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Full text of "Bulletin de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts. Table des volumes XI à XX"

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BULLETIN 


DE  LA 


9  .       f 


SOCIETE  NIVERNAISE 


DES 


LETTRES,  SCIENCES  ET  ARTS 


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NEVERS, 


G.     YALLIERE,      IMPRIMEUR, 


Avenue  de  la  Gare,  24. 


BULLETIN 


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SOCIETE  MVERMISE 


LETTRES,  SCIENCES  ET  ARTS 


lEOISIEM  SÈME.  -  lOME  VIII-,  -  Xïlll-  VOLUME  DE  U  COLLECnON 


A  NEVERS 
Chez  M.  MâZëRON,  libraibe  de  la  SooiÉiii,  eue  du  Couiesce 


1900 


SOCIÉTÉ  NIYERNAISE 


DES    LETTRES,    SCIENCES   ET   ARTS 


COMPOSITION  DU  BUREAU 

MM.  René  de  Lespinasse,  président. 
Henri  de  Flamare,  viu-prisidetit, 
Paul  Meunier  ,  secrétaire, 
Gaston  Gauthier,  pro-secrétaire. 
Edmond  Duminy,  bibliothécaire-archiviste, 
DE  Saint- Venant,  conservateur  du  musée  de  la  Torte^du-Croux* 
G.  Valuêre,  trésorier. 

MEMBRES  D'HONNEUR 

Mg»    TEvêque  de  Nevers. 
MM.  le  Préfet  de  la  Nièvre. 

le  Président  du  Tribiwal  civil. 

LISTE  DES  MEMBRES  TITULAIRES 

MM. 

Allard  (l'abbé),  curé-doyen  de  Pougues-les-Eaux.  —  29  mai  1890. 
Anchald  (comte  d') ,  château  de  Sauvages ,  par  Beaumont-la-Ferrière. 

—  3i  juillet  1890. 

AssiGNY  (Henry  d';  ^,  à  Nevers.  —  7  juillet  1868. 

Bârrau  (Léon  d'Abbadie  de),  château  du  Chazeau,  par  Imphy.  — 

24  juin  1886. 

Barreau  (Joseph),  â  Pont-Saint-Ours,  commune  de  Coulanges.  — 

25  novembre  1897. 

Baudot,  â  Lanty,  par  Rémilly.  —  29  novembre  1888. 

Benoist  d'Azy  (vicomte  Paul),  château  de  Paye,  commune  de  Vemeuil. 

—  17  juin  1897. 


—  VIII  — 

MM. 

Benoist  d'Azy  (le  baron  Denys),  château  du  Vieil- Azy.  —  29  dé- 
cembre 1898. 

Bert  de  La  Bussiêre  (Antonin),  à  Pougues-les-Eaux. —  26  juillet  1894. 

Berthier-Bey  (baron  Charles  de),  à  Nevers.  —  $  mars  1874, 

Berthier-Bizy  (comte  de),  château  de  Bizy,  par  Pougues-les-Eaux.  — 
31  octobre  1889. 

Bide  (docteur),  professeur  à  l'école  de  médecine,  à  Clermont-Ferrand. 

—  30  octobre  1890. 

Blandin  (Frédéric),  propriétaire  à  Nevers.  —  4  février  1869. 

Bogros  (l'abbé),  curé  de  Marzy.  —  9  mai  1872. 

BoiGUES  (Joseph),  à  Brain,  par  Decize.  —  27  octobre  1898. 

BorriAT,  curé-archiprètre  de  la  cathédrale,  à  Nevers.  —  27  avril  1882. 

BoNKEAU  DU  Martray  ^,  inspecteur  général  honoraire  des  ponts  et 
chaussées,  35,  rue  de  Béthune,  à  Versailles.  —  7  octobre  187$. 

BoNNEAU  (Paul),  avocat  à  Clamecy.  —  27  novembre  1890. 

BoucoMONT  (Antoine),  propriétaire  à  Asnières  (Seine).  —  2$  no- 
vembre 1897. 

BouTROUX  (Paul),  propriétaire  à  Nevers.  —  31  juillet  1884. 

Breuil  (comte  Jean  de),  château  de  Réconfort,  commune  de  Saizy. 

—  28  octobre  1897. 

Bruneau  (l'abbé),  curé  d'Alligny-en-Morvan.  —  26  juin  1884. 
BusauET,  directeur  des  mines,  à  La  Machine.  —  6  novembre  1873. 

Cachet  (l'abbé),  curé  deSaint-Jean-aux-Amognes.  —  29  novembre  1894. 

Chabannes  (comte  Henri  de),  au  château  de  U  Tourette,  par  T Arbresle 
(Rhône).  —  26  janvier  1888. 

Chabot  (Abel),  château  de  Sauvigny,  par  Nevers.  — 27  juillet  1893. 

Mrac  Chabot  (Abel),  château  de  Sauvigny,  par  Nevers.  —  27  juillet  1893 . 

Chapoy  (l'abbé),  ancien  curé  d'Aunay.  —  30  août  1872. 

Charant  (colonel  de),  O.  ^,  à  Montargis  (Loiret).  -—27  juillet  1882. 

Charpentier  (docteur),  médecin  à  Prémery.  —  20  avril  1871. 

Charrier  (l'abbé  Jules),  curé  d'Alluy,  par  Châtillon. 

Chastellux  (comte  de),  château  de  Chastellux-sur-Cure  (Yonne).  — 
Février  1885. 

Châtelain  (l'abbé),  licencié  es  lettres,  professeur  à  l'institution  Saint- 
Cyr,  à  Nevers.  —  Décembre  1891. 

Cheminade  (Emmanuel),  licencié  en  droit,  à  Nevers.  —  26  no- 
vembre 1885. 

Col  (Charles),  licencié  en  droit,  rue  de  la  Banque,  à  Nevers.  — 
25  janvier  1883. 

CouRSON  de  La  Villeneuve  (le  colonel  de)  #,  commandant  le 
i3e  d'infanterie,  à  Nevers.  —  29  décembre  1898. 


—  IX  — 

MM. 

Darnay  (baron),  château  de  Montas,  par  Saint-Saulge.—  3i  juillet  1890. 

Dasse  (l'abbé),  curé  d'Ourouër.  —  3o  mai  1897. 

Dauphin,  notaire  à  Nevers.  —  25  juillet  1889. 

Debourges  (G.),  avocat,  rue  Saint-Martin,  à  Nevers.  —  22  février  i883 . 

Delamalle  (Jacques),  104,  boulevard  Haussmann,  Paris.  —  28  novem- 
bre 1889. 

Delost  (l'abbé),  chanoine  honoraire,  curé -doyen  de  Château- 
Chinon.  —  4  mars  1869. 

Désveaux,  O.  *,  colonel  d'artillerie,  à  Autun  (Saône-et-Loîre). 

DoMGERiktAiN  (comte  René  de),  à  Nevers,  et  à  Phlin,  par  Nomény 
(Meurthe-et-Moselle).  —  25  avril  1889. 

DuGUÉ  (J.-A.),  O I.,  professeur  honoraire,  à  Saint-Saulge.  —  29  novem- 
bre 1888. 

DuMiNY  (Edmond) ,  conservateur  de  la  Bibliothèque ,  à  Nevers.  ■— 
2  juin  1881. 

EsPEUiLLES  (comte  Albéric  d')  ^,  conseiller  général,  au  château  d'Es- 

peuilles,  commune  de  Montapas.  —  27  juin  1889. 
Estampes  (comte  Jean  d'),  château  de  Mouchy,  par  La  Charité.  — 

3i  octobre  1889. 

FAULQ.UIER  (Adrien),  â  Clamecy.  —  i3  mai  1875. 

Ferrier  (Henri),  artiste  peintre,  à  Prémery.  —  20  avril  1871. 

FiCHOT  (docteur),  O  A.,  médecin  en  chef  de  l'hospice,  à  Nevers.  — 

7  octobre  1880. 
FiOT,  ancien  négociant,  à  Nevers.  —  22  février  1893. 
Flamare  (Henri  de),  O  L,  archiviste  du  département,  à  Nevers.  — 

23  février  1882. 
François,  ancien  architecte,  rue  de  l'Oratoire,   11,  â  Nevers.  ■— 

25  novembre  1897. 

Garill AND,  juge  de  paix  à  Pougues-les-Eaux. —  24  novembre  1892. 

Gaulmyn  (vicomte  Joseph  de) ,  château  de  Rimazoir,  par  Souvigny 
(Allier).  —  29  novembre  1888. 

Gauthier  (Gaston) ,  instituteur  à  Champvert.  —  26  juin  1890. 

Gautron  du  Coudray  (vicomte),  â  Grandry,  commune  de  Dun-sur- 
Grandry.  —  23  février  1888. 

GiRERD  (Frédéric),  avocat,  rue  du  Cloître-Saint-Cyr,  â  Nevers.  — 
19  mars  1891. 

Gonat  (Albéric),  â  Saini-Pierre-le-Moûtier.  —  17  août  1874. 

(jOURLOT  (l'abbé) ,  curé  de  Brinon  -  sur  -  Beuvron.  —  30  dé- 
cembre 1897* 


—  X  — 

MM. 

Grincour  (André),  château  de  Fontallier,  par  Saint-Pierre-Ie-Moûtier. 

—  27  juin  1889. 

GuENEAU  (Lucien),  notaire  à  Brinon.  —  29  octobre  1896. 

M™«   GuÉNY,   château   de   Dumphlun,    par    Saint-Benin-d'Azy.    — 

31  octobre  1889. 
GuiLLEMENOT  (l'abbé),  chanoine  honoraire,  8,  rue  de  Tracy,  Paris.  — 

30  octobre  1884. 
GuiLLERAND,   à  Roussy,   commune  de  Saint -Parize- le -Châtel.  — 

24  février  1887. 

HuGON  (Edmond),  ancien  magistrat ^  â  la  Coquillerie,  commune  d'Urzy. 

—  3  juillet  1873. 

HuNOLSTEiN  (comte  d'),  château  d'Entrains.  —  28  avril  1898. 

Imbart  de  La  Tour  (comte  Joseph),  à  Chevret,  par  Imphy.  — 
3i  juillet  1890. 

JouRDAN  (docteur),  médecin  en  chef  de  l'hospice,  rue  Mirangron,  û 

Nevers.  — -  27  juillet  1882. 
JULLIEN  (l'abbé) ,  curé  de  Poiseux,  par  Guérigny. 
JuLLiEN,  commis  des  ponts  et  chaussées,  à  Nevers.  —  26  janvier  1882. 

La  Chesnaye  (comte  de),  à  Pouilly-sur-Loire.  —  24  février  1887. 
Lambel  (la  vicomtesse  de),  château  de  Mouchy,  par  La  Charité.  — 

26  juin  1890. 

Langle  de  Cary  (Charles  de),  ancien  magistrat,  à  Corvol-d'Embernard. 

—  13  mai  1875. 

Languinier  (Edmond),  château  de  Machigny,  commune  de  Saint- 

Sulpice.  —  22  février  1893. 
LaugardièRe  (vicomte  de),  ancien  conseiller  â  la  cour  d'appel,  i3,  rue 

Hôtel-Lallemant,  Bourges.  —  23  avril  1857. 
Lavesvre  (Henri  de),  à  Clamour,  commune  de  Germigny-sur-Loire. 

—  22  avril  1893. 

Le  Blanc  Bellevaux  (Auguste),  11,  rue  Gambetta,  Nevers.  —  1899. 
Lebœuf,  adjoint  au  maire,  à  La  Charité-sur-Loire.  —  1899. 
Legrand  II  A.,  agent-voyer  en  chef,  à  Nevers.  —  3  août  1876. 
Leroux   ^,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  à  Tours.  — 

27  janvier  1898. 

Lespinasse  (René  de)  >ï<,  O  L,  conseiller  général,  à  Luanges,  commune 

d'Urzy.  —  8  juin  1867. 
M««  DE  Lespinasse,  à  Luanges,  commune  d'Urzy.  —  3i  octobre  1889. 
Le  Vasseur,  château  de  la  Pointe,  par  La  Charité.  —  27  janvier  1898. 


—  XI  — 

MM. 

Lhuissier  (l'abbé),  curé  de  Champvert  .  —  28  juillet  1898. 
LuTZ  (Charles),  architecte  à  Nevers.  —  Mars  1881. 

Magnard,  directeur  de  la  fonderie  à  Fourchambault.  —  31  juillet  1890. 

Manuel  (Georges),  à  Marzy,  et  31,  rue  François-Ief,   à   Paris.   — 
25  avril  1895. 

Marandat  (Henri),  à  Oliveau,  commune  de  Mars.  —  30  mars  1893. 

Marcy  (Raoul),  ingénieur  civil  à  Nevers.  —  27  mai  1886. 

Marcy  (Mp"  Jean  de),  chanoine  de  Lorette,  à  Lorette  (Italie).  —  1891. 

Marochetti  (le   commandant)    fjjs,   conseiller   général,  château  de 
Chevannes,  par  Nevers.  —  25  novembre  1897. 

Maron  (Albert),  $1,  rue  Neuve,  à  Roubaix  (Nord).  —  2  juin  188 1. 

Masse  (François),  précepteur,  à  Corcelles,  par  Decize.  —  1899. 

Massillon   Rouvet    §,   Q   A.,    architecte    à   Nevers.  —     25   no- 
vembre 1897. 

M™«  DE  Maulde,  rue  de  Rome,  à  Nevers.  —  3o  juillet  1896. 

Mauaugny  (comte  de)  ^,  rue  Creuse,  à  Nevers.  —  28  juin  i883. 

Mazeron  (AchiUe),  libraire  à  Nevers.  —  25  juin  188$. 

Mazoyer  iîjf,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  à  Nevers.  — 
27  janvier  1898. 

Métairie  (Abel),  à  Fonfaye,  par  Châieauneuf-val-de-Bargis.  —  9  juillet 
1874. 

Meunier  (Paul),  avocat,  23,  rue  dû  Rempart,  Nevers.  —  28  novembre 
1889. 

Meunier  d'abbé),  professeur  à  l'institution  Saint-Cyr,  à  Nevers.  — 
27  juin  1895. 

MiLLiEN  (Achille)  >ï<,  9  A.,  à  Beaumont-la-Ferrière.  —  14  juin  1860. 

MiRAULT,  régisseur  à  Cours-les-Barres  fCher).  —  10  janvier  1866. 

Mirot-Cagnat  (Léon),  archiviste  aux  Archives  nationales,  Paris,  23, 
rue  Denfert-Rochereau,  et  à  Clamecy.  —  22  avril  1893. 

MoNOT  (docteur)  ^Rî,  à  Montsauche.  —  6  mars  1873. 

MoNTAGNON  >{<,  à  Nevers.  —  13  février  1879. 

MoNTEiGNiER,  à  Dompierre-sur-Nièvre.  —  29  août  1872. 

MoNTjoiE  (vicomte  de),  à  Châtel-Censoir  (Yonne).  —  1899. 

MoNTRiCHARD  (comte  de)   !j^,  château  de  La  Chasseigne,   par  Saint- 
Parize-le-Châtel.  —  27  octobre  1881. 

MoREAU  (Victor^,  ancien  notaire,   à   Moulins-Engilbert.   —    25   no- 
vembre 1897. 

MoRET  deNyon  (capitaine),  à  Nevers.  — 27  janvier  1898. 

MoRLON,     conseiller  à  la  cour  d'appel,    à    Bourges.    —     5     dé- 
cembre 1867. 


—  xn  — 
MM. 

OuAGNE  (Paul),  à  Bomet,  par  Beaumont-la-Ferrière.  —  2  juin  1892. 

Pannetier  (Pabbé),  curé  d'Arleuf.  —  29  août  1872. 

Pénavaire  O,  compositeur  de    musique,  21,   rue    Notre-Dame-de- 

Lorette,  à  Paris.  —  5  avril  1894. 
Perrier  (docteur),  médecin  à  La  Charité.  —  13  novembre  1879. 
PoussEREAU  (Louis),  à  La  Machine. —  30  juin  1892. 
Prégermain   aine,    château   de   Gron,  par   Châtillon-en-Bazois.   — 

4  octobre  1877. 

QpiLLiER,  notaire  à  Decize.  —  30  décembre  1897. 

Rameau  (l'abbé  J.-B.),  professeur  à  l'institution  Saint-Cyr,  Nevers. 

—  29  mars  1890. 
Rasilly  (marquis  de) ,  château  de  Beaumont ,  par  Saint-Pierre-le- 

Moûtier.  —  25  juillet  1889. 
Reboulleau  (Paul),  propriétaire  â  Levanges,  par  Decize.  ~~  1899, 
Renault  (Théodore),  3,  rue  Gerbilon,  Paris.  —  1899, 
Robelin  (Albert) ,  contrôleur  principal  des  contributions  directes ,  à 

Nevers.  —  24  novembre  1881. 
RoBLiN,  maire  de  Champvert.  —  25  mars  1897. 
Rosemont  (Pierre  de),  château  de  Vemoil  (Loire),  et  à  Nevers.  — 

2  juin  1892. 

Saint-Cyr  (docteur  Victor),  à  Léré  (Cher).  —  30  novembre  1882. 
Saint- Venant  (de)  ^,  inspecteur  des  forêts,  â  Nevers.  —  25  avril 

189s. 
Saint-Sauveur  (vicomte  de),  à  Saint-Firmin,  et  au  château  d'Autry, 

par  Vierzon  (Cher).  —  26  avril  1894. 
Sarriau,  rue  Treilhard,  4,  Paris.  —  7  octobre  1880. 
Savigny  de  Moncorps  (comte  Charles  de)  Sf ,  château  de  Fertot,  par 

Nevers.  —  3  août  1854. 
Savigny  de  Moncorps  (vicomte  René  de)  #,  â  Seillans  (Var).  — 

3  août  1854. 

Savigny  de  Moncorps  (la  vicomtesse  Henri  de),  château  de  Poiseux, 
par  Guérigny.  —  26  juin  1890. 

Saulieu  (comte  Charles  de),  à  Lurcy-le-Bourg,  parPrémery. —  24  fé- 
vrier 1887. 

Sery  (l'abbé),  chanoine,  cour  des  Récollets,  à  Nevers.  —  27  oc- 
tobre 1881. 

Soultrait  (vicomte  Roger  de),  château  de  Dômes.  —  23  février  1888. 

Soyer  (l'abbé),  curé  de  Sermoise.  ^  9  janvier  1873. 


—  XIIÏ  — 
MM. 

SuBERT  (docteur),  9, 0  I.,  médecin  en  chef  de  l'hospice,  à  Nevers. 
—  12  janvier  1865. 

Teste,  château  de  Vésigneux,  par  Saint-Martin-du-Puy.  —  Février 

1885. 
Teste  (Alexandre),  à  Lormes.  —  27  octobre  1887. 
Thépénier  (Vabbé),  curé  de  Saint-Parize-le-Châtel.  —  7  octobre  1880. 
Thonier  (Roger),  à  Saint-Léger,  commune  de  Mars.  —  30  mars  1893. 
TiERSONNiER  (Gabriel),  au  château  du  Colombier,  par  Nevers.  — 

27  juin  1889. 
TiERSONNiER  (Ludovîc),  château  de  la  Grâce,  commune  de  Gimouille. 
ToYTOT  (Ernest  de),  â  Nevers.  —  6 février  1862. 
Trameçon  (l'abbé),  curé  de  Montigny-sur-Canne.  —  31  janvier  1895. 

UsQXJiN  (Paul),  ancien  juge  de  paix,  à  Pougues-les-Eaux.  —  6  avril 
1876. 

Vallière  (Gilbert),  imprimeur-éditeur  à  Nevers.  —•23  mai  1889. 

Verne  (Charles  du),  à  Nevers.  —  3  mars  1870. 

Verne  (Victor  du),  à  Nevers.  —  9  janvier  1873. 

Verne  (Auguste  du),  à  Nevers-  —  4  novembre  1880. 

Verne  (Charles  du),  château  de  Poiseux,  par  Guérigny.  —  25  avril 

1889. 
ViLLENAUT  (Octave  de),  â  Nevers.  —  27  janvier  1887. 


—   XIV  — 


SOCIÉTÉS  CORRESPONDANTES 

1  Ministère  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts,  Paris. 

2  Bibliothèque  de  la  direction  des  Beaux-Arts,  Palais-Royal,  à  Paris. 

3  Société  philotechnique,  à  Paris. 

4  Polybiblion,  5,  rue  Saint-Simon,  à  Paris. 

5  Société  littéraire  de  Clamecy  (Nièvre). 

6  Société  d'émulation  de  l'Allier,  à  Moulins. 

7  Société  historique  du  Cher,  à  Bourges. 

8 -Société  des  Antiquaires  du  Centre,  à  Bourges. 
9  Société  archéologique  et  historique,  à  Orléans. 

10  Société  d'agriculture,  belles-lettres,  sciences  et  arts  d'Orléans. 

1 1  Société  historique  du  Gâtinais,  à  Paris,  38,  rue  Gay-Lussac 

12  Académie  de  Mâcon. 

1 3  Société  éduenne,  à  Autun. 

14  Société  des  sciences  naturelles  et  historiques  de  l'Yonne,  à  Auxerre. 

1 5  Société  d'études,  à  Avallon  (Yonne). 

16  Société  archéologique  de  Sens. 

17  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  d'Angers. 

18  Société  académique  d'archéologie,  sciences  et  arts  de  l'Oise,  à 

Beauvais. 

19  Société  d'études  des  sciences  naturelles  de  Béziers. 

20  Société  académique  de  Boulogne-sur-Mer. 

21  Société  d'agriculture ,  de  commerce,  etc.,   du  département  de  la 

Marne,  à  Châlons-sur-Marne. 

22  Société  académique  de  Cherbourg. 

23  Académie  des  sciences  de  Clermont-Ferrand. 

24  Société  d'agriculture,  de  commerce  et  d'industrie  du  département 

du  Var,  à  Draguignan. 

25  Société  d'études  des  Hautes-Alpes,  à  Gap. 

26  Société  des  sciences  naturelles  et  archéologiques   de  la   Creuse,  à 

Guéret. 

27  Société  des  sciences  et  arts  du  Havre. 

28  Société  havraise  d'études  diverses,  au  Havre. 

29  Société  historique  et  archéologique  de  Langres. 

30  Société  des  archives  historiques  de  la  Saintonge  et  de  l'Aunis,  à 

Saintes. 


—  ÎV  — 

31  Bulletin  historique  du  diocèse  de  Lyon  (abbé  J.^B.  Martin,  direc- 

teur), 205,  rue  Duguesclin. 

32  Société  littéraire  de  Lyon. 

33  Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Marseille. 

34  Société  des  travaux  de  statistique  de  Marseille. 

3  5  Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Tam-et-Garonne,  à 
Montauban . 

36  Société  archéologique  de  Tam-et-Garonne,  à  Montauban. 

37  Société  d'émulation  de  Montbéliard. 

38  Société  centrale  d'agriculture,  à  Nice. 

39  Académie  de  la  Val-d'Isère,  à  Moutiers  (Savoie). 

40  Société  des  sciences  naturelles  de  l'Ouest,  au  muséum  de  Nantes. 

41  Société  des  sciences,  lettres  et  arts  des  Alpes-Maritimes,  à  Nice. 

42  Académie  du  Gard,  à  Nîmes. 

43  Société  historique  et  archéologique  du  Périgord,  à  Périgueux. 

44  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest,  à  Poitiers. 

45  Société  archéologique  de  Rambouillet. 

46  Académie  de  Reims. 

47  Société  historique  et  archéologique  de  Soissons  (Aisne). 

48  Comité  archéologique  de  Senlis ,  à  Senlis. 

49  Société  académique  du  Var,  à  Toulon. 

50  Société  d'histoire  naturelle  de  Toulouse. 

51  Société  archéologique  du  midi  de  la  France,  à  Toulouse. 

52  Société  des  sciences  et  arts  de  Vitry-le-Français. 

53  Société   archéologique  de  Touraine,  rue  du  Belvédère,    16  his,  à 

Tours. 

54  Société  des  Bollandistes,  à  Bruxelles. 

5  5  Société  de  l'histoire  naturelle ,  à  Colmar. 

56  Société  pour  la  conservation  des  monuments  historiques  d'Alsace, 
à  Strasbourg. 


—  XVI  — 


REGLEMENT 


DU 


PRÊT  DES  LIVRES  DE  LA  BIBLIOTHÈQUE  DE  LA  SOCIÉTÉ 


1^  Tous  les  livres  appartenant  à  la  Société  pourront  être 
prêtés  aux  membres  titulaires  et  plus  spécialement  ceux  qui 
forment  le  fonds  de  Soultrait. 

2»  Un  registre  sera  créé  à  cet  effet  et  divisé  en  plusieurs 
colonnes,  contenant  le  titre  et  le  format  de  l'ouvrage,  la  date 
du  prêt,  le  nom  de  l'emprunteur  ainsi  que  sa  signature  et 
l'évaluation  du  volume. 

3**  Les  livres  ne  seront  prêtés  que  pour  un  délai  maximum 
d'un  mois,  et  devront  être  remis  à  la  Porte-du-Croux. 

4^  Le  bibliothécaire  aura  seul  qualité  pour  donner  et  recevoir 
les  volumes. 

50  Au  cas  où  la  lettre  de  rappel  du  bibliothécaire  serait 
restée  sans  réponse,  tout  nouveau  prêt  serait  refusé  au  retar- 
dataire. 

6°  Le  plus  grand  soin  est  recommandé  pour  les  livres.  D  y 
aurait  lieu  à  indemnité  dans  le  cas  où  un  livre  serait  détérioré. 


BULLETIN 


DE  LA 


SOCIÉTÉ  NIVERNAISE 


DES 


LETTRES,  SCIENCES  ET  ARTS 


•  >>>Jir««««> 


CHARTES  NIVERNAISES 

ORIGINALES 

PROVENANT   DE  M.    GRANGIER  DE  LA  MARINIÈRE 
aujourd'hui    a   la    bibliothèque    nationale 


La  Bibliothèque  nationale,  département  des  manus- 
crits, possède  plusieurs  volumes  formant  des  recueils 
de  chartes  concernant  le  Nivernais.  Ces  recueils  fac- 
tices, formés  depuis  une  cinquantaine  d'années  à  laide 
de  documents  achetés  dans  les  ventes  publiques,  se 
composent  de  parchemins  collés  sur  de  grandes  feuilles 
de  papier  fort,  disposés  et  rangés  par  région  et  par 
ordre  de  dates,  système  assez  commode  pour  consulter 
et  faire  des  recherches,  mais  qui  a  l'inconvénient  de 
détériorer  les  pièces. 

Il  faut  les  plier  d'après  le  format,  quelquefois  même 
les  couper.  La  conservation  des  sceaux  est  très  difficile 
et  il  est  impossible  de  rechercher  les  notes  qui  peuvent 
être  inscrites  au  dos  des  parchemins.  Néanmoins ,  la 
Bibliothèque ,  qui  achète  beaucoup ,  a  pu  conserver 
ainsi,  dans  son  précieux  dépôt,  nombre  de  chartes  qui 

T.  VIII,  3*  sene.  1 


-   2  - 

auraient  péri  ou  seraient  devenues  introuvables  dans 
les  collections  particulières. 

Parmi  CCS  volumes,  il  y  en  a  trois,  les  numéros  2,298, 
2,299  et  2,300  des  Nouvelles  Acquisitions  latines,  qui 
proviennent  d'acquisitions  faites  à  la  vente  Grangier 
de  La  Marinière  en  1883. 

Longtemps  mêlé  à  la  politique  de  M.  Thiers,  mais 
avant  tout  amateur  intelligent  et  chercheur  aussi 
sérieux  que  persévérant,  Grangier  de  La  Marinière 
avait  patiemment  recueilli,  pendant  quarante  ans  do  sa 
vie,  tout  ce  qu'il  trouvait  sous  sa  main,  livres  rares, 
livres  d'étude  ou  d'histoire  locale,  autographes,  char- 
tes et  manuscrits,  lettres  et  documents  de  toute 
nature. 

Les  catalogues  de  sa  vente  qui  eut  lieu  en  mai  et 
juin  1883  sont  curieux  par  eux-mêmes,  et  montrent  à 
travers  leur  sèche  nomenclature  le  but  poursuivi,  la 
méthode  rigoureuse  et  le  réel  bonheur  de  trouvailles 
aussi  variées.  Une  pareille  collection,  quels  que  soient 
le  temps,  l'argent  et  les  moyens ,  serait  impossible  à 
faire  aujourd'hui. 

Je  laisse  toute  la  partie  des  livres  et  même  ceux 
relatifs  au  Nivernais, pour  m'arrêter  au  dernier  lot  des 
manuscrits  ainsi  libellé  dans  le  catalogue,  sans  aucun 
autre  détail  :  Collection  de  documents  originaux , 
chartes  et  autographes  concernant  le  Nivernais  et 
comprenant  environ  six  cents  pièces  du  XII^  au 
XIX^  siècle,  contenues  dans  huit  cartons  in'4". 

Et  le  catalogue  imprime  cette  remarque  : 

«  Userait  déplorable  que  cette  collection  fût  morcelée 
et  on  doit  espérer  qu'un  dépôt  public  soit  à  Paris,  soit 
dans  le  département  de  la  Nièvre  s'en  rendra  acqué- 
reur. » 

Je  ne  sais  ce  qui  se  passa  à  cette  époque  pourtant 


—  3  — 

peu  éloignée  de  nous.  Le  fait  est  que  l'appel  ne  reçut 
pas  d'écho  utile  et  M.  Charavay,  libraire  chargé  de  la 
vente,  resta  le  premier  acquéreur  du  lot  entier,  sans 
que  le  public  fût  mis  au  courant  du  détail  de  la 
composition  de  ces  cartons. 

Aujourd'hui,  il  est  matériellement  impossible  de 
s'en  rendre  compte.  MM.  Charavay,  que  j'ai  consultés 
à  ce  sujet,  m'ont  dit  que  la  vente  avait  été  faite  par 
Eugène  Charavay,  leur  cousin,  décédé  depuis  plusieurs 
années ,  sans  laisser  de  successeur.  Ses  registres  de 
comptes,  s'ils  existent  encore,  ne  donneraient  aucune 
indication  suffisante. 

Parmi  nos  confrères  amateurs  de  documents,  MM.  de 
Laugardière,  Morlon  ou  Sarriau.  n'ont  été  acquéreurs 
d'aucune  de  ces  pièces. 

Il  faut  donc  admettre  qu'Eugène  Charavay  les  a 
dispersées  en  s'en  défaisant  au  mieux  de  ses  intérêts, 
suivant  les  hasards  des  achats  particuliers,  en  dehors 
de  la  publicité  d'une  vente  annoncée. 

Toutefois,  à  titre  de  consolation  et  d'espoir  que  les 
documents  de  l'histoire  nivernaise  n'ont  pas  disparu  en 
allant  s'enfouir  dans  une  collection  particulière» 
MM.  Charavay,  directeurs  de  la  maison  actuelle,  3, 
rue  de  Furstemberg,  sont  convaincus  que  le  lot  de 
102  chartes  présenté  à  M .  Delisle  et  acheté  pour  la 
Bibliothèque  nationale  en  1883,  à  un  prix  assez  élevé, 
constituait  la  partie  la  plus  importante  pour  ne  pas 
dire  la  seule  des  vrais  documents  nivernais  compris 
dans  l'ensemble  du  lot  porté  à  600  pièces. 

La  description  extérieure  de  ces  chartes  et  l'examen 
de  leur  provenance  offre  un  certain  intérêt.  Évidem- 
ment sorties  des  chartriers  des  couvents,  à  une  époque 
quelconque  de  la  tourmente  révolutionnaire,  les  voilà 
réintégrées  dans  notre  grand  dépôt  national,  après  quel- 
ques étapes  dans  les  cabinets  d'amateurs. 


_  4  - 


Avec  les  parchemins  sont  venus  d'autres  papiers 
personnels  :  analyses,  copies,  remarques,  lettres  rela- 
tives aux  chartes,  émanant  des  possesseurs  successifs 
de  ces  précieux  souvenirs  d'un  autre  âge.  On  a  respecté 
ces  papiers  dans  le  classement  et  la  pagination  des 
volumes,  quelle  que  soit  Tinsigni fiance  de  ces  notes. 
Ainsi  il  y  a  à  un  numéro  du  premier  volume  un  grand 
papier  portant  simplement  le  nom  de  M.  Grangier  de 
La  Marinière,  au  crayon. 

Il  est  curieux,  en  effet,  de  conserver  les  moindres 
détails  de  ces  papiers ,  prouvant  qu'ils  n'ont  pas  été 
comme  tant  d'autres  livrés  aux  rats  et  à  la  poussière, 
mais  compulsés  et  étudiés  par  leurs  propriétaires.  Le 
bon  état  de  nos  chartes  témoigne  d'ailleurs  amplement 
du  soin  et  du  mérite  des  divers  amateurs  entre  les 
mains  desquels  elles  ont  passé. 

Une  dizaine  de  ces  chartes  portent  la  mention  écrite 
de  la  main  de  M.  Grangier  de  La  Marinière,  ainsi 
conçue  : 

((  Acheté  de  M.  du  Broc  de  Segange,  conseiller  de 
préfecture  de  la  Nièvre,  par  l'intermédiaire  de  M.  Tross 
(libraire  à  Paris),  en  mars  1858.  » 

J'ignore  d'où  M.  du  Broc  pouvait  les  tenir,*  mais 
nous  savons  d'ailleurs  que,  pendant  son  long  séjour  à 
Nevers,  il  put  acheter  de  divers  côtés,  et  très  souvent 
chez  des  négociants  encore  moins  scrupuleux  qu'aujour- 
d'hui sur  la  question  des  parchemins,  une  quantité  de 
documents  qui,  sans  lui,  auraient  été  certainement 
détruits. 

Il  y  a  cependant  des  notes  et  extraits  d'une  autre 
main  que  celle  de  M.  du  Broc,  émanant  d'un  chercheur 
qui  connaissait  peu  notre  histoire  locale,  à  en  juger 
par  ses  réflexions.  Ainsi,  pour  une  charte  de  1231, 
contenant  l'approbation  de  l'Évoque  d'Auxerre  aux 


privilèges  des  habitants  de  Nevers^  Torigine  de  ces 
privilèges  remontant  à  Pierre  de  Courtenay  semble  lui 
échapper  totalement. 

On  est  donc  amené  à  supposer  que  ces  chartes,  sans 
compter  d'autres  migrations  intermédiaires  non  signa- 
lées par  des  notes,  sont  devenues  successivement  la 
propriété  de  trois  amateurs  :  1®  celui  qui  a  écrit  les 
notes;  2**  M.  du  Broc  de  Segange;  3**  M.  Grangierde 
La  Marinière. 

En  feuilletant  les  numéros,  on  rencontre  d'autres 
chartes  occupant  leur  place  par  date  et  par  localité, 
mais  sans  indication  de  provenance.  Le  collectionneur 
aura  négligé,  pour  une  raison  quelconque,  de  men- 
tionner d'où  il  les  tenait. 

Les  chartes  de  M.  du  Broc  vont  de  1112  à  1267,  tous 
de  beaux  parchemins,  dépourvus  de  sceaux,  mais  bien 
conservés.  Elles  concernent  le  prieuré  de  Saint- 
Etienne,  l'abbaye  de  Saint-Martin,  le  prieuré  de 
Guipy,  rÉvêque  de  Nevers  et  le  chapitre  de  Saint- 
Cyr. 

Plusieurs  ventes  publiques  ont  aussi  contribué  à 
former  la  collection  de  chartes.  La  vente  Le  Ver,  en 
novembre  1866,  fournit  deux  documents  sur  Fonmo- 
rigny  et  Saint-Arigle,  et  une  précieuse  charte  de  1374 
contenant  l'ordre,  par  Charles  V,  aux  religieux  de 
Saint-Denis  d'inhumer  à  ses  pieds  son  fidèle  chambel- 
lan. Bureau  de  La  Rivière.  La  vente  Salmon,  en  1857, 
a  procuré  une  pièce  sur  l'église  d'Asnois  ;  la  vente 
Yéméniz,  sur  la  donation  de  Guillaume  Pioche;  la 
vente  Tarbé,  de  Reims,  en  1863,  sur  Varzy  et  les 
privilèges  du  chapitre  ;  la  vente  de  Magny,  en  1867, 
sur  la  donation  d'Erard  de  Chacenay. 

Les  chartes  les  plus  anciennes  et  les  plus  précieuses 
sont  les  seules  accompagnées  de  ces  mentions  de  prove- 
nance ,  qui  deviennent  plus  rares  à  mesure  que  l'on 


—  6  — 

avance  en  date.  Le  troisième  volume,  qui  comprend 
de  1428  à  1499,  n'en  contient  aucune.  Les  collection- 
neurs ont  également  ajouté  des  copies,  notes  et  extraits 
relatifs  aux  documents  déjà  recherchés  par  eux  avec 
tant  de  sagacité  ;  ces  documents  augmenteront  encore 
de  valeur  en  les  rapprochant  de  ceux  des  autres  recueils 
conservés  de  la  même  façon,  grâce  aux  soins  et  à  la 
persévérance  de  l'administration  de  la  Bibliothèque 
nationale ,  où  nous  constatons  avec  grande  satisfaction 
qu'ils  sont  désormais  en  lieu  sûr. 

Après  ces  quelques  détails,  il  me  reste  à  passer 
rapidement  en  revue  l'intérêt  historique  de  ces  chartes. 
Je  les  grouperai  suivant  les  objets  qu'elles  traitent, 
afin  de  permettre  de  les  rapprocher  de  celles  déjà 
connues  d'autre  part. 

Le  prieuré  de  Saint-Étienne  figure  avec  une  superbe 
charte  de  1112  (n^  2),  contenant  la  donation  d'un  fief 
et  plusieurs  places  à  bâtir  dans  les  environs  de  l'église, 
par  Gosbert  et  Guillaume,  fils  de  Séguin  de  Nevers, 
qui  en  avait  joui  à  son  retour  de  Jérusalem. 

La  pièce  est  dressée  par  Bernard,  chantre  du  cha- 
pitre, certifiée  par  de  nombreux  témoins,  approuvée 
par  le  comte  Guillaume,  l'évêque  Hugues  IV  et  dom 
Pierre,  prieur  de  Saint-Étienne.  Cet  acte  était  le 
complément  de  la  vocation  religieuse  que  Séguin, 
suivant  en  cela  l'exemple  de  beaucoup  de  seigneurs, 
avait  embrassée  à  la  suite  de  la  croisade.  Il  comparaît 
comme  moine,  vivant  sous  le  régime  de  la  commu- 
nauté. 

En  1143,  le  prieur  de  Saint-Étienne  s'appelle 
Bernard.  Il  reçoit  de  Hugues  de  Pierreperthuis  (n®  4) 
une  dlme  située  à  Sermoise  et  17  sols  de  cens  sur  le 
moulin  de  Chaussef osse ,  moyennant  la  somme  de 
80  livres. 

A  la  suite  du  texte  de  cette  vente,  les  deux  seigneurs 


—  7  — 

importants  de  l'endroit,  Tévêque  Froment  et  le  comte 
Guillaume,  se  portent  fort  pour  eux  et  leurs  héritiers, 
à  la  demande  des  parties ,  et  revêtent  Tacte  de  leur 
sceau,  en  présence  de  nombreux  témoins. 

L'abbaye  de  Saint-Martin  de  Nevers  est  représentée 
par  une  charte  de  1210  (n^  10),  où  Tévêque  Guillaume, 
choisi  comme  arbitre  par  les  chanoines  et  le  seigneur 
Guillaume  de  Jaugenay,  au  sujet  d'un  pré  qu'ils  se 
contestaient,  attribue  définitivement  la  propriété  à 
l'abbaye  de  Saint-Martin. 

Le  chapitre  de  Saint-Cyr  offre  un  grand  nombre 
de  pièces  constatant  ses  privilèges,  ses  donations,  ses 
acquisitions,  ses  procès,  questions  intéressantes  où  il 
intervient  des  personnages  et  des  localités  sur  lesquels 
on  obtient  à  chaque  instant  des  renseignements. 
Celles-ci  viendront  s'ajouter  à  d'autres  qui  sont  déjà 
très  nombreuses. 

Le  chapitre  de  Nevers  avait  fourni  à  Philippe-le- 
Bel  un  fort  subside  pour  sa  guerre  des  Flandres,  en 
considération  duquel  le  roi  lui  avait  accordé  en  1304 
divers  privilèges,  profitant  d'ailleurs  aux  nombreux 
tenanciers  du  chapitre  dans  les  campagnes.  Il  est  fait 
allusion  dans  nos  chartes  à  cette  libéralité  royale  qui 
est  reproduite  dans  le  vidimus  de  1312  (n®  4)  et  dans 
quatre  autres  pièces  insérées  dans  notre  recueil. 

Parmi  les  donations  au  chapitre  pour  fondation 
d'anniversaires,  nous  voyons  un  don  de  60  livres  en 
1329  (n®  21)  par  Pierre  Amy  de  Montély,  curé  de 
Saincaize  ;  le  revenu  devait  en  être  réparti  entre  les 
divers  officiants. 

Ce  même  Pierre  Amy,  curé  de  Saincaize,  est  chargé 
d'une  fondation  de  trois  messes  à  dire  dans  son  église 
pour  la  famille  d'Adeline  Chardane,  en  1343  (n®  30). 
Le  hasard  a  mis  entre  les  mains  d'un  collectionneur 


-  8  - 

d'aujourd'hui  deux  chartes  concernant  le  môme  per- 
sonnage. 

Une  autre  charte  de  1281  (n®  38)  expose  un  cas 
assez  curieux  de  la  comptabilité  du  chapitre  de  Saint- 
Cyr.  A  la  vacance  du  siège  épiscopal,  par  le  décès  de 
Robert  de  Marzy  en  1272^  le  doyen  avait  disposé 
d'une  somme  de  200  livres,  sur  la  mense  épiscopale, 
en  acquisition  d'un  pré  situé  dans  la  vallée  de  la 
Nièvre,  au-dessous  de  Coulanges,  appelé  Origny. 
Lorsque  Gilles  du  Châtelet  réclama  ses  comptes,  il 
lui  fut  impossible  de  retrouver  les  200  livres,  et  le 
doyen  se  décida  à  lui  abandonner  la  terre. 

Cependant  l'évêque,  soit  qu'il  n'eût  pas  intérêt  à 
ces  revenus,  soit  par  bienveillance  pour  ses  chanoines, 
ne  voulut  pas  en  prendre  possession  et  y  renonça  de 
suite  en  faisant  une  double  fondation  de  messe  du 
Saint-Esprit  et  oflSce  d'anniversaire  après  sa  mort. 

Il  y  a  encore  une  dizaine  de  vidimus  du  XIV^ 
siècle,  relatifs  à  diverses  donations  par  les  comtes 
de  Nevers  au  chapitre  de  Saint-Cyr,  textes  imprimés 
dans  le  Gallia  Christiana  ou  autres  recueils,  avec 
leur  date  d'origine,  et  qui  sont  à  mentionner  dans 
Y  Histoire  du  Chapitre  de  Saint-Cyr. 

La  propriété  urbaine,  consistant  en  maisons  à 
Nevers,  plus  faciles  à  louer  et  à  administrer,  semble 
avoir  la  préférence  des  chanoines,  puis  les  vignes  et 
terres  des  environs  de  Nevers,  puis  enfin  des  bois  et 
grandes  propriétés  plus  éloignées,  qu  elles  vinssent  au 
chapitre  par  vente  ou  donation.  Voici  quelques-uns  de 
ces  actes  : 

Hugo  Polez  et  Isabelle  Pieplat,  sa  femme,  vendent, 
en  1263,  à  Gilon  d'Orléans,  chanoine  de  Nevers,  pour 
8  livres  nivernaises,  une  maison  située  dans  la  paroisse 
Saint- Jean  (n®  28). 


-  9  - 

Le  chanoine  Hugues  de  Fourneuf  achète,  en  1281 
(n®  37),  une  part  de  maison  sise  paroisse  Saint- Arigle, 
appartenant  aux  enfants  d'un  certain  Pierre  de  Sau- 
vigny. 

En  1267,  le  chapitre  accense  pour  25  sols  par  an,  aux 
maître  et  frères  de  l'hôpital  Saint-Didier,  une  maison 
située  paroisse  Saint-Laurent,  qui  leur  avait  été  donnée 
par  Jean  Dandin  (n**  31). 

Ces  conventions  particulières  ofifrent  parfois  des 
détails  curieux,  comme  la  charte  de  1315,  dans  laquelle 
le  chapitre  donne  à  bail  emphytéotique  à  deux  habi- 
tants de  Nevers  un  terrain  situé  rue  Saint-Sauveur,  où 
existait  une  maison  détruite  par  l'incendie  de  1308. 
La  maison  se  reconstruisait  et  les  preneurs  payaient 
une  annuité  de  60  sols  et  deux  deniers  de  cens  (1). 

La  série  des  baux  ruraux  est  également  repré- 
sentée. 

La  dame  de  Vôvre,  veuve  de  Hugues  Bréchard, 
prend  en  censive,  pour  vingt-neuf  ans  et  au  prix 
annuel  de  10  livres,  l'étang  de  Montifaut  et  toutes  ses 
dépendances  situées  à  Prye,  le  chapitre  ne  se  réservant 
que  la  justice  (1342,  n®  28). 

Les  acquisitions  rurales  sont  plus  isolées,  mais  méri- 
tent d'être  citées  : 

C'est  d'abord  la  vente  d'un  pré,  dans  les  environs  de 
Sancergues,  par  Guillaume  Roy  de  Parigny,  pour  le 
prix  de  16  livres  nivernaises,  en  1242  (n^  22). 

Puis  la  vente  par  Alix,  veuve  de  Odard  Troussebois, 
en  1297  {n9  45),  au  chapitre  de  Nevers,  pour  100 
livres  tournois,  de  parcelles  de  vigne  à  Conflans  et  à 
Cuflfy  ,  et  un  cens  annuel  de  9  sols,  assis  sur  les 
vignes  des  coteaux  de  Marzy  et  entre  autres  aux  Mon- 

(I)  Texte  publié  dans  le  Bulletin,  t.  II.  p.  IGI.  Â  cette  occasion  M.  du 
Broc  expose  à  la  Société  qu'il  découvrit  chez  un  cartonnier  un  lot  de 
1,600  chartes  qui  turent  à  Tépoque  rachetées  par  le  département. 


-  10- 

tapins  {de  Monte  Alpini)  et  du  Bec  d'Allier  {de  Beco 
Aligeris), 

Enfin,  comme  affaire  plus  importante ,  Isabelle  de 
Rosières  lui  vend  encore,  en  1342,  pour  500  livres,  tous 
ses  droits,  terres  et  maisons  situés  dans  la  région  de 
Rosières,  près  Decize  (t.  II,  n®  29). 

Les  difficultés  pendantes  entre  les  divers  pouvoirs 
fournissent  des  actes  et  surtout  des  nominations  d'ar- 
bitres, entre  le  chapitre,  Tévêque,  le  comte,  les  sei- 
gneurs voisins. 

Itier  de  Frasnay  conclut  un  accord  en  1248  (no  28), 
au  sujet  des  droits  de  justice  à  Parigny,  en  présence 
de  révoque  Robert  Cornut  par  des  arbitres  qui  dési- 
gnent à  chacun  les  hameaux  et  territoires  de  la  localité 
où  ils  pourront  exercer  leurs  droits. 

Les  nombreuses  contestations  entre  le  comte  de 
Nevers  et  le  chapitre  de  Saint-Cyr  se  terminaient  tou- 
jours par  des  nominations  d'arbitres  qui  aboutissaient 
ordinairement  à  une  sorte  d'accalmie  entre  les  parties 
pour  recommencer  ensuite  à  la  première  circonstance 
quelconque . 

En  1299  (n^  46),  les  arbitres  choisis  furent  Etienne 
de  Bosonville,  bailli  de  Nevers  (1)  et  M*^  Jean  de  Clu- 
gny,  chanoine. 

Autre  nomination  d'arbitre  dans  une  charte  de  1301, 
sur  la  contestation  élevée  cette  fois  entre  Jean,  évéque 
de  Nevers,  et  le  doyen  du  chapitre  de  Saint-Cyr  (t.  II, 
no  3).  Il  s'agit  de  répartir  les  droits  de  chacun  sur  la 
forêt  de  Prémery,  dont  l'usage  était  indivis.  Les  deux 
experts  nommés  à  l'amiable  en  cette  circonstance  sont 
les  chanoines  Gautier  de  Spodona  et  Jean  de  Charry. 

Cette  question  de  la  forêt  de  Prémery  semble  s'être 

(1)  La  liste  des  baillis  de  Nivernais  sera  curieuse  à  bien  des  titres.  Dans 
plusieurs  provinces  de  France  on  commence  à  rechercher  ces  seigneurs, 
qui  occupaient  d'importantes  fonctions. 


-  11  - 

terminée  quelques  années  plus  tard,  en  1323;  par  la 
donation  définitive  de  deux  cents  arpents  (n**  13)  de 
cette  même  forêt  au  chapitre  de  Nevers.  Les  deux 
évêques  Jean  de  Savigny  et  Bertrand  de  Colombiers 
avaient  eu  la  même  pensée  en  cherchant  à  terminer 
une  querelle  si  longtemps  débattue  entre  eux  et  im- 
possible à  trancher.  En  faisant  cette  donation,  Tévêque 
perdait  peu  de  chose  et  donnait  une  preuve  de  géné- 
rosité. Dans  d'autres  recueils,  nous  aurons  évidemment 
occasion  de  découvrir  des  pièces  relatives  à  cette  même 
affaire. 

Les  justices  seigneuriales,  si  éparpillées  sur  le  terri- 
toire puisque  la  possession  du  sol  impliquait  presque 
toujours  le  droit  d'exercer  la  justice,  amenaient  de 
fréquentes  contestations  entre  les  parties.  Entre  m? Ile 
en  voici  un  exemple  fourni  par  la  charte  du  4  février 
1305  (no  5)  : 

Un  sergent  du  comte  de  Nevers  saisit  en  gage 
une  coupe  de  fer  et  appose  les  scellés  sur  une  arche 
dans  la  maison  de  Régnant  Pastoureau,  pour  une 
somme  d'argent  que  devait  celui-ci.  Le  sergent  recon- 
naît qu'il  a  fait  erreur  et  n'a  pas  qualité  pour  agir 
dans  cette  localité  de  Muloz,  qui  est  justice  du  cha- 
pitre. 11  remet  tout  en  place  en  présence  de  R.  d'Achè- 
res,  chanoine  prévôt  de  Sauvigny,  et  de  deux  autres 
témoins,  se  soumettant  à  l'amende.  Le  clerc  juré  de 
l'oflScialité  est  chargé  d'assister  à  toutes  ces  opérations 
et  d'en  dresser  acte. 

En  1310  il  s'agit  encore  de  droits  de  justice  entre  le 
chapitre,  l'évêque  et  le  comte  de  Nevers.  Les  arbitres 
nommés  par  le  roi  sont  l'abbé  de  Saint-Laurent- 
l'Abbaye  et  Hérard  de  Thianges,  chevalier.  Nous 
avons  les  lettres  (n**  6),  par  lesquelles  ils  chargent  le 
prévôt  royal   de    Saint-Pierre-le-Moûtier,  Oudet  de 


-  12  — 

Beleigny  et  son  sergent,  de  convoquer  à  Nevers  en  leur 
présence  les  trois  parties  pour  recevoir  leurs  dires . 

L'intervention  royale  paraît  directement  dans  cette 
convocation  aflBrmant  de  plus  en  plus  la  supériorité 
du  pouvoir  et  des  oflBciers  du  roi.  Voici  mieux  encore. 
Quelques  années  après,  dans  les  lettres-patentes  du 
14  mars  1319  (n°  12).  Il  y  avait  contestation  de  droits 
sur  des  dimes  à  La  Charnaye,  près  Sancergues,  entre 
le  chapitre  de  Nevers  et  le  curé  de  Tronsanges  d'une 
part,  et  le  prieur  et  aumônier  de  La  Charité,  d'autre 
part.  On  avait  sans  doute  épuisé  le  système  des  arbi- 
trages amiables  qui  n'avaient  pu  aboutir.  Le  roi 
charge  de  l'enquête  son  prévôt  de  Sancoins,  Simon 
Fouques,  en  ayant  soin  de  lui  indiquer  d'appliquer  les 
dimes  au  curé,  à  moins  que  les  religieux  ne  présentent 
des  preuves  tout  à  fait  convaincantes. 

Trois  autres  pièces  portent  signification  aux  ser- 
gents royaux  de  Saint-Pierre-le-Moûtier  de  régler 
avec  le  bailli  de  Bourges  la  suite  du  procès  entre  le 
comte  de  Nevers  et  le  chapitre. 

Les  familles  serves  de  Soulangy  appartenaient  les 
unes  au  chapitre  de  Saint-Cyr,  les  autres  au  prieur 
d'Aubigny.  Il  y  eut  des  conventions  faites  par  le 
prieur  de  La  Charité  en  1336  (n®  24),  où  il  est  exposé 
les  conditions  de  servage  réglées  par  la  coutume  du 
Nivernois. 

En  1354,  comme  arbitres,  et  toujours  entre  l'évêque 
et  le  chapitre,  nous  trouvons  Guillaume  de  Vrigis, 
officiai,  Jean  Gendret,  notaire,  et  les  chanoines  Jean  de 
Sauvigny  et  Jean  de  Bourbon  (n**  34). 

Dans  le  deuxième  volume,  aux  années  1330  et  sui- 
vantes, il  y  a  plusieurs  chartes  royales  relatives  à 
l'exécution  des  testaments  et  distribution  des  deniers 
au  décès  des  chanoines,  question  contestée  par  le 
comte  de  Nevers  et  qui  parut  souvent  au  Parlement. 


-  13  - 

En  1354  (n®  37),  à  la  mort  du  chanoine  Guillaume 
de  Veauce,  le  doyen  nomme  exécuteurs  testamen- 
taires quatre  chanoines  avec  les  pouvoirs  les  plus 
étendus.  Parmi  eux  se  trouve  Régnant  Passeloire,  qui 
occupait  la  fonction  de  garde  de  la  prévôté  de  Nevers. 

Le  chapitre  de  Prémery  achète  en  1242,  pour  le 
prix  de  27  livres  nivernaises,  à  Adam  des  Ponts,  une 
partie  de  pré  et  une  vigne ,  dont  il  garantira  la 
propriété  définitive  au  chapitre  (n<>  20). 

Terminons  le  chapitre  de  Saint-Cyr  par  la  mention 
du  compte  du  dernier  trimestre  de  Tannée  1296 
présenté  au  doyen  par  le  boursier  Gilon  de  Argeville. 
On  y  voit  un  certain  nombre  de  noms  qui  motiveront 
un  examen  spécial  et  môme  une  publication^  de  cette 
pièce  importante  et  rare. 

Plusieurs  chartes  concernent  les  prieurés  de  la 
région  :  le  prieuré  de  Saint- Yon,  près  Montlhéry, 
dépendant  de  La  Charité-sur-Loire,  fait  une  conven- 
tion avec  un  seigneur  voisin  au  sujet  de  redevances 
sur  les  vignes  et  sur  les  blés,  en  mai  1242  (n®  21).  C'est 
la  seule  charte  que  Ton  possède  en  Nivernais  sur  ce 
prieuré,  connu  seulement  par  la  mention  portée  dans 
l'inventaire  du  prieur  Colbert.  On  voit  que,  comme  la 
plupart  des  suffragants  de  La  Charité,  il  remontait 
au  XIII«,  et  très  probablement  au  XII®  siècle. 

Au  siècle  suivant,  en  1355,  le  roi  intervient  dans  une 
contestation  entre  la  reine  Blanche  et  le  prieuré  de 
La  Charité,  au  sujet  de  la  terre  de  Lady,  en  Cham- 
pagne, dont  la  jouissance  resta  définitivement  au 
prieuré  (n^»  35  et  36). 

Le  prieuré  de  Guipy  paraît  en  1225  (n^*  17).  Son 
prieur  Godefroi  s'entend  avec  un  seigneur  voisin, 
Chrétien  Dauodest.  La  dime  d'une  vigne  reviendra 
pour  les  deux  parts  au  prieur,  et  si  plus  tard  la  vigne 
est  augmentée  en  étendue,  les  parts  devront  égale- 


—  14  - 

ment  être  augmentées  en  proportion.  Cette  charte 
offre  un  intérêt  spécial.  Elle  est  passée  devant 
M®*  Etienne,  officiai  de  Nevers,  le  3  septembre  1225  et 
se  trouve  être  la  plus  ancienne  connue  des  chartes 
de  notre  officialité. 

Les  moniales  de  La  Fermeté  reçoivent  en  janvier 
1244  une  superbe  rente  de  seize  quarteaux  de  mouture, 
accordée  par  Isabelle  de  Cisely,  veuve  de  Geoffroi  des 
Prés,  sur  Tétang  et  le  moulin  de  Cisely,  près  Cercy 
(no  23). 

Le  prieuré  de  TEspau  possède  des  droits  d'usage 
dans  les  bois  de  Montaubert  et  autres  forêts  près  de 
Clamecy  en  1300.  Le  comte  de  Nevers  Louis  de 
Flandre  reconnaît  à  ce  sujet  avoir  reçu  des  religieux 
le  bois  nécessaire  à  la  réparation  de  ses  pressoirs, 
mais  sans  qu'ils  y  soient  tenus  et  par  pure  courtoisie, 
il  le  témoigne  dans  un  acte  authentique  scellé  de 
son  sceau  et  plusieurs  fois  renouvelé.  La  copie  du 
recueil  est  de  Tannée  1561 . 

La  ville  de  Nevers  offre  quelques  particularités. 
Voici  par  exemple,  en  1260  (n®  26),  la  vente  d'une 
maison  sise  rue  de  la  Tartre,  par  Hugonin  et  sa  femme 
Isabelle  à  Hugues  Amiraud  de  Soulangy.  Le  plus 
curieux  de  l'affaire  est  que  les  vendeurs  sont  les 
enfants  d'un  certain  Jobert  de  La  Tartre,  qui  autorise 
lui-même  la  vente.  Y  a-t-il  une  corrélation  entre  le 
nom  du  propriétaire  et  de  la  rue  ?  La  pièce  de  1260 
n'y  fait  aucune  allusion. 

En  mai  1270,  nous  voyons  la  répétition  des  céré- 
monies usitées  au  siècle  précédent  pour  le  départ  de  la 
croisade.  C'étaient  évidemment  les  préparatifs  de  la 
deuxième  croisade  de  Saint-Louis.  Guillaume  Bré- 
chard  se  rend  à  la  cathédrale  de  Saint-Cyr  et  en 
réunion  du  chapitre  donne  pour  son  anniversaire  tous 
les  biens  qu'il  possédait  à  SardoUes  en  franc-alleu  ou 


-  15  - 

que  ses  gens  tenaient  de  lui.  L'acte  est  passé  devant 
l'oflBcialité  de  Ne  vers. 

Nous  avons  encore  dans  ce  recueil  beaucoup  de 
chartes  isolées,  dont  Ténumération  seule  montrera 
l'intérêt  pour  l'histoire  locale.  Cest  par  là  que  je 
terminerai  cette  nomenclature  assez  sèche  de  docu- 
ments. 

Échanges  dans  la  paroisse  de  Chaluzy  en  1264  (n^  29). 

Vente  d'une  terre  en  franc-alleu ,  à  Crais,  près 
Saint-Parize,  par  Jean  Syron  à  un  prêtre,  Gautier  de 
Bonay,  en  1274  (n^  35). 

Vente  de  biens  de  toute  nature  situés  à  Épiry, 
Sardy  et  Montreuillon  en  1289  (n°  39),  avec  un  grand 
nombre  de  noms  d'hommes  et  de  lieux,  dépendant  de 
la  succession  de  Perronet,  prévôt  de  Corbigny,  et 
tenus  en  fief  par  Jean  de  Ansey,  chanoine-chantre 
d'Orléans. 

Donation  à  l'église  Saint-Loup  d'Asnois  (n**  41), 
par  Richard  Beaufils,  de  10  sols  nivernais  de  rente 
annuelle  répartis  en  une  quantité  de  petits  tenanciers 
de  l'endroit.  Curieuse  charte  française  de  1293  éma- 
nant de  la  prévôté  seigneuriale  de  Clamecy. 

Le  n»  43  est  un  superbe  parchemin  de  1295  expo- 
sant la  donation  entre  époux  au  dernier  survivant  par 
deux  seigneurs  nivernais  d'assez  grande  importance, 
Guillaume  Pioche,  seigneur  de  Brinon,  et  sa  femme, 
Aremburge  de  La  Rivière.  C'était  le  second  mariage 
des  deux  époux  dont  l'âge  devait  être  assez  avancé. 
Les  immeubles  et  droits  féodaux  qui  ne  figurent  pas 
d'ailleurs  dans  l'acte,  se  trouvaient  sans  doute  en 
possession  des  enfants  des  deux  côtés,  qui  compa- 
raissent pour  approuver  la  donation  réciproque  repo- 
sant seulement  sur  tous  les  biens  meubles. 

Dans  le  tome  II  de  ce  même  recueil  nous  trouvons 
un  contrat  de  mariage  daté  de  1319  {n?  14)  entre 


—  16  — 

Gibant  de  Saint- Verain ,  seigneur  de  La  Celle,  et 
Jeanne  de  Courcelles.  Les  terres  apportées  par  le 
futur  sont  situées  en  dehors  du  Nivernais ,  mais  le 
contrat  est  passé  devant  la  prévôté  royale  de  Donzy, 
et  il  est  dit  que  l'acte  est  revêtu  du  «nouvel  scel  le 
Roy  establi  en  la  prevosté  »,  détail  intéressant  pour 
l'époque  de  création  des  notaires  royaux  qui  devien- 
dront plus  tard  les  seuls  expéditionnaires  des  actes 
des  particuliers. 

Au  milieu  de  ces  actes  émanant  tous  d'une  auto- 
rité quelconque,  officialités,  prévôtés  ou  chancelleries 
particulières,  mais  ayant  caractère  d'actes  publics,  il 
y  a  une  charmante  lettre  missive  sur  parchemin 
(nn  20)  sans  date,  mais  qui  ne  peut  être  inférieure  à 
1325.  Dans  cette  lettre  adressée  à  la  comtesse  de 
Nevers,  Jeanne  d'Acy  se  met  sous  sa  protection  et 
espère  qu'elle  voudra  bien  la  soutenir  contre  les  offi- 
ciers provinciaux  qui  la  grugent  et  saisissent  ses 
revenus.  Sans  faire  allusion  à  aucun  fait  d'histoire,  ce 
parchemin  est  très  curieux  au  point  de  vue  littéraire 
pour  une  époque  aussi  ancienne.  Les  documents  de 
style  épistolaire  ne  sont  pas  nombreux  au  XIV®  siècle. 

En  1365,  contrat  de  mariage  eatre  GeofiEroy  du 
Bouchet  et  Jeanne  de  Saint- Verain ,  fille  de  Gibant, 
même  famille  dont  il  est  question  plus  haut.  Ils  appor- 
tent en  dot  l'un  sa  terre  du  Bouchet  et  l'autre  la  terre 
de  Pierrefite,  avec  promesse  d'avoir  une  part  égale 
aux  autres  enfants  mâles  dans  les  successions  futures 
(n^^  39) . 

Les  aveux  et  dénombrements  de  la  maison  et  terres 
de  Chalaux,  près  Brassy,  par  Ysabel  Guyot-le-Cochat 
à  Guillaume  de  Saint-Aubin  en  1339  (no  26).  La 
suite  du  XIV®  siècle  comporte  beaucoup  d'aveux  au 
comte  de  Nevers ,  à  l'évêque  et  à  divers  seigneurs, 
dont  il  sera  précieux  d'avoir  la  nomenclature. 


La  fin  du  deuxième  et  l'ensemble  du  troisième 
volume  se  composent  en  grande  partie  d'aveux  et  de 
contrats  moins  intéressants  que  ceux  des  siècles  pré- 
cédents. 

A  Taide  des  autres  recueils  appartenant  encore  à  la 
Bibliothèque  nationale,  on  obtiendra  un  ensemble  de 
documents  nivernais  très  utiles  à  consulter.  J'ai  copié 
toutes  ces  chartes ,  et ,  en  m'en  servant  pour  des 
notices ,  je  les  tiens  à  la  disposition  de  nos  confrères 
qui  désireraient  les  mettre  également  à  profit  pour 
leurs  études. 

René  de  Lespinasse. 


t.  vm,  3*  w9fA%.  S 


-18- 


DEUX  DONATIONS 


FAITES    AU 


COUVENT  DE  LA  VISITATION  SAL\TE-M\RIE  DE  NEVERS 


Au     X  V  ll«     siècle. 


Les  archives  des  Bordes  (1)  renferment  divers 
documents  concernant  deux  donations  faites  à  la  fin 
du  dix-septième  siècle.  Tune  par  la  dame  des  Bordes, 
l'autre  par  sa  fille,  au  couvent  de  la  Visitation  Sainte- 
Marie  de  Nevers. 

Nous  résumons  ici  ces  deux  donations. 

Louise  d'Ancienville,  dame  des  Bordes  et  marquise 
d'Epoisses,  femme  séparée  d'Achille  de  La  Grange, 
comte  de  Maligny,  possédait  un  contrat  de  rente  de 
10,000  livres  en  principal  constitué  à  son  profit  le 
24  septembre  1670  par  Philippe  Andrault  de  Lange- 
geron  et  sa  femme  (2),  devant  Lage  et  Langu,  notaires 
au  Châtelet  de  Paris. 

La  dame  des  Bordes  fit  don  de  cette  somme  aux 
religieuses  de  la  Visitation  par  contrat,  reçu  Taillan- 


(1)  (>s  archives  ont  été  données  en  1897  à  la  Société  nivernaise  par  le 
propriétaire  actuel  du  château  des  Cordes.  M.  Vernin. 

•'2)  Philippe  Andrault  de  Langeron  était  alors  comte  de  Langeron, 
Devauz,  Cougny  et  autres  lieux,  premier  gentilhomme  de  la  chambre  de 
S.  A.  Mgr  le  duc  Danguin  {sic).  *  Sa  femme  était  haulte  et  puissante 
dame  Claude  Dcfaye  Despesses  (sic),  dame  d'honneur  de  S.  A.  Sérénis- 
sime  Mme  la  duchesse  Danguin. 


-  49- 

dier  et  Casset,  notaires  à  Nevers,  le  20  juin  1672(1). 
Mais  n'ayant  point  requis  l'autorité  de  son  mari,  ou, 
à  son  refus,  celle  de  la  justice,  et  craignant  que  ce 
contrat  ne  fût  valable,  elle  résolut  de  le  ratifier,  une 
fois  devenue  veuve,  ce  qu'elle  fit  le  20  avril  1683  par- 
devant  les  mêmes  notaires  (2). 

Cette  formalité  fut  remplie  «  à  la  grigle  du  grand 
»  parlouér  (sic)  du  monastaire  où  estoient  humble 
»  et  devoste  mère  Marye  Geneviefve  Besée,  supé- 
»  rieure  ;  sœur  Anne  Gabrielle  Doreau ,  assistante  ; 
))  sœur  Jeanne  Catherine  de  Saulieu  ;  sœur  Françoise 
»  Angélique  Pommereuil  ;  sœur  Marie  Espérance 
»  Gueneau,  religieuses  proffesses  et  conseillères  dud. 
»  monnastaire  ». 

Toutes  les  autres  religieuses,  rassemblées  dans  le 
parloir,  au  son  de  la  cloche,  délibérèrent  «  à  la 
»  mannière  accoustumée  ï>,  et,  par  la  voix  de  leur  supé- 
rieure, remercièrent  la  dame  des  Bordes  de  sa  géné- 
rosité. 

Puis  ((  sous  lauthorité  et  consentement  de  messire 
»  Noël  de  Rambault,  prestre,  docteur  en  droit  civil  et 
»  cannon,  prieur  de  Saint-Honnoré  et  grand  vicaire 
))  de  Mgr  Edouard  Vallot,  conseiller  du  roi  en  tous  ses 
ï)  conseils,  evesque  de  Nevers,  supérieur  et  ordonna- 
»  teur  dud.  monnastaire,  »  les  religieuses  ont  déclaré 
accepter  la  donation  proposée  «  aux  charges  et  condi- 
»  tiens  que  la  donatrice  avisera  ». 

Celle-ci,  en  présence  des  deux  notaires  susnommés, 
subroge  les  religieuses  en  tous  ses  droits  pour  en  jouir 
après  son  décès,  s'en  réservant  l'usufruit  sa  vie  durant. 

(1)  Cette  pièce  n'était  pas  aux  archives,  mais  son  existence  est  rappelée 
dans  Tacte  confirmant  la  donation. 

(2)  Au  dos  de  cette  pièce,  la  dame  des  Bordes  a  écrit  de  sa  main  : 
•  Cet  la  $eg<mde  donation  a  cosse  qu'on  dit  que  la  première  ne  valet 
rien  ». 


-  20  — 

Elle  promet,  en  outre,  garantir  cette  rente  et  ses 
arrérages  contre  ses  débiteurs  personnels  ;  et,  à  cet 
effet,  hypothèque  généralement  tous  ses  biens  et  spé- 
cialement «  la  terre  et  seigneurye  Douroué,  scise  aux 
»  Amougnes  »  (1). 

L'acte  de  donation  porte  que  cette  dernière  est 
faite  a  à  la  charge  que  lad.  dame  Despoisses  aura  la 
»  quallité  de  bienfactrice  dud.  monnas taire...  qu'elle 
ï>  pourra  entrer  et  sortir  dans  led.  monnastaire  quand 
»  bon  luy  semblera  avec  deux  personnes  à  sa  suitte, 
»  sans  que  lesd.  religieuses  soient  obligées  de  fournir 
»  aucunne  chose  pour  la  nourriture  tant  de  lad.  dame 
»  que  de  ses  deux  personnes  ;  comme  aussy  que  lad. 
))  dame  sera  inhumée  dans  la  sépulture  des  religieuses, 
»  sans  qu'elles  soient  obligées  aux  frais  funéraux,  qui 
»  seront  à  la  charge  des  héritiers  de  lad.  dame  ;  et 
))  que  tous  les  ans,  à  chascun  jour  qu'arrivera  son 
»  déceds,  lesd.  religieuses  fairont  un  service  solennel, 
»  la  communion  generalle  et  fairont  dire  des  messes 
))  pour  le  repos  de  son  asme...  » 

Les  religieuses  consentent  en  outre  ((  à  deslaisser  à 
»  ladite  dame  leur  parloir  dembas,  qui  est  proche  de 
»  lesglise,  pour  en  faire  ce  que  bon  luy  semblera  ». 

Il  fut  également  convenu  que  si  la  rente  abandonnée 

(1)  Elle  remet  aux  religieuses  la  grosse  du  contrat  de  constitution  por- 
tant au  bas  procuration  et  ratification  du  comte  de  Langeron  ;  mais  cette 
somme  ayant  d'abord  été  prêtée  par  un  sieur  Guy  Hizorée,  conseiller  et 
médecin  ordinaire  de  S.  A.  Royalle  Mgr  le  duc  Danguin»  le  10  juin  1659, 
par  acte  reçu  Langlois  et  Lemoine  et  remboursée  à  sa  veuve  le  24  sep- 
tembre 1670  ;  la  dame  des  Bordes  remit  en  outre  aux  religieuses  la  grosse 
passée  au  profit  dudit  Hizorée.  Elle  se  dessaisit  également  de  deux  cahiers 
en  papier  :  l'un  renfermant  la  copie  du  contrat  de  mariage  de  Mgr  de 
Richecour  avec  Jeanne-Marie  Ândrault  de  Langeron,  en  date  du  6  juillet 
1637  ;  Tautre  contenant  la  grosse  de  Tacquit  de  la  dot  de  ladite  dame  de 
Langeron,  passée  le  2  juillet  1659,  et  prouvant  qu'il  est  entré  dans  le 
paiement  de  cette  dot  la  somme  de  10,000  livres,  empruntée  du  sieur 
Hisorée. 


—  21  — 

était  remboursée  avant  le  décès  de  la  donatrice,  les 
deniers  en  provenant  seraient  remis  aux  religieuses 
qui  en  feraient  l'emploi  par  elles  jugé  utile  à  leur 
couvent. 

La  minute  originale,  signée  des  notaires,  de  la 
donatrice,  •  du  vicaire  général  et  des  sœurs  précitées, 
porte  encore  les  signatures  de  trente-deux  autres  reli- 
gieuses du  monastère  (1). 

Le  6  juillet  1684,  devant  Gonneau  et  Casset,  notaires 
royaux,  Tévèque  Vallot  ratifiait  le  contrat  du  20  avril 
1683  et  donnait  son  approbation  aux  faveurs  deman- 
dées par  la  bienfaitrice. 

Celle-ci,  désireuse  sans  doute  de  s'acquitter  de  sa 
donation,  verse  en  1686  à  Anne-Gabrielle  Doreau, 
alors  supérieure,  une  somme  de  2,000  livres  à  valoir 
sur  celle  promise,  ainsi  qu'en  témoigne  une  note 
insérée  à  la  suite  de  l'acte  de  ratification  de  1683  (2). 

La  dame  des  Bordes  paie  encore,  le  18  novembre 
1692,  ime  somme  de  4,400  livres  «  en  monnoie  d'or  et 


(1)  Nous  en  donnons  la  liste  parce  qu'on  y  rencontre  les  noms  de  plu- 
sieurs grandes  familles  de  Tépoque. 

Ce  sont  les  sœurs  Gabrielle-Hieronime  Gascoing;  Marye-Magdelaine  de 
Brepja  ;  Claude-Françoise  Prisye  ;  Anne-Marye  Gorant  (sic)  ;  Anne-Thé- 
rèse Gorranl  [sic)  ;  Anne-Charlotte  de  Maumigny  ;  Ma rye- Agnès  Bernard  ; 
Cathcriue-Marye  Depriandy  ;  Jeanne-Françoise  Moireau  ;  Marye-Thérése 
Pelle  ;  Catherine-Angélique  Dieu  ;  Françoise -Augustine  Chasseigne  ; 
Mar^e-Tiénette  Naquian  ;  Marye-Joseph  Gaillard  ;  Claude-Marye  Brisson ; 
Françoise-Gabridle  Deschamps  ;  Mary e- Jacqueline  Devaulx  ;  Anne-Alexis 
Gaillard  ;  Anne-Catlierine  de  Vaucorbel  ;  Marye-Henrietle  Doreau  ;  Marye- 
Helaine  Millot  ;  Marye-Hiasainte  Prisye;  Anne-Thérèse  Le  Noix ,  Marye- 
Antoinette  Bernard  ;  Mai*)'e-Eugénie  Panseron  ;  Marye-Barbe  Marceau  ; 
Marye-Catherine  Le  Noyr;  Marye-Gabrielle  Moquot  ;  Louise-Françoise 
Dechamps  ;  Marye-Françoise  Panseron  ;  Louise-Catherine  de  Labussiére  ; 
Catherine-Gertrude  Baillot. 

(2)  Cette  supérieure  étant  décédée  le  14  juin,  ce  fut  la  nouvelle  supé- 
rieure, Catherine-Agnès  Heurtault,  qui  constata,  le  20  novembre,  le  ver- 
sement de  cette  somme.  Avec  elle  signèrent  :  Sœur  Jeanne-Catherine  de 
Saulieu  ;  j^ur  Gabrielle-Hieronime  Gascoing  ;  sœur  Marie>Théréze  Pelle 
et  sœot  Françoise-Angélique  Pommereul. 


-  22  — 

d'argent  ayant  cours  »,  en  présence  de  Billault,  notaire 
royal  à  Nevers  (1). 

Enfin,  le  14  février  1699,  par  devant  Chevallier  et 
Berthault,  elle  remet  un  acompte  de  2,000  livres  aux 
religieuses  a  qui  déclarent  employer  cette  somme  au 
»  paiement  de  partye  de  l'acquisition  quelles  enten- 
»  dent  faire  de  M®  Marin  Duplessis,  procure^jur  audit 
»  Nevers  »  (2). 

On  stipula  dans  cet  acte,  que  le  surplus  étant  porté 
au  testament  de  la  dame  des  Bordes  (reçu  par  Ber- 
thault, juré,  le  27  décembre  1698)  serait  payé  aux 
religieuses  en  conformité  dudit  testament. 

Nous  ne  savons —  en  l'absence  de  titres  —  si  la 
donation  faite  au  couvent  par  la  dame  des  Bordes  a  été 
définitivement  acquittée;  et,  dans  l'affirmative,  à 
quelle  époque  et  comment  elle  le  fut  ;  mais  une  note 
insérée  aux  registres  paroissiaux  de  Saint-Martin- 
d'Heuille  rappelle  que  Louise  d'Ancien  ville  étant 
décédée  le  19  mars  1704,  à  l'âge  de  quatre-vingt-six  ans, 
fut  inhumée  «  le  samedy  22  mars,  veille  de  Pâques, 
»  dans  le  monastaire  des  Saintes-Mariés  de  Nevers  » . 

Ajoutons  que  son  cœur  fut  porté,  le  1^'  avril,  à 
Avallon  par  M®  Louis  de  Saint-Clivier,  curé  de  Saint- 
Victor-les-Nevers,  et  M®  Michel  Leclerc,  aumônier 
de  la  défunte,  conformément  au  désir  exprimé  par  la 
dame  des  Bordes,  lors  d'une  donation  de  3,000  livres 
faite  par  elle,  le  17  août  1685,  au  couvent  de  la  Visita- 
tion Sainte-Marie  d'A vallon  (3). 

(1)  Ce  paiement  est  constaté  par  la  pièce  originale  sur  parchemin. 

(2)  Cette  pièce  est  signée  des  sœurs  Marie-Simone  Bertrand,  supérieure; 
Marie-Marguerite  Baillot;  Marie-Espérance  Gueneau;  Louise-Françoise 
Deschamps  ;  Marie-Angéliqpie  Brisson  et  des  notaires. 

(3)  Les  religieuses  reconnaissantes  avaient  fait  apposer  dans  leur  monas- 
tère un  cœur  en  marbre  noir  —  aujourd'hui  conservé  au  musée  d'Avallon 
—  et  rappelant  le  souvenir  de  cette  fondation,  dont  le  titre  original, 
retrouvé  au  château  des  Bordes,  a  été  publié  par  nous  dans  le  BtUletin  de 
la  Société  d'études  â' Avallon  (1897,  p.  124). 


—  23- 

Madeleine  de  La  Grange^  fille  de  la  précédente  dona- 
trice et  épouse  du  comte  de  Guitaud,  suivit  l'exemple 

de  sa  mère. 
Par  son  testament,  en  date  du  17  mars  1667,  elle 

lègue  en  mourant,  au  couvent  Sainte-Marie  de  Nevers, 
une  somme  de  2,000  livres,  une  fois  payée  ;  puis,  aban- 
donnant aux  religieuses  «  tous  ses  points  de  Venize  et 
»  ses  aultres  dentelles  »,  elle  demande  «  a  estre  enter- 
»  rée  en  lesglise  de  ce  monastaire  en  habit  de  reii- 
»  gieuse  ». 

Toutefois,  cet  acte  ne  porte  aucun  renseignement 
relatif  aux  funérailles  et  autres  services  religieux  à 
faire  dans  la  suite. 

G.  Gauthier. 


—  24  — 


INTRODUCTION 


DES 


faïences  D'ART  A  NEVERS 


LES    CONRADE 


Le  nom  des  Conrade  domine ,  incontestablement, 
l'histoire  artistique  de  la  ville  de  Nevers  de  la  fin  du 
seizième  siècle  au  commencement  du  dix-septième 
siècle. 

Par  contre,  son  éclat  rejaillit  sur  une  grande  ville 
de  Normandie  :  sur  Rouen.  Ces  faits  sont  connus  par 
les  publications  de  M.  du  Broc  de  Segange,  à  Nevers, 
et  de  M.  Pottier,  à  Rouen. 

Aussi  nous  dispenserons-nous  de  nous  étendre  sur 
ce  sujet. 

Ce  qui  va  faire  l'objet  de  notre  étude,  c'est  de 
reculer  la  date  connue  de  l'introduction  des  faïences. 
M.  du  Broc  de  Segange  n'a  pas  tiré  tout  le  parti  utile 
de  ses  documents  ;  nous  le  ferons ,  en  y  ajoutant  de 
nouveaux  documents  encore  inédits. 

L'historien  nivernais  avait  plus  d'une  bonne  raison 
pour  traiter  le  sujet  des  faïences  ;  il  possédait,  nous 
dit-il,  un  dossier  relatif  à  la  famille  Conrade. 


-25  — 

Le  22  février  1640,  son  arrière-grand-oncle  avait 
été  parrain  d'une  fille  Conrade.  Puis  le  14  juillet  1733, 
dit-il,  une  petite-fille  d'un  Conrade,  Marie-Catherine 
Bianki,  épouse  François  du  Broc. 

Voilà  évidemment  un  auteur  qui  tient  à  faire  ime 
excellente  biographie  de  la  famille  des  Conrade.  Ajou- 
tons môme  qu'il  l'a  faite  avec  la  plus  grande  impar- 
tialité ;  combien  d'autres  auteurs,  sur  ce  sujet,  se  sont 
départis  de  cette  impartialité,  malgré  des  preuves 
irréfragables  contre  leurs  thèses. 

C'est  en  1602  que,  pour  la  première  fois,  M.  du  Broc 
trouve  sur  les  registres  de  paroisse  le  nom  des  trois 
artistes  :  Augustin,  Baptiste  et  Dominique. 

Dès  lors  il  s'attache  à  leurs  pas  au  travers  des  états 
civils  et  ne  les  quitte  plus.  Il  cherche  leurs  titres  qui 
sont  :  sculpteurs  en  terre,  maistre  pothier,  maistre  en 
vaisselle,  noble  Seigneur  /. . .  Ce  dernier  titre  l'étonné, 
sans  doute,  et  sachant  qu'ils  sont  d'origine  italienne,  il 
écrit  au  chevalier  Promis,  bibliothécaire  du  roi,  à 
Turin. 

Par  ce  dernier,  il  sait  que  cette  famille  appartient  à 
la  noblesse  de  Savone,  sous  le  nom  de  Coradengus. 

Le  voilà  en  veine,  il  cherche  et  trouve  les  lettres  de 
naturalisation  données  par  Henri  III ,  en  janvier  1578, 
lesquelles  portent  les  armoiries  des  Conrade;  il  en 
donne  copie.  Il  sait  qu'ils  sont  natifs  d'Albissola, 
village  sur  la  mer,  tout  près  de  la  ville  de  Savone,  sur 
la  rivière  de  Gênes;  mais  n'oseparler  de  leur  parenté. 

Il  trouve  et  transcrit  un  brevet  de  faïencier  du 
20  août  1644,  puis  une  lettre  de  provision  de  par  le 
Roy.  Elnfin,  un  certificat  attestant  que  l'un  de  ses  mem- 
bres est  gentilhomme  de  la  maison  du  roi  de  France. 
Passeport  et  contrats,  toutes  les  pièces  défilent  en 
entier  sous  sa  plume.  C'est  avec  satisfaction  qu'on  sent 
le  bonheur  de  l'auteur  cataloguant  chaque  document. 


—  26  — 


* 


Mais  l'état  civil  lui  a  donné  d'autres  révélations, 
Gabrielle  Panseron,  la  femme  de  Baptiste,  lui  donne 
sept  enfants  : 

Son  aîné,  Augustin,  devient  premier  médecin  de  la 
reine  de  Pologne,  il  est  seigneur  du  Marest  ;  le  troi- 
sième, Charles,  a  pour  parrain  et  marraine  le  duc  et  la 
duchesse  de  Nevers;  la  cinquième,  Jeanne,  épouse 
Hyacinte  de  Bianki,  grand  trésorier  de  Pologne;  la 
sixième  épouse  Henri  de  Bolacre. 

Si  Augustin  n'a  aucune  postérité,  M.  du  Broc  n'a 
pas  pu,  non  plus,  trouver  le  nom  de  sa  femme,  qu'à 
tort  il  appelle  Françoise  Conrade  (1). 

Mieux  renseigné  avec  Dominique  dénommé  gentil- 
homme,  il  indique  trois  enfants  nés  de  sa  femme 
Henriette  Samadet  :  le  second  de  ses  enfants  est 
qualifié  de  noble  faïencier  ordinaire  et  gendarme  de 
la  Reyne;  de  faïencier  de  la  maison  du  Roi  et  brigadier 
de  chevau-lêgers  de  la  Reyne. 

Tels  sont  les  trois  chefs  de  famille  que  nous  présente 
M.  du  Broc  avec  une  bien  légitime  satisfaction.  Aussi 
indique-t-il  les  dates  où  ces  noms  se  rencontrent 
depuis  1602,  la  première  pour  lui  : 

Pour  Baptiste,  les  11  août  1602,  8  octobre  1604, 
17  octobre  1606,  8  septembre  1608  et  24  janvier  1613  ; 

Pour  Dominique,  les  12  juillet  1602,  8  avril  et 
3  novembre  1604  ; 

Pour  Augustin,  il  ne  trouve  qu'une  seule  date,  le 
11  août  1602. 

Voilà  certes  une  biographie  qui  semble  complète  et 


(1)  Gorad,  Corade,  Courad,  Conrade,  Corrado,  etc.,  sont  cités  indistinc- 
tement dans  les  mêmes  actes  qudqaefois. 


-  2f7  - 

pourtant  rien  De  décide  l'auteur  à  donner  le  degré  de 
parenté  de  ces  artistes. 

Peut-être  eût-il  pu^  du  moins,  faire  ressortir  le  nom 
d'Augustin  à  l'aîné  des  fils  de  Baptiste,  faisant  pré- 
sumer un  parrainage  et  les  bonnes  relations  entre  eux. 
Il  s'en  abstient. 

Lorsque  M.  du  Broc  aborde  Timportation  de  la 
faïence  à  Nevers,  il  devient  contrarié  et  perplexe.-  On 
sent  qu'il  voudrait  attribuer  cet  honneur  aux  Conrade, 
et,  avec  regret,  il  le  donne  à  un  autre:  à  Sctpion 
Gambin  /. . . 

Et  puisque  son  honnêteté  l'y  oblige,  il  donne  l'état 
civil  suivant:  «  1592,  le  28  du  même  mois  (avril)  fut 
baptisé  Scipion,  fils  de  Jehan  Malicieux  et  Perrette 
Galopin.  Ont  été  parrains  :  Scipion  Gambin  (pothier), 
et  Henri  Vanon  ;  sa  marraine  :  Marie  Micot. 

»  Signé:  Journaux.  » 

Et  l'auteur  ajoute  :  —  (Ah  I  que  l'on  sent  bien  qu'il 
est  navré  !  )  —  «  Pendant  dix  ans  on  ne  trouve  plus  le 
nom  de  Gambin  ni  d'aucun  potier  ». 

Mélancoliquement  il  écrit  :  «  Scipion  Gambin,  en 
tout  état  de  cause,  doit  être  considéré  comme  le 
PREMIER  IMPORTATEUR  de  la  faïenco  à  Nevers  (1)  !...  » 

Mais  aussitôt  M .  du  Broc  se  rattrape  de  cet  aveu  : 
«  Nous  ne  pensons  pas,  dit-il,  qu'on  puisse  lui  attri- 
buer l'initiative  de  cette  grande  fabrication  célèbre  à 
la  fin  du  règne  de  Henri  IV  (2).  »  Eh  bien!  que  son 
âme  tressaille  d'aise,  il  vient  de  pressentir  la  vérité 
ainsi  que  la  réhabilitation  de  ses  parents  les  Conrade. 

Et  cette  réhabilitation  pourra  vous  paraître  aussi 
complète  qu'à  moi. 


(1)  Voir  DU  Broc,  1. 1*%  p.  58. 
t9\  îhiii 


(2)  Ibid. 


—  88  — 


Il  aurait  été  bien  étrange,  en  effet,  que  Gambin, 
important  la  faïence  à  Nevers,  eût  une  si  grande 
obscurité  et  que  les  Conrade  en  eussent  eu  tant  d'hon- 
neur à  son  détriment.  Quoique  encore  de  nos  jours  ces 
choses-là  se  voient  trop  souvent,  il  est  inadmissible  de 
les  garder  sans  preuves,  ainsi  que  l'a  fait  M.  du  Broc 
de  Segange. 

Gambin  n'était  qu'un  ouvrier  de  Conrade.  Voilà 
l'opinion  que  j'espère  vous  faire  partager. 

Dès  à  présent,  retenons  un  fait  brutal  :  en  1592, 
il  se  faisait  de  la  faïence  à  Nevers. 

De  Thou,  historien  contemporain  des  Conrade  (1), 
écrit  :  «  On  raconte  qu'un  Italien,  qui  avait  accom- 
pagné en  France  un  duc  du  Nivernais,  aperçut,  en  se 
promenant  aux  environs  de  Nevers,  la  terre  de  l'espèce 
dont  se  faisait  la  faïence  en  Italie.  Il  la  prépara  et  fît 
construire  un  petit  four  oUfut  fabriquée  la  première 
faïence  EN  France...  » 

Cette  assertion  n'est  pas  mise  en  doute  par  un 
célèbre  auteur  anglais,  Marryat,  et  jamais  on  n'a  mis 
en  doute  de  Thou  sur  les  faits  qu'il  avance^  lorsque 
ces  faits  n'ont  pas  un  caractère  religieux. 

Mais  n'est-il  pas,  en  notre  pays,  dans  les  habitudes 
de  rechercher  la  vérité  chez  les  nations  rivales? 

Nous  allons  en  trouver,  ici,  une  nouvelle  preuve. 
Marryat  est  affirmatif;  il  fait  mieux,  il  exhume  la 
dédicace  d'un  auteur  nivernais,  inconnu  dans  son  pays, 
qui  en  1590  fit  une  brochure  en  latin  dédiée  à  : 

«  L'illustre  prince  Lodovico  de  Gonzague,  duc  du 
Nivernais  et  de  Rethel.  » 


(1)  Né  en  1553,  mort  en  1617,  a  fait  Thi^toire  de  son  temps,  de  1516 
à  1607. 


-29- 

Cet  auteur  s'appelle  Gaston  Claves  ;  voici  la  traduc- 
tion de  sa  dédicace  : 

«  Parmi  les  hommes  qui  procurent  la  célébrité  aux 
villes,  il  faut  compter  les  ingénieux  artistes  en  toute 
sorte  d'art.  C'est  ainsi  que  les  artistes  habiles  dans  le 
travail  de  la  verrerie,  de  la  poterie,  et  de  Vémaillure, 
appelés  par  vos  ordres  et  attirés  par  l'immunité  des 
impôts,  ont  su  produire  d'excellents  ouvrages  non 
moins  utiles  à  nos  concitoyens  q\ï admirables  aux 
yeux  des  étrangers.  » 

Je  me  demande  comment  cette  dédicace,  donnée 
par  M.  du  Broc,  n'a  pas  éveillé  son  esprit  affiné? 

«  Des  artistes  d'art,  ingénieux  et  liabiles  en  pote-- 
ries...  d'excellents  ouvrages  admirables  pour  les 
étrangers!...  » 

Mais  c'est  l'industrie  dévoilée  en  plein  succès,  en 
pleine  prospérité ,  par  un  auteur  qui  décrit  ce  qu'il 
voit,  qui  vit  dans  ce  milieu...  La  concordance  entre  de 
Thou,  historien  à  Paris,  et  Gaston  de  Claves,  à  Nevers, 
est  absolue.  C'est  la  vérité  confirmée  par  l'Anglais 
Marryat. 

Mais  retenons  ce  fait,  deux  ans  avant  que  Gambin 
sign&t  comme  témoin,  en  1590,  Nevers  avait  des 
faïences  et  des  faïenciers.  C'est  le  fait  indiscuté  et 
indiscutable.  Et  de  Gambin  importateur,  nous  pouvons 
facilement  nous  affranchir. 

Depuis  peu  de  temps  je  possède  des  notes  au  ôrayon 

qui,  dès  l'abord,  n'avaient  pas  attiré  mon  attention  (1). 

Ces  notes,  fort  incomplètes  et  quelquefois  énigma- 

(1)  Ces  notes  n*ont  aucan  nom  d*attteur,  je  crois  pourtant  qu'elles  ont 
été  eûtes  par  feu  Bouveault. 


tiques,  m'ont  engagé  à  vérifier  ce  qu'elles  renferment 
et  à  faire  d'autres  recherches  ;  c'est  par  ces  dernières 
que  je  pense  jeter  un  jour  particulier  sur  le  problème 
quQ  je  viens  de  poser. 

Augustin,  Baptiste  et  Dominique  sont  trois  frères  ; 
nous  le  verrons.  Ils  sont  originaires  d'Albissola,  où 
était  encore  leur  mère^  en  1608. 

En  effet,  pour  Dominique,  les  lettres  de  naturalisa- 
tion de  Henri  III  nous  disent  qu'il  est  d'Albissola. 

Mais  Baptiste  est  aussi  d'Albissola,  en  voici  la 
preuve  :  avec  son  frère  Dominique,  dit  un  acte,  ils 
iront  voir  leur  mère  :  «  Le  24  décembre  1608,  par- 
»  devant  Pelle ,  notaire ,  comparaissent  honorables 
»  hommes  Baptiste  et  Dominique  Corade  frères, 
ï  inaistres  pothiers  en  œuvre  blanche  et  aultres 
»  couUeurs. 

))  Baptiste  demeurant  à  Nevers  et  Dominique  à 
»  Saint -Esloy,  sciemment  l'ung  l'aultre  iront  à 
»  Gènnes,  en  Italye,  leurs  pays,  voir  leur  mère  et 
»  parents. 

))  Ils  accompliront  certains  vœux  ensemblement. 
»  Ils  ont  promis  et  seront  tenus  ensemblement  partir 
»  de  cette  ville  dans  Pasques  charnels  prochainement 
»  venant  et  ont  y  ceulx  Corade  de  ne  se  point  laisser, 
»  quitter,  ni  abandonner  l'ung  l'aultre.  En  cas  de 
»  refus  de  l'une  des  parties  ou  huit  jours  après  pour 
»  tout  délays,  celui  qui  refusera  sera  tenu  de  payer  et 
D  bailler  à  l'aultre,  celuy  qui  fera  le  voyaige  la  somme 
))  de  trente  livres  tournois..-. 

»  S'est  ledit  défaillant  engagé  corps  et  bien. 

»  Ont  signé  deux  témoins,  Corade  et  le  juré-notaire  : 
))  Pelle.  )) 

Cette  pièce  nous  apprend  formellement  que  Domi- 
nique et  Baptiste  sont  frères,  qu'ils  ont  encore  leur 


! 


^  31  - 

mère  près  de  Gônes  et  des  parents  ;  qu'ils  avaient  leur 
habitat  distinct  et  que  quoique  faïenciers  à  Nevers, 
Dominique  habite  Saint-Eloi:  à  six  kilomètres  de 
Nevers  et  près  des  ducs  de  Nevers  qui  avaient  rési- 
dence au  même  endroit. 

D'où  découle  naturellement  qu'ils  travaillaient  en- 
semble. Reconstituer  cette  association  est  élémentaire. 
Par  les  lettres  de  naturalisation  on  sait  que  Dominique, 
depuis  sa  prime  jeunesse,  est  au  service  de  l'armée 
française  ;  qu'il  est  resté  le  compagnon  d'armes  du  duc 
de  Gonzague.  Il  est  donc  surtout  soldat,  homme 
d'armes  et  non  faïencier. 

Ce  dernier  titre  appartient  à  ses  frères.  Quant  à  lui, 
avec  la  suite  du  duc  de  Nevers  dont  il  fait  toujours 
partie  en  1608,  il  vient  dans  cette  ville.  Voilà  bien  les 
faits  historiques  selon  de  Thou  expliqués.  Et  mainte- 
nant commentons  :  ses  frères ,  faïenciers  à  Savone, 
viennent  voir  Dominique,  qui  leur  attire  les  bonnes 
grâces  du  prince. 

Cette  bonne  grâce  n'est-elle  pas  naturelle?  Le  duc 
est  Italien,  il  accueille  ses  concitoyens  et  connaît  la 
faïence  artistique  d'Italie.  Il  sait  que  cette  industrie 
lui  apportera  de  la  gloire  et  de  la  fortune  dans  son 
duché. 

C'est  le  fait  que  nous  allons  voir  se  compléter  par 
une  renaissance  architecturale  dans  l'église  des  Minimes 
que  la  ville  de  Nevers,  avec  nos  prétentions  de  con- 
naisseurs, vient  de  détruire  il  y  a  encore  peu  de  jours, 
et  par  une  pièce  très  importante  encore  inédite  des 
archives  communales  —  A.  A.  26 — 1611-1670,  archives 
Brisson  —  :  Une  donation  du  16  mai  1611,  par  Augustin 
Corrade. 

(L  Honorable  homme  Augustin  Corrade,  maistre 
i>  pothier  en  œuvre  blanche,  et  dame  Francisque  de 


I 

I 


-  32  — 

»  Bouaigue,  sa  femme,  déclarent  qulls  ont  été  natu- 
»  ralisés  par  le  Roi  depuis  qu'ils  sont  en  France. 

%  Mais  qulls  sont  natifs  d'Italye  et  demeurent  dans 
»  la  ville  de   Nevers   depuis    plus    de    vingt-sept 

»  Ont  signé  les  témoins  :  Honorable  homme  Loys 
»  Maraudât  —  Guy  Chastenier,  pothiers.  » 

D'autre  part,  nous  avons  trouvé  joint  à  cette 
importante  pièce  aux  archives  communales,  l'inventaire 
du  28  septembre  1612  fait  après  décès  de  Conrade, 
c'est  la  mise  à  exécution  de  la  donation. 

Elle  est  de  Tétude  Pelle,  notaire  de  Conrade  ;  elle 
appelle  le  défunt  le  seigneur  Augustin  Conrade, 
maistre  pothier,  demeurant  rue  de  la  Tartre,  paroisse 
Saint-Laurent. 

Les  appréciateurs  (experts)  se  nomment  Jules  Gam-- 
bin,  maistre  pothier,  et  Estienne  Naqueau,  maistre 
menuisier. 

Les  témoins  sont  tous  potiers  ;  ils  s'appellent  Guy 
Chastigner,  François  Chappus,  Estienne  Gay ,  et  demeu- 
rent à  Nevers. 

«  Comme  la  veuve  Bouaigue  {w^  Conrade)  Chappin 
a  dit  ne  savoir  signer.  » 

L'estimation  suit  en  trente-quatre  articles  se  montant 
à  840  livres  3  sous. 

Nous  venons  de  redresser  l'erreur  de  M.  du  Broc. 
La  femme  d'Augustin  s'appelait  Francisque  de  Bouaigue 
et  non  Françoise  Conrade.  Les  Conrade  sont  trois  frères 
venus  à  Nevers  depuis  plus  de  vingt-sept  ans,  disent- 
ils,  mais  ils  précisent  :  depuis  leur  naturalisation,  soit 
1578  ou  vingt-quatre  ans  avant  la  date  de  1603  donnée 
par  M.  du  Broc. 

Nous  avons  démontré  aussi  que  Dominique  a  précédé 
ses  frères,  qu'il  les  a  installés  et  s'est  associé  avec 


—  33  — 

eux  (1),  que  sa  haute  situation  auprès  du  duc,  près  de 
qui  il  est  encore  (à  Saint-Eloi),  en  1608,  a  facilité  et 
fait  prospérer  l'industrie.  Cette  prospérité  nous  apparaît 
non  seulement  par  la  dédicace  de  Gaston  de  Claves, 
mais  d'une  façon  tangible  par  l'hôtel  fastueux  qu'habi- 
tait Augustin,  rue  de  la  Tartre. 

Cet  hôtel  en  ruine  existe  encore  au  n*'  28  de  cette 
rue  ;  et  il  y  a  environ  vingt  ans,  nous  avons  vu  opérer 
la  démolition  de  trois  de  ses  fours.  M.  de  Lespinasse, 
président  de  la  Société  nivernaise,  nous  l'a  rappelé  à 
notre  lecture  en  séance  de  cette  Société. 

Au-devant  de  cet  hôtel,  situé  près  des  remparts, 
était  une  grande  cour  au  fond  de  laquelle  se  voit 
encore,  en  ruine,  son  élégant  perron. 

Mais  ce  ne  sont  pas  les  seules  conclusions  découlant 
de  ces  pièces.  L'appréciateur  Gambin  n'est-il  pas  le 
parent  de  Scipion  ? 

Son  origine,  parla  consonnance(Gambino),  n'est- 
elle  pas  d'Italie? 

Dans  ce  cas  tout  s'explique,  et  Scipion  Gambin  était 
potier  chez  les  Conrade. 

Jusqu'en  1634 .  on  ne  connaît  pas  d'autre  fabrique 
que  celle  des  Conrade  ;  la  première  connue  est  celle  de 
Bourcier  et  puis  celle  de  Custode. 

Mais  l'un  et  l'autre,  on  connaît  ce  détail,  avaient  été 
potiers  chez  les  Conrade. 

Au  surplus,  voici  encore  d'autres  extraits  des  archives 
communales  :  «  C.  C.  246-1599.  Au  seigneur  Augustino 
Corado,  maistre  de  la  poterie  de  cette  ville,  44  écus^ 
pour  garniture  de  4  buffets  de  vaisselles  de  terre  blanche 
peinte  envoyée  à  Paris  ». 


(1)  Noos  n'en  voulons  poar  preuve  que  deux  signatures  que  nous  don- 
nons, prises  sur  le  môme  acte  en  1608,  par  devant  Simonin,  pour  un 
marché.  (Voir  appendice  U,  les  signatures  1  et  2.) 

T.  vin,  3*  séné.  3 


■^  34  - 

On  dit,  notons-le  bien,  la  poterie  de  cette  cille.  Il 
n'y  en  a  pas  deux. 

G.  C.  254-1603:  «  Au  seigneur  Auguste  Conrade 
66  livres  pour  12  douzaines  de  vaisselle  faïence  ». 

En  1611,  on  signale  encore  son  nom. 

Baptiste  est  aussi  qualifié  de  seigneur  en  1606,  1612 
et  1614.  Et  Dominique  en  1604. 

Voici  qu'en  1590,  seize  ans  avant  la  date  de  l'inven- 
taire et  douze  ans  avant  la  date  première  donnée  par 
M.  du  Broc ,  Dominique  fabriquait  de  la  faïence  avec 
ses  frères.  Ces  vaisselles  sont  envoyées  au  trésorier  de 
Moulins,  à  Paris,  à  la  ville  de  Paris,  etc.,  etc.  C'est- 
à-dire  que  leur  commerce  est  prospère  et  bien  connu. 

Il  existe  pourtant  une  mention  qui  mérite  une  place 
à  part  ;  elle  est  de  1606  :  «  On  a  payé  à  Baptiste  Con- 
rade, potier-sculpteur,  26  livres  pour  avoir  fait  une 
figure  de  terre  et  un  lion  de  plâtre.  » 

Potier-sculpteur ^  voilà  la  dénomination  précise  de 
l'œuvre  de  Baptiste. 

*  * 

Nous  venons,  je  l'espère,  de  réhabiliter  comme  elle 
le  méritait  la  mémoire  des  Conrade. 

Nous  avons  donné  à  ces  artistes  étrangers  la  gloire 
et  le  mérite  d'avoir  pu  créer  et  fait  prospérer  en  plein 
Nivernais  une  industrie  d'art  bien  connu,  «  la  première 
EN  FRANCE  )),  nous  dit  de  Thou.  Elle  a  eu  et  a  encore 
une  haute  renommée. 

Cette  école  provinciale  du  dix-septième  siècle  a  eu 
son  reflet  quelques  années  après  à  Rouen. 

Mais,  en  réhabilitant  les  Conrade,  il  faut  aussi  donner 
à  Lodovico  de  Gonzague,  et  non  à  son  fils  Charles, 
l'honneur  d'avoir  facilité  les  créations  de  ces  gentils- 
hommes  ouvriers  d'art  ? 


—  35  - 

Jusqu'ici  on  ne  l'avait  pas  fait.  Je  suis  heureux  de 
rétablir  cette  vérité  historique.  Vous  ne  serez  pas 
indifférents,  Messieurs,  à  cette  conclusion  ;  car  com- 
bien, parmi  les  bons  collectionneurs,  ont  apprécié, 
depuis  longtemps,  les  pièces  de  faïence  authentiques 
des  Conrade  de  la  première  génération. 

Massillon  Rouvet(^), 

Architecte,  Correspondant  du  ministère  des  BeauX'Artê 
et  membre  de  la  Société  nivemaise. 


(1)  M.  Massillon  Rouvet  eut  l'honneur  d*étre  élu   vice-présidenl  de  la 
Session  des  Beaux-Arts  de  la  séance  ou  fut  lue  cette  étude. 


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II   —  SIGNATURES. 


1608 


(1) 


1608 


(2) 


1611 


1630 


(4) 


1631 


oiuia 


(5) 


(1)  Dominique  Ckrarrade  (marché  du  ?4  décembre  1606).    —  Archives, 
M*  Simonin,  notaire. 

(2)  Baptiste  Courrade,  Xhxd. 

(3)  Courrade-Gascoing,  âO  juin  1611. 

(4)  Jehanne  (kwrade.  Baptême,  9  juin  1630,  à  Saint  Genès. 
^)  J.  Courrade.  Baptême,  28  mars  1631,  à  Saint-Genës. 


—  39 


1631 


1634 


(I) 


1637 


^/f(''»*^C^i^ 


(3) 


1641 


1642 


1643 


lh4n)C^mi  Jjf     Ci  ,^^i 


(6) 


(3) 


(1)  Courade.  Baptêmes  des  38  mars  1631,  12  septembre  J633,  4  février 
163i,  25  septembre  1634,  à  Saint-Genès. 

(2)  Gabrielle  Courrade,  24  avril  163i.  Baptême  à  Saint-Genès. 

(3)  Marie  Coun-ade.  Baptême  1637,  à  Saint  Genès. 

(4)  Anthoine  Conrade,  28  juin  et  12  septembre  1641,  Suint-Genès. 

(5)  Augustin  Coarrade,  médecin  de  Louis  XIII  (il  signera  le  procès- 
verbal  de  sa  mort),  22  novembre  16fô.  Baptême  à  Saint-Genès. 

(6)  Dominique  de  Conrade.  Baptême  16  mars  1643,  à  Saint-Qenés. 


—  40  — 


16M       ^^^^mueP  (1, 


1645      Ôal#uWy«e  ^Or    QanAM^       (3) 

1648  >^g^72  lii  /^2r7î/x^4j9^  <^^ 


1655  CfHO/i^  <n.0UM  <^r:  (7)        4555 


(1)  Noble  Ânthoine  Conrade,  fatenciet*  ordinaire  de  la  maison  du  Roy, 
15  février  1644.  Baptême  à  Saint-Genès. 

(2)  Dominique  de  Gonrade,  21  septembre  16fô  et  28  avril  1648.  Baptême 
à  Saint-Genès. 

(3)  Fils  de  Dominique  de  Gonrade.  Baptême,  23  octobre  1645,  à  Saint-Genès. 

(4)  Gonrade,  13  janvier  1648   Baptême  à  Saint-Genès. 

(5)  Fils  de  Dominique  de  Gonrade,  6  avril  1648.  Baptême  à  Saint-Genès. 

(6)  Jehan  de  Gonrade,  28  décembre  1648.  Baptême  à  Saint-Genès. 

(7)  Charles-Louis  de  Gonrade,  étudiant,  12  janvier  1655.   Baptême  à 
Saint-Genest. 

(8)  Gonrade,  26  juin  1655.  Baptême  à  Saint-Genès. 


/Je-^a^/C^L  0''^'^'^'^ 


(1)  Jehan  de  Coiirade,  33  oclobre  lfô9.  Bapléme  à  Sainl-Gente. 

(2)  Marque  d'une  dra  faïeiKca  de  Conrade. 


—  42  — 

Dans  le  rapport  général  de  la  vingt-deuxième  réunion 
des  délégués  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départe- 
ments, à  Paris,  et  publié  à  VOfficiel  du  16  avril, 
M.  Henry  Jouin,  secrétaire-rapporteur  du  comité,  s'est 
exprimé  en  ces  termes  sur  le  compte  de  notre  compa- 
triote : 


«    LES   faïences   d'art  A  NEVERS 


))  Ce  titre  trop  modeste  ne  laisse  pas  soupçonner 
Timportance  du  mémoire  de  M.  Massillon  Rouvet, 
correspondant  du  comité,  à  Nevers.  Nous  assistons 
avec  lui  à  un  procès  en  réhabilitation  et,  avocat  muni 
de  preuves^  votre  confrère  a  gagné  sa  cause.  Exposer 
le  juste  et  le  vrai  est  un  acte  de  Tintelligence.  Mais 
détruire  une  erreur  accréditée,  venger  une  mémoire 
digne  d'illustration,  replacer  l'auréole  sur  un  front 
découronné,  voilà  qui  satisfait  le  besoin  de  combativité 
d'une  nature  généreuse  et  niet  en  vibration  tout  l'être 
moral.  AméricVespuce  détrôné  par  Christophe  Colomb, 
Fulton  par  Jouffroy,  Daguerre  par  Niepce  d#  Saint- 
Victor  voient  leur  groupe  s'augmenter  de  Scipion 
Gambin,  qualifié  trop  longtemps  du  titre  enviable  de 
((  premier  importateur  de  la  faïence  à  Nevers  ».  Sus  à 
l'usurpateur!  De  Thou  nous  avait  prévenus.  «  On 
raconte,  écrit  cet  historien,  qu'un  Italien  qui  avait 
accompagné  en  France  un  duc  de  Nivernais  aperçut 
en  se  promenant  aux  environs  de  Nevers  la  terre  de 
l'espèce  dont  se  faisait  la  faïence  en  Italie.  Il  la  prépara 
et  fit  construire  un  petit  four  où  fut  fabriquée  la  pre- 
mière faïence  en  France  ».  Cet  Italien,  Messieurs, 
client  de  M.  Massillon  Rouvet,  est  Dominique  Conrade, 
de  Savone,  compagnon  d'armes  de  Louis  de  Gonzague. 


-  43  — 

Fixé  à  Nevers,  il  appela  près  de  lui  ses  deux  frères, 
Baptiste  et  Augustin.  Tous  trois  furent  naturalisés 
Français  en  1578,  et  ce  sont  les  Conrade  qui  impor- 
tèrent en  France  l'art  de  fabriquer  la  faïence  à  la  façon 
de  Savone.  Mais  Scipion  Gambin  ?  Ce  n'était  qu'un  de 
leurs  ouvriers.  Les  Conrade,  «  sculpteurs  en  terre, 
maistres  pothiers  en  œuvres  blanches  et  aultres  coul- 
leurs  )),  les  protégés,  les  amis  de  Louis  de  Gonzague 
recouvrent  l'héritage  de  gloire  trop  gratuitement 
attribué  à  Scipion  Gambin,  leur  valet.  Il  y  avait 
captation  et  le  Code  l'interdit.  » 


-  44  — 

MOBILIER  DE  DEUX  CHANOINES 

ET 

BIBLIOTHÈOOE   D'UN  OFFICIAI  DE  NKVERS 

En     1373    et    1382 
Par     RENÉ     DE    LESPINASSE 


La  cathédrale  de  Saint-Cyr ,  de  fondation  royale, 
possédait,  parmi  ses  nombreux  privilèges ,  celui  de 
garde  ,  observation  et  recréance  des  biens  meubles 
pour  tous  les  membres  dépendant  du  chapitre,  c'est- 
à-dire  les  chanoines,  les  sept  prêtres  qui  y  étaient 
joints  répondant  aujourd'hui  aux  titulaires  et  hono- 
raires, les  clercs  et  autres  bénéficiers  de  l'église.  Ce 
droit,  d'une  grande  importance,  supprimait  au  moment 
du  décès  l'intervention  des  officiers  provinciaux  et 
évitait  à  la  succession  du  mort  des  frais  énormes.  Ces 
agents,  qu'aucune  autorité  ne  gênait  dans  leuus  actes, 
prenaient  possession  de  la  maison,  s'emparaient  des 
meubles,  percevaient  les  revenus,  vivaient  en  un  mot 
à  l'entière  disposition  de  la  succession,  et,  comme  ils 
étaient  maîtres  des  délais,  ils  faisaient  durer  les  choses 
le  plus  longtemps  possible.  A  leur  départ,  la  succes- 
sion ainsi  surchargée  se  réduisait  à  presque  rien. 

On  comprend  dès  lors  tout  l'intérêt  pour  les  cha- 
noines et  autres  gens  d'église  à  s'affranchir  de  pareilles 
déprédations  en  faisant  valoir  leur  privilège  de  fonda- 
tion royale  ;  mais,  dans  la  pratique  des  choses,  il  se 
glissait  de  nombreux  abus.  Les  agents  provinciaux, 
actifs  et  audacieux,  se  montraient  peu  scrupuleux  pour 


-  45  - 

tourner  les  difficultés  et  confondre  le  privilège  cano- 
nical.  Ils  s'installaient  par  la  force;  le  chapitre  n'avait 
plus  que  la  ressource  de  s'adresser  au  parlement  où 
les  agents  avaient  de  nombreux  amis  toujours  prêts  à 
leur  être  agréables  et  peu  exigeants. 

Notre  histoire  locale  présente  des  quantités  de 
luttes  de  ce  genre.  J'en  citerai  quelques-unes  seule- 
ment qui  précèdent,  pendant  le  quatorzième  siècle,  les 
inventaires  dont  on  verra  le  texte  ci-dessous. 

En  1333,  à  la  mort  de  Durant  Balaam,  chanoine  de 
Saint-Cyr,  deux  de  ses  parents.  Durant  du  Four  et 
Guillaume  Balaam,  tentent  de  s'emparer  de  la  succes- 
sion. L'affaire  était  alors  encore  plus  compliquée  que 
de  coutume  ;  il  y  avait  un  procès  pendant  au  parle- 
ment entre  le  comte  de  Nevers  et  le  chapitre  relative- 
ment à  ce  droit;  ses  officiers  étaient  tenus  d'attendre 
la  fin  des  débats.  Les  lettres  patentes  transmettant  la 
plainte  au  parlement  sont  du  31  mars  1333,  d'autres 
actes  chargent  le  bailli  de  Bourges  de  suivre  le  cours 
de  ce  procès  pour  le  comte  de  Nevers...  alors  mineur 
(de  1345  à  1350).  Les  parents  ci-dessus  parviennent  à 
gagner  Pierre  de  la  Durère,  lieutenant  du  prévôt 
royal  de  Saint-Pierre-le-Moûtier ,  lequel ,  à  leur 
instance*  et  requête,  établit  deux  sergents,  Thomas 
Mercier  et  Philippe  de  Narcy,  qui  gaspillent  et  dis- 
sipent si  bien  les  revenus  du  chanoine  que  le  chapitre 
s'adresse  au  roi  et  obtient  de  lui  des  lettres  patentes 
chargeant  le  bailli  de  Bourges  de  surveiller  cette 
affaire  (1). 

Voilà  donc  les  officiers  royaux,  chargés  de  l'exécu- 
tion et  de  la  surveillance  des  lois ,  compromis  eux- 
mêmes  dans  les  abus  justement  imputés  aux  autorités 
provinciales. 

(1)  Bibliothèque  nationale,  N,  a.  l,  2,299  n«  22. 


-  46  - 

Le  parlement  a  dû  donner  gain  de  cause  au  chapitre 
quelques  années  après.  En  1355,  au  décès  du  chanoine 
Guillaume  de  Veaulce,  les  choses  paraissent  être  par- 
faitement au  point  et  sans  Tombre  de  contestation. 
Son  testament  déposé  puis  ouvert  régulièrement 
nomme  quatre  exécuteurs  pris  en  dehors  du  chapitre, 
lesquels  s'acquittent  librement  et  sans  contrôle,  de 
l'estimation  des  biens,  puis  reçoivent  du  chapitre  la 
quittance  définitive  (1).  Quand  ces  actes  sont  accom- 
pagnés d'inventaires,  ils  sont  réellement  précieux. 
Ces  inventaires  assez  rares  pour  le  quatorzième 
siècle,  offrent  aussi  un  réel  intérêt  de  curiosité,  non  au 
point  de  vue  artistique  comme  les  divers  comptes  de 
l'argenterie  de  l'hôtel  du  roi  ou  des  grands  seigneurs, 
mais  à  titre  de  renseignements  sur  la  vie  privée,  l'exis- 
tence, les  goûts,  les  études,  la  richesse  des  person- 
nages. 

Il  s'agit  de  deux  humbles  chanoines  du  chapitre  de 
Saint-Cyr,  sur  le  compte  desquels  nous  n'avons  aucun 
événement  à  signaler,  parce  que,  vraisemblablement, 
ils  ont  passé  leur  vie,  comme  tant  d'autres,  à  chanter 
les  louanges  de  Dieu  et  des  saints  en  assistant  aux 
offices  de  l'église,  et  à  toucher  les  maigres  revenus  qui 
les  faisaient  vivre. 

Les  formalités  de  l'inventaire  sont  exposées  dans  les 
préliminaires  de  l'acte  ;  elles  sont  exactement  les 
mêmes  pour  les  deux  décès  de  1373  et  de  1382. 

L'acte  est  dressé  par  Hugues  ou  Huguenin  du  Mar- 
telet,  clerc  commissaire  royal,  délégué  spécialement, 
à  cet  effet,  par  le  bailli  de  Saint-Pierre-le-Moûtier. 

A  cette  occasion,  deux  noms  de  baillis  sont  indi- 
qués, en  1373  Guillaume  Auxeaul,  en  1382  Jehan 
Saunier    qui  prend,  en  outre ,   le  titre  de  «  noble 

(1)  Bibl.  Nat,  N,  a.  L,  2,299,  n«  37. 


-  47  - 

homme  et  saige,  conseillier  du  Roy  nostre  Sire  »  et 
ajoute  à  son  ancienne  circonscription  «  les  ressorts  et 
exempcions  de  Berry  et  d'Auvergne  » . 

Les  pouvoirs  du  clerc  commissaire  sont  établis  sur 
toute  une  série  de  pièces  invoquées  et  citées  par  plu- 
sieurs vidimus  successifs  relatant  l'autorisation  d'in- 
ventorier à  chaque  décès  :  Lettres  patentes  de  1332, 
1361, 1366,  avec  visa  du  parlement. 

