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Full text of "Bulletin de la Société belge d'études coloniales .."

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LIBRARY 

OF  THE 

University  OF  California. 

RECEIVED    BY    EXCHANCE 


Oass 


BULLETIN 


DE  U 


Société 


M 


d^Etudes 
Colopiales 


• 

SEPTIÉMK  ANNÉE 


H*     J.    -«^-f»    JANVIE:^     J900 


BRUXELLES 

IMPRIMERIE     A.     LE8IGNE 

Rue  de  la  Cliarit«,  S5 

1900 


Î^L\ 


P«gCH. 

G.  Leval.  La  Gliine  d'après  des  auteurs  récents 1 

Carton  de  Wiart.  Le  Budget  des  Colonies  à  la  Chambre  française     .    .  94 

D.  C.  Le  Rapport  sur  les  Colonies  allemandes 30 

D'  Dryepoxdt.  L'Expédition  scientifique  anglaise  contre  la  Malaria  à  la 

Côte  occidentale  d'Afrique 35 

J.  Plas.  La  Question  des  Cables 45 

Chronique 50 

Bibliographie 61 

Sociétés  Commerciales 67 


GRAVURES 

Vue  intérieure  de  la  Muraille  de  Pékin         i 

Pékin.  La  Muraille ,     .     .     .  3 

Pékin.  Le  Rata-Mem 4^ 

Pékin.  Porte  de  la  Ville  défendue 9 

Pékin.  Palais  d'Été 16 

Phare  à  l'embouchure  du  Fleuve  Bleu 16-17 

Pékin.  Pavillon  du  Palais  d'Été 18-19 

Tribunal  chinois îl 

Carte  des  cibles  sous-marins 4849 


en 
ai 


OF   THf 

UNIVER8ITY 

OF 


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3F    TME 

UNIVERSITY 

OF 

N^  1  7«  ANNÉE  Janvier  1900 


ÉTUDES  COLONIALES 


La   Chine 

DIAPRÉS  DES  AUTEURS   RÉCENTS 

Depuis  que  la  Chine  a  ouvert  ses  ports  les  plus  importants  au 
commerce  du  monde,  l'ignorance  où  nous  étions  des  mœurs,  des 
besoins  et  des  ressources  de  cet  immense  empire  de  400  millions 
d'àmes  s'est  peu  à  peu  dissipée.  Des  missions,  telle  la  mission 
commerciale  de  Lyon,  cmt  parcouru  la  Chine  pour  le  plus  grand 
proflt  des  industriels  et  des  négociants  d'Europe,  et  nulle  année  ne 
se  passe  sans  apporter  quelque  contribution  au  domaine  de  nos 
connaissances  pratiques.  Hier  c'était  l'ouvrage  si  instructif  de 
M.  Von  Brandt,  dont  une  excellente  analyse  a  été  donnée  aux 
membres  de  la  Société  d'Ëtudes  coloniales,  il  y  a  quelques  mois. 
Aujourd'hui  c'est  l'œuvre  de  Lord  Beresford  «The  Break  up  of 
China»  qui,  rendant  compte  de  la  mission  commerciale  et  aussi 
quelque  peu  politique  de  l'éminent  homme  d'Etat  anglais,  complète 
les  informations  antérieures,  par  des  détails  nouveaux  ou  les  pré- 
cise davantage.  Il  nous  a  paru  d'un  grand  intérêt  pour  les  Belges, 
de  donner,  de  cet  ouvrage  tout  récent,  plus  qu'une  analyse  rapide; 
il  nous  a  semblé  que  certains  passages  perdraient  à  être  résumés. 
C'est  pourquoi,  tout  en  passant  en  revue  le  plus  rapidement  pos- 
sible les  parties  non  essentielles  du  livre  de  Lord  Beresford,  et 
en  mêlant  à  cet  or  pur  le  plomb  vil  de  nos  remarques  personnelles, 
nous  avons  tenu  à  laisser  à  certains  passages  leur  valeur  tout 
entière,  sans  en  rien  modifier;  le  volume  de  la  mission  Lyonnaise, 
l'ouvrage  de  M.  Bard  «Les  Chinois  chez  eux»  «The  RealChina- 
man  »  de  M.  Chester  Holcombe,  nous  ont  permis  de  contrôler,  de 


20355G 


ETUDES  COLONIALES 


compléter  ou  déjuger  mieux  de  «Break  up  of  China»,  et  c'est  du 
résultat  de  ces  comparaisons  que  sont  nées  les  lignes  qui  vont 
suivre. 

Dans  toutes  les  contrées  du  monde,  que  ce  soit  en  Russie,  en 
Amérique,  en  Turquie,  en  Angleterre  ou  en  Cliine,  le  premier 
représentant  que  l'on  rencontre  du  pays  où  Ton  entre,  et  celui  qui 
se  charge,  avec  le  moins  d'amabilité  possible,  de  nous  recevoir,  à 
la  frontière,  c'est  le  douanier.  Arrêtons-nous  donc  tout  d'abord  aux 
douanes  chinoises. 

La  convention  de  Shanghaï  du  8  novembre  1858,  encore  en 
vigueur  en  ce  moment,  fixait  à  6  p.  c.  environ  de  la  valeur  argent, 
le  montant  du  droit  de  douane.  Nous  n'examinerons  pas  avec 
M.  Von  Brandt,  si  la  Chine  a,  oui  ou  non,  la  faculté  de  le 
relever,  on  se  basant  sur  le  fait  de  la  dépréciation  de  l'argent  qui  fait 
actuellement  descendre  Je  droit  dé  douane  à  4  et  même  à  3  1/2  p.  c. 
de  la  valeur  réelle.  Ce  droit  de  douane  en  Chine  prend  une 
importance  bien  plus  considérable  que  dans  d'autres  pays  quand 
on  examine  le  rapport  établi  par  le  plénipotentiaire  anglais.  Lord 
Elgin,  entre  ce  droit  de  douane  et  les  autres  droits  et  taxes  inté- 
rieurs du  pays.  Il  y  avait,  en  effet,  un  nombre  incalculable  de 
droits  perçus  tant  par  la  province  que  par  les  villes  d'intérieur 
et  frappant  toutes  les  marchandises  venant  de  la  frontière.  Pour 
couper  court  à  tout  abus  et  fixer  une  règle  uniforme  pour  tout 
l'Empire,  Lord  Elgin  proposa  de  supprimer  tous  ces  droits 
provinciaux  et  locaux,  et  de  les  remplacer  par  une  taxe  unique, 
laquelle  serait  exactement  de  la  moitié  du  droit  de  douane.  Il  fut 
entendu  que,  moyennant  paiement  de  ce  demi-droit  supplémen- 
taire, on  pourrait  obtenir  du  gouvernement  chinois  des  laisser- 
passer  de  transit  exonérant  de  tous  autres  droits  ultérieurs  quels 
qu'ils  fussent  («frora  ail  further  inland  charges  whatsoever  »)  tant 
les  marchandises  allant  de  la  frontière  vers  l'intérieur  du  pays,  et 
ce  jusqu'à  leur  lieu  de  destination,  que  les  marchandises  expédiées 
d'un  point  quelconque  de  lempire  vers  la  frontière. 

Lord  Elgin,  rédacteur  du  traité  de  Tsien-sin  de  4858,  complétant 
l'article  1  du  traité  de  Nankin  de  1842,  entendait  si  bien  résumer 
en  ce  demi-droit  supplémentaire  absolument  tous  les  droits  autres, 
qu'il  définissait  ce  demi-droit  de  la  façon  suivante  dans  une  dépèche 


LA    CHINE 


adressée  au  Foreign  Office:  «  une  somme  qui  sous  le  nom  de  droit 
de  transit  libérera  de  tous  autres  droits  de  péage,  oclroi  ou  taxes 
quelconques,  les  marchandises  apportées  vers  ou  exportées  d'un 
endroit  quelconque  de  l'empire  ».  L'un  des  correspondants  de  Lord 
Bercsford  répétant  qu  on  ne  saurait  s'expliquer  plus  clairement, 
déplore  que,  depuis  trente  ans  que  le  traité  de  Tsien-sin  a  été 


PÉKIN    (LA  muraille). 
FUOTOGRAPUIE  COMMUNIQUÉE  PAR  M.   L.  JANSSEK. 


signé,  ce  système  de  transit-pass  a  fait  une  complète  faillite,  et  ne 
craint  pas  d'accuser  de  ce  résultat,  en  grande  partie  le  gouverne- 
ment anglais  qui  a  donné  aux  termes  du  traité  une  interprétation 
plutôt  restrictive  :  «Dans  plusieurs  provinces,  dit-il,  ce  droit  de 
transit  est  absolument  ignoré  ;  dans  d'autres  il  est  ouvertement 
méconnu  ». 

La  France  s'est  montrée  plus  énergique  dans  ses  revendi- 
cations et  au  lieu  d'adresser  seulement  des  remontrances  plato- 
niques, à  I^ékin,  sur  la  mauvaise  administration  des  provinces, 
elle  a  porté  remède  au  mal,   dans   la   province    même  où  il 


ÉTUDES   COLONIALES 


s'est  déclaré,  et  a  ihsisté  énergiquement  pour  que  les  faveurs  du 
demi-droit  fussent  respectées.  C'est  ainsi  que  moyennant  une  taxe 
de  7  1/2  p.  c.  les  marchandises  suivant  la  route  du  Tonkin,  c'est- 
à-dire  allant  deMenktzen  à  Younan-Fu  sont  libérées  de  toutes  autres 
taxes.  Les  plaintes  qu'enregistre  Lord  Beresford  sont  nombreuses. 
A  Tchinkiang  on  respecte  le  système  du  transit-pass,  mais  on  ne 
l'applique  qu'à  un  nombre  limité  de  marchandises.  Dans  la  pro- 
vince d'Amoy,  les  marchands  ne  savent  plus  à  quel  saint  se  vouer 
à  cause  des  taxes  du  Likin  qu'on  élève  sans  droit  sur  leurs  mar- 
chandises, les  dates  de  paiement  et  le  tarif  variant  à  chaque  ins- 
tant, les  taxes  se  dissimulant  d'ailleurs  sous  vingt  noms  divers.  A 
Canton,  l'action  énergique  du  gouvernement  britannique  a  fait 
beaucoup  pour  amener  les  provinces  à  faire  respecter  le  système 
et  on  espère  que  bientôt  le  transit-pass  affranchira  de  tous  droits 
les  marchandises  allant  d'un  point  quelconque  à  l'une  ou  l'autre 
des  provinces  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  déterminer  même  la 
destination. 

Il  n  est  pas  sans  intérêt  de  reproduire  ici  les  principaux  termes 
de  la  convention  de  Chefoo  de  48C6  qui  complète  les  deux  traités 
antérieurs.  Il  y  est  dit  :  «  que  les  certificats  du  droit  de  transit 
seront  rédigés  selon  une  formule  uniforme  dans  tous  les  ports, 
qu'en  ce  qui  concerne  les  importations  il  ne  sera  fait  aucune  dis- 
tinction entre  les  nationalités  des  impétrants  ».  Pour  l'exportation, 
une  distinction  est  introduite  :  les  produits  indigènes  transportés 
d'un  point  quelconque  de  l'intérieur  vers  un  port  d'embarquement 
peuvent,  s'ils  sont  de  bonne  foi  destinés  à  être  embarqués,  être 
couverts  par  un  certificat  de  l'intéressé  britannique  (je  suppose 
que  les  belges  sont  dans  le  même  c«s)  et  être,  moyennant  paie- 
ment du  demi-droit  de  douane,  libérés  de  toute  taxe  quelconque 
qu'on  aurait  pu  demander  en  route  depuis  le  point  de  départ 
intérieur  jusqu'au  port.  Mais  si  les  biens  n*appartiennent  pas  à  un 
sujet  britannique  ou  ne  sont  pas  destinés  à  être  embarqués,  la 
faveur  du  demi- droit  ne  sera  pas  appliquée.  L'article  7  de  la  con- 
vention de  Chefoo,  qui  confirme  l'exemption  de  tout  droit  à  l'inté- 
rieur pour  les  marchandises  importées  ayant  acquitté  le  demi- 
droit  supplémentaire,  renferme  une  clause  visant  l'exportation  qui 
ouvre  les  portes  à  tous  les  abus  que  le  traité  de  Tsien-sin  avait 


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LA   CHINE 


voulu  réprimer.  Au  lieu,  en  effet,  de  faire  acquitter  aux  marchan- 
dises destinées  à  l'exportation  le  demi  droit  qui  doit  les  exempter 
de  toutes  autres  taxes  en  cours  de  route  et  ce  dés  la  première 
barrière  fiscale  que  ces  marchandises  auront  à  passer,  l'article  7 
de  la  convention  de  1866  dit  :  a  ces  marchandises  seront 
simplement  examinées  à  la  première  barrière,  mais  le  demi- 
droit  sera  seulement  perçu  au  port  d'embarquement  ».  Voilà  qui 
permet  aux  autorités  provinciales  de  l'intérieur  de  pressurer 
l'exportateur  en  lui  affirmant,  ce  qui  est  vrai,  qu'au  moment  où  la 
marchandise  passe  la  barrière  aucun  droit  n'a  encore  été  acquitté. 
Ceux  qui  connaissent  l'Extrême-Orient  savent  avec  quel  plaisir 
les  Chinois  s'emparent  du  moindre  prétexte  pour  arriver  à  leurs 
fins.  Chez  eux,  en  effet,  l'essentiel  est  d'avoir  un  prétexte,  de  même 
que  dans  toutes  leurs  négociations,  la  forme  est  toujours  plus 
observée  que  le  fond.  A  ne  considérer  que  la  forme,  les  Chinois 
ne  sont-ils  pas  le  peuple  le  plus  poli  de  la  terre?  N'est-ce  pas  chez 
eux  que  l'on  entend  de  ces  dialogues  débités  avec  le  plus  grand 
sérieux  et  dont,  cependant,  on  ne  pense  pas  le  moindre  mot? 

—  Quel  est  voire  honorable  titre? 

—  Le  nom  insignifiant  de  votre  petit  fils  est  Wang. 

—  Quel  cours  a  suivi  votre  illustre  carrière? 

—  Très  bref,  seulement  une  misérable  durée  de  70  ans. 

—  Où  est  votre  honorable  demeure? 

—  La  tannière  dans  laquelle  je  couche  est  à  tel  endroit. 

—  Combien  de  précieux  fils  avez-vous? 

—  Seulement  cinq  stupides  petits  porcs. 

L'essentiel  chez  le  Chinois  est  de  conserver  ce  qu'il  appelle  la 
face,  c'est-à-dire  la  «  respectability  »  des  Anglais.  La  face  étant 
sauvée,  peu  importe  que  l'on  mente  et  que  l'on  vole. 

Une  autre  clause  pleine  de  difficultés  était  celle  contenant  con- 
fiscation de  toute  marchandise  destinée  à  l'exportation  et  dont  une 
partie  aurait  été  vendue  en  cours  de  route  sans  autorisation.  Cet 
article  servait  de  prétexte  à  des  tracasseries  sans  nombre  de  la  part 
des  autorités  provinciales,  quand  il  manquait  au  lot  de  marchan- 
dises la  plus  minime  partie  perdue  ou  volée  en  route.  C'est  ainsi 
qu'il  y  a  un  an,  un  Américain  vit  2,000  tonneaux  d'huiles 
confisqués  à  Kweilin  parce  qu'il  manquait  à  son  chargement 


ÉTUDES   COLONIALES 


20  tonneaux,  sans  doute,  dit  Lord  Beresford,  habilement,  et  pour 
cause,  soustraits  avec  la  complicité  du  fonctionnaire  local. 
En  1898,  pour  mettre  bon  ordre  à  cette  réglementa- ion,  les 
ministres  étrangers,  d'accord  avec  le  Tsung  li  Yamen  et  1  inspec- 
teur général  des  douanes,  rédigèrent  le  règlement  suivant,  qui  est 
actuellement  en  vigueur  : 

I.  —  Toute  marchandise  importée,  munie  du  certificat,  allant 
d  un  port  du  traité  à  n'importe  quelle  place  de  l'intérieur,  dûment 
indiquée,  sera  ultérieurement,  moyennant  paiement  d'un  demi-droit 
de  douane  pour  droit  de  transit,  exemptée  de  tous  autres  droits  ou 
taxes  quelconques. 

II.  —  A  l'arrivée  à  destination  des  marchandises,  le  certificat 
sera  détruit. 

m.  —  Si  toutes  les  marchandises  munies  du  certificat  sont 
vendues  au  cours  de  route,  le  certificat  doit  être  détruit  à  la 
barrière  où  a  lieu  la  vente. 

IV.  —  Si  une  partie  seulement  des  marchandises  est  vendue  en 
cours  de  roule,  quand  le  surplus  arrivera  à  la  barrière  prochaine 
le  négociant  devra  déclarer  au  bureau  du  Likin  quelle  espèce  et 
quelle  quantité  de  marchandise  fut  vendue  et  à  quel  endroit. 

Sur  la  foi  de  cette  déclaration,  l'officier  du  Likin  endossera  le 
certificat  et  le  restant  des  marchandises  pourra,  sans  délai, 
continuer  sa  route. 

V.—  Des  instructions  claires  et  strictes  devront  être  données  aux 
fonctionnaires  préposés  à  la  barrière  la  plus  proche  du  port  dont 
les  marchandises  pénèlrent  à  l'intérieur  pour  leur  rappeler  qu'ils 
ne  doivent  pas  permettre  à  un  certificat,  dûment  timbré  par  eux, 
de  servir  une  seconde  fois  pour  passer  un  chargement. 

VI.  —  S'il  est  établi  qu'un  certificat  a  servi  une  seconde  fois,  les 
.  marchandises  y  spécifiées  seront  confisquées. 

Voyons  maintenant  à  côté  de  ces  droits  parfaitement  réguliers, 
quels  droits  irréguliers,  quelles  taxes,  les  autorités  chinoises  ont 
essayé,  ou  essayent  encore  sans  doute,  d'imposer  au  commerce  de 
transit.  Les  plus  importants  de  ces  droits  illégaux  sont  :  le  Likin, 
espèce  de  droit  de  douane  perçu  dans  chaque  province  et  même 
souvent  dans  chaque  district  de  province;  le  Chingfui  ou  taxe  de 
défense  et  le  Lotischui  ou  taxe  de  destination. 


LA  CHINK 


Le  Likiriy  dont  le  nom  a  souvent  déjà  paru  dans  ce  résumé, 
frappe  toute  marchandise  qui  traverse  une  route,  dans  la  province 
ou  le  district.  Illégal  quand  il  s'applique  à  une  charge  protégée  par 
h  paiement  du  demi-droit  dont  nous  avons  parlé  tout  à  Theure,  le 
Likin  frappe  très  cruellement  le  trafic  intérieur,  est  un  obstacle 
sérieux  au  petit  commerce  et  une  source  féconde  d'extorsion.  Ce 
droit  de  doiane  existant,  par  une  anomalie  absurde,  à  côté  de  la 
douane  impériale  maritime,  permet  aux  provinces  de  taxer  le 
Chinois  qui  vient  d*acheter  à  TEiiropéen  une  marchandise  qui  a 
déjà  acquitté  le  droit.  Ces  barrières  du  Likin,  même  quand  elles 
sont  innefïîcaces  à  extorquer  le  droit  demandé  par  la  province,  sur 
la  preuve  énergique  que  la  marchandise  est  destinée  à  l'exporta- 
tion, et  par  conséquent  couverte  de  la  protection  du  traité,  a 
cependant  cet  inconvénient  d'arrêter  pendant  longtemps  le  charge- 
ment en  cours  de  route  et  c'est  là  dessus  que  les  fonctionnaires 
provinciaux  spéculent. 

Pour  ne  pas  manquer  sa  livraison  en  temps  voulu  et  n'être  pas, 
par  conséquent,  exposé  à  des  dommages-intérêts,  le  marchand 
chinois  qui  a  vendu  à  Londres  paie  plutôt  quelque  i  hose  à  chaque 
barrière,  pour  qu'on  ne  retarde  pas  son  envoi  sous  mille  prétextes 
tracassiers.  Mais  il  est  évi  lent  que  ce  système  est  des  plus  nui- 
sibles au  commerce,  le  négociant  européen  payant  un  prix  trop 
élevé  pour  les  marchandises  ou  bien  payant  dos  frais  de  transport 
fantastiques.  Les  indigènes  qui  veulent  échapper  à  la  taxe  font 
souvent  en  effet  faire  à  leurs  envois  de  lonjjs  détours,  évitant  les 
barrières,  mais  causant  un  retard  très  considérable. Lord  Beresford 
dit  qu'il  n'y  a  même  aucun  remède  à  s'adresser  au  consul  à  cause 
de  la  difficulté  de  trouver  des  témoins  disposés  à  déposer  devant 
le  Tao  taie.  Malheur,  en  effet,  à  ce  lémoin!  Son  nom  est  inscrit 
sur  le  livre  noir  et  si  jamais  ses  marchandises  passent  à  la  barrière 
on  lui  fera  payer  cher  sa  déposition.  Le  seul  remède  préconisé  par 
lus  marchands  anglais  serait  celui -ci  :  Les  consuls  devraient  avoir 
le  droit  en  cas  de  retard  causé  par  le  mauvais  vouloir  des  fonction- 
naires du  Likin,  de  frapper  ceux-ci  d'une  amende. 

La  taxe  de  destination  ou  Lotischui  est  tout  aussi  vexatoire  et 
bien  qu'elle  soit  payée  par  le  Chinois,  elle  intéresse  toutes  les 
nations  commerçantes.  Elle  est  levée  non  seulement  sur  l'expor- 


ETUDES  COLONIALES 


tation,  mais  même  sur  le  planteur,  et  comme  elle  est  mise  en  régie 
on  Texagère  encore  :  c'est  ce  qui  a  causé  tant  de  mal  aux  planteurs 
de  thé  et  aux  marchands  de  soie. 

D*autres  taxes  existent  encore  telles  que  le  monopole  du  sel, 
dont  nous  parlerons  plus  loin.  On  comprend  qu*ii  faille  toute  Tau- 
torité,  toutes  les  influences  et  toute  l'énergie  des  ministres  des 
puissances  en  Chine,  pour  ramener  au  respect  des  traités  les  popu- 
lations sans  cesse  en  train  d'essayer  d'éluder  les  clauses  les  plus 
légitimes. 

Sans  doute,  cette  situation  va  en  s'améliorant,  mais  elle  subsis- 
tera, quoique  affaiblie,  tant  que  le  régime  fiscal  de  la  Chine  ne 
sera  pas  modifié.  En  effet,  si  l'on  va  au  cœur  de  la  question,  il  est 
facile  de  comprendre  comment  et  pourquoi  il  se  fait  que  les  auto- 
rités chinoises  luttent  avec  rage  pour  imposer  aux  marchands  les 
taxes  les  plus  exorbitantes  sous  forme  de  Likin  ou  autres.  Les 
taxes,  en  effet,  sont  perçues  par  les  provinces  et  une  partie  seule- 
ment en  est  distraite  pour  aller  au  pouvoir  central.  Or,  le  traité 
de  Tien-sin  remplaçant  par  un  demi-droit  supplémentaire,  comme 
droit  de  transit,  les  taxes  provinciales  frappant  jadis  ces  marchan- 
dises, ce  demi-droit  va  directement  au  pouvoir  central  ce  qui 
constitue  pour  la  pi'ovince  une  perte  nette  dont  celle-ci  essaie 
d'obtenir  compensation.  A  cet  effet,  certaines  provinces  frappent 
les  marchandises  de  likin,  ou  méconnaissant  le  système  de  transit- 
pass  inventent  de  nouveaux  droits,  (il'est  ainsi  qu'à  Amoy,  M.  Cass 
un  des  principaux  marchands  du  port  expliqua  à  Lord  Uerestord 
comment  les  taxes  locales  ont,  en  très  peu  de  temps,  ruiné  toutes 
les  minoteries  qu'il  avait  établies  pour  les  Chinois.  L'Européen,  en 
effet,  ne  peut  pas  diriger  lui-même  des  minoteries  dnns  ces  pro- 
vinces parce  que  le  droit  de  résidence  lui  est  réfusé  ;  force  donc 
est  de  monter  les  industries  pour  les  Chinois  ;  mais  alors  on  IVnppe 
ceux-ci  de  tels  impôts  qu'ils  sont  obligés  de  fermer  leurs  établis- 
sements et  c'est  ainsi  que  les  industries  européennes  en  souffrent. 

Ce  même  M.  Cass  voulait  monter  une  briqueterie  mécanique, 
mais  les  autorités  lui  ayant  fait  savoir  qu  elles  protégeraient  les 
briqueteries  manuelles,  il  élait  inutile  d'insister.  Dans  la  province 
de  Kwantong  le  capitaine  Flemming  avait,  en  188:2,  trouvé  des 
gisements  de  charbon  et  de  1er  en  abondance,  mais  en  présence  de 


LA   CHINE 


rhostilité  persistante  des  autorités,  nul  n'a  pu,  jusqu'ici,  mettre 
ces  richesses  en  valeur.  Des  exemples  de  ce  genre  fourmillent 
dans  l'histoire  commerciale  et  industrielle  de  la  Chine.  Un  sujet 
anglais  achète  une  propriété  dans  une  localité  riche  en  charbon. 


PÉKIN    (porte   de   la    VILLE    DÉFENDUE). 

l'HOTOGRAPIIIE    COMMUNigUÈE    PAR    M.     L.    JANSSEK. 


son  titre  n'est  pas  contesté  :  il  porte  le  timbre  du  Yamen;  et  cepen- 
dant, quand  l'intéressé  demande  lautorisation  d'ouvrir  la  mine,  le 
Taotaï  de  la  localité  la  lui  refuse  disant  que  le  droit  d'exploiter  la 
mine  n'est  pas  prévu  dans  le  traité.  Une  société  Anglo-Américaine 
établie  à  Kintang  et  à  Wuhu  pour  exploiter  des  mines  de  charbon 
a  acheté  différentes  propriétés  charbonnières  et  est  en  possession 
des  titres  régulièrement  timbrés  et  visés  par  les  autorités  chinoises 


10  ÉTUDES  COLONIALES 


de  la  localité  ;  l'un  de  ces  titres  constate  que  le  terrain  a  été  acquis 
pour  en  exploiter  les  mines  de  charbon  et  un  autre  titre  permet  au 
propriétaire  de  faire  du  terrain  tel  usage  qu'il  lui  plaira.  Et  cepen- 
dant le  sénat  du  Conseil  provincial  ne  veut  pas  autoriser  ces  mes- 
sieurs à  exploiter  leurs  mines. 

Nous  verrons  plus  loin  quelle  esl  la  cause  de  toutes  ces  fantai- 
sies et  de  ces  vexations  qui  vont  parfois  jusqu'à  mettre  en  danger 
la  vie  des  Européens. 

Tant  que,  dans  la  province,  on  ne  sera  pas  bien  persuadé  que 
chaque  altiMnle  à  la  propriété  ou  à  la  vie  des  él rangers  sera  sévè- 
rement ré[)riiné(î  par  le  pouvoir  central,  il  n'y  aura  pas  de  sécurité 
dans  rintérieur  du  pays.  11  ne  fout  pas  exagérer,  évidemment  : 
dans  les  ports  à  traité,  le  consul  Bournes  la  constaté,  on  est  en 
sécurité  aussi  bien  qu'en  Angleterre  ;  mais  c'est  des  petites  villes 
d'intérieur,  des  routes  et  des  canaux  que  nous  voulons  parler. 

Les  négociants  de  Shanghaï  se  sont  plaints  amèrement  à  Lord 
Beresford  de  ce  manque  de  sécurité  désastreux  pour  le  commerce, 
dû  à  la  mauvaise  organisation  et  à  l'insuftisance  de  l'armée  et  de  la 
police  en  cas  d'émeute.  Dans  la  province  de  Szechouan,  à  Hunan 
dans  la  vallée  de  Yangtzé,  cette  insécurité  est  telle  que  bien  des 
négociants  chinois  ont  refusé  de  trafiquer  dans  ces  parages.  Il 
n'est  pas  jusqu'à  Pékin  même  où,  à  certains  mouîcnts,  règne  une 
anarchie  complète  ;  il  suffît  d'ouvrir  la  Gazette  Ojp>cielle  où  on  lit  : 
«  4  janvier  1895  :  des  prisonniers  sont  délivrés  par  une  bande 
armée,  presque  sous  les  murs  du  palais  impérial.  19  octobre  1895  : 
les  palefreniers  et  porteurs  de  chaise  des  ministres  chinois  s'em- 
parent du   riz  destiné  aux  examinateurs  et  à  leur  personnel. 
i"'  janvier  1897  :   les  gardes  du  trésor,  de  complicité  avec  des 
vauriens  de  la  ville,  sont  rassemblés  à  l'entrée  des  caves  du  trésor, 
et  lorsqu'on  les  ouvre,  en  profitent  pour  commettre  des  vols, 
l^mars  1897  :  un  eunuque  de  la  provuice  de  Tchoun  et  18  hom- 
mes, appartenant  à  la  domesticité  de  cette  province,  enlèvent  un 
négociant  en  bois  de  construction  du  Yamen  et  font  savoir  à  sa 
famille  qu'il  ne  sera  rendu  que  contre  une  forte  i-ançon. 

Dans  certaines  contrées  les  indigènes,  sans  toutefois  attenter  à 
la  vie  des  Européens,  ont  sur  eux  et  leur  industrie  des  idées  abso- 
lument fausses  et  ridicules.  11  en  est  notamment  ainsi  pour  l'extrac- 


LA   CHINE  11 


tion  mécanique  de  Thuile.  A  Chefoo  non  seulement  les  Chinois  se 
sont  refusés  à  travailler  dans  Tusine  installée  pour  extraire  l'huile 
de  certaines  fèves,  par  pression  mécanique,  mais  ils  ont  boycotté 
le  produit  lui-même  si  bien  que  MM  Jardine  et  Matheson  ont  dû 
fermer  l'usine,  où  ils  avaient  installé  un  coûteux  matériel  importé 
d'Angleterre.  A  Swatow,  il  y  a  environ  8  ans,  on  forma  une  com- 
p;<gnie  chinoise  pour  exploiter  certaines  mines,  mais  une  légende 
circula  disant  que,  si  l'on  introduisait  des  machines  dans  la  mine, 
toutes  les  femmes  de  la  contrée  seraient  frappées  de  stérilité,  si 
bien  que  les  projets  durent  être  abandonnés.  Dans  la  même  contrée 
MM.  Bradiey  et  O"  projetèrent  de  fournir  la  ville  de  Swatow  d'eau 
polable,  celle  de  la  ville  étant  boueuse  et  saumâtre.  L'argent  néces- 
saire fut  souscrit  par  les  Chinois  de  l'endroit,  les  plans  furent 
dressés,  le  terrain  acheté  et  on  était  prêt  quand  tout  échoua  à 
cause  de  l'opposition  du  peuple  des  environs.  On  ne  pût  jamais 
découvrir  la  cause  de  cette  opposition.  Le  Tao  taie,  qui  était  favo- 
rable au  projet,  finit  lui  même  par  changer  d'avis,  avouant  qu'il 
craignait  le  peuple. 

Les  autorités  provinciales  ou  cantonales  chinoises,  qui  veulent 
s'accrocher  invinciblement  aux  errements  du  passé,  causent  ainsi 
à  leurs  administrés  chinois  le  plus  grand  dommage  Le  monopole 
du  sel,  par  exemple,  oblige  les  habitants  d'Amoy  à  importer  de 
Sin}»apour  du  poisson  salé  à  un  prix  infiniment  supérieur  à  celui 
qu'il  leur  aurait  coûté  s'ils  eussent  pu  le  saler  rhez  eux.  A  Swatow 
les  autorités  >ont  plus  clairvoyantes,  le  monopole  n'est  pas  aussi 
sévère  et  les  populations  font  de  beaux  bénéfices  sur  ces  salaisons. 
Ce  monopole  du  sel  est  une  charge  tellement  lourde  que  si  l'on 
pouvait  importer  le  sel.  même  en  le  frappant  de  50  p.  c.  de  droits, 
on  pourrait  encore  le  vendre  en  dessous  du  prix  que  l'on  paie  dans 
l'empire  pour  le  sel  du  monopole  et  Lord  Beresford  remarque  fort 
justement  que  ce  monopole  du  sel  augmentant  le  prix  de  la  nour- 
riture est  une  charge  beaucoup  moins  lourde  pour  le  riche  que 
pour  le  pauvre  et  contribue  ainsi  aux  mortalités  dans  les  épidémies. 
Tandis  que  l'importation  du  sel  est  interdite,  le  poisson  salé  est 
admis  au  tarif  du  traité  c'est-à-dire  à  5  p.  c.  ad  valorem. 

Il  est  difficile  de  parler  du  sel  sans  se  rappeler  I  ignorance  d'un 
des  premiers  plénipotentiaires  chinois  qui,  venant  en  Europe,  et 


iâ  ÉTUDES  COLONIALES 


craignant  de  ne  pas  y  trouver  suffisamment  de  sel  ou  de  Ty  payer 
trop  cher,  emporta  dans  ses  bagages  toute  une  malle  remplie  du 
précieux  produit. 

Les  règlements  concernant  les  grains  sont  marqués  au  coin  de 
la  même  sagesse  économique  et  sont  une  des  causes  certaines  des 
famines  qui  désolent  la  Chine.  On  peut  librement  importer  le  grain 
mais,  pour  le  conduire  d'une  place  à  une  autre  dans  l'intérieur  de 
Tempire,  il  faut  une  autorisation  gouvernementale. 

M.  Gardner,  consul  britannique  à  Amoy,  se  souvient  avoir  payé 
3  doUards  le  pécule  de  riz  à  Amoy  alors  qu'il  était  vendu  â  dollards 
à  30  milles  de  là.  A  Tchangon  et  à  Chwancho  les  autorités 
défendent  le  transport  d'une  ville  à  l'autre.  Or,  les  paysans  de  la 
contrée  ne  cultivant  pas  plus  de  riz  qu'il  n'en  faut  pour  la  consom- 
mation locale,  la  moindre  récolte  mauvaise  fait  hausser  extraordi- 
nairement  les  prix.  Il  y  a  dans  la  vallée  du  Yanglzé  supérieur  des 
alluvions,  comme  aux  bords  du  Nil,  sur  lesquels  le  blé  pousse  sans 
aucun  travail.  Mais  à  cause  de  celte  réglementation  de  transport, 
les  récolles  abondantes  ne  profitent  pas  au  cultivateur  de  ces  con- 
trées dans  la  mesure  où  elles  le  devraient  selon  le  cours  naturel 
des  choses.  M.  Gardner  à  même  vu,  à  cause  de  cette  réglementa- 
tion rétrograde,  rendant  les  belles  récoltes  inutiles  au  producteur, 
des  champs  entiers  de  blés  magnifiques  littéralement  dévastés, 
soit  qu'on  coupât  les  épis  pour  en  faire  des  litières,  soit  qu'on  y 
introduisit  les  troupeaux. 

Comment  veut-on  qu'un  tel  système  n'entraine  pas  à  sa  suite 
l'appauvrissement  d'une  contrée  et  ne  nuise  pas  par  le  fait  même 
au  progrès  du  commerce  et  de  l'industrie  de  l'étranger?  Les 
Chinois,  comme  tout  le  monde,  ne  peuvent  acheter  des  marchan- 
dises que  s'ils  ont  de  l'argent  !  Or,  une  administration  aveugle  les 
empêche  d'en  gagner.  Si  des  réformes  ne  peuvent  être  utilement 
introduites  par  le  gouvernement  chinois  lui-même,  que  ne 
charge-t-il  dece  soin  une  commission  mixte  d'une  grande  puissance 
d'accord  avec  le  gouvernement  impérial  ? 

Il  ne  suffit  pas  d'ailleurs  d'établir  des  taxes  équitables,  propor- 
tionnées aux  besoins  et  aux  ressources  du  pays,  encore  faut-il  que 
le  produit  de  ces  taxes  soit  encaissé  avec  intégrité  et  aille  à  sa 
légitime  destination.  Une  lettre  de  deux  membres  de  la  Chambre 


LA   CHINE  13 


législative  de  la  Cliine,  MM.  llo-Kai  et  Wuhu,  adressée  à  Lord 
Beresford,  va  nous  découvrir  ici  une  autre  plaie  de  l'administration 
actuelle. 

<c  Le  système  fiscal  de  la  Chine  est  certainemont  mauvais, 
écrivent-ils;  le  revenu  total  tombant  dans  le  trésor  de  lempire  ne 
représente  pas  3/10  des  impôts  levés  dans  le  pays.  » 

Avec  M.  Janneson,  consul  général  britannique,  ils  disent  que  le 
revenu  de  la  Chine  devrait  être  3  à  4  fois  ce  qu'il  est  actuell^^ment; 
les  fonctionnaires  chinois  spéculent  sur  les  revenus  ou  les  afferment 
à  des  régies  qui  y  sont  subordonnées,  tout  cela  au  grand  dam  du 
commerce  internalionnal,  de  l'industrie  et  du  commerce  de  la 
localité,  ainsi  que  du  développement  des  ressources  naturelles 
du  pays. 

Il  n'est  pas  difficile  de  trouver  la  cause  de  celte  anarchie,  de 
ce  trouble  toujours  profitable  à  certaines  opérations  louches.  Les 
fonctionnaires  qui  ont  dû  débourser  beaucoup  pour  obtenir  leur 
charge  n'ont  qu'un  but  :  rentrer  le  plus  rapidement  possible  dans 
leurs  frais,  absolument  comme  les  gouverneurs  espagnols  de  jadis 
aux  Philippines.  Comme  ils  sont  mal  payés,  ils  extorquent  tant 
qu'ils  peuvent  l'argent  des  malheureux,  et  le  Bakchich  volontaire 
ou  forcé  arrondit  leurs  émoluments  réguliers.  Un  haut  mandarin 
de  la  capitale  de  l'empire,  membre  du  cabinet,  ne  reçoit  pas  plus 
de  1,250  francs  comme  traitement  annuel,  mais  il  peut,  grâce  à 
certains  émoluments  atteindre  un  total  de  5,000  à  6,000  fran»  s. 
C'est  avec  ces  minces  revenus  qu'il  doit  tenir  une  maison,  élever 
sa  famille,  payer  ses  employés,  son  secrétaire,  ses  conseils  et 
donner  des  réceptions  à  ses  collègues.  En  réalité  c'est  10  ou  20  fois 
ce  chiffre  qui  lui  est  nécessaire. 

Un  vice-roi  de  province  a  un  salaire  plus  élevé  et  touche 
2,500  francs  par  an,  chiffre  qui,  grâce  à  des  émoluments  divers, 
atteint  20  à  25,000  francs;  mais,  hélas,  c'est  dans  sa  propre 
caisse  qu'il  devra  puiser  tout  pour  payer  son  personnel,  sa  police, 
sa  chancellerie,  sa  garde  ;  qu'il  devra  prendre  les  fonds  nécessaires 
au  tribut  d'hommage  à  payer,  sinon  en  espèces  sonnantes,  tout  au 
moins  en  cadeaux  précieux  aux  fonctionnaires  de  la  capitale  ;  et 
nous  oublions  sa  famille  et  les  devoirs  de  société  que  lui  impose 
sa  situation.  En  fait,  pour  satisfaire  à  toutes  ces  exigences,  ce 


14  ÉTUDES  COLONIALES 


n'est  pas  :2,500  mais  100,000  francs  qu'il  lui  faudrait.  Naturelle- 
ment ce  traitement  va  en  diminuant,  au  fur  et  à  mesure  que  le 
rang  diminue  lui-même,  si  bien  qu'un  petit  mandarin  ne  touche 
pas  plus  qu'un  coolie  de  Hongkong  et  que  les  soldats  et  marins 
ne  touchent  que  5  à  12  francs  par  mois,  quand  leur  chef  ne  rogne 
pas  encore  sous  quelque  prétexte  ce  maigre  salaire. 

Respecter  l'honneur  et  l'honnêteté  dans  une  pareille  lutte  pour 
l'existence  officielle,  devient  dès  lors  un  vrai  mérite.  Ces  fonction- 
naires aussi  mal  payés  sont  bientôt  tentés  de  découvrir,  pour  y 
remédier,  tout  un  système  de  spoliation  et  de  corruption,  alors 
que  le  moins  scrupuleux  des  mandarins  acquiert  une  fortune 
fabuleuse.  Celui  qui  veut  rester  honnête  se  voit  contraint  de 
renoncer  à  sa  carrière  après  une  courte  expérience.  Il  est  aisé  de 
comprendre,  à  la  lumière  de  ces  faits,  comment  il  arrive  qu'une 
somme  quelconque  destinée  à  un  usage  déterminé  est  toujours  en 
fin  de  compte  trouvée  insuffisante,  pourquoi,  si  la  somme  est 
dépensée,  aucun  résultat  satisfaisant  n'a  pu  être  obtenu  et  pour- 
quoi des  objels  de  valeur  nulle  ou  inférieure  sont  acquis  avec 
l'argent  destiné  à  acquérir  des  objets  de  fabrication  de  premier 
ordre.  Demandez  à  n'importe  quel  Chinois  indépendant,  disent 
MM.  Ho-Kaï  et  Wuhu  à  Lord  Beresford,  il  vous  répondra  la  même 
chose,  à  savoir  que  quand  une  somme  quelconque  passe  du 
département  des  finances  successivement  à  travers  les  divers 
canaux  de  l'administration  jusqu'à  sa  destination,  cette  somme  va 
toujours  en  diminuant  et  arrive  à  son  but  merveilleusement  amoin- 
drie. Comment,  s'écrient-ils  avec  raison,  la  Chine  pourrait-elle 
espérer  une  réforme  avec  un  pareil  système;  tous  les  mandarins 
au  pouvoir  s'opposeront  à  une  réforme  qui  leur  enlèverait 
des  bénéfices  illégitimes,  quoique,  à  raison  des  circonstances, 
absolument  nécessaires.  Comment  la  Chine  peut-elle  s'attendre  à 
voir  ses  fonctionnaires  refuser  un  Bakchich,  ou,  oserait-elle  les 
mettre  au  pilori  quand  on  lui  dénonce  leur  prévarications?  Com- 
ment peut-elle  espérer  un  revenu  loyal,  la  rentrée  de  ses  7/10 
d'impôts  s'égarant  actuellement  dans  la  poche  de  ses  fonction- 
naires? Comment  la  Chine  peut-elle  espérer  créer  et  maintenir  une 
armée  et  une  marine  bien  disciplinées,  accomplir  des  travaux 
publics,  quand  les  numéraires  y  destinés  doivent  fatalement  se 


LA   CHINE 


15 


perdre  en  route?  Comment  pourrait-elle  faire  un  règlement  satis- 
faisant sur  les  taxes  du  Likin,  alors  qu'une  grande  majorité  de  ses 
fonctionnaires  comptent  sur  ces  sources  de  revenus  publics  pour 
alimenter  leur  budget  particulier  que  leur  traitement  est  insuf- 
flsant  à  remplir,  et,  alors  que  chaque  employé  du  gouvernement 
est  forcé  de  battre  monnaie  avec  tout  ce  qui  devrait  revenir  à 


PALAIS    U*£1É   (environs   DE    PÉKIN). 
niOTOURAl'IlIK   CUMMUMOUÊIi   PAR  U,   L.  JANS8KN. 


l'État?  Comment  la  Chine  peut-elle  aller  de  l'avant  dans  ses  con- 
structions de  voies  ferrées,  dans  ses  exploitations  de  mines,  dans 
son  essor  industriel,  manufacturier  et  commercial? 

A  notre  époque,  c'est  la  bourse  la  mieux  garnie  qui  gagne  la 
victoire  sur  le  terrain  civil,  militaire  ou  politique  ;  les  abus  devraient 
donc  cesser.  11  faudrait  modifier  profondément  les  règlements  admi- 
nistratifs, changer  le  taux  du  traitement  des  fonctionnaires  ;  alors 
il  sera  possible  de  trouver  des  hommes,  compétents  et  honnêtes, 
pour  remplir  loyalement  et  bien  les  devoirs  de  leurs  charges.  En 
élevant  les  salaires  de  ceux  qui  auraient  intérêt  à  faire  de  l'oppo- 


IG  ÉTLnF.S   COLOMALKS 


sition  aux  mesures  nouvelles,  on  arriverait  bien  aisément  à  mettre 
de  Tordre  dans  les  revenus  de  riîlal.  L'on  pourrait  amener  la  Chine 
à  confier  la  perception  des  impôts  à  un  établissement  compétent 
tel  que,  par  exemple,  la  douane  impériale  maritime;  ce  serait  le 
salut  de  la  nation,  car  la  corruption  générale  qui  gangrène  les 
provinces,  n'est-ce  pas  un  mal  aussi  pour  la  capitale,  pour  le  pou- 
voir central  qui  assiste  impuissant  aux  dilapidations  et  n'ose  pas 
élever  la  voix? 

Le  pouvoir  central  a  plus  que  jamais  besoin  de  l'aide  financier 
des  provinces  pour  faire  face  à  ses  obligations  extérieures;  il  doit 
donc  le  ménager;  d'autre  part  les  liens  qui  unissent  ces  provinces 
au  gouvernement  central,  vont  sans  cesse  se  relâchant.  Que  va-t-il 
probablement  en  résulter  pour  le  commerce  étranger  à  l'intérieur 
de  l'empire  ;  le  revenu  des  douanes  impériales  et  maritimes,  dont 
jusqu'ici  les  provinces  ont  eu  leur  part,  est  actuellement  entière- 
ment grevé  d'hypothèques  pour  le  service  des  emprunts  étrangers, 
et  chaque  jour  les  demandes  d'argent  adressées  par  le  pouvoir 
central  aux  provinces  vont  en  augmentant  :  quel  autre  résultat 
cette  situation  peut-elle  amener,  si  ce  n'est  une  augmentation  de 
l'impôt  dans  l'intérieur?  mais  toute  augmentation  a,  non-seule- 
ment, un  contre-coup  commercial,  mais  également  un  déplorable 
résultat  politique.  Comme  elle  est  causée  par  une  hypothèque 
au  piH)flt  des  prêteurs  étrangers  pour  servir  à  l'emprunt,  le 
peuple  chinois  s'imagine  que  cette  taxe  est  nécessaire  à  l'étran- 
ger, et  ne  profite  qu'à  l'étranger;  de  là,  la  haine  de  ces 
étrangers  qui  semblent,  à  leurs  yeux  ignorants,  être  la  cause 
de  tout  le  mal. 

Il  y  a  du  reste  une  injustice  flagrante  et  une  faute  administrative 
lourde,  à  faire  payer  à  certaines  provinces,  dont  on  hypothèque 
les  revenus,  l'intérêt  des  emprunts  faits  au  profit  de  la  nation 
tout  entière.  Pourquoi  le  paysan  de  la  vallée  du  Yangtzé  verra- 
t-il  ces  impôts  aller  à  l'étranger,  appauvrissant  ainsi  sa  province, 
sans  compensation  équivalente,  alors  que  dans  la  province  voi- 
sine, les  impôts  levés  serviront  en  grande  partie  à  améliorer  les 
routes  sans  qu'il  en  soit  rien  distrait  dans  un  but  étranger? 

On  a  proposé,  pour  remédier  à  l'insuffisance  des  revenus,  de 
reviser  le  tarif  actuel  des  douanes  ;  mais  qu'oRre-t-on  pour  remé- 


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LA  CHINE  17 


dier  aux  abus,  depuis  30  ans  vainement  signalés  partout?  Son 
Excellence  Li-Hung-Tchang  avait  trouvé  un  moyen  d'une  simpli- 
cité toute  orientale  :  on  n'avait  qu'à  doubler  le  droit  de  douane,  de 
telle  sorte,  que  les  puissances  étrangères  feraient  [payer  à  leur 
propre  commerce  l'intérêt  des  emprunts  contractés  chez  eux  par 
la  Chine  !  Généralement  les  commerçants  établis  dans  le  Céleste 
Empire,  et  M.  Von  Brandt  l'avait  déjà  constaté,  ne  sont  pas  systé- 
matiquement hostiles  à  une  augmentation  modérée  du  droit  de 
douane,  mais  ce  qu'ils  veulent  c'est  que  cette  augmentation  entraine 
avec  elle  plus  de  sécurité  à  l'intérieur  et  l'abolition  de  tous  les  abus 
dont  on  souffre  dans  la  province.  Or,  ce  résultat  ne  peut  être 
obtenu  qu'au  moyen  de  réformes  radicales  du  système  gouverne- 
mental actuellement  corrompu,  réformes  qui  n'iront  pas  sans  se 
compliquer  de  jalousies  internationales  et  de  débats  épineux,  et 
c'est  la  cependant  la  seule  ressource,  si  l'on  ne  veut  pas  avoir  à 
envisager,  dans  un  avenir  rapproché,  des  difficultés  internatio- 
nales autrement  considérables. 

11  est  donc  de  toute  nécessité  de  fortifier  le  pouvoir  central,  de 
le  régénérer,  de  le  faire  rentrer  résolument  dans  une  voie  civilisa- 
trice et  productive.  Déjà  les  propositions  des  puissances,  aidées 
considérablement  par  la  pénurie  de  numéraire  dans  les  caisses 
chinoises,  ont  démontré,  aux  gouvernants  de  l'empire  que  les 
immenses  ressources  naturelles  du  pays  ne  peuvent  plus  demeurer 
inexploitées,  et  en  conséquence,  on  a  pu  arrêter  des  plans  de 
voies  ferrées,  ouvrir  des  mines,  travaux  à  l'exécution  desquels  le 
capital  étranger  a  été  invité  à  souscrire  ;  mais  il  est  tout  naturel 
que  les  capitalistes  se  posent  aussitôt  celte  question  primordiale  : 
«  De  quels  moyens  le  pouvoir  central  de  Pékin  dispose-t-il,  pour 
protéger  les  concessions  accordées  dans  les  provinces?  L'expé- 
rience que  l'Européen  a  faite,  jusqu'à  ce  jour,  de  la  bonne  foi  chi- 
noise, n'a  pas  été  particulièrement  brillante  ;  quel  sera  dès  lors  le 
contrôle  étranger  qu'on  accordera  pour  surveiller  les  dépenses  en 
d'autres  mains?  L'ouverture  de  la  Chine  est-elle  réelle,  est-elle 
sérieuse  ou  n'est-elle  qu'un  leurre?  Si  c'est  une  réalité,  il  est  de 
toute  nécessité  qu'une  forte  influence  étrangère  empêche  le  renou- 
vellement de  cette  ère  de  chicane,  si  florissante  dans  le  passé. 
Avec  un  gouvernement  faible  à  Pékin,  ouvert  à  toutes  les  jalouses 


18  ÉTUDES   COLONIALES 


intrigues  des  puissances,  il  n'y  a  aucun  espoir  de  sécurité,  si  ce 
n'est  l'emploi  de  la  force.  » 

La  première  condition  donc,  pour  la  Chine,  de  se  maintenir  dans 
son  intégralité,  réside  dans  un  gouvernement  fort  à  Pékin,  en  com- 
munion d'idées  avec  la  majorité  de  la  nation.  La  faiblesse  de  la 
capitale  doit  invinciblement  amener  le  partage  de  la  Chine  et 
cette  considération  a  fait  surgir  l'alternative  entre  ces  deux 
politiques  :  celle  de  la  porte  ouverte  et  celle  des  sphères 
d'influences...  D'éminents  citoyens  chinois  ne  peuvent  s'empêcher 
de  constater  eux-mêmes  que  si  le  pouvoir  reste  si  faible,  s'il  n'est 
plus  en  état  de  redresser,  de  faire  cesser  la  corruption  et 
d'imposer  sa  volonté  à  l'empire  tout  entier,  la  Chine  sera  l'homme 
malade  de  l'Extrême-Orient;  elle  sera  une  cause  continuelle  de 
désaccord  entre  les  nations  et  deviendra  le  théâtre  d'atrocités  sans 
nom.  Et,  dans  ces  conditions,  pour  le  bien  de  l'humanité,  mille 
fois  mieux  vaudrait-il  une  Chine  partagée  entre  les  nations 
capables  d'y  introduire  l'ordre,  car  la  mort  nationale  est  préférable 
à  la  corruption  et  au  déshonneur  national. 

Celte  question  est  la  plus  palpitante  et,  quand  on  voit  la 
situation  actuelle,  le  premier  mouvement  est  sans  doute  de 
souhaiter  le  partage  de  la  Chine;  car,  quel  aide  la  Chine 
pourra-t-elle  donner  aux  puissances  dans  le  travail  de  réorganisa- 
tion que  celles-ci  préconisent?  Son  armée  et  sa  marine  sont 
médiocres,  ses  fonctionnaires  souvent  incapables  et  corrompus, 
son  revenu  ridiculement  insuffisant  et  déjà  surchargé  de  tous  les 
paiements  des  intérêts  de  l'emprunt;  l'anarchie  règne  dans  les 
provinces,  le  pays  est  infesté  de  bandes  de  brigands,  le  peuple 
plein  d'ignorance  et  de  fatuité.  Et,  cependant,  dans  l'opinion  de 
Lord  Beresford,  la  politique  des  sphères  d'influence  n'est  pas  la 
bonne,  celle  de  l'intégrité  du  territoire  est  la  meilleure.  Aidons  la 
Chine  à  s'organiser,  prêtons-lui  notre  appui,  envoyons-lui  des 
éducateurs;  voilà  quelle  semble  être  la  bonne  solution,  car  livrée 
à  ses  seules  ressources,  la  Chine  est  incapable  de  se  relever;  ceux 
qui  pourraient  faire  les  réformes  ont  intérêt  à  s'y  opposer  et  s'y 
opposent.  Le  peuple  qui  voudrait  des  réformes  est  impuissant  à 
les  obtenir  et  ce  n'est  pas  seulement  une  bonne  armée  et  une 
police  efficace  qu'il  faudrait;  il  faut  avant  tout  couper  dans  sa 
racine  la  corruption  éhontée  du  fonctionnarisme. 


PAVILLON   DL    PAL^MS  D  ETE  AUX  ENVIRONS  DE   PEKIN. 

l'IiorOGUAl'lIlJi  COMMUMQUÉi:  PAK  M.  L.  JA.NSSLN. 


LA   CHINE  lÔ 


On  sîit  qu'il  y  a  en  Chine  un  parti  de  la  réforme,  très  persé- 
cuté, qui  prêche  l'ouverture  du  pays  aux  idées  de  l'Occident,  qui 
est  désireux  de  le  voir  entrer  dans  la  voie  nouvelle.  Lord  Beres- 
ford  reçût,  à  Hankow,  la  visite  de  Kan-You-Wei,  dont  la  tête  fut 
mise  à  prix  pour  10,000  dollars;  il  pût  l'interroger  et  voici  ce 
qu'il  apprit  :  «  Le  parti  de  la  Réforme  a  pour  objet  d'introduire  en 
Chine  les  idées  modernes  ;  dans  sa  pensée,  si  elle  ne  fait  pas  elle- 
même  les  réformes  nécessairement  requises  par  la  marche  des 
événements,  elle  sera  mise  en  pièces  et  partagée  entre  les  nations. 
Le  parti  réformiste  est  ardemment  nationaliste  et  soutient  la 
dynastie.  Kan-You-Wei  dit  à  son  interlocuteur  que  l'empereur 
était  parfaitement  imbu  des  mêmes  sentiments  et  qu'il  était  tout 
disposé  à  demander  l'appui  de  l'Angleterre  pour  accomplir  les 
réformes  nécessaires;  le  parti  réformiste  est  profondément 
déprimé,  mais  il  na  pas  succombé...,  seulement  il  est  à  craindre 
que  la  Chine  ne  soit  en  lambeaux  avant  que  les  patriotes  réforma- 
teurs aient  eu  le  temps  d'introduire  dans  le  pays  des  mesures 
destinées  à  maintenir  l'empire  dans  son  intégrité.  Ces  réformistes 
de  Ran-You- Wei  ont  payé  leur  tribut  au  martyrologe  des  idées  du 
progrès,  mais  on  reconnaîtra  plus  tard  leurs  sacrilices.  Si  ce  parti 
était  venu  au  pouvoir,  ajoute-t-il,  la  Chine  aurait  été  ouverte  au 
commerce  du  monde  entier  et  cependant,  sur  les  430  millions 
d'habitants  de  la  Chine,  le  chef  réformateur  reconnaît  qu'il  n'a  pas 
grand  nombre  de  partisans  ;  il  attribue  ce  fait  à  l'ignorance  du 
peuple,  «  qui  ne  sait  pas  ». 

Lord  Beresford  conclut  de  sa  conférence  que  son  interlocuteur 
peut  être  un  excellent  patriote,  mais  que  la  méthode  de  son  parti 
n'est  pas  pratique.  Comment,  en  effet,  espérer  changer  par  un 
mot  d'ordre  de  Pékin  des  lois,  des  usages,  des  caractères  existants 
depuis  deux  mille  ans;  il  faut  commencer  par  préparer  le  terrain, 
par  ouvrir  méthodiquement  la  voie,  avant  de  proposer  des 
mesures  pour  lesquelles  le  pays  n'est  pas  préparé.  C'est  aussi 
l'opinion  des  Compradores,  ces  intermédiaires  chinois  au  courant 
des  idées  occidentales  comme  de  celles  de  leur  patrie,  gens 
instruits  et  expérimentés.  Eux  aussi  pensent  que  le  mouvement 
réformiste  est  nécessaire,  que  les  modifications  que  ce  parti 
préconise  doivent,  tôt  ou  tard,  être  introduites  dans  le  pays,  mais 


ÉTUDES  COLONIALES 


ils  ne  s  étonnent  pas  de  l'insuccès  de  la  campagne  entreprise  par 
Kan-You-Wei;  il  a  voulu  aller  trop  vite  et  son  parti  n'était  pas 
organisé  pour  mener  son  projeta  bonne  fin.  Ce  sont  les  étrangers 
qui,  par  leur  influence,  devront  mener  dans  l'empire  chinois  le 
mouvement  d'opinion  favorable  aux  sages  réformes;  mais  cette 
influence  ne  deviendra  efficace,  dans  l'intérieur  du  pays,  que  le 
jour  où  les  étrangers  pourront  y  choisir  leur  demeure  fixe,  y 
établir  le  siège  de  leur  famille  et  le  centre  de  leurs  affaires. 

L'étranger  n'a  le  droit  de  résider  pour  faire  le  commerce  que 
dans  les  ports  à  traité  chinois.  Sans  doute,  il  a  le  droit  de  voyager 
dans  un  but  commercial,  mais  il  lui  est  interdit  d'ouvrir  des  comp- 
toirs en  dehors  de  la  limite  du  port.  Cette  restriction,  non  seule- 
ment empêche  le  peuple  chinois  de  l'intérieur  de  s'initier  peu  à 
peu  à  la  vie  occidentale,  mais  elle  est  un  obstacle  considérable  au 
développement  industriel  et  commercial  de  la  contrée.  La  Chine  a 
récemment  accordé,  aux  équipages  étrangers,  le  droit  de  naviguer 
sur  les  eaux  intérieures  de  l'empire,  mais  cette  autorisation  est 
presque  inefficace  si  elle  n'est  pas  accompagnée  du  droit  de  rési- 
dence pour  les  agents,  tant  des  compagnies  de  bateaux  que  pour 
des  importateurs  de  marchandises  et  d'industries.  C'est  la  seule 
manière  de  faire  parvenir  au  consommateur  chinois  des  marchan- 
dises d'Europe,  sans  que  celles-ci  soient  frappées  encore  d'une  taxe 
nouvelle  et  vexatoire  rendant  le  transit-pass  illusoire.  Comme 
l'écrivent  certains  négociants  de  la  Mantchourie  résidant  à  New- 
chwang,  sans  doute  l'établissement,  à  Tintérieur  du  pays,  d'entre- 
prises industrielles,  telles  que  filatures,  fonderies  de  fer,  etc., 
amènerait  un  grand  développement  du  commerce  dans  la  con- 
trée, mais  avant  tout  il  faut  que  le  droit  de  résidence  soit  accordé  à 
l'étranger;  il  est  indispensable  avant  tout  que  celui-ci  ait  le  droit 
d'acquérir,  ou  plutôt,  de  prendre  en  location  des  terres  dans  1  in- 
térieur, sur  lesquelles  il  puisse  établir  sa  fabrique,  ouvrir  des 
comptoirs  d'une  façon  ininterrompue.  Tant  que  l'on  n'obtiendra 
pas  que  ce  droit  soit  formellement  établi,  les  étrangers  devront 
s'attendre  à  se  voir  interdire  toute  location  pour  un  terme 
indéfini,  ou  même  à  se  voir  brutalement  privés  des  avantages 
de  leurs  contrats,  par  un  magistrat  ou  fonctionnaire  hostile  ou 
timoré. 


LA   CIIINK 


21 


Il  faudrait  aussi  que  les  étrangers  eussent  les  mêmes  droits  que 
les  Chinois  pour  exploiter  les  mines  dans  toute  l'étendue  de 
Tempire.  Actuellement  dans  certaines  provinces,  l'étranger  ne  peut 
se  livrer  à  des  entreprises  minières  que  sous  le  couvert  de 
noms  chinois  et  quoique,  en  général,  on  ferme  les  yeux,  il 
peut,    à  chaque  instant,   par   des    fonctionnaires   concurrents. 


TRIBUNAL  CHINOIS. 
PHOTOaRAPHIE  COMMUNIQUÉE  PAR  M.  L.  JANS8SN 


être  empêché  de  continuer  son  exploitation  ;  or,  ce  n'est  pas 
une  mince  affaire,  quand  on  songe  à  la  richesse  considérable 
du  sol  chinois  en  fait  de  mines  d'or,  d'argent,  de  cuivre,  de 
charbon  et  de  fer. 

On  ne  saurait  jamais  déterminer  trop  clairement  les  droits  et 
devoirs  réciproques  des  étrangers,  et  les  obligations  dérivant,  pour 
les  Célestes,  de  contrats  passés  avec  des  étrangers. Un  fait  cité  par 
Lord  Beresford  le  démontrera  d'une  façon  tangible.  La  Banque  de 
Chine  et  du  Japon  fut  ouverte  en  1889  avec  un  capital  nominal  d'un 
million,  porté  à  deux  millions  en  février  1891  ;  comme  la  société 


32  ÉTUDES  COLONIALES 


prospérait,  un  grand  nombre  de  Chinois  en  achetèrent  des  actions, 
mais  avant  de  les  leur  vendre,  on  leur  fit  signer  la  déclaration 
suivante  :  Par  la  présente  je  vous  prie  de  m'inscrire  comme  porteur 
de...  actions  ordinaires,  de  la  Banque  de  Chine  et  du  Japon, société 
anonyme,  qui  me  sont  transférées.  Moyennant  cette  inscription,  je 
m'engage  à  opérer  les  versements  de  fonds  qui  seraient  appelés 
pour  libérer  entièrement  les  actions  et  ce,  au  jour  et  à  la  place  fixés 
par  le  directeur,  conformément  aux  statuts.  De  plus,  je  consens,  à 
ce  que  toutes  les  questions  liligieuses,  entre  la  Banque  et  moi-même, 
soient  tranchées,  conformément  au  droit  anglais. — Or,  cette  banque 
éprouva  des  revers  en  1893,  époque  à  laquelle  les  actions  n'étaient 
pas  encore  libérées,  chacune  d'elles  pouvant  encore  être  passible 
d'un  appel  de  fonds  de  7  livres  10.  On  résolut  d'appeler  une  livre 
par  action.  Les  Chinois  refusèrent  de  payer,  bien  que  leur  enga- 
gement fut  écrit  en  anglais  et  en  chinois;  ce  fait  et  l'ampleur  du 
découvert,  environ  400,000  livres,  obligèrent  la  banque  à  liquider 
et  à  se  reconstituer.  On  plaida  la  cause  devant  Son  Honneur  Tsai- 
Chun,  Too-taie  de  Shanghaï  et  M.  Byron  Brenan,  consul  anglais,  à 
une  audience  spéciale.  Or,  malgré  la  protection  de  ce  dernier,  le 
Tao-taie  rendit  un  jugement  en  faveur  des  Ciiinois.  Ce  n'étaient 
pas  tant  les  marchands  qui  avaient  refusé  de  répondre  à  l'appel  de 
fonds,  que  certains  mandarins  et  certains  fonctionnaires. 

La  justice  chinoise  est  du  reste  si  belle,  que  l'empereur  Khangie, 
à  qui  des  plaintes  avaient  été  faites  contre  les  abus  des  magistrats, 
fit  cette  étonnante  réponse  :  que  vu  la  grande  division  de  la  pro- 
priété territoriale  et  le  caractère  chicanier  des  Chinois,  il  était  bon 
que  ses  sujets  vécussent  dans  la  crainte  des  tribunaux, 
fussent  traités  sans  pitié,  de  telle  foçon,  que  tout  le  monde  fut 
dégoûté  des  procès  et  tremblât  davoir  à  comparaître  devant 
les  magistrats;  ceux  qui  sont  querelleurs,  têtus  et  incorrigibles, 
qu'ils  soient  écrasés  dans  les  tribunaux!  voilà  la  justice  qui  leur 
est  due. 

Le  père  Hue  raconte  qu'il  a  vu,  dans  un  tribunal,  le  magistrat 
muni  de  petits  jetons  sur  lesquels  était  inscrit  un  nombre  qui  était 
celui  du  coup  de  bâton  à  administrer!  Les  témoins  sont  main- 
tenus à  genoux  sur  des  chaînes,  pendant  plusieurs  heures,  ou 
suspendus  par  les  pouces,  ou  laissés  sans  boire  ni  manger   On 


LA  CHINE  23 


comprend  qu'il  doit  être  diificile  pour  les  Européens  de  trouver 
des  témoins  aussi  délicieusement  traités. 

M.  Bard,  auquel  nous  empruntons  ce  détail,  donne  sur  la  justice 
chinoise  des  aperçus  extrêmement  intéressants  et  qui  sortiraient 
quelque  peu  du  cadre  de  ce  travail. 

Sur  les  concessions,  les  étrangers  jouissent  du  privilège  de 
rexléritorialité,  et  ne  peuvent  être  jugés  que  par  les  tribunaux 
consulaires;  les  Chinois  sont  jugés  par  une  cour  mixte,  composée 
d'un  juge  indigène  nommé  par  les  autorités  chinoises  et  d'un  asses- 
seur étranger.  En  cas  de  procès  entre  Chinois  et  étrangers,  si  le 
Chinois  est  défendeur,  la  cause  est  portée  devant  la  cour  mixte;  si 
cest  l'étranger,  la  cause  est  jug/^e  parle  tribunal  consulaire,  com- 
posé du  Consul  et  de  deux  notables. 

Dans  un  pays  où  les  fonctionnaires  sont  si  mal  rétribui^s,  on 
comprend  que  les  portes  du  temple  de  Thémis  ne  soient  pas  fer- 
mées aux  influences  financières  et  qu'un  prêtre  M.  Lucas,  un  vrai 
normand,  résidant  à  Longly,  ait  pu  dire  : 

Les  mandarins  et  leur  police 
Font  voir  leurs  grands  ongles  aigus, 
Hs  font,  même,  voir  leur  justice... 
Quand  on  leur  montre  des  écus. 

Il  suffit  au  Chinois  de  payer  le  juge,  pour  que  celui-ci  devienne 
d'une  partialité  révoltante  au  détriment  des  étrangers  ;  c'est  ce  qui 
explique  que  les  autorités,  comme  le  28  juin  1898,  encouragent, 
par  leur  silence,  le  pillage  de  toute  une  flottille  de  bateaux  étran- 
gers et  des  stations  de  passage.  Les  émeutes  ne  sont  pas  rares 
contre  les  étrangers,  et  ont  pour  cause,  tantôt  la  religion,  tantôt 
et  surtout  l'intérêt.  L'émeute  de  4898  eut  pour  origine  et  pour 
cause,  la  jalousie  des  bateliers  chinois  à  l'égard  des  petits  steamers 
naviguant  sur  les  fleuves  de  TintiTieur. 

{A  suivre.)  G.  de  Leval. 


34  KTUDES  COLONIALES 


LE  BUDGET    DES    COLONIES 

A   LA   CHAMBRE   FRANCIAISE 

La  discussion  du  budget  des  colonies  au  Palais-Bourbon  a  été 
particulièrement  brillante  cette  année.  Nous  y  avons  relevé  quel- 
ques chiffres,  et  même  quelques  discours  qui  valent  la  peine  d'être 
médités.  Les  débats  ont  été  dominés  par  deux  discours,  l'un,  tout 
à  fait  remarquable,  de  M.  Etienne,  l'autre  de  M.  Decrais,  ministre 
des  colonies  ;  le  rapport  présenté  sur  le  budget  par  M.  Doumergue 
servait  de  thème  naturel. 

Voyons  d'abord  les  discours,  et  sans  nous  arrêter  davantage  à 
ceux  de  MM.  d'Estournelles,  Motte,  Firmin  Faure,  et  d'autres 
étoiles  de  moindre  grandeur,  arrivons  directement  aux  hading- 
speches  de  MM.  Etienne  et  Decrais. 

On  sait  que  le  rapport  de  M.  Doumergue  se  résumait  dans  cette 
conclusion  singulière  :  «  La  France  a  eu  tort  de  se  constituer  un 
empire  colonial  aussi  étendu  que  celui  qu'elle  possède  actuel- 
lement. Les  territoires  qu'elle  s'est  annexés  ont  nécessité  des 
sacrifices  considérables  en  hommes  et  en  argent,  et  actuellement 
ces  colonies  ne  payent  pas  les  sacrifices  endurés,  par  des  bénéfices 
commerciaux  directs  pour  la  métropole.  »  C'est  la  réédition  d'un 
sophisme  vieilli,  à  savoir  qu'une  colonie  n'a  de  valeur  qu'en  raison 
des  subventions  dont  elle  enrichit  directement  le  trésor  de  la 
métropole.  Le  temps  et  l'expérience  ont  fait  justice  de  cette  erreur 
économique  et  il  n'a  pas  été  diftîcile  de  démontrer  qu'à  côté  de  ces 
bénéfices  directs  et  immédiats,  un  pays  trouve  dans  ses  dépen- 
dances coloniales  la  source  d'autres  profits,  moraux  ou  matériels, 
qu'il  est  nécessaire  de  faire  entrer  en  ligne  de  compte  lorsqu'on 
établit  le  bilan  du  doit  et  avoir  du  domaine  colonial.  Les  dépenses 
supportées  pour  la  constitution  de  ce  domaine  trouvent  encore 
leur  contre-partie  dans  les  bénéfices  commerciaux  réalisés  par  les 
particuliers,  citoyens  de  la  métropole,  qui  sont  aussi  des  contri- 
buables, et  entre  les  mains  desquels  se  centralise  nécessairement 
le  commerce  colonial.  Elles  la  trouvent  en  outre  dans  les  bénéfices 
que  les  transports  coloniaux  font  réaliser  aux  compagnies  de 


LE   BUDGET  DES   GOLONIKS   A    LA  CHAMBRE   FRANÇAISE  25 


navigation,  aux  armateurs,  dans  les  dividendes  que  les  banques 
coloniales  distribuent  à  leurs  actionnaires,  dans  le  prestige  si  con- 
sidérable que  peuvent  donner  à  la  France  l'annexion  à  son  empire 
de  contrées  telles  que  TAnnam,  le  Tonkin,  la  Tunisie,  le  Soudan, 
le  Congo,  Madagascar. 

Enfin  niera-t-oti,  pour  n'envisager  que  le  point  de  vue  matériel, 
que  toutes  les  entreprises,  —  et  les  entreprises  coloniales  comme 
les  autres  —  doivent  pouvoir  supporter  à  leur  début  les  difficultés 
inhérentes  à  une  mise  en  train,  et  que  rencontrent  aussi  soit  une 
maison  de  commerce,  soit  une  usine,  avant  qu'elles  puissent  rému- 
nérer directement  le  capital  engagé?  Ces  considérations  sont  d'un 
ordre  assez  sérieux  pour  calmer  les  appréhensions  des  gens 
timorés  qu'épouvante  une  politique  extensioniste,  si  modérée 
soit-ellc,  et  M.  Doumergue,  malgré  son  talent  semble  être  un  peu 
de  ceux-là. 

M.  Etienne  a  cru  devoir  rencontrer  dans  son  remarquable 
discours,  les  objections  de  ceux  qui  croient  condamner  les  ambi- 
tions coloniales  de  la  France  rien  qu'en  les  qualifiant  de  ce  mot 
d'un  homme  d'esprit  :  la  kilometrite.  Ce  n'est  pas  le  vain  orgueil 
d'occuper  d'énormes  superficies  de  territoires  qui  a  inspiré  la 
France,  mais  une  véritable  nécessité  politique  que  ses  gouvernants 
ont  heureusement  comprise. 

M.  Etienne  le  fait  voir  en  des  termes  d'une  grande  élévation. 
«  L'Europe  tout  entière,  dit-il,  a  opéré  son  exode;  elle  s'est  jetée, 
on  peut  le  dire,  au  pas  accéléré  vers  la  conquête  de  régions  qui 
touchent  à  toutes  les  parties  du  monde.  La  France  n'a  pas  échappé 
à  ce  besoin,  mais  il  serait  injuste  de  déclarer  qu'elle  a  fait  sa  poli- 
tique coloniale  sans  études  spéciales,  sans  vues  bien  exactes,  sans 
avoir  le  sentiment  permanent  des  grands  intérêts  du  pays.  L'Angle- 
terre elle  aussi  a  suivi  une  marche  véritablement  vertigineuse. 
L'Allemagne  s'est  jetée  dans  le  mouvement  qui  entraîne  les  autres 
nations  avec  une  précipitation  qui  a  étonné  ceux  qui  se  rappelaient 
les  enseignements  donnés  par  le  grand  chancelier.  La  France 
aurait-elle  pu  se  désintéresser  d'un  pareil  mouvement.  Aurait-elle 
du  laisser  successivement  toutes  les  nations  de  l'Europe  s'emparer 
de  tous  les  territoires  et  rester  absolument  inactive.  Je  ne  crois 
pas  qu'une  pareille  thèse  puisse  être  soutenue  longtemps  à  la 


26  ÉTUDES  COLONIALES 


tribune.  La  France  a  accompli  son  œuvre  d'extension  parce  qu'il 
était  nécessaire  qu'elle  la  fit.  Si  aujourd'hui  on  venait  nous  dire 
après  vingt  ans  que  la  Tunisie  est  aux  mains  d'une  nation  euro- 
péenne, que  le  Tonkin  est  aux  mains  d'une  autre  nation  euro- 
péenne, que  Madagascar  est  aux  mains  de  l'Anj^leterre,  quelle 
serait  la  situation  de  la  France  dans  le  monde?  Je  pose  la  question 
et  je  voudrais  bien  quon  y  répondit  à  cette  tribune?  » 

Plus  loin  il  fait  remarquer  qu'à  un  point  de  vue  pratique  la 
France  n'a  pas  à  regretter  l'extension  de  son  domaine  colonial.  Le 
commerce  général  des  colonies  françaises  avec  le  monde  entier  a 
été,  en  1898,  de  1,154  millions.  Dans  ce  total  la  part  de  la  France 
est  de  860  millions,  c'est-à-dire  plus  des  trois  quarts.  Ces  chiffres 
ont  de  l'éloquence. 

Examinant  ensuite  dans  son  ensemble  le  budget  pour  1900, 
l'orateur  adjure  la  Chambre  de  continuer  à  la  politique  coloniale 
l'intérêt  et  la  bienveillance  qu'elle  lui  a  accordés  jusqu'ici  et  il 
recommande  spécialement  à  son  attention  les  trois  points  suivants 
pour  lesquels  il  demande  de  généreux  sacrifices  pécuniaires  qui 
seront  rapidement  compensés  :  4**  La  construction  de  chemins  de 
fer  coloniaux,  élément  essentiel  de  développement  et  de  pros- 
périté; ^  l'établissement  de  câbles  transatlantiques  français  qui 
soustrairont  la  France  au  contrôle  du  gouvernement  anglais  qui 
a  la  haute  main  sur  toutes  les  lignes  existantes;  3**  enfin,  la 
constitution  d'un  crédit  colonial  sérieux,  suivant  l'exemple  donné 
par  les  Anglais,  les  Belges,  les  Hollandais  qui  ont  compris  la 
nécessité  d'un  instrument  Hnancier  spécial  pour  leurs  colonies. 

Dans  le  discours  de  M.  Decrais,  ministre  des  colonies,  qui  est 
un  discours  de  portée  générale,  signalons  un  passage  intéressant 
relatif  à  la  répartition  des  charges  coloniales,  et  oii  il  indique  la 
tendance  du  gouvernement  actuel  en  cette  matière  :  «  Il  me  semble 
que  les  colonies  devraient  être  considérées,  non  comme  des  pro- 
longements de  la  métropole  et  des  départements  d'outre-mer, 
mais  comme  des  collectivités  distinctes,  ayant  leur  vie  et  leur 
indépendance  propres,  disposant  de  tontes  leurs  ressources, 
acquittant  toutes  leurs  charges,  sous  le  contrôle  supérieur  de 
l'État,  et  recevant  de  l'État,  si  besoin  est,  des  subventions  dont 
celui-ci  fixe  la  quotité. 


LE   BUDGET   DES   COLONIES  A   LA   CHAMBRE   FRANÇAISE  S7 


»  C'est  pourquoi,  mon  honorable  collègue  M.  le  Ministre  des 
finances  et  moi,  nous  inspirant  de  cette  manière  de  procéder,  nous 
avons  soumis  à  votre  approbation,  en  conformité  de  l'article  24  de 
la  loi  de  finances  le  principe  et  la  formule  suivants  :  Toutes  les 
dépenses  civiles  et  de  la  gendarmerie  sont  supportées  en  principe 
par  les  budgets  des  colonies.  Des  subventions  peuvent  être  accor- 
dées aux  colonies  sur  le  budget  de  TÉtat.  Des  contingents  peuvent 
être  imposés  à  chaque  colonie  jusqu'à  concurrence  du  montant  des 
dépenses  militaires  qui  y  sont  effectuées.  » 

Voici  au  surplus  le  budget  des  colonies  tel  qu'il  a  été  dressé 
pour  l'exercice  1900;  les  dépenses  relatives  à  l'Algérie  et  la 
Tunisie  n'y  figurent  pas,  ces  pays  n'étant  pas  dans  l'administration 
directe  du  ministère  des  colonies  : 


BUDGET    DES    COLONIES 

i«  Dépenses  communes. 

i        Traitement  du  ministre  et  personnel  de  l^adminis- 

tration  centrale Ir.         703,900 

2  Matériel  de  Tadministration  centrale i62,000 

3  Frais  d'impression,  publication  de  documents  et 

abonnements i06,600 

4  Frais  de  dépêches  télégraphiques 150,000 

5  Service  central  des  marchés 105,000 

6  Service  administratif  des  colonies  dans  les  ports 

de  commerce  de  la  métropole 107,000 

7  Inspection  des  colonies -    .  304,000 

8  Secours  et  subventions 49,500 

9  Subventions  à  diverses  compagnies  pour  les  câbles 

sous-marins 647,500 


2^  Dépenses  civiles. 

10  Personnel  des  services  civils 395,903 

11  Persomiel  de  la  justice I,3t8,971 

12  Personnel  des  cultes 602,000 


ÉTUDES  COLONIALES 


13  Personnel  des  travaux  publics 50,900 

14  Entretien  des  phares  de  Saint-Pierre  et  Miquelon.  17,100 

15  Frais  de  voyage  par  terre  et  par  mer  et  dépenses 

accessoires 262,000 

16  Subvention  à  l'Office  colonial 21,000 

i&fis    Participation  à  l'Exposition  universelle  de  1900  .  920,000 
16^r    Indemnités  aux  agents  de  l'Etat  à  l'occasion  de 

l'Exposition  universelle  de  1900 16,800 

i6q^    Frais  de  représentation  du  ministre  à  l'occasion 

de  l'Exposition  universelle  de  1900  .     .     .     .  50,000 

17  Missions  dans  les  colonies 205,000 

18  Bourses  pour  le  recrutement  du  commissariat     .  25,000 

19  Etudes  coloniales 10,000 

20  Emigration  de  travailleurs  aux  colonies.    .     .    .  100,000 

21  Sixième  des  quatorze  annuités  à  payer  à  des 

exploitations  agricoles  pour  la  mise  en  valeur 

d'établissements  français 360.000 

22  Subvention  au  budget  local  du  Congo  français    .  2,178,000 

23  Subvention  au  budget  local  de  Madagascar    .     .  1,600,000 

24  Subvention  au  budget  de  certaines  colonies    .     .  393,000 

25  Subvention  au  budget  annexe  du  chemin  de  fer  et 

du  port  de  la  Réunion 2,508,500 

26  Subvention  au  budget  annexe  du  chemin  de  fer 

du  Soudan  français 668,000 

27  Chemin  de  fer  de  Dakar  à  Saint-Louis    ....  600,000 

28  Route  de  Konakry  au  Niger » 


5«  Dépenses  militaire';, 

29  Troupes  aux  colonies  et  comité  technique  .     .     .  2,523,519 

30  Gendarmerie  coloniale 1,599,300 

31  Commissariat  colonial 1,602,100 

32  Inscription  maritime 60,000 

33  Comptables  coloniaux 710,040 

34  Service  de  santé  (Personnel) 2,319,400 

35  Service  de  santé  (Matériel) 801,194 

36  Vivres  et  fourrages 1,526,357 

37  Frais  de  voyage  par  terre  et  par  mer  et  dépenses 

accessoires 858,300 

38  Matériel  de  casernement,  de  campement  et  de 

couchage 173,500 

39  Matériel  des  services  militaires        880,000 


LE   BUDGET   DES  COLONIES   A    LA   CHAMDIlK   FRANÇAISE  20 


40  Défense  des  colonies 1,200,000 

41  Dépenses  militaires  du  Soudan  français.    .    .    .  9,197,399 
4S  Dépenses  militaires  de  rindo-Chine 18,158,511 

43  Dépenses  militaires  à  Madagascar 22,375,482 

4^*  Services  pénitentiaires. 

44  Administration  pénitentiaire  (Personnel)    .     .     .      2,850,300 

45  Administration  pénitentiaire   (Hôpitaux,   vivres, 

habillement  et  couchage)    .......      3,711,000 

46  Administration  pénitentiaire  (Frais  de  transport).       1,185,000 

47  Administration  pénitentiaire  (Matériel)  ....      1,300,000 

Total  pour  le  ministère  des  colonies.     .     .    87,819,086 
Voici  maintenant  l'état  des  recettes  prévues  : 

CHEMIN  DE  FER  ET  PORT  DE  LA  RÉUNION. 

1  Kecettes  d'exploitation 1,840,000 

2  Subvention  de  l'Etat 2,508,500 

3  Subvention  de  la  colonie.  (Art.  14  du  cahier  des 

charges  du  27  novembre  1875,  annexé  à  la 

convention  du  19  février  1877.) 160,000 

Total.     .     .      4,508,500 

Le  vote  des  divers  chapitres  du  budget  «n*a  pas  soulevé  de 
grandes  difficultés.  Le  «.gouvernement  a  néanmoins  subi  un  échec 
assez  grave  à  propos  des  chapitres  29  à  43,  relatif  aux  dépenses 
militaires.  M.  Guillain  a  fait  observer  qu'en  présence  des  déclara- 
tions faites  par  des  personnes  compétentes,  et  notamment  par 
M.  Lockroy,  la  défense  des  colonies  semblait  n*étre  pas  suffisam- 
ment assurée  et  que  les  crédits  prévus  au  présent  budget  étaient 
infiniment  trop  limités  pour  remédier  à  cette  situation.  Il  a 
demandé  en  conséquence  une  revision  des  prévisions  budgétaires 
quant  à  ces  différents  postes,  et  la  Chambre,  malgré  l'opposition 
du  gouvernement  s'est  rallié  à  ces  conclusions  par  283  voix 
contre  250.  Les  chapitres  44  à  47  ont  donné  lieu  à  quelques 
manifestations  platoniques  contre  le  système  de  la  transportation. 

Carton  de  Wiart. 


30  ÉTUDES  COLONIALES 


LE  RAPPORT  SUR  LES  COLONIES  ALLEMANDES 

Le  rapport  annuel  sur  les  colonies  allemandes,  présenté  au 
Reichstag,  contient  sur  le  développement  des  possessions  alle- 
mandes, des  renseignements  auxquels  nous  empruntons  les  détails 
suivants  intéressant  le  Togo  et  le  Kamerun.  Nous  donnerons, 
dans  un  prochain  article,  les  détails  relatifs  aux  autres  colonies. 


Togo. 

La  population  européenne  du  Togo  s'élevait  à  la  fin  du  mois  de 
juin  1899,  à  H8  personnes,  ce  qui  représente  une  augmentation 
de  13  personnes  sur  l'exercice  1897-1898.  La  construction  de  la 
nouvelle  capitale,  Lomé,  se  poursuit  activement.  Au  point  de  vue 
du  régime  des  pluies,  la  situation  s'est  présentée  dans  des  circons- 
tances exceptionnellement  favorables  ;  on  n'a  donc  pas  eu  à  déplo- 
rer, comme  il  y  a  trois  ans,  un  manque  d'eau.  L'abondance  des 
pluies  n'a  pas  nui  d'une  façon  particulière  à  l'état  sanitaire.  Au 
mois  de  novembre  1898,  un  deuxième  médecin  a  été  nommé  à 
Lomé  par  le  gouvernement.  A  l'hôpital  de  Kleinpopo,  cinquante 
blancs  ont  été  traités  pendant  l'exercice. 

Au  point  de  vue  des  cultures,  il  y  a  lieu  de  signaler  qu'on  a 
obtenu  des  Landolphias,  à  Kete-Kratschia,  un  caoutchouc  plus  pur 
qu'auparavant.  Dans  la  région  montagneuse  de  Tapa,  on  a  constate 
l'existence  d'arbres  de  Kola  et  des  plantations  de  Kola  ont  com- 
mencé à  être  fondées  dans  ce  district.  La  firme  Sholst  Douglas 
procède  actuellement  aux  travaux  préparatoires  de  rétablissement 
de  plantations  sur  une  grande  échelle  à  proximité  du  mont  Agu. 
Une  petite  plantation  de  cocotiers  de  6,000  arbres  s'est  ajoutée 
aux  plantations  antérieures  de  la  région  côtière  ;  elle  appartient  à 
un  nègre  de  Sierra-Leone.  La  récolte  du  café  se  présente  sous 
d'heureux  auspices  et  les  nouvelles  plantations  de  caféiers,  appar- 
tenant aux  stations  de  l'Etat  et  des  missions  dans  l'intérieur,  se 
développent  d'une  manière  suivie.  Les  récentes  plantations  de 


LE   IIAPPORT   Sun   LES  COLONIES  ALLEMANDES  31 


caoutchouc  Manihot  Glazovii  croissent  vigoureusement.  Les  pal- 
miers élaïs  fournissent  des  récoltes  comme  on  n'en  a  plus  vu 
depuis  des  années. 

Le  jardin  d'essais,  établi  par  le  gouvernement  à  Lomé,  a  rendu 
de  bons  services  malgré  le  congé  prolongé  de  son  directeur.  Les 
nouvelles  rues  de  Lomé  ont  été  pourvues  d'arbres,  en  vue  de  les 
protéger  contre  le  soleil  ;  on  s'est  servi  à  cet  effet  de  cotonniers  et 
de  plantes  médicinales. 

Le  bétail  amené  de  l'intérieur  est  principalement  dirigé  vers 
Killah,  sur  la  Côte-d'Or.  Il  arrive  toutefois  à  la  côte  allemande 
des  bœufs  de  Akakpame,  qui  conviennent  très  bien  comme  animaux 
de  trait  et  que  l'on  emploie  comme  tels,  sur  les  plantations.  On  a 
aussi  amené  des  chevaux  de  Sansamé  Mangu  à  la  côte,  mais  la 
plupart  d'entre  eux  succombèrent  au  bout  de  quelques  semaines 
au  changement  de  milieu  ;  on  n'a  pas  pu  déterminer  les  causes  de 
cet  insuccès. 

Le  commerce  resUi  inactif  par  suite  de  la  sécheresse  jusqu'en 
décembre  1898  où  les  transactions  devinrent  extrêmement  nom- 
breuses, grâce  à  l'abondante  récolte  des  noix  de  palme.  L'exporta- 
tion des  noix  de  palme  monta  de  3,06 i  tonnes  en  1897-1898,  à 
4,265  tonnes  en  1898-1899;  celle  de  l'huile  de  palme,  de 
4,738  hectolitres  à  13,070  hectolitres;  celle  du  caoutchouc,  de 88  à 
177  tonnes  ;  celle  du  maïs,  de  81  à  477  tonnes;  celle  des  arachides, 
de  48  à  79  tonnes  et  celle  du  copra,  de  3  à  13  tonnes.  C'est  surtout 
l'exportation  du  maïs  et  des  arachides  (ces  dernières  destinées  à  la 
fabrication  d'huile  comestible)  qui  a  dépassé  toutes  les  prévisions. 
La  valeur  totale  des  exportations  s'est  élevée  à  2,016,709  marks, 
soit  une  augmentation  de  927,1 19  marks;  quant  aux  importations, 
elles  ont  atteint  le  chiffre  de  3,029,598  marks. 

En  ce  qui  concerne  les  voies  de  communication,  le  gouverne- 
ment s'est  attaché  à  mettre  en  bon  état  la  route  des  caravanes  de 
Lomé  à  Misahôlie  qui  avait  beaucoup  souffert  des  fortes  averses  de 
l'année  précédente;  on  a  établi  notamment  de  meilleurs  ponts.  Aux 
endroits  où  les  Européens  ont  l'habitude  de  s'arrêter  pendant  la 
nuit,  on  a  élevé  des  abris.  La  route  de  Lomé  à  Akakpame  gagne 
aussi  en  importance.  On  propose  de  transporter  le  siège  des  postes 
et  télégraphes  de  Klein-Popo  à  Lomé. 


32  ÉTUDES  COLONIALES 


L'école  oflBcielle  de  Sebbe  a  été  fréquentée  par  47  élèves,  et 
depuis  quelque  temps,  un  instituteur  indigène  y  a  été  attaché. 

Les  quatre  sociétés  de  missionnaires,  à  savoir,  celle  de  l'Alle- 
magne du  Nord,  la  Wesleyenne,  la  Catholique  et  celle  de  Bâle, 
jouissent  chacune  d'un  subside  de  1,000  marks.  Les  missions 
catholiques  instruisent  800  enfants,  les  missions  wesleyennes, 
366,  la  mission  de  TAllemagne  du  Nord,  614  et  la  mission  de 
Bâle,  296. 

On  trouve  des  stations  de  TEtat,  dans  l'inlérieur,  à  Misahôhe 
(celle-ci  a  sous  sa  dépendance  la  station  de  Kpandu),  à  Akakpame, 
à  Kete-Kratschi,  à  Sokodé,  autrefois  Paradau,  et  à  Sansanné- 
Mangu. 

La  commission  franco-allemande  de  délimitation  des  frontières 
était  arrivée,  à  la  fin  du  mois  de  juin  1899,  à  Ririkri. 

Un  capitaliste  qui  se  déclarait  disposé  à  faire  des  recherches 
dans  le  Togo,  pour  se  rendre  compte  des  richesses  du  sol,  a 
obtenu  un  droit  de  préférence  pour  l'exploitation  des  découvertes 
quil  ferait;  il  a  commencé  immédiatement  ses  travaux  d'investi- 
gation. 

Kamkrin. 

Le  nombre  des  Européens  qui  se  trouvaient  dans  le  Kamerun 
au  30  juin  1899,  s'élevait  à  425  contre  324  pendant  l'exercice 
1897-1898.  Le  nombre  des  décès,  pendant  la  période  1898-1899, 
a  été,  parmi  les  Européens,  de  23.  Le  nouveau  sanatorium  établi 
à  Suellaba,  à  rembouchure  de  la  rivière  Kamerun,  devait  s'ouvrir 
en  novembre  dernier, 

Le  rapport  estime  que  le  revenu  des  plantations  est  assuré.  Il  y 
a,  en  ce  moment,  environ  4,000  travailleurs  sur  les  plantations  de 
Kamerunberg,  alors  qu'il  n  y  en  avait  pas  2,000  Tannée  précédente; 
près  de  3,000  d'entre  eux  sont  des  indigènes  de  la  colonie.  Au 
commencement  de  l'année  1899,  on  évaluait  le  nombre  des  travail- 
leurs nécessaires  à  6,000.  Dans  le  Nord  de  la  colonie,  le  commis- 
saire du  travail,  M.  von  Carnap,  a  pu  recruter  de  nombreux 
Balundus,  et  le  directeur  général  de  la  plantation  de  Victoria, 


LE  RAPPORT  SUR  LES  COLONIES  ALLEMANDES  33 


M.  Bornmuller,  a  ramené  d'un  voyage  qu'il  a  fait  chez  le  chef  des 
Bali,  700  travailleurs. 

Il  est  plus  difficile  maintenant  de  se  procurer  dans  le  Sud,  des 
gens  de  Jaunde  parce  qu'ils  gagnent  plus  facilement  leur  vie 
comme  porteurs  de  caoutchouc  de  l'intérieur  à  la  côte.  Pour  la 
première  fois,  il  a  été  possible  d'obtenir  chez  les  indigènes  intelli- 
gents et  habiles  du  Togo,  des  travailleurs  pour  les  plantations 
{154  hommes).  Il  est  à  espérer  que  le  nombre  des  recrues  aug- 
mentera de  manière  que  l'argent  reste  dans  les  colonies  allemandes 
et  que  les  planteurs  puissent  s'affranchir  du  concours  des  indigènes 
de  Libéria.  Il  est  vrai  que  les  indigènes  du  Togo  reçoivent 
âO  marks  par  mois,  alors  que  les  autres  travailleurs  s'obtiennent 
pour  6  à  10  marks  (outre  la  nourriture).  On  a  aussi  pu  amener  dans 
une  plantation  400  travailleurs  de  Lagos,  au  salaire  mensuel  de 
20  marks.  Le  rapport  fait  remarquer  qu'étant  donnée  la  difficulté 
de  la  main-d'œuvre,  il  ne  sera  plus  accordé  provisoirement  de  con- 
cessions près  des  monts  Kamerun. 

La  superficie  des  terres  exploitées  s'est,  pendant  l'exercice 
4898-4899,  augmentée  de  4,300  à  2,500  hectares,  dont  2,200  sont 
plantés  de  cacaoyers.  Les  trois  anciennes  plantations  ont  pu 
exporter  environ  200,000  kilogrammes  de  cacao  d'une  valeur  de 
240,000  marks;  cette  quantité  fut  produite  par  300  hectares  et  le 
rendement  des  arbres  de  quatre  ans  et  au-dessus  s'est  élevé  de 
678  à  751  kilogrammes  par  hectare.  Cette  récolte  n'a  été  que 
moyenne.  Au  nombre  des  entreprises  de  plantations  faites  dans 
d'autres  parties  de  la  colonie,  on  peut  citer  deux  nouveaux  établis- 
sements près  de  Campo;  ensuite,  sur  la  rive  méridionale  du 
Samaga,  des  terres  ont  été  acquises;  deux  plantations  sont  entre- 
prises entre  le  Mundane  et  Johann-Albrechtshôhe  ;  dans  le  district 
de  Rio  del  Rey,  le  commerce  des  factoreries  se  lie,  en  général,  à 
l'exploitation  du  cacao.  Enfin,  le  tabac  et  le  caoutchouc  se  pres- 
sentent sous  d'heureux  auspices. 

Les  deux  écoles  officielles  ont  été  tréquentées  par  497  élèves. 
La  Mission  de  Bâle  a  instruit  3,278  enfants,  celle  des  Baptistes, 
30  à  40  et  la  mission  américaine  presbytérienne,  275  ;  cette  der- 
nière possède  également  un  médecin  ;  enfin,  la  mission  catholique 
comptait  plusieurs  centaines  d'élèves. 

3 


34  ÉTUDES  COLONIALES 


Le  commerce  d'importation  a  subi  une  diminution  pendant  le 
dernier  trimestre  de  l'exercice,  par  suite  du  relèvement  des  droits 
.d'entrée,  mis  en  vigueur  à  partir  du  i"^  avril  1899.  Les  exporta- 
•  lions  ont  augmenté  de  3,900,000  à  5,100,000  marks.  Les  princi- 
pales exportations  ont  été:  Thuile  de  palme,  32,048  hectolitres 
(—  2,208  heet,);  les  noix  de  palme,  7,558  tonnes  (+466  tonnes); 
le  caoutchouc,  604  tonnes  (h-  163  tonnes);  Tivoire,  61,762  kilo- 
grammes (+  12,657  kilogrammes);  le  bois  d'ébène,  263  tonnes 
( —  69  tonnes);  le  cacao,  246  tonnes  (h-  37  tonnes);  les  noix  de 
Kola,  14  tonnes  ( —  36  tonnes).  Les  importations  ont  été  d'une 
valeur  de  10,600,000  millions  de  marks  contre  7,100,000  millions 
Tannée  précédente.  Les  douanes  ont  produit  1,033,375  marks 
contre  578,000  marks  l'année  précédente. 


l'expédition  scientifique  anglaise  :35 


L'EXPÉDITION    SCIENTIFIQUE    ANGLAISE 

CONTRE    I^A    VLAI^KniA   A    I^A    COTE   OCCIJ9ENTALE    D'AFltlQUE 

On  se  rappellera  qu'il  y  a  quelques  mois,  sous  le  titre  «  Une 
école  médicale  tropicale  en  Angleterre  et  en  Belgique  »,  nous 
exposions,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  d'Études  Coloniales^  les 
efforts  que  faisaient  nos  voisins  d'Anglelerre,  sous  la  haute  impul- 
sion du  gouvernement  de  la  Reine  et  en  particulier  de  M.  Cham- 
berlain, pour  créer,  à  Londres  et  à  Liverpool,  une  chaire  de  mé- 
decine tropicale. 

Nous  disions  alors  à  nos  lecteurs  que,  sans  faire  autant  de  bruit 
dans  les  journaux  quotidiens  que  nos  voisins  d'Outre-Manche,  nous 
travaillions,  nous  Belges,  parallèlement  et  efficacement  au  même 
résultat  et  qu'une  expédition  belge  était  établie  au  Congo  pour 
apporter  :îussi  le  tribut  de  ses  études  et  de  son  îravail  au  combat 
contre  les  maladies  qui  retardent  les  progrès  des  Européens  dans 
les  régions  équatoriales. 

Nous  avons  appris  depuis  que  notre  mission  après  avoir 
séjourné  un  certain  temps  à  Boma,  d'où  nous  avons  reçu  plusieurs 
rapports  d'un  haut  intérêt  qui  feront,  du  reste,  l'objet  d'un  bulletin 
spécial,  se  disposait  à  gagner  Léopoldville  où  les  locaux,  préparés 
sur  les  plans  du  D'  Van  Campenhout,  chef  de  la  mission,  pour 
servir  de  laboratoire,  étaient  à  peu  près  terminés. 

Nous  disions,  d'autre  part,  que  la  question  de  la  création  d'un 
hôpital  colonial  desservi  par  des  médecins  coloniaux  avait  été 
résolue  sur  des  bases  modestes,  il  est  vrai,  mais  suffisantes,  à  l'Insti- 
tut Sainte-Camille,  à  Anvers,  et  à  la  Villa  coloniale,  à  Watermael- 
Boilsfort. 

Bien  que  tout  ceci  nous  écarte  peut-être  un  peu  de  notre  sujet, 
il  n'était  cependant  pas  inutile  de  rappeler  au  lecteur,  au  moment 
de  lui  mettre  sous  les  yeux  les  premiers  résultats  du  travail  de  nos 
puissants  voisins,  ce  que  nous  Belges  avions  fait,  dans  le  même 
ordre  d'idées  et  de  lui  montrer  que  nous  avons  tout  droit  d'espérer 
d'apporter  à  la  solution  du  problème,  une  part  au  moins  aussi 
large  que  telle  autre  nation. 


36  ÉTUDES  COLONIALES 


Il  y  a,  du  reste,  lieu  de  remarquer  que  parmi  les  membres  de 
la  mission  anglaise,  il  y  avait  un  Belge,  M.  le  D*^  Van  Neck,  qui  flt 
autrefois  plusieurs  voyages  au  Congo,  à  bord  des  paquebots 
Anvers-Matadi. 

La  mission  était  donc  composée  comme  suit  : 

Médecin-major  Ross,  F.  B.  C.  S,,  professeur  à  l'Ecole  coloniale 
de  Liverpool. 

H.  E.  Annet,  docteur  en  médecine,  répétiteur  à  l'Ecole  colo- 
niale. 

Ë.  E.  Austen,  dipterologue  au  Britisli  Muséum,  délégué  du 
British  Muséum  à  l'Ecole  tropicale. 

R.  Fielding-Ould,  docteur  en  médecine. 

S.  Van  Neck,  docteur  en  médecine,  délégué  du  gouvernement 
belge  à  l'Ecole  coloniale. 

Le  but  principal  de  la  mission  consistait  à  s'enquérir  des  causes 
de  la  malaria  et,  éventuellement,  de  rechercher  les  moyens  de  la 
combattre.  Elle  choisit  pour  lieu  des  premières  recherches  la  ville 
anglaise  de  Sierra-Leone  et  rentra  en  Europe  dans  les  premiers 
jours  de  novembre  1899. 

Le  rapport  sur  les  travaux  de  la  mission  fut  lu,  en  chambre  de 
commerce  de  Liverpool,  le  lundi  27  novembre,  par  le  chef  de  la 
mission,  médecin-major  Ronald  Ross. 

Après  avoir  expliqué  que  d'après  lui  la  malaria  était  le  seul 
obstacle  vrai  qui  s'opposait  à  la  conquête  complète,  avec  occupation 
définitive  par  l'Européen,  des  splendides  régions  équatoriales  ; 
après  avoir  constaté  une  fois  de  plus  que  l'tidmiration  et  la  pitié 
des  foules  va  plutôt  aux  grandes  catastrophes  et  au  bruit,  aux 
massacres  des  batailles,  qu'aux  obscurs  héros,  qui  tombent 
victimes  de  la  fièvre  et  de  la  maladie  en  tentant  de  conquérir  pour 
leur  pays  un  lambeau  de  ces  terres  africaines  si  riches  et  si  meur- 
trières; enfin  après  avoir  fait  remarquer  que  la  richesse  mêûae  de 
ces  pays  est  liée  à  leur  insalubrité  relative,  le  major  Ross  entre 
dans  le  cœur  de  son  sujet. 

Fervent  adepte  du  célèbre  professeur  Koch,  le  D*^  Ross  a  publié 
plusieurs  ouvrages  où  il  a  apporté  un  tribut  assez  important  à 
l'étude  de  l'intervention  des  moustiques  dans  la  propagation  de 
la  fièvre. 


l'expédition   SCIENTinQUE  ANGLAISE  37 

«  Notre  expédition,  dit-il,  n'était  pas  une  expédition  militaire 
pour  combaltre  les  Boers  ou  les  Âchantis,  ni  une  expédition  scien- 
tifique à  la  conquête  du  pôle  Nord  ou  du  pôle  Sud  ;  elle  ne  pour- 
suivait rien  qui  put  remplir  le  lecteur  d'horreur  ni  le  faire  frémir 
pour  notre  sort.  Notre  but  était  des  plus  humbles,  nous  allions 
apprendre  à  tuer  des  cousins.  » 

L'intelligence  du  récit  nous  oblige  ici  à  faire  une  petite  digres- 
sion et  à  exposer  en  quelques  mots  en  quoi  consiste  la  théorie  de 
l'infeclion  paludéenne  par  les  moustiquiis. 

Ce  fut,  nous  l'avons  déjà  dit,  le  professeur  Koch  qui  le  premier 
émit  cette  idée,  se  basant  sur  les  raisons  suivantes  : 

1**  Les  pays  sans  moustiques  quoi  que  remplissant  les  conditions 
ordinaires  d'humidité,  de  chaleur  et  d'altitude,  sont  des  pays  sans 
fièvre  (il  cite  entre  autre  l'île  de  Cholé). 

2"*  L'analogie  avec  la  transmission  du  parasite  de  la  fièvre  du 
Texas  (maladie  du  bétail  ,  voisin  de  celui  de  la  malaria.  Comme 
Ta  prouvé  M.  Koch,  les  tiques  (insectes  parasites  du  bétail),  issues 
de  générateurs  recueillis  sur  des  bètes  atteintes  de  fièvres  du 
Texas,  reproduisent  l'affeclion  sur  des  bovidés  sur  lesquels  on  les 
fixe  ultérieurement.  11  a  ainsi  transporté  l'affection  dans  une  con- 
trée éloignée  de  plusieurs  semaines  de  marche  du  loyer  de  la  mala- 
die et  où  elle  n'avait  jamais  été  observée  antérieurement. 

Ross  et  Mac  Callum  (celui-ci  pour  l'halteridium  de  Labbé, 
parasite  du  sang  de  certains  animaux  qui  se  rapproche  beaucoup, 
par  sa  forme,  de  l'hématozoaire  de  Laveran),  et  P.  Manson  (direc- 
teur du  Seaman's  Hospilal  de  Greenwich),  ont  fait  des  observations 
très  intéressantes  sur  les  modifications  subies  par  les  corps  en 
croissant  (une  des  formes  de  l'hématozoaire  de  Laveran)  dans 
l'estomac  des  moustiques. 

On  sait  que  le  moustique,  après  avoir  déposé  ses  œufs  dans 
l'eau,  meurt  sur  place.  Les  jeunes  larves,  très  voraces,  dévorent 
toutes  les  matières  organiques  qu'elles  trouvent  et,  partant  aussi, 
les  cadavres  de  leurs  générateurs;  on  suppose  qu'elles  s'infectent 
de  cette  façon,  puis  transmettent  par  leurs  piqûres  le  parasite  à 
l'homme. 

MM.  Grassi,  Bignami,  Bastianelli  et  Dyonisi  ont  pu  suivre  le 
développement  du  parasite  malarien  dans  le  corps  d'une  variété 


38  ÉTUDES  I^OLONIALES- 


de  moustiques  (Anophèles  Claviger).  Ils  ont  constaté  qu'il  augmente 
de  volume  dans  la  paroi  du  tube  digestif  de  cet  insecte,  s'y  seg- 
mente en  un  nombre  considérable  de  petits  corps  qui  émigreraient 
dans  tout  le  tissu  du  moustique  et  spécialement  dans  ses: 
glandes  salivaires,  ce  qui  expliquerait  l'infection  par  piqûre. 

Telle  est,  dans  des  grandes  lignes,  ce  que  Ross  appelle  «  The 
mosquito  theory  of  malaria  »,  théorie  qui  repose,  on  le  voit,  sur 
des  bases  scientifiques  sérieuses  et  qui  n'a,  à  nos  yeux,  qu'un  seul, 
tort,  c'est  d'être  trop  exclusive,  car  il  ne  nous  paraît  pas  douteux 
que  si  les  moustiques  sont  une  des  causes  de  la  propagation  de  la  • 
malaria,  il  en  existe  concurramment  plusieurs  autres  parmi  les- 
quelles nous  n'hésitons  pas  à  ranger  l'usage  d'eau  de  mauvaise 
qualité  et  celui  de  légumes  crus,  souvent  souillés  de  terre  et  lavés* 
dans  de  mauvaise  eau. 

En  tous  cas,  il  est  actuellement  une  chose  presque  incontestée 
par  les  sommités  du  monde  médical  colonial,  c'est  que  la  piqûre 
de  a  l'Anopheles  Claviger  »  produit  la  fièvre  malariale. 

Se  basant  sur  ce  principe,  le  chef  de  l'expédition  anglaise  se 
proposa  de  tenter  l'expérience  suivante  :  S'installer  en  un  point 
déterminé  de  la  côte  d'Afrique  où  existât  la  malaria,  rechercher  la 
présence  de  l'anopheles  et  chercher  à  le  détruire  dans  un  certain 
rayon. 

Le  point  choisi  fut  Freetown,  capitale  de  Sierra- Leone  où  l'expé- 
dition s'installa.  Le  D*"  Ross  décrit  la  petite  ville  de  Freetown  sous 
les  couleurs  les  plus  riantes;  l'expédition  y  arriva  en  pleine  saison 
des  pluies  et  le  climat,  cependant,  nous  dit-il,  étaità  peine  tropical  ; 
le  paysage  était  merveilleux  de  couleur  et  n'était  la  fatale  malaria, 
on  se  serait  cru  dans  un  endroit  recommandable  aux  touristes  tant 
le  site  avait  de  charme  pénétrant.  Et  cependant  cet  endroit  char- 
mant est  d'une  insalubrité  indiscutable.  La  cause  unique  en  est  la 
malaria,  car  il  y  a  à  Sierra-Leone  une  excellente  distribution  d'eau 
et  Ton  n'y  rencontre  guère,  comme  ailleurs  à  la  côte  d'Afrique,  de 
dysenteries  et  de  fièvres  typhoïdes. 

Au  bout  de  quelques  jours,  la  chasse  aux  anophèles  fut  cou- 
ronnée de  succès  et  il  suffît  de  quelques  observations  pour  vérifier 
l'exactitude  des  recherches  antérieures,  c'est-à-dire  la  présence 
d'hématozoaires  de  Laveran  dans  le  tube  digestif  de  ces  insectes. 


l'expédition  scientifique  anglaise  39 


M.  Ross  constata  que  les  anophèles  recherchaient  pour  habitat 
certains  petits  marais,  de  nature  particulière,  assez  rares  et  qu'il 
est  assez  facile  à  reconnaître  pour  quiconque  en  a  vu  un. 

Remarquons,  en  passant,  qu'il  est  regrettable  que  M.  Ross  nous 
donne  si  peu  de  détails  sur  Taspect  et  la  nature  de  ces  petite  étangs 
ou  marais  ;  car  le  renseignement  ci-dessus,  qui  est  la  traduction 
littérale  de  son  rapport,  est  notoirement  insuffisant. 

L'expédition  dressa  une  carte  de  ces  marécages  et  après  examen  - 
attentif,  ses  membres  conclurent  à  la  possibilité  de  débarrasser 
entièrement  Sierra-Leone  des  anophèles,  soit  en  détruisant  les 
larves  dans  les  étangs,  soit  en  desséchant  ceux-ci. 

Le  gouverneur  de  Sierra-Leone,  le  major  Nathan,  R.  E.,  C.  M.  C.  ' 
entrant  dans  les  vues  de  l'expédition,  désigna  un  médecin  pour 
diriger  les  travaux  de  destruction  en  question  et  le  D'  Alfred  • 
Jones,  de  l'Ecole  coloniale  de  Liverpool  ainsi  que  le  D'  Fielding- 
Ould's  restèrent  pour  achever  l'œuvre  commencée,  tandis  que  les* 
autres  membres,  sous  la  conduite  du  D'  Ross,  regagnaient' 
Liverpool. 

Le  D*"  Ross  fait  suivre  cette  intéressante  communication  de 
quelques  observations  que  nous  publions  volontiers,  car  elles  con- 
cernent aussi  bien  notre  Congo  que  la  colonie  anglaise  de  Sierra- 
Leone. 

11  constate  d'abord  le  manque  de  soins  apportés  dans  la  con- 
struction des  habitations  des  Européens,  manque  de  soins  si  frap- 
pants à  côté  des  véritables  palais  que  sont  les  Bungalows  Hindous. 
Certains  Européens  habitent  des  maisons  en  planches  ou  en  torchis, 
construites  en  plein  quartier  indigène,  Jtoujours  malpropre  et 
malodorant  quoi  qu'on  fasse. 

A  la  vérité  dit  M.  Ross,  il  semble  que  les  Européens  d'Afrique 
n'ont  pas  compris  ce  fait,  si  bien  connu  cependant  de  leurs  congé- 
nères de  rinde,  qu'il  leur  est  impossible  de  vivre  sous  les  tropi- 
ques de  la  même  manière  que  dans  leur  pays.  En  pays  chaud,  il 
faut  à  l'Européen  des  maisons  bien  bâties  et  aérées  ;  il  lui  faut  de 
l'eau  pure  et  de  la  nourriture  de  choix  ;  il  doit  faire  usage  de  moyens 
artificiels  pour  se  procurer  de  la  fraîcheur,  et  de  plus,  il  faut  qu'il 
se  mette  le  plus  possible  à  l'abri  de  la  piqftre  des  moustiques,  ce 
fléau  des  pays  chauds. 


40  ÉTUDES  COLONIALES 


Le  luxe  dans  l'habitation  n'est  pas  un  excès  dans  ces  pays  ;  luxe 
y  est  synonyme  de  confort.  Et  celui  qui  fournit  réellement  du  tra- 
vail là -bas  n'est  pas  le  jeune  fou  qui  court  sans  casque,  boit  Teau 
qu'il  trouve  sans  se  soucier  de  sa  qualité,  s'enivre,  se  couche  sans 
moustiquaire,  et  meurt  inévitablement  au  bout  d'un  court  séjour; 
le  vrai  producteur  est  le  vieux  colonial,  entouré  de  son  luxe  de 
domestiques,  soigneux  de  sa  personne,  de  ses  aliments,  de  son 
logement,  qui  résiste  aux  influences  malsaines  et  seul,  est  à  même 
de  travailler  avec  succès. 

Les  gouvernements  n'attachent  pas,  dit  notre  auteur,  une  impor- 
tance suffisante  aux  questions  de  l'amélioration  sanitaire  de  leurs 
colonies;  le  peuple,  non  plus,  n'accorde  pas  aux  recherches 
patientes  (et  souvent  dangereuses,  parfois  même  mortelle  pour  eux) 
des  sav^ints,  toute  l'attention  qu'elles  méritent.  C'est  ainsi  qu'il  y 
a  cinquante  ans,  on  découvrit  l'ankylostome  duodénal,  parasite  qui 
cause  une  mortalité  efirayante  parmi  les  gens  de  couleur,  et 
cependant,  c'est  à  peine  si  la  maladie  qu'il  cause  est  signalée  dans 
les  statistiques  de  mortalité.  11  y  a  quelques  années,  Giles  décou- 
vrit le  mode  d'entrée  de  l'ankylostome  dans  le  corps  humain  ;  mais 
depuis  lors  plus  rien  n'a  été  tenté. 

Autre  exemple  :  il  y  a  quelque  temps  un  parasite  fut  découvert 
qu'on  accusa  de  provoquer  la  dysenterie,  ce  second  fléau  des  tro- 
piques, qui  ne  le  cède  qu'à  la  malaria  en  gravité  et  pour  le  nombre 
des  victimes.  Depuis,  plus  rien,  et  le  parasite  découvert  par 
Cunningham  semble  oublié. 

Voilà  trente  ans  que  Manson  a  affirmé  la  transmission  de 
l'elephantiasis  par  les  moustiques  et  la  question  n'a  plus  fait 
depuis  un  seul  pas  en  avant. 

Et  cependant  les  statistiques  ofBcielles  sont  là  qui  afflrment 
que  dans  ces  quinze  dernières  années,  rien  qu'aux  Indes,  la 
malaria  a  tué  septante  millions  d'individus. 

Comme  le  dit  fort  bien  le D'Ross,  c'aurait  été  une  véritable  honte 
pour  les  gouvernements  d'attendre  plus  longtemps  pour  réunir 
tous  leurs  efforts  dans  le  but  de  conjurer  le  mal,  et  c  est  avec  joie 
que  l'on  peut  constater  que  partout  le  mouvement  est  donné  et 
qu'on  accorde  enfin  autant  d'importance  aux  questions  d'hygiène 
et  d'études  scientifiques  qu'à  l'exploitation  commerciale;  car  ce 


L'EXPiDITION   SCIENTIFIQUE  ANGLAISE  41 


serait  une  aberration  que  de  croire  que  cette  dernière  n'est  pas 
intimement  liée  aux  progrès  de  celles-là.  Et  nous  avons  le  droit, 
nous  Belges,  d'être  légitimement  fiers  de  ce  que  notre  petit  pays, 
dernier  venu  à  la  vie  coloniale,  a  été  un  des  premiers  à  prendre 
finitiative  d'études,  d'expéditions  et  d'institutions  scientifiques  qui 
permettront  enfin,  nous  n'en  doutons  pas,  dans  un  avenir  plus  ou 
moins  rapproché,  la  conquête  réelle,  efiective  et  non  meurtrière 
des  immenses,  riches  et  fertiles  régions  équatoriales. 

D'  Dryepondt. 


4â  *  ÉTUDES  COLONIALES 


LA  QUESTION  DES  CABLES 

Les  événements  récents  dont  TAfrique  australe  a  été  le  théâtre 
ont  mis  en  lumière  la  prépondérance  acquise  par  la  Grande-Bre- 
tagne en  ce  qui  concerne  les  communications  par  câbles  télégra- 
phiques maritimes  dans  le  monde  entier.  En  cas  de  grande  guerre 
maritime,  non  seulement  l'Angleterre  possède  des  dépôts  de 
charbon,  des  ports  de  radoub,  des  situations  stratégiques  de 
premier  ordre  dans  toutes  les  parties  du  globe,  mais  encore  elle 
aurait  l'immense  avantage  de  la  puissance  qui  «  sait  »  contre  des 
antagonistes  qui  en  seraient  réduits  à  deviner  les  circonstances  et 
les  points  de  fait.  Une  fois  de  plus  la  part  du  gouvernement  anglais 
est  peu  de  chose  dans  ce  monopole  exercé  par  la  nation  britannique; 
il  est  presque  tout  entier  aux  mains  des  particuliers  groupés  en 
puissants  syndicats  financiers. 

Le  gouvernement  de  la  Grande-Bretagne  ne  possède  en  propre 
que  3,679  kilomètres  de  câbles,  dont  2,102  kilomètres  sont  affectés 
aux  services  côtiers,  baies,  estuaires,  îles  voisines,  et  1,777  kilo- 
mètres au  trafic  dit  international  avec  les  pays  d'Europe  immédia- 
tement voisins,  comme  la  France,  la  Belgique,  les  Pays-Bas,  l'Alle- 
magne. Ces  câbles  sont  pour  la  plupart  possédés  par  moitié  par 
l'Angleterre  et  par  les  pays  où  ils  atterrissent,  et  sont  entretenus 
décompte  à  demi  par  les  deux  pays  intéressés. 

Mais,  si  la  Grande-Bretagne  ne  possède  que  quelques  câbles 
servant  aux  relations  européennes  immédiates,  par  contre,  Londres 
est  le  siège  de  nombreuses  et  puissantes  compagnies  qui  possèdent 
et  exploitent  sous  le  contrôle  britannique,  un  réseau  sous  marin 
immense  de  beaucoup  supérieur  à  l'ensemble  de  tous  les  autres. 
La  situation  générale  se  résume  comme  suit: 

Nombre  total  de  compagnies  privées  :  31  —  20  anglaises. 

Nombre  total  des  câbles  exploités:  330  —  241  anglais. 

Longueur  totale  des  câbles:  280,030  kil  —  193,887  anglais. 

En  un  mot,  70  p.  c.  des  câbles  en  nombre  et  en  longueur  sont 
sous  le  contrôle  britannique. 

Si  on  remarque  que  les  compagnies  anglaises  étendent  leur 


LA  QUESTION   DES  CiVBLES  43 


réseau  partout  où  il  y  un  intérêt  anglais  à  sauvegarder,  on  verra 
que  le  monde  entier  est  tributaire  de  ces  compagnies. 

Cette  situation  a  été  longuement  commentée  dans  les  derniers 
temps  dans  les  cercles  coloniaux  français  et  allemands.  Les  par- 
lements français  et  allemand  en  ont  été  incidemment  saisis.  D'après 
le  Mémorial  diplomatique,  le  gouvernement  allemand  se  propose 
de  demander  au  Reichstag  des  crédits  spéciaux  pour  subventionner 
la  compagnie  des  câbles  allemands  actuellement  existante.  Les 
crédits  sollicités  tendent  à  encourager  et  à  appu\er  la  création 
d'un  vaste  réseau  de  câbles  au  service  des  intérêts  économiques 
et  politiques  de  l'Empire. 

Des  incidents  caractéristiques  démontrent  l'énorme  importance 
politique  du  monopole  anglais  en  ces  matières.  C'est  ainsi  qu'à 
l'époque  de  l'expédition  de  l'amiral  Courbet,  l'Angleterre  connut 
avant  le  gouvernement  français  toutes  les  dépêches  télégraphiques 
du  corps  d'expédition  français.  A  la  mort  du  dernier  sultan  du 
Maroc,  toutes  communications  télégraphiques  furent  coupées  pen- 
dant les  vingt-quatre  heures  nécessaires  au  gouvernement  anglais 
pour  prendre  les  mesures  que  comportait  celte  circonstance. 
D'autres  exemples,  fort  nombreux,  pourraient  être  donnés. 

En  France  surtout  cette  situation,  que  les  circonstances  pré- 
sentes mettent  en  évidence  avec  tant  de  clarté,  produit  un  agace- 
ment et  un  désir  d'affranchissement  bien  naturels. 

De  nombreux  articles  viennent  de  paraître  sur  la  question,  met- 
tant en  relief  la  sujétion  des  colonies  françaises  au  réseau  britan- 
nique. 

Ainsi  la  France  possède  un  câble  qui  relie  l'île  de  Ténériffe 
(Canaries)  à  Sjaint-Louis  du  Sénégal.  Mais  pour  que  la  Métropole 
puisse  s'en  servir,  il  faut  qu'elle  emprunte  des  câbles  anglais  entre 
l'Europe  et  les  Canaries. 

La  France  possède  également  un  câble  entre  Majunga  (Madagas- 
car) et  Mozambique  (côte  de  l'Afrique  portugaise),  et  de  nou- 
veau, pour  atteindre  Mozambique,  il  faut  emprunter  des  lignes 
anglaises. 

La  France  possède  encore  un  petit  câble  de  87  kilomètres  posé 
en  1896,  entre  Obock  et  Djibouti;  là  aussi  il  lui  faut  passer  par  les 
lignes  anglaises  afin  de  se  relier  à  Périm  et  à  Aden. 


44  ÉTUDES  COLONIALES 


Saigon  est  relié  à  Haïpbong,  mais  la  Métropole,  pour  atteindre 
Saigon,  doit  emprunter  les  câbles  anglais. 

Enfin,  un  câble  de  1,468  kilomètres,  posé  en  4893,  parla  Com- 
pagnie française,  relie  «  Mon  Repos  »  (Queensland)  à  Téoudié 
(Nouvelle  Calédonie),  mais  pour  atteindre  le  Queensland,  il  faut 
forcément  emprunter  les  fils  anglais  qui  relient  les  Indes  à 
l'Australie. 

La  Chambre  française  est  saisie  d'un  projet  de  résolution  invitant 
le  gouvernement  à  étudier  sans  délai  la  question  de  l'établissement 
de  câbles  français.  Il  y  a  quelque  temps  déjà,  M.  Siegfried  avait 
fait,  sur  cette  question  vitale,  un  très  intéressant  rapport  au  Con- 
seil du  commerce  extérieur.  Il  y  montrait  qu'en  4871,  avec 
37,000  kilomètres  de  câbles,  l'Angleterre  faisait  avec  ses  colonies 
un  commerce  de  2,835  millions  de  francs  et  en  4894,  avec 
276,000  kilomètres  de  câbles,  un  commerce  de  6,424  millions 
de  francs. 

Il  faudrait  à  la  France  une  ligne  sur  l'Afrique  occidentale,  et 
une  autre  sur  l'Océan  indien  bifurquant  à  Djibouti  pour  aller  vers 
le  Sud  à  Madagascar  et  vers  l'Est  en  Indo-Chine*  M.  Siegfried  a 
calculé  ce  que  coûterait  ce  réseau.  Pour  la  côte  occidentale 
d'Afrique  il  faudrait  20  millions.  Pour  la  ligne  de  Marseille  à 
Madagascar  par  Djibouti  45  millions.  Enfin  pour  l'embranchement 
de  Djibouti  à  Tlndo-Chine  30  millions,  soit  en  tout  95  millions. 

Des  articles  remarquables  ont  paru  dans  la  Revue  des  Deux 
Mondes,  dans  la  Revue  des  questions  diplomatiques  et  coloniales,  dans 
Le  Temps;  dans  l'Economiste  français,  M.  Pierre  Leroy  Beaulieu 
traite  la  question  avec  autorité.  Résumons  les  détails  donnés  sur  le 
réseau  de  câbles  anglais .  Il  est  presque  exclusivement  la  propriété 
de  ÏEastern  Telegraph  Company  qui  s'est  d'ailleurs  affilié  la  plupart 
des  autres  compagnies  anglaises,  assurant  ainsi  à  l'œuvre  télégra- 
fique  de  l'Angleterre  une  unité  de  conception,  de  direction  et 
d'exécution  incomparable. 

VEastern  T.  C.  s'est  formée  en  juin  1872  et,  aujourd'hui,  au 
bout  de  vingt-sept  ans,  son  réseau  sous-marin  particulier  com- 
porte un  développement  de  30,000  milles  de  câbles  dont  voici  à 
peu  près  le  détail. 

Trois  câbles  partent  de  Penzance,  à  la  pointe  de  Cornouailles  ; 


LA  QUESTION   DES  CABLES  45 


deux  atterrissent  directement  à  Carcavello  près  de  Lisbonne,  le 
troisième  n'atterrit  à  ce  même  point  qu'après  avoir  touciié  Vigo. 
De  Carcavello,  VEastem  continue  sa  route  par  un  double  câble, 
touchant  Gibraltar,  puis  Malte,  d'où  elle  envoie  des  rameaux  sur 
Bône  (deux  câbles),  sur  Tripoli,  sur  la  Sicile,  sur  Zante,  Corfou  et 
Trieste. 

De  Malte,  elle  gagne,  toujours  par  une  double  ligne,  Alexandrie 
d'où  elle  rayonne  encore  sur  Chypre,  Candie,  Rhodes,  Zante,  le 
Pirée,  Chio,  Ténédos,  Lemnos,  Salonique.  Elle  passe  d'Alexandrie 
à  Port-Saïd,  traverse  le  canal  de  Suez,  et,  à  Suez,  s'épanouit  en 
quatre  câbles .  Deux  sont  directs,  de  Suez  à  Aden;  deux  autres 
atterrissent  à  Souakim,  Périm  et  Aden.  De  Pèrim,  deux  branches 
se  dirigent  l'une  au  Nord  sur  Assab  et  Massaouah,  et  l'autre  sur 
notre  colonie  d'Obock.  La  ligne  vient  aboutir  à  Bombay,  qui  est 
relié  à  Aden  par  trois  câbles. 

Autour  de  VEastem  et  la  complétant  se  groupent  les  compagnies 
affiliés.  Ce  sont  :  VEastem  Extension  Australasia  and  China  T.  C., 
YEastern  and  South  African  T.  C,  la  West  African  T.  C.  VAfrican 
Direct  Company,  la  Black  Sea  T.  C,  la  Brazilian  Submarine  Com- 
pany, la  Western  and  Brazilian  T.  C,  etc. 

VEastem  Extension  développe  près  de  20,000  milles  de  câbles. 
Son  domaine  est  l'Extrême-Orient  et  l'Australie.  Deux  câbles  font 
communiquer  Madras  et  Pcnang.  De  Penang,  après  avoir  détaché 
un  rameau  sur  Sumatra,  le  câble  file  sur  Singapour  en  deux 
branches,  l'une  directe,  l'autre  indirecte  touchant  à  Malacca.  A 
Singapour  la  ligne  se  scinde.  1**  Un  câble  se  détache  de  Batavia, 
tandis  qu'un  autre  va  sur  Banjœwangie  à  l'extrémité  Est  de  Java. 
De  Banjœwangie  deux  bnmches  vont  toucher  l'Australie  à  Port- 
Darwin  et  à  Rockbuck-Bay;  2**  Un  second  câble  atteint  le  cap 
Saint-Jacques  en  avant  de  Saigon  et  de  là  repart  pour  Hongkong. 
Il  y  a  également  un  câble  direct  de  Singapour  à  Hongkong,  avec 
un  seul  point  d'atterrissement  à  Bornéo.  Hongkong  envoie  un 
câble  au  cap  Bolinao,  aux  Philippines  et  un  autre  jusqu'à  Woo- 
sung  et  Shanghaï  avec  arrêt  à  Sharp  Peak.  UEasteim  Exte^ision 
relie  en  outre  par  deux  câbles  Sydney  à  la  Nouvelle  Zèlande. 

VEastem  and  South  African  T.  C.  s'est  partagé  l'Afrique  avec 
la  West  African  T.  C.  et  VAfrican  Direct  T.  C.  VEastem  and 


46  ÉTUDES   COLONIALES 


South  Africari  se  greffe  sur  ÏEastnti  à  Aden,  d'où  elle  descend 
sur  Zanzibar.  De  ce  point  un  câble  gagne  les  Seychelles  et  Mau- 
rice, un  autre  Mombassa.  La  ligne  poursuit  sa  route  au  Sud,  tou- 
chant à  Mozambique,  Lourenço-Marquez  et  Durban.  Sur  la  côte 
Ouest,  elle  relie  encore  Gapetown  à  Mossamédès,  Benguéla  et 
Saint-Paul  de  Loanda. 

C'est  dans  cette  dernière  ville  que  se  soude  à  ÏEastern  and 
South  African  le  câble  de  la  West  African,  qui  remonte  sur  San- 
Thomé  (embranchement  sur  Libreville,  l'île  du  Prince  et  Bonny) 
Kotonou,  Accra,  Grand-Bassam.  La  ligne  s'ii>terrompt  sur  ce 
point,  mais  pour  reprendre  plus  loin  et  desservir  Sierra-Leone, 
Gonakry,  Bolama,  Bathurst  et  Dakar. 

Quant  à  ï African  Direct,  elle  se  dirige  à  Saint- Vincent  du  Cap- 
Vert  sur  Bathurst,  Sierra-Leone,  Accra,  Lagos,  Brass  et  Bonny, 
doublant  ainsi  une  partie  du  trajet  de  la  West  African. 

La  Brazilian  Sub  marine  T.  C.  fait  comniuniquer  l'Europe  avec 
rAmcrique  dii  Sud.  Elie  comprend  deux  câbles  de  Lisbonne  à 
Madère,  Saint-Vincent  du  Cap- Vert  et  Pernambouc. 

De  Pernambouc,  la  Western  and  Brazilian  T.  C  envoie  des 
câbles  au  Nord  et  au  Sud.  Au  Nord,  elle  aboutit  à  Para,  par 
Ceara  et  Maranham.  Au  Sud,  elle  dessert  Bahia,  Rio-de-Janeiro, 
Santos,  Chuy,  Montevideo.  De  Santos,  une  seconde  ligne  dessert 
Santa-Catarina,  Rio-Grande-do-Sul,  Chuy,  Maldonado  et  Monte- 
video. 

Une  petite  compagnie  affiliée,  la  River  Plate  T.  C,  traverse  le 
Rio  de  la  Plata,  mettant  en  communication  Montevideo  et  Buenos- 
Ayres. 

Du  côté  de  l'Amérique  du  Nord,  des  câbles  transatlantiques 
relient  l'Angleterre  au  Canada  et  aux  Etats-Unis.  Plus  bas,  vers 
l'Amérique  du  Sud,  trois  lignes  anglaises  traversent  l'Atlantique 
et  rattachent  le  Brésil  au  Portugal,  à  l'Espagne  et  par  leurs  pro- 
longements, à  Londres  même  ;  d'autres  lignes  anglaises  s'étendent 
du  Nord  au  Sud,  le  long  du  Pacifique;  d'autres  encore  envelop- 
pent toutes  les  Antilles  et  l'Amérique  centrale,  et  complètent  ce 
premier  réseau  qui  met  l'Amérique  entière  à  quelques  secondes  de 
Londres.  La  côte  Ouest  de  l'Amérique  latine  est  exploitée  par 
deux  compagnies  :  1*"  la  West  Coast  of  America,  T. C,  qui  va  dé 


D^.  QUESTION    Q.ES  CABLES  47 


•Yalparaiso  à  Chorillos  et  Callas,  par  la  Serena,  Huasco,  Caldera, 
Antofogasla,  Iquique,  Arica  et  Mollendo;  S""  la  Central  and  South 
American  T.  C.  qui  relie  Valparaiso,  Iquique,  Chorillos  Payta, 
Santa  Elena,  Buenaventura,  San-Pedro,  Gonzalez  San-Juan-del- 
Sur,  la  Libertad  et  Santa  Cruz. 

Au  grand  réseau  homogène  anglais  il  faut  ajouter  encore  : 

i.  La  Mexican,  T.  C,  qui  lait  communiquer  les  États-Unis  et 
le  Mexique  par  les  câbles  Galveston-Coatzacoalcos  et  Galveston, 
Tampico,  la  Vera  Cruz. 

2.  La  West  India  and  Panama,  T.  C,  qui  rayonne  dans  toutes  les 
Antilles,  sauf  à  Cuba,  desservi  par  la  Cuba  Submarine,  T.  C, 
laquelle  tend  un  câble  de  Batabane  à  Cienfuegos  et  Santiago.  La 
West  India  détache  de  la  Jamaïque  à  HoUand  Bay  quatre  câbles. 
Le  premier  relie  ce  point  à  Colon.  Le  second  va  de  iîolland  Bay  à 
Santiago  de  Cuba.  Le  troisième  passe  à  San-Juan  de  Porto-Rico, 
San-Thomas,  San-Kitts,  Antigua,  la  Guadeloupe,  la  Dominique,  la 
Martinique,  Sainte-Lucie,  Saint- Vincent  (deux  câbles  sur  la  Bar- 
bade),  Grenade  et  la  Trinité.  La  quatrième  touche  à  Ponce  de 
Porto-Rico,  Sainte-Croix  et  la  Trinité  La  Trinité  est  reliée  à  Geor- 
getown par  deux  câbles. 

Ce  sont  des  compagnies  anglaises  également  qui  assurent  la 
communication  entre  1  Espagne  et  Ténériffe  (la  Spanish  National 
Submarine  T.  C.)  entre  Saint-Louis  du  Sénégal  et  Pernambouc  (la 
South  mencan  Cable  Company),  entre  Lisbonne  et  les  Açores 
(YEtlropean  Açores  T.  C.)  entre  Kennach  Cove  (Angleterre)  et  Bil- 
bao  (Espagne)  (la  Direct  Spanish  T,  C.)  entre  Halifax  et  Tîle  Ber- 
mude  {VHalifax  and  Bermudas  Cable  Co),  entre  la  France  et 
l'Algérie,  Bone-Marseille  \}'Eastern  T.  C),  entre  les  Etats-Unis  et 
l'Irlande  (la  Direct  United  States  Cable  Company).  Celte  dernière 
va  de  Valentia  à  Halifax  et  Hye  Beach. 

Les  communications  entre  les  Indes  et  l'Angleterre  sont  assu- 
rées également  par  r/ndo-Ettrop^w  T.  C,  qui  jette  un  câble  de 
Kurachee  à  Fao,  au  fond  du  golfe  Persique,  et,  par  un  fil  conti- 
nental à  travers  la  Perse,  la  Russie  et  l'Allemagne,  se  relie  au 
système  européen. 

Enfin  une  compagnie  anglo-américaine  ÏAnglo- American  T.  C, 
envoie  trois  câbles  de  la  Nouvelle-Ecosse  en  Irlande  (Valentia)^ 


48  ËTLDES  COLONIALES 


en  touchant  à  Terre-Neuve.  La  même  compagnie  fait  communiquer 
Duxbourg  (Etats-Unis)  avec  Saint-Pierre  et  Brest. 

Le  remède  à  cette  situation  n*est  pas  facile  à  trouver.  Ce  qui  a 
aidé  la  Grande-Bretagne  à  créer  ses  lignes  télégraphiques  mari- 
times, ce  ne  sont  ni  un  plan  systématique,  ni  une  idée  préconçue 
de  domination  universelle,  mais  bien  au  contraire  les  immenses 
intérêts  économiques,  mercantiles  et  financiers  qu'elle  possède 
partout.  Les  trois  quarts  des  lignes  télégraphiques  interocéaniques 
sont  aux  mains  de  l'Angleterre  parce  qu'elle  possède  l'Inde,  les 
plus  beaux  entrepôts  du  monde,  tels  que  Hongkong,  Shanghaï» 
Singapour,  enfin  parce  que  les  trois  cinquièmes  du  trafic  des 
transports  maritimes  appartiennent  aux  armateurs  britanniques.  Il 
y  a  des  compagnies  télégraphiques  anglaises,  parce  que  presque 
seules  elles  pourraient  assurer  des  dividendes  à  leurs  actionnaires. 

Néanmoins  le  monopole  anglais  est  menacé  par  les  lignes  télé- 
graphiques terrestres.  C'est  la  solution  que  préconise  Pierre  Leroy 
Beaulieu  en  ce  qui  concerne  les  relations  entre  la  France  et  ses 
colonies  africaines.  L'auteur  pense  qu'on  pourrait  s'en  tenir  au 
réseau  terrestre  pour  établir  une  communication  entre  Oran  et 
le  Sénégal.  En  effet  les  colonies  du  Soudan  et  du  Dahomey  sont 
reliées  depuis  l'année  dernière  dans  leur  hinterland  par  des  lignes 
terrestres  qui  remontent  le  Sénégal  jusqu'au  Niger,  rejoignant 
ensuite  le  réseau  Dahoméen.  On  pourrait  compléter  celte  ligne 
vers  le  Congo,  si  on  le  jugeait  nécessaire,  en  passant  par  le  Kame- 
run  à  la  suite  d'une  entente  avec  TAllemagne.  On  pourrait  encore 
relier  Kotonon  à  Libreville  par  un  câble.  Toutefois  une  ligne  ter- 
restre est  plus  sûre  à  raison  de  l'énorme  prépondérance  maritime 
anglaise.  Il  n'y  aurait  pas  non  plus  beaucoup  à  faire  pour  affranchir 
les  possessions  françaises  de  l'Indo-Chine  de  l'intermédiaire  des 
câbles  anglais.  Il  suffirait  pour  y  parvenir,  de  racheter  en  pre- 
mier lieu,  le  câble  de  la  Cochinchine  au  Tonkin,  posé  en  1874  par 
YEastern  Extejision  Telegraph,  et  ensuite  de  rejoindre  par  un 
câble  parti  d'Haiphong,  le  réseau  de  la  Grande  compagnie  danoise 
des  télégraphes  du  Nord.  M.  Doumer,  gouverneur  général  de 
l'Indo-Chine  a  préconisé  un  projet  qui  a  été  approuvé  par  le 
Conseil  supérieur  des  câbles;  il  comporte  :   l"*  l'immersion  d'un 


LA  QUESTION   DES  CABLES  49- 


câble  sous  marin  entre  Doson  et  la  côte  occidentale  de  la  presqu'île 
de  Lei-Tchéou  ;  2*  la  construction  d'une  ligne  terrestre  traversant 
cette  presqu'île;  3*  l'immersion  d'un  câble  sous  marin  entre 
Quang-Tchéou  et  Hong-Kong;  4""  l'immersion  d'un  câble  sous 
marin  entre  Quang-Tchéou  et  Amoy. 

Selon  M.  Leroy- Beaulieu,  la  France  pourrait  encore  essayer  de 
s'entendre  avec  l'Allemagne  pour  faire  construire,  par  une  même 
compagnie  subventionnée,  un  câble  reliant  Madagascar  à  l'Europe, 
par  la  Syrie,  Djibouti  et  l'Afrique  Orientale  allemande.  On  parta- 
gerait ainsi  la  dépense  et  l'on  augmenterait  fort  la  recette.  Les 
relations  avec  l'Extrême-Orient  seront  d'autre  part  assurées  dès 
que  le  Transsibérien  sera  achevé.  Cela  aussi  est  de  nature  à  forte- 
ment modifier  la  situation  actuelle. 

J.    PLAS. 


50  É1UDES  GOLONIAtKS 


Chronique 


Les  Volcans  de  l'Afrique  Centrale.  —  Deux  anglais,  MM.  Arthur 
Sharp  et  E.  Grogan,  dont  le  premier  vient  de  rentrer  en  Angle- 
terre, ont  fait  d'intéressantes  observations  sur  le  lac  Kivu  et  les 
volcans  qui  se  trouvent  dans  son  voisinage.  Les  deux  voyageurs 
dont  l'expédition  avait  à  la  fois  pour  but  la  chasse  et  l'exploration 
de  nouvelles  régions,  partirent  de  Chinde  en  octobre  1898; 
remontèrent  le  Chiré  et  traversèrent  le  lac  Nyassa  pour  arriver  par 
la  route  Stevenson  au  sud  du  Tanganyka.  On  peut  considérer  Ujiji 
comme  le  point  de  départ  de  la  partie  de  leur  voyage  qui  s'est 
déroulée  à  travers  des  régions  relativement  inconnues. 

Le  lac  Kivu  se  déverse  dans  le  lac  Tanganyka,  par  la  rivière 
Rusisi.  MM.  Sharp  et  Grogan  croyaient  être  les  premiers  qui 
eussent  suivi  et  relevé  ce  cours  d'eau.  Mais,  quand  ils  arrivèrent  au 
lac  Kivu,  ils  constatèrent  qu'ils  avaient  été  devancés  par  un  explo- 
rateur allemand,  le  D*^  Kandt,  qui,  depuis  trois  ans,  parcourait  les 
rives  du  lac,  explorant  la  contrée,  la  relevant  topographiquement 
et  étudiant  sa  géologie,  sa  faune  et  sa  flore  d'une  manière  aussi 
approfondie  que  consciencieuse.  Le  D'^  Kandt  avait  fait  tout  le  tour 
du  lac  en  procédant  à  chaque  minute  à  des  relevés  topographiques 
et  le  résultat  de  ses  observations  fut  que  la  forme  du  lac  diffère  du 
tout  au  tout  de  celle  qui  lui  est  assignée  actuellement.  Gela  n'est 
d'ailleurs  pas  surprenant,  car  le  seul  explorateur  qui  ait  aperçu  le 
lac  avant  le  D'  Kandt,  le  comte  von  Gôtzen,  n'en  a  vu  qu'une 
étendue  de  quelques  milles  au  nord-ouest.  Le  lac  est,  d'après 
M.  Sharp,  extrêmement  profond;  il  est  entouré  de  hautes  mon- 
tagnes escarpées,  entrecoupées  en  tous  sens  de  cratères  volca- 
niques éteints  ;  la  surface  de  ses  eaux  est  parsemée  d'un  grand 
nombre  d'îles.  L'eau  du  lac  est  saumâtre  et  désagréable  au  goût; 
elle  contient  une  grande  quantité  de  poissons  qui  diftèrent  consi- 
dérablement de  ceux  qui  vivent  dans  le  lac  Tanganyka. 

Le  trait  le  plus  remarquable  de  la  région  du  Kivu  est  formé  par 


CHRONIQUE  51 


les  volcans  qui  se  trouveut  à  quelque  distance  du  lac  dans  la  direc- 
tion du  Nord.  Trois  grandes  montagnes  volcaniques  se  dressent 
sur  le  plateau  élevé  que  l'on  rencontre  en  cet  endroit.  L  une  d  elles 
possède  deux  cratères  doués  d  une  activité  plus  ou  moins  grande. 
L  un  de  ces  cratères  est  visiblement  actif  et,  au  dire  des  indigènes, 
il  fut  violemment  en  éruption  il  y  a  trois  ans.  Quoi  qu'il  en  soit, 
tout  le  pays  est  couvert  de  lave  et  MM.  Sharp  et  Grogan  le 
décrivent  comme  la  contrée  la  plus  horrible  et  la  moins  facile  à 
traverser  qu'ils  aient  jamais  rencontrée.  C'est  un  amalgame  de  lave 
désagrégée,  de  collines  impraticables  et  d'impénétrables  taillis. 
Ces  derniers  fourmillent  d'éléphants  qu'il  est  impossible  d'appro- 
cher. M.  Sharp  constate  aussi  que  le  mont  Mfumbiro,  qui  a  joué 
un  certain  rôle  dans  le  traité  de  délimitation  des  frontières  entre 
l'Angleterre  et  l'Allemagne,  n'existe  pas. 

Après  être  restés  un  certain  temps  au  lac  Kivu,  les  voyageurs  se 
mirent  en  route  pour  le  lac  Albert- Edouard  à  travers  une  contrée 
qui  présentait  à  leur  marche  les  plus  grandes  difficultés.  Ils  con- 
statèrent que  la  rive  orientale  du  lac  Albert-Edouard  est  dessinée 
sur  nos  cartes  d'une  manière  complètement  erronée.  L'ancien  lit 
du  lac  s'étend  à  une  grande  distance  à  l'est  de  la  rive  actuelle  et  a, 
en  général,  l'apparence  d'un  marais  à  l'extrême  limite  duquel 
M.  Sharp  constata  la  présence  de  nombreux  jets  de  vapeur  qu'il 
appelle  «  geysers  bouillonnants  »  (bubbling  geysers).  Arrivés  à 
Toro.  sur  la  côte  orientale  du  lac  Albert-Edouard,  les  voyageurs 
se  trouvèrent  en  territoire  britannique.  Ils  se  quittèrent  en  cet 
endroit  :  M.  Sharp  retournant  en  Angleterre  et  M.  Grogan  conti- 
nuant sa  route  vers  le  Caire  en  descendant  le  Nil.  Nous  devrons 
attendre  le  retour  de  M.  Grogan,  qui  est  porteur  des  cartes 
dressées  par  les  explorateurs,  pour  avoir  une  relation  complète 
des  résultats  de  cette  intéressante  expédition  mais,  par  ce  qui  vient 
d'être  dit,  on  peut  juger  de  l'intérêt  qu'offre  aux  esprits  observa- 
teurs la  région  volcanique  de  l'Afrique  centrale. 

L'Expédition  Mackinder  au  Mont  Kénia.  —  M.  Mackinder  qui 
avait  quitté  l'Angleterre  au  mois  de  juin  dernier  en  compagnie  de 
deux  guides  suisses,  d'un  de  ses  parents  et  de  deux  spécialistes 
en  sciences  naturelles,  dans  le  but  d'effectuer  l'ascension  du  mont 


É1UDES  COLONIALES 


Kénia  et  de  s'y  livrer  à  des  observations  scientifiques,  est  rentré 
dans  son  pays  au  mois  de  novembre  dernier,  devançant  le  reste  de 
son  expédition,  après  avoir  réussi  à  atteindre  le  sommet  de  cette 
montagne.  Il  résulte  des  renseignements  que  M.  Mackinder  a 
fourni  sur  son  voyage,  qu'il  a  pris  comme  point  de  départ  Nairobi, 
où  il  avait  fait  transporter  par  le  chemin  de  fer  de  l'Uganda  son 
expédition  et  l'escorte  qu'il  avait  engagée. 

M.  Mackinder  et  ses  compagnons  se  dirigèrent  de  Nairobi  vers 
le  nord-est  et  traversèrent  une  partie  de  la  rr-gion  de  Kikuyu  qui 
est  gouvernée  par  un  grand  nombre  de  petits  chefs  indépendants. 
Le  pays  est  peuplé  et  bien  cuHivé.  L'accueil  que  les  voyageurs 
y  rencontrèrent  dépendit  de  Ihumeur  particulière  de  chaque 
chef,  mais,  en  général,  ils  eurent  à  construire  un  boma  chaque 
nuit  et  à  monter  la  garde.  Quand  ils  eurent  atteint  les  limites 
de  la  région  de  Meranga,  ils  trouvèrent  un  état  de  choses  tout 
différent. 

Cette  contrée  est  une  des  plus  intéressantes  et  des  plus  fertiles 
de  l'Alrique  orientale.  Sa  constitution  politique  diffère  entièrement 
de  celle  des  pays  voisins.  On  peut  la  décrire  comme  étant  une  sorte 
de  république.  Il  n'y  a  là  ni  chefs,  ni  rois,  et  le  gouvernement  se 
trouve  aux  mains  d'un  Sliauri  où  conseil  des  anciens  qui  sont  au 
nombre  de  cinquante  environ.  Deux  ou  trois  des  anciens  sont 
reconnus  comme  chefs.  Aussitôt  que  l'exp'^dilion  eut  pt^nétrédans 
le  Meranga,  un  Shauri  fut  tenu  el  il  fut  décidé  qu'on  lui  accorde- 
rait toute  assistance.  La  nourriture  était  abondante  et  facile  à 
acheter.  En  fait,  toute  la  contrée  était  cultivée.  On  y  voyait  de 
grandes  plantations  de  bananiers;  des  centaines  d'acres  rtaient 
couverts  de  maïs,  de  patates  douces  et  de  pois  et  la  canne  à  sucre 
s'y  trouvait  en  abondance.  Malheureusement,  la  pluie  tomba  à 
torrents  pendant  que  l'expédition  traversait  ce  riche  pays;  toutefois 
les  routes  étaient  bonnes.  A  certains  endroits,  elles  étaient  coupées 
de  barrières  et  avsiient  l'apparence  de  drèves  anglaises  qu'on 
aurait  ornées  de  plantes  et  de  fleurs  tropicales.  Deux  des  anciens 
accompagnèrent  l'expédition  jusqu'à  la  rivière  qui  forme  la  fron- 
tière nord-est  du  Meranga.  Au  delà  de  ce  cours  d'eau,  s'étendait  le 
pays  de  Wagombe,  chef  que  les  habitants  de  Meranga  craignaient 
beaucoup,  Les  deux  anciens  refusèrent  absolument  de  s'y  aventu- 


CHRONIQDE  53 


Ter  et  même  de  fournir  des  subsistances  à  l'expédition  après 
qu'elle  eut  traversé  la  rivière.  Wagombe  ne  voulut  pas  d'abord 
entrer  en  rapports  avec  l'expédition  ;  mais  ensuite  il  modifia  son 
attitude  et  consentit  à  lui  servir  de  guide  vers  la  rivière  Sagana  et 
à  fournir  au  camp  qui  devait  y  être  établi  les  provisions  néces- 
saires. Une  épaisse  ceinture  de  forêts  sépare  le  pays  de  Wagombe 
des  plaines  herbeuses  et  découvertes  de  Leikipai. 

Quand  les  forètslfurent  traversées  et  qu'on  fût  arrivé  à  la  rivière 
Sagana,  M.  Mackinder  demanda  au  clief  quand  les  provisions  qu'il 
avait  promises  arriveraient,  11  répondit  qu'il  n'avait  pas  l'inlention 
de  lui  donner  la  moindre  nourriture.  M.  Mackinder  lui  répliqua 
alors  que  lorsqu'un  blanc  fait  une  promesse  il  la  lient,  et  que 
puisqu'il  avait  fait  une  promesse  à  un  blanc,  il  devait  la  tenir  aussi. 
Il  ajouta  qu'il  le  reliendrail  prisonnier  jusqu'à  ce  que  les  provi- 
sions eussent  été  fournies.  Celte  mesure  ébit  nécessaire  en 
présence  de  l'absence  complète  de  vivres  dans  la  contrée  qui 
entoure  le  Mont  Kénia. 

Après  avoir  établi  un  camp  permanent  près  des  rives  de  la 
Sagana,  M.  Mackinder  partit  avec  les  deux  guides,  les  deux  natu- 
ralistes et  un  certain  nombre  de  poiteurs  pour  établir  une  instal- 
lation temporaire  au  dessus  de  la  rangée  de  forêts  qui  se  trouve  sur 
les  pentes  du  Mont-Kénia,  laissant  son  parent  et  l'interprète  indi- 
gène à  la  tête  du  camp  principal.  Les  'guides  suisses,  qui  étaient 
d'excellents  agents  forestiers,  marchaient  en  tête,  armés  de  haches, 
et  une  partie  de  l'escorte  les  suivait  en  maniant  de  grands  cou- 
teaux. En  suivant  des  sentiers  d'éléphants,  partout  où  ils  étaient 
praticables,  ils  traversèrent  les  forêts  en  un  seul  jour  alors  qu'il 
en  avait  fallu  trois  précédemment  au  comte  Teleki  et  à  M.  Gregory. 
Un  camp  fut  établi  à  10,000  pieds  d'altitude.  De  là,  M.  Gregory  et 
les  deux  guides  suisses,  accompagnés  de  douze  indigènes,  pous- 
sèrent jusqu'à  une  altitude  de  11,500  pieds  où  un  second  camp  fut 
Installé.  Bien  qu'au-dessous  du  sol  la  terre  fût  humide  et  tour- 
beuse, une  longue  absence  de  pluie  en  avait  desséché  la  surface  et 
une  allumette,  tombée  par  hasard,  mit  le  feu  aux  herbes.  L'incendie 
s'étendit  avec  une  rapidité  extraordinaire  et  menaça  d'atteindre  la 
vallée  de  Hôhnel,  ainsi  appelée  par  M.  Gregory.  Après  deux  heures 
de  ravages,  l'élément  destracteur  s'arrêta  dans  cette  direction  mais 


5i  ÉTUDES  COLONIALES 


il  s*étendit  au  nord  et  au  sud  le  long  du  flanc  de  la  montagne 
jusqu'à  une  altitude  d  environ  12,000  pieds  et  fut  aperçu  distincte- 
ment de  Nairobi,  distant  de  80  milles  au  sud-ouest. 

Un  messager  arriva  alors  au  deuxième  camp  pour  informer 
l'explorateur  que  Wagombe  faisait  de  nouvelles  difficultés  et 
refusait  de  fournir  d'autres  aliments,  ce  qui  obligea  M.  Mackinder 
à  envoyer  des  hommes  au  lac  Naivasha  pour  en  demander  à 
l'administrateur  de  cette  localité.  L'affaire  étant  ainsi  arrangée, 
M.  Mackinder  retourna  au  Mont-Kénia  et  vit  que  les  guides  suisses 
avaient  réussi  à  établir  un  nouveau  camp  à  i3,000  pieds  d'altitude, 
c'est-à-dire  à  peu  de  distance  des  glaciers.  Il  décida  alors  de  faire 
sans  tarder  une  tentative  pour  atteindre  le  moins  élevé  des  deux 
pics  qui  forment  la  cime  de  la  montagne.  On  convint  de 
traverser  le  glacier  Lewis  et  d'essayer  d'escalader  l'arrête 
escarpée  qui  devait,  dans  la  pensée  des  explorateurs,  leur  per- 
mettre d'atteindre  le  sommet.  Le  glacier  fut  traversé  sans 
encombre  mais  quand  ils  arrivèrent  près  de  l'arrête,  ils  consta- 
tèrent quelle  offrait  beaucoup  plus  de  difficultés  qu'ils  ne  s'y 
attendaient.  Après  une  longue  et  laborieuse  montée,  ils  furent 
surpris  par  l'obscurité  avant  d'être  arrivés  au  but,  et  ils  furent 
forcés  de  passer  la  nuit  dans  une  situation  assez  périlleuse,  à 
15,000  pieds  de  hauteur,  lis  s'attachèrent  aux  rochers  au  moyen 
de  cordes  et,  douze  heures  plus  tard,  ils  purent  reprendre  leur 
tentative.  Mais  bientôt  ils  se  butèrent  contre  une  muraille  à  peu 
près  verticale  de  60  pieds  de  hauteur  et  ils  furent  obligés 
de  redescendre  sans  avoir  atteint  leur  but. 

Après  cette  tentative  infructueuse,  M.  Mackinder  retourna  au 
camp  principal  près  de  la  Sagana  pour  attendre  le  retour  de  la 
caravane  envoyée  à  Naivasha.  Celle-ci  tardait  à  venir  et  comme  les 
vivres  commençaient  à  devenir  rare?,  il  se  disposait  à  se  rendre 
lui-même  à  Naivasha,  quand  les  porteurs  apparurent,  accompagnés 
du  commissaire  de  cette  localité.  Il  fut  décidé  alors  que  le  gros  de 
la  troupe  retournerait  avec  ce  dernier  et  que  M.  Mackinder  ferait 
avec  les  deux  guides  et  quelques  porteurs  un  nouvel  essai  pour 
escalader  la  montagne. 

M.  Mackinder  partit  du  camp  situé  à  13,000  pieds  d'altitude,  le 
H  septembre  dernier,  accompagné  par  les  deux  guides  et  laissant 


CHRONIQUE  55 


en  arrière  les  deux  naturalistes  et  les  porteurs.  lis  avaient  avec 
eux  une  tente  de  montagne  et  ils  passèrent  ia  nuit  à  leur  ancien 
campement  mais  dans  de  bien  meilleures  conditions.  Le 
lendemain  ils  se  mirent  en  route  de  très  bonne  heure.  Ils  jugèrent 
qu'il  fallait  traverser  deux  glaciers  dont  la  glace  était  extrêmement 
dure  Des  centaines  de  marches  ;durent  être  creusées,  et  on  peut 
se  faire  une  idée  des  difficultés  qu'ils  rencontrèrent,  en  songeant 
qu'un  glacier,  que  les  guides  croyaient  pouvoir  traverser  en  vingt 
minutes,  réclama,  en  réalité,  trois  heures  d'efforts.  Fort  heureuse- 
ment, ce  glacier  fut  la  dernière  diflficulté  sérieuse  qu'ils  eurent  à 
vaincre  et  une  heure  après  qu'ils  l'eurent  franchi,  ils  atteignirent 
le  sommet  même  de  la  montagne.  C'était  le  12  septembre,  vers 
midi.  Le  temps  était  magnifique  mais  ils  ne  purent  rester  sur  la 
cime  que  pendant  une  demi-heure  au  cours  de  laquelle  M.  Mac- 
kinder  fit  des  observations  et  prit  une  ou  deux  vues.  La-  hauteur 
réelle  de  la  montagne  reste  à  fixer  mais,  en  tout  cas,  elle  est 
moins  grande  qu'on  ne  l'a  supposé;  elle  doit  être  de  plus  de 
47,000  pieds,  mais  de  moins  de  18,000.  La  descente  au  camp  de 
13,000  pieds  se  fit  sans  accident. 

Après  avoir  pris  un  jour  de  repos,  M.  Mackinder  se  mit  de 
nouveau  en  route  avec  les  deux  guides  pour  explorer  les  flancs  de 
la  montagne  au-dessous  de  la  région  des  glaciers.  Ce  voyage 
dura  trois  jours  et  comme  ils  étaient  obligés  de  porter  eux-  mêmes 
leur  nourriture  et  leurs  instruments,  ils  ne  purent  se  charger 
d'une  tente,  et  furent  obligés  de  coucher  à  la  belle  étoile.  L'explora- 
teur fit  un  grand  nombre  d'observations  qui  permettront  de  dresser 
une  carte  détaillée  de  la  montagne  et  de  son  voisinage  immédiat. 
M.  Gregory  avait  relevé  cinq  glaciers  dont  un  grand,  le  «  Glacier 
Lewis  »,  et  quatre  petits.  En  réalité,  il  y  en  a  15,  et  au  plus  grand  des 
dix  nouveaux, M  Mackinder  a  donné  le  nom  de  «  Glacier  Gregory». 

M.  Mackinder  quitta  le  Monl-Kénia  le  21  septembre.  Comme  il 
était  désireux  de  rentrer  en  Angleterre  le  plus  tôt  possible,  il 
laissa  son  expédition  en  arrière,  et  arriva  ainsi  à  Londres  le 
30  octobre  dernier,  c'est-à-dire  28  jours  après  avoir  atteint  la 
station  de  Nairobi  sur  la  ligne  du  chemin  de  fer  de  l'Uganda. 

La  Région  de  la  Bénué.  Dans  une  note  parue  dans  le  Geographical 


56  ÉTUDES  COLONIALES 


Joumaly  décembre  1899,  M.  Lich  H.  Moseley  fait  connaître  son 
opinion  sur  les  régions  arrosées  par  la  Bénué  et  ses  affluents,  qu'il 
a  eu  l'occasion  de  parcourir  pendant  sept  années.  Nous  reprodui- 
sons ci-dessous  les  conclusions  auxquelles  il  aboutit  : 
«  On  peut  diviser  ces  régions  en  deux  groupes  : 

1.  Les  plaines  élevées  s'étendant  de  la  rivière  Donga  jusqu'à 
Garua  à  lest,  et  se  trouvant  sous  la  suzeraineté  des  Fulalis 
mahométans. 

2.  Les  régions  montueuses  habitées  par  les  païens  et  s'étendant 
au  sud  et  au  sud-est  de  Ibi. 

Les. premières  sont  susceptibles  d'un  grand  avenir.  Elles  sont 
d'une  fertilité  admirable  et  débordent  de  richesses  naturelles. 
Dans  un  avenir  rapproché,  il  pourrait  s'y  faire  un  commerce 
important  en  ivoire,  gomme  arabique,  indigo,  kino,  peaux,  gutta- 
percha  -et  riz.  L'importance  de  ce  dernier  produit  est  évidente 
dans  une  contrée  où  les  habitants  se  nourrissent  de  riz. 

Les  routes  comme,  du  reste,  le  pays  sont,  à  peu  d'exceptions 
près,  sûres,  grâce  à .  l'aclivilé  incessante  de  la  Royal  Niger 
Company. 

La  race  à  laquelle  le  développement  de  ces  régions  est  dû,  est 
incontestablement  celle  des  Hausas.  Ceux-ci  sont  nés  marchands. 
Ils  vont  partout  et  font  tout  pour  Tauiour  du  commerce.  Quoique 
n'appartenant  pas  à  ces  contrées,  ils  sont,  en  beaucoup  d'endroits, 
plus  nombreux  que  les  indigènes  et  ils  deviendront,  avec  le 
temps,  la  puissance  prédominante,  car  les  Fulahs  qui  possèdent 
actuellement  le  pouvoir,  sont  une  race  en  voie  de  disparaître 
rapidement.  On  ne  se  tromperait  pas  en  appelant  les.  Hausas  les 
Parsis  de  l'Afrique.  Ils  joueront  incontestablement  un  rôle  impor- 
tant dans  le  développement  futur  de  ces  régions.  Le  climat  est 
beaucoup  plus  favorable  aux  blancs  que  dans  n'importe  quelle 
autre  partie  des  territoires  du  Niger.  Quand  le  chemin  de  fer.  sera 
arrivé  jusque  là  et  que  les  objets  de  provenance  européenne 
seront  faciles  à  se  procurer,  on  ne  pourrait  se  tromper  en  prédisant 
l'établissement  d'une  colonie  européenne. 

Les  régions  qui  se  groupent  dans  la  deuxième  division  sont 
d'une  nature  toûlement  différente.  Ce  sont  de  vastes  étendues  de 
pays  couvertes  de  collines  et  de  forêts;  de  nombreux  ruisseaux 


CHRONIQUE  .  S7 


coulent  vers  la  rivière  Kalzena  et  la  population,  composée  de 
tlifférentes  tribus  païennes,  est  clairsemi'e.  Bien  que  le  pays  soit 
couvert  d'obstacles  naturels  qui  s'opposent  à  son  développe- 
raent,  il  contient  un  grand  nombre  de  produits  précieux,  dont  les 
principaux  sont  le  caoutchouc,  l'ivoire  et  le  bois  de  construction  ; 
le  caoutchouc  se  trouve  dans  la  plupart  des  forêts.  Autour  de 
Kentu,  de  Macho  et  à  l'ouest  de  Dama  s'étendent  de  grar.des 
régions  à  caoutchouc.  On  peut  citer  parmi  les  principales  espèces 
découvertes  jusqu'à  présent  le  Ireh  (Kixia  Africanus,  Benth)  et, 
en  petitps  quantités,  le  caoutchouc  Balata.  On  trouve  beaucoup 
d'ivoire  à  D.ima.  I!  semble  que  les  troupeaux  d'éléphants,  qu'on 
chassait  autrefois  autour  de  Tebati,  se  soient  réfugiés  vers  les 
solitudes  de  Dama.  L'acajou,  le  tek  et  beaucoup  d'autres  bois  se 
rencontrent  en  abondance  mais  les  difficultés  du  transport  retar- 
deront naturellement  l'exploitation  de  ces  dernières  richesses  ». 

L'Or  dans  le  Bokhaua  Oriental.  —  Nous  extrayons  d'une 
conférence  faite  par  M.  W.  Rickmer-Rickmers,  à  la  Royal 
Geographical  Society (I)  de  Londres,  quelques  détails  intéressants 
concernant  l'or  et  l'exploitation  aurifère  dans  la  partie  orientale 
du  Bokhara.  Cette  région,  qui  est  une  des  moins  connues,  n'a  été 
visitée  pour  la  première  fois  qu'en  1882,  par  un  botaniste  russe, 
le  docteur  Regel.  Le  curieux  système  de  montagnes  qui  forme 
le  «  conglomérat  »  du  Bokhara  oriental  s'étend  entre  les  rivières 
Vaksh  el  Panj,  deux  affluents  de  l'Amu-Daria.  Ce  conglomérat  com- 
prend une  superficie  d'environ  800  milles  carrés.  Les  stratifica- 
tions en  sont  fort  nettes.  Le  docteur  Krafft  qui  accompagnait 
M.  Rickmer  les  attribue  à  la  péri«»de  tertiaire.  La  plus  grande 
épaisseur  de  la  formation  est  évaluée  à  4,000  pieds.  On  distingue 
deux  pics  élevés  dans  cette  région,  le  Hazrat-Ishan  (I3,0U0  pieds) 
et  le  Kuch-.VIanor  (10,500).  Le  spectacle  qu'offre  ce  pays  est  d'une 
sauvagerie  et  d'une  désolation  extrêmes. 

M.  Rickmer-Rickmers,  après  avoir  remonté  la  vallée  du 
Vakh-Su  qui  se  jette  dans  le  Panj,  établit  son  quartier- général 


(4)  The  Geographical  Journal,  december  1890. 


S8  ÉTUDES  COLONIALES 


près  du  Safet-Darya  (rivière  blanche),  un  des   tributaires  du" 
Vakh-Su.  C'est  en  parcourant  ce  pays  que  le  voyageur  eut  l'occa- 
sion de  faire,  au  sujet  de  l'or  et  de  son  exploitation,  les  intéressantes 
observations  qui  suivent  : 

«  On  extrait  le  précieux  métal  de  cette  région  depuis  des 
siècles,  comme  le  prouvent  les  anciens  tas  de  débris  situés 
à  des  niveaux  supérieurs  à  ceux  que  fréquentent  actuellement 
les  indigènes  qui  ne  travaillent  que  près  de  la  rivière.  La 
légende  rattache  ces  vestiges  d'anciennes  exploitations  à  Chingiz- 
Khan,  dont  le  nom  est  devenu  aussi  proverbial  dans  l'Asie  centrale 
que  celui  de  la  reine  Tamara  au  Caucase.  L'outillage  dont  on  se 
sert  pour  traiter  le  sable  aurifère  est  des  plus  simple.  On  étend 
une  série  de  morceaux  de  feutre  sur  une  pente  de  sable  au  sommet 
de  laquelle  on  place  un  gril  en  bois.  On  jette  une  pelletée  de  sable 
sur  ce  gril  et  puis  on  l'asperge  d'eau.  Les  matières  légères  sont 
entraînées  par  leau,  tandis  que  l'or  est  retenu  par  le  feutre.  Tout 
l'or  en  poudre  est  naturellement  perdu;  on  ne  conserve  que  les 
quelques  parties  qui  ont  une  certaine  consistance.  Ce  procédé  ne 
permet  pas  de  mettre  en  œuvre  plus  d'une  tonne  de  sable  par  jour. 
Les  hommes  travaillent  par  groupe  de  cinq  environ.  Deux  d'entre 
eux  extraient  la  matière,  un  autre  la  porte  vers  la  rivière  et  les 
deux  derniers  procèdent  au  lavage.  Ces  gens  sont  tous  au  pouvoir 
d'exploiteurs  qui  leur  avancent  à  des  laux  usuraires  ce  qui  est  indis- 
pensable pour  vivre  et  qui  les  tiennent  ainsi  dans  une  dépendance 
continuelle.  Aussi,  ces  malheureux  sont-ils  dans  l'impossibilité 
d'arriver  jamais  à  une  aisance  quelconque  et  travaillent-ils  aussi 
peu  que  possible. 

»  L'extraction  aniîuelle  de  l'or  dans  le  Bokhara  oriental  est 
évaluée  de  20,000  à  30,000  livres  sterling,  ce  qui  n'est  qu'une 
bagatelle  en  comparaison  de  ce  que  les  dépôts  d'alluvions  pour- 
raient produire.  Les  quantités  extraites  par  les  indigènes  depuis 
des  siècles  ont  à  peine  entamé  la  réserve  et  elles  ne  sont  rien  à 
côté  de  ce  que  les  Européens  pourraient  produire  en  quelques 
années.  Jusqu'à  présent,  on  n'a  pas  encore  établi  la  proportion 
d'or  du  conglomérat  lui-même,  car  l'exploitation  des  dépôts 
fluviatiles  résultant  de  sa  désagrégation  offre  aux  mineurs  de 
plus  grands  avantages.  L'origine  de  l'or  doit  naturellement  se 


CHRONIQUE  59 


trouver  dans  les  montagnes  environnantes  qui  forment  les  bancs 
conlre  lesquels  les  conglomérats  ont  été  déposés.  Lor  se  présente 
exclusivement  en  tablettes;  on  ne  le  rencontre  jamais  sous  la 
forme  de  grains  ou  de  pépites.  Le  plus  gcos  morceau  que  nous 
ayons  vu  pesait  à  peu  près  une  demi-once  et  contenait  92.7  d'or 
fin.  Nous  avons  fait  de  grandes  recherches  sur  la  distribution  du 
métal  et  je  communique  ici  quelques-uns  des  résultats  que  nous 
avons  obtenus.  Deux  faits  d'observation  générale  se  sont  révélés 
tout  de  suite,  à  savoir  que  la  richesse  des  sables  augmente  avec  la 
profondeur  et  que  les  terrasses  de  sable  qui  se  trouvent  sur  les 
rives  sont  plus  riches  et  contiennent  de  l'or  moins  pur  que  le  lit 
actuel  de  la  rivière. 

)>  Les  dépôts  d'alluvion  sont  nettement  stratifiés  et  les  couches 
correspondantes  peuvent  être  plus  ou  moins  aisément  identifiées  à 
des  endroits  éloignés.  La  couche  supérieure  a  une  épaisseur  d'en- 
viron 6  pieds  et  contient  en  moyenne  huit  grains  d'or  par  tonne  de 
sable.  Au-dessous  de  celle-ci,  on  trouve  une  couche  de  sable 
de  19  pieds  d'épaisseur  qui  ne  renferme  pour  ainsi  dire  rien 
de  précieux.  A  cette  profondeur,  on  rencontre  de  grands  blocs 
constituant  une  sorte  de  stratum  indépendant  destiné  en  quelque 
sorte  à  protéger  ce  qui  se  trouve  au-dessous  d'eux,  à  savoir,  un 
sable  noirâtre  qui  contient  au  commencement  vingt-quatre  grains 
et  dont,  6  pieds  plus  bas,  nous  avons  pu  extraire  à  peu  près  un 
quart  d'once  par  tonne. 

»  Le  roc  qui  forme  le  lit  de  la  rivière  se  trouve  au  moins  à 
20  pieds  plus  bas,  c'est-à-dire,  au  moins  à  45  pieds  au-dessous  de 
la  surface.  Un  indigène  prétendait  l'avoir  atteint  une  fois. 

»  Les  indigènes  creusent  le  sol  comme  des  mulots  et  font  ce 
que  l'on  appelle  en  Amérique  des  coyotle-diggings.  Ces  tunnels  ont 
environ  4  pieds  de  hauteur  sur  2  de  largeur  et  descendent  à  une 
grande  profondeur.  Comme  ils  sont  dépourvus  de  tout  puits 
d'aérage,  le  point  le  plus  éloigné  que  l'on  puisse  atteindre  dépend 
de  la  possibilité  de  respirer.  Comme  les  couches  sont  concaves  et 
deviennent  plus  minces  à  mesure  qu  elles  montent  le  long  du  flanc 
de  la  montagne,  elles  peuvent  être  successivement  coupées  à 
chaque  angle.  Les  galeries  des  indigènes  se  dirigent  directement 
vers  la  montagne  et  descendent  rapidement  jusqu'à  ce  qu'elles 


60  ÉTUDES  C0L0NIAEE8 


rencontrent  une  couche  riche  que  les  travailleurs  suivent  alors 
jusqu'au  moment  où  leurs  primitives  lampes  à  Thuile  cessent  de 
brûler.  De  minces  et  maladifs  gargons  transportent  la  terre  au 
dehors,  sur  leurs  dos.  [Is  sont  à  moitié  nus  et  les  quelques  gue- 
nilles qui  les  couvrent  sont  trempées  de  Teau  boueuse  qui  découle 
de  leurs  seaux. 

La  distribution  horizontale  de  Tor  est  très  égale.  Nous  avons 
constaté  les  mêmes  proportions  en  différents  endroits.  Il  n'est  pas 
question  de  surprises  sous  forme  de  grandes  petites  ou  d'amas, 
mais  il  n'y  a  pas  non  plus  à  craindre  de  sérieuses  désillusions  car 
ce  que  l'on  trouve  dans  un  endroit  donné,  on  est  sûr  de  le  retrouver 
à  cinq  milles  de  là,  si  les  deux  localités  réunissent  les  mêmes  con- 
ditions générales. 

Sans  l'existence  des  usuriers  et  des  pressureurs  officiels,  la 
population  indigène  pourrait  arriver  à  une  situation  prospère.  Elle 
a  malheureusement  perdu  toute  ambition  et  toute  confiance  dans 
l'avenir.  Bien  que  la  nourriture  soit  à  bon  marché  et  facile  à  se 
procurer  aux  marchés  voisins,  les  indigènes  sont  trop  pauvres 
pour  faire  des  provisions  et  doivent  vivre  au  jour  le  jour.  Les 
famines  sont  fréquentes  et  la  population  en  est  réduite  alors 
à  manger  du  pain  fait  au  moyen  de  moelle  dassafœtida,  tandis 
que  des  caravanes  chargées  de  grains  traversent  le  pays  pour  se 
rendre  à  Darwaz.  » 


HBLIOGRAPHIR  61 


BIBLIOGRAPHIE 


Dans  la  Grande  Forêt  de  l'Afrique  centrale.  Mon  voyage  au  Congo 
et  à  la  Mongala  en  1896,  par  Franz  Thonner  (traduit  tU  Vatlemand),  Bruxelles, 
Société  belge  de  Librairie,  1899. 

Ce  volume  est  la  traduction  du  récit  que  M.  Thonner  a  publié  à 
Berlin,  avec  un  grand  succès,  sous  le  titre  de  In  Afrikanische 
Urwald.  Âpres  la  publication  de  tant  de  relations  .de  voyages  au 
Congo,  un  livre  de  ce  genre  ne  pouvait  réussir  auprès  du  public 
belge  qu'en  offrant  un  intérêt  exceptionnel  par  la  fornae  comme 
par  le  fond.  Le  volume  que  nous  examinons  remplit  ces  condi- 
tions difficiles.  La  relation  de  M.  Thonner  se  distingue  par  la 
simplicité  du  récit  et  l'abondance  des  observations  scientifiques  de 
tout  genre.  Son  voyage  a  sans  contredit  rendu  les  plus  grands 
services  à  l'exploration  de  la  région  de  la  Mongala,  une  des  parties 
du  Congo  les  plus  intéressantes  et  les  plus  productives.  On  remar- 
quera notamment  les  déterminations  anthropométriques  prises  sur 
des  noirs  de  diverses  tribus,  ainsi  que  le  vocabulaire  comparé  de 
onze  idiomes  indigènes.  L'exécution  matérielle,  point  important 
dans  une  publication  de  ce  genre,  est  fort  belle  ;  de  nombreuses 
phototypies,  d'une  superbe  exécution,  composent  près  de  la  moitié 
du  volume  et  forment  un  véritable  panorama  géographique  et 
ethnographique  des  contrées  de  la  Mongala. 

lies  Colonies  françaises,  par  Paul  Gaffarel,  Doyen  de  la  Faculté  des  Lettres 
de  Dijon.  (Sixième  édition,  revue  et  augmentée).  Paris,  Félix  Alcan,  éditeur. 

L'ouvrage  de  M.  Gaffarel  est  destiné  à  donner  au  public  français 
un  tableau,  aussi  complet  que  possible,  des  possessions  d'outre- 
mer de  la  République,  si  considérablement  accrues  depuis  une 
vingUine  d'années.  Ce  travail  considérable,  par  la  clarté  et  la 
variété  des  détails,  atteint  parfaitement  le  but  qu'il  vise  et  peut 
être  consulté  avec  fruit  par  quiconque  prend  intérêt  au  mouvement 


ÉTUDES  COLONIALES 


colonial.  La  nouvelle  édition,  considérablement  augmentée,  donne 
des  notions  très  complètes  sur  les  nouvelles  colonies  africaines. 


Le  Congo  français.  Le  Loango  et  la  Vallée  du  Kouilou,  par  le  D'  Voulgre. 
Paris,  Joseph  André  et  C»,  1897. 

Ce  petit  livre  poursuit  le  même  but  que  le  précédent,  dans  un 
domaine  plus  restreint.  On  y  trouve  Tétude  sommaire,  mais  suffi- 
samment complète,  du  Congo  français  à  tous  les  points  de  vue.  Le 
petit  traité  de  la  langue  fiote  qui  s'y  trouve  joint  est  intéressant 


Une  tournée  en  Indo-Chine  (Novembre  1895- Mai  1896),  par  A.  Salles. 

Paris,  ChamerotelRenouard,  i897. 
Au  Tonkin  et  en  Annam,  par  A.  Salles.  Paris.  Chamerot  et  Renouard,  1899. 

Ces  deux  récits  de  voyages,  publiés  d'abord  dans  l'Annuaire  du 
Club  Alpin  français,  dont  l'auteur  est  membre,  ont  peu  de  préten- 
tion scientifique,  M.  Salles  s'étant  proposé  surtout  d'attirer  ses 
confrères  en  tourisme  vers  les  possessions  françaises  d'Extrême- 
Orient.  Toutefois  les  détails  descriptifs  qu'il  nous  donne  sur  les 
pays  qu'il  a  traversés  ne  manquent  pas  de  valeur  documentaire. 
Les  deux  brochures  se  distinguent  par  la  beauté  des  phototypies. 

In  Dwarf  Land  and  Cannibal  Country.  A  record  of  travel  and  discovery 
in  Central  Africa,  by  A.-B.  Lloyd.  London,  T.  Fisher  Unwin,  1899. 

La  traversée  de  l'Afrique,  dont  ce  livre  renferme  le  récit,  a  été 
faite  dans  des  conditions  particulièrement  intéressantes.  L'auteur 
s'est  dirigé  de  Zanzibar  vers  l'Uganda,  où  il  a  séjourné  assez 
longtemps.  Il  y  fut  témoin  de  la  dangereuse  insurrection  des  Sou- 
danais, qu'il  contribua  à  combattre.  Voulant  rentrer  en  Europe 
par  la  côte  occidentale,  il  traversa  la  grande  forêt  équatoriale,  où 
il  eut  l'oci-asion  de  voir  de  près  les  célèbres  tribus  naines  des 
Watua,  dont  il  fait  une  description  intéressante.  La  dernière  par- 
tie du  voyage  de  M.  A.-B.  Lloyd  s'est  faite  facilement  à  travers 
l'Etat  du  Congo;  l'auteur  nous  donne  une  curieuse  expression  de 


BIBLIOGAAPJIIE  63 


la  surprise  quil  éprouva  en  trouvant  le  chemin  de  fer  à  Matadi, 
après  deux  ans  de  séjour  dans  la  profonde  barbarie  africaine.  L'ou- 
vrage, édile  avec  le  luxe  bien  connu  des  publications  anglaises, 
est  enrichi  de  nombreuses  illustrations,  dont  plusieurs  sont  très 
remarquables. 


The  History  of  South  Africa  to  the  Jameson  Raid,  bij  C.-P.  Lucas,  B.  â. 
Oxford,  Clarendon  Press,  1899. 

On  trouve  dans  ce  livre  une  histoire  complète  du  Cap  et  des 
colonies  voisines,  depuis  les  premiers  établissements  européens. 
Ce  récit  clair,  intéressant,  développé  sans  excès  de  détails  et  suffi- 
samment impartial,  permet  de  se  rendre  compte  des  événements 
qui  ont  amené  la  situation  si  compliquée  de  l'Afrique  Australe 
actuelle.  Les  événements  qui  s'accomplissent  en  ce  moment 
donnent  au  travail  de  M.  Lucas  une  importance  documentaire 
exceptionnelle. 

IjE  République  de  Colombie.  Géographie,  histoire,  etc.,  par  Rie.  Nunez, 
consul  général  de  la  république  de  Colombie,  et  Henri  Jalhay,  consul  de  la 
république  de  Colombie.  Bruxelles,  D.  Stevelinck,  1898. 

Dispositions  légales  réglant  l'importation  et  l'exportation  dans  les 
ports  de  la  république  de  Colombie,  par  Carlos  Â.  Roman,  traduction  de 
Rie.  Nunez.  Bruxelles,  1).  Stevelinck,  1896. 

Notice  sur  la  culture  du  caféier  en  Colombie,  par  N.  Saenz, 
traduction  de  R.  Nunez.  Bruxelles,  Vromant  et  C''«,  1894. 

Ija  République  de  Honduras.  Notice  historique,  géographique  et  statistique, 
par  H.  Jalhay,  consul  de  la  république  de  Honduras.  Anvers,  \^  De  Backer, 
1898. 

La  République  de  Nicaragua.  Notice  historique,  géographique  et  statistique , 
par  H.  Jalhay.  Anvers,  ¥•  De  Backer,  1899. 

Le  groupe  de  publications  dont  les  titres  précèdent,  mérite 
Tattention  de  quiconque  prend  intérêt  à  l'expansion  commerciale 
universelle.  La  collaboration  de  plusieurs  agents  consulaires  leur 
donne  un  caractère  presque  officiel. 


64  ÉTUDES  COLONIALES 


Le  principal  de  ces  ouvrages,  celui  que  nous  avons  cité  en 
premier  lieu,  constitue  une  monographie  très  développée  des 
États-Unis  de  Colombie,  dont  les  richesses,  peu  exploitées  encore, 
méritaient  d'autant  mieux  d'être  mises  en  lumière  que  le  com- 
merce belge  les  avait  négligées  jusqu'à  ce  jour.  Les  renseigne- 
ments commerciaux  et  douaniers  sont  très  nombreux  et  conçus 
dans  l'esprit  le  plus  pratique.  La  notice  sur  la  culture  du  caféier 
constitue  une  contribution  importante  à  l'étude  des  cultures 
tropicales. 

Les  études  sur  le  Hondunis  et  le  Nicaragua,  moins  étendues  que 
les  précédentes,  sont  conçues  dans  le  même  esprit  et  offrent  un 
intérêt  analogue. 

The  history  of  the  great  boer  trek  and  the  origin  ot  the  South  african 
republiCy  by  the  late  bon.  Henry^CLOETE  (John  Murray.  London).  Prix  : 
un  shilling. 

Ce  livre  est  une  réimpression  d  une  série  de  cinq  conférences 
faites  devant  la  Société  littéraire  de  Pietermaritzbourg,  en  1852- 
1885,  par  feu  M.  Henry  Cloete,  qui  a  rempli  au  Natal  les  fonctions 
de  haut-commissaire  et  occupé  au  Cap  des  fonctions  importantes. 
Ces  conférences  ont  le  précieux  avantage  d'émaner  d'un  homme 
qui  a  vécu  au  milieu  des  événements  dont  il  parle,  et,  à  ce  point 
de  vue,  elles  sont  une  véritable  source  de  renseignements  pour 
l'histoire  de  la  colonie  du  Cap  et  pour  celle  des  Boers. 

M.  Henry  Cloete  a  analysé,  avec  soin  et  impartialité,  les  griefs 
que  les  Boers  avaient  à  faire  valoir  contre  l'administration  anglaise 
et  il  met  nettement  en  relief  les  tracasseries  et  les  persécutions  qui 
les  ont  amenés  à  quitter  la  colonie  du  Cap  pour  se  réfugier  au  nord 
et  à  lest,  dans  de  nouvelles  contrées  où  ils  espéraient  pouvoir 
vivre  libres  et  tranquilles. 

L'auteur  groupe  les  griefs  des  Boers  sous  trois  titres  :  la  ques- 
tion hottentote,  celle  des  esclaves  et  celle  des  Kafirs.  Certains  mis- 
sionnaires anglais  —  peu  recommandables,  d'après  le  portrait 
qu'en  fait  l'auteur—  s'étaient  institués  les  défenseurs  des  Hottentots, 
tracassant  sans  cesse  les  Boers  et  les  poursuivant  devant  les  tribu- 
naux avec  la  plus  grande  légèreté.   La  question  du  rachat  des 


OF   THE 

UNIVERSITY 


SÊIL. 


OF 
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LIGNES   anglaises;    +-f  +    LIGNES   FIL\N 
LES    CABLES    S 


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>US-MA19INS 


BIBLIOGRAPHIE  65 


esclaves  augmenta  encore  le  mécontentement  des  Boers,  par  suite 
de  la  mauvaise  foi  du  gouvernement  anglais  qui  réduisit  à 
1,200,000  livres,  la  somme  de  3,000,000  livres  qui  avait  été  fixée 
par  les  experts  de  l'administration  du  Cap.  Enfin,  les  attaques 
incessantes  des  Kafirs  qui  enlevaient  les  troupeaux  des  Boers  et 
l'altitude  du  gouvernement  qui  refusait  d'accueillir  les  plaintes  de 
ces  derniers  et  excusait  même  les  Kafirs,  mirent  un  terme  à  la 
patience  des  Boers  qui  résolurent  de  se  retirer  au  Natal  et  ensuite, 
vers  le  Nord,  le  long  de  la  rivière  du  Vaal. 

M.  Henry  Cloete  rappelle  aussi  les  incidents  les  plus  drama- 
tiques de  la  vie  des  Boers,  notamment  le  massacre  de  Piet  Retief 
et  de  ses  compagnons  qui  furent  traîtreusement  lues,  au  cours 
d'une  fête,  par  Dingaan,  chef  des  Zoulous,  avec  qui  ils  venaient  de 
conclure  une  cession  de  territoire.  L'auteur  décrit  aussi  l'abomi- 
nable exécution  de  cinq  Boers  qui  avaient  fui  la  domination 
anglaise  à  l'époque  des  tracasseries  judiciaires  des  missionnaires 
et  qui  furent  rejoints  en  route  par  les  soldats  anglais.  Ces  cinq 
Boers  ayant  été  condamnés  à  mort,  furent  conduits  le  6  mars  1816, 
à  Slacliters  Nek  sous  le  commandement  du  colonel  anglais  Cuyier, 
qui  présida  à  l'exécution  : 

«  Les  funèbres  préparatifs  furent  faits  en  présence  d'un  grand  concours  d'amis 
et  de  parents  de  ceux  qui  allaient  subir  la  peine  de  mort.  Ils  étaient  accourus 
de  tous  les  points  de  la  frontière  pour  adresser  un  dernier  adieu  à  ceux  dont 
les  existences  allaient  être  sacrifiées  bien  qu'ils  eussent  nourri  un  secret  espoir 
de  voir  épargner  leurs  vies.  Mais  ces  espérances  furent  douloureusement  déçues 
quand  ils  virent  l'échafaud  dressé  pour  les  cinq  coupables.  Ceux-ci,  pleins  de 
ivsignalion  et  de  fermeté  et  assistés  d'un  digne  ministre,  le  Rév.  M.  Herbold, 
montèrent  sur  l'échelle  fatale  d'oii,  à.  un  signal  donné,  ils  furent  lancés  dans 
l'éternité. 

Mais,  même  alors,  ils  furent  coïKlamnés  à  ne  pas  voir  la  fin  de  leurs  misères 
L'échafaud  avait  été  construit  trop  hâtivement  et  était  trop  peu  solide  pour 
résister  au  poids  et  aux  efforts  de  l'agonie  des  cinq  hommes  vigoureux  qu'on 
venait  de  précipiter  dans  le  vide.  Tout  l'agencement  céda  et  les  infortunés,  se 
remettant  lentement  de  l'état  d'asphyxie  dans  lequel  ils  avaient  été  plongés 
partiellement,- se  traînèrent  vers  l'officier  qui  avait  le  pénible  devoir  de  faire 
exécuter  la  sentence,  en  implorant  à  haute  voix  leur  grAce.  Cet  appel  fut 
appuyé  par  leurs  amis  qui  se  trouvaient  en  dehors  du  cercle  et  qui,  voyant  dans 
cette  circonstance  la  volonté  de  la  Providence,  ne  purent  être  retenus  qu'à 
grand'peine  de  se  frayer  un  passage  à  travers  le  cordon  des  troupes.  » 

5 


66  ÉTUDES  COLONIALES 


Mais  rien  n'y  fit,  car  u  les  coupables  furent  ressaisis  et  les  préparatifs  furent 
refaits  à  la  hAte,  de  manière  que  le  jour  ne  s'écoulât  pas  sans  que  la  sentence 
eût  été  exécutée.  Malgré  les  protestations  indignées  de  Tassistance,  les  cinq 
infortunés  furent  obligés  d'escalader  Téchelle,  un  à  un,  et  les  derniers  rayons 
du  soleil  couchant  vinrent  mourir  tristement  sur  les  cinq  victimes  expirantes 
qui  se  balancèrent  dans  Tair  jusqu'à  ce  que  tout  souflle  de  vie  fût  éteint...  Les 
cordes  furent  alors  coupées  et  les  corps  furent  enfouis  sous  l'échafaud  par  les 
mains  de  l'exécuteur,  au  milieu  des  pleurs  et  des  sanglots  de  leurs  amis  aux- 
quels on  refusa  même  l'autorisation  d'emporter  les  cadavres.  » 

Cette  scène  ne  fut  jamais  oubliée  par  les  Boers.  Aujourd'hui 
encore,  aucun  enfant  au  Transvaal  ne  l'ignore.  Trente  ans  plus 
tard,  quand  M.  Henry  Cloetc  conversait  avec  des  fermiers  boers  et 
tâchait  d'adoucir  leurs  sentiments  d'hostilité  à  l'égard  de  l'Angle- 
terre, il  se  voyait  encore  •  interrompu  par  ces  mots  :  «  Nous 
n'oublierons  jamais  Slachters  Nek  !  )> 


La  Bibliothèque  de  la  Société  recevant  de  nombreuses  publications 
périodiques,  le  Balletin  en  donnera  mensuellement  un  compte  rendu 
sommaire,  renseignant  les  articles  qui  méritent  d'être  signalés  spécia- 
lement à  l'attention  des  membres  dé  la  Société,  au  point  de  vue  des 
études  coloniales  proprement  dites. 


SOCIÉTÉS   COMMERCIALES  67 


miETES  GOMMERGIALES 

OONSTITXJTION     DES     SOOIfiJTfiîS 
Sociétés  Bolgos 

Andréa. 

Siège  social:  Bruxelles. 

Constitution:  9  décembre  1899. 

Administrateurs:  MM.  del  Marmol-de  Macar,  banquier  à  Ensival  ; 
Renard-de  Becker,  propriétaire  à  Bruxelles  ;  Titeux,  directeur  de  la 
société  Les  Produits  de  Mayumbé  ;  Moray,  propriétaire  à  Ixelles. 

But:  L'exportation,  Tacquisition  et  la  vente  des  produits  d'Afrique, 
Elle  peut  établir  des  usines,  sièges  d'opération  et  comptoirs,  créer  des 
succursales  en  Belgique,  en  Afrique  et  dans  tous  les  autres  pays. 

Capital:  100,000  francs;  200  actions  de  500  francs;  300  actions  de 
dividende. 

Répartition:  5  p.  c.  à  la  réserve;  6  p  c.  aux  actions  de  capital; 
10  p.  c.  aux  administrateurs  et  aux  commissaires,  le  solde,  50  p.  c. 
aux  actions  de  capital,  50  p.  c.  aux  actions  de  dividende. 


Compagnie  commerciale  de  colonies. 

Siège  social:  Anvers. 

Administrateurs:  ftfM.  Herman  et  Alfred  Osterrieth;  H.  Albert  de 
Bary,  président  de  la  Société  Anversoise  d'Entreprises  Coloniales  et 
Industrielles;  Victor  Meer;  Edouard  DeRoubaix;  Auguste  Grisar; 
Gabriel  Trarieux,  administrateur  de  la  Compagnie  Commerciale 
Française  du  Congo. 


68  ÉTUDES  COLONIALES 


Commissaires:  MM.  A.  de  LaveleyeLynen,  Léon  Fuchs  et  Kirstal. 

But  :  La  Compagnie  Commerciale  des  Colonies  est  destinée  à  prendre 
la  suite  du  département  des  caoutchoucs  de  la  firme  Osterrieth  and  C*'. 

La  société  nouvelle  bénéficiera  des  contrats  que  cette  puissante  et 
ancienne  maison  avait  contractés  avec  diverses  sociétés  coloniales 
belges  et  françaises  et  vendra  à  Anvers  notamment,  les  produits 
coloniaux  (ivoire,  caoutchouc,  etc.,)  de  la  Compagnie  Belge  des  Caout- 
choucs du  Matto-Grosso  (Brésil),  de  la  Compagnie  Française  du  Congo, 
de  la  Compagnie  Française  de  l'Afrique  Equatoriale,  etc. 

Capital  :  1,500,000  francs  divisé  en  3,^00  actions  de  500  francs 
entièrement  souscrites  et  libérées  de  20  p.  c. 

Répartition  :  5  p.  c.  à  la  réservé  légale  et  5  p.  c.  d'intérêt  au  capi- 
tal appelé:  15  p.  c.  au  conseil,  15  p.  c.  à  la  direction  et  70  p.  c.  aux 
actions.- 


Sociétë  belge  égytienne  de  PEzbekieh. 

Siège  social:  Bruxelles. 

Administrateurs:  S.  A.  le  prince  Saïd  Haliin  Pacha,  MM.Limauge, 
Nieuwenhuys,  Hamoir  et  Borelli. 

Constitution:  30  novembre  181H). 

Objet:  Entreprise  de  constructions,  pour  compte  de  tiers,  de  tous 
magasins,  palais,  maisons  et  autres  édifices,  sur  des  terrains  apparte- 
nant à  ces  tiers  et  situés  dans  le  périmètre  de  la  ville  du  Caire. 

Capital:  6,000  actions  privilégiées  de  50  francs  chacune  et 
6,000  actions  ordinaires,  sans  mention  de  valeur. 


Compagnie  Commerciale  et  Industrielle  de  la  Côte  d'Or 
(Afrique  occidentale). 

Sous  ce  titre,  se  constituera  à  la  fin  de  ce  mois  une  société  au  capi-~ 
tai  de  500,000  francs,  ayant  pour  but  Texploitation  d'un  domaine 
(à  la  Côte  d'Or)  extrêmement  riche  on  caoutchouc  et  acajou  et  dont  la 
contenance  est  de  plus  de  50,000  hectares.  Cette  exploitation  est 


SOCIÉTÉS  COMMERCIALES 


accordée  pour  une  période  de  quatre-vingt-dix-neuf  ans,  une  fois 
renouvelable.  En  outre,  cette  Société  formera  la  base  de  plusieurs 
entreprises  similaires,  dont  elle  s*est,  dès  à  présent,  assuré  la  préfé- 
rence. 


Les  Cultures  de  San  Thomé. 

Prochainement  sera  constituée,  à  Bruxelles,  la  nouvelle  société 
Les  cultures  de  San  Thomé,  au  capital  de  1  million  de  francs. 

La  nouvelle  société  a  pour  base  une  exploitation  en  pleine  activité 
et  en  plein  rapport,  située  près  de  la  capitale  qui  est  le  plus  grand 
port  de  cette  île  si  florissante  ;  la  propriété  est  à  1,800  mètres  du  port, 
et  les  magasins  et  bâtiments  à  3  kilomètres. 

F^a  superficie  des  terrains  est  d'environ  1,200  hec^tares,  dont  la 
moitié  est  exploitée  en  cultures  de  cacao,  caoutchouc  et  café,  et 
Tautre  moitié  contient  de  nombreuses  lianes  de  caoutchouc  et  les  plus 
riches  essences  de  bois.  En  ce  qui  concerne  le  cacao,  600,000  pieds  de 
<!acaoyers  sont  déjà  plantés,  dont  500,000  en  rapport.  Le  personnel 
de  la  société  se  trouve  déjà  sur  les  lieux  et  se  compose  de  six  agents 
blancs  et  de  cent  dix  travailleurs  indigènes. 


European  Extrême  Orient  Company. 

Siège  social:  Bruxelles,  Boulevard  du  Hainaut,  87. 

Administrateurs  :  Michel  Goutharet;  Routier;  Bourdelain,  Van 
Cuyck-Orval. 

Commissaire:  (t.  Nieberding. 

But:  Importation  et  exportation  vers  les  pays  de  rExtréme  Orient. 

Capital:  125,000  francs;  2,500  actions  de  500  francs;  2,500  parts 
de  fondateur. 

Répartition  :  5  p.  c.  à  la  réserve;  5  p.  c.  nux  actions  de  capital  ;  sur 
le  surplus;  15  p.  c.  aux  administrateurs  et  commissaires,  2o  p  c.  aux 
actions  et  60  p.  c.  aux  parts  de  fondateur. 


70  ÉTUDES  COLONIALES 


Société  Françaiso 

Société  de  TOuémé  (Dahomey). 

Siège  social:  Paris. 

Administrateurs  :  MM.  Adolphe  Samson,  publiciste,  à  Paris; 
Albert  Leplene,  administrateur  de  l'Ouest  africain  :  René  Henry, 
ingénieur,  à  Paris. 

But:  Elle  a  pour  but  Texploitation  de  137,000  hectares  situés  au 
Dahomey. 

Capital:  500,000  francs  ;  5,000  actions  de  capital;  6,000  parts  de 
fondateur. 


PÉKIN-NORD.    —   MONIIMENI    HK   MAUHUK. 


OF   THE 

UNIVER8ITY 

OF 


ÉTOOES  GOIiOHlflliES 


No  2  7«  Année  Février  1900 


LA  CHINE 


d'après  des  auteurs  récents 


La  novîgation  fluviale  est  appelée  à  se  développer  d'une  façon 
considérable,  et  il  y  aurait  là  certainement,  pour  les  Belges,  une 
source  sérieuse  de  bénéfices,  s'ils  mettaient  à  profit  les  renseigne- 
ments que  l'auteur  de  «  The  Break  up  of  China  »  donne  aux  cham- 
bres de  commerce  britanniques.  Il  n'y  a  pas  longtemps  que  la 
plupart  des  voies  de  navigation  intérieure  sont  ouvertes  aux 
navires  à  vapeur  européens.  Le  2â  juin  1«98,  après  une  oppo- 
sition violente,  le  vice-roi  permit  aux  petits  steamers  laccès  des 
cours  d'eau  de  l'intérieur,  aboutissant  au  Yangtzé.  La  vi!le  de 
Tching-Yang,  ouverte  depuis  1858  sur  le  fleuve,  à  proximité  du 
grand  canal,  fut  la  première  station  d'eau  d'où  les  navires  partirent. 
Toute  une  petite  flottille  de  bateaux,  une  trentaine  de  petits 
steamers,  naviguant  sous  divers  pavillons,  sillonnent  actuellement 
ce  cours  d'eau,  et  les  résultats,  en  ce  qui  concerne  les  transports 
de  passagers,  dépassent  toutes  les  prévisions...  En  quatre  mois 
environ  100,000  passagers  quittèrent  ou  arrivèrent  nu  port  de 
Tching-Yang;  le  trafic  des  marchandises  n'était  pas  encore,  il  y  a 
quelques  mois,  en  proportion  avec  le  transport  des  passagers, 
maiî^  Lord  Beresford  ne  voit,  dans  celte  disproportion,  que  le 
résultat  d'anciens  règlements  qui  ne  tarderont  pas  à  dispîiraîlre  et 
qui  permettent  encore  actuellement  aux  fonctionnaires  de  barrière 


72  ÉTUDES  COLONIALES 

d'exercer  leur  mauvais  vouloir  et  leur  mauvaise  foi,  pour  relarder 
les  steamers  marchands  en  cours  de  route.  Ces  tracasseries,  au 
sujet  du  Likin  et  du  Lotich-ouy,  ainsi  que  le  refus  de  permettre  la 
résidence  des  Européens  en  dehors  des  villes  du  traité,  sont 
le  plus  grand  obstacle  au  trafic  fluvial  pour  les  cargo-boats 
étrangers 

Lord  Beresford  recommande  vivement  l'emploi  du  pavillon 
britannique  sur  tous  les  bateaux  anglais,  naviguant  ù  l'intérieur. 
Les  cours  d'eau  attirent  d  une  manière  spéciale  l'attention  du 
savant  amiral,  qui  y  reconnaît,  avec  raison,  la  voie  de  pénétration 
la  plus  naturelle,  en  même  temps  que  la  plus  facile  et  la  moins 
chère  de  l'empire.  Il  est  peu  d'endroits  d'importance  qui  ne  peu- 
vent être  atteints  par  voie  fluviale,  le  pays  étant  couvert  d'un  raer- 
veillt'ux  réseau  de  fleuves  et  de  rivières  reliés  entre  eux  par  des 
canaux  creusés  depuis  des  siècles.  Malheureusement,  comme  bien 
d'autres  choses  en  Chine,  les  magnifiques  voies  fluviales  tombent 
en  décadence...  Le  grand  canal,  une  des  merveilles  de  l'art,  qui 
relie  tout  le  nord  de  l'empire  au  Yangtzé,  est  à  sec  en  plusieurs 
places,  m:^is  est  encore  navigable  sur  une  centaine  de  milles  et  le 
serait,  sur  toute  son  étendue,  si  l'argent  du  trésor,  destiné  à  le 
maintenir  en  bon  état,  ne  se  perdait  pas  en  grande  pafrtie  avant 
d'arriver  sur  les  bords  du  canal.  Entre  Tching-Yang  et  Soochow,  et 
dans  la  partie  nord,  des  bancs  de  sable,  en  attendant  que  des 
dragues  y  soient  amenées,  empêchent,  pendant  plusieurs  mois,  le 
passage  même  de  bateaux  n'ayant  pas  un  tirant  deau  de  3  pieds; 
mais  comme  le  budget  prévoit  chaque  année  des  ressources  consi- 
dérables pour  l'entretien  du  grand  canal,  et  que  le  passage  des 
navires  y  est  soumis  à  taxe,  le  remède  devra  bientôt  être  appliqué 
au  mal. 

La  principale  voie  fluviale  de  l'empire  est  le  Yangtzé,  qui  n'a 
d'égal  dans  le  monde  que  l'Amazone.  Ce  fleuve,  sur  l'étendue  de 
3,000  à  3,500  milles  de  long,  part  du  cœur  même  du  pays  et  arrose 
sur  son  parcours  les  provinces  les  plus  riches  qui  forment  un  bloc 
de  700  à  750,000  milles  carrés  Le  Yangtzé  est  navigable  l'été,  sur 
une  distanc^^  de  680  milles  à  partir  de  la  mer,  c'est-à-dire  jusqu'à 
Hankow,  même  par  les  grands  navires  transatlantiques.  Passé  Han 
kow,la  navigation  devient  plus  difiicile,mais  non  dangereusc,et  les 
steamers,  duo-  tonnage  ordinaire,  peuvent  encore  remonter  à 


LA  CHINE  TB 

Ycbnn$;  silué  à  370  milles  plus  loin.  De  là  à  Tchonking,  les 
grandes  joncqucs  font  généralement  le  service,  à  cause  des  rapi- 
des, que  peu  de  steamers  osent  franchir;  ce  sont  des  joncqués 
plus  petites  quî  vont  à  Pincksham,  et  de  légères  embarcations  qui 
se  rendent  de  là  à  200  milles  plus  loin.  Il  n'y  a  pas  de  fanaux  la 
nuit;  les  trois  compagnies  de  navigation,  de  MM  Jardine  et 
Matlicson,  de  MM.  ButerPield  et  Swin  et  de  la  China  Marchand  Com- 
pany, ont  placé  des  bouées  permanentes  à  Etoo  :  mais  malgré  cela, 
chaque  compagnie  se  précautionne  à  chaque  voyage,  et  place  ses 
bouées.  Ce  fond  sablonneux  n'est  pas  stable  eU  à  certaines  places, 
les  bancs  changent  chaque  jour.  Il  arrive  qu  en  remontant,  on  ait 
7  à  ^<  pieds  d  eau,  alors  qu'à  la  descente  on  n'en  trouve  plus  que  4, 
au  même  endroit.  En  élé  tout  steamer  tirant  16  à  18  pieds  passera 
jusqu'à  Ychang;  en  hiver  cette  ville  ne  sera  accessible  qu'aux 
bateaux  de  6  pieds,  mais  il  y  a  suffisamment  de  fond  à  Ychang  pour 
qu'un  steamer  y  demeure  toute  l'année  une  fois  qu'il  y  parvient. 

Les  fameux  rapides  du  Yangizé  se  trouvent  entre  Ychang  et 
Kwachow  sur  une  distance  d'environ  146  milles,  mais  Lord  Beres- 
ford,  qui  a  fait,  à  leur  sujet,  une  enquête  approfondie,  déclare 
qu'ils  sont  loin  d'être  aussi  dangereux  et  aussi  difficiles  que  les 
rapides  du  Nil  et  qu'avant  peu  «  les  cart;o-steamers  »  les  franchi- 
ront. Une  société  allemande  s'est  même  constituée  dans  ce  but. 
Les  joncqups  qui  font  actuellement  le  service  sont  plus  habiles 
que  partout  ailleurs  et  jaugent  de  50  à  60  tonnes;  leur  seul  incon- 
vénient est  de  mettre  trop  de  temps  pour  remonter  le  courant  qui 
est  assez  fort,  c'est-à-dire  de  8  à  9  nœuds,  la  différence  de  niveau 
étant  quelque  fois  de  5  à  6  pieds  sur  800.  Les  crues  les  plus  fortes 
furent  de  132  pouces  en  vingt-quatre  heures,  les  plus  fortes 
baisses  des  eaux  de  59  pouces  en  vingt-quaire  heures;  elles 
eurent  lieu  en  1891,  respectivement  les  6  et  8  mai.  Ces  rapides, 
qu'une  navigation  prudente  permet  de  vaincre  avec  succès,  sans 
trop  de  difficultés,  pourraient  être  utilisés  comme  force  motrice  et 
servir  à  produire  l'électricité,  ainsi  que  la  force  nécessaire  pour 
hâler  les  navires  contre  le  courant;  avec  une  dépense  de  1,200,000 
à  1,300,000  francs  on  rendrait  le  cours  d'eau  accessible  aux 
grands  steamers,  en  toutes  saisons. 

Le  grand  canal  qui,  après  le  Yangtzé,  est  la  voie  de  pénétration 
la  plus  considérable,  part  du  Tientsin  vers  le  sud  et  croise  sur  sa 


74  ÊtUDBS  COLONIALES 

roule  de  nombreuses  rivières  ainsi  que  le  Yangtzé  lui-même;  maïs 
au  sud  de  ce  fleuve,  Lord  Beresford  vit  le  lit  du  canal  à  sec  servir 
de  lieu  d*ébats  à  des  troupes  de  pouneaux;  tout  cela,  simplement 
par  manque  de  soin.  Les  in<;énieurs  trouveraient  là  un  champ 
d'activité  sans  bornes  :  en  oflbt.  si  ce  canal  élait  suflisamment 
entretenu,  ce  seniit  une  voie  de  pénétration  excellente,  une  valeur 
inappréciable  pour  le  conunrrce  de  la  nation.  Malbeurcusement  le 
mandarin  qui  touche  annuellement  de  fortes  sommes  pour  main- 
tenir la  navigabilité  du  canal  n'a  même  jamais  été  se  promener  au 
sud  du  Yangtzé. 

Le  fleuve  de  l'Ouest,  qui  se  jette  dans  la  mer  près  de  Canton, 
et  arrose  des  provinces  dont  pour  ainsi  dire  chaque  partie  est 
cultivée,  n'est  pas  aussi  important;  le  seul  cours  d'eau  qui  puisse, 
en  étendue,  rivaliser  avec  le  Yangtzé  est  le  Fleuve  jaune.  Malheu- 
reusement il  n'est  pas  toujoui-s,  ni  partout,  navigable,  si  bien  qu'on 
ne  pr*  voit  pas  le  jour  où  d<»s  steamers  européens  pourront  le 
remonter;  ses  plaines  d'alluvions  sont  les  plus  riches  champs  de 
blé  de  la  (Uiine,  il  serait  donc  à  souhaiter  qu'on  améliorât  dans  la 
mesure  du  possible  le  régime  de  ce  fleuve;  le  ca()ilal  consacre  à 
cet  ouvrage  de  longue  haleine  ne  serait  certainement  pas  impro- 
ductif. 

Après  les  chemins  qui  marchent  et  en  attendant  les  chemins  de 
fer,  dont  nous  allons  parler  à  Tinstant,  les  chemins  qui  ne  mar- 
chent pas,  les  routes,  doixent  attirer  notre  attention.  Sur  une 
longueur  totale  de  plus  de  20,000  milles,  elles  relient  entre  eux 
les  principaux  points  du  territoire  et  Lord  Beresibrd  dit  qu'ayant 
visité  Pékin  il  y  a  trente  ans  et  y  retournant  l'an  dernier,  il  a 
trouvé  la  ville  trente  foi?  plus  sale,  sentant  trente  fois  plus  mau- 
vais, et  les  routes  trente  fois  plus  mauvaises...  Une  mule  s'est 
noyée  dans  une  fondrière  de  la  route,  en  fiice  de  Tune  des  légations 
étrangères!  Et  cependant  le  système  de  routes  est  bon  en  Chine, 
malgré  leur  mauvais  itat;  tout  ce  qu'il  faudrait,  ce  serait  de 
rendre  ces  soi-disant  roules,  convenables  pour  les  transports  des 
gens  et  des  marchandises;  aussi,  Lord  Beresford,  concul-il  h  la 
création  d'un  départemcni  de  voies  et  communications  sur  terre  et 
sureaux.  En  ce  moment,  ajonte-t-il,  l'argent,  destin»^  à  la  réfection 
et  à  l'entretien  des  routes,  prend  une  direction  seule  connue  d^ 


LA  CHINE 


76 


fonctionnaires;  un  mandarin  perçoit  des  sommes  assez  ronde- 
lettes pour  l'éclairage  des  rues  de  Pékin,  et,  dit  l'amiral,  on 
m'îïssurc  que  le  budget  alimente  six  lampes  à  huile  :  encore  ne 
saurais-je  dire  en  quelle  localité  on  les  a  placées. 

Quand  les  roules  seront  mieux  entretenues,  les  voies  fluviales 
débarrassées  de  leurs  obstacles  flsçaux  et  naturels,  le  grand  cana 


V^|^^^^^^^^^^^^^H^^r9^^^^^^^^^^^^H; 

■y 

''"■^•jjii  1 

s^    ■    i 
^BJÊ^  1 

^M4 

SHANGHAI.   —  JARDIN    FT   MAISON   DE  THÉ. 
PHOTOOBAPniB    COMBIUNIQUÉB    PAB    11.    L.    JANSSBN. 


approfondi,  les  Chinois  verront  dojà,  sans  doute,  leur  patrie 
sillonnt^e,  dans  plus  d  un  sens,  par  le  dragon  qui  crache  du  feu, 
glissant  sur  les  voies  ferrées. 

De  même  que  les  Romains  n'étaient  pas  plus  tôt  entrés  dans  un 
territoire  vaincu  qu'ils  y  ouvraient  ces  routes  solides  que  nous 
admirons  encore  aujourd'hui,  de  même,  de  nos  jours,  l'extension 
européenne  ne  se  comprendrait  pas  sans  la  locomotive;  il  n'est 
donc  pas  étonnant  que  Lord  BcresfQrd  consacre  aux  chemins  de 
fer  un  chapitre  spécial  de  son  ouvrage  et  que  nous  songions  à 
le  reproduire  presqu'en  entier. 


7G  ÉTUDES  COLOMALES 

Chemins  de  fer.  —  La  Chine  a  déjà  345  milles  de  voies  ferrées 
en  exploitation,  mais  cest  là  peu  de  chose  en  comparaison  des 
lignes  actuellement  en  construction  et  de  celles  dont  les  plans 
sont  seulement  arrêtés  et  dont  nous  ne  parlerons  pas;  les 
quatre  grandes  lignes  en  ce  moment  en  construction  sont  : 

La  ligne  Lu-Han  ou  Pékin-llankow,  dont  les  700  milles  passent 
à  travers  les  provinces  du  Chilhli-Unan  et  Upcch  ;  la  concession  de 
celte  voie,  pour  laquelle  75  millions  furent  souscrits  en  France  et 
50  millions  en  Belgique  est  une  concession  belge;  elle  paraît 
appelée  à  un  avenir  brillant. 

La  ligne  Sanhaikwan-Newchvvang,  pour  laquelle  un  syndicat 
britannique  a  fourni  les  fonds,  est  une  ligne  chinoise  sous  con- 
trôle chinois,  mais  les  Anghis  ont  grevé  la  ligne  d'une  hypothèque 
pour  garantir  leurs  avances. 

Les  doux  autres  grandes  voies  ferrées,  celle  de  Stretken  à  Vladi- 
voslog,  et  h\  ligne  russe  Mantchoue,  sont  toutes  deux  des 
voies  stratégiques  pour  la  Russie,  mais  serviront  évidemment  aussi 
au  commerce.  Il  est  probable  que  malgré  l'opposition  de  TAngle- 
terre  et  les  progrès  du  Japon  en  Corée,  les  locomotives  russes  arri- 
vant à  destination  sur  ces  lignes  déjà  actuellement  gardées  par  les 
Cosaques,  feront  de  la  Manlchourie  une  province  russe.  Il  est 
à  remarquer  que  l'écarlement  des  voies  sur  ce  parcours  est  du  type 
normal  russe,  cest-à  dire  de  5  pieds,  contrairement  à  toutes  les 
autres  lignes  chinoises  qui  n  ont  que  4  pieds  8    1/2  pouces. 

Lord  Beresford  rappelle  qu'on  ne  doit  pas  perdre  de  vue  en 
construisant  les  chemins  de  fer,  les  usages  et  les  mœurs  du  peuple, 
les  conditions  spéciales  du  climat  et  du  pays.  Les  consinictions 
coûteuses  d'Europe  et  les  matériels  légers  et  rudimentaires  d'Amé- 
rique sont  également  à  éviter.  C'est  entre  ces  deux  types  qu'il  faut, 
pour  la  Chine,  choisir  un  modèle  mixte  et  se  baser  beaucoup  plus 
sur  l'avis  de  gens  expérimentés  de  là-bas  que  sur  l'opinion  d'auto- 
rités étrangères.  Les  tarifs  doivent  être  modérés,  sinon  les  Chinois 
aimeront  mieux  marcher  et  le  trafic  des  marchandises  ne  donnera 
pas  grand  rendement.  L'auteur  de  «  Break  up  of  China  »,aprèsavoir 
conclu  que  si  les  lignes  de  chemins  de  fer  ne  sont  pas  tuées  dès 
l'abord  par  quelque  extravagance,  la  plupart  d'entre  elles  seront 
d'un  bon  rapport,  donne  les  détails  suivants  sur  le  coût  du  chemin 
de  fer,  en  prenant  comme  exemple  la-Jigne  de  Tongshan. 


LA  CIUNE 


77 


Il  y  a  dans  les  ateliers  de  Tongshan,  environ  1,000  employés 
chinois  qui  gagnent  4 1,000  livres  par  an.  Le  po^rsonnel  étranger 
se  compose  d'un  directeur  pour  les  locomotives,  d'un  caissier,  d'un 
dessinateur-géomètre,  d'un  directeur  de  magasin,  d'un  magasinier- 
chef  et  d'un  chef  chaudronnier,  qui  gagnent  ensemble  environ 
1,866  livres.  Le  matériel  roulant  sortant  en  moyenne  par  an  de 
ces  ateliers  se  compose.de  : 


146  wagons  de  10  tonnes. 
210        id.        20     id. 
10  voitures  de  première  classe. 
28        id.        deuxième    id. 
10        id.        à  frein  à  8  roues. 
8  wagons  de  15  tonnes  réparées. 
n        id.        20      id.        id. 


Le  coût  approximatif  de  ces  ateliers,  y  compris  ce  qui  est  payé 
aux  compagnies  de  mines,  ainsi  que  pour  l'eau,  le  bois,  le  com- 
bustible, le  salaire  des  Européens  et  des  Chinois,  s'élève  à 
14,000  livres, soit  environ  352,000  francs  par  an.  La  valeur  appro- 
ximative actuelle  des  ateliers  de  Tongshan  avec  leurs  installations 
de  machines  est  estimée  à  48,000  livres,  soit  environ  1,200,000  fr. 
Les  ateliers  couvrent  une  superficie  de  1 ,050  yards  carrés  ;  l'étendue 
totale  des  terrains  servant  aux  travaux  est  de  17  acres.  La  consom- 
mation annuelle  de  combustibles  se  décompose  comme  suit  : 


Qualité  NO  Ô  .     .     . 

16  tonnes^ 

id.        9  .     .     . 

60     id. 

id.        5  menu  . 

200     id. 

id.        9    id.     . 

2,234     id. 

id.        1  coke    . 

186     id. 

id.        2  id.     . 

.     .          151     id. 

Statistique  pour  les  locomotives  : 

La  distance  de  Tientsin  à  Tchoung  Uso,  est  de  213  milles  sur 
laquelle,  en  moyenne,  36  locomotives  roulent  par  mois,  la  plupart 


78 


ÉTUDES  OOLONIALBS 


sortant  de  la  maison  Deubs  de  Glascow,  les  autres  de  la  firme 
américaine  Balduin  ;  l'exploitation  des  locomotives  coûte  : 


I.  —  Salaires  des  mécaniciens  indigènes  et  des 
dides 

n.  —  Salaires  des  inspecteurs  et  mécaniciens 
européens 

m. —  Charbon 

IV.  —  Divei*s  objets 

V.  —  Lubrifiants,  huiles  étrangères  et  indigènes. 

VI.  —  Un  tiers  du  salaire  des  employés  étrangers 

Total 


Taku 

LlTBBS 

2,290 

324 

940 

133 

5,295 

740 

316 

44 

750 

106 

520 

75 

4,422 


La  réparation  des  locomotives  coûte  : 

VII.  — Matériel  de  réparation  (y  compris  une  part 

proportionnelle  dans  les  frais  d'ate- 
lier)  

VIII.  —  Salaire  pour  les  réparations  (id.)  .     .     . 

IX.  —  Provisions  consommées  par  la  vapeur  .     . 

X.  — -  Coolies,  divers,  etc 

Total 

Frais  totaux  pour  les  locomotives. 
Total  général 
Soitfr.  .     .    . 


1,778 

251 

1,378 

223 

121 

17 

274 

38 

S29 

1951 

48,775 

Dépenses  par  mille  (1,6047  k.)  occasionnées  sur  Un  mois,  pris 
dans  une  moyenne  de  six  mois  (Frais  d'exploitation)  : 


Hot 

I,  11,  VI 

HI 

IV.  V 

vii,vni,ix,x 

SALAIRES. 

COMBUSTIBLE 

LUBRinANTS 

etc. 

COÛT    TOTAL 

Dl 

L*rXPLOITATIfMI 

RÉPARATIONS. 

.       COÛT    TTAL 
DK  L'aPUIITATlOa 

iT  un 

WLtfKmAXtOU. 

t,  0.0  i  3/4 

soit  enTÎron 
fp.  0.17  1/2 

£  0.0  2  3/4 
fr.  0.27  1/2 

t,  0.0.0  1/2 
fp.O.(« 

3L  0.0.5 
fr.  0.50 

C  0  0.1  3/4 
fr.  0.17  1|2 

t,  O.O.G  3,4 
fr.  0.67  1/2 

LA  CHINE 


79 


Pendant  les  H  mois  éôoulés,  les  tubes  de  4  chaudières  durent 
être  renouvelés,  5  foyers  et  2  chaudières  remplacées;  la  durée 
moyenne  des  tubes  dépasse  en  Chine,  2  ans,  les  chaudières  durent 
15  ans,  les  foyers  5  ans.  Les  plus  anciennes  machines  importées 
le  furent  d'Angleterre  en  1883.  M.  Kinder,  homme  très  compétent 
en  la  matière,  donna  à  Lord  Berestord  les  renseignements  sui- 
vants :  les:  machines  américaines  sont  employées  de  préférence, 


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PÉKIN.  —  ENTRÉE  DE   LA    VILLE   TARTARE. 
PHOTOGRAPHIE    COMMUNIQUÉE    PAR    H.    L.    JANSSBN. 


bien  qu'inférieures  aux  machines  anglaises,  vu  qu'elles  rachètent 
ce  désavantage  de  qualité  par  leur  prix  moindre  qui  est  de 
1,850  livres  au  lieu  de  2,800  et  par  la  rapidité  plus  grande  de 
livraison  qui  est  de  4  n^ois  et  demi  au  lieu  de  24  mois.  M.  Kinder 
construit  maintenant  lui-même  des  machines  qui  reviendront  pro- 
bablement à  1,600  IL  chacune.  Il  fait  tout  dans  ses  ateliers  chinois, 
excepté  les  roues  et  les  essieux,  et  il  dit  éprouver  de  grandes  diffi- 
cultés à  trouver  des  ouvriers  habiles.  On  emploie  en  Chine  le  sys- 
tème d'attaches  américain  contant  10  livres  par  wagon. 
Le  chemin  de  fer  de  Pékin  à  Shangkwan  (3  milles),  coûte 


80  ÉTUDES  €OLQMALES 

0,000  livres  le  mille  tout  compris,  matériel  roulant  et  atelier,  c'est- 
à-dire  environ  93,457  francs  le  kilomètre.  Cette  ligne,  qui  est  en 
ce  moment  in  seule  en  exploitation  effective  en  Chine,  emploie 
tantôt  des  rails  d'acier  de  83  livres,  tantôt  des  rails  de  70  ou 
60  livres,  tous  du  type  Sandberg;  leur  durée  moyenne  est  de 
I)  ans. 

Les  Anglais  et  les  Russes,  ces  derniers  surtout,  ont  su  obtenir 
de  la  Chine  de  sérieuses  faveurs  pour  les  lignes  construites  avec  le 
capital  de  leurs  nationaux  notamment  l'exemption  des  droits  d'en- 
trée pour  tout  le  matériel.  Les  Russes  en  ont  fait  une  des  condi- 
tions de  leur  contrat  avec  la  Chine  et  ont,  en  conséquence,  déjà 
importé  36,000  tonnes  do  matériel  sans  payer  aucun  droit.  Lord 
Bereslord  se  demande  si  cette  exemption  est  légitime,  puisqu'elle 
prive  d'un  bénéfice  escompté  la  douane  impériale,  dont  le  produit 
sert  de  garantie  aux  poricurs  de  titres  des  emprunts. 

On  remarque  dans  tout  le  livre  de  Thomme  d'Etat  anglais  la  pré- 
occupation constarite  de  montrer  à  ses  nationaux  quels  progrès 
énormes  la  Russie  a  fait  en  Chin^,  surtout  en  Mantchourie.  H  jette 
comme  un  cri  d'alarme  chaque  fois  qu'il  rencontre  les  sujets  du 
Tsar  sur  sa  route  et  ne  peut  s'empêcher  de  reconnaître  qu'avec  le 
chemin  de  fer  stratégique  et  ses  120,000  hommes  dans  la  Sibérie 
orientale  et  en  iManl  hourie,  la  Russie  aura  bientôt  en  Chine  une 
situation  prépondérante.  Il  raconte  que  chaque  fois  qu  il  expose  à 
des  interlocuteurs  chinois  une  idée  profitable  à  l'Angleterre,  mais 
à  laquelle  la  Russie  pourrait  être  diversement  intéressée,  les  auto- 
rités chinoises  lui  répondent  :  «  Votre  idée  est  bonne,  mais  que 
diraient  les  Russes?  ». 

Toutes  les  industries,  commft  le  chemin  de  fer,  auront  grande 
chance  de  se  développer  en  Chine,  car  les  conditions  primordiales 
de  succès  ne  leur  manqueront  pas  :  il  y  a  du  charbon  en  très 
grand'*  quantité.  Les  Célestes  n'ayant  aucun  bon  système  d'extrac- 
tion, doivent  abandonner  les  niines  à  une  certaine  profondeur; 
d'autre  part,  les  routes  pour  transporter  les  produits  ne  sont  pas 
suffisamment  entretenues.  Le  charbon  se  vend  environ  iO  francs  à 
la  mine  même,  mais  il  y  a  du  charbon  en  grande  quantité,  entre 
autre  à  Hankow,  à  Kwangnin,  où  il  se  vend  23  francs  la  tonne, 
alors  qu'à  400  milles  de  là,  à  Usawghin,  il  ne  coûte  pas  10  francs. 


LA  CHINE  81 

Lord  Beresford  visita  les  mines  Tonkshau;  leur  rendement  est  de 
2,000tonnes  par  jour,mais  pourrailclregrandementaugraenté.  Ces 
mines,  (|ui  sont  restéesiOans  sans  rapporter  aucun  dividende,  sont 
maintenant  d'un  excellent  profit;  1 ,000  Chinois,  très  bons  mineurs, 
quand  les  étrangers  les  dirigent,  travaillent  aux  puits.  Le  charbon 
se  vend  à  la  mine  de  1 1,25  à  43  francs  la  tonne.  On  y  creuse  un 
nouveau  puits  de  15  à  1,700  pieds  de  profondeur.  Les  mines  de 
Tonkhan  et  deLuisi  qui  donnent  450  tonnes  par  jour  ont  rpoduit, 
en  1896,488.540  tonnes;  en  1897,  538,5-20  tonnes;  en  1898. 
650,000  tonnes;  il  y  eut  une  moyenne  de  35  p.  c. de  gros  charbons 
et  de  65  p.  c.  de  menu;  la  production  du  coke,  qui  n*est  pas 
encore  travaillé  d'après  les  méthodes  de  l'Europe,  s'élevait  en  1895, 
à  i  1,136  tonnes  ;  en  1896,  à  24,097  ;  en  1897,  à  29,428  tonnes. 

Outre  les  mines  de  charbon,  il  y  a  du  fer,  du  cuivre,  du  zinc  et 
même  de  l'or  dans  plusieurs  districts. 

Lord  Beresford  passe  en  revue  toutes  les  villes  inléressantes  de 
la  Chine  et  il  serait  trop  long  de  le  suivre  dans  cette  voie;  il  nous 
a  semblé  cependant  que  l'une  de  ces  villes  intéresserait  surtout  la 
Belgique,  non  seulement  parce  qu'elle  est  le  point  de  départ  de  la 
ligne  de  chemin  de  fer  belge  mais  parce  qu'elle  est  située  si  admi- 
rablement qu'elle  deviendra  dans  un  bref  délai  le  Chicago  du 
Céleste  empire.  C'est  de  Uankow  que  nous  entendons  parler...  Là, 
comme  dans  les  ports  ouverts,  les  Anglais  et  les  Français  ont  des 
concessions  ou  setilemenis  pour  une  durée  de  99  ans,  c'est-à-dire 
qu'ils  forment  avec  nos  nationaux  une  ville  dans  la  ville,  s'admi- 
nislrant  eux-mêmes,  votant  leurs  impôts,  organisant  une  police,etc. 
La  Belgique  obtiendra  peut-être,  par  une  politique  habile,  les 
mêmes  avantages  ;  quoi  qu'il  en  soit,  en  ce  moment  les  Anglais, 
Jes  Français  et  les  Russes  ont  des  concessions  obtenues,  dit  Lord 
Beresford.  à  la  pointe  des  bayonneltes,  ce  qui  est  un  moyen  de 
discussion  radicale,  mais  pas  chevaleresque  quand  un  adversaire 
est  faible  comme  l'empire  chinois. 

Les  cours  dcau,  surtout  le  Yangtzé,  nous  l'avons  vu  plus  haut, 
sont  ici  navigables;  mais  les  cours  d'eau  intermédiaires  sont  peu 
sûrs.  L'Angleterre  a  l'intention  d'y  envoyer  quelques  bateaux 
armés  de  canons  pour  tenir  les  pirates  à  dislance,  exemple  qui  ne 
peut  manquer  d'être  suivi  avec,  fruit  par  les  autres  nations.  Le 


si  irUDES  COLONIALES 

commerce  du  thé  se  fait  à  Hnnkow  sur  une  grande  échelle, 
ainsi  que  le  commerce  du  bambou,  de  la  laine,  de  la  plume,  de  la 
soie  et  des  chiffons;  il  y  a  des  filatures  de  coton,  une  fabrique 
dallumeltes,  fondée  en  1897  par  des  Chinois,  au  capital  d'un 
million  de  francs  et  qui  donne  d'excellents  résultats.  On  vend 
à  Hankow  de  Tor,  de  l'argent,  de  l'antimoine  venant  de  I  in- 
térieur de  la  province  et  l'on  y  importe  beaucoup  de  marchandises 
d'Europe.  Enfin,  il  y  a  là  une  aciérie  et  une  fonderie  dirigées  par 
des  Belges,employant  1,000  hommes  et  donnant  75  tonnes  par  jour, 
de  même  qu'un  établissement  pour  couler  l'acier  Ressemer,  pou- 
vant produire  80  tonnes  par  jour  et  en  même  temps  tout  entier 
occupé  à  fournir  des  rails  pour  le  chemin  de  fer  de  Shonhaikwang 
et  ce,  a  raison  de  120  tonnes  par  jour.  Le  charbon,  qui  est  excel- 
lent, vient  de  llunan  à  200  milles  de  là  où  on  ne  l'extrait  qu'à  la 
surface  du  sol,  au  moyen  de  pioches.  Si  les  directeurs  anglais  et 
belges  pouvaient  avoir  un  contrôle  absolu  sur  toutes  les  parties  de 
cet  établissement,  ledividende  serait  certainement  très  élevé,  mais 
il  arrive  parfois  que  les  fourneaux  doivent  s'éteindre,  tantôt  faute 
de  charbon,  Uuitôt  faute  de  minerais 

Toute  b  province  est  très  riche  en  minerais  divers,  notamment 
en  cuivre  et  en  zinc.  Si  Ton  permettait  aux  étrangers  d'exploiter 
les  mines  avec  le  capital  et  l'énergie  nécessaires,  en  payant  au 
gouvernement  une  redevance  pour  chaque  entreprise,  les  compa- 
gnies pourraient  faire  de  très  grosses  forlunes  et  la  Chine  y 
trouver  un  accroissement  sensible  de  ses  revenus.  11  est  à  regretter 
que  cette  province  si  riche  en  produits  naturels  soit  si  hostile  aux 
étrangers:  les  Célestes  y  sont  si  méfiants  qu'après  avoir  commandé 
pour  une  mine  d'or,  entièrement  entre  leurs  mains,  des  machines 
pour  près  de  500,000  francs  à  une  maison  américaine,  ils  ont 
voulu  monter  tout  le  matériel  eux-mêmes,  refusant  aux  monteurs 
américains  l'accès  de  la  mine  et  des  environs,  de  crainte  d'en  voir 
divulguer  les  richesses. 

La  question  de  l'or  nous  amène  naturellement  à  parler  de  la 
monnaie  et  en  général  des  finances  de  la  Chine.  Si  Lord  Beresford 
en  entamant  ce  chapitre  s'est  excusé  de  devoir  s'en  référer  aux 
opinions  exprimées  par  des  financiers  compétents  de  Chine  et 
d'Angleterre,  directeurs  de  banques  et  autres,  nous  serons  encore 


LA  CHINE 


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bien  plus  excusables  en  nous  référant  au  résumé  si  documenté  que 
fauteur  donne  de  celte  opinion. 

Lord  Beresford  rapporta  plus  de  30  espèces  de  monnaies  diiïé- 
rentcs  circulant  en  Chine.  M  Bard  a,  dans  son  livre,  réservé  un 
chapitre  amusant  à  cette  question  de  monnaie.  Nestor  Roqueplan, 
dit  il  disait  avoir  connu  un  infortuné  qui  avait  entrepris  de  se 
rendre  du  boulevard  des  Italiens  à  TOdéon  et  qui,  lorsqu'il  était 


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PÉKIN.  —  PALAIS  D*éTË.   PAGODE   EN    BRONZE. 


arrivé  à  destination  avait  les  cheveux  blancs.  Semblable  sort 
menace  le  le  teur  bienveillant  que  nous  allons  entretenir  de  la 
monnaie  chinoise.  Il  y  a  d'abord  le  sapecqm  adonné  lieu  à  celte 
plaisanterie  justifiée  que  lorsqu'on  rencontre  une  brouelle  remplie 
de  sapées,  cela  veut  dire  que  cest  un  bonhomme  qui  va  payer  une 
somme  de  cent  sons.  En  effet,  pour  faire  la  somme  de  un  dollar, 
il  faut  8  livres  anglaises  en  sapées,  reliés  par  des  ficelles.  Le  poids 
de  ces  SOO  où  1,000  pièces  brise  souvent  le  lien  qui  les  relient 
en  chapelet,  et  alors  il  faut  ramasser  loute  celle  niilrnille  et  la 
renfiler  à  nouveau!  Et  pourtant,  pendant  plus  de  40  siècles,  celle 


84  ÉTUDES  COLONIALES 

monnaie  a  été  la  seule  qui  Tût  frappée  en  Chine!  Mais  la  valeur  de 
celle  monnaie  nationale  diffère  de  place  en  place.  Un  empereur 
cbinois,  conlinue  M.  Bard,  ayant  un  jour  décrclé  que  le  stock  de 
monnaie  de  son  empire  serait  augmenté  par  le  procédé  éminem- 
mentsimplede  donner  nominalement  à  chaque  sapec  la  valeur  de  2, 
on  trouve  encore  trace  de  cette  mesure  dans  certaines  provinces 
de  la  Chine, 

Dans  une  quantité  d  endroits  un  cent  de  sapées  n  est  pas  un  cent, 
et  voici  pourquoi  :  un  autre  empereur,  ayant  résolu  de  faire  frap- 
per des  sapées  de  fer,  voulut  les  mettre  en  circulation,  mais  ses 
troupes  les  refusèrent  unanimement  ;  aux  environs  de  la  Grande 
Muraille  on  trouve  des  quantités  de  ces  pièces  que  morne 
les  numismates  ne  ramassent  pas.  La  tentative  a  cependant 
laissé  des  traces  qui  subsisteront  encore  longtemps  après  qu'on 
aura  perdu  le  souvenir  de  cette  cause  de  modlRcation  aux  usages 
monétaires.  Les  mandarins  ayant  reçu  Tordre  de  faire  rentrer 
celte  monnaie  en  circulation,  le  peuple  s'y  refusa;  il  s'ensuivit  une 
longue  discussion.  Les  autorités  proposèrent  d'introduire 50  sapées 
de  fer  contre  50  de  cuivre.  On  arriva  à  un  arrangement  et  quoique 
pas  un  sapec  de  fer  n'ait  été  accepté  par  personne,  il  fut  convenu 
que  85  sapées  de  cuivre  constitueraient  un  cent,  les  mandarins 
étant  censés  en  avoir  fait  accepter  15  en  fer;  ailleurs  on  a  transigé 
à  77. 

Avec  une  monnaie  aussi  incommode,  il  est  naturel  que  le  Chi- 
nois ait  de  bonne  heure  songé  aux  billets  de  banque  ;  aussi  quoique 
l'Ëlat  n'en  émette  pas,  les  banques  particulières  en  font  un  usage 
constant.  On  en  trouve  qui  valent  un  peu  moing  d'un  franc.  Ces 
billets  ne  sont  cependant  pas  commodes,  car  avant  de  les  recevoir 
il  faut  s'informer  en  quelle  monnaie  ils  seront  payés,  en  vraie  ou  en 
fausse,  en  chapelet  de  850,  de  770  ou  de  500  pièces. 

Nous  avons  déjà  fait  remarquer  au  cours  de  ce  travail  quelle 
était  la  cause  de  la  faiblesse  financière  en  Chine.  Lord  Beresford  y 
revient  pour  constater  que  le  crédit  de  l'empire  est  loin  d  être  bon, 
la  seule  ressource  absolument  certaine,  la  douane  impériale,  étant 
obérée  jusqu'au  dernier  centime  et  le  pays  n'ayant  ni  bons  garants 
à  offrir  pour  les  emprunts  nouveaux,  ni  revenus  certains  pour 
faire  face  aux  obligations  sans  cesse  croissantes  ;  les  revenus  de 
certaines  provinces,  nous  l'avons  vu,  ont  même  déjà  été  donnés 


LA  CHINE  85 

en  gage  pour  garantir  certains  emprunts  et  Ton  se  demande  avec 
anxiété  par  quoi  ces  provinces  vont  remplacer  les  revenus  dis- 
parus pour  subvenir  aux  charges  de  Tadininistration  provinciale 
et  des  travaux  publics.  L^Empire  est  dans  une  mauvaise  situation 
financière,  non  pas  parce  que  les  revenus  sont  imsuffisants,  mais 
parce  qu'ils  sont  gaspillés  ou  mal  administrés  :  La  Chine  est  seule- 
ment mal  gérée,  de  sorte  qu'avec  une  réorganisation  financière 
bien  entendue,  et  la  constitution  d'une  police  et  dune  armée 
sérieuses,  son  crédit  national  ne  peut  manquer  do  se  relever  et  de 
devenir  de  tout  premier  ordre.  Mais  comment  s'étonner  de  sa 
pénurie  actuellequand  on  songe  que  le  revenu  toUil  de  85  millions 
de  taels  ne  représente  que  1/5  de  ce  qui  est  réellement  encaissé, 
en  d'autres  mots  que  80  p.  c.  de  la  recette  sont  absoi  bés  par  les 
frais  de  perception.  Pourquoi,  dit  Lord  Beresford,  ne  relèverait-on 
pas  le  crédit  financier  chinois  comme  on  a  relevé  celui  de  l'Egypte? 
La  dette  publique  de  Tempire,  pour  laquelle  les  douanes  furent 
données  en  garantie,  s'élève  actuellement  de  50  millions  à  60  mil- 
lions de  livres;  les  emprunts  contractés  sont  les  suivants  : 

i.  —  Emprunt  de  1894,  anglais,  de  10  miUions  de  lacis,  argentà  7  p.c. 
remboursable  en  20  ans; 

2.  —  Emprunt  de  1895,  anglais,  de  3  raillions  de  livres,  or  à  6  p.  c. 

remboursable  en  20  ans  ; 

3.  —  Emprunt  de  1895,  franco-russe,  de  16  millions  de  livres,  or 

à  4  p.  c.  remboursable  en  36  ans; 

4.  —  Emprunt  de  1896,  anglo-allemand,  do  16  millions  de  livres,  à 

5  p.  c.  remboursable  en  36  ans; 

5.  —  Emprunt  de  1898,  anglo-allemand,  de  16  millions  de  livres  à 

4  i/2  p.  e.  remboursable  en  45  ans. 

En  sus,  il  y  a  deux  emprunts  d'un  million  de  livres  chaque, 
garantis  par  d'autres  revenus,  mais  avec  cette  clause  que,  si  ces 
autres  revenus  sont  insuffisanLs,  la  douane  y  suppléera. 

Il  y  a,  en  outre,  quelques  petits  emprunts  encore  existants  mais, 
comme  ils  ne  sont  pas  garantis,  nous  les  passons. 

Ce  qui  prouve  bien  que  les  revenus  de  la  douane  sont  grevés 
jusqu'au  delà  de  leurs  ressources,  c'est  que  le  dernier  emprunt 
de  1898  est  garanti  non  seulement  par  le  produit  des  douanes,  mais 
encore  par  le  produit  de  la  perception  du  Likin.  Disons  ici  en  pas- 


86  ÉTUDES  COLONIALES 

sant  qu'il  est  regrettable  de  voir  les  puissances  s'appuyer  pour  un 
emprunt  sur  une  perception  que  tous  les  efTorte  devraient  tenter 
d'abolir,  «  le  Likin,  »  nous  lavons  vu,  étant  un  des  plus  grands 
obstacles  au  commerce  international.  Sans  doute  l'Angleterre  et 
l'Allemagne  ont-elles  accepté  celte  garantie  du  Likin  en  attendant 
mieux  et  seront-elles  tout  disposées  à  convertir  cette  garantie  en 
une  autre  équivalente,  le  jour  où  la  réorganisation  financière  de  la 
Chine  se  fera. 

L'ère  des  emprunts  est  donc  passée,  aucun  argent  ne  doit  plus 
être  avancé  à  la  (ihine,  si  ce  n'est  pour  les  entreprises  produclivcs 
donnant  aux  porteurs  une  garantie  de  remboursement,  et,  au  pays 
lui  même,  des  ressources  nouvelles,  capables  non  seulement  de 
payer  l'intérêt  mais  d'accroître  ses  revenus  au  delà  de  ce  qui  en 
sera  disirait  pour  faire  face  aux  emprunts. 

La  question  des  chemins  de  fer  et  des  mines  est  intimement  liée  à 
ces  questions  d'emprunt  et  Lord  lieresford  se  demande  si  le  public 
se  rend  bien  un  compte  exact  de  ce  que  ces  rapports  veulent 
dire.  Va-t-on  seulement  remplir  les  poches  des  lanceurs  d'affaires 
ou  faire  œuvre  prolitable  tant  à  la  Chine  qu'aux  actionnaires? 
Les  concessions  sont  si  tentantes  sur  le  papier  !  mais  sont- 
elles  réalisables?  et  même  en  ce  cas,  donneront-elles  bientôt  ou 
jamais  les  profits  que  l'on  vante?  Le  public  ne  saurait  agir  avec 
trop  de  prudence,  ni  se  renseigner  assez  au  sujet  de  ces  conces- 
sions auprès  des  gens  compétents  se  trouvant  en  Chine  même.  Où 
est  située  la  réj^ion  exploitée?  quelles  sont  ses  ressources  ?  quel 
est  l'esprit  de  la  population  indigène?  comment  le  monde  ofliciel 
a-t-il  été  amené  à  encourager  le  projet,  quelles  difficultés  locales 
seront  à  surmonter,  quels  sont  les  moyens  de  transport  et  quels 
débouchés  la  nouvelle  entreprise  a-t-elle  déjà,  va-t-elle  développer 
ou  créer?  Autant  de  questions  qui  doivent  solliciter  toute  l'attention 
du  public. 

L'auteur  continue  en  constatant  qu'en  adjoignant  un  conseiller 
financier  à  l'administration  et  aux  recettes,  en  réformant  le  système 
monétaire,  en  établissant  une  banque  centrale  gouvernementale  et 
en  donnant  de  la  publicité  aux  recettes  provinciales  et  autres,  on 
arriverait  à  quadrupler  les  revenus  de  la  Chine  sans  augmenter 
d'un  centime  les  impôts  existants  et  tout  naturellement  il  en  arrive 
à  proposer  la  création  dun  département  financier, dirigé  par  un 


SOUBASSEMENT    D'lNK   I»AG0I)K 


LA  CHINE  87 

sujet  anginis,  et  dont  les  autres  fonctionnaires  seraient  cosmopo- 
lilos.  Liï  comme  ailleurs,  le  système  de  la  porte  ouverte  devra  être 
praliqué  à  lencoutre  de  celui  des  sphères  d'influences  :  nulle  autre 
question  ne  souffrirait  autant  de  ce  dernier  système  que  la  ques- 
tion (inancièro;  tailler  la  Chine  en  morceaux,  c'est  assurer  la  dispa- 
rition des  revenus  garantissant  les  emprunts. 

Le  système  monétaire  chinois  est  aussi  confus  et  aussi  désespé- 
rément com()romis  que  son  système  finîincier.  Nous  avons  vu  que 
le  ((  Uiel  »  est  I étalon  de  la  valeur  à  travers  tout  lempiro,  mais  ce 
que  nous  n'avons  pas  encore  dit,  c'est  que  le  taol  n'est  pas,  à  pro- 
prement parler,  une  monnaie,  c'est  un  poids  d'argent  d'environ 
i,  à  l  J/3  douce;  mais  ce  poids  varie  encore  de  province  à  pro- 
vince. L'éUdon  commercial  est  le  tael  Hai-kwainien  ou  tael  de  la 
douane,  fixé  en  1897  comme  suit: 

Pour  les  opérations  de  bourse  de  Paris,  Londres,  Berlin,  Cal- 
cutta et  Hongkong. 

3,73  Francs  français  ; 
2       Shelling  il  3/4  d.  anglais 
0,72  Dollar  or  Américain 
3,03  Marks  allemands 
2,34  Roupies  indiennes 
1,50  Dollar  américain. 

C'est  le  Kuping  tael  (tael  du  trésor),  le  Kneiping  tael  (lael  de 
Shanghaï)  et  le  tael  d'Hankow  qui  sont  le  plus  généralement  en 
usage.  Ce  dernier  vaut  exactement  3  p.  c.  de  plus  que  le  tael  de 
Shanghaï  et  il  y  a  une  différence  de  10  p.  c.  entre  le  plus  élevé  et 
le  plus  bas  de  ces  trois  taels.  Non  seulement,  dit  Lord  Uercstord, 
le  tael  n'est  pas  une  monnaie,  mais  je  n  ai  jamais  pu  rencontrer 
dans  (oute  la  rhine  un  poids  d'argent  représentant  exaclemeut  un 
tael.  La  monnaie  courante  en  Chine  est  le  dollar,  mais  il  y  en  a 
neuf  espèces,  dont  cinq  sont  frappées  dans  le  pays;  le  plus  gène- 
nilemejit  employé  est  le  dollar  étalon  frappé  au  Mexique,  les 
autres  sont  : 

Le  yen  Japonais 

Le  dollar  Caroius  (d'Espagne) 

Le  dollar  Français  (piaslre  d'Indo-Chine) 

Les    monnaies   divisionnaires  se  composent  de  5,  10,  20  et 

2 


88  ÉTUDES  COLONIALES 

50  cents  frappées  en  Chine,  mais  les  monnaies  divisionnaires  que 
la  Chine  empltiie  surtout  sont  les  cash  de  cuivre  dont  la  valeur  est 
de  un  millième  de  dollar.  Quant  au  rapport  du  cuivre  à  l'argent, 
Tauteur  de  «  Break  up  of  China  »  dit  qu'il  ne  peut  mieux  Texpli. 
quer  qu'en  rapportant  trois  questions  posées  par  la  Chambre  du 
commerce  de  Londres  à  la  Banque  de  Hankow  et  de  Shanghaï,  et 
les  réponses  qu'y  lit  M.  Addis,  directeur  du  Comptoir  de  Shanghaï, 
i'*  Question.  —  La  monnaie  de  cuivre  est-elle  mise  en  circula- 
tion aux  établissements  de  frappe  en  Chine  à  un  taux  plus  élevé 
depuis  qu'on  a  fermé  les  monnaies  de  l'Inde  ou  bien  cette  augmen- 
tation de  valeur  alléguée  de  la  monnaie  de  cuivre  se  manifeste-t-elle 
après  la  mise  en  circulation? 

2*  Question.  —  Quelle  est  l'exacte  augmentation  de  valeur  et 
quelles  furent  ses  fluctuations? 

3*  Question.  —  La  baisse  des  grains  et  des  salaires  a-t-elle  suivi 
la  hausse  de  la  valeur  de  la  monnaie  de  cuivre? 

L  —  Il  est  diflicile  dit  M.  Addis  de  répondre  à  la  première  ques- 
tion dans  les  ternies  où  elleest  posée.  Les  établissements  de  frappe, 
les  monnaies  en  d'autres  termes,  ne  sont  pas   «  ouvertes  »  en 
Chine,  dans  le  sens  que  Ton  donne  à  ce  mot.  Ce  sont  des  institu- 
tions gouvernementales  qui  achètent  le  cuivre,  le  frappent  en  pié- 
cettes de  poids  et  de  composition  fixes  et  finalement  le  lancent  en 
circulation  en  en  pa>antles  soldats  et  les  fonctionnaires.   On  ne 
peut  donc  pas  dire  qu'ils  livrent  la  monnaie  à  un  taux  plus  ou  moins 
bas  ou  élevé  parce  que,  l'élalon  du  poids  et  la  composition  étant 
déterminés,  il  n'y  a  pas  de  terme  de  comparaison  à  établir  entre  le 
cuivre  et  l'argent.  Le  taux  du  change  entre  la  monnaie  de  cuivre 
et  l'argent  est  déterminé  par  la  quantité  de  cuivre  monnaie  en  cir- 
culation. La  fermeture  des  monnaies  de  Tlnde  n'a  pas  eu  non  plus 
d'effet  quant  à  la  composition  et  au  poids  des  monnaies  de  cuivre 
chinoises:  leur  type  est  demeuré  invariable.   Un  lael,  (environ 
1,1  1/3  d'once)  poids  de  Kung-Fa  argent,  suffit  actuellement  pour 
acheter  du  cuivre  en  assez  grande  quantité  pour  frapper  388  grands 
sapèques  de  Pékin  ou  7  4/5  detiao  (i  tiao  =  50  grands  sapèques 
ou  1.000  sapèques  nominaux).  Dans  la  capitale,  où  les  fonction- 
naires et  les  soldats  reçoivent  leur  paie,  suivant  un  taux  depuis 
longtemps  fixé  à  14  tiao  pour  un  tael  du  gouvernement,  le  cuivre 
peut  toujours  être  frappé  dans  une  certaine  mesure,  la  perte  re- 


LA  CHINE  89 

tombant  sur  le  trésor  impérial.  Pour  obvier  à  cette  perte,  on  a  pro- 
posé de  réduire  le  type  de  la  monnaie  de  cuivre,  mais  l'Impératrice 
douairière  s'y  est  opposée  craignant  de  mécontenter  ses  soldats. 

Dans  les  provinces,  pendant  ces  cinq  dernières  années,  on  peut 
dire  que  la  frappe  du  cuivre  a  été  presque  entièrement  remplacée 
par  la  frappe  de  l'argent.  En  1897^  les  monnaies  de  Tiensin, 
Uchang,  Pootcbow  et  Canton,  ont  émis  les  monnaies  division- 
naires argent  suivantes  : 

214,796  pièces  de  50  cents 

3i,ar>9,57i  pièces  de  20  cents 

17,892,931  pièces  de  10  cents 

66,921  pièces  de   5  cents 

Au  taux  de,  disons  920  sapèques  au  dollar,  cette  monnaie 
représente  l'équivalent  de  7,508,902,242  sapèques  cuivre,  d'une 
valeur  supérieure  à  8  millions  de  dollars. 

II.  —  Les  autres  valeurs  de  cuivré,  comparées  h  l'argent,  varient 
suivant  les  provinces  depuis  la  fermeture  des  monnaies  aux  Indes. 
On  peut  dire  cependant  que  la  moyenne  de  celte  hausse  est  de 
25  p.  c.  La  sapèque  de  cuivre,  sans  doute  à  cause  des  nombreuses 
pièces  usées  en  circulation,  obtient  sur  le  marché  un  prix  inférieur 
à  sa  valeur  intrinsèque  en  argent.  Aussi  s'il  est  vrai  de  dire,  comme 
on  l'a  vu  plus  haut,  qu'avec  un  tael  argent  on  achète  du  cuivre  en 
assez  grande  quantité  pour  frapper  3S8  grands  sapèques  de  Pékin, 
il  convient  d'ajouter  qu'il  faut  550  de  ces  sapèques  pour  obtenir, 
sur  le  marché  d'échange,  un  tael  d'argent.  Et  il  y  a  néanmoins  une 
hausse  de  25  p.  c.  dont  on  tient  compte.  Les  causes  doivent  en  être: 
l"*  La  pénurie  de  sapèques,  due  à  la  cessation  de  la  frappe  depuis 
les  dernières  5  à  6  années;  2°  La  grande  quantité  de  monnaie 
fondue  pour  un  usage  domestique  en  guise  de  lingots  de  cuivre  ; 
3®  La  demande  toujours  croissante  de  cette  monnaie  par  une  popu- 
lation sans  cesse  grandissante. 

III.  —  La  valeur  du  cuivre  ayant  augmenté  en  comparaison  de 
l'argent,  on  aurait  dû  s'attendre  à  trouver  une  baisse  proportion- 
nelle des  denrées  alimentaires  et  des  salaires.  Or,  c'est  précisément 
le  contraire  qui  a  eu  lieu  ;  la  valeur  d'achat  du  cuivre  a  monté  en 
proportion  de  ce  que  l'argent  est  tombé  comparativement  aux 
salaires  et  aux  denrées. 


00  ÉTUDES  COLONIALES 

Ainsi  \n  fîirine,  pour  laqiu'llft  en  1892  on  paynit  2  Uiftis  40  ou 
l,70i  grands  sapoques  les    133  1/3  livres,  vaul  4  larls  tO  ou 

2  310   i;rîiiKls  ?îii  fqi  is,  (u    {-î  h.  Le  riz  qui  î-c  M)  fiail  u)  1*92, 

3  dollars  37  ou  3.îi38  saprqnrs  Us  213  l/.-J  livn?,  s\sl  vendu 
6  dollars  33  ou  5,823  5iaprquis  n\  1898.  Onnnionl  e.\[iliqurr  celle 
anomalie?  La  Royal  Aaiatic  Society  a  adressé  à  co,  snjel,  h  ses 
membres  en  Chine,  un  quislionnalre  que  M.  F.-E.  Tayl(»r  sicré- 
lairc  slalislicien  des  douanes  impériales,  analyse  dans  un  rapport 
résumé  i  ar  M.  Âddis. 

Ce  dernier,  loul  en  admellaiiL  qu'une  augmcnlaiion  de  p<»pula- 
tion  (au^menfant  loujnurs  l::  drmande  de  pnMJuils  <ln  loule 
espèce,  alors  que  la  haisse  de  lardent  comparée  à  Tiu*  favorise 
les  exporlîilions)  a  une  ccrliîine  influence,  relient  c<*pi'ndant 
comme  cause  principale  de  l'anomalie  a(»parenlo  ce  Tail,  que 
largent  est  comme  valeur  (r.'icliat  tombé  proporliounriirmcnt 
beaucoup  plus  bas  encore  que  ravilissement  de  la  rni|)pe  n  a  fait 
tonïber  la  valeur  d'achat  ilu  sapé(pie. 

Lord  Beresford,  après  avoir  reproduit  Tanonudie  ci-dessus, 
répouil  à  deux  questions  supplémentaires  :  I**  l.elalon  d'or  est-il 
possible  en  <  hine?  Non,  dil-il,  |)arce  que  la  b.-dauee  du  (*onnnerce 
étant  en  défaveur  de  laChim»,il  e.sl  probable  qmî  roruedemeiirerait 
pas  dans  le  {)ays;  2°  quelle  variatiou  dans  le  pri\  d(»s  deiiré(»s  a  été 
la  ct)nséquence  de  la  variation  du  change?  Il  répoud  :  sur  six 
matières  imporlées  et  de  première  nécessilé,  cinq  oui  haussé  de 
30  à  41)  p.  c.  et  l'une  a  baissé  de  42  p.  c.  de  janvi(»r  i8'M)  à  octo- 
bre 18î»2.  Le  chan^^e  élait  de  4  sh.  (>  d.  en  I^i'O,  il  élait  de 
2  sh.  8  d.  en  1898.  Les  salaires  ont  également  augmenté  car  ils 
sont  pa>és  en  sapéques  ;  or,  en  IS90  pour  un  lael  d  argent  on  obte- 
nait 1,400  sapéques,  tandis  que  maintenant  on  n'obtient  plus  que 
1,200  sapéques. 

En  terminant  ce  chapitre,  si  intéressant,  des  finances  chinoises. 
Lord  Charles,  déplorant  la  diflerence  monétaire,  souv(»nt  grande 
dans  un  espace  très  restreint,  ajoute  qu'on  pourrait  porter  remède 
à  cette  situation  et  préconise  les  mesures  suivantes  : 

L  —  Création  d'un  bureau  des  finances  ayant  à  sa  tète  un 
étranger,  conseiller  financier  du  gouvernement  chinois; 

11.  —  Etablissement  d'une  compt^ibilité  publique  el  réforme  des 
moyens  de  perception  des  taxes  intérieures; 


LA  CHINE 


9t 


III.  —  Ef4iblisscraent  d'une  banque  gouvernementale  ou  privi- 
lège donné  d.nis  ce  sens  à  une  banque  existanle; 

IV.  —  Création  d'une  monnaie  nalionale,  modilîcation  du  sys- 
tème monélainî  qui  serait  admis  dans  tout  lenipire; 

V.  —  Ntnnination  par  la  Chine  d'unnconnuission  de  personnes 
autorisées  qui  feraient  une  enquête  au  sujet'de  la  question  etcon- 


VOLtUKS   A    LA    GANGUE. 
PHOTOGRAPHIE  COMMUiNIQUkE  FAK  M.  L.  JANSSEN. 


clueraient  sur  la  meilleure  façon  d'introduire  les  modiflcaiions 
souhailéos. 


Mais,  dit  Lord  Boresford,  ce  n'est  pas  seulement  raugmentalion 
des  salaires  des  fonctionnaires  et  l(»s  perfectionnements  du  sns- 
lème  flnancier  de  la  Chine  qui  arriveront  à  modilier  lelat  de  cor- 
ruplion  et  de  desordre  du  pays;  ce  qu'il  faut  avant  tout,  c'est 
donner  au  pouvoir  central,  au  gouvernement,  une  autorité  ferme, 
qui  se  fasse  respecter  de  tout  le  monde,  qui  oblige  tout  le  monde 
à  observer  les  traités  et  les  lois. 


92  ÉTUDES  COLONIALES 

Une  telle  autorité  ne  peut  être  obtenue  qu'avec  l'aide  d'une 
armée  et  d'un  corps  de  police  solidement  organisés. 

Sans  doute  cette  armée,  livrée  aux  seules  autorités  chinoises, 
rentrerait  dans  le  désordre,  si  jamais  on  l'en  faisait  sortir;  mais 
ce  n'est  pas  ainsi  que  l'entendent  ceux  qui  veulent  des  forces 
sérieuses  en  Chine.  Cette  armée  et  cette  police  seraient  organisées 
parles  puissances  suivant  un  système  européen,  c'est-à-dire,  avec 
des  budgets  publics  et  bien  équilibrés,  avec  ordre  et  loyauté; 
alors  on  pourrait  organiser  fortement  toutes  les  administrations  du 
pays. 

Lord  Beresford  ne  pouvait  manquer  de  s'occuper  très  sérieuse- 
ment de  l'armée  et  de  la  marine  chinoises.  Dès  son  arrivée  à  Pékin, 
il  pressent  le  prince  Tchui  et  les  Ministres  duTsong-li-Yamcn,  afin 
de  savoir  si  le  gouvernement  impérial  n'agirait  pas  sagement  en 
invitant  les  nations,  ayant  un  intérêt  commercial  dans  l'empire,  à 
envoyer  quelques  officiers  pour  travailler  à  la  réorganisation  de 
l'armce  chinoise.  Le  prince  répondit  que  cela  entrait  parfaite- 
ment dans  ses  vues  et  que  le  Tsong-li-Yamen  y  souscrirait,  sans 
doute,  quand  il  aurait  la  conviction  que  les  Anglais  désirent  sim- 
plement agrandir  leur  commerce  sans  rechercher  des  agrandisse- 
ments territoriaux. 

L'empereur  et  l'impératrice  douairière  ne  tardèrent  pas  à 
reconnaître  qu'il  était  de  l'intérêt  de  la  Chine  de  proléger  le  com- 
merce et  l'industrie,  et  donnèrent  un  commencement  d'exécution 
aux  idées  préconisées  par  l'amiral  anglais.  Le  Tsong-li-Yamen 
ordonna  aussitôt,  au  v. ce -roi  de  Ilunan  et  d'IIupé,  d'avoir 
2,00U  hommes  sous  les  armes  afin  qu'un  officier  anglais  pût  les 
faire  manœuvrer;  i,0')Ode  ces  hommes  devaient  être  chinois  et 
sous  la  conduite  de  S.  E.  Tchong-lchi-tong,  1,000  autres  seraient 
de  Mantchourie,  dirigés  par  le  généryl  tarlare  Hsiang-Ing.  Or, 
quand  Lord  Beresford,  quelques  semaines  après,  arriva  à  Hankow 
et  y  rencontra  le  vice-roi,  ce  dernier  l'informa  qu'il  avait  reçu  des 
dépêches  du  commandant  de  réunir  ces  2.000  hommes,  mais  que 
deux  obstacles  s'opposaient  à  la  réalisation  du  désir  du  Tsong-li- 
Yamen.  D'abord,  dit-il,  si  je  réunis  ces  2,000  hommes  ici, 
l'exemple  sera  suivi  par  toutes  les  nations  qui  recruteront  des 
Chinois,  dans  la  contrée  qu'elles  se  plaisent  à  appeler  «  leur 
sphère  d'influence  »  et  cela  conduirait  au  démembrement  de  la 


LA  CHINE  93 

Chine.  Ensuite,  il  est  impossible  de  placer  les  troupes  chinoises  et 
mantchoues  sous  un  même  chef  et  de  les  amener  à  travailler  de 
commun  accord.  Du  reste,  ajouta  le  vice-roi,  je  n'ai  aucun  ordre  à 
donner  aux  troupes  mantchoues,  lesquelles  sont  sous  une  direc- 
tion et  une  administration  différentes.  L'expérience  n'eût  pas 
lieu. 

Cela  n'empêche  pas  Lord  Beresford  de  faire  une  enquête 
sérieuse  par  tout  l'empire  et  il  arrive  à  cette  conclusion  qu'il 
n'existe  aucune  protection  efficace  pour  le  développement  du  com- 
merce étranger  en  Chine,  et,  qu'actuellement,  le  commerce  anglais 
n'est  pas  en  sécurité  en  dehors  des  ports  ouverts,  si  Ton  entend  par 
sécurité  celle  qui  est  le  résultat  d'une  organisation  militaire  effi- 
cace. Personne,  dit-il,  ne  connaît  la  force  des  armées  chinoises, 
pas  même  le  gouvernement  chinois  lui-même.  Les  forces  sont 
divisées  en  troupes  mantchoues  dont  les  Chinois  sont  exclus,  et 
en  troupes  chinoises  qui  admettent  certains  Mantchous  dans  leurs 
rangs.  Les  armées  dans  le  Nord  et  près  de  Pékin  sont  presque 
toutes  commandées  par  des  princes  Mantchous  ;  elles  sont  esti- 
mées à  170,000  hommes,  mais  sans  unité  de  discipline,  de 
méthode  ou  d'organisation;  il  y  en  a  des  tronçons  dans  presque 
toutes  les  grandes  villes  de  l'empire,  dirigés  par  des  généraux 
Mantchous  ou  Tartares. 

Ces  troupes  mantchoues  jouissent  de  privilèges  que  ne  par- 
tagent pas  les  troupes  chinoises.  Chaque  homme  mantchou,  qu'il 
appartienne  ou  non  à  l'armée,  a  droit  au  riz  et  à  3  taels  par  mois, 
à  payer  par  le  gouverneiiient,  mais  s'il  n'est  pas  de  l'armée  il  doit 
s'enrôler  à  la  première  réquisition.  Nul  ne  sait  quelles  sommes 
sont  consacrées  à  cette  organisation,  mais  on  les  estime  de  un  à 
trois  millions  de  livres,  dont  évidemment  une  bonne  partie  s'égare 
dans  la  poche  des  fonctionnaires. 

C'est  le  vice-roi  qui,  dans  la  province,  paye  l'entretien  des 
troupes,  excepté  des  troupes  mantchoues.  Dans  la  province  de 
Chilhli,  l'armée  du  général  Juan-Shi-Kai  et  l'armée  impériale  sont 
entretenues  aux  Irais  du  trésor,';  ces  troupes  ne  sont  pas  destinées 
à  quitter  les  environs  de  Pékin;  chaque  soldat  de  l'empire  a  droit 
à  3  taels  (9  sch.)  par  mois,  mais  la  façon  de  payer  la  nourriture  et 
l'habillement  varie  d  une  province  à  l'autre.  Dans  l'une  les  troupes 
reçoivent  l'argent  pour  se  nourrir  et  se  vêtir,  dans  d'autres,  on 


94  ÉTUDES  COLONIALES 

les  nourrit  et  on  les  habille;  tout  cela  dépend  des  généraux. 
Comme  ceux-ci  ont  un  traitement  plutôt  nominal,  ils  se  ra  trapent 
sur  les  fournitures.  L'un  de  ces  généraux  qui  commande  à 
iO,00()  hommes,  sur  le  papier,  n'a  en  réalité  que  800  hommes 
sous  ses  ordres:  quand  son  supérieur  passe  l'inspiction  doses 
troupes,  il  loue  des  coolies,  à  raison  de  55  centimes,  pour  remplir 
les  vides  le  jour  de  la  revue,  et  le  général  inspecteur,  qui  a  lui-même 
reçu  qm*lques  sojuiantes  et  trébuchantes  marques  de  sympathie 
pour  fermer  les  ycîux,  met  au  rapport  que  tout  est  en  purEût  état. 

L'armée  est  c<imposéo  de  volontaires,  mais  une  fuis  qu'on  y  est 
entré,  il  est  diUicilc,  sinon  impossible,  d'en  sortir.  Bien  que  cette 
question  militnire  sorte  un  peu  du  cadre  que  nous  nnus  étions 
tracé  il  paniit  inlér  ssant  de  reproduire  le  rapport  de  ccrUiine^ 
inspections  [.assécs  pur  Lord  Bercsford  L'auteur  roi^la  deux  jours 
et  une  nuit  avec  le  général  Juan-Shi-Kai,  et  eut  toute  opporlunité 
pour,  non  soulonicnt  voir  manœuvrer  ses  troupes,  n!:«is  pour  exa- 
miner leur  équipement,  ainsi  que  les  magasins  et  même  h's  livres 
de  paie.  L'armée  de  ce  général  comple  7,4C0  honniies  presque 
tous  originaires  de  Tshangtong.  Ces  hommes  et  ceux  <le  la  pro- 
vince de  Unan  sont  réputés  les  meilleurs  soldais.  L'infanterie  est 
armée  du  Mauser  allemand;  la  cavalerie  a  des  Innées  ei  des  cara- 
bines Mauser;  Tartillerie  se  compose  de  dix  batteries  de  six  pièces, 
de  différents  calibres,  tirant  des  projectiles  de  I  à  6  livres.  Tonles 
ces  troupes  firent  à  Lord  Beresford  la  meilleure  impression,  tant 
au  point  de  vue  de  l'éducation  militaire  que  de  la  diseipliiie;  les 
armements,  sauT  l'artillerie  et  les  canons  Maxim,  éUii^nt  en  parfait 
état.  C'est  la  seule  armée  qu'il  vit  en  Chine,  se  rapprochant  de  nos 
armées  européennes,  sans  doute  parce  que  ce  général,  faisant 
une  brillante  exception,  consacre  à  ses  troupes  tout  l'argent 
qui  leur  est  destiné.  La  cavalerie  Mongole,  forte  d'environ 
100,000  honmies  est  conduite  par  des  princes  Mongols,  suivant 
un  système  féodal;  ces  troupes  ne  sont  pas  payées;  on  les  dit 
favorables  à  la  dynastie  actuelle. 

A  l'exception  des  troupes  du  général  Juan-Shi-Kai,  toutes  les 
autres  n'ont  pas  ou  n'ojit  que  peu  de  pratique  du  tir,  ni  aucune 
orgsmisation  de  transport.Chose  presque  incroyable,certainssoldats 
sont  encore  exercés  au  tir  à  l'arc  et  cela  d'une  façon  étrange  :  ce 
qu'il  importe,  ce  n'est  pas  d'atteindre  le  but,  mais  de  prendre,  en 


LA  CHINE 


9o 


tendant  l'arc,  des  poses  très  académiques.  Lord  Beresford,  conti- 
nuant rinspcction,  consUite  que,  dans  farméo  de  S.  E  Lion-Kwen- 
Lî,  qui  est  supposée  f«»rte  de  i20,000  houuues,  il  n'en  a  vu 
que  8,000,  que  ces  hommes  sont  très  vigoureux,  bien  habilles,  mais 
mal  disciplinés;  il  y  a  trois  types  de  fusils  dans  une  compagnie. 
Résumant  ces  observations,  dont  le  détail  nous  entraînerait  trop 
loin,  l'auteur  nous  dit  qu'il  a  renconirc  quatorze  types  différents 


RESTAURANT    AMBULANT. 
PHOTOGRAPMIJS  CUMMUNIQUÉE  PAR  M.    L.  JANSSEN. 


de  fusils  dans  les  armées  dont  il  a  passé  l'inspection,  plusieurs 
espèces  de  couleuvrines  et  plusieurs  types  d'arcs  et  de  flèches.  11 
cite  le  fait  suivant  pour  montrer  à  quel  degré  de  ridicule  atteint 
parfois  l'organisation  militaire  chinoise.  Le  consul  de  Wuchouf, 
raionte  que,  pendant  les  dernières  émeutes,  les  soldats  étaient 
armés,  si  l  on  peut  décomment  s'exprimer  ainsi,  de  toutes  espèces 
d'ustensiles,  fusils,  sarbacanes,  cors,  joncs  et  aulres  instruments 
tapageurs;  les  patrouilles  étaient,  en  grande  partie,  sans  arme, 
cerUiins  soldats  portant  seulement  une  cage  d'oiseaux  et  un  éven- 
tail ;  et  cependant,  dit  Lord  Beresford,  on  ferait  une  armée  splen- 


06  ÉTUDES  COLONIALES 

dide  avec  ces  hommes;  ils  ont  toutes  les  qualités  nécessaires  pour 
devenir  d'excellents  soldats;  ils  sont  sobres,  obéissants  et  très 
prompts  à  s'instruire.  Leur  héroïsme  n'est  pas  exceptionnel  : 
ainsi,  pendant  la  guerre  sino-japonaise,  on  trouva  le  corps  du 
général  Isu,  après  la  bataille  de  Yalu,  entouré  de  cadavres  de  cen- 
taines, de  ses  soldats  qui  s'étaient  fait  tuer  autour  de  lui.  Il  ne  faut 
pas  juger  de  la  valeur  des  troupes  chinoises  d'après  le  résultat  de 
la  guerre  avec  le  Japon.  Quand  elles  étaient  commandées  par  des 
chefs  habiles,  elles  étaient  mal  armées,  tandis  que,  quand  leur 
armement  était  bon,  Thabileté  des  chefs  laissait  à  désirer. 

Pour  être  complet,  nous  devrions  suivre  Lord  Bercsford  dans 
sa  visite  aux  arsenaux  et  aux  chantiers,  admirer  avec  lui  larsenal 
et  la  cartoucherie  d'Hankow;  mais  il  est  temps  de  conclure  et  de 
reproduire  ici  les  réflexions  finales  de  fauteur,  qui  résume  ainsi 
toutes  ses  impressions  : 

«  Les  négociants  anglais,  et  ceci  s'applique  évidemment  à  tous 
ceux  trafiquant  déjà  en  Chine,  voudraient  obtenir  une  garantie 
pour  le  capital  qu'ils  ont  exposé;  une  assurance  sembhible  devrait 
pouvoir  être  donnée  à  ceux  qui  ont  f intention  de  les  imiter;  plus 
le  commerce  se  développera,  plus  les  capitalistes  demanderont  la 
protection  de  la  mère  patrie  pour  les  garantir.  Si  un  sentiment 
d'insécurité  existe  actuellement,  il  est  dû  à  l'état  de  fait  lesse  du 
gouvernement  chinois,  à  sa  corruption  et  à  sa  pauvreté  ainsi 
qu'aux  nombreuses  émeutes  qui  éclatent  partout  dans  le  pays.  Ce 
n'est  pas  que  la  population  soit  corrompue  :  elle  est  au  contraire 
honnête;  c'est  le  gouvernement  seul  et  son  système  de  recrutement 
et  de  paiement  des  fonctionnaires  qui  laissent  à  désirer.  Les 
émeutes  ne  cesseront  que  le  jour  où  la  corruption  des  mandarins 
aura  disparu,  et  où  une  armée  et  uue  police  sérieuses  prêteront  la 
main  aux  ordres  du  pouvoir  central. 

Si  la  Chine  se  désagrège,  si  le  pouvoir  central  affaibli  n'est 
plus  respecté  comme  il  devrait  l'être  dans  les  provinces,  n'est-ce 
pas  aussi  la  faute  des  puissances  qui,  à  la  pointe  de  la  baïonnette, 
obligent  les  Chinois  à  de  continuelles  humiliations  dont  l'écho 
parvient  évidemment  à  l'intérieur  du  pays?  Ce  n'est  pas  en  déraen- 
branfc  la  Chine  qu'on  en  fera  une  nation  vigoureuse.  Ce  qu'il  faut 
au  contraire,  ç'e^t  panser  ses  plaies,  c'est  la  guérir  et  la  fortifier. 


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-•  8 

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98  ÉTUDES  COLONIALES 

Ce  qu'il  faut  c'est  que  les  puissances  s'entendent  pour  réorga- 
niser rnrniée  et  la  police  où,  à  défaut  d  entente,  que  l'une  d'elles 
prenne  l'initiative  de  faire  en  Chine  ce  que  l'Angleterre  a  fait  en 
Egyple;  la  population  chinoise  honnête,  respectueuse  de  l'aulorilc, 
se  prclora  sans  nul  doute  à  une  réforme  qui  ne  peut  que  lui  pro- 
fiter. Qu'on  n'objecte  pas  le  coût  énorme  dune  pareille  reforme; 
il  sullirait  d'y  consacrer  l'argent  qui  jusqu'ici,  sortant  du  trésor, 
tomhe  dans  la  poche  des  inlcrmédiaires  au  lieu  d'arriver  à  sa 
deslinalion.  » 

(/est  ici  que  Lord  Beresford  revient  à  la  question  brûlante  de 
la  poliliqu'-  des  sphères  d'influence.  Qui  pourrait  dire,  écrit-il,  ce 
que  coulerait  celte  politique  en  vies  humaines  et  en  perles  d'ar- 
gent, Vésullat  forcé  de  guerres  de  tarifs;  qui  pourrait  prédire  ce 
qu'il  en  coûterait  aux  puissances  européennes  pour  délendre  et 
adniiuistn^r  par  elles-mêmes  la  population  de  cet  inimense  empire 
dont  I  esprit  vieux  de  4,000  ans  ne  peut  être  que  forcément  con- 
servaicur.  Des  sphères  d'influence  nominales,  comme  les  Alle- 
mands en  ont  à  Shongtang  et  les  Russes  en  Mantchourie,  pourraient 
exister  tant  qu'un  scnïblant  d'autorité  se  trouvera  à  Pékin;  mais 
quand  ce  pouvoir  s'évanouira,  tout  croulera  dans  le  sang,  au 
milieu  des  émeutes,  des  rébellions  et  des  massacres,  car  ce  n'est 
pas  d'un  trait  de  plume  qu  on  change  une  nation  de  400  millions 
d'âmes. 

On  a  dit  avec  raison  que  le  danger  d'une  nation  faible  est  dans 
l'esprit  de  jalousie  de  ses  voisines  qui  n'attendent  qu'un  moment 
favorable  pour  la  partager  entre  elles.  Or,  ni  Lord  Beresford,  ni 
personne,  ne  changera  l'âme  des  peuples  :  la  jalousie,  l'égoïsme 
féroce  ne  cesseront  pas  plus  de  battre  dans  les  veines  d'une  nation 
que  dans  celles  des  individus.  L'ii»térèt  sera  toujours,  hélas,  le 
mobile  des  actions  humaines,  la  grande  directrice  de  tous  les 
mouvements.  Ceux  qui  auront  intérêt  à  l'intégrité  de  la  (^hine 
trouveront  les  plus  beaux  arguments,  les  plus  humanitaires,  pour 
condannier  la  politique  des  sphères  d'influence  ;  linlérêt  viendra- 
t-il  à  changer,  la  politique  changera  et  le  mot  «  civilisation  » 
servira  une  fois  de  plus  à  commettre  de  monstrueuses  injustices  ; 
c'est  en  son  nom  qu'on  mutilera  la  Chine,  comme  on  a  déjà  mutilé 
tant  d'autres  peuples  dont  le  seul  tort  était  de  n'avoir  pas  de  bons 
canons. 


LA  CHINE  99 

Ce  que  nous  devons  souhaiter  nous,  potit  peuple  travnilleur 
qui  nvons  lout  à  gagner  ù  voir  la  Chine  ouverte  au  coininorce  de 
loules  les  nations,  c'est  qu'il  se  trouve  en  ce  vasle  rnqiiic  qurique 
lionnne  d'état  très  intelligent  qui  suive  point  par  point  la  diplo- 
matie ottomane  vis-à-vis  des  puissances  et  les  cnipcclie  d(».  se  parta- 
ger la  (ihineen  leur  montrar.t,  ù  chacune  en  particulier,  qu'elles 
ont  un  bien  plus  grand  inlérêt  à  s'en  abstenir. 

La  pdiitique  de  la  porte  ouvcrle,  conclut  Lord  r.eroslord.  est  la 
meilleure  et  la  plus  juste,  car  elle  ouvre  la  Chine  égalomont  à 
tou(('s  les  nations  conimei'çan tes  et  industrielles  du  ginbr;  mais  on 
ne  maintiendra  celte  polilique  qu'en  s'assurant  que,  de  l'antre  côte 
de  la  porte  ouverte,  la  chand)rc  sera  en  bon  ordre. 

C'est  pour  y  établir  ce  bon  ordre  qu'il  faudrait  lémganiser 
l'armoe,  les  finances,  les  impôls,  autoriser  les  élrangrrs  h  résider 
dans  l'intérieur,  supprimer  les  barrières  fluviales  qni  grèvent  le 
connnerce,  modifier  les  règlements  du  Likin,  lacdiler  Toclroi  aux 
étrangers  de  concessions  minièri.»s,  introduire  proj^n'cssivrnu^nt  en 
Cliine,  nos  instUutions  et  nos  lois  induslrirlU^s,  manpn>s  de 
fabrique,  etc.,  en  un  mot  doter  ce  vaste  empire  de  toutes  les 
mesures  qni  ont  fait  leurs  preuves  partout  comme  élant  éminem- 
ment favQrab  es  à  tous  les  intérêts. 

Dans  toutes  ces  reformes,  la  Belgique  aura  certainement  son 
mot  à  dire;  seule  peulêlre  parnn  les  nations,  elle  es!  [Hussante 
par  le  travail,  l'industrie  et  le  conmierce,  sans  que  sa  puissance 
puisse  p(»rter  ombrage  à  personne.  Et  le  rôle  d  étlnealrit;e  de  la 
Chine,  que  les  grandes  puissances  ne  verraient  qu'avec  jalousie 
assumer  à  l'une  d'entre  elles,  ce  rôle  elles  consentiraicînt  penl-ètre 
à  nous  le  laisser  prendre. Mais  encore  faudrait-il  vonloir  le  prendre. 
Cest  pour  déterminer  cetle  votonlé  individnelle  ou  coMective  à 
naître  ou  à  se  fortifier  que  nous  avons  cru  bien  faire  en  nuaiant 
sous  les  >eux  du  public  belge  les  passages  les  plus  remarqnables 
du  meilleur  livre  qui  depuis  longtemps  ait  été  écrit  sur  la  (hine. 

Mais  en  attendant  que  les  grandes  réforn»es  soient  exécntées, 
faut-il  s'abstenir  d'entreprendre  des  affaires  en  Chine?  Les  diffi- 
cultés suscitées  aux  étrangers  sont-elles  irrémédiables  actuelle- 
ment? Ce  n'est  pas  l'opinion  de  ceux  qni  ont  vécu  dans  le  (  éleste 
Empire  et  qui  ont  pu  observer  les  causes  du  succès  de  plusieurs 
sociétés  industrielles. 


100  ÉTUDES  COLONIALES 

Le  Chinois  n'a  pas  conflance  dans  les  mandarins  dont  il  se  voit 
exploiti')  :  mais  il  travaille  volontiers  pour  un  mandarin  associé  à 
des  étrangei*s  parce  qu'il  reconnait  l'honnêteté  en  affaires  des 
européens. 

D'un  autre  côté,  si  les  mandarins  sont  intéressés  dans  une 
entreprise,  ils  mettent  leur  influence  au  service  de  celle-ci  et  la 
préservent,  non  seulement  de  l'hostilité  de  la  population,  mais 
encore  des  mille  tracasseries  administratives  sous  lesquelles  une 
industrie  appartenant  uniquement  à  des  étrangers  succomberait 
le  plus  souvent. 

£n  attendant  que  les  grands  abus  soient  extirpés  et  que  la  Chine 
soit  r«  ellement  ouverte,  on  peut  donc  y  errer  des  entreprises  | 

prospères  à  la  condition  d  y  intéresser  les  mandarins.  I 

Nous  avons  tenu  à  reproduire  cet  avis  que  nous  avons  entendu 
émettre  par  des  voix  très  autorisées.  Il  corrigera  1  impression,  , 

peut-être  trop  pessimiste,  que  laisse  le  résumé  du  livre  de  sir  j 

Ch.  Beresford.  I 

I 
G.  DE  Levai.  | 


LA  MALARIA 


D APRES    LES    DERNIERES    RECHERCHES    DES    ITALIENS 


0'   R.    B^OOBKT 

Élève  de  rinsUtui  de  Bactériologie  de   Louvain 


Dans  ces  quelques  pages,  nous  n'exposerons  pas  longuement 
l'état  actuel  de  nos  connaissances  sur  la  malaria,  ni  les  conclusions 
d'expériences  personnelles  ;  nous  parlerons  uniquement  des  résul- 
tats des  dernières  recherches  faites  par  les  auteurs  italiens,  Grassi, 
Bignami,  Bastianelli,  Gelli.  Un  séjour  de  deux  mois  au  laboratoire 
du  professeur  Bastianelli,  à  l'hôpitaJ  du  S.  Spirito,  à  Rome,  nous  a 
permis  de  nous  mettre  au  courant  des  dernières  découvertes. 

Nous  croyons  pouvoir  nous  dispenser  de  faire  ici  l'historique 
de  la  question  ;  Nuttall  a  fait  tout  récemment  une  analyse  très  pré- 
cise des  travaux  modernes;  une  répétition  serait  inutile  (1). 

Etioiogie.  —  Comment  l'homme  gagne-t-il  la  malaria?  —  Pen- 
dant de  lonjcues  années  Ion  a  discuté  différents  agents  d'infection, 
Tair,  l'eau,  le  sol.  Ultérieurement,  l'on  fut  conduit  à  croire  que  les 
mosquitos  n'étaient  pas  étrangers  à  la  propagation  de  la  maladie. 
Ross,  le  premier,  en  fournit  la  preuve  expérimentale  en  décrivant 
le  cycle  évolutif  de  l'hématozoaire  des  oiseaux  dans  le  corps  du 
grey  mosquito.  Après  lui,  Grassi,  Bignami  et  Bastianelli  (2)  ont 
éludié  et  décrit  le  cycle  évolutif  de  l'hématozoaire  de  l'homme  dans 
Y  Anophèles,  Actuellement  Ion  est  unanime  à  admettre  que  la  prin- 
cipale, sinon  l'unique  cause  d'infection,  est  la  piqûre  du  moustique 
infecté:  en  même  temps  qu'il  suce  le  sang  de  sa  victime,  le  mos- 


(I)  Centralbl.  f. Bakter.  Bd.  XXV,  1899  n.  5-10. 
(%  AUi  délia  SocieU  per  gli  studi  délia  malaria. 


102  ÉTUDES  COLONIALES 

quilo  déverse  dans  la  plaie  les  sporozoîdes  contenus  dans  ses  lubes 
salivairos. 

Tous  les  moustiques  peuvent-ils  donner  la  maladie?  Non. 
Disons  ici  que  Ion  admet  actuellement  {classiHcation  récente 
de  Ficaibi,  professeur  de  zoologie  à  Messine),  trois  genres  de 
moustiques  : 

G  Culex. 

G.  Anophèles, 

G.  Acdes  (ce  dernier  manque  en  Italie). 

D  après  le  résultat  des  toutes  dernières  recherches,  il  n'y  aurait 
que  le  G.  Anophèles,  qui,  au  moins  en  Italie,  serait  lagent d'infec- 
tion {Grassi,  Bignaini,  Bastianelli).  Dans  les  lieux  infectés  de 
malaria,  l'on  retrouve  généralement  les  deux  espèces  de  njousli- 
ques;  d'ordinaire  le  G.  Culex  l'emporte  en  nombre  sur  le  G.  Ano- 
phèles. 

Evolution  de  l'hématozoaire  de  la  malaria.  —  Nous  nous 
occuperons  surtout  de  1  hématozoaire  des  fièvres  estives  :  d'abord 
ce  sont  les  mieux  connues,  et  ensuite  celles  qui  offrent,  à  notre 
point  de  vue,  le  plus  d'intérêt. 

La  vie  du  p:n*asite  comprend  deux  phases  et  nous  n'en  voyons 
qu'une  se  dérouler  chez  l'homme. 

A.  Phase  asexticlle,  chez  l'homme. 

B.  Phase  se.nielle,  chez  le  moustique. 

En  daulros  termes,  l'honnne  n'est  que  l'hôte  temporaire  du 
parasite,  le  mosquilo  en  est  l'hôte  définitif. 

A.  Phase  asexuelle.  —  L'homme  infecté  par  la  piqûre  du 
moustique  ressent  les  premières  atteintes  de  la  maladie  après  une 
incubation  de  10  à  15  jours.  Nous  n'insisterons  pas  ici  sur  les  par- 
ticularités de  l'accès  fébrile,  ni  sur  les  caractères  qui  distinguent 
l'organisme  des  fièvres  estives  de  celui  des  (lèvres  primavériles. 
Tous  ces  détails  soiit  connus  depuis  des  années,  grâce  aux  recher- 
ches de  Xlarchiafava,  ('elli,  Bignami  et  d'autres.  Nous  nous  occu- 
perons surtout  d'une  forme  spéciale,  caractéristique  des  fièvres 
estives,  c'est-à-dire,  des  formes  senji-lunaires,  corps  en  croissant, 
de  Laveran. 

Les  semi-lunes  furent  considérées  dans  le  temps  par  Bastianelli 
et  Bignami,  comme  des  formes  stériles.  Et,  en  effet,  les  recherches 
récentes  ont  prouvé  que  ces  formes  sont  absolument  stériles  pour 


LA   MALARIA  103 

rhomme  et  que  dans  le  corps  du  moustique  seulement,  elles  peu- 
vent préseiiter  un  développement  ultérieur. 

De  quelles  formes  dérivent  les  corps  en  croissant?  Nécessaire- 
ment des  parasites  ordinaires  des  fièvres  estives,  et  cette  transfor- 
mation doit  s'opérer  dans  la  moelle  osseuse  :  c'est,  en  effet,  dans 
celle-ci  que  l'on  rencontre,  en  quantité  considérable,  les  formes 
jeunes  des  corps  en  croissant.  «  Les  formes  les  plus  petites  que  Ton 
peut  avec  certitude  ranger  parmi  les  semi-lunes,  sont  déjà  pigmen- 
tées, ont  les  contours  bien  nets,  une  réfringence  très  marquée.  Si 
donc  au  début,  la  semi-lune  diffère  peu  de  l'amœbe  ordinaire,  elle 
se  différencie  bientôt  et  prend  des  caractères  morphologiques  et 
biologiques  particuliers.  »  (Bastianeili  et  Bignami).  Dans  le  sang 
-en  circulation,  on  ne  retrouve  chez  Thomme  que  les  formes  semi- 
lunaires  adultes. 

Les  semi-lunes  se  présentent  à  frais  sous  la  forme  de  corps 
allongés,  ovalaires,  à  contour  net,  à  réfringence  très  forte,  et  au 
centre  offrant  un  espace  vésiculaire  clair,  autour  duquel  sont 
rangés  les  petits  bâtonnets  de  pigment.  Après  coloration  par  la 
méthode  de  Romanowsky  (1),  Ton  distingue  dans  les  semi-lunes  : 
un  corps*  protoplasmatique,  coloré  en  bleu  pâle,  plus  intensément 
à  la  périphérie  qu'au  centre  ;  un  noyau  formé  par  la  chromatine 


1)  Nous  ne  croyons  pas  inutile  de  dcenre  ici  la  mùlhotlo  de  Uonianowsk}  telle  que 
nous  Pavons  apprise  au  lal)oralx)ire  du  prof.  Bastianeili.  L'on  prépare  une  solution 
d*éosine  ^  ù  2  p.  c.  dons  de  Peau  distillée  et  une  solution  saturée  de  bleu  de  méthylène  (de 
la  fabrique  de  Hoeclisl).  Cette  dernière  seule  doit  être  (iltrée.  On  verse  les  liquides  dans 
des  burettes  graduées,  dans  Ie8(]uelles  on  peut  les  conserver  indéfîniment.  Au  moment 
de  s'en  servir,  on  mélange  les  deux  solutions  généralement  dans  la  proportion  de  5  ce. 
d*éosinc  et  2  ce.  de  bleu  de  méthylène.  Ces  proportions  peuvent  varier  dans  une  très 
faible  mesure,  mais  après  quelques  tâtonnements,  Ton  retrouve  rapidement  les  doses 
exactes.  On  agite  soigneusement  le  mélange  au  moyen  d'une  baguette  en  verre,  et  l'on 
obtient  ainsi  un  liquide  d'une  coloration  rouge  violet  foncé,  avec  un  précipité  assez  abon- 
dant. Pour  colorer  les  préparations,  il  y  a  quelques  précautions  à  prendre,  il  faut  verser 
le  liquide  soit  dans  un  verre  de  montre,  soit  dans  tout  autre  récipient  concave.  L'on  y 
plonge  le  couvre-objet  avec  le  cùté^'préparé  en  bas,  sur  la  face  concave  du  godet.  11  n'est 
pas  inutile  de  remarquer  ces  petits  détails  :  si  Ton  ne  prend  pas  ces  précautions,  le  pré- 
cipité qui  se  produit  dans  le  mélange  colorant  se  dépose  sur  la  préparation,  et  empêche 
de  distinguer  aucun  détail.  Les  couvre-objets  chargés  de  sang  ne  doivent  pas  subir  de 
préparation  spéciale  :  on  les  dessèche,  les  fixe  ensuite  pendant  20  à  50  minutes  dans  de 
ralcool  absolu;  après  un  séjour  d'une  demi-heure  à  trois  quarts  d'heure  dans  le  bain 
colorant,  la  coloration  est  achevée.  On  lave  à  grande  eau,  sèche  et  monte  dans  le  baume* 


loi  ÉTUDES   COLONIALES 

nucléaire  colorée  eu  rou^^e  violet,  des  bâtonnets  de  pigment  ranges 
autour  du  noyau. 

En  usant  d  un  petit  artifice,  on  arrive  ù  distinguer  deux  espèces 
de  semi-lunes  dans  le  sang  de  Thomme,  bien  entendu  quand  les 
parasites  sont  arrivés  à  maturité.  Pour  cela  il  suflît  de  garder  une 
préparation  fraîchement  faite,  dans  la  chambre  humide,  pendant 
15  à  20  minutes.  L'on  examine  alors  à  frais  ou  après  coloration,  el 
Ton  constate  lapréscnce  de  deux  éléments  différents:  les  uns  arron- 
dis fc  viicrofjameloeètes,  pouvant  émettre  des  flagella  ou  microga- 
mètes; les  autres  fusiformes  ou  arrondis  »  macrogamètes. 

Dans  les  microgamelocèles  ou  élénienls  mâles,  le  pigment  n'a 
plus  conservé  la  disposition  centrale,  mais  s'est  répandu  irrégu- 
lièrement; la  chromatine,  partagée  en  plusieurs  petits  noyaux, 
s'est  mise  à  la  périphérie  du  corps  parasitaire.  Au  moment  de  la 
formation  des  flagella  ou  microgamètes,  le  protoplasme  en  dilTé- 
rents  endroits  s'allonge,  s'étire,  formant  un  mince  filament  dans 
lequel  le  bloc  de  chromatine  voisin  envoie  un  prolongement.  Ces 
flagella  ou  microgamèles,  généralement  au  noml3re  de  quîitre  sont 
donc  formés  d'une  partie  périphérique  constituée  par  un  mince 
étui  proloplasmatique  et  d'une  partie  centrale  ou  cylindre-axe,  con- 
stituée par  la  chromatine  (1).  Examinant  les  flagella  dans  une 
préparation  à  frais,  on  les  voit  animés  de  mouvemcnis  très  rapides, 
capables  de  déplacer  les  globules  rouges. 

Dans  les  macrogamètes  ou  éléments  femelles,  le  protoplasme  est 
coloré  plus  intensément;  la  chromatine  moins  abondante  que  chez 
les  microgametocèles,  reste  accumulée  au  centre  et  entourée  du 
pigment. 

B.  Phase  sexuelle.  —  Voilà  donc  les  deux  éléments  sexuels, 
mâles  et  femelles.  La  formation  des  microgamètes  ne  se  fait  jamais 
dans  le  sang  de  l'homme.  L'Anopheles,  en  piquant  le  malade,  suce 
avec  le  sang  ces  formes  arrivées  à  maturité,  et  c'est  dans  l'estomac 
du  moustique  que  se  fait  la  formation  des  flagella  ou  spermato- 
zoïdes, et  la  fécondation.  Celle-ci  doit  évidemment  se  faire  par  la 
pénétration  d'un   microgamète  â  l'intérieur  d'un  macrogamète. 


(1)  Dans  les  préparations  C0Q>ei'\ées  dans  la  chambre  Iminide  cl  colorées  ensuite,  il 
]).^ut  arriver  que  la  chromatine  n'ait'pas  fourni  de  prolongement  cylindraxilc:  c*est  là 
uji  accident  do  préparation. 


LA    MALARIA  105 

Mais  jusqu'à  présent  les  auteurs  llalicns  ne  sont  point  parvenus 
encore  à  saisir  sur  le  fait  cette  fécondalion,  ni  dans  les  prépara- 
tions à  frais,  ni  dans  les  préparations  colorées. 

Pour  suivre  le  développement  ullérienr  des  formes  fécondées  ou 
Ziyotes^  il  faut  exanuner  l'estomac  de  TAnophelos:  c'est  une  opé- 
ration des  plus  simple.  L*inseclc,  enfermé  par  exemple  dans  un 
tube  à  réaction,  est  tué  en  quelques  instants  au  moyen  des  vapeurs 
dether  dont  on  verse  quelques  gouttes  sur  le  tampon.  On  Hxc  une 
aiguille  dans  le  thorax  de  Tinsecte,  puis  avec  le  dos  d'un  fin  scal- 
pel on  appuie  sur  l'extrémité  candale;  retirant  ensuite  tout  le  corps 
de  l'insecte  lentement  et  prudemment,  Ion  fait  sortir  de  l'abdomen 
les  tubesde  Mîilpighi  d  abord,  l'estomac  ensuite.  Pour  examiner  son 
contenu,  on  vide  l'estomac  sur  un  porte-objet  ou  un  grand  couvre- 
objet,  et  on  répartit  uniformément  le  sang,  auquel  on  ajoute  une 
petite  goutte  de  formai ine  ou  d'eau  pbysiologique.  L'on  couvre 
d'un  petit  verre  pour  examiner  à  frais,  ou  bien  on  laisse  sécher 
pour  fixer  et  colorer  ensuite.  On  peut  également  examiner  lesto- 
mac  en  entier  soit  à  frais,  soit  après  l'avoir  fixé  et  enrobé  à  la 
paraffine;  on  y  pratique  alors  des  coupes  en  série. 

La  première  modification  que  subit  la  macrogamète  fécondée,  et 
cela  8,  10,  12  heures  après  la  piqûre,  est  sa  transformation  en  ver- 
micule.  A  l'une  de  ses  extrémités,  le  corps  s'amincit,  s'allonge  un 
peu,  en  même  temps  qu'il  sincurve  légèrement.  Le  pigment,^ 
d'abord  accumulé  dans  la  partie  restée  sphérique,  se  déplace  et 
s'amasse  près  de  l'extrémité  effilée.  Ce  changement  de  forme  est 
utile,  en  ce  qu'il  permettra  à  l'organisme  de  pénétrer  plus  facile- 
ment entre  les  cellules  épithéliales,  pour  aller  se  fixer  entre  les 
fibres  de  la  couche  musculaire.  (Quelquefois  le  vermicule  reste 
fixé  entre  les  cellules  de  l'épithélium). 

Fixé  dans  la  tunique  intestinale,  l'organisme  suit  son  dévelop- 
pement ultérieur:  il  grossit,  s'entoure  d'une  membrane  ou  capsule, 
en  même  temps  que  la  chromatine  nucléaire  se  divise  et  se  subdi- 
vise :  chacun  de  ces  petits  noyaux  s'entoure  d  une  portion  de  pro- 
toplasme. Arrivé  à  complet  développement,  le  parasite  peut  avoir 
jusque  70  ja.  de  diamètre,  et  présente  dans  son  intérieur  une  infi- 
nité d'organismes  jeunes,  sous  forme  de  petits  filaments,  longs 
d'environ  7  jx.  :  ce  sont  les  sporozoïtes.  En  dehors  de  ceux-ci,  le 
parasite  renferme  encore  une  matière  sans  structure  ou  résidu  de 


106  ÉTUDES   COLONIALES 

segtnentation,  et  des  corps  spéciaux,  appelés  communément  corp^ 
bruiiH  de  Ross,  Les  auteurs  ilaliens  reganîent  ceux-ci  comme  le 
produit  d'altérations  régressives  du  parasite. 

A  ce  moment,  c'est-à-dire  vers  le  huitième  ou  neuvième  jour,  la 
membrane  qui  entoure  l'organisme  se  rompt,  et  les  sporozoïdes 
sont  mis  en  liberté.  Ils  sont  repris  alors  par  la  circulation  du 
moustique  et  retenus  dans  les  tubes  salivaires. 

Que  deviennent  ces  sporozoïdes?  Ce  sont  eux  qui,  introduits 
dans  le  sang  de  l'homme,  produiront  chez  lui  des  accès  de  lièvre, 
en  un  mot,  l'infecteront  de  malaria.  En  effet,  le  moustique  porteur 
de  ces  jeunes  organismes,  pique  un  individu  sain,  et  en  même 
temps  qu'il  suce  le  sang,  déverse  dans  la  plaie,  tout  ou  partie  du 
contenu  de  ses  tubes  salivaires.  La  preuve  expérimentale  de  ce  fait 
fut  fournie  par  Grassi,  Bignami  et  Baslianelli,  à  l'hôpital  du  S.  Spi- 
rito,  à  Rome. 

Un  sujet  se  prêtant  librement  aux  expériences  et  n'ayant  jamais 
été  atteint  de  malaria,  fut  piqué  par  trois  Anophèles  infectés  expé- 
rimentiilement.  Après  une  incubation  de  dix  à  douze  jours,  le  sujet 
fut  pris  de  fièvre  élevée,  avec  évolution  typique  de  la  fièvre  estivo- 
automnale.  Les  moustiques  ayant  servià  l'expérience  furent  ensuite 
examinés:  tous  les  trois  présentèrent  dans  l'intestin  des  organismes 
arrivés  à  maturité  et  des  capsules  rompues:  deux  seulement 
avaient  des  sporozoïdes  dans  les  tubes  salivaires. 

iMaison  se  pose  alors  la  question:  que  deviennent  les  sporozoïdes 
qui  ne  sont  pas  déversés  dans  le  sang  de  l'homme?  Pourraient-ils 
dans  le  corps  du  moustique  passer  un  temps  plus  ou  moins  long 
sans  perdre  leur  virulence,  et  notamment  traverser  la  période 
hivernale?  Ce  sont  encore  là  des  questions  à  résoudre. 

Pour  arriver  à  élucider  rapidement  et  complètement,  la 
question  du  cycle  évolutif  de  l'organisme  de  la  malaria  humaine, 
les  auteurs  italiens  ont  suivi  une  méthode  expérimentale  rigoureuse. 
A  la  suite  d'observations  précises,  ils  sont  arrivés  à  la  conclusion 
que  chez  l'Anoplieles,  l'infection  malarique  n'est  pas  héréditaire, 
et  que  par  conséquent  les  larves  ne  sont  pas  infectées.  Ils  ont 
recueilli  donc,  dans  les  eaux  stagnantes  des  lieux  habituellement 
infectés  de  [malaria,  quantité  de  larves  aussi  bien  de  Culex  que 
d'Anophèles.  Transportées  au  laboratoire  du  S.  Spirito,  les  larves 
y  étaient  conservées  autant  que  possible  dans  les  mêmes  conditions 


LA  MALARIA  107 

que  dans  la  nature.  Arrivés  à  complet  développement,  les  mous- 
tiques servaient  aux  expériences.  Ainsi,  par  les  Anophèles  on  fai- 
sait piquer  des  malades  présentant  des  semi-lunes  dans  le  sang. 
Ensuite  les  moustiques  infectés  de  cette  façon,  étaient  examinés 
régulièrement,  pour  suivre  les  différents  stades  de  développement 
du  parasite.  Pour  avoir  un  développement  régulier  et  assez 
rapide,  on  mettait  les  moustiques  dans  une  étuve  à  température 
constante  de30  degrés  :  le  cycle  évolutif  de  Thématozoaire  s'accom- 
plit alors  en  huit  à  dix  jours.  A  la  température  ordinaire  de 
Î8  à  20  degrés,  le  développement  est  beaucoup  plus  lent.  Les  mous- 
tiques pouvaient  servir  alors  à  infecter  des  sujets  sains,  se  prêtant 
librement  à  l'expérience. 

De  celte  façon,  Grassi,  Bignami  et  Bastianelli,  sont  arrivés  aux 
conclusions  suivantes  : 

En  Italie,  le  G.  Anophèles  seul  peut  transmettre  la  malaria  ; 

Les  formes  semi-lunaires  sont  stériles  pour  riiomme;  ce  sont  les 
formes  asexuelles  de  V hématozoaire  des  fièvres  estivo-automnales; 
—  annvées  à  maturité  et  recueillies  par  V Anophèles,  les  semi- 
lunes  subissent  la  fécondation,  et  se  développent  ultérieurement 
dans  la  tunique  intestinale  deVinsecte  ;  —  ce  développement  aboutit 
à  la  formation  d'une  quantité  considérable  de  jeunes  organismes 
ou  sporozoïtes  qui  se  logent  dans  les  tubes  salivaires  du  mousti- 
que; celui-ci  infecte  rhomme  en  déversant  les  sporozoïtes  dans  la 
plaie  produite  par  sa  piqûre. 

Fièvres  primavériles  :  Pour  les  hématozoaires  de  la  fièvre  quarte 
et  tierce  commune,  Bignami  et  Bastianelli  ont  décrit  un  cycle  évolu- 
tif analogue  dans  les  grandes  lignes,  à  celui  de  Torganisme  des 
fièvres  estivo-automnales.  Évidemment,  les  formes  sexuelles  ne 
sont  pas  représentées  par  des  semi-lunes,  qui  forment  l'apanage 
exclusif  des  fièvres  estivo-automnales. 

A  un  point  de  vue  plus  général,  Bignami  et  Bastianelli  ont 
montré  encore,  que  les  parasites  dans  le  corps  du  moustique 
conservent  : 

i**  Leurs  caractères  morphologiques  :  on  peut  toujours  distin- 
guer, par  exemple,  l'organisme  des  fièvres  estivo-automnales  de 
celui  de  la  lierce  commune; 

2"  Leurs  propriétés  féhrigènes  particulières  :  un  Anophèles 
infecté  expérimentalement  de  tierce  commune,  donne  toujours  à 


108  ÉTUDES  COLONIALES 

riiomme  une  tierce  commune  typique;  au  contraire,  infecté  de 
tierce  estive,  il  produit  toujours  une  fièvre  estive  typique. 


MESURES    PROPHYLACTIQUES 


Nous  indiquerons  brièvement  quelques  mesures  prophylacti- 
ques décrites  par  le  professeur  Celli  dans  son  récent  ouvrage  : 
«  La  Malaria,  secondo  le  nuove  ricerche  »,  et  qu'il  voulut  bien 
nous  exposer  oralement. 

I.  Pour  agir  contre  les  causes  dHnfection,  il  faudrait  tout  d'abord 
dc^truire  le  germe  de  la  malaria,  et  empêcher  la  pénétration  de 
l'hématozoaire  dans  le  corps  de  l'homme. 

Détruire  le  germe  de  la  malaria.  —  Il  est  de  toute  évidence 
qu'il  sera  très  favorable  de  poser  le  diagnostic  dès  le  début  de 
l'affection. 

A.  —  Avant  tout,  il  faut  tâcher  d'isoler  le  malade  pour  empê- 
cher que  les  moustiques  ne  puissent  venir  s'infecter; 

B.  —  Il  faut  débarrasser  le  sang  aussi  rapidement  et  complète- 
ment que  possible  des  parasites  ;  pour  cela  on  aura  recours  à  la 
quinine  soit  à  l'intérieur  soit  en  injections  hypodermiques,  (bm- 
ment  agit  la  quinine?  La  question  n'est  pas  encore  entièrement 
élucidée  :  on  sait  qu'elle  arrîtc  les  mouvements  amœboïdes  des 
hémosporidies,  mais  de  plus,  elle  paraît  avoir  une  action  nécro- 
tisante  sur  le  protoplasme  du  parasite.  La  quinine  agit  sur  les  for- 
mes asexuelles,  mais  a-t-elle  également  une  action  sur  les  formes 
sexuelles?  On  l'ignore;  toujours  est-il  que,  même  après  l'adminis- 
tration prolongée  de  la  quinine,  ces  formes  sexuelles  ne  disparais- 
sent pas  du  sang.  Peut-être  que  les  gamètes  seraient  incapables  de 
reproduction  :  c'est  ce  que  des  recherches  ultérieures  lious 
apprendront. 

C.  —  Le  mousiique  étant  l'hôte  définitif  de  l'hématozoaire  et  le 
principal  agent  d'infection,  l'on  comprend  tout  l'avantî'ge  qu'il  y 
aurait  à  pouvoir  le  détruire  rapidement  et  facilement.  Le  profes- 
seur Celli  a  expérimenté  soigneusement  une  quantité  considérable 


LA   MALARIA  109 

de  substances  des  plus  diverses,  et  comparé  leur  action  nocive  sur 
les  larves,  les  nymphes  et  les  zanzares  parfaites. 

Ces  expériences  sont  relatées  tout  au  long,  soit  dans  son  dernier 
ouvrage,  soit  dans  les  «  Annali  d'igiene  sperimentale.  »  Citons 
quelques  exemples. 

Action  sur  les  larves  (C.  fripicus.  annulatus)  à  T**  ordinaire 
18^- 20*  ; 

Les  larves  résistent  pendant 

Feuilles  de  tabao  en  infusion  a(|.  salui'ée 8  iieurcs 

Potasse  décinormale ,    .     .     .     .        4       » 

Poudre  de  chrysanthème  0.003  p.  m 7       » 

Sublimé  corrosif  1  p.  m 10      » 

Le  professeur  Celli  a  expérimenté  encore  diverses  couleurs 
d'aniline,  et  a  trouvé  surtout  actifs  le  gallal  et  le  vert  de  malachite, 
qui  en  solution  à  0.50  p.  m.,  tuent  les  larves  (G.  Culex),  en  6 
à  12  heures. 

Action  sur  les  larves  cl  les  nymphes  (G.  Culex),  à  T**  ordinaires 
d8».20^  ; 

Sont  tuées 

Larves  Nymphes. 

Eau  sulfureuse  saturée iO'  à  oO'  25' 

Permanganatedepotasse0.3+HcldOp.m.  15'  1  heure 

Eau  salée  (solut.  aq.  saturée)    ....  30'  1     >» 


Action  sur  les  moustiques  développés  (Culex  et  Anophèles)  : 

Sont  surtout  actifs  les  gaz  anhydride  sulfureux  et  l'hydrogène 
sulfuré,  la  fumée  de  tabac  et  Tessence  de  térébenthine,  qui  tuent 
Tinsecte  en  une  minute. 

Dans  CCS  tout  derniers  temps,  le  professeur  Celli  a  expérimenté 
dans  le  même  but  une  matière  colorante  nouvelle  qu'il  nous  recom- 
manda vivement.  C'est  une  poudre  jaune  lancée  dans  le  commerce 
par  la  fabrique  de  Weiler-ter-Meer,  de  Werdingen,  et  nommée 
Larycith  III.  En  solution  à  0,50  Voo  elle  tue  les  larves  des  mous- 
tiques en  deux  heures.  Ce  temps  est  notablement' abrégé  en  ajou- 


ilO  ÉTUDES  COLONIALES 

tant  des  mordants  à  la  solution,  par  exemple  de  la  soude  ou  de 
l'ammoniaque  ù  0>50  ou  1  7oo- 

Son  action  est  très  marquée  également  sur  les  mosquitos 
adultes.  Il  suflit  de  brûler  une  certaine  quantité  de  Larycith  dans 
la  chambre,  pour  tuer  tous  les  moustiques.  La  fumée  produite  par 
la  combustion  n'est  pas  du  tout  incommodante. 

II.  [1  faut  agir  contre  les  causes  prédisposantes. 

1^  Une  question  discutée  de  tout  temps  et  cela  bien  avant  les 
dernières  découvertes,  c'est  l'arrangement  du  terrain  dans  les 
lieux  infectés  de  malaria.  Indiquons  ici  les  mesures  conseillées  par 
le  professeur  Celli. 

A.  Arrangement  des  eaux  superficielles. 

1°  II  est  un  fait  d'observation  que  les  moustiques,  principale- 
ment du  G.  Anophèles,  ne  vivent  que  dans  les  eaux  stagnantes.  Il 
est  donc  tout  indiqué  de  combattre  celles-ci.  Pour  cela  il  faut  ; 

Endiguer,  régulariser  les  cours  d'eau,  pour  éviter  les  inon- 
dations. 

Régler  le  débit  des  lacs. 

B.  Arrangement  des  eaux  souterraines  et  cela  principalement 
au  moyen  de  drainages. 

Ces  différents  moyens  doivent  être  complétés  par  l'amélioration 
de  la  culture,  et  principalement  par  la  culture  intensive. 

î2''  QuedoiL-on  faire  pour  les  habitations  dans  les  lieux  infectés 
de  malaria?  Les  hal)itants  devront  toujours  avoir  soin  de  munir  les 
fenêtres  de  moustiquaires,  soit  en  toile,  soit  en  fil  de  fer,  mais 
suffisamment  serrés  pour  empêcher  sûrement  la  pénétration  de 
tout  moustique.  De  plus,  l'on  pourra  brûler  dans  les  chambres  une 
certiiine  quantité  de  poudre  Larycith  III,  en  la  mélangeant  au 
besoin  à  un  peu  de  malière  organique  pour  faciliter  la  combustion. 

3°  Quant  au  genre  de  vie,  on  peut  résumer  tous  les  préceptes 
en  un  mot,  éviter  les  piqûres  des  moustiques.  On  ne  s'exposera 
donc  pas  le  soir,  et  même  avant  le  crépuscule,  dans  les  endroits 
où  les  insecles  abondent.  Principe  qu'on  devrait  appliquer  surtout 
aux  ouvriers  travaillant  en  plein  air.  En  effet,  les  moustiques 


LA   UALARIA  111 

se  répandent  dnns  lair,  non  seulement  le  soir  mais  déjà  une  ou 
deux  heures  avant  le  crépuscule. 

m.  Une  importante  queslion  à  résoudre  est  celle  de  Vitmnuni- 
salion  artificielle  de  Vhomnie  contre  la  malaria. 

L*homme  peut-il  être  immunisé  contre  la  malaria?  Oui,  et  la 
preuve  c'est,  qu'en  Afrique  notamment,  plusieurs  tribus  nègres 
sont  naturellement  immunes  contre  la  malaria  (Kocli.  Reisebe- 
ricLte).  De  plus,  en  Italie  môme,  le  professeur  Celli  a  rencontré 
plus  d'un  sujet  naturellement  immun  contre  la  fièvre  malarienne. 
Dans  certains  cas  môme,  cette  immunité  serait  héréditaire. 

A  quoi  tient  cette  immunisation  naturelle?  C'est  une  question 
encore  à  résoudre.  Le  professeur  Celli  a  fait  des  recherches  suivies 
sans  parvenir  à  un  résultat  positif.  Citons  ici  ses  conclusions  : 

Le  sérum  des  sujets  naturellement  immuns  contre  la  malaria, 
injecté  à  d  autres  sujets,  ne  les  préserve  pas  de  l  infection  malarique 
expérimentale. 

Jusquà  présent,  pendant  la  défervescence  fébrile,  on  na  pu 
Diettreen  évidence  dans  le  sang  des  malariques,  ni  principes  immu- 
nisants, ni  principfS  curât  ifs. 

Quant  à  l'immunité  artificielle,  le  professeur  Celli  n'a  pu  l'obtenir, 
ni  en  injectant  les  produits  morbides  de  la  malaria  bovine,  ni  avec 
le  sérum  sanguin  ou  les  sucs  organiques  des  animaux  immuns 
contre  la  malaria. 

iMais  dans  ces  tout  derniers  temps,  Celli  a  obtenu  des  résultats 
conclunnts,  en  administrant  aux  sujets  en  ex(  érience  des  doses 
élevées  et  prolongées  (ïeucliinine  ou  de  bleti  de  méthylène  médi- 
cinal. Voici  la  méthode  d'expérimentation  telle  que  nous  l'exposa 
le  savant  italien. 

Il  administre  aux  sujets  se  prêtant  à  l'expérience  une  dose  jour- 
nalière de  1  gramme  ou  même  de  0,5  gramme  de  bleu  de  méthy- 
lène ou  d'euchinine,  et  cela  pendant  quelques  jours.  H  l'infecte 
ensuite  de  malaria  au  moyen  de  sang  riche  en  hématozoaires,  en 
prenant  une  dose  bien  plus  forte  qu'il  ne  faudrait  pour  produire 
l'infection.  Il  continue  l'administration  journalière  du  bleu  de 
méthylène  ou  de  l'euchinine  pendant  10  à  12  jours  après luifection. 

Cette  méthode  a  donné  au  professeur  Celli  des  résultat?  excel- 
lents. A  la  lin  du  mois  de  novembre,  il  l'avait  expérimentée  sur 


112  ÉTUDES   COLONIALES 

5  OU  6  sujets  :  aucun  d  eux  n'avait  eu  la  moindre  élévation  de  tem- 
pérature. Le  bleu  de  méthylène  aurait  de  plus  le  grand  avantage 
d'être  bien  supporté,  de  ne  pas  incommoder  les  voies  digestives. 

Une  expérimentation  suivie  nous  dira  tout  le  fruit  que  Voii  peut 
tirer  de  ce  fait,  au  point  de  vue  prophylactique. 

Nous  profitons  de  l'occasion  pour  présenter  Thomm^ge  de  notre 
profonde  reconnaissance  au  professeur  Bastianelli  pour  lainuible 
hospiLnIilé  qu'il  nous  accorda  dans  son  laboratoire;  aux  profes- 
seurs Bignami  et  Celli  pour  les  explications  fréquentes  qu'ils  nous 
donnèrent  de  leurs  intéressants  travaux. 

D'^  A.  Broden. 


LE    RAPPORT 


SUR 


LES    COLONIES   ALLEMANDES 


(1) 


KAMERUN  (Suite). 


Les  autres  receltes  ont  atteint  le  chiffre  de  1,231,386  marks 
contre  698,000  marks  rannée  antérieure. 

Le  rapport  rappelle  ensuite  l'expédition  de  Tibati  qui  s  est  ter- 
minée heureusement,  la  création  d  une  station  près  des  rapides  de 
Cross  destinée  à  mettre  en  valeur  le  nord  de  la  colonie,  l'importante 
concession  de  80.000  kilomètres  carrés  fiiite  à  la  Société  Nord 
West  Kamerun  et  l'expédition  vers  l'angle  delà  Sangha  et  du  Ngoko 
où  le  caoutchouc  semble  être  très  abondant,  ensuite,  l'achèvement 
destravauxd'arpentageentreprisparlecommandantvonBesserdans 
la  région  des  plantations,  dont  les  résultats  ont  été  consignés  sur 
une  carte,  la  construction  d'une  voie  carrossable  de  Victoria  à  Buëa 
au  pied  du  mont  Kamerun,  l'avancementdes  travaux  de  construction 
d'une  route  de  Buëa  vers  Kamerun-haff  près  de  Tiko,  la  continua- 
tion des  travaux  d'amélioration  de  la  roule  commerciale  de  Kribi 
vers  Lolodorf  et  Jaunde  ainsi  que  les  constructions  du  gouverne- 
ment dans  les  stations.  A  ce  dernier  sujet,  le  rapport  signale  que 
le  ce  Tropenhaus  »  qui  se  trouvait  à  l'exposition  coloniale  de  Berlin 
et  qui  servait  de  mess  pour  les  fonctionnaires  de  Kamerunstadt, 
est  complètemcînten  ruines.  Il  n'a  donc  nullement  répondu  à  son 
but.  On  a  commencé  la  construction  d'un  mess  d'officiers.  A  Vic- 
toria où  une  place  de  médecin  vient  d'être  créée,  on  a  entrepris 


(I)  Voir  p.  TiO. 


m  ÉTUDES  COLONIALES 

1  édification  d'un  hôpital  et  d'une  maison  pour  le  médecin.  A  Buëa, 
on  a  établi  des  élables  pour  25  vaches.  D'après  les  dernières  nou- 
velles, rélevage  y  réussit  si  bien  que  Ton  a  ajouté  dix  nouveaux 
animaux  reproducteurs  aux  dix  qui  s'y  trouvaient  déjà,  Tannée 
derniôre. 

La  scierie  établie  à  Kamerunsladt  fonctionne  très  bien  et  a  tou- 
jours de  louvrage  ;  grâce  à  elle,  on  peut  employer  le  bois  de  la 
colonie. 

COTE    SUD-OUEST. 

Au  V'  janvier  1899,1a  population  blanche  s'était  élevée  de2,5i4, 
chiffre  de  l'année  précédente,  à  2,872  âmes.  Dans  toutes  les  stations 
rèjjnait  une  grande  activité  dans  la  construction.  VVindhoek  avec 
ses  63  maisons  entourées  de  végétation  luxuriante,  présente  l'aspect 
d'une  jolie  ville  de  province  allemande. 

Il  est  impossible  de  donner  des  chiffres  dignes  de  foi  au  sujet  de 
la  population  indigène  de  la  colonie,  à  cause  des  mœurs  nomades 
des  tribus.  Le  nombre  des  indigènes  a  beaucoup  diminué  chez  les 
Hcreros  et  dans  le  pays  de  Namas  par  suite  de  la  crise  économique, 
due,  pour  les  Hercros,  à  la  peste  bovine  et,  pour  les  Holtentots,au 
manque  de  goût  pour  le  travail  et  à  la  dissipation.  En  vue  de. 
remédier  à  cette  situation,  l'administration  a  examiné  les  ventes  de 
terres  faites  par  les  cliefs  indigènes  afin  d'empêcher  que  ceux-ci 
ne  soient  lésés  et  que  les  pâtures  communes  ne  passent  aux  mains 
de  particuliers;  ensuite,  les  prises  à  bail  de  terres  n'ont  pas  été 
autorisées  pour  plus  de  cinq  ans  de  manière  âne  pas  priver  trop 
longtemps  les  propriétaires  du  bénéfice  de  la  plus-value  acquise. 

Au  point  de  vue  du  climat  et  de  la  santé  générale,  le  rapport 
constate  que  les  pluies  ont  été  très  abondantes  dans  le  nord  et  le 
centre  de  la  colonie  et  que,  dans  le  sud,  la  chaleur  a  été,  au  con- 
traire, extraordinairement  forte,  surtout  en  décembre  1898.  Au 
mois  de  mars  1899,  le  district  de  Keetmanshoop,  situé  au  sud, 
reçut  d'abondantes  pluies  au  lieu  des  nombreux  orages  qui  tra- 
versent habituellement  le  Namaland.  On  n'a  pu  faire  d'observations 
relatives  à  1 1  situation  sanitaire  que  sur  la  force  publique.  I  8  p.c. 
de  l'ensemble  des  hommes  sont  morts';  sur  les  9.4  p.  c.  de  mili- 


LE   IIAPPOUT   SIR   LES   COLONIES   ALLEMANDES  i  15 

taires  qui  ont  dû  être  renvoyés  en  Europe  comme  impropres  au 
service  sous  les  tropiques,  les  5/6  des  cns  avaient  pour  cause  la 
malaria.  Celte  maladie  ne  s  observe,  d'après  le  rapport,  que  dans  le 
nord.  On  peut  noter  aussi,  —  comme  le  faisait  remarquer  le 
gouverneur  de  la  colonie  dans  une  conférence  faite  en  Allemagne 
pendant  son  congé,  que  la  force  publique  se  trouve  particuhèrement 
exposée  à  la  malaria,  par  suite  des  fatigues  auxquelles  elle  est 
soumise.  Il  y  a,  en  ce  moment,  huit  médecins  militaires  et  un 
médecin  civil  dans  la  colonie. 

Dans  le  nord  et  Test,  la  situation  a  été  améliorée  par  rassoclie- 
ment  des  endroits  occupés  par  les  blancs;  on  a  aussi  creusé  et 
amélioré  les  puits  destinés  à  fournir  de  l'eau  potable. 

La  peste  bovine  qui  a  tant  éprouvé  la  colonie,  a  élé  combattue 
avantageusement  par  les  pluies  abondantes  ainsi  que  par  les  inocu- 
lations faites  d'après  le  système  Koch.  Les  animaux  inoculés  ont 
été  complètement  immunisés.  Grâce  à  des  mesures  énergiques,  il 
a  élé  possible  de  protéger  le  Namaland  contre  l'invasion  du  mal,  de 
sorte  que  les  troupeaux  des  autres  régions  peuvent  être  reconstitués 
au  moyen  d'animaux  provenant  de  cette  contrée. 

Une  ordonnance  du  mois  d'octobre  1898  a  rendu  plus  difticile 
l'exportation  du  bétail  en  imposant  un  droit  de  sortie  de  60  marks 
par  léte  (20  marks  pour  les  veaux).  Cette  mesure  a  été  prise  contre 
les  commerçants  du  Cap  qui  voulaient  compléter  leurs  troupeaux 
au  moyen  de  bétail  tiré  des  colonies  allemandes. 

Le  mouvement  commercial  a  souffert  de  la  rareté  des  bœufs 
employés  aux  transports.  Les  importations  se  sont  élevées  au 
chiffre  de  5,800,000  marks  contre  4,900,000  l'année  précédente. 
Sur  ce  chiffre,  4,800,000  marks  reviennent'à  la  mère  patrie,  le 
surplus  échoit  à  la  colonie  du  Cap  et  à  TAngleterre.  On  a  exporté 
pour  915,000  marks  de  produits  du  pays  contre  1,200,000  l'année 
précédente;  la  diminution  est  attribuée  aux  dillîcultés  de  la  navi- 
gation dans  la  région  du  guano  près  du  cap  Cross.  L*Angleterre 
a  la  plus  grosse  part  dans  les  exportations,  à  savoir  729,000  marks 
dont  695,000  marks  de  guano. 

Les  droits  d'entrée  ont  produit  547,800  marks  et  les  droits  de 
sortie,  122,300  marks.  Le  total  des  droits  est  inférieur  de 
33,000  marks  à  celui  de  l'année  précédente  mais  les  droits  sur  le 
guano  ont  été  abaissés  de  35  marks  à  22.50  marks  la  tonile. 


116  ÉTUDES   COLONIALES 

La  distribution  d'eau  a  été  fournie  par  deux  pelils  barrages 
conslruils  près  de  Windhoeket  dus  à  Tinitialive  privée.  Une  autre 
digue  est  en  voie  de  construction  à  35  kilomètres  de  Windhoek 
pour  le  compte  du  gouvernement. 

Le  développement  de  ragriculturc  a  été  encouragé  par  une  expo- 
sition organisée  à  Windhoek.  Un  sp'^cialiste  en  matière  de  cultures, 
qui  a  rendu  de  grands  services  dans  la  colonie  du  ('ap,  a  été  attaché 
à  la  colonie  en  qualité  de  conseiller  et  de  professeur  itinérant. 
Deux  jardins  d'essais  ont  été  installés  à  Keetmanshoop  et  à  Bétha- 
nie;  il  en  existait  déjà  un  à  Windhoek. 

La  construction  du  chemin  de  fer  de  Schwakopmund  à  Wind- 
hoek avait  atteint  à  la  fin  du  mois  de  juillet,  le  kilom.  III.  D'après 
les  dernières  nouvelles,  les  travaux  ont  été  poussés  jusqu'au 
kilom.  130. 

Le  personnel  destiné  à  la  construction  du  port  de  Schwakop- 
mund était  encore  occupé  à  la  fin  de  l'exercice,  aux  travaux  prépa- 
ratoires (creusement  de  puits,  construction  de  bâtiments  .  Les 
pierres  destinées  à  la  construction  du  môle  se  trouvent  à  une  dis- 
lance de  2 1/2  kilom.  On  est  en  train  d'établir  une  voie  d'exploitation. 

Les  travaux  relatifs  à  la  voirie  ont  été  fort  nombreux  et  depuis 
le  »3  avril  1898,  la  colonie  est  rattachée  à  la  mère  patrie  par 
câble. 

La  Deutsche  Colonial  gesellschaft  fur  Sûdwesiafrica  a  beaucoup 
amélioré  les  installations  pour  le  déchargement  des  navires  dans  la 
baie  de  Lûderitz.  Elle  a  aussi  montre  par  ce  qu'elle  a  fait  dans  son 
domaine  de  Spitzkopje  et  dans  son  jardin  de  Salem  qu'elle  est  dis- 
posée ù  collaborer  aux  progrès  de  l'agriculture.  Elle  possède  un 
haras  de  cent  chevaux  et  est  l'éleveur  le  plus  important  de  la 
colonie.  Elle  emploie,  dans  ses  sept  stations,  48  blancs  et  près  de 
120  indigènes. 

La  société  hanséalique  a  envoyé  une  expédition  dans  la  conces- 
sion qu'elle  a  obtenue. 

La  force  publique  se  composait  à  la  fin  de  juin  1899,  de  27  offi- 
ciers, 7  médecins,  un  vétérinaire  et  710  sous-officiers  et  soldats. 
Environ  115  soldats  ayant  accompli  leur  terme  de  service,  se  sont 
établis  à  demeure  dans  la  colonie.  La  troupe  disposait  de 
1,162  chevaux,  de  220  pouliches,  de  350  mules  et  de  1,050  bœufs 
de  trait  et  de  monture. 


LR    HAPrORT   SIK    hV.S   COLONIES   ALLUIANHES  H  7 


AFRIQUE  ALLEMANDE  OHIEMALE. 

La  population  européonne  s'est  élevée  pendant  Tannée  1898-1899 
au  chiffre  de  1,090  contre  8S0  en  1897-1898.  Le  dénombrement 
des  indigènes  qui  a  eu  lieu  dans  presque  tous  les  districts  a  donné  le 
cliiftre  de  5,i06,000  habitants.  On  peut  donc  évaluer  la  population 
indigène,  en  tenant  compte  des  districts  non  encore  recensés,  à  plus 
de  6  millions  drames. 

L'état  sanitaire  des  indigènes  n'a  guère  été  favorable  pendant 
Tannée  administrative  écoulée.  La  grande  sécheresse'qui  a  régné  dans 
la  colonie  a  déterminé  une  famine  qui  s'est  étendue  sur  une  grande 
partie  du  pays.  Malgré  tous  les  efforts  du  gouvernement  et  dos 
particuliers,  un  nombre  considérable  d'indigènes  sont  tombés 
victimes  du  manque  de  nourriture.  La  variole  .qui  trouva  un  champ 
tout  préparé  dans  une  population  anémiée  a  causé  aussi  de  nombreux 
décès.  On  a  pu  combattre  cette  dernière  maladie,  dans  une  certaine 
mesure,  par  la  vaccination.  On  évalue  à  30,000  le  nombre  des 
indigènes  que  Ton  a  pu  vacciner.  Des  mesures  spéciales  ont  élé  prises 
pour  protéger  la  colonie  contre  Tenvahissement  de  la  peste  de  TInde, 
par  la  surveillance  exercée  le  long  des  cotes.  Mais  cela  n'a  pas  sutti 
pour  garantir  la  colonie.  Il  existe,  en  effet,  dans  l'intérieur  du  pays, 
près  du  lac  Nyanza,  une  région  où  la  peste  existe  à  Tétat  endémique. 
Les  hutles  où  des  pestiférés  avaient  séjourné  furent  brûlées  et  la 
route  des  caravanes  qui  passe  par  cette  contrée,  fut  déplacée.  On 
promît  aussi  une  prime  de  un  peso  par  rat  capturé  ou  tué  dans  le 
district  infesté.  Les  caravanes  furent  soumises  à  une  quarantaine. 
Grâce  à  ces  précautions,  on  a  pu,  jusqu'à  présent,  préserver  la  colonie 
contre  l'introduction  de  la  peste.  Une  autre  maladie,  dont  on  doit 
tenir  compte  dans  l'Afrique  orientale  allemande,  c'est  la  lèpre  qu'on 
rencontre  assez  fréquemment  sur  la  côte,  mais  rarement  dans 
Tintérieur.  Elle  n'a  frappé  jusqu'à  présent  que  les  gens  de  couleur.  Le 
nombre  de  lépreux  peut  être  évalué  à  quelques  centaines.  Il  existait 
déjà  une  léproserie  à  Bagamoyo  ;  il  vient  d'en  être  créé  une  deuxième 
qui  est  située  à  Kilvva.  Le  gouvernement  a  envoyé  une  expédition  le 
long  de  la  côte  pour  étudier  la  lèpre,  mais  le  médecin  qui  la  dirigeait 
étant  tombé  malade,  elle  a  dû  interrompre  ses  travaux.  Ceux-ci  seront 
bientôt  repris. 
L'état  sanitaire  des  Européens  n'a  guère  différé  de  celui  de  Tannée 


118  ÉTUDES   COLONIALES 

précédente.  Comme  alors,  la  plupart  des  cas  de  maladie  ont  été 
déterminés  par  la  malaria,  mais  un  petit  nombre  seulement  a  eu 
une  issue  fatale.  Les  indigènes  de  la  côte  et  des  plaines  sont  plus  ou 
moins  immunisés  contre  la  malaria  et  il  résulte  des  observalions 
microscopiques  des  médecins  formés  à  l'école  de  Koch  que  la  plupart 
des  cas  que  Ton  attribuait  à  la  malaria  ne  sont  que  des  catarrhes  de 
l'estomac  ou  des  intestins  accompagnés  de  fièvres.  Il  est  à  remarquer 
que  les  indigènes  des  montagnes  sont  aussi  exposés  à  contracter  la 
malaria  que  les  Européens  aussitôt  qu'ils  abandonnent  leurs 
montagnes  où  cette  maladie  n'existe  pas.  11  en  est  de  mém?  des  gens 
de  couleur  venus  d'autres  contrées,  tels  que  les  Arabes,  les  Indiens, 
les  Soudanais,  les  Abyssiniens,  etc. 

L'hôpital  pour  Européens  de  Dar-es-Salaam  est  presque  entièrement 
terminé.  Du  1*'  juillet  1808  au  30  juin  1899,  207  malades  y  ont  été 
admis  dont  9o  souffraient  de  malaria  et  1i  de  fièvre  hématurique. 
Cinq  malades  sont  morts,  dont  un  seul  était  atteint  de  malaria. 
L'hôpital  pour  gens  de  couleur  a  reçu,  pendant  la  m^me  période, 
439  malades.  A  l'hôpital  de  Tanga,  du  13  juin  1898  au  15  juin  1899, 
93  Européens  ont  été  traités,  dont  2  ont  succombé  à  la  malaria; 
loG  gens  de  couleur  y  ont  également  reçu  des  soins. 

Au  bord  de  la  rivière  Sigi,  près  d'Ambond,  on  a  découvert  des 
sources  sulfureuses  dont  la  composition  chimique  se  rapproche 
beaucoup  de  celles  d'Aix-la-Chapelle.  On  les  a  captées  et  on  s'en  sert 
avec  succès  pour  le  traitement  de  certaines  maladies.  On  a  aussi  créé 
deux  stations  sanitaires,  dont  l'une  est  située  à  Amani  à  une  altitude 
de  1,000  mètres  et  dont  l'autre  se  trouve  dans  l'île  de  Ulenge. 

Depuis  le  mois  de  février  1899,  un  vétérinaire  a  été  mis  à  la 
disposition  du  gouvernement  de  la  colonie.  Il  a  porté  ses  études  sur 
la  mouche  tsetsé  et  sur  la  fièvre  du  Texas  qui  règne  le  long  de  la  côte. 
11  a  pour  but  de  rechercher  quels  sont  les  chemins  suivis  par  les 
caravanes  où  la  mouche  tsetsé  ne  se  rencontre  pas  et  quelle  est 
l'étendue  de  la  zone  où  règne  la  fièvre  du  Texas. 

On  a  établi  à  Dar-es-Salaam  un  bureau  de  renseignements  que  les 
colons  et  les  éleveurs  de  la  colonie  pourront  consulter  au  sujet  des 
maladies  qui  éclateraient  parmi  leurs  troupeaux. 

Au  point  de  vue  agricole,  la  colonie  a  eu  particulièrement  à  souflrir. 
On  ne  se  souvient  pas  d'avoir  vu  une  sécheresse  aussi  grande  dans  le 
pays.  Ce  sont  surtout  les  districts  du  nord  qui  ont  été  éprouvés.  La 
misère  a  été  grande  partout.  Les  caravanes  n'ont  pas  pu  trouver  les 
aliments  nécessaires  à  leurs  porteurs.  Même  dans  les  régions 
montagneuses,  la  soufïrance  a  été  vive.  Le  gouvernement  a  tâché  de 


LE  RAPPORT  SUR  LES  COLONIES  ALLEMANDES  Ml) 

remédier  au  mal  par  la  distribution  de  subsistances  et  de  graines. 
Heureusement  qu'en  mai  1899  la  pluie  s'est  mise  à  tomber.  Il  faudra 
plusieurs  années  pour  que  le  dommage  causé  par  la  famine 
soit  réparé. 

Une  conséquence  des  impôts  mérite  d'être  signalée.  Les  indigènes 
de  l'intérieur,  trouvant  que  le  transport  des  céréales  destinées  à 
acquitter  leurs  taxes  est  trop  coûteux,  commencent  à  recueillir  du 
caoulchouc  et  de  la  cire  ou  à  planter  des  arachides  ou  du  sésame  en 
vue  du  paiement  des  impôts. 

Il  a  été  décidé  que  la  partie  nord-ouest  de  TUsambara,  où  se. 
trouvent  les  plateaux  élevés,  ne  sera  concédée  qu'à  de  petits  planteurs 
qui  n'obtiendront  chacun  que  200  hectares. 

On  peut  considérer  comme  terminés  les  essais  de  plantation  de 
légumes  d'Europe.  Ils  ont  réussi  partiellement.  On  cultive  des  pommes 
de  terre  dans  presque  toutes  les  stations  de  l'intérieur  et  cet  exemple 
a  été  suivi  par  les  indigènes  de  Kilimandjaro  et  du  sud-est  du 
Tanganika.  On  a  aussi  cultivé  avec  succès  dans  les  stations  de 
l'intérieur  des  manguiers,  des  citroniers,  des  orangers  et  des  dattiers 
et,  dans  celles  qui  se  trouvent  à  une  altitude  plus  élevée,  des  fraisiers, 
des  groseilliers,  des  pommiers,  des  pruniers,  des  poiriers,  etc.  Il  en 
a  été  de  même  des  plantes  ornementales  d'Europe  (phlox,  réséda, 
pyrèthre,  etc.).  Le  jardin  d'essais  de  Dar-es-Salaam  a  été  agrandi 
pour  permettre  de  nouvelles  cultures. 

On  a  importé  du  bétail  européen  dans  la  station  de  Kwai,  dont  l'alti- 
tude a  paru  favorable.  Un  certain  nombre  de  bêtes  ont  péri,  mais  les 
autres  semblent  s'être  acclimatées;  on  les  croise  avec  le  bétail  indigène. 

La  construction  des  routes  a  fait  de»  grands  progrès,  la  misère 
générale  ayant  mis  une  grande  quantité  de  main-d'œuvre  à  la  dispo- 
sition du  Gouvernement.  Les  routes  de  caravanes  de  la  cOte  à  la  région 
des  lacs  sont  en  parfait  état,  et  elles  sont  pourvues  de  puits  et  d'abris. 
Tout  un  réseau  de  chemins  de  5  à  6  mètres  de  largeur  relie  les  stations 
entre  elles  et  avec  les  missions  et  plantations.  De  grands  travaux  de 
construction  d'édifices  publics  et  privés  ont  aussi  été  faits. 

Le  produit  de  la  taxe  sur  les  huttes,  établie  depuis  le  l^""  avril  1898, 
a,  malgré  la  famine,  dépassé  toutes  les  prévisions.  Il  avait  été  estimé 
à  100,000  marks  et  a  dépassé  le  triple  de  cette  somme.  Les  indigènes 
acquittent  la  taxe  sans  murmurer.  Les  droits  de  douane  ont  aussi 
atteint  un  chiflre  supérieur  de  81,200  roupies  à  celui  de  l'année 
précédente.  Les  exportations  se  sont  élevres  à  1,332,945  roupies  contre 
3,736,197  en  1897  et  les  importations  à  11,852,65(3  roupies  contre 
6,840,731  en  1897. 


120  ÉTUDES  COLONIALES 

Los  transports  se  font  par  porteurs.  Il  s'est  formé  à  Dar-eS'Salaam, 
un  corps  permanent  de  3,000  porteurs  qui  ne  transportent  pour  ainsi 
que  les  charges  de  TEtat. 

On  trouve,  dans  la  colonie,  six  missions  protestantes  et  trois 
missions  catholiques.  Il  y  a  aussi  deux  écoles  otticielles,  une  à  Tanga 
(^97  élèves)  et  une  à  Bagamoyo  (63  élèves). 

L'armée  coloniale  se  compose  de  2,078  hommes,  dont  444  appar- 
tiennent au  corps  de  police. 


ARCHIPEL  BISMARCK  ET  ILES  SALOMON. 

Le  siège  du  gouvernement  a  été  transporté  à  Herbcrtshohe,  en 
Nouvelle-Poméranie,  depuis  le  1^  avril  1899,  date  à  laquelle  l'empire 
s*est  substitué  à  la  compagnie  de  la  Nouvelle-Guinée.  Le  gouverneur 
est  assisté  de  deux  juges  dont  l'un  administre  l'archipel  Bismarck  et 
les  îles  Salomon  et  l'autre,  Kaiser-Wilhelmland. 

Dans  l'archipel  Bismarck  et  les  îles  Salomon,  les  plantations  ont 
pris  une  notable  extension.  Le  développement  du  commerce  s'est 
trouvé  entravé  par  suit-e  de  la  perte  de  plusieurs  bateaux,  dont  les  uns 
ont  fait  naufrage,  tandis  qu'un  autre  a  été  saisi  par  les  indigènes  de 
Bougainville  et  pillé,  après  que  l'équipage  eut  été  massacré.  D'autre 
part,  le  manque  de  moyens  de  la  Société  de  la  Xouvellc-Guinéc  a 
empêché  celle-ci  d'exercer,  comme  il  convient,  la  police  des  côtes,  et 
il  en  est  résulté  pour  le  commerce,  une  nouvelle  cause  d'aifaiblisse- 
ment.  Enfin,  les  luttes  constantes  des  indigènes  entre  eux,  surtout 
dans  le  Nouveau-Mccklembourg  a  eu  également  pour  effet  de  troubler 
le  commerce  et  d'empéclier  le  recrutement  de  la  main-d'œuvre.  Prt's 
des  îles  Salomon,  on  a  remarqué,  à  diflërentes  reprises,  la  présence 
de  navires  anglais  exerçant  le  commerce  prohibé. 

La  plaie  des  chasseurs  de  têtes  a  pris  de  l'extension  sur  l'île  de 
Choiseul  (cédée  récemment  à  l'Angleterre)  ainsi  que  sur  l'île  Isabelle. 
Les  meurtriers  venaient  des  îles  Salomon  appartenant  à  l'Angleterre. 

Dans  la  presqu'île  des  Gazelles,  les  relations  avec  les  indigènes  se 
sont  améliorées  au  point  qu'on  a  pu  concéder  aux  chefs  certaines 
attributions  judiciaires  et  politiques.  Les  missions  s'y  sont  aussi 
développées.  11  y  a  environ  ?i0  missionnaires  dans  l'archipel  Bismarck. 
Le  Gouvernement  a  dû  sévir  plusieurs  fois  cependant  contre  les  indi- 


J 


LE  RAPPORT  SUR  LES  COLONIES  ALLEMANDES  i94 

gènes  de  la  presqu'île;  il  n'a  pu  agir  en  dehors  des  limites  de  cette 
dernière,  faute  de  steamer.  Une  expédition  fut  aussi  dirigée  contre  les 
naturels  de  Bougainville  pour  les  punir  de  l'attaque  du  navire  dont  il 
a  été  question  plus  haut. 

Sur  les  deux  groupes  d'îles,  il  y  avait  au  l®»^  janvier  1899, 200  blancs, 
dont  96  Allemands  et  332  Chinois,  Samoiens  et  Fidjiens. 

Au  point  de  vue  des  plantations,  on  trouvait,  au  1*""  janvier  1899  : 
dans  la.  presqu'île  des  Gazelles,  la  plantation  Ralum,  comprenant 
1,010  hectares  pourvus  de  cotonniers,  de  cocotiers  et  de  caféiers;  la 
plantation  de  Herbertshôhe,  de  751  hectares  cultivés  de  la  même 
manière  ;  la  plantation  de  Kinigunan,  de  iOO  hectares  de  cocotiers  ;  et, 
enfin,  quelques  petits  établissements  appartenant  à  la  mission  catho- 
lique. Les  indigènes  ont,  en  plusieurs  endroits  de  la  presqu'île, 
agrandi  les  plantations  do  taro  et  de  bananes  existantes  et  en  ont 
créé  de  nouvelles.  Le  nombre  des  têtes  de  bétail  de  la  presqu'île  était 
de  200.  On  y  trouve,  en  outre,  40  chevaux. 

On  évalue  à  940,000  marks  environ,  la  valeur  des  exportations 
en  1898-99  (l*''  avril  au  31  mars).  Le  kopra  domine  (3,632  tonnes, 
valeur  726,000  marks).  L'exportation  du  trépang  a  aussi  augmenté 
(302  tonnes). 

Un  Anglais  d.'  la  Nouvellc-Ciuinée  anglaise,  qui  a  traité  avec  une 
firme  delà  colonie,  a  l'intention  d'entreprendre  la  pèche  des  perles 
avec  trois  bateaux  et  un  certain  nombre  de  plongeurs.  La  navigation 
est  assurée  par  dix  petits  steamers  appartenant  à  des  particuliers  oi  îi 
des  firmes  commerciales.  Des  lignes  de  bateaux  régulières  mettent  les 
îles  en  communication  avec  Singapore  et  avec  Sydney.  Les  principaux 
lieux  d'enrôlement  des  travailleurs  sont  Ncu-Mecklenburg,  Buka  et 
Bougainville.  Jusqu'à  présent,  on  n'a  pas  encore  pu  se  procurer  de  la 
main-d'œuvre  dans  les  îles  populeuses  de  l'Amirauté. 

Les  recettes  du  Gouvernement  se  sont  élevées  à  14,724  marks  pour 
le  deuxième  trimeslre  de  1899. 


NOUVELLE-GUINEE. 

fiCS  principales  stations  de  la  Nouvelle-Guinée  sont  :  Stephansort, 
Friedrîch-Wilhemsliaven  et  Berlinhafen.  Dans  la  première  de  ces  loca- 
lités, on  cultive  le  tabac  et  le  coton  et  on  a  fait  des  essais  de  culture 
de  café  et  de  cacao  ;  on  y  trouve,  en  outre,  4,000  cocotiers  auxquels 


122  KTUDES  COLONIALES 

il  convient  d'ajouter  les  9,400  autres  des  stations  secondaires  de 
Konstantinhafen  et  de  Erimahafen.  Les  arbres  souffrent  beaucoup 
d'une  grande  sauterelle.  On  a  planté  pend^int  Tannée  9,400  plantes  do 
kapok,  qui  est  une  sorte  de  cotonnier.  On  a  fait  différents  essais  de 
culture  de  caoutchouc  qui  ont  donné  de  bons  résullats,  particulière- 
ment en  ce  qui  concerne  le  Ficus  elastica.  Le  bétail  et  les  chevaux 
comptaient  à  la  fin  de  septembre  1899,  lî29  têtes. 

Le  nombre  des  Européens  s'est  élevé  à  22.  Depuis  janvier  1808,  il 
existe  un  hôpital  à  Stephansort.  Une  station  de  kopra,  appartenant  à 
la  Compagnie  de  la  Nouvelle-Guinée,  a  été  établie  sur  l'île  Seleo;  elle 
possède  5,000  palmiers  et  a  rapporté  02  tonnes  1/2  en  1898  Une  expé- 
dition a  été  envoyée  sur  la  rivière  Ramu  pour  explorer  les  richesses 
du  pays,  sous  la  direction  du  \)^  Lauterbach.  Ses  travaux  avaient  été 
poussés  assez  loin,  en  1898,  pour  qu'on  put  transporter  à  la  rivière  le 
vapeur  Herzogin  Elisabeth. 


ILES  MAKSCHALL. 

Le  nombre  des  étrangers  résidant  aux  îles  MarschalK  a  été 
en  1898-99,  de  116  dont  61  blancs;  27  de  ceux-ci  étaient  établis  à 
Jaluit.  La  production  de  kopra  s'est  élevée  à  2,770  tonnes  contre 
2.827  en  1897-98  et  2,417  en  1896-97.  La  grande  plantation  de  Likieb 
ainsi  que  les  îles  Ujelang  et  Krilli,  sont  entièrement  en  exploitation; 
70  hectares  ont  été  couverts  de  nouvelles  plantations. 

Quelques  plantations  ont  souffert  de  la  pluie  et  l'état  particulier  de 
la  mer,  en  janvier  1899,  a  causé  de  grands  dommages  dans  certaines 
Iles  par  suite  des  inondations  qui  en  sont  résultées. 

Les  importations  se  sont  élevées  à  465,700  marks.  La  tranquillité  a 
été  parfaite  dans  la  colonie.  Une  succursale  de  la  mission  catholique 
de  Ailtinip,  près  de  Munster,  est  venue  s'ajouter  à  la  mission  améri- 
caine. 


KIAUTSCHAU. 

Le  rapport  du  ministère  de  la  marine  sur  le  développement  de  la 
concession  à  bail  de  Kiautschau,  qui  se  trouve  placée  sous  sa  juri- 
diction, s'étend  d'octobre  1898  à  octobre  1899.  Ce  document  attire 
l'attention  sur  les  efforts  qui  ont  été  faits  pour  assurer  à  la  concession 


LK   r.APl»OUT   SrU    LKS  COLONIES  ALLEMANhES  123 

une  administration  aussi  peu  dépondanle  que  possible  du  pouvoir 
central  et  pour  y  établir  rautonomie  administrative.  A  ce  dernier 
point  de  vue,  on  peut  signaler  la  création  d'un  conseil  gouverne- 
mental qui  est  formé  par  les  eliefs  des  différentes  branches  de  Tadmi- 
nistration,  auxquels  s'ajoutent,  quand  il  s*agit  de  discuter  des 
questions  coloniales  d'une  corlaine  importance,  trois  représentants 
de  la  communauté  civile  ;  ensuite,  la  formation  d'une  commission 
scolaire  dont  le  président  délibère  de  concert  avec  le  Gouvernement 
sur  toutes  les  questions  relatives  à  l'enseignement.  L'élément  chinois 
aussi  concourt,  dans  une  certaine  mesure,  à  l'administration,  notam- 
ment par  le  contrôle  qu'il  exerce  sur  les  gens  de  la  même  race  qui 
viennent  s'établir  dans  la  concession  et  par  la  gestion  de  la  nouvelle 
ville  chinoise  de  Yangtschiatsun. 

On  conserve  strictement  à  Tsingtau,  le  caractère  de  port  libre  et 
Ton  a  pu  assurer  les  communications  entre  cette  ville  et  l'Hinterland 
chinois  qui  était  fermé  par  les  barrières  douanières,  grâce  à  une  con- 
vention en  vertu  de  laquelle  un  poste  de  douane  chinois  a  été  établi 
à  Tsingtau. 

Les  affaires  sont  actives  ainsi  que  la  construction.  Une  troisième 
imprimerie  va  bientôt  s'ajouter  aux  deux  autres  qui  existent  déjà,  et  la 
mission  catholique  facilite  les  transactions,  grâce  à  une  presse  pour- 
vue de  caractères  chinois.  L'installation  centrale  d'électricité  pour 
l'éclairage  des  rues  et  des  maisons  est  presque  achevée.  La  navigation 
s'est  considérablement  développée  et  a  enregistré  176  entrées.  Les 
relations  postales  avec  les  parties  chinoises  de  l'intérieur,  qui  n'exis- 
taient pas  encore  l'année  dernière,  sont  maintenant  parfaitement 
organisées. 

Les  lignes  à  construire  par  la  Shantung  Eisenbahngesellschaft  ont 
une  longueur  totale  de  450  kilomètres;  150  kilomètres,  représentant  la 
distance  entre  Tsingtau  et  Weihsau,  doivent  être  construits  en  trois 
ans.  On  a  eu  soin,  dans  le  tracé  des  différentes  lignes,  de  donner 
accès  à  la  voie  aux  importantes  régions  houillières  du  nord  du  Shan- 
tung et  aux  principales  localités  situées  entre  Tsingtau  et  Tsinanfu. 
L'empire  s'est  réservé  le  droit  de  racheter  les  lignes  à  l'expiration  de 
la  soixantième  année.  Au  mois  de  septembre  1899,  on  a  entamé  les 
travaux  de  terrassement  du  chemin  de  fer  à  la  fois  à  Tsingtau  et  dans 
la  ville  chinoise  de  Kiautschau. 

L'ordonnance  réglant  la  situation  juridique  des  Chinois  est  entrée 
en  vigueur  le  15  avril  1899.  Deux  magistrats  de  district  sont  chargés 
de  l'administration  et  de  la  justice.  L'école  officielle  pour  Chinois 
comptait  50  élèves.  Quant  à  l'école  allemande,  fondée  dans  le  courant 


124  ÉTUDES  COLONIALES 

de  Tannée  administrative  pour  les  enfants  des  Européens,  elle  est 
appelée  à  combler  une  lacune  dont  souffrent  vivement  de  nombreux 
Eiu'opéens  établis  en  Chine. 

Un  petit  détachement  du  3*  bataillon  de  l'infanterie  de  marine  a  été 
envoyé  à  Pékin  et  à  Ticntsin,  pour  protéger  les  Allemands  résidant 
dans  ces  endroits.  Une  compagnie  s'est  aussi  rendue  à  Titschau  pour 
faire  une  démonstration  contre  les  autorités  chinoises  afin  de  les 
amener  à  réprimer  les  désordres  qui  mettaient  en  péril  Taction  des 
missions  catholiques.  Enfin,  deux  compagnies  pourvues  de  4  canons 
de  campagne  et  do  2  maxims,  ont  été  envoyées  à  Kaumi  pour  pro- 
téger les  travaux  du  chemin  de  fer.  Ces  différents  détachements  sont 
rentrés  depuis. 

Les  recettes  du  Kiautschau  se  sont  élevées  à  180,000  dollars,  dont 
162^000  dollars  proviennent  de  la  vente  de  terres  et  11,355  dollars  de 
Timpôt  foncier.  Le  territoire  de  la  concession  est  consacré  pour  les 
trois  quarts  à  Tagriculture  et  pour  le  quart  restant  il  est  livré  à 
Texploitation  forestière  ou  reste  en  friche, 


CHRONIQUE 


GENfEI?ALITES 

Expédition  anglaise  du  D'  major  Ross  pour  l'étude  de  la 
malaria.  ~  Le  journal  The  Lancet,  du  9  septembre,  signale  que 
M.  Austen,  naturaliste  du  British  Muséum,  attaché  à  cette  expédition, 
a  découvert  à  Kissy  (près  de  Sierra-Leone)  la  présence  d'une  espèce  de 
mouche  tsétsé,  distincte  de  celle  de  TAfrique  méridionale  (la  Glissina 
morsitans)  et  appartenant  au  type  dit  west-africain  à  couleurs 
sombres,  tels  que  les  spécimens  recueillis  par  M.  W.-H.  Crosse,  à 
Asaba,  sur  le  Niger. 

Si  Ton  rapproche  la  découverte  do  cette  mouche  du  fait  qu'on  ne 
peut  conserver  de  chevaux  à  Sierra-Leone,  que  les  mules  et  le  bétail 
y  dépérissent  rapidement,  on  comprendra  l'importance  des  recherches 
que  les  membres  do  l'expédition  vont  immédiatement  entreprendre 
dans  cette  voie. 

Statistique  médicale  des  Indes  néerlandaises  pour  1897.  — 
Il  résulte  de  cette  statistique,  qui  vient  d'être  publiée,  que  l'effectif 
moyen  de  l'armée  des  Indes  néerlandaises  se  composait  en  1897  de  : 

17,234  Européens, 

54  Africains, 
24,772  Asiatiques. 

La  mortalité,  par  maladie,  pendant  l'année  a  été  de  : 

295  décès  d'Européens  (17,10  pour  1,000), 
347  décès  d'Asiatiques  (14  pour  1,000). 

Parmi  les  Européens,  les  maladies  les  plus  fréquentes  ont  été  : 

Les  fièvres  paludéennes 86  décès 

Le  choléra 106     » 

La  syphilis 8     » 

Le  béribéri 8     » 

La  fièvre  typhoïde 5     » 

I^  dysenterie 3     » 


-    iî26  ÉTUDES  COLONIALES 

Parmi  les  Asiatiques,  les  fièvres  paludéennes  ont  enlevé  74  hommes, 
le  béribéri  84,  le  choléra  52,  les  affections  des  voies  respiratoires  45, 
la  syphilis  15. 

La  même  statistique  nous  apprend  que  sur  1,868  chevaux  employés 
dans  Tannée,  il  en  est  mort  23  (12,3  pour  1,000)  et  57  ont  été  abattus 
(38,5  pour  1,000);  de  plus,  il  en  a  fallu  réformer  77,  soit  un  déchet 
de  85  pour  1,000  au  total. 

(Archives  de  médecine  navale,  1899.) 

Mortalité  et  morbidité  de  la  Guyane  française  en  1897, 
d'après  le  D>  Le  Jollie.  —  H  y  a  lieu  de  remar(|uer  que  le 
personnel  européen  de  la  Guyane  se  divise  en  deux  catégories  : 

Personnel  libre  (armée  et  fonctionnaires). 

Condamnés  à  la  dépoilation. 

Les  premiers  (personnel  libre)  ont  été  au  nombre  de  1,193;  ils  ont 
fourni  une  mortalité  de  10,8  pour  1,000. 

Les  déportés,  au  nombre  de  5,961,  ont,  au  contraire,  atteint  une 
mortalité  de  58,3  pour  1,000. 

Le  grand  écart  provient  de  ce  que,  au  contraire  des  soldats  et 
fonctionnaires,  qui  ne  font  en  Guyane  qu'un  temps  de  séjour  limité, 
les  condamnés  y  restent  des  périodes  parfois  assez  longues. 

Aussi  la  cachexie  palustre  et  la  fièvre  bilieuse  hématurique  font-elles 
parmi  eux  de  nombreuses  victimes  —  la  moitié  dos  décès  étant  causée 
par  ce  genre  de  maladies  —  par  contre,  la  dysenterie,  cette  triste 
compagne  habituelle  du  paludisme,  est  peu  fréquente  et  rarement 
grave  en  Guyane. 

(Anjiales  d^hygiène  et  de  médecine  coloniale,  1899.) 


AFJRIQUE^ 

L'occupation  d'In-Salah.  —  Un  événement  dont  les  consé- 
quences sont  considiérables  tant  au  point  de  vue  commercial  qu'au 
point  de  vue  politique  est  celui  de  l'occupation  d'In-Salah  par  les 
Français,  il  marque  le  premier  pas  vers  la  pacification  du  Soudan, 
dont  les  tribus  nomades  et  turbulentes  ont  causé  tant  d'inquiétudes 
au  gouvernement  français.  Le  Touàt  est  le  centre  de  ravitaillement  de 
ces  populations;  aussi  la  politique  française  a-t-elle  pris  pour  objectif 
de  s'emparer  du  chapelet  d'oasis  qui  se  développe  au  sud  de  l'Algérie, 


CIIRONIQLE  127 

afin  de  réduire  ainsi  ces  tribus  belliqueuses  à  robéissance.  In-Salali 
est  le  œntre  de  l'oasis  de  Tidikelt  et  riionneur  d'y  être  entré,  revient 
à  la  mission  Flamand  dont  le  but  était  purement  scientifique,  mais 
qui  s'était  toutefois  fait  accompagner  prudemment  d'une  escorte 
de  140  soldats  indigènes  commandés  par  le  capitaine  Pein.  La  mission 
Flamand  avait  pour  objet  d'explorer  le  Tadmait,  le  Mougdir  et  l'Erg 
d'Adjemor  et  d'en  étudier  la  géologie,  la  botanique  et  l'hydrologie. 
Elle  devait  aussi  rapporter  des  renseignements  sur  les  itinéraires  les 
plus  pratiques  pour  les  caravanes  se  rendant  d'Algérie  au  Touat  et  au 
Soudan  et  faire  connaître,  au  point  de  vue  religieux,  la  situation  res- 
pective des  grandes  confréries  religieuses  dans  ces  régions.  Nous  ne 
savons  naturellement  rien  encore  des  résultats  du  vaste  et  intéressant 
programme  scientifique  que  la  mission  Flamand  s'est  tracé;  nous 
espérons  toutefois  qu'elle  sera  aussi  heureuse  dans  le  domaine  de  la 
science  qu'elle  l'a  été  sur  le  terrain  militaire. 

La  rapide  conquête  d'In-Salah  semble  prouver  que  l'on  s'était 
grandement  exagéré  les  dangers  d'une  action  dans  le  sud  de  lOranais 
et  que  1  on  a  eu  tort  d'hésiter  depuis  dix  ans  à  faire  contre  le  Touàt  la 
démonstration  à  laquelle  M.  Cambon  s'efforça  vainement  de  décider 
le  gouvernement.  La  politique  de  M.  Cambon  a  été  heureusement 
reprise  par  le  gouverneur  actuel  de  l'Algérie,  M.  Laferrière,  qui  a 
appuyé  la  mission  Flamand  dont  l'envoi  rentrait,  d'ailleurs,  dans  le 
plan  de  conquête  pacifique  du  Sahara  qu'il  s'est  proposé. 

Une  autre  considération  a  aussi  contribué  à  prolonger  les  hésita- 
tions des  Français,  c'est  la  crainte  de  susciter  des  difficultés  de  la  part 
du  Maroc.  Les  sultans  du  Maroc  ont  de  temps  à  autre  élevé  de  vagues 
prétentionsà  la  HOuverainctedecesoasis.il  y  a  une  quarantaine  d'années, 
à  une  époque  où  circulait  le  bruit  d'une  prochaine  occupation 
française,  les  habitants  du  Touât  envoyèrent  une  ambassade  au  Maroc, 
chargée  de  présents,  pour  demander  au  Sultan  sa  protection. Le  Sultan 
accepta  les  présents  et  promit  son  appui,  mais  il  n'est  jamais  inter- 
venu d'une  manière  quelconque  dans  les  affaires  du  pays,  et  sa  sou- 
veraineté semble  s'être  limitée  à  un  ascendant  purement  religieux. 

il  peut  paraître  intéressant  d'examiner  rapidement  quelles  sont  les 
populations  qui  habitent  les  régions  nouvellement  acquises  par  la 
France  et  quelle  est  la  valeur  de  ces  contrées. 

Le  nom  de  Touât,  dont  les  Européens  se  servent  pour  désigner 
l'ensemble  des  oasis  qui  se  trouvent  au  sud-ouest  de  l'Algérie,  ne  se 
rapporte,  en  réalité,  qu'à  la  partie  centrale  de  la  région.  Celle  du  nord 
s'appelle  Gourara  et  celle  du  nord-est,  Tidikelt.  C'est  dans  cette  der- 
nière que  se  trouve  In-Salah.   On  ne  peut  guère  se  faire  une  idée  des 


138  ÉTUDES  COI^ONIALES 

limites  de  chacun  de  ces  groupes  d'oasis  ni  du  nombre  de^  habitants 
qu'ils  possèdent.  On  pense  qu'ils  renferment  330  ou  330  Kessours  ou 
villages  —  dont  156  dans  le  Touât  proprement  dit  -  et  que  la  popula* 
tion  totale  de  toute  la  région  s'élève  de  100,000  à  144,000  habiUnis.  Ces 
chiffres  se  rapportent  à  la  population  sédentaire  qui  est  composée  d'un 
mélange  de  races  les  plus  diverses.  La  classe  dominante  est  constituée 
par  les  Arabes  ou  les  Berbères  blancs  qui  ont  adopté  en  grande  partie 
les  coutumes  des  Arabes.  En  général,  les  Arabes  et  les  Berbères  vivent 
séparés  dans  leurs  villages  respectifs  qui  sont,  du  reste,  régis  de 
manière  différente. 

