PRIX
RETOUR
PRIX POUR PASSAGERS
NOMS
BLAWCS
NOIRS
des sociétés concessionnaires
adhérentes.
a.
£
c
>
§
1
â
i
<
1
i
<
Compagnie de la Lcfîni
200
200
150
75
40
45
30
Société de la N'Kémé N^Kéni .
240
240
180
120
65
45
30
Compagnie française du Congo .
315
315
240
145
110
80
3o
Société de l'Afrique française .
345
545
260
225
130
70
50
— de l'Afrique équatoriale
345
345
260
225
130
70
50
Compagnie franco-congolaise .
450
450
340
255
1«0
85
60
— delaKadeîSangha.
i50
450
340
255
190
85
60
— de TËkéla Sangha .
450
450
340
255
190
85
60
— des caoutchoucs et |
duits de la Lobay .
îro-
400
490
380
290
215
80
55
— de rOubanghi Ombella
510
810
385
310
230
80
55
Ce tarif est considéré, par comparaison avec celui en vigueur entre
l'Etat indépendant du Congo et les Sociétés belges, comme devant
rémunérer largement les services des Messageries.
CHRONIQUE 860
Différents systèmes d'exploitation des forêts à caoutchouc.
— Les différents systèmes en vue de sauvegarder les réserves de caout-
chouc peuvent être ramenés aux types suivants :
1. Les forêts, y compris les arbres à caoutchouc, sont considérées
comme faisant partie du domaine de TËtat. Elles sont administrées
par lui et le caoutchouc est récolté par un service des forêts.
2. Les forêts sont considérées comme propriétés de TÉtat, mais les
entreprises privées sont autorisées dans certaines étendues moyennant
des baux à terme et sous des conditions déterminées.
3. Des étendues de forêts sont cédées en propriété à des particuliers
ou à des sociétés et l'exploitation est laissée à l'initiative individuelle
sous l'action plus ou moins étendue des lois et règlements.
4. Les forêts sont abandonnées au premier occupant sous l'action
d'une réglementation plus ou moins effective en ce qui concerne
l'extraction et le commerce du caoutchouc.
Voyons maintenant quels systèmes sont appliqués dans les différents
territoires africains appartenant à des nations européennes.
Colonies anglaises, — Le principe généralement appliqué dans les
colonies anglaises, abstraction faite de l'ïnde, est celui qui est indiqué
ci-dessus, au n^ 4.
tJtat Indépendant du Congo. — L'extraction du caoutchouc ne peut
se faire sans autorisation.
L'extraction est pratiquée sur une grande échelle par l'État; des
concessions peuvent toutefois être accordées dans certaines régions et
pour un temps limité, à charge, pour les concessionnaires, d'observer
les règlements applicables aux forêts de l'Etat.
Le gouvernement ou les concessionnaires doivent planter chaque
année un nombre d'arbres à caoutchouc en proportion de la quantité
de caoutchouc extraite. Si les concessionnaires négligent de le faire,
l'État peut intervenir et mettre les frais à charge du concessionnaire
ou bien même annuler la concession.
Il est défendu sous des peines sévères d'abattre des arbres à caout-
chouc.
On ne peut extraire le caoutchouc qu'au moyen d'incisions faites
dans la tige.
Les pénalités varient de 100 à 10,000 francs et de 10 jours à 6 mois
d'emprisonnement. Les concessionnaires, directeurs de compagnies
et agents de l'État sont responsables du payement des amendes encou-
rues par leurs préposés.
Les droits d'exportation sont fixés à 40 centimes le kilogramme
(février 1898), plus un; droit de 25 centimes (septembre 1898).
866 ÉTUDES COLONIALES
Un droit de o,000 francs est perçu pour rétablissement de chaque
nouvelle factorerie.
Laurence Marquez. — Le monopole de l'extraction et du commerce
du caoutchouc a été concédé pour le terme de vingt-cinq ans sur
toutes les terres inoccupées appartenant à l'Etat. Les concessionnaires
paient une rente de 200,000 reis par an et doivent planter
20,000 arbres en deux ans. Ils payent, en outre, un droit de oO reis
par kilogramme pendant les sept premières années et de 7o reis pen-
dant les dix-huit années suivantes. Us sont exemptés de tout autre
impôt. Us ont l'option de continuer leur bail aux mêmes conditions
à l'expiration du monopole.
Le monopole ne porte pas atteinte au droit des particuliers de
cultiver des arbres à caoutchouc et d'en exporter le produit.
Compagnie de Mozambique. — La Compagnie de Mozambique
défend à tout particulier d'acheter du caoutchouc aux indigènes ou
de le faire extraire par ses préposés à moins d'obtenir une licence
dont la validité s'étend du 1'*'' février au 31 août de chaque année. Le
prix en est de 3 liv. st. par an. Une taxe de 30 reis doit être acquittée
avant que le caoutchouc sorte du district où il a été récolté et une
quittance de payement doit toujours l'accompagner.
Toute personne qui achète ou récolte du caoutchouc doit tenir des
livres où elle consigne les entrées journalières de la gomme. Tous
les mois, elle doit informer le fonctionnaire du district de la quan-
tité reçue. Tous les magasins et les consignations de caoutchouc en
transit doivent être soumis à l'inspection, à première réquisition.
Lagos, — Le système de Lagos est fondé sur le principe que la
propriété des forêts appartient aux tribus locales représentées par les
« autorités indigènes » c'est-à-dire, leurs chefs. Dans les districts qui
se trouvent sous le contrôle des « autorités indigènes », personne ne
peut récolter du caoutchouc sans avoir, au préalable, pris une licence
pour laquelle on doit payer 5 liv. st. aux « autorités indigènes ».
On doit verser, en outre, 2 sh. par charge de caoutchouc.
Aucun arbre de moins de 3 pieds de circonférence à 3 pieds du sol
ne peut être saigné. Il ne peut être saigné qu'une seule fois tous les
dix-huit mois et il ne peut l'être que de la manière indiquée par les
(c autorités indigènes ».
Des mesures sont également prises pour la sauvegarde des arbres
qui protègent les lianes à caoutchouc. Aucun arbre de moins de
9 pieds de circonférence à 10 pieds du sol ne peut être abattu et un
CHRONIQUE 867
arbre de même essence doit être planté à l'endroit le plus proche
possible dans les sept jours qui suivent l'abattage.
Un permis doit être obtenu des « autorités indigènes » pour chaque
arbre à abattre. Une taxe de 5 sh. par arbre abattu doit être
acquittée.
Protectorat de l'Afrique centrale anglaise. — Le Protectorat de
l'Afrique centrale anglaise n'a pas encore établi de système définitif
pour protéger l'industrie du caoutchouc et en retirer un revenu.
L'administration défend toutefois le commerce du caoutchouc extrait
des racines et des écorces des arbres en les faisant bouillir. Elle a
aussi imposé un droit de transit de o p. c. sur le caoutchouc, pour
l'entretien des routes. Ce droit rapporte 1 1/2 sh. par livre. Des
mesures ont également été prises pour réprimer les fraudes dans le
commerce du caoutchouc.
Dahomey. Impôt indigène. — L'arrêté du 28 juin 1899, a établi
l'impôt indigène sur les bases suivantes :
1» Deux francs vingt-cinq centimes (fr. 2.25) par homme, femme ou
enfant, âgé de plus de dix ans, habitant les villes de Cotonou, Ouida,
Grand-Popo, Agoué, Porto-Novo et sa banlieue.
2° Un franc vingt-cinq centimes (fr. 1.25) par homme, femme ou
enfant âgé de plus de dix ans, habitant les autres localités de la
colonie.
Les versements doivent être effectués en argent français, et, dans
le cas d'absolue nécessité, en monnaie étrangère, par les chefs eux-
mêmes à la caisse de l'agent spécial du cercle, sous le contrôle des
administrateurs admis à présenter au gouverneur des demandes de
dégrèvement total ou partiel. Transitoirement, dans le cercle de
Savalou et dans le Haut-Dahomey, les indigènes ont la faculté, justi-
fiée par les circonstances, d'acquitter la taxe en cauris, caoutchouc,
bétail et denrées diverses, dont la valeur est évaluée par une mercu-
riale établie annuellement.
Enfin, des remises de 20 p. c. sont accordées aux chefs indigènes
sur le montant de l'impôt, après complet recouvrement des rôles.
Les résultats nets de l'impôt pour l'exercice 1899, ont été les
suivants :
lo Bas-Dahomey 179,916 17
20 Savalou 25,657 50
2<» Haut-Dahomey 60,578 92
T..TAL GÉNÉRAL. . . 260,152 89
868 ÉTUDES COLONIALES
Les remises aux chefs indigènes ont eu pour but de les intéresser à
la perception et d'amener insensiblement au moyen de ces remises, la
suppression des anciennes contributions perçues sans contrôle..
Complètement résolue dans le Bas-Dahomey, la question de l'impôt
rencontrera quelque temps encore, dans le haut pays, certaines diffi-
cultés de détail qui disparaîtront d'elles-mêmes dès que, l'usage de la
monnaie s'élant répandu dans la colonie, l'impôt pourra cesser d'être
perçu en nature. Ces inconvénients tiennent d'ailleurs beaucoup plus
à l'insuffisance de personnel, à l'étendue des territoires et aux diffi-
cultés matérielles de recouvrement et de perception qu'à la mauvaise
volonté des contribuables eux-mêmes.
En ce qui concerne l'année 1900, les résultats déjà obtenus sont
tellement remarquables qu'il est permis de penser, sans exagération,
que le montant de l'impôt perçu atteindra, pour cette période, le
chiffre de 500,000 francs.
Exploration des sources du Nil. — Les l^ittheilungen aus den
Deutschen Schutzgebieten publient une relation du voyage du D"* Kandt
à la source du Kagera ou Nil Alexandra. Le D"* Kandt se mit en route
à la fin de janvier 1898 de Tabora pour se rendre au confluent du
Ruvuvu et du Kagera. Une évaluation consciencieuse du volume des
eaux des deux rivières prouva que le Kagera était la plus importante.
Le D' Kandt se décida à en remonter le cours. Il rendit d'abord visite
au roi de Ruvuvu. Il pense que l'individu qu'on lui a présenté comme
étant le roi ne l'est pas en réalité et que l'on cache le véritable roi
pour des motifs de superstition. En suivant le Kagera dans ses sinuo-
sités, le voyageur arriva au confluent de l'Akanyaru et du Nyavarongo.
Il se décida à suivre ce dernier parce qu'il était le plus important.
Après l'avoir remonté pendant six jours, il arriva à l'embouchure du
Mkunga, son affluent le plus considérable. Celui-ci prend sa source
dans les environs du Kirunga oriental, connu précédemment soos le
nom de Ufumbio, d'où découlent également des cours d'eau par le
Ruchuru vers le lac Albert Edward.
Le D' Kandt quitta le Nyavarongo pendant quelque temps pour
faire le tour du Kirunga. Il dit que le nom de L-fumbio n'est jamais
appliqué à la montagne. C'est la désignation d'un district situé au Nord *
et renfermant un groupe de volcans éteints, composé de plusieurs
centaines de pics et de cratères.
En se dirigeant vers le Sud par une plaine de lave, le long du Sabyin,
montagne à deux pics et recouverte de neige éternelle, il arriva à Kivu.
De là, il poussa vers le Sud-Est et regagna le Nyavarongo qui avait,
CHRONIQUE 869
daos cette région, le caractère d*un torrent de montagnes, coulant à
travers des vallées ravissantes, mais dont l'agrément est troublé par
les bandes de pillards qui infestent la contrée. Plus loin, le Nyavarongo
est formé par la réunion du Mhogo et du Rukarara. Le D"" Kandt
remonta celui-ci jusqu'à sa source à travers un pays charmant et mon-
tagneux, mais complètement inhabité. Il n'était visité que par les chas-
seurs de miel. Les abeilles y sont, du reste, très abondantes. A une
altitude de 7,000 pieds, l'explorateur put voir descendre le thermo-
mètre au-dessous de zéro.
Le D' Kandt visita aussi la source du Mhogo ; après quoi, il se diri-
gea vers l'extrémité Nord du Tanganyka, d'où il se mit en route pour
son expédition au lac Kivu (1).
Rhodésia. Le caoutchouc. — Il est établi que des étendues
considérables de terres à caoutchouc de grande valeur commerciale se
trouvent dans le nord-ouest et le nord-est de la Rhodésia. Dans
le Sud de la Rhodésia, il existe du caoutchouc eu abondance dans la
vallée du Sabi et le long du Zambèze. On a aussi lieu de croire que
l'on découvrira des variétés de valeur plus grande encore dans le terri-
toire de la Rhodésia et que certaines espèces pourront se développer
dans les régions plus sèches du plateau méridional de la Rhodésia.
D'autre part, les méthodes d'extraction des indigènes sont très
destructives, et l'absence de réglementation protectrice amènera
fatalement la disparition des arbres. Les méthodes de préparation
actuelles sont défectueuses et déprécient le caoutchouc de l'Afrique du
Sud.
Le caoutchouc indigène qui a été reconnu jusqu'à présent appartient
principalement à la catégorie des grandes lianes répandues parmi
d'autres végétations.
Afrique occidentale anglaise. Chemins de fer. — A la Côte
d'Or, lecheminde fer Sellondi-Tarwa vaétre prolongé jusqu'à Kumassi.
Il desservira une contrée aurifère et sera garanti par quelques
exploitations d'or auxquelles il profitera particulièrement. La ligne
aura 180 milles de longueur et 3 pieds 6 pouces d'écartement. Elle
traversera des forêts épaisses. La route est loin d'être aisée, car le
pays est très accidenté au-delà de Tarwa. Une commision d'études,
comprenant vingt-sept ingénieurs, a quitté Liverpool en octobre der-
(1) Voir BulUlm, p. 50.