Le  privilège  du  chapitre  remontant  beaucoup  plus 
haut,  on  se  bornait  à  mentionner  les  opérations  précé- 
dentes, d'une  trentaine  d'années  environ,  plutôt  qu'à 
rechercher  l'acte  de  fondation. 

Ordre  était  ensuite  donné  par  le  lieutenant-général 
Laurent  Charbonnier  aux  quatre  commissaires  qui 
sont  :  en  1373,  André  et  Hugues  du  Martelet,  Jehan 
du  Château ,  Theveneaul  Ragoget  ;  et,  en  1382,  les 
mêmes  sauf  Guillaume  Freppier  qui  remplace  André 
du  Martelet. 

Le  commissaire  délégué  est  assisté  dans  ses  exper- 
tises de  deux  agents  subalternes  :  Soret  Danguyen, 
sergent  royal  ;  Pierre  Giron,  notaire  apostolique  ;  et 
comme  témoins ,  de  Régnant  Fouat ,  Etienne  de 
Chintry,  chanoine,  et  Girart  de  Bourbon,  chapelain 
du  défunt,  gardien  de  la  maison  et  des  meubles,  exécu- 
teurs testamentaires. 

Le  commissaire  entre  dans  la  maison,  s'empare  des 
clefs,  pose  en  signe  de  prise  de  possession,  le  pannon- 
ceau  royal,  dans  un  endroit  visible  et  apparent,  puis 
on  commence  l'inventaire  du  mobilier. 

Avec  de  telles  précautions  et  en  présence  d'autant 
de  témoins,  les  garanties  de  régularité  devaient  être 
sérieuses. 

L'inventaire  du  2  décembre  1373  concerne  M®  Jehan 
de  Bourbon,  chanoine  ordinaire,  récemment  passé  de 
vie  à  trépas. 


~  48  - 

La  maison  du  chanoine  se  composait  d'une  chambre 
dite  chapelle  où  se  trouvaient  divers  meubles,  de  plu- 
sieurs chambres  hautes  et  basses,  cuisine,  cave,  cellier, 
grenier,  le  tout  d'ailleurs,  à  en  juger  par  l'inventaire, 
dans  les  conditions  les  plus  modestes.  Il  y  avait  pour- 
tant un  certain  confort  en  raison  de  labondance  des 
étoffes  de  literie,  du  grand  nombre  des  fourrures  et  de 
la  qualité  des  vêtements,  mais  tout  était  mal  ordonné, 
jeté  au  hasard  et  pêle-mêle  dans  la  maison.  Au 
moment  de  l'inventaire,  les  choses,  ni  rangées,  ni  clas- 
sées, ont  dû  être  laissées  à  leur  place  môme,  disper- 
sées dans  les  pièces  où  elles  se  trouvaient  pour  l'usage, 
literie,  meubles,  linges,  provisions,  ustensiles  de 
cuisine  ou  objets  de  service,  le  tout  mélangé  avec  un 
désordre  indiquant  l'absence  de  vie  intérieure  et  régu- 
lière qui  d'ailleurs  n'existait  nulle  part  à  cette  époque. 

Afin  d'abréger  la  lecture  un  peu  fastidieuse  de  tous 
ces  objets,  je  résume  le  texte  autant  que  possible  sans 
trop  changer  la  physionomie  de  l'inventaire  (1)  : 

1.  —  En  la  chambre  de  la  chapelle  fut  trouvé  un  lit 
garni  de  coûte  ou  matelas,  coussin,  draps  de  lit  appelés 
linceuls,  couverture  fourrée  de  connins,  oreillers  de 
plume,  des  arches  à  couvercle,  dans  l'une  desquelles 
il  y  avait  des  lettres;  des  toilettes  ou  serviettes  à 
mains,  et  comme  vêtements  personnels  neuf  man- 
teaux; puis  quelques  objets  indiquant  la  qualité  et 
situation  du  défunt  :  deux  vêtements  à  prêtre  ou 
ornements  sacerdotaux,  un  calice  et  un  missel  à  deux 
fermoirs  d'argent,  appartenant  à  l'autel  Saint-Léger 
de  la  cathédrale.  On  porte  encore  une  corne  de  cerf, 
une  selle  à  chevaucher  et  une  malle  pour  les  voyages, 
un  banc  et  une  chaise. 

(1)  Les  numéros  marqués  ici  permettront  de  se  reporter  à  rartide  cor- 
respondant du  texte  qu'on  trouvera  ci-après. 


—  49  - 

2.  —  Dans  la  chambre  du  chanoine  fut  trouvé  un  lit 
garni  de  ses  coûtes,  coussins,  draps,  couvertures  de 
serge  vermeille,  oreillers  et  divers  meubles  un  peu 
plus  soignés,  comme  banc  tourné,  trois  tables,  buffet, 
chaises  et  formes,  sorte  de  fauteuil  avec  dossier. 

3.  —  Dans  la  pièce  appelée  Boutai  1er ie,  on  porte  des 
coûtes,  coussins  de  plume,  couverture  doublée  de  four- 
rures, une  quantité  de  froment,  puis  divers  objets, 
corbeille,  boisseau,  aserine  ou  hachette,  des  car- 
reaux d'étoffes  ou  petits  tapis,  enfin  dans  une  arche 
plate  ferrée,  c'est-à-dire  plus  solide  que  les  autres 
«  XVIII  livres,  2  papiers  et  une  sarpe  ».  L'inven- 
taire ne  donne  pas  le  détail  de  ces  livres  qui  devaient 
être  des  ouvrages  à  Tusage  du  chanoine  ;  c'est  avec  les 
lettres  mentionnées  plus  haut,  les  seuls  objets  annon- 
çant le  travail  intellectuel  du  défunt. 

4.  —  En  la  pièce  dite  étude  ou  cabinet  de  travail  on 
retrouve  encore  une  arche  contenant  neuf  livres,  tou- 
jours sans  indication  de  détail,  une  chaise  d'étude  ou 
fauteuil  de  bureau,  une  roe,  dont  nous  ne  nous  expli- 
quons pas  le  sens,  un  garde-manger  en  cuir,  puis  des 
armes  et  vêtements  tels  que  :  cotes  hardies  doublées 
d'agneau  et  de  vair,  cote  hardie  simple ,  malecote, 
gisarme;  housses  et  couvertures,  chaperons,  chape, 
aumuce,  camail,  fourrés  d'agneau,  de  vair  et  de  renard. 

5.  — Dans  les  loges  ou  greniers,  on  trouve  des  arches, 
formes,  tables,  bancs  et  encore  divers  objets  de  literie. 

6.  —  Dans  les  chambres  basses,  on  trouve  toute  sorte 
d'objets  disparates  :  corne  de  cerf  pendue  à  une  chaîne 
de  fer,  laquelle  comme  l'autre  déjà  portée  plus  haut, 
devait  être  un  motif  d'ornement  (1)  ;  bassins,  chaudières, 
chaudrons  en  cuivre,  bassins  à  barbier  et  à  mains  en 
airain,  landiers,  rôtisseurs,  pelles  et  tenailles  en  fer, 


(1)  C'était  aussi  un  préservatif  contre  certaines  maladies. 
T.  Tiii,  3^  série. 


-  50  - 

puis  toute  la  vaisselle  d'étain,  plateaux,  écuelles, 
quartes,  pintes,  pots  et  aiguières,  pot  à  moutarde,  etc.  ; 
il  n'y  a  pas  de  mention  de  vaisselle  de  bois,  en  usage 
dans  les  familles  pauvres,  ni  des  objets  d'office  comme 
couteaux  et  fourchettes,  cependant  les  garnitures 
d'étain  sont  complétées  par  1  aiguière,  6  tasses  et 
12  cuillères  d'argent,  dont  on  devait  se  servir  dans  les 
solennités. 

7.  —  A  la  cuisine,  on  trouve  des  trépieds,  landiers, 
lèchefritte  et  une  arche  ;  à  côté,  une  chambre  avec  lit 
et  literie. 

Dans  la  cave  et  le  cellier,  3  quarteaux  de  froment, 
de  l'orge  et  de  l'avoine,  du  lard,  du  foin,  du  bois  de 
chauffage,  un  tonneau  de  vin  vieux  et  sept  tonneaux 
de  vin,  du  verjus  et  de  la  piquette  dite  «  mourez  d 
pour  l'ordinaire  des  gens  de  service.  Le  cellier  conte- 
nait encore  tout  l'attirail  de  la  vendange,  cuve  à  rem- 
plir et  cuve  à  transporter,  nombreux  tonneaux  et 
tonnes  vides,  benneraux,  hottes,  vans,  cercles,  enton- 
noirs, etc. 

La  présence  de  ces  marchandises  en  telle  quantité 
dans  la  maison  de  ville  d'un  chanoine,  à  Nevers,  est  bien 
faite  pour  étonner.  N'oublions  pas  cependant  que  les 
'  chanoines  touchaient  leurs  revenus  en  nature  à  Pari- 
gny,  aux  Montapins,  dans  les  alentours  de  Nevers,  et 
qulls  entassaient  tout  chez  eux,  grains,  vins,  fruits, 
foins  et  bois  pour  s'en  défaire  ensuite  au  mieux  et 
en  tirer  quelque  argent. 

C'est  aussi  le  signe  de  la  simplicité  de  la  vie  d'alors 
où  l'argent  manquant,  on  était  heureux  d'assurer  son 
existence  matérielle  en  accumulant  les  provisions  de 
bouche. 

La  liste  se  termine  par  la  déclaration  du  contenu  de 
la  bourse  du  bon  chanoine  Jean  de  Bourbon,  qui 
n'était  pas  lourde,  d'après  cette  phrase  :  «  Item  fust 


: 


-  51  — 

trouvé  en  sache  v  frans  et  un  blans  en  monoy  et 
V  sols  en  mailles  et  en  deniers  ». 

La  besogne  ainsi  achevée^  le  Chapitre  se  réunit 
trois  jours  après  le  5  décembre,  dans  sa  salle  des 
séances  et  en  présence  des  exécuteurs  testamentaires 
accepta  la  «  récréance  »  de  la  succession  de  leur 
cochanoine  en  recevant  des  mains  du  commissaire  le 
texte  de  l'inventaire  et  les  clefs  de  l'hôtel. 

L'autre  inventaire,  dressé  dans  les  mômes  condi- 
tions et  par  les  mêmes  officiers,  concerne  Guillaume 
de  Vrige,  chanoine,  décédé  dans  les  premiers  jours 
d'août  1382.  Ainsi  que  de  son  prédécesseur  Jean  de 
Bourbon  nous  n'avons  aucun  détail  sur  sa  vie.  Nous 
savons  toutefois  qu'il  remplit  l'importante  fonction 
d'official. 

Le  3  avril,  en  1354,  il  est  choisi  comme  arbitre,  en 
qualité  d'official,  par  Tévêque  Bertrand  de  Colom- 
biers, dans  le  règlement  d'une  contestation  avec  le 
chapitre  (1). 

Les  Chartres  d'officialité  ne  portant  plus,  au  quator- 
zième siècle,  le  nom  du  dignitaire,  il  est  difficile  de  se 
rendre  compte  de  la  durée  de  sa  gestion,  mais  tout 
porte  à  croire  qu'il  occupa  longtemps  ces  hautes 
fonctions,  entre  l'année  1354  et  l'année  1382,  date  de 
sa  mort.  L'inventaire  le  mentionnant  simplement 
comme  chanoine,  il  y  a  lieu  de  supposer  qu'il  avait 
résigné  sa  charge;  mais,  d'autre  part,  la  possession 
d'une  bibliothèque  de  livres  de  droit  indique  suffisam- 
ment que  Guillaume  de  Vrige  était  un  chanoine  légiste. 
La  nature  et  le  nombre  des  meubles  et  des  provisions, 
les  vêtements,  les  bourses  et  les  sommes  en  deniers, 
la  bibliothèque  et  l'indication  de  la  valeur  d'estima- 
tion de  ces  diverses  choses  constituent  un  ensemble 
complet  et  curieux. 

(1)  Bibl.  Nat.,  Nouv.  acq,  îat,,  2,299,  n*  34. 


\ 


—  52  -- 

1.  — Au  début  de  rinventaire  se  trouvent  les  objets 
d'usage  commun. 

Dans  le  cellier,  quatre  charretées  de  bois,  des  ton- 
neaux contenant  quatre  quarteauA  d'avoine. 

Dans  la  chambre  de  la  chambrière  un  chaudron  de 
cuivre. 

Pour  Jean  de  Bourbon,  le  commissaire  s'était  borné  à 
consigner  les  objets  sans  attribuer  aucune  valeur  esti- 
mative. Ici,  pour  Guillaume  de  Vrige  la  plupart  des 
objets  sont  estimés  en  chiffres  de  monnaie,  ce  qui 
donne  un  intérêt  particulier  à  certains  instruments  et 
surtout  aux  livres. 

2.  —  Dans  les  loges  de  l'hôtel,  des  tonneaux  et  des 
benneraux.  Dans  la  buverie,  au-dessus  de  la  cave,  divers 
objets,  cercles,  arches,  corbeilles,  saloirs,  entonnoirs. 

Dans  la  cave,  six  tonneaux  pleins  de  vin  vieux, 
non  estimés,  ce  qui  eut  été  utile  à  connaître  :  des 
chaudières  grandes  et  petites  en  fer  et  en  cuivre, 
bassins  à  barbier  et  à  mains,  pelles  et  landiers  de  fer. 
Puis  tous  les  ustensiles  de  cuisine  en  étain,  quartes, 
pintes,  chopines,  aiguières,  tamaies  ou  grandes  bas- 
sines avec  anse,  sauniers,  écuellcs,  plateaux,  plats,  etc. 
L'étain  était  estimé  l'un  dans  l'autre  2  sols  la  livre, 
chaque  objet  était  porté  pour  son  poids  et  en  raison 
de  la  grande  quantité  de  ces  ustensiles,  il  devait  y  en 
avoir  pour  un  chiffre  assez  élevé. 

3.  —  Dans  la  cuisine  on  trouve  une  provision  de 
6  quarteaux  de  noix,  du  bois  de  chauffage  et  quelques 
meubles,  arche,  formes  et  tables  ;  dans  le  cellier,  un 
pressoir  à  vis  et  des  queues  ou  tonneaux  ;  dans  une 
chambre,  literie  complète  avec  coûte,  coussins  et 
plusieurs  couvertures  ;  dans  les  greniers  des  mines  de 
sel,  plusieurs  bassins,  10  quarteaux  de  froment,  30 
quarteaux  de  seigle,  10  d'orge,  25  d'avoine  et  2  de 
fèves,  un  quartier  de  lard.  Plusieurs  meubles  et  objets. 


-  53  - 

vans,   boisseaux,  acerines,   buffets,  chaises,   formes, 
landiers  et  un  banc  tourné. 

Dans  la  pièce  dite  chapelle,  on  trouve  20  quarteaux 
d'orge.  Dans  une  chambre,  garniture  complète  de  lit 
avec  deux  buffets  et  deux  écrins  ou  valises. 

4.  — Dans  la  garde-robe  il  y  a  des  quarreaux  d'étoffes 
et  plusieurs  arches  ferrées  pour  contenir  des  vête- 
ments. Parmi  les  effets  on  trouve  des  chapperons 
doublés  de  fourrures,  un  corset,  des  housses  garnies 
de  fourrures,  des  malecotes  et  des  blanchets,  un  camail 
et  une  chappe.  Ces  objets  ont  été  donnés  pour  la  plu- 
part au  clerc  et  aux  autres  serviteurs. 

5.  —  Un  article  porte  «  robe  de  cardinal  entière  et 
forée,  laouce  de  gros  vers,  la  malecote  d'esconeux 
ardens  et  le  chapperon  foré  de  menu  ver,  donnée  à 
valoire  et  de  livrée  ».  Ne  s'agit-il  pas  ici  de  la  soutane 
rouge  avec  tous  ses  accessoires  que  les  chanoines  de 
Saint-Cyr  ont  eu  l'usage  de  porter  aux  grandes  fêtes 
de  l'année  ?  (1). 

6.  —  Pour  terminer  les  effets  et  étoffes  (2)  nous 
trouvons  encore  plus  loin  la  mention  de  dix  manteaux 
variant  pour  la  valeur  de  2  à  20  sols  et  pour  la  taille]de 
3  à  5  aunes.  C'était  évidemment  le  vêtement  le  plus 
usuel  à  porter  beau  ou  défraîchi  selon  les  circonstances. 

Enfin  des  touailles  ou  serviettes  de  toilette,  des 
couvre-chefs,  oreillers,  linceuls  ou  draps  de  lit  et  cou- 
vertures. 

7.  —  Parmi  les  objets  précieux  (3)  on  trouve  des 
couteaux  à  manche  de  brésil  (4)  ou  bois  des  lies  ;  des 

(1)  La  tradition  fait  remonter  cet  usage  à  la  présence  du  Pape  Clé- 
ment V,  à  Nevers,  en  1305.  (Bulletin,  t.  UI,  p.  269.) 

(2)  A  la  fin  du  2«  texte  n«  9. 

(3)  N*>  7  et  8  du  même  texte. 

(4)  Le  brésil  était  un  bois  dur  et  An,  en  usage  pour  les  manches  de 
couteaux,  dans  les  inventaires  du  Moyen-âge.  Les  Portugais  donnèrent  ce 
nom  au  pays  d'Amérique  cpi'ils  découvrirent  plus  tard  au  xvi«  siècle. 


—  54  — 

couteaux  à  manche  d'ivoire  blanc  et  virole  d'argent, 
avec  leurs  gaines,  puis  toute  une  série  de  bourses 
contenant  des  monnaies,  cachées  en  différents  endroits, 
qui  au  total  devaient  constituer  une  somme  assez  ronde . 

Un  sachet  contenant  233  livres,  une  atarge  ou 
bourse  de  maille,  emmurée  dans  la  cheminée  conte- 
nant 220  florins  do  Florence,  19  moutons,  21  agneaux, 
23  fr.  Une  autre  bourse,  également  cachée  dans  le 
mur,  contenant  231  gros  tournois  à  l'effigie  de  Phi- 
lippe et  38  petites  monnaies  dites  «  parpilleules  ».  Dans 
une  autre  bourse,  197  fr.,  3  moutons  et  1  réal,  plus 
229  gros  tournois  et  16  parpilleules. 

Cet  argent  était  dans  le  bureau  appelé  étude,  où  se 
trouvait  la  bibliothèque.  Dans  la  garde-robe  on  décou- 
vrit encore  des  petites  sommes,  20  sols  d'un  côté  et 
30  sols  de  l'autre. 

L'entassement  et  les  cachettes  de  ces  monnaies  de 
diverses  provenances  est  un  signe  de  ces  temps  trou- 
blés et  peu  sûrs  où  toutes  les  ressources  manquaient. 
Notre  officiai  avait  dû  les  recevoir  dans  le  cours  de  sa 
vie  entière  et  vivant  sur  ses  redevances  en  nature,  il 
les  gardait  sans  presque  y  toucher,  comme  ses  meu- 
bles et  ses  livres. 

La  bibliothèque  se  compose  de  vingt-six  ouvrages 
de  droit  civil  et  de  droit  canonique  dont  Guillaume  de 
Vrige  avait  le  plus  couramment  besoin  dans  les  juge- 
ments et  les  études  juridiques  de  sa  longue  carrière 
d'oflBcial  (1).  Il  y  a  quelques  volumes  traitant  dethéo- 
logie  et  d'écriture-sainte,  mais  l'histoire^  la  littérature 
et  les  poèmes  font  totalement  défaut. 

On  connaît  plusieurs  catalogues  de  bibliothèques 
semblables  pour  le  quatorzième  siècle,   assurément 


(1)  Voyez  ci-desBoas,  dans  le  texte  de  Tinventaire,  les  titres  et  les  notes 
de  chaque  ou\rage. 


-  55  — 

beaucoup  plus  étendues,  beaucoup  plus  riches  que 
celle  de  notre  modeste  chanoine,  néanmoins  celle-ci 
est  fort  curieuse  en  elle-même  et  joint  à  Tattrait 
régional  qui  nous  y  intéresse  Tutilité  de  la  comparer 
aux  autres  collections  qui  lui  sont  supérieures  et  qui 
montrent  la  composition  des  ouvrages  de  science  juri- 
dique alors  à  la  portée  d'un  légiste  dans  l'exercice  de 
ses  fonctions. 

Les  annotations  que  Ton  trouvera  ci-dessous  dans 
le  texte  à  chacun  des  ouvrages  de  Guillaume  de  Vrige 
sont  empruntées  à  la  bibliothèque  de  Robert  Le  Coq, 
évêque  de  Laon,  avocat  de  Philippe  VI  et  plus  tard 
partisan  de  Charles- le-Mau vais.  Il  fut  relégué  dans 
son  diocèse  après  la  confiscation  de  tous  ses  biens  et 
principalement  de  sa  riche  bibliothèque  évaluée  à 
354  livres  ou  environ  28,000  fr.  de  notre  monnaie 
actuelle.  La  saisie,  faite  en  1366,  est  assez  rapprochée 
de  la  mort  de  Guillaume  de  Vrige  en  1382,  pour 
permettre  de  comparer  entre  eux  les  ouvrages  (1). 

Il  y  avait  encore  dans  la  chambre  un  missel  avec 

lettres  onciales  et  aux  pieds  du  lit,  dans  un  coffre, 
deux  livres  de  logique. 

Ces  ouvrages  sont  une  bien  faible  partie  des  nom- 
breuses gloses  des  juristes  et  canonistes  du  moyen-âge; 
ils  constatent  cependant  que  Tofficial  Guillaume  de 
Vrige  était  un  lettré  de  l'époque.  Ses  livres,  dont 
quelques-uns  s'élevaient  à  un  certain  prix,  et  les 
sommes  de  monnaies  qu'il  a  laissées  d'autre  part, 
indiquent  une  aisance  relative,  surtout  en  comparaison 
du  chanoine  ordinaire  Jean  de  Bourbon,  mort  neuf 
ans  avant  lui  en  laissant  seulement  ses  bardes  6t 
quelques  meubles. 

(1)  La  bibliothèque  de  Robert  Le  Coq  a  été  publiée  dans  la  Nouvelle 
rmme  historique  de  droit  français  et  étranger j  par  M.  Delachanal,  en 
1887. 


—  56  ~ 

Ses  biens  furent  remis  au  chapitre  en  séance  solen- 
nelle selon  l'usage,  et  rien  n'annonce  qu'il  y  ait  eu  dans 
cette  transmission  la  moindre  difficulté. 

Cependant,  peu  d'années  après,  en  1388,  les  compé- 
titions  recommencèrent  de  la  part  des  agents  provin- 
ciaux, profitant  du  désordre  causé  dans  le  comté  de 
Nevers  par  l'administration  embrouillée  du  duc  de 
Bourgogne. 

Trois  chanoines  de  Saint-Cyr,  maîtres  Régnant 
Fouat,  Guillaume  de  Brinon  et  Symon  de  Clugny, 
l'un  des  sept  prêtres,  étaient  morts  depuis  longtemps. 
Les  sergents  royaux  avaient  été  désignés  pour  les 
opérations  d'inventaire  et,  pendant  plus  d'un  an,  dix 
officiers  cités  par  leurs  noms,  suivis  d  un  grand 
nombre  de  complices,  s'étaient  emparés  par  la  force 
des  biens  des  décédés.  Les  lettres  patentes  du  12  juillet 
1388  (1)  décrivent  tout  au  long  les  excès  et  violences 
commises  au  nom  du  duc  de  Bourgogne,  oncle  du  roi, 
qu'il  était  pourtant  très  utile  de  ménager.  L'affaire  fut 
portée  à  nouveau  devant  le  parlement  et  il  y  a  lieu  de 
croire  qu'elle  fut  jugée  en  faveur  du  chapitre. 


INVENTAIRE 

DU    MOBILIER    DE    LA    MAISON    DE    JEAN    DE    BOURBON, 
CHANOINE  DE  SAINT-CYR,  LE  2  DÉCEMBRE  1373. 

L'an  de  grâce  mil  troys  cens  sexante  et  treize,  le 
penultiesme  jour  de  novembre.  Je,  Hugues  duMartelet, 
clerc...  de  Guillaume  Auxeaul,  bailli  de  Saint-Pierre- 
le-Moustier.  —  Lettres  patentes  adressées  au  bailli  et 
a  ses  quatre  commissaires  André  Martelet,  Hugues 
Martelet,  Jehan  du  Chateaul,  et  Theveneaul  Ragoget  : 
Karolus...  vidimus  in  hecverba  :  Philippus...  inregali 


(1)  Bibl.  Nat.,  Nouv.  acq.  lat.,  2,299,  n«  55. 


-  57  — 

curia  lis  mota  est  super  saisinam  bonorum  mobilium 
canonicorum  Nivernensium  septempresbyterorum  (1) 
ecclesie  Nivernensis  clericorumque  suorum  et  aliorum 
beneficiatorum  in  ipsa  ecclesia  mortuorum . . .  manda- 
mus  ut  per  manum  nostram  superiorem  custodiam 
facias  de  rebus  et  bonis  predictis.  Datum  in  parla- 
mento. . .  anno  M®  CGC**  tricesimo  secundo.  — Mandamus 
ut  secundum  formam  litterarum  facias...  datum  in 
parlamento  VII  die  Augusti  anno  M**  CGC*'  sexagesimo 
primo.  —  Mandamus  ad  suppiicationem  decani  et 
capituli  tanquam  ad  superiorem  custodiam...  XVIII 
junii  anno  M°  CCC^  sexagesimo  sexto.  —  Mandons  le 
mesme  pouvoir  au  moys  de  juillet  mil  CGC  sexante  et 
treze. 

Par  vertu  desqueles  lettres  dessus  transcriptes  et  à 
rinstance  et  requeste  de  honorables  et  discrètes  per- 
sonnes les  doyen  et  chapitre  de  l'église  de  Nevers 
nommez  en  icelles  me  suiz  transportez  à  Tostel  desdiz 
doyen  et  chapitre  où  qu'il  avoit  demoré  feu  maistre 
Jehan  de  Borbon,  chanoine  de  ladite  église  par  le  temps 
qu'il  vivoit,  qui  lors  frechement  y  estoit  alez  de  vie  à 
trepassement,  le  jour  dessus  dit,  appelé  avecques  moy 
Soret  Danguyen,  sergent  du  Roy  N.  S.,  Pierre  Giron, 
demorant  à  Nevers,  notaire  apostolique,  M®  Régnant 
Fouat,  sire  Estienne  de  Ghintry^  chanoine,  et  sire 
Girart  de  Bourbon,  chapelain  dudit  feu  chanoine  et 
plusieurs  autres  pour  garder  de  par  le  Roy,  nostre  sire 
et  par  sa  main  comme  souveraine,  les  biens  meubles 
demorez  par  le  decez  dudit  feu  chanoine  de  ladite 
esglise  et  ledit  hostel  aussi  où  il  estoit  trespassez.  Et 
pour  accomplir  ce  qu'il  m'estoit  mandé  et  commis 
selon  la  teneur  desdites  lettres,  si  antray  dedans  ledit 


(1)  Au  chapitre  de  Saint-Cyr  il  y  avait  sept  prêtres  jouissant  de  privilèges 
distincts  et  venant  après  les  chanoines. 


-  58  - 

hostel  et  prins  et  saisis  les  clefs  d'icellui  et  lesdiz  biens 
meubles  dudit  feu  chanoine  de  par  le  Roy  N.  S.  et  la 
garde  d'iceulx,  et  en  signe  de  ce  fis  en  telle  instance 
mettre  et  apposer  publiquement  par  ledit  sergent  un 
penonceaul  reaul  sus  Tantrée  dudit  hostel  évident  et 
apparissans.  Et  après  ce  le  secon  jour  du  moys  de 
décembre  fis  inventoire  de  touz  les  diz  biens  meubles 
dudit  feu  chanoine  que  je  pous  trover  ne  savoir, 
tel  qu'il  s'ensuit  : 

1.  —  1°  Fust  trové  en  la  chapelle  sur  la  porte  un  lit 
garni  de  coeste,  cossin,  ii  linceulx  et  i  covertour  vert 
forré  de  conins  et  i  petit  oriller,  lesqueles  choses  sire 
Girart  dist  estre  sien.  Item  ii  arches  plates  l'une  grans 
et  l'autre  petite  dont  en  l'une  n'avoit  riens  et  en  l'autre 
avoit  des  lettres. 

Item  une  arche  à  fest  (l)en  laquelle  avoit  ixmantos. 

It.  IX  toilletes  à  mains. 

It.  IX  linceulx  que  ledit  sire  Girart  dist  estre  sien.  . 

It.  II  vestimenz  à  prestre,  i  calice  et  i  messcl  à 
II  fremaulx  de  argent,  lesquels  vestimenz,  calice  et 
messel  l'on  dit  estre  de  l'autier  (autel)  saint  Liger. 

It.  une  corne  de  cerf  et  un  ben  (banc). 

It.  une  sele  à  chevaucher  et  une  maie. 

It.  une  chère  et  i  cossin  de  plume  chetif . 

2  —  It.  En  la  chambre  dudit  feu  chanoine  fust  trové 
I  lit  garni  de  coeste,  cossin,  ii  linceulx  et  une  serge  ver- 
maille  et  les  cortines  d'envoiron. 

It.  une  petite  arche  ferrée  au  piezf  du  lit  et  vu  lin- 
ceulx dedans. 

It.  trois  orillers  ouvrez. 

It.  II  chenez  et  un  trefeu  (2)  de  fer. 


(1)  Faîte,  couvercle. 

(2)  Trépied. 


-  59  - 

It.  I  banc  torneiz  et  m  tables. 
It.  II  pères  de  treteaulx  et  ii  formes   (stalle  avec 
dais  et  dossier). 
It.  II  chères  et  i  buffet.  It.  i  tonnelet. 

3.  — It.  f  ust  trové  en  la  boutellerie  ii  coetes  et  i  cossin 
de  plume. 

It.  I  covertour  jaulne  forré  de  conins. 

It.  une  quantité  de  froumant.  It.  une  aserine  (1)  de 
fer,  une  corbaille  et  un  boissaul  ferré . 

It.  une  arche  plate  ferrée  où  il  avoit  xviii  livres, 
II  papiers  et  une  sarpe. 

4.  —  It.  VI  petis  quarreaulx.  Item  fust  trové  en 
Testude  une  roe  avesque  la  chère  de  Testude. 

It.  ung  garde  manger  de  cuir  ferré. 
'  It.  une  arche  plate  en  laquelle  avoit  ix  livres. 

It.  I  covertour  roge  forré  de  conins. 

It.  une  serge  et  un  marchepié  vert. 

It.  une  ouce  forrée  de  gros  ver. 

It.  une  cote  ardio  toute  neuve.  It.  deux  manteaulx 
fourrez  de  aignaus  noirs. 

It.  une  cote  ardie  forrée  de  chetit  ver. 

It.  une  cote  single.  It.  une  malecote  et  chaperon  fer- 
rez de  aignaulz  noirs. 

It.  un  chaperons,  l'un  forré  de  gros  vers,  un  double 
de  II  draps  et  ii  singles. 

It.  une  chape,  une  aumuce  et  un  camail. 

It.  I  blanchet  (drap  blanc)  forré  de  renarz. 

It.  une  gisarme. 

5-  —  It.  fust  trové  es  loiges  ii  formes  et  une  table 
peinte. 
It.  un  charner  (carnier)  et  un  banc  à  drecier. 
It.  fust  trové  en  la  chambre  basse  costé  desdites 

(1)  Âcerine,  sorte  de  hache. 


-  60- 

loges  II  arches  à  fest  don  en  Tune  avoit  pou  de  orge 
et  l'autre  riens. 

It.  I  arche  plate. 

It.  II  coestes  ii  cossins  i  chetit  covertour  forré,  une 
chetive  coeste  pointe,  i  chetit  tapîz  et  ii  linceulx. 

It.  II  benvereaulx  de  vergut  et  i  morter  bueret. 

6.  —  It.  en  la  chambre  après,  i  autefifou,  une  corne  de 
cerf  pendue  à  chainnes  de  fer  et  environ  demie 
charretée  de  foin. 

It.  en  la  chambre  basse  fust  trové  ii  coetes  et 
Il  cossins. 

It.  I  cheneteaul  et  i  dosser. 

It.  Il  formes,  une  table  et  une  chère. 

It.  II  arches  plates  don  il  y  avoit  en  Tune  1  pou  de 
potaige  et  en  l'autre  de  l'orge. 

It.  u  grans  bacins  à  ii  aneaulx. 

It.  n  greys  et  i  crochet  de  fer. 

It-  une  petite chaudère  à  n  aneaulx. 

It.  un  pelles  d'arin  que  grans  que  petites. 

It.  V  chauderons  de  coeuvre  que  grans  que  petis. 

It.  un  bacin  à  barbier.  It.  ii  peeles  de  fer  et  une 
coloere  d  arin. 

It.  II  bacins  à  mains  et  i  chauffeur. 

It.  troys  enders  (1),  i  rôtisseur  et  unes  tenalles  de 
fer. 

It.  X  plateaulx  d'estain  que  grans  que  petis  et 
XXIX  escuelles  d'estain. 

It.  III  quartes  d'estain.  It.  ii  autres  quartes  d'estain. 

It.  nii  pintes  et  n  aiguières  d'estain. 

It.  I  pot  d'estain  à  motarde. 

It.  fust  trové  en  la  sale  dessus  la  cave  envoiron 
m  quarteaux  froment. 

It.  envoiron  v  quartes  de  lare. 

(1)  Ândiers,  landiers,  chenets. 


-  61  - 

It.  XXX  dozenes  de  cèdes  et  i  buffet.  It.  une  arche 
plate  où  il  n'avoit  riens. 

It.  en  ladite  cave  enn  tonneaulx,  envoiron  i  tonneaul 
de  vin  viez. 

It.  fust  trové  en  la  grange  d'arres  (1)  une  grant  arche 
à  mètre  blez. 

It.  v  tonneauls  vuis  et  un  tas  de  buche. 

7.  —  It.  fust  trové  en  la  cosine  une  arche. 

It.  II  trepiers  et  i  ander  de  fer. 

It.  une  chetive  lechefray. 

It.  en  la  chambre  de  costé  fust  trové  i  lit  garni  de 
coeste,  cossin  et  deux  linceulx. 

It.  fust  trouvé  ou  celier  dudit  feu  chanoine  vu  ton- 
neauls de  vin  et  vi  bennereaulx. 

It.  II  cupes  à  mettre  vendenge  et  une  cupe  charroere. 

It.  une  grant  tone  où  il  avoitde  Tavoyne. 

It.  Il  mourez  de  despanse  (2). 

It.  à  Tantrée  dudit  celier  u  benereaulx  vuis. 

It.  II  otes  (hottes),  i  vent  et  i  grant  antonneur. 

It.  VI  tasses  et  xii  quillers  d'argent. 

It.  une  petite  aiguère  d'argent. 

It.  fust  trouvé  en  sache  v  frans  et  un  blans  en  monoy 
et  v  sols  en  mailles  et  en  deniers. 

Et  ce  fait,  les  diz  doyen  et  chapitre  me  requistrent 
que  selon  la  forme  et  teneur  desdictes  lettres  je  leur 
feisse  recreance  d'iceulx  biens  et  choses  dessusdites. 
Pour  quoy  le  v*^  jour  dudit  mois  de  décembre  ledit 
chapitre  assemblé  en  ladite  église  au  leu  accoustumé 
de  tenir  leur  chapitre,  et  aussi  il  estoient  sire  Estienne 
de  Cheintry,  chanoine,  sire  Vincent,  curé  de  Saint- 
Pére  en  ville,  et  sire  Girart  eulx  portans  exécuteurs 

(1)  Derrière. 

(2)  Mourez,  moré,  sorte  de  boisson  faite  d*eau  de  miel  (dict.  deGodefroy). 
Despense,  dans  Sainte-Palaye,  a  le  sens  de  piquette,  breuvage  de  dépense. 


-  62- 

du  testament  dudit  feu  chanoine.  Et  lors  je  en  accom- 
plissant ce  qu'il  m'estoit  mandé  et  commis  par  lesdites 
lettres  et  selonc  la  teneur  d'icelles,  baillay  et  delivray 
audit  chapitre  les  diz  biens  meubles  et  les  choses  des- 
susdites pour  la  tradition  d'icelles  dudit  inventoire  et 
des  clefs  dudit  hostel.  En  tesmoing  de  laquelle  chose 
j'ay  mis  en  ces  présentes  lettres  mon  sing  manuel  et 
mon  scel  du  quel  j'ay  accoustumé  de  user. 

Donné  Tan  et  jour  dessus  diz.  —  Martelet. 

(Bibliothèque  nationale,  Nouv.  acquisitions  latines^ 
2299,  nM3.) 


INVENTAIRE 

DU  MOBILIER,  VÊTEMENTS,  MONNAIES  ET  BIBLIOTHÈQUE 
DE  GUILLAUME  DE  VRIGE,  CHANOINE  DE  SAINT-CYR 
ET  OFFICIAL,  LE  11  AOUT  1382. 

L'an  de  grâce  mil  trois  cens  quatre  vins  et  deux,  le 
x®jour  d'aost,  Je,Huguenin  du  Martelet,  clerc  commis- 
saire en  ceste  partie  de  par  le  Roy  nostre  sire,  mandé 
de  honneste  homme  et  saige  Laurent  Charbonnier, 
gênerai  lieutenant  de  noble  homme  et  saige  Jehan 
Saunier,  conseillier  du  Roy  nostre  sire  et  son  bailli  de 
Saint-Pierre-le-Moustier,  des  ressorts  et  exempcions 
de  Berry  et  d'Auvergne.  —  Lettres  de  Laurent  Char- 
bonnier aux  4  commissaires  Guillaume  Freppier,  Jehan 
de  Chasteau,  Huguenin  du  Martelet  et  Theveneaul 
Ragoiget.  —  Lettres  patentes  de  Charles  VI  vidimant 
celles  de  Charles  V,  Jean  II  au  bailli  de  Sens,  Phi- 
lippe VI  au  bailli  de  Bourges,  concernant  le  procès 
devant  le  Parlement  qui  accordait  aux  sept  prestres 
chanoines  de  l'église  de  Nevers  et  leurs  clercs  d'estre 
sous  la  garde  du  roy  et  d'inventorier  directement  leurs 


-  63  -- 

biens,  meubles  et  objets  du  18  juin  1366  et  31  mai 
1381;  ordre  ci-dessus  par  Laurent  Charbonnier  du 
X®  jour  d'août  1382.  —  Par  vertu  desquelles  lettres, 
assisté  de  Soret  Danguien  et  Pierre  Giron  (texte 
conforme  au  précédent).  Et  après  ce,  le  xi«  jour  dudit 
moys  et  es  jours  ensuivans  fiz  inventoire  de  touz 
lesdis  biens  meubles  dudit  feu  chanoine  Guillaume  de 
Vrige  que  je  peuz  trover  ne  savoir,  tel  qui  s'ensuit  : 
1°  Fust  trouvé  en  Tostel  dudit  feu  messire  Guillaume 
(de  Vrige),  près  de  la  porte  une  charretée  de  bois  ou 
environ. 

1.  —  Item  ung  tonneaul  viant  contenant  mui  et  demi. 
It.  fust  trouvé  ou  celier  près  de  la  porte  environ 

un  charretées  de  beuche. 

It.  une  eschale  en  Talée  de  Tostel. 

It.  en  la  chambre  où  git  la  chambrière  ung  chau- 
deron  de  coevre. 

It.  deux  tonneaux  où  il  li  a  environ  x  quarteaux 
avoine,  une  chetive  arche. 

It.  en  la  chambre  costé  la  court  ii  lis  garnis  de  coete 
coiffin  et  n  chetives  covertures,  la  meilleure  prisé 
ni  frans  et  l'autre  ii  frans. 

It.  une  arche  plate. 

2.  —  It.  Es  loges  de  l'ostel  xvni  tonneaux  de  moison 
et  vin  bennereaulx  prisez  un  livres. 

It.  en  la  beuverie  dessus  la  cave  xxvi  dozenes  de 
cercles,  une  arche  plate,  ii  corbailles. 

It.  m  cuauls,  une  saloere,  deux  anthoneurs,  ung 
grant  et  ung  petit. 

It.  en  la  cave  vi  tonneaux  de  vin  plains  et  sont  viez . 

It.  deux  grans  chaudières  prisées  l'une  xx  sols  et 
l'autre  xv  sols. 

It.  une  petite  chaudière  prisée  nu  grains. 

It,  m  chaudières  de  coevre  prisées  nu  livres  avec  le 


—  64  — 

bacin  à  barbier  et  le  chauderon  qui  est  en  la  chambre 
de  la  Boaise  (1). 

It.  III  bacins  à  main  et  une  chausoere  (2)  prisée 
L  sols. 

It.  ung  bacin  à  barbier.  It.  deux  chetives  paelles  de 
fer  prisées  v  sols. 

It.  une  père  de  andiers  de  fer  prisés  xv  sols. 

It.  V  quartes  d'estain,  un  quarrées,  une  ronde  pesant 
XVIII  livres  prisées  la  livre  ii  sols. 

It.  III  pintes  d'estin  et  ung  tiers  de  m  chopines  et 
iii  aiguières  d'estain  pesanz  xv  livres  prisées  la  livre 
II  sols. 

It.  une  tamaie(3)  quarrée  à  enseet  ung  seaul  pesant 
VII  livres  prisées  la  livre  ii  sols. 

It.  une  autre  quarrée  à  ense  de  cinq  chopines  pesant 

V  livres  prisés  la  livre  ii  sols. 

It.  une  autre  quarrée  à  eusse  de  ii  pintes  pesant 

V  livres  prisés  la  livre  ii  sols. 

It.  m  sauniers  d'estain,  une  tamaie  ronde  et  une 
chetive  chopine,  les  petites  escuelles  et  pluseurs  autres 
escuelles  et  plateaulx  d'estain  despecez  pesant  xxxi 
livres  m  quarts  prisés  la  livre  xx  deniers. 

It.  in  chandeliers  de  fer. 

It.  II  dozenes  et  demie  d'escuelles  d'estin  pesanz 
XXVI  livres  prisées  la  livre  n  sols. 

It.  xxm  petites  escuelles  pesanz  x  livres. 

It.  ini  grans  plaz  d  estain  et  vin  petis  pesanz, 
les  VIII,  xn  livres  et  les  grans  pesant  xi  livres. 

It.  ung  greil  de  fer. 

3.  — It.   en  Talée  costé  la  cosine  m  grans  arches  à 


(1)  La  Boaise  doit  être  le  nom  de  la  servante  ;  il  reparaît  plus  bas 
propos  d'objets  qui  lui  sont  réservés. 

(2)  Chausoir,  entrave? 

(3)  Grande  bassine. 


—  65  — 

fest,  don  il  lia  en  Tune  envoiron  vi  quarteaux  de 
noiz. 

It.  environ  m  charretées  de  boys. 

It.  en  la  cosine  une  arche  à  fest,  deux  formes,  une 
table. 

It.  au  cellier  ung  pressour  à  viz  et  m  eues  (1)  pri- 
sées les  eues  mi  livres  x  sols. 

It.  en  la  chambre  devant  sur  la  rue,  n  lis  garnis  de 
coetes,  II  coisins,  et  m  covertures  la  meilleure  prisé 
VII  frans  avec  la  coverture  et  l'autre  m  frans  avec  la 
coverture. 

It.  en  Talée  costé  les  greniers  ung  cheti  charner. 

It.  ung  tonnelet,  environ  ni  mines  de  sel. 

It.  iichetifs  bacinez...  et  unggantelez  (2)... 

It.  es  greniers  environ  x  quarteaux  froment. 

It.  environ  xxx  quarteaux  de  seigle  et  de  orge 
environ  x  quarteaux  et  d'avoine  environ  xxv  quar- 
teaux, de  feuves  ii  quarteaux. 

It.  ung  quartier  de  lart. 

It.  i  venc,  I  garsaut  et  i  boisseau  et  une  acerine 
de  fer. 

It.  en  la  sale  ung  banc  tourneiz  prisé  xii  sols,  m 
formes  prisées  mi  sols  et  une  père  de  [linceulx]... 
(tache),.,  et  img  buffet  ii  sols  vi  deniers,  une  père  de 
andiers,  une  chère  prisée  xx  deniers. 

It.  en  la  chappelle  xx  quarteaux  orge. 

It.  en  la  chambre  i  lit  garni  de  coete,  coisin,  de  corte 
pointe  et  d'un  corteur  prisé  viii  frans. 

It.   ung  chetif  autel  et  un  dosier,  nichil. 

It.  deux  bufifez,  nichil,  iiescrins  au  piez  du  lit  prisés 
X  sols  et  une  chère  xx  deniers. 

4.  —  It.  en  la  garde  robe  vi  quarreaulx  prisés  x  sols, 

(i)  Queues,  tonneaux. 
(2)  Tache  d'encre  dans  le  manuscrit. 
T.  VIII,  3*  série.  5 


--  66  ^ 

unes  tenailles  de  fer  et  ung  treffeu  v  sols,  une  chère 
prisée  xx  den.,  ni  arches  plates,  deux  grans  et  une 
petite  et  sont  scellées,  prisées  la  grant  ferrée  xx  sols, 
l'autre  grant  x  sols  et  l'autre  petite  in  sols. 

5.  —  It.  la  robe  du  cardinal  entière  et  forée,  la  ouce 
de  gros  vers,  la  malecote  d'esconeux  ardens  et  le  chap- 
peron  ferrée  de  menu  ver,  donnée  à  valoire  et  de  livrée. 

It.  I  autre  chetif  chapperon  forré  de  menuz  vers 
donné  et  baillé  au  Rousseaul. 

It.  I  chetif  corset  et  une  ouce  sur  more  (1)  ferrée  de 
chetive  pane  de  gros  vers,  donné  et  baillé  à  Sebille  sa 
niepce. 

It.  deux  ouces  de  drap  dipré  (2)  ferrée  d'aignaux 
noir...  a  l'une  et  La  Boaisse  l'autre. 

It.  deux  malecotes  et  deux  chapperons  ferrés  d'ai- 
gnaux  noirs,  ii  quêtes  singles,  sa  niepce  a  l'une  et  La 
Boasse  l'autre;  ii  blanchets,  i  bon  et  i  chetif. 

It.  I  fau  camail  donné  et  baillé  à  Guillaume  qui  fut 
son  clerc  avec  les  ii  blanchets  et  son  mantel. 

It.  la  chape  dudit  feu  chanoine  baillée  et  donnée 
audit  Guillaume  pour  dire  xx  saul tiers. 

6.  —  It.  en  l'estude  dudit  chanoine  fut  trouvé  les 
livres  qui  s'ensuivent  : 

1.  It.  une  digeste  viuUe  avecques  les  gloses  ordinaires 
de  la  quelle  la  tierce  (?)  columbe  ou  trente  commencé 
en  ceste  manière  et  in  hiis  suis  multis  partibus  etc. , 
prisé  viii  frans  (3). 

2.  It.  une  enconforçade  (4)  prisée  vu  livres. 

fi)  Peut-être  jaune  mordorée. 

(2)  Diapré  ou  dUpres. 

(3)  C'est  la  première  partie  du  Digeste,  du  livre  I  au  titre  ii  du 
livre  XXIV  inclusivement.  Il  est  estimé  cent  sols  par.  dans  l'inventaire  de 
Robert  Le  Coq  où  les  gloses  et  le  traité  ne  sont  pas  portés. 

(4)  VEnforsade  ou  Infortiat  est  un  ouvrage  de  droit  romain  placé  entre 
les  deux  Digestes  après  le  livre  XXIV. 


—  67  - 

3.  It.  une  digeste  nove  (1)  prisée  lx  sols. 

4.  It.  un  code  (2)  prisé  vu  livres. 

5.  It.  1  petit  volume  (3)  avec  les  gloses  prisé  m  frans. 

6.  It.    une  somme  de  Eude  de  Sanz  (4)  sur  les 
contrediz,  x  sols. 

7.  It.  une  somme  d'Aze  avec  les  brocars  d'icellui 
Âze  (5)  prisé  xxx  sols. 

8.  It.  le  livre  de  Institution  glosé  (6),  de  petite 
valeur,  prisé  x  sols. 

9.  It.  1  chetifs  livre  qui  semble  estre  livre  de  auten- 
tiques,  v  sols. 

10.  It.  1  quaier  qui  comance  incipit  summa  super 
libellis. 

11.  It.  I  sixesme  avec  les  gloses  de  Jehan  Lemoine  (7), 
prisé  XII  livres. 

13.  It.  1  autre  sixeme  bêles  avec  les  gloses  de  Jehan 


(1)  C'est  la  fin  dn  Digeste  depuis  le  livre  XXXIX.  L'exemplaire  de  Robert 
Le  Coq  éyidemment  beaucoup  plus  beau  était  estimé  vi  livres  x  sols. 

(2)  Cest  le  Code  de  Juêtinien  estimé  xl  sols. 

(3)  Le  Parvum  Volumen  ou,  en  français,  Petit  Volume,  désigne  la 
dernière  partie  du  Corpus  juris,  divisé  par  les  glosateurs  en  cinq  volumes. 
Le  Digeste  formait  les  trois  premiers  volumes  {Digeste  Vieil,  Infortiat, 
Digeste  Nove).  Le  Code  tout  entier,  moins  les  trois  derniers  livres,  un 
quatrième  volume.  Et  enfin  le  Parvum  Volumen  comprenait  tout  le  reste 
du  Corpus  juris  et  les  Institutes  de  Justinien,  les  dix  CollcUions  ou 
Novell^  et  divers  textes  de  droit  féodal  désignés  sous  le  nom  de  Liber 
feudorum. 

(4)  Eudes  de  Sens,  jurisconsulte  du  quatorzième  siècle,  est  Tauteur 
d'une  somme  intitulée  :  S.  de  Judiciis  possessoriis, 

(5)  Azon  ou  Azzon,  mort  au  plus  tôt  vers  1290,  enseigna  le  droit  à 
Bologne  puis  à  Montpellier.  U  est  connu  au  moyen  âge  par  ses  gloses  et 
ses  sommes  des  Institutes  et  du  Code.  Il  y  en  avait  plusieurs  exemplaires 
différents.  Les  Brocars  ou  Brocarda  sont  des  Disputationesou  discussions 
sur  un  sqjet  de  droit. 

(6)  n  s'agit  évidemment  d*un  exemplaire  spécial  des  Institutes  déjà  insé- 
rées dans  le  Parvum  Volumen 

(7)  Jean  Le  Moine,  plus  connu  comme  cardinal  Le  Moine,  fondateur  de 
Ton  des  plus  anciens  collèges  de  Paris,  a  écrit  un  Apparatus  sur  le  Sexte 
ou  sixième.  Il  mourut  le  22  août  1313. 


-68- 

Lemoine,  avec  les  Extravagant  (1)  de  Boniface,  de 
Benoit  et  Clément,  prisé  c  sols. 

13.  It.  unes  decretailles  (2)  avec   ses  gloses,  prisé 
XII  livres. 

14.  It.  unes  autres  decretailles  avec  ses  gloses,  prisé 
VI  livres. 

15.  It.le  trente  de  décret  (3)  sans  glose,  prisé  xx  sols. 

16.  It.  un  décret  avec  ses  gloses,  prisé  vni  livres. 

17.  It.  un  autre  décret  de  petite  valeur  non  complé, 
prisé  1  fran. 

18.  It.  la  letteure  dlgnocent  (4)  sur    decretailles, 
prisé  VI  livres. 

19.  It.    la  letteure  de  Bernart  Apostielin  (5)  sur 
decretailles,  prisé  x  sols. 

20.  It.   la  somme  de  droit  canon  Monardi,  prisé 
XXX  sols- 

21.  It.  la  somme  Remon  (6)  de  grose  lettre,  prisé 
XV  sols. 

22.  It.  unes  autres  decretailles  sanz  glose,  prisé 
XXX  sols. 

23.  It.  le  teuté  des  iiii^^s  (quartes)    santances  j(7) 
prisé  iiiigros. 

(1)  Les  Extravagantes  sont  les  Décrétâtes  des  Papes  Bonifacc  VIII  et 
Benoit  XI  postérieurs  à  Clément  V  ;  celles  de  ce  Pape  s'appellent  les  Clé- 
mentines. Le  Sexte  ou  sixième  livre  des  Décrétâtes  a  aussi  été  glosé  par 
Jean  d'André,  célèbre  canoniste,  mort  en  1348. 

(2)  Ce  sont  évidemment  des  exemplaires  des  nombreuses  Décrétâtes  des 
Papes. 

(3)  Dans  les  bibliothèques  des  légistes  on  trouve  toujours  plusieurs 
ivres  intitulés  Décrets. 

(4)  Innocent  IV  est  l'auleur  d'un  Apparat  ou  commentaire  sur  les  cinq 
livres  des  Décrétâtes, 

iT))  Deux  canonistes  au  moyen  âge  sont  connus  sous  le  nom  de  Ber- 
nardus  Compostellanus,  Tun  antiquusy  l'autre  junior,  on  désigne  évidem- 
ment ici  Tun  de  ces  deux  auteurs  dont  le  nom  a  été  tronqué  par  le  copiste. 

(6/  Raymond  de  Penafort  est  un  canoniste,  auteur  de  divers  ouvrages. 

(7)  Ce  traité  désigne  évidemment  Touvrage  composé  par  le  franciscain 
Jean  de  Galles  sur  les  Quatre  livres  des  sentences  de  Pierre  Lombard. 


-69- 

34.  It.  1  Mandagot  (1)  sur  les  eleccions^  prisé 
iiii  gros. 

25.  It.  la  somme  de  Gefifroy  Sanz  (2)  prisée  ii  gros. 

26.  It.  inspecculum  judiciable  avec  le  repertorio 
Guillelmi  Durandi  (3),  prisé  x  livres. 

7.  —  Item  fut  trouvé  sur  sa  tude  en  1  sachet  iic  xxxiii 
livres. 

It.  en  une  atarge  maille  qui  estoit  emmurée  en  la 
cheminée  de  ladicte  estude  xi^^  florins  de  Florence 
XIX  motons  desquelx  les  deux  ne  vallent  chacun  que 
i  fran.  It.  xxi  aignauls.  It.  xxnii  frans.  Item  en  une  autre 
atarge  maille  enmurée  oudit  lieu  n^  xxxi  gros  tour- 
nois d'argent  de  Philippe  et  xxxviii  parpilleules  (4). 

It.  en  une  autre  atarge  maille  enmurée  desoubz  la 
chère  de  latude  ix*^  xvii  frans  m  motons  et  i  reaul. 

It.  ne  xxix  gros  tournois  d'argent  de  Philippe  et 
xvi  prepilleules. 

It.  fut  trouvé  en  l'une  des  arches  plates  de  la  garde 
robe  en  I  gibacer  qui  estoit  en  une  arche  plate  xx  sols 
que  sire  Régnant  pris  t. 

It.  un  messe  noté  avec  plusieurs  lettres  non  inven- 
toriés. 

It.  en  l'une  des  autres  arches  de  la  garde  robe  fut 
trouvé  en  ung  sachet  xxx  sols. 


(t)  Guillaume  de  Mandagout,  archevêque  d'Embrun  en  1295,  d  Aix  en 
13U6,  fait  cardinul-évéque  de  Preneste  par  Clément  V  en  131*2,  morl  à 
Avignon  en  1321 .  a  composé  divers  ouvrages  de  droit  canonique. 

(2)  GeoflQroi  de  Trani,  élève  d*Âzzon,  puis  professeur  à  Bologne,  car- 
dinal en  1245,  mort  la  même  année,  a  laissé  une  Summa  super  rubricis 
Decretalium,  qui  eut  une  grande  vogue. 

(3)  Ces  deux  ouvrages  assez  fréquents  étaient  tantôt  séparés  tantôt 
réunis  comme  ici.  Cest  Tune  des  œuvres  les  plus  estimées  de  la  littéra- 
ture juridique  du  moyen  âge.  Le  répertoire  contenait  sous  les  diflérents 
tilresdes  Décrétales  un  grand  nombre  de  questions  de  droit  résolues  par 
les  anciens  canonistes. 

(4)  Parpaillole,  monnaie. 


-70  — 

8.  —  It.  une  pères  de  cousteaulx  à  manges  de  bre- 
solim  sanz  virole  en  une  gaine  noire. 

It.  une  autre  père  de  cousteaulx  à  manges  d'ivoire 
et  virole  d'argent  l'une  en  maille  et  l'autre  plaine. 

It.  n  autres  cousteaulx  à  manche  d'ivoire  bilanc  en 
une  gaine  avec  plusieurs  lettres  et  autres  choses  non 
inventoriées. 

It.  en  img  coSre  au  piez  de  son  lit  ii  livres  de 
logique. 

9.  —  It.  I  manto  de  un  aulnes  prisé  xu  sols,  i  manto 
de  v  aulnes  xv  sols,  i  autre  manto  de  ni  aulnes  et  demie 
X  sols,  I  manto  de  nn  aulnes  prisé  xx  sols,  i  autre 
manto  de  v  aulnes  prisé  xx  sols,  i  autre  manto  de 
nu  aulnes  xv  sols. 

It.  un  autre  cheti  manto  prisé  n  sols  vi  deniers. 
I  autre  manto  de  ni  aulnes  prisé  vi  sols,  i  autre 
pareil  manto  vi  sols,  i  autre  pareil  manto  prisé  xi  sols. 

It.  une  toailles  à  mains  de  m  aulnes,  ii  sols. 

It.  une  pièce  de  toailles  de  ix  aulnes,  xvm  sols, 
I  autre  pièce  de  vu  aulnes  prisé  xi  sols  viu  deniers. 

It.  une  pièce  de  un  aulnes  de  chetiz  covrechiez, 
a  ciez,  v  sols. 

It.  m  aulnes  de  covrechiez  prisés  ix  sols. 

It.  n  linceulx  de  ni  telles  prisés  xxv  sols. 

It.  viii  linceulx  chacun  de  deux  telles,  l  sols. 

It.  nii  autres  linceulx  qui  sont  aux  lis  xx  sols. 

It.  X  autres  linceux  chetis  prisés  xxx  sols. 

It.  n  creuvechez  prisés  v  sols. 

It.  m  orillez  prisés  x  sols. 

It.  ung  cortour  de  drap  jaune  prisé  xx  sols. 

Et  ce  fait,  lesdis  doyen  et  chapitre  me  requistrent 
que  selon  la  forme  et  teneur  desdites  lettres  je  leur 
feisse  recreance  d'iceux  biens  et  choses  dessusdits  « 
Pour  quoy  le  xx®  jour  dudit  moys,  ledit  chapitre 


-  71  - 

assemblé  en  ladicte  église  au  lieu  accoustumé  de  tenir 
leur  chapitre.  Et  aussi  y  estoit  mons'^  l'arcediacre 
de  Nevers  sire  Régnant  des  Noiers,  maistre  Guillaume 
Compain  et  Estienne  de  Monz,  chanoines,  eux  por- 
tanz  exécuteurs  du  testament  dudit  feu  chanoine.  Et 
lors  fis  en  accomplissant  ce  qui  m'estoit  mandé  et 
commis  par  lesdites  lettres  et  selon  la  teneur  d'icelles 
baillay  et  delivray  audit  chapitre  lesdiz  biens  meubles 
et  les  choses  dessusdites  par  la  tradicion  d'icelles  dudit 
inventoire  et  des  clefs  dudit  hostel .  En  tesmoing  de 
laquelle  chose,  j'ai  mis  en  ces  lettres  mon  sing  manuel 
et  mon  seel  du  qués  j  ay  accostumé  d'user. 

(Bibliothèque    nationale,    Nouvelles    acquisitions 
latines,  2,299,  n^JS!). 


—  72  — 


LES 


PROTESTANTS  EN   NIVERNAIS 


Au    XV  !•    siècle 


U Annuaire  du  département  de  l'Yonne  a  publié 
en  1870,  dans  sa  partie  historique,  une  intéressant6 
étude  de  M.  Le  Maistre  (1)  sur  Léjsinnes  et  les  sires 
de  Lésinnes. 

L'une  des  nombreuses  pièces  justificatives  qui  com- 
plètent ce  travail  —  le  n°  12  —  a  trait  aux  protestants 
et  nous  y  relevons  divers  renseignements  relatifs  au 
Nivernais  (2). 

Ils  figurent  sous  ce  titre  : 

Notes  de  quelques  villes,  villages,  abbayes,  cou-- 
vents,  églises,  pris  et  saccagés  par  les  protestants. 

§  I  (1560).  —  Prieuré  et  ville  de  La  Charité  pris  et 
pillés  ;  les  catholiques  massacrés. 

Abbaye  de  Bellevaux,  près  Nevers,  prise:  église 
démolie,  religieux  massacrés. 

§  III  (1562).  —  Corbigny,  pris  en  mai;  Nevers,  le 
11  mai  (3)  ;  Entrains,  le  12  décembre. 

(1)  M.  Le  Maistre.  receveur  municipal  à  Tonnerre,  membre  de  la  Société 
des  sciences  historiques  de  FYonne,  est  Tanteur  de  plusieurs  notices 
publiées  dans  le  Bulletin  de  cette  Société  et  V Annuaire  du  département. 

(2)  Nous  conservons  les  titres  et  les  paragraphes  du  document  original. 

(3)  Nous  donnons  ce  dernier  renseignement  sous  toutes  réserves,  car  les 
histoires  du  Nivernais  ne  font  aucune  mention  de  la  prise  de  Nevers,  et 
plusieurs  de  nos  confirères  de  la  Société  nivernaise  prétendent  que  les 
protestants  ne  sont  jamais  entrés  dans  cette  ville. 


-  73  - 

§  IV  (1563),  29  janvier.  —  Corbigny  pris  :  reliques 
brûlées,  église  profanée. 

§  IX  (1568).  —  Bellary,  prieuré  près  La  Charité  : 
abbaye  brûlée,  abandonnée;  religieux  et  prêtres  subis- 
sent les  plus  indignes  traitements. 

Donzy  et  Entrains,  pris. 

Bourras  (1),  abbaye  brûlée,  religieux  maltraités. 

La  Charité,  prise  et  pillée. 

Corbigny,  abbaye  de  Saint-Martin,  prise,  incendiée. 

§  X  (1569),  3  octobre.  —  Prise  de  La  Charité. 

Champlemy,  ruiné. 

La  Charité,  scènes  de  cruautés  et  môme  de  carnage, 
surtout  sur  les  prêtres  et  les  religieux.  Les  curés  de 
Sainte-Croix,  Saint-Pierre,  Saint- Jacques ,  retenus 
par  les  rebelles. 

Cosne,  abbaye  de  Saint-Laurent  ;  Donzy,  chapelles 
et  églises  pillées. 

§  XI  (1570),  mai.  —  Prise  de  La  Charité. 

6  juillet,  le  prieuré  de  Saint-Symphorien (2)  (Nièvre) 
dévasté  et  incendié. 

Juillet.  —  Coligny  ravage  le  Morvan.  La  Chartreuse 
d'Apponay  (3)  est  réduite  à  ses  murs.  Bellevaux, 
abbaye  prise  et  brûlée. 

Courtemer  (Nièvre)  ruiné  ;  pays  déshal)ité. 

Entrains,  pris  par  les  rebelles. 

Gâcogne,  l'église  et  le  presbytère  brûlés  par  les 
protestants  de  Corbigny. 

Moulins-Engilbert,  ruiné  et  brûlé. 

Préporché,  église  brûlée. 

Saint-Honoré,  Vandenesse,  églises  incendiées. 


(1)  Commune  de  Saint-Malo,  prés  Donzy. 

(3)  Saint-Symphorien,  en  Beaujolais  (au  duc  de  Nevers). 

(3)  Prés  Rémilly. 


-74  — 

§  XII  (1572).  —  L'abbaye  de  Bourras  pillée,  incen- 
diée et  presque  détruite. 

Lé  paragraphe  XIII  comprend  des  notes  sur  quelques 
faits  dont  les  dates  ne  sont  pas  précisées  (1). 

Arrebourse  (2),  abbaye  prise  par  les  rebelles. 

Billy,  pillée  et  ruinée  par  les  excursions  protestantes. 

Bouy,  près  Ratilly;  Bulcy,  près  de  La  Charité,  et 
Sully,  le  curé  détenu  par  les  rebelles. 

Cessy,  prieuré  occupé  par  les  rebelles. 

Celle-sur-Nièvre,  Chassenay  (3),  le  curé  enlevé  et 
retenu  par  les  protestants. 

Châteauneuf,  près  Donzy,  pris  par  les  rebelles. 

Ciez,  prieuré,  cure  délaissée. 

Corbelain  (4),  le  juge  jeté  à  Teau. 

Couloutre,  proche  Ratilly,  cure  totalement  ruinée. 

Cours,  près  Ratilly,  cure  délaissée. 

Dampierre-sur-Nièvre  (5),  ch&teau  détenu  par  les 
rebelles. 

Dampierre-sous-Bony  (6),  prieuré  délaissé. 

Entrains,  cure  occupée  par  les  rebelles. 

Lespau  (7),  prieuré  près  de  Donzy,  abandonné* 

Menestreau,  ruiné. 

Nannay .  Narcy,  Mesves,  Murtin  (8),  cures  détenues 
par  les  rebelles. 

Oisy,  cure  abandonnée. 

Parroy  (9),  près  Donzy,  cure  abandonnée. 


(1)  AnnwUre,  p.  SQi, 

(2)  lÀrê:  Arboorae. 

(3)  Lire:  La  Celle-rar-Niévre  et  Ghasnay. 

(4)  Prés  Yany. 

fi)  Lire:  Darnpierrû'^ur'Nièvre, 

(6)  Lire:  Dampierre-tona-Boiihy. 

(7)  Upb:  FEpaa. 

(8)  Lire:  Muritn, 
(»)  Lire:  Pwrt«y, 


-75 -• 

Pbgny  (1).  Pouilly,  cure  et  pays  abandonnés,  pris 
par  les  rebelles. 

Le  Pré,  cure  de  Sainte-Marie,  prieuré  de  Notre- 
Dame  retenus  et  ruinés  par  les  rebelles  lors  de  la  prise 
de  Donzy. 

Ratilly,  Raveau,  cure  prise  et  retenue  par  les 
rebelles. 

Saint-Amand,  près  RatlUy,  cure  délaissée. 

Saint-Andelin  (2),  cure;  Saint-Laurent,  abbaye; 
Saint-Malou  (3),  aux  calvinistes. 

Saint-Quentin,  cure  aux  rebelles. 

Seuley  (4),  près  La  Charité,  détenu  par  les  rebelles. 

Surgy,  cure  détenue  par  les  gens  de  la  nouvelle 
religion. 

Tronçoy  (5),  cure  de  Saint-Martin,  détenus  par  les 
rebelles. 

Varennes,  Viel-Mannay  (6),  cures  aux  rebelles. 

Quelque  concis  qu'ils  soient,  ces  renseignements 
nous  ont  paru  présenter  un  certain  intérêt  pour  l'histoire 
du  protestantisme  en  Nivernais.  C'est  pourquoi  nous 
les  avons  donnés  ici. 

G.  GAUTfflER. 


(1)  lAre:  Pongny. 

(3)  Lire:  Saint-AndeUùn» 
(9)  Lire:  Saint-Malo. 

(4)  Lire:  SoUy-la-Toor. 

(5)  Aigoardliai  :  Saixit-Martin-da-TroiiMc. 

(6)  Lire  :  Vielmanay. 


-76  - 


LA 


CATHÉDRALE   DE    SAINT -JÉRÔME 


Au     VITI*     sièole 


La  cathédrale  de  Nevers  a  encore  des  murs  du 
VIII®  siècle,  j'ai  développé  cette  thèse  à  la  Sorbonne 
à  la  réunion  des  Sociétés  savantes. 

C'est  un  problème  qu'on  trouvera  peut-être  compli- 
qué et  ardu,  nous  allons  voir  qu'il  a  été  souvent 
commenté  et  même  contredit. 

Me  souvenant  que  les  légendes  les  plus  extraordi- 
naires ont  un  fond  de  vérité  ;  et  que  de  grands  savants 
l'ont  maintes  fois  démontré  avant  moi,  je  ne  les  ai  pas 
rejetées  ;  mais  j'ai  cherché  à  les  faire  cadrer  avec  les 
faits  connus  et  acquis  ;  et  ces  légendes  se  sont  mani- 
festement encadrées  dans  les  faits.  Celle  du  sanglier, 
que  tous  ici  vous  connaissez,  je  l'ai  appliquée  non  à 
Charles-le-Chauve  mais  à  Charlemagne,  parce  qu'elle 
me  donnait  des  déductions  logiques  que  j'ai  écrites 
dans  Remparts  et  Monuments  de  V ancien  Neoers, 

C'est  avec  ce  système  que  j'ai  pu  signaler  un  vice 
de  construction,  encore  visible  de  nos  jours,  et  fixer 
l'écroulement  de  la  cathédrale  en  908,  concordant  avec 
la  date  des  auteurs. 

Les  savants  qui  se  sont  occupés  de  cette  question 
sont  Guy-Coquille  et  Cotignon,  historiens  ;  Prosper 
Mérimée  et  l'abbé  Bourrasse  et  avant  ces  deux  auteurs 


-  77  — 

l'archiviste  Parmentier  ;  puis  des  auteurâ  récents  ont 
repris  la  question,  ce  sont  M9^  Crosnieret  Tarchitecte 
Ruprich-Robert . 

«  è 

Ces  discussions  semblent  se  résumer  dans  les  auteurs 
cités  sur  les  deux  mots  :  structura  quadrataq,; 
posés  par  une  légende  acceptée  par  tous  : 

La  cathédrale  de  l'évoque  Atton  en  908  serait  : 
structura  quadrataq.  »  ;  la  Gallia  Chnstiana,  qui 
reproduit  l'expression,  donne  le  nom  de  cooperator  à 
Atton  parce  que,  dit-elle,  il  a  reconstruit  un  vaste 
temple  sur  une /orme  carrée;  Guy-Coquille  et  Coti- 
gnon,  historiens  nivernais.  ont  admis  ce  plan. 

L'historien  Parmentier,  s'il  accepte  cette  solution,  ne 
l'explique  pas,  et  s'il  décrit  un  plan  hypothétique,  il  ne 
le  recommande  pas. 

Mais  il  nous  dit  qu' Atton  trouva  dans  son  clergé  de 
graves  désordres  ;  qu'il  y  remédia  ;  qu'il  appela  no- 
tamment de  Saint-Amand  le  savant  moine  Humbault 
pour  instruire  ses  clercs. 

Il  recueille  une  pieuse  légende  disant  que  sous  cet 
évêque,  un  chanoine  en  prière  près  d'un  pilier  fut 
épargné  au  moment  où  l'église  croulait. 

Nous  allons  voir  qu'il  effleure  la  question,  car  il 
ajoute  :  Atton  construisit  les  deux  piliers  monocylin- 
driques qui  sont  dans  le  transept . 

L'abbé  Bourrasse  ne  veut  voir  dans  ces  piliers  qu'un 
travail  très  moderne  pour  consolider  l'édifice,  et  Pros- 
per  Mérimée  une  disposition  originale  du  plan  comme 
Saint-Etienne  de  Nevers,  qu'il  appelle  un  scren. 

Si  l'architecte  Ruprich-Robert  dans  son  rapport 
général  sur  la  cathédrale  ne  s'était  servi  des  mômes 
développements  de  M9'  Crosnier,  déjà  publiés,  j'aurais 
aussi  donné  son  opinion. 


-78- 

M9'  Crosnier,  lui,  ne  s'est  pas  arrêté  aux  solutions 
antérieures  ;  il  traite  son  sujet  sur  un  chapitre  spécial 
de  son  ouvrage  sur  la  cathédrale,  surtout  des  pages  91 
&  98  ;  nous  allons  les  résumer  : 

Il  admettrait  volontiers  avec  Parmentier  et  les 
auteurs  de  Y  Album  du  Nivernais  que  les  deux 
colonnes  sont  du  x*  siècle  et  il  pense  que  quelques  par- 
ties des  murs  du  transept  pourraient  bien  être  de  ce 
temps;  mais  il  manque  de  preuves,  dit-il. 

Il  fait,  avec  raison,  des  réserves  pour  Tàge  de  Tab- 
side. — Celle  de  nos  jours  qui  a  remplacé  une  autre 
plus  ancienne.  Puis  rentré  dans  une  discussion  serrée 
des  constructions  postérieures,  passant  devant  les 
anciennes,  il  n'y  trouve  pas  la  preuve  suffisante,  il 
cherche  TAge  du  pilier  par  sa  forme. 

Pour  cela,  il  parcourt  les  églises  de  Bourgogne  et  du 
Nivernais.  Mais,  disons-le,  ses  conclusions  ne  sont 
pas  heureuses  ;  néanmoins  il  fixe  sa  date  au  x«  et 
même  au  vni^  siècle . 

Ainsi  que  je  Tai  établi  (1),  il  admet  qu'on  s'est  servi 
en  908  de  constructions  antérieures,  et  continue  : 
i  C'est  cette  pensée  qui  a  sans  doute  dirigé  le  plan 
insolite  que  nous  remarquons  dans  cette  partie  de 
l'édifice,  on  aura  voulu  profiter  de  la  cathédrale 
carrée.  » 

Il  met  en  évidence  les  arcades  romanes  enclavées 
dans  les  murs  du  xiu^  siècle  :  «  Quoique  on  ait 
cherché  à  dissimuler,  dit-il,  il  est  facile  de  reconnaître 
le  plan  de  l'édifice  roman,  plan  qui  se  rapproche  beau- 
coup  du  carré.  » 

Et  voici  sa  démonstration  : 

«  En  effet,  le  transept  est  un  parallélogramme  contre 
lequel  vient  s'appuyer  l'hémicycle  de  Sainte-Julitte^ 

(1)  jR^mparte  et  MonumenU  de  Vattcien  Neven, 


—  79-- 

cette  excroissance,  s'il  est  p^mis  d'employer  cette 
expression,  diminue  au  moyen  de  deux  galeries  qui 
s'allongent  de  chaque  côté  parallèlement  au  transept 
et  dans  toute  la  longueur  des  croisillons. 

»  Si  de  la  partie  occidentale  nous  passons  à  la  partie 
orientale,  nous  trouvons  une  absidiole  destinée  aujour*^ 
d'hui  aux  fonds  baptismaux,  qui  devait  avoir  son 
absidiole  correspondante  dans  l'autre  croisillon.  » 

Voilà  le  plan  carré  de  la  cathédrale,  selon 
M»'  Crosnier. 

Examinons'le.  Il  n'est  pas  carré,  mais  il  a  une 
forme  allongée. 

Aussi  le  reconnalt-il.  Les  côtés  n'y  sont  pas  droits  ; 
et  il  oublie  un  point  important  et  certain  c'est 
que  les  galeries,  qui  semblent  faire  oublier  l'excrois- 
sance, ne  datent  que  de  la  fin  du  xu^  siècle. 

n  sent  lui-môme  son  terrain  si  peu  solide,  qu'il 
ajoute  :  . 

«  Après  bien  des  observations,  nous  avons  reconnu 
qu'il  devait  se  trouver  de  chaque  côté  une  autre  absi- 
diole, entre  celle  dont  nous  venons  de  parler  et  l'abside 
principale;  ces  deux  nouvelles  absidioles  étaient 
précédées  d'une  travée  centrale  qui  précédait  le  rond- 
point  orientai,,  enfin  ce  rond-point  se  développait  en 
conservant  les  mômes  dimensions  que  présente  la 
chapelle  de  Sainte-Julitte.  » 

M9'  Crosnier  vient  ici  de  donner  le  principe  des 
absides  opposées. 

Mais  aussitôt  il  abandonne  cette  idée  et  combat  le 
principe  en  décrivant  un  plan  n'ayant  plus  rien  de 
commun  avec  celui-ci. 

Il  me  parait  inutile  de  continuer  à  mettre  en  évi- 
dence le  plan  carré  de  Mv'  Crosnier,  car  il  est  bien 


—  80.^ 

compromis.  Les  ondulations  de  Test  par  les  trois 
absides  me  dispensent  d^aller  plus  loin.  C'est  de  ce  plan 
carré  qu'on  pourrait  dire  bossu  par  derrière,  bossu  par 
devant,  tortillé  par  côté. 

La  chaleur  qu'il  met  dans  sa  démonstration  prouve 
suffisamment  l'intérêt  qu'il  attache  aux  mots  :  Struc- 
tura quadrataq. 

Pouvait-on  lui  donner  une  meilleure  solution? 

Essayons. 

I 

Les  deux  colonnes  monocylindriques  sont-elles 
modernes  ou  anciennes  ? 

Le  doute  n'est  pas  permis  ;  les  tailles,  les  joints,  les 
mortiers,  la  pose  sont  romans. 

Les  deux  colonnes  sont  donc  anciennes. 

Dans  quel  but  ont-elles  été  faites  ? 

J'ai  démontré  (1)  que  dans  l'église  de  795  les  nefs 
sont  de  largeurs  égales  et  que  leur  rencontre  forme 
un  carré  parfait  ;  que  jadis  les  quatre  piliers  de  ren- 
contre étaient  reliés  par  un  seul  arc,  au  lieu  des  deux, 
comme  nous  les  avons,  prolongeant  la  nef  au  travers 
du  transept. 

Mais  si  la  poussée  de  ces  arcs  primitifs  avait  la 
résistance  voulue  dans  la  nef  de  l'est,  dans  les  deux 
tours,  à  l'ouest,  il  n'en  était  pas  de  même.  De  ce  côté, 
l'abside  était  trop  basse  et  ne  pouvait  retenir  utilement 
cette  poussée  dans  ses  massifs. 

De  ce  vice  de  construction  résultera  l'écroulement 
de  la  tour  centrale  de  l'église  carlovingienne.  C'est 
pourquoi,  en  908,  on  reconstruisit  ce  qui  venait  de 
s'écrouler,  à  la  même  place.  Au  lieu  d'un  seul  arc  en 
prolongement  de  la  nef,  on  plaça  dans  le  milieu  du 

(1)  Remparts  et  Monuments  de  l'ancien  Nevers. 


-81  - 

transept  une  colonne  de  chaque  côté  ;  ce  sont  celles 
que  nous  voyons  encore- 
Par    cela,  la  charge  fut  diminuée  de  moitié  aux 
piliers  extrême,  et  sa  poussée  diminuée  d'un  tiers. 

Que  Ton  compare  maintenant  le  travail  des  maçon- 
neries et  des  pierres  existant  encore,  ainsi  que  je  l'ai 
fait(l)  et  l'on  trouvera  que  les  plus  frustres,  c'est-à- 
dire  les  plus  anciennes  sont  bien  dans  l'ordre  établi. 

Je  ne  pense  donc  pas  être  dans  l'erreur  en  donnant 
les  colonnes  comme  une  consolidation  faite  en  908, 
et  je  garde  intact  le  plan  de  la  cathédrale  de  Charle- 
magne. 

II 

Structura  quadrataq.  —  Voici  bien,  semble-t-il, 
le  nœud  du  problème  suivant  les  auteurs. 

Si  ce  qu'un  heureux  hasard  m'a  suggéré  concordait 
avec  ces  mots  et  avec  ce  que  je  viens  dédire,  nul  doute 
que  nous  soyons  près  de  la  solution. 

Relisant  ces  mots,  j'eus  la  fantaisie  de  tracer  des 
carrés  réguliers  de  quatre  rangées  sur  la  largeur  d'un 
plan  de  la  cathédrale. 

Quel  ne  fut  pas  mon  étonnement  de  trouver  qu'ils 
correspondaient  exactement  à  ce  plan  ;  que  les  ren- 
contres de  la  première  rangée  de  mes  carrés  étaient 
la  place  de  mes  piliers,  déterminant  ainsi  la  largeur 
des  nefs  ? 

Ces  mêmes  carrés  déterminaient  aussi  leurs  longueurs 
Et  je  trouvais  trois  sortes  de  carrés  mais  en  progres- 
sion géométrique  2  fois  2  =  4,  4  fois  4  =  16. 

Ne  peut-on  déjà  supputer  cette  école  de  mathéma- 
tiques de  Bysance  ? 

Mais  je  vois  d'ici  de  fins  sourires  et  cette  réflexion  : 


(1)  Remparts  et  Monunientê  de  Vanden  Neven. 
T.  VIII,  3*  fléne. 


-82- 

((  Que  ne  peut-on  faire  dire  aux  chiffres  !  »  Aussi  je 
laisserai  la  progression  arithmétique  et  l'échelle  de 
rhomme,  cette  dernière  étant  dans  les  dimensions 
des  carrés. 

Restons  en  face  des  trois  carrés  :  petits,  moyens  et 
grands.  Les  petits  déterminent  les  piliers  et  la  largeur 
des  bas-côtés. 

Les  moyens  valent  en  surfaee  quatre  petits  ou  deux 
en  longueur;  ils  déterminent  la  largeur  et  la  lon- 
gueur des  nefs. 

Le  grand  carré  a  la  longueur  de  huit  petits  et  la  sur- 
face de  seize  ;  il  donne  les  trois  nefs  réunies,  abstrac- 
tion faite  des  absides. 

Le  transept  se  trouve  composé  de  trois  carrés 
moyens  placés  à  la  suite,  celui  du  milieu  étant  le  pro- 
longement de  la  nef,  les  absides  laissées  en  dehors. 

Cette  manifestation  du  carré  était  déjà  curieux  dans 
la  conception  du  plan,  mais  elle  m'étonna  davantage, 
lorsque  prenant  le  côté  du  carré  moyen  et  le  mettant 
en  hauteur,  je  trouvai  le  départ  de  la  charpente. 

Deux  fois  cette  hauteur  me  donna  la  charpente  de  la 
tour  carrée. 

Je  ne  voudrais  pas  aller  plus  loin  malgré  mon  désir  ; 
cependant  faut-il  mettre  en  évidence  que  le  transept 
formait  deux  cubes  de  chaque  côté,  et  que  deux  autres 
semblables,  l'un  sur  l'autre,  égalent  la  hauteur  de  la 
tour  centrale  ayant  pour  générateur  le  carré  moyen  ? 

Que  les  tours  d'angle  figurent  des  cubes  ayant  le 
petit  carré  pour  générateur,  ces  cubes  sont  les  uns 
sur  les  autres. 

L'aspect  du  monument  avait  des  formes  carrées,  car 
toutes  ses  lignes  se  coupaient  à  angles  droits. 

Si  le  temple  n'était  pas  sur  xmplan  carré,  ainsi  que 
nous  l'avons  démontré,  il  était,  tout  le  moins,  établi 
sur  la  structure  du  carTé. 


-  83- 

Serait-ce  une  traduction  de  structura  quadrataq. 
Je  laisse  conclure  et  m'arrête  à  temps  sur...  une  pente. 

Car  M.  de  Lasteyrie  ne  veut  voir  dans  ces  deux 
mots  que  appareil  carré ^  petit  appareil.  M.  de  Lastey- 
rie a  peut-être  raison  ! 

Toutefois,  si  je  n'ai  pas  trouvé  une  solution  qui 
satisfasse  tout  le  monde,  je  crois  avoir  trouvé  ime 
relation  constante  du  carré  avec  une  construction 
carlovingienne,  dont  je  n'ai  pas  encore  vu  l'application, 
et  à  ce  titre  je  me  félicite  encore  d'avoir  cherché  à 
l'appliquer. 

Un  jour  peut-être,  un  plus  heureux  que  moi,  pourra 
trouver  cette  théorie  dont  je  n'ai  pas  en  main  tous 
les  éléments  d'application.  Aussi  vous  devinez  bien, 
messieurs,  si  mes  vœux  seraient  sincères  pour  l'heureux 
confrère. 

Massillon  Rouvet  , 

A  rchitecte, 
Membre  non  résidant  du  Comité  des  Beaux-Arts 
des  Sociétés  des  départements. 


-84- 


QUESTION  DE  DROIT  FÉODAL 


ent:îe 


LE  ROI  ET  CHAMPION  DE  CICÉ,  ÉVÊQUE  D'AUXERRE 

A  PROPOS  DE  LA  VENTE  DES  FORGES 

DE  M.  DE  LA  CHAUSSADE ,  A  COSNE  ET  A  GUÉRÏGNY 

Par    RENK     DE     LESPI  NASSE 


M.  de  La  Chaussade,  contraint  de  vendre  ses 
établissements  métallurgiques  du  Nivernais,  s'était 
adressé  à  divers  particuliers  (1). 

Ses  usines  travaillaient  en  grande  partie  pour  le 
compte  de  TEtat,  sous  la  responsabilité  d'une  admi- 
nistration commerciale  indépendante  ;  c'est  pourquoi 
divers  hauts  personnages,  en  raison  des  grands 
intérêts  du  Gouvernement,  le  comte  de  Maurepas, 
M.  de  Sartine,  M.  Chardon,  maître  des  requêtes, 
commissaire  du  roi  pour  la  marine,  assistaient  aux 
entrevues  avec  les  gens  d  affaires. 

Une  dernière  proposition  ferme  au  nom  d'une  com- 
pagnie fut  faite  par  MM.  Sabatier  et  Desprez.  Ils  visi- 
tèrent les  forges  et,  s'étant  définitivement  entendus 


(1)  M.  Corbier  {Bulletin,  t.  VI,  p.  350  à  460),  a  publié,  en  1869,  une  notice 
historique  sur  les  forges  de  La  Chaussade,  à  Guérigny,  avec  plusieurs 
documents  et  nombreux  détails  sur  cette  exploitation.  J'ai  aussi  donné 
quelques  pièces  sur  Guérigny  dans  les  Forges  et  charbons  du  Nivernais, 
IBulletin,  t.  XVI,  p.  275.; 


—  85- 

avec  M.  de  La  Chaussade,  ils  déposèrent  le  12  sep- 
tembre 1780  la  somme  de  quinze  cent  mille  livres,  qui 
fut  de  suite  déléguée  à  ses  créanciers. 

Sur  ces  entrefaites,  en  décembre  1780,  le  marquis  de 
Castries,  ministre  de  la  Marine,  jugeant  qu'il  était  de 
rintérôt  du  roi  que  toutes  les  terres  et  établissements 
de  La  Chaussade  fussent  en  ses  mains,  écrivit  à 
M.  Chardon  pour  le  prévenir  que  le  roi  avait  prononcé 
la  résiliation,  en  sa  faveur,  de  la  soumission  des  sieurs 
Sabatier  et  Desprez . 

Necker  écrit  à  M.  Chardon  le  26  décembre  1780 
que  le  roi  achète  et  fait  régir  en  son  nom  les  forges  de 
M.  de  La  Chaussade  ;  un  arrêt  du  conseil  ordonne 
l'effet  rétroactif  de  la  vente  au  1®'  octobre  1780,  et  le 
8  mars  1781,  le  contrat  définitif  étant  passé  pardevant 
M®  Doileau.  notaire  à  Paris  (1),  les  sieurs  Sabatier 
et  Desprez  furent  remboursés  de  quinze  cent  mille 
livres  qu'ils  avaient  déposées  à  l'actif  de  M.  de  La 
Chaussade. 

La  correspondance  et  les  papiers  de  Tévôque 
d'Auxerre,  seigneur  temporel  de  Cosne,  témoignent 
des  difficultés  qui  surgirent  à  l'occasion  de  cette  vente. 
Une  partie  des  forges,  la  fabrique  d'ancres,  était  ins- 
tallée dans  cette  ville.  M.  de  La  Chaussade  avait  pris 
ses  précautions  vis-à-vis  de  son  seigneur  pour  obtenir 
son  assentiment,  et  lui  avait  fait  signer,  le  4  juin  1780, 
c'est-à-dire  avant  toute  proposition  ferme,  le  «  Déprix  » 
suivant  : 

«  Je,  soussigné,  évoque  d' Auxerre,  seigneur  de  la  ville 
de  Cosne-sur-Loire,  promets  et  m'engage  envers 
M.  Babaud  de  La  Chaussade,  propriétaire  des  forges 


(1)  Le  texte  in  extenso  de  ce  contrat  est  imprimé  d'après  les  archives  de 
la  direction  des  forges  de  Guérigny.  {Bulletiny  t.  VI,  p.  427.) 


-86- 

royales  de  ladite  ville,  fonderies,  clouteries,  taillan- 
deries, magasins,  halles,  cours,  enclos,  maisons  et 
jardins  en  dépendant  à  lui  appartenans,  situés  en 
ladite  seigneurie,  d'ensaisiner  le  contrat  de  vente  ou 
transmission  de  propriété  qu'il  a  pu  taire  ou  fera  des 
susdites  possessions  et  dépendances,  en  tout  ce  qui 
peut  relever  de  la  censive  de  ladite  seigneurie  moïen- 
nant  la  somme  de  douze  mille  livres,  à  laquelle  en  cas 
de  vente  ou  transmission  de  propriété  ayant  lieu, 
je  me  restrains  pour  cette  fois  à  forfait,  pour  tous  les 
profits  de  lods  et  ventes,  qui  pourroient  me  revenir 
en  madite  qualité  de  seigneur  de  la  ville  de  Cosne  et 
dépendances,  à  quelque  somme  que  puisse  par  stipu- 
lation monter  icelle  vente  (1)...  » 

La  Chaussade  signa  à  Tévêque  d'Auxerre  trois 
billets  de  4,000  livres  à  échéance  des  30  décembre 
1780,  30  janvier  et  28  février  suivants,  lequel  donna 
à  son  tour  quittance  définitive  de  la  susdite  somme  de 
douze  mille  livres  pour  lensaisinement  du  contrat,  le 
23  septembre  1780. 

Les  billets  signés  par  La  Chaussade  sont  écrits 
sur  simple  feuille  de  papier  libre,  sans  timbre  ni 
aucune  formule.  Ils  sont  insérés  tous  les  trois  à  la 
suite  de  l'acte  de  déprix  et  confondus  dans  la  masse 
des  autres  papiers. 

A  ce  moment  interviennent  les  discussions  adminis- 
tratives sur  l'acquisition  directe  des  forges  pour  le  roi. 
Elles  sont  contenues  dans  une  note  reproduite  quatre 
fois  dans  les  papiers  de  l'évoque  d'Auxerre.  Plusieurs 
considérations  semblent  être  exposées  de  nos  jours  et 


(1)  Correspondance  de  Champion  de  Cicé,  évêque  d'Auxerre.  Bibl.  nat. 
m8.fr. 20700.  Cette  collection  de  papiers  manuscrits  comprend  cinq  volumes 
dont  deux  seulement,  20700  et  20705,  contiennent  des  pièces  relatives  au 
département  de  la  Nièvre  faisant  partie  de  Tévêché  d'Auxerre. 


-87  — 

reviennent  fréquemment  dans  nos  Chambres,  à  l'oc- 
casion des  votes  du  budget. 

Necker  voulait  faire  cette  acquisition  pour  le  compte 
du  roi,  y  est-il  dit  ;  il  fut  combattu  dans  ce  projet  par 
M.  de  Maurepas  qui  ne  croyait  pas  qu'il  fût  d'une 
bonne  économie,  ni  convenable  aux  intérêts  du  roi  de 
former  pour  son  compte  des  entreprises  qu'il  fallait 
laisser  aux  fournisseurs  de  la  Marine.  Necker  persista 
et  l'affaire  fut  conclue.  L'entreprise  faite  d'ailleurs 
sous  forme  d'essai,  il  fut  stipulé  que  si  le  roi  y  renon- 
çait en  revendant,  les  rentes  constituées  à  ce  sujet  au 
profit  des  seigneurs  particuliers  seraient  éteintes. 

L'événement  donna  raison  à  M.  de  Maurepas.  Les 
forges  et  terres  qui  rapportaient  beaucoup  à  M.  de  La 
Chaussade  n'ont  été  qu  une  charge  pour  le  Trésor.  On 
porte  aux  dépenses  ordinaires  et  annuelles,  les  forges 
de  La  Chaussade  pour  un  million  de  livres,  soit 
900,000  livres  pour  frais  d'exploitation  et  €ent  mille 
livres  acompte  du  payement  de  l'acquisition. 

Il  y  a  des  confusions  d'articles  dans  cette  comptabi- 
lité des  intérêts,  gages,  taxations,  frais  de  régie,  etc., 
puis  à  la  recette,  on  porte  cette  même  somme  de 
900,000  livres,  précisément  égale  aux  seuls  frais 
d'exploitation,  fonds  à  recevoir  de  la  Marine  pour  la 
fourniture  des  forges  de  La  Chaussade. 

La  note  revient  encore  sur  les  mêmes  arguments 
contre  ce  système  et  conclut  à  la  revente  des  forges,  en 
ajoutant  ces  motifs  dont  une  partie  est  encore  vraie 
aujourd'hui  :  1**  elles  mettent  hors  du  commerce  des 
fonds  et  des  objets  d'industrie  ;  2^  ces  immeubles 
étant  dispensés  d'impositions,  elles  grèvent  d'autant 
les  possessions  des  voisins  qui  sont  tenus  de  fournir 
et  parfaire  la  même  masse  d'impositions  ;  3«  ces  acqui- 
sitions exigent  un  grand  nombre  de  préposés  et  de 
commis    jouissant    d'exemptions    et    privilèges    qui 


-  88- 

tournentà  la  charge  des  contribuables.  Il  y  a,  ainsi, 
dans  les  papiers  de  l'évêque  d'Aùxerre,  quantité  de 
mémoires,  comptes,  états  de  dépenses  et  frais  nou- 
veaux, presque  tous  en  plusieurs  exemplaires,  tendant 
à  prouver  que  Tachât  par  le  roi  des  forges  de  La 
Chaussade  était  une  mauvaise  opération  pour  le 
Trésor,  très  coûteuse  par  son  administration  compli- 
quée, sans  économie  d'aucune  sorte  et  présentant 
Tinconvénient  de  nuire  au  travail  du  commerce 
national. 

Les  lettres  patentes  sanctionnant  Tachât  devaient 
être  infirmées  par  arrêt  du  Conseil  et  la  vente  avoir 
lieu  au  grand  bénéfice  du  Trésor. 

Dans  une  opposition  si  tenace  et  faite  d'avance,  il  y 
avait  évidemment  un  courant  intéressé  qui,  sans  être 
avoué,  se  manifeste  à  chaque  instant  et  sous  toutes  les 
formes. 

Malgré  ces  objections  les  forges  au  compte  de 
TEtat  ont  toujours  eu  gain  de  cause,  puisqu'elles  ont 
résisté  aux  bouleversements  fréquents  de  la  politique, 
et  après  un  siècle  d'existence  elles  semblent  plus  assu- 
rées que  jamais. 

Quelques  conséquences  de  cette  acquisition  royale, 
énoncées  dans  les  papiers,  méritent  d'être  ajoutées  à 
Thistoire  locale. 

Voici  d'abord  un  mémoire  sur  les  droits  à  payer  au 
suzerain  le  duc  de  Nivernois. 

Les  profits  de  fief  ont  été  réglés  à  la  somme  de  cent 
cinquante  mille  livres,  dont  il  a  été  constitué  rente 
viagère  à  M.  le  duc.  C'est  probablement  la  seule 
épave  de  la  dépossession  complète  des  apanages  du 
seigneur  libéral,  mort  si  misérablement  pendant  la 
Révolution  (1). 

(I)  A  Paris  le  25  février  1796. 


—  89  — 

Il  s'agissait  encore  de  fixer  Tindemnité  due  à  l'occa- 
sion de  l'extinction  de  la  mouvance  féodale. 

En  principe,  le  roi  n'acquérait  des  biens  dans  la 
mouvance  des  seigneurs  que  depuis  l'ordonnance  de 
Philippe-le-Bel,  en  1302,  renouvelée  pour  le  Nivernois, 
en  1316,  par  Louis-le-Hutin. 

L'édit  d'avril  1667,  confirmé  le  22  septembre  1722, 
donnait  ensuite  au  roi  la  possibilité  d'acquérir  dans 
toutes  les  mouvances,  à  la  seule  condition  d'indem- 
niser les  seigneurs  Le  duc  ne  faisait  aucune  objection 
et  se  bornait  à  demander,  d'après  rarticle21  chapitre  4 
de  la  Coutume  de  Nivernois  le  quart  du  prix  principal 
de  l'acquisition,  comme  droit  de  mutation,  soit  pour 
un  million  délivres,  valeurà  laquelle  on  peut  estimer 
les  biens  de  M.  de  La  Chaussade  dans  la  mouvance 
du  duc,  et,  en  déduisant  les  alleux  et  les  rotures, 
800,000  livres,  dont  le  quart,  deux  cent  mille  livres, 
constituerait  une  rente  annuelle  de  dix  mille  livres. 

Quant  aux  biens  de  roture  et  aux  droits  de  haute 
justice,  ils  sont  une  véritable  perte  pour  le  bailliage  du 
duc  et  devraient  également  entrer  en  considération 
pour  fixer  la  rente.  Il  n'y  a  pas  d'autres  pièces  permet- 
tant de  suivre  l'affaire  et  de  savoir  comment  elle  fut 
terminée  ;  au  milieu  des  gaspillages  du  gouvernement 
révolutionnaire,  une  question  déjà  surannée  et  qui  susci- 
tait à  l'origine  d'aussi  grandes  incertitudes  tomba  sans 
doute  comme  tant  d'autres  dans  le  néant. 

La  suite  des  papiers  concerne  la  seigneurie  de 
Cosne  ;  nous  y  trouvons  des  enquêtes,  des  pétitions, 
des  correspondances,  comptes,  nominations  et  autres 
actes  curieux  pour  l'étude  de  cette  époque  si  troublée, 
où  les  aspirations  modernes  sont  mêlées  aux  vestiges 
de  l'ancien  droit  féodal. 

Le  catalogue  des  divers  actes  motivés  par  l'acqui- 
sition des  forges  signale  le  nouveau  personnel  d'offi- 


-  90- 

ciers  créé  à  cette  occasion  (1).  Ce  sont  pour  la  plupart 
des  noms  connus  dans  la  région  : 

10  juillet  1782.  Commission  donnée  à  M.  Jean-Fran- 
çois Rameau  de  Montbenoist,  avocat  en  parlement  à 
Cosne,  pour  faire  fonctions  de  juge  pendant  neuf  années 
à  la  justice  des  lieux  des  forges,  fonderies  et  dépen- 
dances établies  à  Cosne,  par  M.  de  LaChaussade, 
achetées  par  le  roi,  le  2  mars  1781,  érigées  en  fiefs  par 
lettres-patentes  d'août  1781.  Cette  commission  est 
enregistrée  au  baillage  royal  d'Auxerre  le  24  juillet 
1782.  Le  registre  de  bailliage  des  forges  de  Cosne  est 
paraphé  et  commencé  par  ledit  M®  Rameau  le  1®'  août 
qui  suit.  Puis,  dans  une  série  d'actes  notariés  passés 
successivement  de  1785  à  1787  chez  M®  Ruyneaux  des 
Payneaux,  notaire  à  Cosne,  il  prend  la  qualité  de 
juge  de  la  justice  royale,  et  rend  une  sentence  de 
justice  pour  le  même  motif. 

Les  commissions  de  procureur  du  roi  et  de  greffier 
sontdonnées  pourneuf  annéesàM.Maignen  de  Chazelle 
et  Denoire terres.  M.  Maignen,  décédé  deux  ans  après, 
est  remplacé,  le  15  septembre  1784,  par  M.  Jean-Baptiste 
de  Beaubois  des  Grandes-Maisons.  Le  28  décembre 
1786,  M.  Grangier  des  Maliers  prend  devant  notaire  la 
qualité  de  bailli  de  Cosne. 

A  partir  de  ce  moment,  la  justice  passe  tout  entière 
au  roi,  et  par  signification  d'huissier  du  1®'  décembre 
1786  les  officiers  des  forges  sont  qualifiés  officiers  de  la 
justice  royale  de  Cosne.  Les  autres  notaires  de  Cosne, 
Ferrand  et  Buisson,  contribuent  également  par  des 
actes  à  régulariser  les  nouvelles  qualités.  On  trouve 
à  la  suite  de  ces  notes  l'original  (folio  40)  de  la  com- 
mission de  M.  Maignen  de  Chazelle,  par  Alexandre 
Davigneau,  lieutenant-général  au  bailliage  d'Auxerre, 

(i)  Il  y  en  a  trois  copies,  ms.  fr.,  20700,  fol.  19, 31  et  120. 


-  91  — 

où  Ton  porte  les  pièces  exigées  :  acte  de  baptême  dans 
Téglise  Saint-Jacques  de  Cosne  du  27  décembre  1719 
(M .  Maignen  avait  été  nommé  dans  ses  fonctions  de 
juge  royal  à  l'âge  de  quatre-vingt-trois  ans  (1719-1782); 
certificat  de  vie,  mœurs  et  religion  catholique  ;  serment 
de  rester  fidèle  à  la  religion  et  au  roi,  enfin  teneur  de 
la  commission  délivrée  par  lettres-patentes. 

La  situation  des  biens  acquis  par  le  roi  est  fixée  par 
lettres-patentes  d'août  1781  et  28  juin  1782(1).  Ils  se 
composent  des  fiefs  de  Guérigny,  Villemenant, 
Ladouée,  Marcy,  Demeurs,  Frasnay-les-Chanoines, 
Richerand,  Ouvrault,  Narcy,  rue  des  Fourneaux, 
Médine,  forges  royales  de  Cosne,  domaines  de  la 
Vache,  du  Pavillon,  de  la  Bletterie  ;  louageries  de 
rOiseau  et  de  la  Closerie,  à  Garchizy  (2),  appartenant 
à  Babaud  de  La  Chaussade.  Toutes  ces  terres  seront 
dorénavant  de  nature  féodale  et  relèveront  de  la  tour 
carrée  de  Saint-Pierre-le-Moûtier  ;  les  eaux  et  forêts 
ressortiront  en  la  Table  de  marbre  du  Palais  à  Paris 
le  duc  de  Nivernois,  les  évéques  d'Auxerre  et  de 
Nevers  seront  indemnisés.  Si  le  roi  cessait  d'en  être 
propriétaire,  les  justices  et  mouvances  revenaient 
comme  auparavant  et  les  rentes  d'indemnité  constituées 
au  profit  des  seigneurs  particuliers  étaient  éteintes. 

Les  détails  sur  l'administration  des  forges  figurent 
dans  une  note  qui  présente  tous  les  caractères  de  véra- 
cité. 

A  Cosne,  sous  M.  de  La  Chaussade,  il  y  avait  un 
directeur,  3,000  livres  ;  deux  commis,  3,000  livres  ;  un 
troisième  commis  non  payé,    tous  logés,  chauffés  et 


(1)  Trois  copies,  fol.  28,  32  et 37. 

(2)  I^  Dou(^e,  commune  de  Saint- Aubin-les-Forges,  —  Marcy,  —  Poi- 
seax,  —  nicherai),  commune  de  Chaulgncs^  —  OuvrauU,  commune  de 
(  hampvoux.  Ces  terres  sont  toutes  énoncées  dans  racte  de  vente  cité  ci- 
dessus. 


éclairés .  On  vendait  au  public ,  on  tirait  parti  de  la 
ferraille  et  de  toutes  autres  ressources. 

Depuis  l'acquisition  royale,  il  y  avait  un  direc- 
teur, 5,000  livres  ;  quatre  commis,  l'un  dans  l'autre 
5,000  livres,  plus  d'autres  employés  subalternes,  d'où 
augmentation  sensible  de  dépense.  On  vend  au  public 
des  objets  d'usage  et  d'agriculture,  on  estime  ces 
ventes  par  aperçu  à  5,000  livres. 

On  vend  du  charbon  de  bois,  du  charbon  de  terre, 
des  cendres  ;  ces  marchandises  sont  souvent  cédées 
par  échange,  sans  estimation.  Des  forgerons  reçoivent 
divers  objets  :  chenets,  pelles,  pincettes,  en  paiement 
de  salaires. 

Une  comptabilité  aussi  irrégulière  ne  pouvait  donner 
aucun  résultat  précis.  MM.  Chardon  et  de  Sionville  (1) 
inspectant  au  nom  du  roi  les  établissements  de  M.  de 
La  Chaussade,  en  Nivernais,  paraissent  s'être  bien 
plus  occupés  d'administration  que  de  comptabilité 
proprement  dite. 

Peu  de  temps  après  l'acte  d'acquisition  du  roi,  le 
21  avril  1781,  M.  le  commissaire  royal  Chardon,  ins- 
tallé à  Guérigny^  informait  officiellement  l'évoque 
d'Auxerre(2).  «  Comme  M.  de  La  Chaussade  a  traité 
avec  vous  pour  les  droits  seigneuriaux  relatifs  à  Cosne 
et  que  vous  vous  êtes  engagé  par  votre  quittance  du 
23  septembre,  d'ensaisiner  le  contrat,  je  vous  prie  de 
me  marquer  à  qui  vous  voulez  que  je  remette  la  grosse 
de  ce  contrat  en  forme  exécutoire.  » 

Cette  épître,  d'une  allure  assez 'hautaine,  s'adres- 
sant  à  un  évêque,  soulevait  la  grosse  question  du  prix 
des  lods  et  ventes  qui  avait  été  réglée  par  surprise, 
entre  l'évêque  et  M.  de  La  Chaussade,  à  la  somme  de 


(1)  M.  de  Sionville  fut  le  premier  directeur  des  forges,  de  1781  à  17d3. 

(2)  Ms.  fr.  20700,  fol.  27. 


-  93- 

douze  mille  livres.  L'évoque  prétendait  qu'il  s'était 
réduit  à  cette  somme  en  considération  de  M.  de  La 
Chaussade,  mais  qu'il  n'en  était  plus  de  môme  en 
présence  du  Trésor  royal.  Les  écrits  ne  mentionnaient 
pas  ce  fait,  l'évoque  revenait  sur  sa  parole  et  refusait 
d'en^aisiner. 

M.  Chardon  expose  ces  difficultés  et  signifie  à 
M.  de  La  Chaussade  d'en  sortir  au  plus  vite,  parce 
que  le  roi  ne  peut  entrer  dans  cette  discussion  (1). 

La  correspondance  qui  suit  reproduit  les  plaintes 
et  froissements  résultant  de  cette  situation  fausse, 
l'évêque  reprochant  à  M.  de  La  Chaussade  d'avoir 
traité  avec  le  roi  sans  le  prévenir,  l'exposant  à  se  faire 
accuser  d'avoir  sacrifié  une  importante  portion  d'un 
des  principaux  fiefs  de  son  évêché  pour  faire  un 
cadeau  au  Trésor.  M.  de  La  Chaussade  s'excuse, 
ignorant,  dit-il,  que  le  roi  prendrait  ses  établisse- 
ments en  prononçant  la  résiliation  de  la  vente  Saba- 
tier-Desprez.  Il  s'est  incliné  devant  la  volonté  du 
souverain  et  désire  que  ses  procédés  envers  Monsei- 
gneur restent  toujours  empreints  de  la  plus  scrupu- 
leuse délicatesse. 

Cette  affaire  d'intérêt  sensiblement  délicate  mena- 
çait d'empirer  terriblement  en  raison  de  l'importance 
des  personnalités  engagées.  Le  ministre,  M.  de 
Fleury,  se  décide  à  intervenir  directement. 

a  J  ai  peine  à  me  déterminer,  écrit-il  à  l'évoque 
d'Auxerre  (1),  à  mettre  sous  les  yeux  du  roy  votre 
réclamation  sur  la  fixation  des  lods  et  ventes  qui  sont 
dus  à  votre  siège  pour  l'acquisition  des  forges  de 
M.  de  La  Chaussade. 


(1)  Ma.,  fr.  20700,  fol.  45. 

(2)  Ibid.,  fol.  52. 


-  94  - 

»  Je  crains  que  le  roy  ne  soit  surpris  de  ce  qu'après 
avoir  traitté  à  douze  mille  livres  et  après  avoir  per- 
sisté lorsque  vous  avez  eu  connoissance  que  la  vente 
étoit  faitte  à  Sa  Majesté,  vous  demandiez  maintenant 
une  plus  forte  composition.  Je  sais  que  depuis  cette 
convention,  le  parlement  a  mis  à  son  enregistrement 
une  modification  qui  enlève  pour  toujours  la  mou- 
vance à  votre  siège ,  mais  permettez-moi  de  vous 
observer  que  cette  modification  étoit  de  droit,  que 
la  distraction  de  mouvance  a  été  opérée  par  le  seul 
fait  de  l'acquisition  pour  le  compte  du  roy  ,  parce 
qu'il  est  de  principe  que  tout  ce  qui  entre  dans  la 
main  du  roy  ne  peut  plus  rentrer  sous  la  mouvance 
d'aucun  seigneur.  Je  crois  pouvoir  vous  ajoutter  que 
cette  modification  doit  d'autant  moins  changer  la 
quotité  de  lods  et  ventes,  que  c'est  à  votre  siège  que 
cette  distraction  peut  faire  quelque  préjudice  et  que 
votre  siège  en  sera  dédommagé  par  l'indemnité  qui  lui 
sera  payée  à  perpétuité. 

»  Je  vous  prie,  mon  cher  seigneur,  de  me  dispenser 
d'entretenir  le  roy  de  cette  affaire  et  de  vouloir  bien 
ensaisiner  le  contrat  au  prix  convenu  entre  vous, 
M.  de  La  Chaussade  et  M.  Chardon.  Je  suis  très 
fâché  de  ne  pouvoir  vous  donner  en  cette  occasion  des 
preuves  de  mon  zèle  et  de  mon  fidèle  attachement, 
mais  je  suis  obligé  de  deffendre  le  Trésor  royal,  et 
je  crois  que  vous  me  saurez  gré  de  vous  offrir  l'occa- 
sion de  faire  hommage  à  Sa  Majesté  d'un  aussi  léger 
sacrifice.  J'ai  l'honneur  d'être,  avec  un  sincère  et  res- 
pectueux attachement,  mon  cher  seigneur,  votre  très 
humble  et  très  obéissant  serviteur,  Joly  de  Fleury.  » 

Cette  lettre,  sur  un  sujet  aussi  délicat ,  témoigne 
d'égards  réciproques  qui  régnaient  toujours  entre 
hauts  personnages,  même  au  sein  de  discussions  péni* 


—  95  — 

blés  comme  celle-ci.  L'évéque  ne  céda  pas  et  persista 
dans  sa  volonté  de  réclamer  une  somme  supérieure  ; 
il  adresse  à  M.  Chardon  un  rapport  à  transmettre  à 
M.  de  Fleury  età  Sa  Majesté  où  il  insinue  que  l'annu- 
lation du  premier  marché  l'autorisait  à  rentrer  dans 
ses  droits,  et  qu'il  exigeait  de  ce  fait  une  augmenta- 
tion de  six  mille  livres  pour  les  lods  et  ventes,  sans 
préjudice  de  l'indemnité  pour  distraction  de  la  mou- 
vance et  d'exercice  de  la  justice  (1). 

Enfin,  ce  différend  qui  n'avait  que  trop  duré  est 
tranché  par  une  lettre  de  M.  de  Galonné  (2),  contrô- 
leur général  des  finances,  datée  du  31  janvier  1784  : 

«  J'ai  examiné,  monsieur,  avec  la  plus  grande  atten- 
tion les  différends  mémoires  que  vous  avez  présentés  à 
l'effet  d'obtenir  un  supplément  de  six  mille  livres  ou 
environ  en  sus  des  douze  mille  qui  vous  ont  été 
payées...  Sa  Majesté  sur  le  compte  que  je  lui  ai 
rendu. . .  a  bien  voulu  vous  accorder  un  supplément  de 
quatre  mil  livres.  Cette  somme  vous  sera  payée  à 
Paris,  des  fonds  de  la  caisse  des  forges  royales,  sur 
une  ordonnance  de  M.  Chardon  à  qui  j'adresse  des 
ordres  à  cet  effet,  et  en  mettant  votre  ensaisinement 
sur  le  contrat  d'acquisition  de  Sa  Majesté  dans  la 
forme  ordinaire.  Je  suis  flatté,  monsieur,  que  mon 
prédécesseur  m'ait  laissé  la  satisfaction  de  faire,  dans 
cette  occasion,  une  chose  qui  vous  étoit  agréable  (3).  » 

L'évéque  est  enfin  satisfait  et  se  résigne  à  accepter, 
comme  il  le  dit  dans  sa  lettre  du  21  février   sui- 
vant à  M.  de  Calonne:  «...  Quoique  vous  ne  m'an- 


(1)  Ms.  fr.  20700,  fol.  87. 

(2)  Le  ministère  des   finances  avait    été  occupé   successivement  par 
Turgot,  Necker,  Fleury,  d'Ormesson  et  de  Calonne,  le  3  novembre  1783. 

(3)  Ibid,,  p.  91. 


—  96  — 

nonciez  pas,  monsieur ,  tout  le  supplément  auquel 
j'avois  borné  ma  réclamation  sur  l'objet  de  ces  lods  et 
ventes,  je  suis  toujours  infiniment  reconnaissant  de  la 
promptitude  avec  laquelle  vous  avez  bien  voulu  ter- 
miner cette  discussion  qui  traînoit  depuis  longtemps 
et  de  toute  la  grâce  avec  laquelle  vous  avez  eu  la 
bonté  de  me  faire  part  de  la  décision...  je  me  suis 
présenté  plusieurs  fois  pour  avoir  Thonneur  de  vous 
voir.  Faites-moi  la  grâce  de  m'indiquer  le  moment  où 
je  pourrai  moi-môme  vous  offrir  mes  hommages.  » 

Le  même  jour  Tévêque  signait  une  quittance  de  seize 
mille  livres  et  accordait  par  écrit  Tensaisinement 
de  l'achat  des  forges  de  La  Chaussade  par  Sa 
Majesté  (1). 

L'acquisition  royale,  en  opérant  le  changement  de 
seigneurie,  n'eut  pas  lieu  sans  amener  pour  les  loca- 
lités une  situation  nouvelle  et  des  modifications  impor- 
tantes; ce  seront  autant  de  traits  qui  peindront  l'esprit 
de  l'époque. 

Les  habitants  de  Cosne  s'inquiètent  de  l'activité 
des  agents  royaux;  ils  s'aperçoivent  qu'on  va  leur 
enlever  le  port  de  la  Madeleine  sur  le  bord  de  la 
Loire,  très  central  pour  la  paroisse  Saint- Agnan,  où 
arrivent  facilement  tous  les  bateaux  d'approvisionne- 
ment apportant  les  grains  du  Berry,  les  bois  ,  les 
pierres  des  carrières,  les  vins  et  vendanges  de  Tracy, 
les  épiceries  et  autres  denrées  éloignées.  Les  droits 
régaliens  sur  la  rivière  de  Loire,  la  pêche,  le  bac,  le 
pontonnage  appartiennent  au  seigneur  de  Cosne,  ainsi 
que  la  justice  sur  l'étendue  de  la  rivière  et  sur  ses 
deux  bords.  Le  terrain  des  forges  doit  rester  tout  à 
fait  indépendant.  Les  officiers  de  police  constatent 
des  anticipations  et  on  n'en  tient  aucun  compte  ;  au 

(1)  Ms.  fr.  20700,  fol.  108,  113  et  114. 


-  97- 

lieu  de  procéder  aux  bornages  on  construit  des  murs 
et  des  clôtures  en  place  neuve. 

M.  Tassin,  commissaire  de  la  Marine,  vers  1750, 
avait  fait  planter  des  tilleuls  le  long  du  quai,  mais  il 
se  servait  de  l'endroit  comme  d'un  port  public  (1). 
M.  Baudry,  directeur  des  forges,  anticipa  le  premier 
sur  le  quai  de  la  Madeleine  et  à  l'embouchure  du 
Nohain.  Ces  faits  encore  récents  sont  connus  de  tous. 
Si  l'on  supprime  le  port  de  la  Madeleine,  le  com- 
merce des  bateaux,  dits  frimilliers,  si  important  pour 
l'alimentation  de  la  ville,  serait  contraint  de  se  trans- 
porter fort  loin  au  port  de  la  Pêcherie,  Les  foires  qu'on 
veut  demander  y  perdraient  beaucoup.  M.  de  La 
Chaussade  a  pu  faire  en  toute  liberté  des  glacis, 
même  disposer  une  grue  pour  faciliter  le  chargement 
de  ses  ancres,  cela  ne  constitue  pas  un  droit  de  pro- 
priété. 

Ces  raisons  sont  longuement  exposées  dans  plu- 
sieurs mémoires  et  requêtes  adressés  à  leur  seigneur 
par  les  habitants  de  la  paroisse  Saint-Aignan. 

((  Les  supplians,  Monseigneur,  disent-ils  en  terminant, 
sont  dans  la  plus  ferme  confiance  et  osent  espérer  que 
vous  ne  dédaignerez  pas  de  leur  faire  éprouver  les  effets 
de  votre  protection,  comme  étant  vos  justiciables  et 
vos  censitaires,  pour  les  préserver  de  ce  qu'ils  ont  à 
craindre  des  projets  annoncés.  L'intérêt  de  Votre 
Grandeur  y  concourt ,  mais  ils  sont  persuadés  que 
l'amour  du  bien  public  sera  pour  vous.  Monseigneur, 
un  motif  encore  plus  déterminant  et  ils  formeront  des 
vœux  pour  la  précieuse  conservation  de  Votre  Gran- 


it) Le  ministère  de  la  marine  possède  des  mémoires  de  M.  Tassin  sur 
les  ancres  fabriquées  à  Cosne  en  17^.  Voy.  Bulletinf  Forges  et  char* 
bons,  t.  XVl,  p.  352. 

T.  VIII,  3»  série.  7 


«  98  - 

deur.  Cosne,  26  mars  1783,  Hygnard,  curé  ;  Cachet, 
vicaire,  et  quarante-cinq  signatures  (1).  » 

Une  autre  supplique  des  habitants  signale  de  nom- 
breux empiétements  de  terrain ,  des  constructions  de 
murs  de  clôtures  et  la  suppression  d'une  rue  qui  serait 
prise  sur  la  place  de  TÉglise,  formée  de  l'ancien  cime- 
tière ;  ils  implorent  Tappui  de  leur  seigneur,  en  rap- 
pelant, les  sacrifices  qu'ils  ont  faits  pour  la  suppres- 
sion de  la  mendicité,  la  décoration  de  l'église,  la 
formation  d'un  nouveau  cimetière  éloigné  des  habita- 
tions, les  projets  de  création  de  foires  (2). 