Dans  les  villages  arabes,  il  existe  une  sorte  de  système  féodal 
modifié  dans  une  certaine  mesure  par  l'autorité  d'un  conseil  des 
anciens.  L'organisation  politique  des  Berbères  est  beaucoup  plus 
démocratique.  Au  lieu  d'un  conseil  des  anciens,  ils  ont  une  organisa- 
tion municipale  qui  est  présidée  par  un  chef  correspondant  au  Sheikh 
des  Arabes. 

11  faut  toutefois  remarquer  que  l'influence  arabe  a  fortement  agi  sur 
l'organisation  berbère  et  qu'il  serait  fort  difficile  de  donner  une  des- 
cription qui  pût  s'adapter  indistinctement  aux  institutions  de  toutes 
les  communautés  berbères.  Il  existe  aussi  une  classe  connue  sous  le 
nom  de  Cheurfa  ou  Sheriffs;  c'est  une  sorte  de  noblesse  religieuse 
d'origine  maure,  possédant  un  nombre  considérable  de  villages.  Les 
Harritan  ou  Berbères  noirs  sont  regardes  par  beaucoup  d'auteurs 
comme  formant  la  race  aborigène.  Us  occupent  une  place  intermé- 
diaire entre  les  Arabes  et  les  Berbères  blancs,  d'une  part,  et  les 
esclaves  nègres  qui  sont  l'élément  inférieur  de  la  population,  de 
l'autre.  Les  Harritan  s'appliquent  aux  travaux  manuels  et  à  la  culture 
du  sol.  Us  sont  sédentaires  mais  libres  de  quitter  le  pays;  aussi  en 
trouve-t-on  un  grand  nombre  en  Algérie,  au  Maroc  et  même  dans  le 
pays  des  Touaregs. 

Les  oasis  de  cette  partie  du  Sahara  doivent  leur  existence  à  la  pré- 
sence d'une  nappe  d'eau  souterraine  qui  provient  par  infiltration  des 
pentes  du  Mont  Atlas.  Les  habitants  recueillent  cette  eau  avec  soin  et 
ramènent  par  des  galeries  souterraines  vers  leurs  jardins.  L'industrie 
principale  du  pays  est  la  culture  des  dattiers.  On  rencontre  aussi 
quelques  céréales  et  de  nombreux  troupeaux  de  chèvres  et  d'ânes.  On 
ne  trouve  pas  moins  de  75  variétés  de  dattiers  dans  ces  oasis.  Elles 
forment  la  principale  nourriture  non  seulement  de  la  population 
sédentaire  mais  aussi  des  Touaregs  Ahaggars  qui  se  rendent  chaque 
automne  au  Touât,  à  l'époque  de  la  récolte,  pour  échanger  contre  des 
dattes,  les  produits  du  Soudan. 


CHRONIQUE  129 

Le  Touât  est  le  point  d'intersection  des  routes  de  caravanes  qui  se 
dirigent  d'Algérie  vers  Tombouctou  et  de  Tripoli  vers  le  Maroc.  C'est 
dans  cette  oasis  qu'autrefois  les  caravanes  du  centre  et  de  l'ouest  du 
Soudan  venaient  échanger  l'or,  l'ivoire  et  les  plumes  d'autruche  des 
régions  méridionales  contre  les  marchandises  de  l'Europe  et  des  Etats 
méditerranéens.  Dans  les  dernières  années,  l'importance  commerciale 
du  Touât  a  beaucoup  diminué  par  suite  de  l'ouverture  de  nouvelles 
routes  commerciales  vers  l'océan  Atlantique.  D'autre  part,  le  trafic 
des  esclaves  qui  s'est  toujours  fait  au  Touàt,  a  aussi  beaucoup  décru 
dans  ces  derniers  temps. 

Ce  n'est  donc  pas  tant  au  point  de  vue  commercial  que  l'acquisition 
du  Touât  importe  à  la  France,  c'est  plutôt  au  point  de  vue  politique. 
Cette  région  était  un  foyer  d'intrigues  où  s'ourdissaient  contre  la 
France  toutes  sortes  de  complots;  c'est  de  là  qu'est  partie  aussi 
l'agression  qui  a  abouti  au  massacre  de  la  mission  Flatters.  La  popu- 
lation de  ces  oasis  est  fanatiquement  musulmane  ;  elle  est  déchirée 
par  les  factions  intestines  et  n'est  unie  que  dans  une  pensée  :  l'exter- 
mination des  infidèles.  On  dit  que  depuis  un  certain  temps,  une 
partie  de  la  population,  fatiguée  des  exactions  des  Touaregs  et  des 
Arabes,  s'est  prononcée  en  faveur  de  la  France.  C'est  possible,  mais 
il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  cette  opinion  se  confine  aux  classes  infé- 
rieures du  pays.  H  n'est  guère  probable  qu'elle  ait  été  partagée  par 
les  classes  dominantes  dont  la  haine  contre  les  infidèles  n'a  pu  que 
s'accentuer  devant  les  excitations  des  missionnaires  du  Sheik  el 
Senoussi  qui  prêchent  les  doctrines  de  la  secte  musulmane  la  plus 
fanatique. 

La  Guinée  française.  —  Le  développement  de  la  Guinée  fran- 
çaise dans  les  dernières  années,  a  fait  l'objet  d'un  récent  rapport  du 
consul  anglais,  M.  Arthur.  En  1898,  la  Grande-Bretagne  absorbait  à 
peu  près  les  trois  quarts  des  exportations  et  des  importations  parce 
que,  jusque  dans  les  derniers  temps,  le  district  connu  sous  le  nom  de 
«  Rivières  du  Sud  »  dépendait  en  réalité  de  Sierra-Leone,  au  point  de 
vue  commercial.  Les  Français  ont  changé  cette  situation  et  leur  poli- 
tique a  eu  pour  but  de  rendre  la  Guinée  française  presque  entièrement 
indépendante  de  Sierra-Leone.  Actuellement  Konakry,  leur  «iapitale, 
est  en  train  de  devenir  rapidement  un  des  principaux  centres  com- 
merciaux de  l'Afrique  Occidentale.  Par  suite  de  l'imposition  de 
droits  de  sortie,  les  indigènes  se  voient  forcés  de  vendre  leurs  produits 
dans  l'intérieur  de  la  colonie  et  d'autre  part,  bien  que  Konakry  soit 
nominativement  un  port  franc,  des  droits  d'entrée  sont  perçus  sur 


130  ÉTUDES  COLONIALES 

certains  articles  originaires  d'Afrique  dans  le  but  de  développer  les 
ressources  du  pays.  Dos  droits  analogues  sont  imposés  sur  les 
marchandises  européennes  et  américaines  transportées  via  Sierra- 
Leone  ou  un  aulre  port.  Il  en  résulte  que  les  commerçants  qui  avaient 
l'habitude  d'approvisionner  leurs  comptoirs  des  Rivières  du  Sud  à 
Sierra-Leone,  ont  été  obligés  de  transférer  leurs  affaires  à  Konakry  et 
d'y  fonder  des  élablisscmcnts  permanents.  Ils  ont,  du  reste,  été  bien 
accueillis  par  les  autorités  françaises  qui  leur  ont  donné  des  terrains 
pour  bâtir  et  des  avantages  pour  le  transport  de  leurs  marchandises 
par  le  Decauville 

D'après  M.  Arthur,  la  prospérité  de  la  Guinée  française  est  assurée 
aussi  longtemps  que  l'industrie  du  caoutchouc  se  maintiendra,  mais  il 
esta  remarquer  que  les  indigènes  sont  obligés  d'aller  de  plus  en  plus 
loin  d;ms  l'intérieur  du  pays  pour  en  récolter;  une  grande  partie  du 
caoutchouc  provient  déjà  maintenant  du  Soudan  français. 

M.  Arthur  fait  aussi  observer  que  si  les  autorités  françaises  ont 
réussi  à  mettre  fin  au  commerce  entre  la  Guinée  française  et  Sierra- 
Leone,  cette  colonie  rencontrera  de  puissants  rivaux  parmi  les  autres 
colonies  françaises,  car  les  marchands  établis  au  Sénégal  feront  leur 
possible  pour  attirer  le  commerce  vers  celte  dernière  possession. 

Le  chemin  de  fer  projeté  de  KoHakry  au  Niger  diminuera" les  diffi- 
cultés et  les  frais  de  transport  des  produits  de  l'intérieur  à  la  côte  et 
contribuera  ainsi  à  favoriser  la  situation  de  la  Guinée  française. 

L'arrivée  d'un  grand  nombre  de  marchands  syriens  a  causé  des 
ennuis  aux  commerçants  déjà  établis  dans  la  colonie.  Ces  marchands 
que  l'on  rencontre  dans  la  plupart  des  villes  de  la  cote  occidentale, 
achètent  du  caoutchouc  et  d'autres  produits  par  petites  quantités  et 
s'interposent  ainsi  entre  l'indigène  et  les  établissements  commerciaux 
réguliers,  amenant  par  suite  un  renchérissement  des  produits  du  pays. 
Ils  vendent  aussi  aux  indigènes  des  objets  à  bon  marché  et  de  qualité 
inférieure.  Bien  que  la  politique  de  la  France  ait  eu  une  influence 
néfaste  sur  le  commerce  de  Sierra-Leone,  elle  n'a  pas  nui  aux  impor- 
tations ni  aux  exportations  du  Royaume-Uni  et  M  Arthur  ne  pense 
pas  que  l'Angleterre  perdra  la  situation  qu'elle  a  acquise,  aussi  long- 
temps que  les  pays  étrangers  seront  admis  à  concourir  sur  le  même 
pied  que  les  Français,  car  elle  fournit,  dans  une  large  mesure,  les 
objets  que  les  indigènes  demandent  le  plus. 

Lagos.  —  Le  dernier  rapport  du  secrétaire  colonial  de  Lagos  se 
prononce  d'une  manière  très  satisfaisante  sur  la  situation  actuelle  et 
sur  l'avenir  de  celte  colonie.  La  population  est  heureuse  et  sa  prospé- 
rité a  augmenté  par  suite  du  grand  développement  qu'ont  pris  les 


CHRONIQUE  im 

cultures  depuis  1893.  Le  secrélaire  colonial  estime  que  les  expor- 
tations prendront  de  l'extension  quand  la  ligne  du  chemin  de  fer  sera 
ouverte  jusqu'à  Ibahan.  11  est  à  regretter  que  le  port  ne  soit  accessible 
qu'aux  vaisseaux  de  petit  tonnage  car  le  développement  de  la  colonie 
en  souffre.  On  peut  toutefois  espérer  que  dans  l'avenir,  on  parviendra 
à  remédier  à  l'inconvénient  que  présente  la  barre,  au  moyen  do 
travaux  permanents  dont  le  coût  est  trop  élevé  pour  pouvoir  être 
entrepris  actuellement. 

L'arrangement  intervenu  entre  la  France  et  l'Angleterre  aux  termes 
duquel  les  territoires  situés  entre  Lagos  et  le  Niger  ont  été  reconnus 
comme  rentrant  dans  la  sphère  anglaise  en  même  temps  que  les  droits 
de  l'Angleterre  sur  le  Sokoto  ont  été  admis,  aura  pour  efftit  d'amener 
la  pacification  d'une  vaste  étendue  de  territoire  et  de  déterminer 
probablement  un  nouvel  essor  dans  la  culture  des  produits  commer- 
ciaux. 

Le  chemin  de  fer  est  ouvert  à  présent  au  trafic  jusque  Abbeokuta 
et  à  la  fin  de  l'année,  il  atteindra  Ibahan. 

L'exportation  de  l'acajou  augmente  rapidement,  mais  il  est  à 
craindre  que  l'industrie  du  caoutchouc  ne  tombe  à  bien  peu  de  chose 
dans  quelques  années  à  cause  de  la  manière  inconsidérée  dont  il  est 
exploité  par  les  indigènes.  Le  commerce  de  ce  produit  ne  peut  être 
revivifié  que  par  l'établissement  de  plantations,  ce  qui  se  fait  déjà  dans 
différentes  parties  de  la  colonie. 

Dans  Tîle  de  Lagos,  une  grande  partie  de  la  population  se  conforme 
à  la  manière  de  vivre  des  Européens  ;  la  masse,  toutefois,  tient  à  ses 
habitudes  et  le  secrétaire  colonial  estime  que  les  indigènes  sont  plus 
heureux  tout  en  étant  aussi  industrieux  quand  ils  ne  se  sentent  pas  trop 
gênés  par  les  entraves  de  la  civilisation.  La  polygamie  prévaut  parmi 
eux  et  leurs  nombreuses  femmes  pourvoient  par  le  commerce  à  leurs 
besoins  ainsi  qu'à  ceux  de  leurs  enfants.  Le  mari  est  le  centre  de  la 
famille  et  offre  aux  femmes  asile  et  protection.  La  chasse  aux  esclaves 
dans  l'intérieur  a  été  presqu'entièrement  supprimée  et  les  sacrifices 
humains  ont  pour  ainsi  dire  disparu  bien  qu'il  ne  soit  pas  impos- 
sible qu  il  s'en  produise  encore  de  temps  en  temps  dans  les  districts 
les  plus  éloignés. 

Le  chiffre  total  des  importations  et  exportations,  qui  était,  en  1889, 
de  834,80*  £  s'est  élevé,  en  1898,  à  1,775,192  H  tandis  que  le  revenu 
de  la  colonie  passait,  pendant  la  même  période,  de 57,633  C  à  196,444  £. 
Les  trois  principaux  articles  d'exportation  sont  les  noix  de  palme, 
l'huile  de  palme  et  le  caoutchouc.  Pendant  les  dernières  années,  hî 
commerce  de  l'huile  de  palme  a  diminué  sensiblement  parce  que 


i3!2  ÉTUDES  COLaNIALES 

les  indigènes  se  sont  appliqués  à  l'exploitation  du  caoutchouc  qui  leur 
offre  plus  de  profit.  Mais  comme  les  palmiers  exigent  peu  de  soins  et 
qu'ils  abondent  dans  Thinterland  de  la  colonie,  cette  branche  de 
commerce  reprendra  probablement  bientôt  de  la  vie,  surtout  quand 
les  porteurs,  qui  sont  engagés  actuellement  dans  les  récentes  opéra- 
tions de  rhinlerland,  seront  libres  de  nouveau  et  se  trouveront,  par 
suite,  disponibles  pour  les  travaux  agricoles. 

Le  «Lagos  Week l y  Record»  insiste  de  son  côté  sur  l'importance 
qu'il  convient  d'accorder  à  l'agriculture  dans  la  colonie.  Tout  porte  à 
croire,  dit-il,  que  l'agriculture  deviendra  le  but  principal  et  la  seule 
source  de  revenu  de  la  population  de  Lagos.  Le  développement  de 
l'agriculture  est  manifeste  depuis  quelque  temps  et  un  grand  nombre 
de  gens  s'occupent  déjà  de  la  culture  du  café  et  du  cacao.  Le  prix  du 
café  a  subi  une  si  grande  dépression  que  bt^aucoup  de  planteurs  perdent 
confiance  dans  cette  culture  et  il  semble  qu'une  ressource  plus  sûre 
soit  offerte  par  l'exploitation  du  cacao,  du  copra  et  du  caoutchouc. 
Le  premier  de  ces  produits  absorbe  l'attention  de  la  population  de 
l'île  de  Fernando-Po  dont  les  exportations  augmentent  chaque  année. 
Etant  donnée  la  vaste  étendue  de  terre  dont  on  peut  disposer  dans  le 
Lagos,  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  que  c-ettc  colonie  ne  devienne  un 
centre  important  do  production  et  d'exportation  de  cacao  et  que  la 
population  n'y  trouve  une  prospérité  réelle  et  durable  comme  c'est  le 
cas  pour  Fernando-Po.  Les  cacaoyers  n'exigent  pas  de  connaissances 
techniques  particulières  et  ils  se  développent  fort  bien  quand  on  les 
plante  dans  un  sol  convenable  et  qu'on  les  protège  contre  l'envahis- 
sement des  mauvaises  herbes.  Le  journal  insiste  aussi  sur  la  nécessité 
d'établir  des  plantations  de  caoutchouc  dont  il  n'est  plus  nécessaire, 
dit-il,  de  mettre  les  avantages  en  relief. 

La  Nigeria.  —  Le  premier  janvier  de  celte  année,  U»  gouvernement 
anglais  a  pris  otticiellement  possession  des  territoises  de  la  Royal  Niger 
Company  qui,  comme  on  le  sait,  n'existera  plus  désormais  que  comme 
simple  société  commerciale.  Le  vaste  domaine  qui  vient  de  s'ajouter 
aux  possessions  de  l'empire  britannique  et  qui  embrasse  une  étendue 
de  500,000  milles  carrés  comptant  une  population  évaluée  à  35  mil- 
lions d'âmes,  a  été  subdivisé  pour  les  besoins  de  l'administration. 
Une  porlion  en  sera  ajoutée  à  la  colonie  de  Lagos  qui  s'étendra  ainsi 
jusque  vers  le  9**  degré  de  latitude  nord.  Le  reste,  y  compris  les  terri- 
toires connus  sous  le  nom  de  Protectorat  de  la  côte  du  Niger  et  s'éten- 
dant  sur  les  deux  rives  du  Niger  près  de  l'embouchure  de  celui-«i, 
sera  divisé  en  deux  Protectorats  :  la  Nigeria  supérieure  (Opper  Nigeria) 


CHRONIQUE  133 

et  la  Nigeria  intérieure  (Lower  Nigeria),  Celte  dernière  sera  la  province 
cotière  dont  la  frontière  intérieure  passera  par  Iddah,  sur  le  Niger  et 
se  dirigera  à  l'est  jusqu'au  Lagos  et  à  l'ouest  jusqu'au  Kamerun.  Elle 
sera  administrée  par  sir  Ralph  Moor  qui  portera  le  litre  de  Haut 
Commissaire.  La  Nigeria  supérieure  se  composera  du  territoire  inté- 
rieur de  la  colonie  qui  est  beaucoup  plus  étendu  et  qui  s'étend  jus- 
qu'aux limites  récemment  définies  du  Borgu  et  jusqu'à  une  ligne 
allant  de  Sag  sur  le  Niger,  au  lac  Tchad.  Ce  territoire  qui  renferme  le 
royaume  de  Sokoto  et  l'Etat  de  Nupé,  récemment  soumis,  ainsi  que  les 
cistricts  fertiles  qui  s'étendent  au  nord  de  la  rivière  Bénué,  sera 
administré  par  le  colonel  Lugard,  qui  après  avoir  servi  dans  l'armée 
des  Indes  et  au  Soudan  et  s'être  fait  connaître  c-omme  administrateur 
de  l'Uganda  (1889-92),  s'était  engagé  au  service  de  la  Compagnie  du 
Niger,  sous  le  titre  de  Haut  Commissaire. 

Les  forces  militaires  chargées  de  la  défense  des  possessions  britan- 
niques dans  le  golfe  de  Guinée  continueront  à  être  désignées  sous  le 
nom  de  West  African  Frontler  Forœ  et  seront  considérablement 
augmentées.  Leur  contingent  sera  de  S,000  à  6,000  hommes,  dont 
2,500  séjourneront  dans  le  nord  de  la  Nigeria  et  1,000  dans  le  sud: 
700  seront  attribués  à  Lagos  et  1,200  à  la  Cùle  d'Or.  Des  droits  de 
douanes  perçus  à  la  côte,  une  part  sera  attribuée  à  la  Nigeria  supé- 
rieure. Le  système  actuel  d'administration  sera  maintenu  tel  que  la 
Compagnie  l'avait  établi,  les  principaux  agents  politiques  de  la  Com- 
pagnie étant  incorporés  au  Civil  Service  de  la  Couronne.  Le  siège  du 
gouvernement  de  la  Nigeria  supérieure  n'a  pas  encore  été  arrêté,  mais 
on  espère  trouver  une  situation  salubre  sur  la  rive  septentrionale  de 
la  Bénué.  La  politique  du  gouvernement  britannique  se  limitera, 
autant  que  possible,  au  maintien  de  la  paix  et  à  la  supression  de  la 
chasse  aux  esclaves  ainsi  qu'à  l'amélioration  des  voies  de  communi- 
cations dans  le  but  d'ouvrir  le  pays  au  commerce  européen. 

Au  dire  des  voyageurs  qui  ont  parcouru  les  contrées  nouvellement 
annexées,  les  territoires  de  l'intérieur  sont  fertiles  et  salubres  et  ren- 
ferment de  grandes  richesses  naturelles.  Grâce  à  une  population  nom- 
breuse et  active,  l'agriculture  et  les  arts  industriels  ont  été  portés  à 
un  degré  de  perfection  remarquable.  Depuis  un  millier  d'années  les 
marchés  de  cette  contrée  sont  visités  par  les  caravanes  venant  du 
Maroc,  d'Eg>'pte  ou  de  Zanzibar  et  il  serait  d'une  importance  capitale 
pour  le  commerce  européen  d'ouvrir  vers  ces  centres,  une  voie  rapide 
à  partir  de  la  mer. 

Angola.  Le  caoutchouc  AJmeidina.  —  Le  consul  d'Angleterre 


134  KTLDKS  COLOMALtS 

à  St-Paul  de  Loanda  attire  l'attention  sur  le  caoutchouc  connu  sous 
le  nom  d' «  Almeidina  »  qui  est  devenu  un  des  principaux  articles 
d'exportation  de  la  colonie  portugaise  d'Angola.  Ce  produit  était  déjà 
connu  précédemment,  mais  les  expériences  auxquelles  on  l'avait 
soumis  ne  le  montraient  guère  propre  à  rendre  des  services  au  com- 
merce. L'avenir  de  ce  caoutchouc  semble  cependant  se  présenter 
actuellement  sous  un  jour  plus  favorable  puisque  les  prix  qu'il  a 
atteints  sur  le  marché  de  Londres  se  sont  élevés  à  7  et  8  sh.  la  livre. 

L'Almeidinaou  Euphorbia  ou  potato  gum^  comme  on  l'appelle  indif- 
féremment, est  le  suc  d'un  végétal  appelé  Euphorbia  tiitu^lli.  Cette 
plante  croît  littéralement  comme  une  mauvaise  herbe  dans  les  districts 
maritimes  de  l'Angola.  On  la  rencontre  à  chaque  pas.  Elle  escalade 
les  collines  de  l'intérieur  et  se  jette  des  endroits  les  plus  escarpés  de 
la  côte  jusque  dans  la  mer.  On  peut  dire  que  c'est  le  végétal  le  plus 
prolifique  de  cette  contrée  sauvage. 

Les  terres  arides  sont  nombreuses  autour  de  Loanda.  Aucune 
plante  ne  songerait  à  y  établir  son  habitat;  seul,  V Euphorbia  tirucaili 
s'y  rencontre  perpétuellement  frais  et  verdoyant  quelle  que  soit  la 
saison.  Ses  tiges  qui  ressemblent  à  des  doigts,  regorgent  de  suc  que  la 
moindre  piqûre  ou  blessure  fait  couler. 

On  extrait  le  suc  en  faisant  une  entaille  dans  les  branches.  (Le 
E.  tirucaili  semble,  en  général,  n'être  composé  que  de  branches.  Dans 
la  plupart  des  cas,  celles-ci  cachent  entièrement  la  tige  principale).  La 
résine  s'écoule  aussitôt  en  un  liquide  de  couleur  laiteuse  (|ue  Ton  fait 
bouillir,  pour  les  besoins  du  commerce,  jusqu'à  ce  qu'il  durcisse.  On 
le  roule  ensuite  en  boules  et  on  l'expose  au  soleil.  Quand  ces  boules 
sont  prêtes  à  être  exportées, elles  ressemblent,  parait-il,  en  couleur  et 
en  volume,  à  la  pomme  de  terre.  (]c  produit  est  connu  en  Europe  de- 
puis plusieurs  années,  mais  jusqu'à  présent,  les  transactions  dont  il 
a  été  l'objet,  n'ont  guère  été  rémunératoires. 

Les  exportations  d'AImeidina  se  sont  élevées,  en  1897,  à  72,748  kilos, 
évalués  par  la  douane  d'Angola,  à  3,515,920  reis,  ce  qui  représente 
une  valeur  déclarée,  inférieure  à  fr.  1.25  par  livre.  De  cette  quantité, 
35,9i0  kilos  ont  été  embarqués  à  Mossamédès,  82,215  kilos  à  Benguela 
et  4,593  kilos  à  Loanda. 

Cette  plante  a  été  plus  particulièrement  expérimentée  dans  le  Mos- 
samédès que  dans  les  autres  parties  de  l'Angola.  C'est  là  qu'il  y  a  dix- 
huit  ans,  Senhor  Almeida,  qui  lui  a  donné  son  nom,  commença  les 
observations  qui  l'amenèrent  à  transporter  une  certaine  partie  de  ce 
produit  en  Europe.  Les  relevés  de  la  douane  accusent  une  augmen- 
tation dans  les  exportations  en  1898.  Celles-ci  ont  atteint  le  chiffre  de 


CHRONIQLE  135 

99,682  kilos  d'une  valeur  de  4,90S,93:J  rcis,  dont  54,710  kilos,  valant 
2,753,533  reis  proviennent  du  Mossamédès.  Il  est  probable  que 
l'exportation  en  1899  aura  été  plus  considérable  encore. 

Le  rapport  du  consul  appelle  aussi  l'attention  sur  les  ressources  du 
Mossamédès  qui  est,  d'après  lui,  la  partie  de  l'Afrique  portugaise 
occidentale  où  les  capitaux  européens  pourront,  en  premier  lieu,  être 
rétribués.  On  a  déjà  découvert  des  minéraux,  parmi  lesquels  l'or,  en 
quantité  suffisante  pour  laisser  un  profit  dans  un  district  qui  n'est  pas 
entièrement  dénué  de  moyens  de  transport  et  dont  le  climat  convient 
à  la  race  blanche.  La  cote  possède  deux  ou  trois  excellents  ports  na- 
turels et  si  les  centres  miniers  étaient  reliés  à  la  mer  par  des  voies  fer- 
rées, le  Mossamédès  deviendrait,  sous  bien  des  rapports,  une  région 
de  transition  prospère  entre  les  pays  du  sud  de  l'Afrique  et  les  riches 
contrées  équatoriales  de  ce  même  continent. 

L'exploration  du  major  Gibbon  au  Zambèze.  —  Dans  une 
lettre  adressée  à  la  Société  royale  de  Géographie  de  Londres  (Ij,  le 
major  Gibbon  fait  l'exposé  des  travaux  de  l'expédition  depuis  le  mois 
de  mars  1899  jusqu'au  31  août  de  la  même  année.  Le  champ  d'explo- 
ration a  compris  la  région  située  à  l'ouest  du  Zambèze  supérieur  où 
se  trouvent  les  cours  supérieurs  de  l'Okavongo,  du  Kwando  et  d'autres 
rivières  du  bassin  occidental  du  Zambèze. 

Le  capitaine  Quicke,  après  avoir  atteint  le  confluent  du  Kubangui  et 
du  Kwando,  remonta  celui-ci  jusqu'à  sa  source,  et  puis  se  dirigea  dans 
la  direction  nord-est  vers  le  Lungwebugujqui,  lorsqu'il  l'aperçut  pour 
la  première  fois,  était  une  rivière  rapide  et  profonde  d'environ 
200  yards  de  largeur.  La  vallée  de  ce  cours  d'eau,  comme  celle  d'autres 
rivières  de  cette  région,  est  bordée  par  des  ond»ilations  de  sable  blanc 
qui  diminuent  en  hauteur  à  mesure  qu'on  se  rap[u*oche  du  Zambèze. 

La  partie  inférieure  du  Kwando  fut  explorée  par  le  capitaine  Hamil- 
ton  qui  constata  que  ce  cours  d'eau  est  beaucoup  moins  important 
que  le  Kubangui  ou  le  Kwito  qui,  tous  deux,  sont  ou  pourraient  être 
facilement  rendus  navigables  pour  les  stern-wheelers. 

Le  Kwito  suit,  d'après  les  relevés  du  major  (libbon,  un  cours  tout 
différent  de  celui  qu'indiquent  les  caries  qui  le  placent  à  environ 
23  milles  trop  à  l'est,  il  se  jette  dans  l'Okavongo  qui  présente  cette 
particularité  d'être  relié  au  Kwando  CLinyanti)  par  un  canal,  connu 
sous  le  nom  de  Magwekwama  (2).  Le  ninjor  Gibbon  suivit  ce  canal  à 

(1)  Geographical  journal,  janvier  1900. 

(2)  Voir  ci-après  rexploratioii  de  M.  Percy  Kcitl. 


136  ÉTUDES  COLONIALES 

partir  du  Kwando  et  fut  frappé  de  la  largeur  de  son  lit,  ce  qui  Tamena 
à  penser  qu'il  avait  été  autrefois  le  canal  principal  de  l'Okavongo  ; 
celui-ci  aurait  donc  appartenu  jadis  au  système  du  Zambèze.  Le 
canal  devint  toutefois  moins  distinct  à  mesure  que  l'explorateur  se 
rapprochait  de  l'Okavongo;  finalement,  il  fut  constaté  qu'il  n'était 
qu'une  dérivation  de  cette  rivière  utilisée  seulement  pendant  deux  mois 
de  l'année  et  dépourvue  d'eau  durant  la  saison  sèche. 

Le  major  Gibbon  se  propose  maintenant  de  remonter  le  Zambèze 
jusqu'à  sa  source  et  de  se  diriger  ensuite  vers  le  Tanganika  pour  ren- 
trer en  Europe  par  la  voie  du  Nil.  Quant  à  ses  compagnons,  ils  con- 
tinueront à  explorer  les  affluents  du  Zambèze. 

Exploration  de  la  rivière  Linyanti  par  M.  Percy  Reid.  — 

L'expédition  de  M.  Percy  Reid  (1)  confirme  les  constatations  faites 
par  le  major  Gibbon  relativement  au  canal  qui  relie  l'Okavongo  à  la 
rivière  Linyanti  ou  Kwando  (le  Chobe  de  Livingstone).  M.  Reid  a 
observé  particulièrement  la  crue  que  présente  ce  cours  d'eau  à  l'époque 
culminante  de  la  période  sèche,  phénomène  que  M.  Selous  avait  déjà 
remarqué  précédemment.  M.  Reid  dit  que  la  rivière  a  deux  crues  par 
an.  M.  Selous  constata  le  maximum  d'élévation  des  eaux  en  septembre, 
tandis  que  M.  Bradshaw,  qui  semble  avoir  séjourné  pendant  toute  une 
année  dans  cette  région,  déclare  que  la  crue  commence  en  janvier, 
qu'elle  atteint  son  maximum  en  mars  et  qu'elle  diminue  ensuite 
jusqu'en  janvier.  On  serait  porté  à  croire  que  le  régime  des  eaux 
de  cette  rivière  varie  d'année  en  année.  Cette  hypothèse  est  confirmée 
dans  une  certaine  mesure,  par  les  observations  de  M.  Selous  qui 
constate  que  de  1874  à  1879,  les  inondations  semblaient  diminuer 
d'intensité  chaque  année.  M.  Arnot,  qui  traversa  les  sources  de  la 
rivière  en  1884,  explique  le  phénomème  de  la  crue  à  l'époque  de  la 
saison  sèche  par  la  nature  poreuse  du  sol  près  des  sources,  qui  fait 
que  celui-ci  absorbe  les  pluies  jusqu'à  la  fin  de  la  saison  humide. 

Transvaal.  La  production  des  diamants.  —  D'après  le  con- 
sul d^  France  à  Pretoria,  on  a  découvert  au  Transvaal,  en  1898, 
22,843  carats  de  diamants,  évalués  à  1,093,250  francs  contre 
5,792  carats  valant  287,500  francs,  en  1897. 

Les  districts  miniers  sont  ceux  de  Bloemhof  et  de  Pretoria.  Dans  le 
district  de  Bloemhof,  on  trouve  des  diamants  dans  l'ancien  lit  du 
Vaal,  surtout  à  Christiana  et  à  Kromelleboog. 


(  i ,  Geogi*aphkal  journal,  janvier  i 900 . 


CHRONIQUE 


137 


On  a  obtenu,  à  Christiana,  2,176  carats  valant  160,745  francs  et  à 
Kromelleboog,  9,642  carats  d'une  valeur  711,100  francs,  ce  qui  fait  un 
total  de  H,818  carats  valant,  à  raison  de  fr.  73.74  le  carat, 
871,575  francs. 

Dans  le  district  de  Pretoria,  on  trouve  des  diamants  dans  les  dépôts 
volcaniques  et  dans  les  alluvions. 

Afrique  portugaise  orientale.  Exportation  du  caoutchouc 
et  des  arachides.  —  Le  consul  anglais  à  Mozambique  donne  les  ren- 
seignements suivants  au  sujet  de  l'exportation  du  caoutchouc  el  des 
arachides,  de  l'Afrique  portugaise  orientale,  pendant  les  années  1897 
à  1898: 


PORTS. 

1 

1897. 

1898.                1 

QUANTITÉS. 

VALEUR. 

QUANTITÉS. 

VALEUR. 

CAOUTCHOUCS. 
Ibo 

Tonnes. 

75 

i6t 

V6 

70 

Liv.  st. 

26^625 

S7,155 

5,323 

24,853 

Tonnes. 

85 

150 

132 

100 

Liv.  st. 
30,175 
53,250 
46.860 
35,500 

Mozambique 

Qoelimane 

Chinde  i) 

Total.   .   . 

ARACHIDES. 

Ibo 

331 

113,955 

743 

27,877 
33,345 
27,000 

467 

165,785 

5?> 
2,005 
2,470 
2,000 

85 
5,190 
6,397 
4,500 

1,148 
70,065 
86,359 
60,750 

Mozambique 

Quelimaue 

GhiDde(l) 

Total.  .   . 

6,590 

88,005 

16,172 

218,322 

(I)  Chiffres  opproximatifs. 


138  ÉTUDES   COLONIALES 


AMERIQUE 

Les  Allemands  au  Brésil.  —  Le  consul  général  des  États-Unis 
à  Kio  de  Janeiro,  M.  E.  Seeger,  qui  se  trouve  actuellement  à  New- 
York,  a  fait  récemment  une  tournée  dans  les  États  du  sud  du  Brésil. 
Ce  qui  Ta  surtout  frappé  au  cours  de  ce  voyage  d'études,  c'est  la 
prépondérance  que  l'élément  germanique  s'est  acquise  dans  ces 
régions.  La  vaste  république  brésilienne,  qui  possède  une  superficie 
de  8,370,000  kilomètres  carrés,  c'est-à-dire,  une  étendue  supérieure 
à  celle  de  l'Allemagne,  de  la  Russie,  de  l' Autriche-Hongrie  et  de  la 
Turquie  réunies,  est  redevable  aux  Allemands  de  l'ouverture  de  ses 
riches  provinces  méridionales.  Ces  derniers  se  trouvent  aussi  à  la  tête 
des  entreprises  commerciales  et  industrielles  dans  les  Etats  de  Parana, 
de  Santa  Catharina  et  surtout  dans  celui  de  Rio  Grande  do  Sul. 

Le  consul  a  dû  effectuer  la  plus  grande  partie  de  son  voyage  à 
cheval  ou  en  voiture,  car,  au  point  de  vue  des  voies  ferrées,  le  Brésil 
laisse  beaucoup  à  désirer.  La  ligne  de  Porto  Alegrc  à  Parana  n'existe 
encore  qu'à  l'état  de  projet,  et  la  grande  voie  qui  doit  relier  Parana- 
gua,  port  de  Parana,  ou  Itajahi,  port  de  l'État  de  Santa  Catharina,  au 
Paraguay  ne  se  réalisera  pas  de  sitôt.  Un  travail  des  plus  utile  consis- 
terait, d'après  M.  Seeger,  à  prolonger  la  ligne  qui  va  actuellement  de 
Ascencion  à  Villa-Rica,  deux  villes  du  Paraguay  et  dont  la  première 
est  située  sur  le  fleuve  Paraguay,  jusqu'à  l'océan  Atlantique,  soit  sur 
la  côte  de  l'État  de  Parana,  soit  sur  celle  de  l'État  de  Santa  Catharina. 
On  aurait  alors  une  voie  de  pénétration  de  premier  ordre,  qui  serait 
admirablement  servie  par  les  deux  cours,  navigables  sur  une  grande 
longueur,  du  Parana  et  du  Paraguay.  Cette  ligne  ferait  plus  pour  le 
développement  des  États  de  Goyaz  et  de  Matto-Grosso  ainsi  que  pour 
les  parties  limitrophes  du  Paraguay  et  de  la  République  Argentine, 
que  l'immigration  la  plus  dense  et  la  plus  active. 

C(»>  n'est  pas  sans  regret  que  le  consul  américain  constate  que  sur  de 
longues  étendues  des  pays  qu'il  a  pourcourus,  on  ignore  complètement 
la  présence  de  ses  compatriotes  et  qu'on  n'y  connaît  même  pas  le 
drapeau  étoile.  Tout  y  est  foncièrement  allemand.  Même  à  Porto 
Alegre,  capitale  du  Rio  Grande,  les  enseignes  commerciales  et  les 
inscriptions  des  rues  principales  sont  allemandes. 

Le  consul  a  aussi  visité  les  localités  purement  allemandes  qui  se 


CHRONIQUE  139 

développent  sur  la  pente  du  Serra  Gérai,  et  il  fait  du  bonheur  dont 
elles  jouissent,  le  tableau  le  plus  riant.  A  Blumenau,  par  exemple, 
tout  se  passe  encore  de  la  manic^re  la  plus  patriarcale  et  la  plus  pri- 
mitive. On  n'y  rencontre  ni  gaz,  ni  électricité,  ni  téléphone;  on  n'y 
trouve  même  pas  de  routes  pour  les  chevaux.  Par  contre,  les  mœurs 
y  sont  d'une  pureté  idyllique,  il  y  existe  une  prison,  mais  il  semble 
plutôt  que  ce  soit  à  titre  de  curiosité  ou  de  souvenir  de  contrées  moins 
heureuses,  car,  depuis  cinq  ans,  elle  n'a  eu  l'occasion  d'héberger 
qu'un  unique  délinquant,  fait  qui  mérite  d'être  signalé  dans  une  ville 
qui  possède  50,000  habitants.  A  rhutel,oii  le  voyageur  était  descendu, 
on  ne  fermait  pas  les  portes  des  chambres,  la  nuit.  On  avait,  du  reste, 
négligé  de  les  munir  de  serrures.  Il  est  probable  qu'on  avait  considéré 
cette  dépense  comme  un  luxe  inutile  dans  un  pays  où  les  voleurs 
semblent  une  chose  inconnue.  Dans  le  café,  qui  était  annexé  à  l'hôtel, 
les  clients  se  servaient  eux-mêmes  quand  l'aubergiste  était  appelé 
ailleurs  et,  en  partant,  ils  déposaient  avec  simplicité  sur  le  comptoir 
le  prix  des  consommations  qu'ils  s'étaient  offertes. 

L'école  se  trouvait  dans  le  voisinage  de  l'hôtel  et  le  voyageur  éprou- 
vait toujours  un  plaisir  particulier  à  voir,  au  coup  de  midi,  l'institu- 
teur sortir,  suivi  de  ses  élèves  marchant  deux  par  deux.  Le  professeur 
portait  des  vêtements  d'une  coupe  oubliée  depuis  longtemps  dans  les 
pays  qui  se  disent  civilisés  et  il  tenait  dans  ses  mains  une  énorme 
tartine  dont  les  dimensions  sont  évaluées  par  le  consul,  avec  la  dose 
d'exagération  de  tout  Yankee  qui  se  respecte,  à  24  x  36  centimètres. 
Les  enfants  étaient  également  pourvus  de  tartines  confortables  bien 
qu'elles  fussent  de  taille  plus  modeste.  On  ne  connaît  ni  mendiants  ni 
voleurs  à  Blumenau.  Tout  y  respire  le  bien  être  et  la  satisfaction. 
L'argent  semble  y  être  en  abondance. 

La  Deutsch-BrazilischeBank,  de  Rio,  dont  de  capital  est  de  12  mil- 
lions de  marcs,  fait  à  Blumenau  d'excellentes  affaires.  Elle  distribue 
12  p.  c.  de  dividende  et  pourrait  en  donner  20  sans  se  gêner.  Elle  se 
propose  d'ouvrir  bientôt  une  succursale  à  Porto-Alegre. 

Hâtons-nous  d'ajouter  que  dans  cet  heureux  pays,  dont  le  climat 
ne  le  cède  en  rien  à  celui  de  la  Californie,  il  y  a  encore  de  quoi  loger 
des  millions  de  gens.  On  ne  peut  douter  que  lorsque  ces  provinces 
brésiliennes,  qui  ont  eu  tant  à  souffrir  des  révolutions  et  des  émeutes, 
auront  vu  refleurir  la  paix  et  la  tranquillité,  elles  ne  deviennent  le 
centre  d'un  développement  économique  merveilleux. 

BrésiL  L'exportation  du  café.  —  Le  tableau  suivant  donne 
les  chiffres  des  exportations  de  café  du  Brésil  effectuées  par  les  ports 


140 


ÉTUDES  COLONIALES 


de  Santos,  de  Rio  de  Janeiro,  de  Victoria  et  de  Bahia,  pendant  les 
années  18dS  à  1898  : 


t 

PORTS. 

1885. 

1886. 

1897. 

1888. 

Sacs. 

Socs, 

Sacs. 

Socs.        i 

Santos 

3,601,727 

4,iavi9 

5,665,278 

5,745,212  j 

Rio  de  Janeiro  .... 

2,780,095 

2,804,375 

4,504,757 

3,793,320 

Victoria 

463J57 

275,951 

393,044 

379,9.1 

Bahîn 

Total  des  sacs  de  132 

livres  anglaises) .   .    . 

26-1,775 

262,087 

292,671 

329,7» 

7,109,752 

7,8tK>,750 

10,855,750 

10,248,168 

Iles  Bahamas.  —  Le  rapport  du  secrétaire  colonial  «les  lies 
Bahanias  pour  1898,  conslate  la  grande  prospérité  dont  ces  îles 
jouissent  actuellement.  Les  recettes  dépassent  largement  les  dépenses 
et  elles  sont  dues  principalement  à  la  perception  des  droits  d'entrée. 
En  1894.  le  déficit  était  considérable  et  pour  le  combler,  les  droits 
d'entrée  furent  élevés  et  les  travaux  publics  suspendus  pour  un  an. 
Ces  mesures  ramenèrent  l'équilibre  dans  le  budget.  En  1898,  les 
importations  prirent  une  telle  extension  qu'il  en  résulta  un  excédent 
dans  les  recettes  et,  en  conséquence,  les  droits  d'entrée  furent  de 
nouveau  réduits.  Les  principales  importations  concernent  les  produits 
manufacturés  de  coton,  de  laine,  de  lin  et  de  soie.  Les  droits  sur  les 
produits  maraîchers  et  le  bétail  ont  été  maintenus,  afin  d'encourager 
la  culture  et  l'élevage  dans  la  colonie  mais  sans  produire  jusqu'à 
présent  d'autre  résultat  que  de  faire  payer  les  consommateurs  plus 
cher. 

Les  exportations  n'ont  cessé  de  croître  dans  les  cinq  dernières 
années.  Elles  comprennent  principalement  les  éponges,  qui  repré- 
sentent plus  de  la  moitié  du  total,  les  fruits  et  la  ramie-  L'industrie 
du  sel  décline.  Les  exportations  de  fruits,  oranges  et  ananas,  qui 
étaient  autrefois  aussi  considérables  que  celles  des  éponges,  repren- 
nent maintenant  de  l'importance  grâce  à  l'amélioration  de  la  culture. 
On  ne  signale  pas  la  moindre  apparence  d'épuisement  des  éponges 
dont  la  demande  excède  toujours  l'offre.  Le  commerce  de  la  ramie 
a  reçu  une  grande  impulsion  par  suite  de  la  guerre  aux  Philippines 
qui  empêche  l'exportation  de  chanvre  de  Manile. 


CIlRONrQOE  141 


ASIE 


Chine.  —  Le  succès  diplomatique  que  vient  de  remporter  M.  Hay, 
secrétaire  d'État  des  États-Unis,  auprès  des  puissances  ayant  des 
intérêts  en  Chine,  constitue  un  événement  capital  de  Faction  politique 
étrangère  dans  ce  pays. 

On  se  rappelle  que  dès  que  la  faiblesse  témoignée  par  la  Chine  pen- 
dant la  guerre  sino-japonaise  eut  ramené  l'attention  européenne  sur 
elle,  les  partisans  de  l'action  en  Extrême-Orient  se  partagèrent  en  deux 
camps.  L'un  était  celui  de  la  «  open  door  »,  de  la  porte  ouverte,  vou- 
lant l'intégrité  de  l'empire  en  1<*.  forçant  à  ouvrir  ses  marchés  à  la  libre 
concurrence.  C'était  la  première  thèse  anglaise,  dont  Lord  Charles 
Beresford  est  resté  le  champion.  L'autre  camp  dans  lequel  l'Angleterre 
fut  forcée  d'entrer  devant  le  fait  accompli,  veut  partager  la  Chine  en 
sphères  d'influence  en  vue  d'un  démembrement  possible  et  veiller 
dans  c-es  sphères  à  ce  que  les  nationaux  seuls  jouissent  de  privilèges. 

Le  négociations  menées  par  M.  Hay  sont  un  retour  vers  la  <c  open 
door  ».  Il  a  successivement  obtenu  de  la  France,  de  l'Angleterre,  de 
Ja  Russie,  du  Japon  et  de  l'Italie,  l'assurance  que  les  intérêts  étrangers 
quelconques  seront  sauvegardés  dans  tout  le  territoire  chinois  propre- 
ment dit  et  que  ceux  des  États-Unis  le  seront  même  dans  les  diverses 
sphères  européennes  déjà  délimitées,  indépendamment  toutefois  des 
colonies  eifcctivemcnt  possédées.  Au  dire  du  Tvnes,  l'Angleterre 
serait  même  disposée,  au  cas  où  ces  engagements  seraient. réellement 
observés,  à  orienter  à  nouveau  sa  politique  dans  son  sens  primitif  et  à 
faire  de  la  «  porte  ouverte»  le  but  fondamental  de  son  action.  Cette 
opinion,  si  conforme  aux  saines  traditions  de  liberté  commerciale  de 
l'Angleterre,  ne  peut  être  enregistrée  qu'avec  satisfaction  par  des  pays 
comme  le  nôtre,  qui  ont  une  puissance  productive  suflisante  pour 
aborder,  là  où  une  législation  artificielle  ne  vient  pas  en  fausser  le 
jeu,  les  grands  marchés  étrangers. 

L'initiative  prise  par  M.  Hay  dénote  avec  quel  soin  les  États-Unis 
préparent  le  développement  de  leur  commerce  dans  l'Extrême-Orient. 
Ils  y  apportent  une  méthode  que  nous  révèle  certain  passage  du 
message  de  M.  Mac-Kinley  au  Congrès:  «  Il  sera  désirable  que  des 
crédits  soient  votés  pour  la  création  d'une  commission  chargée  d'étu- 
dier les  conditions  industrielles  et  commerciales  en  Chine  et  pour 


lia  ÉTUDES  COLONIALES 

faire  un  rapport  sur  los  facilités  cl  les  obstacles  que  la  vente  des 
|)roduits  fabriqués  d'Amérique  rencontrera  dans  ce  pays  ».  Connaître 
le  champ  à  ensemencer,  s'assurer  qu'on  ne  sera  pas  frustré  de  la 
récolte,  voilà  des  indices  sérieux  de  la  conviction  avec  laquelle  les 
Étal-Unis  s'altaquenl  au  vaste  débouché  qui  s'ouvre.  Tout  annonce 
qu'il  y  aura  là  pour  l'Angleterre,  monopolisatrîce  de  fait,  un  antago- 
niste redoutable . 

La  France  a  obtenu,  durant  le  mois  écoulé,  pleine  réparation  pour 
les  regrettables  incidents  do  Kwang-Tchéou.  Outre  une  indemnité 
[lécuniaire  pour  les  familles  des  officiers  lues,  elle  s'esl  fait  accorder  la 
concession  d'un  chemin  de  fer  de  la  baie  de  Kwang-Tchéou  à  Ouï-Pou 
pour  lequel  toutes  les  terres  publiques  nécessaires  seront  données 
gratuitement.  Les  capitaux  français  obtiennenl  de  plus  le  droit 
d'exploiter  les  mines  de  Kantschou  et  de  Lei-tschou  dans  le  Kwang- 
tung  et  de  Liu-Tschou  dans  le  Kvvrang-Si.  C'est  la  main  mise  déguisée 
(le  la  France  sur  toute  la  région  voisine  de  la  péninsule  de  Lci-Tschou. 
L'étroite  cession  à  bail  fait  tache  d'huile  dans  la  zone  d'influence,  vers 
le  Si-Kiang  au  Nord  et  le  Tonkin  au  Sud. 

(^etle  dernière  colonie  ne  reste  pas  inactive  non  plus  pour  augmen- 
ter sa  sphère  d'attraction  politique  et  économique.  Après  un  voyago 
dans  le  Kwang-ïung  et  le  Kwei-Tschou,  le  consul  français  s'est  installé 
à  Junnan-Seu  pour  y  traiter  de  la  construction  du  chemin  de  fer  de 
cette  ville  à  Lao-Kai,  la  ville  frontière  tonkinoise  où  le  fleuve  Rouge 
devient  aisémenl  navigable.  La  réussite  de  ces  négociations  augmente- 
rait considérablement  l'influence  française  au  Yunnan,  au  grand  détri- 
ment des  intérêts  politiques  anglais  dont  les  prétentions  sur  cette 
province  se  motivent,  plus  encore  par  la  nécessité  d'unir  la  Birmanie 
au  Jangtsé-Kiang,  que  par  le  désir  de  tirer  parti  de  ses  grandes 
richesses  naturelles. 

Le  nomination  de  Li-Hung-Tchang  comme  vice -roi  du  Kwan-Tung 
n'est  pas  non  plus  sans  porter  ombrage  à  la  Grande-Bretagne.  Hong- 
llong  et  Kan-Lung  sont  sur  la  côte  de  cette  province.  Le  «  Bismark 
asiatique  »  ne  fut  pas  toujours  des  grands  amis  des  Anglais.  Si  le 
ciilme  parait  assuré  dans  la  région  avec  un  dignitaire  de  cette  impor- 
tance, les  intérêts  anglais  pourraient  bien  y  être  contrecarrés  sur  plus 
d'un  point. 

L'appel  au  haut  commissariat  de  la  Mandchourie  de  l'ancien  gouver- 
neur du  Shanlung,  grand  ami  des  Japonais  et  par  conséquent  fort  mal 
disposé  pour  les  Russes,  pourra  leur  servir  de  consolation.  Il  est  bien 
tard  toutefois  pour  espérer  arrêter  encore  les  soldats  colons  du  Czar, 
quand  le  Transmandchouricii  allonge  déjà  ses  rails  vers  Port  Arthur. 


CHRONIQUE  H*6 

Tout  au  plus  pourra-t-il  à  force  de  mauvaise  grâce  —  et  J'on  sait  que 
les  Chinois  sont  maîlres  dans  celle  façon  de  résister  à  l'étranger  — 
retarder  quelques  peu  leurs  eflforts. 

Dans  le  domaine  économique  pur,  les  Anglais  font  toutefois  un  pas 
considérable  en  fondant  la  Compagnie  du  Shansi  patronnée  par  les 
grands  financiers  londoniens.  Le  capital  de  30,000,000  de  francs  ser- 
vira à  la  construction  de  la  ligne  de  Shanghwa  à  Weiluii  où  elle  se 
raccordera  à  la  ligne  Pékin-Hankow.  La  ligne  nouvelle  servira  à 
écouler  les  produits  des  gisements  houillers  du  Shansi  et  du  Honan, 
que  Ton  dit  les  plus  riches  du  monde. 

Du  Kilao-Tchéou,  ou  plutôt  de  Berlin,  nous  est  arrivée  à  la  fin  de 
Tan  dernier  la  nouvelle  de  la  fondation  de  la  a  Shantung  Eisenbahn- 
(iesellchaft  »  par  les  principaux  établissements  financiers  allemands, 
afin  d'exécuter  le  réseau  ferré  projeté  par  le  gouvernement  pour 
rayonner  dans  la  province.  La  ligne  principale  allant  du  port  de  Tsintan 
à  Tsinan-fu  sur  le  Hoang-ho  navigable,  détachera  un  embranchement 
sur  les  mines  de  houille  de  Paschau.  Une  autre  ligne  reliera  dans  la 
suite  Tsintan  à  Tsinan-fu  en  passant  par  Itschu-fu.  Le  gouvernement 
joue  dans  la  constitution  et  l'opération  ultérieures  de  la  société  un  rôle 
si  prépondérant  qu'il  est  prescjue  permis  de  considérer  le  nouvel 
organisme  comme  une  institution  d'État.  Tracé,  construction,  action- 
naires, bénéfices,  tout  est  sous  son  contrôle.  La  société  relève  directe- 
ment du  gouverneur  de  Kiao-Tchéou  et  de  l'ambassadeur  allemand  à 
Pékin  Quant  au  gouvernement  chinois  sur  le  territoire  duquel  la 
majeure  partie  de  la  voie  est  construite,  il  n'en  est  pas  fait  mention  ! 
Sa  participation  dans  l'entreprise  est  nulle. 

C'est  l'antithèse  de  sa  situation  dans  la  construction  du  grand  tronc 
central  de  Pékin-Hankow,  où  malgré  la  présence  du  syndicat  franco- 
belge,  l'inHuence  chinoise  reste  entière.  Les  travaux  de  ce  chemin  de 
fer  avancent  avec  rapidité  et  fort  régulièrement.  La  première  section 
de  135  kilomètres  est  ouverte  à  l'exploitation  et  fait  une  recette  men- 
suelle de  100  à  120,000  francs  qui  justifie  les  prévisions  optimistes  faites 
pour  cette  grande  entreprise.  Nul  doute  que  les  25  millions  belges  qui 
y  sont  engagés  n'y  trouvent  une  rémunération  satisfaisante.  Elle 
encouragera  nos  compatriotes  à  tourner  plus  encore  leur  activité  vers 
rExtréme-Orient  où  la  moisson  s'annonce  si  riche. 

La  banque  Empain,  qui  n'avait  pas  attendu  pour  y  envoyer  ses 
ingénieurs  que  le  succès  s'affirmât,  a  déjà  vu  son  initiative  récompensée. 
Un  nouveau  syndicat  belge  d'études  en  Chine  est  en  formation  en  ce 
moment.  Créé  sous  forme  de  société  anonyme  au  capital  de  1  million 
et  demi,  il  a  à  sa  tête  les  sommités  industrielles  et  commerciales  du 


144  ÉTUDES  COLONIALES 

pays  et  se  propose  d*armer  un  bateau  à  bord  duquel^une  mission,  ana- 
logue à  la  célèbre  mission  lyonnaise,  visitera  les  provinces  riveraines 
du  Yang-Tsé  en  étudiant  les  affaires  qu'il  serait  possible  d*y  créer.  Le 
roi  a  accordé  son  concours  financier  et  sa  puissante  influence  à  la 
nouvelle  entreprise. 

Hong-Kong.  —  D'après  le  récent  rapport  de  sir  Henry  Blake,  gou- 
verneur de  Hong-Kong,  la  situation  de  cette  colonie  anglaise  se  pré- 
sente sous  le  jour  le  plus  favorable.  La  prospérité  croît  sans  cesse; 
plus  de  80  p.  c.  des  valeurs  commerciales  cotées  régulièrement  sont 
au-dessus  du  pair  et  rien  dans  les  affaires  politiques  d'Extrême-Orient 
n'est  de  nature  à  faire  présumer  que  l'avenir  de  la  colonie  ne  réponde 
pas  à  son  passé.  La  récente  extension  du  domaine  colonial  anglais  sur 
le  continent  pourra  fournir  aux  capiUiux  anglais  de  nouveaux  emplois. 

I^s  écoles  sont  bien  fréquentées  par  les  Chinois  qui  se  montrent 
désireux  d'acquérir  la  connaissance  courante  de  l'anglais.  L'immigra- 
tion des  Chinois  est  considérable  et  comme  il  est  inévitable  qu'il  se 
glisse  parmi  les  nouveaux  arrivés  des  vagabonds  et  des  criminels,  il 
en  est  résulté  pour  la  police,  un  surcroît  de  besogne.  Le  développe- 
ment de  la  piraterie  sur  la  West- River  constitue  également  un  sérieux 
obstacle  aux  progrès  du  commerce  britannique  et  le  gouverneur  estime 
qu'il  est  grand  temps  que  l'on  agisse  énergiquemcnt  si  l'on  veut  empê- 
cher la  ruine  du  commerce. 

Les  recettes  de  Hong-Kong  se  sont  élevées,  l'année  dernière,  à 
2,918,159  dollars  et  les  dépenses  à  2,841,805  dollars.  Dans  les  deux 
cas,  les  chiffres  de  l'année  précédente  sont  dépassés.  Les  recettes  ont 
augmenté  rapidement  pendant  les  cinq  dernières  années.  Les  dépenses 
ont  fait  de  même,  bien  que  dans  une  moindre  proportion,  principale- 
ment par  suite  des  travaux  publics  eff'ectués  dans  l'intérêt  de  l'hygiène 
et  de  l'amènement  de  l'eau. 

Le  gouverneur  est  d'avis  que  la  prospérité  industrielle  se  maintien- 
dra; le  nombre  des  ouvriers  a  augmenté,  pendant  les  cinq  dernières 
années,  et  les  Chinois  ont  appliqué  leurs  capitaux  et  leur  activité  à  une 
série  de  nouvelles  entreprises. 

Les  principales  industries  de  la  colonie  sont  le  raffinage  du  sucre,  la 
fabrication  du  ciment,  du  papier  et  d'objets  en  bambou  et  rottang,  la 
sculpture  sur  bois  ou  ivoire,  la  mise  en  œuvre  du  cuivre,  du  fer,  de 
l'or,  de  l'argent  et  du  bois  de  santal,  le  battage  de  lor,  la  fabrication 
de  parasols  et  les  grandes  industries  qui  s'occupent  du  coton  et  des 
allumettes.  La  construction  des  navires  et  toutes  les  industries  secon- 
daires qui  s'y  rattachent,  se  développent  d'une  façon  constante.  On 


CHRONIQUE  145 

remarque  le  même  mouvement  de  prospérité  parmi  les  industries 
établies  sur  la  partie  continentale  de  la  colonie.  La  filature  du  coton 
vient  d*y  être  introduite.  Un  grand  établissement  est  déjà  en  marche 
et  les  Chinois  apprennent  avec  beaucoup  de  rapidité  et  d'intelligence 
les  différentes  opérations  qui  se  rattachent  à  cette  industrie. 
La  population  était  évaluée  à  la  fin  de  Tannée  1898,  à  254,400  âmes. 

Mandchourie.  —  Le  rapport  de  M.  Hosic,  consul  d'Angleterre  à 
Niu-Chwang,  contient  des  détails  intéressants  au  sujet  du  commerce 
présent  et  futur  de  la  Mandchourie.  Depuis  la  fin  de  la  guerre  japonaise, 
le  commerce  n'a  cessé  de  grandir  et  il  est  certain  que  le  développement 
de  l'agriculture  et  des  moyens  de  communication  amèneront  un  nouvel 
essor  dans  les  transactions.  Il  est  possible  que  ce  mouvement  ne  favo- 
rise pas  Niuchwang,  mais  le  commerce  étranger  et  la  Mandchourie,  en 
général,  y  trouveront  leur  avantage  pourvu,  bien  entendu,  que  l'on 
maintienne  les  droits  actuels  qui  sont  légers  et  que  l'on  n'établisse 
pas  de  droits  de  transport  préférentiels. 

M.  Hosie  attire  l'attention  sur  l'augmentation  importante  de  l'im- 
portation des  cotons  américains  en  Mandchourie  où  ils  sont  en  train 
de  supplanter  les  produits  anglais,  parce  qu'ils  sont  plus  lourds  que 
ceux-ci,  et  par  suite,  demandés  davantage  dans  les  provinces  froides  du 
nord  et  aussi  parce  qu'ils  sont  supérieurs  aux  cotons  anglais  et  moins 
chers.  Les  Japonais  font  aussi  la  concurrence  aux  Anglais  dans  cette 
branche  de  commerce,  mais  le  défaut  d'uniformité  de  leurs  produits 
fait  que  leur  rivalité  est  peu  à  craindre  pour  le  moment. 

M.  Hosie  se  montre  plein  d'optimisme  au  sujet  de  l'avenir-des  ti'ois 
provinces  qui  composent  la  Mandchourie.  Un  tiers  seulement  des 
terres  labourables  est  cultivé  actuellement;  la  population  est  claii»- 
semée,  les  ouvriers  peu  nombreux  et  les  moyens  de  transport  difficiles  ; 
certaines  localités  sont  pour  ainsi  dire  privées  de  toute  communication 
avec  les  ports  de  mer.  11  en  résulte  qu'une  petite  partie  seulement  des 
récoltes  annuelles  arrive  à  la  côte  avant  la  fermeture  des  rivières  par 
les  glaces.  L'hiver  arrête  aussi  une  des  principales  industries  du  pays, 
l'extraction  de  l'huile  des  fèves. 

Le  remède  à  la  situation  consiste  dans  l'établissement  de  voies 
ferrées.  Les  travaux  de  la  section  de  Mandchourie  du  chemin  de  fer 
transsibérien  avancent  et  on  comptait  que  la  voie  serait  achevée  entre 
Port  Arthur  et  Mukden,  avant  la  fin  de  1899.  A  Niu-chwang,  le 
terminus  russe  se  trouve  en  face  de  la  ligne  chinoise  venant  de 
âbankai-Kuan.  Les  deux  voies  sont  séparées  par  la  rivière  et 
distantes   de   quatre   milles.   On  espère  que  grâce  à   la  dernière 


li(>  ÉTCDKS   COLONIALES 

(lo  ces  voies  Niu-chwang  sera  relié  bicntiH  à  Pékin.  D*après 
M.  Hosie,  cette  communication  amènera  un  grand  développement 
dans  l'activité  commerciale  de  la  Mandchourie  si  Ton  n'établit 
pas  de  droits  différentiels  ou  de  taxes  de  transport  préférentielles. 
«  Les  chemins  de  fer  fourniront  un  moyen  rapide  et  peu  coûteux  pour 
amener  la  main  d'œuvre  dont  on  a  besoin,  chaque  année,  dans  Tinté- 
rieur  de  la  Mandchourie  et  ils  contribueront  à  l'occupation  définitive 
du  pays  et,  par  suite,  à  sa  richesse  et  à  sa  prospérité.  Tous  ceux  qui 
sont  au  courant  des  conditions  dans  lesquelles  les  individus  et  des 
familles  entières  se  rendent  dans  l'intérieur  pour  cultiver,  ensemencer 
et  récolter,  en  seront  convaincus.  Les  chemins  de  fer  mettront  fin  au 
triste  spectacle  d'hommes,  de  femmes,  et  d'enfants  qui  se  traînent 
péniblement,  pieds  nus  et  harassés,  le  long  des  routes  pour  accomplir 
chaque  jour  une  vingtaine  des  quelques  centaines  de  milles  qu'ils  ont 
entrepris  de  parcourir  pour  trouver  un  morceau  de  pain.  Ils  mettront 
un  terme  à  une  grande  misère  et  à  beaucoup  de  souffrances.  » 

Arabie.  Le  café  moka.  —  Le  consul  américain  à  Aden,  combat, 
dans  un  récent  rapport,  l'opinion  fréquemment  émise  qu'aucun  café 
moka  véritable  n'arrive  des  ports  de  l'Arabie  sur  les  marchés  d'Europe 
ou  d'Amérique.  Cette  opinion  est  absolument  fausse,  dit  le  consul, 
car  les  livres  de  son  propre  consulat  et  ceux  de  l'agence  consulaire  de 
Hodeida  établissent  que  plus  de  5,000,000  de  livres  de  moka  ont  été 
envoyées  de  ces  places  aux  Etats-Unis,  en  1898,  sans  parler  des  quan- 
tités qui  ont  été  expédiées  en  Europe.  On  a  prétendu  aussi  que  le  café, 
bien  que  mis  sur  bateau  dans  des  ports  arabes,  est  en  réalité  produit 
ailleurs  et  envoyé  à  Aden  pour  y  êtie  transbordé  comme  étant  du 
moka.  Cette  dernière  allégation  est  également  fausse,  à  ce  qu'il  résulte 
d'une  lettre  émanant  des  autorités  anglaises  à  Aden. 

Il  est  vrai  que  des  ballots  de  café,  originaires  de  Java,  de  Singapoure 
et  d'autres  endroits  sont  débarqués  à  Aden,  mais,  suivant  la  commu- 
nication oftîcielle  dont  nous  venons  de  parler,  ils  sont  entreposés  dans 
les  magasins  des  propriétaires  et  la  clef  en  est  déposée  dans  les  bureaux 
de  l'enregistrement  des  marchandises.  «  Quand  le  propriétaire  veut 
exporter  du  café,  un  agent  du  bureau  est  envoyé  au  magasin  muni  de 
la  clef  pour  compter  les  sacs  et  les  porter  au  quai.  Comme  le  marchand 
ou  le  propriétaire  ne  peut  avoir  accès  à  ses  marchandises  en  dehors  de 
la  présence  du  surveillant,  le  transport  du  café  de  l'intérieur  à  Aden 
pour  y  être  mélangé  à  celui  de  Moka  ou  de  Harrar  n'est  guère  pos- 
sible. »  Le  consul  ajoute  qu'il  résulte  de  l'examen  des  rapports  de 
la  douane  que  les  cafés  étrangers  sont  rapidement  réexportés  vers 


CIIUOMQUE  ii7 

d'autres  ports  car  ils  ne  sont  débarqués  à  Adcn  qu'en  vue  de  Jeur 
transbordement  ;  d'autre  part,  les  mesures  prises  dans  l'Arabie  turque 
pour  empêcher  le  mélange,  sont  également  très  sévères.  Il  n'est  pas 
douteux  que  le  moka  ne  soit  mélangé  à  des  graines  de  qualité  infé- 
rieure en  Europe  et  vendu  ainsi  comme  moka  véritable,  mais  il  n'est 
guère  possible  qu'un  importateur  qui  achète  dans  un  port  arabe  puisse 
obtenir  autre  chose  que  du  moka  véritable  ou  du  café  de  Harrar.  » 

Japon.  —  Le  commandant  en  chef  de  la  Hotte  anglaise  dans  les 
eaux  chinoises  a  donné  avis  à  l'amirauté  anglaise  de  l'ouverture  de 
nouveaux  ports  du  Japon  au  commerce  européen.  Le  tableau  suivant 
donne  la  liste  alphabétique  complète  de  tous  les  ports  ouverts  : 


Hamada, 

Kobo, 

Miyasu, 

Nanao, 

Nitgate, 

Osaka, 

Sakai, 

Shlmidzu, 

Simonoscki, 

Taketo>o, 

Tsuruga, 

Yokkaichi, 

Yokohama. 


NIPON 

ilive,  lai. 

36.47 

X. 

long. 

.   i:n.5 

u 

34. 5i 

» 

n 

\n  5 

Q 

:h  40 

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» 

4.35  12 

M 

35.33 

» 

u 

435. H 

>» 

37.4 

» 

» 

136  57 

n 

37.56 

M 

» 

439  4 

» 

34.41 

» 

» 

435.20 

» 

35.33 

» 

» 

433.42 

» 

35.4 

» 

» 

138.30 

» 

32  58 

» 

» 

430.66 

)) 

3i  oO 

M 

» 

436.56 

u 

35.44 

» 

i> 

136.50 

n 

:u.57 

1) 

0 

436  40 

» 

35.  Î6 

» 

fi 

439.39 

KIUKIU 


Hakata,     position  approximative, 

lat.  33  36  N. 

long.  430  2^  E. 

Karatsu,        » 

» 

»     33.26    » 

«      429.88    « 

Kuchiiiotsu,  n 

» 

»     32.37    » 

n      430.4      » 

Moji, 

» 

»     33 . 57    » 

»      430.58    » 

Nagasaki,       »> 

i> 

«     32. 4i    » 

•      429.52    « 

Uisumi,         » 

» 

n     32.37    » 

»      430.26    » 

TSU  SIBfA 

Itsuliara,  position  approximative,  lat.  3k 4 2  N.     long.  429.16  E. 
Sasuna,  »  »  »     34.39    »         »      4  29.22    » 

Shishimi,       »  o  »     3t. 31    »         »      4  29.17    » 


148 


ÉTUDES  COLONIALES 


TEZO 


Hakodate,  position  approximative,  lat.  41.47  N.  long.  440.43  E. 

Kushtro,        «                 »  i>    42.68    •  »  444.23   » 

Moronau,       »                 »  »    42.21    »  »  440.56    » 

Olani,            I.                 »  »     43.42   »  »  4H.4      » 


ILB8  LIUKIU 

Naha,         position  approximative,  lat.  26. 1i  N.  long.  427.41  E. 

FORMOSE 

Kelung,    position  approximative,  lat.  25.9    N.  long.  4  24.45  E. 

Tainan,          »                 »                 »    22.59    »  »  120.44    » 

Takau,           i>                 »                »    22  36    o  »  420.47    • 

Tamsui,         »                 »                 »    25.40    »  »  424.26   » 


BIBLIOGRAPHIE 


Koffiecultuur  in  Guatemala  met  aantekening  betrefTendc  de  overige  cullures,  de 
mîjnen  en  den  econoinischm  toestand  van  deze  Republiek,  par  J.-W.  Morren. 
Grand  în-^  de  136  pages  avec  figures  et  cartes.  Âmslerdam,  J.-K.  de  Russy,  i899. 

Comme  l'indique  son  titre,  cet  ouvrage  a  pour  objet  principal  de 
traiter  de  la  culture  du  café  au  Guatemala.  Il  renferme  en  outre  une 
série  de  notions  sur  les  autres  productions  de  ce  territoire  et  sur 
l'organisation  économique  de  la  République.  Les  lois  en  vigueur  sur 
l'engagement  des  travailleurs  et  sur  les  mines  sont  publiées  intégra- 
lement. Le  tout  constitue  une  monographie  dont  l'utilité  est  évidente 
pour  les  entreprises  commerciales.  Une  intéressante  notice  sur  la 
production  du  caoutchouc,  par  M.  José  Horta,  s'y  trouve  jointe. 
Nous  comptons  donner  la  traduction  de  fragments  importants  de  cet 


Neu-Guinea,  par  le  docteur  Max  Krieger,  avec  la  collaboration  de  MM.  les  profes- 
seurs docteur  A.  von  Danckelman,  docteur  F.  von  Luschan,  P.  Matscbie  et  docteur 
0.  Wartburg  Grand  in-8o  de  ISI5A  pages  avec  3  cartes,  3â  planches  et  de  nombreuses 
vignettes.  Berlin,  Alf.  Schall,  181>0. 

Ce  volume  considérable  constitue  la  description  géographique  la 
plus  complète  d'une  ten*e  importante  dont  l'étude  a  été  assez  négligée 
jusqu'à  présent.  L'histoire  naturelle  de  cette  contrée  est  traitée,  en 
particulier,  avec  tous  les  développements  que  permet  l'état  incomplet 
des  connaissances  actuelles.  L'ethnographie  néo-guinéenne  fait  l'objet 
d'une  étude  encore  plus  approfondie.  Outre  de  fort  belles  planches 
hors  texte,  l'ouvrage  est  illustré  de  nombreuses  vignettes  reproduisant 
des  idoles  ou  d'autres  objets  de  fabrication  indigène,  qui  prêtent  à  de 
curieux  rapprochements  avec  les  produits  analogues  de  l'industrie  des 
tribus  africaines.  En  somme,  c^  livre  est  un  document  géographique 
de  premier  ordre,  et  l'on  ne  peut  que  féliciter  la  Société  coloniale 
allemande  de  l'avoir  pris  sous  son  patronage. 


liJO  ÉTUDES   COLONIALES 

Von  Gapstadt  bis  Aden.  Uetsrskizzcn  und  Kolonialsludicii,  par  C.  Waldehan  Wer- 
ther, lieutenant  au  2«  régiment  d*artillcrie  de  la  garde.  In-S»  de  156  pages  avec  gra- 
vures. Berlin,  H.  Paetel,  1809. 

Ce  livre  ne  se  présente  pas  avec  l'appareil  scientifique  ordinaire  aux 
publications  allemandes.  C'est  le  récit  de  voyage,  augmenté  d'obser- 
vations généralement  humoristiques,  d'un  jeune  officier  à  travers  plu- 
sieurs régions  de  l'Afrique  orientale.  L'auteur,  après  avoir  séjournt» 
dans  ces  républiques  sud-africaines,  objet  en  ce  moment  de  l'attention 
universelle,  s'est  embarqué  à  Laurenzo-Marquez,  pour  l'île  Maurice, 
puis  a  touché  à  Madagascar,  à  Zanzibar,  a  visité  l'Afrique  orientale 
anglaise  et  le  chemin  de  fer  de  l'Uganda,  puis  a  terminé  sa  tournée 
africaine  à  Aden  et  à  Djibouti.  Son  livre  est  d'une  lecture  agréable  et 
intéressante. 


Strei&flge  durch  Formose,  par  Adolf.  Fischer.  Grand  m-B^  de  581  pages  avec  carie 
et  nombreuses  illustrations.  Berlin,  B.  Behr's  Verlag  (E.  Bock),  1900. 

On  trouve  dans  ce  livre  des  renseignements  très  complets,  non 
seulement  sur  Formose  et  ses  indigènes,  mais  encore  sur  les  deux 
peuples  dont  l'influence  a  tour  à  tour  prédominé  dans  l'ile  :  les 
Chinois  qui  s'y  sont  depuis  longtemps  et  solidement  installés,  et  les 
Japonais  qui  viennent  d'en  entreprendre  la  réorganisation.  L'exécu- 
tion matérielle  du  volume  est  remarquable.  Outre  un  grand  nombre 
de  vues  reproduites  d'après  les  photographies  de  l'auteur,  il  est 
illustré  à  chaque  page  de  dessins  ornementaux  de  l'artiste  japonais 
Eisaku  Wada,  qui  lui  donnent  un  aspect  particulièrement  original. 


Dahomé,  Niger,  Touareg,  par  le  commandant  Toutke,  1  volume  in-18  jésus 
avec  une  carte.  Armand  Colin  et  C»e,  5,  rue  de  Mézières,  Paris.  A  francs. 
Du  Dahomé  au  Sahara,  la  Nature  et  l'Homme^  par  le  commandant  G.  Toutke. 
Un  volume  in-18  jésus,  avec  une  planche  hors  texte  en  couleur.  Armand  Colin  et  C'*', 
5,  rue  de  Mézières,  Paris.  Fr.  5.50. 

Le  premier  de  ces  deux  livres  est  le  récit  d'une  des  plus  importantes 
explorations  françaises  à  travers  le  Soudan.  On  y  retrouve  l'intérêt 
qui  s'attache,  pour  les  lecteurs  les  moins  initiés,  à  ces  expéditions 
aventureuses.  La  valeur  scientifique  de  cette  exploration  est  d'ailleurs 
attestée  par  le  prix  que  l'Académie  des  sciences  de  Paris  a  conféré  au 
commandant  Toulée. 


BIBLIOGRAPHIE  lol 

Le  second  volume  se  rapporte  au  même  voyage.  Ilj|constitue  la 
partie  descriptive,  complément  nécessaire  de  la  narration.  On  y  trou- 
vera des  renseignements  de  valeur  sur  les  productions  et  l'état  social 
des  régions  parcourues  par  l'auteur. 


La  NouTelle  France,  par  £ug.  Guénin.  Deux  volumes  in-18  jésu«, 
de  390  et  475  pages.  Pari«,  Arth.  Fourneau,  1898. 

Cet  ouvrage  comprend  l'historique  de  la  fondation  des  colonies 
françaises  du  Nord  de  l'Amérique  et  de  la  longue  lutte  soutenue 
<x)ntre  l'Angleterre  au  XVill*  siècle.  Il  existe  peu  d'histoires  plus  atta- 
chantes et  plus  fertiles  en  épisodes  dramatiques.  M.  Guénin  a  traité 
celle-ci  avec  talent  et  d'une  manière  très  complète,  en  utilisant  des 
sources  dont  l'énumération  seule  remplit  une  trentaine  de  pages.  Les 
derniers  chapitres  du  second  volume  suivent  jusqu'à  nos  jours  la 
population  franco-canadienne.  L'ouvrage  est  publié  sous  le  patronage 
du  Comité  Dupleix. 


Annuaire  de  l'Économie  politique  et  de  la  Statistique,  56«  année,  publié  sous 
la  direction  de  M.  Maurice  Block.  Paris,  Guillaumin  et  G^e,  1899. 

Dans  cette  excellente  publication,  on  trouve  notamment  tous  les 
renseignements  de  statistique  générale  concernant  les  diverses  co- 
lonies contemporaines. 


Catalogue  des  plantes  économiques  pour  les  colonies  de  1*  «  Horticole 
coloniale  ».  1  volume  de  160  pages  avec  nombreuses  illustrations. 

Ce  catalogue,  publié  par  la  Société  qui  possède  les  serres  coloniales 
de  Linthout  et  de  Moortebeek,  est  précieux  à  consulter  pour  les  horti- 
culteurs et  pour  les  entreprises  de  cultures  coloniales. 


Codes  congolais  et  Lois  usuelles  en  Tigueur  au  Congo,  collationnés  sur  les 
textes  officiels  et  annotés,  par  A.  Ltcops,  avocat  et  greffier  au  Conseil  supérieur  de 
TÉtat  Indépendant  du  Congo.  Bruxelles,  Yt«  Larcier,  1900. 

La  fonction  occupée  par  son  auteur,  et  la  dédicace  du  volume  à 
M.  le  baron  Van  Eetvelde,  secrétaire  d'Etat,  donnent  à  ce  recueil  un 
véritable  caractère  officiel.  Il  est  édité  d  après  le  plan  et  dans  le  format 


lo2  KTLDES   COLONIALES 

(les  Codes  belges  de  M.  De  le  Court,  à  cette  différence  prt>s  que  la  collec- 
tion  des  lois  proprement  dite  est  précédée  de  celle  des  traités,  si 
importants,  intéressant  TEtat.  La  publication  de  M.  Lycops,  faite 
avec  soin  et  compétence,  sera  d'une  utilité  très  appréciée. 


La  culture  du  Cocotier,  pur  le  docteur  Ernest  Duyili.é.  In- 18  de  108  liages. 
Paris,  J.  André,  1890. 

Ce  petit  traité  comble  une  lacune  dans  la  série  des  publications 
ayant  trait  aux  cultures  coloniales.  On  y  trouve  des  renseignements 
suffisants  sur  la  culture,  d'ailleurs  très  simple,  du  précieux  palmier, 
ainsi  que  sur  la  fabrication  et  le  commerce  du  copra. 


Petit  Guide  Médical  pratique  du  Voyageur  au  Congo,  par  le  docteur  Dryepondt, 
médecin  de  FKtat  du  Congo.  Bruxelles,  A.  Lesigne,  i900. 

Le  docteur  Dryepondt,  dont  les  travaux  sur  riiygicne  et  la  noso- 
graphie  du  Congo  sont  bien  connus  des  lecteurs  du  Bulletin,  a  voulu 
dans  ce  petit  ouvrage,  mettre  à  la  portée  de  tous  ceux  qui  partent 
pour  l'Afrique  les  notions  indispensables  pour  combattre  les  dangers 
du  climat.  Par  la  simplicité  de  sa  rédaction,  comme  par  son  petit 
V  )lume  et  son  prix  modique,  le  Guide  atteint  parfaitement  son  but,  et 
nous  osons  lui  prédire  un  succès  mérité. 


REVUE    DES    REVUES 


Nous  ne  mentionnons  sous  celte  rubrique  que  les  articles  parus 
dans  les  Revues  reçues  par  la  Société  et  présentant  un  intérêt  marquant 
au  point  de  vue  de  ses  études. 

Annales  du  Musée  du  Congo.  Tome  I,  fascicule  5.  Consacré  ù  la  bntanique;  con- 
tient sous  le  nom  d^llhutralions  de  la  Flore  du  Congo,  par  MM.  De  Wildeman  et  Durand, 
les  noiiccs  avec  planches  des  espèces  suivantes  :  Indigofena  Dupuisiif  Ertmanlhvs 
Deicawpsii,  Hypolytrum  Congenêe^  Iêonemainfundibuliflorufn,Erythrocephalum  ereclum^ 
Ariêtoloc/tia  Dewevreiy  Dioêcorea  Thonneri  et  D,  i'terocaulon,  Solanwn  Symphyostcmon, 
Uvaria  Moeoli,  Vigna  Punclata,  ClUoria  tanganicetiêis  et  Desmodium  tenuiflorum. 

Le  MouTement  Géographique.  N»  1  (7  janvier  1900).  Léopold  II  et  Texpansion 
économique  de  la  Belgique,  par  A.  J.  Wadters.  —  N»  S  (ii  janvier).  Le  bilan  des  explot- 
talions  africaines.  —  N"  3  (21  janvier).  Rapport  et  renseignements  sur  le  chemin  de  fer 
du  Congo.  —  N»  4  (28  janvier).  La  révolte  des  Batetela. 

La  Belgique  coloniale.  N»  1  (7  janvier  1900).  L*année  coloniale,  par  R.  V.  — 
—  N»  2  (14  janvier).  Les  caoutchoucs  et  les  gutta-perchas  d'Amérique,  par  T.  Patin.  — 
N"  r>  (â1  janvier).  Les  grottes  du  Katanga,  par  Ch.  Lemaire;  L'expédition  Mac-Donald, 
par  A.  WiNANDY.  —  X»  4  (28  janvier).  A  propos  de  politique  commerciale,  par  R.  V.  Les 
Grottes  do  Katanga,  par  G.  Lemaire. 

Le  Congo  belge.  N*»  1  (7  janvier  1000).  Les  lies  Philippines.  Autre  Paquet  f réflexions 
sur  la  politique  coloniale).  —  N»  2  (14  janvier).  Le  Majiirahe.  —  N"  3  (21  janvier). 
Fonctionnaires,  par  J.  P.  N<^  4,  28  janvier.  Lu  Découverte  du  Congo. 

La  Semaine  horticole.  (Revue  des  Cultures  coloniales).  ~  N"  1  (13  janvier  1900). 
Vue  nouvelle  essence  à  caoutchouc  :  Ficus  Eelveldiana,  par  Ëm.  Lebrun.  —  N>»  2 
(20  janvier).  Voyage  au  Fernan  Vaz,  par  G.  de  Brandner  Cultures  coloniales  :  La  Vanille 
au  Mexique;  le  Café  Libéria  à  Hou-Héo  (Cochinchine),  par  Laurent  Léon. 

La  Quinzaine  coloniale.  N*»  1  (10  janvier  1900).  Le  Budget  des  colonies  pour  J900, 
pir  J.  Chaillet-Bert.  La  Colonisation  agricole  au  Tonkin,  par  Duchemin.  —  N»  2 
(2.J  janvier).  Suite  des  articles  précédents.  La  Défense  des  colonies  et  l'armée  coloniale, 
par  M.  DE  Maltdure. 

Bulletin  du  Comité  de  l'Afirique  française.  N»  1  (janvier  1900).  L'occupation 
d'InSalah.  Tunisie;  la  petite  colonisalion  française.  Soudan  Français.  Renseignements 
divers. 

Renseignements  coloniaux  (Supplément  du  Bulletin).  Le  Chemin  de  fer  de 
l'Afrique  orientale  anglaise,  par  Ch.  Mourev.  Le  Chemin  de  fer  de  TEst-Africain  alle- 
mand. Les  Travaux  puhlics  et  le  Chemin  de  fer  de  Madagascar.  Les  Chemins  de  fer  de 
l'Afrique  occidentale  française.  La  Mission  Fourneau. 

Bulletin  de  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Bordeaux.  No  1 
(Iff  janvier  iOOO).  L'Agriculture  coloniale,  par  Marcel  Daumas.  —  N»  2  (15  janvier).  Les 
Progrès  de  la  colonisation  en  Tunisie,  par  Gustave  Wolfram. 

Revue  des  Cultures  coloniales.  No  44  (5  (janvier  1900).  Le  stérilité  de  certains 
hyhrides  des  caféiers.  Les  arbres  d'abri  pour  les  plantations  de  caféiers,  par  L.  Pierre. 


164  KTIDES   COLONIALES 

La  Culture  et  la  Préparation  du  gingembre,  par  G.  Lcndes.  Notes  sur  le  Sapium  biglan 
dulosum.  Le  caféier  d'Arabie  aux  Antilles.  Introduction  de  la  Ramie  à  la  Réunion.  — 
N*  45  (20  janvier).  La  richesse  forestière  de  la  GMe  d*I voire,  par  le  lieut.  Macairb. 
La  Patate  douce,  par  V.  Darin.  Etudes  sur  le  riz  et  sur  le  caoutchouc  en  Gochinchine, 
par  E.-L.  Achard. 

La  France  de  Demain.  N<)  20  (15  janvier  1900).  Le  Peuplement  de  la  Tunisie  par 
les  Français,  par  J.  LAURIN^  Pour  aller  aux  colonies,  par  G.  Charlbt. 

Journal  of  the  Royal  Colonial  Institute*  (Janvier  1900).  Souvenir  de  la  Nou- 
velle-Galles du  Sud,  par  M.  Stephen. 

Deutsche  Colonial  Zeitung.  N«  1  (4  janvier  (!  900).  Entreprises  économiques  dans 
le  Sud-Ouest  Africain  allemand  (avec  2  cartes),  parle  docteur  M^necken .  —  N<>  2  ,11  jan- 
vier). Résumé  du  rapport  officiel  sur  le  développement  des  possessions  aUemandes 
en  1898-1899,  par  le  professeur  docteur  Kibchoff.  Articles  biographiques  divers. —  N»  5 
(18  janvier).  Sur  l'établissement  de  stations  dans  TAfrique  occidentale,  par  L.  Lurz.  Suite 
de  Tarticle  du  docteur  Kirchoff.  La  frontière  du  Lac  Kiou  au  point  de  vue  du  Droit  des 
gens,  par  le  docteur  Rud.  Herhann. 

Der  Tropenpflanzer.  N»  1  (janvier  1900).  Le  «  Chanvre  de  Lisalraité  »  (  sur  la 
culture  deTAgave  au  Mexique  et  la  préparation  de  la  fibre\  par  H.-J.  Boeken.  Le  Caou- 
tchouc dans  TÉtat  du  Congo,  par  R.  Sculechter.  (Extrait  du  rapport  de  la  mission 
envoyée  par  le  KolofwU  Wirlhwhafliche  Komitee.) 

Supplément.  Exploration  des  steppes  de  1* Afrique  orientale  allemande,  au  point  de 
vue  des  productions  végétales,  por  le  professeur  docteur  0.  Warborg  et  le  dedeur 
M.  SûRKE.  Le  Sanseveria,  par  le  docteur  Axel  Prêter.  Le  latex  du  Fùnu  elaêiica,  par  le 
même. 

Deutsches  kolonialzeitung.  N<»  1  et  2  (l''  et  15  janvier).  Renseignements  officiels 
sur  les  colonies  allemandes.  Supplément.  Rapport  annuel  sur  le  développement  des 
possessions  allemandes  en  1898-1899 . 

De  indische  Mercuur.  N<»*  1  à  4.  —  Étude  sur  les  maladies  du  caféier.  —  Nom- 
breux renseignements  commerciaux. 


-^  miÉTÉS  COLONIALES  ^ 


Sociétés   Belges 


Compagnie  Belge  Commerciale,  Industrielle  et  Minière  pour 
l'Extrême-Orient.  —  Cette  société,  dont  le  but  est  fort  développé 
ainsi  que  l'indique  sa  dénomination,  a  été  constituée  récemment  à 
Anvers.  Le  capital  est  de  500,000  francs,  représenté  par  1,000  actions 
privilégiées  de  500  francs  qui  ont  été  souscrites  en  espèces  (200  par  la 
Société  Générale  Africaine,  200  par  M.  Alexis  Mois,  110  par  M.  Léonce 
Groetaers,  100  par  la  Banque  Franco-Belge,  etc.). 

Il  a  été  créé,  en  outre,  2,000  actions  de  dividende  qui  ont  été  répai'- 
ties  entre  les  fondateurs. 

Les  administrateurs  sont  :  MM.  Alexandre  de  Browne  de  Tiège, 
comte  Louis  de  Brouchoven  de  Bergeyck,  Edouard  Bunge,  Alexis  Mois 
et  Léonce  Groetaers. 

Ont  été  nommés  commissaires  :  MM.  Fernand  Dejardin,  Eugène 
Pauwels,  Philippe  Gardon  et  Constant  de  Browne  de  Tiège. 

Société  anonyme  Urselia.  —  La  famille  d'Ursel  vient  de  consti- 
tuer, à  Bruxelles,  sous  la  dénomination  ci-dessus  indiquée,  une 
société  anonyme  ayant  pour  objet  l'exploitation  agricole  et  commer- 
ciale d'un  domaine  de  4,000  hectares  dans  le  Mayumbé.  Le  capital  est 
de  500,000  francs,  représenté  par  500  actions  de  1,000  francs. 

Ces  titres,  libérés  de  440  francs,  ont  été  répartis  entre  les  différents 
membres  de  la  famille  d'Ursel,  en  rémunération  de  l'apport  de  la 
concession,  des  plantations,  des  constructions,  marchandises,  maté- 
riel, etc. 

Le  conseil  d'administration  est  composé  de  :  MM.  duc  Joseph, 
comte  Hippolyte,  comte  Adrien  d'Ursel  et  Baymond  van  Ypcrseele  de 
Strihou 

M.  le  comte  Auguste  d'Ursel  remplira  les  fonctions  de  commissaire. 

Un  Syndicat  d'étude  d'entreprises  en  Asie  a  été  constitué 
mercredi  dernier,  à  Bruxelles,  sous  les  auspices  de  la  Fédération 
industrielle  belge  pour  favoriser  l'exportation.  La  plupart  des  grandes 
Srmes  nationales  étaient  représentées,  ou  avaient  envoyé  leur  adhésion. 
Un  groupe  financier,  à  la  tête  duquel  se  trouve  le  Crédit  généraf'  de 


156  ÉTUDES   COLONIALES 

Belgique,  est  entré  dans  la  combinaison.  Il  résulte  de  l'exposé,  très 
clair  et  très  lucide,  du  comte  Adrien  d'Oultremont,  qui  présidait  la 
réunion,  que  le  nouvel  organisme  —  qui  sera  patronné  par  le  gouver- 
nement russe  et  qui  peut  escompter  le  concours  sympathique  de  la 
Banque  russo-chinoise  —  prêtera  son  appui  à  la  constitution  des 
affaires  et  entreprises  projetées  dans  la  zone  d'influence  de  la  Russie 
en  Asie  et,  notamment,  à  Port- Arthur  où,  à  proximité  du  port  mili- 
taire, un  grand  port  de  commerce  sera  établi. 

Banque  belge  du  Brésil.'—  En  constitution  à  Bruxelles.  Le  capi- 
tal sera  de  3  millions  de  francs.  But  :  prêts  hypothécaires,  étude  de 
toutes  affaires  se  rattachant  au  Brésil. 

Eastern  Products  C^,  société  anonyme.  —  Constitution  :  10  jan- 
vier 1900,  par-devant  M*'  Van  Halteren,  notaire,  à  Bruxelles. 

Siège  :  Bruxelles. 

Objet  :  la  société  a  pour  objet  de  faire  toutes  opérations  connner 
ciales,  industrielles,  agricoles,  financières,  de  transports,  minières  et 
autres,  ce  dans  les  limites  les  plus  étendues,  dans  tous  pays,  mais 
spécialement  en  Extrême-Orient. 

Capital  :  250,000  francs,  en  i  ,000  actions  privilégiées  de  250  francs  ; 
il  est  en  outre  créé  1,000  actions  ordinaires,  sans  indication  de  valeur. 

Assemblée  :  troisième  mercredi  d'avril,  à  9  h.  1/2,  et  pour  la  pre- 
mière fois  en  1901. 

Bilan  :  31  décembre. 

Administrateurs  :  MM.  Ernest  Melot,  Joseph  Wégimont,  Louis 
Thienpont,  Maurice  Bekaert. 

Syndicat  franco-belge  d'études  et  d'entreprises  dans  l'An- 
gola.— Il  vient  de  se  constituer,sous  les  auspices  de  banques  belges  et 
françaises,  un  syndicat  d'études  et  d'entreprises  dans  l'Angola.  Les 
premières  recherches  portent  sur  un  gisement  houiller  qui,  assure-t  on, 
serait  excessivement  riche. 


Société  Allemande 


Il  vient  d'être  constitué,  a  Berlin,  une  société  pour  la  construc- 
tion de  chemins  de  fer  dans  la  province  chinoise  de  Shantung.  Le 
réseau  que  se  propose  de  construire  la  société  en  question  comprendra 
d'abord  une  grande  ligne  transversale  qui  partira  du  port  de  Tsinlau 


SOCIÉTÉS   COLONIALES  \bl 

pour  aboutir  à  Tsinan-fou,  sur  le  fleuve  navigable  Hoang-Ho,  avec  un 
embranchement  vers  la  mine  de  Poschan.  On  construira  ensuite  deux 
autres  lignes  qui  partiront  toutes  deux  d'itschonfou  pour  rejoindre 
respectivement  les  deux  extrémités  de  la  ligne  principale. 

Cette  dernière  devra  être  construite  dans  un  délai  de  cinq  ans,  et  il 
a  été  stipulé  que  la  section  Tsintau-Weilasien  devra  être  livrée  à  l'ex- 
ploitation trois  ans  après  le  commencement  des  travaux. 

Aux  termes  des  statuts,  le  matériel  de  construction  devra  être  de 
provenance  allemande  Le  tracé  de  la  ligne  principale  a  été  fixé  par  le 
gouvernement  allemand,  avec  lequel  la  compagnie  se  mettra  d'accord 
avant  de  résoudre  toute  difficulté  qui  pourrait  survenir  par  la  suite. 

Le  capital  de  la  compagnie  a  été  fixé  à  54  millions  de  francs. 


Société   Portugaise 


Trust  Colonial  Portugais.  —  Nous  apprenons  qu'il  a  été  constitué 
ù  Lisbonne,  une  société  au  capital  de  dix  millions  dont  un  million 
cinquante  mille  francs  émis  et  souscrits  à  l'acte  constitutif. 
L'assemblée  générale  a  nommé  comme  administrateurs  : 
MM.  le  général  comte  de  San  Januario-Januario,  ministre  d'Etat  ; 
Jorge  de  Mello,  vice-gouverneur  à  Lisbonne  et  administrateur  de 

la  Compagnie  Royale  des  chemins  de  fer  ; 
Schreuter,  ancien  vice-gouverneur  de  la  Banque  de  Portugal, 

administrateur  de  la  Banque  de  Commerce  ; 
le  colonel  Pa'iva  d'Ândrada,  administrateur  de  la  Compagnie  de 

Mozambique,  du  Zambèze,  du  Luabo  ; 
Berger,  président  de  la  Banque  Impériale  Ottomane,  vice-prési- 
dent du  Comptoir  d'escompte  à  Paris  ; 
Roose,  administrateur  de  l'AfriciUne  et  du  Trust  Colonial. 


Sociétés   Françaises 

Compagnie  des  transports  par  automobiles  au  Soudan  fran- 
çais. —  Cette  société  a  pour  objet  l'exploitation  de  tous  transports 
officiels  ou  privés  par  automobiles,  dans  la  région  du  Soudan  français, 
et  notaipnient  les  transports  entre  le  point  terminus  du  chemin  de 


io8  ÉTUDES  COLONIALES 

fer  partant  de  Kayes  et  les  postes  sur  le  Ni^er,  ainsi  que  rexploitation 
de  tous  services  de  transports  accessoires. 

Le  siège  social  est  provisoirement  fixé  à  Paris,  rue  de  Provence,  46. 

Le  fonds  social  est  fixé  à  1  million  de  francs,  et  divisé  en  2,000  ac- 
tions de  500  francs  chacune,  qui  ont  été  souscrites  et  libérées  du  quart. 
Sur  les  bénéfices  nets,  il  sera  prélevé  :  1®  o  p.  c.  pour  constituer  le 
fonds  de  réserve  prescrit  par  la  loi  ;  2*^  somme  suffisante  pour  assurer 
le  service  des  intérêts  du  capital  à  raison  de  3  p-  c.  ;  3°  une  somme 
qui  sera  proposée  par  le  conseil  d'administration  et  déterminée  par 
l'assemblée  générale  pour  être  portée  au  crédit  d*un  compte  spécial 
d'amortissement  du  matériel  de  premier  établissement.  Cette  somme 
ne  pourra  jamais  être  supérieure  à  20  p.  c.  des  bénéfices  nets  restant 
libres  après  les  deux  premiers  prélèvements  ci-dessus,  et  elle  cessera 
d'être  prélevée  lorsque  le  crédit  de  ce  compte  spécial  d'amortissement 
aura  atteint  la  moitié  du  prix  d'achat  de  ce  matériel  de  premier 
établissement  ;  4*^  un  fonds  de  prévoyance  dont  l'importance  est  fixée 
par  l'assemblée.  Le  solde  sera  ainsi  attribué  :  10  p.  c.  au  conseil  d'ad- 
ministration, 50  p.  c.  aux  actionnaires,  40  p.  c.  aux  propriétaires  de 
parts  de  fondateur. 

Ont  été  nommés  administrateurs  :  MM.  Charles  Laffitte,  proprié- 
taire, 13,  avenue  de  l'Opéra  ;  Antonin  Périvier,  propriétaire,  144,  ave- 
nue des  Champs-Elysées;  Eugène  Aine,  négociant,  1,  place  V^endôme ; 
Alfred  Monprofit,  négociant,  15,  rue  d'Assas  ;  Bernard  Sales,  proprié- 
taire, 41,  rue  Notre-Dame-de-Lorette  ;  Charles  Lefrère,  avocat, 
46,  rue  de  Provence;  André  Mévil,  propriétaire,  112,  boulevard 
Malesherbes . 

Compagnie  de  la  Mobaye.  —  Un  arrêté  du  ministre  des  colonies 
françaises  approuve  la  substitution  d'une  société  dite  Compagnie  de 
la  Mobaye,  pour  l'exécution  d'un  dicret  accordant  une  concession 
territoriale  au  Congo  français  à  M.  Emile  Martin.  Cette  concession 
comprend  le  bassin  de  la  rivière  Bangui  ou  Mobaye  et  ses  affluents. 

Société  des  factoreries  de  N'Djolé.  —  Un  arrêté  du  ministre  des 
colonies  autorise  la  substitution  de  la  société  dite  «  Société  des  Fac- 
toreries de  N'Djolé  »  à  M.  Monthaye,  pour  l'exécution  du  décret  du 
9  juin  1899,  accordant  à  ce  dernier  une  concession  territoriale  au 
Congo  français. 


RAPPORT     ANNUEL 


DE   LA 


Société   d^Étude^   Colopiale^ 


-H— i-    ANNÉE     I899-I900    -<• 


Conformément  à  Tarticle  35  des  statuts,  le  Comité  a  Thonneur  do 
présenter  à  l'assemblée  générale  son  rapport  annuel  sur  la  situation 
et  les  travaux  de  la  société. 

Membres.  —  L'assemblée  générale  du  10  février  1899  a  nommé 
membre  du  Comité,  M.  Jules  Leclercq. 

La  société  se  compose  de  787  membres. 

Le  nombre  des  membres  protecteurs  s  élève  à  12  par  suite  de  l'adhé- 
sion de  Mgr  Heylen,  évéque  de  Namur,  que  nous  remercions  de  son 
généreux  concours. 

Ressources.  —  La  cotisation  annuelle  des  membres  effectifs  s'élève 
à  7,870  francs,  celle  des  membres  protecteurs  à  1,100  francs.  Les 
abonnements  au  Btt/teftn  produisent  environ  1,800  francs.  Enfin,  la 
vente  de  nos  publications  nous  a  donné  une  recette  de  1,200  francs 
environ. 

Situation  flnanoière.  —  La  situation  financière  reste  bonne  :  au 
31  décembre  1899,  l'actif  s'élève  à  fr.  40,435,35  dont  fr.  20,060,77 
doivent  rester  affectés  aux  recherches  médicales. 

Conférences.  —  Les  sections  d'études  ont  organisé  les  conférences 
suivantes  : 

R.  P.  Sternackers.  —  La  situation  en  Chine. 

MM.  Jules  Leclercq.  —  Ceylan. 

deLeval.  —  La  Chine  d'après  des  auteurs  récents. 
G.  t'Serstevens.  —  Les  lies  Canaries. 

Publications.  —  Le  Manud  du  voyageur  et  du  résident  au  CongOy 
continue  à  obtenir  un  grand  et  légitime  succès  et  est  devenu  le  vadc- 
mecum  de  tous  ceux  qui  se  rendent,  non  seulement  dans  l'Etat  Indé- 
pendant, mais  encore  dans  d'autres  colonies  africaines,  notamment 
au  Congo  français. 


160  KÏLDKS   COLONIALES 

Une  deuxième  édition,  revue  et  complétée,  du  Manuel  est  en  voie  de 
publication.  Le  général  Donny  fait  appel  à  tous  les  membres  de  la 
société  pour  lui  indiquer  les  améliorations  ou  rectifications  dont  l'ou- 
vrage, publié  sous  sa  direction,  est  susceptible. 

Nous  vendons  régulirrement  des  tirés  à  part  d'un  certain  nombre 
d  articles  parus  dans  le  Bulletin. 

Nous  croyons  devoir  rappeler  à  nos  membres  que  l'auteur  a  droit  à 
oO  de  ces  tirés  à  part. 

Bulletin.  —  Les  articles  suivants,  ont  paru  dans  le  Bulletin  : 

DeBray,  capitaine-commandant  d'Etat-Major.  —  Entreprises 
en  Chine. 

Docteur  Dryepondt.  —  Une  école  de  médecine  coloniale  à 
Londres  et  à  Bruxelles. 

R.  P.  Steenackers.  —  La  situation  en  Chine. 

Docteurs  Dryepondt  et  Van  Campenhout.  —  L  »  parasite  de  la 
malaria. 

Mockler-Ferryman  (A.  F.)  Major.  —  L'Afrique  occidentale 
anglaise. 

Docteur  Védy.  —  Moyens  de  protection  contre  la  variole  en 
Afrique. 

D.  C.  —  La  Chine  et  le  commerce  extérieur. 

D.  Morris,  traduction  de  L.  Pynaert.  —  Plantes  produisant  le 
caoutchouc  du  commerce. 

V.  Pourbaix  et  J.  Plas,  avocats  à  la  cour  d*appel.  —  Le  régime 
économique  et  les  sociétés  commerciales  du  Congo  français. 

La  circulaire  ci-dessous  a  élé  adressée  à  nos  membres. 


Bmxelles,  le  fi  décembre  i89i). 
Monsieur, 

Nous  avons  l'honneur  de  vous  faire  connaître  que  le  contrat  existant 
entre  la  Société  d'Études  coloniales  et  la  Belgique  coloniale  ayant  élé 
dénoncé,  ce  journal  cessera  d  être  servi  gratuitement  à  nos  membres  à 
partir  du  1*'  janvier  1900. 

Les  ressources  de  la  société  devenues  ainsi  disponibles  seront 
employées  à  améliorer  et  à  développer  notre  Bulletin, 

Le  mouvement  colonial  grandit  de  jour  en  jour  :  il  importe  que  nos 


RAPPOHT   ANMEL   DE   LA    SOCIÉTÉ   d'eTLDES   COLONIALES  161 

membres  soient  plus  complètement  et  plus  rapidement  renseignés  sur 
tout  ce  qui  l'intéresse. 

A  cet  effet,  le  Bulletin  de  la  société  deviendra  mensuel  à  partir  de 
Tannée  prochaine.  11  paraîtra  régulièrement  le  quinze  de  chaque  mois. 
Outre  un  article  de  fond,  il  renfermera  une  chronique  coloniale  don- 
nant les  faits  nouveaux  relatifs  à  Thygiène,  à  l'agriculture,  à  l'indus- 
trie, au  commerce  et  à  la  marine.  11  sera  édité  sur  papier  de  luxe^ 
enrichi  de  gravures  et  de  cartes,  et  formera  annuellement  un  volume 
de  plus  de  six  cents  pages. 

Dès  que  les  circonstances  le  permettront,  le  Bulletin  deviendra 
bimensuel. 

Le  comité  s'est  assuré  la  collaboration  régulière  de  plusieurs  de  nos 
membres,  qui  suivront  attentivement  le  mouvement  colonial  dans 
toutes  les  contrées  d'outre-mcr  où  peut  s'exercer  l'activité  de  nos  com- 
patriotes. 

Nous  serions  heureux  de  voir  ces  collaborateurs  devenir  de  plus  en 
plus  nombreux,  et  nous  faisons,  dans  ce  but,  un  nouvel  appel  à  tous 
ceux  qui  sont  à  même  de  nous  aider  dans  l'œuvre  nationale  que  nous 
avons  entreprise. 

Les  Seci'étaires,  Le  Président, 

L.  ROGET.  A.  HEERNAERT. 

Victor  POURBAIX. 

MM.  Beuckers,  Ridart,  Brifaut,  Carton  de  Wiart,  Clautriau,  Crick, 
J.  Leclercq,  G.  de  Levai,  Dryepondt,  Goffart,A.  Halot,  Laurent,  Meu- 
leman,  Plas  et  Pourbaix  ont  bien  voulu  se  charger  d'analyser  mensuel- 
lement tout  ce  qui  paraîtra  d'important  dans  les  publications  colo- 
niales étrangères.  La  <c  Chronique  »  de  chaque  Bulletin  sera  ainsi  une 
source  précieuse  de  renseignements. 

Comité  de  recherches  de  physiologie  et  de  pathologie 
congolaises. 

Le  comité  a  reçu  la  lettre  suivante  : 

Monsieur  le  Président, 

Un  triste  événement  me  délie  de  l'obligation  qui  m'avait  été  imposée 
de  taire  le  nom  du  donateur  anonyme  dont  la  munificence  avait 
permis  à  notre  société  d'entreprendre  des  recherches  de  physiologie  et 
de  pathologie  au  Congo. 


162  KTUDES     COLONIALES 

J'avais  depuis  longtemps  cherché  à  trouver  le  moyen  de  faire  entre- 
prendre ces  études,  les  plus  importantes  peut-être  pour  le  développe- 
ment de  la  colonisation  africaine;  mais  notre  jeune  société  manquait 
complètement  des  ressources  nécessaires. 

Connaissant  l'esprit  large  et  généreux  de  Madame  la  baronne  de 
Hirsch  de  Gereuth,  j'allai  lui  exposer  le  plan  de  l'entreprise  :  elle 
n'hésita  pas  un  instant  à  faire  don  à  notre  société  du  capital  de 
50,000  francs  qui  m'avait  paru  indispensable  pour  les  exécuter;  mais 
elle  exigea  formellement  que  cette  donation  restât  anonyme. 

La  mort  ayant  mis  un  terme  prématuré  à  la  noble  existence  de  cette 
femme  de  bien,  je  crois  pouvoir  faire  connaître  maintenant  son  inter- 
vention si  généreuse  en  faveur  de  nos  études. 

J'ajoute  que  dans  le  courant  de  l'année  dernière,  lorsqu'il  devint 
évident  que  les  prévisions  de  dépense  de  la  mission  seraient  dépassées 
de  5,000  francs,  MM.  F.  Bischoffsheim,  L.  Goldschmidt  et  G.  Moate- 
fiore  voulant  assurer  la  bonne  fin  de  l'œuvre  commencée  par  leur 
parente,  s'empressèrent  de  me  remettre  cette  somme. 

Recevez,  je  vous  prie,  Monsieur  le  Président,  les  assurances  de  ma 
haute  considération. 

Général  DONNY. 

Votre  comité,  Messieurs,  est  bien  certainement  l'interprète  du  sen- 
timent unanime  de  l'assemblée  en  rendant  à  la  mémoire  de  la  baronne 
de  Hirsch  un  hommage  de  profonde  reconnaissance  et  en  exprimant 
à  MM.  F.  Bischoffsheim,  L.  Goldschmidt  et  G.  Montefiore,  toute  la 
gratitude  de  notre  société  pour  le  généreux  concours  qu'ils  ont 
apporté  à  l'œuvre  scientifique  et  humanitaire  que  la  baronne  de  Hirsch 
avait  dotée  et  à  laquelle  son  nom  restera  attaché.  (Chaleureux  applau- 
dissements.) 

Vous  savez.  Messieurs,  que  le  médecin  de  bataillon  Van  Gampenhout 
et  le  docteur  Reding  se  sont  embarqués  le  26  juin  dernier  et  ont  com- 
mencé les  études  de  la  mission  dès  leur  arrivée  à  Boma. 

M.  Reding  nous  ayant  adressé  sa  démission  dans  le  courant  de 
décembre  sera  prochainement  remplacé. 

Le  docteur  Van  Gampenhout  est  actuellement  installé  à  Léopoldville. 
Il  nous  a  déjà  fait  parvenir  un  relevé  très  complet  de  ses  observations 
médicales  :  elles  présentent  un  très  haut  intérêt  et  seront  insérées,  in 
extenso,  dans  nos  BtUletins, 

Bibliothèque.  —  La  bibliothèque  s'est  enrichie  d'un  nombre 
important  de  publications  et  reçoit  les  périodiques  dont  la  liste  est 
annexée  à  ce  rapport. 


RAPPORT  ANNUEL  DE   LA   SOCIÉTÉ  D*ÉTUDES   COLONIALES  163 

Nous  ne  pensons  pas  qu'il  existe  en  Belgique  une  réunion  aussi 
complète  de  matériaux  pour  l'élude  des  questions  coloniales.  Le  cata- 
logue en  paraîtra  prochainement. 


Messieurs, 

Comme  vous  venez  de  l'entendre,  notre  société  est  active  et  pros- 
père :  il  faut  qu'elle  le  devienne  davantage  encore. 

Le  mouvement  colonial  se  développe  dans  le  monde  entier  avec  une 
intensité  qu'explique  la  situation  économique  de  la  plupart  des 
nations  civilisées  :  prendre  une  part  importante  à  ce  mouvement, 
c'est  pour  la  Belgique  une  question  vitale. 

Nous  demandons  donc  avec  instance  à  nos  concitoyens  de  vouloir 
bien,  par  leurs  travaux,  leur  propagande  ou  leurs  dons,  seconder  les 
efforts  patriotiques  de  la  Société  d'Etudes  coloniales. 


LE  COMITE. 


^    OF    Tri£ 

UNIVERSITE 

OF 


ÉTUDES  GOIiOHlflliES 


No  3 


7^  Année 


Mars  1900 


LE  MAROC 


D'après  des  publications  récentes 


PORTE  £UD  DE  HEKNÈS  (MI^QUINEZ). 
PUOTOGRAPNIB  DB  M.   G.    ItANSAERT. 


&3 


cents  de  S.  M. 
Léopold  H,  roi 
des  Bel^^es,  à  la  côte 
marocaine,  la  mission 
qui  liit  confiée  avec 
grand  apparat  à  M.  Ed. 
Picard  il  y  a  quelques 
années,auprès  du  sultan 
du  Maroc,  les  succès 
commerciaux  que  nos 
compatriotes  ont  rem- 
porté dans  ce  pays,  les 
projets  attribués  un  mo- 
ment par  la  presse  au  roi  des  Belges  d'établir  dans  ce  pays 
extraordinairement  salubre  des  sanatoria  pour  les  agents  malades 
rapatriés  denilat  Indépendant  du  Congo,  tous  ces  élémcnls  réunis 
ont  influé  sur  Tintérét  qui  s'est  manifesté  en  Belgique  au  sujet  de 
la  qnestion  marocaine. 

bi-^naluns   particuliriu  m(:nt   '/œuvre    récente    d'un    Belge  (1), 


(I)  Le  Maruc  eitn  Intèitlê  btlyif ,  |  ai*  Vi  toh  Ctu.iN,  Lui\i>iii,  iiupriiiici ic  Pollcuuis 
et  Ccutei'ick,  50,  nie  des  Oi  plielins. 


166  ÉTUDES  COLONIALES 

M.  Victor  Coliin,  licencié  en  sciences  commerciales,  docteur  en 
sciences  politiques  et  sociales,  qui  a  fait  sur  ce  sujet  un  livre  très 
intéressant:  Le  Maroc  et  les  Intérêts  btlges.  Sans  accepter  la 
conclusion  de  l'auteur  qui  parait  vouloir  engager  les  Belges  dans 
une  entreprise  semblable  à  celle  du  Congo,  nous  avons  trouvé  dans 
ce  livre  de  nombreux  renseignements  et  documents  dont  nous  nous 
sommes  servis  à  maintes  reprises  dans  la  courte  notice  que  nous 
consacrons  aujourd'hui  au  Maroc. 

L'empire  du  Maroc  affecte  la  forme  d'un  quadrilatère  irrégulier 
qui  embrasse  î>70,000  kilomètres  carrés  soit  une  étendue  légère- 
ment plus  grande  que  celle  de  la  France.  Deux  des  cotés  de  ce 
quadrilatère  sont  baignés  par  les  vagues,  de  la  Méditerranée  d'une 
part,  entre  l'Algérie  et  Ceuta  en  face  de  Gibraltar  sur  une  distance 
de  300  kilomètres,  et  sur  une  distance  de  800  kilomètres  par 
l'Océan  Atlantique  d'autre  part.  Ce  vaste  pays  est  traversé  du  Sud- 
Ouest  an  Nord- Est  sur  une  étendue  de  000  kilomètres  par  la  haute 
et  massive  chaîne  de  l'Atlas  dont  les  cimes  les  plus  élevées 
atteignent  à  peu  de  chose  près  l'altitude  des  pics  culminants  des 
Pyrénées.  Au  Nord  de  l'Atlas  court  une  seconde  chaîne  de  mon- 
tagnes, dans  la  direction  de  l'Est  à  l'Ouest  connue  sous  le  nom  de 
Rif.  Dans  ce  pays  situé  entre  le  28«  et  le  36**  degré  de  latitude,  au 
seuil  du  Sahara,  il  y  a  une  diversité  de  climat  telle  que  la  variété 
des  productions  naturelles  est  réellement  infinie.  A  l'avantage  de 
posséder  front  sur  deux  mers,  sur  des  distances  considérables,  ce 
qui  rafraîchit  et  égalise  la  température  et  donne  au  Maroc 
des  ports  situés  sur  ces  deux  mers,  s'ajoute  cet  autre,  inappré- 
ciable, d'avoir  un  système  fluvial  très  développé.  Grâce  aux  massifs 
de  l'Atlas,  dont  les  sommets  sont  couverts  de  neiges  éternelles,  les 
cours  d'eau  sont  nombreux,  vont  jus'qu'à  l'Océan  au  lieu  de  se  per- 
dre dans  les  sables  el  ne  tarissent  jamais.  C'est  une  cause  de 
supériorité  considérable  sur  l'Algérie  et  la  Tunisie,  où  le  manque 
d'eau  restreint  singulièrement  la  productivité  du  sol.  Les  fleuves 
du  Maroc  sont  de  beaucoup  les  plus  considérables  de  toute  la 
région  africaine  qui  confine  à  la  Méditerranée.  Sur  le  versant  sep- 
tentrionnal  le  plus  important  à  signaler  est  la  Moulouya  qui  prend 
sa  source  dans  le  grand  Allas,  au  djebel  Aïtchin,  et  se  jette  dans  la 
Méditerranée  après  un  cours  de  quatre  cents  kilomètres.  Dans 
l'Océan  Atlantique  se  jettent  le  Sebou,  le  Bou  Begray,  l'Oum  er 


LE  MAltOC  167 

Rbia,  rOued  Tensift,  l'Oued  Sous  et  l'Oued  Draali.  Le  Sebou,  qui 
arrose  Fez,  est  un  fleuve  très  important  ayant  jusque  îrois  cents 
mètres  de  largeur  dans  son  cours  inférieur.  Tous  ces  fleuves 
viennent  de  TÂllas.  l.e  seul  fleuve  digne  d'attention  issu  des 
montagnes  du  Rif  est  le  Khous  qui  se  jette  dans  FAllantique  à 
Larache. 

Au  Maroc,  à  la  différence  de  l'Algérie,  de  la  Tunisie  et  de  la 
Tripolitaine,  les  pluies  sont  assez  abondantes,  à  cause  de  la  diff*é- 
rence  considérable  de  température  entre  1»*  jour  et  la  nuit,  et  de  la 
présence  des  vapeurs  d'eau  amenées  par  la  proximité  de  la  mer.  Le 
climat  est  d'une  salubrité  parfaite  et  la  température  est  d'une  dou- 
ceur qui  n'est  égalée  nulle  part.  D'après  des  observations  de 
Beaunier,  citées  par  Reclus,  couvrant  une  période  de  neuf  années, 
la  température  moyenne  est  de  49**4  centigrades.  La  lempénilure 
moyenne  du  mois  d'août,  qui  est  le  mois  le  plus  chaud,  est  de 
âl**8  centigrades,  celle  de  février,  le  mois  le  plus  froid,  est  de 
1 6^5  centigrades.  L'extrême  chaleur  observée  est  de  3 1**  centigrades, 
rextréme  froid  i0**4  centigrades.  Sur  les  flancs  de  la  chaîne  Allan- 
tiquCt  d'élage  en  étage,  se  succède  avec  le  refroidissement  graduel 
de  la  température  la  série  entière  des  climats  européens.  Grâce 
aux  cîmes  neigeuses  des  montagnes,  aux  nombreuses  rivières  qui 
en  découlent,  à  l'humidité  que  renouvellent  les  courants  aériens 
rafraîchis  par  deux  mers,  le  Maroc  peut  être  défini  une  Algérie 
sans  sécheresse,  ce  qui  veut  dire  une  des  plus  fertiles  terres  et  un 
des  plus  délicieux  climats  du  monde. 

Un  explorateur  français,  M.  de  Foucauld,  qui  a  parcouru  dans 
toute  sa  longueur  la  région  de  l'Atlas  marocain,  et  a  réalisé  un  itiné- 
raire de  3,200  kilomètres  dit  que  le  grand  et  le  petit  Atlas  (Rif) 
renferment  des  vallées  profondément  encaissées  et  le  plus  souvent 
à  pic,  dont  le  fond  est  entièrement  couvert  de  cultures,  de  jardins, 
au  milieu  desquels  se  succèdent  une  multitude  de  riches  villages, 
souvent  si  rapprochés  les  uns  des  autres  qu'on  a  peine  à  les  distin- 
guer. Les  évaluations  du  chiffre  de  la  population  varient  d'ailleurs 
beaucoup,  entre  2  1/2  millions  au  minimum  et  io  millions  chiffre 
maximum.  L'accord  est  donc  loin  d'être  parfait,  entre  les 
voyageurs.  Si  l'on  admet  un  chiffï'e  moyen  de  7  millions  d'habi- 
tants, minimum  adopté  par  Reclus,  on  peut  considérer  qu'environ 
1  million  des  Marocains  sont  des  Arabes,  habitant  en  majeure 


168  ÉTL'DKS  COLONIALES 

partie  les  villes  et  les  campagnes  qui  entourent  les  centres  popu- 
leux. Le  fond  de  la  population  est  berbère-  Les  Borbrres  sont 
divisés  en  trois  grandes  classe-;  les  Kabyles  forment  la  première; 
Us  habitent  le  Rif;  les  Chellahàs  occupent  les  deux  versants  de 
l'Atlas  et  la  côte  de  TOcéan;  ces  deux  groupes  ethniques  appar- 
tiennent à  la  race  blanche;  le  troisième,  les  Aratines  peuplant  le 
Sud  de  FAllas,  appartiennent  à  la  race  noire  Les  juifs  sont  nom- 
breux; ils  ont  une  situation  malheureuse;  honnis  et  pressurés,  ils 
n'en  ont  pas  moins  réussi  à  concentrer  entre  leurs  mains  une 
grande  part  du  commerce  du  pays.  Le  Maroc  possède  un  grand 
nombre  d'agglomérations  urbaines,  dont  la  plus  importante  est 
Fez,  la  capitale  politique,  qui  n'a  pas  moins  de  150,U00  habitants. 
Tanger  qui  a  20,000  habitants  est  la  capitale  commerciale  et  la 
résidence  des  cojisuls  et  agents  diplomatiques  étrangers;  viennent 
ensuite  par  ordre  d'importance  Marrakech,  Mequinez,  Mogador, 
Teluan,  Larache,  Ksarel  Kebir,  etc.,  etc. 

Le  Maroc,  Moghreb  al-Aska  suivant  le  nom  que  lui  donnent  les 
Arabes,  se  divise  poliliquemont  en  deux  territoires  principaux:  le 
Tell  et  le  Sahara;  le  Tell  comprend  les  deux  anciens  royaumes  de 
Fez  et  de  Maroc,  au  Nord  du  (îrand-Atlas;  le  Sahara  s'étend  au  Sud, 
comprenant  les  oasis  de  TaKIet  et  de  Figuig,  les  t«»rriloires  du 
Touat,  du  Draah,  du  Nun  et  le  Sus.  Ces  pays  sont  occu|Ȏs  par  des 
tribus  indépendantes  sur  lesquelles  l'autorité  du  sultan  du  Maroc 
est  absolument  problématique.  Il  en  est  de  même  de  beaucoup  de 
tribus  du  Rif,  qui  suscitent  souvent  des  difficultés  à  Sa  Majesté 
Chérifienne  en  s'adonnant  à  la  piraterie,  en  rançonnant,  depuis  des 
temps  immémoriaux,  les  bateaux  européens  échoués  sur  leurs 
côtes,  ou  qui  se  risquent  trop  près  de  celles-ci  Le  sultan  de  Fez, 
auquel  nous  donnons  le  tilre  pompeux  d'empereur  du  Maroc,  n'a 
qu'un  pouvoir  illusoire  sur  la  plupart  des  tribus  que  Ton  à  cou- 
tume de  ranger  sous  sa  domination. 

Toute  la  préoccupation  du  gouvernement  est  de  faire  rentrer 
l'impôt  et  ce  n'est  pas  chose  facile  L'impôt  se  compose  de  Yaichour, 
dîme  perçue  sur  1«  s  grains  et  de  deux  pour  cent  prélevés  sur  la 
valeur  du  bétail.  Mais  le  recolement  de  ces  taxes  affecte  la  plu- 
part du  temps  la  forme  d'expéditions  guerrières,  et  l'ou  comprend 
que  l'on  ne  puisse  pas  exiger.de  bandes  armées  un  grand  esprit 
d'équité,  une   proportionnalité  bien  exacte  de  la  côte  d'impôts. 


LE  MAROC  169 

Aussi  le  tribut  équivnut-il  le  plus  souvent  au  brigaiidage  le  plus 
odieusement  caractérisé. 

Chaque  année  le  gouvernement  du  Maghzen  (partie  du  Maroc  qui 
reconnaît  sans  contestation  Taulorité  du  sulian  de  Fez)  invite  les 
tribus  indépendantes  à  verser  l'impôt,  soit  déterminé,  soit  laissé  à 
leur  générosité.  Il  est  assez  rare  que  cette  invitation  soit  accueillie. 
Aussitôt  le  Sultan  organise  une  petite  expédition.  Gomme   le 


SOKKO  (MARCIIK)   DK   TAN'GKR. 
l'IluTOUHAl^lIiK   Ui:  M.    (i.    I)AN8AbHT. 


fait  se  répète  dans  tous  les  coins  du  pays,  les  luttes  sont  con- 
stantes, l'insécurité  est  perpétuelle. 

Le  gouvernement  du  sultan  est  absolu  ;  il  est  à  la  fois  chef  poli- 
tique et  chef  religieux;  toutefois,  son  pouvoir  est  limité  d'une  part 
grâce  à  l'autonomie  presque  complète  d'un  très  grand  nombre  de 
tribus,  d'autre  part  grâce  à  l'influence  d'une  série  de  personnages 
religieux,  sortes  de  gens  qui  ne  manquenljamais  aux  pays  d'Islam, 
au  rang  desquels  on  peut  citer  les  ulémas  interprétateurs  du  Coran, 
le  schek  ul  Islam,  le  chérir  d'Ouezzan  auquel  le  sultan  doit 
demander  l'investiture 

Les  chiffres  du  budget  marocain  sont  purement  hypothétiques  : 
il  n'existe  aucune  comptabilité.  Néanmoins,  ce  qui  est  certain, 
c'est  que  les  recettes  sont  minces,  et  que  le  Trésor  de  Sa  Majesté 
est  très  pauvre.  C'est  ainsi  qu'un  mauvais  gouvernement  arrive  à 
ne  rien  tirer  malgré  toutes  ses  exactions  (à  cause  de  celles-ci  serait 


170  ÉTUDES  COLONIALKS 

peut-être  plus  juste),  d'un  des  plus  riches  pays  du  monde.  Le  plus 
important  des  revenus  du  Sultan  est  le  droit  de  douanes  établi 
dans  les  ports  ouverts  au  commerce.  Ces  revenus  ont  servi  pen- 
dant longtemps  à  payer  la  contribution  de  100  millions  de  francs 
que  le  Maroc  a  dû  payer  à  l'Espagne  après  la  guerre  de  Telouaii. 
Les  autres  sources  de  revenus  sont  les  uionopoles,  celui  du  tabac, 
notanmient,  les  a^ermages  des  produits  de  l'industrie,  tapis,  nat- 
tes, les  cadeaux  des  villes,  le  change  sur  les  monnaies.  La  dîme 
sur  les  produits  agricoles  n'entre  dans  les  coffres  du  Sultan 
qu'après  s'être  allégée  en  roule  du  montant  des  multiples  prélève- 
ments opérés  par  les  fonctionnaires  qui  se  couvrent  ainsi  de  Tin- 
suffisance  de  leur  solde.  En  additionnant  toutes  les  recettes  ordi- 
naires et  extraordinaires,  on  arrive  à  moins  de  dix  millions  de 
francs  par  an. 

D'après  les  indications  de  M.  Duval  dans  son  ouvrage  :  La 
Question  du  Maroc,  très  hasardées  faute  de  sources  officielles, 
voici  comment  s'établissait  le  budget  du  Maroc  : 

Receltes. 

4»  Coiilribulions  sur  les  terres  et  les  troupeaux.  650,000  piaslrcs  de  5  fr.  23  c.) 

2"  Impôts  sur  les  Juifs .  3(>,000      —  — 

3"  Droits  réunis      .    .           9oO,()00      —  — 

4"  FuliiiratioM  de  lu  moiinaio 50,000      —  — 

6o  Douanes 400,000      —  — 

6"  Veuie  du  tabac 3o.0(»0      —  — 

7"  Droit  du  fi.sc 1 50,0  0      —  — 

8'  Lo('aii(m  du  domaine  impérial       VO.dOO      —  — 

9»  Cadeaux  des  consuls  et  des   négociants  .  i^5,()00      —  — 

Total.   .   .   .  S.bOO.UOO  piastres 

Déj}en8e8. 

4"  Maison  impériale,  harem,  écuries 440,000  piastres.  — 

%^  Entre  irn  des  palais  et  jardins  imblirs.  .    .  65,00>      —  — 
3'  Giideaiix  à  I^  Merque,  aux  chérifs,  aux  mos- 
quées      65,000      —  — 

4*  Ti*a«lpmcnls  des  fonctionnaires 50  OOD      —   '  — 

5*"  Armée  de  terre 650,000       —  — 

6»  Marine  militaii*c 30.0'  0      —  — 

7^  HfMioraircs  des  consuls  en  Europe  ....  45,000      —  — 

8«  Courriei-s 5,000      —  — 

Total.   .   .   .  990,000  piastres. 

Économie  annuelle,  1  l/i  million  de  piastres,  soit  de  7  à  8  millions  de  francs  ;  en 
trois  siècles,  1  milliards. 


LE  MAROC  171 

II  n'y  a  aucune  distinction  entre  le  Trésor  impérial  et  le  Trésor 
de  ri^lat;  cette  confusion,  avantageuse  pour  le  Sultan,  lest  beau- 
coup moins  pour  le  pays.  La  principale  dépense  publique  est  celle 
du  harem  de  Sa  Majesté;  les  travaux  publics  n'existent  pas,  les 
fonctionnaires  ne  reçoivent  pas  d'appointements  :  bien  plus,  ils 
doivent  payer  leur  entrée  en  charge  d'un  cadeau  sérieux  au  Sultan. 
On  comprend  le  sous-entendu  d'un  pareil  système  ;  si  les  agents 
du  SulUu)  n'ont  pas  de  salaires  ù  la  charge  de  l'Etat,  ils  se  rattra- 
pent largement,  par  des  exactions  sans  nombre,  sur  le  malheu- 
reux pa>san  marocain. 

Quand  la  tribu  a  payé  l'impôt,  môme  à  coups  de  fusil,  elle  est 
libre  pour  le  reste.  Le  pouvoir  n'intervient  guère  dans  ses  affaires. 
Les  tribus  sont  des  groupes  de  familles,  Kcbilas,  unies  entre  elles 
par  les  liens  du  sang;  elles  vivent  sous  lautonté  d'un  cheik  élu, 
assisté  d'un  conseil  (djemahal).  Parfois  la  tribu  se  subdivise  en 
sous-tribus  (felied  ou  ied).  L'administration  de  la  justice  est  dévo- 
lue à  un  officier  spécial  qui  porte  le  nom  de  cadi;  il  y  a  un  cadi 
par  fehed  ou  tribu  L'administration  de  la  justice  au  Maroc  est 
d'une  barbarie  inconcevable  pour  quiconque  n  a  pas  vu  les  som- 
bres Uibleaux  de  cette  répression  atroce  ou  n'en  a  pas  lu  les  récits. 
Elle  est  appliquée  avec  un  luxe  d'atrocités,  une  insouciance  inouie 
de  la  vie  et  de  la  soufi*rance  humaine  par  les  agents  du  Sultan  et 
parfois  par  l'empereur  lui-même  qui,  comme  le  Perrin  Dandin  de 
Racine,  trouve  que  : 

...  cela  fuit  toujours  passer  une  heure  ou  deux. 

M.  Jules  Leclercq,  membre  du  Comité  de  la  Société  d'Etudes 
coloniales,  qui  a  visité  Tanger  en  1878,  nous  a  donné  un  récit 
typique  d'une  audien  e  du  cadi  à  laquelle  il  a  assisté  : 

«  Ce  fonctionnaire,  nous  dit-il,  cadi  de  Tanger,  —  siège  en  face 
de  la  mosquée  principale,  dans  une  salle  d'une  grande  simplicité, 
dont  la  voûte  est  soutenue  par  des  piliers  de  stsle  mauresque.  Je 
lui  fus  présenté,  et,  suivant  l'usage,  j'échangeai  avec  lui  une  poi- 
^i»ée  de  main.  11  siégait  sur  une  estrade,  assis  à  la  façon  des  Orien- 
taux, les  jambes  croisées  sur  des  nattes.  Il  n'avait  à  ses  côlés  ni 
assesseurs  ni  greffier;  sur  les  nattes  qui  lui  servaient  de  tapis 
vert,  il  y  avait  un  roseau  taillé  en  plume  et  un  vulgaire  encrier  en 


172  ÉTUDES  COLONIALES 

terre  cuite.  Le  cadi  tient  lui-môme  note  de  ses  jugenionts  et  les 
envoie  au  notaire  public  qui  a  mission  de  les  aeter...  A  peine 
élions-nous  entrés  dans  la  salle  d  audience,  qu'un  pauvre  diable 
savança  devant  le  cadi,  mit  un  genou  en  terre  et  exposa  so.i  cas. 
Il  s'agissait  d  un  terrain  dont  on  lui  avait  usurpé  la  possession. 
Sur  l'injonction  du  cadi,  les  plaideurs  se  rendirent  chez  le  notaire 
public  et  là  s*élcva  entre  eux  la  plus  violente  discussion  :  ils 
criaient  à  rompre  le  tympan  d'un  sourd.  Cette  dispute,  accompa- 
gnée de  toutes  sortes  de  gestes  menaçants,  se  prolon;;ea  pendant 
plus  d'une  demi-heure.  Quant  au  notaire  public,  il  écrivait  aussi 
impassible  que  s'il  n'eût  rien  compris  à  tous  les  gros  mots  qui 
pleuvaient  autour  de  lui... 

»  Du  cadi,  nous  allâmes  chez  le  kalifa.  Celui-ci  est  le  juge  mili- 
taire; il  condamne  à  la  prison  et  à  la  bastonnade  pour  les  pecca- 
dilles ordinaires,  et  à  la  mutilation  pour  des  méfails  plus  graves. 
On  m'a  fait  voir  Tinstrument  qui  sert  au  supplice  de  la  bastonnade. 
Ce  n'est  pas  un  bâton,  comme  on  pourrait  le  croire,  mais  une 
lanière  de  cuir  qui  déchire  affreusement  les  chairs.  Un  jour  de 
marché  ne  se  passe  guère  sans  bastonnade.  Le  kalifa,  voulant 
m'être  agréable,  m'offrit  de  m'en  donner  le  spectacle  :  je  me  hâtai 
de  décliner  cette  gracieuseté  arabe.  Cet  excellent  kalifa  eut  trouvé 
tout  naturel  de  faire  fustiger  un  pauvre  diable  pour  le  plaisir  d'un 
étranger,  de  même  que  le  roi  M'tésa  faisait  couper  des  tètes  en 
l'honneur  du  colonel  Chaillé-Long.  » 

Pachas,  caïds  et  autres  fonctionnaires  sont  d'ordinaires  de  très 
peu  recommandables  personnages. 

L'armée  est  composée  d'environ  seize  mille  hommes,  payés, 
hypolhétiquement  le  plus  souvent,  4  sous  par  jour.  En  campagne, 
c'est  à-dire,  presque  toujours,  ce  corps  vit  sur  le  pays  où  il  opère 
pour  le  compte  de  son  impérial  maître. 

L'instruction  est  nulle  au  Maroc.  Ses  plus  hauts  personnages 
sont  d'une  ignorance  stupélîanle.  «  A  mon  arrivée  à  Fez,  dit  M.  de 
Campou  (Un  empire  qui  croule,  le  Maroc  contemporain),  on  me 
dit  qu'il  y  avait  dans  tout  le  Maroc  deux  savants  seulement.  Et 
quels  savanis!  Le  premier,  le  caïd  Ben  Soneiri,  grand-maître  de 
fartillerie,  savait  autrefois  prendre  un  niveau,  et  a  une  partie  des 
connaissances  du  dernier  arpenteur  de  France.  Le  second,  le  caïd 
Ben  Abdallah,  qui  a  encore  plus  de  mérite,  réside  à  Maroc  Je  le 


LE  MAROC 


173 


vis  dniis  coite  ville.  Après  les  salutations  d'usage,  je  lui  montrai 
mou  haromèlre,  mon  thermomètre  elma  boussole.  Il  jela  un  regard 
distrait  sur  les  deux  premiers  instruments  ;  mais  d'un  air  de  fin 
connaisseur,  il  prit  aussitôt  ma  boussole,  Tagila  un  moment,  et 
resia  dans  le  plus  profond  silence.  II  me  la  rendit  après  quelques 
minutes,  me  disant  qu'elle  ne  valait  rien,  elle  ne  sonnait  pas.  Il 
conibnduit  le  magnétisme  et  l'horlogerie.  »  L'instruction  populaire 


KOSR-KL-KEBIK    (tL    KASSAH;. 
PMUTUORAPHIK    DK    M.  O.   DANSAERT 


se  réduit  à  l'étude  du  Coran.  Les  juifs  seuls  ont  trois  écoles  dignes 
de  ce  nom  à  Tangi  r,  Fez  et  Tetuan. 

L'esclavage  est  encore  en  vigueur  au  Maroc.  Les  esclaves  noirs 
sont  achetés  à  Tombouctou  et  vendus  sur  les  marchés  de  l'Oued 
Noun,  du  Tazel  Ronalt,  tie  farondant  et  de  Maroc.  En  outre,  il 
existe  de  véritables  hans  d'esclaves  noirs.  Tout  arabe  aisé  possède 
des  nègres  et  des  négresses;  de  leurs  unions  naît  une  progéniture 
dont  le  maître  dispose  dès  l'âge  de  sept  ans  par  la  vente  sur  le 
marché  pul»lic.  La  *'ente  a  lieu  ouverlement  an  Maroc,  le  jeudi 
à  4  heures,  dans  un  local  spécial,  le  Sok  el  Abid  —  marché  aux 
esclaves.  Le  gouvernement  non  seulement  tolère,  mais  encourage 
et  protège  ces  ventes  ou  mutations  qui  forment  un  de  ses  bons 
reveinis. 

La  richesse  principale  du  Maroc  est  l'agriculture,  les  produits 


174  ÉTUDES  COLOMALRS 

agricoles  que  Ion  doit  signaler  avant  tous  les  autres  sont  Targa- 
nier,  le  nmïs  el  la  vigne.  L  arganier  est  un  arbuste  spécial  aux 
environs  de  Mogador;  il  porte  un  fruit  de  la  grosseur  d'une  prune 
qui  contient  un  noyau  dont  l'amande  hro>ée  et  triturée  produit  de 
riiuile.  Cette  huile  est  comestible  et  vraiment  parfaite.  H  existe 
sur  les  mules  de  Mogador  à  Maroc  et  de  Mogador  à  Agadir  de  belles 
forêts  d  argîiniers  qui  ont  une  superfif^e  de  plus  de  200,0l»0  hec- 
tares. L'exportation  de  ce  produit,  qui  est  un  monopole  nalurel  du 
Maroc,  est  interdite,  et  cette  précieuse  source  de  revenus  et  de 
richesses  pour  le  pays  reste  inutilisée. 

Le  Maroc  est  une  admirable  contiée  de  grains  et  de  vignes.  La 
cullure  du  friuiient,  de  l'orge,  du  tabac,  du  kif  ou  chanvre,  du 
haschisch,  ne  prend  aucune  extension,  bien  que  le  sol  s'y  prête 
admirablement.  L'exportation  de  ces  produits  est  interdite  :  les 
maïs,  fèves,  pois-chichrs,  lentilles,  sont  soumis  à  des  droits  de 
sorlie  de  10  p.  c.  et  plus.  L'exporlalion  des  bêles  à  cornes  est 
limitée  à  six  mille  têttîs  par  année  et  par  pays  européen;  la  sortie 
des  chevaux  et  des  brebis  est  interdile.  Le  Maroc  produit  encore 
des  orangers,  des  dattiers,  des  oliviers,  drs  vignes,  des  palmiers 
nains,  des  accacias  gommifères,  une  essence  de  pin  qui  répand 
une  excellenle  odeur  et  dont  le  bois  sert  à  la  fabrication  des  meu- 
bles précieux. 

Malgré  son  incomparable  fertilité  naturelle,  le  mal  endémique 
dont  souffre  le  Maroc  est  la  famine  qui  revient  périodiquement  le 
frapper  et  y  produit  d'énormes  ravages.  Il  n'y  a  rien  détonnant  à 
cela;  l'interdiction  d'exporter  empêche  le  paysan  marocain  d'éten- 
dre ses  cultures  au  delà  du  nécessaire  pour  ses  besoins  personnels; 
l'inî^éeurit»' du  pays,  l'état  pitoyable  des  roules  (il  n'y  a  pas  une 
seule  ch:^rrelle  dans  tout  le  Maroc),  entin  l'avidilé  des  agents  de 
l'empereur  découragput  tout  sentiment  de  prévoyance.  Vien- 
nent des  accidents  méléréologiqnes,  une  absence  un  peu  longue 
de  pluie,  la  lamine  s'installe  et  régne  en  souveraine. 

L'élevage  des  moutons  et  les  chèvres  est  particulièrement 
favorable  au  Maroc:  il  n'y  a  qu'un  pelit  nombre  de  porcs  mais 
assez  bien  de  gros  bétail.  Les  animaux  domestiques  les  plus 
répandus  sont  :  les  chevaux,  les  ânes,  les  mulets,  les  chameaux. 
Les  chevaux  marocains,  si  célèbres  jadis,  ont  dégénéré,  et  les 
beaux  spécimens  ne  se  rencontrent  plus  guère  que  dans  les 


LE  MAROC  175 

écuries  du  Sultan  et  de  quelques  grands  personnages.  Une  partie 
de  la  popu  ation  pratique  rapicullure  el,  sur  les  côtes,  elle  s'adonne 
à  la  pêche  du  thon  et  des  sardines.  Le  sous-sol  du  Maroc,  très 
riche,  notamment  dans  les  coni reforts  de  TAtlas,  est  tolalement 
inexploité.  On  y  trouve,  notanniient,  en  abondance,  le  cuivre,  le 
nickel,  le  plomb  argentifère  et  même  des  quartz  aurifères.  Le  sel 
gemme  se  rencontre  également;  de  nombreuses  sources  d*eau 
minérale,  parfaitement  appréciées  par  les  Arabes,  jaillissent  du 
sol. 

Il  n'existe  plus  dans  ces  contrées,  sauf  à  l'extrême  Sud,  ni 
panllières,  ni  lions;  c'est  à  peine  si  l'on  y  retrouve  encore  des 
chacals  et  des  hyènes.  Le  gibier  à  poil  est  très  rare,  tandis  que  le 
gibier  à  plume  abonde  :  perdrix  rouges,  cailles,  petites  out;irdes. 
Les  cigognes  sont  très  nonïbreuses. 

L'entrée  et  la  sortie  des  marcl»andi?es  ne  peuvent  se  faire  que 
par  les  ports  de  Mogador,  Safl,  Mazagran,  Casa  HIanca,  Rabat, 
Laraclie  et  Tanger.  Les  droits  de  douane  coniportent  10  p.  c. 
ad  valorem  sur  tous  les  produits  étrangers  imporlés  et  produits 
marocains  exportés.  Les  exportations  comprennent  des  laines 
pour  la  France  et  l'Angleterre,  dos  pojuix  de  chèvre  pour  Marseille, 
des  cuirs  pour  Londres,  des  bœufs  [)our  Gibraltar,  du  maïs  pour 
le  Portugal,  des  fùves,  des  pois  chiches,  de  l'huile  d'olive,  des 
amandes  et  un  peu  d'alfa  pour  l'Angleterre,  des  cires  et  des 
gommes  pour  la  France. 

Les  deux  tiers  environ  du  commerce  du  Maroc  sont  entre  les 
mains  des  Anglais. 

Le  commerce  au  Maroc  est  fortement  affecté  par  les  variations 
monétaires.  On  y  emploie  les  nïonnaies  espagnoles  el  françaises, 
outre  une  moimaie  indigène,  comme  sous  le  nom  de  hassanU 
frappée  en  France  et  en  Allemagne  sous  le  feu  Sultan.  La  peseta 
espagnole  subit  de  constantes  Iluclualions;  en  i<^97,  la  prime  sur 
le  papier  anglais  est  montée  de  27  p.  c.  à  35  p.  c.  Des  vaiiations 
de  4.5  et  de  5.5  p.  c.  par  mois  sont  fréquentes.  Il  y  a  lu  une 
cause  d'instabilité  et  d'insécurité  qui  aflfecte  fâcheusement  le  tratic 
conunercial. 

Kxaminons  de  près  les  éléments  de  slatislique  commerciale. 

D'après  les  statistiques  consulaires  anglaises,  les  exportations 
du  Maroc  en  Angleterre  ont  suivi  une  progression  décroissante 


176  ÉTUDES  COLONIALES 

très  accentuée,  puisque  de  755,404  livres  en  1892,  elles 
tombent  à  218,309  en  l^<96.  Les  statistiques  consuhiires  belges 
confirment  ce  résultat  et  indiquent,  pour  le  même  laps  de  temps, 
une  perle  d'environ  12  millions.  Le  tableau  des  exportations 
anglaises  vers  le  Maroc,  d'après  les  statistiques  britanniques,  se 
présente  conime  suit  : 

481>â  Livres  fit.  585,586 
1895  »  404,008 
IhOi  »  53K,S)85 
1805  »  6âO,783 
1890         »         480,864 


Cela  représente  un  recul  de  deux  millions  et  demi  pendant  cinq 
ans,  recid  que  les  rapports  consulaires  belges  accentuent  encore  et 
portent  à  qnare  millions. 

Un  coup  d'œil  sur  te  tableau  du  mouvement  maritime  marocain 
suflTit  à  montrer  la  prépondérance  anglaise  à  ce  poijit  de  vue. 

Voici  les  chiffres  du  «  Rlates  majis  Yearbook  »  donnant  le 
mouvement  de  l^9G. 


TONNAGE  TOTAL 

TONNAGE  ANGLAIS 

DE  NAVIRES 

NAVIRES  ANCLAI9 

Tanger.     .     . 

520J85 

06,105 

1,210 

285 

Tctuaiï.     .     . 

8,645 

6,750 

156 

05 

Laraclie    .     . 

65,645 

18,679 

15i 

52 

Ralwt  .    .    . 

59,84â 

10.559 

110 

26 

Mogador    .    . 

113,488 

«1,419 

149 

25 

Dar  al  aHÏdii . 

U5,450 

25,160 

255 

5i 

Mazagran  .    . 

150,885 

24,5i0 

212 

58 

Saffi     .     .    . 

68,286 

25,6*5 

114 

58 

014,400  255,6-44  2,516  567 

Le  quart  du  mouvement  maritime  est  aux  mains  de  TAngleterre 
et  dans  les  trois  quarts  restants,  le  petit  cabotage  espagnol,  portu- 
gais et  marocain  figure  [)onr  une  grosso  part.  La  perle  du  com- 
merce anglais  tient  à  l'affaissement  général  du  mnrché  marocain; 
l'Angleterre  possédant  une  situation  commerciale  prépondérante, 
doit  d  une  façon  absolue  être  la  plus  gravement  atteinte. 

L'Allemagne  fait  de  bonnes  affaires  avec  le  Maroc.  En  1892,  elle 


LE  MAROC 


177 


lui  achetait  pour  1,068,225  francs  de  marchandises;  en  1803, pour 
1,718,725  frnncs;  en  1894,  pour  2,-241,720  francs;  en  1895,  un 
léger  recul  réduisait  à  2,<*86,235  francs  ses  achats  qui  remon- 
taient en  1896  à  .S, 076, 440  francs.  Ce  sont  surlout  de  la  cire,  de 
la  laine,  des  œufs,  drs  peaux  de  chèvres  et  de  moulons,  les  expor- 
UUions  étaient  de  2,485,400  fanes  en  1892;  en  1893,  de 
3,904,480  francs;  en  1894  et  1895,  diminulion  par  suite  des 
troubles  qui  suivirent  la  mort  de  Mouley-Ilassam,  3,649,070  francs 
et    2,682,375    francs;    reprise    en    1896,    3  117,705    francs. 


TENTE    MAnOCAlNE 
l'IIOTOORAI'IIIK   DE  M.   O.   DANSAKUT. 


Les  exportations  du  Maroc  en  France  sont,  des  laines  en  suint 
pour  les  fabriques  de  Tourcoing  et  de  Roubaix,  de  la  laine  lavée,  de 
I  huile  d  olive,  des  amandes,  des  pois  chiches  et  surtout  des  peaux 
de  chèvres.  Ces  exportations  vers  la  France  sont  également  en 
pleine  décadence.  Kn  1892,  eMes  étaient  de  6,!)54,250  francs;  en 
1893,  de  7,214,560  francs;  puis  elles  sont  lelombées,  en  1894,  à 
5,562,530  francs;  en  1895,  5,185,995  francs;  en  1896,  à 
i.655,405  francs. 

En  1892,  le  Maroc  importait  de  France  pour  12,877,465  francs 
de  marchandises  et  en  1893  pour  13,043,540  francs  Depuis  cette 
époque  ces  importations  sont  en  décroissance  constante;  en  1896, 
elles  ne  .sont  plus  que  de  9,050,750  francs,  soit,  en  trois  ans,  une 
diminution  d'environ  25  p.  c.  portant  surtout  sur  les  envois  de 


178 


ÉTUDES  COLONIALES 


sucre  qui  entrent  pour  plus  de  moitié  dans  son  chifTre  d'nfTuircs 
Le  commerce  total  qui  se  fait  sur  la  frontière  algéro-marocaine  est 
de  8  ou  9  millions  de  francs,  importations  et  exporUitions  addi- 
tionnées. L'exportation  de  ITiSpagne  au  Maroc  est  presque  nulle; 
moins  d'un  demi-million  de  francs.  Les  importations  s'élèvent  à 
plus  de  5  millions  de  francs,  ce  qui  esl  peu,  vu  la  proximité  des 
deux  pays. 

La  situation  commerciale  des  nations  d'Europe  sur  le  marché 
marocain  ressort  du  tableau  suivant  qui  indique  le  chifTre  do  leurs 
exportations  vers  ce  pays,  année  par  année  depuis  1802. 


Iles  britanniques 

France 

Allemagne. 

Belgique 

Espagne. 

HuHunde 

Suèile.  . 

llalie.   . 

Ëlals-llnis 

Poi-tugol    , 

Total' 


1892 

23,529,000 

U,3'.  7,465 

3,8V5,i00 

4,tiOl,K30 

353,825 

S55,000 

2îi,850 

50,500 

2.000 

40,772  07i 


1883 

23,ViO,^75 

13,043,5t0 

3,90^.480 

2,057,';il0 

595, V75 

33,400 

23i,C50 

44.540 

«,7Î5 
35,08V,395 


1894 

Î2,*7S3I5 

i  2,H85.550 

3,6VH,n70 

<,97:,065 

526,.J*0 

93.6'<5 

77,<50 

7I,6V0 

G.i25 
30,8J2,334 


1893  1886 

Ilesbritonniqucs.    .    .  23,358,552  49,038,765 

France ^,743*80  9,050,750 

Alletnogne    ...  2,682375  3,1i7,7a5 

Bi^lgique 2,465,9«0  2,5J8,'î7.i 

Espogne 464,790  280,900 

Holluiide 466,525  98,500 

Suède 200,750  Î9i*,825 

Italie 40,720  57,025 

Élate-Unis —  — 

Portugal 9,100  2J50 

ToTADX.    .    .  40,7^2,072  35,081,395 


1897 

4  7,Oi0,9.J0 

7,582,t»70 

2,521,105 

3,::)9J98 

291,481 

08,625 

59,5110 

49,425 


3<',832,:<35 


L'Espagne  a  toujours  eu  les  yeux  tournés  vers  le  Maroc,  d'où 
partirent  les  Maures  qui  la  vainquirent  jadis  et  la  soumirent 


LE  MAROC 


179 


presque  loul  entière  au  jong  de  Tlslam.  De  plus,  la  grande  proxi- 
mité de  ce  territoire,  doni  la  constitution  géologique  ot  climatérique 
est  de  tous  points  comparable  à  la  sienne  propre,  lui  fait  considé- 
rer ce  beau  pays  comme  le  prolongement  naturel  de  la  péninsule 
ibérique 

Les  Espagnols  y  possèdent  des  établissements  :  Centa,  depuis 
1580,  Melilla,  le  l*enon  de  Vêlez,  AIhuccma,  le  groupe  des  îles 
z:iffarines  qu'ils  occupèrent  en  1848  dans  le  but  d'y  supplanter  les 
Français  qui  avaient  manifesté  rintenlion  de  s'en  emparer.  Ces 


CAMPEMKNT  A   EL  ARAÏSCil   (LARACIIE  . 
l'IlOTOURAPUlK  UB  M.   G.    DANSAKRT. 


places  sont  pour  la  plupart  de  simples  forteresses  sans  importance 
commerciale,  lieux  de  déportation  pour  les  criminels  de  la  mère 
patrie  et  jadis  pour  les  révoltés  cubains  ou  philippins.  En  1859,  le 
Mîiroc  fut  très  sérieusement  menacé  par  les  Espagnols.  Le  Sultan 
s'était  rendu  coupable  d'une  violation  du  droit  des  gens  dont  la  vic- 
time était  un  agent  consulaire  espagnol.  Le  gouvernement  ne  put 
obtenir  répamtion.  Une  armée,  commandée  par  le  maréchal 
O'Dounell  s'empara  de  Tanger  puis  marcha  victorieusement  sur 
Tetuan.  Les  Anglais  intervinrent  et  rendirent  de  nul  eflet  les  avan- 
tages des  troupes  espagnoles;  ils  firent  savoir  que  l'occupation  de 
Tanger  leur  semblait  incompatible  avec  la  sécurilé  de  Gibraltar,  et 
réclamèrent  le  paiement  à  bref  délai  d'une  dette  de  plusieurs  mil- 


180  ÉTUDES  COLONIALES 

lions  (le  posetas  due  à  TAnglelerre  par  l'Espagne.  Les  Espaj::nols 
durent  faire  la  paix  avec  le  Sullan  du  Maroc  moyennantune indem- 
nité de  100  millions  de  [)esetas  garantie  par  les  douanes.  Ils  y  per- 
daient pécunièrement,  sans  préjudice  du  sang  inutilement  versé. 
Aujourd'hui  que  FEspagne  a  perdu  tout  son  empire  colonial,  la 
fierté  castillane  Irouve-ait  plus  que  jamais  son  compte  à  se  ména- 
ger au  Maroc  une  compensation  aux  récentes  avanies  qu'elle  a  dû 
supporter.  Econoniiquement.  le  Maroc  est  actiiollement  d'une 
importance  très  faible  pour  TEspagne.  Elle  n'y  ferait  probablement 
pas  ses  frais  de  conr|uète  d'occupation  et  d'administration. 

Au  cours  de  ce  siècle,  la  conquête  de  l'Algérie  mit  les  Français 
en  contact  avec  le  Maroc;  les  défaites  des  Arabes  nuisulmans  de 
l'Algérie  étaient  vivement  ressenties  par  leurs  congénères  du 
Moglireb  AI  Aska.et  la  lutte  s'engagea  sur  les  instigations  d' Ahd-Kl- 
Kadcr  entre  l'empereur  Abderrahuïan  et  les  Français,  en  1844.  La 
lutte  ne  (ut  pas  longue;  Tanger  et  Mogador  furent  bond)ardés,  le 
maréchal  Bu^^eaud  délit  les  troupes  du  Sidlan  à  Isly  et  la  paix  fut 
signée.  Il  fut  stipulé  que  la  ligne  séparative  entre  les  possessions 
françaises-algériennes  et  le  Maroc  serait  constituée  par  une  ligne 
idéale  atteignant  la  Méditerranée  à  quelques  lieues  à  i'K>t  du  cap 
d'EI  Agua,  laissant  à  l'Ouest  la  tribu  des  Beni-Snassen,  pass;«nt 
entre  les  «  hotts  I  l-Gharbi  et  Ech  Cherki,  el  rencontrant  le  grand 
déserta  hauteur  de  Figuig.  Les  deux  parties  contractantes  s'enga- 
geaient à  vivre  en  bons  voisins,  à  ne  donner  aucun  appui  aux 
rebelles  qui  chercheraient  à  fomenter  des  troubles  d'un  rôté  ou  de 
l'autre  de  la  frontière,  à  réprimer  toute  tentative  d'insurrection 
pouvant  troubler  la  paix  sur  la  zone  commune.  Les  coloniaux 
français  ont  toujours  considéré  que  la  France  avait  commis  une 
lourde  faute  en  ne  reculant  pas  jusqu'à  la  Moulouya  les  limites  de 
l'Algérie  et  en  ne  s'emparant  pas  des  Oasis  de  Figuig  et  de  Touat, 
refuge  ordinaire  des  agitateurs  politiques  et  religieux  de  cette  por- 
tion de  l'Afrique.  N'oublions  pas  que  la  Franre  vient  de  profiter 
des  circonstances  présentes  assez  lavorables  à  sa  liberté  d'action 
pour  s'emparer  du  Touat.  En  effet,  la  mission  française  de  M.  Fla- 
mend  vient  d'occuper  In-Salah,  la  principale  des  Oasis  du  Tidikclt. 
11  faut  sans  doute  y  voir  la  première  étape  vers  une  rectilication 
efiective  des  frontières  de  l'Algérie  de  ce  côté. 

Il  fut  un  temps  oii  Tanger,  le  pendant  de  Gibraltar,,  appartenait 


LE   MAUOC  181 

aux  Anglais  :  Charles  H  Tavait  reçu  en  dot  de  sa  femme,  Catlierlne 
de  Bragance. 

L'Angleterre  n'admettrait  à  aucun  prix  que  Tanger  et  le  ter- 
ritoire  environnant,  passât  aux  mains  d  une  puissance    euro- 
péenne. Albion  ne  serait  plus  seule  à  dominer  du  feu  de  ses  canons, 
l'étroit  passage  maritime  qui  unit  en  ce  point  la  Méditerranée  à 
l'Atlantique.  En  outre,  l'Angleterre  possède  sur  les  marchés  maro- 
cains une  pn^pondérance  commerciale  qu'il  ne  lui  plairait  pas  de 
voir  supprimée  par  l'effet  de  tarifs  prohibilils  et  de  droits  protec- 
teurs qui  suivraient  vraisemblement  l'occupation  du  pays  par  une 
des  nations  concurrentes.  Les  Anglais  ont  une  iniluence  considé- 
rable à  la  cour  marocaine,  qu'ils  doivent  ù  leur  habitude  d'intervenir 
de  façon  utile  pour  les  intérêts  et  l'indépendance  du  Maroc  dans 
ses  conflits  avec  les  autres  puissances  européennes.  Des  média- 
tions de  cette  nature  ont  eu  lieu  en  1844  vis-à-vis  des  Français, 
en  1859  vis-à-vis  des  Espagnols.  L'Angleterre  a  immergé  un  cable 
entre  Gibraltar  et  Tanger;  elleest  la  première  et  souvent  la  seule  à 
être  informée  rapidement  et  exactement  de  ce  qui  se  passe  dans 
l'empire  et  Ton  peut  aisément  comprendre  qu'elle  ne  se  fait  pas 
faute  de  profiter  d'un  tel  avantage.  En  1892,  l'Angleterre  envoya 
à    Fez  un  ambassadeur,  sir  C.harles  Evan   Smilh,   qui"  essaya 
d'imposer  au  Sultan,  Moul-y  Hassan,  par  une  attitude  terrori- 
sante, un  traité  qui,  s'il  eût  été  conclu,  eût  modifié  très  avanta- 
geusement la  condition  économique  du  pays  et  la  situation  des 
étrangers  au  Maroc.  Ce  projet  abolissait  les  entraves  à  l'exportation, 
établissait  les  tribunaux  mixtes,  supprimait  l'esclavage,  etc.,  etc. 
Malheureusement,  sir  Smilh  dut  se  retirer  sans  avoir  rien  obtenu. 
L'Allemagne  a  fait, sur  le  terrain  commercial,des  progrès  consi- 
dérables au  Maroc,comme  partout  ailleurs  depuis  quelques  années. 
—  C'est  en   188G  que  les  premières  marques  d'intérêt  pour  ce 
pays  se  révélèrent  dans  l'empire.  Une  expédition  commerciale  fut 
envoyée  sous  les  auspices  du  «  Centralvcrein  fur  Ilandels  géogra- 
phie ».  En  1890,  fut  fondée  une  ligne  de  navigation  «  l'AtlasIinie  » 
avec  un  départ  toutes  les  trois  semaines  de  Hambourg  vers  Tanger 
et  les  ports  marocains  de  l'Atlantique.  La  ligne  eut  un  grand 
succès;  l'exportation  par  Hambourg  était  de  4GO,oOO  kilogrammes 
en  1888;  en  1889,  de  730,600  kilogrammes;  en  1890,  elle  bon- 
dissait à  1,531,000  kilogrammes. 


182  KTtnF.S   COLONIALES 

L'Allemagne  et  I  Angleterre  sont  au  Maroc,  en  faveur  de  la  poli- 
tique de  la  porte  ouverte;  peut-cire  rAllemagne  désire-t  elle  avoir 
sur  la  côte  marocaine  un  port  où  elle  soit  chez  elle  et  divers  indices 
semblent  indiquer  quelle  espère  aboutir  à  ce  résultat.  L'Es- 
pagne et  la  France,  au  contraire,  semblent  vouloir  se  créer 
tout  au  moins  des  sphères  dlnlluences.  La  transformation  du  Maroc 
en  colonies  française  et  espagnole  avec  un  cortège  de  droits  prohi- 
bitifs et  de  tarifs  protecteurs  heurterait  trop  les  intérêts  des  deux 
premières  puissances  pour  que  de  longtemps  elle  puisse  se  réali- 
ser. D'autre  part,  tant  que  des  reformes  sérieuses  n'auront  pas  été 
imposées  au  Sultan  du  Maroc,  ce  pays  n'offrira  aux  nations  de 
l'Europe  occidentale  que  de  faibles  ressources  comme  débouché 
pour  les  produits  industriels  et  comme  fournisseur  de  denrées  ali- 
mentaires et  de  malièrcs  premières. 

La  situation  des  pavs  exportateurs  pendant  les  dix  dernières 
années  est  modifiée  au  Maroc  de  façon  désavantageuse;  le  pouvoir 
d'absorption  de  cette  contrée  a  diminué  de  quatre  millions,  soit 
26  p.  c.  La  diminution  a  clé  rcspeclivôment  pour  :  la  Grande  Bre- 
tagne, 28  p.  c.  ;  la  France,  4 1  p.  c.  ;  rAllemagne,  1 1  p.  c.  ;  l'Espagne, 
18  p.  c.  ;  la  Hollande,  l'ô  p.  c.  ;  la  Suède,  73  p.  c.  ;  les  Etats-Unis, 
100  p.  c. 

Seule  la  Bclqique  est  en  progrès,  alors  que  tous  les  autres 
pays  sont  en  décadence.  Les  exportations  belges  sont  de 
3,230,198  francs,  ce  qui  représente  une  augmentation  de 
1,637,368  francs,  soit  de  102  p.  c.  en  six  années.  M.  Victor 
Collin,  dans  son  ouvrage  :  Le^s  Intérêts  belges  et  le  Maroc, 
préconise  comme  solution  à  la  question  marocaine  la  constitution 
d'un  Etat  Indépendant  calqué  sur  l'Etat  du  Congo,  Etat  neutre, 
pacifique,  administré  par  les  Belges  avec  le  concours  d'officiers 
étrangers,  et  offrant  dans  toute  1  étendue  de  ses  territoires,  un 
traitement  commercial  égal  pour  toutes  les  nations. 

Nous  craigons  fort  que  ce  rove  ne  se  réalise  jamais  ;  la  situation 
internationale  est  bien  différente  de  celle  qui  a  rendu  possible  la 
création  de  l'Etat  Indépendant  du  Congo  ;  les  convoitises  des  puis- 
sances sont  plus  jalouses  et  plus  actives  qu  elles  ne  l'étaient  au 
centre  de  TAfrique  en  1878  et  en  1884;  d'autre  part,  les  Belges  ont 
cessé  d'être  vus  d'un  regard  indifférent  en  matière  colonialeoù  ils  se 
sont  révélés  de  rudes  jouteurs.  L'occupation  du  Maroc,  la  victoire 


LE  MAROC  183 

à  remporter  sur  le  fanatisme  musulman,  rendraient  nécessaire  une 
action  militaire  qui  cadre  mal  avec  l'organisation  intérieurede  notre 
pays  et  le  mécanisme  de  sa  vie  politique  interne. 

Pour  tous  ces  motifs  et  d autres  encoie,  nous  croyons  que  la 
Belgique  se  contentera  de  la  lutte  industrielle  et  commerciale  qui 
I)eut  lui  réserver  dans  ce  pays  de  nouveaux  succès. 

J.  P. 


— >•>    LA   <'< — 

CULTURE  DU  CAFÉ 

Exbt(a!b  de  l'ouvitade  <  Koffiecuibuut*  în  Guabemala  > 

Par  F.-W.  MORREN 

^ . 

On  peut  dire  que  le  caféier,  au  Guatemala,  est  planté  presque 
partout  et  en  tous  terrains.  11  existe  des  plantations  à  des  hauteurs 
de  500  à  5000  pieds  au-dessus  de  la  mer  ;  il  en  est  d'établies  sur  un 
magnifique  sol  forestier  où  Thumus  mesure  plusieurs  pieds  d'épais- 
seur et  repose  sur  un  mélange  de  sable  et  d'argile,  mais  il  en  existe 
aussi  à  des  endroits  où  auparavant  croissait  une  herbe  maigre  avec 
quelques  broussailles.  Naturellement,  la  vigueur  et  la  productivité 
des  plantations  varient  avec  ces  circonstances. 

Nous  allons  essayer  de  décrire  la  culture,  telle  qu'elle  est  pra- 
tiquée dans  les  meilleures  exploitations  et  les  mieux  conduiies,  en 
négligeant  les  plantations  mal  tenues  ou  insignitiantes. 

La  plupart  des  plantations  sont  situées  dans  les  vallées  méridio- 
nales de  la  chaîne  des  Andes,  dans  le  Sud-Ouest  de  la  république, 
notamment  dans  les  départements  de  Guatemala,  Amatitlan,  Saco- 
tepequez,  Solola,  Relaihuleu,  Quezaltenango  et  San  Marcos.  11  en 
existe  d'autres  dans  le  centre  du  pays,  département  d'Alta  Verapaz, 
mais  celles-ci  ont  beaucoup  moins  d'importance,  du  moins  jusqu'à 
présent.  D'après  les  dernières  nouvelles  cependant,  les  immigrants 


LA   CL'LTUIŒ   DU    CAFÉ   AU    GUATEMALA  186 

allemands  leur  auraient  donné  une  grande  extension  dans  le 
district  de  Goban. 

Dans  la  plupart  des  pays  tropicaux,  la  question  de  la  main- 
d'œuvre  est  d'une  importance  capitale,  principalement  pour  l'agri- 
culture  qui  ne  peut  la  remplacer  par  l'emploi  des  machines,  ni 
même,  dans  les  régions  accidentées,  par  celui  des  bêtes  de  somme. 
Au  Guatemala,  la  population  indigène  est  restée  clairsemée  depuis 
la  conquête,  et  ne  fournit  pas  un  nombre  de  bras  suffisant  pour  la 
mise  en  valeur  du  pays. 

11  y  a  quelques  années,  des  planteurs  ont  essayé  de  faire  venir 
des  travailleurs  de  la  Chine,  du  Japon  et  des  iles  Fidji,  mais  les  frais 
étaient  si  élevés,  et  la  mortalité  si  grande,  que  Tess  û  n'a  pas  eu  de 
suite.  Une  demande  faite  à  fln  de  recruter  à  Java  des  coolies  pour 
le  Venezuela  et  l'Amérique  centrale  a  été  naturellement  rejetée  par 
le  Gouverneur  général.  Le  gouvernement  du  Guatemala,  d'autre 
part,  a  rendu  à  peu  près  impossible  l'introduction  de  Chinois.  Il 
est  cependant  certain  que  le  gouvernement,  aussi  bien  que  les 
hommes  politiques  propriétaires  de  vastes  domaines,  ont  un  inté- 
rêt capital  à  développer  les  cultures.  L'influence  de  ce  double  in- 
térêt est  visible  dans  la  loi  sur  le  travail  qui  est  toute  en  laveur  des 
employeurs. 

Les  travailleurs  d'une  entreprise  agricole  sont  divisés  en  trois 
classes  : 

!•*  «  Colons  »  (établis  à  demeure)  ; 

2**  Trabajadores  voluntariamento  (engagés  temporaires  volon- 
taires); 

3**  Trabajadores  mandamiento  (travailleurs  commandés). 

Celui  qui  entreprend  de  nouvelles  cultures  s'efforce  d'abord  de 
recruter  des  familles  d'Indiens  pour  les  établir  sur  son  domaine, 
Cela  peut  se  faire  directement,  moyennant  une  avance  plus  ou 
moins  forte,  ou  bien  par  la  reprise  de  travailleurs  d'une  exploitation 
existante  dont  le  propriétaire,  ayant  besoin  d'argent,  cède  une  ou 
plusieurs  familles,  moyennant  le  remboursement  de  leur  avance, 
plus  un  bénéfice  autant  que  possible.  (Nous  aurions  écrit  qu'il  les 
vend,  si  la  loi  n'avait  pas  aboli  l'esclavage  ;  la  difierence  est  du  reste 
sans  importance  pour  le  mow.) 

Dès  que  le  nombre  des  «colons»  est  suffisant,  ils  forment  un  vil- 
lage indien  et  un  chef  (Alcade)  est  mis  à  leur  tête  au  nom  du  gou- 


186  ÉTUDES  COLONIALES 

vernement.  Le  traitement  qu'il  reçoit  de  TEtat  est  d'ailleurs  minime 
et  il  n'est  pas  difficile  au  planteur  de  prendre  sur  ce  chef  du  vil- 
lage une  influence  absolue. 

Les  «colons»  forment  le  noyau  du  personnel  ouvrier:  c'est 
parmi  eux  qu'on  recrute  les  «caporaux»  (inspecteurs indigènes),  et 
les  hommes  employés  à  des  travaux  spéciaux,  par  exemple  les  gar- 
diens du  bétail,  les  briquetiers  et  les  gens  de  métier  en  général. 
Il  est  très  avantageux  d'avoir  un  grand  nombre  de  familles  de 
colons  sur  sa  plantation,  mais  il  faut  leur  faire  de  fortes  avances; 
des  sommes  de  300  ou  400  dollars  ne  sont  pas  de  rares  exceptions. 
D'autre  part,  rengagement  du  colon  s'étend  à  sa  femme  et  à  ses 
enfants,  ces  derniers  restant  engagés  si  le  père  vient  à  mourir,  de 
sorte  que  le  planteur  éprouve  rarement  une  perte  totale.  Les  tra- 
vailleurs célibataires  s'engagent  souvent  moyennant  une  avance 
de  40  à  50  dollars. 

Les  «journaliers»  demeurent  dans  leur  village,  et  s'engagent 
seulement  pour  quelques  semaines  ou  quelques  mois,  principa- 
lement pour  le  temps  de  la  récolte,  mais  ils  passent  également  un 
contrat  avec  paiement  d'une  avance,  à  l'intervention  de  l'alcade.  A 
cause  du  peu  de  besoins  des  Indiens,  il  est  souvent  difficile  d'en- 
rôler un  nombre  suffisant  de  travailleurs.  Dans  ce  cas,  le  succès  de 
la  négociation  dépend  beaucoup  du  tact  de  l'administrateur,  qui 
doit  promettre  bon  traitement  et  bonne  nourriture,  peu  de  travail 
et  de  fatigues,  et  affecter  une  dignité  calme  pour  assurer  sa  répu- 
tation. Un  tel  administrateur,  qui  parcourt  lui-même  les  villages, 
sait  se  faire  bien  venir  de  l'alcade,  sans  grands  frais,  et  réussit 
presque  toujours.  On  peut  aussi  se  servir  d'intermédiaires,  de  soi- 
disant  «enrôleurs»,  mais  ce  système  est  bien  moins  recomman- 
dable.  Ces  enrôleurs  sont  généralement  en  relation  avec  des  ven- 
deurs A'aguardiente  (eau-de-vie),  et  ceux-ci  savent  forcer  leurs 
débiteurs  à  signer  des  contrats,  qui  affectent  l'avance  du  planteur 
au  paiement  de  leurs  dettes  de  boisson. 

On  obtient  naturellement  par  ce  procédé  un  grand  nombre  de 
travailleurs  dont  les  forces  et  la  santé  sont  ruinées  par  l'alcoolisme. 
Us  sont  souvent  malades,  surtout  lorsqu'ils  ne  peuvent  avoir  leur 
boisson  journalière,  et  en  somme,  coûtent  beaucoup  plus  cher  que 
ceux  qui  n'ont  jamais  fait  d'excès. 

Si  l'administrateur,  malgré  tous  ses  efforts,  n'a  pas  roussi  à 


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BRANCHE   DE  CAFÉIER. 
CUCliÉ  COMMUNIQUÉ     PAR  M.  P.  W.  MORREIf. 


188  KTLDKS   COLONIALES 

enrôler  un  nombre  suffisant  de  travailleurs  pour  sa  récolte,  il  peut 
s'adresser,  par  requête  contenant  l'exposé  des  faits,  au  chef  poli- 
tique (jefo  politico)  du  Département.  Si  ce  fonctionnaire  est  bien 
disposé  pour  le  requérant,  et  considère  les  causes  invoquées 
comme  force  majeure,  il  adresse  un  ou  plusieurs  ordres  écrits  aux 
alcades  des  villages  voisins,  pour  assister  la  plantation  en  char- 
geant un  certain  nombre  d'habitants  d'aller  y  travailler  jusqu'à  la 
fin  de  la  récolte  (Trabajadores  mundamiento).  Le  salaire  est  fixé 
par  le  Jefo  politico,  mais  il  est  calculé  au  même  taux  que  celui  des 
autres  ouvriers  de  l'entreprise. 

Le  salaire  est  pour  un  ouvrier  adulte  de  3  à  4  réaux  par  jour, 
pour  une  femme  de  2  à  3  réaux,  et  pour  les  enfants  en  raison  de  ce 
qu'ils  peuvent  fournir.  Les  travaux  sont,  autant  que  possible, 
accomplis  à  la  lâche.  Pour  autant  que  j  aie  pu  m'en  assurer  dans  les 
plantations  que  j'ai  visitées  (dont  les  propriétaires  étaient  alle- 
mands), la  journée  de  travail  n'est  pas  trop  longue.  Elle  commence 
à  6  heures  du  matin  et  finit  d'ordinaire  vers  4  heures. 

Comme  nous  l'avons  déjà  dit,  il  n'y  a  aucune  coopération  entre 
les  directeurs  de  plantations;  jamais  de  conférences  sur  le  mode 
de  culture,  d'échanges  de  vue  sur  les  travaux.  Les  planteurs  se 
voient  rarement  et  évitent  de  parler  de  ce  qui  a  rapport  à  leurs 
affaires.  Tout  au  plus,  en  longeant  ou  traversant  les  terres  des 
voisins,  remarque-l-on  superficiellement  comment  on  y  travaille 
et  avec  quels  résultats. 

Chaque  administrateur  opère  donc  isolément,  mais  il  doit  aussi 
rechercher  seul  les  meilleures  méthodes;  il  ne  s'instruit  que  par 
son  expérience  personnelle.  C'est,  il  est  vrai,  le  meilleur  des  maî- 
tres, mais  ses  leçons  durent  longtemps  et  coûtent  souvent  cher. 

C'est  pour  cette  raison  que  l'on  trouve  si  peu  d'uniformité,  et 
même  un  manque  complet  de  système  dans  les  fincas  comparées 
entre  elles.  Même  sur  une  seule  finca  on  voit  suivre  des  principes 
différents,  par  exem[)le,  pour  la  distance  observée  entre  les  caféiers 
et  pour  le  plus  ou  moins  grand  nombre  d'arbres  d'ombrage. 

Une  des  entreprises  que  je  visitai  avait  quelques  parties  plan- 
tées à  raison  de  2  pieds  sur  3  varas,  d'autres  2  sur  4,  d'autres 
encore  3  sur  3  ou^même  3  sur  4;  l'administrateur  avait  visiblement 
dû  rechercher  la  distance  de  plantation  la  plus  convenable.  11  en 
était  de^même  pour  l'ombrage  ;  une  partie  assez  étendue  n'en  avait 


LA  CULTURE  DU  CAFÉ  AU  GUATEMALA  189» 

pas  du  tout,  une  autre,  encore  plus  vaste,  présentait  des  arbres 
d'ombrage  plant^^s  assez  régulièrement,  mais  dans  les  parties  le& 
plus  récentes  de  l'exploitation  on  s'était  borné,  en  rasant  la  forêt,  à 
laisser  debout  quelques  arbres  qui  donnaient  un  ombrage  irré- 
gulier. 

Le  caféier,  à  celte  hauteur  (environ  2,500  pieds),  croît  bien  sans 
ombre  mais  paraît  moins  vigoureux. 

Les  couclies  pour  semis  sont  établies  sans  couverture  ni  om- 
brage et  rarement  arrosées,  si  ce  n'est  quand  les  jeunes  plantes 
sont  encore  très  petites  et  que  les  pluies  font  défaut  plusieurs  jours 
de  suite.  Par  contre,  les  mauvaises  herbes  sont  soigneusement 
enlevées.  La  distance  entre  les  pousses  est  ordinairement  d'un, 
quart  de  vara  (environ  21  centimètres). 

La  siluatioii  de  la  main-d'œuvre,  la  diflicu'té  de  disposer  d'ui> 
nombre  de  bras  suffisant  empêchent  de  défricher  en  un  an  de 
grandes  étendues.  D'ordinaire,  les  cafetales  sont  agrandies  de 
10  à  25  acres  par  an  ;  50  acres  constituent  une  rare  exception. 

Autant  que  possible,  on  choisit  pour  la  culture  du  café  du  terrain 
de  foret  vierge  ;  les  planteurs  disjiosent  généralement  de  nombreux 
terrains  de  ce  genre.  Le  bois  est  complètement  coupé;  les  indiens- 
paraissent  être  de  très  bons  coupeurs  de  bois.  Après  l'abattage  on 
ne  brûle  pas  le  taillis,  mais,  comme  chaque  exploitation  possède  un. 
beau  troupeau,  on  chasse  sur  le  terrain  une  centaine  de  bestiaux  ou 
davantage,  qui  dévorent  toute  la  verdure  et  écrasent  le  menu  bois. 
Les  gros  bois  qui  restent  tinalemenl  sont  amoncelés  par  rangées- 
et  complètement  pourris  au  bout  d'une  couple  d'années.  Le  bois  de 
charpente,  toutefois,  est  traîné  à  rétablissement  pour  être  scié  en 
poutres  et  en  planches. 

L'excellent  bois  de  construction  abonde.  Des  constructions 
établies  depuis  sept  ans  n'avaient  besoin  d'aucune  réparation,, 
même  au  plancher  et  aux  iondalions. 

Pour  la  transplantation  en  pleine  terre,  on  choisit  autant  que 
possible  le  commencement  de  la  saison  des  pluies,  époque  qui 
coïncide  avec  la  fin  de  la  campagne  des  sucres  ;  mais,  comme  il 
n'existe  aucune  période  de  longue  sécheresse,  on  peut  procéder 
toute  l'année  à  cette  opération.  On  ne  redoute  pas  au  Guatemala 
que  les  plants  repiqués  soient  trop  grands,  au  contraire,  on  pré- 
fère employer  des  plants  de  semis  de  l'année  précédente  qui  ont 


190  ÉTLDES   COLONJALrS 

déjà  deux  ou  trois  paires  de  branches.  Si  les  plants  sont  trop  hauts 
et  ont  perdu  leurs  branches  inférieures  pour  avoir  été  trop  serrés 
«ur  \es  couches,  ils  sont  plantés  comme  «stumps»  en  coupant  la 
tige  à  environ  6  pouces  au-dessus  du  collet  de  la  racine. 

La  transplantation  a  toujours  lieu  en  laissant  autour  des  racines 
une  motte  de  terre,  qui  forme  un  cube  d'environ  20  centimètres. 
Cette  motte  est  obtenue,  en  tirant  des  lignes  entre  les  rangées  de 
plants  avec  un  machete  bien  aiguisé  et  en  tranchant  ensuite  hori- 
zontalement à  20  centimètres  sous  la  tige. 

On  ne  fait  pas,  comme  à  Java,  avant  la  plantation  des  trous  de 
-deux  pieds  en  carré  et  d'égale  profondeur,  qui  restent  ouverts 
quelque  temps  et  sont  comblés  ensuite.  On  se  borne  à  creuser,  au 
moment  de  la  transplantation,  une  excavation  un  peu  plus  large  et 
profonde  qu'il  n'est  nécessaire  pour  contenir  la  motte  de  terre 
qui  renferme  les  racines. 

Chez  les  exploitants  soigneux,  les  jeunes  plantations  sont 
nettoyées  avec  soin  et  môme,  une  couple  de  fois  par  an,  binées 
avec  la  houe.  Pour  les  plantations  plus  âgées,  l'entretien  se  borne  à 
l'enlèvement  des  mauvaises  herbes  et  au  grand  nettoyage  après  la  lia 
de  la  récolle.  Ce  dernier  travail  consiste  à  égaliser  et  à  retourner 
superficiellement  le  sol  foulé  par  les  femmes  chargées  de  la  cueil- 
lette, et  à  enlever  des  arbres  le  bois  mort  et  les  branches  brisées. 

Les  entreprises  où  la  main-d'œuvre  fait  défaut  ne  sont  pas  en 
^tat  de  faire  des  travaux  d'entretien  sérieux.  J'ai  vu  des  plantations 
arrivées  à  maturité  où  il  n'était  pas  possible  de  pénétrer  à  cause 
des  mauvaises  herbes  hautes  et  épaisses,  existant  certainement 
-depuis  plus  d'un  an.  Le  propriétaire  n'avait  aucun  moyen  d'enrôler 
des  travailleurs  et  devait  voir  sa  récolte  périr  sur  pied.  Ce  cas 
n'est  pas  isolé;  il  existe  beaucoup  de  degrés  intermédiaires  entre 
cette  situation  et  celle  que  nous  venons  de  décrire. 

Il  n'est  question  nulle  part  d'élagage  ou  d'écimage  des  caféiers; 
j'ai  appris  que  sur  une  plantation  (celle  de  la  société  harabourgeoise 
Chocola)  des  essais  avaient  été  faits  en  vue  de  réduire  les  arbres  à 
«ne  seule  tige  par  l'enlèvement  régulier  des  rejetons,  ainsi  que  des 
tentatives  d'écimage,  mais  que  les  expériences  avaient  bientôt  pris 
tin,  parce  que  les  avantages  n'étaient  pas  en  rapport  avec  l'aug- 
mentation du  travail. 

Lorsque  Ton  plante  des  arbres  d'ombrage,  on  emploie  au  Gua- 


§s 


192  KTIDES   COLONIALES 

leraala  le  «  cochin  »,  un  arbre  indigène  à  croissance  rapide,  ayant 
un  assez  vaste  branchage  à  25  ou  30  pieds  du  sol.  D'après  mon 
opinion,  le  feuillage  est  trop  grand  et  trop  serré,  par  conséquent 
Fombre  trop  épaisse;  on  a  d'ailleurs  affirmé  que  cet  arbre  perd 
son  feuillage  presque  en  entier  au  commencement  de  la  saison 
des  pluies,  mais  pour  peu  de  temps,  de  sorte  qu'à  la  lin  des  pluies 
il  Ta  recouvré  complètement.  Le  dadap  (eiythrinae)  \ient  bien 
dans  le  pays,  mais  seulement  dans  les  fourrés;  j'ai  vu  aussi  quel- 
ques exemplaires  du  sengon  (Âlbizzia  molucana),  mais  ces  espèces 
ne  sont  pas  employées  comme  arbres  d'ombrage  dans  les  planta- 
tions. 

Le  café,  au  Guatemala,  pousse  avec  vigueur  et  abondance.  Les 
tiges  sont  fortes  avec  des  branches  vigoureuses  et  un  feuillage 
épais,  pour  peu  qu  on  ait  donné  des  soins  à  Tentretien.  Elles 
donnent  un  fort  produit  annuel  pendant  une  longue  série  d'années; 
des  plantations  âgées  de  vingt  ans  ne  donnent  encore  aucun  signe 
de  décadence.  (IJ  en  existe  de  plus  anciennes  encore,  mais  je  ne 
les  ai  pas  vues.)  On  estime  que  les  caféiers  atteignent  leur  pleine 
croissance  vers  la  septième  année,  mais  (Jéjà  la  seconde  année 
après  la  transplantation  ils  donnent  un  produit  appréciable.  Les 
arbres  adultes  livrent  certainement  plus  d'un  kilogramme  de  caré 
par  an;  il  est  reconnu  qu'une  plantation  (d'ailleurs  une  des  meil- 
leures) a  récollé  pendant  quatre  années  consécutives,  40  quintaux 
(1840  kil.)  par  monzana  (c'est-à-dire  par  1,000  arbres). 

Par  suite  de  l'insuffisance  du  nombre  des  travailleurs,  on  ne 
peut  donner  à  la  cueillette  des  baies  mûres  autant  de  soins  qu'il 
serait  désirable  au  point  de  vue  de  la  qualité  des  grains.  Un  grand 
avantage  est  que  les  arbres  sont  si  vigoureux  que  leurs  baies  ayant 
atteintla  maturité  ne  tombent^  pas  rapidement,  mais,  même  en  temps 
de  pluie,  peuvent  encore  pendre  aux  branches  pendant  huit  ou  dix 
jours.  Comme  la  première  floraison  a  lieu  au  commencement  de 
Tannée,  et  la  floraison  principale,  environ  deux  mois  après,  la 
maturation  des  fruits  a  lieu  de  même  successivement,  mais  avec 
moins  d'intervalle.  Dans  la  finca  médiocrement  dirigée,  et  où  la 
main-d'œuvre  est  rare,  la  cueillette  se  fait  au  moment  où  la  plupart 
des  Iruits  sont  mûrs,  à  la  manière  brésilienne,  telle  que  M .  van  Delden 
Laerne  l'a  décrite  aux  pages  295  et  296  de  son  ouvrage  bien 
connu,  c'est-à-dire  que  toutes  les  branches  portant  des  fruits 


LA  CULTURE  DU  CAFÉ  AU  GUATEMALA  193 

verts,  mûrs  ou  noirs  sont  arrachées  avec  les  feuilles  et  les 
rameaux,  mises  dans  des  paniers  et  portées  à  rétablissement. 
Voyons  maintenant  comment  la  récolte  se  fait  sur  les  meilleures 
exploitations,  qui  disposent  d'un  personnel  suffisant.  L'adminis- 
trateur a  pris  soin  d  avoir  des  contrats  passés  avec  des  familles 
de  travailleurs  pour  le  moment  où  commence  la  récolte,  cest-à- 
dire  la  mi-<ictobre.  Il  doit  avoir  soin  d'inscrire  chaque  contractant 
sur  un  registre  nominatif  avec  sa  femme  et  ses  enfants,  de  leur 
délivrer  un  livret  avec  le  compte  de  leur  doit  et  avoir,  et  de  tîxer 
un  jour  différent  pour  l'arrivée  des  travailleurs,  car  s'ils  arrivaient 
tous  ensemble  l'administration  serait  débordée. 

A  5  1/2  heures,  la  cloche  sonne  pour  l'appel;  les  inspecteurs 
avec  les  «  caporaux  »  s'assurent  que  tous  les  appelés  sont  pré- 
sents, ou  portés  malades,  et  à  (5  heures  commence  le  travail, 
après  recommandation  faite  aux  travailleurs  d'enlever  soigneuse- 
ment les  baies  sans  les  queues. 

A  4  heures,  ou  plus  tôt,  si  les  pluies  gênent  le  travail,  on  rap- 
porte les  baies  récoltées;  un  bac  ou  un  panier  de  dimensions 
déterminées  contient  la  quantité  exigée  de  chaque  travailleur;  la 
plupart  en  livrent  beaucoup  plus,  dans  de  petits  récipients,  et  il 
leur  en  est  tenu  compte.  Le  mesurage  se  fait  par  les  «  caporaux  »; 
.es  inspecteurs  le  surveillent  et  en  tiennent  note. 

En  général,  la  cueillette  se  fait  très  bien,  quand  l'administrateur 
sait  contrôler  comme  il  faut.  A  la  fînca  où  j'ai  assisté  à  ce  travail 
avec  beaucoup  d'intérêt,  la  manière  de  procéder  ne  laissait  pour 
ainsi  dire  rien  à  désirer.  Toutes  les  baies  étaient  mûres,  les  fruits 
verts  ou  noirs  étaient  des  exceptions  et  les  arbres  dépouillés 
avaient  peu  ou  point  souffert  par  brutalité;  il  ne  restait  nulle  part 
de  fruits  mûrs  pendant  aux  branches,  ni  de  baies  tombées  sons  les 
arbres.  En  un  mot,  la  récolte  se  faisait  avec  autant  de  soin  que  sur 
une  plantation  de  Java. 

Sur  les  meilleures  plantations,  on  cueille  trois  fois  les  fruits 
mûrs;  la  quatrième  fois  on  arrache  tout,  mûr  ou  non,  à  la-hàte, 
en  négligeant  toute  précaution,  car  le  produit  de  cette  dernière 
récolte  est  toujours  inférieur  et  ne  paierait  pas  les  soins  qu'on  y 
donnerait. 

Entre  les  deux  façons  d'opérer,  grossière  ou  soigneuse,  que 
nous  venons   d'indiquer,    il  y  a  naturellement  d'innombrables 


194  ÉTUDES  COLONIALES 

nuances,  de  sorte  qu'il  est  totalement  impossible  de  généraliser. 
Ce  sont  les  plus  grandes  entreprises  qui  travaillent  avec  le  plus 
de  soin,  bien  que  la  récolle  à  quatre  reprises  ne  soit  pas  chose 
commune.  Beaucoup  se  bornent  à  deux  cueillettes  de  fruits  mûrs, 
et  à  un  arrachage. 

La  manière  de  récolter  est  1res  certainement  une  des  causes 
des  grandes  différences  de  qualité,  ou  plutôt  de  la  rareté 
des  meilleures  espèces  sur  le  marcl)é.  Cet  état  de  choses  est 
aggravé  par  le  traitement  ultérieur  du  café.  Des  exploitations  qui 
ne  possèdent  que  quelques  centaines  ou  quelques  milliers  de 
plants  ne  peuvent  naturellement  pas  établir  d'installations  coû- 
teuses et  doivent  se  borner  à  faire  sécher  la  graine  au  soleil.  Elles 
ne  possèdent  qu'exceptionnellement  des  séchoirs  en  maçonnerie. 
Il  y  a  même  des  fincas  dont  la  production  est  grande  et  qui  con- 
servent obstinément  Tancienne  manière  de  préparer.  Mais  en 
général,  les  plantations  qui  font  du  café  leur  culture  principale, 
el  surtout  celles  qui  sont  aux  mains  des  Allemands,  possèdent  une 
installation  complète  pour  la  préparation  à  la  manière  des  Indes  occi- 
dentales, qui  ne  le  cède  pas  aux  établissements  bien  outillés  de  Java. 

L'usage  est,  à  la  différence  de  celui  de  Java,  de  laisser  le  café 
récolté,  pendant  une  nuit,  dans  un  bac  rem  pli  d'eau  et  de  ledépulper 
le  lendemain  matin.  J'ai  soigneusement  examiné  le  café  dépulpé  et 
je  n'ai  pas  pu  trouver  de  fèves  brisées  ou  détériorées.  La  seule 
espèce  de  machine  à  dépulper  que  j'ai  vue  était  celle  de  Gordon  et 
Walher.  La  fermentation  dure  seulement  24  heures;  elle  est  ter- 
minée chaque  jour  vers  midi  et  immédiatement  après  commence 
le  lavage  du  café  dépulpé  la  veille.  Dans  un  établissement,  j'ai  vu 
un  tambour  pour  le  lavage  du  cale,  qui  était  installé  dans  une 
rigole  maçonnée  assez  longue  entre  les  bacs  de  fermentation  et  de 
lavage.  Le  calé  qui  passait  par  cet  appareil,  d'ailleurs  simplement 
construit,  était  débarrassé  des  débris  de  pelure  rouge  dont  il  res- 
tait chargé  au  sortir  du  bac  de  fermentation. 

La  suite  de  la  préparation  est  absolument  semblable  à  celle  de 
Java.  La  plupart  des  bonnes  fiiicas  ont  des  bacs  de  séchage 
maçonnés  et  plâtrés;  on  ne  connaît  pas  les  toitures  mobiles  pour 
ces  bacs;  le  soir  ou  à  l'approche  de  la  pluie,  on  réunit  le  café 
séché  en  monceaux  et  on  le  couvre  de  toile  à  voile,  goudronnée 
ou  rendue  autrement  imperméable. 


LA  CULTURE  DU  CAFÉ  AU  GUATEMALA  195- 

11  est  à  remarquer  que  le  café  n'est  pas  séché  de  manière  à 
devenir  très  dur;  il  reste  toujours  un  peu  mou,  de  sorle  qu'on- 
peut  le  rayer  avec  l'ongle.  Sur  mon  information,  on  m'a  déclaré 
que  rexpérienee  avait  démontré  qu'une  dessiccation  complète- 
n'ctait  pas  nécessaire  pour  conserver  la  qualité  du  café  de  Guate- 
mala. 

Comme  la  récolte  commence  deux  ou  trois  semaines  avant  la 
fin  de  la  saison  des  pluies,  il  est  parfois  nécessaire  de  recourir  au^ 
séchage  artificiel.  Quelques  grandes  plantations  possèdent  un 
appareil  Guardiola  qui  est  très  suffisant  là  où  l'on  dispose  d'une- 
force  hydraulique.  La  capacité  est  de  40  picols  de  café  séché  par 
24  heures. 

Pour  l'enlèvement  de  la  parche,  la  machine  du  Crusonwerke, 
sjstème  Andersen,  est  en  usage  chez  quelques  planteurs  alle- 
mands. C'est  une  machine  excellente  et  solide,  mais  assez  coû- 
teuse. 

Le  transport  du  café  vers  les  stations  du  chemin  de  fer  (ou 
quelquefois  directement  vers  le  port  d'Ocos)  se  fait  par  les  moyens 
dont  dispose  le  planteur  lui-même.  A  défaut  de  chemins  prati- 
cables pour  les  chariots,  on  se  sert  quelquefois  de  mules;  mais  ce 
moyen  est  plus  coûteux  que  le  transport  par  charrettes,  malgré  les 
nombreuses  réparations  que  demandent  ces  dernières. 

Dans  tous  les  cas,  il  est  nécessaire  que  toute  plantation  possède 
do  vastes  étables,  soit  pour  les  mules,  soit  pour  les  bœufs  de 
trait. 

Les  tarifs  du  chemin  de  fer  sont  très  élevés.  De  rexlrémité  de  la 
ligne  au  port  de  San-José  de  Guatemala  on  paie  0,90  dollar  par 
quintal  de 46  kilogrammes.  La  ligne  de  Relalhulen  au  port  deCham- 
perico  demande  un  peu  moins  :  0,î)5  dollars  par  quintal  rendu  à. 
bord. 

Le  droit  de  douane  à  l'exportation  s  élève  depuis  Tannée  der- 
nière à  i  dollar  par  quintal  (auparavant,  3  d.),  et  le  fret  pour 
Hambourg  à  3  dollars  par  1,000  kilogrammes,  avec  peu  de  fluc- 
tuations. 

En  comparaison  avec  Java,  la  culture  du  café  au  Guatemala* 
souffre  de  salaires  élevés,  d'un  droit  de  douane  plus  fort  et  de- 
lourds  frais  de  transport,  ainsi  que  des  difficultés  et  des  frais  con- 
sidérables nécessités  par  le  recrutement  des  travailleurs. 


i96  ÉTUDES   COLONIALES 

Par  contre,  elle  possède  d'énormes  avantages  :  une  production 
annuelle  au  moins  quatre  fois  plus  forte,  une  situation  méléorolo- 
gique  constante,  qui  empf^che  la  perte  totale  de  la  récolte,  et 
^nlin  l'absence  de  toute  maladie  épidémique  et  parasitaire. 

En  dehors  du  droit  de  sortie  et  d'une  très  légère  taxe  pour 
l'entretien  des  chemins,  il  n'existe  pas  d'impôt  direct. 

En  outre,  ce  pays  bien  arrosé  offre,  sur  presque  toutes  les 
plantations,  d'abondants  cours  d'eau  pouvant  servir  de  force 
motrice.  Sur  un  des  domaines  que  j  ai  vus,  il  y  avait  deux  turbines, 
respectivement  de  iO  et  de  15  chevaux,  et  l'on  aurait  pu  facilement 
^n  doubler  le  nombre  et  la  puissance. 

J.  B. 


LES 


Grapcl^    Ré^epvoip^    du    Nil 


Le  train  de  nuit,  parti  le  soir  du  Caire,  nous  débarque 
au  petit  jour  à  Assioût.  La  ville  arabe  se  masse,  à  droite 
de  la  voie,  jusqu'aux  assises  des  collines  de  la  chaîne  lybienne, 
percées  d'hypogées.  A  gauche,  c'est  une  ville  moderne, 
qui  a  surgi  sur  la  rive  du  Nil,  faite  de  constructions  hâtives  en 
pisé  ou  en  tôle  gondolée.  Des  rails  rayent  le  désert  en  tous  sens, 
parcourus  par  de  petites  locomotives  Decauville  qui  se  pressent, 
charriant  des  files  interminables  de  wagonnets  chargés  de  terre. 
Puis,  lorsqu'on  se  rapproche  du  Nil,  un  spectacle  fantastique 
apparaît  :  celui  d'une  fourmilière  humaine,  des  grappes  d'ouvriers 
noirs  s'agitant  dans  le  lit  du  fleuve,  dont  on  a  un  peu  détourné  le 
cour3,  travaillant  à  édifier  la  digue  qui  doit  devenir  le  grand 
barrage  d'Assioût, 

Nous  sommes  en  présence  de  l'un  de  ces  deux  gigantesques 
travaux,  entrepris  par  les  Anglais,  pour  améliorer  le  légime  des 
irrigations  en  Egypte.  L'autre,  dont  nous  parlerons  plus  loin,  est 
le  grand  réservoir  d'Assouan. 

On  sait  que  la  prospérité  de  l'Egypte  entière  dépend  du  Nil; 
sans  lui,  et  sans  ses  inondations  tertilisatrices,  elle]ne]serait  qu'un 
vaste  désert,  et  le  mot  d'Hérodote  reste  toujours  vrai  :  «  L'Egypte 
est  un  présent  du  Nil.  »  De  là  vient  le  caractère  divin  prêté  au 
fleuve  dès  l'antiquité,  et  dont  le  souvenir  se  perpétue  encore 
aujourd'hui  dans  une  multitude  de  coutumes  locales.  Si  la  crue 
annuelle  est  abondante,  une  plus  grande  quantité  des  [terres  est 
arrosée,  le  limon  bienfaisant  se  dépose  plus  loin,  la  récolte  en  est 
augmentée,    et,    nécessairement,    le    rendement   de  l'impôt  et 

5 


198 


ETUDES   COLONIALES 


réquilibre  du  budget  s'en  ressentent.  Faute  de  crue,  comme  ce  fut 
le  cas  cette  année,  le  sable  reste  sable  et  la  famine  menace.  Aussi, 
tous  les  efforts  de  ceux  qui  ont  régné  sur  TÉgyple  se  sont-ils 
portés  sur  le  développement  de  son  système  d*irrigations. 
D'innombrables  canaux  ont  été  creusés,  qui  s'amorcent  au  Nil  et 
amènent  l'eau  jusqu'à  plusieurs  kilomètres  de  sa  rive.  Le  vieux 


LES   TRAVAUX    DU    BARRAGE    D  ASSIOUT. 
CI.ICHÉ    1)1::   M.   G.   UKIGODE. 


fleuve  lui-même  semble  vouloir  multiplier  son" action  bienfaisante 
et  se  divise,  dans  le  Delta,  en  une  infinité  de  branches  qui  rendent 
cette  région  l'une  des  plus  fertiles  du  monde.  Ainsi  le  système 
hydrographique  du  Nil,  privé  d'alïluents,  se  dispose-t-il  comme  un 
éventail,  mais  dont  les  rayons,  à  l'inverse  des  autres  fleuves,  con- 
vergent vers  sa  source,  et  non  vers  son  embouchure. 

Pour  augmenter  l'étendue  des  terres  arrosées,  on  a  songé,  de 
bonne  heure  à  retenir  les  eaux  dans  des  réservoirs  ou  par  des 
digues,  et,  dès  le  début  de  ce  siècle,  on  commença  les  travaux  du 
grand  barrage  situé  entre  le  Caire  et  la  mer,  à  l'intersection  des 
deux  branches  principales  du  Nil  qui  forment  le  Delta.  Ce  barrage 


LES  GRANDS   RÉSERVOIUS   DU   NIL 


199 


élève  de  4  mèlres  le  niveau  des  eaux  en  amont,  du  côté  du  Caire, 
et  les  force  à  pénétrer  dans  les  canaux  qui  les  disséminent  dans 
toutes  les  régions  de  la  Basse-Egypte. 

L'effet  utile  de  celte  retenue  des  eaux  ne  se  faisait  pas  sentir 
assez  loin,  et  était  nul  pour  la  Haute-Egypte.  C'est  ce  qui  décida 
les  Anglais,  lorsqu'ils  vinrent  occuper  le  pays,  en  1882,  par  une 


LE   ML   AU    MOMENT   DE   S'ENGAGER   DANS   LA   DEUXIÈME   CATARACTE. 
CUCUÉ  DE  M.   G.   BRIOODE. 


fiction  qui  a  revêtu  aujourd'hui  tous  les  caractères  d'une  situation 
(le  droit,  à  construire  des  ouvrages  analogues  dans  TÉgypte  supé- 
rieure. Les  projets  d'alors  sont  aujourd'hui  en  voie  de  réalisation  : 
ils  ont  abouti  à  la  création  des  deux  grands  réservoirs  ou  barrages 
(i'Assouan  et  d'Assiout,  dont  nous  nous  occupons  ici. 

Les  ouvrages  entrepris  à  Assiout,  c'est-à-dire  à  400  kilomètres 
en  amont  du  Caire,  constitueront  surtout  un  barrage.  On  y 
construit  en  travers  du  Nil,  une  digue  énorme  qui  n'emmagasinera 
pas  les  eaux,  mais  en  élèvera  seulement  le  niveau  pour  les  chasser 
dans  le  canal  Ibrahimieh,  lequel  irrigue  toute  la  Moyennc-Iîgyple. 
On  saisit  immédiatement  l'intérêt  de  ce  travail.  Désormais,  il 


200  ÉTUDES   COLONIALES 

importera  assez  peu  que  la  crue  soit  ou  non  abondante,  puisque 
les  réservoirs  d'Assouan  auront  emmagasiné  les  eaux  de  Tannée 
pri^cédente  et  les  laisseront'  s'écouler,  au  gré  de  {Irrigation 
Department^  vers  le  barrage  d'Assiout,  qui  se  chargera  de  les 
refouler  vers  l'intérieur  des  terres.  La  première  des  photographies 
que  nous  reproduisons  ici  représente  une  partie  des  travaux  de 
terrassement  d'Assiout.  Nous  avons  eu  le  plaisir  d'y  retrouver, 
parmi  les  ingénieurs  qui  forment  Tétat-major  de  cette  petite 
armée,  un  jeune  ingénieur,  Belge  au  moins  par  ses  études, 
M.  Caratheodory,  fils  du  distingué  Ministre  de  Turquie  à 
Bruxelles.  Les  travaux,  commencés  à  la  fin  de  Tannée  1898  sont 
déjà  très  avancés  et  seront  probablement  terminés  à  la  date  fixée, 
le  13  juillet  1903. 

Le  Puritan,  de  ÏAnglo- American  LinCy  nous  conduit  d'Assiout  à 
Assouan,  c'est-à-dire  540  kilomètres  plus  au  Sud  du  Caire,  où  les 
travaux  entrepris  sont  plus  importants  encore.  La  digue  d'Assouan, 
qui  formera  un  véritable  réservoir,  mesure  2  kilomètres  de  lon- 
gueur environ,  sur  une  épaisseur  variant  entre  8  mètres  à  la  crête 
et  23  mètres  à  la  base.  Elle  est  à  cheval  pour  ainsi  dire  sur  la 
première  cataracte,  et  son  but  est  de  remplacer  celle-ci.  Il  est,  en 
effet,  universellement  reconnu  aujourd'hui  que  les  cataractes,  qui 
ne  sont  plus  guère  que  des  rapides,  constituaient  jadis  de 
véritables  remparts  qui  se  sont  peu  à  peu  eflrités  sous  l'action 
de  Teau.  Ces  remparts  naturels  formaient  d'immenses  réservoirs, 
d'où  Teau  se  répandait  dans  les  régions  voisines.  La  disparition 
progressive  de  ces  digues  expliquerait  pourquoi  la  superficie 
cultivée  de  l'Egypte  est  moindre  aujourd'hui  que  dans  l'antiquité, 
et  c'est  pour  rétablir  artificiellement  ces  digues  que  Ton  a  com- 
mencé la  construction  du  grand  réservoir  d'Assouan.  Environ 
3,000  ouvriers  y  travaillent,  tous  indigènes,  sauf  quelques  cen- 
taines d'ouvriers  italiens,  employés  surtout  à  la  taille  des 
pierres. 

Le  spectacle  de  cette  multitude  humaine,  s'agitant  dans  le  décor 
grandiose  et  désolé  de  la  cataracte,  sous  un  soleil  de  feu,  comme 
une  fourmilière  dans  laquelle  on  aurait  donné  un  coup  de  canne, 
est  vraiment  impressionnant,  et  Ton  songe  à  ces  autres  travaux 
colossaux  exécutés  jadis,  près  d'ici,  par  cette  même  race  docile  et 
laborieuse  des   Fellahs,  pour  satisftiire  les  fantaisies   de  leurs 


LES   GRANDS   RKSERVOIIIS    DLML  201 

Pharaons  d'alors,  moins  utilitaires  et  pratiques  que  ceux  d'au- 
jourd'hui. 

La  digue  d'Assouan  retiendra  les  eaux  à  une  hauteur  supérieure 
de  20  mètres  au  niveau  normal  de  Tété,  et  la  masse  des  eaux  ainsi 
retenues  s'élèvera  à  4  milliard  65  millions  de  mètres  cubes. 
D'après  le  projet  primitif,  les  proportions  du  réservoir  devaient 
être  plus  grandioses  encore,  mais  l'île  de  Philae,  située  un  peu  en 
îimont  de  la  cataracte,  et  qui  contient  les  plus  délicieux  spécimens 
de  l'architecture  gréco-égyptienne,  eût  été  submergée,  et,  chose 
admirable  autant  que  rare,  les  ingénieurs  se  sont  inclinés  devant 
les  protestations  des  artistes.  La  seconde  photographie  prise  de 
l'île  de  Philae,  donne  la  perspective  du  Nil  au  moment  où  il  va 
s'engager  dans  la  cataracte.  La  digue  terminée,  une  grande  partie 
des  rives  sera  submergée  et  fera  place  à  une  colossale  Gileppe. 

La  dépense  totale  de  res  vastes  travaux  s'élèvera  à  2  millions  de 
livres  au  moins,  répartie  comme  suit  :  barrage  et  écluse  d'Assouan, 
1,400,000  livres;  barrage  et  écluse  d'Assioût,  425,000  livres; 
canal  Ibrahimieh, 85,000 livres;  travaux  accessoires,  90,000  livres. 
Le  budget  égyptien  aurait  quelque  peine  à  supporter  la  charge  de 
dépenses  aussi  considérables,  si  le  Département  des  finances  n'avait 
trouvé  une  combinaison  ingénieuse,  grâce  à  laquelle  l'État  ne 
payera  l'entreprise  que  lorsque  les  travaux  seront  termint^s,  et 
lorsqu'il  bénéficiera  déjà,  par  conséquent,  de  la  plus  value 
certaine  que  procurera  au  pays  cette  amélioration  du  régime  des 
eaux  (1).  L'entreprise  a  été  confiée  a  une  importante  firme  anglaise, 
M.M.  John  Aird  et  C°,  et,  d'après  le  contrat  passé  avec  elle, -le 
gouvernement  se  libérera  par  des  versements  semestriels  de 
78,613  livres,  pendant  une  période  de  trente  ans  à  partir  du 
1*'  juillet  1903.  Quant  aux  résultats  pratiques  que  l'on  espère 
relirer  de  ces  travaux,  Sir  William  Garstin  estime,  qu'après  leur 
achèvement,  par  suite  de  l'accroissement  de  la  superficie  cultivée, 
la  valeur  delà  récolte  annuelle  sera  augmenté  de  plus  de  2  millions 
de  livres  et  que  le  profit  direct  du  gouvernement  sera  d'environ 


(I:  V.  Reports  on  Egypt,  de  Lord  Chômer  {Pari,  papcn^j   IHyj.  c.  î)i>.Th  cl  Recueil 
consulaire,  (Rapport  de  M.  Maskëns,  1KL)9.; 


Î02  ÉTUDES   COLONIALES 

380,000  livres  par  an.  Lord  Cromer  considère  ces  évaluations 
comme  beaucoup  trop  modestes. 

Ces  travaux  marqueront  parmi  les  entreprises  de  travaux 
publics  les  plus  considérables  de  ce  siècle,  et  ils  contribueront 
singulièrement  à  la  formation  de  cette  Egypte  Nouvelle,  que  les 
Anglais  se  flattent  d'avoir  fait  naître. 

E.  Cauton  dk  Wiart. 


¥ 


rsTo;   LE  ^cy^^ 


Caoutcl)ouc  daps  FÉtat  du  Conqo 

ET  ni  lâMlxlil 


RAPPORT  DU   COMITÉ   COLONIAL   ALLEMAND 

Dans  le  courant  de  l'année  dernière,  le  Kolonial  WirthschafUiche  Koniitee  a  envoyé 
dans  TEtat  du  Congo  une  mission,  à  la  tête  de  laquelle  se  trouvait  M.  Schiechter,  chargée 
d'étudier  la  production  du  caoutchouc  dans  ce  pays  et  Tintroduction  éventuelle  de 
certaines  espèces  au  Kamerun.  Ce  fait  inU^ressant  est  resté  presque  inaperçu  en  Belgique. 
La  lettre  ci-dessous  de  M.  Schlecliter«  publiée  par  le  Tropenpflanzery  contient  des  rensei- 
gnements dignes  d'attention.  Elle  est  datée  du  9  août  1890,  de  Bonga,  ù  l'embouchure 
de  la  Sanga. 

Ma  dernière  communication  date  du  31  mai.  Deux  jours  après 
je  partis  avec  mes  porteurs  pour  examiner  les  plaines  sablonneuses 
voisines  du  Slanley-Pool,  entre  Dolo  et  Kimuenza,  où  croît  en 
abondance  une  espèce  de  caoutchouc  herbacé.  (1)  Je  trouvai  cette 
plante  en  grande  quantité.  Mes  gens  me  dirent  que  Ion  ne 
Texploitait  pas  ici,  mais  bien  dans  le  Kvvango,  que  cette  plante 
(évidemment  celle  que  le  Tropenpflanzer  a  reproduite  sous  le  nom 
de  Carpodimis  lanceolatus)  était  une  variété  mâle,  tandis  que  la 
variété  femelle,  qui  donne  le  véritable  caoutchouc,  croissait  au 
Kwango.  J'ai  fait  pendant  trois  jours  les  recherches  les  plus 
diverses  sur  les  racines,  mais  je  n'ai  obtenu  qu'un  produit  très 
poisseux,  qui  pourrait  soutenir  la  concurrence  avec  celui  de  cer- 
taines espèces  de  Ficus.  J'ai  naturellement  recueilli  des  exemplaires 
de  la  plante,  que  je  vous  enverrai  plus  tard. 

Voyant  qu'il  était  inutile  de  m'arrêler  plus  longtemps,  je  me 


(1)  Dans  le  texte  allemand  :  IVurzelkauUchuk  (caoutchouc  des  racines). 


20i  ÉTUDES  COLONIALES 

rendis  à  Léopoldville,  où  je  fis  des  essais  sur  le  latex  de  plusieurs 
espèces  de  Ficus,  qui  ne  me  donnèrent  que  la  niasse  poisseuse 
que  Ton  connaît.  J  ai  soumis  le  latex  des  espèces  les  plus  produc- 
tives à  la  méthode  centrifuge,  mais  j'ai  constaté  que  cette  méthode 
ne  produisait  pas  le  moindre  changement. 

Je  m'informai  auprès  de  gens  qui  connaissaient  bien  les  environs 
de  Léopoldville,  si  le  caoutchouc  des  herbes  était  exploité  quelque 
part,  et  j  appris  que  cela  ne  se  faisait  que  dans  Tintérieur  du 
Kwango.  Toutes  les  autres  opinions  qui  ont  été  publiées  là-dessus 
reposent  visiblement  sur  de  fausses  données.  Dans  le  voisinage  de 
Léopoldville,  c'est-à-dire  jusqu'à  8  ou  même  14  journées  de 
marche,  ce  caoutchouc  n'est  pas  utilisé.  Le  temps  et  les  moyens 
me  faisaient  défaut  pour  un  voyage  au  Kwango.  Tandis  que  j'atten- 
dais à  Léopoldville  une  occasion  de  remonter  le  Congo,  je  lis  la 
connaissance  d'un  M.  Petermann,  qui  est  établi  dans  le  district  du 
Kwango.  Il  me  dit  aussi  que  le  Cai^odinus  était  la  plante  mâle  et 
ne  donnait  pas  de  caoutchouc.  Les  terrains  où  le  véritable  caout- 
chouc herbacé  se  récolte  seraient  les  mêmes  au  Kwango  que  près 
de  Léopoldville,  c'est-à-dire  des  plaines  très  sablonneuses,  enso- 
leillées, avec  une  végétation  herbacée  d'à  peine  un  pied  de  haut. 

On  ne  connaîtrait  qu'une  espèce  qui  donne  du  caoutchouc,  et 
qui  se  trouve  d'ailleui's  en  abondance.  II  me  promit  aussi  de 
ni'envoyer  une  caisse  de  graines,  dès  que  les  fruits  seraient  mûrs. 
Comme  je  l'ai  déjà  écrit  dans  mon  dernier  rapport,  je  tiens  pour 
démontré  que  le  caoutciiouc  des  iierbes  ne  convient  à  aucune  loca- 
lilé  du  Kamerun  ;  de  petites  expériences  de  culture  peuvent  seules 
démontrer  s'il  convient  au  Damaraland.  L'introduction  des  plantes 
devrait  avoir  lieu  au  moyen  de  graines,  et  non  au  moyen  de  bou- 
tures qui,  une  fois  tirées  de  la  terre,  se  dessèchent  très  rapide- 
ment. 

Le  22  juin,  le  vapeur  «  Hainaut  »  quitta  Léopoldville.  Je  me  fis 
conduire  à  TEquateur  (Coquilhatville),  où  je  rencontrai  l'^c  Ire  » 
(Rickxia). 

Le  séjour  à  Coquilhatville  et  les  excursions  aux  environs  furent 
des  plus  intéressants.  D'abord  j'y  trouvai  la  célèbre  plante  Bossanga, 
qui  s'appelle  cliez  les  indigènes  «  Bassasanga  »  et  chez  les  Bobangi 
«  Bokako  »,  et  je  pus  constater  que  c'est  une  espèce  de  Costus,  qui 
est  aussi  très  commune  dans  les  plantations  du  Kamerun.  Je  l'avais 


LE  CAOUTCHOUC  DANS   l'ÉTAT   DU    CONGO   ET   LE   KAMERUN  204>- 

déjà  soupçonné  et  j'avais  attiré  l'attention  des  directeurs  des  plan- 
tations au  Kamerun  sur  cette  plante  et  sa  valeur,  en  en  conseil- 
lant Taménageinent.  J'enverrai  une  bouteille  de  son  suc  pour 
Texamen  chimique. 

Dans  les  plantations  étendues  de  Léopoldville,  on  s'est  aussi 
occupé  de  la  question  des  cultures  de  caoutcliouc.  Quelques  dou- 
zaines de  pieds  de  Manihot  Glaziovii  avaient  été  plantés  récemment, 
avec  le  même  succès  qu'au  Kamerun.  Le  latex  est  bon,  mais  il  no 
coule  pas  assez  abondamment.  A  Léopoldville,  où  il  existe  aussi 
quelques  exemplaires  du  Manihot  dans  dos  plantations,  j'ai  fait 
recueillir  par  mes  gens  2,000  graines,  pour  les  semer  plus  tard  au 
Kamerun  dans  un  endroit  approprié,  et  les  laisser  à  elles-mêmes, 
(l'est  ainsi  qu'il  faut  traiter  le  Manihot;  comme  la  plante  se  multi- 
plie et  s'étend  rapidement,  on  peut  l'abandonner  à  l'état  sauvage. 

Je  trouvai  eniin  à  Coquilliatville  le  Kickxia  et  je  vis  que  ce  n'était 
pas  le  Kickxia  africana  Benth,  mais  évidemment  l'espace  décrite 
par  Stapf  en  novembre  1898  sous  le  nom  de  Kickxia  latifolia.  qui 
malgré  toutes  les  expériences  ne  donne  pas  de  caoutchouc,  mais  la 
même  masse  poisseuse  que  le  faux  Kickxia  du  Kamerun.  J'en 
enverrai  également  des  exemplaires  séchés.  Il  est  intéressant  de 
constater  qu'à  Coquilhatville  on  en  a  planté  près  de  8,000  pieds, 
dans  la  conviction  que  c'était  le  bon  Kickxia  à  caoutchouc.  Il  y 
avait  aussi  un  très  petit  exemplaire  de  CastiUoa  elastiea;  c'est  le 
seul  que  jai  vu. 

On  commence  aussi  à  planter  les  Landolphias,  surtout  dans  les 
forêts  marécageuses  où  rien  d'autre  ne  pousse,  ainsi  que  l'IIevea 
du  Brt^sil,  qui  paraît  d'ailleurs  donner  de  meilleurs  résultats  dans 
les  terrains  inondables  du  Congo  qu'au  Kamerun. 

En  ce  qui  concerne  le  mode  d'exploitation  des  Landolphias,  j'ai 
réussi  à  me  procurer  quelques  renseignements  certains.  Tout  le 
caoutchouc  du  Congo  vient  de  l'intérieur,  souvent  à  deux  ou  trois 
semaines  de  la  rive.  Sur  le  Congo  même  on  trouve  à  peine  un 
Landolphia,  qui  ne  donne  pas  do  gomme.  Je  n'ai  eu  qu'une  fois 
l'occasion  d'être  témoin  oculaire  de  l'extraction,  le  commissaire  de 
Coquilhatville  ne  ra'ayant  pas  permis  de  pénétrer  à  l'intérieur,  à 
cause  de  la  situation  momentanément  troublée.  Quand  une  liane  à 
caoutchouc  de  dimensions  convenables  a  été  trouvée,  on  la  détache 
des  arbres  et  on  l'étcnd  sur  le  sol.  Les  tiges  et  les  branches  les 


^OO  filUDKS   COLONIALES 

plus  Ibrtes  sont  soutenues  horizonlalement  à  environ  un  mètre  de 
terre  sur  des  pi'|uets,  et  la  saignée  commence.  A  la  distance  de 
1  pied  ou  i  1/2  pied  sont  pratiquées  des  incisions  sur  la  moitié  de 
récorce,  et  sous  ciiacune  est  suspendu  un  petit  vase  où  le  latex 
s'amasse.  Après  24  heures  ces  récipients  sont  vidés  dans  un  plus 
grand  et  le  caoutchouc  est  porté  au  poste  voisin.  Là  il  est  soumis  à 
la  coagulation  par  la  cuisson,  avec  ou  sans  mélange  de  suc  de  Bos- 
sanga.  Après  que  la  masse  coagulée  a  été  convenablement  pétrie, 
elle  est  étirée  en  forme  de  boudin  et  le  jour  suivant  coupée  en 
morceaux,  qui  ressemblent  en  forme  et  en  grosseur  à  un  quartier 
<le  pomme  de  dimension  moyenne,  coupée  suivant  son  diamètre. 
Ces  morceaux  sont  mis  à  sécher  pendant  deux  mois,  et  seulement 
alors  emballes  dans  des  sacs  de  cuir. 

D'après  ce  qui  précède,  il  me  semble  que  tout  le  secret  de  la 
qualité  du  caoutchouc  du  Congo  consiste  dans  sa  dessiccation  par- 
faite. Par  le  pétrissage  après  la  coagulation  et  par  Tétirement  en 
forme  de  boudin,  la  plus  grande  partie  de  Teau  est  expulsée  ;  par 
la  division  en  morceaux  et  par  le  long  séchage,  le  resle  de  l'hunii- 
<lifé  est  complètement  éliminé.  Des  expériences  ultérieures  devront 
établir  quelle  est  l'influence  du  suc  acide  de  la  Bossanga  sur  la  qua- 
lité du  caoutchouc. 

Jai  examiné  également  toutes  les  espèces  de  Ficus  que  j'ai 
rencontrées,  mais  je  n'ai  jamais  trouvé  que  la  même  matière  pois- 
seuse comme  résultat  de  mes  expériences. 

Post'Scriptimi,  Il  est  arrivé  récemment  une  courte  lettre  de 
Banana,  datée  du  29  novembre,  d'où  il  résulte  que  M.  Schlechtera 
achevé  son  voyage  au  Congo  en  bonne  santé  et  avec  succès.  Il 
retournait  au  Kamerun  avec  environ  400,000  graines  de  Kickxia, 
1,000  fruits  de  caoutchouc  herbacé  et  250  graines  d'un  Landolphia. 
qui  donne  un  caoutchouc  excellent.  Il  écrit  :  «  Le  Kickxia  est  une 
plante  d'une  valeur  colossale.  On  doit  féliciter  la  société  du  Sud- 
Kamerun  ;  le  territoire  sud- est  de  cette  société  est  très  riche  en 
caoutchouc,  c'est  l'endroit  le  plus  fertile  en  caoutchouc  que  j'aie  vu 
en  Afrique,  peut-ôtre  plus  riche  que  les  célèbres  districts  à  caout- 
chouc du  Congo.  I) 

Le  docteur  Schulte  im  Hofe,  qui  a  été  chargé  par  le  Kolonial- 
Wirtltschaftliche  Komitee  d'étudier  la  culture  de  la  ramie  au 
Kamerun,  a  emporté  également  dans  cette  colonie  une  caisse  Ward 


LE   CAOUTCHOUC   DANS    l'ÉTAT   DU    CONCO   ET    DE    KVMERUN  2(»7 

contenant  des  plantes  obtenues  à  rEtablissemcnt  botanique  central 
pour  les  colonies,  à  Berlin,  de  graines  que  le  D'  Preuss  avait 
envoyées  de  l'Amérique  centrale.  On  est  heureux  de  pouvoir 
annoncer  que  les  dix  vigoureux  exemplaires  de  CastiUoa  elastica 
sont  bien  venus  et  bien  enracinés;  cette  espèce  importante  et 
particulièrement  appropriée  pour  la  culture  au  Kamerun  n'existait 
pas  encore  dans  cette  colonie.  Il  finit  mentionner  aussi  l'augmen- 
tation du  nombre,  jusqu'ici  très  restreint,  des  Hevea  existant  au 
jardin  botanique  de  Victoria,  au  moyen  de  jeunes  plantes  vigou- 
reuses. 

La  plantation  du  Kamerun  qui  s'est  le  plus  énergiquement  con- 
sacrée à  la  culture  des  plantes  îi  caoutchouc,  est  celle  de  Moliwe, 
qui,  sur  le  conseil  du  professeur  Warburg,  entreprend  cette  cniturc 
sur  une  grande  échelle.  Jusqu'au  30  octobre  1899,  10  hectares 
avaient  élé  plantés  de  3,125  jeunes  arbres,  dont  G  1/4  en  Kickxia 
de  Lagos,  à  la  distance  de  5  mètres,  et  3  3/4  en  Ficus  divers,  géné- 
ralement des  Ficiis  elastica,  à  intervalles  de  8  mètres.  En  outre, 
on  attendait  au  commencement  de  décembre  des  fruits  mûrs 
du  véritable  Kickxia  de  Kamerun.  Les  exemplaires  d'ilevea  du 
jardin  botanique  de  Kamerun  ne  sont  d'ailleurs  pas  assez  grands 
pour  donner  des  boutures,  de  sorte  qu'à  Moliwe  on  n'a  pu  encore 
planter  que  deux  jeunes  Hevea  et  deux  jeunes  Castilloa.  On  a 
d'ailleurs  fait  déjà  des  démarches  pour  obtenir  directement  des 
graines  d'Hevea  de  l'Amérique  méridionale.  De  même  Ton  entre- 
prendra l'importation  en  grand  du  Castilloa  de  l'Amérique  centrale, 
ce  qui  ne  paraît  pas  devoir  présenter  de  difficultés,  car  un  envoi 
de  400  graines  de  Castilloa,  fait  au  milieu  de  novembre,  de 
Guayaquil  dans  l'Equateur  par  le  D'  Preuss,  est  arrivé  à  Berlin, 
après  un  voyage  de  42  jours,  en  excellent  état  de  germination.  Le 
D'  Preuss  a  élé  également  prié  d'envoyer  de  l'Equateur  des  graines 
d'une  espèce  de  Sapium  qui  donne  un  très  bon  cyoutchouc. 

ËnOn  il  faut  signaler  l'introduction  de  graines  de  Landolphia, 
de  Kickxia  et  de  caoutchouc  herbacé  de  l'Etat  du  Congo  par 
M.  Schlechter  (voir  ci-dessus).  On  espère  qu'elles  réussiront  aussi 
bien  au  Kamerun  que  les  graines  de  Kickxia  et  les  plants  de  Ficus 
introduits  de  Lagos  par  le  môme  explorateur. 

(Tropeiipflnnzer.) 


RAPPORT 


LES  COLONIES  FRANÇAISES 


M.  Auslin  Lee  vient 
de  faire  paraître  dans 
les  ( l)iplo7natic  and  Con- 
sular  reports)  une  élude 
fort  complète  sur  les  co- 
lonies françaises.  L  e 
rapport  a  été  publié  en 
janvier  1900;  il  contient 
une  foule  de  renseigne- 
ments du  plus  haut  inté- 
rêt pour  les  commer- 
çants et  industriels  qui 
désireraient  nouer  des 
relations  commerciales 
aux  colonies  françaises; 
ils  y  trouveront  I  enumération  des  marchandises  demandées  par  les 
indigènes  ainsi  que  l'indication  des  produits  qui  peuvent  faire 
lobjet  d'un  trafic  rémunérateur.  M.  Lee  indique  les  droits  de 
douane  imposés  aux  produits  à  lentrée  et  à  la  sortie,  le  fret 
pratiqué  entre  les  différents  ports  français  et  les  colonies. 

Une  courte  notice  donne  des  renseignements  utiles  sur  la  popu- 
lation, les  mœurs  des  habitants,  les  voies  de  communication,  le 
budget  de  la  colonie,  son  personnel  administratif  et  son  organi- 
sation. 

Le  rapport  comprend  environ  une  centaine  de  pages  et  nous 
avons  cru  intéressant  d'en  extraire  les  passages  relatifs  aux  colonies 
africaines. 


VLi:    UE    LA    HADL    DK    Hd.NAKRY. 
Al'IIIE  1>E  M.  UL  IJUANUNKK.  CI.ir.IIK  COMMUNigiÉ  PAR  "  LA  SKMAINE 
HORTICOLE   ". 


LE  r.APPOUT  srn  lks  colonies  françaises  2(H) 


SÉNÉGAL 


Depuis  1855  seulement  le  Sénégal  a  attiré  l'attention  des  autorités 
françaises.  Le  nom  du  général  Faidherbe  qui  le  premier  conçut  le 
projet  de  relier  l'Algérie  aux  possessions  françaises  de  la  côte  ouest 
d'Afrique  restera  associé  à  la  conquête  de  la  région. 

Frontières.  —  La  frontière  maritime  s'étend  du  Cap  Blanco  à  la 
colonie  anglaise  de  la  Gambie.  Au  sud  le  riche  district  de  Casamance 
qui  s'étend  jusqu'à  la  Guinée  portugaise  est  englobé  dans  la  colonie. 

Les  frontières  de  l'Interland  sont  mal  définies.  D'après  le  décret  du 
17  octobre  1899,  les  districts  de  Kayes,  Bafulabeh,  Kita,  Satadungu, 
Bomoko,  Segu,  Djennch,  Nioro,  Gumbu,  Sokoto  et  Buguni,  qui  précé- 
demment faisaient  partie  du  Soudan,  sont  maintenant  rattachés  au 
Sénégal. 

Forme  du  gouvernement.  —  La  forme  du  gouvernement  varie 
selon  la  durée  pendant  laquelle  ces  territoires  ont  été  soumis  à  l'auto- 
rité française. 

Les  districts  payant  l'impôt  ont,  à  un  degré  variable,  une  adminis- 
tration autonome  tandis  qu'une  partie  considérable  du  pays  est  sou- 
mise à  un  protectorat  plutôt  nominal.  Un  député  représente  la  colonie 
à  la  Chambre. 

Nombre  de  fonctionnaires.  —  Le  nombre  de  fonctionnaires  de 
toutes  classes  est  de  ()20  dont  182  occupent  des  fonctions  purement 
administratives. 

Le  nombre  de  soldats  est  de  2,600  dont  1,252  indigènes. 

Ports  principaux.  —  Les  principales  villes  sont  :  Saint-Louis,  la 
capitale;  Dakar  et  Rufisque.  11  semble  que  Dakar  soit  appelé  à  devenir 
le  principal  centre  commercial  du  Sénégal  et  aussi  le  port  le  plus 
important  non  seulement  du  Sénégal  mais  aussi  de  toute  la  côte  de 
l'Afrique  occidentale. 

Budget  locaL  —  La  situation  économique  de  la  colonie  s'est  consi- 
dérablement améliorée  ces  dernières  années. 

Le  fonds  de  réserve  a  atteint  son  maximum,  et  les  dépenses  locales, 
en  y  comprenant  16,000  livres  pour  les  travaux  publics,  étaient  fixées  à 
155,618  livres  pour  1898,  tandis  que  la  part  incombant  à  la  colonie, 
dans  les  dépenses  générales  du  budget  colonial  français  pour  1899, 
s'élève  à  241,859  livres. 


210  ÉTL'DES  COLONIALES 

Budget  colonial.  —  En  moyenne,  les  dépenses  totales  sont  de 
390,000  à  400,000  livres.  La  colonie  paie  actuellement  à  peu  près 
2,000  livres  au  gouveinen.ent  de  la  mère  patrie;  mais  par  suite 
de  certaines  réformes,  ce  chiflVe  sera  modifié;  les  dépenses  de  l'admi- 
nistration civile  et  de  la  police,  qui  s'élevaient  à  un  peu  plus  de 
7,000  livres,  tombent  à  charge  du  budget  local. 

La  situation  commerciale  est  considérée  comme  très  florissante. 
Une  série  de  travaux  publics  ont  été  commences;  on  estime  que  les 
dépenses  qu'ils  ntcessiteront  s'élèveront  de  8  à  10,000,000  de  francs. 

Ils  seront  couverts  par  l'emprunt  à  créer  après  la  conversion  de  la 
dette  actuelle. 

Les  principaux  travaux  que  Ion  compte  entreprendre  sont  des 
routes  dans  les  environs  des  villes,  un  wharf  à  Saint-Louis  et  un 
chemin  de  fer  qui  traversera  le  pays  Baol. 

11  est  probable  que  les  pays  de  protectorat  de  l'intérieur  sont 
appelés  à  supporter  une  partie  des  frais  de  ce  travail. 

La  situation  prospère  de  la  colonie  a  eu  pour  efl'et  de  permettre  à 
lu  Banque  coloniale  du  Sénégal  de  payer,  pour  l'exercice  4807-1898, 
un  intérêt  de  o  p.  c. 

Chemin  de  fer  de  Saint-Louis.  — -  La  situation  du  chemin  de  fer 
de  Dakar  à  Saint- Louis  ne  Fenible  pas  élre  satisfaisante.  Les  receltes 
ne  compensent  pas  les  frais  d'exploitation.  Les  intérêts  du  capital  et 
le  déHcit  sur  l'exploitation  figurent  au  budget  colonial  pour  une 
somme  d'environ  40,000  livres. 

Tarifs  douaniers.  —  Les  droits  de  douane  sont  de  7  p.  c.  ad  valo- 
rem pour  toutes  marchandises  d'origine  étrangère,  à  l'exception  des 
«  Guinées  »  qui  paient  31  centimes  au  mètre.  Les  «  Guinées  »  fran- 
çaises et  coloniales  (et  principalement  celles  des  possessions  indiennes; 
paient  2  1/2  centimes  au  mètre.  Ce  qui  est  la  propriété  personnelle  du 
colon  est  exempté  du  droit. 

Les  droits  d'exportation  sont  de  7  p.  c  ad  valorem  pour  les  pro- 
duits exportés  du  district  de  Casamance,  et  de  fr.  1.S0  par  100  kilo- 
grammes pour  les  gommes  exportées  du  fleuve  Sénégal. 

Fret.  —  Les  frets  pratiqués  de  Marseilles  et  de  Bordeaux  sont  les 
suivants  : 

Marseille.    —  Dakar  .     .  fr.     20  »  la  tonne. 
Buflsque   .     .     22.50        )) 
Saint-Lonis    .     40  »         » 

Les  steamers  appartenant  à  la  Compagnie  Fraissinet,  ont  un  départ 
mensuel,  ils  transportent  le  courrier  et  sont  subventionnés  par  le 
gouvernement  français. 


Z   O 


b  *** 
"5 


!214  ÉTLDKS   COLOMALKS 

Ce  sont  les  seules  lignes  régulières  vers  le  Sénégal. 

Bordeaux.  —  Dakar,  Rufisque  et  Corée.  20  francs. 
Saint  Louis,  30  francs. 

Valeur  des  importations  en  1897  et  en  1898.  —  La  valeur  des 
împortalions  au  Sénégal  pour  1898  était  de  4,022,283  livres,  dont 
498,068  livres  provenant  de  France  ou  des  colonies  ;  les  importations 
étrangères  se  chiffraient  par  524,215  li\Tes;  en  1887,  ces  chiffres 
étaient  respectivement  de  1,1^5,640  livres  et  667,428  livres  soit 
une  augmentation  de  133,357  livres  pour  1898.  On  doit  remarquer  que 
l'importation  de  France  et  des  colonies  a  augmenté  de  169,360  Ii\Tes, 
tandis  que  l'importation  étrangère  a  diminué  de  36,603  livres. 

Commerce  en  1898.  —  Les  statistiques,  concernant  le  com- 
merce, viennent  de  paraître.  Les  importations  atteignent  un  total 
de  1,313,069  livres,  dans  lequel  la  France  et  ses  colonies  figurent  pour 
830,852  livres  et  les  nations  étrangères  pour  482,217  livres,  dont 
292,554  formant  la  part  de  TAngleterre. 

Le  commerce  des  tissus  de  coton  et  autres  se  chiffre  par  372  mille 
livres,  dont  120,000  livres,  soit  à  peu  près  33  p.  c.  pour  l'Angleterre. 

En  ce  qui  concerne  les  tissus  mi-bianchis,  blanchis,  teints  et 
imprimés,  68  p.  c.  (en  tenant  compte  de  la  valeur)  viennent  d'Angle- 
terre, tandis  que  plus  des  3/5  des  Guinées  sont  d'origine  française.  Le 
-charbon  tient  la  seconde  place  parmi  les  marchandises  anglaises 
importées  en  1S98. 

Exportations  en  1898.  —  Pendant  la  même  année,  les  exporta- 
tions se  sont  élevées  à  1,154,336  livres.  La  France  et  ses  colonies  ont 
importé  pour  une  somme  de  916,197  livres  de  produits,  les  nations 
étrangères  238,129  livres.  Les  exportations  vers  l'Angleterre  se  sont 
élevées  à  environ  26,400  livres  consistant  presque  entièrement  en 
caoutchouc. 


SOUDAN     FRANÇAIS 


Frontières.  —  Le  Soudan  français  englobe  de  vastes  territoires  ; 
ses  limites  sont  au  Nord  :  l'Algérie  et  la  Tunisie,  au  Sud  les  terri- 
toires de  la  Nigeria;  et  en  ce  qui  concerne  l'Hinterland  une  ligne 
partant  de  l'extrémité  Sud  de  la  Régence  de  Tripoli  au  lac  Tchad. 

Étendue  du  territoire  et  population.  —  D'après  les  rapports 
annexés  au  budget  des  colonies  pour  1897,  l'étendue  du  Soudan  était 


LE    RAPPORT   SUR   LES  COLONIES   FRANÇAISES  313 

évaluée  à  120.000  kilomètres  carrés  et  la  population  à  3,400,000  habi- 
tants. Ces  chiffres  doivent  être  considérablement  réduits  depuis  la 
réorganisation  du  Soudan. 

M.  Petit,  dans  son  livre  :  L'Organisation  des  colonies  françaises, 
publié  en  1894,  fait  observer  qu'il  n'est  pas  possible  de  donner  un 
chilfre  exact  pour  la  population  ni  de  déterminer  exactement  les 
frontières  du  Soudan,  qui  varient  annuellement  selon  les  conquêtes. 

Historique.  —  On  peut  dire  que  la  conquête  française,  dans  cette 
partie  de  l'Afrique,  remonte  à  Texpédilion  contre  El-Hadj-Omar, 
en  1854,  suivie  du  siège  de  Médina,  sur  le  Sénégal,  et  de  l'inter- 
vention du  général  Faidherbe  en  1857.  Jusqu'en  1880,  cette  ville  était 
le  poste  français  le  plus  avancé  sur  la  rivière  Sénégal. 

Depuis  lors,  quoique  de  très  nombreuses  expéditions,  qui  rappellent 
les  noms  de  Borgnis-Desbordes,  Gailieni,  Frey,  etc.,  aient  été  envoyées 
dans  les  directions  diverses  dans  le  but  de  soumettre  le  pays,  on  ne 
compte  cependant  pas  plus  de  39  postes  militain^s  d'une  certaine 
importance. 

Administration.  -  Malgré  les  efforts  faits  ces  dernières  années  en 
vue  de  soumettre  la  colonie  au  régime  d'une  administration  civile, 
on  peut  dire  que  le  pays  reste  presque  entièrement  soumis  au  régime 
militaire. 

Nombre  de  postes  militaires.  —  Le  nombre  de  postes  militaires 
a  fait  l'objet  des  critiques  de  M.  Siegfried,  lors  de  la  discussion  du 
budget  de  1897,  il  demandait  que  ceux-ci  fussent  réduits  dans  la 
mesure  compatible  avec  le  maintien  de  la  suprématie  française  dans 
ces  régions. 

Les  chiffres  pour  cette  année  n'ont  pas  encore  paru  et  malgré  la 
diminution  qui  aurait  dû  être  faite,  l'effectif  des  troupes  a  été 
porté  d'une  façon  détournée  de  3,256  hommes  en  1897  à  3,408. 

Budget  coloniaL  —  Depuis  1891  cette  colonie  a  coûté  des  sommes 
importantes  à  la  métropole. 

Année  :  1894.  .  .  .  470,818  livres. 

»         1895.  .  .  .  388,286     » 

»         1896.  .  .  .  236,000    » 

»         1897.  .  .  .  232,480    » 

»         1898.  .  .  .  247,200    » 

Le  crédit  pour  cette  année  s'élève  à  246,600  livres,  comprenant  une 
somme  de  26,456  livres  pour  la  construction  et  l'entretien  du  chemin 
de  fer  de  Kayes  sur  le  Sénégal  jusqu'à  Bomako,  sur  le  Niger. 

Le  principal  obstacle  au  développement  du  Soudan  se  trouve  dans 

i 


214  ÉTLDES   COLONIALES 

sa  situation  toujours  troublée,  qui  nécessite  de  nombreuses  expé- 
dilions  contre  les  chefs  indigènes. 

Budget  local.  —  D'après  la  «  Quinzaine  Coloniale  »  les  recettes 
locales  s'élèveraient  celte  année  à  un  total  de  129,247  livres,  soit  une 
au^inentation  sur  les  receltes  de  1898  de  21,504  livres. 

Colle  augmentation  de  recettes  est  basée  surtout  sur  une  majoration 
de  la  taxe  directe. 

On  pourra  voir  d'après  les  chiffres  que  nous  allons  donner,  et  qui 
sont  puisés  au  rapport  officiel  de  1898,  que  depuis  les  quatre  dernières 
années,  les  ressources  financières  de  la  colonie  sont  en  progression 
constante. 

11  faut  remarquer  que  la  diminution  en  1897  n'est  qu'apparente  et 
qu'elle  est  le  résultat  de  la  constitution  d'un  budget  spécial  pour  le 
chemin  de  fer  comprenant  à  la  fois  les  dépenses  et  les  crédits  affectes 
à  ce  poste.  . 


Total. 

HcccUes. 

Dépenses. 

1893.   .    . 

99,585  livres. 

99,646  livres. 

18G6.    .   . 

138.993     » 

129,408     » 

4897.    .    . 

118,304     » 

118,304     »  (1) 

1898.    .   . 

149,739     » 

149,739     »  (1) 

Chemin  de  fer  de  Kayes  à  Bomako.  —  Le  chemin  de  fer  de 
Kayesà  Boinako  est  un  projet  dont  l'exéculion  a  été  commencée  depuis 
un  certain  temps. 

Des  modifications  au  programme  financier  ainsi  qu'à  la  méthode  de 
construction  permettent  d'espérer  que  la  ligne  sera  terminée  en  1003. 

D'après  une  convention  passée  en  1898,  le  gouvernement  et  la 
colonie  se  sont  engagés  à  contribuer  par  parts  égales  à  lacpnslilution 
du  capital  qui  ne  peut  dépasser  24,000,000  de  francs  et  ce  par  annuités 
échelonnées  pendant  les  24  années  qui  prendront  cours  à  partir  de  la 
date  du  contrat. 

Le  subside  alloué  par  l'État  ne  sera  jamais  inférieur  à  500,000  francs . 

La  colonie,  en  ce  qui  la  concerne,  a  été  autorisée  à  contracter  un 
emprunt  avec  la  caisse  des  dépôts  et  consignations;  le  montant'de  cet 
emprunt  est  de  3,208,000  francs  destiné  à  payer  les  travaux  en  cours 
pendant  cette  année. 


(i)  D*ûprès  les  prévisions. 


LE  RAPPORT   SUR   LES  COLONIES  FRANÇAISES  2H> 

L'avenir  de  cette  ligne  est  inconlestablement  très  grand.  Il  mettra 
en  communication  rapide  et  directe  le  bassin  supérieur  du  Niger,  avec 
les  ports  du  Sénégal,  pendant  toute  la  saison  des  pluies,  lorsque  le 
tli'uve  est  accessible  aux  grands  vaisseaux;  et  même  à  la  saison  sèche, 
il  facilitera  considérablement  le  transit  vers  l'intérieur. 

D'après  un  rapport  otticiel,  164  kilomètres  de  voie  étaient  posés 
fin  1898.  Les  receltes  de  1898  s'étaient  élevées  à  16,400  livres. 

Le  chemin  de  fer  Transsaharien.  —  Puisque  nous  parlons  de 
chemins  de  fer  disons  un  mot  du  Transsaharien. 

Cet  ambilieux  projet  a  trouvé  un  défenseur  en  la  personne  de 
M.Leroy -Beaulieu Je  directeur  bien  connu  de  «l'Economiste  Français.» 
Dans  une  série  d'articles  publiés  par  lui,  il  a  mis  en  lumière  l'impor- 
lance  stratégique  de  ce  chemin  de  fer.  D'après  lui  la  situation 
qu'occupe  la  France  en  Algérie  et  en  Tunisie  fait  de  ces  pays  des  points 
stratégiques  destinés  à  commander  tout  le  Nord-Ouest  de  l'Afrique;  en 
même  temps  il  nourrit  l'espoir  que  dans  l'avenir  cette  ligne  aura 
également  un  trafic  commercial.  D'après  ses  prévisions,  le  coût  de 
la  ligue  serait  de  10,000,000  à  12,000,000  de  livres. 

Valeur  économique  du  Soudan.  —  Le  Soudan  français  est 
encore  peu  connu  de  sorte  que  son  avenir  économique  reste  probléma- 
tique, il  est  certain  que  le  commerce  se  développera  à  mesure  que 
l'œuvre  de  pacification  se  complétera. 

En  ce  qui  concerne  la  situation  actuelle,  quoiqu'on  ne  puisse  utiliser 
que  des  statistiques  incomplètes,  le  rapporteur  du  Budget  colonial 
de  1899  dépeint  la  situation  avec  un  certain  pessimisme. 

11  constate  que  les  importations  françaises  au  Soudan  comprennent 
surtout  les  marchandises  destinées  à  l'armée,  tandis  que  les  marchan- 
dises demandées  par  le  négoce  seraient  surtout  fournies  par  les  nations 
étrangères.  Il  note  également  que  l'ensemble  des  importations  a  une 
tendance  à  diminuer. 

D'après  le  rapport  officiel  de  1898,  la  valeur  des  exportations  de 
1897  et  de  1898  était  de  : 

Valeur. 


1897. 

1808. 

Importations     .     . 

.     .      311,09*  L. 

318,024 

Exportations     .     . 

.     .      162,410 

143,627 

Les  importations  de  la  France  et  de  ses  colonies,  en  y  comprenant  la 
Guinée  française;  étaient  de  107,771  livres,  celles  des  nations  étran- 
gères et  de  leurs  colonies  se  montaient  à  98,816  livres.  Le  restant 


216  ÉTUDES     COLONIALES 

appartient  aux  autres  pays  d'Afrique  et  principalement  à  la  République 
de  Libéria. 

La  valeur  des  importations  de§  tissus  français  semble  plutôt  dépas- 
ser celle  des  tissus  étrangers;  ceux-ci  proviennent  principalement 
d'Angleterre  et  de  Belgique.  En  général, c'est  cet  article  qui  constitue 
le  principal  objet  d'importation. 

Les  renseignements  les  plus  récents  et  les  plus  complets  relatifs  à 
cette  région  ont  été  publiés  par  leBoard  oftrade:  aussi  je  crois  utile  de 
les  reproduire  ici  in  extenso. 

Les  campagnes  des  Français  de  1889  à  1894  ont  ouvert  le  cours  du 
moyen  Niger  au  commerce  français.  En  189o  le  lieutenant-colonel 
Trentinian,  gouverneur  du  Soudan,  se  consacra  à  diminuer  les 
dépenses  de  l'armée  d'occupation  et  à  dévelojiper  ragriculture 
et  le  commerce;  en  même  temps  il  augmenta  le  nombre  de  stations 
pour  la  perception  du  oussourou.  L'oussourou  est  une  taxe  de 
1  p.  c.  perçue  en  nature  sur  les  marchandises  transportées  par 
caravanes.  L'annexion  de  la  contrée  située  entre  le  Niger  et  le  Bani, 
rétablissement  d'un  protectorat  sur  Massina  et  la  pacification  du 
Hossi  contribuèrent  à  augmenter  le  budget  local  par  la  perception  de 
l'oussourou  sur  les  transactions  qui  se  faisaient  à  la  frontière 
orientale. 

L'auteur  del'article  de  (d'Economiste»,  d'où  ces  lignes  sont  extraites, 
écrit  que  l'établissement  de  l'autorité  française  sur  ces  disiricts  fit 
renaître  le  commerce  en  assurant  la  tranquillité  et  la  sécurité  dans  le 
pays. 

Les  besoins  des  indigènes  avaient  augmenté,  les  voies  de  communi- 
cations étaient  plus  fréquentées,  de  nouveaux  villages  avaient  été 
bâtis  ou  rebâtis  et  depuis  18113,  les  licences,  patentes,  droits  de 
marché  avaient  été  régulièrement  payés. 

Des  passages  d'eau  avaient  été  établis  et  des  taxes  fixes  pour  le  pas- 
sage créées. 

Un  comité  consultatif,  composé  de  quatre  négociants  français  et  de 
trois  indigènes,  avait  été  attaché  depuis  le  l*"*^  avril  1897  au  gouverne- 
ment colonial. 

Grâce  à  cette  bonne  organisation,  le  mouvement  commercial  s'éleva 
en  1896  à  28,500,000  francs. 

Comme  dans  tous  les  pays  neufs,  l'importation  d'articles  européens 
a  une  grande  importance. 

L'importation  de  tissus  au  Soudan,  en  1896,  s'élevait  à  3  millions 
188,000  francs. 

Le  pays  produit  du  coton  de  qualité  moyenne.  Celui-ci,  grossière- 


LE   RAPPORT  SUR  LES  COLONIES   FRANÇAISES  SI 7 

ment  tissé,  est  vendu  en  largeur  de  20  centimètres  à  raison  de  20  à 
50  centimes  le  mètre,  selon  la  qualité,  la  couleur  et  la  distance  du  lieu 
d'origine.  Les  indigènes  préfèrent  des  articles  moins  grossiers  et  plus 
chatoyants.  Tombouctou  est  un  excellent  marché  pour  la  soie  à  la 
pièce,  de  qualité  ordinaire,  qui  s'y  vend  au  prix  de  lÔ  à  15  francs  le 
mètre. 
Voici  approximativement  le  nombre  de  pièces  de  tissus  importées  : 

Médina  et  Kayes 120,000 

Tombouctou  ......  18,000 

Marchés  du  Sud 3,000 

Le  pays  a  donc  consommé  116,000  pièces  de  15  mètres  chacune,  à 
un  prix  variant  do  50  centimes  à  fr.  1.25  le  mètre. 

Le  prix  de  fr.  1 .25  auquel  cet  article  est  vendu  à  Tombouctou  est  trop 
élevé,  de  sorte  qu'il  y  a  sur  ce  marché  un  débouché  pour  la  produc- 
tion indigène,  et  en  1896  la  vente  de  ces  articles  peut  être  chiffrée  à 
110,000  rrancs. 

Pour  luiter  avec  les  produits  indigènes^  le  prix  des  marchandises 
importées  ne  devrait  pas  dépasser  un  franc. 

En  ce  qui  concerne  la  concturrence  avec  les  articles  français,  on 
remarque  <|ue  Tarticle  anglais  est  le  plus  répandu  dans  le  district  du 
Su<i  où  il  est  maître  du  marché.  Cela  tient  à  ce  que  les  maisons 
anglais«'s  sont  mieux  fournies,  que  leurs  relations  sont  plus  cordiales, 
leurs  prix  plus  bas,  et  que  les  produits  de  l'intérieur  sont  payés  en 
argent  et  non  troqués  contre  des  marchandises. 

En  re  qui  concerne  Tonibouclou,  les  piè<'es  d'étoffes,  à  l'exception 
de  celles  de  provenance  française,  viennent  du  Maroc,  du  Touat  et  de 
Tripoli. 

Après  les  tissus,  ce  sont  les  victuailles  qui  forment  le  principal 
objet  d'importation.  En  1896,  leur  valeur  s'élevait  à  509,000  francs 
dont  30,000  pour  Tomhouctou  et  le  restant  pour  Kayes  et  Médina. 

En  ce  qui  ccmcerne  les  marchandises  consommées  par  1  adminis- 
tration du  Soudan,  les  provisions  et  les  conserves  figurent  pour 
155,000  francs.  Les  vins  et  spiritueux  se  chiffrent  par  141,000  francs. 
Les  indigentes  sont  amateurs  de  sirops,  et  apprécient  également 
l'absinthe  et  l'eau  de  vie;  viennent  ensuite  le  sel  et  le  sucre,  respecti- 
vement pour  un  chiffre  de  63,000  et  95,000  francs.  L'importation  de  la 
farine  est  aussi  en  augmentation,  mais  parmi  ces  articles  de  consom- 
mation le  sel  est  le  produit  le  plus  recherché.  Avant  la  conquête,!  le 
sel  était  un  objet  de  luxe,  aujourd'hui  il  ne  coûte  plus  que  20  centimes 


218  ÉTUDES  COLONIALES 

le  kilo  à  Kayes  et  peut  se  vendre  au  Niger  au  prix  de  1  franc  La 
vente  de  l'absinthe  peut  rapi»orter  de  gros  profils. 

A  Tombouetou,  les  prix  sont  beaucoup  plus  élevés  qu*à  Kayos.  Le 
sucre  coûte  5  francs  le  kilogramme  et  le  thé  50  francs.  En  1b96,  on 
importa  à  Tombonctou  2,687  kilogrammes  de  sucre  d'une  valeur  de 
20,99o  francs;  173  kilogrammes  de  thé  d'une  valeur  de  8,650  francs 
et  42  litres  d'absinthe,  d'une  valeur  de  8,650  francs.  Toutes  ces  mar- 
chandises élairnl  d'origine  française  à  l'exception  de  175  kilogrammes 
de  sucre  de  provenance  anglaise  et  314  kilogrammes  d'origine  belge 
importés  par  le  Maroc. 

Les  districts  du  Sud  du  Soudan,  consomment  par  an  24,000  francs 
de  sel  brut  dont  les  3/4  de  provenance  anglaise;  ces*dislricts  sont  un 
marché  important  pour  les  produits  anglais,  tandis  que  l'on  remarque 
que  les  autres  parties  du  Soudan  forment  un  débouché  aux  mar- 
chandises françaises. 

Les  verroteries  sont  très  recherchées  par  les  indigènes;  les  districts 
du  Nord  consomment  des  verroteries  de  provenance  allemande,  ceux 
du  Sud,  de  provenance  anglaise. 

Outre  ces  objets,  c'est  la  France  qui  importe  la  plus  grande  partie 
des  produits  non  dénommés;  le  total  d(»  ceux-ii  s'élève  à  307,000  francs 
en  1895,  dont  257,000  de  provenance  française,  21,090  de  provenance 
anglaise,  9,000  de  provenance  allemande,  20,000  de  provenance  amé- 
ricaine. 

Outre  le  sel,  il  y  a  encore  un  produit  qui  s'importe  en  grande  quan- 
tité au  Soudan,  c'est  la  noix  de  Kola. 

En  territoire  français  on  ne  la  trouve  qu'à  Kissi;  elle  forme  un  arti- 
cle courant  d'échange.  On  en  importa  en  1896  pour  une  valeur  de 
1,350,000  francs  re|)résentant  24,500,000  noix.  Les  prix  varient  de 
fr.  2.50  à  15  francs  les  100  noix  suivant  leur  provenance,  leur  grandeur 
et  leur  couleur. 

Les  noix  f(uicées  sont  plus  estimées  que  les  jaune  clair. 

La  noix  de  Kola  est  recherchée  pour  ses  propriétés  médicinales, 
elle  constitue  un  excellent  tonique.  On  en  fait,  dans  le  pays,  une 
grande  consommation  à  l'occasion  de  certaines  cérémonies  telles  que 
les  fiançailles,  les  mariages,  etc.  Le  Soudan  français  importe  aussi  des 
animaux  de  boucherie,  bœufs  et  moutons;  les  indigènes  ne  consom- 
ment ni  le  veau,  ni  le  porc.  Les  importations  de  bétail  ne  sont  guère 
importantes,  elles  ne  s'élèvent  qu'à  14,000  fr.mcs  pour  les  bœufs. 

Chacun  de  ceux  ci  a  une  valeur  de  60  à  100  francs. 

La  consommation  de  Tombouctou  est  en  moyenne  par  jour  de 
30  bœufs  et  de  1,000  moutons.  La  vallée  du  Niger,  depuis  Bomako 


LE   RAPPORT  SUR   LES  COLONIES   FRANÇAISES  219 

jusqu'à  Sansanding,  est  surtout  une  région  de  pâturages.  I^es  animaux 
y  prospèrent  rapidement  et  quoique  les  troupeaux  y  aient  été  décimés 
par  des  épizoolies,  il  n*est  pas  douteux  que  dans  un  avenir  ra[>proché 
le  Soudan  devienne  un  pays  d'exportation  pour  le  bétail. 

Il  ne  sera  pas  difficile  d'améliorer  la  race  de  moutons  par  une  judi- 
cieuse sélection,  et  l'élevage  deviendra  une  source  de  richesse  pour  le 
Soudan. 

Ajoutons  à  ces  productions,  la  gomme,  le  caoutchouc,  Tor,  l'ivoire, 
le  cuir  et  les  plumes.  Médina  est  le  grand  centre  du  commerce  des 
gommes.  Le  total  des  exportations  de  Kayes  et  de  Médina  en  1893  était 
de  462,504  kilogrammes  d'une  valeur  de  231,000  francs,  tandis  qu'en 
1896  il  s'élevait  ai, 210,000  kilogrammesd'une  valeur  de  005,000  francs. 

Tombouclou  est  également  un  grand  marché  pour  la  gomme  qui  y 
vaut  lo  à  20  centimes  le  kilogramme. 

Le  gouvernement  du  Soudan  fait  de  sérieux  efforts  pour  déveh^ppcr 
l'industrie  du  caoutchouc  et  en  vue  d'encourager  son  exploitation,  il 
a  fait  savoir  qu'il  serait  accepté  en  paiement  des  taxes. 

On  le  vend  aux  enchères  publiques  à  Kayes;  en  1895  :  il  rapporta 
2,200  francs,  en  1896  :  20,500  francs.  La  valeur  du  caoutchouc  a 
augmenté  de  fr  2.30  en  1896,  à  4  francs  en  1897.  Cette  hausse  de  prix 
est  due  à  une  meilleure  préparation  du  produit. 

L'ivoire  est  moins  abondant  par  suite  de  la  chasse  acharnée  que  les 
indigènes  font  à  l'éléphant. 

Le  commerce  des  plumes  d'autruches  devient  de  jour  en  jour  plus 
important.  Une  ferme  d'élevage  a  été  établie  aux  environs  de  Tom- 
bouctou  et  donne  de  bons  résultats  financiers;  d'autres  sont  sur  le 
point  d'être  créées. 

En  ce  qui  «concerne  l'or,  les  avis  varient:  d'après  les  dires,  les  districts 
de  Boure  et  de  Bambouck  en  contiendraient  de  riches  gisements. 


GUINÉE    FRANÇAISE 


Frontières.  —  La  Guinée  française  fut  érigée  en  colonie  distincte 
en  1893;  précédemment  elle  se  trouvait  sous  la  juridiction  du  gouver- 
neur du  Soudan. 

La  colonie  est  bornée  au  Nord  par  la  Guinée  portugaise,  au  Sud  par 
la  colonie  de  Sierra-Leone.  A  l'intérieur  elle  comprend  le  riche  pro- 


2â0  LTtUliS    COLOMM.KS 

tectorat  du  Foula  Djallon  dont  la  capitale  est  Timbo,  à  200  kilomè- 
1res  de  la  côlc». 

De  plus  la  Guinée  française  comprend  actuellement  les  districts  de 
Denguiray  Siguiri,  Rurussa,  Kankan,  Kassidugu  et  Beyla  récemment 
détachés  du  Soudan  français. 

Fonctionnaires  et  colons.  —  Il  y  a  en  tout  S41  fonction- 
naires; environ  180  soldats  indigènes  commandés  par  les  Européens 
et  42  colons  dont  22  de  nalionalilé  franç^aise. 

Konakry.  —  Il  semble  que  Konakry  est  graduellement  occupée, 
dans  celte  partie  de  l'Afrique,  à  supplanter  Sierra-Leone  au  point  de 
vue  commercial. 

Navigation.  —  Les  dernières  statistiques  montrent  que  durant 
Tannée  1898  le  mouvement  maritime  a  été  de  2.369  bateaux  d'un 
tonnage  de  263,763  tonnes  à  l'entrée  et  de  2,286  bateaux  d'un  ton- 
nage de  263.127  à  la  sortie. 

Ils  ont  débarqué  1 5,393  tonnes  de  marchandises  et  en  ont  chargé 
4,491,  dont  respectivement  9,534  et  2,882  tonnes  pour  l'intérieur  des 
colonies  anglaises. 

Les  steamers  de  la  compagnie  des  Chargeurs  Réunis  quittant  le 
Havre  et  ceux  de  la  compagnie  Fraissinet  quittant  Marseille  y  relâchent 
une  fois  par  mois.  La  ligne  belge  aurait  abandonné  Sierra-Leone 
pour  Konakry. 

Chemin  de  fer  Konakry-Kardamana.  —  Outre  la  route  de 
Konakry  au  Niger,  qui  est  en  partie  construite,  l'exécution  du  projet 
de  chemin  de  fer  semble  actuellement  chose  décidée. 

Les  travaux  commenceront  prochainement;  la  colonie  a  contracté 
dans  ce  but  un  emprunt  de  8,000,000  francs  afin  de  relier  par  un 
chemin  de  fer,  Konakry  à  Kardamana  sur  le  Haut  Niger. 

Si  ce  projet  est  mis  à  exécution,  Konakry  est  appelé  à  devenir  un  des 
centres  les  plus  florissants  de  la  côte  d'Afrique. 

Budget  locaL  —  D'après  les  chiffres  du  budget  pour  1898,  les 
finances  sont  dans  un  état  très  prospère.  Les  recettes  étaient  de 
70,763  livres  et  les  dépenses  de  53,80o  livres.  Le  subside  alloué  par  le 
budget  colonial  de  la  mère  patrie  pour  1899,  s'élevait  à  12,700  livres. 

Valeur  des  importations  en  1892,  1897, 1898.  —  Depuis  les 
dernières  années,  de  1892  à  1897,  le  commerce  de  la  colonie  s'est  for- 
tement développé. 

En  1892,  la  première  année  où  Ton  publia  une  statistique,  les  impor- 
tations étaient  évaluées  à  142,94o  livres.  Les  imporlalions  françaises 
se  chiffraient  par 24, 134  livres  et  cellesde  l'étranger  par  H8,8H  livres. 

En  1897,  les  importiUions  s'élèvent  à  302,497  livres  dans  lesquelles 


LE  RAPPORT  SUR   LES  COLONIES   FKANCIAISES  221 

la  France  et  ses  colonies  figurent  pour  48,520  livres,  Tétranger  pour 
233,977  livres.  Pour  1898,  la  proportion  est  la  suivante  :  sur  un  total 
de  300, 79S  livres,  la  France  et  ses  colonies  59,422  livres,  l'élranger 
301,573  livres,  dans  lesquelles  le  commerce  anglais  figure  pour  65  p.c. 

Valeur  des  exportations  en  1892  et  1897.  —  f^a  valeur  des 
exporlations  en  1892  était  de  158,912  livres;  France  et  ses  colonies 
24,237  livres,  étranger  134,675  livres. 

En  1897,  les  exportations  se  chiffrent  par  266,347  livres;  France, 
26,770  livres,  autres  pays,  239,577  livres,  soit  pour  la  France,  une 
augmentation  de  2,533  livres  et  pour  les  pays  étrangers  104,902  livres 
en  six  ans. 

Tarifs  douaniers.  —  Sur  les  marchandises  étrangères  importées 
indirectement,  tissus  et  objets  d'habillement,  20  francs  par  100  kilo- 
grammes; poudre,  20  francs,  autres  marchandises,  fr.  3.60. 

Un  droit  général  d'exportation,  fixé  à  7  p.  c.  sur  la  valeur,  est  perçu 
sur  toqs  les  produits. 

Frets.  —  Marseille  à  Konakry,  35  francs  la  tonne. 


CHRONIQUE 


La  Malaria  aux  Indes  néerlandaises  d'après  les  études  du 
D'  Koch.  —  Le  deuxième  rappo.l  du  professeur  KobiM-t  Koch  sur 
les  travaux  de  la  mission  pour  l'étude  de  la  malaria,  publié  par  la 
«  Deutsi  he  med.  Wochensclirift  »  s'occupe  du  séjour  de  rcxpédHion 
aux  Indes  néerlandaises  du  21  septembre  au  12  décembre  1^99.  Les 
deux  rentres  principaux  des  «^ludes  de  la  mission  ont  été  Batavia  et 
Ambarawa.  A  Batavia,  le  D**  Koch  trouva  moins  d'occasions  d'étu- 
dier les  effets  de  la  malaria  sur  l'homme  qu'il  ne  s'y  était  attendu 
d'aprrs  les  renseignements  recueillis  en  Europe.  Le  nombre  des  mala- 
dies dues  à  la  malaria  a  diminué  de  plus  de  îo  p.  c.  dans  les  quinze 
dernières  années,  grâce,  probablement,  aux  distributions  gratuites  de 
quinine,.  D'innombrables  germes  de  maladie  qui  aurai(»nt  pu  devenir 
nuisibles  s'ils  avaient  été  transmis  à  des  personnes  saines,  ont  dû  être 
détruits  par  l'us.ige  delà  quinine. 

Le  séjour  de  la  mission  à  Batavia  a,  par  contre,  été  très  fructueux 
à  un  autre  point  de  vue.  Il  lui  a  été  possible  de  rechercher  sur  des 
singes,  espèces  qui  se  rapprochent  le  plus  de  l'homme,  si  la 
malaria  est  transmissible  aux  animaux.  Des  expérienc<*s  furent  faites 
sur  7  animaux  (3  orang-outings,  3  hylobates  agi  lis  et  1  hylobate 
syndactylus).  On  leur  injecta  du  sang  emprunté  à  des  malades  atteints 
de  fièvre  tierce  et  de  fièvre  tropicale,  mais  on  ne  réussit  dans  aucun 
cas  à  transmetire  la  malaria  à  ces  animaux.  Et  si  les  singes,  qui  sont 
les  ùircs  qui  se  rapprochent  le  plus  de  l'homme,  sont  inaccessibles  à 
la  malaria,  on  ne  peut  guère  admettre  que  d'autres  animaux  qui 
s'éloignent  beaucoup  plus  de  lui,  puissent  abriter  dans  leur  sang  les 
parasites  de  cette  maladie.  L'homme  est  donc  le  seul  porteur  des 
parasites  de  la  malaria,  fait  dont  la  constatation  est  de  la  plus  grande 
importance  pour  la  lutte  contre  ce  mal. 

Les  recherches  que  Koch  a  faites  à  Ambarawa,  dans  le  centre  de 
Java«  offrent  également  un  haut  intérêt.  Cette  localité  est  située  au 


CHRONIQUE  223 

Sud  du  port  de  Scmarang  et  la  culture  du  riz  s'y  fait  sur  une  large 
échelle.  Celte  contrée  marécageuse  devrait  itre  considérée,  d'après  sa 
constitution  naturelle,  comme  une  région  malarienne.  On  n'y  trouva 
cependant  que  peu  de  mahiria  paimi  les  adultes;  en  deux  semaines, 
on  ne  constata  que  21  cas.  Toutefois,  pour  vérifier  si,  malgré  cela, 
comme  il  y  avait  lieu  de  le  supposer,  la  malaria  n'existait  p;is  à  l'état 
endémique  dans  le  district  d'Ambarawa,  M.  Koch  mit  à  profit  une 
observation  faite  dans  l'Afrique  Orientale,  à  savoir  que  les  enfants 
sont  particulièrement  disposés  à  contracter  la  malaria.  A  cet  eflct,  il 
examina  le  sang  des  enfants  dans  trois  villages  différents,  pour 
rechercher  s'il  contenait  des  parasites  de  la  malaria.  Dans  le  prenner 
village,  il  trouva  des  parasites  dans  le  sang  de  9,2  p.  c.  des  enfants 
examinés, dans  le  deuxième,  dans  celui  de  12  p.c.  et  dans  le  troisième, 
dans  celui  de  22,8  p.  c.  Des  maladies  dues  à  la  malaria  se  rencon- 
trèrent, dans  la  première  enfance,  chez  16  p.  c.  des  enfants  dans  le 
premier  village,  chez  13,5  p.  c.  dans  le  deuxième  et  chez  41  p.  c.  dans 
le  troisième.  Le  résultat  de  cette  expérience  montre  que  Texamen  des 
enfants  constitue  un  excellent  moyen  de  vérifier  si  une  région  est 
sujette  à  là  malaria  ou  non.  La  rareté  <le  la  malaria  chez  les  adultes 
s'explique  par  son  abondance  chez  les  enfants.  Ceux  qui  parviennent 
à  en  triompher  dans  les  premières  années,  acquièrent  une  résistance 
plus  ou  moins  grande  contre  ces  attaques  dans  la  suite. 

La  mission  se  livra  aussi  à  des  observations  de  contrôle  à  Tosari, 
dans  les  monts  Tengger;  on  disait  <iue  dans  cette  localité  il  n'y  avait 
pas  de  moustiques  et  qu'on  n'y  constatait  pas  non  plus  de*,  malaria. 
Les  constatations  qui  furent  fnites  prouvaient  la  justesse  de  la  théorie 
concernar.t  la  corrélation  de  la  présence  des  montagnes  et  de  la  mala- 
ria. Les  enfants  examinés  étaient  tous,  sans  exception,  indenmes  de 
malaria.  Il  est  à  remarquer  qu'à  Tosari,  on  ne  cultive  pas  de  riz.  La 
culture  du  riz  et  la  présence  <le  moustiques  sont  deux  laits  qui  sont 
toujours  connexes,  d'après  les  ol)s<T\ati(»ns  du  D''  Koch.  Cette  consta- 
tation amène  M.  Koch  à  se  prononcer  nettement  pour  la  justesse  de 
la  théorie  de  la  propagation  de  la  malaria  par  les  moustiques.  Il  dit  à 
ce  sujet  :  v  II  rentrait  dans  la  mission  de  l'expédition  de  reclienher 
dans  quelles  limites  l'assertion,  souvent  répétée,  qu'il  y  a  à  Java  des 
localités  où  il  n'y  a  pas  de  moustiques  et  où,  cependant,  on  rencontre 
la  malaria,  se  trouve  justifiée.  A  cet  efl'et,  je  me  suis  informé  auprès 
il'un  grand  nombre  de  médecins  anciens  et  expérimentés;  d'autre 
part,  le  colonel  de  Freytag  a  questionné  les  médecins  militaires,  et 
moi-même,  j'ai  eu  l'occasion  d'amener  la  conversati(»n  sur  cette 
question  dans  les  milieux  médicaux.  Personne  n'a  pu  m'indiquer  un 


224 


ÉTUDES  COLONrALES 


endroit  qui  fût  indemne  de  moustiques  dans  toute  i*ile  de  Java.  Toutes 
les  assertions  contraires  se  sont  donc  montrées,  après  un  examen  plus 
approfondi,  dénuées  de  fondement.  Là,  où  l'on  prétendait  qu'il  n'y 
avail  pas  de  moustiques,  on  en  découvrit,  après  des  recherches  plus 
consciencieuses,  quelques-uns  et  souvent  même  Un  grand  nombre. 
Là,  où  il  n'y  a  pas  de  moustiques,  il  n'existe  pas  non  plus  de  malaria 
à  l'état  endémique  » 

La  production  de  l'or  dans  le  monde  en  1899.  —  Le  tableau 
suivant  indique,  d'après  VEngineering  and  mining  journaly  de  New- 
York,  la  production  de  l'or  en  kiloj;rammes  et  en  millions  de  francs 
(le  kilogramme  d'or  valant  fr.  3,444.44),  dans  les  principaux  pays 
producteurs  et  dans  le  monde  entier  : 


1899 


KlL. 

Australie 93,732 

Transvanl 447  470 

Éliils  Unis    ....  97,933 

Empire  Russe.    .    .  37.ii7 

Caiiaila 20,(313 

Mexique       ;    .    .    .  42,303 

Indes  brilaiiniqucs.  H, 685 

Chine       9,99â 

Guysnic 5,739 

C(>loml)ie 5,5(i7 

Brésil 3,KG9 

Hongrie 3.068 

Allt-magnc  ....  2,847 

Chili 2,476 

Corée  ......  4,6iG 

Total  pour  le  inonde 

enlicr    ....  435,076 


Valeur 

KlL. 

Valeur 

EN    MILLONS   DE   FR. 

EN  MILLONS  DE  FR 

3*2 

447,494 

40V 

404 

440,010 

379 

338 

409,069 

276 

428 

36,:î24 

421 

74 

«7.159 

94 

42.7 

43,9îS9 

42.2 

40 

12,':87 

44 

24.4 

9,Ui*2 

34.4 

49.8 

5,770 

19  8 

49  2 

5,567 

49.2 

43  4 

3.809 

13  i 

10  5 

3.068 

40  5 

9.8 

2,976 

40.2 

7  3 

2,4  IH 

7  3 

5.6 

4,6V6 

6.7 

4,600 


472,025 


4,625 


Les  pays  qui  figurent  dans  ce  tableau  sont  les  seuls  qui  produisent 
plus  de  5  millions  de  francs  dor  par  an.  L'augmentation  est,  on  le 
voit,  à  peu  près  générale.  Elle  est  de  plus  de  2o  p.  c.  en  Australie 
(à  cause  surtout  de  l'Auslralie  de  rUuest),  de  30  p.  c.  au  Canada,  à 
cause  du  Klondyke,  de  10  p.  c.  aux  Etats-Unis.  Par  contre.,  il  y  a 
décroissance  au  Transvaal  ;  par  suite  de  la  guerre,  la  production  a  été 
presque  nulle  pendant  les  trois  derniers  mois  de  Tanuéc. 


CHRONIQUE  3â5 

On  peut  être  assuré  qu'avec  raugmentation  qui  se  manifeste  partout 
d'une  manière  continue,  la  production  du  monde  atteindra  2  milliards, 
dus  que  le  Transvaal  sera  rentré  en  pleine  activité. 


AFRIQUE. 


Abyssinie.  La  mission  LeontieflF.  —  M.  Leontieff,  accompagné 
de  ses  Sénégalais,  vient  d*arrivcr  à  Paris.  11  résulte  des  détails  qu'il  a 
fournis  sur  les  expéditions  qu'il  a  faites  pour  le  compte  de  Ménélik, 
que  des  postes  et  des  forts  ont  été  établis  sur  les  principaux  points 
stratégiques  des  provinces  équatoriales  et  du  lac  Rodolphe.  M.  Leon- 
tieff'  a  rapporté  une  collection  ethnologique  remarquable  qu'il  se 
dispose  à  faire  figurer  au  pavillon  de  Djibouti  de  l'Exposition  II  a  con- 
signé sur  ses  cartes  son  exploration  de  la  rivière  Omo,  qui  prend  sa 
source  dans  la  Besuma  et  qui  reçoit  les  eaux  des  montagnes  les  plus 
élevées  de  l'Ethiopie  avant  qu'elles  atteignent  le  lac  Rodolphe.  La 
rivière  est  navigable  à  six  jours  de  marche  de  Ain  Ababa  et  la  recon- 
naissance qui  vient  d'en  être  faite,  ouvre  de  nouveaux  horizons  à 
Djibouti. 

D'autre  pa»t,  quatre  Abyssins  accompagnés  de  quatre  Russes,  se 
sont  rendus  en  Russie,  porteurs  de  dépèches  importantes  de  la 
mission  russe.  On  dit  que  les  quatre  Abyssins  ont  été  amenés  en 
Russie  pour  se  rendre  compte  de  visu  de  l'énorme  étendue  de  l'Em- 
pire et  de  la  puissance  du  grand  Tsar  blanc. 

Il  résulte  des  renseignements  publiés  par  les  journaux  russes  au 
sujet  de  l'expédition  de  M.  Leontieif,  que  celle-ci  se  c>omposait  de 
800  Abyssins  et  d'une  centaine  de  Sénégalais,  commandés  par  un 
officier  russe.  En  arrivant  à  l'endroit  où  la  rivière  Omo  se  jette  dans 
le  lac  Rodolphe,  l'expédition  rencontra  une  grande  opposition  de  la 
part  des  indigènes  qui,  armés  d'arcs  et  de  flèches,  s'étaient  réunis  au 
nombre  de  8,000.  Quelques  volées  de  mitrailleuses  mirent  cette  bande 
en  fuite  et  permirent  aux  Sénégalais  et  à  quatre  Cosaques  qui  se  trou- 
vaient a%'ec  eux,  de  franchir  la  rivière  à  la  nage;  après  quoi,  la  troupe 
put  traverser  l'eau  à  son  tour  sur  un  ponton  de  toile  d'une  construction 
spéciale.  L'expédition  se  partagea  alors  en  deux  tronçons,  qui  s'avan- 
cèrent, en  maintenant  une  courte  distance  entre  eux,  à  travers  la 


!î^6  ÉTUDES  COLONIALES 

chaîne  de  montagnes  qui  forme  le  versant  des  rivières  qui  se  déversent 
dans  la  Méditerranée  et  le  lac  Rodolphe.  Ces  montagnes  reçurent  le 
nom  de  monts  Nicolas  II.  Eu  pr^nélrant  dans  le  cœur  de  celte  région, 
IVxpédilion  sévit  forcée  de  stî  frayer  un  chemin  à  main  a»méc.  Les 
Sénégalais  se  montrèrent,  à  celle  oCiîasion,  doués  d'une  endurance 
exlraordinairo,  d'une  bravoure  admirable  et  d'une  grande  fermeté. 
Tous  rendent  le  plus  vif  hommage  à  leurs  qualités  et  les  Cosaques 
déclarent  (|u'i*s  ne  le  cèdent  en  rien  aux  meilleurs  soldais  russes.  Les 
Abyssins  ne  possédaient  pas  le  même  de^ré  d'habileté  et  d'audace  que 
les  Sénégalais,  bien  qu'ils  eussent  fait  preuve  de  patienœ  et  qu'Us 
fussent  de  bon  guerriers.  Ils  ont  appris  à  fond  le  niimiement  des 
armes  européennes  et  après  une  volée,  ils  savent  marcher  à  l'assaut  à 
la  bay(mnelle  ou  au  sabre. 

Oulre  les  ()5,000  fusils  et  les  2i  pièces  d'artillerie  oflVrls  par  l'em- 
pereur de  Itussie  à  Ménélik,  les  Abyssins  ont  encore  50,000  fusils  et 
76  canons  pris  aux  Italiens  à  la  bataille  de  Tigré. 

Ap  es  avoir  avancé  pendant  une  quiii7.aine  de  jours,  la  troupe  abys- 
sine arriva  devant  un  camp  bA(i  d'après  un  plan  scienlifique  et  composé 
en  partie  de  constructions  en  bois  dans  le  genre  des  baraquements 
ou  dépUs  européens.  Un  étendard  anglais  flottait  au  stmimet  d'un 
mat  élevé.  Un  combat  sérieux  fut  livré  à  cet  endroit.  Les  défenseurs 
du  camp  qui  étaient  des  indigènes,  s'enfuirent  rapidement  vers  les 
montagnes;  le  drapeau  anglais  fut  descendu  el  le  pavillon  abyssin  fut 
hissé  à  sa  place;  la  conquéle  du  p:iys,  au  nom  de  Ménélik,  fut 
ensuite  proclamée. 

Plusieurs  villes  d'Abyssinie  sont  déjà  reliées  entre  elles  par  un 
réseau  téléphonique  et  des  stations  ont  été  disposées  entre  elles.  On 
propose  d'établir  bienlôt  une  ligne  lélégraphi(|ue  à  travers  toute  la 
contrée.  Les  voyageurs  venant  d'Abyssinie  disent  que  Tattitude  de  la 
population  vis-à-vis  des  innovations  européennes  est  bienveillante 
el  sympathique.  Ménélik  lui-même  s'intéresse  beaucoup  à  tout  ce  que 
l'on  fail  et  se  montre  particulièrement  bien  disposé  envers  les  Russes. 
Vis  à-vis  des  Français,  il  fait  preuve  de  tolérance;  quant  aux  autres 
nations,  il  ne  tient  pas  à  leur  présence  et  cherche  même  tous  les  pré- 
textes pour  leur  être  désagréable».  Ceux  qui  ont  pris  part  à  la  récente 
campagne  se  plaignent  des  souffrances  qu'ils  ont  eu  à  endurer  dans  le 
désert  où  ils  étaient  privés  d'eau  et  réduits  à  vivre  à  la  portion  congrue. 
Parfois  même  il  leur  a  fallu  se  contenter  de  viande  crue,  violemment 
assaisonnée  de  poivre.  Malgré  tout,  les  Cosaques  se  plièrent  à  la  situa- 
tion, el  ils  se  sont  si  bien  accoutumés  à  cette  vie  nomade  et  aventu- 
reuse, qu'ils  ont  exprimé  le  désir  de  retourner  en  Ethiopie. 


cimoMQUE  227 

De  Berbera  au  Nil  bleu.  —  L'année  dernièrc,uii  Anglais, 
M.  H.-W.  Blundell  a  traversé  J'Abyssinic  de  l'Est  à  l'Uuest 
en  suivant  dos  routes  qui,  en  partie,  n'claient  pas  encore  connues.  Les 
constalations  qu'il  a  faites  au  cours  de  son  voyage  permettront  de 
compléter,  d'une  façon  notable,  les  cartes  de  cette  contrée,  particuliè- 
rement en  ce  qui  concerne  les  régions  qui  se  trouvent  à  l'Ouest  de 
l'Abyssinie.  M.  Blundell  avait  déjà,  comme  il  nous  l'apprend  dans 
l'article  qu'il  consacre  à  son  expédition  dans  le  Geograpliical  jinmial, 
visité  Adclis  Abeba,  en  1898,  en  compagnie  de  la  mission  anglaise 
dirigée  par  le  capitaine  Harringlon  et,  à  celte  occasion,  il  avait  obtenu 
de  Ménélik  l'autorisation  de  se  livrer  à  de  nouvelles  explorations.  Il  se 
remit  donc  en  route  au  mois  de  décembre  1898  en  parlant  de  Ber- 
bera. Accompagné  de  lord  Lovai,  du  D"^  Koettlitz,  l'ancien  compagnon 
de  Jackson  à  la  terre  de  François-Joseph,  et  du  naturaliste  Harwood,  il 
arriva  à  Addis  Abeba  au  mois  de  jnnvier  de  l'année  dernière.  Ménélik 
étiiit,  à  ce  moment,  parti  en  expédition  vers  le  Tigré  pour  soumettre 
le  Ras  Mangascia  qui  s'était  mis  en  rébellion.  M.  Blundell  profita  de 
l'occasion  pour  aller  y  rejoindre  le  Négus.  La  route  qu'il  suivit  d'Addis 
Abeba,  dans  la  direction  du  Nord  Ouest,  le  conduisit  vers  Miigdala  à 
travers  une  partie  de  l'Abyssinie  des  moins  connue;  elle  croise  un 
plateau  basaltique  de  2,500  à  2,800  mètres  de  hauteur,  qui  s'étend  du 
pays  du  Danakils  jusqu'au  Nil  bleu  supérieur.  Le  spectacle  le  plus 
caractéristique  de  ces  formations  basaltiques  était  offert  par  des  gorges 
dont  la  profondeur  atteignait  jusque  1,^00  mètres  et  dont  les  parois 
étaient  garnies  de  colonnes  de  basalte  d'une  rectitude  et  d'un  achève- 
ment admirables  Les  arbres  manquaient,  pour  ainsi  dire,  absolu- 
ment dans  cette  sauvage  contrée.  La  route  traverse,  entre  autres,  <leux 
cours  d'eim  :  le  Adabai  et  le  Wuntschil,  qui  vont  se  perdre  à 
travers  deux  des  gorges  qui  viennent  d'être  décrites,  dans  le  Nil  bleu. 

Les  voyageurs  rejoignirent  Ménélik  auprès  de  Worro  Ilailo; 
il  leur  accorda  l'autorisation  de  faire  une  nouvelle  expédition  vers 
rOuest  et  ils  retournèrent,  vers  Addis  Abeba,  par  une  route  située 
plus  à  l'Est.  Celle-ci  les  fit  passer  par  Ankober,  l'ancienne  capitale  du 
Choa,  qui  ne  compte  actuellement  que  4  à  5,000  habitants,  principa- 
lement prêtres  et  moines.  Au  mois  de  mars  commença  le  voyage  vers 
l'Ouest.  Ils  se  dirigèrent  par  Antotto  vers  le  Hawasch  supérieur  qui 
traverse  là  un  pays  de  culture  très  développée,  puis  vers  le 
Gibbie,  cours  supérieur  de  la  rivière  Omo,  récemment  décou- 
verte, qui  se  jette  dans  le  lac  Rodolphe.  L'expédition  marcha 
ensuite  vers  Bilo,  dans  le  pays  de  Lega,  et  traversa  une  contrée 
appauvrie  par  la  peste  bovine  et  les  incursions  des  Abyssins,  mais 


S28  ÉTUDES  COLONIALES 

paraissant  produire  du  tabac  et  du  coton  en  grande  quantité.  A 
l'Ouest  de  Bilo,  les  voyageurs  entrèrent  dans  une  région  inconnue  qui, 
jusqu'au  Didessa  et  au  Dabus,  deux  affluents  du  Nil  bleu,  est  gou- 
vernée au  nom  du  Négus.  Deux  grandes  villes  s'y  rencontrent,  qui 
ne  se  trouvent  sur  aucune  carte  :  Gatama  et  Lekemti.  La  première  est 
une  ville  prospère  de  40,000  habitants,  où  se  fait  un  commerce  actif; 
M.  Blundell  remarqua  surtout  sur  le  marché  du  blé,  du  miel  et  du 
coton,  ainsi  que  du  fer  et  du  cuivre  apportés  de  l'Ouest.  Au  Nord- 
Ouest  de  Lekemti,  l'expédition  rencontra  la  rivière  Didessa  qui  coule, 
vers  le  Nord,  à  travers  une  gorge  abrupte  et  qui,  par  suite,  est  difficile 
à  passer.  A  quarante-six  heures,  à  l'Ouest  de  cette  rivière,  se  trouve 
le  poste  de  frontières  des  Abyssins  et,  dans  le  voisinage,  se  rencontre 
la  vallée  du  Dabus. 

Les  voyageurs  éprouvèrent  ici  certaines  difficultés.  Le  gouverneur 
se  refusait  à  les  laisser  passer.  Il  fallut  envoyer  un  messager  à 
Ménélik  pour  obtenir  les  autorisations  nécessaires.  Dans  l'entretcmps, 
M.  Blundell  et  ses  compagnons  se  livrèrent  au  plaisir  de  la  chasse  aux 
éléphants,  qui  abondent  dans  cette  contrée.  Us  en  tuèrent  un  entre 
autres  qui  mesurait  3"*60  jusqu'à  l'épaule.  Ils  firent  aussi  une 
excursion  vers  le  Nord,  au  cours  de  laquelle  ils  eurent  l'extrême 
surprise  de  constater  que  le  Nil  bleu  coule  à  35  kilomètres  plus  au  sud 
que  ne  l'indiquent  nos  cartes.  Il  est  vrai  que  jusqu'à  présent  le  cours 
du  Nil  bleu,  au  Sud  de  Godsam,  n'était  connu  que  par  voie  de 
renseignements.  Les  difficultés  opposées  à  leur  marche  ayant  été 
levées,  les  voyageurs  se  rendirent  à  travers  le  Sennaar  à  Khartoum, 
par  des  voies  connues.  Outres  les  constatations  géographiques, 
l'expédition  a  rapporté  des  renseignements  géologiques  et  des  collec- 
tions zoologiques;  elle  a  réuni,  notamment,  une  collection  de  trois 
cents  oiseaux,  dont  un  grand  nombre  étaient  entièrement  inconnus. 

Sénégal.  Prix  des  transports.  —  Le  prix  de  transport  d'une 
tonne  de  marchandises  de  Saint-Louis  aux  principaux  centres  du 
Soudan  sont  les  suivants,  d'après  la  feuille  de  renscii^'nonionls  de 
V Office  colonial. 

De  Saint-Louis  à 

Vc.    c. 

Kayc» 30     » 

Mcdina 50    » 

Déoubcba 409  TiO 

Kita 234  45 

«omako :^9â  72 

Koiilikoro 4i2  70 


CHUONIQUE  ,  â29 

Fr.  c. 

Tombouctou 566  45 

Seguiri 424  2î 

Kûiikan 445    2 

Kouroussa 446    2 

Nioro 267  57 

Ces  prix  sont  ceux  de  Taller.  Ceux  du  retour  sont  moins  élevés,  de 
moitié  environ. 

Erythrée.  L'or.  —  11  paraîtrait  que,  dans  les  derniers  temps,  les 
bruits  qui  circulent  périodiquement  en  Italie,  au  sujet  de  Texistcncc 
de  Tor  en  Erythrée,  auraient  acquis  une  certaine  consistance.  Depuis 
quelques  mois,  le  gouvernement  a  chargé  deux  experts,  dont  Tun  est 
originaire  de  la  Nouvelle-Zélande  et  l'autre  de  l'Alaska,  de  procéder 
à  des  recherches  au  sujet  de  la  nature  et  de  l'étendue  des  quartz  auri- 
fères. Il  y  a  quelques  semaines,  le  ministre  des  affaires  étrangères 
d'Italie  a  confirmé,  devant  la  Chambre  des  députés,  l'existence  de  dépôts 
d'or  en  ajoutant  que  les  travaux  des  experts  étaient  de  nature  à 
justifier  les  prévisions,  mais  qu'il  fallait  toutefois  s'assurer  d'abord 
si  l'importance  des  dépôts  était  assez  grande  pour  permettre  l'exploi- 
tation sur  une  grande  échelle.  Le  gouvernement  italien  se 
montre  tout  disposé  à  traiter  favorablement  toute  demande  de 
concession  pour  l'exploitation  de  l'or  et  à  faire  tout  ce  qui  est  possible 
pour  encourager  l'initiative  privée. 

D'après  le  «  Bolletino  délie  Finanze  »  les  recherches  se  font  actuel- 
lement à  Addi  Sciumagalla,  localité  située  à  cinq  quarts  d'heure  de 
Asmara,  le  long  d'une  bonne  route,  et  les  résultais  obtenus  jusqu'à 
présent  sont  très  variés,  quelques-uns  étant  très  satisfaisants,  mais 
d'aulres  l'étant  beaucoup  moins. 

Afrique  australe.  Production  diamantifère.  —  Les  diamants 
exportés  du  Cap  s'expédient  presque  exclusivement  en  Angleterre,  qui 
est  le  plus  grand  marché  de  diamants  du  monde  entier.  Les  autres 
pays  où  s'exportent  les  diamants  sont  :  la  Belgique,  la  France  et 
l'Allemagne,  mais  les  quantités  qu'ils  reçoivent  sont  insignifiantes  en 
comparaison  de  celles  qui  se  dirigent  vers  l'Angleterre. 

Les  exportations  de  diamants  du  Cap  ont  été,  pendant  les  six 
années  comprises  entre  1893  et  i898,  les  suivantes  : 

Liv.  sf. 

^895 3,821,000 

4804 2,6M,000 

480:> 4,775,000 


230  ÉTUDES   COLONIALES 

Liv.  st. 

1896 .    .  -*,647,O0O 

1897 4,434,000 

1898 4,367,000 

D'Angleterro,  lés  diamants  sont  envoyés  dans  les  différents  pays  où 
l'on  pratique  la  taille  des  diamants,  principalement  en  Hollande  et 
en  Belgique.  Presque  tous  les  diamants  de  TÉtat  libre  d'Orange 
(Jagersfontein),  dont  la  valeur  est  estimée  à  400,000  liv.  st.,  sont 
taillés  en  Belgique. 

En  1897,  la  production  des  diamants  dans  la  colonie  du  Cap  s'est 
élevée  à  3,220,368  de  carats,  représentant  une  valeur  de  4  millions 
de  liv.  st.  Cette  production  équivaut  au  cinquième  de  la  valeur  totale 
des  diamants  trouvés  au  Brésil,  depuis  l'époque  de  la  découverte  de  ce 
pays  jusqu'en  1886. 

L«»  Brésil  n'a  plus  guère  d'importance  aujourd'hui  comme  produc- 
teur de  diamants  de  parure.  On  n'y  extrait  plus,  en  fait,  que  îles 
diamants  noirs  que  l'on  emploie  dans  l'industrie.  Ces  diamants  sont 
recherchés  pour  leur  dureté  qui  les  rend  propres  au  percement  des 
roches  et  au  polissage  des  diamants  de  parure.  On  les  trouve  priiici- 
pal«*ment  dans  la  province  de  Bahia. 

L'Afrique  australe  deviendra  probablement  aussi  célèbre  que 
Golconde  puisqu'elle  a  produit  plus  de  diamants  que  Tlnde.  Dans 
cette  dernière  contrée,  on  ne  découvre,  en  moyenne,  que  pour  une 
valeur  de  160,000  à  200,000  liv.  st.  de  diamants  par  an. 

On  trouve  aussi  des  diamants  en  Australie  et  à  Bornéo,  mais  acluel- 
lement  on  peut  dire  que  l'Afrique  australe  détient  le  monopole  de  la 
production  des  diamants  dans  le  monde  entier. 


Brésil.  Travaux  publics.  —  Le  consul  des  États-Unis  à  Para, 
donne  d'intéressants  renseignements  au  sujet  de  certains  travaux  dont 
l'utilité  est  incontestable  pour  le  Brésil  et  qui  pourraient  constituer  des 
entreprises  rémunératoires.  11  faudrait  d'abord  réaliser  le  chemin  de 
fer  de  San  Antonio  de  Madeira  à  Marmore  qui  a  été  concédé  à  un 
entrepreneur  qui  se  trouve  dans  l'impossibilité  de  mener  les  travaux 


:GiiRO.yiQ.ujç  ,1  :231 

à  bonne  ftft.  Une  riche  ceinture  de  caoutchouc  borde  cette  ligne  el  leç 
ressources  agricoles  du  pays  sont  immenses.  Des  ingénieurs  envoyé? 
par  différents  syndicats  ont,  dans  les  derniers  temps,  étudié  li;?s  moye^is 
d'achever  la  voie. 

Cetle  ligne  ne  doit  avoir  que  cent  milles  de  longueur.  Son  but 
principal  est  de  contourner  les  chules  do  la  rivière  Madeira  qui  inter- 
rompent  la  navigation.  Un  peut  se  rendre  compte  de  son  importance 
par  le  f.iit  que  cette  rivière,  qui  est  navigable  sur  une  longueur  de 
1«200  milles  est  le  débouché  naturel  des  produits  de  la  Bolivie.  La 
rivière  Madeira,  qui  se  jelte  dans  TAmazone  à  quatre-vingts  milles  de 
Tembouchure  du  Rio  Negro,  est  profonde  et  accessible  h  tous  les 
navires  de  mer.  Aussitôt  que  le  chemin  de  fer  sera  construit,  on  pourra 
établir  des  conmmnications  directes  avec  les  Eliits-Unis  et  TEurope, 

Les  Cii|)ilaux  pourraient  trouver  un  aulre  emploi  dans  la  conslriic- 
tion  d'un  port  et  de  docks  à  Manaos.  Ce  port  est  d'une  grande  impor- 
tance et  est  relié,  par  des  lignes  de  navi^:>;ation  dont  le  service  se  fait 
tous  les  dix  jours,  aux  Élats-Unis  et  à  l'Europe.  Des  centaines  de 
bati'aux  qui  remontent  et  descendent  l'Amazone  et  ses  tributaires 
doivent,  en  vertu  de  la  loi,  passer  par  Manaoset  y  obtenir  des  autori- 
sations de  passage  des  autorités.  Pendant  la  saison  sèche  et  à  marée 
basse,  le  Kio  Negro  se  retire  à  une  dislance  «le  SOO  à  1,000  mètres  de 
la  \ille,  enïpêchant  ainsi  les  vaisseaux  d'aborder.  Les  plus  grands 
vaisseaux  du  monde  jTeuvent  naviguer  sur  le  Negro.  Le  gouvernement 
est  disposé  à  accorder  aux  entrepren<'urs  tons  droits  et  concessions 
désirables.  Le  coût  des  travaux  est  évalué  à  500,000  liv.  st. 

11  serait  utile  aussi  de  construiri'.  des  hangars  et  des  allèges  pour 
Temmagisinage  et  le  déchargement  des  m:irchandises.  Les  navires 
doivent  actuellement  attendre  souvent  une  dizaine  de  jours  avant  de 
pouvoir  débar(|uer  leur  cargaison. 

Il  y  aurait  aussi  lieu  de  construire  des  cales  sèches  à  Para.  Aujour-r 
d'hui  les  navires  endommagés  par  les  bois  flottants  qui  sont  nombreux 
dans  les  rivières,  doivent  être  envoyés  en  Europe  pour  être  réparés, 
fe  nombre  des  cales  dont  disposent  les  ports  de  la  cûte  Sud  de  l'At-r 
lanti<|ue  étant  insuffisant. 

L'établissement  de  scieries  à  vapeur  sur  l'Amazone  supérieure 
constituerait  aussi  une  excellente  entr«'prise.  Malgré  l'existence  de 
milliers  de  kilomètres  carrés  de  forêts  denses  et  remplies  de  bois  de 
conslruction,  les  steamers  faisant  le  service  entre  New-York  et  les 
Etats-Unis  apportent  de  ce  dernier  pays  du  bois  de  sapin  à  chaque 
voyage.  Dans  certaines  parties  de  l'Amazone,  il  n'est  pas  nécessaire 
d'attendre  la  création  de  chemins  de  fer  pour  le  transport  du  bois,  cai; 


232  ÉTUDES  COLONIALES 

les  cours  d'eau  font  parfaitement  cet  office.  Deux  scieries  travaillent 
toute  Tannée  en  mettant  en  œuvre  les  arbres  que  les  rivières  entraînent 
avec  elles. 

La  construction  d'un  chemin  de  fer  vers  la  Guyane  anglaise,  avec 
embranchement  vers  la  Coiombit^  et  le  Venezuela,  ouvrirait  de  nou- 
veaux marchés  aux  produits  étrangers.  La  région  que  traverserait  la 
voie  est  peu  habitée  et  est  couverte  de  ranclies  où  l'on  élève  du  bélail. 
Cette  industrie  est  malheureusement  paralysée  par  suite  du  m.iiique 
de  moyens  de  transport.  A  Para  et  à  Manaos,  il  y  a  souvent  pénurie 
de  viande.  La  voie  franchirait  une  vaste  région  d'arbres  à  o^ioul- 
chouc  el  un  pays  contenant  des  essences  de  bois  précieux  et  d'aulres 
produits  de  valeur  qui  trouveraient  tous  aisément  des  débouchés.  La 
contrée  est  presque  plane  el  renferme  du  bois  aussi  dur  que  le  fer, 
qui  faciliterait  le  travail. 

Les  Etats  de  Para  et  des  Amazones  sont  deux  des  plus 
riches  du  Brésil;  ils  fournissent  au  gouvernement  un  revenu  compa- 
rativement plus  élevé  que  les  autres  provinces  et  ils  n'ont  pas  de 
dette.  Ceci  s'explique  par  le  fait  que  le  caoutchouc,  qui  est  le  princi- 
pal produit  de  ces  réj^ions,  n'a  pas  de  rival  et  va  augmentant  de  prix 
avec  l'accroissement  de  la  demande,  tandis  que  le  café,  le  sucre,  le 
tabac  et  les  autres  produits  du  Sud  rencontrent  de  la  concurence  dans 
le  monde  entier  et  voient  leurs  prix  s'avilir  chaque  jour. 

La  population  de  Para  a  doublé  pendant  les  cinq  dernières  années 
et  de  nouvelles  industries  y  surgissent  tous  les  jours. 

Exploration  des  sources  du  Xingu.  —  Le  D**  Hennann  Moyer, 
de  Leipzig,  a  fait,  le  mois  dernier,  à  la  Société  de  Géograpliîe  de 
Berlin,  une  conférence  sur  sa  deuxième  exploration  des  sources  du 
Xingu.  La  région  des  sources  de  cet  affluent  du  fleuve  des  Amazones 
est  particulièrement  intéressante  au  point  de  vue  ethnographique,  car 
les  Indiens  qui  l'habitenl  sont  restés,  grâce  à  la  difficulté  de  péiiétra- 
tion  qu'offre  cette  contrée,  en  dehors  des  atteintes  de  la  civilisation. 
La  première  expédition  du  T)'  Meyer  a  fait  connaître  les  tribus 
indiennes  des  sources  orientales  du  Xingu;  la  deuxième  avait  pour 
objet  d'explorer  les  sources  occidentales  de  ce  cours  d'eau,  celles  qui 
descendent  du  plateau  de  Matto-Grasso,  et  de  rechercher  le  cours 
supérieur  de  la  rivière  Bonuro. 

Le  D*"  Meyer  et  ses  compagnons  partirent  du  Cuyaba,  au  mois  de 
mars  de  l'année  dernière  et  se  dirigèrent  au  nord,  vers  la  crête  du 
plateau.  Ils  ne  rencontrèrent  pendant  celte  partie  de  leur  voyage  que 
peu  de  gibier,  mais  par  contre,  ils  virent  énormément  de  serpents.  Le 


CHRONIQUE  S33 

voyageur  s'étonne  môme  qu'aucun  membre  de  lexpédilion  n'ait  été 
mordu  par  ces  roptilesqui  poussc^rent,  d'ailleurs,  l'indifférence  jusqu'à 
ne  pas  même  s'inquiéter  de  son  basset.  Chemin  faisant,  ils  aperçurent 
les  traces  d'une  razzia  opérée  par  une  tribu  d'Indims  entièrement 
inconnue  jusqu'à  ce  jour  et  qui  s'appellent  les  Kaschabi.  Il  esl  pro- 
bable que  l'un  ou  l'autre  chercheur  de  caoulchouc  leur  aura  appris  à 
connaître  le  fer  et  autres  objets  et  (|u'ils  avaient  voulu  s'en  procurer  à 
meilleur  marché.  Il  serait  utile  d'a;<ir  éjergiquement  contre  ces  pil- 
lards, si  l'on  ne  veut  pas  qu'ils  deviennent,  pour  les  colons,  une  plaie 
plus  nuisible  encore  que  les  fameux  Bororo. 

Arrivé  sur  le  sommet  du  plateau,  le  l)""  Meyer  se  dirigea  vers  le  Rio 
Fornioso,  cours  d'eau  le  [)lus  occidental  de  ceux  qui  se  dirigent  vers 
le  Nord  et  il  le  suivit  jusqu\m  point  où,  grâce  à  sa  confluence  avec  le 
Rio  de  las  Dombas,  il  devient  navigable  pour  les  canots.  Les  voya- 
geurs se  mirent  en  devoir  de  construire  des  embarcations  au  milieu 
d'une  nnlure  dont  la  sauvîij;erie  n'avait  pas  encore  été  troublée  par 
l'honime.  Malheureusenjent,  le  bois  était  trop  vert;  la  saison  des 
pluies  venait  seulement  de  finir,  ce  qui  fait  que  sur  les  3i  canots  qu'ils 
avaient  construits,  il  n'y  en  eut  que  10  qui  purent  être  em[»loyés. 

Après  avoir  envoyé  un  membre  de  l'expédition  sur  les  bonis  du 
Kuliseu,  situé  à  l'Ouest,  avec  les  bagages  dont  il  n'avait  pas  besoin, 
le  D'  Meyer  lança  tics  canots  sur  les  eaux  du  Rio  qui,  jusqu'à  ce 
moment,  n'avaient  jamais  porté  d'embarcation.  Pendant  la  première 
semninr,  la  navigation  ne  fut  troublée  que  par  hs  accidents  habituels 
aux  rivii'res  de  celte  région  et  qui  sont  dus  aux  trônes  d'arbres  voguant 
à  la  déiive  et  aux  blocs  de  rochers  qui  se  radient  sous  les  eaux.  Des 
singes,  drs  loutres,  des  lapins  et  antres  animaux  fin^nt  le  menu  des 
ex|)h»raieurs.  Puis,  la  scène  changea.  Des  inurailles  de  rochers  dénu- 
dés s'avaurèrent  et  resserrèrent  les  eaux  :  on  approchait  de  la  régitm 
des  chuti'S  La  navigation  devint  périlleuse.  Plus  de  150  cataractes 
durent  être  franchies.  Malgré  toutes  les  précautions,  un  grand 
nombre  d<'  canots  se  [»er(lirent.  Quatorze  fois  il  fallut  en  refaire.  On 
essaya  d«*  tourner'Ies  ehules  par  la  voie  de  terre,  mais  ce  fut  impos- 
sible ;  «rinipénélrables  broussailles  s'y  opposèrent.  On  avançait  à 
raison  de  deux  kilomètres  par  jour!  BientcU  la  famine  vint  s'ajouter 
aux  épreuves  des  voyageurs.  Beaucoup  de  vivres  avaient  disparu  avec 
les  cancits;  la  contrée  n'offrait  aucune  ressource  et  la  rivière  ne  ren- 
fermaii  pas  le  moindre  poisson.  La  faim  devint  si  impérieuse  que 
rexpiMlilinn  ne  recula  devant  aucune  extrémité.  Un  jour,  ils  tuèrent 
un  boa  et  n'hésitèrent  pas  à  dévorer  le  clievreuil  qu'il  venait  d'avaler 
et  qui  était  déjà  en  partie  couvert  de  suc  gastrique. 


234  ÉTUDES  COLONIALES 

La  nourriture  ordinaire  se  composait  des  bouts  amers  des  nouvelles 
fouilles  'd(^  palmier.  .Nulle  part  on  n'apercevait  la  mtûndre  trace 
d'une  habitation  humaine  ;  de  temps  à  autre  seulement,  des  vestiges 
de  <;hHSseurs.  La  plus  |;nmde  infortune  qui  les  frappa  fut  la  perle  du 
canot  qui  transportait  leur  provision  de  sel.  La  dysenterie  et  la  fièvre 
attaquèrent  IVxpéilition,  mais  sans  (cependant  causer  de  décès. 

Le  7  Juin,  ils  arrivèrent  au  milieu  d'un  paysage  de  forints  vierges, 
près  d'une  cataracte  ^^randiose.  La  rivière  se  jette,  à  cet  endroit,  d'une 
hauteur  de  15  mètres.  Celle  chute,  qui  était  la  première  qui  ait  été 
découverte  dans  la  région  du  Xingu,  reçut  le  nom  de  Bastian  Fall. 
Maiheureuseinent,  en  aval  de  cette  cataracte,  les  appareils  <le  photo- 
graphie et  une  centaine  de  vues  disparurent  dans  les  eaux.  Des  chutes 
moins  importantes  suivirent.  Deux  affluents  se  mêlèrent  bientôt  au 
cours  principal,  dont  la  largeur  fut,  par  suite,  portée  à  200  mètres  et 
les  explorateurs  purent  constater  qu'ils  avaient  atteint  le  Ronuro. 
Après  un  voyaj^e  (hî  deux  mois,  l'expédition  atteignit  l'embouchure 
du  Jaioba.  Ici,  les  poissons  étaient  en  abondance  et  ainsi  la  nourri- 
ture ne  manqua  pas.  L'escoi'te  emmenée  de  Cuyaba,  fatiguée  de  priva- 
tions, refusa  d'aller  plus  loin  et  le  D'  Meyer  dut  s'engager  à  ramener 
ses  serviteurs  dans  leur  pays.  Il  ne  put  donc  pas  continuer  ses  études 
ethnographiques  le  long  du  Xingu.  L'expédition  alla  reprendre  les 
baga^'es  envoyés  sur  les  bords  du  Kuliseu  et  retourna  vers  Cuyaba. 

De  grandes  modifications  se  sont  produites  parmi  les  tribus 
inditMines  de  c(4le  région  qui  semblent  se  resserrer  de  plus  en  plus 
vers  le  Kuliseu.  Les  sauvages  Bakairi  ont  beaucoup  diminué;  ils  se 
sont  joints,  pour  la  plupart,  à  la  population  paisible.  La  tribu 
nomade  des  Trumai  semble  également  être  en  voie  de  disparition. 
Dans  le  but  d'apprendre  les  différents  dialectes,  il  s'est  élabli,  entre 
les  diverses  tribus,  l'usage  d'i'changer  les  enfants. 

Grâce  à  l'expédition  de  M.  M<*yer,  les  sourcils  du  Xin^  peuvent 
donc  être  considérées  comme  définitivement  reconnues. 

Mexique.  Le  caoutchouc.  —  D'après  un  récent  rapport  du 
consul  des  Etats-Unis  à  Mexico,  sur  l'industrie  du  caoutchouc  au 
Mexique,  on  peut  acquérir  du  terrain  propre  à  la  culture  du  caout- 
chouc au  prix  de  4  shellings  à  5  livres  l'acre.  Les  terres  appartiennent 
toutes  à  drs  particuliers;  le  gouvernement  n'en  possède  point.  Toutes 
a»s  terres  sont  couvertes  d'une  jungle  épaisse.  On  peut  y  produire  du 
cacao,  des  ananas  et  des  bananes  aussi  bien  que  du  caoutchouc. 

On  plante  le  caoutchouc  au  moyen  de  boutures,  de  racines  ou 
d'arbres  produits  dans  les  serres  par  voie  de  semis.  On  met  de  cent 


CHRONIQUE  235 

cinquante  à  trois  cents  arbres  par  acre  et  on  commence  à  les  saigner 
ciiH|  ou  quinze  années  après  leur  plantation,  suivant  les  localités. 

Sous  les  conditicms  les  plus  favorables,  un  arbre  fournit  de  1  à 
2  livres  de  caoutchouc  par  an.  Le  prix  actuel  du  marché,  à  Frontera, 
est  d<».  2  s.  9  d.  environ  la  livre.  La  production  de  l'arbre  augmente 
avec  rrge. 

Los  régions  caoulchoutières  du  Mexique  sont,  en  général,  peu 
peuplées  el  élcâgnées  des  centres  de  population.  On  doit  importer  de 
la  main  d'œuvre.  Le  salaire  moyen  des  ouvriers  est  de  4  s.  par  jour. 
La  connaissance  de  la  langue  du  pays  est  désirable  chez  ceux  qui 
veulent  entreprendre  la  culture  du  caoutchouc: 

Les  arl)n»s  à  caoutchouc  se  rencontrent  depuis  la  frontière  du 
Gua(4'mala  jusqu'à  Tuxpan,  sur  le  golfe  du  Mexique  et  Colina,  sur  la 
côte  du  PaiiHque,  au  Nord. 

La  production  des  arbres  dépend  de  la  quantité  et  de  Tuniformilé 
de  la  distribution  annuelle  de  la  pluie,  ainsi  que  de  l'élévation  de  la 
tempi' rature.  Parmi  les  localités  peu  élevées,  celles  qui  reçoivent,  en 
huit  ou  dix  mois,  150  à  200  pouces  de  pluie  se  trouvent  dans  les 
meilleures  conditions,  bien  que  le  caoutchouquier  croisse  aussi  dans 
des  endroits  où  il  y  a  six  mois  de  pluie  et  six  mois  de  sécheresse  ; 
mais  dans  ces  dernières  localités,  il  exige  jusqu'à  douze  ou  quinze 
années  avant  d'arriver  à  produire,  tandis  que  dans  les  régions  ample- 
ment arrosées,  il  fleurit  au  bout  de  cinq  ou  six  ans. 

Brésil.  Exportation  du  caoutchouc  de  PAmazone.  —  Les 

exportai  i(»ns  de  caoutchouc  originaire  de  l'Amazone,  y  compris  celui 
qui  provi(»nl.des  États  de  Para  et  des  Amazones,  ainsi  que  des  répu- 
bliques du  Pérou  et  de  Bolivie,  se  sont  élevées,  en  1809,  à'25  mille 
401  tonnes,  dont  8,954  ont  été  importées  en  Angleterre. 

Les  chiffres  de  1898  étaient  respectivement  de  20,909  et  9  mille 
3G4  tonnes. 


ASIE. 

La  situation  politique  en  Extrême-Orient.  —  Un  membre  du 
parlement  anglais,  M.  Joseph  Walton,  vient  de  rentrer  à  Londres, 
après  avoir  effectué  un  long  voyage  à  travers  la  Chine,  le  Japon,  la 
Cor&»,  l'indo-Chine  et  l'Inde.  Il  a  parcouru  les  cours  d'eau  de  la  Chine 
sur  une  longueur  de  plus  de  3,000  milles,  dont  1,600  ont  été  effectués 


236  ÉTUDES  COLONIALES 

sur  le  Yang-lsze-  Le  Times  a  publié,  sur  cet  intéressant  voyage,  un 
interview  auquel  nous  empruntons  les  détails  qui  suivent  : 

«  Au  Japon,  a  déclaré  M.  Walton,  j'ai  eu  des  entrevues  avec  le 
marquis  Ito,  le  comte  Oluma,  le  vicomte  Aoki  et  d'autres  hommes 
d'état  en  vue.  J'ai  constaté,  chez  chacun  d'eux,  le  même  désir  d  une 
coopération  plus  étroite  entre  la  Grande-Bretagne  et  le  Japon  en 
Extrême-Orient.  Ils  ont  été  unanimes  à  exprimer  la  résolution  la 
plus  ferme  de  s'opposer,  même  au  prix  de  la  guerre,  à  toute  agression 
de  la  Russie  en  Corée.  Cette  attitude  n'a  rien  qui  doive  étonner,  quand 
on  songe  qu'il  est  essentiel  pour  le  Japon  d'étendre  son  territoire,  en 
présence  de  la  petite  surfaciî  de  terres  labourables  dont  ce  pays  dispose 
et  de  l'augmentation  constante  de  la  population  qui  s'accroît  à  raison 
d'un  million  et  demi  d'ames  par  an.  Or,  la  Corée  est,  pour  bien  des 
raisons,  le  débouché  naturel  de  l'excès  de  population  du  Japon. 

En  Corée,  j'ai  trouvé  des  agents  russes,  officiels  ou  non,  se  remuant 
activement  à  Séoul  et  ailleurs.  Ils  étendent  lentement  mais  sûrement 
l'influence  russe  dans  ce  pays,  et  d'après  ce  que  j'ai  vu  et  entendu,  je 
considère  comme  très  probable  qu'une  collision  entre  la  Russie  et  le 
Japon  aura  lieu  au  sujet  de  cette  contrée.  Un  des  hommes  les  mieux 
informés  de  la  Chine  était  d'avis  que  ce  serait  chose  faite  d'ici  peu  de 
mois.  Pour  prouver  qu'il  y  a  des  menacées  dans  l'air,  je  citerai  ce  fait 
que  les  russes  ont  fortifié  Port- Arthur  de  manière  à  le  rendre  impre- 
nable. Ils  ont  construit  des  fortifications  qui  encerclent  pour  ainsi 
dire  la  ville  et  je  tiens  de  source  quasi-officielle  qu'il  n'y  a  pas  moins 
de  40,000  hommes  de  troupe  russes  dans  et  autour  de  Port-Arthur  et 
de  Talien-Wan. 

Dans  la  Mandchourie,  j'ai  fait  une  excursion  le  long  du  chemin  de 
fer  de  Niû-chwang.  J'ai  constaté  que  la  contrée  était  occupée  militai- 
rement et  que  Ton  rencontre  des  soldats  à  chaque  station. 

A  Pékin,  j'ai  vu  le  prince  Ching,  président  du  Tsong-li-Yamen,  Li- 
Hung-Chang  et  d'autres.  Il  résulte  des  entretiens  que  j'ai  eu  avec  les 
résidents  anglais  les  mieux  informés  que  dans  leur  opinion,  on  a 
commis  une  faute  en  laissant  mettre  l'Empereur  de  côté,  l'année 
dernière,  car  il  en  est  résulté  une  plus  grande  puissance  en  faveur  de 
l'Impératrice  douairière  qui  est  toute  gagnée  à  l'influence  russe.  J'ai 
constaté  qu'à  Pékin,  où  notre  politique  était  toute  puissante,  il  y  a 
quatre  ans,  elle  ne  compte  plus  pour  rien  aujourd'hui  par  suite  de  nos 
hésitations  et  de  nos  concessions.  Les  grands  vice-rois  de  Nanking  et 
de  Chang  Chih  Tung,  entre  autres,  m'ont  dit  expressément  qu'ils 
avaient  regardé  l'Angleterre  comme  l'amie  de  la  Chine,  mais  qu'ils 
avaient  été  amèrement  désillusionnés  parce  qu'ils  avaient  compte  en 


GHROMaUE  237 

vain  sur  elle  pour  soutenir  la  Chine  contre  Taggression  des  autres 
puissances.  » 
Passant  à  son  voyage  sur  le  Yang-tsze,  M.  Walton  dit  : 
«J'ai  remonté  le  Yang  Isze  jusqu*à  Chung-Keng,  soit  sur  une  Ion 
gueur  de  1,600  milles.  J'ai  accompli  les  1,000  premiers  milles  en 
steamer,  puis  j'ai  franchi,  en  jonque  chinoise,  les  rapides  et  les 
gorges  du  Yang-tsze,  en  ne  parcourant  que  septante  milles  en  neuf 
jours.  J'ai  renc<mtré  alors  le  yacht  de  M.  Archibald  Little,  dans  lequel 
j'ai  effectué,  dans  le  même  temps,  une  distance  de  380  milles.  Les  der- 
niers 400  milles  se  sont  faits  à  travers  le  Szu-Chwan,  qui  est  l'objectif 
du  chemin  de  for  de  la  Birmanie  anglaise  et  du  Yang-tsze  supérieur. 
Sur  les  deux  rives  du  fleuve,  qui,  à  CImng-Keng,  a  une  largeur  de  trois 
quarts  de  mille  quand  les  eaux  sont  basses,  le  pays  est  cultivé  comme 
un  jardin.  J'ai  vu  des  milliers  de  commodes  habitations  entourées  de 
bouquets  de  b:iinbous  et  d'orangiTs  et  environnées  de  piôcesde  terre  de 
l'alluvion  le  plus  riche,  cultivées  avec  le  soin  le  plus  minutieux  et  pro- 
duisant deux  et  trois  récoltes  d  opium,  de  tabac,  d'indigo,  de  canne  à 
sucre...  C'était  un  monde  nouveau  qui  n'avait  jamais  entendu  parler 
de  la  guerre  sino-japonaise  et  qui  se  refusait  à  croire  que  la  Chine  ait 
pu  être  battue.  C'était  une  région  de  paix,  d'abondance  et  de  civilisa- 
tion J'ai  parcouru  plusieurs  vingtaines  de  milles  au  milieu  de  fermes, 
de  villages  et  de  villes  et  dans  tous  ces  endroits,  j'ai  été  traité  avec 
bienveillance  et  courtoisie.  Partout  où  nous  apparaissions,  la  popu- 
lation accourait  en  masse  pour  contempler  notre  petit  yacht  s'é|)0u- 
nionnant  à  se  frayer  un  chemin  contre  le  courant;  c était  la  deuxième 
fois  seulement  qm»  cette  partie  de  la  riviève  était  remontée  de  cette 
manière.  Plus  tard,  je  descendis  les  rapides  avec  le  yacht  c'était  la  pre- 
mière fois  qu'ils  étaient  franchis  par  un  steamer  et  j'acromplis  le  voyage 
deChung-Kingà  I  chang,  soitune  longueur  de  4"7 milles,  en  31  heures. 
Constamment,  notre  petite  embarcation  disparaissait  dans  le  bouillon- 
nement des  rapides.  Les  ressources  commerciales  de  cette  région  sont 
si  vastes  qu'elles  peuvent  à  peine  être  évaluées.  Rien  que  sur  le  Yang- 
Isze  supérieur,  il  y  avait  plus  de  5,000  jonques  de  conmierce,  occupée 
chacune  par  une  centaine  d'hommes,  ce  qui  représente  un  total  d'un 
demi-million  d'honnnes  engagés  dans  le  commerce.  Tous  ces  hommes 
sont  hardis  et  bien  constitués. 

Tandis  que  nous  ne  faisons  rien,  continue  M.  Walton,  pour  déve- 
lopper nos  intérêts  dans  le  bassin  du  Yang  tsze,  la  France,  l'Allemagne 
et  le  Japon  s  occufKMit  activement  d'étendre  leur  influence  politique  et 
commerciale.  La  France  a  couvert  la  vaste  et  populeuse  province  de 
Szu-chwan  de  missionnaires  appartenant  à  la  compagnie  de  Jésus,  qui 


238  ÉTUDES  COLONIALES 

ne  se  confinent  pas  exclusivement  dans  l'activité  religieuse.  Ils  ont  fait 
un  excellent  relové  géologique  de  cette  province  qui  a  été  suivi  de 
la  part  des  Français,  dune  demîinde  de  concession  pour  l'ouverture 
démines,  avec  droits  exclusifs,  dans  six  districts.  En  ce  qui  concerne 
la  navigation  du  Yang-tsze  supérieur,  nous  sommes  redevables  aux 
jésuites  français  d'une  excellente  carte  qui  vient  d'être  dressée  récem- 
ment. Sans  eux,  nous  en  serions  encore  à  devoir  nous  contier  à  une 
carte  anglaise  de  1861,  entièrement  surannée  et  hors  d'usage. 

Bien  que  des  canonnières  anglaises  aient  été  envoyées  sur  le  Yang- 
tsze  supérieur,  il  y  a  plus  d'un  an,  pour  surveiller  le  cours  d'eau,  un 
seul  de  ces  vaisseaux  a  atteint  jusqu'à  présent  un  point  situé  à  plus 
de  50  milles  de  1-chang  et  rien  n'a  élé  fait  pour  permettre  à  nos  offi- 
ciers de  se  familiariser  avec  la  navigation  de  la  rivière  supérieure. 
En  outre,  les  canonnières  que  le  gouvernement  a  envoyées  sont  abso- 
lument impropres  à  leur  destination,  tant  au  point  de  leur  construc- 
tion que  de  leur  puissance  de  propulsion.  Ces  bateaux  ne  peuvent 
faire  que  1 3  nœuds  alors  que  pour  luller  contre  des  rapides  d'une  vitesse 
de  13  ou  14  nœuds,  ils  devraient  pouvoir  en  fournir  16.  Ils  sont  munis 
d'hélices  au  lieu  d'aubes  et  sont  munis  de  plaques  de  1/8  alors  que 
seules  les  plaques  de  3/16  peuvent  rendre  des  services  en  présence  de 
la  nature  rocheuse  de  la  rivière.  » 

En  revenant  de  son  voyage  au  Yang-tsze,  M.  Wallon  fit  une  expé- 
dition sur  la  West-River.  Il  dit  à  ce  sujet: 

«  On  s'attendait  à  voir  l'ouverture  de  ce  cours  d'eau  profiter  au 
commerce  anglais.  A  ma  grande  surprise,  j'ai  constaté  que  non  seule- 
ment Nan  Niiig-fu  dont  le  gouvernement  britannique  avait  annoncé 
l'ouverture  depuis  le  mois  de  février  1891)  comme  port  à  traité,  n'était 
pas  encore  libre,  mais  que  sur  celte  rivière  comme  sur  le  Yang-tsze, 
l'accord  annoncé  ù  la  Chambre  des  Communes,  aux  termes  duquel 
les  marchandises  anglais(*s  pouvaient  être  transportées  dans  des 
bateaux  anglais  vers  toutes  les  villes  et  stations  fluviales  de  Chine, 
était  en  réalité  lettre  morte. 

Un  steamer  qui  a  été  construit  spécialement  en  vue  du  commerce 
sur  la  West  River,  sur  la  foi  de  cet  accord,  a  dû  être  rappelé  parce 
qu'on  ne  lui  a  pas  permis  de  charger  ou  de  décharger  de  «irgaison 
dans  aucune  des  villes  situées  entre  les  ports  à  traité  et  que,  par  suite, 
on  ne  pouvait  le  faire  naviguer  avec  profit.  Rien  que  Ton  ait  entendu 
dire  au  parlement  anglais  que  le  gouvernement  avait  décidé  de  sur- 
veiller efficacement  la  West-River  au  moyen  de  canonnières,  en  vue 
de  protéger  le  commerce  anglais,  j*ai  constaté  que  cela  se  faisait  d'une 
manière  si  insuffisante  que  la  piraterie  fleurit  à  son  aise  et  que  des 


CHRONIQUE  239 

steamers  appartenant  à  des  Anglais  ont  été  saisis,  pillés  et  ensuite 
employés  par  les  pirates  pour  caplurer  les  jonques  lourde  ment  char- 
gées. Et  ces  outrages  n'ont  pjis  été  suivis  de  représailles  qu«  Iconques 
de  la  part  des  canonnières  Cela  ré>ulte  de  ce  que  nos  oflitiers  n'ont 
pas  l'autorisation  de  desccndie  sur  terre  el  de  jiouisuivre  les  pirates 
dans  leurs  villages.  Li*s  Fiançais  construisent  actuellement  trois 
canonnières  destinées  à  naviguer  sur  la  \Vest-Ri\er  ci  qujnd  elles 
seront  lancées,  nous  verrons  bien  vile  qu'ils  débarqueront  des  troupes 
pour  mettre  fin  à  la  piraterie.  Et  du  même  coup,  ils  proci'deront  à 
l'occupation  militaire  à  notre  barbe  (vnder  our  vn'yiimc.) 

«  J'ai  constaté  que  l'activité  des  Français  dans  le  Sud  de  la  Chine 
contraste  d'une  manière  fiap^unnle  a\ec  notre  politique  d'abstention. 
Les  dangers  qui  menacent  l'avenir  du  commerce  anglais,  si  nous  ne 
maintenons  pas  nos  droits  et  notre  ii  fluence  dans  le  Sud  et  le  Sud- 
Ouest  de  la  Chine,  nous  sont  indiqués  par  la  situation  commerciale 
actuelle  de  la  Cochinchine,  du  Cambodge,  de  l'Aniiam  et  du  Tonkin. 
Tandis  qu'en  1885,  les  sept  huiti('mes  des  importations  de  Tlndo-Chine 
venaient  de  l'Angleterre,  de  i  Alh-magne  et  de  la  Suisse,  actuellement, 
grâce  aux  tarifs  protecteurs  imposés  par  les  Français  en  faveur  de  leurs 
propres  produits,  les  trois  quarts  des  importations  Vit  nnent  de  Franco 
et  un  quart  seulement  du  reete  du  monde.  Si,  par  suite  de  la  négli- 
gence de  notre  gouvernement  à  poursuivre  un(î  politi(|ue  ferme  et 
vigoureuse  dans  le  Sud  et  le  Sud-Ouest  de  la  Chine,  l'autorité  fran- 
çaise venait  à  s'étendre  sur  les  provinces  de  Zu-chouan,  Yun  Nan, 
Kwang-si,  et  Kwang-tun  —  but  que  les  Français  poursuivent  de  fous 
leurs  efforts  —  et  que  l'annexion  de  ces  provinces  eût  lieu,  ce  qui  arri- 
vera Selon  toutes  probabilités,  le  connnerce  anglais  sera  «traiïglé  là, 
de  la  même  manière  qu'il  Fa  été  en  Indo-Chine,  lien  sera  de  même 
pour  toutes  les  parties  de  la  Chine  qui  pourraient  être  annexées  par 
un  pays  protectionniste  comme  la  Russie.  » 


BIBLIOGRAPHIE 


Notes  sur  la  vie  française  en  Cochinchine,  par  P.  Nicolas.  In- 13  de  315  pages 
a^ec  4G  illuslrulioiis.  Paris,  Ernest  Flammarion,  1900. 

On  trouve  dans  cet  ouvrage,  d'une  lecture  fort  agréable,  non  de 
simpJes  notes,  mais  une  description  pittoresque  et  assez  compli^te 
de  Saigon  et  de  ses  environs.  A  côté  de  ses  observations,  d'ailleurs 
intéressanles,  sur  la  vie  des  colons  français,  l'auteur  a  fait  une  large 
place  aux  mœurs  des  populations  indigènes. 

Un  aperçu  sommaire,  mais  non  sans  valeur,  de  la  situation  commer- 
ciale complète  cette  étude,  qui  donne,  dans  son  ensemble,  une  idée 
favorable  de  la  colonie  française  d'Extrême-Orient. 


Almanach  des  Colonies  françaises  pour  iOOO,  public  sous  la  direction  de 
Ch.  IIalais,  ré'^idcnt  en  retraite,  avec  le  concours  de  plusieurs  personnalités  colo- 
niales. In- 18  de  5i0  pages.  Paris  (Lcvallois- Perret),  impr.  Grété  de  l'Arbre,  1900. 

Celte  publication  nouvelle,  due  à  l'initiative  privée,  mais  encou- 
ragée par  le  Ministère  des  colonies,  est  fort  bien  conçue.  Outre  les 
renseignements  officiels,  qui  forment  le  corps  de  toute  publiciition  de 
ce  genre,  on  y  trouve  pour  chaque  colonie  une  monographie  brève, 
mais  donnant  ce  qu'il  est  le  plus  essentiel  de  connaître,  au  point  de 
vue  du  commerce  et  des  transports. 

Autre  innovation  utile  :  en  tète  de  la  brochure  figure  une  élude  sur 
l'hygiène  aux  colonies,  due  à  la  plume  autorisée  du  D"^  Treille,  qui 
y  a  condensé  l'essence  de  ses  remarquables  travaux. 


Des  conditions  auxquelles  sont  soumises  l'émigration  et  rimmigration 
4es  travailleurs  aux  colonies  françaises  et  étrangères.  Thèse  pour  le 
doctorat  présentée  à  la  Faculté  de  droit  de  Poitiers,  par  L.  Rougé,  avocat  à  la  Cour 
d'appel.  Poitiers,  Marché,  1900. 

L'étude  de  M.  Rougé,  bien  que  portant  le  titre  de  «  thèse  »,  contient 
moins  d'opinions  |)ersonnelles  à  l'auteur  que  d'extraits  des  lois  et  des 
traités  réglant  la  matière  dans  les  différents  pays,  ainsi  que  des  opi- 


BIBLIOGRAPHIE  241 

nions  émises  sur  ce  sujet  par  les  principales  autorités  dans  les  sciences 
coloniales.  Cette  étude  est  d'ailleurs  complète  et  très  méthodiquement 
ordonnée. 


Le  Soudan  et  nos  colonies  côtières  (Sénégal,  Guinée,  Côte  d*i voire,  Dahomey). 
Réformes  nécessaires  dans  nos  possessions  de  l'Afrique  occidentale,  par  le  général 
DE  Trentinia.n.  In-12  de  125  pages  arec  carte.  Paris,  Hemmerlé  et  G'^. 

Ce  n'est  pas  sans  raison  que  J'autcur  a  cru  nécessaire  d'appeler 
l'attention  des  gouvernants  de  son  pays  sur  Ja  nécessité  de  mettre  de 
l'unité  et  de  l'ordre  dans  l'administration  des  possessions  si  vastes  et 
si  rapidement  acquises  de  l'Ouest  africain.  Il  conclut  à  rétablissement 
d'un  gouvernement  général  fortement  constitué,  laissant  d'ailleurs  à 
chaque  colonie,  dont  les  limites  seraient  rationnellement  établies,  une 
large  autonomie.  Il  réclame,  en  outre,  un  emploi  plus  économique 
des  forces  militaires  et  une  meilleure  organisation  douanière.  Ce  tra- 
vail, sérieusement  documenté,  mérite  d'être  lu,  même  par  les  étrangers 
qui  n'y  peuvent  attacher  qu'un  intérêt  purement  théorique. 


Anuradhapura  sous  les  rois  cinghalais,   par  J   Leclercq,  correspondant  d 
rAcadémie  royale  de  Belgique.  Bruxelles,  Hayez,  1000. 

Cette  brochure  est  extraite  des  bulletins  de  l'Académie  royale.  C'est 
un  curieux  fragment  de  l'histoire  de  Ceylan,  qui  fait  suite  aux  diverses 
études  publiées  par  l'auteur  sur  la  géographie  et  les  antiquités  do 
cette  île. 


Manuel  de  Culture  pratique  et  commercial  du  caoutchouc,  par  Fern.  Herbet. 
(In-I8de  HO  pages  avec  ligures).  Paris,  J.  Fritscli,  1899. 

Ce  traité  est  une  nouvelle  preuve  de  l'importance  qu'on  accorde, 
dans  tous  les  milieux  coloniaux,  au  développement  de  la  production 
du  caoutchouc.  Il  est  d'ailleurs  peu  étendu  ;  l'auteur  s'attache  prin- 
cipalement à  l'exposé  de  la  culture  du  Manihot  Giaziovii,  qui  est  seule 
traitée  d'une  manière  complète.  On  trouve  dans  ce  petit  manuel 
plusieui's  renseignements  utiles,  qui  auraient  pu  recevoir  plus  de 
développements. 


342  ÉTUDES  COLONIALES 

'  La  Nature  tropicale,  fmr  J.  Constantin,  mailrc  de  ennférences  à  TEeoIe  normale 
supérieure  (lu«8»  de  3l5  |Higrs  uvcc  4 60  gravures).  Paris,  Félix  AlcaD,  1899. 

Ou  trouve  dans  l'ouvrage  de  M.  Constantin,  une  étude  développée 
des  Hiractèros  si  f'r:ipp  ints  et  si  curie.ix  à  tant  de  litres  de  la  puissante 
végétitiun  des  fortHs  éqiiatoriales.  Ce  trailé  de  physiologie  végélule, 
à  la  hauteur  des  dernières  découvertes  et  des  théories  les  plus  auda- 
cieuses «le  la  science  cont(»mporaine,  est  cependant  très  accessible 
aux  lecteurs  qui  ne  possédant  qu'une  connaissance  élémentaire  de  la 
botanique  Aussi  le  croyons  nous  utile  à  consulter  pour  quiconque 
s'occupe  des  cultures  tropic^iles  On  pourrait  tiutefois  reprocher  à 
l'auteur  d'avoir  laissé  quel(|uefois  son  iini>gination  prendre  un  trop 
libre  cours,  comme  dans  son  dernier  chapitre,  peu  lié  au  reste  de 
1  ouvra-çc»,  où  il  cherche  à  développer  le  sens  de  vieux  mythes  confus 
par  dc's  hypothèses  assez  biziirres. 


Die  Kautschukpflanzen  und  ihre  Koltur.  par  le  professeur  D^  0.  Warburc 
lii-^o  de  l«>i  pages  avec  0.  figures.  Derlin,  1900. 

Le  travail  de  M.  le  professeur  Warburg  est  publié  par  les  soins  du 
Kolonial  WirIschalUiches  Kimitee,  qui  déploie  dans  ce  genre  d  études 
une  activité  remarquable.  C*  traité  répond  entièrement  par  son  but, 
son  plan  et  la  plus  grande  partie  de  son  contenu  à  celui  de  M.  Morris, 
dont  notre  Bull  -lin  a  publié  la  traduction  Tannée  dernière.  Cette 
coïiicidenci;  in(li(|ue  combien  la  question  du  caoutchouc  est  actuelle 
et  importante;  elle  nous  dispense  d'ailleurs  de  donner  une  analyse 
détaillée  de  ce  savant  traité.  L'ouvrage  du  D'  Warburg  est  du  reste 
extrémeuïcnt  rccommandable;  on  peut  regretter  seulement  que  le 
chapitre  consacré  aux  caoutchoucs  africains  ne  soit  pas  plus  déve- 
loppé. 


-** 


REVUE    DES    REVUES 


Le  MouTement  géographique.  N»  5  (A  février .  Le  commandant  Henry  sur  le 
Haut-Nil.  —  No  0  (11  fovrirr).  L'exploration  des  pro\ince8  centraUs  de  lu  Cliine,  par 
le  capitaine  Wingate.  Fernando- Po  et  let»  îles  espagnoles  du  goirc  de  Guinée.  —  N«)  7 
(18  février).  La  région  des  roncessions  dans  le  liussin  de  la  Sanglia  (u\ec  curie),  par 
A.  J.  Wautkrs.  Le  régime  des  coneesNÎons  dans  les  colonies  alleniandeii,  \mv  0.  S  — 
N»  8.  Lu*  flen*e  des  Aniiizom-s.  par  S.  T.  Kernando-Po. 

La  Belgique  coloniale.  N»  5  {A  fé\r  er)  et  ii<*  0  11  février).  Les  groltes  du  Ka- 
tanga.  par  (^h.  Lkmaikh).  —  N<*  7  (18  février  .  Golonisalion  russe.  —  N»  K  (tli  février). 
G'itériumH  éc<»iioini(|ues  et  coloniaux,  par  R.  V.  —  Les  derniers  procedô's  d'exlraclion 
du  caoulclioiie. 

Le  Congo  belge  N<>  5  (4  février).  Sauvagerie.  —  N"  G  (  1 1  févi'ier^.  Lu  <  adnnisation 
an  b«»n  vieux  lenip  .  par  J.  P.  Les  lies  Philippines  :  les  cnllures.  —  N»  7  28  f«'\rii>r).  Le 
Ccmgoaux  XVIK*  et  X VI U©  siècles.  —  N»  «  (i5  février).  Emin-Puclia  chez  Ich  M«iid)ultu. 

La  Semaine  horticole.  N"«  5  à  7  (10,  17  et  !Î4  février).  Gnurs  spécial  de  cidtures 
coloniales  dtHiné  à  l'i^Ieole  iriiorticullure  de  Vdvorde.  Gnupte-rendu  des  coni'fiences 
du  Di*  Drye|Minill   peu*  G.  Huuillet  Voyage  au  Feriian-Vaz,  piir  G.  De  itHA>b.NKH  (suite). 

La  Quinzaine  coloniale.  N^  75  (10  février).  Le  Huilget  des  colonies  pour  i900. 
LVxpansKHi  ctdoniale  de  lu  France  est-elle  terminée?  par  J.  GHAiLLKY-BEiir.  La  ùnloni- 
tali  n  agricole  au  Tonkin,  par  Duchësiin.  —  N"  76  (25  février).  La  Défense  de  nos 
colonies;  le  plan  fînancier,  par  Cnaillet-Bert.  La  Golonisalion  agricole  au  Tonkin 
(suite». 

Bulletin  du  Comité  de  l'Afinque  française  (février  ICOO.  Du  Niger  vers  le 
lac  Tehttd,  journal  de  route  du  capiiaine  Gazcniajou  (avec  carte;.  Le  Touûl,  par  Robert 

DE  G  <  IX. 

Deutsche  Kolonialzeitung.  No  5  fl«r  février).  Gongrès  intcinationnl  de  socio- 
logie col.  niide,  par  le  Dr  G.  K.  Anton.  Arliclcs  sur  les  communicHlions  p<i>lales  et 
téh-graphiqucH  des  colonies  allemandes. —  N"6(8  février).  Histoire  de  riiygicne  li-opicale 
en  Ailen[iagn<*.  par  le  Dr  Emmanuel  Gohn.  —  N»  7  (15  février).  Les  lerriloires  du  la  Gom- 
pagnie  coloniale  alleiurinde  du  Sud-Ouest  africain  (avec  carie).  —  No  8  {'i'i  février/.  Les 
chemins  de  fer  de  l'Afrique  orientale  allemande  (extrait  du  discours  du  comte  d*Arnim- 
Muskau  au  Reielistagi.  Articles  descriptifs,  avec  illuslralions,  sur  diverses  colonies 
africaines  alleniHiides. 

Bulletin  de  la  Société  de  Créographie  de  Bordeaux.  No  5  (5  février).  Musées 
commerciaux  et  coloniaux  a  Tétranger,  par  Alb.  Mengeot. 

Revue  des  Cultures  coloniales.  N»  40  (5  février).  Des  améliorations  a  apporter 
dans  les  colonies  françaises  à  la  cultui'e  de  la  canne  à  sucre,  par  Gustave  Landes.  Un 


244  ÉTL'DES  COLONIALES 

nouveau  procédé  d*extraction  du  caoutchouc,  par  Godefroy  Leboeuf.  Ckinsidérations  sur 
le  caractère  halopli}1c  du  cocoiier,  \mr  J.  Vilbouche\itch  La  maladie  des  racines  ou 
maladie  vcrmiculaire  du  caféier  (extrait  d*un  rapport  de  M.  Thierry  au  Syndicat  agricole 
de  la  Martinique). Les  plantations  des  poivriers  an  CamlM)dg(* (rapport  àa  M.  Adh.  Lcclèrc, 
résident  à  Kampot.  —  No  46  •  20  féxrifr  U)00)  Sur  la  Graine  de  Ko^im  [Brucca  Suma- 
Irana  et  sa  constilution  chimiqup,  par  les  prof.  Em.  Heckel  et  Fa.  Schlacdeniiaufe!!. 
(Etude  sur  un  remède  prétendu  nom ran  contre  la  dysentcrii*).  L'extraction  du  caoul 
chouc  des  écorccs  (lettre  de  MM  Dvbowsky  et  Faber)  La  maladie  des  racines  da 
caféier  (Cm)  Los  poivriers  au  Cambodge  (fui).  Les  arbres  à  caoutchouc  à  Gcylan.  ^Extrait 
du  rapport  de  M.  Pnrkin  . 

La  France  de  Demain.  No  âl  '15  février  .  Le  Peuplement  de  la  Tunisie  par  les 
Français,  par  J.  S\i;rin  (fin;.  En  apprentissu^f  (Soudan  franeaisj,  par  Em.  IUillado 

The  GeographicalJoumal  (jnn\ipr  1^)00;.  Sur  les  dunes  sablonneuses  bordant  le 
Delta  du  Nil.  (uir  Vuughan  Gomnish.  Un  record  d'exploration  dans  le  Nord-Est  de 
TAfi-ique.  Di^tribulion  dt-s  prodnciions  agricoles  en  dehors  dcb  tropiques,  par  A.-J.  Her- 
BERTsON.  Expédition  du  lieutenant  Kosl«»iï  en  Asie  centrale. 

Journal  of  the  Royal  colonial  Instiiute  (février  1900).  Tasmania  :  son  état 
primitif,  présentent  futur. 

Der  Tropenpflanzer.  No  2  (février  IdOO).  Rapport  de  Texpédition  du  Kunenc- 
Sambesif  par  H.  iuuh  (avec  5  gravures).  Les  frais  de  production  du  café  dans  le  Sud  du 
Hrésil.  par  E.  Prayer  I/exphiifuton  des  a'-bies  ù  caoutchouc,  par  le  Dr  E.  Hknrici. 
Utilisation  de  la  noix  de  kola  du  Kumernn  (nipptiit  du  pharmacien  militaire  Bemegauau 
Ko!.  Wirtsvii.  Komilce),  PInntufions  de  caontehouc  au  Mexi(|ue,  par  Ad. -F  Muller. 

Indisch  Genootschap*  Rapport  rie  lu  Gi^mmission  pour  la  révision  des  conditions 
d'admissibilité  clans  Tadminislrution  îles  Indes  néerlandaises.  (Séance  du  6  féxrier  1900). 

Indische  Mercuur.  ^N^o  à  8  févrii>r).  Expéi-imces  physiologiques  avec  le  Chinchona 
Saecirubra^  par  le  D^  J.-P.  Lotsy.  —  Sur  le  rendement  de  la  culture  du  caoutchouc,  |ior 
A.-Ë -J.  Bruinsma  et  A.-H.  BEhKmuT.  —  Machine  à  dépulpcr  le  café  de  Libéria 
«Graafland  »>  (a\ec  fignres).  -^  N«imbreuxr(n«>cignements commerciaux. 

Revista  Portugueza  coloniale  morieima.  i20  janvier  19(>0>.  AgricuUure  colo- 
niale, par  J.  Henkiquez.  Lu  Guinée  et  la  i;oloni>ation  agricole  par  A  -F.  Lorenço-Maji- 
QUES,  le  chantier  naval  de  Gatembc,  par  J.-A.  V. 


ÉTUDES  GOIiOHlAIiES 


N°  -1 


7*^  Année 


Avril  lOTO 


CÉARÂ 


AMAZONIE 


1.    VAL    DE    CAES. 
"i.    NAVIRES   A    VAPEIR    SUIl    l'aMA/ONE. 


Kpiis  quelques 
années,  une  fiè- 
vre d'entrepri- 
se nous  a  saisis  Elle  s'est 
appliquée  d'abord  au  Con- 
go, puis  à  la  Russie,  plus 
récemment  à  la  Chine,  et 
enfin  au  Brésil.  Le  nom 
belge  était  déjà  connu 
dans  le  Sud  et  le  Centre 
de  ce  pays,  grâce  à  plu- 
sieurs chemins  de  fer 
importants,  à  des  entre- 
prises telles  que  le  gaz  de 
Rio,  à  des  emprunts  qui 
ont  trouvé  chez  nous  de 
nombreux  souscripteurs. 
Aujourd'hui,  on  com- 
mence à  peine  à  nous 
apprécier  dans  le  Nord. 
A  quoi  faut-il  attribuer 
cette  extension  tardive  de  notre  activité  à  la  région  équatoriale 


2i6  KIIDES  COLONIALES 

du  Brésil?  Tout  d'abord,  le  Brésil  occupe  une  superficie  consi- 
dérable :  près  des  neuf  dixièmes  de  TEurope.  Le  Nord  est  spécia- 
lement craint  des  Brésiliens  eux-mêmes  pour  son  insalubrité  et 
rélévation  excessive  et  constante  de  la  lempérature. 

Ce  sont  à  présent  les  liabitanls  du  Sud  qui  nous  donnent 
Texemple  :  ils  sont  nombreux  qui  viennent  s'établir  en  Amazonie. 
La  période  révolutionnaire  de  1893  à  1895  a  laissé  bien  des  ruines 
de  Rio  à  la  frontière  d'Uruguay;  la  crise  économique,  résultat  de 
la  dépréciation  du  café  et  de  la  monnaie  nationale,  dure  encore  à 
présent.  Il  y  a  là  un  contraste  avec  la  richesse  du  Nord  et  sa  tran- 
quillité :  les  troubles  politiques  ^'y  sont  produits  rarement  et  sans 
cflusion  de  sang,  et  le  caoutchouc,  principal  élément  d'exportation, 
a  augmenté  de  valeur  tout  en  fournissant  des  récoltes  plus  aboii- 
danles. 

On  trouve,  au  Brésil,  diverses  espèces  de  caoutchouc  :  la 
mangobeira,  la  maniçoba,  la  gomme  élastique  et  le  caucho  (1)  pro- 
prement dit.  Le  mangobeira  provient  d'arbres  répandus  sur  les  pla- 
teaux de  tout  le  pays  :  sa  valeur  est  médiocre,  car  elle  devient 
poisseuse  et  offre  peu  d'élasticité.  Les  autres  qualités  sont  plus 
recherchées.  La  maniçoba  est  exportée  du  Cearà;  la  gonnne  élas- 
tique et  le  caucho,  des  ports  ama/.oniens. 

'  Le  Ceara  est  la  mère-pairie  de  l'Amazone.  Les  terres  équato- 
riales  ne  pouvaient  être  peuplées  que  par  la  race  cearense,  dure 
à  la  souffrance,  aux  privations  et  aux  températures  élevées.  Le 
Ceara  (2)  est  pourtant  sain;  son  territoire  est  vaste  —  plus  de 
100,000  kilomètres  carrés  —  et  productif;  aucun  excès  de  popu- 
lation —  il  a  800,000  habitants  —  n'est  à  craindre.  Pourquoi  donc 
s'expatrier?  Les  causes  de  l'émigration  résident  d'abord  dans  les 
sécheresses.  Alors  que  la  campagne  brésilienne  est  verte  et  pleine 
de  sève  en  toute  saison,  le  Ceara  et  les  régions  environnantes 


(1)  >'ous  avons  coiisené  à  ce  mol  son  orlhogiaphc espagnole  pour  é\itertouie  confusion 
avec  caoulchouc,  terme  géncraL 

(2j  Nous  sommes  rede>uhle  de  lenseignemenls  précieux  sur  ceUe  région  aux  émincnts 
écri^ain8  brésiliens  :  M.  le  d^  Thomaz  Pompuu,  président  de  rAcadêmise  ceairusc,  à 
M.  Uodolpho  Theopbilo;  au  colonel  Joào  Camara  et  à  M.  JofOly. 

Les  faits  généraux  que  nous  signalons  sont  connnuns  ù  rinlérieur  des  Etats  de  Baliia 
ou  Maranhâo.  De  même,  quand  nous  traitons  de  l'AniOzonie,  il  s'agit  de  tous  les  terri- 
toires arrosés  pm*  T Amazone  et  ses  afiluents. 


CKAHA    KT    AMAZOMK  "iH 

offrent  périodiquement  le  spectacle  d'une  nature  désolée.  Tous  les 
dix  ou  onze  ans,  le  fléau  s'abat  avec  une  fatale  régularité,  et  tous 
les  quatre  ans,  il  y  a  des  sécheresses  partielles  moins  désastreuses 
mais  encore  très  préjudiciables  à  la  vie  de  la  population.  On 
attribue  ces  sécheresses  au  déplacement,  vers  le  Nord  de  la  région, 
des  calmes  équatoriaux.  Le  territoire  sablonneux  et  uni  du  Ceara 
présente  une  déclivité  rapide  vers  la  mer  :  les  montagnes,  ou  plu- 
tôt les  collines  boisées  (serras),  sont  rares  et  n'offrent  pas  ainsi  de 
foyers  de  condensation  aux  nuages,  et  lors  des  pluies,  les  rivières 
gonflent  rapidement,  mais  l'eau  ne  s'y  maintient  pas.  Quand  la 
sécheresse  se  déclare,  les  récoltes  manquent;  le  bétail,  richesse 
fondamentale  du  pays,  meurt  de  soif  et  d'inanition.  Les  habitants 
fuient  en  hâte  :  les  uns  se  réfugient  dans  les  serras  qui  forment 
alors  de  vraies  oasis;  les  autres,  le  plus  grand  nombre,  se  dirigent 
sur  la  capitale  où  les  secours  sont  plus  sûrs  et  plus  prompts  et 
où  ils  s'embarquent  aisément.  C'est  la  ruine  pour  tous  et  la  mort 
pour  beaucoup,  car  bien  des  «  retirantes  »  succombent  en  route. 
Les  cadavres  de  gens  sans  sépulture  et  d'animaux  qu'on  ne  se 
donne  pas  la  peine  d'enfouir,  occasionnent  souvent  la  peste.  A 
toutes  ces  calamités  il  faut  ajouter  le  brigandage  qui  s'exerce  alors 
sur  une  grande  échelle  et  demeure  forcément  impuni.  Il  n'y  a  pour 
le  moment  qu'un  remède  à  ce  fléau  :  la  construction  de  barrages 
solides  aux  endroits  favorables,  afln  de  capter  les  eaux.  Les  auto- 
rités n  ont  cessé  de  les  recommander  et  le  Gouvernement  fédéral  a 
même  exécuté  un  barrage  monumental  à  Quixadà,  village  silué  à 
environ  35  lieues  de  Ceara.  Il  est  presque  achevé  et  peut  retenir 
42  millions  de  mètres  cubes  d'eau. 

Les  récits  fantastiques  de  fortunes  rapidement  acquises,  de 
salaires  rémunérateurs  allument  aussi  une  fièvre  d'expatriation 
chez  ces  journaliers,  payés  très  modiquement  chez  eux.  Ils  voient 
certains  de  leurs  anciens  camarades  revenir  au  pays  avec  des 
bagues  garnies  de  brillants,  des  montres  et  des  chaînes  en  or,  bien 
vêtus  et  de  l'argent  plein  les  poches. 

A  cette  fascination  de  l'argent,  il  faut  joindre  celle  des  aventures, 
car  le  ceareux  est  un  peu  bohémien.  On  trouve  des  ceareux  un 
peu  partout  au  Brésil. 

Pour  qui  a  eu  l'heur  de  parcourir  ce  pays,c'est  d'ailleurs  un  plaisir 
que  d'en  trouver  sur  sa  route.  Nous  n'avons  pas  assez  de  louanges 


248  KTLDKS   COI.OMALES 

pour  laccueil  généreux  qu'ils  font  à  I  étranger.  Des  premières  per- 
sonnes de  TEtat  au  plus  humble  vaqueiro,  c'est  toujours  le  même 
esprit  d'hospitalité  large  et  cordiale.  Le  plus  pauvre  seringueiro(l) 
ceareux,  presque  dépourvu  de  tout  dans  le  fond  de  l'Amazone,  parta- 
gera ses  provisions  avec  son  hôte  et  le  laissera  dormir  dans  son 
hamac  bien  abrité,  tandis  que  lui-même  s'étendra  sur  le  sol,  sans 
défense  contre  les  moustiques.  Le  cearens  est  très  imbu  d'idées 
religieuses  comme  tous  ceux  qui  sont  fréquemment  exposés  au 
malheur.  11  est  pénétré  de  l'amour  du  clocher  plus  qu'aucun  autre 
brésilien,  quoique  sa  terre  natale  lui  soit  bien  marâtre.  Il  proclame 
partout  que  sa  province  est  la  première  du  Brésil,  sinon  du  monde. 
Un  de  ses  grands  défauts  —  qui  ne  lui  est  d'ailleurs  pasexclusif — 
c'est  le  jeu.  Les  loteries  de  la  République  et  de  l'Etat,  le  jeu  des 
bichos  (loterie  transformée),  les  jeux  de  dés,  les  jeux  de  cartes 
sont  en  faveur  dans  toutes  les  couches  sociales  et  dans  les  villages 
les  plus  éloignés.  Nous  ne  pouvons  non  plus  omettre  une  passion 
qui  exerce  ses  ravages  dans  bien  d'autres  pays  et  spécialement 
dans  le  nôtre.  On  consomme  l'eau-de-vie  —  le  cachaçxi  —  en 
énormes  quantités  dans  toute  la  population  inférieure  au  Brésil 
et  surtout  au  Nord.  Après  boire,  les  qualités  du  cearens  deviennent 
des  défauts  :  son  énergie  et  sa  bravoure  se  transforment  en  esprit 
batailleur  et  souvent  le  couteau  donne  alors  aux  querelles  un 
dénouement  sanglant... 

La  côte  est  basse  et  sablonneuse  comme  celle  de  tout  le  Nord 
du  Brésil.  A  l'approche  de  Fostalcza  ou  Ceara,  la  capitale,  de  hautes 
masses  sombres  se  détachent  pourtant  du  ciel;  ce  sont  les  ieriiles 
serras  de  Porangoba,  de  Maranguape  et  de  Baturiti.  La  pointe  de 
Mocuripe  doublée,  une  ville  coquette  surgit  des  sables  jaunes,  et 
plus  on  approche,  plus  on  en  admire  l'élégance  et  le  pittoresque. 
Débarquer  n'est  pas  bien  facile.  La  mer  est  très  capricieuse  et  le 
canot  qui  vous  emporte  doit  doubler  avec  précaution  un  môle  qui 
protège  une  sorte  de  petit  bassin.  Les  sables  ont  tout  envahi 
et  déjoué  les  calculs  des  ingénieurs  anglais  chargés  de  construire 
les  installations  maritimes-  La  pente  de  la  plage  est  si  douce  que 
l'embarcation  s'échoue  à  dislance  du  rivage,  ce  qui  vous  oblige 


(I)  Ouvrier  de  la  fçonime. 


CtLVHA    F.T   AMAZONIE  iiO 

SOUS  peine  de  vous  tremper,  à  passer  dans  les  bras  de  nègres 
robustes,  accourus  pour  offrir  leurs  services. 

Une  promenade  en  ville  donne  une  impression  plus  agréable 
encore  que  la  vue  panoramique.  Les  rues,  formant  quadrilatères, 
sont  larges,  bien  pavées'et  souvent  bordées  d'arbres;  les  maisons, 
peintes  de  couleurs  fraîches,  sont  réjouissantes  à  voir  sous  ce 
soleil  tropical;  le  marché  en  fer  est,  avec  celui  de  Pernambouc, 
le  plus  élégant  et  le  mieux  tenu  du  Brésil;  un  parc  ombreux 
et  soigné  permet  d'échapper  aux  rayons  brûlants  du  soleil  ;  des 
tramways  dans  toutes  les  directions,  une  gare  de  chemin  de  fer 
ajoutent  une  note  pratique  à  ce  gracieux  ensemble.  Dans  Tinté- 
rieur,  c'est  encore  le  sable,  à  peine  recouvert  d'une  mince  couche 
d'humus,  parfois  les  serras.  Les  prairies  alimentent  le  bétail  ;  les 
serras  servent  souvent  surtout  à  la  culture.  11  suffit  d'ailleurs  d'un 
peu  de  pluie  pour  rendre  ces  sables  d'une  fertilité  étonnante. 

Que  produit  le  Céarà?  Autrefois  le  coton  et  le  café  surtout 
étaient  signalés  à  l'exportation.  Le  haut  prix  du  coton,  consé- 
quence de  la  guerre  de  la  sécession,  enthousiasma  les  producteurs 
au  point  qu'en  1871,  la  récolte  atteignait  8,000  tonnes.  En  1898, 
on  expédiait  à  peine  300  tonnes.  Pour  acquérir  de  nouvelles 
terres  à  la  culture  du  coton  comme  à  celle  du  café,  on  détruisit 
les  forêts  par  la  hache  et  l'incendie.  C'est  au  point  que  la  terre 
végétale  des  versants  n'a  plus  de  protection  ;  les  pluies  l'entraînent. 
II  en  résulte  le  dépérissement  des  plantations  de  café.  Comme  le 
Sicambre  de  Saint  Remy,  le  Céarens  adore  ce  qu'il  a  brûlé.  La 
manigoba  qu'on  avait  abattue  pour  donner  du  champ  aux  cultures 
rémunératrices  est  maintenant  replantée.  Elle  devient  le  principal 
facteur  de  la  richesse,  concurremment  au  bétail, et  c'est  elle  qui  a 
sauvé  le  Céara  de  la  ruine  lors  de  la  sécheresse  de  1898.  Le  lait 
de  la  maniQoba,  bien  traité,  fournit  une  gomme  élastique  qui  se 
rapproche  le  plus  du  type  Para.  Efle  se  présente  sous  diverses 
formes,  selon  le  mode  de  récolte.  Dans  les  serras  où  la  terre 
est  humide  et  la  chaleur  tempérée,  on  incise  l'écorce  avec  une 
hachette;  le  lait  est  recueilli  dans  des  gobelets,  puis  passé  par 
dessus  la  fumée  chaude  d'un  foyer,  ce  qui  le  coagule.  C'est  la 
première  qualité  de  maniçoba  :  elle  se  présente  en  pains  de 
volumes  divers,  très  chargée  d'eau;  elle  perd  une  fraction  élevée 
de  son  poids  en.se  desséchant.  Dans  le  sertaô,  le  sol  est  d'une 


2r>0  ÉTIDKS   COLOMALKS 

chaleur  excessive.  On  frappe  Técorce  de  coups  multiples  avec  des 
hacheltes,  des  coutelas.  Le  lait  se  coagule  spontanément  sur 
récorce  même.  Ces  lamelles  qu'on  arrache  sont  mêlées  de  débris 
de  bois,  mais  elles  sont  très  sèches.  C'est  le  chora,  les  larnus. 
Enfin,  les  paysans  qui  se  préoccupent  surtout  d'un  gain  immédiat, 
font  parfois  des  entailles  à  la  racine  :  le  lait  s'écoule  alors  dans  le 
sable  et  donne  la  qualité  appelée  ehào,  gomme  mêlée  de  terre  et 
fort  inférieure  à  la  précédente.  Ces  deux  dernières  qualités  sont 
les  plus  courantes.  On  les  traite  sur  le  marché  de  Liverpool  sous 
le  nom  de  de  Céara  Scraps.  Le  bétail  et  ses  produits  :  peaux  de 
bœufs,  de  chèvres,  figurent  à  la  sorlie  pour  une  valeur  considé- 
rable. La  caruauba,  ce  palmier  si  gracieux  et  dont  toutes  les  par- 
ties sont  mises  à  profit,  abonde  le  long  des  cours  d'eau.  On  se 
sert  encore  beaucoup  dans  l'intérieur  des  bougies  en  cire  de 
carnanba,  mais  leur  usage  diminue  :  la  cire  fondue  cause  des  brû- 
lures douloureuses,  et  les  bougies  de  stéarine  sont  à  bon  marché. 

Enfin,  l'élément  d'exportation  le  plus  intéressant,  c'est  l'homme 
lui-même.  Le  Céara  est  une  sorte  de  vivier  pour  le  Nord  du  Bré- 
sil. Depuis  la  sécheresse  de  1877,  l'émigration  n'a  pas  cessé.  Son 
chiffre  de  8,000  adultes  est  devenu  normal  et  il  est  porté  à  20,000 
dans  les  années  de  crise.  Bien  que  les  statistiques  soient  d'habi- 
tude très  sujettes  à  caution,  ces  données  n'ont  rien  d  exagéré.  Au 
mois  d'avril  1898,  nous  assistions  à  d'émouvants  adieux  dans 
toutes  les  gares  de  la  ligne  ferrée  qui  part  de  Fnstalez:i.  Le 
navire  en  service  hebdomadaire  sur  lequel  nous  nous  embarquions, 
portait  un  millier  de  passagers  de  troisième  et  un  grand  nombre 
restait  sur  la  plage.  Décrire  la  traversée  de  ces  pauvres  gens  est 
presque  impossible.  Us  sont  entassés  dans  l'entrpponi  comme  les 
esclaves  à  bord  des  négriers.  Les  hommes  sentrecroisent  en  un 
fouillis  inextricable,  superposés  par  trois  et  plus.  Le  tmitement  du 
Lloyd  brésilien,  mauvais  pour  les  premières,  est  écœurant  pour 
les  troisièmes;  on  y  manque  d'air,  d'installations  hygiéniques,  de 
confort  quelconque. 