870 ÉTUDES COLONIALES
nier. Elle aura besoin de dix-sept cents porteurs et travailleurs qui
devront être amenés d'Angleterre. Toutes ces personnes s'occuperont
exclusivement de l'étude de la ligne. La grande difficulté consistera
dans le recrutement de la main-d'œuvre. On espère pourtant que les
agents recruteurs parviendront à réunir les dix mille travailleurs
nécessaires.
A Lagos, les trois ponts de fer reliant la ville au continent sont
terminés et le chemin de fer va être ouvert au trafic jusqu'à Ibadan.
La ligne a une longueur de 126 milles et 3 pieds 6 pouces d'écartement.
Elle relie entre elles les villes de Lagos, d'Abeokuta et d'ibadan, dont
la population est respectivement de 60,000, 150,000 et 180,000 habi-
tants. Les principaux travaux d'art sont le pont de Carter (2,000 pieds
de longueur), celui de Denton (900 pieds) et quelques autres ponts.
On étudie le prolongement de la ligne vers Ogbomisho, Ilorin et le
Niger.
On envisage aussi la création d'un chemin de fer vers le pays des
Hausas.
A Sierra-Leone, une nouvelle section de la ligne à 2 pieds 6 pouces
d'écartement a été ouverte. Le trafic s'étend donc jusque Rotifunk. On
a commencé le prolongement de la ligne jusque Bo (80 km.). La pente
sera de 1 : 35. On a décidé de construire la ligne aussi légèrement que
possible, et d'employer des ponts en bois. La partie ouverte de la ligne
comprend H viaducs en fer, et un pont de 600 pieds de longueur sur
la rivière Ribbi.
Usages commerciaux au Maroc. — Nous extrayons le passage
suivant d'un rapport du ministre français à Tanger, M. Revoil :
(( Rarement les fabricants eux-mêmes traitent les affaires avec ce
pays ; les transactions sont faites par des négociants établis au Maroc
qui réunissent en leurs mains beaucoup d'articles.
» Il n'y a d'exception que pour les sucres et les bougies qui, en
raison de l'importance de leur consommation, sont en grande partie
livrés directement par les fabricants eux-mêmes. Ces deux articles
jouissent du privilège de pouvoir être vendus en majeure partie au
comptant, les sucres contre de la monnaie française et les bougies
contre de la monnaie anglaise. Tous les articles d'importation alle-
mande sont vendus en monnaie française. Les Anglais ne vendent
que contre de la monnaie anglaise. Il y a quelques années, on avait
adopté le système de vendre en monnaie espagnole ou marocaine,
en majorant les prix. Ce système a donné lieu à des déboires, par
suite des variations continuelles du change et il a été abandonné;
CHRONIQUE 871
aujourd'hui on ne traite plus en monnaie espagnole que quand il
s^agit de marchandises sur place, livrables de suite.
» Les ventes se font, soit à forfait, soit à la commission ; la plus
grande partie de Timporlation est faite à forfait ; les affaires à la com-
mission se traitent toujours valeur comptant et sont passibles d'un
courtage de 5 p. v, en Angleterre et de G p. c. en France et en Alle-
magne; les payements par la clientèle se font alors en compte-cou-
rant: on stipule toujours que le délai de six mois ne doit pas être
dépassé; cela n'empêche que souvent les factures ne sont payées qu'au
bout d'un an. Les affiiires très importantes en colonnades anglaises se
traitent à ces conditions.
» Les affaires à forfait consistent en remise de marchandises par le
fabricant au commissionnaire établi au Maroc, à un prix déterminé.
Ces affaires sont généralement réglées à quatre mois, exceptionnelle-
ment à six mois; mais les payements ne sont que très rarement faits à
terme fixe, et il est difficile d'obtenir des commissionnaires des inté-
rêts, même si le principe en a été admis. »
Madagascar. — Le Journal officiel de Madagascar, du 13 octobre,
constate la réapparition de la peste à Tamatave.
Le caractère épidémique des cas constatés ne semble pas douteux.
M. Céraud, doyen des médecins principaux de la marine, est décédé à
Mahatsara, le 28 septembre, à la suite d'un accès pernicieux. Le géné-
ral Gallieni a pris toutes les mesures nécessaires pour préserver le
reste de Madagascar et notamment l'Emyrnc où le fléau, s'il n'était
arrêté, pourrait faire les plus grands ravages parmi les populations
hovas. On pense que, grâce à la construction récente d'un magasin
de transit isolé, les mesures de quarantaine n'auront pas d'influence
trop préjudiciable pour les intérêts commerciaux de Tamatave.
Les travaux de la route sont toujours poussés très activement. Les
chantiers de la route de Tamatave sont installés dans la fameuse forêt
Ala qui, avec la fièvre togo, devait arrêter les colonnes marchant sur
la capitale malgache.
On compte sur les chantiers plus de douze mille travailleurs, qui
répondirent spontanément à l'appel du général Gallieni. Us sont
payés un franc par jour. Les médecins de service sur la route signa-
lent l'état sanitaire comme aussi satisfaisant que possible.
Le général Gallieni espère pouvoir franchir en automobile, en
janvier prochain, toute la route de 300 kilomètres entre Tananarive et
la mer.
Grâce aux routes, on voit de plus en plus dans l'île, et surtout
872 ÉTIDES COLONIALES
aux environs de Tananarive, des voitures attelées, et les Malgaches
s'occupent avec entrain de l'élevage des chevaux. La vente des pou-
lains et des pouliches, au dernier grand marché de Tananarive, a
donné des résultats étonnants. L'administration pousse, le plus pos-
sible, avec sa jumenterie d'Ampasika, les indigènes dans cette voie!
La tranquillité semble complète, sauf encore dans quelques régions
sud de l'île, où le colonel Lyantey continue son œuvre de pacifica-
tion et de pénétration.
AMÉRIQUE
Mexique. La culture du tabac. — L'agronome attaché à l'am-
bassade allemande à Mexico communique des renseignements inté-
ressants sur la culture du tabac au Mexique. Sur les trente états dont
se compose ce pays, il y en a vingt-deux qui cultivent le tabac. Les
principaux sont ceux d'Oaxaca etdeVeracruzqui produisent respecti-
vement 3,194 et 1,786 tonnes sur un total de 8,9o()tonnes(1891). Dans
ces deux élats, de grandes exploitations ont été créées par des capita-
listes étrangers. La plantation et le mode de préparation y ont été
améliorés selon la méthode suivie à Cuba. Dans l'état de Oaxaca, les
principales plantations de tabac se trouvent à Valle Nacional ; dans
celui de Veracruz à San Andres Tuxtia.
Le mode d'exploitation dans cette dernière localité est particulier.
Des entrepreneurs plantent et préparent à leurs frais quelques dizaines
de milliers de plants de tabac et reçoivent comme rémunération,
d'après certaines bases, la valeur en argent du quart de la récolte. Ce
qu'il y a de singulier dans cette manière d'exploiter, c'est que le plan-
teur doit fournir les travailleurs. L'entrepreneur est chargé de la
surveillance de ceux-ci et reçoit de ce chef, une rénmnération spéciale.
Les couches se préparent de la fin juin au commencement de juillet.
Puis on sème une nouvelle couche tous les six ou sept jours. Depuis
la deuxième moitié de septembre jusqu'à la fin d'octobre, les jeunes
plants, qui doivent avoir au moins 10 centimètres de hauteur, sont mis
en terre. On distance les rangées de 8o à 90 centimètres. Dans les
rangées, les plantes sont de 45 à 55 centimètres l'une de l'autre. Les
champs doivent être nettoyés deux ou trois fois pendant la période de
croissance des plantes. On procède en même temps dans les champs
exposés au vent du Nord à un buttage destiné à protéger les plantes.
CHRONIQUE 873
Quarante jours après la mise en terre, on éroonde les plants. Six à
huit jours plus tard, on les tigeonnc pour la première fois. Cette
dernière opération se fait encore deux fois ou davantage s'il le faut.
Les propriétaires mexicains laissent pousser une série de tiges pour les
semences Les planteurs étrangers ont des champs spéciaux pour les
plantes destinées à fournir les graines.
Trois mois après la plantation commence la récolte. On abat les
plantes entièrement et on les suspend, le même jour, sous des hangars.
Vingt-cinq à trente jours plus tard, on les met en tas pour les faire
fermenter. Cinq ou six jours après, on enlève les feuilles que Ton
range par classe. On ne suit pas partout le même mode de récolte.
Dans certaines exploitations, on ne coupe pas la plante ; on se borne
à enlever les feuilles et à les répartir en trois classes. Cela sefaitd'un
même coup mais par trois équipes d'ouvriers. D'autres appliquent la
méthode de Cuba. Us coupent la tige en tranches, de manière que
chaque morceau porte deux feuilles opposées.
On considère à San Andres Tuxtla, comme récolte satisfaisante,
un produit de 23 kilogrammes de feuilles préparées, par 1 ,000 plantes.
Dans les années favorables, on atteint 35 kilogrammes. Cela repré-
sente de (500 à 800 kilogrammes à l'hectaie. Dans d'autres localités, on
récolte jusqu'à 2,000 kilogrammes mais d'un tabac de moindre qualité.
L'exportation du tabac brut, qui avait diminué après 1890, a
augmenté de nouveau en 1897- 1898 pour atteindre 3,108 tonnes
(2,270 tonnes en 1898-1899). Ce relèvement est dû à l'arrêt de la pro-
duction à Cuba. Les chances de lutter avantageusement contre le tabac
de Cuba ne sont toutefois que peu importantes, même pour les meil-
leures qualités du Mexique, parce que les modes de plantation et de
préparation ne sont pas à la hauteur de ceux de Cuba.
Equateur. Café. — D'après l'expert agricole attaché aux légations
allemandes dans TAmérique du Sud, le Café ne se développe pas aussi
bien dans l'atmosphère humide et chaude de l'Equateur que dans les
contrées qui jouissent d'un climat plus frais. Les aiféiers sont aussi
plantés trop près Tun de l'autre dans l'Equateur. Il en résulte que la
production est médiocre, en moyenne 441 kilogrammes par hectare et
au maximum oOO. Les arbres sont distancés de 3.30 mètres. La plan-
tation se fait pendant la saison des pluies, généralement en janvier ou
février. La récolte a lieu pendant la saison sèche qui commence en
juin. Après avoir été cueillies, les graines sont mises en sacs et séchées.
On enlève ensuite les écorces au moyen de machines. 180 kilogrammes
de café non décortiqué donnent 100 kilogrammes de café pur. Les
874 ÉTUDES COLONIALES
quantités de café exportées varient d'année à année. En 1898, l'expor-
tation a été de 2,331 tonnes.
•
Guyane anglaise. Diamants. — Le consul américain à Dénie-
rara dit, dans son rapport sur les diamants de la Guyane anglaise,
que l'on connaît depuis plusieurs années l'existence de diamants dans
cette contrée. En 1890, 749 pierres, pesant o14 1/2 grains, furent
découvertes. Le commissaire des mines constata, dans son rapport
de 1893, que des diamants avaient été découverts dans des placers d'or.
Jusqu'à cette époque, la plus lourde pierre qu'on eût trouvée pesait
8 grammes. Au mois de mars dernier, 282 pierres furent découvertes
à 250 milles en amont de la rivière Mazaruni. Elles furent envoyées
à Londres et évaluées 2 liv. 10 sh. par carat. Pendant la première
semaine de juillet, 400 petites pierres furent apportées à la côte de la
même localité. Elles furent lavées en dix-huit jours par neuf hommes,
d'après des méthodes très primitives. Ces pierres sont octaèdres et
varient en poids d'un gramme à un carat et demi à l'état brut. Les
marchands de Londres les considèrent, dit-on, comme supérieures aux
diamants de l'Afrique du Sud et les estiment à 25 à 50 p. c. au-dessus
de ces derniers. Ils déclarent qu'elles valent les pierres du Brésil.
La distance de Barbica et du confluent de TEssequibo et du Maza-
runi, à l'endroit où les diamants ont été trouvés, est de 250 milles.
Les mines se trouvent à environ 5 milles de la rivière. On y arrive par
un sentier qui traverse une jungle tropicale. Les provisions et les ins-
truments sont amenés à dos d'homme. Le voyage dure huit jours à
l'aller et deux jours et demi au retour.
Une concession de 2,000 acres a été accordée à une firme locale, dans
le voisinage de ce lieu, pour l'exploitation des pierres précieuses. Des
spéculateurs ont envoyé un ingénieur et des mineurs pour explorer
ce district et découvrir l'endroit d'où proviennent les pierres trouvées,
ASIE
Chine. Routes et moyens de communication. -— Le baron von
Richtofen a fait, le mois dernier, à la Société de géographie de Berlin,
une conférence sur les routes et les moyens de communication en
Chine, particulièrement au point de vue des mouvements de troupes.
La Chine proprement dite, c'est-à-dire le « pays des dix-huit pro-
vinces » est, d'après M. von Richthofen, une contrée à circulation
CHRONIQUE 875
intense. Tout s'y agite comme dans une fourmilière. Avec les moyens
les plus limités, les Chinois savent réaliser des tâches immenses. Les
montagnes et les plateaux qui se rattachent à TEst au Kuen-Lun et
qui s'étendent jusque près de Shanghaï, divisent la Chine en deux
parties : la Chine du Nord et celle du Sud. D'autre part, la su^îcession
de collines et de monticules qui se dirigent du Tonkin vers la Corée,
partagent chacune de ces parties en une division maritime et une
autre, située à l'Ouest, qui est d'un accès difficile.
La Chine septentrionale est le pays des routes; la Chine méridio-
nale, celui des cours d'eau et des sentiers. Le moyen de communi-
cation le plus efficace est cependant l'homme, que l'on emploie comme
porteur. On pourra se faire une idée de l'importance du portage, en
se représentant que la charge qu'un train de marchandises, composé
de 28 wagons, transporterait en quelques heures de Cologne à Berlin,
nécessiterait, en Chine, l'emploi de 5,000 porteurs pendant vingt jours.