L'affaire  reste  en  suspens  et  les  habitants  la  repren- 
nent par  l'intermédiaire  de  la  fabrique  de  Saint- 
Aignan  à  laquelle  appartenait  le  terrain  du  cimetière 
à  transporter.  Par  délibération  du  10  décembre  1786, 
présidée  par  Antoine  Pyrent.  curé  de  Saint- Jacques, 
enquêteur,  la  fabrique  décide  qu'elle  s'oppose  à  toutes 
innovations  nuisibles  et  aux  changements  projetés  sur 
l'emplacement  du  cimetière  ou  sur  la  rue  du  port, 
et  qu'elle  entend  soutenir  l'état  de  choses  actuel  comme 
préférable  (3). 

M.  Grangier  des  Maliers ,  avocat  en  Parlement, 
bailli  de  Cosne,  soutenait  de  tout  son  pouvoir  la  péti- 
tion des  habitants  de  la  ville  ,  ainsi  que  le  notaire 
M.  Ruyneaux  des  Paynaux.  Ils  envoyaient  plans, 
mémoires,  rapports,  observations ,  mais  toujours  au 
nom  des  habitants,  en  demandant  de  n'être  pas  cités 
personnellement.  Ces  pièces  annexes  de  l'affaire  ne 

(1)  Ms  ,  fr.  20700,  fol  23,  54,  58,  68. 

(2)  Ibid.,  fol.  85.  Dans  un  autre  volume  des  papiers  (n»  20702, 
fol.  51),  il  est  exposé  que  ce  nouveau  cimetière  de  Saint-Aignan,  d'une 
contenance  de  sept  boisselées,  a  été  acheté  par  les  habitants  à  M»«  de  La 
Chasseigne  pour  une  rente  de  26  livres  remboursables  à  250,  et  à  charge 
de  donner  à  M.  de  Pougny,  son  neveu,  l'usage  d*une  des  stalles  du 
chœur  de  Salnt-Aignau,  sa  vie  durant. 

(3)  iWrf.,  fol.  122. 


-  99  — 

disent  pas  si  les  habitants  obtinrent  gain  de  cause  sur 
cette  question  du  cimetière  et  de  la  place  qu'ils  vou- 
laient conserver  ;  elles  démontrent,  toutefois,  Ténergie, 
le  courage,  la  persévérance  et  la  liberté  dont  faisaient 
preuve  les  habitants  en  soutenant  l'intérêt  de  leur 
ville. 

On  a  vu  plus  haut  les  diflBcultés  survenues  au  sujet 
des  règlements  de  l'autorité  féodale  ;  il  y  avait  encore 
l'exercice  de  la  justice  et  le  bornage  des  juridictions 
qui  restaient  à  faire  contradictoirement  entre  les  offi- 
ciers du  roi  et  de  l'évêque. 

La  découverte  du  cadavre  d'un  noyé  dans  la  rivière 
du  Nohain  fut  l'occasion  d'un  conflit.  Les  officiers  de 
justice  seigneuriale  et  le  bailli  dressèrent  procès-ver- 
bal qu'ils  transmirent  aux  officiers  royaux  pour  affirmer 
leur  compétence.  M.  le  commissaire  Chardon  s'adresse 
à  l'évêque  pour  lui  demander  la  nullité  de  ce  procès- 
verbal.  «  Je  suis  persuadé,  dit-il,  que  vous  la  verrez 
avec  votre  justice  ordinaire  et  que  vous  engagerez  vos 
officiers  à  se  désister  d'une  prétention  aussi  mal 
fondée  »,  et  il  demandait  ensuite  qu'on  procédât  au 
bornage  du  ressort  de  la  justice  royale,  comme  on  avait 
fait  à  Nevers  avec  le  duc  de  Nivernois,  afin  d'éviter  à 
l'avenir  les  conflits  (1). 

Les  vieux  privilèges  provinciaux,  les  justices  sei- 
gneuriales résistaient  de  toutes  leurs  forces  à  la  perte 
de  ces  droits  particuliers,  derniers  vestiges  de  l'indé- 
pendance locale . 

Le  bailli,  M.  Grangier  des  Maliers^  rappelle  en  ter- 
mes pressants  à  l'évêque  d'Auxerre  qu'il  ne  doit  céder 
en  rien  sur  les  terrains  des  ports  que  les  officiers  royaux 
veulent  s'attribuer. 

Il  ne  s'agit  pas  seulement  des  murs  de  clôture  qui  se 

(i)  Ms.  fr.  20700,  fol.  80. 


-  100  - 

construisent  sans  règlement ,  la  terre  de  Cosne  n'y 
perdrait  pas  grand  chose,  mais  si  Ton  accorde  un  pouce 
on  en  prend  deux,  et  l'anticipation  ira  toujours  crois- 
sant. Les  pourparlers  et  les  démarches  se  succèdent  mais 
sans  résultat  pratique  ;  les  gens  des  forges  continuent 
sans  tenir  compte  de  rien .  La  correspondance  ne 
donne  pas  la  conclusion  de  Tafifaire  (1). 

Le  procureur  fiscal ,  M .  Ruyneaux  des  Paynaux 
prenait  aussi  en  mains,  avec  ardeur,  la  cause  de  son 
seigneur  ;  il  se  plaint  des  impertinences  des  agents 
royaux,  des  tracasseries  qu'ils  emploient,  traitant 
l'évêque  d'Auxerre  de  seigneur  temporel  de  la  majeure 
partie  de  la  ville  de  Cosne,  tandis  que  son  véritable 
titre,  basé  sur  des  pièces  anciennes,  est  :  seul  seigneur 
spirituel  et  temporel  de  la  ville  et  châtellenie  de 
Cosne-sur-Loire  et  Villechaud.  Les  règles  du  droit 
féodal  sont  précises  pour  la  raison  qu'il  est  seigneur 
haut  justicier  du  terrain  sur  lequel  les  deux  églises 
sont  bâties,  étant  môme  patron  et  fondateur  de  l'église 
principale,  qui  est  la  collégiale  et  paroissiale  de  Saint- 
Laurent  et  Saint-Jacques.  Lorsqu'il  y  a  plusieurs  sei- 
gneurs hauts  justiciers,  celui-là  seul  qui  a  la  haute 
justice  de  l'église,  peut  se  qualifier  seigneur  de  la 
paroisse,  et  les  autres  ne  sont  pas  même  seigneurs  en 
partie,  mais  de  tel  fief  (2). 

Les  choses  s'envenimant  de  plus  en  plus,  les  maire 
et  échevins  de  la  ville  font  cause  commune  avec  les 
agents  royaux  et  en  viennent  à  un  tel  point  que 
M.  Ruyneaux  des  Paynaux,  leur  adresse  une  signifi- 
cation par  huissier.  Il  y  expose  les  bienfaits  accordés 
par  les  évoques  d'Auxerre  aux  habitants,  le  chapitre 
érigé  en  1212  par  Guillaume  de  Seignelay,  le  couveat 


(1)  Ms.  fr.  20700,  fol.  93  et  119. 

(2)  Ihid.,  20703,  fol.  38. 


—  101  - 

des  dames  Ursulines,  fondé  en  1658  par  Pierre  du 
Broc,  les  exemptions  de  tailles,  corvées,  taxes  bour- 
geoises, bordelages,  champarts,  etc.,  qui  grèvent  les 
terres  voisines,  la  banalité  des  fours;  les  nombreux 
travaux  de  constructions  et  réparations  faits  dans 
l'intérêt  delà  ville;  l'établissement  d'un  bureau  d'au- 
mône générale,  etc. 

Malgré  les  bontés  et  les  générosités  fréquentes  des 
seigneurs  et  principalement  de  M.  Champion  de  Cicé, 
le  procureur  fiscal  se  plaint  du  manque  d'égards  qui 
apparaît  à  tout  propos  à  son  sujet  depuis  l'acquisition 
royale. 

A  Garchy  et  à  Nevers,  où  le  roi  a  fait  également  des 
achats  de  terrains  à  M.  de  La  Chaussade,  la  justice 
seigneuriale  n'est  pas  atteinte,  tandis  qu'à  Cosne  on 
veut  par  tous  les  moyens  la  supplanter  et  même .  la 
supprimer  totalement. 

Une  signification  par  huissier  ainsi  rédigée  ne  pou- 
vait avoir  grande  portée  ;  elle  se  résume  en  un  refus 
d'accepter  les  injonctions  faites  par  les  maire  et  éche- 
vins  et  elle  signale  entre  ces  autorités  une  situation 
tendue  qui  contribuait  encore  à  mécontenter  les  esprits. 
On  était  en  février  1787. 

Les  esprits  semblent  cependant  rentrer  dans  un 
calme  relatif. 

Une  délibération  du  conseil  ne  craint  pas  d'avancer 
que  les  officiers  des  forges  ne  sont  pas  plus  les  juges 
de  Cosne,  que  les  officiers  de  la  prévôté  de  l'Hôtel  ne 
sont  les  juges  de  Paris  et  de  Versailles.  Ce  sont  de 
simples  juges  d'attribution  pour  les  matières  et  les 
personnes  employées  dans  leurs  ateliers.  Le  bailliage 
d'Auxerre  seul  pourrait  exercer  une  concurrence  sur 
la  justice  de  Cosne. 

En  fin  de  compte,  l'évêque  d'Auxerre  s'oppose  au 
titre  qu'ils  prennent  de  «  justice  royale  de  Cosne  »,  à 


-  102  - 

toute  attribution  quelconque  en  dehors  de  l'enceinte 
des  forges,  à  tous  les  honneurs,  préséances,  distinctions 
ou  prérogatives  hors  du  même  territoire  (1). 

Outre  ces  contestations  d'intérêt  commun,  l'autorité 
seigneuriale  avait  encore  à  intervenir  dans  les  riva- 
lités particulières. 

M.  Rastoin ,  prieur-curé  de  Cours ,  faisait  grand 
tapage  pour  obtenir  de  grosses  réparations  à  son  pres- 
bytère. Le  marquis  de  Moraches,  seigneur  du  lieu  et  le 
procureur  fiscal  M.  Ruyneaux,  se  plaignent  à  Tévêque 
d'Auxerre  en  termes  très  vifs  de  la  conduite  qu'il  a 
tenue  à  leur  égard.  L'évêque  leur  a  donné  raison  et  n'a 
pas  écouté  la  demande  du  prieur  (2). 

Une  autre  fois  c'est  M.  Ferrand,  notaire  et  procu- 
reur, qui  a  manqué  essentiellement  au  bailli  et  à 
M.  Ruyneaux  et  dont  on  se  plaint  amèrement  auprès 
du  seigneur  évêque. 

La  querelle  menaçait  de  prendre  une  grande  inten- 
sité parce  qu'il  s'y  joignait  des  questions  d'intérêt. 
Ruyneaux  occupait  plusieurs  fonctions  très  rémunéra- 
trices; il  était  notaire  seigneurial  et  procureur  fiscal, 
attirant  à  lui  toutes  les  affaires,  tandis  que  les  trois 
notaires  royaux,  dont  Ferrand  faisait  partie,  n'avaient 
plus  rien. 

Ruyneaux  est  ensuite  assigné  par  Ferrand  au 
bailliage  d'Auxerre  pour  injures,  insultes  et  diffamation 
indignes  d'officiers  publics  de  cette  importance  (3). 

M.  Grangier  des  Maliers  soutient  Ruyneaux  de  sa 
sympathie  et  de  ses  conseils,  la  majeure  partie  des 
officiers  publics  prend  fait  et  cause  pour  lui  et  l'affaire 
présente  de  telles  conséquences  que  M.  Ferrand, 
renonce  publiquement  à  ses  poursuites  et  choisit  le 

(1)  Ms.  fr.  20703,  fol.  43. 

(2)  Ms.  fr.  20703,  fol.  3. 
(3)/6tcf.,fol.25et44. 


—  103  — 

seigneur  évoque  comme  médiateur.  11  lui  expose  qu'il  a 
été  traité  par  M.  Ruyneaux  devant  plusieurs  per- 
sonnes de  gredin,  menteur,  fourbe  et  faussaire,  mais 
que,  s'en  rapportant  à  Monseigneur,  il  a  remis  à  M.  le 
bailli  l'assignation  qu'il  avait  lancée.  Sur  quoi  le  bailli, 
M.'Grangier,  se  félicitant  de  ce  résultat,  s'écrie  que 
l'évêque  «  supérieur  né  de  ses  justiciables  et  plus  par- 
ticulièrement encore  des  officiers  de  sa  justice,  il  saura 
maintenir  les  règles  de  subordination,  de  respect  et 
d'union  qui  doivent  être  observées  entre  eux  ». 

Il  écrit  ensuite  à  Monseigneur  et  l'engage  à  répondre 
que  pour  Raccord  et  l'union  entre  ses  officiers,  il 
désire  que.  tout  le  passé  soit  oublié  et  regardé  comme 
non  avenu. 

Les  réparations  et  entretien  des  églises  de  la  région 
sont  l'objet  d'une  correspondance  qui  donne  quelques 
détails. 

Ces  travaux  sans  crédits  réguliers  n'avaient  même 
pas  d'attribution  spéciale  dans  l'application  des 
charges,  entre  l'évêque,  le  patron,  l'abbé  ou  le  prieur, 
et  quelquefois  les  habitants. 

Pour  l'église  de  Saint-Laurent-l'Abbaye,  M.Grangier 
dit  que  le  prieur  est  désespéré  de  son  délabrement  ;  le 
danger  devient  de  jour  en  jour  plus  imminent,  les 
pierres  et  les  mortiers  des  voûtes  tombent  de  temps  en 
temps  ;  le  prieur  a  failli  être  écrasé.  Si  M.  l'abbé 
persiste  à  toujours  projeter  sans  rien  exécuter,  je 
crains  fort  qu'il  n'en  coûte  la  vie  à  quelques  per- 
sonnes et  que  l'église  ne  s'écroule  tout  à  fait. 

A  Saint-Andelain  on  travaille  davantage,  comme  à 
Saint-Père  ;  il  est  question  de  réception  d'ouvrages 
faits  aux  églises. 

l^a  cure  de  Saint-Aignan  est  occupée  par  l'abbé 
Hygnard  et  ensuite  par  l'abbé  Louis  Le  Meunier  qui 
demandent  la  reconstruction  du  presbytère,  consentie 


-  104  — 

par  une  délibération  des  habitants.  On  fait,  en  atten- 
dant, sur  Tenquête  de  M.  Pyrent,  curé  de  Saint- 
Jacques,  les  réparations  nécessaires  (1). 

Le  chapitre  de  Cosne  est  aussi  une  des  nombreuses 
preuves  de  la  triste  situation  où  se  trouvait  le  clergé 
de  France  à  cette  époque.  Ecoutons  les  réflexions  de 
M.  Pyrent,  chantre-curé  de  Saint-Jacques  de  Cosne  : 

«  Vous  devez  savoir,  écrit-il  le  20  décembre  1786, 
combien  mon  bénéfice  est  modique  et  le  peu  de  res- 
sources qu'il  y  a  à  compter  sur  les  biens  du  chapitre 
qui  ne  subsistoit  autrefois  que  de  messes  et  qu'en  fai- 
sant la  guerre  au  casuel  de  la  cure,  mais  les  temps  sont 
changés,  il  n'y  a  plus  rien  à  faire  de  ce  côté,  ni  du  côté 
du  curé,  ni  de  celui  du  chapitre. 

))  Je  suis  fâché  d'être  obligé  de  m'adresser  à  Monsei- 
gneur et  j'espère  que  vous  voudrez  bien  l'engager  à  me 
rendre  la  justice  que  j'attends,  depuis  onze  ans.  Je 
désire  une  réponse  décisive  et  d'autant  plus  prompte 
que  je  ne  puis  me  dispenser  de  me  mettre  en  règle  vis- 
à-vis  M.  le  prieur  de  Saint- Aignan  qui,  demeurant  à 
Rome,  n'est  pas  dans  le  cas  de  traiter  avec  la  môme 
célérité  que  s'il  était  en  France.  » 

11  joint  à  cette  lettre  un  état  dos  biens  du  chapitre  de 
Cosne  qui  consiste  en  : 

1°  Dîme  du  vin  sur  la  paroisse  de  Saint- 
Père  affermée  jusqu'à  présent.     .     .     .        380  livres 

2®  La  dlme  de  Siez  affermée.     .     .     .       132    — 

3»  La  dîme  de  bled  sur  Saint-Père 
levé  par  le  chapitre  vaut  au  plus  .     .     .       400    — 

4®  La  dîme  de  Villorgeau(2)  estimée 
au  plus  20  boisseaux,  froment  et  orge.     .         30    — 

(i)  Ms.  fr.  20700,  fol.  138,  139,  li2. 

(2)  Près  Cosne,  il  y  a  Villorget,  commune  de  (lours,  et  Villorgot,  coin- 
mane  de  Pougny. 


-  105  — 

5-»  La  dîme  deCalmine,  paroisse  Saint- 
Père,  produit  60  boisseaux  froment  à 
30  sols -     .         80 

6*  20  journées  de  mauvaises  vignes 
dont  on  trouveroit  à  peine  30  sols.     .     .         30 


1,052  livres 
Les  charges  ordinaires  du  chapitre  s'élèvent  à  226 
livres  et  se  décomposent  ainsi  : 

Pour  décimes,  61  livres;  pour  supplément  de  portion 
congrue  au  curé  de  Saint-Père,  18  livres  ;  pour  loyer  de 
la  grange  du  chapitre,  24  livres  ;  gages  de  deux  bedeaux 
qui  sonnent  Tofïîce  du  chapitre,  24  livres  ;  gages  du 
serpent  pour  sa  part  du  chapitre,  24  livres  ;  pour  les 
six  enfants  de  chœur,  15  livres  ;  pour  les  dlmeurs  du 
chapitre,  6  livres;  blanchissage  du  linge  et  partie 
d'entretien  de  la  sacristie,  30  livres  ;  frais  pour  perce- 
voir les  petites  rentes,  affiches  d'Auxerre,  autres 
charges  et  les  2  sols  pour  livre  qui  sont  donnés  à  la 
personne  chargée  des  affaires  du  chapitre,  24  livres. 
—  Total,  226  livres. 

En  outre,  le  chapitre  doit  chaque  année  au  curé  de 
Saint-Père  8  boisseaux  de  froment  et  cinq  quarts  de 
vin. 

Il  reste  donc  826  livres  à  partager  et  à  distribuer 
aux  huit  prébendes  qui  composent  le  chapitre,  ce  qui 
fait  pour  le  chantre  deux  cents  et  quelques  livres  à 
cause  de  ses  deux  prébendes . 

Produit  net  des  dîmes  et  vignes  du  chapitre, 
826  livres. 

Biens  du  chapitre  chargés  de  fondations  : 

Part  du  chapitre  au  pontonnage  chargée  de  4  obits 
pour  les  quatrepremiers  dimanches  de  Carême,  187  livres 
10  sols  ;  le  pré  des  Ormonaux,  affermé  120  livres  pour 
12  services  ou  messes  pour  M.  Vaillant;  petites  rentes 


-  106- 

de  5,  10  et  20  sols  chargées  d'obits  et  de  messes, 
100  livres  ;  obits,  messes,  services,  confréries  payées 
au  chapitre  par  la  fabrique  de  Saint-Jacques,  40  l»vres. 
—  Total,  447  livres  10  sols. 
Charges  extraordinaires  du  chapitre  : 

Ce  sont  celles  des  gros  décimateurs  des  paroisses  de 
Saint-Père ,  Siez  et  Pougny  —  contribution  dans 
l'église  de  Saint-Jacques,  selon  la  coutume,  aux  livres 
d'église  et  ornements. 

Il  est  bon  d'observer  que  la  part  des  réparations  de 
l'église  de  Saint-Père  est  montée  pour  le  chapitre  à 
432  livres,  ainsi  pour  cette  année  la  moitié  du  revenu 
du  chapitre  passe  en  réparations  (1). 

L'abbé  Pyrent  accompagnait  cet  état  de  plusieurs 
observations  sur  le  peu  qui  lui  restait.  Il  en  résulte 
que  les  ressources  en  nature  ou  en  quêtes  étaient  d'un 
recouvrement  très  difficile.  Les  produits  des  terres 
exigeaient  des  dépenses  qui  absorbaient  souvent  le 
revenu  ;  c'était,  en  réalité,  la  gestion  compliquée  de 
l'exploitation  agricole  d'un  particulier,  qui  ne  conve- 
nait pas  à  un  ecclésiastique ,  surtout  lorsqu'elle  se 
trouvait  peu  rémunératrice  comme  celle  de  Cosne.  En 
résumé,  M.  Pyrent  se  plaint  de  sa  situation  précaire 
et  demande  la  chanterie  de  Gien  à  titre  de  compensa- 
tion. 

Une  autre  note  établit  la  portion  congrue  de  la 
paroisse  de  Saint-Aignan.  En  1577,  André  Lambert, 
curé,  obtient  le  paiement  de  six  septiers  de  froment, 
trois  poinçons  de  vin  et  un  porc,  d'après  sentence  de 
Jean  Borne,  bailli  de  Cosne. 

En  1641,  le  curé  Charbonnier  reçoit  du  prieur  de 
Saint-Aignan  50  livres  par  an  de  portion  congrue. 

(1)  Aïs,  fr.  20700,  fol.  ia5,  13C  el  147. 


-  107  - 

Sur  une  réclamation  du  curé  Basset  en  1687,  il  fut 
établi  par  jugement  que  les  300  livres  de  portion 
congrue  accordées  aux  curés,  seraient  payées  200  livres 
par  Tévêque  d'Auxerre  et  100  livres  par  le  prieur  de 
Saint- Aignan. 

De  1706  à  1710,  sous  le  curé  Gabriel-Pierre  Meslin. 
il  y  eut  à  ce  sujet  des  procès  suivis  de  saisies  et  autres 
procédures  avec  le  prieur  et  Tévêque,  mais  depuis 
cette  époque  jusqu'en  1741  où  M.  Jolain  est  curé  de 
Saint-Aignan,  la  portion  congrue  de  300  livres  a  été 
régulièrement  payée  (1). 

En  réalité,  ces  sources  de  revenus  étaient  assez 
modiques,  et  surtout  compliquées  par  les  profits  en 
nature  ou  la  gestion  de  propriétés.  Les  comptes  de 
recettes  et  de  dépenses,  irrégulièrement  vérifiés  par 
exception  quand  il  se  présentait  une  difficulté,  se 
trouvaient  dans  un  désordre  qui  se  faisait  sentir  plus 
durement  à  la  fin  du  dix-huitième  siècle  où  chacune 
de  ces  lettres  expose  le  manque  de  ressources  ou  la 
diminution  de  recettes  en  présence  d'une  vie  qui  pour 
tout  le  monde  commence  à  devenir  de  plus  en  plus 
coûteuse. 

Une  autre  lettre  du  même  curé  Pyrent,  datée  du 
21  mars  1783  constate  la  création  d'un  bureau  de 
dames  de  La  Charité,  avec  réunions  mensuelles  et 
distribution  de  secours  aux  indigents.  L'idée  était 
venue  au  curé  Pyrent,  dans  cette  année  où  le  pain 
était  fort  cher.  Le  boisseau  de  blé  valait  trois  livres. 
La  cherté  des  vivres  avait  empêché  la  réalisation 
du  projet  de  ces  dames  qui  était  «  la  suppression  de 
la  mendicité  dans  les  deux  paroisses  ».  L'évoque 
d'Auxerre  avait  contribué  pour  une  large  part  à  ces 


(I)  Les  papiers  de  Champion  de  Cicé   sont  des  copies   de  toutes  ces 
pièces  concernant  la  paroisse  Saint-Aignan.  Ibid.,  fol.  140. 


-  108- 

libéralités;  M.  Pyrent  l'en  remercie  en  lui  deman- 
dant de  l'autoriser  à  prendre  les  fonds  laissés  à 
MM.  Guérin  et  des  Grands-Maisons.  C'était  le  pro- 
duit des  lods  et  ventes  de  M.  de  La  Chaussade  que  le 
seigneur  évêque  avait  réclamé  au  Trésor  royal  avec 
tant  d'insistance  et  qu'il  rendait  ainsi  à  la  population 
de  Cosne  ;  nouvel  exemple  de  générosité  dans  les 
actes  de  Champion  de  Cicé  et  d'autant  plus  à  son 
éloge  que  c'était  une  vertu  assez  rare  chez  les  prélats 
du  dix-huitième  siècle. 


—  109  — 


GÉRICAULT 

Sujet  imposé  ayant  obtenu  le  1^^  prix  à  La  Pomme 


Parmi  ceux  qu'effleura  Taile  d'or  du  génie, 
Et  qui  —  l'idée  au  front  —  sur  la  route  infime 
Se  fixant  une  étape,  allaient  allègrement, 
Combien,  sans  voir  le  but,  ont  gravi  la  montée  ? 
Combien  se  sont  éteints  avant  l'heure  enchantée, 
Fauchés  trop  prématurément  ! 

Ils  portaient  dans  leur  sein  ce  qui  crée  et  féconde... 
Apôtres  d'un  autre  Art  ou  novateurs  d'un  Monde, 
L'un  inspiré,  l'un  grand,  ils  passaient  triomphants  ; 
Le  germe,  en  eux  mûri,  sans  doute  pour  éclore 
N'attendait  qu'un  rayon  de  la  prochaine  aurore 
Quand  au  tombeau  la  Mort  les  coucha  presqu'enfants  I 

Remuant  ces  débris  de  nos  gloires  brisées, 
Géricault,  malgré  moi  s'envolent  mes  pensées 
Vers  ton  marbre  hâtif  où  l'Art  pleure  tout  bas  ; 
(]ar  tu  fus  de  ceux-là  dont  les  saintes  phalanges 
Ont  passé  juste  assez  pour  laisser  à  nos  fanges 
La  trace  auguste  de  leurs  pas 

Je  te  revois  enfant,  les  yeux  dans  un  Tacite, 

Mais  l'esprit  loin  ailleurs,...  en  un  rêve  où  l'incite 

Déjà  l'instinct  puissant  de  la  vocation  ; 

Et,  sur  le  cahier  blanc,  ou  sur  le  livre  —  en  marges  — 

Je  vois  courir  ta  plume  «  en  de  grotesques  charges  » 

Agrémentant  le  texte  offert  en  version  (1). 

(1)  Géricault  fut,  paralt-il,  un  assez  médiocre  élève,  plus  occupé  à 
crayonner  des  bonshommes  qu'attentif  aux  leçons  de  ses  maîtres.  -^ 
N.  d.  TA. 


—  110  — 

Qu'y  pou\ais-tu?...  Tacite,  Homère:  Athène  et  Rome, 
Tu  les  eusses  donnés  certes  pour  un  bonhomme 
Sorti  de  Ion  crayon  —  et  point  par  trop  bancal  ! 
Aussi,  d'Enée  en  pleurs  à  Didon  Tendormeuse, 
Quels  soirs  lourds  el  sans  fin  sous  la  lampe  fumeuse 
Du  vieux  Lrjcée  Impérial  ! 

Ah  !  la  prison  d'un  jour  —  trop  étroite  à  ton  aile  !  — 
De  quel  cœur  tu  la  fuis,  quand  la  voix  paternelle 
Vient  te  rendre  à  Tair  libre  ainsi  qu'au  libre  champ  !... 
(Jar  ce  père  a  compris...  Et  dans  ta  main  d'adulte 
C'est  lui  —  lui  l'humaniste  et  le  jurisconsulte  !  1  — 
Qui  mettra  ce  pinceau  si  cher  à  ton  penchant. 

...  Ovide,  en  un  endroit  plein  de  grâce  et  de  verve, 
Montre  Arachné  luttant  un  jour  avec  Minerve  .* 
L'une  a  tissé  le  lin  :  l'autre  a  fait  le  cheval... 
La  palme  est  à  Minerve.  -  Et,  sur  le  vieux  volume, 
Je  crois  voir  ton  premier  essai,  d'un  trait  de  plume, 
Esquissant  «  le  noble  animal  !  » 

N'est-ce  pas  là  qu'est  né,  sous  la  lampe  hagarde, 
Le  Géricault  futur  du  Chasseur  de  la  Garde 
Et  le  grand  Géricault  du  Cuirufisier  blessé?,,. 
Mais  mon  esprit  s'égare  à  rechercher  les  causes; 
Laissons  dormir  Ovide  et  ses  «  Métamorphoses  »  : 
Le  pur  chef-d  œuvre  est  làl...  Gloire  à  qui  Ta  laissé! 

.le  n'irai  point  non  plus,  sur  un  mode  servile, 
Redire  ta  hardiesse  et  ta  fougue  indocile, 
Gomme  Vernet,  ton  maître  et  comme  aussi  Guérin... 
Loin  des  Phèdres  et  des  Pyrrhus,  des  Clytemuestres  (1) 
Il  fallait,  Géricault,  à  tes  pinceaux  équestres 
L'action  et  le  mors  sans  frein! 


(1)  Tableaux  de  Guérin. 


1 


— 111  — 

Il  fallait  les  grands  deux  gris  où  la  neige  habite, 

Moscou,  synthétisant  la  Campagne  maudite. 

Avec  —  sur  le  sol  blanc  —  ses  rougeoîments  d'enier...  (i) 

Il  fallait  la  vigueur  et  Télan  de  Tattaque, 

L'étendue  où,  là-bas  sur  l'horizon  opaque 

Tout  un  noir  escadron  meut  ses  anneaux  de  ler  (2). 

Et  cet  art  indompté,  pourtant  comme  il  se  plie. 
Du  jour  que,  t'attirant,  la  riante  Italie 
Développe  à  tes  yeux  l'œuvre  d'un  Raphaël  1... 
Le  démon  des  combats  prend  ses  ailes  à  l'ange  : 
Sa  palette  devient  celle  de  Michel-Ange, 
Un  idéal  fait  de  réel  ! 

La  Renaissance  a  mis  en  lui  le  fécond  germe  ; 
L'incubation  lente  attend  encor  son  terme.  — 
Mais  voici  que  le  sang  bouillonne  à  son  cerveau  . . 
Ecoutez  :  c'est  le  choc  et  le  rouli  des  lames  ! 
C'est  un  bruit  de  tonnerre  ouvrant  la  nue  en  flammes  ! 
C'est  la  Méduse  et  le  long  cri  de  son  Radeau  !!  (3). 

Page  émue,  inouie  !  à  l'ampleur  magistrale  ! 
Où  l'effet  saisissant  mêle  un  frisson  au  râle 
De  l'épave  emportée  aux  vents  des  Océans  ! 
Les  jours  sans  pain,  sans  eau  —  deux  atroces  semaines  !  — 
Ont  mis  leur  tons  bleuis  sur  ces  faces  humaines, 
Emacié  ces  corps  géants  ! 

Grouillis  de  chairs  informe  !  ..  enlacement  qui  navre  ! 
Où  l'œil  voudrait  saisir  ce  qui  n'est  point  cadavre 
Et  notre  bras  hisser  ce  nègre  au  mat  sauveur  :  (4) 
—  «  Au  secours  !...  j>  L'horizon  là-bas  se  rassérène. 
Comme  un  point  gris  un  brick  y  berce  sa  carène  : 
C'est  peut-être  l'espoir  !  et  c'est  la  vie  au  cœur  !.. 

(1)  Le  Cuirassier  blessé  :  épisode  de  la  campagne  de  Russie.  —  1814. 

(2)  Le  C?iasseur  de  la  Gat^e.  —  1812. 

(3)  Salon  de  1819. 

(4)  Cest  un  nègre  qui  tient  le  signal  de  détresse. 


1 


-  112  — 

Tout  un  drame  est  là  Mieux  que  ne  ferait  la  phrase 
Ton  pinceau  haletant  en  dépeint  chaque  phase  : 
Et  —  pareils  à  Lazare  au  cercueil  étendu  — 
Tes  moribonds  en  proie  aux  affres  d'agonie 
Je  les  crois  voir  bondir  de  leur  morne  atonie 
Au  jour  du  signal  entendu  ! 

...  Ah  I  pour  Tenfantement,  maîtres,  de  ces  merveilles, 

Qui  redira  jamais  vos  labeurs  et  vos  veilles?... 

Géricault  !  qui  dira  ce  zèle  avec  lequel 

—  Par  l'hôpital  infect  promenant  ta  sandale  — 

Tu  t'en  allais  quérir  jusqu'à  sa  froide  dalle 

L'esquisse  du  cadavre  attendant  le  scal[)el  !..    fl). 

Hélas,  mais  le  succès,  où  le  laurier  s'abrite, 
Chez  l'homme  rarement  couronne  le  mérite  .. 
Et  Géricault  aussi  connut  les  soirs  sans  pain. 
Il  connut  le  venin  cuisant  de  l'ironie. 
Il  sut  que  l'apanage,  ici-t»as,  du  ^énie 
N'est  point  un  apanage  vain  ! 

Le  public  resta  froid  ;  la  critique,  mordante... 

Et  le  maître,  écœuré  —  tel  jadis  le  vieux  Dante  — 

Dut  chercher  d'autres  cieux  plus  doux  à  son  talent. 

L'absence  lui  parut  le  heaume  salutaire  : 

Il  quitta  son  Paris  pour  la  sombre  Angleterre, 

Emportant  —  comme  I  aigle  atteint  —  sa  plaie  au  flanc. 

Sa  palette  est  séchée.  .  Et  vide  est  l'escarcelle... 
La  brosse  et  les  pinceaux  où  son  grand  art  excelle 
Demeurent  inactifs  à  son  poing  engourdi  : 
La  défaillance  encor  le  cloue  et  le  tenaille... 
Ne  haussera-t-il  plus  le  chef-d'œuvre  à  la  taille 
De  son  geste,  hier,  si  hardi  ?... 


(1)   Géricault   s'en  al  la  il  chaque  matin  à  riiôpital  pour   prendre   de 
esquisses  de  cadavres  en  vue  de  son  œuvre. 


—  113  — 

Il  faut  vivre...  Alors  lui,  le  Géricault  sublime, 

Lui,  l'auteur  du  Radeau  que  ballotte  l'abîme, 

Réduit  au  rôle  exact  de  ces  (c  Montreurs  de  saints  », 

Il  obtiendra,  là-bas,  quelque  coin  de  coupole 

Où  dérouler  sa  toile  et  mendier  l'obole. 

Tout  comme  eux  ces  chétifs  porteurs  de  papiers  peints  ! 

Ingratitude  humaine  1...  Oui,  qui  donc  a  pu  dire  : 
«  Homme  ou  Dieu,  tout  génie  est  promis  au  martyre  ?  » 
Lamartine,  je  crois...  celui-là  le  savait  !  — 
N'importe.  Si  leur  vie  a  bu  les  amertumes 
Du  moins,  ils  sont  aussi  des  revanches  posthumes 
Ceux  qu'un  nimbe  de  gloire  vêt  ! 

L'homme  soulTre  et  s'en  va  :  l'œuvre,  après  lui,  demeure. 
Que  fait  au  Genre  humain  et  qu'il  souffre  et  qu'il  meure 
Pourvu  qu'avec  lui  l'Art  ait  progressé  d'un  pas  ? 
Et  pour  que  tout  un  siècle  en  passant  se  découvre, 
Géricault,  c'est  assez  d'une  toile  au  vieux  Louvre  ; 
C'est  assez  d'un  Radeau  pour  sauver  du  trépas  I 


Bornet,  1898. 

Paul  Ouagne. 


^.  nu,  a«  Bérie.  8 


—  114  — 


CHRONIQUE  ET  MÉLANGES 


Depuis  Tannée  1892,  le  comité  de  publication, 
appelé  à  donner  son  avis,  a  cessé  Timpression  des 
procès-verbaux. 

Les  propositions  faites,  les  décisions  prises  en 
séance,  les  communications  historiques  ou  archéolo- 
giques, les  admissions  et  les  décès  de  sociétaires, 
toutes  choses  qui  constituent  les  éléments  de  vie  de 
notre  compagnie  peuvent  ainsi  passer  inaperçues  dans 
le  registre  du  secrétaire,  où  il  est  difficile  à  chacun  de 
nous  de  les  vérifier. 

Les  Chronique  et  Mélanges  que  nous  inaugurons 
aujourd'hui,  termineront  dorénavant  chaque  fascicule 
de  fin  d'année  et  reproduiront  les  délibérations  et 
sujets  non  traités,  comme  les  études  de  longue  haleine 
lues  en  séance,  mais  utiles  à  mentionner  brièvement, 
aussi  bien  pour  les  connaître  que  pour  rappeler  le  rôle 
de  nos  sociétaires  les  plus  zélés. 

Ce  rapide  résumé,  comprenant  les  sept  dernières 
années,  sera  forcément  incomplet  dans  sa  longue 
énumération  : 

Année  1892. 

—  En  mars,  la  Société  adhère  au  quatrième  centenaire  de 
la  découverte  de  rAmérique,  célébré  par  TEspagne.  M.  Bazen- 
nerie,  des  Antiquaires  du  centre,  présente  plusieurs  de  nos 
publications  avec  un  superbe  album  de  la  société  Lamartine, 
établie  à  Menou,  près  Varzy. 


-  115- 

—  Pour  l'admission  des  membres  nouveaux,  la  compagnie 
décide  qu'ils  seront  présentés  à  une  séance  par  deux  parrain:?, 
verbalement  ou  par  lettre,  annoncés  dans  les  lettres  de 
convocation,  et  soumis  au  vote  secret  à  la  séance  suivante. 

—  La  situation  financière,  présentée  chaque  année,  comprend 
une  dépense  et  recette  de  1,700  fr.  en  chiffres  ronds,  constituée 
par  les  souscriptions  particulières,  la  vente  de  livres  et  la  sub- 
vention de  100  fr.  du  département. 

—  En  juin,  conformément  aux  statuts,  le  bureau,  renouvdé 
après  sa  période  triennale,  se  compose  de  MM.  de  Lespinasse, 
président  ;  abbé  Boutillier,  vice-président  ;  de  Flamare,  secré- 
taire ;  Gauthier,  pro-secrétaire  ;  Duminy,  archiviste-conserva- 
teur; Bricheteau,  trésorier. 

—  Les  dépôts  d'archives  particulières  dans  plusieurs 
châteaux  du  Nivernais,  comme  Giry,  Menou,  Aunay,  Marcilly, 
Les  Bordes^  etc.,  sont  cités  au  sujet  d'un  inventaire  à  faire. 
M.  le  comte  de  LaRoche  Aymon,sur  la  demandedeM.  Mossot, 
met  ses  archives  de  Menou  à  la  disposition  sur  place. 

—  Notice  nécrologique  sur  Etienne  Héron  de  Villefosse, 
ancien  archiviste  de  la  Nièvre,  récemment  décédé,  imprimée 
autre  part,  lue  dans  la  séance  du  27  octobre.  M.  de  Yillefosse 
a  été  notre  confrère  pendant  son  long  séjour  à  Nevers  où  il 
avait  conquis  de  nombreuses  symphalies  par  son  aménité  et  le 
charme  de  son  esprit. 

—  A  l'occasion  des  copies  de  M.  le  comte  de  Chastellux  dans 
Les  'procès  criminels  du  Parlement  de  Paris ^  M.  Adolphe  de 
Yillenaut  cite  celui  du  6  octobre  1«S17  concernant  Girard  de 
Châtillon,  relatif  à  une  affaire  d'envoûtement  (collection  Clai- 
rambault). 

—  Deux  lectures  de  M.  l'abbé  Châtelain,  professeur  à 
Pignelin,  sur  Adam  Billaut,  étude  importante  principalement 
consacrée  à  la  valeur  littéraire  de  notre  célèbre  poète  nivernais^ 
et  destinée  à  une  publication  spéciale. 

—  Monnaies  carloviugiennes,  cercueils  du  Moyen  âge  et 
objets  gallo-romains  signalés  à  Cosne  et  à  Saint-Honoré  par 
M.  Sarriau. 

—  Les  ouvrages  reçus  en  hommage  ou  en  échange,  tou- 
jours nombreux,  sont  inscrits  à  chaque  séance  et  catalogués* 


-  116  - 

—  Sociétaires  admis  en  4892  :  MM.  de  Frérainville,  Pierre 
de  Rosemont,  Paul  Ouagne,  abbé  Arnaud,  L.  Poussereau, 
Emile  Mossot,  comte  de  La  Roche  Aymon,  Garilland. 

Année  1893. 

—  D'après  M.  Adolphe  de  Villenaut,  le  signataire  de  la 
relation  des  obsèques  de  Louis  de  Gonzague  serait  Léonard 
Millin,  seigneur  des  Bruères,  en  1591  (commune  de  Tron- 
sanges). 

—  Deux  élèves  de  TÉcole  des  chartes  nous  intéressent  : 
M.  Auguste  Picart,  pour  sa  thèse  sur  un  seigneur  niver- 
nais.  Bureau  de  la  Rivière,  chambellan  de  Charles  V,  qui  a 
joué  un  rôle  important  au  XI V^  siècle;  et  M.  Lôon  Mirot,  de 
Clamecy,  qui  deviendra  notre  confrère  et  signale  des  tombes 
préhistoriques  découvertes  à  Clamecy. 

—  M.  Sarriau  présente  la  frappe  nouvelle  d'une  médaille 
offerte  par  les  échevins  de  La  Charité  au  prieur,  à  Toecasion 
de  l'abandon  du  droit  de  lods  et  ventes  par  le  prieur  Nicolas 
Colbert,  en  1699,  en  faveur  des  habitants. 

—  M.  Giry,  professeur  à  TÉcole  des  chartes,  demande  des 
indications  sur  un  diplôme  faux  de  Charles-le-Chauve  qui 
aurait  été  fabriqué  en  1399  par  le  nommé  Jean  Bruaeau,  à 
l'effet  d'appuyer  la  réclamation  des  habitants  d^Uray  contre 
l'évèque  de  Nevers,  leur  seigneur  temporel.  Cette  pièce  nous 
est  encore  inconnue. 

—  Règlement  du  collège  de  Nevers  en  1540,  copie  récem- 
ment dans  les  registres  du  Parlement  par  M.  de  Chastellux, 
très  précieux  pour  la  constitution  de  notre  établissement  d'édu- 
cation, aujourd'hui  encore  situé  à  la  même  place.  Ce  document 
déjà  connu  avait  été  publié  auparavant  dans  la  Reviie  pédago- 
gique de  mai  1891. 

—  Dans  les  derniers  mois  de  1892,  la  Société  trouvant  au 
module  des  anciens  jetons  l'inconvénient  d'être  trop  grand, 
trop  coûteux  et  d'un  aspect  peu  artistique,  avait  décidé  l'exé- 
cution d'un  nouveau  coin  représentant,  sur  le  droit,  les  armoi- 
ries des  comtes  et,  sur  le  revers,  les  monuments  de  Nevei-s 
avec  la  date  de  fondation  de  la  Société  en  1851.  Sur  la  demande 


—  447  — 

de  M.  de  Lespinasse,  M.  Emile  Le  Vayer,  inspecteur  de  la  ville 
de  Paris,  s'est  «gracieusement  chargé  du  dessin  qui  a  été  gravé 
par  M.  Génot.  Le  type,  d'une  exécution  satisfaisante  sous  tous 
rapports,  a  été  définitivement  accepté,  et  le  nouveau  jeton  mis 
en  distribution  à  la  séance  de  décembre  4893.  Il  est  décidé  que 
les  anciens  jetons  de  ijroiize  ^cioul  disUiliués  aux  séances  et 
qu'il  sera  échangé  un  nouveau  jeton  d'argent  contre  cinq 
anciens  de  bronze.  Quand  il  y  aura  lieu,  la  Société  accordera 
directement  un  jeton  d'argent . 

—  Note  de  M.  Miroi  :  11  a  été  découvert  quelques  objets 
en  bronze  dans  un  champ  situé  à  six  kilomètres  de  Clamecy, 
près  Pousseaux,  sur  la  route  de  Coulanges-sur-Yonne,  qui  ont 
fait  reconnaître  l'existence  de  quatre  tumuli  bien  caractérisés, 
dont  l'un  présente  une  élévation  de  4'"  55  et  a  fourni  trois 
colliers  en  bronze  mélangés  à  divers  ossements  ;  l'autre,  un 
squelette  complet  sans  objets.  Des  fouilles  méthodiques  pra- 
tiquées sur  le  versant  de  l'Yonne,  dans  les  grottes  presque 
inexplorées  de  Basseville,  pourraient  donner  des  résultats  plus 
précis. 

—  Note  de  M.  de  Lespinasse  :  La  Bibliothèque  nationale 
{Nouv,  acq.  franc, ^  n®  4659)  possède  le  catalogue  de  la  biblio- 
thèque des  Bénédictins  de  Corbigny,  format  petit  in-42  de 
234  feuillets,  portant  chacun  un  encadrement  avec  formules 
imprimées  :  République  française  —  Liberté,  Egalité  —  Dépar- 
tement de  la  Nièvre.  —  District  de  Corbigny.  —  Les  titres  et 
description  de  l'ouvrage  sont  écrits  à  la  main  dans  le  milieu 
du  cadre.  Les  numéros  portés  correspondent  à  l'ancien  classe- 
ment, le  plus  élevé  est  4683.  Ce  sont  tous  des  ouvrages  et 
mémoires  historiques,  par  conséquent  une  partie  seulement  de 
la  collection  du  couvent.  Aucun  traité  d'histoire  locale  ou 
d'auteur  niverna's. 

C'est  l'inventaire  officiel  des  livres  saisis  par  la  Révolution 
destinés  à  passer  à  Corbigny,  à  Clamecy  et  à  Nevers. 

—  La  séance  du  28  décembre  4893  est  tenue  à  l'église  Saint- 
Etienne.  Visite  des  fouilles  récemment  entreprises  devant  la 
façade  qui  ont  permis  de  découvrir  plusieurs  tombeaux  du 
couvent  primitif  ainsi  que  les  bases  du  porche  ou  nartex  exis- 
tant autrefois.   La    délibération    s'engage    sur  cette    partie 


—  118  - 

urieuse  de  notre  vieille  église  romane  et  se  termine  par  la 
proposition  suivante  adressée  au  ministère  : 

c  La  Société  nivernaise,  convoquée  en  séance,  après  examen 
approfondi  des  substructions  mises  à  jour  par  les  récents 
travaux  de  déblaiement  de  la  place  Saint-Etienne  de  Nevers, 

9  Considérant  d'une  part  l'intérêt  historique  se  rattachant  au 
porche  ou  chapiteau  construit  autrefois  devant  la  façade  de 
TéglisOy  sous  lequel  se  sont  passés  pendant  plusieurs  siècles 
trois  actes  solennels  :  lo  les  jugements  de  la  justice  des  habi- 
tants du  bourg  franc  de  Saint-EXienne  ;  2»  le  serment  des 
évoques  de  Nevers  pour  l'observation  des  privilèges  et  de  Tin- 
dépendance  des  moines  ;  3^  les  élections  des  conseillers  de 
ville  pour  le  quartier  de  la  Barre, 

»  Et  d'autre  part  l'intérêt  artistique  consistant  en  un  monu- 
ment annexe  aussi  rare  qu'un  portique  roman  accolé  à  la 
façade  d'une  église  de  même  style  et  destiné  évidemment  à 
servir  d'ornementation  aux  murs  pleins  de  cette  façade  ;  qu'il 
est  facile  de  le  refaire  exactement  à  l'aide  du  dessin  de  1609 
qui  doit  le  reproduire  avec  la  plus  scrupuleuse  vérité, 

»  Est  d'avis  que  la  reconstruction  de  ce  porche,  dépense  peu 
importante,  sera  le  meilleur  complément  de  la  façade  actuelle 
restaurée,  étant  admis  qu'il  est  impossible  de  rétablir  les  deux 
clochers  qui  la  dominaient,  démolis  en  1792  pour  cause  de 
vétusté, 

»  Et  émet  le  vœu  que  cette  reconstruction  soit  comprise 
dans  les  travaux  de  réparations  non  encore  définitivement 
déterminés,  i» 

Année  1894. 

—  Sous  les  auspices  de  la  Société,  M.  d'Àssigny  a  exécuté  à 
Béard  des  fouilles  qui  ont  mis  à  jour  les  substructions  d'une 
villa  gallo-romaine.  MM.  deToytot,  Paul  Meunier,  le  vicomte  de 
Maumigny,  de  Flamare,  Subert,  de  Barrau,  Octave  de  Ville- 
naut,  de  Lespinasse  ont  pris  part  à  l'excursion  organisée  à 
cette  occasion. 

—  M.  de  Toytot  communique  le  texte  d'un  marché  passé 


—  119  — 

en  décembre  1646  par  un  ébéniste  de  Moulins  pour  l'exécution 
d'un  autel  à  l'église  de  l'abbaye  Saint-Martin  de  Nevers. 
M.  de  Villenaut  cite  plusieurs  autres  marchés  des  mêmes 
époques. 

—  La  Société  consulte  les  onze  planches  de  médailles  et 
monnaies  nivernaises  encore  inédites  et  dont  la  publication  est 
proposée  par  M.  Sarriau. 

L'auteur  offre  200  fr.,  le  ministère  accordera  également 
200  Ir.,  la  Société  fera  la  même  somme  pour  l'exécution  de  la. 
photogravure  de  ces  pièces  rares  et  curieuses. 

—  Le  projet  d'installation  des  musées  à  la  Halle  appelle 
l'attention  de  la  Société  sur  son  musée  lapidaire.  MM.  Adolphe 
de  Villenaut,  de  Toytot  et  Duminy  exposent  les  origines  de  ce 
musée  fondé  par  divers  donateurs  et  réellement  confié  à  la 
Porte-du-Croux  par  le  l)aron  de  Vertpré.  Le  projet  d'ailleurs 
n'a  pas  eu  de  suite. 

—  L'inventaire  des  archives  du  Nord  signale  beaucoup 
de  documents  intéressant  le  Nivernais  en  raison  du 
séjour  prolongé  des  comtes  de  Nevers  dans  les  Flandres.  Il 
y  aurait  lieu  de  s'entendre  à  ce  sujet  avec  l'archiviste  de 
Lille. 

—  M.  G.  Vallière  est  élu  trésorier  de  la  société,  en  rempla- 
cement de  M.  Bricheteau  qui  désire  cesser  ses  fonctions.  Des 
conditions  nouvelles  et  plus  avantageuses  sont  arrêtées  pour 
l'impression  et  la  distribution  du  Bulletin. 

—  MM.  Soyer  et  Duminy  rapportent  de  La  Guerche  des 
documents  et  des  objets  donnés  à  la  société  de  la  part  de  notre 
ancien  président,  M.  Roubet. 

—  M.  Ad.  de  Rosemont  signale  les  substructions  mises  à 
jour  par  les  travaux  de  la  Halle  qui  sembleraient  être  les 
bases  de  la  porte  épiscopale  située  approximativement  en  cet 
endroit. 

—  Excursion  à  l'église  romane  de  Champvoux  avec  M.  de 
La  Rocque,  architecte  du  Gouvernement,  par  MM.  de  Fia- 
mare,  Duminy,  le  comte  d'Estampes,  Subert,  de  Lespinasse, 
reçus  par  M.  Barreau  et  M.  le  Curé.  On  espère  parvenir  à  la 
conservation  de  ce  curieux  monument. 


—  120  — 

Année  1895. 

—  MM.  de  Rosemont  et  Allard  sont  nommés  membres  du 
comité  de  publication. 

—  Observations  sur  une  lettre  de  Marie  de  Gonzague  rela- 
tive au  projet  de  croisade  par  Charles  de  Gonzague.  Correspon- 
dances de  Marie  Casimir  d'Arquian  extraites  des  archives  des 
Bordes,  par  M.  G.  Gauthier. 

—  M.  Bonneau  du  Martray,  envoie  le  plan  des  fouilles  de 
substructions  gallo-romaines  exécutées  à  Marry  en  1877  sous 
les  auspices  de  la  Société.  Il  en  demande  l'impression  à  l'occa- 
sion des  fouilles  de  Béard. 

—  M.  Ad.  de  Villenaut  lit  plusieurs  lettres  de  Henri  IV  à 
Théodore  de  Bèze  et  donne  quelques  détails  sur  son  abjuration 
du  catholicisme. 

—  M.  Meunier  communique  un  acte  de  mariage  d'une 
rosière  à  Epiry  le  10  septembre  1780,  fondation  de  la  famille 
Le  Pelletier  d'Aunay. 

—  Les  fouilles  de  Champvert  annoncent  des  substructions 
gallo-romaines  fort  importantes.  La  Société  confie  à  M.  Gau- 
thier l'exécution  des  travaux  qu'il  a  si  bien  commencés. 

—  Sur  l'origine  du  bailliage  de  Saint-Pierre-le-Moûtier, 
Coquille  et  Ducange  proposent  le  xiii*  siècle,  Parmentier  le 
xiv«  siècle.  M.  de  Villenaut  cite  une  lettre  de  Philippe-le-Bel, 
du  2  mars  1303,  attribuant  des  revenus  de  la  prévôté  de 
Saint-Pierre  ;  il  n'est  pas  question  de  bailliage.  D'après  M.  Du- 
miny  on  ne  saurait  encore  se  prononcer  définitivement.  Une 
charte  de  1263  mentionnant  des  assises  à  Saint-Pierre  par  le 
bailli  de  Bourges,  cite  encore  le  prévôt  de  Saint-Pierre,  Robert 
Bataille. 

—  Cosne  à  traves^s  les  âges^  étude  de  M.  Faivre.  Un  travail 
sur  le  même  sujet  fait  par  M.  Parent,  a  dû  rester  manuscrit. 
D'autres  encore  sont  dus  à  M.  l'abbé  Violette,  à  M.  Grangier 
des  Maliers. 

—  20  mai.  —  Vote  pour  le  renouvellement  triennal  du 
bureau  :  président,  M.  de Lespinasse;  vice-président,  M.  Ad.de 
Villenaut  ;  secrétaires,  MM.  de  Flamare  et  Paul  Meunier  ;  tré- 
sorier, M.  G.  Vallière  ;  archiviste,  M.  Duminy. 


à 


—  121  — 

—  A  roccasion  du  passage  du  président  de  la  République  à 
Nevers,  la  Société  considère  qu'étant  la  plus  ancienne  de 
Nevers,  elle  ne  saurait  accepter  le  rang  qui  lui  est  assigné,  et 
ne  pouvant  être  représentée  par  son  président,  elle  préfère 
s'abstenir. 

—  La  frise  du  jubé  de  l'église  des  Minimes  est  envoyée  au 
musée  de  la  Porte-du-Croux,  par  la  municipalité  de  Nevers. 
Les  pierres  de  la  façade  sont  déposées  à  l'hôpital. 

—  Bel  ouvrage  de  M.  du  Broc  de  Segange,  fils  de  notre 
ancien  vice-président  :  Extraits  des  archives  de  Segange^ 
généalogie  de  la  famille  et  des  alliances,  correspondances,  pièces 
justificatives,  tables,  gravures  de  châteaux  et  armoiries. 

—  Découverte  de  monnaies  romaines  à  Pouques-Lormes, 
dans  un  champ  appartenant  à  M.  Granger  et  signalées  par  notre 
confrère  M.  Teste.  2^000  pièces  de  potin,  dans  un  vase  intact  à 
côté  d'un  squelette. 

—  Extraits  d'une  importante  étude  sur  les  marchands  de  la 
rivière  de  Loire,  dans  sa  partie  nivernaise,  par  M.  Imbart  de 
la  Tour. 

Année  1896. 

—  M.  de  Toytot  est  élu  membre  du  comité  de  publication. 

—  M.  l'abbé  Pot,  curé  de  Magny,  adresse  un  travail  manus- 
crit sur  Philippe  Pot,  seigneur  de  la  Roche,  grand  sénéchal  de 
Bourgogne  sous  Louis  XI  et  Charles  VIII  (1438-1483). 

—  M.  de  Saint- Venant  est  élu  conservateur  du  musée. 

—  La  société  décide  l'impression  du  catalogue  des  pièces 
copiées  par  M.  le  comte  de  Chastellux,  dans  l'ordre  suivant  : 
Archives  de  Chastellux,  pièces  de  fonds  divers,  titres  de 
Bourbon,  Trésor  des  Chartes,  Parlement  de  Paris. 

—  Une  première  allocation  de  50  fr.  est  accordée  aux  fouilles 
de  Champvert. 

—  Sur  la  proposition  de  MM.  Gauthier,  de  Toytot,  de  Saint- 
Venant,  Duminy,  il  sera  délivré  gratuitement  aux  instituteurs 
pour  les  bibliothèques  scolaires  les  fascicules  où  se  trouve- 
raient des  études  hisloriques  relatives  à  leur  commune. 
M.  Gauthier  se  charge  d'être  l'intermédiaire  entre  la  Société  et 
les  instituteurs. 

•i 


-  122  — 

—  M.  Duminy  propose  Timpression  de  l'inventaire  des 
chartes  données  par  MM.  de  Soultrait  et  Roubet. 

—  Notre  excellent  confrère  Achille  Millien  commence  la  publi- 
cation de  la  i?(?t'iic  du  Nivernais,  recueil  destiné  à  la  poésie 
ancienne  et  moderne  de  notre  région,  aux  chansons  populaires, 
aux  vieux  souvenirs  et  à  la  littérature.  Cette  revue,  dont  le 
directeur  a  toute  notre  sympathie,  est  accueillie  favorablement 
par  nos  confrères. 

—  Membres  admis  en  d893  et  4894  :  MM.  Languinier, 
Le  Rasle,  Fiot,  Thonier,  Henri  Marandat,  Henri  de  Lavesvre, 
Léon  Mirot,  M.  et  M^o  Abel  Chabot,  Mm*  Bouquillard,  Pena- 
vaire,  Chotaid,  Vt«  de  Saint-Sauveur,  Barreau-Chaslon,  Bert 
de  la  Bussière,  Tabbé  Cachet,  Tabbé  Trameçon.  —  En  1805  : 
MM.  Bobin,  de  Saint- Venant,  Georges  Manuel,  Tabbé  J.-M. 
Meunier.  —  En  1896,  M™»  de  Maulde,  MM.  Lucien  Gueneau, 
Sazerac  de  Forges.  —  En  1897  :  MM.  Badin  de  Montjoie, 
Roblin,  Tabbé  Basse,  vicomte  Paul  Benoist  d'Azy,  comte  Jean 
du  Hamel  de  Breuïl,  Antoine  Boucaumont,  Victor  Moreau, 
commandant  Marochetti,  Massillon  Rouvet,  Joseph  Barreau, 
François  Quillier,  abbé  Gourlot,  Le  Vasseur,  Mazoyer,  Leroux, 
Moret  de  Nyon. 

—  M.  Léon  Mirot,  se  rendant  à  Londres,  offre  de  faire  des 
copies  au  Britisch  Muséum. 

—  M.  de  Toytot  rend  compte  d'un  travail  de  M.  du  Broc  de 
Segange,  sur  la  collégiale  de  Moulins. 

—  Observations  sur  des  cessions  de  terrains  faites  par  des 
serfs  au  Moyen  âge  et  sur  les  concessions  du  droit  de  gabelle  au 
comte  de  Nevers,  au  xv®  siècle,  par  MM.  de  Villenaut,  de  Saint- 
Venant,  de  Lespinasse  et  Gauthier. 

-•  M.  Col  remet  de  la  part  de  M.  Verni n,  son  beau-frère, 
un  certain  nombre  de  documents  provenant  des  archives  des 
Bordes  ;  la  Société  lui  offre  un  jeton  d'argent. 

—  Une  monnaie  d'argent  trouvée  à  Champvert  est  attribuée, 
par  M.  Babelon,  à  l'empereur  Commode. 

—  De  nouvelles  copies  concernant  les  lettres  de  rémission 
et  les  arrêts  crim  ne  s  du  Parlement  sont  adressées  par  M  de 
Ghastellux,  qui  se  montre  satisfait  de  la  publication  de  l'inven- 
taire de  ses  documents. 


—  123  - 

—  M.  de  Toytot  propose  à  la  Société  de  reprendre  les  excur- 
sions qui  avaient  lieu  autrefois. 

—  M.  de  Saint-Venant  rend  compte  du  congrès  des  Sociétés 
savantes  à  la  Sorbonne  et  de  l'intérêt  qu'ont  pris  le  Père  de 
Lacroix  et  M.  de  Villefosse  aux  fouilles  de  Champvert. 

—  L'église  romane  de  Champvoux,  signalée  par  la  Société, 
est  classée  parmi  les  monuments  historiques. 

—  A.  deux  séances,  M.  de  Lespinasse  donne  lecture  d'une 
étude  préparatoire  sur  les  formules  des  chartes  nivernaises, 
émanant  des  comtes,  seigneurs,  évoques,  abbés  et  de  l'origine 
des  chartes  des  oflicialités  avant  les  notaires. 

—  Décès  de  M.  le  docteur  Bonnejoy  ;  de  M.  Adolphe  de 
Rosemont,  le  dernier  survivant  des  fondateurs  de  la  Société. 

—  Les  comptes  du  trésorier  pour  l'année  4896  sont  acceptés 
comme  précédemment  et,  sur  la  proposition  de  M  Duminy, 
seront  désormais  présentés  à  la  séance  de  janvier  pour  Tannée 
précédente. 

—  Acte  de  baptême  d'un  Lamoignon,  preuve  de  l'origine 
nivemaise  de  cette  famille  ;  observations  de  M.  Ad.  de  Yillenaut 
sur  l'usage  de  donner  deux  parrains  à  un  garçon  et  deux 
marraines  à  une  fille,  jusqu'en  4610. 

—  Exposition  rétrospective  de  Bourges  à  l'occasion  du 
concours  régional  agricole,  excursion  de  la  société  à  laquelle 
prennent  part  MM.  de  Toytot,  Octave  de  Villenaut,  docteur 
Subert,  abbé  Meunier,  de  Saint-Venant,  de  Lespinasse, 
Grauthier,  de  Flamare,  etc.  M.  de  Kersers,  président  de  la 
Société  des  Antiquaires  du  Centre  nous  reçoit  en  compagnie 
de  son  vice-président  M.  de  Laugardière,  notre  sympathique 
confrère  et  de  plusieurs  autres  sociétaires.  On  visite  le  si 
curieux  hôtel  Lallemant  mis  à  la  disposition  des  sociétés 
savantes  berrichonnes  par  la  municipalité  de  Bourges,  véritable 
chef  d'œiivre  d'un  riche  bourgeois  du  xv®  siècle  ;  puis  nous 
faisons  une  tournée  dans  les  caves  du  palais  du  duc  Jean,  seuls 
vestiges  de  cette  splendide  demeure  seigneuriale  dont  M.  l'ar- 
chitecie  Gauchery  a  donné  en  1897  la  restitution  et  un  mémoire 
historique  très  complet.  Un  coup  d'œil  ensuite  aux  superbes 
objets  d'art  de  l'exposition,  motif  de  cette  excursion  vraiment 
trop  courte  où  il  a  été  impossible  d'examiner   en  détail   la 


—  124  — 

cathédrale,  le  palais  de  Jacques  Cœur,   le   musée  de  Thôtel 
Cujas  et  les  autres  merveilles  de  la  capitale  du  Berry. 

—  Cinquantenaire  de  la  Société  des  sciences  historiques  de 
l'Yonne,  où  MM.  Ad.  de  Villenaut,  de  Saint-Venant,  de 
Flamare  et  Gauthier  représentent  la  Société. 

—  Décès  de  notre  confrère  Hippolyte  Blanc,  ancien  chef  de 
division  aux  Cultes,  auteur  de  Jivers  ouvrages  sur  les  corpora- 
tions de  métiers. 

—  Notice  nécrologique  de  M.  le  président  sur  M.  Adolphe  de 
Rosemont  : 

«  Les  trois  derniers  fondateurs  de  notre  Société  ayant 
assisté  aux  séanaes  d'inauguration  dans  les  premiers  mois  de 
Tannée  1851,  le  comte  de  Maumigny  et  MM.  Arthur  et  Adolphe 
de  Rosemont  ont  disparu  depuis  peu  de  temps. 

»  M.  de  Maumigny,  mort  très  âgé  en  1895,  était  déjà  connu 
dans  les  lettres  par  des  études  philosophiques  fort  appréciées  ; 
son  goût  pour  la  science  et  l'amour  de  son  pays  lui  assignaient 
une  place  tout  indiquée  dans  cette  réunion  d'esprits  d'élite  qui 
comprenait  l'attrait  de  l'histoire  et  de  l'archéologie  provinciales. 

)j  Pour  MM.  de  Rosemont,  qui  dépassaient  à  peine  vingt  ans 
alors,  il  était  tout  à  fait  méritoire  de  se  joindre  à  des  person- 
nages graves  et  sérieux  qui  pouvaient  ne  pas  répondre  aux 
préférences  et  aux  entraînements  de  leur  jige. 

X»  Un  voyage  en  Italie  fait  avec  notre  président  fondateur, 
Mb'""  Crosnier,  avait  provoqué  de  leur  part  cette  décision  :  Nous 
allons  en  Italie  comme  dans  une  province  voisine;  nous  fon- 
dons des  sociétés,  des  bulletins,  des  revues,  des  journaux  qui 
vivent  et  disparaissent,  donnant  la  preuve  d'une  activité  dévo- 
rante. 

»  En  1851,  époque  pourtant  peu  éloignée  de  la  nôtre,  les 
voyages  d'étude,  les  travaux  intellectuels  rares  et  compliqués, 
mais  assurément  plus  durables,  indiquaient  chez  leurs  auteurs 
l'initiative  et  la  puissance  d'esprit  qui  manquent  souvent 
aujourd'hui  dans  la  confusion  où  nous  jettent  la  variété  inûnie 
des  préoccupations  et  des  affaires. 

»  En  parcourant  les  premiers  volumes  de  nos  bulletins,  je 
remarquais  à  chaque  instant  les   expressions  de  sympathie, 


-  125  - 

d'éloges,  d'intérêt  pour  ces  communications  historiques,  et 
littéraires  où  chacun  luttait  de  science  et  de  travail  pour 
mériter  l'approbation  de  ses  auditeurs. 

»  C'est  dans  ce  milieu  que  vivait  le  confrère  dont  nous  rejjret- 
tons  la  perte.  Adolphe  de  Rosemont,  à  partir  de  son  retour 
d'Italie  en  juillet  1852,  assiste  très  régulièrement  aux  séances 
de  la  Porte-duCroux. 

»  Dès  1854  il  prend  place  au  bureau  comme  secrétaire  ;  en 
1856,  il  donne  un  recueil  de  poésies  nivernaises  duxvi®  siècle  ; 
aux  élections  du  14  mai  1857,  on  le  choisit  déGnitivement 
pour  secrétaire  et  il  remplit  ces  fonctions  jusqu'en  186ÎÎ. 

»  Assidu  et  zélé  pour  les  intérêts  de  la  Société,  il  y  mettait 
l'esprit  pratique  et  la  ténacité  qui  faisaient  le  fond  de  son  carac- 
tère. La  rédaction  des  procès-verbaux,  l'impression  du  Bulletin, 
les  fréquentes  observations  qui  en  résultaient,  constatent  à 
chaque  volume  la  part  importante  qu'il  prenait  à  nos  travaux. 
C'est  grâce  à  ses  démarches  que  la  Société  obtint  pour  La 
Faïence  et  les  Faïenciers,  de  M.  du  Broc  de  Segange,  la  subven- 
tion qui  lui  permettait  de  terminer  une  aussi  belle  publication. 

»  Adolphe  de  Rosemont^  réélu  secrétaire  le  7  mai  1863,  insista 
pour  être  déchargé  de  ses  fonctions.  C'était  l'époque  des  amé- 
liorations agricoles  auxquelles  il  allait  consacrer  ses  rares 
apiitudes  intellectuelles  ;  mais  s'il  cesse  de  figurer  parmi  les 
membres  du  bureau,  il  s'échappe  fréquemment  des  occupations 
qui  l'absorbent  dans  ses  champs  pour  assister  à  nos  séances, 
écoutant  toujours  d'une  attention  soutenue  nos  études  histo- 
riques, discutant  avec  sagacité  les  points  qu'il  trouvait  obscurs 
et  obligeant  parfois  les  auteurs  à  donner  à  leurs  mémoires 
l'exactitude  et  la  précision  qu'il  est  difficile  d'obtenir. 

»  La  valeur  comparée  des  livres  tournois  et  parisis,  des  forts 
nivernais  et  des  nombreuses  monnaies  ayant  cours  dans  notre 
province,  comme  l'estimation  des  choses  aux  diverses  époques, 
l'intéressaient  vivement,  et  il  ne  laissait  jamais  passer  une 
occasion  de  demander  des  renseignements  détaillés  sur  les 
points  exposés. 

»  En  1887,  il  a  recueilli  beaucoup  de  documents  sur  l'abbaye 
de  Saint-Martin  de  Nevers  qu'un  de  nos  confrères  pourra  certai- 
nement utiliser  plus  tard  (t.  XIII,  p.  146),  et  en  dernier  lieu  il  a 


—  126- 

publié  un  article  sur  une  lettre  de  Marie  de  Médicis  à  Charles  de 
6onzague(t.  XVI,  p.  234,1895).  Bien  qu'il  ait  rarement  écrit  dans 
le  Bulletin^  il  comptait  parmi  les  sociétaires  les  plus  actifs  ;  il 
aimait  notre  compagnie  qu'il  considérait  comme  sa  famille 
scientifique,  et  vous  le  compreniez,  messieurs,  j'ose  le  dire,  en 
lui  témoignant  la  sympathie  et  la  confiance  qu'il  vous  inspirait. 

»  Laissez-moi  finir  cette  courte  notice  parun  souvenir  per- 
sonnel. Lorsqu'en  1889  vous  m'avez  fait  l'insigne  honneur  de 
me  nommer  président,  vous  avez  désigné  Adolphe  deRosemont 
pour  me  souhaiter  la  bienvenue  au  nom  de  la  compagnie. 

))  En  accomplissant  pour  la  mémoire  de  ce  cher  confrère  et 
ami,  la  mission  de  faire  auprès  de  vous  son  éloge,  ce  souvenir 
particulièrement  doux  m'est  aussi  d'une  profonde  tristesse  ; 
Adolphe  deRosemont  vient  de  succomber  à  la  suite  de  longues 
et  atroces  souffrances,  dont  nous  étions  témoins  chaque  jour, 
et  qui  l'ont  terrassé  à  un  âge  où  nous  pouvions  espérer  le 
conserver  encore  longtemps.  j> 

—  M.  de  Saint- Venant  présente  au  nom  de  M.  Busquet, 
notre  confrère,  des  fragments  de  poterie  découverts  sur 
l'emplacement  de  l'ancienne  cité  de  Barbarie. 

—  M.  de  Lespinasse  distribue  aux  membres  présents  un 
album  de  jetons  extraits  de  ses  volumes  sur  Les  Statuts  des 
Métiers  de  Paris. 

-^  Visite  d'une  statue  de  la  Vierge,  achetée  par  notre  confrère 
M.  Joseph  Barreau. 

—  Verrerie  de  La  Nocle  ayant  exécuté  des  vitraux  pour 
la  cathédrale  d'Orléans,  au  xyii®  siècle;  demande  de 
M.  Vignat. 

—  Rectification  par  M.  Ad.  de  Villenaut  des  inscriptions 
tumulaires  de  Guy  de  Digoine,  dans  l'ancienne  église  d'Uxeloup, 
et  de  Jean  de  Châtillon-en-Bazois. 

—  Superbe  boîte  à  couteaux  en  porcelaine  de  Saxe,  fond 
blanc  avec  décoration  de  fleurs  d'une  finesse  admirable,  les 
panneaux  et  couvercle  en  parfait  état  ainsi  que  les  dix-huit 
couteaux.  Livred'heures  du  xvi®  siècle  imprimé  avec  belles  enlu- 
minures et  encadrements  coloriés  à  la  main.  Ces  deux  précieux 
objets  présentés  par  notre  confrère  M.  Languinier. 


-  127  ~ 

—  Description  de  l'état  actuel  du  château-fort  de  La  Forèt^ 
commune  de  Saint-Sulpice. 

—  M.  de  Saint- Venant  expose  divers  objets  rentrés  récem- 
ment au  musée  de  la  Porte-du-Croux.  Depuis  que  notre  zélé 
conservateur  a  pris  la  direction  du  musée,  il  lui  a  donné  un 
tout  autre  aspect.  L'espace  manque  au  dernier  point  dans  notre 
vieille  tour  militaire,  les  objets  sont  entassés  et  ne  peuvent 
être  mis  en  situation  d'être  examinés  comme  ils  le  méritent. 
Cependant  ils  ont  déjà  pris  une  valeur  réelle  ainsi  présentés  et 
ils  rachètent  un  peu  l'oubli  dans  lequel  la  ville  laisse  les  autres 
musées  restés  à  sa  charge. 

—  Extraits  du  travail  de  M.  Imbart  de  la  Tour  sur  Lfs  mar- 
chands de  la  rivière  de  Loire  en  Nivernais. 

—  M.  l'abbé  Cachet  présente  un  sceau  de  Biaise  deRabutin, 
baron  d'Huban. 

—  Echange  de  publications  entre  la  Société  et  le  Comité  des 
Monuments  historiques. 

—  Décès  de  M.  l'abbé  Boutillier,  chanoine  honoraire,  ancien 
vice-président  de  la  Société,  le  20  novembre  d 897. 

  ses  obsèques,  M.  René  de  Lespinasse  a  prononcé  le  discours 
suivant  : 

n  Messieurs, 

»  Aux  larmes  d'une  nombreuse  famille,  aux  pieux  et  dou- 
loureux souvenirs  du  clergé  nivernais,  nous  venons  joindre  les 
sincères  regrets  de  tous  ceux  qui,  dans  ce  pays,  ont  aimé  et 
cultivé  les  sciences  historiques. 

))  La  vie  de  l'abbé  Boutillier  a  été  consacrée  tout  entière  à 
trois  choses  qu'il  mettait  presque  au  môme  niveau  :  l'affection 
de  sa  famille,  le  respect  de  son  devoir  de  prêtre,  le  goût  pas- 
sionné de  l'étude. 

»  Il  a  occupé  une  telle  place  dans  nos  recherches  historiques, 
il  a  découvert  et  rendu  à  la  vie  de  la  science  tant  de  faits  et  de 
documents,  que  nous  ne  pouvons  quitter  ce  modeste  savant, 
ce  dévoué  et  laborieux  confrère,  sans  rappeler  en  quelques 
traits  l'importance  de  la  tâche  qu'il  a  remplie  parmi  nous. 

9  La  ville  de  Nevers  lui  doit  le  classement  et  la  publication 
de  ses  archives  communales  et  hospitalières,  œuvre  de  grande 


-  128  - 

utilité  pour  l'histoire  locale  qui  lui  a  demandé  bien  des  années 
de  travail  ;  il  a  publié  la  Monographie  des  chapelles  de  Sainl- 
Cyr,  des  études  sur  les  représentations  des  Mystères  au  Moyen 
âge,  des  notices  très  étendues  sur  les  gentilshommes  verriers 
en  Nivernais,  et  une  foule  de  travaux  sur  des  questions  d'his- 
toire, où  la  sagacité  de  Térudit  répondait  à  la  patience  du 
chercheur.       ç 

»  Parmi  les  objets  anciens,  il  avait  une  préférence  très 
marquée  pour  la  sculpture,  les  émaux,  la  numismatique.  La 
collection  d'œuvres  d'art  et  de  monnaies  qu'il  avait  patiem- 
ment formée  a  été  la  grande  préoccupation  de  son  esprit,  la 
douce  et  pure  satisfaction  de  ses  pensées,  la  vraie  consolation 
de  ses  chagrins. 

»  Il  était  l'un  des  membres  les  plus  zélés  de  la  Société 
nivernaise  de  la  Porte-du-Croux,  dont  il  fut  vice-président 
durant  de  longues  années. 

j>  Ses  derniers  temps  ont  été  tristes  ;  moins  favorisé  par  la 
Providence  que  tant  d'autres  savants  qui  presque  jusqu'à  leur 
fin  conservent  encore  les  précieux  charmes  de  l'existence 
studieuse,  il  dut  renoncer  depuis  déjà  longtem{)s  à  tout 
travail  de  tète,  aux  éludes  d'art  et  d'histoire  qui  l'avaient  tant 
séduit  autrefois.  Il  se  résigna  en  prêtre  et  en  chrétien. 

»  Imitons  son  exemple  :  courbons  nos  fronts  devant  l'autorité 
suprême  qui  dispose  de  nous  comme  elle  l'entend,  et  cherchons 
à  marquer  par  des  œuvres  utiles,  comme  l'a  fait  notre  cher  et 
humble  confrère,  notre  court  passage  ici-bas.  » 

M.  de  Lespinasse  a  rappelé  dans  la  notice  suivante  les 
travaux  de  notre  regretté  confrère  : 

«  Messieurs, 

))  La  carrière  d'historien  et  d'érudit  de  l'abbé  Boutillier  est 
contenue  presque  tout  entière  dans  le  Bulletin  de  notre 
Société. 

»  Elu  membre  titulaire  le  6  décembre  4861,  alors  vicaire  à 
Fourchambault,  il  s'était  d'après  les  termes  du  procès-verbal 
déjà  occupé  d'une  manière  toute  spéciale  d'archéologie. 


-  129- 

»  Il  publia  l'année  suivante  quelques  pièces  de  vers  d« 
M.  Mathey,  prêtre  nivernais  en  1812,  et  une  étude  assez 
documentée  sur  les  contres  ou  gardiens  de  l'église  Saint-Cyr^ 
depuis  le  xiii^  siècle. 

»  En  1867,  il  fut  chargé  du  classement  des  archives  muni* 
cipales  de  la  ville  de  Nevei^,  laissées  jusque-là  dans  un  aban- 
don complet. 

»  Nous  y  reviendrons  plusieurs  fois^  mais  constatons  en  passant 
que  Ton  doit  cette  importante  décision  à  l'administration  de 
M.  Boucaumont,  alors  député  et  maire  de  Nevers. 

9  II  publia  de  suite  plusieurs  extraits  deces  archives  iMonitairê 
ou  curieux  procès-verbal  de  police  du  5  mars  1689  ;  Inve^itaire 
de  divers  objets  appartenant  à  Vhôpital  Saint-Didiery  au 
xvc  siècle  ;  Passage  de  saint  Vincent  Ferner  à  Nevers^  en 
14d7,  et  plus  loin  à  Decize,  dans  la  même  année  ;  Anciens 
comptes  (les  Receveurs  de  la  ville  de  Nevers,  au  xiv*  siècle, 
relatifs  aux  dépenses  de  construction  de  la  Porte-du-Croux,  de 
1394  à  1417  environ.  Ces  précieux  documents  offraient  à  notre 
Société  un  intérêt  de  grande  valeur  historique  en  permettant 
de  dater  d'une  façon  certaine  notre  beau  morceau  d'architec- 
ture militaire  (d). 

>  Le  13  mai  1869,  M.  Boutillier  était  élu  bibliothécaire- 
archiviste,  fonctions  qu'il  remplit  avec  zèle  et  dévouement 
jusqu'en  1880.  Il  n'en  continuait  pas  moins  ses  investigations 
historiques  dont  il  entretenait  constamment  nos  séances , 
offrant  ainsi  à  la  disposition  d'autres  travailleurs  les  docu- 
ments qu'il  avait  dépouillés  avec  une  ardeur  persévérante  : 
Notes  sur  la  mort  de  Vévèque  apostat  Jacques  Spifame^ 
en  1669  ;  Comptes  de  dépenses  pour  le  passage  de  troupeê 
à  Nevers  au  xvii^  siècle;  puis  un  travail  très  important 
intitulé  Mémoire  sur  les  anciens  vocables  des  autels  et  cha- 
pelles de  la  cathédrale  de  Nevers  (2),  où  l'auteur  fait  preuve 
d'une  réelle  érudition  et  de  recherches  étendues.  Notre 
président-fondateur  avait  publié  assez  longtemps  auparavant, 
en  1854,  la  Monographie  de  la  catliédrale  de  Nevers,  en 

(i)  Bulletin,  t.  V,  pp.  77,  i86, 188,  435» 
{^)  Ibid,,  t.  VII,  pp.  294  à  3d4. 

T.  viu,  3"  aéne.  9 


—  130  — 

un  beau  volume  imprimé  par  la  Société  nivernaise  en  dehors 
de  son  Bulletin.  Les  vocables  des  chapelles  étaient  un  com- 
plément utile  et  précieux  de  ce  grand  ouvrage. 

j»  Il  continue  ses  communications  de  documents  par  :  Une 
Requête  aux  échevins  de  Nevers,  en  1622,  de  l'imprimeur  de 
Nevers  ;  et,  en  d689,  d'un  maître  es  arts  où  sont  donnés  plu- 
sieurs renseignements  sur  l'état  de  la  ville  ;  de  Jean  Alasseur  et 
Dupont  de  Saint-Pierre,  émailleurs  à  Nevers,  en  4704;  Note 
y.  sur  Imbert  d'Anlezy,  auteur  d'un  album   de  dessins  sur  la 

Fortune  ;  Lettres  d'affaires  du  dernier  duc  de  Nivernais^  où 
Ton  voit  ses  rapports  avec  les  officiers  de  la  ville  à  la  fin  du 
xviiio  siècle  ;  Mystères  et  moralités  du  Moyen  âge  joués  aux 
entrées  des  princes  dans  la  ville  de  Nevers  ;  Concordai  entre 
le  curé  de  Saint-Pierre  de  Neve^'s  et  ses  paroissiens  y  en  1494  ; 
hiscription  7'omaine  découverte  à  Monceaux-le- Comte,  men- 
tionnant les  opifices  loricari  du  paysEduen;  Discussion 
sur  les  peintres  des  fresques  de  Saint-Père,  Batiste  Gherar- 
dini  et  Sabatini  ;  Anciennes  marques  des  boulangers  de 
Nevers. 

»  En  même  temps,  les  Inventaires  des  archives  commu- 
nales et  hospitalières  de  Nevers  furent  imprimés  par  ses  soins 
en  4876  et  4877,  sur  le  plan  officiel  des  inventaires  et  aux 
frais  de  la  ville,  en  deux  grands  fascicules  in-folio. 

"»  On  voit  par  cette  longue  nomenclature  quel  riche  parti 
il  avait  tiré  des  archives  soumises  à  sa  direction  ;  ces  sujets 
isolés  et  ne  se  rattachant  pas  à  un  ensemble  ne  contiennent 
ordinairement  que  l'exposé  d'un  document  avec  les  éclaircis- 
sements nécessaires,  mais  tels  qu'ils  sont  ils  offrent  des  res- 
sources réelles  pour  Thistoire  locale  et  réponJent  bien  au 
genre  adopté  dans  les  bulletins  ou  revues  des  sociétés  savantes 
de  province. 

»  Cependant,  un  sujet  qui  le  préoccupa  longtemps  parut  en 
4879  sous  le  titre  de  :  Drames  liturgiques  et  rites  figurés  ou 
cérémonies  symboliques  dans  V Église  de  Nevers. 

»  Le  goût  des  recherches  et  ses  connaissances  spéciales  des 
usages  de  l'Église  lui  permirent  de  mener  à  bien  une  étude 
aussi  ardue  où  les  représentations  des  principales  fêtes  de 
l'année  étaient  suivies  et  racontées  avec  une  grande  sûreté  de 


-  131  - 

détails.  Aujourd'hui,  le  public  qui  revient  aux  mystères, 
apprécie  l'intérêt  de  pareils  sujets. 

»  Notre  président-fondateur,  M»'  Crosnier,  mourut  le  jeudi 
2  septembre  1880.  La  Société  chargea  l'abbé  Boutillier  de  faire 
la  notice  sur  la  vie  et  les  œuvres  du  vénérable  ecclésiastique 
dont  il  avait  été  l'admirateur  et  le  fidèle  soutien.  11  y  mit  toute 
son  âme  et  toute  la  sagacité  de  son  esprit.  La  Société  le  remer- 
ciait ensuite  en  le  nommant  vice-président  aux  élections  du 
4  novembre  1880. 

))  L'abbé  Boutillier  continue  ses  études  et  ses  lectures 
sur  les  sujets  archéologiques  et  religieux  qui  avaient  ses 
préférences.  En  voici  les  titres  :  Prédicateurs  de  Nevers  réiri- 
hués  par  les  écheinns,  de  iS95  à  il90  :  —  V auteur  de  la  méri- 
dienne de  la  cathédrale  ;  c'est  un  certain  du  Bouys  en  1781  ; 
—  Les  Livres  de  famille  dans  le  Nivernais  ;  —  Observations 
sur  le  Dictionnaire  de  Godefroy;  —  Quelques  documents 
relatifs  à  la  cathédrale  de  Nevers  du  xi«  siècle;  — 
Documents  inédits  sur  les  Etais-générauj:  de  i560  à  i651y 
aux  archives  communales  de  Nevers;  —  Ueuhles  précieux 
de  Ms^  Arnaud  Sorbin  et  de  Claude  Gascoing,  en  i606. 

y>  Au  douzième  volume  du  Bulletin  on  trouve  : 

»  Les  jeux  de  paume  à  Nevers;  —  Une  signature  du  poète 
Adam  Billault;  —  Le  desfy  de  la  mort  par  M^^  Sorbin;  — 
Ivoire  latin  du  Musée  de  Nevers;  —  Notice  sur  M.  Vabbé 
Lebrun^  proviseur  du  lycée  de  Nevers;  —  Reliquaire  de 
Gabrielle  Andrault  de  Langeron^  abbesse  de  Notre-Dame^  et 
Histoire  des  gentilshommes  verriers  et  de  la  verrerie  de 
Nevers, 

D  Cette  industrie,  aussi  florissante  en  Nivernais  que  la 
faïence,  a  laissé  de  nombreuses  traces  dans  les  registres 
paroissiaux  et  les  minutes  des  notaires,  à  l'aide  desquels  la 
statistique  de  la  verrerie  a  pu  être  dressée.  On  y  voit  les 
Sarode,  sous  Henri  IV,  les  Ponté,  Castellan,  Perrot,  deBorniol, 
Massard,  se  rattachant  tous  plus  ou  moins  à  une  origine 
italienne  comme  nos  faïenciers.  L'intervention  généreuse  des 
comtes  de  Nevers  ;  les  rapports  commerciaux  avec  les  verreries 
de  Normandie  et  de  Lorraine.  Les  fournitures  de  verrerie 


I 


-  132  — 

faites  à  divers  seigneurs  soDt  autant  de  preuves  à  l'appui  de 
rhistoire  d'un  art  curieux  et  intéressant  pour  notre  province. 
L'étude  est  d'un  réel  mérite,  appuyée  sur  les  documents, 
enrichie  de  plusieurs  gravures  de  pièces  rares,  historique  et 
artistique,  ainsi  que  le  sujet  le  comportait. 

))  Le  chapitre  V,  traitant  principalement  des  diverses  verre- 
ries de  la  région  et  des  familles  de  verriers,  fut  un  complément 
demandé  par  la  Société,  et  l'auteur,  en  reconnaissant  les  nom- 
breuses lacunes  laissées  après  de  si  minutieuses  recherches, 
s'estime  heureux  d'avoir  signalé  cette  branche  d'art  si  féconde 
et  encore  si  peu  explorée. 

»  Après  cet  important  travail,  l'abbé  Boutillier  publia  encore 
quelques  articles  (t.  XIII)  :  Les  Exercices  publics  au  collège  de 
Nevers,  qui  eurent  un  certain  succès  au  congrès  de  la  Sor- 
bonne  ;  —  Faïences  d'Apponay  et  de  La  Nocle;  —  Pèlerinage 
de  Sainte-Reine  d'Alise;  —  Le  dernief  Obituaire  de  Vabbaye 
de  Notre-Dame  ;  —  Le  Trésor  de  la  cathédrale  de  Ncvers. 

))  (T.  XIV)  Meubles  et  effets  du  château  de  Nevers  en  il93. 
—  Anciens  fondeurs  de  cloches  niveimais, 

))  Nous  sommes  en  1892  ;  sa  santé,  déjà  fortement  ébranlée, 
ne  lui  permet  plus  de  se  livrer  à  ses  études  favorites  ;  jeune 
encore,  il  se  voit  contraint  de  renoncer  à  toute  fatigue  intel- 
lectuelle et  ses  dernières  années  se  passent  tristement  dans 
une  complète  inaction.  Jusque-là  travailleur  opiniâtre,  compul- 
sant les  moindres  documents  qui  lui  tombaient  sous  la  main, 
ne  laissant  échapper  aucune  note,  aimant  avidement  le  vieux 
et  le  beau  sous  toutes  ses  formes,  recherchani  les  chartes,  les 
monnaies,  les  fragments  de  sculpture,  les  objets  d'art,  il  y 
acquit  la  notoriété  de  l'érudit  de  province.  Dans  sa  modeste 
cure  de  Coulanges-les-Nevers,  il  lui  manquait  pour  ses  tra- 
vaux, les  livres,  les  répertoires,  les  grandes  collections,  les 
dictionnaires  spéciaux  indispensables  pour  fixer  l'esprit  et  la 
méthode  ;  il  lui  manquait  aussi  les  voyages  qui,  en  mettant  les 
monuments  et  les  objets  sous  les  yeux  de  l'archéologue,  faci- 
Utent  le  travail  de  la  mémoire  et  assurent  les  points  si  utiles  de 
comparaison.  » 

■ 

—  Décès  de  M.  Adolphe  de  Villenaut,  vice-président  de  la 


—  133  — 

Société,  le  28  novembre  1897.  La  cérémonie  funèbre  a  eu  lieu 
en  Téglise  de  Varennes  et  Tenterrement  au  cimetière  de 
Nevers. 

Après  les  dernières  prières,  M.  de  Lespi nasse  a  prononcé 
Tallocution  suivante  : 

«  Messieurs, 

»  Devant  cette  tombe  si  subitement  ouverte,  vous  êtes  tous 
frappés  de  la  soudaineté  des  desseins  du  ciel. 

ift  II  y  a  six  jours  à  peine,  Adolphe  de  Villenaut,  plein  de 
vie  et  de  santé,  âgé  de  soixante  ans  seulement,  se  trouvait  au 
milieu  de  nous,  prenant  part  à  nos  travaux,  à  nos  réunions,  à 
Texistence  active  de  notre  époque.  Qui  de  nous  aurait  cru 
qu'aujourd'hui  nous  le  conduirions  à  sa  dernière  demeure  ? 

»  C'était  un  caractère  à  Tàme  trempée,  rompu  aux  exigen- 
ces de  la  vie,  formé  par  les  épreuves  et  les  obstacles  des  cir- 
constances. Il  se  destinait  à  la  carrière  d'ingénieur  et,  à  sa 
sortie  de  l'Ecole  centrale,  il  occupa  diverses  situations  où  il 
manifesta  rapidement  de  grandes  qualités  de  travail  unies  à  de 
rares  aptitudes. 

»  11  ne  pouvait  être  apprécié  à  sa  valeur  dans  ces  fonctions 
aussi  variables  qu'incertaines.  La  vie  privée  de  la  famille, 
l'administratioli  d'une  fortune  importante  et  ses  goûts  stu- 
dieux lui  réservaient  dans  son  pays  de  bien  plus  puissants 
attraits. 

B  Ses  nombreuses  et  brillantes  alliances,  ses  belles  relations, 
ses  facultés  remarquables  lui  ouvraient  toutes  les  portes,  mais 
il  était  convaincu  qu'un  homme  vaut  surtout  par  le  travail  et 
les  mérites  qu'il  sait  lui-même  acquérir. 

»  Nous  l'avons  vu  mener  tout  de  front,  la  direction  sage  et 
habile  de  ses  affaires ,  l'étude  des  questions  agricoles  qui 
intéressent  à  un  si  haut  point  notre  contrée,  les  recherches 
historiques  qui  offrent  les  satisfactions  les  plus  pures  de  l'esprit, 
les  choses  d'art  qui  séduisent  l'âme  et  le  cœur. 

»  Adolphe  de  Villenaut  se  montrait  supérieur  en  tous  ces 
sujets,  sans  vanité,  sans  jactance,  sans  pédanterie,  mais  avec 
cette  certitude  de  jugement  qui  caractérise  les  esprits  sûrs  de 
ce  qu'ils  avancent. 


-  134  — 

»  n  fera  un  vide  réel  dans  notre  pays  où  il  occupait  une 
grande  place  et  surtout  dans  notre  compagnie  de  la  Porte-du- 
Groux.  dont  il  était  un  des  membres  les  plus  assidus  et  les  plus 
zélés.  Nos  confrères  l'avaient  choisi  pour  les  fonctions  de  vice- 
président  qu'il  remplissait  avec  un  dévouement  absolu,  mettant 
à  la  disposition  de  tous  ses  notes,  sa  mémoire  et  son 
expérience. 

»  L'histoire  des  familles  anciennes  de  la  province  n'avait 
guère  de  secrets  pour  lui.  Il  préparait  depuis  longtemps  les 
généalogies  des  familles  nivernaises,  étude  d'ensemble  et 
consciencieuse,  basée  uniquement  sur  preuves  certaines,  qui 
devait  être  pour  notre  province  un  véritable  monument  histo- 
rique. 

»  Nous  espérons  que  son  œuvre  ne  restera  pas  inachevée. 

»  Sa  vie  a  été  brisée  avant  l'heure,  interrompue  subitement, 
pour  le  bonheur  des  siens,  pour  le  bien  de  son  pays,  pour 
l'honneur  de  la  science. 

Y  Et  nous  qui  restons  après  lui,  pénétrés  de  respect  pour  les 
cruelles  décisions  de  la  Providence,  nous  lui  adressons  avec 
le  suprême  adieu  le  témoignage  d'un  chagrin  sincère  et  d'un 
pénible  serrement  de  cœur.  » 

—  Dans  une  des  séances  suivantes,  M.  le  président  a  exposé 
ainsi  l'œuvre  de  notre  regretté  confrère  : 

c  Messieurs, 

»  Adolphe  de  Yillenaut  faisait  partie  de  la  Société  nivernaise 
depuis  1869.  A  Toccasion  d'une  excursion  en  Morvao,  il 
publia  une  note  sur  l'industrie  métallurgique  gauloise  au 
mont  Beuvray,  où  ses  connaissances  spéciales  lui  furent  d'un 
grand  secours. 

>  L'année  suivante,  il  étudiait  les  cessions  territoriales  dans 
notre  histoire,  article  de  fond  qui  lui  valut  une  réplique  égale- 
ment imprimée  de  M.  de  Maumigny.  Puis  il  fait  un  charmant 
récit  de  la  légende  de  Clèves  au  château  ducal  de  Nevers,  oà  il 
rappelle  les  gracieux  souvenirs  des  aventures  du  Moyen  âge. 

»  Adolphe  de  Yillenaut,  alors  inspecteur  du  travail  des 
enfants  dans  les  manufactures,  restait  éloigné  du  Nivernais, 


-  135  — 

cependant  il  songeait  déjà  à  son  grand  travail  et,  en  1887,  il 
imprima  dans  notre  Bulletin  des  fragments  de  généalogies  sur 
quelques  familles  nivernaises.  Ses  matériaux  sur  cet  immense 
sujet  étaient  déjà  considérables  ;  il  faisait  part  à  la  Société, 
dans  les  séances,  des  épisodes  ou  faits  curieux  qui  se  présen- 
taient dans  ses  leciierciies  coniine  :  la  correspondance  de 
J.-J.  Rousseau  avec  plusieurs  familles  de  la  province  ;  —  un 
duel  à  Poiseux  sous  Louis  XIV,  véritable  bataille  en  champ 
clos  entre  plusieurs  gentilshommes  nivernais  poir  venger  une 
affaire  de  famille;  —  origine  des  usages  de  bois,  question  très 
curieuse  intéressant  nos  communes  nivernaises  et  qui  s'est 
toujours  conservée  parmi  les  habitants  ;  —  la  seigneurie  de 
Brinon-les-Allemands,  occupée  par  plusieurs  familles  diffé- 
rentes pour  finir  avec  les  Jaucourt  dont  le  dernier  (de  1757 
à  1848),  mêlé  à  tous  les  événements  de  son  époque,  fut  le  type 
des  liommes  c  à  opinions  successives  :d. 

»  Tantôt  Adolphe  de  Villenaut  étudie  nos  registres-terriers 
du  Nivernais  dont  il  avait  compulsé  un  si  grand  nombre  ;  il  en 
fait  ressortir  Tintérèt  et  la  valeur  historique.  Tantôt  il  expose 
la  vie  et  les  aventures  d'un  seigneur  de  Gours-les-Barres,  dit 
le  Barrois,  qui  contribue  à  arrêter  l'invasion  anglaise  au 
XIV*  siècle,  tantôt  il  décrit  les  affranchissements  de  serfs 
en  rapprochant  entre  eux  ces  curieux  actes  de  philanthropie. 

>  Pour  lui,  l'histoire  était  une  source  de  faits  dont  il  fallait 
tirer  des  enseignements  utiles.  Dans  les  actes  les  plus  arides, 
dans  les  circonstances  les  plus  obscures,  il  savait  trouver  le 
mot  propre,  le  fait  saillant  qui  lui  permettait  de  poser  une 
déduction. 

»  £n  examinant  les  nombreuses  particularités  de  notre  liis- 
toire  locale,  il  avait  cherché  sa  voie  et  fut  frappé  de  l'oubli  dans 
lequel  on  laissait  les  familles  et  le  rôle  qu'elles  avaient  joué 
dans  la  formation  et  le  progrès  des  peuples.  Il  voulut  démon- 
trer cette  influence  par  les  filiations  des  possesseurs  de  fiefs, 
les  seules  que  l'on  puisse  établir  et  il  y  serait  parvenu 
s'il  avait  pu  mettre  la  dernière  main  à  ce  beau  travail  d'en- 
semble. 

^  Je  crois  devoir  indiquer  ici,  pour  l'honneur  de  sa  mémoire, 
quelques-unes  des  appréciations    historiques    qu'il    comptait 


—  136  — 

appuyer  sur  les  documents  et  exposer  le  but,  l'intérêt  et  la 
haute  valeur  de  cet  ouvrage. 

»  Seul  parmi  les  provinces  de  France,  le  Nivernais  a 
conservé  son  autonomie  féodale  jusqu'en  1789.  Les  comtes  et 
les  ducs  de  Nevers  se  succédant  et  se  continuant  jusqu'à  la 
Révolution^  présentent  cet  exemple  peut-être  unique  d'une 
dynastie  nivernaise  aussi  vieille  et  aussi  longue  dans  la  durée 
de  ses  droits  que  la  dynastie  capétienne. 

»  A  l'exemple  des  ducs  de  Bourgogne,  les  comtes  de  Nevers 
de  cette  maison  tenaient  une  cour  fastueuse  où  l'on  voit  figurer 
les  gentilshommes  de  la  province.  Les  hautes  charges  de  cette 
cour,  plus  stable  que  celle  de  Charles-le-Téméraire,  moins 
éphémère  que  celle  du  duc  de  Berry,  fixèrent  en  Nivernais  la 
plupart  des  anciennes  familles. 

»  Leurs  apanages  importants  les  obligeaient  à  une  fière  exis- 
tence seigneuriale.  Elles  constituaient  par  elles-mêmes  de 
petites  dynasties  locales  dont  les  filiations  remontent  jusqu'aux 
temps  les  plus  reculés  du  Moyen  âge.  Tels  les  Saint- Verain, 
participants  des  premières  croisades,  dont  la  baronnie  devint 
plus  tard  une  des  chatellenies  du  duché  ;  les  des  Barres,  les 
Chastillon-en-Bazois,  les  sires  de  Norry  et  de  Vendenesse,  de 
Crux,  Thianges,  Anlezy,  etc.  Les  La  Rivière  qui,  à  la  fin  du 
xvp  siècle,  avaient  encore  à  Champlemy  un  état  de  maison 
si  important  qu'on  dirait  une  petite  coir  avec  ses  officiers  et 
commensaux,  et  encore  les  autres  seigneurs  de  grandes  terres 
comme  Saint-Gratien,  Asnois,  Huban,  Champallement,  etc. 

»  Adolphe  de  Villenaut  estimait  que  l'histoire  du  Nivernais 
comprend  d'une  part  l'histoire  générale  de  la  province  avec  ses 
cités,  leurs  institutions  ou  leurs  organes  ^t  ^l'autre  part  l'his- 
toire particulière  de  chacune  des  divisions  féodiles  de  son 
territoire.  Celle-ci  se  déduit  naturellement  de  la  généalogie 
des  anciens  seigneurs  qui  marque  avec  précision  les  muta- 
tions, les  réunions  ou  les  démembrements  des  fiefs  et  des 
seigneuries. 

»  Les  noms  de  lieu  réunis  en  table  permettent  ensuite  de 
reconstituer  facilement  toutl'historiquede  ces  diverses  localités. 

»  Les  titres  de  famille  relativement  peu  nombreux  dans  le 
dépôt  des  archives  de  la  Nièvre  se  retrouvent  en  grande  quan- 


—  137  - 

tité  au  département  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale, 
où  bien  peu  de  provinces  sont  aussi  honorablement  repré- 
sentées que  le  Nivernais. 

9  Pendant  vingt-cinq  ans,  Adolphe  de  Villenaut  avait  com- 
pulsé ces  précieux  dépôts,  copié  ou  analysé  ces  titres  ou  extraits 
concernant  nos  vieilles  familles  nivernaises.  L'immense  série 
des  pièces  originales  rangées  par  ordre  alphabétique  de  noms 
de  personnes,  les  collections  Gaignières  et  Clerambault,  les 
manuscrits  de  dom  Villevieille  et.Cafûaux,  les  catalogues  des 
preuves  pour  Saint-Cyr,  les  écuries  du  roi,  les  écoles  mili- 
taires. Tordre  de  Malte,  les  ordres  du  roi  et  autres  lui  ont 
fourni  nombre  de  documents  s*ajoutant  à  ceux  déjà  recueillis  à 
Dijon,  aux  archives  de  la  Bourgogne  et  dans  le  précieux  inven- 
taire de  Peincedé. 

»  Parmi  ces  familles  nivernaises,  les  ui^s  comme  les 
Damas-Crux,  La  Tournelle,  Veilhan,  Chéry,  La  Bussière, 
Charry,  La  Ferté,  etc.,  se  sont  continuées  jusque  dans  les  pre- 
mières années  de  n'»tre  siècle  et  même  jusqu'à  nos  jours.  La 
plupart  tombèrent  en  quenouille  à  une  époque  plus  ou  moins 
reculée,  d'autres  fi  mil  les  leur  ont  succédé,  disparaissant  à  leur 
tour  pour  être  remplacées  de  la  même  manière  dans  leurs 
seigneuries  de  jour  en  jour  plus  démembrées.  Mais  le  lien 
filiatif  n'avait  pas  été  détruit,  le  nom  seul  était  changé  par  le 
fait  des  dernières  héritières.  Le  pefit-ûls  du  dernier  possesseur 
porte  alors  le  nom  d'une  autre  famille  noble,  souvent  moins 
ancienne  ou  moins  importante,  quelquefois  encore  existante 
aujourd'hui.  De  sote  que  pour  faire  un  ouvrage  instructif, 
complet  et  parfaitement  cohérent  dans  toutes  ses  parties,  on  ne 
pouvait  omettre  ces  dernières  familles  au  risque  d'éveiller  bien 
des  susceptibilités.  Il  fallait  donc  réunir,  dans  un  même  cadre, 
foutes  les  familles  nivernaises  présentant  des  caractères  dis- 
tinctifs  communs  et  n'appartenant  qu'à  elles. 

»  Leurs  généalogies  se  succèdent  par  ordre  alphabétique. 
L'auteur  s'abstient  de  considérations  ou  d'appréciations  per- 
sonnelles ;  il  établit  les  origines  et  les  filiations  avec  la  plus 
scrupuleuse  exactitude;  il  énumère  les  titres,  les  distingue 
des  pièces  suspectes  ou  falsifiées  et  laisse  au  lecteur  le  soin  de 
se  former  une  opinion. 


—  138  — 

»  Dès  le  xvi«  siècle,  bien  des  familles  seigneuriales  se 
trouvaient  fort  obérées.  Les  serfs,  colons  ou  tenanciers,  béné- 
ficiant des  avantages  offerts  par  les  coutumes  et  devenus  riches 
par  le  progrès  du  comraeix^,  obtinrent  de  se  libérer  en  mon- 
naies relativement  dépréciées.  Les  seigneurs  n*y  pouvaient 
rien  changer.  Les  serfs  achetèrent  d'abord  leur  affranchisse- 
ment, puis  leur  maison  avec  ses  terres  et  dépendances,  puis  de 
vastes  étendues  de  terre,  le  seigneur  se  réservant  seulement 
l'ancienne  terra  indominicata  du  Moyen  dge,  à  laquelle 
appartenaient  les  droits  de  justice  et  les  privilèges  seigneu- 
riaux. 

»  Sous  Louis  XIV,  ces  ventes,  devenant  de  plus  en  plus  fré- 
quentes, on  voit  surgir  comme  surnoms  de  famille,  chez  les 
nouveaux  acquéreurs  des  noms  de  localités  uon  encore  attri- 
bués à  l'onomastique  nivernaise.  En  même  temps,  des  alliances 
se  produisaient  entre  les  familles  des  anciens  et  des  nouveaux 
acquéreurs.  Celles-ci  sont  l'objet  de  généalogies  sommaires  et 
de  notices  plus  succinctes  à  l'occasion  des  autres  noms  qui  s'y 
rencontrent.  Le  Nobiliaire  niveniais  contiendia  donc  une 
grande  quantité  de  noms  et  intéressera  directement  beaucoup 
plus  de  familles. 

D  Un  ouvrage  de  ce  genre,  aussi  éloigné  du  dénigrement  que 
de  la  flatteiie,  n'a  aucun  rapport  avec  les  recueils  similaires. 
La  rigueur  des  documents  est  sa  seule  base  et  comporte  une 
exactitude  scrupuleuse  où  la  bonne  foi  et  la  sincérité  ne  sau- 
raient même  pas  être  en  cause.  Mais  quel  labeur,  quelle 
patience  pour  se  reconnaître  dans  les  noms  et  dans  les  dates, 
pour  éviter  les  confusions  parmi  les  personnes  et  les  localités 
de  même  nom. 

j>  Outre  ces  généalogies  historiques,  Adolphe  de  Villenaut 
avait  préparé  les  biographies  des  hommes  célèbres  de  la  pro- 
vince, comme  les  frères  Jean  et  Bureau  de  La  Rivière,  cham- 
bellans de  Charles  V,  et  inhumés  à  Saint-Denis  en  1400;  le 
seigneur  des  Barres,  dit  Le  Barrois,  qui  guerroya  contre  les 
Anglais;  Pierre  de  L\  Tournelle  qui  abattit  le  cheval  du  comte 
de  Boulogne,  à  la  bataille  de  Bouvines,  et  Guillaume,  célèbre  à 
la  cour  des  ducs  de  Bourgogne,  qui  ramena  en  1420,  à  Dijon,  le 
corps  de  Jean-sans-Peur  ;  Jacques  de  La  Fin,  seigneur  de  La 


—  139  — 

Nocle,  qui  prit  part  à  plusieurs  conspirations  sous  François  II 
et  Henri  III  (élude  publiée  en  1895  dans  le  Bulletin  du  Comité 
des  travaux  historiques)  ;  François  Savary  de  Brèves,  comte 
de  Maulevrier,  ambassadeur  à  Gonstantinople,  auteur  en  1604 
d'un  traité  très  avantageux  pour  la  France,  (Relations  des 
voyages  de  M.  de  Brèves,  Paris  1628,  in-4o)  ;  enfin,  certains 
personnages  des  familles  nivernaises  de  Blanchefort,  Blosset, 
La  Platière  et  autres.  ' 

»  Ce  chapitre,  consacré  aux  illustrations  de  notîc  province, 
devait  marquer  la  fin  et  comme  le  couronnement  de  cet  impor- 
tant ouvrage  que  malheureusement  Adolphe  de  Villenaut  laisse 
interrompu.  Je  me  suis  borné  à  en  tracer  les  grandes  lignes  ; 
mais  ce  qu'il  est  impossible  d'exposer  et  d'établir  c'est  l'im- 
mense somme  de  travail  qu'il  a  fallu  pour  amasser  les  maté- 
riaux et  documents  de  toute  sorte,  classés  dans  des  dossiers  et 
soigneusement  conservés,  qui  permettront  à  l'un  de  vous, 
messieurs,  d'achever  cette  grande  œuvre  si  belle  et  si  utile 
pour  l'histoire  de  notre  province.  y> 

—  La  Société  historique  de  l'Orléanais  invite  notre  Société 
aux  fêtes  de  sa  cinquantaine  en  janvier  1898. 

—  M.  Vicior  Moreau  fait  don  du  titre  de  la  justice  d'Armes 
et  Chevroches  en  1469. 

Année  1808. 

—  Monnaies  romaines  d'Algérie  et  monnaies  asiatiques  du 
Tonkin  données  par  M.  Marochetli. 

—  M.  Cheminade  est  élu  membre  du  comité  de  publication. 

—  Une  somme  de  200  fr.  est  accordée  par  le  ministère 
pour  la  continuation  des  fouilles  de  Champvert  et  50  fr.  par  la 
commune. 

—  M.  Mirot  propose  la  publication  des  chartes  de  l'abbaye 
de  Bellevaux. 

—  Morceaux  de  tapisseries  retrouvées  par  M.  de  Saint- 
Venant  à  la  porte  du  Croux. 

—  Inscription  d'une  maison  fondée  par  les  capucins  à 
Fougues,  en  1587,  offerte  par  M.  Paul  Usquin. 


—  140  — 

—  M.  de  Saint-Venant  expose  divers  objets  trouvés  dans 
le  déblaiement  du  marché  Saint-Arigle,  tuiles,  carreaux  et 
tombeaux  carlovingiens. 

—  La  statue  d'Yolande  de  Bourgogne  est  en  partie  recons- 
tituée. 

—  Election  triennale  du  bureau  :  président,  M.  de  Lespi- 
nasse  ;  vice-président,  M.  de  Flamare  ;  secrétaire,  M.  Paul 
Meunier  ;  conservateur,  M.  de  Saint-Venant  ;  bibliothécaire, 
M.  Duminy  ;  trésorier,  M.  Vallière. 

—  Démolition  des  restes  du  vieux  château  des  comtes  de 
Nevers,  fragment  intéressant  de  Tarchitecture  civile  du 
xii«  siècle.  Sur  les  instances  de  M.  Massillon  Rouvet,  la 
Société  s'adresse  aux  Antiquaires  de  France  et  à  l'adminis- 
tration des  Beaux-Arts  pour  en  obtenir  la  conservation.  Un 
grand  nombre  de  sociétés  de  province  auxquelles  on  avait 
envoyé  cette  protestation  s'associent  à  une  démarche  qui 
méritait  sous  tous  rapports  d'aboutir  à  un  meilleur  résultat. 

—  Fragments  informes  faisant  partie  des  tapisseries  de 
Marie  d'Albret,  retrouvées  à  la  Porte-du-Croux ,  par  M.  de 
Saint-Venant  et  ravivées  de  façon  à  les  reconnaître,  surtout 
un  monogramme.  La  Société  les  offre  à  la  ville  pour  les  joindre 
aux  autres  morceaux. 

—  Les  jetons  d'argent,  pendant  le  courant  d'une  année 
seulement,  pourront  être  vendus  aux  sociétaires  au  prix  de 
trois  francs  l'un.  Il  sera  offert  des  jetons  de  bronze  ou  d'argent 
aux  donateurs,  même  étrangers  à  la  Société,  pour  documents 
ou  objets  donnés  au  musée.  Ces  jetons  pourront  au  besoin 
être  échangés  contre  des  publications ,  sur  l'observation  de 
M.  Gauthier. 

—  Excursion  aux  fouilles  gallo-romaines  de  Champvert. 
Y  prennent  part  :  MM.  de  Lespinasse,  de  Toytot,  Subert, 
Victor  Moreau,  de  Maumigny,  de  Saint- Venant,  de  Flamare, 
de  Villenaut,  Leroux,  Poussereau,  Joseph  Barreau,  Gauthier, 
de  La  Taille,  Cachet,  Basse,  Roblin,  d'Assigny,  Aug.  du 
Verne,  etc.  Les  piscines ,  les  conduites  d'eau  et  l'ensemble 
des  débris  sont  étudiés  avec  grand  intérêt.  Un  déjeuner  de 
vingt  couverts  est  servi  dans  la  salle  de  la  mairie,  à  côté  d'un 
petit  musée  formé  de  tuiles,  poteries  et  fragments  de  mosaïque. 


-  141  — 

M.  le  président  et  les  membres  de  la  Société  félicitent  M.  le 
maire  et  M.  l'instituteur  de  CJiampvert  de  leur  zèle  pour  les 
découvertes  archéologiques  et  du  succès  qui  couronne  leurs 
elForts.  Notre  confrère^  M.  Lhuiséier,  curé  de  Champvert,  a 
décrit  en  un  charmant  article  paru  dans  La  Croix  du  Nivernais 
rintérèt  et  les  curiosités  de  cette  station  gallo-romaine.  M.  Mas, 
le  savant  météorologiste  et  plusieurs  amateurs  des  environs 
s*étaient  joints  à  nos  sociétaires.  M.  Tabbé  Lemoine,  curé  de 
Decize,  venu  également  à  Champvert,  a  bien  voulu  nous 
montrer  la  curieuse  crypte  de  Téglise  Saint- Are,  où  sont  de 
beaux  bas-reliefs  et  les  ruines  imposantes  du  vieux  château. 

—  Congrès  de  la  Société  française  d'archéologie,  à  Bourges. 
MM.  de  Saint- Venant,  de  Lespinasse,  de  Flamare,  Gauthier 
et  le  chanoine  Sery  y  assistent  ;  M.  Gauthier  reçoit  une  médaille 
d'honneur  pour  les  fouilles  de  Champvert.  Entre  autres 
curiosités  des  environs  de  Bourges  on  est  allé  voir  les  ruines  du 
vieux  château,  l'église  avec  ses  chapelles  romanes  et  gothiques 
interverties,  la  vieille  halle  et  le  beffroi  de  Dun-le-Roi  ;  l'église 
romane  de  La  Celle-Bruère;  le  merveilleux  château  de  Meillant, 
bâti  par  le  cardinal  d'Amboise,  à  l'imitation  du  palais  de 
Jacques-Cœur.  Les  congressistes  au  nombre  de  plus  de  cent 
y  ont  été  gracieusement  reçus  par  le  marquis  et  la  marquise 
de  Mortemart  qui  ont  laissé  visiter  leur  demeure  princière  dans 
ses  admirables  détails.  Une  autre  excursion  s'est  dirigée 
sur  Saint- Amand-Montrond,  coquette  petite  ville  où  Ton  voit 
une  belle  église  romane,  puis  à  Drevant  où  se  dressent  les 
ruines  encore  imposantes  et  parfaitement  reconnaissables  d'un 
théâtre  romain  construit  presque  dans  les  dimensions  des 
arènes  ;  enfin  à  l'abbaye  de  Noirlac  présentant  un  ensemble 
complet ,  avec  l'église  du  xiu«  siècle ,  les  cloîtres  ornés 
d'arcades  gothiques,  salles  de  chapitre,  réfectoires  et  dortoirs, 
le  tout  admirablement  conservé  dans  un  abandon  qui  en 
augmente  encore  le  charme. 

Environ  trente  congressistes  viennent  visiter  les  monuments 
de  Nevers  et  sont  reçus  à  la  Porte-du-Croux.  On  leur  montre 
Saint-Cyr,  Saint-Etienne,  le  palais  ducal  et  l'hôtel  Maumigny. 

—  La  Société  souscrit  à  l'album  En  Nivernais^  par  notre 
regretté  confrère  Charles  Le  Blanc-Bellevaux» 


-  142  — 

—  MM.  de  Lespinasse,  Leroux,  Subert  et  de  La  Taille 
font  partie  d'une  commission  pour  indiquer  au  Touring-Club 
les  antiquités  locales. 

—  Saizy,  Sacciacunij  doit  s'écrire  de  préférence  avec  un  z, 
tant  à  cause  des  origines  du  mot  que  de  la  prononciation  popu- 
laire, selon  M.  l'abbé  J.-M.  Meunier. 

—  Objets  anciens  trouvés  à  Vieux-Moulin  chez  M.  Ponceau, 
monnaies  romaines  trouvées  à  Spouze,  près  Ougny,  présentés 
par  M.  de  Flamare. 

—  M.  Bridet,  curé  de  Saint-Bonnot,  offre  à  la  Société  une 
charte  d'affranchissement  de  1549  et  une  copie  des  remon- 
trances du  Tiers-Etat. 

—  Excursion  à  La  Charité.  MM.  le  comte  d'Estampes, 
Perrier,  Gauthier,  de  Toytot ,  de  Flamare,  Subert,  de  Saint- 
Venant,  Leroux,  Benoist  d'Azy,  Col ,  de  Lespinasse  ,  abbé 
Meunier,  Victor  du  Verne,  Le  Gorbeiller,  Duminy,  Massillon 
Rouvet,  Victor  Moreau,  etc.,  ont  visité  les  propriétés  parti- 
culières faisant  partie  de  l'ancien  monastère  ou  de  l'église  ; 
les  tympans,  le  grand  clocher,  les  chapiteaux  romans,  la 
maison  du  prieur,  les  cloîtres,  et  les  tours  de  l'enceinte 
fortifiée.  M.  le  docteur  Cortet ,  maire  de  La  Charité , 
M.  Lebœuf,  adjoint,  et  M.  l'abbé  Cassan,  vicaire,  remplaçant 
M.  le  curé,  ont  accompagné  nos  archéologues  avec  une  extrême 
bienveillance.  La  Société  leur  accorde  des  jetons  d'argent  à 
titre  de  remerciement. 

—  Sociétaires  admis  en  1898  :  MM.  le  comte  d'Hunolstein, 
Le  Gorbeiller,  Vicaire,  de  La  Taille ,  abbé  Lhuissier,  Joseph 
Boigues,  baron  Benoist  d'Azy,  colonel  de  Courson,  Lebœuf. 

—  Etude  des  parties  romanes  de  la  cathédrale  de  Saint-Gyr  ; 
la  Société  se  transporte  sur  place  pour  entendre  les  observa- 
tions historiques  et  archi tectoniques  de  MM.  le  chanoine  Sery 
et  Massillon  Rouvet. 

Dans  cette  nomenclature  sèche  et  succincte,  plusieurs  faits 
et  événements  concernant  la  Société  ont  été  nécessairement 
omis.  Le  long  espace  de  temps  qui  s^est  écoulé  depuis  ces 
dernières  années  sera  mon  excuse  auprès  de  nos  confrères 
dont  je  n'aurais  pas  cité  l'intervention.  En  maintes  circons- 


-  143  — 

tances  il  est  fait  dans  les  séances  des  remaix{ues  judicieuses 
et  des  exposés  historiques  qu'il  est  impossible  ensuite  de 
résumer.  D'autre  part,  les  articles  publiés  dans  le  Bulletm  et 
formant  quatre  volumes  (XIV  à  XVIIy  montrent  que  notre 
compagnie  ne  reste  pas  inactive. 