Six  cents  milles  séparent  Fortaliza  de  Para.  Cette  dislance  n'est 
parcourue  qu'en  (piatre  jours,  lo  navire  faisant  escale  en  vued'Amar- 


(I)  Kii  I8!)7,  (wi  a  cxpni'U'î  du  (iôara  oiiviroii  'JiM)  humes  de  commode  iiiniiieoliu  \alaiit 


CÉARA    ET   AMAZONIE 


251 


raçâo  pour  enlever  le  courrier  du  Pianhy,  et  à  Maranhào,  rancienne 
capitale  du  Nord  aujourd'hui  bien  déchue.  A  Maranhào,  les  familles 
aisées  étaient  nombreuses;  mais  elles  ont  immobilisé  leurs  capitaux 
dans  des  entreprises  industrielles,  ce  rêve  au  triste  réveil  de  la 
politique  ultra-protectionniste  de  la  nouvelle  république.  La  plu- 
part des  fabriques  sont  tombées  ou  végètent,  en^sorte  que  les  for- 


ItVltlt.VC.K    nie    QTIXAhA. 

l'lIuTU(..l;AliIlL;   OLSLN    h'     UANZA. 


lunes  sont  très  ébréchées.  La  ville  paraît  morte,  les  trams  circulent 
peu,  riierbe  croît  dans  beaucoup  de  rues;  tout,  enfin,  y  décèle  la 
langueur.  Et  ce  serait[pis  encore  sans  les  ressources  que  procure 
à  Maranhào  le  voisinage  de  TAmazone.  La  nuit  du  troisième  jour,  on 
aperçoit  le  phare  de  Salinas,  la  meresl  pleine  de  phosphorescences, 
on  croise  de  nombreux  navires.  Au  point  du  jour,  on  est  devant 
Para... 

Nous  voici  dans  cette  région  des  merveilles  dont  l'opulence  a  été 
€xaltée  par  tous  durant  le  voyage.   A  ce  moment,  le  passager 


252  ÉTUDES  COLONIALES 

se    recueille  ;    les    appréhensions    remplacent    les    rêves    de 
richesse. 

La  fièvre  jaune,  les  fièvres  paludiennes,  le  beri-beri,  la  variole 
font  souvent  des  victimes  en  effet;  mais  elles  doivent  surtout  leur 
sort  aux  privations,  aux  excès  ou  aux  défauts  de  précautions.  Dans 
l'intérieur  on  ne  trouve  pas  les  facilités  d'existence  des  villes,  la 
viande  fraîche  y  est  le  plus  souvent  inconnue.  Il  est  d'énormes  ter- 
ritoires que  les  basses  eaux  séparent  complètement  de  toutes  rela- 
tions extérieures  pendant  six  mois,car  ici,  ce  sont  les  rivières  seules 
qui  servent  de  chemins  :  on  ne  s'y  occupe  ni  d'élevage  ni  de  culture, 
mais  uniquement  de  l'extraction  de  la  gomme.  Les  denrées  alimen- 
taires comme  le  xarque,  la  farine  de  manioc,  le  riz,  les  haricots, 
les  biscuits  se  gâtent  après  deux  ou  trois  mois.  On  est  bien  forcé 
de  les  manger  tout  répugnants  qu'ils  soient  puisqu'on  ne  dispose 
de  rien  d'autre.  Pour  boisson,  l'eau  dangereuse  de  la  rivière,  nr 
filtrée  ni  bouillie.  De  plus,  on  boit  sans  modération  l'eau-de-vie  de 
canne.  Un  patron  qui  manque  d'eau-de-vie  est  abandonné  par  ses 
ouvriers.  S'il  n'y  a  plus  de  cachaça  dans  les  environs,  on  consomme 
parfois  l'alcool  pur.  Nous  connaissons  même  des  exemples  de  patrons 
qui  buvaient  alors  jusqu'à  l'eau  de  colognc,  l'arnica,  et  d'autres 
médicaments  à  base  d'alcool. 

Un  ami  de  Tile  de  Maraji,  possesseur  de  quelques  animaux  rares 
conservés  dans  l'alcool,  avait  confié  le  département  des  précieux 
bocaux  aux  hommes  de  la  ferme.  Quand  il  revit  sa  collection,  elle 
était  à  sec  comme  Nelson  dans  son  tonneau. 

Le  manque  de  précautions  expose  toute  personne  et  parti- 
culièrement les  Européens.  C'est  ce  qui,  parmi  ces  derniers, 
fait  le  plus  de  victimes  dans  les  villes  où,  quant  au  reste, 
ils  jouissent  du  confort  nécessaire.  11  faut  se  garder  du  soleil 
de  la  pluie,  et  conserver  dans  le  meilleur  état  les  organes  diges- 
tirs.  Est-il  étonnant  de  constater  une  grande  mortalité  parmi 
les  matelots,  surtout  les  norvégiens?  Ces  hommes  du  Nord  d'une 
santé  à  toute  épreuve  se  préoccupent  autant  de  se  tenir  à  l'ombre 
et  au  sec  dans  les  rues  de  Para  que  sur  le  pont  de  leur  navire.  Leur 
insouciance  de  ce  ciel  de  feu  et  de  ses  ondées  leur  coûte  souvent 
la  vie.  Sans  pouvoir  se  rallier  à  une  conclusion  optimiste,  nous 
devons  à  la  vérité  de  déclarer  que  la  plupart  des  maladies  résultenl 
des  imprudences;  parfois,  de  la  peur.  Il  est  donc  bon,  de  ne 


CÉAIU   ET   AMAZONIE  233 

débarquer  au  Para  que  le  cœur  tranquille  et  quelques  principes- 
sommaires  d'hygiène  tropicale  dans  la  mémoire. 

Sur  le  pont  du  navire,  la  température  de  la  matinée  est  fort  sup- 
portable. Des  brises  souillent  constamment  sur  le  fleuve  même. 
Mais  sitôt  qu'on  est  àterre,  on  constate  que  la  chaleur  de  Rio,  de 
Bahia  ou  de  Pernambouc  a  quelque  chose  d  enviable.  Dès  9  heures 
du  matin,  le  thermomètre  monte  implacablement  et  on  est  soumis 
jusque  vers  6  heures  à  une  moyenne  de  31'*à32''.  L'après  midi  pour- 
tant, la  brise  de  Marajo  souille  avec  intensité  ;  mais  les  habitants  du 
port  sont  presque  seuls  à  en  protiter.  La  pluie  apporte  aussi, 
presque  quotidiennement,  quelque  modération  à  la  tempéi*ature. 
Elle  ne  tombe  plus  infailliblement  Taprès-midi  comme  c'était  le 
cas  il  y  a  peu  d'années.  On  demeure  parfois  sans  pluie  pendant  plu- 
sieurs jours  et  les  ondées  sont  devenues  capricieuses.  Leur  irrégu- 
larité à  démodé  les  anciens  rendez-vous  «  depois  da  chuva  »  après 
l'averse,  c'est-à-dire  vere  4  heures.  Tout  change  dans  l'Amazone.  Le 
climat,  la  salubrité,  le  cours  des  rivières  sont  très  variables.  Telle 
localité  réputée  saine  devient  un  foyer  de  fièvres;  telle  autre 
s'assainit,  dont  on  évitait  le  nom  comme  une  évocation  du  fléau. 
Il  n'est  pas  possible  d'émettre  sur  cette  question  une  opinion 
absolue.  Quant  aux  causes  de  ces  variations,  elles  sont  très  mal 
définies  :  on  incrimine  les  déboisements,  les  mouvements  de 
terres,  les  vents,  les  courants,  les  déviations  du  fleuve,  enfin 
l'importation  des  épidémies...  Les  nuits  sont  relativement  fraîches. 

On  est  vite  distrait  du  serrement  de  cœur  qu'on  éprouve  à  la 
pensée  des  dangers  futurs  :  c'est  avec  un  agréable  étonnement  qu'on 
voit  partout  l'activité,  le  mouvement  la  vie,  alors  qu'on  n'a  constaté 
dans  les  autres  ports  du  littoral  que  la  décadence.  La  baie  du  Gua- 
jaca  est  animée  par  de  nombreux  tninsatlantiques,  caboteurs, 
steamei's  fluviaux,  voiliers,  allèges;  et  une  flottille  de  barques 
assaille  le  navire  :  les  canotiers  d'Algarve,  criards  et  disputeurs, 
sollicitent  votre  préférence.  Le  bord  du  fleuve  est  dentelé  de  débar- 
cadères et  garni  des  wharfs-trapiches  des  compagnies  de  naviga- 
tion. L'avenue  qui  court  le  long  du  port  est  bordée  de  maisons  spa- 
cieuses à  un  étage  :  les  grandes  portes  du  rez-de-chaussée  donnent 
accès  aux  magasins;  des  nègres,  des  métis  demi-nus  et  ruisselants 
de  sueur  entrent  et  sortent,  poussant  des  diables  chargés  décaisses. 
Une  odeur  d'enfumé  vous  saisit  :  nous  sommes  dans  le  quartier  de 


2oi  KTIDKS   COLOMALFS 

rexporiation,(Jiins  rcinporiuin  delà  gomme  élastique.  Ln  rue  paral- 
lèle à  cette  avenue  est  occupée  par  le  commerce  d*imporlalion. 
Puis  vient  une  troisième  artère,  la  plus  mouvementée  du  commerce 
de  détail.  Cette  rue  est  extrêmement  pittoresque,  tant  par  la  foule 
qui  s'y  presse  que  par  la  nature  des  magasiils  qui  la  composent. 
On  y  coudoie  des  portefaix  portugais,  des  espagnols,  des  nègres 
à  pieds  nus,  vêtus  d'un  pantalon  et  d'une  chemise,  la  tète  couverte 
d'un  oripeau  informe;  des  cuisinières  de  toutes  couleurs  revenant 
du  marché  leurs  provisions  sur  la  tête,  des  mulâtresses  au  regard 
vif  et  accueillant,  coquettement  attifées,  le  pied  nu  à  peine  engagé 
dans  la  sandale,  un  corsage  blanc  très  échancré,  un  petit  bouquet 
de  Heurs  piqué  dans  les  cheveux  :  c'est  la  vraie  brésilienne,  chère 
aux  poètes,  séduisant  tout  le  monde  par  sa  grâce,  sa  coquetterie, 
sa  nonchalence,  son  désintéressement.  Mêlés  à  ce  populaire,  les 
gens  des  classes  aisées  vêtus  à  l'européenne  :  les  dames  en 
toilettes  estivales,  très  claires,  ce  qui  fait  ressortir  leur  teint  un 
peu  basané,  leurs  magnifiques  chevelures,  leurs  yeux  noirs;  les 
hommes,  surtout  les  fonctionnaires,  souvent  serrés  dans  une  redin- 
gote et,  chose  incroyable  par  une  telle  température,  le  cou  étranglé 
par  un  grand  col  droit  et  la  tête  coiHée  du  cérémonieux  haut  de 
forme.  Dans  les  magasins,  commerçants  et  commis  sont  à  la 
besogne  en  bras  de  chemise.  Partout  des  parfums  sont  dans  l'air. 
Dans  notre  pays  un  tel  abus  soulèverait  la  critique  :  il  est  néces- 
saire ici,  car  on  est  trempé  de  sueur  au  moindre  elTort. 

Les  maisons  de  commerce  qui  attirent  cette  foule  sont  souventde 
vrais  bazars.  Les  articles  les  plus  divers  y  sont  réunis:  on  y  vend 
des  chapeaux,  du  linge,  dos  vêtements,  des  harmonicas,  des  boîtes 
à  musifiue  et  des  montres.  (A  Manaos  on  rase  même  les  clients 
barbus  dans  une  pièce  adjacente.)  Entîn,  on  ne  néglige  rien  pour 
que  le  client  une  fois  entré  vide  toutes  ses  poches. 

De  juin  à  octobre,  les  affaires  de  di  tail  sont  surtout  locales  et 
suUisent  à  peine  à  couvrir  les  frais  généraux.  C'est  de  novembre  à 
mai  que  le  commerce  est  le  plus  llorissant  et  le  plus  fructueux:  le 
travail  de  la  gomme  est  alors  suspendu  et  les  seringueiros  affluent 
de  l'intérieur  avec  un  pécule  de  quelques  centaines  de  milreis, 
quelqi:efois  davantage.  Cet  argent,  dont  le  travailleur  n'a  pas 
l'habitude,  paraît  lui  brûler  la  poche  et  il  se  laisse  aisément  tenter 
comme  un  enfant. 


CKAHA    KT    AMAZOMK  *Zho 

Le  quartier  du  commerce  que  nous  venons  de  décrire  est  encore 
occupé  par  les  banques,  les  sociétés  d'assurance,  les  bureaux  des 
courtiers  de  change  et  de  fonds  publics,  des  notaires  et  des  avocats. 
On  y  trouve  aussi  de  nombreux  hôtels,  un  marché,  deux  bassins 
intérieurs  et  des  jardins  publics.  Les  banques  anglaises  et  les 
banques  locales  sont  indispensables  aux  transactions  avec  Tétranger 
€tsurla  place  même  surtout  dans  ce  pays  où  le  capital  circulant  fait 
défaut:  en  janvier-février,  au  Para,  comme  à  Manaos,  les  négo- 
ciants les  plus  importants  et  les  ban(|ues  sont  sans  numéraire,  et 
le  gouvernement  est  obligé,  pour  ne  pas  entraver  les  affaires,  de 
recevoir,  en  paiement  des  droits,  des  promesses  garanties  par  de 
bonnes  signatures.  Les  notaires  et  les  sociétés  d'assurance  sont 
encore  un  mécanisme  principal  de  l'organisation  économique.  Les 
crédits  aux  négociants  et  propriétaires  de  l'intérieur  sont  à  longue 
échéance  (un  an  souvent  quando  Deus  quizer)  (1)  et  présentent 
d'énormes  risques.  Une  hypothèque  et  une  assurance  sur  la  vie  au 
profit  du  créancier  diminuent  l'aléa  qu'offrent  la  probité,  l'activité 
et  la  santé  du  débiteur. 

Qu'on  nous  permette  ici  une  parenthèse  pour  signaler  la  géné- 
ralité des  tendances  protectionnistes  au  Brésil.  On  a  soumis  les 
sociétés  d'assurance  étrangères  à  des  lois  draconniennes  et  on  ne 
trouve  plus  ainsi  que  des  conipagnies  nationales.  On  connaît  les 
droits  excessifs  du  tarif  douanier  brésilien.  Le  cabotage  n'est  plus 
permis  aux  étrangers.  Les  voyageurs  de  co  lunerce  sont  frappés  de 
tfixes  municipales  hors  de  toute  proportion,  souvent  de  500  à 
1,000  milreis:  s'ils  ne  trouvaient  le  moyen  de  tronjper  le  fisc, 
Hs  acquitteraient  en  quelques  mois  de  leur  tournée  une  somme 
considérable.  Les  municipes  de  l'Amazone,  dont  les  autoritt^s  sont 
toujours  les  commerçants  principaux,  imposent  aussi  les  colpor- 
teurs d'une  manière  écrasante,  (^lertains  l^tats  vont  jusqu'à  charger 
de  droits  d'entrée  les  produits  des  États  concurrents  bien  que  ce 
soit  anticonstitutionnel.  Le  gouvernement  brésilien  devrait  mettre 
au  plus  tôt  un  terme  à  ce  chaos,  même  s'il  persiste  dans  la  politique 
de  protection  qu'il  a  suivie  jusqu'ici. 

Les  hôtels,  au  l^n*a;  ne  sont  que  des  maisons  ordinaires  aména- 
gées tant  bien  que  mal.  Aussi,  leur  confort  est-il  très  relatif  pour 

'  l)  Onniul  Dieu  le  \ (nuira. 


250  ÉTUDES   COLONIALES 

ce  que  rcj^arde  le  logement.  Quanta  la  cuisine,  elle  n'est  pas  tou- 
jours appétissante  et  les  mets  défient  trop  souvent  les  mâchoires 
les  plus  robustes.  Mais  comme  la  demande  dépasse  Toffre,  il  faut 
se  résigner  sans  murmurer.  De  décembre  à  mai,  l'encombrement 
est  excessif.  Deux  anses,  oii  une  flottille  de  grands  canots  d'intérieur 
s'échoue  à  marée  basse,  servent  de  marché  concurremment  à  un 
bâtiment  spécial.  Dans  l'un  des  bassins,  on  débile  le  poisson,  dans 
l'autre  les  denrées  du  pays.  Ils  luttent  sous  le  rapport  des  odeurs 
nauséabondes  que  dégagent  la  vase  et  les  détritus,  et  il  est  peu 
compréhensible  qu'une  autorité  aussi  soucieuse  de  la  santé 
.  publique  que  celle  du  Para  laisse  aux  vautours  et  au  courant  du 
fleuve  le  soin  d'enlever  les  matières  en  putréfaction.  Cet  air  pes- 
tilentiel est  pour  quelque  chose  sans  doute  dans  la  prospérité 
des  guinguettes  avoisinantes. 

La  ville  du  commerce  est  flanquée  de  quartiers  rich<*^  et  de 
quartiers  populaires.  Les  uns  et  les  autres  pénètreni  loin  dans  la 
campagne  ou  plutôt  dans  la  forêt.  On  trouve,  dans  les  premiers,- 
de  magnifiques  avenues  bien  ombragées,  plus  belles  que  dans 
aucune  autre  ville  du  Brésil,  des  habitations  luxueuses,  des  villas. 

La  largeur  des  rues  contraste  ici  avec  les  artères  étroites  de  la 
vieille  ville  où,  comme  partout  où  les  Portugais  ont  construit, 
deux  charrettes  ne  peuvent  bc  croiser.  Les  quartiers  populaires  com- 
prennent une  partie  de  la  vieille  ville,  des  maisons  de  pierre,  mais 
surtout  des  agglomérations  de  chaumières  en  torchis:  des  habita- 
tions moins  sommaires  les  remplacent  peu  à  peu.  Toutes  Ies< 
artères  de  quelque  importance  sont  sillonnées  de  rails.  Les  trams 
passent  fréquemment,  presque  toujours  regorgeant  de  passagers. 
De  quelque  distance  qu'il  s'agisse,  le  public  s'empresse  de  se  ser- 
vir du  tram  qui  lui  procure  un  peu  d'ombre  et  de  ventilation  ou 
l'abrite  de  la  pluie.  II  répond  aussi  merveilleusement  à  {'«aspiration 
de  farniente  qui  s'empare  de  tout  le  monde  sous  1  équateur.  Ou 
comprend  à  merveille,  après  quelques  années  de  séjour,  l'oppor- 
tunité du  proverbe  cabocio  (paysan):  «  Plutôt  assis  que  debout, 
plutôt  couché  qu'assis,  plutôt  endormi  que  couché.  » 

Grâce  à  sa  richesse,  les  distractions  que  Para  présente  sont  plus 
nombreuses  que  dans  le  reste  du  Brésil.  Des  troupes  italiennes  ou 
nationales  occupent  le  théâtre  pendant  presque  toute  la  saison.  On 
peut  se  demander  comment  une  assemblée  nombreuse  dans  un 


CKARA    ET   AMVZOME 


257 


espace  confiné  soit  possible  au  Para  :  le  théâtre  de  la  Paix  est  bien 
un  modèle  du  genre  pour  ce  qui  concerne  l'aération  et  le  confort. 
D'ailleurs,  Thabitude  des  températures  excessives  permet  bien  des 
extravagances.  Chose  presque  incroyable,  on  danse  énormément 
dans  les  maisons  particulières  et  dans  les  clubs.  La  bicyclette  est 
fort  en  honneur.  Dans  aucune  ville  du  Brésil,  nous  n'avons  rencon- 


l'iwiAimN   D     cvrjnF.it  (ama/.o.nki 


tré  comme  au  Para,  une  sorte  de  cours,  un  lieu  de  promenade 
générale  le  soir.  Lavenu^  de  la  Polvora  correspond  parfaitement 
à  nos  boulevards  centraux  pour  l'animation,  les  cafés,  l'excellent 
pavage  de  bois  et  de  macadam,  le  luxe  des  lumières;  elle  leur  est 
bien  supérieure  par  l'exubérance  de  sa  végétation.  On  a  installé 
dans  les  terrains  bordant  l'avenue,  des  moulins  à  chevanx  galop- 
pants  dont  les  jolies  Paraëuses  raffolent,  grandes  et  petites.  Leur 
luxe  laisse  loin  derrière  lui  le  clinquant  de  ceux  de  nos  foires.  Les 


258  KTLDHS   COLOMALKS 

exploitants  ont  fait  une  affaire  d'or,  mais  le  petit  commerce  se 
plaint  parce  qu'une  bonne  partie  du  budget  des  familles  de  condi- 
tion modeste  passe  dans  cet  amusement  nouveau.  L'été,  pour  jouir 
de  la  fraîcheur  des  brises  de  mer  et  échapper  aux  conventions  de 
la  vie  citadine,  les  riches  vont  en  villégiature  à  l^ènheiro  ou  à  Mos- 
queiro,  petites  localités  à  une  et  deux  heures  de  vapeur  de  la  capi- 
tale et  desservies  tous  les  jours  par  des  steamers;  à  Soure,  sur  la 
côte  de  Marajo,  que  le  bateau  hebdomadaire  atteint  en  six  heures; 
enthi  sur  la  ligne  ferrée  de  Bragança. 

La  presse  compte  deux  journaux  principaux  :  la  Province  du 
Para  et  la  Feuille  du  Nord,  deux  frères  ennemis, très  bien  rédigés 
et  dont  l'opinion  est  traitée  à  Rio  avec  beaucoup  de  considération. 

Para  est  donc  incontestablement  une  grande  ville,  et  nous  en 
donnerons  d'autres  preuves  encore.  Sa  population  d'environ 
100,000  habitants,  augmente  tous  les  jours.  Les  institutions  utiles 
et  charitables  sont  nombreuses  et  l'Hôpital  portugais  a  droit  à  une 
mention  toute  spéciale.  C'est  un  établissement  vaste,  propre,  bien 
outillé.  Les  sœurs  de  Sainte-Anne,  italiennes  ou  brésiliennes,  y 
soignent  les  malades  avec  dévouement;  les  médecins  les  plus  en 
renom  y  sont  attachés  (I).  Il  faut  rendre  hommage  à  cet  admi- 
rable esprit  de  solidarité  et  de  charité  qui  distingue  la  colonie  por- 
tugaise dans  toutes  les  villes  du  Brésil.  S'ils  ont  le  défaut  d'être 
routiniers  à  l'extrême,  il  faut  reconnaître  que  les  Portugais  sont 
des  travailleurs  infatigables  et  que,  quand  ils  sont  riches,  ils  se 
souviennent  de  leurs  concitoyens  pauvres  venus,  comme  eux,  pour 
tenter  la  fortune. 

Trois  cents  lieues  environ  séparent  Manaos,  la  seconde  capitale 
amazonienne,  de  Para.  Les  trar.satlantiques  remontent  le  fleuve 
en  trois  jours  et  demi  lors  des  basses  eaux,  et  mettent  de  vingt- 
quatre  à  trente-six  heures  en  plus  lors  des  crues,  tant  le  courant 
est  alors  rapide.  Ce  n'est  donc  pas  un  petit  trajet,  mais  on  le  regarde 
comme  un  déplacement  très  ordinaire.  Les  intérêts  qui  relient  les 
deux  places  rendent  les  voyages  fréquents;  il  n'existe  pas  de  grand 


(1)  Qu  on  nous  pernietle  (le  témoigner  ic-i  notre  rcconnnissunce  à  réminentpralicien 
D''  SiUa  Ilosado,  ancien  inlendant  du  Para,  aux  admirables  sueurs  de  Sainte  Anne,  a 
MMargucs,  proviseur,  à  M.  le  consul  Cliermont  qui  nous  ont  soigné  et  soutenu  avec 
ant  d'abnc'gulion  et  de  sympathie  lors  d'une  atteinte  de  ficvrc  jaune  en  décembre  1897, 


CÉAIIA    KT    A.MAZO.MK  2oî> 

centre  dans  rinlervalle,eldans  un  pays  aussi  vaste  et  aussi  chaud, 
tout  se  rapporte  à  des  unités  gigantesques.  Manaos  est  à  1  â  kilomètres 
du  confluent  du  Rio-Negro  et  de  TAniazone.  L'eau  du  Rio-iNcgro 
est  sombre,  et  il  semble  que  ce  fleuve  reflète  éternellement  un  ciel 
d'orage.  Aussi  est-on  bien  aise  de  lui  voir  des  rives  si  attrayantes. 
Quand  on  jette  l'ancre,  la  ville,  qui  garnit  plusieurs  collines,  pré- 
sente un  aspect  flatteur  autiement  pittoresque  que  Para,  bâti  sur 
terrain  plat.  La  baie  qui  constitue  le  port  de  Manaos  est  très  ani- 
mée, et  on  s'étonne  de  trouver  à  la  ville  un  air  si  moderne.  Manaos 
s'est  développée  récemment,  et  les  transformations  qu'on  lui  a  fait 
subir  ont  provoqué  de  vraies  épidémies  de  lièvre.  Elle  a  certes 
perdu  au  point  de  vue  de  la  salubrité;  mais  rette  situation  tend  à 
s'améliorer  et  elle  n'aurait  que  peu  à  envier  à  Para  sous  ce  rapport 
si  elle  disposait  d'une  alimentation  meilleure. 

Nous  avons  dit  que  Manaos  progresse  depuis  peu.  La  cathédrale 
toute  blanche,  sur  une  colline  dominant  la  baie  et  précédée  d'un 
joli  jardin,  est  vraiment  imposante.  Les  rues  qui  l'environnent  sont 
larges  et  bordées  de  bâtisses  toutes  neuves  :  il  ne  reste  plus  de  la 
vieille  villeque  le  quartier  du  grand  connnerce.  Plusieurs  monuments 
sont  en  construction,  et  ceux  qui  sont  achevés,  comme  le  théâtre, 
inspirent  un  jugement  très  flatteur  sur  le  bon  goût  des  pouvoirs 
publics.  On  a  nivelé,  on  a  pavé  beaucoup  de  rues,  et  c'est  un  sin- 
gulier spectacle  que  ces  maisons  dont  le  rez-de-chaussée  est  enterré 
ou  qui  surgit  à  la  hauteur  du  premier  étage  :  les  habitants  ont 
ainsi  l'air  de  vivre  dans,  une  cave  ou  dans  un  poulailler.  Ailleurs, 
la  voie  publique  est  éventrée,  et  il  y  a  danger  de  s'enliser  dans  les 
cloaques  après  une  pluie.  Avec  la  sensation  d  œuvre  inachevée  que 
tout  cela  éveille,  on  éprouve  la  satisfaction  de  constater  que  par- 
tout où  on  travaille,  on  poursuit  sérieusement  la  tâche  :  le  pavage 
est  excellent  où  il  existe,  les  aplanissements  sont  bien  exécutés,  les 
monuments  solidement  construits.  Les  progrès  acquis  sont  impor- 
tants :  la  distribution  d'eau  est  plus  régulière  qu'à  Para;  les  rues 
ont  un  éclairage  électrique  supérieur  et  bientôt  les  particuliers 
l'auront  à  domicile  ;  des  tramways  électriques  —  que  Para  ne  con- 
naît pas  encore  —  circulent  depuis  juillet  dernier.  Les  distractions 
sont  moins  variées  que  dans  la  capitale  voisine  ;  mais  pourtant  des 
troupes  d'élite,  attirées  par  de  larges  subventions,  animent  iré- 
buemment  son  théâtre.  L'été  dernier,  par  exemple,  le  public  ama« 


^CO  KTinKS   COÏ.OMALKS 

ionien  a  pu  apprécier  le  grand  tragédien  Giovanni  Eucamule.  On 
s'explique  que  des  troupes  théâtrales  étrangères  rencontrent  un 
accueil  si  enthousiaste  quand  on  sait  que  les  Brésiliens  d'une  cer- 
taine culture  sont  de  remarquables  polyglottes. 

Il  paraît  bien  loin  ce  temps  où  Manaos  était  la  résidence  des 
gouverneurs  impériaux  à  leurs  débuts  ou  de  fonctionnaires  en 
disgrôce.  Manaos  suit  rapidement  Para,  si  elle  n'en  a  ni  l'extension 
ni  l'importance.  Sa  population, d'environ 3,000  habitants,  augmente 
beaucoup  lors  du  passage  des  gens  de  l'intérieur.  Manaos  marche 
vite  depuis  que  le  gouvernement  dispose  de  vastes  ressources  et  que 
l'Étal,  dont  il  est  la  tête  est  toujours  plus  envahi.  Comme  dans  les 
autres  États  du  Brésil,  le  gouvernement  tire  ses  revenus  des  pro- 
duits exportés.  Or,  l'État  d'Amazonas  est  plus  exploitable  que  le 
Para  :  son  territoire  est  plus  étendu  (1,900,000  kilomètres  carrés 
contre  1,100,000),  son  champ  d'action  utile  occupe  une  surface 
incomparablement  plus  vaste;  dans  le  Para,  les  grands  fleuves, 
affluents  de  l'Amazone,  sont  tous  coupés  de  cataractes  près  de  leur 
embouchure  (1),  ce  qui  restreint  fort  le  peuplement  et,  par  con- 
séquent, le  travail  en  amont  des  chutes.  Supprimez  les  îles  (2),  et 
l'Etat  du  Para  voit  ses  revenus  baisser  de  plus  de  la  moitié.  Les 
rivières  principales  de  l'Amazonas  sont  navigables  par  les  hautes 
eaux  sur  un  long  parcours.  La  production  de  gomme  du  Para  se 
chiffre  par  8  à  9,000  tonnes;  celle  d'Amazonas  dépasse  1 1  mille 
tonnes.  Il  y  a  toujours  progrès  ici,  et  le  premier  chiffre  se  modifie 
lentement.  Les  droits  différentiels,  favorisant  l'exportation  des 
produits  sur  les  transatlantiques  à  Manaos  même,  contribuent 
aussi  à  donner  plus  d'essor  à  son  commerce.  Pourtant,  si  l'Etat 
d'Amazonas  encaisse  des  droits  de  sortie  plus  élevés,  la  cherté  de 
toutes  choses  rétablit  l'équilibre.  La  main-d'œuvre  est  rare  et 
exigeante.  L'expédition,  la  réception  des  marchandises  sont  coû- 
teuses. La  profondeur  de  la  baie  présente  sans  doute  plus  de 
sécurité  qu'à  Para  on  les  navires  de  haute  nier  se  tiennent  souvent 


(1)  Le  Tocunliiis,  le  Vinger,  le  Tapajoz  sont  navigaiiles  sui- 150  milles  environ. 

Le  ManditM'C  iVst  sur  700  milles,  le  Purus  sur  1,000  milles,  par  les  basses  eaux,  sur 
environ  3,000  milles  en  temps  de  crue,  le  Jurna  sur  500  milles  aux  basses  eaux,  sur 
!2,000  milles  lors  des  pluies. 

(2)  Les  îles  produisent  plus  de  (5,000  tonnes,  soit  plus  dos  deux  tiere  de  la  production 
<le  l'Etat  du  Para. 


CKARA  ET  AMAZONIE  261 

à  une  demi-lieue  du  rivîtge  :  à  Manaos,  ils  accostent  même  à  quai, 
durant  la  crue  maximum  du  Rio  Negro.  Le  courant  de  ce  fleuve  est 
presque  insensible,  tandis  que  la  marée  se  montre  à  Para  d'une 
extrême  violence.  Mais  les  installations,  la  plage  de  débarquement 
laissent  beaucoup  à  désirer  à  Manaos.  Le  mouvement  des  mar- 
chandises est  pénible  :  les  charrettes  doivent  gravir  des  rampes 
abruptes,  traverser  des  cloaques  dont  nous  avons  parlé;  il  n'est 
pas  étonnant  qu'elles  chargent  à  peine  300  kilos  lorsqu'elles  véhi- 
culent, à  Para,  de  800  à  1 ,000  kilos  sans  difliculté.  Ces  causes  d'infé- 
riorité disparaissent;  mais  Para  restera  toujours  le  grand  port  de 
mer.  Les  vapeurs  qui  pénètrent  dans  l'Amazone  doivent  y  toucher  : 
les  voiliers  ne  peuvent  aller  plus  loin,  le  remorquage  étant  trop 
onéreux;  les  capitaux  y  sont  relativement  abondants,  les  banques 
nombreuses;  Manaos  dispose  de  bien  peu  de  numéraire  et  les 
exportateurs  doivent  eux-mêmes  faire  office  de  banquiers;  le  prix 
des  marchandises  importées,  comme  celui  des  produits  indigènes, 
est  plus  avantageux  au  Para  :  le  pirarucu,  le  guarana,  le  cacao  sont 
écoulés  plus  facilement,  paroe  que  les  grands  acheteurs  y  résident 
et  se  font  concurrence;  enfin,  quelque  multiples  que  soient  les 
communications  de  l'Amazonas  avec  la- côte,  il  n'en  est  pas  moins 
séparé  du  monde  pendant  trois,  quatre  et  même  sept  jours  parfois. 
Le  câble  sous-fluvial,  qui  a  fonctionné  bien  peu  de  temps  sur  toute 
la  ligne,  est  presque  toujours  interrompu  et  l'absence  de  contact 
intime  avec  Para  et  l'Europe,  l'incertitude  sur  le  change  et  les  prix, 
donne  aux  affaires  un  caractère  spéculatif  des  plus  préjudiciables. 

On  est  près  de  désespérer  que  ce  fameux  câble  arrive  jamais  à 
établir  une  liaison  permanente  dans  l'Amazone.  La  compagnie 
anglaise  qui  l'a  posé  a  fait  une  expérience  des  plus  risquées.  Le 
câble  se  rompt  à  tout  moment  par  suite  des  mouvements  du  lit  du 
fleuve  ;  dans  les  ports  intérieurs,  les  ancres  le  soulèvent  parfois 
et  certains  commandants  trouvent  plus  simple  de  le  couper.  Les 
deux  vapeurs  de  la  compagnie  sont  sans  cesse  au  travail.  On  a 
cherché  à  améliorer  la  ligne  en  la  faisant  passer  dans  les  six  lacs 
parallèles  à  l'Amazone  :  jusqu'ici,  ce  changement  n'a  pas  donné  le 
résultat  espéré. 

L'isolement  de  l'Amazonas,  son  éloignement  de  Rio  —  les  vapeurs 
du  Lloyd  mettent  près  de  vingt  jours  à  ce  voyage  —  lui  don- 
nent une  sorte  d'indépendance.  Les  nouvelles  n'arrivent  que  bien 

2 


262  KTL'DKS   COLOMALRS 

tard  dans  la  capitale  fédérale  et  elles  sont  alors  entourées  de  ce 
caractère  incertain  et  nébuleux  que  portent  toujours  les  choses 
passées  et  éloignées.  D'ailleurs,  Tautonomie  que  garantit  la  Con- 
stitution ne  laisse  que  peu  d'occasions  au  gouvernement  central 
de  contrôler  ou  d'intervenir.  Les  petits  coups  d'Etat  ont  ainsi  clé 
assez  fréquents,  mais  ils  n'ont  jamais  eu  de  suites  ])ien  sanglantes 
et  les  classes  laborieuses  leur  sont  toujours  demeurées  étrangères. 

Si  nous  exceptons  les  deux  capitales,  il  n'y  a  que  trois  ou  quatre 
centres  de  population  qui  marquent  vraiment,  encore  Obidos  San- 
tarem,  Alemquer,  Parintins,  n'ont-ils  pas  chacun  2,000  habitanis. 
La  navigation  à  vapeur,  qui  multiplie  ses  escales  et  pénètre  davan- 
tage dans  l'intérieur  ramène  tout  le  trafic  aux  capitales.  Le  besoin 
de  points  de  ravitaillement  ou  d'expédition  est  ainsi  très  faible  et  les 
anciens  centres  tombent  en  décadence.  En  temps  de  récolte,  les 
villages  sont  presque  déseris  :  il  y  reste  l'intendant,  le  curé  — 
quand  il  y  en  a  —  et  quelques  vieilles  femme?. 

Les  éléments  de  la  population  (I)  dans  l'Amazonie  consistent 
dans  les  Indiens,  les  Cabalas  ou  Métis,  les  immigrés  nationaux  et 
quelque  peu  les  étrangers. 

Les  Indiens  appartiennent  aux  tribus  les  plus  diverses.  Les 
Maues  et  les  Mandurueus,  près  de  Tapajoz,  sont  doux,  assez 
tra\ ailleurs,  et  presque  mêlés  à  la  population  civilisée.  Les  Indiens 
du  Uaupès  et  des  autres  affluents  du  Rio-Negro,  comme  ceux  de 
quelques  autres  fleuves  amazoniens,  se  mettent  souvent  au  service 
d'exploitants  de  la  gomme,  puis  s'en  retournent  chez  eux  ;  ils  ne 
comprennent  pas  le  portugais,  faisant  uniquement  usage  de  leur 
propre  langue.  En  général,  ils  sont  paresseux  et  buveurs,  et  beau- 
coup de  propriétaires  n'en  veulent  pas  «  Indio  é  caro,  mesuco  de 
graça  ».  «  L'Indien  est  cher  même  pour  rien  »,  disent-ils.  Cepen- 
dant, les  travailleurs  indigènes  du  Béni  sont  plus  actifs  et  plus 
disciplinés;  les  jésuites  ont  fait  autrefois  leur  éducation.  L'impres- 
sion qu'ils  en  ont  reçue  est  telle  qu'ils  révèlent,  d'eux-mêmes,  au 
patron  ou  au  corregidor  leur  intention  de  faire  un  mauvais  coup  et 
sollicitent  un  châtiment  pour  éloigner  la  tentation.  Les  tribus 
hostiles  préoccupent  encore,  dans  certaines  régions,  les  gens  de 


(1)  Noiis  n*avons  pas  entendu  faire  ici  de  reihnograpliic  :  notre  but  est  csscnticUe' 
ment  pratique  cl  non  scientifique. 


CKARA    ET   AMAZONIE 


2(i:j 


Tintérieur.  Leurs  attaques  sont  la  suite  de  leur  caractère  belli- 
queux et  pillard;  souvent  aussi  elles  résultent  des  avanies  quon 
leur  fait  subir. 

A  peu  de  dislance  de  Para,  vers  la  frontière  du  Maranhao,  des 
sauvages  assaillent  parfois  les  établissements  et  coupent  les  fils 
télégraphiques.  Les  habitants  du  Rio  iVIachados  sont  célèbres 
pour  leur  courage  et  leur  férocité;  ils  renouvellent  toutes  les 
années,  lors  des  eaux  basses,  leurs  incursions  meurtrières  jusqu'à 
la  rive  droite  du  Madeira.  Les  Janaperys  ont  rendu  un  affluent  du 
lîio-Negro,  très  proche  de  Manaos,  presque  inaccessible.  On  parle 
encore  des  Jamamadys,  dès  Ypuriuans  du  Purus.  Ce  sont  là  les 
tribus  les  plus  citées  dans  TAmazone. 


l'A.VUKAMA    I»K.    ALKMyi  KU    (AMVZU.NE). 
l'IlUT.   oi.SKN    F,    Il  AN/A. 


On  leur  fait  à  toutes  une  réputation  terrifiante,  mais  il  faut,  sans 
doute,  en  rabattre.  Un  explorateur  colombien  que  nous  avons 
connu  à  Manaos,  M.  Velez,  nous  renseignait  la  manière  originale 
dont  il  s'était  tiré  d'affaire  dans  une  circonstance  critique.  Remon- 
tant le  Jary,  il  était  tombé  au  milieu  d'un  parti  d'Indiens  aux 
intentions  équivoques.  Velez,  montrant  son  Winchester  au  chef, 
tira  quelques  balles  à  400,  600,  800  mètres  :  il*  lui  fît  compendre 
qu'on  tuait  les  porcs  avec  ce  joujou.  Et  pour  achever  d'impressionner 
l'entourage,  il  décrocha  délicatement  un  superbe  râtelier.  Les 
Indiens,  comme  on  l'imagine,  le  prirent  pour  sorcier. 

Dans  les  malocas  d'Indiens  doux,  le  gouvernement  installe  sou- 
vent un  religieux  ou  un  instituteur  pour  les  instruire  et  les  amener 


264  ÉTUDES   COLONIALES 

graduellement  à  la  clvilisalion.  Les  enfants  indiens  qu'on  envoie 
dans  les  villes  meurent  de  langueur  :  aussi  les  pères  français 
ont-ils  ti*ansporlé  leur  orphelinat  à  Teffé,  petite  localité  de  l'Ama- 
zone. 

Les  caboclos  ou  métis  sont  répandus  dans  les  endroits  qui  ont 
été  habités  d'abord  par  les  envahisseurs  portugais  :  les  bords  de 
l'Amazone  même  et  quelques  affluents.  Ils  sont  surtout  pècheui-s 
et  consentent  rarement  à  s'interner  dans  les  forêts  pour  recoller 
la  gomme  :  le  gain  les  laisse  presque  indifférents. 

Les  immigrés  nationnaux  —  surtout  les  ceareux  —  forment  la 
vraie  population  laborieuse;  mais  ils  constituent  un  élément  assez 
flottant  car  le  seringueiro  aspire  toujours  à  revoir  son  pays  natal. 
Rarement,  il  consent  à  se  fixer  dans  les  colonies  que  le  gouverne- 
ment lui  ouvre. 

L'Etat  du  Para  surtout  cherche  à  fixer  ainsi  sur  son  lerriloire 
des  populations  agricoles.  11  a  d'abord  accueilli  des  Américains 
lors  dé  la  guerre  de  la  Sécession  ;  à  présent,  il  subventionne  une 
immigration  espagnole.  Aucune  des  colonies  pourtant,  ne  parait 
prospérer  :  les  nationaux  désertent  pour  les  seringoes  ;  l'étranger 
n'y  demeure  qu'autant  que  le  gouvernement  lui  fournisse  le  vivre 
et  le  couvert,  et  il  ne  défriche  rien.  Dès  que  cette  tutelle  fait 
défaut,  l'Espagnol  préfère  courir  la  ville,  exerçant  un  métier  quel- 
conque. Il  faut  convenir  aussi  que  le  choix  des  colons,  remplace-  , 
ment  des  colonies,  leur  administration  ofirent  une  large  prise  à  la  i 
critique.  j 

Il  est  assez  intéressant  de  constater  que  les  femmes  manquent  | 
ailleurs  que  dans  les  centres  importants.  La  raison  s'en  trouve 
probablement  dans  le  fait  que  les  émigrants  sont  célibataires  ou 
laissent  leur  famille  au  pays.  Qiiand  des  patrons  sont  satisfaits  de 
l'activité  d'un  client,  ils  se  font  parfois  adresser  une  femme  sur  sa 
demande.  Un  de  nos  amis,  grand  propriétaire  à  Marajo,  nous  mon- 
trait une  lettre  de  son  frère  qui  administrait  les  fermes  et  terminait 
ainsi  :  ce  Expédiez-moi  tant  de  sucre,,  de  café,  decachaça,  de  hari- 
cots, et  trois  femmes  du  Maranhâo  ».  On  confond  ainsi  le  beau 
sexe  avec  les  denrées  les  plus  vulgaires.  Les  destinataires,  non 
plus,  ne  sont  pas  bien  difficiles.  Quelle  que  soit  la  femme  qui  lui 
arrive,  le  seringueiro  ou  le  vaqueiro  s'assure  une  société  agréable 
et  une  aide  précieuse.  La  femme  de  classe  inférieure  déploie  gêné- 


ChlAUA    ET   AMAZOMK  265' 

nitement  plus  d'activité,  voire  plus  d'ardeur  au  travail  que  l'homme 
môme. . . 

La  population,  telle  que  nous  venons  de  la  décrire,  comprend, 
de  400,000  à  500,000  âmes  pour  le  Para,  de  150,000  à  200,000 
pour  TAmazonas,  soit  au  total  de  600,000  à  700,000  habitants. 
Elle  se  trouve  répartie  sur  un  immense  territoire  de  3,000,000  de 
kilomètres  carrés,  soit  100  fois  la  Belgique.  Dans  les  coins  les 
plus  reculés  de  l'Amazonie,  on  trouve  des  travailleurs,  la  culture 
occupant  un  nombre  de  bras  insignifiant  :  cela  témoigne  de  la 
grande  dispersion  des  essences  extractives. 

Ces  essences  forment  la  vraie  richesse  du  pays.  Bien  que  l'ex- 
portation dénote  un  progrès  continu,  elles  sont  encore  relativement 
peu  travaillées.  Avant  de  traiter  cette  question  qu'on  nous  permette 
quelques  mots  sur  les  autres  exploitations. 

La  pêche  est  active  sur  la  côte  maritime  et  dans  les  lacs  qui 
accompagnent  l'Amazone.  Ceux  qui  s'y  livrent  sont  les  fils  du  pays  : 
nous  avons  déjà  dit  leurs  préférences  pour  la  vie  sur  l'eau.  Dans  les 
lacs,  on  capture  surtout  le  pirarucci,  un  grand  poisson  qu'on 
sèche,  et  qui  joue  dans  l'Amazone  le  rôle  de  la  morue.  Il  est  con« 
sommé  dans  toute  la  région  mais  surtout  dans  les  îles  où  la  profon- 
deur des  eaux  rend  la  pêche  difficile.  L'élevage  du  bétail  est 
pratiqué  au  Sud-Est  de  Marajo,  dans  les  prairies  du  bas-Amazone 
(de  Santarim  à  Parintius)  et  dans  les  plaines  du  Rio-Branco.  L'en- 
semble ne  donne  pas  500,000  têtes  et  le  poids  moyen  à  l'abattoir 
de  Para  est  de  115  kil.  :  le  poids  de  150  kil.  est  considéré  comme 
un  maximum  respectable  pour  un  bœuf.  Il  y  a  donc  nécessité 
absolue  d'importer  le  bétail  du  Ceara  et  de  Buenos-Ayres  pour 
Talimentation  des  villes.  Dans  l'intérieur,  on  mange  généralement 
la  viande  sèche,  le  poisson,  les  tortues  quand  on  est  à  proximité 
d  une  plage  qu'elles  fréquentent.  Le  gouvernement  du  Para  et 
celui  d'Amazonas  sont  très  préoccupés  de  trouver  de  nouvelles 
prairies,  mais  à  part  les  zones  signalées,  c'est  presque  toujours  la 
forêt  :  les  prairies  artificielles  sont  beaucoup  trop  coûteuses  pour 
qu'on  recourre  à  ce  moyen.  On  cultive  la  Cciune  pour  la  distillation, 
le  manioc,  le  tabac  dans  le  Selgado  (1).  Le  cacao  est  récolté  sur 
les  bords  du  Tocantins  et  du  bas-Amazone  :  sa  qualité  est  supé- 


(I)  1.0  Pnra  imuilimc  au  Sud  dv  Miirnjo. 


268  KTIDES   COLONIALES 

Le  patron  relire  son  grand  profit  de  la  vente  des  marchandises. 
Il  les  vend  cher,  mais,  en  revanche,  il  court  grand  risque  quand 
le  débiteur  n'a  pas  produit  suffisamment  de  gomme  ou  tombe 
malade.  Lorsque  l'ouvrier  dispose  d'un  solde,  le  patron  fournil 
volontiers  tout  ce  qu'il  demande;  il  organise  même  des  fêtes  pour 
poussera  la  dépense.  Nous  avons  connu  un  juif  de  Tanger  —  beau- 
coup sont  établis  dans  1  Amazone,  —  commerçant  jusqu'au  bout 
des  ongles,  qui  achetait  des  crucifix  et  des  saints  pour  orner  une 
chapelle  de  sa  propriété  et  quand  le  padre  faisait  sa  tournée,  il 
l'invitait  et  le  traitait  largement.  «  Je  retrouve  tout  cela,  disait-il, 
dans  les  fêtes,  les  mariages  et  les  baptêmes.  »  Et,  en  effet,  les 
seringueiros  invitent  alors  voisins  et  amis;  ils  achètent  des  vête- 
ments, des  souliers  qu'ils  gardent  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  en  pièces, 
des  petites  bouteilles  de  parfum,  des  pots  de  pommade  qu'ils  s'ap- 
pliquent entiers  sur  la  tête;  ils  font  bombance  :  le  bal  assoifie  tout 
ce  monde  et  la  cachaça  coule  à  pleins  verres. 

La  vie  de  ces  hommes  n'est  pourtant  pas  bien  enviable.  Ils 
séjournent  dans  des  forêts  marécageuses;  leur  nourriture  est 
peu  substantielle  —  toujours  des  conserves.  Ils  n'osent  chasser 
hors  de  l'estradra  de  crainte  de  se  perdre,  ce  qui  serait  terrible; 
les  moustiques  les  assaillent  nuit  et  jour,  et  il  n'est  possible  de  se 
faire  une  idée  de  ce  martyre  que  lorsqu'on  la  subi;  leur  travail 
même,  si  simple  qu'il  paraisse,  est  pénible.  Durant  l'enfumage,  la 
chaleur  du  foyer  leur  brûle  les  jambes  si  le  cône  est  en  fer;  la 
fumée  les  rend  parfois  aveugles.  Pour  se  guérir  des  fièvres,  des 
blessures,  ils  ne  peuvent  compter  que  sur  des  médicaments  som- 
maires :  la  quinine,  la  maravilha,  le  cachaçn,  ces  panacées  uni- 
verselles. De  médecins  à  consulter,  point.  Le  plus  souvent,  le 
patron  est  le  guérisseur.  Il  arrive  même  qu'il  fonctionne  comme 
chirurgien.  Un  propriétaire  nous  contait  qu'avec  un  ciseau  de 
menuisier,  il  avait  amputé  à  un  de  ses  hommes  le  doigt  de  pied 
blessé  par  une  épine  et  attaqué  de  gangrène. 

Les  régions  les  plus  exploitées  sont  le  Purus,  le  plus  grand  pro- 
ducteur (4,000  tonnes),  le  Juma  et  le  Madeira  dans  l'État  d'Ama- 
zonas;  les  Iles  (6,000  tonnes)  dans  l'Etat  du  Para.  La  gomme  la 
plus  estimée  est  celle  du  Madeira  et  de  Bolivie,  très  sèche  et  bien 
fabriquée. 

Passons  au  cancho. 


CÉARA   ET  AMAZONIE  2GD' 

Limitée  au  Pérou,  il  n'y  a  pas  bien  longtemps,  la  production  du 
cancho  s'est  étendue  à  l'Amazonie  brésilienne.  La  Montana  (f), 
battue  en  tous  sens,  l'envahissement  du  Brésil  s'est  fait  peu  à  peu 
par  la  traversée  de  terres  fermes  boisées  qui  séparent  le  cours  supé- 
rieur des  affluents  du  haut  Amazone.  Cette  incursion  est  tout  pro- 
fil pour  le  Brésil  :  les  nationaux  ne  veulent  pas  dune  exploitation 
aussi  risquée  et  aussi  dure.  Les  patrons  péruviens  et  leur  per- 
sonnel de  métis  n'ont  ainsi  frustré  personne  ;  au  contraire,  ils  ont 
mis  au  jour  une  nouvelle  richesse.  D'ailleurs,  les  seringueiro 
pénètrent  à  leur  tour  au  Pérou.  Il  y  a  là  une  division  naturelle  du 
travail  suivant  les  aptitudes  qui  tourne  au  bénéfice  des  deux  pays. 

On  recrute  les  cancheiros  à  Iquitos  et  dans  d'autres  centres.  Ces. 
travailleurs,  demi-sauvages,  nés  dans  la  forêt,  savent  s'y  diriger, 
supporter  l'isolement,  les  privations.  Leur  existence  est  pleine 
d'imprévus  ;  mais  le  caractère  mobile  de  leur  race  n'en  veut  pas 
d'autre,  et  leur  paresse  se  trouve  presque  satisfaite  d'un  travail 
relativement  facile.  La  tâche  journalière  est  achevée  vers  10  ou 
H  heures  du  matin.  Le  c^ncheiro  n'a  plus  alors  qu'à  chasser  et  il 
se  repose  ensuite  dans  sa  baraque. 

Nous  avons  observé  que  le  cancho  habile  la  terre  ferme.  Cela 
signifie  qu'il  faut,  pour  le  rencontrer,  s'éloigner  des  rives  basses 
des  fleuves  amazoniens.  Souvent  les  ouvriers  doivent  remonter 
plusieurs  jours  un  petit  affluent  pour  trouver  un  endroit  suffisam- 
ment riche.. L'Indien  emporte  avec  lui  son  fusil,  de  la  poudre  et 
du  plomb  pour  se  procurer  sa  nourriture  :  Ja  viande  fraîche  parle 
davantage  à  son  estomac  que  la  corne  suo^  du  seringeo  souvent 
moisie.  Le  reste  de  son  bagage  comprend  de  la  farine  de  manioc, 
du  sel  ;  quelques  médicaments:  la  quinine,  la  maraviha  ;  enfin,  ses 
instruments  de  travail:  la  hache  el  le  sabre  d'abatis. 

A  l'endroit  propice,  il  s'installe,  c'est-à-dire  qu'il  se  construit 
une  baraque  rudimentaire  dans  laquelle  il  pourra  tendre  son  hamac 
à  J'abri  de  la  pluie. 

Le  voîci  au  travail.  Les  feuilles,  toutes  particulières,  du  cancho,. 
emportées  par  le  vent  et  qu'il  découvre  à  terre,  les  longues  racines 
extérieures  courant  à  15  à  20  mètres  du  tronc,  l'amertume  du  lait 
quis'écoule  à  l'incision  d'une  écorce  épaisse,  c'est  là  ce  qui  leguide. 


(I    Pt'io»  ci  \  and  us. 


"ilO  ÉTL'DtS  CCLOMALES 

Assuré  de  lespèce  de  Tarbre,  il  entaille  les  racines  et  recueille  le 
lait  dans  des  calebasses;  puis,  il  attaque  le  tronc  à  coups  de  haclie. 
Si  sa  chute  n  est  pas  entravée  par  la  végétation  environnante, 
larbre  est  vite  ù  terre,  car  le  bois  est  faible.  L'Indien  pratique  une 
entaille  circulaire  ù  la  hauteur  des  branches  pour  empêcher  la 
fuite  du  lait  vers  les  extrémités.  11  coupe  Técorce  de  la  même  ma- 
jiière  de  mètre  en  mètre,  et  sous  chaque  incision,  il  place  une 
écuelle  qui  reçoit  le  liquide.  En  deux  heures,  l'arbre  est  presque 
épuisé.  Le  lait  des  calebasses  est  déversé  dans  une  fosse.  Le  plus 
souvent  la  capacité  de  celle-ci  est  telle  qu'après  le  traitement, 
louvrier  en  retire  une  planche  de  50  à  00  kilos  de  cancho.  11  faut 
de  5  à  G  jours  pour  obtenir  cette  quantité. 

La  coagulation  se  pratique  quand  la  fosse  est  remplie.  Contraire- 
ment au  lait  de  l'hevea,  le  cancho  ne  se  solidilie  pas  naturellement 
en  masse.  L'Indien  y  ajoute  le  suc  d'une  liane,  la  betilla,  et  du 
savon.  11  brasse  pendant  deux  heures  environ  et  obtient  une  plan- 
. che  molle.  En  la  pressant,  il  expulse  une  partie  de  son  humidité; 
la  chaleur  fait  le  reste. 

Le  lait  a  continué  à  suinter  goutte  à  goutte  des  blessures  et  des 
racines  et  s'est  coagulé  de  lui-même.  L'ouvrier  laisse  cette  lenle 
transformation  se  poursuivre  durant  la  semaine:  le  dimanche,  il 
retire  lamelles  et  morceiiux;  il  les  triture  en  les  lavant  pour  eu 
retirer  le  bois  et  le  sable,  puis  les  roule  en  boules. 

Le  premier  cancho  a  éié  coagulé  artificiellement.  Il  est  tfès 
poreux  et  renferme  encore  beaucoup  d'eau.  Il  donne  un  gros 
déchet  en  se  desséchant;  aussi  certains  cancheiros  le  tiennent-ils 
dans  l'eau  jusqu'à  l'expédition.  Comme  on  a  pu  le  remarquer,  c'est 
le  plus  abondant.  On  l'appelle  cancho  en  planches. 

Le  deuxième  cancho  s'est  solidifié  par  l'action  lente  du  soleil:  il 
est  plus  sec  et  plus  propre  que  le  premier.  On  l'appelle  sernamby 
ou  cancho  en  boules.  Contrairement  au  sernamby  de  gomme,  sa 
qualité  est  plus  appréciée  et  son  prix  plus  élevé.  H  est  vrai  que  le 
sernamby  de  gomme  renferme  des  impuretés  ou  n'a  pas  été  anti- 
septisé  par  la  fumée. 

Le  Pérou  n'exporte  que  800  tonnes  de  cancho  ;  l'Amazonie  brési- 
lienne en  expédie  1  ,âOO.  Le  principal  producteur  ici,  c'est  le  Junii 
qui  entre  dans  ce  dernier  chiiïre  pour  les  i?/3.  Le  Purus  lui  fera 
concurrence  et  le  dépassera  dans  un  avenir  très  prochain. 


CKAIU    KT   AMA/OME  iM 

La  supériorité  de  la  jçonime  élastique  sur  le  canclio  s  affirme  dans 
la  quantité  expédiée  comme  dans  le  prix  :  on  envoie  plus  de 
20,000  tonnes  de  la  première,  soit  dix  fois  autant. 

Pour  transporter  le  personnel,  les  provisions  et  enlever  au 
retour  les  produits  dont  nous  venons  de  parler,  une  vraie  Hotte 
sillonne  les  fleuves.  106  steamers  de  250  à  300  tonnes  relèvent  de 
la  place  de  Para.  Le  nombre  de  ceux  qui  ont  Manàos  pour  port 
d  allache  est  considérable.  Beaucoup  d'affluents  peu  profonds  sont 
desservis  par  des  clialoupes  à  vapeur.  Chaque  année  des  bâtiments 
nouveaux  augmentent  l'intensité  du  trallc. 

Les  vapeurs  côtiers  du  Lloyd  et  du  Maranhào  apportent  chaque 
semaine  dans  TAmazone  des  travailleurs  et  des  articles  d'alimen- 
tation. 

Quatre  compagnies  dont  deux  anglaises,  une  italienne  et  une 
portugaise  assurent  les  communications  avec  l'Europe  et  avec 
New- York. 

Les  inconvénients  du  climat  amazonien  sont  sérieux.  Us  ne  lèus- 
sissent  pourtant  pas  ù  entraver  l'essor  de  cette  immense  contrée. 
Tous  les  ans,  la  population  augmente,  les  affluents  perdus  se 
découvrent  et  sont  mis  en  exploitation,  et  la  production  grandit. 
Nous  ne  resterons  pas  plus  indifférents  ici  que  nous  l'avons  été 
dans  les  autres  parties  du  monde.  Ce  pays  neuf,  si  richement  doté 
par  la  nature,  nous  ouvre  |des  voies  nombreuses  pour  employer 
fructueusement  nos  capitaux  ;  il  nous  présente  aussi  des  enseigne- 
ments précieux  pour  nos. entreprises  coloniales, 

D.  GUILMOÏ 

l.ICKNCIÉ  EN  SCIENCES  COMMEIICJALES 


LE 


CaoutcJ)ouc    au    Guaten)ala 


■y^f^^-*  ♦  — 


I^  notice  qui  suit  est  la  traduction  d'une  étude  de  M.  José  Hoita,  reproduite  en  annexe 
de  l'ouvrage  de  M.  Morren  sur  le  Guatemala.  O  travail  avait  été  fait  à  la  demande  du 
gouvernement  de  ce  pays,  en  vue  de  favoriser  Tintroduction  d*une  cuKure  rémuDcratrice. 
Nous  avons  écarté  de  notre  traduction  tout  ce  qui  D*avait  pas  le  caractère  de  renseigne- 
ments spéciaux  à  la  région.* 


Description. — Au  Guatemala  se  trouve  à  lelat  sauvage  le 
Castilloa  elastica  (un  Artocarpus),  qui  occupe  une  zone  très  éten- 
due dans  toute  rAmérique  centrale;  le  caoutchouc  fourni  par  cet 
arbre  est  un  des  meilleurs,  des  plus  précieux  pour  Tinduslrie. 

Le  Castilloa  elastica  est  un  arbre  élancé,  avec  une  écorce  lisse, 
mate,  d'un  vert  blanchâtre.  A  une  hauteur  de  15  à  20  varas 
(lâ^SO  à  IG^TS)  au-dessus  du  sol,  sortent  du  tronc  de  grandes 
branchçs  à  peu  près  horizontales,  d'où  pendent  régulièrement  deux 
rangées  de  grandes  feuilles  ovales,  à  bords  lisses  non  dentelés. 

L'arbre  à  peu  de  branches;  ses  fleurs  sont  blanches  et  le  fruit 
consiste  en  trois  amandes  réunies  en  une  grappe. 

Le  latex,  d'où  l'on  retire  le  caoutchouc  du  commerce,  se  trouve 
principalement  dans  des  vaisseaux  qui  séparent  l'écorce  de  la  por- 
lion  ligneuse  du  tronc.  Cette  zone  vasculaire  est  d'ailleurs  la  région 
vitale  de  l'arbre.  C'est  pourquoi  il  est  nécessaire,  en  entaillant 
l'écorce  pour  la  récolte,  de  procéder  soigneusement,  selon  la 
méthode  décrite  ci-après. 

Le  latex  contient  plus  ou  moins  d'eau,  selon  l'époque  de  la 
récolte.  On  peut  compter,  comme  chiffre  moyen,  sur  60  p.  c.  d'éau 
et  d'autres  substances  et  40  p.c.  de  produit  utilisable,  dont  approxi- 
mativement 33  p.  c.  de  caoutchouc  de  qualité  supérieure. 


LE   CVOUTCIIOLC   AU    (ilAÏEMALA  273 

Importance  de  la  culture.  —  11  y  a  peu  d'années  encore,  le 
caoutchouc  apporté  sur  les  marchés  provenait  des  forêts  vierges 
d'Amérique  et  d'Afrique.  La  demande  du  produit  a  été  sans  cesse 
augmentée  par  une  consommation  industrielle  de  plus  en  plus 
grande.  Les  prix  élevés  que  le  caoutchouc  a  atteints  et  qui  s'élèvent 
jusqu'à  plus  d  un  dollar  par  livre  (460  grammes),  ont  entraîné  une 
exploitation  à  outrance,  qui  menace  de  destruction  les  espèces 
productrices,  jusque  dans  les  forêts  les  plus  éloignées. 

Il  semble  donc  que  le  moment  est  venu  de  songer  sérieusement 
à  une  culture  systématique  et  régulière  du  caoutchouc;  cette  cul- 
ture sera  toujours  avantageuse  si  l'on  compare  ses  frais  de  produc- 
tion à  ceux  de  la  récolte  dans  des  forêts  éloignées,  dont  l'accès  est 
difficile  et  même  dangereux. 

Culture.  —  Le  climat  le  mieux  approprié  pour  la  culture  du 
caoutchouc  est  le  climat  chaud  de  la  côte,  offrant  une  température 
moyenne  de  25  à  35  degrés  centigrades  et  une  hauteur  de  0  à 
1 ,500  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 

Le  sol  doit  être  humide,  profond  et  léger.  Ni  argile,  ni  pierres. 

Le  castilloa  ne  doit  pas  être  planté  au  soleil.  M.  Romero  paraît 
professer  l'opinion  contraire;  nous  pensons  que  c'est  une  erreur, 
et  nous  fondons  notre  opinion  sur  : 

a)  La  nature  de  l'arbre  à  caoutchouc  même  ; 

b)  Les  essais  faits  à  Guatemala,  depuis  l'année  187â  ; 

c)  La  considération  que,  si  l'on  plante  à  l'ombre,  on  est  absolu- 
ment certain  d'un  résultat  satisfaisant. 

Examinons  ces  trois  points  en  détail. 

a)  Si  l'arbre,  à  l'état  sauvage,  cherche  déjà  dans  les  forêts 
l'ombre  d'arbres  plus  grands,  c'est  que  par  cette  protection  il  se 
trouve  dans  de  meilleures  conditions  pour  son  développement  et 
rélaboration  de  sa  sève. 

Nous  n'a\ons  pas  l'intention  de  donner  ici  une  étude  physiolo- 
gique détaillée  de  larbre  à  caoutchouc,  mais  nous  pouvons  nous 
contenter  de  celte  remarque  que  les  feuilles  ne  sont  pas  persis- 
tantes, qu'elles  n'offrent  pas  beaucoup  de  résistance  contre  le 
soleil,  et  que  la  nature  de  leur  surface  ne  s'oppose  j^as  à  l'évapo- 
ration  de  la  sève.  Il  est  clair  que  par  le  manque  d'ombre  les 
feuilles  donnent  lieu  à  une  évaporalion  extraordinaire,  qui  doit 
exercer  une  influence  nuisible  sur  la  production  en  latex  de  l'arbre. 


kti:im:s  coloniales 


Même  en  accordant  que  le  sol  sera  peu  à  peu  recouvert  par  les 
feuilles  tombées,  nous  ne  croyons  pas  que  celte  circonstance  suf- 
fise pour  rétablir  l'équilibre  entre  l'absorption  d'humidité  par  les 
racines  et  l'exhalaison  par  les  feuilles. 

On  ne  doit  pas  oublier  d'ailleurs  que  sur  la  côte  de  locéan 
Pacifique  règne  une  sécheresse  de  six  mois  consécutifs,  état  de 
choses  très  défavorable  pour  les  plantations  au  soleil. 

Si  le  caoutchouquier  a  besoin  d'une  atmosphère  chargée  d'humi- 
dité, on  ne  doit  pas  supposer  qu'il  se  développera  s'il  ne  jouit  pas 
d'une  quantité  suffisante  d'air  respirable.  Un  ombrage  bas  et  épais 
empêche  l'arbre  d'élaborer  les  matériaux  nécessaires  à  sa  crois- 
sance. 

Laissez  au  caoutcliouquicr  un  ombrage  élevé  et  bien  divisé, 
sans  taillis  ni  broussailles,  assurez  la  circulation  de  l'air  et  vous 
obtiendrez  des  arbres  sains  et  forts,  qui  se  développeront  rapide- 
dement,  vivroni  longtemps  et  produiront  en  abondance; 

b)  La  pratique  au  Guatemala  a  appris  que  les  arbres  ne  peuvent 
bien  se  développer  au  soleil,  ni  donner  une  quantité  satisfaisante 
de  produit.  A  Tabosco,  Chiapas  et  Belize,  plusieurs  entreprises 
ont,  pour  la  même  raison,  fait  des  expériences  désagréables  ; 

c)  Plantant  à  l'ombre,  il  sera  toujours  facile  de  diminuer  l'om- 
brage, si  les  circonstances  particulières  du  terrain  le  demandent, 
tandis  qu'il  est  impossible  de  créer  de  l'ombre  après  coup. 

Nous  croyons  devoir  faire  remarquer  ici  que  le  mode  de  culture 
recommandé  par  quelques-uns,  qui  consiste  à  planter  les  arbres  à 
caoutchouc  au  soleil  et  à  l'utiliser  comme  arbre  d'ombrage  pour 
le  café  et  le  cacao,  est  tout  à  fait  inutile.  Cette  manière  de  faire  a, 
d'après  des  informations  dignes  de  foi,  donné  de  très  mauvais 
résultats  à  Tabasco,  à  Belize  (el  Cayo),  et  même  dans  ce  pays 
(Quirigux,  Zapote).  Dans  quelques  cas  on  fut  obligé  d'abattre  les 
oaoutchouquiers  et  de  les  remplacer  par  des  essences  mieux  appro- 
priées (le  Caslilloa  ne  convient  pas  comme  arbre  d'ombrage,  aussi 
bien  à  cause  de  ses  feuilles  que  de  ses  racines);  dans  d'autres  cas, 
toute  la  plantation  a  dû  être  abandonnée  définitivement. 

C'est  une  méprise  que  de  vouloir  cultiver  ensemble  ces  plantes, 
qui,  comme  le  café  et  le  caoutchouc,  ont  des  exigences  différentes 
pour  le  climat,  le  sol  et  l'atmosphère.  Le  résultat  est  qu'aucun  des 
deux  végétaux  ne  se  trouve  dans  les  conditions  favorables  à  son 


X     0. 


ai 

o 


i2T0  ETUDES  COLOM.VLES 

développement.  En  outre,  le  caoutchouc  est  si  avantageux  et  d  une 
valeur  si  supérieure  à  celle  du  café  ou  du  cacao,  qu'il  mérite  d'être 
•considéré,  non  comme  un  accessoire,  mais  comme  une  culture 
principale. 

Par  la  culture  du  caoutchouc,  le  planteur  obtiendra  certaine- 
ment de  meilleurs  résultats  avec  moins  de  travail  et  plus  de  sécu- 
rité, que  s'il  suivait  les  conseils  de  ceux  qui  recommandent  les 
•cultures  mixtes. 

Si  Ton  est  appelé  à  diriger  une  plantation  mixte,  il  faudra  traiter 
le  caoutchouc  comme  culture  principale,  le  cacao  ou  le  café  comme 
accessoire;  mais  on  ne  peuf,  dans  ces  conditions,  espérer  qu'une 
production  inférieure  à  la  moyenne. 

11  nous  semble  que  la  culture  combinée  de  la  vanille  serait 
beaucoup  plus  recommandable,  en  employant  pour  soutiens  des 
tiges  grimpantes  de  la  vanille  les  arbres  qui  ombragent  le  caout- 
chouc; à  la  condition  de  pouvoir  compter  sur  des  travailleurs 
<îapables,  pour  l'entretien  et  la  préparation  des  fruits. 

Recommander  la  plantation  à  l'ombre,  dans  un  pays  aussi  riche 
en  forêts  vierges  que  le  Guatemala,  revient  à  conseiller  de  planter 
€n  terrain  déboisé.  11  existe  des  milliers  de  caballerias,  où  il  sérail 
suffisant  d'éclaircir  les  bois  (abattre  partiellement  et  couper  les 
Lasses  branches  et  le  taillis  avec  le  machete},  pour  obtenir  un  ter- 
rain approprié,  ombragé  et  jouissant  d'une  circulation  d'air  suffi- 
sante, conditions  de  la  plus  grande  importance  pour  la  culture  du 
caoutchouc. 

Les  arbres  et  plantes  coupés  doivent  être  dispersés  sur  le  sol  de 
manière  à  les  recouvrir  comme  un  manteau,  ils  empêchent  ainsi  lo 
retour  rapide  de  la  mauvaise  herbe,  et  augmentent  par  leur  décom- 
position la  richesse  du  sol  en  matières  organiques. 

L'endroit  où  l'on  désire  planter  un  arbre  à  caoutchouc  doit  être 
•entièrement  nettoyé  sur  un  espace  d'au  moins  une  vara  (0*"85)  de 
diamètre,  et  l'arbre  planté  au  milieu  de  cet  emplacement 

Nous  conseillons  la  plantation  au  moyen  de  rejetons  semés  en 
pépinières,  parce  que  l'on  obtient  par  là  des  résultais  incompara- 
blement meilleurs  que  de  boutures  ou  de  semis  sur  place.  La 
pépinière  doit  être  établie  dans  un  sol  humide,  ombragé  et  bien 
travaillé  où  les  graines,  que  l'on  recueille  ici  en  mars  et  en  avril, 
sont  mises  en  terre  à  un  pied  (28  centimètres),  de  distance  l'une 
^e  l'autre. 


LE   CAOnCHOrC  AU   GUATEMALA  277 

La  graine  est  semée  telle  qu'elle  est  récoltée,  avec  le  péricarpe; 
le  lavage  pourrait  nuire  au  développement  ultérieur  de  la  plante  et 
même  nuire  à  la  germination. 

Après  être  restées  un  an  en  pépinière,  les  jeunes  arbres,  qui 
auront  une  hauteur  d'environ  un  pied  et  demi  (42  centimètres), 
seront  enlevés  avec  le  plus  grand  soin  (de  préférence  avec  une 
motte  de  terre)  et  replantés  à  leur  emplacement  définitif. 

Le  semis  en  pépinière  présente  d'autre  avantages  : 

A.  Economie.  —  Durant  la  première  année  les  soins  d'entre- 
lien  se  bornent  à  une  très  petite  surface,  tandis  qu'en  opérant 
autrement,  tout  le  terrain  doit  être  nettoyé.  M.  Romero  se  trompe 
en  croyant  que  ces  soins  ne  sont  pas  nécessaires.  Le  caoutchouc- 
quier  ne  pourrait  sans  cela  vaincre  la  vigoureuse  végétation  de  la 
côte; 

B.  On  peut  réunir  à  peu  de  frais  un  grand  nombre  de  plants 
sur  une  pépinière,  et  choisir  les  plus  sains  et  les  mieux  déve- 
loppés ; 

C.  La  perte  sera  beaucoup  moins  grande; 

D.  L'expérience  a  démontré  que  la  propagation  par  boutures, 
bien  que  la  croissance  soit  plus  rapide,  ne  donne  jamais  une  plan- 
tation régulière,  et  que  la  tige  ne  pousse  pas  droit  comme  il 
convient. 

En  résumé,  nous  pourrons  recommander  la  plantation  en  pépi- 
nières pour  1  économie,  la  possibilité  de  choisir  les  meilleurs 
plants  et  l'exploitation  fructueuse  pendant  une  série  d'années. 

La  plus  petite  distance  que  l'on  puisse  laisser  entre  les  pieds  de 
caoutchouquier  est  de  six  varas  (5  mètres)  ;  il  faut  les  planter 
autant  que  possible  en  ligne  droite  si  les  arbres  d'ombrage  le  per- 
mettent ;  il  serait  encore  préférable  de  fixer  la  distance  à  huit  ou 
dix  varas  (e^TO  à  8"40). 

Bien  que  la  plantation,  comme  nous  l'avons  dit,  soit  ombragée, 
il  est  cependant  nécessaire  que  les  arbres  à  caoutchouc  puissent 
tirer  parti  de  tous  les  éléments  nutritifs  du  sol,  sans  devoir  les 
partager  avec  le  taillis  et  la  végétation  sauvage.  Il  sera  donc  indis- 
pensable de  procéder,  trois  ou  quatre  fois,  pendant  chacune  des 
deux  premières  années,  à  un  nettoyage  du  terrain,  qui  consiste 
principalement  à  abattre  avec  le  machete  les  rejetons  qui  repa- 
raissent. Une  fausse  économie  en  fait  d'entretien  conduira  infailli- 


278  ÉTUDES  COLONIALES 

blement  à  un  retard  dans  Taccroissennent  des  arbres.  La  troisième 
et  la  quatrième  année,  on  se  borne  à  deux  ou  trois  nettoyages 
et,  à  partir  de  la  cinquième  année,  un  seul  est  suffisant  jusqu'à 
ce  que  les  arbres  soient  assez  développés  pour  étouffer  la  végéta- 
tion parasite. 

M.  Romero  fixe  l'époque  où  le  caoutchouquier  donne  son  pre- 
mier produit  à  la  sixième  année.  Nous  estimons  ce  délai  beaucoup 
trop  court,  et  nous  croyons  qu'il  serait  dangereux  pour  la  réussite 
d'une  plantation  de  faire  de  grandes  incisions  à  des  arbres  de  cet 
âge.  La  tige  de  l'arbre  doit  avoir,  avant  que  l'exploitation  com- 
mence, au  moins  12  pulgados  (28  centimètres)  de  diamètre,  et  une 
hauteur  de  12  à  15  varas  (10  mètres  à  12"50),  ce  qui  demande 
neuf  ou  dix  ans. 

Produit.  —  Nous  nous  croyons  obligés  de  réduire  considéra- 
blement les  chiffres  de  production  de  M.  Roméro  (trois  livres  ou 
1  kil.  80  à  partir  de  la  sixième  année),  mais'en  admettant  même 
une  production  beaucoup  moindre,  la  culture  du  caoutchouc  res- 
terait une  affaire  brillante.  Il  nous  semble  que  cet  auteur  a  pris 
pour  la  règle  le  produit  extraordinaire  d'un  seul  arbre  dans  des 
circonstances  particulièrement  favorables. 

Notre  expérience  personnelle,  appuyée  de  celle  des  meilleurs 
agronomes,  nous  a  appris  que  le  latex  peut  être  tiré  de  l'arbre 
deux  fois  par  an,  environ  deux  mois  après  le  début  de  la  saison 
des  pluies  et  vers  la  fin  de  celte  saison;  le  meilleur  moment  est 
celui  où  l'arbre  vient  de  laisser  tomber  ses  feuilles  ;  c'est  alors  que 
la  sève  est  la  plus  active  et  abondante. 

Un  arbre  planté  dans  de  bonnes  conditions  et  bien  soigné  don- 
nera, à  partir  de  la  neuvième  ou  de  la  dixième  année  un  produit 
annuel  d'une  livre  (0  kil. 460)  de  caoutchouc,  représentant  2  1/2  ou 
3  livres  de  sève. 

Si  les  agronomes  donnaient  plus  d'attention  à  l'étude  de  la  nature, 
des  conditions  de  vie,  etc.,  de  l'arbre  à  caoutchouc,  il  semble  que 
son  produit  pourrait  être  fort  augmenté. 

Extraction  du  caoutchouc.  —  Jusqu'à  présent,  la  coutume 
au  Guatemala  a  été  de  faire  avec  le  machete  des  incisions  en  forme 
de  petits  canaux,  larges  de  trois  quarts  de  pulgada  17  1/2  milli- 
mètres), qui  reçoivent  le  latex  provenant  des  vaisseaux  sous 
1  ecorce.  Dans  d'autres  pays,  par  exemple  dans  les  Indes  Oricn- 


LE  CAOUTCHOUC  AU  GUATEMALA  279 

taies,  on  emploie  une  espèce  de  couteau  droit,  avec  lequel  on  peut 
faire  des  entailles  plus  nettes  et  mieux  dirigées. 

Pour  obtenir  une  bonne  quantité  de  latex,  il  ne  suffit  pas  de 
faire  une  seule  incision  au  pied  du  tronc,  car  les  vaisseaux  ne  sont 
pas  assez  bons  conducteurs  pour  réunir  tout  le  suc  sur  un  seul 
point  en  peu  de  temps.  De  plus,  le  caoutchouc  lui-même  empê- 
chera lecoulement  de  continuer  en  se  coagulant  sur  la  plaie. 

En  outre,  il  est  peu  recommandable  de  couvrir  le  pied  de  Tarbre 
de  blessures  sans  méthode  et  sans  ordre. 

Une  précaution  importante  à  observer  en  faisant  les  entailles, 
est  de  conserver  Técorce  intacte  dans  une  zone  verticale  continue 
sur  toute  la  hauteur  de  Tarbre,  attendu  que  si  les  vaisseaux,  qui 
sont  indispensables  à  la  circulation  vitale,  étaient  coupés  sur  tout 
le  périmètre  (même  par  portions  et  à  des  hauteurs  différentes) 
l'arbre  périrait  en  peu  de  jours. 

Pour  éviter  ce  danger  et  ne  pas  interrompre  par  les  incisions  la 
circulation  de  la  sève,  nous  avons  vu  appliquer  les  deux  méthodes 
suivantes  : 

P  A  partir  d'une  certaine  hauteur  au-dessus  du  pied,  on  pra- 
tique des  incisions  distantes  d'un  mètre  ou  d'un  mètre  et  quart, 
jusqu'à  deux  mètres  au-dessous  des  branches  inférieures.  Chaque 
incision  est  formée  de  deux  entailles  symétriques,  inclinées  à 
45  degrés,  qui  embrassent  ensemble  les  deux  tiers  du  contour  du 
tronc,  et  se  réunissent  par  leur  base  en  forme  de  chevron  renversé. 
Les  points  de  jonction  de  chaque  couple  d'entailles  doivent  être 
placés  en  ligne  droite  les  uns  au-dessus  des  autres,  pour  que  le 
latex  qui  découle  des  diverses  incisions  se  réunisse  sur  la  plus 
basse,  où  il  sera  recueilli  comme  il  est  dit  plus  loin  ; 

2o  Les  incisions  sont  faites  à  la  même  hauteur  que  dans  la  pre- 
mière méthode,  mais  elles  sont  continues  et  consistent  en  lignes  se 
recroisant  à  angles  droits,  en  ayant  soin  que  ces  entailles  n'inté- 
ressent que  les  deux  tiers  de  la  surface  du  tronc,  laissant  le  tiers 
restant  de  l'écorce  intact.  Dans  les  deux  cas,  la  zone  d'écorce 
épargnée  conservera  la^  vitalité  de  l'arbre. 

Il  est  inutile  et  même  dangereux  de  faire  des  incisions  assez 
profondes  pour  pénétrer  jusqu'au  bois.  Au  contraire,  il  faut  veiller 
avec  soin  à  ce  que  les  vaisseaux  qui  sont  les  plus  rapprochés  du 
bois  restent  intacts,  à  fin  d'obtenir  la  reconstitution  presque  immé- 
diate de  l'écorce  entamée. 


280  KTUDES  COLONIALES 

Pour  faire  les  incisions  aux  différentes  hauteurs  du  tronc,  on 
peut  employer  plusieurs  procédés.  Nous  avons  vu  des  ouvriers 
opérer  très  facilement  au  Nicaragua,  au  moyen  d'une  corde  dont 
ils  entouraient  à  la  fois  leur  corps  et  le  tronc  de  l'arbre. 

La  sève  recueillie  au  point  de  l'incision  inférieure  où  elle  se 
réunit,  est  conduite  par  une  rigole  de  bois,  de  métal  ou  de  pierre 
dans  un  récipient  en  bois  ou  en  maçonnerie. 

Le  produit  obtenu  de  cette  manière  doit  être  coagulé  et  durci 
pour  être  livré  au  commerce.  Cette  partie  de  la  préparation  mérite 
une  étude  attentive,  parce  que  l'on  n'est  pas  d'accord  sur  la 
manière  la  plus  sûre  et  la  plus  satisfaisante  d'obtenir  le  résultat 
désirable. 

Nous  nous  bornons  à  Tindication  brève  des  principaux  procédés 
que  nous  avons  vu  employer  ; 

V  La  manière  la  plus  simple  consiste  à  recueillir  le  latex  dans 
un  bac  ou  un  récipient  quelconque,  ou  même  dans  une  excavation 
creusée  dans  le  sol  (ce  qui  diminue  d'ailleurs  beaucoup  la  valeur  du 
caoutchouc),  et  à. employer  pour  la  coagulation  le  suc  extrait  des 
feuilles  de  la  liane  appelée  Quiebra-Cajete; 

2"  On  peut,  en  outre,  faire  usage  d'alun,  qui  exerce  sur  la  sève 
une  action  très  rapide  ; 

3"*  L'évaporation  de  l'eau  renfermée  dans  le  latex  peut  être  obte- 
nue au  moyen  du  feu,  en  ayant  soin  que  la  fumée  ne  donne  pas  une 
mauvaise  couleur  au  caoutchouc. 

Par  solution  et  pression  :  on  mélange  la  sève  avec  de  l'eau,  on 
la  décante  après  repos  et  l'on  répète  cette  opération  jusqu'à  ce 
qu'il  ne  reste  plus  d'impuretés. 

Le  caoutchouc  obtenu  après  ces  lavages  répétés,  et  qui  a  l'aspect 
d'une  masse  spongieuse,  est  mis  sous  une  presse  qui  expulse  l'eau. 
On  obtient  par  ce  moyen  un  produit  blanc  de  qualité  supérieure, 
qui  doit  être  séché  à  l'ombre,  de  peur  qu'il  ne  s'attache  à  la  sui- 
face  de  la  moisissure,  ce  qui  diminuerait  la  valeur  marchande  du 
produit. 

Frais  et  produit  probables  d'une  plantation.  —  Les  calculs 
qui  suivent  sont  nécessairement  incomplets  et  approximatifs,  car 
les  frais  dépendent  en  grande  partie  du  coût  des  terrains,  du  plus 
ou  moins  de  facilité  à  se  procurer  la  main-d'œuvre,  du  mode  de 
payement  (à  la  tâche,  par  jour,  avec  avance,  etc.),  de  la  dislance  à 


LE   CAOUTGHOIC   AU    GlATEMALA 

laquelle  sont  plantés  les  arbres,  de  la  culture  exclusive  du  caout- 
chouc ou  de  la  présence  de  cultures  accessoires  et  de  nombreux 
autres  facteurs  qui  modifieront  les  frais  éventuels. 

Les  chiffres  que  nous  donnons  ici  ne  prétendent  donc  pas  à 
l'exactitude  absolue;  mais  pourront  servir  de  guide  pour  le 
planteur. 

Admettons  que  les  arbres  soient  plantés  à  6'"70  de  distance  (1); 
chaque  arbre  occupe  donc  une  surface  d'environ  44'"^ 89  (y  com- 
pris l'espace  occupé  parles  arbres  d'ombrage),  que  nous  croyons 
nécessaire  pour  un  développement  convenable  ;  il  existe,  par  con- 
séquent, 222  arbres  par  hectare. 

Nous  estimerons  les  terrains  à  400  dollars  par  caballeria  (envi- 
ron 45  hectares)  ;  ce  prix  est  élevé,  car  on  peut  trouver  au  Guate- 
mala des  terrains  bien  situés  à  meilleur  marché,  mais  nous  avons 
admis  le  prix  moyen  (frais  de  mesurage  compris),  auquel  le 
gouvernement  met  en  vente  ses  terres  d'après  les  dispositions 
actuellement  en  vigueur.  Nous  avons  donc  : 

Achat  de  terrain  par  hectare 11.  H.OO 

Clôtures 17.83 

Pépinières  pour  22:2  planls,  déchet  compris 2.80 

Préparation  du  sol  et  de  Tombrage,  par  hectare.     .     .     .  14.30 

Plantation  de  222  arbres 5.24 

Entretien  la  première  année,  quatre  nettoyages  du  sol.     .  28.87 

Idem     la  seconde  année,  trois  fois 21.43 

Idem     la  troisième  année,  deux  fois 1i.30 

Idem     les  quatrième,   cinquième  et  sixième  années, 

une  fois 21.43 

Intérêts  à  10  p.  c.  du  capital  engagé  durant  10  ans.     .     .  !  14.93 

Direction,  administration  et  frais  imprévus  (par  hectare)  .  48.15 

Coût  total  d'une  plantation  de  dix  années  avec  222  pieds,  fl.     300.00 

On  voit  par  le  calcul  ci-dessus  que  pour  une  plantation  de 
100,000  pieds  il  faut  environ  450  hectares  de  terrain,  outre  la 
surface  nécessaire  pour  les  constructions  et  dépendances,  et  que 
les  frais  de  cette  plantation  s'élèveront  à  peu  près  à  135,000  flo- 


(I)  Le  traducteur  hollandais  a  converti  les  mesures  iocaies  en  mesures  métriques,  et 
les  monnaies  en  AoriDS. 

Nous  a>ons  conservé  ses  chiffres. 


284  ÉTUDES  COLONIALES 

Budget  local.  —  Cette  colonie  ne  reçoit  aucun  subside  de  la 
Métropole;  au  contraire,  elle  lui  rapporte.  Les  recettes  et  les  dépenses 
pour  Î898  étaient  évaluées  à  51,881  livres,  dont  10,000  livres  étaient 
consacrées  aux  travaux  publics. 

Considérations  générales.  —  Les  obstacles  les  plus  sérieux  au 
développement  de  la  colonie  résident  dans  le  manque  de  moyens  de 
communication,  et  dans  le  manque  de  population;  celle-ci  peut  être 
évaluée  à  neuf  habitants  par  kilomètre  carré.  Cependant,  en  général, 
la  situation  au  point  de  vue  économique  est  satisfaisante.  Bonduku 
est  devenu  un  centre  important  pour  le  connnerce  entre  le  Soudan  et 
la  Cote.  En  déc<îmbre  1898,  226  caravanes  avec  333  charges,  dont 
330  de  caoutchouc  et  5  d'ivoire  ont  passé  par  Assikasso.  Quoique  la 
colonie  porte  le  nom  de  Côte  d'ivoire,  les  exportations  de  ce  produit 
sont  peu  considérables. 

Caoutchouc.  —  En  ce  qui  concerne  le  caoutchouc,  il  semble  que 
l'exportation  de  ce  produit  va  doubler  cette  année.  Cette  augmentation 
dans  l'exportation  de  ce  produit  est  due  à  la  méthode  employée,  qui 
ne  détruit  plus  les  arbres  ou  lianes  à  caoutchouc. 

Or.  —  On  espère  que,  dans  l'avenir,  l'exportation  de  la  poudre  d'or 
ira  en  augmentant.  On  peut  cependant  se  demander  si  l'or  se  trouve 
en  quantités  suflisantes  pour  assurer  une  exploitation  rémunératrice. 
Il  semble  que  les  firmes  françaises  aient  une  tendance  à  supplanter 
les  autres  firmes  étrangères  et  nous  pouvons  citer,  comme  exemple,  le 
cas  de  la  Compagnie  française  l'Ouest-Africain  qui  vient  de  reprendre 
les  affaires  d'une  ancienne  firme  anglaise.  Une  reste  plus  actuellement 
que  trois  maisons  anglaises.  11  est  intéressant  de  signaler  qu'il  y  a  plu- 
sieurs importants  négociants  indigènes  qui  font  le  commerce  de  bois 
d'acajou  et  qui  traitent  directement  avec  l'Europe. 

Valeur  des  importations  en  1892  et  en  1897.  —  Ces  importa- 
tions en  1892  se  chiffraient  par  78,399  livres,  dont  7,204  livres  pour 
la  France  et  71,195  pour  les  autres  pays. 

En  1897,  les  importations  s'élevaient  à  185,893  livres.  La  France 
figurait  dans  ce  chiffre  pour  27,908  livres,  soit  une  augmentation  de 
1,804  livres  en  six  ans,  et  les  pays  étrangers  pour  157,985  livres  avec 
une  augmentation  de  86,790  livres. 

Selon  «  la  Quinzaine  coloniale»  le  total  des  importations,  en  1898, 
était  de  221,732  livres,  soit  une  augmentation  de  35,000  livres. 

Valeur  des  exportations  en  1892  et  en  1897.  —  En  1892,  le 
chiffre  des  exportations  était  de  148,068  livres,  dont  55,958  livres  vers 
la  France  et  92,110  livres  vers  les  autres  pays. 

En  1897,  le  commerce  s'était  élevé  à  186,876  livres.  La  part  de  la 


LE   RAPPORT   SLR   LES   COLONIES    FRANl'.AISES 


m'y 


France  était  de  98,848  livres,  soit  une  augnienlation  do  32,81)0  livres 
sur  les  chiffres  de  1892,  et  pour  les  autres  pays  98,028  livres,  soit  une 
augmentation  de  5,918  livres. 


AI.I.KK    f)ES    r.OCOTIFnS    A    l.inRKVIM.E. 

n.inif:    m:    m.    m;    «ommandwi    momiiwi 


Tarifs  douaniers.  —  La  plupart  des  produits  élrangers  payent 
10  p.  i*.  ad  valorem;  certains  articles  tels  les  fantaisies,  les  inaro(|uine- 
ries  et  les  vêlements  payent  3  p.  c.  ad  valorem.  11  y  a  une  exception 


:28(î  ÉTUDES   COLONIALKS 

importante  pour  la  coutellerie,  les  outils,  la  quincaillerie  et  le  tabac 
(\m  payent  respectivement  25,  15,  12  et  10  francs  par  100  kilos. 

Frets.  —  Les  frets  pratiqués  de  Marseille  à  Grand-Bassani  sont  de 
*J5  francs  plus  10  p.  c.  par  mètre  cube  pour  les  liquides,  et  40  francs 
plus  10  p.  c  par  mètre  cube  pour  les  tissus. 


DAHOMEY 


Le  décret  du  22  juin  1894  érigea  le  Dahomey  en  colonie  distincte 
des  autres  possessions  françaises  de  la  côte  d'Afrique,  bien  qu'une 
partie  de  ce  territoire  ait  été  sous  la  domination  française  depuis  un 
temps  considérable.  Whydah,  la  capitale  actuelle  et  le  principal  centre 
commercial  de  la  colonie,  n'était  jadis  qu'un  comptoir  commercial; 
l'intérieur  du  pays  ne  fut  placé  sous  la  domination  française  qu'à  la 
suite  de  l'expédition  de  1893,  contre  le  roi  de  Dahomey. 

Frontières.  —  La  colonie  est  située  entre  les  colonies  de  Togo  ;i 
l'Ouest  et  de  Lagos  à  l'Est.  A  l'intérieur  elle  s'étend  jusqu'aux  terri- 
toires du  Haut-Niger  par  suite  de  l'annexion  à  la  colonie  d'une  partie 
des  territoires  de  Liptako  et  de  Say,  précédemment  rattachés  au 
Soudan. 

Principales  villes.  —  Le  pays  paraît  très  peuplé;  Abomey  compte 
()0,000  habitants;  Adjura  50,000;  Kana  25,000;  Wydah  15,000.  Le 
port  principal  est  Kotonou  qui  possède  depuis  un  certain  nombre 
d'années  un  wharf,  qui  permet  de  supprimer  les  inconvénients  résul- 
tant de  la  Barre. 

Chemin  de  fer  de  Kotonou  au  Niger.  —  Le  principal  projet 
intéressant  le  développement  économique  de  la  colonie  est  la  mise  à 
l'étude  d'un  chemin  de  fer  destiné  à  relier  Kotonou  au  Niger  via  Gar- 
ni )tvi  lie  et  Nikki. 

Le  gouvernement  français  possédera  donc  prochainement  plusieui^s 
lignes  de  chemin  de  fer  reliant  ses  ports  de  la  cote  d'Afrique  au  grand 
fleuve. 

Nombre  de  fonctionnaires.  —  Le  nombre  de  fonctionnaires  est 
de  553,  dont  45  pour  les  services  administratifs.  La  force  publique  se 
compose  d'un  corps  de  milice  locale. 

11  y  a  21  colons  étrangers  et  12  Français. 

Situation  financière.  —  Au  point  de  vue  financier,  la  colonie 
supporte  toutes  ses  dépenses  et  ne  reçoit  aucune  subvention  de  la 


LE  RAPPORT  SLR  LKS  COLONIES  FRANÇAISES 


287 


métropole.  Les  dépenses  locales  pour  1898  se  chiflVaient  par  74  iftillc 
653  livres,  dont  9,000  livres  pour  les  travaux  publics.  Les  recettes  ne 
«ouvrant  pas  rentiôreté  des  dépenses,  on  a  dû  prendre  o,9i0  livres  sur 
le  fonds  de  réserve. 

Valeur  des  importations  en  1892  et  1897.  —  Le  commerce 
s'est  rapidement  augmenté  à  l'importation  depuis  4892,  date  à 
laquelle  furent  dressées  les  premières  statistiques.  A  ce  moment,  le 


•^ 


i:.NK    RIIK    IIE    LIUIŒMLI.K 

«•.I.lCHft    DE   M.    M,   COMM  V.M»\NT   MONTIIAYK 


mouvement  commercial  à  l'importation  était  de  SoiJoG  livres,  dont 
72,747  livres  de  marchandises  d'origine  française  et  182,012  livres 
d'origine  étrangère.  En  1897,  sur  un  total  de  327,452  livres,  les  impor- 
tations de  France  et  de  ses  colonies  étaient  de  116,073  livres,  soit  une 
augmentation  de  43,328  livres,  et  les  importations  des  autres  pays 
210,377  livres,  soit  une  augmentation  de  28,305  livres.  On  remar- 
quera qu'au  cours  de  cette  période,  l'augmentation  des  importations 
s'est  faite  en  grande 'i)artie  au  profit  de  la  mère  patrie. 

Valeur  des  exportations  en  1892  et  1897.  —  En  1892,  les 
exportations  étaient  évaluées  à  287,521  livres.  Les  produits  en  desti- 
nation de  France  ou  de  ses  colonies  représentaient  une  valeur  de 
•63,320  li\Tes,  ceux  envoyés  vers  les  autres  pays,  224,201  livres. 
Après  avoir  progressé  rapidement  jusqu'en  189G,   les  exportations 


288  KTIDKS   COLONIALES 

sont  en  légrrc  diminution  on  1890  et  1897  et  se  chiffrent  par  248  mille 
863  livres,  dont  60,502  livres  pour  Iji  France  et  ses  colonies  en  dimi- 
nution de  2,818  livres  avec  1892  et  pour  les  autrespays  1<)8,î^63  livres 
en  diminution  de  55,838  livres. 

Mouvement  maritime.  —  Le  nonibre  de  navires  entrés  dans  l(»s 
ports  du  Dahomey  est  de  i83  en  1898,  dont  1 1 1  sous  pavillon  français, 
133  sous  pavillon  anglais,  ir>6  sous  pavillon  allemand  et  25  sous 
pavillon  italien. 

Droit  de  douane.  —  En  général,  les  droits  de  douane  sont  de 
i  p.  c.  ad  valore^n;  il  va  cependant  quelques  exceptions,  noUuimient 
pour  les  tissus,  qui  paient  îJO  centimes,  et  le  tabac,  qui  paie  35  cen- 
times au  kilo. 

Frets.  —  Les  frets  sont  de  Marseille  à  Kotonou,  pour  les  liquides, 
35  francs  par  mètre  cube,  et  pour  les  tissus,  50  francs  par  mètre  cube. 


CONGO    FRANÇAIS 

Les  colonies  du  (iabon  et  du  C.ongo  furent  réunies  par  décret  du 
3  mai  1891  sous  le  nom  de  «  (iongo  Français  »  Si  on  y  comprend  la 
région  de  TOubanghi  supérieur  qui,  depuis  189t,  a  élé  séparé  pour 
des  raisons  administratives,  c^tte  colonie  doit  être  rangée  parmi  les 
plus  importantes  possessions  francais(»s. 

Frontières.  — Au  Nord,  la  colonie  est  limitée  par  le  Kamerun,  au 
Sud  par  l'Etat  Indépendant  du  Congo,  à  Tintérieur  du  pays,  sa  fron- 
tière est  délimitée  par  le  cours  de  TOubanghi  et  les  limites  arrêtées 
par  la  convention  du  21  mars  1899  réglant  la  sphère  d'influence  anglaise 
et  française. 

Population.  — Ouoiqu*aucun  recensement  n'ait  été  fait  on  admet 
généralement  que  la  population  peut  être  estimée  à  5,000,000  d'habi- 
tants. 

Principaux  centres.  —  La  capitale  et  le  siège  du  gouvernement 
est  Libreville  situé  à  la  cole  Xord  du  (iabon.  En  I89i,  la  ville  avait 
une  population  de  i,700  habitants,  y  compris  environ  200  Européens. 

Les  autres  villes  de  la  côte  sont  : 

Cette  Cama  et  Loango.  Cette  dernière  localité  était  le  point  de  départ 
des  caravan(»s  vers  Brazzaville,  le  poste  français  le  plus  important  de 
l'intérieur  du  pays. 

Nombre  de  fonctionnaires.  —  Le  nombre  de  fonctionnaires  est 
de  580  dont  til  occupant  des  emplois  administratifs.  La  force  publi- 


oc: 

-r.  ?  : 


C    r 


290  ÉTIDES   COLONIALES 

que  se  compose  d'une  niiliie  indigène.  J.e  nombre  do  colons  est  de 
78  dont  14  Français. 

Budget  colonial.  —  Le  monUmt  des  dé{3enses  pour  la  colonie 
en  1899,  est  de  93,380  livres  et  la  dépense  totale  à  charge  de  TÉtat 
98,600  livres.  En  1898,  les  dépenses  locales  étaient  évaluées  à  138,669  li- 
vres y  compris  un  subsidede  l,000,000defrancspourleHaut-Oubanghi. 

Développement  de  la  colonie.  —  Le  Congo  paraît  être  la  colonie 
qui  s'est  le  moins  développée. 

Cette  situation  parait  avoir  été  causée  par  le  manque  de  moyens  de 
communication.  M.  Siegiried,  dans  son  rapport  sur  le  budget  colonial 
de  1897,  fait  remarquer  «  que  Ton  ne  peut  s'attendre  à  voir  un  déve- 
loppement de  l'agriculture  et  du  commerce  »  que  lorsqu'il  existera 
des  communications  faciles  entre  la  cote  et  l'intérieur  du  pays. 

Le  rapport  sur  le  budget  colonial,  pour  1899,  constate  qu'à  l'excep- 
tion de  quelques  travaux  sanitaires,  à  Libreville,  la  construction  d'une 
ligne  télégraphique  de  Loangr)  au  cap  Lopez  actuellement  terminée  et 
celle  de  Loango  à  Brazzaville  pour  laquelle  un  crédit  de  oO,000  francs 
a  été  inscrit  au  budget  local  pour  1898,  on  n'a  guère  fait  de  travaux 
publics  au  Congo.  On  doit  également  reconnaître  cjue  malgré  un 
nombre  considérable  de  fonctionnaires  il  n'existe  pas  de  traces  d'une 
administration  organisée.. 

Notre  domination  au  Congo  est  actuellement  plutôt  une  fiction 
qu'une  réalité.  Nous  possédons  dans  un  territoire  d'environ  1  million 
800,000  kilomètres  carrés  un  petit  nombre  de  postes  dont  l'influence 
ne  se  fait  sentir  que  dans  une  zone  très  limitée. 

Concessions.  —  La  question  des  concessions  a  excité  un  intérêt 
considérable  en  France  et  une  commission  a  été  envoyée  pour  délimiter 
le  nombre  de  concessions  attribuées  à  des  compagnies  commerciales. 
Une  législation  nouvelle  basée  sur  les  principes  de  «  TactTorrens»  a 
été  édictée. 

Certaines  des  dispositions  prises  par  les  autorités  pourraient  avoir 
pour  eflet  d'entraver  l'essor  économique  de  la  colonie,  et  il  reste  à  voir 
si  elles  permettront  aux  capitaux  français  engagés  dans  les  entreprises 
coloniales  au  Congo  d'avoir  une  rémunération  profitable.  Disons 
qu'une  publication  Le  Journal  des  Chambres  de  Commerce  s'est  fait 
l'écho  de  rumeurs  d'après  lesquelles  un  grand  nombre  de  concession- 
naires ne  seraient  que  des  représentants  de  capitalistes  belges  (1). 

Commerce  général.  —  En  ce  qui  concerne  le  commerce  les  détails 


(1)  Pour  rénumération  des  sociétés,  voir  Bulletin  de  la  Société  d'étudee  coUmialet, 
n«>0,  année  ^899. 


2  ^ 
<  u 


1292  ÉTUDES   COLONIALES 

suivants  ont  été  extraits  de  la  Revue  «  Trade  et  Shippiug  of  Africa  ». 
Disons  seulement  que  les  exportations  en  1892,  la  première  année  où 
des  statistiques  aient  été  publiées,  s'élevaient  à  205,803  livres  pour  la 
France  et  ses  colonies  et  9o,9o5  pour  les  autres  pays.  Depuis  cette 
époque  elles  ont  été  en  augmentation. 

Les  principaux  articles  d'importation  sont  la  quincaillerie,  les 
spiritueux  et  les  tissus,  ceux-ci  venant  en  grande  partie  d'Angleterre. 
Le  caoutchouc,  l'huile  de  i)alme  et  l'ivoire  forment  les  principaux 
articles  d'exportation. 

Tarifs  douaniers.  —  En  ce  qui  concerne  les  droits  de  douanes,  la 
colonie  est  divisée  en  deux  sections.  Depuis  N'Bombo  jusqu'à  Cett^». 
Cama  le  tarif  général  français  avec  certaines  exceptions  est  en 
vigueur. 

Les  tissus  paient  20  p.  c.  ad  valorem,  le  tabac  brut  50  francs  et  le 
tabac  manufacturé  loO  à  250  francs  par  100  kil.,  suivant  la  qualité. 
Un  droit  provisionnel  de  7  p.  c.  ad  valorem  est  perçu  à  la  sortie  sur  le 
caoutchouc  et  l'ivoire.  Le  restant  du  territoire  depuis  Cette  Camu 
jusqu'à  Massahe  appartenant  au  bassin  du  Congo  se  trouve  sous  le 
régime  de  l'Acte  de  Berlin.  Les  droits  varient  considérablement  sui- 
vant la  classe  à  laquelle  appartiennent  les  marchandises. 

Les  tissus  de  toutes  espèces  paient  20  p.  c.  ad  valorem.  Les  droits 
d'exportation  perçus  sur  les  marchandises  sont  calculés  à  raison  de 
7  p.  c.  de  la  valeur.  Actuellement  l'ivoire  et  le  caoutchouc  seuls  sont 
taxés. 

Frets.  —  Les  frets  pratiqués  par  la  Compagnie  Fraissinet,  de  Mar- 
seille à  Libreville,  sont  de  40  francs  pour  les  liquides,  au  mètre  cube, 
et  de  io  francs  pour  les  tissus . 


CHRONIQUE 


AFIRIQUE. 


Le  commerce  de  la  colonie  d'Angola  en  1897  et  1898. 

(Extrait  du  rapport  du  consul  d'Angleterre.)  —  La  colonie  d'Angola 
s'étend  de  l'embouchure  du  Congo  dans  l'Atlantique,  sur  plus  de 
700  milles  de  la  côte  Sud-Ouest  de  TAfrique.  Dans  une  enclave  au 
Nord  de  l'embouchure  du  Congo  se  trouvent  les  ports  de  Cabinda  et 
de  Landana,  viennent  ensuite  la  province  d'Angola  proprement  dite, 
les  provinces  d'Ambrés  ou  Loanda,  de  Benguela,  de  Mossamédès. 

La  province  d'Angola  est  régie  par  des  lois  fiscales  spéciales,  qui  ne 
s'appliquent  pas  aux  autres  provinces.  C'est  dans  la  province  d'Angola 
que  la  lutte  du  commerce  étranger  avec  le  commerce  portugais,  qui  y 
est  spécialement  protégé,  est  la  plus  vive.  La  différence  de  traitement 
qui  existe  entre  les  marchandises  portugaises  et  étrangères  ressort 
clairement  des  chiffres  suivants  empruntés  à  VAnnuario  Estatico  de 
la  province,  pour  1897.  Les  importations  de  produits  portugais, 
frappées  de  droits,  avaient  été  évaluées  pour  cette  année  à  la  somme 
de  2,308,668,071  reis,  qui,  par  suite  du  traitement  de  faveur  accordé 
aux  industries  nationales,  n'ont  donné  qu'un  revenu  de  douane 
de  102,377,738  reis.  Pendant  la  même  période,  les  importations 
de  même  nature  (frappées  de  droits),  évaluées  pour  rÂliemagne 
à  377,278,532  reis  et  pour  l'Angleterre  à  1,029,372,532  reis,  ont 
donné  respectivement  un  revenu  de  douane  de  133,863,288  et 
396,769,837  reis.  Aussi  l'Allemagne,  qui  a  envoyé  moins  du  sixième 
de  la  valeur  des  importations  portugaises  à  Angola,  a  contribué  pour 
plus  d'un  tiers  au  revenu  des  douanes,  et  le  Royaume-Uni,  avec 
moins  de  la  moitié  de  l'ensemble  du  commerce  portugais,  a  contribué 
au  revenu  local  à  peu  près  quatre  fois  plus  que  le  Portugal. 

L'Angola  produit  du  café,  du  blé,  de  la  canne  à  sucre  (dans  la 
vallée  de  la  Cuanza).  Des  Belges  et  des  Français  ont  visité  récemment 
Loanda  avec  l'intention  de  fonder  des  établissements  commerciaux 
ou  agricoles  dans  les  districts  voisins  de  la  frontière  de  l'État  Indé- 

4 


294  ÉTUDES   COLONIALES 

pendant  du  Congo  et  près  du  confluent  du  Kwango  avec  le  Kassal. 
Toutes  ces  rivières  traversent  des  régions  excessivement  riches  en 
caouti-houc  où  des  capitaux  pourraient  être  avantageusement  engagés 
ainsi  que  cela  eut  lieu  pour  le  même  produit  dans  le  Congo. 

Bien  que  soumis  à  l'influence  européenne  depuis  le  commencement 
du  seizième  siècle.  l'Angola  est  resté  jusqu'à  nos  jours  comme  une 
terre  en  jachère. 

Les  capitaux  européens  seront  vraisemblablement  attirés  de  préfé- 
rence par  la  province  de  Mossamédés.  Il  y  a  des  mines  d'or  qui  peuvent 
être  exploitées  avec  profit  :  les  moyens  de  transport  y  sont  moins 
insufiisants  que  dans  le  reste  de  la  colonie  ;  le  climat  convient  à  la 
race  blanche;  on  pourrait  relier  par  des  chemins  de  fer  les  centres 
miniers  avec  deux  ou  trois  excellents  ports  naturels  de  la  cote. 

Mossamédés  a  été  occupé  comme  port  portugais  en  1839  :  la  ville  a 
été  fondée  en  1849  par  une  colonie  de  Brésiliens.  En  1881,  une  expé- 
dition de  Boers,  arrivée  du  Transvaal,  s'est  établie  sur  le  plateau  de 
Ilumpata  et  l'occupe  encore  à  présent. 

Province  d'Angola  proprement  dite.  —  Les  principaux  arti- 
cles d'exportation  de  la  province  d'Angola,  en  1897,  ont  été  le 
caoutchouc,  la  cire,  le  poisson  (sec  ou  salé),  le  rhum  (eau  de  vie)  et 
les  noix  de  palme  ;  le  poisson  et  le  rhum  ont  surtout  été  exportés 
dans  les  autres  provinces. 

L'exportation  de  caoutchouc  en  1898  (3,377  tonnes),  a  presque 
égalé  la  valeur  totale  de  l'exportation  de  la  colonie  pendant  l'année. 
Tandis  que  le  prix  du  caoutchouc  a  augmenté  et  est  à  présent  plus  du 
double  du  prix  d'il  y  a  dix  ans,  la  récolte  de  ce  produit  a  plus  que 
triplé  à  Angola.  Le  système,  ou  plutôt  l'absence  d'un  système  quel- 
conque dans  la  récolle,  amènera  à  bref  détai  la  disparition  de  ce 
produit,  si  les  autorités  ne  la  préviennent  par  des  mesures  sévères  à 
l'instar  de  ce  qui  a  été  fait  au  Congo. 

Les  principaux  objets  d'importation  à  Angola  proviennent  surtout 
du  Portugal  :  en  1897  on  a  importé  principalement  :  huile  d'olive, 
vin  en  barriques,  chaussures,  chapeaux,  pommes  de  terre,  oignons, 
biscuits,  farine,  fromage,  lard,  viande  en  conserve,  conserves  en 
général  et  particulièrement  les  tissus  de  coton.  Au  point  de  wxe  de 
l'achat  des  produits  portugais,  Angola  diff*ère  entièrement  pour  ses 
relations  commerciales  avec  le  Portugal  des  possessions  portugaises 
de  l'Est  africain  où  le  commerce  se  trouve,  sur  une  si  grande  échelle, 
entre  les  mains  des  étrangers,  spécialement  des  commerçants  anglo- 
indiens.  Malgré  le  traitement  de  faveur  accordé  aux  fabricants  du 


CHRONIQUE  395 

Portugal,  les  cotonnades  constituent  toujours  le  principal  article 
d'importation  d'Angleterre  à  Angola.  En  1898,  les  Portugais  ont 
presque  doublé  les  importations  de  leurs  cotonnades  à  Angola,  tandis 
que  les  importations  de  cotonnades  anglaises  ont  de  nouveau  accusé 
une  diminution  de  poids  —  le  meilleur  point  de  comparaison  —  bien 
que  la  valeur  semble  plus  élevée. 

Le  commerce  général  des  quatre  ports  de  Loanda,  Benguela,  Am- 
brise,Mossamédèsaété,  à  l'importation,  de  3,969,993,000  reis  en  1897 
et  de  5,431,075,000  en  1898,  et  à  l'exportation  de  5,628,289,000  reis 
en  1897  et  de  7,170,996,000  en  1898.  L'année  1898  accuse  par  suite, 
sur  la  précédente,  une  augmentation  de  près  de  12  millions  de  francs. 
Cette  augmentation,  d'après  les  chiffres  déjà  publiés  pour  les  premiers 
six  mois  de  1899,  sera  encore  plus  élevée  à  la  fin  de  cette  année. 
L'augmentation  provient  du  caoutchouc  et  elle  est  plus  sensible  au 
Benguela  que  dans  le  Loanda. 

Province  de  Loanda.  —  Le  commerce  total  de  Loanda  a  été  en 
1898  de  4,724,562,000  reis.  Les  importations  provenant  du  Portugal 
(  1,293,680.000  reis)  ont  consisté  en  cotonnades  (410,393,000  reis), 
huile  d'olive,  vin,  chaussures,  pommes  de  terre,  biscuits,  oignons,  fa- 
rine, fromage,  lard,  viande,  conserves,  papier,  savon,  tabac,  articles 
de  laine  et  coton,  de  lin.  L'Angleterre  a  importé  des  marchandises 
pour  une  valeur  de  582,084,000  reis,   principalement  du  coton, 

L'Allemagne  vient  la  seconde  après  l'Angleterre  pour  une  valeur 
de  185,411,000  reis.  Viennent  après  l'Allemagne,  les  États-Unis 
(44,688,000  reis),  la  France  (41,458,000  reis)  et  la  Belgique  (31,319,000 
reis),  cette  dernière  presque  exclusivement  en  fusils  pour  les  indi- 
gènes. 

La  concurrence  allemande  qui  n'existait  pas  en  1874  s'est  peu  à  peu 
frayé  un  chemin  à  Angola  et  maintenant  elle  y  est  solidement  établie 
et  devient  menaçante  pour  les  autres.  Autrefois  le  commerce  d'Angola 
se  faisait  exclusivement  avec  Liverpool  ;  à  présent  Anvers  et  Hambourg 
disputent  à  Liverpool  les  articles  d'exportation  et  d'importation  d'An- 
gola. Il  y  a  eu  des  agents  consulaires  anglais  à  Loanda  depuis  1840. 

L'Allemagne  n'y  a  nommé  un  consul  qu'en  1899.  L'Allemand  comme 
individu  est  meilleur  commerçant  que  l'Anglais. 

Il  peut  ne  pas  fabriquer  des  articles  aussi  bons  que  les  articles  an- 
glais —  d'aucuns  pensent  pourtant  qu'il  fait  tout  aussi  bien  —  mais 
il  sait  mieux  les  vendre.  On  peut  s'en  rendre  compte  par  la  statistique 
de  la  douane  de  Loanda  pour  1898.  Pendant  le  premier  semestre 
l'Angleterre  figure  à  l'importation  pour  40  variétés  d'articles,  l'Alle- 
magne pour  60.  Là  où  le  commerçant  anglais  écarte  avec  indifférence 


396  ÉTUDES  CQ^.OmÂIiES 

un  petit  marché  comme  une  affaire  dont  il  s*occupera  lorsqu'elle  en 
vaudra  la  peine,  TAilemand  se  met  tranquillement  à  étudier  les 
besoins  spéciaux  de  ce  marché  et  les  meilleurs  moyens  d*y  donner 
satisfaction,  et  il  finit  par  le  transformer  en  un  grand  marché  dont  les 
besoins  lui  profitent.  Le  fournisseur  allemand  prend  également  plus 
de  peine  pour  donner  satisfaction  à  ses  clients  et  leur  être  agréable, 
et  avec  bonne  grâce  il  se  plie  aux  exigences  et  cherche  à  vaincre  cer- 
taines difficultés  devant  lesquelles  l'Anglais,  avec  son  caractère  irré- 
ductible, recule. 

Province  de  Benguela.  —  Les  importations  du  port  de  Benguela 
se  sont  élevées  en  1897  à  1,997,510,000  reis.  Ont  participé  aux  impor- 
tations soumises  aux  droits  de  douane,  TAUemagne  pour  79,402,000 
reis,  spiritueux,  bières,  perles,  articles  en  métal;  la  Belgique  pour 
43,035,000  reis,  fusils;  ritalie  pour 6,920,000  reis,  perles;  l'Amérique 
pour  5,297,000  reis,  farine  et  pétrole;  la  France  pour  3,623,000  reis, 
beurre;  la  Hollande  pour  1,070,000,  cotonnades;  l'Angleterre  pour 
392,658,000  reis,  fusils,  poudre,  cotonnades,  articles  en  métal.  Les 
articles  importés  non  soumis  aux  droits  ont  consisté  surtout  en  ma- 
chines agricoles  et  industrielles  et  en  instruments  de  précision  venus 
d'Allemagne,  9,853,000  reis,  et  d'Angleterre,  15,096,000  reis. 

Les  principaux  articles  d'exportation  du  port  de  Benguela  en  1898 
ont  été  l'eau-de-vie,  1,690,000  reis,  le  caoutchouc,  3,820,086,000  reis, 
la  cire,  168,676,000  reis,  l'ivoire,  29,003,000  reis. 

Benguela  est  vraisemblablement  le  seul  port  important  de  toutes  les 
possessions  portugaises  où  le  commerce  est  entièrement  entre  les 
mains  de  nationaux.  Ce  centre  florissant  du  commerce  du  caoutchouc 
avait  en  juin  1898  une  population  de  612  blancs,  presque  tous  por- 
tugais, et  de  2,324  indigènes.  En  1898,  le  caoutchouc  de  Benguela  a 
atteint  à  Lisbonne  le  prix  de  1,878  reis  par  kilogramme.  Le  port  de 
Benguela  est  relié  par  chemin  de  fer  à  la  pctile  ville  de  Catumbela, 
située  à  quelques  milles  de  distance  au  nord;  elle  est  le  centre  du 
commerce  du  caoutchouc  :  des  caravanes  de  milliers  d'indigènes  y 
apportent  leurs  chargements  de  caoutchouc,  d'ivoire,  de  cire  et  les 
produits  des  districts  de  l'intérieur,  Bilué,  Barlunda  et  Sobale.  Un 
projet  a  été  soumis  aux  Cortès  pour  la  construction  d'un  chemin  de 
fer  reliant  Benguela  avec  Bilué  ce  qui  développera  beaucoup  le  trafic 
de  ces  districts. 

Province  de  Mossamédès  —  Aux  importations  dans  le  port  de 
Mossamédès,  en  1898  (340,000,000  de  reis),  ont  participç,  dans  l'ordre 
suivant  :  le  Portugal,  268,197,000  de  reis  en  vin,  pommes  de  terre, 
farines,  provisions,  voiles  et  agrès,  tabac  et  cotonnades;  l'Angleterre 


CHRONIQUE  297 

(38,424,000  de  reis)  :  charl>on,  cotonnades,  machines  agricoles,  arti- 
cles en  métal,  armes  à  feu,  perles,  riz  et  poisson  ;  l'Allemagne 
(13,038,000  de  reis),  articles  en  fer;  la  France  (5,295,000  de  reis)  et 
les  États-Unis  (8,408,000  de  reis). 

Les  exportations  de  Mossamédès  consistent  principalement  en 
poisson  sec  et  salé,  qui  va  au  Congo  jusqu'à  Matadi  et  vers  le  Nord 
jusqu'en  territoire  français,  et  en  caoutchouc. 

L'article  peut-être  le  plus  intéressant  aujourd'hui  de  l'exportation 
de  la  colonie  d'Angola,  est  le  caoutchouc  ou  la  gomme  appelée 
c(  alméidina  »,  du  nom  de  M.  Alméida  qui,  le  premier,  fut  amené,  il 
y  a  dix-huit  ans,  à  expédier  ce  produit  en  Europe.  Il  semble  avoir  un 
certain  avenir,  car  il  est  coté  de  7  à  8  pence  la  livre  sur  le  marché 
de  Londres. 

Ambris  —  Le  commerce  d'Ambris,  autrefois  bien  plus  important 
que  celui  de  Mossamédès,  est  bien  tombé,  et  ses  statistiques  sont  les 
moins  importantes  de  la  province. 

Les  importations  se  sont,  en  1898,  élevées  au  chiffre  de  114  millions 
433,000  de  reis  ;  y  ont  participé  :  le  Portugal  (49,475,000  de  reis),  vin, 
huile,  fromage,  pommes  de  terres,  cotonnades,  linges,  vêtements, 
conserves;  l'Allemagne  (26,204,000  de  reis),  spiritueux,  liqueurs, 
poudre.  Les  exportations  d'Ambris  ne  se  sont  élevées  qu'à  211  mil- 
lions 322,000  reis;  elles  consistaient  presque  exclusivement  en  café  et 
caoutchouc. 

(Diplomatie  and  Consular  Reports). 

Gold  Coast.  —  La  Gold  Coast,  dont  l'Ashanti  constitue  en  quelque 
sorte  l'hinterland,  est  l'une  des  plus  belles  colonies  de  l'Ouest  fran- 
çais. Elle  touche  au  golfe  de  Guinée,  où  elle  a  environ  550  kilomètres 
de  rives,  et  s'étend  entre  le  cinquième  degré  de  longitude  ouest  et  le 
deuxième  degré  de  longitude  est.  Sa  superficie  est  d'environ  39,00(ï  kilo- 
mètres carrés,  soit  à  peu  près  un  quart  en  plus  que  celle  de  la 
Belgique;  avec  les  protectorats,  elle  a  un  développement  de  près  de 
120,000  kilomètres  carrés.  La  population  est  évaluée  à  1,474,000  habi- 
tants, dont  environ  500  Européens.  Elle  a,  comme  villes  principales, 
Accra,  16,257  habitants  ;  Elmina,  10,530  habitants  ;  Cape  Coast 
Castle,  11,644;  Kwitta,  Saltpond  et  Winneba. 

Quant  à  l'Ashanti,  une  grande  partie  n'en  a  pas  encore  été  com- 
plètement explorée.  Les  régions  que  l'on  en  connaît  sont  mention- 
nées comme  étant  un  bon  et  beau  pays,  très  boisé,  bien  arrosé,  riche 
en  productions  naturelles  et  susceptible  de  toutes  les  cultures  propres 
au  climat  des  tropiques.  Les  deux  principales  rivières  entre  l'Aisni  et 


298  r^^TUDES  COLOMALF.S 

la  Voila,  sont  la  Prà,  son  affluent  le  Dah,   et  la  Tenda,  qui  reçoit 
le  nom  d*Ancobra  dans  le  bas  de  son  cours. 

Le  mouvement  commercial  de  la  Gold  Coast  a  suivi  la  progression 
suivante,  pendant  la  période  1893-1898  : 

Années.  Importation.  Exportation. 

1893 17,958,000  18,052,000 

1894 20,320,000  21,258,000 

1895 23,288,000  21,945,000 

1896 22.755,000  19.802,000 

1897 22,763,000  21,354.000 

1898 27,525,000  24,825,000 

Les  principaux  produits  d'exportation  de  la  Gold  Coast  sont  l'huile 
et  les  noix  de  palme,  les  bois  de  teinture,  d'ébénisterie  et  de  construc- 
tion, les  noix  de  kola. 

Afrique  orientale  allemande.   Dépôts  de  charbon.   —  Le 

f<  Rcichs-Anzeiger  »  publie,  dans  son  numéro  du  16  février  dernier, 
des  extraits  du  rapport  de  M.  Dantz,  qui  a  été  chargé  d'examiner  les 
dépôts  de  charbon  situés  à  Muëgabach,  au  Nord-Est  du  lac  Nyassa, 
dans  l'Afrique  orientale  allemande.  11  résulte  des  études  de  ce  fonc- 
tionnaire que  l'exploitation  du  charbon  dans  cette  région  ne  pourrait 
être  profitable  que  s'il  y  avait,  à  proximité  des  dépôts,  des  industries 
faisant  une  grande  consommation  de  combustible.  Ce  serait  le  cas, 
si  le  projet  de  chemin  de  fer  à  travers  l'Afrique  ou  celui  d'une  ligne 
vers  la  côte  orientale  allemande  entraient  dans  la  voie  de  la  réalisa- 
tion ou  bien  encore  si  on  découvrait  de  Tor  dans  les  environs.  On  pour- 
rait obtenir  environ  350,000  tonnes  de  charbon  par  un  simple  travail 
horizontal  et  sans  devoir  creuser  de  puits.  M.  Dantz  donne  aussi  des 
renseignements  sur  les  endroits  où  les  travaux  préliminaires  pour- 
raient être  entrepris  en  employant  la  main  d'œuvre  indigène  ainsi  que 
sur  les  moyens  de  transport  vers  le  lac  Nyassa. 

Sénégal.  La  production  de  Por.  —  Le  consul  anglais  à  Dakar 
déclare  que  depuis  1893,  l'exportation  de  lor  du  Sénégal  n'a  cessé 
d'augmenter.  En  1898,  elle  a  atteint  128,866  grammes  valant 
15,464  liv.  st.  alors  qu'en  1897,  elle  n'était  que  de  85,044  grammes 
d'une  valeur  de  10,205  liv.  st.  11  faut  encore  tenir  compte  de  ce 
qu'une  quantité  considérable  d'or  n'a  pas  pu  être  recensée  par  la 
douane,  par  suite  de  la  facilité  avec  laquelle  s'exerce  la  contrebande 
de  ce  métal.  Enfin  une  bonne  partie  d'or  est  aussi  employée  par  les 


CHRONiaUE  â99 

indigènes  dans  la  fabrication  des  bijoux.  Un  certain  nombre  de  con- 
cessions ont  été  accordées  à  des  particuliers  et  à  des  compagnies  et 
des  travaux  de  recherche  assez  importants  ont  déjà  été  faits,  mais  on 
peut  dire  que  jusqu'à  présent  tout  l'or  exporté  provient  exclusivement 
de  l'industrie  indigène. 

Ile  Maurice.  —  Depuis  1894,  les  importations  de  l'île  Maurice  n'ont 
cessé  de  décroître.  La  différence  en  moins  entre  l'année  1898  et 
l'année  1894  s'élève  à  près  de  21  p.  c.  La  roupie  y  est  l'unité  de  la  cir- 
culation comme  dans  certaines  parties  de  l'Afrique  orientale,  à  Zanzi- 
bar, par  exemple.  En  roupies,  l'importation  générale  à  l'île  Maurice 
a  atteint  28  millions,  en  1898,  contre  32,800,000,  en  1894.  La  valeur 
totale  des  exportations  s'est  élevée  à  31,800,000  roupies  contre 
23,390,000  en  1894.  L'exportation  se  maintient  donc  mieux  que 
l'importation,  ce  qui  est  dû  principalement  à  la  sortie  du  sucre, 
dont  la  récolte  a  été  particulièrement  brillante  en  1898.  Le  tarif 
douanier  des  États-Unis,  hostile  aux  primes  sur  les  sucres  européens,  a 
aussi  servi  l'exportation  mauricienne  en  créant  une  demande  assez 
soutenue  pour  les  qualités  inférieures  de  sucre. 

Le  commerce  de  l'île  Maurice  avec  Madagascar  est  également  en 
diminution.  L'importation  mauricienne  à  Madagascar  est  tombée  de 
432,000  roupies  en  1894  à  110,000  roupies  en  1898.  L'importation 
malgache  à  l'île  Maurice  est  descendue  de  502,000  roupies  en  1894  à 
481,000  roupies,  en  1898. 


RJK^niQUB 


BrésiL  Port  de  Para.  —  Le  consul  d'Angleterre  à  Para  vient 
d'informer  son  gouvernement  que  l'État  de  Para  se  rendant  compte  de 
l'urgence  d'améliorer  le  port  de  Para,  se  montre  disposé  à  aider  le 
gouvernement  central  à  réaliser  ces  travaux. 

Les  Chambres  législatives  de  Para  s'occupent  en  ce  moment  de  la 
question  et  le  gouverneur  propose  de  demander  au  gouvernement 
central  la  concession  des  travaux  avec  le  droit  par  l'État  de  Para  de  les 
concéder  à  un  entrepreneur. 

Le  gouverneur  insiste  aussi  pour  que  l'entreprise  des  eaux  et  des 
égouts  soit  comprise  dans  la  concession  pour  le  cas  où  l'on  trouverait 
un  adjudicataire  disposé  à  entreprendre  tous  les  travaux  à  la  fois. 


300  ÉTUDES  COLONIALES 

Paraguay.  La  culture  du  oaoao.  —  Un  rapport  consulaire  amé- 
ricain constate  que  le  cacaoyer  est  un  des  arbres  les  plus  prolifiques 
du  Paraguay  et  qu'il  croît  partout  sans  exiger  de  culture.  Les  noyaux 
sont  mis  dans  une  machine  pour  en  exprimer  l'huile.  Tout  le  savon 
du  Paraguay  se  fait  au  moyen  de  celle-ci,  qui  est  d'une  blancheur  par- 
faite et  surnage  sur  Teau. 

L'exportation  du  cacao  a  été  très  faible.  En  1897,  la  «  Banca  agricola» 
commença  à  s'y  livrer  et  vendit  2,000  sacs,  pesant  95  tonnes,  à  Liver- 
pool.  Le  prix  qu'elle  en  obtint  s'éleva  à  1,094  liv.  16  sh.  1  d.,  ce  qui, 
déduction  faite  des  frais,  lui  laissa  un  bénéfice  de  938  liv.  17  s.  9  d. 

Le  cacao  du  Paraguay  a  la  plus  grande  valeur.  Bien  qu'étant  peu 
connu,  le  produit  du  Paraguay  atteignit  de  11  liv.  5  «.  à  11  liv,  10  s,  et 
fut  proclamé  comme  étant  le  plus  riche.  A  Naples,  le  cacao  a  égale- 
ment obtenu  des  prix  élevés.  On  y  demande  10,000  tonnes  par  an  au 
prix  de  11  liv.  environ. 

Au  Paraguay,  les  noyaux  coûtent  de  1(5  5.  à  1  liv.  l'arrobe.  La  cueil- 
lette des  fruits  se  paie  de  1  1/4  d.  à  2  d.  l'arrobe. 

Les  vaches  mangent  fréquemment  la  pulpe  des  fruits  en  laissant 
intacte  l'enveloppe  qui  contient  le  noyau.  On  dit  qu'une  vache  peut 
nettoyer  de  40  à  50  fruits  par  nuit. 

Il  serait  grandement  utile  d'avoir  une  machine  pouvant  enlever  la 
pulpe  et  casser  l'enveloppe  sans  briser  le  noyau.  On  en  a  déjà  inventé 
plusieurs,  mais  jusqu'à  présent,  aucune  n'a  donné  de  résultats  satis- 
faisants. La  «  Banca  agricola  »  vient  d'essayer  un  appareil  français, 
mais  en  tout  (îas,  le  prix  est  trop  élevé  pour  qu'il  puisse  devenir  d'un 
usage  général. 

Mexique.  L'industrie  minérale.  —  L'argent  a  toujours  été  un 
des  principaux  produits  miniers  du  Mexique  et  sa  valeur  a  actuelle- 
ment de  grandes  chances  d'augmenter,  grâce  au  développement  du 
commerce  en  Chine  et  au  Japon.  La  plupart  des  anciennes  mines  des 
districts  de  Zacatecas,  de  Ghihuahua  et  de  Guanajuato  continuent  à 
produire  régulièrement  comme  beaucoup  d'entre  elles  le  font  depuis 
deux  cent  cin(|uanle  ans  et  de  nouvelles  mines  sont  encore  ouvertes 
tant  par  les  indigènes  que  par  les  Américains.  Les  régions  de 
Chihuahua  et  de  Sonora,  dans  la  Sierra  Madré,  se  distinguent  et  avan- 
cent rapidement  conmie  productrices  d'or  et  d'argent.  Les  chemins 
de  fer  du  Central  Mexicain  de  Sierra  Mailre  et  de  Chihuahua  contri- 
buent beaucoup  au  développement  de  ces  nouveaux  districts,  dont  la 
richesse  est  étonnante,  en  les  rendant  d'un  accès  facile.  Les  prix 
avantageux  des  transports  et  les  salaires  élevés  qu'offrent  les  fondeurs. 


CHRONIQUE  301 

attirent  un 'grand  nombre  de  mineurs  et  de  capitalistes,  principale- 
ment des  États  de  l'Ouest  de  TAmérique.  On  trouve  du  quartz  aurifère 
en  abondance  suffisante  pour  réaliser  des  profits  dans  tout  le  Sonora 
central  et  dans  l'ouest  du  Cliihuahua,  mais  peu  de  chose  a  été  faite 
dans  ce  domaine  jusqu'à  ce  que  des  prospectors  américains  eussent 
démontré  la  valeur  des  dépôts. 

L'industrie  du  fer  est  relativement  neuve  au  Mexique.  Toutefois,  de 
grandes  usines  commencent  à  y  être  fondées.  Cette  industrie  a  reçu 
une  grande  impulsion,  grâce  à  la  découverte  de  nouveaux  gisements 
de  houille  près  de  Mezquiz.  Il  est  probable  que  l'on  amènera  des 
ouvriers  du  Japon  pour  les  travaux  des  mines  de  charbons  ainsi  que 
pour  ceux  des  minières  de  Chihuahua.  La  main-d'œuvre  mexicaine 
est  assez  abondante,  mais,  malgré  l'augmentation  des  salaires,  les 
ouvriers  ne  se  montrent  guère  disposés  à  fournir  un  travail  suivi,  ce 
qui  est  extrêmement  préjudiciable  aux  grandes  fonderies,  comme 
celles  de  Monterey  et  de  Aguas  Calientes  qui  emploient  2,000  ou 
3,000  ouvriers.  Dans  les  derniers  temps,  le  gouvernement  s'est  occupé 
de  cette  question  et  il  a  ordonné  de  saisir  tous  les  flâneurs  et  rôdeurs 
qui  seraient  trouvés  dans  ces  deux  localités  et  de  les  expédier 
immédiatement  aux  endroits  où  l'on  construit  des  routes.  On  dit  que 
les  résultats  de  cette  mesure  ont  été  satisfaisants  et  que  beaucoup 
d'entre  eux  ont  repris  leur  place  à  l'usine. 

Indes  anglaises  occidentales.  —  A  côté  du  sucre,  qui  est  la 
principale  culture  des  Indes  anglaises  occidentales,  on  doit  mentionner 
le  cacao.  L'île  de  Trinidad  est  mieux  connue  par  sa  production  de 
cacao  que  par  celle  du  sucre.  Pendant  les  vingt  dernières  années,  il  y 
a  eu,  d'après  les  comptes  rendus  officiels,  une  diminution  de 
712,614  liv.  st.  dans  l'exportation  du  sucre  et  une  augmentation  de 
4,218,522  liv.  st.  dans  celle  du  cacao. 

L'île  de  Grenade  dépend  entièrement  de  la  culture  du  cacao.  On  en 
exporte  annuellement  de  180,000  liv.  st.  à  160,000  liv.  st.  On  cultive 
aussi  ce  produit  à  Tile  Sainte-Lucie  et  à  l'île  Dominique. 

Dans  les  pays  qui  se  prêtent  à  sa  culture,  le  cacao  donne  des 
bénéfices.  Sa  production  exige  peu  de  travail,  surtout  en  comparaison 
des  plantations  de  sucre  et  elle  peut  être  exploitée  aussi  bien  par  les 
grands  que  par  les  petits  cultivateurs. 

Dans  les  îles  de  Grenade,  de  Sainte-Lucie  et  Dominique  où  un  grand 
nombre  de  petits  cultivateurs  ont  déjà  établi  des  plantations  restreintes, 
on  se  propose  de  les  aider  et  de  les  guider  en  instituant  des  professeurs 
itinérants  et  en  établissant  des  champs  d'expérience  dans  chaque 


302  ÉTUDES  COLONIALES 

district  pour  servir  de  modèle  de  culture  rationnelle.  On  t^roit  que  de 
cette  manière  Texportation  du  cacao  augmentera  considérablement 
dans  rîle  de  Grenade  et  qu'on  pourra  la  porter^  au  delà  du  double, 
dans  une  courte  période,  à  Sainte-Lucie  et  à  Dominique. 

Un  exemple  frappant  des  résultats  que  Ton  peut  obtenir  en  guidant 
les  petits  cultivateurs  est  offert  par  l'île  de  Tobago.  La  nomination 
d'un  professeur  y  a  eu  pour  résultat  de  faire  rapporter  à  des  terres  qui 
étaient  complètement  improductives,  il  y  a  quelques  années,  des 
récoltes  dont  la  valeur  atteint  un  revctiu  annuel  de  2,000  liv.  st. 

Le  même  succès  pourrait  être  obtenu  dans  la  Guyane  britannique 
où  jadis  les  Hollandais  avaient  établi  d'importantes  plantations  de 
cacao  et  dont  le  sol,  selon  le  botaniste  du  gouvernement,  ne  le  cède 
qu'à  peu  de  contrées  en  ce  qui  concerne  cette  culture,  si  l'on  a  soin 
de  choisir  judicieusement  le  terrain  et  la  situation  de  la  plantation. 

Une  plantation  de  caoutchouc  vient  d'être  fondée  à  Tobago. 
L'espèce  choisie  est  le  ce  Ule  »  ou  «  Gaucho  »  (Castitloa  elastica)  de 
l'Amérique  centrale.  On  a  dit  récemment  que  ce  caoutchouc  se 
trouvait  à  1  état  sauvage  à  Cuba,  mais  ce  doit  être  une  erreur.  On 
plante  aussi  du  caoutchouc,  dans  de  petites  exploitations,  à  Trinidad 
et  à  la  Jamaïque.  On  pourrait  aussi  établir  cette  culture  dans  la 
Guyane  anglaise  où  l'on  rencontre  une  ou  deux  espèces  de  caoutchouc 
à  l'état  sauvage. 

La  culture  des  fruits  continue  à  prendre  de  l'extension  à  la 
Jamaïque.  Dans  les  autres  parties  des  Indes  occidentales,  il  n*est  pas 
possible  d'établir  un  commerce  d'exportation  pour  ces  produits,  faute 
d'un  service  régulier  de  bateaux. 

Guyane  anglaise.  Exportation  de  Por.  —  Le  tableau  suivant 
donne  les  quantités  d'or  produites,  par  la  Guyane  anglaise,  pendant 
les  années  1895  à  1899  : 

Années. 


1895 

1806 

1897 

1898 

4899 

Pérou.  —  Un  progrès  notable  vient  d'être  fait  au  Pérou,  par  l'ou- 
verture d'une  nouvelle  voie  de  chemin  de  fer  qui  met  le  versant  occi- 
dental de  la  région  de  Montana  en  communication  directe  avec  un 


Quantités. 

Valeur. 

Onces. 

Liv.  st. 

122,025 

451,200 

124,715 

401,500 

122,702 

449,200 

115.070 

412,200 

1 12,944 

414,800 

CHRONIQUE  303 

tributaire  navigable  de  l'Amazone.  Cette  ligne  aura  aussi  l'avantage  de 
raccourcir  considérablement  le  voyage  de  Lima  en  Europe.  Lima  se 
trouve  maintenant  à  une  dizaine  de  jours  de  distance  de  Iquito  sur 
l'Amazone,  qui  est  relié  directement  à  LiverpooL  Autrefois  le  voyage 
de  Lima  durait  de  deux  à  trois  mois. 

L'ouverture  du  chemin  de  fer  contribuera  puissamment  au  dévelop- 
pement de  la  région  de  Montana,  qui  est  étonnamment  riche  en  pro- 
duits naturels  tels  que  le  caoutchouc  et  aussi,  dit-on,  la  gutta-percha. 
Cette  contrée  se  prête  également  à  la  culture  du  café  et  du  cacao.  Un 
autre  produit  de  valeur  est  constitué  par  la  laine  alpaca.  On  en  exporte 
déjà  pour  2,000,000  de  soles  (5,000,000  liv.)  par  an.  La  presque  totalité 
de  la  quantité  exportée  est  dirigée  sur  Liverpool,  où  elle  est  vendue 
aux  manufacturiers  de  Bradford  et  du  continent. 

L'ivoire  végétal.  —  La  noix  qui  produit  l'ivoire  végétal  est  four- 
nie par  un  palmier  que  l'on  rencontre  dans  les  forêts  de  l'Amérique 
centrale  situées  sur  le  versant  du  Pacifique.  La  République  de  l'Equa- 
teur  fait  un  commerce  assez  important  de  cette  matière.  En  1897,  on 
a  exporté  de  cette  région  11,500  tonnes  d'ivoire  végétal. 

C'est  surtout  vers  l'Allemagne  que  se  dirige  ce  produit.  Les  deux 
tiers  de  l'exportation  vont  vers  ce  pays;  le  reste  est  absorbé  par  les 
Etats-Unis,  la  France  et  l'Angleterre. 

L'approvisionnement  du  marché  de  Guajaquil  se  fait  pendant  la 
saison  des  pluies  (février  à  juillet)  quand  on  peut  se  servir  des  rivières 
pour -y  faire  flotter  des  radeaux.  Les  noix  d'ivoire  se  vendent  non 
décortiquées  de  fr.  3.22  à  fr.  3.45  et  décortiquées  de  fr.  5.51  à 
fr.  6.78. 

Colombie  britannique.  Gisements  aurifères.  —  D'après  le 
consul  des  Etats-Unis  à  Victoria,  en  Colombie  britannique,  il  se  serait 
produit,  l'été  dernier,  un  exode  vers  le  cap  Nome  qui  rappelle  celui 
du  Klondyke,  au  printemps  de  1808.  On  dit  que  beaucoup  de  gens  se 
dirigent  de  Victoria  et  de  Vancouver  au  cap  Nome  plutôt  que  d'aller  à 
Atlin  ou  dans  le  territoire  Noril-Est.  Les  compagnies  de  transport  de 
Victoria  s'occupent  activement  d'aménager  des  bateaux  pour  ce  long 
voyage.  Le  cap  Nome  est  situé  dans  l'Alaska,  le  long  du  détroit  de 
Behring  et  se  trouve  à  2,500  milles  de  distance  de  Victoria  par  mer. 
On  dît  que  le  nombre  des  personnes  désireuses  de  se  rendre  au  cap 
Nome  est  déjà  de  05,000. 

Il  y  a  actuellement  de  5  à  0,000  personnes  à  Nome  City  et  dans  les 
environs.  Les  constructions  y  sont  naturellement  d'un  caractère  pure- 


304  ÉTUDES  COLONIALES 

ment  provisoire.  Beaucoup  d*entre  elles  se  trouvent  au-dessous  du 
niveau  de  la  mer,  ce  qui  né  contribue  pas  à  favoriser  la  santé  publique. 
L'extrême  froid  qui  règne  pendant  six  mois  empêche  heureusement 
les  épidémies  de  se  propager. 

Nouvelle  Eoosse.  La  production  de  l'or.  —  La  production  de 
Tor  en  Nouvelle-Ecosse  s'est  élevée  pendant  Tannée  qui  a  pris  fin  au 
30  septembre  1899  à  27,772  onces  contre  31,104  onces  Tannée  précé- 
dente. Cette  diminution  ne  fait  pas  présager  une  nouvelle  réduc- 
tion pour  Tannée  1900,  car  aux  anciennes  exploitations  sont  venues 
s'en  ajouter  d'autres  qui  vont  être  mises  en  œuvre.  Il  y  a  tout  lieu  de 
croire  que  la  production  en  1900  marquera  une  sérieuse  amélioration 
dans  le  chiffre  des  extractions. 


ASIE. 


Inde  anglaise.  Émigration.  —  Il  résulte  de  statistiques  four- 
nies par  VIndia  Office  que  le  nombre  des  émigrants  sortis  de  l'Inde  a 
été,  pendant  les  douze  années  comprises  entre  1887-88  et  1898-99, 
de  176,001,  soit  une  moyenne  annuelle  de  14,6(37.  Le  nombre  de  ceux 
qui  sont  revenus  pendant  la  même  période  a  été  de  75,375,  soit  une 
moyenne  de  6,281  par  an,  c'est-à-dire  environ  la  moitié  des  par- 
tants. La  morfcilité  des  émigrants  est  grande  dans  certaines  des  colo- 
nies où  ils  se  dirigent;  d'autre  part,  parmi  ceux  qui  survivent,  beau- 
coup reprennent  du  travail  après  l'expiration  de  leur  engagement  et 
se  fixent  même  définitivement  dans  la  colonie.  A  Tîle  Maurice,  par 
exemple,  69  p.  c.  de  la  population  (256,000  sur  372,000  habitants) 
sont  des  émigrants  indiens  ou  des  descendants  de  ceux-ci.  Au  Natal, 
à  la  Trinité,  ailleurs  encore,  le  nombre  des  colons  indiens  augmente. 

Il  y  a  dans  l'Inde  cinq  endroits  où  l'émigration  peut  se  faire  légale- 
ment. Ce  sont  les  villes  de  Calcutta,  Bombay  et  Madras  ainsi  que  les 
établissements  français  de  Pondichéry  et  de  Karikal. 

A  Bombay,  l'émigration  a  cessé  il  y  a  quelques  années  et  n  a  pas  été 
reprise  depuis. 

La  main-d'œuvre  est,  en  général,  suffisamment  rétribuée  pour  ne 
pas  pousser  vers  l'émigration.  On  s'est  cependant  servi  récemment  du 
port  de  Bombay  et  de  celui  de  Karikal  pour.Tembarquenient  de  tra- 


CHRONIQUE  305 

vaîileurs  destinés  au  chemin  de  fer  de  l'Uganda  et  recrutés  pour  le 
compte  du  gouvernement. 

Par  rintermédiaire  des  établissements  français,  il  ne  s'est  plus  fait 
d'émigration  depuis  1884,  sauf  dans  Tannée  1888-89.  Le  port  de  Cal- 
cutta convient  le  mieux  pour  l'embarquement  des  émigrants  sortant 
des  masses  appauvries  des  districts  peuplés  de  Pudh,  de  Bihar  et  de  la 
partie  orientale  ou  des  provinces  nord-ouest.  Le  principal  courant  de 
l'émigration  descend  de  cette  région  le  long  du  Hoogly. 

Les  émigrants  se  dirigent  principalement  vers  l'île  Maurice,  la  côte 
orientale  d'Afrique,  les  Indes  néerlandaises,  la  Guyane  hollandaise, 
les  îles  Fidji  et  la  Jamaïque. 

De  nombreux  travailleurs  se  rendent  encore  de  Madras  à  Ceylan  et 
dans  les  Straits,  mais  cette  émigration  ne  rentre  pas  dans  les  dispo- 
tions des  lois  sur  l'émigration.  On  n'en  tient  donc  pas  compte  dans 
les  statistiques.  Il  en  est  de  même  de  ceux  qui  quittent  l'Inde  comme 
passagers  et  qui  n'ont  pas  été  recrutés  par  des  agences  pour  aller  tra- 
vail 1er  aux  colonies.  Les  statistiques  ne  parlent  pas  non  plus  des  per- 
sonnes qui  quittent  l'Inde  pour  aller  en  pèlerinage  aux  lieux  saints 
d'Arabie  et  dont  un  certain  nombre  ne  retournent  pas  dans  leur 
pays. 

Siam.  Le  développement  de  la  bfttisse  à  Bangkok.  —  Le 

consul  des  Etats-Unis  déclare  dans  son  dernier  rapport  que  la  bûtisse 
prend  en  ce  moment  à  Bangkok,  des  proportions  considérables.  Il 
évalue  à  2,500  le  nombre  des  constructions  permanentes  que  l'on  a 
élevées  Tannée  dernière  ou  qui  sont  en  voie  d'achèvement.  Ces  bâtisses 
qui  ne  comprennent  pas  les  constructions  temporaires  des  indigènes, 
s'appliquent  à  tous  les  genres  d'habitations,  depuis  les  magasins  et  les 
maisons  sans  prétention  jusqu'au  nouveau  palais  du  Tusit  Park  et  aux 
maisons  modernes  les  plus  recherchées.  On  emploie  dans  les  construc- 
tions du  bois,  des  briques,  de  la  tôle  et  des  tuiles.  11  y  a  quelques 
années,  le  bois  de  tek  était  la  matière  la  plus  généralement  utilisée, 
mais  le  renchérissement  de  ce  bois  a  amené  l'importation  d'essences 
moins  chères  et  l'extraction  d'autres  bois  des  forêts  du  Siam.  Jusqu'à 
présent,  on  n'a  pas  encore  découvert  d'arbre  propre  à  remplacer  le 
tek,  car,  outre  la  solidité  et  la  durée,  ce  dernier  a  le  grand  avantage 
de  résister  mieux  que  les  autres  essences  aux  attaques  des  fourmis 
blanches. 

On  se  sert  maintenant  de  colonnes  en  bricjues  au  lieu  de  piliers  de 
tek.  Elles  sont  moins  chères,  mais  comme  elles  sont  lourdes  et 
épaisses,  elles  jurent  dans  des  constructions,  en  général   légères. 


306  ÉTUDES   COLONIALES 

Il  serait  donc  Utile  de  pouvoir  les  remplacer  par  de  minces  piliers 
en  fer.  Quelques  grands  incendies  qui  ont  ravagé  la  ville  ont 
amené  les  autorités  à  défendre  les  toits  en  chaume  et  les  construc^ 
tions  en  bambous,  ce  qui  fait  que  la  ville  se  couvre  de  maisons  de 
briques,  de  fer  et  de  tuiles. 

Dans  une  ville  qui  compte  de  500,000  à  1,000,000  d'habitants  et 
qui  s'étend  rapidement,  les  travaux  de  construction  de  maisons,  de 
routes,  d'égouts  et  de  ponts  nécessiteront  d'importantes  demandes 
dont  les  marchés  industriels  pourraient  profiter.  Déjà  actuellement, 
les  Belges  envoient  au  Siam  la  plus  grande  partie  des  tôles  qu'on  y 
emploie,  et  il  n'est  pas  douteux  que  si  nos  industriels  voulaient 
s'occuper  des  nouveaux  besoins  du  Siam,  ils  y  trouveraient  l'occasion 
de  se  créer  d'autres  débouchés. 


CMINfE 


Hankoiv.  —  Le  Consulaire  verslagen  en  berichten  donnent  un 
intéressant  rapport  du  vice-consul  néerlandais  Wistler  sur  la  situation 
actuelle  de  Hankow.  En  dehors  de  l'importante  concession  anglaise, 
dont  l'heureuse  situation  dans  le  voisinage  immédiat  de  la  ville 
chinoise  fait  le  véritable  entrepôt  du  commerce  extérieur,  les  con- 
cessions obtenues  par  les  Russes,  les  Français,  les  Allemands  et  les 
Japonais  sont  encore  en  plein  travail  d'appropriation. 

L'impulsion  commerciale  ne  s'est  pas  ralentie.  Depuis  quelque 
temps  de  nouvelles  maisons  françaises,  belges  et  allemandes  se  sont 
établies,  et  si  les  bénéfices  qu'elles  réalisent  ne  sont  plus,  par  suite  de 
la  dépréciation  monétaire  et  de  la  concurrence,  aussi  énormes  qu'il  y 
a  dix  ans,  ils  sont  cependant  largement  rémunérateurs. 

Le  thé  forme  toujours  un  des  principaux  produits  d'exportation  : 
30,000  tonnes  dont  les  2/3  vont  en  Russie.  Puis,  les  peaux,  les 
pelleteries,  le  tabac,  la  ramie  et  la  soie;  celte  dernière  en  faible 
quantité. 

L'importation  nous  intéresse  plus  directement.  «  Elle  est  principa- 
lement entre  les  mains  des  Chinois,  dit  M.  Whistler,  qui  se  servent 
des  maisons  étrangères  d'importîition  de  Shanghaï.  Seules  les  grandes 
maisons  à  forfait  pour  compte  du  gouvernement  vont  aux  firmes 
européennes.  Il  n'est  pas  douteux,  cependant,  que  l'achèvement  des 
voies  ferrées  et  la  disparition,  t<mt  attendue,  du  likin  améliorant  la 


CHRONIQUE  307 

situation  économique  intérieure,  permettra  aux  Européens  de  Hankow 
de  s'occuper  eux-mêmes  de  importation.  «  Citons,  parmi  les  pro- 
duits importés,  les  étofi'es  de  cotons  :  coutils,  shirtings,  velours, 
flanelles;  les  tissus  de  laine  :  draps  divers;  les  métaux  :  clous,  fer 
blanc,  plomb,  cuivre  ;  le  sucre  brut  et  raffiné,  etc. 

Mais  déjà  la  concurrence  industrielle  indigène  se  fait  sentir.  Les 
cotonnades,  par  exemple,  souffrent  de  la  proximité  de  l'usine  de 
Wuchang.  Cette  manufacture,  créée  par  le  célèbre  vice-roi  Chang- 
Chih-Tung,  possèdent  34,000  broches  et  peut  fabriquer  360  pièces  de 
shirting  par  jour.  La  mauvaise  direction  qui  lui  a  été  donnée  a 
heureusement  limité  ces  effets  jusqu'ici. 

Parmi  les  autres  usines  créées  à  l'européenne,  la  grande  aciérie  de 
Han-Iang  semble  définitivement  sortie  de  l'ère  des  épreuves.  Ses 
directeurs  belges  fournissent  au  gouvernement  des  rails  et  une  partie 
de  l'armement  de  ses  troupes. 

La  fabrique  d'allumettes  de  Hankow  continue  à  progresser.  Sa 
production  journalière  de  360,000  boîtes  paraît  devoir  ralentir  l'im- 
portation des  allumettes  étrangères.  Ses  produits  valent  ceux  du 
Japon,  mais  sont  loin  encore  de  ceux  des  fabricants  européens, 

11  existe  encore  cinq  fabriques  d'albumine,  travaillant  quatre  ou 
cinq  mois  par  an,  et  enfin  deux  manufactures  pour  la  fabrication  du 
thé  en  briques  ou  en  tablettes.  Ces  dernières,  appartenant  à  des  Russes, 
exportent  la  totalité  de  leur  production,  3  millions  et  demi  de  taèls, 
en  Sibérie. 

Le  rapport  termine  en  donnant  un  aperçu  des  communications 
existantes  ou  à  créer  autour  de  Hankow.  Il  confirme  l'avenir  immense 
de  la  grande  voie  vers  Pékin  (belgo-française),  celui  plus  restreint  de 
la  ligne  vers  Canton  (anglo-américaine)  et  signale  l'activité  de  la 
navigation  sur  le  Yang-tse  :  vingt-neuf  vapeurs  appartenant  à  quatre 
compagnies  anglaises,  deux  allemandes,  une  japonaise  et  une  chinoise 
mettent  Hankow  en  relation  avec  Shanghaï  vers  l'aval  et  Ichang  en 
amont. 

Chine.  Les  gildes  de  crédit.  —  Les  marchands  chinois  dont  les 
ressources  ne  sont  pas  très  considérables  ont  établi  entre  eux  un 
système  d'association  de  crédit  qui  leur  permet  de  se  procurer 
l'argent  dont  ils  peuvent  avoir  besoin  à  un  moment  donné  dans  le 
plus  bref  délai  et  au  taux  d'intérêt  le  plus  avantageux.  A  cet  effet,  un 
certain  nombre  de  petits  marchands,  une  cinquantaine  par  exemple, 
se  réunissent  et  fondent  une  gilde.  Chacun  d'eux  souscrit  lors  de  la 
constitution  de  la  gilde  une  certaine  somme.  Supposons  que  ce  soit 


308  ÉTUDES  COLONIALES 

300  taels  Ton  verra  qu'ils  parviennent  ainssi  à  réunir  immédiatement 
un  capital  de  10,000  taels  qui  est  placé  dans  une  banque  comme  fonds 
destiné  à  faire  face  aux  prêts. 

Chaque  membre  doit,  en  outre,  effectuer  tous  les  trois  ou  six  mois 
un  versement  de  50  taels.  Ces  contributions  servent  à  grossir  le  fonds 
des  prêts  et  à  supporter  certains  aléas,  tel  que  le  défaut  de  restitution 
d'un  prêt  par  l'un  des  membres.  Tout  membre  qui  a  besoin  d*argent 
a  le  droit  d'emprunter  au  fonds  jusqu'à  concurrence  d'une  somme 
déterminée  de  commun  accord  aussi  longtemps  que  le  capital  n'est 
pas  absorbé.  Il  paie  un  certain  intérêt,  mais  ne  doit  fournir  aucune 
garantie. 

Les  avantages  .que  procurent  ces  associations  sont  si  bien  appréciés 
par  les  membres  des  différentes  gildes  de  crédit,  qu'ils  font  tous  leurs 
efforts  pour  leur  maintenir  leur  bonne  renommée.  Aussi  .est-il  rare 
(|ue  l'un  d'entre  eux  abuse  de  son  droit.  Grâce  à  ces  gildes  il  arrive 
souvent  que  dans  un  district  éloigné  de  la  Chine,  un  étranger 
rencontre  un  chétif  marchand,  tel  qu'un  fruitier  ou  un  vendeur  de 
légumes,  qui  se  trouve  tout  à  coup  disposer  d'une  somme  s'élevant 
jusqu'à  5  ou  6,000  taels  quand  l'occasion  de  conclure  une  bonne 
aft'aire  se  présente.  Les  différentes  classes  de  marchands  ont  leurs 
gildes  propres  qui  s'étendent  sur  toute  la  Chine. 

Ceylan.  —  La  colonie  anglaise  de  Ceylan  qui  relève  directement  de 
la  mère  patrie  se  montre  prospère  tant  au  point  de  xTie  de  ses  finances 
que  de  son  commerce  et  de  son  industrie. 

Les  recettes  budgétaires  ont  été,  en  1898,  de  25,138,069  roupies 
contre  24,006,525  roupies  en  1897.  Les  droits  de  port,  de  quais  et  de 
phares  ont  donné  une  plus-value  de  127,775  roupies  par.  suite  de 
l'augmentation  constante  du  tonnage  des  navires  faisant  escale  à 
Colombo,  qui  est  une  des  principales  échelles  situées  sur  la  grande 
route  maritime  de  l'Extrême-Orient. 

En  1898,  le  tonnage  des  navires  à  l'entrée  et  à  la  sortie  de  Colombo 
(a  de  Galle,  les  deux  grands  ports  de  l'île,  a  été  de  7,082,641  tonnes 
pour  7,097  navires  contre  6,704,747  tonnes  et  7,556  navires  en  1897. 
Le  tonnage  est  donc  en  plus-value  et  le  nombre  des  navires  en  moins- 
value,  conformément  à  la  tendance  actuelle  d'augmenter  le  tonnage 
des  navires  tant  pour  la  marine  marchande  que  pour  la  marine  de 
guerre. 

Les  plus  important!»»  industries  manufacturières  de  l'île  sont  le 
coprah j  les  tissus,  le  sel,  l'huile,  le  tabac,  les  briques,  les  tuiles,  la 
vannerie,  la  menuiserie  et   la  bijouterie.   La    principale  industrie 


CHRONIQUE  309 

minière  est  l'extraction  de  la  mine  de  plomb.  Elle  est  très  pro- 
ductive et  le  deviendra  encore  plus  depuis  que  Tadministration 
cinghalaise  dispose  d'un  expert  en  la  matière,  chargé  de  donner  une 
direction  scientifique  à  l'exportation  de  ce  produit. 

Le  commerce  extérieur  de  l'île  fait  de  rapides  progrès.  Sa  valeur  s'est 
élevée  en  1898  à  184,326,924  roupies  (93,801,890  roupies  pour 
l'exportation,  87,825,034  roupies  pour  l'importation)  contre  168  mil- 
lions 959,459  roupies  en  1897.  C'est  surtout  le  mouvement  des 
charbons  qui  a  été  considérable. 

Pendant  la  dernière  période  décennale,  la  valeur  du  commerce 
extérieur  a  passé  de  92,007,045  roupies  à  181,326,925  roupies.  Ce 
succès  paraît  dû  pour  une  grande  part  à  l'utile  action  de  la  main 
d'œuvre  coolie  importée  des  Indes. 

Hong-Kong.  Importance  commerciale  de  l'Allemagne.  — 

Pendant  les  vingt  premières  années  qui  suivirent  l'occupation  de 
Hong-Kong  par  les  Anglais,  il  ne  fut  guère  question  de  l'influence 
commerciale  de  l'Allemagne  dans  cette  île.  Le  rôle  des  Allemands  fut, 
pendant  cette  période,  si  effacé,  que  le  Suisse  Eitel  qui  a  écrit  une 
histoire  très  complète  de  Hong-Kong  ne  les  mentionne  même  pas. 
Ce  n'est  que  vers  1860  que  l'on  commença  à  noter  leurs  progrès. 
A  cette  époque,  les  intérêts  allemands  avaient  acquis  assez  d'impor- 
tance pour  qu'on  leur  réservât  une  place  au  sein  de  la  chambre  de 
commerce  qui  fut  créée  à  Hong-Kong,  en  1861.  Depuis  lors,  l'impor- 
tance commerciale  des  Allemands  s'est  développée  avec  une  rapidité 
remarquable.  Un  premier  fait  le  prouve  déjà  :  sur  les  neuf  membres 
qui  se  trouvent  à  la  tête  de  l'organisation  commerciale  de  la  colonie, 
deux  sont  Allemands. 

En  1891,  la  population  européenne  de  Hong-Kong,  y  compris  les 
équipages  des  vaisseaux  de  commerce,  se  composait  de  366  Alle- 
mands, 118  Français,  223  Américains  et  2,374  Anglais.  Mais  cette 
statistique  ne  donne  qu'une  idée  imparfaite  de  l'importance  commer- 
ciale respective  des  diverses  nationalités  représentées  à  Hong-Kong. 
11  vaut  mieux  de  considérer  le  nombre  des  firmes  commerciales.  Or, 
à  la  fin  de  1897,  il  y  avait  21  firmes  allemandes  faisant  le  commerce 
de  gros  auxquelles  il  faut  ajouter  5  bureaux  de  courtier  et  8  magasins 
contre  28  firmes  anglaises,  31  firmes  indiennes,  c'est-à-dire,  apparte- 
nant à  des  Parsis  ou  à  des  Juifs  indiens  et,  si  on  laisse  de  côté  une 
couple  de  magasins,  une  seule  firme  française.  Les  maisons  allemandes 
occupent,  en  dehors  des  Chinois  et  des  Métis  portugais,  environ 
180  employés,  en  majorité  allemands.  Au  point  de  vue  du  nombre  des 

0 


310  ÉTUDES  COLONIALES 

firmes,  les  Allemands  se  trouvent  donc  à  peu  près  sur  le  même  pied 
que  les  Anglais  et  si  Ton  fait  abstraction  des  maisons  indiennes,  ils 
laissent  les  autres  nations  loin  derrière  eux.  Ces  faits  ont  été  reconnus 
par  une  personne  autorisée.  Sir  William  Robinson  qui,  récemment 
encore,  était  gouverneur  de  Hong-Kong,  a  déclaré,  en  rentrant  en 
Angleterre,  que  la  place  de  Hong-Kong  <c  passe  de  plus  en  plus  aux 
mains  des  Allemands  »  et  que  par  suite  «  on  peut  comprendre  que  la 
mère  patrie  se  demande  s*il  est  utile  de  dépenser  de  grandes  sommes 
pour  une  communauté  commerciale  qui  semble  incapable  de  lutter 
contre  ses  concurrents  ».  Le  journal  le  plus  répandu  et  le  plus  influent 
de  Hong-Kong,  le  Hong-Kong  Daily  Press,  fait  entendre  les  mêmes 
plaintes.  Si  on  laisse  de  coté,  dit-il,  les  employés  de  la  marine,  de 
l'administration  et  de  la  justice,  ainsi  que  la  garnison,  la  communauté 
anglaise  fait  triste  figure  à  côté  de  la  colonie  allemande.  Les  rafline- 
ries  de  sucre  et  toutes  les  industries  qui  se  rattachent  à  la  navigation 
donnent  encore  la  supériorité  aux  Anglais,  mais  la  plus  grande  partie 
de  l'activité  commerciale  proprement  dite  est  aux  mains  des  Alle- 
mands. Les  profits  qu'ils  en  retirent  ne  font  aucun  doute.  Aussi  est-ce 
à  eux,  comme  le  fait  remarquer  le  journal,  qu'appartiennent  les 
meilleures  maisons  de  la  ville. 

D'autres  faits  encore  montrent  Timportance  acquise  par  les  Alle- 
mands. La  plus  forte  banque  d'Extrême-Orient,  la  «  Hong-Kong  and 
Shanghai  Banking  «Corporation  »  dont  les  capitaux  dépassent  20  mil- 
lions de  marks,  ne  compte  pas  moins  de  quatre  Allemands  sur  les 
onze  membres  qui  forment  son  conseil  d'administration;  la  ce  Hong- 
Kong  and  Whampoa  Dock  Company  »  qui  reçoit  dans  ses  docks 
presque  tous  les  navires  de  guerre  anglais  qui  ont  besoin  de  répara- 
tions, possède  sur  les  sept  membres  de  son  conseil  d*administration, 
trois  Allemands;  en  outre,  dans  ces  deux  puissantes  institutions,  le 
président  du  Conseil  était,  en  1897,  allemand;  actuellement,  elles  ont 
chacune  un  Allemand  comme  vice  président.  On  peut  dire  la  même 
chose  d'autres  entreprises  moins  importantes  que  l'on  a  l'habitude  de 
désigner  comme  anglaises.  Aussi,  il  y  avait  en  1897,  dans  la  «  Hong- 
Kong  and  kowloon  Wharf  and  Godown  Company  »  dont  le  capital 
est  de  1  million  de  dollars,  sur  onze  administrateurs,  quatre  Alle- 
mands; dans  la  «  Hong-Kong, Canton  and  Macao  Steamboat  Company» 
au  capital  de  1,200,000  dollars,  deux  Allemands  sur  cinq  directeurs; 
dans  le  «  China  Traders  Insurance  Company  »  qui  possède  un 
capital-actions  de  2  millions  de  dollars,  trois  des  cinq  administrateurs 
sont  allemands;  dans  le  «  China  Pire  Insurance  Company  »,  dont  le 
capital  est  aussi  de  2  millions  de  dollars,  trois  des  six  administrateurs 


CHRONiaUE  31  i 

sont  également  de  nationalité  allemande;  enfin,  dans  la  «  Hong-Kong 
Investment  Company  »  dont  le  capital-actions  est  évalué  à  5  millions 
de  dollars,  il  y  a  deux  Allemands  sur  sept  administrateurs.  On 
pourrait  encore  citer  un  grand  nombre  d'autres  entreprises  d'impor- 
tance moindre  où  les  Allemands  occupent  au  moins  une  place 
d*administrateur.  Les  chiffres  qui  viennent  d'être  donnés  suffisent 
pour  montrer  Timportance  de  la  participation  des  capitaux  allemands 
dans  les  entreprises  de  cette  colonie  anglaise.  On  estime  que  dans  les 
sept  grandes  institutions  citées  ci-dessus,  le  chiffre  des  capitaux 
allemands  s'élève  à  20  millions  de  marks. 

Formose.  —  L'avenir  ne  se  présente  pas  sous  un  jour  favorable 
pour  les  commerçants  étrangers  à  Formose  depuis  l'occupation  de 
cette  île  par  les  Japonais,  d'après  ce  que  dit  dans  son  rapport, 
M.  de  Rcns,  consul  des  Pays-Bas  à  Yokohama.  Le  commerce  du 
camphre  y  a  perdu  tout  avantage  et  celui  du  thé  est  fortement  menacé 
par  suite  des  mesures  prises  par  le  Gouvernement  japonais.  Quant  au 
trafic  de  l'opium,  il  est  entièrement  perdu  pour  le  commerce  libre. 
Outre  cela,  la  navigation  sous  pavillon  étranger  rencontre  chez  les 
lignes  japonaises  subsidiées  une  concurrence  difiicile  à  soutenir. 

Dans  ces  circonstances,  il  ne  peut  naturellement  être  question 
d'établir  de  nouvelles  maisons  de  commerce.  Le  contraire  est  plutôt 
vrai.  Ainsi  deux  firmes  allemandes  établies  à  Anping  et  à  Takow, 
depuis  1898,  ont  dû  cesser  les  affaires. 

Les  Japonais  n'ont  pourtant  pas  encore  pu  réussir  à  fonder  de 
grandes  entreprises  industrielles  ou  commerciales.  L'audace  et  l'ini- 
tiative nécessaires  leur  ont  manqué.  Ce  n'est  que  lorsque  l'État  inter- 
vient pour  accorder  son  appui,  que  les  capitaux  japonais  osent  se 
risquer.  C'est  le  cas  de  la  Banque  de  Formose,  créée  en  1898,  grâce 
aux  privilèges  concédés  par  le  gouvernement. 

Le  calme  ne  règne  pas  encore  complètement  dans  l'île.  Les  mécon- 
tents ne  restent  jamais  tranquilles  que  pour  quelques  mois,  puis,  on 
entend  parler  de  nouveau  de  combats  entre  indigènes  et  japonais. 
Il  n'est  pas  même  question  de  tranquillité  absolue  dans  les  environs 
des  villes  importantes,  particulièrement  sur  la  côte  méridionale. 

Les  Chinois  sont  les  seuls  qui  ont,  jusqu'à  présent,  tiré  parti  de 
l'occupation  japonaise.  Ils  n'ont  jamais  gagné  autant  d'argent.  Ils 
doivent  cette  fortune,  d'une  part,  à  l'établissement  d'une  administra- 
tion plus  régulière  et,  d'autre  part,  à  l'absence  de  concurrence.  Le 
gouvernement  japonais  oppose,  en  effet,  toutes  sortes  de  difficultés  à 
l'immigration  de  nouveaux  Chinois. 


Si  s  ÉTUDES  COLONIALES 

D'un  autre  côté,  le  «  Japan  Weekly  Mail  »  annonce  qu'une  ordon- 
nonce  récente  défend  aux  étrangers  l'acquisition  d'immeubles  à  For- 
mose.  Cette  prohibition  ne  s'applique  pas  à  ceux  qui  ont  acquis  dos 
propriétés  avant  la  promulgation  de  cette  mesure.  La  même  ordon- 
nance limite  la  durée  des  prises  à  bail  ordinaires  à  vingt  ans  et  celle 
des  autres  genres  de  louage  de  terres  à  cent  ans.  Il  va  aussi  de  soi 
que  le  code  civil  du  Japon  ne  s'applique  pas  à  Formose. 

Japon.  Les  étrangers  et  le  droit  à  propriété  immobilière.  — 

D'après  le  «  Japan  Weekly  Mail  »,  le  chef  de  l'administration  de  Ilok- 
kaido,  considérant  que  le  développement  des  districts  qu'il  a  sous  sa 
juridiction  prendrait  une  grande  extension  si  on  encourageait  les  entre- 
prises étrangères  et  le  placement  des  capitaux  étrangers,  a  demandé 
au  ministère  de  l'Intérieur  que  les  personnes  juridiques  qui  se  met- 
traient en  règle  avec  les  prescriptions  des  lois  japonaises;  fussent 
autorisées  à  acquérir  des  propriétés  immobilières,  peu  importe 
qu'elles  fussent  constituées  exclusivement  par  des  étrangers  ou  par 
des  Japonais  et  des  étrangers.  Le  ministre  de  l'Intérieur  a  répondu 
qu'aucune  disposition  des  lois  japonaises  ne  s'opposait  à  l'acquisi- 
tion d'immeubles  par  des  personnes  juridiques  composées  d'étrangers. 
Il  y  a  lieu  de  remarquer  qu'une  décision  de  justice  s'était  déjà  pronon- 
cée dans  ce  sens. 

Corée.  —  Le  commerce  de  la  Corée  suit  une  marche  ascendante 
malgré  les  troubles  politiques  qui  agitent  ce  pays.  Il  a  monté  de 
H, 000,000  yen  en  1894  à  environ  2o,000.000  yen  en  1898.  La  valeur 
moyenne  du  yen  était  en  1894  de  fr.  2,68,  et  en  1898  de  fr.  2,57.  Le 
pays  est  pauvre  en  produits  industriels,  mais  très  riche  en  ressources 
naturelles,  et  il  produit  du  blé  pour  l'exportation  en  Chine  et  au  Japon. 
La  pêche  est  très  importante;  les  principaux  centres  sont  Wusan  et 
Fusan  qui  ont  été  visités  en  1898  par  6,838  bateaux  de  pêche  japonais. 
Un  commerce  d'exportation  d'or  en  poudre  s'est  aussi  développé  dans 
les  dernières  années;  des  syndicats  allemands  et  anglais  exploitent 
des  dépôts  d'or  en  poudre  de  la  Corée.  L'Angleterre  occupe  toujours 
le  premier  rang  dans  les  relations  commerciales  de  ce  pays. 


CHRONIQU  313 


AUST^ALASIE 


Iles  Carolines.  —  Le  gouverneur  de  la  Nouvelle-Guinée  a  pris 
possession  de  Tadministration  des  Iles  Carolines,  le  1®'  octobre  1899. 
Le  groupe  des  Carolines  a  été  divisé  en  trois  districts  ;  un  commissaire 
se  trouve  placé  à  la  tête  de  Tun  d^eux  et  un  commandant  de  district  à 
la  tête  de  chacun  des  deux  autres.  Le  premier  district  comprend  les 
îles  situées  à  TEst  du  180**E,  le  deuxième,  les  Carolines  occidentales  et 
le  troisième,  les  îles  Mariannes.  Ces  districts  possèdent  l'autorité 
judiciaire  et  dépendent  de  la  Cour  suprême  de  Hubertshohe.  Le 
système  judiciaire  allemand  sera  introduit  dans  ces  îles,  mais  on 
tâchera  de  maintenir  autant  que  possible  Tancien  droit  des  colonies 
espagnoles  qui  est  en  vigueur  actuellement,  en  matière  civile;  dans 
les  affaires  criminelles,  on  suivra  le  Code  pénal  allemand. 

Les  règles  concernant  Tacquisition  des  terres  sont  analogues  à 
colles  qui  sont  appliquées  à  Kiautschou.  L'administration  seule  a  le 
droit  de  prendre  possession  des  terres  sans  maître  et  de  passer,  avec 
les  indigènes,  des  traités  conférant  des  droits  réels.  L'administration 
peut  ensuite  vendre  des  étendues  de  terres  ne  dépassant  pas  500  hec- 
tares à  des  particuliers  ou  à  des  compagnies.  Les  titres  anciens  doi- 
vent être  reconnus  judiciairement  avant  le  1«'  octobre  1900. 

Les  trois  seuls  ports  ouverts  actuellement  au  commerce  étranger 
sont  ceux  de  Ponape,  de  Yap  et  de  Saipan  où  se  trouvent  les  trois  sièges 
du  gouvernement.  Tous  les  vaisseaux  qui  touchent  aux  Carolines  doi- 
vent donc  entrer  dans  l'un  de  ces  trois  ports;  là  seulement  ils  peuvent 
obtenir  l'autorisation  de  visiter  d'autres  parties  des  îles.  Une  exception 
est  faite  en  faveur  des  bâtiments  appartenant  à  des  compagnies 
établies  dans  les  îles.  L'autorisation  de  se  rendre  dans  d'autres  régions 
des  îles  s'accorde  moyennant  le  payement  d'une  taxe  et  elle  sera 
valable  pour  une  ou  deux  années;  elle  pourra  toutefois  être  annulée 
dans  des  cas  spéciaux. 

Un  autre  décret  défend  la  vente  d'armes  à  feu,  de  munitions, 
d'explosifs  et  de  liqueurs  alcooliques  aux  indigènes. 

La  monnaie  allemande  a  été  introduite  dans  les  îles.  Aucun  paye- 
ment en  monnaie  étrangère  ne  sera  plus  reçu  Sipré»  le  i^  avril  1900,  à 
l'exception  do  l'or  anglais. 


314  ÉTUDES  COLONIALES 

Des  ordonnances  très  détaillées  s'occupent  du  recrutement  de  la 
main-d'œuvre  en  Nouvelle-Guinée  et  dans  les  Carolines.  Les  vaisseaux 
qui  recrutent  des  travailleurs  et  les  transportent  à  leur  lieu  de  desti- 
nation doivent  réunir  certaines  conditions  sanitaires  et  être  pourvus 
de  vivres  suffisants  pour  les  ouvriers  engagés.  Avant  d'entrer  en  service 
comme  avant  leur  libération,  les  ouvriers  devront  se  présenter  chez 
les  autorités  compétentes  pour  subir  un  examen  médical.  La  durée  des 
engagements  ne  peut  dépasser  cinq  ans  et  la  nature  des  salaires  à 
payer  est  également  fixée.  L'administration  et  les  particuliers  sont 
obligés  de  tenir  des  listes  exaclef,  du  personnel  engagé.  Les  employeurs 
doivent  acquitter  une  taxe  de  5  marks  pour  chaque  engagement  de 
travailleur.  L'autorisation  de  recruter  des  ouvriers  sera  immédiatement 
retirée  à  celui  qui  ferait  usage  de  la  violence  pour  effectuer  des. enga- 
gements. 


BIBLIOGRAPHIE 


De  bemesting  en  het  dragen  van  koffie  in  BraziliÔ.  (Communications  de  la 
station  ■  d'essais  du  gouvernement  à  Gampinas  (État  de  Sao-Paulo),  par  le 
IK  F.  W.  Defert,  avec  la  collaboration  de  M««  E.  Scpmann  etL.  Uidinus.  In -4'*  do 
250  pages,  avec  50  planches.  H.  de  Bussy, éditeur,  Amsterdam,  i808. 

Le  travail  dont  nous  nous  occupons  est  un  des  plus  importants  qui 
aient  paru  sur  la  culture  du  caféier,  bien  que  les  recherches  de  ses 
auteurs  se  soient  spécialement  limitées,  comme  le  titre  l'indique,  aux 
engrais  et  amendeitients  applicables  au  sol  des  plantations,  et  d'autre 
part,  à  l'opération  délicate  du  séchage  de  la  graine. 

Le  premier  chapitre  est  formé  d'une  statistique  de  la  production  de 
l'État  de  Sao-Paulo,  établie  scientifiquement,  avec  indication  de  l'alti- 
tude des  plantations  et  de  la  nature  des  terrains.  Les  chapitres  suivants 
renferment:  l'analyse  chimique  des  différentes  parties  du  caféier, 
l'étude,  appuyée  sur  les  expériences  de  la  station  otticielle,  des  divers 
engrais  organiques  et  inorganiques  applicables  à  la  culture  de  l'arbuste, 
et  le  compte  rendu  des  essais  comparatifs  entre  l'espèce  ordinaire,  le 
Brésil,  et  le  caféier  de  Bourbon,  essais  dont  le  résultat  a  été  favorable 
à  celle  dernière  espèce. 

Les  chapitres  VII  à  X  traitent  du  séchage  de  la  graine  au  point  de 
vue  économique  et  technique.  On  y  trouve  la  description  détaillée, 
avec  planches  figuratives,  de  toutes  les  machines  à  sécher  connues,  (il 
n'en  existe  pas  moins  de  trente-cinq  systèmes),  et  Texposé  des  essais 
faits  à  la  station  de  Campinas  pour  perfectionner  les  méthodes 
existantes. 

Le  chapitre  XI  revient  sur  la  question  des  engrais  chimiques,  en  trai- 
tant surtout  de  ceux  qui  sont  applicables  dans  l'État  de  Sao-Paulo. 

Dans  son  ensemble,  l'ouvrage  considérable  que  nous  venons  d'ana- 
*yser  doit  être  considéré  comme  une  contribution  des  plus  importante 
à  l'étude  scientifique  de  la  production  du  café. 


316  ÉTUDES  COLONIALES 

La  Vinification  dans  les  Pays  chauds.  Algérie  et  Tunisie,  par  J.  Dojast,  directeur 
de  la  station  agronomique  et  œnologique  d*A.Iger.  Un  vol.  in-8«  de  2^  pages,  avec 
526gures.  Paris,  Carré  etNaud,  1900. 

Le  traité,  qui  fait  partie  de  la  Bibliothèque  de  la  Revue  générale  des 
Sciences,  donne  d*ainples  notions  sur  toutes  les  parties  de  la  fabrica- 
tion du  vin;  les  conditions  particulières  de  la  fermentation  sous  un 
climat  chaud  sont  exposées  à  Taide  d'expériences  faites  à  la  station 
agronomique.  Ce  traité  sera  d'un  grand  intérêt  pour  les  colonisateurs 
de  terres  propres  à  la  culture  de  la  vigne. 


La  Guinée  française.  Conakry  et  Rivières  du  Sud,  par  M.  A8p&-Flkurimokt,  conseil- 
ler de  commerce  extérieur  de  la  Franco.  Un  volume  in-iâ  de  547  pages,  avec  deux 
cartes  et  des  annexes.  Paris,  Ghallamel,  1900. 

Le  livre  de  M.  Aspe-Fleurimont  est  un  des  meilleurs  qui  aient  paru 
en  France  sur  la  question  si  actuelle  de  la  mise  en  valeur  des  colonies. 
L'auteur  a  fait  de  la  situation  économique  au  Sénégal  et  dans  les 
régions  annexées  à  cette  colonie  une  étude  approfondie,  en  obsei'va- 
teur  éclairé  et  sans  préjugés.  On  trouvera  dans  ce\  ouvrage  des  consi- 
dérations neuves  sur  le  régime  des  taxes  et  sur  la  répercussion  de 
celles-ci  sur  le  commerce;  les  conditions  toutes  particulières  du  trafic 
avec  les  indigènes  entraînent  des  conséquences  fort  éloignées  des  con- 
clusions traditionnelles  des  économistes  théoriciens. 

Les  opinions  de  l'auteur  sont  empreintes  d'un  sens  très -exact  de  la 
réalité,  sans  illusions  sur  les  erreurs  commises  et  sans  pessimisme 
systématique.  Nous  avons  remarqué  qu'en  plus  d'un  endroit  l'auteur 
cite  l'exemple  des  Belges  et  de  l'État  Indépendant  du  Congo,  comme 
modèle  d'une  politique  économique  rationnelle  et  fructueuse. 


-^ 


REVUE    DES    REVUES 


Le  Mouvement  géographique.  N»  9  (4  mars  .  Le  régime  des  concessions 
dans  le  bassin  de  la  Sanga.  Lr  Tocanlins-Arnguaya.  —  N"  10  (11  mars).  La  Sanga.  La 
province  de  Tchc-Kiang.  —  N"  11  (18  mars).  Le  prohlème  du  Wam  (bassin  de  PUbanghi), 
avec  deux  cartes.  —  N»  12  (25  mars).  Au  Kalanga,  par  A.  Delcomxu.ne.  Le  charbon  en 
Chine.  Règlement  sur  les  mines  et  les  chemins  de  fer  chinois. 

La  Belgique  coloniale.  N''*  9  à  12  (4,  11,  18  el  25  mars).  Critériums  économi- 
ques et  coloniaux,  par  R.  V.  —  Le  protectorat  de  la  Tunisie,  par  J.  Gauraing. 

Le  Congo  belge.  No^  9  à  12  '4,  11,  18  et  25  mars).  Le  Ma}^imbé.  L*éléphant 
d*Afrique.  Deux  expériences  sur  la  malaria. 

La  Semaine  horticole.  N"»  8  à  il  (3,  iO,  17  et  24  mars).  Voyage  au  Fernan-Vaz, 
par  G.  De  Brandner  (suite).  Iji  culture  du  cacao  à  rÉ(iuateur,  par  C.  Booillet.  La 
culture  du  dattier,  par  le  môme. 

La  Quinzaine  coloniale.  N'>  77  (10  mars%  Le  nouveau  tarif  sur  le  café,  par 
J.  Chailley-Bcrt.  La  colonisation  agricole  au  Tonkin  (fin),  par  Duchexin.  —  N"  78 
(25  mars).  L'enseignement  colonial,  par  J.  Chaillet-Bert. 

Bulletin  du  Comité  de  PAfirique  française  (mars).  Du  Niger  vers  le  lac 
Tchad  (suite  du  journal  du  capitaine  Cazemajou). 

Questions  diplomatiques  et  coloniales.  N»  75  (1<'''  mai's).  Les  colonies  anglaises, 
par  M.  Ordi.naire.  La  Gasamance,  étude  commerciale,  par  P.  Arnaud-Régis.  —  N"  74 
(15  mai's).  Au  Tidihelt  :  le  programme  saharien,  par  J.-  R.-M.  Flxma.nd.  Le  crédit  colonial, 
par  J.  Frasoonie.  Le  Maroc  inconnu,  par  G.  Jacqueto.n. 

Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  de  Bordeaux.  Musées  commerciaux 
et  coloniaux  ù  l'étranger  (suiio),  par  Alb.  Mengeot.  Le  poivre  de  Saigon,  par  L.  Imbert. 

Revue  des  Cultures  coloniales  N»  48  (5  mars).  Un  nouveau  remède  contre  la 
dyssentcric  (le  Ko  sam),  par  J.  Dibowski.  Étude  sur  les  propriétés  et  Texploitation  des 
bois  de  la  Côte  d'Ivoire,  par  le  capitaine  du  génie  Houdaille.  La  culture  du  cacaoyer  à 
la  Martinique,  par  G.  Landes.  L'indigo,  sa  culture  et  sa  récolte  dans  Tlnde,  par 
V  DkLiGNY.  Le  cancer  du  cacaoyer,  par  J.  Vilbouchewitch. 

The  Geographical  Journal  (mars  1900).  Un  voyage  du  fort  Jameson  à  Vieux-Ghi- 
tambo  et  au  plateau  du  Tongangka,  par  Rob.  Codrington,  administrateur  de  la  Rhodesia 
du  Nord.  ^  Le  «r  Sudd  »  (végétation  flottante)  du  Nil  blanc.  Notes  sur  la  géologie  et 
l'anthropologie  de  l'Abyssinic,  par  le  D'  Reginald  K^ettlitz  (appendice  au  voyage  de 
H.  Weld  Blundell . 

Journal  of  the  Royal  colonial  Institute  (mars  iOOO).  Une  école  de  médecine 
tropicale,  par  le  D^  Patrick  Mansoiv.  —  Les  Bahamas,  par  Sir  W.  Robirson. 


318  ÉTUDES  COLONIALES 

Der  Tropenpflanzer.  No  3  (mars  1900).  Expédition  pour  le  caoutchouc  dans 
TAfrique  occidentale,  par  R.  Scrlecrcr.  —  Le  Kola  au  Kamerun,  par  L.  Beinegau 
(avec  figures).  —  La  cullurc  de  la  Vanille  au  Mexique,  par  H.  Lengke.  —  Les  colonies 
allemandes  en  1898-1899  (Togo  et  Knmerun*. 

Supplément.  Les  travaux  d*une  plantation  de  café.  Traduit  de  Touvrage  de 
F.  W.  Morren  par  C.  Ettling  (avec  8  figures). 

N<^  4.  Le  Noté  au  Brésil,  par  A.  Papstein  (avec  figure).  —  Notes  agricoles  sur  Ceyian, 
par  le  D^  A.  Breyer.  —  La  production  du  caoutchouc  dans  TAmérique  centrale  (Costa- 
Rica^  par  F.  Koschnv.  —  La  culture  du  café  à  Gosta-Rica,  par  le  D^*  E.  Henrici.  —  Mémo 
sujet  par  J.  Kûmpel.  —  Les  colonies  allemandes  en  4898-1899  (Afrique  du  Sud-Ouest  et 
îles  océaniennes).  Notes  sur  divers  végétaux  utiles,  par  Ad.  F.  Môller. 

Deutsche  Kolouialzeitung.  N^"  9  (  !•'  mars).  Remarques  sur  la  situation  du  ter- 
ritoire de  Kiautscliau  en  1900,  par  J.  Wilda.  —  Nouvelles  de  Kiautschau,  par  E.  Prater. 

No  10  '8  mars).  Le  chanvre  de  Sisnl  par  le  Dr  M.  Gûrhe.  —  Images  de  Yap  (Garolines) 
par  F.  Grabowsky  (avec  5  figures).  N^  1 1  (15  mars).  Quelques  mots  sur  favenir  de  la  par- 
tie Nord  de  l'Afrique  occidentale  allemande,  par  E.  Dûttnan.  —  No  12  (22  mars).  La 
Chine  allemande,  par  E.  Prager  et  II.  Gerstenberg.  —  No  13  (29  mars).  La  ligne  pos- 
tale de  Shanghaï  à  Ticntsin,  par  H.  Petzold.  Revue  des  colonies  allemandes. 


^—^m 


OF   THE 

UNIVERSITY 


1^ 


y 


ÉTOOES  GOliOHlflltES 


No  5  7«  Année  Mai  1900 


DÉBOUCHÉS    EN    CHINÉ 

ponr  ks  iQgéQiears  MécaQicieQs. 

(Discours  de  Lord  Ch.  Beresford  à  l'Institut  des  Ingénieurs  Mécaniciens  de  Londres,) 


^?iii^îr:;îEN  que  ce  soit  à  Tingénieur  civil  à  déblayer  dabord  la 
•^iL^lV  route,  il  y  a  déjà  maintenant  un  avenir  en  Chine  pour 
î^;;;::'  l'ingénieur  mécanicien,  avec  un  champ  d'opérations  illi- 
mité Preciez  en  considération  que  cet  empire  immense,  de  H  mil- 
lions de  kilomètres  carrés  d'élendue  et  d'une  population  de  près 
de  400  millions  d'habitants,. pratique  encore  Tart  et  l'industrie 
avec  des  outils,  des  méthodes,  des  idées  d'il  y  a  deux  mille  ans  et 
vous  conclurez  qu'il  y  a  là  pour  l'ingénieur  moderne  un  champ 
d'exploitation  étendu  et  de  grande  promesse. 

Je  décrirai  en  trois  chapitres'les  débouchés  principaux  qui  s'ou- 
vrent à  l'ingénieur  mécanicien  : 

I.  Travaux  de  chemins  de  fer  et  d'électricité. 

II.  Travaux  de  mine. 

III.  Manufactures. 

I.  —  Chemins  de  fer  et  électricité. 

En  ce  qui  concerne  le  premier  de  ces  chapitres,  je  suis  d'avis 
que  le  développement  immédiat  de  la  Chine  s'effectuera  rapidement. 

Ainsi  que  je  l'ai  promis  dans  mon  ouvrage  Morcellement  de  la 
Chine,  au  moment  de  la  visite  que  j'ai  faite  à  ce  pays,  317  milles 


3!20  ÉTUDES  COLONIALES 

(630  kilom.)  de  ligne  de  chemins  de  fer  ont  été  construits, 
2,270  milles  (3.800  kilom.)  sont  en  construction  et  2,507  milles 
(4,i60  kilom.)  sont  projetés  dont  les  travaux  de  tracé  de  la  ligne 
sont  commencés  tandis  que  1,070  (plus  de  1,700  kilom.)  sont  pro- 
jetés sans  que  les  premiers  travaux  aient  été  faits.  Dans  quelques 
années  nous  verrons  donc  plus  de  6,000  milles  (i0,000  kilom.)  de 
voies  placées  et  Tingénieur  mécanicien  aura  trouvé  là  amplement 
de  besogne  à  conduire  ou  bien  à  construire  ou  réparer  les  locomo- 
tives et  tout  le  matériel  à  Tusage  des  Chinois  et  des  propriétaires 
de  ces  chemins  de  fer.  Je  puis  dire  que  l'énergie,  le  courage  et 
les  qualités  d'habileté  de  M.  C.  W.  Huider,  qui  fait  honneur  à  votre 
profession,  ont  accompli  l'érection  d'ateliers  très  importants  à 
Tongshan.  Ces  ateliers  construisent  tout  leur  matériel  sauf  les 
locomotives,  mais  travaillaient  à  leur  première  locomotive  lorsque 
je  les  ai  visités.  M.  Iluider  espérait  pouvoir  construire  une  locomo- 
tive au  prix  de  1,600  liv.  st.  (soit  40,000  fr.)  ce  qui  coûterait  chez 
nous  plus  de  70,000  francs  (avec  un  délai  de  fournitures  de  deux 
ans).  Ce  qui  lui  cause  le  plus  de  difficulté,  c'est  le  manque  de  tra- 
vailleurs expérimenlés.  M.  Huider  paie  de  bons  salaires.  Les  Rus- 
ses, qui  ont  cherché  à  débaucher  son  personnel,  paient  moins  que 
lui  et  il  ma  dit  qu'aujourd'hui  ces  hommes  désiraient  revenir  chez 
lui.  Les  machi.ies  roulant  sur  le  chemin  de  fer  de  Shan-kai-kwan 
sont  fabriquées  par  MM.  Dubs  de  Glascow  et  Balduin  d'Amérique. 
Les  machines  américaines  sont  plus  légères  et  moins  bonnes  que 
les  anglaises,  mais  suffisent  pour  le  travail  qu'on  leur  demande. 
Les  prix  sont  tellement  en  faveur  des  machines  américaines  que 
M.  Iluider  m'a  dit  avoir  gagné  750,000  francs  en  employant  ces 
machines;  de  plus  leur  délai  de  fourniture  est  de  quatre  mois  au 
lieu  de  vingt-quatre,  ce  qui  a  permis  de  travailler  et  de  distribuer 
des  dividendes  plus  tôt.  L'idée  qu'on  se  fait  que  des  ouvriers  expé- 
rimentés chinois  travaillent  à  bon  marché  est  erronée,  du  moins 
en  ce  qui  concerne  le  nord  de  la  Chine.  Un  bon  ouvrier  chinois  y 
touche  60  dol.  (150  fr.)  par  mois.  Ces  ouvriers  travaillent  parfaite- 
ment aux  réparations  de  chaudière  et  à  leur  remplacement  et  à 
d'autres  travaux  importants.  M.  Huider  estime  que  le  cofit  des 
300  milles  de  rail  jusque  Shan-kai-kwan  ont  coûte  en  tout  (y  com- 
pris les  admirables  ateliers  de  Tongshan  que  j'ai  vus)  environ 
150,000  francs  par  mille.  Près  de  là  j'ai  vu  des  ateliers  de  fabri- 


DÉBOUCHÉS  EN    CHINE  321 

cation  de  ciment,  mais  on  n'y  Iravailiait  pas  et  les  machines  étaient 
en  train  de  se  rouiller  tant  est  grande  l'inaptitude  au  travail,  chez  le 
Chinois  non  surveillé  par  des  Européens.  Il  y  avait  cependant  une 
demande  de  60,000  à  80,000  tonneaux  de  ciment  par  an  pour  le 
chemin  de  fer  que  Ton  a  dû  se  procurer  ailleurs,  les  ateliers  de 
ciment  ayant  été  fermés. 

Il  est  une  autre  difficulté  à  ajouter  à  celles  dont  nous  venons 
de  parler  :  cest  la  haine  du  Chinois  pour  le  «  démon  étranger  » 
A  répoque  de  ma  visite  ces  sentiments  d'hostilité  et  de  malveillance 
se  manifestèrent  :  deux  des  ingénieurs  de  M.  Huider  turent  mal- 
traités à  Fungte  et  l'on  tira  même  sur  eux.  Comme  exemple  de  la 
légèreté  de  la  façon  anglaise  de  traiter  ces  incidents  en  Chine,  mon 
attention  fut  attirée  sur  ce  fait,  qu'au  lieu  de  demander  immédiate- 
la  punition  des  chefs  du  mouvement  et  le  retrait  des  troupes  chi- 
noises Kan  Suh  qui  étaient  responsables  de  l'outrage,  les  autorités 
an-laises  réclamèrent  une  conférence  de  tous  les  njinistres 
étrangprs  :  comme  résultat  de  leur  action  réunie,  deux  des  coupa- 
bles furent  «  légèrement  »  fouettés,  recevant  la  même  punition 
que  des  coulies  qui  avaient  abimé  le  manche  d'une  pompe  et  un 
morceau  de  tuyau  (valeur  2  dol.)  quelques  semaines  auparavant. 

M.  Huider  fut  si  mécontent  qu'immédiatement  il  rappela  ses 
ingénieurs,  et  les  soldats,  enhardis  par  la  presque  impunité  de 
leurs  camarades,  s'empressèrent  de  détruire  des  chaudières  à 
Poihotien  et  d'enlever  des  tuyaux  de  cuivre. 

L'affaire  fut  néanmoins  jugée  peu  après  et  les  troupes  rappelées. 
Il  eût  été  beaucoup  plus  sage,  me  sembla  t-il  en  semblable  occur- 
rence, de  faire  assumer  par  le  Foreign  Office  la  responsabilité  com- 
plète, au  lieu  de  se  réfugier  derrière  les  étrangers,  dont  plusieurs 
n'étaient  pas  fâchés  de  voir  les  sujets  anglais  maltraités. 

Le  chemin  de  fer  est  le  plus  grand,  le  plus  facile  et  le  plus 
rapide  moyen  de  civilisation,  et  j'envisage  avec  condance  les  bien- 
faits qu'il  apportera  à  la  Chine  et  au  commerce  anglais.  Les  ingé- 
nieurs mécaniciens  ont  un  rôle  important  à  jouer  dans  l'avenir 
prochain  où  le  «  Cheval  de  fer  »  de  Stephenson,  pénétrera  dans 
l'empire  du  Milieu,  et  je  recommande  particulièrement  à  cette 
institution  de  considérer  avec  attention  les  grands  débouchés  qui 
s'ouvrent  dans  cette  direction. 

J'ai  placé  l'électricité  en  tête  parce  que  j'ai  appris  par  les  voies 


322  ÉTL'DRS  COLONIALES 

ordinaires  d'information,  que  depuis  mon  retour  de  Chine,  il  est 
devenu  possible  pour  le  voyageur  de  se  rendre  par  traction  élec- 
trique de  la  station  de  chemin  de  fer  aux  portes  de  Pékin.  Je  fus, 
moi,  transporté  dans  la  cité,  sur  chaise  de  mandarin,  tandis  que 
ma  suite  montait  des  poneys  chinois,  et  jugeant  par  ce  qu'était 
alors  l'état  des  routes,  avoir  réussi  si  vite  à  établir  un  tramway 
électrique,  fait  honneur  aux  promoteurs  de  l'entreprise.  Les  roules 
chinoises  étaient  parfaites  il  y  a  2000  ans,  mais  elles  n'ont  pas  été 
réparées  depuis.  Comme  je  parlais  à  ce  sujet  avec  un  Américain, 
il  me  répondit  :  «  Oui,  Monsieur,  les  routes  sont  fort  mauvaises, 
»  une  mule  s'est  nojée  lautre  jour  sur  la  route,  devant  l'cmbas- 
»  sade.  » 

Dans  les  quartiers  européens  l'électricité  est  appliquée  à  l'éclai- 
rage; et  même  à  Hankow,  à  iOOO  kilomètres  sur  la  rivière  Yangtse, 
on  fait  des  installations  électriques.  L'abondance  et  le  bon  marché 
du  charbon  rendront  cette  branche  de  l'industrie  concernant  Tin- 
génieur  électricien  fort  profitable  dans  un  temps  fort  court. 

Les  Chinois  de  la  classe  élevée  apprécient  beaucoup  le  luxe 
européen  et  je  ne  doute  pas  qu'ils  deviennent  promptoment  des 
consommateurs  de  l'électricité  pour  leclairage  et  l'industrie.  Evi- 
demment au  début  tout  le  matériel  d'inslallation  doit  d'abord  être 
importé  et  je  désire  faire  remarquer  à  votre  institution,  que  nous 
sommes  très  en  retard  sur  l'Amérique  et  le  Japon,  en  ce  qui  con- 
cerne l'application  de  l'électricité,  et  à  moins  que  nous  devenions 
beaucoup  plus  énergiques,  le  grand  matériel  électrique  dont  la 
Chine  aura  besoin  viendra  de  ces  pays  II  est  plus  que  probable 
que  les  ingénieurs  Japonais  et  Américains  qui  accompagneront  ce 
matériel  en  Chine  seront  employés  là  au  lieu  d'ingénieurs  anglais. 
J'ai  exposé  les  raisons  de  ceci  dans  mon  livre  The  Break  up  of 
China. 

A  Kioto,  au  Japon,  j'ai  vu  le  grand  matériel  d'installation  élec- 
trique qui,  non  seulement  éclaire  deux  tiers  de  la  ville,  mais  aussi 
fournit  le  pouvoir  moteur  aux  tramways  de  la  Cité,  à  la  machine 
pour  la  pompe  aux  travaux  d'eau  et  à  environ  soixante  industries 
différentes  à  l'intérieur  ou  près  de  Kioto.  La  puissance  électrique 
est  produite  par  une  chute  d'eau  de  120  pieds  (40  mètres). 

Le  matériel  est  surtout  américain,  mais  les  Japonais  commen- 
cent à  le  construire  eux-mêmes.  A  un  autre  endroit  près  de  Kioto, 


DÉBOUCHÉS   EN    CHINE  323 

il  y  avait  un  trafic  considérable  a  travers  le  lac  Biva  et  au  delà, 
formant  une  distance  totale  de  110  kilomètres. 

Des  bateaux  amenaient  les  passagers  et  les  marcliandises  à 
50  kilomètres,  et  à  partir  de  là  le  transport  par  terre  devenait 
nécessaire.  Ceci  se  faisait  en  assujetissant  le  bateau  dans  un  ber- 
ceau; puis  le  halant  sur  nn  plan  incliné  d'une  longueur  de 
1610  mètres  par  un  fil  d'acier  s'enroulant  sur  un  moteur  électrique. 
Depuis  ceci  le  trafic  augmenta  de  10  p.  c. 

Beaucoup  de  personnes  pensent  que  les  Japonais  sont  de  sim- 
ples copistes.  Ici  ils  copièrent,  mais  copièrent  seulement  ce  qu'il 
y  avait  de  meilleur  et  combinèrent  souvent  des  idées  prises  à  des 
sources  absolument  différentes.  A  cette  époque  ilsavaient  un  canon 
à  tir  rapide  aussi  bon  qu'aucun  de  ceux  existant  alors.  Une  partie 
en  était  basée  sur  des  modèles  allemands,  une  autre  sur  des  mo- 
dèles anglais,  mais  l'ensemble  était  japonais  et  essentiellement 
différent  des  autres.  De  même,  le  magasin  de  leur  fusil  est  essen- 
tiellement différent  de  tous  les  autres,  mais  tout  aussi  bon. 

Aux  Etats-Unis,  à  Buffalo  en  particulier,  j'ai  vu  un  exemple 
analogue  d'ingéniosité  et  de  hardiesse.  Les  merveilleuses  chutes  du 
Niagara  sont  utilisées  pour  la  production  de  la  puissance  électrique 
pour  des  centaines  d'industries  au  prix  minime  de  1  livre  (25  fr.) 
par  cheval  vapeur  et  par  mois. 

Evidemment,  le  Japon  et  l'Amérique  ont  eu  un  grand  avantage 
sur  les  pays  plus  anciens  comme  l'Angleterre  par  le  fait  qu'il  est 
bien  moins  coûteux  d'établir  dès  le  début  les  derniers  procédés  de 
l'électricité  que  de  remplacer  un  système  mû  par  la  vapeur,  le  gaz 
et  d'autres  moyens  plus  onéreux,  comme  nous  avons  à  le  faire 
chez  nous.  La  raison  pour  laquelle  je  signale  ceci,  est  que  la  Chine 
se  trouve  dans  la  même  situation  favorable  que  le  Japon  ou  l'Amé- 
rique et  que  l'ingénieur  électricien  aura  beaucoup  de  débouchés 
devant  lui  si  des  institutions  comme  celles-ci  veulent  bien  se  met- 
tre à  étudier  les  besoins  immédiats  de  la  Chine  et  aider  leurs 
membres  i\  tirer  parti  de  leur  expérience. 

Le  système  de  télégraphes  existe  déjà  par  toute  la  Chine  et 
appartient  au  gouvernement.  Ils  sont  mal  gérés  :  j'ai  appris  qu'il 
était  souvent  possible  d'aller  de  Pékin  à  Nen-Sin  et  de  là  à  Shan- 
ghaï et  d'y  arriver  avant  un  télégramme  lancé  au  départ.  En  payant 
triple  port  on  arrive  à  obtenir  une  vitesse  raisonnable,  mais  le 


324  ÉTUDES  COLONIALES 

service  est  très  mal  fait.  Le  téléphone  existe  dans  certains  quar- 
tiers étrangers,  mais  l'administration  d'une  des  compagnies  de 
téléphone  en  Chine,  m'a  dit  que  tous  leurs  fils  de  cuivre  étaient 
volés  par  les  (Ihinois,  ce  qui  la  réduisait  à  un  service  peu  efficace 
avec  des  fils  d'acier. 

Au  Japon  j'ai  été  très  frappé  de  l'immense  application  du  télé- 
phone. Dans  les  petites  villes,  on  voyait  des  poteaux  portant 
trente  ou  quarante  fils  téléphoniques. 


II.  —  Mines. 

L'ingénieur  mécanicien  qui  a  adopté  la  branche  s'occupant  des 
mines  et  des  machineries  les  concernant,  ainsi  que  des  machines 
d'ateliers,  d'hydraulique  et  de  travaux  de  toute  espèce,  trouvera 
qu'il  y  a  assez  d'occupation  en  ce  moment  pour  lui  en  Chine.  Le 
pays  est  rempli  de  minerai.  Le  fer,  le  charbon,  l'or,  l'argent,  le 
cuivre,  le  mercure,  le  plomb  et  le  sel  se  trouvent  en  quantité, 
valant  la  peine  d'être  exploités,  et  il  ne  manque  que  des  ouvriers 
adroits  et  des  machines  perfectionnées  pour  développer  les  res- 
sources si  riches  de  cette  merveilleuse  contrée. 

La  main  d'oeuvre  pour  les  travaux  miniers  peut  être  obtenue  du 
coolie  au  prix  de  (200  cash)  soit  60  centimes  par  jour.  Nos  amis, 
les  Russes,  ont  probablement  l'esprit  ouvert  à  ce  fait  iinporUmt  en 
Mandchourie  où  un  Anglais  m'a  montré  des  spécimens  d'or  obtenus 
par  lui  à  l'intérieur  du  pays. 

Un  autre  Anglais  qui  a  vécu  dans  le  pays  depuis  des  années, 
m'a  dit  que  la  Mandchourie  était  un  climat  convenant  aux  blancs, 
très  sain  et  vivifl;«nt  et  qui  s'appelle  Nancomer  de  même  que  son 
sol  et  ses  ressources.  Mais  la  Mandchourie  n'est  pas  le  seul  en- 
droit où  l'on  trouve  des  minerais;  par  toute  la  Chine  on  en 
découvre  en  grands  dépôts  ;  je  ne  mentionnerai  que  les  merveil- 
leux districts  houillers  du  Shansi  qui  paraissent  avoir  une  épais- 
seur de  26  mètres  et  que  le  syndicat  de  Pékin  va  exploiter,  et  les 
resssources  de  Shantomy,  où  j'ai  vu  une  carte  de  missionnaires 
allemands  couverte  d'indications  quant  aux  endroits  où  se  trou- 
vaient l'or,  la  houille,  le  fer  et  d'autres  minerais  ;  je  citerai  aussi 
les  districts  houillers  et  les  mines  de  fer  de  Hangang  et  d'autres 


DÉBOUCHÉS  EN   CHINE  2:25 

endroits  sur  le  Yangtse,  et  beaucoup  d'autres  districts  où  les  miné- 
raux existent.  Cela  suffit  à  indiquer  que  les  richesses  de  la  Chine 
dans  cette  direction  sont  incalculables.  Tous  ces  grands  dépôts 
de  richesses  souterraines  appartiennent  au  gouvernement  chinois. 
On  peut  se  figurer  quel  développement  on  pourrait  donner  ainsi 
aux  sources  jusqu'ici  inexplorées  des  revenus  de  la  Chine  si  le 
gouvernement  britannique  possédait  toutes  les  mines  du  pays  et 
pouvait  exiger  une  licence  importante  pour  le  droit  de  les  exploiter. 

J'ai  visité  quelques-unes  de  ces  mines  de  charbon  :  à  la  surface 
de  Tune  d'elles,  le  charbon  apparaissait  et  pouvait  donc  être  extrait 
à  bien  meilleur  compte;  néanmoins  les  moyens  de  transport 
étaient  si  défectueux  qu'à  une  distance  de  50  kilomètres  tout  le 
gain  éUiit  absorbé. 

L'ingénieur  des  mines  doit  naturellement  être  au  courant  de  tout 
ce  qui  concerne  les  pompes  et  l'hydraulique  et  si,  au  début  il  y  a 
peu  à  faire  pour  lui  dans  sa  sphère  propre,  je  l'engagerai  Remployer 
ses  connaissances  dans  une  autre  direction,  il  y  a  un  grand  champ 
pour  des  ingénieurs  mécaniciens  dans  beaucoup  d'anciennes,  et 
dans  la  totalité  des  nouvelles  concessions,  en  fournissant  de  l'eau 
à  la  communauté  européenne.  Dans  un  endroit  comme  Hankow, 
par  exemple,  où  il  n'y  a  pas  de  travaux  d'eau,  non  seulement  les 
Européens,  mais  les  (Chinois  de  l'autre  côté  de  la  rivière,  seraient 
heureux  de  voir  établir  ces  travaux.  A  'présent,  toute  l'eau  doit 
être  bouillie  pour  être  absorbée  et  cela  est  très  désagréable  II  y  a 
un  projet  pour  la  fourniture  d'eau  à  Canton,  projet  auquel  un 
Anglais,  jadis  membre  du  Parlement,  travaille  sérieusement.  Il  y 
a  une  grande  demande  de  machines  pour  les  mines,  pour  les 
machines  et  les  pompes  et  toute  autre  installation  de  celte  espèce 
et  il  ne  manque  que  du  capital  et  des  ingénieurs  mécaniciens 
anglais  pour  donner  un  grand  débouché  à  nos  industriels  fabri- 
quant ces  produits. 

III.  —  Manufactures. 

Il  est  certain  que  la  grande  abondance  de  charbon  et  de  fer  que 
possède  la  Chine,  fera  de  ce  pays  un  concurrent  sérieux  pour  nous 
sur  le  marché  industriel.  Mais,  au  lieu  de  craindre  la  concurrence, 
les  fabricants  anglais  devraient  réfléchir  et,  s'ils  sont  sages  et  pré- 


326  ÉTUDES  COLONIALES 

voyants,  se  convaincre  que,  pour  de  longues  années  à  venir,  la 
(]hine  deviendra  un  acheteur  énorme  de  machines  et  d'outils 
d'acier;  avant  que  la  réaction  véritable  se  produise  et  que  nous 
commencions  à  scnlir  les  effets  de  sa  concurrence,  la  C.hine  sera 
devenue  si  riche  que  la  quantité  énorme  de  nos  produits  qu'elle 
prendra  dans  une  direction,  contrebalancera  nos  pertes  d'ailleurs. 
Il  y  a  d'autres  points  dont  il  faut  se  souvenir  : 

1.  Un  pays  pauvre  ne  peut  acheter  beaucoup  des  autres  pays; 

2.  Bien  que  cela  semble  paradoxal,  la  production  crée  la 
demande  ; 

3.  Le  commerce  en  général  continue  à  augmenter  même  si 
Tinduslrie  privée  en  souffre. 

Pour  expliquer  ma  pensée  : 
.  1.  Si  la  Chine  est  maint(^nant  un  bon  client  de  TAngleterre,  elle 
deviendra  un  meilleur  client  encore  quand  elle  aura  plus  d'argent 
pour  payer.  Kilo  ne  peut  obtenir  cet  argent  qu'en  exploitant  ses 
minéraux  et  en  devenant  une  contrée  manufacturière  avec  de 
grandes  exportations. 

Plus  la  Chine  deviendra  riche,  plus  elle  achètera. 

2.  Je  répèle  qu'il  n'est  pas  douteux  qu'un  accroissement  de 
fourniture  appelle  un  accroissement  de  demande. 

Cela  vient  de  ce  que  plus  on  fournit  d'un  article,  plus  cet 
article  devient  bon  marché  pour  le  fournisseuret  pourlacheteur. 

L'introduction  de  la  machine,  qui  a  d'ailleurs  rencontré  de  prime 
abord  de  la  résistance  chez  les  plus  ignorants,  a  bien  prouvé  ceci, 
notamment  dans  le  cas  de  l'invention  de  la  machine  à  tisser  par 
Arkwright,  en  Angleterre. 

Un  autre  exemple  se  trouve  chez  les  races  non  civilisées,  ou 
chez  celles  où  la  civilisation  s'est  arrêtée  comme  en  Chine.  Quelques 
hommes  seulement  peuvent  vivre,  et  vivre  tout  juste,  d'une  grande 
étendue  de  pnys,  si  chacun  vit  seulement  de  ce  que  lui-même  pro- 
duit, mais,  si  sur  la  môme  éloncluc  de  terrain,  un  certain  nombre 
d'hommes  se  réunissent,  installent  des  machines  et  des  ateliers, 
chacun  de  ces  hommes  devient  un  spécialiste,  et  fournit  à  toute  la 
communauté  un  article  que  lui  seul  et  quelques  autres  peuvent 
produire,  et  le  pays  supporte  bien  plus  d'individus,  que  lorsque 
chacun  ne  subvient  qu'à  ses  propres  besoins. 

3    Si  la  Chine  devient  une  contrée  mainifacturière,  elle  ruinera 


DÉBOUCHÉS   EN   CHINE  3!27 

évidemment  des  industries  anglaises  privées;  mais  aussi  long- 
temps que  la  quantité,  la  somme  de  notre  commerce  augmente, 
nous  n'avons  rien  à  craindre.  Nos  manufacturiers  feront  de 
l'argent  dans  d'autres  directions.  —  Coventry  est  un  exemple  de 
ce  que  j'avance. 

La  destruction  du  commerce  de  rubans  a  menacé  Coventry 
de  banqueroute;  mais  l'avènement  de  l'industrie  du  cycle  a  rendu 
la  ville  dix  fois  plus  prospère. 

J'ai  visité  en  Chine  beaucoup  de  moulins  fabriquant  le  coton  et 
la  soie. 

Parlout  j'ai  trouvé  que  les  moulins  dirigés  seulement  par  des 
Chinois  étaient  des  insuccès.  Leur  système  est  de  payer  de  forts 
dividendes,  sans  rien  mettre  de  côté  pour  la  dépréciation  des 
machines;  de  celte  façon,  tout  tombe  en  ruine  et,  lorsque  la  catas- 
trophe inévitable  arrive,  cela  signifie  le  renouvellement  complet  du 
matériel.  —  L'industrie  de  la  soie  est  occupée  à  se  suicider  par 
rcntôtement  à  saccrocher  aux  anciens  systèmes,  et  trouve  dans 
le  Japon,  où  l'on  adopte  des  machines  modernes,  un  concurrent 
redoutable. 

Le  commerce  du  thé  décline  pour  les  mêmes  raisons  Des  faits 
importants  m  ont  été  communiqués  à  propos  de  l'industrie  du  thé 
aux  Indes. 

Les  progrès  qui  ont  été  obtenus  par  le  remplacement  du  travail 
à  la  main  par  celui  des  machines,  ont  évidemment  joué  un  grand 
rôle  dans  le  progrès  dans  la  faveur  publique  du  thé  indien  et  cin- 
galais. 

Les  anciens  procédés  à  la  main  prenaient  une  très  grande  éten- 
due de  terrain,  il  (allait  quinze  personnes  pour  produire  iOO  livres 
de  thé  en  un  temps  considérable.  L'introduction  de  la  machine  par 
Davidson  a  amené  un  mode  de  labrication  plus  propre,  plus  rapide, 
qui  demande  un  quart  du  temps  et  un  quinzième  du  travail  d'autre- 
fois. 

Il  y  a  trente  ans,  il  élait  impossible  de  débarquer  du  thé  à 
Londres  à  moins  de  fr.  1.80  par  livre.  Aujourd'hui  le  planteur, 
îivec  l'aide  de  la  machine,  peut  débarquer  et  vendre  son  thé  en  gros 
à  Londres,  avec  profit,  pour  fr.  0.80  la  livre. 

Jusqu'à  présent  les  tentatives  d'introduction  de  ces  machines  en 
(>hine  ont  échoué,  parce  que  le  thé  s'y  cultive  sur  des  parcelles 


828  ÉTUDES  COLONIALES 

de  terrain  dont  les  propriétaires  ne  veulent  pas  se  si' parer  et 
est  alors  récolté  quand  bon  leur  semble,  sans  souci  des  exigences 
de  la  machine. 

J'appelle  latlention  des  ingénieurs  mécaniciens  sur  ces  questions 
importantes  de  la  manufacture  de  la  soie  et  du  thé,  et  je  crois  que 
des  compagnies  anglaises  établies  en  Chine  dans  des  ports  à  traité 
sur  des  concessions  anglaises,  pourraient  acheter  du  petit  planteur 
chinois  des  quantités  considérables  de  thé  et  de  soie  vierge,  et 
par  les  nouveaux  modes  de  fabrication  et  les  machines  modernes, 
produire  un  article  supérieur  dans  chacune  de  ces  industries,  et 
en  trouver  un  débit  facile. 

J  ai  parlé  souvent  des  machines  dans  les  arsenaux  chinois  et  du 
merveilleux  travail  obtenu.  Je  n'y  toucherai  qu'en  pnssant,  me 
réservant,  pour  les  détails,  au  Break  up  of  China.  Voici,  néan- 
moins., une  ou  deux  anecdotes  caractéristiques  sur  les  Chinois. 

A  Shanghaï,  dans  le  superbe  arsenal  dirigé  par  MM.  Bunt  et 
Cornish,  tous  deux  ingénieurs  mécaniciens  anglais,  j'ai  vu  un 
canon  Armstrong  réparé  d'une  façon  remarquable. 

En  fait,  c'était  réellement  un  canon  Krupp  avec  un  appareil  de 
fermeture  Armstrong. 

On  me  dit  que  l'appareil  de  fermeture  original  avait  éclaté,  et  en 
visitant  un  fort,  un  peu  plus  tard,  je  vis  pourquoi  et  comment. 
Arrivant  à  ce  fort,  je  félicitai  le  mandarin  d'avoir  des  canons 
(67  tons)  montés  dans  les  bonnes  positions,  et  l'on  me  montra  la 
poudre  destinée  à  ces  canons.  —  Je  dis  alors  :  «  Sûrement,  vous 
ne  vous  servez  pas  de  cette  poudre  dans  ce  canon?  —  Si,  reprit 
le  mandarin.-  —  Mais  cela  fera  sauter  vos  culasses?  —  En  eÀet, 
reprit  le  mandarin.  —  L'un  de  ces  canons  a  vu  sauter  sa  culasse, 
ce  qui  a  tué  quatre  hommes;  on  en  a  essayé  un  autre,  ce  qui  en 
tua  vingt-quatre.  » 

Plus  tard,  je  visitai  une  autre  batterie,  où  se  trouvaient  cinq 
canons  de  60  tons. 

Observant  l'arrangement  de  ceux-ci,  je  demandai  au  mandarin 
quelle  était  la  direction  de  son  front.  Le  mandarin  indiqua  une 
direction,  mais  la  position  des  canons  en  accusait  une  autre.  J'en 
lis  l'observation  ;  le  mandarin  secoua  la  tête  et  me  répondit  qu'il  y 
avait  probablement  quelque  erreur.  Je  lui  fis  observer  alors  qu'un 
de  ces  canons  seulement  pourrait  être  employé  avec  sécurité  dans 


DÉBOLGHÉS   EN    CHINE  329 

la  direction  désirée  —  «  Oh,  non,  reprit  le  mandarin,  nous  les 
tirerions  tous.  »  Sur  ma  demande,  l'expérience  fut  laite,  et  en 
pointant  les  canons  dans  la  position  désirée,  ils  se  trouvèrent  «  en 
échelons  »,  de  sorle  que  le  souffle  d'un  canon  aurait  détruit  le 
détachement  voisin. 

Connaissant  ceci,  je  plaçai  des  chapeaux  et  vêtements  de  soldats 
autour  des  canons,  et  en  effectuant  le  tir  successivement,  ces  vête- 
ments furent  projetés  vers  le  ciel. 

«  Vous  voyez,  dis-je  au  mandarin.  » 

«  Oui,  me  répondit-il,  nous  aurions  des  hommes  tués,  mais  le 
coup  aurait  quand  même  atteint  l'ennemi,  n'est-ce  (-as?  » 

A  un  autre  endroit,  se  trouvait  un  canon  de  60  tons,  se  char- 
geant par  la  bouche  et  dont  les  arrangements  étaient  tels  que 
le  canon  devait  être  chargé  dans  le  magasin  à  poudre.  Un  canon 
mal  écouvillonné  ou  un  résidu  de  sachet  incomplètement  brûlé 
aurait  pu  faire  sauter  le  tout.  J'en  fis  la  remarque,  disant  que  je 
n'avais  jamais  rien  vu  d'aussi  dangereux.  Le  mandarin  sourit,  me 
tapa  sur  le  dos  et  dit  :  «  Vous  êtes  1  homme  le  plus  intelligent  que 
j'ai  jamais  rencontré  :  c'est  précisément  ce  qui  est  arrivé  l'an  der- 
nier. Nous  avons  tiré  le  canon  et  le  magasin  sauta,  je  vais  vous 
montrer  où.  » 

Environ  cinquante  hommes  furent  tués  par  cette  explosion,  mais 
on  ne  changea  rien  en  reconstituant  la  batterie. 

Plus  tard,  je  visitai  un  moulin  à  poudre, où  se  trouvaient  d'excel- 
lentes machines,  de  fabrication  allemande. 

Je  reuïarquai  cependant,  qu'il  y  avait  trop  de  poudre  dans 
l'auge  et,  plus  loin,  que  les  fenêtres  étaient  toutes  ouvertes  et  sans 
grillages. 

11  pouvait  donc  arriver  que  le  vent  poussât  à  l'intérieur  de  la 
poussière  ou  de  la  pierre  braquée  qui,  en  s'introduisant  dans 
l'auge  pourrait,  par  ta  friction,  déterminer  une  explosion.  J'en  fis 
la  remarque  au  mandarin,  qui  me  répondit  :  «  Oui  c'est  ce  qui  est 
arrivé  l'an  dernier;  ceci  est  le  nouveau  bâtiment  que  nous  avons 
réédifié.  » 

Dans  d'autres  arsenaux,  où-  il  n'y  avait  pas  de  surveillance  euro- 
péenne, les  Chinois  furent  enchantés  que  je  leur  montrasse  la  façon 
de  régler  la  vitesse  de  leurs  outils  ou  d'ajuster  leurs  engrenages. 

Ailleurs  je  trouvai  un  homme  essayant  de  forer  un  canon  de  six 


330  ÉTUDES  COLONIALES 

poinder  et  loutil  protestant  vigoureusement.  Je  montrai  à  l'ouvrier 
comment  l'ajuster  et  le  faire  marcher. 

Les  hommes  se  réunirent  alors  dans  un  coin  et  parlèrent  avec 
animation.  Je  leur  demandai  ce  qu'ils  disaient  :  «  Nous  disons  que 
l'Angleterre  produit  les  mandarins  les  plus  remarquables  du 
monde  :  nous  en  avons  beaucoup,  mais  pas  un  ne  connaît  les 
machines  de  lalelier  ». 

En  s'occupent  des  débouchés  ouverts  en  Chine  pour  les  ingé- 
nieurs mécaniciens,  pour  rétablissement  de  manufactures  avec  des 
machines  modernes,  sous  la  direction  et  la  surveillance  européenne, 
la  question  de  Salaire  a  son  importance.  J'ai  trouvé  que  dans  la 
Chine  méridionale,  le  salaire  des  coolies  ordinaires  est  de  40  cents 
(fr.  0  90)  par  jour. 

Ajusteurs  75  cents  (fr.  1.70)  jusqu'à  fr.  1.25  (fr.  2.90)  par  jour. 

Les  serruriers  gagnent  60  cents  (fr.  1.40;  jusqu'à  fr.  1.50 
(fr.  3  50)  par  jour. 

Les  charpentiers  50  cents  (IV.  1.15)  jusqu'à  80  cents  ifr.  1.80) 
par  jour. 

Les  maçons  60  cents  (fr.  1 .40)  par  jour. 

Les  lamineurs  et  forgerons  30  cents  (fr.  0.70)  par  jour. 

Un  autre  débouché  pour  les  ingénieurs  mécaniciens  est  de  s'éta- 
blir comme  agents  pour  les  machines  anglaises  dans  les  établisse- 
ments étrangers  et  les  concessions. 

Bien  souvent  j ai  vu  des  machines  anglaises,  dont  les  plaques, 
portant  les  noms,  avaient  été  remplacées  par  des  noms  allemands 
ou  belges,  et  là  où  les  noms  anglais  avaient  été  estampillés,  on 
les  avait  recouverts  de  plaques  portant  des  noms  allemands  ou 
belges. 

Je  vis  cette  substitution  notamment  aux  mines  de  fer  de  Hanyang 
et  dans  un  des  arsenaux  où  des  outils  de  Whitvvorth  avaient  été 
ainsi  traités 

Je  le  tis  remarquer  à  un  marchand  chinois,  qui  me  l'expliqua  en 
me  disant  que  le  Chinois  préférait  acheter  ses  machines  à  des 
agents  locaux  plutôt  que  de  les  faire  venir  de  pays  étranger.  Ces 
agents,  me  dit-il,  sont  le  plus  souvent  des  Allemands  ou  des 
Belges,  au  courant  des  machines. 

Les  avantages  d'acheter  aux  agents,  sont  les  suivants  : 

V  L'article  est  livré  plus  promptement,  étant  souvent  en  stock; 


DÉBOUCHÉS    F.N    CHINE  331 

:2"  Pas  de  diiriculté  sur  le  change,  pouvant  augmenter  le  prix 
après  que  la  commande  est  faite  ; 

3"  L'agent  local  est  responsable  des  défectuosités,  et  peut  se 
charger  des  réparations,  s'il  manque  quelque  chose. 

Je  considère  ceci  comme  un  point  important  pour  les  maisons 
industrielles,  membres  de  cette  institution;  cela  donne  ainsi  de 
1  avenir  aux  jeunes  gens  qui  sont  tous  ingénieurs  mécaniciens  et 
se  chargeraient  de  pousser  les  machines  anglaises  de  préférence  à 
celles  des  autres  pays. 

A  ce  propos,  j'appelle  l'attention  des  ateliers  de  construction 
de  machines  de  la  Grande  Bretagne  sur  la  nécessité  immédiate 
d'établir  une  exposition  de  machines  anglaises  en  Chine,  avec  des 
ingénieurs  mécaniciens  pour  en  expliquer  et  en  demander  les 
usages  ei  le  fonctionnement. 

La  race  Chinoise  est  une  race  pratique,  et  si  elle  voit  ce  que  la 
machine  peut  faire,  elle  l'achètera  souvent. 

Les  Américains  et  les  Allemands  ont  déjà  pris  les  devants  pour 
installer  les  expositions  de  leurs  produits,  et  si  nous  nous  laissons 
dépasser,  cela  peut  avoir  un  effet  sérieux  sur  les  machines 
anglaises. 

Il  est  un  autre  point  sur  lequel  j'appelle  aussi  votre  attention. 
Bien  qu'il  regarde  les  fabricants  de  produits,  plutôt  que  les  ingé- 
nieurs mécaniciens,  il  intéresse  aussi  ceux-ci,  qui  bénéficieront 
d'une  modification  dans  l'état  de  choses  que  je  viens  de  vous 
exposer. 

J'ai  remarqué  qu'une  des  raisons  pour  lesquelles  le  fabricant 
anglais  ne  réussit  pas  à  fournir  au  Chinois  ce  dont  il  a  réellement 
besoin,  et  perd  du  terrain  dans  la  concurrence  avec  les  Américains, 
c'est  que  nos  machines  sont  souvent  anciennes  et  surannées.  Le 
fabricant  anglais  ne  déduit  pas  de  ses  profits  la  part  nécessaire 
pour  faire  face  à  la  dépréciation  de  la  machine,  et  il  ne  s'empresse 
pas  de  s'approprier  la  dernière  machine,  dans  l'idée  que  cela  ne 
rapporterait  pas  en  proportion. 

Les  l']lats-Unis  sont  bien  plus  avancés  que  nous  sur  ce  point. 
J'ai  vu  récemment  à  New- York,  une  machine  à  fabriquer  le  fîl  de 
fer,  qui  coûtait  45,000  francs  et  que  l'on  n'hésita  pas  à  mettre  au 
rancart,  au  bout  d'un  an,  pour  la  remplacer  par  une  machine  plus 
perfectionnée.  En  Angleterre,  un  homme  contrôle  un  bloc  de  ma- 


332  ÉTUDES  COLONIALES 

chines  à  tirer  le  fil  (tréfilerie)  tandis  qu'aux  Etats-Unis  il  en  sur- 
veille quatre. 

Aux  Étals-Unis,  les  ouvriers  sont  plus  payés,  mais  leur  nourri- 
ture, leur  loyer,  leurs  vêtements  sont  plus  chers  en  proportion. 
A  Pittsbourg,  onze  à  quatorze  caques  de  clous  sont  produits  par 
un  homme  en  un  jour,  et  l'ouvrier  l'cçoit  10  francs  par  jour  de 
salaire.  En  Angleterre  un  homme  i\e\\  produit  que  6  et  est  payé  à 
raison  de  fr.  7.50  par  jour.  La  ma  hine  perfectionnée  signilîe  une 
production  plus  grande  à  meilleur  marché,  mais  il  n'en  résulte  pas 
nécessairement  que  l'ouvrier  en  souffre!  Au  contraire,  la  produc- 
tion plus  grande  et  l'abaissement  du  prix  de  production  abaisse  tel- 
lement le  prix  de  la  marchandise,  que  la  demande  augmente  et  en 
fin  de  compte,  plus  d'hommes  sont  employés  à  un  salaire  plus 
élevé. 

Si  la  Grande-Bretagne  veut  conserver  en  Chine  sa  situation 
prépondérante  comme  nation  commerciale,  elle  doit,  chez  elle 
d'abord,  réaliser  de?  perfectionnements  qui  donneront  de  nouveaux 
débouchés  aux  ingénieurs  mécaniciens  de  la  Grande-Bretagne,  et 
ceci  est  également  applicable  à  toutes  les  branches  de  l'industrie. 

Le  beurre  irlandais  se  vendrait  en  Angleterre  plus  et  à  meilleur 
prix  que  le  beurre  danois  si  les  machines  récentes  et  les  modes  de 
fabrication  les  plus  perfectionnés  étaient  adoptés.  —  Ceci  constitue 
un  cas  spécial  à  signaler  à  l'attention  de  l'ingénieur  mécanicien. 

Le  point  le  plus  important  pour  l'ingénieur  mécanicien  est,  dans 
mon  humble  opinion,  la  connaissance  de  la  langue  chinoise. 
J'appelle  la  sollicitude  de  cette  institution,  sur  la  nécessité  de 
former  les  jeunes  ingénieurs  mécaniciens  à  l'étude  du  Chinois,  ce 
qui  ne  peut  se  faire  bien  qu'en  établissant  une  école  d'ing.'mieurs 
mécaniciens  à  Hong  Kong. 

La  langue  chinoise  officielle  doit  être  étudiée  comme  tous  les 
Chinois  instruits  Tétudient,  mais  au  point  de  vue  pratique  et  pour 
parler  avec  le  laboureur,  chaque  homme  doit  devenir  un  spécia- 
liste dans  le  dialecte  de  la  province  où  il  se  propose  de  travailler 
—  c'est  ce  que  tout  les  Américains  et  les  Allemands. 

Je  dois  ajouter,  qu'en  cette  matière  je  n  étais  pas  d'accord  avec 
M.  Jackson,  chef  de  la  Banque  London  Hong  Kong.  Je  n'ai  pu  le 
convaincre  de  la  nécessité  de  la  connaissance  du  chinois  qu'en  lui 
rappelant  des  placements  très   importants   faits  récemment  par 


DÉBOUCHÉS   EN   CHINE  333 

M.  Hillier,  leur  agent  à  Pékin.  M.  Hiilier  est  un  des  plus  savants 
en  chinois  qui  existe,  et  M.  Jackson  dut  admettre  que  l'affaire  n'eût 
pas  pu  <Hre  traitée  par  un  interprête. 

Pour  la  facilité  des  ingénieurs  mécaniciens  qui  se  proposent  de 
gagner  leur  vie  en  Chine  et  de  coopérer  au  mouvement  qui  tend  en 
cemoment  àouvrir  ce  paysjevais  résumer  les  quelques  points  qui 
sont,  je  crois,  les  plus  importants  pour  arriver  rapidement  à 
ce  but  : 

1**  Chemins  de  fer.  —  Pour  tout  ce  qui  a  rapport  au  chemin  de 
fer,  il  faudrait  demander  lavis  de  M.  Kinder,  ingénieur  en  chef 
des  chemins  de  fer  impériaux  chinois;  les  demandes  d'emplois 
doivent  être  adressées  aux  divers  syndicats  financiers  par  l'inter- 
médiaire de  la  Banque  Hong  Kong  Shanghaï.  Des  renseignements 
sur  celle-ci  se  trouveront  dans  mon  livre; 

2"  Les  travaux  de  mines  sont  exploités  par  le  Pekinsf  Svndicate 
qui  est  l'entreprise  la  plus  florissante  à  présent,  et  par  M.  Pritchard 
Morgan  M.  P.  Syndicale  qui  a  obtenu  des  concessions  considé- 
rables dans  la  vallée  du  Yangtse. 

Ces  deux  syndicats  sont  bien  pourvus  en  ce  moment  d'ingé- 
nieurs civils,  mais  les  ingénieurs  mécaniciens  y  trouverons  cer- 
laineuïcnt  de  nombreux  débouchés  dans  un  avenir  peu  éloigné. 
Les  ingénieurs  électriciens  et  hydrauliciens  doivent  chercher  des 
situations  près  des  municipalités  des  établissements  européens  et 
dans  les  grandes  sociétés; 

3**  Des  annonces  dans  les  journaux  Anglo-Chinois,  à  Tien-Sin, 
Shanghaï,  Hankow  et  autres  endroits,  sont  pour  le  moment  le  meil- 
leur moyen  de  s'assurer  des  positions  en  Chine  pour  les  ingé- 
nieurs mécaniciens  désireux  de  trouver  une  situation  dans  les 
manufactures  anglaises  ou  chinoises. 

Pour  terminer,  jusqu'à  ce  qu'une  sécurité  plus  complète  existe 
pour  la  vie  et  la  propriétés  et  que  le  droit  de  résidence  à  l'intérieur 
soit  pleinement  accordé,  les  ingénieurs  ne  devraient  guère  a  -cep- 
ter  même  des  engagements  chinois  officiels  qui  exigeraient  qu'ils 
résident  en  dehors  des  établissements  européens.  Car  il  ne  serait 
pas  juste  pour  un  homme  de  s'installer  là  où  la  loi  chinoise  ne 
permet  pas  à  un  Européen  de  résider,  et  puis,  de  se  plaindre  que 
son  consul,  peut-être  à  des  centaines  de  kilomètres  de  distance, 
ne  le  protège  pas. 


334  ÉTUDES   COLONIALES 

F^es  ressources  latentes  de  TEmpire  chinois  sont  énormes  et 
presque  impossibles  à  calculer.  Je  compte  sur  Tesprit  d  entreprise, 
sur  le  courage,  la  persévérance,  la  science  et  les  connaissances 
des  ingénieurs  mécaniciens  anglais  pour  obtenir  leur  aide  en  vue 
de  réaliser  les  ressources  latentes  de  ce  grand  Empire  ei)  mainte- 
nant toujours  haut  et  ferme  le  drapeau  de  la  Grande-Bretagne  de 
quelque  coté  que  le  progrès  avance. 

J'ai  la  grande  espérance  que  les  quatre  grandes  contrées  manu- 
facturières :  le  Japon,  l'Amérique,  l'Allemagne  et  la  Grande-Bre- 
tagne s'uniront  pour  maintenir  la  «  porte  ouverte  «  et  l'intégrilé 
de  la  Chine.  Je  ne  parle  pas  des  autres,  parce  qu'elles  n'ont  pas  de 
commerce.  L'année  dernière  le  commerce  russe  en  Mandchourie, 
s'est  borné  à  deux  cargaisons  d'algues  marines!  !  ! 


^x^ 


OF    THE  > 

!iVERSlTY     i 

^'     y 


TANANVRIVK.  — 


LV    »:VTIIKI.RV1-K.   l-E  l'AUlS   LE  LA    lU 


>K    KT    Li    IIATTKRIE    DE    CANONS    SL  li    LA    lOI.I.INE. 

III  Mi!   !•  uiii.i;\Ns. 


LES  PIEDS  DES  CHINOISES 


IVline  Archibald  Little  qui,  sous  le  titre  de  «  Intimaie  China  »,  a 
écrit  un  livre  intéressant  sur  les  mœurs  de  la  Chine,  consacre  quel- 
ques pages  curieusçs  à  la  manière  dont  on  comprime  les  pieds  des 
Chinoises.  II  ne  faudrait  pas  croire,  comme  on  Ta  fait  parfois  en 
Europe,  que  la  réduction  des  pieds  soit  un  signe  de  distinction 
réservé  aux  classes  élevées  ou  qu'elle  ait  été  inventée  pour  empê- 
cher les  femmes  de  circuler  trop  librement  car  M'"**  Archibald  Little 
a  pu  constater  cette  mutilation  chez  les  mendiantes  assises  le  long 
des  routes  et  elle  a  vu,  dans  lextrème-nord,  des  femmes  cultiver 
la  terre,  appuyées  sur  leurs  genoux,  faute  de  pouvoir  se  tenir 
debout.  D'autre  part,  elle  n'a  jamais  entendu  dire  en  Chine  que  le 
but  de  celte  déformation  fût  de  prévenir  chez  les  femmes  les 
velléités  de  vagabondage. 

La  tradition  s'est  naturellement  occupée  d'expliquer  l'existence 
de  celte  coutume  barbare  en  l'enjolivant  de  légendes.  C'est  ainsi 
qu'on  raconte  qu'une  reine,  ayant  eu  le  malheur  d'être  affligée  de 
pieds  de  bouc,  prit  l'habitude  de  les  déguiser  sous  des  bandages  et 
de  mignons  souliers  ;  façon  qu'adoptèrent  bientôt  toutes  les  Chi- 
noises. On  dit  encore  que  la  favorite  d'un  empereur  avait  coutume, 
pour  plaire  à  ce  dernier,  de  se  tenir  ou  de  danser  sur  des  fleurs  de 
lotus  et  que,  pour  mieux  faire  valoir  la  petitesse  de  son  pied,  elle 
le  serrait  dans  des  liens  de  couleurs  variées  de  manière  à  rappeler 
la  forme  du  croissant  de  la  lune  ou  de  l'arc  tendu. 

Mais  c'est  là  de  la  fable.  M™*  Little  explique  le  fait  d'une  manière 
moins  poétique,  mais  peut-être  plus  vraisemblable.  11  faut  croire 
i}ue  les  Chinois  ont  toujours  aimé  les  petits  pieds,  comme  les  occi- 
dentaux ont  un  faible  pour  les  tailles  de  guêpe.  On  sait  quels  abus 
a  entraînés  cette  dernière  fantaisie.  Le  goût  des  Chinois  en  a 
provoqué  de  plus  graves  encore.  En  Europe,  les  femmes  triom- 


3H()  ÉTLDES   COLOMALK.S 

plient  quand  elles  parviennent  à  s  étrangler  la  taille  d  un  centimètre 
de  plus.  En  Chine,  on  se  réjouit  à  mesure  que  le  pied  se  contracte, 
se  recroqueville  et  se  résorbe  jusqu'à  n  être  plus  qu'un  affreux  et 
inutile  moignon.  La  joie  n*est  cependant  pas  commune  et  celles 
qui  sont  le  plus  éloignées  d'y  participer  ou  de  l'apprécier  sont  les 
malheureuses  petites  victimes  que  Ton  soumet  au  cruel  et  barbare 
traitement  de  la  compression  des  pieds. 

Les  pauvres  fillettes  chinoises  n'ont  guère  qu'une  couple 
d'années  à  courir  et  à  folâtrer,  car  la  ligature  des  pieds 
commence  de  bonne  heure.  Dans  l'ouest  de  la  Chine,  on  applique 
le  traitement  dès  la  sixième  année  ;  dans  l'est,  de  cinq  à  sept  ans, 
au  plus  tard  [à  huit.  A  cet  effet,  on  se  sert  ordinairement  d  une 
solide  bande  de  toile  de  deux  yards  environ  de  longueur  et  de 
trois  pouces  de  largeur.  Au  moyen  de  ce  bandage,  on  serre  le 
pied  de  l'enfant  aussi  fort  qu'elle  peut  le  supporter.  Le  but  est  de 
rendre  le  pied  aussi  étroit  que  possible.  On  comprimedonc  les  doigts 
de  pied,  sauf  l'orteil  qu'on  laisse  libre,  de  lelle  manière  qu'ils  appa- 
raissent, par-dessous  la  plante,  de  l'autre  côté  du  pied.  Les  doigts 
du  pied  gauche  se  dirigent  donc  vers  la  droite  et  ceux  du  pied 
droit  vers  la  gauche.  Deux  fois  par  jour,  soir  et  matin,  on  resserre 
le  bandage  et  si  les  os  se  montrent  réfractaires  et  s'obstinent  à 
reprendre  leur  position  normale,  il  arrive  qu'on  rompe  leur  résis- 
tance en  leur  appliquant  un  coup  du  lourd  marteau  de  bois  dont 
on  se  sert  pour  battre  les  habits.  Immédiatement  après  chaque 
ligature,  on  force  l'enfant  à  marcher  de  crainte  que  la  gangrène 
ne  se  mette  dans  ses  membres  endoloris.  Ce  cruel  traitement  dure 
un  an.  Mais  ce  n'est  pas  tout.  Les  deux  années  qui  suivent  sont 
encore  plus  douloureuses.  Il  ne  s'agit  plus  cette  fois  de  rétrécir  le 
pied,  mais  de  le  diminuer.  On  enroule  donc  le  bandage  de  manière 
à  ramener  la  partie  antérieure  du  pied  aussi  près  que  possible  du 
talon.  Il  faut  que  la  cohésion  devienne  si-parfaite  qu'on  puisse  cacher 
une  pièce  de  moqnaie  dans  l'interstice  qui  résulte  de  la  compres- 
sion des  deux  parties  du  pied  Tune  contre  l'autre.  Alors  seulement 
le  pied  est  considéré  comme  bandé. 

Pendant  ces  trois  années  de  torture,[;les  petites  victimes  ont  urt 
aspect  des  plus  misérables.  Il  ne  peut  naturellement  pas  être 
question  pour  elles  de  sauter  .ou  de  gambader  librement  comme 
les  enfants  de  nos  contrées.  On  les  voit  se  traîner  péniblement  erv 


LES    PIEDS   DES   CHINOISES 


337 


S  appuyant  sur  un  bâton  un  peu  plus  haut  qu'elles  ou  rester  triste- 
ment assises  en  geignant  ou  bien  encore  transportées  à  dos 
d'homme.  Comme  leurs  pleurs  ne  cessent  ni  la  nuit  ni  le  jour,  les 
bonnes  mères  chinoises  dont  elles  troublent  le  sommeil,  ont  l'ha- 
bitude d'avoir,  à  leur  intention,  un  bambou  h  portée  de  leur  lit. 
Souvent  aussK  on  préfère  reléguer  ces  enfants  au  jardin,  dans  une 


PIED    DK    FEMME    X'ATURKL   ET    PIED    RÉDUIT   A    0    POUCES 

daprès  une  illustration  du  livro  de  Mmo  Utile. 


dépendance.  Les  jeunes  Chinoises  ne  trouvent  un  peu  de  répit  à 
leurs  souffrances  que  dans  l'usage  de  l'opium.  Elles  laissent  parfois 
aussi  pendre  leurs  pieds  au-dessus  du  bois  de  leur  lit  pour  inter- 
rompre la  circulation  du  sang. 

Les  Chinois  ont  un  dicton  d'après  lequel  «  chaque  couple  de 
pieds  bandés  a  coûté  un  bain  de  larmes  ».  Ils  prétendent  aussi 
qu'un  enfant  sur  dix  meurt  du  traitement  ou  de  ses  suites.  Je 
citais  ce  fait,  dit  M°*  Little,  à  la  Mère  supérieure  de  l'école 
pour  jeunes  filles  de  Hankow,  et  elle  me  répondit  :  «  Oh  !  non, 
non,  cela  n'est  possible  que  dans  les  villes  de  la  côte...  »  Je 


338  ÉTUDES  COLONIALES 

crus  qu'elle  voulait  dire  que,  pour  le  centre  de  la  Chine,  Texa- 
gération  était  flagrante  ;  or,  à  ma  grande  horreur,  elle  ajouta  : 
Ci  mais  ici,  il  y  en  a  plus,  beaucoup  plus  ».  Et  elle  doit  s'y  con- 
naître car,  jusqu'à  l'année  dernière,  tous  les  enfants  qui  ont  reçu 
l'instruction  chez  les  sœurs  de  Hankow,  avaient  les  pieds  bandés. 
Dans  cette  institution,  on  ne  procède  à  la  ligature  des  pieds 
qu'une  fois  par  semaine  et  telle  est  l'impression  que  fait  cette 
scène  sur  la  sœur  qui  est  chargée  d'y  assister,  qu'on  est  obligé 
d'en  désigner  chaque  fois  une  autre.  Aucune  des  religieuses  n'est 
capable  de  supporter  deux  fois  de  suite  les  cris  et]  les  pleurs  que 
cette  opération  arrache  aux  jeunes  élèves. 

L'institution  des  sœurs  de  Hankow  ne  pratiquait  naturellement 
cette  coutume  qu'à  son  corps  défendant.  Les  religieuses  crai- 
gnaient, en  ne  s'y  prêtant  pas,  de  nuire  à  l'avenir  des  enfants  qui, 
plus  tard,  n'auraient  peut-être  pas  trouvé  de  maris  et  de  mécon- 
tenter les  parents  qui  ne  leur  auraient  plus  confié  leurs  filles. 
11  y  a  deux  ans,  la  Mère  supérieure  s'est  cependant  décidée  à 
rompre  avec  cette  odieuse  coutume.  Et  il  faut  croire  qu'elle  a  ren- 
contré un  écho  encourageant  dans  le  public,  puisqu'elle  écrivait, 
l'année  dernière,  à  M"*  Little,  que  cinquante  enfants  venaient 
d'être  délivrés  de  leurs  liens  et  que,  dorénavant,  aucune  des  filles 
confiées  à  ses  soins  ne  serait  plus  soumise  à  ce  douloureux  traite- 
ment. 

Les  conséquences  de  la  compression  des  pieds  sont  souvent 
terribles.  M"'*  Reifsnyder,  la  doctoresse  qui  se  trouve  à  la  tête  du 
Margaret  WiUiamson  Hospital,  à  Shanghaï,  dit  qu'il  arrive  souvent 
que  des  doigts  de  pied  se  détachent  par  l'effet  des  ligatures  et  qu'il 
n'est  pas  rare  de  voir  tomber  la  moitié  du  pied.  Cette  dame  raconte 
aussi  qu'une  petite  fille,  en  défaisant  son  bandage,  s'écria  :  «  Mais 
voyez  donc!  Voilà  la  moitié  de  mon  pied  qui  tombe!  »  et  sans 
plus  s'en  chagriner,  elle  ajouta  :  «  Après  tout,  je  me  trouverai 
encore  mieux  avec  un  demi  pied  en  bon  état  que  les  autres  avec 
leurs  pieds  entiers  mais  estropiés.  »  Et  ce  fut  vrai.  Cette  jeune 
fille  marche  aujourd'hui  plus  facilement  que  les  autres!  Le  pied 
de  cette  enfant  avait  été  bandé  par  une  belle-mère  et,  au  dire  de 
Mr*  Reifsnyder,  il  n'est  pire  mal  pour  une  fille,  en  Chine,  que 
d'être  affligée  d'une  marâtre. 

Le  D'  Macklin,  de  Nanking,  cite  également  des  faits  qui 


LKS   PIEDS    DES   CHINOISES  339 

démontrent  les  funestes  conséquences  de  Ja  compression.  Un 
jour,  entre  autres,  on  lui  apporta  à  Tliôpital  un  enfant  souffrant 
d'un  ulcère.  L'abcès  avait  commencé  au  talon  et  était  dû  aux 
bandages.  Quand  le  médecin  vit  Tenfant,  le  mal  avait  déjà  envahi 
la  moitié  de  la  jambe  et  la  fillelte  aurait  certainement  succombé 
à  un  empoisonnement  du  sang  si  on  ne  Tavait  pas  amenée  à 


PIED  t)E  FtMMK  NATL'KEL  ET  PIED  KÉDt'IT  A  i  '/z  POUCES 

«l'apn-s  uu«*  illiislriilion  du  livre  do  M«"«*  LillU*, 

l'hôpital.  Un  autre  cas  eut  une  fin  plus  tragique.  Une  enfant  de 
six  à  sept  ans,  fille  d'un  professeur  et  petite-fille  d'un  fonction- 
naire, fut  conduite  à  l'hôpital .  Ses  pieds  étaient  déjà  transformés 
en  masses  noires  et  corrompues.  Les  parents  refusèrent  de  con- 
sentir à  l'amputation.  La  conséquence  en  fut  que  peu  de  mois 
après,  les  deux  pieds  tombèrent.  Les  moignons  furent  lents ],à 
guérir  car  la  peau  s'était  retirée  des  os.  L'enfant  fut  ramenée 
chez  elle;  elle  s'aftaiblit  graduellement  et  après  un  an  et  demi  de 
souffrances,  elle  mourut. 


340  ÉTUDES  COLONIALES 

Le  D'  Me  Cartney,  de  Chungking,  mentionne  un  cas  oii  il  l'ut 
appelé  auprès  d'une  petite  lille.  Quand  il  enleva  les  bandages,  il 
constata  que  les  pieds  ne  tenaient  plus  que  par  les  tendons  et  que 
la  gangrène  avait  envahi  la  jambe  jusqu'au  dessus  de  la  cheville. 
L'amputation  immédiate  s'imposait.  Voilà  donc  un  enfant  qui 
passera  son  existence  sans  pouvoir  marcher!  La  mère  de  l'enfant 
était  une  fumeuse  d'opium  endurcie  et  son  inditférence  avait  amené 
ce  triste  résultat.  Le  même  médecin  cite  encore  le  cas  d'une 
femme  souffrant  de  paralysie  dans  les  jambes.  On  lui  enleva  les 
bandages,  on  la  massa  et  on  la  traita  h  l'électricité.  En  moins  d'un 
mois,  elle  était  guérie  et  pouvait  marcher.  Son  mal  n'avait  d'autre 
cause  que  l'étranglement  causé  par  les  bandages. 

Les  Chinois  n'ont  pas  la  moindre  notion  de  la  physiologie  ou  de 
Tanatomie  du  corps  humain  et  leur  ignorance  cause  aux  femmes 
et  aux  enfants  d'indicibles  souffrances.  La  compression  des  pieds 
n'a  d'autre  raison  d  être  que  le  caprice  de  la  mode.  Les  femmes 
affligées  de  ces  petits  pieds  ne  sont  pas  capables  de  rester  en 
place.  Elles  se  balancent  constamment  d'un  pied  à  l'autre  et  se 
meuvent  à  petits  pas  comme  des  personnes  marchant  sur  la  pointe 
des  pieds.  La  femme  chinoise  n'avoue  cependant  pas  qu'elle 
souffre.  Il  serait  indélicat  de  le  faire. 

Nous  avons  parlé  plus  haut  de  l'espace  libre  que  laisse  la  plante 
du  pied,  quand  on  en  serre  la  partie  antérieure  contre  le  talon. 
De  nouveaux  maux  peuvent  prendre  naissance  dans  cette  étroite 
cavité.  La  transpiration  s'y  accuniule  et  si  l'on  n'a  pas  soin  de  la 
tenir  dans  un  état  de  propreté  parfaite,  elle  est  envahie  par 
l'eczéma,  puis  par  les  ulcérations  et  la  gangrène.  M.  Me  Cartney 
a  eu  différents  cas  d'amputation  des  deux  pieds  nécessitée  de  cette 
niîinière. 

Les  pieds  bandés  sont,  pour  les  femmes,  un  sujet  de  souffi^ànces 
pour  toute  l'existence  et  les  troubles  qui  en  résultent  ne  sont  pas 
seulement  locaux,  mais  agissent  aussi  sur  les  organes  internes. 
Dans  bien  des  cas,  ils  influent  sur  la  descendance.  La  femme  chi- 
noise marche  entièrement  sur  les  talons.  On  comprend  quelles 
conséquences  doivent  en  résulter  pour  l'épine  dorsale  et  pour  le 
reste  du  corps.  Aussi,  on  peut  dire  que  la  compression  des  pieds 
est  la  cause  générale  si  pas  universelle,  de  toutes  les  maladies 
internes  dont  souffi'ent  les  femmes  dans  les  régions  où  cette  pra- 


LES   PIEDS   DES   CHINOISES  3 il 

tique  est  suivie.  Des  femmes  médecins  ont  observé  déjà  que  dans 
les  parties  de  la  Chine  où  la  compression  des  pieds  est  universelle, 
toutes  les  femmes  qui  se  présentent  à  Thôpital  pour  un  mal 
quelconque,  sont  toujours  atteintes  d'un  trouble  interne  grave.  Au 
contraire,  dans  les  provinces  où  cet  usage  n'est  que  peu  appliqué, 
il  est  rare  que  l'on  constate  ces  mêmes  affections. 

La  plupart  des  missions  ont  cru  sage  de  se  conformer  aux 
usages  de  la  Chine  et  de  ne  pas  combattre  la  compression  des 
pieds.  Il  y  en  a  cependant  quelques-unes  qui,  depuis  vingt  ans  ou 
même  plus,  ont  refusé  de  s'associer  à  cette  pratique.  Parmi  celles- 
ci,  on  peut  citer  la  Church  Mission  de  llangkovv  qui  a  ouvert  une 
école  pour  filles  en  1867.  En  1895,  un  des  membres  de  cette  mis- 
sion écrivait  à  ce  sujet  que  dès  ses  débuts,  l'institution  s'était 
engagée  à  nourrir,  vêtir  et  éduquer  les  filles  âgées  d'une  dizaine 
d'années,  à  condition  que  les  pieds  de  ces  enfants  ne  dussent  pas 
être  bandés.  L'école  débuta  avec  trois  élèves,  mais  bientôt  le 
nombre  s'accrut.  Il  y  en  eut  rapidement  une  douzaine,  puis  vingt 
et  trente.  Jl  y  a  cinq  ans,  l'école  comptait  cinquante  pupilles.  Au 
bout  de  quelques  années,  il  ne  fut  plus  nécessaire  de  faire  des 
démarches  pour  obtenir  des  élèves  :  les  demandes  dépassèrent  le 
nombre  des  places  disponibles.  La  mission  a  donc  pleinement 
atteint  son  but.  Les  jeunes  filles  qui  sortent  de  cette  institution, 
n'éprouvent  aucune  difficulté  à  se  marier.  Elles  trouvent  toujours 
un  Chinois  converti  qui  ne  rougit  pas  de  leurs  grands  pieds.  Un 
nombre  considérable  d'élèves  ont  déjà  quitté  l'école  depuis  les 
vingt-huit  ans  qu'elle  existe  et  aucune,  à  la  connaissance  du 
missionnaire  qui  fournit  ces  détails,  n'a  songé  à  bander  les  pieds 
de  ses  enfants. 

Au  mois  d'avril  1895,  M"'*'  Litlle,  émue  des  maux  qu'elle  décrit 
d'une  manière  si  frappante,  résolut  de  créer  une  ligue  contre  la 
compression  des  pieds.  Jusqu'à  ce  moment,  les  étrangers  autres 
que  les  missionnaires,  ne  s'étaient  guère  préoccupés  de  combattre 
celle  plaie.  M"*®  Little  forma  un  comité  composé  de  dames  de  Shan- 
ghaï et  commença  une  propagande  énergique  pour  l'abolition  de 
cet  usage  par  voie  de  réunions  et  de  tracts.  Les  dames  chinoises 
furent  invitées  à  des  drawing-rooms,  où  le  sujet  qui  tenait  à  cœur 
au  comité  fut  développé  et  commenté.  On  leur  cita  les  endroits  de  la 
Chine  où  l'on  ne  bandait  pas  les  pieds  des  femmes  et  on  leur  mon- 


842  ÉTUDES  COLONIALES 

Ira,  au  moyen  de  tubes  en  caoutchouc  remplis  d'eau  que  Ton  pres- 
sait entre  les  doigts,  les  désordres  que  la  ligature  des  pieds  devait 
fatalement  entraîner  dans  le  système  de  la  circulation  du  sang.  Les 
efforts  de  M"*  Little  ne  tardèrent  pas  à  porter  des  fruits.  Elle  eut  le 
bonheur  de  conquérir  à  ses  idées  un  des  examinateurs  de  Pékin.  Ce 
fonctionnaire  qui,  par  suite  d'un  deuil,  s'était  retiré  à  la  campagne, 
tomba  par  hasard,  en  cours  de  route,  sur  un  des  tracts  distribués 
par  M"*  Little.  11  le  lut  avec  intérêt.  Arrivé  chez  lui,  il  entendit  les 
cris  de  son  enrant  qu'on  soumettait  à  la  torture  des  bandages.  Son 
cœur  saignil;  les  idées  exposées  dans  la  brgchure  lui  revinrent  à 
l'esprit  et  le  convertirent.  Il  fit  partager  sa  nouvelle]  opinion  à 
quelques-uns  de  ses  amis  et  ensemble,  ils  décidèrent  de  faire  une 
proclamation  contre  la  compression  des  pieds.  Cette  protestation 
fut  affichée  sur  les  murs  de  leur  ville  ~  Suifu  —  à  l'époque  où 
les  étudiants  s'y  rendaient  pour  subir  leurs  examens.  Ce  document 
est  connu  sous  le  nom  d'Appel  de  Suifu.  Aussitôt  que  M™''  Little 
eut  appris  cette  heureuse  nouvelle,  elle  résolut  de  faire  réim- 
primer cet  appel  et  de  le  distribuer  aux  dix  mille  étudiants  qui 
allaient  venir  à  Chungking.  Ce  n'est  pas  tout;  bientôt  après,  elle 
reçut  une  jletlre  de  la  Compagnie  des  Marchands  Chinois  qui  est 
le  principal  organisme  commercial  de  la  Chine  et  qui  a  un  carac- 
tère semi-officiel,  lui  demandant  communication  du  tract  en  ajou- 
tant qu'elle  avait  l'intention  de  le  faire  imprimer  à  ses  frais  et  de 
le  répandre  à  profusion  dans  la  province  de  Kwangtung. 

Environ  un  an  plus  tard,  une  autre  ligue  dirigée  contre  la  com- 
pression des  pieds  fut  fondée  à  Canton  par  Kang,  le  conseiller  du 
jeune  empereur  qui,  comme  on  se  le  rapelle,  dut  s'enfuir  de  Chine 
sous  la  protection  d'un  cuirassé  anglais.  Cette  ligue  avait  réuni 
dix  mille  pères  de  famille  qui  s'étaient  engagés  à  ne  jamais  faire 
lier  les  pieds  de  leurs  enfants,  ni  à  marier  leurs  fils  à  des  filles 
dont  les  pieds  seraient  bandés.  La  ligue  avait  aussi  fondé  un  comité 
à  Shanghaï  et  elle  avait  présenté  des  mémoires  sur  ce  sujet 
aux  vice-rois  et  aux  hauts  fonctionnaires.  Le  vice-roi  de  Hupeh  et 
de  Hunan  répondit  en  condamnant  la  pratique  et  son  avis  fut,  par 
les  soins  du  comité  de  M'"^  Little,  placardé  dans  toutes  les  villes  de 
sa  juridiction.  Le  gouverneur  de  Ilunan  alla  plus  loin  :  il  défendit 
la  compression  des  pieds  dans  sa  province.  Ce  fonctionnaire  a 
malheureusement  été  congédié  par  l'impératrice-mère.  Le  vice- 


LES   PIEDS  DES   CHINOISES  3i8 

roi  de  Nanking  loua  fort  l'œuvre  du  comité  et  promit  de  faire  un 
manifeste,  mais  il  mourut  peu  de  temps  après.  Enfin,  le  vice-roi 
de  Chibli  enjoignit  à  ses  subordonnés  de  dissuader  leurs  admi- 
nistrés de  cet  usage. 

Une  adhésion  plus  précieuse  encore  était  réservée  au  mouve- 
ment. Un  des  descendants  directs  de  Confucius,  le  duc  Kung  Hui- 
cliung  se  rallia  pleinement  à  l'objet  poursuivi  par  la  ligne  et  s'ex- 
prima avec  beaucoup  d'éloges  au  sujet  de  l'initiative  des  dames 
étrangères. 

Ou  pourrait  se  demander  s'il  est  encore  possible  aux  femmes 
d'enlever  les  liens  qui  enserrent  leurs  pieds.  Non  seulement  c'est 
possible,  mais  beaucoup  de  femmes  l'ont  fait.  Et  depuis  lors,  elles 
sont  capables  de  marcher  et  elles  ne  ressentent  plus  de  souffrances. 
Il  va  de  soi  que  les  pieds  ne  reprennent  plus  leur  forme  naturelle 
et  souvent  môme,  on  ne  pourra  pas  abandonner  les  bandages.  La 
remise  des  pieds  dans  leur  état  primitif  est,  en  tous  cas,  une  opé- 
ration qui  exige  beaucoup  de  précautions.  Il  faut  enfoncer  de 
l'ouate  sous  les  doigts  de  pied  et  recourir  an  massage.  Il  arrive 
souvent  que  les  femmes  doivent  garder  le  lit  pendant  quelques 
jours.  M"**'  Little  déclare  qu'elle  a  vu  plusieurs  femmes  enlever  leurs 
bandages  à  l'âge  de  quarante  ans.  Elle  en  cite  morne  une  qui  était 
âgée  de  soixante  ans.  Toutes  les  femmes  que  M"**^  Little  connaît 
ont  agi  ainsi  sous  l'influence  des  idées  chrétiennes.  Elle  a  cepen- 
dant appris  que  des  groupes  nombreux  de  femmes  se  sont  déci- 
dées à  abandonner  leurs  bandages  en  dehors  de  toute  action 
étrangère.  Il  semble  donc  que  l'opinion  publique  en  Chine  soit 
toute  disposée  à  recevoir  les  conseils  que  lui  adressent  de  nom- 
breux vice-rois  et  fonctionnaires  et  que  la  barbare  coutume  de 
déformer  les  pieds  des  femmes  aura  bientôt  cessé  dcxisler. 
iM"^  Little  ne  crie  cependant  pas  trop  tôt  victoire.  Elle  appréhende 
trop  des  effets  de  la  réaction  qui  triomphe  actuellement  à  Pékin  et 
elle  craint  que  les  moments  les  plus  durs  ne  soient  pas  encore 
passés  pour  le  nouveau  mouvement.  Espérons  le  contraire  et  sou- 
haitons que  les  louables  efforts  de  M"''  Little,  soutenus  par  ceux 
des  lettrés  les  plus  influents  et  les  plus  dislingues  de  la  Chine, 
aboutiront  sans  encombre  à  la  suppression  de  rotte  inutile  et 
douloureuse  pratique. 


RAPPORT 


LES   COLONIES   FRANÇAISES 


(SUITE) 


MAOAGASCAfi 

Historique.  —  L'Ile  de  Madagascar  est  une  des  dernières 
acquisitions  du  domaine  colonial  français,  quoique  depuis  le 
XVll*  siècle  des  liens  l'unissent  à  la  France.  Le  protectorat  était 
plutôt  nominal;  le  traité  du  17  décembre  1885  régla  Toccupation 
de  la  baie  de  Diego-Suarez,  et  un  décret  en  date  du  4  mai  1888 
transforma  Diego-Suarez,  Nossi-Bé  et  Sainte-Marie  de  Madagascar 
en  colonies  françaises  et  les  plaça  sous  la  direction  unique  d'un 
gouverneur. 

L'occupation  etfective  ne  date  que  de  ces  derniers  temps. 
Depuis  les  onze  dernières  années,  les  événements  se  sont  succédés 
et  le  gouvernement  Hova  fit  place  à  l'administration  française,  de 
sorte  qu'actuellement  le  pays  se  trouve  virtuellement  sous  la  domi- 
nation française. 

Quoique  l'acquisition  de  Madagascar  soit  de  date  récente,  on 
doit  reconnaître  que  cette  île  attire  sur  elle  une  grande  partie  de 
l'intérêt  public  qui  semble  en  France  de  jour  en  jour  s'attacher 
davantage  aux  questions  coloniales. 

Les  capitaux  français,  que  l'on  disait  se  méfier  des  entreprises 
coloniales,  commencent  à  y  trouver  un  nouveau  débouché,  et  le 
courant  d'émigration,  qui  n'a  jamais  été  bien  important  en  France, 
semble  s'être  dirigé  vers  celte  île.  Cependant  une  partie  très  con- 


LE   IIAPPOKT   SLU   LES   COLONIES    FUANi:AIStS  î^iii 

sidérable  des  colons  et  des  petits  marcliands  qui  ont  émigré  dans 
Tîle  sont  la  plupart  originaires  de  Tlle  Maurice  ou  de  la  Réunion. 

Au  point  de  vue  politique  et  économique,  on  doit  reconnaître 
que  les  résultats  ont  été  plutôt  négatifs.  La  soumission  des  Hovas 
et  la  répression  de  révoltes  qui  ont  éclaté  dans  l'île  ont  occasionné 
de  fortes  dépenses  pour  Tentretien  dans  le  pays,  de  troupes  consi- 
dérables. 

Actuellement,  Télément  militaire  a  été  quelque  peu  réduit.  Sui- 
vant les  chiffres  du  budget  colonial  pour  1899,  le  nombre  de  sol- 
dats serait  de  1 1 ,305  honnnes. 

Les  démêlés  entre  les  indigènes  et  les  colons  nécessitent  une 
intervention  armée,  mais  on  peut  espérer  que  ces  difficultés  iront 
en  diminuant  ;  cependant  le  général  Galtieni  n'est  pas  partisan  pour 
le  uïoment  d'une  diminution  des  forces  militaires. 

Le  général  Gallieni  est  lauteur  du  remarquable  rapport  sur 
Madagascar  paru  dans  le  Journal  officiel  ;  c'est  également  sous  sa 
direction  que  fut  publié  «  le  Guide  de  TEmigrant  à  Madagascar  » 
renfermant  les  renseignements  les  plus  autorisés  sur  cette  colonie. 

Quoique  incontestablement  l'île  possède  des  richesses  naturelles, 
on  peut  dire  que  pendant  un  certain  temps  encore  elle  constituera 
une  conquête  onéreuse  pour  la  France. 

Budget  colonial.  —  Le  coût  total  de  la  Colonie  pour  la  mère 
patrie  est  estimé  pour  Tannée  courante,  à  997,267  livres,  partagé 
en  deux  postes  :  dépenses  militaires,  923,980  livres;  subside 
direct  au  budget  local,  71,287  livres. 

Le  rapporteur  semble  croire  à  la  nécessité  de  crédits  complé- 
mentaires. 

Ceux-ci  se  sont  chiffi'és  en  1898  par  7,000,000  de  francs. 

En  supposant  qu'un  développement  du  commerce,  comparable 
à  celui  qui  s'est  produit  pendant  les  deux  dernières  années,  se 
maintienne,  la  mère  patrie  aura  dépensé  un  million  de  livres  pour 
s'assurer  un  marché  de  900,000  livres. 

Quoique  la  situation  commerciale  montre  une  forte  augmentation 
du  commerce  français,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  celle-ci  est 
due  aux  nouveaux  tarifs  douaniers,  et  que  dans  l'avenir  on  peut 
difficilement  espérer  voir  celte  progression  continuer  avec  la  même 
rapidité. 


346  ÉILDES   COLONIALES 

Budget  local.  —  Si  on  examine  le  budget  local,  la  situation 
est  bien  plus  favorable.  Pendant  les  deux  années  1896  et  1897,  le 
revenu,  y  compris  le  subside  de  la  mère  patrie,  présentait  un 
excédent;  pour  la  dernière  année,  cet  excédent  dépassait  soixante 
mille  livres.  Pour  1898,  les  statistiques  n'ont  pas  été  publiées. 

La  Quinzaine  Coloniale,  dans  un  récent  article,  estimait  les 
revenus  à  environ  il  3  000  livres,  laissant  un  excédent  presque 
égal  au  subside  annuel. 

Si  ces  chiffres  sont  exacts,  on  peut  dire  qu'au  point  de  vue 
local,  la  colonie  peut  se  subvenir. 

Mais  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  les  droils  de  douanes 
subiront  dans  l'avenir  une  forte  diminution. 

Par  suite  des  difficultés  rencontrées  pour  la  pacification  de  l'île, 
l'administration  a  fait  peu  de  chose  au  point  de  vue  de  son  déve- 
loppement économique. 

La  construction  de  canaux  et  de  routes  a  été  confiée  à  des  entre- 
prises privées.  II  est  évident  qu'il  eût  été  préférable  de  voir  de 
tels  travaux  exécutés  par  les  autorités  locales. 

Moyens  de  communication.  —  Dans  son  rapport,  à  ce  sujet, 
le  général  Gallieni  y  va  rondement.  Il  projette  un  réseau  complet 
de  routes  dont  il  serait  désirable  de  commencer  immédiatement  la 
construction  et  destinées  à  remplacer  les  sentiers  qui  assurent 
actuellement  les  comn.unications  entre  les  différents  centres  de 
l'intérieur  du  pays. 

Chemin  de  fer  Tamatave-Tananarive.  —  En  outre,  il  préco- 
nise la  construction  d'un  cliemin  de  fer  de  Tamatave  à  Tananarive 
(Anlananarivo),  l'amélioration  des  ports  de  Tamatave  et  de  Majunga, 
le  développement  du  réseau  télégraphique.  D'après  ses  évaluations, 
ces  travaux  devraient  coûter  50,000,000  de  francs.  Cette  somme, 
il  pense  l'obtenir  par  l'emprunt. 

Le  service  financier  serait  assuré  par  l'excédent  des  revenus  de 
la  colonie  et  ensuite  par  le  subside  de  la  mère  patrie. 

Pays.  —  Population.  —  La  superficie  de  Madagascar  est  de 
plus  de  590,000  kilomètres  carrés  et  sa  population  évaluée  de  5  à 
G  millions  d'hnbilnnts. 


348  ÉTUDKS   COLONIALES 

La  race  la  plus  nombreuse  et  la  plus  intelligente  est  la  race 
Hova/originaire  de  Malaisie. 

Les  autres  tribus,  Sakalaves,  Betsileos,  sont  d'origine  nègre. 

Tout  le  centre  de  l'île  est  montagneux  et  s'élève  à  une  hauteur  de 
9,000^'pieds.  Autour  de  la  côte  se  trouve  une  ceinture  de  terres 
basses,  malsaines  mais  fertiles. 

Actuellement  les  richesses  minérales  de  l'île  sont  mal  connues. 

Une  ^proposition  de  loi  a  été  déposée  au  Parlement  pour  un 
emprunt  de  60,000,000  de  francs,  destiné  à  la  construction  de  che- 
mins dcTer,  routes,  phares,  télégraphes,  etc. 

Productions.  —  Mines  d'or.  —  L'or  se  rencontre  en  petites 
quantités  dans  certains  districts  et  y  a  même  été  exploité  pendant 
quelque  temps.  On  a  découvert  peu  de  mines  et  les  exploitations 
se  sont  portées  sur  l'or  alluvial  qui  ne  se  trouve  pas  en  quantités 
très  rémunératrices. 

Autres  métaux.  —  Le  fer  existe  partout,  il  est  exploité  par  les 
indigènes  pour  la  consommation  locale  et  surtout  pour  la  fabrica- 
tion de  leurs  outils-  Les  mines  de  cuivre  connues  montrent  qu'elles 
ont  été  l'objet  d'une  exploitation  par  les  indigènes. 

On  dit  que  l'île  renferme  du  plomb,  de  l'étain,  du  zinc,  de  l'anti- 
moine, du  mercure,  du  platine,  du  nickel,  du  soufre;  l'existence 
de  mines  de  charbon  dans  la  région  du  nord  de  l'île  est  l'objet  de 
discussions. 

Forêts.  —  Il  y  a  de  grandes  forêts  qui  comptent  des  essences 
de  bois  précieux  :  l'ébène,  le  bois  de  rose,  l'acajou.  Cepen- 
dant on  ne  s'est  pas  beaucoup  occupé  de  la  mise  en  valeur  de  cette 
richesse. 

Caoutchouc  et  piassava.  —  Parmi  les  richesses  agricoles  et 
forestières  on  doit  citer  le  caoutchouc  et  la  piassava.  Le  caoutchouc 
est  un  des  produits  les  plus  importants  du  pays. 
L'arbre  et  la  liane  existent  dans  toutes  les  forêts, 
L'exploitation  destructive,  notamment  dans  la  région  de  Fort 
Dauphin,  Teneriffe  et  Foulpointe,  a  fait  diminuer  en  quelques 
années  dans  de  fortes  proportions  l'exportation  de  la  précieuse 
gomme. 


350  •  ÉTUDES  COLOMALKS 

Le  palmier  Ralia  ne  s'étend  guère  à  plus  de  15  ou  20  kilomè- 
tres de  la  côte  et  ne  se  rencontre  pas  au  delà  de  25  ou  50  mètres 
d'altitude. 

Produits  agricoles.  —  La  vanille,  le  cacao  et  le  café  sont  un 
peu  cultivés.  Le  tabac,  le -riz  et  le  manioc  le  sont  sur  une  grande^ 
échelle  :  ces  deux  derniers  produits  forment  la  base  de  la  nourri- 
ture des  indigènes. 

La  cire  végétale  et  la  cire  d'abeilles  sont  recueillies  en  grande 
quantité.  L'élevage  du  bétail  se  fait  sur  un  grand  pied;  l'exporta- 
tion des  peaux  est  très  importante. 

L'élevage  du  bétail  a  eu  beaucoup  à  souffrir  pendant  la  dernière 
révolte  et  l'administration  a  dû  prendre  des  mesures  de  protection. 

Centres  commerciaux  et  ports.  —  La  capitale  de  l'ile  est 
Tananarive  appelée  par  les  indigènes  Antananarivo  ;  c'est  une  ville 
d'environ  100,000  habitants. 

Le  principal  centre  commercial  est  Tamatave,  port  situé  sur  la 
côte  orientale  de  l'île.  Il  y  a  en  tout  une  vingtaine  de  ports  ou 
rades  le  long  de  la  côte,  situés  pour  la  plupart  à  la  côte  Est. 

Les  renseignements  que  nous  publions  ici  sont  extraits  de  Trade 
and  Shipping  ofAfrica. 

Heiieviiie,  situé  dans  l'île  de  Nossi-Bé  est  un  centre  commer- 
cial très  important.  Le  port  est  très  bon  et  les  steamers  des  messa- 
geries y  font  escale  deux  fois  par  mois. 

C'est  également  le  point  de  départ  du  commerce  avec  les  autres 
petits  ports  de  la  côte  Ouest.  Un  petit  steamer  les  met  en  commu- 
nication avec  le  service  de  navigation  vers  la  France. 

Le  commerce  jusqu'à  Majunga  est  aux  mains  des  Indiens  qui 
vendent  des  marchandises  anglaises  et  allemandes  ainsi  que  des 
tissus  de  Bombay. 

Il  existe  à  Nossi-Bé  deux  importantes  firmes  allemandes. 

iVlaJunga.  —  A  cause  de  sa  position  sur  le  canal  de  Mo;;am- 
bique  et  l'excellente  situation  de  son  port,  Majunga  est  destinée  à 
devenir  la  tête  de  ligne  du  trafic  avec  Tananarive. 

La  route  fluviale  du  fleuve  Betsiboka  est  accessible  aux  petits 
steamers  jusqu'à  Suberbieville  pendant  neuf  mois  de  l'année,  jus- 


LE   RAPPORT   SUR   LES   COLONIES   FRANÇAISES  351 

qu'à  une  distance  de  200  milles  de  la  côle.  De  ce  point,  on  a  créé 
une  route  vers  le  plateau  central  et  l'activité  commerciale  se  déve- 
loppera fatalement  à  mesure  que  la  sécurité  et  la  facilité  des  com- 
munication aura  aujjmenté. 

La  situation  géojj;raplHque  de  Majunga  en  fait  un  centre  de 
commerce  avec  le  Sud  de  TAfrique,  qui  sera  un  débouché  pour  ses 
produits  naturels,  vraies  denrées  coloniales. 

Beaucoup  de  bateaux  de  commerce  visitent  Majunga,  les  uns 
venant  de  Zanzibar,  les  autres  de  Bombay,  venant  en  mars  à  la 
mousson  du  Nord-Est,  et  retournant  aux  Indes  en  août  avec  la 
mousson  Sud-Ouest,  chargés  des  produits  de  l'île.  Ce  sont,  en 
général,  des  bateaux  de  90  à  120  tonnes. 

Un  petit  steamer  des  Messageries  assure  deux  fois  par  mois 
le  service  entre  Nossi-Bé  et  Nussi-Vé,  faisant  escale  à  Majunga  et 
Maintirano. 

Autres  ports  de  la  côte  ouest.  —  Jusqu'au  Sud  du  Gap 
Saint-André,  dans  le  district  de  Mailaka,  il  y  a  plusieurs  petits 
ports,  entre  autres  Tombolaron  et  Maintirano,  qui  font  un  com- 
merce important  avec  la  côte  d'Afrique.  Ces  ports  ne  sont  fré- 
quentés que  par  des  Indiens  qui  expédient,  aux  maisons  de  com- 
merce de  Nossi-Bé,  de  la  poudre  d'or,  de  la  cire,  du  caoutchouc  et 
du  bois. 

Entre  le  Mangoky  et  le  Onilahy  (rivière  Sainte-Augustine)  se 
trouve  le  district  de  Fiherena,  oii  se  trouvent  de  riches  prairies  et 
forêts. 

Les  indigènes  cultivent  le  maïs  et  les  pois  connus  sous  le  nom  de 
pois  du  Cap. 

La  poudre  d'or,  le  caoutchouc,  les  écailles  de  tortue  sont  aussi 
un  objet  d'exportation;  jadis,  l'orseille  était  exportée,  mais  aujour- 
d'hui ce  commerce  a  été  abandonné. 

Les  importations  se  composent  d'étoffes,  de  tissus  de  coton,  de 
verreries,  de  poudre,  d'ustensiles  de  fer;  la  plupart  de  ces  produits 
sont  d'origine  allemande. 

A  un  moment,  le  commerce  dans  cette  région  était  entièrement 
aux  mains  des  Français,  mais  depuis  1870,  ils  furent  remplacés 
par  les  négociants  anglais,  allemands,  américains,  indiens  et 
arabes  qui  s  elablirent  en  pays  Hovas. 

3 


382  ÉTUDES  COLONIALES 

Diego-Suarez  est  un  port  d'escale  pour  les  navires  de  la  Com- 
pagnie des  Messageries  maritimes  et,  depuis  le  l''^  octobre  1896, 
c'est  le  point  de  départ  des  lignes  vers  Mozambique,  Bcïra  et 
Lorenzo  Marques.  Les  steamers  de  la  Compagnie  Le  Havre  et  les 
bateaux  qui  transportent  le  bétail  à  Maurice  et  à  la  Réunion  (ont 
escale  à  Diego-Suarez;  il  en  est  de  même  des  bateaux  à  voile  qui, 
venant  de  Bombay  avec  la  mousson  Nord-Est,  vont  ravitailler  les 
négociants  indiens. 

,  Vohémar.  —  L'exportation  de  ce  port  consiste  principalement 
en  bétail  que  transporte  un  bateau  appartenant  à  une  compagnie 
française.  Ce  port  est  également  fréquenté  par  des  commerçants 
indiens  et  chinois  qui  pénètrent  loin  dans  l'intérieur  du  pays, 
portant  à  dos  d'indigènes  leurs  marchandises  consistant  en  des 
tissus  de  coton  conunun  et  de  couleurs  voyantes,  des  ustensiles  de 
ménage,  de  la  coutellerie  ordinaire,  des  perles  fausses,  du  fil,  des 
aiguilles,  qu'ils  échangent  pour  du  riz,  de  la  gomme,  de  la  cire,  du 
caoutchouc,  des  peaux,  du  bois  et  de  la  piassava. 

Sainte-Marie  de  Madagascar.  —  Cette  petite  ile,  située  en 
face  du  port  de  Tintingue,  à  12  milles  du  Continent,  possède  un 
bon  port  et  a  une  escale  des  Messageries  maritimes. 


{A  suivre.) 


LE  DAHOMEY 


D'après  des  publications  récentes. 


Bibliographie  :  Du  Dahomé  au  Sahara,  par  le  commandant  Toutée  ;  Dahomey, 
Niger,  Touareg,  par  le  commandant  Toutée  ;  Ressources  économiques  et 
avenir  commercial  du  Dahomey,  par  Georges  Boreixi  ;  Articles  divers  parus 
dans  la  Dépêche  coloniale  et  le  Bulletin  de  l'Afrique  française. 

La  Friinco  avait  un  élablisseiiient  au  Dahomey  dos  le  xvir  siècle. 

En  1671,  sous  le  règne  de  Louis  XIV,  la  Compagnie  des  Indes 
construisit  à  Wydlia  un  fort  qui  fut  évacué  en  1797.  En  1884,  sur 
la  demande  de  divers  chefs  de  la  côte  des  esclaves,  au  Sud  du 
royaume  de  Dahomey,  le  protectorat  français  fut  établi  dans  les 
territoires  de  Porto  Novo,  Agouc,  Grand  Popo,  Cotonou,  La 
Baronquères. 

Le  roi  de  Dahomey  ayant  attaqué  les  nègres  de  Porlo  Novo, 
protégés  français,  un  petit  corps  de  troupes  fut  envoyé  au  com- 
mencement de  i890,  du  Sénégal  à  Porto  Novo.  Aux  termes  d'un 
traité  conclu  avec  le  roi  Behanzin,  Cotonou  et  Porto  Novo  furent 
définitivement  cédés  à  la  Franco.  Une  pension  de  20,000  francs 
était  accordée  à  Behanzin.  En  1892,  à  la  suite  de  razzias,  de  bri- 
gandages de  toutes  espèces  dont  ce  dernier  s'était  rendu  coupable, 
la  lutte  recommença.  Une  expédition,  sous  le  commandement  du 
colonel  d'infanterie  de  marine  Dodds,  fit  campagne  au  Dahomey. 
Behanzin,  après  une  résistance  acharnée,  fut  enfin  capturé  et  la 
France  déclara  prendre  possession  du  royaume  entier.  Le  9  juil- 
let 1897,  une  convention  franco-allemande  a  déterminé  définitive- 
ment la  frontière  séparant  la  colonie  française  du  Dahomey  des 
possessions  allemandes  au  Togoland.  Le  II  juin  1898,  une  con- 
vention anglo-française  établit  la  frontière  entre  les  territoires 
anglais  et  français  au-dessus  du  neuvième  degré  jusqu'au  lac 
Tchad. 


354  ÉTUDES  COLONIALES 

Le  Dahomey  primitif,  c'était  le  petit  royaume  de  Behanzin. 

A  la  suite  des  annexions,  à  l'Est  du  royaume  de  Porto  Novo,  à 
rOuest  de  la  région  de  Grand  Popo  et  Agoué,  au  Nord  des  terri- 
toires au-dessus  d'Abomey  jusqu'au  neuvième  degré,  il  est  devenu 
le  Dahomey  français. 

Le  capitaine  Pié  driimite  actuellement  au  nom  de  la  France  la 
nouvelle  frontière  franco-allemande. 

La  mission  française  chargée  de  fixer  sur  le  terrain  la  frontière 
assignée  à  TEst  du  Dahomey  par  la  convention  franco-anglaise  du 
iojuin  1898  est  partie  le  27  janvier  de  Marseille.  Elle  était  sous 
les  ordres  du  chef  d'escadron  Toutée,  avec  le  lieutenant  de  vaisseau 
Guignes  comme  second.  Le  21  février  la  mission  s'est  mise  en 
marche  ^ers  Tchaourou  où  elle  a  dû  rejoindre  la  délégation  anglaise 
et  commencer  ensuite  à  partir  du  parallèle  à  neuf  degrés  de  lati- 
tude Nord,  les  opérations  de  délimitation. 

Le  Dahomey  peut  se  diviser  en  deux  régions  absolument  dis- 
tinctes :  le  Bas-Dahomey,  terre  d'alluvion,  pays  des  palmiers  à 
huile  et  le  Haut-Dahomey,  encore  peu  connu. 

Le  Bas-Dahomey,  à  120  kilomètres  de  large  de  l'Est  à  l'Ouest 
sur  100  kilomètres  environ  du  Nord  au  Sud.  La  température  du 
Dahomey  varie  de  dix-neuf  à  trente-cinq  degrés  et  ces  écarts  de 
quinze  degrés  environ  se  retrouvent  dans  chacun  des  mois  de 
l'année.  La  moyenne  annuelle  est  de  vingt-cinq  à  vingt-sept  degrés. 
Les  écarts  constatés  constituent  un  avantage  au  point  de  vue  de 
l'anémie.  11  n'y  a  pas  au  Dahomey  excès  de  pluie.  Le  bulletin 
météorologique  de  la  colonie  donne  0'"90  pour  la  hauteur  d'eau  de 
pluie  annuelle  alors  qu'il  tombe  à  Bombay,  Calcutta,  Ceylan,  deux 
mètres  de  pluie  dans  l'année,  aux  Philippines,  aux  Fidji,  2'"50; 
dans  rinsulinde,  aux  Comores,  3  mètres.  La  moyenne  de  la  pluie 
en  France  est  0'"77. 

Le  Dahomey  est  avantagé  au  point  de  vue  climatérique.  Peu  de 
régions  du  Globe  offrent  une  continuité  aussi  absolue  dans  la 
direction  du  vent.  Toute  l'année  vient  de  l'Atlantique  une  brise 
Sud-Ouest.  Le  climat  est  donc  un  climat  maritime;  l'atmosphère 
est  essentiellement  océanique.  Le  Bas-Dahomey  est  formé  par  une 
immense  plaine  d'alluvions,  s'élevant  doucement,  sans  relief  sen- 
sible, de  la  côte,  à  100  kilomètres  de  la  mer  où  les  altitudes  varient 
de  100  à  200  mètres.  J^e  littoral  est  bordé  de  lagunes  et  une  grande 


LE  DAHOMEY  355 

dépression  centrale  de  10  à  lo  kilomètres  de  largeur  est  occupée 
par  le  marais  de  ^ô,  à  mi-distance  entre  la  côte  et  Abomey. 

Suivant  l'expression  de  M.  Georges  Borelli.  membre  de  la 
Chambre  de  commerce  et  de  la  vSociété  de  géographie  de  Marseille, 
qui  possède  au  Dahomey  des  intérêts  importants,  le  bas  pays  n  est 
qu  un  immense  bois  de  palmiers  à  huile,  plus  ou  moins  entre- 
mêlé d'autres  essences  et  entrecoupé  de  clairières  d'étendue 
variable.  D'innombrables  sentiers  font  communiquer  d'innombra- 
bles villages  ;  le  pays  est  facilement  accessible  dans  toutes  ses 
parties.  Le  palmier  à  huile  donne  deux  récolles  par  an.  Les  fruits 
de  la  grosseur  d'une  prune,  pressés  en  gros  régimes  compacts  de 
5  à  10  décimètres  cubes  environ,  ont  une  pulpe  exlérieure 
qui,  écrasée  sur  place,  donne  sans  plus  de  préparation  l'huile 
de  palme.  Le  noyau  a  l'aspect  d'une  très  petite  noix  de  coco 
de  la  dimension  d'un  raisin;  il  contient  une  amande  qui  est 
importée  telle  quelle  en  Europe.  L'huile  de  palme  sert  à  la  fabri- 
cation des  bougies  et  du  savon,  l'amande  à  la  fabrication  du  savon. 

Le  manioc  enlre  pour  une  grande  part  dans  l'alimentation 
des  indigènes  et  il  donne  à  peu  de  frais  d'excellents  produits; 
cette  plante  est  d'ailleurs  très  résistante  :  les  sauterelles,  qui 
dévorent  presque  chaque  année  le  mais,  laissent  le  manioc 
intact.  Il  existe  quelques  milliers  de  cocotiers  dans  le  cercle 
de  Oindale,  mais  l'exploitation  régulière  du  Coprah  n'a  pas 
encore  été  entreprise.  Le  Cocotier  se  trouve  au  Dahomey,  mais 
la  variété  indigène  est,  en  général,  petite  et  ne  peut,  par  consé- 
quent, lutter  avec  les  colas  importés  de  Sierra-Leone  ;  il  fau- 
drait faire  venir  des  graines  ou  des  plants  du  dehors,  ou  bien 
développer  la  grande  espèce  que  l'on  trouve  également  sur  place, 
mais  en  petite  quantité.  L'indigo  existe  au  Dahomey,  mais  il 
a  besoin  d'être  soigné  et  amélioré  ;  il  n  a  pas  été  jusqu'ici  exporté 
et  les  indigents  s'en  servent  d'une  manière,  d'ailleurs  très  pri- 
mitive, pour  la  teinture  des  tissus  de  provenance  européenne  ou 
locale.  Il  est  difficile,  pour  le  moment,  de  dire  si  l'indigo  pourra 
devenir  un  élément  sérieux  d'exportation. 

On  ne  connaissait  guère  autrefois  au  Dahomey  que  deux  sortes 
de  lianes  à  caoutchouc  indigènes,  à  peine  ou  si  mal  exploitées 
que  les  résultats  obtenus  par  les  premiers  exportateurs  ont  tailli 
amener  la  destruction  complète  de  cette  plante.  Depuis,  diverses 


356  ÉTUDES   COLONIALKS 

espèces  de  ficus  ont  été  reconnues  au  Dahomey,  mais  la  diflîculté 
pratique  d'en  apprécier  la  valeur  et  le  peu  de  soins  apportés  à  leur 
culture,  n'ont  permis  qu'un  rendement  très  médiocre.  Le  Cîiout- 
chouc  Céara,  au  contraire,  semble  devoir  donner  d'excellents 
résultats.  En  effet,  il  pousse  bien  dans  les  terrains  qui  conviennent 
aux  cultures  alimentaires,  lesquelles  .occupent  la  plus  grande 
partie  des  bras.  Il  demande  peu  de  soins,  produit  dès  la  cin- 
quième année  et  se  multiplie  de  lui-même;  il  tient  peu  de  place. 
De  plus  il  ne  nuit  en  rien  à  la  culture  du  palmier  et  peut  être 
planté  dans  son  voisinage  (1). 

Des  essais  de  cultures  de  cacao  et  de  vanille  vont  être  entrepris 
incessamment.  Pour  le  cacao,  les  premiers  essais  faits  à  ''orto- 
Novo  ont  déjà  donné  des  résultats  satisfaisants  et  il  est  pro- 
bable qu'il  en  sera  de  même  à  Occidali.  Le  Ricin  se  trouve  sur 
place  niais  en  très  petite  quantité,  Il  semble  très  vivace,  mais 
la  qualité  n'a  pu  encore  être  appréciée. 

La  colonie  se  présente  comme  éminemment  propice  aux  cul- 
tures trofâcales;  elle  semble  faite  pour  assurer,  par  elle  même, 
le  confort  à  une  population  indigène  très  dense,  beaucoup  plus 
qu'à  donner  des  dividendes  planlureux  aux  Européens  par  l'ex- 
portation de  produits  riches. 

Les  Dahoméens  sont  avant  tout  des  ruraux.  Il  n'existe  que 
très  peu  d'agglomérations  importantes.  L'immense  majorité  des 
nègres  habitant  la  colonie  sont  répartis  en  un  nombre  immense 
de  hameaux.  Les  paysans  cultivent  le  manioc,  le  maïs,  le  bana- 
nier, l'igname,  la  patate,  le  mil,  les  haricots,  les  pois  et  M.  Bo- 
relli,  parlant  de  la  densité  de  la  population  dit  qu'on  ne  peut 
voyager  une  demi-heure  sans  traverser  un  ou  plusieurs  villages, 
que  ce  soit  dans  les  lagunes  du  littoral,  sur  les  cours  d'eau  ou 
dans  l'intérieur  des  terres.  M.  Borelli  vante  les  quahtés  des 
Dahoméens  «  Jamais,  dit-il,  je  n'ai  vu  un  noir  ivre.  Je  n'ai  jamais 
vu  des  noirs  se  battre  entre  eux.  Je  n'ai  jamais  surpris  un  geste 
grossier  au  milieu  de  ces  amas  de  nudité,  surprenante  au  début 
pour  un  Européen.  La  population  du  Dahomey  est  donc  extrê- 
mement douce,  paisible  et  facilement  dirigeable,  w  Le  Dahoméen 


(1)  Rapport  officiel  sur  la  siluation  agricole  au  Dahomey,  1890. 


LE   DAHOMEY  357 

n  est  pns  voleur,  il  est  gai  et  rieur,  passionné  comme  tous  les 
noirs  pour  la  danse. 

Le  travailleur  est  payé  de  10  à  15  francs  par  mois,  plus  une 
.  parcelle  de  terrain  ou  une  petite  part  dans  les  récoltes  de  plantes 
alimenlaires. 

L'ar^^eni  ne  manque  pas  dans  le  pays;  cependant  il  ne  serait 
pas  sutfisant  pour  organiser  la  grande  culture. 

Les  indigènes  aisés  et  les  créoles  ne  peuvent  être  associés  qu  avec 
beaucoup  de  prudence  à  cause  de  leur  facilité  au  découragement 
dès  un  premier  contretemps  commje  de  leur  enthousiasme  exubé- 
rant au  premier  succès.  Le  rùle  des  deux  parties  dans  une  associa- 
tion de  ce  genre,  serait  déterminé  par  leur  nature  même  :  à 
l'Européen,  les  achats  en  Europe,  rinslallation,  la  direction  de 
routillage,  les  relations  avec  les  compagnies  de  navigation,  la 
correspondance  avec  la  métropole,  en  un  mot,  la  conduite  géné- 
rale de  l'affaire;  Tindigène,  pour  sa  part,  prendra  en  main  le  côté 
exécution,  se  vouant  à  l'utilisation  et  la  surveillance  de  la  main- 
d'œuvre  avec  laquelle  il  sera  en  contact  direct  et  qu'il  se  procu- 
rera à  meilleur  compte. 

Les  monnaies  françaises,  anglaises  et  américaines  d'or  et 
d'argent  seules  ont  cours,  ainsi  que  la  piastre  cauris  de  2,0U0  co- 
quilles, dont  la  valeur  varie  suivant  l'abondance  des  coquillages. 
Les  noirs  du  Dahomey,  tout  comme  ceux  des  autres  parties 
de  la  côte  occidentale  d'Afrique,  ont  très  rapidement  compris 
l'avantage  attaché  aux  monnaies  européennes,  où  l'empreinte 
garantit  la  loyauté  comme  poids  et  titre.  Avant  peu  les  monnaies 
indigènes  seront  abîmdonnées  en  Afrique. 

On  trouve  dans  le  Dahomey  trois  royaumes  indigènes  princi- 
paux :  celui  de  Porto-Novo,  celui  d'Allada  et  celui  d'Abomey.  Le 
premier  se  compose  de  peuplades  répandues  sur  les  rives  du 
fleuve  Oriémé  depuis  Sagon  jusqu'au  golfe  de  Bénin.  Elles  appar- 
tiennent à  la  race  des  Nagos.  Le  royaume  d'Allada  s'étend  entre  la 
mer  et  les  marais  d'Alama  :  il  est  en  gém'ral  peuplé  par  la  race 
djége.  Au  nord  des  marais  d'Alama  se  trouve  le  royaume  d'Abo- 
mey où  règne  Abogliagbo  qui  a  succédé  à  son  frère  Behanzin,  le 
roi  de  sanguinaire  mémoire.  A  nord  du  roNaume  d'Abomey,  nous 
trouvons  celui  des  Mahis  et  celui  de  Savé,  le  premier  sur  la 
rive  droite,  le  second  sur  la  rive  gauche  de  l'Ouémé.  Dans  ces 


358  ÉTUDES  COLONIALES 

royaiiiTies  le  pouvoir  du  roi  est  absolu,  toutefois  ce  dernier  est 
sous  la  surveillance  d'un  résident  français.  Ces  rois  ont  sous  eux 
des  agents  de  deux  sortes,  d'une  part  les  chefs  de  village  qui 
jouissent  d'une  assez  grande  autonomie  et  d  autre  part  les  réca- 
dères,  fonctionnaires  royaux  envoyés  en  permanence  dans  les 
bourgades  d'une  certaine  importance,  afin  d  espionner,'  contrôler 
le  chef  du  village  ou  assurer  l'exécution  par  lui  d'un  ordre  déter- 
miné. 

Il  s'en  faut  de  beaucoup  que  le  Haut-Dahomey,  dans  les  parages 
du  Niger  ait  l'aspect  riant  du  Bas-Dahomey.  Nous  avons  à  ce  sujet 
le  témoignage  du  gouverneur  Ballot  qui  parcourut  ce  pays  en 
1894.  Partie  de  Carnotville,  la  mission  du  gouverneur  atteignit 
Nikki,  arriva  h  Boussa  et  reconnut  le  principal  affluent  du  Niger, 
l'Oly.  La  région  parcourue  —  dit  le  rapport  officiel  de  la  mission 
de  1894  —  depuis  la  rivière  Ocpara  jusqu'au  Niger,  est  au  nombre 
des  contrées  les  moins  favorisées  par  la  nature  et  les  plus  désho- 
norées par  l'homme. 

Il  est  difficile  d'imaginer  un  pays  plus  laid,  plus  pauvre,  plus 
triste,  plus  malsain,  avec  des  habitants  plus  inhospitaliers  et  plus 
ivrognes,  plus  rapaces  et  plus  voleurs.  Les  routes  sont  imprati- 
cables, les  transactions  chez  les  peuplades  l»aribas  .sont  nulles;  le 
commerce  local  existe  à  peine,  les  villages  étant  réduits  à  se 
piller  entre  eux  et  à  détrousser  ou  retenir  en  captivité  le  voyageur 
isolé.  Chez  les  Azokos  la  situation  est  la  même.  Le  commerce  du 
Boussoua,  qui  cependant  possède  de  très  grandes  villes  indi- 
gènes telles  que  Kayoma,  Pagbassou,  Dekala,  Sakamoudji,  dont  la 
population  varie  de  15  à  25,000  habilants,est  pourtant  insignifiant. 
Toutefois  de  grandes  améliorations  se  sont  produites  dans  l'état 
politique  et  économique  de  la  région.  Les  postes  français  de  Car- 
notville, Allafia,  Parakou,  Guinagourou,  Nikki  Kaudi,  Kariminna, 
Madékalé,  Houé,  Djougou,  etc.,  assurent  actuellement  la  pacifica- 
tion du  pavs. 

Les  centres  principaux  du  Dahomey  sont  Porto-Novo  qui  est  le 
chef-lieu  de  la  colonie  et  compte  35,000  habitants,  Abomey  capi- 
tale du  Dahomey,  ville  située  à  120  kilomètres  de  Colonou  et  à  la 
même  dislance  de  Porto-Novo,  Agony,  ville  de  20,000  habitants 
sur  le  fleuve  Ouémé,  Cotonou,  sur  la  côte  des  Esclaves  et  Ouidah, 
également  situé  sur  la  même  côte.  Les  maisons  françaises  établies 


LE  DAHOMEY  3.->9 

au  Dahomey  sont  les  maisons  suivantes  :  Armandon,  père  et  fils; 
Fabre  etC'%de  Marseille;  Mante,  frères  et  Borelli  de  Royer, 
où  Royer  et  C'*;  la  Société  Fers  Exportation  ;  Travaux.  Les 
maisons  étrangères  sont  :  Holt  et  Welsh,  Hutton  et  Osborne, 
John,  Konigsdorfer,  Lagos  Store  et  Tomluison.  Loughland, 
Sancta  Anna.  Tamimou,  Ungebauer,  Walkden,  Witt  et  Bush.  Il 
existe  un  certain  nombre  de  négociants  indigènes  dont  les  prin- 
cipaux sont  :  Angelo,  Badou,  Campos,  Paraiso,  ïouvalos.  Toutes 
ces  maisons  ont  des  comptoirs  à  Porto-Novo,  quelques-unes  en 
possèdent  en  outre  à  Abomey-Calavi  sur  le  lac  Denham  près  la  côte 
des  Esclaves  à  Cotonou,  Ouidah,  Avrékété,  ville  située  à  lest  de 
Ouidah,  à  Godomey  entre  Avrékété  et  Cotonou  sur  le  golfe  de 
Béum,  à  Grand  Popo  sur  la  côte  des  Esclaves. 

En  dehors  du  trafic  d'échange  fait  par  les  comptoirs  commer- 
ciaux, les  entreprises  de  mise  en  valeur  directe  des  richesses  de 
la  colonie  par  les  Européens  sont  peu  nombreuses.  On  ne  compte 
guère  comme  sociétés  que  les  Magasins  Généraux  du  Bénin  qui, 
eux  aussi,  exploitent  à  Colonou  des  comptoirs  connnerciaux. 

Le  capital  de  cette  dernière  Société  est  de  100,000  francs  divisé 
en4,000  actions  de  100  francs;  son  siège  social  est  à  Paris, 46, bou- 
levard de  Magenta.  Cette  entreprise  est  du  reste,  en  quelque  sorte, 
l'annexe  de  la  Société  du  Wharf  de  (Cotonou  qui  a  construit  une 
jetée  de  plus  de  300  mètres  pour  éviter  la  barre  cl  permettre  aux 
navires  d  accoster  et  de  décharger  leur  cargaison,  sans  transborde- 
ment, dans  des  pirogues  ou  petites  allèges. 

Tout  récemment  s  est  constituée  la  première  entreprise  euro- 
péenne d'exploitation  directe  du  sol  dahoméen.  Le  0  mars  1900,  un 
arrêté  a  approuvé  la  constitution  de  la  Société  Ouémé-Dahomey. 

Cette  Compagnie  est  ou  capital  de  500,000  francs,  divisé  en 
5,000  actions  de  capital.  Il  a  été  créé,  en  outre,  6,000  parts  de 
fondateurs.  La  sociolé  a  pour  but  l'exploitation  d'une  concession 
comprenant  une  superficie  d'environ  136,000  hectares,  en  bordure 
à  l'Est  de  la  colonie  anglaise  de  Lagos,  entre  le  O^'oo  et  le  7°20'  de 
lati'ude  Nord.  Elle  rst  astreinte  au  payement  de  certaines  rede- 
vances :  de  1  à  5  ans,  1,000  francs  annuellement,  de  6  à  10  ans, 
2,000  francs,  de  1 1  à  l'expiration  de  la  concesssion,  2,000  francs  ; 
en  outre,  la  compagnie  doit  annuellement  au  gouvernement  fran- 
çais, 15  p.  c  de  son  revenu  annuel.  Elle  a  du  verser  un  caution- 


3()()  ÉTUDES   COLONIALES 

nement  de  5,000  fra\ics.  II  s'est  encore  formé  un  a  Syndicat  des 
planteurs  de  Onidali  »  qui  semble  devoir  se  vouer  parlicuiièrement 
à  la  culture  du  caoutchoutier  Ceara. 

La  colonie  du  Dahomey  a  été  classée  dans  la  catégorie  des 
colonies  où  le  tai  if  douanier  métropolitain  n'est  pas  applicable.  En 
ce  qui  concerne  les  produits  importés  direcleuïcnt  du  Dahomey  en 
France,  ils  sont  soumis  aux  droits  du  tarif  minimum,  sauf  excep- 
tions déternn'nécs  par  décrets  en  Conseil  d'Klat.  Ces  dispositions 
sont  applicables  aux  bois,  huile  de  palme  et  huiles  siniilaires  qui 
sont  admis  en  franchise  en  France,  et  aux  cafés  qui  ont  le  bénélice 
de  la  détaxe  de  moitié.  Des  taxes  de  consommation  frappent  le 
tabac  (»{5cent.  au  kil.),  la  poudre (30  cent.), les  fusils  (2  fr.  pièce),  le 
sel  marin  (6  fr.  les  1,000  kil.),  le  sel  gemme  (14  fr.  les  1,000  kil.). 

Les  alcools  [)ayent  une  taxe  de  3  francs  l'hoctolitre  pour  les 
spiritueux  de  0"  à  10°;  la  taxe  s'augmente  de  3  francs  pour  chaque 
dizaine  de  degrés  en  plus  jusque  oO"*;  au-dessus  de  ce  degré,  il  y  a 
une  surtaxe  par  hectolitre  de  40,  50  et  60  centimes,  suivant  que, 
respectivement,  l'alcool  titre  de  50  à  80°,  de  70  à  00*";  cette 
surtaxe  peutjaiL^si  être  (Ixée  à  10  p.  c.  ad  valorem.  Leur  valeur 
est  déterminée  par  les  prix  de  facture  majorés  de  25  p.  c.  Les 
marchandises  non  dénommées  payent  4  p.  c.  Sont  exempts  de  tous 
droits  :  les  animaux  vivants,  viandes  fraîches,  poissons  Irais, 
graines,  noix  de  coco  et  de  kolas,  amandes  de  palme,  armes  et 
munitions  de  guerre,  embarcations,  macfiines,  vivres  et  malériel 
d'Étal,  effets  à  Tusage  des  voyageurs,  matériaux  de  construction, 
instruments  aratoires,  objets  mobiliers,  outils,  instruments  d'art 
et  de  mécanique,  livres  et  imprimés,  instruments  de  précision,  de 
musique,  de  nrathématiques,  médicaments,  ornements  d'église, 
emballages,  fûts  et  futailles,  monnaies  ayant  cours  légal. 

Le  mouvement  commercial  du  Dahomey,  pendant  1899,  s'est 
élevé  à  plus  de  vingt-cinq  millions,  dont  voici  le  détail  :  Impor- 
tations, fr.  12,348,970.74;  exportations,  fr.  12,719,819.72,. soit 
un  total  de  fr.  25,068, 160.46  contre  un  total  de  fr.  17,533,326.35 
en  1898.  Les  augmentations  à  l'importation  portent  principalement 
sur  les  poudres,  monnaies,  boissons,  verres  et  cristaux  et  ouvrages 
en  bois.  Les  tabacs  et  tissus  sont  légèrement  en  diminution. 

Quant  aux  exportations,  tous  les  produits  du  cru  sont  en 
augmentation,  principalement  les  amandes  et  huiles  de  palme. 


LE   DAHOMEY  361 

les  noix  de  cocos  et  coprah,  les  kolas;  rexportalioii  du  caoul- 
cliouc  s'est  élevée  de  I3JI9  kil.  en  1898,  à  14,4.35  kil.  en  1899. 
Le  commerce  avec  la  France  a  été  le  suivant  :  importations  de 
France  :  fr.  3,448,()67.46;  exportations  pour  la  France,  Ir.  3  mil- 
lions 433,70i.8o.  soit  un  total  de  fr.  6,88-2,372.31. 

Les  importations  proviennent  par  ordre  d'importance,  d'Alle- 
magne (i,  110,000  Ir.),  de  France  (3,448,000  fr  ),  de  Lagos 
(3,117,000  ft.),  d'Angleterre  {1,370,000  fr.),  des  lîtats-Unis 
(24,000  fr  ),  etc. 

Les  exportations  élaient  destinées,  par  ordre  d'importance, 
pour  :  Lagos  (7,219,000  fr.  plus  8,000  fr.  d'exportations  directes 
pour  l'Angleterre),  France  (3,433,000  fr  ),  Allemagne  (2  millions 
127,000  fr.),  etc.  Le  mouvement  de  la  navigation  a  été  à  l'entrée 
de  4il  vapeurs  d'un  tonnage  de  398,500  tonneaux;  sur  ce  nom- 
bre, 126  anglais,  423  français,  183  allenmnds  et  9  italiens.  Le 
nombre  de  sortie  est  ideiiticjue. 

Le  budget  du  Dahomey,  pour  1900,  est  arrêté  comme  suit  : 

Recettes  : 

Conli'ibulioiis  iiidireotos fr.      1,806,000 

Produits  divers 44,000 

Impôts  indigènes 3.')0,000 

Total  des  HTcltes .  .     .  fr.      2,200,000 

Dépensées  : 

Dettes  exigibles fr.  .'5,600 

Services  îidministrotifs 433,01) 

Aftiiires  politiques  et  Indigènes 439,820 

Troupes  indigènes  et  police 227,155 

Services  financiers 268,476 

Divers  services 448.860 

Travaux  publics,  flottille,  ports  et  rades  .     .  539,220 

Service  de  santé 04.575.48 

Haut  Dahomey 483,238.43 

Dépenses  diverses  et  imprévues     ....  -160.047.09 

Total  des  dépenses    .     .  fr.      2,200,000.00 

Le  Dahomey  possède  une  ligne  côtière  très  peu  développée;  la 
largeur  de  la  colonie  est  seulement  de  120  à  150  kilomètres  de 
l'Est  à  rOuest,  tandis  qu  elle  pénètre  à  Tintérieur  des  terres  sur  une 


36S  ÉTUDES  COLONIALES 

distance  de  8  à  900  kilomètres  jusqu'au  bief  navigable  du  moyen 
Niger,  qui  s'éter.d  lui-même  sur  près  de  iOOO  kilomètres,  entre 
les  chutes  de  Zuider,  en  amont,  et  celles  de  Boussa  en  aval. 
Divers  cours  d'eau  se  jettent  dans  le  golfe  de  Bénin  :  l'Ouémé,  la 
rivière  Sô,  la  rivière  Couffo,  le  fleuve  Mono,  l'Agbadoch  l'Ocpa 
affluents  de  l'Ouémé,  mais  ces  cours  d'eau  ne  peuvent  pas  être 
utilisés  comme  voies  de  pénétration  à  l'intérieur  du  pays  ;  le  peu 
de  profondeur  des  eaux,  la  présence  de  rapides  nombreux,  rendent 
la  navigation  impossible  à  une  courte  distance  de  leur  embou- 
chure. 

Il  existe  en  ce  moment  en  France  un  très  vif  courant  qui 
entraine  les  autorités  gouvernementales  à  l'exécution  de  travaux 
publics  aux  colonies;  les  emprunts  conclus  pour  leur  réalisation 
se  succèdent  nombreux.  Rien  d  étonnant  donc  à  ce  que  le  projet 
d'un  chemin  de  fer  de  pénétration  de  la  côte  vers  l'hinterland  du 
Dahomey  ait  surgi.  Le  19  mars  1896  arrivait  à  Cotonou  une  mis- 
sion d'études  dirigée  par  le  chef  de  balaiirm  du  génie  Guyon, 
comprenant  comme  personnel  technique  les  capitaines  du  génie 
Pilonneau  et  Cambier,  le  lieutenant  Bachellery,  16  sous-offîciers 
et  soldats.  La  mission  eut  beaucoup  à  souffrir  de  sa  traversée  des 
marais  de  la  Lama.  Néanmoins  le  H  septembre  1^09  elle  avait 
terminé  son  travail.  La  côte  dahoméenne  est  rectiligne  ne  pré- 
sentant nulle  part  une  baier,  un  port  naturel  pouvant  servir  de 
refuge  aux  navires.  De  plus,  à  400  mèlres  du  rivage  se  fait  déjà 
sentir  la  barre,  qui  peut  seulement  être  franchie,  au  prix  de  multi- 
ples dangers,  parles  pirogues  conduites  par  les  indigènes. 

Pour  obvier  à  cet  inconvénient,  une  société  de  capitalistes  a  créé 
à  Cotonou  un  wharf  qui,  s'avançant  de  plus  de  300  mètres  dans  la 
mer,  permet  de  traverser  à  pied  sec  et  sans  danger  la  bande  hou- 
leuse déferlant  le  long  de  la  côte.  Aussi  la  mission  d'études  a-t-elle 
amorcé  son  chemin  de  fer  à  Cotonou  d'autant  plus  que  Cotonou 
est  la  seule  localité  de  la  côte  qui  communique  avec  Porto  Novo, 
la  capitale  du  pays,  par  le  lac  Nokoué. 

La  voie  ferrée  projetée  se  dirigera  de  Cotonou  vers  Paon,  oii 
elle  rencontrera  l'embranchement  venant  de  Ouidah  qui  la  fera 
communiquer  avec  la  lagune  navigable  de  Grand-Popo  à  Ouidah, 
avec  le  lac  Ahémé,  le  Couffo  et  le  Mono.  De  Paon,  la  ligne  se  pour- 
suit vers  Alîada  et  Toffb  à  travers  un  pays  très  fertile,  boisé,  en 


LE   DAHOMEY  363 

partie  couvert  de  palmiers,  où  de  vastes  cultures  tropicales  pour- 
raient être  établies.  Au  delà  de  Toflo  la  ligne  franchit  la  Lama  et 
pénètre  dans  le  royaume  d'Abome\ ,  qu'elle  traverse  en  se  dirigeant 
ver  Atchérilié  sur  la  rivière  Zou.  Plus  au  Nord  la  ligne  traverse 
les  provinces  de  Paouignan,  Agouagon,  Savé,  Tcliaourou.  Au  delà 
de  Tcliaourou  les  pâturages  du  Niger  renferment  de  nombreux 
bestiaux  qui  seront  d'un  écoulement  lacile  lorsqu'on  pourra  les 
amener  à  la  côte.  Le  projet  admet  que  pour  les  marchandises  de 
peu  de  valeur  relativement  à  leur  poids,  le  tarif  ne  devrait  pas 
dépasser  le  prix  de  70  centimes  par  tonne  kilométrique.  Pour  les 
marchandises  riches  comme  le  caoutchouc,  le  calé,  etc.,  le  chiffre, 
de  2  francs  pourrait  être  choisi.  D'après  les  évaluations  du  projet, 
la  recette  kilométrique  probable  serait  alors  de  13  à  14,000  francs 
au  tarif  de  70  centimes.  Si  Ton  déduit  de  ces  chiffres  les  Irais 
d'exploitation,  soit  au  maximum  5,000  francs  par  kilomètre,  on 
peut  en  conclure  que  la  recette  nette  kilométrique  serait  au  moins 
de  8,000  francs. 

Le  comité  des  travaux  publics  des  colonies  a  estimé  le  prix  total 
de  la  construction  à  60,000  francs  par  kilomètre.  Si  l'on  déduit 
de  ce  chiffre  la  valeur  des  terrassements  déjà  faits,  on  arrive  à 
une  somme  de  57,000  francs  pour  terminer  la  voie  ferrée;  soit 
au  total  40  millions  environ. 

On  recommande  la  construction  de  ce  chemin  de  ier  par  une 
compagnie  concessionnaire.  Celle-ci  devrait  rémunérer  un  capital 
de  40  millions  de  francs  à  6  p  c.  (ce  taux  est  nécessaire  pour 
compenser  l'insuffisance  inévitable  des  revenus  pendant  les  pre- 
mières années).  Les  recettes  d'exploitation  n  étant  évaluées  qu'à 
1,500,000  francs,  le  déficit  de  900,000  francs  sur  le  revenu 
nécessaire  de  2,400,000  francs  serait  obtenu,  non  pas  sous  la 
forme  onéreuse  de  garantie  d'intérêts,  mais  sous  celle  de  conces- 
sions territoriales.  On  (aïeule  que  si,  par  kilomètre  de  ligne 
exploitée,  la  compagnie  recevait  25  hectares  de  terrain  au  Sud  de 
Dam  et  200  hectares  au  Nord  de  ce  village,  la  recette  correspon- 
dante, après  la  mise  en  valeur,  serait  de  7,750  fr.,  soit  pour  toute 
la  ligne  jusqu'au  Niger,  5  1/2  millions  qui  ajoutés  aux  recettes  de 
l'exploitation,  porteraient  le  bénéfice  annuel  à  7  millions,  pour 
une  mise  de  fonds  totale  de  40  millions;  soit  plus  de  17  p.  c.  Il 
nous  semble  qu'il  y  a  un  «  trou  »  dans  cet  exposé  :  on  néglige  de 


364  ETUDES   COLONIALES 

tenir  compte  du  capital  rendu  nécessaire  par  la  mise  en  valeur  des 
terrains  concédés,  capital  qui  sera  nécessairement  considérable. 

Toutefois,  re  n'est  pas  au  système  de  concession,  à  Tinitiative 
privée,  que  semble  s'être  arrêtée  TAdministration  coloniale  fran- 
çaise. La  colonie  dispose  'annuelément  dune  subvention  de 
500,000  francs  pour  ce  chemin  de  fer.  On  pourrait,  avec  cette 
somme,  garantir  un  emprunt  de  10  millions,  ressource  reconnue 
suffisante  pour  construire  180  kilomètres  de  voie  ferrée 

Les  receltes  locales  de  1899  se  sont  élevées  à  la  somme  de 
2,7Go,850  francs,  dépassant  de  86'),8')0  francs  les  recettes  prévues 
au  budgel  de  la  colonie. 

Cet  excédent  de  recettes  a  été  versé  à  la  caisse  de  réserve  et 
servira,  avec  les  500,000  francs  inscrits  annuellement  au  budget 
ordinaire,  à  subvenir  aux  frais  de  construction  de  l'infrastructure 
du  chemin  de  fer  que  la  colonie  établira  elle-même,  sans  avoir 
recours  au  moindre  emprunt  de  la  métropole. 

Les  travaux  de  débroussaillemcnt  et  de  piquetage  de  la  ligne 
sont  commencés  depuis  le  mois  d  octobre  1899.  Les  travaux  de 
terrassements  de  la  plate-forme  commenceront  à  partir  du  l*"'  mai 
prochain.  On  ne  peut  assez  souhaiter  l'avancement  de  ce  raiiway 
L'exemple  de  la  prospérité  que  le  chemin  de  fer  du  Congo  belge  a 
répandue  dans  les  territoires  de  l'Iitat  Indépendant  ne  doit  pas  être 
perdu  pour  les  autres  colonies.  La  situation  du  Dahomey  serait 
singulièrement  amélioiée  par  un  chemin  de  fer  unissant  la  partie 
navigable  du  Niger  à  l'Océan. 

On  peut  tirer  une  conclusion  des  renseignements  que  les  der- 
niers écrits  sur  le  Dahomey  nous  doinient;  celui-ci  apparaît 
comme  une  des  plus  belles  colonies  africaines  de  la  Franco,  rela- 
tivement saine  et  propre  aux  exploitations  d'agriculture  coloniale. 
La  population  est  dense,  pacifique,  de  sorte  qu'avec  du  tact,  le 
troublant  problème  de  la  main-d'œuvre  y  peut  recevoir  une  solu- 
tion satisfaisante.  Ce  sont  là  des  avantages  que  les  capitalistes 
semblent  cependant  n'avoir  pas  apprécié  à  leur  juste  valeur.  Les 
entreprises  européennes  du  Dahomey  sont,  en  somme,  peu  nom- 
breuses; le  capital  qui  s'y  consacre  est  très  restreint. 


CHRONIQUE 


GENERALITES 


Capitaux  allemands  dans  les  entreprises  d'outre-mer.  —  Le 
ministère  de  la  marine  en  Allemagne  s'est  livré  à  une  enquête  sur  Timpor- 
tancedes  capitaux  allemands  engagés  à  l'étranger.  Ce  travail  ne  donne 
qu'une  idée  approximative  du  sujet;  dans  bien  des  cas,  il  a  été  impos- 
sible d'arriver  à  des  constatations  absolument  sûres.  Quoi  qu'il  en 
soit,  les  chiffres  cités  sont  loin  d'être  dépourvus  d'intérêt.  Il  n'a  pas 
été  tenu  compte,  dans  ce  travail,  des  capitaux  placés  en  Europe,  à 
l'exception  de  la  Turquie,  ou  dans  les  colonies  allemandes  ou  dans 
les  Etats-Unis  de  l'Amérique  du  Nord.  Pour  ceux-ci,  on  évalue 
l'imporlance  des  capiaux  allemands  à  deux  milliards  environ. 

On  estime  que  l'Amérique  du  Sud  a  reçu  de  i  3/4  à  2  milliards  de 
marks,  de  l'Allemagne,  dont  un  quart  s'est  dirigé  ves  la  cote  occiden- 
tale et  dont  le  reste  se  partage  entre  la  République  Argentine  et  la 
côte  orientale.  Ces  capitaux  ont  été  consacrés  pour  la  majeure  partie 
—  les  deux  tiers  —  àdes  buts  commerciaux.  L'acquisition  de  propriétés 
et  de  plantations  intervient  pour  une  forte  part  dans  cette  somme; 
p<ir  contre,  les  capitaux  consacrés  à  l'industrie  n'ont  pas  encore  atteint 
le  même  développement. 

Les  pays  et  les  îles  de  l'Amérique  centrale,  y  compris  les  états  sud 
américains  de  la  mer  des  Caraïbes  et  le  Mexique,  qui,  en  fait,  ofl*rent 
à  l'activité  allemande  une  sphère  d'égale  étc^ndue,  possèdent  pour 
1,000  à  1,200  millions  de  capital  allemand. 

Si  l'on  ajoute  aux  chiffres  qui  précèdent,  le  placomont  fait  dans  les 
Etats-Unis  et  dans  l'Américjue  l)ritanni(|ue  du  Nord,  on  constate  q\u\ 
le  continent  américain  pris  dans  son  ensemble,  représente  pour 
l'Allemagne  un  intérêt  de  i  1  i2  à  5  milliards. 

Dans  l'Océan  Pacifique,  les  CÂipilaux  allemands  se  sont,  jusqu'à 
présent,  conœntrés  principalement  sur  le  continent  australien.  Des 
î>50  à  600  millions  que  ces  contrées  ont  reçus,  les  cinq  sixièmes  sont 


366  ÉTUDES   COLONIALKS 

placés  sur  lo  continent  et  ont  été  consacrés  pour  la  moitié  à  des 
entreprises  industrielles,  minières  et  agricoles,  et  pour  l'autre  moitié 
aux  intérêts  commerciaux. 

En  Asie,  y  compris  le  Levant,  le  montant  des  capitaux  allemands 
s'élève  à  près  de  un  milliard  et  se  répartit  pour  un  bon  tiers  sur  l'Asie 
orientale;  pour  un  quart  sur  l'Inde  anglaise  et  sur  les  Indes  néerlan- 
landaises  ainsi  que  sur  les  Philippines;  les  deux  cinquièmes  restants 
échoient  à  l'empire  turc  ;  une  partie  de  ces  derniers  capitaux  étendent 
toutefois  leur  action  sur  l'Europe  et  l'Afrique.  C'est  aussi  dans  cette 
dernière  région  que  l'augmenlation  des  placements  a  été  le  plus 
sensible. 

En  Orient  comme  en  Chine,  les  capitaux  se  sont  principalement 
dirigés  vers  les  entreprises  de  chemins  de  fer  et  vers  l'industrie.  Dans 
les  autres  contrées,  exception  faite  cependant  pour  la  fertile  région 
des  Moluques,  ce  sont,  au  contraire,  les  établissements  de  crédit  et  de 
commerce  qui  prédominent  fortement. 

L'Afrique  a,  abstraction  faite  de  l'Egypte  et  des  colonies  allemandes, 
absorbé  plus  d'un  milliard  de  marks;  elle  se  trouve  donc  sur  le  même 
pied  que  l'Asie.  La  presque  totalité  de  cette  somme  est  engagée  dans 
les  entreprises  minières  du  ïransvaal.  Moins  d'une  centaine  de  mil- 
lions reviennent  aux  régions  cûtiéres  du  nord,  de  l'ouest  et  de  l'est  de 
l'Afrique. 

Le  total  général  des  capitaux  allemands  placés  dans  ces  différents 
pays  est  donc  de  7  à  7  1/2  milliards.  Les  revenus  que  produit  cette 
somme  sont  inconnus.  Il  n'est  pas  possible  de  les  évaluer  même 
approximativement.  En  admettant  un  taux  moyen  de  six  pour  cent, 
qui  pour  un  grand  nombre  d'entreprises  d'outre-mer  est  beaucoup 
trop  faible  et  qui,  d'autre  part,  tient  compte  tant  des  placements 
moins  avantatageux  que  du  fait  qu'une  certaine  partie  des  intérêts 
reste  à  l'étranger,  on  pourrait  évaluer  de  iî20  à  450  millions  de  marks, 
la  somme  dont  le  revenu  annuel  de  l'Allemagne  s'accroît  graco  aux 
placements  du  capital  national  dans  les  entreprises  d'outre-mer. 

L'expédition  de  (c  l'Albatros  »  dans  l'Océan  Pacifique  —  La 
chaloupe  de  pêche  à  vapeur  à  bord  de  laquelle  se  trouve  le  professeur 
Al.  Agassiz,  chef  de  la  section  scientifique  de  l'expédition,  se  trouve 
actuellement  dans  l'Océan  Pacifique,  où  elle  procède  à  des  sondages. 

Le  bateau,  qui  a  quitté  San-Francisco,  le  23  août  1899,  est  arrivé,  le 
30  septembre  à  Tahiti  et  le  12  octobre,  à  Suwa  (Iles  Fidji)  d'où  il 
s'est  dirigé  sur  Yokohama.  D'après  une  communication  envoyée  par 
le  chef  de  l'expédition  aux  «  Petermanns  Mittheilungen  »  250  son- 


CHRONIQUE  367 

dages  avaient  été  pratiqués  avant  l'arrivée  à  Suwa.  Il  en  résulte 
qu'on  a  constaté  la  présence  d'une  dépression  de  4,600  â  5,300  mètres 
au  nord  des  îles  Marquises  entre  le  24.5  degré  latitude  N.  et  le  6.5 
degré  latitude  S.  dans  une  région  où  Ton  n'avait,  pour  ainsi  dire,  pas 
encore  pratiqué  de  sondages.  Au  sud-est  de  Tonga,  on  a  découvert  des 
profondeurs  de  8,303  et  de  7,977  mètres  et  on  a  pu  descendre  avec 
succès  la  traîne  à  7,626  mètres.  Déjà  auparavant,  on  avait  relevé  dans 
cette  région  des  profondeurs  énormes,  allant  jusqu'à  9,000  mètres  et 
au-dessus. 

Le  professeur  Agassiz  écrit  qu'à  7,626  mètres,  il  a  retiré  de  la  mer 
un  limon  noirâtre  contenant  des  radiolaires  et  des  fragments  d'une 
sorte  de  grande  éponge  contenant  du  gravier.  M.  Agassiz  dit  encore 
que  la  partie  la  plus  intéressante  de  ses  recherches  s'est  faite  sur  les 
récifs  de  corail  des  îles  Paumotu,  de  la  Société,  Cook  et  Tonga.  Mais 
il  n'ajoute  pas  si  ses  observations  confirment  ou  infirment  la  théorie 
que  son  père  et  lui  professent  au  sujet  de  la  formation  des  bancs 
de  corail. 


AFRIQUE 


Afrique  occidentale.  La  région  du  maximum  de  pluie.  — 

Il  résulte  d'observations  faites  régulièrement  depuis  1895,  sur  la  quan- 
tité depluietombceàDebundscha,situéesur  le  flanc  occidental  du  mont 
Kameroun,  que  cette  localité  est,  jusqu'à  présent,  la  plus  pluvieuse 
de  l'Afrique  et,  à  part  une  autre,  la  plus  pluvieuse  du  globe.  La 
pluie  excessive  de  1895  avait  été  considérée  comme  un  phénomène 
anormal,  mais  les  années  suivantes  ont  montré  qu'il  n'en  était  rien, 
car  la  quantité  de  pluie  tombée  pendant  ces  dernières,  a  légèrement 
dépassé  le  chiffre  de  1895.  Les  Mittheilungen  nus  den  deiitschen  schutzge- 
bieten  donnent  les  résultats  des  observations  faites  en  1898,  ainsi  que 
les  chiffres  comparatifs  des  trois  années  précédentes,  La  moyenne 
des  quatre  années  est  de  9,462  millimètres.  Des  observations  faites 
dans  une  autre  station  de  la  même  région,  s'ac<îordcnt  parfaitement 
avec  celles  de  Debundscha.  Il  est  tombé  annuellement  dans  cette  der- 
nière, 9,344  millimètres  d'eau.  Les  plus  grands  nombres  se  remar- 
quent de  juin  à  octobre.  Les  plus  petits  en  décembre  et  janvier.  On  a 
relevé  plus  d'une  fois  30  millimètres  de  pluie  en  une  seule  nuit.  Cette 
chute  considérable  de  pluie  semble  se  rencontrer  sur  un  petit  espace, 
car  les  chiff*res  fournis  par  d'autres  stations  de  la  même  région  sont 

i 


368  ÉTUDES   COLONIALES 

beaucoup  moins  élevés.  Sur  la  rivière  de  Kameroun,  la  moyenne  des 
cinq  années  1804-1898  n'a  été  que  de  3,997  millimétrés. 

Les  chemins  de  fer  dans  les  colonies  anglaises  de  l'Afrique 
occidentale.  —  Les  détails  qui  suivent  sont  empruntés  à  une  confé- 
rence faite,  au  mois  de  février  dernier,  par  M.  Frédéric  Shelford,  à  la 
Chambre  de  commerce  de  Liverpool.  M.  Shelford  s'est  successivement 
occupé  des  chemins  de  fer  existants,  projetés  ou  en  voie  de  construc- 
tion dans  les  colonies  de  Gambie,  de  Siorra-Leone,  de  la  Côte  d'Or 
et  de  Lagos. 

Gambie.  —  Cette  colonie  ne  possède  qu'une  surface  très  restreinte  : 
200  milles  de  longueur  sur  30  ou  40  de  largeur.  On  n'a  jamais  pro- 
posé d'y  construire  de  chemin  de  fer,  la  rivière  suHisant  à  tous  les 
besoins  des  transactions. 

Sierra-Leone.  —  Cette  colonie  possède  un  excellent  port  naturel, 
un  des  plus  beaux  du  monde,  i^es  steamers  déchargent  leurs  cargai- 
sons dans  des  allèges  qui  n'ont  (jue  quelques  centaines  de  yards 
à  parcourir  pour  déposer  les  marchandises  le  long  d'un  quai.  Il  est  à 
espérer  que  l'on  fera  bientôt  la  dépense  relativement  modérée  de  la 
construction  d'un  wharf,  permettant  aux  navires  d'opérer  leur  dé- 
chargement directement. 

Le  premier  objet  qui  frappe  la  vue  du  passager  ilébarquant  à 
Sierra-Leone,  est  le  chemin  de  fer  qui  vient  aboutir  au  débarcadère. 
Au-dessus  de  celui-ci,  se  trouve  le  bureaux  de  la  ligne,  tandis  que  les 
ateliers,  les  hangars  et  les  autres  dépendances  sont  situés  à  un  mille 
et  demi  plus  loin,  à  Clinetown. 

Le  chemin  de  fer  de  Sierra-Lf^one  a  un  écurtement  de  2  pieds 
6  pouces.  II  a  été  commencé  en  1891)  et  terminé  à  la  fin  de  1898,  mais 
il  n'a  été  ouvert  au  trafic  que  le  i*""  mai  1899.  La  construction  de  la 
voie  a  subi  de  grands  retards,  par  suite  de  la  révolte  à  propos  de  la 
taxe  sur  les  huttes.  Cette  sédition  causa  une  cessation  complète  des 
travaux  pendant  la  partie  la  plus  favorable  de  la  saison  sèche  et, 
d'autre  part,  la  grève  des  mécaniciens  anglais  empêcha  l'envoi  des 
machines  et  autre  matériel.  La  voie  traverse  une  contrée  extrêmement 
accidentée.  On  n'y  rencontre  pas  moins  de  onze  grands  viaducs  sur 
les  dix-huit  premiers  milles.  Leur  construction  a  également  été  une 
c<mse  de  lenteur  dans  l'avancement  des  travaux.  La  longueur  de  la 
ligne  actuellement  ouverte  est  de  32  milles  (Songotown)  et  une  nou- 
velle section,  allant  jusqu'à  Rotofunk',  est  maintenant  en  con- 
struction. 


CHRONIQUE  369 

Eu  1894,  en  avait  procédé  à  un  examen  sommaire  du  pays  à  partir 
de  Songotown  vers  Bumban,  dans  la  direction  du  nord,  on  passant 
par  Kokell,  mais  le  gouverneur  de  la  colonie,  sir  Frédéric  (^aniew, 
ayant  découverl,  plus  au  sud,  une  région  riche  en  huile  de  palme  et 
bien  peuplée,  il  fut  décidé  de  pousser  la  ligne  dans  celte  direction  et 
de  la  mener  de  Songolown  à  Kolofunk.  Des  études  faites  en  1899 
semblent  démontrer  qu'il  ne  serait  pas  difficile  de  créer  une  ligne 
légère  se  dirigeant  du  point  terminus  de  la  voie  actuelle  jusqu'à  Bo, 
qui  se  trouve  à  une  distance  de  80  1/2  milles. 

Le  chemin  de  fer  actuel  n'est  susceptible  de  desservir  qu'une  sur- 
face peu  étendue.  Sa  prolongation  jusqu'à  Bo  lui  permettrait,  au  con- 
traire, de  mettre  en  valeur  une  aire  d'environ  5,000  milles  carrés  qui, 
à  présent,  n'envoie  peut-être  pas  le  moindre  produit  sur  les  marchés 
de  Freetown  ou  des  autres  localités  do  la  côte. 

Cote  d'Or.  —  Des  études  en  vue  de  l'établissement  de  chemins 
de  fer  ont  été  faites  sur  la  Côte  d'Or,  dans  toutes  les  directions. 
En  1894,  on  étudia  le  tracé  d'une  ligne  allant  de  Oda  (Insuaim) 
à  Apam  (53  milles);  en  1897,  celui  d'une  ligne  se  dirigeant  de  Accra 
à  Oda  (77  milles)  et  d'une  ligne  allant  de  Accra  à  Apam  (42  milles). 
On  fit  aussi  une  élude  préliminaire  de  la  région  qui  se  trouve  entre 
Oda  et  Kumasi  (103  milles),  à  la  fois,  en  suivant  une  route  occiden- 
tale près  du  lac  Busumchwi  et  en  suivant  une  route  orientale.  Dans 
la  même  année,  des  études  furent  faites  entre  Accra  et  Pong,  sur  la 
Volta,  et  de  Sekondi  à  Tarkwa.  Celte  dernière  ligne  fut  autorisée  et 
rx)mmencée  en  1898. 

On  prétend  que  la  route  de  Sekondi  à  Kumasi  est  bien  supérieure  à 
celle  d'Accra.  Cette  dernière  présente  un  grand  nombre  d'obstacles. 
A  40  milles  d'Accra,  on  rencontre  une  colline  et  après  avoir  traversé 
la  rivière  Prah,  on  arrive  dans  une  région  très  accidentée,  à  travers 
laquelle  il  est  presque  impossible  d'établir  un  chemin  de  fer.  La 
population,  par  contre,  est  considérable  et  le  commerce  en  produits 
agricoles  et  forestiers  est  peut-être  aussi  important  que  celui  que 
pourrait  offrir  la  route  de  Tarkwa. 

Il  i>'y  aurait  pas  de  grandes  difficultés  à  étendre  la  ligne  Sekoudi- 
Tarkwa  jusqu'à  Kumasi.  Lecoûtde  cotteligne  serait  d'environ  5,0001iv. 
st.  à  5,500  par  mille,  et  la  contrée  est,  en  général,  plus  aisée 
qu'entre  Sekoudi  et  Tarkwa.  La  distance  de  Tarkwa  à  Kumasi  (»st  de 
141  milles;  la  longueur  totale  de  la  ligne  serait  donc  de  181  milles. 
I^e  pays  que  cette  voie  aurait  à  traverser  est  couvert  de  forêts  et  un 
grand  nombre  de  c^urs  d'eaux  et  de  marais  doivent  être  franchis.  On 


370  ÉTUDES   COLONIALES 

peut  espérer  tirer  de  ces  régions  une  quantité  considérable  d'ituile  et 
de  noix  de  palme  ainsi  que  de  caoutchouc. 

Dans  Test  de  la  colonie,  des  études  ont  été  faites,  comme  il  a  été  dit 
plus  haut,  entre  Accra  et  Pong.  11  en  résulte  que  l'établissement  d'une 
ligne  entre  ces  deux  points  n'offrirait  pas  de  difficultés.  La  végétation 
que  Ton  rencontrerait  en  route  est  peu  dense;  les  travaux  de  terrasse- 
ment ne  seraient  pas  très  importants  et  la  population  que  l'on  pourrait 
employer  est  très  considérable!  Le  but  de  la  ligne  serait  d'amener  à 
Accra  la  grande  quantité  d'huile  et  de  noix  de  palme,  ainsi  que  de 
caoutchouc,  que  les  indigènes  n'apportent  pas  au  marché  à  présent, 
parce  qu'ils  trouvent  que  l'opération  n'est  pas  assez  rémunératoire. 
Cette  ligne  pourrait  aussi  transporler  les  produits  qui  descendent  la 
Volta  et  servir  également  de  moyen  de  communication  entre  Accra  et 
Aburi,  la  station  sanitaire  de  la  colonie. 

La  ligne  de  Sekoudi  à  Kumasi  et  celle  d'Accra  à  Pong  desserviraient 
respectivement  les  parties  occidentale  et  orientale  de  la  colonie.  Il 
resterait  encore  à  s'occuper  de  la  riche  contrée  qui  s'étend  autour  de 
Insuaim  ou  Oda,  où  l'huile  et  les  noix  de  palme  sont  en  abondance  et 
dont  la  nombreuse  population  est  très  industrielle.  Il  semble  donc 
que  l'un  ou  l'autre  jour,  la  nécessité  de  construire  une  ligne  entre 
Apam  et  Insuaim  s'imposera. 

Lagos.  —  La  ville  de  Lagos  proprement  dite,  dont  la  population 
est  de  40,000  âmes  au  moins,  se  trouve  dans  une  île  au  milieu  d'une 
lagune.  En  1895,  des  études  furent  faites  dans  la  colonie  de  Lagos  et 
dans  son  hinterland.  La  longueur  des  tracés  examinés  en  cette  année 
est  très  étendue.  Les  ingénieurs  allèrent  de  Lagos  à  Otta;  de  là  à 
Haro,  Abookuta,  Ibahan  et  lebu  Ode.  Il  a  été  décidé  de  construire  une 
ligne  de  Lagos,  t;ia  Otta  à  Abeokuta,  qui  possède  150,000  habitants,  et 
de  là  à  Ibahan,  qui  compte  environ  180,000  âmes.  La  population  est 
aussi  très  dense  le  long  de  la  route. 

La  ligne,  dont  l'écartement  est  de  3  pieds  6  pouces,  a  été  commencée 
en  1896,  et  d'importants  chantiers  ont  été  ouverts  dans  l'île  de  Iddo 
et  sur  le  continent.  Les  travaux  de  terrassement  sont  achevés  main- 
tenant jusque  Ibadan.  La  ligne  d'Abeokuta  a  été  ouverte  le  i«'  août 
dernier.  L'avancement  de  la  section  Abeokuta-lbadan  a  été  extrême- 
ment rapide.  En  sept  mois,  on  a  exécuté  41  milles  et  demi  de  terras- 
sement. 

Outre  Obeokuta  et  Ibahan,  qui  sont  des  localités  de  dimensions 
énormes,  il  existe  encore  plus  au  nord  d'autres  villes  de  grande  éten- 
due. Parmi  ces  dernières  se  trouvent  Oyo,  avec  une  population  de 


CHRONTQUR  371 

60,000  habitants;  Ogbomosho,  qui  en  compte  30,000,  et  Ilorin,  qui 
en  possède  70,000.  On  dit  que  hi  région  qui  s'étend  au-delà  de  Iba- 
dan  est  beaucoup  plus  découverte  quejcelle  qui  a  été  relevée  récem- 
ment, et  il  résulte  des  observations  faites  par  sir  Gilbert  Carter,  au 
cours  de  son  expédition  dans  cette  contrée  en  1892,  qu'il  n'y  aurait 
pas  d'obstacles  insurmontables  à  la  prolongation  du  chemin  de  fer 
jusqu'au  Niger. 

Le  protectorat  de  la  côte  du  Niger.  —  Il  résulte  du  rapport 
présenté  par  sir  Kalph  Moor,  commissaire  et  consul  général  du  pro- 
tectorat de  la  côte  du  Niger,  que  les  receltes  de  la  colonie  se  sont 
élevées,  en  1898-99,  à  169,567.18  liv.  st.,  dont  160,669.13  liv.  st., 
proviennent  des  droits  de  douanes.  A  cette  somme,  il  faut  ajouter  la 
balance  de  l'année  précédente,  soit  13,159  liv.  st.,  ce  qui  porte  le 
total  des  receltes  à  182,727.17  liv.  st.  Les  recettes  de  1898-99  accusent 
une  augmentation  sensible  sur  celles  de  l'exercice  précédent.  La 
cause  s'en  trouve  dans  l'importation  considérable  d'objets  soumis  aux 
droits  d'entrée  qui  a  eu  lieu  au  mois  de  mars  1899  et  qui  a  été  déter- 
minée p<ir  la  crainte  d'une  revision  du  tarif  douanier. 

Les  dépenses  ont  été,  en  1898-99,  de  146,751.17  liv.  st.  Il  est  donc 
resté  en  caisse  un  boni  de  35,976  liv.  st.  Il  y  a  eu  cependant  des  aug- 
mentations de  dépenses  dans  certaines  branches  de  l'administration, 
notimiment  dans  celle  de  la  marine.  Ce  dernier  département  se  charge 
de  tous  les  transports  du  gouvernement  et  a,  par  suite,  dû  acquérir 
deux  nouvelles  embarcations. 

L'exercice  écoulé  n'a  vu  naîlre  aucune  législation  quelconque.  L'ac- 
tivité du  gouvernement  s'est  tout  entière  concentrée  sur  l'organisation 
des  tribunaux  consulaires  et  indigènes.  Il  existe  dans  la  colonie  huit 
cours  consulaires.  Elles  ont  jugé,  durant  l'année,  486  affaires  et  pro- 
noncé 349  condamnations.  L'année  précédente,  les  chiffres  avaient 
été  respectivement  de  655  affaires  et  545  condamnations.  On  peut  en 
conclure  qu'il  s'est  produit  une  amélioration  parmi  les  gens  soumis  à 
la  juridiction  de  ces  tribunaux. 

11  y  a  ensuite  vingt-trois  tribunaux  indigènes  qui  sont  placés  sous 
la  direction  d'un  magistrat  et  des  chefs  de  district.  On  compte  que 
ces  tribunaux  rendront  de  grands  services  en  matière  adminisiralive 
et  qu'ils  serviront  à  enseigner  aux  indigènes  les  principes  de  la  jus- 
tice européenne. 

Le  nombre  des  navires  qui  ont  visité  la  colonie  est  de  375  contre 
340,  l'année  précédente.  Le  commerce  total  s'est  élevé  à  l,507,287liv. 
st.  Une  valeur  de  1,457,340  liv.  st.,  c'est-à-dire  les  96,6  p.  c,  a  été 
transporlée  sojis  pavillon  anglais. 


372  ÉTUDES   COLONIALKS 

Lo  service  postal  a  pris  de  Textension,  ce  qui  est  dû  à  rintroductiou 
de  la  taxe  d'un  penny  par  lettre  et  à  la  réduction  du  port  pour  les 
colis  postaux.  Les  communications  vers  Tintérieur  liiissent  beauœup 
à  désirer.  Il  n'existe  pas  de  chemin  de  fer  et  la  construction  de  routes 
est  très  difficile,  eu  égard  à  l'absence  complète  de  matériel.  On  a 
toutefois  commencé  à  établir  quehjuos  routes  dans  le  district  d'Opobo 
et  dans  les  territoires  de  Bénin. 

Togoland.  Industrie  du  fer.  —  M.  Hupi'eld  donne,  dans  les 
Mittheilungen  atisden  Deuischen  Schutzgebieten,  un  aperçu  de  l'indus- 
trie du  fer  telle  qu'elle  est  pratiquée  par  les  indigènes  du  Togoland. 
On  trouve  du  minerai  de  fer  partout  dans  les  schistes  cristallins  dont 
se  compose  la  zone  des  montagnes  s'étcndant  au  Nord-Est  et  au  Nord 
de  la  colonie.  Bien  que  l'on  aperçoive,  en  de  nombreux  endroits  de 
cette»  zone,  des  vestiges  d'anciennes  exploitations,  l'industrie  ne 
s'exerce  plus  de  nos  jours  que  dans  les  deux  districts  de  Basari  an 
Nord  et  de  Boem  au  centre.  La  production  est  plus  forte  dans  la  pre- 
mière de  ces  régions,  qui  est  un  pays  de  collines  isolées  plutôt  que  de 
chaînes  de  montagnes.  Les  habitants  parlent  un  langage  qui  diffère 
de  celui  de  leurs  voisins,  mais  qui  présente  certiiines  analogies  avec 
celui  des  Gurmas,  qui  habitent  plus  au  Nord.  Ils  ont  la  haine  de 
l'étranger  et  n'ont  guère  subi  l'influence  des  Mahomélans  ou  des 
Européens.  L'industrie  reste  donc  dans  une  situation  primitive.  Dans 
le  district  de  Boem,  la  production  va  en  diminuant  par  suite  de  l'im- 
portation du  fer  d'Europe  (spécialement  d'Angleterre).  Le  métier  de 
forgeron  subsistera  toutefois,  mais  subira  probablement  certaines 
modifications. 

Soudan  égsrptien. —  Dans  son  rapport  sur  la  situation  de  l'Egypte, 
en  1899,  lord  Cromer  dit  que  l'on  comptait  voir  le  chemin  île  fer  du 
Soudan  atteindre  Halfaya,  qui  se  trouve  à  la  jonction  du  Nil  bleu  et 
et  du  Nil  blanc,  en  face  de  Khartoum,  dans  le  courant  du  mois  de 
septembre  dernier.  Des  retards  sont  cependant  survenus.  Le  pont  de 
l'Atbara  a  pris  plus  de  temps  pour  être  établi  qu'on  n'avait  calculé  et, 
d'autre  part,  de  fortes  pluies  ont  endonnnagé  la  voie  en  maint 
endroit.  La  ligne  n'a  donc  pu  être  ouverte  qu'au  31  décembre  1809. 
On  a  pris  des  dispositions  pour  élablir  dus  ponts  et  des  caniveaux,  de 
manière  à  éviter  des  interruptions  de  trafic  par  suite  de  pluies. 

Lord  (>ronier  ajoute  que,  dans  son  dernier  rapport,  il  avait  émis 
l'idée  d'étendre  la  ligne  jusqu'à  Abu-Haraz.  Cette  direction  reste  celle 
qui  lui  paraît  le  plus  convenable,  mais  il  propose  d'abaniioiiner  ce 


CHRONIQUE  378 

projet  pour  le  moment  et  de  consacrer  toutes  les  ressources  dis- 
ponibles à  rnmélioration  de  la  partie  de  la  ligne  actuellement 
construite. 

Le  chemin  de  fer  de  Beira.  —  La  création  du  chemin  de  fer  de 
Bcira,  qui  attire  actuellement  l'attention,  est  le  résultat  d'un  arrange- 
ment conclu  entre  la  Grande-Bretagne  et  le  Portugal,  le  11  juin  1891. 
Cette  convention  avait  principalement  pour  but  de  fixer  les  frontières 
entre  les  possessions  des  deux  pays,  à  la  suite  de  l'occupation  des  ter- 
ritoires de  Lobengula  par  la  Bntish  South  Africa  Company.  Le  gou- 
vernement portugais  s'engageait  à  construire  un  chemin  de  fer, 
destiné  à  relier  la  Khodésia  à  Beira,  et  à  ne  pas  imposer,  sur  les  mar- 
chandises transportées,  un  droit  de  transit  supérieur  à  3  p.  c.  La 
concession  de  la  ligne  fut  accordée  à  la  Compagnie  du  Mozambique, 
qui  la  transféra  plus  tard  à  la  Beira  Raiiway  Company,  société  anglaise 
enregistrée  à  Londres.  La  ligne  fut  construite  entre  Be«ra  et  la  fron- 
tière portugaise  (Umtaii,  à  cette  époque)  par  sections.  Elle  fut  terminée 
en  1898.  La  longueur  totale  de  la  voie  est  de  2<*3  milles.  Elle  est  plus 
étendue  qu'on  ne  l'avait  prévu  ;  d'abord,  parce  que  la  frontière  portu- 
gaise a  été  reculée  de  17  milles  vers  l'Ouest,  et  ensuite  à  cause  des 
détours  que  la  ligne  a  dû  faire  par  suite  de  la  nature  montueuse  du 
pays.  C'est  ainsi  qu'entre  Fontesvilla  et  Chimoio,  la  distance  à  vol 
d'oiseau  est  de  75  milles,  tandis  que  la  ligne  fait  120  milles.  La  voie 
s'élève  constamment  depuis  Beira  jusqu'à  Umtaii,  où  elle  atteint  une 
altitude  de  3,450  pieds.  La  vitesse  moyenne  des  trains  de  passagers 
n'est  que  de  12  milles  à  l'heure  et  celle  des  trains  de  marchandises  de 
10  milles.  Le  voyage  entier  de  Beira  à  Umtaii,  prend  généralement 
deux  jours.  On  passe  la  nuit  à  l'un  ou  l'autre  point  d'arrêt. 

A  Umtaii,  la  ligne  se  relie  à  celle  de  la  Mashonaland  Raiiway 
Company,  qui  s'étend  jusqu'à  Salisbury,  capitale  de  la  Rhodésia, 
située  à  170  milles  de  là.  Salisbury  est  donc  relié  à  Beira  par  une 
ligne  de  373  milles  et  au  Cap  par  une  ligne  de  1,350  milles.  La  ligne 
Beira-Umtali  avait  été  construite  à  un  écartement  de  deux  pieds, 
tandis  que  celles  de  Umtali-Salisbury  a  un  écartement  de  trois  pieds 
six  pouces.  On  s'occupe  maintenant  de  transformer  la  voie  de  Beira- 
Umtali,  de  manière  à  la  faire  correspondre  à  cette  dernière. 

Le  chemin  de  fer  de  Beira  traverse  un  pays  insalubre.  Beira,  elle- 
même,  est  une  petite  ville  située  sur  une  langue  de  terre  qui  s'avance 
dans  la  mer,  de  sorte  qu'elle  est  menacée  à  tout  instant  d'être  engloutie 
par  les  flots.  Elle  est  habitée  par  500  blancs  et  près  de  1,500  indi- 
gènes. Ses  caractéristiques  sont  :  chaleur,  poussière  et  malpropreté. 


374  •  ÉTUDES   COLONIALES 

La  ville  n'est  pas  saine,  mais  sa  situation  serait  bien  pire  encore  si  elle 
n'était  pas  constamment  balayée  par  les  vents  du  large.  Son  port  est 
excellent.  Il  est  protégé  par  un  banc  de  sable  qui,  à  marée  basse, 
est  à  sec.  A  marée  haute,  l'eau  est  toutefois  assez  profonde  pour  per- 
mettre l'accès  des  plus  grands  bâtiments.  On  a  construit  dans  une 
profondeur  d'eau  de  cinq  brasses  un  pier,  le  lon^  duquel  les  navires 
se  trouvent  en  sûreté. 

La  première  partie  du  chemin  de  fer  traverse  des  marécages  et  des 
sables  mouvants.  La  voie  n'a  pas  été  solidement  établie.  Au  passage 
des  trains,  on  voit  jaillir  la  boue  noire  des  marais.  La  chaleur  est 
accablante;  l'odeur  des  eaux  croupissantes  est  affreuse,  et  une 
myriade  d'insectes,  avides  de  sang,  s'abattent  sur  les  passagers.  Le 
voyage  de  nuit  a  d'autres  inconvénients  :  des  moustiques  pénètrent 
en  masses  dans  les  wagons  et  les  marais  dégagent  des  vapeurs  méphi- 
tiques et  mortelles.  On  arrive  ainsi  à  Fontesvilla,  dont  le  climat  est 
particulièrement  mauvais.  La  «  malaria  »  y  règne  sans  conteste. 
A  l'époque  des  pluies,  cette  localité  et  le  pays  qui  l'entoure  sont 
transformés  en  une  mare  de  trois  à  quatre  pieds  de  profondeur. 

Au  delà  de  Fontesvilla,  le  pays  s'élève.  Il  est  couvert  de  hautes 
herbes  alternant  avec  des  marécages  et  est  habité  par  d  innombrables 
troupeaux  de  gros  et  de  petit  gibier.  On  y  rencontre  aussi  des  lions 
très  dangereux.  Le  pays  est  extrêmement  fertile,  mais  n'est  pas  habi- 
table pour  les  Européens.  A  une  journée  de  marche  de  Fontesvilla, 
commence  la  région  de  la  mouche  Tsetsé,  qui  s'étend  jusqu'à  une 
journée  de  marche  au-delà  de  Chimoio.  Dans  cette  contrée,  la  vie  est 
impossible  à  n'importe  quel  animal,  sauf  l'âne  et  la  chèvre.  Dans 
certains  endroits,  même  ceux-ci  ne  peuvent  pas  résister. 

Madagascar.  Les  cultures  :  café,  coton,  caoutchouc,  thé.  — 

On  cultive  le  café  à  Madagascar  depuis  nombre  d'années.  Il  existe  des 
caféières  très  belles,  quoique  abandonnées  à  elles-mêmes  et  fort  mal 
soignées,  dont  l'âge  varie  de  six  à  quarante  ans.  Il  est  bien  clair  que 
les  régions  oii  existent  d'aussi  vieilles  plantations  sont  propices  à  la 
culture  de  cette  plante  précieuse.  On  en  trouve  trois  espèces  :  V Arabica, 
le  plus  répandu,  le  Bourbon  et  le  ïAbena,  Cette  dernière  espèce,  de 
qualité  habituellement  inférieure  aux  précédentes,  est  cultivée  sur  la 
côte  Est  avec  un  plein  succès  et  sa  qualité  est,  à  Madagascar,  supérieure 
à  ce  qu'elle  est  partout  ailleurs.  Ce  produit,  encore  peu  important,  se 
<îonsomme  sur  place.  Mais  cette  culture  se  répand  beaucoup  et  elle  est 
appelée  à  un  grand  avenir. 

Le  succès  des  diverses  espèces  de  café  paraît  donc  assuré  à  Mada- 


CHRONIQUE  375 

gascar,  à  la  seule  condition  de  choisir  les  terrains  propices.  Des  plan- 
teurs ont  eu  cependant  des  mécomptes,  notamment  dans  le  Betsiléo, 
où  un  grand  nombre  de  caféiers  ont  été  gelés.  Cet  accident  prouve 
qu'il  y  a  une  réelle  imprudence  à  faire  des  essais  de  ce  genre  dans 
certaines  parties  trop  froides  du  haut  plateau. 

Le  gouvernement  local  fait  faire  en  ce  moment,  dans  les  environs 
de  Tananarive  et  en  divers  points,  des  plantations  de  coton  à  titre 
d'essai.  Cette  mesure  est  excellente;  si  cet  arbuste,  comme  beaucoup 
le  prétendent,  réussissait  en  Imérina,  ce  serait  un  aliment  nouveau,  et 
non  des  moins  importants,  à  la  colonisation. 

On  va  également  faire  l'essai,  dans  différentes  localités  et  à  diverses 
altitudes,  d'un  arbre  à  caoutchouc,  VUevea  brasiliensis,  dont  les  graines 
ont  été  envoyées  de  la  Guyane.  On  a  fait,  du  reste,  plusieurs  tentatives 
de  ce  genre.  Des  colons  ont  planté  divers  arbres  à  caoutchouc,  notam- 
ment le  Ceai'a. 

On  prépare  également  des  plantations  de  thé  dans  les  environs  de 
Tananarive.  Là,  le  succès  paraît  assuré,  car  le  sol  a  la  même  compo- 
sition, à  peu  près,  que  celui  qui  produit  à  Ceylan  dexcellents  thés. 
C'est  une  terre  argilo- ferrugineuse,  exempte  de  calcaire.  On  sait,  en 
effet, que  cette  plante  se  trouve  très  mal  de  la  présence  du  calcaire  dans 
le  sol.  Quant  à  l'altitude  et  à  la  température,  ii  n'y  a  pas  à  s'en  inquié- 
ter. Il  existe  dans  l'Himalaya,  des  plantations  de  thé  à  des  altitudes 
plus  considérables  que  c^lle  du  plateau  de  l'Imérina,  et  dans  des 
régions  soumises  à  une  température  plus  basse.  D'ailleurs,  on  a 
remarqué  que  si  la  quantité  du  thé  diminue,  sa  qualité  augmente. 
Il  existe  déjà  dans  le  Betziléo,  une  plantation  de  thé  contenant 
20,000  pieds  dont  les  produits  ont  un  arôme  très  fin. 


AMERIQUE 


Colombie  britannique.  Le  Cannibalisme.  —  Deux  mission- 
naires viennent  d'adresser  au  gouvernement  de  la  Colombie,  un  rap- 
port au  sujet  d'une  scène  de  cannibalisme  qui  a  eu  lieu  dernièrement 
chez  les  Indiens.  Une  fête  nationale,  célébrée  dans  le  nord  de  la 
Colombie,  avait  attiré  des  Indiens  de  différentes  tribus.  Dans  les  réu- 
nions de  ce  genre,  il  règne  généralement  une  grande  excitation  reli- 
gieuse. Les  Indiens  se  livrèrent  bientôt  à  une  danse  de  mort.  Cette 
cérémonie  constitue  un  spectacle  horrible  et  exige  toujours  une  ou 


376  ÉTUDES   COLONIALES 

plusieurs  victimes.  La  dernière  de  ces  danses  funèbres  remonte  à 
1885;  elle  coûta  la  vie  à  cinq  malheureux.  Au  cours  de  la  dernière 
fête,  Tenthousiasme  atteignit  rapidement  le  plus  haut  degré.  Un  grand 
feu  fut  allumé  autour  duquel  une  vingtaine  d'Indiens  et  d'Indiennes 
s'engagèrent  dans  une  ronde  folie.  Les  danseurs  et  les  centaines  d'In- 
diens qui  contemplaient  ce  spectacle  infernal,  entonnèrent  un  chant. 
Ce  n'était,  au  début,  qu'un  faible  soupir;  de  minute  en  minute,  il 
s'élevait  et  devenait  plus  net,  plus  bruyant,  plus  intense;  à  la  fin,  il 
éclata  en  un  cri  strident  et  inarticulé.  Tout  à  coup,  un  des  danseurs, 
se  détachant  de  la  chaîne,  s'élançii  à  l'intérieur  du  cercle;  un  deuxième 
le  suivit  et  une  femme  fit  de  même.  Ces  malheureux  s'offraient  en 
sacrifice.  A  cette  vue,  l'excitation  des  danseurs  ne  connut  plus  de 
bornes.  Ils  se  ruèrent  sur  les  victimes  comme  des  furieux  ;  ils  leur  arra- 
chèrent avec  leurs  dents,  des  lambeaux  de  chair  des  bras,  des  jambes 
et  du  tronc;  puis,  ils  se  remirent  à  danser  avec  une  nouvelle  rage. 
Cette  horrible  scène  se  répéta  jusqu'à  ce  que  chacun  des  assistants 
eût  eu  sa  part  du  dépeçage  et  que  les  victimes  eussent  succombé  à 
leurs  blessures.  Les  deux  missionnaires  durent  assister  à  ce  spectacle 
sans  pouvoir  intervenir.  Le  gouvernement  a  envoyé  des  troupes  pour 
arrêter  les  organisateurs  de  cette  lamentable  affaire  et  les  Indiens  qui 
ont  participé  aux  meurtres. 


ASIE 


Chine.  Le  commerce  extérieur  en  1899.  —  L'inspecteur 
général  des  douanes  maritimes  impériales  vient  de  publier  le  rapport 
relatif  au  commerce  extérieur  de  la  Chine  pour  1899.  Il  constate  que 
la  situation  commerciale  de  la  Chine  a  été  caractérisée  pendant  cotte 
année  par  un  développement  étonnant  et  que  les  marchands,  tant 
nationaux  qu'étrangers,  ont  réalisé  de  beaux  bénéfices  dans  toutes  les 
branches  de  l'activité.  La  situation  politique,  tout  en  manquant  de 
stabilité,  n'a  pas  donné  lieu  à  des  craintes  immédiates.  Le  change  est 
resté  remarquablement  ferme;  la  récolte  du  riz  a  été  abondante;  l'été 
s'est  montré,  pendant  la  période  critique  pour  le  ver  à  soie,  particu- 
lièrement favorable;  et,  abstraction  faite  de  la  piraterie  sur  la  West 
River,  il  n'y  a  pas  eu  de  troubles  de  nature  à  entraver  le  commerce. 
Le  résultat  a  été  que  l'année  1899  a  battu  tous  les  records  précédents 
et  a  accusé  un  progrès  sans  comparaison.  Le  commerce  total  a  été 


CHHONIÛUE  377 

rvalué  à  460,o33,288  Hk.  TIs  (le  laël  valant  fr.  3.75),  c'esl-à-dire  une 
augmenlalion  de  91,916,805  Hk.  TIs  sur  Tannée  1898,  et  plus  du 
double  de  l'année  1890.  Le  commerce  intérieur  a  été  particulièrement 
actif  et  les  changements  notables  qui  résulteront  do  Textension  des 
voies  ferrées  sont  déjà  prouvés. 