Aussi, comprend-on la terreur des Chinois qui tirent leur subsistance
du portage, en voyant construire des chemins de fer. A côté du porteur,
on se sert, dans le Nord, de l'âne, dont la charge est de 60 kilogrammes,
du mulet, qui porte 120 kilogrammes et du chameau, qui supporte
180 kilogrammes. Dans cette région, on ne rencontre guère de diffi-
cultés pour établir des chemins. Ils sont pour la plupart très étroits.
Autrefois, on s'était préoccupé de créer des routes utilisables pour
les voitures. Kublai Khan avait établi de grandes routes à travers tout
le pays, jusque près de la Chine méridionale; mais ces routes, ainsi
que les ponts, sont depuis longtemps tombés en ruines; aussi, les
voies de communication se trouvent-elles dans la situation la plus
pitoyable. Seules, les brouettes à deux roues, la torture des Européens
et le délice des Chinois, sont capables de résister à ces routes. Dans
la partie orientale de la Chine du Nord, des routes relient les villes
.entre elles, sauf quand les difficultés du terrain sont trop grandes.
On peut donc dire que cette partie de la Chine est ouverte à la circu-
lation. Deux routes seulement conduisent de Pékin au Fleuve Jaune
(500 kîlom.) par-dessus la chaîne des hauteurs qui séparent la partie
orientale de la partie occidentale de la Chine du Nord. C'est la brèche
au Nord de Pékin, à travers laquelle passe la route qui se dirige vers
Kalgan et la Mandchourie et que l'impératrice a suivie dans sa fuite, et
ensuite, au sud, la porte du Fleuve Jaune, actuellement d'un passage
très difficile pour les voitures, mais d'une grande importance pour le
futur chemin de fer. Dès que les montagnes sont traversées, le pays
situé à l'ouest est libre. La région qui se trouve à l'est offre égale-
ment toute facilité de communication, mais il faut tenir compte du
876 ÉTUDES COLONIALES
danger des inondation^ résultant de la rupture des digues que les
Chinois ont pratiquée différentes fois.
La Chine méridionale est un pays nK)ntagneux comme il y en a peu.
Le nombre des eours d'eau est si considérable que la navij^tion
doit nécessairement y jouer un grand rôle. Les bateaux peuvent
pénétrer jusque dans les affluents les plus reculés. On ne peut guère
se servir que de bâtiments construits selon la mode du pays, parce que
les cours dVau sont sujets à des abaissements de niveau considérables
qui durent parfois pendant six mois. Us ne sont alors accessibles
qu'aux petits bâtiments. Le transport entre les différents points
navigables se fait au moyen de porteurs. En été, quand les fleuves
coulent à pleins bords^ la circulation des troupes est presciue impos-
sible dans les vallées parce que les sentiers sont beaucoup trop
étroits. Dans la province de Shansi, les crevasses, dues à l'érosion du
loess, opposent aux mouvements des troupes de grandes difficultés. Il
est cependant à noter que les Chinois ont su faire passer leurs troupes
par cette région lors de la révolte dans le Kaschmir.
Inde anglaise. Café. — A la fin de 1899, les plantations de café
dans rinde anglaise couvraient 274,298 acres qui se trouvaient, à
l'exception de 450 acres, dans le sud du pays. La culture du café est
limitée, pour la plus grande partie, à la région élevée qui se trouve
au-dessus de la côte Sud-Ouest et qui comprend les régions de Mysore,
Coorg et les districts de Malabar et de Nilgiris. Ils représentent les
90 p. c. de toute l'étendue plantée de café de l'Inde. On cultive aussi
du café en Birmanie, dans l'Assam, dans le Bengale et à Bombay,
mais dans de faibles proportions.
La production a été très pauvre depuis 1896. Celle de l'année
dernière (1899-1900) a été la plus mauvaise de toutes. Elle n'a été
que de 17 2/3 millions de livres, c'est-à-dire à peine plus de la moitté
de lu production d'il y a quinze ans. Cette diminution est due princi-
palement aux mauvaises saisons et à la maladie des plantes. 11 faut
ajouter que la baisse des prix depuis 1867 a enlevé tout stimulant à
l'extension de la culture du café.
Siam. Musée commercial japonais à Bangkok. — On vient
d'établir à Bangkok un musée commercial japonais. Cet établissement
se trouve placé sous la direction du gouvernement japonais qui en
supporte toutes les dépenses, sauf le traitement du directeur.
L'établissement occupe de vastes locaux bien appropriés et se trouve
dans la partie la plus commerçante de la ville. On se propose d'y
CHRONIQUE 877
exposer des échantillons de tous les produits commerciaux du Japon.
Un certain nombre se trouvent déjà exposés et on constate que les
produits japonais font une excellente impression. Des employés sont
toujours à la disposition des visiteurs pour leur donner les renseigne-
ments qu*ils désirent. Les acheteurs peuvent donner des ordres sur
échantillon moyennant l'addition d*un certain pourcentage au prix.
Ce pourcentage a été fixé au Japon et est invariable. Si l'acheteur veut
payer le fret lui-même, le pourcentage est simplement la commission
du directeur. L'établissement délivre aussi les marchandises franco à
l'acheteur en ajoutant au prix, un pourcentage destiné à couvrir la
commission et les frais. Tous les détails de ceux-ci, timbres, câble-
grammes, fret sont mentionnés sur la facture.
Ce musée est un succès. Le marchand oriental ne se sert guère des
catalogues, prix-courants et annonces. 11 n'aime pas non plus les
voyageurs de commerce, parce que ceux-ci emportent leurs échantillons
et ne leur laissent rien pour comparer les marchandises. Dans le
musée, les échantillons peuvent être examinés et les marchandises
peuvent être comparées. Le marchand peut traiter avec une firme
établie dans sa ville e1 il ne doit prendre livraison des marchandises
qu'après avoir constaté qu'elles sont conformes à l'ordre donné.
On accepte des ordres pour de grandes ou de petites quantités.
Celles-ci profitent du fret des grandes quantités quand l'acheteur peut
attendre quelque temps. Les échantillons ne sont nullement destinés
à la classe des marchands exclusivement. Aussi, la population
européenne de la ville profite-t-elle de l'occasion de se fournir dans
un bazar japonais excellemment pourvu.
Tonkin. Thé, — La production du thé a déjà fait ses preuves en
Annam et la France reçoit de celte colonie des quantités de thé qui ne
sont pas insignifiantes; mais le thé se trouve aussi au Tonkin et une
note du dernier Bulletin économique de rindo^Chine nous apprenait
qu'on le rencontrait dans les collines du Dong-Trieu et dans la
région dite du Loc-Nam. On le trouve aussi dans la province du Thai-
Nguyên. D'après le rapport de l'administrateur-résident du Hung-Hoa,
dans le huyên de Cam-Khê, les plantations de thé, très importantes,
donnent lieu à d'incessantes transactions avec le Delta, principalement
avec Nam-Dinh. Des indigènes viennent de ce centre et se rendent au
marché de Cat-Tru, pour acheter les feuilles et fleurs de thé que les
habitants y apportent; il est vendu sur ce marché 40,000 piastres de
thé par année. Cette culture va sans cesse se développant; toutes les
montagnes du Rung-(^a, au sud de Cam-Khê, ont été défrichées et
sont plantées en thé.
878 ÉTUDES COLONIALES
Le De kieu a été instigateur de ce mouvement, et c'est grâce à ses
encouragements et aussi à l'aide pécuniaire accordé aux villages que
cette culture est aujourd'hui si prospère. Les mamelons et montagnes
de la province de Hung-Hao se prêtent merveilleusement à ce genre de
plantations ; l'indigène y trouve avantage et semble vouloir s'y adonner
tout particulièrement. Il y aura là, dans un avenir prochain, une
ressource précieuse pour la province. 4,000 coolies seraient, au cours
de l'année, venus du Delta aider les habitants de cette région dans
leurs travaux de défrichement. Le prix de la main-d'œuvre est de
6 tiens (=10 cents environ) el trois repas par jour. Ces coolies ne
séjournent pas dans les villages ; ils montent du Delta lorsque les
travaux des rizières sont terminés et retournent dans leur commune
au moment de la récolte. Quelques-uns, cependant, se sont définitive-
ment installés dans le pays.
OCÉANIE
Java. La situation économique. — Dans une conférence faite ré-
cemment à Amsterdam, à la Ligue des instituteurs néerlandais, M. Van
Kol, membre de la deuxième Chambre des Etats-Généraux, a attiré
l'attention sur la « situation économique des Javanais ». 11 ne la
dépeint guère sous un jour encourageant et il en attribue la respon-
sabilité à lexploitation outrée dont les Javanais sont victimes.
Les Européens déliennent les grands capitaux : commerce, industrie,
tout est dans leurs mains. 11 ne reste presque rien pour l'indigène.
De là, résulte la misère dont les indigènes souffrent dans un des pays
les plus riches du monde.
La nourriture presque exclusive du Javanais est le riz. La consom-
mation du riz était de 1.85 picul par tête en 1870-1880 ; elle n'était plus
que de 1.58 picul en 1893-1899. Même la production de son principal
élément d'entretien diminue. Il est, en outre, pressuré par les Arabes
qui lui avancent de l'argent à des taux usuraires. Mais bien pires encore
sont les exigences du fisc hollandais qui réclame le dixième du pro-
duit du riz comme fermage. Quand la provision de riz est absorbée,
ce qui arrive génér-alement trois mois après la récolte, le Javanais se
soutient avec du maïs ou du jagœng; après cela, il se rabat sur les
feuilles et les racines mangeables. Outre le riz, il possède un peu de
CHRONIQUE 879
bétail. Mais celui-ci diminue rapidement en nombre et en qualité,
comme le montrent les statistiques. Les douanes accusent aussi un
recul car, malgré l'augmentation de la population, le produit des
droits d'entrée reste stationnaire.
D'après un budget dressé par un contrôleur, les Javanais de Bage-
len vivent en moyenne, avec 25 florins par an. Il a été œnstaté que des
Javanais doivent consacrer, sans indemnité, plus de la moitié de leurs
heures de travail au fisc de leur commune. En outre, les salaires ont
une tendance à baisser, malgré les énormes profits réalisés par les
industries des Européens.
Le logement des Javanais est absolument insuffisant par suite de
leur manque d'argent et du défaut de surveillance de la part de la
police de l'hygiène.
Dans ces conditions, il apparaît comme une dérision, au dire de
M. Van Kol, de vouloir, comme fait le gouvernement, améliorer la
situation en créant des caisses d'épargne. Des 6,000 déposants, pas un,
du reste, n'est cultivateur. Les rapports officiels des résidents con-
statent le recul du bien-être économique de la population. Et ce
recul se traduit dans la dépendance des habitants vis-à-vis des usuriers
arabes et chinois.
Les charges imposées par le gouvernement hollandais dépassent
toutes les autres. Les impositions sous forme de travail comprennent :
1*» le service des routes : le Javanais peut être contraint à y travailler
'42 jours par an ; 2° le service des cultures ; 3° le service de la dessa
qui est le plus lourd. Les droits d'accise sur les denrées alimentaires
les plus nécessaires rapportent 5 1/2 millions de florins. Comme
rente pour le fermage des terres, on exige, en règle générale, le cin-
quième de la récolte. Ensuite, il faut encore tenir compte de la régie
du sel et de l'opium. Le sac de sel qui coûte 1.46 fl. au gouvernement
est payé 6.72 fl. par les Javanais.
L'affermage des impôts existe encore dans l'Inde. L'affermage des
monts de piété rapporte 1,200,000 par an. On y réclame 90 p. c.
d'intérêts. Le Javanais paie environ 27 p. c. d'impôts selon les calculs
des hommes du métier.
Au point de vue physique, le Javanais est en décadence. On ne se
préoccupe pas assez de lui sous le rapport de l'hygiène. Exception
faite pour la vaccination, le service médical est insuffisant. On n'a pris
de mesures ni contre la malaria, ni contre la lèpre. On ne fait rien
pour les aveugles, ni pour les déments.
Au point de vue intellectuel, on ne fait pas grand chose. L'enseigne-
ment ne vaut pas la peine d'être signalé. La race javanaise est compré-
880 ÉTUDES COLONIALES
hensive et aime à s'instruire, mais on ne lui en offre pas Toccasion.
En ce qui concerne la situation religieuse, Tlslamisme gagne tous les
jours du terrain. C'est un danger auquel on n'a pas suffisamment prêté
attention. Le militarisme coûte annuellement 50 millions à Tlnde. Le
cinquième des plantations sont aux mains des Européens. Les valeurs
des sociétés indiennes représentent aux bourses hollandaises un capital
de 203 millions de florins. La communauté javanaise s'appauvrit
chaque année de 70 millions de florins.
Le résultat de cette politique économique, conclut M. Van Kol, a
été la création d'un prolétariat a Java. Il règne un esprit de haine et
de vengeance contre les Hollandais. Les révoltes de Tjilegon et de
Serarg en sont des exemples. Aussi M. Van Kol estime-t-il qu'il est
temps de suivre une autre politique coloniale.
JaTa« Plantation de gutta-percha par le gouvernement. —
Le gouvernement hollandais a résolu de fonder à Java une entreprise
officielle de plantation de gutta-percha. La grande importance de ce
produit au point de vue international commande de prendre des
mesures pour éviter qu'il ne disparaisse ou ne diminue. Le gouverne-
ment ne causera aucun tort à l'industrie privée par son établissement
parce que celle-ci n'a pour ainsi dire rien réalisé dans ce domaine.
Il sera aussi plus facile d'étsiblir un marché de gutta-percha à Java
quand le gouvernement sera directement intéressé à la vente de ce
produit.