Les  séances  et  les  lectures  qui  y  sont  faites,  les  excursions 
et  l'attrait  qui  s'y  attache  resserreront  encore  les  liens  formés 
entre  nous  par  la  sympathie  de  goût  pour  l'art,  les  mœurs  et 
l'histoire  de  notre  vieille  province. 

R.  DE  L. 


-  14S- 


NOTICE 


SOR 


LA     BIBLIOTHÈQUE    DE    NEVERS 


Jusqu^à  la  Révolution,  il  n'exista  à  Nevers,  ainsi 
d'ailleurs  que  dans  la  presque  totalité  des  villes  de 
France^  aucune  bibliothèque  publique.  La  plupart  des 
établissements  religieux,  alors  si  nombreux,  avaient 
bien  des  collections  de  livres  à  l'usage  des  membres 
de  chaque  communauté,  et  qui  étaient,  avec  la  plus 
grande  libéralité,  ouvertes  aux  étrangers  eux-mêmes  ; 
mais  elles  n'étaient  pas,  à  proprement  parler,  publi- 
ques, puisque  la  permission  de  les  consulter  tenait 
uniquement  à  la  bienveillance  des  supérieurs,  qui 
pouvaient  la  retirer  quand  bon  leur  semblait. 

Parmi  les  établissements  ecclésiastiques  de  Nevers^ 
deux,  avant  1789,  possédaient  des  bibliothèques  d'une 
certaine  importance  :  l'abbaye  Saint  Martin  et  le 
Chapitre  de  la  cathédrale.  Elles  étaient  peu  anciennes 
et  avaient  été  formées  en  grande  partie  dans  le  courant 
du  dix-huitième  siècle.  L'évêque  Charles  Fontaine  des 
Montées,  célèbre  par  son  inépuisable  charité  et  ses 
aumônes,  que  Parmentier  qualifie  d'incroyables,  avait 
embrassé  avec  ardeur  les  idées  jansénistes  :  la  lutte 
était  alors  fort  vive  entre  les  partisans  de  cette  doc- 
trine et  les  membres  de  la  Compagnie  de  Jésus. 

Aussi  fonda-t-il,  pour  l'opposer,  pour  ainsi  dire,  à 

T.  vui,  3*  séné.  10 


■ 

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\ 


celle  que  dirigeaient  déjà  les  Jésuites  dans  sa  ville 
épiscopale,  une  école  de  théologie  qu'il  établit  au 
couvent  Saint-Martin.  «  accordant  aux  étudiants  la 
liberté  de  choisir  Tune  ou  l'autre,  môme  de  les  suivre 
toutes  les  deux  s'ils  le  jugeaient  à  propos  i». 

Ce  prélat  mourut  le  10  février  1740,  léguant  aux 
chanoines  réguliers  qui  habitaient  cette  abbaye  tous 
ses  livres  de  théologie,  de  morale  et  d'histoire  ecclé- 
siastique, à  la  condition  formelle  qu'ils  resteraient  à  la 
libre  disposition  des  jeunes  étudiants  qui  se  desti- 
naient à  l'état  ecclésiastique.  Ces  livres,  paraît-il, 
étaient  en  nombre  considérable. 

Charles-Sébastien-Bernard  de  Cléry ,  successive- 
ment avocat  en  parlement,  puis  chanoine  à  Nevers,  où 
il  mourut  le  2  septembre  176S,  était  un  grand  amateur 
de  livres;  il  réunit  une  bibliothèque  importante  et 
assez  variée,  autant  qu'il  est  possible  de  s'en  rendre 
compte  par  les  volumes  qui  ont  échappé  à  la  disper- 
sion et  que  nous  possédons  encore  ;  elle  comprenait 
surtout  des  ouvrages  de  théologie  et  de  jurisprudence, 
mais  aussi  un  certain  nombre  traitant  d'histoire,  de 
géographie,  de  littérature  et  môme  de  sciences.  En 
1765,  il  fit  don  d'une  partie  à  ses  collègues,  qui 
créèrent,  à  son  intention,  le  titre  de  bibliothécaire  du 
chapitre,  dont  il  jouit  jusqu'à  sa  mort;  il  leur  légua  le 
surplus  par  son  testament. 

Nous  ne  possédons  aucun  renseignement  sur  les 
bibliothèques  des  autres  établissements  religieux  de  la 
ville. 

Les  communautés  religieuses  ayant  été  supprimées 
par  les  décrets  de  l'Assemblée  constituante,  il  fallut 
nécessairement  s'occuper  de  ce  que  deviendraient 
toutes  les  richesses  littéraires  et  artistiques  accumulées 
dans  les  couvents  ;  un  décret  du  14  novembre  1789 
avait  déjà  ordonné  que  tous  les  monastères  ou  cha- 


—  147  — 

pitres  011  il  existait  des  bibliothèques  seraient  tenus 
de  déposer  aux  greffes  des  sièges  royaux  ou  des  muni- 
cipalités les  plus  voisines,  des  états  et  catalogues  des 
livres  qui  se  trouvaient  dans  ces  bibliothèques  et  de  se 
constituer  gardiens  des  livres  et  manuscrits  compris 
dans  ces  états. 

Des  lettres-patentes  du  roi,  duâ6  mars  1790,  donnè- 
rent Tordre  aux  officiers  municipaux  de  se  transporter 
dans  la  huitaine  dans  toutes  les  maisons  de  religieux 
de  leur  territoire,  afin  d'y  dresser,  «  sur  papier  libre 
et  sans  frais,  un  état  et  description  sommaire  de 
l'argenterie,  argent  monnayé,  des  etiets  de  la  sacristie, 
bibliothèque,  livres,  manuscrits,  médailles,  et  du  mo- 
bilier le  plus  précieux  de  la  maison,  en  présence  de 
tous  les  religieux  ».  Des  instructions  détaillées  furent 
adressées  à  tous  les  officiers  des  municipalités,  relati- 
vement à  la  confection  de  tous  ces  catalogues  et  à  la 
conservation  des  livres  et  manuscrits.  Il  ne  semble  pas  * 
qu'en  ce  qui  concerne  les  bibliothèques,  on  ait  mis  une 
diligence  extrême  à  exécuter  ces  ordres,  car  les  assem- 
blées révolutionnaires  se  virent  dans  l'obligation  de 
les  renouveler  plusieurs  fois.  Bientôt,  les  objets  saisis 
chez  les  émigrés,  les  prêtres  insermentés  et  les 
condamnés,  vinrent  augmenter  les  dépôts  appartenant 
à  la  nation  ;  on  comprend  que  dans  la  fiévreuse  agita- 
tion qui  s'était  emparée  des  esprits  et  au  milieu  des 
bouleversements  si  subits  et  si  nombreux  qui  s'effec- 
tuèrent à  cette  époque,  les  membres  des  municipalités 
aient  négligé  ces  instructions  et  consacré  leur  temps  à 
des  occupations  qu'ils  considéraient  pour  la  plupart 
comme  bien  (lus  importantes. 

Le  8  pluviôse  an  II  (^7  juin  1794),  la  Convention 
rendit  un  décret  dont  voici  quelques  dispositions  : 

«  Article  premier.  —  Aussitôt  après  la  publication 


--  148- 

du  présent  décret,  les  administrations  du  district,  en 
conséquence  des  instructions  ci-jointes,  feront  dresser 
un  recoleraent  des  inventaires  qu'elles  ont  dû  faire,  des 
livres  et  manuscrits  et  de  ceux  qu'elles  sont  tenues  de 
faire  encore  des  livres  des  ci-devant  corps  et  commu- 
nautés ecclésiastiques,  ainsi  que  des  condamnés  dont 
les  biens  sont  confisqués  :  ensemble  des  objets  d'his- 
toire naturelle,  des  instruments  de  physique,  de  méca- 
nique, des  antiques,  médailles,  pierres  gravées, 
tableaux,  dessins,  gravures,  plans,  cartes  et  autres 
monuments  des  arts  et  instruction  qui  leur  appar- 
tenaient ,  et  en  feront  parvenir  une  copie  au 
département  et  une  autre  au  comité  d'instruction 
publique. 

»  Art.  2.  —  Les  administrations  de  district  propo- 
seront, parmi  les  édifices  nationaux  situés  dans  leur 
arrondissement,  un  emplacement  convenable  pour  y 
établir  une  bibliothèque  ;  elles  en  enverront  au  dépar- 
tement l'indication,  avec  le  devis  estimatif  de  la 
dépense  nécessaire  pour  recevoir  la  bibliothèque  et  les 
autres  objets  désignés  dans  l'article  premier. 

»  Art.  6.  —  En  conséquence  de  l'article  premier,  il 
sera  sursis  à  toute  vente  de  livres  provenant  des  émi- 
grés et  de  tous  autres  objets  rares  et  monuments  ins- 
tructifs énoncés  au  même  article. 

»  Art.  8.  —  Pour  procéder  aux  inventaires  et 
recolements  des  catalogues  prescrits  par  les  articles 
précédents,  les  administrations  d  î  district  nommeront 
des  commissaires  hors  de  leur  sein,  en  se  concertant 
avec  les  sociétés  populaires. 

»  Art.  9.  —  Ces  commissaires  se  conformeront , 
pour  ces  opérations,  à  l'instruction  qui  sera  adressée 
au  district  par  le  comité  de  l'instruction  publique  ; 
leur  travail  sera  terminé  dans  les  quatre  mois,  à  comp- 
ter delà  publication  du  présent  décret,  et  l'indemnité 


-  149  — 

qu'ils  recevront  des  administrations  de  district  ne 
pourra  excéder  cinq  livres  par  jour. 

»  Art.  11.  —  Aussitôt  après  que  la  composition  de 
chaque  bibliothèque  de  district  aura  été  déterminée,  il 
en  sera  formé  un  catalogue  exponible  aux  yeux  du 
public,  et  il  en  sera  envoyé  une  copie  pour  éire  déposée 
au  district  et  une  autre  au  comité  d'instruction 
publique. 

»  Art.  13.  —  Les  bâtiments  servant  à  chaque 
bibliothèque,  ainsi  quaux  établissements  existants 
d'instruction  publique,  seront  entretenus  des  deniers 
publics,  l'administration  et  la  police  réglemen- 
taires appartiendront  à  la  municipalité  des  lieux, 
sous  la  surveillance  de  l'administration  de  dis- 
trict.  » 

A  Nevers,  on  désigna  d'abord,  pour  y  déposer  le 
contenu  des  bibliothèques  des  communautés  religieuses 
supprimées  et  des  émigrés,  une  des  salles  de  la  maison 
des  ci-devant  bénédictins  du  prieuré  Saint-É tienne 
quon  garnit  de  rayons,  sur  lesquels  les  livres 
furent  jetés  pële-môle,  au  fur  et  à  mesure  de  leur 
arrivée. 

Le  8  juillet  1791,  les  administrateurs  du  Directoire 
commirent  Leblanc- Laborde,  homme  de  loi  «  dont 
rintelligence  et  les  talents  sont  connus  »,  à  l'effet  de 
mettre  de  Tordre  dans  le  fouillis  qui  en  résulta,  de 
ranger  tous  ces  livres  et  d'en  dresser  le  catalogue.  Il 
lui  fut  alloué  six  livres  par  jour,  à  condition  qu'il 
consacrerait  à  cette  besogne  tout  son  temps,  «  depuis 
les  huit  heures  du  matin  jusqu'à  midi,  et  depuis  deux 
heures  jusqu'à  six  heures  ». 

Le  local  choisi  était  loin  d'être  suffisant  pour  conte- 
nir tout  ce  qui  provenait  des  maisons  religieuses  ;  une 
partie  fut  portée  dans  les  dépendances  du  collège  ;  un 


—  150  — 

procès-verbal  d'un  des  membres  du  Directoire,  du 
3  août  1791,  nous  indique  en  quel  état. 

((  Nous,  Michel-Pierre  Champrobert,  nous  sommes 
transporté,  en  exécution  de  la  délibération  du  district 
de  Nevers  de  ce  jour,  au  collège  de  Nevers,  où  nous 
avons  trouvé  rar>nsieur  Maublanc.  commissaire  départi 
par  la  municipalité  de  Nevers.  dament  convoqué,  et 
le  sieur  Mercier,  ci-devant  principal;  lequel  nous  a 
conduit  dans  une  salle  dudit  collège,  au  second  étage, 
donnant  sur  le  jardin,  où  il  nous  a  mis  en  évidence 
plusieurs  livres  dans  le  plus  grand  désordre,  épars  sur 
le  carreau,  dont  nous  n'avons  pu  que  faire  le  compte, 
qui  s'élève  à  224  volumes  in-folio  et  572  in-octavo, 
in-douze  et  in-seize,  dont  nous  avons  dressé  le  procès- 
verbal.  »    . 

C'est  ainsi  qu'étaient  exécutés  les  ordres  de  l'Assem- 
blée constituante  :  les  commissaires  se  contentaient  de 
constater  en  bloc  le  nombre  des  volumes,  l'état  de  désor- 
dre dans  lequel  ils  se  trouvaient  ;  mais  ils  ne  prenaient 
aucune  mesure  pour  y  remédier.  Quant  à  la  collection 
la  plus  importante  de  la  ville,  celle  des  chanoines  de 
la  cathédrale,  faute  d'autre  emplacement,  on  la  laissa 
dans  la  salle  qu'elle  occupait  avant  la  Révolution,  dans 
un  bâtiment  appartenant  au  ci-devant  chapitre,  situé 
place  de  l'Evêché,  et  dont  le  surplus  servait  de  loge- 
ment au  receveur  du  chapitre. 

Ce  qui  devait  servir  de  bibliothèque  publique  se 
trouva  ainsi  dispersé  en  trois  locaux  ditférents,  sans 
aucune  surveillance  effective. 

Dans  les  autres  districts  du  département,  on  ne 
semble  pas  avoir  procédé  avec  plus  de  soins  et  plus  de 
zèle  qu'à  Nevers  ;  on  hésita  avant  de  choisir  rempla- 
cement définitif  de  la  bibliothèque  ;  les  livres  furent 
déposés  sans  aucun  ordre  et,  au  bout  de  peu  de  temps^ 


—  151  — 

laissés  à  un  abandon  complet  et  à  la  discrétion  de 
quiconque  voulait  s'introduire  dans  le  local  qui  lui 
était  destiné.  La  lettre  suivante,  écrite  le  24  décem- 
bre 1816  par  le  maire  de  Coibigny  au  préfet  de  la 
Nièvre,  nous  apprend  ce  que  devint  l'une  de  ses  collec- 
tions^ et  nous  pouvons  soupçonner  par  là  ce  qu'il  en 
fut  des  autres  :  «  Je  ne  croyois  pas  qu'il  y  eût  encore 
un  fond  de  bibliothèques  provenant  des  cy-devant 
Bénédictins  de  cette  ville,  mais  je  sçavais  que  son 
emplacement  dépendait  de  la  partie  Je  leur  maison 
concédée  à  l'établissement  du  barras,  et  dont  toutes  les 
communications  intérieures  avec  l'autre  partie  ont  été 
murées  ;  il  était  aussi  à  ma  connaissance,  monsieur,  et 
cela  d'après  les  oui-dire  du  temps,  que  cette  biblio- 
thèque n'avait  jammais  beaucoup  eu  de  livres  de  litté- 
rature et  d'agrément,  et  que  ceux  de  cette  espèce  qui 
n'avaient  pas  été  emportés  par  lesdits  religieux  à  leur 
départ,  avaient  disparu  aux  époques  les  plus  orageuses 
de  la  Révolution.  J'ai  pareillement  ouï-dire,  monsieur, 
qu'un  grand-vicaire  de  ce  diocèse  (M.  l'abbé  de  Roas), 
délégué  soit  par  M.  le  Préfet,  soit  par  M.  l'Évéque, 
était  venu  dans  cette  commune  il  y  a  environ  cinq  ou 
six  ans,  pour  visiter  ladite  bibliothèque  et  en  retirer 
ce  qui  s'y  trouvait  de  meilleur. 

»  Je  suis  allé  voir,  monsieur,  aussitôt  qu'il  m'a  été 
possible,  cette  bibliothèque,  où  monsieur  l'agent 
comptable  des  barras  tient  son  bureau  ;  tous  les  rayons 
du  bas  sont  vides  et  servent  à  placer  les  cartons  et 
papiers  de  l'établissement:  les  rayons  du  haut  sont 
pleins  de  livres  placés  pôle-môle  et  dans  tous  les  sens  ; 
monsieur  l'agent  comptable  m'a  dit  avoir  passé  plu- 
sieurs jours  pour  examiner,  à  l'aide  d'une  échelle,  les 
intitulés  de  ces  livres,  dont  les  trois  quarts  sont  en 
iatin  ;  et  que  tous  étaient  des  ouvrages  de  controverse, 
pour  la  plupart  dépareilles. 


—  152  — 

»  Une  partie  de  ces  livres  est  couverte  en  parche- 
min, et  dans  ceux  autrement  reliés,  qui  m'ont  aussi 
paru  d'une  grande  vétusté,  beaucoup  sont  déchirés  sur 
le  côté  et  aux  angles. 

»  J'ai  désiré  connaître  les  intitulés  de  plusieurs  de 
ces  livres,  dont  le  nombre  est  d'environ  un  mille  ;  le 
premier  qui  a  fixé  mon  attention,  comme  étant  de 
meilleure  apparence,  était  une  dissertation  incomplète 
de  dix  ou  douze  volumes  in-quarto  sur  la  bulle  Uni" 
genîtus.  Nous  avons  ensuite  déplacé  plusieurs  autres 
livres  au  hasard,  çà  et  là.  dans  chaque  rayon  ;  les  uns 
étaient  des  homélies  en  latin,  les  autres  des  confessions, 
des  commentaires,  la  plupart  en  latin,  et  avec  de 
longs  intitulés  qui,  probablement,  n'ont  pas  plu  aux 
amateurs  des  livres  mondains. 

»  Peut-être  ont-ils  pensé  que  des  livres  incomplets 
ne  valaient  pas,  pour  cette  seule  raison,  les  frais 
d'emballage  et  de  transport!  Quant  à  moi.  monsieur, 
malgré  que  je  suis  persuadé  du  mérite  de  ces  livres, 
dépareillés  en  partie,  et  que  je  respecte  infiniment,  les 
matières  qui  y  sont  traitées,  je  n'en  voudrais  point,  je 
ne  dirai  pas  pour  la  peine,  mais  seulement  pour  le 
danger  d'en  faire  le  catalogue.  Tous  ces  vieux  livres 
qui  depuis  longtemps  n'ont  pas  été  soignés,  renfer- 
ment une  poussière  pestilentielle,  qu'il  ne  serait  pas 
salutaire  de  respirer  longuement  ;  leurs  feuillets  pour- 
raient même  vicier  les  épices  et  le  tabac  que  Ton  y 
envelopperait.  Joignez  à  cela,  monsieur,  que  pour 
appareiller  tant  délivres  afin  den  composer  le  cata- 
logue, il  faudrait  les  placer  sur  le  carreau,  position 
pénible  pour  ce  travail  et  surtout  en  hiver  ;  en  outre 
que  chaque  ouvrage  incomplet  exigerait  que  l'on  tînt 
tous  les  volumes  les  uns  après  les  autres,  et  jusqu'au 
dernier,  pour  chercher  celui  qui  manquerait  et  que 
l'on  ne  trouverait  peut-être  pas. 


-  153  — 

»  Enfin,  monsieur,  comme  il  me  semble  que  le  fond 
de  la  bibliothèque  dont  il  est  question  est  d'une  faible 
valeur  numéraire,  ce  que  Ton  peut  faire  vérifier  par 
quelque  libraire  instruit,  et  qu'il  serait  assez  naturel 
que  cette  valeur  quelconque  tournât  au  profit  de  notre 
église  qui  est  très  pauvre,  je  désirerais  qu'il  plût  aux 
autorités,  d'après  une  visite  et  appréciation  de  ladite 
biblioth^que  par  les  experts  qu'elles  nommeraient  à  cet 
effet,  d'ordonner  que  la  vente  en  serait  faite  sur  les 
lieux  par  M.  le  Juge  de  paix  du  canton,  et  que  le  prix 
en  serait  versé  dans  le  tronc  de  l'église  de  cette  com- 
mune, pour  être  employé,  sous  l'inspection  de  M.  le 
Curé,  en  l'acquisition  de  quelque  linge,  nappe  d'autel 
et  aube,  dont  notre  église  est  totalement  dénuée.  » 

Ainsi,  à  cette  époque,  il  ne  restait  plus,  de  tous  les 
ouvrages  qu'avait  contenus  l'antique  abbaye  de  Corbi- 
gny,  que  quelques  livres  dépareillés.  Qu'étaient  deve- 
nus les  autres?  Ils  n'étaient  pas  arrivés  à  Nevers, 
puisque  la  bibliothèque  de  cette  ville  ne  possède 
aujourd'hui  qu'une  dizaine  de  volumes  provenant  de 
cette  collection.  Comme  le  dit  le  maire,  ils  avaient  été 
emportés  soit  par  les  religieux  eux-mêmes,  soit  par 
toute  personne  ayant  eu  la  fantaisie  de  s'en  emparer. 
Les  rayons  du  bas  avaient  été  complètement  vidés,  les 
autres  n'étaient  restés  garnis  que  parce  que  Ion  n'avait 
pas  voulu  se  donner  la  peine  qu'aurait  nécessitée  l'enlê^r 
vement  des  ouvrages  qui  les  couvraient.  Ces  livres,  que 
M.  le  Maire  dédaignait  tant,  quoiqu'il  respect&t  infini- 
ment les  matières  qui  y  étaient  traitées,  étaient  encore 
au  nombre  de  2021.  Ils  furent  vendus  au  mois  de 
mai  1817  aux  enchères,  avec  autorisation  de  la  préfec- 
ture, la  plupart  au  poids,  à  raison  de  6  centimeSi 
6  centimes  et  demi  et  10  centimes  la  livre.  Le  prix 
total  s'éleva  à  208  fr.  25  c,  qui  furent  donnés  à  la 


bîbliothèqtie  de  Nevers  pour  qu'elle  les  employât  à 
l'acquisision  de  divers  ouvrages. 

On  ne  s'occupa  plus  des  collections  des  livres  de 
Nevers  jusqu'à  l'arrivée  dans  cette  ville  du  citoyen 
représentant  Foucher,  envoyé  en  mission  dans  les 
départements  du  Centre.  Le  16  août  1793.  il  manifesta 
au  conseil  du  département  l'intention  «  d'établir  une 
bibliothèque  publique  dans  le  collège  de  Nevers, 
composée  de  tous  les  livres  dépendant  des  biblio- 
thèques des  religieux  ou  religieuses  supprimés^ 
ainsi  que  des  émigrés  ».  Le  dépôt  du  prieuré  Saint- 
Etienne  fut  donc  transporté  au  collège,  mais  l'ancienne 
bibliothèque  du  Chapitre  resta  encore  séparée.  Un 
concours  fut  indiqué  pour  la  place  de  bibliothécaire, 
fonction  qui  devait  être  attribuée  au  mérite  seul  et 
iion  à  là  faveur.  Lé  choix  du  jury  chargé  de  désigner 
au  citoyen  représentant  le  nom  du  plus  digne  parmi  les 
candidats,  se  poVta  sur  François  Moreau,  beau-frère 
d'un  personnage  important  de  Tépoque.  Soit  que  le 
choix  de  la  commission  ait  été  influencé  par  cette 
considération,  soit  pour  toute  autre  cause,  le  nouvel 
élu  se  montra  absolument  incapable,  ne  s'occupant 
nullement  de  ses  fonctions,  et  ayant  même  remis  les 
clés  du  local  où  étaient  déposés  les  livres  entre  des 
mains  étrangères.  Aussi,  le  2  frimaire  an  II,  les  admi- 
nistrateurs le  remplacèrent-ils  par  Nicolas  l.iboron 
Villers,  ancien  chanoine  de  Nevers,  en  lui  adjoignant 
comme  commissaire  Ignace  -  Mauguin  Degautière, 
aussi  ex-chanoine. 

Les  choses  changèrent  immédiatement;  les  nou- 
veaux commissaires  se  mirent  aussitôt  à  l'œuvre,  ran- 
geant les  livres,  cataloguant  les  ouvrages,  veillant 
avec  soin  à  la  conservation  de  ce  qui  avait  échappé 
m  désastre. 
'   i^e  30  thenfaîdbr  aà  H,   tes  membres  ^  c(mrité 


—  455  - 

d'instruction  publique  écrivaient  aux  administrateurs 
du  district  de  Nevers  :  «  Citoyens,  le  comité  d'ins- 
truction publique  a  reçu  le  catalogue  annoncé  par 
votre  lettre  du  14  de  ce  mois  :  les  cartes  sont  très  bien 
faites  et  le  catalogue  est  conforme  aux  instructions  du 
comité.  Nous  ne  pouvons  qu'inviter  votre  commissaire 
à  continuer  son  travail  avec  le  même  zèle  et  la  môme 
intelligence.  Signé  :  Mathieu  et  Grégoire  ». 

Le  décret  de  la  Convention  du  21  prairial,  an  III, 
permit  de  rendre  aux  enfants  ou  héritiers  des  condam- 
nés les  biens  meubles  et  immeubles  frappés  de  confis- 
cation Cette  disposition  fut  étendue  aux  héritiers  des 
prêtres  déportés.  Dès  lors,  les  réclamations  affluèrent 
en  restitution  de  livres,  manuscrits  et  objets  d'art  qui 
avaient  été  saisis  pendant  la  tourmente  ;  jusqu'à 
Tan  IV,  2608  volumes  furent  ainsi  redemandés  à  la 
seule  bibliothèque  de  Nevers.  On  trouve,  parmi  les 
réclamants,  des  prêtres  tels  que  Paul  Lejault  et  les 
héritiers  de  Pierre  Chezeau  ;  des  femmes  ou  héritiers 
d'émigrés,  ainsi  Marie- Victoire  Prisye,  femme  de 
François  Saulieu  ;  de  simples  citoyens,  tels  que 
Nicolas  Périgord,  coiffeur  à  Nevers.  La  plupart  de  ces 
livres  furent  rendus  à  ceux  qui  purent  établir  leurs 
droits  d'une  façon  quelconque. 

Ces  demandes  se  prolongèrent  pendant  un  temps 
assez  long  ;  le  24  septembre  1808,  Guy  Pépin,  ancien 
curé,  énonçait  dans  une  plainte  au  préfet  de  la  Nièvre 
que,  c(  à  l'instant  de  sa  déportation,  le  sieur  Gallois, 
prêtre  marié,  s'empara,  sans  aucune  autorisation,  de 
tout  son  mobilier,  qu'il  pilla  et  dilapida  tellement,  que 
sur  le  cri  public,  plainte  fut  portée  contre  ledit  Gallois, 
qui  fut  constitué  prisonnier  en  vertu  d'un  mandat 
d'arrêt.  Cette  procédure  n'eut  aucune,  suite  parce  que 
les  événement»,  devinrent  favorables  au  système  de 
dilapidation.  Au  retour  de  la  départation,  le  prêtre 


-  156- 

Pépin  réclama,  en  vain,  contre  la  dilapidation  illégale 
de  son  mobilier,  en  valeur  de  8  à  9,000  fr.  Il  sut. 
par  la  procédure  dirigée  contre  Gallois,  que  ses  livres, 
au  nombre  de  450  volumes,  avaient  été  remis  au  dépôt 
public,  ainsi  que  tous  ceux  des  prêtres  déportés  comme 
lui.  »  En  conséquence,  il  demandait  la  restitution  de 
ces  volumes.  Le  13  août  1823,  était  encore  faite  une 
restitution  à  M.  de  Chaligny,  sous-préfet  de  Château- 
Chinon  ;  il  en  fut  ainsi  dans  les  autres  districts  du 
département.  Le  19  ventôse,  an  V,  Tadministration  de 
La  Charité  rendit  à  François-Augustin  Marille,  ci- 
devant  curé  de  Vielmanay,  608  volumes  ;  les  adminis- 
trateurs de  MoulinS'Engilbert  constataient,  en  Tan  V, 
que  les  réclamations  d'un  certain  nombre  de  familles 
avaient  réduit  d'une  manière  considérable  le  nombre 
des  livres  de  leur  bibliothèque. 

A  la  création  des  écoles  centrales  départementales, 
la  bibliothèque  de  Nevers  prit  le  nom  de  bibliothèque 
de  l'école  centrale.  Villers  fut  maintenu  dans  ses  fonc- 
tions le  S6  messidor,  an  IV.  Elles  avaient  été  d'abord 
gratuites  :  quelques  mois  plus  tard,  il  adressait  la  lettre 
suivante  à  l'administration  :  «  Le  28  frimaire  an  II 
de  la  République,  l'administration  du  district  m'a 
nommé  commissaire  à  la  bibliothèque:  elle  ne  me 
proposa  pas  d'indemnités,  je  n'en  demandai  pas,  accou- 
tumé à  une  vie  simple  et  frugale,  sans  passions,  sans 
fantaisies  ;  je  comptais  avec  peu  suffire  à  ma  dépense  ; 
les  comestibles  ayant,  depuis  peu,  augmenté  dans  une 
proportion  plus  que  décuple,  les  autres  objets  de  pre- 
mière nécessité  étant  devenus  encore  plus  chers,  je  me 
suis  trouvé  hors  de  tous  calculs  et  de  toutes  mesures. 
Dans  l'urgence  du  besoin,  j'ai  pensé  qu'il  était  de  la 
franche  probité  républicaine  de  vous  demander  le 
salaire  de  mon  travail  plus  tôt  que  de  m'endetter 
davantage^  d'aller  d'emprunt  en  emprunt  et  de  finir  de 


-167- 

me  mettre  dans  l'impossibilité  de  remplir  mes  engage- 
ments. »  Il  fut  fait  droit  à  sa  demande. 

Le  Irical  où  avait  été  transporté  la  bibliothèque  était 
loin  d'être  confortable,  d'après  ce  que  disaient  les 
commissaires  dans  un  rapport  non  daté,  mais  qui  doit 
être  de  l'an  IV  :  «  Les  livres  sont  depuis  plus  de  deux 
ans  dans  la  môme  salle,  exposés  à  l'humidité  qui  leur 
est  si  dommageable,  à  la  moisissure  qui  en  est  l'effet 
nécessaire,  aux  ravages  des  insectes  et  des  rats,  qui, 
produits,  attirés  par  la  p&te  du  papier,  dans  un  bâti- 
ment mal  clos  et  tombant  de  vétusté,  se  multiplient 
avec  une  fécondité  dont  nous  ignorons  la  progression 
et  le  terme 

0  Les  différentes  bibliothèques  particulières  avaient 
été  enlevées  sans  inventaire  et  entassées  péle-mèle 
dans  des  caveaux  ou  des  galetas.  Il  était  bien  instant 
de  ne  pas  laisser  des  livres  sur  des  carreaux  ou  des 
dalles  plus  basses  au-dessous  du  niveau  du  sol  exté- 
rieur; l'administration  arrêta,  le  2  prairial,  an  II, 
qu'ils  seraient  transportés  dans  la  salle  où,  au  ci-devant 
collège,  se  distribuaient  les  prix  de  chaque  année 
scholastique  ;  aussitôt,  nous  en  fîmes  garnir  tout  le 
pourtour  de  sept  rayons  de  hauteur  :  il  n'en  a  coûté  à 
la  République  que  la  main-d'œuvre;  les  croisées 
étaient  sans  vitres,  nous  les  fîmes  fermer  à  claire- voie 
par  des  espèces  de  lattes  de  chône  de  deux  à  trois 
pouces  de  large,  suffisamment  espacées  pour  qu'il 
pénétrât  plus  qu'un  demi-jour.  Ce  n'était  pas  défendre 
les  livres  de  la  neige  et  de  la  pluie  ;  mais  au  moins 
cette  clôture  nous  assurait  qu'on  n'entrerait  pas  sans 
effraction.  Il  n'y  a  que  l'urgence  du  besoin  qui  ait  pu 
déterminer  le  district  â  prendre  pour  emplacement 
une  aussi  misérable  masure.  La  salle  de  la  biblio- 
thèque, qui  est  un  quarré  long,  est  toute  décarrelée; 
on  ne  peut  y  marcher  sans  se  couvrir  de  poussière  et 


de  plutras^  Le  mur-  latéral,  qui  a  pour  aspect-  le 
nord-est-nord,  est  hors  de  son  aplomb  de  12  à  15  pouces 
et  il  y  a  plus  de  dix  ans  que  cette  partie  du  bâtiment 
dû  ci-devant  collège  a  été  condamnée  comme  menaçant 
de  sa  chute  les  citoyens  qui  oseraient  y  entrer  ou 
passer  par  la  rue  Mirangron.  » 

On  le  voit  par  cette  description,  un  changement 
d-emplacement  était  absolument  nécessaire  pour  la 
bibliothèque  si  Ton  ne  voulait  pas  compromettre  tout 
ce  qui  avait  pu  être  sauvé,  d'autant  plus  qu'on  espérait 
voir  augmenter  le  nombre  des  volumes  d'une  manière 
considérable. 

En  effet,  après  avoir  résolu  qu'il  serait  formé  une 
bibliothèque  dans  chaque  district,  on  s'était  aperçu  de 
la  difficulté  d'une  pareille  création  ;  les  éléments 
manquaient  pour  l'établissement  d'aussi  nombreuses 
collections,  qui  devaient  être  formées  souvent  dans  de 
toutes  petites  villes  et  quelquefois  même  dans  de 
simples  villages.  Grâce  à  la  façon  dont  avaient  été 
exécutés  les  ordres  de  l'Assemblée  constituante,  le 
nombre  des  ouvrages  destinés  au  dépôt  public  se 
trouvait  beaucoup  plus  restreint  qu'on  1  avait  pensé. 
De  plus,  de  nouvelles  circonscriptions  territoriales 
avaient  remplacé  les  districts  ;  on  projeta  donc 
l'établissement  d'une  bibliothèque  par  département 
seulement.  Le  1«'  prairial,  an  IV,  les  commissaires 
présentèrent  aux  administiateurs  de  la  Nièvre  un 
projet  ainsi  conçu  : 

«  Toutes  les  bibliothèques  restées  dans  les  districts 
seront  transportées  à  Nevers  et  réunies  à  la  biblio- 
thèque centrale  établie  dans  ce  département. 

»  N.  B,  —  Nous  ne  connaissons  pas.  citoyens  admi- 
nistrateurs, vos  moyens  économi(iues  pour  diminuer 
les  frais  de  transport,  seulement  nous  vous  observerons 


qp^  Ifoiï  pourrait  faireT  servir  aux.  caisses^  d'omballa^. 
les  rayons  des  bibliothèques,  s'ils  ne  sont,  com.m&  à; 
Nevers,  que  des  vieilles  planches,  et  les  caisses  ne  coû- 
teront que  la  main-d'œuvre,  » 

Mais  on  se  rendait  compte  que  si  Ton  faisait  venir  à 
Nevers  les  bibliothèques  des  districts  en  entier,  il  se 
trouverait  une  quantité  d'ouvrages  en  double  et  môme 
en  triple  ;  que  d'un  autre  côté,  un  grand  nombre  de 
ces  volumes,  alors  dépareillés,  ne  valaient  môme  pas  le 
transport.  Il  fut  donc  convenu  que  l'on  ne  prendrait 
pour  le  chef-lieu  que  les  livres  qui  méritaient  réelle- 
ment de  figurer  dans  un  dépôt  public.  Des  inventaires 
de  ce  qui  restait  de  leurs  collections  furent  demandés 
aux  municipalités,  et  Manguin-Degautières,  qui  avait 
succédé  à  Villers  comme  bibliothécaire,  chargé  de 
faire  un  rapport  sur  les  ouvrages  inscrits  dans  ces 
catalogues  qui  seraient,  d'après  lui,  dignes  d'être 
transférés  à  Nevers.  Cosne  répondit  que  sa  biblio- 
thèque était  établie  dans  la  maison  des  ci-devant 
Augustins,  et  qu'elle  comprenait  celle  de  l'abbaye  de 
Roches,  celle  des  Augustins  et  celle  de  Dubois-Des- 
cours,  émigré  ;  qu'un  catalogue  avait  été  dressé  pour 
Roches  seulement,  mais  on  ne  l'envoya  pas.  La  Cha- 
rité, Corbigny  et  Clamecy  envoyèrent  ce  qu'on  leur 
demandait.  Il  est  curieux  de  voir  l'appréciation  de 
Mauguin-Degautières  sur  ces  diverses  bibliothèques, 
dont,  sauf  pour  Corbigny,  on  ne  possède  même  plus  le 
catalogue  : 

«  Canton  de  La  Charité.  —  Bibliothèque  des  ci- 
devants  Bernardins,  de  Bourras.  48  volumes  méritent 
seuls  des  frais  de  transport  :  les  autres  ouvrages  qui 
composaient  la  bibliothèque  de  ces  ci-devant  religieux 
ne  sont  d'aucune  valeur. 

)>  Le  catalogue  des  ci-devants  Bénédictins  de  La 


Gbarité  est  composé  de  1250  numéros  ;  il  n'y  en  a  que 
43  à  retenir  ;  il  est  étonnant  de  ne  pas  trouver  dans 
cette  bibliothèque  ni  ouvrage  de  littérature,  ni  d'bis* 
toire;  pas  même  les  grands  orateurs  chrétiens.  Elle  ne 
contient  en  masse  que  des  livres  de  mysticité  et  de 
controverse  ancienne  qui,  probablement,  n'étaient  pas 
plus  lus  que  consultés. 

»  Dans  les  986  numéros  qui  composent  le  catalogue 
de  la  bibliothèque  des  ci-devant  Récollets  de  La 
Charité,  il  n'y  en  a  que  33  qui  méritent  le  transport 
dans  la  bibliothèque  générale.  Le  surplus  n'est  corn* 
posé  que  d'ouvrages  fastidieux  et  peu  propres  à  Tins, 
truction. 

»  La  bibliothèque  des  ci-devant  Chartreux  de 
Bellary,  composée  de  446  numéros,  est  celle  qui 
fournit  à  la  bibliothèque  générale  les  meilleurs 
ouvrages,  quoiqu'il  n'y  ait  que  30  numéros  dignes  du 
transport  ;  cependant  on  y  trouve  les  grands  oi*ateurS 
chrétiens  :  les  Bourdaloue,  les  Bossnet,  les  Fléchier, 
les  Fénelon  et  les  meilleures  éditions;  mais,  comme 
ces  ouvrages  existent  déjà  dans  la  bibliothèque,  il  est 
inutile  d'augmenter  la  partie  la  plus  volumineuse  du 
dépôt  général. 

»  Canton  de  Corbigny  :  Bibliothèque  des  ci-devant 
Bénédictins  de  Corbigny.  —  Il  est  étonnant  de  ne  pas 
trouver,  dans  la  bibliothèque  d'une  communauté  qui 
jouissait  de  si  grands  biens,  les  belles  éditions  des 
Bénédictins  de  la  congrégation  de  Saint-Maur  ;  il  est 
instant  de  faire  venir  les  ouvrages  indiqués  par  les 
numéros  ;  le  surplus  de  cette  bibliothèque  ne  mérite 
pas  le  transport. 

»  La  bibliothèque  des  Chartreux  de  Lormes  n'était 
pas  considérable  ;  trois  articles  seulement  sont  dignes 
du  transport;  mais  tous  trois  sont  infiniment  pré* 
tieux» 


-  161  — 

»  Canton  de  Clamecy.  —  Ce  canton  n'a  fait  par- 
venir que  deux  catalogues,  sçavoir  :  celui  de  la  biblio- 
thèque des  ci-devant  Récollets  de  Clamecy  et  celui  des 
ci-devant  Chartreux. 

»  Examen  fait  de  ces  deux  catalogues  et  après  avoir 
suivi  exactement  ces  numéros  par  nom  alphabétique 
d'auteurs,  il  n'a  pas  été  possible  d'y  trouver  un 
ouvrage  digne  d'être  placé  dans  la  bibliothèque.  C'est 
un  amas  de  questions  théologiques,  d'ouvrages  de 
mysticité,  de  jansénisme,  dont  les  éditions  sont  aussi 
mauvaises  que  les  ouvrages  ont  occasionné  de  troubles 
et  de  désordre  dans  la  société.  » 

Pour  ces  dernières  bibliothèques,  les  administrateurs 
du  canton  intérieur  de  Clamecy  les  appréciaient  aussi 
peu  que  Manguin  ;  ils  écrivaient  le  20  messidor  an  V  : 

«  Conformément  à  votre  lettre  du  29  prairial  an  V, 
nous  vous  adressons  l'état  des  volumes  qui  se  trouvent 
dans  la  bibliothèque  du  ci-devant  district  de  Cla- 
mecy ;  nous  aurions  désiré  pouvoir  faire  un  inventaire 
désignatif  des  ouvrages  ;  mais,  comme  ils  sont  presque 
tous  gaulois,  il  nous  est  impossible  de  les  lire.  Quant 
aux  monuments  des  arts,  il  n'en  existe  aucun. 

»  Veuillez  nous  indiquer  ce  que  nous  devons  faire 
de  cette  énorme  quantité  de  bouquins,  qui,  ne  pouvant 
être  d'aucune  utilité,  occupe  néanmoins  des  apparte- 
ments chez  un  particulier  qui  exige  des  loyers  bien 
supérieurs  à  leur  prix. 

»  Etat  des  liores  qui  se  sont  trouvés  dans  la  biblio- 
thèque nationale  du  ci-devant  district  de  Clamecy.  — 
1®  148  gros  in-folios  contenant  des  écrits  des  Saints- 
Pères  et  docteurs  de  l'Eglise,  presque  tous  latins  et 
écrits  en  gaulois  ; 

»  2^  311  volumes  de  bouquins  reliés  tant  en  veau  qu'en 
bois  et  en  parchemin  à  l'usage  des  ci-devant  religieux  ; 

T.  VIII,  3*  série.  11 


—  162  — 

»  3«  Un  paquet  de  vieux  titres  en  parchemin  prove- 
nant du  chapitre  de  Clamecy,  la  plupart  illisibles  et  à 
moitié  mangés  des  rats.  » 

Pendant  ce  temps,  il  est  vrai,  les  membres  du  jury 
de  l'instruction  du  canton  de  Clamecy  jugeant  autre- 
ment et  à  l'instigation  de  Dupin,  commissaire  du  pou- 
voir exécutif,  demandaient  à  garder  tous  ces  volumes, 
désirant  faire  établir  une  bibliothèque  publique  dans 
leur  cité. 

Les  municipalités  des  ci -devant  districts  de 
Decize,  Saint-Pierre-le-Moûtier,  Moulins-Engilbert  et 
Château  -  Chinon  paraissent  n'avoir  fait  aucune 
réponse.  Du  moins,  le  14  prairial  an  VI,  elles  avaient 
gardé  le  plus  profond  silence. 

En  tout  cas,  un  nombre  extrêmement  restreint  des 
volumes  des  autres  arrondissements  fut  transporté  à 
Ne  vers. 

On  avait  toujours  considéré  comme  provisoire  l'ins- 
tallation de  la  bibliothèque  telle  qu'elle  existait.  Dès 
le  25  fructidor  an  II,  une  commission  avait  été  nommée, 
composée  des  commissaires  et  des  citoyens  Motret, 
Varinot  et  Martin  jeune,  à  laquelle  on  adjoignit  l'ar- 
chitecte Pittet,  afin  de  rechercher  quel  pouvait  être, 
au  milieu  de  tous  les  édifices  appartenant  soit  à  la 
nation,  soit  au  département,  celui  qui  serait  trouvé  le 
plus  propre  à  remplir  le  but  qu'on  se  proposait.  On 
avait  conçu  un  superbe  projet,  on  voulait  «  réunir  à  la 
bibliothèque  deux  cabinets,  l'un  d'histoire  naturelle, 
l'autre  d'antiquités,  de  bronzes,  de  médailles,  de 
tableaux.  La  bibliothèque  devait  occuper  toute  la  lon- 
gueur d'une  grande  croix  latine  et  les  deux  cabinets 
les  deux  travers.  On  désirait  que  l'enfilade  régnât  sur 
un  vaste  jardin  dans  lequel  seraient  cultivées  les 
plantes  rares  ou  médicinales,  indigènes  et  exotiques  ». 


-  163  -* 

Le  citoyen  Pittet  proposa  le  premier  étage  du  ci-devant 
évôché. 

Ce  projet  semble  avoir  eu  la  désapprobation 
générale.  Sur  le  rapport  de  l'ingénieur  Lebrun,  on 
proposa  alors  une  partie  de  l'ancienne  abbaye  de 
Saint-Martin  ;  le  ministère  ne  goûta  pas  ce  nouveau 
projet,  qui  fut  aussi  rejeté. 

Comme  le  maintien  de  la  bibliothèque  au  collège 
était  devenu  impossible,  par  suite  des  réparations 
nécessitées  par  l'école  centrale  qui  y  était  établie,  on 
transporta  les  livres  en  Tan  VII  place  de  TEvôché, 
dans  un  appartement  loué  au  citoyen  Jean  Guillaume, 
secrétaire  de  la  municipalité,  adjacent  à  la  salle  du 
ci-devant  chapitre. 

Ceux  qu'on  considérait  comme  pouvant  avoir  une 
certaine  valeur  avaient  été  mis  à  la  disposition  du  préfet. 
En  1813,  on  voulut  profiter  d'un  changement  de  préfet 
pour  obtenir  leur  restitution.  Le  23  mars,  Piron, 
conseiller  de  préfecture,  écrivait  au  maire  de  Nevers  : 

«  Ne  croyez-vous  pas  qu'il  serait  convenable 
d'attendre  le  nouveau  préfet  pour  enlever  les  volumes 
qui  appartiennent  à  la  commune,  mais  qui  sont  l'or- 
nement du  cabinet  administratif.  MM.  Adet,  de 
Plancy,  de  Breteuil  en  ont  joui  ;  ne  serais-je  pas  un 
peu  blâmable  de  priver  M.  Fiévée  du  plaisir  de  les 
voir:  réfléchissez.  » 

Ces  livres,  au  nombre  d'environ  500,  furent  réinté- 
grés seulement  le  7  janvier  1818.  Ce  fut  alors  que  la 
bibliothèque  se  trouva  réunie,  la  partie  qui  était  au 
collège  ayant  été,  en  l'an  VII,  rejoindre  la  bibliothèque 
du  chapitre  place  de  l'Evêché. 

Le  11  août  1815,  le  préfet  de  la  Nièvre  exigea  l'in- 
ventaire et  les  clés  de  la  bibliothèque  pour  les  mettre 
à  la  disposition  du  commandant  des  troupes  wurtem- 


—  164- 

bergoises  qui  occupaient  alors  la  ville.  Les  archives 
communales  possèdent  un  récépissé  ainsi  conçu  : 
((  Remis  à  M.  le  commandant  de  place  deux  livres, 
savoir  :  Tables  trigonométriques  décimales  et  Des- 
cription de  fabriquer  les  canons,  dont  quittance. 
Nevers,  le  23  août  1816,  signé  de  Rucht,  adjudant.  » 
Deux  jours  plus  tard,  un  aide  de  camp  du  général 
menaçait  d'enfoncer  les  portes  si  les  clés  ne  lui  étaient 
pas  remises  immédiatement  et  s'emparait  des  livres 
suivants  :  Cours  de  mathématiques,  par  Bezout,  dix 
volumes;  Rapport  sur  la  situation  de  V  Ecole  poly- 
technique, un  volume;  De  l'Exploitation  des  bois, 
par  Duhamel  de  Monceau,  deux  volumes  ;  Du  Trans- 
port des  bois,  par  le  môme,  un  volume,  et  un  volume 
intitulé  :   Usage  de  l'Artillerie. 

Le  nouveau  local,  sans  être  aussi  défectueux  que  l'an- 
cienne salle  des  prix  et  du  collège,  était  peu  convenable  ; 
voici  la  description  qu'en  fait  un  des  bibliothécaires  : 

((  La  bibliothèque  occupe  le  deuxième  étage 
d'une  maison  située  sur  la  place  de  l'Evêché.  L*an- 
cienne  administration  loua  ce  local  pour  y  établir  le 
dépôt  des  livres  que  la  ville  possédait  alors.  Le  pre- 
mier objet  qui  s'offre  à  la  vue  en  entrant  dans  cette 
maison  est  une  cave  vaste,  profonde  et  entièrement 
ouverte.  Au  premier  étage  se  trouve  le  magasin  qui 
contient  l'avoine  destinée  aux  chevaux  de  toute  la 
garnison.  Ce  n'est  qu'avec  des  soins  de  tous  les  ins- 
tants et  grâce  à  des  querelles  journalières  avec  les 
employés  aux  fourrages  que  l'on  parvient  à  rendre 
l'escalier  assez  propre,  pour  que  les  lecteurs  assidus  ou 
les  curieux  puissent  arriver  jusque  dans  la  salle.  La 
tranquillité  est  indispensable  pour  un  établissement  de 
ce  genre,  et  cependant  les  conversations  bruyantes 
des  employés  interrompent  quelquefois  les  travail- 
leurs. » 


—  165  — 

Des  altercations  journalières  avaient  lieu  entre  le 
bibliothécaire  et  les  préposés  aux  fourrages,  qui 
s'efforçaient  d'être  le  plus  bruyants  qu'il  leur  était 
possible  et  de  répandre  le  son  et  l'avoine  tout  le  long 
de  l'escalier,  qu'ils  refusaient  de  balayer.  Uil  jour 
même,  le  conservateur  trouva  fracturée  la  porte  d'un 
cabinet  dépendant  de  la  bibliothèque  :  il  la  fit  sim- 
plement refermer.  Le  lendemain,  à  son  arrivée,  il  vit 
les  commis  aux  fourrages  en  train  d'arracher  la  serrure. 
La  municipalité  dut  intervenir  pour  empêcher  l'inva- 
sion qu'ils  prétendaient  faire  de  ce  cabinet.  On  com- 
prend combien  désagréable  était  la  situation  pour  les 
travailleurs  et  que  la  bibliothèque  ait  été  peu  fré- 
quentée dans  des  conditions  semblables. 

Deux  fois  elle  fut  fermée  pendant  plusieurs  années 
de  suite.  D'abord,  vers  la  fin  de  l'Empire,  on  ne  jugea 
pas  à  propos  de  donner  de  successeur  à  Sébastien 
Thomas,  mort  en  1810.  Six  ans  plus  tard,  le  ministre 
ayant  demandé  des  renseignements  à  ce  sujet,  il  lui  fut 
répondu  que  «  la  bibliothèque  de  Nevers  est  si  peu 
importante  par  le  nombre  et  la  nature  des  ouvrages 
qu'elle  renferme,  que  M.  le  Maire  en  exerce  lui-même 
la  surveillance  par  les  soins  du  secrétaire  de  la 
mairie  », 

La  municipalité  fut  mise  en  demeure  de  se  pourvoir 
d'un  bibliothécaire.  Le  choix  du  maire  se  porta  sur 
Jean-Germain  Baudiot^  âgé  seulement  de  seize  ans. 
Comme  on  n'osait  pas  faire  connaître  son  âge  aux 
autorités  supérieures,  la  nomination  fut  faite  au  nom 
de  son  père,  Jean-Baptiste  Baudiot,  qui  ne  s'occupa 
aucunement  de  la  bibliothèque,  tandis  que  le  fils 
s'appliqua  à  ses  fonctions  avec  zèle  et  figura  seul 
comme  bibliothécaire,  soit  dans  les  annuaires,  soit  au 
budget  de  la  commune. 

A  la  mort  de  Germain-Jean  Baudiot,  arrivée  le 


—  166  - 

29  mai  1829,  il  ne  fut  pas  procédé  à  la  nomination 
d'un  autre  bibliothécaire.  Les  clés  et  le  catalogue  se 
trouvaient  dans  une  armoire  sur  laquelle  les  scellés 
avaient  été  apposés  quelque  temps  auparavant  par 
suite  d'une  saisie  mobilière.  On  trouva  sous  ces  scellés 
une  quantité  de  volumes  appartenant  à  la  bibliothè- 
que ;  la  municipalité  se  contenta  d  envoyer  un  «  agent 
de  police  accompagné  d'un  charretier  conduisant  un 
tombereau,  qu'il  emplit  plusieurs  fois  de  livres  qui  en 
faisaient  partie.  »  La  bibliothèque  resta  plus  de  trois 
ans  fermée.  Baudiot  père  s'en  intitulait  conservateur 
et,  sans  ouvrir  une  seule  fois  la  bibliothèque,  conserva 
les  clés  pendant  tout  ce  temps.  Le  traitement  du 
bibliothécaire  fut  simplement  supprimé  du  budget. 
Cette  situation  eût  pu  se  prolonger  encore,  si  Baudiot 
ne  se  fut  avisé  de  réclamer  une  indemnité  comme 
bibliothécaire  et  n'eût  adressé,  à  ce  sujet,  une  plainte 
au  ministre  du  commerce  et  des  travaux  publics,  qui, 
averti  ainsi  de  ce  qui  se  passait,  mit  le  maire  de 
Nevers  en  demeure  de  rouvrir  la  bibliothèque  et  de 
nommer  un  conservateur. 

L'emplacement  de  l'ancien  château  des  comtes  de 
de  Nevers  était  autrefois  occupé  par  un  jardin  en 
terrasse,  appelé  jardin  de  la  Madeleine.  C'est  là,  après 
de  longues  hésitations,  que  le  conseil  municipal  décida, 
dans  la  séance  du  2  février  1832,  qu'il  serait  établi  un 
bâtiment  destiné  à  contenir  la  salle  du  tribunal  de 
commerce,  celle  de  la  justice  de  paix  et  celle  de  la 
bibliothèque.  Pour  diverses  causes,  et  par  suite  parti- 
culièrement de  considérations  budgétaires,  cette  cons- 
truction fut  encore  retardée,  et  ce  n'est  que  dans  le 
courant  de  l'année  1838  que  la  bibliothèque  put  enfin 
être  installée  définitivement  dans  le  bâtiment  où  elle  pe 
trouve  aujourd'hui  et  dont  le  surplus  est  occupé  par 
les  bureaux  de  l'hôtel  de  ville.  Il  y  avait  plus .  de 


—  167- 

quarante-un  ans  que  son  transfert  de  la  place  de 
l'Evêché  était  décidé. 

On  a  vu  que  la  bibliothèque  de  Ne  vers  avait  été, 
pendant  un  certain  temps,  bibliothèque  de  l'école 
centrale.  La  loi  du  20  pluviôse,  an  IV,  ayant  assimilé 
les  bibliothécaires  aux  professeurs  des  écoles  centrales, 
qui  devaient  avoir  leur  habitation  dans  l'intérieur 
même  de  ces  écoles,  Mauguin-Degautières  demanda 
que  cette  loi  fût  appliquée  à  son  profit.  La  situation 
dans  laquelle  se  trouvaient  les  bâtiments  du  collège  ne 
permit  pas  de  faire  droit  à  cette  réclamation.  Plus 
tard,  M.  Delaroche  essaya  également  d'obtenir  un 
logement  près  de  la  bibliothèque  ;  il  reçut  seulement 
l'autorisation  d'occuper  une  petite  pièce  contiguë; 
mais,  en  fait,  les  bibliothécaires  ne  furent  jamais  logés, 
à  Nevers. 

Longtemps  furent  annexées  à  la  bibliothèque  des 
collections  de  minéralogie,  d'histoire  naturelle,  de 
médailles,  dont  plusieurs  bibliothécaires  se  trouvaient 
être  conservateurs;  tandis  que  la  bibliothèque  dite 
nivernaise ,  c'est-à-dire  la  collection  fondée  par 
M.  Gallois,  ancien  conducteur  des  ponts  et  chaussées, 
des  ouvrages  écrits  par  des  Nivernais,  ou  traitant  soit 
de  la  province,  soit  du  département,  avait  une  admi- 
nistration particulière.  Cette  anomalie  cessa  au  mois 
d'octobre  1861,  et  les  deux  bibliothèques  furent  alors 
réunies  sous  le  môme  conservateur. 

Les  jours  d'ouverture  de  la  bibliothèque  varièrent 
beaucoup.  En  l'an  V  elle  était  ouverte  les  primidi,  les 
quintidi  et  octidi  de  chaque  décade  ;  en  1810,  deux 
fois  par  semaine,  le  mardi  et  le  vendredi  ;  en  1833, 
également  deux  fois,  le  mercredi  et  le  samedi;  en 
1860,  cinq  jours  par  semaine  ;  elle  était  fermée  seule- 
ment le  samedi  et  le  dimanche  ;  en  1863,  elle  n'était 
plus  ouverte  que  quatre  fois,  les  dimanche;  mardi, 


-  168  — 

jeudi  et  samedi.  Actuellement,  elle  est  ouverte  tous 
les  jours,  sauf  pendant  les  vacances  réglementaires  et 
les  jours  de  grande  fête. 

Le  règlement  du  29  juin  1810  interdisait  formelle- 
ment le  prêt  de  toute  espèce  de  livres. 

Ce  n'est  que  beaucoup  plus  tard  que  Ton  permît  aux 
personnes  munies  d'une  autorisation  spéciale  de  l'au- 
torité municipale  d'emporter  des  livres  à  domicile. 
En  1841,  six  personnes  seulement  étaient  autorisées  ; 
le  nombre  s'est  beaucoup  accru  dans  ces  dernières 
années,  il  est  actuellement  de  plus  de  trois  cents. 

Une  délibération  du  conseil  municipal  du  12  février 
1872  créa  un  emploi  de  bibliothécaire-adjoint  ;  aupa- 
ravant, plusieurs  habitants  de  Ne  vers  portèrent  ce 
titre  ;  mais  c'étaient  des  personnes  de  bonne  volonté, 
consentant  gratuitement  à  assister  le  bibliothécaire  et 
heureuses  de  remplir  une  fonction  qui  leur  permettait 
de  se  livrer  plus  facilement  à  des  recherches  et  à  des 
études  qu'elles  aimaient. 

Une  note  de  Mauguin-Degantières  fait  connaître 
que,  primitivement,  la  bibliothèque  de  Nevers  était 
«  composée  environ  de  18  à  20  mille  volumes  ».  Il  m'a 
été  impossible  de  retrouver  le  catalogue  qu'il  dressa 
avec  Villers.  Celui  fait  par  Sébastien  Thomas  en  1810, 
dont  l'original  existe  à  la  Bibliothèque  nationale 
(n°  5333  des  Nouvelles  acquisitions  françaises)  et  dont 
deux  copies  écrites  par  Thomas  lui-môme  se  trouvent 
à  Nevers,  ne  contient  plus  que  6,412  volumes. 

D'où  peut  provenir  une  aussi  sensible  diCEérence  ? 
Qu'étaient  donc  devenus  les  deux  tiers  des  livres  ?  Il  en 
fut  rendu  aux  familles  des  émigrés  et  aux  prêtres 
déportés  ;  je  ne  pense  pas  que  l'on  puisse  porter  à  plus 
de  trois  mille  le  nombre  des  volumes  ainsi  restitués 
avant  1810.  D'autres  furent  vendus,  pour  le  prix  en 
être  employé  en  acquisitions,  au  profit  de  la  biblio- 


—  169  — 

thèque.  Le  24  mai  1809,  le  Préfet  de  la  Nièvre  auto- 
risa la  vente  de  «  3,583  volumes  de  différents  formats, 
tous  vieux,  dégradés,  en  grande  partie  dépareillés  et 
qui  restent  d'un  dépôt,  anciennement  dans  un  des 
locaux  dépendant  de  l'hôtel  de  la  préfecture  », 

Le  1«'  août  1810,  nouvelle  autorisation  de  vendre, 
comme  se  trouvant  en  double  37  volumes  in-folio, 
112  in-quarto  et  228  in-octavo  et  in-douze.  Il  reste, 
en  tout  cas,  plusieurs  milliers  de  livres  dont  on  ne 
peut  expliquer  la  disparition. 

La  bibliothèque  de  Nevers  a  toujours  été  gratifiée 
d'envois  importants  par  le  Gouvernement. 

Les  années  qui  suivirent  son  transfert  dans  les  bâti- 
ments de  rhôtel  de  ville  actuel^  les  habitants  s'em- 
pressèrent de  faire  des  dons  assez  considérables  :  nos 
concitoyens  s'efforçaient  de  l'enrichir.  Il  faut  avouer 
que  depuis  un  certain  nombre  d'années  cet  élan  s'est 
sensiblement  ralenti  ;  rares  sont  les  dons  faits  chaque 
année  par  les  particuliers. 

Outre  les  livres  et  manuscrits,  elle  possède  deux 
herbiers  en  parfait  état,  l'un  provenant  de  Boreau, 
auteur  de  la  Flore  du  Centre  et  directeur  du  jardin 
des  plantes  d'Angers.  Avant  de  quitter  Nevers  en  1838, 
il  en  confia  l'achèvement  à  M.  Casimir  Saul,  amateur 
nivernais,  qui  plus  tard  en  fit  la  remise  en  son  nom  à 
la  bibliothèque.  Quant  au  second,  il  se  trouva  dans 
une  des  salles  sans  que  Ton  sût  exactement  quel  en 
était  l'auteur. 

Certains  indices  firent  soupçonner  qu'il  venait  de 
M.  Caffort,  colonel  d'artillerie  en  retraite,  Il  était  en 
très  mauvais  état  et  avait  toujours  été  négligé,  lors- 
qu'on 1879,  M.  Fiston,  alors  directeur  des  postes  à 
Nevers,  voulut  bien  se  charger  de  le  reconstituer.  Il 
s'acquitta  de  cette  mission  avec  un  zèle  et  une  intelli- 
gence qui  lui  méritent  la  reconnaissance  des  amateurs. 


-  170- 

Le  7  juin  1879,  le  conseil  municipal  lui  alloua  300  fr. 
pour  ce  travail. 

Parmi  les  manuscrits  se  trouvaient  cinq  volumes 
in-folio  reliés  en  maroquin  vert,  fleurdelisés,  conte- 
nant les  comptes  originaux  des  travaux  de  construc- 
tions, réparations  et  ornementation,  ainsi  que  des 
peintures  exécutées,  pendant  les  années  1639  à  1642, 
aux  palais,  parc  et  jardins  de  Fontainebleau.  En  1842, 
la  municipalité  proposa  à  la  liste  civile  d'en  faire 
l'échange  contre  quelques  ouvrages  imprimés;  elle 
offrit  même  d'envoyer  un  de  ses  manuscrits  en  com- 
munication à  M.  de  Montalivet,  pair  de  France,  pour 
qu'il  pût  se  rendre  compte  de  leur  importance.  Le 
1**  juin  1855,  le  ministre  de  l'instruction  publique 
demanda  qu'on  voulût  bien  les  envoyer  en  communi- 
cation à  M.  le  comte  de  Laborde.  membre  de  l'Institut, 
pour  un  travail  dont  il  était  chargé  ;  on  ne  trouva  plus 
à  cette  époque  que  quatre  de  ces  volumes  :  le  cinquième 
avait  disparu  sans  laisser  de  traces.  C'était  sans  doute 
celui  envoyé  à  Paris  en  1842. 

Cette  communication  eut  lieu  et,  le  21  octobre  1856, 
les  volumes  revinrent  à  Nevers,  pour  bien  peu  de 
temps  malheureusement.  En  effet,  le  28  février  1857, 
M.  Achille  Fould,  ministre  d'Etat  et  de  la  Maison  de 
l'Empereur,  demanda  si  la  ville  serait  disposée  à  en 
faire  l'échange  contre  d'autres  ouvrages  provenant  des 
bibliothèques  de  la  Couronne.  Le  18  mai,  le  conseil 
municipal  autorisa  l'échange  de  ces  précieux  manus- 
crits contre  l'ouvrage  publié  par  M.  Gavard  sous  le 
titre  de  Galeries  historiques  de  Versailles,  que  la 
bibliothèque  reçut  le  5  septembre.  La  ville  fut  ainsi 
privée  de  documents  extrêmement  remarquables  et 
importants. 

Ed.  DUMINY, 


1 


—  171  — 

LISTE  DES  BIBLIOTHÉCAIRES 

I.  François  Moreau,  1793. 

IL  Nicolas  Liboron-Villers,  ex-chanoine  do  Nevers, 
nommé  le  28  frimaire  an  II,  décédé  le  30  ventôse 
anV. 

III.  Ignace  Manguin-Degautières,  ex-chanoine  de 
Nevers,  nommé  le  20  messidor  an  V,  décédé  le  3  mes- 
sidor an  VIII  «  de  maladie  de  nerfs  »,  dit  son  acte  de 
décès,  ((  dans  la  crispation  s'est  jette  dans  le  puit  de  sa 
maison  )>. 

IV.  Bort,  chef  de  bureau  à  la  préfecture  de  la 
Nièvre,  nommé  le  14  brumaire  an  X. 

V.  Sébastien  Thomas,  ex-curé  de  Brinon,  nommé 
le  10  juin  1802,  décédé  à  Saint-Pierre-le-Moùtier  le 
11  novembre  1810. 

Vacance. 

VI.  Germain-Jean  Baudiot,  nommé  le  4  janvier 
1817,  décédé  le  29  mai  1829. 

Vacance. 

VIL  Napoléon-Charles  Fabre,  prof esseur  de  seconde 
au  collège  de  Nevers,  nommé  le  23  août  1832,  décédé 
le  27  septembre  1843. 

VIIL  Delaroohe,  professeur  de  philosophie  au  collège 
de  Nevers,  nommé  le  3  octobre  1843,  démissionnaire 
le  8  novembre  1858. 

IX.  Jean-Baptiste  Peigne,  avocat  à  Nevers,  nommé 
le  22  novembre  1858,  décédé  le  8  août  1861. 

X.  Théophile  Bornet,  nommé  le  30  août  1861, 
démissionnaire  le  10  août  1871, 

XL  François- Yves-Henri  Chatel,  ancien  professeur 
au  collège  de  Nevers,  nommé  le  30  décembre  1871, 
décédé  le  17  décembre  1877. 

XII.  Prosper-Anselme  Bégat,  imprimeur  à  Nevers, 


-  172 -- 

nommé  le  S4  décembre  1877,  démissionnaire  le  2  mars 
1884. 

XIII.  Marie-Joseph- Etienne  d'Asis-Gaillissans, 
professeur  de  philosophie  au  lycée  de  Nevers,  nommé 
le  15  mars  1884,  décédé  le  18  mai  1896. 

XIV.  Edmond-Marie  Duminy,  nommé  le  10  février 
1897. 

BIBLIOTHÉCAIRES  ADJOINTS 

I.  Eugène  Gandrey,  nommé  le  23  mars  1872. 

II.  Louis-Ernest  Halin,  nommé  le  10  février  1886, 


—  m- 


POURSUITES 


ET 

CONDAMNATIONS  JUDICIAIRES  POUR  FAITS  D'HÊRtSIK 

Cn  Nivernais  a-i    XVP  alèole 

PAR 

RHNÊ     OC     LHSPINASSE 


Dans  les  luttes  religieuses  du  xvi*  siècle,  en  Franoe, 
il  y  a  deux  périodes  distinctes  qui  se  succèdent  Tune 
à  l'autre  et  sont  empreintes  chacune  du  caractère 
particulier  de  notre  race  :  la  première,  purement  judi- 
ciaire, où  des  poursuites  criminelles  sont  exercées 
contre  les  fauteurs  d'hérésie  ;  la  seconde,  où  les  partis, 
soutenus  par  des  seigneurs  riches  et  puissants,  enga- 
gent une  véritable  guerre  civile  qui,  à  diverses  reprises, 
fut  Toccasion  de  pillages  et  de  destructions  dans  nos 
villes,  nos  églises  et  même  nos  campagnes. 

De  celle-ci,  nous  en  voyons  encore  à  chaque  pas  les 
tristes  traces.  En  Nivernais,  les  monuments  détruits 
par  les  huguenots  sont  peut-être  plus  fréquents  que 
les  saccages  de  la  Révolution.  L'archéologue  qui 
s'éclairera  de  l'histoire  en  visitant  les  ruines  appren* 
dra  ce  fait  souvent  non  relaté,  mais  malheureusement 
trop  certain. 

Les  circonstances  judiciaires  ayant  signalé  la  pre^ 
mière  période  de  ces  poursuites  particulières  ne  sont, 
croyons^nous,  consignées  nulle  part,  ni  dans  les  histo** 
riens,  ni  dans  les  traditions,  ni  môme  dans  les  archive? 


-  174  - 

locales.  Celles  que  je  relaterai  tout  à  Theure  sont 
empruntées  aux  Registres  de  la  Chambre  criminelle 
du  Parlement  de  Paris,  copiées  avec  tant  de  sollicitude 
par  notre  confrère  M.  le  comte  de  Chastellux. 

Les  provinces  de  France  ont  été  plus  ou  moins 
inquiétées  par  Ces  poursuites  criminelles  où  la  justice 
s'exerçait  dans  sa  plus  atroce  rigueur,  recevant  l'impul- 
sion des  ordonnances  édictées  en  haut  lieu,  et  souvent, 
dans  la  réalité  des  choses,  offrant  l'occasion  de  ven- 
geances et  de  rivalités  privées,  comme  les  sociétés  à 
toute  époque  en  donnent  l'exemple. 

Il  y  a  aussi  un  enseignement  qui  se  dégage  sans 
conteste  de  cette  série  de  détails  locaux,  c'est  que 
l'élément  religieux  ou,  comme  nous  dirions  aujour- 
d'hui, l'idée  cléricale  n'y  était  pour  rien.  Bien  plus,  le 
Parlement  attirait  à  lui  toutes  les  causes  et  évitait  le 
plus  possible  de  les  transmettre  aux  tribunaux  ecclé- 
siastiques d'ofBcialités,  dans  la  crainte  qu'ils  ne  fussent 
pas  assez  sévères. 

Quand  un  religieux  est  poursuivi  pour  fait  d'hérésie, 
ce  qui  se  présenta  bien  des  fois,  le  Parlement,  en 
remettant  l'affaire,  menace  l'évoque  de  la  saisie  de  son 
temporel  s'il  ne  parfait  pas  le  procès. 

Les  troubles  religieux  se  manifestent  dans  Paris  aux 
premières  années  du  xvi«  siècle  ;  une  grande  proces- 
sion expiatoire  a  lieu  en  1528,  une  autre  plus  solen- 
nelle encore  se  fait  le  21  janvier  1535  ;  le  roi,  les 
princes,  le  Parlement,  les  écoles,  le  clergé  suivent  à 
pied  le  cortège,  la  population  s'y  môle  tout  entière. 

Des  bûchers  s'élèvent  sur  divers  points  de  la  capi- 
tale, où  les  accusés  d'hérésie  sont  brûlés  avec  toute 
sorte  de  raffinement  de  cruauté.  Un  édit  du  29  jan- 
vier 1535  condamne  les  receleurs  d'hérétiques,  luthé- 
riens et  autres,  aux  mômes  peines  que  les  hérétiques 
eux-mômes. 


—  175^ 

En  cette  année  1535,  paraît  la  première  édition  du 
livre  de  Calvin  :  V Institution  de  la  Religion  chré- 
tienne,  qui  absorba  tout  le  mouvement  de  la  Réforme 
en  France  ;  les  conséquences  des  principes  qu'il  avait 
posés  se  développèrent  bientôt  dans  Tordre  des  faits. 
En  1538,  Montmorency,  récemment  nommé  conné- 
table, ordonne  des  poursuites  plus  actives  et  plus 
rigoureuses  contre  les  réformés. 

A  la  suite  de  l'ordonnance  de  Villers-Coterets 
(août  1539),  les  tribunaux  laïques  empiètent  sur  le 
terrain  de  l'Eglise  et  se  saisissent  des  procès  d'hérésie, 
concurremment  avec  les  juges  ecclésiastiques. 

D'autres  édits,  rendus  à  l'instigation  du  cardinal  de 
Tournon,  exhortent  les  juges  laïques  à  rechercher  les 
hérétiques  «  comme  séditieux  et  conspirateurs  occultes 
contre  la  prospérité  de  l'Etat,  laquelle  dépend  princi- 
palement de  l'intégrité  de  la  foi  catholique  ». 

De  1540  à  1545,  les  provinces  de  France  furent 
bouleversées  par  ces  préoccupations  des  esprits  épou- 
vantés par  des  spectacles  atroces,  comme  le  bûcher 
de  Meaux,  où  périrent  dans  les  flammes  quatorze 
condamnés  pendus  à  quatorze  potences,  rangées  en 
cercle  sur  la  place  du  Marché,  et  jetés  au  feu  pendant 
qu'ils  chantaient  les  louanges  du  Seigneur  ;  ou  encore 
comme  les  ravages  causés  chez  les  Vaudois,  ce  malheu- 
reux pays  que  le  parlement  d'Aix  prescrivit  de  mettre 
à  feu  et  à  sang  pour  le  «  dépeupler  et  nettoyer  de 
pareils  séducteurs  ». 

La  date  des  poursuites  en  Nivernais  coïncide  à  peu 
près  avec  les  mesures  décrétées  contre  les  Vaudois, 
mais  il  n'y  avait  rien  de  semblable  dans  notre  pays, 
où  le  caractère  froid  et  timide  des  habitants  n'offrait  à 
l'erreur  que  des  passions  isolées,  agissant  dans 
l'ombre  et  avec  une  extrême  prudence.  Les  popula- 
tions défiantes  et  indécises  ne  suivaient  pas  les  prédi- 


--  176  - 

cations  plus  ou  moins  audacieuses.  L'erreur  restait  le 
fait  d'un  petit  nombre  qui  n'avait  pas  d'écho  dans  le 
public.  Théodore  de  Bèze,  d'une  vieille  famille  niver- 
naise,  quitta  très  jeune  son  pays  pour  habiter  Paris  et 
Genève  ;  il  ne  paraît  pas  avoir  entretenu  des  relations 
avec  des  parents  ou  amis  de  sa  province,  et  s'il  a  eu 
des  rapports  avec  quelques  hérétiques  nivernais, 
il  n'en  reste  encore  aucune  trace  dans  les  souvenirs 
historiques.  Les  procès  du  Parlement,  ne  men- 
tionnent qu'un  certain  Déode  de  Bèze  (Théodore 
lui-même),  prieur  de  Villeseine  et  Longjumeau,  pour- 
suivi en  Nivernais  et  ajourné  pour  être  condamné  au 
bannissement  perpétuel  et  à  la  saisie  de  ses  biens, 
mais  sans  établir  les  causes  de  sa  culpabilité,  fait 
criminel  ordinaire  ou  fait  d'hérésie  (3  avril  1549). 

Les  procès  intentés  par  les  justices  locales  niver- 
naises  pour  faits  d'hérésie  vont  de  l'année  1543  jusqu'à 
environ  1562,  où  ils  disparaissent  complètement.  Ils 
sont  confondus  avec  les  autres  causes  criminelles  et 
généralement  libellés  dans  ces  termes  assez  vagues  : 
«  pour  raison  de  propos  scandaleux  et  erronez  dicts  et 
proférez  contre  l'honneur  de  Dieu,  des  saints  et  saintes 
de  paradis,  de  la  sainte  foy  et  religion  chrestienne, 
constitutions  et  traditions  de  nostre  mère  sainte 
Eglise  )). 

A  la  fin  seulement,  c'est-à-dire  vers  1560,  les  textes 
portent  les  mots  :  «  erreurs  luthériennes  » . 

Ces  causes,  avec  quelques  restrictions,  suivaient  la 
même  procédure  que  les  causes  criminelles  ordinaires. 
C'est  à  ce  titre  qu'elles  sont  conservées  dans  les  regis- 
tres du  Parlement  de  Paris,  dont  la  collection  est  restée 
entière  aux  Archives  nationales.  Dans  Tétat  sommaire 
où  elles  s'y  trouvent,  en  consignant  simplement  les 
requêtes,  les  délais,  les  condamnations^  sans  les  débats 
et  informations  de  l'affaire,  elles  n'en  constituent  pas 


--  177- 

moins  une  source  de  précieux  renseignements  sur  les 
personnes  et  la  situation  des  esprits  ;  mais  dans 
l'ensemble  de  ces  causes,  il  y  en  a  certainement  beau- 
coup qui  nous  échappent,  faute  d'informations  suffi- 
santes et  de  précision  dans  les  termes  d'accusation. 

Le  principal  foyer  d'hérésie  se  développe  à  Corbigny . 
Le  premier  procès,  remontant  au  15  février  1543, 
concerne  plusieurs  habitants  do  cette  ville  poursuivis 
pour  faits  d'hérésie. 

Les  poursuites  sont  faites  en  vertu  de  la  commission 
du  bailli  royal  de  Saint-Pierre-le-Moûtier,  à  la 
requête  du  procureur  général  du  roi  et  sur  ses  conclu- 
sions. 

Messire  Estienne  Berthin,  Jehan  Aubry,  frère  Jehan 
Carreau!,  messire  Léonard  Chegnard,  la  femme  de 
Estienne  Biniot  et  Marguerite  Perreau,  ainsi  que  Per- 
rette  Garderon,  femme  dudit  Jehan  Aubry,  habitants 
de  Corbigny,  sont  traduits  comme  suspects  d'hérésie. 
La  cour  de  Parlement  ordonne  leur  prise  de  corps 
«  quelque  part  où  ils  pourront  estre  trouvez  en  ce 
royaulme  »  et  de  les  mener  prisonniers  à  Saint-Pierre- 
le-Moûtier  pour  faire  leur  procès  et  les  renvoyer 
ensuite  devant  le  Parlement  pour  y  être  jugés. 

La  cour  ordonne  en  môme  temps  au  bailli  de  s'in- 
former le  plus  amplement  possible  «  des  conventi- 
cules,  monopoUes  et  assemblées  secrettcs  que  l'on  faict 
audit  lieu  de  Saint  Léonard  et  es  environs  »,  de  faire 
emprisonner  les  suspects  et  de  réunir  toutes  les  infor- 
mations relatives  à  ce  sujet. 

Cette  première  pièce  indique  la  procédure  employée. 

Les  causes  étaient  instruites  par  les  officiers  royaux 
sur  l'ordre  direct  de  la  cour  de  Parlement,  l'instruc- 
tion faite  sur  place  et  les  jugements  rendus  à  Paris. 

C'était  évidemment  une  société  appartenant  à  la 
bourgeoisie  de  Corbigny  et  probablement  des  parents 

T.  VIII,  3»  série.  12 


■ 
* 


-  178- 

et  alliés  entre  eux.  Il  y  a  des  prêtres,  un  homme  de 
loi,  Jacques  Perreau,  lieutenant  général  à  Montceaux- 
le-Comte,  des  femmes,  des  ménages,  le  mari  et  la 
femme,  indiquant  une  association  d'idées  et  de  goûts. 

L'affaire  instruite  en  Nivernais  et  le  procès  fait 
jusqu'à  sentence,  ils  sont  tous  dirigés  sur  Paris  aux 
prisons  de  la  Conciergerie.  Là,  comme  tous  les  pri- 
sonniers, ils  semblent  se  défendre  séparément  au 
mieux  de  leurs  intérêts  respectifs.  Les  uns  requièrent 
leur  élargissement,  «  attendu  la  quallité  de  leurs  per- 
sonnes et  qu'ils  se  trouvent  innocens  des  cas  à  eulx 
imposez  ». 

Par  arrêt  du  9  août  1543,  ils  obtieûnent  de  sortir  de 
prison  à  la  condition  d'habiter  Paris  ou  ses  faubourgs, 
d'y  élire  domicile,  de  fournir  les  soumissions  exigées 
et  de  signifier  l'arrêt  dans  les  trois  jours  au  procureur 
général. 

L'affaire  revient  le  20  août  suivant,  et  les  accusés, 
ayant  déjà  subi  un  certain  temps  de  prison,  parais- 
sent traités  avec  considération.  Berthin  et  Chignard 
comme  prêtres,  et  par  conséquent  plus  coupables,  sont 
rendus  à  l'évêque  d'Autun  pour  être  jugés  par  l'ofïi- 
cial.  Les  autres  coaccusés,  M«  Jacques  Perreau  et 
Françoise  Bourgoing,  sa  femme,  Catherine  Barrault, 
femme  de  Philippe  Carderon,  Marguerite  Perrault, 
femme  de  Léonard  Mougne,  Marie  Perrault,  femme 
de  Antoine  Demannay,  et  Etienne  Chinard,  sont 
élargis  aux  soumissions  par  eux  faites,  c'est-à-dire  de 
faire  signifier  larrêt  dedans  trois  jours  au  procureur 
du  roi  et  de  s'engager  à  ne  plus  tenir  dorénavant 
«  aulcuns  propos  scandalleux  et  mal  santans  de  la  foy 
et  relligion  chrestienne,  ains  leur  enjoinct  de  se 
conduire  et  gouverner  comme  bons  chrestiens  doibvent 
faire  et  selon  les  commandemens  de  Dieu  et  ordon- 
Dances  et  constitutions  de  nostre  mère  saincte  Eglise  ». 


■ 


-  179  - 

D'autres  coaccusés,  frère  Jehan  Perrault,  Jehan 
Carrault^  Laurence,  femme  d'Etienne  Bynot,  ayant 
fait  défaut,  seront  jugés  dans  le  délai  d'un  mois  ;  il  sera 
procédé  envers  eux  comme  il  appartiendra. 

Cette  affaire  de  Corbigny  prit  des  proportions  impor- 
tantes, ce  fut  peut  être  la  plus  grave  de  celles  qui 
troublèrent  le  Nivernais  à  l'occasion  des  faits  d'hérésie. 

M®  Jehan  Foullé,  lieutenant  du  bailli  de  Nivernois  à 
Montreuillon,  avait  fait  publier,  en  exécution  des 
ordonnances  et  sur  le  commandement  de  la  duchesse, 
les  monitions  réclamées  par  le  procureur  général  du 
roi  afin  d'avoir  «  revellations  d'aucuns  mal  sentans  de 
la  foy  ».  Ces  perquisitions  firent  découvrir  plusieurs 
habitants  convaincus  du  crime  d'hérésie,  les  uns  fugi- 
tifs, les  autres  faits  prisonniers  et  condamnés  à 
l'amende  honorable.  Parmi  eux  se  trouvaient  plusieurs 
notables  de  la  ville  et  même  labbé  de  Saint-Léonard, 
Jacques  de  Baudreuille,  qui  employèrent  contre  ledit 
Foullé  les  outrages,  les  menaces  de  mort  et  tant  de 
vexations  qu'il  fut  contraint,  pour  sa  sécurité,  de 
quitter  le  pays  pendant  une  année.  Ils  gagnèrent  à 
leur  cause  le  procureur  général  du  roi,  leur  parent  et 
allié,  et  obtinrent  une  assignation  où  ils  se  défendirent 
contre  les  attaques  dont  ils  étaient  l'objet. 

L'abbé  de  Baudreuil,  dans  sa  requête  au  Parlement, 
exposait  que,  comme  seigneur  temporel  de  Corbigny, 
il  avait  dû  destituer  de  son  état  de  lieutenant  du  bailli 
le  nommé  Jean  Foullé,  et  que  celui-ci,  par  vengeance, 
avait  suscité  les  poursuites  de  Aignan  Viole  et  Imbert 
Gallope,  juges  du  bourg  Saint-Etienne,  «  jeunes  gens 
d  esprit  »  qui  avaient  intimidé  et  suborné  des  témoins 
pour  charger  l'abbé  de  Saint- Léonard.  En  même  temps 
ses  coaccusés  appelaient  de  juge  incompétent  et  pro- 
duisaient des  lettres  royaux  constatant  qu'ils  étaient 
dévoués  au  roi  et  aux  institutions. 


-  180- 

Une  information  fut  d'abord  confiée  à  un  juge 
impartial,  Jacques  Vallière,  le  plus  ancien  avocat  du 
bourg  Saint-Etienne  de  Nevers  :  sa  femme,  sa  famille, 
ses  enfants  et  ses  biens  furent  mis  sous  la  sauvegarde 
du  roi,  et  il  fut  autorisé  à  produire  ses  témoins,  qui 
seraient  ouïs  et  examinés  par  Jacques  Bolacre. 

Les  inculpés  agissaient  de  leur  côté.  L'abbé  de  Saint- 
Léonard,  Antoine  de  Mannay ,  Léonard  Moyne,  messire 
Léonard  Chesnard,  prêtre,  Marie  et  Marguerite 
Perreau  (1),  se  reportent  au  jugement  qui  les  renvoie 
devant  le  sénéchal  de  Bourbonnois.  Une  première 
plainte  présentée  le  19  avril  1543  fut  l'occasion  de 
plusieurs  décisions  différentes,  selon  la  situation  des 
personnes  ;  le  nombre  des  jugements  et  arrêts,  sans 
tenir  compte  de  ceux  qui  eurent  lieu  devant  les  jus- 
tices locales,  montrent  combien  la  population  de 
Corbigny  dut  être  troublée  pendant  ces  années. 

L'abbé  de  Saint-Léonard,  Jacques  de  Baudreuil, 
comparut  à  Moulins  devant  le  sénéchal  du  Bourbon- 
nais, et  là,  invoquant  son  cas  privilégié,  il  réclama 
d'être  jugé  devant  Tofficial  d'Autun,  son  supérieur 
hiérarchique.  Le  Parlement,  par  arrêt  du  21  juillet 
1546,  autorisa  la  remise  du  prisonnier  à  l'évêque 
d'Autun  à  la  condition  que  les  juges  désignés  ne  pro- 
céderaient pas  à  un  élargissement  avant  de  s'être  pro- 
noncés sur  le  cas  privilégié.  L'évêque  était  responsable 
sur  «  le  saisissement  de  son  temporel  »  et  devait 
envoyer  ses  vicaires  et  oflSciaux  à  Moulins  pour  s'en- 
tendre avec  le  sénéchal  du  Bourbonnais. 

Ces  procédures  confuses  et  compliquées  absorbaient 
l'existence  d'un  homme.  La  législation  du  moyen-âge  et 
des  époques  modernes  en  donne  de  fréquents  exemples. 


(1)  L'orlhographa  des  noms  varie  souvent  par   des  fautes    de   copie 
parfois  ils  sont  défigurés  ;  les  noms  connus  peuvent  seuls  être  rectifiés. 


—  181  — 

Notre  abbé  de  Saint-Léonard  de  Corbigny,  malgré 
ses  hautes  relations  et  ses  intrigues,  était  en  prison  à 
Moulins.  C'est  de  là  qu'il  adresse  une  requête  au  Parle- 
ment sur  la  saisie  de  son  abbaye  opérée  en  la  personne 
de  son  receveur,  le  privant  ainsi  du  S€ul  revenu  qui  lui 
permette  de  vivre.  Mainlevée  lui  est  accordée  après 
constatation  que  cette  saisie  est  simplement  due  à  ses 
défauts  de  comparaître  (arrêt  du  5  juillet  1546). 

L'abbé  récuse  ensuite  le  juge  du  bourg  Saint-Etienne, 
Jacques  Bolacre,  et  obtient  en  sa  place  Adrien  Lalle- 
mant,  un  des  plus  anciens  avocats,  chargé  de  terminer 
l'affaire  dans  le  délai  d'un  mois. 

Les  coaccusés  de  Jacques  de  Baudreuil  paraissent 
également  en  justice  en  des  circonstances  diverse», 
l'un  d'eux,  Jacques  Perreau,  était  déjà  détenu  par 
Claude  Genton,  grand  prévôt  des  maréchaux  de 
France.  On  lui  enjoint  de  le  mener  à  Moulins  sous 
bonne  et  sûre  garde  pour  être  jugé  avec  les  autres  par 
le  sénéchal  de  Bourbonnais  ;  et  le  magistrat  instructeur 
du  commencement,  Jean  Foullé,  obtient  d'être  mis  en 
liberté  pour  préparer  sa  défense  contre  les  arguments 
de  Jacques  de  Baudreuil.  Il  est  étrange  de  voir  le 
juge  compromis  dans  l'affaire  qu'il  est  appelé  à 
instruire,  mais  la  chose  est  fréquente  dans  les  annales 
de  la  justice  de  province. 

Au  bout  d'une  année,  la  situation  a  encore  changé  ; 
la  cause  a  été  portée  devant  la  cour  des  grands  jours 
de  Riom,  qui  renvoie  les  parties  à  Auxerre  devant 
trois  juges  spécialement  désignés  pour  procéder  contre 
Jean  Foullé  (24  mars  1547.)  Leur  sentence  fut  rendue 
dans  les  six  mois  et  ne  donna  satisfaction  ni  à  l'un  ni  à 
l'autre,  ainsi  que  l'indique  leur  appel  du  1^^  octobre 
au  Parlement.  Puis  nous  retrouvons  l'affaire  dans  les 
mêmes  termes  le  30  mars  1549  ;  les  trois  avocats 
d'Auxerre,   Germain   Boy  cote,   Pantaléon  Pyon  et 


-  182  — 

Philippot  Le  Muet,  ayant  examiné  la  production  nou- 
velle des  griefs  et  réponses,  Jacques  de  Baudreuil 
appelant  de  leur  sentence,  obtenant  des  lettres  royaux 
dans  rintervalle,  le  Parlement  rejetant  TefEet  des 
lettres  et  de  l'appel,  et  finalement  autorisant  les  parties 
à  comparaître  devant  un  autre  juge  royal,  où  elles 
produiront  de  nouvelles  preuves  et  enquêtes. 

L'abbé  de  Corbigny  avait  sur  les  bras  beaucoup 
d'autres  affaires  judiciaires  en  dehors  des  faits  d'hé- 
résie; les  textes  du  Parlement  n'en  donnent  pas  la 
conclusion  ;  il  est  probable  qu'il  était  assez  influent  et 
retors  pour  détourner  l'action  de  la  justice.  Parmi  les 
causes  qui  nous  occupent,  ce  fut  certainement  la  plus 
longue  ;  elle  avait  duré  de  1543  à  1549,  et  les  accusés 
avaient  été  transportés  à  Nevers,  à  Moulins,  à  Autun, 
à  Auxerre  et  à  Paris. 

Pour  revenir  à  l'année  1543,  où  débutent  en  Niver- 
nais les  poursuites  contre  l'hérésie,  on  trouve  une 
condamnation  capitale  pour  blasphèmes  contre  la  reli- 
gion, dont  la  justice  laïque  a  toujours  été  saisie.  Un 
certain  Nicolas  Voillault,  tailleur-couturier  à  Pignol, 
paroisse  de  Tannay,  fils  naturel  d'un  prêtre,  est  pour- 
suivi par  le  bailli  de  Nivernois  pour  blasphèmes  pro- 
férés contre  Dieu,  la  sainte  Vierge  et  saint  Joseph,  et 
condamné  à  être  brûlé  vif  et  avoir  la  langue  coupée. 

Le  prisonnier  est  transféré  à  Paris,  devant  la  cour 
de  Parlement,  qui  maintient  le  jugement  et  l'aggrave 
môme  encore  en  lui  appliquant  toutes  les  rigueurs  de 
la  torture. 

Il  sera  ramené  à  Nevers  ;  à  sa  sortie  de  prison,  il 
aura  la  langue  coupée,  puis  il  sera  traîné  sur  une  claie 
attachée  au  derrière  d'une  charrette  depuis  la  prison 
jusqu'au  lieu  public  du  supplice.  Là  il  sera  pendu  à 
une  potence  élevée  à  cet  effet,  aux  pieds  de  laquelle 
sera  fait  un  feu,  et  lorsqu'il  aura  senti  ce  feu  pendant 


-  183  — 

quelque  temps,  il  y  sera  jeté  et  brûlé  vif,  «  son  corps 
et  son  procès  ars  et  consommé  en  cendres  ». 

De  la  sorte,,  on  ne  conservait  aucune  trace  de  ces 
exécutions  encore  assez  fréquentes,  les  textes  du  Par- 
lement sont  les  seuls  qui  nous  restent. 

Un  fait  semblable  est  imputé  à  Mathurin  Diguet,  le 
3  octobre  1543.  Il  s'agit  d  un  vol  de  vases  sacrés. 

L'accusé  était  condamné  par  le  bailli  de  Nivernois  à 
ôtre  ((  traîné  sur  une  claie  depuis  les  prisons  dudit 
Nevers  jusques  au-devant  Téglise  Saint-Victor  »,  et 
là,  en  chemise,  nu- tête,  à  genoux,  ayant  en  main  une 
torche  ardente,  crier  mercy  à  Dieu  et  déclarer  qu'il  a 
été  mal  avisé  en  dérobant  le  ciboire  de  l'église  Saint- 
Victor,  en  profanant  le  précieux  corps  de  Notre- 
Seigneur  et  les  hosties  sacrées  qui  se  trouvaient  dans 
le  ciboire.  De  l'église  il  était  encore  traîné  sur  la  claie 
jusqu'au  marché  aux  bêtes,  attaché  à  un  poteau,  passé 
au  feu,  étranglé  et  enfin  jeté  dans  le  bûcher. 

A  la  suite  de  cette  condamnation,  Mathurin  invoqua 
sa  qualité  de  clerc  tonsuré  et  le  privilège  d'un  juge 
ecclésiastique,  mais  le  Parlement  le  débouta  de  sa 
demande  en  le  revoyant  devant  le  bailli  de  Nivernois 
pour  mettre  l'arrêt  à  exécution. 

Les  prisonniers  invoquent  très  souvent,  à  tort  ou  à 
raison,  «  le  privilège  clérical  »,  espérant  sans  doute 
que  les  tribunaux  ecclésiastiques  se  montreront  plus 
tolérants.  Souvent  aussi,  après  instruction,  le  Parle- 
ment rejette  la  demande  et  constate  la  suprématie  de 
la  justice  civile. 

Un  arrêt  du  15  novembre  1543  signale  une  compé- 
tence de  justice.  M«  François  Mige,  lieutenant  général 
du  bailli  de  Nivernois,  à  la  requête  du  procureur  de  la 
comtesse  de  Dreux,  duchesse  de  Nevers,  procède  au 
jugement  criminel  des  époux  Guillaume  de  Cerisay  et 
Nicolle  Desmarets  «  pour  raison  du  cas  d'heresie  ». 


—  184  - 

Ils  sont  envoyés  à  Paris,  aux  prisons  de  la  Concier- 
gerie, sous  la  surveillance  de  la  police  ducale,  et,  tra- 
duits devant  le  Parlement,  la  cour  décide  «  qu'ils  seront 
renvoyés  aux  dépens  de  la  duchesse  de  Nevers  devant 
le  bailli  de  Saint-Pierre-le-Moùtier  ou  son  lieutenant 
au  bourg  Saint-Etienne  de  Nevers,  pour  reprendre  les 
charges,  informations  et  témoignages,  instruire  à 
nouveau  le  procès,  les  renvoyer  à  Paris  pour  être  pro- 
cédé par  la  cour  selon  Tédit  du  roy. 

A  ce  sujet,  la  cour  fait  défense  à  la  duchesse  de 
Nevers,  sous  peine  d'une  amende  de  vingt  marcs 
d'argent  et  à  tous  ses  officiers  de  dix  marcs,  d'ias- 
truire  dorénavant  les  procès  «  sur  le  crime  d'heresie  et 
de  lèse  majesté  divine  »,  mais  de  se  borner  à  trans- 
mettre au  juge  royal  les  plaintes  faites  sur  a  aucuns 
suspects  dudit  crime  d'heresie  ». 

En  se  réservant  ces  causes  spéciales,  le  Parlement 
affirmait  encore  une  fois  de  plus  la  suprématie  de 
la  justice  royale  sur  toutes  les  autres  justices.  Et 
pour  centraliser  encore  la  procédure,  Guillaume 
Bourgoing,  conseiller  du  roi,  est  nommé  commissaire 
délégué  royal  sur  le  fait  et  inquisition  des  hérétiques 
((  es  pays  de  Bourbonnois,  Nyvernois  et  Berry  ».  Son 
nom  paraîtra  dans  presque  toutes  les  causes. 

Le  Parlement  lui  intima  fréquemment  l'ordre  de 
mettre  à  sa  disposition  les  procès,  charges  et  informa- 
tions qu'il  a  par  devers  lui  pour  en  être  ensuite 
ordonné  par  la  cour  (entre  autres  le  21  janvier  1547). 

Ces  démêlés  entre  officiers  de  justice  n'étaient  pas 
à  l'avantage  des  justiciables.  Ainsi,  la  môme  affaire 
d'hérésie  pour  les  époux  de  Cerisay,  commencée  par  le 
bailli  ducal  et  reprise  par  le  bailli  royal  de  Saint- 
Pierre,  reparaît  le  11  juillet  1545.  Après  deux  années, 
ils  sont  encore  prisonniers  à  la  Conciergerie  du  Palais, 
à  Paris,  et  enfin  seulement  autorisés  à  fournir  des 


—  185  - 

témoins  à  l'appui  de  leur  cause  et  pour  vérifier  les 
reproches  qui  leur  sont  imputés,  à  la  condition  de 
consigner  au  greffe  une  somme  de  44  livres  parisis. 
Cerisay  devait  être  noble,  sa  femme  est  qualifiée 
«  damoiselle  )).  Cependant  ils  paraissent  isolés  et, 
pour  ce  fait,  plus  exposés  à  l'àpreté  des  gens  de  loi. 

Le  30  avril  1547,  on  les  retrouve  toujours  prisonniers 
à  la  Conciergerie  pour  raison  de  crime  d'hérésie.  La 
couF  ordonne  au  receveur  des  domaines  du  roi  à  Saint- 
Pierre  de  verser  16  livres  parisis  au  bailli  royal  pour 
assurer  l'exécution  des  arrêts. 

La  duchesse  de  Nevers  (1)  assurait  son  appui  par 
tous  les  moyens  possibles.  Les  instructions  qu'elle 
donnait  par  l'intermédiaire  du  Parlementa  ses  officiers 
judiciaires  montrent  le  zèle  qu'elle  déployait  pour  les 
mesures  rigoureuses  prises  par  la  royauté  contre 
l'extension  des  idées  hérétiques. 

Elles  sont  exposées  dans  deux  arrêts  des  6  et 
28  mai  1545,  qui  montrent  combien  on  cherchait  à 
définir  et  préciser  la  nature  des  poursuites. 

Dans  sa  requête  du  28  mai,  la  duchesse  déclare 
qu'elle  veut  tout  faire  pour  «  exterminer  et  rompre  les 
hérésies  et  sectateurs  d'icelles  qui  commencent  à 
pulluler  en  plusieurs  endroits  de  ses  terres  et  seigneu- 
ries ». 

Les  monitions  furent  publiées  par  les  deux  procu- 
reurs généraux  pour  recevoir  les  révélations  et 
connaissances  des  hérétiques,  principalement  à  Corbi- 
gny,  considérée  comme  infestée  de  ces  erreurs. 

La  justice  ducale  agissait  ainsi  de  concert  avec  les 
officiers  royaux  de  Saint-Pierre  et  du  bourg  Saint- 
Etienne  de  Nevers.  Le  lieutenant  général    d'alors, 


(1)  Marguerite  de  Bourbon,  femme  de   François  I«'  de  Clcves   (1538- 
t562).  Le  Nivernais  éri|;é  en  duché-pairie  en  1539. 


-  186- 

Olivier  Millet,  et  le  procureur  du  roi,  Gilbert  Bergeron, 
se  trouvant  compromis  avec  l'abbé  de  Corbigny, 
Aignan  Viola,  lieutenant  au  bourg  Saint-Etienne  de 
Nevers,  est  chargé  de  réunir  les  informations.  La 
justice  du  Nivernais  se  trouva  ainsi  tout  entière 
occupée  de  cette  importante  affaire. 

Les  années  1545  et  1546  ont  donné  le  plus  grand 
nombre  de  procès  contre  les  hérétiques  ;  nous  les 
groupons,  non  d'après  leur  date,  qui  n'offre  pas 
d'intérêt,  mais  d  après  les  conclusions  de  la  cour  du 
Parlement,  ordonnant  soit  la  mise  en  liberté,  soit 
l'amende  honorable,  soit  le  supplice  du  feu.  Cette  no- 
menclature d'accusés  où  se  voient  les  conditions  les  plus 
diverses,  prouve  que  les  erreurs  pénétraient  comme  par 
hasard  dans  tous  les  rangs  de  la  société  ;  elle  prouve 
aussi  qu'il  y  avait  une  certaine  impartialité  dans  les 
décisions  de  la  justice  et  que  le  Parlement  semble 
n'avoir  eu  égard  à  aucune  considération  personnelle. 

Régnant  Martinet,  apothicaire  à  Nevers,  poursuivi 
pour  quelques  propos  erronés,  est  élargi  des  prisons  de 
la  Conciergerie,  suivant  les  formes  ordinaires  et  après 
serment  qu'il  renoncera  à  tous  rapports  avec  les  gens 
suspects  et  vivra  en  bon  catholique  (2  janvier  1546, 
n'>  5.) 

Un  vigneron  de  Cosne-sur-Loire,  Charles  Achclier, 
est  poursuivi  par  le  bailli  d'Auxerre  pour  quelques 
propos  erronés.  Traduit  devant  la  cour  du  Parlement, 
il  est  soumis  à  la  torture  et  question  modérée,  dans 
laquelle  il  n'oppose  que  des  dénégations,  et  après  les 
prohibitions  et  défenses  en  usage  dans  les  cas  dliérésic, 
il  est  mis  en  liberté  à  la  condition  de  prendre  un 
domicile  à  Paris  (5  mars  1546). 

Jean  Solerre,  marchand  à  Cosne,  est  enfermé  dans 
les  prisons  d'Auxerre  et  adresse  sa  requête  au  Parle- 
ment, prétendant  qu'à  la  suscitation  de  gens  haineux 


—  187  - 

et  malveillants,  il  a  été  signalé  au  bailli  comme  tenant 
des  propos  erronés.  Ses  excuses  sont  admises,  la  Cour 
reconnaît  qu'il  s'est  toujours  gouverné  en  bon  catho- 
lique, qu'il  est  malade  de  sa  personne  et  chargé  de 
famille  ;  sur  ses  promesses  formelles,  on  lui  accorde 
la  liberté  (27  mars  1546). 

Un  laboureur  du  Nivernais,  Jehan  Fraillon,  est 
arrêté  dans  Paris  pour  propos  scandaleux  et  erronés  ; 
il  devait  s'attendre  à  des  poursuites  ordonnées  déjà 
dans  son  pays  et  il  avait  voulu  prendre  les  devants  en 
se  rendant  dans  la  capitale.  Sa  culpabilité,  d'ailleurs, 
n'était  pas  bien  établie  ;  l'arrêt  du  13  mai  1546  lui 
défend  la  fréquentation  des  gens  suspects,  les  conven- 
ticules,  les  raisonnements  dogmatiques,  en  lui  comman- 
dant de  se  conduire  et  gouverner  comme  un  bon 
catholique,  sous  peine  de  la  hart.  Sur  cette  promesse 
et  sur  la  signification  de  l'arrêt  au  procureur  général 
dans  les  trois  jours,  il  est  élargi  et  on  le  laisse  tran- 
quille. 

Un  hôtelier  de  Saint-Pierre-le-Moûtier,  Antoine 
Boucassin,  accusé  de  crime  d'hérésie,  est  ouï  et  inter- 
rogé, puis  élargi  a  à  pur  et  à  plain  »,  sans  aucune 
condition  (14  mai  1546). 

Gilbert  Guyot,  lieutenant  particulier  à  Saint-Pierre, 
et  Jeanne  Impault,  son  épouse,  ont  cité  trois  témoins, 
Claude  Reverdy,  Gabriel  Personnat  et  Pierre  Sorbier, 
qui  ont  montré  des  variations,  contradictions  et  subor- 
nations telles,  que  tous  ont  été  incarcérés  et  interrogés 
à  Paris.  On  prescrit  une  nouvelle  information,  et  ils 
sont  élargis  aux  mêmes  conditions  et  serments  que  ci- 
dessus,  auxquels  on  ajoute  la  défense  «  de  tenir  aucuns 
livres  suspectz  contenant  doctrines  nouvelles  et 
improuvées,  ne  lire  en  iceulx  et  de  converser,  fré- 
quenter, ne  communicquer  avec  gens  suspectz  ». 

En  somme,  ils  en  sont  quittes  pour  la  prison  préven- 


-  188- 

tive,  les  comparutions  et  les  ennuis  d'être  à  la 
disposition  de  la  justice.  Les  témoins,  au  contraire, 
convaincus  de  variations  et  fausses  dépositions,  subis- 
sent l'amende  honorable  tète  et  pieds  nus,  à  genoux, 
tenant  une  torche  de  cire,  un  jour  de  plaidoirie  à 
Saint-Pierre,  criant  merci  à  Dieu,  au  roi  et  à  justice. 
Sorbier,  le  moins  coupable  des  trois,  assistera  nu-tête 
et  à  genoux  (14  mai  1546). 

Léonard  Moqué  et  Marguerite  Perreau,  sa  femme  ; 
Antoine  de  Mannay  et  Marie  Perreau,  sa  femme, 
impliqués  dans  les  poursuites  de  Corbigny,  avaient 
fait  défaut,  et  pour  cette  raison,  avaient  laissé  saisir 
leurs  biens.  Trois  ans  après,  par  arrêt  du  14  juillet  1546, 
ils  obtiennent  main-levée,  leurs  biens  seront  rendus  et 
restitués,  les  commissaires  contraints  de  ce  faire  et 
souffrir. 

Pierre  Vatier  et  sa  femme  avaient  été  poursuivis 
pour  cause  d'hérésie  pendant  leur  absence  de  Nevers, 
ajournés  sur  défaut  avec  saisie  de  leurs  biens.  Aussitôt 
de  retour  à  Nevers,  ils  demandent  à  prouver  leur 
innocence  et  à  comparaître.  Afin  d'éviter  les  grands 
frais  de  séjour  à  Paris,  le  Parlement,  par  arrêt  du 
15  juillet  1546,  commet  spécialement  le  bailli  de 
Saint-Pierre  ou  François  Mige,  son  lieutenant  à  Saint- 
Etienne  de  Nevers,  pour  faire  le  procès  ainsi  qu'il  le 
jugera  à  propos  et  ordonner  la  main  levée. 

Le  même  François  Mige  poursuit  Pierre  Berthier 
pour  propos  erronés  ;  après  interrogatoires,  recolle- 
ments et  confrontations  de  témoins,  la  cour  élargit 
l'accusé  aux  conditions  ordinaires  de  serment  et  l'affaire 
n'a  pas  de  suite  (9  novembre  1546). 

La  ville  de  La  Charité,  qui  devait  être  peu  d'années 
après  le  théâtre  de  luttes  sanglantes,  n'est  représentée 
dans  cette  série  que  par  une  seule  cause  où  comparait 
une  association  d'hérétiques  :  Philippot  et  Jean  Grené, 


-  189- 

Jacques  Jobert,  Guiilemette  et  Perrette  Barbât,  Marie 
Biliaire,  Nicolle  de  Bonnefond,  Jean  Sarrasin,  Nicolas 
Blezy,  Jean  Lenoir.  Ils  présentent  une  requête  portant 
récusation  du  conseiller  Guillaume  Bourgoing  et 
autres  commissaires  délégués  pour  faits  d'hérésie, 
demandant  à  prouver  par  témoins  et  par  autres 
moyens  la  fausseté  des  informations  faites  contre  eux 
(19  mars  1546). 

Le  23  octobre  suivant,  le  chef  de  la  bande,  Jean 
Grené,  est  sommé  de  comparaître  aux  grands  jours  de 
Riom  et  doit  être  pris  au  corps  partout  où  on  le  trou- 
vera, mais  il  préfère  porter  sa  cause  à  Paris  ;  il  obtient 
d'être  élargi  pour  faire  le  chemin  et  il  se  présente,  le 
5  novembre,  pour  constituer  procureur  et  élire  domi- 
cile à  Paris. 

Le  23  avril  1547,  Philippot  et  Jean  Grené,  élus  de 
Gien  et  de  La  Charité,  appellent  d'Imbert  Galloppe, 
lieutenant  du  bourg  Saint-Etienne,  comme  de  juge 
incompétent,  prétendant  qu'ils  sont  sujets  et  justi- 
ciables des  officiers  de  Sancoins.  C'était  un  moyen  de 
gagner  du  temps;  la  suite  de  l'affaire  manque  aux 
registres  du  Parlement. 

Dans  l'arrêt  du  23  novembre  1549,  à  propos  des 
poursuites  du  bailli  de  Saint-Pierre  contre  un  certain 
Nicolas  Mcstaie,  le  texte  dit  :  «  Pour  raison  des 
erreurs  lutériens  dont  il  est  chargé  par  ledit  procès  » . 
Jusqu'ici  on  employait  les  termes  plus  vagues  de 
propos  scandaleux  et  erronés,  contre  la  foi.  Dieu  et  les 
saints,  ne  désignant  la  cause  des  poursuites  qu'en 
général  pour  fait  d'hérésie.  Nicolas  Mestaie  est  soumis 
à  la  torture  et  question,  et  à  la  suite  de  ses  dénégations 
mis  en  liberté  avec  la  promesse  formelle  de  renoncer  à 
ces  doctrines  et  à  la  fréquentation  des  gens  suspects, 
sous  peine  du  feu. 

Deux  jeunes  damoiselles,  Marguerite  de  Lucques  et 


-  190- 

Jehanne  de  Vielbourg,  prisonnières  â  l'hôpital  Saint- 
Gervais  pour  crime  d'hérésie,  sont  interrogées  par  la 
cour  sur  leur  conduite.  Elles  sont  condamnées  à  faire 
prison  pendant  quelques  jours,  du  16  décembre  jusqu'à 
Noël,  et  à  jeûner  pendant  trois  jours  de  la  semaine 
suivante  ;  puis  elles  seront  rendues  à  leurs  parents  et 
promettront  de  ne  plus  hanter  les  gens  suspects,  ni 
aller  «  es  lieus  ou  repairent  les  ennemys  de  la  sainte 
foy  catholicque  »  (16  décembre  1549). 

Un  peu  plus  loin,  on  qualifie  les  accusés  «  de  blas- 
phémie  hérétique  et  efreurs  luthériens  »  dans  les 
poursuites  contre  Mathurin  Banville.  La  cour  se  borne 
à  le  renvoyer  devant  l'évêque  de  Nevers  ou  Tofficial 
pour  parfaire  son  procès  (8  janvier  1550). 

Voici  un  cas  particulier  : 

L'évêque  d'Auxerre  avait  adressé  dos  lettres-missives 
au  procureur  général  du  roi,  exposant  que  Jean  Artaud, 
sergent  royal,  avait  été  l'objet  d'une  rébellion  et 
résistance  de  la  part  des  habitants  de  Bouhy,  en 
exécutant  une  prise  de  corps  contre  frère  Pierre 
Boucquin,  religieux  dominicain  suspect  et  diffamé 
d'hérésie.  Les  habitants  l'ont  enlevé  par  force  des 
mains  du  sergent,  en  sorte  que  le  procès  n'a  pu  lui  être 
fait,  conformément  à  l'édit  du  roi.  La  cour  ordonne  à 
tous  huissiers  de  le  prendre  au  corps  et  de  l'amener 
prisonnier  à  Auxerre  (28  avril  1550). 

Sur  le  fait  d'un  chanoine  de  Nevers,  M«  Bertrand 
de  La  Tillaye,  les  deux  juridictions  informent,  chacune 
de  leur  côté,  le  procureur  général  du  roi  et  le  promo- 
teur de  l'évêque.  Il  est  appelé  comme  d'abus  pour 
blasphèmes  et  hérésie  et  gardé  en  prison  à  Nevers. 
On  le  transmet  au  Parlement,  qui  le  renvoie  à  l'official 
pour  parfaire  son  procès  (25  mai  1546).  L'affaire 
revient  deux  mois  après,  le  31  juillet,  par  une  requête 
du  doyen  (fu  chapitre.  Dans  l'intervalle,  La  Tillaye^ 


-  191  ^ 

évidemment  mal  gardé,  s'était  enfui  de  Nevers  pour 
éviter  de  faire  sa  peine  et  s'était  rendu  à  Paris.  La  cour 
ordonna  qu'il  soit  pris  au  corps,  «  quelque  part  que 
trouvé  pourra  estre  en  ce  royaulme  et  en  lieu  sainct  », 
et  mené  sous  bonne  garde  aux  prisons  du  chapitre 
de  Nevers,  pour  y  être  jugé  par  TofScial  dans  les  deux 
mois,  sous  peine  de  saisie  du  temporel  du  chapitre. 
L'ordre  de  la  cour  est  renouvelé  le  26  août  suivant. 

Il  devait  y  avoir  de  grandes  négligences  dans  le 
fonctionnement  des  justices  locales  et  nous  voyons  très 
fréquemment,  comme  ici  le  chapitre,  les  ofBciers 
judiciaires  menacés  de  peines  s'ils  n'exécutent  pas 
dans  les  délais  les  ordres  de  la  cour.  Nous  n'avons 
pas  la  condamnation  du  chanoine. 

Passons  maintenant  aux  procès  infligeant  la  peine 
de  l'amende  honorable. 

La  condamnation  d'une  autre  bande  d'hérétiques  à 
Corbigny  est  particulièrement  précise.  Ce  sont  les 
nommés  Jean  Hardy,  Jean  Potin,  Jean  Ballon,  Guil- 
laume Bochery  dit  AUegrin,  M®  Etienne  Legros  et 
Marie  Moreau,  sa  femme.  L'instruction  commencée 
par  M®  Aignan  Viole  et  achevée  par  le  conseiller  Guil- 
laume Bourgoing  aboutit  d'emblée  à  l'arrêt  du 
15  mars  1546.  Il  semble  que  les  parties  n'ont  pas  été 
assez  puissantes  pour  obtenir  des  délais  réguliers. 

Hardy  Potin  et  Bochery,  pour  les  propos  erronés, 
sont  tenus  d'assister  chacun  à  une  messe  de  requiem 
du  Saint-Sacrement  et  de  Notre-Dame  dans  leur 
paroisse  de  Corbigny,  nu- tête,  à  genoux,  portant  à 
l'offerte  un  cierge  de  cire,  puis,  après  la  messe,  de  faire 
amende  honorable  devant  la  principale  porte  de 
l'église,  tête  et  pieds  nus,  à  genoux,  en  chemise,  tenant 
un  cierge  à  la  main,  disant  chacun  qu'il  a  tenu  les 
propos  mentionnés  au  procès,  qu'il  s'en  repent  et 
requiert  mercy  à  Dieu,  au  roy  et  à  la  justice: 


-  192- 

L'arrôt  ajoute  les  inhibitions  et  défenses  d'usage 
pour  leur  vie  à  venir  et  prescrit  aux  officiers  du  roi 
«  de  faire  exécuter  et  y  estre  presens  à  ce  qu'il  n'en 
advienne  aulcun  scandalle  ou  inconvénient  » . 

Ballon,  Legros  et  Moreau^  sa  femme,  comme  moins 
coupables,  sont  élargis  sous  les  conditions  ordinaires 
d'élire  domicile  et  de  signifier  le  présent  arrêt. 

M®  Antoine  Debrunes,  avocat  à  Nevers,  prisonnier 
à  Paris,  pour  propos  scandaleux  contre  la  foi,  est 
soumis  à  la  question,  où  il  persiste  dans  ses  dénéga- 
tions. La  cour  le  condamne  à  assister  à  une  messe  de 
sa  paroisse,  le  dimanche  ou  autre  jour  de  fête,  nu-tête 
et  à  genoux,  un  cierge  de  cire  à  la  main  ;  lui  défend 
les  propos,  blasphèmes,  livres  suspects,  conciliabules, 
gens  suspects,  etc.,  et  de  vivre  en  bon  catholique  sous 
peine  du  feu  (17  mai  1546). 

Philippe  Lardery,  compagnon  apothicaire  à  Cor- 
bigny,  est  poursuivi  pour  faits  d'hérésie.  Son  cas 
devait  être  peu  grave.  L'information  porte  «  quelques 
propos  scandaleux  et  erronez  prétendus  avoir  esté  par 
luy  dicts  et  proferez  contre  l'honneur  de  Dieu  et  la 
sainte  Eglise  ».  Le  Parlement,  dans  son  arrêt  du 
4  juin  1546,  les  examine  avec  les  conclusions  du  pro- 
cureur général  du  roi,  interroge  Lardery  et,  ne  trou- 
vant pas  sa  culpabilité  bien  établie,  se  borne  à  la  sévère 
remontrance  usitée  en  pareil  cas,  jointe  à  la  menace 
«  sous  peine  de  la  hart  »,  et  ordonne  mainlevée  de 
tous  ses  biens  saisis  «  pour  lesquels  rendre  et  délivrer 
audict  Lardery  seront  contraincts  les  commissaires 
establiz  à  iceulx  ». 

Germain  Carreau,  de  Corbigny,  l'un  de  ceux  qui  ont 
passé  devant  le  Parlement  en  1543,  reparaît  dans  un 
arrêt  du  8  juin  1546.  Tandis  que  l'affaire  des  autres 
semble  avoir  été  terminée  sans  aucune  peine,  il  est 
cité  pour  «  raison  du  crime  d'hérésie  »,  soumis  à  la 


—  193  — 

torture  et  question  et,  malgré  ses  dénégations, 
condamné  à  l'amende  honorable.  Il  assistera  à  une 
messe  célébrée  dans  une  église  de  Corbigny,  nu-tôte, 
à  genoux  ;  tenant  en  ses  mains  un  cierge  d'une  livre  de 
cire  qu'il  présentera  à  l'offerte.  Il  fera  le  serment  de 
se  conduire  désormais  en  bon  chrétien  et  catholique 
sous  peine  du  feu.  11  est  ensuite  renvoyé  par-devant 
le  bailli  de  Saint-Pierre  pour  l'exécution  de  l'arrêt. 

Jean  de  Mingot,  écuyer,  est  accusé  de  propos  scan- 
daleux sur  la  religion.  Son  procès  criminel  est  fait  par 
le  conseiller  Guillaume  Bourgoing,  délégué  aux  pour- 
suites contre  les  hérétiques.  Il  obtint  l'autorisation  de 
produire  des  témoins  pour  vérifier  les  faits  de  reproche 
devant  Aignan  Viole,  lieutenant  royal  à  Saint-Etienne 
de  Nevers,  commis  à  cet  effet  le  26  juin  1546. 