Les  villes  de  Niu-chwang  et  de  Tientsin  portent  déjà  la  marque  de 
rimpulsion  résultant  de  Tamélioralion  des  voies  de  communication; 
(a,  malgré  Tapparilion  de  la  peste  dans  le  premier  de  c^s  ports,  les 
chitfres  du  commerce  dans  les  deux  villes  montrent  un  sérieux 
progrès. 

La  ligne  russe  a  été  achevée  jusqu'à  Mukden,  et  celle  de  Pékin  à 
Hankow  avance  rapidement.  D'autres  voies  ferrésc  sont  exécutées  avec 
la  même  activité  et,  partout  où  elles  sont  achevées,  on  constate  la 
même  amélioration  dans  la  situation  commerciale. 

F^e  revenu  total  de  Tannée  aéléde  26, 061, 400  Hk.  TIs.  c'est-à-dire, 
4,158,003  Hk.  TIs.  de  plus  que  Tannée  précédente,  et  3,143,439  Hk. 
TIs.  de  plus  qu'en  1890,  qui  était  jusqu'à  présent  Tannée  la  plus  favo- 
rable. F/augmentation  s'est  faite  dans  toutes  les  brantîhes  îles  douanes, 
l^es  droits  de  transit  ont  progressé  de  717,738  à  835,880  Hk.  TIs.  Le 
nouveau  règlement  du  YangIze,  abolissant  les  dépôts  en  matière  de 
droit  pour  le  cabotage  dans  les  ports  du  Yangtze,  est  entré  en  vigueur 
le  l^""  avril,  et  le  compte  de  ces  dépôts  a  été  clôturé.  F^es  droits  prove- 
nant du  cabotage  ont  été  de  1,375,219  Hk. TIs.  contre  1,011,145  Hk. TIs. 
Tannée  précédente.  Les  droits  d'entrée  'non  compris  le  droit  sur 
Topium)  ont  atteint  le  chiffre  de  0,050,023  Hk.  TIs.,  ce  qui  représente, 
sur  un  commerce  d'importation  de  228,955,088  Hk.  TIs.,  déduction 
faite  de  Topium,  un  droit  ad  valorem  de  moins  de  3  p.  c. 

La  plus  grande  augmentation  se  constate  dans  les  exportations. 
Leur  valeur,  en  1899,  est  estimée  à  195,784,832  Hk.  TIs.,  soit  une 
augmentation  de  30,747,083  sur  le  chiffre  de  Tannée  antérieure  et 
de  plus  (lu  doïible  de  celui  de  1890.  La  valeur  nette  des  importations 
accuse  aussi  un  progrès,  mais  plus  faible;  elle  a  été  de  204  millions 
748,i55  Hk.  TIs.,  soit  une  augmentation  de  55  millions  sur  Tannée 
précédente.  H  est  à  remarquer  que  les  importations  américaines  et 
japonaises  ont  accusé  la  plus  forte  augmentation. 

F^es  statistiques  du  mouvement  maritime  sont  toujours  en  faveur  de 
l'Angleterre.  FI  y  a  eu  7,004  entrées  de  vaisseaux  venant  de  ports 
étrang(»rs.  Leur  tonnage  total  a  été  de  5,479,000  tonnes.  En  1898,  il 
y  eu  a  0,098  vaisseaux  représentant  4,927,000  tonnes.  Les  entrées  des 
bâtiments  de  cabotage  ont  été  de  25,350,  représentant  un  tonnage  de 
11,147,000  tonnes  contre   19,958  bâtiments  et    12,10i,000    tonnes 


378  ÉTUDES   COLONIALES 

en  1898.  Le  tonnage  total,  à  l'entrée  et  à  la  sortie,  a  été  de  39  millions 
268,000  tonneaux.  L'Angleterre  y  a  contribué  pour  S9  p.  c.  ;  la  Chine, 
pour  24  p.  c.  ;  le  Japon,  pour  7  p.  c.  ;  l'Allemagne,  pour  5  p.  c.  ;  la 
France,  pour  2  p.  c.  ;  la  Suède  et  la  Norvège,  pour  1  p.  c.  ;  la  Russie^ 
pour  1  p.  c.  et  l'Amérique  pour  1  p.  c.  Il  peut  être  intéressant 
d'indiquer  les  pourcentages  fournis  par  les  différents  pavillons  dans  le 
tonnage  total  :  Le  pavillon  anglais  intervient  pour  63  p.  c.  ;  le 
japonais,  pour  13  p.  c.  ;  l'allemand,  pour  8  p  c.  ;  le  français,  pour 
o  p.  c.  ;  le  chinois,  pour  o  p.  c.  ;  l'américain,  pour  3  p.  c.  ;  le  suédois 
et  norvégien,  \)Out  2  p.  c.  ;  les  autres  pavillons,  pour  3  p.  c.  Le  tonnage 
employé  par  le  commerce  étranger  a  à  peu  près  doublé  depuis  1890. 

Japon.  Le  commerce  en  1899.  —  Le  rapport  du  consul 
anglais  au  Japon  constate  que  l'année  1899  a  marqué,  pour  le  Japon, 
le  commencement  d'une  ère  commerciale  nouvelle  qui  est  appelée  à 
exercer,  sur  les  transactions  de  ce  pays,  une  inlluence  considérable. 
Jusqu'à  présent,  toutefois,  on  n'a  pas  encore  observé  de  changements 
profonds.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  le  Japon  est  un  vieux  pays  et  qu'il 
lui  faudra  un  certain  temps  pour  sortir  de  son  ancienne  voie. 

Le  nouveau  tarif  douanier,  qui  impose  des  droits  d'entrée  plus 
élevés,  est  entré  en  vigueur  au  commencement  de  1899,  et,  en  juillet 
de  la  même  année,  tous  les  droits  sur  les  exportations  ont  été  abolis. 
L'introducticm  «lu  nouveau  tarif  a  eu  pour  conséquence  d'amener  une 
diminution  ancumale  dans  le  chiffre  des  importations  pondant  les 
deux  premiers  mois  de  l'année.  Une  grande  quantité  de  marchandises 
étrangères  ont,  en  ert'et,  été  introduites  au  Japon  à  la  fin  de  1898  pour 
profiter  de  l'ancien  tarif. 

Pendant  le  deuxième  semestre  de  l'année,  le  commerce  étranger  s'est 
développé  et,  à  la  fin  de  1899,  il  avait  atteint  le  chiffre  le  plus  élevé 
qu'il  a  jamais  obtenu  depuis  l'ouverture  du  pays  au  commerce 
étranger  —  sauf  en  1898. 

Le  commerce  général  a  été,  en  1899,  de  44,440,123  liv.  st.,  dont 
22,499,363  liv.  st.  pour  les  importations  et  21,940,760  liv.  st.  pour  les 
exportations.  Comparés  à  l'année  1898,  ces  chiffres  accusent  une 
diminution  de  5,828,982  liv.  st  pour  les  importations  et  une  augmen- 
tation de  5,020,066  liv.  st.  pour  les  exportîitions. 

Un  fait  à  remarquer  est  la  diminution  des  importations  de  mar- 
chandises manufacturées  et  l'augmentation  correspondante  des 
importations  de  matières  premières.  C'est  le  cas,  notamment,  pour  la 
laine. 

L'industrie  du  Japon  a  été,  en  général,  dans  un  état  Horissant 


CHRONIQUE  379 

en  1899,  bien  qu'elle  soit  entravée  par  le  manque  dorganisation 
technique  et  de  capital  à  bon  marché.  Cette  dernier»»  difficulté  est 
causée  par  les  grandes  dépenses  que  le  Japon  fait  à  l'étranger  pour 
ses  armements  et  qui  font  sortir  du  pays  des  capitaux  importants. 

Le  rapport  s'occupe  aussi  du  droit  des  étrangers  de  posséder 
le  sol  et  les  mines.  Les  étrangers,  dit-il,  sont  exclus  du  droit 
de  propriété  immobilière  au  Japon.  La  Chambre  de  commerce 
de  Tokio  et  d'autres  associations  se  sont  exprimées  en  faveur  de  la 
concession  de  ce  droit  aux  étrangers,  mais  il  n'est  pas  probable  qu'il 
soit  reconnu  à  d'autres  que  des  Japonais  d'ici  longtemps.  Les 
étrangers  doivent  donc  se  contenter  du  «  droit  d'emphytéose  »,  et, 
quelle  que  soit  la  longueur  de  sa  durée,  il  ne  pourra  jamais  suppléer 
au  défaut  de  propriété.  11  semble  cependant  que  les  personnes 
juridiques,  c'est-à-dire  les  sociétés  composées  d'étrangers  et  constituées 
conformément  à  la  loi  japonaise,  aient  le  droit  d'acquérir  la  propriété 
du  sol. 

Les  étrangers  ne  peuvent  pas  exploiter  les  mines  ni  posséder  des 
actions  dans  les  entreprises  minières.  Un  amendement  vient,  toutefois, 
d'être  adopté  à  la  loi  sur  les  mines,  aux  termes  duquel  les  «  personnes 
juridiques  »,  dimt  les  étrangers  ont  le  droit  de  faire  partie,  peuvent 
obtenir  le  droit  d'exploiter  des  mines. 

Japon.  Construction  et  amélioration  de  ports.  —  Le  gou- 
vernement du  Japon  a  l'intention  d'entreprendre  de  grands  travaux 
de  construction  de  nouveaux  ports  ou  d'amélioration  de  ceux  qui 
existent  déjà.  De  nombreux  projets  ont  vu  le  jour  à  ce  propos.  On 
peut  en  tirer  les  renseignements  suivants. 

Le  vice-ministre  des  communications  estime  approximativement  à 
59,000,000  de  yen  ou  6,000,000  de  liv.  st.  le  coût  d'établissement 
d'un  port  dans  l'île  de  Tokio.  A  Kobe,  les  frais  du  port  sont  évalués 
à  23,000,000  de  yen  ou  2,400,000  liv.  st. 

A  Osaka,  il  y  a  toujours  une  rivalité  entre  Yokohama  et  Kobe.  Le 
premier  de  ces  ports  a  toujours  eu  l'avance  dans  le  mouvement  com- 
mercial jusqu'à  Tannée  dernière,  grâce  à  son  grand  commerce  de 
soie.  Le  succès  définitif  de  l'une  ou  l'autre  de  ces  villes  dépendra  des 
travaux  qui  y  seront  entrepris.  A  ce  sujet,  il  y  a  lieu  de  remarquer 
qu'à  Osaka  les  transformations  sont  commencées  depuis  deux  ans, 
tandis  qu'à  Yokohama  on  en  est  toujours  aux  discussions. 

La  baie,  ou  plutôt  l'archipel  de  Matsushima,  qui  se  trouve  à  environ 
220  milles  de  Tokio,  a  toujours  été  célébré  comme  une  des  «  trois 
plus  belles  vues  »  de  l'empire.  Sa  proximité  de  Sendai,  la  capitale 


38â  ÉTUDES  COLONIALES 

nous  fûmes  entourés  par  des  hommes  armés.  Nous  leur  dîmes  que 
nous  étions  des  missionnaires  et  que  nous  n'avions  pas  de  moyens  de 
défense.  Le  chef  ordonna  alors  à  sa  bande  de  mettre  bas  les  armes 
jusqu'au  lendemain  quand  nous  serions  partis.  M.  Paton  a  dormi 
plusieurs  fois  dans  des  villages  de  cannibales  et  a  toujours  été  bien 
traité.  Une  autre  fois,  une  tempête  étant  survenue  pendant  un  voyage 
en  mer,  le  missionnaire  fut  sauvé  par  les  indigènes  au  grand  péril  de 
leur  propre  vie. 

Au  cours  d'une  excursion  dans  l'intérieur  du  pays,  M.  Paton  passa, 
il  son  insu,  la  nuit  dans  un  village  particulièrement  connu  pour  son 
cannibalisme.  Le  matin,  à  son  réveil,  il  chercha  à  se  concilier 
l'amitié  du  chef  et  lui  fit  des  petits  présents.  En  retour  le  chef  lui 
donna  une  lance  que  neuf  générations  successives  s'étaient  transmises 
et  aussi  une  cuiller  en  bois  sculpté  d'un  poli  admirable.  Quand  je  dis 
aux  indigènes  de  la  c<)te  d'où  je  venais,  continue  M.  Paton,  ils  se 
mirent  à  rire  et  ne  voulurent  pas  me  croire.  Pour  les  convaincre,  je 
leur  montrai  la  cuiller  et  ils  s'enfuirent  épouvantés.  J'appris  alors  que 
cette  cuiller  n'était  employée  par  les  indigènes  de  ce  village  que  dans 
les  festins  des  cannibales  et  que  le  chef  s'en  servait  pour  retirer  du 
chaudron  la  part  du  corps  qui  lui  revenait.  C'est  ainsi  que  s'expliquait 
le  merveilleux  poli  de  la  cuiller  et  la  frayeur  des  indigènes. 

Certaines  des  coutumes  du  pays  sont  horribles.  Dans  la  partie  de 
l'île  de  Malekula  où  habitait  M.  Paton,  les  gens  malades  sont  enterrés 
vivants  dèsqu'ilsdevicnnentuntropgrand  embarras  pour  leurs  parents 
ou  leurs  amis.  Le  missionnaire  courut  un  jour  vers  un  village  où  l'on 
venait  d'enterrer  vivante,  une  petite  fille  de  cinq  ans,  mais  il  arriva 
trop  tard.  L'enfant  venait  justement  d'expirer  :  le  corps  était  encore 
chaud.  Une  autre  fois,  un  indigène  qui  avait  été  assommé  au  cours 
d'une  querelle  fut  enterré  à  l'endroit  où  il  était  tombé.  L'homme  reprit 
connaissance  au  moment  inéme  où  des  chiens,  qui  rôdaient  dans  les 
environs,  étaient  parvenus  à  gratter  la  mince  couche  de  terre  qui  le 
recouvrait.  Il  se  releva  et  retourna  au  village  où  son  apparition  causa 
une  vive  émotion.  Mais  depuis  cet  événement,  le  malheureux  n'a  plus 
jamais  recouvré  la  raison. 


^ 


AVIS.  —  Les  notices  bibliographiques  des  ouvrages  reçus  durant  le  mois 
d'avril  paraîtront  dans  la  prochaine  livraison. 


ÊTDOES  GOIiOHlflliES 


No  G  7«  Année  Juin  1900 


Les  Supplice^  Judiciaire^ 


!^ous  le  titre  de  «  Horreurs  chinoises  »,  M.  Henry  Norman 
consacre,  dans  son  excellent  livre  sur  rExtrême-0rient(4), 
un  chapitre  saisissant  aux  supplices  en  usage  en  Chine. 
M.  Norman,  qui  est  un  voyageur  d  une  grande  scrupulosité,  a  eu 
le  courage  d'aller  voir  par  lui-même  comment  se  rendent  les 
sentences  judiciaires  en  Chine  et  de  quelle  manière  on  les  applique. 
Ses  observations  ont  donc  la  valeur  de  documents  absolument 
sûrs  et  Ton  pourra  constater  par  les  faits  qu'il  rapporte  qu'il 
n'exagère  rien  en  donnant  aux  pages  dans  lesquelles  il  les  con- 
signe, la  qualification  d'  «  Horreurs  ». 

C'est  à  Canton  que  M.  Norman  s'est  livré  à  l'étude  de  ce  triste 
côté  de  mœurs  chinoises.  Celte  ville  est  une  des  plus  mal  famées 
de  la  Chine.  Le  crime  y  fleurit  sous  toutes  les  formes.  La  populace 
y  est  particulièrement  turbulente  et  agressive  vis-à-vis  des  étran- 
gers. La  mauvaise  réputation  de  Canton  est  si  bien  établie  qu'il 
arrive  souvent  qu'un  domestique  indigène,  amené  d'une  autre 
partie  de  la  Chine,  préfère  rompre  son  contrat  plutôt  que  de 
mettre  le  pied  dans  cette  ville. 

Le  jour  où  M.  Norman  visita  le  tribunal,  le  magistrat  était  assis 
dans  son  Yamen,  rendant  la  justice.  C'était  un  homme  d'une  quaran- 
taine d'années  environ,  d'apparence  placide;  son  front  était  large 


(1)  The  pcoples  and  politics  of  thc  For-East. 


384  ÉTUDES  COLONIALES 

et  ouvert  et  son  nez  était  garni  de  l'énorme  paire  de  lunettes  de 
rigueur.  Il  leva  les  yeux  sur  M.  Norman  et  ses  compagnons 
comme  ceux-ci  entraient  et  parut  visiblement  ennuyé  de  leur 
visite.  Ils  ne  s'en  préoccupèrent  pas  beaucoup  car  ils  étaient 
accompagnés  d'un  consul  que  le  fonctionnarisme  chinois  n'impres- 
sionne guère.  L'endroit  ne  rappelait  que  fort  peu  la  pompe  et  la 
majesté  dont  on  s'efforce  d  entourer  la  justice  dans  nos  contrées. 
Le  fauteuil  du  magistrat,  garni  d'étoffe  rouge  couverte  d'inscrip- 
tions en  grands  caractères,  était  à  peu  près  le  seul  objet  qui  eût 
un  caractère  officiel.  Derrière  le  juge,  s'alignaient  une  demi-dou- 
zaine de  ces  parasols  d'honneur  rouges  dont  les  Chinois  sont  si 
fiers.  Devant  lui,  s'étendait  un  grand  espace  vide,  autour  duquel 
se  pressait  une  multitude  bigarrée  dont  les  figures  les  plus  sail- 
lantes étaient  celles  d'une  série  d'individus  mal  soignés  qu'on 
appelle  les  a  coureurs  du  Yamen  ».  Ils  ont  pour  mission  de 
courir  devant  leur  maître  pour  lui  frayer  un  passage  dans  les 
rues  et  d'exécuter  tout  ce  qu'il  lui  plaît  de  leur  commander,  y  com- 
pris l'application  de  la  torture. 

Le  magistrat  était  tranquillement  assis  dans  son  fauteuil  et 
écrivait  activement  pendant  que,  devant  lui,  plusieurs  personnes 
parlaient  à  la  fois.  C'étaient  probablement  le  plaignant,  le  prévenu 
et  les  agents  de  police.  Au  bout  de  quelques  instants,  le  juge 
interrompit  les  parleurs  en  prononçant  d'une  voix  basse  et  sans 
même  relever  la  tête,  une  simple  syllabe.  L'effet  en  fut  magique.  La 
foule  recula  et  dans  le  petit  groupe  qui  se  trouvait  devant  le  fau- 
teuil, on  vit  un  individu  se  tordre  les  mains  en  poussant  un  profond 
soupir  Avant  même  que  les  spectateurs  étrangers  se  fussent  rendu 
compte  de  ce  qui  se  passait,  ils  virent  une  quantité  de  mains 
obligeantes  aider  l'homme  à  se  débarrasser  de  ses  culottes.  Cette 
petite  opération  terminée  à  la  satisfaction  de  tous,  l'individu  se 
coucha  tout  de  son  long,  face  contre  terre.  Puis,  un  des  «  cou- 
reurs »  s'avança,  armé  d'un  bambou,  long  de  trois  pieds,  large 
de  deux  pouces  et  épais  d'un  autre.  II  s'accroupit  à  côté  de  la 
victime  et,  tenant  le  bambou  horizontalement  au  niveau  de  la 
chair,  il  se  mit  à  faire  pleuvoir  une  série  de  coups  légers  sur  les 
cuisses  du  condamné9  Tout  d'abord,  l'opération  sembla  n'être 
qu'une  farce  ;  les  coups  étaient  excessivement  faibles  et  le  patient 
ne  poussait  pas  le  moindre  cri.  Mais  quelques  minutes  après, 


LES  SUPPLICES  JUDICIAIRES   EN    CHINE.  388 

un  grognement  de  douleur  s'échappa  des  lèvres  de  la  victime  : 
sous  la  répétition  des  coups,  la  chair  était  devenue  toute  bleue. 
Bientôt  elle  se  congestionna  et  il  fallut  plusieurs  hommes  pour 
maintenir  ce  patient  qui,  au  début,  s'était  étendu  à  terre  de  son 
propre  gré.  La  foule  suivait  ce  spectacle  avec  une  curiosité 
intense.  De  larges  sourires  grimaçants  distordaient  les  visages  et 
une  exclamation,  aussitôt  étouffée,  soulevait  les  poitrines  chaque 
fois  qu'un  élancement  de  douleur  arrachait  un  cri  d*angoisse  à  la 
victime  ou  provoquait  une  convulsion  de  son  corps.  La  cascade 
de  coups  continuait  à  tomber  imperturbablement.  Pas  un  coup 
n  était  appliqué  plus  fort  qu'un  autre.  A  la  fin,  le  juge  laissa  échap- 
per un  nouveau  mot  de  sa  bouche  et  le  supplice  cessa  avec  la  même 
soudaineté  qu'il  avait  commencé.  L'homme  fut  remis  sur  ses  pieds 
et  conduit  dans  la  cour,  où  il  put  s'appuyer  le  dos  contre  le  mur.  Il 
ne  pouvait  naturellement  pas  être  question  de  lui  offrir  une  chaise. 

On  appela  ensuite  un  agent  de  police.  Le  magistrat  lui  posa  une 
ou  deux  questions  et  écouta  avec  patience  ses  verbeuses  explica-- 
tions.  Puis,  il  laissa  tomber  la  fatale  syllabe.  L'agent  de  police  eut 
vite  fait  d'achever  sa...  toilette  de  circonstance  et  il  s'étendit 
aussitôt  dans  la  pose  réglementaire.  La  flagellation  commença. 
Mais' cette  fois,  les  coups  résonnaient  tout  autrement.  Le  son  était 
beaucoup  plus  net  et  plus  clair.  On  aurait  dit  que  l'on  frappait 
avec  du  bois  sur  du  bois.  Et,  en  effet,  la  différence  des  deux  châti- 
ments était  complète.  L'agent  de  police  avait  collé  un  morceau  de 
bois  sur  sa  cuisse  avec  de  la  cire  et  les  coups  tombaient  sur  cette 
planchette  sans  lui  causer  plus  de  mal  que  s'ils  avaient  été  appli- 
qués sur  ses  semelles.  La  fraude  était  évidente.  Tous  ceux  qui  étaient 
présents,  le  juge  y  compris,  voyaient  ce  qui  se  passait»  La  justice 
chinoise  offre  donc  cette  particularité  qu'il  faut  distinguer  entre 
le  châtiment  d'un  délinquant  ordinaire  et  celui  d'un  fonctionnaire. 
L'agent  de  police  avait  été,  para!t-il,  condamné  à  la  fustigation 
pour  avoir  négligé  d'arrêter  un  coupable  malgré  l'ordre  qu'il  avait 
reçu.  Quand  il  eut  subi  sa  punition  humiliante,  le  poiiceman  se 
releva,  rajusta  ses  vêtements  et  reprit  son  office  auprès  du  tribunal. 

Pendant  que  M.  Norman  et  ses  compagnons  assistaient  au  châ- 
timent qui  vient  d'être  décrit  et  que  les  Chinois  appellent  a  man- 
ger du  bambou  »,  d'autres  scènes,  rappellant  les  tortures  des 
époques  les  plus  cruelles,  se  passaient  dans  une  salle  voisine. 


386  ÉTIDES   COLONIALES 

Dans  un  coin,  on  avait  lié  un  homme  sur  une  banquette  de 
manière  à  courber  son  corps  autant  que  possible  dans  la  forme 
d'un  arc.  Son  dos  reposait  sur  le  banc  tandis  que  ses  mains  et 
ses  pieds  étaient  attachés  respectivement  aux  pieds  de  devant  et 
de  derrière  de  la  banquette.  On  avait  mis  l'homme  et  son  banc 
debout.  L'ensemble  qu'ils  formaient,  reposait  d'une  part  sur  les 
genoux  du  condamné  et  de  l'autre  sur  les  pieds  du  banc.  La  posi- 
tion de  la  victime  était  aussi  grotesque  que  pénible.  Ses  mains  et 
ses  pieds  étaient  bleus,  ses  yeux  sortaient  de  leurs  orbites  et  sa 
bouche  haletait  convulsivement.  Il  devait  se  trouver  dans  cette  posi- 
tion depuis  un  certain  temps  déjà  car  il  était  sur  le  point  de  perdre 
connaissance.  On  semblait  l'avoir  oublié.  Quelques  gamins  se 
tenaient  là,  le  regardant  bouche-bée.  A  part  ceux-ci,  personne  ne 
paraissait  se  préoccuper  plus  de  lui  que  s'il  avait  fait  partie  du 
mobilier  de  la  pièce. 

Dans  un  autre  coin  de  la  salle,  un  malheureux  subissait  la  peine 
deT  c<  agenouillement  sur  les  chaînes  ».  Une  corde  mince  et  solide 
avait  été  attachée  à  ses  pouces  et  à  ses  orteils,  puis  accrochée  à 
un  poteau  horizontal.  En  tirant  sur  cette  corde,  on  soulevait  natu- 
rellement le  patient  de  terre  et  ses  genoux  devenaient  la  partie  la 
plus  basse  de  son  corps.  Sous  l'homme  se  trouvait  une  chaîne 
formée  d'anneaux  à  bords  tranchants  et  roulée  sur  elle-même  à  la 
manière  des  cordages  que  les  marins  enroulent  sur  le  pont  des 
navires.  On  relâcha  la  corde  de  façon  à  faire  porter  tout  le 
poids  du  corps  de  la  victime  sur  ses  genoux  qui,  eux-mêmes, 
venaient  s'appuyer  sur  la  chaîne.  L'opération  est  simple  mais  les 
résultats  en  sont  affreux.  Et  cet  homme  avait  déjà  subi  une  longue 
suite  de  tortures!  Ses  chevilles,  entre  autres,  avaient  été  battues 
avec  un  morceau  de  bois  dont  la  forme  rappelle  celle  d'un  maillet  au 
jeu  de  cricket.  Lorsque  le  supplice  eut  pris  fin,  deux  fonctionnaires 
vinrent  défaire  la  corde  et  l'homme  s'abattit  comme  une  masse.  Ils 
le  repoussèrent  de  dessus  la  chaîne  et  le  remirent  sur  ses  pieds. 
Mais  au  moment  où  ils  le  lâchèrent,  il  retomba  sur  lui-même 
comme  un  sac  vide.  Ils  retendirent  alors  sur  le  sol  et,  pendant  une 
couple  de  minutes,  ils  frictionnèrent  vigoureusement  ses  genoux. 
Mais  ce  fut  en  vain.  Le  malheureux  était  totalement  incapable  de  se 
tenir  debout  et  ils  furent  forcés  de  le  traîner  au  dehors. 

Comme  M.  Norman  sortait  de  là,  une  femme  se  tenait  devant  le 


^^jr* 


SUf'PLICKS   JUniCIAIRES    CHINOIS. 

Kri.nMlu«'lioii  «riiiic  «raviuv  <-liinoisr.  I>:tiiivs  iiijo  illastial.oii  du  liv^e  «l.-  M.  Noniuiu. 


388  KTUDES     COLONIALES 

magistrat  et  faisait  une  déposition.  Son  témoignage  ne  dut  pas 
paraître  assez  sincère  ou  assez  prompt  au  juge  car  il  eut 
l'ecours  à  V  «  arracheur  de  vérité  ».  C'est  un  petit  instrument 
réservé  exclusivement  au  beau  sexe;  sa  forme  est  exactement  celle 
d  une  semelle  qu'on  aurait  fendue  à  la  partie  large  et  réunie  au 
talon.  On  lui  en  appliqua  sur  la  bouche  une  claque  qui  résonna 
comme  un  coup  de  pistolet. 

Le  plus  terrible  des  châtiments  chinois  est  le  ling-chi  ou  la 
mort  par  les  a  mille  coupures  ».  On  le  désigne  aussi  sous  le  nom 
de  «  mort  lente  »  ou  de  «  découpage  ».  Il  est  destiné  aux  con- 
damnés pour  triple  meurtre  et  aux  parricides,  mais  le  code  pénal 
est  probablement  aussi  élastique  pour  l'application  de  cette  peine 
que  pour  le  reste.  Voici  un  exemple  d'insertion  concernant 
le  ling-chi,  extrait  de  la  Gazette  de  Pékin  : 

«  Me  Pei-Gas,  gouverneur  du  Kuangsi,  fait  savoir  qu'un  triple 
empoisonnement  a  été  commis  dans  sa  province.  Une  femme  qui 
avait  été  battue  par  son  mari  à  cause  de  sa  négligence  et  de  sa 
malpropreté,  alla  prendre  conseil  auprès  d'une  vieille  herbo- 
riste. Sur  les  instigations  de  celle-ci,  elle  fut  cueillir  des  herbes 
vénéneuses  sur  la  montagne  et  s'en  servit  pour  empoisonner 
successivement  son  mari,  son  beau-père  et  son  beau-frère.  Elle  a 
été  exécutée  par  mort  lente. 

»  Rescrit  :  que  la  Commission  des  peines  en  prenne  note.  » 

Le  condamné  est  attaché  à  une  croix  grossièrement  façonnée. 
Puis,  l'exécuteur  s'approche  armé  d'un  couteau  affilé.  Il  saisit 
dans  les  parties  musculaires  du  corps  tels  que  les  bras  et  les 
cuisses,  dos  peignées  de  chair  qu'il  tranche.  Il  coupe  ensuite  les 
articulations  et  enlève  successivement  toutes  les  parties  saillantes 
du  corps,  telles  que  le  nez  et  les  oreilles,  les  doigts  et  les  orteils. 
Après  cela,  il  coupe  les  membres  un  à  un;  d'abord  les  poignets  et 
les  chevilles;  puis,  les  coudes  et  les  genoux;  enfin,  les  épaules  et  les 
hanches.  Pour  terminer,  il  perce  la  victime  au  cœur  et  lui  tranche  la 
tète  Le  condamné  meurt  naturellement  avant  la  fin  de  l'exécution, 
à  moins  que  le  bourreau  n'agisse  avec  beaucoup  de  dextérité.  Si 
la  victime  est  assez  heureuse  pour  avoir  des  amis  qui  achètent 
lexécuteur,  celui-ci  lui  administre  \\\x  préalable  de  lopium  ou  bien 
il  lui  perce  subrepticement  le  cœur  après  les  premières  incisions. 
Il  serait  facile  de  citer  des  dizaines  d'exemples  de  ce  supplice 


LES   SUPPLICES  JUDICIAIRES   EN   CHINE.  389 

d'après  la  Gazette  de  Pékin,  et,  très  probablement,  elle  ne  publie 
qu'un  petit  nombre  des  cas  ou  il  est  appliqué. 

Enfin,  M.  Norman  nous  fait  assister  à  une  décapitation  dont  il  ^ 
été  témoin.  Il  n'est  pas  difficile  de  jouir  d'un  spectacle  de  ce  genre 
à  Canton.  La  rivière  y  pullule  de  pirates.  Et  quand  des  gens  de  cette 
espèce  se  laissent  prendre,  leur  compte  est  généralement  vile  réglé. 
Quelques  coups  de  bambou  pour  commencer,  puis  quelques  mois 
de  prison  —  et  il  n'est  pas  nécessaire  de  dire  ce  que  c'est  qu'une 
prison  chinoise  —  agrémentés  d'une  série  de  tortures  variées  et 
de  manque  de  nourriture  et  pour  finir,  un  beau  matin,  «  un  coup 
sec  et  tranchant  »  sur  le  lieu  de  supplice. 

L'exécution,  dont  M.  Norman  fut  témoin,  était  fixée  à  quatre 
heures  et  demie.  Le  guide  vint  donc  le  prendre  lui  et  ses  compa- 
gnon à  Shameen,  le  quartier  étranger  de  Canton,  à  quatre  heures. 
La  chaise  h  porteur  les  transporta  rapidement  à  travers  les  rues 
de  la  ville  indigène.  Rien  de  saillant  jusqu'au  moment  où  ils  arrivent 
près  de  l'endroit  de  l'exécution  où  ils  vont  se  buter  contre  une  foule 
nombreuse.  Les  coolies  n'hésitent  pas.  Ils  plongent  directement  à 
travers  l'attroupement  qui  cède  devant  eux  et  s'arrêtent  devant 
deux  hautes  portes  de  bois  gardées  par  quelques  soldats.  A  enten- 
dre ces  hommes,  dit  M.  Norman,  on  croirait  qu'ils  préféreraient 
mourir  sur  place  plutôt  que  de  vous  laisser  entrer.  Mais  la  vue  de 
quelques  pièces  d'argent  exerce  sur  eux  une  influence  miraculeuse. 
Us  nous  ouvrent  aussitôt  la  porte  et  s'efforcent  vainement  d'arrêter 
le  flot  des  indigènes  qui  nous  suivent  et  nous  poussent  devant  eux 
jusqu'au  milieu  de  la  cour.  Nous  sommes  dans  un  espace  découvert 
d'une  cinquantaine  de  yards  de  longueur  et  d'une  douzaine  de  lar- 
geur, compris  entre  deux  maisons  dont  les  murailles  blanches  l'en- 
tourent sur  trois  côtés.  Aujourd'hui  c'est  le  champ  d'exécution  ;  hier 
et  demain,  le  chantier  où  le  potier  qui  vit  là,  fait  sécher  ses  vases  de 
terre.  Pas  de  plateforme;  pas  d'espace  barricadé;  rien  que  ce  mor- 
ceau de  terre  nu  et  boueux,  tellement  encombré  de  Chinois,  con- 
tinue M.  Norman,  que  nous  sommes  poussés  vers  le  centre,  à  peine 
à  quatre  pieds  de  distance  de  ce  qui  va  se  passer.  Inutile  d'essayer 
de  reculer  :  nous  y  sommes  et  nous  devons  y  rester. 

Tout  à  coup,  les  portes  s'ouvrent  de  nouveau  et  un  étrange  et 
hideux  cortège  qu'un  hurlement  de  joie  parti  de  la  foule  accueille, 
s'avance  d'un  pas  incertain.  En  tête  marchent  quelques  soldats  en 


390  ÉTUDES   COLONIALES 

baillons  qui  s'efforcent  de  frayer  un  chemin.  Puis,  une  file  de  coolies 
portant  les  victimes  dans  des  paniers  étroits  et  bas  accrochés  à  des 
barres  en  bambou.  Chaque  fois  qu'une  couple  de  porteurs  arrivent 
•au  milieu  de  la  cour,  ils  se  penchent,  déversent  leur  charge  vivante 
sur  le  sol  et  s'en  retournent  rapidement.  Les  prisonniers  ont  les 
pieds  et  les  mains  enchaînés  et  sont  dans  l'incapacité  absolue  de 
faire  le  moindre  mouvement.  Le  bourreau  est  présent  et  indique 
la  place  où  chaque  charge  doit  être  déposée.  Il  est  habillé  exacte- 
ment comme  les  autres  coolies  qui  se  trouvent  là  ;  il  n'est  revêtu 
d'apcun  signe  dislinctif.  Chaque  condamné  porte,  fixé  dans  sa  tresse, 
un  morceau  de  bambou  fendu  dans  lequel  est  passée  une  longue 
bande  de  papier  pliée,  mentionnant  le  crime  qu'il  a  commis 
et  l'ordre  d'exécution.  L'un  après  lautre,  les  condamnés  sont 
amenés  et  jetés  à  terre.  Cette  procession  semble  ne  jamais  devoir 
finir.  Enfin,  on  aperçoit  au-dessus  des  têtes  de  la  foule,  les 
chapeaux  de  deux  mandarins  subalternes  derrière  lesquels  les 
portes  se  referment.  Le  nombre  des  condamnés  est  de  quinze 
et  le  bourreau  les  fait  disposer  sur  deux  rangs,  distancés  l'un 
de  laulre  d'environ  deux  yards  et  faisant  face  dans  la  même 
direction.  Tous  ont  l'air  parfaitement  indifférents  saut  un  seul 
à  qui  on  avait  probablement  administré  de  l'opium,  dernière 
faveur  que  les  amis  d'un  condamné  peuvent  toujours  lui  fournir 
en  corrompant  les  geôliers.  Ils  échangent  des  remarques  entre 
eux  ;  quelques-uns  causent  avec  les  spectateurs  ;  l'un  d'eux  qui 
chantait  pendant  qu'on  l'amenait,  conserva  sa  belle"  humeur  jus- 
qu'au bout.  Les  bourreaux,  car  ils  sont  deux  maintenant,  s'avan- 
cent. Le  plus  jeune  retrousse  ses  manches  et  son  pantalon  ;  puis,  il 
se  choisit  un  sabre  toutàl'aise.  i^endanlcc  temps,  lautre, un  homme 
d'un  certain  âge,  recueille  les  feuilles  de  papier  et  les  met  de  côté.  Ce 
travail  terminé,  il  se  met  derrière  le  condamné  qui  occupe  la  pre- 
mière place  dans  la  rangée  qui  se  trouve  le  plus  près  de  lui  et  le 
saisit  par  les  épaules.  Le  plus  jeune  des  bourreaux  s'approche  et 
se  poste  à  la  gauche  du  condamné  agenouillé.  Le  moment  fatal  est 
venu.  Il  se  fait  un  profond  silence.  Dans  les  deux  rangées,  les 
condamnés  qui  se  trouvent  derrière  la  victime,  tendent  la  tête  et  le 
cou  pour  voir.  Je  n'essaierai  pas,  poursuit  M.  Norman,  de  décrire 
les  émotions  de  ce  moment  :  l'horreur,  l'affreuse  répulsion, 
le  regret  d'être  venu,  la  crainte  obsédante  d'être  éclaboussé  de 


LES  SUPPLICES  JUDICLMRES  EN   CHINE.  31il 

sang  et  la  fascination  irrésistible  qui  fige  votre  regard  sur  chacun 
des  détails. 

Le  couteau  est  levé.  C'est  un  sabre  à  deux  mains,  court,  à  lame 
large,  épanouie  vers  la  pointe,  pesante  à  la  partie  supérieure  et 
naturellement  tranchante  comme  un  rasoir.  Pendant  un  instant,  il 
reste  suspendu  dans  Tair  :  le  bourreau  vise.  II  tombe.  Il  semble 
que  ce  soit  sans  aucun  effort.  Il  tombe  simplement  et  paraît  même 
choir  lentement.  Mais  quand  il  arrive  au  cou  de  la  victime,  il  ne 
s'arrête  pas;  il  continue  à  descendre.  Avec  une  lenteur  pleine 
d'épouvante,  il  passe  droit  à  travers  les  chairs  et  vous  n'êtes  réveillé 
de  votre  stupeur  passagère  que  lorsque  la  tête  bondit  et  roule 
comme  une  boule  et  que,  pendant  une  fraction  de  seconde,  deux 
jets  de  sang  écarlate  jaillissent  en  courbe  gracieuse  sur  le  sol. 
Un  flot  épais  de  sang  les  suit  et  inonde  le  sol.  Aussitôt  que  le  coup 
a  été  porté,  le  second  exécuteur  lance  le  corps  en  avant  en  pous- 
sant un  «  Ouf!  ».  Le  cadavre  s'écroule  en  une  masse  informe.  Et 
de  toutes  les  poitrines  s'élève  un  bruyant  «  Oh!  »  exprimant  à  la 
fois  la  satisfaction  et  l'approbation  de  l'assistance  pour  la  maestria 
du  coup. 

Mais  on  ne  s'arrête  pas.  L'exécuteur  enjambe  le  cadavre  et  passe 
au  premier  condamné  de  l'autre  rangée.  Le  couteau  se  lève  de 
nouveau,  retombe,  et  une  nouvelle  tête  roule,  tandis  que  deux 
autres  jets  de  sang  jaillissent.  Le  corps  est  refoulé  sur  le  côté. 
L'aide  crie  «  Ouf!  »  et  la  foule  répond  «  Oh!  ».  Deux  hommes 
ont  vécu.  Le  bourreau  revient  vers  le  deuxième  condamné  du  pre- 
mier rang  et  l'affreux  spectacle  se  poursuit. 

Deux  choses  vous  frappent  :  le  brutal  réalisme  de  l'opération  et 
la  facilité  extraordinaire  avec  laquelle  on  tranche  une  tète  humaine. 
Si  l'on  considère  l'exécution  dans  son  ensemble,  on  croirait  assis- 
ter à  la  tuerie  d'un  troupeau  de  porcs  dans  un  abattoir  ;  si  on  l'en- 
visage dans  ses  détails,  elle  n'est  ou  ne  se  nble  pas  être  plus  diffi- 
cile à  accomplir  que  de  fendre  un  navet  avec  une  houe  ou  de 
rompre  un  chardon  d'un  coup  de  canne.  Chop,  chop,  chop  —  les 
têtes  roulent  l'une  après  l'autre  en  autant  de  secondes.  Arrivé  au 
septième  condamné  —  le  couteau  est-il  émoussé,  le  bourreau  est- 
il  fatigué?  —  le  cou  de  la  victime  n'est  tranché  qu'à  moitié.  Mais 
l'exécuteur  ne  s'arrête  pas  pour  si  peu.  Il  retourne  rapidement  en 
arrière,  prend  un  autre  sabre  et  passe  à  Thomme  qui  suit.  II  ne 


392  ÉTLDES   COLONIALES 

revient  au  septième  patient  qu'après  que  les  autres  têtes  gisent 
dans  des  flaques  de  sang  devant  les  épaules  qui  les  portaient  en- 
core quelques  secondes  auparavant.  Et  chacun  des  condamnés  a 
assisté  à  la  mort  de  ceux  qui  se  trouvaient  devant  lui  avec  une 
curiosité  bestiale  et  a[ensuite  tendu  son  propre  cou  au  couteau  !  La 
terre  est  trempée  de  sang.  On  y  patauge  jusqu'à  la  cheville.  Les 
spectateurs  rugissent  de  plaisir  et  de  fureur.  Les  horribles  corps 
décapités  gisent  çà  et  là  dans  des  attitudes  grotesques  et  eflrayan- 
tes.  Le  bourreau  est  rouge  jusqu'aux  genoux.  Ses  mains  dégouttent 
de  sang.  Croyez-moi  sur  parole,  dit  M.  Norman,  à  ce  moment-là, 
on  se  sent  le  cœur  bien  faible. 

On  n'est  heureusement  pas  retenu  plus  longtemps.  Aussitôt 
que  la  dernière  tête  est  tombée,  la  foule  s'en  va  avec  précipitation - 
Il  ne  reste  que  quelques  gamins  qui  jouent  avec  les  cadavres  et 
se  bousculent  l'un  lautre  dans  la  mare  de  sang.  Les  troncs  sont 
jetés  dans  un  fossé  et  les  têtes  sont  enfermées  dans  de  grands 
vases  de  terre  qu'on  empile  avec  ceux  qui  garnissent  déjà  la  mu- 
raille de  l'atelier  du  potier.  J'ai  eu  quelques  moments  d'entretien 
avec  le  bourreau  après  l'exécution,  ajoute  l'auteur.  Décapiter  n'était 
pas  la  profession  de  sa  famille;  il  ne  le  faisait  qu'occasionnellement. 
Mais  le  métier  n'était  plus  comme  autrefois.  Auparavant  il  recevait 
deux  dollars  par  tête  coupée  ;  maintenant,  ce  n'est  plus  que  cinquante 
cents.  A  ce  prix-là,  il  ne  vaut  guère  la  peine  de  trancher  des  têtes. 
Il  est  vrai  que  cela  ne  prend  pas  beaucoup  de  temps.  —  Voulez- 
vous  m'acheter  le  couteau?  me  demanda-t-il.  —  Certainement. 
—  Neuf  dollars.  —Je  l'ai  accroché  à  mon  mur,  conclut  M.  Norman, 
et  il  m'est  un  excellent  antidote  contre  tout  ce  que  je  lis  sur  les 
progrès  de  la  civilisation  en  Chine. 


*v 


VOYAGES  DE  M.  600DREAO  -4- 

•^  DANS  L'AMAZONIE 


Des  avantages  économiques  que  Torientation  coloniale  a  donnés 
à  la  Belgique,  ceux  qu'elle  retirera  indirectement  de  son  œuvre  afri- 
caine semblent  devoir  être  de  beaucoup  les  plus  considérables.  Le 
Congo  a  été  une  école  où  nous  avons  appris  comment  nous  devions 
nous  attaquer  au  monde.  Le  succès  d'initiation  affirmé,  certain, 
nous  cherchons  de  nouveaux  champs  d'activité  où  des  conditions 
analogues  à  celles  déjà  rencontrées  nous  permettront  de  déployer 
nos  forces,  exercées  par  un  premier  effort.  Pour  l'exploitant  de  la 
plaine  congolienne,  il  n'est  pas  de  région  où  les  productions,  le 
climat  et,  dans  une  certaine  mesure,  les  facilités  d'accès  ressem- 
blent plus  à  celles  qu'il  connaît  déjà,  que  l'Amazonie.  II  y  a  un 
intérêt  capital  pour  lui  à  étudier  celte  vaste  contrée  qui  sollicite 
ses  hommes  et  ses  capitaux.  L'analyse  des  «  voyages  de  M.  Henri 
Coudreau  »  qui  ont  paru  récemment,  nous  permettra  de  faire  con- 
naître rapidement  la  zone  Sud-orientale  de  l'État  de  Para,  une  des 
plus  riches  et  des  plus  curieuses  du  pays. 

Voyage  au  Tapajoz. 

Le  Tapajoz,  le  grand  affluent  méridional  de  l'Amazone,  descend 
des  plateaux  du  Matto  Grosso  en  cascades  qui  l'interrompent 
jusqu'à  Goyana.  11  reçoit  dans  son  cours  supérieur  le  Sâo  Manoel, 
important  affluent  venant  aussi  du  Sud.  Le  confluent  de  ces  deux 
rivières  commande  ainsi  une  vaste  région  située  économiquement 
dans  l'aire  de  l'Etat  de  Para,  mais  que  l'Etat  de  Matto  Grosso 
revendique  énergiquement.  Le  voyage  que  M.  Coudreau  fit  au 
Tapajoz  pour  le  compte  du  gouverneur  du  Para  devait  apporter  à 
celui-ci  de  quoi  prouver  l'utilité  du  rattachement  du  territoire  con- 
testé à  l'Etat  amazonien. 


394  ÉTUDES   COLONIALES 

Parti  de  Para  par  vapeur  le  25  juillet  1895,  M.  Coudreau 
débarqua  le  2  août  à  Itaituba  à  quelques  kilomètres  en  amont 
duquel  les  chutes  font  cesser  la  navigation  par  steamer.  Trente 
maisons  sur  une  rangée,  deux  palmiers,  quatre  manguiers,  une 
vague  pelouse  :  c'est  la  «  ville  )>.  Voici  Tîle  de  Goyana  et  adieu 
l'eau  tranquille. 

Jusqu'au  cœur  de  Matto  Grosso  ce  ne  sont  plus  que  rapides  et 
chutes  échelonnés  à  intervalles  variables.  On  s'embarque  sur  une 
«  igarilé  »,  barque  du  pays  de  6  tonnes  de  charge  à  peu  près,  que 
Ion  vide  et  passe  à  la  corde  aux  rapides,  pour  la  recharger  ensuite 
et  continuer  l'ascension. 

Voici  d'abord  les  rapides  du  Bas-Tapajoz  que  les  voyageurs 
contournent  par  un  sentier.  Le  senhor  Auguste  y  assure  le  service 
des  transports  avec  un  âne  unique  qu'il  loue  moyennant  10  cen- 
times par  kilogramme  de  charge. 

Cette  organisation  rudimentaire  est  la  seule  du  genre.  Plus  en 
amont  il  va  falloir  assurer  soi-même  le  portage. 

Le  voyageur  reprend  sa  navigation  sur  la  large  rivière,  glissant 
sans  effort  ou  roulant  en  tumulte,  entre  des  berges  busses,  con- 
stamment cachées  par  1  épaisse  forêt  vierge  où  ne  se  voient  ni 
villages,  ni  camps,  ni  prairies.  Toujours  la  forêt  inhabitée  pen- 
dant des  jours  et  des  jours.  La  carte  indique  tout  proche  un  nom  : 
Maugabal  Grande.  Ce  doit  être  une  ville.  C'est  l'établissement  de 
M.  Pinto,  un  des  plus  importants  de  la  rivière  :  six  maisons! 
Pedro  Pinto  a,  comme  tout  le  monde,  des  hommes  au  caoutchouc, 
mais  il  fait  aussi  de  l'élevage  et  a  commencé  une  plantation  de 
caoutchoutiers  qui  ont  déjà  quelques  années.  Avec  ses  500  tètes 
de  bétail,  ses  seringaes  naturels  en  exploitation  et  ses  seringaes 
plantés,  Pedro  Pinto  représente  une  des  «  jolies  situations  »  du 
Tapajoz.  En  face  «  un  village  »  indien,  le  plus  septentrional  de  la 
tt  grande  »  tribu  Mundurucù.  Sa  population,  hommes,  femmes, 
enfants,  trente  au  total,  travaille  pour  Pinto. 

Des  lieues  encore  de  rivière  et  de  forêt  sans  traces  d'hommes. 
Un  établissement  en  ruines  apparaît.  C'est  la  mission  abandonnée 
de  Barracal,  tentative  malheureuse  mais  instructive.  Le  fondateur 
Fr.  Castrovalvas  avait  réuni  là,  il  y  a  quelque  vingt  ans,  600  Indiens 
Mundurucus  qu'il  voulait  régénérer  par  le  travail.  La  plupart 
avaient  déjà  été  employés  chez  des  blancs  où  ils  avaient  acquis 


VOYAGES   DE  M.    COUDKEAU   DANS   l'aMAZOME.  30y 

quelques  connaissances  agricoles.  Mais  l'endroit  était  mal  choisi. 
Il  était  fertile,  mais  malsain.  Les  Indiens  moururent  en  grand 
nombre  et  quand  le  frère  abandonna  son  œuvre,  cinquante  seule- 
ment de  ses  indigènes  restaient  :  les  autres  étaient  morts.  Cette 
expérience  fut  elle  décisive?  Il  est  permis  de  ne  pas  le  croire. 
L'entreprise  s'annonçait  florissante  quand  les  fièvres  s'emparèrent 
du  personnel  de  la  mission.  Un  autre  terrain  et  l'échec  retentissant 
eut  peut-être  fait  place  à  une  victorieuse  démonstration.  Que  ne 
renouvelle-t-on  cet  essai  de  concentration  et  de  conservation  de  ce 
qui  manque  le  plus  à  l'Amazonie  :  l'homme? 

Le  rideau  de  verdure  a  repris  sans  trêve.  De  temps  à  autre 
cependant,  une  cabane  de  seringaes  apparaît,  puis  une  large 
éclaircie  se  dessine,  une  nappe  d'eau  se  déverse  dans  la  rivière. 
C'est  le  rio  das  Tropas,  très  riche  en  caoutchouc,  qu'exploitent 
environ  200  négociants  de  Marano,  aidés  d'Indiens.  La  rivière 
est,  dit-on,  fort  insalubre,  mais  a  le  grand  avantage  d'être  aisé- 
ment navigable. 

Le  25  septembre,  après  trente-cinq  jours  de  voyage,  depuis 
Itaituba,  M.  Coudreau  est  à  Chacorâo  chez  M.  Cardozo,  autre 
personnalité  importante  du  Tapajoz.  «  Cardozo,  dit-il,  est  au  nom- 
bre des  principaux  éleveurs  de  la  rivière.  Outre  sa  ferme  d'élevage, 
il  a  su  créer  des  prairies  artificielles  où  paissent  une  trentaine  de 
têtes  de  bétail.  Parlant  peu,  réfléchi,  intelligent,  très  probe,  ser- 
viable,  Cardozo  est,  à  mon  sens,  une  haute  personnalité.  » 

C'est  à  ces  rares  habitants  de  marque  qu'il  faut  s'adresser  pour 
obtenir  pilote  et  hommes  pour  continuer  son  voyage.  Seuls  ils 
disposent  régulièrement  d'un  personnel  sur  lequel  on  peut 
compter.  La  plupart,  comme  ce  M.  Silva,  rencontré  plus  haut 
aux  rapides  de  Capoeiros,  sont  d'anciens  militaires  venus  en  gar- 
nison dans  la  basse  rivière  et  qui,  libérés,  ont  pris  femme  et 
remonté  le  fleuve  pour  créer  au  hasard  de  leur  activité,  de  floris- 
sants mais  trop  rares  établissements,  dans  le  grand  désert 
d'arbres. 

Nous  sommes  arrivés  au  confluent  du  Sao  Manoel,  point  straté- 
gique que  revendique  le  Matto  Grosso.  Pour  affirmer  ses  droits  et 
sans  attendre  l'avis  du  Conseil  fédéral,  il  envoya  de  Cuyaba,  en 
1894,  une  expédition  chargée  d'établir  un  poste  de  douane  au 
confluent  contesté.  Le  poste  fut  fondé  malgré  les  protestations  du 


31)6  ÉTUDES   COLONiALKS 

Para.  Il  n'en  reste  plus  aujourd'hui  que  des  ruines  et  un  petit 
cimetière.  L'expédition  a  été  détruite  entièrement  à  son  voyage  de 
retour  et  ce  massacre  est  venu  démontrer  le  bien  fondé  du  ratta- 
chement politique  et  économique  de  ces  régions  à  l'Ëtat  du  Para. 

La  richesse  en  caoutchouc  ne  cesse  pas  sur  le  haut  Tapajoz  :  les 
îles,  les  rives  voisines,  les  coteaux  à  1  horizon  en  regorgent.  Un 
seul  civilisé,  M.  Leite,  l'exploite.  Il  dispose  d'une  tribu  indienne  et 
cherche  à  grouper  autour  de  lui  tous  les  Apiacas  afin  de  se  livrer 
en  grand  à  la  récolte  dé  la  gomme  et  à  l'élevage. 

Après  la  chute  de  Saûil-Simon  et  les  nombreux  rapides  qui 
suivent,  on  atteint  la  grande  chute  Auguste.  Ces  deux  «  sauts  » 
sont  les  seuls  que  les  bateaux  ne  puissent  franchir  à  vide.  Il  faut 
soit  les  abandonner,  soit  les  traîner,  au  prix  d'énormes  difficultés, 
au  milieu  des  rochers. 

Les  grands  «  sauts  »  Auguste  sur  le  Tapajoz  et  Sele  Quedas, 
sous  la  même  latitude,  sur  le  Sao  Manoel,  constituent  dans  le 
bassin  du  Tapajoz  la  limite  méridionale  de  la  zone  amazonienne. 
Au  point  de  vue  climatologique,  au  point  de  vue  ethnique,  au 
point  de  vue  des  productions  et  surtout  des  communications,  il  y 
a  là  une  frontière  naturelle. 

Les  intérêts  considérables  que  la  Belgique  a  déjà  et  se  prépare 
encore  au  Matto  Grosso  nous  engagent  à  insister  sur  ce  point. 
Quelle  est  la  valeur  du  Tapajoz  pour  la  pénétration  au  Matto 
Grosso? 

Nous  avons  vu  que  de  Para  il  faut  huit  jours  de  vapeur  pour 
atteindre  Itaibuta  ;  puis  quatre-vingt-cinq  jours  de  canot  avec  des 
transbordements  pour  atteindre  au  delà  de  37  groupes  de  rapides 
et  de  chutes  le  saut  Augusto.  Au  delà  de  celui-ci,  limite  des  éta- 
blissements civilisés,  il  faut  remonter  pendant  500  kilomètres  le 
fleuve  et  l'Adrinas  encombré  de  rapides  pour  atteindre,  à  travers 
un  désert  parcouru  par  les  seuls  féroces  Tapanhunas  et  Parin- 
tintins,  les  premiers  blancs  du  Matto  Grosso. 

Arrivé  à  Porto  Vehlo  après  quinze  jours  de  cette  montée,  on 
prend  la  route  de  terre  jusque  Diamentino  ou  Rosario  (deux  jours) 
d'où  l'on  descend  le  Cuyaba  jusqu'à  la  ville  de  ce  nom. 

Les  marchandises  qu'on  expédierait  de  Para  pour  ravitailler 
éventuellement  des  postes  du  Matto  Grosso,  mettraient  donc  près 
de  trois  mois  et  demi  pour  arriver  à  destination,  en  admettant  que 


VOYAGES  DE  M.    COUDREAL'   DANS  l'aMAZONIE.  397 

la  cinquantaine  de  transbordements  qu'elles  auraient  subis  leur 
laissent  quelque  valeur  et  qu'elles  aient  échappé  aux  Indiens 
bravos.  La  voie  du  Tapajoz  semble  donc  peu  recommandable  pour 
atteindre  le  Matto  Grosso  ;  elle  parait,  au  contraire,  une  route 
relativement  fréquentée  pour  en  sortir. 

«  En  dépit  des  Tapanhunas,  dit  M.  Coudreau,  l'Arinos,  voie  de 
communication  directe  et  depuis  longtemps  fréquentée  entre  le 
Tapajoz  et  les  villes  du  Matto  Grosso,  est  parfaitement  connue. 
Déjà  les  gens  du  Matto  Grosso  y  exploitent  des  seringaes,  tout  en 
faisant  l'élevage  du  bétail  dans  les  Gampos.  L'Arinos  qui  coule  en 
pays  plat,  est,  dit-on,  extrêmement  riche  en  seringaes.  Il  en  serait 
de  même  du  Juruena  où  l'on  s'est  récemment  installé  ;  toutefois, 
ce  dernier  est  encore  peu  connu,  car  la  crainte  des  Indiens  bravos 
retient  les  chercheurs  de  caoutchouc.  » 

L'explorateur  n'a  mis  que  vingt-cinq  jours  pour  descendre  le 
fleuve  depuis  la  chute  Auguste  jusqu'à  Para.  Il  faut  donc  compter 
sur  un  bon  mois  à  peu  près,  pour  aller  du  Matlo  Grosso  à  la  mer 
par  le  Tapajoz. 

M.  Coudreau  a  eu  l'occasion,  au  cours  de  son  voyage,  de  com- 
pléter et  de  rectifier  les  données  que  l'on  avait  sur  la  tribu  des 
Mundurucus,  la  plus  importante  de  la  rivière.  Importance  relative 
puisqu*ils  comptent  au  plus  1,500  âmes,  mais  considérable  cepen- 
dant dans  un  pays  où  l'absence  d'hommes  est  l'obstacle  capital  à 
vaincre  pour  mettre  les  richesses  naturelles  en  valeur. 

Les  Mundurucus  sont  dispersés  en  une  cinquantaine  d  aldéas  — 
villages  —  disséminés  sur  la  rivière  et  dans  l'intérieur.  C'est  dans 
les  campos  du  Cururu-Cadeiry  qu'ils  vivent  pour  la  plupart  et  leurs 
parcours  vont  d'entre  Secundary  et  Madeira  jusqu'au  Xingu  et  des 
formateurs  du  Tapajoz  et  du  Saô  Manoel  aux  derniers  rapides 
d'aval  vers  les  Maues.  Sur  un  espace  de  300,000  kilomètres  carrés 
—  la  moitié  de  la  France  —  ils  répandent  la  terreur  sur  les  petits 
groupes  d'autres  races.  Ils  sont  agriculteurs  et  chasseurs.  Leurs 
cultures  rudimentaires,  limitées  à  quelques  rares  plantes  de  la 
forêt  voisine,  leur  sont  d'un  grand  secours.  Mais  propriétaires 
d'un  vaste  territoire  couvert  de  forêts  vierges  et  de  prairies,  bons 
chasseurs  et  possédant  d'excellents  chiens,  ils  tirent  de  la  chasse 
leur  principale  alimentation.  Le  goût  et  ta  nécessité  de  la  chasse, 
au  lieu  de  les  réunir,  de  les  agglomérer,  tend  au  contraire  à  les 


398  ÉTIDES   COLONIALES 

isoler  toujours  davantage,  puisque  ce  n'est  qu'à  la  condition  d'être 
rares  pour  le  gibier  que  celui-ci  peut  Jes  nourrir. 

C'est  le  motif  qui  pousse  les  familles  Mundurucus  à  se  disperser 
pendant  Tété.  La  tribu  n'en  reste  pas  moins  fortement  unie  par  des 
liens  moraux.  Les  parents,  très  attachés  à  leurs  enfants,  les  élèvent 
et  les  protègent  avec  sollicitude.  Tous  sont  très  sobres,  vivant  pen- 
dant les  jours  pluvieux  d'hiver  de  patates,  d'ignames  et  decasthanas. 

Dès  que  Tété  arrive  ils  s'organisent  pour  la  razzia  et  par  fortes 
troupes  de  100  à  200  hommes  vont  tomber  à  Tlmproviste  sur  les 
villages  sans  défense  où  ils  brûlent  et  tuent,  pour  voler  les  femmes 
et  les  enfants. 

Ils  sont  toutefois  amis  des  blancs,  dont  ils  ont  compris  la  puis- 
sance mieux  que  d'autres  de  leurs  congénères.  Mais  quel  usage 
faire  de  cette  amitié?  Quel  effet  utile  en  tirer?  Leurs  mœurs 
vagabondes  et  guerrières  se  refusent  le  plus  souvent  à  les  laisser 
s'établir  autour  de  quelque  seringa  brésilienne  pour  y  faire  la 
récolte  du  caoutchouc.  Nous  avons  vu  cependant  qu'ils  ne  sont 
pas  totalement  réfractaires  à  pareil  travail.  Certains  gros  négociants 
de  la  rivière  en  ont  attiré  de  petits  groupes  autour  de  leur  établis- 
sement et  se  sont  fait  proclamer  chef  de  Faldéa  qui  constitue  leur 
seule  ressource  en  main-d'œuvre.  Le  travail  facile  de  récolteur  de 
gomme  et  de  berger  pourrait  être  à  ces  semi-nomades  une  excel- 
lente initiation  à  la  vie  sédentaire  et  aux  travaux  agricoles  propre- 
ment dits.  Mais  la  race  décroît  rapidement  et  l'on  peut  se  demander 
si  sa  vitalité  sera  suffisante  pour  lui  permettre  d'achever  une 
évolution  à  peine  naissante  aujourd'hui. 

L'absence  d'hommes,  voilà  ce  qui  domine  impérieusement  le 
développement  économique  de  l'Amazonie  tout  entière.  Sur  son 
immense  itinéraire,  qui  en  d'autres  régions  du  monde,  la  France 
et  l'Espagne,  par  exemple,  lui  permettraient  de  rencontrer  50  mil- 
lions d'hommes,  M.  Coudreau  trouve  une  population  qu'en  amont 
à  Itaituba,  qu'il  évalue  comme  suit  : 

Civilisés  des  rives  du  Tapajoz 1,080 

Id.      du  alto  Tapajoz 73 

Id.      duS.  Manoel 152 

Id.      de  l'intérieur 1,680 

Au  total  2,985  civilisés  auxquels  il  ajoute  1,460  Mundurucus  et 
100  Apiacas.  Tout  le  Tapajoz  ne  suffirait  pas  à  peupler  un  de  nos 
bourgs  belges. 


r  . 


^' 


TANAKAI?IVE. 


spect  de:ia  Ville. 


VOYAGES  DE  M.    COUDllEAU   DANS   l'aMAZONIE.  399 

Pourtant,  lentement,  les  civilisés  le  peuplent.  Ils  arrivent  par  la 
seule  poussée  d'instinct  qui  leur  fait  pressentir  un  pays  d'avenir. 

Ce  n'est  pas  seulement  le  caoutchouc,  exploité  aujourd'hui 
jusqu'à  Salto  AugUvSto  et  abondant  jusqu'au  centre  du  Matto  Grosso 
où  les  gens  de  Diamantina  le  travaillent  sitôt  au-dessous  des  Cam- 
pes Geraes  et  dans  l'Arinos,  le  Summidoro,  le  Rio  Preto  et  le 
Bas  Juruena;  ce  n'est  pas  le  caoutchouc  seulement  qui  fait  la 
richesse  du  Tapajoz,  dont  il  constitue  provisoirement,  en  attendant 
mieux,  la  production  principale. 

Il  serait  difficile  de  connaître  la  production  totale  de  beaucoup 
des  plus  importants  exploiteurs  de  borracha.  Mais  la  récolte 
annuelle  de  trois  des  gros  négociants  de  la  rivière  vaut  seule  une 
petite  tort  une. 

Ceux  qui  ont  voulu  faire  œuvre  durable,  MM.  Cobra,  Tartagura, 
Pedro  Pinto  et  quelques  autres  ont  planté.  Mais  leurs  plus  ancien- 
nes plantations  n'ont  encore  que  cinq  ans  au  maximum  et  le  caout- 
chouc demande  dix  ans  pour  être  saigné.  Les  îles  les  plus  riches: 
de  Cururu,  20  estradas  ;  de  Conceizao,  10  ;  de  Marengo,  20,  ne 
vaudront  jamais  une  plantation. 

Le  Tapajoz  des  rapides  a  commencé  et  il  veut  continuer  :  il  veut 
planter  du  caoutchouc  et  créer  des  prairies  artificielles  pour  élever 
du  bétail,  en  attendant  de  pouvoir  se  pousser  vers  le  Campos 
Geraes  du  Curucu-Caderi.iy.  La  terre  est  là  vaste  et  féconde,  n'at- 
tendant que  le  semeur.  Quand  celui-ci  viendra  en  nombre,  le 
bassin  du  Tapajoz  sera  une  des  plus  riches  régions  du  Brésil. 

Et  M.  Coudreau  recherchant  l'attache  du  florissant  Etat  futur  avec 
la  civilisation,  le  port  où  s'entreposeraient  les  produits  d'Europe 
et  ceux  de  l'intérieur,  désigne  l'île  de  Goyana  et  la  rive  voisine  pour 
ce  point  de  grand  avenir.  C'est  d'amont  en  aval  la  fin  des  chutes, 
d'aval  en  amont  le  terminus  de  la  navigation  à  vapeur.  Entre  les 
frontières  du  Matto  Grosso  et  Santarem  il  n'est  pas,  dit-il,  de 
situation  plus  avantageuse.  Le  climat  y  est  sain,  les  ressources 
abondantes  et  variées;  Itaituba,  la  «  ville  »  actuelle  sise  un  peu 
plus  bas,  n'a  rien  de  tout  cela.  L'une  doit  être  délaissée  pour  l'autre. 
Quelques  négociants  intelligents  l'ont  compris  et  déjà  une  dizaine 
de  maisons  s'élèvent  sur  les  rives  et  dans  les  îles  voisines,  noyau 
d'une  ville  qui  dans  un  avenir  lointain,  mais  sûr,  sera  une  des  plus 
considérable  de  l'Amazonie. 


La  Question  des  Passes  de  Transit 

EN    CHINE 


L'avenir  du  commerce  étranger  en  Cliine  dépend  étroitement  de 
la  solution  de  la  question  du  likin,  c'est-à-dire  des  droits  perçus 
par  les  autorités  chinoises  aux  différentes  barrières  que  les  mar- 
chandises doivent  traverser  en  cours  de  route.  L'incertitude  et 
l'arbitraire  de  ces  taxations  amenèrent  TAngleterre  à  conclure 
avec  la  Chine  une  convention  substituant  à  ces  taxes  diverses,  un 
droit  unique  et  fixe  connu  sous  le  nom  de  droit  de  transit.  La 
difficulté  semblait  donc  être  résolue  d'une  façon  toute  simple. 
Mais  on  avait  compté  sans  les  autorités  locales  dont  les  revenus 
recevaient  par  cet  arrangement  une  atteinte  des  plus  sensible. 
Elles  s'opposèrent  par  tous  les  moyens  à  l'observation  loyale  des 
conventions  diplomatiques  et  depuis  quarante  ans  que  celles-ci 
existent,  les  commerçants  étrangers  n'ont  cessé  d'émettre  des 
plaintes  et  d'envoyer  des  protestations  au  sujet  des  agissements 
des  mandarins.  Le  gouvernement  chinois  semble  disposé  mainte- 
nant à  mettre  un  terme  à  celte  situation  préjudiciable.  Il  vient  de 
charger  deux  commissaires  de  rédiger  des  propositions  de  revision 
des  tarifs  douaniers  actuellement  en  vigueur.  Aussitôt  que  ces 
deux  commissaires  auront  reçu  les  rapports  des  gouverneurs  des 
provinces,  ils  se  mettront  en  rapport  avec  sir  Robert  Hart,  le 
directeur  général  des  douanes  impériales  maritimes  de  Chine. 

Les  points  principaux  des  propositions  chinoises  sont,  paraît-il, 
les  suivants.  Pas  d'augmentation  des  droits  de.  sortie  ou  des 
passes  de  transit  pour  l'exportation,  mais  revision  du  txirif  d'expor- 
tation sur  la  base  de  5  p.  c.  ad  valorem;  par  contre,  augmentation 
à  concurrence  du  double,  des  droits  d'entrée  et  des  droits  de  tran- 
sit pour  les  importations.  Ces  deux  droits  seraient  perçus  en  même 
temps  dans  le  port  d'entrée,  sans  distinguer  si  les  marchandises 


LA   QUESTION   DKS   I»ASSES  DE  TRANSIT  EN  CHINE  401 

sont  destinées  au  port  même  ou  à  rintéricur.  En  d  autres  termes, 
les  droits  d'importation  seraient  accrus  de  5  p.  c,  taux  actuel,  à 
15  p.  c.  ad  valorem.  En  retour  de  ces  concessions,  la  Chine  s'en- 
gagerait à  supprimer  le  likin  et  les  autres  droits  sur  les  impor- 
tations. 

C'est  surtout  la  suppression  des  droits  intérieurs  qui  est  le  point 
intéressant.  La  Chine  aura-t-elle  le  courage  de  tenir  la  main  à 
l'observation  par  les  mandarins  des  promesses  qu'elle  fait?  Le 
passe  ne  répond  guère  de  l'avenir.  Le  mépris  :ivec  lequel  les  auto- 
rités locales  ont  traité  jusqu'à  présent  les  conventions  internatio- 
nales et  le  peu  d'empressement  dont  le  gouvernement  central  a  fait 
preuve  dans  la  répression  des  abus,  ne  permettent  pas  de  se  faire 
trop  d'illusions.  Le  meilleur  moyen  d  oter  aux  fonctionnaires  de 
l'intérieur  l'envie  de  recourir  à  des  moyens  détournés  pour  récu- 
pérer les  droits  qu'ils  perdent  par  l'eflet  des  passes  de  transit, 
serait  d'intéresser  les  provinces  pour  un  tantième  dans  le  produit 
des  droits  de  douanes.  Le  fera-t-on?  C'est  le  secret  des  négocia- 
tions qui  vont  s  ouvrir  bientôt. 

Les  récentes  propositions  de  la  Chine  reportent  l'attention  sur 
la  situation  actuelle  et  sur  les  abus  dont  souffre  le  commerce  inter- 
national en  Chine  ainsi  que  sur  la  manière  dont  les  mandarins  s'y 
prennent  pour  tourner  les  traités  et  pour  décourager  toute  initia- 
tive étrangère.  Ce  côté  de  la  question  chinoise  a  été  étudié  d'une 
façon  remarquable  par  MM.  Neville  et  Bell  (1).  Ces  messieurs  ont 
été  envoyés  en  Chine  par  la  Chambre  de  commerce  de  Blackburn 
pour  y  étudier  sur  place  les  ressources  du  pays  et  la  possibilité 
d'y  trouver  des  débouchés  pour  les  produits  anglais.  Il  était  donc 
naturel  qu'ils  portassent  spécialement  leur  attention  sur  les  me- 
sures qui  entravent  la  libre  action  du  commerce  étranger  en 
Chine. 

Avant  d'entrer  dans  les  détails  de  la  question,  il  est  bon  de  jeter 
un  regard  sur  les  traités  qui  ont  établi  les  conditions  dans  les- 
quelles les  étrangers  ont  le  droit  de  faire  le  commerce  dans  l'Em- 
pire du  Milieu.  La  première  guerre  de  Chine  aboutit,  en  1842,  à  la 
conclusion  du  traité  de  Nankin,  par  lequel  le  gouvernement  chi- 


(l)  Report  of  the  mxmon'to  China  of  the  Blackburn  Chamber  of  commerce.  l»y  H.  Xe- 
vnie  and  H.  Bell. 


40â  ÉTUDES  COLONIALES 

nois  s'engageait  à  établir  dans  les  cinq  ports  de  Canton,  Amoy, 
Shanghaï^  Foo-chow  et  Ning-po,  qui.étaient  alors  ouverts  au  com- 
merce international,  «  un  tarif  équitable  et  régulier  de  droits 
d'entrée  et  de  sortie  ».  L'article  10  disposait  que  «  lorsque  les 
marchandises  anglaises  auront  acquitté,  dans  Fun  des  ports  indi- 
qués, les  droits  et  taxes  établis  conformément  au  tarif  qui  sera 
arrêté  postérieurement,  ces  marchandises  pourront  être  transpor- 
tées par  les  marchands  chinois  vers  les  provinces  et  les  villes  de 
l'intérieur  de  TEmpire  chinois  en  payant  un  supplément  comme 
droit  de  transit,  lequel  n'excédera  pas  ...  p.  c  du  droit  fixé  parle 
tarif  pour  ces  marchandises  ». 

11  fut  ensuite  convenu  par  la  «  déclaration  relative  au  droit  de 
transit  »  signée  à  Hong-Kong,  le  26  juin  1843  que  : 

(c  Considérant  que  le  taux  du  droit  de  transit  n'a  pas  été  fixé 
par  le  traité,  le  supplément  de  droit  à  percevoir  sur  les  marchan- 
dises anglaises  (c'est-à-dire  après  le  paiement  des  droits  d'entrée) 
comme  droit  de  transit,  n'excédera  pas  les  taux  actuels,  lesquels 
sont  établis  sur  une  échelle  modérée.  » 

En  1858,  fut  conclu  le  traité  deTien-tsin,  par  lequel  dix  nou- 
veaux ports  furent  ouverts  au  commerce  étranger  et  dans  lequel 
il  fut  stipulé,  outre  d'autres  changements  importants,  que  : 

(C  Considérant  qu'il  a  été  convenu  par  l'article  X  du  traité  de 
Nanking  que  lorsque  les  marchandises  anglaises  auront  acquillé 
les  droits  d'entrée  fixés  au  tarif,  elles  pourront  être  transportées 
dans  l'intérieur,  libres  de  toutes  autres  taxes,  sauf  un  droit  de 
transit  dont  le  montant  ne  peut  pas  dépasser  un  certain  pourcentage 
des  droits  du  tarif;  considérant  que,  d'autre  part,  aucun  renseigne- 
ment n'ayant  été  fourni  au  sujet  de  l'import  de  ce  droit,  les  com- 
merçants anglais  se  plaignent  constamment  que  les  autorités  pro- 
vinciales imposent,  au  détriment  du  commerce,  des  taxes  nouvelles 
et  arbitraires,  comme  droits  de  transit,  sur  les  produits  en  route 
vers  les  marchés  étrangers  et  sur  les  importations  en  route  vers 
l'intérieur,  il  est  convenu  que  dans  un  délai  de  quatre  mois  à  par- 
tir de  la  signature  du  présent  traité,  dans  tous  les  ports  ouverts  au 
commerce  britannique  et  dans  un  délai  de  même  durée  pour  les 
ports  qui  seraient  ouverts  dans  la  suite,  les  autorités  chargées  de 
la  perception  des  droits  seront  obligées,  à  la  requête  du  consul,  de 
déclarer  le  montant  des  droits  à  percevoir  sur  les  produits  depuis 


LA   QUESTION  DES  PASSES  DE  TRANSIT  EN  CHINE  403 

le  lieu  de  production  jusqu'au  port  d'embarquement,  et  pour  les 
importations,  depuis  le  port  consulaire  en  question  jusqu'au  mar- 
ché intérieur  indiqué  par  le  consul.  Une  notilication  en  sera  publiée 
en  anglais  et  en  chinois  pour  rintbrmation  g<hiérale.  Mais  il  sera 
loisible  à  tout  sujet  anglais  qui  désire  amener  des  produits  achetés 
à  l'intérieur  vers  un  port  ou  transporter  des  importations  d'un 
port  vers  un  marché  intérieur,  d'affranchir  ses  marchandises  de 
tous  droits  de  transit  par  le  payement  d'une  seule  taxe.  Le  montant 
de  celle  taxe  pourra  être  perçu  sur  les  exporlations  à  la  première 
barrière  qu'elles  passeront,  et  sur  les  importations  dans  le  port  où 
elles  seront  débarquées  ;  contre  payement  de  cette  taxej  un  certi- 
ficat sera  délivré  qui  affranchira  les  marchandises  de  toute  charge 
ultérieure  quelconque.  Il  est  convenu  ensuite,  que  le  montant  de 
celle  taxe  sera  calculée  aussi  exactement  que  possible  à  raison  de 
2  1/2  p.  c.  ad  valorem  et  qu'elle  sera  fixée  pour  chaque  article  dans 
la  conférence  qui  doit  avoir  lieu  à  Shanghaï  pour  la  revision  du 
tarif.  » 

La  conférence  se  tint  à  Shanghaï  et  le  8  novembre  1858,  un 
accord  fut  signé  qui  fixait  l'échelle  des  droits  du  tarif,  calculés  à 
raison  de  5  p.  c.  des  prix  courants  des  marchandises  sur  le  mar- 
ché. Certaines  clauses  furent  adoptées  dont  lune,  le  n**  VU,  est 
importante  parce  quelle  définit  plus  clairement  la  portée  de  l'ar- 
ticle XXVIII  du  traité  de  Tientsin  : 

«  Il  est  entendu  que  l'article  XXVIII  du  traité  de  Tientsin  sera 
interprété  de  manière  à  signifier  que  le  montant  des  droits  de  tran- 
sit qui  peuvent  être  légalement  perçus  sur  les  marchandises  impor- 
tées ou  exportées  par  des  sujets  britaniques,  sera  de  la  moitié  des 
droits  du  tarif.  Les  droits  de  transit  sur  les  marchandises  seront 
acquittés  de  la  manière  suivante.  S'il  s'agit  d'importations  :  aus- 
sitôt que  notification  aura  été  faite,  dans  le  port  d'entrée  d'où  les 
importations  doivent  être  expédiées  vers  l'intérieur,  de  la  nature  et 
de  la  quantité  des  marchandises,  du  bâtiment  qui  les  a  débar- 
quées et  de  la  place  de  l'intérieur  à  laquelle  elles  sont  destinées, 
ainsi  que  de  tous  autres  renseignements  nécessaires,  le  receveur 
des  droits  de  douane,  délivrera,  après  vérification  et  perception 
du  droit  de  transit,  un  certificat  de  payement  du  droit.  Celui-ci  doit 
être  produit  à  chaque  barrière  et  visé.  Aucun  autre  droit  ne  pourra 
être  perçu  sur  les  importations  munies  de  ce  certificat,  peu  importe 


404  ÉTUDES   COLONIALES 

réloignement  de  leur  lieu  de  destination.  S*il  s'agit  d'exportations  : 
les  produits  achetés  par  un  sujet  anglais  seront  examinés  et  notés 
à  la  première  barrière  qu'ils  passent  en  se  dirigeant  vers  le  port 
d'embarquement;  un  mémorandum  indiquante  quantité  des  pro- 
duits et  le  port  où  ils  doivent  être  embarqués  y  sera  déposé  par  la 
personne  préposée  à  la  garde  des  produits;  celle-ci  recevra  alors 
un  certificat  qui  devra  être  produit  et  visé  à  chaque  barrière  tra- 
versée le  long  de  la  route  vers  le  port  d'embarquement.  A  l'arrivée 
des  produits  à  la  barrière  la  plus  proche  du  port,  avis  en  sera 
donné  à  la  douane  du  port  et,  quand  les  droits  de  transit  auront  été 
acquittés;  les  produits  pourront  passer.  Toute  tentative  de  passer 
des  marchandises  vers  l'intérieur  ou  l'extérieur,  autrement  que  par 
la  voie  qui  vient  d'être  indiquée,  les  rendra  passibles  de  confisca- 
tion. Toute  tentative  de  faire  passer  une  quantité  de  marchandises 
plus  grande  que  celle  qui  est  spécifiée  dans  le  certificat,  rendra 
toutes  les  marchandises  de  la  même  dénomination  énoncées  au  cer- 
tificat, passibles  de  confiscation.  La  douane  refusera  l'autorisation 
d'exporter  pour  tous  les  produits  dont  on  ne  pourra  justifier  le 
payement  des  droits  de  transit,  aussi  longtemps  que  ceux-ci  n'au- 
ront pas  été  acquittés,  » 

Les  extraitsqui  précèdent  ontcté  publiés  dans  un  a  mémorandum 
sur  la  question  des  droits  de  transit  »  édité  par  The  China  Associa- 
tion. Dès  le  commencement,  les  autorités  provinciales  considé- 
rèrent ces  traités  avec  un  déplaisir  marqué  et  elles  s'appliquèrent  à 
rendre  les  concessions  illusoires.  Cette  opposition  n'étonnera  per- 
sonne, caria  nouvelle  organisation  portait  un  coup  direct  au  sys- 
tème qui  leur  avait  permis  jusqu'alors  de  se  remplir  les  poches  de 
gains  mal  acquis  et  qui,  en  même  temps,  appauvrissait  sérieu- 
sement le  trésor  provincial.  Les  7  iji  p.  c.  que  perçoivent  dans 
les  ports  à  traité,  les  douanes  maritimes  impériales,  en  substitu- 
tion à  toutes  les  charges  intérieures,  sont  remis  directement  au 
Gouvernement  central  à  Pékin.  Il  est  vrai  qu'une  petite  partie  en 
est  destinée  aux  provinces,  mais  comme  elle  est  consacrée  à  un 
service  déterminé,  elle  ne  vient  pas  augmenter  le  revenu  général 
de  la  province.  C'est  dans  ce  fait  que  réside  tout  le  secret  des  diffi- 
cultés rencontrées  jusqu'à  présent  dans  l'observation  des  traités  par 
les  mandarins  et  la  raison  de  leur  opposition  à  toutes  les  conces- 
sions propres  à  rendre  leur  pays  plus  accessible  aux  marchandises 


LA   QUESTION   DES  PASSES  DE  THANSIT  KN  CHINE  405 

et  aux  commerçnnts  étrangers.  L'arrivée  d'étrangers  est  loin  d'être 
regardée  comme  un  bienfait  pour  les  mandarins  en  fonctions,  car 
elle  amène  généralement  un  efibrt  pour  remédier  aux  griefs  des 
commerçants  et  pour  mettre  un  frein  à  la  taxation  illimitée  des 
marchandises,  réformes  qui  ne  s'effectuent  qu'aux  dépens  des 
finances  provinciales.  Ils  considèrent  plutôt  les  étrangers  comme 
une  menace  contiiuielle  pour  leurs  intérêts,  et  loin  de  suivre  une 
politique  libérale  qui  amènerait  une  extension  du  commerce  dont 
lout  le  monde  profiterait,  ils  adoptent  une  tactique  dont  le  but  est 
d'étouffer  toute  initiative  et  de  décourager  même  le  plus  opiniâtre 
des  commerçants.  On  ne  doit  pas  oublier  que  les  fonctionnaires 
provinciaux  n'ont  pas  seulement  à  envoyer  chaque  année  des 
sommes  déterminées  à  Pékin  mais  qu'ils  doivent,  au  moyen  du 
revenu  ordinaire,  faire  face  h  toutes  les  dépenses  d'administration 
de  leur  province  et  soutenir  toute  une  armée  de  parasites  et  de 
partisans  de  tout  grade.  Los  appointements  des  fonctionnaires, 
grands  ou  petits,  sont  absolument  insuflisanls  pour  supporter  les 
frais  considérables  qu'entraîne  inévitablement  l'occupation  d'un 
emploi  public  en  Chine.  Et  comme  la  plupart  des  mandarins  s'ef- 
forcent non  seulement  de  récupérer  les  dépensesjqu  ils  ont  encou- 
rues pour  acquérir  leur  poste,  mais  encore  de  se  retirer  à  l'expira- 
tion de  leur  terme  de  service  les  poches  bien  garnies,  ils  s'opposent 
énergiquement  à  tout  système  de  nature  à  transférer  les  revenus 
de  leur  propre  trésor  à  celui  de  l'Empire. 

Pékin  en  profite,  mais  les  provinces  en  souffrent  et  en  dépit 
du  fait  qu'une  source  de  revenus  sure  a  été  enlevée  aux  autorités 
provinciales,  on  les  invite  à  envoyer  à  Pékin  des  sommes  de  plus 
en  plus  fortes  pour  pouvoir  tenir  tète  aux  exigences  de  la  situation. 
Serrés  donc,  d'une  part,  entre  une  diminution  de  revenus  et, 
d'autre  part,  entre  une  augmentation  de  dépenses,  les  mandarins 
provinciaux  se  sont  trouvés  dans  une  situation  intolérable.  Quand 
après  cela,  les  révoltes  des  Taïpings  et  des  Mahométans  vinrent 
drainer  toutes  les  ressources  du  pays,  ils  furent  réduits  à  de  telles 
extrémités  pour  trouver  de  l'argent  qu'ils  n'hésitèrent  pas  à  laisser 
de  côté  les  traités  et  à  faire  tomber  la  lourde  main  du  collecteur 
d'impôts  sur  les  marchandises  étrangères.  Les  termes  vagues  des 
traités  leur  livraient  une  porte  de  sortie  dont  ils  s'empressèrent  de 
se  servir.  Ils  prétendirent  que  par  «  droits  de  transit  »,  on  enten- 


406  ÉTUDES  COLONIALES 

dait  la  taxation  des  marchandises  pendant  le  voyage  et  qu'ils  agis- 
saient selon  leur  droit  en  imposant  un  loti-shui  ou  taxe  de  destina- 
tion quand  la  marchandise  avait  atteint  son  lieu  d'arrivée.  Il  est 
évident  que  l'admission  d'un  principe  pareil  ferait  des  concessions 
une  clause  vide  de  sens.  Qu'y  aurait-il  de  plus  absurde  que  de 
stipuler  que  les  marchandises  seraient  affranchies  de  toute  taxation 
en  route,  mais  de  permettre  qu'elles  pourraient  être  soumises  au 
lieu  d'arrivée  à  une  taxe  de  destination  qui  pourrait  facilement 
monter  à  plus  du  double  des  droits  supprimés?  Si  les  rédacteurs 
des  traités,  sir  Henry  PoUinger  en  1842  et  lord  Elgin  en  1838, 
avaient  eu  l'intention  d'accorder  un  tel  pouvoir  aux  autorités  pro- 
vinciales, ils  l'auraient  sûrement  défini  avec  précision  et  restreint 
à  certaines  limites,  et  ils  n'auraient  certainement  pas  permis  à  l'ar- 
bitraire ou  au  caprice  d'un  mandarin  local,  de  rendre  les  conces- 
sions des  traités  illusoires.  Que  telle  n'a  pas  été  leur  intention, 
résulte  d'une  dépêche  subséqirente  de  sir  Henry  Poltinger  au 
Foreign  Office  et  d'une  dépêche  de  lord  Elgin  de  1858  disant  : 
«  Il  n'y  avait  qu'un  seul  remède  aux  abus  dont  le  commerce  souf- 
frait :  c'était  la  substitution  d'un  seul  payement  fixe  aux  nombreuses 
et  irrégulières  taxations  actuelles.  » 

Il  est  incontestable  que  les  traités  de  Tientsin  et  de  Nanking 
ont  entendu  dire  que  les  marchandises  seraient  libres  de  circuler 
dans  les  parties  les  plus  reculées  de  l'Empire,  sans  avoir  à  payer 
d'autres  taxes  que  celle  de  7  1/2  p.  c,  versée  pour  droit  d'entrée 
et  de  transit.  Mais  tout  le  monde  reconnaît  que  ce  traitement,  à 
part  quelques  cas,  n'a  jamais  été  obtenu.  Dès  que  les  mar- 
chands commencèrent  à  envoyer  vers  l'intérieur  des  marchandises 
munies  de  passes  de  transit,  il  apparut  clairement  que  les  fonc- 
tionnaires provinciaux  ne  consentiraient  pas  volontairement  à  un 
arrangement  qui  touchait  à  leurs  caisses  et  au  sujet  duquel  ils 
n'avaient  pas  été  consultés.  Aussi  longtemps  qu'il  s'agit  de  mar- 
chandises appartenant  à  un  négociant  étranger  et  directement  con- 
signées par  lui,  les  tentatives  d'éluder  les  traités  furent  rapidement 
portées  à  la  connaissance  des  représentants  consulaires  anglais 
qui  présentèrent  des  observations  aux  autorités  provinciales  ou  au 
gouvernement  central.  Le  résultat  en  fut,  généralement,  d'une 
part,  la  publication  de  proclamations  confirmant  les  traités  et 
posant  en  principe  que  l'étranger  agissait  dans  les  limites  de  son 


LA   QUESTION   DES  PASSES  DE  TRANSIT  EN  CHINE  407 

droit,  en  réclamant  l'exemption  des  taxes  locales  et,  d'autre  part, 
la  continuation  des  abus  comme  auparavant.  Dans  un  petit  nombre 
de  cas,  on  recourut  à  des  moyens  plus  énerjçiques  et  l'on  obtint 
plus  de  succès;  les  passes  de  transit  furent  respectées  pendant  un 
certain  temps.  Il  y  avait  toutefois  un  point  que  les  autorités  chi- 
noises ne  voulurent  jamais  admettre,  c'est  que  les  sujets  chinois 
pussent  profiter  des  concessions  des  traités  et  introduire  des  mar- 
chandises dans  l'intérieur  grâce  aux  passes  de  transit.  Us  préten- 
daient que  du  moment  où  l'importateur  anglais  avait  reçu  le  prix 
de  ses  marchandises,  il  était  sans  intérêt  et  que  ni  lui  ni  son  con- 
sul n'avaient  rien  à  voir  dans  ce  qui  pouvait  arriver  à  l'acheteur 
chinois.  A  cette  époque,  le  commerce  intérieur  n'était  pas,  comme 
maintenant,  presque  entièrement  aux  mains  des  Chinois  et  les 
intérêts  des  étrangers  étaient  beaucoup  plus  considérables  dans 
l'intérieur  qu'actuellement.  Aussi  les  commerçants  étaient-ils  per- 
sonnellement intéressés  à  la  stricte  observation  des  passes  de 
transit  et  dans  l'extension  et  la  reconnaissance  de  celles-ci  sur  la 
plus  vaste  étendue  du  pays  possible.  Graduellement,  les  Chinois 
s'emparèrent  d'une  part  de  plus  en  plus  grande  du  commerce  inté- 
rieur, grâce  à  leur  mode  de  vie  plus  économique  et  à  leurs  moindres 
frais  généraux.  Ces  avantages  finirent  même  par  concentrer 
presque  entièrement  le  commerce  d'exportation  à  Shanghaï  et  à 
Hong-Kong  où  les  marchands  chinois  de  tout  l'Empire  se  rendaient 
ou  envoyaient  leurs  agents  pour  acheter  les  marchandises  impor- 
tées. Dès  que  le  prix  en  a  été  payé,  l'importateur  étranger  n'a 
plus  à  se  préoccuper  de  leur  sort.  C'est  l'affaire  des  marchands 
chinois  de  débattre  la  question  des  passes  de  transit  avec  les  fonc- 
tionnaires. 

11  suffit  d'un  séjour  de  quelques  semaines  en  Chine,  disent 
MM.  Neville  et  Bell,  pour  voir  à  quel  point  le  pays  est  dominé  par 
le  fonctionnarisme  et  avec  quel  respect  le  peuple  considère  les 
autorités  gouvernementales.  Les  abus  les  plus  flagrants  peuvent 
être  commis  et  se  continuer  pendant  des  années;  un  mandarin 
corrompu  peut  ignorer  les  traités  internationaux  et  mutiler  le 
commerce  de  toute  une  province;  qui  oserait  s'y  opposer?  Per- 
sonne. Aucun  Chinois  tenant  à  sa  liberté  ne  s'exposerait  à  encourir 
le  courroux  de  ses  gouvernants,  et  comme  le  marchand  étranger  a 
été  payé  des  marchandises  qu'il  a  vendues,  la  question  est  sans 
intérêt  pour  lui. 


408  ÉTUDES  COLONIALES 

Les  fonctionnaires  ne  peuvent  cependant  pas  soutenir  que  les 
passes  de  transit  ne  profitent  pas  aux  sujets  chinois  en  présence 
des  termes  de  la  convention  de  Cliefu  de  1876,  qui  ne  laissent 
aucun  doute  sur  ht  question.  La  clause  IV  contient  la  disposition 
suivante  :  «  Le  Gouvernement  chinois  reconnaît  que  les  certificats 
des  droits  de  transit  seront  rédigés  d'une  manière  uniforme  dans 
tous  les  ports  et  qu  aucune  différence  ne  sera  faite  dans  les  condi- 
tions qui  y  seront  insérées;  et  que,  en  ce  qui  concerne  les  impor- 
tations, la  nationalité  de  la  personne  qui  les  possède  ou  en  est 
porteur  sera  sans  influence.  » 

D  autres  circonstances  doivent  encore  être  prises  en  considéra- 
lion  quand  on  recherche  dans  quelles  limites  il  a  été  fait  usage  des 
passes  de  transit  et  quelles  sont  les  causes  qui  restreignent  leur 
emploi.  Dans  certaines  provinces  la  taxation  locale  est  si  légère 
qu'il  est  plus  avantageux  de  payer  les  droits  aux  ditférentes  bar- 
rières que  de  prendre  une  passe  de  transit.  Il  est  évident  qu*il  n'y 
a  pas  de  prolit  à  se  munir  d'une  passe  de  transit  quand  les  taxes 
locales  n'excèdent  pas  2  1/2  p.  c.  et  qu  elles  ne  sont  pas  imposées 
trop  rigoureusement.  Même  quand  le  likin  et  les  autres  taxes 
dépassent  légèrement  le  coût  de  la  passe  de  transit,  le  commerçant 
a  encore  plus  d'intérêt  à  payer  les  taxes  locales  parce  que  les  mar- 
chandises qui  acquittent  le  likin  traversent  plus  rapidement  les 
barrières  que  celles  qui  voyagent  sous  des  passes  de  transit. 
L'aversion  des  percepteurs  du  likin  pour  le  système  des  passes  de 
transit  est  si  grande  qu'ils  ne  négligent  aucune  occasion  d'opposer 
des  obstacles  aux  commerçants  assez  ost^s  pour  se  prévaloir  des 
concessions  des  traités.  Un  des  moyens  habituels  est  de  fatiguer  le 
porteur  d'une  passe  en  lui  imposant  de  longs  et  ennuyeux  délais 
aux  barrières,  sous  des  prétextes  comme  ceux-ci  :  «  Oh!  nous 
n'avons  pas  le  temps  d'examiner  vos  certificats  aujourd'hui.  Vous 
devez  attendre.  »  Et  cela  se  répète  plusieurs  jours  de  suite  pendant 
lesquels  le  malheureux  marchand  a  le  dépit  de  voir  les  marchan- 
dises qui  paient  le  likin  rapidement  examinées  et  délivrées,  même 
quand  elles  arrivent  quelque  temps  après  les  siennes.  D'autre  part, 
les  conditions  pour  la  délivrance  des  passes  de  transit  sont  trop 
restrictives.  Le  traité  stipule  que  les  marchandises  qui  voyagent 
sous  des  passes  de  transit  doivent  rester  dans  leurs  ballots  ou 
emballages  originaires;  le  nom  du  steamer  qui  lésa  importées 


LA   QUESTION   DES  PASSES  DE  TRANSIT  EN  CHINE  409 

doit  être  délivré;  et  le  lieu  de  consignation  doit  être  déclaré  et 
maintenu.  Dès  que  les  ballols  primitifs  ont  été  ouverts  ou  divisés, 
la  passe  de  transit  cesse  d'être  valable  et  la  cargaison  est  soumise 
à  la  taxation  locale.  Cette  stipulation,  ainsi  que  Tobligation  de 
déclarer  le  lieu  de  destination  avant  d'obtenir  la  passe,  sont  de 
graves  inconvénients;  les  marchands  indigènes  s'en  plaignent 
beaucoup.  A  partir  du  moment  où  le  commerçant  a  indiqué  le 
marché  où  il  compte  diriger  ses  marchandises  et  que  la  passe  lui 
est  délivrée,  il  n'est  plus  fondé  à  les  transporter  dans  un  autre 
endroit.  11  est  donc  empêché  de  vendre  quoi  que  ce  soit  de  sa 
consignation  en  route.  S'il  rencontre  un  acheteur  avant  d'arriver 
au  lieu  de  destination,  il  est  obligé  de  refuser  ses  ordres,  car  s'il 
vendait  ses  marchandises,  elles  seraient  aussitôt  confisquées.  Cette 
circonstance  est  particulièrement  dure  quand,  arrivé  au  bout  de 
son  voyage,  le  marchand  trouve  le  marché  encombré  ou  déprécié 
et  qu'il  ne  peut  se  débarrasser  de  ses  marchandises  avec  profit. 
S'il  veut  les  transporter  dans  un  autre  endroit,  il  tombe  sous  le 
coup  des  droits  locaux,  car  la  passe  de  transit  ne  protège  les  mar- 
chandises que  jusqu'au  lieu  déclaré.  Le  système  des  passes  de 
transit  a  donc  un  très  grand  inconvénient  et  on  pourrait  citer  une 
foule  de  cas  où  des  marchands  auraient  pu  vendre  avantageuse- 
ment une  partie  de  leur  transport  en  route  et  où,  arrivés  à  leur 
lieu  de  destination,  ils  ont  du  attendre  pendant  des  semaines  avant 
de  trouver  un  acheteur. 

Dans  beaucoup  de  parties  de  la  Chine  mais  plus  particulière- 
ment dans  le  Sud,  un  autre  et  puissant  facteur  s'oppose  au  libre 
usage  des  passes  de  transit  et  constitue  un  obstacle  bien  difficile  à 
surmonter.  Il  s'agit  des  gildes  commerciales  qui  ont  été  amenées  à 
agir  de  concert  avec  les  fonctionnaires  dans  la  perception  des  taxes 
par  suite  des  circonstances  suivantes.  Les  autorités  provinciales 
notamment  dans  le  Kuang-tung,  le  Kwang-si  et  le  Kuang-su  ont 
consenti,  d'abord  à  une  époque  où  les  exigences  croissantes 
de  Pékin  avaient  amené  de  sérieux  embarras  financiers,  à  afîermer 
à  certaines  gildes  ou  syndicats  de  capitalistes,  moyennant  un 
subside  annuel  déterminé,  la  perception  du  likin  sur  différents 
articles.  Les  fonctionnaires  gagnent  à  ce  système  la  certitude  de 
voir  entrer  régulièrement  chaque  année  la  somme  stipulée  dans 
la  caisse  de  la  province  et  l'avantage  d'être  dégagés  de  la  respon- 


410  ÉTUDES   COLONIALES 

sabilité  de  percevoir  eux-mêmes  les  droits  cédés.  Les  membres 
des  gildes  et  des  syndicats,  d  autre  part,  étant  intéressés  dans  la 
vente  de  l'article  sur  lequel  ils  lèvent  les  droits,  peuvent,  en  impo- 
sant une  taxation  excessive  sur  les  marchandises  de  ceux  qui  ne 
font  pas  partie  de  la  gilde  ou  du  syndicat,  se  débarrasser  de  leurs 
concurrents  et  s'assurer  un  monopole  de  fait  pour  un  article 
déterminé.  Les  sommes  recueillies  par  les  gildes  sont  réparties, 
déduction  faite  des  frais,  à  certains  intervalles  entre  leurs  mem- 
bres, en  proportion  des  marchandises  expédiées  vers  l'intérieur 
par  chaque  firme.  En  présence  des  droits  prohibitifs  et  de  l'appui 
des  fonctionnaires  sur  lequel  les  fermiers  peuvent  toujoui's 
compter,  il  est  impossible  à  quelqu'un  qui  ne  fait  pas  partie  de  la 
gilde  ou  du  syndicat  de  faire  le  commerce  dans  la  branche 
affermée.  Les  articles  qu'on  afferme  généralement  sont  les  mar- 
chandises en  balles,  les  fils  et  l'huile  de  pétrole. 

Ce  système  de  perception  des  impôts  est  plus  répandu  dans  le 
Sud  que  dans  les  autres  parties  de  l'Empire.  L'action  des  gildes  qui 
contribuent  ainsi  à  l'imposition  de  taxes  intérieures  est  des  plus 
repréhensible  et  exerce  une  influence  pernicieuse  sur  le  commerce 
en  créant  de  puissants  monopoles  qui  n'hésitent  pas  à  écraser  tout 
concurrent  individuel  qui  tente  de  faire  le  commerce  dans  un  des 
articles  qui  leur  ont  été  affermés.  Ce  système  continue  à  se  déve- 
lopper, car  à  l'époque  où  MM.  Neville  et  Bell  se  trouvaient  dans 
le  Kwang-si,  on  venait  encore  d'afficher  un  avis  annonçant  que 
le  likin  sur  l'huile  de  pétrole  venait  d'être  affermé  à  un  syn- 
dicat, lequel,  moyennant  le  payement  annuel  d'une  somme  de 
12,000  Hk.  TIs.  obtenait,  pour  une  période  de  dix  ans,  le  droit  de 
percevoir  une  laxe  de  30  cents  par  caisse  d'huile,  c'est-à-dire, 
45  p.  c.  ad  valorem.  M.  Frayer,  consul  d'Angleterre  à  Canton, 
élève  dans  son  rapport  de  1896,  les  mêmes  plaintes  au  sujet  de 
l'action  néfaste  des  gildes  fermières  d'impôts  dans  le  Kwang-tun. 

On  ne  peut  donc  pas  s'étonner  que  devant  la  puissance  et  l'orga- 
nisation des  forces  qui  se  liguent  contre  eux,  les  marchands  isolés 
aient  renoncé  danî=;  certaines  provinces  à  se  servir  des  passes  de 
transit.  Quelques  chiflVes  montreront  combien  est  restreint  l'usage 
des  passes  et  combien  se  sont  trompés  ceux  qui  s'imaginaient 
que  ce  système  allait  ouvrir  une  nouvelle  ère  de  prospérité  au 
commerce. 


\Ji  QUESTION  DES  PASSES  DE  TRANSIT  EN  CHINE  411 

A  Shanghaï,  en  1896,  on  a  expédié  vers  rintérieur  des  mar- 
chandises pour  une  valeur  de  1,000,000  Hk.  TIs.  ;  sur  ce  chiffre, 
48,000  Hk.  Tls.,  soit  moins  de  5  p.  c.  étaient  couvertes  par  des 
passes  de  transit.  Il  est  vrai  que  le  likin  sur  les  pièces  de  tissus 
y  a  été  affermé  à  la  gilde  des  tissus. 

A  Chin-Kiang,  les  marchands*  font  grand  usage  des  passes  de 
transit.  On  ne  s'y  plaint  que  des  retards  subis  aux  barrières, 
mais  les  passes  ne  sont  valables  que  dans  l'intérieur  de  la  pro- 
vince de  Kwang-su.  La  valeur  des  marchandises  allant  vers 
l'intérieur  sous  le  couvert  des  passes  a  été  de  7,742,113  Hk.  Tls. 
en  1893,  et  de  8,102,187  Hk.  Tls.,  en  1896.  Ces  chiff^res  montrent 
avec  quel  empressement  les  marchands  chinois  tirent  profit  des 
concessions  des  traités,  morne  quand  elles  sont  restreintes. 

A  Hankovv,  les  marchands  se  plaignent  amèrement  que  Ton  ne 
tienne  aucun  compte  de  leurs  passes  de  transit  aussitôt  qu'ils 
sortent  de  la  province  de  Hupeh.  Cette  violation  des  traités  est 
d'autant  plus  sensible  que  Hankow  est  le  grand  centre  commercial 
des  provinces  de  Hunan,  Honan,  Ruicliow  et  de  certaines  parties 
du  Shen-si.  Les  marchandises  qui  se  dirigent  vers  ces  provinces 
sont  lourdement  frappées  par  le  likin  et  autres  taxes  locales. 

A  Chung-kin,  aucune  passe  de  transit  n  a  été  demandée  entre 
1891  et  le  commencement  de  1896.  L'expérience  faite  par  quel- 
ques marchands  indigènes  en  1891  a  suffi  pour  en  dégoûter  tout 
le  monde  pendant  cinq  ans.  Voici  ce  qui  s'était  passé.  Des 
marchands  chinois  avaient  pris  des  passes  pour  10,000  liv.  st. 
de  fils  de  coton.  Ils  avaient  payé  2  1/2  p.  c.  sur  la  valeur  de  leurs 
marchandises  et  les  avaient  embarquées.  Arrivés  à  la  première 
barrière,  ils  furent  arrêtés  et  on  leur  réclama  le  likin.  Ils  pro- 
testèrent, mais  en  vain.  Certains  d'entre  eux  passèrent  par  les 
exigences  du  fisc  et  purent  continuer  leur  route.  Les  autres 
refusèrent.  Au  bout  de  quinze  jours,  on  les  laissa  aller  mais  on 
réclama  aux  destinataires  une  indemnité  pour  la  perte  subie  par 
les  autorités.  On  inventa  à  cette  occasion  une  taxe  de  3  p.  c. 
Voyant  l'inutilité  des  passes,  les  marchands  ne  s'en  servirent  plus. 
Une  ordonnance  fut  d'ailleurs  publiée  aux  termes  de  laquelle  les 
marchandises  arrivant  sous  le  couvert  des  passes  de  transit 
payeraient  une  taxe  de  destination  de  3  p.  c.  ad  valorem,  dont 
celles  qui  passaient  par  les  douanes  indigènes  étaient  affranchies. 


412  ÉTUDES  COLONIALES 

En  1896,  une  nouvelle  tentative  fut  faite  pour  tirer  parti  des 
passes  de  transit.  Les  mêmes  manœuvres  furent  employées  par 
les  fonctionnaires  et  il  est  probable  qu'ils  auraient  réussi  si  les 
charges  résultant  de  la  guerre  sino-japonaise  n'avaient  pas  obligé 
les  mandarins  à  augmenter  considérablement  les  droits  de  likin. 
Le  premier  envoi  fait  en  1896  fut  trailé  exactement  comme  ceux 
de  1891.  Les  taxes  locales  furent  exigées  malgré  l'acquittement  du 
droit  de  transit  de  2  1/2  p.  c.  Les  marchands  indigènes  tirent 
alors  appel  à  l'intervention  des  étrangers.  Des  représentations 
énergiques  furent  faites  aux  autorités  qui  donnèrent  l'ordre  de 
relâcher  le  transport,  mais  la  taxe  de  3  p.  c.  resta  exigée  des  desti- 
nataires. A  la  lin  de  1896,  1,107  passes  avaient  été  demandées 
pour  des  marchandises  d'une  valeur  de  1,011,000  Hk.  Tls.  ou 
170,000  liv.  st.  Ce  chiffre  n'augmentera  probablement  pas  étant 
données  l'opposition  des  autorités  et  aussi  la  diminution  des  taxes 
locales  faite  dans  le  but  de  rendre  les  passes  de  transit  moins 
attrayantes 

L'influence  du  likin  a  été  très  sensible  dans  la  province  de  Kui- 
Chow  où  se  faisait  un  commerce  actif  d'importation  et  d'expor- 
tation. Depuis  l'imposition  de  droit  de  likin  rigoureux  par  un 
nouveau  gouverneur,  la  demande  de  produits  étrangers  ne  cesse 
de  décroître.  Mais  c'est  dans  le  Sud  de  l'Empire  et  particulière- 
ment dans  les  provinces  de  Kuang-si  et  Kuang-tung  que  la 
situation  est  la  plus  mauvaise.  Dans  ces  deux  provinces  les  droits 
de  likin,  de  fu-shui  et  de  loti-shui  ont  toujours  èli  exceptionnel- 
lement élevés.  Comme  le  commerce  de  ces  provinces  est  énorme 
—  Kuang-tung  est  la  province  la  plus  riche  et  la  plus  peuplée  de 
l'Empire  —  elles  ont  été  considérées  par  les  autorités  comme  un 
domaine  d'où  il  faut  écarter  à  tout  prix  les  innovations  étrangères. 
Obtenir  un  des  postes  élevés  dans  ces  provinces  équivaut  à  une 
certitude  de  faire  fortune.  Aussi  la  concurrence  pour  y  arriver 
est-elle  des  plus  acharnées.  Et  comment  ces  gens  se  préoccupe- 
raient-ils du  développement  du  commerce  ou  de  l'industrie  aussi 
longtemps  qu'ils  sont  sûrs  de  se  retirer  de  leur  office  les  poches 
bien  remplies?  Une  branche  de  commerce  peut  facilement  être 
tuée  par  une  taxation  excessive  —  comme  cela  a  été  le  cas  pour  le 
commerce  du  thé  —  ce  qui  n'empêche  que  ces  gens  cupides  ne 
restreindraient  pas  leurs  exigences  d'un  iota  pour  la  faire  renaître 


LA   QUESTION  DES  PASSES  DE  TRANSIT  EN  CHINE  413 

Pendant  de  nombreuses  années  après  la  signature  des  traités 
relatifs  aux  droits  de  transit,  les  autorités  de  Canton  ont  refusé 
absolument  de  reconnaître,  sous  quelque  forme  que  ce  soit,  la 
validité  des  passes.  Elles  les  considéraient  comme  nuisibles  aux 
finances  de  la  province  et  employaient  tous  les  moyens  pour  les 
rendre  inopérantes.  Et  ceux  qui  avaient  laudace  de  vouloir  en 
user  étaient  lobjet  d'un  traitement  tel  qu'il  enlevait  à  tout  autre 
l'envie  de  recommencer.  Ce  n'est  qu'en  1^9 1 ,  quarante-neuf  années 
donc  après  la  signature  du  traité  de  Nankin,  que  les  marchands 
poussés  à  bout  par  les  tracasseries  et  par  l'augmentation  inces- 
sante des  droits  de  likin,  se  réunirent  et  firent,  appuyés  par  les 
consuls  étrangers,  un  effort  sérieux  pour  obtenir  la  délivrance  et 
le  respect  des  passes  de  transit.  Le  résultat  de  cette  opposition 
fut  qu'à  la  fin  de  1891,  pas  moins  de  1,950  passes  avaient  été 
délivrées  pour  une  valeur  en  marchandises  de  1,741,864  Hk.  Tls. 
ou  de  près  de  400,000  liv.  st.  La  vaste  étendue  de  pays  sur 
laquelle  ces  marchandises  se  répandirent  montre  quel  dévelop- 
pement étonnant  le  commerce  prendrait  dans  les  districts  arrosés 
parlaWest-River  si  les  marchandises  pouvaient  y  circuler  sans  être 
écrasées  par  les  impôts  locaux.  Malheureusement  à  la  fui  de  1891, 
un  fonctionnaire  des  douanes  survint  qui  ordonna  de  saisir  et 
d'emprisonner  plusieurs  marchands  qui  avaient  eu  la  témérité  de 
se  faire  délivrer  des  passes.  Par  ces  mesures  et  d'autres  violences, 
il  parvint  à  enrayer  le  mouvement  de  réformation.  En  1892,  le 
commerce  passait  de  nouveau  par  les  mains  des  receveurs  du 
likin  et  contribuait  aux  revenus  de  la  province.  Les  marchands 
étaient  tellement  terrorisés  qu'en  1894,  il  ne  fut  pas  réclamé  une 
seule  passe  de  transit  et  qu'en  1895,  il  n'en  fut  demandé  qu'une 
seule  pour  des  marchandises  valant  1,739  Hk.  Tls.  ou  300  liv.  st. 

L'aventure  arrivée  à  un  Anglais,  M.  Andrew,  au  commencement 
de  1896,  dépeint  nettement  la  façon  d'agir  des  mandarins  pour 
atteindre  leur  but.  M.  Andrew  avait  acheté  à  Hongkong  des  pièces 
de  tissus  et  autres  marchandises  qu'il  se  disposait  à  vendre  à 
Wochow.  11  paya  régulièrement  5  p.  c.  de  droits  d'entrée  et 
2  1/2  p.  c.  de  droits  de  transit.  Arrivé  à  Wochow,  il  exhiba  sa 
passe  de  transit  aux  receveurs  du  likin  et  se  mit  en  devoir  de 
vendre  ses  marchandises.  Il  en  plaça  divers  lots  à  des  marchands 
chinois  et  il  était  convenu  que  le  paiement  se  ferait  le  lendemain. 


414  ÉTl  DES  COLONIALES 

Mais  pendant  la  nuit  un  canot  à  vapeur  arriva  de  Hongkong  amenant 
deux  détectives  de  la  gilde  qui  avaient  obtenu  la  ferme  des  droits 
de  likin  sur  les  pièces  de  tissus.  Le  lendemain  les  acheteurs 
vinrent  trouver  M.  Andrew  et  lui  exprimèrent  leur  regret  de  ne 
pas  pouvoir  prendre  livraison  des  marchandises  parce  qu'on  les 
avait  menacés  de  poursuites  s'ils  trafiquaient  avec  lui.  Us  ajoutèrent 
que  si  les  autorités  ne  déclaraient  pas  qu'on  ne  les  molesterait  pas, 
ils  seraient  obligés  de  rompre  leurs  contrats.  La  terreur  de  la 
population  de  déplaire  aux  autorités  était  si  grande  que  les  servi- 
teurs de  M.  Andrew  l'abandonnèrent  et  que  lui-même  ne  put  qu'à 
grand'peine  se  procurer  des  vivres.  Le  consul  anglais  à  Hongkong 
intervint,  mais  sans  succès.  Il  fallut  télégraphier  au  marquis  de 
Salisbury  et  à  l'ambassadeur  anglais  à  Pékin  pour  réclamer  une 
intervention  énergique  de  leur  part.  A  la  fin,  le  préfet  de  Wochow 
céda  et  fit  une  proclamation  où  il  reconnaissait  le  droit  des  Euro- 
péens de  transporter  des  marchandises  à  l'intérieur,  mais  en  ajou- 
tant la  réserve  que  nous  avons  déjà  rencontrée  maintes  fois,  que 
dès  le  moment  où  les  marchandises  sont  transférées  à  des  sujets 
chinois,  le  likin  et  les  droits  de  douanes  leur  seront  appliqués. 

La  situation  de  M.  Andrew  était  encore  pire.  Aucun  acheteur  ne 
voulut  prendre  livraison  des  marchandises  dans  ces  conditions.  Le 
consul  de  Hongkong  protesta  contre  le  texte  de  l'ordonnance.  Le 
vice-roi  ne  voulut  rien  entendre  et  l'affaire  fut  portée  à  Pékin. 
Après  deux  mois  de  négociations,  M.Andrew  put  enfin  vendre  ses 
marchandises.  Mais  il  le  fit  avec  perte  et  l'indemnité  qu'il  obtint 
dans  la  suite  ne  compensa  pas  le  dommage.  L'énergie  du  consul 
anglais  eut  au  moins  ce  résultat  que  le  vice-roi  rédigea  une  ordon- 
nance dans  laquelle  il  reconnaissait  que  les  marchandises  arrivées 
au  lieu  de  destination  sous  le  couvert  d'une  passe  de  transit  se 
trouvaient  absolument  dans  la  même  situation  au  point  de  vue  de 
la  taxation  que  celles  qui  avaient  acquitté  le  likin  tout  le  long  du 
chemin.  Mais  on  ne  doit  pas  se  faire  trop  d'illusions.  Un  fonction- 
naire chinois,  serré  de  près,  peut  promettre  des  réformes,  mais 
l'observation  ou  la  mise  en  vigueur  des  promesses  est  tout  autre 
chose.  Il  faut  faire  preuve  d'une  vigilance  constante,  sinon  on  voit 
se  fermer  petit  à  petit  la  porte  qu'on  a  eu  tant  de  peine  à  ouvrir. 
Ce  fut,  du  reste,  le  cas,  car  un  grand  nombre  de  plaintes  furent 
bientôt  émises  par  les  marchands  chinois  à  qui  on  cherchait  à 


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51 


416  ÉTUDES   COLONIALES 

imposer,  d  une  façon  ou  de  l'autre,  certaines  charges  destinées  à 
indemniser  les  autorités  de  la  perte  que  leur  avaient  fait  subir  les 
marchandises  voyageant  sous  des  passes  de  transit.  11  est  si  facile 
pour  les  autorités  d'imposer  au  marchand  suspecté  d'avoir  éludé  le 
likin,  une  taxe  plus  forte  en  attribuant  à  son  commerce  une  valeur 
plus  grande  qu'il  n'a  en  réalité! 

L'ouverture  du  port  de  Wuchow-Fu  au  commerce  international 
en  1897  a  été  regardé  par  les  autorités  chinoises  comme  une  véri- 
table calamité  et  elles  ont  mis  toute  leur  astuce  et  toute  leur 
influence  en  jeu  pour  dépouiller  les  étrangers  des  avantages  con- 
férés par  les  traités.  Elles  ont  considéré  l'ouverture  de  ce  port 
comme  une  diminution  de  leur  autorité  et  ont  vu  d'un  mauvais  œil 
entrer  directement  dans  le  trésor  de  l'Empire  des  sommes  qui 
autrefois  passaient  par  leurs  mains  sans  en  sortir  intactes.  Les 
firmes  étrangères  qui  avaient  envoyé  des  steamers  à  Wuchovv 
éprouvèrent  la  plus  grande  difficulté  à  trouver  des  cargaisons. 
Elles  s'informèrent  et  apprirent  bientôt  que  les  autorités  craignant 
que  les  marchands  chinois  n'abandonnassent  les  jonques  pour  se 
servir  de  ces  steamers,  venaient  d'établir  un  tarif  différentiel  en 
faveur  des  jonques.  Elles  y  arrivèrent  en  créant  pour  les  marchan- 
dises transportées  par  ces  dernières,  une  taxe  de  destination  légè- 
rement moins  élevée  que  le  montant  des  droits  de  transit.  Le  pro- 
cédé n'était  pas  nouveau.  Il  avait  déjà  été  appliqué  dans  d'autres 
parties  du  pays  où  la  navigation  avait  pénétré.  A  l'époque  où 
MM.  Neville  etlBell  se  trouvaient  à  Wuchow,  les  compagnies  de 
navigation  luttaient  contre  cette  manœuvre  des  autorités  chinoises 
et  contre  les  autres  mesures  par  lesquelles  elles  essayaient  d'annu- 
ler les  avantages  qui  résultaient  pour  les  étrangers  de  la  réouver- 
ture des  porls.  Les  marchands  chinois  sont  aussi  intéressés  que  les 
étrangers  à  voir  mettre  un  terme  aux  agissements  des  mandarins. 
Ils  le  montrent,  du  reste,  assez  par  l'intérêt  avec  lequel  ils 
s'informent  du  fonctionnement  des  passes  de  transit  et  par  leurs 
tentatives  de  réclamer  des  passes  pour  transporter  leurs  propres 
marchandises. 

La  situation  sur  la  West-River  n'est  donc  pas  plus  encoura- 
geante que  sur  le  Yanglsé.  Dans  les  ports  qui  se  trouvent  sur  la 
côte,  les  mêmes  manœuvres  sont  mises  en  jeu  avec  cette  différence 
que  les  différents  systèmes  fiscaux  (|u'on  y  applique  ont  fini  par 


LA   QUESTION   DES  PASSES  DE  THANSIT  EN  CHINE  417 

être  acceptés  par  les  marchands.  A  Swatow,  on  ne  demande  pas 
de  passes  de  transit,  car  aussitôt  que  les  marchandises  cessent 
d'être  protégées  par  elles,  elles  sont  imposées  plus  lourdement 
que  si  elles  avaient  payé  le  likin  tout  le  long  de  la  route.  A  Amoy, 
l'importance  des  marchandises  dirigées  vers  l'intérieur,  sous  le 
couvert  des  passes,  augmente.  En  1896,  3,281  permis  ont  été 
délivrés  pour  une  valeur  en  marchandises  de  116,000  liv.  st.  sur 
une  importation  totale  de  1, 140,000  liv.  st.  A  Foochow,  Wenchow 
et  Ningpoo,  le  pourcentage  des  marchandises  voyageant  sous  le 
couvert  des  passes,  est  insignifiant  en  comparaison  des  importa- 
tions. Gela  est  dû  au  Fait  que  les  autorités  du  likin  ont  réduit  leurs 
exigences  dans  des  limites  raisonnables  afin  d'attirer  les  marchan- 
dises vers  les  voies  qu'elles  contrôlent.  Dans  les  ports  de  Chefoo, 
de  Newchang  et  de  Tientsin,  les  taxations  intérieures  sont  faibles, 
de  sorte  que  la  nécessité  de  recourir  aux  passes  n'existe  pas.  La 
taxation  est  la  plus  forte  dans  les  provinces  les  plus  riches,  les 
plus  fertiles  et  les  plus  peuplées,  donc  précisément  dans  celles  où 
le  commerce  étranger  pourrait  faire  le  plus  de  profits. 

Il  est  grand  temps  que  l'on  songe  à  mettre  fin  à  cette  situation 
d'arbitraire  et  d'insécurité  qui  existe  depuis  plus  de  quarante  ans  au 
mépris  des  conventions  les  plus  explicites  des  traités.  Car  à  quoi 
sert-il  d  obtenir  l'ouverture  de  nouveaux  ports  au  commerce  inter- 
national si  les  autorités  chinoises  peuvent  continuer  à  rendre  les 
transactions  impossibles  par  leurs  agissements  et  leurs  violations 
constantes  des  conventions.  L'histoire  des  passes  de  transit  ne 
semble  avoir  été  que  trop  bien  résumée  par  les  paroles  suivantes  du 
baron  von  Gumpach  :  «  Les  stipulations  des  traités  n'ont  guère  été 
autre  chose  qu'une  source  abondante  de  correspondances  pour  les 
diplomates  et  les  hommes  d'état;  d'ennuis,  de  vexations  et  de  désap- 
pointement pour  les  marchands  étrangers;  d'abus  et  d'extorsions 
pour  les  fonctionnaires  indigènes  et  leurs  sous-ordres  ;  de  dupli- 
cité et  de  faux-fuyants  pour  le  Tsung-li-Yamen.  » 


RAPPORT 


LES   COLONIES   FRANÇAISES 


(SUITE) 


MA19AGASCA«l 


Principaux  articles  d'importation.  —  Les  tissus  de  coton 
forment  le  principal  article  d'importation,  puis  viennent  les  spi- 
ritueux dont  la  consommation  s'est  tellement  accrue  que  Ton  a 
dû  prendre  des  mesures  pour  l'enrayer.  Citons  encore  le  vin,  le 
charbon,  les  tissus  variés,  le  riz,  les  machines  et  objets  en  fonte. 

Les  statistiques  les  plus  récentes  sont  fournies  par  le  rapport 
du  général  Gallieni  ;  elles  nous  font  connaître  que  le  pays  qui 
a  la  plus  grande  part  dans  les  importations  est  la  France,  puis 
l'Angleterre,  enfin  l'Allemagne  et  les  Etats-Unis. 

Importations  en  1896.  —  En  1896^  l'ensemble  des  impor- 
tations s'élevait  à  553,977  liv.  La  valeur  des  marchandises  de 
la  France  et  de  ses  colonies  était  de  218,406  liv.  dont  72,488  liv. 
pour  les  tissus  Les  importations  de  l'Angleterre  et  de  ses  colonies 
étaient  de  179,540  liv.,  dont  128,763  liv.  pour  les  tissus.  Les 
importations  allemandes  se  chiffraient  par  21,346  liv.  et  celles 
des  Etats-Unis  par  28,675  liv. 


MADAGASCAR.    —   FEMMES   HOVA-BEUIMISARAKA. 
Cliché  (le*  M.  Locamus 


420 


ETUDES   COLOMALKS 


Droits  d'entrée  sur  les  tissus  de  coton  par  100  kilogrammes. 

POIDS  PAR  lai  MKTRKS. 

Au  delà  de  100  kilogr .    .     . 

De  11  à  13  kilogr 

De    9  à  1 1      —     .     .    .     . 


Nombre  do  fils 

l»ar  t  înillim.  oarivs. 

DROIT. 

S        35 

— 

77 

francs 

(        36 

+ 

M8 

^        35 

— 

87 

f        36 

+ 

VS\ 

— 

^        35 

— 

111 

-- 

f        36 

+ 

17^2 

^         35 

- 

131 

— 

f        36 

■f 

230 

— 

K        35 

— 

139 

— 

f        36 

+ 

300 

— 

,         35 

— 

287 

— 

'        36 

+ 

550 

— 

De    7  à   9     —     .... 

De    5  à    7      —     .... 

De    3  à    7     —     ...     . 

Moins  que  3  kilojîr 620     — 

Valeur  des  importations  en  1897.  —  L'unncc  1897  a 
marqué  la  transaction  entre  l'ancien  et  le  nouveau  système 
douanier.  Le  tofal  des  importations  pour  celte  année  a  été  de 
727,085  liv.,  parmi  lesquelles  140,925  liv.  pour  la  France  et  ses 
colonies,  dont  440,925  liv.  pour  les  tissus,  soit  une  augmentation 
de  193,546  liv.  sur  1896. 

Le  commerce  anglais  était  représenté  par  206,624  liv.,  dont 
116,629  liv.  de  tissus  de  coton.  Cette  augmentation  est  due  à 
la  création  de  réserves  en  vue  de  Taugmentation  de  droits  prévue 
par'le  nouveau  tarif.  La  part  de  TAllemagne  et  des  Etats-Unis 
était  respectivement  de  32,442  liv.  et  de  6,304  liv.  plus  88,000  liv. 
de  tissus  importés  via  TAngleterrc. 

Effets  du  nouveau  tarif.  —  En  1898,  le  nouveau  tarif  a 
commencé  à  faire  sentir  ses  efTets  :  d'après  l'annuaire  de  Mada- 
gascar, les  importations  de  tissus  de  coton  de  provenance  an- 
glaise se  chiffrent  par  17,000  liv. 

Sur  le  total  des  importations  évalué  à  857,069  liv.,  la  France  a 
fourni  pour  640,316  liv.,  dont  247,366  liv.  pour  les  tissus,  soit 
une  augmentation  totale  de  22^,364  liv. 


48:2  ÉTUDES   COLONIALES 

L'ensemble  des  importations  étrangères  n'atteint  pas  216,733 1., 
dont  94,854  liv.  pour  l'Angleterre  et  ses  colonies  ;  l'Allemagne 
environ  40,000  liv. 

Exportations.  —  Les  principaux  articles  d'exportation  sont 
le  caoutchouc,  les  peaux,  le  rafia,  le  bétail,  la  cire,  la  vanille,  l'or, 
la  viande  conservée  et  le  bois. 

Valeur  en  1896.  —  La  valeur  des  exportations  était  de 
142,809  liv.,  dont  41,851  liv.  en  destination  delà  France  et  de 
ses  colonies,  et  100,957  liv.  pour  les  autres  pays,  dont  61,075  liv. 
en  destination  de  TAngleterre. 

En  1897,  les  exportations  ont  atteint  le  chiffre  de  172,976  liv., 
dont  60,061  liv.  pour  la  France  et  112,913  liv.  pour  les  autres 
pays. 

Développement  des  exportations.  —  L'exportation  du  caout- 
chouc, en  1898,  est  en  diminution  d'environ  25  p.c.  sur  les  chiffres 
de  Tannée  1896,  malgré  une  hausse  sur  la  valeur  de  ce  produit. 
La  diminution  est  de  1,400  liv. 

Il  y  a  une  forte  augmentation  dans  l'exportation  du  bétail  qui 
s'expédie  au  Transvaal,  à  la  Réunion,  à  Tîle  Maurice  et  au  Mozam- 
bique. 

Il  y  a  également  progression  pour  le  commerce  du  bois  :  la 
valeur  du  bois  exporté  passe  de  3,000  liv.  en  i896,  à  5,000  liv. 
en  1898.  Les  exportations  de  peaux  sont  en  diminution.  Les 
exportations  d'or  sont  en  légère  progression.  L'industrie  de  la 
viande  conservée  est  très  prospère  et  l'exportation  des  conserves 
a  atteint  le  chiffre  de  15,600  liv.  L'exportation  du  ratîa  est  restée 
stationnaire,  tandis  que  celle  de  la  vanille  a  triplé. 

Mouvement  maritime.  —  Le  mouvement  gt^néral  de  la  navi- 
gation dans  les  ports  Malgaches  a  été  de  3,691  navires  avec  un 
tonnage  de  827,531  tonnes;  les  navires  sous  pavillon  français 
ont  été  au  nombre  de  2,069  avec  un  tonnage  de  604,194  tonnes; 
le  nombre  des  navires  anglais  a  été  de  1,477  avec  un  tonnage  de 
169,249  tonnes. 


LE   RAPPORT   SUR   LES   COLONIES   FRANÇAISES  4S3 

Frets.  —  Le  prix  du  fret  de  Bordeaux  à  Tamatave  et  Majunga 
est  de  40  fr.  plus  10  p.  c.  par  mètre  cube  ou  par  700  kilog.  Les 
chargeurs  réunis  chargent  du  Havre  pour  fort  Dauphin,  Manau- 
jary  et  Vatomandry  au  prix  de  60  fr.  plus  10  p.c,  pour  Tamatave 
40  fr.  plus  10  p.c.  par  mètre  cube  ou  700  kilogs.  De  Marseille, 
le  .fret  est  de  50  fr.  par  mètre  cube  ou  par  tonne;  le  prix  est 
le  même  pour  Nossi-Bé,  Diego,  Suarez,  Tamatave  et  Majunga. 

Mesures  administratives  prises  en  vue  du  développement 
économique  de  la  Colonie.  —  Durant  ces  deux  dernières 
années,  le  gouverneur-général  a  pris  une  série  de  mesures  des- 
tinées à  favoriser  Tactivité  commerciale  de  la  Colonie.  Des 
chambres  de  commerce,  destinées  à  renseigner  Tadministration 
en  matière  commerciale,  ont  été  créées  dans  différentes  localités. 

Pour  favoriser  le  commerce  inlérieur,  de  nombreux  marchés, 
qui  avaient  disparu  à  la  suite  de  la  dernière  révolte,  ont  été 
rétablis  et  pour  protéger  le  commerce  européen  contre  la  con- 
currence des  asiatiques  et  des  africains  dont  les  européens  avaient 
beaucoup  à  souffrir,  on  a  soumis  les  négociants  africains  et  asia- 
tiques à  une  licence  spéciale. 


CHRONIQUE 


GENERALITES 


.  L'expédition  du  D'  Koch  pour  l'étude  de  la  malaria.  —  Le 

h'  Koch  vient  de  faire  paraître  un.  nouveau  rapport  sur  ses  travaux. 
11  s'agit  cette  fois  de  Tctude  de  la  malaria  dans  la  Nouvelle  Guinée  alle- 
mande pendant  les  mois  de  janvier  et  de  février  de  cette  année.  L'expé- 
dition est  arrivée  le  26  décembre  1899,  à  Stephansort  où,  grâce  à 
l'appui  de  la  compagnie  de  la  Nouvelle  Guinée,  elle  a  trouvé  d'amples 
occasions  de  faire  des  observations  sur  les  personnes.  La  compagnie 
maintient  deux  hôpitaux,  un  pour  les  blancs  et  un  aulre  pour  les 
gens  de  couleur.  Le  B"  Koch  a  pu  examiner,  à  Stephansort,  734  per- 
sonnes dans  l'espace  de  deux  mois.  De  ce  nombre,  157,  c'est-à-dire 
21,4  p.  c,  furent  reconnues  comme  atteintes  de  malaria.  Ce  chiffre 
doit  cependant  être  augmenté.  M.  Koch  n'a  considéré  comme  souffrant 
de  malaria  que  ceux  qui  contenaient  des  parasites  dans  leur  sang.  Les 
gens  alleints  de  malaria,  ne  renferment  pas  toujours  des  parasites 
dans  le  sang  qu'on  extrait  de  leurs  doigts;  or,  c'est  celui  qui  a  servi 
de  base  aux  expériences.  Il  se  produit  souvent  aussi  des  périodes 
pendant  lesquelles  on  ne  découvre  rien  dans  le  sang.  11  faut  tenir 
compte  de  cette  circonstance  et  le  D*^  Koch  pense  qu'il  y  a  lieu  par 
suite  d'augmenter  les  chiffres  de  25  p.  c. 

Les  734  personnes  examinées  comprenaient  21  Européens,  240  Chi- 
nois, 209  Malais  et  241  Mélanésiens.  Étaient  atteints  de  malaria  : 
57,1  p.  c.  des  Européens,  26,3  p.  c.  des  Chinois,  25,3  p.  c.  des 
Malais  et  10,9  p.  c.  des  Mélanésiens. 

Des  observations  ont  aussi  été  faites  sur  des  indigènes  de  Kaiser 
Wilhelmèland.  On  a  choisi,  à  cet  effet,  les  villages  de  Bogadjim,  près 
de  Stephansort,  de  Bongu,  près  de  Konstantinhafen  et  de  l'île  de 
Tamara.  Les  chiffres  fournis  par  Bogadjim  et  Bongu  sont  intéressants 
au  point  de  vue  des  proportions  qu'ils  fournissent  pour  les  différents 
(\ge6.  A  Bongu,  la  malaria  avait  atteint  100  p.  c.  des  enfants  au-dessous 


CHRONIQUE  425 

de  deux  ans,  46,1  p.  c.  des  enfants  de  2  à  5  ans,  23,5  p.  c.  de  ceux  de  5  à 
40  ans  et  0  p.  c.  des  personnes  de  10  à  43  ans.  A  Bogadjim,  la  mala- 
ria avait  atteint  80  p.  c.  des  enfants  au-dessous  de  deux  ans,  41,6  p.  c. 
de  ceux  de  2  à  5  ans  et  0  p.  c.  des  personnes  de  5  à  55  ans. 

Le  D»"  Koch  résume  comme  suit  les  résultats  de  ses  travaux  dans  le 
district  qu'il  a  étudié  :  «  Le  district  de  la  baie  de  l'Astrolabe  ne  le  cède 
à  aucun  autre  endroit  des  tropiques  au  point  de  vue  de  la  malaria. 
Friedrich  Wilhelmshafen  est  de  la  même  nature  et  il  y  a  des  indices 
qui  montrent  que  toutes  les  cotes  de  Kaiser  Wilhelmsland  sont  infec- 
tées de  malaria.  Par  contre,  les  îles  qui  se  trouvent  près  de  la  côte, 
semblent  être  en  partie  indemnes.  » 

Les  chiffres  fournis  par  Bogadjim  et  par  Bongu  montrent  que  la 
malaria  diminue  progressivement  et  rapidement  avec  Tûge.  Le  plus 
grand  nombre  des  cas  de  malaria  se  rencontrent  chez  les  enfants  de 
moins  de  deux  ans.  Le  D'  Koch  en  conclut  que  les  habitants  des 
régions  tropicales  acquièrent  au  bout  de  quelques  années  une  immu- 
nité naturelle  contre  la  malaria.  «  Déjà  les  constatations  faites  à  Java, 
dit-il,  établissent  clairement  cette  immunité  progressive,  et  les  obser- 
vations de  Bogadjim  et  de  Bongu  appuient  ce  phénomène  de  preuves 
presque  indiscutables.  A  Bogadjim,  on  ne  trouve  pas  un  seul  individu 
atteint  de  malaria  parmi  les  gens  qui  ont  dépassé  la  cinquième  année; 
par  contre,  on  la  trouve  d'autant  plus  fréquemment  parmi  les  petits 
enfants.  Bongu  se  présente  de  la  même  manière  sauf  qu'on  y  rencontre 
des  cas  isolés  jusqu'à  la  dixième  année,  après  laquelle,  la  malaria 
disparait  entièrement.  Si  on  se  contentait,  dans  des  populations 
comme  celles  de  ces  localités,  d'examiner  les  adultes  ou  même  les 
adolescents  en  laissant  de  côté  les  enfants,  on  ne  découvrirait  pas  la 
moindre  trace  de  malaria  et  on  arriverait  à  cette  conclusion  erronée 
qu'on  se  trouve  en  présence  d'une  population  qui  est  absolument 
indemne  de  malaria,  c'est-à-dire  qui  est  inaccessible  à  cette  maladie. 
Je  suis  convaincu  que  les  mêmes  circonstances  se  présentent  dans  les 
autres  régions  malariennes  et  je  serais  heureux  que  cette  communica- 
tion pût  amener  les  observateurs  à  faire  leurs  études  de  la  même 
manière  que  moi,  tant  en  Allemagne  quedans  les  autres  colonies  alle- 
mandes, notamment  dans  l'Afrique  orientale  et  occidentale.  » 

Les  observations  du  D""  Koch  ont  aussi  démontré  que  le  nombre  des 
cas  de  malaria  parmi  les  enfants  diminue  avec  l'augmentation  de  l'âge 
des  groupes  examinés.  Cette  diminution  s'explique  par  la  force  de 
résistance  que  les  enfants  acquièrent  avec  l'âge.  Le  D*^  Koch  déclare 
ensuite  que  les  nouveaux  arrivés  dans  une  contrée  malarienne  se 
comportent  exactement  comme  les  enfants  qui  y  naissent.  Ils  sont 


426  ÉTUDES   COLONIALES 

atteints  par  la  malaria  et  ont  à  souffrir  de  la  maladie  jusqu'à  ce  qu'il 
aient  atteint  un  degré  d'immunité  suffisant. 

Le  D»"  Koch  décrit  de  la  manière  suivante  l'histoire  de  la  malaria  en 
Nouvelle  Guinée:  La  malaiûa  règne  depuis  longtemps  parmi  les  indi- 
gènes de  la  côte  de  Nouvelle  Guinée,  comme  le  prouvent  les  constata- 
tions faites  dans  les  villages  de  Bogadjim  et  de  Bongu.  Le  mal  a  peut- 
être  été  importé  de  l'Archipel  malais  ou  des  Moluques  par  les  trafi- 
quants. Les  premiers  Européens  qui  entrèrent  en  relations  avec  cette 
côte  eurent  beaucoup  à  souffrir  de  la  malaria  ;  les  premiers  colons 
encore  plus.  La  situation  s'améliora  peu  à  peu,  à  mesure  que  les  colons 
s'immunisaient  davantage.  Les  rapports  médicaux  commencèrent 
alors  à  déclarer  que  par  suite  de  telle  ou  telle  mesure  sanitaire  ou  du 
développement  de  la  culture  ou  d'autre  chose,  la  malaria  était  en  voiede 
décroissance.  Tout  à  coup,  elle  éclate  cependant  de  nouveau  :  non  pas, 
comme  le  disent  les  rapports  par  suite  de  circonstances  climatériques 
spéciales,  mais  chaque  fois  qu'un  nombre  assez  considérable  de  nou- 
veaux ouvriers,  c'est-à-dire  de  personnes  entièrement  susceptibles,  est 
amené.  Ces  nouveaux  venus  doivent,  comme  les  enfants  nés  dans  une 
contrée  malarienne,  acquérir,  au  prix  d'un  nombre  de  victimes  plus  ou 
moins  grand,  l'immunité  qui  leur  permette  de  vivre  d'une  manière 
permanente  dans  un  pays  de  fièvres. 

Comme  moyen  de  combattre  la  malaria,  le  D""  Koch  recommande 
l'emploi  raisonné  de  la  quinine,  spécialement  en  vue  de  prévenir  les 
nouveaux  accès.  La  méthode  qu'il  préconise  consiste  à  administrer  à 
ceux  qui  souffrent  de  malaria,  pendant  les  intervalles  où  la  fièvre  se 
calme,  donc  presque  toujours  pendant  les  premières  heures  du 
matin,  un  gramme  de  quinine  jusqu'à  ce  que  les  parasites  aientdisparu 
de  son  sang.  On  suspend  alors  le  traitement  pendant  sept  jours,  puis, 
on  fait  prendre  de  nouveau,  deux  jours  de  suite,  un  gramme  de  quinine, 
après  quoi,  nouvel  intervalle  de  sept  jours  suivi  de  deux  jours  de 
quinine  et  ainsi  de  suite  pendant  au  moins  deux  mois.  Ce  traitement 
adonné  jusqu'à  présent  d'excellents  résultats. 

Un  souvenir  de  Livingstone.  —  La  Société  royale  de  Géogra- 
phie de  Londres  vient  d'ajouter  à  sa  collection  une  précieuse 
relique  de  Livingstone.  Il  faut  se  rappeler  que  lorsque  le  grand 
missionnaire  mourut  au  centre  de  TAfrique,  ses  fidèles  serviteurs 
embaumèrent  son  corps  et  le  transportèrent  à  la  côte.  Les  restes 
de  Livingstone  furent  ramenés  en  Angleterre  et  reposent  actuelle- 
ment à  l'Abbaye  de  Westminster.  Le  cœur  du  célèbre  explora- 
teur avait  été  enterré  au  pied  de  l'arbre,  à  l'ombre  duquel  il  avait 


CHRONIQUE  427 

rendu  le  dernier  soupir.  Un  de  ses  serviteurs,  Jacob  Wainwright, 
grava  une  inscription  commémorative  dans  le  tronc  de  cet  arbre  et, 
avant  de  partir,  iJ  donna  à  Cliitambo,  le  chef  de  la  région,  des  instruc- 
tions précises  pour  protéger  les  alentours  de  l'arbre  contre  Tenvahis- 
sement  des  herbes.  11  craignait  que  les  incendies  de  prairies  qui, 
presque  chaque  année,  ravagent  la  contrée,  ne  détruisissent  ce  précieux 
souvenir.  Chitambo  mourut  peu  de  temps  après  et  fut  inhumé  sous  le 
même  ombrage.  Son  successeur  transporta  son  village  à  quelques 
milles  de  là. 

L'arbre  qui  portait  l'inscription  de  Wainwright  échappa  heureuse- 
ment à  la  destruction.  Aucun  blanc  ne  le  visita  pendant  plus  de  vingt 
ans,  bien  que  la  fille  de  Livingstone  eût  expédié  une  plaque  en  bronze 
pour  indiquer  la  place  où  son  père  était  mort,  et  que  la  Société  de 
Géographie  eût  envoyé  de  nombreux  présents  au  chef  pour  l'engager  à 
veiller  à  la  conservation  de  la  plaque. 

Après  bien  des  vicissitudes,  cette  dernière  fut  remise  au  nouveau 
Chitambo  par  le  capitaine  belge  Bia  et  un  procès-verbal  constatant  le 
fait  fut  rédigé  par  celui-ci;  le  chef  indigène  et  ses  principaux  digni- 
taires y  apposèrent  leurs  marques  en  présence  de  témoins.  Malheureu- 
sement, la  plaque  qui  avait  été  érigée  dans  le  village  de  Chitambo,  fut 
volée  peu  de  temps  après  par  un  chasseur  d'esclaves  arabe. 

L'endroit  où  Livingstone  est  mort  n'a  été  visité  ni  par  le  capitaine 
Bia,  ni  p^r  le  lieutenant  Francqui  qui  l'accompagnait.  Le  premier 
Européen  qui  s'y  rendit  fut  M.  Glave  qui  faisait  un  voyage  à  travers 
l'Afrique  pour  le  compte  d'un  journal  américain.  Malheureusement 
M.  Glave  mourut  à  la  côte  au  moment  où  il  se  disposait  à  rentrer  en 
Europe.  M.  Poulett-Weaterley  fut  le  deuxième  blanc  qui  vit  l'arbre.  Il 
se  hâta  d'écrire  en  Europe  qu'il  était  encore  debout  mais  dans  un  état 
de  vétusté  tel  qu'il  allait  bientôt  périr.  L'inscription  gravée  dans  son 
tronc  était  donc  menacée  de  disparaître  à  jamais. 

Des  mesures  immédiates  s'imposaient  si  l'on  voulait  éviter  ce  regret- 
table événement.  C'est  dans  ces  circonstances  qu'il  y  a  deux  ans,  au 
sein  d'une  réunion  de  la  Société  de  Géographie,  M.  Alfred  Sharpe, 
commissaire  du  Protectorat  britannique  de  l'Afrique  centrale,  proposa 
à  la  Société  de  faire  enlever  du  tronc  la  partie  portant  l'inscription  et 
de  la  faire  expédier  à  I^ondres  où  elle  serait  placée  parmi  les  autres 
reliques  que  possède  la  Société.  «  Ce  serait,  disait  M.  Sharpe,  non 
seulement  un  intéressant  souvenir  de  Livingstone  et  de  la  grande 
œuvre  qu'il  a  réalisée  en  Afrique,  mais  aussi  une  preuve  du  dévoue- 
ment dont  les  indigènes  de  l'Afrique  sont  capables;  ce  serait  une 
démonstration  de  l'amour  et  du  respect  qu'ils  avaient  pour  Living- 


428  ÉTUDES   COLOMALKS 

stone  qu'ils  ont  transporté  sur  une  distance  de  Umt  de  milles  et  qu'ils 
ont  amené  à  Kabenda  où  il  mourut.  » 

M.  Sharpe,  dont  la  proposition  avait  été  agréée,  se  disposait  à  don- 
ner suite  au  vœu  de  la  Société,  mais  ses  nombreuses  occupations  en 
Afrique  Tempéchèrent  de  remplir  personnellement  la  promesse  qu'il 
avait  faite.  Apprenant  Tété  dernier  que  M.  K.  Codrington,  administra- 
teur de  la  British  South  Africa  Company  y  devait  se  mettre  en  route 
pour  entreprendre  une  tournée  d'inspection  dans  la  région  de  Ban- 
gueulu,  il  le  pria  de  se  charger  de  la  mission.  M.  Codrington  y  con- 
sentit volontiers.  Arrivé  au  village  de  Chitambo,  M.  Codrington  fut 
conduit  par  un  chef  auprès  de  l'arbre  qui  heureusement,  était  encore 
debout,  mais  son  état  justifiait  pleinement  le  cri  d'alarme  jeté  par 
M.  Poulett-Weatherley.  L'arbre  fut  abattu.  L'intérieur  en  était  pres- 
qu'entièrement  creux  et  l'inscription  avait  disparu  en  partie.  Pour 
autant  qu'elle  était  encore  lisible,  elle  portait  ce  qui  suit  : 


Dr.  LIVINGSTONE. 
May  i,  187.-5. 

.      .      .      .      LA    MNIASERE 
UCIIOPCRE. 


Le  poids  de  la  section  enlevée  était  énorme;  il  fallut  donc  la  réduire 
considérablement.  Au  prix  de  grandes  fatigues,  M.  Codrington  parvint 
à  la  faire  transporter  sur  le  plateau  de  Tanganyka  d'où  elle  fut  envoyée 
à  Zomba  et  de  là,  à  Londres  où  elle  vient  d'arriver. 

En  déballant  le  précieux  colis,  on  constata  que  le  morceau  de  bois 
avait  parfaitement  supporté  le  voyage.  Des  mesures  immédiates  vont 
être  prises  pour  en  assurer  la  conservation.  Le  bloc  se  trouve  actuel- 
lement placé  dans  une  des  salles  de  la  Société  de  Géographie,  à 
Londres. 


AFRIQUE 


Une  trayersée  de  P Afrique  du  Cap  au  Caire.  —  Nous  avons 
déjà  eu  l'occasion  de  signaler  les  observations  faites  par  M.  Sharpe, 
sur  les  volcans  de  l'Afrique  centrale,  au  cours  de  son  expédition  dans 
la  région  du  lac  Kivu  (i).  Le  compagnon  de  ce  dernier,  M.  Grogan,. 


(1)  Voir  ^tt/Tefifi,  p.  50. 


CIIUOMQLK  42î) 

qui  continua  sa  route  en  descendant  le  Nil,  vient  de  faire,  à  Ja  Société 
de  Géographie  de  Londres,  une  conférence  sur  sa  traversée  de  l'Afrique 
du  Cap  au  Caire.  Le  voyage  de  M.  Grogan  a  surtout  présenté  do 
rintérét  à  partir  du  lacKivu.  Le  développement  des  cotes  de  cette  nappe 
d'eau  doit  être  énorme,  dit  l'explorateur,  et  égaler  celui  de  n'importe 
quel  autre  lac  de  la  même  superficie.  Ce  lac  est  très  profond  et  ne 
renferme  ni  crocodiles,  ni  hippopotames.  Toute  la  contrée  environ- 
nante est  semée  de  petites  collines  dont  la  majeure  partie  sont  isolées, 
de  sorte  que  le  chemin  ne  cesse  de  monter  vt  de  descendre.  La  popu- 
lation du  pays  est  connue  sous  le  nom  de  Wakuanda  et  se  divise  en 
deux  classes  dont  la  première,  les  Watusa,  sont  les  aristocrates.  Le 
seul  travail  auquel  ils  condescendent  à  se  livrer,  c'est  de  traire  leurs 
vaches  et  de  battre  leur  beurre.  Pour  le  reste,  ils  se  reposent  sur  les 
aborigènes,  les  VVahutu,  qu'ils  dominent.  L'influence  de  la  civilisa- 
tion du  Nord  s'observe  dans  la  manière  dont  les  montagnes  sont 
découpées  en  terrasses  pour  faciliter  l'agriculture,  dans  les  essais 
rudimentaires  d'irrigation,  dans  la  clôture  des  villages  et  des  champs 
cultivés  au  moyen  de  haies  et  aussi  dans  l'établissement  de  réservoirs 
artificiels  munis  d'auges  latérales  pour  abreuver  les  bestiaux.  Le  coup 
d'oeil  que  présente  la  contrée,  est  magnifique.  C'est  un  mélange  des 
paysages  de  TEcosse,  du  Japon  et  des  îles  de  l'Océan  indien.  Le  sentier 
que  suivait  le  voyageur  le  menait  parfois  jusqu'à  i  ,K00  pieds  d'alti- 
tude et  il  jouissait  alors  d'une  vue  superbe  sur  le  lac  et  sur  les  innom- 
brables îles  dont  il  est  semé.  A  l'angle  nord-est  du  lac,  les  collines 
s'arrêtent  et  une  pente,  interrompue  çà  et  là  par  des  cônes  de  volcans 
éteints  mais  d'une  forme  parfaite,  s'élève  graduellement  de  la  surface 
de  l'eau  jusqu'au  pied  des  volcans.  Les  grands  cratères  sont  au  nombre 
de  six  :  deux  d'entre  eux  sont  encore  en  activité;  les  autres  sont 
éteints  depuis  longtemps.  La  plaine  au  nord  du  Kivu  est  dépourvue 
d'eau  par  suite  de  la  nature  poreuse  du  sol.  La  nombreuse  population 
qui  l'habite  se  procure  l'eau  qui  lui  est  nécessaire  en  faisant  des  inci- 
sions dans  le  tronc  des  bananiers.  (]omme  l'humidité  est  retenue  par 
le  sol,  les  forêts  qui  garnissent  les  pentes  des  volcans  sont  d'une  luxu- 
riance inouïe  et  d'une  densité  telle  que  seuls  les  éléphants  peuvent  s'y 
frayer  un  passage. 

Comme  nous  le  savons  déjà  par  les  déclarations  de  M.  Sharpe,  le 
mont  Mfumbiro,  que  les  Anglais  ont  accepté  lors  du  règlement  des 
frontières  avec  les  Allemands,  comme  compensation  en  échange  du  . 
Kilimandjaro,  n'a  jamais  existé  que  dans  l'imagination  de  certains 
hommes  d'Etat  anglais. 

H.  Grogan  descendit  ensuite  la  vallée  du  Rutchuru  ou  Kako,  qui  se 


430  ÉTUDES   COLONIALES 

jette  dans  le  lac  Albert  Edward.  11  en  conclut  que  ce  cours  d'eau  est 
la  véritable  source  du  Nil.  La  source  du  Nil  Victoria  se  trouve  à 
40  milles  plus  au  Sud,  de  sorte  que  dans  l'espace  de  six  jours  l'explo- 
rateur traversa  les  deux  sources  du  Nil.  Celles-ci  prennent  naissance 
à  peu  de  distance  l'une  de  l'autre,  mais  comme  elles  suivent  des  direc- 
tions différentes,  elles  embrassent  une  vaste  étendue  de  terres  avant 
de  se  jeter  dans  le  lac  Albert.  Pendant  qu'il  explorait  cette  dernière 
contrée,  M.  Grogan  aperçut  des  créatures  d'apparence  simiesque  qui 
l'observaient,  cachées  derrière  des  troncs  de  bananiers.  Après  quelques 
instances,  son  guide  parvint  à  en  décider  une  à  s'avancer.  C'était  un 
homme  de  haute  taille  qui  avait  les  longs  bras,  les  bajoues  pendantes 
et  les  courtes  jambes  du  singe.  Il  était  d'une  microcéphalie  et  d'un 
prognathisme  accentués.  Les  signes  de  l'abrutissement  étaient  si  forte- 
ment empreints  dans  la  population  de  ce  pays  que  M.  Grogan  la  plac^ 
au-dessous  de  n'importe  quelle  autre  tribu  indigène  qu'il  a  rencontrée 
en  Afrique. 

La  contrée  comprise  entre  les  deux  lacs  Kivu  et  Albert  Edouard  est 
certainement  la  clef  du  problème  géographique  et  géologique  de 
l'Afrique  moderne.  La  vallée  de  la  Kusisi  est  évidemment,  sur  une 
longueur  de  60  milles,  l'ancien  lit  du  Tanganyka.  D'autre  part,  le  lac 
Kivu  a  été  soulevé  en  même  temps  que  toute  la  région  qui  s'étend 
autour  ainsi  qu'au  nord  et  au  sud  des  volcans. 

Le  Rulchuru  inférieur  est  également  l'ancien  lit  d'un  lac  dont  une 
partie  i.'a  été  mise  à  sec  que  très  récemment.  L'ensemble  du  lac 
Ruisambu,  avec  les  marais  qui  l'environnent  à  l'est  et  la  Semliki  à 
l'ouest,  conduit  à  cette  conclusion  que  la  moitié  septentrionale  de  la 
iSemliki  n'est  qu'un  vaste  terrain  entrecoupé  de  marécages.  La  largeur 
du  Nil,  qui  a  l'apparence  d'un  lac  et  qui  se  rétrécit  près  des  rapides 
de  Dufilé  pour  s'élargir  de  nouveau  jusqu'aux  marais  du  Rohl,  du 
Bahr-el-Ghazal,  du  Bahr-el-Djébel  et  du  Bahr-el-Zaraf  qui  sont  une 
véritable  mer  de  roseaux,  est  une  autre  preuve  de  l'ancienne  existence 
d'une  vaste  mer  intérieure  ou  d'une  vaste  prolongation  de  la  mer  dont 
les  lacs  actuels  ne  sont  qu'un  faible  reste. 

Dans  le  Toro,  M.  Grogan  rencontra  d'immenses  troupeaux  d'élé- 
phants et  il  se  livra  pendant  trois  semaines  aux  plaisirs  de  la  chasse  à 
Mboga.  De  cette  localité,  il  descendit  à  Wadelai  par  la  côte  occiden- 
tale du  lac  Albert  Nyanza,  et  de  là  à  Bohr.  11  entreprit  alors  une 
marche  de  400  milles  à  travers  des  marais  inconnus,  où  il  s'égara 
plusieurs  fois.  Mais  il  fut  heureusement  rencontré  par  le  major  Dunn, 
de  l'expédition  du  major  Peake,  chargée  de  couper  les  barrages  de 
Sudd  qui  entravent  le  cours  du  Nil.  Il  arriva  ainsi  à  Sobat  d'où  il  gagna 
le  Caire. 


CHRONIQUE  431 

I 

Dahomey.  Le  chemin  de  fer  projeté.  —  Le  commandant  Guyon 
qui  a  été  chargé  d'étudier  le  tracé  du  chemin  de  fer  projeté  de  l'Océan 
au  Niger  vient  de  publier  les  résultats  de  sa  mission.  Cette  question 
se  présente  actuellement  dans  des  conditions  très  favorables.  Le 
Dahomey  jouit,  comme  du  reste  la  Guinée  française  et  la  Côte  d'ivoire, 
d'une  grande  prospérité.  Le  Dahomey  a  eu,  l'an  dernier,  un  excédent 
de  recettes  de  800,000  francs.  Il  est  donc  possible'  de  construire  le 
chemin  de  fer  aux  frais  de  la  seule  colonie  que  la  réalisation  de  ce 
projet  rendrait  encore  beaucoup  plus  riche.  A  l'heure  actuelle,  elle 
retire  ses  principaux  revenus  de  l'exportation  de  l'huile  de  palme 
dont  elle  a  vendu  plus  de  30,000  tonnes  pendant  le  dernier  exercice; 
mais  elle  produit,  en  outre,  du  caoutchouc,  de  la  gutta  percha,  sans 
parler  des  innombrables  troupeaux  des  savanes  du  Nord  et  aussi  des 
cultures  de  denrées  coloniales  dès  à  présent  entreprises  aux  environs 
d'AUada  .  Mais  dans  l'état  actuel  des  choses,  le  manque  de  moyens  de 
communicatiim  rend  l'exploitation  de  l'intérieur  impossible.  Tous  les 
transports  se  font  à  dos  d'homme,  ce  qui  ne  permet  pas  aux  produits, 
récoltés  à  plus  de  150  ou  200  kilomètres  du  littoral  d'arriver  au  point 
d'embarquement  sans  subir  des  majorations  de  prix  excluant  tout 
commerce.  Sans  compter  que  l'activité  vainement  dépensée  de  milliers 
de  porteurs  serait  beaucoup  plus  utilement  employés  à  l'agriculture. 
Un  chemin  de  fer  s'impose  donc. 

Le  tracé  de  chemin  de  fer  a  été  arrêté  de  Cotonou  jusqu'au  nord  du 
Dahomey  proprement  dit,  avec  un  petit  embranchement  sur  Ouidah, 
à  travers  le  riche  pays  d'Allada,  et  la  province  moins  fertile,  mais 
beaucoup  plus  peuplée  et  cultivée  d'Abomey,  où  les  rois  dahoméens 
avaient  concentré  les  esclaves  razziés  dans  toutes  les  régions  voisines. 
Plus  au  Nord,  une  étude  plus  sommaire  a  été  fait  jusqu'à  Tchaourou, 
à  mi-chemin  du  Niger,  en  ui^  point  où  l'on  quitte  la  zone  littorale 
aux  produits  riches  pour  rentrer  dans  la  région  beaucoup  plus  maigre 
des  pâturages  soudanais. 

D'après  les  officiers  de  la  mission,  le  procédé  de  construction  le 
plus  avantageux  serait  de  faire  établir  l'infrastructure  de  la  ligne  par 
des  corvées  rétribuées  fournies  pas  les  chefs  indigènes  et  dirigées  par 
un  service  spécial  organisé  à  cet  effet  dans  la  colonie.  Le  travail  pro- 
duirait une  route  permettant  l'usage  de  voitures  ou  pousse-pousse  bien 
supérieurs  comme  rendement  aux  porteurs  actuels  et  sur  laquelle  on 
pourrait  poser  peu  à  peu  la  voie  dont  le  coût  total  serait  de  6o,000  fr. 
par  kilomètre.  Pour  couvrir  par  un  chemin  de  fer  du  gabarit  d'un 
mètre,  les  700  kilomètres  qui  s'étendent  de  l'Océan  au  Niger,  il  fau- 
drait donc  dépenser  40,000,000  de  francs. 


433  ÉTUDBS   COLONIALES 

t 

On  a  choisi  Cotonou  comme  point  de  départ  de  la  ligne  projetée 
parce  que  ce  centre  côtier  possède  déjà  un  appontement,  le  seul  de 
ce  littoral,  qui  permette  de  débarquer  le  matériel  lourd  nécessaire  au 
chemin  de  fer,  sans  courir  les  dangers  de  la  barre.  Mais  alors  même 
qu'aucune  installation  n'y  existerait  encore,  Cotonou  est  le  débouché 
tout  naturel  du  Dahomey.  Ce  point  est  celui  où  la  grande  lagune  de 
Porto-Novo,  où  se  jette  TOuémé,  se  rapproche  le  plus  de  l'Océan. 
C'est  la  tête  de  ligne  littorale  de  la  navigation  fluviale  de  la  colonie. 
Le  chemin  de  fer  ne  fera  donc  que  s'ajouter  aux  voies  naturelles  qui 
font  de  Cotonou  le  vrai  port  du  Dahomey  et  la  concentration  de  tout 
trafic  sur  ce  point  permettra  d'y  améliorer  et  d'y  compléter  les  insta- 
lations  maritimes  encore  sommaires. 

Dahomey.  Culture  du  ricin.  —  Le  ricin  exige,  pour  bien  venir, 
une  terre  de  moyenne  consistance,  argilo-silic^use  ;  il  est  nécessaire 
que  ces  terres  conservent  une  humidité  suffisante  pour  permettre  aux 
plantes  de  se  bien  développer. 

Les  semis  se  font  avant  la  fin  de  la  saison  des  pluies.  On  sème  par 
paquet  de  trois  à  quatre  graines  et  l'on  conserve  entre  les  lignes  et  sur 
les  lignes  un  espacement  de  deux  mètres.  11  est  bon  de  ne  pas  enterrer 
la  graine  à  plus  de  2  ou  3  centimètres  dans  le  fond  d'une  petite 
cuvette  qui  sera  comblée  au  moment  des  binages.  Après  la  levée,  on 
ne  conserve  qu'un  plant  par  paquet,  les  autres  sont  arrachés  ;  quand  les 
plantes  ont  un  mètre,  on  les  butte. 

La  récolte  commence  trois  à  cinq  mois  après  le  semis;  elle  se 
renouvelle  pendant  deux  ou  trois  ans.  Les  inflorescences  sont  coupées 
entières  au  moment  où  les  capsules  jaunissent.  On  les  laisse  sécher 
sur  des  nattes  au  soleil.  Les  graines  se  dégagent  d'elles  méifnes.  On 
peut  compter  sur  un  rendement  moyçn  de  1,500  kilogrammes.  Le 
ricin  vaut  en  ce  moment  de  27  à  30  francs  les  100  kilogrammes. 

Afrique  allemande  occidentale.  —  L'arrangement  au  sujet  de 
la  construction  du  chemin  de  fer  de  Great  Fish  Bay,  dans  le  territoire 
portugais  jusqu'à  Otavi  dans  le  territoire  allemand,  vient  d'être  défi- 
nitivement ccmclu.  C'est  à  Otavi  que  doit  se  trouver  le  centre  d'exploi- 
tation minière  de  la.  South  West  African  Mining  Company.  Le  montant 
des  capitaux  qui  seront  engages  dans  la  construction  du  chemin  de  fer 
et  l'exploitation  des  mines  a  été  fixé  à  2,000,000  liv.  st.  L'affaire  est 
constituée  par  des  financiers  anglais  et  allemands. 

La  longueur  de  la  ligne  sera  de  400  milles.  Elle  sera  le  premier 
tronçon  de  la  voie  qui  est  destinée  à  se  r(»lier  à  la  ligne  du  Cap  au 


CHRONIQUE  433 

Caire.  La  compagnie  vient  de  faire  appel  à  un  premier  versement  de 
80,000  liv.  st.  pour  envoyer  à  Otavi  une  expédition  chargée  d^explorer 
les  mines  de  cuivre  de  Ja  région. 

Afrique  allemande  sud-occidentale.  Un  remède  contre  la 
mortalité  des  chevaux  —  On  dit  que  le  médecin  en  chef  Kuhn  a 
découvert  la  possibilité  d'immuniser  au  moyen  d'injections  les 
chevaux  sains  contre  la  maladie  qui  fait  tant  de  ravages  parmi  ces 
animaux  dans  la  colonie  allemande  du  Sud-Ouest  de  l'Afrique. 

Le  docteur  Kuhn  s'est  occupé  de  l'étude  de  la  mortalité  des  chevaux 
dans  cette  région  depuis  1898  et  il  vient  d'annoncer  au  gouverne- 
ment qu'  «  il  était  réservé  à  la  colonie  Sud-Occidentale  de  résoudre 
complètement  le  problème  de  la  mortalité  chevaline  »,  D'après  le  doc- 
teur Kuhn  le  mal  serait  une  sorte  do  malaria  propagée  par  les 
moustiques.  M.  Kuhn  qui  se  trouve  déjà  depuis  quatre  atis  en  Afrique 
vient  de  prolonger  son  séjour  à  la  demande  du  gouvernement  afin  de 
terminer  ses  inoculations  préventives.  Un  certain  nombre  de  chevaux 
nialades  ont  été  inoculés  et  se  trouvent  bien  actuellement.  Les  chevaux 
et  les  mulets  inoculés  portent  à  la  jambe  gauche  un  signe  représentant 
un  crocodile.  Le  procédé  du  docteur  Kuhn  exige  environ  huit 
semaines,  pendant  lesquelles  les  chevaux  ne  peuvent  être  montés.  Le 
lieutenant  Egger  s'est  aussi  occupé  activement  de  la  mortalité  cheva- 
line et  a  assisté  le  docteur  Kuhn  dans  ses  travaux.  Il  s'est  particuliè- 
rement attaché  à  guérir  les  chevaux  déjà  malades,  et  a  réussi  dans  de 
nombreux  cas,  surtout  quand  les  poumons  n'étaient  pas  encore 
envahis  par  les  sérosités.  Le  sérum  du  docteur  Kuhn  conserve  son 
efticacitc  pendant  plusieurs  mois. 

Afrique  portugaise  orientale.  —  Les  rapports  consulaires  anglais 
de  Mozambique  et  de  Uuilimane  pour  l'année  dernière,  contiennent 
des  avis  peu  favorables  sur  la  situation  des  possessions  portugaises  de 
cette  région.  Dans  chacune  de  ces  villes,  le  commerce  décline  surtout 
au  point  de  vue  des  exportations.  La  cause  en  est  attribuée  pour 
Mozambique  à  la  turbulence  d'un  chef  voisin  et  à  l'absence  de  sécu- 
rité pour  la  vie  et  la  propriété.  Il  n'est  donc  pas  possible  d'entreprendre 
l'exploitation  agricole  d'une  manière  régulière.  De  longues  périodes 
de  sécheresse  ont  également  contribué  à  ce  triste  état  de  choses. 
A  Quilimane,  on  accuse  le  mode  d'affermage  des  taxes,  connu  sous 
le  nom  deprazo,  grâce  auquel  le  fermier  a,  en  réalité,  le  monopole  du 
commerce  dans  le  district  qui  lui  est  concédé.  Le  consul  a  visité  der- 
nièrement le  pays  environnant  Uuilimane  et  a  constaté  qu'il  est  très 


434  ÉTUDES   COLONIALES 

riche  en  caoutchouc.  Il  ne  doute  pas  que  si  la  sécurité  était  rétablie  et 
que  Ton  pût  se  livrer  à  une  exploitation  suivie  du  sol,  cette  colonie  ne 
devienne  un  centre  important  pour  la  production  du  caoutchouc.  La 
paix  et  le  travail  sont  les  éléments  nécessaires  pour  faire  de  ce  pays 
une  contrée  riche,  et  de  Mozambique,  un  port  commercial  important. 
A  Quilimane  la  paralysie  du  commerce  est  tellement  grande  que  les 
meilleures  maisons  européennes  en  retirent  leurs  agences. 

Baie  de  Delagoa. —  Un  rapport  militaire  anglais  fournit  quelques 
renseignements  sur  la  baie  de  Delagoa  dont  nous  extrayons  les  détails 
suivants  : 

La  baie  de  Delagoa  connue  aussi  sous  le  nom  de  Lourenço-Marquez, 
d'après  celui  qui  Ta  découverte,  est  le  port  le  plus  méridional  de 
TAfrique  portugaise  orientale.  Elle  est  située  entre  le  23<*o0  et  20°40 
de  latitude  sud  et  entre  32«40  et  32*^50  de  longitude  est.  On  l'appelle 
souvent  «  le  meilleur  port  de  l'Afrique  australe.  »  La  baie  est  séparée 
de  l'Océan  Indien  par  une  succession  d'îles  et  de  bancs  de  sable;  trois 
canaux  d'accès  passent  entre  ces  derniers.  Celui  du  nord  est  le  plus 
large  et  convient  le  mieux  pour  des  vaisseaux  de  fort  tonnage.  Il  a 
une  profondeur  de  36  à  48  pieds. 

'  La  baie  n'a  été  sondée  qu'imparfaitement  et  on  ne  peut  pas  trop  se 
fier  aux  cartes  ou  aux  bouées.  La  partie  méridionale  de  la  baie  est 
d'une  navigation  difficile  à  cause  des  dépots  amenés  par  les  trois 
fleuves  qui  s'y  déversent.  Les  vaisseaux  d'un  tirant  d'eau  de  24  pieds 
peuvent  traverser  la  barre  et  entrer  dans  le  port  de  Lourenço-Marquez 
mais  les  bâtiments  d'une  jauge  supérieure  doivent  mouiller  à  environ 
huit  milles  de  la  ville. 

Lourenço-Marquez,  capitale  et  siège  du  gouvernement  de  l'Afrique 
orientale  portugaise,  se  trouve  sur  la  rive  nord  de  l'English  River,  une 
des  rivières  qui  se  jettent  dans  la  baie.  La  contrée  qui  l'entoure  est 
marécageuse  et  malarienne  ;  la  ville  elle-même  qui  se  trouve  à  30  pieds 
au  dessus  du  niveau  de  la  mer,  a  une  mauvaise  réputation  bien  que  la 
santé  publique  s'y  soit  beaucoup  améliorée  depuis,  qu'une  gi'ande 
partie  de  la  population  a  émigré  à  Reuber  point,  localité  située  à  une 
altitude  plus  considérable,  et  qu'elle  a  été  pourvue  d'eau  de  bonne  qua- 
lité. La  ville  possède  un  hôpital  de  300  lits  et  est  éclairée  à  l'électricité. 

En  décembre  1898,  la  population  totale  était  de  4,902  âmes  se 
répartissant  en  2,242  Européens,  913  Asiatiques  et  1,747  Africains. 

San-Thomé  et  Principe.  Culture  du  cacao.  —  La  culture  du 
cacao  prend  une  importance  de  plus  en  plus  grande  dans  les  îles  de 


CHRONiaUB  43o 

San  Thomé  et  de  Principe  et  les  exportations  de  cet  article  suivent  une 
progression  constante. 

En  1889,  les  exportations  de  cacao  de  ces  îles  avaient  une  valeur  de 
1,500  contos  ou  plus  de  6,000,000  de  francs;  en  1899,  elles  ont 
atteint  le  chiffre  de  5,200  contos  ou  plus  de  20,000,000  de  francs. 

La  récolte  de  cacao  qui,  en  1889,  était  de  2,371,395  kilogrammes, 
a  été,  en  1899,  de  13,143,000  kilogrammes. 

Le  tableau  suivant  montre  le  développement  de  la  production  du 
cacao  à  San  Thomé  et  à  Principe  pendant  les  six  dernières  années  : 

1894 lli,872sacs. 

1895 117,423    — 

1896 IÎ5,I59    — 

1897 Ul,663    — 

1898 165,755    — 

1899 219,052    -- 

Quand  les  terres  qui  restent  encore  disponibles  pour  la  culture  du 
cacao  dans  ces  îles  auront  été  mises  en  exploitation,  Texportation 
annuelle  pourra  s'élever  à  24,000,000  kilogrammes  représentant  une 
valeur  de  8,000  contos. 

La  quantité  de  cacao  de  San  Thomé  restera  alors  fixée  à  ce  chift're  et 
l'on  n'aura  pas  à  craindre  de  surproduction.  Les  envois  de  cacao  sont 
d'ailleurs  généralement  vendus  avant  leur  arrivée  à  Lisbonne,  et  d'autre 
part,  les  essais  de  plantation  de  cacao  que  Ton  a  faites  dans  d'autres 
parties  de  l'Afrique,  notamment  dans  l'Angola,  n'ont  pas  réussi.  Le 
cacaoyer  ne  produit  presque  pas  à  6  degré  au  sud  de  l'équateur. 

Madagascar.  Le  commerce  de  1800.  —  Le  commerce  de  Mada- 
gascar a  subi  une  progression  notable  en  1899.  Les  importations  ont 
passé  de  près  de  14  millions  en  1896,  à  près  de  28  millions  en  1899, 
ce  qui  représente  un  accroissement  de  près  du  double,  et  les  expor- 
tations se  sont  élevées  de  3,605,951  francs  en  1896  à  8,045,441  francs 
en  1899. 

Pour  les  importations,  le  fait  notable  est  le  développement  considé- 
rable de  la  part  de  la  France.  C'est  ainsi  que  les  tissus  d'origine  fran- 
çaise, qui,  en  1896,  représentaient  seulement  le  tiers  des  tissus 
importés,  figurent  aujourd'hui  pour  les  neuf  dixièmes.  Les  importa- 
tions de  vins  de  France  ont  passé,  de  391,309  francs  en  1896,  à 
2,167,689  francs  en  1899;  tandis  que  celles  des  vins  étrangers  tom- 
baient de  40,671  francs  à  3,963  francs.  La  part  de  la  France,  dans  les 
envois  de  riz,  a  passé  de  13,068  francs  à  760,196  francs  en  1899; 


436  ÉTUDES  COLONIALES 

tandis  que  celle  de  l'étranger  tombait  de  373,874  francs  à  53,4SS  francs. 
Ces  exemples  pourraient  être  multipliés. 

D'autre  part,  les  produits  de  la  colonie,  qui,  en  1896,  étaient  expor- 
tés, en  majeure  partie,  en  Angleterre  et  en  Allemagne,  sont  aujour- 
d'hui, en  grande  majorité,  expédiés  en  France;  la  part  de  la  métro- 
pole représente  aujourd'hui  les  cinq  huitièmes  des  exportations 
malgaches. 

Les  importations  de  caoutchouc  en  France,  par  exemple,  ont  passé 
de  103,862  francs  en  1896,  à  1,047,382  francs  en  1899. 

A  propos  de  commerce  de  Madagascar,  il  faut  noter  que  Tamatave 
y  a  concouru  moins  que  les  années  précédentes.  Les  marchandises 
importées  par  ce  port  ont  été  de  10,592,872  francs  pour  l'année  1899 
contre  11,634,857  francs  en  1898  et  10,899,083  francs  en  1897,  soit 
une  diminution  de  1,041,985  francs  sur  le  chiffre  de  l'année  1898  et 
de  305,211  francs  sur  1897. 

Le  poids  des  marchandises  importées  a  été  de  15,853,480  kilogr. 

La  part  de  ce  port  représente  encore  les  tren^te-huit  centièmes  du 
commerce  des  importations  de  la  colonie  et  les  trois  dixièmes  environ 
de  celui  d'exportation,  malgré  la  peste  qui  a  sévi,  on  s'en  souvient, 
à  diverses  reprises,  à  ïamatave,  en  1899. 

Madagascar.  La  soie  d'araignée.  —  On  pourra  voir,  à  la  section 
coloniale  de  l'Exposition  de  Paris,  une  collection  de  rideaux  de  lit 
fabriqués  à  Madagascar  avec  de  la  soie  fournie  par  une  araignée  du 
pays.  Cet  insecte,  qui  est  énorme  et  que  l'on  trouve  en  grande  quan- 
tités dans  certains  districts  de  l'île  Malgache,  se  nomme  l'halabe. 

C'est  à  M.  Nogué,  directeur  de  l'Ecole  technique  d'Antananarivo, 
que  l'on  doit  l'utilisation  de  l'halabe.  Et  les  résultats  obtenus  jusqu'à 
présent  font  prévoir  que  l'industrie  de  la  soie  d'araignée  prendra  bien- 
tôt une  grande  importance.  La  grande  difficulté  était  de  trouver  un 
moyen  pratique  pour  dépouiller  les  araignées  femelles  de  leur  soie. 
M.  Nogué  y  est  arrivé  en  imaginant  un  ingénieux  appareil  qui  permet 
de  a  traire  »  une  douzaine  d'insectes  à  la  fois.  Les  araignées  acceptent 
avec  beaucoup  de  résignation  la  réclusion  temporaire  qui  leur  est 
imposée  dans  l'appareil,  bien  que  leur  caractère  soit,  en  général,  loin 
d'être  d'une  douceur  exemplaire.  Ainsi,  le  mode  ordinaire  par  lequel 
l'halabe  femelle  répond  aux  avances  des  mâles,  consiste  simplement  à 
les  dévorer.  Et  il  arrive  bien  souvent  que  le  même  sort  atteigne  les 
halabes  femelles  plus  faibles.  La  soie  est  enlevée,  d'après  le  procédé 
de  M.  Nogué,  au  moyen  d'un  mécanisme  à  main,  tournant  avec  une 
grande  rapidité.  Aussitôt  qu'une  araignée  a  fourni  toute  sa  provision 


CHRONIQUE  437 

de  fils,  elle  est  remplacée  par  une  autre,  de  sorte  que  le  travail  se 
poursuit  sans  interruption.  Les  halabes  dépouillées  sont  remises  en 
liberté  et  peuvent,  dix  jours  après,  être  soumises  de  nouveau  à  l'opé- 
ration. La  soie  de  ces  araignées  est  d'une  couleur  or  extrêmement 
brillante;  elle  est  beaucoup  plus  fine  que  celle  des  vers  à  soie;  sa 
force  de  résistance  est  remarquable  et  on  peut  la  tisser  sans  la 
moindre  difticulté. 

Guinée  française.  —  L'aspect  pittoresque  du  Fouta-Djàlon  a 
permis  au  gouverneur,  M.  Bayol,  de  l'appeler  la  Suisse  africaine, 
image  poétique  mais  bien  peu  exacte  cependant  d'après  ce  qu'en  dit 
M.  le  D'^Maclaud,  membre  d'une  mission  d'études  à  travers  la  Guinée 
française  et  le  Fouta-Djalon.  Des  plateaux  dénudés  que  les  indigènes 
appelcnt  bowals  semblent  caractériser  le  Fouta-Djalon  ;  ils  en  occupent 
les  neuf  dixièmes  en  superficie.  Vers  le  mois  de  mars,  quand  les 
pluies  commencent  à  tomber,  un  tapis  de  graminées  extrêmement 
frêles  et  délicates  semble  sortir  de  la  pierre.  Ces  plateaux  contiennent 
deux  plantes  très  intéressantes.  La  première,  dont  le  nom  scientifique 
est  Lonchocaiyus  Cyaeiius  n'est  pas  autre  chose  que  la  liane  indigo. 
Elle  n'est  pas  exploitée  par  les  Européens,  mais  le'  commerce  de 
l'indigo  avec  les  pays  du  Soudan  est  très  important.  La  seconde  est 
le  Landolphia  ftendelotiiy  la  liane  à  caoutchouc.  On  s'étonne  de  trouver 
sur  ces  plateaux,  où  il  semble  que  rien  ne  devrait  pousser,  des  lianes 
à  caoutchouc  en  très  grande  abondance.  La  raison  que  donne  de  ce 
phénomène  M.  Maclaud  est  paradoxale  en  apparence.  Quand  les  ani- 
maux qui  se  nourrissent  des  finiits  mûrs  du  Landolphia,  en  ont 
disséminé  dans  la  brousse  les  graines  au  hazard  de  la  digestion,  la 
saison  des  pluies  fait  éclore  rapidement  les  jeunes  plantes.  Celles  qui 
sont  tombées  en  bonne  terre  ont  atteint  une  hauteur  de  un  mètre, 
quand  cesse  l'hivernage;  celles  que  le  hazard  a  disposées  sur  le  rocher 
n'ont  guère  que  quelques  centimètres  de  tige,  leurs  racines  ont  dû 
aller  parfois  bien  loin  pour  chercher  une  fissure  d'où  elles  pourront 
tirer  leur  nourriture.  Mais  quand  vient  Tépoque  des  grands  incendies 
annuels,  la  liane  des  bas  fonds  perdue  au  milieu  d'une  épaisse  végéta- 
tion herbacée,  disparait  dans  le  brasier.  Tandis  que  la  plante  du 
bovval,  chétive  il  est  vrai,  mais  plus  résistante  encore  que  les  frêles 
graminées  qui  constituent  le  révêtement  végétal  du  plateau  rocheux, 
en  est  quitte  pour  roussir  l'extrémité  de  ses  feuilles.  D'année  en  année 
elle  devient  plus  robuste,  son  écorce  épaisse  et  couverte  de  cicatrices 
la  défend  de  l'incendie. 

En  un  mot  la  liane  à  caoutchouc  est  commune  dans  les  endroits  où 


438  ÉTUDES  COLONIALES 

elle  ne  devrait  pas  se  trouver.  Cette  liane  présente  divers  aspects.  Elle 
est  tantôt  sarmenteuse,  sur  le  bowal  ;  au  contraire  dans  les  endroits 
boisés,  elle  escalade  les  plus  grands  arbres  et  elle  laisse  tomber  de 
leur  cime  de  véritables  bouquets  de  jolies  fleurs  blanches,  dont 
l'odeur  rappelé  le  jasmin  et  le  muguet. 


ASIB 


Annam.  La  culture  du  coton.  —  M.  Judée,  qui  s'est  livré  à  des 
essais  de  plantation  du  cotonnier  américain  dans  T Annam,  fournit 
des  observations  intéressantes  sur  les  expériences  qu'il  a  faites.  Le 
climat  de  TÂnnam,  dit-il,  se  prête  tout  particulièrement  à  la  culture 
du  coton,  car  ses  saisons  bien  établies  et  régulières  le  disposent  mieux 
que  son  voisin,  le  Tonkin,  à  ce  genre  de  culture.  L'hivernage  qui  com- 
mence vers  la  fin  de  septembre  est  terminé  en  mars  ;  les  orages  ne  font 
leur  apparition  que  vers  la  fin  de  juillet,  l'on  a  donc  environ  cinq  à  six 
mois  pour  laisser  mûrir  et  pour  récolter  son  coton,  ce  qui  ne  peut  se 
faire  au  Tonkin  où  la  saison  des  pluies  vient  précisément  en  mai,  juin, 
juillet  et  août,  c'est-à-dire  au  moment  de  la  récolte,  fait  qui  rend 
presque  impossible  la  culture  du  coton. 

De  tous  les  terrains,  celui  qui  convient  le  mieux  à  cette  culture  est 
le  terrain  sablonneux-argileux.  Le  meilleur  moment  pour  semer  est 
le  mois  de  novembre  ou  décembre  au  plus  tard.  C'est  alors  que  les 
pluies,  si  nécessaires  aux  jeunes  plants,  sont  les  plus  abondantes. 

Il  y  a  une  chose  importante  qui  doit  fixer  le  planteur  sur  le  choix 
du  terrain  à  acquérir  :  c'est  le  voisinage  de  la  mer  qui  est  un  puissant 
auxiliaire,  car  les  effluves  marines  donnent  au  coton  une  souplesse  et 
une  élasticité  que  n'ont  pas  les  cotons  de  l'intérieur,  ce  qui  est  une 
raison  pour  préférer  l'Annam  au  Tonkin. 

En  Amérique,  où  la  main-d'œuvre  est  chère,  cette  culture  nécessite 
un  capital  variant  de  600  à  900  francs  par  hectare.  En  Annam,  où  la 
journée  des  ouvriers  est  très  bon  marché,  l'on  peut  arriver  à  réduire 
sensiblement  le  capital  engagé.  M.  Judée  l'estime  de  300  à  3o0  francs 
par  hectare. 

Asie  Orientale.  Mission  commerciale  des  Etats-Unis.  —  Un 

bill  concernant  l'envoi  d'une  mission  commerciale  améric^aine  en 
Chine  ot  au  Japon,  vient  d'être  déposé  «nu  parlement  de  Washington. 


CHRONIQUE  439 

Le  crédit  demandé  est  de  73,000  dollars.  L'exposé  des  motifs  fait 
remarquer  que  des  missions  analogues  ont  été  envoyées  par  TAngle- 
terre,  la  France  et  l'Allemagne  et  qu'elles  ont  fourni  aux  commerçants 
et  aux  industriels  de  leurs  pays  respectifs,  de  précieuses  informations 
pour  l'exportation  de  leurs  produits. 

Le  commerce  des  Etats-Unis  avec  l'Asie  Orientale  s'est  développé 
d'une  façon  brillante  dans  les  dernières  années  et  les  pays  industriels 
d'Europe  constatent  des  effets  de  leur  concurrence  dans  différentes 
branches  de  l'activité.  Voici  les  progrès  faits  par  les  exportations  des 
Etats-Unis  vers  la  Chine,  le  Japon  et  Hong-Kong  dans  les  dernières 
années  : 

DOLLARS. 

189o 12,491,597 

1896 19,302,819 

1897 31.239,950 

1898 36,645,3U 

1899 39,490,6o3 

En  1899,  les  exportations  se  sont  réparties  en  17,26i,688  dollars 
pour  le  Japon,  14,930,440  dollars  pour  la  Chine  et  7,732,525  dollars 
pour  Hong-Kong. 

Shanghaï.  Musée  commercial  américain.  —  Le  Musée  com- 
mercial de  Philadelphie  vient  de  réaliser  un  projet  que  la  «National 
association  of  Manufacturées  »  avait  émis  depuis  quelques  temps,  à 
savoir,  l'établissement  d'un  magasin  et  d'un  musée  d'échantillons  à 
Shanghaï.  La  dite  association  a  envoyé  récemment  aux  principales 
firmes  d*exploitation  des  Etats-Unis,  une  invitation  à  s'associer  au 
projet  et  les  adhésions  ont  été  si  nombreuses  que  la  réalisation  de 
l'idée  peut  être  considérée  comme  décidée.  La  National  association  a 
déjà  acquis,  depuis  plusieurs  mois,  un  vaste  terrain  sur  lequel  s'édi- 
fiera un  grand  bâtiment  destiné  à  la  vente  et  à  l'exposition  de  pro- 
duits américains. 

Sibérie.  —  Les  Russes  qui  fondaient  de  si  belles  espérances  sur 
l'achèvement  du  chemin  de  fer  de  la  Sibérie  pour  ouvrir  de  nouveaux 
débouchés  à  leur  commerce  et  à  leur  industrie  en  Sibérie  et  dans  la 
Mandchourie,  se  voient  menacés  d'une  concurrence  ruineuse  de  la 
part  des  Américains.  Ceux-ci  ont  introduit  pendant  l'hiver  d'énormes 
quantités  de  marchandises  par  Wladiwostok.  Ces  marchandises  com- 
prennent tous  les  articles  imaginables  à  des  prix  défiant  toute  con- 
currence. Mais  ce  n'est  pas  seulement  Wladiwostok  et  les  autres  villes 


4i0  ÉTUDES  COLONIALES 

de  la  Sibérie  Orientale  que  les  Américains  ont  envahi,  ils  ont  pénétré 
jusqu'à  Irkutsch,  le  centre  commercial  de  la  Sibérie.  De  plus,  ils  ont 
commencé  à  acquérir  de  grandes  étendues  de  terrains  pour  s'y  livrer 
à  l'exploitation  des  mines  ou  pour  y  établir  des  moulins.  Ces  diffé- 
rents faits  ont  amené  les  négociants  russes,  établis  en  Sibérie,  à 
envoyer  une  députation  au  gouverneur  de  Saint-Pétersbourg  pour  le 
prier  de  prendre  des  mesures  contre  l'envahissement  des  produits 
américains.  Il  n'est  pas  impossible  qu'on  les  y  accueille  favorable- 
ment, car  on  doit  craindre  dans  les  milieux  pétersbourgeois  que  les 
Américains  n'attirent  à  eux  les  grands  profits  que  l'ouverture  de  la 
Mandchourie  semble  promettre. 

La  concurrence  américaine  attire  l'attention  sur  le  développement 
de  Wladiwostok  dont  l'existence  n'est  pas  encore  lointaine.  Quand, 
après  1870,  la  Société  des  Télégraphes  du  Nord  dont  le  siège  est  à 
Copenhague,  entreprit  l'établissement  d'un  câble  entre  Wladiwostok  et 
Hong-Kong,  elle  fut  obligée  de  commencer  par  abattre  des  arbres 
dans  la  première  de  ces  localités  pour  construire  des  logements  pour 
ses  ouvriers.  Aujourd'hui,  Wladiwostock  est  une  ville  de  30,000  habi- 
tants dont  le  tiers  sont  des  Chinois,  des  Japonais  et  des  Koréens. 
Parmi  les  Européens,  on  trouve  les  Allemands  qui  tiennent  le  com- 
merce dans  leurs  mains.  La  ville  présente  un  caractère  mixte.  Dans  le 
port,  fourmillent  les  sampans  chinois,  tandis  que  dans  les  rues,  on  ne 
rencontre  que  des  attelages  russes.  Les  chantiers  navals  sont  très 
étendus  et  leur  énorme  bassin  de  radoub  peut  recevoir  des  cuirassés 
de  12,000  tonneaux.  On  y  trouve  aussi  des  chantiers  pour  la  construc- 
tion des  torpilleurs  et  deux  docks  flottants.  La  ville  est  protégée  par 
plusieurs  batteries.  La  situation  de  Wladiwostock  serait  parfaite  sans 
la  rudesse  du  climat.  En  hiver,  le  port  est  gelé.  Le  gouvernement 
russe  a  fait  construire,  en  1897,  à  Copenhague,  le  brise-glace  Nadeschny 
qui  sert  à  permettre  l'accès  du  port,  pendant  la  saison  rigoureuse. 

Formose.  Production  du  camphre.  —  A  propos  de  la  pro- 
chaine adjudication  du  monopole  du  camphre  à  Formose  qui  donne 
lieu  à  des  compétitions  extrêmement  vives,  un  journal  local  fait 
remarquer  que  sur  les  six  millions  de  catties  de  camphre  produits  dans 
le  monde,  Formose  en  fournit  cinq.  A  Java,  à  Sumatra,  à  Bornéo  et  au 
Japon,  la  réserve  est  presque  épuisée,  tandis  qu'à  Formose,  il  y  en  a 
encore  pour  quatre-vingts  ans.  D'autre  part,  comme  cinquante  ans 
suffisent  pour  amener  un  camphrier  à  maturité,  on  peut  considérer 
cette  île  comme  une  mine  inépuisable.  La  seule  condition  nécessaire 
est  un  mode  de  plantation  rationnel. 


CHRONIQUE  441 


OCEANIE 


Java.  Rapport  commercial  pour  1898.  —  Le  Moniteur  offieiel 
du  Commetxe,  publié  en  France  par  Je  Ministère  du  Commerce,  con- 
tient un  excellent  rapport  de  M.  Belin,  consul  de  France  à  Java,  sur 
la  situation  commerciale  des  possessions  hollandaises  d'Océanie.  On 
y  trouve  un  aperçu  général  de  la  situation  agricole  de  la  colonie, 
d'autant  plus  nécessaire  que  la  prospérité  économique  du  pays  est 
intimement  liée  à  Tétat  de  l'agriculture.  La  crise  agricole  et  indus- 
trielle dont  les  Indes  néerlandaises  souffrent  depuis  1884,  loin  de 
diminuer,  s'est  au  contraire  étendue  et  a  progressivement  augmenté. 
Au  début,  ce  n'était  que  l'industrie  sucrière  qui  semblait  sérieusement 
en  cause,  mais  peu  à  peu  les  atteintes  de  la  crise  se  sont  fait  sentir  sur 
tous  les  produits  de  l'agriculture.  Le  dépréciation  générale  des  pro- 
duits agricoles  ne  provient  pas  de  causes  inhérentes  à  la  méthode  de 
culture  ou  aux  procédés  commerciaux  de  la  colonie;  il  faut  en  recher- 
cher les  motifs  dans  la  surproduction  du  globe.  En  ce  qui  concerne 
le  sucre,  les  planteurs  paraissent  satisfaits  de  la  situation  actuelle  qui 
s'est  améliorée  depuis  1887.  Ils  ne  désirent  qu'une  chose,  c'est,  que 
cette  situation  dure  encore  de  nombreuses  années;  mais  ils  redoutent 
la  mise  en  exploitation  des  territoires  conquis  par  les  États-Unis  de 
l'Amérique  du  Nord.  Il  est  certain  que  si  les  États-Unis,  aujourd'hui 
un  des  principaux  clients  de  la  coloniedes  Indes  néerlandaises,  venaient 
à  faire  défaut,  ce  serait  un  coup  néfaste  porté  à  l'industrie  du  sucre. 
Aussi  le  commerce  de  l'Ile  de  Java  s'efforce  de  s'attirer  le  marché 
asiatique  pour  la  vente  des  sucres  afin  de  remédier  à  cette  éventualité. 
Ce  commerce  efl'ectue  actuellement  un  travail  opiniâtre  de  pénétration 
dans  les  principaux  ports  de  la  Chine.  La  récolte  de  sucre  s'est  élevée 
à  11,349,523  piculs  (le  picul  vaut  61.76  kilog.)  chiffre  supérieur 
à  la  récolte  la  plus  considérable  depuis  1884,  celle  de  189o  avec 
8,85o,7d0  piculs  :  elle  surpassait  presque  du  double  celle  de  1884.  Les 
prix  des  sucres,  suivant  qualités,  sont  actuellement  de  6,87  1/2  à 
7  fl.  2o  le  picul.  Il  découlerait  d'informations  personnelles  du  consul 
de  France  que,  loin  d'atteindre  6  fl.  30  (chiffre  renseigné  par  les 
publications  officielles),  les  frais  de  production  du  sucre  ne  s'élève- 
raient qu'à  la  somme  de  3  fl.  50  par  picul,  ce  qui  laisserait  encore  au 
producteur  un  bénéfice  de  plus  de  100  p.  c.  et  une  large  marge  pour 


442  ÉTUDES  COLONIALES 

lutter  contre  la  concurrence.  Il  existait,  au  31  décembre  1897,  171  raf- 
fineries de  sucre  à  Java.  La  moyenne  de  rendement  des  plantations 
de  sucre  à  Java  est  de  91,86  piculs  par  bouw  (le  bouw  équivaut  à 
7,096  mètres  carrés).  Il  existe  deux  procédés  pour  traiter  la  canne  à 
sucre  ;  celui  de  la  compression,  qui  a  l'avantage  de  ne  nécessiter  qu'un 
matériel  rudimentaire  et  peu  coûteux  est  presque  exclusivement 
employé,  quoiqu'il  laisse  perdre  une  grande  quantité  de  matière  sac- 
charinée,  et  souille  le  produit  obtenu  de  toutes  espèces  d'impuretés. 
Trois  raffineries  seulement  emploient  à  Java  le  procédé  de  la  diffusion. 
Le  matériel  d'une  raffinerie  normale  au  moyen  de  ce  procédé  coûl« 
de  5  à  600,000  florins. 

Les  produits  de  la  culture  de  la  canne  à  sucre  donnent  des  résultats 
très  variables.  Ces  écarts  ne  s'élèvent  pas  à  moins  de  40  à  4S  p.  c. 
Autrefois  Java  s'était  acquis  une  sorte  de  monopole  de  fait  pour  la 
vente  des  cafés.  Aujourd'hui  Java  en  est  arrivé  au  point  de  n'être 
plus  maître  du  cours  des  prix  qu'il  est  |obligé  de  régler  sur  ceux  du 
Brésil.  La  culture  est  pratiquée  de  préférence  sur  des  hauteurs  de 
800  à  1000  mètres  au  dessus  du  niveau  de  la  mer,  c'est-à-dire  à  des 
altitudes  où  la  température  est  moins  variable.  Le  rendement  dans 
les  bonnes  années  varie  entre  iO  et  20  piculs  par  bouw  quand  l'arbre 
atteint  son  plein  développement.  J^e  café  demande  cinq  années  de 
culture  pour  arriver  à  la  production.  Le  café  des  Preangers  est  le  plus 
estimé  dans  le  commerce.  Plusieurs  procédés  sont  employés  pour 
remédier  aux  atteintes  du  terrible  champignon  «  l'hemileia  vastatrix  », 
qui  amène  le  dépérissement  des  caféiers  auxquels  il  s'attaque  en  moins 
de  deux  années.  Deux  de  ces  procédés  sont  dûs  au  docteur  Burck, 
ancien  directeur  du  jardin  botanique  de  Buitcnzorg. 

Le  premier  de  ces  remèdes  est  préventif  :  on  emploie  une  solution 
de  0  p.  c.  de  chloride  de  fer  (F  2  C  L  6)  à  laquelle  on  ajoute  autant 
d'hydroxyde  de  fer  (F  2  0  H),  qui  est  nécessaire  pour  bien  faire  adhérer 
la  solution  aux  feuilles.  Cette  solution  est  appliquée  à  la  partie  infé- 
rieure des  feuilles  au  moyen  d'un  pulvérisateur.  Cette  opération  doit 
être  effectuée  au  moins  une  fois  par  mois,  dès  l'apparition  de  la 
maladie  et  plus  tard  à  de  plus  longs  intervalles  jusqu'à  ce  qu'elle  ait 
disparu.  Le  second  remède  consiste  à  piquer,  dès  le  début  de  l'infec- 
tion, les  feuilles  attaquées,  au  moyen  d'une  aiguille  trempée  dans  de 
l'acide  sulfurique.  Ces  deux  remèdes  n'ont  d'ailleurs  donné  que  .de 
médiocres  résultats,  l'n  troisième  moyen  auquel  on  a  eu  recours  et 
qui  est  radical,  est  de  détruire  les  plants  du  caféier  de  Java  et  de  les 
remplacer  par  le  Libéria,  qui  semble  jusqu'ici  rebelle  aux  atteintes  de 
l'Hemileia  vastatrix. 


CHRONIQUE  443 

Les  récolles  des  plantations  de  caféiers  du  gouvernement  (il  y  faut 
comprendre  non  seulement  les  produits  des  plantations  que  TEtat  fait 
fructifier  pour  son  compte,  mais  aussi  les  cafés  qu'il  achète  aux  indi- 
gènes pour  les  écouler  ensuite  sur  les  marchés  d'Europe)  ont  donné, 
au  point  de  vue  des  profits  réalisés,  de  maigres  résultats,  pour  ne  pas 
dire  des  pertes.  Les  résultats  obtenus  pour  la  première  vente  de  1899 
ont  affecté  péniblement  les  planteurs.  La  production  des  plantations 
de  l'Etat  a  atteint  en  1898,  247,393  piculs;  il  n'a  été  mis  en  vente  par 
les  soins  de  l'Etat,  en  1898,  que  100,000  piculs.  Les  marchés  de  Batavia, 
d'Europe  et  des  Etats-Unis  regorgent  de  stocks  considérables  inven- 
dus. Les  exportations  de  cafés  des  particuliers  se  sont  élevés  à 
243,962  piculs  à  fl.  59.17  1/2  le  picul  comme  prix  extrêmes. 

Le  thé  est  à  Java  une  culture  d'importation.  Le  thé  se  cultive  à  Java, 
soit  sur  des  terres  cédées  par  le  gouvernement,  en  location  ou  en 
emphythéose,  soit  sur  des  terres  cédées  en  propriété  à  des  particuliers. 
On  y  cultive  principalement  deux  sortes  de  thé  :  le  thé  chinois  et  le 
thé  d'Âssam,  qui  tous  deux  ont  d'ailleurs  parfaitement  réussi.  Comme 
dans  l'île  de  Ceylan,  Java  tend  à  remplacer  la  culture  du  café  par  celle 
du  thé.  Il  est  difticile  d'exposer  le  bilan  commercial  d'une  plantation 
de  thé,  mais  ce  bilan  peut  être  établi  par  déduction.  En  effet,  la  plu- 
part des  plantations  de  thé  ont  été  formées  en  sociétés  et  le  cours 
actuel  des  titres  peut  faire  apprécier  la  valeur  commerciale  des 
plantations  de  thé.  Il  faut  remarquer  l'espoir  que  fonde  l'épargne  sur 
la  culture  du  thé,  puiscjuc  toutes  les  émissions  de  ces  sociétés  ont  été 
souscrites  entièrement  et  que  la  valeur  des  actions  de  ces  entreprises, 
qui  n'ont  même  pas  encore  fourni  de  rendement,  ont  atteint  des  cours 
au  dessus  du  pair  :  c'est  dire  la  confiance  que  le  public  met  dans  la 
rémunération  future  de  ce  genre  d'industrie.  En  ce  qui  concerne  les 
plantations  en  rapport,  le  taux  de  capitalisation  est  variable.  En  effet, 
la  société  «  Perbawatie  »  qui,  depuis  1894,  distribue  des  dividendes 
variant  entre  18  3/4  et  25  p.  c.  a  vu  le  cours  de  ses  actions  ne  s'élever 
qu'au  taux  de  207  i/2  p.  c,  tandis  que  les  actions  des  sociétés 
«  Goalpara  »  et  «  Ramawatie  »  qui  n'ont  réparti  respectivement  que 
des  dividendes  de  8,  17  et  12  1/4  p.  c.  pour  la  première  et  12  p.  c. 
pour  la  seconde  ont  atteint  les  cours  de  175  et  172  p.  c.  de  leur 
valeur  primitive.  En  général,  le  public  à  Java  est  assez  confiant  dans  les 
entreprises  nouvelles,  c'est  un  public  d'emballement.  Le  café  a  été  tué 
par  la  surproduction  du  globe,  le  consul  français  craint  pour  le  thé, 
dans  un  avenir  relativement  rapproché,  un  sort  de  même  nature. 

Autrefois  la  culture  du  tabac  à  Java  se  bornait  aux  nécessités  de  la 
consommation  ;  aujourd'hui,  on  l'a  passablement  étendue  et  le  tabac 


44i  ÉTUDES  COLONIALES 

de  Java  est  devenu  un  article  d'exportation.  C'est  à  Besoukhi  que 
l'industrie  agricole  du  tabac  est  la  plus  développée. 

En  1887,  Java  et  Dell  n'exportaient  que  21,330,604  kilogrammes  de 
tabac;  en  1898,  ce  chiffre  montait  à  61, 632,647  kilogrammes.  La 
valeur  des  tabacs  ne  subit  pas  les  fluctuations  de  prix  que  l'on  relève 
pour  le  café  et  le  sucre.  C'est  une  culture  de  toute  sûreté  si  on  parvient 
à  effectuer  les  récoltes  dans  de  bonnes  conditions.  On  affirme  que  cer- 
taines plantations  des  sultanats  de  Deli  et  de  Langkat  parviennent  à 
distribuer  des  dividendes  de  200  à  250  p.  c. 

Malgré  l'extension  de  la  culture  du  riz  à  Java,  on  n'arrivera  pas  à 
satisfaire  aux  besoins  de  la  consommation  locale.  En  1898,  il  y  a  eu 
une  différence  en  faveur  des  importations,  de  17,733,679  kilogrammes 
Dans  ce  chiffre  ne  figure  pas  le  montant  des  riz  apportés  dans  Java  par 
le  cabotage  entre  les  diverses  îles  de  la  Sonde.  II  n'existe  que  peu  de 
sociétés  anonymes  s'occupant  de  la  culture  du  riz.  Parmi  celles-ci,  la 
«  Maatschappij  tôt  exploitatie  van  Rystlanden  »  a  donné  en  1898, 
30  p.  c.  de  dividendes.  Les  actions  de  cette  société  valent  actuellement 
1,950  florins  chacune  pour  une  valeur  nominale  de  1,000  florins. 

Les  plantations  de  quinquina  à  Java,  se  divisent  en  plantations  du 
Gouvernement  et  plantations  des  particuliers.  L'Etat  possède  des  plan- 
tations à  Lembang,  Nagrak,  ïirtasari,  ïjissirocan,  Tjibeureum,  Tjibi- 
toeng,  Rioeng-Goenoeng  et  Kassali-Tjimidii.La  production  totale  des 
quinquinas  provenant  du  Gouvernement  a  été  en  1897  de  325,887  kil . 
Il  existe  environ  une  centaine  de  plantations  de  quinquina  apparte- 
nant à  des  particuliers.  Les  exportations  d'écorces  de  quinquina  se 
sont  élevées  en  poids,  de  703,313  livres  à  8,360,480  livres  en  1898. 
Les  Hollandais  qui  dirigent  continuellement  leurs  efforts  vers  la  meil- 
leure mise  en  valeur  des  produits  de  Java,  ont  fondé  en  1896,  à  Ban- 
doeng,  une  usine  pour  la  fabrication  du  sulfate  de  quinine.  Cette 
entreprise  a  été  fondée  au  capital  nominal  de  400,000  florins. 

Il  existe  encore  d'autres  produits  agricoles  secondaires  :  Tindigo, 
fourni  par  Tindigotier,  genre  de  légumineuse  ;  en  1898,  son  exportation 
a  monté  à  873,436  kilogrammes  et  le  coprah,  huile  végétale,  obtenue 
par  la  compression  de  l'enveloppe  de  la  noix  de  coco  dont  l'exporta- 
tion est  en  décadence  dans  les  dix  dernières  années  avec  33,754  tonnes 
en  1898. 

Dans  toute  la  colonie,  y  compris  Sumatra,  Bornéo  et  les  Celebes, 
il  n'y  a  que  3oo  fabriques  ou  usines.  En  considérant  que  la  popula- 
tion s'élève  à  40,000,000  d'habitants,  on  est  surpris  de  constater  le 
minime  développement  de  l'industrie  proprement  dite.  Les  importa- 
tions pour  le  compte  des  particuliers  se  sont  élevées  à  171,658,153  flo- 


CHuoNiQrE  445 

rins  en  1898,  pour  le  compte  de  TÉtat  à  8,163,279  fl.  Les  exportations 
pour  le  compte  des  particuliers  ont  été  de  204,193,898  florins,  celles 
de  l'État  de  13,560,199.  Ces  dernières  sont  en  décadence.  Les  impor- 
tations de  la  Belgique  sont  très  peu  importantes.  Elles  comprennent 
de  la  bière  en  bouteilles,  du  ciment,  des  machines  à  vapeur,  verreries, 
ouvrages  en  fer,  confections,  mercerie,  tissus  de  soie  et  de  demi-soie, 
engrais,  le  tout  pour  des  chiffres  infimes. 

La  gutta-percha.  —  La  gutta-percha  est  une  substance  épaisse  et 
gommeuse  fournie  par  un  arbre  qui  croissait  autrefois  en  abondance  à 
Sumatra  et  dans  les  autres  îles  du  détroit  de  la  Sonde.  Antérieure- 
ment, cet  arbre  était  très  répandu  dans  les  forets  qui  s'étendent  au 
pied  des  montagnes  de  la  péninsule  de  la  Malaisie,  mais  à  force 
d'épuiser  les  plantations,  les  indigènes  les  ont  détruites  si  bien  que  la 
gutta-percha  provient  aujourd'hui  de  Bornéo  et  de  l'archipel  indien. 
La  gutta-percha  est  produite  par  un  grand  arbre  qui  mesure  de  l'"50 
à  2  mètres  de  diamètre,  sa  tige  est  droite  et  atteint  une  hauteur  de  20  à 
25  mètres.  La  principale  cause  de  la  disparition  de  la  gutta-percha  a 
été  le  mode  d'extraction  du  produit.  Les  indigènes,  en  effet,  procé- 
daient à  l'extraction  de  la  précieuse  gomme  par  la  saignée,  ce  qui 
amenait  la  mort  de  l'arbre.  Le  consul  de  France  à  Singapore  a  fait  un 
rapport  intéressant  relatant  la  genèse  de  l'industrie  de  la  gutta- 
percha  en  Malaisie.  11  a  fait  ressortir  notamment  l'état  actuel  de  cette 
industrie  qui  à  l'aide  de  procédés  nouveaux  parvient  à  extraire  la 
gutta  des  feuilles  de  l'isonandra.  M.  Ledeboer  est  l'inventeur  de  ce 
procédé. 

Une  société  hollandaise  s'est  formée  pour  l'exploitation  du  procédé 
dont  il  s'agit.  Cette  société  a  pour  nom  «  Nederlandsche  gutta-percha 
maatschappij  ».  Ses  statuts  ont  été  approuvés  le  4  juin  1898.  Le  siège 
social  est  établi  à  Medan  (Sumatra).  Le  capitid  est  de  200,000  florins  en 
2,000  actions  de  100  florins.  Le  but  de  la  société  est  :  la  mise  en  valeur 
d'une  concession  à  bail  emphytéotique  plantée  d'isonandra  et  située 
dans  l'île  de  Lingga  (archipel  de  Riouw)  d'une  superficie  de  2  mille 
800  hectares,  la  récolte  des  feuilles  des  arbres  cultivés  et  l'achat  des 
mêmes  feuilles  dans  l'archipel  de  Riouw,  la  préparation  de  la  gutta- 
percha  et  la  vente  des  produits  obtenus.  La  société  prétend  pouvoir 
fabriquer  avec  le  procédé  dont  elle  dispose  des  quantités  considérables 
de  gutta  d'une  qualité  supérieure.  Depuis  plusieurs  années  déjà  les 
feuilles  étaient  l'objet  d'un  commerce  dans  l'archipel  de  Riouw;  elles 
étaient  exportées  à  l'état  sec  sur  Singapore,  pour  être  dirigées  ensuite 
sur  l'Europe  où  on  procédait  à  l'extraction  par  des  procédés  chi- 


OF   TH€ 

UNIVERSITY 

CF 


446  ÉTUDES  COLONIALES 

miques.  Cette  exportation  a  cessé,  la  gutta  fabriquée  en  Europe  ne 
répondant  pas  aux  desiderata.  La  société  nouvelle  ne  travaillera  que 
la  feuille  verte  et  fraîche,  et  l'enverra  chercher  dans  les  différentes  îles 
par  un  navire  spécial.  En  outre  la  société  crée  des  plantations  d'Iso- 
nandra.  Dès  la  première  année  elle  étêtera  les  arbres  afin  de  les  forcer 
à  se  développer  en  largeur.  Dès  la  deuxième  année  on  peut  prévoir 
une  petite  récolte.  D'après  les  espérances  de  la  société  une  plantation 
de  400,000  arbres  de  cinq  ans  donnerait  dans  la  cinquième  année 
4,000  tonnes  de  feuilles  mortes;  60  kilogrammes  de  feuilles  d'Iso- 
nandra  donnent  1  kilogramme  de  gutta. 

Pour  préserver  le  procédé  de  M.  Ledeboer  de  toute  divulgation  une 
surveillance  des  plus  sévère  est  exercée  tant  sur  la  plantation  que  sur 
l'usine  de  Lingga,  afin  d'écarter  les  indiscrets.  Une  nouvelle  entreprise 
d'extraction  de  la  gutta  au  moyen  du  rendement  par  les  feuilles  a 
été  créée  à  Bornéo,  près  de  Pontianak,  par  M.  Brandt  de  Singapore. 


BIBLIOGRAPHIE 


Streifzûge  durch  Ost-  und  Sfld-Afrika,  par  Mohitz  Schanz.  In-8o  de  216  i)ages. 
Berlin,  Meiiieckc  (Deutscher  Kolonial  Verlag),  1900. 

L'intéressant  ouvrage  que  nous  analysons  constitue  une  sorte  de 
voyage  idéal,  ou  de  revue  géographique  des  contrées  de  l'Afrique 
Orientale  et  Australe.  Il  transporte  successivement  le  lecteur  dans 
l'Afrique  britannique,  allemande  et  portugaise,  puis  à  Zanzibar,  aux 
Cbmores,  à  Madagascar,  aux  îles  de  la  Réunion  et  de  Maurice,  et  enfin 
dans  ces  pays  du  Cap,  qui  appelent  aujourd'hui,  par  un  privilège  plus 
glorieux  qu'enviable,  l'attention  universelle.  On  est  frappé  du  grand 
nombre  de  renseignements  géographiques,  économiques,  statistiques 
et  même  historiques,  qui  se  trouvent  réunis  sous  un  volume  relative- 
ment mince,  dont  l'impression,  toutefois,  est  peut-être  un  peu  trop 
compacte  Le  livre  est  d'un  grand  intérêt,  et  continue  dignement  la 
série  des  publications  de  son  auteur,  qui  s'est  fait  un  nom  entre  les 
géographes  et  les  économistes  de  l'Allemagne. 

Sûd-Afrika  und  der  Handel  Deutschlands.  Brochure  in-8o  de  52  pages.  Dresde, 
Steinkopff  et  Springer,  190<). 

Ce  petit,  mais  utile  travail  est  principalement  destiné  aux  commer- 
çants. C'est  une  étude  des  divers  pays  qui  divisent  l'Afrique  Australe, 
au  point  de  vue  de  leur  productivité  et  de  l'avenir  commercial  de 
chacun  d'eux.  Un  tableau  statistique  du  commerce  de  l'Allemagne 
avec  l'Afrique  Australe,  complète  la  brochure,  dont  il  n'est  pas  besoin 
de  faire  ressortir  l'intérêt  d'actualité  et  qui  sera  consultée  avec  profit 
par  les  hommes  d'affaires,  quelle  que  .soit  leur  nationalité. 

Bilans  congolais.  Etude  sur  la  valeur  cominerciale  du  Congo  par  rapport  à  la  Bel- 
gique, par  Alpli.  PosKiN,  licencié  en  sciences  commerciales.  Bruxelles,  0.  Schepens 
et  Ci»  (Société  belge  de  librairie),  1900. 

L'auteur  de  cette  intéressante  brochure  s'est  proposé,  en  vue  des 
débats  qui  peuvent  se  rouvrir  cette  année  sur  la  question  de  l'annexion 
du  Congo  à  la  Belgique,  de  mettre  sous  les  yeux  de  nos  compatriotes 


448  ÉTUDES  COLONIALES 

les  résultats  obtenus  dans  les  bassins  du  grand  fleuve  par  notre  activité 
coloniale.  Ce  travail  donne  des  renseignements  très  étendus  siu*  les 
productions  utiles  du  territoire  et  sur  les  soixante-cinq  sociétés  belges 
qui  se  sont  constituées  pour  la  mise  en  valeur  du  sol  congolais.  Il  per- 
met d'apprécier  d'un  coup  d'œil  la  productivité  de  notre  grande  entre- 
prise africaine.  L'auteur  conclut  avec  raison  au  maintien  du  système 
de  gouvernement  qui  a  produit  ces  résultats. 

Histoire  de  la  découyerte  du  Kalagua,  par  Ch.  Patin,  consul  général  honoraire 
à  Bruxelles,  Weissenbruch,  1900. 

M.  Patin,  que  ses  études  botaniques  ont  fait  connaître  au  public 
colonial,  consacre  cette  petite  brochure  à  un  nouvel  antiseptique 
végétal,  extrait  d'une  plante  du  Pérou  et  qui,  d'après  les  expériences 
relatées  par  l'auteur,  paraît  pouvoir  être  employé  avec  succès  contre  la 
tuberculose. 


La  pacification  de  Madagascar  (opérations  d*octobre  1896  à  mars  1899).  Ouvrage 
rédigé  d*aprcs  les  archives  de  Tétat-inajor  du  corps  d'occupalion,  par  F.  Hellot. 
Un  volume  in-4o  de  528  pages,  illustré,  avec  51  cartes.  Paris,  Chapelot  et  Q^,  1900. 

Ce  travail  qui  porte  en  tète  le  nom  et  le  portrait  du  général  Gal- 
lieni,  contient  le  compte  rendu  détaillé  des  opérations  militaires 
auxquelles  a  donné  lieu  la  soumission  de  Madagascar. 

Il  est  rédigé  d'après  les  rapports  officiels  et  les  spécialistes  peuvent 
y  trouver,  en  dehors  des  récits  d'expédition,  des  indications  intéres- 
santes sur  le  fonctionnement  des  divers  services  militaires.  L'ouvrage 
est  édité  avec  un  véritable  luxe,  peu  ordinaire  dans  la  publication 
de  rapports  militaires  et  qui  dénote  la  préoccupation  de  se  faire  lire  du 
grand  public. 

La  trayersée  de  l'Afrique  (du  Zamhèze  au  Congo  français),  par  Edouard  Foa.  Un 
volume  in-lâ  de  5:25  pages,  avec  44  gravures  et  une  carte.  Paris,  Plon-Nourrit  et  C*^ 
1900. 

Le  récit  du  long  voyage  de  M.  Foa,  dont  l'importance  n'est  ignorée 
d'aucun  de  ceux  qui  s'intéressent  aux  sciences  géographiques,  est  des- 
tiné à  occuper  une  place  d'honneur  dans  l'histoire  des  explorations 
africaines.  Les  lecteurs  belges  y  verront  de  longues  pages  consacrées 
à  la  traversée  des  régions  orientales  de  l'Etat  du  Congo.  M.  Foa  les  a 
trouvées  fort  troublées  par  la  révolte  des  Batetela  qui  venait  de  se 


BIBLIOGRAPHIE  449 

produire,  et  sur  les  causes  de  laquelle  il  émet  des  appréciations  très 
dignes  d'attention.  Il  fait  d'ailleurs  un  portrait  fort  élogieux  de  plu- 
sieurs de  nos  compatriotes.  L'attrait  de  ce  livre,  auquel  on  peut  pré- 
dire un  succès  mérité,  est  augmenté  par  la  beauté  de  ses  illustrations. 
  signaler  aussi  les  échantillons  de  musique  indigène  transcrits  à  la 
fin  du  volume. 


Monographie  de  Tombouctou,  par  Mgr  Hacquard,  vicaire  apostolique  du  Sahara 
et  du  Soudan  français.  Un  volume  in-12o  de  120  pages  avec  illustrations  et  une  carte. 
Paris,  Société  des  Études  coloniales  et  maritimes,  1900. 

Ce  petit  ouvrage  est  divisé  en  trois  parties  :  géographie  physique, 
géographie  politique  et  histoire  de  la  conquête.  Ecrit  dans  un  but 
de  vulgarisation,  il  contient  à  ces  trois  points  de  vue  des  renseigne- 
ments succincts  mais  non  sans  valeur. 


La  France  au  point  de  vue  moral,  par  Alfred  Fouillée.  Un  vol.  in-8**  de 
416  pages.  Paris,  Félix  Alcan,  1900. 

Le  livre  de  M.  Fouillée  est  le  témoignage  d'un  penseur  indépen- 
dant, d'un  observateur  éclectique  et  sans  esprit  de  parti  sur  la  crise 
morale  d'un  grand  peuple.  Beaucoup  d'ouvrages  ont  paru  en  France, 
qui  s'inspirent  du  même  sentiment  d'inquiétude  patriotique.  Les 
principaux  apôtres  du  mouvement  colonial  se  sont  efforcés  d'y  faire 
voir  un  moyen  de  relever  et  de  développer  l'énergie  nationale.  C'est  à 
un  tout  autre  point  de  vue  que  s'est  placé  M.  Fouillée,  mais  son  livre 
n'en  est  pas  moins  utile  et  recommandable.  La  lecture  en  est  très 
attachante,  même  pour  les  étrangers  qui  ne  sont  guère  plus  exempts 
que  les  Français  des  maux  dérivant  d'une  civilisation  intense,  dont 
la  marche  toujours  fiévreuse  est  bien  propre  à  troubler  l'équilibre 
des  intelligences  et  des  caractères. 

En  plein  Soleil,  par  Léopold  Gourouble.  Un  vol.  in-lâ  de  103  pages  avec 
deux  cartes.  Bruxelles,  P.  Lacomblez,  1900. 

Nous  trouvons  dans  ce  petit  volume  quelques  impressions  d'Afrique 
d'un  ingénieux  humoriste  belge,  devenu  magistrat  congolais.  La  plume 
alerte  et  l'ironie  de  bonne  humeur  de  M.  Gourouble  se  retrouvent  dans 
le  récit  de  son  voyage  à  Bankana,  et  dans  le  fragment  plus  court  con- 
sacré à  la  passe  Swinburne.  C'est  le  Congo  humoristique,  que  les 
lecteurs  graves  auraient  tort  de  dédaigner,  car  ce  genre  de  récits 


4S0  ÉTUDES  COLONIALES 

complète  heureusement  notre  documentation  sur  l'Afrique,  en  nous 
donnant  l'impression  vivante  de  la  vie  qu'on  même  là-bas,  et  du 
caractère  des  populations. 

Au  Congo  (1S98).  Impressions  d'un  touriste,  par  le  baron  E.  de  Mandat-Grancey. 
Un  vol.  in-12  de  500  pages,  avec  gravures  et  une  carte.  Paris,  Pion  -  Nourrit, 
et  Oie,  1900. 

Voici  Tun  des  plus  intéressants  parmi  les  nombreux  récits  de 
voyage  qu'a  enfantés  la  célèbre  excursion  de  1898.  La  plupart  de  ceux 
qui  avaient  été  invités  à  l'inauguration  du  chemin  de  fer  se  sont  cru 
obligés  d'offrir  au  public  leurs  impressions  d'Afrique.  Celles  de 
M.  de  Mandat-Grancey,  observateur  «  très  parisien  »,  sont  extrême- 
ipent  curieuses  à  lire,  un  peu  superficielles  parfois,  mais  souvent  très 
remarquables.  Sous  une  forme  enjouée,  et  au  milieu  de  nombreuses 
digressions,  on  y  trouve  une  théorie  très  complète  et  très  juste  de  ce 
que  doit  être  de  nos  jours  une  colonie  d'exploitation.  Ce  qui  frappe 
dans  les  opinions  de  l'auteur,  d'ailleurs  peu  partisan  pour  son  propre 
pays  de  la  politique  coloniale,  c'est  Tadmiration  qu'il  exprime  haute- 
ment pour  le  roi  Léopold  et  pour  le  gouvernement  du  Congo  belge. 

Le  Laos  et  le  protectorat  français,  par  le  capitaine  Gosselin,  ancien  commis- 
saire du  gouvernement  du  Laos.  Un  vol.  in-lâ,  illustré  de  cinq  gravures  et  d'une 
carte  du  Laos.  Paris,  Perrin  et  O^,  1900. 

Cet  ouvrage  donne  des  renseignements  intéressants  sur  l'un  des  pays 
soumis  au  protectorat  français  en  Extrême-Orient,  sur  les  mœurs  de 
la  paisible  et  douce  population  laotienne  et  sur  les  abondantes  pro- 
ductions utilisables  de  la  contrée.  Un  des  chapitres  les  plus  curieux 
de  ce  livre,  d'ailleurs  fort  bien  écrit,  c'est  le  récit  dramatique  de  la 
fuite  du  jeune  roi  d'Annam  Ham  Njhi,  qui  chercha  vainement  au  Laos 
un  refuge  contre  l'invasion. 

Deutsch  Ost-Afirika,  par  le  Dr  F.  Wahltmann.  Un  vol.  in-S»  de  92  pages  avec 
46  planches  et  une  carte.  Berlin,  F.  Telge,  1900. 

Le  D*"  Wahltmann  donne  dans  ce  livre  le  récit  du  voyage  qu'il  fit 
dans  l'Afrique  Orientale  allemande,  en  1897-1898,  pour  le  compte  de 
la  section  coloniale  du  ministère  des  affaires  étrangères.  C'est  une  des 
nombreuses  missions  scientifiques  que  la  colonisation  allemande  orga- 
nise pour  préparer  la  mise  en  valeur  des  territoires.  Celle  de  M.  Wahlt- 
mann est  importante  par  les  renseignements  qu'elle  donne  sur  les 


BIBLIOGRAPHIE  451 

entreprises  de  cultures  coloniales,  café,  agave,  vanille,  tabac,  etc., 
dont  le  territoire  allemand  possède  des  exemples  très  remarquables. 
La  valeur  de  Touvrage  est  augmenté  par  ses  nombreuses  planches, 
d'une  fort  belle  exécution,  représentant  pour  la  plupart  des  vues  de 
plantations. 

Les  Finances  de  la  Russie  au  XTX^  siècle  (Historique  et  Statistique),  par  Jean 
DE  Bloch.  Deux  vol.  111-4",  de  2($6  et  518  pages.  Paris,  Guillaumin  et  O^,  1000. 

L'ouvrage  de  M.  do  Bloch  est  un  véritable  historique  de  l'empire 
russe,  depuis  Pierre  le  Grand,  conçu  au  point  de  vue  financier,  qui 
entraîne,  du  reste,  une  série  d'aperçus  sur  la  direction  politique 
adoptée  suc4;essivement  par  les  empereurs.  Ce  travail  est  très  intéres- 
sant et  mérite  d'être  signalé  au  public  belge  :  on  n'ignore  pas  que  le 
développement  économique  actuel  de  la  Russie  est  lié  à  l'expansion 
de  notre  propre  industrie. 

Carte  de  FÉtat  indépendant  du  Congo,  publiée  par  la  Belgique  Financière. 
En  vente  à  la  librairie  Falk  fils,  à  Bruxelles. 

Cette  c^rte  se  distingue  des  publications  analogues,  déjà  mises  dans 
le  commerce,  en  ce  qu'elle  porte  l'indication  des  limites  des  conces- 
sions commerciales  accordées  par  l'Etat. 


ÉTAPES  GOIiOHlflltES 

No  7  7«  Année  Juillet  1900 

LA  KAÏIÊÂTION  -^ 

^  YANÊ-TZE-KIANg 


)ne  des  questions  qui  préoccupent  le  plus  les  nations 
occidentales  désireuses  de  pénétrer  en  Chine  et  de  s'y 
créer  de  nouveaux  centres  d'activité,  est  assurément 
celle  de  la  navigation  du  Yang-tze-Kiang.  Ce  fleuve  constitue  une 
admirable  voie  de  pénétration  dans  une  des  parties  les  plus  riches, 
les  plus  actives  et  les  plus  peuplées  de  la  Chine.  Creusé  dans  un 
sol  fécond,  bordé  de  villes  nombreuses,  alimenté  par  d'importants 
affluents,  le  système  du  Yang-tze-Kiang  sera  aux  mains  des  nations 
assez  avisées  pour  en  tirer  parti,  un  instrument  de  richesse  dont 
il  n'est  pas  possible  d'estimer  l'étendue.  Tout  ce  qui  peut  nous 
aider  à  mieux  connaître  cette  région  mérite  donc  d'être  accueilli 
avec  empressement;  il  nous  semble  donc  d'un  haut  intérêt  de 
faire  connaître  les  idées  exposées  dernièrement  par  M.  Bruno 
Navarra,  ancien  éditeur  du  Ostasiatischer  Lloyd,  au  Central 
Verein  fur  EandeUgeographie,  de  Berlin  (1).  On  verra  par  les 
détails  qui  vont  suivre,  que  M.  Navarra  connaît  à  fond  le  sujet  qu'il 
a  traité  et  que  ses  avis  sont  dignes  d'arrêter  l'attention  de  tous 


(1)  hxpcrt — Organ  de»  CefUralvef*ein»  fur  HandeUgeographie  und  Fortkrung  DeuUcher 
Intereaen  im  AwUmde,  1900,  no*  5,  6,  7,  8. 


iSi  ÉTUDES  COLONIALES 

ceux  qui  dirigent  leurs  yeux  vers  la  mise  en  valeur  des  ressources 
de  la  Chine.  > 

En  décrivant,  au  début  de  sa  conférence,  Tenlrée  du  Yang-tze- 
Kiang,  M.  Navarra  déclare  qu'il  est  resté  comme  tous  les  voyageurs, 
d'ailleurs,  sous  le  coup  de  l'inoubliable  impression  que  produit  sur 
le  spectateur,  l'immense  embouchure  par  laquelle  le  fleuve  se  jette 
dans  l'Océan.  Ce  spectacle  avait  déjà  frappé,  au  XIIP  siècle,  Marco 
Polo,  qui  représente  ce  cours  d'eau  comme  étant  le  plus  grand  de 
la  terre  et  comme  réunissant  dans  ses  eaux  plus  de  bateaux  et  de 
marchandises  que  tous  les  fleuves  et  mers  de  la  chrétienté  ensemble. 
Il  dit  encore  que  le  «  grand  fleuve  »  a,  en  certains  endroits,  une 
largeur  de  10  milles  marins  —  assertion  qui  n  a  rien  d'exagéré  — 
et  qu'au  dire  des  fonctionnaires  des  douanes,  le  nombre  des  bâti- 
ments qui  remontent  ce  cours  d'eau  s'élève,  chaque  année,  à  deux 
cent  mille. 

Comme  le  Nil,  le  Yang-tze-Kiang  change  plusieurs  fois  de  nom 
dans  son  cours  de  plus  de  800  milles.  Depuis  sa  source,  qui  se 
trouve  dans  leThibet,  jusqu'aux  frontières  du  Kokonor,  il  est  connu 
sous  la  dénomination  de  Muru-Susu  ou  de  Katschi  uran;  de 
Hsûtschu-fu  à  Yatschaufu,  deux  localités  commerciales  de  la  pro- 
vince de  Setschuen,  il  porte  le  nom  de  Kinschakiang,  c'est-à-dire, 
de  fleuve  au  sable  d'or  ;  il  reçoit  ensuite  l'appellation  de  Takiang, 
le  grand  fleuve,  et  enfin,  dans  son  cours  inférieur,  on  le  désigne 
sous  l'expression  de  Yang-tze,  qui  signifie,  selon  l'étymologie  la 
plus  vraisemblable,  descendant  de  la  terre  ou  enfant  du  pays.  La 
quantité  d'eau  que  ce  fleuve  déverse  dans  la  mer  est  évaluée, 
d'après  les  calculs  les  plus  récents,  à  trois  quarts  de  millions  de 
pieds  cubes  par  seconde. 

La  longueur  du  cours  du  Yang-tze,  depuis  sa  source  jusqu'au 
moment  où  il  se  perd  dans  l'Océan  près  de  Shanghaï,  est  de 
3,.000  milles  marins;  à  vol  d'oiseau,  celte  dislance  ne  serait  que 
de  i,800  milles  marins.  En  quittant  le  Thibet,  il  arrose  successi- 
vement les  provinces  de  Yunnan,  de  Setschuen,  de  Hupeh,  de 
Kiangsi  et  de  Kiangnau.  Le  sol  que  le  fleuve  a  créé  depuis 
qu'il  existe  doit  représenter  une  superficie  énorme.  Depuis  le 
XIV®  siècle,  il  s'est  formé,  à  son  embouchure,  une  île  (l'île  de 
Tsungmiée)  d'une  longueur  de  35  milles  marins  et  d'une  largeur 
de  plus  de  10  milles.  Au  temps  de  Marco-Polo,  il  n'y  en  avait  pas 


LA   NAVIGATION   DU   YANG-TZE-KIANG  488 

encore  de  trace.  Les  principaux  affluents  du  Yangtzé  sont,  en 
partant  de  sa  source,  le  Yaiungkiang,  le  Minkiang,  que  les  Chi- 
nois regardent  comme,  le  cours  originaire  du  fleuve  et  qui  est 
lui-même  navigable,  le  Kialing-Kiang  et  le  Wukiang.  Entre 
Itschang  et  Hankau,  le  Yangtze  absorbe  les  eaux  du  lac  Tungting, 
le  plus  vaste  de  la  Chine  (60  milles  allemands)  ;  il  les  lui  rend, 
du  reste,  à  l'époque  de  sa  crue.  Près  de  Hankau,  il  reçoit  le 
Hankiang  qui  est  navigable  et  qui  offre  cette  particularité  de 
n'avoir  au  moment  où  il  se  jette  dans  le  Yangtze  que  200  pieds  de 
largeur,  tandis  que  son  cours  devient  de  plus  en  plus  large  à 
mesure  qu'on  s'éloigne  de  son  embouchure.  Au-dessous  de  Kin- 
kiang,  les  eaux  du  lac  Poyang,  dont  la  superficie  est  de  20  milles 
allemands,  se  déversent  dans  le  fleuve  qui,  ensuite,  est  encore 
alimenté  par  une  douzaine  d'autres  grands  affluents  et  par  plu- 
sieurs lacs. 

D'après  les  dernières  observations,  le  cours  inférieur  du  Yangtze 
est  beaucoup  plus  récent  que  le  cours  supérieur,  celui  qui  se 
trouve  au-delà  des  rapides.  La  grande  province  de  Setschuen 
constituait,  à  une  époque  géologiquement  parlant,  peu  éloignée, 
une  immense  mer  intérieure.  L'énorme  masse  d'eau  qu'elle  conte- 
nait, rompit  le  barrage  naturel  que  les  monts  séparant  le  Set- 
schuen de  la  province  voisine  de  Hupeh,  opposait  à  sa  force,  et, 
laissant  après  elle  le  lit  du  lac  à  sec,  permit  au  système  fluvial 
actuel  de  s'organiser.  La  conformation  présente  de  la  vallée  du 
Yangtze  ne  peut,  du  reste,  pas  être  considérée  comme  définitive. 
Les  principaux  rapides  du  fleuve  sont  nés  dans  les  temps  histo- 
riques et  l'un  des  plus  dangereux,  celui  deYunyanghien,  ne  remonte 
qu'à  l'année  1896;  il  fut  déterminé  par  suite  d'un  écroulement 
dans  la  chaîne  de  montagnes  voisine  et  il  interrompit,  pendant  un 
certain  temps,  toute  communication. 

Le  cours  inférieur  du  Yangtze  n'offre  pas  de  difficultés  particu- 
lières à  la  navigation,  sauf  peut-être  à  l'endroit  connu  sous  le  nom 
de  «  Langshan  Crossing  ».  C'est  un  banc  de  sable  qui  se  trouve  à 
une  cinquantaine  de  milles  en  amont  de  Wusung,  l'avant-port  de 
Shanghaï,  et  qui  est  dangereux  par  suite  du  changement  continuel 
qui  s'y  produit  dans  la  profondeur  de  l'eau.  Au  printemps  et  au 
plus  fort  de  l'été,  c'est-à-dire  pendant  la  saison  des  hautes  eaux, 
des  steamers  dont  le  tirant  d'eau  atteint  jusqu'à  25  pieds  peuvent 


456  ÉTUDES  GOLONIALKS 

arriver  facilement  à  Hankau,  situé  à  une  distance  de  600  milles 
marins  de  Wusung.  Pendant  l'hiver,  le  fleuve  n'est  navigable,  a 
cause  du  peu  de  volume  de  ses  eaux,  en  amont  de  Wuhu,  qui  se 
trouve  à  mi-route  entre  Shanghaï  et  Hankau,  que  pour  les  stea- 
mers d'un  tirant  d'eau  moyen.  Les  différences  qui  se  produisent 
dans  le  niveau  des  eaux  du  fleuve  sont  considérables.  Ainsi  à 
Hankau,  il  s'élève  parfois,  au  mois  de  juillet,  de  55  pieds  tandis 
qu  au  mois  de  mars,  il  baisse  d'un  nombre  égal  de  pieds.  Dans 
la  même  ville,  la  rapidité  du  courant  est  de  3  milles  marins  à 
l'heure,  en  hiver,  tandis  qu'en  été,  elle  est  de  4  milles  et  parfois 
plus. 

La  navigation  est  un  peu  plus  difiicile  sur  la  longue  distance, 
d'environ  400  milles  marins,  qui  s'étend  de  Hankau  à  Itschang.  On 
peut  toutefois  la  considérer  comme  n'ofirant  aucun  danger  pour  les 
steamers.  Le  nombre  des  accidents  dont  les  vapeurs  ont  été  vic- 
times sur  cette  partie  du  fleuve,  est  insignifiant.  Dans  les  vingt 
dernières  années,  on  n'en  cite  guère  que  deux.  En  hiver,  l'eau 
baisse  souvent  de  30  à  40  pieds  entre  Hankau  et  Itschang,  et  le 
fleuve  n'est  alors  navigable  que  pour  les  bâtiments  dont  le  tirant 
ne  dépasse  pas  5  à  6  pieds. 

La  dernière  section  du  Yanglze,  navigable  pour  les  steamers,  est 
celle  qui  s'étend  de  Itschwang  à  Tschungking.  Elle  a  une  longueur 
d'environ  450  milles  marins.  Par  suite  des  rapides  qui  commencent 
à  quelques  milles  en  amont  de  Itschang,  la  navigation  rencontre 
certaines  difficultés  qui  sont  toutefois  loin  d'avoir  l'importance 
qu'on  leur  attribue  dans  les  journaux  anglais.  Cette  section  n'a 
pas  encore  été  parcourue  par  un  steamer,  mais  il  résulte  de  l'avis 
de  gens  compétents  qui  ont  étudié  le  cours  du  fleuve  dans  cette 
région,  qu'il  serait  parfaitement  possible  à  des  steamers  spéciale- 
ment construits  et  pourvus  de  puissantes  machines,  d'assurer  le 
service  sur  cette  partie  du  Yangtze. 

La  navigabilité  du  cours  supérieur  du  Yangtze  a  attiré  l'attention, 
pour  la  première  fois,  en  1869.  L'Angleterre  chargea  alors  un 
officier  de  marine  et  un  de  ses  consuls  en  Chine  d'étudier  la  ques- 
tion sur  les  lieux.  Leur  rapport  fut  nettement  défavorable;  ce  qui 
n'a  rien  d'étonnant  si  l'on  songe  que  la  vitesse  des  vaisseaux  de 
guerre  n'était,  il  y  a  trente  ans,  que  d'une  dizaine  de  milles  à 
l'heure  et  qu'une  canonnière  ne  pouvait  guère  fournir  plus  de  5  à 


LA  NAVIGATION   DU  YANG-TZE-KIANG 


457 


6  milles  à  l'heure.  Aujourd'hui  une  vitesse  de  15  à  20  milles  n'a 
rien  d'extraordinaire. 

En  1886,  un  marchand  anglais  établi  à  Itschwang,  M.  Archibald 
Little,  qui  avait  consacré  beaucoup  de  temps  à  l'étude  du  régime 
du  coui's  supérieur  du  Yangtze,  fonda,  en  Angleterre,  une  société 
dans  le  but  de  lancer  sur  le  fleuve  un  steamer  destiné  à  faire  le 
service  entre  Itschwang  et  Tschungking.  Le  bateau  qui  était  un 


GORGES  DU    NlUKAN. 


sternwheel  d'une  contenance  de  300  tonnes,  arriva  à  Itschwang 
en  1888.  Malheureusement  sa  force  dé  propulsion  n'était  pas 
assez  grande  pour  vaincre  la  force  de  l'eau  et  on  le  vendit  à  la 
«  China  Merchants  Go  »  qui  l'employa  à  la  navigation  entre  Han- 
kau  et  Itschwang. 

A  part  les  rapides,  la  section  Itschwang-Tschunking  n'offre 
guère  de  dangers  pour  les  vapeurs  appropriés  à  la  nature  du 
fleuve.  Us  doivent  toutefois  être  doués  d'une  vitesse  de  1:2  à  14  mil. 
les.  D'après  les  calculs  les  plus  récents,  la  vitesse  du  courant,  près 
de  Yunyang,  dans  le  rapide  le  plus  dangereux,  ne  dépasse  pas 


4S8  ÉTUDES  COLONIALES 

7  à  8  nœuds  à  Theure  pendant  la  saison  des  hautes  eaux.  II  suffi- 
rait donc  de  disposer  d'un  steamer  faisant  15  nœuds,  ce  qui  est 
aujourd'hui  une  vitesse  facile  à  obtenir,  pour  remonter  aisément 
le  courant.  On  ne  doit  toutefois  pas  perdre  ici  de  vue  un  facteur 
dont  Tiraportance  ne  pourra  être  démontrée  que  par  l'expérience. 
Dans  des  circonstances  ordinaires,  un  bateau  qui  lutte  avec  une 
vitesse  de  trois  nœuds  contre  un  courant  de  deux  nœuds,  avancera 
d'un  nœud.  Si  cette  règle  était  générale,  un  bateau  qui  navigue 
avec  une  force  de  15  nœuds  contre  un  courant  de  8  nœuds,  devrait 
avancer  de  7  nœuds.  Il  est  cependant  douteux  qu'un  marin  expé- 
rimenté soit  de  cet  avis,  car  on  ne  doit  pas  oublier  que  le  bateau 
qui  lui  te  contre  le  courant  cherche  aussi  à  atteindre  un  niveau 
plus  élevé.  On  doit  donc  admettre  qu'il  dépensera  une  partie  de  sa 
force  à  réaliser  ce  deuxième  objet.  Il  faut  encore  tenir  compte  des 
changements  de  courants  qui  peuvent  survenir  à  tout  instant  et 
qui  sont  périlleux.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  admettre  qu'un 
bateau  d'une  vitesse  de  15  nœuds  est  capable  d'entreprendre  la 
montée  du  fleuve  sans  courir  de  risques  sérieux.  Comme  en  été, 
les  eaux  du  Yangtze  montent  de  30  à  40  pieds,  les  bateaux  n'ont 
pas  à  craindre,  à  cette  époque,  d'aller  se  heurter  contre  les  rochers 
dormants  ou  autres  obstacles  du  même  genre.  En  hiver,  le  cou- 
rant doit  avoir  une  vitesse  moyenne  de  5  nœuds  et  une  capacité 
de  HO  pieds  cubes  à  la  seconde.  Ces  chiffres  démontrent  que 
même  au  moment  des  plus  basses  eaux,  on  pourrait  trouver,  dans 
les  endroits  les  plus  dangereux,  un  canal  de  15  pieds  de  profon- 
deur au  moins. 

L'importance  commerciale  du  Yangtze  fut  mise  en  lumière  par 
l'ambassadeur  anglais  Lord  Macartney  (1796),  et  par  Lord 
Amherst  (1816),  mais  ce  n'est  qu'en  1842,  pendant  la  guerre  anglo- 
chinoise,  que  des  bâtiments  étrangers  naviguèrent  pour  la  pre- 
mière fois  sur  les  eaux  du  fleuve.  Au  mois  d'août  de  cette  année, 
une  flotte  anglaise  se  dirigea  vers  Tschinkiang  et  après  s'être 
emparée  de  cette  place,  elle  se  rendit  à  Nanking  où  le  gouverne- 
ment chinois  fut  obligé  de  signer  le  traité  auquel  cette  dernière 
ville  a  donné  son  nom. 

Il  s'écoula  cependant  encore  seize  années  avant  que  l'on  prît  des 
mesures  pour  ouvrir  au  commerce,  les  provinces  arrosées  par  le 
Yangtze  inférieur.  Le  traité  de  Tien-tsin  qui  fut  conclu  en  1858, 


LA   NAVIGATION   DU   YANG-TZE-KIANG  489 

donnait  au5c  .anglais  dans  son  article  X,  le  droit  de  faire  le  com- 
merce sur  le 'ce  grand  fleuve  »;  en  outre,  trois  ports  devaient  être 
ouverts  entre  l'embouchure  du  fleuve  et  la  ville  de  Hankau.  A  cette 
époque,  le  pays  était  troublé  par  la  révolte  des  Taipings  qui  occu- 
paient Nanking.  Il  fut  entendu  que  l'ouverture  des  trois  ports  ne 
se  ferait  qu'après  le  rétablissement  de  l'ordre.  Une  expédition 
anglaise  remonta  cependant  le  fleuve  en  i858  jusque  devant  Hankau 
et  une  autre  alla  établir,  en  1861,  des  consuls  dans  les  ports  de 
Tschinkiang,  de  Kiukiang  et  de  Hankau,  sans  rencontrer  la 
moindre  opposition. 

Après  que  la  paix  eût  été  rétablie  (1863),  la  navigation  étrangère 
prit  un  grand  essor  entre  Shanghaï  et  Hankau.  Cette  dernière  ville 
est  le  centre  de  transbordement  du  thé  et  pendant  la  saison  du  thé 
(mai-aoùt)  de  nombreux  vapeurs  et  voiliers  sillonnent  les  eaux  du 
Yangtze.  Une  firme  américaine  établie  en  Chine  vers  1850  et  dis- 
parue depuis  une  dizaine  d'années,  avait  fait  construire  en  Amé- 
rique plusieurs  bateaux  sur  le  principe  des  vapeurs  fluviaux  usités 
sur  ce  continent,  grâce  auxquels  elle  établit  un  service  régulier 
de  passagers  et  de  marchandises  entre  Shanghaï  et  Hankau.  Des 
vapeurs  et  des  voiliers  étrangers  se  rendaient  aussi  dans  ce  dernier 
port.  Ils  étaient  du  modèle  connu  sous  le  nom  de  «  Theeklippers  » 
et  naviguaient  presque  tous  sous  pavillon  anglais.  C'étaient  les 
voiliers  les  plus  rapides  qu'on  eût  encore  construits;  ils  parcou- 
raient la  distance  de  Shanghaï  en  Angleterre  en  90  ou  100  jours 
au  maximum.  Vers  1860  et  les  années  suivantes,  on  voyait  encore 
de  ces  bateaux  à  Hankau.  Us  ont  dû  finalement  céder  devant  la 
navigation  à  vapeur. 

Le  transport  du  thé  donnait  lieu,  chaque  année,  entre  les 
bateaux,  à  des  concours  à  qui  amènerait  le  plus  tôt  sur  le  marché 
anglais  le  thé  embarqué  à  Hankau.  Ces  courses  étaient  suivies 
avec  grand  intérêt  en  Angleterre  dans  les  milieux  intéressés.  On 
pariait  fort  à  ces  occasions  et  les  armateurs  faisaient  construire 
des  bâtiments  spéciaux  pour  prendre  part  à  ces  luttes  de  vitesses. 
Le  record  fut  battu,  il  y  a  une  quinzaine  d'années,  par  le  Stirling 
castle  qui  fit  le  voyage  de  Hankau  à  Londres  en  trente  jours,  soit 
à  une  vitesse  moyenne  de  14  milles  par  heure.  La  grande  concur- 
rence que  le  thé  indien  a  fait  au  thé  chinois  depuis  une  vingtaine 
d'années  a  eu  pour  eflet  de  faire  cesser  complètement  ces  courses. 


460  ÉTUDES  COLONIALES 

Actuellement  le  transport  du  thé  de  Hankau  se  fait  presque  exclu- 
sivement par  des  bâtiments  russes.  En  1885  encore,  on  chargeait 
quinze  bateaux  anglais  pour  Londres  et  trois  navires  russes  pour 
Odessa  ;  en  1890,  il  n*y  avait  que  quatre  bateaux  anglais  et  huit 
russes  ;  depuis  lors,  les  navires  anglais  ont  entièrement  cédé  la 
place  aux  russes.  Le  thé  en  destination  de  Londres  s'embarque  à 
présent  à  Shanghaï. 

Actuellement  le  service  entre  Shanghaï  et  Hankau  est  assuré 
régulièrement  par  six  compagnies  de  navigation  :  quatre  anglaises, 
une  chinoise  et  une  japonaise.  Ce  sont  : 

Nombre 
de  vapeurs.        Tonnage. 

BuUerfield  et  Swire 5  5.695 

Jardine,  Matheson  &0 3  5,180 

China  Mercbants  &  0 4  5,025 

Grcaves&Co 4  3,175 

Geo.  Me  Bain  &  Co 2  1,325 

Nippon  Yuseu  Kaischa 2  815 

Totaux.     .    .    .    "TF  21,215 

La  Chine  participe  donc  à  la  navigation  régulière  du  Yang-tze 
avec  quatre  steamers  et  le  Japon  avec  deux.  La  capacité  de  ces 
navires  varie  entre  400  et  un  peu  plus  de  1,900  tonneaux.  Us  sont 
tous,  à  l'exception  de  ceux  de  la  «  China  merchants  »  qui  sont 
munis  de  roues  à  aubes,  des  steamers  à  hélice  ;  plusieurs  ont  même 
de  doubles  hélices.  La  vitesse  est  de  10  à  i4  milles  à  Theure  et  le 
voyage  aller  et  retour  de  Shanghaï  à  Hankau  exige,  en  moyenne, 
une  semaine. 

A  côté  de  ces  bâtiments,  naviguent  un  grand  nombre  de  vapeurs 
qui  vont  prendre  du  riz  à  Tsinkiang  ou  à  Wuhu  pour  le  trans- 
porter à  Canton.  On  ne  rencontre  pas  de  voiliers  étrangers  sauf  un 
genre  spécial  de  bateaux  appelés  «  Lortschas  ».  Ce  sont  pour  la 
plupart  d'anciens  voiliers  devenus  impropres  au  service  de  mer 
dont  on  a  enlevé  les  mâts  et  qu'on  a  appareillé  à  la  manière  des 
jonques,  c'est-à-dire  qu'on  les  a  munis  de  trois  mâts  élevés  por- 
tant chacun  une  voile.  Autrefois  ces  lortschas  se  trouvaient  sous 
le  commandement  d'Européens  ayant  sous  leurs  ordres  un  person- 
nel composé  de  Chinois.  Aujourd'hui  tout  l'équipage  est  chinois. 
Les  lortschas  doivent,  contrairement  aux  jonques  qui  échappent  à 


L-V   NAVIGATION   DU   YANG-TZE-KIANG 


461 


l'autorité  des  douanes  maritimes  qui  sont  placées  sous  une  direc- 
tion étrangère,  faire  des  déclarations  d'entrée  et  de  sortie  au 
bureau  des  douanes.  Il  n'est  pas  possible  de  donner  une  évalua- 
tion, même  approximative,  de  Timportance  du  mouvement  des 
jonques  sur  le  Yang-tze.  On  peut  dire  toutefois  que  ce  système 
de  transports  décroit  chaque  année  pour  faire  place  à  la  navigation 
à  vapeur. 

Le  service  à  vapeur  de  la  section  Hankau-Itschang  (environ 
400  milles  marins)  est  assuré  par  trois  sociétés  :  une  anglaise,  une 
chinoise  et  une  japonaise.  Jusqu'à  l'ouverture  de  Itschang  (1887), 
cette  partie  de  fleuve  n'était  parcourue  que  par  les  jonques.  Une 
couple  d'années  plus  tard  on  vit  apparaître  un  petit  steamer  de  la 
«  China  merchants  »  et  bientôt  après  un  vapeur  anglais.  En  1890, 
il  s'y  trouvait  cinq  steamers  faisant  le  service  des  passagers  et  des 
marchandises.  D  autre  part,  les  premiers  bateaux  avaient  été  rem- 
placés par  d'autres  plus  grands  et  plus  pratiques  ;  ces  derniers  ont 
une  contenance  de  700  à  1,000  tonneaux.  Il  y  a  une  couple  d'années, 
une  compagnie  japonaise  est  également  entrée  en  concurrence. 
Chacune  de  ces  trois  sociétés  possède  un  steamer  dans  cette 
région.  Le  bateau  chinois  est  suranné;  ceux  des  compagnies 
anglaise  et  japonaise  sont  récents  et  jaugent  de  6  à  7  pieds; 
leur  fond  est  plat  et  leur  vitesse  maxima  est  de  10  à  12  nœuds  à 
l'heure.  Ils  font  le  voyage  à  la  montée  en  50  heures  environ  et  à  la 
descente,  en  35  heures;  bien  entendu,  si  le  temps  est  favorable. 

La  troisième  section,  celle  de  Itschang  à  Tschungking,  qui  doit 
sa  mauvaise  réputation  aux  rapides,  a  une  longueur  de  plus  de 
400  milles  marins.  De  tout  temps,  les  transports  y  ont  été  effectués 
par  de  lourdes  jonques.  On  peut  diviser  ces  jonques  en  trois  caté- 
gories, selon  qu'elles  ont  une  capacité  de  20  à  30  de  40  à  50  ou 
de  60  à  70  tonneaux.  On  rencontre  aussi  quelques  bateaux  de  plus 
de  100  tonneaux  mais  leur  navigation  est  très  difficile  et  très 
risquée  dans  la  région  des  rapides.  Le  tirant  d'eau  des  jonques  des 
trois  classes  est  de  1  à  3  pieds.  Leur  prix  est  respectivement 
de  100,  300,  et  700  taëls,  entièrement  appareillées.  Elles  ont  un 
fond  plat  et  un  seul  mât  muni  d'une  grande  voile.  Quand  on  se  sert 
de  cette  dernière,  on  descend  dans  l'eau  une  longue  rame  que  l'on 
adapte  à  la  proue  ;  cette  rame  est  plus  importante  pour  gouverner 
l'embarcation  que  le  long  gouvernail  qui  se  trouve  à  la  poupe  ; 


462  ÉTUDES   COLONIALES 

grâce  à  elle,  on  peut  faire  tourner  le  bateau  sur  place  en  quelques 
secondes  ;  elle  protège  aussi  contre  le  risque  de  heurter  les  écueils 
et  elle  est  d'un  grand  secours  pour  doubler  les  coudes  brusques  ou 
raides. 

Un  pilote  et  un  timonier  sont  responsables  de  la  marche  de  ces 
jonques.  Les  grands  bateaux  ont  à  la  montée,  un  équipage  d'une 
centaine  d'hommes  dont  quinze  rament  ou  poussent  le  bâtiment  au 
moyen  de  longues  perches  ;  ces  bateliers  ont  aussi  la  charge  de  la 
longue  rame;  sept  ou  huit  hommes  sont  nécessaires  pour  le  service 
du  petit  bateau  qui  précède  la  jonque  et  qui  sert  de  canot  de  pilotage  ; 
ce  dernier  indique  le  chemin  dans  les  passages  difficiles;  on  l'emploie 
aussi  à  transporter  à  terre  et  ensuite  à  ramener  à  bord,  les  hommes 
qui  doivent  haler  l'embarcation  à  travers  les  rapides.  Les  grands 
bateaux  emploient  à  ce  travail  de  70  à  80  personnes.  Près  de 
chaque  rapide,  on  trouve  en  outre  des  stationnements  de  plusieurs 
centaines  de  coolies  qui  offrent  leurs  services  pour  le  halage.  Une 
grande  jonque  emploie  jusqu'à  150  haleurs  supplémentaires  ;  une 
jonque  moyenne  100,  et  une  petite  50.  Chaque  coolie  reçoit 
8  kàsch  (à  peu  près  3  centimes)  pour  ce  travail. 

L'équipage  est  enrôlé  pour  chaque  voyage.  Chaque  homme 
reçoit  pour  le  parcours  de  Itschang  à  Tschungking,  environ 
10  marks  outre  la  nourriture.  La  traversée  dure  de  vingt  à  trente 
jours,  selon  la  saison.  Au  retour,  l'équipage  n'obtient  que  rarement 
un  salaire;  il  paie  sa  traversée  par  son  travail. 

La  saison  la  plus  favorable  est  l'hiver.  L'eau  est  alors  à  son 
niveau  le  plus  bas  et  par  suite,  le  courant  est  le  plus  faible.  Les 
grandes  jonques,  entièrement  chargées,  exigent  un  mois,  en  hiver, 
pour  arriver  à  Tschungking;  les  moyennes  et  les  petites  font  le 
voyage  plus  vite  et  plus  facilement.  La  descente  se  fait  en  dix  à 
douze  jours.  En  été,  la  montée  réclame  plus  de  temps;  par  contre, 
la  descente  se  fait  plus  vite. 

Les  jonques  sont  très  solidement  bâties.  Comme  elles  ont  plu- 
sieurs cloisons  étanches,  le  nombre  des  embarcations  qui  dispa- 
raissent est  très  restreint.  On  évalue  la  perte  annuelle  à  2  p.  c.  La 
plupart  des  échouements  se  produisent  de  mai  à  juillet,  pendant 
l'époque  de  la  plus  forte  crue. 

L'affrètement  d'une  grande  jonque  pour  le  voyage  d'Itschang- 
Tschungking  est  d'environ  3,000  marks;    celui    d'une  jonque 


LA  NAVIGATION   DU   YANG-TZE-KIAXG 


463 


moyenne  es^  de  moins  de  la  moitié  de  ce  prix  et  celui  d'une  petite 
n'est  que  de  500  marks.  Le  prix  de  location  pour  le  retour  est 
d'environ  la  moitié  du  voyage  d*aller.  Le  fret  à  la  montée  est 
naturellement  plus  élevé  qu'à  la  descente.  Il  présente  cette  singu- 
larité de  ne  se  calculer  qu'à  la  pièce.  Une  caisse  d'aiguilles  à 
coudre  paie  donc  le  même  prix  qu'une  balle  de  coton,  c'est-à-dire 


HALEURS  CHINOIS. 


une  moyenne  de  6  marks  par  pièce.  Le  poids  ne  joue  aucun 
rôle.  Le  colis  peut  peser  50  ou  500  livres.  Ce  fret  est  très  avan- 
tageux si  on  le  compare  à  celui  que  réclament  les  vapeurs  de  la 
ligne  Shanghai-Hankau.  Une  grande  jonque  peut  transporter  envi- 
ron SOO  balles  de  Shirtings  ou  240  balles  de  fils  de  coton.  I^our 
mieux  pouvoir  les  arrimer  et  les  manier,  on  réunit  généralement 
deux  balles  en  une  seule.  On  peut  se  faire  une  idée  de  l'impor- 
tance du  mouvement  des  jonques  en  évaluant  à  200,000  le  nom- 
bre des  hommes  d'équipage  qui  arrivent  annuellement  à  Tschung- 
king. 


464  ÉTL'DES  COLONIALES 

On  possède  des  statistiques  sûres  sur  le  mouvement  des  steamers 
de  la  section  Tschingkiang-Itschang,  les  deux  extrémités  de  la 
navigation  à  vapeur  sur  le  Yang-tze-Kiang.  D'après  les  données 
des  douanes  maritimes  impériales  chinoises,  le  tonnage,  tant  à 
rentrée  qu'à  la  sortie,  a  atteint.  Tannée  dernière,  12  millions  de 
tonneaux.  Le  port  le  plus  fréquenté  a  été  Tschingkiang,  puis 
viennent  Wuhu,  Kiukiang  et  Hankau.  L'importance  de  la  naviga- 
tion fléchit  à  mesure  que  l'on  remonte  le  fleuve.  Tandis  qu'à 
Tschingkiang,  elle  représente  4  millions  de  tonneaux,  à  Hankau 
ce  chifire  tombe  à  plus  de  la  moitié.  Des  deux  autres  ports  situés 
en  amont  de  Hankau,  Schasi  et  Itschang,  le  dernier  n'accuse  que 
300,000  tonneaux  environ.  Il  n'est  pas  question  de  Tschung-king 
qui,  jusqu'à  présent,  n'est  desservi  que  par  les  jonques. 

Les  12  millions  de  tonneaux  se  répartissent  de  la  manière  sui- 
vante :  plus  de  8  millions  pour  les  navires  anglais  et  plus  de 
3  millions  pour  les  chinois;  le  reste  se  partage  entre  les  autres 
nations,  c'est-à-dire  entre  l'Allemagne,  la  Norwège,  et  le  Japon. 
La  navigation  japonaise  fait  des  progrès  constants,  grâce  à  l'éta- 
blissement d'un  service  régulier. 

Après  cet  intéressant  et  complet  exposé  de  la  navigation  du 
Yang-tze,  M.  Navarra  passe  à  l'examen  de  la  valeur  commerciale 
des  ports  à  traité  situés  sur  les  rives  du  fleuve.  La  première 
ville  qui  se  présente  à  l'attention  est  Shanghaï,  qui  est  devenue, 
en  un  demi-siècle,  un  des  centres  commerciaux  les  plus  impor- 
tants du  monde.  On  peut  comparer  la  situation  de  ce  port  aux 
villes  hanséatiques  de  Hambourg  et  de  Brème,  car  il  constitue 
également  une  petite  république.  Shanghaï  qu'on  a,  à  juste  titre, 
appelée  la  «  colonie  modèle  »  a  sa  propre  administration  commu- 
nale. Son  territoire  s'étend  sur  une  superficie  d'environ  cinq 
milles  allemands.  Dans  cette  enceinte,  vivent  près  d'un  demi  mil- 
lion d'habitants  dont  à  peine  10,000  sont  étrangers.  Les  frais 
d'administration  de  la  ville  s'élèvent  à  un  demi-million  de  marks 
par  an. 

La  richesse  que  les  grands  marchands  chinois  ont  accumulée  à 
Shanghaï  est  énorme;  on  ne  possède  malheureusement  pas  de 
renseignements  pour  l'évaluer.  Le  mouvement  commercial  avec 
l'étranger  est  intense.  On  s'en  fera  une  idée  en  songeant  que 
l'importation  et  l'exportation  réunies  montent  ù  250  à  300  millions 


LA  NAVIGATIOxN   DU  YANG-TZE-KUNG  465 

de  marks  par  an.  Les  navires  qui  entrent  et  sortent  du  port  repré- 
sentent un  total  de  10  millions  de  tonnes  par  an.  Dans  l'avenir, 
l'importance  de  Shanghai  ne  pourra  qu'augmenter.  Celte  ville 
n'est  reliée  aujourd'hui  par  chemin  de  fer  qu  à  son  avant-port  de 
Wusung,  situé  à  environ  deux  milles  allemands  de  distance,  mais 
cette  ligne  sera  bientôt  prolongée  vers  les  villes  de  Sutschau  et  de 
Hangschau  et  portée  ensuite  jusqu'à  Tschingkiang,  port  à  traité 


JONQUE  DE   CHARGE. 


du  Yang-tze.  Elle  se  soudra  ici  à  la  ligne  à  construire  par  le  syn- 
dicat anglo-allemand,  de  Tien-tsin  à  Tschingkiang.  D'un  autre 
côté,  la  ligne  de  Kiau-tschéou  à  Itschaufu  doit  se  rattacher  à  cette 
dernière.  Shanghaï  verra  donc  sa  sphère  commerciale  s'étendre 
encore  davantage. 

A  Wusung,  le  gouvernement  impérial  a  cédé  une  étendue  con- 
sidérable de  terrain  pour  l'établissement  d'une  station  étrangère. 
On  propose  d'y  faire  de  grands  travaux  de  quai.  Et  il  est  à  croire 
que  les  grands  bâtiments  européens  se  rendront  dans  ce  port  pour 
opérer  leur  chargement  et*  déchargement. 


466  ÉTUDES  COLONIALES 

Tschinkiang  est,  en  réalité,  la  porte  du  Yang-tze.  Cette  ville  se 
trouve  dans  la  province  de  Kiangsu,  à  environ  150  milles  marins 
de  Shanghaï.  Autrefois,  elle  avait  une  grande  importance  straté- 
gique parce  qu'elle  commande  le  canal  impérial  qui,  dans  son  voi- 
sinage, débouche  dans  le  Yang-tze.  Cette  ville  possède  150,000  habi- 
tants dont  200  environ  sont  étrangers.  Le  commerce  étranger  de 
Tschinkiang  a  atteint  l'année  dernière,  un  peu  plus  de  23  millions 
de  Hk.  Tls.  dont  12  1/2  millions  de  Hk.  Tis.  reviennent  aux  impor- 
tations. 

Nanking  a  été  différentes  fois  le  siège  de  la  cour  chinoise.  En 
dernier  lieu,  ce  fut  au  commencement  du  XV"  siècle  sous  la  dynastie 
des  Mings.  Les  murs  qui  l'entourent  ont  une  étendue  de  cinq 
milles  allemands.  Cette  ville  ne  compte  toutefois  qu'un  demi  mil- 
lion d'habitants.  Elle  ne  s'est  pas  encore  relevée  des  ravages  que 
lui  ont  fait  subir  les  Taïpings  et  elle  ne  le  fera  peut  être  jamais. 
Une  grande  partie  de  l'étendue  comprise  dans  ces  murs  est  occu- 
pée par  des  champs. 

Bien  que  Nanking  eût  été  déclaré  port  ouvert  par  le  traité  fran- 
çais de  1858,  les  étrangers  n'ont  jamais  insisté  pour  son  ouver- 
ture. Celle-ci  s'est  faite,  sans  réclamation,  au  printemps  de  l'année 
dernière.  Il  semble,  du  reste,  douteux  que  la  ville  acquière  jamais 
une  importance  comme  port,  à  cause  de  la  proximité  de  Tschin- 
kiang. 

Wuhu  se  trouve  à  mi-chemin  entre  Tschinkiang  et  Kiukiang. 
Cette  ville  a  été  ouverte  au  commerce  étranger  en  1877.  Sa  popu- 
lation est  de  80,000  habitants  dont  150  étrangers.  Grâce  à  l'expor- 
tation du  riz,  cette  place  a  pris  une  grande  importance  pour  la 
navigation  à  vapeur.  Le  commerce  extérieur  de  Wuhu  a  atteint, 
l'année  dernière,  la  valeur  de  10  millions  de  Hk.  Tls.  ;  les  impoi*- 
tations  étrangères  ont  contribué  pour  près  de  4  millions  de  Hk.  Tls. 
à  ce  chiffre, 

Kiukiang  a  été  ouvert  en  1858,  mais  les  étrangers  ne  s'y  sont 
établis  qu'en  1861.  Il  se  trouve  à  moins  de  200  milles  marins  de 
Hankau.  La  population  est  de  50,000  âmes.  Les  étrangers  sont  au 
nombre  de  200.  Cette  ville  est  devenue  un  port  prospère  grâce  à 
l'exportation  du  thé-  La  plus  grande  partie  du  thé  se  transporte 
cependant  à  Hankau  pour  être  envoyé  de  là  en  Europe.  Le  com- 
merce extérieur  de  Kiukiang  a  atteint,  l'année  dernière,  le  chiffre 


LA  xavi(;ation  du  yang-tze-kiang  467 

de  17  1/2  millions  de  Hk.  Tls.  dont  7  millions  Hk.  Tis.  pour  les 
importations. 

Hankau,  dans  la  province  de  Hupeh,  se  trouve  à  environ 
6â0  milles  marins  de  Shanghaï.  Cette  ville  se  trouve  au  confluent  du 
Han  et  du  Yangtze  et  en  face  de  Wutschang,  la  résidence  du  gou- 
verneur général  des  deux  provinces  de  Hu.  Hankau  a  été  proclamé 
port  ouvert  en  1858,  mais  les  étrangers  ne  s'y  établirent  qu'en  1861. 
La  population  de  cette  ville  est  de  800,000  âmes.  Le  nombre  des 
étrangers  est  sujet  à  des  fluctuations,  la  saison  du  thé  en  amenant 
un  gnind  nombre.  On  peut  cependant  dire  qu'il  s'en  trouve  de 
400  à  500. 

Hankau  est  un  centre  commercial  de  premier  ordre  ;  d'abord, 
parce  que  c'est  le  grand  marché  pour  l'exportation  du  thé  et  ensuite 
parce  que  c'est  le  dépôt  de  toutes  les  marchandises  venant  de 
l'ouest  de  l'empire.  Du  million  et  demi  de  piculs  de  thé  (environ 
200  millions  de  livres)  que  la  Chine  a  exportés  l'année  dernière, 
près  des  deux  tiers  provenaient  de  Hankau.  La  plus  grande  partie 
de  ce  thé  se  dirige  vers  la  Russie,  partie  par  mer,  partie  par  voie 
de  terre.  Au  point  de  vue  de  l'importance  du  commerce  extérieur, 
Hankau  occupe  la  troisième  place.  Elle  n'est  dépassée  que  par 
Shanghaï  (88  millions  Hk.  Tls.  en  1898)  et  par  Tien-tsin(63  millions 
Hk.  Tls.).  Son  commerce  extérieur  ^^  atteint,  l'année  dernière,  une 
valeur  de  54  millions  Hk.  Tls.,  dont  16  millions  Hk.  Tls.  pour 
l'importation. 

Hankau  est  sans  aucun  doute  destinée  à  prendre  bientôt  une 
nouvelle  importance.  La  grande  usine  métallurgique,  la  fabrique 
d'armes  et  de  poudre  et  les  tissages  qui  se  trouvent  dans  les  envi- 
rons (Hanyang)  et  qui  appartiennent  au  vice-roi  de  Wutschang  lui 
donnent  déjà  l'apparence  d'une  ville  industrielle.  L'achèvement  de 
la  ligne  Pékin-Hankau,  construite  par  un  syndicat  belge,  augmen- 
tera encore  la  prospérité  de  la  ville. 

Le  port  de  Shasi  se  trouve  à  85  milles  en  amont  de  Hankau.  Il  a 
été  ouvert  par  le  traité  de  Shimonoseki  (1895).  Mais  on  peut  se 
demander  si  le  choix  du  Japon  a  été  heureux,  étant  donné  que 
cette  ville  se  trouve  à  si  peu  de  distance  de  Hankau.  Shasi  compte 
80,000  habitants.  Le  nombre  des  étrangers  y  est  excessivement 
minime.  L'importance  commerciale  de  cette  place  est  insignifiante. 
Son  commerce  n'a  atteint  que  le  chiffre  de  171,000  Hk.  Tls.  l'année 


468  ÉTUDES  COLONIALES 

dernière  ;  24,000  Hk.  Tls.  en  reviennent  aux  importations  étran- 
gères. Cette  ville  n'intéresse  donc  pas  beaucoup  le  commerce 
extérieur.  Elle  a  toutefois  une  valeur  assez  grande  pour  le  com- 
merce du  Hupeh.  On  y  constate  presque  toujours  la  présence  d'un 
grand  nombre  de  jonques.  Shasi  est  le  point  d'intersection  des  deux 
grandes  voies  de  communication  de  la  Chine,  dont  l'une  se  dirige 
du  nord  au  sud  et  l'autre  de  l'est  à  l'ouest. 

Itschang  qui  se  trouve  à  1,000  milles  marins  de  Shanghaï  a  été 
ouvert  le  1-  avril  1877.  Cette  ville  a  35,000  habitants  dont  60  à  70 
sont  étrangers.  Cette  localité  a  perdu  beaucoup  de  son  importance 
par  suite  de  l'ouverture  de  Tschung-King  en  1891.  Le  commerce 
y  est  tombé  pendant  les  dix  dernières  années  de  12  millions  de 
Hk.  Tls.  à  1  1/4  million. 

A  quelques  milles  au-delà  de  Itschang,  commencent  les  gorges  à 
travers  lesquelles  le  Yangtze  se  fraie  un  passage.  Le  paysage  y  est 
magnifique  et  les  rapides  présentent  un  coup  d'œil  plein  d'attrait. 
La  section  Itschang-Tschungking  a  été  peu  fréquentée  jusqu'à  pré- 
sent, mais  cette  situation  changera  aussitôt  quun  vapeur  confor- 
table aura  été  lancé  sur  cette  partie  du  fleuve.  Dans  un  an,  un 
steamer  allemand  fera  le  service  de  cette  section. 

Tschungking,  qui  se  trouve  dans  la  province  de  Setschuen  et 
qui  est  éloigné  de  Shanghaï,  de  1,400  milles  marins,  est  la  capitale 
commerciale  de  la  Chine  occidentale.  Bien  que  cette  ville  ait  été 
reconnue  au  commerce  étranger  par  le  traité  de  1876  et  ouverte 
officiellement  en  1891,  les  Japonais  ont  stipulé  expressément  dans 
le  traité  de  Shimonoseki  (1895)  qu'ils  auraient  le  droit  de  prolonger 
leurs  lignes  de  navigation  jusqu'à  cet  endroit.  La  ville  se  trouve 
bâtie  sur  une  presqu'île  rocheuse  et  compte  300,000  habitants.  Les 
étrangers  qui  s'y  trouvent  actuellement  sont  presque  exclusivement 
des  employés  de  consulats  et  des  douanes  et  des  missionnaires. 

Tschungking  ne  possède  que  fort  peu  d'industrie  locale,  mais  il 
a  de  l'importance  au  point  de  vue  commercial  parce  qu'il  est  le 
centre  où  convergent  les  produits  de  l'Ouest  et  du  Sud-Ouast  de 
l'empire  pour  être  vendus  ou  pour  être  transbordés.  Son  commerce 
extérieur  a  monté  en  trois  années,  de  1896  à  1898,  de  13  miUions 
à  17  1/2  millions  de  Hk.  Tls.;  les  importations  entrent  pour  huit 
millions  de  Hk.  Tls.  dans  ce  chiffre,  il  est  certain  que  l'établisse- 
ment d'une  ligne  de  steamers  contribuera  beaucoup  au  développe- 


LA  NAVIGATION   DU  YANG-TZE-KIANG  469 

■  raent  de  cette  place,  en  attendant  le  jour  où  elle  sera  reliée  par 
chemin  de  fer  à  Itschang  et  à  Hankau. 

Le  tableau  suivant  donne  les  chiffres  du  commerce  extérieur 
(importations  et  exportations)  des  ports  à  traité  situés  sur  le 
Yangtze,  y  compris  Shanghaï,  depuis  1896,  en  Ilaikwan-taels  : 

PORTS.  1896.       1897.       1898. 

Tschungking    ....  18,151,000  17,971,000  17,426,000 

Itschang 2.210,000  1,799,000  l,29o.000 

Schasi 42,000  516,000  ■<  71,000 

Hankau 44,506,000  49,720,000  55,771,000 

Kiukiang 14,250,000  14,865,000  17,500,000 

Wuhu 11,624.000  8,888,000  10,180,000 

Tschinkiang 22,950,000  24,145,000  25,145,000 

Shanghaï 95,055,000  101,852.000  88,644,000 

11  résulte  des  chiffres  précédents,  que  le  commerce  extérieur 
n  a  augmenté  dans  ces  ports  depuis  1896,  que  d'un  peu  plus  de 
8  millions  de  Hk.  Tls.  Si  Ton  fait  abstraction  de  Shanghaï,  qui  n'est 
pas,  à  proprement  parler,  un  port  du  Yangtze,  Taugmentation  a 
été  de  plus  de  15  millions  de  Hk.  Tls. 

Il  peut  être  intéressant  de  donner  quelques  renseignements  au 
sujet  des  provinces  où  sont  situés  les  ports  à  traité  afin  de  se 
rendre  compte  des  articles  dont  se  compose  le  commerce  d'expor- 
tation des  ports  du  Yangtze.  Les  articles  d'importation  ne  diffèrent 
guère  de  ceux  qui  sont  introduits  à  Shanghaï.  Ils  consistent  donc 
principalement  en  tissus  et  fils  de  coton,  tissus  de  laine  et  demi- 
laine,  métaux,  opium,  pétrole,  couleurs,  allumettes,  sucre, 
machines,  etc. 

La  première  province  que  Ton  rencontre  en  remontant  le  fleuve 
est  le  Kiangsu,  dont  la  superficie  est  d'environ  100,000  kilomètres 
carrés  et  la  population  de  2^  millions  d'âmes.  Elle  possède  donc 
en  moyenne  200  habitants  par  kilomètre  carré,  c'est-à-dire  un 
nombre  supérieur  à  celui  des  autres  provinces  chinoises.  Grâce  à 
sa  fertilité,  cette  province  est  appelée  le  «  Jardin  de  la  Chine  ».  Le 
système  des  canaux  y  est  extrêmement  développé.  Les  principaux 
produits  du  pays  sont  le  thé,  la  soie,  le  riz,  le  coton  et  le  sucre. 

La  province  voisine  est  celle  de  Anhui.  Sa  superficie  est  de 
442,000  kilomètres  carrés  et  sa  population  de  22  millions  comme 
celle  du  Kiangsu,  mais  à  cause  de  sa  plus  grande  étendue,  elle  ne 

9 


470  ÉTUDES  COLONIALES 

compte  que  155  habitants  par  kilomètre  carré.  Les  principales 
productions  sont  le  thé,  la  soie,  le  coton,  le  blé,  le  riz  et  le 
chanvre. 

La  troisième  province  que  baigne  le  fleuve  est  le  Kiungsi,  dont 
la  superficie  est  de  180,000  kilomètres  carrés.  Sa  population  est 
évaluée  à  25  millions  d'âmes.  Elle  a  donc  138  habitants  par  kilo- 
mètre carré.  Les  principales  productions  sont  le  thé,  —  la  qualité 
noire,  connue  sous  le  nom  de  «  Kaisow  »>  qui  est  très  recherchée, 
ainsi  que  la  qualité  verte  très  appréciée,  que  Ton  appelle  «  Moyune  » 
—  puis,  le  chanvre  et  le  tabac.  On  y  fait  aussi  un  grand  commerce 
de  porcelaines  façonnées  dans  les  fabriques  impériales  de  King- 
tetschin. 

En  remontant  le  fleuve,  on  rencontre  ensuite  la  province  de 
Hupeh  qui  a  une  superficie  de  185,000  kilomètres  carrés,  et  une 
population  de  30  millions  d'âmes,  ce  qui  donne  une  moyenne  de 
160  habitants  par  kilomètre  carré.  Les  principales  productions  sont 
le  thé,  la  soie,  le  coton,  le  tabac  et  le  blé. 

Sur  le  Yangtze  supérieur,  on  trouve  enfin  la  province  de 
Setschuen.  C'est  la  plus  étendue  des  provinces  de  l'empire.  Elle  a 
une  superficie  de  400,000  kilomètres  carrés.  On  évalue  sa  popula- 
tion de  50  à  70  millions  d'habitants.  Les  productions  naturelles 
sont  très  variées.  Les  principales  sont  la  soie,  l'opium,  le  thé,  le 
tabac,  le  sucre,  le  riz,  le  blé,  le  chanvre,  la  rhubarbe,  la  noix  de 
Galle,  la  cire,  le  musc,  la  laine,  les  peaux,  etc. 

On  peut  conclure  de  tout  ce  qui  précède  que  la  région  arrosée 
par  le  Yanglze  est  une  des  plus  riches  de  la  Chine.  Plus  d'un  tiers 
du  commerce  extérieur  de  la  Chine,  soit  environ  125  millions  de 
Hk.  TIs.  revient  aux  ports  directement  situés  sur  le  Yangtze. 
Shanghai  n'est  donc  pas  compris  dans  le  chiffi'e  cité. 

L'Allemagne  se  dispose  à  prendre  une  part  importante  à  l'organi- 
sation du  service  des  transports  sur  le  Yangtze.  Dans  le  courant  de 
la  présente  année,  toute  une  flottille  de  vapeur  battant  pavillon 
allemand,  sillonnera  les  eaux  de  fleuve.  Deux  firmes  allemandes, 
Rickmer  de  Brème  et  Melchers  et  C^,  de  la  même  ville,  font  cons- 
truire en  ce  moment  des  bâtiments  spécialement  destinés  à  la  naviga- 
tion dans  les  eaux  chinoises. 

Le  nombre  des  nouveaux  bâtiments  de  la  firme  ftickmer  est  de 
six,  dont  deux  sont  destinés  au  cabotage  sur  les  côtes  chinoises 


LA  NAVIGATION   DU  YANG-TZE-KIANG 


471 


tout  en  pouvant  à  l'occasion,  être  employés  sur  le  Yangtze.  Ces 
deux  bateaux  qui  sont  déjà  achevés  ont  260  pieds  de  longueur  et 
37  pieds  de  largeur.  Ils  sont  pourvus  d'une  double  hélice.  On 
estime  qu'ils  pourront  fournir  sans  effort  12  nœuds  à  l'heure. 

Des  quatre  vapeurs  à  double  hélice  destinés  à  naviguer  sur  le 
Yangtze,  deux  ont  commencé  le  service,  au  commencement  de 
l'année.  Ils  sont  bâtis  sur  le  modèle  des  bâtiments  fluviaux  améri- 
cains. Ils  ont  une  longueur  de  247  pieds  et  une  largeur  de  38  pieds. 
Leur  vitesse  est  d'environ  14  nœuds. 

Pour  la  ligne  JHankau  Itschang,  un  bateau  de  dimensions  plus 
petites  sera  construit  à  Shanghai,  Un  autre  destiné  à  la  section 
itschang-Tschungking  est  envoie  de  construction  à  Bremershaven. 
Ce  dernier  aura  200  pieds  de  longueur  et  de  30  de  largeur.  Il  sera 
pourvu  de  deux  puissants  projecteurs  électriques  pour  pouvoir  tra- 
verser, même  de  nuit,  les  endroits  dangereux  du  fleuve.  On  espère 
atteindre  une  vitesse  de  do  nœuds.  Entièrement  chargé,  ce  bateau 
n'aura  qu'un  tirant  d'eau  de  quelques  pieds. 

Les  quatre  bateaux  destinés  aux  fleuve  présentent  cette  innova- 
tion d'être  chauffés  au  pétrole.  On  se  servira  à  cet  effet  de  pétrole 
de  Bornéo  qui  est  une  sorte  de  kérosène  épaisse,  mais  se  distin- 
guant cependant  de  celle-ci  en  ce  qu'il  ne  présente  pas  les  mêmes 
dangers  d'incendie.  Il  ne  s'enflamme  pas  non  plus  spontanément, 
même  par  les  températures  les  plus  élevées.  Le  chauffage  au 
pétrole  a  encore  de  grands  avantages  tant  au  point  de  vue  de  l'éco- 
nomie de  personnel  que  de  la  moindre  place  occupée  par  le  com- 
bustible. Les  six  steamers  de  la  firme  Rickmer  possèdent  aussi 
pour  le  transport  des  passagers,  des  installations  qui  ne  laissent 
rien  à  désirer. 

La  firme  Melciiers  et  C**  fait  construire  en  ce  moment  quatre 
steamers  à  Shanghaï.  Trois  en  sont  destinés  à  la  ligne  Shanghai- 
Hankau  et  un  â  la  ligne  llankau-Itschang.  Ils  auront  les  mêmes 
dimensions  que  ceux  de  la  firme  Rickmer  et  seront  terminés  dans 
le  courant  de  l'été. 

La  concurrence  allemande  est  appelée  à  rendre  des  grands  ser- 
vices au  commerce  du  Yangtze.  Jusqu'à  présent  les  trois  grandes 
compagnies  qui  en  exploitent  la  navigation  (2  anglaises  et  1  chi- 
noise) ont  pu  imposer  des  prix  de  transport  très  élevés.  Et  comme 
elles  avaient  formé  une  sorte  de  «  Ring  »,  il  fallait  bien  passer  par 


472  ÉTUDES  COLONIALES 

leurs  exigences.  Les  lignes  allemandes  qui  ne  sont  aucunement 
liées  envers  les  premières,  pourront  donc  faire  baisser  les  tarifs  au 
grand  profit  du  commerce  en  général. 

L'activité  des  Allemands  s'est  encore  révélée  dans  le  domaine  de 
la  navigation  par  l'établissement  récent  d'une  ligne  postale  impé- 
riale vers  l'Extrême-Orient.  L'Allemagne  tient  à  s'affranchir  le  plus 
possible  du  pavillon  anglais  pour  effectuer  le  transport  de  ses  mar- 
chandises en  Chine.  Un  autre  fait  dont  l'importance  n'a  échappé  à 
personne,  est  le  rachat  de  deux  lignes  anglaises  connues,  celle  de 
«  Alfred  Holt  »  et  celle  de  la  «  Scotish  oriental  S.  S.  C*'  »  qui 
depuis  nombre  d'années  effectuaient  les  transports  entre  Singapore, 
et  les  Indes  orientales,  d'une  part,  et  le  Siam  et  Hongkong,  d'autre 
part.  Ces  deux  lignes  ont  été  acquises  par  le  «  Norddeutscher 
Lloyd  »  qui  les  emploiera  au  service  des  côtes  de  la  Chine  et  aussi 
comme  moyen  d  alimenter  la  ligne  principale  qui  fait  le  service 
direct  de  l'Allemagne  vers  l'Extrême-Orient. 

En  terminant  son  excellent  exposé,  M.  Navarra  ajoute  qu'il  est 
indispensable  pour  assurer  le  succès  des  Allemands  qu'ils  aient 
en  Chine,  plus  de  marchands,  plus  de  consuls  et'  plus  de  canon- 
nières. Il  est  incroyable,  dit-il  que  jusqu'à  présent,  il  ne  s'est 
établi,  en  ce  qui  concerne  les  ports  du  Yangtze,  de  firmes  allemandes 
■que  dans  le  territoire  récemment  concédé  de  Hankau.  Et  cepen- 
dant les  sept  ports  de  ce  fleuve  représentent  ensemble  le  tiers  du 
commerce  extérieur  de  la  Chine.  Il  faut  aussi  nommer  un  plus 
grand  nombre  de  consuls  de  carrière,  car  c'est  le  seul  moyen  de 
faire  respecter  le  prestige  d'un  pays  en  Chine.  Enfin,  il  faut  des 
canonnières  pour  garantir  la  sécurité  des  [Allemands  établis  dans 
les  ports  et  cette  nécessité  devient  d'autant  plus  impérieuse  que 
dans  le  courant  de  cette  année,  le  fleuve  sera  sillonné  par  toute 
une  flottille  de  steamers  allemands. 


-^  PEKIN  ^ 


Les  événements  qui  se  déroulent  actuellement  en  Chine  attirent 
particulièrement  l'attention  sur  la  capitale  de  l'Empire  du  Milieu. 
Il  ne  peut  donc  manquer  d'intérêt  d  avoir  quelques  renseignements 
précis  sur  celte  ville.  Nous  ne  pouvons  mieux  faire,  pour  donner 
une  idée  exacte  .de  Pékin,  que  de  traduire  du  livre  que  vient  de 
faire  paraître  M.  von  Brandt,  le  passage  ci-dessous  Comme  on  le 
sait,  l'auteur  de  .<  Au  Pays  des  Tresses  »  (1)  a  résidé  long- 
temps à  Pékin  en  qualité  d'ambassadeur  d'Allemagne.  11  a  donc  eu 
l'occasion  d'étudier  de  près  cette  ville  et  les  mœurs  de  ses 
habitants. 

Après  avoir  donné  un  aperçu  historique  de  Pékin,  M.  von  Brandt 
donne  la  description  suivante  de  cette  ville  : 

a  Pékin  n'était  pas  auparavant  une  ville  d'accès  facile.  Depuis 
le  milieu  de  l'année  1897,  le  chemin  de  fer  de  Takou  à  Tien-Tsin  a 
été  prolongé  jusque  près  de  Pékin.  On  peut  donc  se  rendre 
aujourd'hui  à  la  capitale  en  quelques  heures.  11  ne  sera  cependant 
pas  inutile  de  donner  une  description  des  ennuis  et  des  difficultés 
du  voyage  d'autrefois,  ne  fût-ce  qu'à  titre  de  souvenir. 

»  Tien-Tsin  qui  est  ouvert  au  commerce  international  depuis 
1858,  possède  des  concessions  européennes  étendues  et  une  nom- 
breuse population  étrangère.  Pendant  neuf  mois  de  l'année,  cette 
ville  est  desservie,  presque  tous  les  deux  ou  trois  jours,  par  des 
vapeurs  partant  de  Shanghaï.  Ces  navires  appartiennent  à  des 
compagnies  anglaises  ou  à  la  compagnie  chinoise  Tlie  China 
Merchants  C^  Ils  sont  pourvus  de  tout  le  confort  désirable  et 
font  le  trajet  en  temps  normal  en  trois  jours.  Il  arrive  malheureu- 


(1)  Aui  dem  Lande   des    Zopfes.  Plaudereien  einet  alten  Chinesen,  Georg  Wigand. 
Leipzig. 


474  ETUDES  COLONIALES 

sèment  souvent  que  les  circonstances  ne  sont  pas  normales,  et 
alors  le  voyage  dure  fréquemment  cinq,  six  et  même  sept  jours. 

»  Il  règne  souvent  un  brouillard  épais  sur  les  côtes  de  la  Chine.- 
Les  steamers  sont  alors  forcés  de  ralentir  leur  marche  ou,  ce 
qui  est  pire,  de  jeter  Tancre.  La  barre  à  l'embouchure  du  Pei-ho, 
na,  quand  les  circonstances  sont  favorables,  qu'une  profondeur  de 
H  pieds.  Aussi,  quand  un  navire  manque  le  flux  ou  que  les 
allèges  destinées  à  prendre  une  partie  de  la  cargaison,  ne  sont 
pas  disponibles,  il  lui  arrive  vite  de  subir  un  retard  de  douze  ou 
vingt-quatre  heures. 

»  Ensuite,  le  Pei-ho,  qui  traverse  un  pays  plat  en  faisant  de 
longs  détours,  ne  contient  que  peu  d'eau,  et,  d'un  autre  côté,  pen- 
dant la  période  des  inondations,  son  courant  est  extrêmement 
violent,  de  sorte  que  les  navires  sont  fréquemment  obligés  de  se 
mettre  à  l'ancre  ou  de  renoncer  complètement  à  atteindre  Tien-Tsin, 
qui  ne  se  trouve  pourtant  qu'à  une  centaine  de  kilomètres  de  l'em- 
bouchure du  fleuve.  Dans  ces  cas,  le  voyageur  doit  s'arranger 
comme  il  peut,  pour  arriver  à  la  concession  étrangère,  et  atteindre 
l'hôtel  qu'il  y  a  choisi  ou  la  maison  amie  qui  l'attend,  à  moins, 
toutefois,  qu'il  n'ait  préféré  se  confier  au  chemin  de  fer  chinois,  en 
débarquant  à  Takou  ou  plutôt  à  Tongku  situé  en  face  de  cette  loca- 
lité. Mais  ce  dernier  moyen  a  aussi  ses  inconvénients,  car  le  service 
de  la  ligne  est  très  irrégulier  et  très  lent  et  les  wagons  laissent 
énormément  à  désirer  au  point  de  vue  de  la  propreté. 

»  Les  véritables  difficultés  ne  commençaient  cependant  autrefois 
qu'à  partir  de  Tien-Tsin.  La  voie  de  terre  eût  été  le  mode  le  plus 
simple,  si  les  chemins,  surtout  pendant  la  saison  des  pluies, 
n'étaient  pas  absolument  impraticables  et  si  le  mode  de  transport, 
c'est-à-dire  les  charrettes  chinoises,  n'étaient  pas  le  plus  épouvan- 
table instrument  de  supplice  de  l'ancien  monde.  Le  coffre  en  bois 
de  ces  véhicules,  qui  sont  recouverts  d'une  bâche,  repose  sur 
l'essieu  d'unecouple  de  roues  hautes  et  étroites.  On  attelle  une  bête 
de  somme  dans  les  brancards  et  une  autre  —  parfois  c'est  un 
cheval  —  est  attachée  devant  la  première.  Le  cocher,  quand  il  ne 
marche  pas,  ce  qu'il  fait  aussitôt  que  le  chemin  devient  mauvais, 
s'assied  sur  les  brancards.  Le  voyageur  étranger  fait  bien  de  suivre 
cet  exemple,  car  il  n  y  a  que  les  Chinois  qui  sachent  résister  au  tour- 
ment de  l'intérieur  de  la  charrette,  qui  est  cependant  pourvue  d'un 


PÉKIN  475 

matelas  et  bourrée  de  couvertures.  Le  voyage  de  Tien-Tsin  à  Pékin 
durait  généralement  trente-six  heures,  y  compris  la  halte  de  quel- 
ques heures  à  rai-chemin,  dans  la  petite  ville  de  Hosiwu.  A  une 
époque  plus  ancienne,  on  effectuait  souvent  la  route  en  vingt-quatre 
heures;  mais  pour  le  faire  sans  conséquences  dommageables  pour 
son  cerveau  ou  son  corps,  il  fallait  être  doue  d'une  charpente  solide 
et  d'une  bonne  humeur  à  toute  épreuve. 

»  Le  voyage  se  faisait  aussi  à  cheval,  en  ayant  soin  d'envoyer  en 
avant  des  chevaux  de  relais,  ce  qui  permettait  d'abréger  beaucoup 
la  durée  du  trajet.  On  trouve  à  louer  des  chevaux  partout  à  Tien- 
ïsin.  On  les  appelle  «  Bunders  »  parce  qu'ils  stationnent  sur  le 
«  Bund  »,  c'est-à-dire,  sur  le  quai.  Avec  quatre  relais,  il  est  sou- 
vent arrivé  qu'on  parcourût  les  cent  et  quelque  vingt  kilomètres 
qui  séparent  Ticn-Tsin  de  Pékin  en  sept  ou  huit  heures.  Ce  genre 
de  locomotion  n'était  naturellement  permis  qu'aux  personnes  habi- 
tuées à  de  longues  et  rudes  chevauchées.  Tout  [autre  aurait  couru 
le  risque  d'avoir  le  sort  d'un  de  mes  amis  qui  eut  à  expier  sa  hâte 
d'atteindre  la  capitale  de  l'Empire  du  Ciel,  en  passant,  dans  son 
lit,  couché  sur  son  ventre,  le  temps  qu  il  s'était  proposé  de  consa- 
crer à  la  visite  de  la  ville. 

»  Un  autre  mode  de  transport  était  fourni  par  la  chaise  portée 
par  des  mules.  Mais  ce  moyen  est  lent  et  coûteux  et  il  n'est  pas  à 
recommander  à  ceux  qui  sont  sujets  au  mal  de  mer  car  le  continuel 
balancement  de  la  grande  caisse  carrée  que  l'on  suspend  entre  deux 
brancards  attachés  aux  selles  de  deux  bêtes  de  somme  dont  l'une 
marche  devant  la  chaise  et  l'autre  derrière,  provoque  souvent  le 
même  effet  que  le  courroux  de  Neptune. 

»  En  général,  les  étrangers  choisissaient  la  voie;d'eau.  Les  grands 
et  petits  bateaux  qui  servent  à  cet  usage  sur  le  Pei-ho  sont  bien 
entretenus  et  commodes.  Tout  ce  qui  est  nécessaire  à  un  voyage 
de  quelques  jours,  en  fait  de  nourriture,  boisson,  glace,  vaisselle, 
matelas,  etc.,  ainsi  que  le  domestique  qui  remplit  en  même 
temps  les  fonctions  de  cuisinier,  —  et  ils  savent  tous  cuisiner 
suffisamment  pour  ce  qu'il  y  a  à  préparer  —  était  fourni  par 
rhôtelier  ou  par  un  ami.  Ce  voyage  qui,  en  amont,  durait  ordinai- 
rement trois  jours  et,  en  aval,  un  jour  et  demi,  ne  manquait  pas 
de  charme,  quand  le  temps  était  favorable,  et  il  était,  en  outre, 
très  instructif. 


476 


ÉTUDES  COLONIALES 


»  Les  barques  sont  mises  en  mouvement  au  moyen  d'avirons,  de 
voiles  et  de  gaules  mais  la  plupart  du  temps  l'embarcation  est  halée 
par  deux  ou  quatre  hommes.  L'endurance  et  l'entrain  des  Chinois 
pendant  ce  travail  pénible  sont  réellement  surprenants.  A  l'époque 
des  inondations,  quand  on  coupe  à  travers  les  champs  de  maïs  ou 
de  millet,  pour  raccourcir  le  chemin  ou  pour  éviter  la  violence  du 
courant  dans  le  lit  même  du  fleuve,  j'ai  vu  des  gens  se  démener  et 
s'épuiser,  pendant  des  heures,  plongés  dans  l'eau  jusqu'aux  genoux, 
pour  dégager  un  bateau  qui  avait  touché  le  fond  et  jamais  je  n'ai 
entendu  de  plainte  ou  de  parole  de  mécontentement  ou  remarqué 
qu'ils  faiblissaient  dans  leurs  efforts.  Un  mot  amical,  une  plaisan- 
terie ou  la  promesse  d'un  petit  verre  à  la  prochaine  station  étaient 
toujours  accueillis  avec  transport. 

»  J'ai  vu  réaliser,  par  les  bateliers  et  les  porteurs  chinois,  dans 
des  circonstances  difficiles,  des  efforts  presque  incroyables.  Mes 
porteurs  m'ont  transporté,  un  jour,  dans  les  montagnes  près 
de  Pékin,  sur  une  dislance  de  45  kilomètres  comprenant 
une  grande  partie  de  sentiers  malaisés  et  glissants  et  une  passe 
élevée,  en  cinq  heures.  Ils  étaient  huit,  c'est-à-dire  le  double  ou 
nombre  ordinaire,  —  mais  aussi,  je  pèse  cent  kilogrammes  —  et 
un  relai  de  même  effectif  se  trouvait  à  mi-route.  Pendant  tout  ce 
trajet,  ils  n'ont  pas  perdu  un  instant  leur  bonne  humeur  ;  il  leur 
arrivait  même  souvent  de  faire  quelques  centaines  de  pas  au  trot. 
Au  mois  de  juin  189:2,  j'ai  effectué  en  bateau,  en  cinquante-deux 
heures,  la  distance  de  Tien-Tsin  àTungchau,  qui  est  de  140  kilo- 
mètres par  eau,  contre  le  vent  et  la  pluie  et  contre  le  courant  du 
fleuve  qui  s  étendait  au  loin  sur  ses  deux  rives  et  était  agité  comme 
une  mer.  Après  cela,  j'ai  effectué,  en  chaise  à  porteurs,  la  route 
de  TungshauàPékin,  en  faisant  un  détour  de  25  kilomètres  imposé 
par  1  état  des  chemins  et  les  débordements.  Et  notez  que,  pendant 
toute  la  durée  du  voyage,  mes  porteurs  avaient  souvent  de  l'eau 
jusqu'aux  genoux  et  toujours  au  moins  de  la  boue  jusqu'à  la  che- 
ville. Une  pareille  performance  est  rare  même  en  Chine. 

»  Le  spectacle  qu  offrent  le  fleuve  et  ses  rives,  diflère  absolu- 
ment d'après  les  saisons.  Au  printemps  et  à  la  fin  de  l'automne,  la 
contrée  fait  la  même  impression  que  la  Basse-Egypte,  immédiate- 
ment après  que  les  eaux  du  Nil  se  sont  retirées.  Tout  est  unifor- 
mément gris;  et  dans  la  large  plaine  dénudée,   n'apparaissent. 


PÉKIN  477 

d'une  façon  un  peu  plus  distincte,  que  les  villages  qui  sont 
toujours  situés  sur  une  petite  éminence.  Le  fleuve  qui  est  presque 
à  sec  coule  lentement  entre  ses  hautes  rives.  L'ensemble  du  pays 
fait  Teffet  d'une  contrée  pauvre  et  déchue  à  laquelle,  suivant 
l'expression  du  représentant  d'un  grand  syndicat  qui  se  rendait 
à  Pékin  à  lune  de  ces  époques  de  l'année,  on  ne  prêterait  pas 
un  centime.  Il  est  vrai  que,  quelques  semaines  plus  tard,  quand 
ce  délégué  refit  le  même  voyage,  il  déclara  n'avoir  jamais  vu  de 
pays  plus  riche,  ni  de  contrée  à  laquelle  on  prêterait  plus  volon- 
tiers autant  de  millions  qu'elle  désire.  La  vue  que  présente  la 
grande  plaine  est,  en  effet,  tout  autre  aussitôt  que  les  pluies  d'été 
commencent.  Les  champs  sont  alors  couverts  de  maïs  et  de  millet 
qui,  en  plusieurs  endroits,  ont  jusqu'à  douze  pieds  de  hauteur 
et  davantage.  Entre  les  tiges,  s'élève  joyeusement  la  troisième 
récolte,  composée  de  fèves,  patates  douces  et  autres  genres  de 
légumes.  (La  première  récolte  se  compose  de  blé,  en  majeure 
partie,  peu  abondant  et  très  court  de  tige.)  Ce  n'est  que  dans  les 
environs  de  Tien-Tsin  que  l'on  rencontre  des  cultures  de  pavots  à 
fleurs  blanches  et  aussi,  depuis  quelques  années,  la  fraîche  ver- 
dure des  champs;  au-dessous  de  cette  ville,  on  cultive  beaucoup 
de  légumes  et  de  riz... 

»  Pékin  n'apparaît  à  l'œil  du  voyageur  qu'au  moment  où  il  se 
trouve  directement  devant  les  murs  de  la  ville.  Il  nen  perçoit 
toutefois  l'impression  grandiose  que  lorsqu'il  pénètre  dans  la 
ville  par  une  des  portes  latérales,  la  porte  de  l'Est,  et  qu'il  suit 
le  pied  du  mur  de  la  ville  tartare  en  se  dirigeant  vers  la  porte  du 
Sud.  11  a  alors  à  sa  gauche,  au-delà  d'un  fossé,  les  maisons  de  la 
ville  chinoise  et  à  sa  droite,  surgissant  de  monticules  de  sable 
accumulés  à  leur  base,  les  hautes  murailles  de  quarante  pieds 
d'élévation,  garnies  de  créneaux,  de  bastions  et  de  tours  massives 
qui  en  gardent  les  angles  et  les  portes.  Les  dernières  de  ces  tours 
s'avancent  au-dessus  des  constructions  en  forme  de  demi-lune 
qui  protègent  l'entrée  des  portes.  Les  jours  de  fortes  pluies,  ou 
quand  des  orages  de  poussière  rendent  l'air  presque  impénétrable 
et  que  les  rues  sont  désertes,  on  pourrait  se  croire  transporté 
devant  les  murs  de  Babylone  ou  de  Ninive.  Sur  les  murailles,  qui 
ont  une  largeur  de  trente-six  pieds,  cinq  ou  six  chariots  de 
guerre  antiques  pourraient,  du  reste,  facilement  rouler  de  front. 


478 


ÉTUDES  COLONIALES 


»  Les  murs  sont  une  des  promenades  préférées  des  étrangers,  aux- 
quels on  a  réservé  exceplionnellemenl  Taccès  d  une  des  rampes 
qui  y  conduisent.  En  principe,  les  Chinois  eux-mêraos  ne  peuvent 
se  rendre  sur  les  murailles,  surtout  les  femmes,  dont  la  présence 
pourrait  effaroucher  le  dieu  de  la  guerre.  Aussi,  Taccès  aux  murs 
est-il  défendu  par  des  portes  fermées  et  des  haies  d'épines.  Du 
haut  des  murailles,  on  a  une  belle  vue  sur  la  ville  dont  les  toits 
apparaissent  au  milieu  d'épaisses  masses  de  feuillage.  Les  toits 
couverts  de  tuiles  glacées,  jaunes,  bleues  et  vertes  du  palais  impé- 
rial et  des  principaux  temples,  scintillent  et  brillent  aux  rayons  du 
soleil  et  Ion  comprend  aloi's  l'exagération  des  anciens  écrivains 
qui  affirment  qu'ils  sont  recouverts  d'or.  Les  maisons  se  dirigent 
toutes  de  l'ouest  vers  rest,c'est-à-dire  que  les  toits  descendent  vers 
le  nord  et  le  sud,  ce  qui  donne  lieu  à  un  spectacle  curieux  quand, 
en  hiver,  une  journée  ensoleillée  suit  un  jour  de  forte  neige. 
Celui  qui  se  promène  sur  la  muraille  constate  alors  avec  étonnement 
que  la  ville  chinoise,  qui  se  trouve  au  sud,  est  plongée  dans  une 
neige  épaisse,  tandis  que  la  ville  tartare  n'en  offre  pas  la  moindre 
trace.  11  faut,  pour  comprendre  ce  phénomène  qui  au  premier 
moment  vous  plonge  dans  l'ébahissement,  se  rappeler  que  l'on  ne 
peut  apercevoir  de  l'une  moitié  de  la  ville,  que  le  côté  nord,  et  de 
l'autre  moitié,  que  le  côté  sud  des  maisons. 

»  Pékin  réserve,  du  reste,  plus  d'une  surprise  aux  étrangers. 
Celte  ville  est  très  différente  de  celles  du  sud  de  la  Chine.  Elle 
ressemble  plutôt  à  un  immense  camp  bien  que  l'on  n'y  rencontre 
guère  d'hommes  armés  si  ce  n'est  au  retour  d'un  exercice  ou  d'une 
revue.  Et  cependant,  Pékin  n'a  jamais  été  et  n'est,  théoriquement 
au  moins,  rien  d'autre.  Après  la  conquête  de  la  Chine  par  la 
dynastie  actuelle,  les  Mandchous  et  les  Mongols  ainsi  que  les 
Chinois  qui  s'étaient  joints  aux  nouveaux  maîtres  du  pays,  furent 
divisés  en  huit  bannières  ou,  si  l'on  veut,  régiments.  Presque  toute 
l'étendue  comprise  dans  la  ville  tartare,  c'est-à-dire  aux  alentours 
du  palais  impérial,  fut  divisée  entre  les  princes  et  les  nobles 
mandchous  ainsi  qu'entre  les  membres  des  vingt-quatre  bannières. 
Le  peuple  et  les  marchands,  qui  étaient  tous  d'origine  chinoise, 
furent  refoulés  dans  la  ville  chinoise,  séparée  de  !a  ville  tartare 
par  une  muraille  élevée.  On  agit  de  même  dans  les  autres  grandes 
villes  à  mesure  des  progrès  de  la  conquête.  Des  garnisons  com- 


PÉKIN  479 

posées  de  troupes  des  bannières  y  furent  placées  et  on  leur  indi- 
qua certaines  parties  de  la  ville  comme  quartiers  où  elles  vécurent 
séparées  des  Chinois.  Leurs  chefs  étaient  les  généraux  Lirlares, 
comme  on  les  appelait.  On  les  rencontre  encore  de  nos  jouis  dans 
les  villes  du  Sud  où  ils  occupent  le  même  rang  que  les  gouver- 
neurs généraux,  ils  doivent  contresigner  toutes  les  pétitions  et 
tous  les  actes  adressés  au  trône.  En  réalité,  leur  poste  est  plutôt 
honorifique.  Les  prescriptions  qui  régissent  les  membres  ries  ban- 
nières sont  toujours  en  vigueur  bien  qu'en  fait,  on  les  tourne 
souvent.  Le  gouvernement  a  toutefois,  dans  les  derniers  temps» 
veillé  avec  plus  de  rigueur  à  l'observation  de  certaines  oblip:ations 
légales,  notamment,  en  ce  qui  concerne  Tinaliénabilité  des  terres 
concédées  aux  membres  des  bannières.  Ceux-ci  continuent  à  rece- 
voir régulièrement  une  solde  consistant  en  argent  et  en  riz.  Ils  ne 
peuvent  se  marier  qu'entre  eux.  Cette  défense  est  souvent  éludée. 
Ainsi,  quand  une  jeune  fille  qui  fait  partie  de  ce  milieu  veut 
épouser  un  Chinois,  on  l'inscrit  simplement  au  registre  des 
décès.  Les  jeunes  filles  appartenant  aux  bannières,  ne  sont  pas 
soumises  au  traitement  de  la  compression  des  pieds.  C'est  parmi 
elles  que  l'on  choisit  l'épouse  de  l'Empereur  et  toutes  les  servantes 
du  palais.  Quand  l'époque  du  mariage  de  l'Empereur  approctie,  le 
préfet  des  bannières  reçoit  l'ordre  de  défendre  à  toutes  les  jeunes 
filles  des  bannières  de  se  marier.  Il  doit  aussi  envoyer  une  liste 
de  toutes  les  filles  nubiles  de  cette  caste.  Ces  dernières  sont 
ensuite  amenées  une  ou  plusieurs  fois  devant  l'Empereur  qui  fait 
lui-même  son  choix. 

»  Pékin  a,  surtout  en  hiver,  l'apparence  d'une  ville  orientale.  De 
longs  convois  de  chameaux,  superbes  animaux  à  double  bosse 
dont  la  tête,  le  cou  et  la  poitrine  sont  garnis  d'une  loiii^nie  et 
épaisse  crinière,  traversent  les  rues,  chargés  de  charbon  et  de 
chaux.  Partout  on  rencontre  des  groupes  de  Mongols  en  robes  el 
bonnets  rouges  ou  jaunes,  portant  de  hautes  bottes  en  cuir,  les 
uns  à  pied,  les  autres  montés  sur  des  poneys  velus  ou  sur  des 
chameaux  de  course  élancés.  Ils  rappellent  en  maintien,  ex()res- 
sion  et  couleur  de  visage,  nos  jeunes  campagnards  venant  pour  la 
première  fois  à  la  grande  ville  et  comme  eux,  ils  sont  fréquemment 
victimes  des  filous  qui  les  entraînent  dans  des  tavernes  louebes  où 
ils  les  enivrent  pour  les  dépouiller  ensuite.  Les  femmes  mon^^oles 


480  ÉTUDES     COLONIALES 

ont  les  mêmes  vêtements  que  les  hommes  y  compris  les  hautes 
bottes.  Elles  sont  souvent  réellement  belles,  mais  auraient  besoin 
dune  bonne  savonnée  pour  être  présentables.  Leur  tête,  leurs 
oreilles,  leurs  nattes,  leur  cou  et  leur  poitrine  sont  chargés  de 
lourds  bijoux  dargent  enrichis  de  coraux,  de  turquoises  et 
d'émaux;  les  plus  riches  remplacent  généralement  ces  pierres  pré- 
cieuses par  des  perles.  Il  n'est  pas  rare  que  les  parures  qu'une 
femme  mongole  porte  sur  elle,  représentent  une  valeur  de  2.000  à 
d5,000  marks  et  davantage.  Les  Mongols  sont  toujours  joyeux  et 
il  suffit  de  leur  jeter  un  «  Mondo-mondo  »  (Bonjour)  pour  mctlre 
toute  une  troupe  en  gaîté.  Leur  quartier  général  se  trouve  sur  une 
place  située  dans  les  environs  d  une  des  ambassades  étrangères. 
Ils  y  vivent  sous  des  tentes  et  des  couvertures  de  feutre  et  y 
vendent  du  mouton  et  du  gibier.  C'est  eux  qui  approvisionnent 
principalement  Pékin  de  ces  subsistances.  C'est  un  coup  d'œil 
extraordinairement  original  que  de  voir  une  longue  file  de  cha- 
meaux déambulant  gravement,  chargés  de  moutons  dépouillés  et 
raidis  par  la  gelée,  ou  d'antilopes  recouvertes  de  leur  peau  ou  de 
centaines  de  faisans. 

»  Une  vie  intense  règne  alors  dans  les  rues  principales.  Les 
magasins  s'y  suivent.  Us  sont  ornés  de  devantures  richement  sculp- 
tées où  l'on  aperçoit  les  traces  d'anciennes  dorures  sauf  quand  il 
s'agit  de  boutiques  nouvellement  ouvertes.  Celles-ci  apparaissent 
toutes  rayonnantes  de  couleurs  fraîches  et  de  récentes  dorures. 
Dans  les  rues  mêmes,  se  trouve  une  double  rangée  de  tentes, 
d'échoppes  et  de  tables,  où  l'on  oftre  en  vente  tout  ce  que  l'on  peut 
imaginer.  Dans  les  grandes  tentes  se  tiennent  principalement  les 
marchands  de  vieux  habits.  Devant  elles  sont  postés  une  demi-dou- 
zaine dadolescents,  ayant  en  main  un  ou  deux  articles  d'habil- 
lement, dont  ils  vantent  à  grands  cris  et  sans  répit,  les  avantages 
et  le  prix.  Aussitôt  qu'un  badaud  s'arrête,  ils  le  saisissent  et  l'entraî- 
nent rapidement  dans  l'intérieur  de  la  lente  où  on  l'habille  ou  le 
déshabille,  selon  qu'il  veut  acheter  ou  vendre. 

»  Devant  les  gargottes  sont  assis  de  nombreux  consommateurs 
qui  dévorent  des  ragoûts  dont  l'odeur  n'est  guère  appétissante  ou 
fument  dans  leurs  petites  pipes  devant  une  tasse  remplie  du  rhum 
chaud  qu'on  leur  sert  dans  une  cannelle  d'étain.  Les  devantures 
des  boucheries  sont  garnies  d'une  douzaine  de  moutons  dépouillés 


PÉKIN  481 

et  sans  (ête;  les  moutons  de  choix,  les  têtes,  les  queues  grasses  et 
les  intestins  sont  suspendus  à  Tintérieur  de  la  boutique  où  ils 
attirent  les  acheteurs.  Chez  le  charcutier  qui  se  trouve  deux  mai- 
sons plus  loin,  de  longues  guirlandes  de  cochons  de  lait  cuits, 
d'aspect  appétissant,  garnissent  Tétalagc,  Les  affaires  y  vont  bien 
mieux  que  chez  les  concurrents  mahométans,  car  un  morceau  de 
porc  gras  est  encore  ce  que  les  Chinois  préfèrent  par  dessus  tout. 

»  Ici,  un  attroupement  bruyant  et  joyeux  s'est  formé  autour  d'un 
jongleur  qui  a  comme  collaborateurs  une  chèvre  à  l'air  contristé  et 
un  singe  galeux.  Non  loin  de  là,  se  tient  un  conteur,  assis  sur  un 
siège  bas.  Autour  de  lui,  sont  accroupis  ses  auditeurs  attentifs.  Il 
leur  raconte  des  histoires  sur  les  combats  des  trois  royaumes  ou 
des  chapitres  d'un  roman  qui  n'est  pas  précisément  destiné  à  la 
jeunesse.  A  peine  est-il  arrivé  au  passage  le  plus  intéressant,  ce 
qu'on  annonce  en  frappant  deux  morceaux  de  bois  l'un  contre 
l'autre,  qu'il  saisit  une  théière,  placée  à  côté  de  lui,  et,  pendant 
qu'il  se  verse  une  tasse  et  la  boit  lentement,  très  lentement,  un 
gamin  fait  le  tour  de  l'assistance  et  recueille  les  quelques  pièces  de 
cuivre  que  l'auditoire  veut  bien  abandonner. 

»  Ce  qui  frappe, à  Pékin,  c'est  le  nombre  restreint  de  femmes  que 
l'on  voit  dans  les  rues.  Et  celles  que  l'on  rencontre  appartiennent 
pour  la  plupart  aux  classes  inlérieures.  Ce  n'est  que  bien  rarement 
que  l'on  aperçoit  une  femme  mandchoue  bien  habillée,  à  pied,  la 
pipe  en  main,  suivie  d'une  servante  et  évitant  soigneusement  de 
salir  ses  souliers  de  feutre  dans  les  nombreuses  flaques  de  boue 
du  chemin.  Les  femmes  des  classes  supérieures  ne  se  montrent 
guère  en  public.  Elles  ne  le  font  que  vers  le  nouvel  an,  quand 
elles  visitent  les  magasins  ou  quand  elles  vont  aux  marchés  qui 
se  tiennent  à  cette  époque  ainsi  qu'à  certains  jours  de  chaque 
mois.  Pour  faire  des  visites  ou  à  d'autres  occasions,  elles  se 
servent  de  voitures.  Quand  celles-ci  leur  appartiennent,  elles 
sont  généralement  accompagnées  d'hommes  à  cheval.  Si  elles 
n'en  ont  pas,  elles  prennent  des  voitures  de  louage;  il  s'en  trouve 
aux  coins  des  rues  comme  chez  nous.  Les  cochers  se  livrent  de 
véritables  batailles  pour  se  disputer  le  voyageur.  Celui  qui  l'em- 
porte est  souvent  le  plus  mal  arrangé  de  tous,  car  tous  les  pale- 
freniers le  tirent  et  le  poussent  en  tous  sens. 

»  Je  n'ai  jamais  observé  que  Ton  exerçât  des  violences  contre  les 


482  ÉTUDES  COLONIALES 

femmes,  mais  bien  souvent  j'ai  pu  voir  une  Xantippe  acariâtre 
prendre  la  rue  à  témoin  de  ses  différends  domestiques  ou  autres. 
Je  n'oublierai  jamais  une  scène  d"un  genre  différent,  à  laquelle 
j'ai  assisté  un  jour.  Une  jeune  dame  à  petits  pieds  passait  dans  une 
des  rues  principales.  Elle  appartenait  visiblement  à  une  famille 
distinguée.  Derrière  elle,  venait  une  voiture  de  maître,  accompa- 
gnée de  deux  serviteurs  à  cheval.  La  jeune  fflle  se  jeta  tout  à  coup 
à  terre  et  toucha  le  soi  de  son  front.  Elle  se  releva,  aidée  d'une 
suivante  élégamment  vêtue  qui  marchait  à  côté  d'elle;  ensuite,  elle 
retourna  à  l'endroit  où  sa  tète  s'était  posée  et  recommença  la  céré- 
monie. Pendant  une  maladie  de  ses  parents,  elle  avait  fait  le  vœu, 
si  ceux-ci  guérissaient,  de  visiter  de  cette  manière  quelques 
temples  de  la  ville  et  d'aller  y  prier. 

»  On  rencontre  souvent  des  hommes  qui,  pour  accomplir  une 
promesse  de  ce  genre,  se  rendent  à  des  centaines  de  milles  de 
distance.  D'autres  revêtent  le  vêtement  rouge  des  condamnés  et 
traînent  de  lourdes  chaînes  derrière  eux. 

»  Dans  les  environs  de  Pékin  se  trouve,  près  du  célèbre  lieu  de 
pèlerinage  de  Miaosengshau,  un  rocher  escarpé,  d'une  hauteur  de 
60  pieds  environ,  d'où  chaque  année,  plusieurs  personnes  se  préci- 
pitent en  accomplissement  des  vœux  qu'elles  ont  faits.,  Le  vieux 
prieur  du  temple  de  Tachiaosse,  qui  sert  de  résidence  d'été  à 
l'ambassade  allemande,  trouvait  la  chose  fort  déplaisante.  Il  la 
considérait  comme  contraire  aux  prescriptions  du  boudhisme  et  il 
s'opposait  à  ces  manifestations  de  tout  son  pouvoir.  Quand  on  lui 
reprochait  d'agir  de  la  sorte,  il  avait  coutume  de  répondre  :  «  Celui 
»  qui  pose  cet  acte  en  accomplissement  d'un  vœu  sincère  et  en 
»  ayant  la  conscience  nette  s'en  tire  toujours  avec  une  légère  bles- 
»  sure,  mais  celui  qui  n'y  cherche  que  la  satisfaction  d'une  vaine 
»  gloriole  se  brise  inmanquablement  le  cou.  » 

»  Ce  n'est  pas  sans  raison  que  Pékin  a  été  appelée  la  ville  des 
mauvaises  odeurs,  de  la  poussière  sans  répit  et  de  la  bouc  sans 
fin.  Pendant  l'hiver,  quand  la  température  descend  souvent  à 
16  degrés  centigrades  et  davantage  au-dessous  de  zéro  et  que  les 
pluies  sont  totalement  suspendues,  la  ville  est  enveloppée  d'un 
épais  nuage  de  poussière  qui,  si  elle  agit  comme  un  désinfectant, 
rend  le  séjour  dans  les  rues  extrêmement  désagréable.  Quand 
viennent  alors  les  orages  du  printemps,  qui  amènent  de  grandes 


PÉKIN  483 

masses  de  poussière  des  hauts  plateaux  de  la  Mongolie  et  peut- 
être  aussi  du  désert  de  Gobi,  les  eoacbes  inférieures  de  l'air  sem- 
blent transformées  en  une  masse  transparente  d'an  jaune  brunâtre. 
Ce  nuage  cache  entièrement  le  soleil  ;  les  parties  les  plus  ténues  en 
pénètrent  partout  et  couvrent  en  quelques  minutes  tous  les  objets 
d'une  couche  épaisse  de  sable  fin.  En  plein  été,  quand  le  ciel 
ouvre  ses  cataractes,  cette  poussière  se  change  en  une  boue  noire 
et  épaisse  ;  dans  les  rues  et  les  ruelles  coulent  des  ruisseaux  et  se 
précipitent  des  torrents  ;  les  cours  et  les  jardins  deviennent  des 
mares  et  des  lacs,  et  toutes  les  communications  sont  interrompues. 
La  traversée  d'une  rue  est  une  entreprise  que  ne  risquent  que 
ceux  qui  ont  un  courage  particulier  ;  elle  expose,  du  reste,  les 
souliers  et  les  pantalons  aux  plus  grands  dangers.  On  ne  peut 
alors  passer  la  cour  du  Tsung-li-Yamen  que  sur  des  planches 
posées  sur  des  appuis  et,  même  dans  les  ambassades  étrangères, 
on  a  dû  recourir  à  des  moyens  semblables.  Arrive-t-il  qu'une  voi- 
ture tombe  de  la  partie  supérieure  d'une  rue  dans  la  partie  infé- 
rieure, il  se  fait  souvent  que  ceux  qui  se  trouvent  assis  dans 
l'intérieur  se  noient  avant  qu'on  ait  pu  .leur  porter  secours.  Les 
communications  entre  la  ville  et  les  environs,  comme  entre  les 
diflérents  quartiers  de  la  ville,  sont  fréquemment  interrompues 
pour  plusieurs  jours. 

»  On  pourrait  se  demander  comment  vivent  les  étrangers  à  Pékin. 
Il  y  a  200  ou  300  Européens  dans  cette  ville  qui,  si  elle  ne  compte 
pas  des  millioiis  d'habitants,  en  possède  toujours  5  ou  600,000. 
Du  nombre  qui  vient  d'être  cité,  on  doit  tout  d'abord  retrancher 
les  missionnaires  catholiques  et  protestants  qui  vivent  exclusive- 
ment entre  eux  et  pour  eux-mêmes  et  qui  n'entrent  que  rarement 
en  rapports  avec  les  autres  cercles  de  la  colonie  étrangère  de  Pékin. 
Cette  dernière  se  compose  des  membres  des  ambassades  étran- 
gères et  des  fonctionnaires  de  l'inspectorat  général  des  douanes 
chinoises  pour  les  marchandises  importées,  exportées  ou  trans- 
portées en  cabotage  sur  des  bâtiments  de  construction  étrangère. 

Dans  le  désert  de  poussière  et  le  lac  de  boue  qu'est  Pékin, 
les  hôtels  des  ambassades  étrangères,  la  maison  de  sir  Robert 
Hart  et  les  habitations  des  autres  étrangers  qui,  à  peu  d'exceptions 
près,  se  trouvent  très  près  l'une  de  l'autre  ou  peuvent  être  atteintes 
en  quelques  minutes,  forment  de  véritables  oasis  que  leurs  habi- 


484  ÉTUDES  COLONIALES 

tants  ne  quittent  pas  volontiers.  C'est  ainsi  qu'elles  apparaissent 
aussi  à  l'étranger  qui  arrive  à  Pékin,  harassé,  couvert  de  pous- 
sière et  accablé  de  chaleur  pour  visiter  la  ville.  Entre  ces  différents 
points  régnent  des  rapports  suivis.  En  été  et  hiver,  ils  revêtent  la 
forme  de  dîners  d'apparat  ou  d'intimité,  de  soirées  dansantes,  de 
bals,  voire  même  de  bals  masqués.  Pékin  a  compté  un  hiver  jus- 
qu'à vingt-six  danseuses.  Sur  ce  nombre,  il  y  en  avait  plus  d'une 
qui  aurait  eu  plutôt  à  jouer  le  rôle  de  chaperon  dans  d'autres 
endroits,  mais  celte  circonstance  ne  diminuait  ni  leur  propre 
plaisir  ni  celui  de  leurs  cavaliers.  Pendant  les  mois  d'été,  tous 
ceux  qui  peuvent  s'affranchir  de  Pékin,  se  rendent  dans  les  mon- 
tagnes qui  entourent  la  ville.  Elles  ont  une  hauteur  de  2,000  à 
4,000  pieds.  On  trouve  à  se  loger  dans  les  dépendances  des 
grands  temples.  On  y  mène,  somme  toute,  une  vie  très  saine, 
véritable  existence  de  plein  air  et  de  contemplation,  bien  qu'elle  soit 
souvent  troublée  par  les  moustiques  et  autre  vermine  rampante  ou 
aîlèc.  Vers  le  milieu  ou  la  fin  d'août,  la  saison  des  pluies  touche  à 
sa  fin.  Le  temps  merveilleux  dont  on  jouit  alors  invite  aux  excur- 
sions plus  ou  moins  longues,  et  ce  n'est  souvent  qu'à  la  fin 
d'octobre  que  les  derniers  amateurs  de  villégiature  rentrent  en 
ville. 

»  Le  climat  de  Pékin  est  continental.  La  latitude  est  celle  de 
Lisbonne  et  de  Naples.  Les  hivers  y  sont  très  froids  et  les  étés  très 
chauds.  L'hiver  est,  sans  contredit,  la  plus  belle  saison.  Abstrac- 
tion faite  de  quelques  chutes  de  neige,  il  est  d'une  sécheresse 
presque  absolue.  Le  soleil  brille  sans  interruption  dans  un  ciel  \ 

toujours  bleu.  Ni  la  Riviera  ni  aucune  autre  région  ne  possèdent  des  ) 

hivers  semblables.  C'est  en  général  en  mai  que  la  chaleur  se  produit 
subitement.  Juin  est,  toutefois,  encore  supportable.  Ce  n'est  qu'en 
juillet  qu'il  commence  à  taire  désagréablement  chaud.  Les  maisons 
sont  heureusement  construites  en  prévision  des  canicules.  Elles 
ont  toutes  de  larges  vérandahs,  des  stores  en  nattes  et  des  jalou- 
sies. On  ne  les  ouvre  qu'après  le  coucher  du  soleil  et  jusqu'à  son 
lever,  de  sorte  qu'on  réussit  à  y  maintenir  la  température  à  21  ou 
22  degrés  Réaumur. 

»  Le  séjour  de  Pékin  est  surtout  accablant  quand  la  période  des 
pluies  coïncide  avec  celle  de  la  plus  grande  chaleur.  Mais  ceci 
n'arrive  que  tous  les  cinq  ou  six  ans.  Pendant  ces  journées  de 


PÉKIN  48S 

31  degrés  Réaumur  et  ces  nuits  de  28  degrés,  qui  durent  quelques 
semaines,  on  cuit  littéralement  dans  son  jus.  C'est  très  inconfor- 
table, mais  on  ne  le  considère  pas  comme  malsain.  Quand  ces 
quatre  semaines  caniculaires,  que  les  Chinois  savent  annoncer  avec 
une  certitude  absolue,  sont  passées,  les  nuits  deviennent  fraîches 
et  agréables. 

»  Les  mois  de  septembre  et  d'octobre  ne  laisseraient  rien  à  dési- 
rer s'ils  n'étaient  pas  les  plus  malsains  de  l'année  et  si  la  malaria  ne 
faisait  pas  alors  son  apparition.  Aussi  longtemps  que  la  grande 
plaine  est  recouverte  d'eau,  elle  ne  dégage  aucune  odeur.  Ce  n'est 
que  lorsque  le  soleil  se  met  à  chauffer  le  sol  desséché  que  les 
influences  pernicieuses  s'observent.  Toutefois,  ce  ne  sont  que  les 
imprudents  qui  en  sont  victimes.  Bien  des  localités  en  Europe, 
"d'ailleurs,  ont,  à  juste  titre,  une  plus  mauvaise  réputation  que 
Pékin  sous  ce  rapport. 

»  En  ce  qui  concerne  les  relations  avec  l'Europe,  les  lettres  exi- 
gent généralement  de  quarante  à  cinquante  jours  pour  effectuer  le 
voyage.  En  hiver,  il  en  faut- dix  déplus.  Les  communications  avec 
Shanghaï  sont  alors  interrompues  par  suite  des  glaces  qui 
obstruent  le  Peiho.  Il  faut  donc  expédier  les  lettres  par  voie  de 
terre,  ce  qui  requiert  de  onze  à  dix-huit  jours.  Cette  situation  a 
ses  avantages.  On  n'est  pas  obligé  alors  de  parcourir  de  nombreux 
journaux  quotidiens  et  Ion  est  averti  par  le  télégraphe  de  la  fin 
d'une  crise  avant  même  d'en  avoir  soupçonné  le  commencement.  » 


Le  Kola  au  Kamerun 

(Tr&dnit  d'DD  arliele  de  H.  L.  Beroegan  im  le  «  Tropeaphozer  ».) 
•$- 


Grâce  à  l'obligeance  de  M.  Haay,  suppléant  temporaire  du  consul 
allemand  à  Monrovia,  j'ai  reçu  par  le  vapeur  Alice  Woermann,  un 
panier  de  noix  de  kola  fraîches  —  de  la  variété  dite  des  Haoussas, 
le  Cola  vera  de  K.  Schumann  (1),  —  que  j  avais  demandé  lors  de 
mon  passage  à  Libéria  pour  faire  des  expériences  comparatives 
avec  le  kola  du  Kamerun  —  autre  variété,  —  et  pour  des  essais 
de  plantation. 

Ces  noix  de  kola,  de  couleur  rose  et  blanche,  étaient  disposées 
par  couches  entre  de  grandes  feuilles  cordiformes  en  partie  dessé- 
chées, dans  un  panier  d'écorces,  solidement  emballé  dans  de  la 
grosse  toile.  Les  fruits  s'étaient  conservés  parfaitement  frais.  Dans 
quelques  noix  se  voyaient  les  mêmes  petits  vers  blanc  que  l'on 
trouve  dans  le  kola  du  Kamerun. 

Je  m'assurerai  à  mon  prochain  passage  à  Libéria  si  les  diffé- 
rences de  couleur  que  présentent  les  noix  correspondent  à  des 
variétés  distinctes. 

Après  en  avoir  conféré  avec  M.  Stolzenburg,  directeur  de  la  plan- 
tation Victoria,  chez  qui  j'étais  logé,  je  l'engageai,  eu  égard  à  la  sé- 
cheresse régnante,  à  planter  les  noix  de  kola  provisoirement  dans 
des  pots,  où  les  jeunes  plantes  pourraient  être  convenablement 
arrosées  tous  les  jours.  Au  commencement  de  la  saison  des  pluies 
les  kolatiers  devraient  être  replantés  dans  des  endroits  favorables, 
différents  par  l'altitude  et  la  composition  du  sol.  Des  graines  ont 


(1)  On  trouve  dans  le  Tropenpflanzer  du  mois  d'avril  1900  une  élude  botanique  de 
M.  le  professeur  K.  Schumann»  faisant  ressortir  les  caractères  qui  distinguent  les  deux 
espèces  de  kolatier  :  le  cola  vera  de  la  côte  de  Guinée  et  le  cola  acuminata  du  Kame- 
run. Cette  dernière  espèce  se  retrouve  dans  le  nord  du  bassin  du  Congo. 


LE   KOLA  AU   KAMERUN  487 

été  distribuées  aux  sociétés  de  plantations  West  Afrikanische 
Pflanzung  Victoria  et  Bimbia  (directeur  M.  Friederici),  au  jardin 
botanique  et  à  la  mission  catholique  de  Bonjongo  (Engelsberg). 
Au  16  décembre  j'avais  reçu  de  tous  les  destinataires  Tavis  que  la 
plantation  avait  eu  lieu  aussitôt  après  la  réception  des  fruits. 

A  l'occasion  de  ma  présence  à  Bonjongo,  où  je  reçus  pendant 
deux  jours  chez  les  Pères  de  la  mission,  ainsi  que  chez  les  sœurs 
de  Mapauja,  la  plus  gracieuse  hospitalité,  je  me  suis  fait  promettre 
par  les  Pères  qu'ils  emploieraient  un  grand  nombre  de  kolatiers 
comme  arbres  d  ombrage  sur  leur  plantation. (La  mission  a  planté  des 
cacaoyers  et  des  caoutchouquiers  (Kickxia  elastica)  qui  réussissent 
fort  bien.)  L'altitude,  la  profondeur  du  sol,  les  conditions  météoro- 
logiques de  Bonjongo  paraissent  très  favorables  à  là  culture  du  kola. 
A  Ober-Boando,  dont  l'altitude  est  un  peu  inférieure  à  celle  de 
Bonjongo,  l'arbre  réussit  très  bien,  comme  je  m'en  suis  assuré,  et 
donne  des  fruits  abondants.  J'y  ai  vu  le  kolatier  en  nombreux 
exemplaires,  croissant  à  peu  de  distance  et  formant  une  sorte  de 
bois.  J'y  ai  pris  des  photographies,  ainsi  qu'au  jardin  botanique. 

Les  graines  confiées  au  jardin  botanique,  que  M.  Bikert  avait 
plantées  en  couche,  étaient  entrées  en  germination  le  2  janvier.  Ces 
plantes  seront,  d'après  l'ordre  de  M.  le  gouverneur,  replantées  au 
commencement  de  la  saison  des  pluies  sur  la  nouvelle  route  de 
Boana  à  Buea,  par  les  soins  de  M.  Deixtel,  qui  vient  de  créer  un 
fort  joli  parc  à  Buea,  où  le  terrain  offrait  beaucoup  de  difficultés. 

Je  suis  convaincu,  soit  dit  en  passant,  que  Buea  deviendra  avec 
le  temps  une  station  sanitaire  très  fréquentée,  non-seulement  pour 
le  Kamerun,  mais  aussi  pour  les  colonies  voisines,  principalement 
Lagos,  pourvu  que  la  localité  soit  desservie  par  une  ligne  de  navi- 
gation régulière.  Pour  les  cures  de  lait,  recommandées  aux  con- 
valescents de  la  malaria,  il  existe  une  execellente  laiterie,  ainsi 
qu'un  potager  abondant  en  légumes  et  en  fruits.  On  pourrait  éviter 
à  beaucoup  d'agents  le  retour  prématuré  en  Europe  pour  cause  de 
santé  en  établissant  à  Buea  une  sorte  de  colonie  de  villas;  je  crois 
que  l'endroit  conviendrait,  à  condition  d'établir  une  communication 
commode  avec  la  côte  via  Victoria  —  un  tramway  tiré  par  des 
mules  de  Victoria  à  Wegelager,  et  un  service  d'automobiles  de 
Wegelager  à  Buea  —  de  manière  à  permettre  d'atteindre  sans 
fatigue  le  sanatorium. 


488  ÉTUDES  COLONIALES 

Après  cette  digression,  je  reviens  à  la  plantation  du  kolatier, 
M.  Conrau,  ce  connaisseur  distingué  des  choses  d'Afrique,  avec 
lequel  j*ai  eu  l'avantage  de  passer  quelque  temps,  m'a  fait  remarquer 
que  dans  ses  excursions  à  l'intérieur  du  Kamerun,  il  a  trouvé  le 
kolatier  à  une  hauteur  de  1,200  mètres,  ce  qui  porte  à  croire  que 
cet  arbre  réussira  sur  la  route  de  Boana  à  Buea.  A  Kriegschiffsha- 
fen,  M.  Friederici  me  montra  un  kolatier  importé,  qui  était  planté 
depuis  dix  ans,  fleurissait  régulièrement,  mais  n'avait  jamais  donné 
de  fruits.  J'ai  vu,  en  outre,  dans  la  même  localité  trois  exemplaires 
du  kolatier  du  Kamerun,  qui  n'avaient  jusqu'ici  porté  aucun  fruit, 
à  ce  que  me  dit  M.  .^riederici.  De  même  j'ai  vu  sur  la  plantation 
de  la  société  Victoria  quelques  jeunes  arbres  à  kola,  plantés  depuis 
trois  ans,  d'après  M.  Slolzenburg,  mais  en  mauvais  état.  Dans  ces 
deux  stations,  les  arbres  ont  trop  peu  de  lumière,  mais  il  semble 
qu'ils  souffrent  surtout  de  la  trop  grande  humidité,  à  cause  du  voi- 
sinage de  la  mer. 

L'exemplaire  de  Cola  vera  existant  au  jardin  botanique  aura 
porté  des  fruits  pour  la  première  fois  cette  année.  L'arbre  est 
abrité  et  a  beaucoup  de  lumière.  En  examinant  la  noix  de  kola  de 
Libéria,  qui  est  consommée  en  grandes  quantités  par  les  Haoussas, 
on  constate  qu'elle  est  plus  grasse  que  les  noix  qui  proviennent  du 
Kamerun. 

La  couleur  des  noix  de  kola  dites  «  rouges  »  est  en  réalité  rose, 
rappelant  la  couleur  de  chair;  celle  du  kola  «  blanc  «  est  d'un 
blanc  légèrement  jaunâtre  ;  quelques  noix  blanches  ont  des  taches 
vert  foncé,  de  la  grandeur  d'une  tête  d'épingle.  Tandis  que  les 
noix  du  Kamerun  se  divisent  en  quatre  ou  cinq  segments,  celles 
de  Libéria  n'en  ont  que  deux. 

Les  kolas  de  Libéria,  sans  distinction  de  variétés,  sont  d'un 
goût  fortement  amer  et  non  mucilagineux.  L'arrière- goût  est  forte- 
ment aromatique,  rappelant  le  café.  Des  tranches  fraîchement  cou- 
pées de  kola  rose  ou  blanc,  exposées  au  soleil  et  à  l'air  sur  du 
papier  blanc,  brunissent  rapidement  par  leffet  de  l'oxydation  du 
tannin. 

Si  l'on  fait  bouillir  dans  de  l'eau  le  kola  de  Libéria,  la  décoction 
devient  d  abord  verte  (par  fluorescence),  et  ensuite  rouge-brique 
(par  réaction  sucrée).  Si  l'on  ajoute  à  la  même  décoction  quelques 
gouttes  d'acide  chlorhydrique,  elle  prend  une  magnifique  couleur 


LE  KOLA  AtJ    KAMERL'N  489 

rouge  framboise.  L'extrait  de  kola  par  Téther  acétique  prend  la 
même  couleur  par  l'addition  de  quelques  gouttes  d'acide  chlorhy- 
drique.  Le  kola  du  Kamerun  donne  absolument  les  mêmes  réactions. 

La  matière  colorante  du  kola  est,  à  en  juger  par  ces  réactions, 
absolument  la  même  dans  les  deux  espèces.  Je  n'ai  pu  en  obtenir 
en  opérant  sur  des  noix  séchées  par  des  indigènes.  La  méthode  de 
séchage  indigène  détruit  donc  la  matière  colorante  du  kola. 

Ayant  fait  un  extrait  par  le  chloroforme,  j'ai  obtenu  par  évapo- 
ration  les  aiguilles  caractéristiques  de  la  caféine,  visibles  au 
microscope.  L'identité  de  la  caféine  a  été  confirmée  par  l'analyse 
chimique.  De  nouvelles  expériences  auxquelles  je  procéderai  de 
concert  avec  M.  le  professeur  D"  Thoms  permettront  une  compa- 
raison quantitative  entre  les  kolas  de  Libéria  et  du  Kamerun. 

Tandis  que  le  kola  du  Kamerun,  cuit  dans  l'eau  pendant  une 
demi-heure,  produit  des  filaments  brillants  et  soyeux,  formés 
par  la  matière  gommeuse,  on  ne  remarque  rien  de  pareil  avec  le 
kola  de  Libéria. 

Un  essai  d'extrait  de  kola  de  Libéria  a  présenté  un  arôme  ana- 
logue au  café  et  un  goût  agréable,  bien  qu'amer. 

L'extrait  de  noix  de  kola  fraîche  peut  avoir  de  l'importance  pour 
l'industrie  du  chocolat,  car,  à  mon  avis,  il  améliore  le  goût  du  cho- 
colat et  son  action  rafraîchissante  est  hors  de  doute. 

M.  Conrau  m'a  assuré  que  dans  ses  explorations  il  emportait 
toujours  du  kola  frais  comme  provision  principale,  et  que  ses 
porteurs  ont  vécu  presque  uniquement  de  kola  pendant  plusieurs 
jours.  Les  matières  albumineuses  qu'il  contient  lui  donnent  une 
véritable  valeur  alimentaire,  de  sorte  que  l'on  peut  parfaitement 
admettre  que  des  tribus  nègres  vivent  de  bananes  et  de  kola, 
comme  Robert  Koch  l'a  affirmé  dans  une  conférence. 

Un  essai  de  sirop  concentré  et  clarifié,  obtenu  de  noix  fraîches 
de  Libéria,  a  donné  avec  du  lait  une  boisson  très  rafraîchissante, 
qui  rappelle,  pour  le  goût,  le  lait  de  kola  du  Kamerun.  D'après  les 
recherches  faites  par  le  D'  Schumburg,  et  dont  il  a  donné  les 
résultats  au  Congrès  contre  la  tuberculose,  le  lait  de  kola  mérite 
une  attention  particulière  au  point  de  vue  de  l'alimentation  de 
l'armée  et  de  la  population,  d'autant  plus  qu'on  peur,  le  confec- 
tionner avec  du  petit-lait,  qui  peut  ainsi  être  avantageusement  uti- 
lisé pour  la  consommation  journalière. 


490  ÉTUDES  COLONIALES 

M.  le  professeur  Thoms  a  reçu  pour  l'expérimenter  du  vin  de 
kola  fait  ici  avec  des  noix  fraîches  et  du  vin  rouge  de  Portugal  et 
des  Canaries.  D'après  mon  expérience,  l'eau  minérale  mêlée  avec 
un  peu  de  vin  de  kola  est  une  boisson  rafraîchissante  par  excel- 
lence sous  les  tropiques,  et  d'autant  plus  utile,  que  la  grande 
quantité  d'eau  minérale  dont  on  use  ici  par  les  chaleurs  (42  degrés 
centigrades  aujourd'hui!)  fatigue  à  la  longue  l'estomac.  L'addition 
d'un  peu  de  caféine  et  de  tannin,  sous  forme  de  vin  de  kola,  rend 
l'eau  minérale  plus  digestive,  et  je  préfère  cette  boisson  au  mélange 
de  cognac  et  de  whisky  ou  même  de  vin  blanc. 

J'ai  éprouvé  sur  moi-même  un  effet  bienfaisant  du  kola  au  point 
de  vue  sanitaire  dans  des  accès  de  colique,  accompagnés  de  vio- 
lentes douleurs,  que  je  m'étais  procurés  en  goûtant  des  graines  de 
croton  fraîches  du  jardin  botanique.  Une  décoction  de  kola  frais 
du  Kamerun,  qui  était  très  visqueuse  et  prenait,  par  l'addition  d'un 
peu  d'acide  citrique,  une  magnifique  couleur  rouge  framboise,  fut 
dans  ce  cas  une  excellente  boisson  diététique. 

Une  décoction  de  riz  ou  d'avoine,  préparée  avec  des  noix  de 
kola  fraîches  me  paraît  être  une  boisson  diététique  recommandable 
en  cas  de  dysenterie;  cette  innovation  serait  utile  aux  sociétés 
de  plantations  de  cette  colonie,  dont  les  travailleurs  sont  souvent 
atteints  de  dysenterie  lorsqu'ils  sont  soumis  au  régime  alimentaire 
du  riz. 

L'expérience  enseigne  journellement  ici,  que  les  travailleurs 
venant  de  THinterland,  par  exemple  les  Bali,  les  Bangwe,  les 
Yaunde,  sont  exposés  à  la  dysenterie  à  cause  du  changement  de 
climat  et  de  régime,  et  qu'un  très  grand  nombre  d'entre  eux  ont 
succombé  à  cette  maladie.  Il  y  a  donc  lieu  de  s'occuper  activement 
de  procurer  à  ces  travailleurs  une  meilleure  nourriture.  Je  ne  pou- 
vais croire,  à  l'origine,  que  le  régime  du  riz  fût  la  cause  princi- 
pale de  la  dysenterie,  attendu  qu'il  est  bien  connu  que  le  riz,  bien 
préparé,  est  un  aliment  de  digestion  facile,  et  même  une  nourri- 
ture pour  enfants.  Mais  je  me  convainquis  bientôt  que  les  travail- 
leurs ne  font  pas  assez  cuire  le  riz,  et  que  les  désordres  de  la 
digestion  se  produisent  rapidement  après  la  consommation  de  ce 
riz  mal  préparé. 

Les  administrations  des  plantations  pourraient  améliorer,  sans 
grands  frais,  le  régime  alimentaire  de  leur  personnel  en  établis- 


LE   KOLA  AU    KAMERUN  491 

sant  dans  les  quartiers  de  travailleurs  une  chaudière  pour  la  cuis- 
son du  riz  (par  exemple  du  système  Lenking).  Les  noirs  auraient 
ainsi  leur  principale  nourriture  convenablement  préparée;  il  fau- 
drait y  joindre  un  peu  de  viande  salée  ou  de  poisson.  La  grande 
mortalité  régnant  aujourd'hui  effraie  les  indigènes  de  l'intérieur, 
et  leurs  chefs  n'envoient  plus  de  travailleurs  à  la  côte.  Il  en  résulte 
un  danger  sérieux  pour  la  main  dœuvre,  car  Lagos  et  Libéria 
n'exportent  plus  d'ouvriers  agricoles,  et  les  indigènes  voisins  des 
plantations  ont  peu  d'aptitudes  au  travail  et  préfèrent  le  portage. 
Les  chefs  de  l'intérieur  envoient  souvent  leurs  hommes  les  moins 
robustes,  paresseux  et  maladifs,  qui  sont  rapidement  atteints  de 
la  dysenterie.  C'est  une  raison  de  plus  pour  s'occuper  de  l'amélio- 
ration de  leur  nourriture. 

Une  autre  mesure  à  prendre  serait  l'installation  de  machines  à 
pétrir  le  pain  et  de  fours  pour  la  cuisson.  11  serait  très  avantageux 
de  fournir  aux  noirs  un  pain  de  farine  de  riz,  de  maïs  ou  d'ara- 
chides rpêlée  de  seigle,  bien  préparé  et  bien  cuit.  Les  frais  d'éta- 
blissement d'une  boulangerie,  qui  fabriquerait  aussi  du  pain  de 
qualité  supérieure  pour  les  blancs,  seraient  minimes  en  comparai- 
son des  avantages  qui  en  résulteraient.  La  question  de  l'eau 
potable  mérite  aussi  une  attention  toute  spéciale. 

J'ai  pu  dernièrement  réaliser  le  désir  que  j'avais  depuis  des 
années,  de  faire  cueillir  devant  moi  des  noix  de  kola  pour  m'assu- 
rer,  sur  des  fruits  absolument  frais,  si  la  caféine  s'y  trouve  à  l'état 
libre  ou  combiné.  M.  Stolzenburg,  directeur  de  la  plantation 
«  Victoria  »,  a  eu  l'amabilité  de  me  conduire  au  village  de  pêcheurs 
de  Bota,  où  après  de  longs  palabres  j'ai  pu  obtenir  des  guides  qui 
connaissaient  l'emplacement  des  arbres  à  kola.  J'avais  avec  moi  le 
photographe  de  la  station,  un  mulâtre  du  nom  de  Frédéric  Lutte- 
rodt,  muni  d'un  bon  appareil  qui  m'a  permis  de  prendre  des 
images  de  l'arbre,  de  ses  feuilles  et  de  ses  fruits.  xMes  études  feront 
l'objet  d'une  communication  ultérieure. 


NOTICE 


les  Avantages  de  la  Culture  des  Vanilliers 


LES  «  JATROPHA  CURCAS  » 


L'observation  m'a  démontré  que  le  vanillier,  comme  du  reste 
toutes  les  lianes,  fleurit  abondamment,  lorsqu'il  peut  émettre  des 
rameaux  de  50  centimètres  à  1  mètre  retombants,  suspendus  en 
l'air.  Il  faut  en  outre,  que  ces  rameaux  une  fois  en  fleur,  soient  à  la 
portée  des  fécondateurs  pour  faciliter  l'importante  opération  de  la 
fécondation. 

Il  faut  aussi  que. le  support  des  vanilliers  soit  constitué  par  des 
espèces  dont  l'épiderme  ne  se  renouvelle  pas  chaque  année,  et  que, 
autant  que  possible,  Técorce  soit  bien  vivace,  et  non  pas  sèche. 

Il  est  désirable  que  ce  support  produise  des  branches  courtes, 
trapues,  peu  bifurquées,  et  ayant  peu  de  feuilles,  qu'il  s'accommode 
d'un  demi-ombrage,  car  le  vanillier  à  besoin  d'être  ombragé,  mais 
toutefois  pas  autant  qu'on  le  croit  généralement. 

Toutes  ces  conditions  sont  obtenues  par  l'emploi  du  Jatropha 
Curcas.  C'est  un  arbrisseau  trapu,  à  bmnches  fortes,  peu  ramifiées, 
permettant  facilement  la  suppression  des  rameaux  inutiles,  et 
n'émettant  pas,  comme  d'autres,  des  gourmands  qui  détruisent 
l'équilibre.  C'est  une  espèce  qui  croit  assez  vite,  et  un  an  après  sa 
plantation,  on  peut  commencer  à  faire  celle  des  vanilliers.  On  se 
servira  de  boutures  de  50  centimètres  qu'on  aura  eu  soin  de  couper 
la  veille,  afin  de  laisser  sécher  les  blessures.  La  coupe  aura  été 


LA  CULTURE  DES  VANILLIERS  493 

faite  sur  le  mérithalle,  à  environ  1  centimètre  au  dessous  d  un  œil, 
A  la  plantation  on  fera  un  petit  trou  à  25  centimètres  du  pied  du 
Jatropha,  pour  y  enterrer  ce  chicot  de  mérithalle,  et  on  couchera 
la  bouture  jusqu'au  pied  de  Tarbre,  en  la  faisant  reposer  sur  la 
terre,  et  on  la  recouvrira  de  terreau  et  de  feuilles.  L'extrémité  sera 
attachée  à  l'arbre;  lorsque  le  premier  œil  se  développera,  il  pren- 
dra lui-même  sa  direction  en  se  fixant  sur  le  tronc  principal,  et 
lorsque  le  rameau  arrivera  aux  bifurcations  de  larbre  on  lui  fera 
prendre  autant  que  possible  la  plus  grosse  branche  sur  laquelle  il 
s'attachera  par  ses  racines  adventices,  et  on  le  laissera  courir, 
jusqu'à  ce  qu'il  dépasse  d'environ  75  centimètres  l'extrémité  de  cette 
branche.  A  ce  moment  on  fera  le  pincement,  en  supprimant  l'extré- 
mité. Peu  de  temps  après,  un  nouveau  rameau  se  développera  sur 
la  courbe  formée  par  la  chute  de  cette  première  branche,  on  le 
pincera  aussi  lorsqu'il  aura  atteint  60  ou  75  centimètres  :  et  les 
rameaux  se  multiplieront  ainsi  à  l'infini,  en  répétant  toujours  le 
même  pincement. 

Ces  pincements  répétés,  développeront  probablement  des 
rameaux  au-dessous  de  la  bifurcation  des  branches  du  Jatropha,  et 
ces  nouveaux  rameaux  devront  être  dirigés  vers  une  branche 
encore  libre  du  même  arbre.  On  multipliera  ainsi  ses  bifurcations 
jusqu'à  ce  que  toutes  les  branches  du  Jatropha  aient  leur  rameau 
de  vanillier.  On  pourra  aussi  pour  stimuler  le  développement  de 
ces  rameaux  secondaires  faire  une  incision  transversale  sur  le 
mérithalle  au-dessus  de  l'œil  qu'on  voudra  développer,  et  pour 
cette  incision,  qui  pourra  être  faite  en  croix,  si  la  vigueur  du 
vanillier  est  très  grande.  Pour  cela  on  introduira  perpendiculaire- 
ment au  mérithalle  une  lame  de  canif  traversant  le  milieu  de  la 
branche  de  vanillier,  et  lui  donnant  une  longueur  d'environ  2  cen- 
timètres. Si  l'on  doit  faire  l'entaille  en  croix,  c'est-à-dire  double, 
on  répétera  la  même  incision  dans  l'autre  sens,  afin  que  sur  ces 
2  centimètres  de  long,  le  vanillier  soit  partagé  en  quatre.  Ces 
entailles  se  ressouderont  et  formeront  un  bourrelet,  après  avoir  tou- 
tefois entravé  la  sève  qui  aura  développé  la  branche  qu'on  désire. 
En  même  temps,  cette  entrave  aura  fait  apparaître  à  la  partie  de  la 
branche  qui  lui  est  supérieure,  de  nouvelles  racines,  favorables 
au  plus  grand  développement  de  cette  partie. 

Si  l'on  dispose  d'un  grand  nombre  de  boutures,  on  pourra  en 


494  ÉTUDES  COLONIALES 

mettre  3  ou  4  au  pied  de  chaque  plant  de  Jatropha  Gurcas,  afin  de 
le  garnir  plus  tôt  de  branches  de  vanilliers. 

Chaque  branche  de  vanillier  retombant,  comme  il  est  indiqué, 
se  mettra  sûrement  à  fleurs,  dans  l'année  de  sa  formation,  mais 
comme  tous  les  yeux  d'une  même  branche  ne  se  mettent  pas  tou- 
jours à  fleurs  en  même  temps,  il  arrive  que  chacune  de  ces 
branches  donne  des  fleurs  pendant  deux  à  trois  récoltes.  Lorsque 
tous  les  yeux  d'une  branche  auront  fructifié,  on  fera  la  suppression 
de  la  branche  et  l'on  continuera  ainsi  cette  suppression  pour 
dégager  la  plante  des  rameaux  inutiles.  En  suivant  ce  système,  on 
peut  être  sûr  de  faire  produire  chaque  année  une  grande  quantité 
de  gousses  à  chaque  plante. 

Il  arrive  quelquefois,  qu'après  le  pincement,  surtout  si  le 
rameau  pincé  est  très  fort,  Toeil  de  l'extrémité  se  développe 
en  rameau.  Dans  ce  cas  il  faut  pincer  de  nouveau  ;  mais  pour  éviter 
la  repousse  de  la  branche  pincée,  lorsque  celle-ci  est  forte,  et  pour 
l'obliger  à  développer  un  œil  utile,  cest-à-dire  celui  situé  à  sa 
base,  et  destiné  à  fournir  le  remplaçant  plus  tard,  on  arrivera  à  ce 
résultat  en  meurtrissant  la  branche  sur  un  des  mérithalles  de  sa 
base.  On  pourrait  aussi  faire  l'entaille  en  croix,  indiquée  plus  haut, 
car  il  faut  toujours  éviter  que  la  sève  se  perde  dans  des  prolonge- 
ments de  branches  de  plus  de  1  mètre  et  la  faire  plutôt  servir  à 
multiplier  le  nombre  des  branches  retombantes,  que  nous  avons 
indiquées. 

Le  Jatropha  Curcas,  ne  s'élevant  qu'à  4  ou  5  mètres,  il  arrive 
ainsi  que  tous  les  rameaux  de  vanilliers  sont  à  la  portée  des  fécon- 
dateurs, car  les  plus  hautes  branches,  par  le  poids  de  la  multipli- 
cation des  rameaux  de  vanilliers  s  inclinent,  ce  qui  facilite 
l'opération  de  la  fécondation. 

L'instrument  que  j'ai  employé  pour  cette  fécondation,  consistait 
en  une  aiguille  émoussée,  et  emmanchée  du  côté  du  trou  dans 
un  morceau  de  bois,  gros  comme  un  crayon;  à  l'aide  de  cet 
instrument,  mes  ouvriers  fécondaient  de  800  à  900  fleurs  par 
jour. 

Il  est  facile  de  se  rendre  compte  journellement  de  la  marche  de 
la  fécondation,  car  les  fleurs  de  vanilliers,  n'étant  ouvertes  qu'un 
jour,  le  lendemain  elles  sont  toutes  fermées,  mais  celles  qui  ont  été 
fécondées  sont  inclinées  vers  le  sol,  tandis  que  celles  qui  ne  l'ont 


LA  CULTURE  DES   VANILLIERS  49S 

pas  été,  soit  à  cause  de  leur  trop  grande  abondance,  soit  à  cause  de 
la  négligence  des  ouvriers,  restent  dressées. 

La  plantation  qui  remplirait  les  meilleures  conditions  pour  une 
culture  scientifique  et  raisonnée,  devrait  être  établie  de  la  manière 
suivante.  Les  Jatropha  Curcas  seraient  plantés  à  4  ou  5  mètres  de 
distance  et  en  quinconce.  Tous  les  12  ou  15  mètres,  il  y  aurait 
dans  les  allées,  et  aussi  plantés  en  quinconce,  des  Gastilloa  elastica, 
pour  donner  l'ombrage  nécessaire  aux  vanilliers.  Cette  espèce  se 
prête  admirablement  à  cet  eflet,  car  l'arbre  s'élève  perpendiculai- 
rement, et  ne  donne  des  branches  qu'à  la  partie  supérieure, 
permettant  ainsi  la  circulation  de  l'air  nécessaire  à  la  bonne  culture 
des  vanilliers.  De  plus,  par  son  caoutchouc,  il  est  d'un  grand  ren- 
dement pour  le  planteur.  Il  se  prête  fort  bien  aussi  à  la  régulari- 
sation de  l'ombrage,  car  s'il  devient  trop  touffu,  on  peut  diminuer 
cet  ombrage  en  le  saignant  et  en  faisant  une  plus  forte  extraction 
du  latex. 

Une  plantation  établie  sur  ces  bases,  donnera  certainement  après 
cinq  ou  six  ans,  une  livre  de  bonne  vanille  par  pied. 

Pour  donner  une  idée  de  l'avantage  de  ce  système  qui  est  le 
seul  que  je  préconise,  je  terminerai  en  disant  ce  qui  m'est  arrivé 
aux  serres  de  Laeken.  Il  y  a  deux  ans,  dans  une  visite  aux  serres 
royales,  accompagné  de  M.  Van  Obbergen,  chef  des  cultures  de 
Sa  Majesté,  je  lui  ai  fait  observer  que  son  vanillier  sur  lequel  il 
y  avait  une  douzaine  de  fruits  en  deux  ou  trois  grappes,  devait  en 
produire  beaucoup  plus.  Il  m'a  répondu  que  les  vanilliers  fleuris- 
saient difficilement  en  serre,  et  tout  en  lui  faisant  observer  que 
cela  dépendait  de  la  manière  de  les  traiter,  je  lui  ai  dit  qu'il 
obtiendrait  pour  la  récolte  suivante  50  gousses,  s'il  voulait  suivre 
les  préceptes  que  je  lui  indiquerais,  ce  qu'il  a  accueilli  avec 
empressement.  Après  avoir  fait  incliner  tous  les  rameaux,  dans 
une  position  retombante,  par  leur  extrémité,  je  l'ai  engagé  à 
donner  aux  nouvelles  pousses  la  même  direction,  ce  qu'il  a  fait, 
et  l'année  suivante,  il  a  eu  plus  de  50  gousses,  qui  viennent  de 
mûrir  cette  saison.  Par  ce  système,  on  pourrait  cultiver  sous 
verre  la  vanille  avec  profit,  comme  on  le  fait  de  la  vigne. 

Je  voudrais  enfin  signaler  deux  espèces  de  vanilliers,  qui 
existent  en  Colombie,  en  dehors  du  Vanilla  planifolia  : 

L'un  ressemblant  à  ce  dernier,  lui  est  cependant  supérieur,  car 


496  ÉTUDES   COLONIALES 

la  gousse  est  plus  pleine  et  plus  régulière  sans  jamais  présenter 
la  forme  de  massue,  ce  qui  est  avantageux  pour  le  commerce. 

L'autre  est  une  espèce  nouvelle  à  fruits  anguleux,  plus  secs, 
défectueux  sous  ce  point  de  vue,  pour  le  caprice  du  commerce, 
mais  bien  supérieur,  eu  égard  à  la  consommation,  car  son  parfum 
est  bien  plus  fin  et  plus  prononcé  que  celui  des  espèces  qu'on 
trouve  sur  notre  marché.  Celle-ci  devrait  être  propagée  dans  les 
colonies. 

Puisque  nous  venons  de  traiter  dun  Jatropha,  l'appellerai 
l'attention  sur  le  Jatropha  gossypiifolia  var  :  staphysagrifolia,  qui 
a  des  propriétés  médicales  très  importantes.  Un  article  paru  dans 
le  journal  Le  Nouveau  Monde  à  la  date  du  17  février  1900.  fait 
connaître  que  le  gouvernement  américain  a  envoyé  aux  îles  Sand- 
wich, le  D'  Carmichael.  il  dit  :  On  va  expérimenter  pour  guérir  la 
lèpre  dans  les  îles  Sandwich  un  nouveau  remède  avec  lequel  on  a 
déjà  obtenu,  dit-on,  des  résultats  remarquables.  Ce  remède  est  le 
produit  d'un  arbrisseau  vénézuélien  dont  la  culture  a  été  introduite 
dans  les  îles,  sous  la  direction  du  D"  Carmichael  de  l'hôpital 
maritime  des  États-Unis,  qui  a  été  chargé  par  les  autorités  à 
Washington  d'expérimenter  ce  produit. 

La  lecture  de  cet  article  m'a  rappelé  qu'en  Colombie  des  guéri- 
sons  de  la  lèpre  ont  été  signalées  par  un  prêtre  dans  l'Etat  de 
Santander,  à  l'aide  de  décoctions  de  Jatropha  gossypiifolia  var. 
Staphysagrifolia,  arbrisseau  d'environ  1^50  de  hauteur,  qui  croît 
dans  tous  les  climats  chauds  de  la  côte  de  Colombie.  11  doit  être 
le  même  que.  celui  signalé  comme  provenant  du  Venezuela.  J'ai 
présenté  à  la  Société  d'acclimatation  de  Paris  une  couple  de 
plantes  et  quelques  graines  qu'elle  voudra  distribuer  parmi  ceux 
de  ses  membres  qui  s'y  intéressent.  J'ai  aussi  quelques  livres 
de  la  plante  sèche,  que  je  mettrais  volontiers  k  la  disposition  de 
la  société  pour  des  applications  thérapeutiques.  J'ai  eu  connais- 
sance de  cette  plante,  d'une  manière  très  particulière.  Elle  montre 
que  les  peuplades  indiennes  de  l'Amérique  du  Sud,  encore  demi- 
sauvages,  conservent  le  secret  de  la  propriété  de  certaines  plantes, 
que  nous  ignorons,  et  pour  s'exprimer  à  leur  égard,  ont  des 
idées  très  baroques,  qui  sont  vraies  au  fond,  mais  qui  sont  expri- 
mées d'une  manière  ridicule.  Certaines  propriétés  de  ces  Jatropha, 
m'ont  été  signalées  comme  suit  : 


LA   CULTURE  DES  VANILLIERS  497 

Nous  avons  une  plante,  m'a  dit  l'Indien ,  dont  les  feuilles  arra- 
chées en  tirant  par  le  haut  donnent  une  décoction  qui  sert  de 
vomitif,  mais  si  la  feuille  est  arrachée  en  tirant  de  haut  en  bas,  la 
décoction  devient  vomitive  et  purgative.  Cette  narration  ma  causé 
naturellement  la  plus  grande  incrédulité,  mais  plus  tard,  ayant 
entendu  répéter  le  cas,  par  un  fermier  qui  m'a  assuré  qu'il 
l'employait  régulièrement  dans  les  cas  de  maladies  de  ses  ouvriers, 
cela  m'a  fait  penser  que  dans  lune  des  décoctions  il  pouvait  y 
avoir  quelque  chose  de  plus  que  la  feuille,  c'est-à-dire,  l'inAores- 
cence  ou  le  fruit,  et  ayant  découvert  la  plante,  j'ai  observé  qu'en 
prenant  une  feuille,  et  lorsqu'on  la  tire  par  le  haut,  le  pétiole  se 
rompt  à  peu  près  à  la  base  du  limbe,  tandis  que  si  on  l'arrache  en 
tirant  par  le  bas,  la  feuille  se  détache  ordinairement  avec  la  hampe 
qui  porte  souvent  des  fleurs  et  des  fruits.  Ceci  explique  l'énigme 
et  donne  raison  ù  Tlndien. 