Il n'y a pas de doute que l'établissement doive être fondé à Java, en
présence du succès qu'y ont obtenu les plantations faites jusqu'à pré-
sent. Dans son rapport sur la plantation de Tjipetir (Java occidental),
le directeur de ce jardin botanique dit : ce Quand on voit maintenant à
Tjipetir les plus anciennes plantations de ces deux espèces (Pala-'
quium gutta ei Palaquium borneënse), on peut dire que l'espoir émis
à cette époque (il y a dix ans) non seulement n'est pas déçu mais est
dépassé de beaucoup. Ces arbres forment des parties de bois com-
pactes, renfermant des sujets de croissance particulièrement satisfai-
sante et n'exigeant plus aucun entretien. 11 est parfaitement possible
d'arriver à un succès. »
Le gouvernement se propose tout d'abord d'étendre la plantation de
Tjipetir qui compte actuellement 2t0 bouws en y incorporant un ter-
rain avoisinant de 315 bouws, qui sera planté exclusivement des espèces
de Palaquium qui ont si bien réussi à Tjipetir.. On tachera ensuite de
trouver dans la résidence de Preanger 200 bouws de terrain conve-
nant à la gutta-percha et aussi peu éloignés que possible de Tjipetir.
CHRONIQUE 881
On les couvrira en une période de cinq à dix ans de Palaquium gtitta,
de Palaquium bomeënse et de Palaquium oblongifolium ; cette dernière
espèce donne également un produit excellent.
On estime qu'une somme de 10,000 florins sera suffisante, en 1901,
pour la réalisation du projet.
Iles CfOok. — D'après le rapport adressé par le résident des îles
Cook au gouverneur de la Nouvelle-Zélande qui a récemment annexé
ces îles, l'avenir du commerce s'y présente sous un jour favorable. Les
propriétaires indigènes plantent des bananiers et des graines de cacao
dans des terrains qui n'avaient pas été cultivés jusqu'à présent. Le
commerce se développera donc dans l'avenir et il n'y a pas de raison
pour qu'il n'atteigne le quintuple de ce qu'il représente actuellement.
L'année dernière, les caféiers ont été attaqués par Vhemileia dans
l'île de Rarotonga qui, par suite, ne pourra plus exporter de café pen-
dant les années suivantes.
La culture des oranges est très importante et elle serait plus consi-
dérable encore si on pouvait faire comprendre aux indigènes l'utilité
des fumures artificielles et de l'émondage.
Le résident regrette de devoir constater que la population étrangère
de Rarotonga est peu rccommandable et que les indigènes n'appren-
dront rien d'elle. Elle est composée pour la plupart d'aventuriers ou
de fugitifs, sauf toutefois en ce qui concerne les Allemands qui sont
sobres, travailleurs et soigneux de leurs affaires.
Rarotonga et Aitutciki sont actuellement les seules îles qui soient
bien situées au point de vue du commerce parce que les récifs y sont
traversés pîir des canaux. Les autres îles, bien que très fertiles, restent
en dehors de la route des navires. La seule industrie que ces îles peu-
vent, par suite, pratiquer est celle du copra. On devrait les mettre à
même de tirer profit de leurs produits, soit par la coopération des
marchands, soit par Tintervention de l'État.
L'année dernière, les exportations ont été de 14,219 liv. st. et les
importations de 13,o5rj liv. st. Les principales exportations ont été le
copra (à peu près la moitié du total), les huîtres perlières, le café, les
oranges. Les principales importations sont le coton, les poteries et les
conserves.
NouTelle-Guinée allemande. — La situation sanitaire est des
plus satisfaisante dans la Nouvel le -Guinée allemande, tant parmi les
Européens que pai*mi les gens de couleur, grâce au traitement à base
de quinine du D' Koch. La question de la main-d'œuvre a également
882 ÉTLDES COLONIALES
été résolue avec succès, (iràce à la flotte de la Compagnie de la Nou-
velle-Guinée, les diflërentes plantations ont été abondamment pour-
vues de travailleurs, et à Herbersthohe on se demande même s'il n'y a
pas lieu d'augmenter l'exploitation.
La Compagnie de la Nouvelle-Guinée a réussi à enrôler de nouveau
les Javanais qui avaient été précédemment employés de sorte que le
nombre des ouvriers javanais nécessaires est même dépassé. Elle est
aussi parvenue à réaliser un projet que l'administration des Indes
hollandaises avait rejeté, en fondant une colonie javanaise indépen-
dante dans les environs de Herbertshohe. On s'est déjà procuré le
nombre de familles nécessaires pour le peuplement de cet établisse-
ment.
On a abandonné définitivement la culture du tabac à Stephansort.
On ne la pratiquera plus qu'à Jomba. Les premiers échantillons de
café sont arrivés récemment à Stephansort. Us ont été trouvés de si
bonne qualité qu'une attention particulière sera portée à cette culture.
Les plantations de cocotiers sont en excellent état. Les essais faits avec
le Castilloa et le Ficus ont parfaitement réussi en ce qui concerne la
croissance des plantes. La Compagnie de la Nouvelle-Guinée a aban-
donné le projet de planter du coton dans les terres d'alluvion car ce
sol est trop précieux pour être appliqué à cette culture, dont les profits
sont trop restreints et les frais d'entretien trop grands.
Nouvelle-Calédonie. Le nickel. — Le nickel de la Nouvelle-
Calédonie est supérieur en qualité et en quantité à celui du Canada.
On extrait environ 120,000 tonnes de minerai par an. Elles repré-
sentent une valeur de 20,000,000 de francs et sont produites par plu-
sieurs compagnies, dont deux grandes, possédant ensemble un capital
de 30,000,000 de francs. L'industrie du nickel se poursuit donc acti-
vement en Nouvelle-Calédonie. Elle est cependant susceptible d'être
encore étendue.
La situation économique des habitants de la Nouvelle-Calédonie les
force à laisser le plus grand profit de l'industrie aux Anglais. Le char-
bon dont on fait usage vient de l'Australie et coûte fort cher. On est
donc obligé de vendre le minerai sans en extraire le nickel. Les Anglais
l'achètent, les Français n'ayant pas les machines nécessaires pour le
mettre en œuvre, et le transportent à Glascow, où il est fondu. Le
nickel est alors expédié aux ateliers du Havre, où il est achevé.
Tahiti. Ressources. — Le consul anglais à Tahiti <ittire lattenticm
des capitalistes sur les placements avantageux qu'ils pourraient faire
CHRONIQUE
883
dans cette île en fondant des plantations de canne à sucre, de café et
de fruits. Le climat, le sol, la pluie et l'eau sont excellents, et cepen-
dant de grandes étendues de terre restent inexploitées. Le consul en
attribue la cause principalement au manque de capital, à l'incapacité
des travailleurs et à l'insuffisance des moyens de communication avec
le reste du monde. On évalue que Tahiti peut produire à lui seul
300,000 tonnes de sucre par an dans des conditions infniiment plus
favorables que Hawaî. Les méthodes suivies dans la culture de la
petite partie des terres consacrées à la canne à sucre sont primitives et
imparfaites. Les plantes dépendent entièrement de la pluie, car il
n'existe aucun système d'irrigation. D'autre part, les machines
employées à la mise en (puvre du suc sont tout à fait surannées.
BIBLIOGRAPHIE -^
-v-
Viezuoht und Bodenkultur in Sttd'westafkika. Conseils aux émigrants, par
Ernest Hermann. — Un vol. in-8» de 95 pages. Berlin, DeuUchc Kolonial Verlag
(G. Meinecke), 1900.
Les possessions allemandes du Sud-Ouest africain ont été jusqu'à
ce jour fort peu productives, et constituent une des parties les plus
ingrates du continent noir. Elles ont toutefois l'avantage d'un climat
qui permet l'installation de colons agricoles à titre permanent.
L'étude de M. Hermann, qui y a résidé pendant onze années, est con-
sacrée à lexamen des exploitations possibles dans la colonie. H y est
principalement traité de l'élève du bétail, qui paraît être la seule res-
source importante pour l'avenir de la région. Lesconseils de l'auteur
aux futurs colons dénotent un esprit pratique et prudent. Quelques
pages, à la fin de l'ouvrage, consacrées aux rapports des colons avec
les indigènes, méritent aussi d'être signalées.
History of Rhodesia, d*après les sources officielles, par Howard Hanshan . — Un
vol. in-i3 de 581 pages avec carte. Londres et Edimiiourg, William Blackwood and
sons, 1900.
Le livre de M. Hansman est consacré à l'histoire, courte, mais
extrêmement mouvementée, de la nouvelle colonie britannique, qui,
à tant de titres, a mérité l'attention générale. L'auteur suit la Rhode-
sia depuis sa fondation ; il retrace les péripéties de la première guerre
contre les Matabélés, puis celles du raid Jameson, a cette déplorable
affaire, dont les effets sont encore sentis dans l'Afrique australe, et
sont responsables, pour une part considérable, des troubles qui ont
éclaté depuis lors ».
La grande rébellion des Matabélés, en 1896, est relatée avec
beaucoup de détails. L'auteur examine enfin la situation politique
et économique de la Rhodesia. Les événements contemporains y ont
BIBUOORAPUIR 885
fait ajouter deux chapitres, racontant les sièges de Kimberley et de
Mafeking. L'ensemble de l'ouvrage constitue une source importante
de renseignements pleins d'intérêt, même pour ceux qui ne partagent
pas les opinions de l'auteur, grand admirateur de Cécil Rhodes, à qui
il a dédié son ouvrage^
L.e8 Chemins de fer aux Colonies françaises, non compris l'Algérie et la Tunisie,
par M. EuG. Lemaire, docteur en droit. — Un vol. iii-4o de 338 pages. Poitiers, Biais
et Roy, 1900.
La question des chemins de fer est absolument vitale dans les colo-
nies contemporaines. Le recueil de M. Lemaire, formé d'un grand
nombre d'extraits de documents authentiques, est d'une incontestable
utilité. On y trouvera l'examen détaillé de toutes les lignes construites
ou projetées dans les colonies françaises, y compris le Transsaharien.
Le volume se termine par des conclusions générales, fondées sur les
résultats de l'expérience, en ce qui concerne les études du tracé, la
concession des lignes, la construction de la voie, la main-d'œuvre,
l'exploitation et les tarifs.
Rôle économique et social des voies de communication, par Ei;g. Gampredon,
ingénieur des mines. — Un vol. grand in- 16 de H 5 pages avec 7 cartes. Paris,
VeC3i.Dunod,1899.
L'ouvrage de M. Gampredon, justement estimé des spécialistes, se
compose de deux parties, dont la première se divise en cinq chapitres,
consacrés à l'étude, des cinq grandes classes de moyens de comnmni-
cation : les routes, les voies ferrées, les voies navigables et les voies
maritimes, (tudiées dans leur développement et dans leurs effets éco-
nomiques, enfin les moyens de communication électriques.
Les faits développés par l'auteur à titre d'exemples, constituent
un tableau presque complet de l'histoire commerciale du monde et
renferment un grand nombre de données sur le mouvement colonial
contemporain. La seconde partie, traitant du rôle social des voies de
communication, se compose de considérations d'un caractère plus
abstrait, et qui offrent le même intérêt que les précédentes.
Reflections on the origins and destiny of Impérial Britain, par J.-A. Cramb,
M.-A. — Un vol. in-8*> de 515 pages, LondrcF, Macmillan and C^, iOOO.
L'impérialisme britannique occupe trop de place dans la politique
contemporaine pour qu'il soit nécessaire de faire ressortir l'impor-
tance que revêt, au moins à titre documentaire, tout ouvrage consacré
886 ÉTUDES COLONIALES
à l'étude et au développement de cet état d'esprit. F^e livre de
M. Cramb est d'ailleurs remarquable à plus d'un titre, et ses idées,
qu'il ne convient pas de discuter ici, sont souvent fort originales.
Son chapitre Whatis war? en particulier, constitue une curieuse apo-
logie de la guerre, en opposition absolue avec les tendances pacifiques
si répandues de nos jours.
Profils blancs et frimousses noires (impressions congolaises}, par Léopold
GouRouBLE. — Un vol. in- 12 de 370 pages, avec illustrations. Bruxelles, P. Lacom-
blez, 1901.
Ce livre nouveau de l'auteur de En plein soleil a, comme les œuvres
déjà connues de M. Courouble, des qualités de style et d'expression
éminemment pittoresques qui en fait un des plus agréables échantil-
lons de notre littérature congolaise. C'est d'ailleurs, sous sa forme
légère, l'œuvre d'un observateur sagace des mœurs indigènes et de la
vie coloniale, et l'on y trouvera sur le fonctionnement de la justice de
l'État Indépendant, des détails « vécus » dont on chercherait vaine-
ment l'équivalant dans les plus volumineuses compilations coloniales.
Historical geography of West-Africa, par G. P. Lucas, S* édition révisée par
M. H.-E. Egcrlon. Publication de la Clarendon PrcM d'Oxford. — Vu vol. in-12 de
30â pages avec cinq cartes. Londres, H. Frowde, 1000.
Cet intéressant volume fait partie d'une série de publications con-
sacrées à l'histoire géographique des colonies anglaises. On y trouvera
un résumé très complet des premières explorations qui ont traversé et
fait connaître le continent africain. Vient ensuite une étude dévelop-
pée de la colonisation européenne à la côte de Guinée, avec une série
de notices sur l'état présent de chacune des colonies britanniques
existant dans cette région. Un dernier chapitre est consacré aux îles
de l'Océan Atlantique.
Ce volume, avec ceux qui font partie de la même série, constitue
une collection remarquable et des plus utile au point de vue géogra-
phique et colonial.
\
INDEX
Abyssinie :
Commerce, 6')9.
Expédition Erlanger et Neiiman,
805.
Marchés, 658.
Matériel militaiœ, ^2^6.
Mission H. II. Austin, 807.