Six  mois  après,  le  5  janvier  suivant,  la  cour  ayant 
examiné  ses  témoins  et  vérifié  les  faits  et  reproches 
par  lui  allégués,  condamne  Mingot  à  l'amende  hono- 
rable, dans  des  conditions  de  rigueur  telles  que  sa 
situation  d'écuyer  n'influa  en  rien  sur  la  gravité  de  sa 
peine. 

Il  sera  mené  nu-tôte,  nu-pieds,  en  chemise,  une 
torche  de  cire  de  deux  livres  dans  la  main  depuis  la 
prison  jusqu'à  la  principale  porte  de  la  cathédrale,  un 
jour  de  dimanche  ou  fête  solennelle  ;  il  déclarera  qu'il 
a  témérairement  proféré  les  paroles  contenues  au 
procès,  qu'il  s'en  repent  et  requiert  merci  à  Dieu,  au 
roi  et  à  la  justice.  Il  fera  la  même  amende  honorable 
à  l'église  paroissiale  de  Saint-Ouen,  où  il  a  son  domi- 
cile. Enfin  il  est  banni  pour  toujours  du  royaume  et 
renvoyé  au  bailli  de  Saint-Pierre-le-Moûtier  pour 
exécution  de  l'arrêt. 

Jean  Audebrand,  laboureur  à  Parigny-les-Vaux, 
accusé  de  blasphèmes  et  propos  erronés  par  le  lieute- 
nant royal,  comparait  devant  la  cour  des  grands»  jours 

T   VIII,  3»  série.  13 


-  194  — 

de  Riom  et  se  voit  condamné  i  Tamende  honorable. 
Il  devra  être  mené  au  bourg  Saint-Etienne  de  Nevers 
et  assister  à  une  grand'messe  dans  l'église,  tôte  et 
pieds  nus,  cierge  à  porter  à  TofiFrande,  puis  répéter  la 
même  amende  hors  de  Téglise  devant  la  porte  princi- 
pale. En  outre,  il  devra  verser  20  livres  parisis  au 
roi  et  môme  somme  aux  religieuses  de  Sainte-Claire 
d'Aigueperse  (14  octobre  1546) . 

L'amende  honorable,  dans  sa  forme  et  dans  ses  pres- 
criptions, imposait  au  coupable  une  humiliation  em- 
preinte d'un  caractère  de  barbarie  qui  devait  souvent 
dépasser  le  but  de  la  justice.  Elle  était  d'ailleurs  dans 
les  mœurs  de  l'époque  et  se  produisait  fréquemment. 

La  peine  capitale,  accompagnée  de  toute  sorte  de 
raffinements  de  cruauté,  est  autrement  grave  ;  heureu- 
sement, nous  en  avons  peu  d'exemples.  Mais  le  Niver- 
nais, croyons-nous,  a  été  privilégié  en  le  comparant 
aux  autres  provinces,  où  les  supplices  se  multi- 
plièrent. 

Olivier  Rousset,  accusé  du  crime  d'hérésie,  propos 
scandaleux  et  blasphèmes  hérétiques,  est  condamné  à 
être  brûlé  sur  la  place  du  Marché,  à  Decize  ;  il  sera 
mené  dans  un  tombereau  sur  le  lieu  du  supplice,  sou- 
levé sur  une  potence  autour  de  laquelle  sera  fait  un 
grand  feu.  Après  lui  avoir  fait  sentir  ledit  feu,  il  sera 
subtilement  et  diligemment  étranglé,  puis  jeté  dans  le 
feu  pour  que  son  corps  y  soit  consumé  et  converti  en 
cendres. 

A  Châtillon-en-Bazois,  une  procédure  a  été  engagée 
entre  Léonard  Bunot  contre  Etienne  Durand,  notaire 
praticien,  et  ses  complices,  du  2  mai  1545  au  23  octobre 
1546.  Ils  comparaîtront  en  personne  devant  deux 
conseillers  au  Parlement  et  les  témoins  devant  le 
bailli  de  Saint-Pierre  ou  son  lieutenant.  La  procédure 
fait  découvrir  un  témoin  entaché  d'hérésie,  Gilbert 


-  195  — 

Perrot,  dit  Grosbois,  sergent  de  justice  à  Ch&tillon^ 
une  fille  nommée  Anna  Morin  et  Bonaventure  Preu- 
d'homme,  qui  sont  tous  pris  au  corps  et  conduits  à  la 
Conciergerie  de  Paris. 

Le  15  décembre  1545,  l'affaire  de  Perrot,  menée 
rondement  par  le  lieutenant  François  Mige,  est  réglée 
par  le  Parlement.  Convaincu  de  blasphèmes  et  propos 
scandaleux  contre  TEglise,  il  est  condamné  à  faire 
«  amende  honnorabie  devant  le  principal  portail  de  la 
grande  esglise  de  Saint  Cir  de  Nevers  estant  nudz 
piedz,  nue  teste  et  à  genoulx,  tenant  en  ses  mains  une 
torche  de  cire  ardent  du  poix  de  2  livres,  dire  et  des- 
clairer  à  haulte  voix  que  témérairement  et  malicieu- 
sement il  a  dict  et  proféré  lesdits  propos  scandalleux 
erronnez  contre  l'honneur  de  Dieu  et  des  saints  et 
requérir  mercy  à  Dieu,  au  roy  et  à  justice  ». 

Après  cette  cérémonie,  il  devait  être  mené  au  grand 
marché  de  Nevers,  attaché  à  un  poteau,  y  être  étranglé, 
puis,  dans  un  grand  feu  allumé  autour,  son  corps  mort 
y  estre  a  ars,  brûlé  et  converty  en  cendres  avecques 
son  procès  ». 

Une  autre  exécution  concerne  deux  ouvriers,  Julien 
Leveillé,  aiguilletier,  né  à  Sancerre,  et  Jean  Filleu, 
menuisier  à  Garigny,  près  La  Charité.  Prisonniers  à 
Saint-Pierre-le-Moûtier,  ils  étaient  accusés  «  d'avoir 
blasphémé  et  dogmatisé  contre  le  Saint-Sacrement  de 
l'Eucharistie,  d'avoir  voulu  transporter  leur  petis 
enfans  hors  du  royaulme  en  la  ville  de  Genefve  pour 
avecques  eulx  apprendre  à  vivre  en  infidellité  et  selon 
les  malheureuses  et  damnées  hérésies  y  ayans  cours  », 
puis  condamnés  à  faire  amende  honorable  et  ensuite  à 
être  brûlés  vifs.  Profitant  des  délais  d'appel,  ils 
obtiennent  des  lettres  du  roi  prescrivant  au  Parlement 
de  revoir  à  nouveau  le  procès  fait  par  les  juges  prési- 
diaux  pour  décider  si  les  cas  et  crimes  méritent  réelle- 


-  196  - 

ment  les  peines  imposées.  La  cour  met  tout  au  néant 
et  condamne  les  deux  accusés  à  être  directement  atta- 
chés i  une  potence  et  brûlés  vifs  dans  un  grand  feu 
allumé  à  leurs  pieds.  On  a  voulu  abréger  le  temps  du 
supplice  et  Ton  ajoute,  à  titre  d'adoucissement,  que  les 
prisonniers  ^  seront  estranglez  secrettement  avant  de 
sentir  le  feu  ».  Leurs  biens  étaient  saisis  et  Ton  don- 
nait 40  livres  parisis  pour  les  frais  de  l'éducation 
chrétienne  des  enfants. 

Après  l'exécution  de  Re veillé,  la  rigueur  de  la  justice 
semble  considérablement  se  ralentir.  De  1554  i  1565, 
les  registres  ne  font  aucune  allusion  aux  faits  d'hérésie, 
la  tolérance  a  dû  être  beaucoup  plus  grande,  quelques 
recherches  ont  lieu,  mais  plus  bénignes  et  moins 
vexatoires.  Ainsi,  le  20  novembre  1561,  plusieurs 
habitants  de  Nevers,  Etienne  Coquille,  Guillaume  de 
Verneuil,  Philbert  de  Saint- Vincent,  les  trois  frères 
Desprez,  Philippe  Vace,  Pasquier  AUardin  et  Jean 
Guillaume,  se  plaignent  d'être  poursuivis  par  le  pro- 
cureur du  roi.  M®  Antoine  Destrappes.  Pour  se  défen- 
dre, ils  exhibent  les  ordonnances  et  édits  royaux,  ainsi 
que  les  lettres  et  mandements  du  duc  de  Nivernais, 
prescrivant  «  de  ne  molester  aucuns  pour  le  fait  de  la 
religion  ». 

La  cour  interdit  aux  autorités  locales  a  les  charges 
et  informations  prétendues  faites  contre  les  sup- 
pliants »,  comme  «  de  rien  attempter  ou  innover  contre 
eux  ou  de  les  emprisonner  » . 

Dans  le  courant  de  l'année  1562,  divers  personnages 
habitant  Ouroux  en  Morvan  et  Gien  sont  poursuivis 
pour  des  allées  et  venues  entre  Genève  et  le  Nivernais, 
laissant  supposer  des  intrigues  au  sujet  de  la  nouvelle 
religion.  Il  y  avait  parmi  eux  deux  prêtres,  Louis 
Ligier  et  Jean  Pargon,  Amoret  et  François  de  Bus- 
sières,  greffiers,  Vincent  Guyton,  prévôt  d'Ouroux,  et 


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—  197  - 

divers  autres  officiers.  Après  plusieurs  instances,  la 
cour  les  met  définitivement  hors  de  procès. 

Enfin  deux  accusations  d'être  a  de  la  nouvelle  reli- 
gion »  concernent  un  avocat  à  Donzy,  Caradeu-Pope- 
lin,  et  un  soldat  du  seigneur  de  Montgoublin,  Claude 
Moreau.  L'un  et  l'autre  prouvent  facilement  qu'ils 
sont  victimes  de  malveillance  particulière  et  qu'ils 
vivent  en  bons  catholiques. 

Les  poursuites  judiciaires  cessent  entièrement  en 
1562,  juste  à  l'année  où  commencent  devant  La  Cha- 
rité les  guerres  qui  devaient  être  si  désastreuses  pour 
le  Nivernais.  Ces  révoltes  à  main  armée,  conséquence 
d'une  crise  générale  en  France,  sont  indépendantes 
des  symptômes  signalés  auparavant  parmi  nos  popula- 
tions. Les  condamnations  et  supplices  infligés  pour 
propos  scandaleux  et  erreurs  luthériennes  ne  sauraient 
être  du  moins  dans  notre  province,  la  véritable  cause 
des  guerres  des  huguenots,  malgré  l'étiquette  reli- 
gieuse de  leur  drapeau. 


—  198  — 


EXCURSION 


LA   CHARITÉ-SUR-LOIRE 


Le  jeudi  10  novembre  1898,  la  Société  nîvernaise  a 
fait,  sous  la  conduite  de^^oia  président,  l'excursion  à 
La  Charité  qu'elle  ayai^  J)Vo jetée  dès  la  séance  de 
juillet  précédent.        *v  .*  < 

Une  nombreuse  députation  de  la  Société  s'était 
jointe  à  M.  de  Lespinasse.  Elle  était  composée  de 
MM.  de  Saint- Venant,  Victor  du  Verne,  Col,  Duminy, 
Gaston  Gauthier,  l'abbé  Meunier,  Victor  Moreau,  Le 
Corbeiller,  le  docteur  Subert,  Leroux,  Massillon 
Rouvet,  E.  de  Toytot,  le  baron  Benoist  d'Azy, 
M.  et  M°**  de  Flamare. 

La  visite  des  monuments  de  la  ville  avait  été  pré- 
parée avec  beaucoup  de  zèle  par  M.  le  comte  Jean 
d'Estampes,  notre  excellent  confrère. 

Accueillie  par  M.  le  docteur  Cortet,  maire  de  la 
ville,  et  M.  Lebœuf,  premier  adjoint,  auxquels  s'étaient 
joints  :  M.  l'abbé  Cassan,  vicaire,  et  notre  confrère 
M.  le  docteur  Périer,  qui  ont  fait,  avec  la  plus  grande 
cordialité,  les  honneurs  de  leur  ville,  la  Société  s'est 
rendue  tout  d'abord  à  l'ancienne  église  Saint-Pierre, 
autrefois  l'une  des  trois  paroisses  de  la  ville,  cons- 
truction du  seizième  siècle,  convertie  aujourd'hui  en 


-  199  — 

magasins  et  maison  d'habitation,  mais  conservant  des 
restes  intéressants  de  sa  décoration  architecturale 
primitive. 

De  là,  la  Société  est  arrivée  devant  le  portail  de 
Téglise  Sainte-Croix,  admirant  chemin  faisant  les 
vieilles  maisons  de  la  Grand'Rue  qui  se  trouvaient  sur 
son  passage,  et  notamment  celle  occupée  par  lliôtel 
du  Dauphin,  et  une  seconde,  un  peu  plus  bas,  d'une 
fort  belle  architecture  Renaissance,  malheureusement 
bien  délabrée  actuellement. 

Après  avoir  examiné  ce  qui  reste  à  découvert  de  ce 
beau  portail,  la  Société  a  vu  dans  les  plus  grands 
détails  les  deux  anciennes  portes  de  l'église,  qui  se 
trouvent  comme  ensevelies  dans  la  maison  moderne 
construite  à  gauche  de  l'unique  porte  actuellement 
conservée.  L'une  montre  encore  en  place  un  tympan 
roman  représentant  la  Nativité,  fort  remarquable 
sculpture  du  douzième  siècle^  dont  les  personnages, 
finement  sculptés,  ont  les  yeux  garnis  de  morceaux  de 
verre  formant  prunelles.  Ce  tympan  présente  de  très 
curieux  détails  de  costume  et  d'ameublement.  Dans 
l'état  actuel,  la  perspective  s'en  trouve  coupée  en  deux 
par  un  plancher  de  la  maison  qui  lui  est  adossée  ;  la 
partie  inférieure  sert  d'alcôve  à  un  lit.  M.  Le  Cor- 
beiiler  a  bien  voulu  en  prendre  les  jolies  photographies 
jointes  à  ce  compte  rendu.  L'autre  porte  a  eu  son 
tympan  enlevé  pour  donner  passage  à  un  escalier  et 
transporté  dans  l'église,  où  nous  le  retrouverons. 
Ensuite  la  Société  a  été  visiter  la  porte  du  quatorzième 
siècle,  ornée  de  personnages,  actuellement  enfermée 
dans  la  maison  située  à  droite  du  portail. 

A  la  suite  de  cette  double  visite,  la  Société  a  mani- 
festé le  vœu  qu'il  soit  donné  suite  aux  projets  de 
restauration  de  l'église,  dont  il  est  question  depuis 
si  longtemps^  et  que  les  deux  maisons  qui  masquent 


-  aoo  - 

ces  curieuses  et  intéressantes  portes  soient  démolies, 
de  manière  à  dégager  tout  lensemble  de  ce  magnifique 
portail. 

Le  plus  grand  nombre  des  membres  de  la  Société 
a  fait  ensuite  l'ascension  du  beau  clocher  roman  et  a  pu 
jouir  de  la  vue  étendue  que  Ton  a  de  ses  fenêtres. 
On  a  visité  ensuite  la  salle  qui  existe  sous  ce  clocher, 
servant  de  dépôt  aux  pompes  à  incendie  et  voûtée  sur 
croisée  ogive.  Puis  la  Société  a  examiné  ce  qui  sub- 
siste des  bas-côtés  à  galerie  du  douzième  siècle  du 
côté  septentrional  de  l'ancienne  nef  de  l'église, 
convertis  aujourd'hui  en  magasins  et  maisons  d'habi- 
tation. Dans  lune  de  ces  maisons,  appartenant  à 
M.  Charbonnier,  on  lui  a  fait  voir  avec  la  plus  grande 
obligeance  des  chapiteaux  romans  engagés  dans  les 
murs  de  refend,  vestiges  bien  apparents  des  doubles 
bas-côtés  qui  régnaient  le  long  de  la  nef. 

Entrant  ensuite  dans  l'église,  la  Société  a  admiré, 
appliqué  contre  le  mur  du  bras  sud  du  transept,  l'an- 
cien tympan  de  la  seconde  porte  romane  du  portail, 
représentant  l'Adoration  des  Mages,  sculptée  avec 
autant  d'élégance  et  les  mômes  procédés  d'ornementa- 
tion que  le  précédent. 

Après  une  visite  détaillée  de  l'église,  qu'il  est  inutile 
de  décrire  de  nouveau,  à  la  suite  de  toutes  les  des- 
criptions qui  en  ont  été  données  par  M.  de  Soultrait, 
dans  sa  Statistique  monumentale  et  dans  son  Réper- 
toire archéologique,  par  le  Guide  Joanne,  et  de  toutes 
les  études  soit  d'ensemble,  soit  de  détail,  qui  ont  été 
publiées  à  son  sujet  dans  différents  ouvrages  d'archéo- 
logie, et  notamment  dans  le  Dictionnaire  d'Architec- 
ture de  Viollet-le-Duc.  la  Société  a  visité  les  anciens 
bâtiments  du  prieuré,  beaucoup  moins  connus.  Le 
portail  du  seizième  siècle,  tout  d'abord,  a  attiré  les 
regards;  à  l'intérieur  delà  cour, les  restes  d'une  fine 


—  201  - 

galerie  Renaissance,  au  premier  étage,  qui,  dans  son 
ensemble  et  lorsqu'elle  était  intacte,  devait  être  fort 
jolie,  d'après  ce  que  Ton  en  voit  encore  ;  une  curieuse 
tourelle  d'escalier,  du  quinzième  siècle,  à  pans  coupés  ; 
un  pignon  du  treizième.  Puis,  dans  les  bâtiments,  l'on 
a  vu  un  salon  luxueusement  décoré  du  dix-huitième 
siècle;  un  bel  escalier  de  la  môme  époque  ;  les  restes 
du  grand  cloître  du  dix-septième  siècle,  comprenant 
la  partie  nord  encore  intacte,  des  vestiges  de  la  partie 
ouest  et  la  partie  est,  aujourd'hui  remaniée  et  séparée 
du  jardin  par  un  mur  de  construction  moderne.  Dans 
le  mur  intérieur  de  cette  partie  du  cloître  se  montrent 
des  fragments  de  colonnettes  et  de  cintres  du  treizième 
ou  quatorzième  siècle,  débris  d'un  cloître  plus  ancien. 
Une  salle  capitulaire  du  quatorzième  siècle,  composée 
de  trois  travées,  est  aujourd'hui  séparée  en  deux  par 
une  cloison  moderne  pour  former  des  celliers  d'en- 
trepôt de  vin.  Les  voûtes,  sur  croisée  ogive,  reposent 
sur  des  consoles  et  sur  deux  colonnes,  divisant  la  salle 
en  deux  nefs  dans  le  sens  de  la  longueur.  La  cloison 
moderne  sépare  la  dernière  travée  des  deux  premières. 

Quittant  les  bâtiments  du  prieuré,  la  Société,  entrée 
dans  un  jardin  voisin,  a  pu  admirer  de  là  l'extérieur 
du  chevet  de  l'église,  assez  difficile  à  aborder^  caché 
qu'il  est  dans  les  maisons. 

La  visite  des  anciens  murs  de  la  ville,  dans  la  partie 
de  ces  murs  appelée  aujourd'hui  le  château,  a  terminé 
Texamen  des  monuments  de  la  ville.  Cette  partie  était 
celle  qui  servait,  en  môme  temps  que  de  murs  de  ville, 
à  clore  les  jardins  et  les  vignes  du  prieuré.  On  voit 
encore  des  restes  considérables  des  murs  de  la  clôture 
monastique  qui,  partant  des  bâtiments  conventuels  et 
des  environs  du  chevet  de  l'église,  venaient  s'y 
relier. 

Des  deux  tours  qui  ont  été  visitées  successivement, 


—  202  — 

la  première,  restaurée  au  dix-septième  siècle  par  les 
soins  de  l'un  des  prieurs  Colbert,  dont  Técusson  sur- 
monte la  porte  d'entrée,  et  appelée  la  tour  des  Espa- 
gnols, en  souvenir  des  prisonniers  de  guerre  de  cette 
nation  qui  Toccupèrent  sous  Louis  XIV,  a  été  réparée 
avec  des  matériaux  de  toute  espèce  et  de  toute  prove- 
nance. Nous  y  avons  remarqué  des  tronçons  de 
colonnettes  qui  semblent  avoir  fait  partie  de  l'ancien 
cloître  du  quatorzième  siècle,  et,  dans  le  haut  de  la 
tour,  un  chapiteau  roman  orné  de  feuillages,  très  bien 
sculpté,  provenant  certainement  de  Tancienne  nef  de 
l'église. 

L'autre  tour,  haute  de  deux  étages,  connue  sous  le 
nom  de  tour  de  Cuffy,  présente,  de  son  sommet,  une 
vue  très  étendue  sur  la  vallée  de  la  Loire.  Dans  Tune 
des  salles  de  cette  tour,  existe  une  haute  cheminée  du 
quinzième  siècle. 

Cette  dernière  visite  termina  dignement  la  tournée 
archéologique,  si  bien  remplie.  La  Société,  sur  l'invi- 
tation de  M.  le  Curé,  forcé  de  s'absenter,  mais  repré- 
senté par  M.  l'abbé  Cassan,  son  vicaire,  est  allée  au 
presbytère,  où  une  succulente  réfection  avait  été  pré- 
parée à  son  intention.  Après  un  goûter  des  plus  gais, 
M.  le  Président  a  adressé  des  remerciements,  au  nom 
de  la  Société,  à  M.  le  docteur  Cortet,  à  M.  Lebœuf,  à 
M.  le  Curé  et  à  M.  le  comte  d'Estampes,  l'organisa- 
teur de  cette  belle  journée,  pour  la  manière  cordiale 
dont  la  Société  avait  été  accueillie  à  La  Charité.  Puis 
on  a  repris  la  direction  de  Ne  vers,  enchanté  des  beaux 
monuments  que  Ton  avait  vus  et  de  l'accueil  qui  avait 
été  fait. 

H.  DE  FLAMARE. 


—  203  — 


LES  DEUX  ABSIDES 


DE 


LA   CATHÉDRALE  SAINT-CYR   ET   SAINTE-JULITTE 


DE     NEVERS 


Dans  l'appendice  :  Les  Phases  de  la  Cathédrale, 
faisant  suite  au  Petit  Guide  de  l'insigne  Basilique 
Saint-Cyr  et  Sainte-Julitte  de  Neotrs,  j'expose  que  la 
double  abside,  qui  se  remarque  à  première  vue,  date 
seulement  de  la  reconstruction  par  l'év'èque  Guillaume 
de  Saint-Lazare. 

Comme,  d'après  une  opinion,  que  partage  M.  Mas- 
sillon  Rouvet,  le  système  de  deux  absides  simultanées 
serait  beaucoup  plus  ancien  et  remonterait,  en 
suivant  la  filière,  aux  cathédrales  d'Hugues-le-Grand, 
d'Atton,  de  saint  Jérôme  et  —  pour  un  peu  —  de  saint 
Eulade,  j'ai  dû  donner,  pour  soutenir  ma  thèse,  plus 
de  développements  aux  preuves  et  aux  témoignages 
que  je  ne  faisais  qu'indiquer  dans  la  brochure  précitée , 
tel  est  le  but  de  la  présente  étude. 

Le  visiteur  ne  tarde  pas  à  s'apercevoir  de  la  particu- 
larité, unique  pour  la  France,  de  l'abside  qui  termine 
chacune  des  extrémités  de  la  cathédrale  ;  au  premier 
coup  d'œil,  il  reconnaît  aussi  qu'elles  sont  d'époques 
distantes  de  trois  siècles  ;  Tune,  chapelle  romane  de 
sainte  Julitte,  du  onzième  siècle,  à  l'occident  ;  l'autre,  à 
l'orient,  chevet  gothique  du  quatorzièn^e  siècle,  contre 


—  204  - 

lequel  s'appuient  trois  chapelles  évidemment  du 
treizième  siècle,  ainsi  que  les  cinq  travées  de  la 
nef  (1). 

Cette  disposition  insolite  semble  une  énigme. 

La  question  des  deux  absides  demande  à  être 
élucidée. 

Le  nœud  de  la  difficulté  est  tranché,  si  Ton  parvient 
à  fixer  qu'elles  ont  commencé  à  exister  ensemble, 
seulement  depuis  la  reconstruction  du  treizième 
siècle. 

Comme  dans  toutes  les  questions  complexes,  il  faut 
reprendre  les  choses  de  loin  et  procéder  par  syn- 
thèse. 

Dans  le  cas  présent,  en  suivant  la  chaîne  des  faits 
depuis  l'origine,  on  voit^  s'opérer  graduellement  les 
transformations  et  le  développement  de  la  cathédrale 
telle  qu'elle  existe.  Dès  lors,  l'esprit,  en  se  rendant 
compte  des  modifications  successives,  motivées  par 
des  causes  connues  ou  raisonnées,  arrive  à  conclure  : 

Que  les  deux  absides  sont  l'effet  d'un  chan^ 
gement  dans  le  mode  d'orientation  et  non  dans 
Pexécution  du  plan  d'une  église  bâtie  d'un  seul 
Jet  avec  deux  absides. 

Par  conséquent,  les  deux  absides  n'ont  pas  existé 
simultanément  dès  l'origine,  ni  dans  aucune  des 
églises  qui  se  sont  succédé  avant  le  treizième  siècle. 


(i)  Pour  expliquer  d'un  mot  les  constructions  plus  récentes  —  c'est-à- 
dire  du  quatorzième  siècle  —  qui  relient  la  nef  avec  ces  trois  chapelles 
du  treizième  siècle,  je  dois  dire  qu'un  terrible  incendie,  en  1908,  ouvrit 
une  vaste  brèche  dans  la  belle  cathédrale  d*Hugues-ie-Grand  ;  l'action  dévas- 
tatrice des  flammes  dévora  le  chœur  et  l'abside.  Quel  triste  spectade  i 
voir,  après  le  désastre,  que  ce  vide  immense  entre  les  cinq  travées  de 
la  nef  et  les  trois  chapelles  absidales  de  l'orient  t 


-  205  - 

Jusqu'à  ce  moment,  il  n'y  avait  qu'une  abside  unique 
tournée  à  l'occident. 

Les  propositions  que  je  viens  d'avancer  attendent 
d'être  développées  ;  c'est  ce  que  je  me  propose  en  éta- 
blissant : 

10  Que  rorientation  n^a  pas  toujours  été  fixe, 
surtout  dès  le  commencement  ; 

2^  Que  Pabside  primitive  de  la  cathédrale  a 
été  unique  et  tournée  à  Poccident. 

Comme  corollaire,  nous  arrivons  à  conclure  que  la 
nouvelle  pratique  d'orientation,  désormais  fixée^  fut 
suivie  lors  de  la  reconstruction  par  Guillaume  de  Saint- 
Lazare,  d'où  (corollaire  déjà  formulé)  : 

3^  La  double  abside  apparaît  seulement  au 
moment  de  la  reconstruction  de  Guillaume  de 
Saint'Lazare  au  treizième  siècle. 


I 


L'orientation  n'a  pas  toujours  été  fixe» 
surtout  dès  ie  commencement. 

• 

C'est  à  Rome  et  en  Italie  qu'il  faut  aller  étudier  les 
premières  églises.  Or,  elles  étaient  généralement 
orientées  à  l'inverse,  c  est-à-dire  tournées  à  l'occident. 
L'évêque  avait  son  siège  au  fond  de  l'abside  ;  pour 
célébrer  les  saints  mystères,  il  s'avançait  et  venait  se 
placer  devant  l'autel  ou  table  portative,  et,  ayant  ainsi 
les  fidèles  en  face,  il  était  tourné  et  priait  du  côté  de 
l'orient. 


-  206  — 

Parmi  les  anciennes  églises  de  Rome  tournées  i 
l'occident,  on  peut  citer  Sainte-Marie-du-Transtévère, 
consacrée  en  224  ;  Saint-Laurent-in-Damaso,  bâtie  par 
le  pape  saint  Damase;  Saint -Pierre-du- Vatican, 
Sainte-Marie-Majeure,  Saint-Clément,  Sainte-Praxède, 
Saint-Chrysogone. . . 

En  dehors  de  Rome,  la  cathédrale  d'Anagni  est 
tournée  à  l'occident  ;  de  môme  Saint-Marc  de  Venise, 
qui  a  pour  noyau  une  construction  romane  des  dixième 
et  onzième  siècles,  élevée  à  la  place  d'une  église  plus 
ancienne. 

Quoique  éloignée  d'Italie,  une  basilique  en  bon  état 
de  conservation  mérite  d'être  citée  :  c'est  celle  de 
Bethléem,  dite  de  la  Nativité-du-Sauveur,  et  qui  a  été 
bâtie  par  sainte  Hélène  mère  de  l'empereur  Constantin. 
Elle  est  tournée  aussi  à  l'occident. 

Il  faut  bien  reconnaître  que  cette  disposition  parait 
n'avoir  été  adoptée  en  France  que  dans  un  petit 
nombre  d'églises.  Il  n'en  reste  plus  debout  de  cette 
époque  reculée  des  cinquième,  sixième  et  même  sep- 
tième siècles  ;  elles  étaient  mal  construites  et  ont  été 
en  butte  â  trop  de  causes  de  destruction  :  guerres, 
invasions,  incendies...  Heureusement,  Grégoire  de 
Tours  nous  en  a  décrit  plusieurs.  Oblongues,  terminées 
circulairement  à  l'orient,  elles  prenaient  quelquefois  la 
forme  d'une  croix  par  l'élargissement  des  transepts  ; 
leurs  fenêtres  étaient  cintrées  et  on  reconnaissait  dans 
toutes  leurs  parties  une  imitation  de  l'architecture 
romaine. 

Dans  son  Archéologie  chrétienne,  Ms"^  Crosnier  dit 
que  longtemps  avant  le  onzième  siècle  les  églises  ont 
commencé  â  être  tournées,  autant  que  possible,  vers 
l'orient. 

L'abbé  Corblet,  dans  son  Histoire  du  Sacrement  de 
l'Eucharistie,  tome  II,  page  84,  précise  davantage  : 


C'est  au  neuvième  siècle  que  se  généralisa  la  cou- 
tume de  placer  la  porte  principale  à  l'occident  ;  le 
prêtre  alors  tourna  le  dos  auxjidèles. 

A  l'origine  donc,  nous  voyons  une  grande  liberté 
pour  le  mode  d'orientation,  au  milieu  de  règles  qui 
commencent  à  se  dessiner,  en  s' interprétant  d'une 
façon  en  Italie  et  d'une  toute  différente  en  France,  ici 
par  1  abside  généralement  tournée  à  l'orient  et  là,  au 
contraire,  à  l'occident.  D'où  il  serait  plus  juste  de 
dire  que,  sur  le  sujet  d'orientation,  il  n'y  a  pas  de 
règle  posée  d'une  manière  ferme  et  invariable,  et  qu'il 
n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner  que  des  églises  soient  tour- 
nées à  peu  près  indistinctement  au  levant  ou  au 
couchant,  même  dans  tous  les  sens  de  la  rose  des 
vents  (1). 

Voilà  la  thèse  générale,  où  nous  n'avions  pas  à 
parler  Je  la  cathédrale  de  Nevers  en  particulier; 
nous  le  ferons  de  suite  dans  la  proposition  suivante  : 


(i)  Singularités  relcUives  aux  absides,  —  Des  églises  en  carré,  en 
parallélogramme,  à  cotés  rectilignes,  ou  des  églises  circulaires,  sont 
dépourvues  d'absides.  Toutefois,  rorientalion  est  indiquée  par  Tautel 
msg'eur. 

La  règle  d'orientation  n*ayant  pas  toujours  été  fixe  ou  cédant  devant 
des  difficultés  ou  des  circonstances  particulières,  on  trouve  des  églises 
dans  tous  les  sens  de  la  i^ose  des  vents. 

Les  églises  à  deux  absides  sont  rares.  On  en  rencontre  quelques-unes 
en  Allemagne,  à  Worms,  Spire,  Mayence,  Cologne. 

L*église  abbatiale  de  Saint-Gall,  en  Suisse,  avait  deux  absides.  M.  de 
Caumont,  dans  son  Abécédaire  d'Architecture  religieuse,  fait  remonter 
cette  double  abside  au  neuvième  siècle.  Avait-elle  pour  but,  dans  cette 
église  bénédictine,  de  former  une  division  de  l'édifice  en  deux  parties  dis- 
tinctes :  rune,  pour  la  clôture  réservée  aux  cérémonies  des  religieux,  et 
Tautre,  pour  Taasistance  publique  des  offices  pour  les  fidèles  ou  le  minis- 
tère paroissial? 

La  cause  des  absides  multiples  reste  à  déterminer,  suivant  les  cas  par- 
ticuliers, comme,  par  exemple,  pour  Véglise  de  Nevers. 


-208- 


II 


Dans  les  premières  cathédrales  de  Nevers  qui 
se  sont  succédé  9  l'abside  est  unique  et 
tournée  à  Poccident. 

Il  faut  donc  passer  en  revue  les  différentes  cathé- 
drales depuis  celle  de  saint  Eulade  jusqu'à  celle 
reconstruite  par  Guillaume  de  Saint-Lazare. 

lo  Cathédrale  de  saint  Eulade  (...-516). 

Que  dire  de  cette  église  du  commencement  du 
sixième  siècle  dont  il  ne  reste  plus  une  pierre  et  au 
sujet  de  laquelle  nous  n'avons  aucun  document  écrit  ? 
Quel  autre  monument  concevoir  pour  Tépoque,  si  ce 
n'est  une  basilique  se  ressentant  de  Tinfluence 
romaine  dans  le  plan  comme  dans  l'orientation  ?  Gré- 
goire de  Tours  (544-595)  décrit  l'église  bâtie  par  saint 
Namatius  à  Clermont;  nous  pensons  que  les  deux 
églises,  presque  contemporaines,  de  Nevers  et  de 
Clermont,  devaient  avoir  beaucoup  de  traits  de  ressem- 
blance. Par  la  citation  de  notre  ancien  historien,  on 
verra  que  certaines  églises  — nous  mettons  hors  de 
pair  la  basilique  de  Saint-Martin  de  Tours,  décrite 
aussi  par  Grégoire  —  sont  de  véritables  monuments  : 
((  L'église  de  saint  Namatius,  à  Clermont,  a  150  pieds 
de  long,  60  de  large  et  58  de  haut  dans  l'intérieur 
de  la  nef  jusqu'à  la  voûte.  Au-devant  (du  spec- 
tateur) est  une  abside  de  forme  ronde  et  de  chaque 
côté  s'élèvent  des  ailes  d'une  élégante  structure.  L'édi- 
fice entier  est  disposé  en  forme  de  croix  ;  il  a  qua- 


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-  209  - 

rante-deux  fenêtres,  soixante-dix  colonnes  et  huit 
portes.  Il  a  été  achevé  en  douze  ans.  »  (Ch.  xvi. 
Histoire  des  Francs,  Grégoire  de  Tours.) 

2°  Cathédrale  de  saint  Jérôme. 

L'épiscopat  de  saint  Jérôme  correspond  (795-815)  à 
la  fin  du  règne  de  Charlemagne  (768-814). 

Essayons  de  rétablir  la  cathédrale  de  saint  Jérôme  à 
l'aide  de  la  tradition,  des  églises  types  de  l'époque 
reconstituées  et  des  restes  du  monument  carlovingien 
dans  la  cathédrale  : 

1<>  L'église  de  saint  Jérôme  s'écroula  par  suite  d'un 
vice  de  construction  :  l'abside,  qui  était  à  l'occident, 
était  insuffisamment  contrebuttée  pour  résister  à  la 
poussée  du  côté  de  la  nef  ;  il  en  résulta  qu'après  moins 
d'un  siècle  d'existence,  l'édifice  s'anêafatit  dans  une 
chute  inévitable  et  prévue.  La  légendejAxi  chanoine 
enseveli  sous  les  ruines  et  retrouvé  vivant  au  pied  d'un 
pilier,  justifie  le  désastre  de  l'éboulement  en  même 
temps  que  la  direction  de  l'édifice.  Donc,  d'après  la 
tradition,  l'abside  était  à  l'occident. 

2^  Un  savant,  dont  personne  ne  met  en  doute  la 
compétence  en  pareille  matière,  Viollet-le-Duc ,  a 
reconstitué  une  cathédrale  du  temps  de  Charlemagne, 
et  dans  son  Histoire  d'un  Hôtel  de  Ville  et  d*une 
Cathédrale  à  travers  les  siècles,  éditée  par  Hetzel,  il 
en  donne  un  dessin  d'ensemble,  page  84,  et  un  dessin  de 
façade,  page  64.  L'ensemble  consiste  en  abside,  tran- 
sept, lanterne  à  l'intersection  du  transept,  grande  nef, 
bas-côtés,  portail  de  face,  flanqué  de  deux  tours 
carrées  surmontées  de  clochers  pointus.  —  Telle  est  la 
représentation  d'une  cathédrale  carlovingienne,  dont 
celle  de  Nevers,  de  même  date,  devait  se  rapprocher 

T.  ¥111,  3*  série.  14 


—  210  — 

dans  les  lignes  principales.  Donc  elle  avait  une  abside 
unique. 

3^  On  s'accorde  généralement  à  reconnaître  dans  le 
bas  des  murs  du  transept,  entre  la  chapelle  de  sainte 
Julitte  et  le  mur  méridional  du  transept,  des  restes  de 
constructions  carlovingiennes  ;  cela  indique  que  cette 
partie  formait  déjà  les  bras  du  transept.  Le  chevet 
était  à  côté,  dans  la  chapelle  de  sainte  Julitte,  et  à 
l'opposé  du  chevet,  l'entrée  principale.  Donc,  il  n'y  a 
rien  d'anormal  —  bien  au  contraire  —  dans  le  plan  de 
la  cathédrale  de  saint  Jérôme  tel  que  nous  le  rétablissons 
par  ]a  pensée,  si  ce  n'est  que  l'abside  est  à  l'occident,  au- 
dessus  de  l'ancienne  crypte  ;  mais  rappelons-nous  que 
nous  sommes  au  neuvième  siècle,  avec  une  orientation 
non  encore  absolument  définie  et  déterminée  par 
l'usage,  ou  au  moins  contrariée  par  l'orientation  pri- 
mitive de  l'édifice  à  l'occident.  Donc  les  vénérables 
débris  conservés  dans  les  soubassements  du  transept, 
nous  indiquent  la  position  de  l'abside  à  l'occident  et 
l'entrée  principale  en  face  de  l'abside,  c'est-à-dire  à 
l'orient. 

30  Cathédrale  cl'Â.ttoii  (908-916). 

La  cathédrale  d'Atton  avait  son  abside  à  l'occident 
et  sa  porte  principale  à  l'orient. 

Je  me  bornerai  à  citer  deux  textes  qui  indiquent 
nettement  la  forme  et  la  direction  de  l'église  : 

1^  «  On  pense,  dit  Parmentier,  que  la  porte  princi- 
pale de  l'église  d'Atton  était  au  môme  endroit  où  est 
le  grand  autel  du  chœur.  »  Donc  la  porte  principale 
étant  à  Torient,  il  en  résulte  que  labside  était  à  l'occi- 
dent et  qu'il  n'y  avait  pas  une  abside  à  l'orient  et 
une  autre  à  l'occident. 

2^  La  Gallia  Christiana  dit  que  Tévêque   Atton 


—  211  — 

mérita  de  passer  à  la  postérité  en  construisant  un 
vaste  temple  de  forme  carrée  :  «  Memoriam  sut  relU 
quit  instauratione  majoris  templi  quant  structura 
quadratâ  absolvit.  »  (Gallia  Christianay  t.  XII.) 

Cette  forme  carrée  de  temple  plus  vaste  exclut  une 
abside  à  l'orient.  Donc  il  y  avait  une  abside  unique  et 
à  Toccident  formée  par  la  crypte  et  la  chapelle  au- 
dessus,  à  laquelle  était  accolé  le  temple  plus  vaste,  de 
forme  carrée,  regardant  l'orient;  car  tout  indique, 
d'une  manière  évidente,  que  la  chapelle  de  Sainte- 
Julitte,  existant  au  moins  dans  la  cathédrale  précé- 
dente, a  été  relevée  pour  servir  de  chevet  comme 
précédemment.  Le  carré  ou  plutôt  le  parallélogramme 
intérieur  de  l'église  d'Atton,  qui  était  un  véritable 
monument,  se  dé:îomposait  en  :  1®  un  transept  de 
toute  la  largeur  de  l'église  ;  2*^  une  grande  nef  bordée 
de  colonnes  rondes  dont  il  reste  deux  spécimens  ; 
3**  les  bas-côtés  ;  4*  la  porte  principale,  que  Parmentier 
place  proche  du  maître-autel  d'aujourd'hui.  Mais  la 
longueur  du  temple,  quoique  citée  comme  vaste, 
semble  exagérée.  —  Revenons  à  la  question  de  l'abside, 
pour  conclure,  d'après  cette  description  sommaire, 
que  l'abside  était  à  l'occident. 

4o  Cathédrale  d'Hugues-le-Grand  (1011-1063). 

A  mesure  que  nous  remontons  les  siècles,  il  est 
naturel  que  les  preuves  de  l'abside  unique  à  l'occi- 
dent sont  plus  nombreuses,  plus  convaincantes,  plus 
palpables  : 

1»  Guy  Coquille  nous  affirme  que  «  l'église,  avant 
Guillaume  de  Saint-Lazare,  soûlait  être  à  soleil  cou-- 
chant,  »  Soûlait  veut  dire  :  avait  l'habitude.  Donc,  au 
moins  l'église  d'Hugues-le-Grand  était  à  soleil  cou- 


—  212  — 

chant  ;  mais  ce  mot  semble  avoir  une  extension  qui 
remonte  plus  haut,  car  il  serait  impropre  s'il  n'avait 
cette  signification.  Mais  ne  nous  attardons  pas  davan- 
tage. 

2»  Nous  allons  feuilleter  un  livre  d'un  nouveau  genre 
dont  quelques  pages  ont  disparu  ;  mais  dans  celles  qui 
ont  été  conservées,  l'histoire  se  dessine  dans  toute  sa 
trame  ;  les  détails  se  devinent  et  la  conclusion  s'im- 
pose :  je  veux  parler  du  livre  de  pierre  qu'était  la 
cathédrale  d'Hugues-le-Grand,  dont  nous  possédons 
de  nombreux  et  importants  fragments  :  Crypte, 
abside  décorée  d'une  peinture  contemporaine  y  transept 
avec  colonnes  rondes  de  la  précédente  cathédrale  et 
arceaux  au-dessus  de  ces  colonnes,  deux  absidioles 
dans  le  transept,  les  arceaux  des  bas-côtés,  une 
amorce  d'arceau  engagée  dans  la  maçonnerie  de  la 
nef: 

a)  La  crypte,  rebâtie  et  agrandie  au  onzième  siècle, 
désigne  l'autel  majeur  qui  la  domine  et,  par  là  môme, 
l'abside  élevée  au-dessus  du  sol  comme  la  partie  prin- 
cipale de  l'église.  Donc  la  crypte  est  une  preuve  de 
l'abside  à  l'occident. 

b)  L'abside  ou  chevet  sont  synonymes  et  signifient 
la  partie  d'une  église  qui  termine  le  chœur.  La  cha- 
pelle de  Sainte-Julitte  est  bien  le  chevet  (caput)  de 
l'église.  Donc  cette  chapelle  est  l'abside  et  la  porte 
doit  être  en  face. 

c)  La  grande  fresque  du  Christ  triomphant  n'indi- 
que-t-elle  pas,  elle  aussi,  l'abside  unique  à  l'orient  ? 
Surmontant  l'autel  majeur,  elle  parlait  aux  regards 
des  fidèles  qui  l'avaient  en  face  et  pouvaient  la  voir 
distinctement  de  l'autre  extrémité  de  l'église.  Cette 
fresque  n'était  pas  pour  qu'on  lui  tournât  le  dos.  Donc, 
elle  désigne  l'abside. 


—  213  — 

d)  Transept  signifie  partie  de  l'église  qui  forme  les 
bras  de  la  croix.  Le  chevet  et  le  transept  sont  rappro- 
chés comme  la  tête  et  les  bras  de  la  croix.  La  lanterne 
carrée,  éclairée  de  huit  fenêtres,  qui  occupe  l'intersec- 
tion du  transept,  ne  laisse  aucun  doute  sur  la  direction 
de  l'abside.  Donc,  l'abside  est  bien  la  chapelle  de 
Sainte- Julitte. 

e)  Si  l'on  cherche  la  raison  pour  laquelle  les  absi- 
dioles  du  transept  font  face  à  l'abside,  on  trouvera  que 
cette  disposition  est  ainsi  réglée  pour  le  coup  d'œil 
du  célébrant  et  des  ministres  sacrés  tournés  du  côté  de 
la  nef  :  qu'elles  leur  eussent  paru  disgracieuses,  ces 
grandes  murailles  nues  et  sans  fenêtres  du  transept  ! 
Aussi  conçoit-on  la  présence  des  deux  absidioles,  for- 
mant de  gracieuses  chapelles,  regardant  l'abside  de 
sainte  Julitte.  Donc,  les  absidioles  désignent  le  sens 
de  l'abside. 

,/7  Les  arceaux  des  bas-côtés  sont  visibles  dans  le 
transept  ;  et  de  même,  dans  la  première  travée  de 
di*oite,  on  voit  une  amorce  d'arceau  engagée  dans  la 
maçonnerie  du  treizième  siècle.  Ces  arceaux  montrent 
le  prolongement  de  la  nef  et  aussi  la  position  de  l'ab- 
side. 

Et  en  particulier,  l'amorce  d'arceau  engagée  dans 
la  maçonnerie  du  treizième  siècle  suffirait  à  elle  seule 
pour  prouver,  d'une  manière  convaincante,  que  la 
chapelle  de  Sainte-Julitte  était  la  vraie  et  unique 
abside.  En  effet,  les  arceaux  qui  partent  de  la  colonne 
monocylindrique  voisine  sont  plus  élevés  en  hauteur 
que  le  fragment  d'arceau.  Les  deux  arceaux  plus 
élevés  dans  la  partie  en  avant  de  la  chapelle  de  sainte 
Julitte  indiquent,  désignent  le  transept.  L'arceau  qui 
vient  ensuite,  sensiblement  plus  bas,  est  le  commen- 
cement de  la  file  des  arceaux  de  la  nef,  tous,  on  le 
conçoit,  d'égales  dimensions.  Donc,  la  démonstration 


-  214  — 

est  éctdente  :  1*  que  la  chapelle  de  sainte  Julitte  était 
l'abside  ;  2*  que  l'espace  devant  la  chapelle  compris 
entre  les  deux  grands  murs  latéraux  et.  d'autre  part, 
la  ligne  prolongée  entre  les  deux  absidioles,  formaient 
le  transept  ;  3>  que  les  arceaux  romans,  encore 
visibles  au-dessus  des  bas-côtés  actuels,  étaient  réelle- 
ment les  arceaux  des  bas-côtés  de  la  cathédrale 
d'Hugues -le -Grand;  4«  que  le  commencement  de 
l'arceau  de  la  nef,  très  visible  et  moins  élevé,  comme 
nous  l'avons  dit,  que  les  arceaux  du  transept^  dessinait 
une  des  travées.  Ou  bien  il  faut  nier  l'évidence. 

Tous  ces  détails,  comme  un  -faisceau  de  preuves, 
démontrent  l'existence  d'une  abside  unique  à  rocci- 
dent  pour  l'église  romane  du  onzième  siècle. 

3®  Toutes  ces  parties  qui  viennent  d'être  examinées 
isolément  étant  rapprochées,  forment  un  magnifique 
fragment  de  cathédrale  et  ne  laissent  aucun  doute  sur 
sa  direction.  —  Vous  êtes  dans  l'abside  ou  au  milieu 
du  transept;  vous  n'avez  qu'à  prolonger  les  lignes 
pour  les  bas-côtés,  pour  la  file  des  colonnes:  Vous 
vous  représentez  le  mur  terminal,  tout  naturellement 
percé  de  la  grande  porte. 

Avec  tous  les  précieux  restes  qui  sont  là,  sous  vos 
yeux,  vous  êtes  en  bonne  voie  pour  continuer  et 
compléter  l'édifice  et  vous  ne  pouvez  vous  égarer 
dans  cette  restauration  en  suivant  les  règles  com- 
munes, conformes,  du  reste,  aux  documents  de  nos 
historiens.  Or,  ils  placent  la  porte  principale  à  l'orient. 
Donc,  la  cathédrale  d'Hugues-le-Grand,  reconstituée 
dans  son  intégrité  d'après  des  documents  sérieux  et 
non  de  pure  imagination,  nous  apparaît  avec  l'abside 
à  l'occident,  la  forme  de  croix  et  la  porte  principale  à 
l'orient. 

49  II  est  bon  de  rapprocher  de  la  cathédrale 
d'Hugues-le-Grand  une  église  de  Nevers  qui  est  de  la 


—  215  — 

même  époque.  Commencée  en  1063,  elle  a  été  consa- 
crée en  1097.  L'église  de  Saint-Etienne,  qui  subsiste 
presque  dans  son  intégrité,  peut,  vu  le  rapprochement 
de  temps  et  de  lieu,  nous  donner  une  idée  de  celle  de 
Hugues-le- Grand.  Ici  nous  trouvons,  en  face  de 
l'abside,  le  portail  avec  deux  tours  carrées,  jadis  sur- 
montées de  flèches,  transept,  nef  et  bas-côtés.  Si 
Saint-Etienne  est  orienté  régulièrement,  il  faut  se 
rendre  compte  que  cette  église  n'était  pas  entravée 
dans  son  allure,  comme  la  cathédrale,  par  des  souve- 
nirs à  conserver.  Donc,  Saint-Etienne  doit  offrir  plus 
d'un  point  de  ressemblance  avec  la  cathédrale,  sa 
voisine,  sa  contemporaine... 

Or,  nous  y  voyons,  suivant  la  règle  commune,  une 
abside  unique  et^  à  l'opposé,  la  façade  avec  porte 
principale. 


III 


La  double  abside  apparaît  seulement  au 
moment  de  la  reconstruction  opérée  par 
Guillaume  de  Saint-Lazare  (1201-1220). 

Après  l'incendie  de  1211,  une  cathédrale  gothique 
succède  aux  cathédrales  romanes.  C'est  une  grande 
église  que  Guillaume  de  Saint-Lazare  ajoute  à  la 
chapelle  de  sainte  Julitte  et  au  transept  épargnés  par 
les  flammes  (1). 

(1;  Il  faut  le  reconnaître,  le  plan  de  la  cathédrale  de  Guillaume  de 
Saint-Lazare  est  hardi  dans  sa  conception  et  grandiose  dans  ses  propor- 
portions  ;  malheureusement/  Fincendie  de  1306,  comme  un  souffle  de 
Satan,  en  fait  disparaître  une  partie  très  notable  en  <grandeur  et  aussi 
très  importante  par  la  forme  de  croix  aérienne  que  dessinait  l'édifice, 
avec  deux  tribunes  au-dessus  des  portails. 

L'abbé  Boutiliier,  dans  ses   Vocables  de  la  cathédrale^  cite  une  fon- 


-  216  - 

La  nouvelle  cathédrale  inaugure  un  changement 
d'orientation  ;  en  effet,  dès  ce  moment,  il  existe  deux 
absides,  et  l'ancienne  est  reléguée  au  second  plan,  — 
simplement  à  titre  de  souvenir. 

Guy  Coquille  est  explicite,  aussi  explicite  que 
possible,  sur  le  fait  de  l'orientation  nouvelle  :  «  Il  fit 
commencer  (Guillaume  de  Saint-Lazare)  la  structure 
du  chœur  de  l'église  de  Saint-Cyre,  d'ouvrage  de 
pierre  de  taille  en  la  beauté,  artifice  et  magnificence 
du  présent  et  la  bâtit  pour  la  plupart  à  ses  dépens  et 
par  le  moyen  dudit  chœur  ainsi  construit  de  nouveau, 
le  grand  autel  et  le  reste  de  l'église  qui  soûlait  être  à 
soleil  couchant  fut  tourné  à  l'orient.  » 

Remarquez  le  tour  de  phrase  particulier  de  notre 
historien  :  «  et  par  le  moyen  dudit  chœur  ainsi 
construit  de  nouveau,  le  grand  autel  et  le  reste  de 
l'église  qui  soûlait  être  à  soleil  couchant  fut  tourné  à 
l'orient  ».  Ce  texte  ancien,  en  langage  moderne, 
revient  à  cette  pensée  :  Hugues-le-Grand  étant  obligé, 
par  les  circonstances,  à  une  reconstruction  considé- 
rable, en  profita  pour  changer  le  mode  d'orientation 
et  orienter  la  cathédrale  à  Y  orient. 

La  Gallia  Christiania  confirme  le  témoignage  de 


dation  par  le  comte  Hervé  et  Mahaut,  son  épouse,  de  Tautel  de  Saint- 
Michel  au-dessus  du  portail  du  nord. 

D^anciens  pouillés  signalent  également  cet  autel. 

De  plus,  la  galerie  intérieure  du  triforium  se  continuait  en  équerre 
au-dessus  des  deux  portails  :  des  débris  de  la  galerie,  aussi  bien  que  des 
colonnettes  calcinées  et  rougies  par  le  feu  apparaissent  dans  la  maçon- 
nerie de  reprise  à  l'époque  de  la  restauration,  par  Berland  I*""  dit  Gascon. 

Tous  ces  documents  ne  laissent  pas  de  doute  sur  Texistence  de  tribunes 
au-dessus  de  chaque  portail,  se  faisant  face  et  formant,  entre  le  chœur  et 
la  nef,  une  croix  aérienne,  comme  on  en  rencontre  d'autres  exemples, 
puisque  la  croix  symbolique  se  trouve  ordinairement  représentée  dans  le 
plan  des  églises. 

Dans  la  nouvelle  église  de  Guillaume  de  Saint -Lazare,  il  fallait  bien, 
autant  que  possible,  se  contormer  à  cette  pratique. 


—  217  — 

Guy  Coquille  :  «  Structuram  chori,  ex  opère  lapideo, 
suis  impensis,  affabre  admodum,  eo  quo  nunc  conspi- 
citur  schemate  ad  orientem,  cum prias  esset  ad  occi- 
dentem,  » 

Parmentier  disait  que  la  porte  principale  était  jadis 
à  Torient  ;  donc,  alors,  il  n'y  avait  pas  d'abside  de  ce 
côté. 

Les  auteurs  cités,  unanimes  sur  l'orientation  primi- 
tive, sont  Vécho  de  la  tradition  et,  en  cette  qualité, 
sont  des  autorités  dignes  de  créance.  En  signalant  la 
double  abside  qui  prend  naissance  avec  la  cathédrale 
de  Guillaume  de  Saint-Lazare  comme  une  nouveauté, 
comme  une  dérogation  à  ce  qui  existait  antérieure- 
ment, ils  sont  très  précis  au  sujet  de  l'orientation 
primitive  à  Toccident  et  d'une  abside  unique  jusqu'au 
treizième  siècle.  Assurément,  s'il  y  eût  eu  une  double 
abside  antérieure,  elle  eût,  par  la  singularité  môme, 
laissé  des  traces  dans  les  souvenirs,  et  la  double  abside 
de  Guillaume  de  Saint-Lazare  n'eût  pas  amené  Guy 
Coquille  et  la  Gallia  à  constater  le  changement  notable 
de  la  nouvelle  orientation  :  «  Auparavant  l'église 
soûlait...  »  (Parmentier);  «...  Cum  prias  esset  occi" 
dentem  ».  (Guy  Coquille.) 

Dans  une  étude  parue  au  Bulletin  de  la  Société 
nivernaise  des  Lettres,  Sciences  et  Arts,  3*  série,  tome  I, 
page  209,  et  intitulée  :  Examen  de  quelques  docu- 
ments relatifs  à  la  cathédrale  du  onsième  siècle, 
M.  Tabbé  Boutillier  conclut,  lui  aussi,  à  une  abside 
unique  à  l'occident  jusqu'à  l'époque  de  la  reconstruc- 
tion de  Guillaume  de  Saint-Lazare.  Il  fonde  ses  argu- 
ments : 

—  Sur  la  crypte,  qui  en  remplace  une  plus  ancienne 
et  qui  indique  le  chœur  ; 

—  Sur  les  témoignages  de  Parmentier,  de  Guy 
Coquille  et  de  la  Gallia  ; 


—  218  — 

—  Sur  l'ancienne  manière,  pour  le  célébrant,  de 
prier  tourné  du  côté  de  l'orient  ; 

—  Enfin,  disant  un  mot  du  plan  élaboré  par 
M9'  Crosnier  :  «  Quatre  absidioles  faisant  face  à 
l'abside  de  Sainte-Julitte  et,  de  plus,  un  rond-point 
oriental  se  développant  dans  les  mômes  proportions  de 
la  chapelle  de  Sainte-Julitte  »,  il  trouve  que  «  la  nef  se 
terminerait  singulièrement  par  une  seconde  abside 
voûtée  en  cul-de-four  que  rien  ne  justifie,  tandis  que 
les  traditions^  au  contraire,  semblent  indiquer  à  l'orient 
\xnQ  façade  monumentale,  telle  qu'on  la  retrouve  dans 
les  autres  églises  de  cette  époque  ».  Donc,  il  y  a  chan- 
gement, nouveauté  d'orientation  avec  la  nouvel  le  abside 
faisant  face  à  la  première. 

Si  on  demande  le  motif  de  la  nouvelle  orientation, 
il  est  facile  à  donner  :  nous  ne  sommes  plus  au  temps 
où  l'orientation  n'était  pas  déterminée  ;  dans  la  suite, 
elle  s'était  fixée  par  un  usage  constant  et  universel. 
Dès  le  dixième  siècle,  les  grandes  églises  sont  réguliè- 
rement orientées,  au  moins  dans  notre  région.  Jusqu'à 
Guillaume  de  Saint-Lazare,  dans  les  reconstructions 
ou  constructions  partielles,  on  avait  suivi  l'ancienne 
orientation  par  respect  pour  les  souvenirs  des  églises 
primitives.  Guillaume  de  Saint-Lazare  lui-même,  au 
treizième  siècle,  en  se  conformant  au  nouveau  mode 
d'orientation,   se  donnera  bien  garde  de   toucher  à 
l'ancienne  abside.    Peut-il    faire   autrement  que  de 
conserver  l'église  primitive  à  l'occident?  Il  n'eut  pas, 
à  coup  sûr,  un  seul  instant,  la  pensée  de  détruire  ou 
de  modifier  la  partie  de  l'ancien  sanctuaire.  La  dévo- 
tion à  saint  Cyr  et  à  sainte  Julitte  était  trop  ardente  de 
la  part  de  révoque  et  de  tous  les  fidèles;  le  souvenir 
de  tous  les  saints  évoques,  saint  Eulade,  saint  Are, 
saint  Œolade,  saint  Arigle,  saint  Dié,  saint  Ithier, 


-  219  - 

saint  Nectaire,  saint  Jérôme,  était  trop  vivant  et  trop 
présent  à  Tesprit  et  au  cœur  de  tous. 

Telle  est  la  vraie  cause  qui  détermine  la  particularité 
de  la  double  abside. 

Par  la  nouvelle  abside,  Torientation  devenait  régu- 
lière. En  reconstruisant  presque  en  entier  la  cathé- 
drale, Guillaume  de  Saint-Lazare  ne  pouvait  manquer 
de  se  conformer  à  la  règle  qui  avait  universellement 
prévalu  depuis  deux  siècles  ;  Guy  Coquille  Tindique 
nettement  :  «  Et  par  le  moyen  dudit  chœur  ainsi 
construit  de  nouveau,  le  grand  autel  et  le  reste  de 
Teglise  qui  soûlait  être  à  soleil  couchant  fut  tourné  à 
l'orient.  » 

La  double  abside  existe  donc  seulement  à  partir  de 
Guillaume  de  Saint-Lazare  et  a  été  voulue  accidentel- 
lement par  la  force  des  choses. 

Donc,  pour  terminer,  je  reprends  les  conclusions  des 
trois  thèses  : 

1®  Le  mode  d  orientation  n'a  pas  été  fixe  dès  l'ori- 
gine ; 

2o  Les  cathédrales  primitives  de  Nevers  ont  été 
pourvues  d'une  seule  abside  à  l'occident  ; 
,  3°  La  cathédrale  du  treizième  siècle  offre  une  double 
abside,  seulement  à  partir  de  Guillaume  de  Saint- 
Lazare,  et  les  deux  absides,  comme  nous  venons  de  le 
dire,  existent  accidentellement,  par  la  force  des  choses  : 
l'une  conservée  à  cause  des  anciens  souvenirs  qu'elle 
rappelle,  l'autre  érigée  pour  se  conformer  aux  règles 
de  Torientation  fixée,  dans  nos  pays,  par  un  usage  plu- 
sieurs fois  séculaire.  C'est  ce  dernier  point  que  je  me 
proposais  principalement  de  démontrer  et  d'élucider. 
Puissé-je  avoir  réussi  dans  ma  tâche  ! 

Abbé  A.  SERY,  Chanoine. 


—  220  — 


UNE  LETTRE 


DE  M.   DU    BROC    DE    SEGANGE 


La  Société  nivernaise  a  publié  en  1863  un  ouvrage 
intitulé  :  La  Faïence,  les  raïenciers  et  les  Émailleurs 
de  Nevers,  par  Louis  du  Broc  de  Segange.  Ce  travail, 
enrichi  de  nombreuses  planches  et  alors  nouveau  dans 
son  genre,  a  eu  un  grand  succès.  Le  volume,  rapide- 
ment épuisé,  atteint  encore  des  prix  élevés. 

Les  années  suivantes,  M.  de  Laugardière  fit  part  à 
la  Société  '  des  copies  de  documents  relatifs  aux 
faïenciers  Gambin  et  Conrade,  faites  par  lui  dans  les 
archives  des  notaires  de  Nevers  {Bulletin,  t.  IV,  p.  348 
et  357),  mais  il  ne  poussapasplus  loin  ses  investigations. 

Depuis  cette  époque  aucun  érudit  nivernais  n'a  tenté 
de  compléter  l'ouvrage  qui  a  fait  honneur  à  notre  Société. 

L'année  dernière,  M.  Massillon  Rouvet  ayant  repris 
accidentellement  ce  sujet  si  intéressant  pour  le  Niver- 
nais, son  travail  a  été  l'objet  de  la  lettre  suivante  dont, 
en  souvenir  de  notre  ancien  vice-président,  je  me 
suis  empressé  de  donner  lecture  à  la  séance  du 
27  février  1899  : 

R.  DE  L. 

Segange,  le  26  janvier  1899. 

Monsieur  le  Président, 

Le  hasard  vient  de  mettre  sous  mes  yeux  l'article 
de  M.  Massillon  Rouvet,  intitulé  :  L'Introduction  des 
Faïences  d'art  à  Nevers,  Comme  il  s'y  trouve  certaines 
critiques,  d'ailleurs  très  bienveillantes,  à  l'adresse  de 
l'ouvrage  de  mon  père  :  La  Faïence^  les  Faïenciers 
et  les  Emailleurs  de  Nevers,  j  ai  l'honneur  de  vous 
demander  la  permission  d'exposer  ici  mes  observa- 
tions sur  ce  sujet. 


—  221  — 

Tout  d'abord,  M.  Massillon  Rouvet  rend  un 
hommage  complet  à  Timpartialité  de  l'auteur,  ce  dont 
je  le  remercie.  Ensuite,  il  relève  une  erreur  faite  sur  le 
nom  de  la  femme  d'Augustin  I®'  Conrade  :  je  pourrais 
lui  opposer  le  texte  même  du  registre  paroissial  de 
Saint-Martin  de  Nevers  (1602),  qui  est  peut-être 
fautif,  mais  j'aime  mieux  m'occuper  tout  de  suite  de 
deux  points  beaucoup  plus  importants. 

1°  M.  Rouvet  dit,  page  27,  que  rien  ne  décide  l'au- 
teur à  donner  le  degré  de  parenté  de  ces  artistes, 
c  est-à-dire  des  trois  Conrade  vivant  en  1602.  Il  sufl5t, 
pour  se  convaincre  du  contraire,  de  lire  les  pages  61, 
71,  72,  et  la  légende  de  la  planche  I  (armoiries  et  signa- 
tures des  Conrade).  M.  du  Broc  les  désigne  nettement 
comme  frères  en  plusieurs  endroits,  et  l'arbre  généa- 
logique de  la  page  72,  en  les  plaçant  sous  la  môme 
accolade,  me  semble  fort  explicite. 

2®  M.  Rouvet  cite  ensuite,  dans  la  même  page  27, 
la  phrase  suivante  attribuée  à  mon  père  :  «  Scipton 
Gambin,  en  tout  état  de  cause,  doit  être  coNsmÉRÉ 
comme  le  premier  importateur  de  la  faïence  à  Nevers.  » 
Or,  cette  citation  est  inexacte.  Le  texte  de  l'ouvrage  : 
La  Faïence,  les  Faïenciers,,,. ,  porte,  page  59  (et  non 
page  58,  comme  le  dit  M.  Rouvet,  qui  certainement  à 
lu  le  livre  très  imparfaitement)  : 

«  Scipton  Ganibin,  en  tout  état  de  cause,  doit-il 
être  considéré  comme  le  premier  importateur  de  la 
faïence  à  Nevers  ?  Tout  indique  que,  le  premier,  il  a 
dû  faire  des  essais  dans  cette  capitale  du  duché  ;  mais, 
en  l'absence  d'autres  documents,  nous  ne  pensons  pas 
qu'on  puisse  lui  attribuer  l'initiative  de  cette  grande 
fabrication,  qui  était  déjà  célèbre  à  la  fin  du  règne  de 
Henri  IV.  L'ordonnance  de  ce  roi,  citée  par  Bron- 
gniart,  relative  à  la  fabrication  de  Nevers,  est  datée  de 


—  222  — 

1603;  et  à  cette  époque  il  n'était  plus  question  de 
Scipion  Gambin,  mais  bien  d'une  famille  nombreuse 
qui  devait  fournir  à  Ne  vers  trois  générations  d'excel- 
lents faïenciers.  » 

Ainsi  donc,  M.  Rouvet,  en  supprimant  le  mot  il 
et  son  trait  d'union,  a  mis  sous  la  forme  affirmative 
une  pensée  qui  exprimait  le  doute  et  l'interrogation. 
Les  deux  phrases  qui  suivent  indiquent  bien  que  mon 
père  n'était  pas  dans  l'intention  de  donner  au  potier 
Gambin  la  paternité  de  la  faïence  nivernaise,  mais 
qu'il  considérait  surtout  la  famille  nombreuse  devant 
fournir  trois  générations  d'excellents  faïenciers,  c'est- 
à-dire  les  Conrade.  C'est  encore  par  ces  derniers  qu'il 
commence  page  71,  le  chapitre  consacré  aux  noms  des 
faïenciers  classés  par  ordre  chronologique;  quant  à 
Gambin,  il  se  contente  de  le  mentionner jooar  mémoire 
dans  une  note  au  bas  de  la  page. 

Je  possède  la  collection  de  nombreux  articles 
extraits  des  journaux  ou  revues  publiés  en  1863,  au 
moment  -de  l'exposition  de  Nevers  et  de  l'apparition 
du  livre  de  mon  père.  Tous  les  écrivains  mentionnent, 
d'après  lui,  les  Conrade  comme  trois  frères  ayant 
importé  Tart  de  la  faïence  à  Nevers.  Trois  ou  quatre 
journaux  seulement  s'occupent  de  Gambin  à  cause  de 
sa  parenté  probable  avec  le  faïencier  lyonnais  portant 
le  même  nom.  M.  André  Pottier  dit,  à  la  page  8  de  son 
Histoire  de  la  Faïencerie  de  Rouen,  que,  d'après 
M.  du  Broc,  le  véritable  auteur  de  la  fabrique  de 
Nevers  est  un  nommé  Conrade.  Il  ressortait  donc 
clairement  de  la  lecture  du  livre  de  mon  père,  qu'il 
regardait  les  Conrade  comme  les  vrais  importateurs  de 
la  faïence  à  Nevers.  S'il  ne  le  disait  pas  catégorique- 
ment, c'est  qu'il  ne  pouvait  affirmer  une  chose  dont  il 
n'avait  que  des  preuves  morales. 


—  223  — 

Depuis  1864,  qui  est  précisément  le  moment  où 
j'ai  quitté  la  Nièvre,  s'est-il  formé  parmi  les  érudits 
nivernais  un  parti  gambiniste  opposé  aux  conradistes  ? 
Je  dois  le  croire  en  voyant'M.  Massillon  Rouvet  parler 
de  la  «  réhabilitation  des  Conrade  »,  enlisant  surtout 
le  rapport  de  M.  Henry  Jouin,  imprimé  au  Bulletin  à 
la  suite  de  la  note  de  M.  Massillon,  qui,  lui,  emploie 
les  grands  mots  d!erreur  accréditée  à  détruire,  de 
mémoire  à  venger,  d'auréole  à  replacer,  de  capta- 
iion,  etc.  Je  ne  savais  pas  que  mes  pauvres  ancêtres 
avaient  fait  dans  Topinion  une  si  triste  chute,  autre- 
ment j'aurais  tenté  quelques  efforts  pour  les  défendre, 
malgré  mon  incompétence  en  ces  matières. 

M.  Massillon  Rouvet  a  eu  la  bonne  fortune  de 
trouver,  dans  V Inventaire  des  Archives  de  Nevers, 
publié  en  1876  par  M.  l'abbé  Boutillier,  des  documents 
qui  auraient  fait  le  bonheur  de  mon  père,  en  ne  lais- 
sant plus  aucune  place  au  doute.  Je  le  félicite  sincère- 
ment de  cette  trouvaille,  car  je  m'estime  très  heureux 
de  descendre  en  ligne  directe,  par  les  familles  de  Bianki 
et  Phélippes,  de  ces  gentilshommes  faïenciers,  qui, 
tout  en  maniant  Tépée  au  service  de  la  France,  se  sont 
révélés  grands  artistes  et  grands  industriels. 

Ces  sentiments  étaient  ceux  de  mon  père,  mais,  à 
cause  des  extraits  inexacts  publiés  sur  son  livre,  j'ai 
l'honneur,  Monsieur  le  Président,  de  vous  demander 
l'insertion  de  la  présente  lettre  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  nivernaise. 

J'ajouterai,  parla  même  occasion,  que  je  possède 
deux  cachets  du  médecin  Augustin  de  Conrade, 
apposés  sur  un  acte  de  1667  :  ses  armoiries  sont  bien 
conformes  à  celles  dont  mon  père  a  donné  le  fac-similé 
d'après  la  copie  de  1578.  On  trouve  dans  les  archives 
de  l'Allier,  B.  744,  une  Mavie-Françoise  Conrade, 
épouse  en  1666  de  Gilbert  Roy  des  Bouchesnes,  lieute- 


-  224  — 

nant  général  en  la  sénéchaussée  de  Moulins.  Elle  était 
fille  du  susdit  Augustin  de  Conrade,  seigneur  du 
Marais  et  d'Aglan,  lequel  habitait  Moulins. 

Veuillez  agréer.  Monsieur  le  Président,  l'assurance 
de  ma  considération  très  distinguée. 

G.  DU  Broc  de  Segange, 

Clief  d^escadrons  de  cavalerie  en  retraite.  • 


A  l'occasion  et  comme  complément  de  cette  note 
destinée  à  restituer  aux  Conrade  leur  titre  incontes- 
table et  jusqu'ici  incontesté  d'inventeurs  de  la  faïence 
en  France,  titre  proclamé  d'ailleurs,  il  y  a  près  de 
quarante  ans,  dans  l'ouvrage,  qui  fait  autorité  en  céra- 
mique, de  M.  Louis  du  Broc  de  Segange,  M.  Ernest 
de  Toytot  donne  lecture  d'une  seconde  lettre  de 
M.  Gaston  du  Broc  de  Segange,  au  sujet  de  cette  môme 
famille  des  Conrade. 

M.  Gaston  du  Broc  de  Segange,  dans  cette  lettre, 
tient  à  signaler  lui-même  une  erreur  qu'aurait  com- 
mise son  père  dans  le  tableau  généalogique  des 
Conrade,  en  indiquant  Gabrielle  Conrade,  épouse 
à! Henry  Bolacre,  comme  étant  la  sœur  du  médecin 
Augustin  Conrade.  Elle  était  en  réalité  sa  fille, 
comme  on  peut  s'en  convaincre  par  la  lecture  du 
contrat  de  mariage  de  Marie-Françoise  Conrade,  son 
autre  fille,  avec  Gilbert  Roy,  reçu  Colon,  notaire  à 
Nevers,  le  18  janvier  1665,  que  M.  du  Broc  a  eu  entre 
les  mains. 


-  225  - 


LE  PROTESTANTISME 

ET  LÀ 

RÉVOCATION   DE    L'ÉDIT   DE   NANTES 

DANS  LA  PAROISSE 

DE   BEAUMONT-LA-FERRIÈRE 

(Nièvre). 


La  période  de  la  Réforme  en  Nivernais  a  déjà  fait 
l'objet  d'intéressantes  études  ;  cependant  son  histoire 
est  loin  d'être  complète.  Désireux  d'y  contribuer  pour 
une  modeste  part,  je  rappellerai  brièvement,  dans  ce 
travail,  l'existence  des  protestants  qui,  aux  seizième  et 
dix  -  septième  siècles ,  résidaient  à  Beaumont-la- 
Perrière. 

Cette  petite  localité  présente,  en  effet,  à  une  époque 
aussi  troublée,  une  physionomie  particulière;  et  les 
archives  communales  nous  montrent  que  les  querelles 
religieuses,  si  sanglantes  aux  environs  même  —  à  La 
Charité,  —  n'eurent  dans  le  pays  aucune  conséquence 
r^rettable. 

Les  réformés  étaient  cependant  assez  nombreux  à 
Beaumont,  et  il  y  avait  à  cela  plusieurs  raisons.  C'est 
d'abord  l'acquisition,  par  Jean  de  Morogues,  d'un  fief 
de  la  paroisse  :  celui  de  Sauvages,  où  il  vint  se  fixer 
en  1531. 

Ce  seigneur,  ayant  adopté  la  religion   réformée, 

T   VIII,  3*  série.  15 


-  226  - 

choisit  son  personnel  parmi  les  huguenots  ;  il 
employait,  en  outre,  dans  les  importantes  forges 
voisines  de  son  manoir,  un  certain  nombre  de  calvi- 
nistes. 

Aussi,  pour  faciliter  à  tous  ces  réformés  l'exercice 
de  leur  culte,  fit-il  transformer  en  un  temple  la  petite 
chapelle  annexée  jadis  au  château  par  la  famille  de  La 
Platière(l). 

A  cet  édifice  protestant,  un  ministre  était  spéciale- 
ment attaché  :  c'est,  en  1590,  Jean  Thaby  qui  figure 
souvent  comme  témoin  dans  les  titres  de  la  fin  du 
seizième  siècle.  Samuel  Alard,  qui  lui  succéda  vers 
1640,  eut  plusieurs  enfants  naturels,  dont  une  fille, 
qui,  baptisée  après  le  décès  de  son  père,  fut  inhumée 
religieusement  le  19  avril  1685. 

Ces  ministres  étaient  généralement  logés  dans  les 
dépendances  du  château  ;  cependant,  en  1647,  Alard 
habitait,  au  bourg  de  Beaumont,  une  maison  récem- 
ment acquise  par  le  seigneur  de  Sauvages,  et  «  dont 
»  V appartement  de  derrière  seroait  de  semetiére  à 
))  ceux  de  la  religion  prétendue  réformée  (2). 

Jean  de  Morogues  étant  mort  vers  1554,  Jacques, 
son  fils  aîné,  hérita  du  fief  de  Sauvages.  La  plupart 
des  historiens  nivernais  ont  rappelé  le  souvenir  de  ce 
protestant  qui,  nommé  en  1576  gouverneur  de  La 
Charité  par  le  duc  d'Alençon,  ne  se  fit  aucun  scrupule 
de  trahir  la  promesse^  faite  à  ce  prince,  de  ne  point 
molester  les  catholiques.  Mais  la  curieuse  figure  de  ce 
seigneur  appartient  plus  intimement  à  l'histoire  de 


(1)  Cette  chapelle,  restaurée  et  embellie  en  1514  par  le  seigneur  d'alors, 
Imbert  de  la  Platière,  évoque  de  Nevers,  ne  fut  rendue  au  culte  catho- 
lique qu'en  4751,  longtemps  après  la  conversion  des  derniers  descendants 
de  la  famille  de  Morogues,  et  sur  la  demande  de  Tun  d'eux. 

(2)  Les  huguenots,  on  le  voit,  avaient  leur  cimetière  réservé,  attenant 
d'ailleurs  à  celui  des  catholiques,  lequel  entourait  alors  réalise. 


—  227  — 

Beaumont,  puisque  cet  administrateur  félon,  parti  de 
son  manoir  de  Sauvages  pour  occuper  le  haut  emploi 
auquel  l'appelait  la  confiance  du  frère  du  roi,  y  fut 
ramené  quelques  mois  après,  —  et  sous  bonne  escorte, 
—  avec  les  protestants  qu'il  avait  armés. 

Les  seigneurs  de  Sauvages,  de  la  famille  de  Moro- 
gués,  ayant  persévéré  dans  la  religion  de  leurs  ancêtres 
jusqu'à  la  révocation  de  l'Edit  de  Nantes,  réunirent 
dans  leur  temple,  non  seulement  parents,  domestiques 
et  ouvriers,  mais  encore  tous  les  autres  calvinistes  de 
la  paroisse  (1). 

Ces  derniers  étaient  d'ailleurs  assez  nombreux 
depuis  1665,  époque  où  l'architecte  Le  Vau,  devenu 
seigneur  de  Beaumont,  avait,  par  ordre  de  Louis  XIV, 
fait  installer  dans  le  voisinage  de  son  château  d'impor- 
tantes manufactures  de  fer-blanc.  Et  comme  cette 
industrie  était  prospère  en  Allemagne,  Le  Vau  avait 
dû  faire  venir  de  ce  pays  plusieurs  maîtres  forgerons, 
tous  luthériens. 

(1)  Ce  droit  était,  en  vertu  de  Tarticle  VII  de  l'Edit  de  Nantes,  accordé 
aux  seigneurs  hauts-justiciers  seulement  ;  les  possesseurs  de  moyennes  et 
basses  justices  ne  pouvant  établir  un  presche  dans  l'étendue  de  leurs 
terres  sans  Tautorisiition  expresse  du  roi.  C'est  ce  qui  ressort  d'une  pièce 
intéressante  découverte  par  M.  de  Lespinasse  à  la  Bibliothèque  nationale 
(Balutej  Armoires,  i89,  folio  97 )f  et  dont  il  a  bien  voulu  me  communi- 
quer une  copie. 

Cette  lettre  signée  par  Louis  XIV,  et  datée  du  6  décembre  1645,  a  été 
adressée  par  Phelippeaux  à  M.  du  Verger,  conseiller  du  roi  en  son  Conseil 
d'Etat,  intendant  en  la  justice,  police  et  finances  de  Bourbonnais.  Elle  est 
relative  à  un  presche  établi  sur  une  terre  ayant  droit  de  moyenne  et  basse 
justice,  voisine  de  Clamecy  et  acquise  récemment  par  un  marchand, 
nommé  Girardet.  Le  roi  ayant  appris  que  déjà  ce  dernier  «  a  commencé 

•  d'en  faire  ouverture  par  l'abjuration  qu'il  a  fait  faire  àungjeune  enfant 
»  do  lieu  de  Goulanges-sur- Yonne  >,  mande  à  son  intendant  «  de  se 
»  transporter  sur  les  lieux  et,  y  estant  bien  et  deuement,  informer  de  ce 
»  prétendu  establissement  et,  l'information  faicte,  l'envoyer  en  son  conseil 

•  pour  ordonner  ce  qu  il  verra  estre  à  faire  par  raison.  »  Puis  le  monarque 
^oute  :  «  Opendant  vous  ferez  très  expresses  deffenses  audit  Girardet  et 

•  tous  antres  que  besoing  sera,  de  passer  oultre  audit  establissement  sur 

•  peine  de  désobéissance  et  autre  plus  grande  s'il  y  eschet.  » 


-  228  - 

Lorsqu'il  mourut,  en  1670,  Louvois  lui  donna  pour 
successeur  un  autre  architecte  des  bâtiments  du  roi, 
Grandguillaume  ;  ce  dernier,  ayant  acquis  l'expé- 
rience des  ouvrages  de  fer-blanc  dans  ses  voyages 
d'Allemagne  et  voulant  redonner  aux  usines  qu'il  diri- 
geait leur  activité  première,  demanda  à  cette  contrée 
de  nouveaux  travailleurs. 

Il  est  donc  probable  que  le  nombre  d'ouvriers  luthé- 
riens employés  aux  manufactures  royales  de  Beaumont 
eût  été  croissant  si  ces  établissements  n'avaient  subi 
une  série  de  vicissitudes  qui  en  amenèrent  prompte- 
ment  la  ruine. 

Quelques-uns  de  ces  protestants,  venus  dans  le  pays 
avec  leur  famille,  s'y  fixèrent  cependant  ;  d'autres  s'y 
marièrent,  faisant  souche.  Ces  unions  amenèrent -elles 
des  conversions  ?  Les  registres  paroissiaux  semblent 
le  prouver  :  car  nous  voyons  plusieurs  forgerons  alle- 
mands faire  baptiser  leurs  enfants  en  1677,  ce  qui 
indique  qu'eux-mêmes  avaient  fait  antérieurement 
leur  profession  de  foi  catholique  (1). 

Les  réformés  ne  jouissaient  plus  d'ailleurs,  à  cette 
époque,  d'une  grande  sécurité  en  Nivernais  ;  et  les 
ouvriers  luthériens  employés  dans  les  manufactures 
royales  de  Beaumont  se  virent  bientôt  privés  eux- 
mêmes  des  faveurs  du  souverain  qui  les  avait  appelés 
dans  le  pays  pour  y  répandre  une  industrie  nouvelle. 

Les  édits  royaux  qui  se  succèdent  sont  loin,  en  effet, 
de  témoigner  d'une  grande  protection  à  l'égard  des 
calvinistes^  dont  la  situation  devint  moins  rassurante 
encore  en  1688.  En  effet,  Louis  XIV,  entrant  dans  la 
voie  des  rigueurs,  enleva  aux  réformés  les  garanties 

(i)  Citons  notamment  le  maitre  forgeron  allemand,  Pierre  Vetoms. 
marié  à  Barbe  Beutmer,  dont  le  fils,  baptisé  le  21  janvier  1677,  eut  pour 
maiTaine  sa  tante,  Elisabeth  Beutmer,  époase  elle-môme  d*an  maître 
blanchisseur,  venu  d'Allemagne. 


-  229  — 

que  leur  assurait  TEdit  de  Nantes,  supprima  les  libertés 
à  eux  laissées  par  Richelieu  et  Mazarin  et  leur  interdit 
môme  toute  fonction  libérale. 

C'est  alors  que,  pour  se  conformer  à  la  volonté  du 
roi,  plusieurs  protestants  de  Beaumont  firent  ces 
abjurations  solennelles  dont  les  registres  paroissiaux 
nous  ont  gardé  le  souvenir. 

On  déployait  en  la  circonstance  un  certain  cérémo- 
nial ;  les  personnes  les  plus  notables  de  la  paroisse  — 
et  quelquefois  celles  des  localités  environnantes  — 
étaient  convoquées  à  l'église  pour  entendre  le  serment 
du  nouveau  converti. 

Peu  importait  d'ailleurs  le  jour  et  l'heure,  ces  céré- 
monies ayant  lieu  quelquefois  même  le  dimanche  à 
l'issue  de  la  messe  paroissiale. 

C'est  le  24  janvier  1683,  un  sieur  Jacob,  forgeron 
allemand,  et  Elisabeth  Pesnard,  sa  femme,  qui  se 
convertissent  et  font  baptiser  Jeanne,  leur  fille,  quel- 
ques jours  après. 

Le  3  février  1684  a  lieu  également  dans  l'église 
l'abjuration  de  Zacharie  MùUer,  allemand  luthérien, 
alors  domestique  du  sieur  François  de  Morogues,  cal- 
viniste et  seigneur  de  La  Celle-sur-Nièvre.  Et,  dit 
l'acte  de  conversion,  a  le  réformé  se  présenta  au- 
»  devant  de  la  grande  porte  de  l'église  suppliant 
»  instamment  le  curé,  comme  plusieurs  autres  fois  il 
»  avait  fait,  de  le  vouloir  recevoir  à  la  créance  des 
»  fidelles  catholiques  »  ;  et  c'est  en  présence  de  plu- 
sieurs de  ses  anciens  coreligionnaires  qu'il  fait  sa  pro- 
fession de  foi. 

Cependant,  ces  conversions  isolées  ne  donnaient 
point  entière  satisfaction  au  roi,  qui  assujettit  les 
réformés  à  de  nouvelles  formalités. 

C'est  ainsi  que,  pour  obéir  aux  déclarations  royales, 
Henry-Louis  de  Morogues,   seigneur  de   Sauvages, 


-  230  — 

demande,  le  12  mai  1685,  au  lieutenant  général  du 
bailliage  de  Saint-Pierre-le-Moûtier,  l'autorisation  de 
continuer  dans  son  temple  lexercice  du  calvinisme, 
permission  qui  lui  fut  accordée  <(  seulement  pour  luy 
»  et  ses  domestiques  de  la  mesme  religion  sans  que 
»  pour  ce  il  puisse  tenir  le  presche  ». 

C'était  un  acheminement  rapide  vers  la  révocation 
de  l'Edit  de  Nantes,  qui  eut  lieu  le  22  août  suivant.  Il 
faut  alors  abjurer  ou  s'exiler.  Henry  de  Morogues  ne 
voulant  point  suivre  en  Hollande  le  seigneur  de  La 
Celle,  son  frère,  préféra  se  convertir  ;  aussi  le  trouve- 
t-on  dans  la  suite  parrain  de  plusieurs  de  ses  petits- 
enfants. 

Et  lorsque  le  8  avril  1686,  son  fils  aîné,  François  de 
Morogues,  épousa  dans  l'église  de  Beaumont  Anne, 
sa  cousine,  nouvelle  convertie,  il  était  lui-môme 
devenu  catholique,  ainsi  que  les  nombreux  oncles, 
tantes,  cousins  et  cousines  présents  à  son  mariage. 

Les  registres  paroissiaux  de  Beaumont-la-Ferrière 
nous  ont  conservé  le  souvenir  de  plusieurs  autres  abju- 
rations protestantes. 

Le  3  décembre  1685,  c'est  une  veuve  avec  son  fils  et 
ses  deux  filles  ;  le  9,  deux  enf  ants'^baptisés  par  Samuel 
Alard  sont  présentés  à  l'église  par  leurs  parents  pour 
être  reçus  à  la  créance  catholique  ;  enfin,  le  22  du 
môme  mois,  un  habitant  de  Murlin  —  trouvé  dans  la 
paroisse,  dit  l'acte  —  et  trois  domestiques  du  seigneur 
de  Sauvages  (l'un  de  vingt-neuf  ans,  l'autre  de  dix- 
huit  et  le  troisième  de  quatorze)  font  leur  abjuration  : 
mais  celle-ci  a  lieu  dans  la  chapelle  du  château  de 
Beaumont. 

Les  relations  de  ces  cérémonies,  laissées  par  les 
curés  de  l'époque,  renferment  de  curieux  détails  ; 
cependant  il  n'est  point  fait  mention  dans  les  registres 
des  conversions  seigneuriales.  Aussi  est-ce  l'acte  relatif 


à  Tabjuration  d  une  famille  d'ouvriers  qui  rappellera 
les  formalités  usitées  en  pareille  circonstance. 
En  voici  la  teneur  : 

Cejourd'huy  lundy,    troisiesme  jour  du  mois  de 
décembre  mil  six  cent  quatre-vingt-cinq,  dans  Téglise 
paroissialle    Saint-Léger   de   Beaumont-la-Ferrière , 
diocèse   de   Nevers,   sont  comparuts    en   personnes 
pardevant  nous  Joseph  Rossignol,  prestre  curé  dans  la 
dite  église,  honeste  femme  Susanne  Charlotte  Eugénie 
Vauboulle,  veufve  de  deffunct  Samuel  Vilotte,  aagée 
de  quarante-cinq  ans,  Henry  Vilotte,  aagé  de  dix-sept 
ans,  Anne  Vilotte,  aagée  de  quatorze  ans,  et  Susanne 
Vilotte,  aagée  de  huit  ans,  fils  et  filles  dudit  Samuel 
Vilotte  et  Susanne  Vauboulle,  leurs  père  et  mère, 
touts  de  la  religion  prétendue  réformée,  demeurants 
dans  leur  maison  audit  Beaumont-la  Perrière  ;  lesquels 
nous    auroient   prié    instamment    comme   plusieurs 
autrefois  ils  auroient  fait,  de  les  vouloir  recevoir  à  la 
créancedes  fidelles  catholiques  apostoliques  et  romains, 
aquoy  inclinant  et  comme  usant  de  pouvoir  à  nous 
donné  par   Monseigneur    messire    Edouard    Vallot, 
illustrissime  et  revérendissime  evesque  de    Nevers, 
aurions  interpellez  les  dits  Susanne  Vauboulle,  Henry, 
Anne  et  Susanne  Vilotte  de  déclarer  hautement  quel 
motif  ils  avoient  de  se  faire  catholiques,  apostoliques 
^t   romains,   lesquels   nous    auroient    répondu    que 
cestait  Tinterest  de  la  gloire  de  Dieu  et  de  leur  propre 
salut  ;  et  les  ayant  fortifiez  dans  ce  dessein  par  nostre 
exhortation,  nous  aurions  chantée  l'hymne  de  Vent 
Creator  Spiritus,  puis  ensuite  aurions  exposé  le  corps 
de  nostre  Seigneur  Jesus-Christ  qu'ils  auroient  adoré 
par  un  acte  de  foy  catholique,  apostolique  et  romaine, 
en  prononçants  haustement  et  de  mot  a  mot  la  profes- 
sion de  foy  catholique,  apostolique  et  romaine  dans  la 
manière  '  qu'il  est  prescript  dans  le  saint  Concile  de 


-  232  — 

Trente  et  reçeu  la  prestation  de  leurs  serments-sur  les 
saints  Evangiles  en  les  touchants  et  baisants  respec- 
tueusement, promettants  a  ladvenir  d'estre  fidelles  à 
la  sainte  Eglise  romaine  jusquau  dernier  soupir  de  leur 
vie,  croyants  fermement  que  hors  d'icelle  il  ny  a 
point  de  salut  ;  et  après  leurs  avoir  donné  Tabsolu- 
tion  de  Iheresie  de  Luther  et  Calvins,  leur  aurions 
donné  leurs  places  dans  ladite  église  pour  entendre  la 
messe  qui  fut  suivie  d'un  Te  Deum  laudamus  solen- 
nellement chanté,  les  cloches  sonantes,  pour  rendre 
gr&ces  a  Dieu  d'une  si  sainte  action,  à  laquelle  ont  esté 
présents  lesdites  Vauboule  et  Vilotte,  messire  Charle 
Roger  de  Quinquet,  ecuier,  seigneur  de  Vieille-Ferté, 
Choulot  et  autres  lieux,  demeurant  à  la  Vieille-Ferté, 
diocèse  de  Sens  en  Bourgogne  ;  honorables  hommes 
Edme  Hugot,  procureur  fiscal  ;  Pierre  Vincent,  mar- 
chand ;  Jean  Mignon,  Jaque  Fine,  marchands  ;  Jean 
Robert,  serurier  ;  Edme  Martin,  chirurgien,  et  plu- 
sieurs autres  paroissiens  demeurants  touts  audict 
Beaumont  et  plusieurs  externes  qui  ont  déclaré  ne 
savoir  signez,  sauf  les  sousignez  avec  nous  curé  susdit 
les  an  et  jour  que  dessus  ;  lesdits  VaubouUe  et  Villotte 
ont  déclaré  ne  scavoir  signer  enquits. 

(Suivent  les  signatures,) 

C'en  est  fait,  à  partir  de  cette  époque,  de  la  Réforme 
dans  la  paroisse,  car  aucune  abjuration  ne  figure  aux 
registres  après  le  22  décembre  1685. 

On  pourrait,  à  bon  dioit,  s'étonner  qu'elles  n'eussent 

pas  été  plus  nombreuses,  étant  donnée  la  population 

calviniste  de  Beaumont  ;  il  faut  donc  en  chercher  la 

cause  et  dans  l'abandon  des  forges  et  dans  les  exils 

volontaires  qui  suivirent  la  révocation  de  l'Edit  de 

Nantes 

Gastoh  GAUTHIER. 


-  233  — 


ÉTAT  ACTUEL 

DE 

LA    NUMISMATIQUE    NIVERNAISE 


Depuis  la  publication  de  notre  travail  sur  la  Numis- 
matique (1),  nous  avons  réuni  un  certain  nombre  de 
pièces  nouvelles  et  une  série  de  documents  sur  les 
monnaies,  les  jetons  et  les  méreaux  nivernais. 

Ce  sont  ces  pièces  et  ces  documents  que  nous  allons 
décrire  et  examiner  ici. 

MONNAIES  FÉODALES 

DOCUMENTS  CONCERNANT  LES  MONNAIES  DES  COMTES  (2) 


Pierre  de  Courtenay. 

Corbigny ,  1188.  —  En  échange  d'un  don  de  12  deniers 
par  feu,  Pierre  de  Courtenay  et  sa  femme  Agnès  de 
Nevers,  prennent  en  leur  nom  et  au  nom  de  leurs  suc- 
cesseurs, vis-à-vis  des  évoques,  abbés  et  barons  du 
comté  de  Nevers,  l'engagement  de  maintenir  leur 
monnaie  au  titre  de  4  deniers  d'argent  fin  et  au  poids 
de  16  sols  8  deniers  au  marc  de  Troyes. 

Le  texte  original  de  cet  acte,  publié  par  M.  Prou 

(1)  Numismatique  nivernaisCf  Nouvelles  recherches. 

(2)  Les  sept  premiers  de  ces  documents,  conservés  aux  Archives  dëpar* 
tementales  de  la  Nièvre  (G.  6i),  ont  été  compris  dans  la  série  de  docu- 
ments monétaires  publiés  par  M.  Prou  dans  la  Revue  numismcUique 
1896,  p.  283-906. 


—  -234  — 

pour  la  première  fois,  était  déjà  connu  par  une  confir- 
mation royale,  d'après  laquelle  il  avait  été  étudié  et 
analysé  par  Tabbé  Lebeuf,  M.  de  Soûl  trait,  etc.  Nous 
allons  voir  plus  loin  que  cet  engagement  allait  être  la 
source  de  difficultés  sans  fin  entre  les  comtes  et  le 
Chapitre  de  Nevers. 

II 
Eudes  de  Bourgogne. 

Paris,  5  septembre  1362.  —  Convention  entre  le 
comte  Eudes,  d'une  part,  Tévôque  et  le  Chapitre  de 
Nevers,  de  l'autre.  Le  comte  obtient  l'autorisation  de 
continuer  la  fabrication  des  monnaies  au  titre  de 
3  deniers,  obole  et  1/2  pite  de  loi,  et  à  20  sols,  un 
denier  plus  ou  moins,  de  poids  au  marc  de  Troyes, 
jusqu'à  ce  que  sa  fille  Yolande,  héritière  du  comté, 
soit  en  âge  de  faire  valoir  ses  droits. 

Cette  pièce,  qui  est  une  dérogation  à  la  convention 
précédente,  n'avait  pas  été  retrouvée  par  M.  de  Soûl- 
trait  au  moment  de  la  publication  de  l'Essai  sur  la 
numismatique  nivernaise,  mais  il  la  connaissait  par 
l'analyse  qu'en  avait  donnée  G.  Eysembach  dans 
V Inventaire  des  archioes  de  la  Chambre  des  comptes 
de  Nevers  (1). 

III 

Jean  Tristan. 

Vincennes,  3  mars  1267.  —  Lettres  de  non-préju- 
dice délivrées  par  Jean  Tristan  à  l'évoque  et  au  Cha- 
pitre, vidimées  le  7  avril  1304  par  l'official  de  Nevers, 
au  moment  de  la  main-mise  du  roi  sur  la  monnaie  du 
comte. 

(1)  Annuaire  de  la  NièvrCf  année  18i4,  ^  partie,  p.  58. 


-  235  — 

Ce  document,  acquis  en  1883  par  les  Archives  de  la 
Nièvre,  est  le  seul  qui  nous  renseigne  jusqu'à  présent 
sur  le  monnayage  de  Jean  Tristan;  aussi  croyons- 
nous  devoir  en  citer  la  partie  principale  : 

«  Johannes ,  filius  domini  régis  Francorum  cornes 
Nivernensis,  universis  présentes  litteras  inspecturis, 
salutem,  Noveritis  quod  nos  precepimus  fieri  monetam 
in  comitatu  Nivernensi,  ad  decem  et  octo  solides  et 
octo  denarios  ad  marcam  domini  régis,  ad  quam  déli- 
bérât monetam  turonensem  et  ad  quatuor  denarios 
pougesia  minus  de  legalitate  de  argento  Montispessu- 
lani  ;  volontés  quod  per  istam  tonsionem  (1)  monete  nul- 
lum  prejudicium  afferatur  in  posterum  révérende 
patri  et  domino  R.  Episcopo  Nivernensi  (2),  vel 
ejus  successoribus,  nec  decano  aut  capitule  Nivernen- 
sibus,  inmo  quod  nobis  et  successoribus  nostris  et 
predictis  episcopo  et  capitule  jus  nostrum  et  suum 
omnino  servetur  illesum,  secundum  quod  erat  antequam 
monetam  istam  fieri  mandaremus.  In  eu  jus  rei  testi- 
monium  presentibus  litteris  nostrum  fecimus  apponi 
sigillum.  Actum  apud  Vicenas,  die  jovis  ante  Bran- 
dones,  anno  Domini  M^  CC^  sexagesimo  sexto,  mense 
martio  ». 

Comme  on  vient  de  le  voir,  les  monnaies  de  Jean 
Tristan  étaient  à  18  s.  8  den.  au  marc  le  roi,  et  4  de- 
niers moins  une  pougeoîse  de  loi,  argent  de  Montpel- 
lier (3),  soit,  en  admettant,  comme  on  le  fait  généra- 
lement, l'identité  des  marcs  de  Troyes  et  de  Paris, 
224  pièces  au  marc,  et  pour  le  poids  de  chacune  d'elles, 
1  gr.  0926,  au  titre  de  90/288,  argent  de  Montpellier. 

(i)  Affaiblissement  de  la  monnaie  en  poids  et  en  titre. 

(2)  Robert  de  Marzy. 

(3)  L'argent  de  Montpellier  renfermait  63/64  d'argent  fin,  d'après  Bltn- 
card  (Ewai  sur  les  monnaies  de  Charles  /«^  conUê  de  Provence.  — 
Paris,  1868,  in-8%  p.  15). 


-  236  - 

Les  deux  exemplaires  dû  cabinet  de  France  pèsent  seu- 
lement 0,90  et  0,83  ;  celui  que  nous  possédons  atteint 
à  peine  0,88,  c'est-à-dire  un  chiffre  trop  inférieur  au 
poids  officiel  pour  laisser  croire  que  ce  dernier  ait  été 
jamais  atteint. 

iv-v 
Robert  de  Damplerre,  dit  de  Béthune. 

Les  mômes  archives  possèdent  deux  pièces  à  peu 
près  semblables  d'un  procès  entamé  contre  Robert  de 
Dampierre  et  sa  femme  Yolande,  c'est-à-dire  entre 
1271  et  1280,  par  le  doyen  et  le  Chapitre  de  Nevers, 
qui  se  plaignent  au  Parlement  de  ce  que  les  engage- 
ments monétaires  pris  en  1188  par  Pierre  de  Courtenay 
et  Agnès  de  Nevers  (1)  soient,  malgré  la  confirmation 
royale,  lettre  morte  pour  le  comte  Robert,  celui-ci 
invoquant  la  prescription  pour  ne  pas  les  tenir. 

Le  Chapitre  répond  qu'il  n'y  a  pas  matière  à  pres- 
cription, puisque  les  successeurs  de  Pierre  de  Cour- 
tenay ont  délivré  des  lettres  de  non-préjudice  réser- 
vant les  droits  du  Chapitre,  toutes  les  fois  qu'ils  ont 
voulu  déroger  aux  conventions  monétaires  qui  leur 
étaient  imposées. 

Disons  de  suite,  que  Robert  de  Dampierre  finit  par 
se  soumettre,  puisque,  dans  la  pièce  suivante  (1309),  le 
Chapitre  invoque  son  exemple  dans  un  procès  contre 
Louis  de  Flandre. 

Sur  cette  difficulté  venait  se  greffer  la  question 
d'une  prison  située  près  de  la  cathédrale  et  dont  le 
Chapitre  réclamait  la  possession. 

«  Intendunt  probare  decanus  et  capitulum  ecclesie 
Nivernensis  contra  comitem  et  comitissam  Nivernenses, 

(1)  Voir  plus  haut,  I. 


—  237  — 

quod  prisio  ipsorum  decani  et  capituli,  de  qua  conque- 
runtur  cornes  et  comitissa,  sita  est  in  atrio  et  infra 
septa  majoris  ecclesie  Nivernensis. 

x>  Item,  quod  sita  est  infra  immuhitatem  dicte 
ecclesie  sive  libertatem  ejus. 

»  Item,  quod  ipsi  decanus  et  capitulum  sunt  in  pos- 
sessione  et  fuerunt  per  quadraginta  annos  et  amplius 
habendi  dictam  prisionem  et  ponendi  ac  tenendi  in  ea 
homines  sucs  et  justiciandi  eos  ibidem  quando  volue- 
runt  et  casus  requirebat. 

»  Item,  quod  per  quadringenta  annos  et  amplius  a 
tempore  a  quo  memoria  non  existit,  fuerunt  in  pos- 
sessione  habendi  dictam  prisionem. 

))  Item,  quod  per  tantum  temporis  quod  sufficit  ad 
usus  aquirendi. 

»  Item,  intendunt  probare  quod  justicia  illius  loci, 
in  quo  est  dicta  prisio,  pertinet  ad  eosdem. 

»  Item,  quod  illa  prisio  publiée  vocatur  in  illis  par- 
tibus  prisio  capituli. 

»  Item,  quod  istud  est  manifestum  et  publiée  noto- 
rium  in  illis  partibus.  » 


VI 


Louis  de  Flandre. 

1309.  —  Requête  adressée  au  Parlement  par  les 
gens  du  roi,  Tévôque,  le  doyen  et  le  Chapitre  de 
Nevers,  qui  demandent  <(  la  mise  au  noyant  »  de  la 
monnaie  frappée  par  Louis  de  Flandre  depuis  la  main- 
mise du  roi. 

Le  comte  parait  avoir  résisté  avec  le  plus  de  persé- 
vérance que  ses  prédécesseurs.  Malgré  l'interdiction 
royale  lancée  sur  sa  monnaie  en  1304,  il  fit  pendant 
quelque  temps  continuer  la  fabrication,  et  on  verra  par 


—  238- 

le  mandement  de  1317  qu'il  ne  tint  aucun  compte  de 
l'arrêt  rendu  contre  lui  par  le  Parlement  à  cette 
occasion. 

A  la  fin  de  la  pièce,  est  une  liste  de  témoins  requis 
pour  prouver  que  le  comte  ne  s'était  pas  soumis  aux 
ordres  du  roi  (1)- 

VII 

Paris,  28  mars  1317.  —  Mandement  de  Philippe 
Vau,  bailli  de  Bourges,  lui  enjoignant  de  faire  res- 
pecter l'arrêt  du  Parlement  rendu  contre  Louis  de 
Flandre,  parce  que  celui-ci  persiste  à  battre  monnaie 
malgré  ledit  arrêt  et  la  main-mise  du  roi. 

Cette  série  de  procès  ne  fut  vraisemblablement 
jamais  terminée  d'une  manière  efficace  pour  la  fabri- 
cation des  monnaies  et  ne  pouvait  pas  l'être,  car  il 
s'agissait  pour  le  Chapitre  d'une  question  de  principe 
et  du  maintien  d'un  droit  théorique  d'intervention  dans 
les  affaires  du  comte. 

Ces  prétentions  étaient,  il  est  vrai,  appuyées  et 
encouragées  par  le  pouvoir  royal,  qui  profita  de  l'oc- 
casion pour  mettre  le  séquestre  en  1304  sur  la  monnaie 
de  Louis  de  Flandre,  comme  il  saisissait  tous  les  pré- 
textes lui  permettant  d'intervenir  dans  ces  sortes  de 
différends.  Les  gens  du  roi  et  le  Chapitre  prétendirent 
même  à  ce  propos,  que  le  droit  de  battre  monnaie 
appartenait  exclusivement  au  roi,  à  moins  de  «  style 
especiaul  et  sus  certain  pois  et  aloy  )) . 

Mais,  dans  la  pratique,  il  était  bien  difficile  d'exiger 
l'exécution  de  conventions  qui  avaient  été  l'objet  de 
transactions  aussi  nombreuses,  d'autant  plus  que  les 

(1)  Comme  cette  liste  renferme  les  noms  de  plusieurs  offiden  et  mon* 
nayeurs  de  la  monnaie  de  Glamecy,  nous  la  donnons  plus  loin  au  chapitre 
concernant  cet  atelier. 


-  239  — 

réclamations  du  Chapitre,  prises  au  pied  de  la  lettre, 
auraient  été  évidemment  excessives. 

Etait*il  possible  de  ramener  en  1380  les  monnaies 
au  taux  fixé  un  siècle  auparavant,  alors  que  les  condi- 
tions générales  du  numéraire  s'étaient  transformées 
partout  (1).  Le  comte  de  Nevers  eût  été  seul  à  frapper 
de  bonnes  espèces,  qui  n'auraient  pas  manqué,  à  cause 
de  leur  supériorité,  d'émigrer  rapidement  hors  du 
comté.  Aussi  le  document  connu  sous  Ib  nom  d'ordon- 
nance de  1315,  en  prenant  un  moyen  terme,  recon- 
naissait implicitement  un  fait  accompli,  comme  Ta 
très  bien  fait  remarquer  M.  Prou. 

Le  Chapitre  voulait  donc  simplement  obtenir  des 
lettres  de  non-préjudice  pour  réserver  ses  droits,  et  s'il 
mettait  autant  d'âpreté  dans  ses  revendications,  c'est 
qu'il  obtenait  probablement,  en  échange  de  conces- 
sions plus  apparentes  que  réelles,  des  compensations 
d'un  autre  genre. 

vm 

M.  de  Lespinasse  a  eu  la  complaisance  de  copier 
pour  nous,  à  la  Bibliothèque  nationale,  le  texte 
suivant,  que  nous  donnons  en  entier,  bien  qu'il  soit 

(1)  Pour  qa*on  puisse  se  rendre  compte  de  Taltération  progressive  det 

monnaies,  depuis  Pierre  de   Ck)urtenay,  nous  avons  rapproché  ici  les 

divers  renseignements  que  nous  possédons  sur  le  titre  et  le  poids  des 

pièces  frappées  par  ses  successeurs  : 

Nombre  de  Proportion  Poids 

pièces       d'argent  d'un 

au  marc.         fin.  denier. 

1188  Pierre  de  Courtenay  (1184-1199). 
1262  Eudes  de  Bourgogne  (1257-1267). 
1267  Jean  Tristan  (1265-1270).  .    . 
1276  Robert  de  Dampierre  (1271-1296). 
1315  Louis  de  Flandre  (1296-1821) . 

Dans  la  recherche  de  la  quantité  d'argent  contenu  dans  chaque  denier, 
nous  avons  négligé  la  différence  peu  sensible  entre  l'argent  fin  et  rargent 
de  Montpellier. 


200 

96/288 

1  gr.  223 

240 

S7/288 

1  gr.  019 

224 

90/288 

1  gr.  092 

224 

90/288 

1  gr.  092 

234 

88/288 

1  gr.  0459 

-"  240  - 

déjà  connu  par  louvrage  de  Leblanc  (1),  qui  en  a 
reproduit  le  commencement  d'une  manière  inexacte. 
Il  s'agit  d'un  bail  de  la  monnaie  des  comtes  de 
Nevers  au  xiii«  siècle. 


Déclaration  de  la  monnoye  du  comte  de  Nevers. 

«  Li  cuens  de  Nevers.  Nous  avons  baillé  à  fère, 
tant  comme  il  nous  plaira,  nostre  monnoye  de  fors 
de  Nevers,  en  la  manière  qu'il  est  contenu  après. 
Geste  monnoye  doibt  estre  de  la  loy  as  menuz 
tournois  comme  N.  S'  le  Roy  de  France  faict  fère, 
c'est  assavoir  à  quatre  poniaises  moins  à  argent  à 
quatre  deniers  {lire  :  à  quatre  deniers  pougeoise  moins, 
c'est-à-dire  à  quatre  deniers  moins  une  pougeoise)  (2), 
et  tenans  ou  marc  d'argent  fin.  Et  doibt  estre 
du  poix  de  dix-huit  sols  et  huict  deniers  au  marc  de 
Mil'  le  Roy  à  quoy  on  délivre  ses  monnoyes  (3),  en 
telle  manière  que  on  prandra  trois  marcs  de  telle 
monnoye,  c'est  assavoir  chascun  marc  par  soy.  Et  si 
aulcun  de  ces  trois  marcs  estoit  de  dix-huit  sols  neuf 
deniers  ou  de  plus,  jà  soit  que  les  autres  deux  marcs 
feussent  de  moindre  poix  mais  que  les  trois  ensemble 
pesassent  lvi  sols  ou  moins,  ilz  se  délivreront  sans 
chalenge  (4),  et  se  il  avoit  plus  de  cinquante-six  sols 
en  ces  trois  marcs,  ils  ne  se  delivreroient  pas  devant 


(1)  Traité  historique  des  monnoyes  de  Ftxmce,  p.  191. 

(2)  Pougeoise,  un  quart  du  denier  ou  six  grains. 

(3)  Leblanc  donne  le  chiffre  de  18  sols  4  deniers  ;  cette  erreur,  qui  a  été 
reproduite  par  M.  de  Soultrait  et  par  nous-méme  {Nouvelles  rechercfies, 
p.  46),  modifie  sensiblement  la  composition  de  la  monnaie  et,  par  suite, 
la  date  du  document,  qui  ne  peut  plus  être  attribué  à  Guy  de  Forez, 
comme  Ta  fait  M.  de  Soultrait.  Ajoutons,  à  ce  propos,  que  nous  avons 
confondu  à  tort  ce  texte  avec  l'ordonnance  de  saint  Louis  de  1226. 

(4)  Plainte,  réclamation  (Sainte-Palaye). 


—  241  — 

que  ils  ser oient  amendez  au  poinct  de  lvi  isols.  Et 
doibt  estre  esté  le  denier  qui  point  (print)  avant  en 
chascun  de  ces  trois  marcs  si  comme  il  est  accoustumé 
es  monnoyes  N,  S.  le  Roy.  Et  doibt  estre  taillée 
la  monnoye  devant  dicte  en  telle  manière,  c'est 
assavoir  tresain  et  maille  dessus  et  dessoubz  ainsi  que 
le  plus  fors  seront  de  seize  sols  et  huict  deniers.  Et  se 
il  advenoit  que  en  vingt  sols  eust  douze  deniers  qui 
feussent  plus  fors  que  de  seize  sols  et-  huict  deniers, 
porce  ne  seroit-il  pas  arresté  ains  seroit  délivré.  Mais 
s'il  y  en  avoit  plus  de  douze  ilz  ne  seroient  pas  délivrez 
devant  que  ils  soient  amendez  au  point  dessusdit.  Le 
plus  foible  denier  ne  seroit  plus  de  vingt  ung  sols  au 
prix  du  marc.  Et  si  il  advenoit  que  en  vingt  sols  en 
eust  douze  deniers  qui  feussent  plus  faibles  que  vingt 
ung  sols  pour  ce  ne  seroient-ils  pas  arrestez  ains 
seroient  délivrez  et  s'il  en  y  avoit  plus  de  douze  ilz  ne 
se  délivreront  devant  qu'ils  feussent  amendez  au  poinct 
dessusdit,  et  a  juré  sur  sainct.. .  » 

(Bibliothèque  Nationale,  Manuscrit  français,  5,403,  fo  245,  v». 
—  Ecriture  du  xvie  siècle). 

Ce  document  n'est  pas  daté,  mais  nous  croyons, 
avec  Leblanc,  que  l'original,  dont  il  est  la  copie,  est  du 
règne  de  saint  Louis,  à  cause  de  la  composition  et  du 
poids  des  pièces  qui  y  sont  mentionnées.  Ces  monnaies 
devaient  être  à  4  deniers  moins  une  pougeoise,  c'est- 
à-dire  à  3  deniers  18  grains  d'argent  fin  ou  90/S88  de 
leur  poids  d'argent  fin,  et  à  18  sols  8  deniers  de  poids 
au  marc  le  Roy,  ce  qui  donne  224  pièces  au  marc  et 
1  gr.  092  pour  le  poids  d'un  denier. 

Or,  dans  le  monnayage  nivernais,  où  l'altération  du 
numéraire  a  été  progressive  et  à  peu  près  régulière, 
ces  indications  ne  conviennent  qu'aux  monnaies  frap- 
pées par  Jean  Tristan  (1265-1270)  et  Robert  de  Dam- 

T.  vui,  3"  série  16 


—  242  — 

pierre  (1271-1296)  ;  c'est  donc  à  un  de  ces  deux  comtes 
qu'il  faut  l'attribuer  (1). 

OBOLE  DE  LOUIS  DE  FLANDRE 

N^  1 .  —  La  seule  monnaie  féodale  dQnt  nous  ayons 
à  parler,  est  une  obole  de  Louis  de  Flandre,  dont  l'écu, 
au  revers,  est  accosté  de  trois  étoiles  (type  du  n®  40  de 
VEssai  sur  la  numismatique  nivernaise)  et  dont  la 
croix  au  droit  est  cantonnée  aux  2-3  d'une  étoile. 
(Nous  n'indiquons  ce  dernier  canton  que  sous  toutes 
réserves,  en  attendant  la  découverte  d'un  second 
exemplaire  de  meilleure  conservation.) 

Bill,  obole  (Coll.  A.  Manuel). 

Le  poids  très  élevé  de  cette  obole  (0  gr.  66)  est  une 
nouvelle  preuve  que  ces  pièces  n'étaient  pas  soumises 
au  même  règlement  que  les  deniers,  à  la  moitié 
desquels  elles  étaient  sensiblement  supérieures. 

ATELIER  MONÉTAIRE  DE  CLAMECY 

L'atelier  monétaire  que  les  comtes  de  Nevers  possé- 
daient à  Clamecy,  était  situé  dans  l'angle  formé  par 
les  rues  de  la  Fontaine  et  de  la  Monnaie  ;  il  fut  par  la 
suite  transféré  au  château  (2). 

UObituaire  de  la  collégiale  de  Saint-Martin,  publié 
par  M.  Léon  Mirot  (3),  nous  a  conservé  la  date  du 
décès  de  plusieurs  monnàyeurs  qui  avaient  fondé  des 
anniversaires  dans  cette  église  : 

(1)  Pour  les  monnaies  de  Jean  Tristan  (voir  plas  haut,  doc.  n*  HI),  il 
faut  cependant  remarquer  qu'il  est  question  non  pas  d'argent  fin,  mais 
d'argent  de  Montpellier  à  63/64  de  fin. 

(2)  Â.  JuLLiEN.  —  La  Nièvre  à  travers  le  passé,  p.  104. 

(3)  Bull  Soc,  Niv.,  XVII,  506. 


—  243  — 

29  mai  1267.  —  (i  Droco>  monetarius,  filius  Johannîs 
de  Moneta  (1)  ». 

1®*'  mai  1290.  —  «  Guillelmus  Fardelli,  moneta- 
rius  (2)  ». 

Nous  verrons  plus  loin  que  d'autres  membres  de 
cette  famille  ont  été  également  monnayeurs  à  Cla- 
mecy. 

30  avril  ....  —  «  Hugo  de  Giemo,  monetarius  (3)  ». 
5  juin  ....  —  «  Laurentius  Chotarz,  de  Savigniaco, 

condam  monetarius  (4)  » . 

A  ces  noms,  il  faut  ajouter  ceux  des  témoins  qui 
figurent  au  bas  de  la  requête  adressée  au  Parlement 
en  1309,  au  sujet  de  la  monnaie  de  Louis  de 
Flandre  (5).  Ces  témoins  furent  pris  dans  le. personnel 
de  l'atelier,  auquel  on  adjoignit  plusieurs  habitants  de 
Clamecy. 

«  Testes  ad  probandum  quod  comes  fecit  cudi 
monetam  usque  ad  octabas  Penthecostes  anno  Domini 
M®  CCC»  IIII^^,  licet  prohibitus  esset  per  regem,  per 
quindecim  dies  ante  et  plus,  et  quod  ipse  eam  post 
dictam  prohibicionem  clamare  fecit  apud  Clamecia- 
cum  ubi  ipse  cudi  faciebat  dictam  monetam. 

»  Omnes  sunt  de  Clameciaco. 

»  Stephanus,  magister  monete. 

»  Item,  Regnaudus  Maillarz. 

»  Johannes  de  Rubeo  Monte. 

»  Johannes  Fardelli. 

»  Stephanus,  ejus  f rater. 

»  Hugo,  filius  Laurencii  Perdriz  monetarii. 

»  Regn.  Fa... ri. 

(i)  Bull  Soc,  Niv,  XVII,  569. 

(2)  Ibid.,  532. 

(3)  Ibid,,  531. 
<(4)/6ûi.,  576. 

(5)  Voir  pins  haut,  doc.  n*  VI. 


—  244  - 

»  Johanna,  uxor  magistri  Pétri  de  Charmeyo. 
))  Agnes,  uxor  Johannis  Fardelli  et  plures  alii.  'p 

PETIT  TOURNOIS  D'HENRI  VI  FRAPPÉ  A  NEVERS 

Parmi  les  monnaies  frappées  à  l'atelier  de  Nevers 
pour  le  compte  d'Henri  VI  d'Angleterre,  nous  ne 
connaissions,  jusqu'à  présent,  que  les  blancs  de  dix 
deniers,  dont  la  création  fut  décidée  par  l'ordonnance 
du  23  novembre  1422  (1)  ;  les  saints  d'or,  mentionnés 
par  plusieurs  documents,  n'ont  même  pu  être  retrou- 
vés. 