J'ai  voulu  faire  cette  narration  pour  appeler  l'attention  sur  les 
ressources  que  nous  pouvons  encore  tirer  de  ces  pays,  qui  nous 
ont  déjà  donné  tant  de  bonnes  choses.  Par  ma  longue  expérience 
de  plus  d'un  quart  de  siècle,  passé  en  Colombie  et  dans  l'Amérique 
centrale,  je  me  suis  fait  la  conviction  que  la  science,  au  point  de 
vue  de  la  médecine  et  de  l'agriculture  tropicale  doit  encore  espérer 
beaucoup  de  ces  pays,  et  je  voudrais,  avec  l'aide  des  sociétés 
savantes,  contribuer  à  l'introduction  de  remèdes  nouveaux. 


La  question  de  la  culture  du  caféier  préoccupe  beaucoup  les 
coloniaux  et  comme  il  y  a  même  des  gouvernements  qui  à  tort  ou  à 
raison  imposent  comme  condition  aux  concessionnaires  de  planter 
un  certain  nombre  de  caféiers,  je  voudrais  ici  émettre  le  vœu  de 
ne  plus  voir  recommander  la  culture  du  café  dans  les  pays  chauds, 
c est-à-dire  dont  la  moyenne  thermique  est  de  plus  de  25'';  mieux 
valent  les  cacaoyers,  car,  dans  ces  conditions,  le  cacaoyer  produi- 
sant plus  que  le  caféier,  il  n'y  a  pas  lieu  de  recommander  cette 
dernière  essence,  dautant  plus  que  les  cafés  provenant  de  ces 
régions  auront  de  plus  en  plus  à  lutter  contre  ceux,  produits  sur 
les  montagnes,  qui  leur  sont  bien  supérieurs  en  qualité  et  en  pro- 


498  ÉTUDES  COLONIALES 

duction.  Il  faudrait  donner  aux  planteurs  des  règles  courtes  et 
nettes,  comme  je  l'ai  fait  à  propos  du  caoutchouc  dans  la  Belgique 
coloniale.  Pour  le  cacaoyer  et  le  caféier,  on  pourra  leur  dire  :  si 
le  climat  est  chaud,  humide,  le  terrain  profond,  autant  que  possible 
alluvial,  c'est  le  cacaoyer  qu'il  faut  planter.  Si  le  terrain  est 
en  pente,  escarpé  même,  et  avec  une  bonne  proportion  d'humus, 
et  si  la  température  moyenne  est  de  15  à  22**,  c'est  le  caféier  qu'il 
faut  planter. 

Patin. 


LIyenir  de  la  êutta-Pergha 


(1) 


On  s'est  souvent  demandé  ce  que  l'avenir  réserve  à  la  production 
de  la  gutta-percha,  en  présence  de  la  diminution  constante  des 
arbres  qui  la  produisent.  La  cause  de  cette  disparition  ne  doit  pas 
seulement  être  cherchée  dans  la  destruction  des  arbres,  mais  aussi 
dans  le  fait  que  les  Chinois  qui  cultivent  le  poivre  et  le  gambier 
détruisent,  en  défrichant  une  partie  de  forêt,  un  grand  nombre  des 
jeunes  arbres  à  gutta-percha.  Et  le  mal  que  font  ces  Chinois  est 
d'autant  plus  grave  qu'ils  abandonnent  généralement  leurs  empla- 
cements après  une  exploitation  de  trois  ou  cinq  années,  pour  se 
livrer  plus  loin  à  un  nouveau  défrichement.  Les  champs  aban- 
donnés sont  ensuite  envahis  par  les  mauvaises  herbes  et  par  les 
lianes,  au  point  qu'il  est  impossible  aux  arbres  forestiers,  y  com- 
pris donc  la  gutta-percha,  d'y  prendre  encore  racine. 

Les  récolteurs  de  gutta-percha  abattent  les  arbres,  sans  se 
préoccuper  de  leur  développement  ultérieur;  il  est  arrivé  ainsi 
que  dans  certaines  régions  où  les  arbres  à  gutta-percha  étaient 
autrefois  très  abondants,  on  n  en  montre  plus  que  quelques  rares 
exemplaires  à  titre  de  curiosité.  On  a  même  cru  pendant  un  cer- 
tain temps  que  l'espèce  principale,  la  Palaquium  Gutta,  avait 
complètement  disparu  et  qu'on  ne  la  rencontrait  plus  qu'à  Java, 
dans  le  Jardin  botanique  de  Buitenzorg.  Tel  n'est  heureusement 
pas  le  cas.  On  trouve  encore  une  série  d'arbres  de  cette  espèce 
dans  la  petite  île  de  Singapore  ;  d'autre  part,  la  presqu'île  Malaise 
fournit  encore  ce  produit  au  commerce  sous  le  nom  de  «  getah 
tabanmerah  ».  iMais  il  n'en  est  pas  moins  certain  que  le  nombre 
des  arbres  diminue. 

La  situation  est  sans  aucun  doute  la  même  à  Sumatra  et  à 


(1)  H.  Semler,  Die  tropUche  agricuUur, 


398  ÊTIDES   COLONIALES 

isoler  toujours  davantage,  puisqye  ce  n'est  qu'à  la  condition  d'être 
rares  pour  le  gibier  que  celui-ci  peut  les  nourrir. 

C'est  le  motif  qui  pousse  les  familles  Mundurucus  à  se  disperser 
pendant  Tété.  La  tribu  n  en  reste  pas  moins  fortement  unie  par  des 
liens  moraux.  Les  parents,  très  attachés  à  leurs  enfants,  les  élèvent 
et  les  protègent  avec  sollicitude.  Tous  sont  très  sobres,  vivant  pen- 
dant les  jours  pluvieux  d'hiver  de  patates,  d'ignames  et  decasthanas. 

Dès  que  l'été  arrive  ils  s'organisent  pour  la  razzia  et  par  fortes 
troupes  de  100  à  200  hommes  vont  tomber  à  l'improviste  sur  les 
villages  sans  défense  où  ils  brûlent  et  tuent,  pour  voler  les  femmes 
et  les  enfants. 

Us  sont  toutefois  amis  des  blancs,  dont  ils  ont  compris  la  puis- 
sance mieux  que  d'autres  de  leurs  congénères.  Mais  quel  usage 
faire  de  cette  amitié?  Quel  effet  utile  en  tirer?  Leurs  mœurs 
vagabondes  et  guerrières  se  refusent  le  plus  souvent  à  les  laisser 
s'établir  autour  de  quelque  seringa  brésilienne  pour  y  faire  la 
récolte  du  caoutchouc.  Nous  avons  vu  cependant  qu'ils  ne  sont 
pas  totalement  réfractaires  à  pareil  travail.  Certains  gros  négociants 
de  la  rivière  en  ont  attiré  de  petits  groupes  autour  de  leur  établis- 
sement et  se  sont  fait  proclamer  chef  de  l'aldéa  qui  constitue  leur 
seule  ressource  en  main-d'œuvre.  Le  travail  facile  de  récolteur  de 
gomme  et  de  berger  pourrait  être  à  ces  serai-nomades  une  excel- 
lente initiation  à  la  vie  sédentaire  et  aux  travaux  agricoles  propre- 
ment dits.  Mais  la  race  décroît  rapidement  et  l'on  peut  se  demander 
si  sa  vitalité  sera  suffisante  pour  lui  permettre  d'achever  une 
évolution  à  peine  naissante  aujourd'hui. 

L'absence  d'hommes,  voilà  ce  qui  domine  impérieusement  le 
développement  économique  de  l'Amazonie  tout  entière.  Sur  son 
immense  itinéraire,  qui  en  d'autres  régions  du  monde,  la  France 
et  l'Espagne,  par  exemple,  lui  permettraient  de  rencontrer  50  mil- 
lions d'hommes,  M.  Coudreau  trouve  une  population  qu'en  amont 
à  Itaituba,  qu'il  évalue  comme  suit  : 

Civilisés  des  rives  du  Tapajoz 1,080 

Id.      du  alto  Tapajoz 73 

Id.       duS.  Manoel 152 

Id.      de  l'intérieur 1,680 

Au  total  2,985  civilisés  auxquels  il  ajoute  1,460  Mundurucus  et 
100  Apiacas.  Tout  le  Tapajoz  ne  suffirait  pas  à  peupler  un  de  nos 
bourgs  belges. 


/   . 


t". 


502  ETUDES  COLONIALES 

lande  et  la  Chine.  On  doit  cependant  remarquer  que  l'importation 
de  balata  des  Indes  Occidentales  et  de  la  Guinée  est  comprise  dans 
celle  de  la  gutta-percha. 

Il  est  évident  que  la  Hollande  s'est  laissé  enlever  presque  entiè- 
rement son  marché  naturel  de  gutta-percha  par  l'Angleterre.  La 
quantité  de  gutta-percha  amenée  directement  en  1898  n'était  que 
de  6,000  kilogr.;  encore  s'agissait-il  de  qualités  de  Bornéo  impor- 
tées via  Makassar*.  L'année  précédente,  l'exportation  se  montait  à 
i  1,000  kilogr.  Il  y  a,  en  outre,  un  stock  de  9,000  kilogr.  de  ben- 
kules  blancs  depuis  une  couple  d'années. 

Il  résulte  des  tableaux  d'importations  de  Singapore  où,  comme 
il  a  été  dit,  la  très  grande  partie  de  la  gutta-percha  des  Indes  et  de 
l'Asie  est  transportée,  que  la  presqu'île  Malaise  suit  de  loin 
Sumatra  et  Bornéo,  et  que  Java,  la  Cochinchine  et  le  Siam  ne 
produisent  pour  ainsi  dire  pas  de  gutta-percha. 

Il  est  difficile  de  dire  si  c'est  Sumatra  ou  Bornéo  qui  exporte  le 
plus  de  gutta-percha,  car  on  exporte  beaucoup  de  gutta  du  Sud  et 
de  l'Ouest  de  Sumatra  (Palembang,  Benkulen,  Padang)  qui  ne 
passe  pas  par  Singapore.  Il  est  vrai,  d'autre  part,  qu'il  s'en  exporte 
directement  en  Europe  de  l'Est  de  Bornéo,  par  Makassar. 


* 


CHRONIQUE 


GEHZnRLflTZB 


Monument  éleyé  à  la  mémoire  de  Liyingstone  en  Afrique. 
—  Quand  il  fut  question  de  faire  envoyer  à  Londres  le  morceau  de 
l'arbre  portant  l'inscription  commémorative  de  la  mort  de  Livingstone 


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L*ARBRE  AU  PIED  DUQUEL  LE  COEUR  DE  LIVINGSTONE  A  ÉTÉ  ENTERRÉ. 
MPUNDU  (près  du  lac  BANGWEULU). 

(Communiqué  par  T/te  Geographical  Journal,  ) 


804  ÉTUDES  COLONIALES 

dont  nous  avons  parlé  dans  notre  numéro  du  mois  dernier  (1),  la 
Société  de  Géographie  de  Londres  décida  de  faire  élever  à  l'endroit  où, 
se  trouvait  l'arbre  à  l'ombre  duquel  Livingstone  mourut  et  au  pied 
duquel  son  cœur  fut  enterré,  un  monument  destiné  à  marquer  l'em- 
placement où  le  grand  explorateur  rendit  le  dernier  soupir. 

A  peu  près  à  la  même  époque  où  la  Société  de  Géographie  avait  pris 
l'initiative  de  ce  pieux  hommage,  un  mouvement  se  manifestait 
dans  le  même  but  dans  le  Protectorat  de  l'Afrique  centrale  anglaise. 
Sir  Henri  Stanley  fut  prié  de  lui  accorder  son  appui.  Il  s'empressa 
de  le  faire  et  bientôt  une  sonrnie  considérable  fut  réunie  par  le 
comité  qui  s'était  constitué  autour  de  lui.  La  Société  de  Géographie 
entra  en  communication  avec  le  comité  de  Sir  H.  Stanley  et  les  groupes 
se  fusionnèrent.  Le  comité  général  qui  en  résulta  fit  preuve  de  beau- 
coup d'activité  :  le-s  matériaux  nécessaires  à  la  construction  du  monu- 
ment à  élever  près  du  lac  Benguelo  sont  prêts  et  pourront  sous  peu 
de  jours  être  embarqués  en  destination  de  l'embouchure  du  Zambèze. 

Nous  devons  à  la  gracieuseté  de  la  Société  Royale  de  Géographie  de 
Londres,de  pouvoir  mettre  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs,  les  illustra- 
tions représentant  l'arbre  auprès  duquel  Livingstone  est  mort,  l'inscrip- 
tion enlevée  du  tronc  et  le  monument  qui  va  être  bientôt  érigé  à  la 
mémoire  de  l'illustre  explorateur  en  Afrique. 

Ce  monument  se  composera  d'un  élégant  obélisque  de  20  pieds  de 
haut,  surmonté  d'une  croix.  Il  sera  construit  au  moyen  de  grands 
blocs  de  béton  qui,  au  point  de  vue  de  la  solidité,  vaudront  les  pierres 
les  plus  dures.  On  ne  trouve,  du  reste,  pas  de  pierres  dans  la  partie 
de  l'Afrique  où  l'édifice  s'élèvera.  Le  béton  sera  envoyé  dans  des 
cylindres  de  métal  hermétiquement  clos.  Il  y  en  aura  450,  pesant 
chacun  50  livres.  On  expédiera  en  même  temps  trente  moules  en  chêne, 
doublés  de  métal,  de  18  pouces  carrés,  et  d'environ  10  pouces  de  pro- 
fondeur. Plus  de  300  blocs  seront  employés  à  la  construction.  Des 
instructions  détaillées  indiquant  le  mode  d'emploi  du  béton  accompa- 
gneront l'envoi.  Il  n'est  donc  pas  à  craindre  que  l'on  fabrique  des 
blocs  impropres  à  leur  destination.  M.  Codrington,  le  représentant  de 
la  South  Africa  Company  y  dans  le  district  duquel  se  trouve  le  lac  Ben- 
guelo, a  déjà  fait  fabriquer  une  grande  quantité  de  briques  qui  pour- 
ront être  employées  dans  la  construction.  La  South  Aflîca  Company  a 
appuyé  avec  beaucoup  de  dévouement  et  de  générosité  les  difiTérents 
efforts  qui  ont  été  faits  pour  honorer  la  mémoire  de  Livingstone.  Elle  a 


(1)  Voir  Bulletin,  p.  426. 


SECTION  DE  l'arbre  DE  LIVI.NGSTONE  PORTANT  L*INSCR1PT10N  COXSIÉMORATIVE. 

Communiqué  par  The  Oeographfcal  Journal.) 


506  ÉTUDES  COLONIALES 

pris  à  sa  charge  le  transport  du  morceau  de  l'arbre  à  Londres  et  elle 
s'est  engagée  maintenant  à  amener  gratuitement  les  matériaux  destinés 
au  monument,  du  lac  Nyassa  au  lac  Benguelo. 

Deux  plaques  de  bronze,  que  l'on  encastrera  solidement  dans  des 
blocs  de  béton  pendant  qu'on  moulera  ceux-ci,  seront  placées  sur 
deux  faces  opposées  du  monument.  Elles  porteront  l'inscription 
suivante  : 

Ce  monument  a  été  élevé  à  la  mémoire  du  D' Lîvîngstone,  missionnaire  et  explorateur, 
par  ses  amis.  Il  est  mort  ici,  le  4  mai  1875. 

Deux  autres  plaques,  placées  sur  les  autres  côtés  du  monument, 
auront  l'inscription  suivante  : 

Ce  monument  se  dresse  à  Tendroit  où  se  trouvait  autrefois  Tarbre  au  pied  duquel  le 
cœur  de  Livingstone  a  été  enterré  par  ses  fidèles  serviteurs  indigènes.  L'inscription  sui- 
vante avait  été  gravée  dans  le  tronc  de  Tarbre  :  «  David  Livingstone.  Mort  le  A  mai  1873 
CShuma,  Souza,  Mniasere,  Uchopere  ». 


AF^QUE 


Mort  de  Samory.  —  L'almamy  Samory  qui  vient  de  mourir  à 
Njole,  dans  le  Congo  français,  où  il  avait  été  interné  avec  son  fils  et 
une  suite  de  cinq  personnes,  a  été  le  plus  redoutable  adversaire 
de  l'expansion  française  en  Afrique  Occidentale.  Chef  de  la  région  du 
Ouassoulou,  sur  les  rives  du  Haut-Niger,  il  avait  su  profiter  de  la 
période  d'anarchie  qui  précéda  la  conquête  du  Soudan  par  les  Français 
pour  se  tailler  dans  l'Ouest  africain  un  immense  empire,  grâce  aux 
troupes  nombreuses  et  bien  armées  qu'il  avait  constituées. 

Dès  l'arrivée  des  Français,  en  1884,  les  relations  de  la  France  avec 
lui  furent  très  tendues.  Il  tenta  d'arrêter  le  capitaine  Binger  lors  de  la 
grande  exploration  de  ce  voyageur  en  1889.  A  diverses  reprises,  des 
envoyés  des  commandants  supérieurs  conclurent  avec  lui  des  traités 
d'alliance.  Mais  il  se  servit  habilement  de  la  neutralité  des  Français 
pour  accroître  son  territoire  et  augmenter  sa  puissance  :  la  traite  des 
esclaves  lui  fournissait  des  sofas  de  plus  en  plus  nombreux  et  il  se 
ravitaillait  dans  les  colonies  anglaises  de  la  côte  occidentale  d'Afrique 
en  armes  et  en  munitions. 


MONUMENT   A   ÉLEVER  A   LA    MÉMOIRE   DE   LIVINGSTONE 
PRÈS   DU    LAC   UENGWEULU. 

^Communiqué  par  The  Geographical  Journal.) 


508  ÉTUDES  COLONIALES 

Bientôt  il  menaça  les  postes  français  du  Soudan  et,  dès  cette  époque, 
des  colonnes  furent  presque  chaque  année  dirigées  contre  lui  par  les 
généraux  Archinard  et  Combes,  les  colonels  Humbert  et  Monteil. 
Chaque  fois  l'effort  insuffisant  que  la  France  tentait  contre  lui  lui 
permettait  de  s'enfuir  soit  à  l'Est,  soit  au  Nord,  et  de  reconstituer  ses 
approvisionnements  et  ses  bandes  dans  les  territoires  soudanais  qu'il 
ravageait.  Le  rappel  de  la  colonne  Monteil,  envoyée  contre  lui  en  189S 
de  la  Côte  d'Ivoire,  lui  valut  un  prestige  nouveau  dont  il  sut  profiter 
pour  étendre  sa  domination  jusqu'au  nord-ouest  du  Dahomey. 

Ce  n'est  qu'en  1893  que  le  gouvernement  français  se  décida  à  mettre 
fin  à  cette  résistance  sans  cesse  renaissante.  L'occupation  du  Mossi  et 
du  Gourounsi,  en  1896,  permit  à  la  France  de  relier  ses  ports  du 
Soudan  4  ceux  de  la  Côte  d'Ivoire.  Le  chef  de  bataillon  de  Lartigue, 
commandant  de  la  région  Sud  du  Soudan,  fut  chargé  d'assurer  cette 
jonction  en  rejetant  Samory  vers  l'Ouest.  Les  opérations  furent  très 
brillamment  menées  malgré  les  difficultés  qu'offrait  à  la  marche  de  la 
colonne,  la  forêt  équatoriale  oii  Samory  se  réfugiait. 

Battu  à  Nzô  par  le  capitaine  Woelffel,  Samory  essaya  de  s'enfuir  vers 
l'Est.  Mais  une  petite  colonne  légère,  confiée  au  commandand  Gouraud, 
le  poursuivit  sans  répit  et,  le  29  septembre  1898,  cet  officier  surpre- 
nait, à  Guétémou,  Samory,  son  fils  et  ses  principaux  lieutenants  dans 
le  camp  où  l'almamy  se  croyait  à  l'abri  de  toute  atteinte.  Rejoint  à  la 
course  par  le  sergent  Bratières,  Samory  se  rendit,  et  le  conmiandant 
Gouraud  et  ses  officiers  réussirent  à  soumettre  le  camp  tout  entier 
sans  effusion  de  sang. 

Samory  capturé,  son  prestige  uniquement  personnel  détruit,  ce  fut 
la  fin  de  la  résistance.  L'almamy  fut  amené  à  Kayes  et  exilé  de  là  au 
Congo  où  il  vient  de  mourir;  une  cour  martiale  condamna  à  mort  les 
chefs  qui  avaient  participé  à  l'assassinat  du  capitaine  Braulot  et  les 
autres  furent  déportés  soit  à  Tombouctou,  soit  au  Congo. 

La  disparition  de  Samory  est  le  dernier  acte  de  la  pacification  de 
l'Afrique  Occidentale.  L'expansion  française  a  dû  vaincre  deux  chefs 
musulmans  redoutables,  Âhmadou,  sultan  de  Segou,  et  Samory, 
almamy  du  Ouassoulou.  Le  premier,  battu  par  le  général  Archinard, 
a  dû  fuir  vers  le  lac  Tchad  ;  le  second  a  été  battu  par  le  commandant 
de  Lartigue  et  capturé  par  le  commandant  Gouraud. 

Kamerun.  —  Il  résulte  de  déclarations  faites  par  le  consul  Bosen 
à  l'Assemblée  générale  de  la  Deutsche  Kolonid-GeséUschaft^  et  confir- 
mées par  le  gouverneur  du  Kamerun,  M.  von  Puttkamer,  que  le  gou- 
vernement a  décidé  d'établir  une  station  militaire  à  Garua,  dans  le  but 


CHRONIQUE  509 

de  fournil*,  à  l'expédition  scientifique  que  la  Société  coloniale  va 
envoyer  dai»  l'Hinterland  du  Kamerun,  l'appui  nécessaire.  Cette  expé- 
dition disposera,  outre  des  125,000  marks  fournis  par  la  Société  colo- 
niale, des  100,000  marks  que  le  gouvernement  a  retiré  de  l'octroi  de 
la  concession  de  la  Société  Nord-West-Kamerun  et  d'un  crédit  de 
50,000  marks  qui  sera  porté  au  prochain  budget.  L'expédition  qui 
rencontrera  à  Garua  cellç  que  l'administration  de  la  colonie  envoie  de 
son  côté,  se  dirigera  vers  le  lac  Tchad  en  remontant  les  cours  du 
Logone  et  du  Chari.  Elle  reviendra  à  la  côte  en  explorant  de  plus  près 
le  Neba  ou  le  Sannaga.  D'autre  part,  la  force  publique  a  été  renforcée 
et  un  nouveau  poste  sera  créé  près  des  chutes  Cross.  On  n'aura  donc 
plus  à  craindre  des  rebellions  comme  celles  qui  se  sont  produites 
récemment. 

Le  nombre  des  médecins  militaires  sera  porté  à  huit  et  l'on  augmen- 
tera également  le  nombre  des  sous-piRciers  de  santé.  Rien  ne  s'oppose 
à  ce  que  ces  médecins  assistent  les  planteurs  ou  les  employés  des 
factoreries. 

Le  gouvernement  a  aussi  décidé  d'Aablir  un  commencement  d'ad- 
ministration autonome.  La  colonie  aura  d'ici  un  an,  à  élire  une 
représentation  des  colons,  établie  sur  le  modèle  des  législative  councHs 
des  colonies  anglaises. 

Basutoland.  —  Le  Basutoland  fournit  la  main-d'œuvre  sans 
laquelle  l'exploitation  des  ressources  naturelles  de  l'Afrique  du  Sud 
ne  serait  guère  rémunératoire.  Il  donne  les  bras  nécessaires  à  l'agri- 
culture dans  l'Ëtat  Libre,  les  terrassiers  pour  la  construction  des 
chemins  de  fer,  les  travailleurs  pour  les  mines  de  diamant  de  Jagei*s- 
fontein  et  de  Kimberley  comme  pour  les  mines  d'or  du  Transvaal,  et 
la  majeure  partie  des  domestiques  pour  les  territoires  environnants. 
Tous  ces  noirs  gagnent  de  bons  salaires  qu'ils  rapportent  au  pays. 
Pendant  le  dernier  exercice,  le  nombre  des  hommes  qui  ont  reçu  des 
passes  pour  travailler  à  l'étranger  n'a  pas  été  inférieur  à  37,371 .  De 
ce  nombre,  5,771  sont  allés  à  Johannesburg,  1,096  à  Kimberley, 
4,944  à  Jagersfontein,  1,635  aux  charbonnages  de  la  colonie  du  Cap 
et  34,175  sont  allés  louer  leurs  bras  comme  valets  de  ferme  ou  domes- 
tiques de  maison. 

La  population  basutolandaise  augmente  assez  rapidement.  De 
818,324  indigènes  et  578  Européens,  en  1891,  elle  a  passé  à  263,000 
l'année  dernière. 

La  colonie  du  Cap  donne  au  Basutoland  une  subvention  de 
450,000  francs.  Par  contre,  les  recettes  douanières  basutolandaises 


MO  ÉTUDES   COLONIALES 

sont  créditées  au  compte  de  la  dite  colonie.  La  taxe  d'habitation  a 
fourni,  pendant  le  dernier  exercice,  une  somme  de  S91,9S0  francs, 
c'est-à-dire  plus  de  la  moitié  des  recettes. 

Les  productions  naturelles  du  Basutoland  comme  celles  de  tant 
d'autres  colonies  africaines,  sont  entièrement  à  la  merci  d'une  période 
de  sécheresse,  contre  laquelle  l'on  n'a  encore  pris  aucune  des  mesures 
de  précaution  qu'offre  la  disposition  du  sol  et  des  cours  d'eau.  Au 
Basutoland,  comme  presque  partout  ailleurs,  ces  cours  d'eau  consti- 
tuent, à  condition  de  les  aménager  ad  hoc,  des  réser\'oirs  naturels 
d'eau  pluviale  et  fluviale  grandement  suffisants  pour  corriger  les  fan- 
taisies hygrométriques  de  l'atmosphère  et  prévenir  les  désastres  que 
la  sécheresse  comporte. 

Afrique  centrale  anglaise.  Le  café.  —  D'après  le  Natal 
Mercury,  la  première  plante  de  café  de  l'Afrique  centrale  anglaise  fut 
amenée  de  Kew  par  des  missionnaires.  Depuis  lors,  plusieurs  autres 
ont  été  introduites.  On  peut  dine  toutefois  que  la  plus  grande  partie 
des  caféiers  de  cette  région  provient  de  la  plante  de  Kew.  Le  café  se 
cultive  maintenant  sur  une  grande  échelle.  Grâce  à  d'énergiques  mesu- 
res, on  a  pu  protéger  la  colonie  contre  la  maladie  qui  a  troublé  le 
Natal.  On  constate  de  plus  en  plus  que  pour  atteindre  un  succès  com- 
plet, il  faut  fournir  au  café  le  plus  d'ombre  possible.  Le  café  de 
Blantyre  est  réputé  pour  être  le  meilleur  du  monde  et  il  obtient  les 
plus  hauts  prix.  L'exportation  augmente  constamment.  L'année  der- 
nière, elle  était  de  100  tonnes  et  cette  année,  on  compte  que  la  récolte 
en  atteindra  110. 

La  culture  du  café  ne  produira  tout  ce  dont  elle  est  capable  que 
lorsque  la  colonie  sera  dotée  du  chemin  de  fer  qu'elle  réclame  depuis 
longtemps.  L'étude  du  tracé  de  la  ligne  est  achevé.  Elle  devrait  partir 
de  Chiromo  sur  le  Chiré  inférieur  pour  aboutir  à  un  point  du  Chiré 
supérieur,  au-delà  des  chutes  Murchison.  La  nécessité  de  cette  voie 
résulte  du  fait  qu'actuellement  il  y  a  près  de  100,000  charges  de 
56  livres  chacune,  attendant  d'être  transportées.  Cette  ligne  sera  la 
grande  voie  de  pénétration  vers  le  centre  de  l'Afrique.  On  prétend  que 
le  chemin  de  fer  de  l'Uganda  aurait  dû  suivre  cette  roule.  La  réalisa- 
tion en  aurait  alors  été  moins  coûteuse  et  ne  se  serait  pas  heurtée  à  de 
grandes  difficultés  de  construction.  Quand  la  ligne  de  Chiromo  sera 
établie,  il  faudra  en  construire  une  autre  pour  relier  l'extrémité  sep- 
tentrionale du  lac  Nyassa  au  Sud  du  ïanganyka.  La  longueur  en 
sera  de  210  milles.  On  aura  ainsi  un  accès  rapide  au  centre  de 
l'Afrique. 


CHRONIQUE  511 

Uganda.  Le  chemin  de  fer.  —  Le  chemin  de  fer  de  l'Uganda  est 
ouvert  au  commerce  sur  une  longueur  de  362  milles.  La  ligne  est  con- 
struite actuellement  sur  une  étendue  de  583  milles.  Les  travaux  de 
terrassement  sont  achevés  sur  les  80  milles  suivants.  Les  études  prépa- 
ratoires sont  terminées  pour  tout  le  tracé.  On  possède  assez  de  matériel 
en  Afrique  pour  poursuivre  la  construction  de  150  nouveaux  milles. 
Le  matériel  nécessaire  au  pont  est  prêt,  au  moins  jusqu'au  Man  Escarp- 
ment.  Des  plans  détaillés  pour  le  restant  des  travaux  d'art  seront  bien- 
tôt fournis. 

Les  recettes  brutes  de  la  partie  exploitée,  abstraction  faite  du  trans- 
port du  matériel  destiné  à  la  construction  de  la  ligne,  excèdent  déjà 
4  liv.  st.  par  mille  et  par  semaine  et  augmentent  à  mesure  que  s'accroît 
la  longueur  de  la  ligne  ouverte  au  trafic.  Sur  cette  base,  les  recettes 
seraient  du  double  des  estimations  faites  dans  le  rapport  de  1893  où 
on  évaluait  le  revenu  total  de  la  ligne  entière  à  61,000  liv.  st.  par  an, 
c'est-à-dire  à  1  liv.  st.  15  sh.  par  mille  et  par  semaine.  On  peut 
compter  sur  un  mouvement  beaucoup  plus  considérable  que  mainte- 
nant aussitôt  que  la  ligne  atteindra  le  lac  et  que  des  steamers  prolon- 
geront le  trafic  à  travers  celui-ci. 

La  baie  de  Delagoa.  —  La  prospérité  d  -^  la  baie  de  Delagoa  date 
de  l'établissement  du  chemin  de  fer  qui  la  relie  à  Johannesburg.  Le 
mouvement  d'importation  et  d'exportation  se  développa  aussitôt.  Il  ne 
prit  cependant  pas  immédiatement  toute  l'extension  dont  il  était 
susceptible.  L'incurie  et  la  corruption  de  l'administration  portugaise 
furent  causes  que  les  commerçants  du  Transvaal  se  servirent  bientôt 
de  nouveau  des  lignes  du  Cap,  de  Port  Elisabeth  et  d'East  London. 
Ces  derniers  itinéraires  étaient  plus  longs  et  plus  coûteux  mais  ces 
désavantages  étaient  amplement  compensés  par  la  sécurité  des 
transports. 

Le  Portugal  comprit  heureusement  les  grands  profits  qu'il  pour- 
rait retirer  de  cette  baie  si  elle  était  pourvue  d'une  administration 
soigneuse  et  régulière.  Mais  la  colonie  de  Mozambique,  pas  plus  que 
la  mère  patrie,  n'était  en  mesure  de  supporter  les  frais  de  grands 
travaux.  On  accorda  donc  des  concessions  à  des  sociétés  ou  à  des 
particuliers.  Grâce  à  ce  moyen,  la  ville  se  transforma  et  devint  de 
plus  en  plus  prospère. 

Les  services  publics,  tels  que  la  poste,  la  police,  les  douanes  sont 
naturellement  aux  mains  des  Portugais  ;  mais  l'éclairage  électrique, 
les  égouts  et  autres  exploitations  d'intérêt  général,  appartiennent  à 
des  particuliers  :  Allemands,  Français  ou  Anglais. 


512  ÉTUDES  COLONIALES 

Le  quartier  supérieur  de  la  ville  se  développe  rapidement  et  se 
couvre  d'agréables  villas.  Elles  n'ont,  en  général,  que  peu  de  jardins  : 
le  prix  du  terrain  est  trop  élevé.  Il  varie  de  200  à  300  francs  le  mètre 
carré. 

La  baie  de  Delagoa  est  un  lieu  de  spéculation,  et  comme  dans  tous 
les  endroits  de  ce  genre,  la  vie  est  chère.  Une  bouteille  de  bière  se 
paye  2  shillings,  un  kilogramme  de  glace,  1  shilling.  Une  simple 
maison  de  cinq  à  six  chambres  se  loue  de  373  à  628  francs.  Les 
salaires  des  domestiques  sont  aussi  très  élevés.  Un  nègre  qui  s'occupe 
simplement  du  cheval  de  son  maître  reçoit  de  100  à  150  francs  par 
mois. 

Le  commerce  de  la  colonie  du  Gap  en  1899.  Les  effets 
d'une  guerre.  —  Les  affaires  se  sont  progressivement  ralenties  de 
mois  en  mois  pendant  cette  année,  dès  le  premier  trimestre,  et  cela  n'a 
fait  que  s'accentuer  lors  de  la  déclaration  de  guerre,  le  9  octobre. 
C'est  ainsi  que  pour  les  importations  générales,  la  différence  entre  les 
quatrièmes  trimestres  de  1898  et  1899  constitue  une  diminution  de 
23,500,000  francs  ;  pour  les  derniers  semestres  des  mêmes  années,  le 
déficit  n'est  plus  que  de 21  millions  et  pour  l'année  entière  il  est  réduit 
à  18  millions  de  francs;  ce  qui  indique  que  l'année  1899  eut  été  une 
année  prospère.  Ce  fait  est  encore  mis  en  évidence  par  les  exportations 
des  produits  coloniaux  qui  sont  en  augmentation  de  18,400,000  fr. 
pour  1899,  mais  que  contrebalancent  les  diamants  qui  ont  diminué 
de  29,196,000  francs  :  par  suite  de  l'investissement  de  Kimberley,  il 
n'existait  plus  d'exportation  de  diamant  pendant  le  dernier  trimestre. 
La  plus-value  des  produits  coloniaux  ne  tient  d'ailleurs  pas  à  une 
production  plus  grande,  mais  à  la  hausse  des  prix.  Les  quantités  en 
laines  et  en  peaux  ont,  au  contraire,  diminué.  Sans  ces  événements, 
Tannée  qui  vient  de  s'écouler  eut  donc  été  particulièrement  heureuse 
pour  le  Cap.  Du  transit,  il  n'en  est  plus  question  depuis  la  déclaration 
de  guerre.  Les  communications  sont,  en  fait  et  en  droit,  interrompues. 
La  navigation  souffre  énormément  de  Tétat  de  choses  actuel,  les 
bateaux  marchands  ne  peuvent  plus  venir  aux  quais  qu'occupeïit  les 
transports  militaires  et  qu'encombrent  les  vivres  et  munitions  de 
toute  nature  destinés  à  l'armée  anglaise.  Ils  doivent  faire  leurs  opéra- 
tions sur  rade  ce  qui  est  beaucoup  plus  long  et  plus  cher.  Le  charbon 
est  rare.  Celui  du  Natal  n'existe  plus,  les  charbonnages  de  Dundee 
étant  aux  mains  des  Boers  ;  celui  du  Transvaal  ne  vient  plus  :  il  n*y  a 
que  du  charbon  importé  directement  d'Angleterre  et  dont  le  prix  a 
presque  doublé  :  de  42  shillings  à  42  sh.  6  p.,  il  est  monté  à  70  et 


CHRONIQUE  513 

75  shilling'  la  tonne.  De  là  augmentation  des  frets  qu'accentue  Tacca- 
parement  de  tous  les  bateaux  marchands  anglais  pour  le  transport  de 
Tarmée  et  de  son  intendance.  Il  y  a  heureusement  une  contre-partie  : 
la  population  civile  des  grandes  villes,  notamment  de  Cape  Town  s'est 
considérablement  accrue  de  réfugiés  qui  ont  fui  Johannesburg  :  tous 
les  hôtels,  les  boarding  houses  regorgent  de  monde.  Naturellement,  le 
commerce  bénéficie  largement  de  cet  accroissement  momentané  de  la 
population.  Enfin,  les  autorités  militaires  apportent  beaucoup  d'argent 
dans  le  pays,  et  réfugiés  et  militaires  contribuent  dans  une  large  me- 
sure à  atténuer  les  pertes  qu'entraînera  forcément  l'état  de  guerre. 
Les  importations  de  l'année  1899  ont  été  inférieures  à  celles  de  1898 
de  20,865,207  francs.  Les  exportations  sont  moindres  de  8,150,933  et 
le  transit  a  fléchi  de  18,788,895  francs.  Les  droits  de  douane  ont 
rapporté  5,146,581  francs  en  moins.  Par  contre,  le  numéraire  afilue, 
il  en  a  été  importé  75,231,233  francs  en  plus  et  exporté  12  millions 
221,202  francs  en  moins  qu'en  1898.  Cette  augmentation  dans  le 
numéraire  est  attribuée  à  la  présence  des  troupes  anglaises  et  aux 
dépenses  qu'elle  entraine. 

(Rapport  du  consul  général  de  France  à  Capetown.) 

Algérie.  L'occupation  du  Gourara.  —  Les  oasis  du  Gourara 
sont  entièrement  en  possession  des  Français,  sans  aucune  effiision  de 
sang. 

La  colonne  Ménestrel  a  reçu  la  soumission  de  nombreux  ksour, 
dont  les  principaux  sont  Tabclkoza,  Fatis,  Elhadj,  Gullman  et  Timmi- 
moun.  Ce  dernier  ksour  est  le  plus  important  de  la  région  du  Gourara. 
Le  Gourara  s'étend  à  l'Est  et  au  Sud  d'une  vaste  dépression  saline,  qui 
recueille  les  eaux  s'épandant  du  versant  Sud  du  grand  Atlas  oranais. 
Ce  pays  est  constitué  par  douze  groupements  d'oasis.  On  compte  dans 
ces  douze  districts  2,500,000  palmiers.  La  population  totale  est  éva- 
luée à  80,000  âmes,  se  décomposant  comme  suit  :  16,000  Arabes, 
23,000  Berbères  Zenata,  3,000  Chorfa,  18,000  Hlarratin  ou  métis  de 
nègres,  13,000  nègi*es.  Cela  représente  1,800  cavaliers  et  17,000  fusils. 

La  plus  importante  des  oasis  du  Gourara  est  Timmimoun  qui,  à  elle 
seule,  comprend  22,000  habitants  et  700,000  palmiers. 

L'occupation  française  de  ces  territoires,  revendiqués  par  le  sultan 
du  Maroc,  ne  se  fait  pas  sans  protestations  énergiques  de  ce  dernier. 
Le  9  juin,  lit-on  dans  le  Times,  le  gouvernement  marocain  a  adressé 
de  Marakech,  au  gouvernement  français,  une  demande  formelle  de 
soumettre  à  l'arbitrage  européen  toutes  les  questions  soulevées  par 


ol4  ÉTUDES  COLONIALES 

l'occupation  française  des  oasis  du  Touat,  de  Tidikelti,  du  Gourara 
et  du  district  d'Ihli.  Le  Maroc  prétend  que  l'occupation  de  ces  terri- 
toires par  la  France  constitue  une  violation  du  territoire  du  Maroc  et 
du  traité  de  18 iS.  Le  gouvernement  marocain  dit,  en  outre,  qu'il  a  en 
sa  possession,  à  Marakech,  une  vaste  correspondance  avec  les  deys 
d'Alger  qui  prouve,  de  façx)n  concluante,  que  le  Touat  fait  partie  inté- 
grante du  territoire  marocain.  On  peut  sérieusement  douter  que  la 
France  consente  à  négocier  sur  ces  questions  dans  un  moment  où 
l'action  lui  est  si  favorable.  En  effet,  l'occupation  de  ces  régions  pou- 
vant être  considérée  comme  accomplie,  le  gouverneur  général  de 
l'Algérie  y  a  créé  deux  annexes  du  service  des  affaires  indigènes,  l'une 
à  In  Salah  pour  le  Tidikelt,  l'autre  à  Timmimoun  pour  le  Gourara. 
Une  annexe  a  également  été  créée  à  Igli  pour  la  région  de  laZousfana 
et  de  l'Oued  Saoura. 

L'Afrique  Orientale  allemande.  —  Le  gouvernement  allemand 
vient  de  publier  son  rapport  annuel  sur  les  territoires  soumis  à  son 
protectorat  dans  l'Afrique  Orientale.  Le  commerce  y  arrive  péni- 
blement à  un  chiffre  d'affaires  de  16,000,000  de  marks.  Le  gou- 
verneur de  cette  colonie  attribue  la  diminution  des  affaires  constatée 
à  diverses  causes,  dont  la  suppression  de  la  traite  des  nègres  qui  était 
la  source  d'un  commerce  très  intense  à  Zanzibar,  le  principal  marché 
d'esclaves.  D'autre  part,  la  concurrence  ne  tarda  pas  à  s'établir  entre 
les  commerçants  allemands,  anglais  et  belges,  concurrence  d'autant 
plus  difficile  à  soutenir  pour  les  possessions  germaniques  qu'elles  ne 
possédaient  que  très  peu  de  moyens  de  communication  et  que  souvent 
l'exportation  des  produits  de  ses  cultures  et  des  régions  sises  dans 
l'Afrique  Centrale  devait  être  confiée  aux  voies  du  Zambèse,  du  Shiré 
et  du  Congo,  qui  offrent  aujourd'hui  des  communications  régulières 
et  rapides.  La  production  qui  a  le  plus  diminué  depuis  dix  ans  est 
celle  de  l'ivoire  qui,  actuellement,  est  à  peine  le  tiers  de  ce  qu'elle 
était  en  1889,  diminution  due  à  la  quantité  minime  reçue  du  dehors 
et  aux  faibles  productions  dont  doit  se  contenter  la  colonie  allemande. 
Le  commerce,  tant  d'exportation  que  d'importation,  a  surtout  décliné 
pendant  la  période  de  1890  à  1895.  Le  produit  le  plus  rémunérateur 
de  la  colonie  allemande  est  le  caoutchouc,  qui  abonde  dans  les  districts 
de  Upogoro,  Mahenge,  Songea  et  Doude  et  forme  le  principal  objet 
des  transactions  entre  Anglais,  Allemands  et  Belges.  Beaucoup  de 
plantes  de  caoutchouc  ont  été  détruites  dans  ces  immenses  forêts  et 
particulièrement  sur  les  versants  cotiers  où  l'exploitation  est  plus 
facile,  par  les  mauvais  procédés  employés  pour  la  récolte  du  latex, 


CIIROMQCE  515 

aussi  le  gouvernement  allemand  a-t-il  prix  des  mesures  très  sévères 
pour  enrayer  le  mal  et  prévenir  la  destruction  des  plants  existants. 
Le  café  est  spécialement  cultivé  dans  TUsambara,  où  il  donne  un  grain 
très  apprécié.  La  population  des  territoires  allemands  soumis  au  pro7 
tectorat  est  difficile  à  évaluer;  toutefois,  le  chiffre  de  6  millions  est 
aujourd'hui  seul  admis.  L'industrie  est  nulle  dans  ces  pays  et  la 
population  ne  trouve  que  de  faibles  ressources  dans  l'agriculture,  sa 
principale  occupation. 

Le  chemin  de  fer  du  Damaraland.  —  La  convention  conclue,  le 
î28  octobre  1899,  entre  le  gouvernement  allemand  et  la  British  South 
Âfrica  Company,  à  la  suite  des  négociations  auxquelles  M.  Cecil 
Rhodes  venait  de  se  livrer  personnellement  à  Berlin,  n'est  pas 
publique.  Toutefois,  quelques-unes  de  ses  clauses  sont  connues.  L'une 
d'elles  porte  que  le  chemin  de  fer  entre  Great  Fish  Bay,  dans  la  colonie 
portugaise  d'Angola,  et  Otavi,  dans  le  Damaraland  allemand,  ne  sera 
que  la  première  section  d'une  grande  ligne  destinée  à  traverser  tout  le 
Sud-Ouest  africain  allemand  et  à  rejoindre  le  Transvaal.  D'après  le 
correspondant  du  Times  à  Berlin,  il  est  stipulé  que  cette  ligne  passera 
à  travers  toute  la  colonie  allemande. 

La  ligne  de  Great  Fish  Bay  (un  peu  au  Sud  de  Mossamédès)  à  Otavi 
(sur  le  20®  degré  de  latitude  Sud)  n'est  donc  que  le  commencement 
d'une  future  grande  ligne  allant  de  l'Atlantique  à  Johannesburg  ou 
Pretoria.  La  convention  du  28  octobre  1899  déclare  que,  lorsqu'elle 
sera  complétée,  les  droits  de  douane  imposés  par  le  Portugal,  l'Alle- 
magne et  l'Angleterre,  dont  elle  traverse  successivement  les  territoires, 
ne  pourront  dépasser  3  p.  c.  au  total,  savoir  au  plus  1  p.  c.  dans 
chacune  des  colonies  ;  M.  Cecil  Rhodes  a  donc  obtenu  non  seulement 
l'assentiment  du  gouvernement  allemand,  mais  aussi  celui  du  gouver- 
nement portugais. 

La  compagnie  formée  pour  la  construction  du  chemin  de  fer  de 
Great  Fish  Bay  à  Otavi,  qui  est  le  centre  des  gisements  de  cuivre 
allemands,  est  exclusivement  anglo-allemande.  L'un  des  directeurs 
n'est  autre  que  le  consul  général  d'Angleterre  à  Berlin,  M.  Schwabach, 
qui  représente  au  conseil  d'administration  la  maison  Bleichrôeder. 
Un  certain  nombre  d'actions  et  de  parts  de  fondateur  ont  été  réparties 
d'office.  Il  n'y  a  pas  d'émission  publique.  Sur  les  fonds  déjà  réunis, 
une  première  somme  a  été  prélevée  pour  envoyer  une  expédition  de 
prospecteurs  à  Otavi.  Cette  expédition  est  partie  par  un  navire  de  la 
Castle  Line,  qui  interrompra  sa  route  ordinaire  pour  la  débarquer  à 
Swakopmund,  dans  le  Sud-Ouest  africain  allemand. 


S16  ÉTUDES  COLONIALES 

Nous  assistons  donc,  en  somme,  à  une  grande  entreprise  du  gou- 
vernement allemand  pour  mettre  en  valeur  sa  colonie,  en  les  reliant 
aux  chemins  de  fer  anglais  du  Sud  de  l'Afrique. 

La  protection  des  animaux  en  Afrique.  —  Récemment  a  été 
conclue  à  Londres  une  convention  internationale  en  vue  d*enrayer  en 
Afrique  l'extermination  d'un  certain  nombre  d'espèces  animales  dont 
la  conservation  est  reconnue  nécessaire. 

La  zone  à  laquelle  s'appliquent  les  prescriptions  de  cette  convention 
est  limitée  au  Nord  par  le  SO®  parallèle  et  au  Sud  par  le  cours  du 
Zambèze  et  la  frontière  septentrionale  de  la  colonie  allemande  du  Sud- 
Ouest  Africain. 

Voici  comment  la  convention  classe  les  différentes  espèces  animales 
dont  elle  avait  à  s'occuper  : 

Animaux  dont  on  veut  assurer  la  conservation  : 

A  cause  de  leur  utilité  :  les  vautours,  les  hiboux,  l'oiseau  séculaire, 
les  pique-bœufs. 

A  cause  de  leur  rareté  et  du  danger  de  leur  disparition  :  la  girafe, 
le  gorille,  le  chimpanzé,  le  zèbre  des  montagnes,  les  ânes  sauvages, 
le  gnou  à  queue  blanche,  les  élans,  le  petit  hippopotame  de 
Libéria. 

Animaux  dont  on  veut  interdire  la  destruction  à  l'état  non  adulte, 
et  dont  il  est  défendu  de  tuer  les  femelles  quand  elles  sont  accompa- 
gnées de  leurs  petits  :  l'éléphant,  les  rhinocéros,  l'hippopotame,  les 
zèbres,  les  buflSes,  les  antilopes  et  gazelles,  les  ibis,  les  chevrotains. 

Animaux  qui  ne  doivent  être  tués  qu'en  nombre  restreint  :  les 
mêmes  qu'à  l'article  précédent,  puis,  en  outre,  les  sangliers,  les  singes 
à  fourrure,  les  fourmilliers,  les  dugongs,  les  lamantins,  les  petits 
félins,  le  serval,  le  guépard,  les  chacals,  le  faux  loup,  les  petits  singes, 
les  autruches,  les  marabouts,  les  aigrettes,  les  outardes,  les  francolins, 
les  pintades,  les  grands  chéloniens. 

Animaux  nuisibles  dont  on  désire  réduire  suffisamment  le  nonfibre  : 
le  lion,  le  léopard,  les  hyènes,  le  chien  chasseur,  la  loutre,  les  cyno- 
céphales, les  grands  oiseaux  de  proie  (sauf  les  vautours,  les  hiboux 
et  l'oiseau  séculaire),  les  crocodiles,  les  serpents  venimeux  et  les 
pythons. 

Conune  mesures  d'application,  la  conférence  a  proposé,  entre 
autres,  l'établissement  de  saisons  de  chasse,  la  délivrance  de  permis, 
l'organisation  de  réserves  pour  ces  animaux,  la  prohibition  de  l'usage 
de  la  dynamite  pour  la  pêche  et  la  confiscation  des  dents  d'éléphant 
d'un  poids  inférieur  à  «^  kilogranunes. 


GUROMQUE  517 

Le  Haut-Nil  n^avigable.  —  On  sait  que  le  Haut-Nil  élait  encombré 
par  des  bancs  d'algues  qu'on  appelle  sedd  qui  entravaient  complè- 
tement la  navigation.  Les  journaux  anglais  avaient  suggéré  à  maintes 
reprises  l'idée  de  faire  sauter  ces  barrages;  mais  l'entreprise  avait  été 
regardée  comme  irréalisable,  jusqu'à  ce  qu'un  oflScier  belge,  le  com- 
mandant Henry,  après  plusieurs  tentatives  infructueuses  et  des  efforts 
sans  cesse  renouvelés,  est  enfin  arrivé  à  débarrasser  le  Nil  des  bancs 
qui  Tobstruaient, 

Au  commencement  de  mai,  le  major  Peack  de  la  Royal  artillery 
descendait  le  Nil  jusqu'à  Kéro  à  bord  d'une  canonnière.  Le  capitaine 
Peack  a  bien  voulu  se  charger  des  lettres  que  les  officiers  belges  lui 
ont  confiées.  Parties  de  Kéro,  le  6  mai,  ces  lettres  sont  arrivées 
le  7  juin  en  Europe,  donc  en  un  mois  et  trois  jours,  alors  qu'aupara- 
vant une  lettre  venant  du  Nil  par  le  Congo,  mettait  quatre  à  cinq  mois 
La  première  tentative  que  fit  le  commandant  pour  faire  la  trouée  du 
Nil  jusqu'à  Kartoum  date  de  juillet  1899,  c'est  la  troisième  qui  vient 
de  réussir.  Le  commandant  Henry  était  parti  de  Kéro  depuis  le 
IS  septembre  1899  pour  essayer  de  franchir  les  barrages. 

H  a  eu  la  bonne  fortune  d'y  rencontrer  un  officier  anglais,  le  major 
Peack,  qui  avec  o  steamers  et  700  pionniers  derviches  attaquait  l'obstacle 
depuis  le  mois  de  décembre.  Ce  travail  terminé,  le  major  Peack  pour 
consen^er  son  œuvre  ou  plutôt  lui  donner  une  sanction  pratique,  est 
venu  jusqu'à  Kéro  avec  une  canonnière  le  Tamaï.  Voilà  donc  le  Nil 
ouvert  à  la  navigation.  C'est  une  véritable  conquête  géographique.  Ajou- 
tons que  le  commandant  Henry  est  rentré  en  Europe  par  la  voie  du  Nil. 

Madagascar.  L'or.  —  On  vient  de  découvrir  à  Madagascar,  une 
vallée  contenant  des  alluvions  aurifères  d'une  richesse  supérieure  à 
tout  ce  qu'on  avait  trouvé  jusqu'ici.  D'après  les  constatations  les  plus 
sérieuses,  on  trouve  là  environ  10  à  12  grammes  au  mètre  cube.  C'est 
la  vallée  de  l'Ampoasary.  L'Ampoasary  est  un  affluent  de  gauche  du 
Mananjar\'.  Cette  rivière  peut  avoir  une  longueur  de  80  kilomètres. 
Ses  sources  ne  sont  pas  très  riches  ;  ce  n'est  guère  que  vers  la  fin  de 
son  parcours  que  l'on  commence  à  trouver  de  l'or  en  quantité  sérieuse. 
La  moitié  supérieure  de  la  rivière  va  être  ouverte  à  l'exploitation  pu- 
blique à  compter  du  l^*"  mai  prochain.  Mais  déjà  de  très  importantes 
quantités  d'or  ont  été  recueillies  soit  dans  les  prospections,  soit  dans 
les  exploitations  clandestines. 

Cette  découverte  va  rappeler  l'attention  sur  la  question  de  l'or  à 
Madagascar.  On  s'est  peut  être  un  peu  précipité  en  déclarant  que  le 
pays  n'ofire  à  cet  égard  que  des  ressources  médiocres  et  sans  avenir. 


518  ÉTUDES  COLONIALES 

La  vérité  est  que  Ton  n'a  pas  encore  fait,  sauf  sur  un  nombre  de 
points  très  restreint,  une  étude  vraiment  sérieuse.  Les  formations 
aurifères  varient,  comme  on  sait,  avec  chaque  pays,  et  Ton  peut  dire 
que  les  plus  expérimentés  en  cette  matière,  ont  toujours  une  expé- 
rience à  faire.  L'étude  spéciale  d'un  pays  aurifère  nécessite  donc  tou- 
jours un  temps  assez  long,  surtout  lorsque,  comme  à  Madagascar,  les 
les  communications  sont  lentes  et  onéreuses. 

La  démonstration  que  l'on  attend  aurait  probablement  déjà  été  faite 
si  la  législation  minière,  en  vigueur  à  Madagascar,  n'entravait  pas  la 
mise  en  exploitation.  Le  général  Gallieni,  qui  s'était  ému  des  plaintes 
suscitées  par  cette  législation,  avait  fait  étudier  une  reforme  du 
décret  du  17  juillet  1896.  Le  nouveau  projet  fut  examiné  par  tous 
ceux  qui  s'occupent  de  recherches  ou  d'exploitations  aurifères  dans 
la  colonie  et  approuvé  par  tout  le  monde. 

A  Paris,  malheureusement,  ce  projet  fut  rejeté.  Sans  entrer  dans  la 
description  détaillée  du  décret  du  17  juillet  1896,  on  peut  citer  un 
exemple  qui  permettra  d'apprécier  une  de  ses  dispositions  princi- 
pales. Un  mineur,  après  des  recherches  laborieuses,  trouve  un 
gisement  aurifère  assez  important.  11  contient  environ  700  à  800  hec- 
tares d'alluvion  de  richesse  moyenne  et  —  c'est  du  moins  son  affirma- 
tion —  un  filon  qui  serait  très  riche.  Il  est  assez  naturel  qu'il  ait  le 
désir  de  tirer  parti  d'une  découverte  dont  il  s'est  assuré  la  possession 
en  remplissant  les  formalités  exigées;  mais  malheureusement  il  n'est 
pas  riche  et  n'a  que  peu  d'argent.  Sa  qualité  d'inventeur  lui  donne 
droit  à  quatre-vingts  lots  sur  l'espace  que  protège  le  signal  qu'il  a 
placé  sur  le  terrain.  Or,  s'il  demande  un  permis  d'exploitation,  il  lui 
faudra  prendre  les  quatre-vingts  lots  pour  sauvegarder  ses  droits.  S'il 
n'en  prenait  que  deux,  par  exemple,  le  jour  où  la  région  serait  ouverte 
à  l'exploitation  publique,  la  loi  ne  lui  garantirait  que  ces  deux  lots  et 
tout  le  monde  pourrait  venir  prendre  possession  des  autres.  Mais, 
pour  prendre  quatre-vingts  lots  il  faut  pouvoir  payer  d'avance  la  taxe 
mensuelle  due  pour  chaque  lot,  soit  au  moins  35  francs  par  lot  et  par 
mois,  ou  2,800  francs  pour  les  quatre  vingts  lots,  somme  dont  le 
mineur  ne  peut  pas  disposer. 

On  attendait  donc  le  nouveau  décret  qui  décidait  que  la  taxe  pleine 
n'était  due  que  pour  les  lots  exploités  alors  que  les  autres  ne  devaient 
payer  que  5  francs  par  mois.  La  taxe  à  payer  par  mois  ne  se  fût  élevée 
ainsi  qu'à  430  francs  pour  quatre-vingts  lots.  Le  mineur  aurait  alors 
pu  commencer  à  exploiter  un  seul  lot  et  étendre  peu  à  pou  son  exploi- 
tation. Le  Trésor  y  perd  également  puisque  maintenant  il  ne  touche, 
pas  de  taxe.  Dans  l'imérina  seulement,  il  y  a  au  moins  cinquante 
personnes  dans  le  cas  de  ce  mineur. 


CHRONIQUE  519 


A^IEWQUB 


Les  mines  d'or  du  Klondike.  —  H.  Me  Connell,  qui  avait  été 
chargé  par  le  service  géologique  du  Canada  de  faire  une  enquête  sur 
le  Klondike,  vient  de  déposer  son  rapport  qui  est  présenté  comme 
«  le  premier  résultat  d'une  étude  systématique  et  jusqu'à  un  certain 
point  scientifique  de  ce  district  ». 

La  région  du  Klondike  est  décrite  au  point  de  vue  topographique 
comme  «  un  plateau  élevé  coupé  en  tous  sens  par  de  nombreuses  et 
profondes  vallées.  Le  point  le  plus  élevé,  le  Dôme,  est  à  3,050  pieds 
au-dessus  du  Yukon  à  Dawson  et  à  500  pieds  seulement  au-dessus  des 
chaînes  de  montagnes  qui  se  trouvent  à  sa  base.  Ces  dernières  s'éloi- 
gnent en  lignes  irrégulières  et  s'abaissent  graduellement  jusqu'aux 
rives  des  principales  rivières  du  pays.  Les  cours  d'eau  sont  peu  impor- 
tants, ils  ont  rarement  plus  de  15  pieds  de  largeur;  des  forets  gar- 
nissent les  chaînes  inférieures  et  les  flancs  des  montagnes,  mais  le 
fonds  des  vallées  n'est  que  partiellement  boisé  ». 

M.  Me  Connell  considère  ce  que  le  massif  du  Klondike,  composé 
principalement  de  schistes  micacés  de  couleurs  claire,  est  le  groupe 
le  plus  important  du  district;  il  constitue  la  roche  à  filons  qui  se 
trouve  le  long  des  parties  productives  de  tous  les  cours  d'eau  riches 
et  qui  semble  être  par  nature  associée  à  la  présence  de  l'or  ».  Les 
veines  de  quartz  sont  extrêmement  abondantes  dans  les  schistes  du 
massif  du  Klondike  et  il  n'est  pas  douteux,  ajoute  M.  Me  Connell,  que 
((  l'or  dans  les  plaeers  et  dans  le  gravier  qui  les  accompagne  sont 
d'origine  locale  et  qu'ils  proviennent  des  veines  de  quartz  et  de  schiste 
du  district  ».  De  grandes  veines  de  quartz  n'ont  pas  encore  été  déter- 
minées jusqu'à  présent,  mais  M.  Me  Connell  considère  comme 
«  improbable  que  le  contenu  métallique  des  veines  aurifères  ait  été 
répandu  dans  les  vallées  ».  Des  zones  productives  de  roches  à  filons 
seront  encore  découvertes,  à  son  avis,  mais  les  difficultés  de  prospec- 
tion sont  grandes  dans  une  contrée  dont  la  surface  est  presque  par- 
tout recouverte  d'une  épaisse  couche  de  mousse. 

Les  graviers  du  district  sont  de  quatre  espèces  diverses  et  se  trouvent 
à  des  niveaux  différents.  Ce  sont  :  les  graviers  des  ruisseaux,  ceux 
des  terrasses,  ceux  des  rivières  et  ceux  des  vallées.  On  trouve  de  l'or 
partout  dans  les  graviers  des  ruisseaux  ;  les  parties  les  plus  riches  se 


SSO  ÉTUDES  COLONIALES 

trouvent  généralement  vers  le  mil  lieu  de  leur  cours.  M.  Me  Connell 
évalue  la  longueur  des  parties  rémunératrices  des  différents  ruisseaux 
à  30  milles  et  la  valeur  d'or  qu'elles  contiennent  à  «  environ 
95  millions  de  dollars,  estimation  qui  est  loin  d'être  exagérée  ». 
Ce  chiffre  ne  comprend  pas  les  longues  étendues  de  gravier  des 
ruisseaux  qui  se  trouvent  trop  bas  pour  pouvoir  être  exploitées  actuel- 
lement. 

Il  est  établi,  d'autre  part,  que  les  terrasses  près  des  principaux  cours 
d'eau  contiennent  de  riches  claims.  En  ce  qui  concerne  le  gravier  des 
vallées  des  niveaux  supérieurs,  à  savoir  :  celles  de  Bonanza,  de  l'Eldo- 
rado, de  Bimker  et  de  Quartz  Creek,  M.  Me  Connell  estime  «  qu'ils 
peuvent  presque  rivaliser  en  importance  avec  les  graviers  des  ruis- 
seaux. Ils  sont  partout  plus  ou  moins  aurifères  et  sur  de  grandes  éten- 
dues, ils  sont  même  très  riches  ». 

On  peut  se  faire  une  idée  de  la  valeur  des  champs  d'or  du  Klondike 
d'après  la  production  des  trois  dernières  années.  Elle  a  été  en  1897, 
de  2,500,000  dollars;  en  1898,  de  10  millions  de  dollars;  et  en  1899, 
de  16  millions  de  dollars. 

L'exploitation  des  claims  des  ruisseaux  se  fait  par  puits  ou  galeries. 
Les  opérations  se  poursuivent  pendant  tout  l'hiver.  La  terre  est  dégelée 
au  moyen  de  feux  ou  bien  en  chauffant  de  l'eau  dans  les  puits  au 
moyen  de  pierres  brûlantes.  On  a  introduit  une  machine  permettant 
de  dégeler  par  la  vapeur.  Elle  finira  par  remplacer  les  autres  modes 
d'opérer.  Elle  est  d'une  grande  simplicité.  On  se  sert  d'une  petite 
chaudière  qui  envoie  la  vapeur  à  travers  des  tuyaux  en  caoutchouc  à 
des  pointes  d'acier.  On  pousse  les  tubes  dans  le  sol  durci  par  la  gelée 
et  on  chasse  la  vapeur  dans  la  terre  pendant  six  à  huit  heures.  Les 
pointes  dégèlent  de  un  à  trois  yards  cubes  de  gravier  à  la  fois.  La 
matière  obtenue  est  mise  en  tas  et  lavée  au  printemps  à  l'époque  des 
inondations.  Il  est  rarement  nécessaire  d'établir  des  boisages  dans  les 
puits,  pas  plus  en  été  qu'en  hiver.  La  boue  gelée  qui  recouvre  le  gra- 
vier est  si  tenace  qu'il  n'est  pas  rare  de  voir,  près  des  cours  d'eau,  des 
voûtes  de  plus  de  cent  pieds  d'ouverture  qui  tiennent  sans  l'aide  d'un 
pilier. 

Les  graviers  des  terrasses  s'exploitent  à  découvert  quand  ils  ne  sont 
pas  recouverts  de  terre  ou  au  moyen  de  puits  dans  le  cas  contraire. 

BrésiL  Immigration.  —  Le  consul  anglais  à  Para  dit  dans  son 
rapport,  que  le  nombre  total  des  immigrations  au  Brésil  a  été,  en  1898, 
de  5,280  personnes  qui  presque  toutes,  reçurent  l'assistance  de  l'État. 
2,92i  venaient  d'Espagne  et  2,292  de  différentes  parties  du  Brésil.  En 


CHRONIQUE  5ât 

outre,  environ  30,000  Brésiliens  de  TÉtat  de  Ceara  se  rendent  annuel- 
lement dans  îe  Para  et  T Amazonie  pour  travailler  dans  l'industrie  du 
caoutchouc.  L'Etat  fait  tous  ses  efforts  pour  développer  les  industries 
agricoles  et  pour  améliorer  le  marché  du  travail.  Le  gouvernement 
italien  s'étant  relâché  de  son  opposition  à  l'émigration  de  ses  nationaux 
vers  le  Brésil  équatorial  :  1 ,000  Italiens  sont  arrivés  à  Para.  On  dit  que 
rémigration  a  été  suspendue  jusqu'à  ce  que  le  gouvernement  ait  reçu 
des  rapports  favorables  sur  les  premiers  émigrés.  Des  capitaux  belges 
importants  ont  été  placés  dans  l'Etat.  Les  Belges  ont  acquis  un  grand 
domaine  à  caoutchouc  et  une  entreprise  d'éclairage  électrique  et  ils  ont 
obtenu  des  concessions  agricoles.  En  outre,  ils  négocient  pour  obtenir 
le  transfert  d'une  ligne  de  tramways  et  l'éclairage  électrique  de  la  ville. 
La  Société  belge  pour  l'exploitation  du  caoutchouc  a  été  la  première 
à  introduire  au  Brésil  de  la  main-d'œuvre  des  Indes  anglaises  occi- 
dentales. 

Bolivie.  Le  caoutchouc.  —  Au  cours  d'une  conférence  faite  à 
la  i(  Society  of  Arts  »,  sir  Martin  Conway  a  donné  des  renseignements 
sur  l'industrie  du  caoutchouc  en  Bolivie,  basés  sur  ses  propres  obser- 
vations et  recherches. 

Les  forêts  à  caoutchouc  de  la  Bolivie  se  trouvent  dans  les  pro\inces 
du  Nord  et  de  l'Est.  Elles  couvrent  de  vastes  étendues,  mais,  par  suite 
de  la  difficulté  des  transports,  on  n'a  pu  exploiter  jusqu'à  présent 
qu'un  nombre  relativement  restreint  de  districts.  Dans  le  Nord,  la 
région  du  Rio  Béni  est  la  plus  importante.  Le  caoutchouc  qu'on  y 
récolte  est  transporté  par  la  rivière  Madeira  jusqu'à  l'Amazone.  Il  se 
vend  dans  le  commerce  comme  caoutchouc  de  Para.  La  quantité  de 
caoutchouc  originaire  de  cette  région  est  très  considérable,  et,  si  les 
moyens  de  transport  étaient  meilleurs,  elle  deviendrait  bientôt  une  des 
premières  contrées  productrices  de  cet  article.  Sir  Martin  Conway  n'a 
toutefois  pas  visité  cette  région  ;  ses  observations  ont  porté  sur  les 
forêts  de  la  province  de  Larecaja  dont  les  produits  sont  exportés  par 
le  port  péruvien  de  Mollendo,  d'où  lui  vient  son  nom  de  caoutchouc  de 
Mollendo.  On  dit  que  l'arbre  producteur  est  le  Siphonia  elastica,  appar- 
tenant à  la  famille  des  Euphorbiacées.  Sir  Conway  a  malheureusement 
égaré  les  spécimens  qu'il  avait  emportés.  La  détermination  botanique 
de  la  plante  ne  peut  donc  pas  encore  être  regardée  comme  définitive. 
C'est  un  grand  arbre  de  la  taille  d'un  orme  à  peu  près  et  qui  pousse  en 
groupes  de  100  à  150  individus.  On  le  rencontre  jusqu'à  3,000  pieds 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer  dans  les  vallées  qui  s'éloignent  de  la 
Cordillera  Real  vers  le  Nord-Est,  notamment  dans  celles  de  Mapiri,  de 


S22  ÉTUDES  COLONIALES 

Tipuani,  de  Coroico,  de  Challana  et  de  Zongo.  On  récolte  le  caoutchouc 
deux  fois  par  an,  d'avril  à  juillet  et  d'octobre  à  mars.  Un  même  arbre 
ne  peut  être  saigné  que  pendant  trois  mois  par  année,  après  quoi,  il  lui 
faut  un  repos  de  neuf  mois.  Par  contre,  s'il  est  traité  de  cette  manière 
et  que  les  incisions  se  fassent  avec  soin,  l'exploitation  ne  semble  pas 
influer  sur  sa  vitalité.  La  vie  d'un  arbre,  saigné  chaque  année,  est 
longue  et  dépasse  les  quinze  années  nécessaires  pour  produire  un 
arbre  au  moyen  de  semences. 

La  méthode  de  récolte  et  de  préparation  du  caoutchouc  est  à  peu 
près  la  même  qu'au  Brésil.  Dans  ce  dernier  pays,  le  lâtex  est  coagulé  en 
plongeant  une  palette  de  bois  dans  le  liquide  et  en  la  tenant  ensuite 
dans  la  fmnée  d'un  feu  de  bois  de  palmier  auquel  on  ajoute,  si  pos- 
sible, des  noix  du  palmier  Montacu.  On  répète  cette  opération  jusqu'à 
ce  qu'il  se  soit  formé  une  masse  suffisamment  grande;  on  coupe 
celle-ci  sur  les  côtés,  puis  on  l'arrache  de  la  palette  ;  le  caoutchouc  est 
alors  prêt  pour  l'exportation.  La  production  moyenne  d'un  arbre  en 
pleine  croissance  est  évaluée  de  diverses  façons;  quelques-uns  la  por- 
tent jusqu'à  7  livres,  et  personne  ne  l'estime  à  moins  de  3  livres.  Les 
chiffres  suivants  montrent  le  développement  qu'a  pris  l'exportation  du 
caoutchouc  de  Mollendo  dans  les  dernières  années  : 

LITRES 

1895-1894 37,587 

1894-1893 80,734 

1895-1896 251,341 

1896-1897 292,121 

1897-1898 491,087 

On  ne  possède  pas  encore  les  chiffres  pour  1898-1899,  mais  la  pro- 
duction l'a  également  emporté  de  beaucoup  sur  celle  de  l'année  précé- 
dente. La  qualité  du  caoutchouc  Mollendo  est,  à  en  juger  par  les  prix 
qu'il  obtient,  à  peu  près  égale  à  celle  du  Para.  En  1898,  celui-ci  a  varié 
sur  les  marchés  anglais  entre  3  sh.  5  3/4  d.  et  4  sh.  4  1/2  d.  la  livre, 
tandis  que  les  prix  des  Mollendo  ont  été  de  3  sh.  4  d.  à  4  sh.  1  1/2  d. 
la  livre. 

Les  principaux  obstacles  au  développement  de  l'industrie  du  caout- 
en  Bolivie  sont  les  difficultés  de  transport  et  le  fait  que  tous  les  vivres 
des  récolteurs  doivent  leur  être  amenés  de  fort  loin  jusque  dans  les 
forêts  qui  sont  inhabitées.  Dans  beaucoup  de  cas,  la  seule  voie  d'accès 
des  forêts  est  constituée  par  des  r.entiers  le  long  desquels  les  mules 
avancent  avec  difficulté.  Quand  ce  pays  sera  ouvert  par  de  bonnes 
routes,  il  n'est  pas  douteux  que  la  production  du  caoutchouc  n'y 
prenne  un  large  essor. 


CHRONIQUE  523 


ASIB 


Inde  anglaise.  Production  du  caoutchouc  en  Assam.  —  Le 

chiffre  total  du  caoutchouc  produit  par  les  forêts  de  l'Assam,  tant  en 
deçà  qu'au  delà  des  frontières  anglaises,  a  été  en  1898-1899,  de 
3,599  maunds  ou  environ  280,317  livres,  ce  qui  constitue,  comparé 
au  produit  de  l'année  précédente,  une  augmentation  de  756  maunds 
ou  61,997  livres  environ.  L'augmentation  s'est  surtout  manifesté  dans 
les  divisions  forestières  de  Cachor,  Darrang  et  Lakhimpor.  Elle  est  le 
résultat  d'une  exploitation  plus  active  des  collines  de  Manipor,  Dafla, 
Nupor  et  autres,  provoqué  par  un  accroissement  de  la  demande  et 
par  la  hausse  des  prix.  La  production,  bien  que  beaucoup  plus  consi- 
dérable que  celle  de  l'année  précédente,  est  restée  en  dessous  de  celle 
de  1896-1897,  qui  a  dépassé  4,000  maunds  ou  près  de  300,000  livres. 
La  diminution  est  due  à  la  destruction  continue  des  arbres  par  suile 
de  l'exploitation  excessive  des  années  précédentes  à  laquelle  a  dorme 
lieu  une  demande  pressante  de  caoutchouc.  Ce  dernier  se  paie  environ 
4  shillings  la  livre  sur  le  marché  de  Londres. 

Chine  septentrionale.  Les  chemins  de  fer.  —  Un  rapport  du 
ministre  des  Etats-Unis  à  Pékin,  annonce  que  la  section  Tien-Tsin- 
Shamhaikuan-Newchwang  du  chemin  de  fer  impérial  est  achevée.  La 
distance  de  Tien-Tsin  à  Newchwang  est  de  34,863  milles  anglais.  La 
ligne  de  Tien-Tsin  à  Chinchow  dont  la  longueur  est  de  2(5,863  milles 
anglais  et  sur  laquelle  des  trains  circulent  depuis  quelques  temps, 
rapporte,  dit-on,  14  p.  c.  du  capital  engagé.  On  compte  que  lorsque 
la  ligne  sera  entièrement  achevée,  elle  produira  un  intérêt  de  30  p.  c. 

Le  chemin  de  fer  de  l'Est-Chinois  (russe),  qui  est  achevé  actuelle- 
ment depuis  Port-Arthur  jusqu'à  Moukden,  est  relié  à  Newchwang. 
Par  suite  du  danger  que  présente  la  circulation  des  trains  en  Chine 
pendant  la  nuit,  le  voyage  de  Port- Arthur  à  Pékin  durera  environ 
trois  jours. 

Les  Russes  travaillent  avec  beaucoup  d'énergie  à  Tachèvement  de 
la  voie  destinée  à  relier  Moukden  à  Vladivostock  et  on  pense  que  les 
deux  grands  points  stratégiques  de  la  Russie  en  Extrême-Orient,  Port- 
Arthur  et  Vladivostock  seront  reliés  par  chemin  de  fer  au  mois  d'avril 
prochain. 


824  ÉTUDES  COLONIALES 

Les  trains  circulent  actuellement  sur  le  chemin  de  fer  de  Sibérie 
jusqu'à  Stretensk,  sur  la  rivière  Shilka,  un  tributaire  de  l'Amour.  De 
cette  localité,  il  faut  se  servir  de  la  voie  fluviale  jusqu'à  Khabarovsk, 
d*où  la  ligne  conduit  à  Vladivostock.  La  durée  du  voyage  de  Saint-Pé- 
tersbourg à  Vladivostock  s'établit  actuellement  comme  suit  :  de  Saint- 
Pétersbourg  au  lac  Baïkal,  neuf  jours;  du  lac  Baïkal  à  Stretensk,  trois 
jours;  par  eau  jusqu'à  Khabarovsk,  six  jours;  de  là  à  Vladivostock,  un 
jour;  total  19  jours.  La  section  de  Vladivostock  à  Stretensk  est  terminée 
en  partie  et  on  compte  que  dans  dix-huit  mois,  la  ligne  entière  sera 
ouverte. 

Chine.  L'action  commerciale  des  Japonais.  —  Une  grande 
association  s'est  récemment  formée  au  Japon  pour  développer  l'in- 
fluence japonaise  dans  l'empire  chinois.  Elle  vient  de  publier  un 
rapport  sur  la  part  que  pourraient  prendre  les  Japonais  dans  le  mouve- 
ment maritime  de  la  Chine.  Jusqu'ici  cette  part  est  assez  modeste, 
sauf  sur  le  littoral  coréen  où  presque  toute  la  navigation  est  faite  par 
les  bateaux  japonais  de  la  Nippon-Yusen-Kaisha.  La  compagnie 
russe  du  chemin  de  fer  de  la  Chine  orientale  vient  de  mettre  en  chan- 
tier, i7  navires,  qu'elle  afl'ectera  au  service  des  lignes  de  Corée  :  ce  sera 
pour  les  Japonais  une  redoutable  concurrence. 

Mais  la  grosse  question,  pour  les  Japonais,  est  de  prendre  part  à  la 
concentration  et  à  la  distribution  des  marchandises  d'importation  ou 
d'exportation,  qui  passe  par  le  grand  emporium  de  Shanghaï.  Ce 
port  a  fait,  en  1898,  un  commerce  de  195  millions  de  taëls  sur 
377  millions  que  représente  le  total  du  commerce  extérieur  de  la 
Chine.  Le  rapport  conclut  à  la  nécessité  pour  les  Japonais,  de  créer 
des  lignes  de  navigation  maritime  reliant  Shanghaï  aux  autres  ports 
chinois,  surtout  ceux  du  Nord,  et  fluviale  dans  l'immense  réseau  navi- 
gable du  Yang-tsé. 

La  compagnie  Nippon-Yusen-Kaisha  a  décidé,  en  octobre  dernier, 
d'afiecter  deux  de  ses  vapeurs  à  la  ligne  Shanghaï-Tien-Tsin,  mais  c'est 
une  bien  faible  concurrence  pour  battre  en  brèche  de  puissantes  com- 
pagnies étrangères  qui  disposent  de  vingt-cinq  vapeurs  fournissant 
51  voyages  par  mois.  De  ce  côté,  la  marche  des  bénéfices  à  faire  est  très 
large  :  les  frets  sont  très  chers;  par  exemple,  la  tonne  de  filés  de  coton 
paie  8  shillings  de  Shanghaï  à  Tien-Tsin.  Sur  le  Yang-tsé,  le  pavillon 
japonais  ne  brille  pas  non  plus  beaucoup  jusqu'à  présent.  Trois  vapeurs 
japonais  de  la  Osaka-Shosen-Kaisha  parcourent  le  fleuve  dans  sa 
partie  inférieure,  facilement  navigable,  jusqu'à  Hankéou.  Leur  ton- 
nage total  est  de  1,'I02  tonnes  contre  19  vapeurs  et  22,000  tonnes  aux 


CHRONIQUE  525 

compagnies  sino-éirangères  qui  desservent  le  bas  fleuve.  Cependant, 
la  Osaka-Shosen-Kaisha  fait  d'excellentes  affaires  et  cette  compagnie 
se  propose,  grâce  à  la  subvention  que  les  chambres  viennent  de  lui 
allouer,  d'augmenter  son  effectif  sur  le  Yang-tsé-Kiang.  Sur  le  fleuve 
entre  Hankéou  et  Itchang,  la  Compagnie  japonaise  n'a  qu'un  petit 
vapeur  contre  cinq  vapeurs  chinois  et  étrangers,  d'un  tonnage  total 
de  3,500  tonnes. 

Les  Japonais  étudient  en  ce  moment  la  navigation  des  affluents  du 
Yang-tzé  et  des  grands  lacs  qu'ils  traversent.  De  ce  côté,  le  rôle  dévolu 
aux  étrangers  semble  être  de  remorquer,  quand  le  vent  est  contraire, 
les  innombrables  jonques  de  charge  ou  de  pêche  qui  sillonnent  ces 
eaux  intérieures.  Mais,  le  rapport  japonais  le  constate,  les  Anglais  ont 
pris  les  devants,  et  un  de  leurs  petits  vapeurs  a  commencé  à  tenter 
cette  industrie.  Cependant,  une  compagnie  japonaise,  la  Taite-Kiseu- 
Kaisha  qui  a  établi,  en  1897,  un  service  fluvial  entre  Shanghaî-Sou- 
Tchéou  et  Shanghaï-Kiang-Tchéou,  se  propose  de  desservir  prochai- 
nement les  lacs  et  cours  d'eau  du  Honnan. 

Plus  tard,  quand  les  Japonais  feront  un  peu  moins  maigre  figure 
dans  le  Centre  et  le  Nord,  ils  s'attaqueront  à  la  région  méridionale  de 
Hong-Kong. 

Navigation  à  vapeur  sur  le  Haut  Yang-Tsé.  —  H  résulte  d'une 
dépêche  du  consul  général  de  France  à  Shangaï,  que  les  compagnies 
de  navigation  anglaises,  à  la  suite  du  succès  de  la  tentative  faite 
récemment  par  les  trois  canonnières  :  le  Woodcock^  le  Woodlark  et  la 
Snipe,  pour  remonter  le  Yang-Tsé,  en  amont  d'Itchang,  se  préparent 
à  organiser  des  services  réguliers  sur  cette  partie  du  fleuve.  Le  pre- 
mier des  quatre  bâtiments  que  la  «  Yunnan  Company  »  avait  com- 
mandés dans  ce  but,  vient  d'être  lancé  sur  les  bords  du  Whampoo. 
Le  Pioneer  est  un  vapeur  de  200  tonneaux  de  jauge,  expédié  en  pièces 
à  Shangai,  où  il  a  été  monté  et  ajusté  dans  les  ateliers  de  ce  l'Oriental 
Dock  ».  Ce  navire  est  muni  de  deux  roues  à  aubes  et  mesure  180  pieds 
de  longs  sur  30  de  large.  Ses  arrangements  intérieurs  lui  permettent 
de  transporter  quatorze  passagers  de  première  classe,  trente  de 
seconde  et  nouante  de  troisième.  Le  tirant  du  Pioneer  ne  dépasse  pas 
6  pieds  quand  le  navire  est  chargé  de  100  tonneaux,  6  1/2  pieds  avec 
un  fret  de  160  tonneaux.  Il  est  probable  que  ce  bâtiment,  grùce  à  sa 
vitesse  de  14  nœuds,  réussira  à  remonter  les  rapides  du  Haut  Yang- 
Tsé. 

On  compte  1,400  milles  de  Tchonking  à  Shanghai,  par  le  fleuve. 
Celui-ci  traverse  les  régions  les  plus  fertiles  et  les  plus  peuplées  de  la 


52(>  ÉTUDES  COLONIALES 

Chine;  il  a  été,  depuis  la  plus  haute  antiquité,  le  véhicule  naturel  des 
populations  riveraines.  Entre  Tchong-King,  le  fleuve  est  resserré  et 
peu  profond.  On  a  réussi  à  le  remonter  au  moyen  de  navires  d'un 
faible  tirant  d'eau.  Actuellement,  dix-neuf  vapeurs  descendent  et 
remontent  le  fleuve  entre  ses  points  de  navigabilité  extrêmes  avec  un 
tonnage  de  22,000  tonnes. 

Actuellement  3  compagnies  sino-européennes  assurent  le  service 
des  passagers  et  des  marchandises  sur  le  haut  fleuve,  entre  Hankéou 
et  Itchang,  au  moyen  de  cinq  vapeurs  d'un  tonnage  de  3,500  tonnes. 
L'Osaka  Shosen  Kaisha  possède  également  sur  cette  section  du  fleuve, 
un  vapeur  de  faible  tonnage.  L'intéressante  initiative  des  Anglais 
assurera  désormais  les  transports  en  amont  d'Itchang. 

Nouveaux  chemins  de  fer  en  Indo-Chine.  —  Conformément 
aux  dispositions  de  la  loi  du  25  décembre  1898,  relative  aux  chemins 
de  fer  de  l'indo- Chine,  le  gouverneur  de  l'Indo-Chine  a  proposé  au 
Président  de  la  République  française  de  faire  ouvrir  les  travaux  du 
chemin  de  fer  de  Saigon  à  Tamlinh,  constituant  la  première  section 
de  la  ligne  de  Saigon  à  Kanh-hoa  et  au  Lang-Bian,  qui  fait  partie  du 
réseau  dont  la  conslructioii  était  autorisée.  Le  comité  des  travaux 
publics  du  ministère  dos  colonies  a  reçu  communication  des  projets 
y  relatifs  et  a  approuvé  les  projets  techniques  et  les  projets  de  con- 
trat, ainsi  que  les  évaluations  des  dépenses  des  travaux.  Les  évaluations 
pour  la  ligne  d'Haïphony  à  Hanoï  et  à  Vietri  (154  kilomètres)  sont  de 
18,600,000  francs,  celles  pour  la  ligne  d'Hanoï  à  Vinh  sont  de 
2{,800,000  francs,  pour  la  section  de  Saigon  à  Tamlinh  (132  kilom.), 
elle  arrivent  à  un  total  de  12,900,000  francs,  soit  pour  l'ensemble  des 
lignes  ou  sections  de  lignes,  53,100,000  francs.  Les  allocations  prévues 
par  la  loi  pour  les  lignes  dont  il  s'agit,  atteignent  53,886,000  francs, 
total  supérieur  à  l'évaluation  ci-dessus.  Conformément  aux  disposi- 
tions du  décret  du  29  décembre  1898,  une  première  somme  de  50  mil- 
lions a  été  réalisée  sur  le  montant  total  de  l'emprunt  autorisé  par  la 
loi.  Au  surplus,  le  budget  général  de  l'Indo-Chine  porte,  au  cha- 
pitre 18,  article  2,  un  crédit  de  4,162,000  francs,  suffisant  pour  gager 
un  emprunt  de  50  millions  à  réaliser.  En  conséquence,  le  Président 
de  la  République  a  autorisé,  par  décret  du  17  juin  1900,  l'ouverture 
des  travaux  du  chemin  de  fer  de  Saigon  au  Long-Bian  et  au  Khanhhoa. 

Sibérie.  La  colonisation.  —  Le  chemin  de  fer  transsibérien 
n'aura  pas  seulement  une  grande  importance  pour  le  transport  des 
passagers  et  des  marchandises  entre  l'Europe  et  l'Extrême-Orient,  il 


CHRONIQUE  527 

est  aussi  appelé  à  exercer  une  influence  considérable  sur  la  colonisa- 
tion russe  en  Sibérie.  Des  colons  russes  ont  commencé  à  s'établir  en 
Sibérie  après  que  celle-ci  est  devenue  une  partie  de  l'empire,  mais  ce 
n'est  que  dans  la  seconde  partie  du  siècle  actuel  que  la  colonisation  a 
pris  de  larges  proportions.  On  en  attribue  la  cause  à  l'émancipation 
des  serfs.  Les  terres  étant  devenues  insuflSsantes  ou  s'étant  épuisées, 
de  nombreux  paysans  russes  émigrèrent  en  Sibérie,  pour  y  chercher 
de  bonnes  terres  labourables. 

On  évalue  l'émigration  vers  la  Sibérie  à  plusieurs  centaines  de  mille 
personnes  pendant  les  vingt-cinq  dernières  années.  Il  fallut  donc 
bientôt  la  réglementer.  Ce  fut  une  des  tâches  du  comité  spécial  qui 
dirige  la  construction  du  chemin  de  fer  transsibérien.  Le  comité  indi- 
qua certaines  étendues  de  terres  où  les  colons  pouvaient  s'établir. 

Quand  les  terres  qui  se  trouvent  dans  le  voisinage  immédiat  de  la 
ligne  eurent  été  occupées,  le  comité  entreprit  le  drainage  d'une  vaste 
étendue  de  sol  marécageux  à  travers  laquelle  passe  la  ligne  et  l'irri- 
gation d'une  autre  ;  de  cette  manière,  un  nouveau  champ  s'ouvrit  à 
l'activité  des  colons.  En  outre,  des  terres  furent  concédées  aux  colons 
dans  la  région  des  taïga  ou  des  ourmans,  c'est-à-dire  dans  les  vastes 
forêts  qui  s'étendent  vers  le  Nord  jusqu'aux  contrées  impropres  à  la 
culture,  qui  bordent  l'Océan  arctique.  Un  grand  nombre  de  colons 
se  sont  depuis  établis  dans  la  région  des  taïga  et  même  beaucoup 
parmi  les  anciens  colons  de  Sibérie  ont  préféré  la  solitude  des  régions 
septentrionales  au  contact  des  nouveaux  arrivés. 

Un  des  effets  de  la  colonisation  sera  d'amener  une  répartition  plus 
égale  dans  la  population  de  l'Empire  russe.  On  espère  aussi  que  l'im- 
migration introduira  des  procédés  de  culture  plus  modernes  en  Sibé- 
rie, où  la  culture  a  eu  jusqu'à  présent,  plutôt  un  caractère  extensif 
qu'intensif. 

Les  chiffres  de  l'immigration  en  Sibérie  sont,  pour  les  dernières 
années,  les  suivants  : 

1^5 61,435  immigrants. 

1894 62,612  — 

189S 108,039  — 

1896 202,302  — 

1897 86,575  — 

1898 205,645  — 

1899 223,981  — 

Les  émigrants  reçoivent  des  billets  de  chemins  de  fer  au  quart  du 
prix  ordinaire  en  troisième  classe.  Des  dépôts  ont  été  établis  le  long 
de  la  ligne,  où  ils  peuvent  obtenir  la  nourriture,  le  logement  et  les 


528  ÉTUDES  COLONIALES 

soins  médicaux.  Ces  derniers  sont  délivrés  gratuitement.  On  a  aussi 
fondé  des  dépots,  où  les  émigrants  peuvent  se  procurer  du  bois  de 
construction  et  des  instruments  agricoles.  On  leur  accorde  aussi  des 
facilités  de  payement. 

Japon.  Reoensement  de  la  population.  —  La  population  du 
Japon  s*élève,  d'après  le  recensement  fait  à  la  fin  de  1898,  à  44  mil- 
lions 733,379  âmes,  soit  une  augmentation  de  754,884,  par  rapport  à 
Tannée  précédente.  Les  villes  les  plus  peuplées  sont  Tokio,  avec 
1,425,366  habitants  et  Osaka,  avec  811,855. 

La  population  étrangère  du  Japon  reste  stationnaire.  L'augmenta- 
tion depuis  1891  est  de  moins  de  500  personnes.  D'après  les  derniers 
chiffres,  le  nombre  des  résidents  étrangers  était  de  4,718,  non  com- 
pris les  Chinois,  qui  comptent  environ  5,300  représentants. 


BIBLIOGRAPHIE 


Plant»  ThonnerianaB  Congolenses,  par  Ë.  De  Wildeman  et  Th.  Durand.  — 
Un  vol.  în-A»  de  1 18  pages  et  25  planches  lithographiées,  orné  d*une  carte  du  bassin  de 
la  Hongalla  et  précédé  d'une  introduction  de  M.  Franz  Thonner.  Bruxelles,  Société 
belge  de  Librairie,  1000. 

Cet  ouvrage  renferme  l'étude  scientifique  détaillée  des  végétaux  dont 
M.  Thonner  avait  récolté  des  exemplaires  dans  son  exploration  du  pays 
des  Bangalas.  Les  auteurs  de  cette  analyse  botanique,  M.  le  D'  De  Wil- 
deman,  aide- naturaliste  au  jardin  botanique  de  Bruxelles  et  M.  Th. 
Durand,  conservateur  au  même  établissement,  se  sont  déjà  fait  con- 
naître par  leurs  travaux  sur  la  flore  congolaise. 

La  collection  étudiée  par  eux  comprend  120  plantes,  dont  une 
cinquantaine  n'avaient  pas  encore  été  signalées  au  Congo  et  dans  ce 
nombre  on  ne  compte  pas  moins  de  vingt-trois  espèces  et  quatre 
variétés  nouvelles.  Les  recherches  de  M.  Thonner  ont  donc  produit 
des  résultats  d'une  importance  assez  considérable  pour  la  science; 
quelques  unes  des  plantes  nouvelles  pourront  peut-être  être  utilisées 
pour  les  cultures. 

L'introduction  que  M.  Thonner  a  ajouté  au  travail  de  MM.  De  Wil- 
deman  et  Durand  est  un  abrégé  de  son  voyage,  consistant  princi- 
palement dans  la  description  physique  des  localités  où  il  a  fait  ses 
trouvailles.  Les  planches  qui  complètent  le  volume,  dessinées  par 
M.  d'Apreval,  sont  d'une  belle  exécution. 

Kolombien,  par  le  professeur  De  Fritz  Regel.  ~  Un  vol.  in-4**  de  275  pages  avec 
illustrations,  53  planches  et  une  carte.  Berlin,  Alf.  Schall,  1000. 

Le  remarquable  ouvrage  que  nous  examinons  fait  partie,  comme  le 
livre  du  D*"  Krieger  sur  la  Nouvelle-Guinée,  dont  nous  avons  rendu 
compte  il  y  a  peu  de  mois,  de  la  Biblioihek  der  Làndei'kunde. 

Le  nouveau  volume  tiendra  un  rang  distingué  dans  cette  belle  col- 
lection. Les  publications  concernant  la  Colombie,  contrée  assez 
négligée  depuis  Humboldt,  viennent  d'ailleurs  à  propos.  On  trouve 


530  ÉTUDES  COLONIALES 

dans  le  travaille  M.  Regel  une  étude  fort  complète  de  ce  pays  à  tous 
les  points  de  vue,  non  seulement  scientifiques  mais  économiques  et 
pratiques.  La  partie  qui  nous  en  semble  la  plus  remarquable  est  le 
chapitre  consacre  au  règne  végétal  qui  se  présente,  dans  cette  région 
tropicale,  sous  des  aspects  aussi  variés  que  magnifiques.  L'ouvrage  de 
M.  Regel  est  une  des  meilleures  productions  géographiques  de  ces 
dernières  années. 

La  valeur  du  volume  est  encore  rehaussée  par  sa  superbe  exécution 
matérielle.  Les  nombreuses  planches  qui,  d'après  les  esquisses  de 
M.  A.  Berg,  reproduisent  les  types  de  la  végétation  colombienne, 
méritent  une  mention  toute  spéciale. 

Das  Vordringen  der  Russisohe  Macht  in  Asiën,  par  le  comte  Max  Yorck  von 
Wartenburg,  colonel  d'état  major.  Brochure  in-S»  de  67  pages,  avec  une  carte  de 
TAsie-centrale.  -^  Berlin.  E.  Smittlerand  Shon,  1900. 

Cette  brochure,  déjà  parvenue  à  sa  deuxième  édition,  traite  un  sujet 
dont  l'actualité  n'a  pas  besoin  d'être  démontrée.  On  y  trouve  l'histo- 
rique très  complet  des  progrès  de  la  puissance  russe  en  Asie  depuis 
Pierre  le  Grand  et,  comme  conclusion,  des  considérations  politiques 
du  plus  haut  intérêt. 

L'exploitation  de  notre  empire  colonial,  par  Louis  Vignon,  lauréat  de  Tln- 
stitut.  —  Un  vol.  in-lâ  de  355  pages.  Paris,  Hachette  et  0«,  iOOO. 

La  politique  française,  depuis  une  vingtaine  d'années,  s'est  appli- 
quée avec  zèle  à  accroître  le  domaine  colonial  de  la  République;  elle 
a  pris  moins  de  soin  de  le  mettre  en  valeur.  De  nombreux  écrivains 
s'efforcent  de  réparer  cette  lacune.  Le  livre  de  M.  Vignon,  dans  cet 
ordre  d'idées,  mérite  d'être  signalé.  L'auteur  montre  une  grande  éru- 
dition dans  les  questions  coloniales,  et  une  intelligence  remarquable 
des  problèmes  économiques.  Il  combat  par  d'excellents  arguments  et 
des  exemples  probants  les  préjugés  protectionnistes  de  ses  compa- 
triotes. Nous  avons  eu  la  satisfaction  de  remarquer  que,  comme  beau- 
coup d'auteurs  étrangers,  M.  Vignon  cite  avec  éloges  l'activité  au  Congo 
des  Belges  et  du  gouvernement  de  l'Etat  indépendant. 

Au8  dem  Lande  des  Zopfes.  Plavulereim  einet  cUten  Chinegm,  par  M.  von  Brandt. 
Un  vol.  in-iâ  de  195  pages.  —  Leipzig,  Sevig  Wigand,  1900  (2«  édition). 

Les  événements  actuels  ont  provoqué  l'apparition  ou  la  réédi- 
tion de  nombreux  ouvrages  sur  la  Chine,  les  uns  traitant  ex-professo 
de  l'avenir  économique  de  l'Empire,  les  autres,  consacrés  à  l'exposé 


CHRONIQUE  531 

des  mœurs  si  curieuses  de  ses  habitants.  Le  livre  de  M.  von  Brandt 
appartient  à  cette  dernière  catégorie.  Il  est  original  et  intéressant 
comme  on  peut  en  juger  par  la  traduction  que  nous  donnons  d'un  de 
ses  chapitres.  L'auteur  a  pris  pour  sous-titre  «  Causeries  d'un  vieux 
Chinois  ».  C'est  en  effet,  le  résumé  de  ses  impressions  durant  un  long 
séjour  en  Chine  qu'il  nous  donne  ici;  en  général,  il  paraît  avoir  meil- 
leure opinion  de  la  race  chinoise  que  la  plupart  des  autres  écrivains 
contemporains. 

La  fièvre  bilieuse  hématurique,  par  le  D^  Henri  Nimal.  Extrait  de  la  Gazette 
médicale  belge,)  —  Liège,  H.  Poncelet,  1900. 

Il  est  question  dans  cette  brochure,  de  la  plus  redoutable  des 
maladies  africaines.  On  sait  que  la  Société  d'Études  coloniales  poursuit 
en  ce  moment  l'étude  de  la  malaria.  Le  petit  ouvrage  du  D""  Nimal 
contient  un  résumé  des  travaux  parus  dans  cet  ordre  d'idées,  dont 
l'importance  n'a  pas  besoin  d'être  démontrée. 


^ 


ÉTUDES  GOItOHiflItES 

No  8  7*  Année  Août  1900 

NOTE    SUR   L'ÉTIOLOGIE 

LE  DIAGNOSTIC  ET  LE  TRAITEMENT 

de  quelques  formes  cliniques  de  la  Malaria 

Par  le  D^  A.  POSKIN 

Médecin  consultant  aux  Eaux  de  Spa  (Belgique) 

-^ 

Il  n'existe  pas  aujourd'hui  de  doute  sur  l'existence  et  la  nature 
du  microorganisme  qui  détermine  la  malaria.  L'hématozoaire  de 
Laveran,  en  effet,  se  retrouve  toujours  dans  le  sang  des  malades 
atteints,  quelle  que  soit  la  forme  clinique  sous  laquelle  la  maladie 
se  présente  et  quelle  que  soit  la  position  géographique  du  lieu 
habité  par  le  malade. 

L'habilat  de  l'hématozoaire  de  Laveran  est  très  étendu;  on  le 
trouve  au  Sud  par  40**  de  latitude  et  au  Nord,  par  60**  de  latitude. 
Ce  n'est  donc  pas  seulement  sous  les  zones  torride  et  chaude  qu'on 
le  trouve  ;  c'est  aussi  dans  la  zone  tempérée  et  aux  confins  de  la 
zone  froide  que  l'hématozoaire  peut  se  développer,  vivre  et  infecter 
l'organisme. 

11  m'a  paru  utile  de  faire  cette  constatation  pour  pouvoir  dire 
mon  opinion  en  ce  qui  concerne  le  mode  de  propagation  de  l'hé- 
matozoaire et,  surtout,  la  voie  suivie  par  lui  pour  arriver  à  l'orga- 
nisme humain. 

On  croyait  autrefois  que  le  terrain  marécageux  ou  celui  qui, 
Favait  été,  était  une  condition  essentielle  du  développement  de  la. 


534  ÉTlîDES  COLONIALES 

malaria  ;  d'où,  la  dénomination  fièv7*e  paludéenne,  donnée  à  laffec- 
tion  qui  sévissait  endémiquement  dans  les  pays  à  marécages. 
On  sait  aujourd'hui  que  le  marais  n'est  pas  nécessaire  pour  pro- 
pager la  maladie  et  que  tous  les  pays  marécageux  ne  sont  pas 
nécessairement  des  pays  à  malaria. 

On  a  observé  souvent  que  des  épidémies  de  malaria  se  dévelop- 
paient en  terrain  sec,  en  pays  de  montagne,  loin  de  tout  marais,  à 
l'occasion  de  travaux  de  défrichement  ou  de  terrassement,  d'où  la 
notion  que  la  maladie  se  prenait  par  l'air  respiré,  ou  autrement, 
mais,  en  tout  cas,  par  la  mise  en  liberté,  par  le  travail  de  l'homme, 
de  l'hématozoaire  contenu  dans  le  sol.  De  là,  le  nom  de  malaria 
(mauvais  air). 

Je  passe  sous  silence  quantité  d'hypothèses  quant  au  mode  de 
propagation  de  la  malaria  pour  arriver  à  une  théorie  qui,  déjà 
ancienne  en  ce  qui  concerne  la  malaria,  la  fllariose,  etc.,  a  été 
reprise  en  ces  dernières  années  par  un  professeur  éminent, 
R.Koch,  de  Berlin,  et  pardes  savants  allemands,  anglais  et  italiens. 
Je  veux  parler  de  la  propagation  de  la  malaria  par  l'intermédiaire 
des  moustiques. 

Le  professeur  Koch  et,  après  lui,  des  missions  scientifiques 
anglaises  et  allemandes  se  sont  rendus  sur  les  côtes  orientale  et 
occidentale  d'Afrique,  aux  Indes  Néerlandaises,  dans  la  Nouvelle- 
Guinée  allemande  et  ailleurs  pour  vérifier  le  fait  de  la  présence  de 
l'hématozoaire  de  Laveran  dans  l'estomac  des  moustiques  et  le  fait 
a  été  reconnu  exact.  On  a  même  démontré  la  possibilité  de  trans- 
mettre le  microorganisme,  du  moustique  à  l'homme,  par  voie  épider- 
mique.  Il  paraît  donc  certain  que  c'est  un  mode  de  propagation 
de  la  malaria;  mais,  prétendre  que  c'est  le  seul  mode,  c'est 
évidemment  une  exagération.  Et  il  est  nécessaire  de  combattre  cette 
exagération  ;  car  alors,  toute  la  prophylaxie  de  la  malaria  consiste- 
rait à  faire  la  chasse  aux  moustiques  et  à  les  détruire  pour  éteindre 
la  maladie  et  rendre  salubres  des  contrées  réputées  inhabitables. 
Le  moustique  peut  propager  la  maladie  en  transportant  l'héma- 
tozoaire de  l'homme  à  l'homme,  du  sol  et  des  marais,  ou  des  végé- 
taux qui  y  croissent.  L'inoculation  se  fait  par  la  piqûre  et  l'insertion 
du  microbe  sous  l'épiderme,  mais  il  est  évident  que  l'hématozoaire 
doit  préexister  dans  le  sol  et,  dès  lors,  on  peut  supposer  qu'il  peut 
emprunter  d'autres  voies  que  le  moustique  pour  arriver  à  l'homme* 


FORMES   CLINIQUES  DB  LA  MALARIA  53S 

En.  fait,  l'hypothèse  se  réalise.  Il  existe  des  contrées  où  il  n'y  a 
pas  de  moustiques  et  où  la  malaria  règne  endémiquement.  Tels  les 
pays  du  Nord,  de  la  zone  froide  et  même  de  la  zone  tempérée.  Dans 
les  pays  chauds,  sous  les  tropiques,  il  existe  de  vraies  oasis  en  ce 
qui  concerne  les  moustiques  et  qui  pourtant  sont  de  vrais  cime- 
tières pour  les  blancs  qui  y  résident  et  qui  succombent  aux  atteintes 
des  formes  les  plus  graves  de  la  malaria. 

Tous  ceux  qui  ont  habité  le  Congo  Belge,  savent  qu'à  Matadi, 
par  exemple,  il  n'y  a  pas  de  moustiques.  On  peut  dormir  sans 
crainte  de  leur  morsure,  sans  protection  de  la  moustiquaire. 
Matadi  est  sur  le  flanc  d'une  montagne  rocheuse,  sans  végétation  ; 
il  n'y  a  pas  de  marais  dans  la  partie^  bâtie  et  habitée.  Il  y  a  le  voi- 
sinage du  fleuve  soumis  à  des  crues  périodiques,  mais  cette  position 
est  commune  à  beaucoup  d'autres  agglomérations  de  blancs  sur  le 
fleuve  Congo. 

Et  Matadi  est  l'endroit  du  Congo  où  l'on  meurt  le  plus  de  la 
malaria  (I)!  Des  agents,  venus  d'Europe,  en  parfait  état  de  santé, 
n'ayant  jamais  résidé  qu'à  Matadi,  sont  morts  rapidement  des 
formes  pernicieuses  de  la  malaria  sans  qu'on  puisse  incriminer  les 
moustiques. 

Dans  les  Polders  des  Pays-Bas  et  à  Anvers,  on  ne  peut  non  plus 
dire  que  ce  sont  les  moustiques  qui  inoculent  la  maladie  à  ceux 
qui  viennent  y  résider.  Et  pourtant  la  malaria  atteint  souvent  les 
nouveaux  arrivés;  on  y  a  observé  de  véritables  épidémies  à  l'occa- 
sion de  travaux  où  l'on  remuait  le  sol,  comme  à  l'occasion  des 
travaux  de  terrassement  nécessités  par  les  fortifications.  J'ai  per- 
sonnellement constaté  à  Anvers  qu'à  l'occasion  du  curage  des 
fossés  des  fortiflcations  ou  des  étangs  du  Parc,  on  observait  en 
ville  une  recrudescence  d'accès  de  malaria.  Cette  recrudescence 
tenait  évidemment  à  la  nature  du  sol  anversois  qui  est  marécageux. 
Dans  bien  des  cas  observés  par  moi-même,  après  enquête  minu- 
tieuse, je  n'ai  pu  incriminer  que  l'air  comme  véhicule  de  l'héma- 
tozoaire. 

Je  crois  donc  que  le  mode  de  propagation  de  la  malaria  est  divers 


(1)  Au  temps  de  mon  séjour  dans  le  Bos-Gongo  (Blatadi),  en  4895-189i,  la  mortalité 
annuelle  était  de  18  p.  c.  environ  du  nombre  des  agents  blancs. 


536  ÉTUDES  CCLONIALES  ^ 

et  que  la  contamination  par  les  moustiques  est  peut-être  la  moins 
fréquente  des  causes  de  cette  affection. 

Dans  un  précédent  travail  (1),  j'exprimais  à  propos  des  formes 
cliniques  de  la  malaria  et  de  la  pathogénie  des  symptômes,  l'opi- 
nion suivante  : 

((  L'unité  ctiologique  de  la  malaria  et  des  observations  souvent 
répétées  nous  ont  montré  l'étroite  relation  existant  entre  les  diver- 
ses manifestations  de  la  fièvre  malarienne.  De  même  que  le  bacille 
d'Eberth  peut  déterminer  des  manifestations  variées  de  la  fièvre 
typhoïde,  depuis  la  fièvre  muqueuse  jusqu'aux  manifestations  les 
plus  redoutables  de  la  fièvre  ataxique  ou  adynamique  en  passant 
par  la  fièvre  typhoïde  proprement  dite,  nous  croyons  que  l'héma- 
tozoaire de  Laveran  détermine  des  formes  variées  de  fièvre  inter- 
mittente, depuis  la  fièvre  simple  jusqu'à  la  fièvre  pernicieuse  en 
passant  par  la  fièvre  bilieuse  hémoglobinurique.  Si  l'hématozoaire 
est  en  quantité  modérée  dans  le  sang,  il  détermine  un  accès  aigu 
qui  peut  prendre  le  type  quotidien,  tierce,  quarte  et  les  mêmes 
types  doubles  suivant  le  temps  mis  par  l'hématozoaire,  pour  se 
développer  ou  selon  qu'il  y  a  plusieurs  générations  d'hématozoaires 
qui  se  développent  en  des  temps  différents.  Dans  ce  cas,  la  des- 
truction de  l'hémoglobine  par  l'hématozoaire  n'est  pas  suffisante 
pour  amener  des  symptômes  spéciaux  à  la  présence  de  l'hémoglobine 
et  de  ses  dérivés  dans  le  plasma  sanguin,  ni  l'hématozoaire  assez 
abondant  pour  amener  une  réaction  violente  de  l'organisme  contre 
les  produits  toxiques  sécrétés  par  lui.  Si,  au  contraire,  l'hémato- 
zoaire est  plus  abondant  à  un  moment  donné,  non  seulement  il 
amène  une  fièvre  intense  qui  détruit  les  globules  rouges,  en  met- 
tant en  liberté  de  l'hémoglobine,  mais  cette  destruction  vient 
s'ajouter  à  celle  qui  est  produite  par  l'hématozoaire.  L'hémoglo- 
bine, mise  en  liberté  comme  telle,  envahit  le  plasma  sanguin  et 
les  tissus,  y  subit  une  transformation  chimique  qui  aboutit,  d'une 
part,  à  la  formation  du  pigment  jaune  et,  d'autre  part,  à  la  création 
d'un  ictère  qui,  en  raison  de  son  origine,  est  appelé  hémalogène. 
C'est  ainsi  qu'est  constituée  la  fièvre  bilieuse. 


(1)  V Afrique  Equatoriale.  —  Climatologie,   Nosologie,  Hygiène.   Bruxelles,   1897. 
Société  belge  de  librairie,  16,  rue  Trcureubcrg,  page  16â. 


FORMES   CLINIQUES   DE   LA  MALARIA  537 

»  Dans  un  cas  absolument  analogue  à  ce  dernier,  si  nous  sup- 
posons rhématozoaire  encore  plus  abondant,  non  seulement,  il  y 
aura  fièvre  bilieuse,  mais  encore  l'hémoglobine,  mise  en  liberté 
comme  telle  dans  le  plasma  sanguin,  est  tellement  abondante  que 
le  foie  et  les  jautres  organes  ne  peuvent  parvenir  à  la  transformer 
entièrement  en  matière  colorante  de  la  bile  et  qu'une  partie  de 
rbémoglobine  passe  en  nature  à  travers  le  filtre  rénal  et  constitue 
la  fièvre  bilieuse  hémoglobinurique,  » 

Je  n'ai  absolument  rien  à  retrancher  à  cette  thèse  que  je 
crois  conforme  à  la  réalité  et  qui  donne  une  pathogénie  ration- 
nelle et  plausible  des  symptômes  de  l'affection.  Si  j'y  reviens 
aujourd'hui,  c'est  pour  en  compléter  1  étude,  y  ajouter  de  nou- 
velles considérations  basées  sur  des  observations  personnelles  et 
sur  des  constatations  anatomiques  résultant  de  l'examen  de  ma- 
lades ou  de  pièces  anatomiques  provenant  d'autopsies  de  sujets 
ayant  succombé  à  l'une  des  formes  à  paroxysmes  pernicieux  de  la 
maladie. 

L'unité  étiologique  de  la  malaria  est  un  dogme  basé  sur  l'obser- 
vation constante  de  l'hématozoaire  de  Laveran  dans  le  sang.  Tout 
le  monde  l'admet  quand  il  s'agit  des  formes  simples,  communes  de 
la  malaria.  Les  divergences  d'opinion  commencent  dès  qu'on  étu- 
die les  fièvres  à  paroxysmes  pernicieux,  ou  les  formes  rémittentes 
de  la  malaria.  C'est  de  cette  divergence  d'opinion  que  je  veux 
m'occuper. 

Dans  l'étude  des  fièvres  à  paroxysmes  pernicieux  ou  des  fièvres 
rémittentes  à  forme  gastrique  ou  hépatique,  etc.,  il  y  a  lieu  de 
distinguer  les  formes  suivantes  : 

1°  Il  y  a  des  fièvres  à  forme  gastrique  ou  hépatique  (bilieuse  ou 
hémoglobinurique)  qui  peuvent  survenir  chez  des  individus  dans 
le  sang  desquels  on  ne  constate  pas  l'hématozoaire  et  chez  lesquels 
on  est  sûr  qu'il  n'existe  pas  encore,  par  exemple  chez  les  nou- 
veaux arrivés  ; 

2*  11  y  a  des  fièvres  à  forme  gastrique  ou  hépatique  (bilieuse  ou 
hémoglobinurique)  qui  peuvent  survenir  chez  des  individus  dans 
le  sang  desquels  existe  l'hématozoaire  mais  où  il  n'est  pas  la  cause 
immédiate  de  l'affection  qu'il  ne  fait  que  compliquer  en  y  ajoutant 
ses  effets; 

3°  11  y  a  des  fièvres  à  forme  gastrique  ou  hépatique  (bilieuse  ou 


538  ÉTUDES  COLONIALES 

hémoglobinurique)  qui  atteignent  des  individus  atteints  de  malaria 
et  chez  lesquels  l'accès  fébrile  malarien  survient  en  même  temps  ou 
est  provoqué  par  la  fièvre  à  forme  gastrique  ou  hépatique; 

4"  Enfin,  il  y  a  des  fièvres  à  forme  gastrique  ou  hépatique 
(bilieuse  ou  hémoglobinurique)  qui  se  déclarent  sous  l'influence 
de  l'hématozoaire  et  en  dehors  de  toute  autre  cause.  A  mon  avis, 
ce  sont  les  formes  les  plus  rares. 

Je  crois  nécessaire  de  faire  ces  distinctions,  car  le  succès  du 
traitement  dépend  du  diagnostic  exact  de  la  forme  clinique.  C'est 
même  à  l'absence  de  ce  diagnostic  clinique  que  sont  imputables  les 
insuccès  et  surtout  les  divergences  d'opinion  en  ce  qui  concerne 
l'action  de  la  quinine  dans  les  fièvres  à  paroxysmes  pernicieux. 
Beaucoup  d'individus  succombant  en  Afrique  et  dont  la  mort  est 
imputée  à  la  malaria  avec  accès  pernicieux,  sont  morts  tout  sim- 
plement d'une  vulgaire  indigestion,  d'un  embarras  gastrique 
fébrile  (mauvaise  alimentiition  comme  quantité  et  surtout  comme 
qualité)  avec  fermentations  putrides  amenées  par  des  conditions 
climatériques  spéciales,  d'un  excès  de  boissons  alcooliques,  d'un 
excès  de  fatigue,  d'un  surmenage  physique  ou  intellectuel,  d'une 
marche  forcée  au  soleil,  souvent  aussi  de  refroidissement,  parfois 
victimes  de  leur  imprudence,  plus  souvent  de  leur  inexpérience  et 
de  leur  ignorance  des  règles  de  Thygiène  tropicale.  Si  l'on  défal- 
quait du  compte  malarien  toutes  les  victimes  du  climat,  on  verrait 
que  là  malaria  ne  tue  pas  tant,  même  en  Afrique. 

Beaucoup  de  fièvres  rémittentes  simples,  la  forme  gastrique  et 
hépatique  (bilieuse  simple)  sont  des  affections  de  première  inva- 
sion, qui  surviennent  chez  des  individus  indemnes  et  nouvellement 
arrivés  en  Afrique;  dans  ces  cas,  ces  fièvres  ne  sont  pas  impu- 
tables à  l'hématozoaire  de  Laveran.  On  ne  le  trouve  d'ailleurs  pas 
dans  le  sang. 

Ce  sont  des  fièvres  dites  climatiques,  imputables  aux  éléments 
météorologiques  (chaleur,  humidité,  hypertension  de  la  vapeur 
d'eau)  et  aux  troubles  apportés  aux  fonctions  digestives  par  les 
mêmes  éléments  météorologiques,  ou  par  les  excès  dans  le  boire 
et  le  manger,  les  excès  de  fatigue,  etc.  H  est  évident  que  les  fièvres 
climatiques  dues  uniquement  à  la  chaleur,  à  l'humidité  et  à  l'hyper- 
tension de  la  vapeur  d'eau  doivent  être  très  rares  si  même  elles 
existent.  Il  serait  d'ailleurs  difficile  d'expliquer  l'action  de  ces  trois 


FORMES   CLINIQUES  DE  LA  MALARLV  539 

éléments  seuls  pour  produire  Taugmen talion  de  température  du 
corps. 

Plus  nombreux  sont  les  cas  où  ces  trois  éléments  météorolo- 
giques, sous  l'influence  d'excès  et  d'écarts  de  régime  et  du  mauvais 
fonctionnement  des  émonctoires  naturels  (urines  et  sueurs)  (1) 
déterminent  des  troubles  gastro-intestinaux  fébriles  qui  peuvent 
s'accompagner  d'ictère,  s'ils  sont  intenses  ou  si  le  foie  est  en  état 
d'hypofonction  par  une  cause  préexistante.  En  réalité,  dans  ces 
cas,  il  s'agit  d'une  autointoxicalion  d'origiîie  alimentaire  ou  orga- 
nique dont  les  symptômes  sont  en  raison  directe  de  Vabondance 
des  toxines  alimentaires  ou  organiques  non  éliminées  par  les 
émonctoires  habituels  et  de  Vétat  fonctionnel  de  la  glande  hépa- 
tique. 

Si  le  foie,  qui  est  le  chimiste  de  l'organisme,  est  en  bon  état 
fonctionnel,  il  parvient  à  transformer  toutes  les  toxines  qui  lui 
sont  apportées  par  la  veine-porte  et  tout  se  borne  à  des  symptômes 
d'embarras  gastro-intestinal  plus  ou  moins  prolongé,  avec  une 
réaction  fébrile  parfois  intense,  mais  ne  se  prolongeant  pas  au 
delà  de  quatre  ou  cinq  jours  sans  transformations  ultérieures  en 
accès  intermittents. 

Si  le  foie  est  en  état  d'hypofonction,  ou  s'il  est  débordé  par  la* 
quantité  considérable  de  toxines  qui  lui  sont  apportées  par  la 
veine-porte,  aux  symptômes  d'embarras  gastro-intestinal  fébrile, 
se  joindront  des  symptômes  d'ictère  (fièvre  bilieuse  simple)  et, 
dans  ce  cas,  l'ictère  sera  hépatogène  et  parfois  hématogène. 

L'ictère  hépatogène  proviendra  de  l'action  immédiate  des  toxines 


(1)  £n  Afrique,  où  le  chiffre  de  rbumidité  relative  de  Tair  est  toujours  voisin  du  chiffre 
de  rbumidité  absolue,  avec  une  chaleur  moyenne  parfois  supérieure  à  celle  du  corps, 
l'organisme  ne  peut  réagir  pour  rétablir  l'équilibre  et  ramener  la  température  du  corps 
à  la  normale  par  la  sueur  et  le  refroidissement  qui  résulte  de  l'évaporation  dans  l'atmo- 
sphère puisque  celle-ci  est  saturée. 

De  là,  augmentation  de  la  chaleur  normale  du  corps,  rétention  d'une  partie  des  pro^ 
duits  d'oxydation  des  tissus,  dont  l'élimination  normale  se  fait  par  la  sueur  et  la  peau, 
sans  compensation  de  la  fonction  urinaire  toujours  inférieure  à  ce  qu'elle  doit  être  ;  puis 
fermentations  abondantes  des  matières  gastro-intestinales,  production  de  toxines  et  sur- 
menoge  du  foie. 

Il  ne  faut  pas  oublier  qu'une  substance  alimeutairc  parfaite,  de  bonne  qualité  et  inof« 
fensivc  quand  les  organes  de  sécrétion  sont  saius,  peut  devenir  très  dangereuse  quand 
ces  organes  sont  malades.  Or,  les  organes  d'un  et  et  d'excrétion  sont  :  le  foie,  les  reins, 
les  glandes  sudorifères,  etc. 


540  ÉTUDES  COLONIALES 

sur  le  tissu  du  foie  et  du  fonctionnement  excessif  de  la  glande 
hépatique  pour  détruire  les  toxines  avec  un  certain  degré  de 
catarrhe  des  voies  biliaires.  L*ictère  hétnatogèm  qui  vient  s'y 
ajouter  sera  dû,  si  le  foie  est  en  état  d'hypofonction,  à  Faction  des 
toxines  sur  le  sang  par  réaction  chimique  sur  les  globules  rouges, 
mise  en  liberté  de  Thémoglobine  et  transformation  ultérieure  en 
éléments  de  la  bile.  Voilà,  à  mon  avis,  le  mécanisme  de  la  produc- 
tion de  ces  fièvres. 

Le  diagnostic  clinique  de  ces  différentes  formes  semble,  a  prion, 
difficile  à  faire,  en  raison  de  la  communauté  des  symptômes  prin- 
cipaux. Je  ne  crois  pas  cependant  cette  difficulté  insurmontable, 
avec  un  peu  d'attention  et  de  jugement,  une  recherche  minutieuse 
des  commémoratifs  et  des  symptômes  et  l'examen  microscopique 
du  sang,  qui  doit  pouvoir  être  fait  par  tous  les  médecins  qui  exer- 
cent dans  les  pays  à  malaria. 

Sous  [peine  d'abuser  de  la  bienveillante  hospitalité  qui  m'est 
accordée  dans  les  colonnes  de  ce  bulletin,  il  ne  m'est  pas  permis 
d'entrer  dans  des  détails  sur  le  diagnostic  différentiel  à  faire  entre 
les  formes  cliniques  des  fièvres  gastriques  et  bilieuses.  Je  me  bor- 
nerai à  donner  des  indications  au  moyen  desquelles  on  pourra 
faire  un  bon  diagnostic,  nécessaire  pour  finre  une  bonne  thérapeu- 
tique. 

.  La  fièvre,  dite  climatique ,  celle  qui  est  due  aux  éléments  météo- 
rologiques seuls,  doit  être  très  rare.  Elle  se  diagnostiquera  par 
exclusion. 

Pour  le  diagnostic  des  fièvres  à  forme  gastrique  et  bilieuse,  on 
se  basera  sur  : 

1^  L'époque  d'arrivée  du  malade  et  la  durée  de  son  séjour  en 
pays  à  endémie  malarienne; 

2**  Les  écarts  de  régime,  les  excès  de  tout  genre  qui  ont  précédé 
la  fièvre  ; 

3®  Les  antécédents  du  malade  :  absence  ou  présence  d'accès 
fébriles  caractéristiques  antérieurs  ; 

4°  La  présence  ou  l'absence  de  l'hématozoaire  de  Laveran  dans 
le  sang.  Dans  cet  examen,  on  recherchera  très  attentivement  les 
formes  divei*ses  de  l'hématozoaire  et  les  phases  du  cycle  d'évolu- 
tion. Cette  recherche  permettra,  si  les  ;résultats  sont  positifs, 
d'exclure  la  fièvre,  dite  climatique,  la  forme  gastrique  ou  bilieuse 


FORMES   CLINIQUES  DE  LA  MALARIA  541 

pure,  d'affirmer  l'intoxication  malarienne  et,  par  l'observation  des 
formes  et  du  cycle  d'évolution  de  l'hématozoaire,  de  dire  si  l'accès 
malarien  a  précédé  ou  accompagné  la  fièvre  gastrique  ou  bilieuse 
et,  dans  ce  dernier  cas,  si  la  fièvre  gastrique  ou  bilieuse  a  été  la 
cause  de  l'accès  malarien; 

5^  Le  mode  de  début.  Dans  la  moitié  des  cas,  le  frisson,  qui  est 
le  premier  stade  de  l'accès  malarien,  manque  dans  les  pays  tropi- 
caux. L'accès  est  précédé  par  un  malaise  spécial  :  léger  lumbago» 
avec  irradiations  douloureuses  vers  les  cuisses,  établi  dès  la  veille 
et  qui  va  s'accroissant  jusqu'au  moment  de  l'invasion  et  le  frisson 
du  premier  stade  est  remplacé  par  une  sensation  de  chair  de  poule 
et  d'horripilation.  Le  frisson  manque  plus  rarement  et  les  vomis- 
sements sont  presque  la  règle  dans  les  fièvres  à  forme  gastrique 
ou  bilieuse; 

6°  L'hypersplénie  caractéristique  d'intoxication  malarienne  fait 
défaut  dans  les  fièvres  à  forme  gastrique  ou  bilieuse  simple  des 
nouveaux  arrivés; 

7""  La  température  est  ordinairement  plus  élevée  dans  la  malaria, 
les  oscillations  therraométriques  (rémissions  et  exacerbations) 
sont  plus  amples,  allant  de  1  à  3  degrés,  tandis  que  dans  les 
fièvres  à  forme  gastrique  ou  bilieuse  simple,  la  fièvre  est  plus  con- 
tinue avec  des  rémissions  moins  étendues.  L'heure  des  rémissions 
et  des  exacerbations  fébriles  est  aussi  à  considérer  :  rémissions 
nettement  matinales,  exacerbations  nettement  vespérales  dans  les 
formes  gastrique  ou  bilieuse  simple,  tandis  que,  dans  les  mômes 
formes  malariennes,  les  exacerbations  fébriles  surviennent  à  diffé- 
rentes heures  du  jour  suivant  la  dérivation  de  la  fièvre  rémittente. 
On  peut  même  observer  deux  exacerbations  fébriles  en  vingt- 
quatre  heures,  une  à  midi,  l'autre  à  minuit  avec  des  rémissions 
matinales  et  vespérales  ; 

S"*  L'action  spécifique  de  la  quinine  sur  la  malaria  et  son  action 
nulle,  souvent  nuisible  dans  les  formes  non  malariennes. 

J'ai  omis  à  dessein  de  parler  jusque  maintenant  de  la  fièvre 
bilieuse  hémoglobinurique  d'une  manière  spéciale.  Et  pourtant, 
une  grande  partie  des  considérations  qui  précèdent  s'appliquent 
aussi  à  cette  forme  clinique.  C'est  affirmer  ainsi  ma  conviction 
quen  pays  tropical,  la  fièvre  bilieuse  hémoglobinurique  nest  pas 
toujours  malarienne. 


542  ÉTUDES   COLONIALES 

Voici  comment  j'ai  défini  ailleurs  la  fièvre  bilieuse  hémoglobi- 
nurique  :  (1)  «...  La  forme  bilieuse  hémoglobinurique  de  la  fièvre 
rémittente  est  constituée  quand  Thémoglobine,  mise  en  liberté 
non  seulement  par  faction  des  hématozoaires  de  Laveran  sur  les 
globules  rouges,  mais  aussi  par  faction  des  toxines  sécrétées  par 
eux  sur  les  globules  rouges  restés  intacts  et  par  celle  de  la  fièvre 
intense  elle-même,  lorsque  l'hémoglobine,  disons-nous,  n'ayant  pu 
être  complètement  transformée  en  matière  colorante  de  la  bile,  à 
cause  de  son  abondance,  est  en  suflRsanle  quantité  dans  le  plasma 
sanguin  pour  traverser  le  filtre  rénal  comme  telle  ou  plutôt  sous 
forme  de  methémoglobine.  U  y  a  donc  dans  la  forme  bilieuse 
hémoglobinurique,  non  seulement  de  fictère  hématogène  constituant 
la  forme  bilieuse  simple,  mais,  en  plus,  il  y  a  hémoglobinurie, 
c'est-à-dire,  de  la  methémoglobine  en  nature  dans  les  urines... 
Il  n'y  a  pas  de  microbe  spécial  de  fhémoglobinurie...  Dans 
l'Afrique  équatoriale,  nous  n'avons  jamais  observé  fhémoglobinurie 
sous  la  l'orme  non  malarienne.  » 

Contrairement  à  ce  que  j'avais  affirmé,  la  fièvre  bilieuse  hémo- 
globinurique, observée  dans  les  tropiques,  n'est  pas  toujours 
malarienne,  c'est-à-dire,  qu'elle  n'est  pas  toujours  la  manifestation 
grave  de  l'intoxication  aigûe  par  l'hématozoaire.  Elle  frappe,  il  est 
vrai,  très  rarement  les  individus  récemment  en  puissance  de 
malaria,  plus  rarement  encore  les  nouveaux  arrivés  indemnes.  Je 
crois  cependant  que  des  exemples  de  ces  atteintes,  exceptionnelles 
sans  doute,  existent  dans  la  littérature  médicale. 

Plus  nombreux  sont  les  cas  de  fièvre  bilieuse  hémoglobinurique 
observés  chez  des  individus  profondément  anémiés  par  un  ong 
séjour  aux  pays  tropicaux,  fatigués  et  surmenés.  Beaucoup  de 
ceux-ci  sont  d'anciens  fébricitants,  ayant  subi  antérieurement 
plusieurs  atteintes  de  fièvre  bilieuse  simple.  Chez  ceux-ci,  la  fièvre 
bilieuse  hémoglobinurique  peut  être  une  manifestation  suraigûe 
de  l'hématozoaire  de  Laveran,  comme  elle  peut  être  la  manifesta- 
tion d'une  autointoxication  alimentaire  ou  organique  survenant 
chez  un  individu  dans  le  sang  duquel  on  trouve  l'hématozoaire, 
mais  où  celui-ci  n'est  pas  la  cause  immédiate  de  l'atteinte  hémoglo- 
binurique  Dans  ce  dernier  cas,  cetle  forme  de  fièvre  bilieuse 


(1)  D'-.  A.  PosKix,  loc.  i-il.  p.  170. 


FORMES   CLINIQUES  DE   LA   3IALA1UA  543 

hémoglobinurique  peut  être  compliquée  d  accès  malarien  et  être 
rendue  plus  grave  de  ce  fait,  comme  elle  peut  évoluer  seule  sans 
que  les  effets  de  l'hématozoaire  viennent  s'y  ajouter. 

Cette  distinction  est  très  importante  à  faire  au  point  de  vue  de 
la  marche  à  suivre  pour  le  traitement.  D'un  diagnostic  exact  peut 
dépendre  la  vie  du  malade.  Ce  diagnostic  est  très  ardu,  mais  il 
n'est  pas  impossible.  Les  mêmes  éléments  que  j'ai  énumérés  plus 
haut  serviront  de  base  à  un  diagnostic  exact  ;  j'insiste  tout  parti- 
culièrement sur  l'examen  microscopique  du  sang,  sur  les  anam- 
nestiques.  principalement  le  refroidissement,  les  privations  ou  les 
excès  alcooliques  ordinaires,  l'usage  d'aliments  avariés,  surtout 
de  conserves  de  viandes  et  de  poisson,  le  surmenage  physique,  la 
chaleur  élevée  avec  une  atmosphère  presque  saturée  d'humidité 
avec  hypertension  de  la  vapeur  d'eau  et  hypertension  électrique. 

Pour  bien  se  rendre  compte  de  la  pathogénie  de  cette  forme 
clinique  et  de  la  prédilection  qu'elle  manifeste  pour  les  vieux  fébri- 
citants  et  ceux  qui  ont  fait  un  long  séjour  sous  les  tropiques,  il 
est  nécessaire  de  rappeler  l'état  du  sang,  l'état  des  organes  et 
principalement  1  état  du  foie,  de  la  rate  et  des  reins. 

Je  n'ai  pas  besoin  d'insister  sur  les  lésions  du  sang;  elles  sont 
assez  connues:  Diminution  de  la  masse,  diminution  du  nombre 
de  globules  rouges  ;  présence  de  globules  rouges  à  noyaux  ;  aug- 
mentation du  nombre  de  leucocytes  mono  et  polynucléés;  présence 
constante  du  pigment  mélanique  et  ocre,  formes  variées  de  l'héma- 
tozoaire. Ce  sont  ces  lésions  qui  déterminent  les  symptômes  de 
l'anémie  tropicale  qui  ne  manque  jamais  après  un  séjour  plus  ou 
moins  prolongé  sous  les  tropiques. 

La  rate  est  toujours  hypertrophiée.  L'hypertrophie  porte  sur- 
tout sur  les  éléments  conjonctifs  non  seulement  de  la  capsule  mais 
sur  ceux  des  travées  fibreuses  qui  en  dérivent.  Le  pigment  méla- 
nique est  très  abondant  et  répandu  dans  la  pulpe  et  les  capillaires 
veineux  et  même  dans  les  gaines  préartérielles  et  les  cellules 
parenchymateuses. 

Les  lésions  du  foie  sont  de  beaucoup  les  plus  importantes. 
L'hypertrophie  de  l'organe  est  de  règle,  sauf  aux  périodes  ultimes 
de  la  cachexie.  Cette  hypertrophie  s'explique  par  l'accumulation 
du  pigment  mélanique  dans  les  cellules  hépatiques,  par  l'accumu- 
lation dans  les  capillaires  de  leucocytes,  de  cellules  migratrices 


544  ETUDES   COLONIALES 

(d'origine  splénique?).  par  l'hypertrophie  et  Thyperplasie  des  cel- 
lules hépatiques,  par  la  prolifération  excessive  des  éléments  con- 
jonctifs  des  gaines  de  Glisson  et  par  la  cirrhose  commençante. 
On  trouve  parfois  les  lésions  de  l'hépatite  nodulaire  parenchyma- 
teuse  ou  celles  de  la  cirrhose  à  la  fois  interstitielle  et  parenchyraa- 
teuse.  L'organe  est  donc  en  état  d'hypofonction  habituelle  du  fait 
des  lésions  chroniques  qui  atteignent  le  parenchyme. 
.  Les  altérations  du  rein  sont  identiques  à  celles  du  foie  et  de  la 
rate.  L'épithélium  des  tubes  sécréteurs  et  des  capsules  de  Bow- 
mann  est  imprégné  d'une  matière  colorante  très  divisée,  dérivée 
de  l'hémoglobine.  Le  tissu  conjonctit  des  cloisons  intertubulaires 
est  légèrement  épaissi.  Ces  altérations  vont  parfois  jusqu'aux 
lésions  de  la  néphrite  diffuse  ou  glomérulaire,  parfois  de  la 
néphrite  à  granulations  de  Bright  de  Kelsch  et  Kiener. 

Sous  l'influence  de  la  malaria,  la  succession  des  lésions  organi- 
ques s'opère  de  la  façon  suivante  : 

Périodiquement,  l'hématozoaire  de  Laveran  envahit  le  sang  ;  il 
attaque  les  globules  rouges  dont  il  digère  une  partie  de  l'hémoglo- 
bine transformée  en  pigment  mélanique.  Les  toxines  sécrétées  par 
l'hématozoaire  agissent  dans  le  même  sens  et  aident  à  mettre  en 
liberté  une  partie  de  l'hémoglobine.  Le  globule  complètement 
altéré  est  détruit  par  la  rate.  Celle-ci  emmagasine  les  produits  de 
cette  destruction  jusqu'au  moment  où,  sous  l'action  d'un  travail 
incessant,  la  rate  surmenée,  s'hypertrophie  et  se  sclérose.  C'est 
alors  au  foie  à  suppléer  à  la  fonction  insuffisante  de  la  rate  et  à 
élaborer  l'hémoglobine  mise  en  liberté  par  la  destruction  glo- 
bulaire. C'est  alors  que  commence  l'infiltration  pigmentaire.  Peu  à 
peu,  s'établit  une  cirrhose  peri-sus-hépatique  irrégulière,  dissémi- 
née, en  îlots. 

Lorsque  le  foie  est  infiltré  des  produits  de  l'hémoglobine,  cette 
substance  passe  dans  le  rein  ;  après  ce  dernier  organe,  tous  les 
tissus  et  toutes  les  glandes  peuvent  emmagasiner  la  matière  colo- 
rante (pancréas,  poumons,  peau,  cerveau,  épiploon,  etc.). 

La  rate,  le  foie,  les  reins  jouent  dans  cette  affection  le  rôle  pro- 
tecteur des  ganglions  lymphatiques  vis-à-vis  d'une  infection  quel- 
conque, ils  exercent  une  fonction  d'arrêt  vis-à-vis  des  microbes, 
de  leurs  toxines  et  des  produits  inflammatoires  et  ce  n'est  que 


FORMES   CLINIQUES  DE   LA   MALARIA  545 

lorsqu'ils  sont  débordés  successivement  par  l'abondance  ou  la 
virulence  de  ceux-ci  qu'ils  les  laissent  passer  dans  le  sang. 

Voici,  d'autre  part,  quelles  sont  les  modifications  fonctionnelles 
et  les  lésions  organiques  que  Ion  observesous  l'influence  prolongée 
du  climat  tropical. 

C'est  d'abord  un  abaissement  de  la  pression  vasculaire  qui 
Impressionne  peu  à  peu  les  organes  en  les  disposant  à  la  pléthore 
(foie,  rate,  tube  digestif,  etc.). 

C'est  ensuite  la  modification  constante  et  profonde  des  fonctions 
digestives.  Celles-ci  sont  toujours  altérées  et  viennent  compliquer 
la  pléthore  du  foie,  de  la  rate  et  des  glandes  abdominales.  Ces 
modifications  portent  non  seulement  sur  l'estomac,  mais  aussi  sur 
l'intestin;  de  là,  une  digestion  incomplète  des  aliments,  fermenta- 
tions putrides  et  autointoxication  alimentaire  dont  les  produits 
viennent  augmenter  le  travail  du  foie.  Ces  troubles  digestifs  se 
trouvent  encore  accrus  par  la  suractivité  de  la  fonction  sudorale. 

C'est  encore  la  diminution  constante  de  la  quantité  d'urine 
excrétée. 

C'est  le  suractivité  fonctionnelle  du  foie  sous  l'influence  des 
troubles  digestifs,  se  manifestant  par  de  la  polycholie  ;  c'est  la 
diminution  de  la  production  d'urée  et  de  glycogène,  indice  d'une 
diminution  du  pouvoir  destructeur  du  foie  vis-à-vis  des  poisons 
organiques  puisés  dans  les  voies  digestives  et  ailleurs. 

Cet  exposé  anatomo-pathologique  va  me  servir  à  expliquer  la 
pathogénie  de  la  fièvre  bilieuse  hémoglobinurique  sans  faire  inter- 
venir l'action  d'un  microbe  spécial. 

,  Un  exemple  me  permettra  de  mettre  en  évidence  cette  patho- 
génie : 

Voici  un  explorateur,  ou  un  agent  qui  a  séjourné  depuis  plus 
d'un  an  dans  un  district  éloigné  de  l'Afrique  Equatoriale,  ou  un 
agent  atteint  précédemment  de  fièvre  bilieuse  hémoglobinurique, 
"OU  encore  un  agent  qui,  après  un  premier  séjour  au  Congo,  a  été 
rapatrié,  puis,  est  revenu  reprendre  ses  fonctions  au  continent  noir 
après  un  trop  court  séjour  en  Europe.  Il  a  eu  plusieurs  accès 
fébriles  antérieurs  à  forme  rémittente,  gastrique  ou  bilieuse;  il 
porte  les  stigmates  de  l'anémie  tropicale.  On  constate  qu'il  a  de 
ï'bypersplénie  et  un  gros  foie.  Un  peu  sous  l'influence  du  climat, 
ist  beaucoup  sous  l'influence  d'un  mauvais  régime  alimentaire  au 


oi6  ÉTUDES   COLONIALES 

point  de  vue  de  la  quantité  et  surtout  de  la  qualité,  peut  être  sous 
Tinfluence  d'excès  alcooliques  antérieurs,  ses  fonctions  digestives 
sont  languissantes.  Il  a  peut  être  souffert  de  dysenterie  et  de 
diarrhée  tropicale.  C'est  un  excité  au  point  de  vue  génésique,  usant 
largement,  abusant  même  du  coït.  C'est  un  surmené  au  point  de 
vue  du  travail  physique,  de  la  fatigue  musculaire  imposée  par  de 
longues  marches  au  soleil  ou  p^r  des  parties  de  chasse.  Il  est  cou- 
vert de  bourbouille  (lichen  tropicus)  et  ses  membres  inférieurs 
sont  couverts  de  sarnes  (ulcères  phagédéniques). 

La  grande  saison  sèche  est  arrivée  (automne  et  hiver).  Voilà  une 
proiç  pour  la  fièvre  hémoglobinurique  si  certaines  circonstances 
étiologiques  viennent  à  se  réaliser. 

A,  —  Chez  un  tel  sujet,  ainsi  disposé,  un  accès  fébrile  franche- 
ment malarien  vient  à  se  déclarer,  après  un  excès  de  marche  au 
soleil,  un  travail,  même  léger  ou  simplement  la  surveillance  de 
travaux  de  terrassements  en  terre  vierge,  marécageuse  ou  non,  ou 
encore  après  le  séjour  prolongé  ou  le  campement  sous  la  tente  et 
sur  la  terre  nue  pendant  une  nuit,  à  proximité  d'un  marigot  au 
début  de  la  saison  sèche  ou  au  commencement  de  la  saison  des 
pluies  et  après  une  journée  très  chaude,  orageuse,  ou  aussi  après 
un  refroidissement  (beaucoup  plus  fréquent  en  Afrique  qu'on  ne 
le  croit  communément),  refroidissement  survenu  par  rabaissement 
normal  de  la  température  extérieure,  ou  par  évaporation  rapide 
de  sueur,  ou  par  une  chute  abondante  de  pluie  mouillant  les  vête- 
ments et  le  corps  sans  possibilité  de  changer  de  linge;  cet  accès 
fébrile  pourra  déterminer  la  forme  bilieuse  hémoglobinurique.  Il 
suffira  pour  cela  que  la  virulence  des  hématozoaires  soit  exaltée 
par  les  causes  que  nous  venons  d'énuraérer  et  qui  favorisent  leur 
éclosion  et  qu'une  génération  plus  abondante  d'hématozoaires 
envahisse  le  sang  en  un  temps  donné.  Dans  ces  conditions,  avec 
l'allération  préexistante  de  la  rate,  du  foie  et  des  reins  et  l'état 
hydrémique  du  sang,  l'hémoglobine  mise  en  liberté  par  l'hémato- 
zoaire, par  les  toxines  et  par  la  fièvre  ne  pourra  être  transformée 
complètement  en  matière  colorante  de  la  bile  ;  elle  franchira  le 
filtre  rénal  pour  apparaître  à  l'état  de  methémoglobine  dans  les 
urhies.  Il  y  a,  à  la  fois,  ictère  hépatogène  et  ictère  hématogène 
intense  et  hémoglobinurie.  Cette  polycholie  anormale  se  traduit 
non  seulement  par  un  ictère  intense,  mais  encore  par  des  vomis- 


FORMES   CLINIQUES  DE  LA  MALARIA  547 

sements  bilieux   abondants,  d'abord  jaunes   puis   vert   cuivre. 

C'est  dans  cette  forme  clinique  qu'on  trouve  une  température 
très  élevée  et  qui  reste  très  élevée,  mais  presque  toujours  avec  des 
oscillations  de  grande  amplitude. 

B.  —  Dans  les  mêmes  circonstances  étiologiques  :  individuelles 
et  climatériques,  de  temps  et  de  lieu,  le  même  agent  fait  un  excès 
alcoolique  (bière,  vins  ou  liqueurs),  un  repas  trop  copieux  avec 
viandes  noires,  faisandées  ou  en  conserve,  du  poisson  salé,  mariné 
ou  à  l'huile  (morue,  sardines,  thon,  saumon,  caviar),  des  crustacés 
en  boîte  (homard,  langoustes,  etc.)  ;  ajoutez  à  cela  une  tempéra- 
ture élevée,  un  état  hygrométrique  sursaturé  de  l'atmosphère  avec 
hypertension  de  la  vapeur  d'eau,  une  tension  (ïlectrique  considé- 
rable précédant  ou  suivant  un  orage,  de  précédentes  sueurs 
diffuses  ayant  encore  diminué  le  pouvoir  digestif  des  liquides 
gastro-intestinaux,  une  augmentation  de  la  température  du  corps 
résultant  de  l'accumulation  des  calories  organiques  ou  de  la  cha- 
leur extérieure  agissant  sur  le  corps  par  Tintermédiaire  d'un  air 
sursaturé  d'humidité,  bon  conducteur  du  calorique  et  empêchant 
à  ce  moment  le  rétablisseme  de  ntl'équilibre  calorique  en  s'oppo- 
sant  à  l'écoulement  de  la  sueur  et  à  son  évaporation.  Il  va  se 
produire  un  catarrhe  gastro-intestinal  fébrile,  fermentation  putride^ 
production  de  toxines  alimentaires  auxquelles  viendront  se  joindre 
les  poisons  organiques  non  éliminés.  Le  foie  déjà  surmené  et  en 
état  d'hypofonction  ne  pourra  suffire  à  sa  tache  malgré  l'hyper- 
cholie  manifestée  par  l'ictère  et  les  vomissements  bilieux  ;  il  sera 
débordé. 

Les  toxines,  résorbées  dans  le  sang,  agiront  comme  telles  sur 
les  globules  rouges,  mettront  l'hémoglobine  en  liberté  et  celle-ci 
passant  à  travers  le  filtre  rénal  constituera  l'hémoglobinurie. 

Une  remarque  importante  à  faire  au  point  de  vue  du  diagnostic, 
c'est  que  l'hémoglobinurie  qui  dépend  d'une  auto-intoxicatiun 
alimentaire  ou  d'une  résorption  de  poisons  élaborés  dans  l'orga- 
nisme, évolue  souvent  sans  fièvre^  ou  avec  une  température  à  peine 
au-dessus  de  la  normale,  parfois  même  en-dessous  de  la  normale 
et,  en  tous  cas,  avec  des  rémissions  de  plus  courte  étendue  qus 
Vhémoglobinurie  malarienne.  Il  n'est  pas  rare  d'observer  en  même 
temps  des  symptômes  d'urémie  se  manifestant  par  une  violenta 
céphalalgie,  des  hallucinations  et  du  délire. 


548  ÉTUDES  COLONIALES 

Souvent  l'éclosion  de  cette  hémoglobinurie  sera  le  point  de 
départ  d'un  accès  fébrile  malarien  qui  viendra  y  ajouter  des  symp« 
lômes  propres  et  rendra  plus  intense  encore  le  symptôme  hémo- 
globinurie  à  cause  de  l'action  élective  de  Thémazotoaire  sur  le 
globule  rouge.  L'accès  malarien  peut  coïncider  avec  le  début  de 
rhémoglobinurie,  ou  bien,  il  peut  se  déclarer  pendant  le  cours 
de  l'affection  primitive  ou  même  arriver  tout  à  la  fin.  Il  est  évident 
que  cette  complication  grave  doit  pouvoir  être  prévue  et  qu'il  est 
nécessaire,  en  cas  d  hémoglobinurie  non  malarienne,  d'user  de 
moyens  préventifs  pour  écarter  l'accès  fébrile  malarien. 

Le  frisson  qui  survient  parfois  au  cours  de  l'affection,  une 
élévation  subite  de  température  sans  coïncidence  nécessaire  avec 
les  rémissions  matinales  et  les  exacerbations  vespérales  ordinaires, 
l'augmentation  de  l'ictère,  de  l'hémoglobinurie  et  des  vomissements 
bilieux  attireront  l'attention.  Mais  pour  cela,  il  est  nécessaire 
d'observer  le  malade  de  près,  de  prendre  la  température  toutes  les 
heures,  ou  toutes  les  deux  heures  et  de  pratiquer  l'examen  du 
sang,  pour  surveiller  1  eclosion.  et  l'apparition  de  l'hématozoaire 
de  Laveran. 

On  pourra,  dans  ce  cas,  faire  un  diagnostic  précoce  de  la  forme 
clinique  de  l'hémoglobinurie,  prévenir  parfois  les  complications  et 
feire  une  thérapeutique  rationnelle  et  efficace. 

Sans  doute,  ce  sont  là  des  considérations  basées  uniquement  sur 
l'observation  clinique  des  malades. 

Si  elles  ne  sont  démontrées  ni  physiologiquement,  ni  anatomo- 
pathologiquement,  elles  pourront  être  vérifiées  sur  place  par  les 
médecins.  Est-ce  d'ailleurs  la  première  fois  que  des  observations 
cliniques  ont  ouvert  le  chemin  aux  constatations  physiologiques, 
anatomo-pathologiques  et  même  bactériologiques? 

L'histoire  de  la  médecine  est  là  pour  dire  que  des  conceptions, 
purement  théoriques  basées  sur  la  clinique,  se  sont  vérifiées 
longtemps  après,  alors  qu'au  moment  où  elles  étaient  émises,  il  y 
avait  impossibilité  matérielle  de  prouver  leur  justesse. 

Est-ce  que  les  médecins  des  colonies  n'avaient  pas  prévu  dès 
longtemps  que,  des  fièvres  observées  par  eux,  toutes  n'étaient  pas 
malariennes  et  que  beaucoup  dépendaient  d'un  état  particulier  des 
Toies  digéstives?  Est-ce  que  leur  thérapeutique  par  les  évacuants 
(vomitifs,  purgatifs,  etc  )  ou  par  la  saignée  ne  leur  a  pas  donné  des 


FORMES  CLINIQUES  DE  LA  MALARIA  549 

succès,  peut-être  aussi  nombreux  que  ceux  des  médecins  de  nos 
jours? 

Nos  prédécesseurs  appelaient  ces  formes  cliniques  des  fièvres 
putrides.  Etaient-ils  si  loin  de  la  vérité?  Et  pourtant,  ils  ne  con- 
naissaient ni  l'hématozoaire  de  Laveran,  ni  les  toxines,  ni  les  pto- 
maïnes.  ni  tous  ces  poisons  que  l'organisme  élabore  avec  tant  de 
profusion  et  qui  font  de  l'homme  une  des  bêtes  les  plus  venimeuses 
de  la  création  ? 

L'efficacité  de  certains  traitements,  la  nocuité  de  certains  médi- 
caments dans  des  formes  cliniques  qu'on  a  toujours  cru  identiques 
démontrent  péremptoirement  que  la  vraie  notion  de  la  maladie  a 
fait  défaut  d'une  manière  absolue  ou  relative.  C'est  toujours  le 
ce  Naturam  morborum  ostendunt  curationes  »  qu'il  aurait  fallu 
observer  de  près. 

Un  exemple  éclatant  qui  vient  à  l'esprit  de  tout  observateur, 
c'est  celui  de  l'administration  de  la  quinine. 

Le  principe  actif  du  quinquina  est  reconnu,  sans  conteste,  comme 
le  spécitique  de  la  malaria,  quelle  que  soit  la  forme  clinique. 

Pourquoi  ce  médicament  héroïque  échoue-t-il  misérablement 
dans  des  formes  cliniques  identiques  d*aspect  et  de  symptômes? 
Pourquoi  guérit-il  l'hémoglobinurie  et  pourquoi  la  provoque-t-il 
ou  l'aggrave-t-il  dans  certains  cas  où  les  symptômes  initiaux 
semblent  comporter  le  même  diagnostic? 

Tout  simplement,  parce  que  la  première  forme  est  malarienne  et 
que  la  seconde  ne  l'est  pas. 

Dans  les  mêmes  cas,  pourquoi  l'eau  chloroformée,  sans  quinine, 
guérit-elle  l'hémoglobinurie  et  pourquoi  est-elle  inetlicace  dans 
d'autres  cas? 

Parce  que  la  première  forme  n'est  pas  malarienne  et  que  la 
seconde  l'est.  L'eau  chloroformée,  dans  une  autointoxication 
hémoglobinurique  fait  l'office  d  antiseptique  des  voies  digestives  ; 
elle  favorise  la  diurèse  et  l'élimination  des  toxines  du  sang,  sans 
compter  son  action  aneslhésiante  locale.  C'est  là  tout  le  secret  de 
son  action  tant  vantée. 

La  conclusion  de  cet  exposé,  c'est  que  le  traitement  de  certaines 
formes  cliniques,  rangées  souvent  sous  la  même  étiquette  de  mala- 
riennes, doit,  pour  être  précis  et  efTicace,  être  précédé  d'un  bon 
diagnostic,  et  s'attaquer  à  la  cause,  cause  qui  doit  être  recherchée 


550  ETUDES  COLONIALES 

avec  soin  avant  de  prescrire  la  thérapeutique.  D'une  intervention 
thérapeutique  précoce,  énergique  et  précise  dépend  le  succès  final 
et  souvent  l'enjeu  est  la  vie  ou  la  mort  d'un  homme  et  cela,  dans 
des  pays  oii  les  unités  humaines  acquièrent  une  valeur  double  de 
celle  qu'elles  ont  ailleurs. 

Je  dois  me  borner  à  énoncer  dans  cet  ordre  d'idées  quelques 
principes  généraux. 

I.  —  Avant  tout,  une  bonne  hygiène  individuelle  et  une  bonne 
hygiène  publique  sont  les  pivots  de  la  prophylaxie  malarienne  et 
tropicale  et  des  manifestations  redoutables,  les  lièvres  à  paroxysmes 
pernicieux  à  formes  gastrique,  hépatique  simple  et  hémoçlobinu- 
rique.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'énumérer  les  desiderata  de  l'hygiène 
surtout  en  pays  tropical  ;  mais  je  considère  comme  primordiale  en 
prophylaxie  l'excellence  des  conditions  hygiéniques  privée  et 
publique.  C'est  beaucoup  l'affaire  des  pouvoirs  publics  s'ils  con- 
sentent à  se  laisser  guider  par  les  conseils  de  médecins  expéri- 
mentés, seuls  compétents  en  ces  matières. 

II.  —  En  ce  qui  concerne  la  médecine  aux  colonies,  il  ne  faudra 
pas  perdre  de  vue  que  les  entités  morbides  sont  là-bas  bien  plus 
redoutables  que  dans  nos  pays  et  qu'il  faudra,  pour  leur  disputer 
la  vie  humaine,  des  médecins  instruits  d'abord,  mais  surtout,  par 
un  stage  préalable,  connaissant  à  fond  les  maladies  tropicales  et 
leur  traitement,  sachant  faire  un  bon  diagnostic  basé  et  sur  des 
observations  cliniques  et  sur  des  constatations  bactériologiques  et 
anatomo-pathologiques. 

Comme  corollaire  à  ce  desideratum,  il  sera  nécessaire  de  pré- 
munir les  agents  et  les  explorateurs  contre  leur  ignorance  et  leur 
inexpérience  en  leur  enseignant  les  dangers  d'une  hygiène  relâchée 
elles  premières  notions  d'un  traitement  en  cas  de  maladie. 

III.  —  La  diététique  sera  rigoureusement  surveillée.  Autant 
que  faire  se  peut,  les  conserves  alimentaires  (viande  et  poissons) 
ne  viendront  que  comme  supplément  extraordinaire  dans  les  repas 
et  on  s'assurera  de  leur  bonne  conservation.  //  faut  proscrire 
radicalement  les  boissons  alcooliques,  les  apéritifs  et  surtout  Valh 
sinthe.  On  résiste  aux  maladies  du  climat  tropical  à  condition  d'être 


FORMES   CLINIQUES  DE  LA  HALARIA  551 

sobre.  J'ai  toujours  admiré  la  robustesse  et  la  résistance  des 
Sénégalais,  ceux  qui,  Musulmans  (dits  Marabouts),  s'abstiennent 
scrupuleusement  de  toute  boisson  alcoolique  et  fermentée  et  qui 
ne  boivent  que  de  Teau.  Les  missionnaires  catholiques,  sobres  par 
principe  et  toujours  par  pauvreté,  fournissent  aussi  un  déchet 
moindre  que  les  autres  agents  et  explorateurs.  Serait-il  si  difficile 
aux  blancs  de  suivre  cet  exemple,  non  pas  à  la  lettre,  mais  au 
moins  de  supprimer  de  leur  ordinaire  les  liqueurs  et  les  vins 
alcoolisés  à  un  haut  titre,  labsinthe  surtout  et  les  bières  d'expor- 
tation (allemande  principalement)  qui  sont  de  véritables  poisons 
hépatiques? 

IV.  —  Dans  les  formes  cliniques  où  Thématozoaire  de  Laveran 
doit  être  seul  incriminé,  le  quinquina,  ou  ses  sels,  en  temps  oppor- 
tun, par  voie  gastro-intestinale  ou  sous-cutanée  sera  le  médica- 
ment de  choix,  sans  pour  cela  négliger  l'antisepsie  du  tube  digestif 
et  l'élimination  des  toxines  microbiennes  par  les  divers  émonctoires 
(reins,  peau,  etc.). 

V.  —  Dans  les  formes  cliniques,  qui  sont  sous  la  dépendance 
avérée  d  une  auto- intoxication,  l'indication  primordiale  est  d'éva- 
cuer au  plus  vite  les  produits  toxiques  en  s'adressant  à  la  voie 
gaslro- intestinale  (méthode  évacuante),  et  en  stimulant  les  fonc- 
tions d'excrétion  des  émonctoires  (reins  et  peau).  H  faut  de  plus 
enrayer  l'absorption  des  poisons  par  l'usage  des  antiseptiques 
gastro-intestinaux  en  choisissant  ceux  qui  ne  diminuent  pas  les 
fonctions  rénales.  11  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  certains  pur- 
gatifs (sulfate  de  soude,  sulfate  de  magnésie,  par  exemple),  sont 
par  leur  action  évacuante  les  meilleurs  antiseptiques  des  voies 
digestives  comme  le  prouvent  les  expériences  précises  de  Gilbert 
et  de  Dominicis. 

Les  purgatifs  salins,  le  calomel  seul  ou  associé  à  la  scammonée, 
l'ipéca,  l'eau  chloroformée,  etc.,  seront  les  médicaments  de  choix. 
ha  quinine  est  nettement  contrindiquée  dans  ces  formas  cliniques. 
Les  médicaments  évacuants  et  les  antiseptiques  doivent  suffire  à 
abaisser  la  température.  Si  l'on  est  forcé  d'intervenir,  on  recourra 
de  préférence  à  l'hydrothérapie,  principalement  sous  forme  de 
drap  mouillé,SAkis\  d'enveloppements  de  couvertures  sèches  jusqu'à 


552  ÉTUDES  COLONIALES 

production  de  sueurs  et  sans  aller  jusqu'aux  sueurs  profuses.  C'est 
un  moyen  qui  m'a  toujours  réussi  et  que  je  puis  recommander 
dans  ces  cas  et  aussi  dans  les  mêmes  formes  malariennes. 

VI.  —  Dans  les  formes  mixtes,  on  recourra  à  la  combinaison 
des  deux  méthodes.  La  quinine  sera  donnée  pendant  les  rémis- 
sions ;  mais  on  choisira  de  préférence,  pour  l'administrer,  la  voie 
sous-cutanée. 


■^ 


L'HFRIQnE  OKIEIITILE 


Le  Gouvernement  allemand,  ému  des  bruits  qui  circulaient  au 
sujet  de  l'avenir  des  plantations  dans  l'Afrique  Orientale  allemande, 
a  chargé  un  spécialiste,  M.  Wohltmann,  connu  déjà  précédemment 
par  ses  études  sur  la  valeur  du  Kamerun  au  point  de  vue  de  la 
culture,  de  se  rendre  dans  l'Afrique  Orientale  pour  y  faire  une 
enquête  sur  place.  M.  Wohltmann  avait  pour  mission  d'examiner 
les  plantations  existantes,  de  rechercher  si  d'autres  régions  de  la 
colonie  convenaient  à  la  culture  et  de  porter  son  attention  sur  un 
emplacement  convenable  pour  un  jardin  d'essais.  On  verra  par  les 
constatations  de  M.  Wohltmann  que  si  l'Afrique  Orientale  alle- 
mande n'est  pas  comparable,  au  point  de  vue  de  la  richesse  du  sol, 
à  d'autres  colonies,  notamment  au  Kamerun,  elle  est  loin  de 
n'offrir  aucune  ressource  pour  l'établissement  de  plantations  ;  seule- 
ment, il  faut  étudier  le  terrain  et  ne  fonder  des  cultures  que  dans 
les  milieux  qui  leur  conviennent.  M. Wohltmann  attache  une  grande 
importance  au  développement  de  la  population  indigène,  car  il 
voit  surtout  dans  cette  colonie,  un  débouché  pour  les  produits 
manufacturés  allemands.  Grâce  à  l'influence  des  Arahes,  les  indi- 
gènes ont  d'ailleurs  déjà  atteint  un  degré  de  civilisation  qui  leur 
permet  d'apprécier  l'utilité  des  marchandises  d'Europe. 

M.  Wohltmann  divise  les  territoires  qu'il  a  visités  en  trois 
groupes  :  la  région  basse,  la  région  des  collines  et  celle  des 
montagnes. 


554  ÉTUDES   COLONIALES 

Le  sol.  —  La  région  basse  s'étend  le  long  des  côtes,  de  Muoa 
au  delta  de  la  Rufiji.  Elle  se  compose,  en  général,  de  terrains 
d'alluvions  marins  sablonneux  reposant  sur  un  lit  de  marbre 
coralloïde  ou  de  marne  calcaire.  Dans  les  parties  les  plus  basses, 
on  rencontre  des  terres  marécageuses  qui,  selon  leur  altitude  ou 
les  saisons,  présentent  des  caractères  tantôt  d'humidité,  tantôt  de 
sécheresse.  L'uniformité  de  cette  région  est  interrompue  par  les 
crêtes  des  collines  qui  s'avancent  de  l'intérieur  et  par  les  alluvions 
des  rivières  dont  les  plus  étendues  sont  celles  du  delta  de  la  Rufiji. 
M.  Wohltmann  n'a  pas  visité  la  côte  au  Sud  de  cette  dernière 
rivière  mais  il  semble  qu'à  partir  de  là,  la  région  basse  se  réduise 
à  une  simple  bordure. 

Il  est  probable  qu'au-dessous  des  couches  calcaires  de  la  région 
basse,  se  trouve  une  couche  d'eau  que  l'on  pourrait  amener  à  la 
surface  au  moyen  de  puits  artésiens.  Ce  serait  un  avantage  inap- 
préciable pour  la  colonie,  tant  au  point  de  vue  de  l'agriculture  que 
de  la  salubrité  publique.  Les  villes  de  Dar-es-Salaam,  de  Baga- 
moyo,  etc.,  pourraient  ainsi  être  pourvues  d'une  distribution  d'eau 
salubre.  La  nécessité  de  procéder  à  des  sondages  s'impose  donc. 
Même  si  le  résultat  désiré  n'était  pas  obtenu,  ces  travaux  permet- 
traient de  se  rendre  mieux  compte  de  la  constitution  géologique  de 
la  région  côtière. 

La  région  des  collines  se  compose  d'éminences  de  caractères 
géologiques  différents.  Dans  le  Nord,  les  collines  renferment  des 
grès  et  des  pierres  calcaires.  Au  Sud  de  Pangani,  elles  sont  con- 
stituées par  les  produits  de  désagrégation  provenant  des  mon- 
tagnes cristallines  de  l'intérieur.  11  serait  intéressant  de  vérifier  la 
quantité  de  chaux  que  contiennent  ces  collines,  car  cette  substance 
semble  être  aussi  propre  à  servir  à  la  construction  que  le  marbre 
coralloïde  de  la  côte.  Dans  certaines  localités,  on  a  pu  l'employer 
avec  avantage  et  épargner  ainsi,  les  frais  de  transport  de  la  chaux 
depuis  la  côte. 

Dans  la  région  des  montagnes,  M.  Wohltmann  a  visité  la  partie 
qui  s'étend  au  Nord  de  Pangani,  à  savoir,  les  monts  Usambara  de 
l'Est  et  de  l'Ouest.  Cet  ensemble  qui  s'élève  à  une  altitude  de  700  à 
2,000  mètres,  se  compose  de  schistes  cristallins  et  de  gneiss  ou 
des  produits  de  désagrégation  de  ces  minéraux.  Il  est  coupé  du 
Nord  au  Sud  par  la  vallée  de  Luengera  qui,  à  son  extrémité  infé- 


S56  ÉTUDES  COLONIALES 

rieure,  se  trouve  à  une  altitude  de  320  mètres  environ.  Le  sol  des 
montagnes  de  TUsambara  se  compose  de  terre  rouge  (sil)  et  de 
terre  jaune  (argile  ocreuse)  pures.  Il  est  plus  fertile  que  celui  de 
la  région  des  collines  et  de  la  région  basse,  à  l'exception,  toutefois, 
des  terres  d'alluvions  du  Pangani  où  l'on  cultive  la  canne  à  sucre, 
et  de  celles  du  delta  de  la  Rufiji. 

Climat.  —  Le  climat  de  l'Afrique  Orientale  allemande  est  très 
changeant.  Même  à  la  distance  de  130  kilomètres  dans  l'intérieur, 
il  varie  grandement  de  localité  à  localité.  En  outre,  il  n'oflTre  pas 
beaucoup  de  fixité.  On  peut,  comme  dans  d  autres  régions,  y 
distinguer  une  saison  des  petites  pluies  et  une  saison  des  grandes 
pluies,  mais  ces  deux  périodes  sont  très  irrégulières.  Parfois 
même,  la  saison  des  pluies  ne  se  produit  pour  ainsi  dire  pas.  Les 
chutes  d'eau  annuelles  sont  aussi  très  variables  dans  chaque 
endroit. 

La  partie  méridionale  de  la  côte  reçoit  beaucoup  moins  de  pluie 
que  celle  du  Nord.  La  moyenne  annuelle  de  la  pluie  n'est  que  de 
850  millimètres  à  Lindi;  dans  le  delta  de  Rufiji,  elle  s'élève  à 
1,200  millimètres; à  Dar-es-Salaam,  elle  est  de  1,046  à  1,161  mil- 
limètres; à  Kitopeni,  près  de  Bagamoyo,  les  moyennes  ont  varié 
de  830  à  1,231  millimètres  de  1892  à  1896.  A  Tanga,  on  a  constaté 
des  chiffres  variant  entre  1,600  et  2,100  millimètres.  Les  plus 
grandes  quantités  de  pluie  s'observent  sur  le  flanc  Sud-Est  de 
rUsambara  :  plus  de  3,000  millimètres  à  K\\amboro;  2,800,  à 
Magrotto;  2,000,  à  Bulwa;  1,500  à  2,000,  à  Ngambo. 

L'humidité  de  l'air  n'atteint  pas  non  plus  un  degré  très  élevé 
dans  l'Afrique  Orientale  allemande.  Elle  est  même  insuffisante 
pour  un  grand  nombre  de  cultures  tropicales.  Par  contre,  la  cha- 
leur totale  et  sa  répartition  mensuelle  dans  la  région  basse  est 
suffisante  pour  toutes  les  cultures.  Dans  l'Usambora  Oriental,  elle 
convient  parfaitement  à  la  culture  du  café.  Dans  TUsambara  Occi- 
dental, les  limites  de  cette  dernière  culture  se  trouveront  détermi- 
nées par  les  altitudes  où  la  température  descend  à  moins  de 
5*  centig.  pendant  la  saison  froide. 

La  raison  pour  laquelle  les  montagnes  de  l'Usambara  sont  la 
région  la  plus  pluvieuse  et  celle  où  les  pluies  sont  les  plus  régu- 
lières, résulte  du   fait  de  la  condensation  de  vapeurs  qui  se 


L'AFRIQUE   ORIENTALE  ALLEMANDE  5S7 

produit  au  sommet  de  ces  monts,  qui  ont  une  altitude  de  près  de 
§S,000  mètres,  quand  la  mousson  humide  du  Sud-Est  souffle  au- 
dessus  de  la  contrée.  La  condensation  se  fait  d'autant  plus  sûre- 
ment que  la  montagne  est  couverte  d'une  épaisse  forêt.  Quand  la 
mousson  a  passé  au-dessus  de  la  région  basse  et  de  celle  des 
collines  où  elle  ne  perd  pas  beaucoup  d'humidité,  elle  vient  se 
briser  dans  les  montagnes  de  l'Usambara.  Il  n'est  donc  pas  éton- 
nant qu'il  y  ait  de  si  fortes  pluies  dans  ces  montagnes.  Mais  la 
chute  d'eau  n'est  pas  égale  dans  tout  l'Usambara.  Il  va  de  soi  que 
les  flancs  élevés  du  Sud  et  du  Sud -Est  absorbent  la  plus  grande 
partie  de  la  pluie  et  que,  par  suite,  le  Nord  en  reçoit  moins. 

Aux  pluies  correspondent  les  brouillards  qui  sont  particulière- 
ment épais  dans  TEst  comme  dans  l'Ouest  de  l'Usambara.  Ils  sont 
très  utiles,  notamment  dans  la  saison  sèche,  parce  qu  ils  amènent 
une  quantité  d'humidité  qui  contribue  au  développement  des 
cultures.  Le  brouillard  est  souvent  tellement  épais  que  les  toits 
dégouttent  comme  s'il  pleuvait. 

Les  flancs  Nord  et  Nord-Ouest  de  l'Usambara  sont  encore  expo- 
sés au  souffle  brûlant  de  la  mousson  qui  sort  des  steppes  sèches 
du  Nord.  Cette  circonstance  influe  aussi  défavorablement  sur  leur 
situation  climatérique. 

Les  forêts  jouent  un  rôle  important  dans  le  climat  du  massif  de 
l'Usambara.  On  devra  donc  bien  se  garder  de  déboiser  jamais  le 
sommet  ou  les  crêtes  de  ces  montagnes. 

Cultures  appropriées.  —  On  peut  conclure  de  ce  qui  précède 
que  la  partie  méridionale  de  la  côte  de  la  colonie  allemande  ne 
convient  pas  aux  cultures  tropicales  les  plus  précieuses,  telles 
que  le  cacao,  le  café,  le  poivre,  la  noix  muscade,  les  clous  de 
girofle,  etc.,  parce  que  la  quantité  de  pluie  qui  y  tombe  est  absolu- 
ment insuffisante.  Il  ne  peut  y  être  question  que  de  la  culture  de 
plantes  qui  aiment  un  climat  sec,  ou  qui,  tout  au  moins,  peuvent 
le  supporter,  comme  par  exemple  la  ranie,  les  plantes  tinctoriales 
et  les  plantes  oléifères.  En  outre,  dans  certains  endroits  privi- 
légiés, on  peut  aussi  cultiver  du  tabac,  du  riz  et  de  la  canne  à 
sucre. 

'  Dans  la  partie  septentrionale  de  la  côte,  on  peut,  dans  les  dis- 
tricts les  plus  pluvieux,  cultiver  les  plantes  précieuses,  sans  avoir 


558  ÉTUDES   COLONIALES 

à  se  préoccuper  de  Tirrigaiion.  On  ne  pourra  toutefois  le  faire  que 
dans  les  endroits  où  les  pluies  annuelles  sont  régulières.  Là  où  des 
oscillations  annuelles  de  75  p.  c.  et  au  delà  se  présentent,  la  cul- 
ture de  ces  produits,  sans  irrigation,  n'offre  aucune  garantie. 

Le  massif  de  TUsanibara  présente,  pour  la  culture  du  thé,  la 
juste  mesure  de  pluie  qui  convient. 

L'élude  climatérique  de  la  colonie  est  d  une  importance  capi- 
tale. Elle  seule  peut  donner  une  image  exacte  des  cultures  qui 
conviennent  aux  différentes  régions  On  ne  peut  donc  établir  assez 
de  stations  de  météorologie  ou  tout  au  moins  de  postes  pour 
relever  les  quantités  de  pluie  dans  TAfrique  Orientale  allemande. 
C'est  la  pluie  qui  décide  en  premier  lieu  du  succès  des  cultures 
dans  cette  contrée.  En  créant  des  postes  de  pluviomètres,  on  ne 
ferait,  du  reste,  qu'imiter  l'exemple  des  Américains  qui  ont  étudié, 
de  cette  manière,  il  y  a  vingt  ans,  la  valeur  agricole  des  plaines  du 
Far-Wesl,  et  celui  des  Anglais  qui  ont  mis  ce  procédé  en  action 
dans  l'Inde  depuis  qu'ils  s'y  sont  établis. 

Cultures  indigènes.  —  La  population  indigène  est  assez  forte 
près  des  côtes  et,  en  plusieurs  endroits,  le  sol  est  cultivé  avec 
soin.  C'est  le  cas  dans  la  région  de  Bondéi  et  dans  le  delta  de  la 
RuQji  où,  grâce  aux  irrigations,  on  cultive  du  riz  d'excellente 
qualité  sur  de  grandes  étendues.  Les  indigènes  ne  se  sont  pas 
encore  préoccupés  de  l'exploitation  des  produits  agricoles  desti- 
nés à  l'exportation,  sauf  pour  quelques-uns  que  les  Arabes  envoient 
à  Zanzibar  ou  dans  l'Inde.  Les  cultures  des  indigènes  se  limitent 
presque  exclusivement  aux  denrées  alimentaires  que  l'on  con- 
somme sur  place,  telles  que  le  millet,  le  maïs,  les  bananes,  le 
sésame,  les  arachides,  les  melons,  etc.  Les  procédés  d'agriculture 
sont  des  plus  primitifs.  Les  indigènes  se  contentent  de  mettre  le 
feu  à  la  brousse  ou  à  la  forêt  pour  se  créer  un  champ  et  aussitôt 
que  le  sol  est  épuisé,  ce  qui  arrive  au  bout  de  deux  ou  trois 
années,  il  portent  l'incendie  plus  loin.  Ils  ne  connaissent  ni  la 
charrue  ni  la  pelle;  ils  se  contentent  de  remuer  la  terre  avec  une 
houe  grossière. 

Les  plantations  et  leur  avenir.  —  Les  plantations,  fondées 
jusqu'à  présent,  n'ont  pas  toutes  réussi.  On  peut  en  attribuer  la 


B60  ÉTUDES  COLONIALES 

cause,  en  partie,  au  manque  d'habileté  avec  lequel  plusieurs 
d'entre  elles  ont  été  établies,  en  partie,  à  l'incertitude  du  climat 
qui  se  manifeste  particulièrement  dans  l'Afrique  Orientale,  en 
partie,  à  l'inaptitude  du  sol  dont  on  n'a  pas  su  apprécier  les  qua- 
lités avec  justesse  et  enfin  au  mauvais  choix  des  cultures.  C'est 
ainsi  que  les  plantations  de  coton  ont  dû  être  abandonnées  presque 
toutes,  parce  que  la  côte  orientale  d'Afrique  n'a  pas  de  saisons 
sèches  fixes  et  durables  et  que,  d'autre  part,  les  saisons  des  pluies 
ne  sont  pas  régulières.  La  culture  du  tabac,  essayée  à  Lewa,  a 
également  échoué  parce  que  la  plus  grande  partie  du  sol  qu'on  y 
avait  consacré,  ne  convient  pas  à  ce  genre  de  plante. 

Après  ces  premiers  insuccès,  les  planteurs  ont  agi  avec  plus  de 
prudence  et  la  situation  actuelle  montre  que  si  l'on  tient  compte 
des  diverses  circonstances  énoncées  ci-dessus  et  que  l'on  fasse  un 
choix  judicieux  des  cultures,  les  plantations  peuvent  parfaitement 
rémunérer  les  capitaux  qu'on  y  consacre. 

M.  Wohltmann  a  visité  successivement  les  principales  planta- 
tions de  l'Afrique  Orientale  allemande.  Lespace  nous  manque 
malheureusement  pour  le  suivre  dans  les  détails  de  l'examen 
technique  approfondi  et  consciencieux  auquel  il  s'est  livré.  Nous 
devrons  donc  nous  contenter  de  résumer  les  constatations  qu'il  a 
faites. 

Plantations  de  café.  —  Le  café  est  la  culture  la  plus  étendue 
de  la  colonie.  M.  Wohltmann  a  examiné  une  douzaine  de  planta- 
tions de  café.  On  en  rencontre  dans  le  massif  de  l'Usambara,  dans 
les  territoires  qui  précèdent  ces  montagnes  et  même  près  de  la 
côte  au  sud  de  Pangani.  Dans  les  montagnes  on  cultive  principa- 
lement le  café  arabe  et  dans  les  terrains  bas,  le  café  Libéria. 
L'expérience  a  montré  que  celte  distinction  est  fondée  si,  bien 
entendu,  il  est  prouvé  que  le  Libéria  se  prête  au  climat  de 
l'Afrique  Orientale  allemande.  La  qualité  du  café  de  la  colonie  alle- 
mande a  été  reconnue  comme  excellente  par  les  experts.  M.  Wohlt- 
mann a  pu  le  constater  lui-même,  en  1893,  à  l'Kxposition  de  Chi- 
cago, où  l'on  pouvait  goûter  tous  les  cafés  du  monde  et  où  il  a  pu 
se  livrer  à  des  expériences  systématiques  sur  les  différentes 
espèces. 

La  question  de  la  main-d  œuvre  se  présente,  en  général,  d'une 


L  AFRIQUE  ORIENTALE  ALLEMANDE 


561 


manière  satisfaisante  pour  les  plantations  de  café.  La  population 
de  la  côte  est  assez  nombreuse  et  celle  de  Tintérieur  est  travail- 
leuse. On  n'est  donc  pas  exposé  à  manquer  d'ouvriers  dans  Tave- 
nir.  Les  salaires  sont  relativement  élevés.  A  Ngambo,  par  exemple. 


COCOTIER  DE  TROIS  ANS   ET  DEMI,   A  KiUMONi. 

on  paie,  par  mois,  10  roupies  de  salaires  plus  4  roupies  pour  la 
nourriture;  il  faut  y  ajouter  les  frais  d'enrôlement,  de  logement, 
de  médicaments  et  de  surveillance.  On  compte,  en  ce  qui  con- 
cerne ces  derniers,  qu'il  faut  au  moins  un  surveillant  par  vingt  à 
trente  ouvriers.  Si  l'on  fait  le  compte  de  tous  ces  Irais,  on  arrive 
à  dépenser  par  ouvrier,  de  15  à  16  roupies  par  mois,  c'est-à-dire 
environ  27  francs.  Ce  qui  fait  pour  27  jours  de  travail,  un  franc 
par  jour.  C'est  beaucoup  en  comparaison  des  salaires  qu'on  paie 


S68  ÉTUDES  COLONIALES 

dans  d'autres  pays  produisant  le  café.  Dans  d'autres  localités, 
comme  Magrotto  et  Schôller,  les  salaires  sont  moins  élevés  ;  ils 
varient  entre  80  et  94  centimes. 

  l'exception  de  quelques  plantations,  les  frais  d'exploitation 
sont  assez  élevés.  Alors  qu'à  Java  et  à  Ceyian,  les  frais  du  café 
arabe  sont  évalués  de  62  à  75  centimes  par  plant,  à  raison  de 
2,000 plants  par  hectare,  non  compris  lamortissement  du  matériel 
et  du  bétail,  et  de  1  franc  à  fr.  1.12,  tous  frais  compris,  le  coût 
par  plant  est  beaucoup  plus  considérable  dans  l'Usambara.  On 
peut  l'évaluer  à  fr.  i.85  par  plant,  sans  amortissement;  dans  cer- 
taines localiti^s,  il  faudrait  même  admettre  le  chiffre  de  fr.  3.30.  Il 
faut  donc  que  les  récoltes  soient  bonnes  pour  que  Ton  puisse 
lutter  contre  la  concurrence  de  Java  et  de  Ceylan.  Cette  augmen- 
tation de  frais  est  principalement  attribuable  à  l'élévation  des 
salaires  et  aux  difficultés  des  moyens  de  transport.  Aussi  faudrait- 
il  que  l'on  prolonge  le  chemin  de  fer  Tanga-Muhesa  jusqu'à 
Korogwe. 

Plantations  de  cocotiers.  —  Tout  le  long  de  la  côte  de 
l'Afrique  Orientale  allemande,  on  aperçoit  des  cocotiers,  isolément 
ou  en  groupes.  Le  climat  de  la  côte  leur  convient  parfaitement  et 
le  sol,  à  quelques  exceptions  près,  également.  Le  cocotier  exige 
beaucoup  de  soleil  et  de  clarté  et  un  emplacement  près  de  la  mer. 
Il  se  contente  de  1,200  millimètres  de  pluie  par  an.  Il  croît  par- 
tout^  sauf  dans  les  terrains  rocailleux  ou  marécageux  à  eau  sta- 
gnante. 11  préfère  les  terres  contenant  un  peu  d'alcali  comme  les 
sables  de  la  mer.  On  n'a  malheureusement  pas  tenu  compte  de  ces 
faits  et  c'est  ce  qui  explique  l'échec  de  plusieurs  entreprises  de 
plantation  de  cocotiers. 

Il  existe  dans  la  colonie  plusieurs  grandes  plantations  de  coco- 
tiers dont  l'étendue  atteint  jusqu'à  1,500  et  1,600  hectares  et  qui 
contiennent  jusqu'à  200,000  cocotiers-  En  dehors  des  plantations 
récentes,  on  peut  citer  celle  du  sultan  de  Zanzibar,  celle  de  la  mis- 
sion catholique  de  Bagamoyo,  celles  des  îles  Mafia  et  Koma,  qui, 
toutes,  démontrent  que  le  sol  se  prête  à  cette  culture.  Des  milliers 
d'hectares  encore  vacants  pourraient  y  être  consacrés. 

Plantations  de  ramie.  —  L'Afrique  Orientale  allemande  con- 


564  ÉTUDES  COLONIALES 

stilue  un  excellent  terrain  pour  la  culture  de  la  ramie.  Cette 
plante,  que  l'on  cultive  principalement  dans  rAmérique  Centrale, 
croit  dans  les  terrains  les  plus  pauvres,  même  s'ils  sont  rocail- 
leux. Elle  réclame  beaucoup  de  soleil  et  de  chaleur  et  ne  supporte 
pas  beaucoup  l'humidité.  On  la  rencontre,  en  Amérique,  dans  des 
endroits  où  il  tombe  à  peine  300  à  400  millimètres  d'eau  par  an. 
On  la  cultive  aussi  dans  les  Indes  Occidentales  où  la  quantité 
annuelle  de  pluie  est  la  même  que  dans  l'Afrique  Orientale.  Son 
principal  avantage  pour  la  colonie  allemande,  c'est  qu  elle  résiste 
parfaitement  aux  longues  et  fortes  périodes  de  sécheresse  qui 
mettent  en  péril  toutes  les  autres  cultures.  D'autre  part,  elle  ne 
souffre  pas,  même  pendant  les  années  où  le  volume  de  pluie 
atteint  son  maximum,  c'est-à-dire  3,000  à  2,500  millimètres. 

La  culture  de  la  ramie  trouve  donc  les  conditions  les  plus 
favorables  dans  l'Afrique  Orientale  allemande  et  offre  toutes 
garanties  de  succès.  Il  existe  deux  plantations  de  ramie  dans  la 
colonie. 

Les  fibres  les  plus  précieuses  sont  fournies  par  la  ramie  d'Amé- 
rique mais  la  quantité  qu'elle  produit  n'est  pas  aussi  considérable 
que  celle  du  chanvre  de  l'île  Maurice. 

Plantations  de  vanille.  —  La  vanille  n'est  pas  une  plante  très 
difficile  au  point  de  vue  du  climat  ou  du  sol.  Elle  exige  toutefois 
une  certaine  attention.  Elle  aime  une  humidité  abondante  de 
l'atmosphère  et  modérée  du  sol.  Si  la  rosée  est  forte  et  si  l'air 
contient  suffisamment  d'humidité,  elle  se  contente  de  1,200  mil- 
limètres de  pluie  par  an,  pourvu  qu'ils  soient  répartis  sur  huit 
mois.  Elle  préfère  comme  terrain  un  humus  humide.  L'Afrique 
Orientale  allemande  réunit  ces  conditions  dans  plusieurs  endroits. 
Aussi  la  culture  de  la  vanille  se  fait-elle  déjà  avec  succès  en  deux 
endroits  :  Bagamoyo  et  Kitopeni.  Dans  cette  dernière  plantation, 
fondée  en  1891 ,  il  y  a  déjà  155,000  plantes  et,  bientôt,  il  y  en  aura 
75,000.  La  qualité  de  cette  vanille  est  très  bonne.  Elle  se  vend  de 
55  à  66  marks  à  Hambourg. 

Plantations  de  canne  à  sucre.  —  La  canne  à  sucre  se  cul- 
tive en  petites  étendues  dans  plusieurs  endroits  de  l'Afrique  Orien- 
tale. La  culture  en  grand  ne  se  fait  que  sur  le  Pangani  par  les 


L  AFRIQUE  OaïKNTALE   ALLEMANDE 


865 


Arabes.  Les  deux  rives  du  l^aiigani  inférieur  possèdent  un  terrain 
extrêmement  fertile  qui  renferme  près  de  700  hectares  de  planta- 
lions^de-ôanne  à  sucre  appartenant  à  des  Arabes  qui  les  irrigent 
au  moyen  des  eaux  saumâtres  de  la  rivière.  On  se  propose  de 
traiter  la  canne  à  sucre  dans  un  établissement  monté  d'après  les 


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SIGAL  AGAVC,    A    KIKUGWt. 

procédés  les  plus  nouveaux  en  obligeant  les  Arabes  par  contrat  à 
livrer  le  produit  de  leurs  plantations.  Ce  projet  a  des  chances  de 
succès.  Malheureusement  la  culture  de  la  canne  à  sucre  est  limitée. 
Les  terres  qui  lui  conviennent  n'embrassent  guère  qu'une  étendue 
de  4,500  hectares. 


Le  bétail.  —  L'élève  du  bétail  est  encore  dans  un  état  très 
rudimentaire  chez  les  indigènes  de  l'Afrique  Orientale  allemande. 
Près  de  la  côte,  le  gros  et  le  petit  bétail  sont,  en  tous  cas,  suflBsants 

3 


f)66  l-TLDKS   COLONIALES 

pour  pourvoir  aux  besoins  de  Talimentation  des  Européens. 
On  trouve  des  troupeaux  dans  presque  tous  les  villages.  Les 
bêtes  de  somme  et  les  vaches  laitières  font  partout  défaut.  Le 
Gouvernement  allemand  s'est  attaché  à  développer  Télève  du 
bétail  en  établissant  des  stations  ou  dépôts  à  Dar-es-Salaam,  à 
Pangani  et  à  Mafia. 

La  colonisation.  —  Il  a  beaucoup  été  question  de  la  colonisa- 
tion de  l'Afrique  Orientale  allemande  par  des  colons  allemands. 
M.  Wohltmann  met  en  garde  contre  toute  précipitation  dans  cet 
ordre  d'idées.  Les  plateaux  des  tropiques,  même  à  une  altitude  de 
1,200  à  2,000  mètres,  sont  loin  de  donner  tous  les  apaisements  à 
cet  égard.  Il  ne  peut  certainement  pas  y  être  question,  pour  le 
paysan  allemand,  de  cultiver  le  sol  à  la  sueur  de  son  front,  comme 
il  le  fait  dans  son  pays.  Les  observations  que  l'auteur  a  faites  au 
Brésil  démontrent  que  dans  les  pays  chauds,  même  là  où  il  n'y  a 
pas  de  fièvres,  la  race  germanique  ne  peut  pas  s'adonner  d'une 
manière  permanente  à  la  culture  des  champs.  Elle  ne  tarde  pas  à 
perdre  une  partie  de  ses  qualités  et  à  dégénérer.  Il  en  serait  autre- 
ment, cela  va  de  soi,  si  le  paysan  allemand  se  contentait  de  diriger 
et  de  surveiller  le  travail  des  noirs.  Mais,  pour  cela,  il  faut  des 
capitaux  et  ceux  qui  en  possèdent  sont  la  minorité.  Il  ne  s'agira 
donc  jamais  d'émigration  en  masse. 

On  a  envisagé  spécialement  pour  l'émigration  des  colons 
allemands,  les  plateaux  de  TUsambara  Occidental,  les  montagnes  du 
Pare,  le  Kilimandjaro  et  le  plateau  de  Uhehe.  Il  est  à  remarquer 
que  ces  divers  emplacements  sont  d'une  étendue  restreinte  et  ne 
pourraient,  par  conséquent,  recevoir  qu'un  petit  nombre  de 
colons.  Ensuite,  la  colonisation  de  ces  régions  ne  sera  possible 
que  lorsqu'elles  auront  été  rendues  facilement  accessibles,  sinon 
les  colons  manqueraient  de'  débouchés.  Aussitôt  que  des  commu- 
nications existeront,  on  pourra  tenter  une  expérience.  Ce  sera  le 
cas  pour  l'Usambara  Occidental,  quand  le  chemin  de  fer  Tanga- 
Muhesa  aura  atteint  Mombo  ou  Majindi. 

Station  de  Kwai.  —  La  station  de  Kwai  se  trouve  dans  une 
des  vallées  de  l'Usambara  Occidental.  On  s'y  occupe  de  1  élève  du 
bétail  et  d'essais  de  culture.  On  y  rencontre  les  produits  de  toutes 


L  AFRIQUE   ORIENTALE  ALLEMANDE 


567 


les  zones  :  des  pommes  de  terre,  des  pois,  des  fèves,  des 
betteraves;  puis,  des  ananas,  des  tomates,  des  citrons,  des 
oranges;  ensuite,  du  café,  du  quinquina,  de  la  cannelle,  etc.; 


VANILLE,   A    KITUPENI. 


enfin,  tous  les  genres  d'arbres  forestiers.  Le  climat  semble  se 
prêter  à  toutes  les  cultures,  sauf  celles  des  tropiques  propre- 
ment dites.  Il  est,  du  reste,  très  égal.  Les  nuits  y  sont  Iraîches 
et  reconstituantes. 


Population.  —  Au  point  de  vue  de  la  fertilité  du  sol  et  de  la 


868  ÉTUDES   COLONIALES 

facilité  des  communications,  l'Afrique  Orientale  allemande  doit 
être  rangée  après  bien  d'autres  colonies.  Elle  ne  peut,  sous  ce 
rapport,  le  disputer  ni  à  Cuba,  ni  à  Java,  ni  à  Tintérieur  de  l'Inde, 
ni  même  au  Kamerun.  Par  contre,  elle  offre,  au  point  de  vue  de  la 
densité  de  la  population,  plus  d'avantages  que  les  autres  colonies 
allemandes.  La  population  de  la  côte  est  passablement  nombreuse 
et,  grâce  à  l'influence  des  marchands  arabes  et  indiens,  elle  a 
acquis  des  goûts  assez  développés.  Elle  constitue  donc,  pour  les 
produits  manufacturés  allemands,  un  débouché  qui  ne  cessera  de 
s'élargir.  La  population  de  l'Afrique  Orientale  allemande  fait 
partout  une  excellente  impression.  Dans  presque  tous  les  villages 
de  la  côte,  on  rencontre  des  artisans  (Fundi),  ce  qui  n'est  pas 
encore  le  cas  au  Kamerun.  Cette  dernière  colonie  ne  possède  pas 
non  plus  des  villes  ou  villages  de  l'importance  de  Bagamoyo, 
Pangani,  Tanga,  etc.  Les  terres  ne  manquent  pas  pour  nourrir 
une  population  indigène  beaucoup  plus  considérable  que  celle  qui 
existe  actuellement.  Pour  favoriser  le  développement  de  la  popula- 
tion, il  serait  utile  d'encourager  l'agriculture  par  la  création  de 
puits  artésiens,  comme  on  a  fait  dans  le  Sud  de  l'Algérie  et  dans 
l'Inde  anglaise.  On  devrait  aussi  fournir  aux  indigènes  des 
semences  et  des  plantes  utiles  ainsi  que  des  instruments 
aratoires.  Il  faudrait  également  leur  donner  des  conseils  en  ce  qui 
concerne  l'élève  du  bétail. 

On  ne  peut  pas  non  plus  perdre  de  vue  les  obstacles  qui 
s'opposent  au  succès  des  cultures  et  des  récoltes.  Telles  sont,  par 
exemple,  les  sauterelles  qui  réduisent  des  tribus  entières  à  la 
famine.  On  devrait  combattre  ce  mal  d'une  manière  énergique  et 
suivie,  comme  on  le  fait  dans  la  République  argentine,  où  l'on 
détruit  les  sauterelles  et  particulièrement  leurs  nids  au  moyen  du 
feu;  on  y  creuse  aussi  des  fossés  profonds  à  parois  verticales, 
dans  lesquels  ces  insectes  viennent  tomber.  On  peut  en  faire 
disparaître  ainsi  des  milliards  chaque  année. 

Voies  de  communication.  —  L'Afrique  Orientale  allemande 
possède  un  chemin  de  fer,  des  lignes  téléphoniques  et  télégra* 
phiques  le  long  de  la  côte,  des  lignes  de  vapeurs  vers  Zanzibar, 
des  ponts  et  des  routes  larges  et  en  bon  état  vers  l'intérieur.  Ces 
dernières  ont  été  pourvues,  dans  ces  derniers  temps,  d'abris  pour 


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870  ÉTUDES  COLONIALES 

les  voyageurs,  ce  qui  dispense  ceux-ci  de  l'obligation  de  déplier 
leurs  tentes.  Le  chemin  de  fer  devrait  être  prolongé  jusqu'aux 
lacs  par  le  Kilimandjaro  afin  de  mettre  en  valeur  TUsambara  et  de 
permettre  le  transport  du  café  qui  s'y  cultive.  On  peut  compter 
qu'en  1902.  la  production  du  café  s'élèvera  à  o,000,000  de  kilo- 
grammes. 

On  a  aussi  émis  l'idée  d'effectuer  les  transports  de  l'intérieur 
vers  la  côte  au  moyen  de  charrettes  traînées  par  des  bœufs, 
comme  on  le  fait  dans  TAfrique  Occidentale  allemande.  Ce 
système  ne  semble  pas  praticable  pour  le  moment.  Le  terrain  de 
la  colonie  est  trop  montueux.  Il  faudrait,  avant  tout,  commencer 
par  créer  des  routes. 

Les  rivières  de  la  colonie  ne  constituent  guère  des  moyens 
de  communication.  Le  Pangani  n'est  navigable  qu'à  son  embou- 
chure. 

Valeur 'de  la  colonie  au  point  de  vue  de  la  eultupe.  —  En 

résumé,  on  peut  dire  que  l'Afrique  Orientale  allemande  renferme 
énormément  de  terrains  propres  à  la  culture  du  cocotier  et  de  la 
ramie.  L'établissement  de  ces  plantations  ne  doit  pas  se  limiter  à 
la  côte,  mais  peut  même  s'étendre  dans  l'intérieur,  à  la  région  des 
collines,  sous  réserve,  bien  entendu,  de  la  question  des  frais  de 
transport.  En  agissant  judicieusement,  on  peut  être  sûr  de  retirer 
du  profit  de  ces  plantations. 

Les  terres  convenant  à  la  canne  à  sucre  sont  beaucoup  moins 
nombreuses.  En  dehors  de  la  vallée  du  Pangani,  il  n'y  a  que  le 
delta  de  la  Rufiji  qui  se  prête  à  cette  culture.  Il  y  aurait  place  là 
pour  rétablissement  de  plusieurs  fabriques.  Dans  les  terres  basses 
et  sablonneuses  de  la  côte,  il  ne  serait  pas  possible  de  cultiver  la 
canne  à  sucre  si  les  prix  du  marché  sont  bas,  car  le  sol  de  cette 
région  exige  de  grands  frais  de  fumage. 

La  culture  du  tabac  a  de  l'avenir  dans  le  delta  de  la  Rufiji. 
On  a  reproché  à  ce  tabac  de  brûler  mal.  On  procède  actuelle- 
ment à  de  nouvelles  expériences  de  culture  pour  corriger  ce 
défaut.  Le  tabac  pourrait  peut-être  réussir  également  dans 
l'Usambara  Occidental. 

Le  riz  peut  se  cultiver  dans  les  endroits  que  les  cours  d'eau 
recouvrent  de  leurs  inondations  et  dans  ceux  qui  sont  submergés 


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572  ÉTUDKS   COLONIALES 

par  les  pluies.  On  devrait  recommander  cette  culture  aux 
indigènes. 

.  La  vanille  peut  devenir  une  grande  ressource  pour  la  colonie. 
On  la  cultive  avec  succès  à  Bagamoyo  et  à  Ketopeni,  mais  d'autres 
endroits  s'y  prêtent  aussi.  On  ne  devrait,  en  tout  cas,  fonder  des 
plantations  de  vanille  que  là  où  il  est  possible  de  s'assurer  de  l'eau 
car  le  régime  des  pluies  est  trop  incertain  dans  l'Afrique 
Orientale. 

La  culture  du  café  occupe  déjà  près  des  côtes  toutes  les  terres 
disponibles.  Il  est  douteux  que  le  café  Libéria  réussisse,  d'une 
manière  générale,  dans  la  partie  basse  de  la  colonie,  car  on  n'y 
trouve  pas  les  conditions  d'humidité  que  cette  plante  réclame.  11 
n'est  donc  pas  à  conseiller  d'y  établir  de  nouvelles  plantations 
pour  le  moment.  Il  vaut  mieux  attendre  les  résultats  de  celles  qui 
existent  déjà.  Dans  la  partie  haute  de  la  colonie,  les  essais  de 
Libéria  ont  complètement  échoué  par  suite  des  conditions 
climatériques. 

Dans  cette  dernière  région,  le  Mlingastock  et  l'Usambara 
Oriental,  sont  entièrement  occupés  par  les  plantations  de  café 
arabe.  L'Usambara  Occidental  n'est  pas  partout  propre  à  la  culture 
du  café.  On  peut  évaluer  à  5,000  hectares,  les  terrains  qui  s'y 
prêtent. 

On  peut  dire,  en  ce  qui  concerne  les  autres  cultures  que 
Ton  voudrait  introduire  dans  l'Afrique  Orientale  allemande, 
qu'il  faut  exclure  celles  qui  exigent  une  grande  humidité 
de  l'air,  des  pluies  abondantes  et  régulières  et  une  tempé- 
rature élevée  et  uniforme.  C'est  le  cas  pour  le  cacao,  le  poi- 
vre, la  muscade,  etc.  Par  contre,  les  plantes  oléifères  et  albu- 
mincuses  y  prospèrent. 

En  dehors  de  la  côte  et  de  l'Usambara,  la  colonie  renferme 
certainement,  dans  Tintérieur,  des  terres  propres  à  la  culture, 
notamment  dans  le  Kilimandjaro,  mais  leur  exploitation  est 
subordonnée  à  l'établissement  de  moyens  de  communication.  On 
ne  doit,  toutefois,  pas  fonder  de  trop  grandes  espérances  sur 
l'intérieur  du  pays.  Mieux  vaut  laire  exploiter  cette  région  par  les 
indigènes  qui  savent  porfaitement  subsister  sur  un  sol  pauvre  et 
même  en  retirer  assez  pour  pouvoir,  en  outre,  acheter  des 
marchandises  étrangères.  Car  rAUcmagne  doit  voir  surtout  un 


L  AFRIQUE   ORIENTALE   ALLEMANDE 


573 


débouché  pour  ses  produits  dans  TAfrique  Orientale.  Comme  con- 
clusion de  ses  observations,  M.  Wohllmann  ajoute  que  l'Afrique 
Orientale  allemande  n'est,  en  aucune  façon,  un  pays  ricliemcnt 
doté  de  la  nature,  où  il  suffit  d'étendre  la  main  pour  recueillir  des 


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BE1TERAVES    A    KWAI. 


fruits,  comme  au  Kamerun;  il  faut  commencer  par  faire  celle 
colonie  avant  de  pouvoir  récolter.  Et,  pour  contribuer  à  ce 
résultat,  M.  Wohltmann  propose  de  compléter  le  département 
des  cultures  par  un  institut  d'études  scientifiques  et  profes- 
sionnelles. 11  recommande  comme  emplacements  de  cultures, 
Mwai  et  Mombo. 


LE  PMPLE  GimOIS 


La  psychologie  des  Chinois  a  déjà  fait  i  objet  de  bien  des  opi- 
nions. Les  unes  ont  été  louangeuses,  les  autres  défavorables, 
particulièrement  celles  des  auteurs  qui  établissent  un  parallèle 
entre  la  stagnation  chinoise  et  l'initiative  des  Japonais  qui,  en  peu 
d'années,  se  sont  assimilé  les  institutions  occidentales.  La  véri- 
table raison  de  ces  divergences  d'opinions  réside  probablement 
dans  l'abîme  qui  sépare  la  mentalité  des  Chinois  de  celle  des  Occi- 
dentaux. On  ne  peut  guère  étudier  les  mœurs  et  les  coutumes  de  la 
Chine  à  travers  nos  idées  et  nos  concepts,  car  les  institutions 
chinoises  nous  apparaissent  alors  comme  inconséquentes  et 
incohérentes.  Pénétrer  l'esprit  des  Chinois  exige  naturellement 
une  longue  observation  et  une  fréquentation  assidue  de  ce 
peuple.  Des  voyageurs  qui  ne  font  que  parcourir  plus  ou  moins 
rapidement  un  pays  n'ont  ni  les  loisirs,  ni  loccasion  de  se  livrer  à 
une  étude  aussi  laborieuse  et  aussi  prolongée.  Ils  aiment  donc 
mieux  juger  d  un  peuple  par  l'impression  qu'il  fait  sur  eux  ou  par 
l'idée  qu'ils  s'en  font.  De  là,  tant  d'avis  disparates  et  contradictoires. 

La  question  est  cependant  d'une  importance  capitale.  Il  n'est  pas 
possible  d'entrer  en  relations  sûres  et  suivies  avec  une  nation  qu'à 
condition  de  la  connaître,  de  savoir  se  conformer  à  ce  que  ses 
mœurs  ont  de  fondé  et  de  légitime  et  d'éviter  ce  qui  doit  nécessai- 
rement heurter  ses  sentiments  et  ses  idées  acquises.  11  serait  donc 
ridicule  autant  que  funeste  de  mépriser  les  coutumes  d'un  peuple, 
parce  qu'à  première  vue,  elles  nous  paraissent  étranges,  puériles- 


LE   PEUPLE  CHINOIS  575 

OU  baroques.  Il  faut  se  demander  quelle  est  l'idée  qui  se  cache 
derrières  ces  apparences,  quel  est  le  mobile  qui  fait  agir  ce  peuple 
d'une  manière  déterminée,  et  quelle  est  la  relation  à  laquelle  cor- 
respond une  manifestation  donnée.  On  ne  violente  pas  impunément 
une  conduite  basée  sur  une  tradition  immémoriale,  et  Ton  ne  peut 
agir  avec  assez  de  précaution  quand  on  veut  modifier  un  ordre  de 
choses  qu'une  longue  série  de  siècles  a  consacré.  Il  faut  tenir 
compte,  quand  on  veut  juger  la  Chine,  de  la  mentalité  spéciale  de 
son  peuple,  résultat  de  lenorme  accumulation  d'idées,  de  pré- 
jugés, de  coutumes  et  de  superstitions  qui  se  sont  entassées  au 
cours  de  l'étonnante  durée  de  cet  empire,  et  dont  aucune  force 
extérieure  n'est  venue  troubler  la  cohésion. 

Un  auteur  réputé  ajuste  titre,  M.  Colquhoun,  a  étudié  le  ditficile 
et  complexe  problème  de  la  psychologie  chinoise  dans  son  livre  : 
China  in  transformation.  La  longue  expérience  qu'il  a  acquise 
dans  les  différentes  fonctions  qu'il  a  exercées  en  Orient  avant  de 
se  rendre  en  Chine,  l'avait  admirablement  préparé  à  pénétrer  l'esprit 
des  Chinois.  Il  a  su  découvrir  ce  qu'il  y  avait  de  logique  et  de 
sensé  dans  bien  des  manières  d'agir  des  Chinois,  qui,  au  premier 
abord,  paraissent  contradictoires  et  inconciliables.  H  a  également 
déterminé  avec  grande  justesse,  semble-t-il,  les  caractères  spé- 
ciaux qui  distinguent  la  civilisation  chinoise  de  celles  de  l'Occi- 
dent, et  qui  lui  donnent  son  originalité. 

Deux  grands  faits,  au  dire  de  M.  Colquhoun,  différencient  le 
peuple  chinois  de  tous  ceux  que  nous  voyons  autour  de  nous  ou  que 
nous  connaissons  par  l'histoire  :  sa  masse  et  sa  durée  sans  précé- 
dent. Ces  deux  faits  expliquent  bien  des  choses  qui,  à  première  vue, 
apparaissent  à  l'étranger  comme  des  paradoxes.  L'histoire  ne  nous 
offre  aucun  autre  exemple  d'une  telle  accumulation  d'expériences, 
de  coutumes,  de  cérémonies  et  de  superstitions.  Les  premières 
nations  contemporaines  de  la  Chine  sont  toutes  tombées  en  pous- 
sière depuis  longtemps;  plus  d'une,  plusieurs  fois  même;  et  la 
chaîne  de  leurs  traditions  a  ]été  rompue.  On  peut,  toutefois,  se 
demander  si,  au  lieu  d'avoir  à  reconstituer  péniblement  l'histoire 
de  ces  nations  d'après  des  inscriptions  tumulaires,  ou  leur  religion 
d'après  des  bribes  de  mythologie,  nous  trouvions  encore  debout 
les  anciens  Egyptiens  et  les  anciens  Grecs,  nous  ne  constaterions 
pas  chez  eux  les  mêmes  superstitions  confuses  et  contradictoires 


U7G  ÉTUDES  C01.0.MALEî> 

se  superposant,  couche  par  couche,  et  mêlant  aux  survivances  des 
temps  les  plus  reculés,  les  accrétions  les  plus  récentes.  L'accumu- 
lation résultant  d  une  durée  aussi  longue  doit  être  énorme  et  si 
Ton  y  ajoute  un  troisième  facteur,  l'isolement,  on  ne  peut  plus 
s'étonner  du  caractère  complexe  de  la  civilisation  chinoise  ou  de  sa 
forme  particulièrement  conservatrice.  Ce  qui  a  élé  la  cause  de  la 
longue  existence  de  cette  nation  a  aussi  dû  être  celle  de  sa  cristal- 
lisation. Et  c'est  ce  qui  rend  si  hasardeuses  toutes  les  innovations 
imposées  à  la  Chine  du  dehors. 

On  peut  se  demander  quel  rôle  les  Chinois  seront  capables  de 
jouer  dans  le  mouvement  industriel  ^oh  ils  seront  bientôt  forcés 
d'entrer.  Pour  se  faire  une  idée  exacte  à  ce  sujet,  il  faut  considérer 
les  Chinois  sous  le  rapport  des  ressemblances  qu'ils  ont  avec  nous 
plutôt  que  sous  celui  des  dissemblances  qui  n'est  que  le  côté  pitto- 
resque de  la  question.  Aucune  nation  ne  peut  être  jugée  avec  certi- 
tude d'après  ses  livres,  car  il  y  a  toujours  un  abîme  entre  les 
aspirations  et  la  réalité,  entre  les  maximes  des  savants  et  les  cou- 
tumes du  peuple.  Il  faut  donc,  pour  se  faire  une  idée  pratique  du 
Chinois,  le  prendre  dans  sa  vie  réelle  et  agissante.  Nous  le  con- 
naissons intimement  depuis  une  soixantaine  d'années,  nous  pou- 
vons donc  parler  de  sa  manière  d'agir,  si  pas  de  ses  pensées. 

La  qualité  prédominante  du  Chinois,  celle  qui  le  caractérise 
comme  race,  tant  chez  lui  qu'à  l'étranger,  c'est,  sans  aucun  doute, 
son  activité.  Il  a  presque  la  passion  du  travail.  Il  parcourt  les 
mers  et  les  continents  à  sa  recherche.  11  semble  né  pour  être  le 
scieur  de  bois  ou  le  porteur  d'eau  de  l'humanité;  mais  pas  comme 
un  esclave.  Le  Chinois  est  toujours  un  marchand;  il  vend  son  tra- 
vail moyennant  salaire.iDans  les  contrées  où  sa  race  est  persécutée, 
c'est  à  son  activité  qu'on  en  veut,  car  elle  fait  concurrence  au  tra- 
vail moins  soutenu  des  blancs  qui  estiment  qu'ils  ont  le  droit  de 
dissiper  la  moitié  de  leur  temps. 

Combinées  avec  le  goût  du  travail  opiniâtre,  le  Chinois  possède 
deux  autres  qualités  :  la  docilité  et  la  tempérance.  Celle-ci  lui 
permet  de  s'enrichir  par  une  double  économie  :  celle  du  temps  et 
celle  de  l'argent.  Celle-là  le  rend  apte  à  préparer  la  conquête  dans 
la  soumission.  Il  se  contente  d'exploiter  des  claims  épuisés  pour 
un  gain  infinitésimal,  et  il  se  laisse  chasser  quand  il  plait  à  son 
frère  supérieur,  le  blanc,  de  l'exproprier.  Le  Chinois  est  un  incom- 


LE  PEUPLE  CHINOIS  57T 

parable  agent  pour  extraire  des  déchets  de  Tindustrie  humaine,  le 
dernier  profit  qu'ils  contiennent.  Il  ne  demande  aucun  confort; 
encore  moins,  aucun  luxe.  Mais  bien  qu'il  sache  se  tirer  d'afiaire 
avec  une  maigre  pitance,  il  ne  se  laisse  pourtant  manquer  de  rien 
quand  il  peut  s'offrir  une  nourriture  fortifiante  et  choisie. 

Le  sentiment,  tel  que  nous  le  concevons,  n'est  pas  compris  par 
le  Chinois.  Sa  vie  est  établie  sur  une  base  commerciale.  Cela  est  sî 
vrai  que  quand  les  salaires  sont  très  bas.  il  lui  arrive  de  faire  la 
balance  entre  le  travail  et  la  nourriture,  et  de  conclure  que  puisque 
une  dépense  de  force  déterminée  exige  une  telle  quantité  de  nour- 
riture, le  feu  n'en  vaut  pas  la  chandelle.  Il  travaille  un  nombre 
d'heures  ridiculement  long  pour  un  profit  extrêmement  modéré.  Le 
tintement  du  marteau  de  l'artisan  et  le  bourdonnement  des  navettes 
s'entendent  dans  les  rues  à  toutes  les  heures  de  la  nuit,  et  l'aube 
trouve  déjà  l'ouvrier  au  travail.  L'endurance  du  Chinois  apparaît 
clairement  aux  étrangers  dans  des  besognes  comme  celles  de 
domestique  et  de  garde-malade.  Il  excelle  dans  ce  genre  d'occu- 
pation. Peu  importe  l'heure  [à  laquelle  les  maîtres  rentrent,  les 
domestiques  sont  toujours  debout,  et,  le  matin,  ils  répondent  au 
premier  appel,  comme  s'ils  avaient  eu  douze  heures  de  repos 
ininterrompu.  Comme  garde-malades,  les  Chinois  sont  tranquilles,, 
précautionneux  et  infatigables.  Point  n'est  besoin  avec  eux  dé 
régler  un  roulement  entre  les  gardes  de  nuit  et  de  jour.  Les  bribes 
de  sommeil  qu'ils  peuvent  saisir  à  l'un  ou  à  lautre  moment  perdu, 
leur  sufiisent. 

La  robuste  musculature  des  Chinois  s'allie  à  une  grande  finesse. 
Leurs  mains  et  leurs  pieds  sont  bien  faits  et  leurs  doigts  ont  uae 
subtilité  et  une  délicatesse  remarquables.  Leur  habileté  dans  les 
travaux  les  plus  ténus,  tels  que  la  sculpture  fouillée  du  bois  ou  de 
Fivoire,  la  peinture  en  miniature  et  la  fine  broderie  est  bien  con- 
nue. Aussi,  quand  les  industries  manufacturières  d'Europe  seront 
introduites  en  Chine,  ne  rencontrera-t-on  aucune  difiiculté  pour 
trouver  la  main  d'oeuvre  nécessaire  aux  productions  les  plus  déli- 
cates. De  nombreuses  expériences  ont  démontré  l'aptitude  des 
artisans  et  des  mécaniciens  chinois  à  se  servir  des  machines.  Ce 
n'est  pas  seulement  à  l'atelier  et  sur  les  chantiers  que  l'habileté 
des  Chinois  a  été  éprouvée  et .  appréciée,  mais  aussi  dans  les 
emplois  qui  entraînent  des  responsabilités,  comme  ceux  de  machi- 


878  ÉTUDES  COLONIALES 

nisles  à  bord  des  steamers  ou  sur  les  locomotives.  Convenable- 
ment entraîné,  le  Chinois  répond  à  toutes  les  exigences. 

La  capacité  intellectuelle  des  Chinois  peut  aller  de  pair  avec 
celle  des  meilleurs  occidentaux.  Leurs  études  littéraires,  où  la 
mémoire  joue  un  rôle  si  important,  prouvent  qu'ils  sont  capables 
d'une  grande  perfection  mentale.  On  dit  que  si  le  «  Paradis  perdu  » 
avait  été  détruit,  Macaulay  aurait  pu  le  reconstituer  de  mémoire. 
Mais  même  une  force  de  mémoire  comme  celle  de  Macaulay,  n'est 
que  peu  de  chose,  comparée  à  celle  de  beaucoup  de  Chinois  qui 
savent  réciter  par  cœur  leur  treize  classiques  tout  entiers.  Et  elle 
n'est  rien  à  côté  de  celle  de  certains  Chinois  qui,  outre  les  treize 
classiques,  savent  débiter  une  grande  partie  de  leur  littérature 
nationale.  Un  Chinois,  que  M.  Colquhoun  connaît,  était  capable,  à 
l'âge  de  soixante-six  ans,  de  repéter,  mot  à  mot,  des  lettres  qu'il 
avait  reçues,  dans  sa  jeunesse,  de  quelques-uns  de  ses  amis,  célèbres 
comme  stylistes.  Mis  en  ligne  contre  des  élèves  européens,  le  Chi- 
nois n'est,  sous  aucun  rapport,  inférieur  à  ses  concurrents  occiden- 
taux. 11  est  capable  de  tenir  tête  à  ses  compétiteurs  aussi  bien  en 
mathématiques  et  en  sciences  appliquées  qu'en  métaphysique. 

Quand  on  considère  l'avenir  de  la  Chine,  on  ne  peut  donc  pas 
perdre  de  vue  les  deux  grandes  ressources  dont  elle  dispose  : 
la  capacité  physique  et  la  capacité  intellectuelle.  Et  l'on  peut 
s'imaginer  quel  sera  l'avenir  de  la  Chine  quand  ces  forces  seront 
mises  en  contact  avec  l'activité  mentale  et  les  applications  méca- 
niques de  l'Occident  :  la  Chine  étonnera  et  effrayera  le  monde. 

La  Chine  possède  donc  toutes  les  garanties  de  succès  que  don- 
nent les  forces  physiques  et  intellectuelles  dirigées  par  un  autre. 
Mais  est-ce  à  dire  que  la  Chine  ne  pourra  jamais  jouer  de  rôle 
dirigeant?  Beaucoup  de  gens  le  pensent  et  l'expérience  semble 
jusqu'à  présent  leur  donner  raison.  Mais  le  verdict  n'est  pas  défi- 
nitif. Il  leur  suffirait  de  posséder  le  dixième  des  esprits  créateurs 
des  races  caucasiques  pour  devenir  un  puissant  facteur  dans  les 
progrès  de  l'avenir.  Et  puis,  qu'est-ce  qui  nous  permet  de  dire 
qu'il  n'y  a  pas  dans  cette  Chine  qui  se  contente  actuellement  de 
copier,  un  talent  à  l'état  latent  qui  ne  demande  qu'une  occasion 
pour  s'épanouir  et  fleurir?  Avant  de  répondre  à  cette  question,  il 
convient  de  rechercher,  avec  M.  Colquhoun,  la  véritable  cause  de 
la  stagnation  et  de  l'esprit  de  routine  de  la  Chine. 


LE   l'EliPLh   CHINOIS  579 

Certains  traits  du  caractère  des  Chinois  les  empêchent  d'obtenir, 
dans  la  voie  du  progrès,  les  mêmes  succès  que  les  nations  chré- 
tiennes-c  II  suffira  d'en  citer  quelques-uns.  L'un  d'eux  est  univer- 
sellement connu  :  c'est  l'indifférence  pour  la  vérité.  Le  mensonge 
n'est  pas  honteux  à  leurs  yeux.  Il  est  seulement  honteux  de  ne  pas 
savoir  sauver  les  apparences.  Combinez  les  deux  idées  et  il  en 
résulte  une  défiance  générale.  Or,  celle-ci  est  des  plus  nuisible  à 
la  coopération,  sans  laquelle  il  n'est  pas  possible  de  produire 
économiquement  même  une  simple  épingle. 

Intimement  unie  au  mensonge,  on  rencontre  l'absence  de  scru- 
pules dans  les  affaires  d'argent.  Prendre  à  l'un  pour  donner  à 
l'autre,  faire  un  trou  pour  en  boucher  un  autre,  sont  des  procédés 
naturels  aux  Chinois,  depuis  l'Empereur  jusqu'au  dernier  degré 
de  l'échelle  sociale.  Les  malversations  fleurissent  dans  tous  les 
rangs  de  l'administration.  Elles  sont  tolérées  comme  une  simple 
peccadille  dans  un  pays  où  la  moindre  infraction  à  l'étiquette 
filiale  est  punissable  comme  un  crime.  Avec  un  code  de  morale 
financière  pareil,  il  n'est  pas  possihle  de  fonder  des  sociétés  par 
actions,  car  personne  n'aurait  confiance  dans  l'honnêteté  des 
administrateurs,  il  eh  existe  cependant  quelques-unes  à  Hong- 
Kong.  Les  mines  ne  rapportent  rien  à  leurs  propriétaires  parce 
que  les  ouvriers  pillent  la  production;  il  en  est  de  mênje  des 
fabriques  de  coton  où  les  ouvriers  emportent  la  matière  brute, 
cachée  dans  leurs  vêtements.  Les  principales  compagnies  chi- 
noises sont  des  machines  qui  servent  à  l'appropriation  en  grand 
des  fonds  d'autrui,  surtout  quand  un  fonctionnaire  y  a  la  main.  U 
n'est  donc  pas  nécessaire  de  (chercher  plus  loin  pour  comprendre 
le  manque  d'esprit  d'entreprise  des  Chinois  ou  pourquoi  ils 
aiment  mieux  placer  leurs  fonds  à  faible  intérêt  dans  des  banques 
étrangères  que  de  le  confier  à  leurs  propres  compatriotes,  même 
aux  conditions  les  plus  tentantes.  Cette  préférence  pour  la  sécurité 
qu'offrent  les  étrangers,  est,  d'après  M.  Colquhoun,  le  principal 
levier  par  lequel  on  pourra  développer  les  ressources  commer- 
ciales, industrielles  et  financières  de  la  Chine.  C'est  par  la  probité 
que  nous  pourrons  lutter  contre  les  Chinois.  Cela  résulte  d'une 
observation  purement  empirique  :  la  probité  des  banquiers  et  des 
marchands  chinois  est  proverbiale  et  elle  est,  sans  nul  doute,  la 
cause  de  leur  prospérité. 


580  ETUDES   COLONIALES 

Il  est  difficile  d'expliquer,  en  l'absence  de  toute  séparation  de 
castes,  des  phénomènes  aussi  contradictoires  qu'une  fidélité  excep- 
tionnelle, dans  certains  cas;  et  une  fraude  systématique  dans 
d'autres.  Il  semble'  évident  qu'une  cause  générale  doive  ici  faire 
sentir  ses  effets.  On  peut  la  trouver  peut-être  dans  le  fait  que 
chaque  profession  exige  un  entraînement  spécial  d'où  résulte  une 
sélection  parmi  ceux  qui  se  proposent  de  la  suivre.  Chaque  profes- 
sion a  son  propre  code  d'honneur  et  chaque  société,  sa  propre  loi 
de  conservation  Le  commerce  ne  peut  vivre  sans  confiance  et 
l'expérience  continue  de  plusieurs  siècles  a  gravé  cette  loi  dans 
l'esprit  de  ceux  qui  s'y  engagent.  La  sélection  tend  constamment  à 
l'expulsion  des  individus  qui  n'obéissent  pas  à  cette  loi  nécessaiw. 
L'hérédité  ajoute  son  aide  puissante  pour  maintenir  la  pureté  de  la 
corporation.  Des  traditions  transmises  de  père  en  fils,  pas  tant 
sous  forme  de  maximes  que  isous  celle  de  la  pratique  journalière, 
s'impriment  profondément  dans  le  caractère,  et  les  enfants  suivent 
naturellement  la  voie  de  leur  père  et  de  leur  famille  au  milieu 
de  laquelle  ils  ont  grandi.  Il  leur  serait  même  difficile  de  faire 
autrement. 

Le  code  d'honneur  différent  qui  prédomine  dans  les  cercles 
officiels,  peut  également  s'expliquer  par  les  nécessités  de  lexis- 
tence.  Aucun  fonctionnaire  chinois  ne  peut  vivre  de  son  traite- 
ment. Que  lui  reste-t-il  donc  à  faire?  Une  tradition  immémoriale 
lui  montre  la  voie.  Or,  la  corruption  qu  elle  indique,  n'afiecte  pas 
seulement  les  services  publics  mais  elle  atteint  aussi  le  caractère 
de  l'individu  qui  s'en  rend  coupable.  La  malversation  une  fois 
admise,  il  n'est  plus  possible  d'en  indiquer  les  limites.  La  néces- 
sité dégénère  bientôt  en  rapacité  et  celle-ci  ne  fait  que  grandir. 
Quelques  fonctionnaires  résistent  cependant  à  la  tentation  géné- 
rale. On  les  regarde  comme  une  sorte  de  monstruosité  de  vertu, 
comme  un  genre  d'éléphants  blancs,  qui,  à  ce  titre,  ont  droit  à 
une  indulgence  illimitée.  Ces  fonctionnaires-là  doivent  être  riches 
ou  avoir  des  amis  riches,  ou  s'en  remettre  à  quelque  habile  homme 
d'affaires  qui  agit  derrière  leur  dos. 

Le  danger  des  nouvelles  entreprises,  c'est  d'être  en  dehors  de 
la  tradition  et,  par  suite,  en  dehors  de  la  protection  du  code  profes- 
sionnel qui  est  si  efficace  dans  sa  propre  sphère.  Si  un  personnage 
officiel  a  un  intérêt  dans  l'affaire,  sa  seule  préoccupation  sera  de 


LE   PEUPLE   CHINOIS  581 

s'en  faire  une  vache  à  lait.  Toutes  ses  habitudes  intellectuelles  pro- 
testeraient contre  Tidée  d  avoir  le  moindre  égard  pour  les  droits 
des  actionnaires. 

La  morale  commerciale  des  Chinois  apparaît  sous  son  jour  le 
plus  défavorable  quand  elle  se  trouve  en  contact  avec  le  droit  occi- 
dental. Ainsi,  leur  attitude  est  peu  édifiante  quand  il  est  fait  appel  à 
eux  pour  un  nouveau  versement  sur  les  actions  qu'ils  ont  souscrites 
dans  des  sociétés  étrangères.  C'est  là  un  des  cas  où  la  tradition  est 
en  défaut  de  leur  montrer  la  voie  à  suivre.  Toute  l'afiaire  est  du 
reste  étrangère  à  leurs  coutumes.  Ils  ne  comprennent  rien  aux 
formes  juridiques  européennes  et  ils  ne  se  font  pas  le  moindre 
scrupule  d'en  éluder  les  termes  quand  ils  peuvent.  Entre  eux,  la 
rectitude  de  la  conduite  est  garantie  et  assurée  par  la  coutume  et 
la  force  de  celle-ci  est  plus  grande  que  celle  d'un  décret  de  loi  ou 
de  justice.  Un  contrat  commercial,  par  exemple,  rédigé  et  signé, 
n'a  qu'une  valeur  très  secondaire;  mais  si  le  prix  du  marché  a  été 
versé,  il  est  inattaquable.  La  remise  du  prix  sans  l'écrit  a  plus 
d'efficacité  que  celle  de  l'écrit  sans  le  prix.  On  ne  peut  donc  pas 
espérer  qu'un  peuple  qui  se  meut  dans  une  telle  atmosphère  de 
traditions  et  de  coutumes,  puisse  facilement  s'adapter  au  méca- 
nisme des  législations  étrangères,  d'autant  plus  que  celles-ci 
varient  de  nation  à  nation  et  qu'elles  sont  susceptibles  d'être  modi- 
fiées au  cours  de  chaque  session  parlementaire. 

Le  respect  pour  la  loi,  tel  que  nous  le  concevons,  n'est  pas  com- 
pris par  les  Chinois. Le  sentiment  qui  les  pénètre  n'est  pas  seulement 
du  respect  pour  la  loi  :  c'est  un  véritable  culte.  Elle  est  pour  eux 
plus  que  la  religion.  Mais  les  lois  européennes  sont  comme  des 
dieux  étrangers  introduits  dans  leur  panthéon.  Elles  n'ont  pas  de 
prise  sur  leur  sens  moral.  Toute  l'attitude  du  Chinois  vis-à-vis  de 
cette  législation  diffère  donc  fondamentalement  de  celles  des 
peuples  d'Occident.  C'est  un  fait  dont  doivent  tenir  compte  tous 
ceux  qui  font  des  afiaires  avec  la  Chine.  Le  Chinois  s'entoure  de 
garanties  tout  autres  dans  ses  transactions  commerciales  que  les 
Anglais,  par  exemple,  qui  ont  toujours  un  avocat  à  côté  d'eux  pour 
les  guider  ou  les  éclairer  sur  la  portée  d'une  clause  d'un  contrat. 
Le  marchand  ou  le  banquier  chinois  n'envisagent  en  aucune  façon 
la  possibilité  de  pouvoir  recourir,  en  cas  de  besoin,  aux  tribu- 
naux. Ils  agissent  comme  s'ils  ne  disposaient  pas  de  cette  ressource. 

4 


5gâ  ÉTUDES  COLONIALES 

Leur  première  précaution,  pour  se  prémunir  contre  la  tromperie  et 
les  malentendus,  est  de  choisir  rigoureusement  leur  clientèleet  de 
n'entrer  en  relations  qu'avec  des  gens  irréprochables  ;  c'est  lappré- 
ciation  réciproque  qui  cimente  la  confiance  des  gens  d'affaires 
entre  eux. 

Les  contrats  écrits  Irouvent  rarement  place  dans  le  système 
chinois  tandis  que  chez  nous,  ils  jouent  un  rôle  essentiel. 
Nos  juristes  mettent  la  structure  verbale  d'une  convention 
au-dessus  de  tout;  les  Chinois,  au  contraire,  font  tout  dépendre  de 
Tintention  évidente  et  raisonnable  des  parties.  Les  uns  consi- 
dèrent le  contrat;  les  autres  la  chose  qui  fait  lobjet  du  contrat. 
La  différence  entre  les  deux  points  de  vue  est  presque  inconci- 
liable et  il  serait  aussi  erroné  de  notre  part  de  vouloir  juger 
l'équité  chinoise  au  moyen  de  nos  idées  que  de  la  part  des  Chinois, 
de  dire  que  nous  manquons  de  bonne  foi  parce  que  nous  tirons 
avantage  d'une  question  de  technique  pour  éviter  une  obligation 
désavantageuse.  La  moralité  qu'il  faut  conclure  de  cette  situation, 
c'est  que  chaque  partie  devrait  rencontrer  son  co-con tractant  sur 
le  terrain  de  celui-ci;  les  étrangers  devraient  se  fier  aux  sanctions 
consacrées  de  temps  immémorial  chez  les  Chinois  pour  lier  la  con- 
science commerciale  de  ceux-ci  et  les  Chinois  ne  devraient  avoir 
confiance  dans  les  étrangers  que  pour  autant  qu'ils  obtiennent  des 
contrats  signés  en  due  forme. 

Une  cause  de  défiance  entre  Chinois  et  étrangers  a  pour  raison 
le  manque  de  ponctualité  des  Chinois.  Sauf  en  matière  de  banque, 
le  temps  n'a  pas  pour  eux  la  mémo  valeur  que  pour  nous.  Leurs 
façons  d'agir  sont  plus  lentes  que  les  nôtres.  Il  en  résulte  souvent 
chez  nous  de  l'irritation  et  même  de  la  suspicion  quand  ils  ne  tien- 
nent pas  à  temps  une  obligation  importante.  On  doit  Taiieune 
large  part  à  leurs  habitudes  et  surtout  à  la  complexité  de  leur  vie 
sous  ce  rapport.  On  leur  reproche  d'être  superstitieux.  Il  est 
même  difiicile  pour  un  étranger  de  concevoir  à  quel  point  leurs  vies 
sont  enveloppées  d'un  tissu  de  nécromancie,  de  sorcellerie,  de 
culte  des  animaux,  de  chance,  de  mauvais  œil  et  d'un  millier  d'au- 
tres influences  qui  nous  paraissent  grotesques  et  puériles.  C'est 
un  résultat  naturel  de  la  longue  durée  de  cette  nation.  Toutes  ces 
superstitions  ont  pu  s'accumuler  lentement  en  une  masse  gigan- 
tesque. Tous  les  actes  de  la  vie  chinoise  sont  réglés  par  un  forma- 


LE  PEUPLE  CHINOIS  583 

lisme  minutieux  et  personne  ne  songerait  à  s'en  départir.  Les 
étrangers  ne  comprennent  pas  cela  et  il  s'ensuit  nécessairement 
des  frictions.  Mais,  en  outre,  les  Chinois,  même  les  plus  raison- 
nables et  les  plus  pratiques,  sont  sous  la  domination  des  sorciers 
et  des  diseurs  de  bonne  aventure  ainsi  que  sous  celle  du  «  sort  », 
au  point  qu'ils  vivent  dans  la  crainte  perpétuelle  de  dire  ou  de  faire 
quelque  chose  dans  un  moment  néfaste  ou  dans  un  endroit  néfaste 
ou  d'une  manière  néfaste  ou  en  compagnie  de  gens  néfastes. 
Une  convention  avantageuse  peut  être  abandonnée  par  suite  de 
quelque  avertissement  occulte-  Et  il  arrive  souvent  qu'on  accuse 
le  Chinois  de  mauvaise  foi  quand,  en  réalité,  il  se  trouve  sous  le 
coup  d'une  influence  qu'il  n'ose  pas  avouer  et  qui  l'amène  à  fournir 
une  excuse  embarrassée  et  mensongère. 

Ce  qui  nous  apparaît  comme  mystérieux  dans  les  habitudes 
chinoises,  nous  semblerait  probablement  simple  si  nous  en  avions 
lexplication.  Il  est  possible  que  si  l'idée  de  famille,  qui  est  le 
principe  tondamenlal  de  leur  vie  nationale  et  privée,  était  bien 
entendue,  on  pourrait  y  trouver  la  clef  de  bien  des  singularités  appa- 
rentes. Les  appeler  idolâtres  parce  qu'ils  adorent  leurs  ancêtres 
n'est  qu'une  pétition  de  principes.  Et,  comme  dit  avec  raison 
M.  Colquhoun, il  vaudrait  mieux  examiner  la  portée  de  cette  relation 
que  l'on  appelle  «idolâtrie» et  rechercher  l'importance  du  rôle  que 
les  ancêtres  jouent  dans  la  vie  chinoise.  Or,  il  semble  que  leur 
autorité  soit  la  force  qui  maintient  la  cohésion  de  la  Chine.  Ils  ne 
font  qu'un  avec  la  postérité  ;  et  la  tombe  des  ancêtres  est  l'autel 
familial.  Les  ancêtres  assistent  aux  délibérations  delà  famille  et  en 
sanctionnent  les  délibérations. 

Les  effets  de  ce  culte  sur  la  vie  journalière  du  peuple  sont  divers. 
Comme  la  famille  est  l'unité  de  l'Etat,  il  existe  une  responsabilité 
collective  pour  la  conduite  de  chaque  membre.  C'est  grâce  à  elle, 
que  l'ordre  est  observé  dans  chaque  village  ou  ville  sans  interven- 
tion de  police  ou  d'armée.  Ce  n'est  pas  un  mince  avantage.  La 
responsabilité  de  la  famille,  en  matière  financière,  donne  aussi  de 
la  sécurité  aux  affaires,  car  une  dette  ne  s'éteint  jamais  que  par  le 
paiement  et  elle  se  transmet  de  père  en  fils.  Un  mauvais  côté  du 
système  est  l'obligation  morale  de  ceux  qui  sont  riches  de  soutenir 
tous  les  membres  de  leur  famille,  parce  que  ce  principe  décourage 
l'esprit  d'entreprise  et  l'activité.  C'est  un  sérieux  obstacle  aux  pro- 


584  ÉTUDES  COLONIALES 

grès  industriels,  car,  à  peine  un  homme  est-il  parvenu  à  fonder, 
par  son  énergie,  une  industrie  florissante,  qu*il  est  accablé  par 
tous  les  malchanceux  de  sa  famille.  Ceux-ci  vivent  à  ses  dépens  et 
il  est  obligé  de  les  employer  de  préférence  à  des  gens  qui  lui 
seraient  utiles,  même  au  risque  de  ruiner  son  entreprise.  Il  est 
impossible  aux  Chinois  de  s'affranchir  de  ce  préjugé  et  on  doit 
tenir  compte  de  ce  fait  dans  tous  les  projets  de  coopération  que 
l'on  propose  à  des  Chinois. 

En  examinant  le  système  social  de  la  Chine,  on  doit  distinguer 
entre  la  capacité  du  peuple  au  point  de  vue  individuel  et  sa  capacité 
au  point  de  vue  public,  entre  sa  valeur  comme  matière  susceptible 
d'être  moulée  et  dirigée  par  d'autres  et  son  pouvoir  d'organiser  et 
de  conduire  ses  propres  forces  tant  industrielles,  commerciales  et 
politiques  que  militaires.  La  première  capacité  a  déjà  été  examinée. 
Il  reste  à  s'occuper  delà  seconde. 

Le  Chinois  au  point  de  vue  de  la  vie  publique,  telle  que  nous  la 
concevons,  n'existe  pas  jusqu'à  présent,  La  nation  ne  s'occupe  pas 
plus  des  affaires  politiques  qu'elle  ne  le  fait,  selon  le  conseil  de 
Confucius,  des  questions  théologiques.  La  maxime  populaire  dit 
que  puisque  les  mandarins  sont  payés  (et  se  paient)  pour  s'occuper 
de  l'administration  publique,  c'est  leur  affaire  de  s'en  charger  ; 
quant  au  peuple,  il  cultive  son  jardin  et  paie  ses  taxes.  L'esprit 
public  est  donc  un  sentiment  inconnu  aux  Chinois.  On  dit  souvent 
que  les  Chinois,  comme  nation,  n'ont  pas  de  patriotisme.  Mais 
cette  opinion,  fait  remarquer  M.  Colquhoun,  peut  être  l'effet  de 
nos  préventions  ou  de  notrq  défaut  d'apercevoir  la  véritable  relation 
qui  existe  entre  le  sujet  et  l'objet  de  ce  que  nous  appelons  patrio- 
tisme. Les  exemples  du  dévouement  le  plus  pur  et  le  plus  élevé 
ne  sont  pas  rares  et,  dans  ces  cas,  l'idéal  n'apparaît  pas  fort  diffé- 
rent du  nôtre.  Cependant,  si  l'on  parle  seulement  de  ce  qui  agit 
sur  les  masses,  telles  que  nous  les  voyons  et  non  telles  qu'elles 
sont  intrinsèquement,  on  pourrait  peut-être  dire  que  ce  qui  repré- 
sente le  sentiment  du  patriotisme  en  Chine,  est  une  survivance  de 
l'esprit  de  clan,  affectant  de  petites  étendues  séparées  entre  elles. 
Ce  ne  serait  donc  pas  un  patriotisme  provincial  ni  même  civique, 
mais  plutôt  un  esprit  local,  qui,  à  l'occasion,  est  capable  de  résister 
aux  extorsions  ou  de  s'opposer  à  une  immixtion. 
Dans  les  sentiments  militaires  des  Chinois,  on  observe,  comme 


LE   PEUPLE  CHINOIS  585 

dans  leurs  sentiments  patriotiques,  la  même  indifférence.  Leur 
manuel  de  stratégie  remonte  à  une  date  antérieure  à  Tère  chré- 
tienne. Leur  tactique  est  plus  primitive  que  celle  des  Zoulous.  Il 
n'existe  pas  de  concentration.  Chaque  régiment  ou  bataillon  com- 
bat pour  soi  seul.  Aucun  d'eux  ne  veut  en  aider  un  autre;  encore 
moins  une  partie  de  Tarmée  veut- elle  se  sacrifler  au  succès  com- 
mun. 

On  estime  généralement  peu  le  courage  du  soldat  chinois.  Il  y 
a  toutefois  des  circonstances  atténuantes  à  sa  conduite.  La  manière 
dont  les  soldats  sont  recrutés,  traités,  payés  et  conduits,  excuse 
bien  des  choses.  Quand  on  les  envoie  sans  armes  contre  des 
forces  bien  disciplinées  et  bien  équipées  comme  celles  des  Japo- 
nais, il  ne  leur  reste  qu'à  battre  en  retraite.  Mais  quand  ils  sont 
nourris,  disciplinés  et  armés  convenablement,  comme  c'était  le  cas 
pour  la  marine  chinoise,  ils  laissent  peu  à  désirer  en  fait  de  cou- 
rage. Les  Chinois  sont  plutôt  attirés  par  les  qualités  personnelles 
du  chef  que  par  une  cause.  Gordon  aurait  pu  les  conduire  partout. 
Ils  auraient  de  même  suivi  le  brave  amiral  Ting  qui  mourut  dans 
le  siège  de  VVei-hai-Wei.  Il  ne  s'agit  donc  probablement  que  d'une 
simple  question  d'organisation  comme  pour  les  Égyptiens. 

On  peut  dire  que  ce  n'est  pas  par  le  génie  militaire,  scientifique 
ou  politique,  mais  par  le  génie  commercial  que  la  Chine  s'est  dis- 
tinguée dans  le  passé  et  qu'elle  a  le  plus  de  chance  de  briller  dans 
l'avenir.  Les  Chinois  sont  nés  marchands.  Placez-les  dans  n'im- 
porte quelle  situation  sociale,  même  la  plus  éloignée  de  l'atmo- 
sphère commerciale,  ils  penseront  encore  en  monnaie.  Comme  les 
Juifs  ils  ont  la  tendance  instinctive  de  tout  évaluer  en  argent.  Mon- 
tre&leur  n'importe  quel  objet,  pour  les  instruire  ou  provoquer  leur 
admiration,  leur  première  et  dernière  pensée  est  la  valeur  qu'il 
représente.  Tendez  l'oreille  aux  conversations  des  bateliers,  des 
coolies  ou  des  ouvriers  et  vous  verrez  qu'elles  tournent  toujours 
autour  d'un  même  sujet  :  l'argent. 

Ce  n'est  pas  le  gain  en  lui-même  qui  inspire  cette  passion  du 
marchandage.  Comme  tous  les  orientaux,  du  reste,  le  Chinois  est 
fasciné  par  l'amour  du  commerce  comme  par  un  sport.  On  dit  que 
le  grand  Li-Hung-Chang  éprouvait  un  plaisir  plus  pur  à  dépouiller 
un  de  ses  employés  de  la  moitié  de  sa  quinzaine  après  avoir 
bataillé  avec  lui  toute  une  après-dînée,  que  s'il  avait  sauvé  une  des 


g86  ÉTUDES  COLONIALES 

provinces  de  TEmpire.  On  considère  comme  une  maxime  de 
sagesse  pour  un  bachelier  de  se  laisser  battre  aux  échecs  par  un 
oncle  riche. 

Une  autre  caractéristique  du  Chinois  qui  mérite  d'être  notée, 
et  qui  le  distingue  des  Occientaux  et  peut-être  aussi  des  Orien- 
taux, c'est  qu'en  dépit  de  sa  parcimonie,  il  n'est  pas  vil.  11 
devient  généreux  à  l'excès  quand  la  fantaisie  lui  en  passe.  Il  a  un 
souverain  mépris  pour  les  bagatelles  en  soldant  un  compte.  Il  sait 
subir  une  perte  avec  stoïcisme  et  il  ne  poursuit  que  bien  rarement 
en  paiement  d'une  dette.  La  désinvolture  avec  laquelle  le  Chinois 
traite  les  questions  d'argent  contraste  d'une  manière  frappante 
avec  la  rigueur  qu'y  apportent  les  étrangers.  Et  si  on  pénètre  au 
fond  de  ce  fait,  on  ne  pourra  guère  parler  de  supériorité  ou  d'in- 
fériorité, car  la  générosité  des  Chinois  trouve  une  compensation 
dans  les  mille  petits  profits  sur  lesquels  ils  se  rabattent,  tandis 
que  la  minutie  des  étrangers  se  justifie  par  la  précision  des 
comptes  et  l'absence  de  toute  marge  où  ils  puissent  se  rattraper. 

La  combinaison  de  l'avidité,  d'une  part,  et  de  la  prodigalité,  de 
l'autre,  produit  parfois  des  résultats  qui,  bien  que  très  naturels  en 
eux-mêmes,  sont  à  la  fois  comiques  et  paradoxaux  quand  on  les  con- 
sidère au  point  de  vue  étranger.  Il  y  a  quelques  années,  vivait, 
dans  un  des  ports  secondaires,  sur  le  pied  princier  légué  par 
Tcc  East  India  Company  »  l'agent  d'une  puissante  firme  de  Shanghaï. 
Son  «  boy  »  ou  maître  d'hôtel,  comme  le  reste  de  la  domesticité, 
d'ailleurs,  se  faisait  de  bonnes  rentes  aux  dépens  de  l'établisse- 
ment. Les  temps  vinrent  à  changer  et  l'importante  maison  dut 
cesser  les  affaires.  Abandonné,  l'agent  se  décida  à  continuer  le 
commerce  à  son  propre  compte  et  à  mettre  à  profit  les  relations 
qu'il  s'était  créées  parmi  les  marchands  indigènes  et  étrangers. 

Il  ne  pouvait  naturellement  plus  être  question  de  maintenir  l'an- 
cien train  de  maison.  Il  appela  donc  son  fidèle  c<  boy  »>  et  lui 
3xposa  sa  situation  :  impossible  de  continuer  l'ancienne  et  dispen- 
dieuse manière  de  vivre,  bien  au  regret  de  devoir  se  séparer  d'un  si 
bon  et  si  ancien  serviteur,  et  ainsi  de  suite.  Le  «  boy  »  se  plia  aux 
circonstances  d'une  façon  un  peu  inattendue.  «  Pourquoi  maître 
est-il  si  chagrin  ?  Je  suis  bien  triste  que  maître  ne  gagne  pas  d'ar- 
gent. J'aimerais  de  rester  au  service  de  maître.  Combien  maître 
peut-il  m'offrir  ?  »   Le   maître  se  gratta  la  tête  et  réfléchit  un 


LE  PEUPLE  CHINOIS  587 

instant  ;  puis,  il  énonça  une  somme  qui  ne  représentait  que  les 
deux  tiers  du  chiffre  atteint  par  les  frais  du  ménage  jusqu'à  ce 
moment.  «  Bien,  bien,  maître,  la  somme  que  vous  fixez  suffira  » 
répliqua  laccommandant  serviteur.  Le  ménage  continua  donc.  Rien 
ne  fut  changé.  La  table  était  aussi  abondante  et  les  domestiques 
aussi  corrects  et  aussi  respectueux  qu'auparavant.  Il  n'y  avait  que 
les  frais  qui  avaient  diminué  de  trente  pour  cent.  Une  année  se 
passa.  La  nouvelle  entreprise,  comme  toute  affaire  récente,  avait 
rencontré  des  difficultés.  Le  résultat  était  une  déception.  De  nou- 
veau, le  maître  eut  à  s'expliquer  avec  son  serviteur;  de  nouveau, 
la  solution  de  la  difficulté  se  trouvait  dans  la  réduction  du  train  de 
maison.  «  Bien,  bien,  maître,  dites-moi  combien  vous  pouvez 
donner  »  répondit  le  boy.  Le  maître  était  sérieusement  embarrassé. 
Il  cita  un  chiffre  qui  était  exactement  la  moitié  de  ce  qu'il  payait 
à  l'origine.  Le  boy  accepta  avec  autant  de  plaisir  que  la  première 
fois.  Le  ménage  poursuivit  sa  carrière,  sans  qu'il  y  eut  une 
feuille  de  salade  ou  une  perdrix  ou  un  champignon  de  moins. 
Seuls,  les  frais  étaient  réduits  à  de  modestes  proportions.  Il  va 
sans  dire  que,  dans  le  bon  vieux  temps,  le  rusé  Chinois  avait  fait 
danser  l'anse  du  panier;  mais  quelle  facilité  d'accommodation  et 
quelle  fidélité  dans  l'infortune  ! 

Veut-on  maintenant  un  exemple  d'un  cas  opposé?  M.  Colquhoun 
cite  le  fait  suivant,  arrivé  récemment  à  Pékin.  Un  Français  tenait 
maison  dans  cette  ville.  Il  était  accompagne  de  sa  femme.  Pendant 
plusieurs  années,  leur  ménage  avait  poursuivi  sa  route  doucement 
et  économiquement.  Pas  une  ride  n'avait  troublé  leur  félicité  domes- 
tique. Un  beau  jour,  ils  constatèrent  une  augmentation  notable  dans 
leur  budget  mensuel.  Ils  firent  des  remontrances  h  leur  maître 
d'hôtel,  mais  ce  fut  en  vain.  Impassible,  celui-ci  apportait  chaque 
mois  la  même  note.  A  la  fin,  le  maître  résolut  de  congédier  le  dômes- 
tique.  Quand  lesuccesseur  de  ce  dernier  eut  été  installé, il  tint  à  son 
maître  un  discours  enpidgin  english  dont  la  teneur  était  qu'il  se 
trouvait  dans  l'impossibilité  de  gérer  le  ménage  plus  économique- 
ment que  son  prédécesseur.  Le  ujaître  fut  surpris,  à  cette  haran- 
gue; il  discuta  quelque  temps  mais  ne  put  rien  tirer  d'autre  du 
domestique.  A  la  fin  du  premier  mois,  la  noie  présentée  corres- 
pondait, à  quelques  centimes  près,  à  ce  qu'elle  avait  été  aupara- 
vant. Le  maître  fit  des  observations  qui  furent  reçues  avec  respecl; 


588  ÉTUDES  COLONIALES 

mais,  le  mois  suivant,  le  môme  compte  reparut.  Le  maître  flnil  par 
jeter  le  manche  après  la  cognée  et  par  se  résigner  à  son  sort 
Quelque  temps  après,  quand  toute  mésintelligence  eut  disparu, 
le  maître  demanda  à  son  domestique  de  lui  expliquer,  simplement 
pour  satisfaire  sa  curiosité,  comment  il  se  faisait  que  le  taux  des 
frais  de  ménage  qui,  pendant  plusieurs  années  était  resté  le  même, 
s'était  tout  à  coup  élevé  sans  qu'il  y  ait  eu  le  moindre  changement 
dans  les  prix  du  marché  ou  qu'il  se  soit  produit  une  autre  cause. 
Pris  en  confidence,  le  boy  regarda  son  maître  avec  douceur  et  lui 
dit  que  comme  il  avait  eu  la  chance  de  faire  une  excellente  affaire, 
.quelque  six  mois  auparavant,  ses  domestiques  s'étaient  jugés  en 
droit  d'en  prendre  leur  part. 

On  reproche  souvent  aux  Chinois  d'être  ingrats.  Ce  qui  est  vrai, 
en  Orient  comme,  du  reste,  en  Occident,  c'est  qu'un  mauvais 
maître  n'a  jamais  eu  un  bon  serviteur.  Et  ceux  qui  so  plaignent  le 
plus,  fait  observer  M.  Colquhoun,  sont  généralement  ceux  qui  ne 
méritent  pas  d'autre  sort.  Tous  les  étrangers  qui  ont  étudié  les 
Chinois,  d'une  manière  humaine  et  sympathique,  reconnaissent  leur 
dévouement  et  leur  gratitude.  Le  Chinois  s'attache,  cœur  et  âme, 
à  l'étranger  qui  a  su  gagner  sa  confiance.  Pour  y  arriver,  il  faut 
leur  montrer,  non  par  des  mots  mais  par  des  actes,  que  l'on  se 
préoccupe  de  leur  bonheur  autant  que  du  sien  propre.  Un 
exemple  illustrera  la  force  d'attachement  dont  les  Chinois  sont 
capables.  Un  Anglais,  qui  était  retourné  en  Chine,  après  une 
absence  de  plusieurs  années,  fut  tout  surpris  de  recevoir,  un 
jour,  la  visite  de  quelques  Chinois  qu'il  ne  connaissait  pas.  Ils 
étaient  bien  vêtus'et  fort  respectueux.  Après  les  préliminaires  habi- 
tuels de  toute  conversation  chinoise,  le  plus  important  des  visi- 
teurs expliqua  qu'il  était  le  fils  d'un  Chinois  mort  depuis  plus  de 
vingt  ans,  à  une  époque  où  il  n'était  encore  qu'un  enfant;  que  sa 
famille  lui  avait  parlé  de  la  bonté  avec  laquelle  l'Anglais  avait  traité 
son  père  dans  ses  vieux  jours  ;  qu'à  son  grand  regret,  il  n'avait 
jamais  eu  l'occasion  d'exprimer  sa  reconnaissance  pour  ces  bienfaits. 
Or,  il  venait  d'apprendre  qu'une  personne  portant  le  même  nom 
que  celui  de  l'ami  de  son  père  était  arrivée  récemment  dans  la  ville. 
11  ne  savait  pas  si  c'était  la  même.  Et  c'est  simplement  pour 
s'informer  qu'il  faisait  une  visite.  Il  fut  transporté  de  joie  quand  il 
sut  qu'il  avait  découvert  la  personne  qui  l'intéressait.  L'Anglais 


LE  PEUPLE  CHINOIS  589 

el  le  Chinois  échangèrent  alors  des  nouvelles  de  leurs  familles 
respectives  et  ce  dernier  demanda  la  permission  de  pouvoir  pré- 
senter ses  hommages  une  autre  fois.  Quand  il  revint,  il  était  chargé 
de  cadeaux  de  grand  prix,  destinés  aux  enfants  de  celui  qu'il  avait 
retrouvé  si  fortuitement. 

Les  exemples  de  générosité  au  profit  des  Européens  en  matière 
d'argent  ne  sont  pas  rares.  Ils  étaient  plus  nombreux  à  l'époque  de 
la  génération  précédente,  quand  le  commerce,  surtout  celui  de 
Canton,  se  traitait  largement,  à  la  manière  des  princes-marchands. 
Les  circonstances  ne  permettent  plus  d'agir  de  la  sorte  aujour- 
d'hui :  les  affaires  ont  pris  un  caractère  plus  particulier  et  plus 
limité.  A  cette  époque,  la  confiance  la  plus  complète  était  la  règle 
entre  les  marchands  de  Hong-Kong  et  les  commerçants  européens  et 
américains.  Les  affaires  se  faisaient  alors  par  chargements  entiers. 
Un  survivant  du  vieux  régime,  qui  vivait  à  Canton  en  1884,  étaif, 
par  suite  de  l'effondrement  de  sa  firme,  tombé  de  l'opulence  dans 
la  misère.  Il  se  trouvait  fortement  engagé  vis-à-vis  d'un  marchand 
chinois.  Celui-ci,  voyant  que  le  vieux  commerçant  restait  à  Canton 
sans  jamais  retourner  dans  son  pays  ni  dans  sa  famille,  lui  demanda 
pourquoi  il  se  refusait  la  consolation  naturelle  de  la  vieillesse, 
car  une  séparation  perpétuelle  de  la  famille  est  particulièrement 
intolérable  aux  Chinois.  Croyant  en  deviner  la  raison,  il  tira  de  sa 
poche,  dit-on,  un  des  plus  gros  billets  du  commerçant  et  le  déchira 
devant  celui-ci,  en  disant:  «  Et  maintenant,  pouvez-vous  retourner 
chez  vous?  »  Il  se  peut  que  le  récit  ne  soit  pas  littéralement  vrai, 
mais  il  exprime  bien  les  sentiments  dont  les  Chinois  sont  capables. 
Naturellement,  on  peut  dire  que  ce  ne  sont  là  que  des  cas  excep- 
tionnels. Mais  s'ils  ne  sont  pas  plus  répandus,  n'est-ce  pas  la  faute 
des  étrangers  qui  ne  s'attachent  pas  suffisamment  à  gagner  la 
confiance  des  Chinois? 

Une  des  qualités  les  plus  précieuses  des  Chinois  et  qui  leur  sera 
des  plus  utiles  pour  le  développement  ultérieur  de  leur  pays,  c'est 
la  façon  merveilleuse  dont  ils  savent  endurer  les  choses 
désagréables  et  leur  invincible  contentement  dans  toutes  les  cir- 
constances. Tous  ceux  qui  ont  voyagé  parmi  eux  ou  qui  ont  eu 
l'occasion  de  les  observer  rendent  hommage  à  leur  inaltérable 
bonne  humeur  dans  les  situations  les  plus  pénibles  comme  dans  les 
travaux  les  plus  durs-  Leur  gaîté  est  sans  égale.  Ni  le  froid  ni  la 


590  ÉTUDES   COLONIALES 

chaleur,  ni  la  Taim  ni  la  fatigue  ne  peuvent  les  abattre.  Ni  le  mal- 
heur ni  les  calamités  ni  la  maladie  n'ont  de  prise  sur  eux.  Il  sem- 
ble, comme  dil  un  auteur,  qu  ils  aient  pris  l'habitude  de  regarder 
les  choses  du  bon  côté. 

Suivant  un  écrivain,  «  le  bonheur  est  plus  qu'ils  n'espèrent:  ils 
se  contentent  d'être  aussi  heureux  que  possible  »  et,  parlant  d'un 
Chinois,  employé  à  pousser  une  lourde  brouette  en  voyage,  souvent 
pendant  plusieurs  mois  de  suite,  cet  auteur  ajoute:  :c  Au  cours  de 
ces  expéditions,  il  était  obligé  de  se  lever  tôt,  de  voyager  tard,  de 
transporter  de  lourdes  charges  par  dessus  de  roides  et  difficiles 
montagnes,  par  toutes  les  saisons  et  tous  les  temps,  de  passer  à 
gué  des  rivières  glacées,  pieds  et  jambes  nues,  et,  à  la  fin  de  la 
journée,  de  préparer  le  souper  et  le  logement  de  son  maître.  Tout 
ce  travail  était  fourni  pour  une  rémunération  des  plus  modiques  et 
sans  la  moindre  récrimination.  Et  au  bout  de  plusieurs  années  de 
ce  service,  le  maître  put  déclarer  qu'il  n'avait  jamais  vu  son 
domestique  hors  de  soi  ! 

Aussi,  la  conclusion  de  cet  auteur  est-elle  que  :  «  si  l'on  doit 
ajouter  foi  aux  enseignements  de  l'histoire  en  ce  qui  concerne  le 
triomphe  des  «  plus  aptes  »,  un  avenir  splendide  est  réservé  à  la 
race  chinoise.  » 


-*♦ 


Le  sorgho  est  avec  le  manioc  une  des  bases  de  Talîmentation  des 
races  bantoues  qui  peuplent  le  bassin  du  Congo. 

Non  seulement  ils  en  font  une  galette  dure  et  peu  appétissaiite 
pour  les  Européens,  mais  ils  s'en  servent  encore  pour  faire  une 
bière  qui,  convenablement  décantée,  est  parfaitement  buvable, 
même  pour  les  Belges  initiés  aux  voluptés  du  gueuze-lambic  ou  de 
Fuitzet  ou  des  multiples  «  blondes  »  ou  brunes  qui  Ibnt  chez  nous 
les  délices  des  palais  blasés. 

Seulement,  TEuropéen  rendrait  aux  nègres  un  signalé  service  en 
introduisant  chez  eux  les  meilleures  variétés  de  sorgho. 

Le  sorgho  est  originaire  du  Nord  de  la  Chine,  où  le  climat  est 
relativement  froid,  et  son  introduction  en  France  date  de  1851, 
époque  à  laquelle  M.  de  Montigny,  alors  consul  de  France  à 
Shanghaï,  envoya  des  graines  de  cette  plante  à  la  Société  de 
Géographie  de  Paris. 

Dans  l'Amérique  du  Nord,  il  est  cultivé  sur  une  grande  échelle 
dans  les  Etats  de  lowa,  Rio  Grande,  Virginie,  Louisiane,  Mary- 
land,  Kansas,  etc.  La  partie  méridionale  de  la  France  et 
l'Algérie  possèdent  aussi  des  cultures  importantes  de  sorgho. 
A  la  République  Argentine,  cette  culture  est  connue  dans  la  pro- 
vince de  Buenos-Aires  où  elle  constitue  un  excellent  fourrage. 
A  Santiago  del  Estero,  on  a  depuis  longtemps  cultivé  le  sorgho 
dont  on  extrait  sucre  et  alcool  et  où  on  poursuit  cette  culture. 

Dans  la  province  de  Santa-Fé,  il  existe  des  distilleries  de 


592  ÉTUDES  COLONIALES 

sorgho,  mais  c  est  surtout  dans  la  région  Nord  que  cette  culture  a 
pris  une  extension  dont  il  est  difficile  de  prévoir  la  limite  en  pré- 
sence des  résultats  financiers  obtenus  et  de  l'enthousiasme  justifié 
qu  ils  ont  produit  chez  les  distillateurs  et  producteurs. 

Culture.  —  La  terre  défrichée,  ameublie,  hersée  dans  les  con- 
ditions ordinaires  de  la  culture  du  mais,  est  prête  à  recevoir  la 
semence.  Les  cavités  sont  réglées  de  manière  à  contenir  trois 
graines  de  sorgho.  Un  ouvrier  sème  facilement  un  hectare  par 
jour  avec  un  appareil  adapté  à  une  charrue  traînée  par  deux 
bœufs.  On  ne  conseille  nullement  d  enterrer  la  graine  :  le  sol  étant 
bien  égalisé  par  la  herse,  le  sillon  est  ouvert  par  la  charrue  qui 
porte  elle-même  le  semoir;  le  piétinement  du  laboureur  suffît  ainsi 
que  la  terre  qui  retombe  dans  le  sillon  pour  recouvrir  la  graine. 
D'ailleurs  les  pluies  qui  surviennent  régularisent  l'ensemencement 
et  couvrent  la  graine  d'une  terre  fine  très  favorable  à  la  germi- 
nation. 

C'est  une  grande  erreur  d'économiser  la  graine.  Il  faut  10  kilos 
par  hectare.  La  levée  s'effectue  en  5  ou  6  jours  et  les  sillons  des 
champs  offrent,  après  15  jours,  le  riant  aspect  d'une  magniflque 
ligne  verte,  herbacée,  pleine  de  vie.  Evitons  avec  soin  de  toucher 
aux  jeunes  plantes.  Laissons-les  croître  en  nombre,  en  touffes ,  il 
n'y  a  aucun  danger.  Quand  la  plante  a  atteint  15  à  20  centimètres 
de  hauteur  et  si  la  levée  a  été  uniforme  et  trop  parfaite^  c  est-à-dire 
si  les  touffes  sont  épaisses,  passons  la  herse  et  nous  obtiendrons 
un  résultat  excellent.  Peu  à  peu,  la  plante  grandit,  les  sujets  les 
plus  vigoureux  prennent  le  dessus  et  l'éclaircissement  s'opère  de 
lui-même  sans  le  concours  de  la  main  de  l'homme.  A  partir  de 
60  centimètres,  la  végétation  est  exhubérante  jusqu'à  la  production 
de  la  graine  et  le  sorgho  mûr  atteint  2"50  à  3  mètres  de  haut. 

L'écartement  des  sillons  est  de  40  à  50  millimètres,  celui  des 
tiges  de  25  à  30.  Le  buttage,  si  avantageux  pour  donner  aux  tiges 
plus  de  résistance  à  l'action  des  vents,  s'effectuera  avec  une  petite 
charrue  «  Vigneronne  »,  trainée  par  un  bœuf  ou  un  cheval.  Les 
radicelles  adventives  et  la  vigoureuse  végétation  du  sorgho  sont 
un  obstacle  immédiat  à  la  levée  des  herbes  nuisibles. 

Grailles.  —  Le  choix  de  la  graine  doit  être  l'objet  des  soins  les 
plus  délicats  et  c'est  pour  n'avoir  pas  tenu  compte  de  cette 
observation  que  beaucoup  ont  essuyé  des  pertes  dans  la  culture 


LE   SORGHO  593 

du  sorgho.  On  connaît  34  variétés  de  sorgho,  dont  une  dizaine 
sont  propres  à  la  disUHerie.  Il  faut  écarter  sans  pitié  la  semence 
de  sorgho  à  balai.  La  facilité  de  croisement  des  races  produit  un 
sorgho  dont  la  tige  sèche  est  formée  de  cellulose  sans  jus  utile  et 
dont  le  rendement  absolument  nul  aux  champs  comme  à  l'usine, 
conduit  aux  plus  déplorables  résultats. 

Les  signes  caractéristiques  d'une  bonne  variété  de  sorgho 
résident  dans  la  forme  de  Tépi.  Ce  diagnostic  est  sûr.  Les  bonnes 
classes  ont  un  épi  lourd,  compact,  à  grains  serrés,  pouvant  peser 
plus  de  200  grammes.  Les  qualités  inférieures  ont  un  épi  à  rameaux 
isolés,  retombant,  peu  fourni  en  graine;  leur  tendance  est  celle  du 
sorgho  à  balai.  Quand  cette  qualité  se  rencontre,  il  faut  l'extirper 
du  champ,  sinon  l'abâtardissement  des  races  est  rapide  et  son 
dernier  terme  est  le  sorgho  à  balai, 

La  tige  de  sorgho  atteint  facilement  de  2.50  à  3  mètres;  des 
nœuds  sont  espacés  comme  ceux  de  la  canne  à  sucre  de  15  à 
20  centimètres.  Sa  grosseur  arrive  à  28  millimètres  de  diamètre 
pour  les  races  orange  et  rarement  dépasse  18  à  20  pour  les 
ntinnesota. 

Le  rendement  à  l'hectare  varie  suivant  les  soins  apportés  à  la 
culture,  le  terrain,  les  engrais.  Pratiquement,  on  peut  aisément 
compter  sur  30  tonnes  de  tiges  par  hectare  et  15  à  20  p.  c.  de 
leur  poids  en  graines,  soit  environ  4,000  kilos  de  graines  propres. 

Nous  trouvons  dans  des  renseignements  de  M.  Rusk,  secrétaire 
du  département  d'agriculture  de  Washington  et  de  M.  Wiley,  chi- 
miste à  cet  établissement,  les  analyses  ci-après,  prises  dans  la 
série  de  29  variétés  de  sorgho  et  qui  sont  celles  qui  méritent 
l'attention  du  cultivateur  et  de  l'industriel  : 

Pour  cent  de  jus 
VARIÉTÉS.  Sucre 

cristallisable      Glucose 

1  Unden  debule 17. 12  0.54 

2  Early  orange  (hàlif) 17.05  1.69 

3  Link's  Hybrid 16.52  0.24 

4  Texas  Honey-Drip 10.35  2.42 

5  Planters  friend 16.21  0.55 

6  Folger's  Early 15.71  1.65 

7  Late  orange  (tardif) 15.71  i.92 


594  ÉTUDES  COLONIALES 

8  Black  african 15.46        0.51 

9  Kansas  orange 15.39        0.56 

10  Chineseimphee 15.19        0.37 

il  Early  Amber  (Minnesota)  .     .     .     .         12.67        1.28 

12  Sorghuni  bicolor 14.45        0.61 

On  voit  donc  quelles  différences  notables  présentent  entre  elles 

ces  variétés  de  sorgho  et  Ton  voit  aussi  qu'il  en  existe  qui  équiva- 
lent à  la  canne  à  sucre,  ce  qui  tend  à  démontrer  que,  par  une 
prudente  et  scientifique  sélection, on  arrivera,  comme  on  la  obtenu 
pour  la  betterave,  à  posséder  des  variétés  parfaitement  applicables 
à  la  fabrication  du  sucre.  Les  expérimentateurs  en  sont  convain- 
cus, étant  donné  que  le  seul  inconvénient  actuel  réside  dans  la 
proportion  de  glucose,  que  la  culture  peut  réduire,  et  dont  la 
science  pourra  indiquer  les  moyens  de  paralyser  Tact  ion. 

Les  termes  moyens  des  analyses  sont  les  suivants:  densité  1,062, 
sucres  fermentescibles  14  p.  c.  du  jus.  On  considère  ce  chiffre 
comme  général  pour  les  variétés  Orange  hâtif  et  tardif.  Il  corres- 
pond, avec  une  extraction  de  50  p.  c.  au  moulin,  à  un  rendement 
en  alcool  à  90**  de  36  litres  par  tonnes  de  tiges  de  sorgho. 

Les  ensemencements  commencent  dès  les  premiers  jours  d'août 
et  se  poursuivent  jusqu'à  fin  janvier.  On  commence  par  semer 
l'Orange  tardif  et  on  continue  dès  novembre  par  1  Orange  hâtif. 
120  à  140  jours  suffisent  pour  que  le  sorgho  atteigne  sa  maturité 
et  soit  convenable  à  distiller.  En  échelonnant  ainsi  les  ensemence- 
ments on  arrive  à  récolter,  de  janvier  à  juillet,  du  sorgho  frais 
dans  de  bonnes  conditions.  Le  froid  ne  paraît  pas  exercer  d'in- 
fluence sensible  sur  le  sorgho  destiné  à  la  distillation.  La  coupe 
s'effectue  comme  pour  la  canne,  mais  avec  cette  différence  qu'il 
n'y  a  pas  lieu  d'enlever  les  feuilles  qui  constituent  un  poids  insi- 
gnifiant. La  coupe  de  l'épi  se  fera  soit  au  champ,  soit  à  l'usine, 
mais  en  aucun  cas  ne  devra  précéder  notablement  la  coupe  de  la 
tige. 

Distillation,  —  Le  moulin  vulgairement  employé  pour  la  canne 
à  sucre  sert  également  à  l'extraction  du  jus  du  sorgho.  La  macé- 
ration et  la  diffusion  donnent  pour  le  sorgho  des  rendements 
incomparablement  supérieurs.  Le  jus  sortant  du  moulin  est  géné- 
ralement souillé  par  de  la  graine,  de  la  fine  bagasse  et  autres 
impuretés.  Il  convient  de  le  faire  passer  sur  une  toile  métallique, 


LE   SORGHO  595 

qui  retient  ces  matières  solides,  lesquelles  servent  de  nourriture 
aux  cochons. 

Le  jus  possède  une  teinte  vert  glauque.  Pour  faciliter  l'extrac- 
tion et  en  raême  temps  la  diffusion  nécessaire  à  la  fermentation,  on 
dispose  au-dessus  du  cylindre  supérieur  du  moulin  une  injection 
deau  bouillante.  Un  élévateur  spécial  prend  la  bagasse  et  la 
déverse  directement  dans  les  chars  qui  la  transportent  où  Ion 
désire.  Une  disposition  particulière  du  foyer  de  la  chaudière  à 
vapeur  permet  de  brûler  une  bonne  partie  de  la  bagasse,  écono- 
misant ainsi  le  bois  ;  les  cendres  recueillies  sont  répandues  sur  les 
champs. 

Le  jus  amené  à  l,OoO  de  densité  est  échauffé  par  Tinjection  de 
vapeur  jusqu'à  30°  centigrades  environ  et  coule  dans  la  cuve  à 
fermentation.  La  fermentation  ne  nécessite  aucune  addition  de 
levain,  elle  s'opère  immédiatement,  et  quand  l'usine  possède  un 
bon  pied  de  cuve,  sa  marche  est  assurée. 

Le  jus  fermente  avec  beaucoup  de  régularité  et  dégage  une 
odeur  suave.  En  quarante-huit  heures,  une  cuve  de  200  hectolitres 
est  tombée,  et  peut  se  distiller.  Le  jus  possède  alors  une  teinte 
ambrée,  limpide  et  a  pour  densité  1,005  à  1,007.  Il  arrive  parfois 
qu'il  se  produise  une  fermentation  avec  dégagement  de  vapeurs 
rutilantes  «  nitreuses  »,  dues  aux  matières  azotées  du  jus.  On 
obviera  à  cet  inconvénient  par  une  ébullition  préalable  du  jus  avec 
de  l'acide  sulfurique.  Dans  le  but  de  clarifier  et  faciliter  la  fermen- 
tation, on  ajoutera  au  jus  environ  1  à  2  p.  c.  de  sciure  de 
quebracha,  qui  agit  par  le  tannin  qu'elle  renferme.  Le  jus  de 
sergho  fermenté  ou  vin,  peut  se  conserver  plus  d'un  mois  sans 
altération;  on  on  possède  l'assurance  pratique. 

La  distillation  s'opère  avec  les  appareilr,  connus. 

Les  vinasses,  élevées  par  des  pompes  centrifuges,  sont  répan- 
dues sur  le  sol  au  moyen  de  canaux  appropriés,  constituant  ainsi 
une  irrigation  de  ces  engrais. 

Il  faut  mentionner  ici  que  le  sorgho  convenablement  traité 
fournit  un  vinaigre  de  qualité  extra.  C'est  là  une  industrie  qui 
nécessite  peu  de  capital  et  donnera  de  bons  rendements. 


CHRONIQUE 


AFRIQUE 

L'Expédition  Slatin  pacha  au  Kordofan  et  au  Darfour.  — 

Slatin  pacha  a  effectué,  du  mois  de  mai  au  mois  de  septembre  de  cette 
année,  une  expédition  à  travers  le  Kordofan  et  le  Darfour  pour  le 
compte  d'un  syndicat  anglais.  Le  D^  Linck,  de  l'Université  de  léna, 
l'accompagnait  en  qualité  de  spécialiste.  A  son  retour  au  Caire,  ce 
dernier  a  donné  quelques  renseignements  sur  son  voyage.  Depuis  les 
guerres  des  Mahdistes,  ces  provinces  sont  dans  un  état  pitoyable.  Elles 
ont  été  entièrement  dévastées  et  sont  complètement  dépeuplées.  A  la 
place  de  villes  autrefois  prospères,  on  n'aperçoit  plus  que  des  mon- 
ceaux de  ruine.  El  Obéid  qui  était,  autrefois,  une  cité  de  50  à  60  mille 
habitants,  n'en  compte  plus  actuellement  que  5  à  600.  Le  sol,  qui  est 
d'une  grande  fécondité  naturelle,  n'est  plus  exploité.  Les  indigènes 
n'en  cultivent  plus  que  la  partie  nécessaire  à  leur  subsistance.  Çà  et  là 
seulement,  on  aperçoit  quelques  champs  de  millet;  pour  le  surplus, 
le  pays  n'est  qu'une  vaste  steppe.  Les  nègres  qui  vivent  constamment 
en  lutte  contre  les  Arabes,  sont  exploités  et  pressurés  par  ces  derniers 
de  toutes  les  manières.  Les  Arabes  excitent,  en  outre,  les  diverses  tri- 
bus nègres  les  unes  contre  les  autres.  Les  Arabes  sont  un  grand 
obstacle  à  la  prospérité  du  pays  et  les  autorités  ne  font  rien  pour  y 
remédier.  Les  fonctionnaires  égy^ptiens  et  indigènes  se  laissent  d'ail- 
leurs trop  facilement  corrompre  par  eux. 

Ces  régions  ne  renferment  que  peu  de  gibier.  La  destruction  des 
éléphants  se  poursuit  rapidement,  malgré  toutes  les  mesures  que  l'on 
a  prises.  Le  professeur  Linck  croit,  du  reste,  que  les  conventions 
internationales  pour  la  protection  de  la  faune  indigène,  si  elles  sont 
efficaces  vis-à-vis  des  (îhasseurs  étrangers,  ne  pourront  rien  contre 
les  indigènes  armés  de  Remington.  On  trouve  énormément  de  caout- 
chouc dans  ces  contrées,  mais  la  main  d'œuvre  manque  pour  l'exploi- 


ter.  Le  climat  est  très  supportable.  La  température  monte,  pendiant 
le  jour,  à  42  degrés  Celsius,  mais  la  nuit  elle  descend,  en  général,  à 
20  degrés. 

Tripoli.  Commerce  des  caravanes.  —  Le  vice-consul  d'Angle- 
terre à  Tripoli  dit,  dans  son  rapport,  que  les  relations  commerciales 
se  sont  améliorées  entre  Tripoli  et  l'intérieur  de  l'Afrique.  Les  rap- 
ports commerciaux  ont  cessé  avec  le  Bornou  et  n'ont  lieu  que  d'une 
façon  précaire  avec  le  centre  du  Soudan  ;  par  contre,  ils  se  développent 
vers  le  Wadai,  où  le  nouveau  Sultan  encourage  le  commerce.  Le 
Wadai  est  la  contrée  la  plus  accessible  des  trois  qui  viennent  d'être 
citées.  Les  marchands  qui  s'y  sont  rendus  l'été  dernier,  ont  réalisé 
des  profits  qui  se  sont  montés  dans  certains  cas,  à  50  p.  c.  Beaucoup 
d'autres  commerçants  se  disposent  également  à  équiper  des  caravanes. 
La  tranquilité  est,  du  reste,  entièrement  rétablie  dans  le  Wadai.  Il 
n'en  est  pas  de  même  du  Soudan,  où  les  routes  continuent  à  être  peu 
sûres,  particulièrement  au  Sud  de  Ghat,  où  les  tribus  nomades  atta- 
quent les  caravanes  qui  ne  sont  pas  suffisamment  protégées  par  dès 
hommes  armés.  Quant  au  Bornou,  il  n'y  a  pas  d'espoir  de  voir  bientôt 
le  commerce  y  renaître. 

Nigeria.  L'organisation  de  la  force  publique.  —  La  force 
publique  de  la  Nigeria  est  la  plus  remarquable  de  toutes  les  troupes 
de  l'Afrique  Occidentale,  tant  au  point  de  vue  du  nombre  et  de  l'équi-^ 
pement  des  soldats  que  de  la  proportion  d'officiers  anglais.  Cette  force 
se  compose  de  deux  bataillons  d'infanterie,  de  trois  batteries  d'artil- 
lerie et  d'une  compagnie  du  génie,  possédant  une  section  télégra- 
phique. Elle  a  aussi  des  départements  de  transport  et  des  services 
médicaux  parfaitement  organisés.  Les  soldats  sont  recrutés  parmi  les 
Hausas  et  les  Yorubas  et  pour  une  faible  partie  parmi  les  Nupés. 
L'enrôlement  des  Yorubas  est  une  innovation  qui  a  donné  de  bons 
résultats.  On  a  toutefois  eu  soin  de  séparer  les  Hausas  et  les  Yorubas^ 
en  compagnies  distinctes.  Les  troupes  sont  cantonnées  à  Yebba,  à 
500  milles  en  amont  du  Niger,  et  à  Lokoja,  au  confluent  du  Nigei"  et 
de  la  Bénué.  Depuis  que  l'Angleterre  a  annexé  la  Nigeria,  on  s'est 
appliqué  à  ouvrir  les  territoires  montagneux  de  l'intérieur  où  l'on 
trouvera  peut-être  bientôt  des  emplacements  plus  sains  que  ceux  du 
l)ord  du  Niger. 

Les  soldats,  tant  Hausas  que  Yorubas,  sont  des  hommes  splendides. 
Us  apprennent  facilement  le  maniement  des  armes  et  sont  très  durs  à 
la  fatigue.  Leur  point  faible  est  le  tir.  La  justesse  de  leur  visée  a  cepen- 
dant  fait  des  progrès  depuis  que  la  troupe  existe.  La  tentative  de  former 


une  compagaie  d*infauterie  montée  a  échoué  par  suite  de  l'inaptitude 
des  chevaux  à  résister  au_ciimat  de  la  vallée  du  Niger. 

Un  bataillon  se  compose  de  huit  compagnies,  de  ISO  hommes  cha- 
cune. Il  est  commandé  par  un  lieutenant-colonel,  un  commandant  en 
second,  un  adjudant  et  un  quartier-maître.  Chaque  compagnie  a  un 
commandant  et  deux  otKciers  subalternes  ayant  au-dessous  d'eux  cinq 
officiers  non  commissionnés,  sans  compter  les  gradés  indigènes. 
Chaque  compagnie  a  un  maxim  et  les  hommes  sont  armés  de  carabines 
Lee-Ênfield.  Les  batteries  d'artillerie  sont  armées  de  canons  de  sept 
livres  et  de  Maxim -Nordenfelt.  Les  officiers  ne  restent  en  Afrique  que 
pendant  douze  mois  consécutifs. 

Afrique  allemande  Sud-Occidentale.  —  La  superficie  de 
l'Afrique  allemande  Sud-Occidentale  est  de  830,960  kilomètres  carrés; 
elle  équivaut  à  celle  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie  réunies.  Le  pays 
manque  de  cours  d'eau,  mais  on  lui  attribue  des  richesses  minières 
prodigieuses.  Dans  la  partie  Nord-Est,  on  a  prospecté  des  gisements 
d'or  et  des  mines  de  cuivre. 

La  colonie  a  l'avantage  d'être  placée  dans  la  zone  tempérée  où  la 
race  blanche  peut  vivre  et  prospérer.  Elle  a  une  situation  géographique 
analogue  à  celle  du  Queensland  et  des  provinces  brésiliennes  du 
Parana.  Les  hautes  terres  ont  le  même  climat  que  la  Rhodesia,  le 
Transvaal  et  l'Etat  libre  d'Orange  et  les  parties  basses  sont  aussi  saines 
que  la  Natalie  et  Delagoa  Bay. 

Le  littoral  est  couvert  de  dunes  de  sable  et  ne  possède  qu'un  petit 

'  nombre  de  baies.  La  côte  est  difficilement  accessible.  La  rade  d'Angra- 

Pequena  qui  pourrait  abriter  une  flotte  entière  et  Walfish-Bay,  qui 

possède  un  beau  port,  sont  des  enclaves  qui  appartiennent  à  l'Angle- 

*  terre.  Il  en  est  de  même  des  nombreux  îlots  à  guano  dont  quelques-uns 
sont  exploités  par  des  maisons  de  Capetown. 

Dans  l'intérieur  du  pays,  le  relief  s'élève  assez  rapidement,  et  on  y 

rencontre  des  massifs  montagneux,  dont  le  point  culminant  est  à  une 

altitude  de  2,000  mètres.  Certaines  régions  sont  très  fertiles.  Dans  la 

saison  des  pluies,  la  végétation  y  est  luxuriante;  l'herbe  atteint  la 

'  hauteur  d'un  homme.  L'élevage  du  bétail  est  donc  appelé  à  yprospé- 

'  rer  comme  dans  les  régions  voisines. 

La  population  du  Damaraland  se  compose,  en  chiffres  ronds,  de 

•  200,000  individus  de  race  hottentote,  moins  susceptibles  de  civilisation 
que  les  Cafres,  et  d'environ  4,000  blancs.  Ces  derniers  sont  employés 

*^dans  l'administration,  la  construction  du  chemin  de  fer  de  Schwakop- 
'  mund  et  dans  les  mines.  Il  y  a  aussi  des  colons  libres. 


CHRONIQUE  599 

L'accroissement  de  la  population  allemande  parait  assez  rapide. 
Cette  population  qui  ne  comptait  que  200  âmes  en  1896,  atteignait 
2»000  individus  en  1898.  On  trouvait  quelques  Boers  dans  la  colonie. 
Il  ne  faut  pas  s'en  étonner  puisqu'ils  ont  essaimé  jusque  dans  la  pro- 
vince portugaise  de  Mossamédès. 

Les  Allemands  songent  à  diriger  une  partie  du  courant  d'émigration 
germanique  vers  cette  région,  où  les  blancs  peuvent  vivre  et  faire 
souche  comme  le  montre  l'exemple  des  Boers. 

Afrique  Orientale  allemande.  Dock  flottant.  —  Le  dock  flot- 
tant, destiné  à  l'Afrique  Orientale  allemande,  qui  est  en  construction 
à  Kiel,  est  presque  terminé  et  pourra  être  sous  peu  transporté  en 
Afrique.  Le  dock  sera  démonté  et  remonté  sur  place.  L'Empire  pos- 
sède toute  une  flottille  de  bâtiments  de  toutes  dimensions,  qui  font 
des  voyages  réguliers  le  long  de  la  côte  allemande  dont  la  longueur 
est  d'environ  500  milles  marins.  Il  y  a,  à  Dar-es-Salaam,  un  petit  chan- 
tier pour  la  réparation  et  l'entretien  de  ces  bâtiments,  ainsi  que  pour 
ceux  de  quelques  grandes  firmes  commerciales.  Comme  les  grands 
bâtiments  de  la  flottille  et  les  croiseurs  stationnés  dans  les  eaux  de 
l'Afrique  Orientale  devaient  se  rendre  à  Bombay  ou  au  Cap,  en  cas 
de  réparations  importantes,  le  Reichstag  a  approuvé,  dans  la  dernière 
session,  la  construction  d'un  dock  flottant  en  acier,  du  prix  de 
600,000  marks,  à  Dar-es-Salaam.  Ce  dock,  qui  est  supporté  par  quatre 
pontons  et  dont  les  parois  latérales  vont  en  diminuant  à  partir  de  la 
ligne  de  flottaison,  est  construit  de  manière  que  chacun  des  pontons 
puisse  être  supporté  par  les  autres  et  être  mis  lui-même  en  dock. 
La  force  de  ce  dock  est  de  1,800  tonnes.  Il  peut  donc  recevoir  non 
seulement  les  vapeurs  de  l'État,  mais  aussi  les  croiseurs.  On  pourra 
éviter  ainsi  les  frais  considérables  de  la  mise  en  dock  dans  les  ports 
anglais. 

Ce  dock  flottant  peut  admettre  des  bâtiments  d'une  calaison  de 
20  pieds.  Il  est  pourvu  de  tous  les  perfectionnements  et  a  d'excel- 
lentes pompes.  Il  pourra  donc  aussi  servir  aux  bâtiments  de  com- 
merce étrangers.  Il  est  établi  de  manière  à  pouvoir  être  agrandi  si 
dans  l'avenir  les  circonstances  le  commandent.  Il  est  probable  que 
cette  nécessité  se  présentera  bientôt.  Ce  dock  n'afTranchit  pas  seule- 
ment les  navires  allemands  de  la  dépendance  des  ports  anglais,  mais 
il  contribuera  aussi  au  développement  du  port  de  Dar-es-Salaam,  en 
attirant  les  bateaux  qui  ont  besoin  de.réparations. 

L'expédition  Moore  au  lac  Tanganyka.  —  Le  but  principal  de 


600  ÉTL'DES  COLONIALES 

Texpédition  Moore,  qui  vient  de  rentrer  en  Angleterre,  après  an^ 
absence  de  quinze  mois,  était  de  faire  une  étude  biologique  complète 
du  lac  Tanganyka.  Elle  ne  s'interdisait  pas  cependant  de  porter  son 
attention  sur  la  structure  géologique  des  chaines  de  montagnes  qui 
bordent  les  deux  rives  du  lac  ni  de  pousser  ses  recherches  vers  le 
Nord,  jusqu'au  lac  Kivu  et  aux  lacs  Albert-Edward  et  Albert,  ewt 
remontant  la  vallée  de  la  Rusisi. 

Partie  de  Zanzibar,  l'expédition  remonta  le  Ghinde  et  atteignit,  à  la 
fin  du  mois  de  juin  1899,  en  passant  par  Blantyre,  le  Sud  du  Victoria 
Nyassa.  Les  précédentes  tentatives  pour  découvrir  la  profondeur  ma- 
xima  du  lac  avaient  échoué,  par  suite  de  la  longueur  insuffisante  des 
fils  à  sonde  dont  on  disposait.  M.  Moore  était  heureusement  pourvu 
d'un  attirail  scientifique  complet.  Il  a  pu  établir  que  la  plus  grande 
profondeur  du  lac  Nyassa  est  de  430  brasses. 

Après  avoir  traversé  le  plateau  qui  sépare  le  lac  Nyassa  du  Tanga- 
nyka, l'expédition  commença  l'investigation  de  ce  dernier  à  la  fin  de 
septembre.  La  position  des  différentes  localités  où  elle  passa  fut  dé- 
terminée scientifiquement.  Il  en  est  résulté  que  la  position  de  la 
moitié  septentrionale  du  lac  se  trouve  indiquée  sur  les  cartes  à  envi- 
ron vingt  milles  trop  à  l'Ouest. 

Pendant  qu'il  naviguait  sur  le  lac,  M.  Moore  a  eu  l'occasion  de 
rassembler  une  ample  collection  de  poissons.  Quelques-uns  de  ceux-ci 
sont  de  très  grande  taille.  D'autres  étaient  inconnus  jusqu'à  présent. 

Le  résultat  général  des  observations  faites  par  M.  Moore,  l'amène  à 
douter  que  le  lac  ait  jamais  été  en  communication  avec  la  mer.  Toute- 
fois la  constitution  géologique  de  la  rive  occidentale  plaide  en  faveur 
de  l'hypothèse  que  le  lac  se  soit  étendu  autrefois  vers  l'Ouest  et  qu'il 
ait  couvert  une  partie  de  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui  le  bassin  du 
Congo. 

M.  Moore  a  examiné  avec  soin  la  Lukuga,  une  des  issues  du  Tanga- 
nyka Les  montagnes  qui  s'étendent  le  long  de  la  rive  occidentale  du 
lac  sont  très  hautes,  mais  s'abaissent  graduellement  vers  la  vallée  de 
la  Lukuga.  La  nature  de  cette  rivière,  à  son  point  de  jonction  avec  le 
lac,  laisse  difficilement  admettre  qu'elle  ait  jamais  pu  être  bloquée 
par  la  végétation . 

L'expédition  remonta  ensuite  la  vallée  de  la  Rusisi  par  la  route  que 
M.  Grogan  avait  suivie  peu  de  temps  auparavant  et  arriva  au  lac  Kivu. 
Dans  la  région  nord  de  ce  lac,  elle  rencontra  deux  volcans  en  acti- 
vité. Les  relevés  topographiques  faits  dans  cette  contrée,  placent  le 
cours  de  la  Rusisi,  ainsi  que  le  lac  Kivu,  à  une  assez  grande  distance 
plus  vers  l'Ouest  qu'ils  ne  sont  indiqués  sur  les  cartes.  M.  Moore  est 


porté  à  croire  avec  M.  Grogan,  que  le  mont  Mfumbiro,  qui  a  figuré 
dans  divers  traités  de  frontières,  n'existe  pas. 

En  quittant  la  région  du  Kivu,  M.  Moore  suivit  la  rive  occidentale 
du  lac  Albert-Edward.  M.  Grogan  en  avait  longé  la  rive  occidentale. 
Après  avoir  traversé  la  rivière  Semliki,  M.  Moore  consacra  quelque 
temps  à  Texamen  du  Mont  Ruwenzori.  Il  est  arrivé  à  cette  conclusion 
que  le  Ruwenzori  n'est  ni  un  massif  isolé  ni  un  plateau,  mais  une 
chaîne  de  montagnes  possédant  plusieurs  pics  et  s'étendant  de  l'extré- 
mité nord  du  lac  Albert-Edward  à  l'extrémité  sud  du  lac  Albert,  pour 
suivre  ensuite  dans  une  direction  nord-est  la  rive  orientale  de  ce 
dernier  lac.  M.  Moore  est  parvenu  à  faire  l'ascension  du  pic  qu'il 
considère  comme  le  plus  élevé  de  la  chaîne,  jusqu'à  une  hauteur  de 
16,500  pieds.  La  ligne  des  neiges  commence  à  l'altitude  de  13,000  pieds. 
M.  Moore  a  également  constaté  l'existence  de  plusieurs  glaciers.  Les 
flancs  de  la  montagne  sont  garnis  de  forêts  d'herbes  et  de  bambous. 
Près  du  sommet,  M.  Moore  a  découvert  des  mousses.  Il  y  a  aussi  réuni 
une  collection  de  spécimens  géologiques  très  intéressants. 

Après  avoir  ajouté  à  sa  collection  des  poissons  du  lac  Albert  Nyanza, 
M.  Moore  se  dirigea  vers  l'Uganda  et  atteignit  la  côte,  à  Mombasa,  en 
se  servant  du  chemin  de  fer  de  l'Uganda. 

M.  Moore  a  rapporté  du  centre  de  l'Afrique,  près  d'un  millier  de 
poissons,  tous  en  excellent  état  de  conservation.  L'étude  de  ceux-ci 
jettera  une  nouvelle  clarté  sur  les  problèmes  biologiques  que  soulève 
la  dépression  du  centre  africain.  La  collection  de  spécimens  géolo- 
giques de  l'expédition  est  également  du  plus  haut  intérêt.  Enfin,  les 
observations  astronomiques  qui  ont  fixé  la  position  exacte  d'un  grand 
nombre  d'endroits,  permettront  aux  cartographes  de  rectifier  les 
cartes  des  régions  parcourues  par  l'expédition. 

Le  télégraphe  au  Victoria  Nyassa.  —  L'achèvement  de  la  ligne 
télégraphique  de  l'Océan  Indien  au  Victoria  Nyanza  met  le  monde  en 
communication  avec  les  sources  du  Nil.  La  ligne  a  atteint  les  chutes 
Ripon  qui  est  le  point  où  le  Nil  sort  du  lac.  Les  habitants  de  la  Basse- 
Egypte  pourront  dorénavant  connaître,  plusieurs  mois  à  l'avance,  la 
situation  des  eaux  du  Nil  inférieur  et  savoir  quelle  quantité  d'eau  ils 
doivent  lui  emprunter  pour  faire  face  aux  besoins  des  irrigations.  Des 
renseignements  précis  sur  l'état  des  eaux  du  Nil  représenteront  pour 
la  Basse-Egypte,  une  valeur  inappréciable.  Actuellement  les  dépêches 
du  Nyanza  doivent  être  transportées  par  steamer  jusqu'à  Zanzibar,  ce 
qui  prend  plusieurs  jours.  11  y  a  cinq  ans,  quand  on  a  commencé  la 
construction  de  la  ligne  et  du  chemin  de  fer  qui  la  longe,  le  délai  le 


f 


602  ÉTUDES  COLOMALES 

plus  court  dans  lequel  des  nouvelles  du  lac  pouvaient  atteindre 
l'Europe,  était  d'environ  quatre  mois. 

La  région  du  Victoria  Nyassa.  —  Un  médecin  de  la  marine 
allemande,  le  D'  E.  Fulleborn,  a  fait  dernièrement,  à  la  Société  de 
géographie  de  Berlin,  une  conférence  sur  les  voyages  qu'il  a  effectués, 
pendant  un  terme  de  trois  années,  dans  la  région  du  lac  Nyassa. 

Parti  de  Lindi  au  Sud  de  l'Afrique  orientale  allemande,  le  voyageur 
a  remonté  la  rivière  Rowuma,  qui  sépare  les  possessions  allemandes 
et  portugaises  de  cette  partie  de  l'Afrique,  jusqu'à  ses  sources  qui  se 
trouvent  dans  le  voisinage  du  lac  Nyassa.  11  s'est  alors  dirigé  le  long 
de  la  côte  orientale  du  lac,  vers  l'extrémité  Nord  de  celui-ci  où  est 
situé  le  pays  de  Kondé.  Il  est  ensuite  revenu  vers  la  côte. 

La  rivière  Rowuma  ne  pourra  jamais  être  utilisée  comme  moyen  de 
communication.  Même  si  la  partie  inférieure  de  ce  cours  d'eau,  qui 
mesure  200  mètres  de  largeur,  était  assez  profonde,  ce  ne  serait  pas 
encore  possible  parce  que  le  Rowmna  n'offre  pas  d'étendues  d'eau 
calme  suffisantes  pour  permettre  la  navigation. 

En  général,  les  rivières  de  la  côte  Orientale  de  l'Afrique,  suivant  en 
cela  la  configuration  du  pays  qui  se  développe  en  terrasses,  possèdent 
de  longs  biefs  séparés  par  des  chutes  ou  des  rapides  de  peu  d'étendue. 
Le  Rowuma  se  présente  tout  autrement.  Depuis  sa  source  jusqu'à  son 
embouchure,  il  ne  cesse  de  descendre  en  une  pente  ininterrompue  de 
sorte  que  son  cours  n'est  qu'une  longue  suite  de  rapides.  Tout  au  plus 
serait-il  navigable,  çà  et  là,  sur  un  parcours  de  quelques  milles; 
pour  le  surplus,  ses  eaux  écument  contre  les  innombrables  îles  et 
rochers  qui  encombrent  son  lit. 

La  population  sur  la  rive  allemande  est  rare.  C'est  le  résultat  des 
incursions  des  Wangoni  qui  ont  dévasté  la  contrée,  Les  troupes  alle- 
mandes ont  maintenant  rétabli  l'ordre  parmi  ces  peuplades.  Les  habi- 
tants se  sont  pour  la  plupart  réfugiés  sur  la  rive  portugaise.  Grâce  à 
la  sécurité  renaissante,  la  population  augmente  cependant  du  côté 
allemand  et  le  commerce  se  relève. 

Dans  tous  les  endroits  où  l'eau  ne  fait  pas  défaut,  la  rive  allemande 
réunit  toutes  les  conditions  pour  assurer  le  succès  de  l'agriculture  et 
de  l'élève  du  bétail.  On  pourrait  y  cultiver  de  grandes  masses  d'ara- 
chides. Ce  produit  constitue  une  des  principales  ressources  de  la 
colonie  portugaise.  On  pourrait  aussi  exploiter  la  cire  et  le  caoutchouc. 
Ce  dernier  produit  devrait  toutefois  être  traité  d'une  façon  plus  ration- 
nelle qu'il  ne  l'a  été  jusqu'à  présent,  si  l'on  veut  en  assurer  la  con- 
servation. 


On  ne  rencontre  que  peu  de  terres  cul 
passe  la  plupart  du  temps  à  travers  de  i 
peuplade,  intéressante  sous  bien  des  rap| 
ils  sont  originaires  de  la  côte  occidental 
contourné  l'extrémité  Nord,  en  soumettai 
leur  passage.  Ce  sont  d'habiles  forgen 
minerai  le  fer  nécessaire  à  la  fabrication 
ustensiles.  Les  femmes  occupent  une  sit 
tribu,  chose  toute  différente  de  ce  que  To  i 
Afrique.  On  écoute  leurs  avis  dans  les  ce  i 
goni  ingurgitent  d'invraisemblables  qmi 
qu'ils  font  avec  des  grains  de  millet.  Rie; 
nécessaire  à  la  fabrication  de  leur  boissoi  i 
quer  assidûment  à  l'agriculture.  Auparr 
éleveurs  de  bétail.  Mais  leurs  bestiaux  <: 
ticulièreraent  les  grosses  pièces.  Il  leur  w. 
chèvres  et  de  moutons.  Leur  pays,  la  régioi  i 
est  bien  peuplé  et  bien  cultivé. 

Le  mouvement  des  bateaux  sur  le  lac  N;, 
breux  vapeurs  anglais  y  assurent  le  trafi  : 
canonnière  anglaise.  Les  Allemands  ne  pci 
mais  c'est  le  meilleur  des  bâtiments  qui  n 
reste,  bien  rémunéré  son  capital  dans  les  i 

La  voie  la  plus  rapide  et  la  plus  commo[ 
qui  remonte  le  Zambèze  et  le  Chiré.  C*est 
emploie.  Elle  rencontrerait  une  forte  con<; 
une  ligne  de  chemin  de  fer  partant  de  Lin 
cette  route  serait  plus  courte  et  beaucoi; 
partie  du  trafic  anglais  lui  échoirait  aussi, 
de  charbon  car  on  a  découvert  des  mines 
Kondé.  Les  vapeurs  n'emploient  pas  encore 
fés  avec  du  bois,  dont  la  réserve  est  sufTiSii 

Le  pays  de  Kondé,  qui  se  trouve  à  l'extréii 
de  toute  la  région  du  Nyassa.  Les  habitai 
bois  de  bananiers.  On  voit  souvent  ceux-ci  : 
de  plusieurs  lieues  au  bord  des  cours  à 
représenter  de  plus  engageant  et  de  plus  ri£ 
les  murs  sont  ornés  d'élégants  dessins  tiss< 
grande  qu'on  aurait  peur  d'y  entrer  avec 
Les  habitants  vivent  principalement  de  lail 

La  coiU'ure  des  hommes  est  singulière. 


604  ÉTUDES  COLONIALES 

en  petites  tresses  au  moyen  de  colle  et  de  graisse  de  manière  à  faire 
ressembler  la  tête  à  une  cuirasse  noire. 

A  Ulinga,  sur  la  rive  orientale  du  lac,  le  voyageur  rencontra  les 
hommes  les  plus  maigres  qu'il  ait  jamais  vus.  Ces  gens  sont  d*unc 
longueur  et  d'une  maigreur  effrayantes.  Malgré  cela,  ils  sont  extrême- 
ment résistants  au  froid.  Bien  qu'ils  soient  presque  nus,  ils  sup- 
portent parfaitement  le  climat  assez  rigoureux  de  leurs  montagnes 
qui  sont  à  une  altitude  de  2,000  mètres.  Il  arrivait  souvent  qu'il 
gelait  la  nuit.  M.  Fulleborn  frissonnait  alors  dans  ses  vêtements 
tandis  que  les  indigènes  ne  sentaient  rien. 

Les  habitants  de  cette  région  aiment  la  musique.  Il  ont  de  véritables 
orchestres.  Mais  chaque  instrument  n'a  qu'un  son. 

La  mission  Flamand  au  Touftt.  —  On  se  rappelle  que  c'est  à  la 
mission  Flamand  que  la  France  est  redevable  de  la  conquête  des 
oasis  du  Touât  qu'elle  désirait  depuis  si  longtenps.  Lors  du  succès 
initial  de  l'expédition,  la  prise  d'In-Salah,  on  avait  mis  en  doute  le 
caractère  scientifique  de  la  mission.  Bien  à  tort,  semble-t-il,  car 
M.  Flamand  vient  d'adresser  à  la  Société  de  Géographie  de  Paris  une 
notice  sur  les  recherches  qu'il  a  faites  au  Tidikelt.  Cette  région  n'a 
été  visitée  avant  lui  que  deux  fois  :  en  1825,  par  le  major  anglais 
Laing,  et  en  1864,  par  l'explorateur  allemand  Gerhard  Rohlfs. 
M.  Flamand  a  dressé  une  carte  de  cette  région,  fixé  la  position  astro- 
nomique de  certaines  localités  et  déterminé  des  hauteurs  baromé- 
triques. Il  s'est  aussi  livré  à  des  études  géologiques  et  préhistoriques 
et  il  a  porté  son  attention  sur  la  situation  économique  du  pays. 

Il  résulte  des  renseignements  de  M.  Flamand  qu'à  de  grandes  dis- 
tances, le  commerce  tout  entier  du  Tidikelt  dépend  du  bon  vouloir  des 
Touaregs.  Ces  derniers  se  rendent  dans  les  oasis  poury  échanger  contre 
des  dattes,  les  principaux  objets  dont  les  habitants  ont  besoin,  tels  que  : 
armes,  cuirs,  étoiïes.  Toute  guerre  entre  les  habitants  des  oasis  et  les 
Touaregs  finit  toujours  pour  les  premiers  par  la  destruction  de  leurs 
villages.  Les  hostilités  ne  manquent  d'ailleurs  jamais.  Les  habitants 
abandonnent  alors  leurs  maisons  et  s'enfuient  vers  leurs  Kasbas.  Ce 
sont  des  sortes  de  citadelles  dont  l'extérieur  est  assez  imposant.  Elles 
sont  munies  de  murs  épais  et  élevés,  surmontés  de  créneaux.  Elles 
peuvent  parfaitement  protéger  la  population  qui  s'y  réfugie  contre  des 
sièges  de  longue  durée.  Les  habitants  des  villages  ont  soin  d'y 
déposer  leurs  provisions  et  leurs  richesses.  Les  Touaregs  ne  sont  pas 
les  seuls  fournisseurs  d'armes  et  de  munitions  du  Tidikelt.  Il  en  vient 
beaucoup  aussi  du  Maroc  par  le  Talifet  et  Uadi  Sauras. 


C'est  une  erreur  de  croire  que  les  To  ! 
des  oasis,  au  point  de  vue  économique 
qu'ils  tirent  leurs  subsistances.  Le  conti 
pour  l'Est.  Ce  fait  a  une  grande  impori 
Français  n'auront  nullement,  comme  il 
regs  en  occupant  les  oasis. 

La  principale  culture  des  oasis,  dep  i 
Salah,  est  celle  des  dattiers.  Ils  sont  plani 
ombreux  et  bien  irrigués.  A  l'ombre  de 
d.e  l'orge  et  des  légumes,  tels  que  chou:  , 
fait  d'excellentes  conserves.  On  renconi 
quelques  vignes  qui  appartiennent  aux 
sont  recherchées  comme  arbitres  et  coi 
tions  commerciales  et  à  leur  influence  (  i 
une  de  ces  familles  qui  assura  la  sécurité 
Tombouctou. 

M.  Flamand  a  également  découvert  et  ! 
inscriptions  préhistoriques  gravées  dam 
grand  nombre  de  belles  inscriptions  prt'  ■ 
Hassi-Mongar.  Elles  sont  creusées  dans 
verte,  ou  amarante.  Le  temps  ne  les  a  gi  i 
l'air  d'être   relativement  récentes.   Les 
Tilmas-Djelguem  sont  ornés  de  sculptii 
figures  d'animaux.  L'étude  de  ces  intéres  ■ 
probablement  de  faire  la  lumière  sur  l'éj 
mait  et  du  plateau  deMzalb. 

Madagascar.  Ports  et  phares.  —  L 

gascar  par  les  Français,  le  système  deii 
amélioré.  Les  vaisseaux  peuvent  mainteni 
même  la  nuit.  Deux  phares  ont  été  érigés 
Majunga.  On  en  construit  aussi  un  au  ca 
Le  plan  complet  de  l'éclairage  des  côtes  ii 
struction  de  grands  phares  à  Majunga  et  : 
au  cap  Saint-Vincent  et  au  cap  Saint-Ami 
l'entrée  des  principaux  ports.  En  vue  de  n 
nombre  des  feux,  on  se  servira,  pour  indii 
d^  fanaux  à  verres  de  couleurs  variées  îi 
gentes.  Les  feux  blancs  désigneront  les  ei 
En  vue  d'améliorer  les  moyens  de  char 
-des  marchandises,  on  a  construit  des  quai 


OUO  ETUDES  COLONIALES 

deux  à  Tamatave.  On  a  estimé  que  la  construction  de  ports  entraîne- 
rait une  trop  grande  dépense.  Un  autre  wharf,  entièrement  en  fer,  va 
être  établi  à  Tamatave  par  une  société  commerciale.  On  en  construit 
actuellement  encore  un  à  Hajunga  et  il  en  existe  deux  à  Diego-Suarez, 
dont  l'un  appartient  à  une  société  de  navigation. 

D'autres  travaux  ont  dû  être  entrepris  pour  protéger  Majunga  et 
Tamatave  contre  l'envahissement  des  flots;  à  Majunga,  le  banc  de  sable 
qui  protège  la  plus  grande  partie  de  la  ville  est  constamment  menacé 
par  la  mer.  En  1881,  une  bande  de  la  côte,  d'une  largeur  de  50  mètres, 
a  clé  enlevée;  en  1891,  la  résidence  française  fut  détruite  et  la  mer, 
rompant  la  barrière  de  sable,  a  envahi  la  lagune  et  une  partie  de  la 
ville.  Pour  empêcher  le  retour  de  désastres  de  cette  nature,  on  a 
planté  des  lignes  de  poteaux  dans  le  sable  et  protégé  le  sommet  du 
banc.  A  Tamatave,  la  mer  a  empiété  depuis  quelques  années  sur  le  sol 
de  l'île  et  l'on  a  dû  le  protéger  au  moyen  de  digues  de  roseaux  de 
5  mètres  de  largeur. 


ASIB 

Chine.  Les  puits  de  sel  du  Szechuan.  —  Les  puits  de  sel  sont 
une  des  curiosités  comme  aussi  une  des  principales  industries  du 
Szechuan.  Quand  on  a  traversé  le  dernier  rapide  du  Yangtze,  on  aper- 
çoit les  premières  traces  du  commerce  du  sel.  Pendant  la  saison  des 
hautes  eaux,  en  été  et  en  automne,  les  puits  sont  submergés.  Mais 
aussitôt  que  le  niveau  du  fleuve  baisse,  une  ville  de  huttes  de  paille 
naît  sur  ses  bords  et  des  chaudières  destinées  à  l'évaporation  sont 
établies  sur  des  fours  de  terre  glaise.  Tout  cela  dure  jusqu'à  ce  que  le 
flux  submerge  à  nouveau  les  sources  et  disperse  les  installations. 

Le  siège  principal  de  l'industrie  du  sel  se  trouve  un  peu  à  l'Ouest 
du  fleuve.  Au  delà  de  Chung-King  et  à  mi-chemin  entre  cette  ville  et 
la  capitale  de  la  province  se  trouve  Chentu,  ville  grande  et  prospère, 
qui  existe  uniquement  grâce  aux  sources  de  sel.  Comment  et  quand 
ces  puits  ont  été  découverts  sont  un  de  ces  points  au  sujet  desquels 
les  Chinois  ne  donnent  pas  de  réponse  satisfaisante.  En  tout  cas,  ils 
existent  depuis  très  longtemps. 

Le  puits  proprement  dit  est  une  petite  ouverture  de  quelques  pouces 
de  diamètre,  au-dessus  de  laquelle  on  place  une  pierre  forée.  Sur 
celle-ci  se  dresse  une  grue  primitive,  au  sommet  de  laquelle  tourne 
une  roue.  Un  câble  passe  sur  cette  roue  et  à  son  extrémité  est  attaché 
un  tube  en  bambou  qui  descend  dans  le  puits.  L'autre  extrémité  de  la 


corde  se  dirige  vers  un  hangar  voisin,  où  il  est  i 
cylindre  de  bois  de  80  à  60  pieds  de  circonférence, 
axe  vertical.  Quand  le  tube  est  descendu  dans  le  puil 
sont  attelés  au  cylindre  et  se  mettent  à  tourner  en  rc 
bientôt  enroulée  autour  du  cylindre  et  le  tube  de  1 
entre  les  montants  de  la  grue.  Un  homme  le  saisit,  ei 
mité  inférieure  au-dessus  d'un  récipient,  pousse  une 
l'intérieur  pour  ouvrir  la  valve  et  fait  jaillir  ainsi  plusie 
boueuse  et  noirâtre.  Le  tube  est  ensuite  relâché,  le 
jusqu'à  ce  que  le  tube  touche  le  fond  et  l'opération  r 

La  saumure  est  conduite  vers  les  hangars  à  trave 
bambou  enduits  de  gomme.  En  certains  endroits,  or 
gaz  naturel  en  faisant  des  sondages  pour  trouver  du 
amené  dans  des  tuyaux  de  paille  tressée  recouverts 
hangars,  où  il  est  distribué  sous  des  rangées  de  ch 
contenant  la  saumure.  Le  travail  d'évaporation  se  pour 
car  les  Chinois  ne  savent  pas  régler  l'emploi  du  gaz  ni 

Le  sel  obtenu  est  une  masse  dure  d'apparence 
Chinois  sont  cependant  très  fiers  du  produit  de  leurs  | 
ment  que  son  pouvoir  de  salaison  est  plus  grand  <^ 
matière  blanche  importée  par  les  étrangers. 

Chine.  Etrangers  dans  les  ports  à  traités.  - 
Reichs-Anzeiger  publie  la  statistique  suivante  sur 
étrangers,  répartis  d'après  leurs  nationalités  respectiv 
dans  les  ports  à  traités  : 

1808  1809      Au 

Anglais 5.148  5,562 

Japonais 1,698  2,440 

Américains    ....  2,056  2,335 

Russes 165  1,621 

Portugais 1,082  1,423 

Français 920  1,183 

Allemands 1,043  1,134 

Espagnols 395  448 

Scandinaves  ....  200  244 

Belges 169  234 

Danois 162  198 

Italiens 141  124 

Hollandais 87  106 

Autres 155  161 

Totaux.    .    .       13,421      17,193 


Ces  chiffres  ne  se  rapportent  qu'aux  ports  à  trailés.  Ils  ne  com«- 
prennent  donc  pas  la  population  étrangère  de  Port-Arthur,  Hong- 
Kong,  Tsing-tau,  etc. 

Le  tableau  suivant  donne  le  nombre  de  firmes  étrangères  établies 
dans  les  ports  à  traités  : 


Anglaises 

Japonaises 

Allemandes 

Françaises 

Américaines 

Russes 

Portugaises 

Belges 

Italiennes 

Hollandaises 

Espagnoles 

Autrichiennes 

Danoises 

Scandinaves 

Totaux.    .    .         773        933        IGO 

Exploration  de  la  presqu'île  malaise.  —  L'expédition  anglaise 
qui  avait  pour  but  d'explorer  les  parties  inconnues  de  la  presqu'île 
malaise  vient  de  rentrer  en  Angleterre.  De  Bangkok,  les  membres  de 
l'expédition  se  rendirent  directement  à  Singora,  où  ils  commencèrent 
leurs  travaux  par  une  exploration  de  l'Inland  Sea,  lac  dont  la  super- 
ficie est  de  60  milles  sur  20.  Les  indigènes  de  cette  partie  de  la  pres- 
qu'île vivent  dans  une  profonde  barbarie.  La  manière  dont  ils  enterrent 
leurs  morts  est  particulièrement  curieuse.  Les  cadavres  sont  enve- 
loppés dans  des  étuis  en  bambou  de  la  forme  d'un  cigare;  puis  on  les 
suspend  horizontalement,  à  environ  8  pieds  de  hauteur,  dans  les 
arbres,  de  manière  que  les  pieds  soient  un  peu  plus  élevés  que  la  tête. 
Des  précautions  sont  prises  pour  éviter  qu'ils  ne  soient  dévorés  par 
les  fauves.  Ces  lieux  de  repos  se  trouvent  à  proximité  des  villages.  Les 
ossements  qui,  à  la  longue,  viennent  à  tomber  sont  recueillis  et  inci- 
nérés. Certaines  tribus  enterrent  leurs  morts  dans  des  cercueils,  mais 
en  ayant  soin  de  les  lier  par  les  cheveux  à  des  barres  adaptées  à  l'inté- 
rieur. Ces  dernières  tribus  prétendent  être  d'origine  indoue.  Leurs 


4888 

1899 

Augmentation 
vu  1899 

398 

401 

3 

H4 

195 

81 

107 

115 

8 

37 

76 

39 

43 

70 

27 

16 

19 

3 

20 

10 

—  10 

9 

9 

— 

9 

9 

— 

8 

9 

1 

4 

9 

5 

8 

V 

o 

— 

3 

4 

1 

— 

(j 

2 

CHRONIQUE 

chefs  se  considèrent  comme  les  préposés  de  Di< 
s'incliner  devant  tout  habitant  de  la  terre.  £lles  p( 
sacrés  mais  ne  savent  pas  les  expliquer.  Ces  tribus 
disparaître.  Il  n'en  reste  plus  que  quelques  famillei 

L'expédition  visita  aussi  les  iles  où  les  hirondell 
nids  comestibles.  Cette  contrée  est  étroitement  surv 
l'on  n'y  dérobe  des  nids.  Les  sentinelles  ont  l'ordre 
ceux  qui  s'en  approchent  sans  motif.  Les  indigènei 
nudité  presque  complète;  ils  furent  extrêmement  su 
des  blancs. 

Au  cours  de  leur  voyage,  les  explorateurs  eureni 
voir  servir  des  plats  assez  étranges,  tels  que  des  foi 
taupes,  des  abeilles  et  une  sorte  de  sauterelles.  La 
s'empare  de  ces  dernières  est  curieuse.  Deux  ou  t 
réunissent  la  nuit  autour  d'un  feu  de  bois  très  vif. 
une  torche  allumée,  tandis  que  les  autres  battent 
intervalles  réguliers.  Les  sauterelles,  attirées  par  le 
par  la  clarté,  s'abattent  et  viennent  se  poser  sur  les 
du  feu. 

Un  jour,  les  voyageurs  dénichèrent  une  couple  d 
dans  le  creux  d'un  arbre,  au  bord  de  la  route.  Mai 
difficile  de  les  nourrir,  on  les  confia  à  une  femme 
allaita.  Elle  prétendait,  du  reste,  avoir  déjà  rendu  j 
soins  maternels  à  un  jeune  ours. 

De  Singora,  l'expédition  se  rendit  à  Patani  et  es< 
fiesar  ou  Indragiri  jusqu'à  une  hauteur  de  3,000  i 
ensuite  Biserat,  dans  le  Jalor.  Cet  endroit  était  tr 
observations  scientifiques.  Malheureusement,  uneép 
y  éclata.  Les  explorateurs  parcoururent  les  grottes  f 
renferment  la  superbe  salle  de  la  statue  (Gua  Gambî 
admirer  une  colossale  image  de  Buddha  d'environ  1 
teur.  Continuant  leur  route,  les  voyageurs  arrivère 
ils  firent  l'asccnsion^du  mont  Tahan,  le  pic  le  plus 
qu'île.  Sa  hauteur  est  évaluée  à  10,000  pieds.  Ils  d< 
une  autre  montagne,  le  pic  du  cercueil,  dont  l'élé^ 
moindre. 

Le  gouvernement  siamois  a  fait  plus  qu'on  ne  le 
ment  pour  rétablir  l'ordre  dansjcctte  contrée.  Les  1 
observées  et  les  impôts  se  paient  régulièrement.  L 
encore,  mais  sous  une  forme  très  adoucie  et,  cl 
nombre  considérable  d'esclaves  sont  affranchis  légale 


OIU  ETUDES  COLONIALES 

a  presque  disparu  et  les  mutilations,  comme  sanctions  des  condam- 
nations, sont  défendues.  La  peine  de  mort  n'est  permise  qu'avec  le 
consentement  du  gouvernement  siamois. 

Pendant  une  épidémie  de  variole,  les  indigènes  exposèrent  leurs 
enfants  et  les  laissèrent  froidement  mourir  de  faim.  Le  sultan  de  la 
contrée  reçut  du  gouvernement  siamois  une  punition  exemplaire.  Ce 
fait  ne  se  reproduira  donc  plus.  En  somme,  les  progrès  de  la  civilisa- 
tion y  sont  considérables  bien  qu'on  ait  à  lutter  contre  de  grandes 
difficultés. 


^>'-^^ 


BIBLIOGRAPHIE 


lia  Conquête  de  TAfriqae,  par  J.  Darcy.  Un  vol.  in-18  de  560     j 
Paris,  Perrin  et  0«,  1900. 


L'auteur  a  réuni  en  un  volume  une  série  d'articles 
Correspondant.  Il  s'occupe  peu,  dans  ces  études, 
coloniale  de  son  propre  pays,  mais  il  traite  en  détai 
coloniale  de  ses  rivaux  anglais  et  surtout  allemands.  ( 
mant  aux  progrès  de  l'Allemagne  qu'il  accorde  une  al 
admirative. 

Plusieurs  chapitres  sont  consacrés,  d'autre  part,  à 
colonies  portugaises,  ainsi  qu'à  l'Etat  Indépendant 
l'auteur  retrace  Thistorique  et  décrit  la  situation  écon 
merciale.  Cette  partie  de  son  ouvrage  est  pour  nous  f( 
malgré  quelques  appréciations  contestables.  Le  livre  < 
dans  son  çnsemble  une  importante  étude  de  politique 


Un  Oatre-Mer  aa  XVII«  siècle.  Voyages  au  Canada  du  baron  d 
avec  une  introduction  et  des  'notes  par  M.  François  de  Nion.  - 
538  pages.  —  Paris,  Plan-Nourrit  et  Qe,  1900. 

Ce  volume  fait  revivre  la  figure  originale  d'un  des  an  : 
teurs  français.  Les  vingt-cinq  lettres  du  baron  Louij  • 
Hontan,  écrites  d'un  style  vif  et  animé  avec  une  verve  1  : 
donnent  un  tableau  pittoresque  des  premiers  temps  de 
française  au  Canada.  Il  est  intéressant  de  rapprocher 
expéditions  coloniales  de  notre  temps.  Les  épisodes  piq  i 
quent  pas.  On  constate  en  le  lisant  que  ce  n'est  pas  d'à 
les  colonisateurs  se  plaignent  d'être  entravés  par  les  :' 


ETUDES      C0L0?1IAL£S 


Llndépendance  des  Boers  et  les  origines  des  Répnbliqaes  Snd-ctfiri- 
caines,  par  M.  Jules  Leclercq.  —  Une  brochure  in-8o  de  103  pages.  —  BriixeUes, 
LebègueetCie,  1900. 


Cette  intéressante  brochure  reproduit  un  travail  publie  par  la 
Bévue  des  Deux-Mondes.  M.  Leclercq  y  relate  en  quelques  chapitres 
l'histoire  si  dramatique  du  grand  trek  de  1836.  Il  est  peu  de  récits 
aussi  émouvants  que  celui  des  combats  livrés  aux  Matabélés  et  aux 
Zoulous  par  les  héroïques  compagnons  de  Piet  Retief  et  de  Prétorius. 
Même  si  les  événements  contemporains  n'étaient  pas  venu  lui  donner 
de  l'actualité,  le  dernier  ouvrage  de  M.  Leclercq  n'aurait  pas  manqué 
d'intéresser  de  nombreux  lecteurs. 


sortes  de  formes.  »  On  considère  ces  mots  comme  sappliquant  à 
la  gutta-percha  puisqu'il  n'existe  pas  d'autre  matière  qui  puisse 
être  employée  à  la  fabrication  de  gobelets  et  qui  possède  la  remar- 
quable propriété  de  s'amollir  dans  l'eau  chaude  de  manière  à  pou- 
voir prendre  la  forme  que  l'on  désire.  A  première  vue,  il  pourrait 
paraître  singulier  que  l'on  mentionne  la  gutta-percha  comme  étant 
un  «  bois  »  ;  ce  n'est,  somme  toute,  pas  si  étonnant  quand  on  con- 
sidère que  la  gutta-percha  préparée  comme  elle  l'élait  autrefois  par 
les  indigènes,  était  d'une  couleur  jaune-brun  clair,  ressemblant 
beaucoup  à  celle  de  différentes  variétés  de  bois;  de  plus,  elle 
montrait  une  texture  nettement  fibreuse.  Un  observateur  même 
expérimenté  pouvait  donc  être  induit  en  erreur. 

Les  remarquables  propriétés  de  la  gutta-percha  passèrent 
cependant  inaperçues.  On  n'y  vit  qu'une  curiosité  et  rien  de  plus. 
Il  était  réservé  à  notre  siècle,  qui  a  su  si  brillamment  tirer  parti  de 
tous  les  produits  utiles,  de  découvrir  à  nouveau  cette  précieuse 
substance  et  de  l'appliquer  aux  arts  et  à  l'industrie  sous  le  nom  de 
gutta-percha.  Chose  curieuse,  en  1843,  deux  hommes  réclamèrent 
l'honneur  d'avoir  réintroduit  cette  matière  en  Europe;  tous  deux 
habitaient  à  Singapore  et  étaient  médecins.  L'un,  d  origine  espa- 
gnole, était  le  D'  José  d'Almeida.  Il  apporta  des  spécimens  à 
Londres,  au  printemps  de  celte  année,  et  les  présenta  à  la  Royal 
asiatic  society.  L'autre  était  de  descendance  écossaise.  C'était  Je 
D*^  William  Montgomerie.  Il  envoya  des  spécimens  à  la  Society  of 
arts. 

Les  spécimens  du  D*^  d'Almeida  furent  soumis,  par  les  soins  du 
secrétaire  de  la  Royal  asiatic  society,  à  un  spécialiste.  M.  d'Al- 
meida lui-même  avait  envoyé  des  échantillons  à  un  autre  spécia- 
liste. Malheureusement,  ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  deux  personnes 
ne  fit  d'expériences  sur  les  produits  qu'on  leur  demandait  d'ana- 
lyser. L'envoi  de  spécimens  à  la  Royal  asiatic  society  resta  donc 
sans  effet  pratique. 

Il  en  fut  autrement  à  la  Society  of  arts.  Une  commission  fut 
chargée  d'examiner  les  spécimens  du  D'  Montgomerie..  Elle  arriva 
à  la  conclusion  que  «  cette  substance  constitue  un  article  de 
grande  valeur,  qui  pourrait  être  employé  avec  profit  dans  un 
^v'Md  nombre  d'arts  et  d'industries  du  pays.  »  L'attention  était 
allirée  sur  le  nouveau  produit.  M.  William  Siemens  s'en  procura 


LA   CL'TTA-PEUCIIA 


\in  échantillon  et  lenvoja  à  son  frère  Werner,  à 
priant  de  rechercher  si  on  ne  pouvait  pas  utiliser  c 
isoler  les  fils  téléj^raphiques.  Cette  invitation  devait 
séquences  considérables  que  l'on  connaît. 

Dans  le  mémorandum  dont  le  D'Montgomerie  ava 
l'envoi  de  ses  spécimens  et  dans  une  lettre  qu'il  éci 
au  Mechanics*  magazine,  il  dit  qu'il  eut  connaissance 
mière  fois,  de  la  gulta-percha,  en  4822,  quand  il  é 
adjoint  de  la  Présidence  à  Singapore.  Il  perdit  toutef 
de  vue  jusqu'en  1842,  époque  à  laquelle  il  aperçut  d 
d'un  bûcheron  malais,  un  parang  (hache)  dont  le  ma 
d'une  substance  qui  lui  semblait  inconnue.  Sa  curiosi 
davantage  quand  il  entendit  dire  que  cette  matière 
remarquable  proprit'té  de  s'amollir  et  de  devenir  pi 
l'eau  bouillante.  Il  prit  lobjet  et  demanda  au  Malais  c 
de  cette  matière  autant  qu'il  pourrait  en  trouver. 

La  communication  du  D'  Montgomerie  fut  suivie  c 
dû  à  la  plume  du  D'  Thomas  Oxley,  où  celui-ci  donne 
tion  générale  de  l'arbre  à  gutta-percha,  de  ses  feuil! 
fleurs  —  il  n'en  avait  pas  vu  les  fruits  —  et  où  il  déc: 
dont  on  en  extrait  le  latex.  Il  recommandait  aussi  l'en 
matière  pour  les  usages  médicaux  :  bandages,  sering 
pour  vaccin... 

La  Society  of  Arts  s'est  encore  occupée  de  la  quest 
quand  elle  promit  une  récompense  pour  la  découver 
stance  nouvelle  qui  pût  être  employée  comme  un  su 
gutta-percha.  En  i8G3,  elle  offrit  la  médaille  de  la  s 
qui  découvrirait  une  nouvelle  substance  ou  composit 
à  pouvoir  servir  de  succédané  au  caoutchouc  ou  à  la 
dans  les  applications  de  l'art  et  de  Tindustrie. 

Propriétés  générales  et  détermination  bot 
de  la  gutta-percha. 

La  principale  propriété  delà  gutta-percha  et  celle  qi 
immédiatement  du  caoutchouc  avec  lequel  on  la  coi 
vent,  est,  sans  aucun  doute,  d'être  susceptible  de  s 
devenir  malléable  dans  l'eau  chaude,  de  conserver  1 


616  ÉTUDES  COLONIALES 

lui  a  donné  en  se  refroidissant  et  de  devenir  ensuite  dure  sans  être 
cassante  comme  d'autres  gommes  Le  caoutchouc,  d'autre  part, 
ne  s'amollit  pas  dans  l'eau  chaude  et  conserve  presque  entièrement 
son  élasticité  et  sa  force.  Il  est  toutefois  à  remarquer  que  l'eau, 
comme  telle,  n'exerce  aucune  action  amollissante  sur  la  gutta- 
percha.  On  peut  obtenir  le  même  résultat  par  l'air  chaud,  mais  un 
peu  plus  lentement. 

La  température  exacte  à  laquelle  la  gutta-percha  s'amollit  dépend 
de  la  qualité  de  la  substance.  Toutefois,  les  genres  les  plus  durs 
deviennent  plastiques  à  150*>  F.  (65.5^  C.) 

Quand  la  gutta-percha  est  chauffée  dans  l'air  à  une  température 
bien  supérieure  au  point  d'ébullition  de  l'eau,  elle  se  décompose  et 
finalement  entre  en  combustion  en  produisant  une  flamme  fumeuse 
et  en  répandant  une  odeur  pénétrante  caractéristique  comme  celle 
du  caoutchouc  qu'on  brûle.  Si  on  la  chauffe  à  l'abri  de  l'air,  — 
dans  une  cornue  par  exemple  —  on  obtient  des  produits  gazeux  et 
liquides  analogues  à  ceux  qui  résultent  de  la  distillation  du 
caoutchouc. 

Dans  sa  première  communication,  en  1843,  le  D'  Montgomerie 
disait  que  les  spécimens  qu'il  envoyait  provenaient  d'un  grand 
arbre  forestier,  originaire  de  Singapore,  mais  qu'il  n'avait  pas  eu 
l'occasion  de  le  voir.  11  tâcha  d'en  obtenir  des  fruits  et  des  fleurs, 
mais  ne  réussit  pas.  En  1844,  un  collectionneur,  M.  White, 
envoya  une  branche  séchée  de  cet  arbre  à  un  botaniste,  le  D*^  Wil- 
liam Griflith,  qui  détermina  l'arbre  comme  appartenant  à  la  famille 
des  Sapotées  ou  Sapotacées.  Il  supposa  qu'elle  était  apparentée  au 
ckiysophylltim  mais  il  lui  fut  impossible  de  se  prononcer  définiti- 
vement en  l'absence  de  fruits  ou  de  fleurs.  L'année  suivante, 
M.  White  donna  lui-même  une  description  de  la  plante.  M.  White 
rattachait  aussi  la  plante  aux  Sapotacées  ou  Ebenacées.  Sa  descrip- 
tion du  feuillage  et  du  fruit  est  excellente,  mais  il  n'essaya  pas  de 
donner  un  nom  à  la  plante  et  n'entreprit  pas  de  décider  avec  quel 
genre  connu,  elle  présentait  le  plus  d'affinités. 

Toutes  les  Sapotacées  sont  des  arbres  ou  des  arbustes  et  sont 
presque  toutes  originaires  des  tropiques,  de  l'Inde,  de  l'Afrique  ou 
de  rÂmérique.  On  en  trouve  aussi  quelques-unes  dans  les  parties 
méridionales  de  TAmérique  du  Nord  et  du  Cap  de  Bonne-Espé- 
rance. Elles  se  caraclérisent  par  la  sécrétion  de  sucs  laiteux,  qui  ne 


CHRONIQUE  513 

75  shillin$fsrla  tonne.  De  là  augmentation  des  frets  qu*accentue  Tacca- 
parement  de  tous  les  bateaux  marchands  anglais  pour  le  transport  de 
Tarmée  et  de  son  intendance.  Il  y  a  heureusement  une  contre-partie  : 
la  population  civile  des  grandes  villes,  notamment  de  Cape  Town  s*est 
considérablement  accrue  de  réfugiés  qui  ont  fui  Johannesburg  :  tous 
les  hôtels,  les  boarding  houses  regorgent  de  monde.  Naturellement,  le 
commerce  bénéficie  largement  de  cet  accroissement  momentané  de  la 
population.  Enfin,  les  autorités  militaires  apportent  beaucoup  d'argent 
dans  le  pays,  et  réfugiés  et  militaires  contribuent  dans  une  large  me- 
sure à  atténuer  les  pertes  qu*entraînera  forcément  l'état  de  guerre. 
Les  importations  de  Tannée  1899  ont  été  inférieures  à  celles  de  1898 
de  20,865,207  francs.  Les  exportations  sont  moindres  de  8,150,933  et 
le  transit  a  fléchi  de  18,788,895  francs.  Les  droits  de  douane  ont 
rapporte  5,146,581  francs  en  moins.  Par  contre,  le  numéraire  afflue, 
il  en  a  été  importé  75,231,333  francs  en  plus  et  exporté  12  millions 
221,202  francs  en  moins  qu'en  1898.  Cette  augmentation  dans  le 
numéraire  est  attribuée  à  la  présence  des  troupes  anglaises  et  aux 
dépenses  qu'elle  entraîne. 

(Rapport  du  comul  général  de  France  à  Capetown,) 

Algérie.  L'occupation  du  Gourara.  —  Les  oasis  du  Gourara 
sont  entièrement  en  possession  des  Français,  sans  aucune  effusion  de 
sang. 

La  colonne  Ménestrel  a  reçu  la  soumission  de  nombreux  ksour, 
dont  les  principaux  sont  Tabelkoza,  Fatis,  Elhadj,  Gullman  et  Timmi- 
moun.  Ce  dernier  ksour  est  le  plus  important  de  la  région  du  Gourara. 
Le  Gourara  s'étend  à  l'Est  et  au  Sud  d'une  vaste  dépression  saline,  qui 
recueille  les  eaux  s'épandant  du  versant  Sud  du  grand  Atlas  oranais. 
Ce  pays  est  constitué  par  douze  groupements  d'oasis.  On  compte  dans 
ces  douze  districts  2,500,000  palmiers.  La  population  totale  est  éva- 
luée à  80,000  âmes,  se  décomposant  comme  suit  :  16,000  Arabes, 
23,000  Berbères  Zenata,  3,000  Chorfa,  18,000  Hlarratin  ou  métis  de 
nègres,  13,000  nègres.  Cela  représente  1,800  cavaliers  et  17,000  fusils. 

La  plus  importante  des  oasis  du  Gourara  est  Timmimoun  qui,  à  elle 
seule,  comprend  22,000  habitants  et  700,000  palmiers. 

L'occupation  française  de  ces  territoires,  revendiqués  par  le  sultan 
du  Maroc,  ne  se  fait  pas  sans  protestations  énergiques  de  ce  dernier. 
Le  9  juin,  lit-on  dans  le  Times,  le  gouvernement  marocain  a  adressé 
de  Marakech,  au  gouvernement  français,  une  demande  formelle  de 
soumettre  à  l'arbitrage  européen  toutes  les  questions  soulevées  par 


514  ÉTUDES  COLONIALES 

Toccupatlon  française  des  oasis  du  Touat,  de  Tidikelti,  du  Gourara 
et  du  district  dlhli.  Le  Maroc  prétend  que  l'occupation  de  ces  terri- 
toires par  la  France  constitue  une  violation  du  territoire  du  Maroc  et 
du  traité  de  18io.  Le  gouvernement  marocain  dit,  en  outre,  qu'il  a  en 
sa  possession,  à  Marakech,  une  vaste  correspondance  avec  les  deys 
d'Alger  qui  prouve,  de  façon  concluante,  que  le  Touat  fait  partie  inté- 
grante du  territoire  marocain.  On  peut  sérieusement  douter  que  la 
France  consente  à  négocier  sur  ces  questions  dans  un  moment  où 
l'action  lui  est  si  favorable.  £n  effet,  l'occupation  de  ces  régions  pou- 
vant être  considérée  comme  accomplie,  le  gouverneur  général  de 
l'Algérie  y  a  créé  deux  annexes  du  service  des  affaires  indigènes,  l'une 
à  In  Salah  pour  le  Tidikelt,  l'autre  à  Timmimoun  pour  le  Gourara. 
Une  annexe  a  également  été  créée  à  Igli  pour  la  région  de  laZousfana 
et  de  l'Oued  Saoura. 

L'Afrique  Orientale  allemande.  —  Le  gouvernement  allemand 
vient  de  publier  son  rapport  annuel  sur  les  territoires  soumis  à  son 
protectorat  dans  l'Afrique  Orientale.  Le  commerce  y  arrive  péni- 
blement à  un  chiffre  d'affaires  de  16,000,000  de  marks.  Le  gou- 
verneur de  cette  colonie  attribue  la  diminution  des  affaires  constatée 
à  diverses  causes,  dont  la  suppression  de  la  traite  des  nègres  qui  était 
la  source  d'un  commerce  très  intense  à  Zanzibar,  le  principal  marché 
d'esclaves.  D'autre  part,  la  concurrence  ne  tarda  pas  à  s'établir  entre 
les  commerçants  allemands,  anglais  et  belges,  concurrence  d'autant 
plus  difficile  à  soutenir  pour  les  possessions  germaniques  qu'elles  ne 
possédaient  que  très  peu  de  moyens  de  communication  et  que  souvent 
l'exportation  des  produits  de  ses  cultures  et  des  régions  sises  dans 
l'Afrique  Centrale  devait  être  confiée  aux  voies  du  Zambèse,  du  Shiré 
et  du  Congo,  qui  offrent  aujourd'hui  des  communications  régulières 
et  rapides.  La  production  qui  a  le  plus  diminué  depuis  dix  ans  est 
celle  de  l'ivoire  qui,  actuellement,  est  à  peine  le  tiers  de  ce  qu'elle 
était  en  1889,  diminution  due  à  la  quantité  minime  reçue  du  dehors 
et  aux  faibles  productions  dont  doit  se  contenter  la  colonie  allemande. 
Le  commerce,  tant  d'exportation  que  d'importation,  a  surtout  décliné 
pendant  la  période  de  1890  à  1893.  Le  produit  le  plus  rémunérateur 
de  la  colonie  allemande  est  le  caoutchouc,  qui  abonde  dans  les  districts 
de  Upogoro,  Mahenge,  Songea  et  Donde  et  forme  le  principal  objet 
des  transactions  entre  Anglais,  Allemands  et  Belges.  Beaucoup  de 
plantes  de  caoutchouc  ont  été  détruites  dans  ces  immenses  forets  et 
particulièrement  sur  les  versants  côtiers  où  l'exploitation  est  plus 
facile,  par  les  mauvais  procédés  employés  pour  la  récolte  du  latex. 


CHRONIQUE  515 

aussi  le  gouvernement  allemand  a-t-il  prix  des  mesures  très  sévères 
pour  enrayer  le  mal  et  prévenir  la  destruction  des  plants  existants. 
Le  café  est  spécialement  cultivé  dans  TUsambnra,  où  il  donne  un  grain 
très  apprécié.  La  population  des  territoires  allemands  soumis  au  pro^ 
tectorat  est  difficile  à  évaluer;  toutefois,  le  chilfre  de  6  millions  est 
aujourd'hui  seul  admis.  L'industrie  est  nulle  dans  ces  pays  et  la 
population  ne  trouve  que  de  faibles  ressources  dans  l'agriculture,  sa 
principale  occupation. 

Le  chemin  de  fer  du  Damaraland.  —  La  convention  conclue,  le 
:28  octobre  1899,  entre  le  gouvernement  allemand  et  la  British  South 
Âfrica  Company,  à  la  suite  des  négociations  auxquelles  M.  Cecil 
Rhodes  venait  de  se  livrer  personnellement  à  Berlin,  n'est  pas 
publique.  Toutefois,  quelques-unes  de  ses  clauses  sont  connues.  L'une 
d'elles  porte  que  le  chemin  de  fer  entre  Great  Fish  Bay,  dans  la  colonie 
portugaise  d'Angola,  et  Otavi,  dans  le  Damaraland  allemand,  ne  sera 
que  la  première  section  d'une  grande  ligne  destinée  à  traverser  tout  le 
Sud-Ouest  africain  allemand  et  à  rejoindre  le  Transvaal.  D'après  le 
correspondant  du  Times  à  Berlin,  il  est  stipulé  que  cette  ligne  passera 
à  travers  toute  la  colonie  allemande. 

La  ligne  de  Great  Fish  Bay  (un  peu  au  Sud  de  Mossamédès)  à  Otavi 
(sur  le  30^  degré  de  latitude  Sud)  n'est  donc  que  le  commencement 
d'une  futiu*e  grande  ligne  allant  de  l'Atlantique  à  Johannesburg  ou 
Pretoria.  La  convention  du  28  octobre  1899  déclare  que,  lorsqu'elle 
sera  complétée,  les  droits  de  douane  imposés  par  le  Portugal,  l'Alle- 
magne et  l'Angleterre,  dont  elle  traverse  successivement  les  territoires, 
ne  pourront  dépasser  3  p.  c.  au  total,  savoir  au  plus  1  p.  c.  dans 
chacune  des  colonies  ;  M.  Cecil  Rhodes  a  donc  obtenu  non  seulement 
l'assentiment  du  gouvernement  allemand,  mais  aussi  celui  du  gouver- 
nement portugais. 

La  compagnie  formée  pour  la  construction  du  chemin  de  fer  de 
Great  Fish  Bay  à  Otavi,  qui  est  le  centre  des  gisements  de  cuivre 
allemands,  est  exclusivement  anglo-allemande.  L'un  des  directeurs 
n'est  autre  que  le  consul  général  d'Angleterre  à  Berlin,  M.  Schwabach, 
qui  représente  au  conseil  d'administration  la  maison  Bleichrôeder. 
Un  certain  nombre  d'actions  et  de  parts  de  fondateur  ont  été  réparties 
d'office.  Il  n'y  a  pas  d'émission  publique.  Sur  les  fonds  déjà  réunis, 
une  première  sonune  a  été  prélevée  pour  envoyer  une  expédition  de 
prospecteurs  à  Otavi.  Cette  expédition  est  partie  par  un  navire  de  la 
Castle  Line,  qui  interrompra  sa  route  ordinaire  pour  la  débarquer  à 
Swakopmund,  dans  le  Sud-Ouest  africain  allemand. 


une  autre  non  moins  importante,  à  savoir  la  présence  dans  l'un 
et  l'absence  dans  l'autre,  de  matière  albumineuse  dans  les 
graines.  Les  explications  qui  précèdent  ont  pour  but  d'établir 
nettement  que  Isonandra  gutta,  Diclwpsis  gutta  et  Pdlaquium 
gutta  ne  sont  que  différents  noms  d'une  seule  et  même  plante  et 
que  ces  changements  de  nom  ne  signifient  nullement,  comme 
certaines  gens  semblent  le  croire,  que  la  plante  qui  existait 
auparavant  est  actuellement  éteinte  et  qu'elle  a  été  remplacée  par 
une  autre  espèce. 

La  plante  à  gulta-percha  que  les  indigènes  appellent  Taban 
merah  à  Perak  et  Niato  balam  tembaga  (ou  Abang),  à  Sumatra,  est 
un  arbre  élevé  dont  le  tronc  est  parfaitement  droit  et  cylindrique. 
Il  atteint  une  hauteur  de  60  à  80  pieds  et  un  diamètre  de  1  à 
3  pieds.  On  dit  aussi  que  dans  certains  endroits,  notamment  à 
Perak,  on  a  rencontré  des  arbres  de  plus  de  150  pieds  de  haut 
et  de  4  à  5  pieds  de  diamètre. 

D'après  M.  SéruUas,  l'arbre  atteint  sa  maturité  à  30  ans.  Il 
mesure  alors  45  pieds  depuis  le  sol  jusqu'aux  branches  inférieures 
et  sa  circonférence  est  de  3  pieds  à  hauteur  d'homme  environ. 

Les  feuilles  sont  réunies  à  l'extrémité  des  branches  et  sont 
alternées;  leur  forme  est  obovale  et  lancéolée  et  elles  ont  une  petite 
projection  ou  bec  à  leur  sommet.  Les  feuilles  des  vieux  arbres 
mesurent  de  4  à  5  pouces  environ  de  longueur  et  de  i   3/4  à 
2  1/2  pouces  de  largeur  au  milieu.  Celles  des  jeunes  arbres  sont 
beaucoup  plus  grandes  ;  elles  atteignent  une  longueur  de  9  ponces 
et  une  largeur  d'environ  3  pouces.  Ce  détail  montre  que  les  diffé- 
rences de  taille  et  de  forme  des  feuilles  ne  suffisent  pas  à  elles 
seules  pour  indiquer  une  différence  d'espèce,  comme  on  l'a  parfois 
supposé.  La  surface  supérieure  des  feuilles  est  d'un  vert  brillant 
et  le  côté  inférieur  d'un  brun  doré  quand  les  arbres  sont  jeunes 
et  d'un  brun  rougeâtre  quand  ils  sont  vieux.  Cette  nuance  est  due 
à  la  présence  d'une  couche  épaisse  de  poils  soyeux  qui  recouvrent 
aussi  la  nervure  médiane  et  le  pétiole.  Ce  dernier  a  généralement 
un  pouce  ou  un  peu  plus  de  longueur.  Les  nervures  latérales 
s'éloignent  de  la  nervure  médiane  presque  à  angle  droit;  elles  ne 
sont  pas  très  apparentes,  car  elles  s'enfoncent  dans  la  substance  de 
la  feuille.  Elles  sont  au  nombre  de  20  ou  30  de  chaque  côté,  ce  qui 
a  une  certaine  importance,  comme  on  le  verra  dans  la  suile.  Les 


CHRONIQUE  517 

Le  Haut-Nil  a^avigable.  —  On  sait  que  le  Haut-Nil  élait  encombré 
par  des  bancs  d'algues  qu'on  appelle  sedd  qui  entravaient  complè- 
tement la  navigation.  Les  journaux  anglais  avaient  suggéré  à  maintes 
reprises  l'idée  de  faire  sauter  ces  barrages;  mais  l'entreprise  avait  été 
regardée  comme  irréalisable,  jusqu'à  ce  qu'un  ofiScier  belge,  le  com- 
mandant Henry,  après  plusieurs  tentatives  infructueuses  et  des  efforts 
sans  cesse  renouvelés,  est  enfin  arrivé  à  débarrasser  le  Nil  des  bancs 
qui  l'obstruaient, 

Au  commencement  de  mai,  le  major  Peack  de  la  Royal  artillery 
descendait  le  Nil  jusqu'à  Kéro  à  bord  d'une  canonnière.  Le  capitaine 
Peack  a  bien  voulu  se  charger  des  lettres  que  les  officiers  belges  lui 
ont  confiées.  Parties  de  Kéro,  le  6  mai,  ces  lettres  sont  arrivées 
le  7  juin  en  Europe,  donc  en  un  mois  et  trois  jours,  alors  qu'aupara- 
vant une  lettre  venant  du  Nil  par  le  Congo,  mettait  quatre  à  cinq  mois 
La  première  tentative  que  fit  le  commandant  pour  faire  la  trouée  du 
Nil  jusqu'à  Kartoum  date  de  juillet  1899,  c'est  la  troisième  qui  vient 
de  réussir.  Le  commandant  Henry  était  parli  de  Kéro  depuis  le 
15  septembre  1899  pour  essayer  de  franchir  les  barrages. 

Il  a  eu  la  bonne  fortune  d'y  rencontrer  un  officier  anglais,  le  major 
Peack,  qui  avec  o  steamers  et  700  pionniers  derviches  attaquait  l'obstacle 
depuis  le  mois  de  décembre.  Ce  travail  terminé,  le  major  Peack  pour 
conserver  son  œuvre  ou  plutôt  lui  donner  une  sanction  pratique,  est 
venu  jusqu'à  Kéro  avec  une  canonnière  le  Tamaï.  Voilà  donc  le  Nil 
ouvert  à  la  navigation.  C'est  une  véritable  conquête  géographique.  Ajou- 
tons que  le  commandant  Henry  est  rentré  en  Europe  par  la  voie  du  Nil. 

Madagascar.  L'or.  —  On  vient  de  découvrir  à  Madagascar,  une 
vallée  contenant  des  alluvions  aurifères  d'une  richesse  supérieure  à 
tout  ce  qu'on  avait  trouvé  jusqu'ici.  D'après  les  constatations  les  plus 
sérieuses,  on  trouve  là  environ  10  à  12  grammes  au  mètre  cube.  C'est 
la  vallée  de  TAmpoasary.  L'Ampoasary  est  un  affluent  de  gauche  du 
Mananjarj'.  Cette  rivière  peut  avoir  une  longueur  de  80  kilomètres. 
Ses  sources  ne  sont  pas  très  riches  ;  ce  n'est  guère  que  vers  la  fin  de 
son  parcours  que  l'on  commence  à  trouver  de  l'or  en  quantité  sérieuse. 
La  moitié  supérieure  de  la  rivière  va  être  ouverte  à  l'exploitation  pu- 
blique à  compter  du  1^  mai  prochain.  Mais  déjà  de  très  importantes 
quantités  d'or  ont  été  recueillies  soit  dans  les  prospections,  soit  dans 
les  exploitations  clandestines. 

Cette  découverte  va  rappeler  l'attention  sur  la  question  de  l'or  à 
Madagascar.  On  s'est  peut  être  un  peu  précipité  en  déclarant  que  le 
pays  n'oflre  à  cet  égard  que  des  ressources  médiocres  et  sans  avenir. 


muni  d'une  sorte  de  corne,  a  un  goût  douceâtre;  il  est  mangé  par 
les  indigènes.  Une  branche  munie  de  fleurs  et  de  fruits  de  chacune 
de  ces  variétés  est  reproduite  aux  fig.  4  et  5. 

Les  gommes  de  ces  deux  espèces  de  Palaquium  sont  connues 
sous  le  nom  degetah  taban  merah  et  degetali  taban  sutra  parmi 
les  Malais  et  celle  du  Payena  sous  celui  du  getah  Sundek,  ou  Sooni^ 
ou  Soondie  ;  ce  dernier  est  la  véritable  expression  anglo-malaise. 

Le  mot  malais  geiah,  qui  a  été  traduit  par  gutta,  désigne 


l'.G    .\. 


FiK.  o. 


simplement  Texsudation  visqueuse  de  la  plante  et  getah  taban  est 
la  sécrétion  de  cette  espèce  particulière  d'arbre  appelé  Taban, 
Comme  c'est  de  cet  arbre-ci  et  non  du  pertja  que  la  gomme  appelée 
maintenant  «  gutta-percha  »  est  dérivée,  il  est  regrettable  qu'on 
lui  ait  donné  une  dénomination  inexacte  quand  elle  a  été  introduite 
pour  la  première  fois  en  Europe. 


Distribution  géographique. 


A  l'époque  où  Montgomerie  obtenait  ses  premiers  spécimens,  les 
arbres  à  gutta-percha  étaient  abondants  dans  les  anciennes  forêts 
de  l'île  de  Singapore  qui  s'étendaient  jusque  près  de  la  ville.  Les 


CHRONIQUE  519 


A^E«{IQUS 


Les  mines  d'or  du  Klondike.  —  M.  Me  Connell,  qui  avait  été 
chargé  par  le  service  géologique  du  Canada  de  faire  une  enquête  sur 
le  Klondike,  vient  de  déposer  son  rapport  qui  est  présenté  comme 
«  le  premier  résultat  d'une  étude  systématique  et  jusqu'à  un  certain 
point  scientifique  de  ce  district  ». 

La  région  du  Klondike  est  décrite  au  point  de  vue  topographique 
comme  ce  un  plateau  élevé  coupé  en  tous  sens  par  de  nombreuses  et 
profondes  vallées.  Le  point  le  plus  élevé,  le  Dôme,  est  à  3,050  pieds 
au-dessus  du  Yukon  à  Dawson  et  à  500  pieds  seulement  au-dessus  des 
chaînes  de  monlagnes  qui  se  trouvent  à  sa  base.  Ces  dernières  s'éloi- 
gnent en  lignes  irrégulières  et  s'abaissent  graduellement  jusqu'aux 
rives  des  principales  rivières  du  pays. Les  cours  d'eau  sont  peu  impor- 
tants, ils  ont  rarement  plus  de  15  pieds  de  largeur;  des  forêts  gar- 
nissent les  chaînes  inférieures  et  les  flancs  des  montagnes,  mais  le 
fonds  des  vallées  n'est  que  partiellement  boisé  ». 

M.  Me  Connell  considère  «  que  le  massif  du  Klondike,  composé 
principalement  de  schistes  micacés  de  couleurs  claire,  est  le  groupe 
le  plus  important  du  district;  il  constitue  la  roche  à  filons  qui  se 
trouve  le  long  des  parties  productives  de  tous  les  cours  d'eau  riches 
et  qui  semble  être  par  nature  associée  à  la  présence  de  l'or  ».  Les 
veines  de  quartz  sont  extrêmement  abondantes  dans  les  schistes  du 
massif  du  Klondike  et  il  n'est  pas  douteux,  ajoute  M.  Me  Connell,  que 
(c  l'or  dans  les  placers  et  dans  le  gravier  qui  les  accompagne  sont 
d'origine  locale  et  qu'ils  proviennent  des  veines  de  quartz  et  de  schiste 
du  district  ».  De  grandes  veines  de  quartz  n'ont  pas  encore  été  déter- 
minées jusqu'à  présent,  mais  M.  Me  Connell  considère  comme 
«  improbable  que  le  contenu  métallique  des  veines  aurifères  ait  été 
répandu  dans  les  vallées  ».  Des  zones  productives  de  roches  à  filons 
seront  encore  découvertes,  à  son  avis,  mais  les  difficultés  de  prospec- 
tion sont  grandes  dans  une  contrée  dont  la  surface  est  presque  par- 
tout recouverte  d'une  épaisse  couche  de  mousse. 

Les  graviers  du  district  sont  de  quatre  espèces  diverses  et  se  trouvent 
à  des  niveaux  difTérents.  Ce  sont  :  les  graviers  des  ruisseaux,  ceux 
des  terrasses,  ceux  des  rivières  et  ceux  des  vallées.  On  trouve  de  l'or 
partout  dans  les  graviers  des  ruisseaux  ;  les  parties  les  plus  riches  se 


520  ÉTUDES  COLONIALES 

trouvent  généralement  vei*s  le  millieu  de  leur  cours.  M.  Me  Connell 
évalue  la  longueur  des  parties  rémunératrices  des  différents  ruisseaux 
à  50  milles  et  la  valeur  d'or  qu'elles  contiennent  à  «  environ 
95  millions  de  dollars,  estimation  qui  est  loin  d*étre  exagérée  ». 
Ce  chiffre  ne  comprend  pas  les  longues  étendues  de  gravier  des 
ruisseaux  qui  se  trouvent  trop  bas  pour  pouvoir  être  exploitées  actuel- 
lement. 

Il  est  établi,  d'autre  part,  que  les  terrasses  près  des  principaux  cours 
d'eau  contiennent  de  riches  daims.  En  ce  qui  concerne  le  gravier  des 
vallées  des  niveaux  supérieurs,  à  savoir  :  celles  de  Bonanza,  de  l'Eldo- 
rado, de  Bimker  et  de  Quartz  Creek,  M.  Me  Connell  estime  «  qu'ils 
peuvent  presque  rivaliser  en  importance  avec  les  graviers  des  ruis- 
seaux. Ils  sont  partout  plus  ou  moins  aurifères  et  sur  de  grandes  éten- 
dues, ils  sont  même  très  riches  ». 

On  peut  se  faire  une  idée  de  la  valeur  des  champs  d'or  du  Klondike 
d'après  la  production  des  trois  dernières  années.  Elle  a  été  en  1897, 
de  2,500,000  dollars;  en  1898,  de  10  millions  de  dollars;  et  en  1899, 
de  1G  millions  de  dollars. 

L'exploitation  des  claims  des  ruisseaux  se  fait  par  puits  ou  galeries. 
Les  opérations  se  poursuivent  pendant  tout  l'hiver.  La  terre  est  dégelée 
au  moyen  de  feux  ou  bien  en  chauffant  de  Peau  dans  les  puits  au 
moyen  de  pierres  brûlantes.  On  a  introduit  une  machine  permettant 
de  dégeler  par  la  vapeur.  Elle  finira  par  remplacer  les  autres  modes 
d'opérer.  Elle  est  d'une  grande  simplicité.  On  se  sert  d'une  petite 
chaudière  qui  envoie  la  vapeur  à  travers  des  tuyaux  en  caoutchouc  à 
des  pointes  d'acier.  On  pousse  les  tubes  dans  le  sol  durci  par  la  gelée 
et  on  chasse  la  vapeur  dans  la  terre  pendant  six  à  huit  heures.  Les 
pointes  dégèlent  de  un  à  trois  yards  cubes  de  gravier  à  la  fois.  La 
matière  obtenue  est  mise  en  tas  et  lavée  au  printemps  à  l'époque  des 
inondations.  Il  est  rarement  nécessaire  d'établir  des  boisages  dans  les 
puits,  pas  plus  en  été  qu'en  hiver.  La  boue  gelée  qui  recouvre  le  gra- 
vier est  si  tenace  qu'il  n'est  pas  rare  de  voir,  près  des  cours  d'eau,  des 
voûtes  de  plus  de  cent  pieds  d'ouverture  qui  tiennent  sans  l'aide  d'un 
pilier. 

Les  graviers  des  terrasses  s'exploitent  à  découvert  quand  ils  ne  sont 
pas  recouverts  de  terre  ou  au  moyen  de  puits  dans  le  cas  contraire. 

BrôsU.  Immigration.  —  Le  consul  anglais  à  Para  dit  dans  son 
rapport,  que  le  nombre  total  des  immigrations  au  Brésil  a  été,  en  1898, 
de  5,280  personnes  qui  presque  toutes,  reçurent  l'assistance  de  l'État. 
2,924  venaient  d'Espagne  et  2,292  de  différentes  parties  du  Brésil.  En 


CHRONIQUE  521 

outre,  environ  30,000  Brésiliens  de  l'État  de  Ceara  se  rendent  annuel- 
lement dans  fe  Para  et  TÂmazonie  pour  travailler  dans  l'industrie  du 
caoutchouc.  L'Etat  fait  tous  ses  efforts  pour  développer  les  industries 
agricoles  et  pour  améliorer  le  marché  du  travail.  Le  gouvernement 
italien  s'étant  relâché  de  son  opposition  à  l'émigration  de  ses  nationaux 
vers  le  Brésil  équatorial  :  1,000  Ilaliens  sont  arrivés  à  Para.  On  dit  que 
l'émigration  a  été  suspendue  jusqu'à  ce  que  le  gouvernement  ait  reçu 
des  rapports  favorables  sur  les  premiers  émigrés.  Des  capitaux  belges 
importants  ont  été  placés  dans  l'Etat.  Les  Belges  ont  acquis  un  grand 
domaine  à  caoutchouc  et  une  entreprise  d'éclairage  électrique  et  ils  ont 
obtenu  des  concessions  agricoles.  En  outre,  ils  négocient  pour  obtenir 
le  transfert  d'une  ligne  de  tramways  et  l'éclairage  électrique  de  la  ville. 
La  Société  belge  pour  l'exploitation  du  caoutchouc  a  été  la  première 
à  introduire  au  Brésil  de  la  main-d'œuvre  des  Indes  anglaises  occi- 
dentales. 

Bolivie.  Le  caoutchouc.  —  Au  cours  d'une  conférence  faite  à 
la  «  Society  of  Arts  »,  sir  Martin  Conway  a  donné  des  renseignements 
sur  l'industrie  du  caoutchouc  en  Bolivie,  basés  sur  ses  propres  obser- 
vations et  recherches. 

Les  forêts  à  caoutchouc  de  la  Bolivie  se  trouvent  dans  les  provinces 
du  Nord  et  de  l'Est.  Elles  couvrent  de  vastes  étendues,  mais,  par  suite 
de  la  difficulté  des  transports,  on  n'a  pu  exploiter  jusqu'à  présent 
qu'un  nombre  relativement  restreint  de  districts.  Dans  le  Nord,  la 
région  du  Rio  Béni  est  la  plus  importante.  Le  caoutchouc  qu'on  y 
récolte  est  transporté  par  la  rivière  Madeira  jusqu'à  l'Amazone.  11  se 
vend  dans  le  commerce  comme  caoutchouc  de  Para.  La  quantité  de 
caoutchouc  originaire  de  cette  région  est  très  considérable,  et,  si  les 
moyens  de  transport  étaient  meilleurs,  elle  deviendrait  bientôt  une  des 
premières  contrées  productrices  de  cet  article.  Sir  Martin  Conway  n'a 
toutefois  pas  visité  cette  région;  ses  observations  ont  porté  sur  les 
forêts  de  la  province  de  Larecaja  dont  les  produits  sont  exportés  par 
le  port  péruvien  de  Mollendo,  d'où  lui  vient  son  nom  de  caoutchouc  de 
Mollendo.  On  dit  que  l'arbre  producteur  est  le  Siphonia  elastica,  appar- 
tenant à  la  famille  des  Euphorbiacées.  Sir  Conway  a  malheureusement 
égaré  les  spécimens  qu'il  avait  emportés.  La  détermination  botanique 
de  la  plante  ne  peut  donc  pas  encore  être  regardée  comme  définitive. 
C'est  un  grand  arbre  de  la  taille  d'un  orme  à  peu  près  et  qui  pousse  en 
groupes  de  100  à  130  individus.  On  le  rencontre  jusqu'à  3,000  pieds 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer  dans  les  vallées  qui  s'éloignent  de  la 
Cordillera  Real  vers  le  Nord-Est,  notamment  dans  celles  de  Mapiri,  de 


523  ÉTUDES  COLONIALES 

Tipuani,  de  Coroico,  de  Challana  et  de  Zongo.  On  récolte  le  caoutchouc 
deux  fois  par  an,  d'avril  à  juillet  et  d'octobre  à  mars.  Un  même  arbre 
ne  peut  être  saigné  que  pendant  trois  mois  par  année,  après  quoi,  il  lui 
faut  un  repos  de  neuf  mois.  Par  contre,  s'il  est  traité  de  cette  manière 
et  que  les  incisions  se  fassent  avec  soin,  l'exploitation  ne  semble  pas 
influer  sur  sa  vitalité.  La  vie  d'un  arbre,  saigné  chaque  année,  est 
longue  et  dépasse  les  quinze  années  nécessaires  pour  produire  un 
arbre  au  moyen  de  semences. 

La  méthode  de  récolte  et  de  préparation  du  caoutchouc  est  à  peu 
près  la  même  qu'au  Brésil.  Dans  ce  dernier  pays,  le  lâtex  est  coagulé  en 
plongeant  une  palette  de  bois  dans  le  liquide  et  en  la  tenant  ensuite 
dans  la  fumée  d'un  feu  de  bois  de  palmier  auquel  on  ajoute,  si  pos- 
sible, des  noix  du  palmier  Montacu.  On  répète  celte  opération  jusqu'à 
ce  qu'il  se  soit  formé  une  masse  suffisamment  grande;  on  coupe 
celle-ci  sur  les  côtés,  puis  on  l'arrache  de  la  palette  ;  le  caoutchouc  est 
alors  prêt  pour  l'exportation.  La  production  moyenne  d'un  arbre  en 
pleine  croissance  est  évaluée  de  diverses  façons;  quelques-uns  la  por- 
tent jusqu'à  7  livres,  et  personne  ne  l'estime  à  moins  de  3  livres.  Les 
chiffres  suivants  montrent  le  développement  qu'a  pris  l'exportation  du 
caoutchouc  de  MoUendo  dans  les  dernières  années  : 

LIVRES 

1895-1894 37,587 

1894-1895 80,734 

1892^1896 251,341 

1890-1897 292,121 

1897-1898 491,087 

On  ne  possède  pas  encore  les  chiffres  pour  1898-1899,  mais  la  pro- 
duction l'a  également  emporté  de  beaucoup  sur  celle  de  l'année  précé- 
dente. La  qualité  du  caoutchouc  Mollendo  est,  à  en  juger  par  les  prix 
qu'il  obtient,  à  peu  près  égale  à  celle  du  Para.  En  1898,  celui-ci  a  varié 
sur  les  marchés  anglais  entre  3  sh.  5  3/4  d.  et  4  sh.  4  1/2  d.  la  livre, 
tandis  que  les  prix  des  Mollendo  ont  été  de  3  sh.  4  d.  à  4  sh.  1  1/2  d. 
la  livre. 

Les  principaux  obstacles  au  développement  de  l'industrie  du  caout- 
en  Bolivie  sont  les  difficultés  de  transport  et  le  fait  que  tous  les  vivres 
des  récolteurs  doivent  leur  être  amenés  de  fort  loin  jusque  dans  les 
forêts  qui  sont  inhabitées.  Dans  beaucoup  de  cas,  la  seule  voie  d'accès 
des  forêts  est  constituée  par  des  rentiers  le  long  desquels  les  mules 
avancent  avec  difficulté.  Quand  ce  pays  sera  ouvert  par  de  bonnes 
routes,  il  n'est  pas  douteux  que  la  production  du  caoutchouc  n'y 
prenne  un  large  essor. 


CHRONIQUE  533 


ASIE 


Inde  anglaise.  Production  du  caoutchouc  en  Assam.  —  Le 

chiffre  total  du  caoutchouc  produit  par  les  forets  de  TAssam,  tant  en 
deçà  qu'au  delà  des  frontières  anglaises,  a  été  en  1898-1899,  de 
3,599  maunds  ou  environ  280,317  livres,  ce  qui  constitue,  comparé 
au  produit  de  l'année  précédente,  une  augmentation  de  756  maunds 
ou  61,997  livres  environ.  L'augmentation  s'est  surtout  manifesté  dans 
les  divisions  forestières  de  Cachor,  Darrang  et  Lakhimpor.  Elle  est  le 
résultat  d'une  exploitation  plus  active  des  collines  de  Manipor,  Dafla, 
Nupor  et  autres,  provoqué  par  un  accroissement  de  la  demande  et 
par  la  hausse  des  prix.  La  production,  bien  que  beaucoup  plus  consi- 
dérable que  celle  de  l'année  précédente,  est  restée  en  dessous  de  celle 
de  1896-1897,  qui  a  dépassé  4,000  maunds  ou  près  de  300,000  livres. 
La  diminution  est  due  à  la  destruction  continue  des  arbres  par  suite 
de  l'exploitation  excessive  des  années  précédentes  à  laquelle  a  dorme 
lieu  une  demande  pressante  de  caoutchouc.  Ce  dernier  se  paie  environ 
4  shillings  la  livre  sur  le  marché  de  Londres. 