Mission Léontietf, 245, 803.
Addis-Abeba, 806, 807.
Afrique australe :
Commerce allemand, 810.
Débouchés, 801).
Lignes de navigation allemandes,
862.
Protection de la race indigène,
744.
Afrique centrale anglaise :
Café, 5i0.
Chemins de fer, 510, 803.
Afrique occidentale anglaise :
Chemins de fer, 368 et suiv., 869.
Afrique orientale allemande :
Agriculture, 118, 60ïi.
Bétail, 565.
Café, 565.
Canne à sucre, 564, 604.
Caoutchouc, 119.
Charbon, 298.
Climat, 556.
Cocotiers, 562.
Colonisation, 566.
Commerce, 514.
Cultures appropriées, 557, 570.
Cultures indigènes, 558.
Dock lloltant, 599.
Écoles, 120.
Force publique, 120.
Hôpitaux, 118.
Ivoire, 514.
Légumes d'Europe, 119.
Blissions, 120.
Plantations, 558, 656.
Population, 117, 515, 567, 602.
Uamie, 562.
Routes, 119.
Sol, 551.
Sources sulfureuses, 118.
Taxe sur les huttes, 119.
Transports, 120, 657.
Vanille, 564.
Voies de communication, 568.
Afrique orientale portugaise :
Chemin de fer de Beïra, 373.
Exportation du caoutchouc et des
arachides, 137.
Marchands indiens, 749,
Prazo?, 749.
Situation économique, 433.
— Voir Cliinde, Inhambane,
Afrique sud-occidentale allemande :
Barrages, 116, 656.
Bétail, 115.
Chemin de fer de (ireat Fish Bay,
432, 615.
Climat, 598.
Commerce, 115.
888
KTLDES COLONIALES
Cuivre, 598.
Cultures, 116, 656.
Force publique, U6.
ImmignUion, 599.
irrigation, 116, 657.
Jardins d'essais, 116.
Malaria, 115.
Mines de cuivre, 432, 515.
Or, 598.
Population, 114,598.
Remède contre la mortalité des
chevaux, 433.
Routes, 116.
Superficie, 598.
Vente des fermes du gouverne-
ment, 655.
Albatros (I/expédltion de), 366.
Almeidina, le caoutchouc, 134, 297.
Amazonie, 245 et suiv., 262, 393 et
suiv., 660, 699 et suiv.
— Voir Brésil, Caoutchouc, Xingu,
Vamunda.
Ami :
M(rurs et coutumes, 774.
— Voir Formo.se.
Amdris, 297.
Amoy, 8, 12.
Passes de transit, 417.
Ampjng :
Canne à sucre, 771.
Parcs à huîtres, 771.
Angola :
Canne à sucre, 651.
Caoutchouc, 134, 294.
Commerce en 1897 et 1898, 293.
Produits, 293.
Anhui, 469.
Ankober, 227.
Annam :
Colon, 438.
— Voir Indo- Chine.
Anophèles :
Description, 800.
Destruction, 727.
Huttes indigènes, 728, 729.
Larves, 727, 800.
Marécages, 727.
Uganda, 813.
— Voir Malaria.
Appel de Suifu, 342.
Arachides, 860.
Afrique orientale allemande, 119,
558.
Afrique orientale portugaise, 137,
746.
Ki.merun, 34.
Nouvelle Guinée anglaise, 673.
Togo, 31.
Archipel Bismarck, 120.
Arinos, 397.
ASHANTI, 297.
AssioiT, 197.
Atchour, 168.
Baie de Deuigoa, 434, 511.
Bako, 804.
Balata :
Pays d'origine, 501, 691 et suiv.
Propriétés, 691.
Récolle, 695. *
Bananes :
Afrique oricntiile allemande, 558.
llesCook, 881.
Uganda, 848.
Bangkok :
Commerce en 1899, 816.
Tek, 816.
— Voir Siam.
Bannières (Troupe des) (Chine), 479.
Barracal (Mission de), 394.
Bastian Fau., 234.
Basutoland, 509.
Beira :
Chemin de fer, 373.
Bengl'ela, 296.
BÉNUÉ (Région de la). 55.
Berdera, 227.
Bbresford (lord), l et suiv.
Bétail. (Voir Élevage.)
'^i^
fNr
INDEX
Birmanie :
Commerce, 068.
Historique, G68.
Productions naturelles, 668.
Blundbll, 227.
BoKHARA ORIENTAL (L'or dans le), 57.
Bornéo :
Mœurs des Madangs, 672.
BouviE :
Caoutchouc, 521.
Voies de communications, 522.
Brésil :
Allemands, 138.
Cacao, 265.
Café (exportation), 139.
Café (plantations), 662.
Canne à sucre, 647.
Capitaux belges, 521.
Caucho, 217, 269.
Chemins de fer, 138.
Conditions d'exploitation du
caoutchouc, 792 et suiv.
Gomme élastique, 266.
Immigration, 520.
Protectionnisme, 255.
Travaux publics, 230.
— Voir Manaos. Para.
Blea (Kamerunj :
Station sanitaire, 487.
BUSBMEN, 740.
— Voir Pygmâes.
Cables sous-marins, 42.
Cacao:
Amazonie, 703.
Ceylan, 735.
Culture, 497.
Dahomey, 356.
Femando-Po, 132.
Guyane anglaise, 302.
Indes anglaises occidentales, 301.
Kamerun, 33, 34.
Lagos, 132.
Madagascar, 350.
Nouvelle-Guinée, 121.
Paraguay, 300.
Principe, 434.
San-Thomé, 434.
Uganda, 850.
Café :
Afrique orientale allemande, 565.
Afrique orientale portugaisc,747
Archipel Bismarcli, 421.
Brésil, 139, 662.
Ceylan, 735, 736.
Choix des graines, 722.
Congo français, 744.
Cuba, 788.
Culture (Guatemala), 184 et suiv.
Equateur, 873.
Iles Cook, 881.
Inde anglaise, 876.
Indo-Chine, 670.
Inhambane, 747.
Java, 442, 725.
Lagos, 132.
Madagascar, 350, 374.
Nouvelle-Guinée, 121.
Togo, 30.
Uganda, 849.
Canne a sucre :
Afrique, 650.
Afrique orientale allemande, 564,
602.
Afrique orientale portugaise, 746.
Amérique, 696.
Angola, 651.
Asie, 642.
Australie, 646.
Brésil, 647.
Ceylan, 736.
Conditions climatériques, 639.
Cuba, 784.
Europe, 649.
Formose, 643.
Guyane anglaise, 648.
Guyane française, 647.
Guyane hollandaise, 647.
Inde anglaise, 642.
Indo-Chine, 643.
5
ETUDES COLONIALES
Inhambatie, 746.
Japon, 644.
Java, 441, 645.
Kamerun, 651.
Mexique, 646.
Nouvelle-Guinée, 645.
Océanie, 645.
Paraguay, 649.
Tahiti, 882.
Uganda, 652, 851.
Zanzibar, 652.
Cambodge. (Voir Indo-Chine.)
Gamphbe :
Distillation, 765.
Production, 440.
— Voir Fomwse.
Cannibalisme :
Colombie britannique, 375.
Canton, 383.
Concession étrangère, 720.
Distribution d'eau, 225.
Passes de transit, 413.
Caoutchouc :
Afrique orientale allemande, 119.
Almeidina, 134.
Amazonie, 246 et suiv. 660.
Angola, 134, 294.
Assam, 523.
Benguéla, 296.
Bolivie, 521.
Brésil, 235, 246, 396, 661, 792
et suiv.
Caoutchouc herbacé, 203, 206.
Castilloa elastica, 205, 207, 272.
Céara, 246 et suiv.
Ceylan, 735.
Consommation mondiale, 661.
Costus, 204.
Côte d'ivoire, 284.
Cuba, 302.
Dahomey, 355.
Ëtat du Congo, 203 et suiv.
Guatemala, 272.
Guinée française, 130, 437.
Hevea Brasilensis, 661.
Inde anglaise, 642.
Indes anglaises occidentales, 302.
Kamerun, 203 et suiv.
Kickxia, 205, 206.
Landolphia, 205, 206, 437.
Madagascar, 348, 374.
Mangabcira, 602.
Manihot Glazovii, 205.
Mexique, 234.
Hossamédès, 297.
Nouvelle-Guinée, 881.
Pérou, 303.
Production mondiale, 661.
Rhodésia, 869.
Seringueira, 661.
Siphonia elastica, 521.
Soudan, 219.
Systèmes d'exploitation des fo-
rêts, au Brésil, 793 et suiv.; en
Afrique, 865.
Tapajoz, 396.
Togo, 30, 31.
Uganda, 841.
Ile, 302.
Cap (Colonie du) :
Commerce en 1899, 512.
Cap au Caire (Traversée de TAfrique
du), par M. Sharpe, 428 et suiv.
Capitaux au.ehands dans les entre-
prises d*outre-mer, 365.
Cartographie des colonies alle-
mandes, 801.
Céara, 245 et suiv.
Barrage de Quixada, 247.
Caoutchouc, 249.
Ëlevage du bétail, 249.
Émigration, 246. 250.
Population, 246.
Production, 249.
Sécheresse, 246.
Céara (ville), 248.
Ceylan, 308.
Cacao, 735.
Caoutchouc, 735.
Café, 736.
INDEX
894'
Canne à sucre, 642. ^
Colombo, 735.
Commerce, 735.
Thé vert, 735.
Thé (planUtioDs), 736.
Chàbbon :
Afrique orientale allemande, 398.
Chine, 80, 733.
Uganda, 853.
Chari (Organisation de), 750.
Chkfoo (Convention dej, 4, 408.
Chemins de fer :
Afrique australe, 809.
Afrique centrale anglaise, 510,
803.
Afrique orientale portugaise, 373.
Afrique sud - occidentale alle-
mande, 432, 515.
Brésil, 138.
Dahomey, 286, 362.
Chine, 76 et suiv., 142, 143, 523.
Corée, 819.
Formose, 671.
Gold-Coast, 368.
Guinée française, 130, 220.
Hankow, 377.
Indo-Chine, 526.
Kiautschau, 123, 666, 813.
Lagos, 131,368, 370.
Madagascar, 346.
Mandchourie, 145, 237.
Sénégal, 210.
Sibérie. 524.
Soudan égyptien, 372.
Soudan français, 214, 215.
Tientsin, 667.
Uganda, 511, 835.
Chinde (Commerce et mouvement ma-
ritime de), 749.
Chin-Huans :
Mœurs et coutumes, 766.
Territoire, 764.
— Voir Formose.
Chin-Kiang:
Passes de transit, 411.
Chine :
Armée et marine, 92.
Arsenaux, 328.
Charbon, 80, 733.
Chemins de fer, 76, 319, 523. :
Climatologie, 663. \
Commerce des grains, 12.
Commerce extérieurde 1899, 376. '
Débouchés pour les ingénieurs,*
319 et suiv.
Droits et passes de transit, 2 et
suiv., 86 et suiv., 400 et suiv.,
411.
Droit de séjour, 20, 72.
Droit d'exploiter les mines, 21.
Eau potable, 664. ^
Electricité, 321.
Étrangers, 607.
Exposition de produits, 330.
Firmes étrangères, 608.
Fonctionnaires, 14, 405.
Gildes de crédit, 307.
Gildes fermières d'impôts, 409.
Insécurité commerciale, 9 et suiv.
Justice, 22.
Likin, 2 et suiv., 86.
Manufactures, 225. ,
Mines, 324.
Monnaie, 82.
Monopole du sel, 8, 11. ,
Moulins, 327.
Mouvement maritime, 377. ,
Navigation, 20, 71.
Parti de la réforme, 19.
Ramie, 753.
Règlement douanier de 1898, 6. .
Révision du tarif douanier, 16,
400.
Richesses minérales, 324.
Routes, 74, 874.
Salaires, 320, 324, 330.
Soie (Industrie de la), 327.
Sphères d'influence et porte ou-
verte, 18,141,334.
Supplices judiciaires, 383 et suiv.
892
ÉTUDES COLONIALES
Système fiscal, 13.
Taxes de destination, 7, 406.
Télégraphes, 3S3.
Téléphones, 322.
Thé (Commerce du), 327.
— Voir Commissions d'études. Chinois,
Ports à traité.
Chinois :
Esthétique, 767.
Qualités et avenir, 574 et suiv*
CiBB :
Afrique orientale allemande, i 19.
Afrique orientale portugaise, 746.
Benguela, 296.
Clous db girofle :
Zanzibar, 747.
COCHINCHINB :
Culture du café, 734.
Immigration chinoise, 734.
— Voir Indo- Chine.
Cocotiers :
Afrique orientale allemande, 562.
Archipel Bismarck, 121.
Dahomey, 355.
Togo, 30.
Madagascar, 374.
Nouvelle-Guinée, 121.
Colombie britannique :
. Cannibalisme, 375.
Or, 303.
Colonies allemandes (Rapport sur les),
30 et suiv.
Colonies françaises :
Budget des —, 24.
Rapport sur les — , 8 et suiv.,
283 et suiv., 344 et suiv.
Colonisation :
Afrique orientale allemande, 566.
Afrique sud-occidentale allemande,
599.
Combustible uquide, 672, 860.
Commerce des esclaves :
Maroc, 173.
Zambèze, 742.
Commissions d*études en Chine :
— des Etats-Unis, 141.
— de société belge, 143.
COMPRADOBES, 19.
Compression des pieds :
Chine, 335 et suiv., 479.
Concessions étrangères :
Chine, 23.
Congo français :
Budget, 290.
Commerce, 290.
Concessions, 290, 864.
Culture du café, 744.
Douanes, 292.
Population, 288.
Télégraphe, 290. •
Copra :
Afrique orientale portugaise, 746.
Dahomey, 355.
Iles Marshall, 122.
Iles Samoa, 674.
Java, 444.