Les  espèces  fabriquées  à  Nevers  avaient  alors,  comme 
différent  monétaire,  une  étoile  au  commencement  de 
chaque  légende  (2). 

Nous  avons  été  assez  heureux  pour  trouver  deux 
petits  tournois  d'Henri  VI  portant  cette  marque,  et 
nous  croyons  pouvoir  les  attribuer  avec  certitude  i 
l'atelier  de  Nevers  (3). 

N'>  2.  •  beRRiavS  o  Rex.  Grènetis.  Dans  le  champ, 
léopard  et  lis. 

^.  *  TVRONVS^PRTTNaiG.   Grènetis.    Dans   le 
champ,  croix  pattée. 
Bill.  (Notre  Coll.) 

Hoffmann,  pi.  XXX,  no  13. 


(1)  Numismatique  nivetmaise,  Nouvelles  recherches,  n-  50-54. 

(2)  Il  ne  faut  pas  confondre  Tétoile  avec  la  molette,  signe  distinctif  de 
Tatelier  de  Saint-Quentin  à  cette  époque. 

(3)  M.  Manuel  possède  un  exemplaire  semblable  décourert   dans  les 
fouilles  de  Saint-Arigle. 


-  245  — 

Les  petits  tournois  furent  créés  par  une  ordonnance 
du  4  juin  1423  ;  leur  fabrication  eut  donc  lieu  simulta- 
nément avec  celle  des  blancs  de  dix  deniers  cités  plus 
haut,  et  continua  jusqu'en  1436;  mais,  à  Nevers,  elle 
fut  arrêtée  beaucoup  plus  tôt,  l'atelier  lui-môme  ces- 
sant d'être  mentionné  dès  1430. 

Ces  pièces  étaient  à  1  den.  12  gr.  de  loi  et  à  225  pièces 
au  marc,  soit  1  gr.  1577  pour  le  poids  de  chacune 
d'elles;  les  deux  exemplaires  que  nous  possédons  sont 
rognés  et  sont  loin  d'atteindre  ce  chiffre;  ils  ne  pèsent 
que  1  gr.  03  et  Ogr.  97.  Ils  appartiennent  à  deux  émis- 
sions dififérentes  :  la  lettre  R  du  mot  RSX,  régulière 
dans  Tune,  est  au  contraire  confuse  et  mal  gravée  dans 
la  seconde,  et  les  N  du  revers  ne  sont  pas  tout  à  fait 
semblables. 

A  ces  petits  tournois,  il  y  a  lieu  de  joindre  une  nou- 
velle variété  des  blancs  de  dix  deniers.  Cet  exemplaire 
de  notre  collection  est  semblable  au  droit,  au  n®  50 
des  Nouvelles  recherches;  mais,  au  revers,  les  deux  N 
de  Nomen  sont  ainsi  figurées  N  au  lieu  de  R. 

MONNAIES  FRAPPÉES  A  GIEN  PAR  LES  BARONS 

DE  DONZY 

Le  Traité  de  numismatique,  publié  par  MM.  Engel 
et  Serrure  (1),  reproduisant  l'opinion  de  M.  A.  de  Bar- 
thélémy, renferme  une  légère  inexactitude  sur  un  point 
de  la  géographie  historique  du  Nivernais.  Le  chapitre 
qui  concerne  les  monnaies  de  Gien,  a  pour  titre  :  Comté 
de  Donzy  (2).  Or,  Donzy  n'a  jamais  été  qu'une  baronnie> 
et  si  les  premiers  barons  ont,  en  effet,  possédé  Gien, 
cette  seigneurie  n'en  a  pas  moins  été  toujours  distincte 
de  la  baronnie  de  Donzy  et  n'a  jamais  été  rattachée  à 

(1)  Paris,  i891-lSM,  2  vol.  in-8*. 

(2)  T.  II,  p.  403. 


—  246  — 

Tancien  Nivernais.  Il  en  résulte  que  les  barons  de 
Donzy  ont  émis  des  espèces  à  Gien  pour  leur  seigneurie 
de  Gien,  comme  plus  tard  les  comtes  de  Nevers  en 
frappèrent  pour  leur  comté  de  Flandre,  mais  ce  mon- 
nayage est  étranger  à  notre  province. 

JETONS      ET     MÉREAUX 

JETONS  DES  COMTES  ET  DES  DUCS 

I 
Charles   de   Bourgogne  (1435-1464) 

28  mai  1445.  —  «  Congé  de  faire  fers  pour  gectons 
d'argent  pour  Mons'  de  Nevers  (1)  ». 

Ms.  Le  Coq,  Arch.  NaUc»,  u  686. 

Les  jetons  d'argent  gravés  en  1445  pour  le  comte 
de  Nevers  n'ont  pas  été  retrouvés,  car  nous  croyons 
qu'il  est  impossible  de  faire  remonter  aussi  haut 
l'origine  de  celui  qui  a  été  attribué  par  M.  deSoultrait 
à  Jean  de  Bourgogne  (2).  Son  style  le  rapprocherait 
plutôt  du  jeton  de  Jean  d'Albret-Orval,  gravé  en  1494, 
comme  nous  le  verrons  plus  loin. 

II 
Jean  d'Albret-Orval 

4  juin  1494.  —  «  Le  IIII*  jour  de  juing  mil  CCCC 
IIII^*  XIIII  fut  donné  congié  à  Mons'  Dorval  de  faire 

(1)  Ce  document  et  les  trois  suivants  ont  été  publiés  par  M.  Â.  de 
Barthélémy  dans  les  Documents  sur  la  fabrication  des  jetons  aux  xi^"* 
jv  et  XYi*  siècles,  —  Mélanges  de  numismatique^  publiés  par  F.  de 
Saulcy,  Anatole  de  Barthélémy  et  Eugène  Hucher,  t.  1*'  (1874-5), 
p.  227-263. 

(2)  EsicUf  no  47. 


—  247  — 

faire  des  gectouers  dargent  et  de  lecton  tant  qu'il 
vouldra,  aux  armes  de  mondit  s'  Dorval,  sur  les  fers 
taillés  par  Nicolas  de  Russanges,  tailleur  delaMonnoye 
de  Paris,  lesquelz  fers  demouront  en  la  possession 
dudit  de  Russanges  et  sera  tenu  icelluy  de  Russanges 
de  bailler  lesdits  fers  audit  Mons'  Dorval  toutes  et 
quantes  fois  qu'il  vouldra  faire  faire  desdits  gec- 
touers )). 

Le  texte  des  Archives  nationales  (Z^^  7,  f*  11,  r»)  que 
nous  donnons  ici  et  qui  nous  a  été  communiqué  par 
M.  Blanchet,  est  plus  complet  et  plus  exact  que  celui 
de  la  bibliothèque  de  la  Sorbonne  (Ms.  318,  fol«86,  v°). 

Barthélémy  (A.  de).  —  Doc,  p.  243. 

Le  jeton  commandé  à  Nicolas  de  Russanges  n'est 
autre  que  celui  de  Jean  d'Albret-Orval  (de  Soultrait. 
—  Essai,  n?  49),  comme  l'avait  déjà  reconnuM.de 
Barthélémy.  En  faisant  frapper  à  cette  époque,  par 
un  graveur  officiel  de  la  Monnaie  de  Paris,  dûment 
autorisé  par  les  généraux  maîtres,  une  pièce  où  il 
prenait  le  titre  de  comte  de  Nevers,  Jean  d'Albret 
entendait  affirmer  ses  droits  à  la  succession  de  Jean  de 
Bourgogne,  son  beau-père,  décédé  en  1491 . 

Son  procès  avec  Engilbert  de  Clèves  était  entamé 
devant  le  Parlement  (il  ne  fut  terminé  qu'en  1504)  et  il 
était  d'une  grande  importance  pour  lui  de  faire,  en 
quelque  sorte,  acte  de  souveraineté,  au  moment  où  son 
rival  prenait  aussi  le  titre  de  comte  de  Nevers. 

Le  graveur  lorrain,  Nicolas  de  Russanges,  occupa  de 
1469  à  1511,  la  charge  de  tailleur  de  la  Monnaie  de 
Paris  ;  il  devait  être  célèbre  comme  graveur  de  jetons, 
car  les  registres  de  la  cour  des  Monnaies  mentionnent 
à  plusieurs  reprises  ses  travaux  pour  des  particuliers, 
entre   autres   pour  l'amiral   Malet  de  Graville,  en 


—  248  — 

1501  (1);  peut-être  ces  commandes  lui  faisaient- elles 
négliger  un  peu  ses  occupations  officielles,  puisque  les 
généraux  maîtres,  lui  interdirent,  en  1505,  de  graver, 
ou  de  frapper  des  jetons  pour  n'importe  qui  (2). 

III 
Marie  d'Albret 

15  décembre  1519.  —  a  Fabrication  de  jetons  gravés 
à  Paris  par  Jacques  Estrich,  pour  Mad®  de  Nevers  ». 

Sorb.  Ms.  314,  fol»  223,  vo.  —  Barthélémy  (A.  de).  —  Doc, 
p.  252. 

Le  jeton  quiporteleno50dansr£'ssaïiJMr/a  Numis- 
matique nivernaise  est  le  seul  de  ceux  de  Marie 
d'Albret  qui  puisse  avoir  été  commandé  en  1519  au 
graveur  Jacques  Estrich,  car  elle  prend  sur  les 
autres  (3)  les  titres  de  comtesse  de  Dreux  et  de  duchesse 
de  Nevers,  qu'elle  n'a  pu  porter  avant  1523  et  1538. 

Toutefois,  il  peut  paraître  surprenant  qu'elle  ait  agi 
ainsi  du  vivant  de  son  mari  (4)  ;  mais  ce  fait  est  suffi- 
samment expliqué  par  l'arrêt  du  Parlement  qui  lui 
avait  attribué  personnellement,  en  1504,  le  comté  de 
Nevers  dans  le  partage  de  la  succession  de  Jean  de 
Bourgogne. 

IV. 

François  1^^  de  Clèves 

Aoust  1550.  —  «  Permis  à  Nicolas  Emery,  graveur, 
de  graver  pille  et  trousseau  aux  armoiries  de  M.  le 
Duc  de  Nivernois  pour  f®  jettons.  » 

Sorb.  Ms.  318,  fo  57,  vo. 
Barthélémy  (A.  de).  —  Doc,  p.  261. 

(1)  Arch.  Nalï«  Zlb.  7.  —  de  Saulcy,  doc.  IV,  p.  36. 
(2;  Ibid,,  p.  67. 

(3)  Essai,  n»  51.  —  Num,  niv,,  Nouvelles  rechercfies,  n'«  56  et  57. 

(4)  Charles  de  Clèves  mourat  le  17  août  1521. 


-  249  - 

On  connaît  deux  jetons  de  François  I^'  de  Clèves, 
duc  de  Nevers  (1549-1562).  L'un  (1),  qui  par  son 
module,  la  disposition  de  Técusson  dans  le  champ  de 
la  pièce,  le  style  du  revers,  a  beaucoup  de  rapports 
avec  le  grand  jeton  de  François  II,  appartient  certai- 
nement aux  dernières  années  du  duc  ;  l'autre  (2),  qui 
se  rapproche  au  contraire  des  jetons  de  Marie  d'Albret, 
a  dû  être  frappé  peu  de  temps  après  la  mort  de 
celle-ci  (1549). 

C'est  ce  dernier  qui  nous  parait  être  l'œuvre  du 
graveur  Nicolas  Emery,  et,  comme  le  pensait  M.  de 
Seul  trait  (3),  François  de  Clèves  l'aurait  commandé 
peu  de  temps  après  sa  joyeuse  entrée  dans  la  ville  de 
Nevers,  le  12  février  1549  (1550),  pour  en  conserver  le 
souvenir. 


Fondation  charitable  de  Ludovic  de  Gonzague 

et  de  Henriette  de  Clèves 

Jetons  au  type  de  l'autel.  (Voir  Essai  sur  la  Num. 
ntv.,  p.  145-7,  et  Nouvelles  recherches,  p.  66-8.) 

Aux  dates  déjà  connues,  nous  pouvons  ajouter  un 
exemplaire  en  cuivre  de  l'année  1616.  (Coll.  Feu- 
ardent.) 

Il  ne  reste  plus  à  trouver  que  les  années  1574  (ori- 
gine de  la  fondation)  à  1578, 1590,  1591,  1593, 1601, 
1613, 1620,  pour  avoir  la  série  complète  jusqu'en  1651  ; 
à  partir  de  cette  époque,  l'usage  de  faire  frapper  des 
jetons  paraît  s'être  perdu,  et  nous  ne  trouvons  plus 


(1)  Essai  sur  la  Num,  niv.^  n*  53. 

(2)  Ibid.,  n»  52. 

(3)  Ibid.,  p.  124. 


—  250  — 

que  les  aimées  1688  et  1722,  dont  on  connaît  seulement 
des  exemplaires  en  argent. 

Il  existe  dans  la  môme  collection  Feuardent  un  jeton 
d'argent  avec  la  date  1641. 

Charles  V^  de  Gonzague 

N*  3.  —  CAROLVS  •  DVX  •  ET  •  RETH  •  Buste  du 
duc  à  droite  avec  cuirasse  et  col  rabattu  orné  de  den- 
telles ;  à  l'exergue,  la  date  1615. 

Grënetis. 

(Semblable  au  droit  du  n9  59  des  Nouvelles  recher- 
ches.) 

Rt  DEI  •  GRATIA  •  PRINCEPS  •  ARCHENSIS  Ecu 
écartelé  au  1,  de  Gonzague,  au  2,  d'Alençon,  au  3,  de 
Bourgogne-Nevers,  au  4,  de  Clèves,  et  sur  le  tout  de 
Saxe.  L^écu  surmonté  de  la  couronne  ducale  avec  les 
devises  FIDES  et  OAYMnOI.  Grènetis. 

Cuivre.  (Notre  coll.) 

A  la  suite  de  la  légende  du  droit  se  trouve  ime  fleur 
qui  rappelle  la  rose  de  Nicolas  Briot,  sorte  de  poinçon 
dont  se  servait  ce  médailleur  et  qui  équivaut  souvent 
à  son  monogramme.  Comme  notre  jeton  est  de  style 
identique  à  ceux  que  le  même  artiste  a  gravés  pour  le 
duc  Charles  et  signés  de  ses  initiales  (1),  tout  nous 
porte  à  croire  qu'il  est  également  sorti  de  son  atelier, 
bien  que  M.  Rouyer  ne  Tait  pas  mentionné  dans  le 
catalogue  de  ses  œuvres  (2). 

Il  est  à  remarquer  que  les  deux  légendes  du  droit  et 
du  revers  se  complètent  l'une  par  l'autre,  comme  dans 
le  grand  écude  Rethel  (3),  tandis  qu'elles  sont  répétées 

(1)  Essai  sur  la  Num.  niv,,  n*  60,  61,  72, 73. 

(2)  Nancy,  1895,  in-S». 

(3)  PoBY  d*AvA»T,  pi.  ÇXLII,  n»  15. 


—  251  — 

dans  le  jeton  auquel  nous  faisions  allusion  plus  haut. 
Ce  dernier  est  donc,  comme  nous  le  supposions  (1), 
une  pièce  hybride  composée  du  droit  de  deux  jetons 
diflEérents. 

Chambre  des  Comptes  de  Nevers 

Variété  du  jeton  de  la  Chambre  des  Comptes.  {Essai 
sur  la  Numismatique  nivernaise,  n°  76).  Au  droit  on 
lit: 

PRO:  CAMERA  :  COMPOTORVM  :  NIVERNENSIS: 
tandis  que  sur  le  jeton  du  cabinet  de  France,  décrit 

par  M.  de  Soûl  trait,  le  dernier  mot  de  la  légende  est 

écrit  NIVERNENCIS  et  n'est  pas  suivi  de  deux  points. 

Cuivre.  (Notre  coll.) 

DOCUMENTS 

RELATIFS  AUX  JETONS  MUNICIPAUX  DE  NEVERS  ^^^ 

1455-1456.  —  Payé  à  Philibert  Cordier,  6  sols  8  de- 
niers tournois  pour  72  «  gectons  par  luy  baillez  pour  le 
comptoer  »  de  la  ville . 

ce.  52. 

1483-1484.  —  Payé  par  Et.  de  Colons  et  Et.  de 
La  Bonde,  receveurs,  à  Droin  Morant,  marchand  de 
Nevers,  13  s.  4  d.  ts  pour  a  4  paires  de  gectz  »  par  lui 
vendus  à  la  ville,  lesquels  ont  été  mis  sur  le  bureau  et 
pour  4  bourses  où  se  mettent  «  iceulx  gectz  » . 

ce.  73. 

(1)  Nouvelles  recherches,  p.  70. 

(2)  Tous  ces  documents,  tirés  des  comptes  des  recevjeurs  de  la  ville,  sont 
conservés  aux  Archives  communales  de  Nevers  et  ont  été  relevés  dans 
VIfwentaire  de  Tabbé  Boutillier. 


—  252  —     . 

1512-1513.  —  Dépense  au  receveur  Droyn  dé 
La  Marche,  32  s.  6  d.  ts  pour  6  paires  de  a  gectz  pour 
gecter  et  compter  »  les  deniers  de  la  dépense  de  la 
ville . 

ce.  87. 

1514-1515 .  —  Môme  receveur .  Dépense  audit  rece^ 
veur,  32  s.  ts  pour  6  paires  de  «  gectz  »  à  l'usage  de  la 
maison  de  ville. 

ce.  89. 

1518-1519.  —  Dépense  au  même  receveur,  43  s. 
pour  7  paires  de  «  gros  gectz  »  avec  leurs  bourses,  pour 
servir  en  l'hôtel  de  ville  à  «  gecter  et  compter  la 
despense  et  les  fraiz  »  de  ladite  ville. 

ce.  93. 

1524-1525.  —  Dépense  au  receveur  Jean  Bartholo- 
mier,  35  s.  pour  7  paires  de  «  gectz  »  à  compter  pen- 
dant Tannée,  au  prix  de  5  s.  ts  la  paire. 

ce.  98. 

1531-1532.  —  Dépense  au  receveur  Philibert 
Jourdin,  60  s.  ts  pour  Tachât  de  6  paires  de  a  gectz 
armoyez  des  armes  de  la  ville  ». 

ce.  104 

Les  premiers  «  gectz  »  dont  on  se  servit  à  la  mairie 
de  Nevers  furent  certainement  des  jetons  banaux 
comme  tout  le  monde  en  employait  alors,  et  nous 
ignorons  à  quelle  époque  la  municipalité  fit  graver  des 
coins  aux  armes  de  la  ville  pour  les  remplacer , 

La  première  mention  de  ce  genre  que  nous  trouvons 
dans  les  comptes  des  receveurs  est  de  Tannée  1531-2  ; 
faut-il  en  conclure  qu'il  n'y  eut  pas  de  jetons  spéciaux 
avant  cette  époque?  Le  plus  ancien  de  cette  série 


—  258- 

(Nouvelles  recherches,  n^  62)  est  certainement  de  la 
fin  du  xv«  siècle. 

Il  semble  donc  téméraire  de  l'identifier  avec  celui 
dont  parle  le  registre  de  1531,  ou  il  faudrait  alors 
admettre  qu'on  se  servait  de  ce  type  depuis  longtemps 
déjà,  comme  on  l'a  fait  de  1568  à  1575  et  de  1592  à  1612, 
en  changeant  simplement  la  date. 

1535-1536.  —  Gilbert  Doreaul,  receveur.  Dépense  à 
Jean  Clavet,  orfèvre,  110  s.  ts,  pour  la  façon  de  7  paires 
de  «  gectons  de  laicton  »  aux  armes  de  la  ville,  pour 
servir  aux  contrôleur,  receveur  et  scribe  de  la  ville  à 
compter  les  parties  de  dépense  couchées  au  présent 
contrôle  de  cette  année  et  pour  avoir  fait  les  «  coings  » 
et  «  iceulx  graver  pour  faire  lesdits  gectons  » . 

ce.  i06. 

Ici,  il  n'y  a  pas  la  môme  incertitude;  il  s'agit  du 
jeton  qui  porte  le  n°  68  de  VEssai  sur  la  numisma- 
tique nioernaise  et  qui  présente  certaines  analogies 
avec  ceux  de  Marie  d'Albret.  Malgré  la  différence  de 
style  qui  sépare  cette  pièce  de  la  précédente,  nous  ne 
pensons  pas  qu'il  y  ait  place  entre  elles  pour  une  troi- 
sième. 

1538-1539.  —  Erard  Roux,  receveur.  Dépense  à 
Pierre  Marion,  orfèvre,  75  s.  ts  pour  deux  cents  et  demi 
de  ((  gectz  »  par  lui  fournis  pour  les  officiers  de  la  ville, 
à  raison  de  30  s.  le  cent. 

ce.  109. 

1551-1552,  —  Jean  Jourdin,  receveur.  Dépense  au 
receveur  102  s.  ts  pour  pareille  somme  par  lui  déboursée, 
pour  8  paires  de  a  gectz  »  et  8  bourses  de  peau  blanche^ 
à  raison  de  12  s.  9  d.  ts  chaque  paire. 

ce.  129. 

1617.  —  Ordonnance  de  paiement,  au  receveur  Vin- 
cent Bordet,  de  101  liv.,  pour  avoir  fait  refaire  le 


—  254  - 

ft  coing  des  gectz  de  la  maison  de  céans  »  et  300  «  gectz  » 
pour  les  officiers  de  la  ville . 

ce.  28i. 

1618.  —  Même  receveur.  Dépense,  9  livres  à  Georges 
Bertheau ,  messager ,  lequel  a  apporté  de  Paris 
500  plumes  à  écrire  pour  les  officiers  de  la  ville,  plus 
1200  «  gectz  ». 

ce.  282. 

1619.  —  Même  receveur.  Dépense,  11  s.  pour  un  cent 
de  ((  gectz  »  aux  armes  de  la  ville  et  une  bourse  de 
velours  vert. 

ce.  284. 

Nous  n'hésitons  pas  à  reconnaître  le  jeton  municipal 
sans  date  (1)  dans  celui  qui  fut  gravé  en  1617,  et  dont 
il  fut  frappé  des  quantités  relativement  considérables 
pendant  les  deux  années  suivantes  (2). 

Par  une  coïncidence  singulière,  les  documents 
concernant  les  jetons  de  la  ville  s'arrêtent  brusque- 
ment à  cette  année  1619  et  le  jeton  en  question  est  le 
dernier  que  nous  possédions,  car  il  est  difficile  de  ne 
pas  considérer  comme  un  essai  vite  abandonné  celui 
de  1694,  qui  porte  cette  légende  bizarre,  CIGILLUM 
URBIS  NIVERNENSIS  et  dont  on  ne  connaît  que  l'exem- 
plaire décrit  par  M.  de  Soultrait  (3). 

Ces  pièces  furent  probablement  les  dernières  qui 
aient  été  distribuées  aux  officiers  de  la  ville  (à  titre  de 
présent,  car  elles  ne  servaient  plus  à  compter  à  cette 
époque),  mais  nous  ne  savons  pour  quelle  raison  cet 
usage  fut  abandonné . 


(1)  Euai  9Mr  la  Num,  niv.,  n^  74. 

(2)  Aussi  esUil  excessivement  commun. 

(3)  Essai  sur  la  Num,  rûv.,  n«  75. 


-  255- 

Nous  avons  un  de  ces  jetons  en  cuivre  rouge;  on 
n'en  connaissait  jusqu'ici  que  des  exemplaires  en 
cuivre  jaune. 

JETONS  PARTICULIERS 
Antoine-François,  comte  de  La  Tournelle 

N®  4.  —  Armoiries  de  la  famille  de  La  Tournelle 
(de  gueules  à  trois  tours  d'or)  (1)  posées  sur  un  car- 
touche de  forme  contournée,  orné  de  guirlandes  et  de 
palmes  et  surmonté  d'une  couronne  de  marquis.  A 
l'exergue,  1737.  A  droite  du  cartouche,  les  lettres  D.  V., 
initiales  du  graveur  Jean  Du  vivier.  Grènetis. 

15^.  COMITIA  BVRGVNDI>E.  Ecu couroimé aux  armes 
de  Bourgogne .  Grènetis . 

Cuivre.  Mod.  30  mm.  (Notre  Coll.)—  PI.,  nol. 

La  Tournelle  était  im  fief  compris  actuellement  dans 
la  commune  d'Arleuf,  qui  fut  érigé  en  marquisat 
en  1681  pour  Charles  de  La  Tournelle,  aïeul  de  notre 
personnage.  Celui-ci  fut  capitaine  dans  le  régiment 
Royal-Etranger  et,  en  qualité  de  gouverneur  de  Cra- 
vant,  la  noblesse  l'envoya  siéger  aux  Etats  de  Bour- 
gogne pour  la  triennalité  de  1737.  Il  mourut  l'année 
suivante  et  fut  remplacé  aux  Etats  par  Charles-Louis 
de  Montsaulnin.  (Voir  plus  loin.) 

Il  était  fils  de  François  de  La  Tournelle,  lieutenant- 
colonel  du  Régiment  des  Vaisseaux  et  de  Marie-Anne 
Le  Vayer.  Son  neveu  avait  épousé,  en  1734,  Marie- 
Anne  de  Mailly  qui  devait,  plus  tard,  être  célèbre  sous 
le  nom  de  duchesse  de  Ch&teauroux. 

Notre  jeton  a  trait  à  son  élection  aux  Etats  de  Bour- 
gogne. 

(1)  Armoriai  du  NivemcMj  II,  ^5. 


—  256- 

Charles-Louis  de  Montsaulnin 

N°  6.  —  Ecu  aux  armes  de  la  famille  de  Mpûtsaulnin 
(de  gueules  à  trois  léopards  d'or,  couronnés  de  même, 
Tun  sur  l'autre),  posé  sur  un  cartouche  orné  de  bran- 
ches de  laurier  et  timbré  d'une  coiu-onne  ducale;  à 
gauche,  DV.  Coin  de  Jean  Duvivier.  Grènetis. 

^  NEC  DESERENT  NEC  DESERENTUR.  Essaim 
d'abeilles  volant  à  la  suite  de  sa  reine.  (Allusion  à  la 
fidélité  de  la  province  pendant  la  guerre  de  la  succes- 
sion de  Pologne).  A  droite,  D.  V.,  à  l'exergue,  1735. 
Grènetis.  Coin  de  Jean  Duvivier. 

Ar.  Octog.  Mod.  30  mm.  (Coll.  de  M.  le  comte  de 
Montsaulnin)  (1). 

PI.,  no  2. 

Charles-Louis  de  Montsaulnin,  marquis  du  Montai, 
baron  de  Saint-Brisson,  seigneur  des  Aubues  (2),  etc., 
mort  le  22  août  1758,  était  fils  de  Louis  de  Montsaulnin, 
marquis  du  Montai,  mestre  de  camp  d'im  régiment  de 
cavalerie  et  de  Marguerite-Henriette  de  Saulx-Ta- 
vannes  ;  il  fut  successivement  colonel  du  régiment  de 
Poitou,  brigadier  des  armées  du  roi,  lieutenant-général 
le  1^  août  1734,  gouverneur  de  Villefranche  de  Rous- 
sillon  en  1740  et  de  Guise  en  1743,  et  enfin  chevalier 
des  ordres  du  roi  dans  la  promotion  du  2  avril  1745. 
Il  avait  épousé,  en  1705,  Anne-Marie-Colbert  de 
Villacerf ,  dont  il  eut,  entre  autres  enfants,  une  fille, 
mariée  en  1736  à  Charles-Paul  de  la  Rivière. 

Le  jeton  que  nous  venons  de  décrire  fut  frappé  à 
Toccasion  de  sa  nomination  aux  Etats  de  Bourgogne, 

(1)  M.  de  Montsaulnin  a  bien  voulu  mettre  son  jeton  à  notre  disposition, 
ainsi  que  des  renseiipiements  sur  sa  famille  ;  nous  lui  en  adressons  tous 
nos  remerciements. 

(2)  Commune  de  Lormefl. 


--  257  -. 

où  il  siégea  comme  élu  de  la  noblesse  pendant  la 
période  de  1733  à  1736,  et  où  il  remplaça  dans  les 
mêmes  fonctions  Antoine-François  de  La  Tournelle, 
pendant  la  triennalité  suivante. 

Jean  Spifame 

Citons  encore  un  curieux  document  qui  se  trouve 
dans  les  Notes  manuscrites  sur  Vévêque  Jacques 
Spifame  et  sa  famille,  par  M*"®  d'Auiiay,  née  Mar- 
guerite Spifame,  en  1669  (1). 

La  famille  Spifame  n'est  pas  nivernaise,  bien  qu'elle 
ait  donné  deux  évoques  de  Nevers,  mais  elle  a  eu  des 
alliances  dans  notre  province,  et  c'est  à  ce  titre  que 
nous  plaçons  ici  le  passage  suivant  : 

«  Mes  petits-enfans  se  souviendront  sy  leur  pleit  que 
les  jettons  d'argent  sont  fais  du  temçs  de  Jhaen  Spi- 
fame, sieur  de  Bissiaux  (2)  mon  a^eul  paternel,  doien 
du  Parlement  de  Paris,  du  depùiS  nionsieur  de  Douy 
mon  père  son  fils  a  esté  marie  à  Marie  d'Armes  de 
laquelle  je  suis  sortie. 

»  Les  armes  qui  sont  audit  jeton,  c'est  Russe  maison 
Deffiat,  —  Marie,  —  deux  chanseliers,  —  du  Faurt 
Pibrac,  —  du  Lion  de  Belcastel  et  Spifame^  l'eigle, 
volabo  et  requiescam  ». 

Suit  le  détail  des  armoiries  de  la  maison  d'Armes  et 
des  familles  précédentes,  et  M"™«  d'Aunay  ajoute  : 
a  Ce  sont  cinq  famés  de  condition  antrée  à  la  maison 
des  Spif âmes  » . 

Nous  avons  retrouvé  le  jeton  en  question  qui  cor- 
respond bieû  à  la  description  minutieuse  qu'on  vient 
de  lire. 

(1)  Publié  parTabbé  Boutillier.  BuU.  Soc.  Niv.,  VI,  2C6. 

(2)  Bisseauz  (Seine-et  Marne). 

T.  VIII,  3«  série.  17 


-  258  - 

(Quintefeuille).  i  •  SPIFAME    $>"-  DE-  BISEAVX 
CON^    DV  •  ROY  •  EN  •  PARLE  (ment).  Cartouche  ar- 
morié écartelé,  au  1,  de  Ruzé  d'Effiat,  au  2,  de  Marie, 
au  3,  du  Faur  de  PibraC;  et  au  4,  du  Lion  de  Belcastel. 
Grènetis. 

^  VOLABOETREQVIESCAM  (Devise  desSpifame). 
Cartouche  aux  armes  de  cette  famille  (de  gueules 
à   Taigle    éployée    d'argent    couronnée    de   môme). 

Cuivre.  Mod.  27  mm. 

L'exemplaire  de  la  collection  Richard  —  le  seul  que 
nous  connaissions  —  est  en  cuivre,  mais  il  peut  en 
exister  des  exemplaires  en  argent  (1). 

Mentionnons  en  passant,  comme  nous  Ta  fait 
remarquer  M.  Richebé,  cette  singulière  disposition 
héraldique  qui  sépare  les  armoiries  de  la  famille  elle- 
même,  de  celles  de  ses  alliances. 

Pour  terminer,  nous  allons  décrire  un  petit  jeton 
d'adresse  de  commerçant  nivernais,  malgré  le  peu 
d'intérêt  qui  s'y  rattache,  mais  à  cause  de  sa  fabrica- 
tion plus  soignée  qu'elle  n'est  d'ordinaire  pour  ces 
sortes  de  pièces. 

N<>  6.  —  (Etoile)  HOTEL  DE  Lk  POSTK  ET  DU 
GRAND  MONARQUE.  Dans  le  champ,  en  trois  lignes  : 
TENU  PAR  RENDUEL. 

1$^.  (Etoile)  DIRECTION  DES  MESSAGERIES  GÊNÉ- 
RALES  Dans  le  champ,  en  trois  lignes  :  LA  CHARITÉ 
S/  LOIRE. 

Cuivre.  Octog.  Mod,  22  mm.  (Notre  Coll.) 


(i)  Nous  tenons  à  remercier  ici  M.  Richard,  de  la  complaisance  avec 
Jiquelio  il  nous  a  comnnuniquésa  belle  collection  de  jetons. 


-  259  - 


MÉREAUX 


Cathédrale  de  Nevers 

M.  A.  Manuel  a  signalé  dans  les  Mémoires  de  la 
Société  académique  du  Nivernais  (1)  un  exemplaire 
du  méreau  au  calice  faisant  partie  de  sa  collection  et 
présentant  au  revers  quelques  légères  différences  avec 
celui  que  nous  avons  publié  (2). 

La  plus  importante  consiste  dans  la  suppression  des 
trois  lettres  1RS  qui  terminent  la  légende  après  le  mot 
nOBIS  et  qu'on  peut  compléter  \xt  s{alutem)  en  le 
traduisant  :  pour  notre  salut  ;  il  faut  remarquer  aussi 
la  forme  des  t^  barrés  à  la  partie  supérieure. 

M.  Manuel  le  fait  remonter  aux  premières  années 
du  xv«  siècle,  mais  nous  ne  croyons  pas  qu'il  soit 
possible  de  le  vieillir  autant,  après  l'avoir  comparé  à 
divers  jetons  appartenant  certainement  à  la  fin  du 
XV®  siècle.  La  croix  simple,  qu'on  y  voit  figurer, 
ne  fait  son  apparition  dans  les  monnaies  royales 
qu'avec  les  Carolus  de  Charles  VIII,  et  la  ressemblance 
du  type  du  revers  avec  les  douzains  au  porc-épic  de 
Louis  XII  (3)  est  trop  frappante  pour  que  cette  pièce 
soit  antérieure  aux  dernières  années  du  xv«  siècle. 


(1)  T.  VI  (1897),  p.  w. 

(2)  NM08,pl.  m.  n*9. 

(3)  Hoffmann,  pi.  X.  N«  33.  Quant  à  la  différence  qui  réside  dans  la 
forme  ronde  des  0,  nous  craignons  qu*eile  ne  soit  le  fait  du  dessinateur 
de  notre  planche  UI  qui  a  également  figuré  la  croix  légèrement  pattée, 
quand  les  extrémités  des  branches  ne  présentent  au  contraire  aucun 
épanouissement. 


--  260  — 


Collégiale  de  Saint-Pierre-le-Moûtier 

N*  7.  —  Clef  et  crosse  disposées  en  sautoir,  can- 
tonné aux  1,  2  et  3  des  lettres  S.  P.  M.  (1)  {Sorte ti 
Pétri  monasterium);  autour,  filet  et  grènetis. 

156.  Le  chiffre  VI  (deniers)  dans  le  champ,  accosté 
de  quatre  roses  ;  autour,  filet  et  grènetis. 

Cuivre.  (Musée  de  Bourges  et  notre  coll.) —  PL, 
n«3. 

Pierquîn  de  Gembloux,  Hist.  monét.  et  phtl.  du  Berry, 
pi.  VII,  no  8. 

H^  8.  —  Môme  droit.  (La  lettre  S  est  retournée.) 

I}t.  Le  chiffre  XII  dans  le  champ,  accosté  do  quatre 
roses. 
Cuivre.  (Coll.  Berry.) 

Bull,  du  Comité  d* hist.  et  d'archéol.du  dioc.  de  Bourges,  1867, 
p.  11,  pi.  I,  n"  1.  (Décrit  sans  attribution  ) 

N®  9.  —  Même  type,  mais  le  sautoir  est  cantonné  en 
outre  de  trois  étoiles  aux  2,  3  et  4.  Filet  et  grènetis. 

15t.  Le  chiffre  II  (deniers)  dans  le  champ,  accosté 
de  cinq  roses.  Filet  et  grènetis. 

Cuivre.  (Coll.  Richard.)  —  PL,  n«  4. 

Ce  méreau  et  le  suivant  sont  d'une  série  différente 
des  deux  premiers. 

]\To  ^0.  —  Droit  semblable  au  précédent. 

^.  Le  chiffre  XII  (deniers)  dans  le  champ,  accosté 
de  quatre  roses.  Filet  et  grènetis.  (Type  du  n»  8.) 
Cuivre.  (Notre  coll.)  —  PL,  n**  5. 

\\)  Pcul-Clrc  les  armes  de  la  collégiale. 


-  261  — 

N»  11.  —  Clef  et  crosse  en  sautoir,  cantonné  aux  1-4, 
de  fleurs  de  lis,  aux  2-3,  de  la  date  15-84.  Autour,  filet 
et  grënetis. 

Revers  semblable  au  n<>  7. 

Cuivre.  (Coll.  Richard.)  —  Pl.^noô. 

Ce  méreau  appartient  à  une  troisième  série  posté- 
rieure aux  deux  autres,  que  nous  attribuons  à  la 
première  moitié  du  xvi<^  siècle,  et  dans  chacune 
d'elles  îl  devait  exister  un  certain  nombre  de  valeurs 
différentes,  comme  2,  4,  6,  9, 12  deniers,  et  peut-être 

davantage. 

La  première  de  ces  pièces  avait  été  classée  par  Pier- 

quin  de  Gembloux  à  l'église  Saint-Pierre-le-Marché. 

de  Bourges,  qui,  n'ayant  pas  de  collège  de  chanoines, 

ne  pouvait  avoir  de  méreaux.  Des  deux  autres  églises 

qui  existaient  à  Bourges  sous  le  même  vocable,  l'une, 

Saint-Pierre-le-Guillard,  était  dans  le  même  cas,  et  le 

nom   de    l'autre,    Saint-Pierre-le-Puellier,    Ecclesia 

sancli  Pétri  Puellarum,  s'opposait  à  cette  attribution. 

En  dehors  du  Berry,  mais  toujours  dans  la  région 
du  Centre,  le  nom  de  Saint-Pierre-le-Moûtier,  si 
facile  à  reconnaître  dans  les  trois  lettres  S.  P.  M.,  se 
présentait  naturellement  à  l'esprit  ;  cette  localité  était 
le  siège  d'une  collégiale  et  d'un  important  prieuré 
bénédictin  (ce  qui  explique  la  présence  de  la  crosse). 

Quant  à  la  clef,  elle  figurait  à  la  fois  dans  les  armes 
de  la  ville  et  dans  celles  du  prieuré,  où  la  forme  de 
l'anneau  est  la  même  que  sur  nos  méreaux  (1). 

A  l'appui  des  motifs  qui  nous  ont  amené  à  cette 
classification  (2),  nous  avons  trouvé  ime  preuve  impor- 
tante dans  l'acte  de  fondation  de  la  collégiale^  qui 

(1)  Armoriai  du  Nivernais,  I,  pi.  V. 

(2)  Ml  de  Laugardière,  qui  possède  deux  de  ces  méreaux,  a  trouvé  de 
son  côté  la  même  attribution,  mais  nous  ignorons  quelles  sont  les  raisons 
qui  Font  déterminé. 


nous  a  été  communiqué  très  aimabloment  par  notre 
confrère,  M.  Gonat. 

Dans  le  règlement  imposé  aux  chanoines  par  les 
fondateurs,  on  lit  le  passage  suivant  :  «  Sera  entière- 
ment tout  le  revenu  des  fondateurs  receu  par  un  recep- 
veur  commis  dud.  chapitre,  lequel  en  outre  par  eux 
à  ce  député,  distribuera  par  marreaux  auâd.  doyen  et 
chanoines,  et  chacung  résidant,  et  actuellement  des- 
servant, sellon  ainsy  et  es  heures  qui  seront  advisées 
par  lesd.  fondateurs  et  led.  collège,  après  avoir  veu  et 
expérimenté,  pendant  trois  ans,  l'entière  recepte  de 
tout  le  revenu  de  Tesglize.  » 

On  faisait  donc  usage  de  méreaux  dans  la  collégiale 
de  Saint-Pierre-le-Moûtier,  et  précisément  à  l'époque 
qui  nous  intéresse. 

A  ceux  que  nous  avons  décrits,  nous  croyons  pou- 
voir rattacher  celui-ci,  d'un  type  tout  différent. 

N*  12.  —  Saint  Benoit  debout,  nimbé,  en  costume 
monacal,  tenant  une  crosse  tournée  en  dedans  (comme 
les  abbés)  et  l'Evangile.  D'après  le  P.  Cahier  (1),  les 
chefs  d'ordre  étaient  souvent  représentés  l'Evangile  à 
la  main,  comme  les  évoques.  Dans  le  champ,  la 
date,  1595. 

Revers  identique  au  n®  7.  A  peine  distingue-t-on 
quelques  légères  différences  de  coin.  L'identité  de 
ces  deux  revers,  qui  nous  avait  'été  signalée  par 
M.  Florange,  nous  parait  une  preuve  à  peu  près  cer- 
taine de  leur  communauté  d'origine. 

Cuivre.  (Notre  coll.)  —  PL,  n<»  7. 

La  présence  de  saint  Benoît  est  assez  facile  à  expli- 
quer par  la  situation  respective  de  la  collégiale  et  du 
prieuré.  Fondée  vers  1520  par  un  chanoine  de  Nevers, 

(1)  Les  Caractéristiques  des  Saints, 


-  263  - 

Dreux  Godard,  elle  était  assez  pauvrement  dotée  et 
n'eut  pas  d'église  spéciale  avant  le  xvii*  siècle  (1); 
aussi  le  Chapitre  fut-il  probablement  obligé  de  se  servir 
de  l'église  des  Bénédictins  pendant  le  courant  du 
XVI®  siècle,  au  moins  dans  certaines  circonstances,  à 
cause  de  l'insuffisance  de  la  petite  chapelle  particulière 
qu'il  possédait  à  cette  époque* 

De  leur  côté,  les  religieux,  pour  indiquer  l'espèce 
de  dépendance  dans  laquelle  se  trouvait  la  collégiale 
vis-à-vis  d'eux,  avaient  peut-être  imposé  aux  cha- 
noines l'obligation  de  représenter  sur  leurs  méreaux 
l'image  de  saint  Benoit,  à  moins  que  ceux-ci  ne  l'aient 
fait  par  simple  déférence. 


MÉDAILLES 
Charles  !•'  de  Gonzague,  duc  de  Nevers 

No  13.  —  KAP0A02  TONZAPH  nAAAIOAOrOI 
APXflN  NIYEPNAI02.  Buste  à  droite  du  duc,  une  fraise 
autour  du  cou  et  une  draperie  sur  sa  cuirasse.  Dans  le 
champ,  le  mot  niZ-TI2. 

156.  H  0NH2KEIN  H  RATPIAA  EAEVeEPEIN.  Ecu 
armorié  :  de  gueules  à  la  croix  d'or  cantonnée  de 
quatre  briquets  adossés  du  même,  qui  est  de  Constan- 
tinople,  chargé  en  cœur  d'un  petit  écusson  de  gueules 
à  l'aigle  bicéphale  d'or,  couronnée  de  même,  qui  est 
de  la  famille  Paléologue. 

Au-dessus,  la  couronne  ducale  surmontée  du  mont 
Olympe  et  de  l'autel,  avec  la  devise  OAYMnOZ;  l'écu 
accosté  de  deux  palmes  en  sautoir.  En  bas,  la  date  1617. 

Guy  Coquille  décrit  ces  armoiries  d'une  manière 

(1)  M.  DE  SODLTRAIT,  Rép,  OTchéoU  du  dép,  de  la  Nièvre, 


••'• . 


—  264  - 

inexacte  à  propos  de  la  maison  de  Montf errât  (1)  : 
<(  Quatre  B  de  sable  au  champ  d'argent  escartellez 
d'une  croix  de  sable  :  pour  ce  que  la  figure  de  la  lettre  B 
représente  un  fuzil,  on  a  estimé  que  ce  fussent  quatre 
fuzils;  ces  quatre  B  représentent  un  titre  magnifique 
et  haut  en  langage  grec  :  BAZIAEYZ  BAZIASHN  BAZI- 
AEYQN  BAZIAEYONTflN.  » 

Mod.  34  mm. 

Or.  Cab.  des  méd.  de  Berlin.  —  Arg.  Cab.  des  méd. 
de  Vienne  et  coU.Richebé.  —  PI, ,  n°  8. 

Comme  le  fait  remarquer  avec  raison  M .  Richebé 
qui  a  publié  cette  médaille  dans  la  Gcusette  numisma- 
tique française  (2),  elle  se  rapporte  au  projet  de  croi- 
sade contre  les  Turcs,  formé  par  Charles  de  Gonzague, 
dans  le  but  de  reconstituer  à  son  profit  l'empire 
d'Orient.  Le  duc  prétendait  en  effet  avoir  des  droits 
au  trône  de  Constantinople,  personnellement  comme 
héritier  des  Paléologues  et  aussi  par  sa  femme,  Cathe- 
rine de  Lorraine,  qui  descendait  des  Lascaris. 

Le  départ  de  l'expédition  destinée  au  soulèvement 
de  la  Morée  avait  été  fixé  au  printemps  de  l'année  1618. 
mais  la  mort  de  la  duchesse,  survenue  au  mois  de  mars, 
en  retarda  l'exécution  et  l'incendie  de  la  flotte,  que 
Charles  de  Gonzague  avait  réunie  dans  le  port  de  Cette, 
acheva  de  ruiner  ses  espérances,  qui  n'avaient  pas  reçu 
beaucoup  d  encouragement  de  la  part  des  princes  chré- 
tiens. Notre  médaille,  frappée  en  1617,  avec  une 
légende  en  ca-ractères  grecs  et  les  armes  de  l'empire 
d'Orient,  était  évidemment  destinée  à  être  distribuée 
en  Grèce. 


(1)  Histoire  du  Nivernais.  Ed.  de  1612,  p.  323. 

(2)  1898,  p.  161.  PI.  VI,  n'  3.  M.  Richebé  a  bien  voalu.  avec  son  obU- 
geance  habituelle,  nous  permettre  d'en  prendre  un  moulage. 


—  265   - 

■ 

Théodore  de  Bèze  et  Guillaume  de  Lamoignon 

Exemplaires  en  argent  des  médailles  de  Théodore 
de  Bèze  (Notre  Coll.)  et  de  Guillaume  de  Lamoignon 
(Vente  du  15  mai  1897,  n**  50  du  Cat.)  par  le  graveur 
Jean  Dassier.  Nous  ne  connaissions  que  les  exemplaires 
en  bronze  du  Cabinet  de  France  (1). 

Marie- Gasimire  de  La  Grange  d'Arquien 

et  Jean  Sobieski 

M.  Berry  a  bien  voulu  nous  faire  remarquer,  très 
aimablement,  que  la  médaille  que  nous  avons  décrite 
sous  le  n**  142  (2)  porte  la  date  1686,  répétée  des  deux 
côtés  sous  forme  de  chronogramme,  ce  qui  rend  inutile 
la  conclusion  que  nous  tirions  du  titre  de  défenseur  de 
la  chrétienté  donné  à  Sobieski,  pour  la  classer  après 
Tannée  1683. 

En  effet,  en  rassemblant  les  lettres  dont  la  taille 
dépasse  le  champ  des  légendes,  on  arrive  au  résultat 
suivant  :  MDCXXVVVVIIIIII,  ou  1686. 

Dupin  alnô 

N«  14.  —  A  •  M  •  J  •  J  •  DUPIN  (André-Marie-Jean- 
Jacques  Dupin).  Son  buste  à  gauche  en  robe  d'avocat. 
Près  de  l'épaule,  la  signature  du  graveur,  CAUNOIS  F. 

Coin  différent  du  n^  92  de  VEssai  sur  la  numisma- 
tique nivernaise.  La  signature  du  graveur  est  plus 
petite;  légères  variantes  dans  les  cheveux  et  au  col. 

(1)  Nouvelles  recfierches,  n*'  131  et  134. 
(8)  Ibid,,  pi.  XI,  n*5. 


-  266- 

Rt.  LIBRE  DEFENSE  DES  ACCUSÉS,  —  NÉ  A  VARZY 
(NIÈVRE)  LE  i^r  FÉVRIER  1783.  —  MDCCCXX,  en  cinq 
lignes  dans  le  champ  ;  en  haut,  LA  LOI,  dans  une  cou- 
ronne de  chêne. 

Br.  41  mm.  (Notre  Coll.) 


BILLETS  DE  CONFIANCE  A  COSNE 


Il  nous  reste  un  mot  à  dire  des  assignats  de  5  sols 
qui  auraient  été  émis,  par  une  caisse  patriotique  ou  par 
la  commune,  à  Cosne,  en  1792.  Ces  assignats,  dont  il 
devait  être  mis  en  circulation  pour  une  somme  de 
6,000  livres  (1),  n'ont  été  cités  par  aucun  des  auteurs 
qui  se  sont  occupés  de  la  question. 

Nous  n'avons  pas  trouvé  la  délibération  du  conseil 
municipal  en  autorisant  la  création,  et  une  lettre 
adressée  le  7  juin  1793  par  les  administrateurs  de  la 
Nièvre  à  leurs  collègues  du  Gard,  en  vue  d'un  échange 
de  billets  de  confiance  entre  les  deux  départements, 
donne  bien  la  liste  des  municipalités  nivernaises  qui 
ont  fait  des  émissions,  mais  Cosne  ne  s'y  trouve  pas 
mentionné. 

Aussi,  pensons-nous  que  ce  projet  ne  fut  pas  mis  à 
exécution;  néanmoins,  nous  tenons  à  signaler  le  fait 
aux  collectionneurs  de  la  Nièvre,  pour  le  cas  très  peu 
probable  où  cette  émission  aurait  été  réellement  effec- 
tuée. 

H.  SARRIAU. 


(i)  Faiyre,  Cotne  4  travers  les  âges^  p.  45, 


-367  - 


LES  PROJETS  ADMINISTRATIFS 

DE  GABORË 

Curé    de    Pouilly-Bur- Loire,    en    1789 

PAR 

RBNÊ     DE     L.ESPINASSB 


Champion  do  Cicé  (Jean-Baptiste-Marie),  dernier 
évoque  d'Auxerre,  élevé  à  la  dignité  épiscopale  en  1761, 
supprimé  en  1801  et  mort  quelque  temps  après  en 
1805,  était  frère  de  Jérôme-Marie  Champion  de  Cicé, 
évoque  de  Rodez  en  1770,  archevêque  de  Bordeaux  en 
1781,  membre  de  l'Assemblée  constituante  et  garde 
des  Sceaux.  Il  avait  contresigné  les  décrets  de  l'As- 
semblée, y  compris  la  constitution  civile  du  clergé, 
dans  Tespoir  de  la  faire  amender  ensuite,  partageant 
comme  tant  d'autres  les  illusions  et  les  chimères  de 
cette  triste  époque,  sans  tenir  compte  des  circonstances 
de  chaque  jour  qui  l'emportaient  sur  les  meilleures 
intentions  des  esprits  libéraux. 

L'histoire  ne  dit  rien  du  rôle  politique  de  l'évoque 
d'Auxerre,  mais  le  fait  seul  d'être  le  frère  d'un  haut 
personnage  suffit  pour  lui  donner  une  situation  prépon- 
dérante auprès  de  son  clergé  et  motive  l'existence 
d'une  correspondance  où  il  était  fréquemment  question 
des  affaires  publiques  intéressant  le  clergé  et  le  reste 
de  la  nation. 

Il  partageait  sa  vie  entre  Auxerre  et  son  ch&teau  de 
Regennes  avec  la  capitale,  où  il  habitait  rue  de  Gre- 


-  268  — 

nelle,  s'occupant  bien  plus  d'intrigues  politiques  que 
d'administration  religieuse. 

Une  série  de  papiers  et  correspondances  des  deux 
frères  Champion  de  Cicé  est  déposée  aujourd'hui  aux 
manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale. 

Nous  laissons  de  côté  la  personûalité  de  Tévèque 
d'Auxerre  pour  ne  prendre  que  quelques  écrits  éma- 
nant de  la  partie  nivernaise  de  ce  diocèse,  et  entre 
autres  ceux  d'un  certain  curé  de  Pouiily-sur-Loire, 
nommé  Gaboré,  actif  et  entreprenant,  lequel,  comme 
beaucoup  de  ses  semblables,  cherchait  à  jouer  un  rôle 
politique,  à  en  juger  au  moins  par  sa  correspondance 
avec  son  chef  hiérarchique. 

Gaboré,  placé  à  Pouilly,  sur  la  limite  des  diocèses 
d'Auxerre  et  de  Nevers,  tenait  son  évêque  au  courant 
de  ce  qui  se  passait  dans  ces  deux  villes  au  sujet  des 
élections  aux  Etats-Généraux. 

Il  agissait  d'ailleurs  avec  lui  sur  un  ton  de  familiarité 
très  accentué  et  se  sentait  assez  sûr  de  son  fait.  En 
.  exposant  les  difficultés  à  réunir  dans  Pouilly  les  élec- 
teurs du  tiers-ordre,  il  ajoute  en  post-scriptum  une 
réflexion  où  il  se  déclare  comme  un  des  agents  de  son 
évoque  : 

«  P.  S.  —  Lorsque  j'aurai  appris  quels  sont  les 
curés  du  diocèse  d'Auxerre  qui  auront  montré  leur 
zèle  pour  Monseigneur,  j'en  donnerai  avis  à  Votre 
Grandeur,  parce  que,  à  mon  avis,  il  faut  que  des 
remerciements  tombent  sur  du  positif.  Mgr  l'Evêque 
de  Nevers  va  à  Saint-Pierre  ainsi  que  son  cha- 
pitre (1).  » 

Gaboré  ne  se  bornait  pas  aux  démarches  et  aux 
conseils  distribués  à  tous  propos  aux  membres  du 
clergé  ;  il  se  piquait  de  connaissances  administratives 

(1)  LetUe  du  11  mare  1789,  Bibl  nat.  ms.  fr.  ^705,  n*  47. 


—  aesî  - 

et,  dans  le  silence  du  cabinet,  il  préparait  un  projet 
qui,  évidemment,  selon  lui,  devait  rendre  la  France 
grande  et  prospère. 

Après  avoir  relu  son  élucubration,  il  semble,  comme 
cela  arrive  souvent,  la  trouver  un  peu  faible  ;  il  la  fait 
précéder  de  la  lettre  que  voici  où  perce  une  certaine 
défiance  de  lui-môme  : 

«  A  Pouilly,  le  18  février  1789.  Monseigneur, 
nous  allons  recevoir  nos  lettres  de  convocation  pour 
nous  trouver  à  Saint-Pierre-le-Moutier,  qui  est  bail- 
liage royal  d'où  nous  dépendons.  Depuis  plusieurs 
jours  je  travaillois  à  un  plan,  je  vous  l'envoyé.  Mon- 
seigneur ;  s'il  est  approuvé  de  Votre  Grandeur,  vous 
voudrez  bien  me  le  renvoyer.  S'il  n'est  pas  conforme 
aux  vues  de  Votre  Grandeur,  je  vous  supplie.  Monsei- 
gneur, de  le  jetter  au  feu,  parce  que  j'ay  fait  choix  de 
ne  jamais  me  conduire  que  par  les  conseils  de  Votre 
Grandeur,  de  laquelle  j'ay  l'honneur  d'être... 

»  P.  S.  —  Si  je  peux  me  dispenser  d'aller  à  Saint- 
Pierre-le-Moutier  je  resteray  chez  moy  et  je  donnerai 
ma  procuration  (1).  » 

JL'évèque  d'Auxerre  ne  jeta  pas  au  feu  le  plan  de 
son  curé,  puisque  nous  le  retrouvons  un  peu  plus  loin 
dans  ses  papiers  ;  nous  aimons  à  croire  cependant  qu'il 
n'en  tira  point  grand  profit. 

Voici  le  texte  de  cette  étude  ; 

«  Mémoire  que  le  sieur  Nicolas-Léonard  Gaboré, 
curé  de  Pouilly-sur-Loire,  diocèse  d'Auxerre,  généra- 
lité de  Berry,  élection  de  La  Charité,  bailliage  royal 
de  Saint-Pierre-le-Moùtier,  a  l'honneur  de  présenter 
à  rassemblée  qui  doit  nommer  des  députés  aux  Etats- 
Généraux  (2). 

(1)  Lettre  n*  24. 

(2)  Ihid  fr.  207C5  n"  99. 


à 


—  270  - 

A  Le  roy  notre  auguste  monarque,  messieurs, 
demande  que  nous  prenions  place  parmi  vous  pour 
concourir  à  la  nomination  des  députés  aux  Etats- 
Généraux.  S.  M.  veut  bien  se  persuader  que  MM.  les 
curés  connoissent  autant  que  personne  les  facultés  de 
leurs  paroissiens,  leurs  plaintes,  leurs  doléances  sur 
les  maux  qui  les  accablent  et  sur  Tinjustice  qu'ils 
éprouvent.  Ils  naissent,  dit  ce  prince  judicieux  qui 
nous  gouverne,  sous  vos  yeux,  ils  vivent  au  milieu  de 
vous,  ils  meurent  entre  les  bras  de  leurs  pasteurs,  ils 
reçoivent  leurs  derniers  soupirs  et  souvent  ils  appren- 
nent de  leur  bouche  qu'ils  regardent  la  mort  comme 
un  adoucissement  à  toutes  leurs  peines. 

»  L'expérience  que  j'ay  acquise  dans  deux  grandes 
paroisses  que  j'ay  gouvernées  successivement  pendant 
plus  de  trente  ans  et  où  je  me  trouve  encore  m'a  fait 
juger  de  bien  des  injustices  qu'on  commettoit  par  la 
manière  dure  et  rigoureuse  qu'on  levoit  l'impôt  et  par 
la  façon  dont  on  administre  la  justice.  Souvent  je 
m'étois  proposé  de  présenter  des  mémoires  au  ministre, 
mais  la  difficulté  de  faire  parvenir  les  plaintes,  l'ap- 
préhension de  n'être  pas  écouté,  m'a  toujours  fait 
changer  de  résolution. 

»  Voici  mon  plan  :  Il  intéresse  les  trois  ordres  de 
l'Etat.  Je  le  soumets,  messieurs,  à  votre  sagesse  et  à 
vos  lumières.  Dans  son  exécution,  le  tiers-ordre  y 
trouve  justice  et  contentement,  la  noblesse  n'aura  pas 
à  se  plaindre,  le  clergé  ne  se  ménagera  point,  la  magis- 
trature sera  rendue  plus  prétieuse  que  jamais  au 
peuple. 

»  Je  commence  par  le  tiers-ordre  parce  que  c'est 
iuy  qui  renferme  le  plus  de  malheureux  et  qui  en  cela 
doit  nous  intéresser  davantage. 

»  Le  tiers-ordre  se  plaint  qu'il  supporte  des  impo- 
sitions qui  ne  sont  pas  pour  Iuy  seul,  ses  plaintes  sont 


'-  271  - 

justes.  Je  crois  les  deviner,  elles  tombent  sur  la  corvée 
ou  sur  un  impôt  qui  en  tient  lieu  pour  l'entretien  des 
chemins.  On  fait  payer  à  cette  classe  indigeante  de 
citoyens  six  sols  par  livre  de  la  taille  ;  à  mon  avis  cette 
somme  est  exorbitante  :  deux  sols  par  livre  doivent 
suffire  selon  mon  plan. 

»  CHAPITRE  I©'.  —  Le  tiers-ordre  se  plaint  encore 
qu'on  l'écrase  pour  les  vingtièmes.  Je  le  crois  fondé 
dans  ses  plaintes.  Ces  vingtièmes,  dont  je  vas  demandor 
la  suppression,  ont  été  assis  par  des  ambulans  des 
préposés  qui  visoient  toujours  à  ménager  les  grands 
propriétaires  à  qui  ils  faisoient  leur  cour  et  chargeoient 
le  peuple  de  qui  ils  n'avoient  rien  à  craindre.  Je 
demande  donc  pour  tenir  une  proportion  dans  tous  les 
ordres  que  les  vingtièmes  soient  supprimés  et  qu'on 
établisse  pendant  six  années  seulement  le  dixième  qui 
sera  perçu  à  la  rigueur  sur  les  biens  fonds  de  tous  les 
ordres  indistinctement.  Par  ce  moyen,  on  fera  rentrer 
tous  les  ans  au  Trésor  royal  plus  d'argent  qull  n'en 
faut  pour  remplir  le  déficit.  Voici  la  voye  d'y  par- 
venir ;  tous  les  biens  fonds  qui  sont  affermés^  le  pro- 
priétaire sera  obligé  de  produire  le  bail  et  il  payera  le 
dixième  au  roy  de  son  revenu,  en  déduisant  cependant 
les  rentes,  dont  les  biens  seront  chargés.  Si  les  biens 
ne  sont  pas  affermés^  six  notables  choisis  dans  trois 
paroisses  par  l'administration  provincialle  d'où  dépen* 
dent  les  biens,  les  apprécieront  et  d'après  leurs  rap- 
ports ils  payeront  le  dixième  de  leur  revenu. 

»  CHAPITRE  II.  —  Ordre  de  la  noblesse.  —  Les 
nobles  qui  ne  peuvent  exercer  ni  arts,  ni  métiers, 
payeront  la  capitation  simplement  comme  à  l'ordi- 
naire, mais  ils  payeront  2  sols  par  livre  de  leur  capi- 
tation pour  l'entretien  des  chemins  où  il  est  à  propos 
de  coriger  un  abus.  L'argent  qu'on  prélève  pour  l'ea-' 


—  272  — 

tretien  des  chemins  ne  doit  être  employé  qu'aux 
grandes  routes  et  non  aux  chemins  de  traverse.  Les 
administrations  provincialles  consulteront  là-dessus  les 
notables  des  paroisses  où  passent  les  routes  royalles. 
Quant  aux  chemins  de  traverse,  s'il  y  a  des  mauvais 
pas  ou  des  voyageurs  étrangers  peuvent  se  précipiter, 
les  propriétaires  de  droite  et  de  gauche  seront  tenus 
de  les  faire  rétablir  à  leurs  dépens  ou  de  laisser  passer 
les  voyageurs  dans  leurs  héritages,  autrement  ils 
seront  reparés  à  leurs  frais  à  la  requête  du  procureur 
fiscal  qui  sera  chargé  d'y  veiller. 

»  Le  tiers-ordre  se  plaint  que  les  grands  du  royaume, 
les  plus  riches  propriétaires,  les  princes  du  sang,  sont 
fort  ménagers  dans  la  répartition  des  vingtièmes. 
Leurs  plaintes  sont  fustes,  mais  je  vois  avec  satisfac- 
tion que  tous  les  princes  du  sang  comme  les  gentils- 
hommes moins  fortunés  offrent  de  venir  au  soulage- 
ment de  l'Etat  et  à  la  liquidation  des  dettes.  Ainsi  si 
la  terre  d'un  prince  est  affermée  cent  mille  livres,  il 
doit  payer  au  roy  dix  mille  livres  par  an.  Si  la  terre 
n'est  pas  affermée,  le  revenu  sera  appretié  par  six 
notables  nommés  par  les  administrations  provincialles 
où  sont  les  biens.  Si  les  biens  consistent  en  bois,  ils 
seront  estimés  par  les  six  notables.  Par  exemple,  si  les 
bois  sont  placés  sur  les  bords  de  rivière  navigable  ou 
à  ime  lieue,  on  les  estimera  huit  livres  la  feuille  ;  s'ils 
sont  à  quatre  lieues,  cinq  livres,  s'ils  sont  à  douze  lieues, 
trois  livres,  etainsy  du  reste.  On  passera  aux  seigneurs 
250  livres  pour  chaque  garde  de  bois.  S'il  y  a  des 
pensions  ou  autres  charges  on  en  fera  déduction.  Tous 
les  grands  qui  ont  de  grandes  charges  ou  des  gouver- 
nements ou  des  lieutenances  de  roy  ou  des  comman- 
dements de  province  payeront  au  roy  pendant  six  ans 
la  dixième  partie  de  leur  revenu  par  an  affecté  à  leurs 
employs.  Quant  aux  grands  négociants  dont  toute  la 


-  273  — 

fortune  est  au  portefeuil,  payeront  la  taille  et  capita* 
tion  comme  à  Tordinaire,  mais  il  sera  réservé  aux  six 
notables  du  lieu  de  leur  demeure  nommés  par  l'admi- 
nistration provincialle  de  leur  faire  payer  un  tribut 
plus  ou  moins  gros,  selon  l'étendue  de  leur  commerce 
en  les  traitant  cependant  avec  égard,  parce  que  le 
commerce  est  le  nerf  de  TEtat. 

»  Tous  les  seigneurs  qui  ont  des  terres  nobles,  ecclé- 
siastiques, roturiers  qui  voudront  faire  faire  leur 
terrier  payeront  au  commissaire  à  terrier  qu'ils  emploi- 
ront,  les  reconnoissances  qu'ils  feront  passer  à  leurs 
vassaux,  parce  qu'il  est  criant  et  révoltant  de  demander 
à  un  manœuvre  ou  à  un  pauvre  vigneron  5,  6  ou 
9  livres,  tandis  qu'il  n'a  pas  un  sol  en  poche  pour 
avoir  du  pain  et  cela  à  commencer  d'après  la  tenue  des 
Etats-Généraux.  Si  les  seigneurs  font  faire  de  tems  en 
tems  leurs  terriers,  c'est  pour  leur  avantage  :  qui  a 
l'avantage  doit  avoir  le  fardeau. 

»  CHAPITRE  m.  —  De  V administration  de  la 
justice.  —  Le  public  se  plaint  que  la  justice  est  fort 
mal  rendue  dans  toutes  les  petites  paroisses  soit  par 
deffaut  d'audience,  soit  par  deffaut  de  juge,  qui  ne  se 
trouvent  pas  sur  les  lieux,  soit  enfin  par  l'indécence 
du  lieu  où  on  la  rend,  tantôt  au  cabaret,  tantôt  sous  un 
arbre,  ce  qui  tend  à  avilir  les  magistrats  qui  dans  tous 
les  tems  et  dans  tous  les  pays  doivent  jouir  de  la  plus 
haute  considération  comme  les  dépositaires  des  lois, 
les  organnes  et  les  deffenseurs  des  peuples. 

»  Voici  mon  avis  pour  la  correction  de  cet  abus.  11 
convient  d'établir  des  chefs-lieux  où  douze  paroisses 
seront  réunies  et  pour  ne  pas  toucher  aux  propriétés 
des  douze  seigneurs  de  paroisses  et  à  la  suite  les  sei- 
gneurs des  petits  fiefs  qui  ont  justice  nommeront  à  la 
pluralité  des  voix  les  officiers  de  justice  du  chef-lieu 

T   vin,  3«  série.  18 


-  274  - 

où  la  justice  sera  rendue  pour  les  habitants  des  douze 
paroisses.  La  justice  du  chef-lieu  sera  composée  d'un 
bailli,  d'un  lieutenant,  d'un  fiscal,  tous  les  trois  gra- 
dués et  d'un  greffier.  Les  provisions  des  procureurs 
seront  données  à  la  pluralité  par  les  seigneurs.  Aucun 
procureur  ne  sera  reçu  s'il  n'a  été  clerc  cinq  ans.  Du 
jugement  du  chef-lieu  on  en  appellera  immédiatement 
au  Parlement  à  l'exception  des  cas  royaux  qui  seront 
réservés  aux  bailliages  royaux  qui  auront  dans  leur 
arrondissement  24  paroisses  et  auxquelles  on  joindra 
pour  les  indemniser  les  eaux-forêts  en  admettant  pre- 
mier et  second  lieutenant  général,  premier  et  second 
procureur  du  roy  et  deux  greffiers,  c'est  ainsy  que 
doivent  être  incorporés  les  eaux-forêts  pour  être  tou- 
jours, à  même  de  juger  des  affaires  qui  sont  de  leur 
compétence. 

»  La  justice,  dans  les  chefs-lieux,  sera  rendue  gratui- 
tement ;  tous  les  profits  de  lots  et  ventes  qui  tombe- 
ront dans  les  grosses  paroisses  réunies  ou  dans  les  fiefs 
qui  en  dépendent,  seront  perçus  à  raison  de  cinq  sols 
pour  un  où  l'usage  en  est  établi,  dix  ou  douze  sols  par 
écu  où  la  coutume  le  porte  et  il  sera  donné  deux  sols 
par  cent  où  le  droit  n'est  que  de  cinq  sols,  et  quatre 
sols  où  le  droit  est  de  retenir  six  sols.  Ces  sommes 
ensemble  seront  mises  dans  un  coffre-fort,  dont  le 
bailli,  le  lieutenant  et  le  fiscal  auront  chacun  une 
clef,  ainsy  que  le  greffier.  Ces  sommes  serviront  à 
payer  les  appointements  des  officiers  de  justice,  ainsy 
que  le  greffier,  et  à  suivre  les  procès  criminels  jusques 
au  décret,   à  entretenir  et  à  nourrir  les  prisonniers 
dans  les  prisons  subalternes  jusques  au  moment  où  ils 
seront    transférés    dans    les   prisons    roy  ailes,    s'ils 
n'aiment  mieux  les  seigneurs  payer  le.^  appointements 
dos  officiers  do  justice  tous  en  commun  qui  seront, 
pour  le  baillv    do  400  livres  par  an,   de  30D  livres 


—  275  — 

pour  le  lieutenant,  de  pareilles  sommes  de  300  livres 
pour  le  fiscal  et  de  250  livres  pour  le  greffier.  Les 
procès  seront  instruits  et  jugés  dans  les  six  mois,  les 
scellés  seront  apposés  gratis  pour  toutes  les  personnes 
qui  n'auront  que  huit  mille  livres  et  au-dessous,  soit 
en  fonds,  soit  en  mobillier,  ils  seront  levés  sans  frais, 
ainsy  que  l'inventaire  lorsqu'il  sera  fait  en  justice. 

»  Toutes  les  successions  qui  seront  au-dessus  de 
8,000  fr.;  il  sera  donné  au  premier  juge  4  fr.  par 
jour,  au  fiscal  3  livres  par  jour,  lorsque  son  miijiistère 
sera  requis,  et  au  greffier  jamais  plus  que  deux  livres 
dix  sols  par  jour.  Ces  huissiers  crieurs  dont  les 
charges  ont  été  levées  depuis  quelques  années,  n'auront 
plus  lieu  sous  prétexte  de  prendre  la  deflense  du 
mineur,  ils  font  vendre  les  effets  à  la  hâte  qui  se 
donnent  pour  rien  et  il  &e  trouve  par  là  que  pour  les 
pauvres  mineurs  tout  est  consommé  en  frais  ;  il  n'y 
a  rien  de  plus  désastreux  et  de  plus  nuisible  à  la  société 
et  au  commerce.  Toutes  les  provisions  de  procureur 
que  les  seigneurs  ont  données  à  différents  sujets  pour 
les  soustraire  à  la  milice  seront  révoquées  de  droit, 
parce  qu'il  est  de  la  plus  grande  indécence  qu'un 
pareil  individu  monte  sur  le  siège  comme  ancien,  en 
l'absence  du  juge,  pour  rendre  la  justice;  n'ayant 
aucune  connoissance  des  loix,  quelle  faute  n'est-il  pas 
dans  le  cas  de  commettre  ?  On  ne  doit  entendre  par 
procureur  que  celuy  qui  a  étude,  cliant  et  qui  occupe 
journellement. 

))  Il  se  commet  un  abus  très  grand  dans  les  paroisses 
de  campagne  et  qui  devient  ruineux  pour  ceux  sur  qui 
tombe  le  sort.  Quelqu'attentifs  que  soient  les  patres 
qui  gardent  leurs  bœufs  et  leurs  troupeaux,  il  y  en  a 
toujours  qui  échappent  à  la  vigilance  du  berger  et  qui 
vont  en  dommage  soit  dans  les  bleds,  soit  dans  les  prés^ 
soit  dans  les  taillis  qui  sont  fort  jeunes,  qu  arrive-t-il  ? 


-  276  - 

Que  le  propriétaire  du  bois,  du  pré  ou  du  bled  porte 
plainte,  fait  faire  une  ipformation,  les  frais  qui  en  résul- 
tent excédent  souvent  non  seulement  le  dommage,  mais 
même  la  récolte  du  blé,  du  pré  ou  de  la  feuille  d'un  an 
pour  le  bois.  Voici  le  moyen  de  remédier  à  cet  abus. 
Il  sera  nommé  tous  les  ans,  au  jour  de  dimanche,  à 
l'issue  des  vêpres,  par  les  paroissiens  en  présence  du 
curé,  trois  seniores  de  la  paroisse  pour  estimer  sans 
frais  le  dommage  qui  arrivera  ;  le  prix  de  l'estimation 
du  dommage  qui  aura  été  faite  sera  mis  sans  délai 
entre  les  mains  du  pasteur  de  la  paroisse,  qui  le  rendra 
&  la  personne  à  qui  aura  été  fait  le  dommage,  sans 
qu'elle  puisse  se  pourvoira  un  autre  tribunal,  ni  exiger 
une  plus  grande  somme. 

»  CHAPITRE  IV.—  Ordre  du  clergé.  —  Il  convient 
que  le  clergé  paye  deux  sols  par  livre  de  ses  décimes 
pour  l'entretien  des  chemins  et  qu'il  paye  très  stricte- 
ment la  dixième  partie  de  ses  revenus  au  roy,  sous  le 
nom  de  décime  pendant  six  années,  c'est-à-dire 
jusques  à  ce  que  l'Etat  soit  un  peu  libéré  et  qu'il  ne 
soit  plus  question  du  déficit.  Quant  aux  bénéficiers, 
simples  prieurs  et  abbés,  étant  dans  l'usage  de  payer 
la  quatrième  partie  de  leur  revenu  pour  décime  par 
an,  ils  ne  payeront  que  douze  deniers  par  livre  sur 
leurs  décimes  pour  l'entretien  des  chemins. 

»  Pour  parvenir  à  une  déclaration  juste  des  revenus 
de  chaque  ecclésiastique,  il  me  paroitroit  raisonnable 
que  tous  les  cinq  ans  douze  curés  d'un  canton  s'assem- 
blassent dans  un  chef-lieu,  qu'on  y  appelât  le  procu- 
reur de  chaque  communauté  rentée  et  qu'on  fit  faire 
strictement  à  un  chacun  sa  déclaration  du  revenu  de 
son  bénéfice  et  aux  réguliers  le  revenu  annuel  de  leur 
communauté.  Si  un  curé  venait  à  faire  une  déclaration 
qui  paroitroit  douteuse  à  l'assemblée,  il  seroit  relevé 


-  277  - 

sur-le-champ  par  le  curé  voisia  qui  connoitroit  son 
revenu  comme  le  sien,  ainsy  de  communautés  tant 
séculières  que  régulières;  pour  lors,  MM.  les  curés 
s'imposeroient  eux-mêmes,  ainsi  que  les  maisons 
régulières  de  leur  district,  à  raison  d'un  dixième  de 
leur  r(Bvenu  annuel,  ils  seroient  obligés  d'apporter 
dans  leur  assemblée  le  revenu  de  leur  casuel  de 
l'année  avec  le  recouvrement  des  années  précédentes. 
Ils  envoyeroient  alors  leur  imposition  à  Monseigneur 
leur  évoque,  qui  la  feroit  porter  sur  le  rôle  des  imposi- 
tions ecclésiastiques,  et  comme  on  accuse  souvent 
dans  le  monde  et  faussement  les  seigneurs,  les  évo- 
ques, de  payer  peu  de  décimes,  ils  seroient  les  pre- 
miers à  faire  la  déclaration,  soit  par  eux-mêmes,  soit 
par  leurs  représentants  à  la  chambre  ecclésiastique, 
c'est  pour  lors  qu'en  payant  publiquement  strictement 
la  dixième  partie  de  leur  revenu,  ils  fermeroient  la 
bouche  à  l'imposture  et  qu'on  continueroit  à  envisager 
les  biens  ecclésiastiques  comme  les  vœux  des  fidels,  le 
prix  des  péchés  et  le  patrimoine  des  pauvres,  les  impo- 
sitions  royalles  prélevées  ainsy  que  la  nourriture  et  le 
vêtement  des  pasteurs. 

»  Je  finis  par  une  observation  qui  excite  notre  ^èle 
et  qui  mérite  toute  l'attention  du  Gouvernement.  Je 
voudrois  que  dans  tous  les  gros  bourgs  et  petites  villes 
où  il  n'y  a  pas  d'hôtel-Dieu,  et  qui  seroit  composée  de 
cinq  cents  feus  et  au-dessus,  on  établit  deux  sœurs 
grises  dont  l'une  serviroit  à  l'éducation  de  la  jeunesse 
de  son  sexe  et  l'autre,  après  avoir  pris  les  premiers 
principes  de  chirurgie,  étant  dépositaire  d'une  appoti» 
quairerie,  visiteroit  les  pauvres  malades  et  leur  admi- 
nistreroit  les  remèdes  qu'elle  croiroit  nécessaires.  » 


—  278  — 

Ua  autre  projet  venant  du  même  personnage 
concerne  Térection  d'un  tribunal  de  justice  à  Pouilly, 
demande  non  fondée  qui  ne  reposait  sur  aucune  base 
sérieuse.  Il  indique  pour  la  localité  la  situation  d'alors, 
les  inquiétudes  des  uns,  les  aspirations  des  autres  et 
mérite  quand  môme  d'attirer  un  instant  l'attention. 

«  Mémoire  pour  Vérection  d'un  tribunal  de  justice  en 
première  instance,  en  la  ville  de  Pouilly-sur-- 
Loire  (1). 

»  La  ville  de  Pouilly,  située  à  l'orient  de  la  Loire, 
dans  la  province  de  Nivernois,  ressort  de  Saint-Pierre- 
le-Moûtier,  est  traversée  dans  sa  longueur  par  la 
grande  route  de  Paris  à  Lyon,  la  Loire  qui  l'avoisine  y 
amène  fréquemment  des  étrangers,  ce  qui  donne  lieu  à 
des  affaires  contentieuses. 

»  La  ville  de  Pouilly,  dans  laquelle  il  n'y  a  qu'une 
parroisse  contient  environ  800  feux  et  est  au  centre  de 
dix  paroisses  qui  touttes  n'en  sont  éloignées  que  d'une 
et  deux  lieues.  Ces  dix  paroisses  contiennent  vingt- 
deux  fiefs  ayant  hautes,  moyennes  et  basses  justices, 
et  renferment  au  moins  six  mille  individus  capables 
d'ester  en  justice. 

»  Pour  être  curé  de  Pouilly,  il  faut  être  gradué; 
elle  est  entourée  de  murs  ;  il  y  a  un  gouverneur,  une 
municipalité,  un  état-major  faisant  partie  d'une  milice 
bourgeoise  qui,  depuis  les  troubles  dont  on  a  été  agité 
depuis  un  mois,  se  trouve  composée  d'au  moins  cinq  à 
six  cents  hommes  valides  et  en  état  de  porter  les 
armes,  il  y  a  de  fortes  prisons  et  des  cachots. 

»  La  justice,  qui  est  seigneuriale,  y  fut  toujours 
administrée,  jusqu'en  1780,  par  un  bailly  et  un  lieute- 

(1)  Ms.  fr.  20705,  folio  101. 


-  279  - 

nant  gradués,  par  un  procureur  fiscal,  un  substitut,  iin 
greffier,  plusieurs  procureurs  et  des  huissiers  ;  -mais  à 
cette  époque,  les  bénédictins  de  la  ville  de  La  Charité, 
qui  sont  seigneurs  de  PouiUy,  n'ont  depuis  pourvu 
personne  des  offices  de  lieutenant  et  de  substitut.  . 

))  Il  y  a  dans  la  ville  de  Pouilly  une  poste  royalle, 
une  direction,  des  diligences  et  messageries,  un 
bureau  de  poste  aux  lettres,  un  bureau  des  contrôles 
dont  l'arrondissement  est  composé  des  dix  paroisses 
dont  nous  venons  de  parler,  un  bureau  des  aydes  pour 
la  perception  des  droits  que  payent  les  habitants  pour 
les  inventaires  du  produit  de  leurs  vignes,  pour  les 
entrées,  la  consommation,  le  don  gratuit,  et  sur  les 
viandes  de  boucherie  et  les  foins. 

»  11  réside  à  Pouilly  sept  notaires,  dont  trois  royaux, 
quelques  nobles,  beaucoup  de  bourgeois,  des  artisans 
de  toute  espèce,  quelques  laboureurs  et  une  grande 
quantité  de  vignerons  dont  le  temps  est  précieux  dans 
toutes  les  saisons  de  Tannée, 

»  Depuis  plusieurs  siècles,  la  justice  de  Pouilly  a 
toujours  été  administrée  dans  toutes  les  paroisses 
circonvoisines  par  les  officiers  de  la  ville  de  Pouilly 
qui  le  font  encore  actuellement,  d'où  il  suit  que  tous 
les  titres  et  papiers  qui  intéressent  Thonneur  et  les 
propriétés  des  habitants  de  ces  paroisses  sont  déposés 
dans  les  études  et  dans  les  registres  publics  de  ladite 
ville. 

))  Dans  la  séance  du  4  août,  la  Chambre  nationale 
ayant  arrêté  et  décrété  que  les  justices  seigneurialles 
seront  supprimées,  on  pense  que  le  remplacement  de 
ces  justices  s'opérera  par  la  création  de  tribunaux 
placés  assez  près  les  uns  des  autres  pour  que  chaque 
justiciable  ne  soit  pas  éloigné  de  son  chef-lieu  de  jus- 
tice. Dans  cette  hypothèse,  il  paroit  convenable,  utile 
même  nécessaire  d'en  placer  un  à  Pouilly...  Les  habi- 


--280  — 

tants  des  paroisses  voisines  forment  des  vœux  ardents 
pour  cette  érection.  Ils  ont  à  Pouilly  leurs  conseils 
affidés,  ils  y  trouvent  les  pactes  de  leurs  familles,  les 
actes  d'alliance  de  leurs  premiers  ayeux,  les  contrats 
qu'eux-mêmes  ont  passé,  les  engagements  qu'ils  ont 
souscrits,  les  titres  de  leurs  propriétés  et  enfin  des 
hommes  qu'ils  connoissent  et  dont  ils  sont  connus. 
D'ailleurs  Pouilly  est  la  ville  la  plus  prochaine  de 
toutes  ces  paroisses,  et  sous  ce  rapport  la  dépense  des 
plaideui  s  pour  y  venir  seroit  moins  considérable  que 
pour  aller  dans  une  ville  plus  éloignée  de  leurs 
demeures. 

»  D'autre  part,  si  Pouilly  n'étoit  pas  chef-lieu  d'arron- 
dissement... elle  seroit  sous  peu  de  temps  entièrement 
isolée  et  ruinée,  sans  ressources,  Pouilly  deviendroit 
un  désert  ;  les  habitants  des  campagnes  voisines  ne  la 
frequenteroient  plus,  la  consommation  cesseroit,  les 
marchands  et  artisans  seroient  obligés  de  s'expatrier  ; 
alors  enfin,  par  une  exception  malheureuse,  environ 
trois  mille  âmes  deviendroient  les  victimes  d'une  loi 
sage  qui  doit  servir  de  base  au  bonheur  des  Français. 

)»  Noms  des  paroisses  comprises  dans  le  district  du 
bureau  du  controlle  de  Pouilly  : 

»  Tracy,  Saint-Andelain ,  Saint-Laurent,  Saint- 
Quentin,  Saint- Martin-du-Tronsec,  Garchy,  Bulcy, 
Mesves  et  Sully  en  partie. 

»  Autres  paroisses  en  dehors  du  district  qu'il  seroit 
convenable  de  réunir  à  la  justice  de  Pouilly,  à  cause 
de  la  proximité  : 

))  Vielmannay,  Sully  en  totalité,  Varennes-les-Narcy 
et  Poigny.  » 


#    v^i-w^  un»  mfm%fp 


—  281  - 


LA  DIME  RELIGIEUSE 


ET 


LE  DROIT   DE   SUITE 

AU  XVIII«  SIÈCLE 


Avant  de  résumer  les  différends  survenus  entre 
ecclésiastiques  nivernais  relativement  à  la  levée  des- 
dîmes,  il  convient  de  rappeler  brièvement  ce  que  fut 
cet  ancien  mode  d'impôt. 

La  dîme,  dont  l'origine  semble  remonter  à  la  loi  de 
Moïse,  s'appliquait  alors  au  traitement  en  nature 
payé  à  la  tribu  de  Lévi,  chargée  tout  spécialement  des 
services  du  culte.  Elle  consistait,  comme  son  nom 
l'indique,  en  la  dixième  partie  des  produits  de  la  terre 
et  des  animaux  (1). 

L'Evangile  abolit  cette  loi  primitive  ;  mais  la  dévo- 
tion des  premiers  chrétiens,  continuant  à  se  manifester 
de  la  môme  façon  envers  les  gens  d'église,  fit  dégé- 
nérer en  obligation  ce  qui  n'était  qu'un  long  usage. 

En  outre,  de  généreux  seigneurs  suivant  les  exhor- 
tations des  prélats  au  concile  de  Latran,  abandon- 
nèrent leurs  dîmes  particulières  au  clergé  régulier,  qui 
put  les  recevoir  directement  et  sans  le  consentement 
de  l'évoque.  Néanmoins,  ces  dons  seigneuriaux  furent 

(i)  On  distinguait  les  dîmes  en  grosses  et  menues.  Les  premièi-es  por- 
taient sur  les  grains  de  toutes  sortes  ;  les  secondes  sur  le  chanvre,  les  pois, 
les  vesces,  les  haricots,  la  laine  des  agneaux,  les  porcs,  etc. 

T.  vui,  3»  série.  19 


—  282  — 

regardés  comme  de  simples  restitutions  par  les  ecclé- 
siastiques de  l'époque,  qui  considéraient  la  dime 
comme  le  vrai  patrimoine  des  églises  paroissiales. 

Cette  redevance  devint  d'ailleurs  absolument  néces- 
saire au  clergé  dans  la  suite,  car  les  calamités  publi- 
ques et  la  cupidité  de  certains  nobles  tarirent  la  source 
des  offrandes  volontaires,  si  en  honneur  chez  les  pre- 
miers chrétiens. 

Papes  et  souverains  s'émurent  de  cette  situation  ; 
aussi  un  acte  du  concile  tenu  à  Mâcon  en  585  fut-il 
confirmé  en  782  par  un  capitulaire  de  Charlemagne 
prescrivant  :  «  que  tous  nobles  hommes,  libres  et  lites, 
))  doivent  donner  aux  églises  et  aux  prêtres  la  dixième 
»  partie  du  produit  de  leurs  terres  ». 

Telle  est,  en  résumé,  l'origine  de  la  dlme  religieuse 
qui  se  prélevait  sur  toutes  les  terres  de  la  paroisse 
sans  exception,  qu'elles  soient  seigneuriales  ou  rotu- 
rières. 

Mais  là  ne  se  bornaient  point  les  droits  du  dimeur, 
la  coutume  du  Nivernais  lui  accordant  encore  la  suite 
des  laboureurs,  quand  ceux-ci  allaient  avec  leurs 
bœufs  travailler  dans  ime  autre  paroisse. 

Cependant  le  taux  de  ces  redevances  diminuait  peu 
à  pou,  à  mesure  que  la  prospérité  renaissait  ;  aussi  le 
trouve-t-on,  auxvii^  siècle,  réduit  à  la  vingt-cinquième 
gerbe  au  lieu  de  la  dixième. 

De  plus,  le  caractère  même  de  ces  impôts  ne  tarda 
pas  à  s'altérer  par  le  monopole  qu  en  firent  la  plupart 
des  grands  dignitaires  de  l'Eglise,  bien  éloignés  alors 
du  rôle  de  médiateurs  que  leur  avait  assigné  le  concile 
de  Latran.  Et  ces  ecclésiastiques,  prenant  le  titre  de 
firos  décimateurs,  s'emparèrent  ensuite  de  tous  les 
profits  religieux,  se  bornant  à  faire  aux  curés  une 
somme  fixe  et  annuelle,  s^ppeléeldi  portion  congrue, 
généralement  insuffisante  à  leurs  besoins. 


—  283  — 

Toutefois,  cette  mesure  ne  fut  point  générale,  et  plus 
d'un  desservant  perçut  encore  la  dîme  et  le  droit  de 
suite.  Certains  ecclésiastiques  môme,  désireux  d'éviter 
tout  conflit  aussi  bien  avec  leurs  confrères  du  voisi- 
nage qu'avec  les  habitants  de  leur  dîmerie,  affer- 
mèrent ces  redevances  à  quelque  paroissien  ;  mais  il  en 
est  d'autres  qui,  ayant  à  subir  tous  ces  ennuis,  firent 
valoir  énergiquement  leurs  droits. 

De  ce  nombre  est  le  curé  de  Saint-Martin-d'Heuille 
qui,  au  milieu  du  xvm«  siècle,  réclama  plusieurs  fois 
le  maintien  de  ses  prérogatives,  luttant  môme,  pour  y 
parvenir,  contre  un  puissant  dîmeur  voisin,  l'évoque 
de  Nevers,  seigneur  temporel  d'Urzy. 

Ce  desservant  de  Saint-Martin  se  plaint,  en  1745, 
d'avoir  été  lésé  dans  le  droit  de  suite.  Pour  justifier 
sa  réclamation  il  produit  un  long  mémoire  dans  lequel 
il  expose  :  «  qu'il  y  a  dans  la  paroisse  voisine  une 
»  pièce  de  terre  autrefois  en  verger,  mais  défrichée  et 
»  labourée  depuis  dix  ans  ;  qu'elle  n'est  pas  dans  le 
»  foncier  de  sa  dixmerie,  mais  dans  celle  de  Tévêque 
»  et  qu'il  n'y  a  point  de  bœufs  dans  ce  domaine  pour 
»  en  cultiver  les  terres  » .  Un  fermier  de  sa  paroisse 
ayant  affermé  le  domaine  a  a  labouré  la  pièce  de  terre 
»  en  question  et  le  curé  voisin  en  a  levé  toute  la 
))  dixme  ». 

Celui  de  Saint-Martin  désire  donc  savoir  «  s'il  a  le 
»  droict  de  suitte  et.  s'il  peut  partager  la  dixme  ».  Il 
demande  si  l'article  5  de  la  Coutume  portant  «  que  les 
»  dixmes  des  rompées  appartiennent  aux  curés  des 
))  paroisses  es  fins  desquels  sont  situées  lesdites  rom" 
»  pées  »  ne  lui  est  point  contraire. 

Consulté,  M.  Blaudin  fils,  avocat  à  Nevers,  répondit 
«  que  le  droit  de  suitte  a  lieu  et  doit  s'exercer  sur 
»  les  rompées  ou  novalles,  de  môme  que  sur  les  autres 
»  terres  sujettes  à  la  dixme,  les  novalles  n'étant  pas 


-  284  — 

»  plus  privilégiées  que  l'ancienne  dixme,  ajoutant  que 
»  c'est  toujours  au  travail  et  au  labourage  des  bœufs 
»  que  les  fruits  en  son  deus  ».  —  «  Quand,  dit-il,  les 
))  bœufs  de  la  dixmerie  d'un  curé  ont  labouré  les  terres 
»  novales,  la  dixme  appartient  en  entier  au  curé  ; 
»  mais  quand  ce  sont  les  bœufs  d'une  autre  dixmerie, 
))  le  droit  de  suitte  étably  par  la  Coutume  a  lieu  indis- 
))  tinctement.  » 

Un  autre  avocat,  M.  Sallonnyer  de  Nyon  expose  dans 
sa  consultation  «  que  le  droit  de  suitte  appartient  bien 
))  légitimement  au  curé  de  Saint-Martin.  D'ailleurs 
»  l'article  1®'  du  titre  des  Dix  mes  de  la  Coutume  en 
»  décide  ainsi  puisqu'il  attribue  la  dixme  de  suitte 
»  dans  les  terres  qui  seroient  exemptes  des  dixmes  ; 
»  l'article  5  n'a  donc  d'autre  effet  que  d'attribuer  aux 
))  curés  des  paroisses  cette  espèce  de  dixme  au  préju- 
))  dice  d'autres  seigneurs.  » 

De  son  côté,  Dom  Vernier,  religieux  bénédictin  de 
Saint-Etienne  de  Nevers,  écrivait  au  curé  :  «  Il  n'y  a 
»  point  de  doute  que  vous  n'ayez  le  droit  de  suitte  de 
»  vos  bœufs  sur  le  champ  devenu  en  novale  dans  la 
»  paroisse  voisine.  M.  Coquille  le  décide  nettement 
»  dans  ses  questions  et  s'appuie  sur  ce  que,  sans  les 
))  bœufs  qui  ont  labouré  la  terre  novale,  il  n'y  aurait 
))  point  eu  de  récolte  dans  les  champs  ;  on  le  pratique 
»  dans  notre  voisinage  de  même  (i).  » 

Ces  trois  avis,  conformes  et  appuyés  sur  la  Coutume 
du  Nivernais  y  laissent  supposer  que  le  réclamant  reçut 
satisfaction  ;  cependant,  l'issue  de  cette  affaire  ne  nous 
est  point  connue. 

Un  second  différend  a  lieu,  en  1749,  cette  fois  entre 
l'évêque  et  le  desservant  de  Saint-Martin. 

Ce  dernier  prétend  «  qu'il  est  seul  décimateur  dans 

(1)  Archives  de  la  cure  de  Saint-Martin-d'Heuîlle. 


.  285  - 

»  toute  l'étendue  de  sa  paroisse  dont  il  est  curé  depuis 
»  vingt-huit  ans  ;  qu'il  en  a  toujours  levé  les  dixmes 
»  et  perçu  les  droits  de  suitte  quand  les  laboureurs 
»  d'icelle  ont  été  labourer  et  ensemencer  des  terres 
»  dans  les  dîmeries  voisines  ».  Il  ajoute  «  qu'en  1748 
»  il  a  joui  entièrement  et  sans  contestation  du  droit  de 
»  suitte  dans  des  terres  de  la  paroisse  d'Urzy  et 
»  dîmerie  de  l'évêque;  qu'en  1749  il  a  levé  de 
»  môme  la  dîme  des  gros  bledz  n'ayant  été  troublé 
»  qu'à  la  récolte  des  orges  et  avoines,  dont  l'évêque  a 
»  fait  enlever  la  dîme  entière  avec  défense  d'y  laisser 
»  dîmer  le  curé  (1).  » 

L'évoque  invoquant  un  terrier  des  droits  généraux 
de  l'évêché  dressé  en  1441  (2)  fonde  son  refus  sur  une 
déclaration  de  cette  époque  où  il  est  dit  «  que  dans  les 
»  champs  de  la  dîmerie  qui  y  est  limitée,  nul  n  a  droit 
»  de  suitte  ». 

Mais,  comme  l'observe  le  curé,  ce  prétendu  titre  est 
fort  peu  précis,  et  rien  ne  prouve  que  la  dîme  des 
héritages  litigieux  sbit  à  l'évêque.  De  plus,  dit-il, 
«  cette  déclaration  a  été  rédigée  par  le  notaire  en 
»  présence  de  douze  manans  d'Urzy,  sans  que  les 
»  seigneurs  décimateurs  riverains  et  notamment  les 
»  curés  de  Saint-Martin,  ses  prédécesseurs,  —  qui 
»  n'auraient  pas  dérogé  à  un  droit  que  leur  donne  la 
»  loi,  —  aient  été  appelés  ». 

Toutefois,  <L  ne  voulant  pas  avoir  une  contestation 
»  avec  son  évêque  sur  un  point  tant  soit  peu  dou- 
»  teux  »,  le  curé  consulte  à  nouveau  MM.  Blaudin  et 
Sallonnyer  qui,  s'appuyant  sur  divers  articles  de  la 
Coutume,  donnent  raison  au  curé. 

Mais  la  fin  de  la  procédure  manquant  aux  archives 


(1)  Archives  de  la  cure  de  Saint-Martin-d'Heuille. 

(2)  Voir  ce  titre  K  Tappendice. 


-  286  — 

de  la  cure,  on  ne  saurait  en  conclure  qu'on  fit  droit 
à  la  demande  du  plaignant. 

Tout  porte  à  croire  cependant  que  Tabbé  Delin  eut 
gain  de  cause  dans  les  deux  contestations  qui  pré- 
cèdent, et  cela  explique  sa  persistance  à  revendiquer 
la  suite,  quand  il  n'y  a  aucun  droit. 

Ce  même  curé  a,  en  effet,  rédigé  un  troisième 
mémoire  dont  voici  le  passage  essentiel  :  «  Il  y  a  dans 
»  ma  dimerie  un  pré  appartenant  au  laboureur  d'une 
»  paroisse  voisine.  Ce  dernier  y  a  fait  défricher  une 
»  accrue  de  la  contenance  de  6  à  7  boisselées,  puis 
»  l'a  fait  ensemencer  de  froment  de  mars,  après  l'avoir 
»  labouré  avec  ses  bœufs,  hivernes  dans  l'autre 
»  paroisse  ;  pourquoi  le  curé  de  celle-ci  a  fait  enlever 
»  la  moitié  de  la  dlme  pour  le  drotci  de  suitte  qu'il 
»  prétend  lui  estre  dû.  » 

Le  curé  de  Saint-Martin  ayant  la  prétention  d'em- 
pôcher  son  confrère  voisin  d'user  d'un  droit  que 
personnellement  il  a,  par  deux  fois,  fait  énergiquement 
respecter,  essaie  de  justifier  son  intervention  en 
alléguant  qu'  «  il  y  a  vingt  ans  environ,  un  manœuvre 
»  de  sa  paroisse  —  convention  faite  avec  le  laboureur 
»  de  ce  domaine  —  en  défricha  environ  une  demi- 
»  boisselée,  l'ensemença  de  chanvre  et  qu'il  en  leva 
»  la  dixme  sans  contestation  de  qui  que  ce  soit.  »  — 
L'abbé  Delin  désire  donc  savoir  si,  «  dans  le  cas 
»  présent,  le  droit  de  suite  est  dû  au  curé  voisin,  »  et 
il  a  recours  aux  lumières  de  M.  Blaudin,  qui  lui 
répond  :  «  Ce  droit  a  incontestablement  lieu  dans  les 
»  deux  héritages  en  question,  la  coutume  le  donnant 
))  dans  les  lieux  exents  de  dixmes  comme  dans  ceux 
»  qui  y  sont  sujets  ». 

Force  fut  donc  au  curé  de  Saint-Martin-d'Heuille 
de  s'incliner  cette  fois  devant  les  termes  de  la  coutume 
qui  régissait  alors  le  Nivernais. 


—  287  — 

Il  n'était  peut-être  pas  sans  intérêt  de  parler  de  cet 
ancien  mode  d'impôt,  si  maudit  de  nos  ancêtres,  qui  le 
virent  disparaître  avec  bonheur  à  la  Révolution.  — 
Le  mot  dîme  lui-même  est  resté  pour  le  peuple  — 
et  notamment  dans  certains  milieux  —  synonyme  de 
sujétion  ;  d'où  un  souvenir  odieux  conservé  de  cette 
redevance.  Cependant,  comme  elle  ne  se  prélevait  que 
sur  les  produits  naturels  et  selon  le  quantième  de  la 
production,  elle  était,  en  certaines  années,  moins 
onéreuse  que  la  perception  actuelle,  puisqu'il  faut 
aujourd'hui  payer  en  argent,  bon  an  mal  an,  la  récolte 
fût-elle  nulle. 

Mais  ce  sujet  invitant  à  la  réflexion  et  prêtant  à  la 
discussion,  il  est  bon  de  laisser  chacun  méditer  sur  ce 
point  et  conclure. 

G.  Gauthier. 


—  288  — 


APPENDICE 

1441.  —  27  JUILLET. 

Extrait  du  terrier  de  Vévêché  de  Nevers. 

Du  terrier  des  droits  généraux  de  Tévêché  de 
Nevers  fait  par  Sarbonelli,  en  exécution  des  lettres 
patantes  du  roy  Charles,  le  27  juillet  1441  et  de  son 
reigne  le  dix-neuf,  au  f®  37  dudit  terrier  en  parche- 
main  appert  ce  qui  suit  : 

Les  dixmes  dudit  lieu  Dursy  avec  ses  champarts  : 
—  La  dixme  Durzy  avec  les  branches  de  Monmien, 
Deuille  (1),  de  Champaudon  (2)  et  de  Viltecour  (3) 
et  autres  avec  les  champarts  desdits  lieux. 

Sensuit  la  déclaration  des  dixmes  et  branches  dessus 
dîttes  : 

Premièrement,  la  grande  dixmerie  qui  est  propre 
dudit  Mflf  qui  se  commance  au  champ  du  Chaillou, 
icelluy  champ  compris,  et  sen  va  selon  que  la  justice 
départ  jusques  au  quarouge  des  Boncueur  en  compre- 
nant touttes  les  terres  de  champart  dudit  Monseigneur 
au  champ  de  la  Porte,  entre  le  champ  Quaré  et  le 
champ  de  la  Porte  jusques  à  une  borne  qui  départ 
la  dixmerie  commune  entre  ledit  M9'  le  curé  Dursy 
et  celle  de  Saint-Gildas  ;  dicelle  s'en  retourne  (ledit 
champ  de  la  Porte  compris)  en  manière  d'une  pointe 
hevrée  auchemain  qui  départ  la  justice  et  au  quarouge 
de  la  nouhe,  et  dudit  quarouge  tirant  au  champ  de 

(1)  Montmiens  et  le  Bas-d'Heuille,  villages  de  la  paroisse  de  Saint- 
Martin. 

(2)  Champaudon,  commune  de  Balleray. 

(3)  Villecourt,  commune  de  Coulanges-les-Nevcrs. 


—  289  — 

Laubepin  entre  louche  Jean  Devantes  et  comprenant 
tout  ledit  champ  Laubepin  que  tiennent  Jean  Girault 
et  Hugues  Rappin  dudit  Ms^^  et  entre  ledit  champ 
et  Touche  de  Montay  (1)  et  entre  les  terres  dud.  M^^  et 
les  terres  à  M"*«  labbesse  tirant  au  pastureau  Deputot  ; 
et  dud.  pastureau  au  chesne  des  Esquels  et  au  carrouge 
desd.  Esquels  ;  et  dud.  champ  selon  le  chemin  qui 
mène  dudit  carrouge  chez  Guillaut  des  Saules  (2)  jus- 
qu'au bout  du  buisson  Regnaud  ;  et  dud.  bout  du  buisson 
Regnaud  tirant  au  travers  du  champ  au  bout  du 
buisson  Torineau,  autrement  le  buisson  du  quarouge 
deslays  ;  et  dicelluy  entre  la  turlée  qui  départ  la  terre 
Huguette  Bichete  et  celle  Jean  Desvauls  et  Trameson  ; 
lesd.  tirant  droit  entre  la  terre  de  Jean  Petit  fils  et  la 
terre  des  Bichete  et  Jean  Odinet  et  Frapper  à  la  rue 
commune  allant  de  FeuUe  (3)  chez  Guillault  des  Saules, 
à  laquelle  rue  finit  la  dixmerie  dessusdicte  et  com- 
mence celle  dud.  Mo'  et  de  Saint-Gildas,  dedans  laquel 
est  la  maison  et  grange  Piere  Odinet  et  le  pressoir 
Jean  Odinet;  ne  prend  nul  dixme  sur  ses  champs, 
mais  que  le  champart  seulement  et  nul  ny  prend 
dixme  de  suite  sur  lesd.  champs.  Sy  comme  disoient 
Jean  Ragu,  Jeannot  Bussié,  Jean  Calot,  Guillaume 
Regnard,  Jean  Michot,  Jean  Bartheau.  Jean  Girault, 
Jean  et  Pierre  Odenot  frères,  Jean  Villiers,  Dursy, 
Hugues  Colas,  de  Monmien,  qui  ont  esté  avec  moi 
commissaire  dessusdit  a  environner  ladite  dixmerie 
ledit  chastellain  présent  le  25  juillet  1442. 

{Copie  manuscrite  informe  du  XVII I^  siècle.) 

G.  G. 

(i)  Le  Montet,  commune  de  Coulanges. 

(2)  Les  Saules,  même  commune. 

(3)  Feuille,  commune  d'Urzy* 


-  290  — 


PIERRE  DE  FRASNAY 


Aux  vacances  dernières,  un  élève  distingué  de 
l'École  normale  supérieure,  M.  Auguste  Jardé,  le 
môme  qui  publie  actuellement  dans  la  Revue  du 
Nivernais,  de  notre  ami  Millien,  une  étude  des  plus 
remarquables  sur  les  Duchesses  de  Nevers  :  Les  pre- 
mières amours  de  Marie  de  Gonzague,  me  faisait 
connaître  qu'il  avait  fortuitement  en  sa  possession  des 
papiers  provenant  de  Pierre  do  Frasnay.  Mon  aimable 
correspondant  avait  pris  soin  de  me  donner,  ainsi  qu'il 
suit,  le  détail  de  sa  trouvaille  : 

1°  Première  lettre  sur  V Histoire  du  Nivernais. 
Dix  pages  presque  sans  ratures  ;  malheureusement,  les 
deux  premiers  feuillets  ont  été  collés  l'un  contre  l'autre  ; 

2**  Une  seconde  lettre  (sur  le  môme  sujet).  Huit  pages 
très  raturées,  probablement  le  brouillon; 

3<>  Un  fragment  sans  titre  qui  est  probablement  une 
troisième  lettre  sur  le  môme  sujet  (six  pages)  ; 

4°  Réponse  à  la  lettre  de  M.  l'abbé  Lebœuf,  cha- 
noine d'Auxerre,  insérée  dans  le  Mercure  de  France 
du  mois  de  mai  1740,  au  sujet  de  VEssay  sur  l'Histoire 
du  Nivernois  (sept  pages).  Cette  réponse  est  d'une 
écriture  très  aisée  à  lire  et  qui  n'est  pas  celle  de 
Pierre  de  Frasnay.  Cependant,  cette  rédaction,  qui  est 
sans  doute  une  copie,  porte  des  notes  et  des  correc- 
tions de  la  main  de  Pierre  de  Frasnay  ; 

5**  La  Mort  de  Daphnis,  églogue  ; 

6^  Un  fragment  d'ode  ou  de  chanson,; 


—  291  — 

7°  Les  Amours  d'Alcibtade  et  de  Timée,  femme 
d'Agts,  roy  de  Sparte,  conte  ; 

8"  La  Reconnaissance  de  Céladon^  églogue; 

9^  Périclès  et  Aspasie. 

(Ces  diverses  pièces,  qui  forment  huit  pages,  sont, 
sauf  la  dernière,  d'une  écriture  très  courante  et  presque 
sans  ratures)  ; 

10**  Le  second  acte  d'Alcméon,  dix  pages  couvertes 
de  ratures,  de  renvois,  d'additions,  qui  en  rendent  la 
lecture  assez  pénible. 

La  dernière  page  porte  des  notes  très  brèves,  ren- 
voyant aux  pages  d'un  ouvrage  qui  n'est  pas  indiqué, 
mais  qui,  selon  toute  probabilité,  contenait  les  faits 
racontés  dans  la  tragédie  d'Alcméon;  ce  sont  là  les 
indications  des  documents  de  l'auteur. 

Notre  correspondant  ajoute  :  «  Ces  fragments  sont 
»  assez  intéressants,  surtout  le  dernier.  Je  pense  que 
»  toutes  les  lettres  sur  le  Nivernais  ont  été  publiées 
»  dans  le  Mercure,  peut-être  aussi  les  poésies  fugitives. 
»  Il  serait  facile  de  s'en  assurer  en  feuilletant  la  coUec- 
»  tion  du  Mercure  à  cette  époque.  En  tous  cas,  le 
»  fragment  d'Alcméon  complète  un  peu  sur  ce  qu'on 
»  savait  déjà  de  cette  tragédie.  Je  suis  en  train  de 
»  vous  le  transcrire;  je  vous  l'enverrai,  et  ce  sera  une 
»  belle  communication  à  faire  à  la  Société  nivernaise.  » 

Je  viens  aujourd'hui  m'acquitter  de  l'agréable  mis- 
sion qui  m'est  confiée  par  notre  jeune  chercheur  et  je 
ne  puis  entrer  plus  avant  dans  cette  commimication 
sans  vous  faire  part,  en  quelques  pages,  de  particula- 
rités concernant  les  œuvres  de  Pierre  de  Frasnay. 

Il  y  a  trente  ans,  nous  avions  le  plaisir  d'entendre 
une  intéressante  communication  de  M.  Roubet.  Cette 
étude,  qui  s'accommodait  si  bien  au  talent  de  notre 
ami,  était  intitulée  :  Pierre  de  Frasnay,  auteur  dra- 
matique. 


—  292  — 

Aujourd'hui,  roccasion  m'est  gracieusement  offerte 
d'ajouter  quelques  documents  nouveaux  et  inédits  au 
travail  de  M.  Roubet.  Vous  me  permettrez  bien,  je 
l'espère,  de  m'abriter  derrière  le  nom  de  notre  ancien 
président,  et  de  saisir  ce  moment  pour  offrir  à  sa 
mémoire  un  hommage  auquel  je  vous  convie  de  vous 
associer. 

Les  auteurs  nivernais  ont  tous  mentionné  Pierre  de 
Frasnay  au  nombre  des  écrivains  qui  ont  honoré  notre 
province,  et  parmi  eux,  M.  de  Sainte-Marie,  dans 
ses  Recherches  historiques  sur  Nevers,  nous  a  fait 
connaître  ainsi  qu'il  suit  l'existence  et  les  travaux  de 
Pierre  de  Frasnay  : 

Extrait  des  recherches  historiques  sur  Necers, 

par  de  Sainte-Marie 

Pierre  Pierre  de  Frasnay^  seigneur  de  Frasnay  et 
de  Neuvy,  président  au  bureau  des  finances  de  la  géné- 
ralité du  Bourbonnais,  né  à  Nevers,  en  1676,  était  fils 
de  Pierre  Pierre,  seigneur  de  Frasnay,  et  d'Augustine 
Ferrand. 

Cet  auteur,  extrêmement  fécond,  mériterait  d'être 
plus  connu,  si  les  rangs  se  réglaient  dans  la  république 
des  lettres  par  le  nombre  des  ouvrages.  Les  Mercures 
de  1730  à  1740  sont  remplis  de  ses  poésies.  Eglogues, 
épitres,  élégies,  contes,  il  s'est  essayé  dans  tous  les 
genres.  Parmi  ses  contes,  on  doit  distinguer  celui  des 
Damnés  de  Neoers,  et  parmi  ses  poèmes,  celui  sur  la 
Fai/ence,  qui  a  mérité  les  honneurs  d'une  traduction 
latine  insérée  dans  le  Mercure. 

En  1737,  il  se  lassa  de  faire  des  contes,  voulut  se 
consacrer  à  l'histoire,  et  commença  par  publier,  dans  le 
Mercure  d'août  1737,  une  dissertation  sur  les  Boiens, 
anciens  habitants  du  Bourbonnais. 


—  2^  — 

Il  se  crut  obligé  de  s'occuper  du  passé  de  ces 
peuples,  parce  que,  dit-il,  il  avait  dans  le  Bourbon- 
nais, des  terres,  une  charge,  des  parents  et  des  amis. 

Il  mit  ensuite  ses  soins  à  Y  Histoire  des  Évêques  de 
Nevers,  sa  patrie,  et  en  publia  successivement  des 
fragments  dans  les  Mercures  de  septembre  et  dé- 
cembre 1738,  janvier,  février,  avril  et  juin  1739,  sous  le 
titre  d'Essais  historiques  sur  le  Nivernais.  Il  était 
alors  parvenu  jusqu'aux  premières  années  du  douzième 
siècle,  lorsque  Dom  Duval,  religieux  bénédictin, 
releva  quelques  erreurs  de  date,  dans  une  lettre  insérée 
dans  le  Mercure  de  septembre  1739. 

M.  de  Frasnay  se  défendit  dans  le  Mercure  de 
février  1740,  mais  ce  bénédictin  lui  fit  une  réplique 
assez  vive  dans  le  Mercure  d'avril  suivant. 

Enfin  l'abbé  Le  Bœuf  s'étant  mêlé  de  la  querelle 
dans  le  Mercure  de  mai  de  la  môme  année,  M.  de 
Frasnay,  qui  s'était  annoncé  dans  sa  réponse  à  Dom 
Duval,  comme  un  homme  pacifique  et  qui  prétendait 
entrer  en  lice  avec  personne,  se  réduisit  au  silence, 
renonça  pour  jamais  à  la  carrière  historique  et  se  jeta 
dans  la  morale. 

Il  publia  en  1750,  son  Recueil  de  fables  ésopiques , 
grecques  et  sybaritiques.  Cet  ouvrage,  sans  être  un 
chef-d'œuvre,  ne  mérite  cependant  pas  le  mépris  avec 
lequel  en  a  parlé  l'auteur  des  Trois  siècles  de  littéra- 
ture (1774),  P.-C.  Sabatier  de  Castres,  mais  M.  de 
Frasnay  a  eu  tort  d'offrir  la  traduction  des  Fables 
d' Ésope  k  un  public  en  possession  de  ces  mômes  fables 
imitées  par  La  Fontaine,  car  l'auteur  du  poème  sur  la 
Fayence  avait  trop  présumé  de  ses  forces,  en  s'ex- 
posantà  soutenir  une  pareille  concurrence. 

M.  de  Frasnay  mourut  à  Nevers  en  1753. 

Mais  il  était  réservé  à  M.  Roubet  de  nous  révéler 
Pierre  de  Frasnay  comme  auteur  dramatique.  Aussi, 


—  294  — 

me  permettrez-vous  de  puiser  largement  dans  le  tra- 
vail de  notre  ancien  président,  reproduit  dans  notre 
Bulletin  de  1869. 

Je  copie  textuellement  : 

a  Le  bagage  dramatique  et  manuscrit  de  Pierre  de 
»  Frasnay  n'est  point  très  volumineux.  Égaré  depuis 
»  la  fin  du  dernier  siècle  dans  l'ancien  château  baron- 
»  nal  deNeuvy,  noas  l'avons  retrouvé  enveloppé  (c'est 
»  M.  Roubet  qui  parle)  comme  ci-devant  l'auteur  du 
»  Misanthrope,  dans  un  grand  sac  de  toile,  en  com- 
»  pagnie  de  toute  une  fortune  numismastique  d'assi- 
»  gnats.  Voici  la  nomenclature  des  œuvres  que  la 
))  main  railleuse  du  hasard  avait  mise  au  même  sac  : 

»  V  Alcméon,  tragédie  en  cinq  actes.  Le  premier  et 
»  le  second  acte  sont  perdus . 

»  2*  Jeanne  de  Naples,  tragédie  en  cinq  actes. 
»  Nous  n'en  avons  retrouvé  que  quelques  vers,  mais  le 
»  livret  est  entier. 

«  3®  Le  Baron  d'Espinchal  ou  le  Diable  Imaginaire, 
»  comédie  en  un  acte. 

))  4:^  Les  Antiquaires,  comédie  en  trois  actes.  » 

M.  Roubet  donne  ensuite  une  analyse  rapide  de  ces 
diverses  pièces  dramatiques;  nous  ne  croyons  pas 
devoir  la  reproduire  ici,  dans  la  crainte  de  faire  double 
emploi,  mais  nous  prendrons  à  notre  spirituel  pré- 
curseur tout  ce  qu'il  nous  fait  connaître  de  la  tragédie 
d' Alcméon,  nous  réservant  de  vous  donner  un  faible 
aperçu  de  ce  fameux  deuxième  acte  qu'il  croyait  perdu. 

Si  vous  voulez  bien  jeter  les  regards  sur  le  manus- 
crit que  je  vous  présente,  vous  verrez  combien  sont 
justes  les  remarques  de  M.  Roubet,  quand  il  dit  : 

<r  Les  corrections  interlinéaires,  les  ratures,  les 
»  efforts,  comme  les  négligences  de  la  composition,  que 


-  295- 

»  le  manuscrit  nous  signale  aujourd'hui  par  une  espèce 
»  de  trahison  posthume,  tout  nous  fait  supposer  que 
»  cette  tragédie  fut  une  œuvre  de  jeunesse.  » 

Voici  les  noms  des  personnages  : 

Éryphile,  reine  de  Mycènes. 

Algméon. 

Amphilogue,  son  frère. 

Arsinoé,  fille  d'Archélaûs. 

TiRRHiAS,  confident. 

Érige,  confidente. 

CiRCOS,  confident  d'Alcméon. 

«  Un  oracle  avait  déclaré  qu'Éryphile  mourrait  de  la 
»  main  de  son  fils  Alcméon.  Aussi,  pour  conjurer  le 
»  destin,  la  malheureuse  reine  cherchait-elle  un  moyen 
»  honnête  de  le  faire  périr.  Elle  ai»sociait  dans  sa 
»  haine  la  princesse  Arsinoé,  qui  aimait  Alcméon  et 
»  le  couvrait  de  sa  protection. 

»  D'un  autre  côté,  l'ombre  d'Amphiarails  était  sortie 
»  de  son  tombeau,  et  avait  demandé  à  Alcméon  ven- 
»  geance  contre  sa  mère.  i> 

Scène  I.  —  Dans  le  deuxième  acte,  Arsinoé  cherche 
à  détourner  Alcméon  du  crime  qu'il  a  juré  d'accomplir, 
et  dans  un  long  morceau,  celui-ci  expose  que  l'ombre 
de  son  père  lui  est  apparue  : 

Un  vain  tombeau  paraît  auprès  du  sanctuaire, 
Sur  un  marbre  est  gravé  le  crime  de  ma  mère, 
Les  Grecs,  sur  ce  tombeau,  consultent  leur  destin, 
Jamais  aucun  mortel  ne  s'y  présente  en  vain. 
De  ce  lieu  consacré,  la  révérence  sainte, 
Imprime  sans  effort  le  respect  et  la  crainte. 
Hais  ce  marbre  fatal  fait  naitre  dans  mon  cœur 
Un  sentiment  mêlé  de  honte  et  de  douleur; 


~  296  — 

Monument  éternel  de  désobéissance  ! 
On  y  lit  votre  mort  sans  y  voir  ma  vengeance  ; 
Mon  père,  j'en  rougis,  par  mes  vœux  à  genoux. 
Je  tâche  d'adoucir  vos  mânes  en  courroux. 

Les  béliers  offerts  en  sacrifice, 

Quand  je  désobéis  vous  rendront-ils  propice? 

Sur  de  sacrés  tapis  que  j'étendis  exprès. 

D'un  sommeil  gracieux  invoquant  les  attraits. 