Chine  septentrionale.  Les  chemins  de  fer.  —  Un  rapport  du 
ministre  des  Etats-Unis  à  Pékin,  annonce  que  la  section  Tien-Tsin- 
Shamhaikuan-Newchwang  du  chemin  de  fer  impérial  est  achevée.  La 
distance  de  Tien-Tsin  à  Newchwang  est  de  34,863  milles  anglais.  La 
ligne  de  Tien-Tsin  à  Chinchow  dont  la  longueur  est  de  26,863  milles 
anglais  et  sur  laquelle  des  trains  circulent  depuis  quelques  temps, 
rapporte,  dit-on,  14  p.  c.  du  capital  engagé.  On  compte  que  lorsque 
la  ligne  sera  entièrement  achevée,  elle  produira  un  intérêt  de  30  p.  c. 

Le  chemin  de  fer  de  l'Est-Chinois  (russe),  qui  est  achevé  actuelle- 
ment depuis  Port-Arthur  jusqu'à  Moukden,  est  relié  à  Newchwang. 
Par  suite  du  danger  que  présente  la  circulation  des  trains  en  Chine 
pendant  la  nuit,  le  voyage  de  Port- Arthur  à  Pékin  durera  environ 
trois  jours. 

Les  Russes  travaillent  avec  beaucoup  d'énergie  à  l'achèvement  de 
la  voie  destinée  à  relier  Moukden  à  Vladivostock  et  on  pense  que  les 
deux  grands  points  stratégiques  de  la  Russie  en  Extrême-Orient,  Port- 
Arthur  et  Vladivostock  seront  reliés  par  chemin  de  fer  au  mois  d'avril 
prochain. 


d'arbres  adultes  de  Tahan  merah  et  Tabaii  sutra  dans  les  forêts 
sauvages  des  Sakais,  en  territoire  indépendant,  mais  comme  il  fut 
atteint  de  fièvre,  il  dut  rentrer  en  France.  Aussitôt  qu'il  fut  rétabli, 
il  retourna  dans  la  péninsule  malaise  et  apporta  de  là  à  Singapore, 
les  plantes  qu'il  désirait.  Il  découvrit  ensuite,  en  1887,  dans  les 
jungles  de  Bukit  Tineli,  des  spécimens  authentiques  de  VIsonandra 
gutta,  de  Hooker,  en  fleurs. 

A  la  fin  de  1887,  M.Sérullas,  prit,  au  lieu  déjeunes  arbres,  des 
rejetons  des  anciens,  munis  de  pousses,  et  les  transporta  à  Singa- 
pore. Il  les  traita  avec  de  grands  soins  et  en  trois  mois,  il  eut  la 
satisfaction  d'avoir  au  moins  vingt  pousses  vigoureuses  sur  chaque 
rejeton.  Séruilas  reçut  ensuite  des  instructions  pour  recueillir  des 
graines  d'Isonandi^a  gutta  dans  les  forêts  de  Singapore.  Pendant 
qu'il  exécutait  cette  mission,  il  fut  pris  d'une  attaque  de  dysenterie 
et  dut  revenir  en  France.  Il  apprit  alors  que  les  crédits  nécessaires 
à  ses  études  étaient  supprimés  et  que  les  plantes  qu'il  avait  lais- 
sées à  Singapore  avaient  été  abandonnées  par  le  gouvernement 
français  qui  se  désintéressait  de  la  question.  Ainsi  finit  la  qua- 
trième et  dernière  expédition  en  vue  de  rechercher  les  arbres  à 
gutta-percha. 

{A  suivre.) 


CHRONIQUE  525 

compagnies  sino-étrangères  qui  desservent  le  bas  fleuve.  Cependant, 
la  Osaka-Shosen-Kaisha  fait  d'excellentes  affaires  et  cette  compagnie 
se  propose,  grâce  à  la  subvention  que  les  chambres  viennent  de  lui 
allouer,  d'augmenter  son  effectif  sur  le  Yang-tsé-Kiang.  Sur  le  fleuve 
entre  Hankéou  et  Itchang,  la  Compagnie  japonaise  n'a  qu'un  petit 
vapeur  contre  cinq  vapeurs  chinois  et  étrangers,  d'un  tonnage  total 
de  3,500  tonnes. 

Les  Japonais  étudient  en  ce  moment  la  navigation  des  afiluents  du 
Yang-tzé  et  des  grands  lacs  qu'ils  traversent.  De  ce  côté,  le  rôle  dévolu 
aux  étrangers  semble  être  de  remorquer,  quand  le  vent  est  contraire, 
les  innombrables  jonques  de  charge  ou  de  pêche  qui  sillonnent  ces 
eaux  intérieures.  Mais,  le  rapport  japonais  le  constate,  les  Anglais  ont 
pris  les  devants,  et  un  de  leurs  petits  vapeurs  a  commencé  à  tenter 
cette  industrie.  Cependant,  une  compagnie  japonaise,  la  Taite-Kiseu- 
Kaisha  qui  a  établi,  en  1897,  un  service  fluvial  entre  Shanghaï-Sou- 
Tchéou  et  Shanghaï-Kiang-Tchéou,  se  propose  de  desservir  prochai- 
nement les  lacs  et  cours  d'eau  du  Honnan. 

Plus  tard,  quand  les  Japonais  feront  un  peu  moins  maigre  figure 
dans  le  Centre  et  le  Nord,  ils  s'attaqueront  à  la  région  méridionale  de 
Hong-Kong. 

Navigation  à  vapeur  sur  le  Haut  Tang-Tsé.  —  Il  résulte  d'une 
dépêche  du  consul  général  de  France  à  Shangaï,  que  les  compagnies 
de  navigation  anglaises,  à  la  suite  du  succès  de  la  tentative  faite 
récemment  par  les  trois  canonnières  :  le  Woodcock^  le  Woodlark  et  la 
Snipe,  pour  remonter  le  Yang-Tsé,  en  amont  d'Itchang,  se  préparent 
à  organiser  des  services  réguliers  sur  cette  partie  du  fleuve.  Le  pre- 
mier des  quatre  bâtiments  que  la  «  Yunnan  Company  »  avait  com- 
mandés dans  ce  but,  vient  d'être  lancé  sur  les  bords  du  Whampoo. 
Le  Pioneer  est  un  vapeur  de  200  tonneaux  de  jauge,  expédié  en  pièces 
à  Shangaï,  où  il  a  été  monté  et  ajusté  dans  les  ateliers  de  ce  l'Oriental 
Dock  ».  Ce  navire  est  muni  de  deux  roues  à  aubes  et  mesure  180  pieds 
de  longs  sur  30  de  large.  Ses  arrangements  intérieurs  lui  permettent 
de  transporter  quatorze  passagers  de  première  classe,  trente  de 
seconde  et  nouante  de  troisième.  Le  tirant  du  Pioneer  ne  dépasse  pas 
6  pieds  quand  le  navire  est  chargé  de  100  tonneaux,  6  1/2  pieds  avec 
un  fret  de  160  tonneaux.  Il  est  probable  que  ce  bâtiment,  grâce  à  sa 
vitesse  de  14  nœuds,  réussira  à  remonter  les  rapides  du  Haut  Yang- 
Tsé. 

On  compte  1,400  milles  de  Tchonking  à  Shanghaï,  par  le  fleuve. 
Celui-ci  traverse  les  régions  les  plus  fertiles  et  les  plus  peuplées  de  la 


528  ÉTUDES  COLONIALES 

soins  médicaux.  Ces  derniers  sont  délivrés  gratuitement.  On  a  aussi 
fondé  des  dépôts,  où  les  émîgrants  peuvent  se  procurer  du  bois  de 
construction  et  des  instruments  agricoles.  On  leur  accorde  aussi  des 
facilités  de  payement. 

Japon.  Reoenaement  de  la  population.  —  La  population  du 
Japon  s'élève,  d'après  le  recensement  fait  à  la  fin  de  1898,  à  44  mil- 
lions 733,379  âmes,  soit  une  augmentation  de  754,88i,  par  rapport  à 
Tannée  précédente.  Les  villes  les  plus  peuplées  sont  Tokio,  avec 
1,428,366  habitants  etOsaka,  avec  811,888. 

La  population  étrangère  du  Japon  reste  stationnaire.  L'augmenta- 
tion depuis  1891  est  de  moins  de  800  personnes.  D'après  les  derniers 
chiffres,  le  nombre  des  résidents  étrangers  était  de  4,718,  non  com- 
pris les  Chinois,  qui  comptent  environ  8,300  représentants. 


♦»'4> 


BIBLIOGRAPHIE 


Plantœ  Thonnerianœ  Congolenses,  par  E.  De  Wildeiian  et  Th.  Durand.  — 
Un  vol.  in-4o  de  118  pages  et  25  planches  lithographiées,  orné  d*une  carte  du  bassin  de 
la  Hongalla  et  précédé  d'une  introduction  de  M.  Franz  Thonner.  Bruxelles,  Société 
belge  de  Librairie,  1900. 

Cet  ouvrage  renferme  l'étude  scientifique  détaillée  des  végétaux  dont 
M.  Thonner  avait  récolté  des  exemplaires  dans  son  exploration  du  pays 
des  Bangalas.  Les  auteurs  de  cette  analyse  botanique,  M.  le  D'  De  Wil- 
deman,  aide- naturaliste  au  jardin  botanique  de  Bruxelles  et  M.  Th. 
Durand,  conservateur  au  même  établissement,  se  sont  déjà  fait  con- 
naître par  leurs  travaux  sur  la  flore  congolaise. 

La  collection  étudiée  par  eux  comprend  120  plantes,  dont  une 
cinquantaine  n'avaient  pas  encore  été  signalées  au  Congo  et  dans  ce 
nombre  on  ne  compte  pas  moins  de  vingt-trois  espèces  et  quatre 
variétés  nouvelles.  Les  recherches  de  M.  Thonner  ont  donc  produit 
des  résultats  d'une  importance  assez  considérable  pour  la  science; 
quelques  unes  des  plantes  nouvelles  pourront  peut-être  être  utilisées 
pour  les  cultures. 

L'introduction  que  M.  Thonner  a  ajouté  au  travail  de  MM.  De  Wil- 
deman  et  Durand  est  un  abrégé  de  son  voyage,  consistant  princi- 
palement dans  la  description  physique  des  localités  où  il  a  fait  ses 
trouvailles.  Les  planches  qui  complètent  le  volume,  dessinées  par 
M.  d'Apreval,  sont  d'une  belle  exécution. 

Kolombien,  par  le  professeur  D'  Fritz  Regel.  —  Un  vol.  in-4«  de  275  pages  arec 
illustrations,  55  planches  et  une  carte.  Berlin,  Alf.  Schall,  1900. 

Le  remarquable  ouvrage  que  nous  examinons  fait  partie,  comme  le 
livre  du  D'  Krieger  sur  la  Nouvelle-Guinée,  dont  nous  avons  rendu 
compte  il  y  a  peu  de  mois,  de  la  BibliotJiek  rfe»-  Làndei'kunde. 

Ije  nouveau  volume  tiendra  un  rang  distingué  dans  cette  belle  col- 
lection. I^s  publications  concernant  la  Colombie,  contrée  assez 
négligée  depuis  Humboldt,  viennent  d'ailleurs  à  propos.  On  trouve 


DÔZ 


t.HJUt.ii    tiULU.MALfc.^ 


dégagement  d'acide  carbonique  diminue  rapidement  chez  Thomme 
à  mesure  que  la  température  extérieure  monte,  depuis  0*"  jusqu'à 
+  Sâ'^-SS**  environ  ;  au  delà  de  cette  température ,  la  quantité 
d'acide  carbonique  dégagée  augmente  de  nouveau.  » 

La  plupart  de  ces  expériences  sur  Tinfluence  des  températures 
élevées  ayant  été  faites  chez  V homme  non  habillé,  nous  avons  cru 
intéressant  de  les  reprendre  chez  Vhomme  habillé.  Ces  recherches 
ont  été  faites  avec  la  chambre  de  Petlenkofer,  au  Laboratoire  de 
M.  le  professeur  Rubner,  directeur  de  l'Institut  d'Hygiène  à 
Berlin,  en  collaboration  avec  le  D' Wolpert, assistant  à  l'Institut  (I). 

Nous  donnons  dans  le  tableau  ci-contre  les  principaux  résultats 
de  ces  recherches.  Le  sujet  en  expérience,  très  gras,  pesait 
iOO  kilogr.  environ  ;  il  séjournait  dans  la  chambre  pendant  au 
moins  6  heures  à  chaque  expérience.  Ce  n'est  que  dans  les  expé- 
rience dans  l'air  humide  et  à  une  température  très  élevée,  35"-37**, 
que  la  durée  du  séjour  a  été  portée  à  4  heures. 


Dégagement  de  COi  (acide  carbonique)  et  de  Hfi  (eau) 

au 

repos 

et  au 

travail. 

I.  A  +20«^22o. 
18.  Repos,  air  sec 

È 

ï 

Prodi 

l)ar  1 

eu  (0" 

CO. 

icliou 
eure 
imnu's 

hi 
n 

2  :• 

l 

II 
II 

0 

38  0 

49  5 

20O6 

29  4 

40 

0  58 

5.      —     air  humide.   . 

0 

32  5 

28 

21  3 

50  5 

33 

0.88 

5.      —             —       ... 

0 

28  8 

25  3 

20.8 

61.0 

40 

1.4 

17.  Travail,  air  sec 

5375 

49  8 

61.6 

21.4 

25.3 

80 

1.14 

â.      —       ail*  humide    .   •   • 

5:s75 

46.6 

67 

21. 

52.6 

83 

1.1 

3.      -             —       .    .   .   . 

5375 

5i  6 

90  3 

22  8 

58  0 

125 

0.87 

II.  A  +28'-30«. 

46.  Repos,  air  sec 

0 

37.6 

115.6 

29.7 

25 

123.3 

0.1 

12.      —     air  humide.   .   .   . 

0 

445 

201 

30. 

66 

216  6 

1.1 

10.  Travail,  air  sec 

5375 

48  6 

160 

28.8 

26 

165 

0  81 

11.      —      air  humide.  .   .  . 

5375 

45.7 

194 

29.8 

60 

233.3 

» 

20.      —             —      .  .  .   . 

5375 

50  3 

162 

29.3 

68 

243  3 

» 

III.  A  +36'>-37". 

10.  Repos,  air  sec 

0 

42.6 

216.6 

36.6 

25 

233.3 

1.19 

15.      —     air  humide.  .   .   . 

0 

46.7 

440.7 

35.2 

66 

475 

» 

13.  Travail,  air  sec 

5375 

50.3 

357 

36.6 

35 

375 

1.12 

14.      —      air  humide.  .  •   . 

5375 

60.7 

5345 

34. 

66 

542  2 

0  75 

(1;  Ces  recherches  seront  publiées  in  extenso  dans  les  Archiv  fur  Hygiène^  à  Berlin. 


CHRONIQUE  531 

des  mœurs  si  curieuses  de  ses  habitants.  Le  livre  de  M.  von  Brandt 
appartient  à  cette  dernière  catégorie.  Il  est  original  et  intéressant 
comme  on  peut  en  juger  par  la  traduction  que  nous  donnons  d'un  de 
ses  chapitres.  L'auteur  a  pris  pour  sous-titre  «  Causeries  d'un  vieux 
Chinois  ».  C'est  en  effet,  le  résumé  de  ses  impressions  durant  un  long 
séjour  en  Chine  qu'il  nous  donne  ici;  en  général,  il  paraît  avoir  meil- 
leure opinion  do  la  race  chinoise  que  la  plupart  des  autres  écrivains 
contemporains. 

La  fièvre  bilieuse  hématurique,  par  le  D^  Henri  Nimal.  Extrait  de  la  Gazette 
médieale  belge.)  —  Liège,  H.  Poncelet,  1900. 

Il  est  question  dans  cette  brochure,  de  la  plus  redoutable  des 
maladies  africaines.  On  sait  que  la  Société  d'Études  coloniales  poursuit 
en  ce  moment  l'étude  de  la  malaria.  Le  petit  ouvrage  du  D'^  Nimal 
contient  un  résumé  des  travaux  parus  dans  cet  ordre  d'idées,  dont 
l'importance  n'a  pas  besoin  d'être  démontrée. 


^ 


b34  ETUDES   COLONIALES 


Influence  de  quelques  causes  externes. 

1.  Dans  les  tableaux  qui  précèdent,  nous  voyons  que  lair 
humide,  à  une  température  élevée  (plus  de  22**),  exerce  sur  l'orga- 
nisme une  action  nocive  plus  considérable  que  Tair  sec  à  la  même 
température.  Ce  fait  est  corroborré  par  des  sensations  subjectives 
bien  plus  désagréables  dans  Tair  à  humidité  relative  élevée. 

11  semble  a  priori  que  dans  Fair  humide,  l'homme  devrait 
émettre  moins  de  vapeur  d'eau  que  dans  l'air  sec.  Les  résultats  de 
nos  expériences  nous  ont  forcé  d'admettre  l'opinion  contraire. 
Certainement  dans  l'air  chaud  et  sec,  Févaporation  de  la  vapeur 
d'eau  à  la  surface  cutanée  se  fait  plus  facilement,  l'air  ambiant 
n'étant  pas  aussi  chargé  d'humidité.  Par  contre,  dans  l'air  chaud  et 
humide,  cette  évaporalion  cutanée  est  nécessairement  plus  difficile, 
moins  rapide.  Par  conséquent,  dans  Tair  chaud  et  sec,  l'organisme 
pour  une  perte  moindre  en  eau,  dégagera  tout  autant  de  calories. 
Mais  il  faut  envisager  aussi  que  le  travail  de  sécrétion  de  la  sueur, 
absorbe  un  certain  nombre  de  calories  :  ce  nombre  augmente 
naturellement  avec  la  quantité  d'eau  sécrétée  En  conséquence, 
dans  l'air  chaud  et  humide,  l'évaporation  d'eau  à  la  surface  cutanée 
étant  en  partie  entravée,  et  par  là  même,  la  perte  de  calorique 
étant  diminuée,  l'organisme,  par  une  sécrétion  plus  abondante  de 
sueur,  doit  chercher  à  rétablir  l'équilibre. 

2.  Un  facteur  important  dans  letude  de  l'influence  des  tempé- 
ratures élevées  sur  l'organisme,  est  Fintensité  du  déplacement  de 
l'air.  Il  est  un  fait  d'observation  universelle,  même  dans  nos  cli- 
mats, qu  en  été,  les  fortes  chaleurs  sont  plus  faciles  à  supporter 
quand  il  y  a  du  vent,  c'est-à-dire  quand  Fair  se  renouvelle  fré- 
quemment. Dans  les  tropiques,  Fon  aura  donc  soin  de  construire 
les  habitations  dans  des  endroits  découverts,  où  les  vents  ont  faci- 
lement accès.  Dans  l'intérieur  des  habitations,  on  aménagera  une 
ventilation  facile  et  régulière. 

3.  Mentionnons  enfin  un  troisième  facteur,  Vliabillejnent.  Quand 
la  température  ambiante  est  élevée,  les  habits  à  mettre  ser()nt 
légers  et  surtout  spacieux  pour  permettre  le  renouvellement  fré- 
quent et  facile  de  la  couche  d'air  qui  entoure  immédiatement  la 
surface  du  corps. 


recherches,  était  lergographe  de  Mosso  (I).  Cet  appareil  très  ingé- 
nieux permet  d'enregistrer  le  travail  fourni  par  un  seul  muscle, 
par  exemple,  le  muscle  fléchisseur  du  doigt  médian.  Après  nous  être 
exercé  au  fonctionnement  de  l'appareil,  nous  avons  recherché  s'il  y 
avait  des  différences  dans  la  forme  et  l'étendue  des  contractions,  à 
différentes  températures  : 

1*^  Quant  à  la  foiine  des  contractions  y  le  tracé  graphique  était 
identique  dans  tous  les  cas,  à  20%  à  28*»  comme  à  37*»  ;  contractions 
au  début]très  fortes,  diminuant  ensuite  graduellement  ; 

2**  Quant  à  Yétendue  des  contractions  ou  somme  de  travail  four- 
nie, elle  était  pour  nous  sensiblement  la  même  à  ces  différents 
degrés  de  température. 

Citons  quelques  exemples  pris  au  hasard. 


1 

à  20O-22O. 


Il  :  à  28O-30O. 


III  :  à  3>-3C. 


Humidité  relat. 
faible. 


Humidité  relat. 
élevée. 


Humidité  relat. 
faible. 


Humidité  relat. 
élevée. 


20. "i  mkgr. 
25  4    — 


28 
30 


mkgr. 


22.2  mkgr. 
2^.9    — 

50.3  - 
27.7     — 


26.5  mkgr. 
27.8 


25.7  mkgr. 
28  8    — 
30.0     — 


De  ces  quelques  exemples,  nous  pouvons  conclure  que,  le  travail 
muscnlaire  peu  intense  —  n'intéressant  qu'un  seul  muscle  —  n*est 
pas  notahleimnt  influencé  par  V augmentation  de  température  du 
milieu  ambiant  ; 

La  courbe  des  contractions  musculaires  pour  un  sujet  donné, 
n'est  pas  modifiée. 

Mais  en  est-il  de  même  pour  le  travail  musculaire  intense,  celui 
fourni  par  un  ouvrier,  par  exemple?  —  Non.  C'est  un  fait 
d'observation  journalière  qu'un  ouvrier,  dans  un  milieu  à  tempéra- 
ture anormalement  élevée,  est  incapable  de  fournir  la  même  somme 
de  travail  que  dans  un  milieu  à  température  ordinaire,  ou  à  basse 
température. 


(1)  Ces  expériences  seront  publiées  m  extenso  dans  les  Archiv  fur  Hygiène,  à  Berlin. 


ÉTAPES  GOIiOHlflltES 

No  8  7e  Année  Août  1900 

NOTE    SUR   L'ÉTIOLOGIE 

LE  DIAGNOSTIC  ET  LE  TRAITEMENT 

de  quelques  formes  cliniques  de  la  Malaria 

Par  le  D'  A.  POSKIN 

Médecin  oonsaltant  aux  Eaux  de  Spa  (Belgique) 

-^ 

Il  n'existe  pas  aujourd'hui  de  doute  sur  Texistence  et  la  nature 
du  microorganisme  qui  détermine  la  malaria.  L'hématozoaire  dç 
Laveran,  en  effet,  se  retrouve  toujours  dans  le  sang  des  malades 
atteints,  quelle  que  soit  la  forme  clinique  sous  laquelle  la  maladie 
se  présente  et  quelle  que  soit  la  position  géographique  du  lieu 
habité  par  le  malade. 

L'habilat  de  l'hématozoaire  de  Laveran  est  très  étendu.;  on  le 
trouve  au  Sud  par  40**  de  latitude  et  au  Nord,  par  60**  de  latitude. 
Ce  n'est  donc  pas  seulement  sous  les  zones  torride  et  chaude  qu'on 
le  trouve;  c'est  aussi  dans  la  zone  tempérée  et  aux  confins  de  la 
zone  froide  que  l'hématozoaire  peut  se  développer,  vivre  et  infecter 
l'organisme. 

11  m'a  paru  utile  de  faire  cette  constatation  pour  pouvoir  dire 
mon  opinion  en  ce  qui  concerne  le  mode  de  propagation  de  l'hé- 
matozoaire et,  surtout,  la  voie  suivie  par  lui  pour  arriver  à  l'orga- 
nisme humain. 

On  croyait  autrefois  que  le  terrain  marécageux  ou  celui  qui, 
Favait  été,  élait  une  condition  essentielle  du  développement  de  la. 


CONCLUSIONS. 

De  ces  considérntions  générales,  nous  croyons  pouvoir  conclure  : 

I.  En  dehors  de  toute  autre  influence  Ja  chaleur  seule  ne  saurait 
constituer  un  obstacle  à  Vacclimatement  de  l  Européen  entre  les 
tropiques; 

II.  Pour  obtenir  le  maximum  de  forces  et  de  résistance,  VEuro- 
péen  suivra  toujours  les  règles  d*une  hygiène  très  sévère; 

III.  Au  début  de  son  séjour  dans  les  tropiques,  on  exigera  de 
l'Européen,  le  minimum  de  dépenses  organiques. 

Nuus  sommes  heureux  de  pouvoir  offrir  ici  à  M.  le  prof.  Rubner, 
l'expression  de  toute  notre  gratitude  pour  l'hospitalité  si  cordiale 
qu'il  nous  accorda  dans  son  laboratoire  et  les  conseils  éclairés 
qu'il  nous  prodigua  au  cours  de  nos  recherches. 

D'  A.  Broden, 

niicien  élève  de  rinslilut  de  Bactériologie 
de  Loiivaiii. 


+ 


FORMES  CLINIQUES  DE  LA  MALARIA  538 

En.  fait,  l'hypothèse  se  réalise.  Il  existe  des  contrées  où  il  n'y  a 
pas  de  moustiques  et  où  la  malaria  règne  endémiquement.  Tels  les 
pays  du  Nord,  de  la  zone  froide  et  même  de  la  zone  tempérée.  Dans 
les  pays  chauds,  sous  les  tropiques,  il  existe  de  vraies  oasis  en  ce 
qui  concerne  les  moustiques  et  qui  pourtant  sont  de  vrais  cime- 
tières pour  les  blancs  qui  y  résident  et  qui  succombent  aux  atteintes 
des  formes  les  plus  graves  de  la  malaria. 

Tous  ceux  qui  ont  habité  le  Congo  Belge,  savent  qu'à  Matadi, 
par  exemple,  il  n'y  a  pas  de  moustiques.  On  peut  dormir  sans 
crainte  de  leur  morsure,  sans  protection  de  la  moustiquaire. 
Matadi  est  sur  le  flanc  d'une  montagne  rocheuse,  sans  végétation; 
il  n'y  a  pas  de  marais  dans  la  partie^  bâtie  et  habitée.  Il  y  a  le  voi- 
sinage du  fleuve  soumis  à  des  crues  périodiques,  mais  cette  position 
est  commune  à  beaucoup  d'autres  agglomérations  de  blancs  sur  le 
fleuve  Congo. 

Et  Matadi  est  l'endroit  du  Congo  où  Ton  meurt  le  plus  de  la 
malaria  (I)!  Des  agents,  venus  d'Europe,  en  parfait  état  de  santé, 
n'ayant  jamais  résidé  qu'à  Matadi,  sont  morts  rapidement  des 
formes  pernicieuses  de  la  malaria  sans  qu'on  puisse  incriminer  les 
moustiques. 

Dans  les  Polders  des  Pays-Bas  et  à  Anvers,  on  ne  peut  non  plus 
dire  que  ce  sont  les  moustiques  qui  inoculent  la  maladie  à  ceux 
qui  viennent  y  résider.  Et  pourtant  la  malaria  atteint  souvent  les 
nouveaux  arrivés  ;  on  y  a  observé  de  véritables  épidémies  à  l'occa- 
sion de  travaux  où  l'on  remuait  le  sol,  comme  à  l'occasion  des 
travaux  de  terrassement  nécessités  par  les  fortifications.  J'ai  per- 
sonnellement constaté  à  Anvers  qu'à  Toccasion  du  curage  des 
fossés  des  fortiflcations  ou  des  étangs  du  Parc,  on  observait  en 
ville  une  recrudescence  d'accès  de  malaria.  Cette  recrudescence 
tenait  évidemment  à  la  nature  du  sol  anversois  qui  est  marécageux. 
Dans  bien  des  cas  observés  par  moi-même,  après  enquête  minu- 
tieuse, je  n'ai  pu  incriminer  que  l'air  comme  véhicule  de  l'héma- 
tozoaire. 

Je  crois  donc  que  le  mode  de  propagation  de  la  malaria  est  divers 


(1)  Au  temps  de  mon  séjour  dans  le  Bas-Coogo  (JMatadi),  en  4893-1894,  la  moilalité 
annuelle  était  de  18  p.  c.  environ  du  nombre  des  agents  blancs. 


836  ÉTUDES   COLONIALES  ^ 

et  que  la  contaniinalion  par  les  moustiques  est  peut-être  la  moins 
fréquente  des  causes  de  cette  affection. 

Dans  un  précédent  travail  (1),  j'exprimais  à  propos  des  formes 
cliniques  de  la  malaria  et  de  la  pathogénie  des  symptômes,  l'opi- 
nion suivante  : 

«  L'unité  éliologique  de  la  malaria  et  des  observations  souvent 
répétées  nous  ont  montré  l'étroite  relation  existant  entre  les  diver- 
ses manifestations  de  la  fièvre  malarienne.  De  même  que  le  bacille 
d'Ebertli  peut  déterminer  des  manifestations  variées  de  la  fièvre 
typhoïde,  depuis  la  fièvre  muqueuse  jusqu'aux  manifestations  les 
plus  redoutables  de  la  fièvre  ataxique  ou  adynamique  en  passant 
par  la  fièvre  typhoïde  proprement  dite,  nous  croyons  que  l'héma- 
tozoaire de  Laveran  détermine  des  formes  variées  de  fièvre  inter- 
mittente, depuis  la  fièvre  simple  jusqu'à  la  fièvre  pernicieuse  en 
passant  par  la  fièvre  bilieuse  hémoglobinurique.  Si  l'hématozoaire 
est  en  quantité  modérée  dans  le  sang,  il  détermine  un  accès  aigu 
qui  peut  prendre  le  type  quotidien,  tierce,  quarte  et  les  mêmes 
types  doubles  suivant  le  temps  mis  par  l'hématozoaire,  pour  se 
développer  ou  selon  qu'il  y  a  plusieurs  générations  d'hématozoaires 
qui  se  développent  en  des  temps  différents.  Dans  ce  cas,  la  des- 
truction de  l'hémoglobine  par  l'hématozoaire  n'est  pas  sufiisante 
pour  amener  des  symptômes  spéciaux  à  la  présence  de  l'hémoglobine 
et  de  ses  dérivés  dans  le  plasma  sanguin,  ni  l'hématozoaire  assez 
abondant  pour  amener  une  réaction  violente  de  l'organisme  contre 
les  produits  toxiques  sécrétés  par  lui.  Si,  au  contraire,  l'hémato- 
zoaire est  plus  abondant  à  un  moment  donné,  non  seulement  il 
amène  une  fièvre  intense  qui  détruit  les  globules  rouges,  en  met- 
tant en  liberté  de  l'hémoglobine,  mais  cette  destruction  vient 
s'ajouter  à  celle  qui  est  produite  par  l'hématozoaire.  L'hémoglo- 
bine, mise  en  liberté  comme  telle,  envahit  le  plasma  sanguin  et 
les  tissus,  y  subit  une  transformation  chimique  qui  aboutit,  d'une 
part,  à  la  formation  du  pigment  jaune  et,  d'autre  part,  à  la  création 
d'un  ictère  qui,  en  raison  de  son  origine,  est  appelé  hématogène. 
C'est  ainsi  qu'est  constituée  la  fièvre  bilieuse. 


(1)  V Afrique  Equatoriale,  —  Climatologie,    Nosologie,  Hygiène.    Bruxelles,  1897. 
Société  belge  de  iibrtairie,  16,  rue  Trcurenbcrg,  page  162. 


FORMES   CLINIQUES  DE  LA  MALAIllA  537 

»  Dans  un  cas  absolument  analogue  à  ce  dernier,  si  nous  sup- 
posons rhématozoaire  encore  plus  abondant,  non  seulement,  il  y 
aura  fièvre  bilieuse,  mais  encore  Thémoglobine,  mise  en  liberté 
comme  telle  dans  le  plasma  sanguin,  est  tellement  abondante  que 
le  foie  et  les  jautres  organes  ne  peuvent  parvenir  à  la  transformer 
entièrement  en  matière  colorante  de  la  bile  et  qu'une  partie  de 
l'hémoglobine  passe  en  nature  à  travers  le  filtre  rénal  et  constitue 
la  fièvre  bilieuse  hémoglobinurique.  » 

Je  n'ai  absolument  rien  à  retrancher  à  cette  thèse  que  je 
crois  conforme  à  la  réalité  et  qui  donne  une  pathogénie  ration- 
nelle et  plausible  des  symptômes  de  l'affection.  Si  j'y  reviens 
aujourd'hui,  c'est  pour  en  compléter  letude,  y  ajouter  de  nou- 
velles considérations  basées  sur  des  observations  personnelles  et 
sur  des  constatations  anatomiques  résultant  de  l'examen  de  ma- 
lades ou  de  pièces  anatomiques  provenant  d'autopsies  de  sujets 
ayant  succombé  à  l'une  des  formes  à  paroxysmes  pernicieux  de  la 
maladie. 

L'unité  étiologique  de  la  malaria  est  un  dogme  basé  sur  l'obser- 
vation constante  de  l'hématozoaire  de  Laveran  dans  le  sang.  Tout 
le  monde  l'admet  quand  il  s'agit  des  formes  simples,  communes  de 
la  malaria.  Les  divergences  d'opinion  commencent  dès  qu'on  étu- 
die les  lièvres  à  paroxysmes  pernicieux,  ou  les  formes  rémittentes 
de  la  malaria.  C'est  de  cette  divergence  d'opinion  que  je  veux 
m'occuper. 

Dans  l'étude  des  fièvres  à  paroxysmes  pernicieux  ou  des  fièvres 
rémittentes  à  forme  gastrique  ou  hépatique,  etc.,  il  y  a  lieu  de 
distinguer  les  formes  suivantes  : 

IMl  y  a  des  fièvres  à  forme  gastrique  ou  hépatique  (bilieuse  ou 
hémoglobinurique)  qui  peuvent  survenir  chez  des  individus  dans 
le  sang  desquels  on  ne  constate  pas  l'hématozoaire  et  chez  lesquels 
on  est  sûr  qu'il  n'existe  pas  encore,  par  exemple  chez  les  nou- 
veaux arrivés  ; 

2*  11  y  a  des  fièvres  à  forme  gastrique  ou  hépatique  (bilieuse  ou 
hémoglobinurique)  qui  peuvent  survenir  chez  des  individus  dans 
le  sang  desquels  existe  l'hématozoaire  mais  où  il  n'est  pas  la  cause 
immédiate  de  l'afiection  qu'il  ne  fait  que  compliquer  en  y  ajoutant 
ses  effets; 

3**  Il  y  a  des  fièvres  à  forme  gastrique  ou  hépatique  (bilieuse  ou 


II.—  :Réparbîtîoii  des  cultui<es  de  caniies  à  sac±i^ 
dans  les  dlvet^ses  pai<ties  du  monde. 

A.   EN  ASIE. 

L'Asie,  et  plus  particulièrement  l'Inde  septentrionale,  est  la 
première  contrée  oii  l'histoire  nous  révèle  l'existence  de  cullures 
de  cannes  à  sucre.  C'est  encore  aujourd'hui  une  des  contrées  où 
cette  culture  est  la  plus  étendue. 

Dans  le  Bengale,  les  plantations  de  cannes  s'étendent  sur 
environ  67,000  hectares.  Le  Behar  et  l'Orissa  renferment  égale- 
ment un  grand  nombre  de  cultures. 

L'Assam,  dont  la  température  est  un  peu  inférieure  à  celle  des 
trois  provinces  précitées,  rachète  ce  défaut  par  une  forte  humidité; 
sa  production  lient,  dans  l'Inde,  le  second  rang  après  celle  du 
Bengale. 

D'après  Balfour  et  Krùger,  les  provinces  du  Nord-Ouest  et 
rOude  ne  posséderaient  ensemble,  en  fait  de  cannes  à  sucre,  que 
la  moitié  de  la  superficie  des  plantations  du  Bengale.  Leur  climat 
plus  continental  se  prête  moins  à  la  culture,  qui  se  concentre  le 
long  des  fleuves.  Plus  à  l'Ouest  encore,  dans  le  Rajpatana  et  le 
Pendjad,  où  le  climat  devient  franchement  aride,  on  ne  trouve 
plus  que  des  cultures  isolées,  donnant  des  plantes  de  petite  taille, 
d'ailleurs  assez  riches  en  sucre.  On  retrouve  des  cannes  de  grande 
dimension  vers  l'embouchure  de  l'Indus. 

Les  hautes  montagnes  du  Nord  et  du  Nord-Ouest  de  l'Inde 
marquent  naturellement  la  limite  de  la  culture  sucrière;  on  l'a 
essayée  sans  succès  dans  les  vallées  de  Cachemire. 

La  production  dans  l'Inde  méridionale,  est  soumise  aux  mêmes 
lois  climatériques.  La  canne  réussit  bien  le  long  des  côtes,  mais 
moins  sur  les  plateaux  intérieurs  du  Décan.  Elle  occupe  de  grandes 
étendues  dans  le  bassin  inférieur  du  Godawary. 

La  culture  de  la  canne,  à  Caylan,  est  d'origine  assez  récente; 
introduite,  semble-t-il,  par  des  boudhistes  réfugiés  du  continent. 
Cette  culture,  bien  que  perfectionnée  par  des  procédés  modernes, 


FORMES  CLINIQUES  DE  LA  MALARIA  539 

éléments  seuls  pour  produire  Taugmentalion  de  température  du 
corps. 

Plus  nombreux  sont  les  cas  où  ces  trois  éléments  météorolo- 
giques, sous  l'influence  d'excès  et  d'écarts  de  régime  et  du  mauvais 
fonctionnement  des  émonctoires  naturels  (urines  et  sueurs)  (1) 
déterminent  des  troubles  gastro-intestinaux  fébriles  qui  peuvent 
s'accompagner  d'ictère,  s'ils  sont  intenses  ou  si  le  foie  est  en  état 
d'hypofonction  par  une  cause  préexistante.  En  réalité,  dans  ces 
cas,  il  s'agit  d'une  autointoxication  d'origine  alimentaire  ou  orga- 
nique dont  les  symptômes  sont  en  raison  directe  de  Vabondance 
des  toxines  alimentaires  ou  organiques  non  éliminées  par  les 
émonctoires  habituels  et  de  Vétat  fonctionnel  de  la  glande  hépa- 
tique. 

Si  le  foie,  qui  est  le  chimiste  de  l'organisme,  est  en  bon  état 
fonctionnel,  il  parvient  à  transformer  toutes  les  toxines  qui  lui 
sont  apportées  par  la  veine-porte  et  tout  se  borne  à  des  symptômes 
d'embarras  gastro-intestinal  plus  ou  moins  prolongé,  avec  une 
réaction  fébrile  parfois  intense,  mais  ne  se  prolongeant  pas  au 
delà  de  quatre  ou  cinq  jours  sans  transformations  ultérieures  en 
accès  intermittents. 

Si  le  foie  est  en  état  d'hypofonction,  ou  s'il  est  débordé  par  la* 
quantité  considérable  de  toxines  qui  lui  sont  apportées  par  la 
veine-porte,  aux  symptômes  d'embarras  gastro-intestinal  fébrile, 
se  jomdront  des  symptômes  d'ictère  (fièvre  bilieuse  simple)  et, 
dans  ce  cas,  l'ictère  sera  hépatogène  et  parfois  hématogène. 

L'ictère  hépatogène  proviendra  de  l'action  immédiate  des  toxines 


(1)  En  Afrique,  où  le  chiffre  de  rtiumidité  relative  de  i*air  est  toajoars  voisin  du  chiffre 
de  rhumidilé  absolue,  avec  une  chaleur  moyenne  parfois  supérieure  à  celle  du  corps, 
Torganisme  ne  peut  réagir  pour  rétablir  Téquilibre  et  ramener  la  température  du  corps 
à  la  normale  par  la  sueur  et  le  refroidissement  qui  résulte  de  Tévaporation  dans  l'atmo* 
sphère  puisque  celle-ci  est  saturée. 

De  lu,  augmentation  de  la  chaleur  normale  du  corps,  rétention  d*une  partie  des  prO' 
duits  d'oxydation  des  tissus,  dont  FéUmination  normale  se  fait  par  la  sueur  et  la  peau, 
sans  compensation  de  la  fonction  urinaire  toujours  inférieure  à  ce  qu  elle  doit  être;  puis 
fermentations  abondantes  des  matières  gastro-intestinales,  production  de  toxines  et  sur* 
ménage  du  foie. 

11  ne  faut  pas  oublier  qu'une  substance  alimentaire  parfaite,  de  bonne  qualité  et  inof« 
fensivc  quand  les  organes  de  sécrétion  sont  sains,  peut  devenir  très  dangereuse  quand 
ces  organes  sont  malades.  Or,  les  organes  d'un  et  et  d'excrétion  sont  :  le  foie,  les  reins, 
les  glandes  sudorifcres,  etc. 


540  ÉTUDES  COLONIALES 

sur  le  tissu  du  foie  et  du  fonctionnement  excessif  de  la  glande 
hépatique  pour  détruire  les  toxines  avec  un  certain  degré  de 
catarrhe  des  voies  biliaires.  L'ictère  hématogène  qui  vient  s'y 
ajouter  sera  dû,  si  le  foie  est  en  état  d*hypofonction,  à  l'action  des 
toxines  sur  le  sang  par  réaction  chimique  sur  les  globules  rouges, 
mise  en  liberté  de  rhémoglobine  cl  transformation  ultérieure  en 
éléments  de  la  bile.  Voilà,  à  mon  avis,  le  mécanisme  de  la  produc- 
tion de  ces  fièvres. 

Le  diagnostic  clinique  de  ces  différentes  formes  semble,  a  pnm, 
difficile  à  faire,  en  raison  de  la  communauté  des  symptômes  prin- 
cipaux. Je  ne  crois  pas  cependant  cette  difficulté  insurmontable, 
avec  un  peu  d'attention  et  de  jugement,  une  recherche  minutieuse 
des  commémoratifs  et  des  symptômes  et  l'examen  microscopique 
du  sang,  qui  doit  pouvoir  être  fait  par  tous  les  médecins  qui  exer- 
cent dans  les  pays  à  malaria. 

Sous  îpeine  d'abuser  de  la  bienveillante  hospitalité  qui  m'est 
accordée  dans  les  colonnes  de  ce  bulletin,  il  ne  m'est  pas  permis 
d'entrer  dans  des  détails  sur  le  diagnostic  différentiel  à  faire  entre 
les  formes  cliniques  des  fièvres  gastriques  et  bilieuses.  Je  me  bor- 
nerai à  donner  des  indications  au  moyen  desquelles  on  pourra 
faire  un  bon  diagnostic,  nécessaire  pour  faire  une  bonne  thérapeu- 
tique. 

.  La  fièvre,  dite  climatique,  celle  qui  est  due  aux  éléments  météo- 
rologiques seuls,  doit  être  très  rare.  Elle  se  diagnostiquera  par 
exclusion. 

Pour  le  diagnostic  des  fièvres  à  forme  gastrique  et  bilieuse,  on 
se  basera  sur  : 

1^  L'époque  d'arrivée  du  malade  et  la  durée  de  son  séjour  en 
pays  à  endémie  malarienne; 

2°  Les  écarts  de  régime,  les  excès  de  tout  genre  qui  ont  précédé 
la  fièvre  ; 

3^  Les  antécédents  du  malade  :  absence  ou  présence  d'accès 
fébriles  caractéristiques  antérieurs  ; 

4°  La  présence  ou  l'absence  de  l'hématozoaire  de  Laveran  dans 
le  sang.  Dans  cet  examen,  on  recherchera  très  attentivement  les 
formes  diverses  de  l'hématozoaire  et  les  phases  du  cycle  d'évolu- 
tion. Cette  recherche  permettra,  si  les  ;résultals  sont  positifs, 
d'exclure  la  fièvre,  dite  climatique,  la  forme  gastrique  ou  bilieuse 


FORMES   CLINIQUES  DE  LA  MALARIA  541 

pure,  d'affirmer  l'intoxication  malarienne  et,  par  l'observation  des 
formes  et  du  cycle  d'évolution  de  l'hématozoaire,  de  dire  si  l'accès 
malarien  a  précédé  ou  accompagné  la  fièvre  gastrique  ou  bilieuse 
et,  dans  ce  dernier  cas,  si  la  fièvre  gastrique  ou  bilieuse  a  été  la 
cause  de  l'accès  malarien; 

5*>  Le  mode  de  début.  Dans  la  moitié  des  cas,  le  frisson,  qui  est 
le  premier  stade  de  l'accès  malarien,  manque  dans  les  pays  tropi- 
caux. L'accès  est  précédé  par  un  malaise  spécial  :  léger  lumbago, 
avec  irradiations  douloureuses  vers  les  cuisses,  établi  dès  la  veille 
et  qui  va  s'accroissant  jusqu'au  moment  de  l'invasion  et  le  frisson 
du  premier  stade  est  remplacé  par  une  sensation  de  chair  de  poule 
et  d'horripilation.  Le  frisson  manque  plus  rarement  et  les  vomis- 
sements sont  presque  la  règle  dans  les  fièvres  à  forme  gastrique 
ou  bilieuse; 

6^  L'hypersplénie  caractéristique  d'intoxication  malarienne  fait 
défaut  dans  les  fièvres  à  forme  gastrique  ou  bilieuse  simple  des 
nouveaux  arrivés; 

7**  La  température  est  ordinairement  plus  élevée  dans  la  malaria, 
les  oscillations  thermométriques  (rémissions  et  exacerbations) 
sont  plus  amples,  allant  de  1  à  3  degrés,  tandis  que  dans  les 
fièvres  à  forme  gastrique  ou  bilieuse  simple,  la  fièvre  est  plus  con- 
tinue avec  des  rémissions  moins  étendues.  L'heure  des  rémissions 
et  des  exacerbations  fébriles  est  aussi  à  considérer  :  rémissions 
nettement  matinales,  exacerbations  nettement  vespérales  dans  les 
formes  gastrique  ou  bilieuse  simple,  tandis  que,  dans  les  mômes 
formes  malariennes,  les  exacerbations  fébriles  surviennent  à  diffé- 
rentes heures  du  jour  suivant  la  dérivation  de  la  fièvre  rémittente. 
On  peut  même  observer  deux  exacerbations  fébriles  en  vingt- 
quatre  heures,  une  à  midi,  l'autre  à  minuit  avec  des  rémissions 
matinales  et  vespérales  ; 

8^  L'action  spécifique  de  la  quinine  sur  la  malaria  et  son  action 
nulle,  souvent  nuisible  dans  les  formes  non  malariennes. 

J'ai  omis  à  dessein  de  parler  jusque  maintenant  de  la  fièvre 
bilieuse  hémoglobinurique  d'une  manière  spéciale.  Et  pourtant, 
une  grande  partie  des  considérations  qui  précèdent  s'appliquent 
aussi  à  cette  forme  clinique.  C'est  affirmer  ainsi  ma  conviction 
qaen  pays  tropical,  la  fièvre  bilieuse  hémoglobinurique  nest  pas 
toujours  malarienne. 


effet,   cultivée  un  peu  partout  par  les  indigènes,  mais  n'a   pas 
encore  fait  l'objet  d'exploitations  coloniales. 

En  Austraiia,  la  canne  à  sucre  a  été  introduite  en  1850,  mais 
Fexploitation  industrielle  n'a  commencé  que  vers  1874.  Elle  est 
d'ailleurs  limitée  à  la  côte  orientale,  dans  le  Queensland  et  la  Nou- 
velle-Galles du  Sud.  Dans  cette  dernière  colonie,  dont  le  climat  est 
déjà  un  peu  froid,  la  production  n'est  que  la  moitié  environ  de 
celle  du  Queensland,  où  25  p.  c.  environ  des  terres  cultivées  sont 
consacrées  à  la  canne.  Les  plantations,  qui  s'arrêtent  à  l'Ouest,  au 
golfe  de  Carpentarie,  atteignent  au  Sud  le  vingt-neuvième  paral- 
lèle. Mais  la  culture,  sous  cette  latitude,  devient  déjà  difficile  ;  la 
canne  ne  mûrit  qu'en  deux  années  et  les  gelées  se  font  quelquefois 
sentir. 

c.  EN  AMÉRIQUE. 

La  culture  de  la  canne  à  sucre  possède  aux  Etats-Unis  une 
grande  extension  dont  il  n'est  pas  facile  de  tracer  la  limite  septen- 
trionale. On  peut  admettre  toutefois  qu'elle  ne  dépasse  jamais  le 
37*  degré  de  latitude  Nord,  entre  l'Atlantique  et  le  Mississipi.  Plus 
à  rOuest,  la  limite  des  plantations  s'abaisse  rapidement,  à  cause 
de  la  sécheresse  du  climat;  on  n'en  retrouve  plus  au  delà  des 
montagnes  rocheuses.  Les  champs  de  cannes  sont  surtout  multi- 
pliés autour  du  golfe  du  Mexique,  et  principalement  dans  le  delta 
du  Mississipi,  où  les  conditions  climatériques  les  plus  favorables 
à  la  plante  sont  réunies  au  plus  haut  degré.  Ils  occupent  dans  la 
Louisiane  9,7  p.  c.  du  territoire  agricole,  dans  la  Floride  i  ,2  p.  c, 
dans  le.  Texas  et  la  Géorgie  0,2  p.  c,  dans  l'Alabâma  et  le  Mis- 
sissipi 0,1  p.  c.  En  général,  la  proxiuction  sucrière  a  beaucoup 
souffert  depuis  la  guerre  de  Sécession  de  la  perte  de  main-d'œu- 
vre causée  par  l'abolition  de  l'esclavage.  L'emploi  croissant  du 
sucre  de  betterave  lui  a  également  causé  un  tort  considérable. 

La  plus  grande  partie  du  Mexique  est  comprise  dans  la  zone 
de  la  canne.  Toutefois  les  cultures  se  trouvent  surtout  dans  lés 
provinces  occidentales,  mieux  arrosées  que  celles  qui  bordent  la 
côte  du  Pacifique.  Ces  cultures  ne  s'étendent  pas  seulement  dans^ 


FORMES   CLINIQUES   DE   LA   MALAHIA  543 

bémoglobinurique  peut  être  compliquée  d  accès  malarien  et  être 
rendue  plus  grave  de  ce  fait,  comme  elle  peut  évoluer  seule  sans 
que  les  effets  de  l'hématozoaire  viennent  s'y  ajouter. 

Cette  distinction  est  très  importante  à  faire  au  point  de  vue  de 
la  marche  à  suivre  pour  le  traitement.  D'un  diagnostic  exact  peut 
dépendre  la  vie  du  malade.  Ce  diagnostic  est  très  ardu,  mais  il 
n'est  pas  impossible.  Les  mêmes  éléments  que  j'ai  énumérés  plus 
haut  serviront  de  base  à  un  diagnostic  exact  ;  j'insiste  tout  parti- 
culièrement sur  l'examen  microscopique  du  sang,  sur  les  anam- 
nestiques.  principalement  le  refroidissement,  les  privations  ou  les 
excès  alcooliques  ordinaires,  l'usage  d'aliments  avariés,  surtout 
de  conserves  de  viandes  et  de  poisson,  le  surmenage  physique,  la 
chaleur  élevée  avec  une  atmosplière  presque  saturée  d'humidité 
avec  hypertension  de  la  vapeur  d'eau  et  hypertension  électrique. 

Pour  bien  se  rendre  compte  de  la  pathogénie  de  cette  forme 
clinique  et  de  la  prédilection  qu'elle  manifeste  pour  les  vieux  fébri- 
citants  et  ceux  qui  ont  fait  un  long  séjour  sous  les  tropiques,  il 
est  nécessaire  de  rappeler  l'état  du  sang,  l'état  des  organes  et 
principalement  1  état  du  foie,  de  la  rate  et  des  reins. 

Je  n'ai  pas  besoin  d'insister  sur  les  lésions  du  sang;  elles  sont 
assez  connues:  Diminution  de  la  masse,  diminution  du  nombre 
de  globules  rouges  ;  présence  de  globules  rouges  à  noyaux  ;  aug- 
mentation du  nombre  de  leucocytes  mono  et  polynucléés  ;  présence 
constante  du  pigment  mélanique  et  ocre,  formes  variées  de  Théma- 
tozoaire.  Ce  sont  ces  lésions  qui  déterminent  les  symptômes  de 
l'anémie  tropicale  qui  ne  manque  jamais  après  un  séjour  plus  ou 
moins  prolongé  sous  les  tropiques. 

La  rate  est  toujours  hypertrophiée.  L'hypertrophie  porte  sur- 
tout sur  les  éléments  conjonctifs  non  seulement  de  la  capsule  mais 
sur  ceux  des  travées  fibreuses  qui  en  dérivent.  Le  pigment  méla- 
nique est  très  abondant  et  répandu  dans  la  pulpe  et  les  capillaires 
veineux  et  même  dans  les  gaines  préarlérielles  et  les  cellules 
parenchymateuses. 

Les  lésions  du  foie  sont  de  beaucoup  les  plus  importantes. 
L'hypertrophie  de  l'organe  est  de  règle,  sauf  aux  périodes  ultimes 
de  la  cachexie.  Cette  hypertrophie  s'explique  par  l'accumulation 
du  pigment  mélanique  dans  les  cellules  hépatiques,  par  l'accumu- 
lation dans  les  capillaires  de  leucocytes,  de  cellules  migratrices 


La  cote  ae  la  uuyane  oritannique,  au  contraire,  est  Doraee  de  plan- 
tations de  cannes,  dont  les  produits  représentent  90  p.  c.  de 
l'exportation  de  cette  colonie. 

Au  Venezuela  les  conditions  naturelles  sont  favorables  et  les 
plantations  assez  nombreuses,  mais  les  procédés  de  l'industrie 
sucrière  sont  arriérés.  Cependant  Semler  évalue  l'exportation  à 
9  millions  de  kilogrammes. 

Dans  la  Colombie,  la  situation  générale  est  analogue.  La  côte 
du  Pacifique,  avec  ses  deux  saisons  de  pluie,  convient  particuliè- 
rement à  notre  culture.  On  trouve  des  plantations  jusqu'à  l'altitude 
de  2,000  mètres. 

Le  territoire  de  1  Equateur,  très  élevé  et  peu  arrosé,  n'offre 
qu'un  petit  nombre  de  lieux  propres  à  la  canne  à  sucre  ;  telles  sont 
par  exemple  les  fertiles  allusions  du  Guayaquil. 

La  culture  sucrière  du  Pérou  se  présente  dans  de  tout  autres 
conditions  que  celles  des  autres  pays  américains.  Elle  y  est  fort 
ancienne,  et  même,  à  ce  qu'il  paraît,  d'origine  indigène.  L'auteur 
espagnol  Pedio  Cieza  rapporte  avoir  vu  au  Pérou,  en  1533,  des 
champs  de  cannes  à  sucre  bien  irrigués.  Quoique  la  température, 
et  surtout  l'humidité  insuffisante  n'y  soient  pas  très  favorables,  la 
culture  péruvienne  est  encore  florissante,  principalement  sur  la 
côte,  ainsi  que  sur  les  pentes  de  la  Cordillière,  où  elle  atteint 
laltitude  de  1,700  mètres.  La  partie  orientale  du  Pérou ,  qui 
appartient  au  bassin  de  l'Amazone,  conviendrait  mieux  à  ce  genre 
de  plantations,  mais  le  défaut  de  communications  y  rend  toute 
exploitation  impossible. 

Cette  dernière  remarque  est  également  applicable  à  la  Bolivie, 
dont  le  climat  est  entièrement  favorable  à  la  canne.  On  en  trouve, 
à  l'Est  des  montagnes,  jusqu'à  la  hauteur  extraordinaire  de 
3,150  mètres.  Mais  la  production  n'a  guère  d'importance  commer- 
ciale. 

Au  Chili,  la  culture  de  la  canne  ne  se  rencontre  que  dans  le 
Nord,  principalement  dans  la  province  deTarapaca  La  sécheresse 
du  climat  et  l'introduction  de  la  betterave  lui  sont  défavorables. 


Le  Paraguay  et  l'Uruguay  ne  présentent  que  quelques  planta- 
tions peu  développées.  Ces  pays  se  trouvent  sur  la  limite  méridio- 
nale de  notre  végétal. 

La  canne  se  rencontre  dans  i'Argantina  jusque  vers  Tembou- 
cliure  de  la  Plata,  mais  la  culture  n'a  d'importance  sérieuse  que 
dans  le  Nord-Ouest  du  pays,  aux  environs  de  Tucuman.  Malgré 
son  éloignement  de  la  mer,  cette  province  a  une  exportation  assez 
importante. 

Le  sol  des  Pampas  est  excellent  pour  la  plantation  de  la  canne, 
mais  les  conditions  climatériques,  et  surtout  les  froids  assez  pro- 
noncés en  hiver,  s'opposent  à  l'extension  de  cette  plante  essentiel- 
lement tropicale. 


D.  EN   EUROPE. 

La  canne  à  sucre  n'est  pas  restée  aussi  complètement  étrangère 
à  notre  continent  que  ses  conditions  climatériques  pourraient  le 
taire  croire.  Au  moyen- âge,  les  Arabes  l'avaient  assez  largement 
répandue  sur  les  rivages  de  la  Méditerranée.  Le  Péloponnèse  en  a 
conservé  assez  longtemps  des  vestiges.  Les  cultures  de  la  Sicile 
sont  mieux  connues  ;  elles  ont  d'ailleurs  rapidement  décliné  à  partir 
du  XIV«  siècle. 

La  seule  contrée  européenne  qui 'ait  conservé  la  culture  de  la 
canne  est  la  côte  Sud-Ouest  de  l'Espagne  (i).  Abritée  contre  les 
venis  du  Nord  par  la  Sierra  Morena  et  la  Sierra  Nevada,  cette 
culture  est  plus  fructueuse  que  la  latitude  ne  permettait  de  l'espé- 
rer. Du  temps  des  Maures,  elle  s'étendait  jusqu'aux  environs  de 
Valence  (39**  lat.  N).  Aujourd'hui  elle  ne  dépasse  guère  le 
37*  degré.  On  la  trouve  surtout  le  long  de  la  côte,  entre  Cadix 
et  Almerïa.  La  production  n'a  pas  cessé  d'être  d'une  importance 
assez  considérable,  car  sur  trente-neuf  fabriques  de  sucre  que 
possédait  l'Espagne,  Kruger  en  compte  dix-neuf  qui  traitaient  le 
suc  de  la  canne,  et  dix-neuf  la  betterave. 


(1)  On  ne  peut  meulionncr  que  pour  mémoire  un  essai  de  culture  ù  Nice,  qui 
pouvait  réussir. 


{ 


oi6  ÉTUDES  COLONIALES 

point  de  vue  de  la  quantité  et  surtout  de  la  qualité,  peut  être  sous 
l'influence  d'excès  alcooliques  antérieurs,  ses  fonctions  digestives 
sont  languissantes.  11  a  peut  être  souffert  de  dysenterie  et  de 
diarrhée  tropicale.  C'est  un  excité  au  point  de  vue  génésique,  usant 
largement,  abusant  même  du  coït.  C'est  un  surmené  au  point  de 
vue  du  travail  physique,  de  la  fatigue  musculaire  imposée  par  de 
longues  marches  au  soleil  ou  par  des  parties  de  chasse.  Il  est  cou- 
vert de  bourbouille  (lichen  tropicus)  et  ses  membres  inférieurs 
sont  couverts  de  sarnes  (ulcères  phagcdéniques). 

La  grande  saison  sèche  est  arrivée  (automne  et  hiver).  Voilà  une 
proiQ  pour  la  fièvre  hémoglobinurique  si  certaines  circonstances 
étiologiques  viennent  à  se  réaliser. 

A.  —  Chez  un  tel  sujet,  ainsi  disposé,  un  accès  fébrile  franche- 
ment malarien  vient  à  se  déclarer,  après  un  excès  de  marche  au 
soleil,  un  travail,  même  léger  ou  simplement  la  surveillance  de 
travaux  de  terrassements  en  terre  vierge,  marécageuse  ou  non,  ou 
encore  après  le  séjour  prolongé  ou  le  campement  sous  la  tente  et 
sur  la  terre  nue  pendant  une  nuit,  à  proximité  d'un  marigot  au 
début  de  la  saison  sèche  ou  au  commencement  de  la  saison  des 
pluies  et  après  une  journée  très  chaude,  orageuse,  ou  aussi  après 
un  refroidissement  (beaucoup  plus  fréquent  en  Afrique  qu'on  ne 
le  croit  communément),  refroidissement  survenu  par  l'abaissement 
normal  de  la  température  extérieure,  ou  par  évaporation  rapide 
de  sueur,  ou  par  une  chute  abondante  de  pluie  mouillant  les  vête- 
ments et  le  corps  sans  possibilité  de  changer  de  linge;  cet  accès 
fébrile  pourra  déterminer  la  forme  bilieuse  hémoglobinurique.  Il 
suffira  pour  cela  que  la  virulence  des  hématozoaires  soit  exaltée 
par  les  causes  que  nous  venons  d'énumérer  et  qui  favorisent  leur 
éclosion  et  qu'une  génération  plus  abondante  d'hématozoaires 
envahisse  le  sang  en  un  temps  donné.  Dans  ces  conditions,  avec 
l'alléralion  préexistante  de  la  rate,  du  foie  et  des  reins  et  l'état 
hydrémique  du  sang,  l'hémoglobine  mise  en  liberté  par  l'hémato- 
zoaire, par  les  toxines  et  par  la  fièvre  ne  pourra  être  transformée 
complètement  en  matière  colorante  de  la  bile  ;  elle  franchira  le 
filtre  rénal  pour  apparaître  à  l'état  de  methémoglobine  dans  les 
urines.  Il  y  a,  à  la  fois,  ictère  hépatogène  et  ictère  hématogène 
intense  et  hémoglobinurie.  Cette  polycholie  anormale  se  traduit 
non  seulement  par  un  ictère  intense,  mois  encore  par  des  vomis- 


FORMES  CLINIQUES  DE  LA  MALARIA  547 

sements  bilieux   abondants,  d'abord  jaunes   puis   vert   cuivre* 

C'est  dans  cette  torme  clinique  qu'on  trouve  une  température 
très  élevée  et  qui  reste  très  élevée,  mais  presque  toujours  avec  des 
oscillations  de  grande  amplitude. 

B.  —  Dans  les  mêmes  circonstances  étiologiques  :  individuelles 
et  climatériques,  de  temps  et  de  lieu,  le  même  agent  fait  un  excès 
alcoolique  (bière,  vins  ou  liqueurs),  un  repas  trop  copieux  avec 
viandes  noires,  faisandées  ou  en  conserve,  du  poisson  salé,  mariné 
ou  à  l'huile  (morue,  sardines,  thon,  saumon,  caviar),  des  crustacés 
en  boîte  (homard,  langoustes,  etc.)  ;  ajoutez  à  cela  une  tempéra- 
ture élevée,  un  état  hygrométrique  sursaturé  de  l'atmosphère  avec 
hypertension  de  la  vapeur  d'eau,  une  tension  «îlectrique  considé- 
rable précédant  ou  suivant  un  orage,  de  précédentes  sueurs 
diffuses  ayant  encore  diminué  le  pouvoir  digestif  des  liquides 
gastro-intestinaux,  une  augmentation  de  la  température  du  corps 
résultant  de  l'accumulation  des  calories  organiques  ou  de  la  cha- 
leur extérieure  agissant  sur  le  corps  par  Tintermédiaire  d'un  air 
sursaturé  d'humidité,  bon  conducteur  du  calorique  et  empêchant 
à  ce  moment  le  rétablisseme  de  ntl'équilibre  calorique  en  s'oppo- 
sant  à  l'écoulement  de  la  sueur  et  à  son  évaporation.  Il  va  se 
produire  un  catarrhe  gastro-intestinal  fébrile,  fermentation  putride^ 
production  de  toxines  alimentaires  auxquelles  viendront  se  joindre 
les  poisons  organiques  non  éliminés.  Le  foie  déjà  surmené  et  en 
état  d'hypofonction  ne  pourra  suffire  à  sa  tache  malgré  l'hyper- 
cholie  manifestée  par  l'ictère  et  les  vomissements  bilieux  ;  il  sera 
débordé. 

Les  toxines,  résorbées  dans  le  sang,  agiront  comme  telles  sur 
les  globules  rouges,  mettront  l'hémoglobine  en  liberté  et  celle-ci 
passant  à  travers  le  filtre  rénal  constituera  l'hémoglobinurie. 

Une  remarque  importante  à  faire  au  point  de  vue  du  diagnostic, 
c'est  que  l'hémoglobinurie  qui  dépend  d'une  auto-intoxication 
alimentaire  ou  d'une  résorption  de  poisons  élaborés  dans  l'orga- 
nisme, évolue  souvent  sans  fièvre^  ou  avec  une  température  à  peine 
au-dessus  de  la  noi^male,  parfois  même  en-dessous  de  la  normale 
et,  en  tous  cas,  avec  des  rémissions  de  plus  courte  étendue  que 
l'hémoglobinurie  malarienne.  Il  n'est  pas  rare  d'observer  en  même 
temps  des  symptômes  d'urémie  se  manifestant  par  une  violente 
céphalalgie,  des  hallucinations  et  du  délire. 


La  partie  orientale  de  i  Airique  intertropicale,  iBoms  Dien  arro- 
sée que  le  versant  opposé,  se  prête  moins  à  la  culture  de  la  canne. 
On  en  trouve  cependant  des  champs  très  étendus  dans  le  Mozam- 
biqua,  principalement  dans  les  terres  d  alluvion  du  bassin  du  Zam- 
bèze.  Plus  au  Nord,  nous  trouvons  des  plantations  arabes  dans 
nie  de  Zanzibar  et  sur  la  côte  qui  lui  fait  face.  D'autres  existent 
dans  l'intérieur,  mais  isolées  et  sans  importance  Le  gouvernement 
colonial  allemand  s'efforce  de  développer  cette  culture.  Il  existe 
quelques  points,  tels  que  la  vallée  du  Pangani,  où  la  fertilité  natu- 
relle du  sol  promet  de  bons  résultats. 

L'Afriqua  Oriantala  britanniqua  offre  à  l'intérieur,  notam- 
ment dans  l'Uganda  et  sur  les  bords  du  lac  Victoria,  des  condi- 
tions climatériques  favorables.  Mais  la  production  y  est  paralysée, 
comme  dans  une  grande  partie  de  l'Afrique,  par  la  nécessité  de 
confier  le  soin  des  cultures  aux  mains  inexpertes  des  indigènes. 

L'Afrique  australe  est,  en  général,  trop  tempérée  ou  trop  aride 
pour  notre  graminée.  On  la  trouve  cependant  cultivée  au  Trans- 
vaal  sur  les  bords  du  Limpopo.  Mais  la  culture  a  pris  une  extension 
beaucoup  plus  grande  au  Natal,  où  la  canne,  introduite  de  l'île 
Maurice  en  1858,  couvre  maintenant  une  bande  de  iO  kilomètres 
de  largeur  le  long  de  toute  la  côte,  et  produit  1,000  tonnes  de 
sucre  (en  1884-85).  C'est  là  qu'elle  atteint  son  extrémité  méridio- 
nale en  Afrique,  vers  le  trentième  parallèle  Sud. 

Terminons]  en  donnant  quelques  détails  sur  les  îles  africaines. 
Les  Açores  ont  un  climat  trop  européen,  mais. à  Madère  les  plan- 
tations prospèrent  et  donnent  de  350  à  500  tonnes  par  an.  La  cul- 
ture a  moins  réussi  aux  îles  Canaries,  malgré  l'analogie  du  climat. 
Aux  îles  du  Cap  Vert  nous  retrouvons  la  température  tropicale;  la 
quantité  de  pluie  y  est  insuffisante,  mais  on  y  remédie  en  cultivant 
la  canne  dans  des  bas-fonds  humides. 

Les  îles  du  golfe  de  Guinée  ne  laissent  rien  à  désirer  comme  con- 
ditions climatériques.  A  San  Thomé  la  culture  est  particulièrement 
florissante. 

Quant  aux  îles  de  l'Océan  Indien,  l'exploitation  de  la  canne 
existe  de  longue  date  dans  les  îles  Mascareignes  (Maurice  et  la  Réu- 


FORMES  CLINIQUES  DE  LA  MALARIA  S49 

succès,  peut-être  aussi  nombreux  que  ceux  des  médecins  de  nos 
jours? 

Nos  prédécesseurs  appelaient  ces  formes  cliniques  des  fièvres 
putrides.  Etaient-ils  si  loin  de  la  vérité?  Et  pourtant,  ils  ne  con- 
naissaient ni  l'hématozoaire  de  Laveran,  ni  les  toxines,  ni  les  pto- 
maïnes,  ni  tous  ces  poisons  que  l'organisme  élabore  avec  tant  de 
profusion  ei  qui  font  de  l'homme  une  des  bêtes  les  plus  venimeuses 
de  la  création  ? 

L'efficacité  de  certains  traitements,  la  nocuité  de  certains  médi- 
caments dans  des  formes  cliniques  qu'on  a  toujours  cru  identiques 
démontrent  péremptoirement  que  la  vraie  notion  de  la  maladie  a 
fait  défaut  d'une  manière  absolue  ou  relative.  C'est  toujours  le 
ce  Naturam  morborum  ostendunt  curationes  »  qu'il  aurait  fallu 
observer  de  près. 

Un  exemple  éclatant  qui  vient  à  l'esprit  de  tout  observateur, 
c'est  celui  de  l'administration  de  la  quinine. 

Le  principe  actif  du  quinquina  est  reconnu,  sans  conteste,  comme 
le  spécifique  de  la  malaria,  quelle  que  soit  la  forme  clinique. 

Pourquoi  ce  médicament  héroïque  échoue-t-il  misérablement 
dans  des  formes  cliniques  identiques  d'aspect  et  de  symptômes? 
Pourquoi  guérit-il  l'hémoglobinurie  et  pourquoi  la  provoque-t-il 
ou  l'aggrave-t-il  dans  certains  cas  où  les  symptômes  initiaux 
semblent  comporter  le  même  diagnostic? 

Tout  simplement,  parce  que  la  première  forme  est  malarienne  et 
que  la  seconde  ne  Test  pas. 

Dans  les  mêmes  cas,  pourquoi  l'eau  chloroformée,  sans  quinine, 
guérit-elle  l'hémoglobinurie  et  pourquoi  est-elle  inefficace  dans 
d'autres  cas? 

Parce  que  la  première  forme  n'est  pas  malarienne  et  que  la 
seconde  l'est.  L'eau  chloroformée,  dans  une  autointoxication 
hémoglobinurique  fait  l'office  d'antiseptique  des  voies  digestives  ; 
elle  favorise  la  diurèse  et  l'élimination  des  toxines  du  sang,  sans 
compter  son  action  anesthésiante  locale.  C'est  là  tout  le  secret  de 
son  action  tant  vantée. 

La  conclusion  de  cet  exposé,  c'est  que  le  traitement  de  certaines 
formes  cliniques,  rangées  souvent  sous  la  même  étiquette  de  mala- 
riennes, doit,  pour  être  précis  et  efficace,  être  précédé  d'un  bon 
diagnostic,  et  s'attaquer  à  la  cause,  cause  qui  doit  être  recherchée 


AFRIQUE 


Mission  Richardson  à  Kano.  —  La  mission  anglaise  à  la  tète  de 
laquelle  se  trouvait  le  rév.  Richardson  et  qui  avait  pour  but  de  nouer 
des  relations  avec  le  Kano,  a,  comme  on  le  sait,  été  renvoyée  par  le 
chef  de  ce  royaume.  Les  principaux  adversaires  de  Tintroduction  de 
la  civilisation  dans  cette  partie  de  l'Afrique,  sont  Témir  de  Sokoto,  le 
roi  de  Kano  et  le  roi  de  TUgu.  11  est  probable  que  si  on  parvenait  à 
s'entendre  avec  l'émir  de  Sokoto,  les  autres  changeraient  d'attitude. 
La  Compagnie  du  Niger  faisait  un  présent  annuel  à  l'émir  ;  le  gouver- 
nement impérial  n'a  pas  continué  dans  cette  voie  et  l'émir  a  refusé 
dernièrement  de  laisser  passer  une  ligne  télégraphique  par  ses  Etats. 

M.  Richardson  donne  de  la  ville  de  Kano,  la  description  suivante. 
Comme  dans  toutes  les  autres  villes  des  Hausas,  dit-il,  on  ne  pouvait 
rien  apercevoir  de  l'extérieur.  Un  mur  de  40  pieds  de  haut  enferme 
Kano,  et  un  fossé  de  8  pieds  de  profondeur  entoure  le  mur.  Les  por- 
tes de  la  ville  sont  en  bois,  mais  elles  sont  hautes  et  lourdes,  et  gar- 
nies de  plaques  de  fer.  La  nuit,  on  appuie  contre  elles,  deux  fortes 
poutres  pour  empêcher  qu'on  ne  les  ouvre,  car  ces  portes  n'ont  pas  de 
serrures.  Les  murs  sont  extrêmement  larges  du  bas,  mais  vont  en 
s'amincissant  vers  le  sommet  où  ils  n'ont  plus  qu'un  pied  de  largeur. 
De  l'intérieur  il  est  facile  d'escalader  les  murs.  Un  chemin  de  ronde 
tourne  autour  d'eux  à  3  pieds  du  sommet.  Même  à  l'intérieur  des 
murs,  on  ne  pouvait  apercevoir  aucune  maison.  On  ne  découvrait 
qu'une  succession  de  champs  dont  les  habitants  tirent  leur  nourri- 
ture en  cas  de  siège  prolongé.  La  mission  passa  devant  la  célèbre 
roche  de  Dala.  On  dit  qu'elle  contient  de  l'or  et  que  le  jour  où  l'homme 
blanc  l'en  extraira,  le  royaume  de  Kano  aura  vécu. 


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FORMES  CLINIQUES  DE  LA  MALARIA  551 

sobre.  J'ai  toujours  admiré  la  robustesse  et  la  résistance  des 
Sénégalais,  ceux  qui,  Musulmans  (dits  Marabouts),  s'abstiennent 
scrupuleusement  de  toute  boisson  alcoolique  et  fermentée  et  qui 
ne  boivent  que  de  Teau.  Les  missionnaires  catholiques,  sobres  par 
principe  et  toujours  par  pauvreté,  fournissent  aussi  un  déchet 
moindre  que  les  autres  agents  et  explorateurs.  Serait-il  si  difficile 
aux  blancs  de  suivre  cet  exemple,  non  pas  à  la  lettre,  mais  au 
moins  de  supprimer  de  leur  ordinaire  les  liqueurs  et  les  vins 
alcoolisés  à  un  haut  titre,  l'absinthe  surtout  et  les  bières  d'expor- 
tation (allemande  principalement)  qui  sont  de  véritables  poisons 
hépatiques? 

IV.  —  Dans  les  formes  cliniques  où  Thématozoaire  de  Laveran 
doit  être  seul  incriminé,  le  quinquina,  ou  ses  sels,  en  temps  oppor- 
tun, par  voie  gastro-intestinale  ou  sous-culanée  sera  le  médica- 
ment de  choix,  sans  pour  cela  négliger  l'antisepsie  du  tube  digestif 
et  l'élimination  des  toxines  microbiennes  par  les  divers  émonctoires 
(reins,  peau,  etc.). 

V.  —  Dans  les  formes  cliniques,  qui  sont  sous  la  dépendance 
avérée  d  une  auto-intoxication,  l'indication  primordiale  est  d'éva- 
cuer au  plus  vite  les  produits  toxiques  en  s'adressant  à  la  voie 
gaslro- intestinale  (méthode  évacuante),  et  en  stimulant  les  fonc- 
tions d'excrétion  des  émonctoires  (reins  et  peau).  Il  faut  de  plus 
enrayer  l'absorption  des  poisons  par  l'usage  des  antiseptiques 
gastro-intestinaux  en  choisissant  ceux  qui  ne  diminuent  pas  les 
fonctions  rénales.  Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  certains  pur- 
gatifs (sulfate  de  soude,  sulfate  de  magnésie,  par  exemple),  sont 
par  leur  action  évacuante  les  meilleurs  antiseptiques  des  voies 
digestives  comme  le  prouvent  les  expériences  précises  de  Gilbert 
et  de  Dominicis. 

Les  purgatifs  salins,  le  calomel  seul  ou  associé  à  la  scammonée, 
l'ipéca,  l'eau  chloroformée,  etc.,  seront  les  médicaments  de  choix. 
La  quinine  est  nettement  contrindiquée  dans  ces  formées  cliniques. 
Les  médicaments  évacuants  et  les  antiseptiques  doivent  suffire  à 
abaisser  la  température.  Si  l'on  est  forcé  d'intervenir,  on  recourra 
de  préférence  à  l'hydrothérapie,  principalement  sous  forme  de 
drap  mouillé^mm  d'enveloppements  de  couvertures  sèches  jusqu'à 


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tîon  et  d'une  personne  désignée  par  l'acheteur.  Ces  deux  délégués 
choisiront  un  président.  Le  gouvernement  conserve  le  droit  d'établir 
un  impôt  général  sur  les  terres  et  les  maisons. 

Afrique  allemande  Sud-Occidentale.  Irrigation  et  agricul- 
ture. —  De  nombreux  travaux  d'irrigation  ont  été  effectués  dans 
l'Afrique  allemande  Sud-Occidentale,  notamment  aux  fermes  de 
Voigtland  et  de  Hoffnung,  près  de  Windhoek.  Le  gouvernement  vient 
de  commencer  la  construction  d'une  digue,  dont  le  coût  sera  de 
75,000  francs,  dans  un  endroit  situé  à  35  kilomètres  de  Windhoek. 
Elle  a  pour  but  de  retenir  les  eaux  d'une  vallée  et  d'assurer  la  régula- 
rité de  la  distribution.  On  compte  que  l'on  pourra  emmagasiner  ainsi 
environ  8,000,000  mètres  cubes  d'eau. 

On  ne  peut  pas  dire  que  l'agriculture  soit  dans  un  état  florissant 
dans  la  colonie.  Un  spécialiste  appartenant  au  département  de  l'agri- 
culture du  Cap,  vient  d'être  engagé.  On  espère  que  ses  conseils  aide- 
ront les  fermiers  à  améliorer  la  situation  agricole  du  pays.  Trois  nou- 
veaux jardins  d'essais,  fondés  dans  le  district  de  Keemansdorp,  vien- 
nent d'être  ajoutés  à  ceux  qui  existaient  déjà.  Deux  appaitiennent  au 
gouvernement,  le  troisième  est  une  entreprise  privée. 

Afrique  allemande  orientale.  Les  plantations.  —  Les  planta- 
lions  d'agave  du  gouvernement,  à  Kurazini,  ont  été  l'objet  de  grands 
soins.  Le  matériel  nécessaire  pour  la  préparation  de  la  fibre  a  été 
considérablement  augmenté.  Les  nouvelles  machines  ont  été  impor- 
tées à  l'île  Maurice  et  donnent  de  très  bons  résultats.  Les  plantations 
couvrent  actuellement  50  acres.  Il  y  a,  en  outre,  480,000  jeunes 
plantes  dans  les  couches.  On  a  doublé  le  nombre  des  ouvriers.  Au 
i®""  août  1899,  plus  de  4,500  kilogrammes  de  fibre  avaient  été  exportés. 
Un  plan  pour  l'établissement  d'un  chemin  de  fer  decauville  a  été 
élaboré. 

Le  jardin  de  Mohorro  a  eu  à  lutter  contre  les  mauvaises  conditions 
(îlimatériques.  Une  saison  très  humide  a  été  suivie  d'une  autre  extrê- 
mement sèche.  Cette  dernière  a  empêché  de  faire  de  grands  essais  de 
l)lantation  de  tabac.  La  saison  écoulée  a  également  été  très  sèche,  de 
sorte  qu'il  n'a  pu  être  question  de  préparer  les  terres  mises  à  part 
pour  les  expériences  de  culture  de  tabac.  Les  essais  faits  sur  la  vanille 
ont  échoué.  On  pense  même  qu'il  est  inutile  de  les  renouveler  à 
Mohorro.  La  vanille  a  mieux  réussi  à  Kitopeni  età  Chambisi,  bien 
que  de  grandes  pertes  aient  été  éprouvées  par  suite  des  pluies  prolon- 
gées. La  culture  de  l'opium  n'a  pas  non  plus  donné  de  bons  résultats 


L'IFRIQaB  ORISnTILS 


Le  Gouvernement  allemand,  ému  des  bruits  qui  circulaient  au 
sujet  de  l'avenir  des  plantations  dans  l'Afrique  Orientale  allemande, 
a  chargé  un  spécialiste,  M.  Wohltmann,  connu  déjà  précédemment 
par  ses  études  sur  la  valeur  du  Kamerun  au  point  de  vue  de  la 
culture,  de  se  rendre  dans  TAfrique  Orientale  pour  y  faire  une 
enquête  sur  place.  M.  Wohltmann  avait  pour  mission  d'examiner 
les  plantations  existantes,  de  rechercher  si  d'autres  régions  de  la 
colonie  convenaient  à  la  culture  et  de  porter  son  attention  sur  un 
emplacement  convenable  pour  un  jardin  d'essais.  On  verra  par  les 
constatations  de  M.  Wohltmann  que  si  l'Afrique  Orientale  alle- 
mande n'est  pas  comparable,  au  point  de  vue  de  la  richesse  du  sol, 
à  d'autres  colonies,  notamment  au  Kamerun,  elle  est  loin  de 
n'offrir  aucune  ressource  pour  l'établissement  de  plantations  ;  seule- 
ment, il  faut  étudier  le  terrain  et  ne  fonder  des  cultures  que  dans 
les  milieux  qui  leur  conviennent.  M.  Wohltmann  attache  une  grande 
importance  au  développement  de  la  population  indigène,  car  il 
voit  surtout  dans  cette  colonie,  un  débouché  pour  les  produits 
manufacturés  allemands.  Grâce  à  l'influence  des  Arahes,  les  indi- 
gènes ont  d'ailleurs  déjà  atteint  un  degré  de  civilisation  qui  leur 
permet  d'apprécier  l'utilité  des  marchandises  d'Europe. 

M.  Wohltmann  divise  les  territoires  qu'il  a  visités  en  trois 
groupes  :  la  région  basse,  la  région  des  collines  et  celle  des 
montagnes. 


Mal  \,  USê%3      VâVLêVl.^  1  AU  CtJ 


(Benadir)  ont  fait  des  progrès  au  point  de  vue  commercial  dans  ces 
dernières  années.  Ce  qui  manque  le  plus,  c'est  un  bon  mouillage. 
Aucun  des  ports  de  la  côte  n'offre  d'abri  suffisant  pour  les  grands 
bâtiments.  Ils  ne  sont  pas  même  favorables  aux  embarcations  indi- 
gènes. Brava  est  le  port  le  plus  facile  et  il  pourrait  être  encore  amé- 
lioré. Le  développement  agricole  du  pays  est  très  difficile  à  cause  de 
la  sauvagerie  et  de  la  perfidie  des  tribus  somalis^.  II  existe  des  terres 
qui  conviennent  parfaitement  à  la  culture  de  sansé-viera,  de  l'agave, 
des  cocotiers»  de  la  durra»  du  sésame  et  du  coton.  Les  habitants  les 
plus  paisibles  sont  ceux  de  Mogdishu  où  la  sécurité  est  presque  com- 
plète. Cette  localité  compte  6,000  âmes.  En  résumé,  le  consul  estime 
que  l'on  ne  doit  pas  déprécier  la  cote  de  Benadir,  mais  qu'il  faudrait 
améliorer  le»  moyens  de  communication.  On  pourrait  aussi  faire  des 
travaux  d'irrigation  en  se  servant  du  Shebeli  et  du  Juba. 

Ethiopie.  —  La  mort  du  négradas  Âghedau  laisse  vacante  dans 
l'empire  abyssin  une  place  qui  sera  fort  convoitée  et  qui  mérite  une 
mention  particulière.  Le  négradas  Aghedau,  que  les  blancs  appelaient 
familièrement  «  l'agent  de  change  »,  car,  à  le  voir,  on  devinait  un 
homme  de  finance,  était  le  suprême  prévôt  des  marchands  de  l'empire, 
quelque  chose  comme  le  surintendant  du  commerce  et  des  douanes  de 
l'Ethiopie. 

Une  pareille  situation  ne  va  pas  sans  de  très  gros  bénéfices  et  celui 
qui  en  est  investi  est  toujours  un  personnage  cossu,  puissant  et  envié. 

L'organisation  commerciale  de  l'Ethiopie  est  intimement  liée  à  la 
si tuation  du  négradas. 

L'Afrique,  qui  nous  a  toujours  paru  extrêmement  en  retard,  est  en 
général,  couverte  de  marches,  et  l'Abyssinie  ne  fait  pas  exception  à  la 
règle,  au  contraire.  L'Abyssin  aime  courir  les  marchés,  où  il  va  troquer 
quelques  marchandises  contre  des  thalers  ou  des  sels,  ou  bien  contre 
d'autres  denrées  dont  il  a  besoin. 

Lorsqu'on  voyage,  il  ne  se  passe  pas  un  jour  sans  qu'on  rencontre 
sur  les  routes  de  longues  théories  de  gens  se  rendant  au  marché,  leurs 
marchandises  chargées  sur  des  chevaux,  des  mulets  ou  des  ânes.  Les 
femmes,  proprement  vêtues  ce  jour-là,  portent  triomphalement  à  la 
main  ces  pains  de  sel,  qui  sont  la  monnaie  divisionnaire  du  pays.  Les 
Gallas  ont  à  cet  égard  les  mêmes  goûts  que  les  Abyssins,  et  il  ne 
serait  pas  étonnant  qu'il  y  eut  plusieurs  centaines  de  marchés  dans  le 
seul  Choa. 

Addis  Ababa  a  un  marché  quotidien,  sauf  le  dimanche,  et  une  foire 
hebdomadaire  le  samedi.  Marchés  et  foires  se  tiennent  près  de  l'église 


de  Saint-Georges.  Des  rangées  de  pierres  indiquent  les  ] 
soumises  à  un  droit  payable  aux  employés  du  prévôt 
Le  marché  aux  chevaux  est  à  côté,  sur  une  esplanade    i 
faire  galoper  les  montures.  Les  menus  objets  sont  suri    i 
les  femmes.  On  trouve  là  toute  les  denrées  du  pays  :  d 
miel  pour  faire  l'hydromel,  du  ghecho  pour  le  faire  fer    ; 
notre  houblon),  du  kousso,  qui  çst  la  médecine  la  plus  e    i 
un  pays  où  presque  tout  le  monde  a  le  ver  solitaire  et    i 
Enfin,  les  objets  à  bon  marché  de  fabrication  européei    i 
dans  de  petits  coins  sous  de  légers  parasols  :  aiguilles,    | 
tons,  etc.,  etc. 

Vers  le  milieu  du  marché  s*élève  une  sorte  de  pavîl    • 
mentaire  avec  un  étage  en  forme  de  baldaquin.  C'est  là   | 
prévôt  des  marchands  ou  ses  commis,  juges  du  marché    : 
voirs  assez  étendus.  Tout  près  est  l'arbre  qui  sert  de  p 
condamnés. 

Il  faut  que  la  leçon  soit  comprise  par  le  plus  gra  ■ 
gens  possible.  Les  voleurs  sont  jugés  et  punis  séance  U 
le  tour  du  marché  sous  la  verge,  criant  à  haute  voix 
lequel  ils  sont  punis.  Tous  les  marchés  sont  organisé 
façon,  car  chaque  gouverneur  a  un  prévôt  des  marchanc  > 
'  qui  surveille  le  commerce,  perçoit  les  droits  de  place  et    ; 
sommaire  pour  les  délits  de  vol.  Chaque  marché  constit  i 
que  l'empereur  attribue  à  ses  chefs.  Le  ras  Makonnen,  ; 
perçoit  les  revenus  d'un  certain  nombre  de  marchés.  T  i 
chefs  profitent  ainsi  des  faveurs  du  maître. 

Les  grands  centres  commerciaux  sont,  outre  A  : 
Ankobar,  Leka,  Djimma  (ces  deux  derniers  en  pays  G  i 
qui  est  aujourd'hui  le  centre  commercial  le  plus  i 
l'Ethiopie,  Sokota  dans  le  Larta,  Dane  dans  les  Wolk  , 
le  Tigré. 

Quant  au  commerce  avec  l'Europe,  il  est  centralisé  à  I 
Ababa  et  à  Adoua.  Cette  dernière  ville  est  fort  déchue  de 
importance,  mais  Harrar  ne  peut  manquer  de  voir  s'accr 
périté  commerciale  dès  que  le  chemin  de  fer  sera  tern 
tout  le  commerce  européen  est  aux  mains  des  Français,  d- 
niens  et  les  Grecs  sont  les  petits  intermédiaires. 

Bien  que  les  capitulations  n'existent  pas  en  Ethiopie, 
tique  les  Abyssins  font  autant  que  possible  régler  les 
Européens  par  les  Européens  eux-mêmes,  et  il  n'est  pas  i 
que  ceux-ci  préfèrent  s'en  remettre  au  juge  Abyssin. 


Telle  est,  en  peu  de  mots,  l'organisation  commerciale  de  l'Ethiopie. 
Elle  n'est  point  aussi  rudimentaîre  qu'on  pourrait  l'imaginer,  car 
c'est  la  seule  administration  éthiopienne  qui  comporte  une  bureau- 
cratie assez  nombreuse  et  occupée. 


AMÉRIQUE 


L'Amazonie.  Caoutchouc.  —  L'Amazonie  qui  est  le  plus  grand 
État  du  Brésil,  s'étend  entre  le  74®  et  le  54®  degré  longitude  0.  et  entre 
le  4®  degré  latitude  N.  et  le.  10^  degré  latitude  S.  Sa  superficie  est 
d'environ  600,000  milles  carrés.  Elle  est  bornée  au  nord  par  la 
Guyane  britannique  et  le  Venezuela;  à  l'ouest,  par  la  Colombie,  le 
Pérou  et  la  Bolivie;  au  sud,  par  l'Etat  de  Matto-Grosso  et  à  l'est,  par 
l'Etat  de  Para. 

Près  des  frontières  du  nord  et  de  l'ouest,  on  rencontre  quelques 
plateaux;  en  général,  cet  Etat  se  compose,  toutefois,  de  grandes 
plaines  basses  et  couvertes  de  forêts,  coupées  par  les  innombrables 
tributaires  du  fleuve  des  Amazones.  Ils  descendent  tous  des  Andes  et 
se  dirigent  vers  la  branche  de  l'Amazone,  que  l'on  appelle  le  Soli- 
moes.  Comme  ils  coulent  à  travers  un  terrain  plat,  leur  cours  est,  en 
général,  très  sinueux  et  leurs  eaux  sont  lentes.  Le  courant  du  fleuve, 
par  contre,  est  relativement  rapide;  sa  vitesse  est  d'environ  quatre 
milles  par  heure..  Le  Solimoes,  qui  se  dirige  de  l'ouest  vers  l'est, 
coupe  l'Etat  en  deux  parties  presque  égales  et  constitue  une  voie  com- 
merciale de  la  plus  haute  importance  entre  Para,  qui  se  trouve  à 
l'embouchure  de  l'Amazone,  Manaos,  la  capitale  de  l'Amazonie  et 
Iquitos,  situé  dans  le  Pérou.- Il  est  navigable  jusqu'à  cette  dernière 
localité,  pendant  toute  l'année,  pour  les  vaisseaux  qui  ne  jaugent  pas 
plus  de  douze  pieds. 

Le  tableau  suivant  donne  les  distances  entre  Manaos  et  les  princi- 
pales localités  situées  sur  le  fleuve  des  Amazones  et  .sur  les  affluents 
de  celui-ci  : 

Dislauoe.  Rivii^res. 

De  Manaos  ù  S^**  Antonio 697  milles  Madeira 

Id.        à  Alto  Acre 59  jours  Purus 

Id.        k  Bocca  do  Breu 30     —  Juriia 

Id.        à  Ouro  Oreto 21     —  Julahy 

Id.        a  Bocca  do  Jaquirama ÎO     -~  Javary 

Id.        ù  Ponço  de  Mansericlie 24    —  Solimoes 

Id.        à  Camanaos 8    —  Rio  Negro 

Id.        à  Boa  Vista 10    —  Rio  Branco 

A\  B.  —  Le  nombre  de  jours  indiqué  comprend  les  escales. 


11  est  à  remarquer  que  la  plus  grande  partie  des  gi 
Solimoes  se  dirigent  du  nord  au  sud.  C'est  le  cas  po 
sert  de  frontière  entre  le  Brésil  et  le  Pérou,  le  Jutî 
Punis  et  la  Madeira.  Un  seul  grand  tributaire  coule 
c'est  le  Negro.  Bien  qu'on  ne  rencontre  pas  de  monta 
ver  à  l'extrémité  nord  ou  ouest  de  l'Etat,  la  partie 
nord  du  Solimoes  est,  en  général,  beaucoup  plus 
marécageuse  que  celle  du  sud.  Sur  le  cours  supérieu 
un  affluent  du  Negro,  on  trouve  de  grandes  plaines  d 
sous  le  nom  de  campos  geraes  où  l'on  élève  de  noml 
C'est  aussi  pour  cette  raison  que  cette  partie  de  l'Et. 
une  valeur  moindre  et  qu'elle  est  moins  explorée  qi 
dionale  où  d'immenses  étendues  de  terres  marécageu 
précieux  Hevea  Braziliensis  dont  on  extrait  du  caou 
dire  que  l'importance  commerciale  de  l'Etat  dépend 
production  du  caoutchouc  qui  est  la  principale  indu 

Les  tableaux  suivants  indiquent  la  production  du 
l'Amazonie  et  dans  les  autres  contrées  d'où  l'on  retire 
que  la  répartition  de  la  consommation  du  caoutchouc 

Production  annuelle  du  caoutchouc  : 

Amazonie  (Brésil,  Pérou,  Bolivie) 2 

Autres  régions  de  TAmérique  du  Sud 

Amérique  Centrale  et  Mexique 

Java,  Bornéo  et  archipel  de  la  Sonde 

Afrique  orientale  et  occidentale S 

Madagascar  et  Maurice 

Inde,  Birmanie  et  Geylan 

Total.  •  •    l 

Consommation  du  caoutchouc  : 

Etats-Unis  et  Canada î 

Angleterre i 

Europe  (Angleterre  non  comprise) i 

Total.  .   .    l 

Brésil.  Le  caoutchouc.  —  Le  consul  d'Ângletei 
dans  son  rapport  pour  1899,  que  l'exportation  du  ca( 
5il  augmente  constamment.  En  1897,  l'exportation  av 
i  9,223  liv.  st.  et  en  1897,  elle  a  atteint  le  chiffre  de  î 

Comme  on  le  sait,  le  meilleur  caoutchouc  vient  de 
celui  qu'on  appelle  seringueira.  Mais  le  climat  de  cet 


plus  mauvais.  Il  fait  périr  de  fièvre  un  grand  nombre  de  récolteurs. 
Le  consul  propose  donc  aux  planteurs  de  tourner  leur  attention  vers 
la  culture  du  mangabeira  ou  du  maniçoba  que  Ton  exporte  de  Bahia. 
Le  mangabeira  pousse  presque  partout  dans  cet  Etat  et  se  développe 
dans  des  sols  sablonneux  où  rien  d*autre  ne  pourrait  pousser. 

Dans  certaines  zones  de  l'intérieur,  fertiles  en  sol  riche  et  rouge,  les 
arbres  donnent  plus  de  quatre  fois  autant  de  suc  que  dans  les  terrains 
sablonneux.  Ces  arbres  produisent,  en  outre,  un  fruit  excellent,  laman^ 
gaba.  Si  Ton  ne  devait  tenir  compte  de  la  difficulté  de  la  plantation, 
cette  variété,  qui  exige  de  huit  à  dix  ans  avant  de  produire,  serait 
Tarbre  à  caoutchouc  de  l'avenir. 

Si  Ton  considère  toutes  les  circonstances  pour  et  contre,  le  mani- 
çoba présente  plusieurs  avantages.  Il  est  facile  à  planter,  tant  au 
moyen  de  graines  que  de  boutures;  il  atteint,  en  six  ou  huit  mois,  une 
hauteur  de  six  pieds  dans  n'importe  quel  sol  et  fournit  une  quantité 
considérable  de  suc  au  bout  de  trois  ans  environ  ;  beaucoup  plu^ 
donc,  proportionnellement,  que  n'importe  quelle  plante  caoutchou- 
tière.  Un  planteur  a  mis  plus  de  100,000  maniçoba  sur  ses  terres  et  va 
augmenter  ses  plantations  jusqu'à  concurrence  de  1,000,000  d'arbres. 
Il  est  convaincu  que  cette  industrie  donnera,  dans  quelques  années,, 
des  résultats  étonnants. 

Brésil.  Les  plantations  de  café.  —  Le  consul  général  d'Angle- 
terre à  Rio  dit  que  l'on  a  fondé  fort  peu  de  nouvelles  plantations  de 
café  au  Brésil  dans  les  trois  dernières  années.  La  production  annuelle 
ne  dépassera  donc  pas,  pour  un  certain  temps,  les  derniers  chiffres. 
Les  nouveaux  plants  que  l'on  a  établis  ne  pourront  que  contrebalancer 
la  perte  éprouvée  par  suite  de  la  disparition  des  vieux  arbres. 

Les  détails  suivants,  empruntés  au  dernier  rapport  du  secrétaire  de 
l'agriculture  du  gouvernement  de  Sao  Paulo,  indiquent  l'étendue  de 
la  culture  du  café  au  Brésil.  Il  existe,  dans  la  province  de  Sao  Paulo, 
15,075  plantations  dont  11,S34  possèdent  50,000  arbres  au  moins; 
1,844  en  ont  de  60,000  à  100,000;  999  de  100,000  à  200,000;  397  de 
200,000  à  500,000,  On  trouve,  sur  ces  plantations,  1,703  machines 
pour  nettoyer  le  café,  dont  1,203  sont  mues  par  la  vapeur  et  460  par 
l'eau.  La  dette  hypothécaire  de  ces  plantations  est  évaluée  à 
240,000,000  de  milreis  ou  200,000,000  de  liv.  st.  environ. 

Dans  le  Minas  Geraes,  il  y  a  2,739  plantations  :  1,234  de  moins  de 
50,000  caféiers;  844  de  plus  de  100,000  et  64  de  plus  de  500,000.  De 
ces  plantations,  500  font  usage  d'eau  pour  mettre  leurs  machines  en 
mouvement  et  1,243  emploient  la  vapeur. 


saison  des  vents  du  sud  avec  des  températures  très  élevées.  On  note 
pendant  cette  saison  28**,  32°  et  plus  en  juillet  et  en  août  ;  en  septem- 
bre des  températures  de  18<>,  20<>  et  22o.  Dès  octobre  la  température 
s'abaisse  brusquement  à  10**  et  12"  et  novembre,  décembre  et  janvier 
offrent  un  froid  très  rigoureux.  C'est  la  saison  des  vents  du  nord-est, 
avec  des  tempêtes  de  poussière  glacée  et  des  températures  moyennes 
de6*>àl2^ 

w  La  climatologie  du  Nord  de  la  Chine  peut  se  traduire  par  la  for- 
mule suivante  :  température  très  élevée  et  chaleur  presque  tropicale 
en  été;  pluies  abondantes  et  vent  du  sud  de  juin  à  octobre;  froid  très 
vif  en  hiver,  avec  vent  du  nord  et  tempêtes  de  poussière.  Pendant 
la  saison  des  pluies,  les  cours  d'eau  débordent,  les  terrains  sont 
inondés,  et  les  routes,  en  tout  temps  fort  mal  entretenues  deviennent 
tout  à  fait  impraticables. 

w  Pendant  l'hiver,  le  sol  est  recouvert  d'une  épaisse  couche  de 
poussière  dans  laquelle  les  véhicules  s'enfoncent  jusqu'au  moyeu  des 
roue$  et  n'avancent  qu'au  prix  des  plus  grandes  difficultés. 

»  L'eau  potable  en  Chine  est  de  très  mauvaise  qualité,  c'est  un 
point  hors  de  doute  et  sur  lequel  on  ne  saurait  trop  insister,  en  rai- 
son de  la  fréquence  et  de  la  gravité  des  affections  intestinales  :  aussi 
les  Chinois  boivent  rarement,  très  rarement,  de  l'eau  pure  et  la  rem- 
placent par  du  thé.  Sur  les  navires  de  la  division  de  Chine,  on  fait 
exclusivement  usage,  depuis  nombre  d'années,  d'eau  distillée  comme 
eau  de  boisson,  et  c'est  grAce  à  ce  précepte  hygiénique  de  premier 
ordre  que  la  santé  de  nos  équipages  ne  cesse  de  se  maintenir  dans  les 
conditions  les  plus  satisfaisantes.  Pour  un  corps  expéditionnaire 
opérant  dans  ces  régions,  la  question  de  l'eau  de  boisson  est  plus 
difficile  à  résoudre  :  on  ne  peut  fournir  aux  hommes  en  colonne  de 
l'eau  distillée  ni  de  l'eau  stérilisée,  produite  par  des  appareils  spéciaux 
qui  doivent  être  réservés  pour  les  hôpitaux  et  les  établissements  per- 
manents à  terre.  Tout  au  plus  pourrait-on  distribuer  aux  hommes 
de  l'eau  bouillie,  et  encore  la  chose  serait  bien  difficile  à  réaliser  dans 
maintes  circonstances.  Mais  le  Chinois  fait  usage  comme  boisson  de 
thé,  et  on  devra  l'imiter  et  veiller  d'une  manière  toute  particulière  à 
ce  que  les  hommes  n'usent,  comme  boisson  courante,  que  de  cette 
infusion,  qui  a  l'avantage  d'être  un  aliment  d'épargne.  Bu  chaud  ou 
froid,  le  thé  est  une  boisson  excellente  qui  n'offre  pas  d'inconvénient 
pour  ceux  qui  n'en  usent  pas  avec  excès.  Le  thé  chaud  désaltère  beau- 
coup mieux  qu'une  boisson  froide  même  pendant  les  chaleurs.  Pen- 
dant les  marches,  il  sera  également  utile  de  faire  un  usage  constant 
de  filtres  de  poche  du  système  Lapeyrère,  au  permanganate  de  potasse  ; 


L  AFRIQUE  ORIENTALE  ALLEMANDE 


561 


manière  satisfaisante  pour  les  plantations  de  café.  La  popûlalion 
de  la  côte  est  assez  nombreuse  et  celle  de  l'intérieur  est  travail- 
leuse. On  n'est  donc  pas  exposé  à  manquer  d'ouvriers  dans  l'ave- 
nir. Les  salaires  sont  relativement  élevés.  A  Ngambo,  par  exemple. 


COCOTIER  DE  TROIS  ANS  ET  DEMI,   A  KIUMONI. 

on  paie,  par  mois,  10  roupies  de  salaires  plus  4  roupies  pour  la 
nourriture;  il  faut  y  ajouter  les  frais  d'enrôlement,  de  logement, 
de  médicaments  et  de  surveillance.  On  compte,  en  ce  qui  con- 
cerne ces  derniers,  qu'il  faut  au  moins  un  surveillant  par  vingt  à 
trente  ouvriers.  Si  l'on  fait  le  compte  de  tous  ces  frais,  on  arrive 
à  dépenser  par  ouvrier,  de  15  à  16  roupies  par  mois,  c'est-à-dire 
environ  27  francs.  Ce  qui  fait  pour  27  jours  de  travail,  un  franc 
par  jour.  C'est  beaucoup  en  comparaison  des  salaires  qu'on  paie 


562  ÉTUDES  COLONIALES 

dans  d'autres  pays  produisant  le  café.  Dans  d'autres  localités, 
comme  Magrotto  et  Schôiler,  les  salaires  sont  moins  élevés  ;  ils 
varient  entre  80  et  94  centimes. 

A  l'exception  de  quelques  plantations,  les  frais  d'exploitation 
sont  assez  élevés.  Alors  qu'à  Java  et  à  Ceylan,  les  frais  du  café 
arabe  sont  évalués  de  6S  à  75  centimes  par  plant,  à  raison  de 
2,000  plants  par  hectare,  non  compris  lamortissement  du  matériel 
et  du  bétail,  et  de  1  franc  à  fr.  1.12,  tous  frais  compris,  le  coût 
par  plant  est  beaucoup  plus  considérable  dans  l'Usambara.  On 
peut  l'évaluer  à  fr.  1.85  par  plant,  sans  amortissement;  dans  cer- 
taines localiti^s,  il  faudrait  même  admettre  le  chiffre  de  fr.  3.30.  Il 
faut  donc  que  les  récoltes  soient  bonnes  pour  que  Ton  puisse 
lutter  contre  la  concurrence  de  Java  et  de  Ceylan.  Cette  augmen- 
tation de  frais  est  principalement  attribuable  à  l'élévation  des 
salaires  et  aux  difficultés  des  moyens  de  transport.  Aussi  faudrait- 
il  que  l'on  prolonge  le  chemin  de  fer  Tanga-Muhesa  jusqu'à 
Korogwe. 

Plantations  de  cocotiers.  —  Tout  le  long  de  la  côte  de 
l'Afrique  Orientale  allemande,  on  aperçoit  des  cocotiers,  isolément 
ou  en  groupes.  Le  climat  de  la  côte  leur  convient  parfaitement  et 
le  sol,  à  quelques  exceptions  près,  également.  Le  cocotier  exige 
beaucoup  de  soleil  et  de  clarté  et  un  emplacement  près  de  la  mer. 
Il  se  contente  de  1,200  millimètres  de  pluie  par  an.  Il  croît  par- 
tout^ sauf  dans  les  terrains  rocailleux  ou  marécageux  à  eau  sta- 
gnante. Il  préfère  les  terres  contenant  un  peu  d'alcali  comme  les 
sables  de  la  mer.  On  n'a  malheureusement  pas  tenu  compte  de  ces 
faits  et  c'est  ce  qui  explique  l'échec  de  plusieurs  entreprises  de 
plantation  de  cocotiers. 

Il  existe  dans  la  colonie  plusieurs  grandes  plantations  de  coco- 
tiers dont  l'étendue  atteint  jusqu'à  1,500  et  1,600  hectares  et  qui 
contiennent  jusqu'à  200,000  cocotiers.  En  dehors  des  plantations 
récentes,  on  peut  citer  celle  du  sultan  de  Zanzibar,  celle  de  la  mis- 
sion catholique  de  Bâgamoyo,  celles  des  îles  Mafia  et  Koma,  qui, 
toutes,  démontrent  que  le  sol  se  prête  à  cette  culture.  Des  milliers 
d'hectares  encore  vacants  pourraient  y  être  consacrés. 

Piantatlons  de  ramie.  —  L'Afrique  Orientale  allemande  con- 


Le  consul  croit  que  le  développement  de  Tien-Tsin  ne  fera  que 
grandir.  Cette  ville  vient  immédiatement  après  Shanghaï.  Il  y  existe 
actuellement  quatre  banques  étrangères,  quatre-vingt  et  une  maisons 
de  commerce  et  1,400  résidents  étrangers.  Le  prix  du  terrain  a  forte- 
ment augmenté  depuis  douze  ans.  Dans  certains  cas,  le  prix  de  l'acre  a 
monté  de  3,000  taëls  à  45,000  taëls.  On  y  a  établi  une  canalisation 
d'eau  et  de  gaz.  D'importantes  habitations  se  construisent  à  Tien-Tsin 
et  une  nouvelle  ville  se  bâtit,  le  long  de  la  cote,  à  160  milles  de  dis- 
tance. Les  importations  ont  été,  l'année  dernière,  de  5,891,968  liv.  st., 
et  les  exportations  de  3,854,884  liv.  st. 

Birmanie.  —  La  Birmanie  a  été  dotée  par  la  nature  de  tous  les 
dons.  Son  climat  ne  pourrait  être  meilleur  et  son  sol  est  d'une  iné- 
puisable fertilité.  Au  commencement  du  XX®  siècle,  elle  promet  d  être, 
pour  l'ancien  monde,  ce  que  la  Sicile  a  été  autrefois  pour  l'Italie. 
Maintes  fois,  ce  pays  a  sauvé  l'Inde  de  la  famine.  Chaque  année,  on  en 
exporte  au  moins  8,500,000  tonnes  de  riz,  valant  11,000,000  de  liv.  st. 
Les  forêts,  qui  sont  en  grande  partie  inexploitées,  représentent  une 
valeur  colossale.  Le  commerce  des  poissons  rapporte  plusieurs  mil- 
lions par  an.  On  ne  remarque  pas  dans  ce  pays,  comme  dans  tant 
d'autres  de  même  nature,  l'extrême  richesse  alliée  à  l'extrême  misère. 
Il  n'y  est  pas  fait  abus  de  la  richesse;  on  l'emploie,  au  contraire,  à 
des  buts  religieux  ou  éducatifs.  Le  plus  grand  titre  d'honneur 
qu'on  puisse  donner  à  quelqu'un,  est  celui  de  «  Fondateur  de 
temple  ». 

Le  commerce  est  aussi  développé  que  celui  de  l'Europe.  Les  étoffes 
de  soie  et  de  laine,  les  sculptures  sur  bois  et  les  objets  en  métal  de  la 
Birmanie  jouissent  partout  d'une  grande  réputation.  L'architecture 
est,  sous  bien  des  rapports,  quelque  peu  bizarre  et  trahit  évidenunent 
l'influence  hindoue.  On  peut  qualifier  sans  exagération,  les  temples 
de  la  Birmanie,  de  merveilles.  À  Pagan,  une  des  anciennes  capitales, 
les  ruines  couvrent  des  milliers  d'acres.  Rien  ne  tenait  plus  à  cœur 
aux  anciens  rois  que  l'édification  de  temples.  On  dit  même  qu'une 
dynastie  lui  doit  sa  chute  :  elle  avait  ruiné  le  pays  par  ses  construc- 
tions. 

L'histoire  politique  de  la  Birmanie  peut  être  exposée  en  peu  de 
mots.  Des  nomades,  venus  du  Nord,  s'établirent  d'abord  dans  le  pays. 
Puis,  vers  le  X®  siècle,  un  peuple  d'origine  annamite  en  fit  la  conquête. 
La  Birmanie  fut  alors,  pendant  sept  siècles,  le  théâtre  de  luttes  intes- 
tines. Au  milieu  du  XVIII®  siècle,  les  Birmans  se  soulevèrent  sous  la 
conduite  de  Alaung-Paga,  surnommé  le  Sauveur.  Us  s'affranchirent 


Le  mode  de  lenure  qui  paraît  le  plus  favorable  —  il  a  donné  d'ex- 
cellents résultats  au  Tonkin  —  est  le  métayage.  Jusqu'à  présent,  les 
colons  s'en  sont  assez  bien  trouvés  et  il  ne  semble  pas  qu*ils  aient 
l'intention  de  l'abandonner.  Généralisé  au  Tonkin  et  très  commun  en 
Annam,  ce  régime  n'existe  en  Cochinchine  qu'à  l'état  d'exception. 
Les  plantations  européennes  y  sont  huit  fois  sur  dix  soumises  à  l'ex- 
ploitation directe.  L'Annamite  de  la  Cochinchine  se  fixe  bien  sur  une 
concession,  accepte  volontiers  du  riz,  des  outils  de  labour  et  des 
buffles.  Mais  dès  que  le  planteur  prétend  rentrer  dans  ses  débours,  en 
prélevant  sur  la  récolte  ultérieure  une  part  déterminée,  l'indigène  fait 
des  difficultés  et  déserte  le  plus  souvent  la  concession.  Malgré  ces 
inconvénients  et  la  versatilité  d'esprit  de  l'Annamite  cochinchinois, 
certains  colons  sont  entrés  dans  cette  voie. 

Le  riz  est  naturellement  la  base  de  l'exploitation  agricole  des  plan- 
teurs. Il  occupe  les  cinq  sixièmes  des  surfaces  cultivées.  Cette  culture 
assure  à  celui  qui  s'y  adonne  des  résultats  presque  certains.  Elle  lui 
permet,  d'autre  part,  de  se  livrer  à  des  cultures  de  denrées  coloniales 
plus  rémunératrices,  sans  doute,  mais  aussi  plus  hasardeuses.  Les 
cultures  autres  que  le  riz  comprennent  4  à  5,000  hectares.  Citons,  en 
première  ligne,  le  café,  qui  s'étend  sur  une  superficie  de  681  hec- 
tares, dont  171  en  Cochinchine,  50  au  Cambodge,  266  en  Annam  et 
194  au  Tonkin.  On  compte  dans  ce  dernier  pays,  18  plantations  de 
café  au-dessus  de  20  hectares.  Les  principaux  centres  dans  lesquels 
sont  ces  plantations,  sont  les  provinces  de  Hung-Hou,  de  Ha-Nam,  de 
Nin-Binh  et  de  Hoa-Linh. 

Certains  planteurs  se  sont  livrés  à  cette  culture  sur  une  grande 
échelle.  L'un  d'eux  possède  jusqu'à  200  hectares  de  café.  Malgré  tout, 
les  résultats  de  cette  culture  n'ont  rien  de  définitif.  On  en  est  encore 
à  se  demander  ce  qu'elle  est  susceptible  de  donner.  Il  en  est  pas  de 
même  pour  le  thé,  dont  l'aire  de  culture  est  bien  inférieure  (185  hect.), 
mais  qui  a  permis  en  Annam,  surtout  à  quelques  colons,  de  réaliser 
d'importants  bénéfices.  Ils  achètent  des  thés  indigènes,  qu'ils  manu- 
facturent dans  des  usines  spéciales  et  les  expédient  en  Europe.  La 
Cochinchine  et  le  Cambodge  sont,  par  excellence,  des  pays  produc- 
teurs de  poivre,  et  le  nombre  de  pieds  plantés  s'accroit  tous  les  jours. 
Les  poivrières  appartenant  aux  colons  occupent  213  hectares,  dont 
175  en  Cochinchine.  Elles  sont  toutes  en  plein  rapport,  mais  la  plus 
belle  est  sans  contredit  celle  de  Hong-Chong,  sur  le  golfe  de  Siam, 
dans  la  province  de  Ha-Tien,  qui  comprend  38  hectares. 

Si  Ton  compare  les  planteurs  en  les  cataloguant  par  profession,  on 
observe  que  le  pourcentage  des  fonctionnaires  est  supérieur  à  tous 


unilUiMuiJJc 


les  autres.  L'apport  qu'ils  ont  fourni  à  la  colonisation, 
surtout,  est  considérable.  Par  contre,  le  colon  plantei 
Tonkin  et  en  Ânnam,  pays  de  grandes  concessions  et  d' 
colonisateur  que  la  Cochinchine.  De  tous  les  planteu 
entrepreneurs  qui  semblent  montrer  le  plus  d'initiat 
missionnaires,  ils  possèdent  d'innombrables  plantati< 
connaît,  sauf  en  Cochinchine  et  au  Cambodge,  ni 
l'étendue. 

Les  causes  d'insuccès  les  plus  fréquentes  sont  le  dé 
pour  les  cultures  locales,  le  manque  de  capitaux,  l'î 
main-d'œuvre  et  l'absentéisme.  Il  est  singulièrement  i 
mencer  par  une  autre  culture  que  le  riz.  C'est  par  exe 
ture  de  soutien.  Le  manque  de  capital  est  une  cause  i 
succès.  On  ne  saurait  trop  répéter  qu'en  tenant  con 
inévitables,  des  difficultés  provenant  du  climat,  de  Tii 
la  plupart  des  colons,  des  défrichements  souvent  née 
lenteur  de  rapport  de  certaines  cultures,  il  est  imprude 
à  faire  de  la  colonisation  en  Indo-Chine  à  moins  d'un 
mum  de  40  à  80,000  francs. 

La  question  de  la  main-d'œuvre  préoccupe  à  la  fois  T; 
et  le  colon,  car  s'il  y  a  pléthore  dans  certaines  régions  - 
dans  l'Annam  —  la  population  est  clairsemée  dans  les 
de  l'Indo-Chine.  L'immigration  des  pays  surpeuplés  v( 
sont  à  peine,  n'a  été  jusqu'à  présent  qu'imperceptible 
l'Annamite,  très  sédentaire,  très  attaché  à  la  vie  de  ' 
déplace  que  sous  le  coup  d'une  nécessité  absolue.  L'î 
émue  des  plaintes  des  colons,  s'occupe  en  ce  morne 
mouvement  d'émigi*ation  chinoise  à  Hai-Nan,  où  fond 
agence  allemande. 

L'absentéisme  est  la  dernière  cause  d'insuccès,  im 
rare.  La  présence  du  colon  dans  son  exploitation  est  ;  i 
sable  que  celle  du  chef  d'industrie  dans  son  usine 
n'avoir  pas  tenu  assez  compte  de  ce  principe,  que  pa 
teurs  ont  échoué  dans  leurs  entreprises  de  colonisa 
rare  de  trouver,  en  effet,  un  indigène  ou  un  métis  asse  i 
et  avisé  pour  remplacer  l'Européen  dans  ses  fonctions. 

Formose.  —  Dans  son  rapport,  M.  Ichihara,  aid(    I 
du  gouvernement  de  Formose,  dit  que  les  travaux  d     i 
de  Taku  à  Tainan  avancent  rapidement  ainsi  que  c( 
Kelung.  Les  écoles  ont  formé  jusqu'à  présent  200  bacl 


japonais.  Un  certain  nombre  en  sont  employés  dans  les  bureaux  du 
gouvernement,  mais  la  plupart  remplissent  les  fonctions  d'insti- 
tuteurs dans  les  écoles  primaires  de  Taipeh,  Taichiu  et  Talnan. 
Les  rues  de  Taipeh  sont  bordées  de  magasins  et  de  dépôts  comme  à 
Tokio. 

Le  commerce  des  indigènes  consiste  dans  la  vente  de  marchandises 
importées  de  Hong  Kong,  à  des  prix  relativement  bas. 

La  force  des  brigands  diminue  considérablement.  Il  n'y  a  plus  de 
chefs  disposant  de  plus  de  70  hommes.  Des  armes  sont  cependant 
encore  introduites  en  contrebande  de  la  Chine.  Le  nombre  des  Japo- 
nais résidant  à  Formose  est  de  plus  de  40,000.  Le  chiffre  de  la  popu- 
lation  indigène  inscrite  est  de  2,500,000  habitants.  La  population  des 
îles  Pescadores  est  évaluée  à  100,000  âmes. 


OCÉANIE 


Java.  Combustible  liquide.  —  Une  compagnie  exploitant  le 
pétrole  à  Java  va  mettre  bientôt  sur  le  marché  un  nouveau  combus- 
tible. Le  fait  a  son  importance  en  présence  de  la  hausse  du  prix  du 
charbon.  Ce  combustible  est  le  résidu  résultant  du  raffinage  du  pétrole, 
et  l'expérience  prouve  qu'à  bord  des  steamers,  il  est  supérieur  au 
charbon,  sous  plusieurs  rapports. 

On  prétend  qu'une  tonne  de  ce  combustible  a  une  puissance  de 
chauffe  égale  à  celle  de  deux  tonnes  du  meilleur  charbon  japonais. 
On  pourra  aussi  l'employer  dans  l'industrie,  les  entreprises  de  tram- 
ways à  vapeur,  etc. 

Un  grand  tank  a  été  construit  dans  le  port  de  Batavia.  Il  peut  con- 
tenir environ  4,000  tonnes  de  ce  liquide,  dont  la  source  est,  paraît-il, 
inépuisable.  Le  prix  en  est  très  modéré  si  on  le  compare  aux  prix 
actuels  du  charbon.  Le  tank  est  relié  au  port  par  une  canalisation  de 
six  pouces  de  diamètre.  Les  navires  peuvent  donc  remplir  leurs  réser- 
voirs en  un  très  bref  espace  de  temps.  On  projette  de  construire  des 
tanks  du  même,  genre  dans  d'autres  ports. 

Bornéo.  Un  enterrement  chez  les  Madangs.  —  M.  Ch.  Hose, 

résident  anglais  du  district  de  Baram,  dans  la  partie  anglaise  de  l'île 
de  Bornéo,  décrit  de  la  manière  suivante  un  enterrement  auquel  il 


«^iiitui^iULir. 


assista  chez  les  Madangs,  peuplade  du  centre  de  Tile. 
sistaît  en  une  caisse  de  bois,  creusée  dans  un  tronc 
orné  de  dessins  circulaires  noirs  et  rouges  et  une  petite 
était  représentée  à  chaque  extrémité.  Ce  cerceuil  était  1 
perche  qui  reposait  sur  les  épaules  de  treize  porteurs, 
monde  fut  arrivé  au  lieu  d'inhumation,  un  homme  cuei 
minces,  de  cinq  pieds  de  long.  Il  en  fendit  un  presque 
mité,  puis,  il  planta  en  terre  la  partie  encore  entière 
former  un  V  à  travers  duquel  une  personne  pouvait  pas 
en  deux  que  la  partie  supérieure  de  Tautre  bâton  et  pas; 
à  travers  l'ouverture,  de  manière  à  former  une  croix.  I 
lement  dans  le  sol.  Le  convoi  funèbre  monta  ensuite  ve 
l'enterrement  devait  avoir  lieu  et  chacun  des  assistants 
le  V.  Après  que  le  cercueil  eut  été  posé  sur  un  échafi 
orné  de  dessins,  ce  qui  était  la  fin  de  la  cérémonie, 
retournèrent  en  se  suivant  sur  les  talons  aussi  vite  qu( 
repassèrent  par  l'ouverture  du  bâton,  en  prononçant  ui 
le  sens  était  :  «  Protège-nous  contre  le  malheur  et  la  ma 
tous  furent  passés,  on  lia  ensemble  les  deux  bouts  du  bâ 
mots  furent  adressés  au  bâton  en  forme  de  croix  qu'i 
mur  de  séparation  entre  les  vivants  et  les  morts.  Tous  1 
se  baignèrent  alors  en  se  frottant  avec  du  gravier.  M 
voir  une  réminiscence  de  l'idée  mosaïque  de  l'impur 
Pour  les  Madangs,  c'est  une  grande  satisfaction  que 
tenir  les  esprits  des  morts  loin  d'eux.  Ils  pensent  que  W 
çoit  de  la  mort  du  corps  que  quelque  temps  après  qu< 
transporté  au  lieu  d'inhumation  et  qu'il  ait  eu  le  temps 
les  armes  que  l'on  enterre  avec  le  cadavre.  Jusqu'à  ( 
ferment  le  lieu  dlnhumation  en  liant  le  bâton  fendi 
craignent  donc  le  retour  des  esprits  des  morts. 

Nouvelle-Guinée  anglaise.  —  La  Nouvelle-G 
.semble  se  prêter  avantageusement  à  la  culture  des  ara 
cimens  de  la  première  plantation  qu'on  y  a  fondée,  \ 
leures  arachides  produites  dans  d'autres  régions.  Le 
râbles  à  cette  culture  sont  susceptibles  de  rapport 
évaluations,  au  moins  4  tonnes  d'arachides  par  acre,  ei 
ditions  spéciales,  ils  pourraient  donner  deux  récoll 
terres  peuvent  s'obtenir  du  gouvernement  à  raison  ( 
Vacre,  en  pleine  propriété.  On  n'a  fait  usage,  jusqu'à 
main-d'œuvre  indigène  ;  son  coût  est  de  3  liv.  st.  par 


nourriture  et  d*habillcmcnt  des  indigènes  ne  sont  qu'une  bagatelle. 
Les  vêtements  consistent  en  une  simple  bande  de  calicot,  tournée 
autour  des  reins  et  la  nourriture  se  trouve  dans  le  pays.  En  général , 
pour  la  valeur  d'une  livre  de  tabac  ordinaire,  on  peut  nourrir 
50  hommes  pendant  un  mois.  Le  planteur  doit  posséder  une  embar- 
cation de  8  à  10  tonnes  pour  aller  acheter  la  nourriture  dans  les 
différentes  iles. 

Iles  Samoa.  Commerce  en  1899.  —  Malgré  les  troubles  intérieurs 
qui  ont  agité  les  îles  de  Samoa  pendant  plusieurs  mois,  l'année  der- 
nière, l'exercice  1899  marque  un  progrès  considérable  tant  en  impor- 
tations qu'en  exportations.  Le  chiffre  obtenu  est  même  le  plus  élevé 
qui  ait  été  atteint  depuis  1892,  année  où  les  statistiques  officielles  ont 
été  fondées.  Ce  résultat  est  dû  à  l'excellente  récolte  de  copra.  Le 
chiffre  des  importations  a  été  de  2,141,004  marcs 'et  celui  des  expor- 
tations de  1,488,960  marcs. 

Les  objets  d'habillement  et  les  denrées  alimentaires  continuent  à 
être  les  principaux  articles  d'importation.  Les  indigènes  apprécient 
beaucoup  les  viandes  salées  et  conservées.  Ils  les  consomment  à  l'occa- 
sion de  leurs  festivités.  En  temps  ordinaire,  ils  se  nourrissent  de  pro- 
duits du  pays. 

Les  Samoyens  se  trouvent  en  contact  avec  les  Européens  depuis 
soixante-dix  ans.  Ils  se  sont,  pendant  cet  espace  de  temps,  assimilé  un 
grand  nombre  d'habitudes  européennes.  Le  soir,  par  exemple,  on  voit 
brûler  des  lampes  à  huile  dans  toutes  les  habitations  indigènes.  La 
machine  à  coudre  est  maniée  avec  beaucoup  de  dextérité  par  les 
femmes  du  pays.  La  demande  d'ombrelles  est  toujours  forte,  car  on 
les  considère  comme  un  signe  de  distinction. 

On  peut  affirmer  que  les  importations  augmenteront  chaque 
année.  Le  rétablissement  de  l'ordre  permettra  aux  indigènes  de 
s'adonner  à  la  culture  du  sol  et  d'augmenter,  par  suite,  leur  puis- 
sance d'achat. 

La  plus  grande  partie  du  copra  exporté,  est  préparée  par  les  indi- 
gènes. Ils  le  font  d'une  façon  très  primitive,  en  faisant  sécher  les 
noyaux  de  la  noix  de  coco  au  soleil.  Une  société  allemande  s'applique 
à  cette  industrie  avec  de  grands  soins.  Ses  produits  sont  beaucoup 
plus  recherchés.  Les  indigènes  cueillent  trop  souvent,  dans  leur  hâte 
de  réaliser  un  profit,  les  fruits  avant  d'être  mûrs.  Cette  société  ne 
recueille  les  fruits  que  lorsqu'ils  sont  tombés  à  terre.  Elle  fait  aussi 
sécher  les  noix  dans  des  appareils  à  chauffage  spéciaux,  donnant  une 
chaleur  plus  uniforme  que  celle  du  soleil. 


BIBLIOGRAPHIE 


Der  Tabak,  Studieti  nber  seine  Kultur  und  Biologie,  par  C.-J.  Koning.  —  Un  vol. 
in-4*  de  87  pages.  Amsterdam,  J.  H.  et  G.  Van  Heteren,  et  Leipzig,  Wllhelm  Engel- 
mann,  1900. 


Le  travail  de  M.  Koning  est  une  étude  botanique  et  chimique  très 
approfondie,  entreprise  à  l'instigation  de  M.  le  professeur  Forster,  à 
qui  l'auteur  a  dédié  son  ouvrage.  Le  point  principal  des  recherches  de 
M.  Koning  était  de  s'assurer  si  les  bactéries  jouent  un  rôle  dans  la 
fermentation  du  tabac.  Ces  recherches  se  sont  étendues  à  un  grand 
nombre  de  questions  intéressant  la  physiologie  et  la  culture  de  la 
plante,  et  même  à  l'étude  des  maladies  parasitaires  qui  l'attaquent. 
L'ensemble  constitue  une  véritable  monographie  du  tabac.  Bien  que 
les  expériences  qui  s'y  trouvent  relatées,  faites  en  Hollande,  aient 
porté  principalement  sur  des  tabacs  du  pays,  leurs  conclusions  n'en 
sont  pas  moins  applicables  aux  plantations. exploitées  dans  des  con- 
trées exotiques. 

L'auteur  consacre  plusieurs  chapitres,  que  nous  ne  pouvons  résu- 
mer ici,  à  la  classification  commerciale  des  tabacs,  aux  engrais  chi- 
miques, aux  procédés  de  culture,  à  l'anatomie  et  à  la  physiologie  de 
la  plante.  Ce  dernier  chapitre  contient  une  remarquable  description 
des  tissus  de  la  feuille  du  tabac.  Suit  une  longue  étude  physique  et 
chimique  des  conditions  de  la  fermentation;  l'auteur  y  relate  les 
importantes  expériences  auxquelles  il  s'est  livré  dans  les  magasins  de 
tabacs  de  MM.  Herschel  à  Amersfoort  et  de  Hartog  à  Wageningen.  De 
l'examen  bactériologique  résulte  l'existence,  dans  la  fermentation,  de 
plusieurs  bacilles;  l'auteur  les  a  étudiés  soigneusement  et  a  fait  entre 
autres  cette  constatation  intéressante  que  la  présence  du  Bacillus  tabaci 
a  pour  effet  de  développer  un  arôme  agréable. 

La  dernière  partie  de  l'ouvraj^e  est  consacrée  aux  maladies  parasi- 


LE   PEUPLE   CHLNOIS  575 

OU  baroques.  Il  faut  se  demander  quelle  est  Tidée  qui  se  cache 
derrières  ces  apparences,  quel  est  le  mobile  qui  fait  agir  ce  peuple 
d'une  manière  déterminée,  et  quelle  est  la  relation  à  laquelle  cor- 
respond une  manifestation  donnée.  On  ne  violente  pas  impunément 
une  conduite  basée  sur  une  tradition  immémoriale,  et  Ton  ne  peut 
agir  avec  assez  de  précaution  quand  on  veut  modifier  un  ordre  de 
choses  qu'une  longue  série  de  siècles  a  consacré.  Il  faut  tenir 
compte,  quand  on  veut  juger  la  Chine,  de  la  mentalité  spéciale  de 
son  peuple,  résultat  de  l'énorme  accumulation  d'idées,  de  pré- 
jugés, de  coutumes  et  de  superstitions  qui  se  sont  entassées  au 
cours  de  l'étonnante  durée  de  cet  empire,  et  dont  aucune  force 
extérieure  n'est  venue  troubler  la  cohésion. 

Un  auteur  réputé  ajuste  titre,  M.  Colquhoun,  a  étudié  le  difficile 
et  complexe  problème  de  la  psychologie  chinoise  dans  son  livre  : 
China  in  transformation.  La  longue  expérience  qu'il  a  acquise 
dans  les  différentes  fonctions  qu'il  a  exercées  en  Orient  avant  de 
se  rendre  en  Chine,  l'avait  admirablement  préparé  à  pénétrer  l'esprit 
des  Chinois.  11  a  su  découvrir  ce  qu'il  y  avait  de  logique  et  de 
sensé  dans  bien  des  manières  d'agir  des  Chinois,  qui,  au  premier 
abord,  paraissent  contradictoires  et  inconciliables.  Il  a  également 
déterminé  avec  grande  justesse,  semble-t-il,  les  caractères  spé- 
ciaux qui  distinguent  la  civilisation  chinoise  de  celles  de  l'Occi- 
dent, et  qui  lui  donnent  son  originalité. 

Deux  grands  faits,  au  dire  de  M.  Colquhoun,  différencient  le 
peuple  chinois  de  tous  ceux  que  nous  voyons  autour  de  nous  ou  que 
nous  connaissons  par  l'histoire  :  sa  masse  et  sa  durée  sans  précé- 
dent. Ces  deux  faits  expliquent  bien  des  choses  qui,  à  première  vue, 
apparaissent  à  l'étranger  comme  des  paradoxes.  L'histoire  ne  nous 
offre  aucun  autre  exemple  d'une  telle  accumulation  d'expériences, 
de  coutumes,  de  cérémonies  et  de  superstitions.  Les  premières 
nations  contemporaines  de  la  Chine  sont  toutes  tombées  en  pous- 
sière depuis  longtemps;  plus  d'une,  plusieurs  fois  même;  et  la 
chaîne  de  leurs  traditions  a'^été  rompue.  Ou  peut,  toutefois,  se 
demander  si,  au  lieu  d'avoir  à  reconstituer  péniblement  l'histoire 
de  ces  nations  d'après  des  inscriptions  tumulaires,  ou  leur  religion 
d'après  des  bribes  de  mythologie,  nous  trouvions  encore  debout 
les  anciens  Egyptiens  et  les  anciens  Grecs,  nous  ne  constaterions 
pas  chez  eux  les  mêmes  superstitions  confuses  et  contradictoires 


jeunes  Isonandra  de  Singapore  en  1847.  La  moitié  en  vivait 
encore  deux  ans  plus  lard.  En  1883,  deux  d'entre  ces  derniers  don- 
nèrent des  fruits  et  des  graines  en  abondance  et,  en  février  de 
l'année  suivante,  on  planta  dans  le  Cultmu'tuin  de  Tjikeumeuh, 
150  plantes  provenant  de  ces  graines. 

En  485G,  le  jardin  de  Buitenzorg  reçut  aussi  2,000  jeunes  spéci- 
mens de  Niato  balam  tembaga,  de  la  côte  occidentale  de  Bornéo 
que  le  directeur  M.  J.  E.  Teijsman,  répartit  en  trois  endroits  dif- 
férents de  nie  de  Java.  De  deux  de  ceux-ci,  ils  disparurent  mais 
quatre-vingts  de  ceux  qui  furent  envoyés  à  Purwokarta  vinrent  à 
maturité.  Bien  qu'ils  ne  fussent  pas  d'une  vigueur  exceptionnelle, 
ils  ont  cependant  produit  régulièrement  depuis  1883,  des  graines 
qui  se  sont  montrées  excellentes  pour  la  propagation. 

En  188i,  différentes  sortes  de  Palaquium  et  des  Payena  ont  été 
plantés  à  Tjikeumeuh.  Au  nombre  se  trouvait  le  Pal.  Oblongifolium 
apporté  à  Padang  par  le  D*^  Burck.  Les  autres  spécimens  compre- 
naient du  Pal,  Gulta^  Pal.  Treubri,  Pal.  Borneense  et  des  Payena 
Lerii. 

En  1885,  un  vaste  jardin  d'essais  a  été  créé  par  le  gouvernement 
hollandais  à  Tjipetir  dans  la  régence  de  Preanger,  à  l'altitude  de 
1,300  pieds.  On  y  mit  les  mêmes  plantes  qu'à  Tjikeumeuh.  En 
1895,  c'est-à-dire,  onze  années  après  avoir  été  plantés,  les  arbres 
ont  fourni  des  fruits  en  abondance.  La  plantation  a  depuis  été 
étendue. 


Propagation  des  arbres  à  gutta-percha. 

On  a  dit  fréquemment  que  les  arbres  à  gutta-percha  ne  pouvaient 
pas  être  propagés  au  moyen  de  graines.  On  peut  cependant  affir- 
mer le  contraire  sur  l'autorité  du  D*^  Treub.  Toutefois,  les 
graines  ne  conservent  pas  longtemps  leur  pouvoir  de  germination. 
Une  méthode  plus  sûre  est  celle  du  marcotage  qui  consiste  à 
enterrer  une  branche  de  l'arbre  dans  la  terre;  on  l'y  laisse  prendre 
racine;  après  quoi,  on  la  sépare  de  la  plante  mère. 

D'après  les  renseignements  obtenus  d'un  vieux  Chinois  par  le 
D'  Obach,  on  peut  aussi  se  servir  de  boutures  prises  sur  un  vieil 


LE  PEUPLE  CULNOIS  577 

parable  agent  poar  extraire  des  déchets  de  l'industrie  hamaine,  le 
dernier  profit  qu'ils  contiennent.  II  ne  demande  aucun  confort; 
encore  moins,  aucun  luxe.  Mais  bien  qu'il  sache  se  tirer  d'affaire 
avec  une  maigre  pitance,  il  ne  se  laisse  pourtant  manquer  de  rien 
quand  il  peut  s'offirir  une  nourriture  fortifiante  et  choisie. 

Le  sentiment,  tel  que  nous  le  concevons,  n'est  pas  compris  par 
le  Chinois.  Sa  vie  est  établie  sur  une  base  commerciale.  Gela  est  si 
vrai  que  quand  les  salaires  sont  très  bas,  il  lui  arrive  de  faire  la 
balance  entre  le  travail  et  la  nourriture,  et  de  conclure  que  puisque 
une  dépense  de  force  déterminée  exige  une  telle  quantité  de  nour- 
riture, le  feu  n'en  vaut  pas  la  chandelle.  Il  travaille  un  nombre 
d'heures  ridiculement  long  pour  un  profit  extrêmement  modéré.  Le 
tintement  du  marteau  de  l'artisan  et  le  bourdonnement  d&s  navettes 
s  entendent  dans  les  rues  à  toutes  les  heures  de  la  nuit,  et  Taube 
trouve  déjà  l'ouvrier  au  travail.  L'endurance  du  Chinois  apparaît 
clairement  aux  étrangers  dans  des  besognes  comme  celles  de 
domestique  et  de  garde-malade.  Il  excelle  dans  ce  genre  d'occu- 
pation. Peu  importe  l'heure  [à  laquelle  les  maîtres  rentrent,  les 
domestiques  sont  toujours  debout,  et,  le  matin,  ils  répondent  au 
premier  appel,  comme  s'ils  avaient  eu  douze  heures  de  repos 
ininterrompu.  Comme  garde-malades,  les  Chinois  sont  tranquilles^ 
précautionneux  et  infatigables.  Point  n'est  besoin  avec  eux  de 
régler  un  roulement  entre  les  gardes  de  nuit  et  de  jour.  Les  bribes 
de  sommeil  qu'ils  peuvent  saisir  à  l'un  ou  à  Tautre  moment  perdu, 
leur  suffisent. 

La  robuste  musculature  des  Chinois  s'allie  à  une  grande  finesse. 
Leurs  mains  et  leurs  pieds  sont  bien  faits  et  leurs  doigts  ont  uae 
subtilité  et  une  délicatesse  remarquables.  Leur  habileté  dans  les 
travaux  les  plus  ténus,  tels  que  la  sculpture  fouillée  du  bois  ou  de 
l'ivoire,  la  peinture  en  miniature  et  la  fine  broderie  est  bien  con- 
nue. Aussi,  quand  les  industries  manufacturières  d'Europe  seront 
introduites  en  Chine,  ne  rencontrera-t-on  aucune  difficulté  pour 
trouver  la  main  d'œuvre  nécessaire  aux  productions  les  plus  déli- 
cates. De  nombreuses  expériences  ont  démontré  l'aptitude  des 
artisans  et  des  mécaniciens  chinois  à  se  servir  des  machines.  Ce 
n'est  pas  seulement  à  l'atelier  et  sur  les  chantiers  que  l'habileté 
des  Chinois  a  été  éprouvée  et  appréciée,  mais  aussi  dans  les 
emplois  qui  entraînent  des  responsabilités,  comme  ceux  de  machi* 


le  sol  et  tournissent  un  produit  dont  il  est  laeile  de  tirer  prolit. 
Comme  les  arbres  à  gutla-percha  commencent  à  fleurir  en  grand 
nombre  à  Tjipetir,  on  pense  que  dans  les  années  qui  vont  suivre, 
ils  procureront  des  quantités  considérables  de  graines.  En  ce  qui 
concerne  le  Payenna  Leerii,  le  gutla-percha  qu'il  produit  n'est  pas 
d'aussi  bonne  qualité  que  celui  des  genres  Palaquium;  par  contre, 
cet  arbre  convient  admirablement  au  boisement.  Il  supporte  un 
ombrage  épais  et  forme  très  vite  des  plantations  serrées  et  cou- 
vrant entièrement  le  sol.  Plantés  de  10  à  42  mètres  de  distance, 
ces  arbres  constituent,  après  onze  à  douze  années,  une  foret  sombre 
et  épaisse,  dépourvue  pour  ainsi  dire  de  taillis  et  dont  les  branches 
descendent  jusqu'au  sol.  Même  l'ombrage  des  larges  couronnes  du 
Manihot  Glazovii  ne  nuit  pas  aux  arbres. 

Les  difficultés  principales  de  la  culture  se  trouvent  dans  les  frais 
relativement  élevés  de  l'entretien .  Elle  n'est  déjà  pas  bon  marché 
à  cause  de  la  difficulté  que  l'on  rencontre  à  se  procurer  des  grai- 
nes, mais  ensuite,  les  couches  exigent  un  arrosage  abondant  et  les 
jeunes  plantations  réclament  beaucoup  de  soins.  Pendant  quatre 
années  au  moins  (parfois  six)  le  sol  doit  être  sarclé  convenable- 
ment et,  pendant  les  quatre  années  suivantes,  il  doit  être  bien 
entretenu.  Planter  d'une  façon  trop  compacte  pour  éclaircir  dans 
la  suite,  exige  trop  de  ces  graines  coûteuses;  il  vaut  mieux  planter 
entre  les  arbres,  pour  les  abattre  plus  tard,  d'autres  essences 
forestières  moins  chères  ou  des  plantes  à  caoutchouc,  ou  mieux 
encore  peut-être,  assurer  la  propreté  du  sol  au  moyen  d'une  culture 
intercalaire  peu  coûteuse. 


Récolte  de  la  gutta-percha. 

Comme  il  a  été  dit  plus  haut,  le  latex  est  contenu  dans  des 
vaisseaux  isolés  qui  se  trouvent  principalement  dans  les  parties 
inférieures  de  l'écorce,  mais  qu'on  rencontre  aussi  dans  les  feuilles. 
La  figure  7  montre  une  section  d'une  petite  branche  a  et  une 
feuille  fc  et  c  du  Palaquium  gutta.  On  remarquera  les  nombreuses 
cellules  du  latex  L  dans  les  deux  premières  couches  de 
l'écorce  PB  et  SB  de  la  branche,  aussi  bien  que  dans  la  moelle  P. 
Les  sections  de  feuille  montrent,  dans  un  cas,  fc,  la  terminaison  de 


LK   l'KUPLh   CHINOIS  579 

Certains  traits  du  caractère  des  Chinois  les  empêchent  d'obtenir, 
dans  la  voie  du  progrès,  les  mêmes  succès  que  les  nations  chré- 
tiennes^ II  suiBra  d'en  citer  quelques-uns.  L'un  d'eux  est  univer- 
sellement connu  :  c'est  l'indifférence  pour  la  vérité.  Le  mensonge 
n'est  pas  honteux  à  leurs  yeux.  Il  est  seulement  honteux  de  ne  pas 
savoir  sauver  les  apparences.  Combinez  les  deux  idées  et  il  en 
résulte  une  défiance  générale.  Or,  celle-ci  est  des  plus  nuisible  à 
la  coopération,  sans  laquelle  il  n'est  pas  possible  de  produire 
économiquement  même  une  simple  épingle. 

Intimement  unie  au  mensonge,  on  rencontre  l'absence  de  scru- 
pules dans  les  affaires  d'argent.  Prendre  à  l'un  pour  donner  à 
l'autre,  faire  un  trou  pour  en  boucher  un  autre,  sont  des  procédés 
naturels  aux  Chinois,  depuis  l'Empereur  jusqu'au  dernier  degré 
de  l'échelle  sociale.  Les  malversations  fleurissent  dans  tous  les 
rangs  de  l'administration.  Elles  sont  tolérées  comme  une  simple 
peccadille  dans  un  pays  où  la  moindre  infraction  à  l'étiquette 
filiale  est  punissable  comme  un  crime.  Avec  un  code  de  morale 
financière  pareil,  il  n'est  pas  possible  de  fonder  des  sociétés  par 
actions,  car  personne  n'aurait  confiance  dans  l'honnêteté  des 
administrateurs.  Il  eh  existe  cependant  quelques-unes  à  Hong- 
Kong.  Les  mines  ne  rapportent  rien  à  leurs  propriétaires  parce 
que  les  ouvriers  pillent  la  production;  il  en  est  de  même  des 
fabriques  de  coton  où  les  ouvriers  emportent  la  matière  brute, 
c:ichée  dans  leurs  vêtements.  Les  principales  compagnies  chi- 
noises sont  des  machines  qui  servent  à  l'appropriation  en  grand 
des  fonds  d'autrui,  surtout  quand  un  fonctionnaire  y  a  la  main.  11 
n'est  donc  pas  nécessaire  de  (chercher  plus  loin  pour  comprendre 
le  manque  d'esprit  d'entreprise  des  Chinois  ou  pourquoi  ils 
aiment  mieux  placer  leurs  fonds  à  faible  intérêt  dans  des  banques 
étrangères  que  de  le  confier  à  leurs  propres  compatriotes,  même 
aux  conditions  les  plus  tentantes.  Cette  préférence  pour  la  sécurité 
qu'offrent  les  étrangers,  est,  d'après  M.  Colquhoun,  le  principal 
levier  par  lequel  on  pourra  développer  les  ressources  commer- 
ciales, industrielles  et  financières  de  la  Chine.  C'est  par  la  probité 
que  nous  pourrons  lutter  contre  les  Chinois.  Cela  résulte  d'une 
observation  purement  empirique  :  la  probité  des  banquiers  et  des 
marchands  chinois  est  proverbiale  et  elle  est,  sans  nul  doute,  la 
cause  de  leur  prospérité. 


580  ÉTUDES  COLONIALES 

Il  est  difficile  d'expliquer,  en  l'absence  de  toute  séparation  de 
castes,  des  phénomènes  aussi  contradictoires  qu'une  fidélité  excep- 
tionnelle, dans  certains  cas;  et  une  fraude  systématique  dans 
d'autres.  11  semble  évident  qu'une  cause  générale  doive  ici  faire 
sentir  ses  effets.  On  peut  la  trouver  peut-être  dans  le  fait  que 
cliaque  profession  exige  un  entraînement  spécial  d'où  résulte  une 
sélection  parmi  ceux  qui  se  proposent  de  la  suivre.  Chaque  profes- 
sion a  son  propre  code  d'honneur  et  chaque  société,  sa  propre  loi 
de  conservation  Le  commerce  ne  peut  vivre  sans  confiance  et 
l'expérience  continue  de  plusieurs  siècles  a  gravé  cette  loi  dans 
l'esprit  de  ceux  qui  s'y  engagent.  La  sélection  tend  constamment  à 
l'expulsion  des  individus  qui  n'obéissent  pas  à  cette  loi  nécessaiit). 
L'hérédité  ajoute  son  aide  puissante  pour  maintenir  la  pureté  de  la 
corporation.  Des  traditions  transmises  de  père  en  fils,  pas  tant 
sous  forme  de  maximes  que  sous  celle  de  la  pratique  journalière, 
s'impriment  profondément  dans  le  caractère,  et  les  enfants  suivent 
naturellement  la  voie  de  leur  père  et  de  leur  famille  au  milieu 
de  laquelle  ils  ont  grandi.  Il  leur  serait  même  difficile  de  faire 
autrement. 

Le  code  d'honneur  différent  qui  prédomine  dans  les  cercles 
officiels,  peut  également  s'expliquer  par  les  nécessités  de  Texis- 
tence-  Aucun  fonctionnaire  chinois  ne  peut  vivre  de  son  traite- 
ment. Que  lui  reste-t-il  donc  à  faire?  Une  tradition  immémoriale 
lui  montre  la  voie.  Or,  la  corruption  qu  elle  indique,  n'affecte  pas 
seulement  les  services  publics  mais  elle  atteint  aussi  le  caractère 
dû  l'individu  qui  s'en  rend  coupable.  La  malversation  une  fois 
admise,  il  n'est  plus  possible  d'en  indiquer  les  limites.  La  néces- 
sité dégénère  bientôt  en  rapacité  et  celle-ci  ne  fait  que  grandir. 
Quelques  fonctionnaires  résistent  cependant  à  la  tentation  géné- 
rale. On  les  regarde  comme  une  sorte  de  monstruosité  de  vertu, 
comme  un  genre  d'éléphants  blancs,  qui,  à  ce  titre,  ont  droit  à 
une  indulgence  illimitée.  Ces  fonctionnaires-là  doivent  être  riches 
ou  avoir  des  amis  riches,  ou  s'en  remettre  à  quelque  habile  homme 
d'affaires  qui  agit  derrière  leur  dos. 

Le  danger  des  nouvelles  entreprises,  c'est  d*ètre  en  dehors  de 
la  tradition  et,  par  suite,  en  dehors  de  la  protection  du  code  profes- 
sionnel qui  est  si  efficace  dans  sa  propre  sphère.  Si  un  personnage 
officiel  a  un  intérêt  dans  l'affaire,  sa  seule  préoccupation  sera  de 


LE   PEUPLE  CHINOIS  581 

s'en  faire  une  vache  à  lait.  Toutes  ses  liabitudes  intellectuelles  pro- 
testeraient contre  Fidée  d'avoir  le  moindre  égard  pour  les  droits 
des  actionnaires. 

La  morale  commerciale  des  Chinois  apparaît  sous  son  jour  le 
plus  défavorable  quand  elle  se  trouve  en  contact  avec  le  droit  occi- 
dental. Ainsi,  leur  attilude  est  peu  édifiante  quand  il  est  fait  appel  à 
eux  pour  un  nouveau  versement  sur  les  actions  qu'ils  ont  souscrites 
dans  des  sociétés  étrangères.  C'est  là  un  des  cas  où  la  tradition  est 
en  défaut  de  leur  montrer  la  voie  à  suivre.  Toute  l'affaire  est  du 
reste  étrangère  à  leurs  coutumes.  Ils  ne  comprennent  rien  aux 
formes  juridiques  européennes  et  ils  ne  se  font  pas  le  moindre 
scrupule  d'en  éluder  les  termes  quand  ils  peuvent.  Entre  eux,  la 
rectitude  de  la  conduite  est  garantie  et  assurée  par  la  coutume  et 
la  force  de  celle-ci  est  plus  grande  que  celle  d'un  décret  de  loi  ou 
de  justice.  Un  contrat  commercial,  par  exemple,  rédigé  et  signé, 
n'a  qu'une  valeur  très  secondaire;  mais  si  le  prix  du  marché  a  été 
versé,  il  est  inattaquable.  La  remise  du  prix  sans  l'écrit  a  plus 
d'efficacité  que  celle  de  l'écrit  sans  le  prix.  On  ne  peut  donc  pas 
espérer  qu'un  peuple  qui  se  meut  dans  une  telle  atmosphère  de 
traditions  et  de  coutumes,  puisse  facilement  s'adapter  au  méca- 
nisme des  législations  étrangères,  d'autant  plus  que  celles-ci 
varient  de  nation  à  nation  et  qu'elles  sont  susceptibles  d'être  modi- 
fiées au  cours  de  chaque  session  parlementaire. 

Le  respect  pour  la  loi,  tel  que  nous  le  concevons,  n'est  pas  com- 
pris par  lesChinois.Le  sentiment  qui  les  pénètre  n'est  pas  seulement 
du  respect  pour  la  loi  :  c'est  un  véritable  culte.  Elle  est  pour  eux 
plus  que  la  religion.  Mais  les  lois  européennes  sont  comme  des 
dieux  étrangers  introduits  dans  leur  panthéon.  Elles  n'ont  pas  de 
prise  sur  leur  sens  moral.  Toute  l'attitude  du  Chinois  vis-à-vis  de 
cette  législation  diffère  donc  fondamentalement  de  celles  des 
peuples  d'Occident.  C'est  un  fait  dont  doivent  tenir  compte  tous 
ceux  qui  font  des  affaires  avec  la  Chine.  Le  Chinois  s'entoure  de 
garanties  tout  autres  dans  ses  transactions  commerciales  que  les 
Anglais,  par  exemple,  qui  ont  toujours  un  avocat  à  côté  d'eux  pour 
les  guider  ou  les  éclairer  sur  la  portée  d'une  clause  d'un  contrat. 
Le  marchand  ou  le  banquier  chinois  n'envisagent  en  aucune  façon 
la  possibilité  de  pouvoir  recourir,  en  cas  de  besoin,  aux  tribu- 
naux. Ils  agissent  comme  s'ils  ne  disposaient  pas  de  cette  ressource. 

i 


dérants.  Aussi,  pour  se  faire  une  idée  de  la  valeur  technique  d'un 
spécimen  de  gutta-percha,  esl-il  indispensable  de  déterminer  les 
proportions  relatives  de  la  gutta  et  de  la  résine.  Outre  ces  deux 
constituants,  il  faut  encore  tenir  compte  d'autres  éléments,  à  savoir  : 
l'eau  renfermée  dans  la  matière,  qui  atteint  souvent  un  chiffre 
élevé,  et  les  impuretés,  telles  que  fibres  de  bois,  écorces,  sable,  etc. 
Ces  deux  derniers  éléments  représentent  la  tare  ou  la  perte  que 
lait findustriel  quand  il  procède  à  lepuration  de  la  gutta-percha. 

On  voit  donc  que  pour  fixer  la  valeur  commerciale  d'un  spéci- 
men de  gutta-percha,  il  faut  déterminer  au  moins  quatre  compo- 
sants :  l'eau,  les  impuretés,  la  résine  et  la  gutta.  Plus  grande  sera 
la  proportion  de  cette  dernière,  meilleure  sera  la  matière. 

Il  ne  faut  cependant  pas  perdre  de  vue  non  plus  qu'il  y  a  diffé- 
rentes qualités  de  gutta.  Bien  que  l'analyse  de  deux  spécimens 
différents  puisse  donner  exactement  le  même  résultat,  leurs  pro- 
priétés physiques  et  mécaniques  peuvent  différer  énormément,  et, 
ce  qui  est  plus  important  encore,  leur  durabilité  peut  varier  gran- 
dement, par  suite  d'une  différence  dans  leur  constitution  molécu- 
laire. 11  est  donc  indispensable,  après  avoir  déterminé  les  compo- 
sants quantitativement,  d'examiner  la  gutta  elle-même;  ce  qui,  il 
est  inutile  de  le  dire,  exige  beaucoup  de  jugement  et  d'expérience. 

Le  tableau  suivant  donne  les  importations  et  la  valeur  de  la 
gutta-percha  à  Singfapore  pendant  les  cinq  années  de  la  période 
1892-1896  : 


Bornéo . 


Péninsule 
malaise.  .  . 


/   Diit.  North  Bornéo  .     . 

I    Drunei 

J   Sarawak    ... 

(Bornéo  proprement  dit . 
Labuan 
Archipel  Sulu .     .     .     . 

;    Penang 

Perak 

i    Salangor 

j   Sungei  Ujong .     .     .     . 

<   Malacca 

j  Jolior 

f    Pahang 

Tringganu 

\   Kelantan 


Valeur 

Quantité. 

Valeur. 

par  livre. 

Cwts. 

Lîv.  st. 

Pcnoe. 

4,201 

26,240 

15.4 

279 

2,279 

17.5 

14,232 

115,842 

17.5 

76,688 

560.145 

45.7 

1,445 

11,162 

17.5 

255 

1,547 

11.5 

11,298 

120,560 

22.9 

344 

2,378 

14.8 

776 

5,756 

15.9 

189 

1,454 

16.5 

536 

2,206 

20.0 

646 

5,542 

17.7 

2,589 

15,911 

14.5 

2,088 

12,645 

15  0 

1,234 

7,050 

12.0 

LA   CLTTA-PERCIIA 


G87 


Extraction  des  feuilles. 

La  méthode  actuelle  qui  consiste  à  obtenir  la  gutta-percha  du 
latex  contenu  dans  Técorce  de  Tarbre,  après  avoir  abattu  celui-ci, 
est  naturellement  des  plus  nuisibles.  Il  y  a  une  demi-douzaine 
d'années,  on  a  proposé  d'extraire  la  gutta-percha  des  petites 


FiG.  8. 


même  les  distinguer  facile- 


branches  et  des  feuilles  que  Ion  peut  enlever  sans  faire  de  tort  à 
l'arbre.  On  épargnerait  ainsi  les  arbres  et,  d'autre  part,  on  ren- 
drait les  fraudes  plus  difficiles,  car  les  feuilles  de  gutta-percha  sont 
aisément  reconnaissables  et  on  peut 
ment  de  celles  des  espèces  apparentées 

La  figure  8  montre  une  petite  branche  et  plusieurs  feuilles 
exceptionnellement  minces  de  Palaqiiium  (Dichopsis)  gutta.  On 
remarquera  la  projection  caractéristique  de  lextrémité  supérieure 
des  feuilles.  Elles  ont  aussi  une  teinte  rouge  brun  prononcée  et  un 


reflet  soyeux.  Ces  feuilles  ont  chacune  au  moins  vingt-deux  ner- 
vures latérales  qui  s  écartent  pour  la  plupart,  des  deux  côtés  de  la 
nervure  médiane,  à  un  angle  de  70  à  80  degrés  environ.  Si  on  les 
compare  à  celles  qui  se  trouvent  reproduites  à  la  figure  9,  et 
qui  appartiennent  à  des  arbres  qui  fournissent  une  qualité  infé- 
rieure de  gutta-percha,  le  Dichopsis  poliantha  et  le  Dichopsis  pus- 


f^V^^PJl^TX    /a/J     iA4/A 


-sff^.'-ir: 


FiG.  9. 


tulata,  on  sera  frappé  de  la  grande  différence  qui  existe  entre  elles, 
non  seulement  au  point  de  vue  de  la  grandeur  et  de  la  forme,  mais 
aussi  à  celui  du  nombre  et  de  la  proéminence  des  nervures  laté- 
rales qui  ne  sont  que  douze  ou  quinze  de  chaque  côté,  au  lieu 
de  vingt-deux  et^davanlage.  L'angle  que  présente  la  rencontre  des 
nervures  dans  ces  deux  espèces  de  Dichopsis  est  aussi  plus  aigu  ; 
il  est,  en  général,  inférieur  à  70  degrés. 

Quand  on  casse  ou  déchire  une  feuille  ou  une  tige  de  Palaquium 
gutta,  on  constate  la  présence  d'une  quantité  de  petits  fils  blancs, 
ressemblant  à  une  toile  d'araignée,  qui  s  etendeiit  à  travers  Touver- 


LE  PEUPLE  CHINOIS  585 

dans  leurs  sentiments  patriotiques,  la  même  indifférence.  Leur 
manuel  de  stratégie  remonte  à  une  date  antérieure  à  Tère  chré- 
tienne. Leur  tactique  est  plus  primitive  que  celle  des  Zoulous.  Il 
n'existe  pas  de  concentration.  Chaque  régiment  ou  bataillon  com- 
bat pour  soi  seul.  Aucun  d'eux  ne  veut  en  aider  un  autre;  encore 
moins  une  partie  de  l'armée  veut- elle  se  sacrifier  au  succès  com- 
mun. 

On  estime  généralement  peu  le  courage  du  soldat  chinois.  Il  y 
a  toutefois  des  circonstances  atténuantes  à  sa  conduite.  La  manière 
dont  les  soldats  sont  recrutés,  traités,  payés  et  conduits,  excuse 
bien  des  choses.  Quand  on  les  envoie  sans  armes  contre  des 
forces  bien  disciplinées  et  bien  équipées  comme  celles  des  Japo- 
nais, il  ne  leur  reste  qu'à  battre  en  retraite.  Mais  quand  ils  sont 
nourris,  disciplinés  et  armés  convenablement,  comme  c'était  le  cas 
pour  la  marine  chinoise,  ils  laissent  peu  à  désirer  en  fait  de  cou- 
rage. Les  Chinois  sont  plutôt  atlirés  par  les  qualités  personnelles 
du  chef  que  par  une  cause.  Gordon  aurait  pu  les  conduire  partout. 
Ils  auraient  de  même  suivi  le  brave  amiral  Ting  qui  mourut  dans 
le  siège  de  Wei-hai-Wei.  11  ne  s'agit  donc  probablement  que  d'une 
simple  question  d'organisation  comme  pour  les  Égyptiens. 

On  peut  dire  que  ce  n'est  pas  par  le  génie  militaire,  scientifique 
ou  politique,  mais  par  le  génie  commercial  que  la  Chine  s'est  dis- 
tinguée dans  le  passé  et  qu'elle  a  le  plus  de  chance  de  briller  dans 
l'avenir.  Les  Chinois  sont  nés  marchands.  Placez-les  dans  n'im- 
porte quelle  situation  sociale,  même  la  plus  éloignée  de  l'atmo- 
sphère commerciale,  ils  penseront  encore  en  monnaie.  Comme  les 
Juifs  ils  ont  la  tendance  instinctive  de  tout  évaluer  en  argent.  Mon- 
trez-leur n'importe  quel  objet,  pour  les  instruire  ou  provoquer  leur 
admiration,  leur  première  et  dernière  pensée  est  la  valeur  qu'il 
représente.  Tendez  l'oreille  aux  conversations  des  bateliers,  des 
coolies  ou  des  ouvriers  et  vous  verrez  qu'elles  tournent  toujours 
autour  d  un  même  sujet  :  l'argent. 

Ce  n'est  pas  le  gain  en  lui-même  qui  inspire  cette  passion  du 
marchandage.  Comme  tous  les  orientaux,  du  reste,  le  Chinois  est 
fasciné  par  l'amour  du  commerce  comme  par  un  sport.  On  dit  que 
le  grand  Li-Hung-Chang  éprouvait  un  plaisir  plus  pur  à  dépouiller 
un  de  ses  employés  de  la  moitié  de  sa  quinzaine  après  avoir 
bataillé  avec  lui  toute  une  après-dînée,  que  s'il  avait  sauvé  une  des 


690  ETL'DES  COLONIALES 

SOUS  un  rouleau,  et  puis  on  les  agite  dans  leau.  On  dit  que  la 
gutta  se  rassemble  alors  à  la  surface  de  Teau  en  une  niasse  albumi- 
neuse  et  qu'il  suffit  de  la  recueillir  au  moyen  d'un  mince  tamis  de 
cuivre.  On  la  plonge  ensuite  dans  l'eau  chaude  et  on  la  presse 
dans  des  formes.  On  prétend  que  ce  système  qui  vient  d'être  essayé 
à  Singapore,  a  donné  des  résultats  remarquables  sous  le  rapport 
de  la  qualité  du  produit.  La  fabrique  était  malheureusement  de  peu 
d'importance  et  comme  les  feuilles  sèches  venaient  de  Bornéo  et 
Johore  et  occasionnaient  par  suite  de  grands  frais  de  transport 
(4.D  dollars  par  pécul),  il  n'a  pas  été  possible  d'obtenir  des  résul- 
tats financiers  favorables.  En  4898,  une  société  s'est  fondée  à 
Medam,  à  Sumatra,  pour  l'exploitation  de  ce  procédé  Elle  va 
construire  une  fabrique  dans  l'île  de  Lingga,  dans  l'Archipel 
Riouw  près  de  Singapore  dans  le  but  d'exploiter  les  arbres  à  ^utta- 
percha  qui  s'y  trouvent  encore  ainsi  que  les  produits  de  la  culture 
forestière  de  différents  genres  de  i^ilaquium,  entreprise  sur  une 
grande  échelle  au  moyen  de  boutures  et  de  pousses. 

Que  cette  tentative  soit  couronnée  de  succès  ou  non,  nous  nous 
trouvons  en  tout  cas  à  un  tournant  de  la  culture  de  la  production 
de  la  gutta-percha  qui  aura  aussi  son  importance  pour  d'autres 
régions  convenant  à  cet  arbre,  comme  la  Nouvelle-Guinée  et 
le  Kamerun,  à  condition  toutefois  que  l'on  ne  découvre  pas  le 
moyen  de  la  remplacer  par  un  produit  industriel  ou  que  l'on  n'ar- 
rive à  la  fabriquer  elle-même  scientifiquement.  Ni  l'une  ni  l'autre 
alternative  ne  s  est  encore  réalisée.  Malgré  tous  les  mérites  des 
produits  industriels  qu'on  a  voulu  substituer  à  la  gutta-percha,  la 
qualité  essentielle  de  celle-ci,  le  pouvoir  d'isoler  les  courants  élec- 
triques, leur  fait  défaut  ;  en  tous  cas,  ils  ne  la  possèdent  pas 
unie  à  une  durabilité  suffisante;  or,  cette  condition  est  indispen- 
sable dans  le  revêtement  des  fils  télégraphiques  et  surtout  des 
câbles. 

Le  produit  obtenu  en  1878  de  la  distillation  d'écorces  de  bou- 
leau et  connu  sous  le  nom  de  gutia  française,  ne  remplit  pas  non 
plus  ces  conditions.  On  ne  sait  pas  encore  si  le  produit  découvert 
récemment  sous  le  nom  de  velvril  et  qui  est  un  composé  de 
collodium,  de  coton  et  d'huile  de  ricin  et  de  lin  nitrifiée  se 
conservera. 


Succédané  naturel.  La  balat 

Par  contre,  il  existe  parmi  les  succédanés  nn 
percha,  les  pseudo-guttas  comme  on  les  ap] 
genre,  qui,  dans  une  certaine  mesure,  peut  n 
c'est  la  balata. 


Fie.  H. 


La  balata  est  le  produit  d'un  arbre,  le  Mimu 
naire  de  la  Guyane,  de  la  Jamaïque,  de  Tile  Ti 
zuéla  et  qui  appartient,  comme  les  arbres  à  guttî 
des  sapotacces.  Cette  masse  possède,  jusqu'à  u 
propriétés  qui  caractérisent  la  gutla-percha. 
chaleur  et  peut,  dans  cet  état,  être  versée  dans  cl 
en  feuilles  comme  la  gutta-percha.  Elle  est  auî: 
conducteur  de  rélcctricité.  On  prétend  (jue  le  p 
balata  équivaut  à  celui  de  la  gutta-percha.  Com 
la  balata  est  influencée  de  manières  très  diversi 


les  acides.  On  distingue  des  espèces  très  résistantes  et  d'autres 
qui  se  détériorent  très  vite.  Comme  la  balata  possède  beaucoup  de 
solidité  et  qu'elle  ne  se  détend  pas  quand  elle  est  soumise  à  une 
tension,  elle  convient  parfaitement  à  la  fabrication  de  courroies  de 
transmission.  Elle  peut  aussi  être  employée  dans  la  plupart  des  cas 
où  l'on  fait  usage  de  gutta-percha. 

La  gutta  contenue  dans  la  balata  est  d'excellente  qualité  mais  ce 
produit  renferme  à  côté  de  la  gutta,  une  quantité  équivalente  de 
résine,  composée  de  deux  parties  d'albane  et  de  trois  parties  de 
fluavile.  C'est  à  ^ce  mélange  qu'est  attribuable  le  fait  que,  même 
par  les  températures  les  plus  basses,  la  matière  ne  durcit  pas  et 
qu'elle  reste  toujours  flexible  et  molle,  voire  même  élastique. 

Bien  que  la  balata  ne  puisse  valoir,  à  cause  de  la  grande  quan- 
tité de  résine  qu'elle  renferme,  que  comme  succédané  de  gutta- 
percha  de  deuxième  ou  troisième  qualité,  elle  obtient  cependant, 
en  général,  des  prix  plus  élevés  que  la  gutta-percha. 

Dans  la  plupart  des  cas  où  on  fait  usage  de  gutta-percha,  on  peut 
aussi  employer  la  balata  et  un  grand  nombre  de  fabricants  la 
considèrent  comme  une  bonne  qualité  de  gutta-percha.  Dans  les 
tableaux  d'importation,  elle  est  classée,  sous  la  rubrique  gutta- 
percha  et  après  qu'elle  a  été  mise  en  œuvre,  son  nom  disparaît 
entièrement. 

Quelques  petits  envois  qui  parvinrent  depuis  4860  en  Angle- 
terre de  la  Guyane  britannique,  trouvèrent  rapidement  des  acqué- 
reurs mais  ce  n'est  que  depuis  4880  que  de  grandes  quantités  ont 
été  exportées.  Quelques  années  plus  tard,  la  Guyane  hollandaise 
(Suriname)  se  mit  à  exporter.  Quand,  en  4891-1892,  la  production 
de  la  Guyane  anglaise  diminua,  Suriname  prit  la  tête.  Aujourd'hui, 
il  semble  que  le  Venezuela  devienne  une  contrée  importante  pour 
la  production  de  la  balata.  Si  l'on  ne  tenait  pas  compte  des  places 
de  transbordement,  on  constaterait  que  ce  pays  a  déjà  dépassé  la 
Guyane  britannique  et  que,  bientôt,  il  se  trouvera  au  premier 
rang,  dépassant  même  Suriname.  Aux  Indes  Occidentales,  on  ne 
cultive  que  peu  de  balata,  et  ce  qui,  d'après  les  déclarations,  vient 
de  là,  est  pour  la  plus  grande  partie,  originaire  de  la  Guyane  et 
transbordé  à  l'île  Trinidad.  La  Guyane  française  possède  aussi 
d'importantes  forêts  de  balata;  mais,  par  suite  du  peu  d'esprit 
d'entreprise  qui  règne  dans  cette  colonie,  elles  restent  inexploitées. 


Les  prix  de  la  balala  sont,  en  général,  plus  él(  ; 
moyens  des  guUa-percha  de  l'Asie,  ce  qui  prouve 
trouve  bon  emploi.  Aucune  surproduction  n  a  jî  \ 
se  propose  de  faire  des  plantations  de  balata  € 
comme  avantage  que  les  arbres  ne  doivent  pas  ( 
qu  on  puisse  en  recueillir  le  suc. 

Un  intéressant  rapport  de  M.  Jenmau,  dirccteu 
nique  de  la  Guyane  britannique  :  Balata  and  BalaU 
le  travail  le  plus  sûr  qui  ait  paru  sur  cette  questio  i 
quelques  renseignements  utiles. 

Le  nom  vulgaire  de  Bullettree  s'applique  à  i 
genre  Mimusops,  le  M.  balata  et  le  M.  globosa.  L  . 
de  la  première  espèce  qui  s'étend  de  la  Jamaïque  ei 
jusqu'à  la  Guyane.   Quelques  arbres  de  M.  glo  ; 
de  la  Jamaïque,  qui  croissent  dans  le  jardin  botani( 
britannique,  paraissent  être  d'une  autre  variété  q  ] 
pays  que  Ton  désigne  sous  ces  deux  noms. 

Le  M.  balata  qui,  pour  bien  le  distinguer,  deu 
non  bullettree  mais  arbre  à  balata,  atteint  jusqu  i 
hauteur  et  porte  une  large  couronne.  Le  tronc 
20  mètres  de  hauteur,  est  presque  cylindrique;  i 
de  420  à  450  centimètres.  L'écorce  a  une  épaisî- 
mètre  environ  et  est  couverte  de  crevasses,  s'éi 
même  direction,  à  la  distance  de  2.5  centimèti 
bois  dur  et  solide  qu'on  connaît  à  Suriname  sous  l( 
viande  de  cheval,  ù  cause  de  sa  couleur,  est  un  des 
de  la  colonie  ;  il  résiste  aux  termites  et  est  employ 
cas  où  l'on  exige  une  grande  solidité  et  une  longi 
exporte,  chaque  année,  de  grandes  parties  aux  V\] 
vient,  entre  autres,  excellemment  pour  les  bill; 
chemins  de  fer. 

L'arbre  est  plus  répandu  dans  l'Est  et  l'Ouest  di 
dans  le  Centre.  On  le  trouve  le  plus  fréquemmeii 
Orientale  du  fleuve  Berbice  jusqu'au  Corentin, 
encore  plus  loin  vers  la  Guyane  hollandaise  où  ui 
ricaine  a  obtenu  récemment  l'autorisation  d'exp 
sur  une  étendue  de  plusieurs  centaines  de  mille  î 
générale,  les  arbres  sont  plus  nombreux  dans 


590  ÉTUDES   COLONIALES 

chaleur,  ni  la  faim  ni  la  fatigue  ne  peuvent  les  abattre.  Ni  le  mal- 
heur ni  les  calamités  ni  la  maladie  n'ont  de  prise  sur  eux.  Il  sem- 
ble, comme  dit  un  auteur,  qu'ils  aient  pris  Thabitude  de  regarder 
les  choses  du  bon  côté. 

Suivant  un  écrivain,  «  le  bonheur  est  plus  qu'ils  n'espèrent:  ils 
se  contentent  d  être  aussi  heureux  que  possible  »  et,  parlant  d'un 
Chinois,  employé  à  pousser  une  lourde  brouette  en  voyage,  souvent 
pendant  plusieurs  mois  de  suite,  cet  auteur  ajoute:  :<  Au  cours  de 
ces  expéditions,  il  était  obligé  de  se  lever  tôt,  de  voyager  tard,  de 
transporter  de  lourdes  charges  par  dessus  de  roides  et  difficiles 
montagnes,  par  toutes  les  saisons  et  tous  les  temps,  de  passer  à 
gué  des  rivières  glacées,  pieds  et  jambes  nues,  et,  à  la  fin  de  la 
journée,  de  préparer  le  souper  et  le  logement  de  son  maître.  Tout 
ce  travail  était  fourni  pour  une  rémunération  des  plus  modiques  et 
sans  la  moindre  récrimination.  Et  au  bout  de  plusieurs  années  de 
ce  service,  le  maître  put  déclarer  qu'il  n'avait  jamais  vu  son 
domestique  hors  de  soi  ! 

Aussi,  la  conclusion  de  cet  auteur  est-elle  que  :  «  si  Ton  doit 
ajouter  foi  aux  enseignements  de  l'histoire  en  ce  qui  concerne  le 
triomphe  des  «  plus  aptes  »,  un  avenir  splendide  est  réservé  à  la 
race  chinoise,  » 


\ 


Les  instruments  employés  au  travail  sont  uni 
peret  et  deux  ou  trois  calebasses  pour  recueillir   ; 
leur  commence  par  enlever  une  lanière  d'écurce  d   i 
que  le  suc  se  met  à  couler  avec  rapidité,  il  enli 
mousse  et  Técorce  morte  du  côté  du  tronc  où 
Ensuite,  il  tranche*  ou  creuse  avec  son  couperet,  i 
dans  récorce  en  commençant  pjir  la  base  du  trc  i 
un  deuxième  en  partant  du  même  point  mais  d  : 
Ces  canaux  ont  ordinairement  une  longueur  de 
forment  au  bas  du  tronc,  un  arc  aigu.  Immédiate  i 
du  point  de  réunion,  il  fait  une  entaille  dans  l'écc  ' 
avec  son  couteau  de  manière  à  pouvoir  y  introdu  i 
calebasse.  Souvent  aussi,  il  glisse  une  feuille  d 
maranta  dans  Tentaille;  la  calebasse  se  pose  alor 
coule  sur  la  feuille  et  ainsi  dans  la  calebasse. 

Après  ces  préparatifs,  les  canaux  sont  rapidemei  I 
le  haut, en  courant  parallèlement  à  une  distance  d( 
aussi  loin  que  le  récolteur  peut  atteindre,  c'eî  ; 
environ  2'"25  du  sol.  Au  bout  de  cinq  ou  dix  min  i 
sont  creusés  et  le  suc  coule  pendant  quarante  ou  s  i 
d'abord  rapidement  en  formant  une  rainure,  puis 
lentement  jusqu'à  ce  qu'après  trente  minutes,  il  n  ; 
suinter. 

Les  bons  récolteurs  coupent  Fécorce  avec  soir 
gent  pas  larbre.  La  plupart  cependant  blessent  1  ; 
coup  de  couperet.  Il  en  résulte  que  de  nombreux 
sent  et  meurent.  Les  grands  arbres  sont  saigne: 
opposés.  Et  quand  on  le  fait  avec  soin,  on  pett 
lopération,  une  année  suivante,  aux  deux  autres  c! 

Après  avoir  été  employées  pendant  quelques  ) 
basses  sont  tellement  enduites  de  balata  à  l'intériei 
vent,  de  temps  en  temps,  être  plongées  dans  l'eai 
en  enlever  la  balata  après  qu'elle  s'est  amollie. 

Le  produit  des  arbres  varie  d'après  les  circonst;] 
dont  le  tronc  a  un  diamètre  de  37  à  50  centimèl 
saigné  jusqu'à  une  hauteur  de  2'"2o,  peut,  dans  des 
produire  1.50  litre  de   latex.  Un  arbre  pourrait 


depuis  qu'on  commence  à  Texploiter  jusqu'à  ce  qu'il   meure, 
jusqu'à  20  litres  de  suc 

A  Suriname,  on  applique  actuellement  un  système  d'entailles 
obliques  qui  se  rencontrent  latéralement  de  manière  que  tout  le 
suc  s'écoule  dans  une  même  calebasse.  4.50  litres  de  latex  donnent 
environ',500  grammes  de  balata  séchée.  Un  récolteur  d'habileté 
moyenne  peut  recueillir  par  jour,  18  litres  de  suc.  Ceux  qui  sont 
très  expérimentés  peuvent  atteindre  jusqu'à  50  litres,  ce  qui 
représente  un  gain  de  30  marks. 

Dans  la  Guyane  française,  on  prétend  que,  par  des  saignées 
rationnelles,  on  peut  obtenir  en  été,  3  à  4  litres,  et,  pendant  la 
saison  des  pluies,  7  à  8  litres  de  suc.  On  compte  comme  minimum 
de  rapport,  un  litre  par  arbre. 

Autrefois,  on  abattait  les  arbres  pour  les  saigner  ensuite.  On 
creusait  dans  lecorcc  des  canaux  courant  dans  la  même  direction, 
à  une  distance  de  30  centimètres  l'un  de  l'autre.  Actuellement, 
cette  m^Hhode  semble  être  abandonnée  par  tout  le  monde. 

Pour  sécher  le  latex,  on  le  verse  dans  des  baquets  en  bois  peu 
profonds  que  l'on  a,  au  préalable,  enduits  de  savon,  d'huile  ou  de 
graisse  pour  éviter  que  la  balata  n'y  adhère.  Ces  baqu(  ts  sont  expo- 
sés le  plus  possible  à  l'air,  parfois  même  au  so'eil  Quand  le  temps 
est  beau,  la  balata  est  séchée  en  deux  ou  trois  jours;  quand  il  fait 
humide,  l'opération  dure  une  semaine  ou  encore  plus.  Quand  le 
séchage  est  arrivé  au  point  que  le  suc  d'un  baquet  forme  une 
feuille  compacte,  on  renverse  le  baquet  sur  une  latte  ou  une  corde. 
Ce  qui  reste  d'humidité  s'écoule  alors  rapidement  des  feuilles  qui 
se  durcissent. 

On  trouve  beaucoup  de  matières  étrangères  dans  le  suc  La 
falsification  s'exerce  sur  une  large  échelle.  Les  agents  doivent  tou- 
jours être  sur  le  qui-vive  pour  ne  pas  être  trompés. 

Si  la  balata  constitue  un  précieux  succédané  de  la  gutta-percha, 
on  n'a,  par  contre,  guère  rencontré  de  succès  dans  la  recherche 
d'autres  produits  naturels  du  même  genre.  L'attention  a  tout 
d'abord  été  portée  sur  les  nombreuses  espèces  de  Palaquium, 
par  exemple,  sur  le  produit  du  Palaquium  ellepticum,  appelé 
Pauchontee.  C'est  un  arbre  que  l'on  trouve  à  Wynaad,  à  Coorg  et 
à  Travancore  dans  l'Inde.  Jusqu'à  présent,  on  a  trouvé  le  moyen 
de  rendre  cette  matière  susceptible  de  prendre  différentes  formes; 


seulement  quand  elle  se  refroidit,  elle  dévie 
neuse.  Elle  est  de  peu  d'utililé  comme  prodi 
gutta-percha.  Le  Palaquiuîn  obovatiim,  de  la  ] 
de  Mergui  n  a  pas  donné  de  meilleurs  résultais     I 
du  Palaquiimi  Krantzianum,  de  la  Cocliinch     i 
Sussu,  de  la  Nouvelle-Guinée  et  d'autres  eno 
plus  heureux  avec  les  produits  de  diverses 
Payena,  conuiie  par  exemple,  le  P.  Bawun  e     ( 
Nouvelle- Guinée.  On  a  aussi  essayé  diflérente    ' 
sops,  mais,  à  part  le  M.  balata  et  aussi  le  gU    i 
que  de  mauvais  produits,  comme  par  exemp    , 
Brésil,  du  Massaranduda  qui  possède  un  suc  ( 
et  du  Schimperi  d'Abyssinie. 

On  avait  fondé  de  grandes  espérances  sur 
Parkii,  dont  larbre  appartient  également  à  la     i 
cées.  D'après  les  analyses  de  Heckel  et  de  SchI;   ; 
matière  ne  contient  pas  moins  de  91.5  p.  c.  d 
de  6  p.  c.  d'albane  et  de  2,5  p.  c.  de  fluavil  . 
échantillon  assez  vieux  et  qui  n'étiiit  plus  en   I 
Obach  n'a  trouvé  que  14  p.  c.  d'une  matière  ress( 
et  qui  n'était  ni  dure  ni  résistante.  Il  est  vrai  qi  i 
duit  une  fermenlation.  11  semble,  d  après  les  c:  : 
été  faites  en  petit,  que  ce  produit  ne  convienne    i 
des  câbles  mais  qu'il  se  prête  fort  bien  à  la  re[ 
chés  et  à  la  fabrication  de  galvanos.  Le  SclUi  i 
graines  contient  aussi,  à  ce  que  l'on  dit,  de  0,i 
matière  analogue. 

On  a  également  expérimenté  le  suc  durci  de  T  I 
arbre  fruitier  bien  connu  des  tropiques  de  la  (; 
cées  mais  on  n'a  pas  non  plus  obtenu  de  çésu  i 
conquis  depuis  quelques  années  une  grande  impo 
rique  du  Nord,  sous  le  nom  de  Chicle,  On  ob  i 
du  tronc  et  des  fruils  par  pression  et  fermentati  i 
lyse,  ce  produit  contient  17,2  p.  c.  de  caoutcl 
véritable  gutta  ;  ensuite,  44,8  p.  c.  de  résine,  î 
4  p.  c.de  gomme  et  8,2  p.  c.  de  matières  autres  : 
duit  ne  vaut  rien  pour  isoler  les  fils  télégraphiq 
il  est  assez  plastique,  il  est  propre  à  la  fabricatioi 


peut  aussi  servir  comme  vernis  imperméable  dans  certaines 
solutions. 

Oiia  aussi  fait  des  expériences  sur  les  sucs  d'autres  Ibmilies  et 
sur  la  possibilité  de  les  employer  comme  gutta-percha.  Uji  a  exa- 
miné, entre  autre,  dt:s  l-^uphorbiacées,  comme  le  £\  Kaiiimamioù 
deTInde  et  te  E.  TiriicaUi  d'Afrique  et  du  Sud  de  TAsie,  mais  ces 
deux  plantes  n'ont  donné  qu'un  produit  résineux  qu'on  peut 
employer  comme  mastic.  On  a  vante  frériuemment  comme  pro- 
duisant du  caoutchouc  et  de  la  gutta,  un  arbuste  très  répandu 
dans  rinde  et  en  Afrique,  qui  regorge  de  suc  et  qui  appartient  à 
la  famille  des  Asclepiadacées,  la  Caïotroim  procera,  ainsi  que  la 
Caloiroph  (jiganiea  qui  lui  est  apparentée.  Or,  ce  suc  ne  peut  être 
employé  ni  dans  l'un  ni  dans  lautrc  cas.  Ce  suc  épaissi  ne  possède 
pas  d'élasticité  ;  d'autre  part,  ce  produit  n'est  qu'un  juauvais  isoia- 
îeur.  Par  contre,  il  est  plastique  et  on  le  recommande  pour  rendre 
les  étoffes  imperméables. 

On  dit  encore  qu  une  plante  apparentée  étroitement  aaCa4^/î7/ofl 
Timn,  la  plante  caoutcliouquière  du  centre  de  rAmérique,  fournit 
une  espèce  de  gutta-perclia.  Maïs  comme  cet  arbre  est  connu 
depuis  longtemps  et  que  sou  suc  sert  à  ftilsilîer  le  caoutchouc,  il 
n*est  pas  probable  qu*il  ait  quelque  importance  technique.  On  ne 
négligerait,  du  reste,  pas  l'exploitation  d'un  boji  gutla-percha 
dans  cette  région. 


mkm  DE  M.  60DDRË&U  -4- 

-^  DANS  l 


SUITE  [l] 


II.  —  Voyage  entre  Tooantins  el 

Ce  voyage,  le  cinquième  de  M.  Coudreau  dî 
n'embrasse  pas  un  seul  grand  itinéraire  remc 
grands  tributeires  de  l'Amazone,  mais  l'élude  d( 
nettement  délimitée,  en  la  pénétrant  par  une  s 
sances  parallèles  menées  à  peu  de  distance  les 

Cette  région  d'environ  300  kilomètres  de  11 
300  kilomètres  du  Nord  au  Sud,  qui  s'étend  dt 
Bas  Xingu  et  du  Rio  Laguna  au  haut  Curupul 
proximité  de  la  capitale,  une  des  moins  connut 

Les  sept  mois  que  consacra  M.  Coudreau  à  s 
permis  d'en  déterminer  le  caractère  et  les  resso 

«  Toute  cette  région,  dit-il,  d'entre  Tocanti 
guère  bonne  dans  son  ensemble.  L'hiver  amène 
lielles  journalières,  tombant  pendant  plusieurs 
intensité  telle  qu'il  est  impossible  de  voir  à  quelc 
soi.  Dans  cette  intensité  plate,  chaque  ruisi 
rivière.  L'eau  monte  de  2  à  3  mètres  au-dess 
estival  et  à  perte  de  vue  envahit  la  forêt,  r 
baignant  les  arbres  à  mi-tronc,  sans  que  par 
jours,  une  seule  éminence  de  quelques  mètret 


(i;  Voir  Builetin,  no  0,  1900. 


CHRONIQUE 


AFmQUE 

L'Expédition  Slatin  pacha  au  Kordofan  et  au  Darfour.  — 

Slatin  pacha  a  effectué,  du  mois  de  mai  au  mois  de  septembre  de  cette 
année,  une  expédition  à  travers  le  Kordofan  et  le  Darfour  pour  le 
compte  d'un  syndicat  anglais.  Le  lY  Linck,  de  TUniversité  de  léna, 
raccompagnait  en  qualité  de  spécialist^î.  A  son  retour  au  Caire,  ce 
dernier  a  donné  quelques  renseignements  sur  son  voyage.  Depuis  les 
guerres  des  Mahdistes,  ces  provinces  sont  dans  un  état  pitoyable.  Elles 
ont  été  entièrement  dévastées  et  sont  complètement  dépeuplées.  A  la 
place  de  villes  autrefois  prospères,  on  n'aperçoit  plus  que  des  mon- 
ceaux de  ruine.  El  Obéid  qui  était,  autrefois,  une  cité  de  50  à  60  mille 
habitants,  n'en  compte  plus  actuellement  que  o  à  600.  Le  sol,  qui  est 
d'une  grande  fécondité  naturelle,  n'est  plus  exploité.  Les  indigènes 
n'en  cultivent  plus  que  la  partie  nécessaire  à  leur  subsistance.  Çà  et  là 
seulement,  on  aperçoit  quelques  champs  de  millet;  pour  le  surplus, 
le  pays  n'est  qu'une  vaste  steppe.  Les  nègres  qui  vivent  constamment 
en  lutte  contre  les  Arabes,  sont  exploités  et  pressurés  par  ces  derniers 
de  toutes  les  manières.  Les  Arabes  excitent,  en  outre,  les  diverses  tri- 
bus nègres  les  unes  contre  les  autres.  Les  Arabes  sont  un  grand 
obstacle  à  la  prospérité  du  pays  et  les  autorités  ne  font  rien  pour  y 
remédier.  Les  fonctionnaires  égyptiens  et  indigènes  se  laissent  d'ail- 
leurs trop  facilement  corrompre  par  eux. 

Ces  régions  ne  renferment  que  peu  de  gibier.  La  destruction  des 
éléphants  se  poursuit  rapidement,  malgré  toutes  les  mesures  que  l'on 
a  prises.  Le  professeur  Linck  croit,  du  reste,  que  les  conventions 
internationales  pour  la  protection  de  la  faune  indigène,  si  elles  sont 
efficaces  vis-à-vis  des  chasseurs  étrangers,  ne  pourront  rien  contre 
les  indigènes  armés  de  Remington.  On  trouve  énormément  de  caout- 
chouc dans  ces  contrées,  mais  la  main  d'oeuvre  manque  pour  l'exploi- 


CHRONIQUE  897 

ter.  Le  climat  est  très  supportable.  La  température  monte,  pendant 
le  jour,  à  42  degrés  Celsius,  mais  la  nuit  elle  descend,  en  général,  à 
20  degrés. 

TripoU.  Commerce  des  caravanes.  —  Le  vice-consul  d'Angle- 
terre à  Tripoli  dit,  dans  son  rapport,  que  les  relations  commerciales 
se  sont  améliorées  entre  Tripoli  et  l'intérieur  de  l'Afrique.  Les  rap- 
ports commerciaux  ont  cessé  avec  le  Bornou  et  n'ont  lieu  que  d'une 
façon  précaire  avec  le  centre  du  Soudan  ;  par  contre,  ils  se  développent 
vers  le  Wadai,  où  le  nouveau  Sultan  encourage  le  commerce.  Le 
Wadai  est  la  contrée  la  plus  accessible  des  trois  qui  viennent  d'être 
citées.  Les  marchands  qui  s'y  sont  rendus  l'été  dernier,  ont  réalisé 
des  profits  qui  se  sont  montés  dans  certains  cas,  à  50  p.  c.  Beaucoup 
d'autres  commerçants  se  disposent  également  à  équiper  des  caravanes, 
La  tranquilité  est,  du  reste,  entièrement  rétablie  dans  le  Wadai.  Il 
n'en  est  pas  de  même  du  Soudan,  où  les  routes  continuent  à  être  peu 
sûres,  particulièrement  au  Sud  de  Ghat,  où  les  tribus  nomades  atta- 
quent les  caravanes  qui  ne  sont  pas  suffisamment  protégées  par  dès 
hommes  armés.  Quant  au  Bornou,  il  n'y  a  pas  d'espoir  de  voir  bientôt 
le  commerce  y  renaître. 

Nigeria.  L'organisation  de  la  force  publique.  —  La  force 
publique  de  la  Nigeria  est  la  plus  remarquable  de  toutes  les  troupes 
de  l'Afrique  Occidentale,  tant  au  point  de  vue  du  nombre  et  de  l'équi- 
pement des  soldats  que  de  la  proportion  d'officiers  anglais.  Cette  force 
se  compose  de  deux  bataillons  d'infanterie,  de  trois  batteries  d'artil- 
lerie et  d'une  compagnie  du  génie,  possédant  une  section  télégra- 
phique. Elle  a  aussi  des  départements  de  transport  et  des  services 
médicaux  parfaitement  organisés.  Les  soldats  sont  recrutés  parmi^  les 
Hausas  et  les  Yorubas  et  pour  une  faible  partie  parmi  les  Nupés. 
L'enrôlement  des  Yorubas  est  une  innovation  qui  a  donné  de  bons 
résultats.  On  a  toutefois  eu  soin  de  séparer  les  Hausas  et  les  Yorubas, 
en  compagnies  distinctes.  Les  troupes  sont  cantonnées  àYebba,  à 
500  milles  en  amont  du  Niger,  et  à  Lokoja,  au  confluent  du  Wiger  et 
de  la  Bénué.  Depuis  que  l'Angleterre  a  annexé  la  Nigeria,  on  s'est 
appliqué  à  ouvrir  les  territoires  montagneux  de  l'intérieur  où  l'on 
trouvera  peut-être  bientôt  des  emplacements  plus  sains  que  ceux  clu 
bord  du  Niger. 

Les  soldats,  tant  Hausas  que  Yorubas,  sont  des  hommes  splendides. 

Ils  apprennent  facilement  le  maniement  des  armes  et  sont  très  durs  à 

.  la  fatigue.  Leur  point  faible  est  le  tir.  La  justesse  de  leur  visée  a  cepen* 

dant  fait  des  progrès  depuis  que  la  troupe  existe.  La  tentative  de  former 


598  ÉTUDIfIS   COLONIALES 

une  compagnie  d'infanterie  montée  a  échoué  par  suite  de  l'inaptitude 
des  chevaux  à  résister  au.climat  de  la  vallée  du  Niger. 

Un  bataillon  se  compose  de  huit  compagnies,  de  150  hommes  cha- 
cune. Il  est  commandé  par  un  lieutenant-colonel,  un  commandant  en 
second,  un  adjudant  et  un  quartier-maitre.  Chaque  compagnie  a  un 
commandant  et  deux  otKciers  subalternes  ayant  au-dessous  d'eux  cinq 
officiers  non  commissionnés,  sans  compter  les  gradés  indigènes. 
Chaque  compagnie  a  un  maxim  et  les  hmnmes  sont  armés  de  carabines 
Lee-Enfield.  Les  batteries  d'artillerie  sont  armées  de  canons  de  sept 
livres  et  de  Maxim -Nordenfelt.  Les  officiers  ne  restent  en  Afrique  que 
pendant  douze  mois  consécutifs. 

Afrique  allemande  Sud-Occidentale.  —  La  superficie  de 
l'Afrique  allemande  Sud-Occidentale  est  de  830,960  kilomètres  carrés; 
elle  équivaut  à  celle  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie  réunies.  Le  pays 
manque  de  cours  d'eau,  mais  on  lui  attribue  des  richesses  minières 
prodigieuses.  Dans  la  partie  Nord-Est,  on  a  prospecté  des  gisements 
d'or  et  des  mines  de  cuivre. 

La  colonie  a  l'avantage  d'être  placée  dans  la  zone  tempérée  où  la 
raceblanche  peut  vivre  et  prospérer.  Elle  a  une  situation  géographique 
analogue  à  celle  du  Queensland  et  des  provinces  brésiliennes  du 
Parana.  Les  hautes  terres  ont  le  même  climat  que  la  Rhodesia,  le 
Transvaal  et  l'Etat  libre  d'Orange  et  les  parties  basses  sont  aussi  saines 
que  la  Natal  ie  et  Delagoa  Bày. 

Le  littoral  est  couvert  de  dunes  de  sable  et  ne  possède  qu'un  petit 

'  nombre  de  baies.  La  côte  est  difficilement  accessible.  La  rade  d'Angra- 

Pequena  qui  pourrait  abriter  une  flotte  entière  et  Walfish-Bay,  qui 

possède  un  beau  port,  sont  des  enclaves  qui  appartiennent  à  l'Angle- 

•  terre.  Il  en  est  de  même  des  nombreux  îlots  à  guano  dont  quelques-uns 
sont  exploités  par  des  maisons  de  Capetown. 

Dans  l'intérieur  du  pays,  le  relief  s'élève  assez  rapidement,  et  on  y 

rencontre  des  massifs  montagneux,  dont  le  point  culminant  est  à  une 

altitude  de  2,000  mètres.  Certaines  régions  sont  très  fertiles.  Dans  la 

saison  des  pluies,  la  végétation  y  est  luxuriante;  l'herbe  atteint  la 

'  hauteur  d'un  homme.  L'élevage  du  bétail  est  donc  appelé  à  yprospé- 

•'  rer  comme  dans  les  régions  voisines. 

La  population  du  Damaraland  se  compose,  en  chiflres  ronds,  de 

•  200,000  individus  de  race  hottentote,  moins  susceptibles  de  civilisation 
que  les  Cafres,  et  d'environ  4,000  blancs.  Ces  derniers  sont  employés 

-dans  l'administration,  la  construction  du  chemin  de  fer  de  Schwakop- 
'  mund  et  dans  les  mines.  Il  y  a  aussi  des  colons  libres. 


Un  autre  petit  affluent  offre  une   extraordinî  ! 
caoutchou tiers  encore  vierges,  de  cacao  sylvestn 
de  bois  précieux.  «  Il  n'est  pas  possible  d'ini  | 
district  de  colonisation,  remarque  le  voyageur.  » 

Mais  voici  la  bouche  du  Yamunda.  Les  terres  ht 
presque  immédiatement  couvertes  d'une  végéLal  : 
pauvre.  On  rencontre  partout  le  caoutchouc  et    i 
ils  ne  paraissent  nulle  part  bien  abondants.  La  le 
plutôt  basse.  La  terre  n'est  pas  riche. 

De  temps  à  autre  une  baraque  de  récolteur  (  i 
donnée.  Devant  Tune  d'elles,  un  essai  de  jardii 
pied  de  piment,  quelques  touffes  de  canne  à  sucre 
des  pastèques  et  parfois  du  tabac. 

La  rivière  devient  sinueuse.  Par  endroit  elle  (  ■ 
toujours  à  courant  assez  fort.  Tantôt  sur  une  riv  ; 
autre  des  baraques;  des  baraques  récemment  aban< 
en  ruines,  d'autres  dont  il  ne  reste  que  des  vestig  i 
ces  rives  Tliomme  passe  sans  se  fixer.  » 

Les  berges  s'élèvent  lentement.  La  forêt  comm  : 
des  essences  plus  riches.  La  flore  guyanaise  y  pa  • 
ques-unes  de  ses  espèces  :  le  palmier  coco,  le  bur 

Voici  quatorze  jours  que,  sans  un  arrêt,  depuis  F; 
canote  et  lève  la  rivière.  Quelques  jours  de  rep  : 
l'ascension.  Des  plages,  des  berges  rocheuses,  d 
quelques  pieds  de  copalin;  la  rivière  se  poursuit  c  < 

Calme  et  monotone,  étroite,  de  peu  de  fond,  elh 
forêt  de  médiocre  venue.  Les  caslanhas  (châtaigmi 
mencent  à  devenir  beaucoup  plus  nombreux.  Paru 
ros,  on  rencontre  aussi  quelques  pieds  de  copalin, 
Bien  que  la  préparation  de  l'huile  decopalinne  soit  { 
importante  de  l'industrie  du  Para,  elle  est  cependai 

Après  trois  semaines  de  navigation  la  région  de- 
chûtes  commence  au  Travessao  da  legada.  Plus 
ce  cachoeiragrande  »  l'embarcation  chavire  et  se 
arrêt  de  quinze  jours  pour  en  construire  une  nom 
forêt  de  la  rive  droite,  les  charpentiers  trouvent  qii 
cacao  de  matto  ou  cacao  sylvestre.  Les  castanhas  ne 
mais  le  caoutchouc  n'est  guère  abondant.  » 


On  est  arrivé  à  la  limile  fin  Yamiinda  connu.  Pas  un  blanc  n'a 
reraonlé  plus  hauL  Tous  ont  été  arrélés  sans  doute  par  les  rapides 
et  une  grande  chnte  de  A  mètres  qui»  pendant  6  jours,  coupent  la 
rivière.  Durant  le  portage  le  long  de  ces  rapides,  M»  Coudreau 
rencontre  de  nombreux  pieds  de  eaontclioue. 

I*uis  la  rivière  redevient  caltne  et  brusquement  «  voici,  rive 
gaucfiG,  une  chose  sin«^ulière  :  une  baraque  de  chasse  indienne 
abaïKlonnôe.  Il  y  a  donc  des  Indiens  dans  la  rivière?  «  Et  celle 
cbûse  rare  de  rimraense  solitude  amazonienne  :  des  homn^cs,  vient 
ajoulcr  un  danger  de  plus  à  ceux  que  menacent  déjà  les  explora- 
teurs. 

Le  Yamnndfi  se  fait  petit,  une  largeur  au  hasard  donne  53  nièlres 
seulement  à  un  élargissement  eu  pays  plat.  Sur  les  rives  ce  sont 
parfois  des  montagnes  assez  fortes  pour  le  pa\s,  80  à  100  mèlres, 
parfois  dos  terres  noyées. 

Puis  un  nouveau  rapide:  la  eaehoeira  daspedras  solias  h  partir 
duquel  le  caoutchouc  devient  eonj nui n.  Par  cndroils  il  est  même 
furtabnndaïd.  C'est  la  gomme  de  qualilé  moyenne  fiiirr/f»^. 

Les  traces  d'Indiens  se  renouvellenl,  plus  nombreuses,  [ïlus 
fraîches.  En  voici  qui  interpellent  fie  la  rive,  les  voyageurs*  Ce 
sont  des  Crichanàs  fin  Jajiapiry,  l'alllucnt  de  l'Amazone  coulant  à 
130  kilomètres  dans  rOui?sï.  (j'S  hifliens  sont  sauvages  et  enicls, 
Ils  sont  dun  voisinage  peu  ^ùr.  U*  Coudj-eaii,  n'ayant  que  quelques 
fusils  pour  se  protéger^  jugeprndcntdc  battre  en  retraite.  A  loreede 
rames  il  descend  la  rivière  en  neuf  jours,  chavirant  deu\  fois  dims 
les  rapides,  nolaj)tau  passage  une  ancienne  [ïlautation  de  ntanioc, 
la  seule  de  tonle  la  rivière,  et  laliseiice  absolue  de  toute  nouvelle 
trace  d'habilanls. 

«  Depuis  les  ijauls  tin  Yanuinda,  [tersonne.  Entre  les  Indiens  da 
cours  supérieur  et  lu  petite  la^^emla  de  Seraphim,  à  la  touche  du 
Yamunda,  pas  une  âme.  ()ans  tout  le  bassin  du  Yamunda,  b  popu- 
lation civilisée  est  représentée  uniquement  par  Seraphim  Gomcs 
et  sa  famille  à  Tembouchure  de  la  rivière.  » 

Seraphim  a  une  trentaine  de  bêtes  à  cornes  et  cinq  ou  six  che- 
vaux. Ses  prairies  sont  petites  et  médiocres.  Toute  la  ferme  se 
réduit  aune  baraque  pour  les  habitants  et  un  hangar  pour  le  bétail. 
L'endroit,  argileux,  est  humide  et  peu  salubre.  Mais  il  est  le  ter- 
minus du  service  de  la  chaloupe  à  vapeur  du  lac  de  Faro  —  ce 


service  pourrait  l'hiver  aller  jusqu'aux  chutes  —  et  Gomes  y  reste 
pour  ne  pas  s'éloigner  de  la  rivière.  Dans  l'intérieur,  cependant, 
s'étendent  des  terres  élevées,  bien  plus  saines  et  plus  riches,  cou- 
vertes de  superbes  massifs  de  châtaigniers.  Les  baraqnes,  les  cul- 
tures, les  pâturages  s'y  trouveraient  bien  mieux.  Mais  pour  s'y 
établir,  il  faut  penser,  comparer  les  avantages  de  cet  établissement 
dans  les  hautes  terres,  aux  inconvénients  d'une  courte  roule  à  faire 
chaque  fois  qu'il  faudra  se  rendre  à  la  rivière,  en  conclure  le 
transfert  de  la  ferme.  C'est  beaucoup  trop  pour  Tindolent  habitant 
des  rivières  de  l'Etat  de  Para.  S(»n  énergie  s'est  émoussée  dans  un 
milieu  humide  et  surchaufTè,  impropre  à  la  vie  animale.  Il  vit 
comme  il  peut,  là  où  le  hasard  l'a  fait  échouer. 


La  brève  analyse  que  nous  venons  de  faire  de  trois  des  voyages 
de  M.  Coudreau,  nous  a  permis  de  signaler  lextrême  prudence 
avec  laquelle  doivent  agir  ceux  qui  visent  à  s  établir  dans  la  région 
amazonienne,  et  les  ditricullés  considérables  qui  les  y  attendent. 

Sans  doute  le  caoutchouc  v  est  abondant,  mais  son  aire  de  dis- 
persion  est  immense  et,  nous  venons  de  le  voir,  des  régions 
en  conliennent  bien  peu  et  même  pas  du  tout.  Sauf  en  quelques 
points  déjà  exploités,  ni  les  nombreuses  rivières  d'entre  Tocantins 
et  Xingu,si  bien  situées  cependant,  ni  le  bas  Yomunda  entier  ne 
valent  qu  on  s'y  arrête.  Seuls  le  Tapajoz  et  U  haut  Yamunda  oflrent 
de  l'intérêt  au  point  de  vue  de  la  gomme.  Encore  les  arbres  à  caout- 
chouc n  y  sont-ils  nombreux  que  par  endroits. 

Les  difficultés  de  communication  dans  ces  deux  rivières  sont 
loin  d  être  négligeables  :  le  bassin  du  Tapajoz  n'est  qu'un  escalier 
allant  du  Jatto  Grosso  à  Ilaituba  et  la  partie  riche  du  Yamunda  est 
précisément  celle  qui  dévale  des  massifs  montagneux  guyanais.  Il 
y  a  aussi  la  difficulté  de  délimiter  exactement  les  vastes  conces- 
sions et  de  s'assurer  de  la  valeur  des  titres  de  propriété.  Enfin  et 
surtout  il  y  a  la  question  de  la  main-d'œuvre  qui  domine  le  déve- 
loppement économique  de  TElat  de  Para  tout  entier.  Il  n'y  a  pas 
d'habitants  dans  ces  régions.  Les  Indiens  même  n'ont  pu  résister 
au  climat,  leurs  tribus  nombreuses  au  moment  des  migrations  qui 
les  amenèrent  dans  l'Amazone  sont  en  voie  de  rapide  disparition, 


Les  descendants  des  Portugais  se  maintiennent  dans  quelques 
centres  plus  salubres  que  les  autres. 

La  masse  des  blancs  indigènes  et  des  métis  qui  travaillent  le 
caoutchouc  dans  la  forêt  doit  s'y  recruter  à  grand  peine,  offrant  un 
concours  incertain  et  cher.  Nous  avons  vu  que  certains  proprié- 
taires indigènes  parviennent  à  grouper  autour  d'eux  quelques 
Indiens.  Cette  pratique  n'est  guère  possible  pour  une  société  euro- 
péenne qui  se  crée.  Il  ne  reste  que  la  main-d'œuvre  importée.  La 
Chine  et  les  Antilles  peuvent  en  fournir.  Mais  on  sait  les  frais  et  les 
aléas  que  pareille  jnéthode  comporte. 


Lieutenant  Goffart. 


Les  Parties  incoQQues  du  fi 


Quelles  sont  les  parties  du  monde  qui  peuvent  ei 
sidérées  comme  inconnues,  se  demande  M.  H.  S 
des  derniers  numéros  du  (ilobus,  une  intéressante 
graphie  allemande  Ce  n'est  pas  sans  raison  que 
dique  pour  le  XIX®  siècle,  l'honneur  d'être  appelé  co 
XVI®  siècles,  une  ère  de  découvertes.  Les  progrès 
phie  a  faits  au  cours  des  cent  années  qui  sont  pi 
sont,  en  effet,  immenses.  Et  cependant,  si  on  compjj 
obtenus  à  ce  qui  reste  à  faire,  on  doit  reconnaître  q 
cle  lègue  à  celui  qui  le  suit,  une  tâche  d'invesligatio 
vertes  plus  étendue  qu'on  ne  le  pense  généralement 

Ainsi,  si  l'on  considère  les  régions  du  pôle  non 
nos  connaissances  actuelles  de  cette  partie  du  mond( 
limites  suivantes.  Dans  la  partie  de  la  mer  glaciale, 
la  terre  de  Wrangel,  à  l'est,  et  le  nord  du  Spitzt 
l'inconnu  s'étend  au-delà  des  voies  suivies  par  la  Jea 
et  par  le  Fram  de  1894  à  1896.  Dans  le  nord  du  ( 
renseignements  se  limitent,  d'une  façon  générale,  ai 
éloigné  atteint  par  Lookwood  en  1882  (cap  Washin 
ploration  de  la  baie  de  l'Indépendance  (1892)  par  I 
faut-il  ajouter  que  la  portion  de  la  côte  orientale  con 
cap  Bismarck,  découvert  par  Rayer,  en  1870,  et  la 
pendance,  ainsi  que  la  partie  de  la  mer  située  en  fs 
aussi  inconnues.  La  partie  de  la  terre  de  Grinnell 
vers  l'ouest  est  à  peu  près  identifiée.  Par  contre,  i 
de  l'importance  de  la  terre  d'Ellesmere  qui  se  trouv 
terre  de  Grinnell,  ni  de  la  mer  qui  se  développe  au  n 
pel  Parry.  De  longues  étendues  de  côtes  de  la  te 


atlenaent  également  des  relevés  plus  exacts,  un  peut,  toute- 
fois, espérer  que  Tannée  prochaine,  Tinconnu  qui  enveloppe  le 
pôle  nord  sera  nolablement  diminué,  grâce  aux  nombreux  efforts 
qui  se  dirigent  actuellement  vers  cette  région. 

Le  pôle  sud  sera  bientôt  aussi  l'objet  de  toute  une  série 
de  tcntalives  d  exploration.  C'est  autour  de  ce  point  que  se 
trouvent  les  parties  inconnues  du  monde  les  plus  considérables. 
On  en  est  réduit  actuellement  en  ce  qui  concerne  ces  régions, 
à  de  simples  conjeclures.  Notre  connaissance  de  ces  contrées  ne 
dépasse  le  70^  degré  de  latitude  qu'en  six  endroits  :  au  170^  dt?gré 
de  longitude  Est,  où  James  Ross  découvrit,  en  1840,  la  terre  Vic- 
toria et  ses  volcans;  où  Borchgrevingk  détermina  pendant 
l'hiver  1899-1900  le  pôle  magnétique  du  Sud  et  parvint  à  atteindre 
la  latitude  du  78*  degré  50,  jusqu'à  présent,  la  plus  élevée;  au 
160«  degré  longitude  Ouest,  où  Ross  rencontra  probablement,  en 
184:2,  des  masses  continentales;  au  110*  degré  longitude  Ouest 
(Cook,  1774);  au  90^  degré  longitude  Ouest,  où  le  navire  de  lex- 
péJition  belge  poussa  jusqu'au  delà  du  71°  degré  30  de  latitude 
Sud;  au  3>  degré  longitude  Ouest,  où  Wedell  parvint,  en  18:23, 
un  peu  au-delà  du  7i'  degré  30  latitu  le  Sud,  et  enfin  au  150*  degré 
longitude  Ouest  (Ross,  1843). 

La  cartographie  du  continent  asiatique  a  bénéficié  d'importantes 
découvertes  au  cours  du  X1X°  siècle.  11  reste  cependant  encore 
de  grandes  et  de  petites  éte.idues  où  les  efforts  des  pioniers 
trouveront  un  vaste  champ  d'activité.  La  Haute-Asie  ouvre  une 
ère  immense  aux  recherches  scientifiques.  Au  Tliibet,  il  reste 
beaucoup  à  faire  encore  malgré  les  travaux  des  voyageurs  russes, 
anglais  et  français.  C'est  le  cas  notamment  pour  la  contrée  qui 
s'étend  au  nord  de  la  route  de  Nain  Singh  en  1874-1875,  au  sud 
du  Kwenlun  et  à  l'ouest  de  l'itinéraire  de  Rhins  en  1893.  Au  nord 
du  Kwenlun  et  des  routes  suivies  par  Prschewalski  et  Hedin 
s'étendent  aussi  jusqu'au  Tarim,  d'immenses  déserts  inconnus. 

Il  en  est  de  même  pour  la  partie  du  Gobi  qui  se  développe  à 
TEst  du  Lop-Nor  et  qui  n'a  guère  été  parcourue  jusqu'à  présent. 
La  moitié  orientale  de  l'Hymalaya  n'est  connue  que  d'une  façon 
très  approximative.  Les  pics  qui  s'y  trouvent  et  qui  sont  les  plus 
élevés  de  la  terre  ont  été  mesurés  trigonométriquement,  il  est  vrai, 
mais  ni  le  pied,  ni  le  sommet  de  ces  montagnes  n'ont  jamais  été 


CHRONIQUE  605 

C'est  une  erreur  de  croire  que  les  Touaregs  dépendent  entièrement 
des  oasis,  au  point  de  vue  économique,  et  que  c'est  de  là  seulement 
qu'ils  tirent  leurs  subsistances.  Le  contraire  est  plutôt  vrai,  du  moins 
pour  l'Est.  Ce  fait  a  une  grande  importance,  car,  s'il  est  établi,  les 
Français  n'auront  nullement,  comme  ils  l'espéraient,  maté  les  Toua- 
regs en  occupant  les  oasis. 

La  principale  culture  des  oasis,  depuis  Foggarat-Sua  jusqu'à  In- 
Salah,  est  celle  des  dattiers.  Us  sont  plantés  dans  des  jardins  agréables, 
ombreux  et  bien  irrigués.  Â  l'ombre  des  palmiers,  on  cultive  du  blé, 
d.e  l'orge  et  des  légumes,  tels  que  choux,  carottes  et  navets,  dont  on 
fait  d'excellentes  conserves.  On  rencontre  aussi  quelques  figuiers  et 
quelques  vignes  qui  appartiennent  aux  familles  riches.  Ces  dernières 
sont  recherchées  comme  arbitres  et  conseillères,  grâce  à  leurs  rela- 
tions commerciales  et  à  leur  influence  qui  s'étendent  fort  loin.  C'est 
une  de  ces  familles  qui  assura  la  sécurité  de  Barth  quand  celui-ci  visita 
Tombouctou. 

H.  Flamand  a  également  découvert  et  copié  dans  le  désert  quelques 
inscriptions  préhistoriques  gravées  dans  les  rochers.  On  trouve  un 
grand  nombre  de  belles  inscriptions  près  de  la  source  renommée  de 
Hassi-Mongar.  Elles  sont  creusées  dans  des  blocs  de  couleur  grise, 
verte,  ou  amarante.  Le  temps  ne  les  a  guère  patinées.  Aussi  ont-elles 
l'air  d'être  relativement  récentes.  Les  rochers  calcaires  près  de 
Tilmas-Djelguem  sont  ornés  de  sculptures  représentant  de  petites 
figures  d'animaux.  L'étude  de  ces  intéressantes  découvertes  permettra 
probablement  de  faire  la  lumière  sur  l'époque  préhistorique  du  Rad- 
mait  et  du  plateau  de  Mzalb. 

Madagascar.  Ports  et  phares.  —  Depuis  roc<3upation  de  Mada- 
gascar, par  les  Français,  le  système  des  phares  a  été  complété  cl 
amélioré.  Les  vaisseaux  peuvent  maintenant  pénétrer  dans  les  ports, 
même  la  nuit.  Deux  phares  ont  été  érigés  à  Tamatave  et  deux  autres  à 
Majunga.  On  en  construit  aussi  un  au  cap  Ambre,  à  l'ouest  de  l'île. 
Le  plan  complet  de  l'éclairage  des  côtes  malgaches  comprend  là  con- 
struction de  grands  phares  à  Majunga  et  à  Nossi-bé,  au  cap  N'  Gontsy, 
au  cap  Saint-Vincent  et  au  cap  Saint -André.  Des  fanaux  indiqueront 
l'entrée  des  principaux  ports.  En  vue  de  réduire  autant  que  possible  le 
nombre  des  feux,  on  se  servira,  pour  indiquer  les  passages  dangereux, 
de  fanaux  à  verres  de  couleurs  variées  au  lieu  de  lumières  conver- 
gentes. Les  feux  blancs  désigneront  les  endroits  sûrs. 

En  vue  d'améliorer  les  moyens  de  chargement  et  de  déchargement 
des  marchandises,  on  a  construit  des  quais  ou  des  wharfs.  Il  en  eiiste 


JNiger  qui  se  trouve  au  iNora-JiiSl  ae  la  route  suivie  par  bartn  en 
1853,  ainsi  que  la  région  comprise  entre  le  Niger  inférieur  et  la 
Benué  inférieure.  On  ne  sait  pas  grand  chose  non  plus  au  sujet  du 
fond  de  lliinterland  du  Kamerun,  d autant  plus  quon  ne  connaît 
pas  encore  le  résultat  des  observations  allemandes  faites  dans 
cette  région.  On  peut  dire  la  même  chose  de  la  partie  du  Congo 
français  située  au  Nord  du  8*  degré  de  latitude  et  setendant 
jusque  près  du  Wadaï  et  du  Darfour.  Dans  l'Etal  Indépendant  du 
Congo  il  reste  également  beaucoup  à  faire.  On  y  a  relevé  le  tracé 
des  grands  fleuves,  il  est  vrai,  mais  on  n'a  pas  encore  exploré  les 
territoires  compris  entre  ces  cours  d  eau.  Ensuite,  une  foule  de 
questions  se  présentent  encore  concernant  les  sources  du  Congo, 
les  contrées  qui  touchent  à  l'Afrique  centrale  anglaise  et  à  l'Afrique 
portugaise  orientale,  les  sources  du  Kagera  et  la  région  des 
volcans  de  l'Afrique  centrale;  il  en  est  de  même  de  la  partie  de 
l'Afrique  anglaise  orientale  comprise  entre  la  Tana,  le  lac 
Rodolphe  et  la  Djuba,  ainsi  que  du  Sud  de  iMadagascar.  On  ne 
peut  cependant  nier  que  la  tache  blanche  qui  recouvrait  la  carte 
de  TAfrique  est  en  voie  de  disparaître  rapidement.  Le  zèle  des 
différents  états  colonisateurs  pour  faire  pénétrer  la  lumière  dans 
le  «  continent  noir  »  ne  se  relâche,  du  reste,  pas,  et  c'^st  ce  qui 
fait  que  nos  connaissances  géographiques  font  de  si  rapides 
progrès  dans  cette  partie  du  monde. 

Il  peut  paraître  extraordinaire,  au  premier  moment,  que  TAmé- 
rique  du  Nord  ne  soit  pas  encore  connue  dans  tous  ses  détails. 
C'est  cependant  le  cas.  Les  résultats  des  explorations  qui  se  font 
en  ce  moment  dans  l'Alaska,  où  la  lièvre  de  l'or  attire  tant  de  gens, 
nous  montrent  combien  peu  nous  connaissions  cette  région  aupa- 
ravant Les  caries  sont  inexactes  ou  insu flîsan tes  et  les  expéditions 
des  gouvernements  américain  et  canadien  rapportent,  chaque 
année,  un  important  tribut  de  connaissances  nouvelles.  Dans  le 
Salvador  et  dans  les  régions  comprises  entre  les  grands  cours 
d'eau  et  les  grands  lacs  du  Nord,  bien  des  points  sont  encore 
obscurs. 

Dans  l'Amérique  centrale,  quelques  parties  du  Honduras,  du 
Nicaragua  et  de  Costa-Rica  ne  sont  pas  encore  suffisamment 
connues. 

Dans  l'Amérique  du  Sud,  la  situation  est,  pour  certaines  parties, 


à  peu  près  la  même  que  pour  TAfrique.  Ou  coi 
Andes  du  Pérou,  les  hautes  montagnes  de  la  B( 
lagnes  du  Sud  du  Venezuela  et  de  la  Guyane  1 
des  fleuves  de  cette  partie  du  monde  ont  été  rel 
mlère  foison  à  nouveau,  pendant  les  vingt  demi 
un  grand  nombre  d  autres  cours  d'eau  importante 
la  venue    d'un    explorateur,    tels    que   l'Apopt 
de  Cuguan,  qui  débouchent  dans  le  Yapura,  e 
Vichada,  qui  se  jettent  dans  l'Orénoque.  Il  en 
presque  tous  les  affluents  du  Rio  Branco,  et  des 
de  rUruba  et  du  Uatunia,  qui  descendent  du  N 
dans  l'Amazone.  La  région  comprise  entre  les 
amont  de  Man.ios  et  au  Nord  de  l'Amazonie  en  fac 
qu'à  Obidos  est  encore  complètement   inexplo 
affluents  méridionaux  de  l'Amazone  ont  élé  visité 
par  des  voyageurs  allemands  et  anglais.  Mais  il  e:? 
grandes  forêts  vierges  dont  l'étendue  égale  celle  d 
personne  n'a  encore  pénétré.  D'autres  queslionî 
par  l'exploration  des  forêts  vierges  de  la  Bolivie,  • 
Grosso,  de  l'Ouest  du  Sao  Paulo,  de  l'Atacama 
méridionale  du  continent  y  compris  la  J^atagonie 
Terre  de  Feu  appartenant  au  C.hili. 

En  Anstralie,  la  terre  d'Arnhem,  dans  le  Nord, 
de  nouvelles  explorations  et  les  vastes  solitudes  d 
tralio  Occidentale,  ainsi  que  du  Nord  et  du  Su 
Méridionale  n'ont  été  traversés  jusqu'à  présent  qt 
raires  fort  éloignés  les  uns  des  autres. 

Parmi  les  îles,  l'immense  Nouvelle  Guinée  e 
pénibles  mais  utiles  explorations,  car  elle  est,  ma 
s*y  est  fait,  toujours  une  terre  inconnue. 

La  face  de  notre  globe,  dit  M.  Singer  en  conc 
comme  dans  ses  grandes  lignes  mais  nous  ne 
actuellement  la  photographier  avec  tous  ses  tra 
replis.  Il  semble  même  qu'il  nous  faudra  attei 
encore  avant  d'y  arriver. 


) 


LES  PORTS  A  TRAITÉ 


■3-  EU    CMIKfE  -^ 


^ 


Les  négociai  ions  «jui  seiijjageroiit  bientôl  entre  la  VMm  et  les 
puissances  cin'opéGnnos  auront  nultirellcmcnt  pour  objet  fie  régler 
d'une  manière  preeise,  la  situai  ion  et  les  droits  des  èlrangers 
dans  TKmpire  du  Milieu.  11  nu  manrjnora  certainement  pas  d'inté- 
rêt dallirer,  dans  cet  ordre  d'idées,  rallention  sur  lu  politique 
suivie  [ïar  les  IbncLionnaires  cliinois  à  1  égard  des  avantages  que 
les  traités  ont  reconnus  aux  Européens  dans  les  ports  qui  leur  ont 
été  ouverts,  et  sur  les  mesures  qu'il  y  aurait  lieu  de  prendre  pour 
éviter  fju'ils  ne  ptiîsseut  eontinuer  h  r<?streindrc  d*unc  manière 
détournée  les  di'oits  qui  appartiennent,  d'une  manière  incontes- 
table» aux  étrangers. 

Dans  un  article  (1)  destiné  à  faire  partie  du  rapport  snr  les 
travaux  tic  la  Comnusston  commerciale  envoyée  par  rÂlicmagneen 
Extrême-Orient,  M.  11  Schumacîier  émet  à  ee  sujel  des  idées  qui 
nous  paraissent  dignes  d  être  citées.  L'auteur  y  lait  aussi  riiisto- 
rique  de  Torigine  et  du  développement  des  ports  a  traité  qui  sont, 
dit- il,  des  porls  ou  les  nationaux  dun  Etat  qui  a  passe  avec  la 
Cdine  un  traité  renfermant  la  clause  delà  nation  la  plus  favorisée, 
peuvent  se  fixer  et  faire  le  commerce;  les  navires  de  cet  Etat  ont 
aussi  le  droit  de  visiter  ces  points  et  d'y  charger  ou  décharger  des 
marchandises;  cntin,  ces  porls  jouissent  de  certains  avantage;»  au 
point  de  vue  douanier. 


X\)  Die  Cùineêi8chen  Veriroyt/tù/tn,  liitc  tvirUdiafltiche  Stttlung  nnd  liedeuiung.{iaiiv- 
bitchcr  fur  Nntionalœkonomic  und  S(atistik,  1808.) 


CHRONIQUE  609 

chefs  se  considèrent  comme  les  préposés  de  Dieu  et  refusent  de 
s'incliner  devant  tout  habitant  de  la  terre.  Elles  possèdent  des  livres 
sacrés  mais  ne  savent  pas  les  expliquer.  Ces  tribus  sont  à  la  veille  de 
disparaître.  Il  n'en  reste  plus  que  quelques  familles. 

L'expédition  visita  aussi  les  îles  où  les  hirondelles  construisent  les 
nids  comestibles.  Cette  contrée  est  étroitement  surveillée  de  peur  que 
l'on  n'y  dérobe  des  nids.  Les  sentinelles  ont  Tordre  de  tirer  sur  tous 
ceux  qui  s'en  approchent  sans  motif.  Les  indigènes  vivent  dans  une 
nudité  presque  complète;  ils  furent  extrêmement  surpris  d'apercevoir 
des  blancs. 

Au  cours  de  leur  voyage,  les  explorateurs  eurent  l'occasion  de  se 
voir  servir  des  plats  assez  étranges,  tels  que  des  fourmis  rouges,  des 
taupes,  des  abeilles  et  une  sorte  de  sauterelles.  La  manière  dont  on 
s'empare  de  ces  dernières  est  curieuse.  Deux  ou  trois  indigènes  se 
réunissent  la  nuit  autour  d'un  feu  de  bois  très  vif.  L'un  d'eux  tient 
une  torche  allumée,  tandis  que  les  autres  battent  des  mains  à  des 
intervalles  réguliers.  Les  sauterelles,  attirées  par  le  bruit  et  guidées 
par  la  clarté,  s'abattent  et  viennent  se  poser  sur  les  gens  assis  autour 
du  feu. 

Un  jour,  les  voyageurs  dénichèrent  une  couple  de  jeunes  léopards 
dans  le  creux  d'un  arbre,  au  bord  de  la  route.  Mais  comme  il  était 
difficile  de  les  nourrir,  on  les  confia  à  une  femme  siamoise  qui  les 
allaita.  Elle  prétendait,  du  reste,  avoir  déjà  rendu  précédemment  ces 
soins  maternels  à  un  jeune  ours. 

De  Singora,  l'expédition  se  rendit  à  Patani  et  escalada  le  Gunong 
Besar  ou  Indragiri  jusqu'à  une  hauteur  de  3,000  pieds.  Elle  visita 
ensuite  Biserat,  dans  le  Jalor.  Cet  endroit  était  très  favorable  aux 
observations  scientifiques.  Malheureusement,  une  épidémie  de  variole 
y  éclata.  Les  explorateurs  parcoururent  les  grottes  de  la  localité,  qui 
renferment  la  superbe  salle  de  la  statue  (Gua  Gambar),  où  l'on  peut 
admirer  une  colossale  image  de  Buddha  d'environ  100  pied^  de  hau- 
teur. Continuant  leur  route,  les  voyageurs  arrivèrent  à  Ligeh,  d'où 
ils  firent  l'ascension^du  mont  Tahan,  le  pic  le  plus  élevé  de  la  pres- 
qu'île. Sa  hauteur  est  évaluée  à  10,000  pieds.  Ils  découvrirent  aussi 
une  autre  montagne,  le  pic  du  cercueil,  dont  l'élévation  n'est  guère 
moindre. 

Le  gouvernement  siamois  a  fait  plus  qu'on  ne  le  pense  générale- 
ment pour  rétablir  l'ordre  dansjcetle  contrée.  Les  lois  sont  partout 
observées  et  les  impôts  se  paient  régulièrement.  L'esclavage  existe 
encore,  mais  sous  une  forme  très  adoucie  et,  chaque  année,  un 
nombre  considérable  d'esclaves  sont  affranchis  légalement.  La  torture 


la  France  et  ensuite  les  Ëlals-Unis  ont  fait  avec  la  Chine  des 
conventions  attribuant  à  leurs  nationaux,  dans  les  ports  à  traité 
importants,  des  quartiers  bien  situés  où  seuls  ils  ont  le  droit  de 
s'établir  et  qu'ils  administrent  eux-mêmes.  Ainsi  se  sont  formés 
bientôt  les  établissements  étrangers.  Los  Anglais  et  les  Américains 
ont  pu  organiser  ces  concessions  selon  leurs  goûis  personnels. 
Ils  y  ont  introduit  des  services  de  voirie  et  d'hygiène,  des 
écoles,  etc  Ce  que  l'administration  européenne  autonome  a  pu 
faire  en  peu  de  temps  à  Shanghaï,  Tientsin.  Hankou  et  Canton 
mérite,  à  juste  titre,  d  être  admiré.  Les  concessions  européennes 
constituent  un  contraste  frappant  avec  les  villes  chinoises  qui  se 
trouvent  à  côté  d'elles. 

Cette  séparation  de  Tadministration  chinoise  sest  faite  de 
diverses  façons.  On  peut  distinguer  deux  sortes  d'élablissements  : 
la  concession,  comme,  par  exemple,  à  Canton,  où  le  gouverne- 
ment étranger  prend  à  bail  du  gouvernement  chinois  une  étendue 
délerminée  du  sol  qu'il  donne  ensuite  lui-même  en  location,  et  le 
seulement^  comme  à  Shanghaï  où  les  étrangers  acquièrent  eux- 
mêmes  et  progressivement  le  sol  des  possesseurs  chinois  sans  l'in- 
tervention d'une  nation  étrangère.  Lrs  limites  entre  les  deux 
formes  d'élablissements  sont,  du  reste,  difficiles  à  délerminer, 
parce  que  les  accords  relatifs  à  leur  fondation  différent  de  cas  à 
cas. 

Toujours  est-il  que  le  sol  de  ces  établissements,  et  c'est  ce  qui 
les  distingue  des  colonies,  reste  la  propriété  de  la  Chine.  11  n  est  pas 
acheté  mais  seulement  loué  à  temps.  Un  loyer,  très  minime  il  est 
vrai,  est,  d'ailleurs,  payé.  L'établissement  continue  à  faire  partie 
du  port  à  traité.  Les  étrangers  y  relèvent  de  leurs  consuls  respec- 
tifs et  les  Chinois  de  leur  justice  nationale.  Les  résidents  ne  sont 
nullement  soumis  à  la  juridiction  du  gouvernement  qui  a  obtenu  la 
concession,  comme  ce  serait  le  cas  dans  une  colonie.  La  clause  de 
la  nation  la  plus  favorisée  est  également  applicable  aux  concessions. 
Les  nationaux  des  autres  pays  ont  donc  le  droit  de  s'y  établir  et  d'y  i 

faire  le  commerce.  Il  n'y  a  qu'une  différence  en  faveur  de  la  nation 
à  qui  appartient  la  concession  :  elle  a  le  droit  de  déterminer  les 
conditions  de  vente  et  de  location  des  terres  qui  lui  ont  été  concé- 
dées. En  réalité,  les  non-Anglais,  par  exemple,  n'ont  jamais 
éprouvé  la  moindre  difficulté  à  acquérir  des  terrains  dans  une 


BIBLIOGRAPHIE 


La  CSonqaéte  de  rAHriqae,  par  J.  Darcy.  Un  vol.  in-lS  de  360  pages  avec  carte.  — 
Paris,  Perrin  et  0®,  1900. 


L'auteur  a  réuni  en  un  volume  une  série  d'articles  publiés  dans  le 
Correspondant.  II  s'occupe  peu,  dans  ces  études,  de  l'expansion 
coloniale  de  son  propre  pays,  mais  il  traite  en  détail  de  la  politique 
coloniale  de  ses  rivaux  anglais  et  surtout  allemands.  C'est  principale- 
mant  aux  progrès  de  l'Allemagne  qu'il  accorde  une  attention  presque 
admirative. 

Plusieurs  chapitres  sont  consacrés,  d'autre  part,  à  la  situation  des 
colonies  portugaises,  ainsi  qu'à  l'Etat  Indépendant  du  Congo,  dont 
l'auteur  retrace  Thistorique  et  décrit  la  situation  économique  et  com- 
merciale. Cette  partie  de  son  ouvrage  est  pour  nous  fort  intéressante, 
malgré  quelques  appréciations  contestables.  Le  livre  de  M.  Darcy  est 
dans  son  ensemble  une  importante  étude  de  politique  contemporaine. 


Un  Ontre-Mer  aa  XVII«  siècle.  Voyages  au  Canada  du  baron  de  la  Hontau,  publiés 
avec  une  introduction  et  des  "notes  par  M.  François  de  Nion.  —  Un  vol.  in-i8  de 
338  pages.  —  Paris,  PJan-Nourrit  et  O*,  1900. 

Ce  volume  fait  revivre  la  figure  originale  d'un  des  anciens  colonisa- 
teurs français.  Les  vingt-cinq  lettres  du  baron  Louis-Armand  de  la 
Hontan,  écrites  d'un  style  vif  et  animé  avec  une  verve  toute  gasconne, 
donnent  un  tableau  pittoresque  des  premiers  temps  de  la  domination 
française  au  Canada.  Il  est  intéressant  de  rapprocher  ces  récits  des 
expéditions  coloniales  de  notre  temps.  Les  épisodes  piquants  n'y  man* 
quent  pas.  On  constate  en  le  lisant  que  ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que 
les  colonisateurs  se  plaignent  d'être  entravés  par  les  fonctionnaires. 


traité  dès  qu'elles  auraient  acquitté  les  droits  portés  au  tarif 
arrêté  de  commun  accord  entre  l'Angleterre  et  la  Chine.  Les 
étrangers  avaient  aussi  le  droit  de  s'établir  et  de  commercer  dans 
les  mêmes  ports.  L'isolement  des  étrangers  n'a  pas  lardé  à  amener 
les  Chinois  à  prétendre  que  les  droits  reconnus  par  les  traités  se 
restreignaient  à  la  partie  du  port  où  les  étrangers  avaient  fixé 
leurs  demeures.  Us  cherchaient  donc  à  identiûer  la  notion  de 
port  ù  traite  avec  celle  de  concession  étrangère.  Ce  n'est  que 
dans  l'étendue  de  celte  dernière  que  l'étranger  aurait  eu,  d'après 
eux,  le  droit  de  commercer  et  de  se  fixer! 

Dans  la  convention  de  Chefoo  de  1876,  sir  Thomas  Wade  avait 
consenti  à  engager  le  gouvernement  anglais  à  entrer  dans  les  vues 
des  (Chinois  et  même  à  procéder  ù  une  délimitation  dans  les  ports 
où  il  n'existait  pas  encore  de  concession  étrangère.  Heureusemenf , 
le  gouvernement  anglais  ne  ratifia  pas  la  proposilion  de  sir  Wade. 
Au  contraire,  il  déclara  expressément  que  la  question  resterait  en 
suspens  pour  faire  l'objet  d'un  examen  ultérieur  entre  les  deux 
gouvernements.  Comme  aucun  arrangement  n'est  encore  intervenu, 
la  question  peut  être  considérée  comme  étant  toujours  ouverte.  La 
solulion  n'en  peut,  du  reste,  être  un  moment  douteuse.  Il  est 
certain  que,  lorsqu'on  a  arrêté  le  tarif  des  droits,  on  ne  s'est 
nullement  borné  à  considérer  les  seuls  objets  dont  les  étrangers 
pourraient  avoir  besoin  pour  leur  usage  pei'sonnel,  mais  qu'on  a 
eu  en  vue  les  importations  de  marchandises  dans  Tintérieur  du 
pays.  Le  tarif  des  droits  arrêtés  en  commun  serait  d'ailleurs 
complètement  dépourvu  de  portée  si,  à  la  limite  de  l'étroit 
territoire  occupé  par  les  étrangers  et  avant. même  qu  elles  soient 
entrées  dans  les  mains  des  Chinois,  les  marchandises  pouvaient 
être  imposées  selon  le  bon  vouloir  des  autorités  chinoises. 

Malgré  cela,  les  Chinois  ont  imposé  en  différents  endroits  leur 
manière  de  voir.  A  Canton,  ils  ont  entouré  la  petite  île  de 
Schamien,  où  se  trouve  rétablissement  étranger,  d'une  barrière 
douanière  que  les  marchandises  ne  peuvent  franchir  qu'en  payant 
des  taxes  s'clevant  au  moins  au  chiffre  des  droits  qu'elles  ont  déjà 
acquittés.  Ils  ont  agi  d'une  façon  analogue  à  Futschou  et  à 
Hangtschou. 

L'attitude  des  Chinois  a  été  la  même  à  l'égard  du  droit  de 
résidence  des  étrangers  dans  les  parties  des  poris  à  traité  qui  sont 


ÉTUDES  GOItOHiflItES 


No  1)  7^  Année  Septembre  1900 


LI»GUfTH-PERCHH 


(i) 


■S-îjHÎ- 

Historique 

* 'année  1847  restera  mémorable  dans  les  annales  de  l'in- 
dustrie de  la  gutta-percha.  C'est  dans  le  courant  de 
cette  année  que  la  plante  dont  on  tire  cet  utile  produit 
fut  nommée  et  déterminée  par  sir  William  Jackson  Hooker, 
directeur  des  jardins  de  Kew  et  que  le  D'  Ernst  Wiener  von 
Siemens,  alors  lieutenant  d'artillerie  en  Prusse,  employa  la  gutta- 
percha  pour  isoler  les  fils  télégraphiques  sous-marins  et  inventa 
une  machine  pour  recouvrir  les  fils  de  cette  matière.  Cette  der- 
nière est  encore  employée  de  nos  jours,  avec  de  légères  modifi- 
cations. 

Il  semble  que  ce  soit  vers  le  milieu  du  XVII*  siècle  que  le  pre- 
mier spécimen  de  gutta-percha  ait  été  apporté  en  Europe  par  les 
deux  Tradescant,  père  et  fils.  Ce  dernier  en  parle  dans  un  livre  oii 
il  désigne  cette  matière,  parmi  d'autres  curiosités  qu'il  avait  rap- 
portées de  ses  voyages,  de  la  façon  suivante  :  «  Bois  malléable  à 
gobelets  {mazer  wood)  qui,  chauffe  dans  l'eau,  peut  prendre  toutes 


;l)  Cet  article  est  tiré  de  la  savante  communication  sur  la  gutta-percha  faite  pur  le 
De  Eugène  Obach  à  la  Society  ofArUy  de  Londres,  qui  a  paru  dans  le  journal  de  cette 
société,  en  1808»  Nous  nous  sommes  aussi  serri  de  rexcellent  ouvrage  du  D'  Semler, 
Die  tropiiche  AgricuUurj  pour  compléter  certains  chapitres  de  notre  article,  notamment 
ceux  où  il  est  question  de  la  propagation  de  la  gutta-percha,  de  l'extraction  de  ce  produit 
des  feuilles  de  l'arbre  à  gutta-percha  et  du  succédané  naturel  de  la  gutta-percha,  la 
Balata.  Nous  rappelons  aussi  que  la  Société  d*Etude$  coloniates  a  déjà  publié  précédem- 
ment un  article  sur  la  gutta-balata.  (Voir  Bulletin,  1805,  p.  206.) 


renfermer  dans  leurs  concessions,  il  ne  sera  pas  possible  de 
cacher  aux  autorités  le  transfert  des  marchandises.  Si,  au  con- 
traire, le  marchand  étranger  pouvait  se  fixer  au  milieu  de  la 
population  chinoise  et  vendre  lui-même  en  détail,  la  surveillance 
et  les  poursuites  deviendraient  si  difficiles  par  suite  du  grand 
nombre  d'acheteurs  qu'elles  seraient  bientôt  abandonnées  parce 
qu'elles  seraient  impraticables.  D'autre  part,  le  marchand  étranger, 
appuyé  par  son  consul,  pourrait  tenir  tête  aux  exigences  des  man- 
darins, ce  qu'un  Chinois  n'oserait  naturellement  pas  faire.  Les 
consuls  anglais  ont  différentes  fois  déjà  conseillé  à  leurs  nationaux 
d'agir  de  laso^te.  Le  consul  Brenan  invite  même  les  négociants 
anglais  h  élablir  des  comptoirs  de  détail  dans  l'intérieur  du  pays 
afin  de  s'ouvrir  des  débou^'hés  plus  vastes.  Il  serait  donc  haute- 
ment désirable  que  l'on  combatte  énergiquement  la  manière  étroite 
dont  les  Chinois  interprètent  la  portée  des  traités. 

Un  autre  inconvénient  de  l'isolement  des  étrangers,  c'est  de 
constituer  un  obstacle  au  développement  économique  de  la  Chine. 
Ce  pays  n'entrera  dans  une  voie  nouvelle  que  s'il  y  est  mené  par 
les  étrangers.  Le  Chinois  sait  admirablement  fiure  le  commerce 
en  suivant  le  mode  traditionnel  qui  lui  a  été  inculqué,  mais  il 
manque  des  qualités  supérieures,  du  coup  d'œil  et  de  Tinitintive 
qui  sont  indispensables  pour  se  frayer  à  soi-même  un  chemin 
nouveau.  Et  même  chez  ceux  qui  possèdent  ces  capacités,  elles  ne 
peuvent  s'épanouir  en  présence  de  la  corruption  de  l'administra- 
tion chinoise.  Les  progrès  des  Chinois  dépendent  dont;,  avant 
tout,  des  étrangers. 

Mais  si  les  étrangers  veulent  voir  réussir  leur  initiative,  il  faut 
qu'ils  apprennent  à  connaître  la  vie  chinoise  et  à  se  tenir  au  cou- 
rant des  événements  chino'S.  Il  semble  malheureusement  que 
l'existence  des  étrangers,  au  sein  de  leurs  concessions  dont 
l'agrément  et  le  confort  sont  si  éloignés  du  genre  de  vie  et  des 
idées  chinoises,  ne  peut  que  diminuer  les  occasions  de  se  familia- 
riser avec  le  milieu  chinois.  La  tendance  à  l'isolement  est,  du 
reste,  devenue  si  forte,  la  séparation  d'avec  le  monde  chinois  est 
si  tranchée  que  dans  certaines  villes,  comme  à  Shanghaï,  par 
exemple,  nombre  d'étrangers  n'ont  jamais  mis  le  pied  dans  la  ville 
indigène. 
L'admission  des  Chinois  dans  les  concessions  étrangères  a 


LA   GUTTA-PEUCIIA  618 

un  échantillon  et  lenvoya  à  son  frère  Werner,  à  Berlin,  en  le 
priant  de  rechercher  si  on  ne  pouvait  pas  utiliser  ce  produit  pour 
isoler  les  fils  télégraphiques.  Cette  invitation  devait  avoir  les  con- 
séquences considérables  que  Ton  connaît. 

Dans  le  mémorandum  dont  le  D'Montgomerie  avait  accompagné 
l'envoi  de  ses  spécimens  et  dans  une  lettre  qu'il  écrivit  plus  tard 
au  Méchantes'  magazine^  il  dit  qu'il  eut  connaissance,  pour  la  pre- 
mière fois,  de  la  gutta-percha,  en  1822,  quand  il  était  médecin- 
adjoint  de  la  Présidence  à  Singapore.  Il  perdit  toutefois  ce  produit 
de  vue  jusqu'en  1842,  époque  à  laquelle  il  aperçut  dans  les  mains 
d'un  bûcheron  malais,  un  parang  (hache)  dont  le  manche  était  fait 
d'une  substance  qui  lui  semblait  inconnue.  Sa  curiosité  fut  excitée 
davantage  quand  il  eiitendit  dire  que  cette  matière  possédait  la 
remarquable  proprit'té  de  s'amollir  et  de  devenir  plastique  dans 
l'eau  bouillante.  Il  prit  l'objet  et  demanda  au  Malais  de  lui  fournir 
de  cette  matière  autant  qu'il  pourrait  en  trouver. 

La  communication  du  D'  Montgomerie  fut  suivie  d'un  mémoire 
dû  à  la  plume  du  D'  Thomas  Oxley,  où  celui-ci  donne  une  descrip- 
tion générale  de  l'arbre  à  gutta-percha,  de  ses  feuilles  et  de  ses 
fleurs  —  il  n'en  avait  pas  vu  les  fruits  —  et  où  il  décrit  la  manière 
dont  on  en  extrait  le  latex.  Il  recommandait  aussi  l'emploi  de  cette 
matière  pour  les  usages  médicaux  :  bandages,  seringues,  capsules 
pour  vaccin... 

La  Society  of  Arts  s'est  encore  occupée  de  la  question  en  18o4, 
quand  elle  promit  une  récompense  pour  la  découverte  d'une  sub- 
stance nouvelle  qui  pût  être  employée  comme  un  succédané  de  la 
gutta-percha.  En  1863,  elle  offrit  la  médaille  de  la  société  à  celui 
qui  découvrirait  une  nouvelle  substance  ou  composition  de  nature 
à  pouvoir  servir  de  succédané  au  caoutchouc  ou  à  la  gutta-percha 
dans  les  applications  de  l'art  et  de  l'industrie. 

Propriétés  générales  et  détermination  botanique 
de  la  gutta-percha. 

La  principale  propriété  delà  gutta-percha  et  celle  qui  la  distingue 
immédiatement  du  caoutchouc  avec  lequel  on  la  confond  si  sou- 
vent, est,  sans  aucun  doute,  d'être  susceptible  de  s'amollir  et  de 
devenir  malléable  dans  l'eau  chaude,  de  conserver  la  forme  qu'on 


d'abord  une  fraclion  de  contribuables  aisés,  et  ensuite,  il  était  à 
craindre  que  les  concessions  ne  devinssent  des  lieux  de  refuge, 
non  seulement  pour  les  criminels  de  droit  commun,  mais  aussi 
pour  les  criminels  d'État  et  qu'elles  ne  constituassent  des  asiles 
pour  les  réformateurs  et  les  novateurs  de  toute  sorte.  C'est  ce 
sentiment  qui  a  amené  le  vice-roi  Tscliang-Tschi-Tung  à  faire 
insérer  dans  l'acte  de  la  concession  allemande  de  Hankou  que  «  les 
Chinois  ne  seront  pas  admis  ù  s'établir  dans  la  concession  ».  A 
Hangtschou,  l'administration  chinoise  s'est  réservée  le  conlrôle 
de  la  police  chinoise  et  le  résultat  en  a  été  que  presque  pas  de 
Chinois  ne  se  sont  établis  dans  la  concession. 

L'immigration  des  Cliinois  dans  une  concession  est  naturelle- 
ment limité  par  l'espace  disponible.  C'est  surtout  à  Canton  qu'on 
observe  ce  fait.  Cette  ville  fut  ouverte  aux  étrangers  après  que  les 
Anglais  l'eurent  prise  en  1837.  Ils  s  établirent  dans  la  petite  île  de 
Shamien,  qui  est  reliée  à  la  ville  populeuse  de  Canton  par  deux 
ponts  et,  par  suite,  facile  à  surveiller  par  les  douanes  chinoises. 
Auoun  élément  indigène  ne  vient  troubler  la  paix  de  cette  conces- 
sion, mais  par  contre,  elle  est  descendue  au  rang  d'une  succursale 
de  Hongkong. 

L'étendue  d'une  concession  joue  donc  un  grand  rôle  dans  sa 
destinée.  Là  où  il  n'y  a  pas  assez  d'espace  pour  admettre  l'élément 
chinois,  le  contact  entre  les  étrangers  et  les  Chinois  ne  s'établit 
pas  suffisamment  pour  favoriser  l'essor  des  affaires.  Et,  dans 
l'avenir,  l'étendue  des  conccsssions  acquerra  une  plus  grande 
importance  encore,  car,  à  mesure  que  les  Chinois  participeront 
davantage  au  commerce  international,  il  faudra  que  l'on  puisse 
mettre  plus  de  terrains  à  leur  disposition,  pour  soustraire  leurs 
établissements  et  leurs  demeures  à  l'ingérence  des  mandarins. 

C'est  à  Shanghaï  que  l'ensemble  du  problème  semble  avoir  reçu 
la  meilleure  solution.  Ici  aussi  la  concession  est  devenue  trop 
petite.  L'afflux  des*  Chinois  et  la  hausse  incessante  des  loyers  ont 
même  obligé  les  étrangers  à  abandonner  leur  concession.  Ils  ont 
émigré  de  leur  établissement  surpeuplé  pour  aller  s'établir  sur  le 
territoire  chinois.  Grâce  au  bon  accueil  que  leur  a  fait  l'administra- 
tion chinoise,  il  n'en  est  pas  résulté  jusqu'à  présent  d'inconvénients. 
La  situation  n'est  toutefois  pas  normale.  On  aurait  pu  éviter  l'incon- 


cy 


.^ 


LA  GUTTA-PERCHA  617 

semblent  pas  avoir  d'utilité  :  ils  peuvent  servir  à  guérir  les  bles- 
sures de  la  plante  en  les  recouvrant  comme  d'une  cire  ou  en  ser- 
vant d'antiseptique,  mais  leur  véritable  importance  fonctionnelle 
n'est  pas  encore  entièrement  établie. 

Le  suc  laiteux  ou  latex  est  contenu  dans  des  vaisseaux  —  dis- 
posés en  séries  longitudinales  comme  les  vaisseaux  de  tannin  du 
houblon  et  les  vaisseaux  mucilagineux  du  Tradescantia  —  qui  se 
trouvent  placés  principalement  dans  les  parties  intérieures  de 
l'écorce  mais  que  l'on  rencontre  aussi  dans  la  moelle  et  dans  les 
tissus  de  la  feuille  (dans  le  merenchyine),  mais  pas  dans  le  bois. 

Les  Sapotacées  ont  des  branches  rondes;  leurs  feuilles  sont 
alternées,  simples,  entières  et  pétiolées  ;  elles  n'ont  pas  de  stipules. 
Le  feuillage  de  quelques-unes  est  remarquable  pour  sa  beauté  ; 
leurs  feuilles  sont  d'une  brillante  couleur  vert  d'émeraude  à  la 
partie  supérieure  et  elles  ont  à  la  partie  inférieure,  un  beau  reflet 
métallique,  à  tonalités  d'or  ou  de  cuivre,  dû  à  la  présence  d'un 
duvet  soyeux  ou  poilu.  L'inflorescence  est  axillaire  et  les  fleurs 
hermaphrodites  sont  régulières  et  unies.  Le  calice  est  libre  et 
persistant,  divisé  en  quatre  segments  ou  sépales,  qui  sont  parfois 
disposés  en  série  double.  La  corolle  est  monopétale  et  a  le  niême 
nombre  de  segments  ou  pétales  que  le  calice;  les  étamines,  qui 
surgissent  de  la  corolle  sont  égales  en  nombre  et  opposées  aux 
pétales.  Les  anthères  étant  généralement  tournées  vers  l'extérieur, 
il  y  a  un  style  avec  un  stigmate  généralement  lobé.  Le  fruit  est 
une  pulpe  charnue,  contenant  différentes  cellules,  renfermant 
chacune  une  graine.  Dans  quelques  espèces,  il  est  considéré 
comme  comestible,  comme,  par  exemple,  dans  YAchras  Sapota, 
dans  le  ChTfsophyllum  Cainito  et  dans  le  Luciima  mammosa.  Les 
graines  ressemblent  à  des  noix  et  sont  cohérentes  ;  elles  contien- 
nent fréquemment  une  huile  coagulée,  employée  au  lieu  de  beurre 
par  les  indigènes  pour  cuire  leurs  mets.  Ce  que  l'on  appelle 
Galam  butter,  par  exemple,  provient  de  la  Bassia  hutyracea. 

Les  Sapotacées  sont  intimement  apparentées  à  deux  autres 
familles,  fournissant  aussi  d'importants  produits  économiques,  à 
savoir  :  les  EbenacéeSj  auxquels  appartient  l'arbre  qui  fournit 
l'ébène  {Diopyrosebenum)  et  les  Styracées,  dont  quelques-unes 
donnent  des  résines  utiles,  telles  que  la  gomme-benzoine  (Styrax 
benzoi7i).  Les  trois  familles  forment  ensemble  un  ordre  naturel. 


^  Le  GI]oix  des  Graines  de  Saféiers  ^ 


La  question  du  clioix  Jes  graines  est  d'une  importance  évidente 
pour  les  planUitionè  de  café.  Cette  question  a  été  traitée  à  uji  poïût 
de  vue  piirticulièrenieiit  intéressant  par  M,  ii,  Vogler  te  Tretes  (I). 
Nous  croyons  utile  de  donner  une  traduction  rjbrégée  de  eetie 
élude. 

L  auteur  examine  la  question  de  la  dégénérescence,  signalée  à 
tort  ou  à  raison,  du  café  produit  pur  certaines  plantations  des  Indes 
Orientales,  et  les  moyens  d'y  porter  remède  par  nue  sélecUon 
judicieuse  des  foraines.  11  cite  à  ce  sujet  les  constatatiojis  laites  par 
la  science  européenne. 

Voici  ce  i(ucdit  CIl  Darwin  dans  sou  onvnigeSrir  la  varialum 
iks  animaux  donwsliques  ci  des  plantes  cultivées: 

K  Aucun  médecin  Jie  doute  de  rinlluencc  salutaire  qu'exerce  le 
changement  d  air  sur  les  cojivalescents.  Les  paysans  soJit  con- 
vaincus que  le  chaagcjuent  de  pj'airie  lait  du  bien  à  leur  bétail- 
Quant  aux  plantes,  un  trouve  avajit;igeux  de  laire  venir  la  ^nniine 
d'un  autre  eiKlroit  que  celui  oU  Ton  veut  semer-  Mais  la  dllférence 
des  (jonditions  d'existence  entre  les  deux  localités  doit  èire  peHie 
elpeii  sensible. 

ij  En  Europe,  on  admet  généralement  qu  en  prenant  continuel- 
lement In  graijïe  de  la  jnéuje  plante,  oji  fait  à  la  longue  dég;éncper 
la  qîndîté  ef  la  rpiimtilé.  Un  marcliarjd  de  j^^nunnSj  qiti  obt^uiait 
toujours  les  meilleurs  prix  sur  le  marché,  assurait  qu  il  devait  son 
succès  à  ce  qu  il  possédait  deux  fermes,  différentes  par  le  sol  et 
Taltitude,  et  faisait  régulièrement  semer  dans  l'une  les  graines 
obtenues  dans  l'autre. 


(1)  Koffiegids,  mai,  1000.  —  tndUche  iitrcaur,  25«  année  u«  25. 


LA   GUTTA-PERCH.V 


619 


appartenait  au  genre  Bassia,  avec  lequel  elle  présente  tant  d'affi- 
nités. Sir  W.  Hooker  écrivit  alors  au  D'  Oxley  pour  obtenir  quel- 
ques branches  fleuries.  Il  reçut  peu  de  temps  après  une  branche 
chargée  de  fleurs  et  de  fruits,  renfermée  dans  une  boîte  en  zinc 
dont  les  deux  extrémités  étaient 
fermées  au  moyen  de  gutta-percha. 
Les^  spécimens  d'Oxley  per- 
mirent enfin  à  sir  William  de 
décrire  la  plante  exactement.  11  en 
fit  faire  aussi  un  dessin  qui  est 
reproduit  dans  la  figure  ci-contrè. 
Hooker  rattacha  la  plante  au  nou- 
veau genre  des  Sapotaceœ  du 
D'  Wight  et  lui  donna  le  nom  de 
Isonandra  gutta.  Le  calice  et  la 
corolle  de  Texem plaire  envoyé  par 
Oxley  se  divisent  chacun  en  six 
segments.  Cependant,  d'après  la 
description  de  Wight  du  genre 
Isonandra,  on  constate  que  les 
fleurs  sont  divisées  en  quatre  seg- 
ments. 11  y  avait  donc  un  désac- 
cord. Hooker  lui-même  l'avait  déjà 
remarqué,  mais  il  n'a  probable- 
ment pas  considéré  la  différence  comme  assez  importante  pour 
justifier  la  création  d'un  nouveau  genre  et  il  n'en  connaissait 
naturellement  pas  d'autre  qui  convînt  mieux.  Néanmoins  le  nom 

donné  à  l'origine  à  la  plante  de  gutla- 
percha  par  Hooker  a  été  abandonné 
pour  cette  raison,  et  on  lui  a  substi- 
tué, en  Angleterre,  celui  de  Dichopsis 
Y^^  2  gutta  Benth.  et  Hook.  fil.,  et  celui  de 

Palaquium  gutta  Burck,  sur  le  conti- 
nent. La  différence  de  structure  entre  la  fleur  du  genre  Iso- 
nandra  et  celle  du  genre  Dichopsis  ou  Palaquium  est  indiquée 
à  la  figure  2.  On  y  voit  des  sections  de  la  fleur  à  quatre  seg- 
ments (tétramère)  de  l'un.  A,  et  de  la  fleur  à  six  segments 
(hexamère)  de  l'autre,  B.  A  côté  de  cette  différence,  il  y  en  a 


FiG.  \. 


»  C'est  ainsi  que  Ton  trouve  chez  les  arbres  fruitiers  de  TAmé- 
rique  des  variélés  qui  peuvent  supporter  Je  climat  froid  des  étals 
du  Nord.  Beaucoup  de  variétés  américaines  de  poires,  de  prunes 
et  de  pêches,  qui  croissent  et  produisent  merveilleusement  dans 
leur  pays  natal,  ne  réunissent  pas  quand  on  les  implante  en  Angle- 
terre. Et  cependant  ces  variétés  ont  à  subir  là-bas  un  hiver  plus 
rigoureux  que  le  nôtre.  Mais  notre  été  n'a  pas  une  chaleur  suffls- 
sante. 

»  Des  expériences  réitérées  ont  établi  que  des  variélés  anglaises 
de  froment  ne  réussissent  pas  en  Ecosse.  C'est  généralement  la 
qualité  du  produit  qui  diminue,  mais  la  quantité  dégénère  parfois 
aussi. 

»  Les  graines  du  blé  de  Tlnde,  semées  en  Angleterre,  produisent 
des  moissons  extraordinairement  maigres,  là  où  le  blé  anglais 
aurait  parfaitement  réussi.  C'est  un  exemple  d'acclimatation  d'un 
pays  chaud  dans  un  pays  froid. 

»  Le  contraire  a  lieu  lorsque  l'on  introduit  du  blé  de  France  aux 
Indes  occidentales.  Ce  blé  donne  des  épis  entièrement  stériles,  ou 
portant  une  ou  deux  misérables  graines,  tandis  que  les  grains 
récoltés  dans  les  îles  donnent  à  côté  une  énorme  moisson.  Il  en  est 
de  même  avec  les  raisins.  Ces  expériences  démontrent  que  le  blé 
et  la  vigne  doivent  être  acclimatés  pour  pouvoir  produire  aux  Indes 
occidentales.  » 

Darwin  rapporte  beaucoup  d'exemples  analogues,  mais  ceux  qui 
précèdent  suffisent.  On  peut,  en  les  résumant,  en  déduire  les  règles 
suivantes  : 

1*>  Des  changements  petits  et  peu  sensibles  dans  les  conditions 
d'existence  peuvent  amener  chez  une  plante  une  plus  grande  pro- 
ductivité et  une  végétation  plus  vigoureuse; 

2°  Des  changements,  également  peu  importants,  peuvent  d'autre 
part  causer  une  stérilité  partielle  ou  complète  ; 

3**  L'une  et  l'autre  de  ces  conséquences  dépendent  de  la  nature 
des  modifications  du  milieu; 

¥  De  grandes  modifications  dans  les  conditions  extérieures,  un 
grand  changement  de  climat,  peuvent  entraîner  la  stérilité  et  la 
dégénérescence  du  végétal  ; 

5**  Les  variétés  de  plantes,  croissant  et  produisant  bien  sous  un 
climat,  transplantées  sous  un  climat  très  différent,  devront  subir 


LA   (;UTTA-PERCHA 


624 


fleurs,  dont  quatre  sont  groupées  ensemble  dans  Taxe  des  feuilles, 
sont  blanches;  le  calice  est  de  couleur  brun  or;  les  étamines  sont 
au  nombre  de  12  disposées  en  séries  simples  et  insérées  dans  la 
gorge  de  la  corolle  ;  elles  ont  des  anthères  sagittées,  tournées  vers 
Texlérieur.  L'ovaire  est  supérieur  et  a  six  ovules;  il  se  termine  en 
un  seul  style  qui  est  plus  long  que  les  étamines.  Le  fruit  est 
pulpeux  et  ovoïde;  il  a  environ  1 1/2  pouce  de  longueur  et  1  pouce 
de  diamètre.  (V.  fig.  1  et  fig.  3.) 

L'arbre  à  gutta-percha  qui  vient  d'être  décrit  n'est  pas  la  seule 
plante  qui  fournisse  ce  produit. 
La  gutta-percha  qu'on  rencontre 
dans  le  commerce  est  souvent  le 
produit  d'autres  arbres  dont  la 
valeur  est  très  inégale. 

Il  n'est  pas  possible  de  les  citer 
tous.  Deux  seulement  présentent 
un  intérêt  particulier.  L'un  est  le 
Dichopsis  oblangifolia  ou  Pala- 
quium  oblongifolitim,  Burk,  le 
ïaban  sutra  de  Perak  ;  l'autre  est 
le  Payena  Seerii^  Benth.  et  Hook. 
(Keratophorus  Leerii,  Hasskarl)  ou 
Sundek  de  Perak,  Niato  balam 
hanngin  (ou  Sœndi)  de  Sumatra. 

Le  premier  est  très  intimement 
apparenté  au  Taban  merah  (Palaq. 

gutta,  fig.  3),  qui  a  été  décrit,  et,  en  réalité,  celui  qui  l'a  décou- 
vert, le  Hollandais  De  Vriese,  la  considérait  simplement  comme 
une  variété  de  Ylsonandra  gutta  de  Hooker.  On  la  regarde  actuel- 
lement comme  une  espèce  indépendante. 

C'est  un  arbre  de  taille  plus  petite,  dont  les  feuilles  ont  une 
nuance  brune  plus  jaunâtre  ù  la  surface  inférieure.  Les  fleurs  ont 
une  teinte  rouge  et  on  dit  que  l'apparence  générale  de  l'écorce  est 
entièrement  différente. 

Le  Payena,  d'autre  part,  bien  qu'il  appartienne  aussi  aux  Sapo- 
lacées  y  diffère  beaucoup  plus  de  Tlsonandra.  Les  petites  feuilles 
sont  autrement  formées  et  ont  une  teinte  rougeâlre  quand  elles 
sont  jeunes;  les  fleurs  sont  blanches  et  le  fruit,  qui  est  charnu  et 


^^y^'Ù 


Fig.  3. 


62:^ 


ËTDDKS   COLONIALES 


muni  d'une  sorte  de  corne,  a  un  goût  douceâtre;  il  est  mangé  par 
les  indigènes.  Une  branche  munie  de  fleurs  et  de  fruits  de  chacune 
de  ces  variétés  est  reproduite  aux  flg.  4  et  5. 

Les  gommes  de  ces  deux  espèces  de  Palaquium  sont  connues 
sous  le  nom  àegetah  taban  mer  ah  et  dégelait  taban  sutra  parmi 
les  Malais  et  celle  du  Payena  sous  celui  du  geiah  Sundek,  ou  Sooni, 
ou  Soondie;  ce  dernier  est  la  véritable  expression  anglo-malaise. 

Le  mot  malais  geiah,  qui  a  été  traduit  par  gutta,  désigne 


F.o 


Fie. 


simplement  lexsudalion  visqueuse  de  la  plante  et  getah  taban  est 
la  sécrétion  de  celte  espèce  particulière  d'arbre  appelé  Taban. 
Comme  c'est  de  cet  arbre-ci  et  non  du  pertja  que  la  gomme  appelée 
maintenant  «  gutta-percha  »  est  dérivée,  il  est  regrettable  qu'on 
lui  ait  donné  une  dénomination  inexacte  quand  elle  a  été  introduite 
pour  la  première  fois  en  Europe. 

Distribution  géographique. 


A  l'époque  où  Montgomerie  obtenait  ses  premiers  spécimens,  les 
arbres  à  gutla-percha  étaient  abondants  dans  les  anciennes  forêts 
de  l'île  de  Singapore  qui  s'étendaient  jusque  près  de  la  ville.  Les 


LA   CLTTA-PEUCHA 


623 


spécimens  sécliés  qu'il  envoyait,  provenaient  de  la  jungle  de  Bukit 
Tiniah  qui  ne  se  trouve  qu'à  sept  milles  de  la  ville. 

Aussitôt  que  les  utiles  propriétés  de  la  gutta-percha  eurent  été 
reconnues  en  Europe,  et  que  le  produit  fût  demandé,  les  pays  qui 
entourent  Singapore  furent  explorés  avec  une  grande  énergie  dans 
le  but  de  découvrir  des  arbres  Taban.  La  population  indigène 
s'adonna  avec  passion  à  la  récolte  de  la  getah  et  le  résultat  en  fut 
qu'un  grand  nombre  d  arbres  âgés  et  de  grande  taille,  peut-être 
des  centaines  de  mille,  furent  stupidement  détruits  pendant  les 


\         fLUZOM   ^ 


y   -  I     -. 

Caroline    islanos 


INOO-MALAVAN    RCOION 


^•---:■>^^> 


AU^rno-MALAVAN     RtG<ON 


FiG.  0. 


quatre  ou  cinq  premières  années.  Des  forêts  entières  furent  dénu- 
dées comme  celle  de  Singapore,  par  exemple.  Les  explorations  se 
poursuivirent  avec  une  vigueur  telle  qu'avant  la  fin  de  1848,  le 
Taban  avait  déjà  été  découvert  à  Pahang,  Johor,  Malacca,  Selangor, 
Perak  et  Pénang  dans  la  péninsule  Malaise  ainsi  que  les  îles  de 
Rhio,  Gallang  et  Singga  dans  l'archipel  de  Johor.  On  l'avait  aussi 
rencontré  à  Siak,  Kampar,  Indargiri,  Tongkal,  Jambi  et  Palem- 
bang,  en  Sumatra,  et  à  Cuti,  Passir,  Pontianak,  Sarawak  et 
Brunei,  en  Bornéo.  Depuis  celte  époque,  l'arbre  a  été  trouvé  dans 
le  Nord  et  le  Nord-Est  de  Bornéo,  sur  la  côte  Occidentale  de 
Sumatra  et  dans  quelques  districts  des  côtes  Orientale  et  Occiden- 
tale de  la  péninsule  Malaise. 


de  larves,  après  les  avoir  épurés  et  en  les  recouvrant  d'un  filet  de  gaze, 
des  marais  naturels  comme  aussi  des  bassins  d'expériences  artificiels 
revêtus  de  ciment;  mais  aussitôt  qu'on  les  découvrait,  on  ne  tardait 
pas  à  constater  que  des  œufs  y  étaient  déposés. 

Les  auteurs  disent  aussi  que  dans  une  des  parties  du  district  de 
Freetown  qui  leur  a  servi  de  champ  d'expériences  et  qui  était  éloignée 
d'un  ruisseau,  ils  ne  purent  pas  trouver  d'anophèles,  même  après 
avoir  effectué,  dans  plusieurs  maisons,  les  recherches  les  plus  con- 
sciencieuses, tandis  que,  près  du  ruisseau,  dans  des  habitations  petites, 
malpropres  et  sombres,  ils  en  découvrirent  toujours  un  certain 
nombre. 

Dans  les  huttes  de  paille  des  domestiques  indigènes,  ils  ont  tou- 
jours trouvé  un  nombre  considérable  d'anophèles  femelles.  Au-delà 
des  limites  de  la  ville  et  dans  les  taillis  épais  qui  couvrent  la  plus 
grande  partie  de  la  colonie  de  Sierra-Lcone,  ils  ont  constaté  partout 
^la  présence  de  larves  d'anophèles.  Il  s'en  trouve  aussi  des  multitudes 
dans  les  cours  d'eau  des  montagnes  partout  où  ceux-ci  forment  des 
marais  qui  leur  conviennent. 

En  dépit  de  cette  diffusion  générale,  il  semble  pourtant  pleinement 
établi  que  la  principale  source  de  danger  pour  les  voyageurs  se  trouve 
dans  les  huttes  et  les  habitations  mal  tenues  des  indigènes.  L'insecte 
reste  toutefois  inoffensif  aussi  longtemps  qu'il  n'a  pas  aspiré  de  para- 
sites en  suçant  le  sang  d'une  personne  déjà  infectée.  C'est  pourquoi 
le  D^  Koch  pense  qu'il  serait  possible  de  faire  disparaître  la  malaria 
en  administrant  systématiquement  de  la  quinine  à  toutes  les  personnes 
dans  le  sang  desquelles  on  découvre  la  présence  de  parasites. 

Les  auteurs  arrivent  à  cette  conclusion  que  les  habitations  indigènes 
sont  la  source  la  plus  féconde  des  anophèles  et  qu'aussitôt  que  les 
insectes  ont  été  infectés  en  aspirant  le  sang  d'une  personne  souffrant 
de  malaria  et  dont  le  sang  contient  des  parasites,  les  habitations  indi- 
gènes deviennent,  par  une  conséquence  naturelle,  des  foyers  de  pro- 
pagation des  plus  dangereux.  Une  maison  européenne  peut,  par  suite 
des  dépendances  indigènes  qui  l'entourent,  devenir,  à  son  tour,  un 
centre  de  fièvre.  C'est  dans  ces  conditions  que  vivent  les  planteurs  de 
café  dans  l'Afrique  centrale  anglaise  et  que  se  trouvent,  au  bord  des 
rivières,  les  stations  sanitaires  des  différentes  compagnies.  Dans  ces 
habitations,  le  malade  est  exposé  à  de  fréquentes  ou  même  à  de  con- 
stantes réinfections,  et  tout  voyageur  qui  s'y  arrête  la  nuit,  court  le 
risque  d'être  infecté.  Il  y  a  une  concentration  évidente  d'anophèles 
partout  où  se  rencontre  un  défrichement  accompagné  d'habitations, 
surtout  si  elles  sont  indigènes. 


LA   liniA-PERCIlA  623 

Les  lignes  pointillées  de  la  carte  indiquent  la  configuration  pro- 
bable des  deux  anciens  continents  dont  chaque  groupe  d'îles  faisait 
auparavant  partie.  On  remarquera  combien  les  pointillés  se  rappro- 
chent lun  de  l'autre  aux  endroits  où  se  trouvent  maintenant  les  îles 
de  Bali  et  de  Lombok.  La  conséquence  de  ce  qui  vient  d'être 
exposé,  est  que  les  règnes  animal  et  végétal  de  ces  deux  îles  qui  ne 
sont  éloignées  lune  de  l'autre  que  de  15  milles  environ,  diffèrent 
beaucoup  plus  oitre  eux  que  ceux  du  Japon  et  de  la  Grande-Bre- 
tagne, par  exemple,  qui  sont  séparés  par  tout  un  continent. 

La  ligne  pointillée  représente,  selon  Wallace,  la  ligne  de  sépa- 
ration entre  la  région  Indo-Malaise  et  la  région  Austro-Malaise. 
Cette  ligne,  passant  entre  l'île  de  Bornéo  et  les  Célèbes,  rattache 
ces  dernières  et  les  petites  îles  de  la  Sonde  à  une  région  biolo- 
gique entièrement  différente  et  qui  n'a  rien  de  commun  avec  les 
particularités  de  la  faune  et  de  la  flore  Indo-Malaise. 

Après  avoir  démontré  que  les  Célèbes  et  les  petites  îles  de  la 
Sonde  n'appartenaient  pas,  comme  les  autres,  au  continent  asia- 
tique, à  une  époque  relativement  récente,  il  reste  à  expliquer 
pourquoi  Java  et  les  Philippines  ne  possèdent  pas  d'arbres  de 
gutta-percha  bien  qu'il  soit  admis  qu'ils  fassent  partie  du  même 
groupe  que  Bornéo  et  Sumatra.  Voici  la  raison  :  Après  que  la 
faune  et  la  flore  malaises  typiques  eurent  existé  depuis  un  certain 
temps  sur  le  continent  asiatique  et  probablement  pendant  la 
période  miocène,  les  iles  Philippines  d'abord,  puis  Java,  en  furent 
détachés,  pendant  que  Bornéo,  Sumatra  et  la  péninsule  malaise 
continuèrent  à  en  faire  partie. 

A  cette  époque,  les  genres  de  Sapotacées  propres  à  cette  contrée, 
n'étaient  pas  encore  sufiîsamment  différenciées  pour  produire  ces 
espèces  particulières  qui  fournissent  un  latex  contenant  de  la 
gutta-percha.  Quand,  à  une  période  ultérieure  le  travail  de  sépa- 
ration se  fut  continué  de  manière  à  couper  toute  communication 
avec  ce  continent,  les  arbres  à  gutta-percha  restèrent  emprisonnés 
dans  les  îles  où  ils  se  trouvent  maintenant.  Il  est  très  probable 
qu'en  même  temps  que  la  submersion  graduelle  des  parties  inter- 
médiaires du  continent,  une  action  volcanique  ait  aussi  prêté  son 
aide  à  la  désagrégration  du  sol.  II  existe,  en  effet,  une  suite  de 
montagnes  volcaniques  tout  le  long  de  Sumatra  et  de  Java,  comme 
on  peut  le  voir  sur  la  carte,  et  nous  savons  par  la  récente  éruption 


pas  prémunis  contre  la  fièvre  au  moyen  de  quinine  et  ils  atlribuent  leur 
immunité  à  Tusage  constant  de  moustiquaires  pendant  la  nuit. 

Une  double  expérience  sur  la  malaria.  —  Au  commencement 
de  celte  année,  le  Colonial  office,  de  commun  accord  avec  l'école  des 
maladies  tropicales,  de  Liverpool,  décida  de  faire  une  double  expé- 
rience sur  la  malaria.  11  s'agissait  de  démontrer,  d'une  part,  que  si  l'on 
se  met  à  l'abri  des  morsures  des  moustiques,  on  ne  peut  pas  con- 
tracter la  malaria  même  dans  les  endroits  les  plus  dangereux,  et 
d'autre  part,  que  l'on  contractera  inmanquablement  cette  maladie  si 
on  se  laisse  piquer  par  les  anophèles,  l'espèce  de  moustiques  qui  sont 
les  propagateurs  de  ce  terrible  mal.  On  possède  actuellement  sur  ces 
deux  expériences  des  renseignements  qui  confirment  pleinement  les 
hypothèses  qu'on  avait  formulées. 

La  première  épreuve,  l'épreuve  défensive,  pourrait-on  dire,  a  eu 
lieu  dans  la  partie  la  plus  paludéenne  de  la  Campagne  romaine.  On 
a  construit,  près  d'Ostie,  une  cabane  dans  laquelle  des  Européens 
pourraient  parfaitement  vivre  sous  les  tropiques.  Elle  a  été  munie 
d'une  porte  garnie  de  toile  métallique,  de  fenêtres  pourvues  d'éerans 
et  de  tous  autres  moyens  propres  à  la  garantir  contre  la  pénétration 
des  moustiques.  Deux  observateurs  expérimentés,  accompagnés  de 
deux  domestiques,  y  séjournent  depuis  le  mois  de  mai  dernier  et  y 
resteront  encore  jusqu'au  mois  d'octobre  prochain,  c'est-à-dire  pen- 
dant toute  la  saison  de  la  fièvre.  Ils  ont  la  liberté  d'aller  et  de  venir 
comme  il  leur  plait,  pendant  le  jour.  Mais  ils  sont  tenus  de  se  trouver 
dans  leur  maisonnette  depuis  une  heure  avant  le  coucher  du  soleil 
jusqu'à  une  heure  après  son  lever.  Si  ces  hommes  échappent  à  la 
maladie,  il  sera  établi  qu'on  peut  se  garantir  contre  les  atteintes  de  la 
malaria  par  des  moyens  aussi  simples  que  peu  dispendieux.  Car, 
dormir  à  l'endroit  choisi  pour  l'expérience  équivaut,  selon  les 
Romains,  à  contracter  sûrement  la  fièvre  malarienne,  même  à  un 
degré  violent. 

L'expérience  ne  sera  terminée  qu'au  mois  d'octobre.  On  peut  dire 
toutefois,  que  les  personnes  qui  s'y  sont  soumises  avec  un  dévouement 
qu'on  ne  peut  assez  louer,  étaient  en  parfaite  santé  au  12  septembre 
dernier,  date  à  laquelle  elles  ont  été  examinées  par  les  docteurs 
Grassi,  Rossi  et  Zapitza. 

Il  est  donc  plus  que  probable  qu'on  pourra  conclure  de  cette  expé- 
rience qu'il  est  possible  d'éviter  la  malaria  en  se  réfugiant  dans  une 
cabane  disposée  ad  hoc  avant  le  coucher  du  soleil. 

La  deuxièn  e  épreuve  qu'on  pourrait,  par  opposition  à  la  première, 


LA   GUTTA-PERCHA  627 

pas  avoir  été  très  heureux.  M.  Seligmann  dut  conclure  que  non 
seulement  il  n'avait  pas  trouvé  d'arbres  à  gutta-percha  en  Cochin- 
chine,  mais  qu'il  ne  pensait  pas  que  cette  contrée  convînt  à  cette 
culture. 

La  deuxième  expédition  fut  confiée  par  le  résident  anglais  de 
Perak  à  un  anglais,  M.  Léonard  Wray.  Il  avait  pour  mission  d'ex- 
plorer la  contrée  et  de  faire  rapport  sur  les  diflférents  arbres  dont 
la  gutta-perclia  commerciale  est  obtenue.  M.  Wray,  qui  se  mit  en 
route  en  1883,  put  réunir  un  grand  nombre  de  spécimens  de 
plantes  produisant  du  caoutchouc  et  de  la  gutta-percha  qu'il 
envoya  aux  jardins  botaniques  de  Calcutta,  Ceylan  et  Kew  pour  y 
être  examinés  et  déterminés.  Dans  son  rapport,  M.  Wray  suggère 
l'idée  d'utiliser  également  pour  l'extraction  de  la  gomme,  l'écorce 
qui,  à  l'état  sec,  contient  M  p.  c.  de  gutta-percha  et  que  l'on  jette 
actuellement. 

Le  gouvernement  hollandais  chargea,  en  1883,  un  botaniste 
hollandais,  le  D' W.  Burck,  de  Buitenzorg,  de  se  rendre  à  Sumatra 
et  d'y  étudier  les  arbres  à  gutta-percha  qui  se  trouvent  sur  les  pla- 
teaux de  Padang,  le  long  de  la  côte  occidentale.  Le  D'  Burck  dis- 
tingua quatorze  espèces  différentes,  parmi  lesquelles,  le  Niato 
balam  tembaga  ou  Durian  de  Ampaloo  (Halaban)  qui  fournit  une 
qualité  excellente  de  gutta-percha,  et  le  Niato  balam  banngin  ou 
Sundai  qui  donne  le  getah  soondie,  substance  de  deuxième  ordre. 
Le  premier  est  identique  au  Palaquium  oblongifolium  et  le  deu- 
xième au  Pajena  Leriiy  qui  tous  deux  ont  été  décrits  plus  haut.  Le 
rapport  du  D^  Burck  est  un  des  meilleurs  travaux  sur  la  matière. 

Le  D'  Burck  rapporta  de  son  expédition  une  série  de  jeunes 
arbres  à  gutta-percha  qui  furent  plantés  au  jardin  botanique  de 
Buitenzorg  et  transférés  ensuite  au  jardin  de  culture  de  Tjikeu- 
meuh  qui  se  trouve  près  de  là.  Le  D'  Burck  n'apprit  l'expédition 
de  M.  Seligmann-Lui  qu'à  son  retour,  mais  les  deux  savants  com- 
parèrent leurs  notes  et  furent  entièrement  d'accord  sur  les  con- 
clusions. 

Chacune  des  trois  expéditions  dont  il  vient  d'être  parlé,  ne 
durèrent  que  quelques  mois.  Celle  de  M.  SéruUas  qui  les  suivit, 
s'étendit  de  1884  à  1889.  Le  gouvernement  français  chargea, 
en  1884,  M.  SéruUas  de  se  rendre  dans  la  péninsule  malaise  et 
d'y  recueillir  des  plantes.  M.  SéruUas  trouva  un  grand  nombre 


Les  inondations  du  Nil  et  les  pluies  de  l'Inde.  —  M.  I.  Eliot, 
chef  du  service  météorologique  du  gouvernement  de  l'Inde,  déduit  de 
ses  observations  qu'il  existe  une  relation  plus  intime  et  plus  exacte 
entre  les  inondations  du  Nil  et  les  pluies  de  l'Inde  qu'on  ne  l'avait 
supposé.  Les  années  de  famine  dans  llnde  sont  généralement  des 
années  de  faibles  inondations  en  Egypte.  M.  Eliot  cite  à  l'appui  de  ses 
dires,  des  statistiques  relatives  aux  vingt-cinq  années  comprises 
entre  1875-1899.  Pendant  celte  période,  il  y  eu  cinq  années  où  la 
moyenne  de  la  pluie  dans  l'Inde,  abstraction  faite  de  la  Birmanie, 
était  de  plus  de  3  pouces  au-dessous  de  la  moyenne  qui  est  de 
41  pouces.  En  1876,  le  Dekkan  et  le  Mysore  ont  souffert  de  sécheresse, 
mais  en  Egypte,  il  y  a  eu  une  forte  inondation.  En  1877,  1891  et  1896, 
années  de  pluies  insuffisantes  dans  l'Inde,  le  Nil  est  resté  bas  et 
l'année  dernière  où  le  déficit  était  d'environ  H  pouces  dans  l'Inde,  le 
Nil  a  eu  la  crue  la  plus  faible  du  siècle.  Pendant  les  six  années  où  la 
pluie  a  dépassé  la  moyenne  dans  l'Inde,  le  Nil  a  eu  également  de 
fortes  crues. 

En  somme,  comme  dit  M.  Eliot,  les  faits  sont  suffisants  pour 
démontrer  que  les  deux  contrées  agricoles,  l'Egypte  et  l'Inde,  dont  la 
prospérité  dépend  presque  exclusivement  de  la  distribution  et  de  la 
quantité  de  la  pluie,  sont  affectées,  chaque  année  par  des  conditions 
météorologiques  générales  et  des  variations  dont  les  causes  ne  sont 
encore  connues  qu'imparfaitement.  On  suppose,  cependant,  que  la 
coïncidence  est  due  au  fait  que  les  pluies  de  la  période  juin  à  sep- 
tembre ou  octobre  en  Abyssinie,  sur  les  plateaux  de  l'Arabie  méri- 
dionale et  dans  le  Nord  de  l'Inde,  proviennent  d'une  source  commune. 
L'ensemble  de  ces  régions  est  fortement  chauffé  en  mai  quand  il  n'y 
tombe  pas  de  pluie.  L'action  solaire  détermine,  pendant  ce  mois,  dit 
M.  Eliot,  des  changements  météorologiques  qui  préparent  la  voie  aux 
courants  de  la  mousson,  mais  qui  ne  les  provoquent  pas.  Si  les  courants 
sont  détournés  par  des  conditions  locales,  ou  si  les  vents  Sud-Est  sont 
plus  faibles  que  d'habitude,  il  en  résulte  de  la  sécheresse  dans  l'Inde 
et  peu  de  pluie  sur  les  plateaux  de  l'Abyssinie.  L'année  dernière,  les 
courants  ont  été  détournés  vers  l'Afrique  australe.  M.  Eliot  pense 
qu'une  étude  plus  approfondie  de  la  météorologie  de  l'Australie,  de 
l'Océan  Indien  et  aussi  de  l'Océan  Antarctique  pourrait  déterminer  les 
influences  qui  font  dévier  les  courants.  Il  croit  qu'il  serait  utile 
notamment  d'établir  des  stations  d'observations  au  sud  de  l'île 
Maurice. 


l'influence  des  températures  élevées  631 

ciales  pour  pouvoir  étudier  les  phénomènes  qui  se  passent  sous 
rinfluence  d'une  température  anormalement  élevée.  Les  premières 
expériences  dans  ce  sens  ont  été  faites  sur  des  animaux,  placés 
pendant  plusieurs  heures  ou  plusieurs  jours  dans  des  chambres 
métalliques,  à  des  températures  plus  ou  moins  élevées.  (Expériences 
de  Rosenthal  sur  cobayes.  —  Werhowsky  :  examens  du  sang  chez 
le  lapin  à  une  température  élevée.) 

Ultérieurement,  avec  la  chambre  de  Pettenkofer,  Ton  a  entre- 
pris de  multiples  expériences  chez  l'homme.  Deux  points  ont 
surtout  été  examinés  :  le  dégagement  de  vapeur  d'eau  et  l'émission 
d'acide  carbonique;  ce  dernier  facteur  donnant  très  bien  la  mesure 
des  combustions  opérées. 

A  priori,  voici  comment  on  se  figurerait  la  réaction  de  l'orga- 
nisme. A  mesure  que  monte  la  température  extérieure,  l'organisme, 
d'un  côté,  augmenterait  la  déperdition  de  calorique  (surtout  par 
laugmentation  de  l'évaporation  d'eau  aux  surfaces  cutanée  et  res- 
piratoire) ;  —  de  l'autre  côté,  diminuerait  la  production  de  chaleur 
interne  (en  consommant  moins  d'oxygène,  et  dégageant  par  consé- 
quent moins  de  00^). 

En  est- il  ainsi  en  réalité?  Cest  l'opinion  de  beaucoup  de  physio- 
logistes ;  d'autres  sont  d'un  avis  opposé.  Dans  son  «  Traité  de 
Physiologie  humaine  »,  Frédéricq  dit  à  ce  propos  (p.  199)  :  '<  J'ai 
démontré,  en  me  basant  sur  les  chiffres  de  mes  propres  expérien- 
ces et  en  utilisant  ceux  des  expériences  de  Voit  et  de  Page,  que  la 
ressource  de  la  variation  inconsciente  de  la  thermogénèse,  fait 
complètement  défaut  à  l'homme  dans  sa  lutte  contre  le  chaud.  Si 
la  température  extérieure  monte,  si  elle  dépasse  +  20*"  à  +  25**,  la 
proportion  de  C.  (carbone)  brûlé  dans  l'organisme  ne  baisse  pas, 
elle  s'élève  au  contraire.  Cette  augmentation  dans  lenergie  des 
combustions  interstitielles  vient  donc  s'ajouter  aux  autres  causes 
qui  mettent  en  danger  la  constance  de  la  température  interne. 
Pour  lutter  contre  le  chaud,  l'organisme  en  est  uniquement  réduit 
à  augmenter  les  pertes  de  chaleur  par  rayonnement  et  évaporation. 
La  courbe  de  la  production  de  chaleur  en  fonction  de  la  tempéra- 
ture extérieure  présente  un  minimum  voisin  de  +  20**.  » 

D'un  autre  côté,  le  D'  Wolpert,  assistant  à  l'Institut  d'Hygiène, 
à  Berlin,  qui,  dans  ces  dernières  années,  fit  de  nombreuses  expé- 
riences avec  la  chambre  de  Pettenkofer,  nous  dit  à  ce  sujet:  «  Le 


contiennent  environ  3,000  tonnes  de  charbon.  Il  ne  faut  pas  oublier 
que  cette  surface  ne  représente  qu'une  petite  partie  des  grands  dépôts 
de  charbon  du  Shan-Si.  Richthofen  évalue  à  630,000  millions  de 
tonnes,  le  charbon  que  renferme  le  Shan-Si.  L'aire  du  charbon  serait 
donc  plus  étendue  que  celle  de  la  Pensylvanie.  Tout  le  charbon  du 
Tse-chau  est  de  l'anthracite  et  il  est  assez  dur  pour  supporter  n'im- 
porte quel  poids  dans  les  fours.  On  amène  annuellement  50,000tonnes 
de  charbon  environ  à  la  surface.  Le  combustible  se  transporte  au 
moyen  de  charrettes  ou  de  bêtes  de  somme.  Mais  la  grande  épaisseur 
et  la  position  presque  horizontale  du  charbon  permettrait,  comme  l'a 
suggéré  Richthofen,  de  faire  courir  de  longues  lignes  de  rails  en  tun- 
nel à  travers  la  couche  et  de  charger  directement  les  wagons  dans  les 
mines  en  destination  de  lieuy.  éloignés. 

On  trouve  aussi  du  minerai  de  fer  à  2  ou  3  pieds  de  profondeur, 
mais  la  quantité  de  fer  y  contenue  ne  permettra  probablement  jamais 
de  faire  des  travaux  de  mines  à  de  grandes  profondeurs.  Le  district 
contient  aussi  de  la  terre  réfractaire  de  bonne  qualité.  On  en  fait  des 
briques  et  des  poteries  à  bon  marché. 

Coohinchine.  Immigration  chinoise.  —  Pendant  l'année  1899, 
il  est  arrivé  20,216  Chinois  en  Cochinchine.  Sur  ce  lotal,  il  y  avait 
15,414  hommes  de  19  à  55  ans.  Pendant  la  même  année,  il  y  a  eu 
14,787  départs  volontaires  dont  11,889  d'hommes  de  19  à  58  ans. 
Compensation  faite  des  départs  et  des  arrivées,  l'augmentation  de 
l'effectif  chinois  en  Cochinchine  ressort  à  plus  de  5,000  pour  l'année 
1899,  au  31  décembre  de  laquelle,  on  estimait  à  95,152,  dont 
69,405  hommes  de  19  à  55  ans,  le  nombre  de  Chinois  vivant  dans  cette 
colonie.  Le  mouvement  de  l'immigration  chinoise  en  Cochinchine 
est,  on  le  voit,  assez  considérable  ;  mais  il  ne  représente  qu'une  faible 
portion  de  l'émigration  chinoise  annuelle. 

Cochinchine.  La  culture  du  café.  —  On  cultive,  en  Cochinchine, 
du. café  Libéria  et  du  café  arabe.  On  produit  du  premier,  environ 
27,000  kilogrammes  par  an,  dont  5,000  proviennent  des  plantations 
des  indigènes.  Le  café  arabe  ne  produit  que  2,500  kilogrammes 
environ.  Le  café  Libéria  est  beaucoup  plus  résistant  que  l'arabe.  La 
culture  de  celui-ci  est  délaissée  de  plus  en  plus  parce  qu'il  succombe 
trop  facilement  aux  attaques  de  Vhemileia  et  qu'il  est  affecté  par 
l'humidité  du  climat.  On  fait  aussi  des  expériences  d'acclimatation  de 
certaines  variétés  du  coffea  arabica  de  la  Réunion  ainsi  que  de  variétés 
du  café  arabe  greffées  sur  le  Libéria. 


l'iNFI.LENCK   des   TEMPÉRATIUKS   ÉLEVÉES  633 

Nous  constatons  ainsi  que  : 

D'une  façon  générale,  plus  la  température  s'élève,  plus  Vhornme 
habillé  dégage  CO^  et  H^O,  et  par  conséquent  plus  il  perd  en  poids. 

Si  nous  comparons  le  séjour  dans  Pair  humide  à  celui  dans  Tair 
sec,  nous  constatons  que  pour  l'homme  habillé  : 

—  A  la  température  de  20'-22',  les  pertes  de  Vorganisme  sont  à 
peu  près  égales,  ou  légèrement  moindres  dans  Vair  humide  ; 

—  Ala  température  de  28''-3(h,  les  pertes  sont  déjà  sensiblement 
plus  considéi'ables  dans  l'air  humide  que  dans  l'air  sec  ; 

—  A  la  température  de  35^  à  36"*,  cette  différence  s'accentue 
encore,  et  Vorganistne  perd  notablement  plus  dans  Vair  humide. 

Ces  conclusions  sont  applicables  à  l'organisme  au  repos  comme 
au  travail. 

Nous  avions  déjà  écrit  les  conclusions  qui  précèdent  quand 
nous  eûmes  l'occasion  de  suivre  les  intéressantes  conférences  de 
notre  confrère,  M.  Dryepondt,  sur  «  L'Hygiène  et  la  Pathologie 
des  pays  chauds  ». 

De  1  avis  de  la  plupart  des  médecins  français  qui  s'occupèrent 
de  l'hygiène  dans  les  tropiques,  le  D""  Dryepondt  nous  dit  que 
rémission  de  CO^  est  moindre,  ou  tout  au  moins  n'est  pas  plus 
considérable  chez  le  sujet  vivant  dans  les  régions  tropicales.  Tout 
au  début  seulement  du  séjour,  la  quantité  de  CO^  dégagé  serait 
augmentée. 

iNos  expjTiences  n'infirment  en  aucune  façon  celte  manière  de 
voir.  En  effet,  nos  recherches  furent  faites  dans  un  climat  tempéré 
(  Merlin),  sur  un  sujet  n'ayant  jamais  séjourné  dans  les  pays  chauds. 
Dans  les  conditions  de  nos  expériences,  nous  pouvions  donc 
l'assimiler  à  un  Européen  au  début  de  son  séjour  dans  les  tro- 
piques ;  abstraction  faite  évidemment  de  toute  cause  de  maladie. 

Du  reste,  si  nous  examinons  la  physiologie  comparée,  nous 
voyons  que  les  physiologistes  admettent  que  l'organisme  des  ani- 
maux chauds  lutte  contre  les  causes  d'échauffement  en  augmen- 
tant les  pertes  de  chaleur,  mais  aussi  en  restreignant  la  production 
de  chaleur  interne (Frédéricq).  Pourquoi  n'en  serait-il  pas  de  même 
pour  l'homme?  Peut  être  l'organisme  humain  a-t-il  besoin  de  plus 
de  temps  pour  s'adapter  à  ces  nouvelles  conditions. 


Dès  188S,  les  plantations  d'arbres  à  thé  s'étendaient  sur  20,000  acres, 
mais  l'exportation  n'atteignait  pas  700,000  IhTes.  En  1892, 262,000  hcc^ 
tares  étaient  consacrés  à  la  production  du  thé,  dont  l'exportation 
atteignait  71  millions  de  livres.  Enfin,  en  l'année  1900,  l'étendue 
consacrée  à  cette  culture  n'est  pas  moindre  que  380,000  acres,  tandis 
que  la  production  est  estimée  au  chiffre  colossal  de  140  millions  de 
livres. 

L'histoire  de  l'agriculture  ne  mentionne  pas  de  transformation  plus 
extraordinaire  que  cette  substitution  du  thé  au  café  à  (^eylan,  opération 
qui  a  si  bien  réussi  que  l'étendue  des  nouvelles  cultures  dépasse  de 
beaucoup  celle  des  anciennes.  L'étendue  la  plus  grande  que  le  café  ail 
jamais  couverte  à  Ceylan  était  de  272,000  acres  (en  1877)  et  l'exportation 
atteignait  105  millions  de  livres.  Vingt-trois  ans  après,  il  ne  reste  plus 
que  quelques  plantations  éparses  de  caféiers  (peut-être  7,000  encres), 
mais  celles  de  thé  occupent  380,000  acres,  et  produisent  140  millions 
de  livres  d'excellente  qualité. 

Les  champs  de  thé,  à  Ceylan,  se  trouvent  à  toutes  les  altitudes, 
depuis  le  niveau  de  la  mer  jusqu'à  7,000  pieds.  Il  existe  environ 
1,600  plantations,  qui  occupent  un  nombreux  personnel  européen,  et 
environ  400,000  travailleurs  indigènes,  hommes,  femmes  et  enfants. 
Presque  toutes  les  plantations  ont  une  installation  industrielle  avec 
les  machines  nécessaires  pour  préparer  complètement  le  thé,  tel  qu'il 
doit  être  livré  au  commerce.  On  peut  dire  qu'aucun  produit  tropical 
n'est  préparé  et  emballé  avec  autant  de  soin  que  le  thé  de  Ceylan. 

Le  capital  employé  dans  les  entreprises  de  production  du  thé  est 
évalué  à  9  millions  de  liv.  st.  Les  consommateurs  de  thé  de  Ceylan, 
ont  aujourd'hui  le  meilleur  thé  du  monde,  et  le  moins  cher  eu  égard 
à  sa  qualité. 

L'excellence  du  thé  de  Ceylan  a  attiré  de  bonne  heure  l'attention  du 
marché  de  Londres,  et  la  consommation  de  cette  denrée  s'est  rapide- 
ment étendue  dans  toujt  le  Royaume-Uni,  oh  elle  maintient  toujours 
sa  position  prédominante. 

En  Australie,  la  contrée  du  monde  où  se  fait  la  plus  grande  con- 
sommation de  thé  (175  livres  par  habitant),  les  produits  de  Ceylan 
furent  rapidement  appréciés.  Des  analyses  officielles,  faites  pendant 
l'exposition  de  Melbourne,  en  1881,  confirmèrent  cette  bonne  opinion. 
Le  thé  de  Ceylan  a  remplacé  en  grande  partie  celui  de  Chiné,  et  est 
préféré  à  celui  de  l'Inde. 

Au  Canada,  le  même  thé  a  pris  rapidement  la  première  place,  et  sa 
consommation  se  répand  de  plus  en  plus.  11  est  également  apprécié 
sur  le  continent  européen,  et  spécialement  en  Russie. 


l'influence  des  températures  élevées  635 


Le  travail  à  une  température  élevée. 

1.  Le  travail  intellectuel  est-il  possible  au  même  degré,  dans 
une  atmosphère  à  température  élevée  (dépassant  +  2o<>),  comme 
à  une  température  ordinaire  (+15®  à  20°)?  —  Quand  nous  avons 
fait  les  expériences  de  respiration  au  Laboratoire  de  l'Institut 
d'Hygiène,  à  Berlin,  nous  nous  sommes  surveillé  à  cet  égard.  Nous 
étions  pendant  les  trois  quarts  de  la  journée  dans  une  chambre 
assez  spacieuse,  dans  les  mêmes  conditions  de  température  et 
d'humidité  que  le  sujet  en  expérience. 

A  SS'^-SO*,  dans  l'air  humide  comme  dans  l'air  sec,  le  travail 
intellectuel  s'opérait  très  facilement,  même  pour  des  calculs  longs 
et  compliqués. 

A  SS^'-Se*',  le  travail  intellectuel  devenait  plus  fatigant,  et  de 
temps  à  autre  il  se  glissait  de  petites  erreurs  dans  les  calculs. 

Dans  son  récent  ouvrage,  Die  Kamerun  Kûste,  le  D*^  Fr.  Plehn 
s'étend  assez  longuement  à  ce  sujet.  De  même  que  le  D'  Van  der 
Burg  {De  Geneesheer  in  Nederlandsch  Indië),  il  n'admet  pas  que 
l'activité  intellectuelle  soit  notablement  diminuée  après  un  séjour 
de  quelque  durée  dans  les  pays  tropicaux.  Et  il  conclut  que  «  des 
altérations  des  propriétés  intellectuelles  ou  morales  de  l'homme 
sous  la  seule  influence  des  conditions  climatériques  sont  inadmis- 
sibles. La  fréquence  de  leur  production  dans  les  tropiques  doit  être 
attribuée  à  des  influences  externes  dépendant  le  plus  souvent  du 
genre  de  vie  ». 

2.  Travail  corporel.  —  Il  a  été  admis  de  tout  temps  que  dans 
un  milieu  à  température  très  élevée,  la  somme  de  travail  fournie 
par  l'homme  était  inférieure  à  celle  que  le  même  sujet  pouvait  pro- 
duire à  une  température  modérée  ou  à  basse  température.  Cette 
opinion  repose  sur  des  faits  d'observation  très  nombreux  et  n'est 
certainement  pas  à  mettre  en  doute. 

Sur  le  conseil  de  M.  le  professeur  Rubner,  nous  avons  cherché 
à  étudier  de  plus  près  ces  modifications,  pour  déceler  si  possible 
des  variations  dans  l'étendue  ou  la  nature  des  contractions  mus- 
culaires, 

L appareil} se  prêtant  le  mieux,  semblait-il,  à  ce  genre  de 


L  avenir  de  la  production  dépend  dans  une  large  mesure  des  tarifs 
douaniers  plus  ou  moins  élevés  auxquels  il  sera  soumis  dans  les  pays 
de  grande  consommation.  L'exemple  de  la  Grande-Bretagne  tend  à 
prouver  l'importance  des  effets  de  la  législation.  En  1837,  le  droit 
perçu  sur  les  thés  importés  dans  le  Koyaume-Uni,  était  de  2  sh.  1  d. 
par  livre.  La  consommation  s'élevait  cette  année  à  30,263,206  livres 
(c'est-à-dire  moins  de  1 1/4  par  tête  d'habitant),  et  le  produit  du  droit 
était  de  3,190,125  livres.  Le  droit  fut  réduit  graduellement  sous  le 
ministère  de  M.  Gladstone;  il  était  de  1  sh.  10  d.  par  livre  en  1854, 
de  1  sh.  5  d.  en  1858,  de  1  sh.  en  1863,  et  fut  enfin  réduit  à  6  d.  par 
livre  à  partir  du  l®''juin  1865.  Le  résultat  de  ses  mesures  libérales 
fut  un  accroissement  considérable  de  la  consommation,  et  même  un 
accroissement  du  revenu.  En  effet,  la  consommation  se  montait 
en  1867,  à  111,061,160  livres,  et  la  recette  de  la  douane  à  2  millions 
776,529  liv.  st.;  en  1887,  la  consommation  se  montait  à  183  millions 
635,885  livres  et  l'impôt  à  4,590,897  liv.  st.;  enfin,  durant  l'année 
1899,  la  consommation  du  thé  a  été  de  241 ,41 0,240  livres,  tandis  que 
l'impôt  produisait  4,023,504  liv.  st.,  bien  que  le  droit  eût  été  réduit 
à  4  d.  par  livre. 

Les  planteurs  anglais  espèrent  que  les  gouvernements  d'Europe 
suivront  cet  exemple,  et  abaisseront  les  taxes,  généralement  élevées, 
qui  frappent  le  thé.  La  modération  des  droits  paraît,  en  effet,  con- 
forme aux  principes  d'une  bonne  économie  financière.  On  sait  que  la 
Belgique  a  entièrement  aboli  le  droit,  il  y  a  quelques  années;  il  faut 
toutefois  convenir  que  la  consommation  belge  ne  paraît  pas  avoir  con- 
sidérablement augmenté  depuis. 

(Diaprés  un  article  de  M.  J.  Fergusson  paru 
dans  le  Journal  of  Society  of  Arts.) 

Japon.  L'or  dans  l'île  Hokkaido.  —  Le  consul  d'Angleterre  à 
Hakodate  rapporte  qu'en  1898,  on  a  découvert  de  l'or  en  quantités 
considérables  dans  les  voisinages  des  rivières  Tombetsu  et  Horobetsu 
et  de  leurs  affluents  dans  les  provinces  de  Ketami  et  de  Teshio.  0» 
avait  déjà  trouvé,  depuis  quelques  années,  de  la  poudre  d'or,  mais  en 
petite  quantité.  L'extraction  annuelle  ne  dépassait  pas  1,570  onces. 
Cet  or  se  rencontrait  principalement  sur  la  côte  occidentale  de  Teshio. 

Le  centre  de  la  nouvelle  surface  aurifère  est  la  montagne  Horono- 
buri,  qui  renferme  des  rivières  contenant  des  dépôts  d'or.  On  présume 
que  la  montagne  elle-même  renferme  de  riches  veines  aurifères.  On  a 
pas  jusqu'à  présent  procédé  à  des  travaux  de  prospection,  mais  on  se 


propose  d'entreprendre  bientôt  un  examen  scientifique  du  sol.  La 
méthode  suivie  actuellement  pour  laver  Tor  est  des  plus  primitive. 
Dans  certains  cas,  on  ne  se  sert  que  d'une  natte  de  paille  pour  filtrer 
le  sable. 

D'après  un  rapport  officiel,  la  production  totale  de  l'or  en  poudre 
a  été,  en  1899.  d'environ  14,477  onces,  ce  qui  représente  une  valeur 
d'à  peu  près  48,000  liv.  st.  Cette  évaluation  est  considérée  comme  de 
beaucoup  inférieure  à  la  réalité.  Des  autorisations  pour  exploiter  des 


LA    CULTURE    DU    TUÉ   A   CtYLAN.    —    ntPKiUAGK    DES   JEUNES    POUSSES 

{Musions  belges.) 

claims  d'une  étendue  totale  de  185,757  acres,  ont  été  accordées 
en  1899,  non  seulement  dans  le  voisinage  des  nouvelles  découvertes, 
mais  dans  toutes  les  parties  de  l'île. 


Corée.  Nécessité  de  la  connaissance  de  la  langue  indi- 
gène. —  Le  consul  général  d'Angleterre  à  Séoul  attire  l'attention  sur 
l'utilité  de  la  connaissance  de  la  langue  du  pays. 

«  Les  marchands  anglais,  dit-il,  pourraient  contribuer  puissam- 
ment à  s'ouvrir  les  marchés  d'Extrême-Orient,  en  apprenant  les 
langues  indigènes,  mais  il  semble  que  ce  soit  le  moindre  de  leurs 
soucis.  Les  désavantages  qui  résultent  de  la  situation  actuelle  sont 
pourtant  évidents.  Les  esprits  des  orientaux  sont  trop  portés  à  suivre 
les  voies  tracées,  et  «  l'antique  coutume  »  est  pour  eux  un  puissant 


I 


Coréens  restent  fortement  attachés  à  leurs  traditions  immémoriales. 
Ils  sont  excellents  dans  la  pratique  courante  du  commerce  qu'ils  sont 
habitués  à  exercer,  mais  il  ne  faudrait  pas  attendre  d'eux  qu'ils  s'at- 
tachent à  étendre  ou  à  développer  le  commerce  ou  à  ouvrir  de  nou- 
veaux marchés.  Le  Coréen  qui  parle  l'anglais  vous  dira  tout  juste  ce  qui 
le  frappe  et  cela  est  fort  mince.  Il  est  totalement  dépourvu  de  cet 
esprit  d'entreprise  et  d'observation  qui  caractérise  l'homme  d'affaires 
de  l'Occident. 

»  Les  Allemands,  toujours  pratiques,  ont  vite  reconnu  ce  fait,  et  l'on 
ne  rencontre  plus  qu'exceptionnellement,  une  maison  commerciale 
allemande  en  Orient,  qui  ne  possède  pas  au  moins  un  homme  capable 
de  parler  la  langue  indigène.  Il  y  a,  en  Corée,  une  firme  allemande  et 
une  firme  anglaise.  Il  est  presque  inutile  de  dire  que  la  maison  alle- 
mande a  un  Allemand  sachant  parler  le  coréen,,  taudis  que  la  maison 
anglaise  n'a  pas  d'Anglais  connaissant  cette  langue.  » 


AFRIQUE 


L'expédition  du  major  Gibbons  au  Zambèze.  —  Le  major 
Gibbons,  chef  de  l'expédition  qui  avait  pour  but  d'achever  l'exploration 
du  pays  des  Barotsés  et  de  rechercher  la  distribution  géographique  des 
tribus  de  cette  contrée,  vient  de  rentrer  en  Angleterre  après  avoir  par- 
couru l'Afrique  pendant  deux  ans  et  trois  mois.  Le  major  Gibbons  a 
pleinement  réussi  dans  la  tâche  qu'il  s'était  proposée.  Tout  le  pays 
compris  entre  la  rivière  Kafukive  à  l'est,  la  rivière  Kuvito,  à  l'ouest  et 
la  ligne  de  séparation  des  eaux  du  Congo  et  du  Zambèze,  au  18'  degré 
de  latitude  sud,  c'est-à-dire  une  surface  de  200,000  milles  carrés  a  été 
explorée  au  point  de  vue  hydrographique  et  ethnologique. 

Un  des  résultats  principaux  de  l'expédition  du  major  Gibbons  a  été 
la  découverte  de  la  source  du  Zambèze  qui  se  trouve  à  environ 
100  milles  de  distance  de  l'endroit  supposé.  L'expédition  rencontra 
aussi  dans  le  Barotséland  une  tribu  de  Bushmen,  complètement  diffé- 
rents de  ceux  qu'elle  avait  vus  auparavant.  Ils  sont  extrêmement 
timides,  de  complexion  délicate,  sans  être  d'une  petitessse  exagérée. 
Leurs  lèvres  ne  sont  pas  épatées  ;  au  contraire,  elles  semblent  rentrer, 
e  qui  leur  donne  l'apparence  de  n'avoir  pas  de  dents  ;  leur  peau  est 


"'""'^    7„, 


"^  ^UCa. 


claire;  elle  n'est  guère  qu'un  peu  plus  foncée  que  celle  d'un  blanc 
brûlé  par  le  soleil.  Ils  sont  armés  d'arcs  et  de  flèches  et  ne  possèdent 
aucun  genre  d'habitation.  Ils  se  nourrissent  principalement  de  cou* 
leuvres  et  à  la  fin  de  leurs  journées  de  chasse,  ils  se  couchent  à  terre 
n'importe  où  pour  dormir.  Ils  n'ont  pour  tout  vêtement  qu'une  peau 
de  chat  qu'ils  s'attachent  autour  des  reins.  Ils  sont  très  doux.  Après 
quelques  difficultés,  le  major  Gibbons  parvint  à  en  prendre  plusieurs 
photographies. 

Le  Zambèze  prend  sa  source  à  environ  5,000  pieds  d'altitude  dans 
un  pays  onduleux  sans  être  montagneux.  La  contrée  est  presque 
entièrement  dépeuplée  par  suite  de  la  chasse  aux  esclaves.  En  traver- 
sant le  Barotséland,  le  major  Gibbons  constata  que  le  commerce  des 
esclaves  se  faisait  dans  tous  les  endroits  écartés.  Il  en  résulta  des 
difficultés,  car  les  porteurs  de  l'expédition  refusèrent  d'avancer 
ailleurs  que  le  long  de  la  route  des  caravanes.  Le  major  Gibbons 
s'était,  heureusement,  procuré  cinq  ânes  quelque  temps  auparavant. 
Il  put  donc  poursuivre  son  chemin  en  se  servant  de  ses  bêles  de 
somme.  Quatre  boys  l'accompagnèrent.  La  marche  était  extrêmement 
difficile.  Ils  étaient  obligés  de  construire  jusqu'à  quatre  ponts  par  jour 
pour  pouvoir  traverser  le  fond  des  vallées  dont  le  sol  était  très 
spongieux.  La  situation  s'empira  encore  par  la  perte  de  deux  ânes  que 
les  lions  emportèrent.  Le  major  rencontra  alors  la  mission  belge  du 
lieutenant  Lemaire  avec  lequel  il  continua  son  voyage  pendant  un 
mois.  11  se  sépara  de  lui  à  la  station  belge  de  Lukatu,  dans  le  Katanga. 

Le  major  Gibbons  remonta  ensuite  vers  le  nord  en  traversant  la  suite 
des  lacs  de  l'Uganda.  11  revint  en  Europe  par  la  voie  du  Nil.  Il  résulte 
des  observations  qu'il  a  faites  pendant  cette  partie  de  son  voyage  que 
les  cartes  devront  subir  de  nombreux  changements,  en  ce  qui  concerne 
la  position,  la  forme  et  l'étendue  de  la  plupart  des  grands  lacs, 
notamment,  des  lacs  Kivu  et  Albert-Edouard.  Ce  dernier  diffère  abso- 
lument en  forme  et  en  étendue  des  dimensions  que  lui  donnent  les 
cartographes. 

Le  major  Gibbons  a  parcouru  l'Afrique  sur  une  distance  de  plus  de 
13,000  milles.  C'est  le  plus  long  itinéraire  qu'un  explorateur,  peut-être 
même  Livingstone,  ait  jamais  fourni.  Pendant  ce  long  voyage,  le  major 
Gibbons  n'a  pas  eu  à  se  servir  une  seule  fois  de  ses  armes.  11  a  eu  aussi 
le  bonheur  de  ne  perdre  aucun  de  ses  boys. 

Le  major  Gibbons  rend  aux  Belges  un  hommage  particulier.  «  J'en 
ai  rencontré  un  grand  nombre,  dit-il,  j'ai  traversé  onze  de  leurs  sta- 
tions, j'ai  passé  quinze  jours  au  Katanga  et  trois  mois  sur  le  Nil 
supérieur  et  je  dois  déclarer  que  je  n'ai  jamais  observé  le  moindre  fait 


qui  put  donner  raison  aux  accusations  portées  contre  eux  et  qui  ne 
sont,  à  mon  avis,  que  des  rumeurs  indigènes  auxquelles  [on  a  trop 
facilement  accordé  crédit.  » 

Lagos.  Régime  foncier.  —  Une  ordonnance  du  secrétaire  de  la 
Colonie  de  Lagos  vient  de  régler  les  conditions  de  validité  des  conces- 
sions de  terres  et  de  forêts.   Le .  gouvernement  ne  reconnaîtra  les 


PESAGE   DU    THÉ  A   CEYLAN. 

{Missioiu  behjfs,) 


cessions  faites  par  des  indigènes  à  des  étrangers  que  si  ceux-ci 
prouvent  que  les  terres  qui  en  font  l'objet  appartiennent  réellement  à 
leurs  cédants  et  qu'elles  ne  sont  réclamées  par  aucun  autre  indigène. 
Une  réunion  publique  sera  annoncée  où  l'on  proclamera  les  noms  des 
véritables  propriétaires.  Quand  ceux-ci  seront  connus,  ils  délimiteront 
de  concert  avec  le  cessionnaire,  les  terres  qui  font  l'objet  de  la  tran- 
saction. Le  prix  sera  ensuite  fixé  en  présence  d'un  délégué  du  gouver- 
nement. On  déterminera  aussi  de  quelle  manière  les  paiements  se 
feront  et  comment  ils  se  répartiront  entre  le  gouvernement  et  les 
divers  ayants  droit. 

Dans  les  concessions  forestières,  le  concessionnaire  sera  tenu  de 


Girî  tILDES   COLONIALES 


II.  — -  flépsLvtltiott  des  cal  taises  de  caniies  à  sacife 
dans  les  divefises  paitfeies  du  monde. 

A.   EN  ASIE. 

L'Asie,  et  plus  particulièrement  l'Inde  septentrionale,  est  la 
première  contrée  oii  l'histoire  nous  révèle  l'existence  de  cultures 
de  cannes  à  sucre.  C'est  encore  aujourd'hui  une  des  contrées  où 
cette  culture  est  la  plus  étendue. 

Dans  le  Bengale,  les  plantations  de  cannes  s'étendent  sur 
environ  67,000  hectares.  Le  Behar  et  l'Orissa  renferment  égale- 
ment un  grand  nombre  de  cultures. 

L'Assam,  dont  la  température  est  un  peu  inférieure  à  celle  des 
trois  provinces  précitées,  rachète  ce  défaut  par  une  forte  humidité; 
sa  production  tient,  dans  l'Inde,  le  second  rang  après  celle  du 
Bengale. 

D'après  Balfour  et  Krùger,  les  provinces  du  Nord-Ouest  et 
rOude  ne  posséderaient  ensemble,  en  fait  de  cannes  à  sucre,  que 
la  moitié  de  la  superficie  des  plantations  du  Bengale.  Leur  climat 
plus  continental  se  prête  moins  à  la  culture,  qui  se  concentre  le 
long  des  fleuves.  Plus  à  l'Ouest  encore,  dans  le  Rajpatana  et  le 
Pendjad,  où  le  climat  devient  franchement  aride,  on  ne  trouve 
plus  que  des  cultures  isolées,  donnant  des  plantes  de  petite  taille, 
d'ailleurs  assez  riches  en  sucre.  On  retrouve  des  cannes  de  grande 
dimension  vers  l'embouchure  de  l'Indus. 

Les  hautes  montagnes  du  Nord  et  du  Nord-Ouest  de  l'Inde 
marquent  naturellement  la  limite  de  la  culture  sucrière;  on  l'a 
essayée  sans  succès  dans  les  vallées  de  Cachemire. 

La  production  dans  l'Inde  méridionale,  est  soumise  aux  mêmes 
lois  climatériques.  La  canne  réussit  bien  le  long  des  côtes,  mais 
moins  sur  les  plateaux  intérieurs  du  Décan.  Elle  occupe  de  grandes 
étendues  dans  le  bassin  inférieur  du  Godawary. 

La  culture  de  la  canne,  à  Ceyian,  est  d'origine  assez  récente; 
introduite,  semble-t-il,  par  des  boudhistes  réfugiés  du  continent. 
Cette  culture,  bien  que  perfectionnée  par  des  procédés  modernes, 


l'extension   GÉOGRAPUIULE  DE  LA   CANNE  A  SLCUE  643 

ne  suffit  pas  à  la  consommation  de  l'île.  Elle  est  presque  entière- 
ment concentrée  dans  la  région  Sud-Ouest,  qui  est  mieux  arrosée, 
mais  la  nature  généralement  sablonneuse  du  sol  lui  convient  peu. 

La  canne  à  sucre  est  cultivée  depuis  une  époque  reculée 
dans  toutes  les  parties  de  l'Indo-Chine,  ainsi  que  dans  les  îles 
Andaman  et  Nicobar.  C'est  encore  dans  les  vallées  des  grands 
fleuves  que  les  champs  de  cannes  sont  le  plus  développés.  Au 
Siam  et  en  Gochinchine  la  plupart  des  plantations  appartiennent  à 
des  Chinois  qui  ont  établi  des  raffineries  et  des  distilleries  dont 
les  produits  sont  principalement  destinés  à  la  consommation 
chinoise. 

La  péninsule  malaise,  malgré  sa  configuration  montagneuse, 
abonde  en  cannes  à  sucre.  On  a  remarqué  que  la  plante  souffire 
assez  souvent  des  vents  salins  dans  le  voisinage  trop  rapproché 
de  la  mer. 

Il  est  remarquable  que  malgré  l'ancienneté  et  l'étendue  de  leur 
production,  les  Indes  soient  encore  obligées  d'importer  du  sucre. 
C'est  en  grande  partie  aux  méthodes  arriérées  de  production  qu'il 
faut  attribuer  cette  situation. 

La  partie  méridionale  de  la  Chine  appartient  à  la  région  où  la 
canne  peut  être  considérée  comme  indigène.  Aussi  la  culture  en 
est-elle  très  développée. 

Grâce  à  la  fertilité  dix  loess  y  qui  constitue  là  le  sol  arable,  la 
limite  septentrionale  de  notre  plante  s'élève  assez  haut,  jusque 
vers  le  SO*  degré  de  latitude  Nord,  et  atteint  à  peu  près  la  ligne  de 
séparation  des  bassins  du  Yang-tze  et  du  Hoang-ho.  Les  cultures 
chinoises  sont  fort  soignées,  bien  que  fermées  aux  perfectionne- 
ments modernes.  Ici  encore  les  exigences  de  la  plante  en  ce  qui 
concerne  l'humidité  ont  eu  pour  effet  de  concentrer  les  plantations 
dans  la  région  côtière  et  dans  les  vallées  des  grands  fleuves. 

L'île  de  Formose,  dans  sa  partie  méridionale,  offre  des  condi- 
tions climatériques  très  favorables  à  la  canne.  Llle  est  en  quelque 
sorte  partagée  entre  deux  cultures  qui  s'excluent  mutuellement  par 
leurs  exigences  différentes.  Le  Nord  et  les  montagnes  produisent 
de  grandes  quantités  de  thé,  le  Sud-Ouest  soumis  à  l'influence  des 
moussons,  est  consacré  à  la  production  sucrière. 


comme  dit  le  consul  anglais  dans  son  rapport,  engagés  pour  un  an. 
A  lexpiration  de  leur  terme,  la  plupart  d'entre  eux  reviennent  dans 
leur  pays.  L'argent  qu'ils  rapportent,  passe  vite  aux  mains  des  mar- 
chands indiens  qui  savent  s'y  prendre  pour  les  tenter  par  des  mar- 
chandises à  leur  goût.  Le  gouvernement  portugais  ne  s'est  préoccupé 
que  très  récemment  du  recrutement  de  la  main-d'œuvre  dans  son  ter- 
ritoire. Il  faut  maintenant  que  les  travailleurs  soient  engagés. en  vertu 
d'un  contrat  en  bonne  forme  à  Inhambane  ou  à  Lourenço  Marques. 
A  leur  arrivée  à  Johannesburg,  ils  sont  remis  entre  les  mains  d'un 
représentant  portugais,  agréé  par  le  gouvernement  du  Transvaal,  qui 
veille  à  leurs  intérêts. 

Les  agents  recruteurs  doivent  prendre  une  licence  du  prix  de 
230  liv.  st.  Cette  somme  relativement  élevée  est  vite  regagnée,  car  les 
agents  reçoivent  de  3  à  6  liv.  st.  par  «  boy  »  rendu  à  Johannesburg. 
Les  événements  actuels  ont  naturellement  interrompu  ce  trafic  et  les 
indigènes  du  district  de  Inhambane  ont  même  beaucoup  de  peine  i 
payer  la  taxe  sur  les  huttes.  Cet  impôt  a  produit,  pendant  la  dernière 
année  financière,  76,676  liv.  st. 

Les  principaux  articles  d'exportation  sont  le  caoutchouc,  la  cire, 
les  arachides,  le  copra  et  le  «  mafureira  »  qui  est  une  noix  fournissant 
une  huile  épaisse  et  très  odorante.  De  grandes  quantités  en  sont 
exportées,  chaque  année,  vers  Marseille,  où  elle  est  transformée  en 
graisses,  savons  et  bougies.  Les  palmiers  se  trouvent  à  profusion  tout 
le  long  de  la  côte.  Ces  arbres  produisent  énormément.  Il  n'est  pas 
rare  de  voir  des  palmiers  porter  jusqu'à  200  noix.  Ces  noix  consti- 
tuent aussi  une  des  principales  denrées  des  indigènes.  Elles  forment 
la  base  de  tous  leurs  repas.  Un  grand  nombre  d'arbres  sont  saignés  et 
l'on  fabrique  du  vin  de  palme  avec  leur  suc.  Quand  il  est  frais,  ce  suc 
est  agréable  au  goût  mais  il  devient  très  vite  une  boisson  capiteuse.  En 
le  distillant,  on  en  obtient  une  grande  quantité  d'alcool. 

En  toutes  saisons,  on  trouve  de  quoi  faire  de  l'alcool,  car  on  le 
retire  de  différentes  sortes  de  palmiers,  de  la  canne  à  sucre,  des 
oranges,  des  mangues,  des  ananas,  des  bananes,  du  fmit  du  «  kozu  » 
qui  est  très  répandu  et  du  manioc.  Il  s'ensuit  que  les  indigènes 
peuvent  s'enivrer  pour  très  peu  d'argent,  jouissance  qu'ils  ne  se 
refusent  du  reste  pas. 

Inhambane  a.  aussi  un  grand  avenir  comme  producteur  de  sucre. 
A  peu  de  distance  du  port  s'étendent  de  grands  espaces  éminemment 
propres  à  la  culture  de  la  canne  à  sucre.  Une  plantation  est  déjà 
établie  près  de  la  baie.  La  canne  y  pousse  avec  beaucoup  de  vigueur. 
Elle  atteint  souvent  12  et  14  pieds  de  longueur.  Des  machines  pour 


CIIRONIQIJB 

écraser  la  canne  y  ont  été  établies  mais  jusqu'à  prés 
de  cette  plantation  ne  s'est  pas  encore  occupé  d    I 
sucre.  Il  se  contente  d'employer  le  suc  à  la  distill; 
serait  d'autant  plus  facile  d'établir  des  plantations 
que  la  main-d'œuvre  y  est  abondante  et  à  bon  mj    : 
qui  sont  préférées  pour  la  plantation  de  la  cann<    i 
cinq  pences  par  jour  outre  la  nourriture.  Dans  1' 
d'œuvre  est  encore  moins  chère.  La  question  des 
pas  non  plus  de  difficultés  grâce  à  un  cours  d'eau  ( 
trée  favorable  à  cette  culture  sur  une  longueur  de  1 

Le  café  sauvage  croît  en  abondance.  La  fève  est    : 
est  excellent.  De  grandes  quantités  de  maïs  s'expo 
Bay  et  Durban  où  elles  obtiennent  de  bons  prix. 

Le  port  d'Inhambane  est  considéré  comme  un  de 
la  côte  orientale.  Le  registre  de  l'hôpital  témoigne    i 
peu  de  maladies  sérieuses  dans  le  district.  La  vie  e 
se  procure  des  volailles,  des  chèvres  et  des  mo 
modérés  et  l'on  trouve  des  œufs  et  du  poisson  pen< 
Par  contre,  toutes  les  denrées  importées  sont  très  (  i 
l'élévation  des  droits  d'entrée.  Les  fruits  tropicaux  i 
variés.  Dans  l'avenir,  ce  pays  deviendra  probablemc  i 
ducteur  de  fruits.  Les  chevaux,  le  bétail  et  les  mout(  i 
bien  et  l'on  trouve  autour  des  nombreux  lacs  d'eai 
rages  abondants  pendant  toute  l'année. 

Zanzibar.  —  Le  dernier  rapport  du  Consul  gêné 
Zanzibar  décrit  la  situation  de  cette  île  comme  des  pi  i 
importations  et  exportations  qui  avaient  beaucoup  a  i 
se  sont  encore  accrues  en  1899.  Ces  résultats  sont  dus 
récoltes  de  clous  de  girofle  et  à  la  famine  qui  a  régn( 
Les  importations  se  sont  élevées,  en  1899,  à  1,596,é 
grande  partie  des  marchandises  importées  provienne]  i 
africaines.  11  ne  semble  donc  pas  que  le  commerc 
Zanzibar  au  profit  de  Mombasa.  Les  tissus  forment 
des  importations;  le  riz,  les  clous  de  girofle,  l'ii 
monnayé  viennent  ensuite.  L'Inde  conserve  le  premi 
nations  importatrices.  Près  du  tiers  de  la  totalité  des 
revient.  Le  Royaume-Uni  vient  ensuite.  Les  export 
1,513,407  liv.  st.  Les  principaux  articles  exportés  soi 
ceux  qu'on  importe,  ce  qui  démontre  l'importance  de 
entrepôt  commerciaL  L'Afrique  allemande  orientale  i 


646  ETUDES  COLONIALES 

effet,   cultivée  un  peu  partout  par  les  indigènes,  mais  H*a  pas 
encore  fait  l'objet  d'exploitations  coloniales. 

En  Australlei  la  canne  à  sucre  a  été  introduite  en  1850,  mais 
l'exploitation  industrielle  n'a  commencé  que  vers  1874-  Elle  est 
d'ailleurs  limitée  à  la  côte  orientale,  dans  le  Queensland  et  la  Nou- 
velle-Galles du  Sud.  Dans  cette  dernière  colonie,  dont  le  climat  est 
déjà  un  peu  froid,  la  production  n'est  que  la  moitié  environ  de 
celle  du  Queensland,  où  S5  p.  c  environ  des  terres  cultivées  sont 
consacrées  à  la  canne.  Les  plantations,  qui  s'arrêtent  à  l'Ouest,  au 
golfe  de  Garpentarie,  atteignent  au  Sud  le  vingt-neuvième  paral- 
lèle. Mais  la  culture,  sous  cette  latitude,  devient  déjà  difficile  ;  la 
canne  ne  mûrit  qu'en  deux  années  et  les  gelées  se  font  quelquefois 
sentir. 

c.  EN  AMÉRIQUE. 

La  culture  de  la  canne  à  sucre  possède  aux  Etats-Unis  une 
.  grande  extension  dont  il  n'est  pas  facile  de  tracer  la  limite  septen- 
trionale. On  peut  admettre  toutefois  qu'elle  ne  dépasse  jamais  le 
37*  degré  de  latitude  Nord,  entre  l'Atlantique  et  le  Mississipi.  Plus 
à  l'Ouest,  la  limite  des  plantations  s'abaisse  rapidement,  à  cause 
de  la  sécheresse  du  climat;  on  n'en  retrouve  plus  au  delà  des 
montagnes  rocheuses.  Les  champs  de  cannes  sont  surtout  multi- 
pliés autour  du  golfe  du  Mexique,  et  principalement  dans  le  delta 
du  Mississipi,  où  les  conditions  climatériques  les  plus  favorables 
à  la  plante  sont  réunies  au  plus  haut  degré.  Us  occupent  dans  la 
Louisiane  9,7  p.  c.  du  territoire  agricole,  dans  la  Floride  1,2  p.  c, 
dans  le.  Texas  et  la  Géorgie  0,2  p.  c,  dans  l'Alabâma  et  le  Mis- 
si.^^sipi  0,1  p.  c.  En  général,  la  production  sucrière  a  beaucoup 
souffert  depuis  la  guerre  de  Sécession. de  la  perte  de  main-d'œu- 
vre causée  par  l'abolition  de  l'esclavage.  L'emploi  croissant  du 
sucre  de  betterave  lui  a  également  causé  un  tort  considérable. 

La  plus  grande  partie  du  Mexique  est  comprise  dans  la  zone 
de  la  canne.  Toutefois  les  cultures  se  trouvent  surtout  dans  Ifes 
provinces  occidentales,  mieux  arrosées  que  celles  qui  bordent  la 
côte  du  Pacifique.  Ces  cultures  ne  s'étendent  pas  seulement  dans^ 


ainsi  que  le  développement  des  stations  de  Tintérieur  qui  sont  situées 
le  long  de  cette  ligne,  n'ont  pas  empêché  le  commerce  de  Zanzibar 
d'augmenter  considérablement,  non  seulement  pendant  l'année  der- 
nière, mais  au  cours  de  la  dernière  décade. 

Afrique  portugaise  orientale.  Commerce  et  mouvement 
maritime  de  Chinde.  —  Le  vice-consul  anglais  à  Chinde  dit  que 
le  commerce  dans  le  district  de  cette  ville  est  presque  nul, mais  que  le 
port  de  Chinde  est  l'entrepôt  principal  de  l'Afrique  centrale  anglaise, 
du  Zambèze  et  de  la  région  des  lacs.  La  majeure  partie  des  compa- 
gnies commerciales  qui  ont  des  agences  à  Chinde  reçoivent  toutes 
leurs  marchandises  de  leurs  sièges  principaux  d'Europe.  La  méthode 
habituelle  des  maisons  africaines  est  d'envoyer  une  commande  en 
Europe;  elles  reçoivent  immédiatement  les  marchandises  réclamées. 
Les  marchands  indiens  agissent  de  même  :  leurs  marchandises  leur 
viennent  de  Bombay,  ils  font  la  plus  grande  partie  du  commerce  de 
détail  indigène.  Aucun  européen  n'a  encore  essayé  de  leur  disputer  ce 
genre  d'affaires,  ils  en  ont  le  monopole  de  fait.  Cela  est  dû  à  leur 
mode  de  vie  économique,  à  leur  patience  inépuisable  vis-à-vis  des 
acheteurs  indigènes  et  à  leur  connaissance  du  goût  des  indigènes 
pour  les  étoffes,  les  perles,  etc.,  bon  marché  et  voyantes. 

La  vallée  du  Zambèze  étant  entièrement  divisée  enprazos  ou  conces- 
sions territoriales  octroyées,  par  le  gouvernement,  à  des  compagnies, 
les  autres  marchands  n'ont  pas  de  chance  d'y  faire  des  affaires.  La 
compagnie  qui  possède  un  prazo  a  seule  le  droit  de  commercer  dans 
les  limites  de  son  territoire. 

Les  cargaisons  en  destination  de  Chinde  continuent  à  être  transbor- 
dées à  Durban,  à  Lourenço-Marques,  à  Beira  ou  à  Mozambique.  Les 
marchandises  souffrent  beaucoup  de  cette  situation  et  il  en  résulte 
une  grande  perte  de  temps. 

L'eau  a,  à  l'époque  des  hautes  marées,  une  profondeur  moyenne  de 
17  pieds  à  la  barre.  On  pense  que  celle-ci  a  subi  des  modifications, 
mais  il  est  difficile  de  dire  quelle  a  été  l'importance  de  ce  changement. 

Le  besoin  d'un  pier  ou  d'un  wharf  est  évident.  Il  n'y  a  aucune  faci- 
lité pour  le  déchargement  à  Chinde.  Cette  lacune  se  fait  d'autant  plus 
sentir  qu'à  mesure  que  l'intérieur  du  pays  se  développe,  on  importe 
plus  de  matériel  et  de  machines.  La  construction  d'un  -pier  ou  d'un 
wharf  offre  de  grandes  difficultés  à  cause  de  l'érosion  rapide  de  la  cote. 

Madagascar.  Transports  intérieurs.  —  Le  mode  de  transport 
dans  rintf^riour  de  l'île  de  Madagascar,  dit  le  consul  anglais  dans  un 


rapport  récent,  est  le  même  que  celui  qui  était  appliqué  avant  l'occu- 
pation française.  Les  voyageurs  sont  transportés  en  palanquin  et  les 
marchandises  à  dos  d'homme. 

Dans  tout  village  important  on  trouve,  le  long  des  routes,  un  abri 
mis  à  la  disposition  des  voyageurs.  On  peut  aussi  se  procurer  facile- 
ment des  conserves  chez  les  marchands  locaux.  On  évite  les  voyages,  à 
Madagascar,  pendant  les  mois  de  janvier,  février  et  mars  à  cause  des 
grandes  pluies. 

Le  prix  de  transport  des  marchandises  ordinaires  jusqu'à  Antana- 
narive  est,  à  partir  de  : 

Tamatavc      (216  milles) 40  liv.  st. 

Vatomandry  (156    —    ) 30     — 

Majunga        (365    —    ) 48     — 

Le  prix  de  transport  des  passagers  et  marchandises  de  la  capitale 
à  la  côte  est  généralement  la  moitié  du  voyage  en  sens  contraire. 

Ces  moyens  primitifs  de  transport  seront  probablement  remplacés 
bientôt  par  le  charriage.  Le  gouvernement  a  dépensé  de  fortes 
sommes  pour  la  construction  de  routes  reliant  Antananarive  aux 
cotes  occidentale  et  orientale,  à  Majunga  et  à  Tamatave,  ainsi  qu'à 
Betsiléo  au  sud.  Les  deux  premières  seront  terminées  probablement 
à  la  fin  de  1900  et  des  compagnies  de  transport  se  proposent  d'établir 
des  services  d'automobiles  et  de  chariots  traînés  par  des  bœufs. 

L'organisation  du  Chari.  —  L'organisation  des  territoires  du 
bassin  du  Chari,  entre  le  lac  Tchad  et  l'Oubanghi,  s'imposait,  depuis 
les  derniers  événements  qui  ont  bouleversé  la  région  ;  les  événements, 
en  effet,  ont  montré  que  les  frontières  de  la  région  supérieure  du 
Congo  français  ne  jouissaient  pas  encore  d'une  tranquillité  définitive 
et  que  des  dangers  pouvaient  les  menacer  inopinément.  Or,  dans  cette 
colonie,  de  vastes  concessions  territoriales  ont  été  accordées  depuis 
deux  ans  à  des  sociétés  françaises,  qui  vont  faire  là  une  très  impor- 
tante expérience  de  colonisation.  11  importait,  désormais  de  protéger 
efficacement  ces  territoires  ainsi  que  ceux  de  l'allié  des  Français, 
.Gaouravy,  le  sultan  du  Baguirmi.  C'est  à  ce  besoin  que  répond  la 
nouvelle  organisation. 

Une  mesure  analogue,  la  création  en  octobre  1899,  de  véritables 
confins  militaires  dans  la  boucle  du  Niger  a  eu  pour  effet  d'abriter  le 
Sénégal  et  l'ancien  Soudan,  devenu  territoire  civil,  contre  toute  incur- 
sion  des  Touareggs  et  des  autres  peuples  turbulents  de  l'Afrique  occi- 
dentale française.  Ces  confins  militaires  se  soudant  sur  les  rives  du 


CHRONIQUE 

Tchad  aux  nouveaux  confins  militaires  du  Chari, 
gai  à  rOubanghi,  un  cordon  continu  de  grand'ga 
les  colons  pourront  travailler  en  paix  et  prospér 
de  la  nouvelle  mesure  se  défendent  de  vouloir  po 
taire.  Ils  estiment  que  c'est  se  conformer  aux  prii 
graduelle  de  l'administration  civile  et  éviter  les 
reuses,  qu'organiser  ainsi,  sur  la  périphérie  d< 
défensive  militaire  solide,  dépendante  de  l'admii 
colonies  correspondantes. 

Le  6  septembre  dernier  le  ministre  des  coloi 
Conseil  d'Etat  à  raison  de  l'urgence  de  la  mesun 
des  rapports  qu'il  avait  reçu  sur  les  événements  r 
raison  du  fait  qu'il  fallait  profiter,  et  immédii 
annuelle  de  l'Oubanghi  et  du  Chari  si  l'on  ne  y 
d'une  année  cette  organisation.  Le  Conseil  d'Etat 
extraordinaire  de  1,350,000  francs,  crédit  dont 
demandée  au  Parlement  à  la  rentrée. 

Au  point  de  vue  administratif,  le  nouveau  terril 
borné  d'une  façon  générale  par  les  territoires  ( 
Congo  et  de  l'Oubanghi.  Ainsi,  il  sera  constitué  pa 
et  celui  de  la  Kémo;  il  aura  son  point  de  départ 
confluent  de  la  Kémo.  Au  Nord,  il  s'étendra  ju 
point  de  vue  des  effectifs  du  nouveau  territoire  m 
appliqué  a  été  de  ne  mettre  dans  les  troupes  qui 
de  blancs  que  dans  les  cadres,  et  de  plus  dans  la  n 
treinte.  Le  climat  et  l'éloignement  Texigaient;  qu 
de  transport  qu'exigerait  l'envoi  de  troupes  un  peu 
parcours  de  2,500  kilomètres,  dont  500  à  700  ki 
Kémo  et  Gribingi,  de  portage.  Aussi  n'enverra-t-o 
officiers  nécessaires  au  commandement  et  à  l'orga 
toire;  quant  aux  troupes,  elles  seront,  dans  la  me  i 
levées  sur  place  et  seront  constituées  d'un  bâtai 
indigènes    composé  de  quatre    compagnies    de  dl 
escadron  de  cavalerie  indigène  fort  de  100  hommes  | 
sultan  Baguiruci  ;  d'une  batterie  d'artillerie,  constiti 
à  tir  rapide.  Les  troupes  d'infanterie  seront  stationi  i 
ligne  de  défense  du  Chari,  de  Goulféi  à  Fort-Archai 
la  cavalerie  et  à  l'artillerie,  elles  seront  probable 
Massenya  dans  une  région  qui  n'est  pas  monlagneui 
du  fourrage. 


iOZ  ETUDES  COLONIALES 


AMÉRIQUE 


Mexique.  Exploitation  des  mines.  —  Grâce  à  la  loi  du 
6  juin  1892  qui  a  mis  la  propriété  et  l'industrie  minière  sur  le  même 
pied  que  toutes  les  autres,  et  leur  a  accordé  l'appui  dont  toute  pro- 
priété et  tout  travail  ont  le  droit  de  jouir,  une  ère  de  prospérité  s'est 
ouverte  pour  cette  industrie.  Le  mouvement  que  cette  loi  a  provoqué 
est  considérable,  et,  sous  son  influence,  la  production  des  métaux 
précieux  notamment,  a  subi  une  augmentation  extraordinaire. 

Au  30  juin  1899,  le  nombre  des  concessions  de  mines  d'or  exploi- 
tées au  Mexique  était  de  866,  et  elles  occupaient  une  superficie  de 
8,621  hectares.  D'autre  part,  le  nombre  des  concessions  mixtes  (or  et 
argent)  était  de  1,801,  avec  une  superficie  de  18,137  hectares.  Quant 
aux  mines  d'argent,  elles  se  chiflrent  par  5,000  d'une  richesse  incom- 
parable. Plus  de  100,000  personnes  sont  employées  aux  travaux  des 
mines. 

Outre  les  mines  d'or,  il  en  est  beaucoup  d'autres  qui  donnent  des 
bénéfices  considérables.  Telles  sont  les  mines  de  cuivres  du  Boléo 
(Basse  Californie),  les  mines  de  fer  de  Durango  et  les  mines  de  cina- 
bre et  d'antimoine  de  Houelle,  de  Sinalda,  de  Sonora,  etc. 

Il  a  été  fait  beaucoup  déjà  mais  il  reste  encore  plus  à  faire.  «  Le 
sous-sol  du  Mexique,  a  dit  Alexandre  de  Humboldt,  est  un  inépuisable 
trésor.  » 

Indes  Occidentales  anglaises.  L'île  Dominique.  —  L'île  Domi- 
nique est  située  à  mi-route  entre  les  îles  françaises  de  la  Martinique 
<3t  de  la  Guadeloupe.  Elle  comprend  à  peu  près  300  milles  carré». 
C'est  une  des  îles  les  plus  considérables  des  Indes  occidentales 
anglaises.  La  culture  du  sucre  y  est  pour  ainsi  dire  abandonnée.  Après 
uno  assez  longue  période  de  dépression,  l'île  est  entrée  dans  une  nou- 
velle phase  de  prospérité.  Le  gouvernement  anglais  a  voté  un  crédit, 
grâce  auquel  les  plateaux  et  les  vallées  de  l'intérieur  vont  être  rendus 
accessibles.  Plus  de  100,000  acres  de  terre  vierge  deviendront  ainsi 
disponibles  pour  la  culture. 

Les  habitants  de  l'île  Dominique  manquent  malheureusement  de 
capitaux.  Il  y  aurait  donc,  d'après  M.  Hesketh  Bell,  l'administrateur 
de  cette  île,  moyen  pour  les  jeunes  gens  disposant  d'un  millier  de 


CllltOMQU£  lOO 

livres  sterling  et  décidés  à  patienter  pendant  trois  ou  quatre  ans,  de 
se  créer  une  jolie  situation  conune  planteurs.  Le  climat  est  excellent 
et  convient  particulièrement,  aux  personnes  souffrant  de  la  poitrine. 
La  fièvre  jaune  n'y  a  plus  été  signalée  depuis  cinquante  ans.  Les 
enfants  des  Européens  s'y  développent  aussi  bien  que  dans  nos  con- 
trées, surtout  sur  les  collines.  Il  y  a  fort  peu  de  malaria  et  les  mous- 
tiques ne  sont  pas  particulièrement  incommodants.  La  température 
varie  de  53  à  90  degrés  Fahr.  selon  les  saisons  et  l'altitude.  Les  pluies 
sont  abondantes  et  les  chutes  d*eau  nombreuses.  Le  sol  est  d'une  fer- 
tilité remarquable  et  se  prête  admirablement  à  la  culture  de  tous  les 
produits  tropicaux,  notamment  les  fruits.  La  main-d'œuvre  ne  manque 
pas.  Les  salaires  sont  de  8  pences  à  1  sh.  3  p.  par  jour. 

Les  principales  cultures  pratiquées  à  présent  sont  celles  du  cacao, 
des  citrons,  du  café,  des  épices,  des  oranges  et  autres  fruits.  Tous  ces 
produits  donnent  d'amples  profits.  La  valeur  des  terres  cultivées  à 
beaucoup  augmenté  depuis  trois  ans.  Un  signe  caractéristique,  est 
que  fort  peu  des  propriétaires  dont  les  terres  commencent  à  produire, 
sont  disposés  à  les  vendre. 

Les  exportations  de  l'île.  Tannée  dernière,  ont  été  du  triple  de  celles 
d'il  y  a  cinq  ans.  Plus  de  1,500,000  de  livres  de  cacao  sont  exportées 
annuellement.  Le  sol  et  les  conditions  climatériques  se  prêtent  avan- 
tageusement à  la  culture  des  oranges,  des  ananas  et  des  bananes.  Un 
planteur  de  Ceylan  a  fait,  à  une  altitude  de  2,000  pieds,  une  expé- 
rience de  plantation  du  café  <(  Blue  Mountain  »,  une  des  qualités  les 
plus  renommées  de  la  Jamaique,  qui  a  parfaitement  réussi.  La  vanille 
a  également  donné  de  bons  résultats  et  il  ne  semble  pas  y  avoir  des 
raisons  pour  que  le  tabac  n'y  réussisse  aussi. 

L'île  possède  un  excellent  jardin  botanique,  placé  sous  la  direction 
du  D'  Morris,  directeur  de  l'agriculture  dans  les  Indes  occidentales. 
On  peut  s'y  procurer  de  jeunes  plantes  des  différentes  variétés  des  pro- 
duits économiques  à  des  taux  inférieurs  à  leurs  prix  de  revient.  Les 
planteurs  peuvent  ainsi  diminuer  la  longueur  de  la  période  d'attente. 
Les  terres  de  la  couronne  s'achètent  actuellement  à  10  sh.  l'acre.  Des 
facilités  de  paiement  sont  accordées. 


3zr 


BIBLIOGRAPHIE  - 


-^ 


La  colonisation  lyonnaise.  Exposition  universelle  de  1900.  Rapport  présente  par 
le  comilé  départemental  du  Rhône,  à  la  viiP  section  (colonisation .  —  Un  volume 
iïï'À^  de  i73  pages  avec  7  planches.  Lyon,  Rey  et  Oe,  1000. 

Le  commerce  lyonnais  s'est  toujours  distingué  par  son  active  parti- 
cipation au  mouvement  colonial  français.  Le  rapport  présenté  à  l'occa- 
sion de  l'Exposition  débute  par  deux  chapitres  dus  à  H.  Ulysse  Pila, 
membre  de  la  Chambre  de  commerce  de  Lyon  et  à  M.  V.  Pelosse,  secré- 
taire de  la  dite  Chambre,  qui  résument,  à  grands  traits,  l'histoire  de 
la  colonisation  lyonnaise  avant  i9U0.  L'exposé  de  l'expansion  coloniale 
lyonnaise  actuelle,  très  active  dans  la  plupart  des  possessions  fran- 
çaises, et  surtout  en  Algérie,  en  Tunisie,  au  Tonkin  et  à  Madagascar, 
est  fort  étendu  et  détaillé;  la  plus  grande  partie  du  texte  est  formée 
des  notices  fournies  par  les  propriétaires  des  établissements  colo- 
niaux eux-mêmes;  beaucoup  de  ces  travaux  offrent  un  grand  intérêt. 
Ce  volume  se  complète  par  un  chapitre  relatif  aux  missions  reli- 
gieuses ayant  leur  siège  à  Lyon,  dû  à  M.  V.  Groffier  et  par  des  aperçus 
sur  l'enseignement  colonial,  dont  l'organisation  est  encore  incom- 
plète. 

Superstition,  crime  et  misère  en  Chine,  par  le  D' J.  J.  Matignon,  attaché  &  la 
légation  de  France,  à  Pékin.  —  Un  volume  in-8*  de  375  pages  avec  67  illustratioDS . 
(2«  édition).  Paris,  Masson  et  0«;  Lyon,  Storck  et  O;  iOOO. 


Peu  de  livres,  parmi  la  riche  littérature,  que  le  conflit  d'Extrême- 
Orient  a  fait  éclore,  donneront  une  idée  plus  exacte  et  plus  complète 
de  l'état  intellectuel  et  moral  du  peuple  chinois,  vu,  il  est  vrai,  sous 
ses  plus  mauvais  aspects,  que  l'ouvrage  de  M.  Matignon. 

Ce  n'est  pas,  il  est  vrai,  un  traité  composé  ex  professOy  mais  une 
réunion  d'articles  plus  ou  moins  étendus,  résumant  les  observations 


l'extension  géographique  de  la  canne  a  sucre  653 

iiion).  Elle  a  conservé  une  grande  importance,  bien  qu'elle  souffre 
de  l'épuisement  graduel  du  sol,  comme  il  arrive  dans  beaucoup 
d'anciennes  colonies. 

Dans  les  groupes  des  Seychelles  et  des  Comores,  le  sucre  de 
canne  constitue  la  principale  production;  l'exploitation  en  est 
importante,  eu  égard  à  la  faible  étendue  des  îles. 

La  canne  à  sucre  a  été  introduite  à  Madagascar  par  les  Arabes. 
La  côte  occidentale,  mieux  favorisée  sous  le  rapport  du  régime 
des  pluies,  convient  à  la  culture  de  cette  graminée.  Des  fabriques 
de  sucre  existent  à  Ivondrona.  Toutefois,  l'exploitation  sucrière, 
négligée  par  les  indigènes,  a  été  paralysée  jusqu'à  ce  jour  par  les 
rivalités  entre  colons  anglais  et  français.  On  peut  espérer  que  la 
situation  deviendra  meilleure  depuis  que  l'île  possède  un  régime 
colonial  régulier. 


♦»'•<» 


l'utilité,  au  point  de  vue  essentiellement  pratique  et  réaliste  qui  doit 
dominer  dans  la  littérature  coloniale,  nous  semble  moins  évidente. 
Tel  qu'il  est,  ce  petit  livre  ne  manque  cependant  pas  d'intérêt  et 
d'utilité. 

Colonies  allemandes  impériales  et  spontanées,  par  M.  H.  Hauseb,  professeur 
è  rUniversité  de  Glermont.  —  Brochure  în-S»  de  i40  pages  avec  cartes.  Paris,  Nony 
etCie. 

Cette  brochure  est  destinée  à  former  le  premier  fascicule  d'une 
série  à*Études  d'économie  coloniale.  M.  Hauser  y  a  réuni  des  monogra- 
phies brèves,  mais  suffisamment  complètes,  des  diverses  possessions 
acquises  dans  ces  dernières  années,  par  l'empire  allemand.  L'auteur 
y  a  joint  un  chapitre  consacré  à  ce  qu'il  appelle  les  colonies  spontanées^ 
formées  par  les  nombreux  émigrants  allemands,  dans  les  deux  Amé- 
riques, sans  oublier  les  curieux  établissements  des  «  Templiers  »  de 
Palestine.  Les  conclusions  de  l'auteur,  qui  s'attache  à  faire  ressortir 
la  forte  organisation  du  mouvement  colonial  allemand,  ne^  peuvent 
qu'être  approuvées. 


^>--^ 


ciiuon:qi:k  655 

Los  maisons  sont  admirablement  construites  bien  qu'on  ne  se  serve 
que  de  terre  glaise  et  que  le  bois  soit  excessivement  rare.  Mais  ces 
habitations  ne  sont  pas  une  masse  de  huttes  disposées  sans  ordre; 
bien  au  contraire,  elles  bordent  des  allées  spacieuses.  La  plupart  des 
rues  de  Kano  ont  do  larges  trottoirs  entre  lesquels  s'étend  une  partie 
creuse;  c'est  de  là  qu'on  a  extrait  la  terre  qui  a  servi  à  construire  les 
maisons.  Aucune  habitation  de  quelque  importance  n'est  dépourvue 
d'arbres,  de  sorte  que  la  ville  a  l'apparence,  d'un  vaste  jardin. 

Le  marché  est  énorme.  II  y  a  naturellement  plusieurs  marchés  dans 
cette  ville  qui  compte  une  centaine  de  mille  habitants,  mais  le  princi- 
pal d'entre  eux  est  superbe.  On  y  trouve  à  peu  près  tout  ce  qu'on  peut 
imaginer  :  du  sucre  à  1  sh.  la  livre,  du  coton,  du  cuir,  des  aiguilles, 
des  porcelaines,  des  objets  en  étain,  des  tissus  teints,  du  charbon  de 
bois,  de  la  viande,  des  esclaves,  des  chameaux,  des  chevaux,  toutes 
sortes  de  denrées,  du  froment  (que  l'on  cultive  près  de  Kano),  des 
gazelles,  des  oiseaux,  etc.  La  monnaie  du  pays  est  encore  représentée 
par  les  cowries,  mais  on  accepte  aussi  le  thaler  de  Marie-Thérèse.  Les 
riches  achètent  volontiers  l'or  et  l'argent  que  l'on  offre  en  vente  cfir  les 
Hausas  sont  experts  dans  le  travail  de  ces  métaux. 

La  ville  a  13  portes  que  l'on  ferme  tous  les  soirs.  Sa  circonférence 
est  de  lî2  à  14  milles.  Elle  représente,  en  général,  un  rectangle,  mais 
certaines  parties  des  murs  sont  irrégulières.  Ce  serait  une  ville  diffi- 
cile à  prendre  si  elle  était  bien  défendue.  Après  avoir  pénétré  dans 
'enceinte,  on  aurait  à  prendre  d'assaut  chaque  cour,  car  toutes  les 
maisons  sont  protégées  par  des  murs  de  8  pieds. 

La  mission  fut  reçue  par  le  roi,  mais  en  dépit  de  ses  instances, 
elle  ne  put  rien  obtenir  et  le  roi  lui  enjoignit  de  quitter  immédiate- 
ment son  royaume. 

Afrique  allemande  Sud-Occidentale.  Conditions  de  vente 
des  fermes  du  gouvernement.  —  Les  conditions  pour  la  vente  des 
fermes  du  gouvernement  ont  été  arrêtées  comme  suit  :  le  prix  de 
l'hectare  est  fixé  de  50  pf.  à  1  mark.  En  cas  de  pluralité,  d'amateurs,  il 
doit  être  procédé  aune  adjudication  publique.  L'acheteur  peut  acqui- 
tcr  le  prix  de  vente  par  fractions  dont  l'import  doit  être  au  moins  du 
dixième  du  prix. 

La  dette  doit  être  acquittée  entièrement  dans  les  quinze  ans  de  la 
date  de  l'acte  de  vente.  L'acheteur  est  tenu  de  commencer  l'exploita- 
tion de  la  ferme  au  plus  tard  dans  les  six  mois  qui  suivent  la  vente.  Le 
gouvernement  a  le  droit  de  faire  contrôler  l'observation  de  cette  condi- 
tion par  une  commission  composée  d'un  représentant  de  l'administra- 


teux  cependant  que  les  résultats  soient  en  rapport  avec  les  sacri- 
fices que  réclameront  ces  travaux,  car,  pendant  les  fortes  averses, 
les  rivières  et  les  torrents  des  montagnes  déversent  dans  la  baie 
des  quantités  énormes  de  terres  et  de  détritus.  Ce  port,  qui  pour- 
rait recevoir  les  plus  grands  navires,  est  maintenant  tellement 
ensablé  que  les  bâtiments  à  fort  tirant  doivent  jeter  l'ancre  à 
3  1/2  kilomètres  de  Kelung  et  les  passagers  arriver  à  terre  au 
moyen  de  jonques. 

Kelung  est  un  port  franc.  On  n'y  rencontre  cependant  aucun 
Européen.  L'insalubrité  du  climat  en  est  la  cause.  Il  y  pleut  deux 
cent  soixante  jours  par  an,  ce  qui  ne  contribue  pas  peu  à  propa- 
ger la  dangereuse  fièvre  typhoïde  qui  y  règne.  En  outre,  les 
changements  de  température  y  sont  des  plus  soudains.  Tout  le 
Nord  de  Formose  est,  du  reste,  particulièrement  gratifié  de  pluies. 
Non  seulement  la  mousson  Sud- Ouest,  qui  dure  de  mai  à  septembre, 
mais  aussi  celle  du  Nord-Est,  qui  règne  d'octobre  à  mars,  déversent 
sur  cette  région  des  masses  de  pluies.  On  explique  ce  phénomène 
par  le  fait  que  la  mousson  Nord-Est  souffle  d'une  façon  ininter- 
rompue sur  le  Kuro-Shiwo,  le  gulfstream  du  Japon,  qui  remonte 
la  côte  orientale  de  Formose  dans  la  direction  du  Nord.  Les 
vapeurs  qui  en  résultent  sont  refoulées  vers  l'île  ;  elles  s'amon- 
cellent contre  les  montagnes  et  crèvent  ensuite  en  averses  colos- 
sales sur  le  Nord  de  Formose. 

Les  montagnes  qui  entourent  Kelung  sont  remplies  de  veines 
de  charbon.  Plus  des  trois  cinquièmes  du  commerce  d'exportation 
de  cette  ville  ont  pour  objet  le  charbon.  Il  est  à  bas  prix,  mais  c'est 
le  moins  bon  de  toute  l'Asie  orientale.  Il  brûle  très  vite,  donne 
beaucoup  de  suie  et  sent  très  mauvais.  On  en  a  exporté,  en  1897, 
pour  30,000  Yen  (1). 

Kelung  possède  un  chemin  de  fer  qui  la  relie  à  Taipeh  et  à 
Shinchiltu.  Cette  ligne  a  son  histoire.  Vers  1880,  une  firme 
anglaise  avait  construit  un  chemin  de  fer  à  Shanghai  pour  ratta- 
cher cette  ville  à  Wusung,  situé  à  l'embouchure  du  Yang-tze. 
Aussitôt  que  le  gouvernement  de  Pékin  eut  appris  cette  innova- 
tion, il  fut  pris  de  peur.  Il  craignait  que  d'autres  provinces  ne 


(1}  Le  Yen  vaut  2.56  francs. 


CHROMQUE  637 

jusqu'à  présent.  Les  essais  sont,  toutefois,  trop  récents  pour  qu'on 
puisse  se  prononcer  définitivement.  On  a  mieux  réussi  dans  les  essais 
de  culture  de  l'indigo.  La  récolte  en  a  pu  être  faite  trois  mois  et  demi 
après  l'ensemencement.  La  préparation  de  la  plante  pour  en  obte- 
nir un  produit  tinctorial  a  été  confiée  à  un  Chinois.  Un  très  beau 
bleu  a  été  obtenu. 

Le  reste  du  jardin  a  été  semé  de  riz,  maïs,  mtama,  sésame  et  autres 
semences  du  même  genre.  La  grande  sécheresse  a  exigé  plusieurs 
ensemencements.  Les  plantations  de  café  ont  donné  de  bons  résultats 
et  il  est  certain  que  le  thé  réussira  également  dans  ce  terrain.  Les 
fruits  européens  ont  assez  bien  réussi  malgré  la  sécheresse  prolongée. 
Il  est  probable  que  la  tentative  de  produire  des  céréales  d'Europe  sera 
abandonnée  pour  faire  place  à  la  culture  de  fourrages  pour  les  che- 
vaux et  le  bétail. 

Uganda.  —  Dans  son  rapport  sur  le  protectorat  de  l'Uganda,  le 
commissaire,  sir  Harry  Johnston,  se  prononce  d'une  manière  favorable 
au  sujet  du  climat  et  de  la  salubrité  de  cette  contrée.  Elle  est,  dit-il, 
grâce  à  ses  hauts  plateaux  étendus,  aussi  salubre  pour  les  Européens 
que  les  meilleures  parties  du  Nord  ou  du  Sud  de  l'Afrique.  Les  seules 
parties  dangereuses  sont  les  bords  du  Nil  et  les  rives  du  Victoria 
Nyanza.  Il  évalue  la  population  totale  du  protectorat  à  4  millions 
d'âmes  environ.  Les  guerres  civiles,  les  invasions  et  parfois  la  famine 
ont  diminué  le  nombre  des  habitants  dans  les  dernières  années. 

Une  des  races  indigènes  les  plus  remarquables  sont  lesBaganda  qui 
non  seulement  sont  susceptibles  d'atteindre  un  degré  de  civilisation 
élevé,  mais  qui  sont  déjà  en  voie  de  l'acquérir. 

En  vue  de  faire  face  aux  dépenses  de  l'administration,  sir  H.  John- 
ston propose  d'établir  une  taxe  modérée  sur  les  huttes.  A  raison  de 
4  sh.  par  hutte  ou  famille,  la  taxe  rapporterait  un  revenu  annuel  de 
160,000  liv.  st.  Il  propose  aussi  d'exiger  un  permis  de  chasse  à  l'élé- 
phant ce  qui  aurait,  en  outre,  pour  effet  de  restreindre  la  destruction 
des  éléphants. 

La  principale  culture  du  pays  est  la  banane,  bien  que  le  sol  rému- 
nérerait largement  d'autres  cultures.  Le  commerce  de  cette  région  est 
actuellement  aux  mains  des  Allemands,  parce  que  le  portage  dans 
l'Afrique  Orientale  allemande  est  mieux  organisé  et  moins  cher. 
Quand  le  chemin  de  fer  anglais  de  la  côte  atteindra  le  lac,  cette 
situation  changera  certainement. 

Côte  italienne  des  Somalis.  —  Le  consul  italien  de  Zanzibar 
constate  que  plusieurs  des  localités  le  long  de  la  cote  sud  des  Somalis 


760  ÉTUDES   CCLOMALES 

étaient  des  missionnaires  ou  des  marchands  qui  vivent  à  Amoy  et 
ne  viennent  dans  l'île  qu'à  l'époque  de  la  récolte  du  thé. 

Taipeh,  où  mène  la  ligne  de  Kelung,  était  autrefois  la  rési- 
dence des  vice-rois  chinois  ;  elle  est  maintenant  le  siège  du  gou- 
vernement japonais.  C'est  la  ville  où  l'on  rencontre  le  plus  de 
Japonais.  Ils  y  donnent  le  ton,  ce  qui  ne  leur  arrive  dans  aucun 
autre  endroit  de  l'île.  Cette  localité  sera  bientôt  pourvue  d'amélio- 
rations hygiéniques,  dont  le  gouvernement  du  Japon  a  confié  la 
réalisation  à  un  spécialiste. 

La  situation  de  Formose  n'est  pas  encore  d  une  tranquillité  par- 
faite. La  cession  de  cette  île  au  Japon,  a  provoqué  beaucoup  de 
mécontentement  en  Chine.  Les  Chinois  de  l'île  furent  soutenus  • 
secrètement  dans  leur  résistance  contre  les  Japonais  et  les 
fameuses  bandes  des  Pavillons  noirs,  qui  donnèrent  tant  de  fil  à 
retordre  à  la  France,  vinrent  à  leur  rescousse.  Elles  durent  toute- 
fois céder  devant  les  troupes  japonaises;  mais  la  paix  ne  s'ensui- 
vit pas.  Et  c'est,  dit  M.  Fischer,  la  faute  des  Japonais.  Ils  ont  agi 
avec  une  telle  férocité  dans  leur  répression,  massacrant  souvent 
des  villages  entiers  pour  se  venger  des  méfaits  de  quelques  indi- 
vidus, qu'ils  ont  réduit  une  grande  partie  des  indigènes  au 
désespoir,  en  s'en  faisant  des  ennemis  irréductibles.  Sous  leurs 
apparences  civilisées,  les  Japonais  cachent,  du  reste,  encore,  des 
sentiments  d'une  grande  barbarie.  C'est  cet  état  de  choses  qui  rend 
le  séjour  et  les  voyages  dans  Tintérieur  de  l'île  si  dangereux  pour 
les  étrangers. 