Nouvelle-Guinée, 122.
Togo, 31.
Corée, 236.
Écoles, 819.
Chemin de fer, 819.
Commerce, 312.
Nécessité de connaître la langue
du pays, 739.
Or, 312.
Ports ouverts, 820.
CÔTE d*iyoire :
Budget, 284.
Caoutchouc, 284.
Commerce, 284.
Or, 284.
Population, 283.
Télégraphe, 283.
Cotonniers :
Afrique orientale allemande, 560.
Annam, 438.
Archipel Bismarck, 121.
Nouvelle-Guinée, 121.
INDEX
893
Soudan français, 216.
Uganda, 850.
CoTONOD, 362, 432.
Cuba:
Acquisition par les États-Unis,
789.
Administration, 791.
Agriculture, 784.
Aspect, 779,781.
Café, 788.
Canne à sucre, 784.
Caoutchouc, 302.
Chemins de fer, 789.
Climat, 778, 781.
Cours d'eau, 783.
Dette, 790.
Élevage, 783.
Excédents de budget, 790.
Flore, 781.
Forêts, 783.
Lignes de navigation, 789.
Mines, 783.
Mortalité, 781.
Pétrole, 784.
Population, 782.
Rhum, 787.
Routes, 789.
Superficie, 779.
Tabac, 784, 787.
Taxes, 791.
Villes, 784.
CuiVBE :
Afrique allemande occidentale,
432, 615.
Madagascar, 348.
Mexique, 752.
CULEX.
— Voir Anophèles.
Cultures haraîchèrss, 119.
Dahomey :
Bas Dahomey, 35i.
Budget, 286.
Climat, 354.
Caoutchouc, 355.
Chemins de fer, 286, 362, 431.
Commerce, 287, 360.
Cultures, 355, 356.
Douanes, 360.
Haut Dahomey, 358.
Historique, 353.
Villes principales, 358.
Wharf, 362.
Ricin, 432.
Salaires, 357.
Taxation indigène, 867.
Darfour :
Expédition Slatin, 576.
Débouchés en Chine pour les ingé-
nieurs mécaniciens, 319 et suiv.
Diamants :
Brésil, 230.
Cap, 229.
Guyane anglaise, 874.
Transvaal, 136.
DlÉGO-SUAREZ, 352.
Douaubs mpÉRiALES maritimes (Chine)^
16.
Du Lac Rodolphe au Nil, par le capi-
taine Wellby, 807.
— Voir Lac Rodolphe, .
Ebènb :
Kamerun, 34.
Eléphant (Utilisation rationnelle des),
825 et suiv.
— Voir Ivoire.
Elevage :
Afrique orientale allemande, 565.
Afrique sud - occidentale alle-
mande, 115, 166.
Archipel Bismarck, 121.
Brésil (Céara), 249.
Cuba, 783.
Maroc, 174.
Soudan, 219.
Togo, 31.
Equateur :
Café, 873.
;B94
ÉTUDES COLONIALES
États-Unis :
Electricité, 323.
Produits manufacturés, 332.
ËTATS Shans. (Une race qui disparaît),
8i5.
Ethiopie.
— Voir Abyssinie,
Expédition congolo-allemandb au lac
Kivu, 802.
— Voir Lac Kivu,
Extrême-Orient (Situation politique),
236.
CI Faidherbe » (Le), 808.
Fièvres (Différents types de).
— ^ Voir Malaria,
Fièvre dutexas, H8.
FORMOSE :
Canne à sucre, 643, 771.
Camphre, 440, 765.
Chemins de fer, 671, 758.
Climat, 758.
Commerce, 3 H, 672.
Ecoles, 672, 760, 774.
Etrangers, 312.
Impôts, 777, 778.
Japonais, 672.
Manque de capitaux, 762, 778.
Monopoles, 776.
Parcs à huîtres, 771.
Population, 672.
Ports ouverts, 148.
Propagande religieuse, 762.
Propriété foncière, 776.
Sauvages, 764 et suiv.
Subsides aux chefs sauvages, 773.
Tours de garde, 764.
Fleuve jaune, 74.
Force pubijque :
Afrique oriental» allemande, 120.
Afrique sud - occidentale alle-
mande, 116.
Nigeria, 133, 597.
FOSTALEZA.
— Voir Ceara (ville).
FULAHS, 56.
Oambie.
Chemin de fer, 368.
GOLD COAST :
Chemin de fer, 368, 869.
Commerce, 298.
Population, 297.
Gommes:
Brésil, 266.
Soudan, 219.
GOUBARA, 513.
GoYANA (Ile de), 394, 399.
Grand canal (Chine), 72, 73.
Grands réservoirs du Nil, 197.
Barrage d*Assioût, 197, 199.
Barrage d*Assouan, 200, 201
Barrage du delta, 198.
Coût des travaux, 201.
Grogan (E.), 50.
Guatemala (Culture du café au), 184 et
suiv.
Division des travailleurs, 185.
Main-d'œuvre, 185, 189.
Plantation, 188.
Préparation, 194.
Production, 192.
Récolte, 198.
Salaires, 188.
Transports, 195,
— (Culture du caoutchouc au), 272 et
suiv.
Coût d'une plantation, 281.
Extraction, 279.
Prix, 273.
Production, 278.
GuQfÈE française, 129, 219.
Budget, 221.
Caoutchouc, 130, 437.
Chemin de fer, 130,220.
Commerce, 220.
Indigo, 437.
Marchand Syriens, 130.
Gutta française, 690.
INDEX
89S
Gutta-Percha :
Avenir, 498.
Commerce, 501.
Composition chimique, 685.
Culture, 679.
Découverte, 613.
Détermination botanique, 615.
Distribution géographique, 62S.
Expédition pour rechercher la — ,
626.
Extraction des feuilles, 445, 500,
687.
Paiaquium Gutta, 498, 619.
Pays de production, 501, 886.
Production, 500.
Propagation, 680.
Propriétés, 615.
Récolte, 682.
Succédanés, 691 et suiv.
Guyane anglaise :
Balata, 692.
Cacao, 302.
Canne à sucre, 648.
Diamants, 874.
Or, 302.
Guyane française :
Balata, 692.
Canne à sucre, 647.
Mortalité et morbidité en 1897,
126.
Guyane hollandaise :
Canne à sucre, 647.
Immigration hindoue, 305.
Hakkas, 764 et suiv.
Halabe, 436.
Hankow, 72, 81.
Chemin de fer, 377.
Commerce, 306, 467.
Concession allemande, 720.
Eau, 325.
Passes de transit, 4il.
Hausas, 56.
Hong-Kong :
Commerce ci industrie, 144.
Déclaration de 1843, 402.
Importance commerciale de TAI-
lemagnc, 309.
Population, 145.
Huile et noix de palme :
Afrique orientale portugaise, 746.
Ceylan, 735.
Dahomey, 355.
Gold Coast, 298.
Kamerun, 34.
Togo, 31.
HuPEH, 470.
IlesBahamas, 140.
Iles Carolixes :
Acquisition de terres, 313.
Division, 313.
Main-d'œuvre, 314.
Monnaie, 313.
Ports ouverts, 313,
Iles Cook :
Bananes, 881.
Café, 881.
Commerce, 881.
Population étrangère, 881.
Ile Dominique :
Climat, 753.
Cultures, 301,753.
Étendue, 752.
Exportation, 753.
Jardin botanique, 753.
Iles Fidji, 305.
Ile Grenade, 301.
Ii.es Marshall, 122.
Ile Maurice, 299, 305.
Iles Pescadores :
Climat, 770.
Population, 672.
Ile Principe :
Cacao, 434.
Ile Sainte-Lucie, 301.
Iles Salomon, 121.
Iles Samoa :
Commerce en 1899, 674.
Copra, 674.
896
ÉTUDES COLONIALES
Ile Trinidad, 301.
Inde Anglaise :
Caoutchouc, 523.
Café, 876.
Canne à sucre, 64S.
Ëmigration, 304.
Or, 813.
Puits artésiens, 813.
Thé, 814.
Indes anglaises occidentales, 301,
752.
— Voir Ile Dominique,
Indes néerlandaises :
Gutta-percha, 623.
Immigration, 30o.
Statistique médicale pour 1897,
125.
— Voir Java.
Indigo :
Afrique allemande orientale, 657.
Dahomey, 355.
Guinée française, 437.
Java, 444.
li^DiENS, 234, 262, 269.
Indo-Chine, 239.
Absentéisme, 671.
Café, 670.
Canne à sucre, 643.
Chemins de fer, 526.
Métayage, 670.
Main-d'œuvre, 671.
Plantations, 669.
Poivre, 670.
Riz, 670.
Thé, 670.
Inhambane :
Café, 747,
Canne à sucre, 746.
Commerce, 745, 746.
Recrutement des « boys », 746.
Salubrité, 747.
Inondations du Nil et pluies de l'Inde,
732.
In-Salah, 126, 180.
— Voir Touât.
ITCHANG, 73, 468, 713.
Ivoire :
Afrique orientale allemande, 514.
Benguela, 291.
Kamerun, 34.
Soudan, 219.
Ugunda, 825.
Zanzibar, 747.
Ivoire vég^al, 303.
Japon, 236.
Canne à sucre, 644.
Commerce en 1899, 378.
Électricité, 322.
Étrangers, 312, 379, 528.
Mines, 379.
Or, 738.
Population, 528.
Porls (Construction de), 379.
Ports ouverts, 147.
Téléphone, 225.
Jardins d'essais :
Afrique orientale allemande, 122,
566, 656.
Afrique sud-occidentale alle-
mande, 116.
Dominique, 753.
Togo, 31.
Jatropha ('^urcas, 493.
JATROPHA GOSSYPiiFOUA, 496.
Java :
Café, 442.
Caisses d'épargne, 879.
Combustible liquide, 672.
Coprah, 444.
Gutta-percha, 627,680.
Impôts, 879.
Indigo, 444.
Malaria, 222 et suiv., 858.
Plantation de gutta-percha du
gouvernement, 880.
Population, 444.
Quinquina, 444.
Riz, 444.
Situation commerciale, 148.
INDEX
897
Situation économique, 878.
Sucre, 441, 615.
Tabac, 443.
Thé, 443.
— Voir Indes néerlandaises.
Jonques de charge, 461.
Kàko, 429.
Kamerun :
Administration autonome, 509.
Canne à sucre, 651.
Caoutchouc. 203.
Commerce, 34.
Cultures, 32, 33.
Écoles, 33.
Expédition scientifique, 509.
Hôpital, 114.
Kola, 486.
Main-d'œuvre, 32, 33.
Missions, 33.
Pluie, 367.
Population, 32.
Routes, 113.
Salaires, 33.
Kano :
Description du —, 634.
Mission Richardson, 634.
Kan-You-Wei, 19, 342.
Kelung, 757 et suiv.
— Voir Fonnose,
KiANGSu, 469.
KlAUTSCHAU :
Administration, 123.
Chemin de fer, 123, 666, 813.
Recettes, 124.
— Voir Shantung.
KmciANG, 466.
KiNKIN, 147.
KiUNGSi, 470.
KocH. (Voir Malaria.)
Kola :
Kola blanc, 486 et suiv.
Kola rouge, 486 et suiv.
Gold Coast, 298.
Kamerun, 34, 486.
Libéria. 488 et suiv.
Soudan (importations), 218.
Togo, 30.
KONAKRY, 129, 220.
KoNDi (Pays des), 602. 603.
KORDOFAN : .
Expédition Slatin, 596.
Kuro-Shiwo, 758.
KWANGO, 204.
KwANTUNG (Province de), 8, 239.
Passes de transit, 412.
Lac Albert-Edouard, 430, 742, 868.
Lac Kivu, 50, 429, 600, 742, 802.
Lac Rodolphe, 225, 227, 805, 806,
854.
Lagos, 130.
Acajou, 131.
Chemin de fer, 131, 368, 370.
Cultures, 132.
Commerce, 131,
Régime foncier, 743.
Langshan Crossing, 455.
Langue chinoise :
Nécessité de la connaissance, 332.
Léontieff. (Voir Ahyssinie,]
Léopoldville :
Plantations, 205.
Lèpre:
Afrique orientale, 117.
Colombie, 496.
Remède contre la —, 496.
Ligues contre la compression des
pieds (Chine), 341.
LiNYANTi (exploration de M. Percy
Reid), 136.
Livingstone :
Monument en Afrique, 503.
Souvenir de —•, 426.
LiUKiu (Iles), 148.
Loanda, 293.
Commerce, 295.
LORTSCHAS, 460.
LOTISCHUI, 7.
LûDERiTz (Baie de), 116.
£TUDES COLONIALES
Mackinder (L'expédition) au mont
Kénia, 51.
Madagascar :
Budget, 345.
Caoutchouc, 348.
Chemin de fer, 346.
Commerce, 350, 351, 418.
Commerce en 1899, 435.
Cultures, 350, 374.
Foires régionales, 811.
Forêts, 348.
Historique, 344.
Mouvement maritime, 42S.
Op, 517.
Poris, 350etsuiv., 605.
Régime minier, 518.
Richesses minérales, 348.
Soie d'araignée, 436.
Transports intérieurs, 749.
Voies de communication, 346,
750.
Wharfs, 606.
Mafureira, 746.
MaTs :
Afrique orientale allemande, 558.
Togo, 31.
Majunga, 350.
Malalhe (Presqu'île). Exploration an-
glaise, 668 et suiv.
Malaria :
Afrique orientale allemande, 118.
Afrique sud - occidentale alle-
mande, 115.
Coloration des hématozoaires,
798.
D'après les recherches des Ita-
liens, 101 et suiv.
Expédition allemande contre la
malaria, 856.
Expédition belge au Congo, 35.
Expédition du D' Ross à Sierra-
Leone, 35, 125.
Expédition des D" Daniels, Chris-
tophers et Stephens à Sierra-
Leone et à la Côte d'Or, 727.