J'attends  qu'Âmphiaraûs  par  des  songes  m'éclaire, 

A  peine  je  fermais  une  triste  paupière. 

Dans  le  tombeau  j'entends  une  plaintive  voix, 

Je  suis  saisi  d'horreur  et  de  crainte  à  la  fois, 

Et  mon  œil  étonné,  dans  une  nuit  obscure. 

D'un  vieillard  en  courroux  aperçoit  la  figure, 

C'était  mon  père,  hélas!  Son  air,  sa  gravité, 

Ses  cheveux  blancs,  l'honneur  de  son  chef  respecté, 

Tout  me  représentait  ce  père  vénérable 

Ou  bien  plutôt  d'un  Dieu  la  figure  adorable. 

Que  ce  Dieu  paraissait  irrité  contre  moi  ! 

Les  éclairs  de  ses  yeux  me  remplissaient  d'effroi, 

Et  le  son  de  sa  voix  terrible  et  menaçante 

Saisit  mon  triste  cœur  d'une  juste  épouvante  • 

((  Sors  de  ce  lieu,  dit-il,  par  ta  mère  outragé, 

Malgré  toi,  par  ta  main,  je  dois  être  vengé.  » 

Mon  père  disparaît,  je  sens  trembler  la  terre, 

Son  sein,  pour  le  cacher,  s'ouvre  au  bruit  du  tonnerre. 

Cet  oracle  en  mon  cœur,  en  m'apprenant  mon  sort, 

Produit  un  désespoir  plus  triste  que  la  mort. 

Dieux!  que  ne  fais-je  point  pour  apaiser  mon  père! 

Mes  prières,  mes  dons  augmentent  sa  colère. 

Des  victimes  le  sang,  par  ma  main  présenté, 

De  mon  père  en  courroux  est  encore  rejeté, 

Je  pars  enfin  lassé  d'une  peine  inutile. 

Arsinoé  insiste  : 

Je  refuse  un  amant  qui  se  pare  du  crime 

Et  je  veux  que  l'amour  soit  guidé  par  l'estime. 


-  297  - 

AIcméon  répond  : 

Les  crimes  aux  mortels  par  les  dieux  ordonnés. 
Madame,  sont  toujours  punis  ou  pardonnes. 

Scène  IL  —  Éryphile  s'avance  et  offre  la  paix  à  son 
fils.  Elle  cherche  à  lui  inspirer  des  craintes  sur  la 
loyauté  d'Arsinoé,  et  AIcméon  de  s'écrier  : 

L'artifice  est  grossier,  je  n'en  crois  rien,  madame. 

Puis  une  longue  tirade  d'Éryphile  qui  essaie  de 
s'innocenter  et  de  justifier  sa  conduite.  Elle  lui  fait 
entrevoir  la  gloire  qu'il  y  aurait  pour  lui  à  se  joindre 
à  Adraste  : 

Adraste  contre  Thèbes  assemble  son  armée, 
De  marcher  sous  vos  lois  elle  sera  charmée. 

Elle  finit  en  lançant  la  flèche  de  Parthes  : 

Fuyez  Arsinoé,  sans  haine,  sans  vengeance. 
D'un  mépris  éternel  payez  son  inconstance. 
J'attends  votre  réponse  et  rentre  en  attendant. 

Scène  III.  —  Un  long  monologue  d' AIcméon. 
Scène  IV.  —  Son  confident,  Circos,  lui  donne  la 
réplique  et  lui  laisse  croire  que  son  frère  Amphilogue 

Auprès  de  la  princesse  a  marqué  son  amour. 

Scène  V.  —  Survient  Amphilogue,  mandé  par 
Arsinoé,  pour  exposer  à  AIcméon  l'excès  de  sa  douleur. 
Ce  dernier  ne  veut  rien  entendre;  il  s'élève  alors  une 
dispute  entre  les  deux  frères.  Amphilogue  conserve 
son  sang-froid  et  répond  : 

Arsinoé  vous  aime  et  méprise  mes  feux, 
Mes  services  offerts  en  sont  plus  généreux. 

Mais  AIcméon  persiste  dans  son  fatal  aveuglement. 

T.  vui,  3»  série.  20 


—  298  — 

Scène  VI.  —  Amphilogue,  resté  seul,  reconnaît 
qu'Alcmèon  a  été  trompé  par  Éryphile  : 

Elle  a  dû,  de  mon  frère,  empoisonner  Tespiit. 
Allons  et  détrompons  ce  frère  misérable. 
Soulageons,  s'il  se  peut,  la  douleur  qui  l'accable, 
Que  mon  zèle  pour  lui  paraisse  en  tout  son  jour, 
Que  pour  ma  mère  il  ait  moins  de  foi,  plus  d'amour. 

J'ai  fini  la  rapide  analyse  de  ce  deuxième  acte 
A'Alcméon.  J'aurais  désiré  posséder  la  compétence 
que  M.  Roubet  nous  avait  montrée  en  ce  qui  concerne 
les  autres  parties  de  cette  tragédie. 

C'est  à  vous  de  décider  si  ces  fragments  méritent  les 
honneurs  d'une  rejjroduction.  Pour  moi,  je  m'estimerai 
satisfait,  si  j'ai  contribué  à  donner  un  regain  de  survie 
à  la  mémoire  littéraire  âJun  bel  esprit  nivernais  du 
xvni®  siècle.     ' 

Si  vous  désirez  vous  faire  une  idée  du  personnage 
qui  nous  occupe,  je  puis  faire  passer  sous  vos  yeux, 
sinon  son  portrait  véritable,  au  moins  sa  pourtraic- 
<w/-e  telle  qu'il  la  fit  graver  en  1750  au  frontispice  de 
sa  Mythologie  on  recueil  de  fables  grecques,  ésopiques 
et  sybaritiques.  11  est  représenté  béatement  assis 
auprès  d'un  chêne,  entouré  d'un  groupe  danimaux, 
les  mains  croisées,  tenant  sa  canne  à  bec  de  corbin. 
Il  est  vêtu  comme  un  bon  bourgeois  aisé  du  xvui* 
siècle  :  dentelles  aux  manchettes,  souliers  à  boucles, 
la  perruque  poudrée  et  le  chapeau  à  trois  cornes  orné 
d'une  cocarde  de  rubans.  Il  écoute  nonchalamment 
la  harangue  d'Esope,  qui  semble  le  prier  de  traduire 
son  recueil  de  Fables. 

D'  SUBERT. 


299  - 


PIERRE  DE  FRASNAY 


JUGÉ  PAR  MM.  ALLOURY  ET  TROUFLAUT 


J'ai  recherché,  après  avoir  entendu  l'intéressante 
étude  de  M.  le  docteur  Subert  sur  Pierre  de  Frasnay, 
quelle  avait  bien  pu  être  l'opinion  qu'eurent  de  lui 
ses  compatriotes.  Les  recherches  que  j'ai  faites  m'ont 
amené  à  découvrir  dans  les  notes  de  l'abbé  Trouflaut 
une  appréciation  de  Pierre  de  Frasnay  en  tant 
qu'homme  et  en  tant  que  poète,  peu  avantageuse  pour 
le  personnage. 

Il  devait  être  fort  oublié,  car  Trouflaut,  très  docu- 
menté cependant  sur  les  choses  et  sur  les  hommes  du 
Nivernais,  a  recours  à  son  ami  l'abbé  Alloury  pour 
obtenir  des  renseignements  sur  le  poète. 

Je  transcris  ce  que  répond  le  chanoine  Alloury  à 
Trouflaut : 

«  Voici,  mon  bon  ami,  la  note  que  je  vous  promis, 
hier,  touchant  M.  Defrasnay. 

»  Extrait  des  3  siècles  de  littérature^  nouvelle 
édition,  Paris,  chez  de  Hansy,  1774,  4  vol.  in-12: 

((  Frasnay  (Pierre  de).  On  ne  sait  pas  où  est  né  cet 
auteur,  mais  c'est  une  bien  petite  gloire  pour  sa 
patrie. 

))  On  le  connaît  par  un  mince  recueil  de  fables  qu'il 
publia  en  1749  sous  le  nom  de  Mythologie  ou  Recueil 
de  fables  grecques,  ésopiques  et  sybaritiques,  mises 
en  vers  français,  etc. 

»  Ce  seul  titre  suffit  pour  donner  une  idée  de  la  jus- 
tesse de  son  esprit.  Confondre  les  Fables  d'Ésope  et 


-  300  — 

des  autres  fabulistes  avec  la  Mythologie,  c'est  la  preuve 
d'un  grand  discernement.  II  eût  mieux  fait  d'intituler 
son  recueil  :  Parodie  des  Fables  d'Ésope  ou  plutôt 
des  Fables  de  La  Fontaine  (ce  M.  de  Frasnay  a  mis 
en  vers  les  mêmes  fables  que  celui-ci),  que  d'annoncer 
son  travail  sous  un  litre  qui  le  rend  doublement  ridi- 
cule. On  l'a  pourtant  loué  dans  le  Mercure  : 

Qui  bavium  non  odily  amet  tua  carmina  mœvi, 

»  M.  Freron  l'a  très  vivement  censuré. 

»  Ce  M.  de  Frasnay  s'appelait  de  son  nom  de  famille 
Pierre.  J'ignore  son  nom  de  baptême.  Il  était  seigneur 
de  Frasnay  le  Ravier.  J'étais  son  parent  éloigné.  Il 
était  du  Nivernais,  d'une  famille  originaire  de  Moulins- 
Engilbert,  et  dans  cette  ville,  nous  connaissons  encore 
la  maison  de  Pierre,  près  l'église. 

»  C'était  un  vieil  avocat  avare,  déclamant  contre  l'ava- 
rice en  toute  occasion.  Il  faisait  ici  le  bel  esprit,  faisant 
des  vers,  des  chansons,  des  épigrammes  et  surtout  des 
fables  sur  tous  les  sujets.  Son  Recueil  est  à  la 
bibliothèque.  Desgautières  peut  vous  le  faire  voir. 
Mais,  croyez-moi,  ne  le  lisez  pas;  surtout  ne  relisez 
pas  la  fable  qu'il  a  mise  deux  fois  en  vers,  intitulée  : 
Y  Enfant  quia  mangé  des  tripailles,  ou  vous  trouverez 
ces  vers  qui  valent  bien  de  l'émétique  : 

Un  jeune  enfant  se  gorgea  de  tripailles, 
Puis,  vomissant,  crut  rendre  ses  entrailles. 
Etc. 

»  Je  vous  dis,  hier,  les  moins  mauvais  vers  qu'il  a 
faits.  C'est  sur  l'acceptation  de  la  bulle  Unigenitus  que 
fit  enfin  l'abbé  Rapine  de  Sainte-Marie,  grand  archi- 
diacre. 

))  On  l'accuse  enfin  d'avoir  fait  une  chanson  sur  le 


—  301  — 

legs  que  M.  Fontaine  avait  fait  de  sa  bibliothèque  à 
Saint-Martin,  où  il  y  avait  à  la  fin  : 

Le  Cuisinier  français  partant 

Était  le  seul  livre  important, 

Qui  leur  fût  nécessaire. 

))  Item  la  chanson  contre  M.  de  Couronne  : 

Toute  la  ville  est  surprise,  • 

En  voyant  dans  notre  église, 
Un  Musulman  en  rabat, 
Ramonez-cy,  ramonez-là,  etc. 

Couronne  à  la  cathédrale. 
Remplit  la  théologale, 
ï/alcoran  in  preschera, 
Ramonez-cv,  etc. 

i:  Ce  M.  Pierre  de  Frasnay  fut  père  de  deux  filles, 
M™®  la  comtesse  de  Bar  et  M™®  de  Maunory  de  Romenai. 

»  Dans  le  temps  de  M.  de  Frasnay,  nous  avions  dans 
le  Nivernais  deux  moins  mauvais  poètes,  M.  de  Chery- 
Poisson,  qui  a  fait  quelques  vers  et,  entre  autres,  une 
comédie  calquée  sur  le  FkUtcur  de  Rousseau.  Vous 
pourriez  les  voir  par  le  moyen  de  M.  de  Prunevaux. 

))  De  plus,  l'abbé  Cassier,  de  Château-Chinon,  que 
vous  avez  vu  curé  de  Saint-Sulpice-Ie-Châtel,  qui 
avait  mis  en  vers  plusieurs  psaumes.  On  m'a  pris  la 
copie  que  j'en  avais  et  que  je  regrette  beaucoup;  mais 
ni  M.  de  Chéri,  ni  M.  Cassier  n'ont  rien  fait  imprimer. 
Ils  n'ont  pas  eu  la  témérité  de  remettre  en  vers  les 
Fables  de  La  Fontaine,  les  Odes  sacrées  de  Rousseau^ 
le  Flatteur  du  même  auteur.  Les  vers  de  ces  deux  poètes 
valaient  pourtant  bien  mieux  que  ceux  de  M.  de  Frasnay. 
Je  vous  souhaite  le  bonjour.  » 

L'abbé  Trouflaut  fait  suivre  cette  lettre  d'une  note 
ainsi  conçue  : 

«  Ce  môme  auteur  de  fables  avait  fait  imprimer 


—  302  - 

depuis  1736  ou  1737  une  Histoire  du  Nioernais  dans 
le  Mercure  de  France  Ces  lambeaux  historiques  ont 
été  continués  par  lui-même  jusqu'en  1745,  où  il  fut 
relevé  si  vigoureusement  par  un  bénédictin  de  Saint- 
Maur,  qu'il  renonça  à  cette  entreprise  pour  se  livrer  à 
la  composition  de  ses  mauvaises  fables.  Cet  homme 
était  très  avare  et  très  chicaneur,  car  il  eut  des  procès 
jusques  contre  lui-même. 

»  Un  mauvais  avocat  de  Saint-Pierre,  nommé  Sau- 
tereau,  et  aussi  désolateur  de  sa  province  que  les  sau- 
terelles de  rÉgypte,  a  fait  imprimer  aussi,  vers  1770, 
une  collection  d'affreux  mauvais  vers,  dont  quelques 
lambeaux  des  moins  mauvais  ont  servi  de  remplissage 
au  Mercure  de  France  et  à  YAlmanach  des  Muses.  » 

Cette  façon  de  nous  représenter  Pierre  de  Frasnay, 
qui  n'aurait  eu  aucune  des  aimables  qualités  des  héros 
de  l'Astrée  dont  il  s'inspirait,  n'est  pas  contredite  par 
M.  de  Sainte-Marie,  peu  bienveillant  aussi  pour  ITiis- 
torien. 

A  propos  de  l'historien,  M.  le  docteur  Subert  nous 
a  permis  de  reproduire  la  lettre  suivante,  faite  sous 
l'inspiration  de  Pierre  de  Frasnay,  évidemment  cor- 
rigée et  annotée  par  lui.  Cette  lettre  donne  l'idée  d'un 
plaidoyer  plutôt  que  d'une  réfutation  historique  : 

<(  Réponse  a  la  lettre  de  M.  l'Abbé  Le  Bœuf, 
CHANOINE  d'Auxerre,  INSÉRÉE  DANS  LE  Mcrcure  de 
France  du  mois  de  Maye  1740,  au  sujet  de  l'essay 
SUR  L'Histoire  du  Nivernais  : 

))  Monsieur, 

»  N'était-ce  pas  assez  d'avoir  D.  Jacques  Duval  sur 
les  bras?  Ce  sçavant  religieux,  assisté  des  avis  do 
Messieurs  ses  confrères,  aidé  de  ses  propres  lumières, 


—  303  — 

entouré  de  livres  et  de  manuscrits,  était  seul  un  adver- 
saire trop  puissant  pour  un  homme  de  province  qui  est 
parfaitement  isolé,  et  qui  n'a  aucun  secours  même  de 
la  part  de  celuy  qu'il  deffend;  fallait-il,  Monsieur, 
vous  mettre  encore  de  la  partie?  Une  victoire  facile  no 
sçaurait  vous  faire  honneur,  et  l'on  croyra  que  j'ay  été 
plutôt  accablé  que  vaincu  dans  un  juste  combat.  Si 
nous  étions  dans  les  tems  de  la  chevalerie,  que  ne 
dirais-je  point  sur  votre  procédé?  Un  franc  chevalier 
doit-il  se  servir  d'un  pareil  avantage,  et  ne  doit-on  pas 
se  battre  à  armes  égales  ?  Pour  vous,  non  content  de 
vous  joindre  à  mon  adversaire,  déjà  supérieur  par  lui- 
même,  vous  appelez  encore  à  votre  secours  un  sçavant 
du  Bourbonnais,  que  vous  ne  nommez  point,  et  par  le 
moyen  duquel  vous  voulez  nous  priver  de  nostre  patrie 
et  placer  Nevers  au  milieu  du  Bourbonnais.  En  vérité, 
cette  opération  passe  les  forces  d'un  sçavant,  et  tient 
des  enchantements  et  de  la  magie;  mais  venons  au  fait 
dont  il  s'agit  :  J'ay  répondu  à  D.  Jacques  Duval,  et 
je  lui  ai  prouvé,  autant  qu'il  m'a  été  possible,  que  la 
souscription  d'évotions ,  au  premier  concile  d'Arles, 
telle  qu'elle  est  rappelée  dans  VEssaij  historkjue  de 
notre  ami,  est  véritable.  C'était  là,  principalement,  ce 
que  j'avais  à  démonstrer  contre  cet  ancien  adversaire  ; 
j'ay  pourvu  à  ma  deffense  à  cet  égard,  et  libre  de  ce 
Soin,  je  me  présente  au  combat  contre  vous  avec  plus 
de  courage  que  de  force. 

»  Vous  avez  avancé  que,  du  temps  de  Constantin, 
et  lors  du  premier  concile  d'Arles,  Nevers  n'était  pas 
une  ville  épiscopale,  mais  une  mauvaise  bourgade 
qui  n'avait  pas  seulement  le  nom  de  castruni, 

))  Prenons  la  chose  de  plus  loing,  puisque  vous  le 
voulez,  et  pénétrons  dans  l'antiquité  le  plus  qu'il 
nous  sera  possible.  Je  vous  abandonne  les  visions  de 
Cotignon,  qui  a  dit  que  l'ancien  nom  de  nostre  ville 


—  304  - 

était  Noxius  ou  Noxia  ;  badinez  sur  son  compte 
autant  qu'il  vous  plaira  ;  j'adjouteray  à  votre  badinage 
que  se  serais  bien  fâché  que  notre  ville ,  où  l'on  se 
pique  d'une  bonté  et  d'une  candeur  gauloise,  eût 
jamais  porté  un  nom  qui  signifierait  quelque  chose  de 
mauvais  ou  de  nuisible. 

»  Il  est  pourtant  véritable  que  nous  avons  en 
Nivernais  un  fort  qui  subsiste  et  qui  est  appelé  Monte- 
noison,  Mons  noxius,  et  tout  proche  ce  fort  on  voit 
un  village  appelle  Noison,  dont  le  nom  pouvait  estre 
rendu  en  latin  par  celui  de  Noxius  ou  Noxia  ;  mais 
tout  cela  n'a  rien  de  commun  avec  notre  ville. 

»  César,  dans  le  septième  livre  de  ses  Commentaires 
de  la  guerre  des  Gaules,  parle  d'une  ville  assise  dans 
le  territoire  d'Autun,  sur  les  bords  de  la  Loire,  et  qui 
est  dans  une  situation  avantageuse  ;  cette  ville,  qui 
doit  estre  à  peu  près  sur  le  chemin  de  Clermont  à 
AutuUj  est  appel lée  par  luy  Noviodanum  ;  il  est  aisé 
de  voir  par  toutes  ces  circonstances  que  cette  ville 
n'est  autre  chose  que  Nevers  ;  aussi  nul  traducteur, 
nul  commentateur  ou  géographe  ne  s'y  est  mépris, 
et  tous,  ou  du  moins  la  plus  grande  partie,  disent  que 
Noviodunum  et  Nevers  sont  la  même  chose. 

w  Je  conjecture  que  cette  ville,  qui  était  sur  les  fron- 
tières de  l'État  des  Autunois,  a  été  bâtie  pour  servir 
de  boulevard  à  cet  État  contre  la  puissance  des 
Auvergnats,  car  ces  deux  États,  suivant  que  César  le 
témoigne,  ont  eu  de  longues  guerres  ensemble  pour 
régler  leurs  limites. 

»  Le  mot  de  Dunum,  qui  est  tiré  du  langage  cetique 
et  qui  signifie  une  élévation  des  terres  ou  un  fort- 
terrasse,  prouve  assez  que  cette  place  a  été  bâtie  pour 
servir  de  forteresse  aux  Autunois  (1). 

(1)  «  S*il  m'était  permis  de  pousser  ma  coivjecture,  je  dirais  que  Nevers 
a  été  bâtie  à  roccasion  de  la  guerre  des  Romains  et  des  Autunois  joints 


—  305  — 

»  Nevers  a  encore  eu  d'autres  noms  ;  dans  V Itinéraire 
d'Antonin,  il  est  appelé  M6er/ia/n.  Les  anciens  char- 
tulaires  de  l'Église  de  Nevers  le  nomment  partout 
Nivedunis  ou  Nicedunum.  Aimonius  Monachus,  dans 
les  lieux  que  vous  citez,  après  M.  Marcion,  pense  que 
Nevers  s'apellait  anciennement  Nioedunum.  Ce  sen- 
timent parait  très  vraisemblable  par  deux  raisons. 
La  première,  que  le  mot  Nivedunum  est  presque  la 
même  chose  que  NoviodunurUy  qui  est  le  nom  que 
César  donne  à  cette  ville  ;  la  seconde,  que  Nivedunum 
est  un  nom  tiré  de  la  rivière  de  Nièvre,  appelée  en 
latin  Nwevis,  et  le  nom  paraît  propre  à  la  ville  de 
Nevers  et  désigne  parfaitement  sa  situation  sur  le 
confluent  de  la  Nièvre  et  de  la  Loire. 

»  On  donne  encore  d'autres  noms  à  notre  ville. 
Fauchet,  dans  ses  Antiquités  gauloises,  l'appelle 
Neomagus  ;  d  autres  l'appellent  Neinetum,  ou  A  ugusto- 
nenieium,  ou  Vadicassium,  Il  n'est  pas  surprenant  de 
voir  une  ville  porter  différents  noms.  Paris  est  connu 
sous  les  noms  de  Parisii  et  de  Lutetia  ;  Orléans  sous 
celui  de  Germabuni  et  d'Aurelianis  Civitan;  Autun, 
sous  les  noms  de  Bibracte,  Œduœ,  Julta,  Potia, 
Florentia,  Augustodunum.  Les  noms  des  villes 
changent  avec  les  tems  ;  d'ailleurs,  les  Romains  et  les 
Grecs,  étrangers  à  notre  égard,  n'étaient  pas  bien 
exacts  à  nous  représenter  les  viais  noms  des  villes 
gauloises  qui  ont  été  souvent  changés  ou  corrompus 
en  les  accommodant  à  leur  langage.  Quoy  qu'il  en 
soit,  on  peut  dire  avec  assurance  que  Noviodunum, 

ensemble  contre  les  Âllobroges  et  les  Auvergnats,  commandés  par  Biiuit, 
leur  roy,  el  par  ce  moyen  je  fixerais  l'époque  de  la  fondation  de  Nevers 
à  Tan  ^QSi,  ou  environ  à  119  ans  avant  la  naissance  de  Jésus-Christ. 
La  science  de  Uantiquité  roule  la  plupart  du  temps  sur  la  conjecture, 
et  ceux  qui  se  piquent  de  cette  science  avancent  tous  les  jours  bien  des 
choses  qui  n*ont  pas  de  meilleurs  fondements  et  qui  ne  laissent  pas  d'avoir 
du  succez.  » 


—  306  — 

Nivedunum  ou  Nibernum  sont  trois  mots  sinooimes 
qui  signifient  Nevers. 

»  Ainsi,  lorsque  dans  la  souscription  d'e votions  au 
premier  concile  d'Arles  on  trouve  les  mots  :  Ex  eadeni 
prooincia  civitate  Niceduno  eootius  cpiscopus,  il  ne 
faut  pas  douter  un  seul  moment  que  Nioedumim 
signifie  Nevers  et  que  ce  nom  ne  peut  estre  appliqué 
à  aucune  autre  ville. 

»  Quelques  auteurs,  mais  en  petit  nombre,  ont  pré- 
tendu que   Nioedanutn   était   Nion,    petite  ville  de 

Tévêché  de  Bellai,  dans  la  province  sequanoise,  mais 
cette  ville  s'appelait  autrefois  Colonia  equcstrium  et 
d'ailleurs  ou  ne  saurait  prouver  que  cette  ville  ait 
jamais  eu  aucun  évêque  ;  aussi  cette  opinion  n'a  point 
fait  fortune  et  le  petit  nombre  de  ceux  qui  l'ont  suivie 
en  démontre  la  faiblesse. 

»  Faisons  connaître,  à  présent,  que  Nivedunum,  que 
nous  appellerons  Nevers,  n'était  point  une  bourgade 
dans  le  temps  du  premier  concile  d'Arles,  mais  une 
ville  considérable  et  à  peu  près  telle  qu'elle  est 
aujourd'hui. 

»  Les  Autunois  avaient  bâti  cette  ville  pour  servir  de 
boulevard  à  leur  République  contre  les  entreprises  des 
Auvergnats,  comme  je  l'ai  observé.  César,  dans  la 
guerre  des  Gaules,  en  avait  fait  sa  place  d'armes,  il  y 
avait  renfermé  ses  otages,  sa  caisse  militaire,  les  pro- 
visions de  son  armée,  ses  chevaux  destinés  à  remonter 
la  cavalerie  ;  il  ajoute  môme  que  plusieurs  marchands 
romains  faisaient  commerce  dans  cette  ville  dont  il 
vante  la  situation  avantageuse  sur  les  bords  de  la 
Loire  ;  tous  ces  traits  ne  nous  présentent  pas  l'idée 
d'une  bourgade,  mais  d'une  ville  considérable.  Nous 
voyons  encore  aujourd'huy  l'ancienne  enceinte  de 
cette  ville  terrassée  et  flanquée  de  tours  et  qui  renfernie 
un  terrain  spacieux  et  même  l'on  peut  dire  que  Ten- 


—  307  — 

ceinte  nouvelle  n'a  rien  ajouté  à  la  grandeur  de  la 
place  mais  a  joint  seulement  les  faubourgs  à  la  ville. 
U Itinéraire  d'Antonin,  par  vous  cité,  ne  détruit  point 
cette  idée;  il  parle  seulement  d'une  ville  appelée 
Nibernum  assize  entre  Cosne  et  Dezize,  sans  en  dési- 
gner la  grandeur  ny  la  petitesse. 

»  Le  nom  d'Oppidumque  César  donne  à  cette  ville  est 
im  nom  général  qui  convient  à  toutes  sortes  de  villes, 
grandes  et  petites  et  qui  ne  peut  jamais  convenir  à  une 
bourgade.  A  l'égard  du  mot  de  Dunum  que  porte 
Nevers  et  qui  signifie  forteresse  terrassée,  le  nom 
symbolise  à  peu  près  à  celui  de  Castrum,  Enfin, 
Aimonius  Monachus,  dans  le  lieu  que  vous  allégués, 
range  Nevers  parmi  les  anciennes  villes  épiscopales 
sous  le  nom  de  A^ivernis  ou  Nioedunum, 

»  Où  avez-vous  donc  pris,  Monsieur,  que  Nevers  , 
dans  les  anciens  tems  n'était  qu'une  simple  bourgade  et 
pourquoy  tâchez-vous  d'anéantir  notre  ville  ou  de  la 
dégrader  ?  Croiyez-vous  que  la  connaissance  que  vous 
avez  de  l'antiquité  vous  donne  droit  de  disposer  de  sa 
gloire  et  de  l'illustration  des  peuples,  des  villes  et  des 
familles  ;  je  compare  les  conjectures  d'un  antiquaire 
aux  imaginations  et  aux  fictions  d'un  poëte  ;  elles  peu- 
vent amuser  par  ce  qu'elles  ont  d'ingénieux  mais  on 
peut  dire  qu'elles  ne  sont  pas  des  décisions. 

))  Il  est  vray  que  parmi  les  notices  des  Gaules  faites 
du  resgne  d'Honorius  on  en  trouve  quelques-unes  qui 
ne  comptent  point  Nevers  parmy  les  villes  épiscopales, 
mais  on  rencontre  aussi  d'autres  notices  du  même 
tems  qui  la  mettent  au  rang  des  cités.  Ne  voit-on  pas 
que  ce  défaut  n'est  point  un  retranchement  mais  une 
obmission,  car  quoique  vous  vantiez  extraordinaire- 
ment  les  notices  qui  ont  oublié  notre  ville,  quoy  que 
vous  les  appelliés  les  notices  originales  et  primitives, 
elles  ne  sont  pas  pour  cela  sans  défaut  et  l'on  peut  y 


—  308  — 

trouver  au  moins  des  péchés  d'obmissîon.  En  effet, 
sans  parler  de  la  preuve  qui  résulte  de  la  signature 
d'un  évesque  de  Nevers  au  premier  concile  d'Arles  sous 
Constantin,  il  est  certain  que  les  députés  de  l'Eglise 
de  Nevers,  dans  les  assemblées,  ont  la  préséance 
sur  les  députés  de  l'Eglise  de  Troyes,  dont  la  notice 
fait  mention  ;  ce  qui  marque  que  l'Eglise  de  Nevers  est 
plus  ancienne  et  plus  considérable  que  l'Eglise  de 
Troyes  et  que,  par  conséquent,  l'obmission  faite  de 
notre  Eglise,  dans  la  notice  que  vous  alléguez,  est  une 
faute  qui  doit  être  corrigée. 

»  Je  crois  entrevoir  la  raison  qui  a  donné  lieu  à  cet 
oubli.  Du  règne  d'Honorius  qui  est  le  tems  où  la  notice 
a  été  composée,  l'Eglise  de  Nevers  était  vacante  depuis 
un  très  long  tems.  Cette  vacance  adonné  lieuà  l'obmis- 
sion, mais  malgré  cette  obmission  notre  Eglise  a 
conservé  son  rang  et  son  antiquité  comme  on  vient  de 
le  faire  voir. 

»  Ne  vous  servez  donc  plus.  Monsieur,  de  ce  prétexte 
pour  déprimer  notre  ville  et  notre  Eglise  ;  vous  voulez, 
dites-vous,  corriger  les  autheurs  du  Nivernais  de 
l'habitude  où  ils  sont  de  s'attribuer  des  droits  qui  ne 
leur  sont  point  deus  ;  ne  feriez-vous  pas  mieux  de 
corriger  chez  vous  cette  manière  impérieuse  qui  ne 
convient  point  à  un  écrivain  modeste?  Pour  nous, 
exempts  d'envie  et  d'ambition,  nous  nous  contentons 
de  conserver  nos  droits,  mais  quand  on  nous  attaque 
nous  savons  nous  défendre,  et  quand  vous  amèneriez 
sur  la  scène  tous  les  docteurs  du  pays  des  Boïens,  nous 
nous  maintiendrons  dans  ce  qui  nous  appartient  légiti- 
mement. Vous  avancez  que  Coquille  et  Cotignon 
poussés  par  un  zèle  indiscret  pour  l'honneur  de  leur 
patrie,  appliquent  à  nos  ôvesques  ce  qui  est  propre  à 
d  autres  évesques  du  mesme  nom,  et  que  le  sieur  de 
Frasnay,  notre  concitoyen,    plus  équitable  et   plus 


—  309  - 

modéré  qu'eux,  les  a  repris  de  ce  défaut  ;  mais  je 
n'approuve  point  le  sieur  de  Frasnay  dans  ce  reproche 
qu'il  fait  à  Cotignon  et  à  Coquille  et  je  vous  prouverai 
à  tous  les  deux,  quand  il  vous  plaira,  que  Coquille  n'a 
donné  à  nos  évêques  que  ce  qui  leur  appartenait  et  que 
les  dalmatiques  envoyées  par  Saint-Grégoire,  pape, 
sont  pour  Aregius,  qui  est  notre  saint  Are,  évesque 
de  Nevers  et  non  pour  Aredius,  évesque  de  Gap. 

»  Au  surplus,  Monsieur,  vous  vendez  cher  à  notre 
ami  le  faible  éloge  que  vous  luy  donnés,  puisque  vous 
faites  succéder  à  vos  louanges  cinq  ou  six  traits  de 
critique  capables  d  éteindre  son  orgueil ,  je  connais 
votre  mérite  pour  cette  espèce  de  littérature  que  l'on 
appelle  la  connaissance  de  l'antiquité,  surtout  pour  ce 
qui  regarde  nos  cantons  ;  je  scay  que  dans  ce  genre 
peu  vous  égalent  et  que  personne  ne  vous  surpasse, 
mais  je  ne  laisseray  pis  de  défendre  nostre  ami  contre 
votre  critique  et  même  j'espère  faire  voir  que  votre 
jugement  n'est  pas  infaillible. 

»  Je  commence  par  les  reliques  de  Salnt-Ithier, 
évesque  de  Nevers  ;  notre  amy  n'a  point  dit  que  ces 
reliques  étaient  actuellement  à  Nogent  ;  il  a  seulement 
avancé  que  le  corps  de  ce  saint  prélat,  ayant  été  déposé 
après  sa  mort  dans  l'église  de  Nevers,  avait  ensuite  été 
transporté  dans  l'église  de  Nogent,  sa  patrie,  et  que 
les  habitans  des  Hays  d'Angillon,  proche  Bourges, 
étaient  aujourd'huy  possesseurs  de  ces  saintes  reliques, 
ce  qui  est  exactement  véritable  et  hors  d'atteinte  de 
toute  critique. 

»  C'est  sur  la  foy  de  M.  Henry  dans  son  Histoire 
ecclésiastique  que  nostre  amy  a  avancé  que  les  églises 
de  Lion  et  d'Auxerre  dépouillées  par  Charles  Martel  et 
réduites  à  une  extrême  pauvreté  avaient  été  longtemps 
sans  pasteurs  ;  ainsi  le  démenti  que  vous  donnez  à 
nostre  amy  tombe  sur  M.  Henry  son  garand. 


-  310  — 

))  A  l'égard  de  la  reine  Pédauqtie  représentée  à  la 
porte  de  l'église  Saint-Pierre  de  Ne  vers  que  notre 
amy  a  dit  être  Berthe  au  grand  pied,  fille  du  comte  de 
Laon  et  femme  de  Pépin  le  Bref,  je  ne  pense  pas  qu'il 
se  soit  trompé  dans  son  opinion  et  voicy  à  peu  près 
les  raisons  que  je  luy  ay  oui  dire  sur  ce  sujet  : 

»  Coquille  rapporte  que  cette  église  de  Saint-Pierre, 
paroisse  du  mesme  Coquille,  était  dans  son  origine 
un  temple  de  Jupiter  ;  mais  sans  remonter  si  haut,  il 
est  certain  que  cette  église  n'était  point  autrefois  une 
paroisse  mais  une  chapelle  destinée  à  l'usage  des 
princes  du  païs  ;  ce  que  nous  appelions  une  Sainte- 
Chapelle,  oratorium,  ceu  capella  palatii.  C'est  le  nom 
que  les  ancLens  titres  donnent  à  cette  chapelle  et 
mesme  Guillaume,  comte  de  Nevers,  dans  la  charte 
qui  contient  la  fondation  de  Saint-Etienne  fait  don  à 
l'abbé  de  Cluni  de  l'église  de  Saint-Pierre  assise  dans 
les  faubourgs  de  Nevers,  ce  qui  prouve  que  cette  église 
ou  chapelle  appartenait  aux  comtes  de  Nevers  comme 
possesseurs  du  domaine  de  nos  roys. 

»  Il  est  constant  que  Pépin  le  Bref  a  passé  plusieurs 
fois  en  la  ville  de  Nevers  pendant  le  cours  de  la  guerre 
d'Aquitaine  et  même  l'on  dit  qu'il  y  a  tenu  un  Parle- 
ment ;  pendant  ce  séjour,  la  reine  Berthe  et  le  roy 
Pépin,  son  mary,  entendaient  la  messe  dans  la  cha- 
pelle de  Saint-Pierre  et  il  y  a  apparence  que  les  statues 
qui  se  voyent  dans  le  portail  de  cette  chapelle  sont 
des  monuments  élevés  de  son  temps  et  en  son  honneur. 
Le  défaut  de  Berthe,  surnommée  au  grand  pied,  ou 
plutôt  sa  fidélité  et  son  attachement  à  la  maison  de 
son  mary  peuvent  avoir  donné  lieu  à  la  figure  allégo- 
rique d'un  pied  d'oye  avec  lequel  elle  était  représentée; 
le  pied  d'oye  n'est  pas  le  caractère  particulier  de  la 
reine  Clotilde,  comme  vous  le  prétendez  avec  don 
Plancher,  c'est  un  simbole  qui  convient  à  toutes  les 


-  311  - 

femmes  qui  ont  un  véritable  amour  pour  leur  mary  et 
qui  s'attachent  à  leur  maison  ;  au  surplus,  il  n'est  pas 
vraisemblable  que  nos  ancestres,  sujets  des  rois  de 
Bourgogne,  eussent  élevé  des  monuments  à  la  gloire 
de  Clovis  et  de  Clotilde,  rois  de  France  et  ennemis  de 
leurs  maîtres. 

»  A  l'égard  du  jeusne  des  chanoines  de  Nevers,  qui 
se  fesait  autrefois  le  jour  de  la  Vigile  de  Saint-Cyr, 
c'est  user  d'une  trop  grande  rigueur  envers  nostre  amy 
de  luy  imputer  une  faute  d'impression. 

»  En  ce  qui  est  des  chanoines  de  Saint-Martin  de 
Nevers,  nostre  amy  n'a  fait  que  copier  Coquille, 
page  112°  de  son  Histoire,  où  il  dit  qu'Herman,  évesque, 
établist  seize  chanoines  réguliers  de  l'abbaye  de  Saint- 
Martin  de  Nevers,  ordre  de  saint  Augustin.  Il  est 
inutile  d'examiner  icy  en  quel  siècle  les  chanoines 
réguliers  de  Saint-Augustin  ont  commencé;  il  sufit. 
pour  la  justification  de  Coquille  et  de  nostre  amy,  que 
du  temps  d'Herman,  évesque  de  Nevers.  il  y  avait  des 
chanoines  établis  par  saint  Chrodegaud,  évesque  de 
Mets  ou  par  Amalarius  qui,  dans  cette  institution, 
s'étaient  conformés  principalement  à  la  règle  que  l'on 
attribue  à  saint  Augustin. 

»  Pour  ce  qui  est  de  Lindo,  évesque  de  Nevers,  dont 
vous  dites  que  le  nom  a  échappé  à  nostre  amy,  c'est 
une  découverte  qu'il  devra  à  vos  soins  et  dont  il  sera 
très  recognaissant,  quand  vous  aurez  établi  l'existence 
de  cet  évesque  que  vous  placez  en  869. 

»  Nostre  amy  ne  sera  pas  non  plu:s  ingrat  des  conseils 
que  vous  luy  donnés,  car  tout  ce  qui  vient  d'une  per- 
sonne comme  vous  est  censé  prescieux,  et  quoique 
nostre  amy  n'aist  pas  besoin  des  consieils  d'autruy,  il 
doit  toujours  scavoir  gré  des  intentions  de  ceux  qui  les 
donnent,  et  mesme  il  est  en  état  de  prouver  sa  reco- 


—  312  — 

gnoissance  par  de  pareils  avis  dont  vous  luy  serez 
obligé  à  votre  tour. 

»  Je  n'ai  plus  que  deux  observations  à  vous  faire  :  la 
première,  que  vous,  Monsieur,  et  D.  Jacques  Duval, 
ne  respectez  pas  assez  les  grands  hommes  de  nostre 
province.  D.  Jacques  Duval,  dans  sa  lettre,  a  marqué 
son  mépris  pour  Guy -Coquille,  autheur  des  plus  estimés 
par  son  jugement  et  par  son  scavoir,  et  qui  était 
l'homme  du  monde  qui  possédait  le  mieux  l'histoire  de 
nostre  province,  dont  il  avait  lu  tous  les  titres  et  toutes 
les  chartes;  il  me  semble  qu'on  doit  honorer  la  mémoire 
des  grands  hommes  plutost  que  de  s'amuser  à  remar- 
quer leurs  fautes  par  une  espèce  d'ostentation,  et  que 
c'est,  en  quelque  façon,  participer  à  leurs  vertus  que 
de  faire  cas  de  leur  mérite  et  de  leurs  talens. 

»  A  vostre  égard.  Monsieur,  vous  ne  rendez  pas  jus- 
tice à  M.  Simon  Marion,  advocat  général  en  parlement, 
ayeul  maternel  du  grand  Arnaut  et  notre  concitoyen  ; 
ce  magistrat  joignait  les  lumières  à  la  probité  et  le 
scavoir  aux  talens.  Non  content  de  l'éloquence  de  son 
siècle,  il  a  fourni  aux  advocats  de  son  temps  le  modèle 
d'une  éloquence  toute  nouvelle  et  beaucoup  plus  par- 
faite que  l'ancienne,  et  peu  borné  à  sa  profession,  il  a 
excellé  dans  tous  les  genres  de  littérature;  ainsi,  vous 
faites  tort  à  sa  mémoire  lorsque  vous  le  regardez  comme 
un  simple  advocat  dont  le  mérite  se  réduisait  à  bien 
plaider  une  cause  ou  à  donner  une  bonne  consultation. 
Il  était  aussi  bon  historien  que  scavant  jurisconsulte, 
et  rien  n'échapait  à  ses  cognaissances  ;  mais,  après 
tout.  Coquille  et  M.  Marion  jouissent  d'une  réputation 
établie  et  qui  les  mets  à  l'abri  de  la  critique. 

»  Ma  seconde  observation  est,  que  vous  concluez  vos 
raisonnements,  en  disant  qu'il  faudra  revenir  à  l'opinion 
de  ceux  qui  soutiennent  que  l'évesché  de  Nevers  n'a 
commencé  que  lorsqu'on  a  détaché  de  la  cité  d'Autun 


—  313  — 

un  certain  territoire  que  Ton  a  donné  à  nostre  ville,  ce 
qui  est  arrivé  vers  le  temps  des  conquêtes  de  Clovis. 

»  Vous  retranchez  par  ce  moyen,  à  nostre  ville, 
deux  cents  ans  d'épiscopat  ;  mais,  pour  parvenir  à  votre 
dessein,  il  faut  rayer  la  signature  d'Évotius,  évesque 
de  Nevers,  au  premier  concile  d'Arles  et  cela  contre  la 
foy  des  anciens  manuscrits  ;  il  faut  rayer  les  actes  de 
saint  Séverin  qui  établissent  l'existence  d'Eulalius, 
aussi  évesque  de  Nevers  ;  il  faut  rayer  la  possession  où 
senties  députés  de  l'Église  de  Nevers,  à  cause  de  Tan- 
cienneté  de  cette  Église  de  précéder  les  députés  de 
l'Église  de  Troyes  dans  les  assemblées  de  la  métropole. 
D'ailleurs,  qu'est-ce  que  les  conquestes  de  Clovis  ont 
de  commun  avec  l'évesché  et  la  ville  de  Nevers  qui 
appartenait  pour  lors  aux  rois  de  Bourgogne  ?  Vous 
devriez  du  moins,  M.,  nous  dire  une  raison  plau- 
sible qui  aurait  obligé  à  tirer  Nevers  de  l'évesché 
d'Autun  pour  en  faire  un  nouvel  évesché  et  pour  en 
porter  la  suf ragance  à  l'Eglise  de  Sens  ;  il  ne  suffit  pas 
d'avancer  ainsi  nuement  un  fait  de  cette  conséquence; 
il  faut  des  preuves,  ou  tout  au  moins  de  la  vraisem- 
blance qui,  dans  les  choses  anciennes,  tient  quelquefois 
la  place  de  la  vérité  ;  ces  deux  choses  manquent  à  votre 
système  ;  ainsi,  vous  trouverez  bon  que  je  ne  m'y  rende 
pas  et  que  je  me  tienne  à  celuy  de  nostre  amy  qui 
paraist  mieux  appuyé  que  le  vostre  en  conservant 
néanmoins  pour  vous  toute  l'estime  et  tout  le  respect 
que  vous  méritez. 

»  J'ai  l'honneur  d'être,  Monsieur,  votre  très  humble 
et  très  obéissant  serviteur,  P.  D.  N.  D.  P. 

»  Je  voudrais  bien  que  vous  eussiez  donné  une  meil- 
leure explication  à  l'inscription  rapportée  dans  ma 
première  lettre;  votre  dieu  Endegamus,  que  je  ne 
connais  pas,  est  un  dieu  de  machine  qui  fait  ici  un 

T.  vm,  3*  série.  21 


—  :H4  — 

mauvais  dénouement  et  qui  ne  conduit  à  rien.  Ce  dieu 
n'a  pas  plus  de  vertu  que  les  dieux  d'Épicure,  et  je  crois 
que  Tautheur  de  l'inscription  n'a  jamais  pensé  à  luy  ; 
Un  grand  Œdipe  comme  vous  trouvera,  quand  il  le  vou- 
dra, une  meilleure  solution,  et  pour  vous  en  procurer 
le  moyen,  je  vous  envoie  une  copie  fidèle  du  monu- 
ment ;  en  tous  cas ,  Monsieur,  l'art  de  la  conjecture 
que  vous  possédez,  peut  suppléer  à  la  vérité.  Ce  monu- 
ment est  d'une  pierre  bonne,  taillée  en  cadre,  avec  une 
triple  moulure.  La  pierre  a  un  pied  de  largeur  et 
davantage,  et  un  peu  plus  de  deux  pieds  de  hauteur; 
cette  pierre  se  trouve  dans  l'endroit  où  était  l'ancienne 
porte  de  la  ville,  au-dessous  de  la  maison  des  prestres 
de  l'Oratoire.  On  lit  sur  cette  pierre  l'inscription  sui- 
vante. 

»  Je  rapporte  exactement  la  figure  des  lettres  et  la 
position  des  lignes,  et  je  remarque  qu'il  n'y  a  aucune 
ponctuation. 


P.  MEUNIER. 


-  315 


Gilbert  TRODFLADT 


BOTANI STE 


A  l'une  de  vos  dernières  séances ,  M.  le  docteur 
Subert,  à  propos  de  Pierre  Pierre  de  Frasnay,  vous  a 
parlé  de  l'abbé  Trouflaut.  J'ai  cru  qu'il  serait  inté- 
ressant de  rechercher  ce  que  fut  ce  prêtre  qui  put, 
au  milieu  des  clubs,  des  conspirations,  des  délations 
continuelles  et  des  meurtres^  passer  sans  se  salir  irré- 
parablement gr&ce  à  son  œuvre  de  paisible  érudit. 

Trouflaut  nous  apparaît  comme  une  physionomie 
originale,  sinon  comme  un  savant,  du  moins  comme 
un  personnage  ressemblant  beaucoup  à  un  savant.  En 
se  réfugiant  dans  une  érudition  cordiale  et  spéciale- 
ment dans  l'étude  de  la  botanique,  dont  s'était  si  fort 
éprise  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  il  ne  fit  pas  acte 
d'homme  d'imagination.  On  le  voit  par  les  recueils 
qu'il  a  intitulés  :  Fragments  philosophiques  extraits 
de  divers  auteurs  connus  avantageusement  dans  la 
République  des  lettres,  ou  encore  ses  Fragments  phi- 
losophiques et  littéraires  aussi  agréables  qu'instruc- 
tifs à  lire,  manuscrits  conservés  à  la  bibliothèque  de 
Nevers.  Il  eut  toujours  une  double  préoccupation  : 
recueillir  dans  les  livres  des  documents  et  des  pré- 
ceptes, et  indiquer  quelle  application  utile  on  peut 


en  faire  dans  la  vie.  Quand  tout  le  monde  délirait^  il 
s'appliqua  à  instruire  des  médecins,  des  pharmaciens, 
des  jardiniers.  Il  fut  le  parrain ,  si  je  puis  employer 
cette  expression  proscrite  au  moment  où  il  enseignait, 
d'une  société  d'agriculture. 

Aussi,  est-ce  comme  étant  le  nom  d'un  professeur 
de  botanique,  plutôt  que  d'un  botaniste,  que  le  nom 
de  Trouflaut  a  paru  avoir  une  notoriété  suffisante  pour 
mériter  la  notice  biographique  qu'en  1840  M.  Boreau 
lui  a  consacrée  dans  l'introduction  à  la  Flore  du  Centre 
de  la  France.  En  eJŒet,  il  étudia  les  plantes  plus  dans 
les  livres  que  dans  les  champs  et  cultiva  les  sciences 
naturelles  pour  ses  côtés  solides  plus  que  pour  leur 
attrait  aimable  et  pastoral. 

Gilbert  Trouflaut  est  né  le  12  février  1736  à  Nevers, 
où  son  père,  originaire  de  Langres,  était  organiste  de 
Saint-Cyr.  Il  fit  ses  études  à  Bourges ,  ville  pourvue 
d'un  collège  d'Oratoriens,  où  professèrent  le  savant 
physicien  Sigaud  de  Lafond,  Lakanal,  plus  tard  membre 
de  la  Convention ,  le  bon  père  Amor ,  professeur 
d'Hyde  de  Neuville,  etc.  Ce  collège  était  fréquenté 
par  de  nombreux  Nivernais.  On  y  avait  rompu  par 
l'étude  des  sciences  avec  les  anciens  errements  d'ins- 
truction publique.  Trouflaut  y  eut  pour  professeur 
d'histoire  naturelle  l'abbé  Goumet  et  rapporta  à 
Nevers  les  méthodes  du  collège  Sainte-Marie,  que  lui 
avait  inculquées  ce  savant  botaniste. 

De  retour  à  Nevers,  Trouflaut  fut  fait  prêtre  et 
nommé  chanoine  de  Saint  -  Gildard.  Il  était  alors, 
d'après  la  désignation  qu'on  trouve  dans  les  actes  de 
la  paroisse  de  Saint-Étienne,  Messire  Gilbert  Trouf- 
Jlaut ,  prêtre ,  chanoine  semi-prébendé  de  l'Eglise  de 
Nevers.  [Baptême  de  Louise-Gilberte  Troufflaut,  fille 
de  Pierre-Louis  Troufflaut,  procureur  au  bailliage  et 
pairie  de  Nevers,  et  de  Marie  Gillot  (25  mai  1770), 


-^  317  — 

laquelle  devait  épouser,  le  13  frimaire  an  II,  Philippe* 
Ignace  Leblanc  (Laborde),  homme  de  loi.] 

Il  est  assez  difficile  d'établir  quelle  était  au  juste  la 
situation  d'un  chanoine  prébende  de  Saint-Gildard. 
Ces  chanoines  avaient  pour  qualification  officielle  celle 
de  socii.  Ils  ne  faisaient  pas  partie  du  chapitre  de 
Saint-Cyr,  pas  plus  qu'ils  ne  formaient  un  chapitre. 
Ils  prenaient  rang  après  les  chanoines  de  Saint-Cyr  et 
remplissaient  diverses  fonctions  dans  la  cathédiale. 
Ces  chanoines  étaient  au  nombre  de  deux  et  pris 
parmi  les  prêtres  de  toute  qualité  et  de  tous  pays.  Le 
dernier  prieur  de  Saint-Gildard  fut  Jean-Baptiste 
Chardon,  curé  de  Tracy.  Celui-ci,  en  sadite  qualité  de 
prieur,  jouissait  d'une  maison  rue  de  la  Tartre,  de 
deux  petits  prés  dans  la  prairie  d'Urzy,  d'un  quart  de 
la  dlme  d'Urzy,  le  reste  appartenant  à  l'évêché  ;  de  la 
dlme  de  Contre,  d'une  vigne  sur  le  coteau  de  Saint- 
Gildard  où  est  maintenant  l'institution  Saint-Cyr , 
d'une  redevance  sur  le  moulin  à  blanc  de  la  Passière,  le 
tout  d'un  revenu  net  de  1,056 1. 13  s.  8  d.  Depuis  1689, 
les  chanoines  réguliers  de  Saint-Augustin,  dépendant 
de  l'abbaye  de  Saint-Laurent,  près  Cosne,  n'avaient 
plus  aucun  droit  sur  Saint-Gildard  ;  quant  à  la  pa- 
roisse de  Saint-Gildard,  elle  fut  supprimée  en  1785. 

Trouflaut^  bien  apparenté,  jouissait  déjà,  comme 
savant,  du  prestige  que  lui  donnait  son  commerce 
avec  les  savants  les  plus  renommés  ;  il  n'avait  cependant 
aucune  ambition;  on  était  à  une  époque  où  les  mem* 
bres  du  clergé ,  les  gentilshommes ,  les  bourgeois 
éclairés  avaient  une  indépendance  d'esprit  qu'on  n  a 
pas  revue  ;  où  la  liberté  de  penser  et  d'allures  était 
goûtée  comme  un  des  charmes  de  cette  douceur  de 
vivre  de  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  signalée  par 
tous  les  historiens. 

Dans  sa  maison  du  coin  de  la  rue  Aublanc,  Trou- 


flaut  avait  des  loisirs  et  une  belle  bibliothèque.  11  y 
avait  placé  cette  devise  : 

Mortuorum  vivenliomque 

Saactam,  utile,  gratom, 

Invito  fato» 

Gommerciom. 

SO  février  1781. 


Ses  notes  manuscrites  datées  des  années  1780, 1781, 
1782,  1784,  1787,  nous  le  montrât  lecteur  acharné 
d'ouvrages  de  toutes  sortes ,  amateur  d'excursions 
instructives,  fréquentes,  mais  ne  dépassant  jamais  le 
rayon  très  limité  du  Nivernais. 

Le  24  janvier  1787,  il  avait  reçu  des  provisions  pour 
prendre  possession  de  la  cure  de  Saint-Léger-des- 
Vignes,  vacante  depuis  longtemps.  Il  en  prit  posses- 
sion le  3  juillet  1787  ,  mais  son  séjour  dans  sa  cure 
fut  de  courte  durée.  Nous  lisons,  en  effet,  au  bas  des 
provisions  qui  lui  furent  données  et  que  signa  son 
ami,  le  savant  Laviron,  ces  mots  qui  accusent  sa  viva- 
cité habituelle  :  a  Je  gardai  cette  cure  vingt  -  quatre 
heures  seulement.  » 

On  s'était  battu  vaillamment  à  Nevers  contre  la 
Bulle  et  beaucoup  de  morosité  régnait  dans  les  mœurs 
du  clergé  nivernais  depuis  les  grandes  disputes  théo- 
logiques. Trouflaut,  dont  l'esprit  n'était  pas  exempt 
de  quelque  dureté  jansénite,  arrivait  trop  tard  pour 
prendre  part  à  ces  luttes.  Il  acquiesça  sans  peine 
au  formulaire.  Au  surplus,  les  tendances,  les  préoccu- 
pations avait  changé.  De  toutes  parts  et  par  tous  les 
moyens,  on  essayait  de  constituer  de  nouvelles  moaurs 
et  de  modifier  l'état  politique  et  social. 

De  même  que  Trouflaut  avait  accepté  les  méthodes 
d'instruction  nouvelles,  dans  la  mesure  chère  aux  Ora- 


—  319  — 

toriens,  il  n*hésita  pas  à  être  partisan  des  idées  poli- 
tiques nouvelles  ;  mais  en  même  temps ,  il  devait 
demeurer  pour  tout  le  reste  inébranlablement  attaché 
&  la  tradition  classique  et  rester  réfrac  taire  aux  exagé- 
rations de  ses  compatriotes  Fauchet  et  Chaumette. 

On  le  voit  figurer,  lors  des  élections  aux  Etats  géné- 
raux, comme  secrétaire  de  l'assemblée  du  Clergé;  il 
signa  en  cette  qualité  le  cahier  du  clergé  de  Nevers. 
C'est  là,  je  crois,  son  seul  acte  politique .  Il  prête  ser- 
ment, puis  se  h&te  de  rentrer  dans  sa  bibliothèque.  Il 
en  sort  parfois,  mais  c'est  pour  herboriser. 

Si  nous  consultons  ses  notes  pour  avoir  une  idée  de 
son  caractère,  nous  nous  rendons  compte  de  la  nature 
de  ses  rapports  si  connus  avec  J.-J.  Rousseau. 

Le  trait  dominant  de  son  esprit  est  la  simplicité. 
Son  père  lui  avait  appris  la  musique.  Il  touchait  bien 
de  l'orgue.  En  musique,  son  goût  pour  ce  qui  est  simple 
et  purement  beau,  son  mépris  pour  ce  qui  n'est  qu'un 
bruit  agréable  s'affirment  à  toutes  les  pages  de  ses 
manuscrits.  Il  étudie  la  composition  à  ces  deux  points 
de  vue. 

Sur  tous  les  sujets  d'art  et  de  sciences  qu'il  aborde, 
l'expression  de  sa  pensée  est  ardente  et  précise  ;  il  a 
une  sorte  de  haine  contre  toute  frivolité.  C'est  ainsi 
qu'il  ne  manque  aucune  occasion  de  s'exprimer  sévè- 
rement sur  le  compte  des  femmes.  «  Garde -toi,  dit-il, 
de  te  laisser  séduire  par  une  femme  adroite,  ferme 
l'oreille  à  son  babil.  Celui  qui  se  fie  à  la  femme,  se  fie 
aux  voleurs.  » 

On  comprend,  dès  lors,  qu'une  même  passion 
pour  cette  botanique,  qui  inspira  d'éloquentes  pages 
à  Rousseau,  que  Trouflaut  aimait  à  ce  point  qu'il  dan- 
sait d'enthousiasme  à  la  découverte  d'une  plante  rare, 
qu'un  même  goût  pour  la  musique,  une  semblable 
préoccupation  des  intérêts  des  gens  de  la  campagne. 


qui  se  traduisait  chez  l'un  par  les  rêves  de  la  vie 
rustique,  chez  l'autre  par  la  recherche  des  moyens 
pratiques  d'améliorer  leur  sort,  ont  pu  amener  ces 
deux  hommes  de  condition  différente,  Rousseau  et 
Tabbé  Trouflaut,  à  se  rencontrer. 

Le  célèbre  misanthrope  vint  incognito  aux  fontaines 
de  Fougues  plusieurs  fois  de  1769  à  1776,  la  dernière 
fois,  deux  ans  avant  sa  mort,  engagé  par  le  prince  de 
Conti.  On  rapporte  sa  façon  bizarre  d'y  vivre  et  l'on 
montre  encore  la  modeste  chambre  où  il  couchait  dans 
un  hamac  dont  les  quatre  crampons  ont  été  emportés 
naguère  par  des  Anglais.  Lors  de  son  premier  séjour, 
en  1769,  Trouflaut  voulut  être  prévenant  à  son  égard 
et  lui  faire,  suivant  une  heureuse  expression  de 
M.  Boreau,  l'honneur  de  la  flore  nivernaise.  On  sait 
qu'aux  environs  de  Fougues  se  rencontrent  les  fleurs 
les  plus  rares  de  l'herbier  nivernais.  La  montagne 
de  Fignelin,  Priez  et  Montalin  étaient  familiers  à 
Trouflaut,  ainsi  qu  en  font  foi  son  Indicateur  manuscrit 
des  plantes  nivernaises  ou  Catalogue  alphabétique 
des  plantes  qui  sont  en  floraison  au  mois  d'aorildans 
le  Nivernais  (1791)  et  son  Analyse  de  chaque  genre  et 
espèce  de  la  famille  des  orchys,  par  AT,  le  chevalier 
de  La  Mark,  vérifiée  au  mois  de  mai  1790. 

Rousseau  donc  et  Trouflaut  faisaient  de  longues 
promenades  dans  les  environs  de  Fougues.  Rousseau 
y  remarqua  l'anémone  pulsatilla,  Tœnothera  biennis 
des  sables  de  la  Loire  (lettre  à  M.  du  Peyrou,  du 
16  septembre  1769). 

Rousseau  vint  à  Nevers,  et,  à  ce  propos.  M.  le 
docteur  Subert  nous  rappelait  une  anecdote.  Pour 
perpétuer  le  souvenir  d'une  visite  que  Rousseau  lui 
fit,  Trouflaut  avait  écrit  sur  le  mur  au-dessus  de  la 
place  où  celui-ci  s'était  assis:  «  Ce  juillet  1769,  j'ai 
eu  l'honneur  de  recevoir  ici  l'immortel  J.-J.  Rous- 


-  3-21  - 

seau.  »  Ayant  remarqué  cette  inscription,  le  bourru 
Taurait  fait  suivre  de  ces  mots  :  «  qui  s'y  est  mortel- 
lement ennuyé,  m 

La  première  partie  de  l'anecdote  dénote  la  fierté  du 
savant  de  province,  heureux  d'avoir  possédé  chez  lui 
un  grand  homme;  elle  n'établit  pas  que  celui-ci  ait  été 
par  extraordinaire  aimable.  En  somme,  l'hôte  n'avait 
peut-être  pas  été  plus  satisfait  de  son  invité  que  ce 
dernier  de  son  hôte.  Dans  tous  les  cas,  il  est  clair  que 
Rousseau  aurait  montré  dans  la  circonstance  sa  cruauté 
habituelle,  à  moins  qu'il  ne  faille  attribuer  au  déni- 
grement propre  aux  petites  villes  la  seconde  partie  de 
l'anecdote. 

A  ce  propos,  disons  que  Trouflaut  avait  un  goût 
singulier  pour  les  épigraphes,  et  relatons  la  perte 
d'un  travail  qui  serait  précieux  aujourd'hui.  11  s'agit 
d'un  recueil  d'inscriptions,  de  dates  commémoratives 
et  d'épitaphes  des  églises  du  Nivernais.  Dans  ses 
notes,  nous  trouvons  la  date  de  ce  travail  au  sujet  de 
remarques  qu'il  fit  au  cours  d'un  petit  voyage  en 
Morvan:  1791.  Comme  s'il  eût  eu  le  pressentiment 
des  destructions  prochaines  et  la  pensée  qu'il  laisserait 
ainsi  un  document  de  valeur,  l'abbé  Trouflaut  avait 
apporté  à  son  ouvrage  son  application  ordinaire.  Mais 
bientôt  le  seul  fait  de  détenir  de  pareils  souvenirs 
devait  être  considéré  comme  un  crime.  Beaucoup 
d'infortunés  furent  guillotinés  pour  moins.  Trouflaut 
détruisit  son  manuscrit,  aimant  mieux  le  sacrifier  que 
d'exposer  sa  vie.  Cette  perte  est  regrettable  à  tous  les 
points  de  vue;  avec  ce  recueil,  nous  aurions  la  mesure 
exacte  de  son  talent  dans  le  choix  et  l'ordonnance  de 
notes  sur  un  sujet  déterminé.  De  ces  notes  où  tout  le 
monde  puisait,  il  n'était  ni  avare  ni  jaloux.  L'abbé 
Trouflaut  semble  avoir  travaillé  surtout  pour  les 
autres.  C'est  ainsi  qu'un  annaliste,  son  ami^  Pierre 


—  322  — 

Gillet,  dont  M.  de  Lespinasse  nous  a  entretenu 
naguère,  a  utilisé  largement  la  science  épigraphique 
et  historique  de  Trouflaut  dans  les  annuaires  qui 
portent  son  nom,  les  Annuaires  GilleL 

Au  surplus,  ce  n'est  pas  en  tant  qu'archéologue  et 
chercheur  que  Trouflaut  est  connu  (1).  Cependant, 
ses  notes  archéologiques  suffisent  pour  révéler  chez 
lui  une  méthode  d'investigation  et  de  critique  rare 
au  commencement  du  siècle.  Il  s'est  occupé  quelque 
peu  d'histoire,  à  Autun,  ainsi  que  nous  le  savons  par 
un  article  de  l'abbé  Devoucoux  paru  dans  les  annales  de 
la  Société  éduenne  de  Tannée  1858.  L  auteur  parle  de 
l'analyse  succincte  des  pièces  et  livres  de  M.  l'abbé 
Trouflaut  concernant  l'histoire  civile  et  ecclésiastique 
d' Autun. 

Trouflaut  a  fait  aussi  un  travail  sur  les  Anciens 
usages  de  l'église  de  Sens  et  de  Neoers,  extraits  des 
anciens  manuscrits  de  l'église  de  Neoers,  de  la  prose 
de  Saint-Nicolas  y  missel,  manuscrit  sur  vélin,  du 
onzième  siècle,  faisant  partie  des  manuscrits  de  l'église 
de  Nevers  (notes  conservées  à  la  bibliothèque  de  la 
ville)  ;  je  trouve  également  des  indications  intéressantes 
de  lui  sur  la  maladrerie  de  Saint-Antoine  et  divers 
monuments  de  Nevers. 

Mais  j'ai  h&te  de  revenir  à  la  botanique  et  à  la  période 
de  la  vie  de  Trouflaut,  qui  s'est  écoulée  à  Nevers 
pendant  la  Révolution.  C'est  beaucoup  grâce  à  ses 
aptitudes  spéciales,  comme  professeur,  qu'il  doit  de 
n'avoir  pas  grossi  le  nombre  des  prêtres  suspects  et 
d'avoir  pu  se  renfermer  dans  le  domaine  neutre  des 
sciences.  Il  faut  dire  aussi  que,  par  ses  attaches  de 


(1)  Voir  dans  la  Numismatique  àelA.  de  Soultrait  une  mention  relative 
à  Trouflaut,  qui  aurait  trouvé  des  jetons  du  chapitre  dans  une  stalle  du 
choBor  de  Saint-Cyr. 


—  323  - 

famille,  il  eut  parmi  les  maîtres  de  l'époque  de  pré- 
cieux protecteurs.  On  peut  donc  définir  sa  situation 
en  constatant  qu'il  fut  heureux  d'être  assez  dans  la 
Révolution  pour  sa  sécurité  et  pas  trop  pour  son 
honneur. 

Du  reste,  nous  allons  raconter  comment  Fouché  le 
prit  pour  ainsi  dire  dans  le  mouvement  pour  le  placer 
en  dehors. 

La  Convention  avait  décrété  l'établissement  d'un 
jardin  botanique  dans  chacun  des  chefs-lieux  de 
département,  sur  le  rapport  de  Boisset,  député  de  la 
Drôme.  Pour  répondre  aux  vues  de  la  Convention, 
Fouché  mit  à  la  disposition  de  Trouflaut,  afin  d'y 
créer  un  jardin  botanique,  le  jardin  dit  de  l'Etoile,  dans 
l'enclos  des  ci-devant  Minimes.  C'était  le  temps  où 
Fouché  prêchait  une  nouvelle  organisation  de  l'instruc- 
tion nationale,  a  L'Etat,  suivant  lui,  doit  être  le  grand 
instituteur  des  citoyens.  Il  ne  faut  avoir  en  vue  que 
l'utilité  à  retirer  des  divers  éléments  de  l'instruction. 
Il  faut  à  l'Etat  des  ingénieurs,  des  architectes,  des 
mathématiciens,  des  artistes  en  tous  genres,  avant 
tout  des  artistes  faïenciers  pour  Nevers,  puis  des 
botanistes...  » 

Or,  en  sa  qualité  de  botaniste,  Trouflaut  était 
un  homme  indispensable.  Il  partageait  en  matière 
d'instruction  les  idées  de  l'ancien  Oratorien  que  la 
Convention  avait  envoyé  à  Nevers.  Il  accepta  d'être 
le  collaborateur  de  Fouché  sur  ce  point,  heureux  de 
trouver  ainsi  dans  son  jardin  botanique  et  dans  ses 
herborisations  publiques  un  refuge  et  en  même  temps 
un  emploi  honorable  et  civique.  Le  seul  avantage 
pécuniaire  qu'il  reçut  fut  l'exemption  d'impôts.  Un 
acte  de  l'administration  du  district  de  Nevers,  de  1793, 
porte  que,  par  arrêté  du  4  fructidor  an  III,  le  percepteur 
est  déchargé  du  recouvrement  à  faire  de  la  contribution 


foncière  du  citoyen  Gilbert  Trouflaut,  directeur  du 
jardin  des  plantes  de  Nevers,  pour  1793. 

On  constate,  d'après  les  délibérations  du  conseil 
général  de  la  commune,  des  directoires  du  district  et 
du  département,  que  l'enseignement  de  l'histoire  natu- 
relle ne  fut  pas  une  satisfaction  passagère  donnée  aux 
décrets  de  la  Convention,  Le  mouvement  partait  aussi 
de  Nevers.  En  effet,  on  voulait  établir  à  Nevers  un 
muséum.  Saulieuet  un  collègue  firent  même  un  voyage 
à  Paris  pour  s'aboucher  au  sujet  de  cette  création  avec 
le  Comité  de  Salut  public.  A  plusieurs  reprises  Thouin, 
alors  jardinier  en  chef  du  Jardin  des  Plantes,  envoya 
des  plantes  et  des  arbres  rares.  Mais  le  jardin  des 
Minimes  devait  étrangement  souffrir  du  voisinage  de 
la  remonte  pour  les  chevaux  de  la  République,  dont  un 
dépôt  était  établi  dans  les  bâtiments.  Sans  cesse,  ce 
sont  des  conflits  entre  l'inspecteur  Dieudonné,  com- 
missaire des  guerres,  et  Petit,  le  jardinier.  Les  chevaux 
qui  s'échappent  rongent  les  arbres.  Un  jour,  les  noise- 
tiers qu'on  a  plantés  près  du  mur  de  l'église,  pour 
protéger  de  leur  ombre  les  plantes  des  bois,  sont 
détruits  (7  vendémiaire  an  III)  ;  le  dessin  du  jardin  est 
bouleversé,  297  plantes  et  40  arbres  sont  brisés.  L'état 
de  choses  est  à  ce  point  déplorable  que  la  place  est 
jugée  intenable;  on  transporte  ce  qui  subsiste  au 
jardin  des  Bénédictins  cultivé  par  Paturel.  On  place 
aussi  les  dons  du  Jardin  dès  Plantes  dans  le  jardin  de 
Saint-Martin.  Par  la  suite,  les  malheureux  jardiniers 
et  botanistes  seront  expulsés  de  partout.  Il  ne  restera 
de  ces  tentatives  que  le  souvenir  honorable  d'un  essai 
modeste  de  décentralisation.  M.  Boreau  voit,  dans  cet 
avortement,  une  conséquence  du  gouvernement  despo- 
tique de  l'Empereur.  De  môme  que  depuis  le  Consulat 
rien  ne  comptait  plus  que  la  volonté  d'un  seul,  on  admit 
que  les  petites  clartés  des  provinces  devaient  s'éteindre. 


—  3ti5  — 

nous  peine  d'être  ridiculisées,  tout  autour  de  Paris, 
centreunique  des  lumières.  Aujourd'hui  seulement,  par 
l'Etat,  mais  non  en  concurrence  avec  TEtat,  ont  été 
créés  des  jardins  d'essai  dans  les  départements.  Cette 
institution  ofBcielle  n'a  aucun  rapport  avec  les  créations 
rêvées  par  Trouflaut. 

Nous  avons  de  celui-ci  un  discours  d'inauguration 
de  son  jardin  des  Minimes.  C'était  en  nivôsô  an  II. 
On  proposa  au  citoyen  Trouflaut  de  faire  un  discours, 
on  dirait  aujourd'hui  une  conférence,  sur  la  botanique, 
pour  louverture  de  son  cours  et  l'inauguration  du 
jardin  botanique.  Refuser,  eût  été  dangereux  ;  Trou- 
flaut avait  d'ailleurs  l'ambition  d'être  utile  à  ses 
concitoyens,  sans  autre  pensée  que  de  convaincre  ses 
auditeurs.  Il  accepta.  Noël  Pointe  était  alors  com- 
missaire de  la  Convention  dans  le  département.  Ce 
montagnard,  un  des  rares  membres  de  l'Assemblée 
qui  fût  sorti  de  la  classe  des  ouvriers,  se  piquait  d'être 
poète.  Il  citait,  à  tout  propos,  comme  s'il  les  avait 
jamais  lus,  Virgile,  Properce  et  TibuUe  ;  sans  doute 
pour  se  mettre  à  la  hauteur  des  montagnards  lettrés. 
Il  n'avait  d'autre  distinction  que  son  origine  modeste, 
grâce  à  laquelle  il  avait  acquis  quelque  popularité 
chez  les  travailleurs  de  la  terre  et  les  ouvriers  des 
usines.  Comme  amateur  de  pastorales,  comme  ami  des 
campagnards,  il  ne  pouvait  refuser  son  admiration  à 
Trouflaut.  Aussi  n'hésita-t-il  pas  à  faire  imprimer  son 
discours  au  moyen  d'un  crédit  sur  la  caisse  des  riches. 
Trois  cents  exemplaires  furent  envoyés  par  son  ordre 
dans  tous  les  districts,  et,  comme  il  importait  que 
chacun  des  arrêts  de  Pointe  contînt  un  considérant 
sentimental  et  humanitaire,  il  déclarait  qu'il  entendait 
encourager  ainsi  des  connaissances  indispensables  à  la 
conservation  de  l'homme. 

Que  dire  de  ce  discours  ?  Il  ne  peut  donner  une  idée 


/ 


—  3!26  — 

ni  du  style  habituel  ni  du  genre  d'esprit  de  Trouflaat, 
pas  davantage  de  l'étendue  de  ses  connaissances.  Ce 
sont  des  pages  écrites  pour  un  public^  un  public  dan- 
gereux ,  puisqu  on  était  en  pleine  Terreur  ;  certaines 
parties  exigèrent,  sans  doute,  une  construction  pénible  ; 
pour  d'autres,  Trouflaut  puisant,  dans  son  étude  favo- 
rite ,  sa  force  et  sa  joie ,  put  broder  joliment  son 
thème  et  y  semer  quelque  agrément  dans  les  détails. 
Dans  tous  les  cas,  à  part  quelques  passages  rentrant 
dans  les  formes  du  langage  officiel,  puis  l'éloge  inévi- 
table de  Voltaire  «  l'Homère  de  la  France  »  et  de 
J.-J.  Rousseau,  «  cosmopolite  partout  malheureux  par 
la  sensibilité  de  son  cœur  »,  le  discours  du  citoyen 
Trouflaut  ne  contient  rien  qui  puisse  choquer  aujour- 
d'hui. 

Un  avocat,  professeur  de  législation  à  l'Ecole  cen- 
trale, créée  quelque  temps  après,  l'administrateur 
Aristide  Passot,  de  Pouilly ,  fit  un  rapport  du  discours 
de  Trouflaut,  dans  une  réunion  de  la  Société  populaire 
de  Nevers,  le  8  ventôse  an  II.  On  sait  que  les  sociétés 
populaires  ne  devaient  pas  être,  dans  la  pensée  de 
leurs  fondateurs  et  spécialement  dans  les  vues  de 
Fouché,  de  simples  clubs  politiques.  Fouché  avait 
voulu  que  dans  ces  sociétés  pussent  être  produites 
toutes  les  initiatives  propres  au  développement  intel- 
lectuel des  frères  et  amis,  ainsi  qu'à  l'émulation  répu- 
blicaine. 

Le  discours  de  Passot  est  une  amplification  dont  le 
mérite  est  de  nous  fournir  un  spécimen  du  langage 
prétentieux  et  solennel  dans  la  forme  dont  on  expri- 
mait alors  les  choses  les  plus  simples. 

Ce  qui  l'a  particulièrement  frappé  dans  la  confé- 
rence de  Trouflaut,  c'est  le  côté  poétique.  Il  cite  ce 
passage  :  ((  C'est  au  génie  de  J.-J.  Rousseau  qu'est 
dû  ce  goût  dominant  que  les  femmes  de  nos  jours 


-       _  327  — 

signalent  pour  cette  étude  d'autant  plus  digne  d'elles, 
qu'elles  ont  l'art  de  faire  naître  des  fleurs  sous  leurs 
pas.  Qu'il  est  beau  de  les  voir  costumées  en  bergères, 
parcourir  nos  campagnes,  le  système  d  une  main,  la 
loupe  et  le  scapel  de  l'autre,  analyser  une  plante,  en 
déterminer  les  caractères,  se  former  quelquefois  des 
guirlandes  de  sa  fleur  jusqu'au  retour  de  ces  courses 
philosophiques,  les  convertir  ensuite  en  médicaments 
salutaires  préparés  par  la  main  de  la  générosité  et,  de 
là,  portées  sur  les  ailes  de  la  vertu  jusque  sous  le 
chaume  du  pauvre.  » 

C'est  là  certes  un  sujet  propre  à  inspirer  un  dessi- 
nateur du  temps  et  c'est  aussi  dans  la  note  et  dans  le 
goût  de  l'époque  cette  nomenclature  étrange  que  fait 
Passot  des  hommes  du  génie,  lorsqu'il  s'apitoie  sur  ce 
fait  que  le  Nivernais  n'a  produit  que  des  hommes  à 
talents.  Les  génies  sont  Voltaire,  J.-Jacques ,  Hel- 
vetius,  Buffon,  Mably,  Corneille,  Racine,  Molière, 
La  Fontaine;  les  hommes  à  talents  nivernais  sont 
Bussi-Rabutin,  Billaut,  Brotier  et  Coquille!  On  ne 
peut  s'étonner  de  voir  figurer  Helvetius  et  Mably 
parmi  les  génies,  quand  l'abbé  Raynal  passait  alors 
pour  un  philosophe  et  un  historien  supérieur. 

Quant  au  goût  des  hommes  de  la  Révolution  pour 
la  pastorale,  il  s'explique  si  l'on  se  reporte  aux  temps 
où  écrivirent  Théocrite,  Virgile,  où  chantait  André 
Chénier,  où  écrivait  plus  près  de  nous  G.  Sand.  Celle- 
ci  dit,  dans  une  préface  :  «  Dans  les  temps  ou  le  mal 
vient  de  ce  que  les  hommes  se  méconnaissent  et  se 
détestent,  la  mission  de  l'artiste  est  de  célébrer  la 
douceur ,  les  sentiments  tendres ,  l'équité  première 
sont  ou  peuvent  être  encore  dans  ce  monde  ».  La  bota- 
nique est  une  forme  de  ce  goût  de  la  pastorale  et  il  ne 
faut  pas  s'étonner  de  voir  aux  demi-déesses  de  l' Astrée, 
aux  reines,  aux  élégantes   de  Watteau  succéder  la 


—  328  ~ 

m 

jeune  citoyenne  qui  remplit  la  campagne  de  ses  ébats 
à  propos  de  botanique. 

En  1795,  des  écoles  d'enseignement  secondaire, 
appelées  écoles  centrales,  furent  établies  dans  les  chefs- 
lieux  de  département.  Suivant  le  vœu  des  Oratoriens 
une  place  considérable  y  fut  faite  aux  sciences  natu- 
relles et  mathématiques.  Trouflaut  était  acquis  d'avance 
au  système  nouveau  d'instruction  publique.  Il  avait 
donc  sa  place  marquée  comme  naturaliste  dans  le  corps 
des  professeurs  de  Técolequ'onrecruta,  comme  on  put, 
parmi  les  anciens  professeurs  du  ci-devant  collège,  les 
médecins  et  les  hommes  de  loi.  Trouflaut  y  apparut 
comme  un  ancien  Oratorien  à  demi-ressuscité.  Il  faisait 
des  discours  lors  des  distributions  de  prix  pour  exposer 
ses  programmes  d'enseignement.  Sa  parole,  après  plu- 
sieurs années  de  morne  silence  dans  les  écoles  vides, 
était  écoutée  avec  curiosité.  Notez  qu'il  y  avait  alors,  à 
Nevers,  un  certain  nombre  d'élèves  médecins  qui 
suivaient  à  l'hôpital  et  dans  des  cours  spéciaux  les 
leçons  de  Jean-François  Frébault,  professeur  d'ana- 
tomie  et  de  physiologie.  Ils  étaient  les  fidèles  disciples 
de  Trouflaut. 

Les  écoles  centrales  avaient  un  grand  vice,  elles  ne 
((  donnaient  la  main  ni  aux  écoles  inférieures  ni  aux 
écoles  supérieures  ;  au  milieu  du  système  de  l'instruc- 
tion, elles  étaient  isolées  »  (1). 

Elles  présentaient  aussi,  au  point  de  vue  particulier 
du  système  de  centralisation  que  devait  organiser 
l'Empire,  le  défaut  de  constituer,  sous  la  direction  de 
conseils  locaux,  des  centres  d'instruction  non  soumis 
aux  programmes  de  l'Etat. 

Mais  elles  avaient  l'avantage  de  laisser  aux  profes- 
seurs beaucoup  de  liberté  et  de  leur  permettre  de  faire 

(1)  MoNTEiL,  Histoire  deg  Français  des  diverses  états,  t.  X,  page330< 


—  329  — 

leurs  cours  selon  leur  tempérament  et  leur  expérience 
personnelle.  M.  Boreau,  dans  son  Voyage  aux  Mon- 
tagnes du  Moroan,  publié  en  1832,  constate  que  de 
ces  écoles  sont  sortis  la  plupart  des  hommes  qui 
honorèrent  le  plus  leur  époque. 

Ce  qui  est  certain,  c'est  que  le  mode  d'instruction 
qui  y  fut  appliqué  explique  qu'un  professeur,  comme 
Trouflaut,  qui  n'a  rien  inventé  et  peu  écrit,  ait  pu  jouir 
d'une  renommée  qui  lui  survécut. 

Il  eut  des  élèves  dans  le  sens  le  moins  banal  du  mot. 
Des  liens  autres  que  ceux  créés  par  des  rapports  passa- 
gers pouvaient  alors  se  former  entre  professeurs  et 
élèves.  Une  méthode  personnelle,  le  dévouement  pro- 
fessoral, un  rapprochement  qui  durait  pendant  toutes 
les  années  d'étude,  créaient  entre  maître  et  élèves  une 
réelle  intimité.  Aussi  la  célébrité  des  savants  qui 
conservèrent  un  singulier  respect  pour  Trouflaut 
rehausse  sa  mémoire,  et  leur  respect  est  le  meilleur 
témoignage  de  la  valeur  de  l'ami  et  du  professeur  dont 
leurs  noms  évoquent  le  souvenir.  C'est  Guillaume, 
qui  fut  médecin  en  chef  de  1  armée  d'Italie,  «  homme 
aimable  et  botaniste  instruit  »,  dit  M.  Boreau;  c'est 
Jean-Baptiste-François  Léveillé,  d'Ourouér-aux-Amo- 
gnes,  qui  a  laissé  un  nom  comme  médecin  et  comme 
savant,  nom  illustré,  d'autre  part,  par  le  professeur 
Léveillé,  de  Crux-la-Ville,  auteur  de  livres  considé- 
rables sur  la  médecine;  c'est  le  botaniste  Ogier,  qui 
fut  inspecteur  de  l'académie  de  Bourges  ;  c'est  le 
géologue  Pierre-François-Marie  Bourdet,  de  Saint - 
Parize-le-Châtel  ;  c'est  enfin  le  médecin  Simonet, 
père  du  docteur  Charles  Simonet,  de  Saint-Pierre- 
le-Moûtier,  que  M.  Boreau  nous  représente  comme 
un  naturaliste  passionné  pour  la  botanique  et  comme 
un  élève  distingué  du  savant  professeur  Gouan. 

Puisque  nous  rappelons  que  le  nom  de  Trouflaut  a 

T.  VIII,  3*  série.  22 


survécu  grâce  surtout  à  la  reconnaissance  de  ses  amis 
et  de  ses  élèves,  il  faut  faire  remarquer  que  raflection  de 
ceux-ci  Trouflaut  la  dut  surtout  à  la  partie  morale  de 
son  enseignement.  Il  sut,  en  effet,  développer  dans 
leurs  esprits  ce  que  M.  Boreau  appelle  l'influence  des 
sciences  naturelles  sur  la  morale.  On  était  sous  un 
régime  de  brutalité  évoquant  l'idée  d'une  sorte  de 
retour  à  la  barbarie  ;  l'histoire  politique,  l'histoire 
bataille  tenait  toute  la  place.  On  sut  gré  à  Trouflaut 
d'avoir  élevé  l'esprit  de  ses  auditeurs  dans  le  sens  de 
ces  paroles  de  Cicéron  :  «  Homo  enim  ortus  est  ad 
coniemplandum  Deum  et  naturœ  contemplatio  est  ad 
Dei  admirationem  proxima  et  apertissima  via,  » 
(Voir  son  discours  d'inauguration  du  jardin  des 
Minimes.) 

Alors  que  Trouflaut  enseignait  la  botanique  à 
l'Ecole  centrale,  on  était  encore  en  pleine  pénurie  des 
subsistances.  Trouflaut  enseignait  qu'il  fallait  com- 
battre la  famine  par  des  nouvelles  méthodes  de  culture  ; 
il  s'entêtait  à  chercher  dans  les  livres  anciens,  et  sur- 
tout dans  les  ouvrages  des  agronomes  anglais,  les 
moyens  de  restaurer  l'agriculture.  Des  sociétés  d'agri- 
culture avaient  fonctionné  dans  les  provinces  voisines 
du  Nivernais,  une  entre  autres,  dans  le  Berry,  avant 
la  Révolution.  Trouflaut  reprit  l'idée  caressée  par 
l'Assemblée  provinciale,  de  fonder  à  Nevers  une 
société  d'agriculture. 

11  voulait  ainsi  constituer  un  milieu  propice  à  l'in- 
vestigation, à  l'expérimentation,  un  centre  où  pussent 
être  recueillies,  classées,  toutes  les  observations  et  les 
découvertes. 

C'est  le  but  de  son  programme,  imprimé  à  Nevers 
en  l'an  V,  et  que  reproduisit  la  Feuille  du  cultiva- 
teur, dans  les  numéros  des  21  et  26  janvier  1797. 

Il  avait  su  grouper  autour  de  lui  Buchoz,  botaniste  ; 


—  331  — 

Dubois  et  Parmentier,  rédacteurs  de  la  Feuille  du 
cultivateur,  membres  de  la  Société  agronomique  de 
Paris  ;  les  deux  Flamen,  Gillet,  son  élève  ;  Guillaume 
fils,  un  autre  élève  ;  Montrichard,  correspondant,  ainsi 
que  Flamen  jeune,  de  la  Société  d'agriculture  de 
Paris  ;  son  ami  Régnier,  de  Garchy  ;  Toulongeon,  de 
Corvol-rOrgueilleux,  membre  de  l'Institut  national; 
Thouin,  jardinier  en  chef  du  Jardin  des  Plantes  de 
Paris,  tous  les  gens  distingués  dont  j'ai  donné  la  liste 
dans  mon  travail  sur  La  Nièvre  pendant  la  Conven- 
tion. 

C'est  de  savants  plutôt  que  d'agriculteurs  propre- 
ment dits  que  devait  se  composer  la  haute  commission 
désignée  par  l'administration  centrale,  mais  chaque 
administration  municipale  des  cantons  devait  désigner 
ensuite  un  membre  de  la  localité. 

Il  était  entendu  que,  une  fois  cette  organisation 
officielle  faite,  la  société  s'administrerait  elle-même 
sous  les  yeux  du  département,  et  choisirait  à  l'avenir 
ses  membres,  ses  collaborateurs  et  ses  correspondants. 
Un  arrêté  du  département  combla  Trouflaut  de  joie 
en  établissant  la  société  qu'il  avait  rêvée.  Dans  la 
pensée  de  Trouflaut,  c'était  une  ligue  ayant  pour  but 
d'obtenir  la  plus  grande  quantité  de  produits,  dans  le 
moins  de  temps  et  avec  le  moins  de  travail  possible. 
L'idée  est  la  même  aujourd'hui. .  François  de  Neuf- 
château,  dont  Trouflaut  plaçait  la  statue  à  élever 
«  par  la  main  de  la  reconnaissance  dans  une  salle  de 
la  Société  d'agriculture,  de  commerce  et  des  arts  »,  à 
côté  de  celles  d'Olivier  de  Serres,  de  Bernard  Palissy, 
de  Vaucanson  et  de  Duhamel,  préconisait  les  mêmes 
idées.  On  lit  dans  son  «  Art  de  multiplier  les  grains  ou 
Tableau  des  expériences,  qui  ont  eu  pour  objet  d'amé- 
liorer la  culture  des  plantes  céréales,  d'en  choisir 
les  espèces  et  d'en  augmenter  le  produit  »,  que  la 


valeur  vénale  des  grains  est  si  peu  proportionnée,  soit 
avec  les  frais  qu'ils  exigent,  soit  avec  leur  faible  rap- 
port, que  la  culture  est  devenue  onéreuse  à  beaucoup 
de  propriétaires. 

Plusieurs  bibliophiles  ont  entre  les  mains  le  pro- 
gramme imprimé  chez  J.  Lefebvre  aîné,  que  rédigea 
Trouflaut  et  on  peut  se  rendre  compte  de  ce  que  pouvait 
être  cette  institution  d'une  société  d'agriculture,  par  le 
procès- verbal  de  la  délibération  prise  par  l'administra- 
tion centrale  du  département  de  la  Nièvre,  dans  sa 
séance  du  24  pluviôse  an  V,  composée  alors  des 
citoyens  Gallois,  président;  Passot,  Jousselin,  Billoué, 
Raudot,  administrateurs  ;  Etignard,  commissaire  du 
Directoire  exécutif,  et  Frotier,  secrétaire  général. 

L'exemplaire  qui  se  trouve  à  la  bibliothèque  de  la 
ville  porte  des  mentions  et  notes  curieuses  de  la  main 
de  Trouflaut,  envahissant  les  marges  et  reliées  avec  le 
texte  imprimé. 

Sur  le  titre,  Trouflaut  relate  que  «  l'écrit  fut 
imprimé  à  la  fin  de  février  1797,  tems  ou  le  général 
Buonaparte  venait  de  s'emparer  de  Mantoue  et  d'une 
partie  de  l'Italie  »;  suivent  des  citations  latines  relatives 
à  l'agriculture. 

Une  note  a  trait  aux  anciennes  communautés  de 
cultivateurs.  Trouflaut  parle  comme  un  disciple  de 
Fénelon  qui  a  fréquenté  la  société  des  philosophes  du 
dix-huitième  siècle. 

((  Le  Nivernais,  comme  la  Suisse  et  les  Vosges,  a  eu 
aussi,  dit-il,  des  communautés  semblables  à  celles  des 
Kliyogg,  des  Pignon,  des  Valdajon,  où  de  nombreuses 
familles  réunies,  sous  l'autorité  paternelle  d'un  chef 
sage,  pieux,  laborieux,  économe,  hospitalier,  fidèle 
conservateur  de  l'état  et  des  vertus  de  ses  pères, 
vivaient  heureuses  dans  l'union  fraternelle  avec  des 


—  333    - 

moeurs  patriarcales  par  une  vie  frugale,  un  travail 
assidu  tant  que  les  passions  ont  été  enchaînées  par  la 
religion  ou  par  la  raison  ;  les  vertus,  l'aisance,  la 
vénération  ont  été  les  fruits  des  bénédictions  du  Ciel. 
Mais  dès  que  les  passions  ont  cessé  d'être  muselées,  la 
boite  de  Pandore  ne  tarda  pas  à  répandre  ses  maux  ; 
de  là,  la  désunion  des  sentiments,  la  séparation  indi- 
viduelle des  membres,  la  disette,  la  faiblesse,  la  misère, 
et  tous  les  vices  qui  en  sont  les  suites. 

))  Dans  la  commune  de  Magny,  à  deux  lieues  et  demie 
de  Nevers,  sur  le  chemin  de  Lyon,  on  a  vu  pendant 
plusieurs  siècles  de  ces  familles  patriarcales  qui  ne 
subsistent  plus  depuis  quarante  à  cinquante  ans.  La 
piété,  et  les  vertus  qu'elle  inspire,  en  avaient  posé  les 
fondements.  Ces  hommes  de  l'âge  d'or,  réunis  sous  un 
seul  chef,  simples  dans  leurs  mœurs,  probes  dans  toutes 
leurs  actions,  laborieux  jusqu'au  scrupule,  n'hono- 
raient-ils pas  l'Etat  et  leur  patrie,  autant  que  Cincinnatus 
si  vanté  par  Pline  ?  N'étaient-ils  pas  encore  plus  utiles 
à  la  prospérité  du  gouvernement  que  ces  religieux 
fervents  qui  ne  savaient  que  lever  des  mains  pures  et 
pénitentes  vers  le  Ciel,  sans  prétendre  aux  honneurs 
du  travail  des  mains,  quoique  ce  fût  leur  premier  ins- 
titut ?  La  pauvreté  fut  leur  berceau,  mais  la  richesse 
les  assassina. 

»  L'ambition,  le  voisinage  des  villes,  le  luxe  a  fait 
disparaître  de  notre  sol  ces  communautés  aussi  utiles 
que  vénérables.  Il  n'en  est  à  ma  connaissance  qu'une 
seule  qui  subsiste  encore  dans  le  Nivernais,  dans  la 
commune  de  Saint-Benin-des-Bois,  près  Saint-Saulge. 
Elle  est  connue  sous  le  nom  de  communauté  des  Jault, 
composée  de  trente-six  à  quarante  individus.  Je  vis, 
en  1792,  cette  famille  patriarcale.  Par  son  union,  son 
respect  au  chef,  son  travail,  elle  est  heureuse,  jouit  et 
fait  valoir  par  ses  mains  un  bien  évalué  au  moins  à 


—  334  ^ 

GO  ou  70,000  livres.  Cette  communauté  se  fît  construire 
par  économie,  un  moulin  à  vent  pour  moudre  ses 
farines,  en  1786  ou  1787.  Ces  cultivateurs  vénérables 
méritent  d'être  chantés  par  des  Homère  ou  des  Virgile. 
Pourquoi  chercher  aujourd'hui  les  sujets  de  nos  poèmes 
dans  l'antiquité  ou  chez  les  nations  étrangères,  tandis 
que  nous  avons  des  sujets  si  intéressants  à  célébrer,  et 
que  nous  les  avons  sous  les  yeux.  » 

Dans  une  autre  annotation,  Trouflaut  exprime  une 
opinion  commune  &  tous  les  annalistes  nivernais  sur 
ses  concitoyens  des  campagnes,  contre  lesquels  le 
public  des  villes  s'était  soulevé  lors  de  la  disette  : 

((  Si,  dit-il,  après  les  exposés  des  moyens  d'aug- 
menter la  masse  des  subsistances  de  notre  département 
on  éprouve  encore,  sans  accidents  imprévus,  la  môme 
pénurie  de  subsistances  que  ci-devant,  on  doit  alors 
s'en  prendre  à  l'oisiveté,  à  la  routine  insolente  et  des- 
tructive des  cultivateurs,  et  les  loix  doivent  déployer 
toute  leur  sévérité  sur  ces  fainéants  qui,  par  leur  oisi- 
veté, leur  entêtement,  sont  les  causes  directes  de  nos 
malheurs  et  les  provocateurs  de  l'indignation  des 
consommateurs.  » 

Il  donne  les  causes  suivantes  <(  à  la  paresse  des 
Nivernistes  (sic)  »  : 

c  Partout  où  la  nature  fait  beaucoup  pour  l'homme, 
là  il  fait  moins  pour  elle  :  accoutumé  à  ses  bienfaits, 
il  contracte  une  indolence  et  un  engourdissement  qui 
ne  lui  permettent  pas  de  se  prémunir  contre  ses  vicis- 
situdes. )) 

M,  Boreau  reproche  à  Trouflaut  d'avoir  appris 
la  botanique  sans  sortir  de  sa  bibliothèque.  Il  serait 


—  335  — 

peut-être  fondé  à  lui  faire  le  môme  reproche  touchant 
son  savoir  en  agriculture.  Un  grincheux  dirait  que 
l'abbé  Trouflau*^  a  trop  écouté  les  propos  de  sa  laitière 
et  n'a  rien  vu  au-delà  de  la  banlieue  de  Nevers.  Il 
est  de  fait  que  l'abbé  Trouflaut  donne  trop  d'impor- 
tance à  des  recettes  qui  sont  inapplicables  à  l'agricul- 
ture en  grand.  A  ce  propos,  citons  une  de  ses  notes  : 

((  Exemple  des  succès  heureux  de  la  culture  par  le 
travail  et  l'intelligence.  —  Sans  recourir  ni  à  l'An- 
gleterre, ni  à  la  Suisse,  dit-il,  pour  trouver  des 
exemples  encourageants  d'après  les  succès  d'une 
culture  laborieuse  et  intelligente,  parcourons  près 
Nevers  les  terres  cultivées  par  les  citoyens  du  faubourg 
de  Mouêsse  ;  il  n'est  point  de  pièce  de  terre  qui  ne 
leur  produise  par  an  pour  le  moins  trois  récoltes 
différentes  dans  le  même  terrain.  Aussi,  les  cultiva- 
teurs laborieux  jouissent-ils  d'une  aisance  qu'ils  ne 
doivent  qu'à  leurs  sueurs  et  à  leur  génie.  Les  maisons 
nouvelles  et  commodes  qui  décorent  leur  faubourg 
annoncent  les  heureux  succès  d'une  culture  intelligente. 
On  devrait  inscrire  à  la  porte  de  ce  faubourg  ces  mots  : 

HIC  OTII  TUMULUS 

SED 

GENIO  VIGILANTE 

LABORE    INDEFESSO 

ORIUNTUR 

HONOR,  NUMINE,  PROSPEBITAS  PUBLICA.  • 

La  Société  d'agriculture,  fondée  comme  nous  venons 
de  le  raconter,  ne  fonctionna  pour  ainsi  dire  pas.  Elle 
fut  seulement  l'occasion  de  distinctions  honorifiques 
pour  ses  membres,  qui  figuraient  dans  les  cortèges  offi- 
ciels, et  occupaient  les  places  d'honneur  dans  les  fêtes  de 
l'agriculture,  où  les  meilleurs  cultivateurs  et  les  bons 


—  336  -- 

jardiniers  recevaient  des  prix.  Je  n'ai  pas  trouvé  trace 
des  nominations  des  membres  des  districts,  où  mille 
exemplaires  du  programme  avaient  été  envoyés. 

Avec  la  République  devaient  disparaître  les  écoles 
centrales.  Le  jardin  botanique  fut  abandonné  ;  il  ne 
fut  plus  question  de  Société  d'agriculture.  Trouflaiit 
n'avait  plus  rien  à  faire  à  Nevers  comme  professeur. 
D'après  ce  que  semble  dire  M.  Boreau,  il  n'avait  pas 
le  tempérament  des  universitaires  distingués,  mais 
subordonnés  qui  se  rallièrent  au  nouveau  régime  ;  il 
fut  nommé  chanoine  titulaire  de  la  cathédrale  d'Autun, 
ville  où  il  se  retira  en  1803,  où  il  continua  en  paix  ses 
recherches  archéologiques  et  scientifiques.  Il  y  mourut 
brûlé  dans  son  cabinet  de  travail,  le  1^^  février  1820. 
L'énergique  vieillard  succombait  ainsi  en  culotte,  sui- 
vant le  vœu  que  la  tradition  prête  à  cet  ennemi  des 
paresseux.  Son  acte  de  décès  porte  qu'il  est  mort  à 
l'âge  de  quatre-vingt-trois  ans,  au  domicile  de  M.  Jean- 
Marie  Billard,  facteur  d'orgues,  rue  Chaffaud.  L'acte 
est  signé  par  un  homme  de  loi,  Dominique  Monchar- 
mont,  et  un  libraire.  Honoré  Dauphin. 

Que  reste-t-il  du  chanoine,  comme  auteur  ?  Des 
notes  manuscrites  sur  les  sujets  les  plus  divers, 
conservées  à  la  bibliothèque  de  la  ville  de  Nevers. 

«  Il  n'existe  pas  à  Autun  de  bibliothèque  importante, 
dit  M.  de  Fontenay  (1),  où  ne  se  trouvent  épars  des 
volumes  ayant  appartenu  à  l'abbé  Trouflaut.  Tous 
portent  son  nom  et  sont  accompagnés  de  notes  qui 
remplissent  les  feuillets  de  garde  et  souvent  envahissent 
jusqu'aux  marges.  J'en  possède  un  grand  nombre,  plus 

(1)  Uarold  de  Fontenav,  Mémoires  de  la  Société  Eduenne.  (Nouvelle 
série  Xni,  1885,  p.  182). 


--  337     - 

un  volume  où  ont  été  réunis  plusieurs  fragments  d'his- 
toire locale  dûs  à  la  plume  de  ce  savant  infatigable.  )) 

Dans  les  Annales  de  la  Société  éduenne  de  1858,  on 
rencontre  également  l'indication. (p.  110)  de  travaux 
archéologiques  de  l'abbé  Trouflaut  à  propos  d'une 
étude  sur  «  les  travaux  archéologiques  de  M.  Laureau 
de  Thory  »,  par  l'abbé  Devoucoux  : 

«  2"  Analyse  succincte  des  pièces  et  livres  de 
M.  l'abbé  Trouflaut,  concernant  l'histoire  civile  et 
ecclésiastique  d'Autun,  qui  ont  été  confiés  par  M.  Ré- 
gnier. Cette  analyse  est  comprise  dans  trois  feuillets 
doubles  et  un  feuillet  simple  très  minutés,  suivis  de 
deux  feuillets  doubles  ayant  pour  titre  :  Analyse  des 
notes  manuscrites  que  M.  l'abbé  Trouflaut  a  mises  sur 
son  édition  de  Rosny  et  confiées  par  M.  Régnier.  » 

M .  le  docteur  Gillot,  d'Autun,  possède  aussi  quelques 
livres  de  botanique  provenant  de  la  bibliothèque  de 
Trouflaut,  annotés  de  sa  main. 

Il  existe  également  à  la  bibliothèque  de  la  ville 
d'Autun  des  livres  provenant  de  la  même  origine, 
ainsi  qu'un  petit  herbier  composé  par  l'abbé  Trouflaut, 
étiqueté  de  sa  main  et  dont  les  plantes,  encore  bien 
conservées,  sont  collées  sur  le  papier  et  les  feuillets 
réunis  en  cahier. 

Les  notes  manuscrites  de  Trouflaut,  conservées  à  la 
bibliothèque  de  Nevers,  proviennent  sans  doute  de 
Mme  Leblanc -Laborde,  sa  nièce  :  on  a  aussi  la 
Copie  des  lettres  sur  les  truffes  du  Piémont,  écrites 
par  M.  le  comte  de  Borch,  seigneur  polonais  en  1700, 
publiées  à  Milan  che:;  les  frères  Reycends,  libraires, 
sous  les  arcades  de  Figini,  annotées,  car  il  faut  dire 
que  le  chanoine  a  beaucoup  étudié  les  champignons  ;  il 


n  oubliait  jamais  de  signaler,  chaque  année,  dans  ses 
notes  la  première  apparition  des  truffes  chez  les  mar- 
chands de  comestibles  de  la  rue  du  Fer. 

On  retrouve  à  la  bibliothèque  de  Nevers.  provenant 
du  fonds  Gallois,  la  Flore  des  jeunes  personnes, 
ouvrage  traduit  de  l'anglais  par  Octave  de  Ségur, 
annoté  par  Trouflaut. 

J'ai  pu  y  voir  les  Amours  des  Plantes,  par  Erasme 
Darwin,  médecin  et  poète,  le  grand-père  du  fameux 
Darwin,  avec  quelques  mots  de  la  main  de  Trouflaut. 

Ses  œuvres  imprimées  sont  le  (i  Discours  sur 
la  botanique  pour  l'ouverture  du  cours  de  cette 
science,  établi  à  Nevers  en  faveur  des  élèves  de 
médecine,  chirurgie,  pharmacie,  des  citoyens  phi- 
lantropiques  et  des  amateurs  de  V histoire  naturelle, 
du  règne  végétal;  enfin,  son  programme  sur  VEtal 
actuel  de  V agriculture  du  département  de  la  Nièvre 
et  sur  l'utilité  de  l'établissement  d'une  Société 
d'agriculture  pour  l'améliorer  et  augmenter  la  masse 
des  subsistances  ». 

Pour  nous  résumer,  disons  que  Tabbé  Trouflaut  a 
mérité  cette  notice,  moins  par  son  propre  mérite  que 
pour  avoir  entretenu  ce  mouvement  scientifique  local 
qui  a  abouti  au  travail  classique  de  M.  Boreau,  cette 
Flore  du  Centre,  qu'en  1840  celui-ci  dédiait  au  comte 
Jaubert,  son  inspirateur  direct.  Est-il  besoin  de  rap- 
peler que  l'étude  de  la  botanique  fut  longtemps  encore 
en  honneur  dans  la  Nièvre,  où  le  dernier  botaniste 
connu  fut  M.  Germain  de  Saint-Pierre,  précepteur 
des  Princes  d'Orléans  ? 

Or,  la  botanique  est  une  science  d'observation  par 
excellence,  Tiouflaut  a  eu  le  mérite  d'apprendre  à 
ses  élèves  à  observer  ;  il  y  avait  à  ft^ire.  Souvenez- 
vous  qu'il  commença  ses  études  à  l'époque  où  un 
savant  droguiste  de  Paris,  Pomet,  soutenait  que  la 


-  339  — 

cochenille  était  une  graine.  Pometen  sema  même  dans 
son  jardin  d'Auteuil  et  elle  a,  dit-il,  fort-bien  germé. 
Quels  pauvres  observateurs  que  la  plupart  des  savants 
de  cette  époque,  dit  un  auteur  !  Il  suflBt  de  faire 
gonfler  la  cochenille  dans  Teau  pour  qu'on  puisse  dis- 
cerner les  pattes  même  à  l'œil  nu. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  Trouflaut  n'ait  joui  que 
d'une  célébrité  locale.  De  CandoUe  cite,  parmi  les 
ouvrages  consultés  pour  la  rédaction  de  la  Flore  fran- 
çaise, une  lettre  de  Trouflaut  ofifrant  une  liste  des 
plantes  du  Morvan,  entre  autres  le  «  Villarsia  Nym- 
pholdes  »,  de  l'étang  du  Bouchot,  disparu,  rapporte 
M.  Boreau,  depuis  un  débordement  de  l'Allier,  et  une 
autre  plante,  le  «  Lathrœa  Clandestina  »,  provenant 
d'un  taillis  bourbeux,  appelé  la  Malitaverne,  que 
Simonet  explorait  de  préférence,  mais  qui,  suivant  ce 
dernier,  n'était  qu'une  misérable  taupinière  à  côté  des 
trésors  botaniques  du  Morvan.  (Lettre  à  Trouflaut, 
datée  de  Moulins-Engilbert  du  7  thermidor,  an  XII.) 

L'illustre  Bulliard,  l'encyclopédiste,  cite,  dans  ses 
Champignons  de  France,  avec  éloge  le  nom  et  les 
observations  de  Trouflaut. 

Trouflaut  avait  été  le  collaborateur  de  l'encyclopé- 
diste Régnier,  un  riche  savant  de  Lausanne,  qui  s'était, 
à  la  fin  de  la  Révolution,  installé  à  Garchy.  Régnier 
possédait  un  herbier  considérable.  Il  travaillait  en  col- 
laboration avec  son  ami  Trouflaut,  à  cette  Flore  niver- 
nazse  toujours  annoncée,  ne  paraissant  jamais  et  dont 
on  ne  possède  pas  un  fragment.  Il  retourna  à  Lau- 
sanne où  il  mourut  en  1824.  C'est  de  ce  côté  qu'il 
faudrait  chercher  pour  retrouver  en  manuscrit  les 
premières  pages  de  la  Flore  de  Trouflaut. 

Ces  deux  botanistes  visaient  plus  haut  que  la  bota- 
nique à  proprement  parler.  Nous  lisons,  en  effet,  dans 
les  notes  manuscrites  de  Trouflaut  :  ((  L'étude  de  la 


»  conformation  des  plantes  est  oiseuse,  indigne  d'ocCu- 
»  per  des  hommes  ;  un  herbier  n'est,  à  bien  prendre, 
»  que  le  charnier  des  plantes  tandis  que  la  physio- 
»  logie  végétale,  des  notions  sur  les  usages  écono- 
T>  miques  des  plantes  et  sur  leur  culture  offrent  de 
»  l'intérêt.  ^> 

Est-ce  sur  cette  pensée  qu'il  allait  faire  une  œuvre 
inutile  que  Trouflaut,  désolé  de  ne  pouvoir  faire  plus, 
désenchanté,  laissa  tomber  de  ses  mains  son  manus- 
crit pour  ne  le  ramasser  jamais. 

Trouflaut  était  membre  de  nombreuses  Sociétés 
savantes  :  celles  de  Paris,  de  Lyon,  de  Mâcon,  d' Autun, 
de  la  Société  d'agriculture  de  Paris,  etc. 

On  cherche,  aujourdhui,  et  notre  goût  pour  les 
mémoires  et  les  autobiographies  est  une  marque  de 
notre  curiosité,  à  saisir  dans  leurs  détails  les  varia- 
tions de  l'esprit  public  par  la  connaissance  des  senti- 
ments intimes  de  nos  ancêtres.  Les  témoignages  les 
plus  humbles  sont  recueillis  et  l'on  estime  qu'un  signe, 
même  infime,  de  quelque  fait  général,  a  parfois  son 
prix  ;  qu'enfin  tout  compte. 

Nous  avons  pensé  que  Trouflaut  rentrait  dans  une 
série  de  personnages  dignes  d'être  étudiés,  parce  qu'ils 
permettent  de  surprendre,  dans  un  coin  de  province, 
une  manifestation  du  mouvement  général  des  esprits 
vers  un  but  que  de  plus  grands  esprits  atteignirent 
ensuite. 

On  demandera  sans  doute  si  l'on  peut  tirer  une  défi- 
nition exacte  du  rôle  de  Trouflaut  en  tant  que  prêtre. 
Il  faut  dire  qu'il  prêta  le  serment  prescrit  par  la  loi  du 
14  août  1792,  celui  prescrit  par  celle  du  19  fructidor 
an  V  ;  il  figure,  quelque  jours  avant  le  Concordat,  sur 
le  tableau  des  ecclésiastiques  recevant  une  pension  de 
1,000  fr.,  comme  chanoine  ayant  prêté  les  susdits  ser- 
ments et  justifiant  d'une  déclaration  de  non  rétractation. 


j 


—  341  — 

M.  Boreau  rappelle  seulement  que  l'abbé  Trouflaut 
sortit  pur  de  la  Révolution.  Nous  dirions,  aujourd'hui 
qu'il  en  sortit  assez  correctement.  Si  l'on  se  reporte  à 
ce  que  pouvait  bien  être  un  chanoine  de  Saint-Gildard, 
n'ayant  pas  charge  d'àmes  et  s'étant  frotté  aux  philo- 
sophes, on  s'expliquera  sa  conduite  La  science  ne  l'a 
pas  amené  au  sacrifice,  comme  ces  prêtres  qui,  se 
dévouant  pour  leurs  paroissiens,  furent  des  hommes 
de  peu  de  science  mais  des  héros. 

Ses  papiers  jaunis,  couverts  d'une  écriture  ferme  et 
nettequi  indique  ses  habitudes  d'application  au  travail, 
ne  contiennent  rien  qui  démente  ce  que  l'on  sait  de  la 
correction  de  ses  goûts  et  de  ses  mœurs.  Sa  vie  fut  une 
existence  remplie  avant  tout  par  l'étude. 

M.  Boreau,  à  propos  de  la  visite  que  Rousseau  fit  à 
l'abbé,  explique  que  celui-ci  «  était  trop  éclairé  pour 
n'être  pas  tolérant  ».  Boreau  écrivait  en  1840;  il  se 
plaçait  au  point  de  vue  des  hommes  de  1830.  Il  oubliait 
que  Rousseau  était  le  pontife  de  la  secte  qui  devait 
effacer  cruellement  toute  tolérance  de  son  programme. 
La  véritable  indépendance  d'esprit,  doublée  de  pré- 
voyance, eût  dû  commander  à  Trouflaut  moins  d'admi- 
ration pour  l'ancêtre  des  Jacobins  :  mais  Trouflaut 
subissait  alors  la  servitude  de  la  mode  et  de  l'esprit 
d'imitation. 

Il  dut  reconnaître  assez  vite,  parce  qu'il  n'était  ni 
naïf  ni  faible,  l'hypocrisie  de  ceux  qu'il  avait  suivis 
au  début  de  la  Révolution;  mais,  comme  tant  d'autres, 
il  n'a  jamais  consenti  à  confesser  son  fait  comme  un 
manque  de  clairvoyance  et  de  discernement.  Les 
quelques  notes  de  lui,  contenant  un  mot  d'indignation 
banale,  ne  peuvent  être  prises  pour  un  aveu. 

Pour  finir,  nous  dirons  qu'il  fut  impitoyablement 
classique.  Comme  son  ami  Pierre  Duviquet,  il  montre 
dans  les  appréciations  littéraires  contenues  dans  les 


fragments  épars  de  sa  pensée  littéraire  beaucoup  de 
netteté. 

Il  avait  du  bon  sens,  de  l'esprit  ironique  à  la  façon 
de  Boiieau.  En  quelques  lignes,  il  savait  définir  le 
ridicule  ou  le  mérite  d'un  auteur.  Je  me  bornerai  à 
citer  cette  note  mise  sur  la  garde  du  livre  intitulé  :  Les 
Amours  des  olantes: 

«  La  lecture  de  ce  poème  de  Darwin  sur  les  Amours 
des  plantes  est  un  songe  brillant,  un  roman  boursoufflé 
d'épithètes  exagérées,  qui  ressemble  assez  aux  contes 
des  fées.  Les  notes  seules  du  traducteur  sont  dignes  des 
hommages  et  de  la  reconnaissance  des  naturalistes.  » 

Trouflaut  n'était  pas  homme  à  priser  les  fausses 
pastorales. 

Aussi,  bien  qu'une  sorte  de  sympathie  semble  de 
mise  entre  un  auteur  d'églogues  et  un  ami  des  fleurs, 
Trouflaut  a  été  féroce  pour  ce  Pierre  de  Frasnay,  dont 
le  souvenir  évoqué  par  M,  le  docteur  Subert  nous  a 
amené  à  faire  cette  étude. 

Je  vous  ai  rappelé  à  la  dernière  séance,  au  moyen 
de  papiers  laissés  par  Trouflaut,  la  façon  très  vive  dont 
celui-ci  et  le  chanoine  AUoury  traitaient  le  talent  et 
le  caractère  du  poète. 

Il  ne  manque  jamais  l'occasion  de  faire  le  procès 
des  mauvais  poètes  nivernais.  Il  appelle  Sautereau, 
père  du  conventionnel  :  «  un  mauvais  avocat  de  Saint- 
Pierre,  aussi  désolateur  de  sa  province  que  les  saute- 
relles d'Egypte  »,  parce  qu'il  a  fait  des  vers  pour 
servir  de  remplissage  au  Mercure  de  France  et  à 
VAlmanach  des  Muses, 

L'abbé  Cassier  trouvait  grâce  devant  lui.  Trouflaut 
eût  été  plus  favorable  encore  s'il  eût  cru  que  la  Rous- 
sillonade,  dont  une  copie  de  sa  main  est  conservée 


dans  les  archives  de  la  Société  éduenne,  était  de  lui  et 
non  de  Tabbô  Lenoble.  Dans  tous  les  cas,  il  faisait 
preuve  de  goût  en  vantant  ce  petit  poème. 

Nous  nous  rappelons  que  naguère  un  membre  de  la 
Société  rêvait  de  posséder  un  volume  contenant  le 
Lutrin,  Vert-Vert  Qi  Isk  Rousstllonade,  qu'un  crayon 
délicat  et  en  même  temps  respectueux  illustrerait. 

Avec  plus  de  compétence  que  moi  j)our  ce  qui 
concerne  l'œuvre  scientifique  du  botaniste,  M.  le 
docteur  Gillot  se  propose  de  faire  une  étude  sur  Trou- 
flaut.  La  Société  nivernaise  devait  précéder  la  Société 
éduenne  dans  cet  hommage  au  nivernais  Trouflaut, 
puisque  notre  ville  a  eu  la  première  ses  affections. 
Terminons  en  disant  que  Trouflaut  semble  oublié  de 
la  population  nivernaise,  puisque  son  nom  ne  figure 
même  pas  sur  une  plaque  d'une  rue  de  la  ville  où  il 
passa  le  plus  d'années  de  sa  vie. 

P.  MEUNIER. 


—  344  — 

MONTEIL 

SES  NOTES  HISTORIQUES  SUR  LA  PROVINCE 
ET  SES  DOCUMENTS  NIVERNAIS 

Par  RENÉ  DE  LESPINA8SE. 


On  sait  que  nos  archives  départementales  ayant  été 
à  diverses  reprises  l'objet  de  sérieuses  dilapidations, 
certains  dépôts,  et  entre  autres  celui  du  Chapitre  de 
Saint-Cyr  de  Nevers,  sont  restés  désorganisés».  Par  un 
hasard  heureux,  ladrainistration  de  la  Bibliothèque 
nationale,  toujours  à  l'affût  de  ces  trouvailles,  est 
entrée  en  possession  d'un  nombre  important  de  ces 
chartes,  et  les  a  classées  dans  des  recueils  au  dépar- 
tement des  manuscrits. 

L'année  dernière,  je  vous  ai  déjà  exposé  une  sem- 
blable acquisition  de  chartes  à  la  vente  Grangier  de 
La  Marinière ,  amateur  nivernais ,  qui  avait  collec- 
tionné avec  passion  les  titres  de  tout  genre  sur  notre 
province.  Aujourd'hui,  il  s'agit  de  chartes  presque 
toutes  relatives  au  Chapitre  de  Saint-Cyr,  et  rangées 
par  Monteil  dans  un  recueil  de  pièces  concernant  la 
France  entière,  dans  un  but  d'études  d'histoire  géné- 
rale. 

Il  y  a  lieu  de  donner  quelques  détails  sur  la  per- 
sonnalité de  Monteil,  qui  a  eu  son  moment  de  célé- 
brité, un  peu  passé  à  notre  époque. 

La  Biographie  générale  donne  quelques  détails  sur 
ce  personnage,  d'ailleurs  bien  connu. 

Monteil  (Amans-Alexis),  né  à  Rodez  en  1769,  mort 


—  345  — 

à  Cely,  village  de  Seine-et-Marne,  le  20  février  1850, 
était  fils  d'un  conseiller  au  présidial  de  Rodez  et  se 
destinait  au  barreau.  En  compulsant  les  anciens 
textes  de  lois  et  les  chartes,  il  se  prit  de  passion  pour 
les  recherches  historiques  et  s'y  adonna  complètement. 