Le  gouvernement  japonais  n'épargne  ni  les  frais,  ni  les  efforts 
pour  effacer  le  sentiment  de  la  nationalité  chez  les  Chinois  de  For- 
mose et  pour  les  rattacher  au  Japon.  Chaque  année,  il  élève  de 
nouvelles  écoles  où  l'on  enseigne  la  langue  japonaise  et  l'amour  du 
Japon.  Les  Chinois  qui  connaissent  le  japonais,  trouvent  aussi  des 
emplois  auprès  du  gouvernement  et  des  marchands  japonais. 
En  1898,  il  y  avait  à  Formose,  outre  le  Kokugo-gakko,  c'est-à-dire 
l'Ecole  des  langues,  où  les  Japonais  apprennent  le  chinois  et  les 
Chinois  le  japonais,  et  les  4  succursales  de  cet  établissement, 
10  ()Colcs  publiques,  ayant  25  succursales  et  comptant  ensemble 
1,400  élèves;  il  y  avait,  ensuite,  des  écoles  de  missions,  soutenues 
par  des  sectes  bouddhistes,  qui  possédaient  650  élèves.  Les  écoles 
chinoises,  où  l'on  n'enseigne  que  le  chinois,  sont  au  nombre  de 


ntSlEiTr:    VKRS    SL'll  IPG.VN. 


i,224U  et  compieni  environ  2u,uuu  eieves.  u  y  a,  en  outre,  4  écoles 
de  missionnaires  chrétiens  avec  160  élèves.  Les  Japonais  se  sont 
aussi  préoccupés  de  Tinstruction  des  jeunes  filles.  Une  école  a 
été  ouverte  en  i897  et  comptait  48  élèves,  dont  17  étaient  mariées. 

Le  gouvernement  japonais,  qui  se  montre  assez  indifférent  à 
l'égard  des  différentes  religions  dans  la  métropole,  semble  vouloir 
se  servir  aussi  de  la  religion  comme  d'un  moyen  de  propagande 
nationale  à  Formose.  C'est  ainsi  qu'il  favorise  les  missionnaires 
bouddhistes  et  shintoïstes  qui  marchent  d'accord  avec  lui,  tandis 
qu'il  décourage  les  missionnaires  chrétiens  qui  n'enseignent  aux 
Chinois  que  la  langue  de  ceux-ci. 

Un  phénomène  nouveau  mérite  d'être  signalé,  car  il  en  résul- 
tera pour  l'avenir  une  plus  forte  opposition  entre  les  intérêts 
chrétiens  et  bouddhistes.  Le  bouddhisme  a  trouvé  dans  la  haine 
de  l'étranger,  qui  s'est  grandement  développée  depuis  la  guerre 
sino-japonaise,  un  puissant  allié.  Aussi,  l'avenir  du  christianisme 
se  présente  sous  un  jour  de  moins  en  moins  favorable  au  Japon  et 
à  Formose.  La  secte  des  Shin  envoie  actuellement  un  grand  nom- 
bre de  prêtres  dans  les  îles  du  Sud  et  dans  tous  les  ports  d'Ex- 
trême-Orient pour  y  répandre  la  religion  de  Bouddha  et  y  élever 
des  temples.  La  propagande  en  faveur  du  bouddhisme  et  du  Japon 
se  fait  aussi  au  moyen  d'images.  C'est  ainsi  que  le  prieur  d'un 
temple  d'Osaka  a  envoyé  dernièrement  à  Formose  et  aux  îles  Pes- 
cadores,  dix  mille  statuettes  en  bronze  de  Bouddha,  au  dos  des- 
quelles on  grave  les  noms  des  soldats  morts  dans  ces  contrées. 

Les  Chinois  qui  ne  voulaient  pas  vivre  sous  le  régime  japonais, 
ont  eu  un  délai  de  deux  ans  pour  vendre  leurs  biens  et  quitter  For- 
mose. Beaucoup  de  riches  Chinois  ont  usé  de  cette  faculté.  Leur 
départ  se  fait  sentir  vivement,  surtout  en  présence  du  manque  de 
capitaux  des  Japonais.  Beaucoup  de  Chinois  ont  aussi  abandonné 
l'île  parce  qu'ils  étaient  pressurés  par  les  fonctionnaires  japonais 
qui  les  menaçaient  de  les  traiter  comme  des  rebelles  s'ils  ne  cédaient 
pas  à  leurs  prétentions.  Ils  ont  donc  préféré  vendre  à  vil  prix 
leurs  palais  et  se  retirer.  M.  Fischer  a  eu  l'occasion  de  visiter  un 
de  ceux-ci  et  il  en  a  rapporté  l'impression  que  le  goût  des  Chinois, 
leur  idéal  de  beauté  et  leur  sentiment  esthétique,  ne  pourront 
jamais  s'accorder  avec  les  nôtres.  C'est  ainsi  qu'au  lieu  d  une  grille 
ou  d'une  haie,  les  Chinois  aiment  à  avoir  des  murs  garnis  de 


découpures  en  guise  de  fenêtres  et  simulant  des 
des  papillons  ou  dps  nuages.  Dans  cette  habita 
entouraient  un  lac,  étaient  divisés  en  pans  do 
ornés  de  vases  de  dix  pieds  de  haut  garnis  de 
d'autres  fleurs  de  mêmes  dimensions;  les  aul 
chauve-souris  aux  ailes  étendues  ou  des  feuilles 
était  dessinée  en  maçonnerie,  etc.  Le  jardin  étal 
riche  en  arbres  et  en  buissons  taillés  en  forn 
nature  réfrénée  et  rabougrie  à  plaisir  rappelait  1 
Chinois  compriment  les  pieds  de  leurs  enfants. 


é^^. 


FOUR    A    DISTILLER    LE   CAMPHRE. 


Dans  les  villes  chinoises  de  Forraose,  on  aj  ; 
portes  de  la  cité  ainsi  que  devant  les  temples,  d  ! 
Une  ouverture  y  est  praliquée,  par  laquelle  on  ii  I 
talion  de  papier  monnaie.  C'est  une  manière  d*êl 
dieux,  des  plus  répandue  parmi  les  Chinois.  En  c  ; 
la  fabrication  de  ce  papier  occupe  un  nombre  co  i 
blissements. 

Les  Chinois  de  Formose  fument  couramment  To  : 
nais,  qui  en  défendent  la  consommation  chez  eux  i 
sévères,  sont  oblig(^s  de  le  tolérer.  Le  prohiber, 
sédition,  tout  comme  si,  en  Allemagne,  ajoute 
tentait  de  défendre  de  boire  de  la  bière. 

Le  long  des  limites  de  la  région  des  sauvage; 


664  ÉTUDES  COLOMALKS 

saison  des  vents  du  sud  avec  des  températures  très  élevées.  On  note 
pendant  cette  saison  28°,  32o  et  plus  en  juillet  et  en  août  ;  en  septem- 
bre des  températures  de  18«»,  20«  et  22o.  Dès  octobre  la  température 
s'abaisse  brusquement  à  10**  et  12*^  et  novembre,  décembre  et  janvier 
offrent  un  froid  très  rigoureux.  C'est  la  saison  des  vents  du  nord-est, 
avec  des  tempêtes  de  poussière  glacée  et  des  températures  moyennes 
de6«à  12^ 

»  La  climatologie  du  Nord  de  la  Chine  peut  se  traduire  par  la  for- 
mule suivante  :  température  très  élevée  et  chaleur  presque  tropicale 
en  été;  pluies  abondantes  et  vent  du  sud  de  juin  à  octobre;  froid  très 
vif  en  hiver,  avec  vent  du  nord  et  tempêtes  de  poussière.  Pendant 
la  saison  des  pluies,  les  cours  d'eau  débordent,  les  terrains  sont 
inondés,  et  les  routes,  en  tout  temps  fort  mal  entretenues  deviennent 
tout  à  fait  impraticables. 

»  Pendant  l'hiver,  le  sol  est  recouvert  d'une  épaisse  couche  de 
poussière  dans  laquelle  les  véhicules  s'enfoncent  jusqu'au  moyeu  des 
roues  et  n'avancent  qu'au  prix  des  plus  grandes  difficultés. 

»  L'eau  potable  en  Chine  est  de  très  mauvaise  qualité,  c'est  un 
point  hors  de  doute  et  sur  lequel  on  ne  saurait  trop  insister,  en  rai- 
son de  la  fréquence  et  de  la  gravité  des  affections  intestinales  :  aussi 
les  Chinois  boivent  rarement,  très  rarement,  de  l'eau  pure  et  la  rem- 
placent par  du  thé.  Sur  les  navires  de  la  division  de  Chine,  on  fait 
exclusivement  usage,  depuis  nombre  d'années,  d'eau  distillée  comme 
^au  de  boisson,  et  c'est  grâce  à  ce  précepte  hygiénique  de  premier 
ordre  que  la  santé  de  nos  équipages  ne  cesse  de  se  maintenir  dans  les 
conditions  les  plus  satisfaisantes.  Pour  un  corps  expéditionnaire 
opérant  dans  ces  régions,  la  question  de  l'eau  de  boisson  est  plus 
difficile  à  résoudre  :  on  ne  peut  fournir  aux  hommes  en  colonne  de 
l'eau  distillée  ni  de  l'eau  stérilisée,  produite  par  des  appareils  spéciaux 
qui  doivent  être  réservés  pour  les  hôpitaux  et  les  établissements  per- 
manents à  terre.  Tout  au  plus  pourrait-on  distribuer  aux  hommes 
de  l'eau  bouillie,  et  encore  la  chose  serait  bien  difficile  à  réaliser  dans 
maintes  circonstances.  Mais  le  Chinois  fait  usage  comme  boisson  de 
thé,  et  on  devra  l'imiter  et  veiller  d'une  manière  toute  particulière  à 
ce  que  les  hommes  n'usent,  comme  boisson  courante,  que  de  cette 
infusion,  qui  a  l'avantage  d'être  un  aliment  d'épargne.  Bu  chaud  ou 
froid,  le  thé  est  une  boisson  excellente  qui  n'offre  pas  d'inconvénient 
pour  ceux  qui  n'en  usent  pas  avec  excès.  Le  thé  chaud  désaltère  beau- 
coup mieux  qu'une  boisson  froide  même  pendant  les  chaleurs.  Pen- 
dant les  marches,  il  sera  également  utile  de  faire  un  usage  constant 
de  filtres  de  poche  du  système  Lapeyrère,  au  permanganate  de  potasse  ; 


CHIIONIQUE  665 

ces  filtres  onl  l'avanUige  de  débarrasser  l'eau  d'un  grand  nombre  de 
germes  les  plus  nocifs.  11  en  sera  délivré  aux  troupes.  Pour  la  désin* 
fection  des  puits  toujours  contaminés  en  Chine  l'emploi  facile  et  peu 
coûteux  du  permanganate  de  potasse  ou  de  chaux  doit  être  recom- 
mandé. 11  suffit  de  S  à  10  grammes  de  permanganate  de  potasse 
pour  i  litre  d'eau.  On  l'emploie  concurremment  avec  un  mélange  d'un 
quart  de  charbon  de  bois  pilé  et  trois  quarts  de  sable  fin.  Les  services 
administratifs  emportent  260  kilogrammes  de  permanganate  de 
potasse.  Le  soldat  devra  éviter  avec  un  soin  extrême  l'usage  des 
alcools  si  répandus  en  Chine.  On  y  retire  du  sorgho  une  eau-de-vie  qui 
possède  un  goût  empjTeumatique  très  prononcé;  cette  eau-de-vie  se 
vend  à  un  prix  des  plus  minimes,  60  à  100  sapèques  soit  80  à  50  cen- 
times. On  fabrique  encore  des  eaux-de-vie  de  grains  qui  sont  tout 
aussi  impures  et  offrent  un  aussi  grand  danger  pour  la  santé. 

»  On  peut  se  procurer  dans  le  Nord  de  la  Chine  de  la  viande  de  bou- 
cherie en  abondance,  des  volailles,  du  gibier,  des  légumes  frais  et  des 
fruits  de  bonne  qualité;  il  faut,  d'une  manière  générale,  proscrire  la 
viande  de  porc,  cet  animal  étant  le  plus  souvent  atteint  de  ladrerie  et 
de  trichinose. 

»  Le  poisson  de  rivière  est  mauvais  à  cause  de  la  saleté  excessive  des 
cours  d'eau.  11  a  toujours  un  goût  très  prononcé  de  vase  et  il  est  pru- 
dent de  s'en  abstenir,  ainsi  que  des  écrevisses  et  des  crevettes  que  l'on 
trouve  dans  ces  cours  d'eau. 

»  Le  nord  de  la  Chine  possède  des  chevaux  trapus,  peu  gracieux  de 
forme,  avec  la  tête  grosse  et  la  croupe  ravalée  rappelant  le  poney 
écossais;  il  possède  aussi  des  mulets  très  vigoureux  qui  sont  de  belle 
taille  et  remplacent,  dans  cette  région,  presque  entièrement  le  cheval 
comme  animal  de  selle  ou  de  trait. 

»  Pendant  la  saison  chaude,  le  paludisme  sévit  avec  une  assez  grande 
intensité  dans  le  bassin  du  Peïho,  et  il  est  nécessaire,  pour  se  mettre 
en  garde  contre  ses  manifestations,  de  suivre  rigoureusement  les  règles 
de  prophylaxie  édictées  pour  les  expéditions  en  pays  paludéens. 

»  Les  coups  de  chaleur  et  les  insolations  s'observent  fréquemment 
en  juillet  et  en  août,  et  les  congestions  du  foie  sont  aussi  assez  com- 
munes, pendant  les  mois  d'été;  mais  la  dominante  de  la  pathologie 
estivale,  en  Chine,  en  dehors  du  paludisme,  est  certainement  la 
diarrhée  qui  oflre  souvent  des  complications  d'une  formidable 
gravité. 

»  11  est  donc  de  toute  nécessité  que  les  diarrhées,  même  celles  qui 
paraissent  les  plus  bénignes,  soient  soignées,  dès  le  début,  car  les 
épidémies  de  choléra  sont  fréquentes  en  Chine,  et  toute  diarrhée  peut 


haut  environ,  alimenté  au  moyen  de  bois.  On  y  place  un  ou  plu- 
sieurs chaudrons  de  fer  que  l'on  remplit  d'eau.  Ces  chaudrons  sont 
munis  d  un  tube  en  bois  à  travers  lequel  passe  la  vapeur  d'eau.  Ces 
tubes  sont  remplis  de  petits  morceaux  de  bois  de  camphrier.  La 
vapeur  qui  s'imprègne  en  traversant  ces  morceaux  de  camphre,  va 
se  condenser  dans  un  récipient  placé  dans  de  l'eau  courante,  oii 
elle  se  cristallise.  D'autres  tubes  apportent  au  chaudron  l'eau  néces- 
saire pour  remplacer  celle  qui  s'évapore.  Les  morceaux  de  bois 
restent  soumis  à  la  distillation  pendant  vingt-quatre  heures.  Il  faut 
à  peu  près  un  mois  pour  que  le  récipient  soit  rempli  de  camphre. 

Si  bas  que  soit  le  niveau  de  la  civilisation  chez  les  sauvages  de 
Formose,  leur  vie  de  famille  est  cependant  régulière  et  heureuse. 
Maris  et  femmes  se  gardent  une  fidélité  absolue  et  les  femmes  et 
les  enfants  sont  traités  de  la  manière  la  plus  affectueuse  par  les 
hommes.  Les  jeunes  filles  apprennent  à  filer,  à  tisser  et  à  piler  le 
grain.  Aussitôt  qu'elles  sont  en  âge  d'être  mariées,  on  les  tatoue, 
du  moins  chez  les  peuplades  du  Nord  de  l'île.  Les  mariages  donnent 
lieu  à  de  grandes  beuveries. 

Les  huttes  des  sauvages  sont  extrêmement  primitives.  On  plante 
deux  pieux  en  terre  sur  chacun  desquels  on  place  une  poutre  dont 
l'extrémité  inférieure  repose  sur  le  sol,  puis  on  couvre  le  sommet 
et  les  côtés  de  bambous.  Ces  huttes  n'ont  pas  de  cheminée;  la 
fumée  s'y  répand  donc  au  point  de  rendre  l'air  irrespirable  pour 
tout  autre  que  leurs  habitants.  On  ne  rencontre  pas  chez  les  sau- 
vages du  Nord  comme  chez  ceux  du  Sud,  des  images  de  dieux 
bien  qu'ils  croient  cependant  à  un  dieu  des  montagnes  et  à  des 
esprits.  Ils  n'ont  non  plus  ni  prêtres  ni  médecins  ;  l'art  de  guérir  est 
aux  mains  de  vieilles  femmes  qui  se  livrent  à  toutes  sortes  de  jon- 
gleries devant  les  malades. 

La  façon  d'enterrer  les  morts  est  singulière.  On  hisse  le  cadavre 
dans  Tintérieur  de  la  hutte  au  moyen  d'une  corde  attachée  à  la 
charpente  ;  puis,  on  creuse  une  fosse  au-dessous  ;  après  cela,  on 
coupe  la  corde  de  manière  à  faire  tomber  la  dépouille  dans  la 
fosse.  On  la  recouvre  ensuite  de  terre.  Quand  le  sol  de  la  hutte  est 
farci  de  cadavres,  les  habitants  abandonnent  l'habitation  et  vont 
en  construire  une  autre.  On  procède  parfois  aussi  aux  inhuma- 
tions sur  des  collines  encloses  de  haies,  mais  on  ne  recouvre  l'en- 
droit où  elles  ont  eu  lieu  d'aucun  signe,  car  les  vivants  ne  veulent 


CHRONIQUE  667 

construit,  a  envoyé  sur  les  chantiers  toute  la  main-d'œuvre  dont  elle 
peut  disposer.  On  espère  que  la  section  Tsingtau-Kiautschau  sera 
terminée  dans  les  premiers  mois  de  1901. 

Tien-Tsin.  —  Le  consul  anglais  à  Tien-Tsin  dit,  dans  son  rapport, 
que  le  commerce  de  cette  ville  se  développe  rapidement  et  qu'il  a  plus 
que  doublé  dans  les  dix  dernières  années.  En  1889,  il  s'élevait  à 
31.2  millions  de  taëls  et  en  1899,  il  a  atteint  le  cl^iffre  de  77.6  mil- 
lions. Les  progrès  sont  attribuables  aux  efforts  des  marchands  étpan* 
gers  qui  ont  favorisé  le  commerce  d'exportation,  à  la  politique  clair- 
voyante de  Li-Hung-Chang  quand  il  était  vice-roi  de  Tien-Tsin,  à  la 
proximité  des  ambassades  étrangères  qui  empêche  la  violation  des 
traités  et,  enfin,  à  l'établissement  de  banques  étrangères  ainsi  qu'à  la 
construction  de  chemins  de  fer.  On  dit  généralement  que  Tien-Tsin 
est  le  port  de  Pékin,  de  la  Mongolie  et  de  la  Sibérie.  L'aire  qu'il  draine 
est  encore  plus  vaste.  Elle  embrasse  toute  la  partie  de  la  Chine  qui 
s'étend  au  nord  du  fleuve  Jaune  jusqu'au  Thibet,  [à  l'ouest,  car  les 
ports  du  Shantung  —  Chifu  et  Kioo-chau  —  ne  desservent  que  leur 
voisinage  immédiat.  En  réalité,  Tien-Tsin  est  la  clef  du  commerce  du 
Turkestan  Oriental  et  du  Thibet.  Le  chemin  de  fer  qui  court  le  long  de 
la  côte  vers  Shanghaï  et  qui  vient  d'être  prolongé  jusque  Niuchwang, 
a  contribué  à  la  prospérité  de  Tien-Tsin.  La  ligne  de  Pékin-Niuch- 
wang  via  Tien-Tsin  a  couvert  tous  ses  frais  Tannée  .dernière.  Les 
passagers  ont  été  au  nombre  de  2,174,808  et  les  marchandises  ont 
atteint  722,428  tonnes. 

La  situation  du  Pei-ho  ne  cesse  d'empirer.  Autrefois,  les  steamers 
arrivaient  toujours  à  Tien-Tsin,  même  s'ils  devaient  s'alléger  pour 
traverser  la  barre  ;  mais,  l'année  dernière,  un  seul  a  osé  courir  le  risque 
d'être  retenu  dans  la  rivière.  Le  canal  s'est  rétréci  et  est  devenu  moins 
profond  et  la  barre  s'est  élargie.  Ces  changements  sont  dus,  paraît-il, 
aux  canaux  que  l'on  a  construits  dans  les  vingt  dernières  années  et 
qui,  en  détournant  une  partie  des  eaux  de  la  rivière,  diminuent  d'autant 
la  force  de  son  courant.  On  va  essayer  do  remédier  au  mal  en  mettant 
des  vannes  aux  canaux.  Il  serait  préférable  que  le  gouvernement  con- 
fiât la  solution  des  difficultés  que  présente  le  régime  des  eaux  à  Tien- 
Tsin  à  des  ingénieurs  européens.  Il  n'est  pas  rare  actuellement  de  voir 
des  vaisseaux  retenus  devant  Taku  pendant  une  semaine  ou  plus 
longtemps  encore.  Il  en  résulte  un  grand  préjudice  pour  le  com- 
merce, par  suite  des  frais  qu'entraîne  le  transbordement  sur  allèges. 
La  barre  devrait  être  approfondie  au  moins  jusqu'à  14  pieds.  A  coté 
des  intérêts  du  commerce,  il  faut  encore  tenir  compte  de  ceux  des 
cultivateurs,  dont  les  champs  sont  ruinés  par  les  inondations. 


7  i/^pr^ 


pas  se  souvenir  des  morts.  On  comprend  que  les  Chinois  chez  qui 
le  culte  des  ancêtres  est  si  vif,  méprisent  les  sauvages  et  les  con- 
sidèrent comme  des  brutes  dépourvues  de  tout  sentiment  de  civi- 
lisation. Il  est  vrai  qu'ils  ont  une 
autre  raison  pour  les  traiter  de  la 
sorte,  car  les  sauvages  sont  des 
chasseurs  de  têtes  chinoises  enra- 
gés. Quand  ils  vont  à  la  chasse, 
ils  portent  sur  leurs  épaules  un 
(ilet  rouge  auquel  pend  une  tresse 
de  Chinois. 

Un  des  districts  les  plus  dange- 
l'eux  pour  les  Chinois,  peut-être 
le  plus  dangereux,  est  celui  de 
Polisha.  D'après  les  statistiques 
dressées  par  le  gouvernement,  il 
revient  à  ce  district,  232  des 
496  têtes  enlevées  à  des  Chinois, 
en  1897.  Dans  cette  même  année, 
des  Japonais  aussi  avaient  été 
décapités  par  les  sauvages.  En 
outre,  77  Chinois  et  3  Japonais 
avaient  été  blessés. 

On  voit  aussi  dans  les  huttes, 
un  ornement  que  les  sauvages 
appellent  «  Takanan  »  et  qui 
s  accroche  à  la  charpente.  Il  con- 
siste en  un  cercle  de  bambou,  d  un 
pied  et  demi  à  deux  pieds  de  dia- 
mètre, auquel  pendillent  une  quan- 
tité de  fils  d'environ  cinq  pieds  de 
longueur  que  l'on  a  passés  à  travers  une  quantité  de  rondelles 
découpées  dans  la  moelle  de  ïaralia  papijrifera  et  ayant  un  pouce 
d'épaisseur.  L'extrémité  inférieure  des  fils  est  généralement  garnie 
de  coquillages.  Au-dessous  de  cette  sorte  de  baldaquin  se  trouve 
le  sac  où  l'on  met  les  têtes  des  Chinois  décapités;  plusieurs  tresses 
de  Chinois  y  sont  attachées. 

Aussi  longtemps  que  les  fêtes  sont  fraîches,  on  les  place  sur  un 


TÊTL    DE    CHINOIS    l>KCAPITfe. 


bloc  de  quatre  pieds  de  haut  et  on  leur  met  une  batate  dans  la  bou- 
che. Pendant  la  fête  qui  se  fait  à  1  occasion  de  la  capture  d'une 
tête,  on  verse  du  satnshu  dans  la  bouche  de  cette  tête  en  l'honneur 
des  mânes  du  décapité.  Au-dessus  de  la  tête,  pend,  comme  au- 
dessous  du  Blet,  un  baldaquin  A*aralia  papyrifera.  Plus  tard,  les 
tresses  sont  généralement  accrochées  en  guise  d'ornement  dans  le 
fond  de  la  hutte  tandis  que  les  crânes  sont  placés  devant  ou  à 
proximité  de  l'habitation  sur  des  échafaudages  de  bambous. 

La  montagne  la  plus  élevée  de  Formose  est  le  mont  Morisson. 
On  ne  le  connaissait  jusque  dans  les  derniers  temps  que  de  nom. 
11  est  redevable  de  celui-ci  à  un  capitaine  de  navire  anglais  qui  le 
découvrit  à  la  fin  du  siècle  dernier.  11  n'a  été  escaladé  qu'en  1896 
par  M.  Honda,  un  professeur  japonais  de  Tokio,  qui  avait  été 
chargé  de  l'explorer  par  son  gouvernement.  Ce  professeur  con- 
stata que  le  mont  Morisson  n'est  nullement  de  nature  volcanique, 
comme  on  le  supposait  généralement,  et  qu'il  devait  avoir  une 
hauteur  de  14,350  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Des 
relevés  trigonométriques  précédents,  exécutés  depuis  la  mer, 
n'avaient  donné  que  12,830  pieds  de  hauteur.  Le  professeur 
Honda  explique  cette  différence  en  disant  que  la  cîme  réelle  est 
cachée  par  un  pic  qui  empêche  de  la  découvrir  de  l'Océan.  La 
végétation  du  mont  Morisson  est  admirable.  M.  Honda  découvrit 
des  camphriers  et  des  chênes  jusqu'à  6,500  pieds  d'altitude; 
plus  haut,  il  vit  des  pins;  à  partir  de  l'altitude  de  10,500  pieds 
jusqu'au  sommet,  il  trouva  des  sapins  et  différentes  sortes  de 
mniperus. 

En  se  dirigeant  par  mer  vers  le  Sud  de  l'île,  M.  Fischer  passa 
parles  îles  Pèscadores.  Depuis  1884,  époque  où  les  Français 
occupèrent  momentanément  ces  îles,  au  cours  de  leur  guerre  contre 
le  Tonkin,  elles  possèdent  une  réputation  détestable  au  point  de 
vue  du  climat.  A  cette  époque,  succombèrent,  en  peu  de  temps, 
au  choléra,  400  Français,  et  parmi  eux  l'amiral  Courbet  et  plu- 
sieurs officiers  auxquels  le  gouvernement  français  a  fait  ériger  un 
monument.  Les  Japonais  furent  encore  plus  maltraités  quand  ils 
prirent  possession  de  ces  îles,  il  y  a  cinq  ans.  Et  cependant  le  cli- 
mat des  Pescadores  vaut  mieux  que  celui  de  Formose,  car  celui-ci 
est  humide  tandis  que  l'autre  au  contraire  souffre  du  manque  d'eau. 

La  plus  peuplée  des  villes  du  Sud  de  Formose  est  Tainanfu 


dont  Amping  est  le  port.  On  y  trouve  une  mission  de  YEnglish 
Presbyterian  Church  qui  comptait  1,250  adeptes  en  1895.  Les 
marchands  européens  (il  y  en  a  quatre),  vivent  à  Amping,  qui  est  le 
centre  du  commerce  du  sucre  blanc  et  brun.  L'exploitation  de  ce 
produit  est  encore  peu  développée  car  les  Chinois  s'obstinent  à  s'en 
tenir  à  leurs  procédés  antédiluviens.  Il  existe  des  moulins  excessi- 
vement primitifs,  où  les  planteurs  envoient  leurs  produits.  On 


CRANES    DE    CHINOIS    EXPOSfS    DEVANT    UNE    HUTTE. 


pousse  les  cannes  sous  deux  meules  mises  en  mouvement  par  des 
buffles.  Les  meules  passent  deux  fois  sur  la  canne  et  le  jus  qui  en 
sort  coule  à  travers  un  bambou  dans  un  chaudron  où  on  le  fait 
bouillir.  Par  ce  procédé,  on  perd  au  moins  50  p.  c.  du  suc. 

On  trouve  aussi  à  Amping,  de  nombreux  parcs  à  huîtres.  Les 
Chinois  sont  très  friands  de  ce  mets.  La  production  de  l'île  ne 
suffit  pas  aux  besoins  de  la  consommation.  Il  s'en  importe  encore 
une  grande  quantité  de  la  Chine.  L'endroit  le  plus  renommé  pour 
les  huîtres  est  Amoy.  L'huître  de  Formose,  contrairement  à  celle 
d'Europe,  est  meilleure  en  été  qu'en  hiver. 

Les  Pîiiwnns  que  I  on  l'oncoulrc  dans  le  Sud  de  Formose,  pra- 


tiquent,  dans  leur  vie  de  famille,  des  principes  Spartiates.  Ils  agis- 
sent rudement  avec  les  jeunes  enfants,  estimant  qu'il  est  parfaite- 
ment inutile  de  conserver  des  êtres  faibles.  Pour  le  reste,  l'esprit 
de  famille  est  très  développé  La  femme  n  est  pas,  comme  chez  lant 
de  peuplades  asiatiques,  un  être  qui  tremble  devant  son  mari, Elle 
marche  à  côté  de  lui  comme  son  égal.  Les  lilles  se  marient  jeunes 
et  sont  absolument  libres  dans  le  choix  de  leur  époux.  Celui  qui 
veut  épouser  une  jeune  fille  dépose  devant  la  maison  de  celle-ci 
une  poignée  de  brindilles.  Si  elle  est  enlevée,  il  en  conclut  que  sa 
demande  est  agréée.  11  fait  alors  des  cadeaux  aux  parents  de  sa 
fiancée  et  Tunion  est  prononcée  par  le  chef  de  la  tribu.  La  femme 
suit  Thomme  dans  sa  famille  et  est  considérée  comme  un  membre- 
de  celle  ci. 

A  Ramari,  au  Sud-Ouest  de  Formose,  M.  Fischer  a  constaté  que 
les  indigènes  enterrent  aussi  leurs  morts  dans  Tintérieur  de  leurs 
habitations.  Ils  creusent  un  trou  dans  le  sol  et  y  déposent  le  cadavre 
auquel  ils  donnent  une  position  assise.  Les  indigènes  ont  une 
grande  frayeur  des  maladies  contagieuses,  et  les  endroits  où  se 
trouvent  des  malades  atteints  d'un  mal  de  ce  genre  sont  évités  sur 
l'ordre  du  chef.  Les  herbes  médicinales  ne  jouent  qu'un  petit  rôle 
dans  le  traitement  des  maladies.  Les  indigènes  ont  plus  de  con- 
fiance dans  les  simagrées  et  les  exorcismes  des  sorcières.  Les 
morsures  des  serpents,  qui  sont  assez  fréquentes,  se  traitent  en 
faisant  sucer  la  plaie  par  des  gens  qui  en  ont  la  spécialité  et  qui  se 
font  payer  ce  service  très  cher. 

La  superstition  joue  un  rôle  essentiel  dans  la  vie  des  Paiwans. 
Ainsi,  éternuer  en  dehors  de  sa  maison  est  réputé  comme  un  pré- 
sage de  grands  malheurs.  Aussi,  celui  qui  éternue  dans  ces  circon- 
stances, abandonne-t-il  immédiatement  l'entreprise  dans  laquelle 
il  était  engagé.  Les  Paiwans  attribuent  aussi  beaucoup  d'impor- 
tance au  vol  des  oiseaux,  surtout  à  celui  d'une  sorte  de  roitelet  à 
plumage  noir.  Cet  oiseau  vole-t-il  au-dessus  du  chemin  ou  s'élève- 
t-il  directement  vers  le  ciel,  c'est  l'annonce  d'une  infortune.  Toutes 
les  affaires  fixées  à  ce  jour  sont  remises,  même  les  mariages. 

Les  sorcières  jouissent  aussi  d'une  grande  confiance.  On  les 
consulte  avant  d'entreprendre  une  affaire  sérieuse  :  chasse,  pèche 
ou  guerre.  Elles  interrogent  les  esprits  dans  un  lieu  situé  dans  la 
montagne.  L'écho  est  considéré  comme  la  voix  de  ces  derniers. 


Leurs  réponses  sont  toujours  ambiguës  comme  celles  de  l'oracle 
de  Delphes.  On  ne  consacre  que  les  plus  jolies  filles  de  la  tribu  au 
métier  de  sorcières.  Elles  ne  se  distinguent  d'ailleurs  pas,  par 
leur  genre  de  vie,  des  autres  femmes  du  village. 

Les  Paiwans  sont  de  grands  buveurs  d'alcool.  Ce  vice  est  très 
préjudiciable  au  développement  de  la  population,  car  les  enfants 
qui  boivent,  jeunes,  de  ïarrnk  et  du  snmshu  meurent  très  tôt.  La 


HABITANTS    DAMI. 


mauvaise  habitude  de  mâcher  du  bétel  règne  aussi  fortement  chez 
eux.  Les  enfants  commencent  déjà,  à  deux  ou  trois  ans,  à  fumer  et 
à  mâcher  du  bétel. 

Certains  chefs  de  sauvages,  tels  ceux  des  Ami,  près  de  Pilam, 
reçoivent  des  subsides  de  un  à  sept  yen  par  mois  du  gouverne- 
ment japonais  pour  maintenir  l'ordre  parmi  leurs  gens,  éviter  que 
la  tranquillité  ne  soit  troublée  entre  tribus  et  porter  les  événements 
à  la  connaissance  de  l'autorité.  C'était  déjà  la  coutume  sous  la 
domination  chinoise.  Les  Japonais  avaient  cru  pouvoir  rompre 
avec  cette  tradition.  Mais  comme  des  troubles  ne  tardèrent  pas  à 
éclater  et  que  des  gendarmes  japonais  furent  assîissinés,  le  gouver- 
nement se  décida  à  rétablir  les  subsides. 

2 


Les  Japonais  ont  commencé  à  fonder  des  écoles  dirigées  par  des 
instituteurs  japonais  dans  les  villages  des  sauvages.  Il  en  existe 
jusqu'à  présent  quatre,  dont  trois  au  Sud- Est  de  Tîle,  et  une  au 
Su  *  L'instituteur  d'une  des  premières,  située  à  Maran,  disait  que 
les  enfants  venaientà  l'école  dès  six  heures  du  matin,  mais  pas  très 
régulièrement,  car  ils  doivent  partager  leur  temps  entre  l'étude  et 
la  garde  des  bœufs.  M.  Fischer  visita  l'école,  qui  est  spacieuse  et 
bien  aérée.  Les  parents  des  élèves  assistaient  aux  cours,  appuyés 
contre  les  murs  de  la  classe.  Ils  venaient  voir  inoculer  la  science  à 
leur  progéniture.  Sous  les  bancs  rampaient  les  jeunes  frères  des 
élèves,  qui  s'amusaient  à  tourmenter  les  doigts  de  pieds  de  leurs 
atnés.  Le  professeur  levait  des  feuilles  de  papier  portant  des  mots 
écriLs  en  grandes  lettres  que  les  élèves  devaient  répéter.  Ils  étaient 
une  cinquantaine  et  travaillaient  avec  ardeur.  Les  parents  aussi 
semblaient  s'intéresser  considérablement  à  la  leçon.  Leur  présence 
avait  ce  grand  avantage  que  les  plaintes  du  professeur  sur  le 
manque  d'application  de  l'un  ou  de  l'autre  de  ses  pupilles,  se  trou- 
vaient aussitôt  sanctionnées  par  une  correction  bien  sentie. 

Comme  dans  toutes  les  écoles  japonaises,  on  ne  s'occupe  pas 
à  Maran  de  l'enseignement  religieux ,  mais  l'instituteur  cherche  à 
inculquer  à  ses  élèves  des  principes  de  bonne  conduite,  d'obéis- 
sance aux  parents  et  de  soumission  au  chef  de  la  tribu. 

Le  village  de  Maran  n'est  qu'à  trois  quarts  d'heure  de  celui  de 
Pelam  et,  cependant,  l'idiome  est  si  différent  entre  les  deux  loca- 
lités que  les  habitants  se  comprennent  à  peine.  Les  indigènes  de 
Maran  comme  les  Ami,  de  Pelam,  ont  à  peu  près  les  mêmes  céré- 
monies. Chez  les  uns  comme  chez  les  autres,  les  vieillards  sont 
traités  avec  la  plus  grande  déférence  tant  qu'ils  vivent,  mais 
à  peine  sont-ils  morts  que  l'attitude  à  l'égard  de  leur  mémoire 
devient  des  plus  brutales.  Ces  peuplades  estiment  qu'elles  ne 
doivent  aucune  considération  au  cadavre.  Aussitôt  que  le  corps 
est  enterré,  on  pose  une  petite  table  en  bois  sur  la  fosse.  Avant  de 
se  retirer,  chacun  y  jette  une  poignée  de  terre  et  crache  dessus. 
En  même  temps,  il  apostrophe  le  mort,  en  lui  disant  qu'il  doit 
désormais  se  contenter  de  son  sortet  rester  où  il  est;  que,  pendant 
ses  années  de  vieillesse,  on  l'a  traité  avec  égards  malgré  tous  les 
ennuis  qu'il  occasionnait,  mais  que  maintenant  il  ne  devrait  pas 
s'aviser  de  revenir,  sinon  on  le  traiterait  de  la  manière  dont  ou 


vient  d'agir  sur  sa  tombe.  Après  ces  aimables  paroles,  on  se  livre 
à  une  orgie  et  on  ne  pense  plus  au  défunt. 

deux  des  Ami  qui  habitent  près  de  la  mer  ou  d  un  fleuve  traitent 
assez  rudement  leurs  enfants.  Ils  les  plongent  chaque  jour  dans  un 
seau  d'eau  froide.  Plus  tard,  quand  ils  sont  devenus  plus  forts,  ils 
les  jettent  dans  la  première  rivière  qui  est  à  leur  portée  et  les  y 
laissent  frétiller  quelque  temps.  D'après  les  parents,  les  fils  élevés 
de  cette  façon  deviennent  d'excellents  nageurs  et  des  plongeurs 
émérites. 

Les  Japonais  ont  pour  principe  de  se  montrer  très  indulgents 
vis-à-vis  des  sauvages  et  ils  ferment  volontiers  les  yeux  quand 
ils  commettent  des  délits  contre  les  Chinois.  M.  Fischer  doute 
cependant  que  les  efforts  et  les  sacrifices  que  font  les  Japonais  pour 
transformer  les  sauvages  en  paisibles  agriculteurs  atteignent  leur 
but.  Il  croit  même  qu'il  n'est  pas  impossible  que  toute  la  peine  que 
se  donnent  les  Japonais  ne  profite  en  fin  de  compte  aux  Chinois, 
car,  malgré  toutes  les  faveurs  dont  jouissent  les  marchands  japo- 
nais, ils  ne  sont  guère  capables  de  lutter  contre  les  Chinois  qui 
sont  beaucoup  plus  habiles  et  surtout  mieux  pourvus  de  capitaux. 

Que  réserve  l'avenir  au  Japon  dans  l'île  de  Formose?Trouvera-t-il 
une  compensation  pour  les  sommes  considérables  qu'il  y  a  déjà  dépen- 
sées et  qu'il  devra  encore  y  consacrer?  Il  est  difficile  de  répondre 
à  cette  question,  pense  M.  Fischer.  On  peut  cependant  rappeler  que 
dans  la  plupart  des  colonies,  ce  n'est  que  la  deuxième  ou  la  troisième 
génération  qui  recueille  généralement.  En  tous  cas,  les  Japonais 
semblent  s'être  repris  des  erreurs  qu'ils  ont  commises  au  début  de 
leur  occupation.  Le  nouveau  gouverneur  est  décidé  à  appliquer 
tout  un  plan  de  réformes  financières.  Il  projette  d'établir  le  mono- 
pole du  sel  qui  rapportera  annuellement  640,000  Yen;  celui  du 
camphre  existe  déjà.  L'impôt  sur  le  riz  sera  exigé  en  argent  au  lieu 
de  l'être,  comme  maintenant,  en  nature:  il  en  résultera  un  bénéfice 
important.  Les  jonques  et  les  vapeurs  qui  n'appartiennent  pas  à  des 
sujets  japonais  seront  soumis  à  une  taxation  élevée.  Des  mesures 
énergiques  seront  prises  pour  mettre  fin  à  la  contrebande. 

Lesréformeslesplusimportantes  concernent  la  propriété  foncière* 
Une  commission  a  été  instituée  pour  établir  un  cadastre,  caries  déli- 
mitations des  terres  laissaient  beaucoup  à  désirer  sous  la  domina- 
tion  chinoise.  Dans  un  espace  de  trois  «ans,  des  cartes  à  d/i,20O 


U0 


ETUDES   COLONIALES 


seront  achevées.  Ce  travail  coûtera  plus  de  3  millions  de  Yen.  Ces 
cartes  donneront  des  délails  exacts  sur  la  naturedu  sol  :  montagnes, 
terres  labourables,  prairies,  etc.  Jusqu'à  présent,  il  n'existait  h 
Formose  qu'une  apparence  de  cadastre  et  des  titres  de  propriétés 
privés,  mais  la  révolution  les  a  détruits  en  grande  partie.  La  plus 
grande  confusion  règne  donc  dans  ce  domaine. 

Jusqu'à  présent,  les  agriculteurs  seuls  payaient  des  impôts. 
Dorénavant,  les  propriétaires  et  les  commerçants  en  acquitteront 
également.  L'exemption  des  droits  de  douane  sera  aussi  supprimée 
pour  certains  articles.  Reste  à  voir  si  les  Chinois  se  laisseront 
imposer  toutes  ces  réformes  sans  protester. 

Formose  est  riche  en  produits  naturels  bien  que  la  valeur  de 
certains  d'entre  eux,  tels  que  le  camphre,  ait  été  exagérée.  On  ne 
doit  pas  non  plus  désespérer  de  trouver  des  ressources  minérales 
dans  l'intérieur  de  l'île.  Mais  pour  exploiter  toutes  ces  richesses,  il 
faut  des  voies  de  communication  :  routes,  chemins  de  fer  et  canaux. 
Or,  l'argent  fait  malheureusement  défaut  au  Japon  pour  les  réaliser. 
Aussi  semble-t-il  que  sans  l'intervention  du  capital  étranger,  qu'un 
chauvinisme  étroit  tend  à  repousser,  le  Japon  aura  bien  des  diffi- 
cultés à  mettre  sa  nouvelle  acquisition  en  valeur. 


^-^f- 


CUBA 


^1^  SON    AVENIR 


"^^^--^ 


♦^ 


Bibliographie.  —  Baron  B.  Nothomb,  Rapport  sur  Cite  de  Cuba,  paru  en  1899 
dans  le  Recueil  des  rapports  des  secrétaires  de  légation  de  Belgique.  — 
Charles  Benoist,  L'Avenir  de  Cuba.  —  Cuba,  article  paru  en  1897  dans 
le  Contemporain.  —  Rapports  des  consuls  belges,  parus  dans  le  Recueil  Consu- 
laire. (Passim,) 


Cuba  est  une  île  longue  de  670  et  large  de  40  à  200  kilomètres 
et  dont  la  superficie  n'est  pas  moins  de  126,700  kilomètres  carrés. 
Sa  forme  est  celle  d'un  arc  irrégulier  dont  la  convexité  est  tournée 
vers  le  Nord.  Ses  côtes  sont  bordées  de  récifs  et  d'îlots.  Une 
chaîne  de  montagnes  assez  élevées  la  traverse  dans  toute  sa  lon- 
gueur. Les  rivières  sont  nombreuses  mais  de  peu  d'étendue.  Le 
climat  est  chaud  et  sec  ;  les  vents  du  Nord  et  de  l'Est  le  tempèrent. 
L'île  abonde  vraiment  en  richesses  minérales,  houille,  cuivre, 
argent,  aimant,  cristaux  de  roche,  salines,  eaux  thermales;  et  en 
richesses  agricoles,  sucre,  café,  tabac,  bois  de  construction,  de 
peinture,  d  ebénisterie. 

La  plus  grande  partie  de  l'étendue  de  Cuba  est  une  plaine  d'une 
altitude  de  30  à  100  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Le 
pays  a  surtout  le  caractère  d'une  plaine  dans  la  province  de 
La  Havane  et  plutôt  celui  d'un  plateau  de  faible  altitude  dans  les 
provinces  de  Matanzas,  Santa-Clara,  Puerto-Principe.  Plus  à 
l'Ouest,  entre  la  frontière  de  Puerto-Principe  et  la  ville  de  Cien- 
fugos  s'élèvent  sur  la  côte  méridionale  une  suite  de  pics  avec  une 
hauteur  maxima  de  1,800  mètre?.  Les  principales  montagnes  se 


r.iuui^o    i^uijUi^iALin.o 


trouvent  sur  les  bords  de  Tîle,  le  centre  étant  occupé  par  des 
montagnes  secondaires  et  généralement  par  des  plaines.  Les  mon- 
tagnes ont  parfois  des  sommets  rocheux,  mais  le  plus  souvent, 
elles  sont  couvertes  de  végétation  jusqu'à  la  cîme;  leurs  altitudes 
moyennes  conviennent  admirablement  à  la  culture  du  café  et  du 
cacao. 

Les  rivages  de  l'île  sont  fréquemment  occupés  par  des  marches, 
quelquefois  par  de  vrais  marais  qui  rendent  les  côtes  plus  insa- 
lubres que  l'intérieur.  La  nature  a  admirablement  favorisé  l'île  de 
ports  naturels;  des  baies  réunies  à  la  mer  par  d'étroits  goulots 
forment  des  refuges  sûrs  que  l'homme  doit  à  peine  améliorer  pour 
en  faire  des  ports  de  premier  ordre.  La  plus  grande  de  ces  baies 
est  celle  de  Cienfugos,  longue  de  17  et  large  de  8  kilomètres;  le 
chenal  a  5  kilomètres  de  longueur.  Toutes  les  flottes  du  monde 
pourraient  y  trouver  place.  Il  y  a  en  tout  54  ports.  Il  y  a  seule- 
ment i9  phares  sur  cette  grande  étendue  de  côtes  où  la  navigation 
est  pourtant  si  dangereuse  à  cause  de  la  présence  de  nombreuses 
îles  et  cayes  le  long  du  rivage.  Les  cayes  sont  des  chaînes  d'îles 
parallèles  à  la  côte  qui  laissent  une  véritable  mer  intérieure  entre 
la  terre  ferme  et  le  large,  mer  où  le  navigateur  trouve  difficilement 
sa  route  et  où  le  pirate  a  longtemps  élu  domicile. 

Cuba  a  une  importance  stratégique  et  commerciale  de  premier 
ordre  par  sa  position  géographique  relativement  aux  autres  points 
de  la  superficie  planétaire.  La  Havane  est  vraiment  privilégiée  : 
située  vers  le  milieu  du  Nouveau-Monde,  au  centre  de  la  grande 
Méditerranée  américaine,  elle  se  trouve  précisément  à  l'origine 
du  courant  du  golfe  et,  par  conséquent,  au  point  de  départ  de  la 
route  naturelle  des  Antilles  vers  l'Europe  Occidentale.  En  même 
temps  elle  est  placée  au  lieu  de  convergence  des  lignes  de  naviga- 
tion qui,  de  tout  le  pourtour  du  golfe,  se  dirigent  vers  la  porte  de 
sortie.  Le  delta  du  Mississipi,  c'est-à-dire  l'ensemble  du  bassin 
fluvial  le  plus  populeux  des  Etats-Unis,  s'ouvre  directement  vers 
La  Havane;  Cuba  est  à  quelques  heures  seulement  de  l'extrême 
pointe  de  la  Floride,  c'est-à-dire  des  Etats-Unis.  Par  là,  sa  valeur 
spécifique  s'accroît  de  sa  valeur  de  position.  Elle  vaut  infiniment 
plus  pour  les  Etats-Unis  que  pour  toute  autre  puissance  et  notam- 
ment que  pour  l'Espagne,  dont  la  séparait  toute  la  largeur  de 
l'Atlantique.  C'est  ce  que  les  Etals-Unis  ont  compris,  dès  qu'il  y  a 


LA   GUTTA-PEKCIIA  G81 

arbre.  II  est  préférable  de  les  planter  dans  une  noix  de  coco  pour 
y  prendre  racine  et  puis  de  les  transplanter.  De  jeunes  plantes 
obtenues  de  cette  fagon  s'achètent  à  Penang  et  à  Batavia  à  raison 
de  50  cents  la  pièce.  On  peut  aussi  transplanter  de  jeunes 
arbres  de  la  jungle  ou  des  plantations;  ils  se  vendent  également  à 
bas  prix  à  Malacca.  Le  D'  Treub  dit  que  les  jeunes  plantes  prove- 
nant de  marcottes  sont  plus  vigoureuses  que  celles  qui  sont  pro- 
duites par  les  graines.  Le  greffage  est  impossible,  au  dire  de 
M.  Ridley,  à  cause  des  bacilles  et  des  champignons  qui  attaquent 
la  plante. 

Les  fruits  mûrissent  à  la  Hn  de  la  saison  des  pluies  ou  au  com- 
mencement de  la  saison  sèche.  On  doit  alors  les  semer  immédiate- 
ment dans  des  couches.  Au  commencement  de  la  saison  des  pluies, 
on  les  met  en  pépinière  et  quinze  à  dix-huit  mois  plus  tard,  on  les 
plante  en  plein  air.  Comme  ombrage,  on  se  sert  à'Albizzia  moluc- 
cana.  Les  meilleures  distances  à  observer  sont  :  pour  le  Pala- 
quium  Treubii,  3x3  mètres  ; .  pour  le  P.  Treubii  parvifolium, 
4x4  mètres;  pour  le  P.  bornesense,  4  x  4  ou  4,50  X  4.50  mè- 
tres; pour  le  P.  Cutta,  4.50x4.50  ou  5  x  5  mètres.  Là  où 
Ton  ne  rencontre  pas  de  mauvaises  herbes,  d'herbes  ou  de  buis- 
sons, on  peut  aussi  appliquer  de  plus  grandes  distances.  Mais 
comme  cette  culture  n'est  à  recommander  que  dans  les  pays  très 
humides,  où  les  mauvaises  herbes  poussent  en  grand  nombre,  les 
chiffres  cités  plus  haut  sont,  en  général,  à  observer.  Dans  la  suite, 
il  faudra  naturellement  éclaircir  la  plantation,  mais  il  est  probable 
qu'en  le  faisant,  on  pourra  déjà  retirer  un  petit  profit. 

A  Tjipetir,  c'est  le  Palaquium  Gutta  qui  a  poussé  le  plus  rapi- 
dement. La  hauteur  des  arbres  dans  une  plantation  de  treize 
années  est  de  12  mètres.  Il  ne  semble  pas,  du  reste,  que  les 
Palaquium  Gutta  appartiennent  aux  géants  de  la  forêt;  ils  font 
plutôt  l'effet  de  petits  arbres  aimant  à  vivre  à  l'ombre  d'autres. 
Comme  culture  intercalaire,  on  a  essayé  le  café  de  Libéria,  mais 
avec  peu  de  succès  parce  que  son  développement  rapide  nuit 
aux  arbres  à  gulta-percha.  Comme  ces  derniers  ont  des  racines 
superficielles,  on  recommande  comme  culture  intermédiaire,  les 
arbres  à  kapok  qui  ne  donnent  pas  trop  d'ombre  dans  les  pre- 
mières années,  et  qui,  plus  tard,  quand  ils  en  donnent,  sont  très 
élevés;  ils  ont  aussi  des  racines  qui  s'enfoncent  profondément  dans 


t:àl\JXftMJ       Vlt/Llt/llAX&LlUO 


L'année  1893,  une  des  plus  mauvaises,  donne  6,610  décès,  dont 
1,300  attribués  à  la  consomption  et  645  à  la  fièvre  jaune.  Le 
danger  réel  que  présente  ce  dernier  fléau  est  très  minime.  Plus  de 
gens  meurent  du  typhus  dans  les  pays  tempérés  que  de  la  fièvre 
jaune  dans  les  pays  tropicaux.  A  Cuba,  les  décès  causés  par  la 
consomption  sont  beaucoup  plus  nombreux  que  ceux  produits  par 
la  fièvre  jaune.  Celle-ci  n'entraîne  la  mort  que  dans  10  p.  c.  des 
cas  constatés.  Les  Américains  ont  pris  des  mesures  énergiques 
d'assainissement  dans  l'île  de  Cuba.  C'est  au  nettoyage  et  au  repa- 
vage des  rues  et  à  l'établissement  d'égouts  qu'ils  ont  songé  en 
premier  lieu.  Le  général  Brooke,  à  l'époque  où  il  était  gouverneur 
militaire  de  la  province  de  Santiago,  taisait  fouetter  en  public  les 
habitants,  souvent  honorables,  qui  négligeaient  de  nettoyer  le 
trottoir  devant  leurs  maisons.  Les  Américains  sont  grands  experts 
en  hygiène  et  ils  récoltent  déjà  les  fruits  de  leurs  précautions.  Au 
mois  de  mai  de  cette  année,  la  fièvre  jaune  n'a  pas  encore  fait  son 
apparition.  Peut-être  parviendront-ils  à  la  faire  complètement 
disparaître  de  l'île. 

Le  dernier  recensement  de  la  population  fait  par  les  Espagnols 
date  de  1887.  Il  indique  une  population  de  1,631,687  habitants. 
La  densité  variait  beaucoup  suivant  les  j)rovinces.  La  population 
actuelle  doit  être  considérablement  moindre  que  celle  de  1887. 
On  peut  estimer  d  après  M.  le  baron  B.  Nothomb  qu'elle  a  décru  de 
250,000  personnes  et  serait  actuellement  de  1,380,000  personnes. 
Avec  une  densité  de  population  égale  à  celle  de  la  Belgique,  la 
population  serait  de  20  millions  d'habitants.  Des  1,631,687  habi- 
tants de  1887,  1,102,689  étaient  de  race  blanche,  485,187  nègres 
ou  mulâtres  et  43,811  Chinois. 

L'île  possède  de  grandes  villes  qui  par  le  nombre  de  leurs  habi- 
tants feraient  figure  dans  un  état  Européen.  La  Havane  dépasse  le 
chiffre  de  200,000  âmes,  Santiago  de  Cuba  72,000;  Puerto  Prin- 
cipe 47,000;  Holguin  35,000;  Sancti  Spiritu  33,000;  Matanzas  et 
Cienfugos  27,000  ;  Cardenas  23,000.  Ce  ne  sont  pas  des  villes  à 
demi-barbares  comme  d'autres  agglomérations  dont  nous  sommes 
étonnés  parfois  d'apprendre  l'importance.  Pas  une  cité  des 
Antilles  ne  peut  se  comparer  à  La  Havane  :  plus  de  6,000  voitures 
-parcourent  les  rues  de  cette  capitale;  de  nombreuses  embarcations 
circulent  d'une  rive  à  l'autre  du  port,  où  mille  bâtiments  peuvent 


CUBA.   SON   AVEMK  7»3 

trouver  place  et  qui  regoil  ctiaque  année  plus  de  â,000  navires  ;  le 
mouvement  du  port,  l'animation  des  rues,  les  couleurs  vives 
(jaune,  rose,  vert,  bleu  clair)  des  maisons,  les  bouquets  de  pal- 
miers des  places,  la  végétation  touffue  des  larges  promenades, 
donnent  à  la  ville  un  aspect  d'une  gaieté  singulière.  Si  les  villes 
cubaines  jouissent  des  magnificences  de  la  nature  tropicale,  elles 
ont  aussi  bénéficié,  comme  les  villes  d'Espagne,  des  progrès 
modernes  :  gaz,  lumière  électrique,  tramways,  chemins  de  fer. 
La  société  y  est  aussi  élégante  et  cultivée  qu'en  Espagne. 

Cuba  est  arrosée  par  plus  de  deux  cents  cours  d'eau  auxquels  on 
peut  donner  le  nom  de  rivières;  l'eau  est  claire  et  abondante  en 
toute  saison,  mais,  à  cause  du  peu  de  longueur  de  l'île  comparée 
à  sa  largeur,  ces  rivières  n'offrent  pas  d'utilité  comme  moyens  de 
communication. 

Les  habitants,  pas  plus  que  ceux  des  autres  pays  de  la  zone 
tropicale,  ne  se  livrent  à  l'industrie;  ils  préfèrent  exploiter  le  sol  et 
vendre  à  l'étranger  les  produits  obtenus  au  lieu  de  les  travailler 
eux-mêmes.  La  moitié  de  l'île  est  couverte  de  grandes  étendues  de 
forêts  encore  vierges  :  15  millions  d'acres  ou  près  de  6  millions 
d'hectares  sur  les  29  millions  d'acres  ou  12  millions  d'hectares 
que  comprend  le  pays.  25  p.  c.  seulement  de  la  surface  du  sol 
ont  été  exploités  jusqu'à  présent  et  ont  servi  d'une  façon  quel- 
conque à  augmenter  la  richesse  de  l'île.  La  production  agricole 
qui  manque  de  bras  pourrait  être  développée  considérablement. 

l/élevage  est  une  ^es  richesses  de  Cuba.  Les  éleveurs  avaient  fait 
dans  les  dernières  années  de  grands  sacrifices  pour  développer 
leurs  entreprises.  On  évaluait  en  1873,  à  584,725  le  nombre  des 
chevaux  et  mulets,  à  2,485,766  celui  des  têtes  de  gros  bétail, 
à  78,494,  celui  des  moutons  et  brebis,  à  570,195,  celui  des  porcs. 

Le  gros  bétail,  les  mulets  et  les  chevaux  sont  renommés;  de 
race  andalouse,  les  chevaux  ont  perdu  en  slalure  et  en  largeur  de 
poitrail,  mais  ont  gagné  en  sobriété  et  en  force  d'endurance.  Le 
gros  bétail  a  prospéré  surtout  dans  la  province  de  Puerto-Principe. 

Les  concessions  minières  couvrent  13,727  hectares  dans  la  pro- 
vince de  Santiago;  il  y  a  138  mines  de  fer,  88  de  manganèse, 
53  de  cuivre.  L'une  d'elles  a  exporté  326,009  tonnes  de  fer 
en  1892,  383,865  en  1893,  153,609  en  1894.  Il  y  a  des  mines  de 
fer,  de  nickel  et  de  cobalt  dans  la  province  de  Pucrto-Principc. 


X4l\jMJ  IIiO 


On  a  découvert  deux  dépôts  de  pétrole  en  1894  près  de  Manza- 
nillo,  et  une  mine  de  charbon  au  Nord-Ouest  de  Santiago.  Plu- 
sieurs mines  de  cuivre  sont  exploitées  dans  la  province  de  la 
Havane. 

Les  principaux  produits  sont  le  sucre,  le  tabac,  les  fruits  et  le 
bétail.  Le  café  et  le  cacao  ne  tiennent  qu'une  place  secondaire.  Les 
forêts  et  les  richesses  minérales  n'ont  guère  encore  été  exploitées. 
Chaque  région  de  l'île  se  livre  de  préférence  à  un  genre  de  cul- 
ture qui  lui  donne  un  caractère  distinctif,  quoique  les  autres  pro- 
duits s'y  retrouvent  aussi.  En  allant  de  l'Ouest  à  l'Est,  on  rencon- 
tre Pinar  del  Rio  où  se  cultive  surtout  le  tabac;  Puerto-Principe 
pays  d'élevage  du  bétail.  Santiago  contrée  qui  produit  les  fruits  et 
le  café  et  où  l'on  trouve  également  des  métaux. 

D'après  une  évaluation  officielle  faite  en  1894^  il  y  avait  à  ce 
moment. 

d,IOO  plantations  de  sucre; 
8,875  »         de  tabac  ; 

194  »         de  café  ; 

4,298  fermes  de  bétail  ; 

23,238  fermes; 

37,703  exploitations  agricoles. 

M.  Clark  dans  son  ouvrage  Commercial  Cuba  (New -York,  1898) 
a  fait  l'estimation  suivante  de  la  valeur  actuelle  de  l'île,  d'après  les 
chiffres  de  1894.  D'après  M.  Clark  on  peut  fixer  à  environ  300  mil- 
lions de  dollars  la  valeur  des  exploitntipns  agricoles.  Il  estime  à 
85  millions  de  dollars  la  valeur  des  produits  obtenus.  Le  nombre 
des  propriétés  bâties  était  fixé  à  89,435  par  les  statistiques 
espagnoles  avec  une  valeur  imposable  de  12  millions  de  dollars; 
ce  dernier  chiffre  était  au-dessous  de  la  réalité.  La  valeur  impo- 
sable des  propriétés  rurales  était  également  fixée  à  1 2  millions  de 
dollars. 

La  plus  grande  partie  du  territoire  cultivé  de  Cuba  est  occupée 
par  la  canne  à  sucre.  L'espèce  la  plus  répandue  est  la  canne 
blanche,  dite  Bourbon,  qui  dure  de  sept  à  neuf  ans.  Par  suite, 
tous  les  sept  ou  neuf  ans  il  faut  replanter.  La  récolte  se  fait  tous 
les  dix  ou  les  onze  mois  et  le  rendement  moyen  est  de  80  kilo- 
grammes de  cannes  par  hectare.  La  culture  du  sucre  remonte 
aux  origines  de  la  colonisation  de  l'ile,  probablement  à  l'année 


LA    CLTTA-PEUCIIA  685 


Composition  chimique  de  la  gutta-percha. 

Après  les  analyses  faites  depuis  1843  par  différents  chimistes, 
Payen  arriva,  en  1852,  à  la  conclusion  que  la  gutta-percha  purifiée 
contient  trois  éléments  :  une  substance  insoluble  dans  l'alcool 
froid  ou  bouillant,  qu  il  nomme  Gutta  pure,  une  résine  cristalline 
blanche,  soluble  dans  lalcool  chaud  mais  pas  dans  l'alcool  froid, 
qu'il  appelle  Albane  et,  enfin,  une  résine  jaune  amorphe,  qu'il 
désigne  sous  le  nom  de  Fluavile. 

Tout  récemment,  M.  Oesterle,  procédant  à  une  analyse  plus 
approfondie,  découvrit  un  quatrième  composant  qu'il  nomma 
GuHane.  M.  Obach  se  livra  également  à  une  analyse  et  obtint  la 
composition  suivante  : 

ALBANE.  FLUAVILE. 

C=  78.06  p.  c.  0  =  80  79  p.  c. 

H  =10.58    —  H  =  il.00    — 

0  =  10.46    —  0=   8.21     — 


100.00  p.  c.  100.00  p.  c. 

ce  qui  correspond  à  la  formule  :  Gio  H,o  0.  La  composition  de  la 
fluavile  semble  varier  daprès  les  différentes  sortes  de  gutta- 
percha. 

La  gutta  pure  est  insoluble  dans  Téther  et  dans  l'esprit  de  pétrole 
faible  à  une  température  ordinaire,  tandis  que  l'albane  et  la  fluavile 
fondent  aisément  dans  ces  liquides.  L'un  ou  l'autre  de  ces  dissol- 
vants peut  donc  être  employé  pour  séparer  les  composants  rési- 
neux de  l'hydro-carbone. 

La  gutta  possède  toutes  les  bonnes  qualités  de  la  gutta-percha, 
mais  à  un  degré  plus  accentué  ;  elle  devient  molle  et  plastique  en 
chauffant  et  dure  et  résistante  en  refroidissant,  sans  être  le  moins 
du  monde  cassante. 

Quant  aux  résines,  elles  sont  molles  à  la  température  ordinaire 
et  très  friables  quand  elles  sont  dures. 

La  guttii  forme  donc  l'élément  précieux  de  la  gutta-percha  et  les 
résines  ne  sont  que  des  composants  accessoires  qui,  bien  que  tolé- 
rables  et  peut-être  même  désirables  en  quantité  relativement  petite, 
exercent  cependant  une  action  nuisible  quand  ils  sont  prépon- 


riiijuj:.:^   tiULiuniALiCd 


vend-il?  Qui  achète  ces  1,100,000  tonnes?  Qui  mange  ce  mil- 
liard passé  de  kilogrammes?  Il  y  a  trente-cinq  ans  déjà,  avant  la 
guerre  de  Dix  Ans,  en  1865,  on  calculait  que  les  Etats-Unis  à  eux 
seuls,  achetaient  62  p.  c.  du  produit  total,  les  autres  pays  22  p.  c. 
TEspagne  pas  plus  de  3  p.  c.  Pour  les  cinq  dernières  récoltes  que 
la  statistique  ait  analysées,  la  proportion  n'a  varié  qu'à  l'avantage 
des  Etats-Unis,  lesquels  en  sont  venus  presque  à  accaparer  tout  le 
sucre  de  Cuba  :  en  1893,  680,000  tonnes  sur  818,000,  en  1894, 
l'exporlation  totale  était  de  1,023,719  tonnes  dont  965.524  ont  été 
expédiées  aux  Etals-Unis,  24,372  au  Canada,  23,295  en  Espagne, 
10,528  en  Angleterre;  en  1895  les  Etats-Unis  ont  reçu  770  mille 
tonnes  sur  un  million,  en  1896,  ïla  totalité  de  la  production,  en 
1897,202,000  tonnes  sur  212,000. 

Les  Etals-Unis  sont  avec  l'Angleterre  les  plus  grands  importa- 
teurs de  sucre  du  monde.  Leur  importation  moyenne  annuelle  de 
sucre  brut  est  de  1,500,000  tonnes.  Pendant  les  années  de  la 
guerre,  l'Europe  avait  pris  la  place  de  Cuba  ruinée  par  la  lutte. 
C'est  alors  que  furent  établies  des  surtaxes  sur  le  sucre  de  bette- 
rave. Le  résultat  ne  se  fit  pas  attendre.  Pendant  l'année  finissant 
le  30  juin  1898,  sur  une  importation  de  2,600,000,000  de  livres, 
l'Europe  ne  prend  plus  part  que  pour  de  140,000,000  livres,  soit 
un  dix-huitième  seulement.  Le  sucre  do  cannes  que  ne  fournit  pas 
Cuba  est  apporté  sur  le  marché  américain  des  provenances  sui- 
vantes :  Java,  Antilles  anglaises,  Guyane  anglaise,  Saint-Domingue, 
Brésil,  Porto-Rico,  Philippines. 

a  On  peut  admettre,  dit  M.  le  baron  Nothomb,  que  1  importation 
du  sucre  aux  Etats-Unis  est  constante  et  n'augmente  qu'avec  sa 
population.  «  Le  sucre  européen  est  donc  en  compétition  directe 
avec  celui  de  Cuba.  Il  n'y  a  pas  de  place  à  la  fois  pour  une  importa- 
tion de  Cuba  de  950,000  tonnes  comme  en  1894  et  une  importation 
d'Europe  de  600,000  tonnes  comme  en  1897.  Aucun  des  deux 
centres  de  production  n'entend  céder  la  place  qu'il  a  perdue  l'un 
par  la  guerre,  l'autre  à  cause  des  surtaxes.  Les  Américains  mange- 
ront-ils du  sucre  de  canne  ou  de  betterave?  Problème  dont  la  solu- 
tion semble  devoir  être  le  triomphe  de  la  canne.  L'acquisition  de 
territoires  tropicaux  poussera  le  gouvernement  américain  de  plus 
en  plus  à  favoriser  la  fabrication  naturelle  au  détriment  de 
la  fabrication  artificielle.  L'annexion  de  Cuba  aux  Etats-Unis,  leur 


incorporation  au  nomore  des  btals  ne  l  Union,  est  vivement 
souhaitée  par  les  planteurs  et  les  grands  fabricants  de  sucre.  Par 
rafiranchissement  de  taxes  douanières  qui  en  serait  la  suite,  ce 
serait  la  fortune  doublée  ou  triplée  pour  eux.  Malheureusement 
pour  eux  ce  projet  a  contre  lui  la  nécessité  pour  les  Etats-Unis  de 
sauvegarder  les  intérêts  de  leurs  possessions  coloniales,  produc- 
trices de  sucre  dans  des  conditions  moins  avantageuses  que 
Cuba,  telles  sont  :  Hawaï,  Porto-Rico,  les  Philippines.  En  outre, 
il  existe  dans  l'Union  même  des  Etats  producteurs  de  sucre  et 
producteurs  dans  de  mauvaises  conditions.  La  production  de  la 
Louisiane  a  été  en  1894-1895  de  325,000  tonnes,  le  sol  est  moins 
favorable  que  celui  de  Cuba  et  la  plante  doit  être  replantée  tous 
les  ans.  Des  exploitations  sucrières  ont  (également  été  instaurées 
en  Californie. 

En  1893,  Cuba  a  exporté  9,300  pipes  de  rhum  (de  125  gallons) 
la  production  a  été  de  15,000  pipes.  Actuellement,  la  fabrication 
de  ce  produit  a  presque  disparu  à  cause  des  mesures  fiscales  et  du 
prix  peu  rémunérateur  qu'on  en  obtient. 

Le  tabac  vient  au  second  rang,  par  ordre  de  valeur,  dans  les 
productions  cubaines.  Le  poids  brut  de  la  récolte  annuelle  est 
inférieur  à  celui  de  beaucoup  d'autres  pays  producteurs,  mais  la 
qualité  en  est  particulièrement  appréciée,  surtout  celle  des  tabacs 
de  Textrémilé  occidentale  ou  Vuelta  de  Abajo  (province  de  Pinar 
del  Rio)  et  de  la  plaine  de  Manicaragua  (entre  Cienfuegos  et  Trini- 
dad).  Beaucoup  de  tabac  des  autres  Antilles  de  l'Amérique  Cen- 
trale est  envoyé  à  Cuba  pour  y  être  travaillé.  En  1893,  l'île  a 
exporté  227,865  balles  de  tabac.  La  plus  grande  partie  des  cigares 
fabriqués  est  consommée  dans  le  pays;  on  a  exporté  134  mil- 
lions 210,000  cigares  en  1894  et  en  1893,  39,581,493  paquets  de 
cigarettes.  Les  Etats-Unis  reçoivent  les  deux  tiers  de  l'exportation. 
Celle-ci  a  subi  depuis  1889,  une  diminution  rapidement  croissante. 
Entre  les  deux  années  extrêmes,  18S9-I897,  l'exportation  aux 
Etats-Unis  est  tombée  de  plus  de  100  millions  de  cigares  en  1889, 
à  34  millions  en  1897. 

Les  Etats-Unis  achètent  toujours  leur  provision  de  tabac  à 
Cuba,  mais  au  lieu  de  l'en  tirer  à  l'état  de  produit  fabriqué  ils 
len  tirent  à  l'état  de  matière  première  :  des  manufactures  ont  été 
établies  en  territoire  américain  et  il  y  a  là  trop  de  gens  avisés  qui 


courent  après  la  fortune  pour  qu  ils  n'aient  |»as  vu  la  nouvelle 
chance  d'enrichissement  qui  passait.  Aussi,  dit  M.  Charles  Benoist, 
Tont'ils  bien  vue,  et  ont-ils  supputé  qu'avec  les  bienfaits  d'une 
paix  durable  et  d'un  gouvernement  stable,  de  la  sécurité  garantie 
aux  producteurs  et  de  la  loyauté  garantie  aux  amateurs  —  en  par- 
tie peut-être  détournée  par  la  fraude;  —  avec  l'apport  nécessaire 
d'intelligence,  d'activité  et  de  travail,  les  240,000  balles,  qui  jadis 
faisaient  le  contingent  de  la  Vuelta  Abajo,  arriveraient  à  500,000 
et  qu'il  en  serait  de  même  dans  la  Havane,  dans  las  Villas  et  les 
provinces  orientales.  Et,  quand  ayant  le  Kentucky  à  fr.  0,85  le 
kilogramme,  les  Etats-Unis  auront  par  surcroit  les  tabacs  cubains 
à  1.85,  2.50  et  2.70  francs,  ils  en  tiendront  pour  tous  les  palais 
et  pour  toules  les  bourses;  et,  quand  fournissant  déjà  près  de 
500  millions  de  livres  (pouncls)  sur  les  deux  milliards  qui  sont 
consommés  dans  le  monde,  ils  disposeront,  en  outre,  des  62  mil- 
lions de  livres  que  produit  Cuba  et  des  8,800,000  livres  qu'y 
ajoute  Puerto  Rico,  ils  seront  les  maîtres  du  marché  du  labac. 
L'accaparement  des  tabacs  cubains  a  d'ailleurs  déjà  commencé. 
Avant  l'occupation  américaine,  les  compagnies  pour  l'exploitation 
du  tabac  étaient  :  P  the  Henry  Clay  and  Bock  Cy,  au  capital  de 
2,500,000  dollars;  2*^  the  Partagas  Cy,  compagnie  anglaise,  au 
capital  de  1,500,000  dollars;  3"  Upmann  and  C»,  société  allemande 
et  120  autres  marques  de  moindre  importance.  Depuis  l'occupation, 
il  s  est  créé  sous  le  tilre  de  The  Havana  commercial  Company,  un 
syndicat  américain  qui,  du  premier  coup,  a  absorbé  quatorze 
factoreries. 

Certaines  terres  consacrées  à  la  culture  du  tabac,  rapportent 
jusqu'à  7,000  dollars  par  an  de  tabac  par  hectare;  un  bénéfice  de 
10  à  35  p.  c.  sur  le  capital  intéressé  est  habituel.  Les  plantations 
n'appartiennent  gi^néralement  pas  aux  fabriques  de  cigares  de  la 
Havane;  celles-ci  préfèrent 'acheter  aux  plantations,  de  façon  à 
pouvoir  choisir  chaque  année  le  meilleur  produit,  il  y  a  des  excep- 
tions. Les  plantations  appartiennent  le  plus  souvent  à  des  Cubains  ; 
les  étrangers  réussissent  moins  bien,  le  tabac  devant  être  entouré 
de  soins  que  l'indigène  connaît  par  intuition. 

La  production  du  café  est  en  fait  abandonnée  à  raison  de  l'orgie 
de  production  du  Brésil.  La  culture  des  caféiers  suffit  actuellement 
à  peine  aux  besoins  de  l'île 


LA   GUTTA-PERCIIV 


689 


ture  (fig.  10,  A,  B,  C).  Ils  sont  formés  par  le  latex  coagulé  con- 
tenu dans  les  vaisseaux  dont  on  a  pu  voir  une  section  microsco- 
pique à  la  figure  9.  S'il  s'agit  d'une  tige  plus  ou  moins  forte 
(Bg  10  D),  il  faut  user  d'une  certaine  force  pour  vaincre  la  résis- 
tance de  ces  fils  et  les  rompre.  D'autre  part,  si  c'est  une  feuille 
d'un  arbre  à  gutta  de  qualité  inférieure  qui  est  brisée  de  cette 
façon,  on  n'observe  que  peu  ou  point 
de  ces  fils  et  par  suite  on  n'y  trouve 
que  peu  do  gutta. 

Un  arbre  de  dix  ans  donne  7  kilo- 
grammes de  feuilles  sèches,  et  un  de 
trente  ans,  11  kilogrammes.  Comme  les 
feuilles  contiennent  de  9  à  10  p.  c.  de 
gutla-percha,  on  pourrait  obtenir  de  la 
cueillette  annuelle  autant  que  l'on  retire 
maintenant  d'un  arbre  entier.  D'après  B 
une  évaluation  nouvelle  mais  probable- 
ment trop  optimiste,  un  arbre  de  Pala- 
quium,  âgé  de  quatre  ans  et  incisé 
convenablement ,  donnerait  environ 
15  katies  (donc  plus  de  9  kilogrammes) 
de  feuilles  fraîches  ;  un  arbre  de  pleine 
croissance  (?)  âgé  de  quinze  ans,  donne- 
rait sans  en  souffrir,  60  kilogrammes 
de  feuilles. 

Les  premières   méthodes    d'extrac- 
tion se  faisaient  au  moyen  d'agents  chi- 
miques.   Rigole  (1892)  se  servait  de  fig.  io. 
sulfure  de  carbone,  Sérullas  (1892)  de 

toluène  chaud,  Ramsay  (1897)  d'huile  de  résine,  Obach  (1897) 
d'esprit  de  pétrole  bouillant.  Rigole  obtenait  la  gutta-percha'  en 
distillant  la  solution,  Sérullas  et  Ramsay  en  la  précipitant  au 
moyen  d'acétone,  Obach  en  refroidissant  simplement  l'esprit  de 
pétrole.  Ces  différentes  méthodes  chimiques  ont  l'inconvénient  de 
mettre  en  danger  la  durabilité  de  la  gutta-percha,  notamment 
sous  l'action  de  l'air  ou  de  la  lumière. 

On  a  essayé  récemment  d'appliquer  une  méthode  mécanique.  On 
humecte  les  feuilles  au  moyen  d'eau  chaude;  on  les  réduit  en  poudre 


l'Espagne  avait  tout  intérêt  à  s'en  défaire  contre  espèces  son- 
nantes. L'Espagne,  trop  fière,  n'entendit  rien  ;  Cuba  est  mainte- 
nant perdue  pour  elle  et  non  seulement  on  ne  l'a  pas  payée,  mais 
elle  a  payé  pour  la  perdre.  Par  le  traité  de  paix,  signé  à  Paris  le 
10  décembre  1898.  entre  l'Espagne  et  les  États-Unis,  ces  derniers 
reçoivent  en  dépôt  de  l'Espagne,  qui  y  renonce,  pour  un  temps 
illimité,  ou  sans  autres  limites  que  celles  qu'il  leur  plaira  à  eux- 
mêmes  de  fixer  à  leur  occupation,  Hle  de  Cuba,  nette  pour  eux  de 
toutes  dettes  et  charges.  Les  plénipotentiaires  de  l'Union  disaient 
que  leur  pays  ne  prenait  pas  Cuba,  qu'ils  en  acceptaient  seulement  la 
garde;  que  l'Espagne  renonçait  bien  à  tout  droit  de  souveraineté  et 
de  propriété  sur  cette  île,  mais  qu'elle  ne  la  leur  cédait  pas,  tandis 
qu'elle  leur  cédait  Puerto-Rico  et  les  derniers  débris  qui  lui  res- 
taient des  Indes  occidentales,  avec  l'ile  de  Guame  dans  l'archipel 
des  Mariannes,  cela  gratuitement,  et  ceci  contre  une  indemnité  de 
20  millions  de  dollars,  l'archipel  des  Philippines;  que  gronde 
était  la  différence,  et  que  comme  l'Espagne  ne  cédait  pas  Cuba, 
elle  ne  pouvait  leur  céder  davantage  la  dette  de  Cuba.  Pour  éviter 
que  ce  soient  les  États-Unis  qui  aient  à  supporter  les  charges 
transmises,  ils  se  sont  refusés  à  paraître  accepter  la  souveraineté 
à  laquelle  les  Espagnols  renonçaient  sur  la  grande  Antille. 

L'évaluation  de  la  dette  de  Cuba  a  fortement  varié  d'après  les 
divers  économistes  qui  en  ont  parlé.  Récemment,  M.  Paul  Leroj- 
fiaulieu  arrivait  à  un  peu  au  delà  de  deux  milliards  de  pesetas; 
M.  Robert  Porter  arrêtait  au  30  décembre  1898  —  au  moment  des 
négociations  — le  total  de  la  dette  à  2,598  millions  de  francs.  Mais 
ce  qui  demeure  incontesté,  ce  qui  est  incontestable,  et  ce  qui, 
pour  l'avenir  est  important,  ce  que  tout  le  monde  reconnaît, 
Espagnols,  Cubains,  Américains,  c'est  que  jusqu'à  la  période  de 
troubles,  de  révoltes  et  d'expéditions  militaires,  qui  s'ouvre 
vers  1860,  le  budget  de  l'île,  si  médiocrement  administrée  et  si 
incomplètement  exploitée  qu'elle  fût,  se  soldait  par  des  excédents. 
Les  excédents  versés  au  Trésor  espagnol  étaient-ils  au  juste  de 
45  millions,  comme  on  le  croyait  en  1837,  ou  de  55  millions, 
comme  on  le  disait  en  1844,  et  comme  M.  Buchanan  le  répétait 
en  1848?  N'étaient-ils,  au  contraire,  que  de  dix  millions,  comme 
d'autres  le  soutenaient?  Toujours  est-il  que  c'étaient  des  excé- 
dents; que  c'était  de  la  richesse,  alors  que  par  toutes  sortes  de 


LA   CLTTA-VERCHA 


694 


Succédané  naturel.  La  balata. 

Par  contre,  il  existe  parmi  les  succédanés  naturels  de  la  gutta- 
perclia,  les  pseudo-gultas  comme  on  les  appelle,  au  moins  un 
genre,  qui,  dans  une  certaine  mesure,  peut  remplacer  la  gutta  : 
c'est  la  balata. 


FiG.    il. 


La  balata  est  le  produit  d'un  arbre,  le  Mimusops  Balata,  origi- 
naire de  la  Guyane,  de  la  Jamaïque,  de  l'île  Trinidad  et  du  Vene- 
zuela et  qui  appartient,  comme  les  arbres  à  gutta-percha,  à  la  famille 
des  sapotacces.  Cette  masse  possède,  jusqu'à  un  certain  degré,  les 
propriétés  qui  caractérisent  la  gutta-percha.  Elle  s'amollit  à  la 
chaleur  et  peut,  dans  cet  état,  être  versée  dans  des  formes  ou  roulée 
en  feuilles  comme  la  gutta-percha.  Elle  est  aussi  un  très  mauvais 
conducteur  de  l'électricité.  On  prétend  que  le  pouvoir  isolant  de  la 
balata  équivaut  à  celui  de  la  gutta-percha.  Comme  cette  dernière, 
la  balata  est  influencée  de  manières  très  diverses  par  la  lumière  et 


celles  qui  sont  improductives  sont  exemptes  de  la  taxe  ;  toutes 
les  surtaxes  sont  supprimées. 

Les  droits  d'entrée  et  d'exportation  sont  perçus  par  les  autorités 
militaires.  Ils  se  sont  élevés  pour  les  quatre  premiers  mois  de 
cette  année  à  4,443,999  dollars,  soit  i3  millions  par  an.  Les 
douanes  sont  placées  sous  le  contrôle  d'un  auditeur  du  service  des 
douanes.  Les  monnaies  espagnoles  et  américaines  ont  cours 
également.  Le  pîiys  est  administré  avec  extrêmes  prudence  et 
économie  par  les  autorités  militaires;  une  meilleure  forme  de 
gouvernement  ne  pourrait  pas  être  trouvée  dans  les  circonstances 
présentes.  Le  revenu  des  douanes  est  suffisant  pour  couvrir  les 
dépenses  générales  et  il  n'est  pas  nécessaire  de  recourir  à  des 
emprunts. 

Provisoirement,  aucune  concession  n'est  accordée.  L'adminis- 
tration militaire  veut  empêcher  l'arrivée  des  aventuriers  sans 
moyens  financiers  qui  s'abattent  sur  les  pays  neufs.  Le  plus  grand 
^ouci  du  moment  est  d'obtenir  des  populations,  et  avant  tout  des 
troupes  insurgées,  qu'elles  reprennent  la  culture  de  la  terre,  dont 
elles  sont  déshabituées.  Les  seuls  travaux  entrepris  actuellement 
sont  des  travaux  d'assainissement. 


LA    GtTTA-PERCHA  G93 

Les  prix  de  la  balala  sont,  en  général,  plus  élevés  que  les  prix 
moyens  des  gutta-percha  de  l'Asie,  ce  qui  prouve  que  celle  matière 
trouve  bon  emploi.  Aucune  surproduction  n'a  jamais  eu  lieu.  On 
se  propose  de  faire  des  plantations  de  balala  et  Ton  fait  valoir 
comme  avantage  que  les  arbres  ne  doivent  pas  être  abattus  pour 
qu'on  puisse  en  recueillir  le  suc- 

Un  intéressant  rapport  de  M.  Jenmau,  directeur  du  jardin  bota- 
nique de  la  Guyane  britannique  :  Balata  and  Balata  industinf,  lS85j 
le  travail  le  plus  sûr  qui  ait  paru  sur  cette  question,  fournit  encore 
quelques  renseignements  utiles. 

Le  nom  vulgaire  de  Bullettree  s'applique  à  deux  espèces  du 
genre  Mimusops,  le  M.  balata  et  le  M.  globosa.  La  balata  provient 
de  la  première  espèce  qui  s'étend  de  la  Jamaïque  et  de  l'île  Trinidad 
jusqu'à  la  Guyane.  Quelques  arbres  de  M.  globosa,  provenant 
de  la  Jamaïque,  qui  croissent  dans  le  jardin  botanique  de  la  Guyane 
britannique,  paraissent  être  d'une  autre  variété  que  les  arbres  du 
pays  que  Ton  désigne  sous  ces  deux  noms. 

Le  M.  balata  qui,  pour  bien  le  distinguer,  dcvTait  être  appelé 
non  bullettree  mais  arbre  à  balala,  atteint  jusqu'à  35  mètres  de 
hauteur  et  porte  une  large  couronne.  Le  tronc,  qui  a  près  de 
20  mètres  de  hauteur,  est  presque  cylindrique;  son  diamètre  est 
de  120  à  450  centimètres.  L'écorce  a  une  épaisseur  d'un  centi- 
mètre environ  et  est  couverte  de  crevasses,  s'étendant  dans  la 
même  direction,  à  la  distance  de  2.5  centimètres  environ.  Le 
bois  dur  et  solide  qu'on  connaît  à  Suriname  sous  le  nom  de  bois  de 
viande  de  cheval,  à  cause  de  sa  couleur,  est  un  des  plus  compactes 
de  la  colonie  ;  il  résiste  aux  termites  et  est  employé  dans  tous  les 
cas  où  l'on  exige  une  grande  solidité  et  une  longue  durée.  On  en 
exporte,  chaque  année,  de  grandes  parties  aux  I*ays-Bas.  Il  con- 
vient, entre  autres,  excellemment  pour  les  billes  des  lignes  de 
chemins  de  fer. 

L'arbre  est  plus  répandu  dans  l'Est  et  l'Ouest  de  la  colonie  que 
dans  le  Centre.  On  le  trouve  le  plus  fréquemment  depuis  la  rive 
Orientale  du  fleuve  Berbice  jusqu'au  Corenlin,  mais  il  s'étend 
encore  plus  loin  vers  la  Guyane  hollandaise  où  une  société  amé- 
ricaine a  obtenu  récemment  lautorisation  d'exploiter  la  balata 
sur  une  étendue  de  plusieurs  centaines  de  mille  acres.  En  règle 
générale,  les  arbres  sont  plus  nombreux  dans  l'intérieur  des 


de  caoutchouc.  Il  alloue  un  million  de  reis  par  lot  de  2,000  serin- 
gueiras  (arbres  à  caoutchouc)  plantés  convenablement.  Il  est  exigé 
que  la  plantation  soit  faite  sur  un  terrain  appartenant  en  propre  au 
planteur  ou  bien  loué  par  lui.  Par  contre,  une  taxe  de  23  p.  c. 
ad  valorem  est  perçue  à  la  sortie  des  gommes  élastiques. 

Etat  de  8ao-Paulo.  —  Vient  ensuite  l'Etat  de  Sao-Paulo  où 
Ton  rencontre  à  Tétat  naturel  le  mangaheira.  Cet  Etat  s'est  contenté 
jusqu'à  présent  d'établir  des  primes  pour  la  plantation  et  la  culture 
de  cet  arbre,  et  de  percevoir  un  droit  de  13  p.  c.  ad  valorem  sur 
le  caoutchouc  exporté. 

Etat  de  Matto  Grosso.  —  L'Etat  de  Matto  Grosso  garantit, 
par  la  loi  du  22  mars  1898,  à  ceux  qui  découvrent  de  nouvelles 
seringaes  (I)  le  droit  de  les  acquérir  à  titre  de  vente  ou  de  location, 
indépendamment  de  Tenchère  publique,  au  prix  établi  par  la  loi. 
Ce  droit  est  acquis  à  celui  qui,  ayant  l'intention  d  explorer  l'inté- 
rieur du  pays,  demandera  préalablement  à  la  Direction  des  terres 
l'autorisation  nécessaire,  en  indiquant,  autant  que  possible,  les 
limites  de  la  zone  qu'il  compte  parcourir. 

Aux  termes  de  la  loi  du  10  avril  1900,  la  permission  d'explora- 
tion ne  pourra  être  concédée  pour  plus  de  trois  ans  et  ne  compren- 
dra pas  une  étendue  supérieure  à  12,000  hectares. 

Le  prix  de  vente  des  terres  destinécsà  l'industrie  extractive,  qui 
était  fixé  à  5,000  reis  l'hectare  par  la  loi  du  H  avril  1898,  pourra 
être  abaissé  jusqu'à  3,500  reis. 

A  l'expiration  du  terme  de  la  permission  d'exploration,  le  décou- 
vreur devra  présenter  à  la  Direction  des  terres,  un  rapport  accom- 
pagné du  plan  des  terrains  parcourus,  afin  de  déterminer  son  droit 
d'acquisition.  Celui-ci  est  indépendant  des  enchères  publiques. 

Les  permissions  pour  l'exploration  sont  concédées  aux  conditions 
suivantes:  a)  le  requérant  doit  déposer  au  trésor  de  l'Etat,  une 
somme  de  cinq  cents  reis;  b)  le  concessionnaire  ne  pourra  pas 
extraire  de  caoutchouc  ou  quelque  autre  matière  végétale  avant 
d'avoir  acquis  les  terres  ou  se  trouvent  ces  produits. 


(1)  Ai'Ijpcs  à  caoulcli  «iic  cl  par  cxleiision,  forêts  où  ils  se  rcnronlrrnl 


Etat  des  Amazones.  —  Le  règlement  sur  la  répartilion  des 
terres,  du  i**"  juillet  1897,  organise  le  service  de  la  direction  des 
terres,  règle  le  mode  d'aliénation  des  terres  publiques  et  établit 
un  registre  obligatoire  de  toutes  les  terres  possédées  dans  l'Etat. 

Les  terres  vacantes,  c'est-à-dire  celles  qui  ne  sont  pas  consa- 
crées à  un  service  fédéral,  provincial  ou  municipal,  ou  qui 
n'appartiennent  pas  légitimement  à  un  particulier,  ou  dont  la 
possession  n'est  pas  fondée  sur  un  litre  valable,  peuvent  être  ven- 
dues par  TKtat,  soit  publiquement,  soit  autrement,  s'il  le  juge 
convenable.  Les  prix  seront  fixés  en  tenant  compte  de  la  situation 
des  lois  et  de  leur  destination.  Le  prix  des  terres  vacantes  est  fixé, 
dans  le  périmètre  des  villes,  à  un  milreis  le  mètre  carré,  et,  dans  les 
périmètres  suburbains,  à  500  reis.  Le  versement  du  prix  pourra  se 
faire  immédiatement  ou  à  terme.  Les  lots  des  périmètres  urbains 
ne  pourront  avoir  plus  de  22  mètres  de  façade  et  66  de  profondeur; 
ceux  des  périmètres  suburbains,  plus  de  50  mètres  de  façade  et 
132  mètres  de  profondeur.  Les  lots  destinés  à  l'industrie  agricole 
ou  à  l'élevage  ne  pourront  avoir  plus  de  12  kilomètres  de  longueur 
sur  12  de  profondeur,  et  ceux  qui  sont  destinés  à  l'industrie 
extractive,  plus  de  10  kilomètres  de  longueur  sur  10  de  profondeur. 

Les  lots  qui  sont  disputés  par  plusieurs  amateurs  seront  tou- 
jours mis  aux  enchères.  Les  terres  adjugées  publiquement  devront 
être  payées  immédiatement. 

il  ne  pourra  être  procédé  à  des  mesurages  dans  les  terres 
publiques  que  sur  la  requête  du  chef  du  département  de  l'indus- 
trie. Il  y  désignera  la  surface  à  délimiter  et  les  noms  des  posses- 
seurs. La  demande,  à  cet  effet,  devra  être  signée  par  un  ou  plu- 
sieurs possesseurs  intéressés. 

Quand  le  gouverneur  de  l'État  le  jugera  utile,  il  pourra  faire 
procéder  à  la  division  et  à  la  délimitation  d'une  partie  des  terres 
publiques  dans  le  but  de  les  mettre  en  vente  ou  de  les  faire  servir 
à  l'établissement  d  emigranis  ou  de  centres  de  colonisation.  Les 
ingénieurs  ou  géomètres,  chargés  de  ce  travail,  donneront,  autant 
que  possible,  une  forme  rectangulaire  aux  Jots. 

Tous  les  possesseurs  de  terres  de  l'Etat  sont  tenus  de  faire 
inscrire  leurs  propriétés,  peu  importe  sur  quel  titre  se  basent 
leurs  droits,  dans  un  registre  spécial,  dans  un  délai  de  deux  ans. 
Les  déclnrnlions,  h  opt  effet,  devront  porter  le  nom  du  possesseur, 


696  ÉTUDES  COLONIALES 

depuis  qu'on  commence  à  Texploitcr  jusqu'à  ce  qu'il  meure, 
jusqu'à  20  litres  de  suc 

A  Suriname,  on  applique  actuellement  un  système  d'entailles 
obliques  qui  se  rencontrent  latéralement  de  manière  que  tout  le 
sue  s'écoule  dans  une  même  calebasse.  4.50  litres  de  latex  donnent 
environ' 500  prammos  de  balata  séchée.  Un  récolteur  d'habileté 
moyonno  peut  recueillir  par  jour,  18  litres  de  suc.  Ceux  qui  sont 
très  expérimentés  peuvent  atteindre  jusqu'à  50  litres,  ce  qui 
représente  un  gain  de  30  marks. 

Dans  la  Guyane  française,  on  prétend  que,  par  des  saignées 
rationnelles,  on  peut  obtenir  en  été,  3  à  4  litres,  et,  pendant  la 
saison  des  pluies,  7  à  8  litres  de  suc.  On  compte  comme  minimum 
do  rapport,  un  litre  par  arbre. 

Autrefois,  on  abattait  les  arbres  pour  les  saigner  ensuite.  On 
creusait  dans  Fécorce  dos  canaux  courant  dans  la  même  direction, 
à  une  distance  de  30  centimètres  l'un  de  fautrc.  Actuellement, 
celte  nv'thode  semble  être  abandonnée  par  tout  le  monde. 

Pour  sécher  le  latex,  on  le  verse  dans  des  baquets  en  bois  peu 
profonds  (jue  l'on  a,  au  préalable,  enduits  de  savon,  d'huile  ou  de 
graisse  pour  éviti^r  que  la  balata  n'y  adhère.  Ces  baqu<  ts  sont  expo- 
sés le  plus  possible  à  Tair,  parfois  même  au  so'eil  Quand  le  temps 
est  beau,  la  balata  est  séchée  en  deux  ou  trois  jours;  quand  il  fait 
humide,  l'opération  dure  une  semaine  ou  encore  plus.  Quand  le 
séchage  est  arrivé  au  pnint  que  le  suc  d'un  baquet  forme  une 
feuille  compacte,  on  renverse  le  baquet  sur  une  latte  ou  une  corde. 
Ce  qui  reste  d'humidité  s  eeoule  alors  rapidement  des  feuilles  qui 
se  durcissent. 

On  trouve  beaucoup  de  matières  étrangères  dans  le  suc  La 
falsiticalion  s'exerce  sur  une  large  échelle.  Les  agents  doivent  tou- 
jours être  sur  le  qui-vive  pour  ne  pas  être  trompés. 

Si  la  Indala  constitue  un  précieux  succédané  de  la  gulta-percha, 
on  n  a,  par  contre,  guère  rencontré  de  succès  dans  la  recherche 
d'autres  produits  naturels  du  même  genre.  L'attention  a  tout 
d'abord  été  portée  sur  les  nombreuses  espèces  de  Palaquium, 
par  exemple,  sur  le  produit  du  Palaquinm  ellepticum,  appelé 
Pauchonlee.  C'est  un  arbre  que  l'on  trouve  à  \Vynaad,  à  Coorg  et 
à  Travanoore  dans  l'Inde.  Jusqu'à  présent,  on  a  trouvé  le  moyen 
de  rendre  cotte  matière  susceptible  de  prendre  ditTérentes  formes; 


LA  GUTTA-PERCHA 

seulement  quand  elle  se  refroidit,  elle  devient  cassante  et  rési 
ueuse.  Elle  est  de  peu  d'utilité  comme  produit  à  mélanger  à  la 
gutta-percha.  Le  Palaquium  obovatum,  de  la  presqu'île  Malaise  et 
de  Mergui  na  pas  donné  de  meilleurs  rt^sultats.  Il  en  est  de  même 
du  Palaquium  Krantziajium,  de  la  Cochinchine,  du  Palaquium 
Sussu,  de  la  Nouvelle-Guinée  et  d'autres  encore.  On  n'a  pas  été 
plus  heureux  avec  les  produits  de  diverses  espèces  du  genre 
Payena,  connue  par  exemple,  le  P.  Bawun  et  le  Mentzeli,  de  la 
Nouvelle- Guinée.  On  a  aussi  essayé  diflérenles  espèces  deMimu- 
sops,  mais,  a  part  le  M.  balata  et  aussi  le  globosa  on  n'a  obtenu 
que  de  mauvais  produits,  comme  par  exemple,  du  M.  elata  du 
Brésil,  du  Massaranduda  qui  possède  un  suc  que  l'on  peut  boire, 
et  du  Schimperi  d'Abyssin ie. 

On  avait  fondé  de  grandes  espérances  sur  le  Butyrospermum 
Parkii,  dont  l'arbre  appartient  également  à  la  famille  des  sapota- 
cées.  D'après  les  analyses  de  Heckel  et  deSchIagdenhauffen,  cette 
matière  ne  contient  pas  moins  de  91.5  p.  c.  de  gutta  pure  à  côté 
de  6  p.  c.  d'albane  et  de  2,5  p.  c.  de  fluavile.  Dans  un  autre 
échantillon  assez  vieux  et  qui  n'était  plus  en  bonne  condition, 
Obach  n'a  trouvé  que  14  p.  c.  d'une  matière  ressemblant  à  de  la  cire 
et  qui  n'était  ni  dure  ni  résistante.  Il  est  vrai  qu'il  peut  s'ôtre  pro- 
duit une  fermentation.  11  semble,  d'après  les  expériences  qui  ont 
été  laites  en  petit,  que  ce  produit  ne  convienne  pas  à  la  fabrication 
des  câbles  mais  qu'il  se  prête  fort  bien  à  la  reproduction  de  cli- 
chés et  à  la  fiibrication  de  galvanos.  Le  Selvbnttcr  extrait  des 
graines  contient  aussi,  à  ce  que  l'on  dit,  de  0,5  à  0,7  p.  c.  d'une 
matière  analogue. 

On  a  également  expérimenté  le  suc  durci  de  ÏAchras  Sapota,  un 
arbre  fruitier  bien  connu  des  tropiques  de  la  famille  des  sapota- 
cées  mais  on  n'a  pas  non  plus  obtenu  de  résultat.  (îe  produit  a 
conquis  depuis  quelques  années  une  grande  importance  dans  lAmé- 
rique  du  Nord,  sous  le  nom  de  Chicle,  On  obtient  cette  matière 
du  tronc  et  des  fruits  par  pression  et  fermentation.  D'après  l'ana- 
lyse, ce  produit  contient  17,2  p.  c,  de  caoutchouc  mais  pas  de 
véritable  gutta;  ensuite,  44,8  p.  c.  de  résine,  9  p.  c.  de  sucre, 
4  p.  c.de  gomme  et  8,2  p.  c.  de  matières  autres  que  l'eau.  Ce  pro- 
duit ne  vaut  rien  pour  isoler  les  fils  télégraphiques,  mais  comme 
il  est  assez  plastique,  il  est  propre  à  la  fabrication  de  statuettes  ;  il 


Un  jour,  fatigué  de  tousser  et  de  cracher,  il  fit  mander  un 
savant  des  environs  et  lui  demanda  conseil  : 

Examen  de  lurine...  des  chèvres  du  malade;  auscultation  de 
quelques-uns  de  ses  sujets,  invocation  à  Allah,  à  la  lune,  aux 
étoiles,  absorption  de  quelques  queues  de  rats  et  de  lézards  et 
surtout  de  moult  pots  de  bière  de  sorgho;  recueillement  pour 
méditation  (chez  nous,  on  dirait  pour  cuver  l'ivresse)  et,  finale- 
ment, décision  : 

Le  cas  étant  grave,  il  fallait  un  remède  énergique.  On  fit  incor- 
porer au  patient  environ  500  grammes  de  cheveux  coupés 
menus.  Il  a  fallu,  pour  les  avoir,  tondre  une  dizaine  de  têtes 
plus  sales  les  unes  que  autres  (le  lavage  de  cheveux  en  aurait  fait, 
paraît-il,  disparaître  les  propriétés  curatives). 

Le  chef  avale  stoïquement,  souffre  mille  morts,  tousse,  crache, 
rctousse,  crache  du  sang,  vomit,  a  des  convulsions,  se  tord, 
s'affale,  se  roule  par  terre. 

Et  le  savant,  fort  de  sa  science,  restait  calme,  prédisant  la  gué- 
rison  avec  un  sérieux  imperturbable- 

Au  bout  de  quelques  jours,  ;les  tortures  prirent  fin;  mais  le 
uiaiade  avait  ajouté  une  maladie  d'estomac  à  sa  maladie  de  poitrine, 
ce  qui  rendit  ce  malheureux  inconsolable,  car  c'était  un  goulu 
remarquable. 

Le  médecin,  pas  béte,  se  fâcha  contre  le  chef  et  lui  attribua  la 
cause  de  son  infortune.  Il  était,  m'a  confessé  lui-même  le  pauvre 
diable,  mal  préparé  à  recevoir  la  médecine,  et  les  cheveux  ont 
poussé  dans  son  ventre?  Le  chef  le  croit,  et,  côr^  comique,  ce 
brave  homme  raconte  bénévolement  son  aventure  à  qui  veut 
l'écouter  et  ajoute  invariablement  :  «  Ne  faites  pas  comme  moi, 
mon  ami,  et,  si  un  jour  vous  devez  avaler  des  cheveux,  faites  bien 
attention  qu'ils  ne  repoussent  pas  dans  votre  ventre  ». 

Merci  bien  !  Je  profiterai  du  conseiL 

Commandant  L.  Chaltin. 


GÉNÉRALITÉS 


Quelques  remarques  sur  la  méthode  de  Romano^w^sky.  — 
Dans  un  des  précédents  numéros  du  Bulletin,  nous  avons 
décrit,  en  quelques  mots,  la  méthode  de  coloration  de  Roma- 
nowsky-Zumann,  telle  que  remployaient  les  auteurs  italiens  à  la 
fin  de  1899.  Nous  disions  alors  qu'il  fallait  pour  réussir  la  colora- 
tion des  hématozoaires  de  la  malaria,  des  matières  colorantes 
spéciales  extrêmement  pures  :  bleu  de  méthylène  médicinal  et 
éosine  p  de  la  fabrique  de  Hôchst.  De  plus,  il  fallait  mélanger  ces 
colorants  en  proportions  exactement  mesurées. 

N'ayant  pas  à  notre  disposition,  au  laboratoire  de  Léopoldville, 
ces  matières  colorantes  spéciales,  nous  avons  essayé  une  méthode 
recommandée  dernièrement  par  le  D*'Nocht,de  Hambourg.  D'après 
lui,  ce  qui,  dans  la  méthode  de  Romanowsky,  donne  à  la  chromo- 
line  la  coloration  spéciale,  est  une  matière  colorante  rouge  qui  se 
produit  dans  les  solutions  alcalines  de  bleu  de  méthylène.  Sans 
rien  préjuger  quant  à  la  nature  de  ce  produit,  Noclit  l'a  appelé 
a  Rolh  aus  methylenblau  ». 

Voici  comment  nous  procédons  actuellement  : 

Nous  diluons,  dans  1  2  c.  c.  d'eau  trois  à  quatre  gouttes  d'une 
solution  d'éosine  AG.  à  2  Vo.  (la  seule  éosine  cristallisée  dont  nous 
disposions).  Nous  ajoutons  ensuite  goutte  à  goutte  une  solution  de 
bleu  de  méthylène  à  2  p.  c.  jusqu'à  obtention  d  une  coloration 
violette. 

Nous  agitons  soigneusement  le  mélange  dans  lequel  se  produit 
un  précipité  très  lin,  et  ajoutons  trois  à  quatre  gouttes  de  «  poly- 


chromes  métbylenblau  »  de  Unna  (étant  alcaline,  cette  solution 
renferme  en  assez  grande  quantité  du  «  Rolh  aus  métbylenblau  »). 
Les  préparations  séchées  de  sang  sont  fixées  dans  l'alcool  absolu 
pendant  dix  à  quinze  minutes,  séjournent  dans  le  mélange  colo- 
rant pendant  cinq  minutes,  et  sont  lavées  soigneusement  à  VesiU 

Les  avantages  des  modifications  du  D*^  Nocht  sont  multiples  : 

1*>  La  coloration  est  beaucoup  plus  expéditive  que  par  le  procédé 
de  Zumann  ; 

2**  Il  ne  faut  pas  de  matières  colorantes  spéciales; 

«3«  Les  solutions  peuvent  être  à  n'importe  quel  titre  ; 

4"  Les  proportions  des  différentes  solutions  ne  doivent  pas  être 
rigoureusement  mesurées  ; 

5*  Enfin,  la  coloration  est  absolument  sûre. 

La  méthode  de  Romanowsky  étant  actuellement  le  meilleur  pro- 
cédé de  coloration  pour  l'hématozoaire  de  la  malaria,  il  n'est  pas 
sans   intérêt  de  signaler  les  perfectionnements  qu'on  y  apporte. 

(Communiciilion  du  D''  A.  Broden.) 

La  malaria. — Dans  la  conférence  qu'il  a  faite  à  la  réunion  annuelle 
de  la  British  Association  au  mois  de  septembre  dernier,  Je  major  Ross 
a  établi  de  la  manière  suivante  les  différences  qui  existent  entre  les 
deux  genres  de  moustiques  :  les  Anophèles  et  les  Culex. 

Le  genre  Anophèles  seul  est  dangereux;  l'autre  est  parfaitement 
inoffensif.  On  peut  facilement  le  distinguer  l'un  de  l'autre.  Ainsi,  les 
Anophèles  se  posent  sur  les  murs  en  dressant  leur  queue  perpendicu- 
lairement au  mur.  Les  Culex,  au  contraire,  laissent  pendre  leur 
queue.  Les  Culex  se  reproduisent  dans  l'eau  contenue  dans  des  vases 
ou  des  seaux;  les  Anophèles,  dans  les  marais.  Les  larves  des  CtUex  cou- 
lent à  fond  quand  on  les  dérange,  celles  des  Anophèles  glissent  le  long 
de  la  surface. 

Il  est  douteux  que  les  œufs  de  V Anophèles  puissent  vivre  au  delà  de 
quelques  jours  hors  de  l'eau.  Les  œufs  sont  déposés  en  forme  de 
triangle  équilatéral.  Ils  éclosent  rapidement  et  les  larves  se  nourrissent 
alors  de  l'écume  verte  qui  nage  sur  l'eau.  Une  soirée  tranquille,  après 
ou  avant  la  pluie,  est  le  temps  le  plus  favorable  à  Téclosion  des  larves. 
Les  adultes,  à  ce  que  pense  le  major  Ross,  peuvent  vivre  un  an.  On  a, 
en  tout  cas,  pu  les  conserver  en  vie  dans  des  tubes  pendant  plus  de 
un  mois.  Il  est  certain  aussi,  qu'en  Angleterre  et  en  Italie,  ils  hivernent. 


i 


La  femelle  de  V Anophèles  seule  fait  des  morsures, 
soit  la  période  où  ces  moustiques  se  repaissent 
constate  des  morsures  pendant  toute  la  journée  di 
dentale.  Le  Culex  se  reconnaît  à  son  bourdonnemei 
contraire,  est  silencieux.  On  peut  donc  être  mordu 
voir  immédiatement. 

Le  major  Ross  a  constaté  que  l'absorption  de  sa 
pour  amener  les  œufs  à  maturité.  Il  a  observé  des 
tiques  et  il  ne  les  a  jamais  vu  pondre  qu'après  un  n 

La  cartographie  des  colonies  allemandes. — 
de  1901,  contiendra  les  crédits  suivants  destinés  a 
cartes  des  colonies  allemandes:  pour  le  Kamerun,  4 
les  Togo,  3,000  marks  ;  pour  l'Afrique  Sud-Occiden 

On  va  reprendre  la  publication  des  cartes  con 
orientale  allemande.  La  feuille  relative  au  delta  de 
presse,  d'autres  suivront  dans  le  courant  de  l'hiver 
destinés  à  permettre  des  relevés  topographiques  et  d 
de  lieux  ont  été  confiés  à  des  fonctionnaires  et  à  de 
sont  déjà  distingués  dans  ce  genre  de  travaux.  D'i 
d'instruments  ont  eu  lieu  pour  les  différentes  coh 
pour  l'Afrique  Sud-Occidentale. 

En  ce  qui  concerne  la  fixation  des  points  les  plus  ii 
dressement  des  cartes,  on  estime  qu'il  ne  sera  pas  née 
des  spécialistes  au  Togo  ni  dans  l'Afrique  orientale, 
différentes  commissions  de  délimitation  des  froi 
régions  sont  pleinement  suffisants.  Dans  l'Afrique  or 
gulations  faites  dans  l'IJzambara  et  les  travaux  de  l'cj 
de  l'astronome  Koklschùtze,  ont  fourni  un  grand  n( 
de  repère  sûrs.  On  attend  aussi  de  M.  Lamp,  membn 
du  lac  Kivu,  d'importantes  déterminations  de  lieu 
.Vord-Ouest  de  l'Afrique  allemande  orientale. 

Dans  l'Afrique  allemande  Sud- Occidentale,  de  nom 
nations  locales  ont  eu  lieu  aux  cours  des  rectificatioi 
faites  de  concert  avec  les  Anglais.  Ces  travaux  ont  été 
tance  d'un  astronome  de  l'observatoire  du  Cap. 

Dans  le  Kamerun,  il  n'existe  pour  ainsi  dire  pas  de 
astronomiques.  On  se  propose  de  joindre  un  astronoi 
sion  de  rectification  des  frontières  qui  se  dirigera 
iSaiign.  D'autiv  pari^  un  sjH'i'iuJitstc  acrnjujiii^uuj'Hi  in  i^v 
t[ui  va  se  diriger  vers  la  lioime. 


Comme  il  est  très  difficile  de  trouver  des  astronomes,  on  a  proposé 
de  mettre  au  courant  de  cette  science  des  officiers  qui  ont  déjà  fait 
preuve  de  capacités  et  d'endurance  aux  colonies.  Les  Français  et  les 
Anglais  ont  appliqué  cette  façon  de  procéder  depuis  longtemps,  et 
avec  succès. 


AFRIQUE 


Expédition  Congolo-Allemande  du  lac  Kivu.  —  D'après  la 
Deutsch  Ost  Afrikanische  Zeitung^  les  membres  allemands  de  l'expé- 
dition se  sont  mis  en  route  pour  le  lac  Kivu,  au  commencement  du 
mois  d'octobre.  Ils  sont  partis  de  Daar-es-Salaam,  se  dirigeant  sur 
Tabora.  Les  Belges  prendront  la  voie  d'eau,  via  Chinde.  Les  Allemands 
ont  mis  à  leur  disposition  les  vapeurs  Hermann  von  Wissmann  et 
Hedwig  von  Wissmann. 

On  compte  inaugurer  les  travaux  vers  la  fin  de  l'année,  probable- 
ment vers  le  15  décembre.  On  commencera  à  déterminer  la  positio» 
astronomique  de  l'extrémité  Nord  du  lac  Tanganyka  et  ensuite,  la  ligne 
partant  de  cet  endroit  jusqu'au  point  d'intersection  du  30®  degré  de 
de  longitude  Est  de  Greenwich  et  du  1.20''  degré  de  latitude  Sud.  Dès 
que  ce  point  aura  été  fixé,  on  y  élèvera  une  pyramide  en  pierre.  Dne 
autre  pyramide  sera  placée  à  l'extrémité  Nord  du  lac  Tanganyka.  On 
en  posera  également  de  distance  en  distance  le  long  de  la  ligne  géodé- 
sique  qui  reliera  ces  deux  points. 

La  détermination  des  deux  points  extrêmes  sera  particulièrement 
difficile  parce  que  tous  les  calculs  devront  se  faire  à  l'aide  de  la  lune. 
Quand  il  s'est  agi  d'établir  la  frontière  anglo-allemande  au  Sud  du 
Nyassa,  on  a  pu  se  servir  de  l'observatoire  du  Cap  par  l'intermédiaire 
du  télégraphe. 

Le  travail  de  l'expédition  sera  facilité  par  les  éludes  du  D'  Kaudt 
qui  se  propose  de  refaire  le  tour  du  lac  Kivu,  mais  en  sens  contraire, 
cette  fois.  Malheureusement  les  travaux  du  D'  Kaudt,  n'offrent  pas  ime 
certitude  absolue  parce  qu'il  n'est  pas  spécialiste  et  qu'il  n'a  pas 
suffisamment  de  bons  instruments. 

On  est  disposé  à  croire,  d'après  les  dernières  nouvelles  reçues,  que 
le  lac  Kivu  ne  se  trouve  pas  situé  autant  à  l'Est  qu'on  le  pensait.  Les 
Allemands  n'obtiendraient  donc  au  plus,  qu'une  partie  de  ce  lac. 


Afrique  centrale  anglaise.  —  Le  commissa 
traie  anglaise  constate,  dans  son  rapport,  que  la 
graphe  africain  transcontinental  étend  progressif 
le  Nord.  Elle  est  maintenant  en  voie  de  constructi( 
taie  du  Tanganyka.  La  compagnie  a  aussi  établi 
du  lac  Nyassa  à  Fort  Jameson,  le  siège  actuel  de 
pany  dans  le  Nord-Est  de  la  Rhodésia.  Cet  embran( 
en  octobre  1899  et  a  fonctionné  depuis  lors,  d*ui 
santé.  La  compagnie  continue  à  employer  des  ouvi 

De  nouvelles  routes  ont  été  créées  dans  différent! 
d'elles  qui  se  dirige  de  Domvia  Bay  à  Fort  Jamesc 
nera  un  accès  facile  du  lac  Nyassa  au  siège  de  la  çoi 
un  parcours  moins  long  que  celui  de  la  route  de  ¥ 

L'année  écoulée  a  démontré  d'une  favon  conclua 
construire  un  chemin  de  fer  de  Chiromo  à  Blai 
éventuellement  être  prolongé  jusqu'au  lac  Nyassa.  . 
la  main-d'œuvre  qui  pourrait  être  employée  au  dé\ 
culture  est  absorbée  par  les  transports  à  effectuer 
tyrc.  Les  nécessités  des  transports  OHt  augmenté  d; 
portions  que  tous  les  hommes  dont  on  pourrait  dis 
ne  suffiront  pas.  Les  indigènes  préfèrent  le  portag 
vail  car  ils  y  gagnent  plus  vite  et  plus  facilement 
probable,  à  moins  que  l'on  ne  construise  un  cher 
protectorat  de  l'Afrique  centrale  ait  atteint  le  max 
duction  et  de  ses  exploitations.  Une  ligne  de  chem 
trait  d'utiliser  pour  l'agriculture  Jes  milliers  d'in 
actuellement  aux  transports. 

Abyssinie.  L'expédition  Léontieff.  —  Comr 
comte  Léontieff*  est,  depuis  plusieurs  années,  au  ser 
On  ne  possédait  que  peu  de  renseignements  sur  Tact 
rateur  dans  le  Sud  de  l'Abyssinie.  Léontieff*  vient  de 
Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Paris,  un  réc 
tion  accompagné  d'une  carte  intéressante.  Il  en  rési 
tieff' a  conduit  les  troupes  de  Ménélick  à  la  conque 
qui  se  trouvent  au  delà  de  Choa  et  de  Kaff*a,  dans  la 
dionale.  Il  a  aussi  rapporté  de  son  expédition  de  pré 
ments  scientifiques  sur  le  Sud  de  l'Ethiopie.  Ménclicl 
soumettre  eff*cctivement  à  sa  puissance  les  territoire 
vers  les  pos^^essiuns  biila!ini([iies  dans  ki  dîrcelioji  d 
du  Nil  et  do  SobiU  et  qui  lui  avxiîpnt  oit' attribues  c*oïr. 


fluenco.  Nous  savons,  du  reste,  par  les  voyages  récents  de  Bonchamps, 
de  Wellby  et  de  Smith,  que  la  puissance  de  Ménélick  s'est  établie 
jusqu'à  une  grande  distance  dans  l'intérieur  du  pays  des  Gallas  et  que 
ses  troupes  traversent  —  et  dévastent  —  les  contrées  situées  sur  les 
frontières  occidentales  de  son  empire. 

Léontiefl'  fut  nommé,  en  1898,  général-gouverneur  des  provinces 
équatorialcs  d'Abyssinie.  Elles  s'étendaient  alors  jusqu'au  lac  Pagade 
et  à  la  bouche  méridionale  dé  l'Omo.  Il  partit  d'Addis-Ababa,  le 
1"  juin  1899  pour  en  prendre  possession  et  les  étendre.  L'expédition 
qui  était  commandée  par  un  état-major  d'officiers  russes  et  français  et 
qui  disposait  de  plusieurs  maxims,  était  composée  de  quelques  cosa- 
ques, de  130  tirailleurs  sénégalais,  de  50  cavaliers  arabes  montés  sur 
des  chameaux  et  de  2,000  hommes  de  cavalerie  et  d'infanterie  abys- 
sines. Ces  derniers  qui  étaient  accompagnés  de  leurs  femmes  et  de 
leurs  enfants,  devaient  dans  la  pensée  de  Léontieff,  servir  à  coloniser 
les  provinces  gallas. 

Léontieff  se  dirigea  vers  le  Sud-Ouest  le  long  du  versant  oriental 
des  monts  d'Ethiopie,  Il  traversa  ceux-ci  à  7  degrés  de  latitude  Nord, 
prés  de  la  bouche  centrale  de  l'Omo  et  reprit  possession  du  pays  des 
Gallas  au  Sud  de  ce  cours  d'eau.  Il  avait  déjà  résidé  précédemment 
dans  la  ville  de  Bako  en  qualité  de  gouverneur. 

Cette  région  de  plateaux  dont  l'altitude  est  de  1,200  mètres  et  davan- 
tage est  très  peuplée  et  bien  cultivée.  Partout,  on  rencontre  des  plan- 
tations de  café,  au  milieu  desquelles  se  trouvent  des  villages.  La  ville 
de  Bako  même  compte  2,000  huttes  ce  qui  représente  une  population 
d'environ  10,000  âmes.  Elle  possède  un  grand  palais  gouvernemental 
et  une  église  abyssine.  Elle  se  trouve  à  une  altitude  de  2,600  mètres  et 
constitue  une  fortification  naturelle,  facile  à  défendre.  Léontieff  ne 
rencontra  guère  de  difficultés  à  rétablir  l'autorité  abyssine  dans  le 
pays.  Il  laissa  des  garnisons  dans  les  principales  villes  et  se  dirigea 
vers  le  Sud  avec  les  800  hommes  qui  lui  restaient  pour  soumettre  les 
tribus  indépendantes  de  l'Omo  inférieur.  Il  eut  à  soutenir  de  nom- 
breux combats.  Un  jour,  entre  autres,  il  livra  bataille  à  une  troupe 
de  6,000  hommes  qui,  bien  que  dépourvus  d'armes  à  feu,  se  battirent 
avec  la  dernière  énergie.  Après  le  combat,  Léontieff  avait  perdu  plus 
du  quart  de  son  effectif.  Il  soumit  ensuite  le  pays  jusqu'au  lac 
Rodolphe  et  éleva  le  Fort  Sénégal  sur  l'Omo  inférieur.  Il  retourna 
alors  à  Addis  Ababa  et  de  là  en  Europe  pour  préparer  une  nouvelle 
expédition.  Deux  de  ses  officiers  poursuivirent  la  conquête  vers  le  Sud 
pendant  son  absence  et  construisirent  le  Fort  Ménélick  à  3  degrés  de 
latitude  Nord,  sur  la  rive  du  lac  Rodolphe. 


Les  relevés  faits  par  M.  Léontieff  sont  d'une  grande  précision.  Ils 
sont  du  reste  appuyés  par  des  observations  astronomiques.  L'itiné- 
raire de  l'explorateur  complète  les  routes  suivies  par  Vanderheyne, 
Bottego,  Darragon,  Wellby  et  autres.  En  certains  points,  notamment 
au  Sud  de  la  route  de  Bottego  et  jusque  près  du  lac  Rodolphe, 
M.  Léontieff  a  parcouru  des  régions  absolument  inconnues  avant  lui. 
La  rive  occidentale  du  lac  Rodolphe  avait  déjà  —  ce  que  M.  Léontieff 
ignorait  —  été  précédemment  relevée  par  Bottego  (1896),  Caven- 
dish  (1897)  et  en  partie  par  le  major  Austin  (1898).  Pour  le  surplus, 
l'itinéraire  du  comte  Léontieff  concorde  parfaitement  avec  ceux  de  ses 
devanciers. 

Le  comte  Léontieff  est  en  route,  en  ce  moment,  vers  le  lac  Rodolphe 
sur  lequel  il  compte  lancer  un  steamer.  Les  journaux  ont  parlé  der- 
nièrement d'une  expédition  française  qui  aurait  été  arrêtée  par  les 
Anglais  dans  le  pays  des  Somalis  ou  des  Gallas.  On  se  demande  —  si 
ce  bruit  est  fondé  —  s'il  ne  s'agit  pas  de  l'expédition  Léontieff'  qui  est 
accompagnée  par  des  troupes  coloniales  et  des  officiers  français.  Il 
est  à  remarquer,  d'ailleurs,  que  le  Fort  Ménélick  près  du  lac  Rodolphe 
se  trouve  sur  un  territoire  réclamé  par  l'Angleterre. 

Abyssinie.  Expédition  Erlanger  et  Neumann.  —  Les  mem- 
bres de  l'expédition  scientifique  du  baron  Carlo  Erlanger  et  de 
M.  Oscar  Neumann  ont  quitté,  le  7  juillet  dernier,  Scheikh  Hussen,  la 
ville  sainte  des  mahométans  pour  se  diriger  au  Sud-Ouest  vers  la 
montagne  Gara  Daz.  Au  pied  de  la  montagne,  ils  découvrirent  de 
nombreuses  pétrifications,  notamment  des  exemplaires  (ÏActaconella, 
le  fossile  typique  de  l'âge  miocène.  Ils  escaladèrent  cette  montagne 
dont  la  hauteur  est  de  2,800  mètres  et  visitèrent  le  temple  qui  s'y 
trouve.  Ils  se  dirigèrent  ensuite  vers  Abulcassine  situé  sur  la  rive  Nord 
du  Wabbi.  Il  s'y  trouve  également  un  temple  qui  sort  de  lieu  de  pèle- 
rinage à  la  population  musulmane  de  la  région.  Un  bon  chemin 
conduit  au  sommet  ;  il  est  pourvu  de  garde-fous  en  bambous  aux 
endroits  dangereux.  Près  du  sommet,  se  trouvent  des  grottes  sacrées; 
et,  dans  un  grand  pan  de  rocher,  on  découvre  de  nombreuses  cavernes 
d'accès  difficile  qui  servent  d'abri  aux  pèlerins.  A  peu  de  distance  de 
là,  on  voit  le  tombeau  du  grand  Sheikh  ;  il  est  orné  d'anneaux  de 
cuivre,  de  perles  de  verre  et  d'autres  objets  considérés  comme  précieux 
dans  cette  contrée.  Tous  ces  trésors  sont  à  découvert  et  personne  ne  les 
surveille.  Aucun  croyant  n'oserait  d'ailleurs  y  toucher.  Tout  alentour 
.  de  la  montagne,  on  ne  découvre  ni  habitation,  ni  ferme.  Les  pèlerins 
doivent  traverser  le  fleuve  Wabbi  pour  atteindre  la  montagne. 


/ 


D*Abulcassine,  rexpédition  se  dirigea  vers  le  plateau  de  Didda  dans 
le  pays  des  Gallas  Arussî.  Il  constitue  une  grande  plaine  d'herbes, 
froide  et  rude.  On  n'y  aperçoit  que  des  fermes  isolées.  Les  habitants 
qui  galoppent  de  l'une  à  l'autre  sur  leurs  petits  chevaux  ardents,  font 
plutôt  songer  aux  anciens  Huns  qu'à  une  peuplade  africaine. 

Entre  Hanash  et  Addis  Ababa,  le  chemin  devint  beaucoup  plus 
mauvais.  La  saison  des  pluies  avait  commencvé.  Le  Hotzo,  affluent  du 
Hanash,  s'était  transformé  en  un  torrent  impétueux.  Il  se  jetait,  en 
une  largeur  de  180  mètres  d'un  rocher  de  20  mètres  de  haut.  L'expé- 
dition dut  abandonner  un  grand  nombre  de  charges  ;  les  chameaux  et 
les  bêtes  de  somme,  s'enlisaient  dans  la  boue. 

Les  relevés  faits  au  cours  de  la  route  ont  permis  de  compléter  les 
itinéraires  de  Donaldson  Smith,  de  Ragazzi  et  de  Léopold  Traversi. 

Les  voyageurs  ont  découvert  un  grand  nombre  d'oiseaux  nouveaux. 
Ils  ont  aussi  réuni  des  échantillons  de  pierres  éruptives.  Arrivés  à 
Addis-Abeba,  ils  furent  reçus  par  Ménélick.  Cette  localité  ressemble 
plutôt  à  un  grand  village  ou  à  un  camp  qu'à  une  ville.  Le  palais  de 
Ménélick  se  trouve  au  centre  du  village,  au  milieu  des  champs  et  des 
prairies.  Des  maisons  purement  provisoires  servent  d'abri  aux  habi- 
tants. Des  ponts  sont  jetés  sur  les  ruisseaux  qui  deviennent  des  tor- 
rents à  la  saison  des  pluies.  Toute  la  localité  n'est  alors  qu'un  vaste 
marais. 

Les  voyageurs  se  proposent  de  suivre  deux  routes  différentes  pour 
continuer  leurs  recherches  scientifiques.  Le  baron  Erlanger  compte 
se  diriger  vers  le  lac  Rodolphe  et  M.  Neumann  vers  Sobat  et  le  lac 
Abaja. 

Du  lac  Rodolphe  au  Nil.  — •  Le  capitaine  Wellby  a  donné  derniè- 
rement à  la  Société  de  géographie  de  Londres,  une  conférence  sur  le 
voyage  qu'il  a  fait  du  lac  Rodolphe  à  la  vallée  du  Nil  : 

«  Il  est  diflScile,  dit  l'explorateur,  de  déterminer  jusqu'où  s'éten- 
dent, vers  le  Sud,  les  territoires  Abyssins.  Ils  atteignent  les  environs 
des  lacs  Rodolphe  et  Stéphanie  ou  de  Gallop  ou  Buzz  et  de  Chuwaha 
comme  les  appellent  les  indigènes.  » 

Les  deux  faits  qui  ont  le  plus  frappé  M.  Wellby  pendant  son  voyage 
de  Haros  à  Addis-Abeba,  en  1898,  sont  les  vastes  étendues  de  plaines 
couvertes  d'herbes,  qui  restent  à  l'abandon  et  la  rareté  de  villages  et 
d'habitants.  Il  serait  diflScile  de  rencontrer  un  pays  plus  propre  à 
L'élevage.     .  . 

Addis-Abeba,  la  capitale,  est  complètement  dépourvue  d'arbres. 
Autrefois,  cet  endroit  était  bien  arboré  mais  le  bois  a  été  petit  à  petit 


ttiinuniUUEi 

abattu  pour  les  services  domestiques.  On  ne  sait  e. 
sera  transportée  plus  loin  ou  si  Ton  replantera  des 

A  répoque  de  l'expédition,  Ménélick  était  enga 
contre  le  Ras  Mangascia.  Le  roi  était  suivi  d'une  t 
100,000  personnes.  Le  groupe  le  plus  pittoresque 
reine Taïtou.  Elle  était  assise  sur  une  mule  et  entoura 
également  montées  sur  des  mules.  Toutes  ces  dai 
ombrelles  de  couleur  différente.  Le  roi  faisait  preuv 
rosité  vis  à  vis  de  ses  sujets  en  les  traitant  largemen 
la  déférence  même  aux  plus  pauvres.  Il  faisait  p 
qualités  d'organisateur  et  d'administrateur.  En  se 
taine  Wellby,'Méqélick  lui  demanda  de  lui  envoy 
cartes  qu'il  dresserait  des  parties  de  ses  états  qu'il  ti 

Après  avoir  visité  le  Sud  du  lac  Gallop,  le  capitaine 
à  Fachoda,  en  traversant  une  région  encore  inconn 
différentes  tribus  sur  la  route.  L'une  d'elles  est  celle 
sont  pacifiques  et  désireux  de  faire  des  échanges.  C'eî 
Plusieurs  hommes  de  cette  tribu  avaient  sept  pieds  c 
extrêmement  bien  musclés.  Leurs  cheveux,  qui  soi 
comme  du  feutre,  leur  descendent  jusqu'à  la  ceintui 
lait  et  de  viande  et  d'un  peu  de  dhura.  Une  autre  tril 
tranquilles,  respectueux  et  intelligents.  Entre  les  qi 
quième  degrés,  se  trouve  une  puissante  peuplade 
voyageur  rencontra  encore  les  Nuers  et  les  Nynaks, 
Schillouks  qui,  tous,  sont  des  races  remarquables. 

Le  pays  compris  entre  le  lac  Rodolphe  et  la  vallée  di 
une  suite  de  collines  qui  se  dirigent  vers  le  Nord  et  U 
par  des  vallées  verdoyantes  dont  la  plupart  sont  d'un» 
nante  et  dont  le  sol  est  composé  d'aliuvions  et  de  tern 
la  culture  du  coton.  Le  capitaine  Wellby  se  demanda 
ment  comment  ces  régions  n'étaient  pas  habitées.  A  e 
de  latitude  Nord,  il  découvrit  une  des  sources  du  Sobî 
aucune  difficulté  à  établir  une  ligne  télégraphique  ou  m 
de  fer  dans  cette  contrée. 

La  frontière  anglo-abyssine.  —  L'expédition  e 
dernière  par  le  gouvernement  anglais  pour  détermin 
anglo-abyssine,  entre  le  lac  Rodolphe  et  le  Sobat  et  la  i 
fait  par  une  des  colonnes  du  colonel  Macdonald  en 
rentrer  en  Angleterre. 

L'expédition  était  dirigée  par  le  major  H.-H*  Aust 


708  ÉTUDES  COLONIALES 

atlendent  ('gaiement  des  relevés  plus  exacts.  On  peut,  toute- 
fois, espérer  que  Tannée  prochaine,  Tinconnu  qui  enveloppe  le 
pôle  nord  sera  nolablement  diminué,  grâce  aux  nombreux  efforts 
qui  se  dirigent  actuellement  vers  cette  région. 

Le  [)ôlc  sud  sera  bientôt  aussi  l'objet  de  toute  une  série 
de  tentatives  d'exploration.  C'est  autour  de  ce  point  que  se 
trouvent  les  parties  inconnues  du  monde  les  plus  considérables. 
On  en  est  réduit  acluellemcnt  en  ce  qui  concerne  ces  régions, 
à  de  simples  conjeclures.  Notre  connaissance  de  ces  contrées  ne 
dépasse  le  70®  degré  de  latitude  qu'en  six  endroits  :  au  170®  degré 
de  longitude  Est,  où  James  Ross  découvrit,  en  1840,  la  terre  Vic- 
toria et  ses  volcans;  où  Borcligrevingk  détermina  pendant 
l'hiver  1899-1900  le  pôle  magnétique  du  Sud  et  parvint  à  atteindre 
la  latitude  du  78*  degré  50,  jusqu'à  présent,  la  plus  élevée;  au 
160*  degré  longitude  Ouest,  où  Ross  rencontra  probablement,  en 
184:2,  des  masses  continentales;  au  IIO*  degré  longitude  Ouest 
(Cook,  1774);  au  90®  degré  longitude  Ouest,  où  le  navire  de  lex- 
péiJition  belge  poussa  jusqu'au  delà  du  71*  degré  30  de  latitude 
Sud;  au  3.>  degré  longitude  Ouest,  où  Wedell  parvint,  en  18:23, 
un  peu  au-delà  du  74®  degré  30  latitu  le  Sud,  et  enfin  au  150®  degré 
longitude  Ouest  (Ross,  1843). 

La  cartographie  du  continent  asiatique  a  bénéficié  d'importantes 
découvertes  au  cours  du  XIX®  siècle.  Il  reste  cependant  encore 
de  grandes  et  de  petites  éte.idues  où  les  efforts  des  pioniers 
trouveroiîl  un  vaste  champ  d'activité.  La  Haute-Asie  ouvre  une 
ère  immense  aux  recherches  scientifiques.  Au  Tliibet,  il  reste 
beaucoup  à  faire  encore  malgré  les  travaux  des  voyageurs  russes, 
anglais  et  français.  C'est  le  cas  notamment  pour  la  contrée  qui 
s'étend  au  nord  de  la  route  de  Nain  Singli  en  1874-1875,  au  sud 
du  Kwenlun  et  à  l'ouest  de  l'itinéraire  de  Rhins  en  1893.  Au  nord 
du  Kwenlun  et  des  routes  suivies  par  Prschewalski  et  Hedin 
s'étendent  aussi  jusqu'au  Tarim,  d'immenses  déserts  inconnus. 

Il  en  est  de  même  pour  la  partie  du  Gobi  qui  se  développe  à 
l'Est  du  Lop-Nor  et  qui  n'a  guère  été  parcourue  jusqu'à  présent. 
La  moitié  orientale  de  l'IIymalaya  n'est  connue  que  d'une  façon 
très  approximative.  Les  pics  qui  s'y  trouvent  et  qui  sont  les  plus 
élevés  de  la  terre  ont  été  mesurés  trigonométriquement,  il  est  vrai, 
mais  ni  le  pied,  ni  le  sommet  de  ces  montagnes  n'ont  jamais  été 


LES   PARTIES  INCONNUES  DU   MONDE  709 

explorés.  Est  de  même  inconnue,  au  point  de  vue  de  lexploration 
moderne,  la  contrée  qui  s'étend  vers  FEst,  depuis  Bhutau,  au  delà 
du  Tsangpo-Brahmapoutre,  les  cours  d'eau  du  Nord  de  Tlnde  et 
le  Yangtsekiang,  jusqu'au  Kansu,  le  Szelschuen  et  le  Yunnan.  Les 
cours  supérieurs  du  Salucn  et  du  Mékong  restent  également  à 
déterminer  sur  une  longueur  de  i,400  à  1,600  kilomètres.  Le 
Yanglsekiang  même  n'a  pas  élé  relevé  d'une  manière  satisfaisante, 
sur  plusieurs  centaines  de  kilomètres  au  delà  de  Batang.  Il  s'agit, 
dans  ces  différents  cas,  de  régions  qui,  à  raison  de  Lur  constitu- 
tion physique,  sont  d'un  accès  très  difTicile.  On  peut  encore 
signaler  la  Chine  elle-même,  Formose,  le  Siam,  l'Annam,  Bornéo, 
le  Pamir,  des  parties  de  l'Afghanistan,  du  Balulschistan,  de  la 
Perse  et  de  l'Asie  mineure. 

Bien  des  efforts  devront  encore  cire  consacrés  à  ces  différentes 
régions.  L'Arabie  aussi  offre  \n\  vaste  champ  à  l'initiative  des 
explorateurs.  Depuis  les  endroits  atteints,  à  partir  du  Sud  par 
Wrode  (1843)  et  Uirsch  (1893'  jusqu'à  Riad,  dans  le  centre  de 
TArahio,  s'étend  une  région  de  1,000  kilomètres  qui  n'a  pas  encore 
été  relevée. 

C'est  surtout  l'Africiue  qui  a  été  rohjel  des  recherches  des 
voyageurs  pendant  le  cours  du  XIX*  siècle.  On  peut  même  dire 
que  tout  ce  que  l'on  sait  de  ce  continent  est  le  résultat  des  travaux 
faits  pendant  cette  période.  Beaucoup  de  points  ne  sont  cependant 
pas  encore  éclairés  et  il  suffit  de  jeter  un  regard  sur  une  carte  à 
grande  échelle  pour  être  convaincu  que  l'avenir  nous  réserve 
encore  bien  des  découvertes  intéressantes.  Une  contrée  très  peu 
connue  est  celle  qui  s'étend  entre  le  Niger  au  Sud,  les  oasis  de 
Tidikelt  au  Nord,  l'itinéraire  de  Lenz  à  l'Ouest  et  les  routes  suivies 
par  Barth  et  Duveyrier  à  l'Est.  A  l'Ouest  de  la  route  des  caravanes 
Tombouctou-Maroc  et  jusqu'à  lOcéan,  bien  des  lacunes  se 
présentent  encore.  Et  nous  ne  sommes  pas  mieux  renseignés 
sur  la  région  du  Sahara  Oriental  comprise  entre  la  route 
des  caravanes  Murzouk-Boinou  et  le  Nil.  Sur  cette  partie  de 
l'Afrique,  comme  sur  la  précédente,  nous  possédons  quelques 
renseignements,  grâce  aux  voyages  de  Barth  et  de  Nachtigal, 
mais  l'avenir  aura  à  nous  montrer  dans  quelle  mesure  la  réalité 
répond  à  l'image  que  nous  nous  en  faisons.  Peu  connus  sont 
encore  l'hinterland  de  la  côte  d'Ivoire  et  la  partie  de  la  boucle  du 


710  ÉTUDES  COLONIALES 

Niger  qui  se  trouve  au  Nord-Est  de  la  route  suivie  par  Barlh  en 
1853,  ainsi  que  la  région  comprise  entre  le  Niger  inférieur  et  la 
Benué  inférieure.  On  ne  sait  pas  grand  chose  non  plus  au  sujet  du 
fond  de  i'binterland  du  Kamerun,  d autant  plus  quon  ne  connaît 
pas  encore  le  résultat  des  observations  allemandes  faites  dans 
cette  région.  On  peut  dire  la  même  chose  de  la  partie  du  Congo 
français  située  au  Nord  du  8*  degré  de  latitude  et  s  étendant 
jusque  près  du  Wadaï  et  du  Darfour.  Dans  l'Etat  Indépendant  du 
Congo  il  reste  également  beaucoup  à  faire.  On  y  a  relevé  le  tracé 
des  grands  fleuves,  il  est  vrai,  mais  on  n'a  pas  encore  exploré  les 
territoires  compris  entre  ces  cours  d'eau.  Ensuite,  une  foule  de 
questions  se  présentent  encore  concernant  les  sources  du  Congo, 
les  contrées  qui  touchent  à  l'Afrique  centrale  anglaise  et  à  l'Afrique 
portugaise  orientale,  les  sources  du  Kngera  et  la  région  des 
volcans  de  l'Afrique  centrale;  il  en  est  de  même  de  la  partie  de 
l'Afrique  anglaise  orientale  comprise  entre  la  Tana,  le  lac 
Rodolphe  et  la  Djuba,  ainsi  que  du  Sud  de  Madagascar.  On  ne 
peut  cependant  nier  que  la  tache  blanche  qui  recouvrait  la  carte 
de  l'Atrique  est  en  voie  de  disparaître  rapidement.  Le  zèle  des 
différents  états  colonisateurs  pour  faire  pénétrer  la  lumière  dans 
le  (c  continent  noir  »  ne  se  relâche,  du  reste,  pas,  et  c'est  ce  qui 
foit  que  nos  connaissances  géographiques  font  de  si  rapides 
progrès  dans  cette  partie  du  monde. 

Il  peut  paraître  extraordinaire,  au  [ircmier  moment,  que  l'Amé- 
rique du  Nord  ne  soit  pas  encore  connue  dans  tous  ses  détails. 
C'est  cependant  le  cas.  Les  résultats  des  explorations  qui  se  font 
en  ce  moment  dans  l'Alaska,  où  la  fièvre  de  l'or  attire  tant  de  gens, 
nous  montrent  combien  peu  nous  connaissions  celte  région  aupa- 
ravant Les  cartes  sont  inexactes  ou  insuffisantes  et  les  expéditions 
des  gouvernements  américain  et  canadien  rapportent,  chaque 
année,  un  important  tribut  de  connaissances  nouvelles.  Dans  le 
Salvador  et  dans  les  régions  comprises  entre  les  grands  cours 
d'eau  et  les  grands  lacs  du  Nord,  bien  des  points  sont  encore 
obscurs. 

Dans  l'Amérique  centrale,  quelques  parties  du  Honduras,  du 
Nicaragua  et  de  Costa-Rica  ne  sont  pas  encore  suffisamment 
connues. 

Dans  l'Amérique  du  Sud,  la  situation  est,  pour  certaines  parties, 


LES   PARTIES  INCONNUES  DU  MONDE  7H 

à  peu  près  la  même  que  pour  l'Afrique.  On  connaît  foit  peu  les 
Andes  du  Pérou,  les  hautes  montagnes  de  la  Bolivie  et  les  mon- 
tagnes (hi  Sud  du  Venezuela  et  de  la  Guyane  Un  grand  nombre 
des  fleuves  de  celte  partie  du  monde  ont  été  relevés  pour  la  pre- 
mière fois  ou  à  nouveau,  pendant  les  vingt  dernières  années.  Mais 
un  grand  nombre  d'autres  cours  d'eau  importants  attendent  encore 
la  venue  d'un  explorateur,  tels  que  TApoporis,  le  Yary  et 
de  Cuguan,  qui  débouchent  dans  le  Yapura,  et  le  Guainia  et  le 
Vichada,  qui  se  jettent  dans  rOrénoque.  Il  en  est  de  même  de 
presque  tous  les  affluents  du  Rio  Branco,  et  des  cours  du  Tigre, 
do  rUruba  et  du  Uatuma,  qui  descendent  du  Nord  pour  se  jeter 
dans  l'Amazone.  La  région  comprise  entre  les  cours  d'eau  en 
amont  de  Manaos  et  au  Nord  de  TAmazonie  en  face  du  Manaos  jus- 
qu'à Obidos  est  encore  complètement  inexplorée.  Les  grands 
affluents  méridionaux  de  l'Amazone  ont  élé  visités  principalement 
par  des  voyageurs  allemands  et  anglais.  Mais  il  existe  entre  eux  de 
grandes  forêts  vierges  dont  retendue  égale  celle  de  la  France  et  où 
personne  n'a  encore  pénétré.  D'autres  questions  seront  résolues 
par  l'exploration  des  forêts  vierges  de  la  Bolivie,  du  Sud  du  Matto- 
Grosso,  de  l'Ouest  du  Sao  Paulo,  de  l'Atacama  et  de  l'extrémité 
méridionale  du  continent  y  compris  la  l^atagonie  et  la  partie  de  la 
Terre  de  Feu  appartenant  au  C.hili. 

En  Australie,  la  terre  d'Arnhem,  dans  le  Nord,  réclame  encore 
de  nouvelles  explorations  et  les  vastes  solitudes  de  l'Est  de  TAus- 
tralic  Occidentale,  ainsi  que  du  Nord  et  du  Sud  de  l'Australie 
Méridionale  n'ont  été  traversés  jusqu'à  présent  que  par  des  itiné- 
raires fort  éloignés  les  uns  des  autres. 

Parmi  les  îles,  l'immense  Nouvelle  Guinée  exige  encore  de 
pénibles  mais  utiles  explorations,  car  elle  est,  malgré  tout  ce  qui 
s*y  est  fait,  toujours  une  terre  inconnue. 

La  face  de  notre  globe,  dit  M.  Singer  en  concluant,  nous  est 
connue  dans  ses  grandes  lignes  mais  nous  ne  pourrions  pas 
actuellement  la  photographier  avec  tous  ses  traits  et  tous  ses 
replis.  Il  semble  même  qu'il  nous  faudra  attendre  longtemps 
encore  avant  d'y  arriver. 


•    Les  transactions  ont  porte  sur  les  animaux  de  boucherie  et  de  basse- 
cour,  les  principaux  produits  du  sol,  etc. 

Dans  un  kabary,  tenu  le  jour  même  de  la  foire,  le  capitaine  Rebel 
a  développé  le  but  que  poursuit  l'autorité  supérieure  en  instituant  ces 
foires  et  les  avantages  qui  en  résulteront  pour  la  population.  Si  les 
foires  sont  tout  à  fait  en  décadence  en  Europe,  et  surtout  en  France, 
où  la  plupart  de  celles  qui  existent  ne  sont  plus  qu'un  très  pâle  reflet 
de  celles  d'il  y  a  seulement  soixante  ans,  il  ne  s'ensuit  pas,  en  effet, 
que  cette  institution  ne  puisse  rendre  pendant  longtemps  encore  des 
services  à  Madagascar,  pour  les  raisons  mêmes  qui  les  justifiaient  et 
assuraient  naguère  leur  splendeur  dans  les  pays  où  l'organisation 
économique  actuelle  tend  de  plus  en  plus  à  faciliter  sans  déplacement 
les  relations  commerciales. 


ASIE 


Chine.  La  ville  de  Szemao.  —  On  a  cru  longtemps  que  Szemao 
était  le  grand  entrepôt  commercial  du  Sud-Ouest  du  Yunnan,  mais 
maintenant  que  celte  ville  est  ouverte  au  commerce  étranger  on  s'est 
aperçu  que  c'était  une  erreur. 

Le  commissaire  des  douanes  chinoises  mentionne  dans  son  rapport 
que  le  commerce  de  cette  localité  n'a  pas  dépassé  30,000  liv.  st. 
l'année  dernière  et  qu'il  a  été  moins  considérable  que  celui  de 
l'année  précédente.  Il  suffit  de  jeter  un  coup  d'oeil  sur  les  statistiques, 
dit-il,  pour  voir  combien  peu  sont  justifiées  les  espérances  que  Ton 
avait  fondées  sur  Szemao,  dans  laquelle  on  voyait  une  porte  d'entrée 
pour  les  marchandises  étrangères. 

Autrefois,  cette  place  jouissait  d'un  commerce  important.  Il  y  a 
soixante  ans,  c'était  le  rendez-vous  des  marchands  de  la  Birmanie,  du 
Siam  et  des  Ëlats  Laotiens,  qui  apportaient  des  marchandises  étran- 
gères, des  nids  d'hirondelles,  des  cornes  de  daims  et  du  coton  brut  et 
emportaient,  d'autre  part,  des  métaux,  de  la  soie,  du  sel  et  de  l'or. 
Beaucoup  de  villes  de  l'Ouest  et  du  Sud-Ouest  de  la  Chine  tiraient 
leurs  approvisionnements  en  marchandises  étrangères  de  Szemao* 
Mais  la  rébellion  mahométane  dans  le  Yunnan,  l'ouverture  du  Yang- 
Ize  à  la  navigation,  le  progrès  de  Hong-Kong  et  l'occupation  de  la 
Birmanie  supérieure  par  les  Anglais  ont  causé  la  ruine  de  Szemao 


LES   PORTS  A  TKAITÉ  EN   CHINE  713 

Les  étrangers  peuvent  aussi,  temporairement,  en  se  munissant 
d'un  passeport  délivré  à  cet  effet,  vendre  ou  acheter  dans  un  rayon 
de  100  Li,  ou  un  peu  plus  de  50  kilomètres  ;  ils  ne  sont  pas  obligés 
d'en  demander  un,  s'ils  ne  s'absentent  du  port  proprement  dit  que 
pour  cinq  jours.  Le  trailé  de  Shimonoseki  leur  a  aussi  donné  le 
droit  d'élablir  des  dépôts  d'importation  et  d'exportation  dans  ce 
rayon,  mais  jusqu'à  présent  il  n'a  pas  été  fait  usage  de  celte  clause. 
En  dehors  du  port  à  traité,  les  étrangers  ne  peuvent  ni  s'établir  à 
demeure,  ni  acquérir  des  terrains,  ni  élever  des  constructions.  Il 
n'a  été  fait  exception  à  celte  règle  que  pour  les  missionnaires.  Le 
baleau  étranger  qui  aborderait  dans  un  port  non  concédé,  serait 
frappé  de  confiscation  ainsi  que  sa  cargaison. 

Tous  les  étrangers  qui  résident  dans  un  port  à  trailé  ont  les 
mêmes  droits  car  tous  les  traités  conclus  avec  la  Chine  contiennent 
la  clause  de  la  nation  la  plus  favorisée.  Ils  ont  tous  été  rédigés 
d'après  le  liaité  anglais  de  Nankin,  de  18i2.  Les  ports  ù  Iraité  ont 
un  caractère  éminemment  international.  Aucun  État  ne  pourrait, 
par  un  acte  unilatéral,  porter  atteinte  aux  droits  d'un  autre  État. 
Les  nationaux  des  différents  Étals  se  trouvent  sur  un  pied  d  égalité 
parfaite. 

Les  droits  octroyés  aux  étrangers  par  les  traités  ne  sont  pas 
restreints  à  une  partie  quelconque  du  port  à  traité.  Us  peuvent  se 
fixer,  acquérir  des  terres,  construire  et  faire  le  commerce  dans 
toute  l'étendue  du  port.  Ils  sont  aussi  soustraits  à  la  justice 
chinoise  et  ne  relèvent  que  de  Tautorilé  de  leurs  consuls  respectifs 
dans  toutes  les  affaires  civiles  et  répressives,  mais  les  traités  pri- 
mitifs ne  les  affranchissent  pas  de  l'autorité  administrative  chi- 
noise. Us  ne  pourraient  donc  pas  se  dispenser  d'observer  les 
mesures  de  police  ou  de  payer  les  impôts. 

Dans  les  ports  à  traité  où  ils  sont  peu  nombreux,  comme  Wuhu, 
Itschang,  Swalau,  etc.,  les  étrangers  vivent  plus  ou  moins  disper- 
sés. Mais  comme  cet  isolement  entraîne  de  grands  inconvénients 
résultant,  d'une  part,  de  la  différence  de  milieu  et  de  la  malpro- 
preté de  la  population  chinoise,  et  d'autre  part,  de  l'arbitraire  des 
mandarins  qui  changent  constamment,  les  étrangers  ont  pris 
l'habitude,  dans  tous  les  endroits  où  ils  sont  en  nombre,  de  se 
grouper  et  de  s'établir  à  part  de  la  population  chinoise.  Les  gou- 
vernements étrangers  ont  encouragé  cette  tendance.  L'Angleterre, 


714  ÉTUDES  COLONIALES 

la  France  et  ensuite  les  États-Unis  ont  fait  avec  la  Chine  des 
conventions  attribuant  à  leurs  nationaux,  dans  les  ports  à  traité 
inoportants,  des  quartiers  bien  situés  où  seuls  ils  ont  le  droit  de 
s'établir  et  qu'ils  administrent  eux-mêmes.  Ainsi  se  sont  formés 
bientôt  l(;s  établissements  étrangers.  Los  Anglais  et  les  Américains 
ont  pu  organiser  ces  concessions  selon  leurs  goûts  personnels. 
Ils  y  ont  introduit  des  services  de  voirie  et  d'hygiène,  des 
écoles,  etc  Ce  que  l'administration  européenne  autonome  a  pu 
faire  en  peu  de  temps  à  Shanghaï,  Ticntsin.  Hankou  et  Canton 
mérite,  à  juste  titre,  dclre  admiré.  Les  concessions  européennes 
constituent  un  contraste  frappant  avec  les  villes  chinoises  qui  se 
trouvent  à  côté  d'elles. 

Cette  séparation  de  ladministration  chinoise  s'est  faite  de 
diverses  façons.  On  peut  distinguer  deux  sortes  d'établissements  : 
la  concession,  comme,  par  exemple,  à  Canton,  où  le  gouverne- 
ment étranger  prend  à  bail  du  gouvernement  chinois  une  étendue 
déterminée  du  sol  qu'il  donne  ensuite  lui-même  en  location,  et  le 
settlement,  comme  à  Shani^haï  où  les  étrangers  acquièrent  eux- 
mêmes  et  progressivement  le  sol  des  possesseurs  chinois  sans  l'in- 
tervention d'une  nation  étrangère.  Lrs  limites  entre  les  deux 
formes  d'établissements  sont,  du  reste,  difficiles  à  déterminer, 
parce  que  les  accords  relatifs  à  leur  fondation  diffèrent  de  cas  à 
cas. 

Toujours  est-il  que  le  sol  de  ces  établissempnts,  et  c'est  ce  qui 
les  distingue  des  colonies,  reste  la  propriété  de  la  Chine.  Il  n  est  pas 
acheté  mais  seulement  loué  à  temps.  Un  loyer,  très  minime  il  est 
vrai,  est,  d  ailleurs,  payé.  L'établissement  continue  à  faire  partie 
du  port  à  traité.  Les  étrangers  y  relèvent  de  leurs  consuls  respec- 
tifs et  les  Chinois  de  leur  justice  nationale.  Les  résidents  ne  sont 
nullement  soumis  à  la  juridiction  du  gouvernement  qui  a  obtenu  la 
concession,  comme  ce  serait  le  cas  dans  une  colonie.  La  clause  de 
la  nation  la  plus  favorisée  est  également  applicable  aux  concessions. 
Les  nationaux  des  autres  pays  ont  donc  le  droit  de  s'y  établir  et  d'y 
faire  le  commerce.  Il  n'y  a  qu'une  différence  en  faveur  de  la  nation 
à  qui  appartient  la  concession  :  elle  a  le  droit  de  déterminer  les 
conditions  de  vente  et  de  location  des  terres  qui  lui  ont  été  concé- 
dées. En  réalité,  les  non-Anglais,  par  exemple,  n'ont  jamais 
éprouvé  la  moindre  difficulté  à  acquérir  des  terrains  dans  une 


LES  PORTS  A  TRAITÉ  EN  CHINE  715 

concession  anglaise.   Ce  n'est  guère,  d'ailleurs,  que  dans  les 
concessions  anglaises  que  le  cas  s'est  présenté  jusqu'à  présent. 

I  ar  le  fait  de  l'introduction  de  non-Anglais,  l'administration  des 
concessions  anglaises  a  perdu  de  plus  en  plus  son  caractère 
national.  L'administration  est  toujours  basée  sur  une  ordonnance 
émanant  du  gouvernement  anglais  et  le  consul  anglais  continue  à 
y  exercer  la  haute  surveillance.  .Vlais  comme  le  principe  de  l'admi- 
nistration autonome  y  est  appliqué  sans  tenir  compte  de  la  natio- 
nalité des  résidents  et  que  tous  les  possesseurs  du  sol  ont  le  droit 
df  participer  aux  élections  du  Conseil  municipal,  celui-ci  a  pris  un 
caractère  international  qui  ne  fera  que  s'accentuer  avec  le  dévelop- 
pement des  intérêts  non-anglais  en  Chine.  Ainsi  à  Tientsin,  le 
président  du  Conseil  municipal  a  été,  pendant  quinze  ans,  un 
Allemand.  A  Shanghaï,  le  caractère  international  s'affirme  encore 
plus.  Depuis  1863,  les  établissements  américains  et  anglais,  à  côté 
desquels  existe  encore  une  concession  française,  se  sont  fusionnés, 
et,  en  même  temps,  l'autorité  supérieure  a  été  transférée  au  corps 
consulaire  à  la  tête  duquel  se  trouve  son  doyen.  Le  conseil  muni- 
cipal est  nommé  par  tous  les  résidenls  qui  paient  une  certaine 
somme  d'impôts.  Il  se  compose  de  neuf  membres.  Ce  caractère 
d'internationalité  n'est  pas  sans  offrir  des  inconvénients,  car,  pour 
modifier  le  statut  qui  sert  de  base  à  l'administration  de  la  conces- 
sion, il  faut  le  consentement  de  tous  les  consuls,  même  de  ceux 
qui  représentent  les  pays  qui  ont  le  moins  d'intérêts  en  Chine. 
C'est  ce  qui  tait  que,  depuis  dix-sept  ans,  on  n'est  pas  encore 
parvenu  à  obtenir  la  revision  de  ce  statut.  L'internationalité  de 
Shanghaï  a  été  reconnue  aussi  pendant  la  guerre  sino-japonaise. 
Le  Japon  a  alors  déclaré  qu'il  considérait  Shanghaï  comme  terri- 
toire neutre.  Le  succès  de  la  concession  de  Shanghaï  a  conduit 
à  la  création  de  concessions  internationales  dans  d'autres  ports, 
tels  que  Hangtschou  et  Sutschou. 

L'habitude  que  les  Européens  ont  prise  de  se  grouper  et  de 
vivre  séparés  de  la  population  chinoise  n'a  pas  été  sans  entraîner 
des  inconvénients.  KUe  a  conservé  à  l'esprit  chinois  son  hostilité 
séculaire  à  l'égard  des  étrangers  et  sa  tendance  constante  à 
diminuer  et  à  réduire  les  concessions  faites  dans  les  traités.  Ainsi, 
le  traité  de  Nankin,  de  48i2,  portait  que  les  marchandises 
étrangères  pourraient  circuler  librement  dans  l'étendue  du  port  à 


716  ÉTUDES  COLONIALES 

traité  dès  qu'elles  auraient  acquitté  les  droits  portés  au  tarif 
arrêté  de  commun  accord  entre  l'Angleterre  et  la  Chine.  Les 
étrangers  avaient  aussi  le  droit  de  s'établir  et  de  commercer  dans 
les  mêmes  ports.  L'isolement  des  étrangers  n'a  pas  lardé  à  amener 
les  Chinois  à  prétendre  que  les  droits  reconnus  par  les  traités  se 
restreignaient  à  la  partie  du  port  où  les  étrangers  avaient  fixé 
leurs  demeures.  Ils  cherchaient  donc  à  identifier  la  notion  de 
port  à  traité  avec  celle  de  concession  étrangère.  Ce  n'est  que 
dans  rétendue  de  cette  dernière  que  l'étranger  aurait  eu,  d'après 
eux,  le  droit  de  commercer  et  de  se  fixer! 

Diuis  la  convention  de  Chefoo  de  1876,  sir  Thomas  Wade  avait 
consenti  à  engager  le  gouvernement  anglais  à  entrer  dans  les  vues 
des  (-hinois  et  même  à  procéder  à  une  délimitation  dans  les  ports 
où  il  n'existait  pas  encore  de  concession  étrangère.  Heureusement, 
le  gouvernement  anglais  ne  ratifia  pas  la  proposition  de  sir  Wade. 
Au  contraire,  il  déclara  expressément  que  la  question  resterait  en 
suspens  pour  faire  l'objet  d'un  examen  ultérieur  entre  les  deux 
gouvernements.  Comme  aucun  arrangement  n'est  encore  intervenu, 
la  question  peut  être  considérée  comme  étant  toujours  ouverte.  La 
solulion  nei\  peut,  du  reste,  être  un  moment  douteuse.  Il  est 
certain  que,  lorsqu'on  a  arrêté  le  tarif  des  droits,  on  ne  s'est 
nullement  borné  à  considérer  les  seuls  objets  dont  les  étrangère 
pourraient  avoir  besoin  pour  leur  usage  personnel,  mais  qu'on  a 
eu  en  vue  les  importations  de  marchandises  dans  Tintérieur  du 
pays.  Le  tarif  des  droits  arrêtes  en  commun  serait  d'ailleurs 
complètement  dépourvu  de  portée  si,  à  la  limite  de  l'étroit 
territoire  occupé  par  les  étrangers  et  a  vaut,  même  qu'elles  soient 
entrées  dans  les  mains  des  Chinois,  les  marchandises  pouvaient 
être  imposées  selon  le  bon  vouloir  des  autorités  chinoises. 

Malgré  cela,  les  Chinois  ont  imposé  en  différents  endroits  leur 
manière  de  voir.  A  Canton,  ils  ont  entouré  la  petite  île  de 
Schamien,  où  se  trouve  rétablissement  étranger,  d'une  barrière 
douanière  que  les  marchandises  ne  peuvent  franchir  qu'en  payant 
des  taxes  s'élevant  au  moins  au  chiffre  des  droits  qu'elles  ont  déjà 
acquittés.  Ils  ont  agi  d'une  façon  analogue  à  Futschou  et  à 
Hangtschou. 

L'attitude  des  Chinois  a  été  la  même  h  l'égard  du  droit  de 
résidence  des  étrangers  dans  les  parties  des  ports  à  traité  qui  sont 


LES  PORTS  A  TRAITÉ  EN   CHINE  717 

en  dehors  des  concessions.  Il  serait  complètement  impossible 
aujourd'hui  à  un  étranger  de  s'établir  dans  la  partie  chinoise  d'un 
port  à  traité  pour  y  faire  le  commerce.  Il  ne  pourrait  y  obtenir  le 
moindre  bout  de  terrain.  Aucun  Chinois  ne  se  risquerait  à  lui  faire 
une  cession  immobilière,  car  il  sait  trop  bien  quel  sort  les  autorités 
lui  réserveraient.  Même  à  Hangtschou,  qui  se  distingue  des  autres 
villes  chinoises  par  sa  bienveillance  vis-à-vis  des  étrangers,  il  n'a 
jamais  été  possible  d'obtenir  le  déplacement  de  la  concession 
étrangère  qui  s'impose  pour  différentes  raisons.  La  bureaucratie 
chinoise  a  toujours  su  trouver  une  foule  de  prétextes  ou  de  moyens 
de  procédure  pour  prononcer  la  nullité  des  contrats  de  cession  que 
les  étrangers  avaient  obtenus.  Parfois  même  on  emprisonne  tout 
simplement  le  cédant  ou  le  prête-nom  chinois.  Et  quand  un  consul 
étranger  proteste  contre  cette  manière  d'agir,  on  lui  répond  que 
lemprisonnement  n'a  pas  pour  cause  une  tentative  de  vendre  un 
terrain  à  un  étranger,  mais  une  contravention  aux  lois  chinoises. 
Nul  ne  s'y  laisse  d'ailleurs  tromper;  mais  aussi  personne  n'ose 
s'exposer  à  encourir  le  même  sort. 

Les  conséquences  économiques  de  la  situation  actuelle  ne  sont 
pas  aussi  insignifiantes  qu'on  pourrait  le  croire  à  première  vue. 
Les  trois  villes  citées  plus  haut  comptent  ensemble  une  population 
de  3,850,000  âmes.  Elles  appartiennent,  en  outre,  à  la  partie  la 
plus  riche  de  l'Empire  et  sont  portées  à  adopter  des  mœurs  et  des 
liabitudes  nouvelles.  Leur  puissance  d  achat  à  Tégard  des  mar- 
chandises européennes  dépasse  donc  de  beaucoup  la  moyenne  de 
la  Chine.  Le  consul  Bourne  estime  —  et  il  ne  semble  pas  que  ce 
soit  une  exagération  —  que  les  deux  villes  de  Canton  et  de 
Fulschou  offrent  pour  les  cotonnades  du  Lancashire  un  débouché 
plus  considérable  que  la  province  tant  disputée  de  Yûnnan,  dont 
la  superficie  est  de  plus  de  100,000  milles  carrés. 

Le  droit  de  s'établir  au  milieu  de  la  population  chinoise  ne  peut 
pas  non  plus  être  indifférent  aux  étrangers.  Le  seul  moyen  de 
protéger  les  marchandises  étrangères  contre  une  taxation  excessive 
en  territoire  chinois,  est  d'empêcher  ou  tout  au  moins  de  rendre 
aussi  difficile  que  possible  que  les  autorités  chinoises  puissent  les 
suivre  au  moment  où  elles  passent  des  mains  du  marchand 
étranger  dans  celles  du  Chinois.  Or,  aussi  longtemps  que  les 
étrangers  se  contenteront  de  faire  le  commerce  en  gros  et  de  se 


Pre8qn*ile  Ifalaise.  Les  troglodytes  de  Koh-Sih-Sah.  —  Noos 
avons  déjà  eu  roccasîon  de  parler  des  travaux  de  l'expédition  que 
rUniversité  de  Cambridge  a  envoyée  dans  la  presqu'île  Malaise.  (1) 
Le  naturaliste  Annandate  donne,  dans  un  article  qu*il  a  consacré  à 
cette  mission,  quelques  i  enseignements  sur  les  habitants  des  cavernes 
des  îles  Koh-Sih-Sah.  Ce  groupe  d*îles  se  trouve  près  de  la  baie  de 
Tale-Sap  (au  Nord  de  Sengora,  côte  orientale,  7*15  lat.  n  ).  On  avait 
mis  en  doute,  mais  à  tort,  Texistence  de  ces  habitants  des  cavernes  qui 
s'occupent  de  la  chasse  aux  nids  d'hirondelles.  L'expédition  visita  le 
principal  des  villages  de  ces  troglodytes.  Les  habitants  ont  établi  leurs 
demeures  dans  une  caverne  dont  les  dimensions  sont  restreintes  et  où 
le  jour  pénétre  par  diverses  ouvertures  pratiquées  dans  la  voûte.  Ces 
tr(^lodytes  ont  construit,  au  moyen  de  bambous,  des  plateformes  qui 
servent  d'habitation  aux  différentes  familles.  Quant  aux  célibataires,  ils 
établissent  leurs  pénates  dans  les  recoins  de  la  caverne.  Quelques- 
unes  des  plateformes  qui  étaient  exposées  à  l'eau  découlant  de  la  voûte, 
étaient  munies  de  toits  en  feuilles  de  Pandanus. 

A  la  sortie  de  la  caverne,  se  trouvaient  deux  petites  armoires.  L'une 
contenait  une  image  représentant  le  dieu  des  oiseaux  de  caverne; 
Tautre  renfermait  des  pierres  en  forme  de  quille,  qui  constituaient  un 
objet  d'adoration.  Devant  ces  pierres,  on  dépose  des  nids  d'hiron- 
delles en  offrandes.  Tout  autour  d'elles,  se  trouve  un  amas  confus 
de  crânes  de  crocodiles,  de  têtes  d'espadon,  de  queues  de  raies,  de 
mâchoires  de  requin,  de  bâtons  de  parfums  dans  de  petits  vases,  de 
figures  de  buffle  en  terre  glaise  et  de  bâtons  et  pierres  grotesquement 
taillés. 

Les  habitants  de  cette  région  se  disent  Siamois,  mais  on  les  tient 
pour  des  Malais,  ayant  du  sang  chinois  dans  les  veines.  Leur  langage 
est  un  dialecte  chinois  très  rude  et  difficile  à  comprendre.  Les 
cavernes  dans  lesquelles  on  trouve  les  nids  d'hirondelles  sont  beau- 
coup plus  grandes  que  celles  où  vivent  les  troglodytes.  De  petites 
offrandes  de  riz,  de  bâtons  parfumés  et  du  papier  chinois,  simulant  du 
papier-monnaie,  sont  déposés  à  l'entrée  des  cavernes  où  la  chasse  est 
la  plus  fructueuse. 

Corée.  —  On  sait  que  les  Coréens,  comme  les  Chinois,  sont  essen- 
tiellement conservateurs.  Il  n'est  pas  aisé  de  leur  faire  modifier,  et 
surtout  abandonner,  leurs  coutumes.  Les  Japonais  ont  complètement 


(1)  Voir  Uulilin,  p.  G:)8. 


LES  PORTS  A  TRAITÉ  EN  CHINE  719 

heureusement  amené  un  correctif  à  cet  état  de  choses,  en  établis- 
sant certains  liens  entre  les  deux  milieux.  Cetie  admission  des 
Chinois  peut  être  limitée  en  droit  et  en  f<ut.  Comme  les  concessions 
ont  été  fondées  en  vue  de  réparer  les  étrangers  de  la  population 
indigène,  il  est  tout  naturel  que  Ion  ait  disposé  qu'elles  fussent 
inaccessibles  aux  Chinois.  Dans  la  suite,  on  s'est  cependant  rendu 
compte  de  l'utilité  de  la  présence  des  Chinois.  11  rtait,  en  effet, 
avantageux  pour  le  négociant  étranger  que  le  marchand  chinois 
résidât  dans  la  concession.  Il  l'avait  ainsi  à  sa  portée  pour  traiter 
les  affaires  courantes;  il  le  mettait  ensuite  à  l'abri  des  autorités 
chinoises.  Les  concessions  ne  tardèrent  donc  pas  à  devenir  le 
quartier  général  de  tous  les  marchands  chinois,  traitant  habituel- 
lement avec  les  étrangers.  Leur  établissement  avait  encore  un  autre 
avantage.  [1  augmentait  les  revenus  de  la  concession  et  rendait  par 
suite  son  administration  moins  onéreuse  aux  étrangers.  Enfin,  il 
amenait  un  renchérissement  du  prix  des  terrains  dont  plus  d'un 
étranger  a  su  profiter.  On  eut  du  reste  soin,  de  prévenir,  par  voie 
de  réglementation,  les  inconxénients  que  cette  vie  en  commun 
aurait  pu  entraîner.  Les  Chinois,  de  leur  côté,  furent  heureux  de 
pouvoir  se  soustraire  aux  exactions  et  à  l'arbitraire  de  l'adminis- 
tration chinoise.  Partout  où  ils  y  furent  autorisés,  les  Chinois  émi- 
grèrent  en  foule  vers  les  concessions  étrangères.  A  Tschinkiang, 
par  exemple,  la  plus  grande  partie  de  la  concession  est  couverte 
de  leurs  bùtiments  au  grand  profit  du  commerce  de  cette  place. 
A  Shanghaï,  la  communauté  chinoise  s'est  développée  encore  plus 
qu'à  Hongkong,  qui  est  pourtant  une  colonie  anglaise.  Ils  y  sont 
soixante  fois  plus  nombreux  que  les  étrangers. 

Dans  les  concessions  nouvelles  de  Sutschau  et  de  Ilangtschou, 
les  terrains  ont  été  immédiatement  achetés  par  les  étrangers  et  ils 
n'ont  pas  tardé  à  acquérir  une  plus-value  considérable;  de  250  dol- 
lars, le  mau  a  atteint,  en  peu  de  temps  le  prix  de  900  dollars. 
Inutile  de  dire  que  cette  hausse  ne  s'est  pas  faite  en  vue  de 
l'arrivée  prochaine  d'acheteurs  étrangers,  mais  bien  de  celle  des 
marchands  chinois. 

Toutes  les  concessions  n'ont  pas  pu  s'ouvrir  aux  Chinois.  Des 
fonctionnaires  chinois  avisés  n'ont  pas  tardé  à  voir  le  danger  que 
pouvait  avoir  pour  la  Chine  cette  immigration.  Ils  y  perdaient 


720  ÉTUDES  COLONIALES 

d'abord  une  fraclion  de  conlribnables  aisés,  et  ensuite,  il  était  à 
craindre  que  les  concessions  ne  devinssent  des  lieux  de  refuge, 
non  seulement  pour  les  criminels  de  droit  commun,  mais  aussi 
pour  les  criminels  d'État  et  qu'elles  ne  constituassent  des  asiles 
pour  les  reformateurs  et  les  novateurs  de  toute  sorte.  C'est  ce 
sentiment  qui  a  amené  le  vice-roi  Tscliang-Tschi-Tung  à  faire 
insérer  dans  l'acte  de  la  concession  allemande  de  Ilankou  que  «  les 
Chinois  ne  seront  pas  admis  à  setablir  dans  la  concession  ».  A 
Hanglschou,  l'administration  chinoise  s'est  réservée  le  contrôle 
de  la  police  chinoise  et  le  résultat  en  a  été  que  presque  pas  de 
Chinois  ne  se  sont  établis  dans  la  concession. 

L'immigration  des  Chinois  dans  une  concession  est  naturelle- 
ment limité  par  l'espace  disponible.  C'est  surtout  à  Canton  qu'on 
observe  ce  fait.  Celte  ville  fut  ouverte  aux  étrangers  après  que  les 
Anglais  Icurcnt  prise  en  1857.  Ils  s  établirent  dans  la  petite  île  de 
Shamien,  qui  est  reliée  à  la  ville  populeuse  de  Canton  par  deux 
ponts  et,  par  suite,  facile  ù  surveiller  par  les  douanes  chinoises. 
Auoun  élément  indigène  ne  vient  troubler  la  paix  de  cette  conces- 
sion, mais  par  contre,  elle  est  descendue  au  rang  d'une  succursale 
de  Hongkong. 

L'étendue  d'une  concession  joue  donc  un  grand  rôle  dans  sa 
destinée.  Là  où  il  n'y  a  pas  assez  d'espace  pour  admettre  l'élément 
chinois,  le  contact  entre  les  étrangers  et  les  Chinois  ne  s'établit 
pas  sufiisamment  pour  favoriser  lessor  des  affaires.  Et,  dans 
l'avenir,  Ictcnduc  des  concesssions  acquerra  une  plus  grande 
importance  encore,  car,  à  mesure  que  les  Chinois  participeront 
davantage  au  commerce  international,  il  faudra  que  l'on  puisse 
mettre  plus  de  terrains  à  leur  disposition,  pour  soustraire  leurs 
établissements  et  leurs  demeures  à  Tingérence  des  mandarins. 

C'est  à  Shanghaï  que  l'ensemble  du  problème  semble  avoir  reçu 
la  meilleure  solution.  Ici  aussi  la  concession  est  devenue  trop 
petite.  L'afflux  des*  Chinois  et  la  hausse  incessante  des  loyers  ont 
môme  obligé  les  étrangers  à  abandonner  leur  concession.  Ils  ont 
émigré  de  leur  établissement  surpeuplé  pour  aller  s'établir  sur  le 
territoire  chinois.  Grâce  au  bon  accueil  que  leur  a  fait  l'administra- 
tion chinoise,  il  n'en  est  pas  résulté  jusqu'à  présent  d'inconvénients. 
La  situation  n'est  toutefois  pas  normale.  On  aurait  pu  éviter  Tincon- 


LES   PORTS  A  TRAITÉ  EN   CHINE  721 

vénient  de  la  situation  actuelle.  Il  suffisait  de  réserver  une  partie 
de  la  concession  exclusivement  aux  habitations  des  étrangers. 
C'est  ce  quon  a  fait  dans  l'acte  de  la  concession  allemande  de 
Tientsin.  Il  porte  qu'un  tiers  du  territoire  ne  pourra  être  aliéné 
qu'à  des  Allemands. 

En  fondant  une  concession  ôtrangère  on  devra  donc  veiller, 
d'abord,  à  ne  pas  lui  donner  de  trop  petites  proportions,  ensuite, 
à  assurer  aux  Chinois  le  droit  de  s'y  fixer  et,  enfin,  à  en  réserver 
une  partie  exclusivement  aux  étrangers. 


ce  n'est  pas  seulement  au  point  de  vue  littéraire  qu'ils  offrent  de  Tin- 
térét. 

La  maison  Dietrich  Reimer,  éditeur  des  œuvres  précédentes  de 
M.  Baumann,  s'est  chargée,  par  une  initiative  qu'on  ne  saurait  trop 
louer,  de  la  publication  de  son  dernier  livre,  dont  le  bénéfice  net  sera 
consacré  à  élever  un  monument  à  la  mémoire  de  l'auteur.  L'édition 
est  d'ailleurs  fort  soignée,  ornée  d'illustrations  d'un  caractère  très 
artistique,  exécutées  d'après  les  photographies  de  l'auteur. 

Die  akklimatisatioii  der  Europ&ischen  und  inbesondere  der  Germa- 
nischen  Rasse  in  den  Tropen  und  ihre  hauptsftchlichen  Hindernisse, 
par  Friedrich  Wolffert.  —  Leipzig,  BreitkopfT  cl  Hârtel,  1900. 

Cette  brochure  fait  partie  de  la  collection  de  conférences  cliniques 
fondée  par  R.  v.  Volkmann.  L'auteur  y  examine  la  question  de  l'accli- 
matation des  races  européennes,  et  de  la  race  germanique  en  particu- 
lier, sous  les  tropiques.  Cette  étude  est  pleine  de  renseignements 
intéressants,  entre  autres,  d'observations  sur  les  symptômes  de  dégéné- 
rescence observés  sur  les  enfants  de  blancs  à  la  Guyane.  Les  conclu- 
sions en  sont  résolument  négatives  pour  les  contrées  tropicales 
proprement  dites  ;  il  en  est  autrement  des  climats  sub-tropicaux. 

Un  séjour  dans  l'Ue  de  Ceylan,  par  J.  Leclercq.  —  Un  vol.  in-iâ  de  204  pages 
avec  16  gravures  et  une  carte.  Paris,  Plon-Nourril  et  C»'»,  1900, 

La  série  des  récits  de  voyage  de  M.  Jules  Leclercq  vient  de  s'enri- 
chir d'un  nouveau  volume  qui  ne  sera  pas  moins  apprécié  que  les  pré- 
cédents. Les  pages  pittoresques  et  intéressantes  à  plusieurs  titres  y 
abondent.  On  remarquera  principalement  les  chapitres  consacrés  à  la 
description  des  ruines  trop  peu  connues  d'Anadhapura  et  d'autres 
monuments  des  anciens  rois  de  Ceylan,  non  moins  précieux  par  leur 
beauté  que  par  les  souvenirs  historiques  qui  s'y  rattachent. 

Au  point  de  vue  des  études  coloniales  proprement  dites,  on  trouvera 
dans  cet  ouvrage  des  renseignements  de  valeur  sur  les  productions  et 
l'administration  de  l'île. 

Le  drame  chinois  (juillet-août  1900),  par  Marcel  Monnier.  —  Vn  vol.  in-18  de 
175  pages.  Paris,  Félix  Alcaii,  1900. 

Dans  ce  volume  sont  réunies  une  série  d'études  publiées  par  l'auteur 
dans  le  TempSy  pendant  que  se  déroulaient  les  dramatiques  événe- 
ments de  cet  été.  Les  opinions  de  M.  Monnier  méritaient  d'être  con- 


LE   CHOIX  DES   GRAINES  DE  CAFÉIEHS  723 

»  Tessier  est  d'une  opinioi)  opposée;  il  prétendait  avoir  sans 
inconvénient  employé  pendnnt  dix  années  des  graines  provenant 
de  la  terre  même  où  elles  étaient  semées. 

»  On  peut  admettre  qu'en  général  le  changement  de  semence 
est  avantageux.  Comme  la  vicorganiqiie dépend  de  rinfluence  con- 
tinuelle et  réciproque  des  «  forces  »  les  plus  compliquées,  il  se  peut 
que  leur  action  soit  modifiée  dans  Tun  ou  l'autre  sens  par  des 
modifications  même  petites  cl  peu  sensibles.  » 

Il  faut  insister  sur  ces  derniers  mots. 

Dans  le  chapitre  Suhnlité  par  suite  de  modification  dans  les  con- 
ditions vitales,  Darwin  ajoute  : 

«  La  stérilité  totale  ou  partielle  se  produit  souvent  chez  des 
plantes  ou  des  animaux  soustraits  à  leurs  conditions  naturelles 
d'existence;  ce  fait  se  remarque,  môme  lorsque  le  changement  est 
peu  important.  » 

Celte  observation  n'est  pas  en  contradiction  avec  la  pré  édente. 

«  Si  d'une  part  un  léger  changement  des  circonstances  exté- 
rieures accroît  la  vigueur  et  la  productivité  de  la  plante,  certaines 
aulres  causes  peuvent  causer  la  stérilité. 

»  C'est  un  tait  que  beaucoup  de  plantes  exotiques,  tout  en  étant 
vigoureuses,  donnent  peu  ou  point  de  graines  dans  nos  jardins  et 
nos  serres.  Je  ne  parle  pas  des  plantes  qui,  se  trouvant  dans  un. 
milieu  trop  chaud  ou  trop  humide  ou  ayant  reçu  une  fumure  trop 
forte,  développent  trop  leur  feuillage  et  par  suite  ne  donnent  pas  de 
fleurs;  je  ne  parle  pas  non  plus  des  fruits,  qui  ne  mûrissent  pas 
par  défaut  de  chaleur,  ou  qui  pourrissent  par  excès  d'humidité,  ni 
des  plantes  dont  la  stérilité  est  une  conséquence  de  l'absence  des 
insectes  qui  assurent  leur  fécondation.  En  dehors  de  ces  cas,  il 
existe  de  nombreuses  espèces,  dont  la  fécondité  diminue  ou  dis- 
paraît par  le  changement  des  conditions  d'existence.  » 

Après  avoir  donné  plusieurs  exemples  de  ce  fait,  Darwin 
ajoute  : 

«  Je  pense  que  la  stérilité  de  beaucoup  de  plantes  exotiques 
dans  ce  pays  doit  être  attribuée  au  changement  de  climat.  » 

Darwin  ajoute,  dans  son  chapitre  Acclimatation: 

«  Les  plantes  subissent  plus  rapidement  les  influences  du  climat 
que  les  animaux.  On  peut  admettre  que  toutes  les  plantes  cultivées 
depuis  longtemps  ont  donné  des  variétés,  dont  la  constitution  s'est 
adaptée  à  un  certain  climat. 


A  la  vérité,  en  dehors  de  Tlnde,  qui  fait  l'objet  d'un  chapitre  inté- 
ressanl,  on  n'y  trouve  guère  de  détails  que  sur  les  peuples  d'an- 
cienne civilisation,  et  non  sur  ceux  qui  font  l'objet  de  la  colonisation 
actuelle.  Il  serait  fort  désirable  de  voir  s'étendre  de  ce  a'dé  des  études, 
trop  négligées  à  notre  avis  pour  des  préoccupations  strictement 
utilitaires,  comme  s'il  était  moins  important  pour  le  possesseur  d'une 
colonie  de  connaître  la  psychologie  de  ses  sujets  que  les  cours  du 
caoutchouc. 

In  den  "Wildnissen  Afrikas  und  A  siens,  souvenirs  de  chasse  par  le  major 
VON  WissMANN.  —  In-i*»  avcc  28  gravures  hors  texte  et  45  illustrations.  Berlin,  Paul 
Porey,  1900. 

Le  major  von  Wissmann,  non  moins  célèbre  par  ses  exploits  cyné- 
gétiques que  par  ses  explorations,  vient  de  publier  un  ouvrage 
consacré  aux  divers  gibiers  qu'il  a  poursuivis  dans  ses  voyages.  Ce 
magnifique  recueil  aura  dix  livraisons,  dont  la  première  vient  de 
paraître.  L'édition  est  faite  avec  un  grand  luxe  ;  les  illustrations, 
types  d'animaux  d'une  réalité  frappante,  sont  de  la  plnsbelleexéculion. 

La  Questione  coloniale,  e  i  Propoli  di  Razza  latina,  .par  Gust.  Goen.  Un  vol. 
in-12de  567  pages.  Livounie,  RalT.  (riusti  1901. 

L'ouvrage  de  M.  Coen  a  eu  pour  origine  les  vives  controverses  qui 
se  sont  produites  en  Italie  à  la  suite  des  échecs  éprouvés  en  Afrique. 
L'auteur  s'est  efforcé  de  traiter  la  question  coloniale  avec  impartialité, 
sine  ira  et  studio,  comme  le  porte  son  épigraphe. 

A  cet  effet,  il  a  comparé  la  politique  coloniale  de  l'Italie  à  celle 
d'autres  pays,  notamment  à  l'activité  coloniale  de  la  France  d'une 
part,  et  de  l'Allemagne  d'autre  part. 

Ce  travail  vient  heureusement  compléter  la  série  des  publications 
qui  ont  paru  sur  cette  question  dans  la  plupart  des  pays  civilisés. 

Gode  télégraphique  colonial,  par  le  lieutenant  Fer.n.  Nrs.  Un  vol  in  4o 
de  59i2  pages,  publié  par  la  Gazette  coloniale  de  Bruxelles,  1900. 

Le  Code  télégraphique  du  lieutenant  Nys  se  distingue  des  codes 
existants  en  ce  qu'il  est  conçu  encore  des  besoins  particuliers  du  com- 
merce colonial.  L'utilité  en  sera  grandement  appréciée  par  les  direc- 
tions (le  nos  nombreuses  sociétés,  auxquelles  il  fournit  un  moyen  de 
correspondance  facile  et  économique  avec  leurs  agents  d'Afrique. 


CIUUCD    UUUU]ll 


iNo  12 


7«  Annice 


Note  sur  l'Utilisation  ratii 

DE  IL'lLlPHMT 


-^ 


^E  tous  temps  Téiéphant  a  été  utilisé  en  A 
et  rend  encore  les  plus  grands  services 
à  Tindustrio,  à  la  chasse,  à  la  gueri 
animal  de  parade  et  de  luxe.  Dans  Tantiquité  il  en 
Afrique,  mais  il  paraît  avoir  servi  presque  ex( 
guerre,  aux  jeux  de  cirque,  aux  cortèges  de  para( 
écrits  constatent  ces  faits  et  j'attire  tout  spéciali 
du  lecteur  sur  les  travaux  importants  de  M.  Bo 
articles  du  Congo  illustré  des  13  mars  et  24  avril 
Congo  belge  des  15  novembre  1896  et  15  janvier 
ques-uns  enfin  du  Mouvement  géographique  et 
coloniale  qui  sont  extrêmement  intéressants,  à  la 
et  qui  renvoient  à  nombre  de  sources  précieusej 
voudront  approfondir  l'étude  des  questions  q 
ci-après  et  dont  Timportance  m'a  frappé  en  suite 
au  Congo  et  au  Siam. 

Le  Siam  conslitîie  l'habitat  par  excellence  de  Tel 
Congo  celui  presque  exclusif  de  ce  précieux  indi 
africaine  qui  ne  se  rencontre  plus  guère  que  dans 
toriale. 

Si  de  nos  joui^  rèléplianl  n'est  plus  employé  ei 


rattribuer,  non  à  ce  que  Tespèce  d'Afrique  n'est  pas  domesticable 
comme  d'aucuns  le  pivHendent  d'une  façon  absolument  gratuite, 
mais  à  ce  que  son  utilisation  a  été  abandonnée  il  y  a  quelques 
siècles  et  à  ce  que  depuis  lors  il  a  disparu  des  parties  du  continent 
africain  qui  seules  étaient  accessibles,  il  y  a  peu  de  temps  encore, 
aux  peuples  d'une  civilisation  suffisament  développée.  Les  indi- 
gènes, qui  jusqu'en  ces  derniers  temps  habitaient  seuls  les  régions 
où  se  rencontre  encore  l'éléphant  africain,  n'avaient  besoin  à  aucun 
litre  de  ces  puissants  auxiliaires  à  l'état  vivant  et  asservi  :  ils 
n'ont  donc  pas  dû  songer  à  les  capturer  et  à  en  tirer  parti.  Sans 
commerce,  sans  industrie,  formant  de  petits  groupes  sans  cohésion 
nationale,  ces  pauvres  sauvages  vivaient  au  jour  le  jour  comme  les 
éléphants  eux-mêmes  :  ils  n'avaient  pas  besoin  d'animaux  pour  les 
servir. 

Depuis  l'achèvement  du  chemin  de  fer  du  Congo,  l'ère  de 
lexploitation  industrielle  du  bassin  du  grand  fleuve  ne  tardera 
pas  à  s'ouvrir  comme  l'a  déjà  fait  si  brillamment  celle  du  com- 
merce. Étant  donnée  la  puissance  de  transport  de  ce  merveilleux 
engin  qui  a  fait  disparaître  le  grand  obstacle  à  la  pénétration  de 
l'Afrique  équatoriale  et  à  l'évacuation  de  ses  produits,  le  moment 
est  venu  de  rechercher  plus  que  jamais  tout  ce  qui  peut  assurer 
et  activer  le  développement  économique  de  l'Afrique  centrale. 
Aussi  j'attire  l'attention,  et  on  ne  pourra  trop  le  faire,  sur  l'élé- 
phant domestique,  cet  auxiliaire  si  utile  de  l'homme  dans  les 
deux  branches  maîtresses  de  son  activité  :  le  commerce  et 
l'industrie. 

Les  principales  qualités  dont  il  y  a  à  tirer  parti  dans  l'éléphant 
sont  sa  force  musculaire  et  son  poids  considérable,  sa  grande  taille 
et  la  conformation  spéciale  de  certains  de  ses  organes,  l'intelli- 
gence avec  laquelle  il  exécute  les  travaux  qui  lui  ont  été  enseignés, 
la  facilité  de  son  dressage  et  de  son  entretien,  sa  mémoire  et  la 
persistance  de  l'éducation  qu'il  a  reçue,  même  lorsque  la  liberté 
lui  est  rendue  pendant  des  périodes  assez  longues,  enfin  sa  pru- 
dence. 

Là  où  il  est  le  plus  remarquable  actuellement,  au  Siam  et  en 
Birmanie,  c'est  dans  son  travail  en  forêt  et  sur  les  chantiers  pour 
l'exploitation  des  bois.  Pour  le  travail  en  forêt  il  supplée  à 
nombre  de  manœuvres  et  de  moyens  mécaniques.  Il  y  est  d'autant 


GENERALITES 


La  Malaria.  —  La  Royal  Society  de  Londres  vient  de  publier 
d'intéressants  travaux  sur  la  malaria  dus  aux  D"  Daniels,  Christophers 
et  Stephens.  On  sait  que  les  larves  de  l'espèce  d'anophèles  qui  propa- 
gent la  malaria  se  trouvent  en  abondance  en  Afrique  dans  des  maré- 
cages peu  profonds  comme  ceux  que  l'on  trouve  dans  les  dépressions 
rocheuses  après  l'évaporation  partielle  d'une  pluie  copieuse  ou  après 
le  passage  d'un  torrent.  On  sait  aussi  que  ces  larves  peuvent  être 
rapidement  détruites  en  versant  dans  le  marécage  du  pétrole  ou  du 
sel.  Certaines  personnes  ont  cru  et  ont  même  prédit  avec  confiance 
que  l'emploi  de  ces  moyens  suffirait  pour  arrêter,  au  bout  d'un  certain 
temps,  la  propagation  des  insectes  et  pour  débarrasser  les  localités 
infestées  de  leur  présence. 

Cet  espoir  n'a  jamais  été  partagé  par  le  major  Ross,  qui  a  dirigé, 
comme  on  se  le  rappelle,  l'expédition  malarienne  envoyée  à  Freetown, 
et  il  semble  qu'il  faille  définitivement  y  renoncer.  D'abord,  le  travail 
et  les  frais  de  l'application  de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces  remèdes  à  tous 
les  marécages  susceptibles  de  renfermer  des  larves,  même  en  se  limi- 
tant au  territoire  de  la  ville  de  Freetown,  seraient  énormes.  Ensuite, 
et  ceci  est  plus  important,  l'expérience  a  démontré  que  l'effet  de  ces 
mesures  n'est  que  temporaire.  Les  marais  ne  sont  épurés  que  pour  un 
certain  temps.  Après  un  terme  de  quelques  jours,  les  larves  sont 
aussi  nombreuses  que  jamais.  On  a  eu  beaucoup  de  peine  à  découvrir 
comment  et  quand  les  marais  s'étaient  repeuplés,  mais  on  sait  mainte- 
nant que  les  habitations  de  Freetown  contiennent  un  nombre  consi- 
dérable d'anophèles  femelles  qui  se  cachent  avec  beaucoup  de  soin, 
pendant  le  jour,  et  qui  se  dirigent,  pour  y  déposer  leurs  œufs,  vers 
tous  les  marais  qui  conviennent  à  cet  effet.  On  a  pu  garder  indemnes 


débarquement  à  la  scierie,  lis  s  attellent  a  eux-mêmes  a  ces 
énormes  pièces  de  bois,  sachant  parfaitement  mettre  et  enlever  les 
crochets  avec  leur  trompe.  D'autres  placent  le  madrier  devant  la 
scie  et,  lorsqu'il  a  été  divisé  en  planches,  transportent  celles-ci 
dans  une  autre  partie  du  chantier.  Là  ils  les  mettent  en  pile,  les 
alignant  avec  la  plus  grande  correction,  de  façon  à  ce  qu'une 
planche  ne  dépasse  pas  lautre.  Cela  tient  du  prodige.  Mon  cicé- 
rone me  disait  que  ces  braves  animaux  font  preuve  de  plus  d'intel- 
ligence que  beaucoup  de  coolies.  On  prétend  même  qu'ils  finissent 
par  distinguer  le  bon  bois  du  mauvais.  » 

L'éléphant  est  également  précieux  sur  les  chantiers  des  grands 
travaux  publics,  surtout  quand  ceux-ci  sont  difflcilement  acres- 
sibles,  non  seulement  parce  que  son  emploi  réduit  considérable- 
ment la  main-d'œuvre  nécessaire,  mais  surtout  parce  qu'il  dispense 
de  l'emploi  de  nombre  d'engins  mécaniques,  mouffles.  treuils,  eic, 
et  de  l'établissement  de  dispositifs  spéciaux,  voies  portatives  de 
roulage,  échafaudages,  etc.,  pour  le  déplacement  des  fardeaux.  On 
cite  des  exemples  remarquables  de  leur  emploi  à  Ceyian;  les 
Allemands  les  ont  utilisés  à  la  côte  orientale  pour  la  construction 
du  chemin  de  fer,  etc.,  etc.  Ils  pourraient  être  aussi  avantageu- 
sement employés  à  certains  travaux  agricoles;  j'ignore  si  la  chose 
se  fait.  Au  Siam,  où  la  peste  bovine  a  considérablement  contrarié 
l'agriculteur  dans  ces  dernières  années  et  où  l'éléphant  est  si 
abondant,  la  chose  paraît  à  tenter  et  les  chances  de  succès  seraient 
d'autant  plus  grandes  que  les  Siamois  sont  familiarist^s  avec  le 
dressage  de  cet  animal  qu'ils  emploient  couramment  pour  leurs 
transports  et  pour  leurs  exploitations  forestières. 

Pour  le  service  des  transports,  l'éléphant  convient  surtout  dans 
les  cas  difficiles,  à  défaut  de  routes  et  comme  animal  de  bût.  En 
dehors  de  son  travail  en  forêt,  c'est  la  manière  la  plus  usuelle  dont 
il  est  employé  au  Siam.  C'est  aussi  la  manière  dont  il  est  le  plus 
utilisé  dans  l'Inde  anglaise,  notamment  par  l'armée  où  son  emploi 
est  répandu  et  parfaitement  réglementé.  Il  peut  passer  des 
rapides  tumultueux,  des  gués  profonds,  des  marais  et  terrains 
inondés,  des  fourrés  inextricables,  là  où  aucun  autre  animal  ne 
pourrait  le  faire.  Il  escalade  les  roches  aussi  bien  que  les  mules, 
descend  les  côtes  les  plus  abruptes;  point  n'est  besoin  pour  lui  de 
sentiers  frayés  :  là  où  il  ne  peut  s'en  tirer  par  l'adresse  ou  par  la 


UTILISATION    RATIONNELLE   DE   L  ELEPHANT  O 

ruse,  il  use  de  la  force;  mainls  obstacles,  même  des  arbres  assi 
forls,  cèdent  sous  la  poussive  de  son  front  puissant. 

Comme  animaux  de  trait,  ils  ne  sont  pas  avantageux,  ne  coi 
viennent  même  pas  du  tout,  sauf  en  forêt  et  sur  les  chantiers  poi 
donner  un  coup  de  collier  ou  traîner  des  fardeaux  à  courte  distance 
Il  est  du  dernier  grotesque  et  digne  seulement  d'un  cirque  de  foire 
d'altcler  un  éléphant  à  une  voiturclte  à  la  manière  d'une  chèvr 
ou  d'un  poney,  comme  j'en  ai  vu  l'image  dans  un  journal  illustr 


Travail  des  éléphants  au  Sfam.  —  Fie.  II. 


; 


récent.  Non  seulement  les  qualités  spéciales  si  précieuses  de  l'élé- 
phant en  commandent  un  emploi  plus  judicieux,  mais  une  voiture, 
en  rapport  avec  la  taille  et  la  force  de  l'animal,  devrait  être  monu- 
mentale et  de  construction  spéciale  pour  tirer  parti  de  sa  puis- 
snnce  de  traction.  Il  est  à  remarquer,  en  outre,  qu'employé  à  la 
traction,  il  devrait  pousser  le  joug  du  front  et  non  tirer  par 
collier  ou  bricole  comme  on  le  fait  actuellement.  Je  reviendrai  sur 
ce  point  dans  la  suite  du  présent  article. 

Ktant  données  la  grande  utilité  des  éléphants  et  leurs  aptitudes 
spéciales  si  préci^^uses,  il  serait  désoIntH  do  Ins  voir  dispnrnître 
d'Alrique,  Fort  Ijcurt^usement  la  cliosc  a  iHé  roconiuic  vX  les  fçou- 
venicmenls  intéressés  se  ^oiit  préoccupés  de  leur  conservation. 


On  devra  non  seulement  montrer  la  rigueur  la  plus  intran- 
sigeante dans  l'application  des  mesures  déjà  prises  ou  arrêtées 
pour  assurer  cette  conservation,  mais  aussi  prendre  le  plus  de 
précautions  possibles  pour  augmenter  leur  reproduction.  Il  est 
admis  que  rien  ne  justifie  leur  destruction  :  ils  ne  sont  pas  dan- 
gereux, à  de  rares  exceptions  près,  même  à  l'état  sauvage,  tant 
qu'ils  ne  sont  pas  attaqués,  pas  plus  que  les  chevaux  ou  le  bétail; 
leur  chair  n'est  pas  comestible  ou  du  moins  est  mauvaise,  sauf 
quelques  partres  de  la  tête,  et  n'est  mangeable  que  par  les  indi- 
gènes qui  en  seraient  vite  dégoûtés  si  on  en  mettait  d'autre  facile- 
lement  à  leur  portée;  leur  dépouille  n'est  pas  utilisée  ni  en  tous 
cas  indispensable  (fait-on  autre  chose  que  des  guéridons  affreux 
des  oreilles  et  de  mauvais  pots  à  tabac  de  la  dépouille  des  pieds); 
enfin  il  n'est  pas  besoin  de  les  tuer  pour  avoir  leur  ivoire,  point 
important  sur  lequel  j'insiste  et  que  je  développe  ci-après.  Au 
contraire,  continuer  à  les  exterminer,  c'estjtarir  la  source  de  ce 
produit  précieux.  Il  est  à  remarquer  que  l'ivoire  n'a  de  valeur 
qu'en  raison  de  la  beauté  et  de  la  finesse  de  son  grain  et  de  sa 
rareté,  que  son  emploi  est  de  pur  luxe,  qu'il  n'est  iijdispensable 
pour  aucun  usage  utilitaire  et,  point  extrêmement  important,  qu'il 
n'y  a  que  la  partie  pleine  de  la  défense  qui  soit  précieuse.  Ce 
n'est  guère  que  pour  la  confection  des  billes  de  billards  que  son 
emploi  s'impose  plus  ou  moins,  tant  que  l'on  n'aura  pas  trouvé  une 
autre  matière  possédant  au  même  degré  :  l'élasticité,  l'indéforma- 
bilité  sous  les  actions  atmosphériques  ou  autres,  la  solidité,  la  légè- 
reté et  la  faculté  de  prendre  un  beau  poli.  Et  encore,  à  part  les 
billes  constituant  les  jeux  de  prix,  ceux  que  l'on  appelle  les  jeux 
de  professeurs,  combien  n'y  en  a-t-il  pas  en  toutes  espèces  de 
matières  autres  que  l'ivoire  !  Or,  les  billes  sont  prises  exclusive- 
ment dans  les  parties  pleines  des  défenses  et  s'il  fallait  absolument 
obtenir  de  grandes  quantités  d'ivoire  de  cette  nature,  on  pourrait, 
sans  inconvénients,  le  prendre  aux  animaux  vivants  sans  dom- 
mages pour  ceux-ci,  comme  nous  le  verrons  plus  loin.  Je  signale, 
en  passant,  un  article  très  intéressant  sur  l'ivoire,  de  M.  E.  Gautier, 
dans  hRevue  générale  des  Sciences,  du  «30  octobre  1897,  8*"'  année, 
n<»  20. 

11  y  a  donc  bien  intérêt,  à  tous  les  points  de  vue,  non  seulement 
à  protéger,  mais  aussi  à  multiplier  l'éléphant,  j'estime  ne  pou- 


GimONIQUE  731 

appeler  l'épreuve  offensive,  a  consisté  dans  l'expérience  suivante  :  On 
a  pris  des  moustiques  de  laboratoire,  c'est-à-dire  des  moustiques 
sortis  de  l'œuf  dans  un  laboratoire.  Ces  moustiques  n'avaient  jamais 
eu  l'occasion  de  s'assimiler  des  germes  de  malaria.  On  les  a  ensuite 
nourris  à  Rome  sur  des  malades  atteints  de  fièvre  tierce  et  contenant^ 
dans  leur  sang,  d'après  les  constatations  microscopiques,  des  para- 
sites. Ces  moustiques  ont  été  transportés  à  Londres  et  sustentés  au 
moyen  de  sucs  végétaux  jusqu'au  moment  où  les  germes  de  la  malaria 
furent  parvenus  à  la  glande  vénéneuse.  On  les  a  alors  laissés  voler 
dans  une  cabane  spéciale  où  dormait  un  Anglais  qui  n'a  jamais  quitté 
son  pays.  On  conjecturait  qu'après  un  délai  d'une  dizaine  de  jours 
cette  personne  présenterait  des  signes  de  fièvre  paludéenne  et  que  l'on 
découvrirait  dans  son  sang  le  parasite  de  la  malaria.  L'expérience 
n'offrait  aucun  danger  particulier,  car  la  forme  de  fièvre  que  le  sujet 
contracterait  est  des  plus  bénignes  et  peut  être  aisément  vaincue  au 
moyen  de  quelques  doses  de  quinine. 

Conformément  à  ce  programme,  le  D'  Bastianelli  envoya  à  Londres, 
trois  groupes  d'anophèles  qui  avaient  aspiré  le  sang  de  malades  atteints 
de  fièvre  tierce.  Le  fils  du  directeur  de  l'Ecole  des  maladies  tropicales, 
M.  Manson,  a  consenti  à  se  prêter  à  l'expérience.  Il  a  été  mordu  tous 
les  deux  jours  par  les  insectes  aussi  longtemps  que  ceux-ci  ont  vécu. 
L'expérience  se  fit  avec  le  premier  groupe  d'anophèles  dans  les  deux 
premières  semaines  de  juillet,  avec  le  second  à  la  fin  d'août,  et  avec 
le  dernier  pendant  la  deuxième  semaine  de  septembre.  M.  Manson 
conserva  la  santé  jusqu'au  13  septembre  où  il  fut  pris  tout  à  coup  de 
fièvre.  Le  17  septembre,  on  découvrit  des  parasites  dans  son  sang.  La 
nature  du  mal  était  identifiée.  Les  parasites  ont  été  vus  par  le  D'  Man- 
son et  plusieurs  autres  médecins.  Il  était  donc  avéré  que  la  fièvre  avait 
été  communiquée  par  les  anophèles  en  l'absence  de  toute  autre  cause. 
Le  retard  dans  l'apparition  des  symptômqs  chez  M.  Manson  peut  être 
attribuée  soit  à  l'état  des  insectes  qui  l'attaquèrent  en  premier  lieu 
soit  à  la  nécessité  d'un  certain  délai  pour  que  les  parasites  se  déve- 
loppent en  nombre  suffisant  pour  déterminer  la  fièvre. 

Ces  expériences  sont  en  parfaite  corrélation  avec  celles  auxquelles 
le  D'  Grassi  se  livre  en  ce  moment  dans  les  plaines  de  Salerne.  Cer- 
taines cabanes  habitées  par  les  gens  du  pays  ont  été  protégées  contre 
l'intrusion  des  moustiques  au  moyen  de  toiles  métalliques.  Le  résultat 
en  a  été  surprenant.  Les  personnes  qui  les  occupent  n'ont  pas  eu  un 
seul  accès  de  fièvre  de  toute  la  saison.  Par  contre,  dans  d'autres 
cabanes  qui  se  trouvent  à  quelques  pas  des  premières,  le  mal  fait  ses 
ravages  habituels. 


la  péninsule  où  Ton  ne  travaille  que  pendant  une  partie  de  l'année 
et  où  les  éléphants  sont  employés  au  transport. 

La  question  de  savoir  si  Téléphant  d'Afrique  est  domesticable 
comme  son  congénère  d'Asie  a  été  très  discutée.  Quant  à  moi  je 
suis  convaincu  qu'il  l'csl,  sinon  au  même  degré,  en  tous  cas  au 
point  de  pouvoir  rendre  de  grands  services.  M.  Bourdarie  et  toutes 
les  autorités  qu'il  cite,  llanolet  mon  compatriote  et  bien  d'autres 
encore  sont  d'avis  également  que  cette  domestication  est  possible. 
En  1889-1890,  j'ai  vu  au  cap  Lopez  le  jeune  parfaitement  domesti- 
qué auquel  fait  allusion  M.  Bourdarie.  Docile,  mais  espiègle,  ce 
jeune  animal  circulait  en  liberté  dans  la  factorerie  française  à 
laquelle  il  appartenait,  ainsi  que  dans  les  environs.  H  fut  tué  par 
les  soldats  ou  les  douaniers  du  port  voisin,  sous  prétexte  que  par 
ses  familiarités,  il  importunait  ces  soudards  et  qu'il  arrachait  par- 
fois en  jouant  les  poteaux  de  la  vérandah.  C'est  un  acte  inqualifiable 
que  cette  exécution. 

Il  existe  actuellement  un  jeune  éléphant  domestiqué  chez  les 
missionnaires  à  Fernand-Vaz,  peut-être  d'aulres  encore,  notam- 
ment au  poste  créé  par  l'Ktat  Indépendant  du  Congo,  spécialement 
à  cette  fin.  D'après  les  nombreuses  études  déjà  faites  ù  ce  sujet, 
particulièrement  par  M.  Bourdarie,  d'après  le  témoignage  de 
j\l.  Cari  Hagenbeek  de  Hambourg,  qui  a  vu  tant  d  éléphants  afri- 
cains passer  dans  son  établissement,  d'après  les  exemples  faciles 
à  contrôler  dans  les  cirques  et  dans  les  jardins  d'acclimataiion, 
la  domestication  possible  et  même  facile  me  paraît  indiscutable- 
ment établie  et  il  est  étonnant  qu'elle  n'ait  pas  encore  été  tentée 
depuis  longtemps  sur  une  vaste  échelle.  M.  Bourdarie  au  Congo 
français,  les  Allemands  dans  leurs  colonies,  l'Etat  Indépendant  du 
Congo  ont  entrepris  la  chose,  mais  jusqu'à  quel  point  ces  entre- 
prises sont-elles  méthodiques,  étendues  et  seront-elles  soutenues? 
Le  personnel  qui  est  chargé  est-il  compétent,  est-il  préparé  seule- 
ment? Quelle  est  son  expérience?  Où  a-t-il  lait  école? 

Le  peu  de  résultats  pratiques  obtenu  jusqu'à  présent  dans  l'Etat 
Indépendant  du  Congo  me  paraît  devoir  être  attribué  à  ce  que  le 
personnel  s'est  attaché  à  capturer  des  éléphanls  trop  jeunes. 

Ce  qu'il  y  aurait  lieu  de  faire,  pour  éviter  des  mé^-omptes 
futurs  et  pour  ne  pas  compromettre  davantage  le  succès  de  la 
louable  entreprise  qui  a  été  tentée  et  provoquer  son  abandon,  serait 


ciiitoMUL'E  733 


ASIE 


Chine.  La  ramie.  —  Le  consul  d'Angleterre  à  Kuikiang,  dit  dans 
son  rapport,  que  la  culture  de  la  ramie  a  pris  une  grande  extension 
dans  le  centre  de  la  Chine  pendant  les  dernières  années.  C'est  surtout 
dans  la  province  de  Hupei  qu'on  rencontre  ce  produit.  Il  s'expédie  de 
Kiukiang  vers  Shanghaï  d'où  il  est  envoyé  au  Japon,  à  Canton,  Chin- 
kiang  et  autres  ports  chinois  où  on  le  transforme  en  un  tissu  que 
les  indigènes  portent  en  été.  La  ramie  donne  trois  récoltes  par  an,  La 
première  qu'on  plante  pendant  l'automne  précédent  vient  à  maturité 
en  juin,  la  deuxième  est  mûre  en  juillet  et  la  troisième  vers  octobre. 
Le  deuxième  récolte  est  inférieure  aux  deux  autres;  elle  ne  reste  en 
terre  que  pendant  un  mois  et  l'extrême  chaleur  empêche  son  dévelop- 
pement. La  première  est  généralement  meilleure  et  dans  les  bonnes 
saisons  elle  atteint  jusqu'à  70  pouces  de  hauteur.  On  la  roule  en  balle 
selon  la  longueur  des  tiges.  On  en  obtient  de  10  à  12  taels  par  picul 
de  133  livres.  Le  prix  dépend  des  marchés  japonais  vers  lesquels 
60  p.  c.  de  la  production  totale  s'exporte.  Les  deuxième  et  troisième 
récoltes  obtiennent  de  il  à  8  taëls  le  picul. 

On  dit  que  les  marchands  allemands  achètent  de  la  ramie  à  Shan- 
ghaï et  un  envoi  a  été  fait  directement,  il  y  a  peu  de  temps,  par  une 
finne  chinoise  à  Hambourg. 

Chine.  Les  mines  de  charbon  du  Shan-Si.  —  Le  professeur 
Drake,  de  Tien-Tsin,  a  publié  récemment  un  rapport  sur  les  mines  de 
charbon  de  la  province  de  Shan-Si  qu'il  a  visitées  l'automne  dernier, 
particulièrement  celles  de  Tse-chau  qui  furent,  pour  la  première  fois, 
portées  à  la  connaissance  du  public,  en  1870,  par  le  baron  von 
Richthofen  et  dont  Texploitation  a  été  concédée  à  une  compagnie 
anglo-italienne.  On  y  arrive  de  la  côte  en  traversant  des  plaines 
basses.  On  monte  ensuite  vers  un  plateau  où  se  trouvent  les  mines. 
Le  charbon  exploitable  se  trouve  dans  une  couche  qui  repose  sur  un 
Ut  de  calcaire.  Il  est  probable  qu'au-dessous  de  ce  stratum  se  trouve 
une  nouvelle  couche  de  charbon.  L'épaisseur  moyenne  du  charbon  à 
Tsechau  n'est  probablement  pas  inférieure  à  S2  pieds.  A  un  endroit,  on 
exploite  la  mine  par  une  galerie  qui  descend  à  329  pieds.  M.  Drake 
estime  que  les  150  milles  carrés  qui  se  trouvent  autour  de  Tse-chau 


s'approchent  de  lui  et  en  un  clin  d'œil  le  nœud  coulant  forme  à  rextrcmité  du 
câble  en  rotin  lui  est  adroitement  passé  au  pied.  L'animal  reste  encore  tranquille 
un  instant  jusqu'au  moment  où  le  fracas  produit  par  le  déroulement  du  rotin 
sur  le  sol  Taffole;  alors  la  fuite  et  la  poursuite  commencent.  Partout  où  il  se 
dirige  dans  sa  frayeur  les  trois  ombres  noires  le  suivent,  le  lourd  câble  traînant 
parmi  les  souches  d'arbres.  Chaque  fois  qu'il  s'arrête  les  chasseurs  fixent  ce 
câble  à  l'arbre  le  plus  proche  et  à  force  de  tirailler,  courir,  trébucher,  et  aussi 
de  frayeur,  il  est  bien  près  d'être  épuisé  à  la  nuit  tombante.  En  cas  ou  les  chas- 
seurs disposent  d'éléphants  dressés,  il  les  amènent  alors  pour  lui  tenir  compagnie  et 
le  calmer.  Les  trucs  les  plus  ingénieux  sont  employés  pour  arriver  à  engager  un 
nœud  coulant  à  un  autre  des  pieds  lîc  la  bète  tandis  que  celle-ci  se  jette  péni- 
blement de  droite  et  de  gauche  :  chaque  fois  que  la  corde  qui  la  retient  touche 
un  arbre,  un  lien  l'y  fixe,  diminuant  le  flottement,  laissant  chaque  fois  moins  de 
jeu  à  la  bète,  tant  et  si  bien  qu'elle  se  trouve  bientôt  amarrée  à  un  solide 
tronc  d'arbre.  Il  n'est  pas  fait  de  feu  auprès  du  captif  pour  ne  pas  l'efirayer  et 
((uelque  deux  à  trois  cents  kilogrammes  de  bambou  délicat  et  autres  friandises 
lui  sont  apportés  journellement  jusqu'à  ce  qu'il  soit  habitué  aux  figures  qui 
vont  et  viennent  autour  de  lui,  s'asseyent  en  face  de  lui  et  lui  parlent.  C'est  à  ce 
moment  que  les  bons  sentiments  sont  précieux  chez  le  dresseur  et  qu'un 
homme  étourdi  ou  cruel  se  fait  du  jeune  éléphant  un  ennemi  pour  la  vie.  Si  le 
jeune  éléphant  peut  être  sauvé  d'abattement,  de  dépérissement,  si  les  blessures 
produites  par  les  liens  en  jonc  qui  le  retiennent  uq  s'enveniment  pas,  il  pourra 
bientôt  porter  en  toute  sécurité  le  gouverneur,  le  roi  lui-môme,  mais  il 
n'oubliera  jamais,  jusqu'à  la  mort,  l'impression  de  l'homme  ou  les  moyens 
employés  à  l'éduquer  pour  sa  nouvelle  vie. 

On  remarquera  dans  ce  récit  que  les  éléphants  dressés  ne  sont 
pas  indispensables:  ils  n'interviennent  que  pour  faciliter  et  activer 
le  dressage  et  non  pour  coopérer  à  la  capture. 

La  manière  dont  a  été  capturé  le  jeune  éléphant. des  mission- 
naires de  Fernand-Vaz  (I)  est  à  peu  près  bonne,  mais  ce  qu'il  y  a  à 
condamner  dans  le  procédé,  c'est  le  massacre  du  troupeau  entier 
auquel  les  Pahouins  se  sont  livrés  pour  capturer  un  seul  jeune. 
Si  des  méthodes  de  ce  genre  de  chasse  nécessitant  la  destruction 
d'un  troupeau  pour  la  capture  problématique  d'un  jeune  est  tolé- 
rée, on  aura  ajouté  une  cause  nouvelle  de  destruction  à  celles  déjà 
existantes,  ce  qu'il  faut  à  tout  prix  éviter. 

Les  captureurs  ne  peuvent  en  aucun  cas,  sauf  ceux  de  force 
majeure  et  pour  leur  défense  personnelle,  tuer  les  éléphants  qu'ils 
pourchassent,  et  même  ils  doivent  s'entraîner  à  les  inquiéter  le 

,1)  Voir  Uelgiqtm  Coloniale  du  19  novembre  1899. 


CHRONIQUE  735 

Une  grande  partie  du  café  de  Cochinchine  est  acheté  par  des  mar- 
chands chinois.  Les  planteurs  font  des  efforts  pour  vendre  directement 
aux  consommateurs.  Un  syndicat  de  planteurs  fait  des  démarches  pour 
ouvrir  un  magasin  de  vente  pour  le  café. 

La  production  du  café  en  Cochinchine  est  encore  inférieure  à  la 
consommation  du  pays  et  ce  produit  est  importé  par  des  firmes 
européennes.  Le  prix  du  café  indigène  varie  de  fr.  ^  .7S  à  2  francs  le 
kilogramme,  vendu  par  quantités  de  60  à  100  kilogrammes.  Une 
certaine  quantité  atteint  jusqu'à  fr.  2.50  le  kilogramme. 

Environ  148  hectares  de  café  produisent  actuellement.  147  autres 
ont  été  plantés  mais  ne  rapportent  encore  rien.  Us  commenceront 
à  produire  trois  ans  après  leur  plantation,  mais  on  ne  peut  en 
attendre  de  récoltes  rémunératrices  que  lorsqu'ils  auront  cinq  années 
d'existence. 

Ceylan.  Développement  du  commerce.  —  Les  importations 
se  sont  élevées,  en  1899,  à  111,992,349  Rs.  et  les  exportations  à 
j  11,953,937  Rs.,  soit  un  mouvement  commercial  total  de  223  millions 
948,286  Rs.  ou  d'environ  15  millions  de  liv.  st.  Si  l'on  fait  abstraction 
de  l'argent  monnayé,  le  chiffre  total  est  de  213,007,870  Rs.  ou  du 
double  de  celui  de  1890.  Cette  augmentation  considérable  est  due 
aux  plantations  de  thé  qui  ont  atteint  à  présent  leur  maximum.  Les 
prix  sont  trop  bas  pour  encourager  la  fondation  de  nouvelles  entre- 
prises. Les  planteurs  s'appliquent  maintenant  à  produire  du  thé  vert 
pur  afin  de  disputer  au  thé  de  Chine  et  du  Japon  les  60,000,000  de 
livres  importées  annuellement  par  les  Etats-Unis.  La  difficulté  du 
transport  du  thé  de  Chine  par  voie  de  terre  détournera  probablement 
une  partie  de  la  clientèle  russe  vers  Ceylan. 

A  coté  du  thé  et  du  cacao  et  des  plantations  de  caoutchouc,  la 
culture  des  noix  de  palme,  par  les  Européens  et  les  indigènes  mérite 
d'être  signalée.  Le  riz  ne  semble  pas  prendre  d'extension  malgré 
Tabolition  des  taxes.  Les  importations  de  riz  de  l'Inde,  dépassent  de 
2  millions  de  bushels,  celle  de  1892. 

Le  boni  de  1899  a  été  de  962,202  Rs.  qui  seront  affectés  à  l'extension 
de  chemins  de  fer  dans  le  Nord.  Le  port  de  Colombo  a  été  amélioré  et 
il  est  de  plus  en  plus  apprécié  comme  port  d'escale  et  station  de 
charbon. 

Les  plantations  de  thé  à  Ceylan.  —  Ceylan,  de  1837  à  1882,  a 
été  un  grand  centre  de  production  du  café.  Mais  les  maladies  parasi- 
taires qui  ont  sévi  sur  les  caféiers  ont  eu  pour  effet  d'obliger  les 
planteurs  à  s'occuper  d'autres  cultures. 


dent  réciproquement,  et  qu'à  beaucoup  près,  ils  ne  portent  pas 
tous  de  l'ivoire,  du  moins  en  quantité  exploilxible.  Ces  massacres 
sont  plus  qu'impardonnables,  ils  sont  criminels,  inhumains,  anti- 
économiques.  L'ivoire  ne  devrait  provenir,  et  les  pouvoirs 
publics  devraient  y  tenir  impitoyablement  la  main,  que  des  stocks 
existants,  des  animaux  succombant  de  mort  naturelle  ou  victimes 
d'accident,  enfin  du  tronçonnement  des  défenses  des  éléphants 
vivants.  Celte  dernière  opération  se  pratique  couramment  sur 
certains  animaux  de  parade  et  de  luxe  et  parfois  sur  ceux  employés 


Fie.  V. 


Fie.  VI. 


sur  les  chantiers  quand  ceux-ci  sont  astreints  à  un  travail  trop 
fatigant,  épuisant;  tel  est  le  cas  pour  celui  que  j'ai  vu  à  l'œuvre 
à  Bangkok.  Pour  le  travail  sur  chantier  les  défenses  servent,  soit 
comme  levier  pour  mouvoir  des  fardeaux  (fig.  I),  soit  comme  sup- 
port pour  les  soulever  ou  les  transporter  (fig.  II).  soit  comme 
point  d'attache  d'amarres  (fig.  III).  On  conçoit  aisément  que  plus 
elles  sont  longues,  plus  la  résistance  à  vaincre  aura  son  point  d'ap- 
plication près  des  pointes,  plus  le  bras  de  levier  de  la  résistance 
sera  considérable  et  en  conséquence  plus  l'effort  h  faire  par  l'ani- 
mal sera  considérable  pour  une  même  résistance  à  vaincre.  Plus 
les  défenses  seront  longues  plus  le  travail  sera  fatigant  et  moins 
longtemps  il  pourra  cire   poursuivi.    Pour  un    travail  courant 


(\)  Fig    IV  ;  Défenses  norniaîes. 


et  soutenu  il  y  nura  donc  généralement  av; 
la  défense.  Quand  Fciéphant  doit  faire  un 
ou  brusque  avec  sa  défense  comme  levier 
brise  et  il  y  est  d'autant  exposé  que  sa  défense 
1  état  sauvage  cela  lui  arrive  assez  souvent,  co 
nombre  de  tronçons  de  défenses  arrivant  sur  1 
de  brisure  ancienne.  On  peut  conclure  de  ces 
dite  des  défenses  trop  lon^fues  n'est  pas  en  ra 
musculaire  de  Tan i mal,  surtout  si  cette  dern 


\ 


Fi*;,  VJI. 


h\G.  VllL 


mélliodiquement,  comme  cela  doit  arriver  inévn 
animaux  bien  nourris  et  bien  entraînés  Irava 
tiers;  2**  que  le  tronçonnement  de  ses  défensei 
ciable  à  i'aïiimal  puisque  celles  brisées  accidenii 
brisure  n'est  pas  soignée  n'en  soulIVent  pas. 

J'ai  vu  un  c!é pliant  travaillant  à  Bangkok  t 
tances  assez  longues,  en  les  transportauL  sur 
maintenant  de  la  trompe,  des  poutres  de  bc 
8  mètres  de  long  sur  O^iG  à  0"'tO  d  equarrissa, 
d'un  mètre  cube,  et  un  poids  d'une  tonne,  au 
tandis  que  ses  défenses  étaient  intactes  et  relati 


(I)  Fl§.  LX  :  Groeli(*ls  forU  et  courla  pour  le  traiisp<>rt  de  poi 


ne  pouvait  soutenir  pareil  travail  d'une  façon  continue  et  après 
quelque  temps,  on  devait  lui  laisser  des  repos  fort  longs,  de 
plusieurs  journées  parfois.  On  s*est  alors  décidé  à  lui  raccourcir 
les  défenses  en  coupant  leurs  pointes  et  en  affûtant  le  tronçon 
restant  de  manière  à  lui  donner  la  forme  d  une  dent  normale 
courte  (fig.  V),  ce  qui  a  eu  d'excellents  résultats  augmentant  de 
beaucoup  la  capacité  et  la  régularité  de  travail  de  la  bête.  J*estime 
que  Ion  pourrait  aller  plus  loin  dans  cet  ordre  d'idées,  qu'on 
pourrait  couper  carrément  presque  toute  la  partie  pleine  de  la 
dent  (Bg.  VI)  et  sans  affûter  la  partie  restante,  munir  celle-ci  d'une 


Fig.  X  (1). 


Fie.  XI. 


Fig.  Xll. 


armature  ou  d'un  outil  mobile  approprié  au  travail  que  l'on  attend 
de  l'animal,  absolument  comme  on  munit  l'ouvrier  de  l'outil  con- 
venant au  travail  qu'il  a  à  effectuer.  Ainsi,  pour  rendre  à  Fanimal 
ses  défenses  normales  et  pour  lui  permettre  le  genre  de  travail 
analogue  à  celui  du  levier  ou  du  pic,  on  adapterait  des  pointes 
longues  (fig.  VII),  pour  le  transport  des  fardeaux,  des  pointes 
courtes  droites  (fig.  VIII)  ou  en  équerre  (fig.  IX,  X  et  XIII)  ou  des 
crochets  (fig.  XI).  Au  cas  où  l'animal  devrait  tirer  des  fardeaux 
ou  de  lourds  véhicules,  les  défenses  recoupées  ou  non  pourraient 
porter  le  joug  (fig.  XII),  ce  qui  serait  prélérable  au  collier  ou  à  la 
bricole.  On  pourra  enfin  adopter  la  combinaison  de  deux  quelcon- 
ques des  armatures  simples  (fig.  XIV  par  exemple).  Ces  armatures 


(1)  Fig.  X  :  Crochets  forts  et  longs  pour  le  transport  de  ballots  de  coton,  etc. 


seraient  d'ailleurs  de  formes  variées  à  étudier 
genre  de  travail  à  effectuer  :  pour  les  terrasse 
forme  de  pioche,  de  bêche  ou  de  pelle,  pour  1( 
plus  divei^s  encore,  etc.,  etc. 

Ces  propositions  pourront  paraître  quelqu 
ceux  qui  ne  sont  pas  familiarisés  avec  les  apti 
et  que  les  innovations  effrayent»  mais  il  est  à  rc 
que  chose  de  ce  genre  a  été  fait  dans  lantiqui 
aux  défenses  des  éléphants  de  combat,  des  an 
ils  fauchaient,  de  façon  sanglante  et  terrible,  1 


iMG.  \III(l). 


Fie.  \i 


Mes  pfropositions  ne  sont  peut-être  pas  notivellt  : 
connaissance  do  leur  appIicaLioii  et  il  serait  in 
cas,  de  les  voir  cxpériiiienlcr  ici  même  eJi  Euro 
ineJit  convaincu  que  ces  expériences  bien  con( 
de  boïis  rêsulUits,  Ce  serait  ujic  belle  entrepris 
haut  point,  pour  un  cirque  sérieux  ou  au  établis 
tation.  Ce  serait  plus  utile  que  les  acrobaties  q 
leur  faire  faire  actuellement*  l*ûur  n'ejî  citer  qu'u 
pas  puéril  ot  mesquin,  pour  un  établissement  se 
le  jardin  zoologique  d'Anvers,  d'y  voir  Feléphan 
velle  d'une  méchante  boîte  à  musique  et  suri 
affublé   d'un    tablier.   Je    trouve    ce   spectacle 


(l)  Fig,  XII 1  :  CroclieU  légers  longs  pour  le  transport  de  canjvc 


pituuA,    Il  idit^iiiuiit    liuiuuiu,    un  jcAïuiii   ^uuiu^iqut?    uevidii   iiuiib 

moiilrer  un  spectacle  plus  sérieux,  plus  inslruclif.  Que  Ton  y 
montre  Téléphant  accomplissant  le  travail  intelligent  qu'il  fournit 
journellement  au  Siam  et  en  Birmanie,  à  Ceylan,  aux  Indes.  Ce 
stra  édifiant,  instructif  et  moral  en  ce  sens  que  ce  spectacle  ferait 
rougir  de  honte  et  de  dépit  pas  mal  de  manœuvres  humains  abrutis 
par  lalcool,  et  par  le  fait  incomparablement  inférieurs  aux  élé- 
phants comme  habileté  et  clairvoyance  dans  laccomplissement  de 
leur  lâche. 

Beaucoup  des  exercices  que  Ton  voit  faire  actuellement  dans  les 
cirques  sont  bons,  mais  moins  pour  montrer  le  parti  qu  on  peut 
tirer  des  éléphants  que  comme  exercices  d'assouplissement  et  de 
gymnastique  pour  ceux-ci.  Si  les  directeurs  de  cirque  voulaient 
supprimer  les  parties  ridicules  des  exercices  de  leurs  éléphants 
et  s'efforcer  de  mettre  en  lumière  le  mieux  possible  leurs  aptitudes 
utiles,  ils  aideraient  puissamment  à  la  propagande  poursuivie  avec 
tant  d'ardeur  par  M.  Bourdaric  et  d'autres.  Ils  seraient  d  ailleurs 
largement  récompensés  de  leurs  efforts  par  les  spectacles  intéres- 
sants et  neufs  offerts  ainsi  au  public  qui  y  accourrait  en  nombre. 
A  l'attention  avec  laquelle  le  public  a  suivi  quelques  causeries  que 
j  ai  faites  sur  les  éléphants,  avec  projections  lumineuses,  j'ai  pu 
constater  combien  ce  sujet  l'intéresse.  Il  est  utile  de  montrer  le 
parti  pratique  à  tirer  des  animaux  exotiques  en  général,  car  rares 
sont  ceux  qui  peuvent  aller  les  voir  travailler  au  loin  et  précieuse 
est  la  chose  pour  ceux  qui  comptent  s'expatrier.  On  peut  instruire 
tout  en  amusant  et  en  intéressant  et  faire  travailler  un  animal  de 
manière  à  montrer,  d*une  façon  tangible,  le  parti  pratique  qu'on 
peut  en  tirer.  Découvrir  et  mettre  en  lumière  une  aptitude  nouvelle 
utilisable,  une  méthode  plus  rationnelle  de  travail,  c'est  rendre  un 
service  important  à  la  cause  de  la  colonisation. 

L'éléphant  s'offre,  sous  ce  rapport,  comme  un  sujet  des  plus 
remarquable. 

J.  Cauton. 


,ri:re  a  thé  en  fleurs. 

{Missions  btltjei.) 


et  dans  certaines  parties  même  très  insalubres,  loiit  ciepencl,  ici 
aussi,  de  1  altitude.  En  général,  les  districts  qui  se  trouvent  entre 
3,500  et  5,500  pieds  d'altitude  peuvent  être  considérés  comme 
modérément  insalubres  ;  ceux  qui  sont  situés  à  moins  de 
3,500  pieds  d altitude  doivent  être  tenus,  dans  letat  actuel  des 
choses,  comme  très  malsains.  On  trouve  naturellement,  dans  les 
diverses  réjçions,  des  endroits  qui  devraient  être  sains  et  qui  ne  le 
sont  pas;  de  même  qu'il  y  en  a  d'autres  qu'on  présumerait  devoir 
être  malsains  et  qui,  sans  raison  apparente,  sont  salubres. 

D'une  manière  générale,  on  peut  dire  que  la  région  qui  s'étend 
le  long  des  rives  du  Nil  est  manifestement  insalubre  pour  les  Euro- 
péens. La  situation  de  Wadelai  semble  cependant  faire  une  heu- 
reuse exception.  Les  côtes  du  lac  Albert,  surtout  celle  de  l'est, 
sont  également  insalubres,  comme  aussi  les  environs  du  lac 
Baringo.  Les  pays  riverains  du  lac  Rodolphe  sont  tellement 
brûlés  et  desséchés  qu'il  n'y  existe  probablement  pas  de  devra 
malarienne;  par  contre,  on  dit  que  la  dysenterie  y  règne  par  suite 
de  la  mauvaise  qualité  de  l'eau. 

Les  rives  du  Victoria  Nyanza  sont  contaminées  par  la  proxi- 
mité de  terres  m»irécageuses.  La  fièvre  hématurique  y  règne  à 
l'état  endémique  bien  qu'elle  soit  d'une  forme  plus  bénigne  que 
celle  du  lac  Nyassa  et  de  l'Afrique  Occidentale.  Le  climat  du  Victo- 
ria Nyanza  est  cependant  agréable,  grâce  à  la  situation  .élevée  de 
ce  lac  (environ  4,000  pieds  d'altitude),  qui  modifie  l'effet  de  la 
chaleur  solaire  et  procure  des  nuits  fraîches. 

Dans  le  royaume  de  l'Uganda  et  dans  les  provinces  de  Rusoga 
et  de  Kavirondo,  le  climat,  au  point  de  vue  de  la  température, 
peut  être  qualifié  d'excellent.  Ces  régions  sont  un  des  nombreux 
exemples  de  pays  africains  tropicaux  où  le  climat  n'est  pour  rien 
ou  pour  peu  seulement,  dans  les  maladies  qui  y  régnent.  La  mala- 
ria dont  les  Européens  souffrent  dans  ces  contrées  est  due  entiè- 
rement aux  germes  de  maladie  qu'ils  ont  contractés  dans  les 
régions  marécageuses.  Le  climat  de  la  vallée  du  Nil  est,  par 
contre,  si  chaud  dans  certaines  saisons  de  l'année  qu'il  est  parti- 
culièrement préjudiciable  à  la  santé.  Celui  du  plateau  de  Mau  est 
souvent  froid  et  humide;  mais,  pourvu  d'une  bonne  habitation,  le 
colon  peut  y  jouir  d'une  bonne  santé,  au  milieu  des  vents  et  des 
brouillards. 


M.  Johnston,  comme  d'autres  personnes, 
d'anophèles  aux  environs  du  Victoria  Nyan; 
où  des  personnes  souffraient  de  fièvre  liéma 
beaucoup  améliorer  la  situation  climatcrique  < 
nant  les  marécages  et  en  faisant  disparaître 
de  plantes  dans  lesquels  les  moustiques  Iron^ 
abri.  Ainsi,  à  Port  Alice,  le  pays  était  entièi 
hautes  herbes  ou  bien  de  forêts  et  de  brouss 
naires  qui  y  résidaient  souffrirent  des  mou 
années.  Un  jour,  on  prit  la  résolution  de 
herbes  et  les  broussailles.  C'est  à  peine  si  V 
un  moustique  dans  cette  localité.  On  pourrail 
en  a  pas,  si,  à  l'occasion  d'une  récente  érupi 
turique,  on  n'avait  constaté,  pendant  un  certai 
des  anophèles  dont  il  est  parlé  plus  haut. 

Une  autre  cause  de  maladie  est,  pour  les  f 
que  pour  les  missionnaires,  l'insuffisance  d 
tables.  On  tâche  d  y  remédier  malgré  les 
transport  de  la  tôle  ondulée  et  du  ciment.  0 
aussi  des  briques  et  des  tuiles  dans  le  prote 
indiens  ont  été  engagés  pour  scier  en  planche 
que  contiennent  les  forêts.  Comme  on  ne  peu 
du  verre  tant  que  le  chemin  de  fer  n'atteindrn 
on  remplace  les  vitres  par  des  moustiquaires, 
que  le  vent  ne  souffle  trop  fort  dans  Tintérieui 
recouvre  ces  fenêtres  de  volets  en  calicot  blanc 

Météorologie.  —  On  n'a  pas  encore  pu  i 
renseignements  sur  la  météorologie  du  î)rot(  i 
moyenne  de  pluie,  dans  le  royaume  de  l'Ui 
de  60  pouces  par  an.  Dans  le  sud,  on  n'en 
que  40;  dans  le  nord,  la  quantité  aura  probi 
moindre.  L'année  1899  a  été  d'une  sécheres! 
indigènes  ne  se  souviennent  guère  d'une  sai 

A  l'exception  de  la  région  à  moitié  dése 
Rodolphe  et  de  celle  de  la  Rifl  Valley  (Naivae 
partout  pendant  tous  les  mois  de  l'année.  Dan5 
mant    l'ancien    empire    d'Upnnda,   h   pinio 


repartie  sur  toute  I  année  quil  n  existe  pour  ainsi  dire  pas 
de  saison  sèche.  Les  mois  les  plus  pluvieux  sont,  toutefois,  ceux 
qui  suivent  les  équinoxes.  Le  plateau  de  Mau  est,  en  général, 
extrêmement  humide.  Parfois,  ce[»endant,  il  est  affecté  par 
l'extension  de  la  sécheresse  qui  règne  si  souvent  dans  la  Rift 
Valley  et  dans  les  régions  avoisinantes  de  l'Afrique  orientale 
anglaise. 

La  partie  la  plus  humide  du  protectorat  est  probablement  le 
Toru,  sur  le  versant  du  mont  Ruwenzori.  Il  y  a  souvent  pénurie  de 
pluie  dans  la  partie  basse  ou  septentrionale  de  rUnyoro  et  dans  la 
partie  septentrionale  du  Busogo.  Le  pays  Bukew,  qui  se  trouve 
entre  ces  deux  régions,  jouit  d'un  régime  de  pluie  régulière.  Aussi 
ne  souffre-t-il  pas  de  la  famine,  aux  époques  où  à  l'est  et  à 
Touest,  la  nourriture  est  absolument  insuffisante. 

Dans  la  province  du  Nil  et  dans  le  nord  de  l'Unyoro,  la  chaleur 
est  excessiveà  certaines  époques  de  l'année.  Le  thermomètre  monte 
souvent  à  100  degrés  à  l'ombre,  parfois  même  à  113.  On  dit  aussi 
que  la  chaleur  est  excessive  dans  le  nord  de  la  Rift  Valley  et  dans 
les  régions  qui  se  trouvent  autour  du  lac  Rodolphe. 

Dans  le  royaume  de  l'Uganda,  la  chaleur  atteint  rarement 
90  degrés.  La  nuit,  le  thermomètre  descend  jusqu'à  50  degrés, 
mais  généralement  il  se  lient  à  65.  Sur  les  plateaux  de  plus  de 
5,000  pieds,  la  température  est  celle  du  nord  de  l'Afrique. 
A  7,000  pieds,  le  thermomètre  descend  souvent  à  zéro  et  même  au- 
dessous. 

La  neige  se  rencontre  sur  le  mont  Ruwenzori  à  partir  de  l'alti- 
tude de  14,000  pieds.  Le  sommet  le  plus  élevé  de  cette  montagne 
a  probablement  une  hauteur  de  17,000  pieds.  Au  sommet  du 
mont  Elgon,  qui  dépasse  légèrement  14,000  pieds  d'altitude,  la 
neige  tombe  parfois  et  reste  pendant  quelque  temps. 

Le  trait  le  plus  désagréable  du  climat  des  régions  du  lac  Vic- 
toria Nyanza  sont  les  violents  orages  qui  y  régnent.  Ils  sont 
précédés  par  un  ouragan  de  courte  durée.  La  pluie  qui  accom- 
pagne ces  orages,  forme  souvent  une  véritable  trombe  d'eau.  Les 
éclairs  sont  terribles  et  le  tonnerre  est  littéralement  assourdissant. 
On  en  est  cependant  généralement  «  quitte  pour  la  peur  ».  Le 
nombre  des  accidents  causés  par  ces  phénomènes  effrayants  est 
peu  considérable. 


Population.  —  La  population  totale  con    ; 
du  protectorat  de  l'Uganda  peut  être  évalue 
A  millions  d'individus.  Les  guerres  constai    ! 
dans  quelques  districts,  la  famine  ont  causé 
population  dans  les  dernières  années.  La  fan 
partie  relativement  peu  étendue  du  prolect   ■ 
Busogo.  C'était  autrefois  une  région  à  popui 
la  sécheresse  de  '1898*1899  a  fait  périr  i  i 
bananiers  d'ofi  les  indigènes  tirent  leur  nouri  . 
d'autres  produits  végétaux,  ils  auraient  pu   i 
facilement  le  préjudice  causé  par  une  saiso 
sèche- 
On  peut  dire  d'une  façon  générale  que  la  p 
ment  nègre.  Dans  les  parties  septentrionaleË 
sur  les  plateaux  de  l'Uganda,  d'AnkoIe  et  de    ' 
un  certain  nombre  de  négroïdes  dus  au  mêla 
indigène  avec  les  Gallas  ou  aux  derniers  vci  . 
anciennes. 

Plus  de  la  moitié  de  la  population  se  trouv 
centrée  dans  le  royaume  d'Uganda  et  dans  l(  ^ 
d'Aniiole,   de    Toru,  dllnyoro,  de  Busogo 
A  Texception  d'une  petite  partie  du  sud  et  de 
celte  population  est  entièrement  de  langue  b  i 
est  d*un  type  archaïque  et  d'une  grande  pure!  \ 
Au  point  de  vue  physique,  on  observe  de  ? 
comme  dans  toute  l'Afrique  bantoue.   On  { » 
types  de  nègres  ou  de  négroïdes,  entre  lesq  ' 
nient  un  grand  nombre  de  variétés  résultai]! 
cinq  types  fondamentaux. 
Ce  sont  ; 

1 .  Le  nègre  d*un  noir  de  jais  et  de  traits 
occidentale. 

2.  Le  nègre  de  peau  plutôt  brune,  de  tru 
caractéristique  de  l'indigène  de  l'Afrique  c( 
représenté  par  les  Nyam-Nyam,  les  Fan  et  Ict 

3.  Le  nègre  du  Nil,  grand,  à  mollets  milice- 
à  traits  assez  beaux,  bien  que  par  suite  de  l'hii 
le  visage,  cette  caractéristique  ne  soit  pas  sou'. 


4".  UG  negroiue  ae  meiaiige  uaua,  lype auquel  les  paireb  Liauiiua, 
qui  vivent  au  milieu  de  la  population  bantoue,  doivent  leur  peau  plus 
claire  et  leur  grand  courage  personnel,  il  améliore  aussi  la  popula- 
tion nègre  du  Nil  dans  le  tiers  oriental  du  protectorat. 

5.  Les  pygmces,  qui  ont  probablement,  avec  les  Bushmen 
du  sud  de  l'Afrique,  une  origine  commune.  On  en  trouve  des 
types  plus  ou  moins  purs  à  l'extrémité  occidentale  du  protectorat 
sur  les  irontières  de  TEtat  Indépendant  du  Congo  (Toru). 

On  peut  les  diviser  en  deux  types  :  Tun,  à  peau  jaunâtre  d'appa- 
rence simiesque,  l'autre,  à  peau  noire  poilue.  11  y  a  des  signes 
manifestes  de  lexistence  de  cette  population  pygmée  à  la  base  des 
peuples  de  l'Uganda.  L'horrible  type  pygmée  se  retrouve  constam- 
ment parmi  les  Baganda  de  langue  bantoue  et  dans  les  tribus  de 
chasseurs  nomades  des  forèls  de  xMau  (Anderobo). 

Toute  la  population  qui  descend  du  nègre  du  Nil  et  qui  habite 
Test  et  le  sud  du  protectorat  va  absolument  nue,  à  l'exception  de 
quelques  tribus,  comme  les  Massai,  par  exemple,  où  les  femmes 
s'habillent.  D'autre  part,  presque  toutes  les  populations  de  langue 
bantoue  s'habillentet  regardent  la  nudité  absoluecomme  une  honte. 

La  propagande  religieuse  semble  absolument  impossible  à  pré- 
sent parmi  les  nègres  niloliques  de  la  moitié  orientale  du  protec- 
torat. Ces  populations  ne  s'intéressent  à  rien  de  ce  qui  n'est  pas 
de  nature  purement  matérielle.  Les  populations  de  langue  bantoue, 
au  contraire,  sont  portées  vers  les  sentiments  religieux  et  la  rapi- 
dité avec  laquelle  le  christianisme  s'est  répandu  à  travers  le 
royaume  d'Uganda  est  un  des  plus  grands  triomphes  que  les 
partisans  de  la  propagande  chrétienne  puissent  invoquer.  Le 
changements  que  les  missionnaires  catholiques  et  protestants  sont 
parvenus  à  réaliser  chez  les  indigènes  de  cette  contrée  sont  réel- 
lement extraordinaires.  Il  y  a  loin  de  Thabitant  actuel  à  celui  qui 
vivait  aux  temps  troublés  et  barbares  de  Mutesa  et  de  son  fils 
Mwanga. 

Bien  que  les  populations  nègres  nilotiques  répudient  les  vête- 
ments, ils  font  un  commerce  très  actif  en  certains  articles  tels  que 
le  fer,  le  cuivre,  le  fil  de  cuivre,  les  perles,  les  fez  rouges  et  les 
vêtements  arabes.  Les  chefs  aiment  à  se  parer  de  ces  derniers  aux 
grandes  occasions.  La  population  de  langue  bantoue  recherche 
les  étoffes  et  les  articles  manufacturés,  y  compris  les  phono- 
graphes et  les  gramophones. 


ciinoNiQUE  747 

écraser  la  canne  y  ont  été  établies  mais  jusqu'à  présent,  le  propriétaire 
de  cette  plantation  ne  s'est  pas  encore  occupé  de  la  fabrication  du 
sucre.  Il  se  contente  d'employer  le  suc  à  la  distillation  de  l'alcool.  Il 
serait  d'autant  plus  facile  d'établir  des  plantations  dans  cette  région 
que  la  main-d'œuvre  y  est  abondante  et  à  bon  marché.  Les  femmes 
qui  sont  préférées  pour  la  plantation  de  la  canne  à  sucre,  gagnent 
cinq  pences  par  jour  outre  la  nourriture.  Dans  l'intérieur,  la  main- 
d'œuvre  est  encore  moins  chère.  La  question  des  transports  n'offre 
pas  non  plus  de  difficultés  grâce  à  un  cours  d'eau  qui  traverse  la  con- 
trée favorable  à  cette  culture  sur  une  longueur  de  10  à  12  milles. 

Le  café  sauvage  croît  en  abondance.  La  fève  est  petite  mais  le  goût 
est  excellent.  De  grandes  quantités  de  maïs  s'exportent  vers  Delagoa 
Bay  et  Durban  où  elles  obtiennent  de  bons  prix. 

Le  port  dlnhambane  est  considéré  comme  un  des  plus  salubres  de 
la  côte  orientale.  Le  registre  de  l'hôpital  témoigne  qu'il  n'y  a  que  fort 
peu  de  maladies  sérieuses  dans  le  district.  La  vie  est  bon  marché.  On 
se  procure  des  volailles,  des  chèvres  et  des  moutons  à  des  prix 
modérés  et  l'on  trouve  des  œufs  et  du  poisson  pendant  toute  l'année. 
Par  contre,  toutes  les  denrées  importées  sont  très  chères  par  suite  de 
l'élévation  des  droits  d'entrée.  Les  fruits  tropicaux  sont  abondants  et 
variés.  Dans  l'avenir,  ce  pays  deviendra  probablement  un  grand  pro- 
ducteur de  fruits.  Les  chevaux,  le  bétail  et  les  moutons  se  développent 
bien  et  l'on  trouve  autour  des  nombreux  lacs  d'eau  douce,  des  pâtu- 
rages abondants  pendant  toute  l'année. 

Zanzibar.  —  Le  dernier  rapport  du  Consul  général  d'Angleterre  à 
Zanzibar  décrit  la  situation  de  cette  île  comme  des  plus  favorables.  Les 
importations  et  exportations  qui  avaient  beaucoup  augmenté  en  1898, 
se  sont  encore  accrues  en  1899.  Ces  résultats  sont  dus  aux  importantes 
récoltes  de  clous  de  girofle  et  à  la  famine  qui  a  régné  sur  le  continent. 
Les  importations  se  sont  élevées,  en  1899,  à  1,S90,606  liv.  st.  La  plus 
grande  partie  des  marchandises  importées  proviennent  de  contrées  non- 
africaines.  II  ne  semble  donc  pas  que  le  commerce  se  détourne  de 
Zanzibar  au  profit  de  Hombasa.  Les  tissus  forment  presque  le  quart 
des  importations;  le  riz,  les  clous  de  girofle,  l'ivoire  et  l'argent 
monnayé  viennent  ensuite.  L'Inde  conserve  le  premier  rang  parmi  les 
nations  importatrices.  Près  du  tiers  de  la  totalité  des  importations  lui 
revient.  Le  Royaume-Uni  vient  ensuite.  Les  exportations  ont  été  de 
1,513,407  liv.  st.  Les  principaux  articles  exportés  sont  les  mêmes  que 
ceux  qu'on  importe,  ce  qui  démontre  l'importance  de  Zanzibar  comme 
entrepôt  commercial.  L'Afrique  allemande  orientale  a  absorbé  le  tiers 


rindigène  apprenne  à  apprécier  d'abord  les  bienfaits  qui  découlent 
d'une  administration  sage  et  régulière.  Il  faudra  naturellement 
un  cerlain  temps  avant  d'avoir  atteint  ce  but. 

Produits  végétaux.  —  Les  deux  tiers  environ  du  protectorat 
possèdent  un  sol  remarquablement  fertile.  Il  est  difficile  de  dire 
quelle  abondance  de  produits  agricoles  ces  régions  donneraient, 
si  elles  étaient  cultivées  par  une  des  races  industrieuses  de 
l'Asie.  Actuellement,  les  races  de  l'Uganda  sont  singulièrement 
arriérées  au  point  de  vue  de  l'agriculture,  même  en  comparaison 
des  autres  Africains,  sauf,  peut-être,  dans  les  provinces  de  l'ex- 
Irême  nord,  vers  le  Nil.  Dans  la  plupart  de  ces  fertiles  contrées, 
la  principale  nourriture  de  Tindigène  est  la  banane.  Cette  plante 
ne  requiert,  pour  ainsi  dire,  aucun  soin  dans  ces  régions  pour 
rester  une  source  constante  de  produits  alimentaires.  Elle  se  pro- 
page d'elle-même,  en  poussant  successivement  des  jets  qui  s'élèvent 
de  la  tige  souterraine  ou  rhizome.  Beaucoup  d'autres  plantes  du 
même  ordre  végétal  des  zingiberacées  se  développent  de  la  même 
façon.  C'est  également  le  cas  pour  la  plupart  des  orchidées.  On  peut 
parfaitement  enlever  une  tige  du  rhizome  et  la  planter  en  terre. 
On  ne  tardera  pas  à  avoir  un  jeune  arbre  vigoureux  qui  portera 
sieurs  grappes  de  fruits.  Pendant  que  la  tige  grandit  au-dessus  du 
sol,  le  rhizome  se  développe  au-dessous  et  forme  une  succession 
de  nouvelles  pousses.  Les  tiges  croissent  et  produisent  des  fruits, 
puis  meurent.  Abandonnés  à  eux-mêmes,  les  bananiers  semblent 
continuer  éternellement  à  s'étendre  et  à  pousser  des  tiges  qui  dis- 
paraissent pour  faire  place  à  d'autres.  En  dehors  du  premier  tra- 
vail qu'entraîne  la  plantation  d'un  terrain  au  moyen  de  pousses 
de  bananes,  les  indigènes  n'ont  guère  autre  chose  à  faire  qu'à 
cueillir  les  fruits  à  mesure  qu'ils  mûrissent.  En  général,  cependant, 
les  bananes  sont  cueillies  avant  d'être  arrivées  à  maturité.  C'est 
dans  cet  état  que  les  indigènes  les  mangent  après  les  avoir  fait 
cuire.  Du  fruit  mûr,  ils  font  une  bière  douce.  Ils  emploient  aussi  les 
feuilles  et  la  tige  du  bananier,  ainsi  que  le  suc  aqueux  qu'elles 
contiennent. 

Pendant  la  saison  exceptionnellement  sèche  de  1899,  les  bana- 
niers ont  langui  ;  dans  quelques  districts,  ils  ont  même  péri.  La 
population  n'avait  pas  d'autre  récolte  pour  se  nourrir,  et  comme 


CIIIIOMQLK  749 

ainsi  que  le  développement  des  stations  de  Tintérieur  qui  sont  situées 
le  long  de  cette  ligne,  n*ont  pas  empêché  le  commerce  de  Zanzibar 
d'augmenter  considérablement,  non  seulement  pendant  Tannée  der- 
nière, mais  au  cours  de  la  dernière  décade. 

Afrique  portugaise  orientale.  Commerce  et  mouvement 
maritime  de  Ghinde.  —  Le  vice-consul  anglais  à  Chinde  dit  que 
le  commerce  dans  le  district  de  cette  ville  est  presque  nul, mais  que  le 
port  de  Chinde  est  l'entrepôt  principal  de  l'Afrique  centrale  anglaise, 
du  Zambèze  et  de  la  région  des  lacs.  La  majeure  partie  des  compa- 
gnies commerciales  qui  ont  des  agences  à  Chinde  reçoivent  toutes 
leurs  marchandises  de  leurs  sièges  principaux  d'Europe.  La  méthode 
habituelle  des  maisons  africaines  est  d'envoyer  une  commande  en 
Europe;  elles  reçoivent  immédiatement  les  marchandises  réclamées. 
Les  marchands  indiens  agissent  de  même  :  leurs  marchandises  leur 
viennent  de  Bombay.  Ils  font  la  plus  grande  partie  du  commerce  de 
détail  indigène.  Aucun  européen  n'a  encore  essayé  de  leur  disputer  ce 
genre  d'affaires*  Ils  en  ont  le  monopole  de  fait.  Cela  est  dû  à  leur 
mode  de  vie  économique,  à  leur  patience  inépuisable  vis-à-vis  des 
acheteurs  indigènes  et  à  leur  connaissance  du  goût  des  indigènes 
pour  les  étoffes,  les  perles,  etc.,  bon  marché  et  voyantes. 

La  vallée  du  Zambèze  étant  entièrement  divisée  enprazos  ou  conces- 
sions territoriales  octroyées,  par  le  gouvernement,  à  des  compagnies, 
les  autres  marchands  n'ont  pas  de  chance  d'y  faire  des  affaires.  La 
compagnie  qui  possède  un  prazo  a  seule  le  droit  de  commercer  dans 
les  limites  de  son  territoire. 

Les  cargaisons  en  destination  de  Chinde  continuent  à  être  transbor- 
dées à  Durban,  à  Lourenço-Marques,  à  Beira  ou  à  Mozambique.  Les 
marchandises  souffrent  beaucoup  de  cette  situation  et  il  en  résulte 
une  grande  perte  de  temps. 

L'eau  a,  à  l'époque  des  hautes  marées,  une  profondeur  moyenne  de 
il  pieds  à  la  barre.  On  pense  que  celle-ci  a  subi  des  modifications, 
mais  il  est  diflScile  de  dire  quelle  a  été  l'importance  de  ce  changement. 

Le  besoin  d'un  pier  ou  d'un  wharf  est  évident.  11  n'y  a  aucune  faci- 
lité pour  le  déchargement  à  Chinde.  Cette  lacune  se  fait  d'autant  plus 
sentir  qu'à  mesure  que  l'intérieur  du  pays  se  développe,  on  importe 
plus  de  matériel  et  de  machines.  La  construction  d'un  -pier  ou  d'un 
wharf  offre  de  grandes  difticultés  à^cause  de  l'érosion  rapide  de  la  cote. 

'  Madagascar.  Transports  intérieurs.  —  Le  mode  de  transport 
dans  rîntérieur  de  l'île  de  Madagascar,  dit  le  consul  anglais  dans  un 


qu'au  point  terminus  de  la  ligne  d'où  ils  seront  expédiés  à  Mon* 
baza.  Quand  ces  conditions  dé  transports  seront  réunies,  aucune 
autre  partie  de  l'Afrique  tropicale  ne  pourra  probablement  entrer 
en  lutte  avec  l'Uganda  pour  la  production  du  café. 

Le  coton  se  rencontre  à  Tétat  sauvage  ou  à  demi-sauvage,  prin- 
cipalement sur  l'emplacement  des  anciens  campements  d'Ëmin- 
Paclia.  Il  est  de  bonne  qualité  et  a  de  longues  Pibres,  mais,  au 
point  de  vue  économique,  il  n'a  d'importance  qu'en  ce  qui  concerne 
la  consommation  locale,  car  il  n'est  pas  probable  qu'il  puisse  sup- 
porter les  frais  de  transport  par  chemin  de  fer  jusqu'à  la  côte. 

Le  ricin  croît  en  abondance  et  l'huile  qu'on  en  extrait  facilement 
en  écrasant  la  graine  constitue  un  excellent  lubrifiant. 

Les  graines  de  sésame  donnent  une  bonne, huile.  On  les  ren- 
contre à  certains  endroits  dans  l'Uganda,  mais  pas  aussi  abon- 
damment que  dans  l'Afrique  centrale  anglaise. 

Le  caoutchouc  doit  être  très  abondant  dans  tous  les  lourrés  du 
Protectorat  à  moins  de  5,000  pieds  d'altitude.  Il  est  principale- 
ment représenté  par  deux  espèces  de  Landolphia,  par  un  ficus  et 
par  un  arbre  appelé  scientiiîquement  Tabernœniontana.  Le  caout- 
chouc deviendra  probablement  un  des  principaux  articles  d'expor- 
tation dans  l'avenir.  Jusqu'à  présent,  les  indigènes  ne  se  donnent 
guère  de  peine  pour  le  recueillir  bien  qu'ils  connaissent  sa  valeur 
et  les  arbres  qui  le  produisent. 

Il  y  a  aussi  lieu  de  faire  remarquer  que  le  sol  et  le  climat  de 
près  de  la  moitié  du  Protectorat  se  prêtent  admirablement  à  la 
culture  du  cacao  et  du  thé.  M.  Whyte,  qui  a  une  grande  expé- 
rience des  plantations  de  l'Inde  et  de  Ceylan,  considère  que 
certaines  parties  de  l'Uganda  sont  particulièrement  propres  à  la 
culture  du  thé.  Il  compare  ces  parties  du  pays  à  celles  qui  se 
trouvent  à  une  hauteur  moyenne  à  Ceylan. La  pluie,  fait- il  observer, 
est  un  peu  moindre  qu'à  Ceylan,  mais  elle  est  répartie  plus  régu- 
lièrement sur  toute  l'année.  Le  thé  fait  l'objet  d'une  demande  active 
de  la  part  des  indigènes  les  plus  civilisés  de  l'Uganda  et  du  Toru. 
M.  Whyte  estime  que  cette  demande  ainsi  que  celle  qui  a  pour  objet 
lesucre,  le  café,  le  cacao  et  d'autres  produits,  est  assez  importante. 
Il  n'y  a  pas  de  doute  que  lorsque  les  communications  par  voie  du 
Nil  seront  mieux  organisées  et  que  le  fleuve  sera  débarrassé  du 
sudd,  une  grande  quantité  de  produits  de  l'Uganda  pourront  des- 
cendre ce  cours  d'eau  pour  alimenter  le  Soudan. 


CHRONIQUE  751 

Tchad  aux  nouveaux  confins  militaires  du  Chari,  formeront  du  Séné- 
gal à  rOubanghi,  un  cordon  continu  de  grand*gardes,  à  l'abri  duquel 
les  colons  pourront  travailler  en  paix  et  prospérer.  Les  inspirateurs 
de  la  nouvelle  mesure  se  défendent  de  vouloir  pousser  à  l'action  mili- 
taire. Ils  estiment  que  c'est  se  conformer  aux  principes  de  l'extension 
graduelle  de  l'administration  civile  et  éviter  les  expéditions  aventu- 
reuses, qu'organiser  ainsi,  sur  la  périphérie  des  possessions,  une 
défensive  militaire  solide,  dépendante  de  l'administration  ci\ile  des 
colonies  correspondantes. 

Le  6  septembre  dernier  le  ministre  des  colonies  s'est  adressé  au 
Conseil  d'Etat  à  raison  de  l'urgence  de  la  mesure  nouvelle  à  raison 
des  rapports  qu'il  avait  reçu  sur  les  événements  récents  du  Chari  et  à 
raison  du  fait  qu'il  fallait  profiter,  et  immédiatement,  de  la  crue 
annuelle  de  l'Oubanghi  et  du  Chari  si  l'on  ne  voulait  pas  retarder 
d'une  année  cette  organisation.  Le  Conseil  d'Etat  accorda  un  crédit 
extraordinaire  de  1,330,000  francs,  crédit  dont  l'approbation  sera 
demandée  au  Parlement  à  la  rentrée. 

Au  point  de  vue  administratif,  le  nouveau  territoire  militaire  sera 
borné  d'une  façon  générale  par  les  territoires  des  concessions  du 
Congo  et  de  l'Oubanghi.  Ainsi,  il  sera  constitué  par  le  bassin  du  Chari 
et  celui  de  la  Kémo;  il  aura  son  point  de  départ  sur  l'Oubanghi  au 
confluent  de  la  Kémo.  Au  Nord,  il  s'étendra  jusqu'au  Tchad.  Au 
point  de  vue  des  effectifs  du  nouveau  territoire  militaire  le  principe 
appliqué  a  été  de  ne  mettre  dans  les  troupes  qui  vont  être  formées, 
de  blancs  que  dans  les  cadres,  et  de  plus  dans  la  mesure  la  plus  res- 
treinte. Le  climat  et  l'éloignement  Texigaient;  qu'on  pense  au  prix 
de  transport  qu'exigerait  l'envoi  de  troupes  un  peu  nombreuses  sur  un 
parcours  de  2,800  kilomètres,  dont  500  à  700  kilomètres,  entre  la 
Kémo  et  Gribingi,  de  portage.  Aussi  n'enverra-t-on  que  les  quelques 
officiers  nécessaires  au  commandement  et  à  l'organisation  du  terri- 
toire ;  quant  aux  troupes,  elles  seront,  dans  la  mesure  du  possible, 
levées  sur  place  et  seront  constituées  d'un  bataillon  de  tirailleurs 
indigènes  composé  de  quatre  compagnies  de  150  hommes;  un 
escadron  de  cavalerie  indigène  fort  de  100  hommes  pris  aux  forces  du 
sultan  Baguiruci  ;  d'une  batterie  d'artillerie,  constituée  par  des  canons 
à  tir  rapide.  Les  troupes  d'infanterie  seront  stationnées,  le  long  de  la 
ligne  de  défense  du  Chari,  de  Goulféi  à  Fort-Archambault.  Quant  à 
la  cavalerie  et  à  l'artillerie,  elles  seront  probablement  installées  à 
Massenya  dans  une  région  qui  n'est  pas  montagneuse  et  où  se  trouve 
du  fourrage. 


troncs  des  dattiers  sont  employés  dans  la  construction.  Ils  forment 
d'excellents  piliers  pour  les  wharfs  ou  piers,  et  aussi  des  colonnes 
pour  soutenir  les  vérandahs;  en  réalité,  on  peut  les  employer  dans 
une  foule  de  cas  et  la  demande  dont  ils  sont  l'objet  est  si  intense 
qu'il  sera  bientôt  nécessaire  de  prendre  des  mesures  pour  assurer 
leur  conservation. 

Faune.  —  Le  Protectorat  de  l'Uganda  est  essentiellement  un 
pays  d'élevage.  Seuls,  les  districts  inhabités  comme  les  forêts  de 
Mau  ou  les  sommets  des  montagnes  élevées  et  aussi  certaines  con- 
trées désertes  autour  du  lac  Rodolphe,  sont  dépourvus  de  trou- 
peaux. Le  bétail  appartient  à  deux  races  distinctes.  Dans  l'est  et 
le  centre  ainsi  que  dans  le  pays  des  Shuli,  des  Madi  et  des  Bari, 
arrosés  par  le  Nil,  les  bœufs  sont  du  type  zèbre  indien  à  bosse  et 
à  petites  cornes.  Les  vaches  de  cette  espèce  sont  souvent  dépour- 
vues de  cornes.  Dans  la  partie  nord  de  la  région  du  lac  Rodolphe, 
sur  les  collines  à  l'est  du  Nil  et  au  sud-ouest,  à  Ankole,  on  trouve 
le  remarquable  bœuf  galla  dont  les  cornes  sont  immenses. 

Les  chevaux  se  développent  partout  dans  le  Protectorat,  pourvu 
qu'on  prenne  soin  de  les  abriter  contre  les  fortes  pluies.  Ce  pays 
semble  indemne  des  herbes  vénéneuses  que  l'on  rencontre  si 
souvent  dans  d'autres  parties  de  l'Afrique,  et  qui  tuent  tant  de 
chevaux. 

L'âne  sauvage  appartient  aux  régions  désertes  qui  se  trouvent 
autour  des  rives  nord  du  lac  Rodolphe  et  peut-être  aussi  à  la 
région  qui  s'étend  entre  ce  lac  et  le  Nil  supérieur.  Ces  ânes  sont 
faciles  à  dompter;  ce  sont  des  animaux  grands,  forts  et  beaux.  Ils 
produiraient  probablement  d'excellentes  mules  si  on  les  croisait 
avec  les  chevaux  arabes  ou  somalis. 

Les  zèbres  sont  très  communs  dans  les  parties  basses  de 
l'Uganda.  Les  indigènes  n'ont  fait  aucune  tentative  jusqu'à  présent 
pour  les  domestiquer. 

La  contrée  qui  se  trouve  à  l'ouest  du  lac  Rodolphe  possède  des 
chameaux.  On  ne  pourrait,  toutefois,  employer  ces  animaux  que 
dans  les  régions  sèches  de  lest  du  Protectorat;  ailleurs,  le  climat 
est  trop  humide. 

Les  indigènes  ont  de  grands  troupeaux  de  chèvres  et  de 
moutons. 


ciinoNiQUE  733 

livres  sterling  et  décidés  à  patienter  pendant  trois  ou  quatre  ans,  de 
se  créer  une  jolie  situation  comme  planteurs.  Le  climat  est  excellent 
et  convient  particulièrement,  aux  personnes  souffrant  de  la  poitrine. 
La  fièvre  jaune  n'y  a  plus  été  signalée  depuis  cinquante  ans.  Les 
enfants  des  Européens  s*y  développent  aussi  bien  que  dans  nos  con- 
trées, surtout  sur  les  collines.  Il  y  a  fort  peu  de  malaria  et  les  mous- 
tiques ne  sont  pas  particulièrement  incommodants.  La  température 
varie  de  53  à  90  degrés  Fahr.  selon  les  saisons  et  l'altitude.  Les  pluies 
sont  abondantes  et  les  chutes  d'eau  nombreuses.  Le  sol  est  d'une  fer- 
tilité remarquable  et  se  prête  admirablement  à  la  culture  de  tous  les 
produits  tropicaux,  notamment  les  fruits.  La  main-d'œuvre  ne  manque 
pas.  Les  salaires  sont  de  8  pences  à  1  sh.  3  p.  par  jour. 

Les  principales  cultures  pratiquées  à  présent  sont  celles  du  cacao, 
des  citrons,  du  café,  des  épices,  des  oranges  et  autres  fruits.  Tous  ces 
produits  donnent  d'amples  profits.  La  valeur  des  terres  cultivées  à 
beaucoup  augmenté  depuis  trois  ans.  Un  signe  caractéristique,  est 
que  fort  peu  des  propriétaires  dont  les  terres  commencent  à  produire, 
sont  disposés  à  les  vendre. 

Les  exportations  de  l'île,  l'année  dernière,  ont  été  du  triple  de  celles 
d'il  y  a  cinq  ans.  Plus  de  1,500,000  de  livres  de  cacao  sont  exportées 
annuellement.  Le  sol  et  les  conditions  climatériques  se  prêtent  avan- 
tageusement à  la  culture  des  oranges,  des  ananas  et  des  bananes.  Un 
planteur  de  Ceylan  a  fait,  à  une  altitude  de  2,000  pieds,  une  expé- 
rience de  plantation  du  café  ce  Blue  Mountain  »,  une  des  qualités  les 
plus  renommées  de  la  Jamaique,  qui  a  parfaitement  réussi.  La  vanille 
a  également  donné  de  bons  résultats  et  il  ne  semble  pas  y  avoir  des 
raisons  pour  que  le  tabac  n'y  réussisse  aussi. 

Llle  possède  un  excellent  jardin  botanique,  placé  sous  la  direction 
du  D'  Morris,  directeur  de  l'agriculture  dans  les  Indes  occidentales. 
On  peut  s'y  procurer  de  jeunes  plantes  des  différentes  variétés  des  pro- 
duits économiques  à  des  taux  inférieurs  à  leurs  prix  de  revient.  Les 
planteurs  peuvent  ainsi  diminuer  la  longueur  de  la  période  d'attente. 
Les  terres  de  la  couronne  s'achètent  actuellement  à  10  sh.  l'acre.  Des 
facilités  de  paiement  sont  accordées. 


Chemins  de  fer.  —  Le  chemin  de  fer  de  l'Uganda  a  alteint 
h  rampe  de  Kikugu  à  un  mille  ou  deux  de  la  frontière.  Dans 
quelques  mois,  la  ligne  aura  été  prolongée  jusqu'au  bas  de  la 
rampe.  Elle  se  reliera  alors  à  la  partie  en  construction  à  Navanka, 
dans  la  Rifl  Valley.  Il  existera  ainsi  une  communication  entre  Mon- 
basa  et  l'extrémité  de  la  rampe  de  Mau,  c'est-à-dire  jusqu'à  un 
point  situé  à  moins  de  100  milles  du  Victoria  Nyanza. 

Lacs  navigables.  —  Le  lac  Victoria  est  navigable  dans  toutes 
ses  parties  pour  les  navires  d'une  jauge  considérable.  Il  faut  cepen- 
dant être  très  prudent  en  suivant  les  passages  qui  séparent  les  îles 
de  la  terre  ferme,  parce  qu'ils  contiennent  souvent  des  rochers 
dormants.  Sous  la  conduite  d'un  pilote  expérimenté,  les  voyages 
peuvent  cependant  se  faire  sans  danger  entre  les  îles  et  la  rive  du 
lac.  On  préfère  celte  dernière  voie  à  celle  du  milieu  du  lac,  parce 
que  les  eaux  du  Victoria  Nyanza  sont  très  agitées.  L'eau  est  plus 
tranquille  dans  les  c;maux  et  on  y  trouve  aussi  lavantage  de  pou- 
voir atterrir  facilement  pour  faire  du  bois. 

Depuis  le  moment  où  il  sort  du  Victoria  Nyanza  jusqu'au  moment 
où  il  atteint  Kakoge,  le  Nil  est  constamment  interrompu  par  des 
rapides  et  des  chutes.  A  partir  de  ce  dernier  point,  il  est  navigable 
jusqu'au  lac  Kioga  et  puis,  vers  le  nord,  jusqu'à  Foweira.  La  plu- 
part des  grandes  branches  du  lac  Kioga  sont  navigables  pour  les 
petits  bateaux  à  vapeur.  Au  delà  de  Foweira,  le  Nil  cesse  d'être 
navigable  jusqu'à  Fajao.  Depuis  ce  point,  il  peut  être  parcouru  par 
de  petits  steamers  jusqu'à  Dufile.  On  rencontre  alors  une  série  de 
rapides  qui  s'étendent  sur  une  longueur  de  70  milles.  Le  fleuve 
ne  redevient  navigable  qu'à  partir  de  Beden  ou  Fort  Berkeley,  mais 
depuis  cette  localité,  sauf  en  cas  d'obstruction  causée  parle  sudd, 
il  l'est  jusqu'à  Khartoum. 

Le  lac  Albert  est  navigable  pour  les  steamers.  On  dit  que  le  lac 
Rodolphe  a  également  une  profondeur  suffisante  pour  les  steamers 
ou  les  launches;  il  en  est  de  même  du  lac  Baringo.  Les  lacs  Nai- 
vasha  et  Nakuro  sont  navigables  pour  ces  petits  bâtiments. 

iVloyans  da  transports.  —  En  dehors  de  ces  voies  d'eau  et  de 
la  route  carrossable  qui  ne  va  pas  au  delà  de  Kavirondo,  tous  les 
transports  doivent  se  faire  par  porteurs  ou  par  bêtes  de  somme. 


BIBL10GRAPU1E  755 

que  l'auteur  a  pu  faire  durant  un  séjour  de  trois  ans  et  demi  au  milieu 
iun  peuple  qui  perd  beaucoup  à  être  vu  de  près.  La  profession  de 
Fauteur  se  trahit  dans  plusieurs  de  ses  études,  dont  les  détails  anato- 
miques  et  pathologiques  semblent  destinés  aux  spécialistes  de  la 
médecine  légale.  D'autre  part,  les  superstitions,  qui  pèsent  sur  l'esprit 
des  Chinois,  sont  exposées  mieux  et  plus  complètement,  pensons- 
nous,  qu'elles  ne  l'ont  jamais  été,  et  l'étude  détaillée  des  causes  du 
suicide  et  de  l'infanticide,  celle  surtout  du  culte  des  morts,  élément 
fondamental  de  toute  la  civilisation  chinoise,  contribueront  grande- 
ment à  faire  la  lumière  sur  les  mystères  de  la  psychologie  des 
Célestes,  énigme  encore  en  partie  obscure  pour  nous  et  dont  la  solu- 
tion est  indispensable  à  l'avenir  de  nos  relations  économiques  avec 
l'Extrême-Orient. 

Le  volume  que  nous  venons  d'analyser  est  précédé  d'une  préface , 
due  à  M.  Marcel  Mohnier,  dont  les  considérations  politiques  sont 
dignes  d'attention. 

Six  moitf  dans  TAttié.  (Un  Transvaal  français),  par  Camille  Dreyfds.  —  Un 
volume  in-8o  de  522  pages,  avec  35  gravures  et  4  cartes.  Paris,  Société  française 
d'éditious  d*art,  1900. 

Cet  ouvrage  contient  le  récit,  intéressant  à  plus  d'un  titre,  d'un 
voyage  d'exploration  dans  les  possessions  françaises  de  la  côte 
dlvoire.  Le  sous-titre,  un  peu  ambitieux,  indique  que  l'attention  de 
l'auteur,  au  point  de  vue  économique,  s'est  surtout  portée  sur  les 
gisements  d'or  que  les  indigènes  Attiés  ont  commencé  à  exploiter 
d'une  façon  nécessairement  primitive. 

Au  récit  du  voyage  de  M.  Dreyfus,  sont-  joints  en  appendice  une 
série  de  notes  sur  le  chemin  de  fer  projeté  de  Kong  et  les  ressources 
commerciales  de  la  côte  d'Ivoire,  puis  un  devis  complet  de  création 
d'une  plantation  de  caoutchouc  Manihot,  enlin  un  petit  lexique  de  la 
langue  afrt^  (dialecte  boddet). 

De  la  préparation  méthodique  d'une  mission  coloniale.  (Le  caoutchouc 
au  Soudan  français.)  Essai  d'économie  coloniale  par  M.  L.  d*ANTHONAT,  ingénieur 
des  Arts  et  Manufactures,  en  collaboration  avec  M.  G.  Vilain,  docteur  en  lettres.  — 
Brochure  de  88  pages,  avec  carte  du  Soudan  français,  Paris,  A.  Rousseau,  1900. 

Cette  brochure  est  conçue  sur  un  plan  assez  singulier;  on  y  trouve, 
entremêlés,  des  renseignements  dont  la  valeur  nous  parait  incontes- 
table, sur  le  commerce  du  caoutchouc  et  son  avenir  au  Soudan  fran- 
çais,  et  des  considérations  théoriques  d'économie  générale,  dont 


GÉNÉRALITÉS 


Résultats  de  l'expédition  allemande  contre  la  malaria.  —  Le 

professeur  Koch  a  exposé,  le  mois  dernier,  à  la  section  berlinoise  de 
la  Société  coloniale  allemande,  les  résultats  de  l'expédition  organisée 
parle  gouvernement  allemand  pour  Tétudede  la  malaria.  Depuis  les 
découvertes  de  Laveran,  a-t-il  dit,  on  sait  que  la  maladie  est  déter- 
minée par  un  parasite  qui,  grâce  à  sa  forme  caractéristique,  est  facile 
à  découvrir  dans  le  sang  du  malade.  Les  maladies  malariennes  ne  sont 
pas  toutes  de  la  même  forme.  Elles  constituent  différents  groupes, 
dont  chacun  correspond  à  un  parasite  déterminé.  Dans  nos  régions 
tempérées,  on  connaît  deux  genres  de  fièvre  malarienne  :  la  quarte  et 
la  tierce.  Plus  au  Sud,  en  Italie,  en  rencontre  d'autres  formes,  parmi 
lesquelles  les  observateurs  italiens  croyaient  autrefois  pouvoir  discer- 
ner trois  groupes.  Plus  au  Sud  encore,  on  trouve  la  malaria  des  tro- 
piques. Comme  on  le  sait,  le  professeur  Koch  a  démontré,  il  y  a  déjà 
trois  ans  environ,  qu'il  n'y  avait  qu'un  seul  hématozoaire  qui  déter- 
minât la  malaria,  en  Afrique  orientale.  Ce  parasite  est  du  type  de  celui 
de  la  fièvre  tierce  mais  il  se  distingue  de  ce  dernier  en  ce  qu'il 
provoque  des  accès  plus  longs  et  plus  graves.  Il  n'était  pas  encore 
établi,  à  cette  époque,  s'il  en  était  de  même  pour  les  autres  pays  tro- 
picaux. 

Comme  le  parasite  peut  se  maintenir  longtemps  dans  l'homme, 
la  guérison  ne  se  fait  pas,  comme  dans  d'autres  maladies,  en  quelques 
jours  ou  en  quelques  semaines.  Les  accès  se  répètent  par  groupes, 
chaque  récidive  correspondant  à  une  nouvelle  génération  de  para- 
sites. 

La  manière  dont  les  parasites  s'introduisent  dans  le  sang,  a  long- 
temps été  un  mystère.  On  supposait  que  c'était  par  l'intermédiaire  de 
l'eiiu,  de  l'air  ou  des  aliments.  Finalement,  l'hypothèse  de  Koch,  que 


les  moustiques  tranféraient  la  maladie  à  l'homme,  devint,  grâce  aux 
observations  du  D^  Ross,. une  certitude.  On  démontra  que  la  glande 
des  moustiques  se  remplit  de  parasites,  puis,  qu'avant  d'aspirer  du 
sang,  les  moustiques  doivent  vider  leur  glande  dans  ta  plaie  et  qu'ainsi 
les  parasites  s'introduisent  dans  le  corps  de  l'homme.  Pour  contrôler 
ces  recherches,  une  expédition  préliminaire  fut,  sur  la  proposition 
de  Koch,  envoyée  à  Rome,  au  mois  d'août  1898.  Elle  confirma  pleine- 
ment les  observations  de  Ross.  Jusqu'à  ce  moment,  on  ne  savait  pas 
non  plus  combien  il  y  avait  de  genres  de  malaria  en  Italie.  Il  fut  éta- 
bli alors  que  dans  ce  pays,  œmme  en  Afrique  orientale,  il  s'agissait 
toujours  du  même  parasite,  il  en  est  de  même  en  Amérique.  Le  tra- 
vail de  l'expédition  malarienne  fut  simplifié  par  ces  observations. 
Il  était  acquis  que  l'on  n*avait  affaire  qu*à  trois  espèces  d'hémato- 
zoaires dont  deux  se  rencontrent  aussi  dans  les  climats  tempérés  et 
dont  le  troisième  appartient  aux  tropiques. 

L'expédition  se  mit  en  route  au  printemps  de  1899.  Elle  visita 
d'abord  un  centre  de  fièvres  connu,  qui  se  trouve  entre  Rome  et 
Livourne,  Grosseto  et  les  niarenunes  toscanes.  La  malaria  ne  règne 
pas,  en  hiver,  en  Italie.  Elle  ne  commence  qu'en  été  à  une  époque 
bien  déterminée.  Le  professeur  Koch  arriva  avant  ce  moment  à  Gros- 
seto et  put  constater  que  les  personnes  qui  en  souffraient  alors 
n'étaient  pas  atteintes  de  malaria  récente,  mais  de  récidive.  A  partir 
du  23  juin,  la  nouvelle  malaria  apparut  subitement  pour  s'affaiblir 
graduellement.  A  la  fin  de  novembre,  donc  4  1/2  mois  plus  tard, 
l'Italie  était  de  nouveau  affranchie  de  cas  de  malaria  récente. 

La  question  suivante  se  posait  alors  :  que  deviennent  les  hémato- 
zoaires pendant  la  période  indemne  de  malaria?  La  réponse  est  que 
les  parasites  doivent  passer  la  période  franche  dans  le  corps  de 
l'homme,  car  dans  aucun  des  animaux  étudiés  par  Koch  (singes, 
chauve-souris,  oiseaux,  couleuvres,  etc.),  on  n'a  pu  découvrir  de 
parasites.  Il  est  vrai  qu'on  trouve  aussi  des  parasites  de  malaria  chez 
les  animaux,  mais  ils  sont  différents  de  ceux  de  l'homme.  Chaque 
animal  possède  un  parasite  déterminé  qui  est  particulièrement  adapté 
aux  cellules  de  son  sang  et  qui  ne  peut  être  transmis  à  un  autre 
animal.  Les  essais  de  transmission  des  parasites  à  des  singes  anthro- 
pomorphes restèrent  également  sans  résultat.  Il  fut  prouvé  que 
l'homme  seul  était  le  dépositaire  des  hématozoaires  de  la  malaria 
humaine. 

Pour  empêcher  la  propagation  des  parasites,  il  faut  briser  le  cercle 
qu'ils  doivent  parcourir,  de  l'homme  au  moustique  et  de  celui-ci  à 
l'homme.  On  peut  y  arriver  en  tuant,  pendant  l'époque  franche,  les 


parasites  que  Ton  rencontre  dans  les  cas  de  récidive.  Si  Ton  entame 
la  lutte  contre  la  malaria  de  cette  manière,  le  moustique  n'offre  plus 
qu*un  intérêt  théorique  bien  qu'il  apparaisse  partout  comme  le  seul 
propagateur  des  hématozoaires. 

De  Grosselo,  l'expédition  se  rendit  à  Java,  où  elle  arriva  à  la  période 
malarienne  qui  correspond  à  la  saison  des  pluies.  Elle  poursuivit 
ensuite  ses  travaux  en  Nouvelle-Guinée,  où  le  professeur  Koch 
séjourna  jusqu'au  8  août  de  cette  année.  Le  professeur  Koch  croit 
qu'il  y  a  deux  mille  ans,  Java  doit  avoir  été  dans  la  même  situation 
que  la  Nouvelle-Guinée  aujourd'hui  et  que  cet  état  de  choses  a  duré 
jusqu'à  ce  que,  grAce  à  l'immigration  des  Hindous  et  à  la  culture  du 
riz  nécessaire  à  l'alimentation  de  la  population,  la  situation  se  soit 
modifiée  et  ait  permis  le  développement  économique  de  cette  île.  La 
Nouvelle-Guinée  possède  les  mêmes  chances  de  prospérité  que  Java, 
mais  il  faut,  au  préalable,  faire  disparaître  la  malaria  qui  attaque 
tous  les  Européens  et  qui  enlève  la  plus  grande  partie  des  enfants 
indigènes.  L'observation  suivante  est  d'une  grande  importance  pour 
trouver  le  moyen  d'y  arriver. 

Déjà  à  Java,  le  professeur  Koch  constata  que  la  malaria  n'est,  à  pro- 
prement parler,  qu'une  maladie  infantile.  En  Nouvelle-Guinée,  il  y  a 
des  districts  où  aucun  enfant  au-dessous  de  deux  ans  n'en  est  indemne. 
A  l'âge  de  cinq  ans,  la  malaria  disparaît,  en  règle  générale.  Ce 
n'est  qu'exceptionnellement  qu'elle  perdure  chez  certains  enfants 
jusqu'à  la  dixième  année.  Cette  constatation  est  très  importante  pour 
fixer  les  endroits  où  se  produisent  les  infections  malariennes.  Quand 
il  s'agit  d'adultes  qui  changent  souvent  de  lieu  de  séjour,  on  ne  sait 
pas  où  ils  ont  été  infectés,  tandis  que  les  enfants  restent,  en  général,  au 
même  endroit.  Il  fut  ainsi  permis  au  professeur  Koch  de  déterminer 
les  foyers  de  malaria  de  la  colonie  allemande  de  la  Nouvelle-Guinée. 
Sur  la  rive  de  Kaiser  Wilhelmland,  il  n'y  a  qu'un  seul  endroit  indemne, 
près  du  Cap  Friedrich  Wilhelm.  Les  montagnes  y  sont  dépourvues 
de  forêts  vierges  et  les  habitants  en  semblent  appartenirà  la  popu- 
lation autochtone  de  l'ile.  On  a  l'impression  que  l'affection  a  été 
amenée  dans  ces  parages,  de  l'ouest,  par  des  marchands  malais.  Il 
faut  aussi  signaler  que  dans  quelques  îles,  on  ne  rencontre  qu'un  seul 
genre  de  malaria;  les  autres  n'ont  pas  encore  été  importés.  Cela 
prouve  aussi  que  les  différents  genres  ne  se  transforment  pas  l'un  dans 
l'autre. 

Comme  l'immunité  que  l'homme  acquiert  contre  la  maladie  à  la 
suite  d'accès  répétés,  ne  s'obtient  qu'insensiblement,  il  se  fait  qu'il  y  a 
beaucoup  de  malades  qui  ne  font  plus  attention  au  mal  bien  qu'ils 


OCU  ËTUUES    COLUNIALËS 

des  médecins,  qui  travailleront  le  microscope  à  la  main  et  recherche- 
ront les  cas  latents.  II  faut  ensuite  que  la  quinine  soit  facile  à  acquérir 
et  faire  comme  le  gouvernement  hollandais,  par  exemple,  qui  a  amené 
une  diminution  de  la  malaria  en  répartissant  2,000  kilogrammes  de 
quinine  dans  Tîle  de  Java.  On  devrait  appliquer  le  même  système, 
d*abord  à  la  Nouvelle-Guinée  et  à  l'Afrique  sud-occidentale  et 
rétendre  ensuite,  quand  on  aurait  acquis  une  base  d  opération  plus 
large.  En  terminant  sa  conférence,  le  professeur  Koch  a  exprimé  la 
conviction  que  dans  un  délai  plus  ou  moins  éloigné,  le  plus  grand 
obstacle  au  développement  des  colonies  tropicales  aurait  disparu. 

Combustible  liquide.  —  L'emploi  du  pétrole  comme  combustible 
à  bord  des  navires  a  déjà  pris  une  certaine  extension.  Le  vaisseau  ami- 
ral français  dans  les  eaux  chinoises  consomme  régulièrement  du 
pétrole.  Il  en  est  de  même  des  vaisseaux  de  guerre  allemands  Branden- 
burg  et  Fùrst  Bismarck  qui  se  trouvent  aussi  dans  les  mers  de  Chine. 
Environ  quinze  steamers  anglais,  dont  quelques-uns  jaugent  4,000  ton- 
neaux, servant  aux  transports  commerciaux  dans  les  eaux  chinoises 
emploient  aussi  du  pétrole.  Au  moins  seize  bâtiments  russes  font 
régulièrement  usage  de  ce  combustible.  Le  prix  élevé  du  charbon  amè- 
nera très  probablement  un  développement  de  cette  nouvelle  application 
du  pétrole.  Le  charbon  de  Carditf  coûte  environ  70  sh  la  tonne  à 
Singapore,  tandis  que  la  tonne  de  combustible  liquide  ne  coûte  que 
30  sh.  De  plus,  la  puissance  calorifique  du  pétrole  est  de  23  à  30  p.  c. 
plus  grande  que  celle  du  charbon. 

On  peut  disposer  les  grilles  des  [chaudières  de  manièraà  remplacer 
à  volonté  le  chauffage  au  charbon  par  la  combustion  du  pétrole. 
L'opération  s'effectue  en  trois  heures.  Les  soutes  à  charbons  peuvent 
en  douze  heures  être  appropriées  pour  recevoir  du  pétrole.  Le  remplis- 
sage des  soutes  avec  du  pétrole  se  fait  beaucoup  plus  vite  qu'avec  du 
charbon. 

L'Arachide.  —  La  Société  a  reçu  |de  M.  Th.  Fleury  l'hommage 
d'un  exemplaire  de  sa  bonne  étude,  L  Arachide,  principalement  celle 
de  la  Sénégambie,  sa  culture,  son  commerce,  sa  transformation  en 
huile  et  en  tourteau.  Celte  publication  qui  a  paru  à  Bordeaux,  chez 
Feret  et  fils,  se  recommande  non  seulement  par  sa  documentation  pré- 
cise et  scientifique,  mais  encore  par  la  compréhension  qu'elle  révèle 
des  côtés  pratiques  du  sujet.  Ce  dernier  point  est  dû  sans  doute  à  cette 
circonstance  que  M.  Fleury  est  un  directeur  de  l'Huilerie  de  Bacalan, 
et  non  un  simple  compilateur  de  statistiques,  diagrammes  et  brochures 
spéciales. 


L  aracniae  esi  une  pianie  nerDacee  annueue  i 
25  à  50  centimètres  et  dans  Tlnde  de  40  à  80  cei 
Elle  appartient  à  la  famille  des  légumineuses  ca 
d'un  jaune  d'or,  sont  polygames,  portées  sur 
axillaires.  Ses  feuilles  sont  alternes  et  composée 
folioles  ovales,  elles  sont  un  peu  duveteuses  au-< 
face  supérieure.  L'arachide  aime  les  sols  légers 
ment  irrigués  ;  les  sols  argileux  compactes  ne 
parce  qu'elle  y  enterre  difficilement  ses  fruits.  C 
sablonneux,  susceptibles  d'être  arrosés  pendant 
que  l'arachide  végète  le  plus  facilement. 

Cette  plante  réussit  encore  très  bien  sur  les  s 
elle  ne  donne  alors  que  des  fruits  de  mauvaise  qi 

L'arachide  comme  le  trèfle  et,  en  général,  les  | 
des  légumineuses,  prenant  à  l'atmosphère  par 
grande  partie,  si  ce  n'est  la  totalité,  de  son  azote, 
dans  un  état  florissant  à  l'aide  d'engrais  dépour 
La  fumure  de  cette  légumineuse  est  faite  en  Sent 
bien  simple;  pour  restituer  au  sol  les  élément 
été  enlevés  par  la  récolte  précédente,  les  noirs  b: 
gans,  après  les  avoir  entassées,  les  racines  sèches 
herbes  qu'ils  y  ont  coupées,  puis  ils  en  enterr 
mélangées  aux  folioles  azotées  de  la  plante  aba 
constituent  un  engrais  suffisant.  Pour  remuer  la  t 
se  servent  d'une  petite  bêche  en  forme  de  croissar 
n'a  lieu  au  Sénégal  qu'après  les  premières  pluies, 
mencement  de  juillet  ;  on  pratique  dans  le  sol  dej 
timètres  de  profondeur  distancés  les  uns  des  autr  • 
mètres  dans  lesquels  on  jette  une  ou  deux  arachic  ■ 
et  on  nunt'iiïe  la  terre  iivoc  \ù  pit-d.  Quelt[UJ^rois  ji 
nation,  on  fait  tremper  les  seaicjïros  dans  l'eau  pc  i 
jours  avant  do  les  mettre  eu  terre.  Lorsque  le  f  I 
bine  et  on  le  b»Ule.  On  renouvelle  cette  opération 
formée.  Dans  rinlcrvallt^  ou  sarcle  si  cela  esi  nco 

11  faut  environ  100  kiloj^ranimes  de  graines  po 
d'un  hectare.  La  récolte  se  fait  au  Sénégal  trois  o 
les  ensenn*nceuienls,  depuis  novembre  jusqu'en 
jusqu'en  février.  Les  gousses  sont  arrivées  â  parf 
les  plantes  ont  pris  une  teinte  jaune  et  que  les  tigv 
presque  sèches.  On  récolte  Tarachide  comme  i. 
c*est-à-dirc  en  arrachant  le  plant  que  Ton  secoue 


exiraire  le  sauie  ui  les  parues  terreuses  qui  duiiereui  aux  racines  ei 
aux  gousses  et  en  cherchant  dans  la  terre  les  gousses  qui  auraient  pu 
y  rester.  Les  femmes  et  les  enfants  des  noirs  détachent  ensuite  une  à 
une  les  gousses  des  pédoncules  oii  elles  sont  attachées  :  travail  long 
et  assez  pénible  auquel  le  noir  paresseux  se  soustrait  toujours. 

Pour  conserver  ses  qualités  natives,  l'arachide  doit  voyager  dans  sa 
cosse  et  être  soigneusement  préservée  de  l'humidité;  elle  doit  être 
transportée  par  des  navires  de  premier  ordre,  steamers  ou  voiliers  en 
fer,  afin  de  le  mettre  à  l'abri  de  la  fermentation  et  de  toute  avarie  de 
mer.  L'arachide  écossée  sur  les  lieux  de  production  rancit  vite, 
s'échaufle  et  s'altère  en  route.  L'huile  provenant  de  l'amande  décom- 
posée est  rance,  ne  peut  être  utilisée  que  pour  la  savonnerie,  et  le 
tourteau  possède  une  odeur  et  une  saveur  désagréables  qui  le  rendent 
nuisible  aux  animaux  ;  il  ne  peut  servir  alors  que  comme  engrais. 

La  Sénégambie,  dans  une  année  favorable,  importe  en  France 
70  millions  de  kilogrammes  d'arachides,  d'une  valeur  moyenne  de 
IS  millions  de  francs.  Les  bonnes  graines  de  la  Sénégambie,  celles  du 
Cayor,  du  Baol  et  du  Diander  que  l'on  payait  autrefois  sur  les  lieux 
de  production,  de  16  à  18  francs  les  100  kilogrammes  ont  valu,  de 
1883  à  1893,  jusqu'à  30  et  32  francs  les  100  kilogrammes,  tant  la  con- 
currence est  grande  sur  les  marchés.  Le  prix  de  ces  graines  rendues  à 
quai,  à  Bordeaux,  varient  entre  22  et  42  francs  les  100  kilogrammes. 

Dans  les  terrains  silicieux,  l'arachide  rapporte,  terme  moyen  90  p.  c, 
quelquefois  200  et  même  davantage,  en  buttant  convenablement  les 
pieds  et  les  espaçant  un  peu  ;  dans  les  terres  compactes,  le  rendement 
varie  de  25  à  40  p.  c.  Dans  les  années  chaudes,  les  arachides  sont  en 
général  d'une  qualité  supérieure;  elles  sont  petites  lorsque  le  manque 
d'eau  se  fait  sentir  et  si  les  pluies  sont  abondantes,  elles  ne  mûrissent 
pas. 


AFRIQUE 

La  marine  marchande  allemande  et  l'Afrique  australe.  — 
Le  gouvernement  allemand  s'efforce  de  développer  les  relations  com- 
merciales de  l'Allemagne  avec  les  ports  de  l'Afrique  australe  en  accor- 
dant des  subsides  à  la  ligne  de  l'Afrique  orientale.  Les  raisons  qui  ont 
amené  le  gouvernement  à  prolonger  les  routes  actuelles,  sont,  comme 
on  letrouve  exposé  dans  le  mémoire  justificatif  du  projet  qui  est  devenu 
loi,  le  23  mai  dernier,  le  désir  d'encourager  le  commerce  extérieur  de 


rAIlemagne,  de  développer  l'industrie  intériei 
des  navires,  d'affranchir  le  commerce  allemand 
Tctranger,  d'éviter  les  transbordements  et  d'ass 
sant  pour  le  transport  des  passagers. 

Les  contrats  antérieurs  assuraient  l'existence 
entre  Hambourg  et  l'Afrique  orientale  allemand' 
Bay  et  d'un  service  accessoire  vers  les  ports 
mandes  et  portugaises.  La  compagnie  de  la  ligi 
taie  devait  organiser  un  départ  par  mois.  Mais  « 
sa  ligne  jusque  Durban,  établit  un  service  heb< 
de  Zanzibar  à  Bombay  et  organisa  un  départ  tous 
vitesse  minima  pour  la  ligne  principale  était  d( 
subside  était  de  de  1,125,000  francs.  En  1891 
21,651    tonnes    de    marchandises;    en    181)8, 
78,517  tonnes. 

Le  nouveau  contrat  maintient  les  lignes  exiî 
vitesse  de  la  ligne  principale,  améliore  la  flotte  [ 
veaux  bâtiments  et  étend  la  ligne  jusqu'aux  po 
Cap,  à  cause  de  l'importance  de  celle-ci  pour  le 
et  dans  le  désir  d'avoir  un  port  autre  que  Delagc 
niquer  avec  le  Transvaal. 

Il  y  a  un  an  environ,  une  compagnie  de  Hambc 
ne  faisaient  auparavant  escale  qu'à  Port  Elisabet 
Australie,  commença  à  visiter  Cape  Town  toutes 
Aucune  autre  compagnie  n'avait  établi  de  servie 
magne  et  la  colonie  du  Cap,  de  sorte  que  les  marc 
étaient  dirigées  sur  Londres  pour  être  transport 
des  steamers  anglais.  C'est  pour  éviter  cet  état 
a  établi  un  service  exclusivement  allemand.  Un 
sera  établi  autour  de  l'Afrique.  Les  navires  passe 
par  le  canal  de  Suez  et  par  les  îles  Canaries.  Le 
oriental  feronl  escale  à  Anvers  à  l'aller;  ceux  du 
Amsterdam,  à  l'aller,  et  à  Botterdam,  au  retour. 

La  vitesse  sera  de  12  nipuds  à  la  c^jle  occidcii 
10  i/2  i  la  cote  orientale.  Un  service  bi-mensuel 
bourg  et  les  porl^  de  la  cùtc  orientale  jusque  héi 
1,887,500  francs  pour  quinze  ans.  Le  contrat  ei 
i'^'^  avril  1901. 

La  flottille  du  Haut-Congo.  —  Le  Journal  ofj 
publier  Tacte  de  rétn}cession  k  la  k  Compagnie  de 


ports  Congo-Oubanghi  »  des  services  de  navigation  à  vapeur  imposés 
à  diverçes  compagnies  concessionnaires  de  territoires  au  Congo  fran- 
çais et  un  arrêté  approuvant  la  substitution  de  la  <c  Compagnie  de 
navigation  et  transports  Congo-Oubanghi  »  aux  Sociétés  de  la  Mobaye 
et  de  la  Kote,  et  à  la  Compagnie  des  Sultanats  du  Haut-Oubanghi, 
pour  l'exécution  du  service  de  navigation  prévu  aux  cahiers  des 
charges  annexés  à  leurs  décrets  de  concession. 

Par  cett«  combinaison,  ces  sociétés  sont  déchargées  de  l'obligation 
de  mettre  à  flot  et  entretenir  en  service,  pendant  toute  la  durée  de 
leur  concession,  les  bateaux  à  vapeur  de  grand  et  petit  modèle  qui 
leur  sont  imposés  par  leurs  cahiers  des  charges. 

Congo  français.  Transports  fluviaux.  -—  Voici  le  tarif  des 
transports  adopté  d'un  commun  accord  par  les  dix  sociétés  conces- 
sionnaires du  Congo  français,  ayant  adhéré  aux  Messageries  fluviales 
du  Congo  : 

(Prix  en  francs  à  la  tonne  de  1,000  kilogrammes  ou  par  tête.) 


PRIX 
RETOUR 

PRIX  POUR  PASSAGERS 

NOMS 

BLAWCS 

NOIRS 

des  sociétés  concessionuairrs 
adhérentes. 

•< 

M 

CL 

1 

1 

1 

< 

i 

b 

C 

< 

1 

Compagnie  de  la  Léfini 

200 

200 

150 

75 

40 

45 

50 

Société  de  la  N'Kémé  N^Kéni     . 

240 

240 

180 

120 

65 

45 

50 

Compagnie  française  du  Congo . 

3(5 

515 

240 

145 

110 

80 

55 

Société  de  l'Afrique  française    . 

545 

545 

260 

225 

150 

70 

50 

—     de  l'Afrique  équatoriale 

545 

545 

260 

225 

150 

70 

50 

Compagnie  franco-congolaise    . 

450 

450 

540 

255 

m 

85 

60 

—        de  la  Kadel  Sangha . 

450 

450 

540 

255 

190 

85 

60 

—        de  l'Ékéla  Sangha  . 

450 

450 

540 

255 

190 

85 

60 

—        des   caoutchoucs   et  j 
duits  de  la  Lobay     . 

îro- 

400 

400 

580 

290 

215 

80 

55 

—        de  rOubanghi  Ombella 

510 

810 

585 

510 

230 

80 

55 

Ce  tarif  est  considéré,  par  comparaison  avec  celui  en  vigueur  entre 
rÉtat  Indépendant  du  Congo  et  les  Sociétés  belges,  comme  devant 
rémunérer  largement  les  services  des  Messageries. 


FORAIOSE 


viclime  de  grand  iDatin  quand  le  brouillard  ne  s*est  pas  encore  dis- 
sipé. Et  puis,  ils  sjnt,  comme  les  Chinois,  du  reste,  habitués  à  ce 
continuel  roulement. 

Comme  on  le  sait,  Formose  renferme  beaucoup  de  camphriers. 


TOU  R    DE   GARDE. 


Ces  arbres  sont  les  rois  des  forêts  de  cette  île.  Ils  croissent  assez 
vite.  Leurs  feuilles  ont  souvent  plus  de  20  pieds  de  circonférence. 
Leurs  troncs  sont  employés  comme  bois  de  construction,  là  où  on 
peut  les  transporter  facilement.  On  obtient  le  camphre  par  distilla- 
tion. On  ne  peut  se  servir  à  cet  effet,  que  des  troncs  qui  contiennent 
beaucoup  de  suc  et  particulièrement  des  racines. 
Les  fours  à  camphre  consistent  en  un  four  d'argile  de  4  pieds  de 


la  perception  et  d'amener  insensiblement  au  moyen  de  ces  remises,  la 
suppression  des  anciennes  contributions  perçues  sans  contrôle.. 

Complètement  résolue  dans  le  Bas-Dahomey,  la  question  de  l'impôt 
rencontrera  quelque  temps  encore,  dans  le  haut  pays,  certaines  diffi- 
cultés de  détail  qui  disparaîtront  d'elles-mêmes  dès  que,  l'usage  de  la 
monnaie  s'étant  répandu  dans  la  colonie,  l'impôt  pourra  cesser  d'être 
perçu  en  nature.  Ces  inconvénients  tiennent  d'ailleurs  beaucoup  plus 
à  l'insuffisance  de  personnel,  à  l'étendue  des  territoires  et  aux  diffi- 
cultés matérielles  de  recouvrement  et  de  perception  qu'à  la  mauvaise 
volonté  des  contribuables  eux-mêmes. 

En  ce  qui  concerne  l'année  1900,  les  résultats  déjà  obtenus  sont 
tellement  remarquables  qu'il  est  permis  de  penser,  sans  exagération, 
que  le  montant  de  l'impôt  perçu  atteindra,  pour  cette  période,  le 
chiffre  de  500,000  francs. 

Exploration  des  sources  du  Nil.  —  Les  Mittheilungen  am  den 
Deutschen  Schiitzgebieten  publient  une  relation  du  voyage  du  D""  Kandt 
à  la  source  du  Kagera  ou  Nil  Alexandra.  Le  D*"  Kandt  se  mit  en  route 
à  la  fin  de  janvier  1898  de  Tabora  pour  se  rendre  au  confluent  du 
Ruvuvu  et  du  Kagera.  Une  évaluation  consciencieuse  du  volume  des 
eaux  des  deux  rivières  prouva  que  le  Kagera  était  la  plus  importante. 

Le  D*"  Kandt  se  décida  à  en  remonter  le  cours.  Il  rendit  d'abord  vLsite 
au  roi  de  Ruvuvu.  11  pense  que  l'individu  qu'on  lui  a  présenté  comme 
étant  le  roi  ne  l'est  pas  en  réalité  et  que  Ton  cache  le  véritable  roi 
pour  des  motifs  de  superstition.  En  suivant  le  Kagera  dans  ses  sinuo- 
sités, le  voyageur  arriva  au  confluent  de  l'Akanyaru  et  du  Nyavarongo. 
Il  se  décida  à  suivre  ce  dernier  parce  qu'il  était  le  plus  important. 
Après  l'avoir  remonté  pendant  six  jours,  il  arriva  à  l'embouchure  du 
Mkunga,  son  affiuent  le  plus  considérable.  Celui-ci  prend  sa  source 
dans  les  environs  du  Kirunga  oriental,  connu  précédemment  sous  le 
nom  de  Ufumbio,  d'où  découlent  également  des  cours  d'eau  par  le 
Ruchuru  vers  le  lac  Albert  Edward. 

Le  [)■•  Kandt  quitta  le  Nyavarongo  pendant  quelque  temps  pour 
faire  le  tour  du  Kirunga.  Il  dit  que  le  nom  de  Ufumbio  n'est  jamais 
appliqué  à  la  montagne.  C'est  la  désignation  d'un  district  situé  au  Nord  * 
et  renfermant  un  groupe  de  volcans  éteints,  composé  de  plusieurs 
centaines  de  pics  et  de  cratères. 

En  se  dirigeant  vers  le  Sud  par  une  plaine  de  lave,  le  long  du  Sabyin, 
montagne  à  deux  pics  et  recouverte  de  neige  éternelle,  il  arriva  à  Kivu. 
De  là,  il  poussa  vers  le  Sud-Est  et  regagna  le  Nyavarongo  qui  avait, 


CHRONIQUE 

dans  cette  région,  le  caractère  d'un  torrent  de    i 
travers  des  vallées  ravissantes,  mais  dont  Tag 
les  bandes  de  pillards  qui  infestent  la  contrée.  F 
est  formé  par  la  réunion  du  Mhogo  et  du 
remonta  celui-ci  jusqu'à  sa  source  à  travers  un    ! 
tagneux,  mais  complètement  inhabité.  Il  n'élail 
seurs  de  miel.  Les  abeilles  y  sont,  du  reste,  ti    • 
altitude  de  7,000  pieds,  l'explorateur  put  voir    I 
mètre  au-dessous  de  zéro. 

Le  D'  Kandt  visita  aussi  la  source  du  Mhogo  i 
gea  vers  l'extrémité  Nord  du  Tanganyka,  d'où  i  i 
son  expédition  au  lac  Kivu  (1). 

Rhodésia.  Le  caoutchouc.  ~  Il  est  ét^  > 
considérables  de  terres  à  caoutchouc  de  grande 
trouvent  dans  le  nord-ouest  et  le  nord-est  d 
le  Sud  de  la  Rhodésia,  il  existe  du  caoutchouc 
vallée  du  Sabi  et  le  long  du  Zambèze.  On  a  ai 
Ton  découvrira  des  variétés  de  valeur  plus  grand 
toire  de  la  Rhodésia  et  que  certaines  espèces  p  • 
dans  les  régions  plus  sèches  du  plateau  méridio 

D'autre  part,    les  méthodes  d'extraction  de 
destructives,   et   l'absence    de    réglementation 
fatalement  la  disparition  des  arbres.  Les  met  i 
actuelles  sont  défectueuses  et  déprécient  le  caou 
Sud. 

Le  caoutchouc  indigène  qui  a  été  reconnu  jusq 
principalement  à  la  catégorie  des  grandes  lia 
d'autres  végétations. 

Afrique  occidentale  anglaise.  Chemins 
d'Or,  le  chemin  de  fer  Sellondi-Tarwa  va  être  proh 
Il  desservira  une  contrée  aurifère  et  sera  i 
exploitations  d'or  auxquelles  il  profitera  partie 
aura  180  milles  de  longueur  et  3  pieds  6  pouc 
traversera  des  forêts  épaisses.  La  route  est  loii 
pays  est  très  accidenté  au-delà  de  Tarwa.  Une 
comprenant  vingt-sept  ingénieurs,  a  quitté  Livei 


[i)  Voir  BuUttin,  p,  m. 


nier.  Elle  aura  besoin  de  dix-sept  cents  porteurs  et  travailleurs  qui 
devront  être  amenés  d'Angleterre.  Toutes  ces  personnes  s'occuperont 
exclusivement  de  l'étude  de  la  ligne.  La  grande  difficulté  consistera 
dans  le  recrutement  de  la  main-d'œuvre.  On  espère  pourtant  que  les 
agents  recruleurs  parviendront  à  réunir  les  dix  mille  travailleurs 
nécessaires. 

A  Lagos,  les  trois  ponts  de  fer  reliant  la  ville  au  continent  sont 
terminés  et  le  chemin  de  fer  va  être  ouvert  au  trafic  jusqu'à  Ibadan. 
La  ligne  a  une  longueur  de  126  milles  et  3  pieds  6  pouces  d'écartement. 
Elle  relie  entre  elles  les  villes  de  Lagos,  d'Abeokuta  et  d'Ibadan,  dont 
la  population  est  respectivement  de  60,000,  150,000  et  180,000  habi- 
tants. Les  principaux  travaux  d'art  sont  le  pont  de  Carter  (2,000  pieds 
de  longueur),  celui  de  Denton  (900  pieds)  et  quelques  autres  ponts. 
On  étudie  le  prolongement  de  la  ligne  vers  Ogbomisho,  llorin  et  le 
Niger. 

On  envisage  aussi  la  création  d'un  chemin  de  fer  vers  le  pays  des 
Hausas. 

A  Sierra-Leone,  une  nouvelle  section  de  la  ligne  à  2  pieds  6  pouces 
d'écartement  a  été  ouverte.  Le  trafic  s'étend  donc  jusque  Rotifunk.  On 
a  commencé  le  prolongement  de  la  ligne  jusque  Bo  (80  km.).  La  pente 
sera  de  1  :  35.  On  a  décidé  de  construire  la  ligne  aussi  légèrement  que 
possible,  et  d'employer  des  ponts  en  bois.  La  partie  ouverte  de  la  ligne 
comprend  11  viaducs  en  fer,  et  un  pont  de  600  pieds  de  longueur  sur 
la  rivière  Ribbi. 

Usages  commerciaux  au  Maroc.  —  Nous  extrayons  le  passage 
suivant  d'un  rapport  du  ministre  français  à  Tanger,  M.  Revoil  : 

ce  Rarement  les  fabricants  eux-mêmes  traitent  les  affaires  avec  ce 
pays;  les  transactions  sont  faites  par  des  négociants  établis  au  Maroc 
qui  réunissent  en  leurs  mains  beaucoup  d'articles. 

»  Il  n'y  a  d'exception  que  pour  les  sucres  et  les  bougies  qui,  en 
raison  de  l'importance  de  leur  consommation,  sont  en  grande  partie 
livrés  directement  par  les  fabricants  eux-mêmes.  Ces  deux  articles 
jouissent  du  privilège  de  pouvoir  être  vendus  en  majeure  partie  au 
comptant,  les  sucres  contre  de  la  monnaie  française  et  les  bougies 
contre  de  la  monnaie  anglaise.  Tous  les  articles  d'importation  alle- 
mande sont  vendus  en  monnaie  française.  Les  Anglais  ne  vendent 
que  contre  de  la  monnaie  anglaise.  11  y  a  quelques  années,  on  avait 
adopté  le  système  de  vendre  en  monnaie  espagnole  ou  marocaine, 
en  majorant  les  prix.  Ce  système  a  donné  lieu  à  des  déboires,  par 
suite  des  variations  continuelles  du  change  et  il  a  été  abandonné; 


aujourd'hui  on  ne  traite  plus  en  monnaie  espagnole  que  quand  il 
s'agit  de  marchandises  sur  place,  livrables  de  suite. 

»  Les  ventes  se  font,  soit  à  forfait,  soit  à  la  commission  ;  la  plus 
grande  partie  de  l'importation  est  faite  à  forfait  ;  les  affaires  à  la  com- 
mission se  traitent  toujours  valeur  comptant  et  sont  passibles  d'un 
courtage  de  5  p.  c.  en  Angleterre  et  de  G  p.  c.  en  France  et  en  Alle- 
magne; les  payements  par  la  clientèle  se  font  alors  en  compte-cou- 
rant: on  stipule  toujours  que  le  délai  de  six  mois  ne  doit  pas  être 
dépassé;  cela  n'empêche  que  souvent  les  factures  ne  sont  payées  qu'au 
bout  d'un  an.  Les  affaires  très  importantes  en  colonnades  anglaises  se 
traitent  à  ces  conditions. 

»  Les  affaires  à  forfait  consistent  en  remise  de  marchandises  par  le 
fabricant  au  commissionnaire  établi  au  Maroc,  à  un  prix  déterminé. 
Ces  affaires  sont  généralement  réglées  à  quatre  mois,  exceptionnelle- 
ment à  six  mois;  mais  les  payements  ne  sont  que  très  rarement  faits  à 
terme  fixe,  et  il  est  diflicile  d'obtenir  des  commissionnaires  des  inté- 
rêts, même  si  le  principe  en  a  été  admis.  » 

Madagascar.  —  Le  Journal  officiel  de  Madagascar,  du  13  octobre, 
constate  la  réapparition  de  la  peste  à  Tamatave. 

Le  caractère  épidémique  des  cas  constatés  ne  semble  pas  douteux. 
M.  Géraud,  doyen  des  médecins  principaux  de  la  marine,  est  décédé  à 
Mahatsara,  le  28  septembre,  à  la  suite  d'un  accès  pernicieux.  Le  géné- 
ral Gallieni  a  pris  toutes  les  mesures  nécessaires  pour  préserver  le 
reste  de  Madagascar  et  notamment  l'Emyruc  où  le  fléau,  s'il  n'était 
arrêté,  pourrait  faire  les  plus  grands  ravages  parmi  les  populations 
hovas.  On  pense  que,  grâce  à  la  construction  récente  d'un  magasin 
de  transit  isolé,  les  mesures  de  quarantaine  n'auront  pas  d'influence 
trop  préjudiciable  pour  les  intérêts  commerciaux  de  Tamatave. 

Les  travaux  de  la  roule  sont  toujours  poussés  très  activement.  Les 
chantiers  de  la  route  de  Tamatave  sont  installés  dans  la  fameuse  forêt 
Alaqui,  avec  la  fièvre  togo,  devait  arrêter  les  colonnes  marchant  sur 
la  capitale  malgache. 

On  compte  sur  les  chantiers  plus  de  douze  mille  travailleurs,  qui 
répondirent  spontanément  à  l'appel  du  général  Gallieni.  Ils  sont 
payés  un  franc  par  jour.  Les  médecins  de  service  sur  la  route  signa- 
lent l'état  sanitaire  comme  aussi  satisfaisant  que  possible. 

Le  général  Gallieni  espère  pouvoir  francliir  en  automobile,  en 
janvier  prochain,  toute  la  route  de  300  kilomètres  entre  Tananarive  et 
la  mer. 

Grâce  aux  routes,  on  voit  de  plus  en  plus  dans  l'île,  et  surtout 


\ 


aux  environs  de  Tananarive,  des  voitures  attelées,  et  les  Malgaches 
s'occupent  avec  entrain  de  l'élevage  des  chevaux.  La  vente  des  pou- 
lains et  des  pouliches,  au  dernier  grand  marché  de  Tananarive,  a 
donné  des  résultats  étonnants.  L'administration  pousse,  le  plus  pos- 
sible, avec  sa  jumenterie  d'Ampasika,  les  indigènes  dans  cette  voîel 
La  tranquillité  semble  complète,  sauf  encore  dans  quelques  régions 
sud  de  l'île,  où  le  colonel  Lyantey  continue  son  œuvre  de  pacifica- 
tion et  de  pénétration. 


AMÉRIQUE 


Mexique.  La  culture  du  tabac.  —  L'agronome  attaché  à  l'am- 
bassade allemande  à  Mexico  communique  des  renseignements  inté- 
ressants sur  la  culture  du  tabac  au  Mexique.  Sur  les  trente  états  dont 
se  compose  ce  pays,  il  y  en  a  vingt-deux  qui  cultivent  le  tabac.  Les 
principaux  sont  ceux  d'Oaxaca  et  de  Veracruz  qui  produisent  respecti- 
vement 3,194  et  1,786  tonnes  sur  un  total  de  8,936  tonnes  (1891).  Dans 
ces  deux  élats,  de.  grandes  exploitations  ont  été  créées  par  des  capita- 
listes étrangers.  La  plantation  et  le  mode  de  préparation  y  ont  été 
améliorés  selon  la  méthode  suivie  à  Cuba.  Dans  l'état  de  Oaxaca,  les 
principales  plantations  de  tabac  se  trouvent  à  Valle  Nacional  ;  dans 
celui  de  VeraciTiz  à  San  Andres  Tuxtla. 

Le  mode  d'exploitation  dans  cette  dernière  localité  est  particulier. 
Des  entrepreneurs  plantent  et  préparent  à  leurs  frais  quelques  dizaines 
de  milliers  de  plants  de  tabac  et  reçoivent  comme  rémunération, 
d'après  certaines  bases,  la  valeur  en  argent  du  quart  de  la  récolte.  Ce 
qu'il  y  a  de  singulier  dans  cette  manière  d'exploiter,  c'est  que  le  plan- 
teur doit  fournir  les  travailleurs.  L'entrepreneur  est  chargé  de  la 
surveillance  de  ceux-ci  et  reçoit  de  ce  chef,  une  rémunération  spéciale. 

Les  couches  se  préparent  de  la  fin  juin  au  commencement  de  juillet. 
Puis  on  sème  une  nouvelle  couche  tous  les  six  ou  sept  jours.  Depuis 
la  deuxième  moitié  de  septembre  jusqu'à  la  fin  d'octobre,  les  jeunes 
plants,  qui  doivent  avoir  au  moins  10  centimètres  de  hauteur,  sont  mis 
en  terre.  On  distance  les  rangées  de  85  à  90  centimètres.  Dans  les 
rangées,  les  plantes  sont  de  4o  à  53  centimètres  l'une  de  l'autre.  Les 
champs  doivent  tUre  nettoyés  deux  ou  trois  fois  pendant  la  période  de 
croissance  des  plantes.  On  procède  en  même  temps  dans  les  champs 
exposés  au  veut  du  Nord  à  un  buttage  destiné  à  protéger  les  plantes. 


Quarante  jours  après  la  mise  en  terre,  on  émon 
huit  jours  plus  lard,  on  les  tigeonne  pour  la      i 
dernière  opération  se  fait  enq^re  deux  fois  ou  <     • 
Les  propriétaires  mexicains  laissent  pousser  une 
semences   Les  planteurs  étrangers  ont  des  ehan    • 
plantes  destinées  à  fournir  les  graines. 

Trois  mois  après  la  plantation  commence  la 
plantes  entièrement  et  on  les  suspend,  le  même  j(    i 
Vingt-cinq  à  trente  jours  plus  tard,  on  les  met  e 
fermenter.  Cinq  ou  six  jours  après,  on  enlève 
range  par  classe.  On  ne  suit  pas  partout  le  mer 
Dans  certaines  exploitations,  on  ne  coupe  pas  la     I 
à  enlever  les  feuilles  et  à  les  répartir  en  trois  cla    i 
même  coup  mais  par  trois  équipes  d'ouvriers.  D' 
méthode  de  Cuba,  ils  coupent  la  tige  en  trancli 
chaque  morceau  porte  deux  feuilles  opposées. 

On  considère  à  San  Andres  Tuxtla,  comme  \  - 
un  produit  de  t3  kiloî;ramnics  df*  fi^uin^s  préparée  , 
Hans  les  minét^s  favonihles,  on  al  loi  ni  Xi  kilogr 
sente  de  000  a  800  kilogrammes  â  rhectaie.  Dans* 
récolte  jusqu'à  !iî, 000  ki  l<  i^Tamnies  mais  d\}  n  labac  I 

L'expier  talion    du    tabac  brut,    qui   avait    dlml  t 
aujj^menlé    de   uouvoau  en    18137181)^1    pour  al  te 
(Î^,2T0  tonnes  en  IH08-t81VJ;.  Ct*  relèvement  est  tii 
iiuction  â  (luljii,  îa's  chant-es  de  lutter  avantageuse 
do  Cuba  ne  sitnt  LDUlefuiià  que  peu  importantes,  n  i 
leures  (jualités  du  Mexique»  p:iree  que  les  modes    ' 
pn*paratto[i  ne  soni  pas  à  la  fiauleiir  de  ceux  iie  C 

Equateur.  Café-  —  JViqïirs  Texpert  agricole  a 
allenjaiides  dans  l'Amérique  du  Sud,  (e  Café  ne  ^e 
bien  dans  i'iiUnnspbt-re  îiuiuide  el  eliaiide  de  TEq 
contrées  qui  jouissent  d'un  eliuiul  plus  frais.  Les 
plantés  trop  près  Tun  de  fautre  dans  l'Equateur, 
production  est  médiuire,  en  moyenne  iil  kilograi 
au  maximum  oOO,  Les  arbres  soûl  distancés  de  3.^ 
talion  se  fîiit  pendant  la  saison  des  pluies,  géiiéml 
lévrier.  L;i  réroltealieu  pendant  ia  saison  sèche 
juin.  Après  avoir  été  cueillies,  les  graines  sont  mise 
On  enlève  ensuite  les  écorees  au  moyen  de  uiacliine 
de  café  non  décorliqué  donnent  100  kilogramme! 


quantités  de  café  exportées  varient  d'année  à  année.  En  1898,  l'expor- 
tation a  été  de  2,531  tonnes. 

Guyane  anglaise.  Diamants.  —  Le  consul  américain  à  Denie- 
rara  dit,  dans  son  rapport  sur  les  diamants  de  la  Guyane  anglaise, 
que  Ton  connaît  depuis  plusieurs  années  l'existence  de  diamants  dans 
cette  contrée.  En  1890,  749  pierres,  pesant  5t4  i/2  grains,  furent 
découvertes.  Le  commissaire  des  mines  constata,  dans  son  rapport 
de  1893,  que  des  diamants  avaient  été  découverts  dans  des  placers  d'or. 
Jusqu'à  cette  époque,  la  plus  lourde  pierre  qu'on  eût  trouvée  pesait 
8  grammes.  Au  mois  de  mars  dernier,  282  pierres  furent  découvertes 
à  250  milles  en  amont  de  la  rivière  Mazaruni.  Elles  furent  envoyées 
à  Londres  et  évaluées  2  liv.  10  sh.  par  carat.  Pendant  la  première 
semaine  de  juillet,  400  petites  pierres  furent  apportées  à  la  côte  de  la 
même  localité.  Elles  furent  lavées  en  dix-huit  jours  par  neuf  hommes, 
d'après  des  méthodes  très  primitives.  Ces  pierres  sont  octaèdres  et 
varient  en  poids  d'un  gramme  à  un  carat  et  demi  à  l'état  brut.  Les 
marchands  de  Londres  les  considèrent,  dit-on,  comme  supérieures  aux 
diamants  de  l'Afrique  du  Sud  et  les  estiment  à  25  à  50  p.  c.  au-dessus 
de  ces  derniers.  Ils  déclarent  qu'elles  valent  les  pierres  du  Brésil. 

La  distance  de  Barbica  et  du  confluent  de  l'Essequibo  et  dn  Maza- 
runi, à  l'endroit  où  les  diamants  ont  été  trouvés,  est  de  250  milles. 
Les  mines  se  trouvent  à  environ  5  milles  de  la  rivière.  On  y  arrive  par 
un  sentier  qui  traverse  une  jungle  tropicale.  Les  provisions  et  les  ins- 
truments sont  amenés  à  dos  d'homme.  Le  voyage  dure  huit  jours  à 
l'aller  et  deux  jours  et  demi  au  retour. 

Une  concession  de  2,000  acres  a  été  accordée  à  une  firme  locale,  dans 
le  voisinage  de  ce  lieu,  pour  l'exploitation  des  pierres  précieuses.  Des 
spéculateurs  ont  envoyé  un  ingénieur  et  des  mineurs  pour  explorer 
ce  district  et  découvrir  l'endroit  d'où  proviennent  les  pierres  trouvées, 


ASIE 

Chine.  Routes  et  moyens  de  communication.  —  Le  baron  von 
Richtofen  a  fait,  le  mois  dernier,  à  la  Société  de  géographie  de  Berlin, 
une  conférence  sur  les  routes  et  les  moyens  de  communication  en 
Chine,  particulièrement  au  point  de  vue  des  mouvements  de  troupes. 

La  Chine  proprement  dite,  c'est-à-dire  le  «  pays  des  dix-huit  pro- 
vinces ))  est,  d'après  M.  von  Richthofen,  une  contrée  à  circulation 


intense.  Tout  s'y  agite  comme  dans  une  fourmi 
les  plus  limités,  les  Chinois  savent  réaliser  des 
montagnes  et  les  plateaux  qui  se  rattachent  à 
qui  s'étendent  jusque  près  de  Shanghaï,  divis 
parties  :  la  Chine  du  Nord  et  celle  du  Sud.  D'ai 
de  collines  et  de  monticules  qui  se  dirigent  du 
partagent  chacune  de  ces  parties  en  une  divi 
autre,  située  à  l'Ouest,  qui  est  d'un  accès  diflicil 
La  Chine  septentrionale  est  le  pays  des  rout 
nale,  celui  des  cours  d'eau  et  des  sentiers.  Le 
cation  le  plus  efficace  est  cependant  l'homme,  qu 
porteur.  On  pourra  se  faire  une  idée  de  l'impo 
se  représentant  que  la  charge  qu'un  train  de  m 
de  2o  wagons,  transporterait  en  quelques  heurei 
nécessiterait,  en  r.liine,  EVniploi  de  o,000  [K'>i"h:*ui 
Aussi,  comprend -on  ta  terreur  des  Chinois  qui  1 
I  du  portage,  en  voyant  construire  des  chemins  de  J 

I  on  se  sert,  (\^n%  ie  Nord ,  do  l'Ane,  dont  la  t^harge  e: 

^  du  mulet,  qui  poHe  120  kilogrammes  et  du  di 

i80  kilogrammes-  Dans  cette  région,  on  ne  reii 
cultes  pour  établir  «les  chemins*  Ils  sont  pour  h 
\  Autrefois,  on  s'était  préoccupé  de  créer  des  m 

Iles  voltureï^.  Kublni  Khan  avait  établi  de  grandes 
le  pays,  jusque  prés  de  la  Chine  méridionale;  n 
que  les  ponts,  sont  depuis  longtemps  tombés 
voies  de  conmmnication  se  trou  vent- elles  dans 
pitoyable.  Seules,  les  brouettes  à  deux  roues,  la  t^ 
et  le  délice  des  Chinois,  sont  capables  de  résisl 
la  partie  orientale  do  In  Cliine  du  Nord,  des  rou 
.entre  elles,  sauf  quand  les  ditiicnltés  du  terrair 
On  peut  donc  dire  que  celle  partie  de  la  Chine  e 
lation.  Deux  routes  seulement  conduisent  de  Pé 
[500  kilom/)  par-dessus  la  chaîne  des  hauteurs  q 
orientale  de  la  partie  occidentale  de  la  Chine  du 
au  Nord  de  Pékin,  à  travers  laquelle  passe  la  rot 
Kalgan  cl  la  Mandchourie  et  que  Timpéra triée  a  s 
ensuite,  au  sud,  la  porte  du  Fleuve  iaune,  acUic 
très  dJrtîcile  pour  les  voitures,  mais  d^unegrandf 
futur  chemin  de  fer.  Dés  quci  les  montagnes  soi 
situé  à  l'ouest  est  libre,  La  région  qui  se  trou\ 
ment  toute  facilité  de  cimnnunîcalîon^  mais  il 


danger  des  inondation^  résultant  de  la  rupture  des  digues  que  les 
Chinois  ont  pratiquée  différentes  fois. 

La  Chine  méridionale  est  un  pays  montagneux  comme  il  y  en  a  peu. 
|je  nombre  des  cours  d'eau  est  si  considérable  que  la  navigation 
doit  nécessairement  y  jouer  un  grand  rôle.  Les  bateaux  peuvent 
pénétrer  jusque  dans  les  affluents  les  plus  reculés.  On  ne  peut  guère 
se  servir  que  de  bâtiments  construits  selon  la  mode  du  pays,  parce  que 
les  cours  d'eau  sont  sujets  à  des  abaissements  de  niveau  considérables 
(|ui  durent  parfois  pendant  six  mois.  Us  ne  sont  alors  accessibles 
qu'aux  petits  bâtiments.  Le  transport  entre  les  différents  points 
navigables  se  fait  au  moyen  de  p)orteurs.  En  été,  quand  les  fleuves 
coulent  à  pleins  bords^  la  circulation  des  troupes  est  presque  impos- 
sible dans  les  vallées  parce  que  les  sentiers  sont  beaucoup  trop 
étroits.  Dans  la  province  de  Shansi,  les  crevasses,  dues  à  l'érosion  du 
loess,  opposent  aux  mouvements  des  troupes  de  grandes  diiScultés.  Il 
est  cependant  à  noter  que  les  Chinois  ont  su  faire  passer  leurs  troupes 
par  cette  région  lors  de  la  révolte  dans  le  Kaschmir. 

Inde  anglaise.  Café.  —  A  la  fin  de  1899,  les  plantations  de  café 
dans  l'Inde  anglaise  couvraient  274,298  acres  qui  se  trouvaient,  à 
l'exception  de  450  acres,  dans  le  sud  du  pays.  La  culture  du  café  est 
limitée,  pour  la  plus  grande  partie,  à  la  région  élevée  qui  se  trouve 
au-dessus  de  la  côte  Sud-Ouest  et  qui  comprend  les  régions  de  Mysore, 
Coorg  et  les  districts  de  Malabar  et  de  Nilgiris.  Us  représentent  les 
90  p.  c.  de  toute  l'étendue  plantée  de  café  de  l'Inde.  On  cultive  aussi 
du  café  en  Birmanie,  dans  l'Assam,  dans  le  Bengale  et  à  Bombay, 
mais  dans  de  faibles  proportions. 

La  production  a  été  très  pauvre  depuis  1896.  Celle  de  l'année 
dernière  (1899-1900)  a  été  la  plus  mauvaise  de  toutes.  Elle  n'a  été 
que  de  17  2/3  millions  de  livres,  c'est-à-dire  à  peine  plus  de  la  moitté 
de  la  production  d'il  y  a  quinze  ans.  Cette  diminution  est  due  princi- 
palement aux  mauvaises  saisons  et  à  la  maladie  des  plantes.  Il  faut 
ajouter  que  la  baisse  des  prix  depuis  1867  a  enlevé  tout  stimulant  à 
l'extension  de  la  culture  du  café. 

Siam.  Musée  commercial  japonais  à  Bangkok.  —  On  vient 
d'établir  à  Bangkok  un  musée  commercial  japonais.  Cet  établissement 
se  trouve  placé  sous  la  direction  du  gouvernement  japonais  qui  en 
supporte  toutes  les  dépenses,  sauf  le  traitement  du  directeur. 

L'établissement  occupe  de  vastes  locaux  bien  appropriés  et  se  trouve 
dans  la  partie  la  plus  commerçante  de  la  ville.  On  se  propose  d'y 


Le  De  kieu  a  été  instigateur  de  ce  mouvement,  et  c'est  grâce  à  ses 
encouragements  et  aussi  à  Taide  pécuniaire  accordé  aux  villages  que 
cette  culture  est  aujourd'hui  si  prospère.  Les  mamelons  et  montagnes 
de  la  province  de  Hung-Hao  se  prêtent  merveilleusement  à  ce  genre  de 
plantations  ;  l'indigène  y  trouve  avantage  et  semble  vouloir  s'y  adonner 
tout  particulièrement.  Il  y  aura  là,  dans  un  avenir  prochain,  une 
ressource  précieuse  pour  la  province.  4,000  coolies  seraient,  au  cours 
de  l'année,  venus  du  Delta  aider  les  habitants  de  cette  région  dans 
leurs  travaux  de  défrichement.  Le  prix  de  la  main-d'œuvre  est  de 
6  tiens  (=  10  cents  environ)  el  trois  repas  par  jour.  Ces  coolies  ne 
séjournent  pas  dans  les  villages;  ils  montent  du  Delta  lorsque  les 
travaux  des  rizières  sont  terminés  et  retournent  dans  leur  commune 
au  moment  de  la  récolte.  Quelques-uns,  cependant,  se  sont  définitive- 
ment installés  dans  le  pays. 


OCÉANIE 


Java.  La  situation  économique.  —  Dans  une  conférence  faite  ré- 
cemment à  Amsterdam,  à  la  Ligue  des  instituteurs  néerlandais,  M.  Van 
Kol,  membre  de  la  deuxième  Chambre  des  Etats-Généraux,  a  attiré 
l'attention  sur  la  a  situation  économique  des  Javanais  ».  Il  ne  la 
dépeint  guère  sous  un  jour  encourageant  et  il  en  attribue  la  respon- 
sabilité à  l'exploitation  outrée  dont  les  Javanais  sont  victimes. 

Les  Européens  détiennent  les  grands  capitaux  :  commerce,  industrie, 
tout  est  dans  leurs  mains.  Il  ne  reste  presque  rien  pour  l'indigène. 
De  là,  résulte  la  misère  dont  les  indigènes  souffrent  dans  un  des  pays 
les  plus  riches  du  monde. 

La  nourriture  presque  exclusive  du  Javanais  est  le  riz.  La  consom- 
mation du  riz  était  de  1.83  picul  par  tête  en  1870-1880;  elle  n'était  plus 
que  de  1.58  picul  en  1893-1899.  Même  la  production  de  son  principal 
élément  d'entretien  diminue.  Il  est,  en  outre,  pressuré  par  les  Arabes 
qui  lui  avancent  de  l'argent  à  des  taux  usuraires.  Mais  bien  pires  encore 
sont  les  exigences  du  fisc  hollandais  qui  rédame  le  dixième  du  pro- 
duit du  riz  comme  fermage.  Quand  la  provision  de  riz  est  absorbée, 
ce  qui  arrive  généralement  trois  mois  après  la  récolte,  le  Javanais  se 
soutient  avec  du  maïs  ou  du  jagœng;  après  cela,  il  se  rabat  sur  les 
feuilles  et  les  racines  mangeables.  Outre  le  riz,  il  possède  un  peu  de 


hensive  et  aime  à  s'instruire,  mais  on  ne  lui  en  offre  pas  Toccasion. 
En  ce  qui  concerne  la  situation  religieuse,  l'Islamisme  gagne  tous  les 
jours  du  terrain.  C'est  un  danger  auquel  on  n'a  pas  suffisamment  prêté 
attention.  Le  militarisme  coûte  annuellement  50  millions  à  l'Inde.  Le 
cinquième  des  plantations  sont  aux  mains  des  Européens.  Les  valeurs 
des  sociétés  indiennes  représentent  aux  bourses  hollandaises  un  capital 
de  203  millions  de  florins.  La  communauté  javanaise  s'appauvrit 
chaque  année  de  70  millions  de  florins. 

Le  résultat  de  cette  politique  économique,  conc'ut  M.  Van  Kol,  a 
été  la  création  d'un  prolétariat  à  Java.  Il  règne  un  esprit  de  haine  et 
de  vengeance  contre  les  Hollandais.  Les  révoltes  de  Tjilegon  et  de 
Serarg  en  sont  des  exemples.  Aussi  M.  Van  Kol  estime-t-il  qu'il  est 
temps  de  suivre  une  autre  politique  coloniale. 

Java.  Plantation  de  gutta-percha  par  le  gouvernement.  — 

Le  gouvernement  hollandais  a  résolu  de  fonder  à  Java  une  entreprise 
officielle  de  plantation  de  gutta-percha.  La  grande  importance  de  ce 
produit  au  point  de  vue  international  commande  de  prendre  des 
mesures  pour  éviter  qu'il  ne  disparaisse  ou  ne  diminue.  Le  gouverne- 
ment ne  causera  aucun  tort  à  l'industrie  privée  par  son  établissement 
parce  que  celle-ci  n'a  pour  ainsi  dire  rien  réalisé  dans  ce  domaine. 
Il  sera  aussi  plus  facile  d'établir  un  marché  de  gutta-percha  à  Java 
quand  le  gouvernement  sera  directement  intéressé  à  la  vente  de  ce 
produit. 

11  n'y  a  pas  de  doute  que  l'établissement  doive  être  fondé  à  Java,  en 
présence  du  succès  qu'y  ont  obtenu  les  plantations  faites  jusqu'à  pré- 
sent. Dans  son  rapport  sur  la  plantation  de  Tjipetir  (Java  occidental), 
le  directeur  de  ce  jardin  botanique  dit  :  «  Uuand  on  voit  maintenant  à 
Tjipetir  les  plus  anciennes  plantations  de  ces  deux  espèces  (Pala" 
quium  gutta  et  Palaquium  borneënse),  on  peut  dire  que  l'espoir  émis 
à  cette  époque  (il  y  a  dix  ans)  non  seulement  n'est  pas  déçu  mais  est 
dépassé  de  beaucoup.  Ces  arbres  forment  des  parties  de  bois  com- 
pactes, renfermant  des  sujets  de  croissance  particulièrement  satisfai- 
sante et  n'exigeant  plus  aucun  entretien.  Il  est  parfaitement  possible 
d'arriver  à  un  succès.  » 

Le  gouvernement  se  propose  tout  d'abord  d'étendre  la  plantation  de 
Tjipetir  qui  compte  actuellement  2i0  bouws  en  y  incorporant  un  ter- 
rain avoisinant  de  315  bouws,  qui  sera  planté  exclusivement  des  espèces 
de  Palaquium  qui  ont  si  bien  réussi  à  Tjipetir.. On  tâchera  ensuite  de 
trouver  dans  la  résidence  de  Preanger  200  bouws  de  terrain  €onve- 
nant  à  la  gutta-percha  et  aussi  peu  éloignés  que  possible  de  Tjipetir. 


On  les  couvrira  en  une  période  de  cinq  à  dix  i 
de  Palaquium  borneënse  et  de  Paîaquium  oblofii 
espèce  donne  également  un  produit  excellent. 
On  estime  qu'une  somme  de  tO,000  florins  s 
pour  la  réalisation  du  projet. 

Iles  Gook.  —  D'après  le  rapport  adressé  p 
Cook  au  gouverneur  de  la  Nouvelle-Zélande  qu 
ces  îles,  l'avenir  du  commerce  s'y  présente  sous 
propriétaires  indigènes  plantent  des  bananiers 
dans  des  terrains  qui  n'avaient  pas  été  cultiva 
commerce  se  développera  donc  dans  l'avenir  el 
pour  qu'il  n'atteigne  le  quintuple  de  ce  qu'il  re) 

L'année  dernière,  les  caféiers  ont  été  attaqu 
l'île  de  Rarotonga  qui,  par  suite,  ne  pourra  plu 
dant  les  années  suivantes. 

La  culture  des  oranges  est  très  importante  et 
dérable  encore  si  on  pouvait  faire  comprendre  î 
des  fumures  artificielles  et  de  l'émondage. 

Le  résident  regrette  de  devoir  constater  que  la 

de  Rarotonga  est  peu  recommandable  et  que  leî 

dront  rien  d'elle.  Elle  est  composée  pour  la  pli 

I  de  fugitifs,  sauf  toutefois  en  ce  qui  concerne  lej 

I  sobres,  travailleurs  et  soigneux  de  leurs  affaires. 

Rarotonga  et  Aitutaki  sont  actuellement  les 
bien  situées  au  point  de  vue  du  commerce  parce 
traversés  par  des  canaux.  Les  autres  îles,  bien  qu 
en  dehors  de  la  route  des  navires.  La  seule  indu; 
vent,  par  suite,  pratiquer  est  celle  du  copra.  Or 
même  de  tirer  profit  de  leurs  produits,  soit  p; 
j  marchands,  soit  par  l'intervention  de  l'État. 

j  L'année  dernière,  les  exportations  ont  été  de 

importations  de  i3,oo'i  liv.  st.  Les  principales  e 
copra  (à  peu  près  la  moitié  du  total),  les  huîtres 
oranges.  Les  principales  importations  sont  le  col 
conserves. 

NouTelle-Ghiinée  allemande.  —  La  situât 
plus  satisfaisante  dans  la  Nouvelle-Guinée  allen 
EiJn>|M'*<'ns  (juo  |i;irmî  les  f^ens  de  couleur,  grûcM! 
clo  quinine  dû  IV  Koch,  La  question  de  la  main- 


été  résolue  avec  succès.  Grâce  à  la  Hotte  de  la  Compagnie  de  la  Nou- 
velle-Guinée, les  différentes  plantations  ont  été  abondamment  pour- 
vues de  travailleurs,  et  à  Herbersthohe  on  se  demande  même  s'il  n'y  a 
pas  lieu  d'augmenter  l'exploitation. 

La  Compagnie  de  la  Nouvelle-Guinée  a  réussi  à  enrôler  de  nouveau 
les  Javanais  qui  avaient  été  précédemment  employés  de  sorte  que  le 
nombre  des  ouvriers  javanais  nécessaires  est  même  dépassé.  Elle  est 
aussi  parvenue  à  réaliser  un  projet  que  l'administration  des  Indes 
hollandaises  avait  rejeté,  en  fondant  une  colonie  javanaise  indépen- 
dante dans  les  environs  de  Herbertshohe.  On  s'est  déjà  procuré  le 
nombre  de  familles  nécessaires  pour  le  peuplement  de  cet  établisse- 
ment. 

On  a  abandonné  définitivement  la  culture  du  tabac  à  Stephansort. 
On  ne  la  pratiquera  plus  qu'à  Jomba.  Les  premiers  échantillons  de 
café  sont  arrivés  récemment  à  Stephansort.  Ils  ont  été  trouvés  de  si 
bonne  qualité  qu'une  attention  particulière  sera  portée  à  cette  culture. 
Les  plantations  de  cocotiers  sont  en  excellent  état.  Les  essais  faits  avec 
le  Castilloa  et  le  Ficus  ont  parfaitement  réussi  en  ce  qui  concerne  la 
croissance  des  plantes.  La  Compagnie  de  la  Nouvelle-Guinée  a  aban- 
donné le  projet  de  planter  du  coton  dans  les  terres  d'alluvion  car  ce 
sol  est  trop  précieux  pour  être  appliqué  à  cette  culture,  dont  les  profits 
sont  trop  restreints  et  les  frais  d'entretien  trop  grands. 

Nouvelle-Calédonie.  Le  nickel.  —  Le  nickel  de  la  Nouvelle- 
Calédonie  est  supérieur  en  (jualité  et  en  quantité  à  celui  du  Canada. 
On  extrait  environ  120,000  tonnes  de  minerai  par  an.  Elles  repré- 
sentent une  valeur  de  20,000,000  de  francs  et  sont  produites  par  plu- 
sieurs compagnies,  dont  deux  grandes,  possédant  ensemble  un  capital 
de  30,000,000  de  francs.  L'industrie  du  nickel  se  poursuit  donc  acti- 
vement en  Nouvelle-Calédonie.  Elle  est  cependant  susceptible  d'être 
encore  étendue. 

La  situation  économique  des  habitants  de  la  Nouvelle-Calédonie  les 
force  à  laisser  le  plus  grand  profit  de  l'industrie  aux  Anglais.  Le  char- 
bon dont  on  fait  usage  vient  de  l'Australie  et  coûte  fort  cher.  On  est 
donc  obligé  de  vendre  le  minerai  sans  en  extraire  le  nickel.  Les  Anglais 
l'achètent,  les  Français  n'ayant  pas  les  machines  nécessaires  pour  le 
mettre  en  œuvre,  et  le  transportent  à  Glascow,  où  il  est  fondu.  Le 
nickel  est  alors  expédié  aux  ateliers  du  Havre,  où  il  est  achevé. 

Tahiti.  Ressources.  —  Le  consul  anglais  à  Tahiti  attire  l'attention 
des  capitalistes  sur  les  placements  avantageux  qu'ils  pourraient  faire 


CLBA.    SON    AVL-NIU  781 

eu  des  Etats-Unis  :  le  gouvernement  et  le  peuple,  les  hommes 
d'Etat  et  les  hommes  d'affaires.  Avoir  Cuba,  tout  de  suite  tout  le 
monde  est  tombé  d'accord  là  dessus  :  ce  n'est  que  sur  le  proctdé, 
acheter  ou  prendre,  que  Ton  s'est  divisé. 

La  flore  de  Cuba,  comme  on  la  remarqué,  comprend  presque 
toutes  les  plantes  qui  vivent  dans  les  autres  Antilles  et  sur  le 
pourtour  de  la  Méditerranée  américaine,  de  la  péninsule  de  la 
Floride  aux  bouches  de  l'Orénoque  :  les  détroits  qui  séparent 
Cuba  des  côtes  continentales  ne  sont  pas  assez  larges,  pour  que 
la  plupart  des  semences  n'aient  pu  être  transportées,  soit  par  les 
courants  marins,  soit  par  les  vents,  soit  par  les  pattes,  les  ailes 
ou  les  déjections  des  oiseaux.  Tous  les  grands  arbres  de  la  côte 
américaine  remarquables  par  la  majesté  de  leur  port,  la  beauté 
de  leur  teuillage,  l'éclat  ou  le  parfum  des  fleurs  se  retrouvent  sur 
les  rives  de  Cuba;  plus  de  trente  espèces  de  palmiers  déploient 
leur  éventail  au-dessus  des  bois  ou  des  broussailles,  et  on  est 
surpris  de  rencontrer  des  arbres  qui  semblent  dépaysés  sous  la 
zone  torride,  des  pins  qui  se  mêlent  au  palmier  et  à  l'acajou. 
En  1876,  un  catalogue  des  seules  plantes  phanérogames  de  Cuba, 
non  compris  celles  que  les  Kuropéens  ont  introduites,  énumérait 
3,350  espèces. 

Le  climat  de  Cuba  n'est  pas  aussi  malsain  qu'on  le  croit  généra- 
ment.  C'est,  au  contraire,  une  des  parties  les  plus  saines  de  la 
zone  tropicale. 

Tout  l'intérieur  de  l'île  se  compose  de  grandes  plaines  légère- 
ment surélevées  ou  de  plateaux  de  hauteur  moyenne  d'une  salu- 
brité parfaite.  Le  long  des  côtes  la  situation  est  plus  mauvaise.  Les 
villes  avaient  une  réputation  d'insalubrité  bien  connue,  mais  la 
faute  en  est  au  manque  absolu  des  mesures  d'hygiène  les  plus 
élémentaires. 

La  moyenne  de  la  mortalité  annuelle  atteint  souvent  33  p  m.  à 
La  Havane;  à  Santiago,  elle  est  généralement  de  3U  p  m.  A  la  suite 
de  la  révolution  et  de  la  guerre,  la  mortalité  s'est  considérablement 
accrue.  Le  département  américain  de  la  santé,  installé  à  La  Havane 
a  calculé  que  17,000  personnes  étaient  mortes  dans  celte  ville 
pendant  les  sept  premiers  mois  de  1898,  sur  une  population  de 
200,000  habitants.  Mais  ce  chiffre  est  anormal  et  ne  se  représen- 
tera plus  :  il  est  dû  au  blocus  de  la  ville  par  la  floltc  américaine. 


BIBLIOGRAPHIE  •<- 


Viezucht  und  BodenkuHur  in  Sûdwestafrika.  Ckinseils  aux  émigrants,  par 
Ernest  Hermann.  —  Un  vol.  in-8«  de  95  |)age8.  Berlin,  DeuUche  Kolonial  Verlag 
(G.  Meineeke),  iOOO. 

Les  possessions  allemandes  du  Sud-Ouest  africain  ont  été  jusqu'à 
ce  jour  fort  peu  productives,  et  constituent  une  des  parties  les  plus 
ingrates  du  continent  noir.  Elles  ont  toutefois  l'avantage  d'un  climat 
qui  permet  l'installation  de  colons  agricoles  à  titre  permanent. 
L'étude  de  M.  Hermann,  qui  y  a  résidé  pendant  onze  années,  est  con- 
sacrée à  l'examen  des  exploitations  possibles  dans  la  colonie.  Il  y  est 
principalement  traité  de  l'élève  du  bétail,  qui  paraît  être  la  seule  res- 
source importante  pour  l'avenir  de  la  région.  Lesxonseils  de  lauteur 
aux  futurs  colons  dénotent  un  esprit  pratique  et  prudent.  Quelques 
pages,  à  la  fin  de  l'ouvrage,  consacrées  aux  rapports  des  colons  avec 
les  indigènes,  méritent  aussi  d'élre  signalées. 


History  of  Rhodesia,  d*après  les  sources  officielles,  par  Howard  Hansman  .  —  Un 
vol.  in-iâ  de  381  pages  avec  carte.  Londres  et  Edimliourg,  William  Blackwood  and 
sons,  1900. 

Le  livre  de  M.  Hansman  est  consacré  à  l'histoire,  courte,  mais 
extrêmement  mouvementée,  de  la  nouvelle  colonie  britannique,  qui, 
à  tant  de  titres,  a  mérité  l'attention  générale.  L'auteur  suit  la  Rhode- 
sia  depuis  sa  fondation  ;  il  retrace  les  péripéties  de  la  première  guerre 
contre  les  Matabélés,  puis  celles  du  raid  Jameson,  «  cette  déplorable 
affaire,  dont  les  effets  sont  encore  sentis  dans  l'Afrique  australe,  et 
sont  responsables,  pour  une  part  considérable,  des  troubles  qui  ont 
éclaté  depuis  lors  ». 

La  grande  rébellion  des  Matabélés,  en  1896,  est  relatée  avec 
beaucoup  de  détails.  L'auteur  examine  enfin  la  situation  politique 
et  économique  de  la  Rhodesia.  Les  événements  contemporains  y  ont 


fait  ajouter  deux  chapitres,  racontant  les  siègei 
Mafeking.  L'ensemble  de  l'ouvrage  constitue  u 
de  renseignements  pleins  d'intérêt,  même  pour 
pas  les  opinions  de  l'auteur,  grand  admirateur  i 
il  a  dédié  son  ouvrage^ 

I^es  Chemins  de  fer  aux  Colonies  françaises,  non  com 
par  M.  Eue.  Lemaire,  docteur  en  droit.  —  Un  vol.  in-4o  de 
et  Roy,  1900. 

La  question  des  chemins  de  fer  est  absolument 
nies  contemporaines.  Le  recueil  de  M.  Lemain 
nombre  dVxtraits  de  documents  authentiques,  est 
utilité.  On  y  trouvera  l'examen  détaillé  de  toutes 
ou  projetées  dans  les  colonies  françaises,  y  comp 
Le  volume  se  termine  par  des  conclusions  génén 
résultats  de  l'expérience,  en  ce  qui  concerne  les 
concession  des  lignes,  la  construction  de  la  voi 
l'exploitation  et  les  tarifs. 

Rôle  économique  et  social  des  voies  de  communica 
ingénieur  des  mines.  —  Un  vol.  grand  in-t6  de  H  5  pa{ 
VeGh.Dunod,i890. 

L'ouvrage  de  M.  Campredon,  justement  estin 
compose  de  doux  parties,  dont  la  première  se  div  • 
consacrés  à  l'étude,  des  cinq  grandes  classes  de  r 
cation  :  les  routes,  les  voies  ferrées,  les  voies  na  ^ 
maritimes,  étudiées  dans  leur  développement  et 
nomiques,  enfin  les  moyens  de  communication  t.  i 

Les  faits  développés  par  l'auteur  à  titre  d'e  > 
un  tableau  presque  complet  de  l'histoire  comn  : 
renferment  un  grand  nombre  de  données  sur  le 
contemporain.  La  seconde  partie,  traitant  du  roi 
communication,  se  compose  de  considérations  ( 
abstrait,  et  qui  offrent  le  même  intérêt  que  les  p  î 

Reflections  on  the  origins  and  destiny  of  Impérial    ; 
M.-A.  —  Un  vol.  in-8«  de  515  pages,  LondrcF,  Macnai   i 

L'impérialisme  britannique  occupe  trop  de  pi  : 
contemporaine  pour  qu'il  soit  nécessaire  de  fai  ! 
tance  que  revêt,  au  moins  à  litre  documentaire. 


à  l'étude  et  au  développement  de  cet  état  d'esprit.  Le  livre  de 
M.  Cramb  est  d'ailleurs  remarquable  à  plus  d  un  titre,  et  ses  idées, 
qu'il  ne  convient  pas  de  discuter  ici,  sont  souvent  fort  originales. 
Son  chapitre  What  is  war?  en  particulier,  constitue  une  curieuse  apo- 
logie de  la  guerre,  en  opposition  absolue  avec  les  tendances  pacifiques 
si  répandues  de  nos  jours. 

Profils  blancs  et  frimousses  noires  (impressions  congolaises),  par  Léopold 
GouROUBLE.  —  Un  vol.  in-12  de  370  pages,  avec  illuslralions.  Bruxelles,  P.  Lacom- 
blez,  iOOl. 

Ce  livre  nouveau  de  l'auteur  de  En  plein  soleil  a,  comme  les  œuvres 
déjà  connues  de  M.  Courouble,  des  qualités  de  style  et  d'expression 
éminemment  pittoresques  qui  en  fait  un  des  plus  agréables  échantil- 
lons de  notre  littérature  congolaise.  C'est  d'ailleurs,  sous  sa  forme 
légère,  l'œuvre  d'un  observateur  sagace  des  mœurs  indigènes  et  de  la 
vie  coloniale,  et  l'on  y  trouvera  sur  le  fonctionnement  de  la  justice  de 
l'État  Indépendant,  des  détails  «  vécus  »  dont  on  chercherait  vaine- 
ment l'équivalant  dans  les  plus  volumineuses  compilations  coloniales 

Historical  geography  of  West-Africa,  par  G.  P.  Lucas,  2e  édition  revisée  par 
M.  H.-E.  Egerlon.  Publication  de  la  Clarmdon  Press  d'Oxford.  —  Vu  vol.  in-12  de 
502  pages  avec  cinq  cartes.  Londres,  H.  Frowde,  1900. 

Cet  intéressant  volume  fait  partie  d'une  série  de  publications  con- 
sacrées à  l'histoire  géographique  des  colonies  anglaises.  On  y  trouvera 
un  résumé  très  complet  des  premières  explorations  qui  ont  traversé  et 
fait  connaître  le  continent  africain.  Vient  ensuite  une  étude  dévelop- 
pée de  la  colonisation  européenne  à  la  côte  de  Guinée,  avec  une  série 
de  notices  sur  l'état  présent  de  chacune  des  colonies  britanniques 
existant  dans  cette  région.  Un  dernier  chapitre  est  consacré  aux  îles 
de  l'Océan  Atlantique. 

Ce  volume,  avec  ceux  qui  font  partie  de  la  même  série,  constitue 
une  collection  remarquable  et  des  plus  utile  au  point  de  vue  géogra- 
phique et  colonial. 


ci^o 


CUBA.    SON   AVENIR  785 

1530;  mais  à  la  Qn  du  siècle  dernier  la  production  annuelle 
n'était  encore  que  de  .28,000  tonnes.  En  1823  elle  était  de 
75.000,  en  1848  de  225,000,  en  1893  de  815,894,  en  1894  - 
Tannée  qui  précède  le  commencement  de  la  dernière  insurrection 
—  elle  était  de  1,054,214  et  en  1895  de  1,100,264  tonnes.  Depuis 
elle  a  décru  considérablement,  elle  était  de  348,124  tonnes  en 
1896,  de  262,434  en  1897,  de  232,038  en  1898.  Pour  l'année  1899 
elle  est  estimée  à  307,903  tonnes.  De  1840  à  1894  l'augmentation 
a  été  de  400  p.  c;  alors  que  dans  les  autres  pays  producteurs  de 
sucre  de  canne,  elle  n'était  que  de  200  p.  c.  On  peut  évaluer,  en 
temps  normal,  la  production  du  sucre  à  plus  d'un  million  de 
tonnes.  Les  meilleurs  témoins  assurent  qu'il  y  avait  à  Cuba,  au 
commencement  de  l'insurrection  dernière  environ  huit  cents 
bateyes  aux  usines.  Parmi  ces  usines  il  en  est  qui  ne  fabriquent 
pas  plus  de  10,000  à  15,000  sacs  de  sucre  par  an  et  qui  valent  de 
500,000  à  750,000  francs,  mais  il  en  est  qui  fabriquent  de 
75,000  à  100,000  sacs,  dont  la  valeur  est  de  3,500.000  à 
5,000,000  de  francs.  Prenant  une  moyenne  proportionnelle  il 
li'est  pas  téméraire  d  avancer  que  chaque  usine  fabrique  50  mille 
sacs  de  sucre  et  vaut,  bâtiments,  machines  et  outillage  2  millions 
de  francs.  Il  suit  de  là  que  les  800  bateyes  que  l'on  comptait  en 
1895  à  Cuba,  pouvaient  fabriquer  chaque  année  40  millions  de  sacs 
et  représentaient  une  valeur  de  1  milliard  600  millions  de  francs. 
En  1895-1896  le  sucre  se  vendait  au  prix  de  25  francs  les 
100  kilos,  le  produit  de  la  récolte  s'élevait  en  gros  à  250  millions 
de  francs.  Telle  est,  ou  plutôt  telle  serait,  la  production  sucrière 
de  Cuba,  année  normale. 

Cuba  est  admirablement  favorisée  pour  la  culture  du  sucre. 

D'énormes  étendues  de  terrain  à  pou  près  planes,  naturelle- 
ment bien  irriguées,  permettant  la  culture  sur  une  plus  grande 
échelle  que  dans  les  autres  Antilles,  le  voisinage  d  un  marché  aussi 
rémunérateur  que  celui  des  États-Unis,  principal  importateur  de 
sucre  de  canne  du  monde,  une  terre  d'une  admirable  fertilité  qui 
ne  nécessite  pas  de  changement  de  culture  et  grâce  à  laquelle  la 
même  plante  peut  être  coupée  de  huit  à  vingt-cinq  ans,  sans  qu'il 
soit  nécessaire  de  replanter  tous  les  ans,  voilà  les  causes  qui  font 
de  Cuba  le  producteur  de  sucre  de  canne  par  excellence. 

Tout  ce  sucre  qui  sort  des  vastes  plaines  de  Cuba,  où  se 


Cuivre,  598. 

Cultures,  ii6,  606. 

Force  publique,  116. 

Immigration,  599. 

Irrigation,  116,  657. 

Jardins  dressais,  116. 

Malaria,  115. 

Mines  de  cuivre,  432,  515. 

Or,  598. 

Population,  lU,  598. 

Remède  contre  la  mortalité  des 
chevaux,  433. 

Routes,  116. 

Superficie,  598. 

Vente  des  fermes  du  gouverne- 
ment, 655. 
Albatros  (L'expédition  de),  366. 
Almeidina,  le  caoutchouc,  134,  297. 
Amazonie,  245  et  suiv.,  262,  393  et 
suiv.,  660,  699  et  suiv. 

—  Voir  Brésil,  Caoulcfwuc,  Xingu, 
Vamunda, 

Ami  : 

Mœurs  et  coutumes,  774. 
--  Voir  Formose. 
Ambris,  297. 
Amoy,  8,  12. 

Passes  de  transit,  417. 
Amping  : 

Canne  à  sucre,  771. 

Parcs  à  huîtres,  771. 
Angoiji  : 

Canne  à  sucre,  651. 

Caoutchouc,  134,  294. 

Commerce  en  1897  et  1898,  293. 

Produits,  293. 
Anhui,  469. 
Ankober,  227. 
Annam  : 

Coton,  438. 

—  Voir  Indo-Chine. 

AltOPHËLES  : 

Description,  800. 
Destruction,  727. 
Huttes  indigènes,  728,  729. 


Larves,  727,  800. 

Marécages,  727. 

Uganda,  813. 
—  Voir  Malaria. 
Appel  de  Suifu,  342. 
Arachides,  860. 

Afrique  orientale  allemande,  119, 
558. 

Afrique  orientale  portugaise,  137, 
746. 

Ki.merun,  34. 

Nouvelle  Guinée  anglaise,  673. 

Togo,  31. 
Archipel  Bismarck,  120. 
Arinos,  397. 

ASHANTI,  297. 

AssioiTT,  197. 
Atchour,  168. 

Baie  de  Dblagoa,  434,  511. 
Bako,  804. 
Balata  : 

Pays  d'origine,  501,  691  et  suiv. 

Propriétés,  691. 

Récolte,  695.    • 
Bananes  : 

Afrique  orientale  allemande,  558. 

IlesCook,  881. 

Uganda,  848. 
Bangkok  : 

Commerce  en  1899,  816. 

Tek,  816. 
—  Voir  Siam, 

Bannières  (Troupe  des)  (Chine),  479. 
Barracal  (Mission  de),  394. 
Bastian  Fall,  234. 
Basutoland,  509. 
Beira  : 

Chemin  de  fer,  373. 
Bengueiji,  296. 
Bénué  (Région  de  la),  55. 
Berbera,  227. 
Beresford  (lord),  1  et  suiv. 
Bétail.  (Voir  Élevage,) 


Birmanie  : 

Paragua 

Commerce,  668. 

Principe  > 

Historique,  668. 

San-Tho 

Productions  naturelles,  668. 

Uganda, 

Blundbll,  227. 

Café: 

BoKHARA  ORIENTAL  (L'oF  dans  Ic),  57. 

Afrique  <  ' 

Bornéo  : 

Afrique! 

Mœurs  des  Madangs,  672. 

Archipel  1 

BouvjE  : 

BrésiM   ] 

Caoutchouc,  521. 

Ceylan,  '  1 

Voies  de  communications,  522. 

Choix  de 

Brésil  : 

Congo  fr  1 

Allemands,  138. 

Cuba,  78  , 

Cacao,  265. 

Culture  (1  i 

Café  (exportation),  139. 

Equateur 

Café  (plantations),  662. 

Iles  Cook 

Canne  à  sucre,  647. 

Inde  ang  i 

Capitaux  belges,  521. 

Indo-Chii  ; 

Caucho,  217,  269. 

Inhambai  i 

Chemins  de  fer,  138. 

Java,  ÂAi 

Conditions     d'exploitation     du 

Lagos,  13  1 

caoutchouc,  792  et  suiv. 

Madagasc  i 

Gomme  élastique,  266. 

Nouvelle-  ; 

Immigration,  520. 

Togo,  30. 

Protectionnisme,  255. 

Uganda,  i 

Travaux  publics,  230. 

Canne  a  sucre  : 

—  Voir  Manaos.  Para. 

Afrique,  6  ' 

BuEA  [Kamcrunj  : 

Afrique  oi  i 

Station  sanitaire,  487. 

602. 

BUSHMEN,  740. 

Afrique  01  i 

—  Voir  Pygmées. 

Amérique 

Angola,  6 

Cables  sous-marins,  42. 

Asie,  642. 

Cacao  : 

Australie, 

Amazonie,  703. 

Brésil,  64' 

Ceylan,  735. 

Ceylan,  u 

Culture,  497. 

Conditionji 

Dahomey,  356. 

Cuba,  784. 

Femando-Po,  132. 

Europe,  61 

Guyane  anglaise,  302. 

Formose,  ( 

Indes  anglaises  occidentales,  301. 

Guyane  an 

Kamerun,  33, 34. 

Guyane  frji 

Lagos,  132. 

Guyane  ho 

Madagascar,  350. 

Inde  angla 

Nouvelle-Guinée,  121. 

Indo-Chine 

Inhambaiie,  746. 

Japon,  644. 

Java,  441,  615. 

Kamerun,  651. 

Mexique,  646. 

Nouvelle-Guinée,  645. 

Océanie,  645. 

Paraguay,  649. 

Tahiti,  882. 

Uganda,  652,851. 

Zanzibar,  652. 
Cambodge.  (Voir  Indo-Chine.) 
Camphre  : 

Distillation,  765. 

Production,  440. 
—  Voir  Formose, 
Cannibalisme  : 

Colombie  britannique,  375. 
Canton,  383. 

Concession  étrangère,  720. 

Distribution  d'eau,  225. 

Passes  de  transit,  413. 
Caoutchouc  : 

Afrique  orientale  allemande,  119. 

Almeidina,  134. 

Amazonie,  246  et  sulv.  660. 

Angola,  134,  294. 

Assam,  523. 

Benguéla,  296. 

Bolivie,  521. 