Expédition du D' Koch aux Indes
néerlandaises, 222 et suiv.
Expédition du D' Koch en Nou-
velle-Guinée allemande, 424 et
suiv.
Expédition dans la Nigeria, 729.
Expériences du D*^ Grassi en Ita-
lie, 731.
Formes cliniques de la malaria,
535 et suiv.
Mozambique, 374.
Traitement, 535 et suiv.
Uganda, 842.
Utilité des moustiquaires, 729,
730.
— Voir Anophèles. Culex, Fièvres.
Manaos, 231,258.
Mandarins :
Prévarication, 14.
Traitements, 13.
Mandchourie :
Agriculture, 145.
Climat, 224.
Commerce, 145.
Chemin de fer, 145, 237.
Richesses minérales, 224.
Manioc :
Dahomey, 355.
Madagascar, 350.
Maranhao, 251.
Marchands indiens :
Afrique orientale portugaise, 749.
Maroc :
Agriculture, 173.
Armée, 172.
Budget, 169, 170.
Climat, 167.
Commerce, 175, 176, 182.
Division politique, 168.
Douanes, 175.
Elevage, 174.
Esclavage, 173.
Etablissements espagnols, 179.
Famines, 174.
Gouvernement, 169.
1KDEX
899
Guerre franco-marocaine (1844),
180.
Guerre hispano-marocaine (1859),
179.
Importance commerciale de TÂl-
lemagne, 181.
Impôts, 168.
Influence anglaise, 181.
Instruction, 172.
Justice, 17.
Population, 167.
Ports ouverts au commerce,
175.
Projet de réforme (1892), 181.
Richesses minières, 175.
Tribus, 171.
Matto grosso, 393 et suiv.
MsRANGA (Région de), 52.
Mettob, 797.
Mexique :
Canne à sucre, 646.
Caoutchouc, 234.
Industrie minière, 300.
Mines d'argent, 752.
Mines d'or, 752.
Mines de cinabre, 752.
Mines de cuivre, 752.
Mines de fer, 307, 752.
Tabac, 872.
Meyer(D'H.), 232.
Mont Mfumbiro, 51, 429, 601.
Mission commerciale des Etats-Unis,
en Asie, 438.
Missions :
Afrique orientale allemande ,
120.
Kamerun, 33.
Togo, 32.
Moka, 146.
Mont Kénia, 52.
Mont Morisson, 770.
Mont Nicolas II, 226.
Moore. (Voir Tanganika.)
Mortauté des chevaux (Remède contre
la), 433.
MOSSAMÈDÈS :
Caoutchouc, 297.
Commerce, 135^ 296.
Mines d'or, 294.
Mouche tsétsé, 118, 125, 374.
Mundurucus (Tribu des), 397.
Musée commercial :
Chine, 330.
Siam, 876.
Nankin :
Commerce, 466 :
Traitéde— ,2, 401,713.
Nègres (types) :
Uganda, 845.
Nigeria, 132.
Commerce, 133.
Commerce en 1898, 371.
Division politique, 133.
Force publique, 133, 547.
Recettes en 1898-99, 371.
Voies de communication, 372.
Nil, 430.
Cataractes, 200.
Exploration des sources, 868.
Grands réservoirs, 197.
Navigabilité du Haut-Nil, 517.
— Voir Inondations du Nil et les pluies
de l'Inde.
Nil bleu, 227.
Nil Victoria, 430.
NiPON, 147.
Noix DE palme. (Voir Huile de palme,)
Nou>'ELLE Calédonie :
Nickel, 882.
Situation économique, 882.
NoUVELli-ÉCOSSE, 304.
Nouvelle-Guinée allemande, 121.
Canne à sucre, 645.
Caoutchouc, 882.
Javanais, 882.
Recrutement de la main-d'œuvre,
214.
Situation sanitaire, 858, 881.
Tabac, 881.
\m
ÉTUDES COLONIALES
Nouvelle-Guinée anglaise :
Arachides, 673.
Gutta-percha, 626.
Malaria, 4:24 et suiv.
Nouyelles-Hérrides :
Cannibalisme, 380.
Ono, 225, 227, 804.
Opium :
Formose, 763.
Java, 879.
Or :
Afrique allemande sud-occiden-
tale, 598.
Bokhara, 57.
Colombie britannique, 303.
Corée, 312.
Côte d'ivoire, 284.
Erythrée, 229.
Guyane anglaise, 302.
Inde anglaise, 813.
Japon, 738.
KIondike, 519.
Madagascar, 348, 517.
Mexique, 752.
Mossamédès, 294.
Nouvelle-Ecosse, 304.
Production du monde en 1899,
224.
Sénégal, 298.
Soudan, 219.
Tonkin, 817.
Lganda, 853.
Paiwans :
Mœurs et coutume, 771.
— Voir Formose (Sauvages).
Para, 231, 251 et suiv., 299, 393 et
suiv.
Paraguay :
Cacao, 300.
Canne à sucre, 649.
Parties inconnues du monde, 707.
Pavillons noirs, 760.
Pei-ho, 476, 567.
Pékin :
Aspect, 477, 479.
Climat, 484.
Communications, 474, 485.
Étrangers, 483.
Murailles, 477.
Ville tartare, 479.
Ville chinoise, 479.
Pepowars :
Mœurs et coutumes, 766.
Territoire, 764.
— Voir Formose.
Perles (Pèche des), 121.
PÉROU :
Produits naturels, 303.
Voies de communication, 302.
Peste, 117.
Peste bovine, 115.
PlASSAVA :
Madagascar, 348.
Plumes d* autruche :
Soudan, 219.
Ports a traité, en Chine :
Administration des concessions,
715.
Admission des Chinois dans les
concessions, 718, 719.
Définition, 712.
Droits des étrangers, 713.
Concession et seulement, 714.
Quartiers étrangers, 714.
Restrictions des droits des traités
par les Chinois, 715 et suiv.
Prazo, 433, 749.
Presqu'h^ malaise, 818.
Protection de la faune africaine,
516.
Puits artésiens :
Afrique orientale allemande, 554.
Inde anglaise, 814.
Pygmées :
Uganda, 846.
— Voir Btishmen,
INDEX
90t
Quinine :
Java, 444.
— Voir Malaria.
QuixADA (Barrage), 247.
Ramië :
Afrique orientale allemande, 562.
Chine, 753.
Iles Bahamas, 140.
Recrutement de la main-d'oelyre :
Afrique orientale portugaise, 746.
Guatemala, 185.
Nouvelle-Guinée allemande, 214.
Régime des terres :
Afrique centrale (Protectorat),
865.
Afrique sud - occidentale alle-
mande, 655.
Brésil, 700.
Colonies anglaises, 865.
Etat Indépendant du Congo, 865.
Iles Carolines, 313.
Lagos, 743, 866.
Lourenzo Marquez, 866.
Mozambique, 866.
Uganda, 853.
RÉGIME minier :
Madagascar, 518.
RÉGION DU maximum DE PLUIE ' Afrique ),
367.
Reuber point, 434.
Rhodésia, 869.
RiCHARDsoN (Mission) au Kano, 634.
Ricin:
Dahomey, 432.
Uganda, 850.
RioNÉGRo, 231.
Rivières DU sud, lâO.
Riz:
Ceylan, 735.
Indo-Chine, 670.
Java, 444.
Uganda, 850.
Zanzibar, 747.
Ross. (Voir Malaria.)
RowuMA, 602.
Rusisi, 430, 600.
RUTCHURU, 429.
Rdwenzori fMontj, 601, 844.
Samort, 506.
San-Thomé :
Cacao, 434.
Sac Manoel, 393 et suiv.
Sapèque, 83.
Sapotacées. (Voir Outta-percha.)
ScHWAKOPMUND (Port dc), 116, 810.
SÉNÉGAL :
Budget, 209, 210.
Chemin de fer, 210.
Commerce, 212.
Douanes, 210.
Or, 298.
Seringueiro, 248.
Shanghaï :
Convention de —, 2, 403.
Commerce, 464.
Concession étrangère,714et suiv.
Habitants, 464.
Musée commercial des Ktats-
Unis, 439.
Passes de transit, 411.
Shan Si (Mines de charbon du), 733.
Shantung :
Mines de charbon, 813.
— Voir Kiautscfittu.
Sharp (Arthur), 50.
Shasi, 467.
Shimonoseki (Traité de), 715.
SiAM :
Développement de la bâtisse, 305.
Musée commercial japonais, 000.
— Voir Bangkok,
Sibérie :
Chemin de fer, 524.
Colonisation, 526.
Concurrence américaine, 439.
Immigration, 527.
Siehka-Leoxe. (Voir Lagons,)
902
ÉTUDES COLONIALES
SUfGAPORE :
Gulta-pcrcha, 622, 676.
Slatin pacha, 596.
Soie, 327.
Soie d'araignée, 436.
SoMAUs ^G6te italienne des) :
Agriculture, 658.
Commerce, 658.
Ports, 658.
Soo-CHOW, 72.
Sorgho :
Aire de culture, 591.
Culture, 592, 594.
Distillation, 594, 665.
Graines, 592.
Rendement, 593.
Variétés, 593.
Soudan égyptien :
Chemin de fer, 372.
Soudan français :
Budget, 213, 214.
Chemins de fer, 214, 215.
Commerce, 215.
Population, 212.
Sources sulfureuses, 1 18.
SuppucES judiciaires en Chine, 383 et
suiv.
SURINAME :
Balata, 693.
SZECHUAN :
Influence française, 239.
Productions, 470.
Puits de sel, 606.
SZEMAO, 812.
Tabac :
Afrique orientale allemande, 560.
Cuba, 784, 787.
Java, 443.
Mexique, 87C.
Nouvelle-Guinée, 882.
Uganda, 849.
Taël, 87.
Tahiti :
Canne à sucre, 882.
Commerce en 1899, 675.
Plantations, 883.
Taipeh, 760.
— Voir Formose,
Tanganika :
Expédition Moore, 599.
Position géographique, 600.
Poissons, 601.
Profondeur, 600.
Tapajoz, 393 et suiv.
Plantations, 399.
Population, 398.
Taxe slh les huttes :
Afrique allemande orientale, 119.
Dahomey, 867.
Uganda, 657.
Tchlnkiang, 4, 71, 466.
Télégraphe africain transgonti -
NENTAL, 805.
Températures élevées (Influence des)
sur l'organisme humain, 629 et
suiv.
Thé:
Ceylan, 735, 736.
Chine, 327, 459.
Inde anglaise, 814.
Indo-Chine, 670.
Java, 443.
Madagascar, 374.
Tonkin, 877.
Uganda, 850.
Theeklipper, 459.
TlKNTSIN ;
Chemins de fer, 667.
Commerce, 667.
Passes de transit, 417.
Prix du terrain, 668.
Traité de —, 2, 8, 402.
— Voir Pei'ho,
TOBAGO, 302.
TocANTiNs. (Voir Xingu,)
Togo :
Bétail, 31.
Commerce, 31.
Culture, 30.
INDEX
903
Écoles, 32.
Jardin d'essais, 31.
Fer (Industrie du), 372.
Missions, 32.
Population, 30.
Richesse du sol, 32.
Voies de communication, 31.
ToMBOCCTou, 217 et suiv.
TONKIN, 142.
Concessions minières, 817.
Thé, 877.
— Voir Indo-Chine.
TouAT, 127, 180.
Commerce, 60i.
Culture, 665.
Inscriptions, 605.
Population, 128.
Ressources, 128.
Touaregs, 604.
Transit (Passes de), 2 et suiv.
Transvaal (Production des diamants
au), 136.
Tripou :
Commerce des carava.^es, 697.
Troglodytes de Koh-Sih-Sah (pres-
qu'île malaise), 818.
Tsingtau, 123.
Tsu-SiMA, 147.
Ufumbiro, 868.
Uganda :
Bois, 851.
Cacao, 850.
Café, 849.
Canne à sucre, 652, 851.
Caoutchouc, 850.
Charbon, 853.
Chemin de fer, 511, 855.
Climat, 657, 813.
Coton, 850.
Faune, 852.
Lacs navigables, 854.
Légumes d'Europe, 851.
Limites, 841.
Météorologie, 813.
Minéraux, 853.
Or, 853.
Population, 845.
Produits végétaux, 848.
Propagande religieuse, 846.
Régime des terres, 853.
Ricin, 850.
Riz, 849.
Tabac, 849.
Taxation indigène, 657, 847.
Thé, 850.
Vanille :
Afrique allemande orientale, 564,
657.
Culture de la — , 492 et suiv.
Colombie, 495.
Dahomey, 356.
Madagascar, 350.
VENEZUELA :
Balata, 692.
Victoria Nyanza :
Communications avec TOcéan,
603.
Mouvement des bateaux, 603.
Navigation, 854.
Télégraphe, 601.
Volcans de l'Afrique centrale, 50,
429, 600.
Wahutu, 429.
West-River :
Passes de transit, 418.
Piraterie, 238, 376.
Weadivostock, 440.
WccHOW-Fu, 416.
WiHU, 9,466, 713.
WusuNG, 465.
Xlvgu :
Exploration (Meyer) des sources
du —, 232.
Exploration (Coudreau) du pays
entre le Tocantins et le —, 698.
Climat et ressources, 700.
Régime des terres, 700.
904
ÉTUDES COLONIALES
Yamunda :
Caoulchouc, 70^.
Castanhas, 703.
Quina, 703.
Voyage (Coudreauj au —, 702.
Yang-tze-Kianc :
Commerce des ports du —, 469.
Compagnies de navigalion, 73,
460, 470, :)53.
Mouvement fluvial, 464.
Navigabililé du —, 72, 237, 453,
Rapides du —, 73, 456.
Système fluvial du —, 455.
Yezo, 148.
Zambèze (Expédition du major Gibbons
au), 135, 740.