Brésil,  235,  246,  396,  661,  792 
et  suiv. 

Caoutchouc  herbacé,  203,  206. 

Castilloa  elastica,  205,  207,  272. 

Céara,  246  et  suiv. 

Ceylan,  735. 

Consommation  mondiale,  661. 

Costus,  204. 

Côte  d'ivoire,  284. 

Cuba,  302. 

Dahomey,  355. 

État  du  Congo,  203  et  suiv. 

Guatemala,  272. 

Guinée  française,  130,  437. 

Hevea  Brasilensis,  661. 


Inde  anglaise,  642. 

Indes  anglaises  occidentales,  302. 

Kamerun,  203  et  suiv. 

Kickxia,  205,  206. 

Landolphia,  205,  206,  437. 

Madagascar,  348,  374. 

Mangabeira,  602. 

Manihot  Glazovii,  205. 

Mexique,  234. 

Mossamédès,  297. 

Nouvelle-Guinée,  881. 

Pérou,  303. 

Production  mondiale,  661. 

Rhodésia,  869. 

Serlngueira,  661. 

Siphonia  elastica,  521. 

Soudan,  219. 

Systèmes  d'exploitation  des  fo- 
rêts, au  Brésil,  793  et  suiv.;  en 
Afrique,  865. 

Tapajoz,  396. 

Togo,  30,  31. 

Uganda,  841. 

Lie,  302. 
Cap  (Colonie  du)  : 

Commerce  en  1899,  512. 
Cap  au  Caire  (Traversée  de  l'Afrique 

du),  par  M.  Sharpe,  428  et  suiv. 
Capitaux  allemands  dans  les  entre- 
prises d'outre-mcr,  365. 
Cartographie    des    colonies    alle- 
mandes, 801. 
Céara,  245  et  suiv. 

Barrage  de  Quixada,  247. 

Caoutchouc,  249. 

Élevage  du  bétail,  249. 

Émigration,  246.  250. 

Population,  246. 

Production,  249. 

Sécheresse,  246. 
Céara  (ville),  248. 
Ceylan,  308. 

Cacao,  735. 

Caoutchouc,  735. 

Café,  736. 


CLHA.    SON    AVENIR 


Il  y  a  dans  TUe  de  Cuba  1,800  kilomètres  de  chemins  de  fer, 
dont  1,500  sont  reliés  à  la  Havane.  La  partie  occidentale  du  pays 
possède  un  réseau  complet,  dans  la  partie  orientale  il  n'existe  que 
des  tronçons  reliant  les  villes  de  Tintérieur  à  la  côte.  Les  chemins 
de  fer  sont  entre  les  mains  des  Espagnols  et  des  Anglais;  les  Amé- 
ricains n'y  avaient  qu'une  très  faible  part. 

Le  réseau  est  partagé  entre  plusieurs  compagnies.  La  principale 
est  celle  des  «  Ferro  Carriles  Unidos  »  en  connexion  avec  la 
«  Banco  de  Commercio  »,  une  institution  espagnole. 

Jusqu'à  présent,  le  gouvernement  américain  administrant  pro- 
visoirement nie,  a  refusé  d'accorder  de  nouvelles  concessions  de 
chemins  de  fer.  Les  routes  n'existent  qu'à  1  état  rudimentaire.  Un 
réseau  complet  de  routes  n'a  jamais  été  établi  à  cause  de  la  forme 
allongée  de  l'île  qui  favorise  le  transport  par  eau  plutôt  que  celui 
par  terre,  même d  un  point  de  l'île  à  l'autre;  aussi  le  cabotage  a-t-il 
pris  une  grande  importance. 

.  Cuba  est  reliée  à  TAmcrique  et  à  l'Europe  par  de  nombreuses 
lignes  de  navigation.  Les  principales  compagnies  de  navigation 
sont  :  la  «  Compania  Transatlantica  Espanola  »  ;  elle  expédie  tous 
les  dix  jours  un  navire  de  Cadix  et  un  autre  dé  New- York;  là 
«  New-York  and  Cuba  Mail  Steamship  Cy  (Ward  Line)  »  avec  trois 
départs  par  semaine  et  un  service  ultra  rapide;  la  «  Compagnie 
française  »  a  une  ligne  mensuelle  via  Saint-Nazaire.  Des  bateaux 
anglais  et  allemands  naviguant  entre  le  Mexique  et  Southampton  ^t 
Hambourg  font  escale  une  fois  par  mois  à  La  Havane.  Anvers  est 
également  relié  directement  à  ce  port. 

En  1848,  Buchanan,  secrétaire  d'Etat  au  ministère  des  affaires 
étrangères  aux  États-Unis,  oflrait,  d'accord  avec  le  Président, 
50  millions,  et  au  maximum,  pour  en  finir,  iOO  millions  de  pesos 
—  500  millions  de  francs  —  pour  l'achat  de  Cuba.  L'offre  lut  for- 
mellement faite  et  déclinée;  plus  tard,  en  1853  et  1854,  la  négo- 
ciation fut  reprise  sans  un  meilleur  succès;  plus  tard  encore, 
en  1869,  M.  Sickles,  ministre  des  États-Unis  à  Madrid,  n'en  revint 
pas  moins  à  la  charge  auprès  du  général  Prim,  qui,  lui  non  plus, 
ne  céda  pas.  Jusqu'à  la  veille  même  de  la  rupture  et  de  la  guerre, 
les  Américains  ont  voulu  démontrer  aux  Espagnols  —  ce  qui 
était  vrai,  mais  ce  qui  était  sûrement  la  dernière  chose  qui  put 
être  comprise  des  Espagnols  — que  plutôt  que  de  perdre  Cuba, 

3 


4i\9Z 


JSTUUES    LULUNIAUSS 


Système  fiscal,  .13. 

Taxes  de  destination,  7,  406. 

Télégraphes,  323. 

Téléphones,  322. 

Thé  (Commerce  du),  327. 

—  Voir  Commissions  d'études.  Chinois. 

Ports  à  traité. 
Chinois  : 

Esthétique,  767. 

Qualités  et  avenir,  574  et  suiv. 
Cire  : 

Afrique  orientale  allemande,  119. 

Afrique  orientale  portugaise, 746. 

Benguela,  296. 
Clous  de  girofle  : 

Zanzibar,  747. 

COCHINCHINE  : 

Culture  du  café,  734. 
Immigration  chinoise,  734. 

—  Voir  Indo- Chine. 
Cocotiers  : 

Afrique  orientale  allemande,  562. 

Archipel  Bismarck,  121. 

Dahomey,  355. 

Togo,  30. 

Madagascar,  374. 

Nouvelle-Guinée,  121. 
Colombie  britanmoue  : 

Cannibalisme,  375. 

Or,  303. 
Colonies  allemandes  (Rapport  sur  les), 

30  et  suiv. 
Colonies  françaises  : 

Budget  des  —,  24. 

Rapport  sur  les  — ,  8  et  suiv., 
283  et  suiv.,  344  et  suiv. 
Colonisation  : 
Afrique  orientale  allemande,  566. 
Afrique  sud-occidentale  allemande, 

599. 
Combustible  uquide,  672,  860. 
Commerce  des  esclaves  : 

Maroc,  173. 

Zambèze,  742. 


Commissions  d'études  en  Chine  : 

—  des  Etats-Unis,  141. 

—  de  société  belge,  143. 
Compràdores,  19. 
Compression  des  pieds  : 

Chine,  335  et  suiv.,  479. 
Concessions  étrangères  : 

Chine,  23. 
Congo  français  : 

Budget,  290. 

Commerce,  290. 

Concessions,  290,  864. 

Culture  du  café,  744. 

Douanes,  292. 

Population,  288. 

Télégraphe,  290.  - 
Copra  : 

Afrique  orientale  portugaise,  746. 

Dahomey,  355. 

Iles  Marshall,  122. 

Iles  Samoa,  674. 

Java,  444. 

Nouvelle-Ouinée,  122. 

Togo,  31. 
Corée,  236. 

Ëcoies,  819. 

Chemin  de  fer,  819. 

Commerce,  312. 

Nécessité  de  connaître  la  langue 
du  pays,  739. 

Or,  312. 

Ports  ouverts,  820. 
CÔTE  d'ivoire  : 

Budget,  284. 

Caoutchouc,  284. 

Commerce,  284. 

Or,  284. 

Population,  283. 

Télégraphe,  283. 
Cotonniers  : 

Afrique  orientale  allemande,  560. 

Annam,  438. 

Archipel  Bismarck,  121. 

Nouvelle-Guinée,  121. 


CUBA.    SON   AVENIR  791 

Cluses  et  par  toutes  sortes  d'issues,  il  s'en  perdait  beaucoup,  alors 
qu'il  n'y  avait  en  valeur  que  la  huitième  ou  la  douzième  partie  de 
l'île. 

Les  Américains  ont  eu  cette  île  pour  rien.  Car  il  importe  assez 
peu  de  savoir  si  Cuba  deviendra  un  jour  politiquement  américaine 
ou  si  elle  demeurera  cubaine.  Économiquement,  Cuba  sera  néces- 
sairement, fatalement  américaine.  Cette  américanisation  aura  lieu 
par  les  hommes  et  par  le  dollar  principalement.  Cuba  n'a  encore 
qu'un  million  d'habitants  blancs;  elle  pourrait  sans  peine  en  con- 
tenir dix  fois  plus.  Les  États-Unis,  immense  réservoir  d'hommes, 
noyeront  au  bout  d'un  certain  temps  sous  le  "flot  de  leurs  émi* 
grants  la  première  race  blanche  qui  y  vécut.  L'américanisation  de 
Cuba  par  le  dollar  sera  autrement  rapide  encore.  Déjà  à  la  fin 
de  1896,  le  président  Cleveland  estimait  au  quart  de  milliard  la 
somme  des  capitaux  américains  engagés  à  Cuba.  Cette  somme 
pourra  être  portée  sans  peine  au  décuple. 

L'île  est  gouvernée  par  les  autorités  militaires  américaines. 
M.  le  baron  Nolhomb  donne,  dans  le  Recueil  des  rapports  des 
secrétaires  de  légation  de  Belgique,  un  exeellent  (résumé  de  cette 
organisation.  Le  gouverneur  général  est  le  général  Brooke,  com- 
mandant en  chef  de  l'armée  d'occupation.  Le  gouverneur  rend  des 
décrets  de  sa  propre  autorité,  mais  reste  en  contact  avec  le  gou- 
vernement de  Washington.  Il  n'y  a  pas  de  pouvoir  législatif;  tout 
pouvoir  émane  du  gouverneur  général.  Le  gouvernement  civil 
se  compose  de  quatre  départements,  ayant  à  leur  tête  des  secré- 
taires nommés  par  le  gouverneur  général.  Les  secrétaires  et  les 
secrétaires  assistants  sont  Cubains,  de  même  que  les  autres  fonc- 
tionnaires civils  de  Tîle. 

Pour  l'administration  locale,  l'île  continue  à  être  divisée  comme 
sous  le  régime  espagnol,  en  cent  trente  quatre  municipalités, 
terme  qui  comprend  des  districts  ruraux  aussi  bien  que  des 
villes. 

L'assise  des  taxes  est  complètement  modifiée  et  beaucoup  sim- 
plifiée. Les  taxes  sont  perçues  par  les  municipalités  et  servent 
aux  besoins  de  Tadministralion  locale.  Elles  sont  de  8  p.  c.  sur  la 
valeur  du  revenu  des  propriétés  dans  les  villes  de  La  Havane. 
Matanzas,  Sagua,  Cardetias,  Cienfuegos  et  Santiago;  ailleurs,  elles 
descendent  à  6  et  à  5  p.  c.  Les  terres  ruinées  par  la  guerre  et 


Electricité,  323. 

Produits  manufacturés,  333. 
ÉTATS  Shans.  (Une  race  qui  disparaît), 

815. 
Ethiopie. 

—  Voir  Abyssinie, 

Expédition  congolo-allemande  au  lac 
Kivu,  802. 

—  Voir  Lac  Kiuu, 
Eitrême-Orient  (Situation  politique), 

235. 

«  Faibherde  »  (Le),  808. 
Fièvres  (Différents  types  de). 

—  Voir  Malaria. 
Fièvre  dutexas,  H8. 

FORMOSE  : 

Canne  à  sucre,  643,  771. 

Camphre,  440,  765. 

Chemins  de  fer,  671,  758. 

Climat,  758. 

Commerce,  311,672. 

Ecoles,  672,  760,  774. 

Etrangers,  312. 

Impôts,  777,  778. 

Japonais,  672. 

Manque  de  capitaux,  762,  778. 

Monopoles,  776. 

Parcs  à  huîtres,  771. 

Population,  672. 

Ports  ouverts,  148. 

Propagande  religieuse,  762. 

Propriété  foncière,  776. 

Sauvages,  764  et  suiv. 

Subsides  aux  chefs  sauvages,  773. 

Tours  de  garde,  764. 
Fleuve  jaune,  74. 
Forge  pubijque  : 

Afrique  oriental»  allemande,  120. 

Afrique    sud  -  occidentale    alle- 
mande, 116. 

Nigeria,  133,  597. 
Fostaleza. 

—  Voir  Ceara  (ville). 


Gambie. 

Chemin  de  fer,  368. 
GoLD  Coast  : 

Chemin  de  fer,  368,  869. 

Commerce,  298. 

Population,  297. 
Gommes  : 

Brésil,  266. 

Soudan,  219. 
GOURARA,  513. 
GoYANA  (Ile  de),  394,  399. 
Grand  ganal  (Chine),  72,  73. 
Grands  réservoirs  du  Nil,  197. 

Barrage  d'Assioût,  197,  199. 

Barrage  d*Assouan,  200,  201 

Barrage  du  delta,  198. 

Coût  des  travaux,  201. 
Grogan  (E.),  50. 

Guatemala  (Culture  du  café  au),  184  et 
suiv. 

Division  des  travailleurs,  185. 

Main-d'œuvre,  185, 189. 

Plantation,  188. 

Préparation,  194. 

Production,  192. 

Récolte,  198. 

Salaires,  188. 

Transports,  195, 
—  (Culture  du  caoutchouc  au),  272  et 
suiv. 

Coût  d'une  plantation,  281. 

Extraction,  279. 

Prix,  273. 

Production,  278. 
Guinée  FRANÇAISE,  129,  219. 

Budget,  221. 

Caoutchouc,  130,  437. 

Chemindefer,  130,  220. 

Commerce,  220. 

Indigo,  437. 

Marchand  Syriens,  130. 

GUTTA  FRANÇAISE,  690. 


^  CONDITIONS  ^ 

AUXQUELLES  EST  SOUMISE 

l*Exploitation  du  Caoutchouc  au  Brésil  ('^ 


Les  conditions  de  rexpioitation  du  caoutciiouc  dans  les  forêts 
domaniales  du  Brésil  sont  réglées  par  les  législations  particulières 
des  divers  États  de  la  République.  Parmi  les  vingt  Etats  dont  se 
compose  la  fédération,  fort  peu  ont  adopté  des  mesures  sur  la 
matière. 

Le  climat  ne  permet  pas  la  culture  d'arbres  à  caoutchouc  dans 
la  partie  méridionale  du  Brésil,  c'est-à-dire  dans  les  provinces  de 
Rio  Grande  do  Sul,  de  Santa  Catharina  et  de  Parana.  Nous  n'avons 
donc  pas  à  nous  en  occuper. 

États  dépourvus  de  législation  sur  l'Industrie  extrac- 
tive.  —  Il  n'y  a  pas  de  décrets  réglementant  l'exploitation  du 
caoutchouc  dans  les  États  de  Rio  de  Janeiro,  de  Minas  Geraes, 
d'Espirito-Santo,  de  Parahyba,  de  Rio  Grande  do  Norte  et  de 
Sergipe.  Le  premier  venu  peut  y  récolter  le  caoutchouc  dans  les 
forêts  domaniales. 

L'Etat  de  Minas  Geraes  seul  perçoit  un  droit  de  4  p.  c.  sur  la 
valeur  officielle  du  caoutchouc  exporté. 

L'Etat  de  Ceara,  si  riche  en  Maniçobas,  n'a  pas  non  plus  réglé 
l'exploitation  de  la  précieuse  gomme. 

État  de  Para.  —  L'Etat  de  Para  a  établi,  par  la  loi  du 
20  mars  1896,  des  primes  pour  l'encouragement  des  plantations 


(1)  Extruit  de  documents  communiqués  par  le  Blinislre  des  AfTuires  étrangères  de 
Belgique. 

university 

OF 


Ile  TRi5n>AD,  30t. 
Inde  AiieLAiSB  : 

Caoutchouc,  r>33. 

Café,  876. 

Canne  à  sucre,  642. 

Ëmigration,  304. 

Or,  813. 

Puits  artésiens,  813. 

Thé,  814. 
Indes  anglaises    occidentales,  301, 
752. 

—  Voir  Ile  Dominique, 
Indes  néerlandaises  : 

Gutta-percha,  623. 
Immigration,  30"). 
Statistique  médicale  pour  1897, 
125. 

—  Voir  Java. 
Indigo  : 

Afrique  allemande  orientale,  657. 

Dahomey,  355. 

Guinée  française,  437. 

Java,  444. 
Indiens,  234,  262,  269. 
Indo-Chine,  239. 

Absentéisme,  671. 

Café,  070. 

Canne  à  sucre,  643. 

Chemins  de  fer,  526. 

Hét^tyage,  670. 

Main-d'œuvre,  671. 

Plantations,  669. 

Poivre,  670. 

Riz,  670. 

Thé,  670. 
Inhambane  : 

Café,  747. 

Canne  à  sucre,  746. 

Commerce,  745,  74(). 

Recrutement  des  «  boys  »,  746. 

Salubrité,  747. 
Inondations  du  Nil  et  pluies  de  l'Inde, 

732. 
In-Salah,  126,  180. 

—  Voir  TouàL 


ITCHANG,  73,  468,  713. 
Ivoire  : 

Afrique  orientale  allemande,  514. 

Benguela,  291. 

Kamerun,  34. 

Soudan,  219. 

Ugunda,  825. 

Zanzibar,  747. 
Ivoire  végétal,  303. 

Japon,  236. 

Canne  à  sucre,  644. 

Comment  en  1899,  378. 

Électricité,  322. 

Étrangers,  312,  379,  528. 

Mines,  379. 

Or,  738. 

Population,  528. 

Porls  (Construction  de),  379. 

Ports  ouverts,  147. 

Téléphone,  225. 
Jardins  d'essais  : 

Afrique  orientale  allemande,  122, 
566,  656. 

Afrique     sud-occidentale     alle- 
mande, 116. 

Dominique,  753. 

Togo,  31. 
Jatropha  Curcas,  493. 

JaTROPHA  GOSSYPiiFOLIA,  496. 

Java  : 

Café,  442. 

Caisses  d'épargne,  879. 

Combustible  liquide,  672. 

Coprah,  444. 

(lutta-percha,  627,  680. 

Impôts,  879. 

Indigo,  444. 

Malaria,  222  et  suiv.,  858. 

Plantation  de   gutta-percha  du 

gouvernement,  880. 
Population,  444. 
(iuinquina,  444. 
Riz,  444. 
Situation  commerciale,  448. 


l'exploitai  ION    DU    CAOLTCIIOUC  Al'    BRÉSIL  795 

Etat  des  Amazones.  —  Le  règlement  sur  la  répartition  des 
terres,  du  l'*"  juillet  1897,  organise  le  service  de  la  direction  des 
terres,  règle  le  mode  d'aliénation  des  terres  publiques  et  établit 
un  registre  obligatoire  de  toutes  les  terres  possédées  dans  l'Etat. 

Les  terres  vacantes,  c'est-à-dire  celles  qui  ne  sont  pas  consa- 
crées à  un  service  fédéral,  provincial  ou  municipal,  ou  qui 
n'appartiennent  pas  légitimement  à  un  particulier,  ou  dont  la 
possession  n'est  pas  fondée  sur  un  titre  valable,  peuvent  être  ven- 
dues par  l'Ëtat,  soit  publiquement,  soit  autrement,  s'il  le  juge 
convenable.  Les  prix  seront  fixés  en  tenant  compte  de  la  situation 
des  lots  et  de  leur  destination.  Le  prix  des  terres  vacantes  est  iixé, 
dans  le  périmètre  des  villes,  à  un  milreis  le  mètre  carré,  et,  dans  les 
périmètres  suburbains,  à  500  reis.  Le  versement  du  prix  pourra  se 
faire  immédiatement  ou  à  terme.  Les  lots  des  périmètres  urbains 
ne  pourront  avoir  plus  de  22  mètres  de  façade  et  66  de  profondeur; 
ceux  des  périmètres  suburbains,  plus  de  50  mètres  de  façade  et 
132  mètres  de  profondeur.  Les  lots  destinés  à  l'industrie  agricole 
ou  à  l'élevage  ne  pourront  avoir  plus  de  12  kilomètres  de  longueur 
sur  12  de  profondeur,  et  ceux  qui  sont  destinés  à  l'industrie 
extraclive,  plus  de  lOkilomètres  de  longueur  sur  10  de  profondeur. 

Les  lots  qui  sont  disputés  par  plusieurs  amateurs  seront  tou- 
jours mis  aux  enchères.  Les  terres  adjugées  publiquement  devront 
être  payées  immédiatement. 

il  ne  pourra  être  procédé  à  des  mesurages  dans  les  terres 
publiques  que  sur  la  requête  du  chef  du  département  de  l'indus- 
trie. Il  y  désignera  la  surface  à  délimiter  et  les  noms  des  posses- 
seurs. La  demande,  à  cet  effet,  devra  être  signée  par  un  ou  plu- 
sieurs possesseurs  intéressés. 

Quand  le  gouverneur  de  l'État  le  jugera  utile,  il  pourra  faire 
procéder  à  la  division  et  à  la  délimitation  d'une  partie  des  terres 
publiques  dans  le  but  de  les  mettre  en  vente  ou  de  les  faire  servir 
à  l'établissement  d*émigranls  ou  de  centres  de  colonisation.  Les 
ingénieurs  ou  géomètres,  chargés  de  ce  travail,  donneront,  autant 
que  possible,  une  forme  rectangulaire  aux  jots. 

Tous  les  possesseurs  de  terres  de  l'Etat  sont  tenus  de  faire 
inscrire  leurs  propriétés,  peu  importe  sur  quel  titre  se  basent 
leurs  droits,  dans  un  registre  spécial,  dans  un  délai  de  deux  ans. 
Les  déclarai  ions,  à  cet  eflfet,  devront  porter  le  nom  du  possesseur. 


Kénia,  51. 
Madagascar  : 

Budget,  345. 

Caoutchouc,  348. 

Chemin  de  fer,  346. 

Commerce,  350,  351,  418. 

Commerce  en  1899,  435. 

Cultures,  350,  374. 

Foires  régionales,  811. 

Forêts,  348. 

Historique,  344. 

Mouvement  maritime,  422. 

Or,  517. 

Ports,  350  et  suiv.,  605. 

Régime  minier,  518. 

Richesses  minérales,  348. 

Soie  d'araignée,  436. 

Transports  intérieurs,  749. 

Voies  de  communication,  346, 
750. 

Wharfs,  606. 
Mafureiba,  746. 
Maïs  ; 

Afrique  orientale  allemande,  558. 

Togo,  31. 
Majunga,  350. 

Malalse  (Presqu'île).  Exploration  an- 
glaise, 668  et  suiv. 
Malaria  : 

Afrique  orientale  allemande,  118. 

Afrique  sud  -  occidentale  alle- 
mande, 115. 

Coloration  des  hématozoaires, 
798. 

D'après  les  recherches  des  Ita- 
liens, 101  et  suiv. 

Expédition  allemande  contre  la 
malaria,  856. 

Expédition  belge  au  Congo,  35. 

Expédition  du  D'  Ross  à  Sierra- 
Leone,  35, 125. 

Expédition  des  D"  Daniels,  Chris- 
tophers  et  Stephens  à  Sierra- 
Leone  et  à  la  Côte  d'Or,  727. 


lu^peuiuuii  au  ly  jvocn  aux  mues 
néerlandaises,  222  et  suiv. 

Expédition  du  D»"  Koch  en  Nou- 
velle-Guinée allemande,  424  et 
suiv. 

Expédition  dans  la  Nigeria,  729. 

Expériences  du  D' Grassi  en  Ita- 
lie, 731. 

Formes  cliniques  de  la  malaria, 
535  et  suiv. 

Mozambique,  374. 

Traitement,  535  et  suiv. 

Uganda,  842. 

Utilité  des  moustiquaires,  729, 
730. 
—  Voir  Anophèles.  Ctdex.  Fièvres. 
Manaos,  231,258. 
Mandarins  : 

Prévarication,  14. 

Traitements,  13. 
Mandchourie  : 

Agriculture,  145. 

Climat,  224. 

Commerce,  145. 

Chemin  de  fer,  145,  237. 

Richesses  minérales,  224. 
Manioc  : 

Dahomey,  355. 

Madagascar,  350. 
Maranhao,  25  t. 
Marchands  indiens  : 

Afrique  orientale  portugaise,  749. 
Maroc  : 

Agriculture,  173. 

Armée,  172. 

Budget,  169,  170. 

Climat,  167. 

Commerce,  175,  176,  182. 

Division  politique,  168. 

Douanes,  175. 

Elevage,  174. 

Esclavage,  173. 

Etablissements  espagnols,  179. 

Famines,  174. 

Gouvernement,  169. 


\7U6rn;  iniuuu-iusirucsuuc  ^ia*«;, 
480. 

Guerre  hispano-marocaine  (1859), 
479. 

Importance  commerciale  de  l'Al- 
lemagne, 481. 

ImpMs,  168. 

Influence  anglaise,  481. 

Instruction,  472. 

Justice,  17. 

Population,  467. 

Ports   ouverts    au    commerce, 
475. 

Projet  de  réforme  (1892),  481. 

Rictiesscs  minières,  475. 

Tribus,  474. 
Matto  grosso,  393  et  suiv. 
Meranga  (Région  de),  52. 
Mettob,  797. 
Mexique  : 

Canne  à  sucre,  646. 

Caoutctiouc,  234. 

Industrie  minière,  300. 

Mines  d'argent,  752. 

Mines  d'or,  752. 

Mines  de  cinabre,  752. 

Mines  de  cuivre,  752. 

Mines  de  for,  307,  752. 

Tabac,  872. 
Meyer  (D'  h.),  232. 
MOxNT  Mfumbiro,  51,  429,  604. 
Mission  commerciale  des  Etats-Unis, 

en  Asie,  438. 
MissiOiNS  : 

Afrique    orientale    allemande , 
420. 

Kamerun,  33. 

Togo,  32, 
Moka,  146. 
Mont  Kénia,  o2. 
Mont  Morisson,  770. 
Mont  Nicolas  II,  226. 
MooRE.  (Voir  Tangaîiika,) 
Mortalité  des  chevaux  (Remède  contre 
la),  433. 


Caoutchouc,  29T. 

Commerce,  435,  296. 

Mines  d'or,  294. 
Mouche  tsétsé,  448,  425,  374. 
Mundurucus  (Tribu  des),  39T. 
Musée  commercial  : 

Chine,  330. 

Siam,  876. 

Nankin  : 

Commerce,  466  : 

Traitéde— ,2,  401,713. 
Nègres  (types)  : 

Uganda,  845. 
Nigeria,  432. 

Commerce,  433. 

Commerce  en  4898,  371. 

Division  politique,  133. 

Force  publique,  433,  547. 

Recettes  en  1898-99,371. 

Voies  de  communication,  372. 
Nil,  430. 

Cataractes,  200. 

Exploration  des  sources,  868. 

Grands  réservoirs,  497. 

Navigabilité  du  Haut-Nil,  517. 
—  Voir  Inondations  du  Nil  et  les  pluies 

de  l'Inde. 
Nil  bleu,  227. 
Nil  Victoria,  430. 
NiPON,  447. 

Noix  de  palme.  (Voir  Huile  de  palme.) 
Nouvelle  Calédonie  : 

Nickel,  882. 

Situation  économique,  882. 
Nouveli^-Écosse,  304. 
Nouvelle-Guinée  allemande,  121. 

Canne  à  sucre,  645. 

Caoutchouc,  882. 

Javanais,  882. 

Recrutement  de  la  main-d'œuvre, 
244. 

Situation  sanitaire,  858,  881. 

Tabac,  881. 


NOUVELLB-GUINÉE  ANGLAISE    : 

Arachides,  673. 
Gutta-percha,  626. 
Malaria,  424  et  suiv. 
Nouvelles-Hébrides  : 
Cannibalisme,  380. 

Omo,  225,  227,  804. 
Opium  : 

Formose,  763. 

Java,  879. 
Or  : 

Afrique  allemande  sud-occiden- 
tale, 598. 

Bokhara,  57. 

Colombie  britannique,  303. 

Corée,  312. 

Côte  d'ivoire,  284. 

Erythrée,  229. 

Guyane  anglaise,  302. 

Inde  anglaise,  813. 

Japon,  738. 

KIondike,  519. 

Madagascar,  348,  517. 

Mexique,  752. 

Mossamédès,  294. 

Nouvelle-Ecosse,  304. 

Production  du  monde  en  1899, 
224. 

Sénégal,  298. 

Soudan,  219. 

Tonkin,  817. 

Uganda,  853. 

Paiwans  : 

Mœurs  et  coutume,  771. 
—  Voir  Formose  (Sauvages). 
Para,  231,  251  et  suiv.;  299,  393  et 

Buiv. 
Paraguay  : 

Cacao,  300. 

Canne  à  sucre,  649. 
Parties  inconnues  du  monde,  707. 
Pavillons  noirs,  760. 


Pei-ho,  476,  567. 

PÉKIN   : 

Aspect,  477,  479. 
Climat,  484. 

Communications,  474,  485. 
Etrangers,  483. 
Murailles,  477. 
Ville  tartare,  479. 
Ville  chinoise,  479. 
Pepowans  : 

Mœurs  et  coutumes,  766. 
Territoire,  764. 

—  Voir  Formose. 
Perles  (Pèche  des),  121. 
PÉROU  : 

Produits  naturels,  303. 

Voies  de  communication,  302. 
Peste,  417. 
Peste  bovine,  115. 

PlASSAVA   : 

Madagascar,  348. 
Plumes  d'autruche  : 

Soudan,  219. 
Ports  a  traité,  en  Chine  : 

Administration  des  concessions, 
715. 

Admission  des  Chinois  dans  les 
concessions,  718,  719. 

Définition,  712. 

Droits  des  étrangers,  713. 

Concession  et  seulement,  714. 

Quartiers  étrangers,  714. 

Restrictions  des  droits  des  traités 
par  les  Chinois,  715  et  suiv. 
Prazo,  433,  749. 
Presqu'île  malaise,  818. 
Protection  de  la  faune  africaine, 

516. 
Puits  artésiens  : 

Afrique  orientale  allemande,  554. 

Inde  anglaise,  814. 
Pygmées  : 

Uganda,  846. 

—  Voir  Btishmen. 


INDEX 


901 


Quinine  : 

Java,  444. 
—  Voir  Malaria. 
QiiXADA  (Barrage),  247. 

Ramie  : 

Afrique  orientale  allemande,  562. 

Chine,  753. 

Iles  BahamaSy  140. 
Recrutement  de  la  maind'oltyre  : 

Afrique  orientale  portugaise,  7  46. 

Guatemala,  185. 

Nouvelle-Guinée  allemande,  S14. 
Régime  des  terres  : 

Afrique    centrale    (Protectorat), 
865. 

Afrique    sud  -  occidentale    alle- 
mande, 655. 

Brésil,  700. 

Colonies  anglaises,  865. 

Etat  Indépendant  du  Congo,  865. 

Iles  Carolines,  313. 

Lagos,  743,  866. 

Lourenzo  Marquez,  866. 

Mozambique,  866. 

Uganda,  853. 
Régime  minier  : 

Madagascar,  518. 
RÉGION  DU  MAXIMUM  DE  PLUIE  . Afrique  K 

367. 
Reuber  point,  434. 
Rhodésia,  869. 

RiCHARDsoN  (Mission)  au  Kano,  034. 
Ricin  : 

Dahomey,  432. 

Uganda,  850. 
RioNÉGRO,  231. 
Rivières  DU  sud,  1:29. 
Riz: 

Ceylan,  735. 

Indo-Chine,  670. 

Java,  444. 

Uganda,  850. 

Zanzibar,  747. 
Ross.  (Voir  Malaria,} 


RowuMA,  602. 
Rusisi,  430, 600. 

RUTCHURU,  429. 

RuwENZORi  ^Montj,  601,  844. 

Samort,  506. 
San-Thomé  : 

Cacao,  434. 
Sao  Manoel,  393  et  suiv. 
Sapèqve,  83. 

Sapotacées.  (Voir  OuUa-percha.) 
ScHWAKOPMUXD  (Port  dc),  116,  810. 

SÉNÉGAL  : 

Budget,  209,  210. 

Chemin  de  fer,  210. 

Commerce,  212. 

Douanes,  210. 

Or,  298. 
Serlxgueiro,  248. 
Shanghaï  : 

Convention  de  — ,  2,  403. 

Commerce,  464. 

Concession  étrangère,714et  suiv. 

Habitants,  464. 

Musée    commercial    des   Etats- 
Unis,  439. 

Passes  de  transit,  411. 
Shan  Si  (Mines  de  charbon  du),  733. 
Shantcng  : 

Mines  de  charbon,  813. 

—  Voir  KiauUcliau. 
Sharp  (Arthur),  50. 
Shasi,  467. 

Shimonoseki  (Traité  de),  715. 
SiAi^f  : 

Développement  de  la  bâtisse,  305. 
Musée  commercial  japonais,  000. 

—  Voir  Bangkok. 
Sibérie  : 

Chemin  de  fer,  524. 
Colonisation,  526. 
Concurrence  américaine,  439. 
Immigration,  527. 
Sierra-Leoxe.  (Voir  Lagos.) 


VU2 


blUUKS    LULUMALKS 


SWGAPORE  : 

Gutta-pcrcha,  622,  676. 
Slatin  pacha,  596. 
Soie,  327. 

Soœ  d'araignée,  436. 
SoMALis  ^Gôte  italienne  des)  : 

Agriculture,  658. 

Commerce,  658. 

Ports,  658. 
Soo-CHOW,  72. 
Sorgho  : 

Aire  de  culture,  591. 

Culture,  592,  594. 

Distillation,  594,  665. 

Graines,  592. 

Rendement,  593. 

Variétés,  593. 
Soudan  égyptien  : 

Chemin  de  fer,  372. 
Soudan  français  : 

Budget,  213,  214. 

Chemins  de  fer,  214,  215. 

Commerce,  215. 

Population,  212. 
Sources  SULFUREUSES,  118. 
SuppucES  judiciaires  en  Chine,  383  et 

suiv. 
Suriname  : 

Balata,  693. 
Szechuan  : 

Influence  française,  239. 

Productions,  470. 

Puits  de  sel,  606. 
SZBMAO,  812. 

Tabac  : 

Afrique  orientale  allemande,  560. 

Cuba,  784, 787. 

Java,  443. 

Mexique,  87C. 

Nouvelle-Guinée,  882. 

Uganda,  849. 
Taël,  87. 
Tahiti  : 

Canne  à  sucre,  882. 


Commerce  en  1899,  675. 
Plantations,  883. 
Taipeh,  760. 

—  Voir  Formose. 
Tanganika  : 

Expédition  Moorc,  599. 

Position  géographique,  600. 

Poissons,  601. 

Profondeur,  600. 
Tapajoz,  393  et  suiv. 

Plantations,  399. 

Population,  398. 
Taxe  sur  les  huttes  : 

Afrique  allemande  orientale,  119. 

Dahomey,  867. 

Uganda,  657. 
TCHINKIANG,  4,  71,  466. 
Télégraphe     africain     transconh  - 

NENTAL,  805. 

Températures  élevées  (Influence  des) 
sur  l'organisme  humain,  629   et 
suiv. 
Thé: 

Ceylan,  735,  736. 

Chine,  327,  459. 

Inde  anglaise,  814. 

Indo-Chine,  670. 

Java,  443. 

Madagascar,  374. 

Tonkin,  877. 

Uganda,  850. 
Theeklipper,  459. 
Tientsin  : 

Chemins  de  fer,  667. 

Commerce,  667. 

Passes  de  transit,  417. 

Prix  du  terrain,  668. 

Traité  de  —,  2,  8,  402. 

—  Voir  Pei'ho, 
TORAGO,  302. 
Tocantlns.  (\'oir  Xin^,) 
Togo  : 

Bétail,  31. 
Commerce,  31. 
Culture,  30. 


CIIKOMQIE  801 

La  femelle  de  V Anophèles  seule  fait  des  morsures.  Bien  que  la  nuit 
soit  la  période  où  ces  moustiques  se  repaissent  de  préférence,  on 
constate  des  morsures  pendant  toute  la  journée  dans  l'Afrique  occi- 
dentale. Le  Culex  se  reconnaît  à  son  bourdonnement;  V Anophèles,  au 
contraire,  est  silencieux.  On  peut  donc  être  mordu  sans  s'en  aperce- 
voir immédiatement. 

Le  major  Ross  a  constaté  que  l'absorption  de  sang  était  nécessaire 
pour  amener  les  œufs  à  maturité.  Il  a  observé  des  milliers  de  mous- 
ticjues  et  il  ne  les  a  jamais  vu  pondre  qu'après  un  repas  de  sang. 

La  cartographie  des  colonies  allemandes.  —  Le  budget  colonial 
de  1901,  contiendra  les  crédits  suivants  destinés  au  dressement  des 
cartes  des  colonies  allemandes:  pour  le  Kamerun,  4,000  marks;  pour 
les  Togo,  3,000  marks;  pour  l'Afrique  Sud-Occidentale,  1,000 marks. 

On  va  reprendre  la  publication  des  cartes  concernant  l'Afrique 
orientale  allemande.  La  feuille  relative  au  delta  de  la  Rufigi  est  sous 
presse,  d'autres  suivront  dans  le  courant  de  l'biver.  Des  instruments 
destinés  à  permettre  des  relevés  topograpbiques  et  des  déterminations 
de  lieux  ont  été  confiés  à  des  fonctionnaires  et  à  des  officiers  qui  se 
sont  déjà  distingués  dans  ce  genre  de  travaux.  D'importants  achats 
d'instruments  ont  eu  lieu  pour  les  différentes  colonies  notamment 
pour  l'Afrique  Sud-Occidentale. 

En  ce  qui  concerne  la  fixation  des  points  les  plus  imporUints  pour  le 
dressement  des  cartes,  on  estime  qu'il  ne  sera  pas  nécessaire  d'envoyer 
des  spécialistes  au  Togo  ni  dans  l'Afrique  orientale.  Les  résultats  des 
diflTérentes  commissions  de  délimitation  des  frontières  dans  ces 
régions  sont  pleinement  suffisants.  Dans  l'Afrique  orientale,  les  trian- 
gulations faites  dans  l'Uzambara  et  les  travaux  de  l'expédition  récente 
de  l'astronome  Koklschùtze,  ont  fourni  un  grand  nombre  de  points 
tic  repère  sûrs.  On  attend  aussi  de  M.  Lamp,  membre  de  l'expédition 
<lu  lac  Kivu,  d'importantes  déterminations  de  lieux  dans  la  partie 
Nord-Ouest  de  l'Afrique  allemande  orientale. 

Dans  l'Afrique  allemande  Sud-Occidentale,  de  nombreuses  détermi- 
nations locales  ont  eu  lieu  aux  cours  des  rectifications  de  frontières 
faites  de  concert  avec  les  Anglais.  Ces  travaux  ont  été  faits  avec  l'assis- 
tance d'un  astronome  de  l'observatoire  du  Cap. 

Dans  le  Kamerun,  il  n'existe  pour  ainsi  dire  pas  de  déterminations 
astronomiques.  On  se  propose  de  joindre  un  astronome  à  la  Commis- 
sion de  rectification  des  frontières  qui  se  dirigera  bientôt  vers  la 
Sanga.  D'autre  part,  un  spécialiste  accompagnera  la  grande  expédition 
qui  va  se  diriger  vers  la  Bénue. 


904 


ETUDES  COLONIALES 


Yamunda  : 

Caoutchouc,  702. 

Castanhas,  703. 

Quina,  703. 

Voyage  ;Coudreau)  au  — ,  702. 
Yang-tze-Kiang  : 

Commerce  des  ports  du  —,  469. 

Compagnies  de  navigation,  73, 

460, 470,  :m. 

Mouvement  fluvial,  464. 
Navigabilité  du  —,  72,  237, 433, 

525. 
Rapides  du  —,  73,  456. 


Système  fluvial  du  —,  455. 
Yezo,  148. 

Zambèze  (Expédition  du  major  Gibbons 
au),  135,  740. 

Buslmien  du  —,  740. 

Source  du  —,  740,  742. 
Zanzibar  : 

Canne  à  sucre,  652. 

Clous  de  girofle,  748,811. 

Commerce,  747. 

Ivoire,  748. 

Main-d'œuvre,  811. 


^ 


ciinoMQUE  803 

Afrique  centrale  anglaise.  —  Le  commissaire  de  l'Afrique  cen- 
trale anglaise  constate,  dans  son  rapport,  que  la  compagnie  du  télé- 
graphe africain  transcontinental  étend  progressivement  sa  ligne  vers 
le  Nord.  Elle  est  maintenant  en  voie  de  construction  sur  la  côte  Orien- 
tale du  Tanganyka.  La  compagnie  a  aussi  établi  un  embranchement 
du  lac  Nyassa  à  Fort  Jameson,  le  siège  actuel  de  la  Chartered  Com- 
pany dans  le  Nord-Est  de  la  Rhodésia.  Cet  embranchement  était  achevé 
en  octobre  1899  et  a  fonctionné  depuis  lors,  d'une  manière  satisfai- 
sante. La  compagnie  continue  à  employer  des  ouvriers  indigènes. 

De  nouvelles  routes  ont  été  créées  dans  différentes  directions.  L'une 
d'elles  qui  se  dirige  de  Domvia  Bay  à  Fort  Jameson,  par  Dowa,  don- 
nera un  accès  facile  du  lac  Nyassa  au  siège  de  la  compagnie  à  Charte  et 
un  parcours  moins  long  que  celui  de  la  route  de  Kota-Kota. 

L'année  écoulée  a  démontré  d'une  façon  concluante  la  nécessité  de 
construire  un  chemin  de  fer  de  Chiromo  à  Blantyrc,  qui  pourrait 
éventuellement  être  prolongé  jusqu'au  lac  Nyassa.  Actuellement  toute 
la  main-d'œuvre  qui  pourrait  être  employée  au  développement  de  la 
culture  est  absorbée  par  les  transports  à  effectuer  du  Shiré  à  Blan- 
tyrc. Les  nécessités  des  transports  oat  augmenté  dans  de  telles  pro- 
portions que  tous  les  hommes  dont  on  pourrait  disposer  cette  année, 
ne  suffiront  pas.  Les  indigènes  préfèrent  le  portage  à  tout  autre  tra- 
vail car  ils  y  gagnent  plus  vite  et  plus  facilement  de  l'argent.  Il  est 
probable,  à  moins  que  l'on  ne  construise  un  chemin  de  fer,  que  le 
protectorat  de  l'Afrique  centrale  ait  atteint  le  maximum  de  sa  pro- 
duction et  de  ses  exploitations.  Une  ligne  de  chemin  de  fer  permet- 
trait d'utiliser  pour  l'agriculture  Jes  milliers  d'indigènes  employés 
actuellement  aux  transports. 

Abyssinie.  L'expédition  Léontiefif.  —  Comme  on  le  sait,  le 
comte  Léontieff  est,  depuis  plusieurs  années,  au  service  de  Ménélick. 
On  ne  possédait  que  peu  de  renseignements  sur  l'activité  de  cet  explo- 
rateur dans  le  Sud  de  l'Abyssinie.  Léontieff  vient  de  publier,  dans  le 
Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Paris,  un  récit  de  son  expédi- 
tion accompagné  d'une  carte  intéressante.  Il  en  résulte  que  M.  Léon- 
tieff a  conduit  les  troupes  de  Ménélick  à  la  conquête  des  territoires 
qui  se  trouvent  au  delà  de  Choa  et  de  Kaffa,  dans  la  direction  méri- 
dionale. 11  a  aussi  rapporté  de  son  expédition  de  précieux  renseigne- 
ments scientifiques  sur  le  Sud  de  l'Ethiopie.  Ménélick  est  en  train  de 
soumettre  effectivement  à  sa  puissance  les  territoires  qui  s'étendent 
vers  les  possessions  britanniques  dans  la  direction  du  lac  Rodolphe, 
du  Nil  et  de  Sobat  et  qui  lui  avaient  été  attribués  comme  sphère  d'in- 


Asie  :  Chine.  —  Hong-Kong.  —  Mandchourie.  —  Arabie.  Le  café  Moita. 

—  Japon 141 

Bibliographie 149 

Sociétés  coloniales 155 

Rapport  annuel  de  la  Société  d*Études  coloniales 159 


N»  8.  —  MARS. 

Le  Maroc,  d'après  des  auteurs  récents 165 

F.-W.  HoRREN.  —  Culture  du  café  au  Guatemala^. 184 

E.  Carton  DE  Wi art. — Les  grands  réservoirs  du  Nil 197 

Le  caoutchouc  dans  l'Etat  du  Congo  et  le  Kamerun S03 

Rapport  sur  les  colonies  françaises 208 

Chronique.  —  Généralités:  La  malaria  aux  Indes  néerlandaises, 
d'après  des  Études  du  D''  Koch.  —  La  production  de  l'or  dans  le 

inonde  en  1899 222 

Afrique:  Abyssinie.  La  mission  Leontieff.  —  De  Berbera  au  Nil  Bleu.  — 
Sénégal.  Prix  des  transports.  —  Erythrée.  L'Or.  —  Afrique  aus- 
trale. Production  diamantifère 225 

Amérique:  Brésil.  Travaux  publics.  —  Exploration  du  Xingu.  — 
Mexique.  Le  caoutchouc.  —  Brésil.  Exportation  du  caoutchouc  de 

l'Amazone 230 

Asie  :  La  situation  politique  en  Extrême-Orient 235 

Bibliographie 240 


N«   4.  —  AVRIL. 

D.  Guilmot.  —  Céara  et  Amazonie 245 

Le  caoutchouc  au  Guatemala 272 

Rapport  sur  les  colonies  françaises 281 

Chronique.  —  Afrique:  Le  commerce  de  la  colonie  d'Angola  en  1897 
et  1898.  —  Province  d'Angola  proprement  dite.  —  Gold  Coast.  — 
Afrique  orientale  allemande.  Dépôt  de  charbon.  —  Sénégal.  La 

production  de  l'or.  —  lie  Maurice 291 

Amérique:  Brésil.  Port  de  Para.  —  Paraguay.  La  culture  du  cacao.  — 
Mexique.  L'industrie  minérale.  —  Indes  anglaises  occidentales.  — 
Guyane  anglaise.  Exportation  de  l'or.  —  Pérou.  —  L'ivoire  végé- 
tal. Colombie  britannique.  Gisements  aurifères.  — Nouvelle  Ecosse. 

La  production  de  l'or 

Asie:  Inde  anglaise.  Emigration.  —  Siam.  Le  développement  de  la 
bAlisse  ù  Bang-kok.  —  Chine.  Hankow.  Les  gildes  de  crédit.  — 
Ceylan.  —  Hong-Kong.  Importance  commerciale  de  l'Allemagne.  — 


CIIRONÎQUR  805 

Les  relevés  faits  par  M.  Léontieff  sont  d'une  grande  précision.  Ils 
sont  du  reste  appuyés  par  des  observations  astronomiques.  L'itiné- 
raire de  l'explorateur  complète  les  routes  suivies  par  Vanderheyne, 
Bottego,  Darragon,  Wellby  et  autres.  En  certains  points,  notamment 
au  Sud  de  la  route  de  Bottego  et  jusque  près  du  lac  Rodolphe, 
H.  Léontieff  a  parcouru  des  régions  absolument  inconnues  avant  lui. 
La  rive  occidentale  du  lac  Rodolphe  avait  déjà  —  ce  que  M.  Léontieff 
ignorait  —  été  précédemment  relevée  par  Bottego  (1896),  Caven- 
dish  (1897)  et  en  partie  par  le  major  Austin  (1898).  Pour  le  surplus, 
l'itinéraire  du  comte  Léontieff  concorde  parfaitement  avec  ceux  de  ses 
devanciers. 

Le  comte  Léontieff  est  en  route,  en  ce  moment,  vers  le  lac  Rodolphe 
sur  lequel  il  compte  lancer  un  steamer.  Les  journaux  ont  parlé  der- 
nièrement d'une  expédition  française  qui  aurait  été  arrêtée  par  les 
Anglais  dans  le  pays  des  Somalis  ou  des  Gallas.  On  se  demande  —  si 
ce  bruit  est  fondé  —  s'il  ne  s'agit  pas  de  l'expédition  LéontieH'  qui  est 
accompagnée  par  des  troupes  coloniales  et  des  officiers  français.  Il 
est  à  remarquer,  d'ailleurs,  que  le  Fort  Ménélick  près  du  lac  Rodolphe 
se  trouve  sur  un  territoire  réclamé  par  TAngleterre. 

Abyfisinie.  Expédition  Erlanger  et  Neumann.  —  Les  mem-- 
bres  de  l'expédition  scientifique  du  baron  Carlo  Erlanger  et  de 
M.  Oscar  Neumann  ont  quitté,  le  7  juillet  dernier,  Scheikh  Hussen,  la 
ville  sainte  des  mahométans  pour  se  diriger  au  Sud-Ouest  vers  la 
montagne  Gara  Daz.  Au  pied  de  la  montagne,  ils  découvrirent  de 
nombreuses  pétrifications,  notamment  des  exemplaires  d'Actaconellaj 
le  fossile  typique  de  l'âge  miocène.  Ils  escaladèrent  cette  montagne 
dont  la  hauteur  est  de  2,800  mètres  et  visitèrent  le  temple  qui  s'y 
trouve.  Ils  se  dirigèrent  ensuite  vers  Abulcassine  situé  sur  la  rive  Nord 
du  Wabbi.  Il  s'y  trouve  également  un  temple  qui  sert  de  lieu  de  pèle- 
rinage à  la  population  musulmane  de  la  région.  Un  bon  chemin 
conduit  au  sommet  ;  il  est  pourvu  de  garde-fous  en  bambous  aux 
endroits  dangereux.  Près  du  sommet,  se  trouvent  des  grottes  sacrées; 
et,  dans  un  grand  pan  de  rocher,  on  découvre  de  nombreuses  cavernes 
d'accès  difficile  qui  servent  d'abri  aux  pèlerins.  A  peu  de  distance  de 
là,  on  voit  le  tombeau  du  grand  Sheikh  ;  il  est  orné  d'anneaux  de 
cuivre,  de  perles  de  verre  et  d'autres  objets  considérés  comme  précieux 
dans  cette  contrée.  Tous  ces  trésors  sont  à  découvert  et  personne  ne  les 
surveille.  Aucun  croyant  n'oserait  d'ailleurs  y  toucher.  Tout  alentour 
.  de  la  montagne,  on  ne  découvre  ni  habitation,  ni  ferme.  Les  pèlerins 
doivent  traverser  le  fleuve  Wnbbi  pour  atteindre  la  montagne. 


N"  7.  —  JUILLET. 

La  navigation  dw  Yang-Tze-Kiang -453 

Pékin 473 

Le  Kola  au  Kamcrun 486 

Ch.  Patin.  —  Notice  sur  les  avantages  de  la  culture 'des  vanilliers  sur 

les  «  jairopha  curcas  » 492 

L'avenir  de  la  gutta-percha 499 

Chronique.  —  Généralités  :  Monument   élevé  à   la  mémoire  de 

Livingstone  en  Afrique 503 

Afrique  :  Mort  de  Samory.  —  Kamerun.  —  Basutoland.  —  Afrique 
centrale  anglaise.  Le  café.  —  Uganda.  Le  chemin  de  fer.  —  La 
baie  de  Delagoa.  —  Le  commerce  de  la  colonie  du  Cap  en  1899. 
Les  effets  d'une  guerre.  —  Algérie.  L'occupation  de  Gourara.  — 
L'Afrique  orientale  allemande.  —  L"  chemin  de  fer  du  Damaraland. 

—  La  protection  des  animaux  en  Afrique.  —  Le  Haut-Nil  naviga- 
ble. —  Madagascar.  L'or 506 

Amérique  :  Les  mines  d'or  du  Klondike.  —  Brésil.  Immigration.  — 

Bolivie.  Le  caoutchouc 519 

Asie  :  Inde  anglaise.  Production  du  caoutchouc  en  Assam.  —  Chine 
septentrionale.  Les  chemins  de  fer.  —  Chine.  L'action  commerciale 
des  Japonais.  —  Navigation  à  vapeur  sur  le  Haut  Yang-Tsé.  — 
Nouveaux  chemins  de  fer  en-  Indo-Chine.  —  Sibérie.  La  colonisa- 
tion. —  Japon.  Recensement  de  la  population 523 

BiBLlOGRAPHIB 529 

N«  8.  —  AOUT. 

D'  A.  PosKiN.  —  Note  sur  l'étiologie,  le  diagnostic  et  la  traitement 

de  la  malaria 533 

L'Afrique  orientale  allemande 553 

Le  peuple  chinois,  d'après  M.  Colquhoun 574 

Le  sorgho 591 

Chronique.  —  Afrique  :  L'expédition  Slatin-pacha  au  Kordofan  et  au 
Darfour.  —  Tripoli  :  Commerce  des  caravanes.  —  Nigeria.  L'orga- 
nisation de  la  force  publique.  —  Afrique  allemande  sud-occiden- 
tale. —  Afrique  orientale  allemande.  Dock  flottant.  —  L'expédition 
Moore  au  Tanganyka.  —  Le  télégraphe  au  lac  Victr)ria.  —  La  ré- 
gion du  Nyassa.  —  La  mission  Flamand  au  Touât.  —  Madagascar. 

—  Ports  et  phares 596 

Asie  :  Chine.  Les  puits  de  sel  du  Szechuan.  —  Chine.  Etrangers  dans 

les  ports  à  traités.  —  Exploration  de  la  presqu'île  malaise.     .     .      006 
Bibliographie 611 


N»  9.  ^  SEPTEMBRI 

La  gutta-percha 

D»"  A.  Broden.  —  De  rinfluence  des  températures  él 
nisme  humain.     ...    .    .    .  '  .    .    .     . 

L'extension  géographique  de  la  canne  à  sucre.    . 

Chronique.  —  Afrique  :  Mission  Richardson  à  Ka 
mande  sud-occidentale.  Conditions  de  vente  des 
vernement.  Irrigation  et  agriculture.  —  Afrique 
taie.  Les  plantations.  —  Uganda.  —  Côte  italienne 
Ethiopie 

Amérique  :  L'Amazonie.  Caoutchouc.  —  Brésil.  Le 
plantations  de  café 

Asie  :  Conseils  au  corps  expédi'ionnaire  de  Chine.  — 
chemin  de  fer.  —  Tien-Tsin.  —  Birmanie.  —  Ind 
mose 

OcÉANiB  :  Java.  Le  combustible  liquide.  —  Bornéo.  — 
chez  les  Madangs.  —  Nouvelle-Guinée  anglaise, 
commerce  en  1899.  —  Tahiti.  Le  commerce  en  \i 

BlBUOGRilPHIE 


NO  10.  —  OCTOBRE. 

La  gutta-percha  (suite) 

Lieutenant  Goffart.  —  Voyages  de  M.  Coudreau  dans 

Les  parties  inconnues  du  monde 

Les  ports  à  traité  en  Chine 

Le  choix  des  graines  de  caféiers 

Chronique.  —  Généralités  :  La  malaria.  —  Une  d( 
sur  la  malaria.  —  Les  inondations  du  Nil  et  les  pi 

Asie  :  Chine.  La  ramie.  Les  mines  de  charbon  du  Shan-Si 
Immigration  chinoise.  La  culture  du  café.  —  Ce 
ment  du  commerce.  —  Les  plantations  de  thé  à  ( 
L'or  dans  l'île  Hokkaido.  —  Corée.  Nécessité  de  1; 
la  langue  indigène 

Afrique  :  L'expédition  du  major  Gibbons  au  Zambèze 
foncier.  —  Congo  français.  Culture  du  café.  Prol 
indigènes  de  l'Afrique  australe.  —  Afrique  orie 
Le  commerce  d'Inhambane.  —  Zanzibar.  —  Al 
orientale.  Commerceet  mouvement  maritime  de  Ch 
Transports  intérieurs.  —  L'organisation  du  Cha 


Amérique  :  Mexique.  Exploitations  des  mines.  —  Indes  occidentales 

anglaises.  L'île  Dominique 752 

BlBUOGRAPHlE 7S4 


N»  11.  —  NOVEMBRE. 

Formose,  d'après  M.  Fischer 757 

Cuba 779 

Conditions  auxquelles  est  soumise  Texploitation  du  caoutchouc  au 

Brésil 793 

Une  lettre  du  Commandant  Chaltin 797 

Chronique.  —  Généralités  ;  Quelques  remarques  sur  la  méthode  de 
Romanowsky.  —  La  malaria.  —  La  cartographie  des  colonies  alle- 
mandes   799 

Afrique:  Expédition  Congolo-alleraande  du  lac  Kivu.  —  Afrique  centrale 
anglaise.  —  Abyssinie.  L'expédition  Léonlieff;  Expédition  Erlanger 
et  Neuman.  —  Du  lac  Rodolphe  au  Nil.  —  La  frontière  anglo- 
abyssine.  —  Afrique  australe.  Débouchés.  —  Le  commerce  alle- 
mand dans  TAfriquc  australe.  —  Zanzibar.  Le  commerce  des  clous 
de  girolle.  —  Madagascar.  Essai  do  foire  régionale 802 

Asie  :  Chine.  La  ville  de  Szemao.  —  Shantung.  Le  charbon.  —  Inde 
anglaise.  Or.  Puits  artésiens;  Production  du  thé.  —  États  Shans. 
Une  race  qui  disparaît.  — Bangkok.  Commerce  en  1899.  —  Tonkin. 
Concessions  minières.  —  Presqulle  Malaise.  Les  troglodytes  de 
Koh-Sik-hah.  —  Corée 812 

BlBUOGRAPHlE 824 


NO  12.  —  DÉCEMBRE. 


J.  Carton.  —  Note  sur  Tutilisation  rationnelle  de  l'éléphant.    .    .     .      825 

Le  Protectorat  de  l'Uganda 841 

Chronique.  —  GÉiNéralités  :  Résultats  de  l'expédition  allemande 

contre  la  malaria.  —  Combustible  liquide.  —  L'arachide  .  .  .  856 
Afrique  :  La  marine  marchande  allemande  et  l'Afrique  australe,  — 
La  flottille  du  Haut-Congo.  —  Congo  français.  Transports  fluviaux. 
—  Diflerents  systèmes  d'exploitation  des  forêts  à  caoutchouc.  — 
Dahomey.  Impôt  indigène.  —  Exploration  des  sources  du  Nil.  — 
Rhodésia.  Le  caoutchouc.  —  Af.nque  occidentale  anglaise.  Che- 
mins de  fer.  —  Usages  commerciaux  au  Maroc.  —  Madagascar.  .  862 
Amérique  :  Mexique.  La  culture  du  tabac.  —  Equateur.  Café.  —  Guyane 

anglaise.  Diamants , 872 


Asie  :  Chine.  Routes  et  moyens  de  communication. 
Café. —  Siam.  Musée  commercial  japonais  à  Bar 
Thé 

OcÉANiE  :  Java.  La  situation  économique.  — Java.  PI 
percha  par  le  gouvernement.  —  Iles  Cook.  — 
allemande.  —  Nouvelle-Calédonie.  Le  nickel.  —  1 

Bibliographie 

Index 

Table  générale  de  i/année  1900 


Of  THE 

UNIVER8ITY 

OF 


l\ 


CURONIQUR  811 

Pretoria  et  un  service  de  steamers  vers  l'Amérique  et  l'Europe,  Cape- 
town  perdra  une  partie  considérable  du  trafic  destiné  à  Tinterieur  de 
TAfrique. 

Zanzibar.  Le  commerce  des  clous  de  girofle.  —  D'après  un 
rapport  du  consul  des  Etats-Unis,  les  clous  de  girofle  que  Ton  con- 
somme dans  le  monde  entier,  sont  produits  par  les  iles  de  Zanzibar  et 
de  Pemba  qui  sont  les  principaux  centres  de  production  du  sultanat. 
Les  clous  de  girofle  étaient,  «autrefois,  le  seul  produit  économique 
exporté  par  Zanzibar.  Bien  que  des  efforts  aient  été  faits  récemment 
pour  encourager  les  cultivateurs  indigènes  à  s'occuper  d'autres  pro- 
duits, la  culture  des  clous  de  girofle  est  encore  et  sera  probablement 
toujours,  la  principale  occupation  des  indigènes.  La  récolte  de  1899  a 
été  plus  forte  que  celle  des  années  précédentes.  Mais  il  est  à  remar- 
quer que  les  cultures  ne  sont  pas  gérées  de  manière  à  les  maintenir  à 
la  hauteur  qu'elles  ont  acquise  dans  le  passé.  La  question  de  la  main- 
d'œuvre  est  la  grande  difficulté.  Depuis  la  prohibition  de  l'introduction 
des  esclaves,  la  main-d'œuvre  a  diminué  avec  une  rapidité  croissante 
d'année  en  année,  et  depuis  le  décret  d'affranchissement  des  esclaves 
de  1897,  l'offre  de  travail  a  toujours  été  au-dessous  de  la  demande. 

On  s'eflbrce,  partout  où  c'est  possible,  d'engager  les  esclaves  libé- 
rés à  se  fixer  sur  les  plantations  de  leurs  anciens  maîtres  et  à  travailler 
pour  eux  en  vertu  d'un  contrat  libre,  soit  moyennant  salaire,  soit  en 
concédant  à  leurs  employeurs  un  certain  nombre  de  jours  de  travail 
en  échange  de  l'allocation  de  parcelles  de  terres  qu'ils  cultivent  à  leur 
propre  profit. 

11  semble  toutefois  difficile  d'inciter  l'indigène  à  travailler  plus  long- 
temps qu'il  ne  le  faut  pour  assurer  sa  subsistance.  Il  préfère  passer  le 
surplus  de  son  temps  dans  l'oisiveté.  Cette  situation,  si  elle  perdure, 
amènera  naturellement  une  diminution  dans  la  production  et  aura 
aussi  pour  effet  de  faire  venir  sur  le  marché  des  produits  de  qualité 
inférieure,  car  sans  culture  suivie,  le  meilleur  sol  ne  peut  fournir  de 
récoltes  satisfaisantes. 

Madagascar.  Essai  de  foire  régionale.  —  L'administration 
procède  en  ce  moment  à  un  essai  intéressant  :  elle  tente  d'installer  en 
certains  centres  des  foires  dont  les  résultats  peuvent  être  très  favo- 
,  râbles.  Au  mois  d'août  dernier,  une  de  ces  foires  s'est  tenue  à 
Talatan-lmerinarivo  (secteur  de  Montasoa).  Une  foule  considérable, 
qu'on  peut  évaluer,  dit-on,  à  12,000  personnes,  venues  des  secteurs 
voisins,  a  circulé  sur  ce  marché. 


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CHRONIQUE  813 

comme  centre  commercial.  Cette  ville  n'a  pas  l'espoir  de  se  relever 
dans  les  circonstances  actuelles  parce  que  le  Yunnan  est  ravitaillé  de 
marchandises  étrangères  par  d'autres  localités  qui  conviennent  mieux 
aux  marchés  orientaux. 

Il  existe  toujours  un  certain  commerce  en  coton,  en  sel  et  en  thé. 
Le  thé  qu'on  cultive  au  Sud  de  Szemao  est  très  recherché.  On  dit 
qu'il  possède  des  qualités  médicales.  On  en  produit  environ  130  mille 
piculs  par  an.  Les  puits  de  sel  alimentent  une  vaste  région  qui 
s'étend  au  Sud  jusqu'à  Luang  Prabang  et  à  l'Ouest  jusqu'au  Saluen . 
Le  sel  est  le  moyen  d'échange  ;  on  se  sert  peu  de  l'argent  et  la  mon- 
naie de  cuivre  n'est  pas  courante.  Les  caravanes  de  sel  se  dirigent  vers 
le  Sud  chaque  hiver,  mais  ce  commerce  diminuera  aussi,  quand  les 
communications  auront  été  améliorées  en  Birmanie. 

Shantung.  Le  charbon.  —  La  Société  des  mines  du  Shantung 
donne,  dans  son  rapport,  des  renseignements  sur  les  gisements  de 
charbon  du  Shantung.  Une  commission  d'ingénieurs  des  mines  a  été 
chargée  d'étudier  le  terrain  au  point  de  vue  de  l'étendue,  de  l'impor- 
tance et  de  l'exploitation  des  couches.  On  possède  actuellement  des 
renseignements  sur  les  gisements  contenus  dans  une  zone  de  30  lieues. 
Il  en  résulte  que,  abstraction  faite  de  quelques  gisements  assez 
importants  de  minerais  de  fer,  la  concession  renferme  cinq  grands 
bassins  houillers  dont  trois  se  trouvent  dans  la  zone  que  doit  côtoyer 
le  chemin  de  fer  en  construction  de  Tsingtau  à  Tsinanfu.  La  Société 
s'occupe  surtout  en  ce  moment  de  l'exploration  de  la  région  qui  se 
trouve  près  de  la  mer,  au  Sud  de  Weihsien,  point  terminus  de  la 
section  Tsing-Tan-Weihsien,  qui  sera  livrée  en  premier  lieu  à 
l'exploilalion.  On  a  fait  un  grand  nombre  de  sondages  dans  cette 
région.  Ils  ont  permis  de  constater  la  présence  de  plusieurs  gisements 
exploitables.  Les  sondages  ont  révélé  l'existence  de  veines  de  i  et 
1.80  mètre  d'épaisseur  à  des  profondeurs  de  160  à  166  mètres.  Un 
autre  sondage  a  établi  l'existence  d'une  couche  de  4  94  à  78  mètres 
de  profondeur.  Les  ingénieurs  s'occupent  de  déterminer  l'étendue  de 
ces  couches.  Les  troubles  actuels  ont  malheureusement  interrompu 
leurs  travaux.  Les  analyses  des  échantillons  ont  démontré  que  les 
gisements  du  Shantung  pourront  fournir  d'amples  quantités  de  com- 
bustible pour  l'usage  domestique,  l'industrie  et  le  chauflage  des 
chaudières. 

Inde  anglaise.  Or.  Puits  artésiens.  —  Le  gouvernement  de 
rinde  vient  de  publier  le  rapport  de  la  section  de  géologie  pour 


814  ÉTUDES  GOLOMALKS 

1899-1900.  Des  études  ont  été  faites  sur  la  nature  des  roches  aurifères 
dans  la  Birmanie  et  dans  le  Sud  de  Tlnde.  Dans  le  district  de  Wuntho 
en  Birmanie,  on  a  découvert  des  roches  contenant  de  Tor  en  quantité 
satisfaisante,  mais  il  est  douteux  que  le  minerai  soit  suffisamment 
abondant  pour  permettre  rétablissement  d'exploitation  sur  une  échelle 
assez  vaste  pour  produire  des  bénéfices  commerciaux. 

Les  roches  les  plus  importantes  du  Sud  et  du  Sud-Ouest  du  district 
de  Wynard  offrent  peu  de  chances  de  profit. 

Le  service  de  géologie  a  recherché  s'il  y  avait  moyen  d'augmenter 
la  quantité  d'eau,  dont  l'Inde  peut  disposer,  en  creusant  des  puits 
artésiens.  Des  essais  ont  eu  lieu  en  différents  endroits,  mais  avec  peu 
de  succès,  sauf  dans  le  district  de  Quctta.  En  général,  les  conditions 
favorables  au  creusement  de  puits  artésiens  semblent  faire  défaut 
dans  les  grandes  plaines  de  l'Indus  et  de  Gange,  ainsi  que  dans  la 
péninsule  proprement  dite.  Dans  le  Rajputana,  le  Gujarat  et  le  Sind, 
par  contre,  les  circonstances  semblent  plus  propices. 

Pendant  la  dernière  période  de  sécheresse  les  indigènes  n'ont  pas 
rencontré  de- difficultés  à  se  procurer  de  l'eau  dans  les  vastes  plaines 
du  Gujarat.  Ils  en  ont  trouvé,  bien  qu'elle  fut  un  peu  saumâtre,  à 
40  ou  50  pieds  de  profondeur.  On  poursuit  actuellement  les  expé- 
riences en  diflérents  endroits. 

Inde  anglaise.  Production  du  thé.  —  La  surface  plantée  de  thé 
dans  rinde  n'a  cessé  d'augmenter  pendant  les  quinze  dernières  années. 
La  surface  totale  était  en  1885,  de  283,928  acres,  en  1890,  de  344,827, 
en  1895,  de  465,717  et  à  la  fin  de  1899,  de  516,732  acres.  De  ce  dernier 
nombre,  198,673  acres  se  trouvent  dans  l'Assam  (vallée  duBrahma- 
poutreK  132,478  dans  le  Cachor  et  le  Sylhet  (vallée  de  la  Surma), 
132,923  dans  le  Bengale  et  23,103  dans  le  Travancore. 

La  culture  du  thé  se  concentre  dans  les  endroits  où  une  pluie  abon- 
dante et  un  climat  humide  et  égal  favorisent  le  développement  des 
feuilles  et  permettent  par  suite  de  fréquentes  cueillettes.  La  produc-  ' 
tion  moyenne  par  acre  est,  dans  les  vallées  du  Brahmapoutre  et  de  la 
Surma,  de  448  livres,  tandis  qu'à  Duars  et  Darpling  (Bengale),  elle  est 
respectivement  de  533  et  2,811  livres. 

Les  plantations  varient  considérablement  en  étendue.  DansTAssam, 
où  l'industrie  est  exercée  par  des  Européens  abondamment  pourvus  de 
capital  et  où  l'économie  des  frais  généraux  a  amené  la  fusion  des 
domaines,  les  plantation  ont  une  étendue  moyenne  de  1 ,266  acres  ;  dans 
le  Bengale  elle  n'est  que  de  727  acres.  Dans  la  vallée  de  Kangra 
(Pundjab),  où  les  indigènes  cultivent  le  thé,  les  plantations  ne  com- 
prennent que  4  arres. 


CHIIONIQUE  815 

La  quantité  de  thé  produite  pendant  les  quinze  dernières  années,  a 
augmenté  dans  une  proportion  plus  forte  que  celle  des  plantations. 
Elle  s'est  accrue  de  161  p.  c,  alors  que  la  surface  occupée  par  les 
plantations  n*a  augmenté  que  de  82  p.  c. 

La  quantité  produite  en  1899  s'est  élevée  à  186,f)00,000  livres.  Le 
nombre  des  personnes  employées  d'une  façon  permanente  dans  les 
plantations  est  de  558,000  et  celui  des  ouvriers  temporaires,  de 
400,000.  L'Inde  consomme  relativement  peu  de  thé.  La  consommation 
ne  dépasse  pas  8,000,000  de  livres  dont  2,750,000  sont  fournies  par 
l'étranger,  principalement  la  Chine.  L'Angleterre  absorbe  les  97  p.  c. 
du  thé  de  l'Inde^  Le  prix  du  thé  est  sujet  à  de  grandes  fluctuations. 

États  Shans.  Une  race  qui  disparaît.  —  Dans  son  dernier  rap- 
port, M.  Hildebrand,  qui  administre  la  partie  méridionale  des  Etats 
Shans,  fait  mention  des  Red  Karens,  qui  habitent  le  district  de 
Kareum.  Cette  tribu  était  autrefois  très  belliqueuse  et  ne  vivait  que  des 
rapines  qu'elle  commettait  au  préjudice  de  ses  voisins.  Aujourd'hui, 
grâce  à  un  chef  éclairé,  cette  situation  a  bien  changé.  Celui-ci  a  fait 
construire  des  routes  et  a  favorisé  l'immigration  des  Shans.  Aupara- 
vant, le  commerce  du  bois  était  la  seule  industrie  du  pays,  tandis  que 
maintenant  de  nombreuses  branches  d'activité  se  sont  implantées  dans 
cette  contrée.  Malheureusement,  cette  prospérité  semble  être  fatale  à 
la  population  indigène  :  les  Red  Karens  diminuent  d'une  façon 
effrayante.  M.  Hildebrand  estime  que,  pendant  les  dix  dernières  années, 
le  tiers  de  la  population  a  disparu.  De  vastes  plaines,  qui  étaient  cul- 
tivées en  1875  et  même  encore  en  1888,  quand  il  repassa  par  les  mêmes 
endroits,  sont  aujourd'hui  abandonnées  et  envahies  par  les  herbes. 
Une  population  laborieuse  et  paisible,  mélange  de  Karens,  de  Shans 
et  deTaungthu,  prend  peu  à  peu  la  place  des  Red  Karens. 

Dans  les  autres  États  Shans,  M.  Hildebrand  a  constaté  la  même 
diminution  du  chiffre  de  la  population.  H  l'évalue  à  25  p.  c.  pour  les 
vingt-cinq  dernières  années.  Les  chefs  et  leurs  peuples  le  savent  et  en 
sont  alarmés.  Ils  l'attribuent  à  l'émigration  vers  la  Birmanie,  ainsi 
qu'aux  nombreux  décès  parmi  les  enfants  et  les  adultes. 

-M.  Hildebrand  se  trouve  embarrassé  d'expliquer  ce  changement. 
L'émigration  ne  peut  entrer  en  ligne  de  compte  que  pour  une  faible 
mesure.  L'attitude  de  la  population  s'est,  du  reste,  modifiée  d'une 
façon  frappante.  Au  lieu  d'être  comme  auparavant  une  bande  de  demi- 
sauvages,  se  promenant  armés  jusqu'aux  dents,  de  fusils,  de  sabres  et 
de  lances,  ils  sont  devenus  un  peuple  timide  et  peureux  et  presque 
dépourvu  d'armes.  C'est  à  peine  si  M.  Hildebrand  a  vu  un  fusil  ou 


810  ÉTLDKS   COLOMALtS 

une  lance  pendant  son  voyage  à  travers  ces  Elats,  alors  qu'autrefois  il 
était  toujours  entoure  d'hommes  armés  qui  ne  portaient  jamais  moins 
de  trois  lances  et  qui  avaient,  pour  la  plupart,  des  fusils.  De  pillards^ 
ils  sont  devenus  de  paisibles  cultivateurs.  Mais  le  changement  s'est 
opéré  d'une  manière  trop  soudaine  :  il  n'a  pu  se  produire  sans 
l'accompagnement  d'un  grand  nombre  de  décès.  Les  Karens  sont 
cependant  bien  traités;  leurs  récoltes  sont  bonnes;  ils  ne  paient  que 
«les  taxes  légères  et  peuvent,  à  leur  propre  étonnement,  aller  et 
venir  librement.  «  La  commodité  même  de  cette  vie,  dit  en  conclu- 
sion, M.  Hildebrand,  semble  être  contraire  à  leurs  instincts  et  leur 
constitution.  » 

Bangkok.  Commerce  en  1899.  —  Le  commerce  total  de  Bang- 
kok s'est  élevé  en  1899,  à  5,655,912  liv.  st.  contre  5,913,302,  l'année 
précédente.  La  diminution  est  due  à  l'insufiisance  de  la  récolte  de  riz. 
L'exportation  de  ce  dernier  produit  a  été  la  plus  faible  depuis  1892. 
Elle  s'est  élevée  à  428,661  tonnes  valant  2,223,953  liv.  st.  L'expor- 
tation du  bois  de  tek,  qui  vient  en  second  lieu,  a  beaucoup  augmenté 
en  quantité  et  valeur.  Les  Anglais  en  achètent  la  plus  grande  partie. 
Aussi,  sont-ils  intéressés  aux  mesures  que  vient  de  prendre  le  gouver- 
nement pour  assurer  la  conservation  des  forêts. 

Une  des  difficultés  que  rencontre  le  commerce  du  tek  réside  dans 
rinsuflisance  des  éléphants.  La  cause  en  est  attribuable  aux  Français  qui 
entravent  l'exportation  de  c^s  animaux  à  l'Est  du  Mékong,  contrée  où 
le  Siam  s'approvisionne.  Des  Chinois  tentent  en  ce  moment  d'amener 
un  troupeau  de  la  presqu'île  Malaise.  D'autre  part,  il  n'est  pas  douteux 
qu'on  ne  finisse  par  adopter  les  charrettes  et  autres  moyens  de  trans- 
port dans  les  forêts. 

La  consommation  de  tek  augmente  rapidement  en  Europe,  tant 
dans  l'ameublement  que  dans  la  construction  des  navires  et  des 
w^agons  de  chemins  de  fer.  On  évalue  à  1 ,000  tonnes  la  quantité  de 
tek  employée  dans  la  construction  d'un  navire  de  guerre. 

La  principale  des  importations  est  représentée  par  les  marchandises 
de  coton  (421,357  liv.  st.)  puis  viennent:  l'acier,  le  fer  et  les 
machines.  Tous  ces  produits  sont  en  avance  sur  l'année  précédeiîte* 

En  parlant  de  l'importation  des  liqueurs,  M.  Carlisle,  l'auteur  du 
rapport  d'où  nous  extrayons  ces  renseignements,  dit  que,  si  une  grande 
quantité  des  spiritueux  importés  sont  bon  marché  et  mauvais,  ils  ne 
valent  cependant  pas  moins  que  ceux  qu'on  fabrique  dans  le  pays. 
Dans  une  affaire  jugée  dernièrement  à  Bangkok,  un  Chinois  était  pour- 
suivi pour  avoir  falsifié  l'alcool  indigène  qu'il  vendait  en  y  mêlant  des 


CHRONIQUE  817 

substances  nuisibles  à  la  santé.  Le  prévenu  avoua  avoir  mélangé  à  la 
liqueur  le  reste  d'une  médecine  qui  lui  avait  été  prescrite  pour  un 
mal  à  la  jambe  et  qu'il  n'avait  pas  eu  l'occasion  d'employer.  Il  préten- 
dait d'ailleurs,  que  le  remède  n'avait  fait  qu'améliorer  la  qualité  do  la 
liqueur  et  que  ses  clients  recherchaient  particulièrement  cette 
mixture. 

Il  est  diflijcile  de  répartir  le  commerce  de  Bangkok  d'après  les 
nationalités  parce  que  la  plus  grande  partie  se  fait  avec  Hongkong  et 
^ingapore.  On  peut  toutefois  dire  que  plus  .de  la  moitié  en  revient  à 
l'Angleterre,  et  le  cinquième  à  l'Allemagne.  La  construction  de  che- 
mins de  fer  continue  à  se  développer  au  Siam  La  ligne  de  Korat  sera 
terminée  celte  année  et  d'autres  moins  importantes  sont  projetées.  Au 
31  mars  1899,  le  gouvernement  avait  dépensé  un  million  de  liv.  st. 
pour  la  construction  de  chemins  de  fer. 

Tonkin.  Concessions  minières.  —  Le  Bulletin  économique  de 
l' Indo-Chine  vient  de  donner  d'assez  précieux  renseignements  sur  le 
mouvement  des  concessions  minières  au  Tonkin.  Depuis  Tannée  1888 
jusqu'au  30  juin  1900,  il  a  été  fait  au  Tonkin  374  déclarations  de 
recherches  en  périmètre  réservé.  Sur  ce  nombre,  299  périmètres  ont 
fait  l'objet  d'une  renonciation  ou  ont  été  frappés  de  déchéance.  Il 
restait  donc  75  périmètres  en  état  d'exploitation  ou  soumis  à  des 
fouilles,  ou  dont  la  concession  n'était  pas  encore  périmée,  à  la  date  du 
30  juin  1900. 

Les  substances  recherchées  dans  ces  75  périmètres  sont  très  variées; 
la  plus  répandue  d'entre  elles  est  la  houille  remarquée  dans  26  péri- 
mètres, soit  plus  du  tiers  du  nombre  total.  D'ailleurs,  sur  sept  titres 
de  propriété  de  mines  délivrés  de  1888  au  30  juin  1900,  six  concernent 
des  mines  de  charbon,  et  on  sait  que  quelques-unes  ont  déjà  pris  un 
certain  développement . 

Après  le  charbon,  viennent  le  fer,  avec  9  périmètres,  l'or  avec  7, 
puis  le  cuivre  avec  3,  l'argent  et  le  plomb  avec  3  également.  On 
trouve  encore  des  périmètres  pour  l'antimoine,  le  graphite,  le 
pétrole,  le  salpêtre,  le  zinc. 

Le  nombre  des  carrières  concédées  était  de  49,  au  30  juin  1900;  sur 
ce  nombre,  47  sont  exploitées;  2  seulement  ont  fait  l'objet  d'une 
renonciation  de  la  part  du  concessionnaire.  De  37  de  ces  carrières,  on 
tirait  des  pierres,  des  moellons  et  des  roches  calcaires;  l'une  d'elles 
fournit  des  calcaires  qui  servent  à  la  fabrication  du  ciment.  On  comp- 
tait, en  outre,  1  carrière  de  marbre,  1  de  marbre  blanc,  1  de  pierre  de 
taille,  1  degrés  dur,  1  tic  pierre  à  chaux,  etc. 


HIK  ÉTUDES  COLOXULES 

Presqu'île  IfaUûe.  Les  troglodytes  de  Koh-Sih-Sah.  —  Nous 
avonK  déjà  eu  l'occasion  de  parler  des  travaux  de  l'expédition  que 
rilniverstté  de  Cambridge  a  envoyée  dans  la  presqu'île  Malaise.  (1) 
l^e  naturaliste  Annandate  donne,  dans  un  article  qu'il  a  consacré  à 
iuiiie  mission,  quelques  lenseignemenls  sur  les  habitants  des  cavernes 
des  Iles  Koh-àSih-Sah.  Ce  groupe  d*îles  se  trouve  près  de  la  baie  de 
Talc-Sap  (au  Nord  de  Sengora,  cote  orientale,  7«lo  lat.  n  ).  On  avait 
mis  en  doute,  mais  à  tort,  Texistence  de  ces  habitants  des  cavernes  qui 
s'occupent  de  la  chasse  aux  nids  d'hirondelles.  L'expédition  visita  le 
principal  des  villages  de  ces  troglodytes.  Les  habitants  ont  établi  leurs 
(iomcurcs  dans  une  caverne  dont  les  dimensions  sont  restreintes  et  où 
le  jour  pénétre  par  diverses  ouvertures  pratiquées  dans  la  voûte.  Ces 
troglodytes  ont  construit,  au  moyen  de  bambous,  des  plateformes  qui 
servent  d'habitation  aux  différentes  familles.  Quant  aux  célibataires,  ils 
établissent  leurs  pénates  dans  les  recoins  de  la  caverne.  Quelques- 
unes  des  plateformes  qui  étaient  exposées  à  l'eau  découlant  de  la  voûte, 
étaient  munies  de  toits  en  feuilles  de  Pandanus. 

A  la  sortie  de  la  caverne,  se  trouvaient  deux  petites  armoires.  L'une 
contenait  une  image  représentant  le  dieu  des  oiseaux  de  caverne; 
Tautro  renfermait  des  pierres  en  forme  de  quille,  qui  constituaient  un 
objet  d'adoration.  Uevant  ces  pierres,  on  dépose  des  nids  d'hiron- 
delles en  offrandes.  Tout  autour  d'elles,  se  trouve  un  amas  confus 
do  crùnes  de  crocodiles,  de  têtes  d'espadon,  de  queues  de  raies,  de 
màchoii*es  de  requin,  de  bâtons  de  parfums  dans  de  petits  vases,  de 
figures  do  buflle  en  terre  glaise  et  de  bâtons  et  pierres  grotesquement 
taillés. 

I^os  habitants  de  cette  région  se  disent  Siamois,  mais  on  les  tient 
pour  dos  Malais,  ayant  du  sang  chinois  dans  les  veines.  Leur  langage 
est  un  diuloi^te  chinois  très  rude  et  difficile  à  comprendre.  Les 
oavornos  dans  lesquelles  on  trouve  les  nids  d'hirondelles  sont  beau- 
coup plus  grandes  que  celles  où  vivent  les  troglodytes.  De  petites 
oliVundes  do  riz,  de  butons  parfumés  et  du  papier  chinois,  sLmulanl  da 
p^ipior-monnaie,  sont  déposés  à  l'entrée  des  cavernes  où  la  chasse  est 
la  plus  fructueuse. 

Corée.  —  On  sait  que  les  Coréens,  comme  les  Chinois,  sont  esseii- 
tiollomonl  oonsenateurs.  11  n*est  pas  aisé  de  leur  faire  modifier,  eft 
suHvnU  abandonner*  leurs  coutumes.  Les  Japonais  ont  c«>mplèleaienk 


\oà'    V    •'  i    4.   \K   0?î<. 


CHRONIQUE  819 

échoué  quand  ils  ont  voulu  moderniser  la  civilisation  coréenne  avec 
IMropétuosité  qui  leur  a  si  bien  réussi  à  eux-mêmes.  Ils  ont  tenté, 
entre  autres,  de  faire  renoncer  les  Coréens  à  leurs  aigrettes  et  à  leurs 
manches  larges,  mais  sans  obtenir  le  moindre  résultat.  Les  Coréens 
n*ont  jamais  pu  comprendre  Tutilité  de  ces  changements. 

Cela  ne  veut  pas  dire  cependant,  comme  le  fait  remarquer  le  cor- 
respondant du  Times  à  Séoul,  que  les  Coréens  ne  soient  susceptibles 
de  progrès  dans  aucun  sens.  De  même  que  les  Chinois,  ils  sont  dispo* 
ses  à  adopter  les  produits  de  l'industrie  étrangère  du  moment  qu'il  en 
résulte  un  profit  pour  eux.  Leur  amour  du  progrès  n'a  rien  de  senti- 
mental. 11  est  purement  utilitaire.  Aussi,  le  meilleur  moyen  d'attein- 
dre l'oreille  de  ce  peuple,  est  de  lui  parler  le  langage  qu'il  comprend. 
Les  Coréens  refusent  obstinément  de  se  couper  les  cheveux,  mais  ils 
ont  accueilli  avec  joie  la  ligne  de  chemin  de  fer  de  Séoul  au  port  qui 
se  trouve  à  SO  milles  de  distance.  Se  couper  les  cheveux  leur  apparaît 
comme  une  pure  extravagance,  tandis  que  le  chemin  de  fer  réduit  les 
frais  de  voyage  et  de  transport  au  quart  de  ce  qu'ils  étaient  aupa- 
ravant. 

D'autres  travaux  utiles  ont  également  été  faits  ou  sont  en  cours  en 
Corée.  On  va  bientôt  construire  un  aqueduc  destiné  à  pourvoir  Séoul 
d'eau  pure  en  abondance.  On  prendra  l'eau  à  7  milles  de  distance 
dans  la  rivière  Han  qui  n'est  qu'un  torrent  de  montagne.  Dans  quel- 
que temps,  un  bain  ne  sera  donc  plus  pour  les  Coréens  un  luxe  auquel 
on  songe  et  après  lequel  on  soupire  pendant  des  mois. 

La  ville  possède  aussi  un  tramway  électrique  à  traction  aérienne, 
des  installations  pour  la  lumière  électrique  et  un  système  d'égouts. 
Des  efforts  ont  été  faits  également  pour  améliorer  les  écoles,  tant 
dans  la  capitale  que  dans  les  provinces.  Il  existe  des  écoles  séparées 
pour  l'enseignement  de  l'anglais,  de  l'allemand,  du  russe,  du  français, 
du  japonais  et  du  chinois.  Les  écoles  indigènes  ont  été  perfectionnées 
par  l'introduction  de  branches  telles  que  les  mathématiques,  la  géo- 
graphie et  l'histoire  universelle.  On  adonné  une  attention  principale 
aux  questions  militaires  et  on  s'est  attaché  à  détruire  dans  le  peuple 
l'opinion  courante  que  l'on  sort  de  sa  caste  en  devenant  soldat.  Une 
excellente  école  militaire  a  été  fondée  à  Séoul,  dans  des  bâtiments 
étrangers. 

On  ne  pourrait  pas  dire  qu'il  n'y  ait  eu  certains  reculs  dans  la  situa- 
tion, pendant  les  dernières  années.  Mais  ce  sont  plutôt  des  retraites 
de  positions  prises  pendant  la  période  d'enthousiasme  qui  a  suivi  la 
guertre  sino-japonaise.  En  tout  cas,  Séoul  se  trouve  dans  d'excellentes 
conditions  pour  suivre  un  développement  matériel  sérieux. 


8:» 


rr.ae»  :'.»LJ>L»^i5 


On  peu:  ■en*^.*^  n^tcLii'  c^tfr  '{i^  <iit:  2»:c-  -j.^^  >.rtî  ■;  l:  rir  ouverts 
au  comment»  înteriMi;'.  cal  H  \'i*i  li  at.-*  -ifr  rt -vir  irî<  rldiess«  auri- 
fères de  la  Cjor^d^  a  <?ce  -fiitrvccjîv*  :%ir  :r:c>  >Tir  Lv-its^  un  anglais,  un 
amériiraiii  et  un  alI-rtLd^v:.  Il  rvî?te  ^irojcv  z.^^  ie$<h  j5?es  à  faire  dans 
ce  domaine.  De  riofc-es  ^.:5«;c:»iîi->  iV  i»  c  .,•?  i:;:?u>:iit  leur  mise  en 
exploitation  et  d*a-il:v<  rvî?J5Ccrvrfî>  ::ii-:i.cr*>  J^f nient  rtre  prospec- 
tées, L'a^i^'ulture  ù^^rx.;  AX55?i  f.cr^-r  Kriu.vup  plus  qu'elle  ne  le 
fait  actueLrrm^fa:.  •.►tr  >'j::i«:  v  a  r.:«  «l  fj^r  Ittitenivcl  ses  pratiques. 


BIBLIOGRAPHIE  -^ 


Xi'année  coloniale,  puliliée  sous  ladireclion  de  M.  Ch.  Mourey,  chargé  du  service  de 
la  statistique  à  l'OHice  colonial,  et  M.  L.  Brunbl,  docteur  en  droit.  —  Première  année 
(1899).  Un  vol.  in-S»  de  415  pages.  Paris,  Th.  Tallandier,  1900. 

La  nouvelle  publication  dont  le  premier  volume  a  paru  cette  année 
constitue,  à  proprement  parler,  un  annuaire  statistique  des  colonies 
françaises,  dont  les  données  sont  puisées  aux  sources  les  plus  sûres 
et  les  plus  oftîcielles.  Des  études  détaillées,  enrichies  d'illustrations, 
sont  consacrées  aux  diverses  possessions  de  la  France.  On  y  trouve 
également  des  renseignements  utiles  sur  les  organismes  coloniaux 
<le  la  métropole,  principalement  sur  l'activité  de  V Alliance  française. 
Le  volume  s'ouvre  par  trois  remarquables  notices  sur  Madagascar, 
par  le  général  Galliéni,  sur  les  Budgets  locaux  des  colonies,  par  M.  Pic- 
quié,  inspecteur  générai  des  colonies,  et  sur  la  Mise  en  valeur  du 
Congo  par  M.  E.  Teissier.  Il  se  termine  par  une  bibliographie  très  com- 
plète de  la  littérature  coloniale  française  en  1899. 

\J Année  coloniale  paraît  devoir  occuper  un  rang  distingué  parmi  les 
périodiques  consacrés  à  l'étude  des  questions  coloniales. 


Afrikanische  Skizzen,  par  Oscar  Baumanx.  —  Un  vol.  in-8«  de  111)  pages, 
avec  13  photogravures  et  7  figures  dans  le  texte.  Berlin,  Dictrich  Kpimer  ^Ernst 
VoUen;,  1900. 


L'auteur  de  cet  ouvrage,  décédé  récemment,  s'était  l'ait  un  nom 
<lans  la  littérature  coloniale  allemande  par  ses  récits  de  voyage,  écrits 
d'une  manière  attachante  et  pittoresque.  Les  Esquisses  africaines,  qu'il 
a  rapportées  de  son  dernier  voyage  à  Zanzibar,  sont  une  série  de  récits 
intéressants,  parfois  dramatiques,  où  se  dépeignent  les  mœurs  des 
populations  de  l'Afrique  orientale.  La  question  de  l'esclavage,  vitale 
dans  ces  régions,  y  joue  un  grand  nMe.  OKuvre  d'un  bon  observateur, 

5 


822  ÉTUDES  COLONIALES- 

ce  n'est  pas  seulement  au  point  de  vue  littéraire  qu'ils  offrent  de  l'in- 
térêt. 

La  maison  Dietrich  Rcimer,  éditeur  des  œuvres  précédentes  de 
H.  Baumann,  s'est  chargée,  par  une  initiative  qu'on  ne  saurait  trop 
louer,  de  la  publication  de  son  dernier  livre,  dont  le  bénéfice  net  sera 
consacré  à  élever  un  monument  à  la  mémoire  de  l'auteur.  L'édition 
est  d'ailleurs  fort  soignée,  ornée  d'illustrations  d'un  caractère  très 
artistique,  exécutées  d'après  les  photographies  de  l'auteur. 

Die  akklimatisation  der  Europftischen  und  inbesondere  der  Germa- 
nischen  Rasse  in  den  Tropen  und  ihre  hauptsftchlichen  Hindernisse, 
par  Friedrich  Wulffert.  —  Leipzig,  BreitkopfT  et  Hartel,  i900. 

Cette  brochure  fait  partie  de  la  collection  de  conférences  cliniques 
fondée  par  R.  v.  Volkmann.  L'auteur  y  examine  la  question  de  l'accli- 
matation des  races  européennes,  et  de  la  race  germanique  en  particu- 
lier, sous  les  tropiques.  Cette  étude  est  pleine  de  renseignements 
intéressants,  entre  autres,  d'observations  sur  les  symptômes  de  dégéné- 
rescence observés  sur  les  enfants  de  blancs  à  la  Guyane.  Les  conclu- 
sions en  sont  résolument  négatives  pour  les  contrées  tropicales 
proprement  dites;  il  en  est  autrement  des  climats  sub-tropicaux. 

Un  séjour  dans  111e  de  Ceylan,  par  J.  Leclercq.  —  Un  vol.  in-12  de  29i  pages 
avec  16  gravures  et  une  carte.  Paris,  PlonNourrit  et  O",  1900, 

La  série  des  récits  de  voyage  de  M.  Jules  Leclercq  vient  de  s'enri- 
chir d'un  nouveau  volume  qui  ne  sera  pas  moins  apprécie  que  les  pré- 
cédents. Les  pages  pittoresques  et  intéressantes  à  plusieurs  titres  y 
abondent.  On  remarquera  principalement  les  chapitres  consacrés  à  la 
description  des  ruines  trop  peu  connues  d'Anadhapura  et  d'autres 
monuments  des  anciens  rois  de  Ceylan,  non  moins  précieux  par  leur 
beauté  que  par  les  souvenirs  historiques  qui  s'y  rattachent. 

Au  point  de  vue  des  études  coloniales  proprement  dites,  on  trouvera 
dans  cet  ouvrage  des  renseignements  de  valeur  sur  les  productions  et 
l'administration  de  l'île. 

Le  drame  chinois  (juillet-août  1900),  par  Marcel  Monnier.  —  Vn  vol.  in-18  de 
175  pages.  Paris,  Félix  Alcaii,  1900. 

Dans  ce  volume  sont  réunies  une  série  d'études  publiées  par  l'auteur 
dans  le  Temps,  pendant  que  se  déroulaient  les  dramatiques  événe- 
ments de  cet  été.  Les  opinions  de  M.  Monnier  méritaient  d'être  con- 


biblio(;rapiiik  823 

servécs,  car  elles  émanent  d'un  observateur  entendu,  qui  a  vu  de  près 
et  longtemps  les  choses  de  la  Chine.  Ecrivant  au  moment  le  plus  aigu 
du  conflit,  ses  jugements  se  distinguent  pourtant  par  le  sang-froid 
et  la  modération,  qualités  difficiles  à  conserver  en  pareilles  circon- 
stances. 

Le  Cochinchine  au  seuil  du  XX<*  siècle,  par  L.  Imbert,  secrétaire-adjoint  de  la 
Société  de  Géographie  commerciale  de  Bordeaux.  —  Une  brochure  de  32  pages  in  8". 
Bordeaux,  J.  Durand,  iOOO. 

La  brochure  de  M.  Imbert  reproduit  une  comnmnication  faite  au 
Congrès  des  Sociétés  françaises  de  géographie,  tenu  à  Paris  au  mois 
d'août  1900.  On  y  trouvera  des  renseignements  complets  sur  les  dift'é- 
rentes  branches  du  développement  économique  de  la  colonie,  et  sur 
les  ressources  qu'elle  oftre  au  commerce  et  à  l'immigration. 

Les  richesses  minérales  des  colonies  françaises,  I.  Guyane  française  ;  II.  you- 
velle  Cnlédonie,  par  L.  Pelatan,  ingénieur  à  Paris.  —  Deu\  brochures  in-S<*  de  56  et 
55  pages,  avec  cartes.  Liège  et  Paris,  Le  Soudicr,  1900. 

Les  travaux  de  M.  Pelatan  ont  paru  dans  la  Revue  univei'selle  des 
mines.  Ils  émanent  d'une  plume  compétente  et  contiennent  des  ren- 
seignements dignes  d'attention.  La  brochure  consacrée  à  la  Guyane 
donne  de  nombreux  détails  sur  les  gisements  aurifères,  les  seuls  dont 
l'exploitation  soit  possible  dans  cette  région,  et  sur  les  obstacles 
qu'apportent  à  l'industrie  de  l'or  la  nature  et  surtout  l'administration 
de  la  colonie.  Les  ressources  minérales  de  la  Nouvelle-Calédonie  sont 
beaucoup  plus  variées  et  mieux  utilisées  ;  l'auteur  y  décrit  les  mines 
de  nickel,  de  cobalt  et  de  chrome,  dont  l'importance  est  bien  connue, 
et  signale  de  nombreuses  autres  exploitations  possibles  pour  l'avenir. 

Les  facteurs  de  l'évolution  des  peuples,  par  le  D^  Aug.  Matteuz/i,  traduit  de 
ritalien  par  M'i«  Gatti  de  Gamond.  —  Un  vol.  in- 12  de  410  pages.  Bruxelles,  Mayolez 
et  Andiarte  et  Paris,  F.  Alcan,  1900. 

L'ouvrage  de  M.  Matteuzzi  a  pour  objet  d'aborder  sous  un  point  de 
vue  nouveau  la  théorie,  encore  si  hypothétique,  du  développement 
des  civilisations  humaines.  Réagissant  dans  une  certaine  mesure  contre 
la  manière  de  voir  trop  étroite  de  l'école  anthropologique,  qui  avait 
exagéré  la  notion  de  la  race,  il  insiste  sur  l'influence  des  milieux, 
climatique  et  tellurique,  et  sur  l'hérédité  des  caractères  acquis,  comme 
éléments  essentiels  de  la  formation  des  peuples.  Ce  livre  est  riche  th» 
faits  et  d'observations  ingénieuses. 


82 i  ÉTUDKS   COLONIALES 

A  la  vérité,  en  dcliors  de  IMiule,  qui  fait  l'objet  d'un  chapitre  inté- 
ressant, on  n'y  trouve  guère  de  détails  que  sur  les  peuples  d'an- 
cienne civilisation,  et  non  sur  ceux  (|ui  font  l'objet  de  la  colonisation 
actuelle.  11  serait  fort  désirable  de  voir  s'étendre  de  ce  coté  des  études, 
trop  négligées  à  notre  avis  pour  des  préoccupations  strictement 
utilitaires,  comme  s'il  était  moins  important  pour  le  possesseur  d'une 
colonie  de  connaître  la  psychologie  de  ses  sujets  que  les  cours  du 
caoutchouc. 

In  den  Wildnissen  Afirikas  und  A  siens,  souvenirs  de  chasse  par  le  major 
VON  WissMANN.  —  In-i*  avec  i8  gravures  hors  texte  et  45  illustrations.  Berlin,  Paul 
Porey,  1900. 

Le  major  von  Wissmann,  non  moins  célèbre  par  ses  exploits  cyné- 
gétiques que  par  ses  explorations,  vient  de  publier  un  ouvrage 
consacré  aux  divers  gibiers  qu'il  a  poursuivis  dans  ses  voyages.  Ce 
magnirique  recueil  aura  dix  livraisons,  dont  la  première  vient  de 
paraître.  L'édition  est  faite  avec  un  grand  luxe  ;  les  illustrations, 
types  d'animaux  d'une  réalité  frappante,  sont  de  la  plus  belle  exécution. 

La  Questione  coloniale,  e  i  Propoli  di  Razza  latina,  .par  Gust.  Goen.  Un  vol. 
in- 12  de  567  pages.  Livourne,  HafT.  (liusti  1901. 

L'ouvrage  de  M.  Coen  a  eu  pour  origine  les  vives  controverses  qui 
se  sont  produites  en  Italie  à  la  suite  des  échecs  éprouvés  en  Afrique. 
L'auteur  s'est  efforcé  de  traiter  la  question  coloniale  avec  impartialité, 
sine  ira  et  studio,  comme  le  porte  son  épigraphe. 

A  cet  effet,  il  a  comparé  la  politique  coloniale  de  l'Italie  à  celle 
d'autres  pays,  notamment  à  l'activité  coloniale  de  la  France  d'une 
part,  et  de  l'Allemagne  d'autre  part. 

Ce  travail  vient  heureusement  compléter  la  série  des  publications 
qui  ont  paru  sur  cette  question  dans  la  plupart  des  pays  civilisés. 

Gode  télégraphique  colonial,  {mr  le  lieutenant  Fern.  Nys.  Un  vol  in  io 
de  o9â  [)ages,  publié  par  la  Gazette  coloniale  de  Bruxelles,  1900. 

Le  Code  télégraphique  du  lieutenant  Nys  se  distingue  des  codes 
existants  en  ce  qu'il  est  conçu  encore  des  besoins  particuliers  du  com- 
merce colonial.  L'utilité  en  sera  grandement  appréciée  par  les  direc- 
tions de  nos  nombreuses  sociétés,  auxquelles  il  fournil  un  moyen  de 
correspondance  facile  et  économique  avec  leurs  agents  d'Afrique. 


ÉTUDES  GOIiOHlflliES 


No  12  7^  Année  Décembre  1900 


Note  sur  FUtilisation  rationnelle 


y^E  tous  temps  Téléphant  a  été  utilisé  en  Asie  où  il  a  rendu 
et  rend  encore  les  plus  grands  services  au  commerce  et 
à  rindustrio,  à  la  chasse,  à  la  guerre,  enfin  comme 
animai  de  parade  et  de  luxe»  Dans  l*antiquité  il  en  fut  de  même  en 
Afrique,  mais  il  parait  avoir  servi  presque  exclusivement  à  la 
guerre,  aux  jeux  de  cirque,  aux  cortèges  de  parade.  De  nombreux 
écrits  constatent  ces  faits  et  j'attire  tout  spécialement  l'attention 
du  lecteur  sur  les  travaux  importants  de  M.  fiourdarle,  sur  les 
articles  du  Congo  illustré  des  13  mars  et  24  avril  1892  et  ceux  du 
Congo  belge  des  15  novembre  1896  et  15  janvier  1898,  sur  quel- 
ques-uns enfin  du  Mouvement  géographique  et  de  la  Belgique 
coloniale  qui  sont  extrêmement  intéressants,  à  la  portée  de  tous 
et  qui  renvoient  à  nombre  de  sources  précieuses  pour  ceux  qui 
voudront  approfondir  Tétude  des  questions  que  j'esquisserai 
ci-après  et  dont  Fimportance  m'a  frappé  en  suite  de  mes  séjours 
au  Congo  et  au  Siam. 

Le  Siam  constitue  l'habitat  par  excellence  de  l'éléphant  d'Asie,  le 

Congo  celui  presque  exclusif  de  ce  précieux  individu  de  la  faune 

africaine  qui  ne  se  rencontre  plus  guère  que  dans  l'Afrique  équa- 

toriale. 

Si  de  nos  jours  l'éléphant  n'est  plus  employé  en  Afrique,  il  faut 


826  ÉTUDES  COLONIALES 

rattribuer,  non  à  ce  que  Fespèce  d'Afrique  n'est  pas  domesticable 
comme  d'aucuns  le  pnHendent  d'une  façon  absolument  gratuite, 
mais  à  ce  que  son  utilisation  a  été  abandonnée  il  y  a  quelques 
siècles  et  à  ce  que  depuis  lors  il  a  disparu  des  parties  du  continent 
africain  qui  seules  étaient  accessibles,  il  y  a  peu  de  temps  encore, 
aux  peuples  d'une  civilisation  sufTisament  développée.  Les  indi- 
gènes, qui  jusqu'en  ces  derniers  temps  habitaient  seuls  les  régions 
où  se  rencontre  encore  l'éléphant  africain,  n'avaient  besoin  à  aucun 
titre  de  ces  puissants  auxiliaires  à  l'état  vivant  et  asservi  :  ils 
n'ont  donc  pas  dû  songer  à  les  capturer  et  à  en  tirer  parti.  Sans 
commerce,  sans  industrie,  formant  de  petits  groupes  sans  cohésion 
nationale,  ces  pauvres  sauvages  vivaient  au  jour  le  jour  comme  les 
éléphants  eux-mêmes  :  ils  n'avaient  pas  besoin  d'animaux  pour  les 
servir. 

Depuis  l'achèvement  du  chemin  de  fer  du  Congo,  l'ère  de 
lexploitation  industrielle  du  bassin  du  grand  fleuve  ne  tardera 
pas  à  s'ouvrir  comme  l'a  déjà  fait  si  brillamment  celle  du  com- 
merce. Étant  donnée  la  puissance  de  transport  de  ce  merveilleux 
engin  qui  a  fait  disparaître  le  grand  obstacle  à  la  pénétration  de 
l'Afrique  équatoriale  et  à  l'évacuation  de  ses  produits,  le  moment 
est  venu  de  rechercher  plus  que  jamais  tout  ce  qui  peut  assurer 
et  activer  le  développement  économique  de  l'Afrique  centrale. 
Aussi  j'attire  l'attention,  et  on  ne  pourra  trop  le  faire,  sur  l'élé- 
phant domestique,  cet  auxiliaire  si  utile  de  l'homme  dans  les 
deux  branches  maîtresses  de  son  activité  :  le  commerce  et 
l'industrie. 

Les  principales  qualités  dont  il  y  a  à  tirer  parti  dans  l'éléphant 
sont  sa  force  musculaire  et  son  poids  considérable,  sa  grande  taille 
et  la  conformation  spéciale  de  certains  de  ses  organes,  l'intelli- 
gence avec  laquelle  il  exécute  les  travaux  qui  lui  ont  été  enseignés, 
la  facilité  de  son  dressage  et  de  son  entretien,  sa  mémoire  et  la 
persistance  de  l'éducation  qu'il  a  reçue,  même  lorsque  la  liberté 
lui  est  rendue  pendant  des  périodes  assez  longues,  enfin  sa  pru- 
dence. 

Là  où  il  est  le  plus  remarquable  actuellement,  au  Siam  et  en 
Birmanie,  c'est  dans  son  travail  en  forêt  et  sur  les  chantiers  pour 
l'exploitation  des  bois.  Pour  le  travail  en  forêt  il  supplée  à 
nombre  de  manœuvres  et  de  moyens  mécaniques.  Il  y  est  d'autant 


UTILISATION    RATIONNELLE   DE  l'ÉLÉPIIANT 


827 


plus  précieux  que  la  main-d'œuvre  est  rare  dans  ces  régions 
infectées  de  fièvres  pernicieuses,  où  les  hommes  ne  résistent  que 
difficilement.  11  ne  le  cède  en  rien  à  ceux-ci,  même  aux  plus  intel- 
ligents; il  est  même  parfois  supérieur  comme  habileté  et  clair- 
voyance à  nombre  d'entre  eux,  abrutis  par  un  travail  bestial,  par 
les  privations  ou  par  lopium.  Tout!parliculièrement  pour  assurer 
le  flottage  des  bois  dans  les  cours  d'eau  torrentiels  obstrués  de 
roches  et  dans  les  rivières  aux  méandres  capricieux,  il  n'est  pas  à 


Travail  des  éléphants  au  Siam.  —  Fig.  I. 


remplacer.  En  ce  qui  concerne  son  travail  sur  les  chantiers 
d'exploitation  des  bois,  je  reviendrai  plus  tard  sur  ce  que  j'ai  vu 
personnellement  et  je  ne  crois  pouvoir  mieux  faire  qu'en  laissant  la 
parole  à  un  ancien  de  la  Cambre,  au  camarade  Puck  Chaudoir,  qui 
dans  son  bel  ouvrage  :  Ballade  autour  du  monde,  s'exprime  en  ces 
termes  : 

«  Personne  ne  devrait  quitter  Rangoon  sans  aller  voir  travailler 
les  éléphants  dans  les  chantiers  et  scieries  de  bois.  Ces  animaux 
font  preuve  d'une  réelle  intelligence.  J'ai  été  stupéfait  de  ce  que  je 
leur  ai  vu  faire  et  ne  l'aurais  pas  cru,  si  on  me  l'avait  raconté. 
Lorsque  la  cloche  annonce  l'heure  du  travail,  l'éléphant  se  rend  de 
lui-même  à  sa  besogne.  Les  uns  traînent  les  arbres  du  lieu  de 


g^g  ÉTUDES  COLONIALES 

débarquement  à  la  scierie.  Ils  s'attellent  d'eux-mêmes  à  ces 
énormes  pièces  de  bois,  sachant  parfaitement  mettre  et  enlever  les 
crochets  avec  leur  trompe.  D'autres  placent  le  madrier  devant  la 
scie  et,  lorsqu'il  a  été  divisé  en  planches,  transportent  celles-ci 
dans  une  autre  partie  du  chantier.  Là  ils  les  mettent  en  pile,  les 
alignant  avec  la  plus  grande  correction,  de  façon  à  ce  qu'une 
planche  ne  dépasse  pas  lautre.  Cela  tient  du  prodige.  Mon  cicé- 
rone me  disait  que  ces  braves  animaux  font  preuve  de  plus  d'intel- 
ligence que  beaucoup  de  coolies.  On  prétend  même  qu'ils  finissent 
par  distinguer  le  bon  bois  du  mauvais.  » 

L'éléphant  est  également  précieux  sur  les  chantiers  des  grands 
travaux  publics,  surtout  quand  ceux-ci  sont  difficilement  acces- 
sibles, non  seulement  parce  que  son  emploi  réduit  considérable- 
ment la  main-d'œuvre  nécessaire,  mais  surtout  parce  qu'il  dispense 
de  l'emploi  de  nombre  d'engins  mécaniques,  mouffles.  treuils,  eic, 
et  de  l'établissement  de  dispositifs  spéciaux,  voies  portatives  de 
roulage,  échafaudages,  etc.,  pour  le  déplacement  des  fardeaux.  On 
cite  des  exemples  remarquables  de  leur  emploi  à  Ceylan;  les 
Allemands  les  ont  utilisés  à  la  côte  orientale  pour  la  construction 
du  chemin  de  fer,  etc.,  etc.  Ils  pourraient  être  aussi  avantîigeu- 
seraent  employés  à  certains  travaux  agricoles;  j'ignore  si  la  diose 
se  fait.  Au  Siam,  où  la  pesle  bovine  a  considérablement  contrarié 
l'agriculteur  dans  ces  dernières  années  et  où  l'éléphant  est  si 
abondant,  la  chose  paraît  à  tenter  et  les  chances  de  succès  seraient 
d'autant  plus  grandes  que  les  Siamois  sont  familial  ist^s  avec  le 
dressage  de  cet  animal  qu'ils  emploient  couramment  pour  leurs 
transports  et  pour  leurs  exploitations  forestières. 

Pour  le  service  des  transports,  l'éléphant  convient  surtout  dans 
les  cas  difficiles,  à  défaut  de  routes  et  comme  animal  de  bât.  En 
dehors  de  son  travail  en  forêt,  c'est  la  manière  la  plus  usuelle  dont 
il  est  employé  au  Siam.  C'est  aussi  la  manière  dont  il  est  le  plus 
utilisé  dans  l'Inde  anglaise,  notamment  par  l'armée  où  son  emploi 
est  répandu  et  parfaitement  réglementé.  Il  peut  passer  des 
rapides  tumultueux,  des  gués  profonds,  des  marais  et  terrains 
inondés,  des  fourrés  inextricables,  là  où  aucun  autre  animal  ne 
pouri*ait  le  faire.  Il  escalade  les  roches  aussi  bien  que  les  mules, 
descend  les  côtes  les  plus  abruptes;  point  n'est  besoin  pour  lui  de 
sentiers  frayés  :  là  où  il  ne  peut  s'en  tirer  par  l'adresse  ou  par  la 


UTILISATION    RATIONNELLE  DE  L*ÉLÉI>HANT 


829 


ruse,  il  use  de  la  force;  maiiils  obstacles,  même  des  arbres  assez 
forts,  cèdent  sous  la  pouss(^e  de  son  front  puissant. 

Comme  animaux  de  trait,  ils  ne  sont  pas  avantageux,  ne  con- 
viennent même  pas  du  tout,  sauf  en  forêt  et  sur  les  chantiers  pour 
donner  un  coup  de  collier  ou  traîner  des  fardeaux  à  courte  distance. 
Il  est  du  dernier  grotesque  et  digne  seulement  d'un  cirque  de  foire, 
d'alteler  un  éléphant  à  une  voiturette  à  la  manière  d  une  chèvre 
ou  d'un  poney,  comme  j'en  ai  vu  l'image  dans  un  journal  illustré 


Travail  des  éléphants  au  Siam.  —  Fie.  II. 


récent.  Non  seulement  les  qualit^'s  spéciales  si  précieuses  de  l'élé- 
phant en  commandent  un  emploi  plus  judicieux,  mais  une  voiture, 
en  rapport  avec  la  taille  et  la  force  de  l'animal,  devrait  être  monu- 
mentale et  de  construction  spéciale  pour  tirer  parti  de  sa  puis- 
sance de  traction.  Il  est  à  remarquer,  en  outre,  qu'employé  à  la 
traction,  il  devrait  pousser  le  joug  du  front  et  non  tirer  par 
collier  ou  bricole  comme  on  le  fait  actuellement.  Je  reviendrai  sur 
ce  point  dans  la  suite  du  présent  article. 

litant  données  la  grande  utilité  des  éléphants  et  leurs  aptitudes 
spéciales  si  précieuses,  il  serait  désolant  de  les  voir  disparaître 
d'Afrique.  Fort  heureusement  la  chose  a  été  reconnue  et  les  gou- 
vernements intéressés  se  sont  préoccupés  de  leur  conservation. 


830  ÉTUDES   COLONIALES 

On  devra  non  seulement  montrer  la  rigueur  la  plus  intran- 
sigeante dans  l'application  dos  mesures  déjà  prises  ou  arrêtées 
pour  assurer  cette  conservation,  mais  aussi  prendre  le  plus  de 
précautions  possibles  pour  augmenter  leur  reproduction.  Il  est 
admis  que  rien  ne  justifie  leur  destruction  :  ils  ne  sont  pas  dan- 
gereux, à  de  rares  exceptions  près,  même  à  Tétat  sauvage,  tant 
qu'ils  ne  sont  pas  attaqués,  pas  plus  que  les  chevaux  ou  le  bétail; 
leur  chair  n'est  pas  comestible  ou  du  moins  est  mauvaise,  sauf 
quelques  partfes  de  la  tête,  et  n'est  mangeable  que  par  les  indi- 
gènes qui  en  seraient  vite  dégoûtés  si  on  en  mettait  d'autre  facile- 
lement  à  leur  portée;  leur  dépouille  n'est  pas  utilisée  ni  en  tous 
cas  indispensable  (fait-on  autre  chose  que  des  guéridons  affreux 
des  oreilles  et  de  mauvais  pots  à  tabac  de  la  dépouille  des  pieds); 
enfin  il  n'est  pas  besoin  de  les  tuer  pour  avoir  leur  ivoire,  point 
important  sur  lequel  j'insiste  et  que  je  développe  ci-après.  Au 
contraire,  continuer  à  les  exterminer,  c'estjtarir  la  source  de  ce 
produit  précieux.  Il  est  à  remarquer  que  l'ivoire  n'a  de  valeur 
qu'en  raison  de  la  beauté  et  de  la  finesse  de  son  grain  et  de  sa 
rareté,  que  son  emploi  est  de  pur  luxe,  qu'il  n'est  indispensable 
pour  aucun  usage  utilitaire  et,  point  extrêmement  important,  qu'il 
n'y  a  que  la  partie  pleine  de  la  défense  qui  soit  précieuse.  Ce 
n'est  guère  que  pour  la  confection  des  billes  de  billards  que  son 
emploi  s'impose  plus  ou  moins,  tant  que  l'on  n  aura  pas  trouvé  une 
autre  matière  possédant  au  même  degré  :  l'élasticité,  l'indéforma- 
bilité  sous  les  actions  atmosphériques  ou  autres,  la  solidité,  la  légè- 
reté et  la  faculté  de  prendre  un  beau  poli.  Et  encore,  à  part  les 
billes  constituant  les  jeux  de  prix,  ceux  que  l'on  appelle  les  jeux 
de  professeurs,  combien  n'y  en  a-t-il  pas  en  toutes  espèces  de 
matières  autres  que  l'ivoire!  Or,  les  billes  sont  prises  exclusive- 
ment dans  les  parties  pleines  des  défenses  et  s'il  fallait  absolument 
obtenir  de  grandes  quantités  d'ivoire  de  cette  nature,  on  pourrait, 
sans  inconvénients,  le  prendre  aux  animaux  vivants  sans  dom- 
mages pour  ceux-ci,  comme  nous  le  verrons  plus  loin.  Je  signale, 
en  passant,  un  article  très  intéressant  sur  l'ivoire,  de  M.  E.  Gautier, 
dans  h  Revue  générale  des  Sciences,  du  30  octobre  1897,  8"'  année, 
n«  20. 

Il  y  a  donc  bien  intérêt,  à  tous  les  points  de  vue,  non  seulement 
à  protéger,  mais  aussi  à  multiplier  l'éléphant,  j'estime  ne  pou- 


UTILISATION    RATIONNELLE   DE   L  ELEPHANT 


831 


voir  trop  le  répéter.  En  conséquence,  ce  qu'il  y  a  lieu  de  faire, 
c'est  avant  tout  de  répandre  le  plus  possible  à  portée  de  l'indigène 
des  animaux  à  chair  comestible,  tels  que  porcs,  poules, 
chèvres,  etc.,  etc  ,  puis  de  prendre,  et  surtout  d'appliquer  les 
mesures  les  plus  draconiennes  contre  la  destruction  des  éléphants. 
11  faut  de  plus  domestiquer  le  plus  possible  de  ceux-ci  et  laisser 
libres,  en  forêt,  ceux  dont  on  n'a  pas  l'emploi  immédiat  ainsi  que 
les  femelles  destinées  à  la  reproduction. 


Travail  des  éléphants  au  Siam.  —  Fie.  III. 


En  liberté  ils  se  reproduisent  mieux  qu'en  captivité,  ils  se  nour- 
rissent, s'élèvent  et,  s'entretiennent  sans  frais  et  comme  ils  sont 
relativement  faciles  à  capturer,  il  y  a  de  grands  avantages  et  pas 
d'inconvénients  à  les  laisser  libres.  C'est  d'ailleurs  ce  qui  se  passe 
au  Siam  où  Ton  ne  détruit  plus  ces  intéressants  animaux.  On  ne 
capture  et  dresse  que  ceux  dont  on  a  besoin,  les  autres  continuant 
à  vivre  libres  en  forêt.  Souvent,  aussi  des  animaux  dressés  sont 
abandonnés  à  eux-mêmes  pendant  des  périodes  assez  longues  de 
non  emploi  et  recapturés  sans  l'ombre  d  une  difficulté  au  moment 
où  on  en  a  besoin.  Le  cornac  se  borne  à  aller  constater  de  temps 
en  temps  si  l'animal  ne  s'éloigne  pas  trop,  ne  quitte  pas  le  district. 
Le  cas  se  présente  entre  autres  dans  les  exploitations  minières  de 


832  ÉTUDES  COLONIALES 

la  péninsule  où  Ton  ne  tr<nvaille  que  pendant  une  partie  de  Tannée 
et  où  les  éléphants  sont  employés  au  transport. 

La  question  de  savoir  si  l'éléphant  d'Afrique  est  domesticable 
comme  son  congénère  d'Asie  a  été  très  discutée.  Quant  à  moi  je 
suis  convaincu  qu'il  l'csl,  sinon  au  même  degré,  en  tous  cas  au 
point  de  pouvoir  rendre  de  grands  services.  M.  Bourdarie  et  toutes 
les  autorités  qu'il  cite,  llanolet  mon  compatriote  et  bien  d'autres 
encore  sont  d'avis  également  que  cette  domestication  est  possible. 
En  1889-1890,  j'ai  vu  au  cap  Lopez  le  jeune  parfaitement  domesti- 
qué auquel  fait  allusion  M.  Bourdarie.  Docile,  mais  espiègle,  ce 
jeune  animal  circulait  en  liberté  dans  la  factorerie  française  à 
laquelle  il  appartenait,  ainsi  que  dans  les  environs.  11  fut  tué  par 
les  soldats  ou  les  douaniers  du  port  voisin,  sous  prétexte  que  par 
ses  familiarités,  il  importunait  ces  soudards  et  qu'il  arrachait  par- 
fois en  jouant  les  poteaux  de  la  vérandah.  C'est  un  acte  inqualifiable 
que  celte  exécution. 

11  existe  actuellement  un  jeune  éléphant  domestiqué  chez  les 
missionnaires  à  Fernand-Vaz,  peut-être  d'autres  encore,  notam- 
ment au  poste  créé  par  TKtat  Indépendant  du  Congo,  spécialement 
à  cette  fin.  D'après  les  nombreuses  éludes  déjà  faites  à  ce  sujet, 
particulièrement  par  M.  Bourdarie,  d'après  le  témoignage  de 
M.  Cari  Ilagenbeek  de  Hambourg,  qui  a  vu  tant  d'éléphants  afri- 
cains passer  dans  son  établissement,  d'après  les  exemples  faciles 
à  contrôler  dans  les  cirques  et  dans  les  jardins  d'acclimataiion, 
la  domestication  possible  et  même  facile  me  parait  indiscutable- 
ment établie  et  il  est  étonnant  qu'elle  n'ait  pas  encore  été  tentée 
depuis  longtemps  sur  une  vaste  échelle.  M.  Bourdarie  au  Congo 
français,  les  Allemands  dans  leurs  colonies,  l'Etat  Indépendant  du 
Congo  ont  entrepris  la  chose,  mais  jusqu'à  quel  point  ces  entre- 
prises sont-elles  méthodiques,  étendues  et  seront-elles  soutenues? 
Le  personnel  qui  est  chargé  est-il  compétent,  est-il  préparé  seule- 
ment? Quelle  est  son  expérience?  Où  a-t-il  lait  école? 

Le  peu  de  résultats  pratiques  obtenu  jusqu'à  présent  dans  l'Etat 
Indépendant  du  Congo  me  paraît  devoir  être  attribué  à  ce  que  le 
personnel  s'est  attaché  à  capturer  des  éléphants  trop  jeunes. 

Ce  qu'il  y  aurait  lieu  de  faire,  pour  éviter  des  méiiomptes 
futurs  et  pour  ne  pas  compromettre  davantage  le  succès  de  la 
louable  entreprise  qui  a  été  tentée  et  provoquer  son  abandon,  serait 


UTILISATION    HATIONNELLE   DE  L'ÉLÉPHANT  833 

d'envoyer  le  personnel  qui  en  est  chargé  acluellement,  non  pas  à 
Fernand-Vaz,  où  il  n'y  a  rien  à  apprendre,  mais  au  Siam,  aux 
Indes,  en  Birmanie,  etc.,  pour  se  familiariser  avec  la  capture,  le 
dressage  et  rulilisation.  Puis  de  l'envoyer  en  Afrique  avec  des 
équipes  de  chasseurs  et  dresseurs  laotiens,  siamois  ou  bir- 
mans, etc.  L'appui  et  l'intervention  de  S.  M.  le  Roi  de  Siam,  les 
plus  efficaces  qu  il  soit  possible  de  se  procurer,  seraient  certaine- 
ment acquis  à  l'entreprise,  car  co  monarque  à  l'esprit  éclairé, 
aux  larges  vues,  est  ami  du  progrès  sous  toutes  ses  formes  et  est 
très  entreprenant.  Des  indigènes  d'Afrique  bien  choisis,  attachés 
à  ces  équipes  asiatiques,  auraient  bien  vite  fait  d'apprendre  le 
métier  si  conforme  à  leurs  aptitudes  el  à  leur  goût  et  seraient 
bientôt  suffisament  entraînés  pour  pouvoir  opérer  eux-mêmes. 
Je  suis  convaincu  qu'il  serait  inutile  d'importer  des  éléphants 
dressés  d'Asie  :  ce- serait  sans  nul  doute  avantageux  pour  la 
chasse  et  le  dressage,  mais  extrêmement  coûteux.  Une  méthode 
de  chasse  et  de  dressage  usitée  couramment  au  Siam  d'après 
Warington  Smjth  et  ne  nécessitant  pas  remploi  d'éléphants  dres- 
sés me  paraît  être  d'application  recommandable  et  facile  en 
Afrique.  Dans  son  remarquable  ouvrage  :  Five  years  in  Siam, 
Warington  Smyth  s'exprime  au  sujet  de  cette  chasse  à  peu  près 
en  ces  termes  : 

La  chasse  aux  éléphants  telle  qu'elle  se  pratique  au  Siam  consiste,  non  à  les 
exterminer  comme  le  font  les  barbares  africains  ou  les  cruels  et  cupides  chré- 
tiens assoiffés  de  sang  ou  convoitant  quelques  kilogrammes  dMvoire,  mais  à  les 
capturer,  les  dresser  et  les  utiiiser  comme  il  convient  qu'ils  le  soient  par  des 
hommes.  C'est  un  sport  non  sanguinaire  qui  demande  beaucoup  plus  d'adresse, 
d'audace,  de  sang-froid  que  de  les  tuer  d'un  coup  de  fusil  comme  on  le  ferait 
d'un  chien  enragé  ou  d'un  loup  affamé.  Pour  la  capture  d'un  éléphant  telle 
qu'elle  se  praUque  dans  l'intérieur,  trois  hommes  agissent  de  concert.  Hs 
s'enfoncent  dans  la  forêt  où  ils  doivent  vivre  de  la  façon  la  plus  rustique,  cher- 
chant et  traquant  le  troupeau  et,  sans  alarmer  celui-ci,  choisissent  leur  proie. 
Ils  confectionnent  sur  place  un  câble  de  lianes  ou  de  rotin  de  50  à  60  mètres 
de  long  et  commencent  la  longue  poursuite  et  l'observation  du  troupeau.  Le 
silence  et  le  calme  le  plus  complet  s'imposent  au  point  de  ne  pas  briser  un  brin 
de  bois  mort,  d'éviter  même  de  faire  du  feu  pour  cuire  leur  riz.  C'est  un  travail 
pénible,  épuisant  de  jour  et  de  nuit  jusqu'au  moment  ou  la  chance  d'opérer  se 
•présente  enfin.  La  proie  convoitée  est  un  beau  jeune  mâle  surpris  isolé  du  trou- 
peau, sommeillant  aux  heures  chaudes  du  milieu  du  jour  dans  un  fourré  de  bam- 
bou, un  pied  en  ])artie  levé  de  terre.  Silencieusement  et  vivement  les  chasseurs 


834  ÉTUDES  COLONIALES 

s'approchent  de  lui  et  en  un  clin  d'œil  le  nœud  coulant  formé  à  rextréniilé  du 
câble  en  rotin  lui  est  adroitement  passé  au  pied.  L'animal  reste  encore  tranquille 
un  instant  jusqu'au  moment  oii  le  fracas  produit  par  le  déroulement  du  rotin 
sur  le  sol  raffole;  alors  la  fuite  et  la  poursuite  commencent.  Partout  où  il  se 
dirige  dans  sa  frayeur  les  trois  ombres  noires  le  suivent,  le  lourd  câble  traînant 
parmi  les  souches  d'arbres.  Chaque  fois  qu'il  s'arrête  les  chasseurs  fixent  ce 
câble  à  l'arbre  le  plus  proche  et  à  force  de  tirailler,  courir,  trébucher,  et  aussi 
de  frayeur,  il  est  bien  près  d'être  épuisé  à  la  nuit  tombante.  En  cas  ou  les  chas- 
seurs disposent  tVéléphants  dressés,  il  les  amènent  alors  pour  lui  tenir  compagnie  et 
le  calmer.  Les  trucs  les  plus  ingénieux  sont  employés  pour  arriver  à  engager  un 
nœud  coulant  à  un  autre  des  pieds  i!c  la  bote  tandis  que  celle-ci  se  jette  péni- 
blement de  droite  et  de  gauche  :  chaque  fois  que  la  corde  qui  la  relient  touche 
un  arbre,  un  lien  l'y  fixe,  diminuant  le  flottement,  laissant  chaque  fois  moins  de 
jeu  à  la  bête,  tant  et  si  bien  qu'elle  se  trouve  bientôt  amarrée  à  un  solide 
tronc  d'arbre.  11  n'est  pas  fait  de  feu  auprès  du  captif  pour  ne  pas  l'effrayer  et 
quelque  deux  à  trois  cents  kilogrammes  de  bambou  délicat  et  autres  friandises 
lui  sont  apportés  journellement  jusqu'à  ce  qu'il  soit  habitué  aux  figures  qui 
vont  et  viennent  autour  de  lui,  s'asseyent  en  face  de  lui  et  lui  parlent.  C'est  à  ce 
moment  que  les  bons  sentiments  sont  précieux  chez  le  dresseur  et  qu'un 
homme  étourdi  ou  cruel  se  fait  du  jeune  éléphant  un  ennemi  pour  la  vie.  Si  le 
jeune  éléphant  peut  être  sauvé  d'abattement,  de  dépérissement,  si  les  blessures 
produites  par  les  liens  en  jonc  qui  le  retiennent  uc  s'enveniment  pas,  il  pourra 
bientôt  porter  en  toute  sécurité  le  gouverneur,  le  roi  lui-même,  mais  il 
n'oubliera  jamais,  jusqu'à  la  mort,  l'impression  de  l'homme  ou  les  moyens 
employés  à  l'éduquer  pour  sa  nouvelle  vie. 

On  remarquera  dans  ce  récit  que  les  éléphants  dressés  ne  sont 
pas  indispensables:  ils  n'interviennent  que  pour  faciliter  et  activer 
le  dressage  et  non  pour  coopérer  à  la  capture. 

La  manière  dont  a  été  capturé  le  jeune  éléphant. des  mission- 
naires de  Fernand-Vaz  (I)  est  à  peu  près  bonne,  mais  ce  qu'il  y  a  à 
condamner  dans  le  procédé,  c'est  le  massacre  du  troupeau  entier 
auquel  les  Paliouins  se  sont  livrés  pour  capturer  un  seul  jeune. 
Si  des  méthodes  de  ce  genre  de  chasse  nécessitant  la  destruction 
d'un  troupeau  pour  la  capture  problématique  d'un  jeune  est  tolé- 
rée, on  aura  ajouté  une  cause  nouvelle  de  destruction  à  celles  déjà 
existantes,  ce  qu'il  faut  à  tout  prix  éviter. 

Les  captureurs  ne  peuvent  en  aucun  cas,  sauf  ceux  de  force 
majeure  et  pour  leur  défense  personnelle,  tuer  les  éléphants  qu'ils 
pourchassent,  et  même  ils  doivent  s'entraîner  à  les  inquiéter  le 


il)  Voir  Befgique  Coloniale  du  19  novembre  1890. 


UTILISATION    RATIONNELLE  DE  L  ELEPHANT 


835 


moins  possible.  D'autre  part,  il  n'est  pas  nécessaire,  et  en  général 
pas  avantageux,  de  capturer  des  animaux  trop  jeunes,  il  ne  faut 
au  contraire  les  prendre  que  lorsqu'ils  auront  le  développement  et 
lîï  vigueur  voulus  pour  supporter  le  dressage  et  rendre  des  ser- 
vices immédiatement  après.  On  constatera  par  la  gravure  ci-contre 
que  l'on  capture  des  animaux  ayant  déjà  la  taille  des  adultes. 
Pour  terminer  ce  court  aperçu  se  rapportant  à  la  capture  des 
éléphants,  je  signalerai  qu'il  existe  au  Siam  une  administration 
spéciale  dépendant  directement  des  services  de  la  Cour  et  qui 


TlfAVAIL   DES   ÉLÉPHANTS   AU    SlAM.    —    FiG.    1111>«S. 


s'occupe  exclusivement  des  éléphants  au  service  de  l'Étal.  Je 
reviendrai  ultérieurement  sur  les  procédés  remarquables  de  cap- 
ture, dressage,  etc.,  tels  qu'ils  sont  pratiqués  par  celte  adminis- 
tration. 

J'ai  déjà  fait  remarquer  que  la  cause  principale  de  la  destruction 
des  éléphants  d'Afrique,  en  dehors  du  besoin  de  se  procurer  de  la 
chair  comestible  de  la  part  des  indigènes,  est  actuellement,  de  la 
part  des  étrangers  ou  en  raison  de  leur  influence,  de  se  procurer 
l'ivoire. 

Pour  arriver  à  abattre  une  bcte  qui  en  porte,  on  est  souvent 
obligé  d'en  sacrifier  plusieurs  autres,  attendu  que  ces  animaux 
vivent  généralement  en  groupe,  qu'attaqués  ils  fuient  ou  se  défen- 


836 


KTL'DKS  COLONIALES 


dent  récipi'oquemeiit,  et  qu'à  beaucoup  près,  ils  ne  portent  pas 
tous  de  Tivoire,  du  moins  en  quantité  exploitable.  Ces  massacres 
sont  plus  qu'impardonnables,  ils  sont  criminels,  inhumains,  anti- 
économiques.  L'ivoire  ne  devrait  provenir,  et  les  pouvoirs 
publics  devraient  y  tenir  impitoyablement  la  main,  que  des  stocks 
existants,  des  animaux  succombant  de  mort  naturelle  ou  victimes 
d'accident,  enfin  du  tronçonnement  des  défenses  des  éléphants 
vivants.  Cette  dernière  opération  se  pratique  couramment  sur 
certains  animaux  de  parade  et  de  luxe  et  parfois  sur  ceux  employés 


FiG.  V. 


FiG.  VI. 


sur  les  chantiers  quand  ceux-ci  sont  astreints  à  un  travail  trop 
fatigant,  épuisant;  tel  est  le  cas  pour  celui  que  j  ai  vu  à  l'œuvre 
à  Bangkok.  Pour  le  travail  sur  chantier  les  défenses  servent,  soit 
comme  levier  pour  mouvoir  des  fardeaux  (fig.  I),  soit  comme  sup- 
port pour  les  soulever  ou  les  transporter  (flg.  II),  soit  comme 
point  d'attache  d'amarres  (fig.  III).  On  conçoit  aisément  que  plus 
elles  sont  longues,  plus  la  résistance  à  vaincre  aura  son  point  d'ap- 
plication près  des  pointes,  plus  le  bras  de  levier  de  la  résistance 
sera  considérable  et  en  conséquence  plus  l'effort  h  faire  par  l'ani- 
mal sera  considérable  pour  une  même  résistance  à  vaincre.  Plus 
les  défenses  seront  longues  plus  le  travail  sera  fatigant  et  moins 
longtemps  il  pourra  être   poursuivi.    Pour  un    travail  courant 


(1)  Fig    IV  :  DOfoDSrs  iiormaîcs. 


tTILISATlOX    RATIONNELLE   DE   L  ELEPUANT 


837 


el  soutenu  il  y  aura  donc  généralement  avantage  à  raccourcir 
la  défense.  Quand  l'éléphant  doit  faire  un  effort  considérable 
ou  brusque  avec  sa  défense  comme  levier,  il  arrive  qu'il  la 
brise  et  il  y  est  d'autant  exposé  que  sa  défense  est  plus  longue.  A 
letat  sauvage  cela  lui  arrive  assez  souvent,  comme  en  témoigne  le 
nombre  de  tronçons  de  défenses  arrivant  sur  le  marché  avec  trace 
de  brisure  ancienne.  On  peut  conclure  de  ces  faits  :  i*»  que  la  soli- 
dité des  défenses  trop  longues  n'est  pas  en  rapport  avec  la  force 
musculaire  de  l'animal,  surtout  si  cette  dernière  est  développée 


r?s  f-T) 


FiG.  vu. 


F.c.  VIIL 


Fie.  IX  (I). 


roéthodiquemenl,  comme  cela  doit  arriver  inévitablement  pour  les 
animaux  bien  nourris  et  bien  entraînés  travaillant  sur  les  chan- 
tiers; S""  que  le  tronçonnement  de  ses  défenses  n'est  pas  préjudi- 
ciable à  l'animal  puisque  celles  brisées  accidentellement  et  dont  la 
brisure  n'est  pas  soignée  n'en  souffrent  pas. 

J'ai  vu  un  éléphant  travaillant  à  Bangkok  déplacer  à  des  dis- 
tances assez  longues,  en  les  transportant  sur  ses  défenses  et  les 
maintenant  de  la  trompe,  des  poutres  de  bois  de  teck  de  7  à 
8  mètres  de  long  sur  0"30  à  0'"40  d'équarrissage,  soit  un  volume 
d'un  mètre  cube,  et  un  poids  d'une  tonne,  au  moins.  Au  début, 
tandis  que  ses  défenses  étaient  intactes  et  relativement  longues,  il 


(I)  Fig.  IX  :  Crochets  forts  et  courts  pour  le  transport  de  poutres,  rails,  etc. 


838 


ÉTUDES   COLONIALES 


ne  pouvait  soutenir  pareil  travail  d  une  façon  continue  et  après 
quelque  temps,  on  devait  lui  laisser  des  repos  fort  longs,  de 
plusieurs  journées  parfois.  On  s'est  alors  décidé  à  lui  raccourcir 
les  défenses  en  coupant  leurs  pointes  et  en  affûtant  le  tronçon 
restant  de  manière  à  lui  donner  la  forme  d'une  dent  normale 
courte  (fig.  V),  ce  qui  a  eu  d'excellents  résultats  augmentant  de 
beaucoup  la  capacité  et  la  régularité  de  travail  de  la  bête.  J'estime 
que  Ion  pourrait  aller  plus  loin  dans  cet  ordre  d'idées,  qu'on 
pourrait  couper  carrément  presque  toute  la  partie  pleine  de  la 
dent  (fig.  VI)  et  sans  affûter  la  partie  restante,  munir  celle-ci  d'une 


Fie.  X(l}. 


Fie.  XI. 


Fig.  XII. 


armature  ou  d'un  outil  mobile  approprié  au  travail  que  l'on  attend 
de  l'animal,  absolument  comme  on  munit  l'ouvrier  de  l'outil  con- 
venant au  travail  qu'il  a  à  effectuer.  Ainsi,  pour  rendre  à  Tanimal 
ses  défenses  normales  et  pour  lui  permettre  le  genre  de  travail 
analogue  à  celui  du  levier  ou  du  pic,  on  adapterait  des  pointes 
longues  (fig.  VII),  pour  le  transport  des  fardeaux,  des  pointes 
courtes  droites  (fig.  VIII)  ou  en  équerre  (fig.  IX,  X  et  XIII)  ou  des 
crochets  (fig.  XI).  Au  cas  où  l'animal  devrait  tirer  des  fardeaux 
ou  de  lourds  véhicules,  les  défenses  recoupées  ou  non  pourraient 
porter  le  joug  (fig.  XII),  ce  qui  serait  prélérable  au  collier  ou  à  la 
bricole.  On  pourra  enfin  adopter  la  combinaison  de  deux  quelcon- 
ques des  armatures  simples  (fig.  XIV  par  exemple).  Ces  armatures 


(1)  Fig.  X  :  Crochets  forts  et  longs  pour  le  transport  de  ballots  de  coton,  etc. 


UTILISATION    RATIONxNELLE   DE   L  ELEPHANT 


839 


seraient  d'ailleurs  de  formes  variées  à  étudier  selon  les  besoins,  le 
genre  de  travail  à  effectuer  :  pour  les  terrassements  ils  seront  en 
forme  de  pioche,  de  bêche  ou  de  pelle,  pour  les  travaux  agricoles 
plus  divers  encore,  etc.,  etc. 

Ces  propositions  pourront  paraître  quelque  peu  fantaisistes  à 
ceux  qui  ne  sont  pas  familiarisés  avec  les  aptitudes  des  éléphants 
et  que  les  innovations  effrayent,  mais  il  est  à  remarquer  que  quel- 
que chose  de  ce  genre  a  été  fait  dans  lantiquité,  quand  on  fixait 
aux  défenses  des  éléphants  de  combat,  des  armes  avec  lesquelles 
ils  fauchaient,  de  façon  sanglante  et  terrible,  les  rangs  ennemis. 


Fie.  XMl(l}. 


Fk;.  XIV. 


Mes  prropositions  ne  sont  peut-être  pas  nouvelles,  mais  je  n'ai  pas 
connaissance  de  leur  application  et  il  serait  intéressant,  en  tous 
cas,  de  les  voir  expérimenter  ici  même  en  Europe.  Je  suis  intime- 
ment convaincu  que  ces  expériences  bien  conduites  donneraient 
de  bons  résultats.  Ce  serait  une  belle  entreprise,  louable  au  plus 
haut  point,  pour  un  cirque  sérieux  ou  un  établissement  d'acclima- 
tation. Ce  serait  plus  utile  que  les  acrobaties  que  Ion  s'évertue  à 
leur  faire  faire  actuellement.  Pour  n'en  citer  qu'un  exemple,  n'est-il 
pas  puéril  et  mesquin,  pour  un  établissement  scientifique,  tel  que 
le  jardin  zoologique  d'Anvers,  d'y  voir  l'éléphant  tourner  la  mani- 
velle d'une  méchante  boîte  à  musique  et  surtout  faire  dinette, 
affublé  d'un    tablier.   Je    trouve    ce  spectacle    lamentablement 


(1)  Fig.  Xni  :  Crochets  légers  longs  pour  le  transport  de  cauues  à  sucre,  bambous,  etc. 


840  ÉTUDES  COLONIALES 

piteux,  tristement  ridicule;  un  jardin  zoologique  devrait  nous 
monirer  un  spectacle  plus  sérieux,  plus  instructif.  Que  Ton  y 
montre  l'éléphant  accomplissant  le  travail  intelligent  qu'il  fournit 
journellement  au  Siam  et  en  Birmanie,  à  Ceyian,  aux  Indes.  Ce 
s(  ra  édifiant,  instructif  et  moral  en  ce  sens  que  ce  spectacle  ferait 
rougir  de  honte  et  de  dépit  pas  mal  de  manœuvres  humains  abrutis 
par  Talcool,  et  par  le  fait  incomparablement  inférieurs  aux  élé- 
phants comme  habileté  et  clairvoyance  dans  laccomplissement  de 
leur  lâche. 

Beaucoup  des  exercices  que  Ton  voit  faire  actuellement  dans  les 
cirques  sont  bons,  mais  moins  pour  montrer  le  parti  qu'on  peut 
tirer  des  éléphants  que  comme  exercices  d'assouplissement  et  de 
gymnastique  pour  ceux-ci.  Si  les  directeurs  de  cirque  voulaient 
supprimer  les  parties  ridicules  des  exercices  de  leurs  éléphants 
et  s'efforcer  de  mettre  en  lumière  le  mieux  possible  leurs  aptitudes 
utiles,  ils  aideraient  puissamment  à  la  propagande  poursuivie  avec 
tant  d'ardeur  par  M.  Bourdaric  et  d'autres.  Us  seraient  d'ailleurs 
largement  récompensés  de  leurs  efforts  par  les  spectacles  intéres- 
sants et  neufs  ofïerts  ainsi  au  public  qui  y  accourrait  en  nombre. 
A  l'attention  avec  laquelle  le  public  a  suivi  quelques  causeries  que 
j'ai  faites  sur  les  éléphants,  avec  projections  lumineuses,  j'ai  pu 
constater  combien  ce  sujet  l'intéresse.  Il  est  utile  de  monirer  le 
parti  pratique  à  tirer  des  animaux  exotiques  en  général,  car  rares 
sont  ceux  qui  peuvent  aller  les  voir  travailler  au  loin  et  précieuse 
est  la  chose  pour  ceux  qui  comptent  s'expatrier.  On  peut  instruire 
tout  en  amusant  et  en  intéressant  et  faire  travailler  un  animal  de 
manière  à  montrer,  d'une  façon  tangible,  le  parti  pratique  qu'on 
peut  en  tirer.  Découvrir  et  mettre  en  lumière  une  aptitude  nouvelle 
utilisable,  une  méthode  plus  rationnelle  de  travail,  c'est  rendre  un 
service  important  à  la  cause  de  la  colonisation. 

L'éléfihant  s'offre,  sous  ce  rapport,  comme  un  sujet  des  plus 
remarquable. 

J.  Carton. 


*  Le  Protectorat  de  FUgaiida  ♦ 


Limites.  —  Dans  son  intéressant  rapport  sur  l'Uganda  (1), 
M.  H.  Jolinston,  commissaire  spécial  du  protectorat,  fixe  comme 
limites  de  celte  colonie,  à  Test,  le  protectorat  de  l'Afrique  Orien- 
tale, au  sud,  la  frontière  anglo-allemande,  et,  à  l'ouest,  l'Etat 
Indépendant  du  Congo.  Au  nord,  la  frontière  n'a  pas  encore  été 
déterminée. 

Climat.  —  Ce  vaste  territoire  se  caractérise  par  le  fait  qu'une 
grande  partie  de  son  étendue  constitue  un  pays  parfaitement 
salubre  et  aussi  habitable  pour  les  Européens  que  les  meilleures 
parties  du  nord  et  du  sud  de  l'Afrique.  Cette  situation  est  due  à 
l'existence  de  vastes  plateaux  dans  l'est,  le  nord  et  le  sud-ouest 
du  protectorat.  On  peut  dire  que  toutes  les  terres  qui  se  trouvent 
à  o,S00  pieds  d'altitude  et  au  delà  sont  presque  entièrement 
indemnes  de  malaria  et  propres  à  l'établissement  des  Européens. 

Il  n'est  pas  impossible,  bien  que  jusqu'à  présent  rien  ne  soit 
venu  le  confirmer,  qu'il  existe  dans  les  forêts  de  la  montagne  nei- 
geuse du  Ruwenzori,une  sorte  de  fièvre  des  montagnes  analogue  à 
celle  que  l'on  observe  sur  le  versant  boisé  de  l'Himalaya.  Le  pla- 
teau de  Mau,  qui  se  trouve  à  l'extrémité  opposée  du  protectorat  et 
qui  est  également  couvert  d'épaisses  forêts,  est  absolument  indemne 
de  fièvres.  C'est,  en  réalité,  une  des  régions  les  plus  salubres  du 
monde. 

Le  centre  et  peut-être  le  nord-est  de  l'Uganda  sont  malsains 


(1)  ParUamentary  Report  hy  Her  Majeslij's  Spécial  Commiêtioncr  on  tke  Proiecloraie  of 
Uganda  (Africa,  no  6  [1900]). 


842  ÉTUDES  COLONIALES 

et  dans  certaines  parlies  même  très  insalubres.  Tout  dépend,  ici 
aussi,  de  laltitude.  En  général,  les  districts  qui  se  trouvent  entre 
3,500  et  5,500  pieds  d'altitude  peuvent  être  considérés  comme 
modérément  insalubres  ;  ceux  qui  sont  situés  à  moins  de 
3,500  pieds  d'altitude  doivent  être  tenus,  dans  l'état  actuel  des 
choses,  comme  très  malsains.  On  trouve  naturellement,  daiis  les 
diverses  répfions,  des  endroits  qui  devraient  être  sains  et  qui  ne  le 
sont  pas;  de  môme  qu'il  y  en  ad  autres  qu'on  présumerait  devoir 
être  malsains  et  qui,  sans  raison  apparente,  sont  salubres. 

D'une  manière  générale,  on  peut  dire  que  la  région  qui  s'étend 
le  long  des  rives  du  Nil  est  manifestement  insalubre  pour  les  Euro- 
péens. La  situation  de  Wadelai  semble  cependant  faire  une  heu- 
reuse exception.  Les  côtes  du  lac  Albert,  surtout  celle  de  l'est, 
sont  également  insalubres,  comme  aussi  les  environs  du  lac 
Baringo.  Les  pays  riverains  du  lac  Rodolphe  sont  tellement 
brûlés  et  desséchés  qu'il  n'y  existe  probablement  pas  de  fièvre 
malariennc;  par  contre,  on  dit  que  la  dysenterie  y  règne  par  suite 
de  la  mauvaise  qualité  de  l'eau. 

Les  rives  du  Victoria  Nyanza  sont  contaminées  par  la  proxi- 
mité de  terres  marécageuses.  La  fièvre  hématurique  y  règne  à 
l'état  endémique  bien  qu'elle  soit  d'une  forme  plus  bénigne  que 
celle  du  lac  Nyassa  et  de  l'Afrique  Occidentale.  Le  climat  du  Victo- 
ria Nyanza  est  cependant  agréable,  grâce  à  la  situation  .élevée  de 
ce  lac  (environ  4,000  pieds  d'altitude),  qui  modifie  l'effet  de  la 
chaleur  solaire  et  procure  des  nuits  fraîches. 

Dans  le  royaume  de  l'Uganda  et  dans  les  provinces  de  husoga 
et  de  Kavirondo,  le  climat,  au  point  de  vue  de  la  température, 
peut  être  qualifié  d'excellent.  Ces  régions  sont  un  des  nombreux 
exemples  de  pays  africains  tropicaux  où  le  climat  n'est  pour  rien 
ou  pour  peu  seulement,  dans  les  maladies  qui  y  régnent.  La  mala- 
ria dont  les  Européens  souffrent  dans  ces  contrées  est  due  entiè- 
rement aux  germes  de  maladie  qu'ils  ont  contractés  dans  les 
régions  marécageuses.  Le  climat  de  la  vallée  du  Nil  est,  par 
contre,  si  chaud  dans  certaines  saisons  de  l'imnée  qu'il  est  parti- 
culièrement préjudiciable  à  la  santé.  Celui  du  plateau  de  Mau  est 
souvent  froid  et  humide;  mais,  pourvu  d'une  bonne  habitation,  le 
colon  peut  y  jouir  d'une  bonne  santé,  au  milieu  des  vents  et  des 
brouillards. 


LE   PROTECTORAT   DE  L*L'GANDA  843 

M.  Johnston,  comme  d'autres  personnes,  a  pris  des  spécimens 
d'anophèles  aux  environs  du  Victoria  Nyanza,  dans  des  endroits 
où  des  personnes  souffraient  de  fiè\Te  liématurique.  On  pourrait 
beaucoup  améliorer  la  situation  climatérique  de  TUganda  en  drai- 
nant les  marécages  et  en  faisant  disparaître  les  amas  d'herbes  et 
de  plantes  dans  lesquels  les  moustiques  trouvent  si  facilement  un 
abri.  Ainsi,  à  Port  Alice,  le  pays  était  entièrement  recouvert  de 
hautes  herbes  ou  bien  de  forets  et  de  broussailles.  Les  fonction- 
naires qui  y  résidaient  souffrirent  des  moustiques  pendant  des 
années.  Un  jour,  on  prit  la  résolution  de  faire  disparaîlre  les 
herbes  et  les  broussailles.  C'est  à  peine  si  Ton  rencontre  encore 
un  moustique  dans  celte  localité.  On  pourrait  même  dire  qu'il  n'y 
en  a  pas,  si,  à  l'occasion  d'une  récente  éruption  de  fièvre  héma- 
turique,  on  n'avait  constaté,  pendant  un  certain  temps,  la  présence 
des  anophèles  dont  il  est  parlé  plus  haut. 

Une  autre  cause  de  maladie  est,  pour  les  fonctionnaires  plutôt 
que  pour  les  missionnaires,  l'insuffisance  d'habitations  confor- 
tables. On  tâche  d  y  remédier  malgré  les  frais  qu'entraîne  le 
transport  de  la  tôle  ondulée  et  du  ciment.  On  fabriquera  bientôt 
aussi  des  briques  et  des  tuiles  dans  le  protectorat.  Des  ouvriers 
indiens  ont  été  engagés  pour  scier  en  planches  les  superbes  bois 
que  contiennent  les  forêts.  Comme  on  ne  peut  songer  à  importer 
du  verre  tant  que  le  chemin  de  fer  n'atteindra  pas  le  lac  Victoria, 
on  remplace  les  vitres  par  des  moustiquaires.  Et  pour  empêcher 
que  le  vent  ne  soufïle  trop  fort  dans  Tintérieur  dos  habitations,  on 
recouvre  ces  fenêtres  de  volets  en  calicot  blanc. 

Météorologie.  —  On  n'a  pas  encore  pu  réunir  beaucoup  de 
renseignements  sur  la  météorologie  du  protectorat.  La  quantité 
moyenne  de  pluie,  dans  le  royaume  de  l'Uganda,  semble  être 
de  60  pouces  par  an.  Dans  le  sud,  on  n'en  a  relevé,  en  1899, 
que  40;  dans  le  nord,  la  quantité  aura  probablement  été  encore 
moindre.  L'année  1899  a  été  d'une  sécheresse  particulière.  Les 
indigènes  ne  se  souviennent  guère  d'une  saison  pareille. 

A  l'exception  de  la  région  à  moitié  déserte  autour  du  lac 
Rodolphe  et  de  celle  de  la  Rift  Valley  (Naivasha),  la  pluie  tombe 
partout  pendant  tous  les  mois  de  Tannée.  Dans  les  provinces  for- 
mant   l'ancien    empire    d'Uganda,   la   pluie  est    si    également 


844  ÉTUDES  COLONIALES 

répartie  sur  toute  i*année  qu'il  n'existe  pour  ainsi  dire  pas 
de  saison  sèche.  Les  mois  les  plus  pluvieux  sont,  toutefois,  ceux 
qui  suivent  les  équinoxes.  Le  plateau  de  Mau  est,  en  général, 
extrêmement  humide.  Parfois,  cependant,  il  est  affecté  par 
l'extension  de  la  sécheresse  qui  règne  si  souvent  dans  la  Rifl 
Valley  et  dans  les  régions  avoisinanles  de  l'Afrique  orientale 
anglaise. 

La  partie  la  plus  humide  du  protectorat  est  probablement  le 
Toru,  sur  le  versant  du  mont  Ruwenzori.  Il  y  a  souvent  pénurie  de 
pluie  dans  la  partie  basse  ou  septentrionale  de  l'Unyoro  et  dans  la 
partie  septentrionale  du  Busogo.  Le  pays  Bukew,  qui  se  trouve 
entre  ces  deux  régions,  jouit  d'un  régime  de  pluie  régulière.  Aussi 
ne  souffre-t-il  pas  de  la  famine,  aux  époques  où  à  l'est  et  à 
l'ouest,  la  nourriture  est  absolument  insuffisante. 

Dans  la  province  du  Nil  et  dans  le  nord  de  rUnyoro,  la  chaleur 
est  excessiveà certaines  époques  de  l'année.  Le  thermomètre  monte 
souvent  à  100  degrés  à  l'ombre,  parfois  même  à  1 13.  On  dit  aussi 
que  la  chaleur  est  excessive  dans  le  nord  de  la  Rift  Valley  et  dans 
les  régions  qui  se  trouvent  autour  du  lac  Rodolphe. 

Dans  le  royaume  de  l'Uganda,  la  chaleur  atteint  rarement 
90  degrés.  La  nuit,  le  thermomètre  descend  jusqu'à  50  degrés, 
mais  généralement  il  se  tient  à  65.  Sur  les  plateaux  de  plus  de 
5,000  pieds,  la  température  est  celle  du  nord  de  l'Afrique. 
A  7,000  pieds,  le  thermomètre  descend  souvent  à  zéro  et  même  au- 
dessous. 

La  neige  se  rencontre  sur  le  mont  Ruwenzori  à  partir  de  l'allî- 
tude  de  14,000  pieds.  Le  sommet  le  plus  élevé  de  celte  montagne 
a  probablement  une  hauteur  de  17,000  pieds.  Au  sommet  du 
mont  Elgon,  qui  dépasse  légèrement  14,000  pieds  d'altitude,  la 
neige  tombe  parfois  et  reste  pendant  quelque  temps. 

Le  trait  le  plus  désagréable  du  climat  des  régions  du  lac  Vic- 
toria Nyanza  sont  les  violents  orages  qui  y  régnent.  Ils  sont 
précédés  par  un  ouragan  de  courte  durée.  La  pluie  qui  accom- 
pagne ces  orages,  forme  souvent  une  véritable  trombe  d'eau.  Les 
éclairs  sont  terribles  et  le  tonnerre  est  littéralement  assourdissant. 
On  en  est  cependant  généralement  «  quitte  pour  la  peur  ».  Le 
nombre  des  accidents  causés  par  ces  phénomènes  effrayants  est 
peu  considérable. 


LE   PROTECTORAT  DE   L'uGANDA  845 

Population.  —  La  population  totale  comprise  dans  les  limites 
du  protectorat  de  l'Uganda  peut  être  évaluée  à  un  peu  moins  de 
4  millions  d'individus.  Les  guerres  constantes,  les  invasions  et, 
dans  quelques  districts,  la  famine  ont  causé  une  diminution  de  la 
population  dans  les  dernières  années.  La  famine  n'a  affecté  qu'une 
partie  relativement  peu  étendue  du  protectorat  —  le  district  de 
Busogo.  C'était  autrefois  une  région  à  population  très  dense,  mais 
la  sécheresse  de  4898-1899  a  fait  périr  un  grand  nombre  de 
bananiers  d'où  les  indigènes  tirent  leur  nourriture.  S'ils  cultivaient 
d'autres  produits  végétaux,  ils  auraient  pu  supporter  bien  plus 
facilement  le  préjudice  causé  par  une  saison  exceptionnellement 
sèche. 

On  peut  dire  d  une  façon  générale  que  la  population  est  entière- 
ment nègre.  Dans  les  parties  septentrionales  du  lac  Rodolphe  et 
sur  les  plateaux  de  l'Uganda,  d'Ankole  et  de  Toru,  il  y  a  peut-être 
un  certain  nombre  de  négroïdes  dus  au  mélange  de  la  population 
indigène  avec  les  Gallas  ou  aux  derniers  vestiges  d'immigrations 
anciennes. 

Plus  de  la  moitié  de  la  population  se  trouve  probablement  con- 
centrée dans  le  royaume  d'Uganda  et  dans  les  provinces  voisines 
d'Ankole,  de  Toru,  d'Unyoro,  de  Busogo  et  de  Kavirondo. 
A  l'exception  d'une  petite  partie  du  sud  et  de  lest  du  Kavirondo, 
cette  population  est  entièrement  de  langue  bantoue.  Leur  langue 
est  d'un  type  archaïque  et  d'une  grande  pureté. 

Au  point  de  vue  physique,  on  observe  de  grandes  différences, 
comme  dans  toute  l'Afrique  bantoue.  On  peut  distinguer  cinq 
types  de  nègres  ou  de  négroïdes,  entre  lesquels  il  y  a  naturelle- 
ment un  grand  nombre  de  variétés  résultant  du  mélange  de  ces 
cinq  types  fondamentaux. 

Ce  sont  : 

1 .  Le  nègre  d'un  noir  de  jais  et  de  traits  rudes  de  l'Afrique 
occidentale. 

2.  Le  nègre  de  peau  plutôt  brune,  de  traits  assez  fins,  type 
caractéristique  de  l'indigène  de  l'Afrique  centrale  tel  qu'il  est 
représenté  par  les  Nyam-Nyam,  les  Fan  et  les  Mangbuttu. 

3.  Le  nègre  du  Nil,  grand,  à  mollets  minces  et  peau  très  noire, 
à  traits  assez  beaux,  bien  que  par  suite  de  l'habitude  de  se  tatouer 
le  visage,  cette  caractéristique  ne  soit  pas  souvent  apparente. 


846  ÉTUDES  COLONIALES 

4.  Le  négroïde  de  mélange  Galia,  type  auquel  les  pâtres  Caliima, 
qui  vivent  au  milieu  de  la  population  bantoue,  doivent  leur  peau  plus 
claire  et  leur  grand  courage  personnel.  Il  améliore  aussi  la  popula- 
tion nègre  du  Nil  dans  le  tiers  oriental  du  protectorat. 

5.  Les  pygmces,  qui  ont  probablement,  avec  les  Bushmen 
du  sud  de  l'Afrique,  une  origine  commune.  On  en  trouve  des 
types  plus  ou  moins  purs  à  l'extrémité  occidentale  du  protectorat 
sur  les  irontières  de  1  Etat  Indépendant  du  Congo  (Toru). 

On  peut  les  diviser  en  deux  types  :  Tun,  à  peau  jaunâtre  d'appa- 
rence simiesque,  l'autre,  à  peau  noire  poilue.  Il  y  a  des  signes 
manifestes  de  l'existence  de  cette  population  pygmée  à  la  base  des 
peuples  de  l'Uganda.  L'horrible  type  pygmée  se  retrouve  constam- 
ment parmi  les  Baganda  de  langue  bantoue  et  dans  les  tribus  de 
chasseurs  nomades  des  forêts  de  Mau  (Anderobo). 

Toute  la  population  qui  descend  du  nègre  du  Nil  et  qui  habite 
l'est  et  le  sud  du  protectorat  va  absolument  nue,  à  l'exception  de 
quelques  tribus,  comme  les  Massai,  par  exemple,  où  les  femmes 
s'habillent.  D'autre  part,  presque  toutes  les  populations  de  langue 
bantoue  s'habillentet  regardent  la  nudité  absoluecomme  une  honte. 

La  propagande  religieuse  semble  absolument  impossible  à  pré- 
sent parmi  les  nègres  nilotiques  de  la  moitié  orientale  du  protec- 
torat. Ces  populations  ne  s'intéressent  à  rien  de  ce  qui  n'est  pas 
dénature  purement  matérielle.  Les  populations  de  langue  bantoue, 
au  contraire,  sont  portées  vers  les  sentiments  religieux  et  la  rapi- 
dité avec  laquelle  le  christianisme  s'est  répandu  à  travers  le 
royaume  d'Uganda  est  un  des  plus  grands  triomphes  que  les 
partisans  de  la  propagande  chrétienne  puissent  invoquer.  Le 
changements  que  les  missionnaires  catholiques  et  protestants  sont 
parveims  à  réaliser  chez  les  indigènes  de  cette  contrée  sont  réel- 
lement extraordinaires.  11  y  a  loin  de  l'habitant  actuel  à  celui  qui 
vivait  aux  temps  troublés  et  barbares  de  Mutesa  et  de  son  flls 
Mwanga. 

Bien  que  les  populations  nègres  nilotiques  répudient  les  vête- 
ments, ils  font  un  commerce  très  actif  en  certains  articles  tels  que 
le  fer,  le  cuivre,  le  fil  de  cuivre,  les  perles,  les  fez  rouges  et  les 
vêtements  arabes.  Les  chefs  aiment  à  se  parer  de  ces  derniers  aux 
grandes  occasions.  La  population  de  langue  bantoue  recherche 
les  étoffes  et  les  articles  manufacturés,  y  compris  les  phono- 
graphes et  les  gramophones. 


LE  PROTECTORAT  DB  L*UGANDA  847 

Les  seuls  moyens  de  payement  dont  les  indigènes  disposent 
actuellement  sont  l'ivoire,  le  bétail,  les  ânes,  les  moutons  et  les 
chèvres,  ainsi  que  les  produits  végétaux.  Les  indigènes  pourraient 
naturellement  devenir  beaucoup  plus  riches,  s'ils  pouvaient  être 
amenés  à  exploiter  les  véritables  ressources  de  leur  pays,  comme 
le  caoutchouc,  les  gommes,  les  essences  de  leurs  forêts  et  les 
minéraux  de  leurs  montagnes.  Cela  se  fera  sans  nul  doute  quand 
le  chemin  de  fer  aura  atteint  le  lac  Victoria  et  que  ses  milliers  de 
milles  de  côtes  pourront  être  visités  *par  des  steamers.  De  nom- 
breux marchands  s'y  rendront  alors,  et,  par  les  avantages  qu'ils 
offriront  aux  indigènes,  ils  pousseront  ceux-ci  à  rechercher 
au  loin  les  produits  échangeables. 

Taxation  indigène.  —  Comme  dans  le  Protectorat  de  l'Afrique 
centrale  anglaise,  le  plus  sûr  moyen  de  faire  face  aux  dépenses  de 
l'administration,  dans  l'Uganda,  consiste  dans  l'établissement  d'une 
taxe  sur  les  indigènes. 

La  taxation  des  indigènes  a  commencé  le  l*""  avril  1900.  Elle  est 
de  3  roupies  (4  sh.)  par  maison  ou  hutte  servant  à  l'habitation. 
On  a  aussi  établi  un  port  d'armes  de  3  roupies  par  fusil.  Dans  les 
districts  où  l'on  est  parvenu  à  mettre  un  terme  à  la  destruction 
des  éléphants,  un  permis  de  chasse  pourra  aussi  être  imposé  aux 
chefs  indigènes  moyennant  payement. 

Dans  quelques  districts,  les  indigènes  sont  tenus,  en  vertu  de 
conventions,  de  veiller  à  la  conservation  des  routes.  Il  en  résultera 
une  économie  pour  l'administration.  Si  Ion  évalue  la  population 
du  protectorat  à  4,000,000  d'âmes,  et  en  supposant  qu'une  per- 
sonne sur  cinq  paiera  la  taxe  sur  les  huttes,  il  en  résulterait  un 
revenu  de  160,000  liv.  st.  par  an.  Les  permis  pour  la  chasse  des 
éléphants  pourront,  de  leur  côté,  rapporter  5,000  liv.  st. 

Les  territoires  du  protectorat  qui  sont  particulièrement  fertiles 
et  bien  arrosés,  pourraient,  sans  difficulté,  nourrir  une  popula- 
tion de  20,000,000  d'individus. 

En  ce  qui  regarde  la  taxation  locale,  il  faut  toutefois  agir  avec 
prudence.  Bien  que,  par  rapport  au  chiff*re  actuel  de  la  population, 
elle  puisse  produire  160,000  liv.  st.,  il  est  cependant  douteux 
qu'elle  rapporte  plus  de  15  à  20,000  liv.  st.  Il  ne  serait  pas  pru* 
dent  d'exiger  le  paiement  de  la  taxe  à  main  armée.  Il  faut  que 


848  ÉTUDES  COLONIALES 

Tindigène  apprenne  à  apprécier  d'abord  les  bienfaits  qui  découlent 
d'une  administration  sage  et  régulière.  Il  faudra  naturellement 
un  cerlain  temps  avant  d'avoir  atteint  ce  but. 

Produits  végétaux.  —  Les  deux  tiers  environ  du  protectorat 
possèdent  un  sol  remarquablement  fertile.  Il  est  difficile  de  dire 
quelle  abondance  de  produits  agricoles  ces  régions  donneraient, 
si  elles  étaient  cultivées  par  une  des  races  industrieuses  de 
l'Asie.  Actuellement,  les  races  de  l'Uganda  sont  singulièrement 
arriérées  au  point  de  vue  de  l'agriculture,  même  en  comparaison 
des  autres  Africains,  sauf,  peut-être,  dans  les  provinces  de  l'ex- 
trême nord,  vers  le  Nil.  Dans  la  plupart  de  ces  fertiles  contrées, 
la  principale  nourriture  de  l'indigène  est  la  banane.  Cette  plante 
ne  requiert,  pour  ainsi  dire,  aucun  soin  dans  ces  régions  pour 
rester  une  source  constante  de  produits  alimentaires.  Elle  se  pro- 
page d'elle-même,  en  poussant  successivement  des  jets  qui  s'élèvent 
de  la  tige  souterraine  ou  rhizome.  Beaucoup  d'autres  plantes  du 
même  ordre  végétal  des  zingiberacées  se  développent  de  la  même 
façon.  C'est  également  le  cas  pour  la  plupart  des  orchidées.  On  peut 
parfaitement  enlever  une  tige  du  rhizome  et  la  planter  en  terre. 
On  ne  tardera  pas  à  avoir  un  jeune  arbre  vigoureux  qui  portera 
sieurs  grappes  de  fruits.  Pendant  que  la  tige  grandit  au-dessus  du 
sol,  le  rhizome  se  développe  au-dessous  et  forme  une  succession 
de  nouvelles  pousses.  Les  tiges  croissent  et  produisent  des  fruits, 
puis  meurent.  Abandonnés  à  eux-mêmes,  les  bananiers  semblent 
continuer  éternellement  à  s'étendre  et  à  pousser  des  tiges  qui  dis- 
paraissent pour  faire  place  à  d  autres.  En  dehors  du  premier  tra- 
vail qu'entraîne  la  plantation  d'un  terrain  au  moyen  de  pousses 
de  bananes,  les  indigènes  n'ont  guère  autre  chose  à  faire  qu'à 
cueillir  les  fruits  à  mesure  qu'ils  mûrissent.  En  général,  cependant, 
les  bananes  sont  cueillies  avant  d'être  arrivées  à  maturité.  C'est 
dans  cet  état  que  les  indigènes  les  mangent  après  les  avoir  fait 
cuire.  Du  fruit  mûr,  ils  font  une  bière  douce.  Ils  emploient  aussi  les 
feuilles  et  la  tige  du  bananier,  ainsi  que  le  suc  aqueux  qu'elles 
contiennent. 

Pendant  la  saison  exceptionnellement  sèche  de  1899,  les  bana- 
niers ont  langui;  dans  quelques  districts,  ils  ont  même  péri.  La 
population  n'avait  pas  d'autre  récolle  pour  se  nourrir,  et  comme 


LE   PROTECTORAT   DE  L*UGANDA  849 

elle  ne  possède  que  peu  d'animaux  domestiques,  elle  a  dû  souffrir 
de  la  faim.  Si  les  habitants  avaient  planté  des  céréales,  qui  ne 
réclament  pas  autant  d'humidité  que  les  bananes,  ils  auraient  pu 
se  rabattre  sur  elles  comme  sur  une  deuxième  source  de  subsis- 
tance. 

A  lexception  peul-être  du  blé,  de  l'orge  et  de  l'avoine,  presque 
toutes  les  céréales  poussent  avec  vigueur  dans  les  parties  basses 
de  l'Uganda.  Quant  au  blé,  à  l'orge  et  à  l'avoine,  ils  croissent 
fort  bien,  pour  autant  qu'on  puisse  en  juger  par  les  expériences, 
sur  les  plateaux  et  dans  les  régions  plus  sèches  du  nord  du 
lac  Rodolphe.  Bien  que  de  nombreuses  vallées  marécageuses 
s'étendent  entre  leurs  collines,  les  Baganda  n'ont  guère  été  des 
producteurs  de  riz.  Ce  n'est  que  maintenant  que  dans  le  voisi- 
nage de  Kampala  et  d'Entebbe,  tous  les  marécages  et  les  vallées 
marécageuses  ont  été  transformées  en  rizières. 

Dans  les  parties  nord  et  nord-est  du  Protectorat,  entre  le  Nil 
et  le  lac  Rodolphe,  on  cultive  les  arachides  en  grandes  quantités. 

Les  pommes  de  terre  sont  cultivées  maintenant  sur  une  grande 
échelle  par  les  Baganda,  qui  les  vendent  aux  Européens.  Elles 
croissent  d'une  manière  superbe  dans  ce  pays,  comme,  du  reste, 
les  tomates,  le  brinjall  et  le  tabac.  Le  tabac  de  l'Uganda  est  d'ex- 
cellente qualité  et  on  croit,  eu  se  basant  sur  des  expériences  faites 
à  Kampala,  qu'il  peut  fournir  une  feuille  de  qualité  supérieure 
pour  servir  d'enveloppe  de  cigare. 

Le  café  pousse  à  l'état  sauvage  dans  tous  les  districts  montueux. 
Préparé  convenablement,  il  a  un  parfum  délicieux  et  il  peut 
être  vendu  tel  qu'il  est  recueilli  des  plantes  sauvages.  Le  café 
donne  les  résultats  les  plus  satisfaisants  en  culture.  M.  Whyte, 
directeur  du  département  scientifique  et  agricole,  estime  que  le 
royaume  d'Uganda  et  les  districts  voisins  de  Busoga,  d'Unyoro  et 
de  Toru,  sont  destinés  ù  être  de  grands  producteurs  de  café.  Le 
sol,  l'eau  et  labondance  d ombre  fournie  par  les  forêts,  constituent 
un  ensemble  de  circonstances  favorables  que  l'on  voit  rarement 
réunies  dans  de  telles  proportions.  La  main-d'œuvre  est  presqiie 
aussi  bon  marché  que  dans  l'Afrique  centrale  anglaise.  Toutefois, 
pour  que  les  plantations  de  café  puissent  devenir  des  entreprises 
commerciales,  il  faut  que  le  chemin  de  fer  soit  achevé  jusqu'au  lac 
et  que  des  steamers  transportent  les  produits  à  travers  le  lac  jus- 


880  ÉTUDES  COLONULES 

qu'au  point,  terminus  de  la  ligne  d'où  ils  seront  expédiés  à  Mon* 
baza.  Quand  ces  conditions  de  transports  seront  réunies,  aucune 
autre  partie  de  TAfrique  tropicale  ne  pourra  probablement  entrer 
en  lutte  avec  l'Uganda  pour  la  production  du  café. 

Le  coton  se  rencontre  à  l'état  sauvage  ou  à  demi-sauvage,  prin- 
cipalement sur  remplacement  des  anciens  campements  d'Emin- 
Pacha.  Il  est  de  bonne  qualité  et  a  de  longues  fibres,  mais,  au 
point  de  vue  ergonomique,  il  n'a  d'importance  qu'en  ce  qui  concerne 
la  consommation  locale,  car  il  n'est  pas  probable  qu'il  puisse  sup- 
porter les  frais  de  transport  par  chemin  de  fer  jusqu'à  la  côte. 

Le  ricin  croit  en  abondance  et  l'huile  qu'on  en  extrait  facilement 
en  écrasant  la  graine  constitue  un  excellent  lubrifiant. 

Les  graines  de  sésame  donnent  une  bonne, huile.  On  les  ren- 
contre à  certains  endroits  dans  l'Uganda,  mais  pas  aussi  abon- 
damment que  dans  l'Afrique  centrale  anglaise. 

Le  caoutchouc  doit  être  très  abondant  dans  tous  les  fourrés  du 
Protectorat  à  moins  de  5,000  pieds  d'altitude.  11  est  principale- 
ment représenté  par  deux  espèces  de  Landolphia,  par  un  ficus  et 
par  un  arbre  appelé  scientidquement  Tabernœinontana.  Le  caout- 
chouc deviendra  probablement  un  des  principaux  articles  d'expor- 
tation dans  l'avenir.  Jusqu'à  présent,  les  indigènes  ne  se  donnent 
guère  de  peine  pour  le  recueillir  bien  qu'ils  connaissent  sa  valeur 
et  les  arbres  qui  le  produisent. 

Il  y  a  aussi  lieu  de  faire  remarquer  que  le  sol  et  le  climat  de 
près  de  la  moitié  du  Protectorat  se  prêtent  admirablement  à  la 
culture  du  cacao  et  du  thé.  M.  >Vhyte,  qui  a  une  grande  expé- 
rience des  plantations  de  l'Inde  et  de  Ceyian,  considère  que 
certaines  parties  de  fUganda  sont  particulièrement  propres  à  la 
culture  du  thé.  Il  compare  ces  parties  du  pays  à  celles  qui  se 
trouvent  à  une  hauteur  moyenne  à  Ceylan. La  pluie,  fait  il  observer, 
est  un  peu  moindre  qu'à  Ceylan,  mais  elle  e?t  répartie  plus  régu- 
lièrement sur  toute  l'année.  Le  thé  fait  l'objet  d'une  demande  active 
de  la  part  des  indigènes  les  plus  civilisés  de  l'Uganda  et  du  Toru. 
M.  Whyte  estime  que  cette  demande  ainsi  quecellequi  a  pour  objet 
lesucre,  le  café,  le  cacao  et  d'autres  produits,  est  assez  importante. 
Il  n'y  a  pas  de  doute  que  lorsque  les  communications  par  voie  du 
Nil  seront  mieux  organisées  et  que  le  fleuve  sera  débarrassé  du 
sudd,  une  grande  quantité  de  produits  de  l'Uganda  pourront  des- 
cendre ce  cours  d'eau  pour  alimenter  le  Soudan. 


LE    PftOTËCTORAT  D£  L'UGANDA  851 

La  canne  à  sucre  croit  admirablement  dans  les  meilleures  parties 
du  Protectorat.  i^On  la  cultive  dans  presque  tous  les  jardins  indi- 
gènes. Certaines  cannes  ont  jusqu'à  15  pieds  de  longueur;  elles 
sont  robustes  et  présentent  une  grande  distance  entre  les  nœuds. 
Elles  sont  aussi  bien  développées  que  la  moyenne  des  cannes  des 
Indes  occidentales.  La  canne  à  sucre  repousse  ici  pendant  plu- 
sieurs années  de  la  souche  et  constitue  uner  essource  importante 
dans  l'alimentation  des  indigènes.  On  a  importé  des  machines 
pour  écraser  la  canne  et  on  a  déjà  produit  du  sucre  brut  qui  fait 
partie  des  rations  des  troupes  indiennes.  Auparavant,  le  sucre 
brut  (gur)  devait  être  importé  de  Tlnde. 

Presque  tous  les  légumes  de  l'Angleterre  sont  cultivés  et  pous- 
sent avec  succès  dans  la  contrée.  Les  orangers,  les  citronniers 
et  les  manguiers  qui  ont  été  plantés  il  y  a  quelques  années  ont 
très  bien  réussi  ;  mais,  à  lexception  du  plateau  de  Mau,  il  serait 
impossible  de  cultiver  des  arbres  à  noyaux,  des  pommiers,  des 
poiriers  ou  d'autres  arbres  qui  requièrent  un  véritable  hiver. 

Bois.  —  Le  bois  d'ébène  {Diospyros)  se  trouve  dans  les  forêts 
de  rOuest,  comme  aussi  le  camwood  {Raphia).  Un  arbre  très 
répandu  est  l'arbre  à  encens.  La  gomme  qu'il  exsude  constitue  le 
principal  ingrédient  de  l'encens. 

Les  superbes  bois  de  construction  qui  garnissent  les  forêts  de 
Mau  seront,  dans  l'avenir,  un  des  grands  objets  d'exportation  de 
l'Uganda.  Ce  bois  s'obtient  de  trois  conifères  :  un  genévrier  et 
deux  espèces  de  Podocarpus.  Ce  bois  ne  vaut  pas  la  peine  d'être 
exporté  en  l'Angleterre,  mais  il  pourra  certainement  concourir 
avec  les  bois  de  Norwège  qu'on  importe  sur  la  côte  orientale 
d'Afrique  et  dans  l'Inde.  Il  le  fera  d'autant  mieux,  qu'il  résiste,  à 
ce  qu'il  paraît,  aux  attaques  des  fourmis  blanches. 

Cette  espèce  de  bois  rendra  aussi  de  grands  services  dans  la 
colonie  même,  car  on  peut  l'employer  dans  la  construction  des 
navires,  dans  celle  des  maisons,  dans  l'ameublement  et  dans  les 
travaux  les  plus  délicats  de  l'ébénisterie.  On  dit  que  dans  les  forêts 
de  l'Uganda, qui  se  trouvent  à  une  altitude  inférieure  à  5,000  pieds, 
il  n'existe  que  deux  sortes  de  palmiers  :  le  Makendu  ou  dattier 
sauvage  et  une  magnifique  espèce  de  Raphia  dont,  contrairement 
aux  autres  Raphia,  la  tige  atteint  une  très  grande  hauteur.  Les 


852  ÉTL'DES  COLONIALES 

troncs  des  dattiers  sont  employés  dans  la  construction,  lis  forment 
d*excellents  piliers  pour  les  wharfs  ou  piers,  et  aussi  des  colonnes 
pour  soutenir  les  vérandalis;  en  réalité,  on  peut  les  employer  dans 
une  foule  de  cas  et  la  demande  dont  ils  sont  l'objet  est  si  intense 
qu'il  sera  bientôt  nécessaire  de  prendre  des  mesures  pour  assurer 
leur  conservation. 

Faune.  —  Le  Protectorat  de  l'Uganda  est  essentiellement  un 
pays  d'élevage.  Seuls,  les  districts  inhabités  comme  les  forêts  de 
Mau  ou  les  sommets  des  montagnes  élevées  et  aussi  certaines  con- 
trées désertes  autour  du  lac  Rodolphe,  sont  dépourvus  de  trou- 
peaux. Le  bétail  appartient  à  deux  races  distinctes.  Dans  l'est  et 
le  centre  ainsi  que  dans  le  pays  des  Shuli,  des  Madi  et  des  Bari, 
arrosés  par  le  Nil,  les  bœufs  sont  du  type  zèbre  indien  à  bosse  et 
à  petites  cornes.  Les  vaches  de  cette  espèce  sont  souvent  dépour- 
vues de  cornes.  Dans  la  partie  nord  de  la  région  du  lac  Rodolphe, 
sur  les  collines  à  l'est  du  Nil  et  au  sud-ouest,  à  Ankole,  on  trouve 
le  remarquable  bœuf  galla  dont  les  cornes  sont  immenses. 

Les  chevaux  se  développent  partout  dans  le  Protectorat,  pourvu 
qu'on  prenne  soin  de  les  abriter  contre  les  fortes  pluies.  Ce  pays 
semble  indemne  des  herbes  vénéneuses  que  l'on  rencontre  si 
souvent  dans  d'autres  parties  de  l'Afrique,  et  qui  tuent  tant  de 
chevaux. 

L'âne  sauvage  appartient  aux  régions  désertes  qui  se  trouvent 
autour  des  rives  nord  du  lac  Rodolphe  et  peut-être  aussi  à  la 
région  qui  s'étend  entre  ce  lac  et  le  Nil  supérieur.  Ces  ânes  sont 
faciles  à  dompter;  ce  sont  des  animaux  grands,  forts  et  beaux.  Ils 
produiraient  probablement  d'excellentes  mules  si  on  les  croisait 
avec  les  chevaux  arabes  ou  somalis. 

Les  zèbres  sont  très  communs  dans  les  parties  basses  de 
l'Uganda.  Les  indigènes  n'ont  fait  aucune  tentative  jusqu'à  présent 
pour  les  domestiquer. 

La  contrée  qui  se  trouve  à  l'ouest  du  lac  Rodolphe  possède  des 
chameaux.  On  ne  pourrait,  toutefois,  employer  ces  animaux  que 
dans  les  régions  sèches  de  lest  du  Protectorat;  ailleurs,  le  climat 
est  trop  humide. 

Les  indigènes  ont  de  grands  troupeaux  de  chèvres  et  de 
moutons. 


LE  PROTECTORAT   DE  l'UGANDA  853 

Uivoire  de  l'Uganda  est  de  première  qualité.  Les  défenses  des 
éléphants  mâles  sont  souvent  d'une  longueur  et  d'un  poids  excep- 
tionnels. 

Les  abeilles  sauvages  fournissent  une  grande  quantité  de  cire 
qui  pourra  devenir  un  article  d'exportation. 

Minéraux.  —  Le  fer  se  trouve  presque  partout  dans  le  Protec- 
torat. liCS  indigènes  le  mettent  en  œuvre  sans  difficulté.  En  ce 
qui  concerne  les  autres  minéraux,  on  n'est  guère  fixé  encore.  On 
parle  vaguement  de  lexistence  du  cuivre  dans  la  région  du  Nil, 
mais  on  ne  possède  jusqu'à  présent  aucune  information  précise.  On 
dit; de  même  que  le  gravier  des  rivières  du  nord-ouest  du  lac 
Rodolphe  contient  de  l'or  qu  exploitent  les  indigènes.  Mais  sous 
ce  rapport,  le  pays  a  été  trop  peu  exploré  pour  qu'on  puisse 
dire  s'il  est  une  contrée  riche  en  métaux  précieux  ou  si,  au  con- 
traire, il  en  est  dépourvu. 

Quant  au  charbon,  on  rapporte  qu'il  s'en  Irouve  sur  les  pentes 
du  mont  Elgon. 

Régime  des  terres.  —  La  question  de  la  possession  des  terres 
peut  être  considérée  comme  réglée  en  partie  dans  la  plus  grande 
étendue  du  Protectorat.  Dans  toutes  les  régions  occupées  par  une 
population  plus  ou  moins  dense,  les  terres  inoccupées  appartien- 
nent à  la  couronne  ou  elles  ont  été  transférées  par  traités  moyen- 
nant payement  d  une  indemnité,  ou  à  la  suite  de  guerres,  comme 
dans  rUnyoro. 

Il  est  défendu  à  tout  étranger  d'acquérir  des  terres  des  indigènes 
sans  l'autorisation  préalable  du  gouvernement. 

La  possession  d'une  grande  partie  du  territoire  du  royaume 
a  été  garantie  aux  indigènes.  Le  reste  du  pays,  y  compris  les  torcts, 
a  été  transféré  à  la  couronne. 

Colons  Européens.  —  Si  Ion  fait  abstraction  des  mission- 
naires, il  n'y  a  actuellement  que  onze  Européens  établis  dans 
la  contrée.  Sur  ce  nombre,  il  y  a  trois  Allemands  et  un 
Italien;  les  autres  sont  Anglais.  Un  grand  nombre  dmdigènes 
de  rinde  anglaise  se  sont  fixés  comme  marchands  dans  le  Pro- 
tectorat. 


834  iruDfô  colonialcs 

Chemins  de  fér.  —  Le  chemin  de  fer  de  FUganda  a  atteint 
la  rampe  de  Kikugu  à  un  mille  ou  deux  de  la  frontière.  Dans 
quelques  mois,  la  ligne  aura  été  prolongée  jusqu'au  bas  de  la 
rampe.  Elle  se  reliera  alors  à  la  partie  en  construction  à  Navanka, 
dans  la  Rill  Valley.  Il  existera  ainsi  une  communication  entre  Mon- 
basa  et  l'extrémité  de  la  rampe  de  Mau,  cest-à-dire  jusqu'à  un 
point  situé  à  moins  de  100  milles  du  Victoria  Nyanza. 

Lacs  navigables.  —  Le  lac  Victoria  est  navigable  dans  toutes 
ses  parties  pour  les  navires  d'une  jauge  considérable.  11  faut  cepen- 
dant être  très  prudent  en  suivant  les  passages  qui  séparent  les  îles 
de  la  terre  ferme,  parce  qu'ils  contiennent  souvent  des  rochers 
dormants.  Sous  la  conduite  d'un  pilote  expérimenté,  les  voyages 
peuvent  cependant  se  faire  sans  danger  entre  les  îles  et  la  rive  du 
lac.  On  préfère  celte  dernière  voie  à  celle  du  milieu  du  lac,  parce 
que  les  eaux  du  Victoria  Nyanza  sont  très  agitées.  L'eau  est  plus 
tranquille  dans  les  canaux  et  on  y  trouve  aussi  l'avantage  de  pou- 
voir atterrir  facilement  pour  faire  du  bois. 

Depuis  le  moment  où  il  sort  du  Victoria  Nyanza  jusqu'au  moment 
où  il  atteint  Kakoge,  le  Nil  est  constamment  interrompu  par  des 
rapides  et  des  chutes.  A  partir  de  ce  dernier  point,  il  est  navigable 
jusqu'au  lac  Kioga  et  puis,  vers  le  nord,  jusqu'à  Foweira.  La  plu- 
part des  grandes  branches  du  lac  Kioga  sont  navigables  pour  les 
petits  bateaux  à  vapeur.  Au  delà  de  Foweira,  le  Nil  cesse  d'être 
navigable  jusqu'à  Fajao.  Depuis  ce  point,  il  peut  être  parcouru  par 
de  petits  steamers  jusqu'à  Dufile.  On  rencontre  alors  une  série  de 
rapides  qui  s'étendent  sur  une  longueur  de  70  milles.  Le  fleuve 
ne  redevient  navigable  qu'à  partir  de  Beden  ou  Fort  Berkeley,  mais 
depuis  cette  localité,  sauf  en  cas  d'obstruction  causée  parle  sudd, 
il  l'est  jusqu'à  Khartoum. 

Le  lac  Albert  est  navigable  pour  les  steamers.  On  dit  que  le  lac 
Rodolphe  a  également  une  profondeur  suffisante  pour  les  steamers 
ou  les  launches  ;  il  en  est  de  même  du  lac  Baringo.  Les  lacs  Nai- 
vasha  et  Nakuro  sont  navigables  pour  ces  petits  bâtiments. 

Moyens  de  transports.  —  En  dehors  de  ces  voies  d'eau  et  de 
la  route  carrossable  qui  ne  va  pas  au  delà  de  Kavirondo,  tous  les 
transports  doivent  se  faire  par  porteurs  ou  par  bêtes  de  somme. 


LE   PROTECTORAT   DE  l'uCANDA  855 

Grâce  à  Tabsence  de  la  mouche  tsetse  dans  tout  le  Protectorat,  rien 
ne  s'oppose  à  développer  considérablement  les  moyens  de  trans- 
port en  employant  des  animaux. 

Les  seuls  bâtiments  que  Ton  rencontre  actuellement  sur  le  Victo- 
ria Nyanza  sont  :  un  petit  b.iteau  à  vapeur  allemand  appartenant 
aux  autorités  de  Mwanza;  un  autre  petit  bâtiment  dépendant  de 
ladminislration  de  l'Uganda;  un  vapeur  appartenant  à  une  firme 
anglaise,  établie  dans  FUganda  ;  un  bateau  à  voile  de  la  Church 
Missionainf  Society  et  un  bâtiment  arabe.  Bien  que  ces  navires  ne 
soient  pas  considérables,  ils  ont  pu  rendre  de  grands  services  en 
facilitant  le  commerce  avec  l'Afrique  allemande  orientale.  Sir 
H.  H.  Johnston  conclut  son  rapport  en  ajoutant  qu'il  regrette  de 
devoir  dire,  qu'en  ce  moment,  l'Uganda  dépend  presque  entière- 
ment de  l'Afrique  orientale  allemande  pour  les  marchandises  dont 
il  a  besoin.  En  réalité,  les  Européens,  résidant  dans  ce  pays,  se 
trouveraient  bien  souvent  dans  l'embarras,  si  deux  firmes  alle- 
mandes ne  s'y  étaient  établies.  Celles-ci  tirent  toutes  leurs  mar- 
chandises de  l'Afrique  allemande  orientale  où  le  portage  est  à  bon 
marché  et  bien  organisé. 

Le  chemin  de  fer  anglais  n'a  fait  que  peu  de  chose  jusqu'à  pré- 
sent pour  modifier  la  route  suivie  par  les  marchandises  vers 
l'Uganda.  Il  est  toutefois  certain  que  lorsque  la  ligne  aura  atteint 
le  lac,  tous  les  autres  moyens  de  transport  disparaîtront  devant 
kl 

Dans  l'Uganda  même,  le  chemin  de  fer  a  amené  de  grands  chan- 
gements, notamment  dans  le  transport  des  passagers  et  des  che- 
vaux. Les  passagers  sont  transportés  maintenant  en  peu  de  jours 
de  Mombaza  à  la  frontière  de  l'Uganda,  dans  une  région  qui  est, 
jusqu'au  lac  Victoria,  parfaitement  salubre  pour  les  hommes  et 
les  animaux. 


-^<^ 


GÉNÉRALITÉS 


Résultats  de  l'expédition  allemande  contre  la  malaria.  —  Le 

professeur  Koch  a  exposé,  le  mois  dernier,  «à  la  section  berlinoise  de 
la  Société  coloniale  allemande,  les  résultats  de  l'expédition  organisée 
par  le  gouvernement  allemand  pour  l'étude  de  la  malaria.  Depuis  les 
découvertes  de  Laveran,  a-t-il  dit,  on  sait  que  la  maladie  est  déter- 
minée par  un  parasite  qui,  grâce  à  sa  forme  caractéristique,  est  facile 
à  découvrir  dans  le  sang  du  malade.  Les  maladies  malariennes  ne  sont 
pas  toutes  de  la  même  forme.  Elles  constituent  différents  groupes, 
dont  chacun  correspond  à  un  parasite  déterminé.  Dans  nos  régions 
tempérées,  on  connaît  deux  genres  de  fièvre  malarienne  :  la  quarte  et 
la  tierce.  IMusau  Sud,  en  Italie,  en  rencontre  d'autres  formes,  parmi 
lesquelles  les  observateurs  italiens  croyaient  autrefois  pouvoir  discer- 
ner trois  groupes.  Plus  au  Sud  encore,  on  trouve  la  malaria  des  tro- 
piques. Comme  on  le  sait,  le  professeur  Kocli  a  démontré,  il  y  a  déjà 
trois  ans  environ,  qu'il  n'y  avait  qu'un  seul  hématozoaire  qui  déter- 
minât la  malaria,  en  Afrique  orientale.  Ce  parasite  est  du  type  de  celui 
de  la  fièvre  tierce  mais  il  se  distingue  de  ce  dernier  en  ce  qu'il 
provoque  des  accès  plus  longs  et  plus  graves.  Il  n'était  pas  encore 
établi,  à  cette  époque,  s'il  en  était  de  même  pour  les  autres  pays  tro- 
picaux. 

Comme  le  parasite  peut  se  maintenir  longtemps  dans  l'homme, 
la  guérison  ne  se  fait  pas,  comme  dans  d'autres  maladies,  en  quelques 
jours  ou  en  quelques  semaines.  Les  accès  se  répètent  par  groupes, 
chaque  récidive  correspondant  à  une  nouvelle  génération  de  para- 
sites. 

La  manière  dont  les  parasites  s'introduisent  dans  le  sang,  a  long- 
temps été  un  mystère.  On  supposait  que  c'était  par  l'intermédiaire  de 
l'eau,  de  l'air  ou  des  aliments.  Finalement,  l'hypothèse  de  Koch,  que 


CHRONIQUE  857 

les  moustiques  tranféraient  la  maladie  à  l'homme,  devint,  grâce  aux 
observations  du  U''  Ross,  une  certitude.  On  démontra  que  la  glande 
des  moustiques  se  remplit  de  parasites,  puis,  qu'avant  d'aspirer  du 
sang,  les  moustiques  doivent  vider  leur  glande  dans  la  plaie  et  qu'ainsi 
les  parasites  s'introduisent  dans  le  corps  de  l'homme.  Pour  contrôler 
ces  recherches,  une  expédition  préliminaire  fut,  sur  la  proposition 
de  Koch,  envoyée  à  Rome,  au  mois  d'août  1898.  Elle  confirma  pleine- 
ment les  observations  de  Ross.  Jusqu'à  ce  moment,  on  ne  savait  pas 
non  plus  combien  il  y  avait  de  genres  de  malaria  en  Italie.  Il  fut  éta- 
bli alors  que  dans  ce  pays,  œmnie  en  Afrique  orientale,  il  s'agissait 
toujours  du  même  parasite.  II  en  est  de  même  en  Amérique.  Le  tra- 
vail de  l'expédition  malarienne  fut  simplifié  par  ces  observations. 
U  était  acquis  que  l'on  n*avait  affaire  qu*à  trois  espèces  d'hémato- 
zoaires dont  deux  se  rencontrent  aussi  dans  les  climats  tempérés  et 
dont  le  troisième  appartient  aux  tropiques. 

L'expédition  se  mit  en  route  au  printemps  de  1899.  Elle  visita 
d'abord  un  centre  de  fièvres  connu,  qui  se  trouve  entre  Rome  et 
Livourne,  Grosseto  et  les  niarenuiies  toscanes.  La  malaria  ne  règne 
pas,  en  hiver,  en  Italie.  Elle  ne  commence  qu'en  été  à  une  époque 
bien  déterminée.  Le  professeur  Koch  arriva  avant  ce  moment  à  Gros- 
seto et  put  constater  que  les  personnes  qui  en  souffraient  alors 
n'étaient  pas  atteintes  de  malaria  récente,  mais  de  récidive.  A  partir 
du  23  juin,  la  nouvelle  malaria  apparut  subitement  pour  s'affaiblir 
graduellement.  A  la  fin  de  novembre,  donc  4  1/2  mois  plus  lard, 
l'Italie  était  de  nouveau  affranchie  de  cas  de  malaria  récente. 

La  question  suivante  se  posait  alors  :  que  deviennent  les  hémato- 
zoaires pendant  la  période  indemne  de  malaria?  La  réponse  est  que 
les  parasites  doivent  passer  la  période  franche  dans  le  corps  de 
l'homme,  car  dans  aucun  des  animaux  étudiés  par  Koch  (singes, 
chauve-souris,  oiseaux,  couleuvres,  etc.),  on  n'a  pu  découvrir  de 
parasites.  Il  est  vrai  qu'on  trouve  aussi  des  parasites  de  malaria  chez 
les  animaux,  mais  ils  sont  différents  de  ceux  de  l'homme.  Chaque 
animal  possède  un  parasite  déterminé  qui  est  particulièrement  adapté 
aux  cellules  de  son  sang  et  qui  ne  peut  être  transmis  à  un  autre 
animal.  Les  essais  de  transmission  des  parasites  à  des  singes  anthro- 
pomorphes restèrent  également  sans  résultat.  Il  fut  prouvé  que 
l'homme  seul  était  le  dépositaire  des  hématozoaires  de  la  malaria 
humaine. 

Pour  empêcher  la  propagation  des  parasites,  il  faut  briser  le  cercle 
qu'ils  doivent  parcourir,  de  l'homme  au  moustique  et  de  celui-ci  à 
l'homme.  On  peut  y  arriver  en  tuant,  pendant  l'époque  franche,  les 


8o8  ÉTUDES   COLONIALES 

parasites  que  l'on  rencontre  dans  les  cas  de  récidive.  Si  Ton  entame 
la  lutte  contre  la  malaria  de  cette  manière,  le  moustique  n'offre  plus 
qu'un  intérêt  théorique  bien  qu'il  apparaisse  partout  comme  le  seul 
propagateur  des  hématozoaires. 

De  (irosseto,  l'expédition  se  rendit  à  Java,  où  elle  arriva  à  la  période 
malarienne  qui  correspond  à  la  saison  des  pluies.  Elle  poursuivit 
ensuite  ses  travaux  en  Nouvelle-Guinée,  où  le  professeur  Koch 
séjourna  jusqu'au  8  août  do  cette  année.  Le  professeur  Koch  croit 
qu'il  y  a  deux  mille  ans,  Java  doit  avoir  été  dans  la  même  situation 
que  la  Nouvelle-Guinée  aujourd'hui  et  que  cet  éUxi  de  choses  a  duré 
jusqu'à  ce  que,  grâce  à  l'immigration  des  Hindous  et  à  la  culture  du 
riz  nécessaire  à  l'alimentation  de  la  population,  la  situation  se  soit 
modifiée  et  ait  permis  le  développement  économique  de  cette  île.  La 
Nouvelle-Guinée  possède  les  mêmes  chances  de  prospérité  que  Java, 
mais  il  faut,  au  préalable,  faire  disparaître  la  malaria  qui  attaque 
tous  les  Européens  et  qui  enlève  la  plus  grande  partie  des  enfants 
indigènes.  L'observation  suivante  est  d'une  grande  importance  pour 
trouver  le  moyen  d'y  arriver. 

Déjà  à  Java,  le  professeur  Koch  constata  que  la  malaria  n'est,  à  pro- 
prement parler,  qu'une  maladie  infantile.  En  Nouvelle-Guinée,  il  y  a 
des  districts  où  aucun  enfant  au-dessous  de  deux  ans  n'en  est  indemne. 
A  l'âge  de  cinq  ans,  la  malaria  disparaît,  en  règle  générale.  Ce 
n'est  qu'exceptionnellement  qu'elle  perdure  chez  certains  enfants 
jusqu'à  la  dixième  année.  Cette  constatation  est  très  importante  pour 
fixer  les  endroits  où  se  produisent  les  infections  malariennes.  Quand 
il  s'agit  d'adultes  qui  changent  souvent  de  lieu  de  séjour,  on  ne  sait 
pas  où  ils  ont  été  infectés,  tandis  que  les  enfants  restent,  en  général, au 
même  endroit.  Il  fut  ainsi  permis  au  professeur  Koch  de  déterminer 
les  foyers  de  malaria  de  la  colonie  allemande  de  la  Nouvelle-Guinée. 
Sur  la  rive  de  Kaiser  Wilhelmland,  il  n'y  a  qu'un  seul  endroit  indemne, 
près  du  Cap  Friedrich  Wilhelm.  Les  montagnes  y  sont  dépourvues 
de  forêts  vierges  et  les  habitants  en  semblent  appartenirà  la  popu- 
lation autochtone  de  l'ile.  On  a  l'impression  que  l'affection  a  été 
amenée  dans  ces  parages,  de  l'ouest,  par  des  marchands  malais.  Il 
faut  aussi  signaler  que  dans  quelques  îles,  on  ne  rencontre  qu'un  seul 
genre  de  malaria;  les  autres  n'ont  pas  encore  été  importés.  Cela 
prouve  aussi  que  les  différents  genres  ne  se  transforment  pas  l'un  dans 
l'autre. 

Comme  l'immunité  que  l'homme  acquiert  contre  la  maladie  à  la 
suite  d'accès  répétés,  ne  s'obtient  qu'insensiblement,  il  se  fait  qu'il  y  a 
beaucoup  de  malades  qui  ne  font  plus  attention  au  mal  bien  qu'ils 


CHRONIQUE  859 

sachent  qu'ils  ne  sont  pas  guéris.  Ces  cas  latents  doivent  aussi  être 
surveillés  parce  qu'ils  peuvent,  comme  pour  le  choléra  ou  la  peste, 
importer  la  maladie  avec  la  plus  grande  facilité.  Aussi  pour  com- 
battre efficacement  la  malaria,  ne  doit-on  pas  seulement  s'occuper 
des  malades  actuels,  mais  aussi  des  enfants  et  des  cas  latents,  recher- 
cher les  parasites  qu'ils  contiennent  et  les  rendre  inoffensifs  au  moyen 
de  la  quinine.  C'est  de  cette  manière  que  le  professeur  Koch  a  agi  à  la 
plantation  de  Stephansort.  Sur  les  700  personnes  qui  y  étaient 
employées,  137  étaient  infectées  de  malaria.  On  les  traita  par  la 
quinine  et,  en  deux  mois  environ,  les  parasites  furent  détruits.  Mal- 
gré la  saison  défavorable  et  des  travaux  dangereux,  il  ne  se  présenta 
plus  que  quelques  cas  de  fièvre  quarte  dont  furent  victimes  des  gens 
provenant  de  villages  qui  n'ont  pas  pu  être  contrôlés.  L'essai  fait  à 
Stephansort  a  démontré  que  les  principes  sur  lesquels  M.  Koch 
s'appuie,  sont  justes.  Si  l'homme  n'était  pas  le  seul  dépositaire  des 
parasites,  des  cas  de  maladie  auraient  dû  se  produire  constamment.  • 

Que  l'on  puisse  faire  en  grand  ce  qui  a  été  fait  en  petit  à  Stephan- 
sort, résulte  du  fait  que  les  cas  de  fièvre  attribuables  à  la  malaria 
ont  disparu  dans  le  nord  de  l'Allemagne,  grâce  à  l'emploi  de  la  qui- 
nine. Dans  l'armée  de  l'Allemagne  du  Nord  et  ensuite  dans  celle  de 
l'Allemagne  entière,  il  y  eut,  en  4869,  43,300  cas  de  malaria  ;  en  1889, 
1 ,800;  en  4896,  230.  La  morbidité  a  donc  diminué  de  plus  du.  centuple. 
Dans  les  endroits  de  l'Allemagne  du  Nord,  où,  il  y  a  trente  ans,  on 
rencontrait  de  nombreux  centres  d'infection,  le  professeur  Frosch  n'a 
plus  pu  en  découvrir  un  seul  pour  y  expérimenter  la  méthode  Koch. 
Et  cependai\t  les  marais  et  les  moustiques  ne  manquent  pas.  Grâce  à 
la  facilité  avec  laquelle  on  peut  se  procurer  de  la  quinine,  on  a  pu  se 
débarrasser  des  parasites. 

On  a  proposé  d'autres  mesures  pour  combattre  la  maladie,  telles  que 
la  destruction  des  moustiques  par  l'assèchement  des  marais  et  eaux 
stagnantes,  ou  des  moyens  de  prévention  contre  les  piqûres  des  mous- 
tiques :  moustiquaires,  maisons  paramoustiques.  Ils  peuvent  être  appli- 
qués dans  des  cas  particuliers,  mais,  dans  la  pratique,  ils  ne  pourront 
jamais  être  d'un  emploi  étendu.  Toutes  les  tentatives  d'immuniser  les 
gens  contre  la  malaria  ont  échoué  jusqu'à  présent.  11  ne  faut  aussi 
accueillir  qu'avec  prudence  la  nouvelle  récente  qu'on  aurait  retiré  de 
chevaux  atteints  de  la  peste,  un  liquide  immunisant.  L'application 
prophylactique  de  la  quinine  ne  peut  pas  non  plus  être  prolongée 
longtemps. 

Le  professeur  Koch  estime  qu'il  est  nécessaire  d'envoyer,  pour 
l'application  du  système  qu'il  préconise  et  qui  «  n'est  pas  très  simple  » 


860  ÉTUDES   COLONIALES 

des  médecins,  qui  travailleront  le  microscope  à  la  main  et  recherche- 
ront les  cas  latents.  11  faut  ensuite  que  la  quinine  soit  facile  à  acquérir 
et  faire  comme  le  gouvernement  hollandais,  par  exemple,  qui  a  amené 
une  diminution  de  la  malaria  en  répartissant  2,000  kilogrammes  de 
quinine  dans  Tîle  de  Java.  On  devrait  appliquer  le  même  système, 
d'abord  à  la  Nouvelle-Guinée  et  à  l'Afrique  sud-occidentale  et 
l'étendre  ensuite,  quand  on  aurait  acquis  une  base  d  opération  plus 
lai^e.  En  terminant  sa  conférence,  le  professeur  Koch  a  exprimé  la 
conviction  que  dans  un  délai  plus  ou  moins  éloigné,  le  plus  grand 
obstacle  au  développement  des  colonies  tropicales  aurait  disparu. 

Combustible  liquide.  —  L'emploi  du  pétrole  comme  combustible 
à  bord  des  navires  a  déjà  pris  une  certaine  extension.  Le  vaisseau  ami- 
ral français  dans  les  eaux  chinoises  consomme  régulièrement  du 
pétrole.  Il  en  est  de  même  des  vaisseaux  de  guerre  allemands  Branden- 
burg  et  Fùrst  Bismarck  qui  se  trouvent  aussi  dans  les  mers  de  Chine. 
Environ  quinze  steamers  anglais,  dont  quelques-uns  jaugent  4,000  ton- 
neaux, servant  aux  transports  commerciaux  dans  les  eaux  chinoises 
emploient  aussi  du  pétrole.  Au  moins  seize  bâtiments  russes  font 
régulièrement  usage  de  ce  combustible.  Le  prix  élevé  du  charbon  amè- 
nera très  probablement  un  développement  de  cette  nouvelle  application 
du  pétrole.  Le  charbon  de  Cardiff  coûte  environ  70  sh  la  tonne  à 
Singapore,  tandis  que  la  tonne  de  combustible  liquide  ne  coûte  que 
30  sh.  De  plus,  la  puissance  calorifique  du  pétrole  est  de  25  à  30  p.  c. 
plus  grande  que  celle  du  charbon. 

On  peut  disposer  les  grilles  des  [chaudières  de  maniera  à  remplacer 
à  volonté  le  chauffage  au  charbon  par  la  combustion  du  pétrole. 
L'opération  s'effectue  en  trois  heures.  Les  soutes  à  charbons  peuvent 
en  douze  heures  être  appropriées  pour  recevoir  du  pétrole.  Le  remplis- 
sage des  soutes  avec  du  pétrole  se  fait  beaucoup  plus  vite  qu'avec  du 
charbon. 

L'Arachide.  —  La  Société  a  reçu  |de  M.  Th.  Fleui7  l'hommage 
d'un  exemplaire  de  sa  bonne  étude,  L  Arachide^  principalement  celle 
de  la  Sénégambie,  sa  culture,  son  commerce,  sa  transformation  en 
huile  et  en  tourteau.  Cotte  publication  qui  a  paru  à  Bordeaux,  chez 
Feret  et  fils,  se  recommande  non  seulement  par  sa  documentation  pré- 
cise et  scientifique,  mais  encore  par  la  compréhension  qu'elle  révèle 
des  côtés  pratiques  du  sujet.  Ce  dernier  point  est  dû  sans  doute  à  cette 
circonstance  que  M.  Fleury  est  un  directeur  de  l'Huilerie  de  Bacalan, 
et  non  un  simple  compilateur  de  statistiques,  diagrammes  et  brochures 
spéciales. 


CHRONIQUE  861 

L'arachide  est  une  plante  herbacée  annuelle  atteignant  au  Sénégal 
35  à  50  centimètres  et  dans  Tlnde  de  40  à  80  centimètres  de  hauteur. 
Elle  appartient  à  la  famille  des  légumineuses  cœsalpinées.  Les  fleurs, 
d'un  jaune  d*or,  sont  polygames,  portées  sur  de  longs  pédoncules 
axillaircs.  Ses  feuilles  sont  alternes  et  composées  de  deux  paires  de 
folioles  ovales,  elles  sont  un  peu  duveteuses  au-dessous  et  lisses  à  la 
face  supérieure.  L'arachide  aime  les  sols  légers  pouvant  être  facile- 
ment irrigués;  les  sols  argileux  compactes  ne  lui  conviennent  pas, 
parce  qu'elle  y  enterre  difficilement  ses  fruits.  C'est  dans  les  terrains 
sablonneux,  susceptibles  d'être  arrosés  pendant  les  grandes  chaleurs 
que  l'arachide  végète  le  plus  facilement. 

Cette  plante  réussit  encore  très  bien  sur  les  sols  d'alluvion,  mais 
elle  ne  donne  alors  que  des  fruits  de  mauvaise  qualité. 

L'arachide  comme  le  trèfle  et,  en  général,  les  plantes  de  la  famille 
des  légumineuses,  prenant  à  l'atmosphère  par  ses  feuilles  la  plus 
grande  partie,  si  ce  n'est  la  totalité,  de  son  azote,  peut  être  entretenue 
dans  un  état  florissant  à  l'aide  d'engrais  dépourvus  de  cet  élément. 
La  fwnure  de  cette  légumineuse  est  faite  en  Sénégambie  d'une  façon 
bien  simple;  pour  restituer  au  sol  les  éléments  utiles  qui  lui  ont 
été  enlevés  par  la  récolte  précédente,  les  noirs  brûlent  sur  leur  lou- 
gans,  après  les  avoir  entassées,  les  racines  sèches  des  arachides  et  les 
herbes  qu'ils  y  ont  coupées,  puis  ils  en  enterrent  les  cendres  qui, 
mélangées  aux  folioles  azotées  de  la  plante  abandonnée  sur  le  sol, 
constituent  un  engrais  suffisant.  Pour  remuer  la  terre  légère,  les  noirs 
se  servent  d'une  petite  bêche  en  forme  de  croissant.  L'ensemencement 
n'a  lieu  au  Sénégal  qu'après  les  premières  pluies,  c'est-à-dire  au  com- 
mencement de  juillet  ;  on  pratique  dans  le  sol  des  trous  de  8  à  10  cen- 
timètres de  profondeur  distancés  les  uns  des  autres  de  30  à  40  centi- 
mètres dans  lesquels  on  jette  une  ou  deux  arachides,  on  ferme  le  trou 
et  on  ramène  la  terre  avec  le  pied.  Quelquefois  pour  hâter  la  germi- 
nation, on  fait  tremper  les  semences  dans  Teau  pendant  deux  ou  trois 
jours  avant  de  les  mettre  en  terre.  Lorsque  le  plant  est  levé,  on  le 
bine  et  on  le  butte.  On  renouvelle  cette  opération  quand  la  graine  est 
formée.  Dans  l'intervalle,  on  sarcle  si  cela  est  nécessaire. 

11  faut  environ  100  kilogrammes  de  graines  pour  l'ensemencement 
d'un  hectare.  La  récolte  se  fait  au  Sénégal  trois  ou  quatre  mois  après 
les  ensemencements,  depuis  novembre  jusqu'en  janvier  et  parfois 
jusqu'en  février.  Les  gousses  sont  arrivées  à  parfaite  maturité  quand 
les  plantes  ont  pris  une  teinte  jaune  et  que  les  tiges  et  les  feuilles  sont 
presque  sèches.  On  récolle  l'arachide  comme  la  pomme  de  terre, 
c'estrà-dire  en  arrachant  le  plant  que  l'on  secoue  fortement  pour  en 


863  ÉTUDES  COLONIALES 

extraire  le  sable  et  les  parties  terreuses  qui  adhèrent  aux  racines  et 
aux  gousses  et  en  cherchant  dans  la  terre  les  gousses  qui  auraient  pu 
y  rester.  Les  femmes  et  les  enfants  des  noirs  détachent  ensuite  une  à 
une  les  gousses  des  pédoncules  où  elles  sont  attachées  :  travail  long 
et  assez  pénible  auquel  le  noir  paresseux  se  soustrait  toujours. 

Pour  conserver  ses  qualités  natives,  l'arachide  doit  voyager  dans  sa 
eosse  et  être  soigneusement  préservée  de  l'humidité;  elle  doit  être 
transportée  par  des  navires  de  premier  ordre,  steamers  ou  voiliers  en 
fer,  afin  de  le  mettre  à  l'abri  de  la  fermentation  et  de  toute  avarie  de 
mer.  L'arachide  écossée  sur  les  lieux  de  production  rancit  vite, 
s'échaufle  et  s'altère  en  route.  L'huile  provenant  de  l'amande  décom- 
posée est  rance,  ne  peut  être  utilisée  que  pour  la  savonnerie,  et  le 
tourteau  possède  une  odeur  et  une  saveur  désagréables  qui  le  rendent 
nuisible  aux  animaux  ;  il  ne  peut  servir  alors  que  comme  engrais. 

La  Scnégambic,  dans  une  année  favorable,  importe  en  France 
70  millions  de  kilogrammes  d'arachides,  d'une  valeur  moyenne  de 
15  millions  de  francs.  Les  bonnes  graines  de  la  Sénégambie,  celles  du 
Gayor,  du  Baol  et  du  Diander  que  l'on  payait  autrefois  sur  les  lieux 
de  production,  de  16  à  18  francs  les  100  kilogrammes  ont  valu,  de 
1883  à  1893,  jusqu'à  30  et  32  francs  les  100  kilogrammes,  tant  la  con- 
currence est  grande  sur  les  marchés.  Le  prix  de  ces  graines  rendues  à 
quai,  à  Bordeaux,  varient  entre  22  et  42  francs  les  100  kilogrammes. 

Dans  les  terrains  sillcieux,  l'arachide  rapporte,  terme  moyen  90  p.  c, 
quelquefois  200  et  même  davantage,  en  buttant  convenablement  les 
pieds  et  les  espaçant  un  peu  ;  dans  les  terres  compactes,  le  rendement 
varie  de  25  à  40  p.  c.  Dans  les  années  chaudes,  les  arachides  sont  en 
général  d'une  qualité  supérieure;  elles  sont  petites  lorsque  le  manque 
d'eau  se  fait  sentir  et  si  les  pluies  sont  abondantes,  elles  ne  mûrissent 
pas. 


AFRIQUE 

La  marine  marchande  allemande  et  l'Afrique  australe.  — 
Le  gouvernement  allemand  s'efforce  de  développer  les  relations  com- 
merciales de  l'Allemagne  avec  les  ports  de  l'Afrique  australe  en  accor- 
dant des  subsides  à  la  ligne  de  l'Afrique  orientale.  Les  raisons  qui  ont 
amené  le  gouvernement  à  prolonger  les  routes  actuelles,  sont,  comme 
on  le  trouve  exposé  dans  le  mémoire  justificatif  du  projet  qui  est  devenu 
loi,  le  25  mai  dernier,  le  désir  d'encourager  le  commerce  extérieur  de 


CHRONIQUE  863 

TAllemagne,  de  développer  l'industrie  intérieure  et  la  construction 
des  navires,  d'affranchir  le  commerce  allemand  de  Tintermédiaire  de 
l'étranger,  d'éviter  les  transbordements  et  d'assurer  un  service  suffi- 
sant pour  le  transport  des  passagers. 

Les  contrats  antérieurs  assuraient  l'existence  d'une  ligne  principale 
entre  Hambourg  et  l'Afrique  orientale  allemande,  Zanzibar  et  Delagoa 
Bay  et  d'un  service  accessoire  vers  les  ports  des  possessions  alle- 
mandes et  portugaises.  La  compagnie  de  la  ligne  de  l'Afrique  orien- 
tale devait  organiser  un  départ  par  mois.  Mais  elle  prolongea  bientôt 
sa  ligne  jusque  Durban,  établit  un  service  hebdomadaire  secondaire 
de  Zanzibar  à  Bombay  et  organisa  un  départ  tous  les  quinze  jours.  La 
vitesse  minima  pour  la  ligne  principale  était  de  10  î/2  nœuds  et  le 
subside  élait  de  de  1,123,000  francs.  En  1891,  la  ligne  transporta 
21,651  tonnes  de  marchandises;  en  1898,  le  chiffre  était  de 
78,517  tonnes. 

Le  nouveau  contrat  maintient  les  lignes  existantes,  augmente  la 
vitesse  de  la  ligne  principale,  améliore  la  flotte  par  l'addition  de  nou- 
veaux bâtiments  et  étend  la  ligne  jusqu'aux  ports  de  la  colonie  du 
Cap,  à  cause  de  l'importance  de  celle-ci  pour  le  commerce  allemand 
et  dans  le  désir  d'avoir  un  port  autre  que  Delagoa  Bay  pour  commu- 
niquer avec  le  Transvaal. 

11  y  a  un  an  environ,  une  compagnie  de  Hambourg,  dont  les  navires 
ne  faisaient  auparavant  escale  qu'à  Port  Elisabeth,  en  se  rendant  en 
Australie,  commença  à  visiter  Cape  Town  toutes  les  quatre  semaines. 
Aucune  autre  compagnie  n'avait  établi  de  service  direct  entre  l'Alle- 
magne et  la  colonie  du  Cap,  de  sorte  que  les  marchandises  allemandes 
étaient  dirigées  sur  Londres  pour  être  transportées  à  destination  par 
des  steamers  anglais.  C'est  pour  éviter  cet  état  de  choses  que  l'on 
a  établi  un  service  exclusivement  allemand.  Un  service  bi-mensuel 
sera  établi  autour  de  l'Afrique.  Les  navires  passeront  alternativement 
par  le  canal  de  Suez  et  par  les  îles  Canaries.  Les  navires  du  service 
oriental  feront  escale  à  Anvers  à  l'aller;  ceux  du  service  occidental  à 
Amsterdam,  à  l'aller,  et  à  Rotterdam,  au  retour. 

La  vitesse  sera  de  12  nœuds  à  la  côte  occidentale  d'Afrique  et  de 
10  1/2  à  la  côte  orientale.  Un  service  bi-mensuel  se  fera  entre  Ham- 
bourg et  les  ports  de  la  côte  orientale  jusque  Beïra.  Le  subside  est  de 
1,887,800  francs  pour  quinze  ans.  Le  contrat  entrera  en  vigueur  le 
l^' avril  1901- 

La  flottille  du  Haut-Congo.  —  Le  Journal  officiel  français  vient  de 
publier  l'acte  de  rétrocession  à  la  «  Compagnie  de  navigation  et  trans- 


864 


ÉTUDRS  COLONIALES 


ports  Congo-Oubanghi  ))  des  services  de  navigation  à  vapeur  imposés 
à  diver^s  compagnies  concessionnaires  de  territoires  au  Congo  fran- 
çais et  un  arrêté  approuvant  la  substitution  de  la  «  Compagnie  de 
navigation  et  transports  Congo-Oubanghi  »  aux  Sociétés  de  la  Mobaye 
et  de  la  Kote,  et  à  la  Compagnie  des  Sultanats  du  Haut-Oubanghi, 
pour  l'exécution  du  service  de  navigation  prévu  aux  cahiers  des 
charges  annexés  à  leurs  décrets  de  concession. 

Par  cette  combinaison,  ces  sociétés  sont  déchargées  de  Tobligation 
de  mettre  à  flot  et  entretenir  en  service,  pendant  toute  la  durée  de 
leur  concession,  les  bateaux  à  vapeur  de  grand  et  petit  modèle  qui 
leur  sont  imposés  par  leurs  cahiers  des  charges. 

Congo  français.  Transports  fluviaux.  —  Voici  le  tarif  des 
transports  adopté  d'un  commun  accord  par  les  dix  sociétés  conces- 
sionnaires du  Congo  français,  ayant  adhéré  aux  Messageries  fluviales 
du  Congo  : 

(Prix  en  francs  à  la  tonne  de  1,000  kilogrammes  ou  par  tête.) 


' 

^' 

PRIX 
RETOUR 

PRIX  POUR  PASSAGERS 

NOMS 

BLAWCS 

NOIRS 

des  sociétés  concessionnaires 
adhérentes. 

a. 

£ 
c 

> 

§ 
1 

â 

i 
< 

1 

i 

< 

Compagnie  de  la  Lcfîni 

200 

200 

150 

75 

40 

45 

30 

Société  de  la  N'Kémé  N^Kéni     . 

240 

240 

180 

120 

65 

45 

30 

Compagnie  française  du  Congo . 

315 

315 

240 

145 

110 

80 

3o 

Société  de  l'Afrique  française    . 

345 

545 

260 

225 

130 

70 

50 

—     de  l'Afrique  équatoriale 

345 

345 

260 

225 

130 

70 

50 

Compagnie  franco-congolaise    . 

450 

450 

340 

255 

1«0 

85 

60 

—        delaKadeîSangha. 

i50 

450 

340 

255 

190 

85 

60 

—        de  TËkéla  Sangha  . 

450 

450 

340 

255 

190 

85 

60 

—        des   caoutchoucs   et  | 
duits  de  la  Lobay     . 

îro- 

400 

490 

380 

290 

215 

80 

55 

—        de  rOubanghi  Ombella 

510 

810 

385 

310 

230 

80 

55 

Ce  tarif  est  considéré,  par  comparaison  avec  celui  en  vigueur  entre 
l'Etat  indépendant  du  Congo  et  les  Sociétés  belges,  comme  devant 
rémunérer  largement  les  services  des  Messageries. 


CHRONIQUE  860 

Différents  systèmes  d'exploitation  des  forêts  à  caoutchouc. 

—  Les  différents  systèmes  en  vue  de  sauvegarder  les  réserves  de  caout- 
chouc peuvent  être  ramenés  aux  types  suivants  : 

1.  Les  forêts,  y  compris  les  arbres  à  caoutchouc,  sont  considérées 
comme  faisant  partie  du  domaine  de  TËtat.  Elles  sont  administrées 
par  lui  et  le  caoutchouc  est  récolté  par  un  service  des  forêts. 

2.  Les  forêts  sont  considérées  comme  propriétés  de  TÉtat,  mais  les 
entreprises  privées  sont  autorisées  dans  certaines  étendues  moyennant 
des  baux  à  terme  et  sous  des  conditions  déterminées. 

3.  Des  étendues  de  forêts  sont  cédées  en  propriété  à  des  particuliers 
ou  à  des  sociétés  et  l'exploitation  est  laissée  à  l'initiative  individuelle 
sous  l'action  plus  ou  moins  étendue  des  lois  et  règlements. 

4.  Les  forêts  sont  abandonnées  au  premier  occupant  sous  l'action 
d'une  réglementation  plus  ou  moins  effective  en  ce  qui  concerne 
l'extraction  et  le  commerce  du  caoutchouc. 

Voyons  maintenant  quels  systèmes  sont  appliqués  dans  les  différents 
territoires  africains  appartenant  à  des  nations  européennes. 

Colonies  anglaises,  —  Le  principe  généralement  appliqué  dans  les 
colonies  anglaises,  abstraction  faite  de  l'ïnde,  est  celui  qui  est  indiqué 
ci-dessus,  au  n^  4. 

tJtat  Indépendant  du  Congo.  —  L'extraction  du  caoutchouc  ne  peut 
se  faire  sans  autorisation. 

L'extraction  est  pratiquée  sur  une  grande  échelle  par  l'État;  des 
concessions  peuvent  toutefois  être  accordées  dans  certaines  régions  et 
pour  un  temps  limité,  à  charge,  pour  les  concessionnaires,  d'observer 
les  règlements  applicables  aux  forêts  de  l'Etat. 

Le  gouvernement  ou  les  concessionnaires  doivent  planter  chaque 
année  un  nombre  d'arbres  à  caoutchouc  en  proportion  de  la  quantité 
de  caoutchouc  extraite.  Si  les  concessionnaires  négligent  de  le  faire, 
l'État  peut  intervenir  et  mettre  les  frais  à  charge  du  concessionnaire 
ou  bien  même  annuler  la  concession. 

Il  est  défendu  sous  des  peines  sévères  d'abattre  des  arbres  à  caout- 
chouc. 

On  ne  peut  extraire  le  caoutchouc  qu'au  moyen  d'incisions  faites 
dans  la  tige. 

Les  pénalités  varient  de  100  à  10,000  francs  et  de  10  jours  à  6  mois 
d'emprisonnement.  Les  concessionnaires,  directeurs  de  compagnies 
et  agents  de  l'État  sont  responsables  du  payement  des  amendes  encou- 
rues par  leurs  préposés. 

Les  droits  d'exportation  sont  fixés  à  40  centimes  le  kilogramme 
(février  1898),  plus  un; droit  de  25  centimes  (septembre  1898). 


866  ÉTUDES  COLONIALES 

Un  droit  de  o,000  francs  est  perçu  pour  rétablissement  de  chaque 
nouvelle  factorerie. 

Laurence  Marquez.  —  Le  monopole  de  l'extraction  et  du  commerce 
du  caoutchouc  a  été  concédé  pour  le  terme  de  vingt-cinq  ans  sur 
toutes  les  terres  inoccupées  appartenant  à  l'Etat.  Les  concessionnaires 
paient  une  rente  de  200,000  reis  par  an  et  doivent  planter 
20,000  arbres  en  deux  ans.  Ils  payent,  en  outre,  un  droit  de  oO  reis 
par  kilogramme  pendant  les  sept  premières  années  et  de  7o  reis  pen- 
dant les  dix-huit  années  suivantes.  Us  sont  exemptés  de  tout  autre 
impôt.  Us  ont  l'option  de  continuer  leur  bail  aux  mêmes  conditions 
à  l'expiration  du  monopole. 

Le  monopole  ne  porte  pas  atteinte  au  droit  des  particuliers  de 
cultiver  des  arbres  à  caoutchouc  et  d'en  exporter  le  produit. 

Compagnie  de  Mozambique.  —  La  Compagnie  de  Mozambique 
défend  à  tout  particulier  d'acheter  du  caoutchouc  aux  indigènes  ou 
de  le  faire  extraire  par  ses  préposés  à  moins  d'obtenir  une  licence 
dont  la  validité  s'étend  du  1'*''  février  au  31  août  de  chaque  année.  Le 
prix  en  est  de  3  liv.  st.  par  an.  Une  taxe  de  30  reis  doit  être  acquittée 
avant  que  le  caoutchouc  sorte  du  district  où  il  a  été  récolté  et  une 
quittance  de  payement  doit  toujours  l'accompagner. 

Toute  personne  qui  achète  ou  récolte  du  caoutchouc  doit  tenir  des 
livres  où  elle  consigne  les  entrées  journalières  de  la  gomme.  Tous 
les  mois,  elle  doit  informer  le  fonctionnaire  du  district  de  la  quan- 
tité reçue.  Tous  les  magasins  et  les  consignations  de  caoutchouc  en 
transit  doivent  être  soumis  à  l'inspection,  à  première  réquisition. 

Lagos,  —  Le  système  de  Lagos  est  fondé  sur  le  principe  que  la 
propriété  des  forêts  appartient  aux  tribus  locales  représentées  par  les 
«  autorités  indigènes  »  c'est-à-dire,  leurs  chefs.  Dans  les  districts  qui 
se  trouvent  sous  le  contrôle  des  «  autorités  indigènes  »,  personne  ne 
peut  récolter  du  caoutchouc  sans  avoir,  au  préalable,  pris  une  licence 
pour  laquelle  on  doit  payer  5  liv.  st.  aux  «  autorités  indigènes  ». 
On  doit  verser,  en  outre,  2  sh.  par  charge  de  caoutchouc. 

Aucun  arbre  de  moins  de  3  pieds  de  circonférence  à  3  pieds  du  sol 
ne  peut  être  saigné.  Il  ne  peut  être  saigné  qu'une  seule  fois  tous  les 
dix-huit  mois  et  il  ne  peut  l'être  que  de  la  manière  indiquée  par  les 
(c  autorités  indigènes  ». 

Des  mesures  sont  également  prises  pour  la  sauvegarde  des  arbres 
qui  protègent  les  lianes  à  caoutchouc.  Aucun  arbre  de  moins  de 
9  pieds  de  circonférence  à  10  pieds  du  sol  ne  peut  être  abattu  et  un 


CHRONIQUE  867 

arbre  de  même  essence  doit  être  planté  à  l'endroit  le  plus  proche 
possible  dans  les  sept  jours  qui  suivent  l'abattage. 

Un  permis  doit  être  obtenu  des  «  autorités  indigènes  »  pour  chaque 
arbre  à  abattre.  Une  taxe  de  5  sh.  par  arbre  abattu  doit  être 
acquittée. 

Protectorat  de  l'Afrique  centrale  anglaise.  —  Le  Protectorat  de 
l'Afrique  centrale  anglaise  n'a  pas  encore  établi  de  système  définitif 
pour  protéger  l'industrie  du  caoutchouc  et  en  retirer  un  revenu. 
L'administration  défend  toutefois  le  commerce  du  caoutchouc  extrait 
des  racines  et  des  écorces  des  arbres  en  les  faisant  bouillir.  Elle  a 
aussi  imposé  un  droit  de  transit  de  o  p.  c.  sur  le  caoutchouc,  pour 
l'entretien  des  routes.  Ce  droit  rapporte  1  1/2  sh.  par  livre.  Des 
mesures  ont  également  été  prises  pour  réprimer  les  fraudes  dans  le 
commerce  du  caoutchouc. 

Dahomey.  Impôt  indigène.  —  L'arrêté  du  28  juin  1899,  a  établi 
l'impôt  indigène  sur  les  bases  suivantes  : 

1»  Deux  francs  vingt-cinq  centimes  (fr.  2.25)  par  homme,  femme  ou 
enfant,  âgé  de  plus  de  dix  ans,  habitant  les  villes  de  Cotonou,  Ouida, 
Grand-Popo,  Agoué,  Porto-Novo  et  sa  banlieue. 

2°  Un  franc  vingt-cinq  centimes  (fr.  1.25)  par  homme,  femme  ou 
enfant  âgé  de  plus  de  dix  ans,  habitant  les  autres  localités  de  la 
colonie. 

Les  versements  doivent  être  effectués  en  argent  français,  et,  dans 
le  cas  d'absolue  nécessité,  en  monnaie  étrangère,  par  les  chefs  eux- 
mêmes  à  la  caisse  de  l'agent  spécial  du  cercle,  sous  le  contrôle  des 
administrateurs  admis  à  présenter  au  gouverneur  des  demandes  de 
dégrèvement  total  ou  partiel.  Transitoirement,  dans  le  cercle  de 
Savalou  et  dans  le  Haut-Dahomey,  les  indigènes  ont  la  faculté,  justi- 
fiée par  les  circonstances,  d'acquitter  la  taxe  en  cauris,  caoutchouc, 
bétail  et  denrées  diverses,  dont  la  valeur  est  évaluée  par  une  mercu- 
riale établie  annuellement. 

Enfin,  des  remises  de  20  p.  c.  sont  accordées  aux  chefs  indigènes 
sur  le  montant  de  l'impôt,  après  complet  recouvrement  des  rôles. 

Les  résultats  nets  de  l'impôt  pour  l'exercice  1899,  ont  été  les 
suivants  : 

lo  Bas-Dahomey 179,916  17 

20  Savalou 25,657  50 

2<»  Haut-Dahomey 60,578  92 

T..TAL  GÉNÉRAL.    .    .  260,152  89 


868  ÉTUDES  COLONIALES 

Les  remises  aux  chefs  indigènes  ont  eu  pour  but  de  les  intéresser  à 
la  perception  et  d'amener  insensiblement  au  moyen  de  ces  remises,  la 
suppression  des  anciennes  contributions  perçues  sans  contrôle.. 

Complètement  résolue  dans  le  Bas-Dahomey,  la  question  de  l'impôt 
rencontrera  quelque  temps  encore,  dans  le  haut  pays,  certaines  diffi- 
cultés de  détail  qui  disparaîtront  d'elles-mêmes  dès  que,  l'usage  de  la 
monnaie  s'élant  répandu  dans  la  colonie,  l'impôt  pourra  cesser  d'être 
perçu  en  nature.  Ces  inconvénients  tiennent  d'ailleurs  beaucoup  plus 
à  l'insuffisance  de  personnel,  à  l'étendue  des  territoires  et  aux  diffi- 
cultés matérielles  de  recouvrement  et  de  perception  qu'à  la  mauvaise 
volonté  des  contribuables  eux-mêmes. 

En  ce  qui  concerne  l'année  1900,  les  résultats  déjà  obtenus  sont 
tellement  remarquables  qu'il  est  permis  de  penser,  sans  exagération, 
que  le  montant  de  l'impôt  perçu  atteindra,  pour  cette  période,  le 
chiffre  de  500,000  francs. 

Exploration  des  sources  du  Nil.  —  Les  l^ittheilungen  aus  den 
Deutschen  Schutzgebieten  publient  une  relation  du  voyage  du  D"*  Kandt 
à  la  source  du  Kagera  ou  Nil  Alexandra.  Le  D"*  Kandt  se  mit  en  route 
à  la  fin  de  janvier  1898  de  Tabora  pour  se  rendre  au  confluent  du 
Ruvuvu  et  du  Kagera.  Une  évaluation  consciencieuse  du  volume  des 
eaux  des  deux  rivières  prouva  que  le  Kagera  était  la  plus  importante. 

Le  D' Kandt  se  décida  à  en  remonter  le  cours.  Il  rendit  d'abord  visite 
au  roi  de  Ruvuvu.  Il  pense  que  l'individu  qu'on  lui  a  présenté  comme 
étant  le  roi  ne  l'est  pas  en  réalité  et  que  l'on  cache  le  véritable  roi 
pour  des  motifs  de  superstition.  En  suivant  le  Kagera  dans  ses  sinuo- 
sités, le  voyageur  arriva  au  confluent  de  l'Akanyaru  et  du  Nyavarongo. 
Il  se  décida  à  suivre  ce  dernier  parce  qu'il  était  le  plus  important. 
Après  l'avoir  remonté  pendant  six  jours,  il  arriva  à  l'embouchure  du 
Mkunga,  son  affluent  le  plus  considérable.  Celui-ci  prend  sa  source 
dans  les  environs  du  Kirunga  oriental,  connu  précédemment  soos  le 
nom  de  Ufumbio,  d'où  découlent  également  des  cours  d'eau  par  le 
Ruchuru  vers  le  lac  Albert  Edward. 

Le  D'  Kandt  quitta  le  Nyavarongo  pendant  quelque  temps  pour 
faire  le  tour  du  Kirunga.  Il  dit  que  le  nom  de  L-fumbio  n'est  jamais 
appliqué  à  la  montagne.  C'est  la  désignation  d'un  district  situé  au  Nord  * 
et  renfermant  un  groupe  de  volcans  éteints,  composé  de  plusieurs 
centaines  de  pics  et  de  cratères. 

En  se  dirigeant  vers  le  Sud  par  une  plaine  de  lave,  le  long  du  Sabyin, 
montagne  à  deux  pics  et  recouverte  de  neige  éternelle,  il  arriva  à  Kivu. 
De  là,  il  poussa  vers  le  Sud-Est  et  regagna  le  Nyavarongo  qui  avait, 


CHRONIQUE  869 

daos  cette  région,  le  caractère  d*un  torrent  de  montagnes,  coulant  à 
travers  des  vallées  ravissantes,  mais  dont  l'agrément  est  troublé  par 
les  bandes  de  pillards  qui  infestent  la  contrée.  Plus  loin,  le  Nyavarongo 
est  formé  par  la  réunion  du  Mhogo  et  du  Rukarara.  Le  D""  Kandt 
remonta  celui-ci  jusqu'à  sa  source  à  travers  un  pays  charmant  et  mon- 
tagneux, mais  complètement  inhabité.  Il  n'était  visité  que  par  les  chas- 
seurs de  miel.  Les  abeilles  y  sont,  du  reste,  très  abondantes.  A  une 
altitude  de  7,000  pieds,  l'explorateur  put  voir  descendre  le  thermo- 
mètre au-dessous  de  zéro. 

Le  D'  Kandt  visita  aussi  la  source  du  Mhogo  ;  après  quoi,  il  se  diri- 
gea vers  l'extrémité  Nord  du  Tanganyka,  d'où  il  se  mit  en  route  pour 
son  expédition  au  lac  Kivu  (1). 

Rhodésia.  Le  caoutchouc.  —  Il  est  établi  que  des  étendues 
considérables  de  terres  à  caoutchouc  de  grande  valeur  commerciale  se 
trouvent  dans  le  nord-ouest  et  le  nord-est  de  la  Rhodésia.  Dans 
le  Sud  de  la  Rhodésia,  il  existe  du  caoutchouc  eu  abondance  dans  la 
vallée  du  Sabi  et  le  long  du  Zambèze.  On  a  aussi  lieu  de  croire  que 
l'on  découvrira  des  variétés  de  valeur  plus  grande  encore  dans  le  terri- 
toire de  la  Rhodésia  et  que  certaines  espèces  pourront  se  développer 
dans  les  régions  plus  sèches  du  plateau  méridional  de  la  Rhodésia. 

D'autre  part,  les  méthodes  d'extraction  des  indigènes  sont  très 
destructives,  et  l'absence  de  réglementation  protectrice  amènera 
fatalement  la  disparition  des  arbres.  Les  méthodes  de  préparation 
actuelles  sont  défectueuses  et  déprécient  le  caoutchouc  de  l'Afrique  du 
Sud. 

Le  caoutchouc  indigène  qui  a  été  reconnu  jusqu'à  présent  appartient 
principalement  à  la  catégorie  des  grandes  lianes  répandues  parmi 
d'autres  végétations. 

Afrique  occidentale  anglaise.  Chemins  de  fer.  —  A  la  Côte 
d'Or,  lecheminde  fer  Sellondi-Tarwa  vaétre  prolongé  jusqu'à  Kumassi. 
Il  desservira  une  contrée  aurifère  et  sera  garanti  par  quelques 
exploitations  d'or  auxquelles  il  profitera  particulièrement.  La  ligne 
aura  180  milles  de  longueur  et  3  pieds  6  pouces  d'écartement.  Elle 
traversera  des  forêts  épaisses.  La  route  est  loin  d'être  aisée,  car  le 
pays  est  très  accidenté  au-delà  de  Tarwa.  Une  commision  d'études, 
comprenant  vingt-sept  ingénieurs,  a  quitté  Liverpool  en  octobre  der- 


(1)  Voir  BulUlm,  p.  50. 


870  ÉTUDES     COLONIALES 

nier.  Elle  aura  besoin  de  dix-sept  cents  porteurs  et  travailleurs  qui 
devront  être  amenés  d'Angleterre.  Toutes  ces  personnes  s'occuperont 
exclusivement  de  l'étude  de  la  ligne.  La  grande  difficulté  consistera 
dans  le  recrutement  de  la  main-d'œuvre.  On  espère  pourtant  que  les 
agents  recruteurs  parviendront  à  réunir  les  dix  mille  travailleurs 
nécessaires. 

A  Lagos,  les  trois  ponts  de  fer  reliant  la  ville  au  continent  sont 
terminés  et  le  chemin  de  fer  va  être  ouvert  au  trafic  jusqu'à  Ibadan. 
La  ligne  a  une  longueur  de  126  milles  et  3  pieds  6  pouces  d'écartement. 
Elle  relie  entre  elles  les  villes  de  Lagos,  d'Abeokuta  et  d'ibadan,  dont 
la  population  est  respectivement  de  60,000,  150,000  et  180,000  habi- 
tants. Les  principaux  travaux  d'art  sont  le  pont  de  Carter  (2,000  pieds 
de  longueur),  celui  de  Denton  (900  pieds)  et  quelques  autres  ponts. 
On  étudie  le  prolongement  de  la  ligne  vers  Ogbomisho,  Ilorin  et  le 
Niger. 

On  envisage  aussi  la  création  d'un  chemin  de  fer  vers  le  pays  des 
Hausas. 

A  Sierra-Leone,  une  nouvelle  section  de  la  ligne  à  2  pieds  6  pouces 
d'écartement  a  été  ouverte.  Le  trafic  s'étend  donc  jusque  Rotifunk.  On 
a  commencé  le  prolongement  de  la  ligne  jusque  Bo  (80  km.).  La  pente 
sera  de  1  :  35.  On  a  décidé  de  construire  la  ligne  aussi  légèrement  que 
possible,  et  d'employer  des  ponts  en  bois.  La  partie  ouverte  de  la  ligne 
comprend  H  viaducs  en  fer,  et  un  pont  de  600  pieds  de  longueur  sur 
la  rivière  Ribbi. 

Usages  commerciaux  au  Maroc.  —  Nous  extrayons  le  passage 
suivant  d'un  rapport  du  ministre  français  à  Tanger,  M.  Revoil  : 

((  Rarement  les  fabricants  eux-mêmes  traitent  les  affaires  avec  ce 
pays  ;  les  transactions  sont  faites  par  des  négociants  établis  au  Maroc 
qui  réunissent  en  leurs  mains  beaucoup  d'articles. 

»  Il  n'y  a  d'exception  que  pour  les  sucres  et  les  bougies  qui,  en 
raison  de  l'importance  de  leur  consommation,  sont  en  grande  partie 
livrés  directement  par  les  fabricants  eux-mêmes.  Ces  deux  articles 
jouissent  du  privilège  de  pouvoir  être  vendus  en  majeure  partie  au 
comptant,  les  sucres  contre  de  la  monnaie  française  et  les  bougies 
contre  de  la  monnaie  anglaise.  Tous  les  articles  d'importation  alle- 
mande sont  vendus  en  monnaie  française.  Les  Anglais  ne  vendent 
que  contre  de  la  monnaie  anglaise.  Il  y  a  quelques  années,  on  avait 
adopté  le  système  de  vendre  en  monnaie  espagnole  ou  marocaine, 
en  majorant  les  prix.  Ce  système  a  donné  lieu  à  des  déboires,  par 
suite  des  variations  continuelles  du  change  et  il  a  été  abandonné; 


CHRONIQUE  871 

aujourd'hui  on  ne  traite  plus  en  monnaie  espagnole  que  quand  il 
s^agit  de  marchandises  sur  place,  livrables  de  suite. 

»  Les  ventes  se  font,  soit  à  forfait,  soit  à  la  commission  ;  la  plus 
grande  partie  de  Timporlation  est  faite  à  forfait  ;  les  affaires  à  la  com- 
mission se  traitent  toujours  valeur  comptant  et  sont  passibles  d'un 
courtage  de  5  p.  v,  en  Angleterre  et  de  G  p.  c.  en  France  et  en  Alle- 
magne; les  payements  par  la  clientèle  se  font  alors  en  compte-cou- 
rant: on  stipule  toujours  que  le  délai  de  six  mois  ne  doit  pas  être 
dépassé;  cela  n'empêche  que  souvent  les  factures  ne  sont  payées  qu'au 
bout  d'un  an.  Les  affiiires  très  importantes  en  colonnades  anglaises  se 
traitent  à  ces  conditions. 

»  Les  affaires  à  forfait  consistent  en  remise  de  marchandises  par  le 
fabricant  au  commissionnaire  établi  au  Maroc,  à  un  prix  déterminé. 
Ces  affaires  sont  généralement  réglées  à  quatre  mois,  exceptionnelle- 
ment à  six  mois;  mais  les  payements  ne  sont  que  très  rarement  faits  à 
terme  fixe,  et  il  est  difficile  d'obtenir  des  commissionnaires  des  inté- 
rêts, même  si  le  principe  en  a  été  admis.  » 

Madagascar.  —  Le  Journal  officiel  de  Madagascar,  du  13  octobre, 
constate  la  réapparition  de  la  peste  à  Tamatave. 

Le  caractère  épidémique  des  cas  constatés  ne  semble  pas  douteux. 
M.  Céraud,  doyen  des  médecins  principaux  de  la  marine,  est  décédé  à 
Mahatsara,  le  28  septembre,  à  la  suite  d'un  accès  pernicieux.  Le  géné- 
ral Gallieni  a  pris  toutes  les  mesures  nécessaires  pour  préserver  le 
reste  de  Madagascar  et  notamment  l'Emyrnc  où  le  fléau,  s'il  n'était 
arrêté,  pourrait  faire  les  plus  grands  ravages  parmi  les  populations 
hovas.  On  pense  que,  grâce  à  la  construction  récente  d'un  magasin 
de  transit  isolé,  les  mesures  de  quarantaine  n'auront  pas  d'influence 
trop  préjudiciable  pour  les  intérêts  commerciaux  de  Tamatave. 

Les  travaux  de  la  route  sont  toujours  poussés  très  activement.  Les 
chantiers  de  la  route  de  Tamatave  sont  installés  dans  la  fameuse  forêt 
Ala  qui,  avec  la  fièvre  togo,  devait  arrêter  les  colonnes  marchant  sur 
la  capitale  malgache. 

On  compte  sur  les  chantiers  plus  de  douze  mille  travailleurs,  qui 
répondirent  spontanément  à  l'appel  du  général  Gallieni.  Us  sont 
payés  un  franc  par  jour.  Les  médecins  de  service  sur  la  route  signa- 
lent l'état  sanitaire  comme  aussi  satisfaisant  que  possible. 

Le  général  Gallieni  espère  pouvoir  franchir  en  automobile,  en 
janvier  prochain,  toute  la  route  de  300  kilomètres  entre  Tananarive  et 
la  mer. 

Grâce  aux  routes,  on  voit  de  plus  en  plus  dans  l'île,  et  surtout 


872  ÉTIDES  COLONIALES 

aux  environs  de  Tananarive,  des  voitures  attelées,  et  les  Malgaches 
s'occupent  avec  entrain  de  l'élevage  des  chevaux.  La  vente  des  pou- 
lains et  des  pouliches,  au  dernier  grand  marché  de  Tananarive,  a 
donné  des  résultats  étonnants.  L'administration  pousse,  le  plus  pos- 
sible, avec  sa  jumenterie  d'Ampasika,  les  indigènes  dans  cette  voie! 
La  tranquillité  semble  complète,  sauf  encore  dans  quelques  régions 
sud  de  l'île,  où  le  colonel  Lyantey  continue  son  œuvre  de  pacifica- 
tion et  de  pénétration. 


AMÉRIQUE 


Mexique.  La  culture  du  tabac.  —  L'agronome  attaché  à  l'am- 
bassade allemande  à  Mexico  communique  des  renseignements  inté- 
ressants sur  la  culture  du  tabac  au  Mexique.  Sur  les  trente  états  dont 
se  compose  ce  pays,  il  y  en  a  vingt-deux  qui  cultivent  le  tabac.  Les 
principaux  sont  ceux  d'Oaxaca  etdeVeracruzqui  produisent  respecti- 
vement 3,194  et  1,786  tonnes  sur  un  total  de  8,9o()tonnes(1891).  Dans 
ces  deux  élats,  de  grandes  exploitations  ont  été  créées  par  des  capita- 
listes étrangers.  La  plantation  et  le  mode  de  préparation  y  ont  été 
améliorés  selon  la  méthode  suivie  à  Cuba.  Dans  l'état  de  Oaxaca,  les 
principales  plantations  de  tabac  se  trouvent  à  Valle  Nacional  ;  dans 
celui  de  Veracruz  à  San  Andres  Tuxtia. 

Le  mode  d'exploitation  dans  cette  dernière  localité  est  particulier. 
Des  entrepreneurs  plantent  et  préparent  à  leurs  frais  quelques  dizaines 
de  milliers  de  plants  de  tabac  et  reçoivent  comme  rémunération, 
d'après  certaines  bases,  la  valeur  en  argent  du  quart  de  la  récolte.  Ce 
qu'il  y  a  de  singulier  dans  cette  manière  d'exploiter,  c'est  que  le  plan- 
teur doit  fournir  les  travailleurs.  L'entrepreneur  est  chargé  de  la 
surveillance  de  ceux-ci  et  reçoit  de  ce  chef,  une  rénmnération  spéciale. 

Les  couches  se  préparent  de  la  fin  juin  au  commencement  de  juillet. 
Puis  on  sème  une  nouvelle  couche  tous  les  six  ou  sept  jours.  Depuis 
la  deuxième  moitié  de  septembre  jusqu'à  la  fin  d'octobre,  les  jeunes 
plants,  qui  doivent  avoir  au  moins  10  centimètres  de  hauteur,  sont  mis 
en  terre.  On  distance  les  rangées  de  8o  à  90  centimètres.  Dans  les 
rangées,  les  plantes  sont  de  45  à  55  centimètres  l'une  de  l'autre.  Les 
champs  doivent  être  nettoyés  deux  ou  trois  fois  pendant  la  période  de 
croissance  des  plantes.  On  procède  en  même  temps  dans  les  champs 
exposés  au  vent  du  Nord  à  un  buttage  destiné  à  protéger  les  plantes. 


CHRONIQUE  873 

Quarante  jours  après  la  mise  en  terre,  on  éroonde  les  plants.  Six  à 
huit  jours  plus  tard,  on  les  tigeonnc  pour  la  première  fois.  Cette 
dernière  opération  se  fait  encore  deux  fois  ou  davantage  s'il  le  faut. 
Les  propriétaires  mexicains  laissent  pousser  une  série  de  tiges  pour  les 
semences  Les  planteurs  étrangers  ont  des  champs  spéciaux  pour  les 
plantes  destinées  à  fournir  les  graines. 

Trois  mois  après  la  plantation  commence  la  récolte.  On  abat  les 
plantes  entièrement  et  on  les  suspend,  le  même  jour,  sous  des  hangars. 
Vingt-cinq  à  trente  jours  plus  tard,  on  les  met  en  tas  pour  les  faire 
fermenter.  Cinq  ou  six  jours  après,  on  enlève  les  feuilles  que  Ton 
range  par  classe.  On  ne  suit  pas  partout  le  même  mode  de  récolte. 
Dans  certaines  exploitations,  on  ne  coupe  pas  la  plante  ;  on  se  borne 
à  enlever  les  feuilles  et  à  les  répartir  en  trois  classes.  Cela  sefaitd'un 
même  coup  mais  par  trois  équipes  d'ouvriers.  D'autres  appliquent  la 
méthode  de  Cuba.  Us  coupent  la  tige  en  tranches,  de  manière  que 
chaque  morceau  porte  deux  feuilles  opposées. 

On  considère  à  San  Andres  Tuxtla,  comme  récolte  satisfaisante, 
un  produit  de  23  kilogrammes  de  feuilles  préparées,  par  1 ,000  plantes. 
Dans  les  années  favorables,  on  atteint  35  kilogrammes.  Cela  repré- 
sente de  (500  à  800  kilogrammes  à  l'hectaie.  Dans  d'autres  localités,  on 
récolte  jusqu'à  2,000  kilogrammes  mais  d'un  tabac  de  moindre  qualité. 

L'exportation  du  tabac  brut,  qui  avait  diminué  après  1890,  a 
augmenté  de  nouveau  en  1897- 1898  pour  atteindre  3,108  tonnes 
(2,270  tonnes  en  1898-1899).  Ce  relèvement  est  dû  à  l'arrêt  de  la  pro- 
duction à  Cuba.  Les  chances  de  lutter  avantageusement  contre  le  tabac 
de  Cuba  ne  sont  toutefois  que  peu  importantes,  même  pour  les  meil- 
leures qualités  du  Mexique,  parce  que  les  modes  de  plantation  et  de 
préparation  ne  sont  pas  à  la  hauteur  de  ceux  de  Cuba. 

Equateur.  Café.  —  D'après  l'expert  agricole  attaché  aux  légations 
allemandes  dans  TAmérique  du  Sud,  le  Café  ne  se  développe  pas  aussi 
bien  dans  l'atmosphère  humide  et  chaude  de  l'Equateur  que  dans  les 
contrées  qui  jouissent  d'un  climat  plus  frais.  Les  aiféiers  sont  aussi 
plantés  trop  près  Tun  de  l'autre  dans  l'Equateur.  Il  en  résulte  que  la 
production  est  médiocre,  en  moyenne  441  kilogrammes  par  hectare  et 
au  maximum  oOO.  Les  arbres  sont  distancés  de  3.30  mètres.  La  plan- 
tation se  fait  pendant  la  saison  des  pluies,  généralement  en  janvier  ou 
février.  La  récolte  a  lieu  pendant  la  saison  sèche  qui  commence  en 
juin.  Après  avoir  été  cueillies,  les  graines  sont  mises  en  sacs  et  séchées. 
On  enlève  ensuite  les  écorces  au  moyen  de  machines.  180  kilogrammes 
de  café  non  décortiqué  donnent  100  kilogrammes  de  café  pur.  Les 


874  ÉTUDES   COLONIALES 

quantités  de  café  exportées  varient  d'année  à  année.  En  1898,  l'expor- 
tation a  été  de  2,331  tonnes. 

• 
Guyane  anglaise.  Diamants.  —  Le  consul  américain  à  Dénie- 

rara  dit,  dans  son  rapport  sur  les  diamants  de  la  Guyane  anglaise, 

que  l'on  connaît  depuis  plusieurs  années  l'existence  de  diamants  dans 

cette  contrée.  En  1890,  749  pierres,  pesant  o14  1/2  grains,  furent 

découvertes.  Le  commissaire  des  mines  constata,  dans  son  rapport 

de  1893,  que  des  diamants  avaient  été  découverts  dans  des  placers  d'or. 

Jusqu'à  cette  époque,  la  plus  lourde  pierre  qu'on  eût  trouvée  pesait 

8  grammes.  Au  mois  de  mars  dernier,  282  pierres  furent  découvertes 

à  250  milles  en  amont  de  la  rivière  Mazaruni.  Elles  furent  envoyées 

à  Londres  et  évaluées  2  liv.  10  sh.  par  carat.  Pendant  la  première 

semaine  de  juillet,  400  petites  pierres  furent  apportées  à  la  côte  de  la 

même  localité.  Elles  furent  lavées  en  dix-huit  jours  par  neuf  hommes, 

d'après  des  méthodes  très  primitives.  Ces  pierres  sont  octaèdres  et 

varient  en  poids  d'un  gramme  à  un  carat  et  demi  à  l'état  brut.  Les 

marchands  de  Londres  les  considèrent,  dit-on,  comme  supérieures  aux 

diamants  de  l'Afrique  du  Sud  et  les  estiment  à  25  à  50  p.  c.  au-dessus 

de  ces  derniers.  Ils  déclarent  qu'elles  valent  les  pierres  du  Brésil. 

La  distance  de  Barbica  et  du  confluent  de  TEssequibo  et  du  Maza- 
runi, à  l'endroit  où  les  diamants  ont  été  trouvés,  est  de  250  milles. 
Les  mines  se  trouvent  à  environ  5  milles  de  la  rivière.  On  y  arrive  par 
un  sentier  qui  traverse  une  jungle  tropicale.  Les  provisions  et  les  ins- 
truments sont  amenés  à  dos  d'homme.  Le  voyage  dure  huit  jours  à 
l'aller  et  deux  jours  et  demi  au  retour. 

Une  concession  de  2,000  acres  a  été  accordée  à  une  firme  locale,  dans 
le  voisinage  de  ce  lieu,  pour  l'exploitation  des  pierres  précieuses.  Des 
spéculateurs  ont  envoyé  un  ingénieur  et  des  mineurs  pour  explorer 
ce  district  et  découvrir  l'endroit  d'où  proviennent  les  pierres  trouvées, 


ASIE 

Chine.  Routes  et  moyens  de  communication.  -—  Le  baron  von 
Richtofen  a  fait,  le  mois  dernier,  à  la  Société  de  géographie  de  Berlin, 
une  conférence  sur  les  routes  et  les  moyens  de  communication  en 
Chine,  particulièrement  au  point  de  vue  des  mouvements  de  troupes. 

La  Chine  proprement  dite,  c'est-à-dire  le  «  pays  des  dix-huit  pro- 
vinces »  est,  d'après  M.  von  Richthofen,  une  contrée  à  circulation 


CHRONIQUE  875 

intense.  Tout  s'y  agite  comme  dans  une  fourmilière.  Avec  les  moyens 
les  plus  limités,  les  Chinois  savent  réaliser  des  tâches  immenses.  Les 
montagnes  et  les  plateaux  qui  se  rattachent  à  TEst  au  Kuen-Lun  et 
qui  s'étendent  jusque  près  de  Shanghaï,  divisent  la  Chine  en  deux 
parties  :  la  Chine  du  Nord  et  celle  du  Sud.  D'autre  part,  la  su^îcession 
de  collines  et  de  monticules  qui  se  dirigent  du  Tonkin  vers  la  Corée, 
partagent  chacune  de  ces  parties  en  une  division  maritime  et  une 
autre,  située  à  l'Ouest,  qui  est  d'un  accès  difficile. 

La  Chine  septentrionale  est  le  pays  des  routes;  la  Chine  méridio- 
nale, celui  des  cours  d'eau  et  des  sentiers.  Le  moyen  de  communi- 
cation le  plus  efficace  est  cependant  l'homme,  que  l'on  emploie  comme 
porteur.  On  pourra  se  faire  une  idée  de  l'importance  du  portage,  en 
se  représentant  que  la  charge  qu'un  train  de  marchandises,  composé 
de  28  wagons,  transporterait  en  quelques  heures  de  Cologne  à  Berlin, 
nécessiterait,  en  Chine,  l'emploi  de  5,000  porteurs  pendant  vingt  jours. 
Aussi,  comprend-on  la  terreur  des  Chinois  qui  tirent  leur  subsistance 
du  portage,  en  voyant  construire  des  chemins  de  fer.  A  côté  du  porteur, 
on  se  sert,  dans  le  Nord,  de  l'âne,  dont  la  charge  est  de  60  kilogrammes, 
du  mulet,  qui  porte  120  kilogrammes  et  du  chameau,  qui  supporte 
180  kilogrammes.  Dans  cette  région,  on  ne  rencontre  guère  de  diffi- 
cultés pour  établir  des  chemins.  Ils  sont  pour  la  plupart  très  étroits. 
Autrefois,  on  s'était  préoccupé  de  créer  des  routes  utilisables  pour 
les  voitures.  Kublai  Khan  avait  établi  de  grandes  routes  à  travers  tout 
le  pays,  jusque  près  de  la  Chine  méridionale;  mais  ces  routes,  ainsi 
que  les  ponts,  sont  depuis  longtemps  tombés  en  ruines;  aussi,  les 
voies  de  communication  se  trouvent-elles  dans  la  situation  la  plus 
pitoyable.  Seules,  les  brouettes  à  deux  roues,  la  torture  des  Européens 
et  le  délice  des  Chinois,  sont  capables  de  résister  à  ces  routes.  Dans 
la  partie  orientale  de  la  Chine  du  Nord,  des  routes  relient  les  villes 
.entre  elles,  sauf  quand  les  difficultés  du  terrain  sont  trop  grandes. 
On  peut  donc  dire  que  cette  partie  de  la  Chine  est  ouverte  à  la  circu- 
lation. Deux  routes  seulement  conduisent  de  Pékin  au  Fleuve  Jaune 
(500  kîlom.)  par-dessus  la  chaîne  des  hauteurs  qui  séparent  la  partie 
orientale  de  la  partie  occidentale  de  la  Chine  du  Nord.  C'est  la  brèche 
au  Nord  de  Pékin,  à  travers  laquelle  passe  la  route  qui  se  dirige  vers 
Kalgan  et  la  Mandchourie  et  que  l'impératrice  a  suivie  dans  sa  fuite,  et 
ensuite,  au  sud,  la  porte  du  Fleuve  Jaune,  actuellement  d'un  passage 
très  difficile  pour  les  voitures,  mais  d'une  grande  importance  pour  le 
futur  chemin  de  fer.  Dès  que  les  montagnes  sont  traversées,  le  pays 
situé  à  l'ouest  est  libre.  La  région  qui  se  trouve  à  l'est  offre  égale- 
ment toute  facilité  de  communication,  mais  il  faut  tenir  compte  du 


876  ÉTUDES  COLONIALES 

danger  des  inondation^  résultant  de  la  rupture  des  digues  que  les 
Chinois  ont  pratiquée  différentes  fois. 

La  Chine  méridionale  est  un  pays  nK)ntagneux  comme  il  y  en  a  peu. 
Le  nombre  des  eours  d'eau  est  si  considérable  que  la  navij^tion 
doit  nécessairement  y  jouer  un  grand  rôle.  Les  bateaux  peuvent 
pénétrer  jusque  dans  les  affluents  les  plus  reculés.  On  ne  peut  guère 
se  servir  que  de  bâtiments  construits  selon  la  mode  du  pays,  parce  que 
les  cours  dVau  sont  sujets  à  des  abaissements  de  niveau  considérables 
qui  durent  parfois  pendant  six  mois.  Us  ne  sont  alors  accessibles 
qu'aux  petits  bâtiments.  Le  transport  entre  les  différents  points 
navigables  se  fait  au  moyen  de  porteurs.  En  été,  quand  les  fleuves 
coulent  à  pleins  bords^  la  circulation  des  troupes  est  presciue  impos- 
sible dans  les  vallées  parce  que  les  sentiers  sont  beaucoup  trop 
étroits.  Dans  la  province  de  Shansi,  les  crevasses,  dues  à  l'érosion  du 
loess,  opposent  aux  mouvements  des  troupes  de  grandes  difficultés.  Il 
est  cependant  à  noter  que  les  Chinois  ont  su  faire  passer  leurs  troupes 
par  cette  région  lors  de  la  révolte  dans  le  Kaschmir. 

Inde  anglaise.  Café.  —  A  la  fin  de  1899,  les  plantations  de  café 
dans  rinde  anglaise  couvraient  274,298  acres  qui  se  trouvaient,  à 
l'exception  de  450  acres,  dans  le  sud  du  pays.  La  culture  du  café  est 
limitée,  pour  la  plus  grande  partie,  à  la  région  élevée  qui  se  trouve 
au-dessus  de  la  côte  Sud-Ouest  et  qui  comprend  les  régions  de  Mysore, 
Coorg  et  les  districts  de  Malabar  et  de  Nilgiris.  Ils  représentent  les 
90  p.  c.  de  toute  l'étendue  plantée  de  café  de  l'Inde.  On  cultive  aussi 
du  café  en  Birmanie,  dans  l'Assam,  dans  le  Bengale  et  à  Bombay, 
mais  dans  de  faibles  proportions. 

La  production  a  été  très  pauvre  depuis  1896.  Celle  de  l'année 
dernière  (1899-1900)  a  été  la  plus  mauvaise  de  toutes.  Elle  n'a  été 
que  de  17  2/3  millions  de  livres,  c'est-à-dire  à  peine  plus  de  la  moitté 
de  lu  production  d'il  y  a  quinze  ans.  Cette  diminution  est  due  princi- 
palement aux  mauvaises  saisons  et  à  la  maladie  des  plantes.  11  faut 
ajouter  que  la  baisse  des  prix  depuis  1867  a  enlevé  tout  stimulant  à 
l'extension  de  la  culture  du  café. 

Siam.  Musée  commercial  japonais  à  Bangkok.  —  On  vient 
d'établir  à  Bangkok  un  musée  commercial  japonais.  Cet  établissement 
se  trouve  placé  sous  la  direction  du  gouvernement  japonais  qui  en 
supporte  toutes  les  dépenses,  sauf  le  traitement  du  directeur. 

L'établissement  occupe  de  vastes  locaux  bien  appropriés  et  se  trouve 
dans  la  partie  la  plus  commerçante  de  la  ville.  On  se  propose  d'y 


CHRONIQUE  877 

exposer  des  échantillons  de  tous  les  produits  commerciaux  du  Japon. 
Un  certain  nombre  se  trouvent  déjà  exposés  et  on  constate  que  les 
produits  japonais  font  une  excellente  impression.  Des  employés  sont 
toujours  à  la  disposition  des  visiteurs  pour  leur  donner  les  renseigne- 
ments qu*ils  désirent.  Les  acheteurs  peuvent  donner  des  ordres  sur 
échantillon  moyennant  l'addition  d*un  certain  pourcentage  au  prix. 
Ce  pourcentage  a  été  fixé  au  Japon  et  est  invariable.  Si  l'acheteur  veut 
payer  le  fret  lui-même,  le  pourcentage  est  simplement  la  commission 
du  directeur.  L'établissement  délivre  aussi  les  marchandises  franco  à 
l'acheteur  en  ajoutant  au  prix,  un  pourcentage  destiné  à  couvrir  la 
commission  et  les  frais.  Tous  les  détails  de  ceux-ci,  timbres,  câble- 
grammes,  fret  sont  mentionnés  sur  la  facture. 

Ce  musée  est  un  succès.  Le  marchand  oriental  ne  se  sert  guère  des 
catalogues,  prix-courants  et  annonces.  11  n'aime  pas  non  plus  les 
voyageurs  de  commerce,  parce  que  ceux-ci  emportent  leurs  échantillons 
et  ne  leur  laissent  rien  pour  comparer  les  marchandises.  Dans  le 
musée,  les  échantillons  peuvent  être  examinés  et  les  marchandises 
peuvent  être  comparées.  Le  marchand  peut  traiter  avec  une  firme 
établie  dans  sa  ville  e1  il  ne  doit  prendre  livraison  des  marchandises 
qu'après  avoir  constaté  qu'elles  sont  conformes  à  l'ordre  donné. 

On  accepte  des  ordres  pour  de  grandes  ou  de  petites  quantités. 
Celles-ci  profitent  du  fret  des  grandes  quantités  quand  l'acheteur  peut 
attendre  quelque  temps.  Les  échantillons  ne  sont  nullement  destinés 
à  la  classe  des  marchands  exclusivement.  Aussi,  la  population 
européenne  de  la  ville  profite-t-elle  de  l'occasion  de  se  fournir  dans 
un  bazar  japonais  excellemment  pourvu. 

Tonkin.  Thé,  —  La  production  du  thé  a  déjà  fait  ses  preuves  en 
Annam  et  la  France  reçoit  de  celte  colonie  des  quantités  de  thé  qui  ne 
sont  pas  insignifiantes;  mais  le  thé  se  trouve  aussi  au  Tonkin  et  une 
note  du  dernier  Bulletin  économique  de  rindo^Chine  nous  apprenait 
qu'on  le  rencontrait  dans  les  collines  du  Dong-Trieu  et  dans  la 
région  dite  du  Loc-Nam.  On  le  trouve  aussi  dans  la  province  du  Thai- 
Nguyên.  D'après  le  rapport  de  l'administrateur-résident  du  Hung-Hoa, 
dans  le  huyên  de  Cam-Khê,  les  plantations  de  thé,  très  importantes, 
donnent  lieu  à  d'incessantes  transactions  avec  le  Delta,  principalement 
avec  Nam-Dinh.  Des  indigènes  viennent  de  ce  centre  et  se  rendent  au 
marché  de  Cat-Tru,  pour  acheter  les  feuilles  et  fleurs  de  thé  que  les 
habitants  y  apportent;  il  est  vendu  sur  ce  marché  40,000  piastres  de 
thé  par  année.  Cette  culture  va  sans  cesse  se  développant;  toutes  les 
montagnes  du  Rung-(^a,  au  sud  de  Cam-Khê,  ont  été  défrichées  et 
sont  plantées  en  thé. 


878  ÉTUDES   COLONIALES 

Le  De  kieu  a  été  instigateur  de  ce  mouvement,  et  c'est  grâce  à  ses 
encouragements  et  aussi  à  l'aide  pécuniaire  accordé  aux  villages  que 
cette  culture  est  aujourd'hui  si  prospère.  Les  mamelons  et  montagnes 
de  la  province  de  Hung-Hao  se  prêtent  merveilleusement  à  ce  genre  de 
plantations  ;  l'indigène  y  trouve  avantage  et  semble  vouloir  s'y  adonner 
tout  particulièrement.  Il  y  aura  là,  dans  un  avenir  prochain,  une 
ressource  précieuse  pour  la  province.  4,000  coolies  seraient,  au  cours 
de  l'année,  venus  du  Delta  aider  les  habitants  de  cette  région  dans 
leurs  travaux  de  défrichement.  Le  prix  de  la  main-d'œuvre  est  de 
6  tiens  (=10  cents  environ)  el  trois  repas  par  jour.  Ces  coolies  ne 
séjournent  pas  dans  les  villages  ;  ils  montent  du  Delta  lorsque  les 
travaux  des  rizières  sont  terminés  et  retournent  dans  leur  commune 
au  moment  de  la  récolte.  Quelques-uns,  cependant,  se  sont  définitive- 
ment installés  dans  le  pays. 


OCÉANIE 


Java.  La  situation  économique.  —  Dans  une  conférence  faite  ré- 
cemment à  Amsterdam,  à  la  Ligue  des  instituteurs  néerlandais,  M.  Van 
Kol,  membre  de  la  deuxième  Chambre  des  Etats-Généraux,  a  attiré 
l'attention  sur  la  «  situation  économique  des  Javanais  ».  11  ne  la 
dépeint  guère  sous  un  jour  encourageant  et  il  en  attribue  la  respon- 
sabilité à  lexploitation  outrée  dont  les  Javanais  sont  victimes. 

Les  Européens  déliennent  les  grands  capitaux  :  commerce,  industrie, 
tout  est  dans  leurs  mains.  11  ne  reste  presque  rien  pour  l'indigène. 
De  là,  résulte  la  misère  dont  les  indigènes  souffrent  dans  un  des  pays 
les  plus  riches  du  monde. 

La  nourriture  presque  exclusive  du  Javanais  est  le  riz.  La  consom- 
mation du  riz  était  de  1.85  picul  par  tête  en  1870-1880  ;  elle  n'était  plus 
que  de  1.58  picul  en  1893-1899.  Même  la  production  de  son  principal 
élément  d'entretien  diminue.  Il  est,  en  outre,  pressuré  par  les  Arabes 
qui  lui  avancent  de  l'argent  à  des  taux  usuraires.  Mais  bien  pires  encore 
sont  les  exigences  du  fisc  hollandais  qui  réclame  le  dixième  du  pro- 
duit du  riz  comme  fermage.  Quand  la  provision  de  riz  est  absorbée, 
ce  qui  arrive  génér-alement  trois  mois  après  la  récolte,  le  Javanais  se 
soutient  avec  du  maïs  ou  du  jagœng;  après  cela,  il  se  rabat  sur  les 
feuilles  et  les  racines  mangeables.  Outre  le  riz,  il  possède  un  peu  de 


CHRONIQUE  879 

bétail.  Mais  celui-ci  diminue  rapidement  en  nombre  et  en  qualité, 
comme  le  montrent  les  statistiques.  Les  douanes  accusent  aussi  un 
recul  car,  malgré  l'augmentation  de  la  population,  le  produit  des 
droits  d'entrée  reste  stationnaire. 

D'après  un  budget  dressé  par  un  contrôleur,  les  Javanais  de  Bage- 
len  vivent  en  moyenne,  avec  25  florins  par  an.  Il  a  été  œnstaté  que  des 
Javanais  doivent  consacrer,  sans  indemnité,  plus  de  la  moitié  de  leurs 
heures  de  travail  au  fisc  de  leur  commune.  En  outre,  les  salaires  ont 
une  tendance  à  baisser,  malgré  les  énormes  profits  réalisés  par  les 
industries  des  Européens. 

Le  logement  des  Javanais  est  absolument  insuffisant  par  suite  de 
leur  manque  d'argent  et  du  défaut  de  surveillance  de  la  part  de  la 
police  de  l'hygiène. 

Dans  ces  conditions,  il  apparaît  comme  une  dérision,  au  dire  de 
M.  Van  Kol,  de  vouloir,  comme  fait  le  gouvernement,  améliorer  la 
situation  en  créant  des  caisses  d'épargne.  Des  6,000 déposants,  pas  un, 
du  reste,  n'est  cultivateur.  Les  rapports  officiels  des  résidents  con- 
statent le  recul  du  bien-être  économique  de  la  population.  Et  ce 
recul  se  traduit  dans  la  dépendance  des  habitants  vis-à-vis  des  usuriers 
arabes  et  chinois. 

Les  charges  imposées  par  le  gouvernement  hollandais  dépassent 
toutes  les  autres.  Les  impositions  sous  forme  de  travail  comprennent  : 
1*»  le  service  des  routes  :  le  Javanais  peut  être  contraint  à  y  travailler 
'42  jours  par  an  ;  2°  le  service  des  cultures  ;  3°  le  service  de  la  dessa 
qui  est  le  plus  lourd.  Les  droits  d'accise  sur  les  denrées  alimentaires 
les  plus  nécessaires  rapportent  5  1/2  millions  de  florins.  Comme 
rente  pour  le  fermage  des  terres,  on  exige,  en  règle  générale,  le  cin- 
quième de  la  récolte.  Ensuite,  il  faut  encore  tenir  compte  de  la  régie 
du  sel  et  de  l'opium.  Le  sac  de  sel  qui  coûte  1.46  fl.  au  gouvernement 
est  payé  6.72  fl.  par  les  Javanais. 

L'affermage  des  impôts  existe  encore  dans  l'Inde.  L'affermage  des 
monts  de  piété  rapporte  1,200,000  par  an.  On  y  réclame  90  p.  c. 
d'intérêts.  Le  Javanais  paie  environ  27  p.  c.  d'impôts  selon  les  calculs 
des  hommes  du  métier. 

Au  point  de  vue  physique,  le  Javanais  est  en  décadence.  On  ne  se 
préoccupe  pas  assez  de  lui  sous  le  rapport  de  l'hygiène.  Exception 
faite  pour  la  vaccination,  le  service  médical  est  insuffisant. On  n'a  pris 
de  mesures  ni  contre  la  malaria,  ni  contre  la  lèpre.  On  ne  fait  rien 
pour  les  aveugles,  ni  pour  les  déments. 

Au  point  de  vue  intellectuel,  on  ne  fait  pas  grand  chose.  L'enseigne- 
ment ne  vaut  pas  la  peine  d'être  signalé.  La  race  javanaise  est  compré- 


880  ÉTUDES  COLONIALES 

hensive  et  aime  à  s'instruire,  mais  on  ne  lui  en  offre  pas  Toccasion. 
En  ce  qui  concerne  la  situation  religieuse,  Tlslamisme  gagne  tous  les 
jours  du  terrain.  C'est  un  danger  auquel  on  n'a  pas  suffisamment  prêté 
attention.  Le  militarisme  coûte  annuellement  50  millions  à  Tlnde.  Le 
cinquième  des  plantations  sont  aux  mains  des  Européens.  Les  valeurs 
des  sociétés  indiennes  représentent  aux  bourses  hollandaises  un  capital 
de  203  millions  de  florins.  La  communauté  javanaise  s'appauvrit 
chaque  année  de  70  millions  de  florins. 

Le  résultat  de  cette  politique  économique,  conclut  M.  Van  Kol,  a 
été  la  création  d'un  prolétariat  a  Java.  Il  règne  un  esprit  de  haine  et 
de  vengeance  contre  les  Hollandais.  Les  révoltes  de  Tjilegon  et  de 
Serarg  en  sont  des  exemples.  Aussi  M.  Van  Kol  estime-t-il  qu'il  est 
temps  de  suivre  une  autre  politique  coloniale. 

JaTa«  Plantation  de  gutta-percha  par  le  gouvernement.  — 

Le  gouvernement  hollandais  a  résolu  de  fonder  à  Java  une  entreprise 
officielle  de  plantation  de  gutta-percha.  La  grande  importance  de  ce 
produit  au  point  de  vue  international  commande  de  prendre  des 
mesures  pour  éviter  qu'il  ne  disparaisse  ou  ne  diminue.  Le  gouverne- 
ment ne  causera  aucun  tort  à  l'industrie  privée  par  son  établissement 
parce  que  celle-ci  n'a  pour  ainsi  dire  rien  réalisé  dans  ce  domaine. 
Il  sera  aussi  plus  facile  d'étsiblir  un  marché  de  gutta-percha  à  Java 
quand  le  gouvernement  sera  directement  intéressé  à  la  vente  de  ce 
produit. 

Il  n'y  a  pas  de  doute  que  l'établissement  doive  être  fondé  à  Java,  en 
présence  du  succès  qu'y  ont  obtenu  les  plantations  faites  jusqu'à  pré- 
sent. Dans  son  rapport  sur  la  plantation  de  Tjipetir  (Java  occidental), 
le  directeur  de  ce  jardin  botanique  dit  :  ce  Quand  on  voit  maintenant  à 
Tjipetir  les  plus  anciennes  plantations  de  ces  deux  espèces  (Pala-' 
quium  gutta  ei  Palaquium  borneënse),  on  peut  dire  que  l'espoir  émis 
à  cette  époque  (il  y  a  dix  ans)  non  seulement  n'est  pas  déçu  mais  est 
dépassé  de  beaucoup.  Ces  arbres  forment  des  parties  de  bois  com- 
pactes, renfermant  des  sujets  de  croissance  particulièrement  satisfai- 
sante et  n'exigeant  plus  aucun  entretien.  11  est  parfaitement  possible 
d'arriver  à  un  succès.  » 

Le  gouvernement  se  propose  tout  d'abord  d'étendre  la  plantation  de 
Tjipetir  qui  compte  actuellement  2t0  bouws  en  y  incorporant  un  ter- 
rain avoisinant  de  315  bouws,  qui  sera  planté  exclusivement  des  espèces 
de  Palaquium  qui  ont  si  bien  réussi  à  Tjipetir.. On  tachera  ensuite  de 
trouver  dans  la  résidence  de  Preanger  200  bouws  de  terrain  conve- 
nant à  la  gutta-percha  et  aussi  peu  éloignés  que  possible  de  Tjipetir. 


CHRONIQUE  881 

On  les  couvrira  en  une  période  de  cinq  à  dix  ans  de  Palaquium  gtitta, 
de  Palaquium  bomeënse  et  de  Palaquium  oblongifolium  ;  cette  dernière 
espèce  donne  également  un  produit  excellent. 

On  estime  qu'une  somme  de  10,000  florins  sera  suffisante,  en  1901, 
pour  la  réalisation  du  projet. 

Iles  CfOok.  —  D'après  le  rapport  adressé  par  le  résident  des  îles 
Cook  au  gouverneur  de  la  Nouvelle-Zélande  qui  a  récemment  annexé 
ces  îles,  l'avenir  du  commerce  s'y  présente  sous  un  jour  favorable.  Les 
propriétaires  indigènes  plantent  des  bananiers  et  des  graines  de  cacao 
dans  des  terrains  qui  n'avaient  pas  été  cultivés  jusqu'à  présent.  Le 
commerce  se  développera  donc  dans  l'avenir  et  il  n'y  a  pas  de  raison 
pour  qu'il  n'atteigne  le  quintuple  de  ce  qu'il  représente  actuellement. 

L'année  dernière,  les  caféiers  ont  été  attaqués  par  Vhemileia  dans 
l'île  de  Rarotonga  qui,  par  suite,  ne  pourra  plus  exporter  de  café  pen- 
dant les  années  suivantes. 

La  culture  des  oranges  est  très  importante  et  elle  serait  plus  consi- 
dérable encore  si  on  pouvait  faire  comprendre  aux  indigènes  l'utilité 
des  fumures  artificielles  et  de  l'émondage. 

Le  résident  regrette  de  devoir  constater  que  la  population  étrangère 
de  Rarotonga  est  peu  rccommandable  et  que  les  indigènes  n'appren- 
dront rien  d'elle.  Elle  est  composée  pour  la  plupart  d'aventuriers  ou 
de  fugitifs,  sauf  toutefois  en  ce  qui  concerne  les  Allemands  qui  sont 
sobres,  travailleurs  et  soigneux  de  leurs  affaires. 

Rarotonga  et  Aitutciki  sont  actuellement  les  seules  îles  qui  soient 
bien  situées  au  point  de  vue  du  commerce  parce  que  les  récifs  y  sont 
traversés  pîir  des  canaux.  Les  autres  îles,  bien  que  très  fertiles,  restent 
en  dehors  de  la  route  des  navires.  La  seule  industrie  que  ces  îles  peu- 
vent, par  suite,  pratiquer  est  celle  du  copra.  On  devrait  les  mettre  à 
même  de  tirer  profit  de  leurs  produits,  soit  par  la  coopération  des 
marchands,  soit  par  Tintervention  de  l'État. 

L'année  dernière,  les  exportations  ont  été  de  14,219  liv.  st.  et  les 
importations  de  13,o5rj  liv.  st.  Les  principales  exportations  ont  été  le 
copra  (à  peu  près  la  moitié  du  total),  les  huîtres  perlières,  le  café,  les 
oranges.  Les  principales  importations  sont  le  coton,  les  poteries  et  les 
conserves. 

NouTelle-Guinée  allemande.  —  La  situation  sanitaire  est  des 
plus  satisfaisante  dans  la  Nouvel  le -Guinée  allemande,  tant  parmi  les 
Européens  que  pai*mi  les  gens  de  couleur,  grâce  au  traitement  à  base 
de  quinine  du  D'  Koch.  La  question  de  la  main-d'œuvre  a  également 


882  ÉTLDES  COLONIALES 

été  résolue  avec  succès,  (iràce  à  la  flotte  de  la  Compagnie  de  la  Nou- 
velle-Guinée, les  diflërentes  plantations  ont  été  abondamment  pour- 
vues de  travailleurs,  et  à  Herbersthohe  on  se  demande  même  s'il  n'y  a 
pas  lieu  d'augmenter  l'exploitation. 

La  Compagnie  de  la  Nouvelle-Guinée  a  réussi  à  enrôler  de  nouveau 
les  Javanais  qui  avaient  été  précédemment  employés  de  sorte  que  le 
nombre  des  ouvriers  javanais  nécessaires  est  même  dépassé.  Elle  est 
aussi  parvenue  à  réaliser  un  projet  que  l'administration  des  Indes 
hollandaises  avait  rejeté,  en  fondant  une  colonie  javanaise  indépen- 
dante dans  les  environs  de  Herbertshohe.  On  s'est  déjà  procuré  le 
nombre  de  familles  nécessaires  pour  le  peuplement  de  cet  établisse- 
ment. 

On  a  abandonné  définitivement  la  culture  du  tabac  à  Stephansort. 
On  ne  la  pratiquera  plus  qu'à  Jomba.  Les  premiers  échantillons  de 
café  sont  arrivés  récemment  à  Stephansort.  Us  ont  été  trouvés  de  si 
bonne  qualité  qu'une  attention  particulière  sera  portée  à  cette  culture. 
Les  plantations  de  cocotiers  sont  en  excellent  état.  Les  essais  faits  avec 
le  Castilloa  et  le  Ficus  ont  parfaitement  réussi  en  ce  qui  concerne  la 
croissance  des  plantes.  La  Compagnie  de  la  Nouvelle-Guinée  a  aban- 
donné le  projet  de  planter  du  coton  dans  les  terres  d'alluvion  car  ce 
sol  est  trop  précieux  pour  être  appliqué  à  cette  culture,  dont  les  profits 
sont  trop  restreints  et  les  frais  d'entretien  trop  grands. 

Nouvelle-Calédonie.  Le  nickel.  —  Le  nickel  de  la  Nouvelle- 
Calédonie  est  supérieur  en  qualité  et  en  quantité  à  celui  du  Canada. 
On  extrait  environ  120,000  tonnes  de  minerai  par  an.  Elles  repré- 
sentent une  valeur  de  20,000,000  de  francs  et  sont  produites  par  plu- 
sieurs compagnies,  dont  deux  grandes,  possédant  ensemble  un  capital 
de  30,000,000  de  francs.  L'industrie  du  nickel  se  poursuit  donc  acti- 
vement en  Nouvelle-Calédonie.  Elle  est  cependant  susceptible  d'être 
encore  étendue. 

La  situation  économique  des  habitants  de  la  Nouvelle-Calédonie  les 
force  à  laisser  le  plus  grand  profit  de  l'industrie  aux  Anglais.  Le  char- 
bon dont  on  fait  usage  vient  de  l'Australie  et  coûte  fort  cher.  On  est 
donc  obligé  de  vendre  le  minerai  sans  en  extraire  le  nickel.  Les  Anglais 
l'achètent,  les  Français  n'ayant  pas  les  machines  nécessaires  pour  le 
mettre  en  œuvre,  et  le  transportent  à  Glascow,  où  il  est  fondu.  Le 
nickel  est  alors  expédié  aux  ateliers  du  Havre,  où  il  est  achevé. 

Tahiti.  Ressources.  —  Le  consul  anglais  à  Tahiti  <ittire  lattenticm 
des  capitalistes  sur  les  placements  avantageux  qu'ils  pourraient  faire 


CHRONIQUE 


883 


dans  cette  île  en  fondant  des  plantations  de  canne  à  sucre,  de  café  et 
de  fruits.  Le  climat,  le  sol,  la  pluie  et  l'eau  sont  excellents,  et  cepen- 
dant de  grandes  étendues  de  terre  restent  inexploitées.  Le  consul  en 
attribue  la  cause  principalement  au  manque  de  capital,  à  l'incapacité 
des  travailleurs  et  à  l'insuffisance  des  moyens  de  communication  avec 
le  reste  du  monde.  On  évalue  que  Tahiti  peut  produire  à  lui  seul 
300,000  tonnes  de  sucre  par  an  dans  des  conditions  infniiment  plus 
favorables  que  Hawaî.  Les  méthodes  suivies  dans  la  culture  de  la 
petite  partie  des  terres  consacrées  à  la  canne  à  sucre  sont  primitives  et 
imparfaites.  Les  plantes  dépendent  entièrement  de  la  pluie,  car  il 
n'existe  aucun  système  d'irrigation.  D'autre  part,  les  machines 
employées  à  la  mise  en  (puvre  du  suc  sont  tout  à  fait  surannées. 


BIBLIOGRAPHIE  -^ 


-v- 


Viezuoht  und  Bodenkultur  in  Sttd'westafkika.  Conseils  aux  émigrants,  par 
Ernest  Hermann.  —  Un  vol.  in-8»  de  95  pages.  Berlin,  DeuUchc  Kolonial  Verlag 
(G.  Meinecke),  1900. 

Les  possessions  allemandes  du  Sud-Ouest  africain  ont  été  jusqu'à 
ce  jour  fort  peu  productives,  et  constituent  une  des  parties  les  plus 
ingrates  du  continent  noir.  Elles  ont  toutefois  l'avantage  d'un  climat 
qui  permet  l'installation  de  colons  agricoles  à  titre  permanent. 
L'étude  de  M.  Hermann,  qui  y  a  résidé  pendant  onze  années,  est  con- 
sacrée à  lexamen  des  exploitations  possibles  dans  la  colonie.  H  y  est 
principalement  traité  de  l'élève  du  bétail,  qui  paraît  être  la  seule  res- 
source importante  pour  l'avenir  de  la  région.  Lesconseils  de  l'auteur 
aux  futurs  colons  dénotent  un  esprit  pratique  et  prudent.  Quelques 
pages,  à  la  fin  de  l'ouvrage,  consacrées  aux  rapports  des  colons  avec 
les  indigènes,  méritent  aussi  d'être  signalées. 


History  of  Rhodesia,  d*après  les  sources  officielles,  par  Howard  Hanshan  .  —  Un 
vol.  in-i3  de  581  pages  avec  carte.  Londres  et  Edimiiourg,  William  Blackwood  and 
sons,  1900. 

Le  livre  de  M.  Hansman  est  consacré  à  l'histoire,  courte,  mais 
extrêmement  mouvementée,  de  la  nouvelle  colonie  britannique,  qui, 
à  tant  de  titres,  a  mérité  l'attention  générale.  L'auteur  suit  la  Rhode- 
sia  depuis  sa  fondation  ;  il  retrace  les  péripéties  de  la  première  guerre 
contre  les  Matabélés,  puis  celles  du  raid  Jameson,  a  cette  déplorable 
affaire,  dont  les  effets  sont  encore  sentis  dans  l'Afrique  australe,  et 
sont  responsables,  pour  une  part  considérable,  des  troubles  qui  ont 
éclaté  depuis  lors  ». 

La  grande  rébellion  des  Matabélés,  en  1896,  est  relatée  avec 
beaucoup  de  détails.  L'auteur  examine  enfin  la  situation  politique 
et  économique  de  la  Rhodesia.  Les  événements  contemporains  y  ont 


BIBUOORAPUIR  885 

fait  ajouter  deux  chapitres,  racontant  les  sièges  de  Kimberley  et  de 
Mafeking.  L'ensemble  de  l'ouvrage  constitue  une  source  importante 
de  renseignements  pleins  d'intérêt,  même  pour  ceux  qui  ne  partagent 
pas  les  opinions  de  l'auteur,  grand  admirateur  de  Cécil  Rhodes,  à  qui 
il  a  dédié  son  ouvrage^ 

L.e8  Chemins  de  fer  aux  Colonies  françaises,  non  compris  l'Algérie  et  la  Tunisie, 
par  M.  EuG.  Lemaire,  docteur  en  droit.  —  Un  vol.  iii-4o  de  338  pages.  Poitiers,  Biais 
et  Roy,  1900. 

La  question  des  chemins  de  fer  est  absolument  vitale  dans  les  colo- 
nies contemporaines.  Le  recueil  de  M.  Lemaire,  formé  d'un  grand 
nombre  d'extraits  de  documents  authentiques,  est  d'une  incontestable 
utilité.  On  y  trouvera  l'examen  détaillé  de  toutes  les  lignes  construites 
ou  projetées  dans  les  colonies  françaises,  y  compris  le  Transsaharien. 
Le  volume  se  termine  par  des  conclusions  générales,  fondées  sur  les 
résultats  de  l'expérience,  en  ce  qui  concerne  les  études  du  tracé,  la 
concession  des  lignes,  la  construction  de  la  voie,  la  main-d'œuvre, 
l'exploitation  et  les  tarifs. 

Rôle  économique  et  social  des  voies  de  communication,  par  Ei;g.  Gampredon, 
ingénieur  des  mines.  —  Un  vol.  grand  in- 16  de  H  5  pages  avec  7  cartes.  Paris, 
VeC3i.Dunod,1899. 

L'ouvrage  de  M.  Gampredon,  justement  estimé  des  spécialistes,  se 
compose  de  deux  parties,  dont  la  première  se  divise  en  cinq  chapitres, 
consacrés  à  l'étude,  des  cinq  grandes  classes  de  moyens  de  comnmni- 
cation  :  les  routes,  les  voies  ferrées,  les  voies  navigables  et  les  voies 
maritimes,  (tudiées  dans  leur  développement  et  dans  leurs  effets  éco- 
nomiques, enfin  les  moyens  de  communication  électriques. 

Les  faits  développés  par  l'auteur  à  titre  d'exemples,  constituent 
un  tableau  presque  complet  de  l'histoire  commerciale  du  monde  et 
renferment  un  grand  nombre  de  données  sur  le  mouvement  colonial 
contemporain.  La  seconde  partie,  traitant  du  rôle  social  des  voies  de 
communication,  se  compose  de  considérations  d'un  caractère  plus 
abstrait,  et  qui  offrent  le  même  intérêt  que  les  précédentes. 

Reflections  on  the  origins  and  destiny  of  Impérial  Britain,  par  J.-A.  Cramb, 
M.-A.  —  Un  vol.  in-8*>  de  515  pages,  LondrcF,  Macmillan  and  C^,  iOOO. 

L'impérialisme  britannique  occupe  trop  de  place  dans  la  politique 
contemporaine  pour  qu'il  soit  nécessaire  de  faire  ressortir  l'impor- 
tance que  revêt,  au  moins  à  titre  documentaire,  tout  ouvrage  consacré 


886  ÉTUDES  COLONIALES 

à  l'étude  et  au  développement  de  cet  état  d'esprit.  F^e  livre  de 
M.  Cramb  est  d'ailleurs  remarquable  à  plus  d'un  titre,  et  ses  idées, 
qu'il  ne  convient  pas  de  discuter  ici,  sont  souvent  fort  originales. 
Son  chapitre  Whatis  war?  en  particulier,  constitue  une  curieuse  apo- 
logie  de  la  guerre,  en  opposition  absolue  avec  les  tendances  pacifiques 
si  répandues  de  nos  jours. 

Profils  blancs  et  frimousses  noires  (impressions  congolaises},  par  Léopold 
GouRouBLE.  —  Un  vol.  in- 12  de  370  pages,  avec  illustrations.  Bruxelles,  P.  Lacom- 
blez,  1901. 

Ce  livre  nouveau  de  l'auteur  de  En  plein  soleil  a,  comme  les  œuvres 
déjà  connues  de  M.  Courouble,  des  qualités  de  style  et  d'expression 
éminemment  pittoresques  qui  en  fait  un  des  plus  agréables  échantil- 
lons de  notre  littérature  congolaise.  C'est  d'ailleurs,  sous  sa  forme 
légère,  l'œuvre  d'un  observateur  sagace  des  mœurs  indigènes  et  de  la 
vie  coloniale,  et  l'on  y  trouvera  sur  le  fonctionnement  de  la  justice  de 
l'État  Indépendant,  des  détails  «  vécus  »  dont  on  chercherait  vaine- 
ment l'équivalant  dans  les  plus  volumineuses  compilations  coloniales. 

Historical  geography  of  West-Africa,  par  G.  P.  Lucas,  S*  édition  révisée  par 
M.  H.-E.  Egcrlon.  Publication  de  la  Clarendon  PrcM  d'Oxford.  —  Vu  vol.  in-12  de 
30â  pages  avec  cinq  cartes.  Londres,  H.  Frowde,  1000. 

Cet  intéressant  volume  fait  partie  d'une  série  de  publications  con- 
sacrées à  l'histoire  géographique  des  colonies  anglaises.  On  y  trouvera 
un  résumé  très  complet  des  premières  explorations  qui  ont  traversé  et 
fait  connaître  le  continent  africain.  Vient  ensuite  une  étude  dévelop- 
pée de  la  colonisation  européenne  à  la  côte  de  Guinée,  avec  une  série 
de  notices  sur  l'état  présent  de  chacune  des  colonies  britanniques 
existant  dans  cette  région.  Un  dernier  chapitre  est  consacré  aux  îles 
de  l'Océan  Atlantique. 

Ce  volume,  avec  ceux  qui  font  partie  de  la  même  série,  constitue 
une  collection  remarquable  et  des  plus  utile  au  point  de  vue  géogra- 
phique et  colonial. 


\ 


INDEX 


Abyssinie  : 

Commerce,  6')9. 

Expédition  Erlanger  et  Neiiman, 
805. 

Marchés,  658. 

Matériel  militaiœ,  ^2^6. 

Mission  H.  II.  Austin,  807. 

Mission  Léontietf,  245,  803. 
Addis-Abeba,  806,  807. 
Afrique  australe  : 

Commerce  allemand,  810. 

Débouchés,  801). 

Lignes  de  navigation  allemandes, 
862. 

Protection  de  la  race  indigène, 
744. 
Afrique  centrale  anglaise  : 

Café,  5i0. 

Chemins  de  fer,  510,  803. 
Afrique  occidentale  anglaise  : 

Chemins  de  fer,  368  et  suiv.,  869. 
Afrique  orientale  allemande  : 

Agriculture,  118,  60ïi. 

Bétail,  565. 

Café,  565. 

Canne  à  sucre,  564,  604. 

Caoutchouc,  119. 

Charbon,  298. 

Climat,  556. 

Cocotiers,  562. 

Colonisation,  566. 

Commerce,  514. 

Cultures  appropriées,  557,  570. 


Cultures  indigènes,  558. 

Dock  lloltant,  599. 

Écoles,  120. 

Force  publique,  120. 

Hôpitaux,  118. 

Ivoire,  514. 

Légumes  d'Europe,  119. 

Blissions,  120. 

Plantations,  558,  656. 

Population,  117,  515,  567,  602. 

Uamie,  562. 

Routes,  119. 

Sol,  551. 

Sources  sulfureuses,  118. 

Taxe  sur  les  huttes,  119. 

Transports,  120,  657. 

Vanille,  564. 

Voies  de  communication,  568. 
Afrique  orientale  portugaise  : 

Chemin  de  fer  de  Beïra,  373. 

Exportation  du  caoutchouc  et  des 
arachides,  137. 

Marchands  indiens,  749, 

Prazo?,  749. 

Situation  économique,  433. 
—  Voir  Cliinde,  Inhambane, 
Afrique  sud-occidentale  allemande  : 

Barrages,  116,  656. 

Bétail,  115. 

Chemin  de  fer  de  (ireat  Fish  Bay, 
432,  615. 

Climat,  598. 

Commerce,  115. 


888 


KTLDES  COLONIALES 


Cuivre,  598. 

Cultures,  116,  656. 

Force  publique,  U6. 

ImmignUion,  599. 

irrigation,  116,  657. 

Jardins  d'essais,  116. 

Malaria,  115. 

Mines  de  cuivre,  432,  515. 

Or,  598. 

Population,  114,598. 

Remède  contre  la  mortalité  des 
chevaux,  433. 

Routes,  116. 

Superficie,  598. 

Vente  des  fermes  du  gouverne- 
ment, 655. 
Albatros  (I/expédltion  de),  366. 
Almeidina,  le  caoutchouc,  134,  297. 
Amazonie,  245  et  suiv.,  262,  393  et 
suiv.,  660,  699  et  suiv. 

—  Voir  Brésil,  Caoutchouc,  Xingu, 
Vamunda. 

Ami  : 

M(rurs  et  coutumes,  774. 

—  Voir  Formo.se. 
Amdris,  297. 
Amoy,  8,  12. 

Passes  de  transit,  417. 
Ampjng  : 

Canne  à  sucre,  771. 

Parcs  à  huîtres,  771. 
Angola  : 

Canne  à  sucre,  651. 

Caoutchouc,  134,  294. 

Commerce  en  1897  et  1898,  293. 

Produits,  293. 
Anhui,  469. 
Ankober,  227. 
Annam  : 

Colon,  438. 

—  Voir  Indo- Chine. 
Anophèles  : 

Description,  800. 
Destruction,  727. 
Huttes  indigènes,  728,  729. 


Larves,  727,  800. 

Marécages,  727. 

Uganda,  813. 
—  Voir  Malaria. 
Appel  de  Suifu,  342. 
Arachides,  860. 

Afrique  orientale  allemande,  119, 
558. 

Afrique  orientale  portugaise,  137, 
746. 

Ki.merun,  34. 

Nouvelle  Guinée  anglaise,  673. 

Togo,  31. 
Archipel  Bismarck,  120. 
Arinos,  397. 

ASHANTI,  297. 

AssioiT,  197. 
Atchour,  168. 

Baie  de  Deuigoa,  434,  511. 
Bako,  804. 
Balata  : 

Pays  d'origine,  501,  691  et  suiv. 

Propriétés,  691. 

Récolle,  695.     * 
Bananes  : 

Afrique  oricntiile  allemande,  558. 

llesCook,  881. 

Uganda,  848. 
Bangkok  : 

Commerce  en  1899,  816. 

Tek,  816. 
—  Voir  Siam. 

Bannières  (Troupe  des)  (Chine),  479. 
Barracal  (Mission  de),  394. 
Bastian  Fau.,  234. 
Basutoland,  509. 
Beira  : 

Chemin  de  fer,  373. 
Bengl'ela,  296. 
BÉNUÉ  (Région  de  la).  55. 
Berdera,  227. 
Bbresford  (lord),  l  et  suiv. 
Bétail.  (Voir  Élevage.) 


'^i^ 


fNr 


INDEX 


Birmanie  : 

Commerce,  068. 

Historique,  G68. 

Productions  naturelles,  668. 
Blundbll,  227. 

BoKHARA  ORIENTAL  (L'or  dans  le),  57. 
Bornéo  : 

Mœurs  des  Madangs,  672. 
BouviE  : 

Caoutchouc,  521. 

Voies  de  communications,  522. 
Brésil  : 

Allemands,  138. 

Cacao,  265. 

Café  (exportation),  139. 

Café  (plantations),  662. 

Canne  à  sucre,  647. 

Capitaux  belges,  521. 

Caucho,  217,  269. 

Chemins  de  fer,  138. 

Conditions     d'exploitation     du 
caoutchouc,  792  et  suiv. 

Gomme  élastique,  266. 

Immigration,  520. 

Protectionnisme,  255. 

Travaux  publics,  230. 

—  Voir  Manaos.  Para. 
Blea  (Kamerunj  : 

Station  sanitaire,  487. 
BUSBMEN,  740. 

—  Voir  Pygmâes. 

Cables  sous-marins,  42. 
Cacao: 

Amazonie,  703. 

Ceylan,  735. 

Culture,  497. 

Dahomey,  356. 

Femando-Po,  132. 

Guyane  anglaise,  302. 

Indes  anglaises  occidentales,  301. 

Kamerun,  33, 34. 

Lagos,  132. 

Madagascar,  350. 

Nouvelle-Guinée,  121. 


Paraguay,  300. 

Principe,  434. 

San-Thomé,  434. 

Uganda,  850. 
Café  : 

Afrique  orientale  allemande,  565. 

Afrique  orientale  portugaisc,747 

Archipel  Bismarcli,  421. 

Brésil,  139,  662. 

Ceylan,  735,  736. 

Choix  des  graines,  722. 

Congo  français,  744. 

Cuba,  788. 

Culture  (Guatemala),  184  et  suiv. 

Equateur,  873. 

Iles  Cook,  881. 

Inde  anglaise,  876. 

Indo-Chine,  670. 

Inhambane,  747. 

Java,  442,  725. 

Lagos,  132. 

Madagascar,  350,  374. 

Nouvelle-Guinée,  121. 

Togo,  30. 

Uganda,  849. 
Canne  a  sucre  : 

Afrique,  650. 

Afrique  orientale  allemande,  564, 
602. 

Afrique  orientale  portugaise,  746. 

Amérique,  696. 

Angola,  651. 

Asie,  642. 

Australie,  646. 

Brésil,  647. 

Ceylan,  736. 

Conditions  climatériques,  639. 

Cuba,  784. 

Europe,  649. 

Formose,  643. 

Guyane  anglaise,  648. 

Guyane  française,  647. 

Guyane  hollandaise,  647. 

Inde  anglaise,  642. 

Indo-Chine,  643. 

5 


ETUDES  COLONIALES 


Inhambatie,  746. 

Japon,  644. 

Java,  441,  645. 

Kamerun,  651. 

Mexique,  646. 

Nouvelle-Guinée,  645. 

Océanie,  645. 

Paraguay,  649. 

Tahiti,  882. 

Uganda,  652,  851. 

Zanzibar,  652. 
Cambodge.  (Voir  Indo-Chine.) 
Gamphbe  : 

Distillation,  765. 

Production,  440. 
—  Voir  Fomwse. 
Cannibalisme  : 

Colombie  britannique,  375. 
Canton,  383. 

Concession  étrangère,  720. 

Distribution  d'eau,  225. 

Passes  de  transit,  413. 
Caoutchouc  : 

Afrique  orientale  allemande,  119. 

Almeidina,  134. 

Amazonie,  246  et  suiv.  660. 

Angola,  134,  294. 

Assam,  523. 

Benguéla,  296. 

Bolivie,  521. 

Brésil,  235,  246,  396,  661,  792 
et  suiv. 

Caoutchouc  herbacé,  203,  206. 

Castilloa  elastica,  205,  207,  272. 

Céara,  246  et  suiv. 

Ceylan,  735. 

Consommation  mondiale,  661. 

Costus,  204. 

Côte  d'ivoire,  284. 

Cuba,  302. 

Dahomey,  355. 

Ëtat  du  Congo,  203  et  suiv. 

Guatemala,  272. 

Guinée  française,  130,  437. 

Hevea  Brasilensis,  661. 


Inde  anglaise,  642. 

Indes  anglaises  occidentales,  302. 

Kamerun,  203  et  suiv. 

Kickxia,  205,  206. 

Landolphia,  205,  206,  437. 

Madagascar,  348,  374. 

Mangabcira,  602. 

Manihot  Glazovii,  205. 

Mexique,  234. 

Hossamédès,  297. 

Nouvelle-Guinée,  881. 

Pérou,  303. 

Production  mondiale,  661. 

Rhodésia,  869. 

Seringueira,  661. 

Siphonia  elastica,  521. 

Soudan,  219. 

Systèmes  d'exploitation  des  fo- 
rêts, au  Brésil,  793  et  suiv.;  en 
Afrique,  865. 

Tapajoz,  396. 

Togo,  30,  31. 

Uganda,  841. 

Ile,  302. 
Cap  (Colonie  du)  : 

Commerce  en  1899,  512. 
Cap  au  Caire  (Traversée  de  TAfrique 

du),  par  M.  Sharpe,  428  et  suiv. 
Capitaux  au.ehands  dans  les  entre- 
prises d*outre-mer,  365. 
Cartographie    des    colonies    alle- 
mandes, 801. 
Céara,  245  et  suiv. 

Barrage  de  Quixada,  247. 

Caoutchouc,  249. 

Ëlevage  du  bétail,  249. 

Émigration,  246.  250. 

Population,  246. 

Production,  249. 

Sécheresse,  246. 
Céara  (ville),  248. 
Ceylan,  308. 

Cacao,  735. 

Caoutchouc,  735. 

Café,  736. 


INDEX 


894' 


Canne  à  sucre,  642.    ^ 

Colombo,  735. 

Commerce,  735. 

Thé  vert,  735. 

Thé  (planUtioDs),  736. 
Chàbbon  : 

Afrique  orientale  allemande,  398. 

Chine,  80, 733. 

Uganda,  853. 
Chari  (Organisation  de),  750. 
Chkfoo  (Convention  dej,  4,  408. 
Chemins  de  fer  : 

Afrique  australe,  809. 

Afrique  centrale  anglaise,  510, 
803. 

Afrique  orientale  portugaise,  373. 

Afrique    sud  -  occidentale    alle- 
mande, 432,  515. 

Brésil,  138. 

Dahomey,  286,  362. 

Chine,  76  et  suiv.,  142, 143,  523. 

Corée,  819. 

Formose,  671. 

Gold-Coast,  368. 

Guinée  française,  130,  220. 

Hankow,  377. 

Indo-Chine,  526. 

Kiautschau,  123,  666,  813. 

Lagos,  131,368,  370. 

Madagascar,  346. 

Mandchourie,  145,  237. 

Sénégal,  210. 

Sibérie.  524. 

Soudan  égyptien,  372. 

Soudan  français,  214,  215. 

Tientsin,  667. 

Uganda,  511,  835. 
Chinde  (Commerce  et  mouvement  ma- 
ritime de),  749. 
Chin-Huans  : 

Mœurs  et  coutumes,  766. 

Territoire,  764. 
—  Voir  Formose. 
Chin-Kiang: 

Passes  de  transit,  411. 


Chine  : 


Armée  et  marine,  92. 
Arsenaux,  328. 
Charbon,  80,  733. 
Chemins  de  fer,  76,  319,  523.     : 
Climatologie,  663.  \ 

Commerce  des  grains,  12. 
Commerce  extérieurde  1899, 376.  ' 
Débouchés  pour  les  ingénieurs,* 

319  et  suiv. 
Droits  et  passes  de  transit,  2  et 

suiv.,  86  et  suiv.,  400  et  suiv., 

411. 
Droit  de  séjour,  20,  72. 
Droit  d'exploiter  les  mines,  21. 
Eau  potable,  664.  ^ 

Electricité,  321. 
Étrangers,  607. 
Exposition  de  produits,  330. 
Firmes  étrangères,  608. 
Fonctionnaires,  14,  405. 
Gildes  de  crédit,  307. 
Gildes  fermières  d'impôts,  409. 
Insécurité  commerciale,  9  et  suiv. 
Justice,  22. 
Likin,  2  et  suiv.,  86. 
Manufactures,  225.  , 

Mines,  324. 
Monnaie,  82. 

Monopole  du  sel,  8, 11.  , 

Moulins,  327. 

Mouvement  maritime,  377.         , 
Navigation,  20,  71. 
Parti  de  la  réforme,  19. 
Ramie,  753. 

Règlement  douanier  de  1898,  6. . 
Révision  du  tarif  douanier,  16, 

400. 
Richesses  minérales,  324. 
Routes,  74,  874. 
Salaires,  320,  324,  330. 
Soie  (Industrie  de  la),  327. 
Sphères  d'influence  et  porte  ou- 
verte, 18,141,334. 
Supplices  judiciaires,  383  et  suiv. 


892 


ÉTUDES  COLONIALES 


Système  fiscal,  13. 

Taxes  de  destination,  7,  406. 

Télégraphes,  3S3. 

Téléphones,  322. 

Thé  (Commerce  du),  327. 

—  Voir  Commissions  d'études.  Chinois, 

Ports  à  traité. 
Chinois  : 

Esthétique,  767. 

Qualités  et  avenir,  574  et  suiv* 
CiBB  : 

Afrique  orientale  allemande,  i  19. 

Afrique  orientale  portugaise, 746. 

Benguela,  296. 
Clous  db  girofle  : 

Zanzibar,  747. 

COCHINCHINB  : 

Culture  du  café,  734. 
Immigration  chinoise,  734. 

—  Voir  Indo- Chine. 
Cocotiers  : 

Afrique  orientale  allemande,  562. 
Archipel  Bismarck,  121. 
Dahomey,  355. 
Togo,  30. 
Madagascar,  374. 
Nouvelle-Guinée,  121. 
Colombie  britannique  : 
.  Cannibalisme,  375. 
Or,  303. 
Colonies  allemandes  (Rapport  sur  les), 

30  et  suiv. 
Colonies  françaises  : 
Budget  des  —,  24. 
Rapport  sur  les  — ,  8  et  suiv., 
283  et  suiv.,  344 et  suiv. 
Colonisation  : 
Afrique  orientale  allemande,  566. 
Afrique  sud-occidentale  allemande, 
599. 
Combustible  uquide,  672,  860. 
Commerce  des  esclaves  : 
Maroc,  173. 
Zambèze,  742. 


Commissions  d*études  en  Chine  : 

—  des  Etats-Unis,  141. 

—  de  société  belge,  143. 

COMPRADOBES,  19. 

Compression  des  pieds  : 

Chine,  335  et  suiv.,  479. 
Concessions  étrangères  : 

Chine,  23. 
Congo  français  : 

Budget,  290. 

Commerce,  290. 

Concessions,  290,  864. 

Culture  du  café,  744. 

Douanes,  292. 

Population,  288. 

Télégraphe,  290.  • 
Copra  : 

Afrique  orientale  portugaise,  746. 

Dahomey,  355. 

Iles  Marshall,  122. 

Iles  Samoa,  674. 

Java,  444. 

Nouvelle-Guinée,  122. 

Togo,  31. 
Corée,  236. 

Écoles,  819. 

Chemin  de  fer,  819. 

Commerce,  312. 

Nécessité  de  connaître  la  langue 
du  pays,  739. 

Or,  312. 

Ports  ouverts,  820. 
CÔTE  d*iyoire  : 

Budget,  284. 

Caoutchouc,  284. 

Commerce,  284. 

Or,  284. 

Population,  283. 

Télégraphe,  283. 
Cotonniers  : 

Afrique  orientale  allemande,  560. 

Annam,  438. 

Archipel  Bismarck,  121. 

Nouvelle-Guinée,  121. 


INDEX 


893 


Soudan  français,  216. 

Uganda,  850. 
CoTONOD,  362,  432. 
Cuba: 

Acquisition  par  les  États-Unis, 
789. 

Administration,  791. 

Agriculture,  784. 

Aspect,  779,781. 

Café,  788. 

Canne  à  sucre,  784. 

Caoutchouc,  302. 

Chemins  de  fer,  789. 

Climat,  778,  781. 

Cours  d'eau,  783. 

Dette,  790. 

Élevage,  783. 

Excédents  de  budget,  790. 

Flore,  781. 

Forêts,  783. 

Lignes  de  navigation,  789. 

Mines,  783. 

Mortalité,  781. 

Pétrole,  784. 

Population,  782. 

Rhum,  787. 

Routes,  789. 

Superficie,  779. 

Tabac,  784,  787. 

Taxes,  791. 

Villes,  784. 
CuiVBE  : 

Afrique  allemande  occidentale, 
432,  615. 

Madagascar,  348. 

Mexique,  752. 

CULEX. 

—  Voir  Anophèles. 
Cultures  haraîchèrss,  119. 

Dahomey  : 

Bas  Dahomey,  35i. 
Budget,  286. 
Climat,  354. 
Caoutchouc,  355. 


Chemins  de  fer,  286,  362,  431. 

Commerce,  287,  360. 

Cultures,  355,  356. 

Douanes,  360. 

Haut  Dahomey,  358. 

Historique,  353. 

Villes  principales,  358. 

Wharf,  362. 

Ricin,  432. 

Salaires,  357. 

Taxation  indigène,  867. 
Darfour  : 

Expédition  Slatin,  576. 
Débouchés  en  Chine  pour  les  ingé- 
nieurs mécaniciens,  319  et  suiv. 
Diamants  : 

Brésil,  230. 

Cap,  229. 

Guyane  anglaise,  874. 

Transvaal,  136. 

DlÉGO-SUAREZ,  352. 

Douaubs  mpÉRiALES  maritimes  (Chine)^ 
16. 

Du  Lac  Rodolphe  au  Nil,  par  le  capi- 
taine Wellby,  807. 

—  Voir  Lac  Rodolphe,  . 

Ebènb  : 

Kamerun,  34. 
Eléphant  (Utilisation  rationnelle  des), 
825  et  suiv. 

—  Voir  Ivoire. 
Elevage  : 

Afrique  orientale  allemande,  565. 
Afrique    sud  -  occidentale    alle- 
mande, 115, 166. 
Archipel  Bismarck,  121. 
Brésil  (Céara),  249. 
Cuba,  783. 
Maroc,  174. 
Soudan,  219. 
Togo,  31. 
Equateur  : 
Café,  873. 


;B94 


ÉTUDES  COLONIALES 


États-Unis  : 

Electricité,  323. 

Produits  manufacturés,  332. 
ËTATS  Shans.  (Une  race  qui  disparaît), 

8i5. 
Ethiopie. 

—  Voir  Abyssinie, 

Expédition  congolo-allemandb  au  lac 
Kivu,  802. 

—  Voir  Lac  Kivu, 
Extrême-Orient  (Situation  politique), 

236. 

CI  Faidherbe  »  (Le),  808. 
Fièvres  (Différents  types  de). 
— ^  Voir  Malaria, 
Fièvre  dutexas,  H8. 

FORMOSE  : 

Canne  à  sucre,  643,  771. 

Camphre,  440,  765. 

Chemins  de  fer,  671,  758. 

Climat,  758. 

Commerce,  3 H,  672. 

Ecoles,  672,  760,  774. 

Etrangers,  312. 

Impôts,  777,  778. 

Japonais,  672. 

Manque  de  capitaux,  762,  778. 

Monopoles,  776. 

Parcs  à  huîtres,  771. 

Population,  672. 

Ports  ouverts,  148. 

Propagande  religieuse,  762. 

Propriété  foncière,  776. 

Sauvages,  764  et  suiv. 

Subsides  aux  chefs  sauvages,  773. 

Tours  de  garde,  764. 
Fleuve  jaune,  74. 
Force  pubijque  : 

Afrique  oriental»  allemande,  120. 

Afrique    sud  -  occidentale    alle- 
mande, 116. 

Nigeria,  133,  597. 

FOSTALEZA. 

—  Voir  Ceara  (ville). 


FULAHS,  56. 

Oambie. 

Chemin  de  fer,  368. 

GOLD  COAST  : 

Chemin  de  fer,  368,  869. 

Commerce,  298. 

Population,  297. 
Gommes: 

Brésil,  266. 

Soudan,  219. 
GOUBARA,  513. 
GoYANA  (Ile  de),  394,  399. 
Grand  canal  (Chine),  72,  73. 
Grands  réservoirs  du  Nil,  197. 

Barrage  d*Assioût,  197,  199. 

Barrage  d*Assouan,  200,  201 

Barrage  du  delta,  198. 

Coût  des  travaux,  201. 
Grogan  (E.),  50. 

Guatemala  (Culture  du  café  au),  184  et 
suiv. 

Division  des  travailleurs,  185. 

Main-d'œuvre,  185, 189. 

Plantation,  188. 

Préparation,  194. 

Production,  192. 

Récolte,  198. 

Salaires,  188. 

Transports,  195, 
—  (Culture  du  caoutchouc  au),  272  et 
suiv. 

Coût  d'une  plantation,  281. 

Extraction,  279. 

Prix,  273. 

Production,  278. 
GuQfÈE  française,  129,  219. 

Budget,  221. 

Caoutchouc,  130,  437. 

Chemin  de  fer,  130,220. 

Commerce,  220. 

Indigo,  437. 

Marchand  Syriens,  130. 
Gutta  française,  690. 


INDEX 


89S 


Gutta-Percha  : 

Avenir,  498. 

Commerce,  501. 

Composition  chimique,  685. 

Culture,  679. 

Découverte,  613. 

Détermination  botanique,  615. 

Distribution  géographique,  62S. 

Expédition  pour  rechercher  la  — , 
626. 

Extraction  des  feuilles,  445,  500, 
687. 

Paiaquium  Gutta,  498,  619. 

Pays  de  production,  501,  886. 

Production,  500. 

Propagation,  680. 

Propriétés,  615. 

Récolte,  682. 

Succédanés,  691  et  suiv. 
Guyane  anglaise  : 

Balata,  692. 

Cacao,  302. 

Canne  à  sucre,  648. 

Diamants,  874. 

Or,  302. 
Guyane  française  : 

Balata,  692. 

Canne  à  sucre,  647. 

Mortalité  et  morbidité  en  1897, 
126. 
Guyane  hollandaise  : 

Canne  à  sucre,  647. 

Immigration  hindoue,  305. 

Hakkas,  764  et  suiv. 
Halabe,  436. 
Hankow,  72,  81. 

Chemin  de  fer,  377. 

Commerce,  306,  467. 

Concession  allemande,  720. 

Eau,  325. 

Passes  de  transit,  4il. 
Hausas,  56. 
Hong-Kong  : 

Commerce  ci  industrie,  144. 


Déclaration  de  1843,  402. 

Importance  commerciale  de  TAI- 
lemagnc,  309. 

Population,  145. 
Huile  et  noix  de  palme  : 

Afrique  orientale  portugaise,  746. 

Ceylan,  735. 

Dahomey,  355. 

Gold  Coast,  298. 

Kamerun,  34. 

Togo,  31. 
HuPEH,  470. 

IlesBahamas,  140. 
Iles  Carolixes  : 

Acquisition  de  terres,  313. 

Division,  313. 

Main-d'œuvre,  314. 

Monnaie,  313. 

Ports  ouverts,  313, 
Iles  Cook  : 

Bananes,  881. 

Café,  881. 

Commerce,  881. 

Population  étrangère,  881. 
Ile  Dominique  : 

Climat,  753. 

Cultures,  301,753. 

Étendue,  752. 

Exportation,  753. 

Jardin  botanique,  753. 
Iles  Fidji,  305. 
Ile  Grenade,  301. 
Ii.es  Marshall,  122. 
Ile  Maurice,  299,  305. 
Iles  Pescadores  : 

Climat,  770. 

Population,  672. 
Ile  Principe  : 

Cacao,  434. 
Ile  Sainte-Lucie,  301. 
Iles  Salomon,  121. 
Iles  Samoa  : 

Commerce  en  1899,  674. 

Copra,  674. 


896 


ÉTUDES  COLONIALES 


Ile  Trinidad,  301. 
Inde  Anglaise  : 

Caoutchouc,  523. 

Café,  876. 

Canne  à  sucre,  64S. 

Ëmigration,  304. 

Or,  813. 

Puits  artésiens,  813. 

Thé,  814. 
Indes  anglaises    occidentales,  301, 
752. 

—  Voir  Ile  Dominique, 
Indes  néerlandaises  : 

Gutta-percha,  623. 
Immigration,  30o. 
Statistique  médicale  pour  1897, 
125. 

—  Voir  Java. 
Indigo  : 

Afrique  allemande  orientale,  657. 

Dahomey,  355. 

Guinée  française,  437. 

Java,  444. 
li^DiENS,  234,  262,  269. 
Indo-Chine,  239. 

Absentéisme,  671. 

Café,  670. 

Canne  à  sucre,  643. 

Chemins  de  fer,  526. 

Métayage,  670. 

Main-d'œuvre,  671. 

Plantations,  669. 

Poivre,  670. 

Riz,  670. 

Thé,  670. 
Inhambane  : 

Café,  747, 

Canne  à  sucre,  746. 

Commerce,  745,  746. 

Recrutement  des  «  boys  »,  746. 

Salubrité,  747. 
Inondations  du  Nil  et  pluies  de  l'Inde, 

732. 
In-Salah,  126,  180. 

—  Voir  Touât. 


ITCHANG,  73,  468,  713. 
Ivoire  : 

Afrique  orientale  allemande,  514. 

Benguela,  291. 

Kamerun,  34. 

Soudan,  219. 

Ugunda,  825. 

Zanzibar,  747. 
Ivoire  vég^al,  303. 

Japon,  236. 

Canne  à  sucre,  644. 

Commerce  en  1899,  378. 

Électricité,  322. 

Étrangers,  312,  379,  528. 

Mines,  379. 

Or,  738. 

Population,  528. 

Porls  (Construction  de),  379. 

Ports  ouverts,  147. 

Téléphone,  225. 
Jardins  d'essais  : 

Afrique  orientale  allemande,  122, 
566,  656. 

Afrique    sud-occidentale     alle- 
mande, 116. 

Dominique,  753. 

Togo,  31. 
Jatropha  ('^urcas,  493. 

JATROPHA  GOSSYPiiFOUA,  496. 

Java  : 

Café,  442. 

Caisses  d'épargne,  879. 

Combustible  liquide,  672. 

Coprah,  444. 

Gutta-percha,  627,680. 

Impôts,  879. 

Indigo,  444. 

Malaria,  222  et  suiv.,  858. 

Plantation  de   gutta-percha   du 

gouvernement,  880. 
Population,  444. 
Quinquina,  444. 
Riz,  444. 
Situation  commerciale,  148. 


INDEX 


897 


Situation  économique,  878. 
Sucre,  441,  615. 
Tabac,  443. 
Thé,  443. 

—  Voir  Indes  néerlandaises. 
Jonques  de  charge,  461. 

Kàko,  429. 
Kamerun  : 

Administration  autonome,  509. 

Canne  à  sucre,  651. 

Caoutchouc.  203. 

Commerce,  34. 

Cultures,  32,  33. 

Écoles,  33. 

Expédition  scientifique,  509. 

Hôpital,  114. 

Kola,  486. 

Main-d'œuvre,  32,  33. 

Missions,  33. 

Pluie,  367. 

Population,  32. 

Routes,  113. 

Salaires,  33. 
Kano  : 

Description  du  —,  634. 

Mission  Richardson,  634. 
Kan-You-Wei,  19,  342. 
Kelung,  757  et  suiv. 

—  Voir  Fonnose, 
KiANGSu,  469. 

KlAUTSCHAU   : 

Administration,  123. 
Chemin  de  fer,  123,  666,  813. 
Recettes,  124. 

—  Voir  Shantung. 
KmciANG,  466. 
KiNKIN,  147. 
KiUNGSi,  470. 

KocH.  (Voir  Malaria.) 
Kola  : 

Kola  blanc,  486  et  suiv. 

Kola  rouge,  486  et  suiv. 

Gold  Coast,  298. 

Kamerun,  34,  486. 


Libéria.  488  et  suiv. 

Soudan  (importations),  218. 

Togo,  30. 
KONAKRY,  129,  220. 
KoNDi  (Pays  des),  602.  603. 

KORDOFAN  : . 

Expédition  Slatin,  596. 
Kuro-Shiwo,  758. 
KWANGO,  204. 
KwANTUNG  (Province  de),  8,  239. 

Passes  de  transit,  412. 

Lac  Albert-Edouard,  430,  742,  868. 
Lac  Kivu,  50,  429,  600,  742,  802. 
Lac  Rodolphe,  225,  227,  805,  806, 

854. 
Lagos,  130. 

Acajou,  131. 

Chemin  de  fer,  131,  368,  370. 

Cultures,  132. 

Commerce,  131, 

Régime  foncier,  743. 
Langshan  Crossing,  455. 
Langue  chinoise  : 

Nécessité  de  la  connaissance,  332. 
Léontieff.  (Voir  Ahyssinie,] 
Léopoldville  : 

Plantations,  205. 
Lèpre: 

Afrique  orientale,  117. 

Colombie,  496. 

Remède  contre  la  —,  496. 
Ligues  contre  la   compression   des 

pieds  (Chine),  341. 
LiNYANTi  (exploration   de   M.  Percy 

Reid),  136. 
Livingstone  : 

Monument  en  Afrique,  503. 

Souvenir  de  —•,  426. 
LiUKiu  (Iles),  148. 
Loanda,  293. 

Commerce,  295. 

LORTSCHAS,  460. 
LOTISCHUI,  7. 

LûDERiTz  (Baie  de),  116. 


£TUDES  COLONIALES 


Mackinder   (L'expédition)  au  mont 

Kénia,  51. 
Madagascar  : 

Budget,  345. 

Caoutchouc,  348. 

Chemin  de  fer,  346. 

Commerce,  350,  351,  418. 

Commerce  en  1899,  435. 

Cultures,  350,  374. 

Foires  régionales,  811. 

Forêts,  348. 

Historique,  344. 

Mouvement  maritime,  42S. 

Op,  517. 

Poris,  350etsuiv.,  605. 

Régime  minier,  518. 

Richesses  minérales,  348. 

Soie  d'araignée,  436. 

Transports  intérieurs,  749. 

Voies  de  communication,  346, 
750. 

Wharfs,  606. 
Mafureira,  746. 
MaTs  : 

Afrique  orientale  allemande,  558. 

Togo,  31. 
Majunga,  350. 

Malalhe  (Presqu'île).  Exploration  an- 
glaise, 668  et  suiv. 
Malaria  : 

Afrique  orientale  allemande,  118. 

Afrique  sud  -  occidentale  alle- 
mande, 115. 

Coloration  des  hématozoaires, 
798. 

D'après  les  recherches  des  Ita- 
liens, 101  et  suiv. 

Expédition  allemande  contre  la 
malaria,  856. 

Expédition  belge  au  Congo,  35. 

Expédition  du  D'  Ross  à  Sierra- 
Leone,  35, 125. 

Expédition  des  D"  Daniels,  Chris- 
tophers  et  Stephens  à  Sierra- 
Leone  et  à  la  Côte  d'Or,  727. 


Expédition  du  D'  Koch  aux  Indes 
néerlandaises,  222  et  suiv. 

Expédition  du  D'  Koch  en  Nou- 
velle-Guinée allemande,  424  et 
suiv. 

Expédition  dans  la  Nigeria,  729. 

Expériences  du  D*^  Grassi  en  Ita- 
lie, 731. 

Formes  cliniques  de  la  malaria, 
535  et  suiv. 

Mozambique,  374. 

Traitement,  535  et  suiv. 

Uganda,  842. 

Utilité  des  moustiquaires,  729, 
730. 
—  Voir  Anophèles.  Culex,  Fièvres. 
Manaos,  231,258. 
Mandarins  : 

Prévarication,  14. 

Traitements,  13. 
Mandchourie  : 

Agriculture,  145. 

Climat,  224. 

Commerce,  145. 

Chemin  de  fer,  145,  237. 

Richesses  minérales,  224. 
Manioc  : 

Dahomey,  355. 

Madagascar,  350. 
Maranhao,  251. 
Marchands  indiens  : 

Afrique  orientale  portugaise,  749. 
Maroc  : 

Agriculture,  173. 

Armée,  172. 

Budget,  169,  170. 

Climat,  167. 

Commerce,  175,  176,  182. 

Division  politique,  168. 

Douanes,  175. 

Elevage,  174. 

Esclavage,  173. 

Etablissements  espagnols,  179. 

Famines,  174. 

Gouvernement,  169. 


1KDEX 


899 


Guerre  franco-marocaine  (1844), 
180. 

Guerre  hispano-marocaine  (1859), 
179. 

Importance  commerciale  de  TÂl- 
lemagne,  181. 

Impôts,  168. 

Influence  anglaise,  181. 

Instruction,  172. 

Justice,  17. 

Population,  167. 

Ports   ouverts    au    commerce, 
175. 

Projet  de  réforme  (1892),  181. 

Richesses  minières,  175. 

Tribus,  171. 
Matto  grosso,  393  et  suiv. 
MsRANGA  (Région  de),  52. 
Mettob,  797. 
Mexique  : 

Canne  à  sucre,  646. 

Caoutchouc,  234. 

Industrie  minière,  300. 

Mines  d'argent,  752. 

Mines  d'or,  752. 

Mines  de  cinabre,  752. 

Mines  de  cuivre,  752. 

Mines  de  fer,  307,  752. 

Tabac,  872. 
Meyer(D'H.),  232. 
Mont  Mfumbiro,  51,  429,  601. 
Mission  commerciale  des  Etats-Unis, 

en  Asie,  438. 
Missions  : 

Afrique    orientale    allemande , 
120. 

Kamerun,  33. 

Togo,  32. 
Moka,  146. 
Mont  Kénia,  52. 
Mont  Morisson,  770. 
Mont  Nicolas  II,  226. 
Moore.  (Voir  Tanganika.) 
Mortauté  des  chevaux  (Remède  contre 
la),  433. 


MOSSAMÈDÈS  : 

Caoutchouc,  297. 

Commerce,  135^  296. 

Mines  d'or,  294. 
Mouche  tsétsé,  118,  125,  374. 
Mundurucus  (Tribu  des),  397. 
Musée  commercial  : 

Chine,  330. 

Siam,  876. 

Nankin  : 

Commerce,  466  : 

Traitéde— ,2,  401,713. 
Nègres  (types)  : 

Uganda,  845. 
Nigeria,  132. 

Commerce,  133. 

Commerce  en  1898,  371. 

Division  politique,  133. 

Force  publique,  133,  547. 

Recettes  en  1898-99,  371. 

Voies  de  communication,  372. 
Nil,  430. 

Cataractes,  200. 

Exploration  des  sources,  868. 

Grands  réservoirs,  197. 

Navigabilité  du  Haut-Nil,  517. 
—  Voir  Inondations  du  Nil  et  les  pluies 

de  l'Inde. 
Nil  bleu,  227. 
Nil  Victoria,  430. 
NiPON,  147. 

Noix  DE  palme.  (Voir  Huile  de  palme,) 
Nou>'ELLE  Calédonie  : 

Nickel,  882. 

Situation  économique,  882. 

NoUVELli-ÉCOSSE,  304. 

Nouvelle-Guinée  allemande,  121. 
Canne  à  sucre,  645. 
Caoutchouc,  882. 
Javanais,  882. 
Recrutement  de  la  main-d'œuvre, 

214. 
Situation  sanitaire,  858,  881. 
Tabac,  881. 


\m 


ÉTUDES  COLONIALES 


Nouvelle-Guinée  anglaise  : 

Arachides,  673. 

Gutta-percha,  626. 

Malaria,  4:24  et  suiv. 
Nouyelles-Hérrides  : 

Cannibalisme,  380. 

Ono,  225,  227,  804. 
Opium  : 

Formose,  763. 

Java,  879. 
Or  : 

Afrique  allemande  sud-occiden- 
tale, 598. 

Bokhara,  57. 

Colombie  britannique,  303. 

Corée,  312. 

Côte  d'ivoire,  284. 

Erythrée,  229. 

Guyane  anglaise,  302. 

Inde  anglaise,  813. 

Japon,  738. 

KIondike,  519. 

Madagascar,  348,  517. 

Mexique,  752. 

Mossamédès,  294. 

Nouvelle-Ecosse,  304. 

Production  du  monde  en  1899, 
224. 

Sénégal,  298. 

Soudan,  219. 

Tonkin,  817. 

Lganda,  853. 

Paiwans  : 

Mœurs  et  coutume,  771. 
—  Voir  Formose  (Sauvages). 
Para,  231,  251  et  suiv.,  299,  393  et 

suiv. 
Paraguay  : 

Cacao,  300. 

Canne  à  sucre,  649. 
Parties  inconnues  du  monde,  707. 
Pavillons  noirs,  760. 


Pei-ho,  476,  567. 
Pékin  : 

Aspect,  477,  479. 

Climat,  484. 

Communications,  474,  485. 

Étrangers,  483. 

Murailles,  477. 

Ville  tartare,  479. 

Ville  chinoise,  479. 
Pepowars  : 

Mœurs  et  coutumes,  766. 

Territoire,  764. 

—  Voir  Formose. 
Perles  (Pèche  des),  121. 

PÉROU  : 

Produits  naturels,  303. 

Voies  de  communication,  302. 
Peste,  117. 
Peste  bovine,  115. 

PlASSAVA   : 

Madagascar,  348. 
Plumes  d* autruche  : 

Soudan,  219. 
Ports  a  traité,  en  Chine  : 

Administration  des  concessions, 
715. 

Admission  des  Chinois  dans  les 
concessions,  718,  719. 

Définition,  712. 

Droits  des  étrangers,  713. 

Concession  et  seulement,  714. 

Quartiers  étrangers,  714. 

Restrictions  des  droits  des  traités 
par  les  Chinois,  715  et  suiv. 
Prazo,  433,  749. 
Presqu'h^  malaise,  818. 
Protection  de  la  faune  africaine, 

516. 
Puits  artésiens  : 

Afrique  orientale  allemande,  554. 

Inde  anglaise,  814. 
Pygmées  : 

Uganda,  846. 

—  Voir  Btishmen, 


INDEX 


90t 


Quinine  : 

Java,  444. 
—  Voir  Malaria. 
QuixADA  (Barrage),  247. 

Ramië  : 

Afrique  orientale  allemande,  562. 

Chine,  753. 

Iles  Bahamas,  140. 
Recrutement  de  la  main-d'oelyre  : 

Afrique  orientale  portugaise,  746. 

Guatemala,  185. 

Nouvelle-Guinée  allemande,  214. 
Régime  des  terres  : 

Afrique    centrale    (Protectorat), 
865. 

Afrique    sud  -  occidentale    alle- 
mande, 655. 

Brésil,  700. 

Colonies  anglaises,  865. 

Etat  Indépendant  du  Congo,  865. 

Iles  Carolines,  313. 

Lagos,  743,  866. 

Lourenzo  Marquez,  866. 

Mozambique,  866. 

Uganda,  853. 
RÉGIME  minier  : 

Madagascar,  518. 
RÉGION  DU  maximum  DE  PLUIE  '  Afrique ), 

367. 
Reuber  point,  434. 
Rhodésia,  869. 

RiCHARDsoN  (Mission)  au  Kano,  634. 
Ricin: 

Dahomey,  432. 

Uganda,  850. 
RioNÉGRo,  231. 
Rivières  DU  sud,  lâO. 
Riz: 

Ceylan,  735. 

Indo-Chine,  670. 

Java,  444. 

Uganda,  850. 

Zanzibar,  747. 
Ross.  (Voir  Malaria.) 


RowuMA,  602. 
Rusisi,  430,  600. 
RUTCHURU,  429. 

Rdwenzori  fMontj,  601,  844. 

Samort,  506. 
San-Thomé  : 

Cacao,  434. 
Sac  Manoel,  393  et  suiv. 
Sapèque,  83. 

Sapotacées.  (Voir  Outta-percha.) 
ScHWAKOPMUND  (Port  dc),  116,  810. 

SÉNÉGAL  : 

Budget,  209,  210. 

Chemin  de  fer,  210. 

Commerce,  212. 

Douanes,  210. 

Or,  298. 
Seringueiro,  248. 
Shanghaï  : 

Convention  de  —,  2,  403. 

Commerce,  464. 

Concession  étrangère,714et  suiv. 

Habitants,  464. 

Musée    commercial    des   Ktats- 
Unis,  439. 

Passes  de  transit,  411. 
Shan  Si  (Mines  de  charbon  du),  733. 
Shantung  : 

Mines  de  charbon,  813. 

—  Voir  Kiautscfittu. 
Sharp  (Arthur),  50. 
Shasi,  467. 

Shimonoseki  (Traité  de),  715. 
SiAM  : 

Développement  de  la  bâtisse,  305. 
Musée  commercial  japonais,  000. 

—  Voir  Bangkok, 
Sibérie  : 

Chemin  de  fer,  524. 
Colonisation,  526. 
Concurrence  américaine,  439. 
Immigration,  527. 
Siehka-Leoxe.  (Voir  Lagons,) 


902 


ÉTUDES  COLONIALES 


SUfGAPORE  : 

Gulta-pcrcha,  622,  676. 
Slatin  pacha,  596. 
Soie,  327. 

Soie  d'araignée,  436. 
SoMAUs  ^G6te  italienne  des)  : 

Agriculture,  658. 

Commerce,  658. 

Ports,  658. 
Soo-CHOW,  72. 
Sorgho  : 

Aire  de  culture,  591. 

Culture,  592,  594. 

Distillation,  594,  665. 

Graines,  592. 

Rendement,  593. 

Variétés,  593. 
Soudan  égyptien  : 

Chemin  de  fer,  372. 
Soudan  français  : 

Budget,  213,  214. 

Chemins  de  fer,  214,  215. 

Commerce,  215. 

Population,  212. 
Sources  sulfureuses,  1 18. 
SuppucES  judiciaires  en  Chine,  383  et 

suiv. 

SURINAME  : 

Balata,  693. 

SZECHUAN  : 

Influence  française,  239. 
Productions,  470. 
Puits  de  sel,  606. 

SZEMAO,  812. 

Tabac  : 

Afrique  orientale  allemande,  560. 

Cuba,  784,  787. 

Java,  443. 

Mexique,  87C. 

Nouvelle-Guinée,  882. 

Uganda,  849. 
Taël,  87. 
Tahiti  : 

Canne  à  sucre,  882. 


Commerce  en  1899,  675. 
Plantations,  883. 
Taipeh,  760. 

—  Voir  Formose, 
Tanganika  : 

Expédition  Moore,  599. 

Position  géographique,  600. 

Poissons,  601. 

Profondeur,  600. 
Tapajoz,  393  et  suiv. 

Plantations,  399. 

Population,  398. 
Taxe  slh  les  huttes  : 

Afrique  allemande  orientale,  119. 

Dahomey,  867. 

Uganda,  657. 
Tchlnkiang,  4,  71,  466. 
Télégraphe     africain     transgonti  - 

NENTAL,  805. 

Températures  élevées  (Influence  des) 
sur  l'organisme  humain,  629   et 
suiv. 
Thé: 

Ceylan,  735,  736. 

Chine,  327,  459. 

Inde  anglaise,  814. 

Indo-Chine,  670. 

Java,  443. 

Madagascar,  374. 

Tonkin,  877. 

Uganda,  850. 
Theeklipper,  459. 

TlKNTSIN  ; 

Chemins  de  fer,  667. 
Commerce,  667. 
Passes  de  transit,  417. 
Prix  du  terrain,  668. 
Traité  de  —,  2,  8,  402. 

—  Voir  Pei'ho, 
TOBAGO,  302. 
TocANTiNs.  (Voir  Xingu,) 
Togo  : 

Bétail,  31. 
Commerce,  31. 
Culture,  30. 


INDEX 


903 


Écoles,  32. 

Jardin  d'essais,  31. 

Fer  (Industrie  du),  372. 

Missions,  32. 

Population,  30. 

Richesse  du  sol,  32. 

Voies  de  communication,  31. 
ToMBOCCTou,  217  et  suiv. 
TONKIN,  142. 

Concessions  minières,  817. 

Thé,  877. 
—  Voir  Indo-Chine. 
TouAT,  127,  180. 

Commerce,  60i. 

Culture,  665. 

Inscriptions,  605. 

Population,  128. 

Ressources,  128. 

Touaregs,  604. 
Transit  (Passes  de),  2  et  suiv. 
Transvaal  (Production  des  diamants 

au),  136. 
Tripou  : 

Commerce  des  carava.^es,  697. 
Troglodytes   de   Koh-Sih-Sah   (pres- 
qu'île malaise),  818. 
Tsingtau,  123. 
Tsu-SiMA,  147. 

Ufumbiro,  868. 
Uganda  : 

Bois,  851. 

Cacao,  850. 

Café,  849. 

Canne  à  sucre,  652,  851. 

Caoutchouc,  850. 

Charbon,  853. 

Chemin  de  fer,  511,  855. 

Climat,  657,  813. 

Coton,  850. 

Faune,  852. 

Lacs  navigables,  854. 

Légumes  d'Europe,  851. 

Limites,  841. 

Météorologie,  813. 


Minéraux,  853. 

Or,  853. 

Population,  845. 

Produits  végétaux,  848. 

Propagande  religieuse,  846. 

Régime  des  terres,  853. 

Ricin,  850. 

Riz,  849. 

Tabac,  849. 

Taxation  indigène,  657,  847. 

Thé,  850. 

Vanille  : 

Afrique  allemande  orientale,  564, 

657. 
Culture  de  la  — ,  492  et  suiv. 
Colombie,  495. 
Dahomey,  356. 
Madagascar,  350. 

VENEZUELA  : 

Balata,  692. 
Victoria  Nyanza  : 

Communications    avec    TOcéan, 
603. 

Mouvement  des  bateaux,  603. 

Navigation,  854. 

Télégraphe,  601. 
Volcans  de  l'Afrique  centrale,  50, 

429,  600. 

Wahutu,  429. 
West-River  : 

Passes  de  transit,  418. 

Piraterie,  238,  376. 
Weadivostock,  440. 
WccHOW-Fu,  416. 
WiHU,  9,466,  713. 
WusuNG,  465. 

Xlvgu  : 

Exploration  (Meyer)  des  sources 

du  —,  232. 
Exploration  (Coudreau)  du  pays 

entre  le  Tocantins  et  le  —,  698. 
Climat  et  ressources,  700. 
Régime  des  terres,  700. 


904 


ÉTUDES  COLONIALES 


Yamunda  : 

Caoulchouc,  70^. 

Castanhas,  703. 

Quina,  703. 

Voyage  (Coudreauj  au  —,  702. 
Yang-tze-Kianc  : 

Commerce  des  ports  du  —,  469. 

Compagnies  de  navigalion,  73, 
460, 470,  :)53. 

Mouvement  fluvial,  464. 

Navigabililé  du  —,  72,  237,  453, 

Rapides  du  —,  73,  456. 


Système  fluvial  du  —,  455. 
Yezo,  148. 

Zambèze  (Expédition  du  major  Gibbons 
au),  135,  740. 

Bushmen  du  —,  740. 

Source  du  —,  740,  742. 
Zanzibar  : 

Canne  à  sucre,  652. 

Clous  de  girofle,  748,811. 

Commerce,  747. 

Ivoire,  748. 

Main-d'œuvre,  811. 


■^ 


TABLE  ÊENERALE  DE  L'ANNEE  1900 


NO  1.  —  JANVIER. 

Pages. 

G.  DE  Levai..  —  La  Chine  d'après  les  auteurs  récents 1 

Carton  de  Wiart.  —  Le  budget  des  colonies  à  la  Chambre  française     .  24 

D.  C.  —  Le  Rapport  sur  les  Colonies  allemandes 30 

D»"  Dryepont.  —  L'Expédition  scientifique  anglaise  contre  la  malaria  à 

la  Côle  Occidentale  d'Afrique 35 

J.  Plas.  —  La  question  des  câbles 42 

Chronique 50 

BlBUOGRAPHIE 61 

Sociétés  commerciales 67 


NO  2.  —  FÉVRIER. 

G.  de  Lbval.  —  La  Chine  d'après  les  auteurs  récents  [suite]    ....        71 
A.  Brodbn.  —  La  malaria  d'après  les  dernières  recherches  des  Italiens.      101 

D.  C.  —  Le  Rapport  sur  les  colonies  allemandes 113 

Chronique.  —  Généralités  :  Expédition  anglaise  du  docteur  major 
Ross  pour  l'étude  de  la  malaria.  —  Statistique  médicale  des  Indes 
néerlandaises  pour  1897.  —  Mortalité  et  morbidité  de  la  Guyane 

française  en  1897 125 

Afrique:  L'occupation  d'In-Salah.  —  La  Guinée  française.  —  La 
Nigeria.  —  Angola.  —  Le  caoutchouc  Almeidina.  —  L'exploration 
du  Major  Gibbon  au  Zambèze. —L'exploration  de  la  rivière  Linyanti 
par  M.  Percy  Reid.  —  Transvaal.  La  production  des  diamants.  — 
Afrique  portugaise  orientale.  Exportation  du  caoutchouc  et  des 

arachides 126 

Amérique:  Les  Allemands  an  Brésil.  —Brésil.  L'exportation  du  café.  — 

IlesBahomas 138 


906  ÉTUDES  COLONIALES 

Asie  :  Chine.  —  Hong-Kong.  —  Mandchourie.  —  Arabie.  Le  café  Moka. 

—  Japon 141 

BiBUOGRAPHIE 149 

Sociétés  coloniales 155 

Rapport  annl^l  de  la  Société  d'Études  coloniales 159 


N»  3.  —  MARS. 

Le  Maroc,  d'après  des  auteurs  récents i65 

F.-W.  MoRREN.  —  Culture  du  café  au  Guatemala^. 184 

E.  Carton  de  Wiart.  —  Les  grands  réservoirs  du  Nil 197 

Le  caoutchouc  dans  l'Etat  du  Congo  et  le  Kamerun 203 

Rapport  sur  les  colonies  françaises 208 

Chronique.  —  Généralités:  La  malaria  aux  Indes  néerlandaises, 
d'après  des  Études  du  D**  Koch.  —  La  production  de  l'or  dans  le 

monde  en  1899 222 

Afrique:  Abyssinie.  La  mission  Leontieff.  —  De  Berbera  au  Nil  Bleu.  — 
Sénégal.  Prix  des  transports.  —  Erythrée.  L'Or.  —  Afrique  aus- 
trale. Production  diamantifère 225 

Amérique:  Brésil.  Travaux  publics.  —  Exploration  du  Xingu.  — 
Mexique.  Le  caoutchouc.  —  Brésil.  Exportation  du  caoutchouc  de 

l'Amazone 230 

Asie  :  La  situation  politique  en  Extrême-Orient 235 

Bibliographie 240 


N«  4.  —  AVRIL. 

D.  GuiLMOT.  —  Céara  et  Amazonie 245 

Le  caoutchouc  au  Guatemala 272 

Rapport  sur  les  colonies  françaises 281 

Chronique.  —  Afrique:  Le  commerce  de  la  colonie  d'Angola  en  1897 
et  1898.  —  Province  d'Angola  proprement  dite.  —  Gold  Coast.  — 
Afrique  orientale  allemande.  Dépôt  de  charbon.  —  Sénégal.  La 

production  de  l'or.  —  Ile  Maurice 291 

Amérique:  Brésil.  Port  de  Para.  —  Paraguay.  La  culture  du  cacao.  — 
Mexique.  L'industrie  minérale.  —  Indes  anglaises  occidentales.  — 
Guyane  anglaise.  Exportation  de  l'or.  —  Pérou.  —  L'ivoire  végé- 
tal. Colombie  britannique.  Gisements  aurifères.  —Nouvelle  Ecosse. 

La  production  de  l'or 

Asib:  Inde  anglaise.  Emigration.  —  Siam.  Le  développement  de  la 
bA tisse  à  Bang-kok.  —  Chine.  Rankow.  Les  gildes  de  crédit.  — 
Ceylan.  —  Hong-Kong.  Importance  commerciale  de  l'Allemagne.  — 


TABLE  GÉNÉRALE  907 

Formose.  —  Japon.  Les  étrangers  et  \o.  droit  à  la  propriété  immo- 
bilière. —  Corée 340 

AtSTRALASiE  :  Iles  Garolines 313 

Bibliographie 313 


NO  5.  —  MAI. 

Lord  Charles  Beresford.  —  Débouchés  en  Chine  pour  les  ingénieurs 

mécaniciens 319 

Les  pieds  des  Chinoises 335 

Rapport  sur  les  colonies  françaises 344 

Le  Dahomey,  d'après  des  publications  récentes 353 

Chronique.  —  Généralités  :  Capitaux  allemands  dans  les  entreprises 

d'outrc-mer.  —  Expédition  de  l'Albatros  dans  l'Océan  Paciflque    .      365 
Afrique  :  Afrique  occidentale.  La  région  du  maximum  de  pluie.  — 
Les  chemins  de  fer  dans  les  colonies  anglaises  de  l'Afrique  occi- 
dentale. —  Le  protectorat  de  la  côte  du  Niger.  —  Togoland. 
Industrie  du  fer.  —  Le  chemin  de  fer  de  Beira.  —  Madagascar. 

Les  cultures  :  café,  coton,  caoutchouc,  thé 367 

Amérique  :  Colombie  britannique.  Le  cannibalisme 375 

AsiB  :  Chine.  Le  commerce  exlérieur  en  1899.  —  Japon.  Le  commerce 

en  1899.  Construction  et  amélioration  de  ports 370 

Australie  :  Nouvelles-Hébrides.  Le  cannibalisme 380 


N»  6.  —  JUIN. 

Les  supplices  judiciaires  en  Chine 383 

Voyages  de  M.  Coudreau  dans  l'Amazonie 393 

La  question  des  passes  de  transit  en  Chine 400 

Rapport  sur  les  colonies  françaises 418 

Chronique.  —  Généralités  :  L'expédition  du  D""  Koch  pour  l'étude 

de  la  malaria.  —  Un  souvenir  de  Livingstone 424 

Afrique  :  Une  traversée  de  l'Afrique  du  Cap  au  Caire.  —  Dahomey.  Le 
chemin  de  fer  projeté;  culture  du  ricin.  —  Afrique  allemande 
occidentale.  -  -  Un  remède  contre  la  mortalité  des  chevaux.  -  - 
Afrique  portugaise  orientale.  —  Baie  de  Delagoa.  —  San-Thomé 
et  Principe.  Culture  du  cacao.  —  Madagascar.  Le  commerce  de 

1899  ;  la  soie  d'araignée.  —  Guinée  française 428 

Asie  :  Annam.  La  culture  du  coton.  —  Asie  orientale.  Mission  com- 
merciale des  Etats-Unis. —  Shanghaï.  Musée  commercial  américain. 

—  Sibérie.  —  Formose.  Production  du  camphre 438 

OcÉANiE  :  Java.  Rapport  commercial  pour  1898.  —  La  gutta-percha    .      441 
Bibliographie 447 


908  ÉTUDES  COLONIALES 


N"  7.  — JUILLET. 

La  navigation  du  Yang-Tze-Kiang i53 

Pékin 473 

Le  Kola  au  Kamcrun 486 

Ch.  Patin.  —  Notice  sur  les  avantages  de  la  culture  des  vanilliers  sur 

les  «  jairopha  curcas  » 492 

L'avenir  de  la  gutta-percha 409 

Chronique.  —  Généralités  :  Monument   élevé  à    la  mémoire  de 

Livingstone  en  Afrique 503 

Afrique  :  Mort  de  Samory.  —  Kamerun.  —  Basutoland.  —  Afrique 
centrale  anglaise.  Le  café.  —  Uganda.  Le  chemin  de  fer.  —  La 
baie  de  Delagoa.  —  Le  commerce  de  la  colonie  du  Cap  en  i899. 
Les  effets  d'une  guerre.  —  Algérie.  L'occupation  de  Gourara.  — 
L'Afrique  orientale  allemande.  —  L^  chemin  de  fer  du  Damaraland. 

—  La  protection  des  animaux  en  Afrique.  —  Le  Haut-Nil  naviga- 
ble. —  Madagascar.  L'or 506 

Amérique  :  Les  mines  d'or  du  Klondike.  —  Brésil.  Immigration.  — 

Bolivie.  Le  caoutchouc 519 

Asie  :  Inde  anglaise.  Production  du  caoutchouc  en  Assam.  —  Chine 
septentrionale.  Les  chemins  de  fer.  —  Chine.  L'action  commerciale 
des  Japonais.  —  Navigation  à  vapeur  sur  le  Haut  Yang-Tsé.  — 
Nouveaux  chemins  de  fer  en  Indo-Chine.  —  Sibérie.  La  colonisa- 
tion.—  Japon.  Recensement  de  la  population 523 

BlBUOGRAPHIB 529 

N«  8.  —  AOUT. 

D'  A.  PosKiN.  —  Note  sur  l'étiologie,  le  diagnostic  et  la  traitement 

de  la  malaria 533 

L'Afrique  orientale  allemande 553 

Le  peuple  chinois,  d'après  M.  Colquhoun 574 

Le  sorgho 59i 

Chronique.  —  Afrique  :  L'expédition  Slatin-pacha  au  Kordofan  et  au 
Darfour.  —  Tripoli  :  Commerce  des  caravanes.  —  Nigeria.  L'orga- 
nisation de  la  force  publique.  —  Afrique  allemande  sud-occiden- 
tale. —  Afrique  orientale  allemande.  Dock  flottant.  —  L'expédition 
Moore  au  Tanganyka.  —  Le  télégraphe  au  lac  Victoria.  —  La  ré- 
gion du  Nyassa.  -  -  La  mission  Flamand  au  TouAt.  —  Madagascar. 

—  Ports  et  phares 596 

Asie  :  Chine.  Les  puits  do  sel  du  Szechuan.  —  Chine.  Ktrangers  dans 

les  ports  à  traités.  —  Exploration  de  la  presqu'île  mahiisn.     .     .      <i06 
Bibliographie 611 


TABLE  GÉNÉRALE  DOD 


.N»  9.  ^  SEPTEMBRE. 


La  gulta-percha 613 

D^  A.  Broden.  —  De  Tinfluence  des  températures  élevées  sur  l'orga- 
nisme humain.     .  * ' 629 

L'extension  géographique  de  la  canne  à  sucre 639 

Chronique.  —  Afrique  :  Mission  Richardson  à  Kano.  Afrique  alle- 
mande sud-occidentale.  Conditions  de  vente  des  fermes  du  gou- 
vernement. Irrigation  et  agriculture.  —  Afrique  allemande  orien- 
tale. Les  plantations.  —  Uganda.  —  Côte  italienne  des  Somalis,  — 
Ethiopie 654 

Amérique  :  L'Amazonie.  Caoutchouc.  —  Brésil.  Le  caoutchouc.  Les 

plantations  de  café 660 

Asie  :  Conseils  au  corps  expéditionnaire  de  Chine.  —  Kiautschau.  Le 
chemin  de  fer.  —  Tien-Tsin.  —  Birmanie.  —  Indo-Chine.  —  For- 
mose 663 

Océanie  :  Java.  Le  combustible  liquide.  —  Bornéo.  —  Un  enterrement 
chez  les  Madangs.  —  Nouvelle-Guinée  anglaise,  (les  Samoa.  Le 
commerce  en  1899.  —  Tahiti.  Le  commerce  en  1899 672 

Bibuographie 676 


N"  10.  —  OCTOBRE. 

La  gutta-percha  (suite) 679 

Lieutenant  Goffart.  —  Voyages  de  M.  Coudreau  dans  l'Amazonie  [suite)      699 

Les  parties  inconnues  du  monde 707 

Les  ports  à  traité  en  Chine 712 

Le  choix  des  graines  de  caféiers 722 

Chronique.  —  Généralités  :  La  malaria.  —  Une  double  expérience 

sur  la  malaria.  —  Les  inondations  du  Nil  et  les  pluies  de  l'Inde.     .      727 
Asie:  Chine.  La  ramie.  Les  mines  de  charbon  du  Shan-Si.  —  Cochinchine. 
Immigration  chinoise.  La  culture  du  café.  —  Ceylan.  Développe- 
ment du  commerce.  —  Les  plantations  de  thé  à  Ceylan.  —  Japon. 
L'or  dans  l'ile  Hokkaido.  —  Corée.  Nécessité  de  la  connaissance  de 

la  langue  indigène 733 

Afrique  ;  L'expédition  du  major  Gibbons  au  Zambèze.  Lagos.  Régime 
foncier.  —  Congo  français.  Culture  du  café.  Protection  des  races 
indigènes  de  l'Afrique  australe.  —  Afrique  orientale  portugaise. 
Le  commerce  d'Inhambane.  —  Zanzibar.  —  Afrique  portugaise 
orientale.  Commerceet  mouvementraarilime  de  Chinde.  Madagascar. 
Transports  intérieurs.  —  L'organisation  du  Chari    .    .    ,    .    .      740 


910  ÉTUDES   COLONIALES 

Anêbique  :  Mexique.  Exploitations  des  mines.  —  Indes  occidentales 

anglaises.  L*ile  Dominique Iti^ 

BiBUOGRAPHIE 754 


N»  11.  —  NOVEMBRE. 

Formose,  d'après  M.  Fischer  . 757 

Cuba 779 

Conditions  auxquelles  est  soumise  l'exploitation  du  caoutchouc  au 

Brésil 793 

Une  lettre  du  Commandant  Chaltin 797 

Chronique.  —  Généralitës  :  Quelques  remarques  sur  la  méthode  de 
Romanowsky.  —  La  malaria.  —  La  cartographie  des  colonies  alle- 
mandes   799 

Afrique:  Expédition  Congolo-allemande  du  lac  Kivu.  —  Afrique  centrale 
anglaise.  —  Abyssinie.  L'expédition  Léonlieff;  Expédition  Erlanger 
et  Ncuman.  -—  Du  lac  Rodolphe  au  Mil.  —  La  frontière  anglo- 
abyssine.  —  Afrique  australe.  Débouchés.  —  Le  commerce  alle- 
mand dans  TAfrique  australe.  --  Zanzibar.  Le  commerce  des  clous 
de  girofle.  —  Madagascar.  Essai  de  foire  régionale 802 

Asie  :  Chine.  La  ville  de  Szemao.  —  Shantung.  Le  charbon.  —  Inde 
anglaise.  Or.  Puits  artésiens;  Production  du  thé.  —  États  Shans. 
Une  race  qui  disparaît.  — Bangkok.  Commerce  en  4899.  —  Tonkin. 
Concessions  minières.  —  Presqu'île  Malaise.  Les  troglodytes  de 
Koh-Sik-hah.  —  Corée 842 

BiRLIOGRAPHIE 821 


NO  12.  —  DÉCEMBRE. 

J.  Carton.   -  Note  sur  l'utilisation  rationnelle  de  l'éléphant.    .    .     .      825 

Le  Protectorat  de  l'Uganda 841 

Chronique.  —  Généralités  :  Résultats  de  l'expédition  allemande 

contre  la  malaria.  —  Combustible  liquide.  —  L'arachide  .  .  .  856 
Afrique  :  La  marine  marchande  allemande  et  l'Afrique  australe.  — 
La  flottille  du  Haut-Congo.  —  Congo  français.  Transports  fluviaux. 
—  Difl'érenls  systèmes  d'exploitation  des  forêts  à  caoutchouc.  — 
Dahomey.  Impôt  indigène.  —  Exploration  des  sources  du  Nil.  — 
Rhodésia.  Le  caoutchouc.  —  Afi*ique  occidentale  anglaise.  Che- 
mins de  fer.  —  Usages  commerciaux  au  Maroc.  —  Madagascar.  .  862 
Amérique  :  Mexique.  La  culture  du  tabac.  —  Equateur.  Café.  — Guyane 

anglaise.  Diamants , 872 


TABLE  GÉNÉRALK  911 

Asie  :  Chine.  Routes  et  moyens  de  communication.  —  Inde  anglaise. 

Café. —  Siam.  Musée  commercial  japonais  à  Bangkok.  —  Tonkin. 

Thé 874 

OcÉANiE  :  Java.  La  situation  économique.  — Java.  Plantation  de  Gutta- 

percha  par  le  gouvernement.  —  Iles  Cook.  —  Nouvelle-Guinée 

allemande.  —  Nouvelle-Calédonie.  Le  nickel.  —  Tahiti.  Ressources      878 

BiBUOGRAPHIE 884 

Index 887 

Table  générale  de  l'année  1900 905 


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