Bushmen du —, 740.
Source du —, 740, 742.
Zanzibar :
Canne à sucre, 652.
Clous de girofle, 748,811.
Commerce, 747.
Ivoire, 748.
Main-d'œuvre, 811.
■^
TABLE ÊENERALE DE L'ANNEE 1900
NO 1. — JANVIER.
Pages.
G. DE Levai.. — La Chine d'après les auteurs récents 1
Carton de Wiart. — Le budget des colonies à la Chambre française . 24
D. C. — Le Rapport sur les Colonies allemandes 30
D»" Dryepont. — L'Expédition scientifique anglaise contre la malaria à
la Côle Occidentale d'Afrique 35
J. Plas. — La question des câbles 42
Chronique 50
BlBUOGRAPHIE 61
Sociétés commerciales 67
NO 2. — FÉVRIER.
G. de Lbval. — La Chine d'après les auteurs récents [suite] .... 71
A. Brodbn. — La malaria d'après les dernières recherches des Italiens. 101
D. C. — Le Rapport sur les colonies allemandes 113
Chronique. — Généralités : Expédition anglaise du docteur major
Ross pour l'étude de la malaria. — Statistique médicale des Indes
néerlandaises pour 1897. — Mortalité et morbidité de la Guyane
française en 1897 125
Afrique: L'occupation d'In-Salah. — La Guinée française. — La
Nigeria. — Angola. — Le caoutchouc Almeidina. — L'exploration
du Major Gibbon au Zambèze. —L'exploration de la rivière Linyanti
par M. Percy Reid. — Transvaal. La production des diamants. —
Afrique portugaise orientale. Exportation du caoutchouc et des
arachides 126
Amérique: Les Allemands an Brésil. —Brésil. L'exportation du café. —
IlesBahomas 138
906 ÉTUDES COLONIALES
Asie : Chine. — Hong-Kong. — Mandchourie. — Arabie. Le café Moka.
— Japon 141
BiBUOGRAPHIE 149
Sociétés coloniales 155
Rapport annl^l de la Société d'Études coloniales 159
N» 3. — MARS.
Le Maroc, d'après des auteurs récents i65
F.-W. MoRREN. — Culture du café au Guatemala^. 184
E. Carton de Wiart. — Les grands réservoirs du Nil 197
Le caoutchouc dans l'Etat du Congo et le Kamerun 203
Rapport sur les colonies françaises 208
Chronique. — Généralités: La malaria aux Indes néerlandaises,
d'après des Études du D** Koch. — La production de l'or dans le
monde en 1899 222
Afrique: Abyssinie. La mission Leontieff. — De Berbera au Nil Bleu. —
Sénégal. Prix des transports. — Erythrée. L'Or. — Afrique aus-
trale. Production diamantifère 225
Amérique: Brésil. Travaux publics. — Exploration du Xingu. —
Mexique. Le caoutchouc. — Brésil. Exportation du caoutchouc de
l'Amazone 230
Asie : La situation politique en Extrême-Orient 235
Bibliographie 240
N« 4. — AVRIL.
D. GuiLMOT. — Céara et Amazonie 245
Le caoutchouc au Guatemala 272
Rapport sur les colonies françaises 281
Chronique. — Afrique: Le commerce de la colonie d'Angola en 1897
et 1898. — Province d'Angola proprement dite. — Gold Coast. —
Afrique orientale allemande. Dépôt de charbon. — Sénégal. La
production de l'or. — Ile Maurice 291
Amérique: Brésil. Port de Para. — Paraguay. La culture du cacao. —
Mexique. L'industrie minérale. — Indes anglaises occidentales. —
Guyane anglaise. Exportation de l'or. — Pérou. — L'ivoire végé-
tal. Colombie britannique. Gisements aurifères. —Nouvelle Ecosse.
La production de l'or
Asib: Inde anglaise. Emigration. — Siam. Le développement de la
bA tisse à Bang-kok. — Chine. Rankow. Les gildes de crédit. —
Ceylan. — Hong-Kong. Importance commerciale de l'Allemagne. —
TABLE GÉNÉRALE 907
Formose. — Japon. Les étrangers et \o. droit à la propriété immo-
bilière. — Corée 340
AtSTRALASiE : Iles Garolines 313
Bibliographie 313
NO 5. — MAI.
Lord Charles Beresford. — Débouchés en Chine pour les ingénieurs
mécaniciens 319
Les pieds des Chinoises 335
Rapport sur les colonies françaises 344
Le Dahomey, d'après des publications récentes 353
Chronique. — Généralités : Capitaux allemands dans les entreprises
d'outrc-mer. — Expédition de l'Albatros dans l'Océan Paciflque . 365
Afrique : Afrique occidentale. La région du maximum de pluie. —
Les chemins de fer dans les colonies anglaises de l'Afrique occi-
dentale. — Le protectorat de la côte du Niger. — Togoland.
Industrie du fer. — Le chemin de fer de Beira. — Madagascar.
Les cultures : café, coton, caoutchouc, thé 367
Amérique : Colombie britannique. Le cannibalisme 375
AsiB : Chine. Le commerce exlérieur en 1899. — Japon. Le commerce
en 1899. Construction et amélioration de ports 370
Australie : Nouvelles-Hébrides. Le cannibalisme 380
N» 6. — JUIN.
Les supplices judiciaires en Chine 383
Voyages de M. Coudreau dans l'Amazonie 393
La question des passes de transit en Chine 400
Rapport sur les colonies françaises 418
Chronique. — Généralités : L'expédition du D"" Koch pour l'étude
de la malaria. — Un souvenir de Livingstone 424
Afrique : Une traversée de l'Afrique du Cap au Caire. — Dahomey. Le
chemin de fer projeté; culture du ricin. — Afrique allemande
occidentale. - - Un remède contre la mortalité des chevaux. - -
Afrique portugaise orientale. — Baie de Delagoa. — San-Thomé
et Principe. Culture du cacao. — Madagascar. Le commerce de
1899 ; la soie d'araignée. — Guinée française 428
Asie : Annam. La culture du coton. — Asie orientale. Mission com-
merciale des Etats-Unis. — Shanghaï. Musée commercial américain.
— Sibérie. — Formose. Production du camphre 438
OcÉANiE : Java. Rapport commercial pour 1898. — La gutta-percha . 441
Bibliographie 447
908 ÉTUDES COLONIALES
N" 7. — JUILLET.
La navigation du Yang-Tze-Kiang i53
Pékin 473
Le Kola au Kamcrun 486
Ch. Patin. — Notice sur les avantages de la culture des vanilliers sur
les « jairopha curcas » 492
L'avenir de la gutta-percha 409
Chronique. — Généralités : Monument élevé à la mémoire de
Livingstone en Afrique 503
Afrique : Mort de Samory. — Kamerun. — Basutoland. — Afrique
centrale anglaise. Le café. — Uganda. Le chemin de fer. — La
baie de Delagoa. — Le commerce de la colonie du Cap en i899.
Les effets d'une guerre. — Algérie. L'occupation de Gourara. —
L'Afrique orientale allemande. — L^ chemin de fer du Damaraland.
— La protection des animaux en Afrique. — Le Haut-Nil naviga-
ble. — Madagascar. L'or 506
Amérique : Les mines d'or du Klondike. — Brésil. Immigration. —
Bolivie. Le caoutchouc 519
Asie : Inde anglaise. Production du caoutchouc en Assam. — Chine
septentrionale. Les chemins de fer. — Chine. L'action commerciale
des Japonais. — Navigation à vapeur sur le Haut Yang-Tsé. —
Nouveaux chemins de fer en Indo-Chine. — Sibérie. La colonisa-
tion.— Japon. Recensement de la population 523
BlBUOGRAPHIB 529
N« 8. — AOUT.
D' A. PosKiN. — Note sur l'étiologie, le diagnostic et la traitement
de la malaria 533
L'Afrique orientale allemande 553
Le peuple chinois, d'après M. Colquhoun 574
Le sorgho 59i
Chronique. — Afrique : L'expédition Slatin-pacha au Kordofan et au
Darfour. — Tripoli : Commerce des caravanes. — Nigeria. L'orga-
nisation de la force publique. — Afrique allemande sud-occiden-
tale. — Afrique orientale allemande. Dock flottant. — L'expédition
Moore au Tanganyka. — Le télégraphe au lac Victoria. — La ré-
gion du Nyassa. - - La mission Flamand au TouAt. — Madagascar.
— Ports et phares 596
Asie : Chine. Les puits do sel du Szechuan. — Chine. Ktrangers dans
les ports à traités. — Exploration de la presqu'île mahiisn. . . <i06
Bibliographie 611
TABLE GÉNÉRALE DOD
.N» 9. ^ SEPTEMBRE.
La gulta-percha 613
D^ A. Broden. — De Tinfluence des températures élevées sur l'orga-
nisme humain. . * ' 629
L'extension géographique de la canne à sucre 639
Chronique. — Afrique : Mission Richardson à Kano. Afrique alle-
mande sud-occidentale. Conditions de vente des fermes du gou-
vernement. Irrigation et agriculture. — Afrique allemande orien-
tale. Les plantations. — Uganda. — Côte italienne des Somalis, —
Ethiopie 654
Amérique : L'Amazonie. Caoutchouc. — Brésil. Le caoutchouc. Les
plantations de café 660
Asie : Conseils au corps expéditionnaire de Chine. — Kiautschau. Le
chemin de fer. — Tien-Tsin. — Birmanie. — Indo-Chine. — For-
mose 663
Océanie : Java. Le combustible liquide. — Bornéo. — Un enterrement
chez les Madangs. — Nouvelle-Guinée anglaise, (les Samoa. Le
commerce en 1899. — Tahiti. Le commerce en 1899 672
Bibuographie 676
N" 10. — OCTOBRE.
La gutta-percha (suite) 679
Lieutenant Goffart. — Voyages de M. Coudreau dans l'Amazonie [suite) 699
Les parties inconnues du monde 707
Les ports à traité en Chine 712
Le choix des graines de caféiers 722
Chronique. — Généralités : La malaria. — Une double expérience
sur la malaria. — Les inondations du Nil et les pluies de l'Inde. . 727
Asie: Chine. La ramie. Les mines de charbon du Shan-Si. — Cochinchine.
Immigration chinoise. La culture du café. — Ceylan. Développe-
ment du commerce. — Les plantations de thé à Ceylan. — Japon.
L'or dans l'ile Hokkaido. — Corée. Nécessité de la connaissance de
la langue indigène 733
Afrique ; L'expédition du major Gibbons au Zambèze. Lagos. Régime
foncier. — Congo français. Culture du café. Protection des races
indigènes de l'Afrique australe. — Afrique orientale portugaise.
Le commerce d'Inhambane. — Zanzibar. — Afrique portugaise
orientale. Commerceet mouvementraarilime de Chinde. Madagascar.
Transports intérieurs. — L'organisation du Chari . . , . . 740
910 ÉTUDES COLONIALES
Anêbique : Mexique. Exploitations des mines. — Indes occidentales
anglaises. L*ile Dominique Iti^
BiBUOGRAPHIE 754
N» 11. — NOVEMBRE.
Formose, d'après M. Fischer . 757
Cuba 779
Conditions auxquelles est soumise l'exploitation du caoutchouc au
Brésil 793
Une lettre du Commandant Chaltin 797
Chronique. — Généralitës : Quelques remarques sur la méthode de
Romanowsky. — La malaria. — La cartographie des colonies alle-
mandes 799
Afrique: Expédition Congolo-allemande du lac Kivu. — Afrique centrale
anglaise. — Abyssinie. L'expédition Léonlieff; Expédition Erlanger
et Ncuman. -— Du lac Rodolphe au Mil. — La frontière anglo-
abyssine. — Afrique australe. Débouchés. — Le commerce alle-
mand dans TAfrique australe. -- Zanzibar. Le commerce des clous
de girofle. — Madagascar. Essai de foire régionale 802
Asie : Chine. La ville de Szemao. — Shantung. Le charbon. — Inde
anglaise. Or. Puits artésiens; Production du thé. — États Shans.
Une race qui disparaît. — Bangkok. Commerce en 4899. — Tonkin.
Concessions minières. — Presqu'île Malaise. Les troglodytes de
Koh-Sik-hah. — Corée 842
BiRLIOGRAPHIE 821
NO 12. — DÉCEMBRE.
J. Carton. - Note sur l'utilisation rationnelle de l'éléphant. . . . 825
Le Protectorat de l'Uganda 841
Chronique. — Généralités : Résultats de l'expédition allemande
contre la malaria. — Combustible liquide. — L'arachide . . . 856
Afrique : La marine marchande allemande et l'Afrique australe. —
La flottille du Haut-Congo. — Congo français. Transports fluviaux.
— Difl'érenls systèmes d'exploitation des forêts à caoutchouc. —
Dahomey. Impôt indigène. — Exploration des sources du Nil. —
Rhodésia. Le caoutchouc. — Afi*ique occidentale anglaise. Che-
mins de fer. — Usages commerciaux au Maroc. — Madagascar. . 862
Amérique : Mexique. La culture du tabac. — Equateur. Café. — Guyane
anglaise. Diamants , 872
TABLE GÉNÉRALK 911
Asie : Chine. Routes et moyens de communication. — Inde anglaise.
Café. — Siam. Musée commercial japonais à Bangkok. — Tonkin.
Thé 874
OcÉANiE : Java. La situation économique. — Java. Plantation de Gutta-
percha par le gouvernement. — Iles Cook. — Nouvelle-Guinée
allemande. — Nouvelle-Calédonie. Le nickel. — Tahiti. Ressources 878
BiBUOGRAPHIE 884
Index 887
Table générale de l'année 1900 905
V^ Of THE
UNIVERSITY
OF
^
l'.'î::.
■ «H'
i^
U.C. BERKELEY LIBRARIES
ilillilllllliiil
CD03322S63