Il  publia  divers  ouvrages  locaux  et  fut  professeur 
d'histoire  aux  écoles  militaires  de  Fontainebleau,  Saint- 
Cy r  et  Saint-Germain .  Le  grand  ouvrage  intitulé  : 
Histoire  des  Français  des  divers  Etats  (5  volumes, 
grand  in-S**),  commencé  en  1827,  établit  sa  réputation 
d'historien.  Frappé  de  voir  tous  les  livres  d'histoire 
se  borner  aux  faits  et  gestes  des  rois,  il  s'attacha  à 
rechercher  le  génie,  les  travaux,  les  mœurs  et  habi- 
tudes des  citoyens,  état  par  état,  métier  par  métier . 
Cet  ouvrage,  qui  fut  l'objet  d'éloges  et  de  critiques, 
offre  des  points  de  vue  bizarres,  des  aperçus  nouveaux 
et  curieux,  mais  il  est  entaché  de  partialité  et  de 
jugements  qui  faussent  l'esprit  de  l'histoire. 

Il  avait  dû  recueillir  une  énorme  masse  de  chartes 
et  pièces  de  tout  genre. 

En  1835,  ces  manuscrits  furent  tous  vendus  et  il  fit 
imprimer  à  cette  occasion  un  Traité  des  matériaux 
manuscrits  de  divers  genres  d'histoire  (2  volumes, 
in-8<>) ,  puis  il  passa  les  derniers  temps  de  sa  vie 
dans  une  extrême  pauvreté . 

Dans  son  Histoire  des  Français  des  divers  États 
(5  volumes,  in-8<^),  les  documents  nivernais  lui  ont 
fourni  ime  abondante  moisson  ;  il  les  cite  fréquem- 
ment pour  appuyer  les  récits  qu'il  raconte  et,  en  par- 
courant ce  grand  ouvrage ,  on  peut  être  frappé  de 
l'importance  qu'il  attribue  aux  coutumes,  aux  mœurs, 
aux  faits  et  aux  personnes  du  Nivernais . 

Je  ne  veux  pas  m'appesantir  sur  la  forme  assez 
confuse  de  son  histoire.  Il  n'y  a  pas  de  tables,  ce  qui 
rend  impossible  toutes  recherches  rapides.  Les  arti- 

T.  vm,  9*  série.  23 


r 


—  346  -- 

clés  disparates  entre  eux  se  succèdent  les  uns  aux 
autres  sans  ordre,  sans  synthèse,  sans  cohésion,  répon- 
dant seulement  à  la  fantaisie  de  Timagination.  Chacun 
des  cinq  volumes  s'adresse  à  un  siècle  différent  du 
XIV®  au  XVIII®,  mais  simplement  en  apparence  car  les 
époques  s'y  trouvent  fréquemment  interverties.  Enfin 
les  notes,  seule  indication  utile,  manquent  de  préci- 
sion en  ce  qu  elles  sont  conçues  en  termes  vagues  et 
ne  mentionnent  pas  les  sources  précises.  De  plus, 
elles  sont  reportées  à  part,  à  la  fin  de  chaque  volume, 
sans  pagination,  et  classées  uniquement  d'après  les 
articles. 

Je  parcourrai  sommairement  ce  grand  travail  en 
notant  les  allusions  faites  par  l'auteur  à  l'histoire 
nivernaise . 

Le  premier  volume,  consacré  au  xiv«  siècle,  n'a  pour 
ainsi  dire  rien  donné,  malgré  les  nombreuses  pièces 
du  chapitre  de  Nevers  acquises  par  Monteil,  et  que 
j'ai  exposées  en  leur  lieu. 

•Il  fait  quelques  emprunts  à  la  Coutume  du  Niver- 
noïs  dans  un  article  agricole  intitulé  :  Antoine  La 
Vacherie  (1)  qui  sont  sans  intérêt.  Le  récit  se  pour- 
suit en  cent  cinq  épitres  avec  des  titres  comme 
ceux-ci,  où  il  est  parlé  à  peu  près  de  tout  :  les  Pauvres, 
les  Juifs,  les  grands  Châteaux,  les  Gens  du  monde, 
les  Etrennes,  l'Affranchissement,  articles  très  brefs  où 
l'on  cite  les  franchises  accordées  à  Tannay  en  1374, 
le  Songe,  le  Pèlerinage  de  Saint-Jacques  et  de  Rémi- 
remont,  le  Fils  du  Diable,  les  Us  et  les  Abus  ;  en  tout 
cela  aucun  document  nivernais. 

Pour  le  XV®  siècle,  ce  sont  trente  articles  appelés 
histoires,  traitant  du  cultivateur,  bourgeois,  homme 
d'église,  médecin,  savant,  homme  d'armes,  etc.  A  pro- 

(1)  T.  I,  XIV»  siècle,  pp.  96  à  137,  épltre  xm. 


—  347  — 

pos  des  financiers  et  autres  gens  qui  exploitent  le 
peuple  dans  tous  les  temps,  il  cite  les  lettres  du  roi  du 
26  septembre  1461  relatives  aux  commensaux  du  comte 
de  Nevers  ;  à  propos  de  l'hôtelier  et  de  l'avocat,  c'est 
encore  la  Coutume  du  Nivernais  qui  est  citée  quelque- 
fois. 

Le  volume  du  xvi®  siècle  est  divisé  en  quatre-vingts 
stations  ;  les  auberges,  postes,  voitures,  rivières, 
canaux  de  France  ;  le  garde  malade,  parisien,  lati- 
niste de  Montpellier  ;  le  pénitent  d'Avignon,  le  bour- 
geois de  Nîmes,  l'avocat  et  procureur  de  Toulouse,  le 
clergé  français,  la  famille  Champenoise,  l'écrivain  de 
Calais,  le  sergent  de  Valognes,  le  bourgeois  de  Gronesse, 
les  peintres  et  danseurs  français,  etc.,  etc. 

On  voit  quelle  immense  variété  d'anecdotes  et  de 
faits  sont  portés  dans  ces  notices,  dont  la  rédaction  est 
ordinairement  bizarre,  mouvementée  et  surtout  très 
imagée.  Un  voyageur  sur  un  bateau  de  la  Garonne  a 
l'idée  de  lire  aux  bateliers  un  petit  livre  sur  les  fleuves 
de  France.  Le  patron  du  bateau  fait  des  remarques  et, 
au  sujet  des  grands  ponts  de  France  bordés  de  mai- 
sons, ou  couverts  ou  passant  dessous  ou  au-dessus  de  la 
rivière,  il  dit  que  «  le  pont  de  Nevers  a  dans  les  piles 
des  batteries  de  canons  qui  battent  à  fleur  d'eau  les 
embarcations  »,  d'après  Coquille.  Histoire  du  Niver- 
nais, t.  III,  p.  83. 

La  station  33,  p.  147,  traitant  de  la  civilité  fran- 
çaise débute  ainsi  : 

«  Bien  que  je  sois  arrivé  de  bonne  heure  à  Nevers, 
j'y  passerai  cependant  la  journée.  J'ai  à  voir  le  château, 
et  avant  tout  j'ai  à  alléger  ma  tête  de  quelques  obser- 
vations que,  depuis  plusieurs  jours,  je  sasse  et  ressasse, 
j'ordonne  et  je  réordonne.  Je  vais  en  charger  le  papier. 

»  Les  autres  peuples  disputent  aux  Français  la  palme 


—  848  — 

du  courage,  du  génie,  des  arts  ;  aucun,  pas  même  le 
peuple  d'Italie,  ne  lui  dispute  aujourd'hui  celle  de  la 
politesse  ou  de  l'entregent.  La  civilité  française  est 
étudiée  et  fait  loi  dans  tout  le  monde.  Un  petit  traité 
en  serait  surtout  utile  au  Pérou.  » 

Viennent  ensuite  des  observations  sur  le  salut,  les 
compliments,  qualifications,  visites,  jurons,  excuses, 
ofiErandes,  notaires,  repas,  danse,  lettres,  cérémonial, 
tous  points  où  les  faits  historiques  qui  font  générale- 
ment défaut,  sont  remplacés  par  des  remarques  assez 
piquantes  comme  celle-ci  :  «  Le  petit  peuple  se  mouche 
sans  mouchoir  ;  dans  la  bourgeoisie  il  est  reçu  qu'on 
se  mouche  avec  la  manche,  quant  aux  gens  riches,  ils 
portent  dans  la  poche  un  mouchoir,  aussi  pour  dire 
qu'un  homme  a  de  la  fortune  on  dit  qu'il  ne  se  mouche 
pas  avec  la  manche  ».  (t.  III,  p.  150.) 

Il  cite  souvent  Théodore  de  Bèze  qui  a  eu  une  si 
grande  célébrité  pour  ses  querelles  de  protestantisme 
au  xvi°  siècle.  Dans  les  calculs  sur  la  ville  de  Chartres 
(p.  257)  il  a  des  aperçus  financiers  sur  les  aides  et 
les  impôts,  assez  fantaisistes  il  est  vrai,  mais  bourrés 
de  chiffres  pris  d'après  les  documents.  Notre  Coquille 
lui  en  a  fourni  quelques-uns. 

A  la  station  des  comédiens  français  (t.  III,  p.  341), 
il  insiste  sur  la  triste  situation  des  comédiens  de  pro- 
vince : 

«  L'hiver  dernier  je  passais  dans  une  étroite  rue  de 
la  jolie  petite  capitale  du  Nivernois.  Un  homme  assez 
mal  habillé  battait  le  tambour  devant  une  porte  où 
entraient  quelques  personnes  en  «e  disant  :  «  Venez  ! 
entrons,  ils  en  ont  besoin.  Je  n'hésitai  pas  à  entrer 
aussi.  Je  me  trouvai  dans  une  grande  salle  presque 
déserte  où  jouaient  des  comédiens  qui  suaient  sang  et 


—  349  — 

eau  pour  grossir  leur  auditoire.  Je  continuai  ma  bonne 
action,  je  demeurai  jusqu'à  la  fin  ». 

»  Dans  une  auberge,  quelques  jours  après,  je  trouvai 
des  gens  en  costumes  les  plus  divers  qui  se  séchaient. 
Je  reconnus  mes  comédiens,  ils  souffraient,  ils  se  plai- 
gnaient. Au  sortir  de  Nevers,  me  dirent-ils,  plusieurs 
villes  nous  ont  fermé  les  portes  et  notamment  Douai. 
11  n'y  a  sans  doute  en  France  qu'une  petite  ville  où  le 
magistrat  interdit  la  comédie  à  cause  de  dangers 
publics  ;  c'est  dans  cette  ville  que  nous  sommes  allés. 
Autrefois  aux  jeux  des  miracles,  on  nous  offrait  des 
pots,  des  cimarres  de  vin,  aujourd'hui  nous  ne  trou- 
vons pas  d'eau  à  boire.  J'ai  rencontré  depuis  d'autres 
troupes  en  aussi  piteux  équipage  ;  je  ne  connais  pas  en 
province  d'état  plus  malheureux  que  celui  des  comé- 
diens. » 

D'après  les  Mémoires  de  Nevers,  il  cite  ce  règlement 
des  théâtres  :  Il  est  défendu  de  jouer  pendant  les 
dimanches^  les  fêtes  et  le  carême. 

Aux  ateliers  français,  il  énumère  nos  produits  métal- 
lurgiques. «  Le  meilleur  fer  est  celui  de  Bourgogne, 
au-dessous  duquel  est  celui  du  Nivernois  ;  le  meilleur 
acier  est  celui  d'Espagne,  de  Piémont,  d'Allemagne, 
de  France,  même  des  aciéries  du  Nivernais  et  du 
Limousin  »  (p.  388).  «  Le  verre  blanc  s'est  perfectionné 
et  n'est  plus  si  jaune  que  dans  le  Nivernais  et  le  Lyon- 
nais »  (p.  394). 

Le  quatrième  volume  se  compose  de  quatre-vingt- 
neuf  chapitres  sur  le  xvu®  siècle  avec  des  titres  encore 
plus  suggestifs  qu'aux  autres  époques  :  les  anoblis , 
hauts-bourgeois,  frondeurs,  comédiens,  rentiers,  che- 
valiers d'industrie,  académiciens,  maîtres  de  poste, 
gazetiers,  villageois,  intendants,  etc. 

Il  cite  parmi  la  faction  des  frondeurs  le  poète  niver- 


—  350  - 

nais  Marigny,  et  parmi  les  comédiens  un  petit-neveu 
et  un  filleul  du  menuisier- poète,  maître  Adam  (T.  IV, 
p.  13  et  14  ) 

Evidemment,  Monteil  aimait  le  Nivernais.  Il  ter- 
mine l'article  des  gens  de  guerre  du  xvir  siècle  par 
rhistoire  d'un  procureur,  propriétaire  d'une  belle  terre 
aux  environs  de  Lormes,  et  qui  avait  chez  lui  deux 
trésoriers  des  guerres.  «  Un  soir  qu'il  rentrait  assez 
tard,  il  aperçut  ses  deux  hôtes  qui,  surpris  par  la  nuit 
dans  les  bois,  cherchaient  à  regagner  la  porte  du  châ- 
teau. Son  domestique,  ancien  berger,  s'amusait  volon- 
tiers à  imiter  les  hurlements  de  loups.  L'homme  se 
mit  à  quatre  pattes  et  leur  fit  si  bien  peur  qu'ils  grim- 
pèrent sur  des  arbres  et  restèrent  ainsi  juchés  pendant 
plusieurs  heures  pour  éviter  le  soi-disant  loup.  Cette 
farce  n'est  guère  historique,  mais  l'auteur  met  dans  la 
bouche  des  trésoriers  ainsi  juchés  une  conversation 
sur  les  grands  généraux  de  l'époque,  Turenne,  Condé, 
MontecucuUi,  Luxembourg  et  autres.  »  (T.  IV,  p.  65.) 

Plus  loin,  à  l'article  des  chevaliers  d'industrie 
(p.  87),  il  raconte  qu'un  jeune  garçon  de  Decize  fut 
enlevé  par  un  camarade  et  emmené  à  Paris  où  on  lui 
apprend  tous  les  trucs  du  métier.  Par  contraste,  il 
débute  ainsi:  «  Decize  est  la  ville  de  l'air  vif,  des  belles 
couleurs  et  des  belles  femmes.  Elle  est  aussi  la  ville 
des  hommes  honnêtes.  Et  le  greffier  de  la  juridiction 
domaniale  de  la  généralité  raconte  que,  dans  son 
enfance,  il  lia  connaissance  avec  le  fils  d'un  des  vingt- 
quatre  châtelains  du  Nivernais,  qui  l'entraîna  dans 
Paris  à  une  vie  d'escapades  fort  peu  exemplaire. 

«  A  Luzy,  un  président  du  grenier  à  sel,  un  indirect 
de  l'époque,  avise  un  marchand  de  flûtes,  lequel 
entame  une  conversation  sur  les  grands  financiers 
Sully  et  Colbert,  dont  il  expose  les  mérites  à  sa 
manière  vive  et  pratique  »  (p.  93).  On  passe  en  revue 


—  351  — 

les  recettes,  gabelles,  aides,  décime,  capitation,  papier 
timbré,  contrôle  des  actes,  tabac,  poudre  à  tirer, 
postes  et  parties  casuelles. 

Le  type  du  chercheur  de  dîners  exploite  sa  spécia- 
lité dans  le  Nivernais  (p.  103)  ;  il  est  né  à  Clamecy 
«  dans  une  maison  bâtie  en  pierres  de  taille  et  ornée 
de  cordons  sculptés  comme  presque  toutes  les  autres 
maisons  de  la  ville  ».  a  Lorsque  je  voulus  la  faire 
reblanchir,  les  voyers  ouvrirent  le  livre  de  la  Coutume 
et  me  menacèrent  d'un  procès  si  je  voulais  toucher  à 
ma  façade  autrement  que  pour  l'abattre.  L'escalier 
était  en  dehors  ;  le  moyeu  des  grosses  voitures  conti- 
nuellement l'entamait  ;  il  arrivait  aussi  qu'il  me  fallait 
constamment  refaire  les  portes  de'  la  cave  s'ouvrant 
dans  la  rue,  en  trappes  à  fleur  de  terre,  et  sur  les- 
quelles les  passants  marchent  comme  sur  le  pavé,  je 
résolus  de  changer  en  joie  cette  propriété  malencon- 
treuse ;  je  la  vendis,  je  la  mangeai,  je  la  bus,  la  fis 
manger  et  la  fis  boire.  » 

Et  plus  loin  :  «  Ordinairement  je  cesse  de  manger 
un  peu  avant  les  autres  et  je  frappe  légèrement  sur  la 
table.  Je  dis,  mais  toujours  avec  l'air  de  l'intérêt,  le 
ton  de  la  considération  :  Mes  amis,  vous  ignorez  peut- 
être  que  dans  quelques  terres  du  Nivernais  il  y  a 
encore  plusieurs  serfs,  il  faut  à  quelque  prix  que  ce 
soit  les  affranchir.  Mes  chers  amis,  ne  soyez  pas  d'ail- 
leurs honteux  d'être  gens  de  village  ;  il  y  a  et  j'ai  vu 
des  villages  peuplés  de  12,000  habitants,  4,000  de  plus 
que  Ne  vers.  » 

On  retrouve  encore  à  Nevers,  un  petit  ramoneur, 
transporté  à  Paris,  devenu  modèle  à  l'académie  de 
Saint-Luc,  puis  peintre  en  portraits  et  revenu  à 
Nevers  tout  fier  de  sa  superbe  transformation. 

Monteil  trouva  sans  doute  des  artistes  dans  notre 
pays,  car  il  y  place>  au  xyu"*  siècle,  un  peintre  qui 


—  352  — 

traverse  le  Nivernais  en  voiture  et  il  raconte  que  «  le 
bon  curé  d' Avril-sur-Loire,  qui  vivait  du  temps  de 
Henri  IV  et  de  Louis  XIII,  apprit  à  son  neveu  à 
graver  les  vues  d'églises,  clochers  et  monastères , 
lequel  à  son  tour  enseigna  à  ses  enfants  à  graver  les 
fermes  et  les  châteaux  ».  Ne  vers  revient  sous  sa 
plume  à  tout  propos  et  sert  de  cadre  à  des  descrip- 
tions historiques.  Il  raconte  l'introduction  du  café  en 
France,  dans  une  conversation  tenue  à  Nevers  au  café 
Turc,  qui  avait  pour  enseigne  un  grand  musulman 
assis  à  terre  les  jambes  croisées.  Le  patron  était  saisi, 
on  vendait  les  cadres,  les  peintures,  les  marbres,  les 
faïences  neuves.  Et  les  allusions  historiques  se  croisent 
avec  les  malheurs  financiers  du  cafetier. 

En  parlant  de  la  poste  aux  lettres,  il  dit  que  «  sur  les 
sept  ou  huit  cents  bureaux  qui  sont  en  France,  on  pour- 
rait bien  lui  donner  celui  de  Nevers,  aJBtermé  ordinai- 
rement dix  ou  douze  mille  livres  »  (p.  159). 

C'est  ensuite  le  portrait  du  lieutenant-criminel  de 
Saint-Pierre-le-Moûtier,  «  venu  à  Nevers  pour  raconter 
une  histoire  de  voleur  ;  et  un  nouvelliste  né  à  Mon- 
tigny-aux-Amognes,  village  fort  joli,  fort  animé,  qui 
vient  d'abord  à  l'hôtel  du  duc  de  Nivernais  à  Nevers, 
puis  se  rend  à  Paris  et  se  présente  au  duc  qui  le  prend 
de  suite  sur  sa  bonne  mine  (p.  163),  et  les  fabriques 
de  fer-blanc  à  Beaumont-la-Ferrière  ;  et  les  faïences 
de  Nevers.  La  terre  préparée  à  la  Croix-Neuve,  la 
cuisson  faite  dans  les  fours,  l'émail  obtenu  avec  l'étain, 
le  plomb  et  le  sable,  les  jolis  sujets  reproduits  dans 
rémail  par  la  seconde  cuisson.  On  ne  travaille  pas 
mieux  à  Rouen,  dit-il,  vos  faïenciers  sont  de  plus  en 
plus  dignes  de  leur  ancien  maître  Barthélémy  Bour- 
sier »  (p.  216). 

Le  chapitre  59  (p.  227),  est  intitulé  :  De  la  Moroan- 
daise  et  du  Morvandais.  C'est  l'histoire  d'une  jeune 


—  353  — 

fille  née  à  Ouroux,  dépossédée  ainsi  que  son  père, 
d'une  terre  reprise  en  vertu  du  retrait  lignagier,  occa- 
sion d'un  procès  où  tous  les  détails  de  l'ancienne 
procédure  sont  exposés.  Ils  s'en  vont  vivre  chez  un 
oncle,  propriétaire-bordelier,  qui,  faute  de  payement, 
est  exécuté  par  le  seigneur  bordelier  et  privé  par  les 
dures  lois  du  bordelage  des  bestiaux  et  du  matériel  de 
la  ferme.  Ils  s'installent  en  loyer  dans  un  appartement 
dont  on  leur  fait  l'inventaire.  La  vie  qu'ils  y  mènent 
est  l'occasion  d'une  foule  de  détails  sur  l'existence 
d'alors,  les  difiScultés  de  la  nourriture  et  du  vêtement. 

Cependant  les  jeunes  gens  viennent  encore  soupirer 
auprès  d'elle.  C'est  le  receveur  du  pont  de  Decize,  le 
voyer  de  Château-Chinon,  le  serpent  de  l'église  du 
ch&teau  épiscopal  de  Prémery,  et  enfin  un  officier 
encordeur  de  bois  au  port,  né  à  Saint-Saulge,  qui 
devint  l'époux  de  la  belle.  L'histoire  du  Morvandais 
présente  la  série  d'aventures  d'un  page  secrétaire 
qui  servit  dans  toutes  les  régions  de  France,  puis  qui 
revoit  Château-Chinon,  le  beau  château  de  Vauban  et 
la  maison  paternelle.  Tout  y  est  changé,  tous  y  ont 
vieilli  et  modifié  leur  costume  ;  il  prend  part  â  la  vie 
de  ses  cousins  le  notaire  et  le  curé,  mais  il  les  quitte 
bientôt  pour  se  faire  fabricant  d'écuelles  de  bois  et 
finalement  rbabilleur  de  toiles  par  quartier,  fonction 
lui  donnant  rang  d'officier  â  la  cour. 

Cette  revue,  extrêmement  chargée  de  faits  et  trop 
longue  à  rapporter,  montre  la  prodigieuse  imagination 
de  Monteil,  s'ingéniant  â  faire  revivre  ses  héros  au 
milieu  de  toutes  les  particularités  de  la  vie  d'autrefois. 

Plus  loin  (p.  264),  ce  sont  les  pauvres  mendiants  qui 
errent  dans  les  environs  de  Briare,  Cosne  et  Vézelay, 
racontant  leuis  escapades  ;  et  les  villageois  au  sujet 
desquels  il  fait  dire  à  un  coquetier  de  la  campagne  : 
«  Notre  Nivernais  est  une  grande  carte  territoriale  des 


-  354  — 

diverses  terres  de  France  et  de  leurs  habitants.  Les 
p&turages  et  les  bois  du  Morvan  valent  le  Gévaudan  ; 
le  gras  Bazois  vaut  la  Picardie  ;  les  coteaux  de  la  Loire 
valent  les  coteaux  vineux  de  la  Bourgogne  et  de  la 
Garonne  ;  les  plaines  de  Clamecy  et  de  Decize  valent 
les  provinces  de  Foix  »  (p.  283).  • 

En  parlant  des  gros  fermiers,  il  revient  plusieurs 
fois  sur  les  questions  d'élevage  :  «  nai-je  pas  dû  pen- 
ser que  le  Nivernais  étant  éminemment  propre  aux 
espèces  de  bestiaux,  les  propriétaires  devaient  en  avoir 
de  toutes  »  (p.  291)  ;  sur  les  espèces  de  raisins  et  la 
fabrication  du  vin  en  Nivernais  ;  sur  la  valeur  des 
terres,  et  les  diverses  mesures.  A  Paris,  il  devise  sur 
les  promeneurs  des  Champs-Elysées,  «  devant  une  bou- 
teille de  Pouilly  nivernais  »  (p.  338).  A  Nevers,  il 
montre  ((  à  des  bannis  du  royaume,  qui  se  sauvent  au 
plus  vite,  les  curiosités  de  la  ville,  c'est-à-dire  le  châ- 
teau, le  parc,  le  pont,  les  remparts,  Saint-Cyr,  le 
collège,  la  faïencerie,  la  verrerie  »  (p.  351). 

Le  cinquième  volume  est  divisé  en  cent  vingt-cinq 
décades,  où  se  trouvent  des  réflexions  plus  ou  moins 
historiques,  qui  n'ont  d'ailleurs  aucun  trait  particulier 
avec  le  Nivernais. 

L'ensemble  de  ce  grand  ouvrage  est  une  narration  à 
bâtons  rompus,  sautant  d'un  sujet  à  un  autre,  four- 
millant d'allusions  historiques  mélangées  à  des 
réflexions  curieuses  et  originales,  mais  il  n'y  a  pres- 
que pas  de  récits  historiques  ayant  une  valeur  ou 
authenticité  réelle.  C'est  un  livre  amusant  à  lire  pour 
les  saillies  et  remarques,  d'une  lecture  facile  et  abon- 
dante qui  démontre  chez  son  auteur  une  puissante 
faculté  de  travail  littéraire  et  de  condensation  histo- 
rique, mais  qui  n  offre  pas  la  rectitude  et  la  précision 
exigées  aujourd'hui  de  l'érudition. 

En  feuilletant  ces  volumes^  j'ai  évidemment  sauté 


—  35B  - 

beaucoup  d'appels  à  nos  faits  locaux  d'histoire,  car 
Monteil  semble  affecter  de  toujours  faire  revenir  des 
Nivernais  dans  ses  chapitres  ;  il  était  impossible  de 
noter  tous  les  passages  de  ce  véritable  roman  histo  - 
rique. 

Monteil  publia  encore,  au  moment  des  ventes  de 
ses  papiers,  deux  volumes  des  Matériaux  manuscrits 
de  divers  genres  d'histoire,  catalogue  raisonné  de 
paquets  de  chartes  de  toute  espèce.  Il  les  avait  classés 
par  sujets,  hôpitaux,  pauvres,  hommes  de  loi,  méde- 
cins, nobles,  royauté,  marine,  sciences,  villages, 
agriculture,  toujours  avec  le  même  esprit  qui  a  pré- 
sidé à  son  Histoire  des  Français.  Cette  classification 
purement  fantaisiste  ne  répond  pas  aux  titres  énoncés  ; 
ainsi,  notre  recueil  de  neuf  cent  vingt-quatre  chartes 
portées  uniquement  comme  preuves  de  Y  Histoire  des 
Notaires,  est  en  réalité  une  superbe  collection  de 
pièces    locales  vraiment  précieuses. 

Ce  catalogue  contient  des  quantités  de  numéros 
énonçant  chacun  de  cinquante  à  quatre-vingts  chartes 
en  moyenne.  Ils  ont  été  dispersés  au  hasard  des 
enchères  et  comme  ils  n'étaient  pas  classés  par  pro- 
vince, il  est  à  croire  qu'un  grand  nombre  de  docu- 
ments nivernais  ont  été  éparpillés  dans  ces  ventes. 
Félicitons-nous  quand  même  d'avoir  retrouvé  à  la 
Bibliothèque  nationale  nos  précieuses  chartes,  et 
remercions  encore  une  fois  Monteil  de  les  avoir  recher- 
chées avec  tant  de  persévérance.  Ne  retenons  qu'un 
point  intéressant.  C'est  qu'il  connaissait  la  Nièvre, 
qu'il  a  séjourné  assez  longtemps  à  Nevers  et  qu'il  y  a 
acheté  une  grande  quantité  de  documents  qui,  sans 
lui,  auraient  été  irrévocablement  perdus.  A  ce  titre 
seul,  nous  lui  devons  des  éloges  que  nous  ne  lui  ména- 
gerons pas. 

Travailleur  et  fureteur,  Monteil  achetait  des  docu- 


—  356  - 

ments  dans  toutes  les  localités  où  il  séjournait  et  c'est 
ainsi  qu'il  acquit  l'immense  quantité  de  chartes  qui 
furent  vendues  après  sa  mort. 

Les  deux  grands  volumes  contenant  des  chartes 
nivernaises  figuraient  dans  une  vente  générale  de 
manuscrits  et  d'imprimés  faite  le  11  juin  1850  et  jours 
suivants,  à  la  salle  Sylvestre,  par  le  ministère  d6 
M*  Amédée  Clerambault,  commissaire-priseur. 

Après  la  mort  de  Monteil,  ils  sont  mentionnés 
(t-  II,  p.  22)  comme  intéressants  pour  V Histoire  des 
Notaires  et  cotés  800  fr.  Il  voulait  les  faire  prendre  à 
la  Chambre  des  notaires  de  Paris.  Ces  chartes,  qui 
ne  pouvaient  les  intéresser,  sont  précieuses  pour  les 
histoires  locales. 

Bien  postérieurement  à  1850,  les  deux  volumes  de 
chartes  ont  été  acquis  par  l'intermédiaire  de  M .  Claudin, 
libraire  ;  la  date  de  leur  entrée  à  la  Bibliothèque  est 
portée  au  21  avril  1869.  Les  volumes  sont  actuelle- 
ment inscrits  dans  la  série  des  Nouvelles  acquisitions 
latines  n""^  2,502  et  2,503.  Monteil  les  avait  fait  relier 
avec  im  soin  tout  particulier,  après  avoir  collé  les 
chartes  entre  des  feuilles  de  papier  portant  les  entête 
et  quelquefois  la  copie  des  pièces  elles-mômes,  tous 
détails  dénonçant  l'intérêt  et  le  goût  avec  lesquels 
il  entretenait  sa  collection  de  manuscrits. 

La  Bibliothèque  a,  d'ailleurs,  respecté  Tétat  exact 
des  volumes  et,  à  part  les  timbres  rouges  exigés  par 
l'administration  sur  chacune  des  pièces,  le  titre  est 
resté  tel  qu'il  était.  Le  voici  dans  son  style  légèrement 
prétentieux,  gravé  en  grandes  lettres  d'or  sur  le  plat 
de  la  couverture  :  Recueil  de  924  actes  originaux  des 
notaires  des  différentes  villes  de  France,  depuis  le 
XI I^  jusqu'au  XI X^  siècle.  Manuscrit  appartenant  à 
M.  Monteil, 

C'est  dans  cette  énorme  masse  que  nos  jolies  chartes 


—  357  •- 

sont  venues  se  confondre  avec  tontes  les  autres.  Elles  y 
figurent  honorablement  et  prennent  rang  dans  Tordre 
chronologique,  collées  à  une  feuille  de  papier  sur 
laquelle  sont  inscrits  la  date  et  l'objet  de  la  pièce. 

Uintérôt  et  le  but  poursuivi  par  l'auteur  du  recueil 
était  la  personnalité  du  rédacteur  des  actes,  officiai, 
juré  notaire  ou  tout  autre  officier  public  ayant  qualité 
pour  rédiger. 

Comment,  par  quelle  voie,  par  quels  intermédiaires 
s'est-il  procuré  nos  documents  ?  Evidemment  par  l'in- 
termédiaire de  ces  nombreux  marchands  en  quête  des 
parchemins  qui  s'échappaient  si  souvent  de  nos  archives. 
Il  m'a  été  impossible  d'obtenir  sur  ce  point  le  moindre 
éclaircissement.  Le  fait  de  dilapidation  et  de  disper- 
sion de  ces  papiers  doit  être  accepté  sans  commentaire. 

Plusieurs  documents  de  grande  étendue  ont  été 
portés  à  part  dans  la  vente  de  1850.  L'un  d'eux  est 
acquis  par  les  archives  de  la  Nièvre  :  Taxe  imposée 
sur  le  clergé  du  Nivernais  pour  l'union  de  l'Eglise  au 
temps  du  schisme  causé  par  l'élection  de  deux  papes 
en  1399.  In-fol.  cart. 

Manuscrit  original  sur  parchemin  avec  analyse  sur 
papier  intercalé. 

Monteil  ajoute  cette  réflexion  : 

a  Le  rôle  des  levées  qui  furent  faites  dans  le  diocèse 
de  Nevers  offre,  à  la  fin  du  xiv®  siècle,  l'état  complet 
du  clergé  inférieur  sur  lequel  nous  avons  si  peu  de 
documents  »  (p.  190  1. 1,  des  Matériaux  manuscrits, 
et  p.  32,  n9  254  du  catalogue  de  la  vente). 

Le  deuxième,  dont  nous  ignorons  la  destinée,  est 
intitulé  dans  le  Traité  des  matériaux  manuscrits 
(t.  I.  p  200)  :  Pièces  d'un  procès  entre  la  haute  et  la 
basse  forme  du  chapitre  de  Nevers. 

Réflexions  de  Monteil  :  «  Ainsi  appelés  de  Tendroit 
où  ils  étaient  assis  dans  le  chœur  de  l'église.  Des  biens 


-  358  - 

ecclésiastiques  dotaient  la  haute  et  la  basse  forme.  La 
haute  forme  se  prétendait  le  droit  d'administrer  les 
biens  de  la  basse.  Peut-être  agrandissait-elle  une  part 
aux  dépens  de  l'autre  ;  la  basse  s'en  plaignait,  ainsi 
qu'on  le  voit  dans  les  salvations,  et  les  requêtes  du 
palais  reconnurent  la  justice  de  ces  plaintes  en  lui 
adjugeant  les  revenus  et  les  distributions  qu'elle  récla- 
mait. Enfin,  quand  la  haute  forme  eut  perdu  au  Parle- 
ment deux  batailles  contre  la  basse,  elle  s'adoucit 
et  finit  par  où  elle  aurait  dû  commencer,  par  une 
transaction  ou  traité  de  paix.  On  sait  bien  qu'il  n'est 
pas  possible,  dans  une  rapide  analyse,  de  rapporter  les 
nombreux  faits  curieux  relatifs  aux  prétentions  res- 
pectives des  différents  clercs  de  l'ancienne  cathédrale 
de  Nevers  (1)  ». 

Deux  autres  sont  heureusement  conservés  à  la 
Bibliothèque  nationale  (2)  : 

Mémoire  Judiciaire  des  serfs  de  Challuy  en  1387  (3)  ; 
Supposition  pour  la  formation  du  servage  en  France  : 

((  Un  des  vainqueurs  septentrionaux  tenant  son 
épée  encore  fumante  de  leur  sang,  aura  dit  en  teuton 
ou  en  slave,  que  je  traduis  librement  en  notre  style  du 
jour  :  «  Je  pourrais,  si  c'était  mon  bon  plaisir,  vous 
exterminer  ou  vous  faire  esclaves  ;  je  pourrais  m'em- 
parer  de  vos  terres,  les  vendre  ainsi  que  c'était  autre- 
fois, dit-on,  l'universelle  coutume  chez  les  Assyriens, 
Grecs  et  Romains  ;  cependant,  comme  le  siècle  devient 
de  plus  en  plus  philosophe  ou,  pour  parler  à  la  manière 
de  vos  nouveaux  savants,  devient  de  plus  en  plus 

(1)  Cette  note  accompagnait  le  manuscrit.  Nous  ne  savons  ce  qu'il  est 
devenu.  Sur  Tezemplaire  de  la  Bibliothèque  où  se  trouvent  des  notes 
marginales  ;  il  n'est  pas  porté  vendu. 

(2)  Bibliothèque  nationale,  manuscrit  français  n**  8,747  et  8,748. 
(8)  Réflexiotiê  de  Monteîl  (t.  I,  p.  238  des  Matériaux  numiamis). 


—  359  — 

religieux  et  chrétien,  comme  il  est  en  progrès  et  que 
je  me  fais  gloire  d'être  un  homme  du  mouvement,  je 
me  contente  de  vous  faire  serfs  au  lieu  d'esclaves,  de 
faire  vos  terres  serves  au  lieu  de  m'en  emparer  ;  vous 
serez  mes  hommes  de  poeste,  de  mainmorte,  de  pour- 
suite ;  vos  terres  seront  mes  terres  inféodées  et  me 
paieront  la  moitié,  le  tiers,  le  cinquième  de  leur  pro- 
duit ».  La  mode  des  hommes  serfs  et  de  la  glèbe  en 
terre  serve,  gagne  toute  l'Europe.  L'Eglise  se  mettant 
à  la  mode  accepte  les  serfs  qu'on  lui  donne,  les  garde 
et  plaide  même  mal  à  propos  contre  ceux  qu'elle  avait 
classés  comme  tels  dans  ses  terres.  » 

Le  deuxième  mémoire  est  un  questionnaire  fait  à 
une  femme  réclamée  comme  serve  par  le  chapitre  de 
Nevers.  Monteil  fait  à  ce  sujet  les  réflexions  suivantes  : 

«  Une  tailleuse  de  Nevers  peut-être  jeune,  peut-être 
belle,  ne  voulait  pas  être  serve  du  chapitre  ;  le  cha- 
pitre voulait  qu'elle  le  fût  ;  elle  répond  non  à  chacun 
des  articles  ».  C'est  avec  ces  deux  mémoires  qu'on 
entend  Beaumanoir,  Bouteiller  et  la  Coutume  du 
Nivernais. 

Reprenons  le  grand  recueil  de  chartes  pour  en 
extraire  ce  qui  concerne  le  Nivernais,  revue  rapide  et 
sommaire  pour  laisser  entrevoir  l'intérêt  et  l'utilité  de 
ces  pièces.  J'ai  copié  tous  ces  textes  qui  viendront 
s'ajouter  à  la  restitution  déjà  importante  de  nos 
archives  locales. 

La  plus  ancienne  charte,  datée  de  1259  émanant  de 
maître  Jehan,  officiai  delà  cour  de  Nevers,  remonte  à 
la  première  période  des  chartes  de  l'officialité  où  parait 
le  nom  seul  de  l'official,  sans  l'assistance  des  jurés 
notaires.  Elle  concerne  une  rente  assise  au  Montet, 
près  Nevers,  au  profit  de  l'abbaye  de  Saint-Martin. 

En  1280,  xme  charte  relative  à  la  vente  par  Jean  du 


—  380  — 

Château  au  chapitre  de  Nevers,  de  diverses  parcelles 
de  pré  à  Origny  et  Trangy,  est  rédigée  en  double  par 
la  prévôté  du  comte  et  lofficialité  de  Nevers. 

Ces  bureaux  de  rédaction  des  actes,  qu'ils  dépendent 
du  comte  ou  de  Tévéque,  sont  toujours  tenus  par  des 
clercs  et  même  par  des  chanoines.  L'official  ne  se 
nomme  déjà  plus  dans  les  actes,  mais  il  appartenait 
nécessairement  au  chapitre  de  Saint-Cyr.  Quant  à  la 
prévôté  du  comte  elle  est  occupée  pendant  ces  der- 
nières années  du  xm®  siècle,  par  le  chanoine  Gautier 
de  Spedone,  Galterius  de  Spedona  que  Ton  voit 
passer,  en  1306,  archidiacre  de  Nevers.  Il  y  avait  une 
corrélation  intime  entre  ces  bureaux,  les  fonctions 
étant  très  souvent  exercées  par  le  même  personnage  ; 
rien  que  dans  nos  quelques  titres  on  constate  que 
Bernard  de  Somant,  prêtre,  est  en  1398  notaire  de 
Tofficialité  et  de  la  prévôté  tout  à  la  fois.  Plus  tard,  en 
1460,  Jean  Berou,  prêtre,  est  notaire  apostolique  et 
notaire  de  Tofficialité. 

En  128S,  il  s'agit  de  plusieurs  héritages  tenus  en 
franc-alleu  par  les  frères  Geoffroy  et  Guillaume  de 
Sauvigny,  clercs,  situés  à  Sermoise  et  vendus  à  un 
chanoine  Guillaume  de  Sermoise,  pour  30  livres. 

((  Donation  de  12  deniers  de  rente  à  l'autel  des  saints 
Cosme  et  Damien  à  la  cathédrale,  administré  par 
Regnaud  de  Mingot,  établie  sur  des  prés  de  Cou- 
langes.  Les  donateurs  Hugonin  et  son  épouse,  enfants 
du  prévôt  de  Vezelay,  habitant  Nevers,  donnent  en 
garantie  les  biens  qu'ils  possèdent  sur  la  paroisse  de 
Marzy  »  (février  1282). 

«  Reconnaissance  d'une  dette  de  sept  livres  tour- 
nois par  Bienvenue  Huet,  envers  Thomas  Jean,  habi- 
tant Nevers,  avec  garantie  d'une  maison  située  dans 
la  ville  »  (juin  1291). 

Les  trois  autres  chartes,  du  xm^  siècle,  concernent 


—  361  - 

la  bourse  des  bacheliers  du  chœur  de  Saint-Cyr  qui 
accensent  pour  7  sols  6  deniers  une  place  à  b&tir  près 
la  porte  du  prieuré  de  Saint-Sauveur  ;  la  vente  d'un 
pré  au  chapitre  et  au  chanoine  Jean  de  Moisse;  la 
vente  d'une  vigne  à  Varennes,  dont  le  produit  devait 
être  affecté  aux  anniversaires . 

Sur  les  trente-cinq  chartes  du  xiv«  siècle,  il  y  en  a 
trois  rendues  par  les  notaires  apostoliques,  cinq  par 
les  prévôtés  du  comte  de  Nevers,  neuf  par  l'officialité 
et  dix  par  la  prévôté  royale  de  Saint-Pierre-le- 
Moûtier,  quelques  autres  par  le  prieur  de  Saint-Privé 
de  Decize,  le  doyen  du  chapitre  de  Saint-Cyr,  un 
inventaire  dressé  par  le  sergent  royal. 

Le  français  commence  à  paraître  quelquefois,  pro- 
bablement à  la  demande  des  parties.  Regnaud  de  La 
Durère,  garde  du  sceau  royal,  rédige  par  exception 
en  français,  en  1395,  un  hommage  de  Clerambaut 
Bonaul  à  Etienne  de  Monthurue,  seigneur  de  Meaulce . 

Les  notaires  apostoliques  avaient  des  attributions 
spéciales  et  instrumentaient  pour  des  cas  déterminés 
et  ordinairement  plus  solennels.  C'est  d'abord,  en 
1315,  le  procès- verbal  de  réception  de  l'évêque  Guil- 
laume Beaufils ,  par  Pierre  Faveau,  trésorier  du  cha- 
pitre. L'évoque  prête  serment  sur  les  saints  Evan- 
giles de  soutenir  et  conserver  intacts  les  biens  et  les 
privilèges  de  l'église  de  Nevers.  Les  noms  des 
témoins,  cités  dans  l'acte ,  sont ,  pour  les  ecclésias- 
tiques :  Pierre  de  Mussa ,  archidiacre  d'Etampes  ; 
Egide,  de  Prémery  ;  François,  de  Rome,  chanoine  de 
Sens  ;  Hugues  Dysèse,  clerc  notaire  à  Sens,  et  pour 
les  laïques  plusieurs  barons  des  environs  :  Robert  de 
Châtillon-en-Bazois  ;  Jehan  de  Vallery ,  Guillaume 
des  Barres,  s?'  de  Bois-Rozeran  ;  Jean  de  Courtenay, 
Guillaume  de  Chastellux,  Jean  de  Brinon,  Guillaume 
du  Ch&teau,  s^'  de  Bouy  ;  Michel  de  Paris  ;  Jean  de 

T.  viii,  3*  aérie.  34 


—  362  — 

Villiers.  Le  notaire  s'appelle  Genty  de  Ficècle,  du 
diocèse  de  Lucques . 

L'autre  pièce  apostolique,  datée  de  1362,  produit 
un  acte  de  gestion  de  Guillaume  de  Vriges,  comme 
officiai  de  Ne  vers.  Ce  personnage  nous  est  déjà  connu 
par  le  curieux  inventaire  de  son  mobilier  et  de  sa 
bibliothèque  en  1382,  il  était  officiai  dès  1335.  C'est 
un  acte  de  plus  sur  son  compte.  Il  s'agit  de  la  famille 
du  Bois  qui  fit  en  Nivernais  de  nombreuses  donations 
pieuses.  Guillaume  du  Bois  avait  vendu  dans  la  rue 
de  la  Parcheminerie  plusieurs  maisons  au  chapitre  de 
Nevers .  A  sa  mort,  son  frère  Jean  conteste  la  vente 
et  se  décide  enfin,  en  présence  du  notaire  apostolique, 
à  se  reconnaître  son  seul  héritier  et  à  approuver  l'acte 
en  question.  La  pièce  est  rédigée  publiquement  dans 
l'église  de  Nevers  en  présence  de  plusieurs  témoins 
parmi  lesquels  Michel  Tabout,  Jean  de  Torteron,  et 
Guillaume,  parents  de  Jean  du  Bois.  L'acte  est  rédigé 
par  Pierre  Giron,  de  Nevers,  notaire  public. 

En  1398,  le  notaire  apostolique,  Jean  de  Tronçais, 
du  diocèse  de  Clermont,  est  mandé  pour  recevoir  les 
dires  de  deux  parties,  le  doyen  de  Nevers,  Pierre 
Nodet,  d'une  part,  et  Jean  Cotignon ,  de  Sancoins, 
d'autre,  au  sujet  du  partage  d'une  dîme  située  près  de 
Sancoins. 

Les  trois  actes  de  ces  notaires  apostoliques  ont  des 
caractères  absolument  identiques.  Ils  débutent  par  la 
date,  Tannée  du  pontificat,  l'indiction,  etc.,  et  se  ter- 
minent par  une  invocation  particulière  avec  un  dessin 
spécial  en  forme  de  croix.  Leur  origine  toute  diffé- 
rente puisque  l'un  est  de  Lucques,  et  les  autres  de 
Nevers  et  de  Clermont  prouve  qu'ils  se  transportaient 
à  la  demande  des  parties. 

Quant  aux  autres  actes,  ils  concernent  à  peu  près 
tous  le  chapitre  de  Saint-Cyr  et  donnent  une  idée  de 


—  363  — 

la  variété  d'affaires  qui  s'y  faisait  pour  le  placement 
et  la  gérance  des  biens  temporels  des  chanoines. 

La  plupart  des  terres  concédées  au  chapitre  dans  les 
environs  de  Nevers  sont  déclarées  tenues  en  franc- 
alleu  par  leurs  possesseurs  ;  les  religieux  préféraient 
de  beaucoup  cette  situation  qui  les  dispensait  des  for- 
malités de  l'hommage. 

Guillaume  et  Perrin  Lœrs,  de  Sermoise  et  Che- 
venon,  constituent  deux  deniers  de  cens  sur  leurs 
terres  et  reçoivent  en  échange  une  somme  de  sept 
sols  (en  1301). 

Une  vente  plus  importante  par  Hugonin,  de  Magny, 
pour  25  livres  tournois  consistant  en  terres  et  prés 
à  Saint-Parize ,  constate  encore  cette  absence  de 
toute  charge,  cens,  surcens,  fief,  arrière-fief,  etc. 
(1302). 

Perreau  Tissier  et  son  épouse,  de  Sauvigny ,  ven- 
dent toutes  leurs  terres  à  Eudes  de  Château-Landon, 
doyen  du  chapitre,  pour  la  somme  de  24  livres  tour- 
nois. Ils  gardent  la  jouissance  de  ces  terres  et  en  paie- 
ront divers  droits  de  cens,  bordelage  et  champart 
(1306). 

Perrin,  homme-serf  du  chapitre,  possède  une  terre 
en  franc-alleu  à  Parigny  et  la  vend  pour  15  sols  tour- 
nois, à  la  condition  de  la  garder  en  payant  deux 
deniers  de  cens  (1316). 

Guillaume  Blondeau,  une  terre  à  Soulangy  pour 
40  sols  tournois  (en  1318). 

Guiot  Doucray,  une  terre  en  franc-alleu,  située  à 
Gimouille,  pour  cent  sols,  en  payant  un  cens  de  deux 
deniers  à  l'abbaye  de  Saint-Martin  (1320). 

Le  moulin  du  Pont  -  Monchamp ,  paroisse  de 
Varennes,  vendu  en  1320,  pour  70  livres,  par  la  veuve 
de  Durand  de  Fovent. 


—  364  — 

Des  terres  dans  la  paroisse  de  Artibus  (Artel  ?) 
pour  7  livres  tournois  par  Hugues-le-Sueur  (en  1335). 

Un  pré,  en  franc-alleu,  à  Trangy  ,  par  Perreau 
Richard,  de  la  paroisse  de  Saint-Etienne  de  Nevers, 
pour  12  livres  tournois  (en  1334). 

Des  prés  situés  dans  la  paroisse  de  Bona,  possédés 
en  franc-alleu,  puis  vendus  par  eux  et  gardés  en  jouis- 
sance moyennant  un  cens  annuel  de  40  sols  (en  1337). 

Vigne  et  pré  situés  à  Uxeloup,  vendus  3  florins  de 
Florence,  tenus  jusque-là  en  franc-alleu  et  gardés 
moyennant  une  charge  annuelle  de  deux  deniers  de 
cens  (en  1361). 

Les  acquisitions  de  maisons  à  Nevers  par  le  chapitre 
sont  très  nombreuses.  Elles  sont  consenties  au  nom 
d'habitants,  ouvriers  ou  bourgeois,  qui  reçoivent  ime 
somme  en  capital  et  s'engagent  à  payer  un  cens  annuel, 
évidemment  en  conservant  la  jouissance  de  leur  maison. 

En  1312,  une  famille  d'ouvriers,  dits  Pasqueron, 
vendent  leur  maison  pour  50  livres. 

Guyot  Auxeaul,  de  Varzy,  cède  pour  10  fr.  d'or 
une  rente  de  20  sols,  assise  sur  une  maison  de  Nevers. 

En  1438,  Jean  Berou,  prêtre,  notaire  apostolique, 
pour  lui  et  ses  héritiers,  prend  un  verger,  situé  près  la 
porte  du  Croux,  pour  un  cens  annuel  de  10  sols  tour- 
nois. 

Jean  Bergier,  tonnelier,  et  Agnès,  son  épouse, 
prennent  une  maison,  située  près  la  rue  Saint-Sauveur, 
pour  le  bordelage  annuel  de  10  sols,  se  réservant  le 
droit  de  choisir  un  héritier  afin  de  continuer  leurs 
engagements. 

Guillaume  Paupier,  se  porte  garant,  pour  sa  belle- 
sœur  Jeanne,  d'une  somme  de  20  livres  tournois  envers 
le  chapitre  (en  1314). 

Dans  ces  conventions  particulières,  il  est  fréquem- 
ment question  d'une  garantie  appelée  a  manucaptio  de 


—  365  — 

rato  »,  c'est-à-dire  un  parent  se  portant  fort  pour  un 
autre  absent  de  la  ratification  de  l'acte  passé  par  lui. 
Le  contractant  est  alors  «  manucaptiens  »  et  l'absent 
a  manucaptus  » . 

Vers  1371,  les  concessions  de  bordelages  deviennent 
très  fréquentes.  Les  actes  se  ressemblent  à  peu  près 
tous  et  présentent  parfois  des  détails  méritant  d'être 
cités.  Ce  sont  ordinairement  des  renouvellements  à  la 
suite  de  décès  faute  d'héritiers.  Les  prix  de  bordelages 
ordinairement  peu  élevés  variaient  beaucoup.  En  1371, 
Jean  Sourdat,  de  Saint-Baudière,  prend  un  pré,  pour 
un  bordelage  annuel  de  15  sols  ;  c'est  déjà  une  somme 
très  forte  pour  ce  genre  de  tenure. 

En  1373,  toute  une  série  de  bordelages  possédés  par 
un  certain  Jean  Ravinel,  en  vertu  d'un  héritage,  sont 
abandonnés  par  lui  au  chapitre.  Le  défunt  Guillaume 
Châtaigne,  d'Azy,  n'avait  pas  payé  les  arrérages,  le 
chapitre  lui  avait  avancé  30  fr.  d'or.  On  préféra  régler 
la  chose  en  cédant  la  totalité  de  la  terre  et  des  droits. 

Bordelage  d'une  vigne  à  Parzy,  payable  en  nature, 
un  bichet  d'avoine  et  une  demi-geline  (1379), 

On  groupe  souvent  plusieurs  locations  en  un  seul 
acte,  comme  Jean  Saigat,  en  1385,  qui  paie  un  borde- 
lage de  10  sols,  4  boisseaux  d'avoine  et  une  geline 
pour  divers  tenements  dans  les  environs  de  Livry. 

Un  autre,  en  1399,  aux  Ares,  paroisse  de  Satinges  ; 
en  1403,  par  Perrin  Morel,  de  Challuy,  un  pré  de 
grande  valeur  payant  un  bordelage  annuel  de  40  sols 
tournois  et  un  boisseau  d'avoine. 

A  mesure  qu'on  avance  dans  le  xv«  siècle,  les  bor- 
delages se  divisent  davantage  et  sont  toujours  accom- 
pagnés de  redevances  en  nature.  Jean  Menoux,  à 
Garchizy,  paie  au  cellier  du  chapitre,  six  boisseaux 
d'avoine,  dix  deniers  et  une  géline,  en  1432.  —  Simon 
Nafles,  à  Fougues  et  Germigny,  paie,  en  1439,  un 


—  366  — 

demi-boisseau  de  blé  et  une  demi-geline.  —  Guillaume 
Gueudot,  de  Sauvigny,  paie  15  sols  et  une  geline,  en 
1452.  —  Jean  Tranteux,  à  Germigny,  5  deniers  et  un 
demi-boisseau  d'avoine,  en  1463. 

A  partir  du  xv^  siècle,  les  conventions  rédigées  à 
nouveau  pour  la  propriété  des  maisons  dans  la  ville 
de  Nevers,  cessent  de  se  former  sous  le  nom  de  cens 
et  lui  substituent  couramment  celui  de  bordelage, 
simple  changement  de  mot  plutôt  que  de  caractère 
dans  la  nature  de  l'acte.  11  semble  que  le  cens  restera 
dans  un  ordre  plus  élevé,  ime  sorte  de  tenure  se 
rapprochant  du  fief. 

Voici  un  bordelage  contracté,  le  20  avril  1467,  par 
les  époux  Regnault  Parrain  et  Louise  avec  le  chapitre 
de  Saint-Cyr.  Ils  possédaient  une  maison  qu'ils 
avaient  fait  construire  sur  le  terrain  de  la  paroisse 
Saint-Arigle,  laquelle  appartenait  à  l'œuvre,  c'est-à- 
dire  à  la  caisse  du  chapitre.  Les  gens  demandent  à 
s'entendre  et  on  leur  laisse  la  jouissance  perpétuelle 
de  leur  maison,  eux  et  leurs  héritiers,  à  la  condition 
de  l'entretenir  en  bon  et  suffisant  état,  moyennant  la 
redevance  annuelle  de  20  sols  tournois,  au  cours  du 
jour,  et  une  oie  bonne  et  suffisante,  le  tout  payable  à 
la  Saint-Martin  d'hiver. 

On  se  rappelle  la  condition  spéciale  des  bordelages 
d'ajouter  une  redevance  en  nature,  grains  et  volailles, 
afin  de  bien  désigner  la  provenance  rurale  de  l'impôt. 
Pour  une  propriété  urbaine,  la  chose  se  comprend 
moins,  mais  le  fait  y  est  et  le  tribut  se  payait . 

Une  autre  maison  située  au  Pont-Cizeau  est  louée  en 
bordelage  par  le  chapitre  de  Saint-Cyr,  service  des 
messes,  à  un  certain  Jean  Berthelot,  qui  paie  de  ce 
chef  un  bordelage  annuel  de  60  sols  tournois  et  un 
demi-boisseau  d'avoine.  Les  prix  augmentent.  Cet  acte 
est  du  27  mars  1530. 


—  367  - 

En  ce  qui  touche  la  propriété  rurale,  un  contrat  de 
bordelage  du  17  janvier  1481   est  rédigé  dans  des 
conditions  spéciales  qu'il  est  utile  de  signaler.  Le  pre- 
neur n'est  ni  un  serf  ni  un  vilain,  c'est  un  chanoine  de 
Saint-Cyr ,  Pierre  Régnier ,    souvent  cité    dans    les 
chartes  d'alors,  chantre  du  chapitre  et  qualifié  officiai 
en  Tannée  1474.  Il  prend,  selon  la  nature  et  condition 
du  bordelage,  une  pièce  de  terre  où  l'on  peut  faire  des 
pêcheries,  située  dans  le  val  de  la  Loire  entre  Challuy 
et  Saint- Antoine,  moyennant  un  bordelage  annuel  de 
3  deniers  et  un  demi-boisseau  d'avoine  à  payer  au 
prévôt  de  Challuy  qui  dépendait  du  chapitre  de  Saint- 
Cyr.  Le  chanoine  Régnier    possédait   déjà  un  pré 
contigu,  dépendant  de  l'église  de  Saint-Cyr,  au  profit 
des  clercs  de  la  basse  forme,  c'était  sans  doute  pour 
procurer    un    abreuvoir   au    bétail  qu'il   avait  pris 
cette  pièce  de  terre,  d'une  contenance  minime  d'une 
demi-boisselée.  Enfin,  pour  bénéficier  des  avantages 
du  bordelage,  il  se  réserve  la  faculté  de  choisir  un  héri- 
tier «  et  pour  ung  hoir  tel  que  ledit  maistre  Régnier 
vouldra  eslire,  tant  par  testament  que  autrement  et 
pour  les  hoirs  dudit  hoir  ». 

Si  le  bordelage  était  ordinairement  rigoureux,  si 
on  a  souvent,  croyons-nous,  exagéré  ses  inconvénients, 
le  fait  précédent  montre  aussi  que  cette  institution 
pouvait  avoir  un  bon  côté  puisqu'on  la  recherchait 
volontairement. 

Un  autre  contrat  de  bordelage,  du  7  février  1484, 
présente  des  conditions  semblables  ;  il  est  fait  par  un 
prêtre,  Girard  du  Four,  pour  lui,  ses  neveux  et  leurs 
héritiers.  L'immeuble  consiste  en  deux  quartiers  de 
vigne,  d'une  contenance  de  seize  hommées,  situés  près 
du  chemin  de  Nevers  à  Marzy,  pour  lesquels  les  pre- 
neurs devaient  payer  un  bordelage  annuel  de  15  sols 
tournois  et  une  géline. 


—  368  — 

L'hommée  de  vigne  en  bon  rapport,  toutes  charges 
restant  au  preneur,  valait  ainsi  au  xv«  siècle  à  peu  près 
un  sol  tournois  Tune.  C'était  donc  plutôt  un  impôt 
qu'un  loyer  de  terre. 

Assez  longtemps  plus  tard,  en  novembre  1538,  une 
vigne  de  sept  hommées,  aux  Saulaies,  est  louée  à  bor- 
delage  par  un  notaire  et  praticien  de  Nevers,  Jean 
Belon,  pour  le  prix  annuel  de  5  sols  tournois  et  un 
boisseau  d'avoine. 

Le  20  juin  1530,  les  religieux  du  prieuré  de  Faye 
font  un  arrangement  intéressant  pour  les  conditions 
de  l'exploitation  des  terres.  Il  ne  s'agit  plus  de  bor- 
delage.  Le  tenancier,  Jean  Chabrulat  (village  de  ce  nom 
près  Faye),  est  qualifié  métayer,  il  est  resté  débiteur 
de  grains  en  nature  et  d'argent  qui  sont  l'objet  d'un 
compte  que  les  religieux  acceptent  et  reconnaissent, 
moyennant  lequel  le  métayer  continue  sa  gestion.  Cet 
acte  indique  la  plus  grande  indépendance  de  la  part 
des  deux  parties. 

Il  y  a  une  charte  relative  aux  dîmes  et  constatant 
que  certaines  dîmes  étaient  mises  annuellement  aux 
enchères.  Le  sacristain  de  Saint-Sauveur  a  fait 
adjuger,  en  1527,  sa  dlme  des  Bordes,  à  Nicolas 
Pourcier,  pour  trois  boisseaux  de  seigle.  La  chose 
pouvait  ensuite  se  continuer  longtemps  puisque  les 
mômes  conditions  sont  reproduites  en  1536. 

Après  ces  nombreux  actes  de  bordelage,  nous 
remontons  l'ordre  des  dates  pour  reprendre  les  sujets 
variés  de  nos  documents. 

Une  charte  de  1311  (n<^  44),  donne  le  nom  d'un  abbé 
de  Corbigny,  frère  Regnaud,  et  d'un  prieur  de  Saint- 
Privé  de  Decize,  frère  Guillaume  dit  Jobin,  dépendant 
de  la  susdite  abbaye.  Il  est  à  remarquer  que  Ion  porte 
simplement  abbas  Corbigniacensts,  sans  la  mention  de 
Saint-Léonard,  qui  parait  toujours  dans  la  suite.  Il 


—  369  — 

s'agit  d'un  échange  de  rente  entre  le  prieuré  de  Sainte- 
Privé  et  le  chapitre  de  Nevers,  assise  sur  des  vignes  & 
Solterres  et  à  Saint-Léger,  que  l'on  remplace  l'une  par 
l'autre. 

Autre  convention,  en  1319,  entre  le  chapitre  de 
Saint-Cyr  et  les  moniales  de  Notre-Dame  ;  celles-ci 
avaient  vendu  à  Guillaume  Jocelin,  un  pré  mouvant  de 
la  censive  du  chapitre  ;  celui-ci  dénonce  la  vente  et  la 
retient  pour  son  compte. 

Le  chanoine  Guillaume  d'Aubigny>  abandonne  gra- 
tuitement, en  retour  de  diverses  courtoisies  (curialt-- 
tates),  au  chapitre,  la  maison  qu'il  possédait  en  franc- 
alleu,  à  Soulangy..  Il  reconnaît  pour  seigneurs  le 
sacristain  et  le  doyen  du  chapitre,  et  en  présence  des 
chanoines  cités  par  leurs  noms,  il  se  déclare  leur 
homme-lige  lui  et  ses  héritiers  (juin  1328). 

Un  hommage  est  prêté  au  prieur  de  Faye  par  Pierre 
Apaupez  pour  une  dlme  située  à  Saint-Jean  de  Lichy. 

AiSranchissement  de  la  famille  serve  Orfenin,  à 
laquelle  le  chapitre  accorde  la  liberté  pour  eux,  leur 
postérité,  les  biens  et  les  bestiaux,  avec  autorisation 
de  l'évoque  Bertrand,  moyennant  l'abandon  de  divers 
droits,  maisons  et  terres,  en  1342. 

Inventaire  après  décès  du  chanoine  Jobart  Fallet, 
le  15  septembre  1373,  peu  étendu  et  peu  détaillé,  mais 
qu'il  est  intéressant  d'ajouter  à  ceux  de  la  même 
époque  déjà  publiés  dans  le  dernier  volume  an  Bulletin. 
Les  mêmes  personnages  paraissent  :  Guillaume  Auxeaul, 
bailli  de  Saint-Pierre  ;  Hugues  du  Mortelet,  commis- 
saire ;  Pierre  Giron,  tabellion,  et  les  chanoines  Roger, 
Jacopin,  Borserat  et  Jean  de  Gueugnon. 

Une  donation  de  1409  concerne  l'hôpital  de  Saint- 
Didier,  de  Nevers.  Le  chanoine  Jean  Petit jean  se 
retire  dans  l'hôpital  pour  la  fin  de  sa  vie,  y  installe  son 
logement,  donne  cent  livres  tournois  et  six  gobelets 


—  370  — 

d'argent  pour  servir  dans  les  occasions  solennelles.  La 
charte  est  passée  devant  Pierre  Berthier,  garde  du  scel 
de  la  prévôté  de  Nevers  ;  approuvée  par  Nicole  de 
Vitry,  doyen  du  chapitre,  par  les  échevins  de  Nevers, 
Jean  Bourgoing,  Bertrand  de  Veauce  et  Regnaut  de 
Marigny,  tous  noms  qui  donnent  de  l'intérêt  à  cette 
pièce. 

Fermage  de  tous  les  droits  inhérents  à  la  prévôté 
laïque  de  Parigny  prise  par  Jean  Perreau  pour  la 
somme  annuelle  de  44  livres  tournois  payable  à  la  fête 
de  Saint-André,  à  Nevers,  entre  les  mains  du  chanoine 
Jean  Vohata,  prévôt  titulaire  du  chapitre.  Le  fermier, 
en  vertu  de  cet  acte  percevait  les  redevances  en  nature 
établies  sur  les  tenanciers  de  la  localité  (27  janvier  1417). 

Testament  du  chanoine  Jean  Rolland,  du  18  juillet 
1453,  pièce  très  détaillée  pour  les  biens  et  les  objets, 
offrant  presque  l'importance  d'un  inventaire. 

Au  XV®  siècle,  la  vacance  du  doyenné  est  pro- 
noncée régulièrement  en  assemblée  du  chapitre,  à  la 
suite  du  décès  de  Jean  Le  Tort,  le  17  août  1439.  Les 
chanoines  présents  sont  cités  par  leurs  noms,  Pierre 
d'Armes,  archidiacre,  en  tête.  L'acte  dressé  par  le 
notaire  apostolique,  Jean  Berou,  constate  simplement 
la  future  nomination  du  successeur. 

Partage  d'une  famille  de  serfs,  les  Michou  Bonnet, 
tisserands  de  drap  à  Nevers,  entre  l'évêque  et  les  cha- 
noines, tous  cités  par  leurs  noms,  le  21  mai  1445. 

Constatation  de  l'offrande  faite  à  la  cathédrale  de 
Saint-Cyr  par  le  comte  de  CharoUais,  en  1461,  au 
profit  des  chanoines,  usage  assez  curieux,  intéressante 
voir  relaté  dans  une  charte  qui  règle  le  partage  de  la 
somme  de  trois  lions  d'or  ainsi  donnée  pour  tous  les 
gens  d'église. 

Autorisation  pour  le  comte  de  Nevers,  Charles  de 
Bourgogne^  de  lever  la  somme  de  4,000  livres^  sur  les 


—  371  -- 

gens  de  l'évoque  et  du  chapitre,  à  titre  d'aides  pour 
subvenir  aux  frais  faits  par  lui  lors  du  sacre  du  roi 
Louis  XI  (novembre  1463). 

Plusieurs  de  nos  documents  concernant  les  personnes 
et  l'administration  ecclésiastique  offrent  de  l'intérêt. 

C'est  d'abord  le  procès  d'un  doyen  du  chapitre,  Jean 
Loyte,  le  10  juin  1468.  A  cette  date,  la  liste  du  Gallia 
Christiana  porte  N.  Carré,  contre  lequel  fut  donné  un 
sénatus-consulte  de  décembre  1468  relatif  au  doyenné . 

Le  notaire  apostolique,  Jean  Renard,  dresse  l'acte 
assisté  de  plusieurs  témoins,  habitants  de  Nevers. 
Le  chapitre  de  Saint-Cyr  est  représenté  par  les 
chanoines  Jean  Guillot,  Pierre  de  Pougues,  Philippe 
Rover,  Jean  Bolacre,  Philippe  Mige,  Henri  de  Saxoine, 
Jean  de  Corbigny,  Jean  Charrier,  Gilbert  de  Mingot, 
Pierre  Régnier,  Eudes  Forget,  Pierre  Guesdon,  Guil- 
laume Coquille,  Jean  Mige  et  autres.  Jean  de  Saintan, 
prêtre,  et  M*"  Nicolas  de  Métis,  notaire,  comparaissent 
au  nom  de  Jean  Loyte,  reçu  doyen  depuis  peu  et 
demandent  un  pouvoir  pour  toucher  les  revenus  et  les 
amendes  ecclésiastiques.  Pierre  de  Pougues  faisant 
fonction  de  président,  et  Guillaume  Coquille,  repré- 
sentant le  bailli  royal  de  Saint-Pierre,  décident  de 
déférer  l'affaire  en  cour  de  Rome.  Notre  charte  fait 
prévoir  le  sénatus-consulte  indiqué  plus  haut  et  permet 
de  rectifier  la  liste  des  doyens  en  ajoutant  le  nom  de 
Jean  Loyte. 

Procès-verbal  d'absence  de'  la  ville  dressé  par  Jean 
Cornillier,  clerc  notaire  royal  de  Saint-Pierre,  accom- 
pagné de  messire  Pierre  Luaud,  prêtre  de  Nevers, 
agissant  comme  procureur  du  chapitre  de  Saint-Cyr. 
Les  deux  délégués  se  transportent  successivement  aux 
domiciles  de  Pierre  de  Pougues,  Pierre  Régnier  et  Jean 
Mige,  chanoines,  où  leur  clerc  domestique  répond 
qu'ils  sont  partis  le  mercredi  précédent  et  qu'ils  n'en 


—  372  — 

ont  pas  eu  de  nouvelles.  Puis  ils  obtiennent  la  même 
réponse  de  Catherine,  femme  du  sergent  royal  Pierre 
Grimoart.  Les  trois  chanoines  et  le  sergent  avaient 
quitté  Nevers  le  môme  jour  et  à  la  môme  heure  pour 
un  fait  que  le  chapitre  tenait  à  constater  par  acte 
régulier  et  authentique  du  19  novembre  1468. 

L'acte  du  2  mai  1474  est  une  déclaration  de  foi  et 
hommage  faite  par  Gilbert  Mige,  licencié  es  lois^  au 
trésorier  de  l'église  cathédrale  de  Saint-Cyr,  Jean 
Burdelot,  notaire,  secrétaire  du  roi.  Il  s'agit  de  la 
quatrième  partie  d'une  dlme  située  à  Saint-Baudière, 
paroisse  de  Marzy,  que  le  possesseur  estime  à  un 
revenu  annuel  de  160  sols.  Cet  acte  calqué  en  tout 
point  sur  les  hommages  exigés  des  fiefs  nobles  se 
trouve  encore  assez  souvent  dans  les  règlements  ecclé- 
siastiques. Quoique  ce  fût  un  bien  d'église  tout  se 
passe  entre  laïques  ;  cependant,  à  la  fin  de  l'acte  on 
constate  la  présence  de  «  deux  témoings  clercs,  Pierre 
Régnier,  chanoine  et  officiai  de  Nevers,  et  Philippe 
Laigues  ». 

Le  6  mars  1479,  le  chapitre  de  Nevers  accorde  la 
manumission  ou  affranchissement  à  Thévenin  Gou- 
veaul  et  Anne,  sa  femme,  de  Challuy,  pour  eux  et 
leurs  héritiers.  L'acte  est  une  simple  convention,  un 
marché  dépourvu  de  toutes  les  réflexions  en  usage 
précédemment  pour  ces  sortes  de  contrats.  Thévenin 
donne  au  chapitre  «  en  compensation  »  une  rente  de 
40  sols  tournois  qu'il  tenait  de  son  père,  assise  sur 
une  maison  rue  du  Rivage,  occupée  par  Huguenin 
Berthelot,  marinier  (1).  C'était  un  serf  ayant  des  rentes 
qui,  moyennant  finance;  obtient  facilement  le  privi- 
lège de  la  liberté. 

La  célèbre  abbaye  de  Notre-Dame  de  Nevers  n'a 

(IJ  On  a  vu  le  bordelage  de  cette  maison  en  1590  pour  60  sols. 


^  373  — 

plus  aucun  dépôt  d'archives  ;  les  quelques  chartes  qui 
subsistent  encore  sont  dispersées  aux  quatre  coins  des 
amateurs  de  vieux  parchemins.  En  voici  une  de  mars 
1479  émanant  de  Tabbesse  Catherine  Boutillat,  famille 
qui  a  joué  un  rôle  important  en  Nivernais  pendant 
plusieurs  siècles.  L'abbesse,  usant  de  son  droit  de 
patronage  pour  la  chapellenie  de  Sainte-Marie-Made- 
leine de  Oulon  {Ouarum),  accorde  la  vicairie  avec  tous 
ses  privilèges  et  revenus  à  Jean  Povreaul,  fils  de 
Pierre  Povreaul,  de  Nevers.  C'était  un  bien  de  famille 
qui  se  transmettait  aux  membres  présentant  les  qua- 
lités voulues  pour  remplir  le  ministère.  Elle  avait  été 
occupée  par  un  certain  Symon  Povreaul,  lequel  sans 
doute  pour  cause  d'infirmités,  l'avait  résignée  tempo- 
rairement en  faveur  d'un  autre  prêtre  Jean  Forand. 
Celui-ci  la  restitue  à  la  famille  en  la  personne  du 
jeune  Jean  Povreaul,  reconnu  par  l'abbesse  comme 
méritant,  capable  et  très  digne  de  la  fonction,  puis  il 
reçoit  en  échange  la  chapelle  de  Saint-Barthélémy  de 
Souzy,  aujourd'hui  Soury,  paroisse  de  Champvoux. 
Ces  faits  sont  autant  de  renseignements  sur  les  condi- 
tions de  la  vie  de  nos  ancêtres. 

Quelques  actes  méritent  une  simple  mention  comme 
ceux-ci  : 

1484,  23  décembre,  vente  d'une  part  d'héritage  à 
Cossaye  et  Lamenay,  par  les  frères  Berquin,  passée 
au  nom  de  Jean  Germain,  conseiller  du  duc  de  Bra- 
bant  et  prévôt  de  Decize  devant  Jean  Remandat, 
prêtre,  notaire  juré. 

1487,  24  juillet,  désaveu  par  deux  prêtres  et  un  clerc 
de  Saint-Cyr  au  sujet  des  allégations  formulées 
dans  le  procès  entre  la  basse  et  la  haute  forme  de 
l'église.  Etienne  Décelons  et  Gilbert  Mige  sont 
choisis  comme  procureurs. 


-  374  - 

1593,  10  décembre,  quittance  de  la  veuve  Challudet, 
au  receveur  de  Gien,  pour  trois  quartiers  échus  de 
sa  pension  de  10  écus  par  an,  passée  devant  Delafaye, 
Tun  des  quatre  notaires  royaux  de  La  Charité. 

Enfin  il  y  a  deux  actes  du  xvn'  siècle,  l'un  du  7  mai 
1604  portant  transaction  à  la  suite  d'un  procès  entre 
Jean  Bergier,  sacristain  de  Saint-Cyr,  et  dom  Henry 
Girard,  prieur  de  Saint-Etienne,  au  sujet  des  limites 
d'une  dîme  à  La  Coulmelle,  près  Saint-Antoine,  et 
l'autre  du  88  janvier  1648  contenant  quittance  notariée 
de  90  livres  tournois  pour  gages  d'une  demi-année 
dus  à  Jean  Moireau,  maître  de  poste,  à  Pouilly,  à 
cause  de  son  office. 

Ces  documents  étaient  réunis  par  Monteil,  en  vue 
d'une  étude  sur  la  rédaction  des  actes  et  le  rôle  joué 
par  les  divers  officiers  qui  en  étaient  chargés. 

En  ce  qui  concerne  le  Nivernais,  parmi  la  variété 
des  officiers  ministériels  seigneuriaux  et  ecclésias- 
tiques, au  xv«  siècle  le  sceau  royal  de  Saint-Pierre-le- 
Moûtier  obtient  la  préférence  du  public.  Les  chartes 
rendues  par  son  intervention  deviennent  de  plus  en 
plus  fréquentes.  En  1405  le  garde  du  sceau  royal  est 
Jean  de  Beaulne,  puis  la  fonction  passe  entre  les  mains 
des  Baudreuil.  Durand  Baudreuil  conserve  les  sceaux 
jusqu'en  1462  et  les  cède  à  Jean  Baudreuil  qui  les 
occupe  jusqu'à  la  fin  du  xv®  siècle  et  les  cède  à  son 
tour  à  Pierre  Baudreuil  jusqu'en  1550  environ. 

Parmi  les  officiers  seigneuriaux  figurent  Jean  Mathé, 
à  Nevers  en  1474,  et  Jean  Germain,  conseiller  et  garde 
du  scel  à  Decize  en  1484.  Benoit  Guerbado,  châtelain 
de  Prémery,  procureur  de  l'évéque  de  Nevers  en  1511. 

Les  actes  sont  rendus  en  leur  nom  devant  le  notaire 
juré  auquel  ils  ont  confié  leur  pouvoir.  Ces  notaires 


-  375  — 

resteront  encore  assez  souvent  recrutés  parmi  les 
prêtres,  en  souvenir  des  officialités. 

Dans  un  acte  du  16  août  1508,  conventions  entre 
plusieurs  habitants  de  Vauclaix,  près  Corbigny,  Pierre 
Baudreuil  étant  garde  du  scel  royal,  le  texte  porte  : 
«  Pardevant  noble  homme  Thomas  de  Lacroix,  escuier, 
notaire  juré  du  roy  ». 

C'est  l'exemple  assez  rare  d'un  noble  exerçant  ces 
fonctions. 

Au  xvn®  siècle,  les  actes  sont  rendus  au  nom  de  Flo- 
rimond,  sfl'  de  Dornes  et  Retz,  capitaine  et  bailli  de 
Saint-Pierre  et  garde  du  scel  royal,  mais  la  plupart  du 
temps,  le  nom  du  notaire  paraît  seul  en  tète  de  l'acte, 
sans  aucune  formule  d'invocation. 

L'ensemble  des  documents  nivernais  recueillis  par 
Monteil  peuvent  être  décomposés  ainsi  : 

Deuxième  moitié  du  xiii^  siècle  7  chartes. 

xiv°  siècle,  du  n«  36  au  128.     .  35      — 

xvo  siècle,  du  n«  129  au  309.     .  25      — 

XVI®  siècle,  du  n^  331  au  554.  7       — 

xvîV  siècle,  n««  607  et  740 .     .  2      — 

En  tout  76  chartes  nivern. 
contenues  dans  ce  recueil  de  924  chartes  relatives  à 
toute  la  France,  sans  compter  trois  autres  documents 
de  grande  étendue,  catalogués  à  part. 


—  376  - 


LES  ABSIDES 


OPPOSÉES 


DE   LA  CATHEDRALE 


Dans  son  Dictionnaire  des  Antiquités  chrétiennes, 
le  chanoine  Martigny  dit  : 

((  Des  règlements,  remontant  à  l'origine  môme  de 
l'église  et  qui  furent  fixés  par  la  suite  dans  les  Consti-- 
tutions  apostoliques  {\i,  57  et  les  notes  de  Cotelier), 
prescrivaient  que  les  églises  fussent  disposées  de  façon 
que  la  porte  regardât  l'occident,  et  que  l'abside  pré- 
sentât sa  convexité  à  l'orient. 

Ainsi,  les  fidèles,  en  priant,  avaient  le  visage  tourné 
vers  l'orient  ;  et  la  principale  des  nombreuses  raisons 
mystiques  qu'on  ait  données  de  cette  disposition,  c'est 
que  nous  devons  diriger  nos  yeux  vers  le  paradis 
terrestre,  que  Dieu  a  placé  à  l'orient,  afin  d'entretenir 
en  nous  le  regret  de  lavoir  perdu,  ainsi  que  le  désir 
d'arriver  au  ciel,  qui  est  le  véritable  Eden. 

Quoiqu'il  en  soit,  il  ne  parait  pas  que  cette  règle  ait 
toujours  été  obligatoire,  car  nous  savons  par  Socrate 
(Hist.  ecl.  V,  21),  par  saint  Paulin  de  Nola  (épist.  xn 
ad.  Sever),  par  Eusèbe  {Hist.  ec/.  x,  4),  qu'il  y  fut 
dérogé  dès  les  premiers  siècles.  Ces  dérogations  pou- 
vaient, à  la  vérité,  avoir  leur  motif  dans  la  nécessité  de 
protester  contre  certains  hérétiques,  qui  avaient  ima- 
giné de  voir  Jésus-Christ  dans  le  soleil. 


—  377  - 

Toujours  est-il  que  tout  système  d'orientation  peut 
trouver  son  modèle  à  Rome,  même  parmi  les  plus 
anciennes  églises. 

Ainsi,  à  lest  :  Saint-Laurent-hors-les-Murs,  Ara- 
Cœli,  Saint-Paul; 

Au  sud  :  Saint-Jean-de-Latran,  Saint-Grégoire  et 
d'autres  encore  ; 

Au  nord:  Sainte-Marie-du-Peuple ,  Sainte-Marie 
ai  Monti,  etc. 

A  l'ouest  :  Saint-Pierre,  Sainte-Marie-Majeure, 
Saint-Clément,  Saint-Praxède. 

On  a  dit  que,  pour  conserver  au  moins  l'esprit  de 
l'usage  primitif,  on  avait,  dans  les  églises  orientées  à 
Vinoerse,  disposé  l'autel  de  façon  que  le  célébrant 
eût  le  visage  tourné  vers  le  peuple  et  par  conséquent 
vers  l'orient. 

Mais  dans  toutes  les  basiliques  de  Rome,  l'autel  est 
ainsi  tourné,  quelle  que  soit  leur  orientation  (1).  ^ 

Au  titre  :    «  Basiliques  chrétiennes  »,  p.  95,  on  lit  : 

«  Nous  devons  faire  remarquer  en  passant  que  les 
Basiliques  avaient  ordinairement  leurs  portes  tournées 
vers  l'occident  »• 

Et  à  la  page  97  :   «  Basiliques  Constantinîennes  ))  : 

«  Saint-Clément  présente  toutes  les  parties  types  de 
la  Basilique  Constantinienne,  comme  on  peut  s'en 
assurer  en  contemplant  la  basilique  primitive  récem- 
ment découverte  au-dessous  de  la  moderne,  d 

Quelles  sont  ces  parties  types:  trois  absides  fermant 
les  trois  nefs  à  l'opposé  de  l'entrée,  un  plan  placé  à 
cété  en  complète  la  démonstration, 

Martigny  n'a  pas  écrit  son  œuvre  au  pied  levé  ;  plus 

(i)  Orientation  des  Eglise»  chrétiennes,  p.  554. 
T.  ym,  3*  lérie.  25 


—  378  - 

de  deux  cent  cinquante  auteurs  et  plus  de  quatre  cents 
volumes  ou  manuscrits  ont  été  consultés  par  lui  ;  il 
en  donne  la  liste.  Des  collections  privées  et  publiques 
jusqu'au  Vatican,  il  a  tout  passé  au  crible. 

Après  lui  on  ne  saurait  rien  demander  au  Gallta 
Christiana  et  surtout  à  Parmentier. 

Voici  comment  s'exprime  ce  dernier  :  «  Comme  on 
le  voit  par  la  voûte  que  nous  supposons  avoir  été  le 
sanctuaire  »  —  Parmentier  dit  qu'il  suppose,  il  ne  dit 
pas  qu'il  en  est  sûr  —  et  il  continue  :  a  on  pensb  — 
vérifiez,  il  parle  d'une  chose  à  laquelle  il  ne  croit  pas 
—  on  pense,  dit-il,  que  la  porte  de  l'église  était  au 
même  endroit  où  est  aujourd'hui  le  grand  autel  ». 

Sur  quoi  peut-on  b&tir?  Quelles  bases,  quelles  fonda- 
tions, quelle  créance  peut-on  élever  sur  des  paroles 
si  indécises,  si  vagues  ? 

Prenons  plutôt  les  choses  comme  elles  sont,  c'est-à- 
dire  dans  Sainte-Julitte,  une  orientation  étrange, 
insolite  et  inusitée  et  n'oublions  pas  qu'au  dire  des 
chroniques  et  des  auteurs  très  anciens,  Nevers  n'était 
qu'un  ch&teau-fort  à  peine  de  la  grandeur  d'un  village. 

Un  grand  prélat,  un  savant,  un  érudit  et  un  saint, 
a  jugé  cette  orientation  ;  c'est  saint  Grégoire  de 
Tours,  en  décrivant  l'église  de  Saint-Nomatius  à 
Clermont-Ferrand  et  cela  au  vi®  siècle.  Avant  que  la 
cathédrale  existât  à  Nevers. 

Faut-il  mettre  en  doute  ses  connaissances  litur- 
giques ?  N'avait-il  pas  toute  l'autorité  qui  peut  man- 
quer sur  un  sujet  si  spécial  à  ceux  qui  sont  nés  depuis  ? 
Faut-il  lui  opposer  Parmentier  ? 

Il  reste  acquis,  d'autre  part,  que  le  type  des  basi- 
liques avait  trois  absides  à  l'opposé  de  l'entrée  et 
qu'elles  étaient  orientées. 

A  Nevers,  l'exemple  de  nefs  et  d'absides  orientées 
est  plus  saisissant  encore  :  la  cathédrale  est  presque 


—  379  — 

contemporaim  âe  deux  ^lises  voisines  d'à  peine  cin- 
quante mètres  :  Samt*Martin  et  Saint*Sauveur  avaient 
chacune  trois  absides  orientées  au  bout  de  leurs  nefs. 

Pourquoi  aller  chercher  dans  une  époque  troublée, 
une  époque  de  décadence,  avec  Charles-le-Chauve,  qui, 
à  ce  moment,  guerroyait  à  Nevers  même?  Pourquoi 
lui  attribuer  une  conception  étrange,  inusitée,  savante, 
somptueuse,  ne  procédant  d'aucune  loi,  d'aucun  prin- 
cipe? Pourquoi  devant  des  restes  vulgaires,  frustes, 
grossiers  même  par  le  travail,  accusant  une  déchéance 
de  Fart,  vouloir  déduire  du  merveilleux  ? 

Le  bon  sens  doit  toujours  nous  guider,  c'est  le  cas  de 
le  mettre  à  notre  service. 

Charlemagne  créé  des  écoles  ;  des  principes  sûrs 
sont  appliqués  ;  ils  sont  le  résultat  d'étude  ;  et  ces 
principes  aujourd'hui,  nous  les  retrouvons  sur  les  bords 
du  Rhin  et  à  Saint-Gaal,  en  Suisse. 

Ce  n'est  point  par  caprice  qu'Enguilhard  place  des 
absides  opposées  aussi  bien  aux  environs  d'Aix-la- 
Chapelle  qu'à  Saint-Gaal.  Vouloir  les  motiver  par 
deux  services  parallèles  :  celui  de  l'église  et  du  cha- 
pitre, c'est  faire  une  réplique  spécieuse  qui  ne  peut  spa 
se  défendre  à  l'époque  qui  nous  occupe. 

Le  principe  de  la  conception  du  plan  de  la  cathé- 
drale est  en  Orient,  et  VioUet-le-Duc  le  dit  en  toutes 
lettres,  a  C'est  dans  les  rapports  avec  ce  pays  qu'il  faut 
le  chercher.  »  Ces  rapports,  mis  au  jour,  peut-être  nous 
trouvera-t-on  plus  plausible  ;  j'en  ai  déjà  exposé  plu- 
sieurs (1)  ajoutons-en  d'autres.  Près  de  La  Charité, 
en  l'an  700,  disent  les  historiens,  s'est  fondé  un 
couvent  à  Seyr  ;  et  il  l'a  été  par  des  moines  grecs. 
Qui  dit  église  grecque  dit  absides  aux  bouts  des  nefs, 
telle  Capnicamack  en  Grèce,  Or,  au  village  de  La 

(i)  Vpir  Bempçrtt  et  MonumenU  de  Vancifin  Ntvern, 


—  380  — 

Marche,  il  a  existé  jusqu'en  18S0  une  église  à  trois 
nefs  fermées  de  chaque  bout  par  trois  absides  orien- 
tées, opposées  et  séparées  par  une  seule  travée. 

Voilà  bien  le  plan,  le  principe  dévoilé  avant  la 
construction  de  la  cathédrale,  et  du  môme  coup  aussi 
les  rapports  avec  TOrient  quatre-vingt-quinze  ans 
avant. 

Mais  ces  rapports,  n'allons-nous  pas  les  avoir  à  la 
fin  du  xu«  siècle,  lorsque  Pierre  de  Courtenay  est 
nommé  empereur  de  Constantinople  ?  Peut-on  assurer 
qu'ils  sont  spontanés  à  ce  moment  ? 

C'est  en  pesant  dun  côté  .les  suppositions  des 
auteurs  du  xvu^  siècle  et  de  l'autre  les  faits  précis, 
concluants,  encore  vérifiables,  que  je  me  suis  fait 
mon  opinion. 

Nous  aurions  fini  sur  les  absides  opposées,  si  M.  le 
chanoine  Sery  n'avait  présenté  une  phrase  de  Guy 
Coquille  comme  une  preuve  plus  évidente  à  ren- 
contre :  ((  Il  (Guillaume  de  Saint-Lazare,  1211)  fit 
»  commencer  la  structure  du  chœur  de  l'église  Saint- 
T»  Cyre  d'ouvrage  de  pierre  de  taille  en  la  beauté, 
»  artifice  et  magnificence  du  présent,  et  la  bâtit  pour 
»  la  plupart  à  ses  dépens  et  par  le  moyen  dudit  chœur 
»  ainsi  construit  a  nouveau  ;  le  grand  autel  et  le 
»  reste  de  l'église  qui  soûlait  être  à  soleil  couchant 
^)  fut  tourné  à  l'orient.  » 

Voilà  la  preuve,  dit  notre  collègue,  qu'on  en  profita 
pour  changer  son  orientation  ;  c'est  formel,  l'église  fut 
tournée  à  l'orient,  et  à  l'orient,  avant  ce  changement, 
était  le  portail. 

Or  nous-môme  relisons  le  texte  :  «  Le.  chœur,  » 
c'est-à-dire  le  sanctuaire,  l'abside,  et  non  la  net,  le 
portail,  «  le  chœur  fut  construit  a  nouveau  »  ;  c'est 


—  381  - 

précis  :  Le  chœur  de  nos  jours  existait  !  Il  y  avait 
absides  opposées  !  Car  le  chœur  est  construit  a  nou- 
veau ! 

Puis  :  «  Le  reste  de  l'église  qui  soûlait  être  à  soleil 
»  couchant  fut  tourné  à  l'orient.  ^  C'est-à-dire  la 
cérémonie  pendant  la  construction  qui  soûlait  être  à 
soleil  couchant  (dans  ce  qui  reste  de  l'église)  fut 
tourné  à  l'orient. 

Mais  le  mot  tourné  à  l'époque  e^t  employé  pour 
retourné,  c'est  constant.  Notre  explication  est  le  mot 
pour  mot  du  texte  ;  elle  est  logique  avec  la  place  des 
absidioles  romanes  orientées,  sans  quoi  il  faudrait  les 
expliquer  ;  tandis  que  telles  qu'elles  sont,  les  églises 
du  monde  entier,  contemporaines  de  la  cathédrale^  les 
expliquent ,  surtout  Saint-Sauveur ,  Saint-Martin, 
Saint-Etienne,  La  Charité,  leurs  voisines,  etc.,  etc. 

Mais  n'oublions  pas  que  pour  Tune  comme  pour 
l'autre  preuve,  nous  sommes  à  la  distance  de  huit  cents 
ans,  et  que  nous  lui  donnerions  une  bien  trop  grande 
importance.  Guy  Coquille  n'était  pas  un  archéologue, 
c'était  un  légiste  d'une  grande  valeur  vivant  en  plein 
épanouissement  de  la  Renaissance,  laquelle  méprisait 
déjà  cette  architecture  de  décadence  et  de  barbares 
dénommée  gothique,  originaire  des  Goths. 

Voilà  la  science  d'alors.  Faut-il  parler  de  l'art 
roman  après  cela  ? 

Faut-il  recueillir  ce  dédain  dans  le  texte  môme  de 
Guy  Coquille  ?  Il  dit  de  ce  chef-d'œuvre  du  trei- 
zième siècle  :  «  Bâtie  avec  la  magnificence  du 
»  PRÉSENT,  »  là  où  la  magnificence  aurait  sufii,  car 
pour  lui  celle  de  son  temps  était  la  vraie  magnificence. 

MASSILLON  ROUVET, 

Architecte, 

Membre  non  résidant   du    Comité  des  Beaux-Arts 
des  Sociétés  des  départements. 


^m- 


LES  CONRADE 


Dans  le  dernier  Bulletin  de  la  Société  nivernaise, 
page  230,  se  trouve  une  critique  sur  mon  étude  : 
Les  Conrade, 

Dans  cette  môme  critique  se  trouve  aussi  ma 
réponse.  Je  ne  me  servirai  donc  que  des  armes  four- 
nies. 

A  la  vingt-sixième  ligne,  page  221,  en  citant  son 
père,  M.  du  Broc  de  Segange  écrit  :  a  Scipion  Gambin, 
»  en  tout  état  de  cause,  doit-il  être  considéré  comme 
»  le  premier  importateur  de  la  faïence  à  Nevers  ?  » 

A  cette  phrase  inîerrogative  il  répond  : 

((  Tout  indique  que,  le  premier,  il  a  dû  faire  des 
»  essais.  » 

C'est  donc  M.  du  Broc  de  Segange  qui  est  affirmait f 
et  qui  crée  Scipion  Gambin. 

Au  fond  des  choses,  nous  sommes  d'accord  avec 
M.  du  Broc  de  Segange,  puisque  je  lui  apporte  des 
documents  inconnus  établissant  la  priorité  des 
Conrade. 

Je  me  félicite  de  les  avoir  ajoutés,  d'en  préparer 
d'autres  et  contribuer  à  rétablir  nettement  la  vérité 
suivant  les  désirs  d'un  auteur  aussi  estimable  par  sa 
sincérité  que  par  sa  courtoisie.  M.  R. 


—  383  -« 


ENQUÊTE 


RELATIVE  AUX  DROITS  DE  L'ABRATË  DE  GLUNT 

SUR   LE 

•PRIEURÉ  DE  LA  CHARITÉ-SUR-LOIRE 

(XIII-  SIÈCLE) 
Par    Ed.     DUMZNY 


De  tous  les  monastères  qui  tiraient  leur  origine  de 
Cluny  celui  de  La  Charité  fut  certainement  le  plus 
important.  Dès  sa  fondation,  on  le  vit  s'élever  au- 
dessus  des  autres  et,  par  sa  richesse,  par  la  renommée 
qu'il  s'acquit,  par  le  nombre  de  maisons  qu'il  compta 
sous  sa  dépendance,  mériter  le  nom  de  première  fille 
de  Cluny.  En  peu  de  temps,  ses  possessions  s'éten- 
dirent dans  toutes  les  parties  du  centre  et  du  nord  de 
la  France.  A  l'étranger,  son  développement  ne  fut  pas 
moins  rapide  et  il  envoya  bientôt  des  colonies  en 
Angleterre  (1),  en  Portugal  (2),  à  Venise  (3)  et  sur  les 


(1)  Prieurés  de  Sainte-Milburge  de  Wenlock  (Shropshire),  Saint-Saa- 
veur  de  Bermondaay  (actuellement  faubourg  de  Londres,  comté  de 
Surrey),  Saint- André  de  Northampton  (Northaroptonshlre),  Saint-Âugustin 
de  Daventry  (Northamptonahire),  Saint-Jean-rEvangélisle  de  Pontefiract, 
(comté  d*York,  West  Riding.) 

(3)  Prieuré  de  Saint-Pierre  de  Rates  (province  de  Minho,  district  de 
Porto,  conseilho  de  Pavoa  de  Varzim). 

(3)  Prieuré  de  Sainte-Croix. 


—  384  - 

côtes  de  r Asie-Mineure  (1).  Du  vivant  même  de  son 
fondateur,  plus  de  deux  cents  religieux  se  pressaient, 
dit-on,  dans  ses  murs,  et  saint  Hugues  y  reçut 
soixante  novices  en  un  seul  jour. 

Cette  prospérité  ne  fut  pas  sans  causer  quelques 
inquiétudes  à  Cluny.  Une  fille  aussi  riche  et  aussi 
puissante  ne  songerait-elle  pas  à  se  déclarer  indépen- 
dante et  à  se  mettre  à  la  tète  d'un  nouvel  ordre  ?  La 
Charité,  comme  Cluny,  convoquait  périodiquement  des 
chapitres,  auxquels  étaient  tenus  d'assister  les  repré- 
sentants des  nombreux  prieurés  qui  lui  étaient  soumis, 
et  dans  lesquels  l'autorité  absolue  de  son  chef  était 
incontestée.  Ne  prendrait-il  pas  fantaisie  à  l'un  de  ses 
prieurs  de  profiter  d'une  de  ces  assemblées  pour 
s'affranchir  complètement  de  toute  subordination 
envers  l'abbaye  ?  On  trouve  des  preuves  de  ces  craintes 
dans  le  soin  avec  lequel  Cluny  faisait  constater  par  les 
autorités  temporelles  et  spirituelles,  toutes  les  fois  que 
l'occasion  s'en  présentait,  que  La  Charité  devait  lui 
être  entièrement  soumise. 

Dans  la  charte  de  1119,  Louis  VI  se  contente  d'énu- 
mérer  les  autres  biens  et  prieurés  dont  il  confirme  la 
possession  à  l'abbaye  ;  mais,  en  ce  qui  concerne  notre 


(i)  Prieuré  de  Civitot  En  prenant  à  la  lettre  les  expressions  dont  se 
sert  Pierre-le- Vénérable  dans  deux  lettres,  on  a  jusqu'ici  placé  ce  prieuré 
dans  un  faubourg  de  Constantinople.  On  ne  trouve  dans  aucun  des  histo- 
riens des  Croisades  mention  d'un  faubourg  de  ce  nom,  mais  il  esi  souvent 
question  du  port  de  Civitot,  sur  le  golfe  de   Nicoraédie,   à  proximité  de 
Nicée,  aujourd'hui  Herzek.  Le  prieuré  de  Civitot  fut  donné  par  remfte- 
reur  Alexis  Comnène  à  La  Charité.  Nous  savons,  par  Ordeiic  Vital,  que 
cet  empereur  avait  bâti  la  ville  de  Civitot  pour  y  mettre  ses  gardes,  d^ori- 
gine  étrangère.  Il  est  tout  naturel  qu'il  y  ait  aussi  établi  des  moines  étran- 
gers plutôt  que  dans  la  ville  impériale  elle-même,  où  il  aurait  risqué  de 
froisser  le  clergé  grec«  qui  avait  alors  p^^u  de  sympathie  pour  les  Latins. 
Les  termes  dont  se  sert  Pierre-le- Vénérable  peuvent  signifier  non  pas  un 
faubourg,   mais  une  localité   voisine   de  Constantinople,    comme    est 
Herzek. 


-  385  - 

■ 

monastère,  il  déclare  formellement  qu'il  lui  à  été 
donné  complètement  et  qu'il  lui  est  assujetti  sans 
réserve  «  absque  ulla  retentione  "b .  Urbain  II,  en  1088, 
défend  aux  religieux  de  se  soustraire  à  l'obéissance 
qu'ils  doivent  a  l'abbé.  Innocent  III  leur  ordonne  de 
rester  soumis  à  l'abbé  de  Cluny  et  à  ses  successeurs,  et 
leur  interdit,  sous  peine  de  s'attirer  la  colère  de  Dieu, 
d'établir  un  abbé  dans  leur  couvent.  Plusieurs  autres 
actes  des  Souverains  Pontifes  insistent  sur  la  dépen- 
dance dans  laquelle  le  prieuré  doit  toujours  demeurer 
à  l'égard  de  Cluny. 

Ces  craintes  n'étaient  pas  sans  cause.  Les  moines  de 
La  Charité  supportaient  péniblement  la  sujétion  qui 
leur  était  imposée.  Ils  profitaient  de  toutes  les 
circonstances  favorables  pour  essayer  de  détendre  les 
liens  qui  les  attachaient  à  Cluny  et  de  se  rendre  plus 
ou  moins  indépendants.  Cette  situation  faisait  naître 
entre  les  deux  maisons  des  conflits  qui,  en  1312, 
aboutirent  à  une  révolte  complète,  qui  ne  put  être 
maîtrisée  que  grâce  à  l'intervention  royale.  Quels 
étaient  exactement  les  droits  de  l'abbaye  sur  le  prieuré 
et  les  maisons  qui  en  dépendaient?  Cette  question 
divisa  souvent  les  religieux.  A  cette  époque,  c'était 
surtout  la  possession  qui  réglait  les  droits  et  les 
devoirs  de  chacun.  Aussi  fallait-il,  toutes  les  fois 
qu'une  difficulté  sérieuse  se  présentait  à  ce  sujet, 
recourir  à  une  enquête  pour  établir  quelle  avait  été, 
jusque-là,  cette  possession. 

Une  de  ces  enquêtes  nous  est  parvenue.  La  Biblio- 
thèque nationale  en  possède  deux  copies  (1).  Elle  est 
fort  longue  et  contient  les  dépositions  de  cent  cin- 
quante témoins  de  toutes  catégories,  les  uns  religieux, 

(1)  Fondé  laJ^n  des  Nouvelles  (icquisitiùnSj  2274,  n*  8,  et  CoUêctUm  de 
Bowgognet  n*  SI. 


-— >386  — 

les  autres  laïques,  de  La  Charité,  Cosne,  Bonny  et  ke 
environs*  Parmi  eux,  nous  trouvons  un  ancien  prieur, 
le  sous-prieur  et  le  sacristain  du  monastère,  les 
prieurs  de  différentes  maisons  sous  sa  dépendance,  les 
curés  de  plusieurs  paroisses  des  bords  de  la  Loire,  de 
simples  moines,  un  serviteur  des  religieux  de  Bonny, 
plusieurs  ouvriers,  un  meunier,  un  maçon,  un  sellier, 
un  cordonnier,  etc. 

Cet  acte,  tel  que  nous  le  possédons,  ne  porte  aucune 
date.  Il  commence,  sans  préambule,  par  la  déposition 
d'un  témoin  et  se  termine  non  moins  brusquement. 
M.  Léopold  Delisle  le  considère  comme  ayant  été  passé 
vers  l'an  1252.  Qu'il  me  soit  permis  d'énumérer  les 
motifs  qui  me  font  penser  que  cette  date  doit  être 
reculée  d'un  certain  nombre  d'années. 

Rodolphe  de  Sully  fut  deux  fois  prieur  de  notre 
monastère.  D'abord  en  1164,  d'après  la  Gatlia  Chris- 
tiana;i\  l'était  certainement  en  1166,  une  charte  de 
Guillaume  IV,  comte  de  Nevers,  de  cette  année,  lui 
donnant  ce  titre.  En  1173,  il  fut  élu  abbé  de  Cluny  ; 
trois  ans  plus  tard,  il  résigna  ses  fonctions  et  vint  se 
remettre  à  la  tête  du  prieuré  de  La  Charité,  où  il 
mourut  dans  les  premiers  mois  de  l'année  1177  (1). 
Le  premier  témoin  parle  de  lui  comme  ayant  été  prieur 
quarante  ans  auparavant.  Etienne  Sancitus  fut  reçu 
moine,  il  y  avait  alors  trente  ans,  par  Rodolphe, 
Tannée  même  de  la  mort  de  ce  dernier  ;  il  ût  profes- 
sion, vingt  ans  avant  sa  déposition,  entre  les  mains  de 
Hugues  de  Clermont,  abbé  de  Cluny,  entre  1183  et 
1199.  Assurément,  nous  devons  considérer  ces  chiffres 


(i)  Selon  la  Gallia  Christiana,  ce  prieur  serait  mort  le  21  septem- 
bre 1176  ;  cependant,  une  charte  contenant  accord  entre  les  religieux  de 
Joigny  et  ceux  de  l'abbaye  des  Escharlis,  le  fait  vivre  encore  l» 
3  février  1177. 


—  387  — 

comme  approximatifs,  mais  ils  nous  ramèBeiit>  '  de 
toute  évidence,  dans  le  premier  quart  du  xui^  siècle. 

Des  faits  énoncés  par  des  témoins  comme  s'étant 
passés  ime  vingtaine  d'années  auparavant  ont  eu  lieu 
sous  l'administration  du  même  abbé  Hugues  de  Cler- 
mont. 

Plusieurs,  ainsi  Haton,  de  Villefranche ,  âgé  de 
soixante  ans,  se  souviennent  avoir  connu  Rodolphe  de 
Sully,  ce  qui  serait  impossible,  si  Tenquète  avait  eu 
lieu  vers  le  milieu  du  siècle. 

Thomas  de  Druye  déclare  avoir  vu  l'abbé  Thibault 
coucher  trois  nuits  de  suite  à  La  Charité  ;  or  cet  abbé 
est  mort  en  1183,  et  Thomas  n'a  que  soixante  ans. 

Le  prieur  Guillaume  Besort  ayant  été  déposé  par  les 
religieux  pendant  un  voyage  de  l'abbé  en  Angleterre, 
celui-ci,  à  son  retour,  avec  l'assistance  du  cardinal 
Octavien,  légat  du  Saint-Père,  et  l'aide  des  baillis 
royaux,  le  rétablit  dans  ses  fonctions.  Ces  événements, 
d'après  les  déclarations  des  témoins,  remontaient  à 
ime  quinzaine  d'années.  Nous  savons  que  ce  légat  fut 
promu  cardinal  par  le  pape  Lucien  III  en  118S,  et 
mourut  vers  1205. 

Rodolphe,  sacristain  de  Notre-Dame  de  Sens,  &gé 
de  quarante  ans  seulement,  dépose  avoir  vu  Henri, 
archevêque  de  Bourges,  occuper  dans  le  chœur  le 
siège  réservé  à  l'abbé  deCluny.  Le  seul  archevêque  de 
Bourges  portant  ce  prénom  vers  cette  époque  est 
Henri  de  Sully,  mort  au  mois  de  septembre  1300. 

Hugues  Suavis  ou  Souef  cite,  parmi  les  prieurs  qui 
ont  été  élus  par  le  couvent  de  son  temps,  Renaud  que 
nous  trouvons  nommé  avec  ce  titre  dans  une  charte  de 
1154.  Selon  toute  apparence,  ce  déposant  est  la  même 
personne  que  nous  voyons  figurer  comme  témoin  dans 
difiérents  actes  intéressant  le  prieuré  de  La  Charité 
entre  1187  et  1200,  et  qui,  en  1198,  avait  le  titre  de 


"■■■    OOO    "■■■ 

prévôt.  C'est  sans  doute  en  cette  qualité  qu'il  fut 
chargé  plusieurs  fois  d'effectuer  le  paiement  de  Tobole 
d'or  que  le  couvent  de  La  Charité  devait  chaque  année 
à  l'abbaye  de  Cluny. 

Deux  témoins,  Hugues,  prieur  de  Bermondsay,  et 
Etienne,  prieur  de  Keuil,  nomment  Sa  varie  comme 
étant  alors  abbé  de  Corbigny.  Nous  trouvons  un 
Savaric,  inconnu  de  la  Gallia  CAm<fana,  mentionné 
dans  une  charte  de  1195,  et  un  autre  énoncé  dans  ce 
recueil  en  1224,  qui  avait  cessé  d'être  abbé  en  1238. 
Qu'il  s'agisse  de  l'un  ou  de  l'autre,  cette  déclaration 
nous  reporte  toujours  au  commencement  du  siècle.  Il 
y  a  de  grandes  probabilités  pour  admettre  que  le 
second  de  ces  témoins  est  ce  prieur  de  Reuil,  portant 
le  même  prénom  et  qui  devint  prieur  de  La  Charité 
vers  1228. 

L'élection  du  prieur  Guy  de  Montambert  eut  lieu 
sous  l'abbé  Hugues  de  Clermont  ;  en  prenant  dans  les 
chiffres  différents  fournis  par  les  dépositions,  même 
la  date  la  plus  reculée,  celle  de  vingt-quatre  ans,  on 
trouve  que  l'enquête  serait  antérieure  à  1225.  A  l'oc- 
casion de  cette  élection,  des  observations  furent 
adressées  à  l'abbé  séjournant  à  La  Charité  par  un 
moine  de  Cluny,  du  nombre  de  ses  compagnons,  nommé 
Durand  le  Roux  (Durandus  Rufus),  que  nous  voyons 
figurer  dans  les  premières  années  du  xur  siècle 
comme  témoin  dans  la  charte  du  comte  Hervé  et  de 
Mathilde,  sa  femme,  en  faveur  de  Saint-Etienne  de 
Nevers,  en  ces  termes  :  «  Existentibus  testibus  sociis, 

ejus  abbatis  Duranno  Rufo  connestabulo »  et  qui 

est  probablement  désigné  par^  une  simple  initiale  dans 
la  donation  faite  en  1190  par  Renaud  de  Decize  : 
Testes  Joannes  episcopus  Nivernensis,  D.  consta- 
bulus  Cluniacensis  ». 

Le  soixante-dixième  témoin  est  nommé  «  Radulfus 


—  389  — 

prepositus  de  Chanco  ».  Je  crois  qu'il  est  impossible 
d'identifier  cette  localité.  N'y  aurait-il  pas  une  faute 
de  copiste  ?  et  ne  devrions-nous  pas  lire  «  Rodulfus 
prepositus  de  ChantUlo  »,  que  nous  voyons  figurer 
comme  témoin  avec  Hugues  Suavis  en  1200  dans  un 
acte  intéressant  le  couvent  ?  Il  s'agirait  alors  de  Chan- 
dillon,  près  de  La  Charité. 

Parmi  les  déposants  se  trouve  Greoffroi,  ancien 
prieur  de  La  Charité.  Nous  ne  connaissons  que  deux 
prieurs  ayant  porté  ce  nom  ;  le  premier,  dont  il  sera 
bientôt  question,  était  prieur  en  1174;  il  ne  peut 
s'agir  de  lui,  le  témoin  déclarant  n'avoir  que  cinquante 
ans  ;  le  second  est  le  célèbre  prieur  qui,  en  1212,  se 
révolta  ouvertement  contre  l'abbé  de  Cluny.  Rien  ne 
s'oppose  à  ce  que  nous  admettions  que  c'est  lui  qui 
intervient  dans  l'enquête.  De  tous  les  prieurs  nommés 
dans  les  dépositions  comme  s'étant  succédé  à  La  Cha- 
rité, aucun  ne  lui  est  postérieur,  c'est  jusqu'à  lui  que 
les  témoins  racontent  l'histoire  du  couvent. 

Nous  savons  qu'il  fut  déposé,  mais  nous  ignorons 
ce  qu'il  devint  ensuite.  Pourquoi  n'aurait -il  pas 
continué  à  habiter  La  Charité  comme  simple  moine  ? 
L'histoire  nous  offre  l'exemple  de  faits  semblables.  Ce 
témoin  déclare  qu'il  a  lui-môme  payé  l'obole  d'or  due 
à  Cluny,  pendant  neuf  ans,  c'est-à-dire  sans  doute  pen- 
dant le  temps  qu'il  fut  à  la  tôte  du  prieuré.  Geoffroi 
fut  destitué  en  1212  ;  il  avait  donc,  s'il  s'agit  de  lui, 
été  nommé  vers  1203.  Les  chartes  que  nous  possédons 
nous  montrent  qu'il  ne  l'était  pas  encore  au  mois  de 
}uin  1200  et  qu'il  l'était  déjà  en  1208,  ce  qui  concorde 
avec  sa  déclaration.  Si  le  déposant  est  bien  le  révolté 
de  1212,  il  nous  apparaît  dans  son  témoignage  beau- 
coup plus  modéré  que  nous  aurions  été  en  droit  de  le 
penser,  d'après  les  violences  dont  il  venait  de  se  rendre 
coupable.  Il  reconnaît  sans  difficulté  que  le  consente- 


—  390  — 

ment  de  Tâbbé  doit  dtre  demandé  pour  Télection  du 
prieur. 

Nous  aurions  alors  une  date  précise  pour  Tacte 

qui  nous  occupe  ;  cette  enquête  aurait  été  faite  après  la 

rébellion  de  Geoffroi  et  à  cette  occasion,  c'est-A-dire 

entre  1212  et  1215.  Mais  nous  ignorons  qui  y  procéda. 

Etaient-ce  des  commissaires  nommés  par  le  Souverain 

Pontife,  préoccupé  de  faire  cesser  le  désordre  qui 

s'était  introduit  dans  le  prieuré?  N'avaient-ils  pas 

plutôt  été  désignés  par  l'abbé  de  Cluny  pour  procéder 

à  des  interrogatoires  dont  le  résultat  devait  être  porté 

en  cour  de  Rome  ?  Une  lettre  d'Innocent  III,  adressée 

à  l'abbé  de  Cluny  à  la  date  du  trois  des  nones  de 

février,  l'an  dix-septième  de  son  pontificat,  et  qui 

semble  être  la  conséquence  de  cette  enquête  le  laisse 

supposer  :  «  Auditis  et  intellectis,  y  est-il  dit,  que  a 

te,  dilecte  fili  abbas,  pvo  monasterio  tuo  ex  parte  una 

et  monachîs  de  Caritate  ex  altéra,  super  electione  et 

institutione  prioris  fuere  proposite  coram  nobis  ». 

On  remarque  que  le  Pape  ne  fait  aucune  allusion  à 

l'avis  de  commissaires  qui  auraient  été  nommés  par  lui. 

La  donation  de  Geoffroi  de  Champallement  avait  été 
faite  à  Cluny,  et  c'est  saint  Hugues  qui  avait  désigné 
le  premivT  prieur  saint  Gérard.  Les  droits  de  l'abbé 
à  ce  sujet  avaient  été  reconnus  et  maintenus  par  les 
Souverains  Pontifes,  et  c'est  par  lui  que  les  succes- 
seurs de  Gérard  avaient  été  nommés. 

Vers  1150,  nous  voyons  l'un  d'eux.  Théodard,  se 
plaindre  à  Pierre-le-Vénérable  du  fardeau  qu'il  lui 
avait  imposé  en  le  mettant  à  la  tête  du  monastère  et  le 
prier  de  vouloir  bien  l'en  décharger.  Nous  lisons  dans 
une  lettre  adressée  par  les  moines  de  La  Charité  à 
ceux  de  Cluny  :  «  Nec  in  prejiciendo  nabis  vel  amo- 
venda  priare  Jus  aliquod  vendicamus  cum,.  ipsius 
ordinatio  tata  ex  Damini  abbatis  Cluniacensis  pen^ 


-  3M  - 

deat  voluntate  ».  Il  semble  dès  lors  que  le  droit  de 
nomination  du  prieur  ne  pouvait  pas  être  mis  en  ques- 
tion. C'est  cependant  ce  qui  arriva.  C'était  la  princi- 
pale et  la  plus  importante  des  difficultés  qui  avaient 
surgi  entre  les  deux  monastères.  L'abbé  revendiquait 
le  droit  absolu  et  exclusif  de  faire  porter  son  choix 
sur  qui  bon  lui  semblait,  sans  être  astreint  à  aucune 
condition  et  sans  avoir  à  consulter  les  moines  ;  il  pré- 
tendait pouvoir  destituer  le  prieur  selon  son  caprice^ 
sans  avoir  à  invoquer  aucun  motif.  Les  religieux,  de 
leur  côté,  soutenaient  n'être  tenus  d'obéir  qu'à  celui 
qu'ils  avaient  élu  eux-mêmes  et  que  l'abbé  devait 
nécessairement  approuver  leur  choix  ;  d'après  eux,  il 
n'avait  qu'un  simple  droit  de  confirmation. 

La  plupart  des  témoins  interrogés  sur  ce  fait  décla- 
rèrent que  le  couvent  avait  autrefois  été  en  possession 
d'instituer  et  de  destituer  le  prieur.  Lorsqu'une 
vacance  se  produisait,  les  plus  anciens  religieux  et  les 
dignitaires  se  concertaient  entre  eux.  Quand  ils  avaient 
choisi  leur  candidat,  ils  le  présentaient  aux  autres 
religieux,  qui  acceptaient  toujours  leur  décision  ;  puis 
deux  ou  trois  moines  étaient  envoyés  à  Cluny  pour 
notiâer  cette  élection  à  l'abbé  et  le  prier  de  l'ac- 
cepter. Celui-ci  se  contentait  de  donner  une  sorte 
d'investiture  au  nouveau  prieur  qui,  môme  avant  cette 
formalité,  était  reconnu  comme  tel  par  les  religieux  et 
les  bourgeois  de  la  ville.  Un  des  témoins  prétend  que 
la  nomination  devait  être  faite  par  les  religieux  et  les 
habitants  de  La  Charité,  un  autre  par  l'abbé  et  le 
comte  de  Nevers  ;  bien  peu  reconnaissent  ce  droit  à 
Cluny.  Ce  n'était  que  depuis  vingt-deux  ans  environ 
que  l'abbé  avait  usurpé  ces  droits  des  moines  et  s'était 
arrogé  le  pouvoir  de  choisir  seul  le  prieur. 

On  ne  peut  suspecter  la  bonne  foi  de  tant  de  dépo- 
sants. Plusieurs  racontait  avec  détails  les  élections 


—  392  — 

auxquelles  ils  ont  assisté.  Môme  si,  dans  ces  cir- 
constances, les  abbés  se  trouvaient  par  hasard  à  La 
Charité,  ils  laissaient  les  religieux  absolument  libres 
de  leur  choix  et  n'intervenaient  en  aucune  façon,  avant 
que  Télu  leur  eût  été  présenté.  Lors  de  l'une  de  ces 
élections,  un  moine  de  Cluny  ayant  adressé  quelques 
observations  à  ce  sujet  à  l'abbé,  Hugues  de  Clermont 
lui  répondit  en  reconnaissant  formellement  le  droit 
des  religieux.  Le  mode  de  nomination  du  prieur  avait 
donc  changé  depuis  Pierre-le- Vénérable.  Sans  doute 
par  bienveillance,  les  abbés  auront  pris  l'habitude  de 
consulter  les  moines  et  d'agréer  les  présentations  qui 
leur  étaient  faites  par  ceux-ci  qui,  peu  à  peu,  auront 
essayé  de  changer  en  un  droit  ce  qui  n'était  qu'une 
tolérance;  puis  un  abbé,  vingt- deux  ans  avant  l'époque 
de  l'enquête,  aura  entendu  user  d'un  pouvoir  qui  avait 
appartenu  à  ses  prédécesseurs. 

On  raconte  que  saint  Gérard  se  trouvant  un  jeudi 
saint  à  Cluny,  s'aperçut  au  réfectoire  que  le  nombre 
des  écuelles  dans  lesquelles  les  moines  devaient  prendre 
leur  repas  était  insuffisant.  Il  aurait  tiré  de  sa  bourse 
tout  ce  qu'elle  contenait,  une  obole  d'or,  et  l'aurait 
remise  au  cuisinier  pour  qu'il  pût  faire  l'acquisition 
d'autres  écuelles  ;  en  souvenir  de  quoi  il  aurait  ordonné 
que  tous  les  ans  son  couvent  remettrait  une  semblable 
aumône  à  Cluny.  Depuis  lors,  chaque  année,  le  jour  de 
la  fôte  de  saint  Rémi,  le  cuisinier  de  ce  monastère 
recevait  soit  une  obole  d'or,  soit  une  somme  de  dix 
sols,  monnaie  de  Gien,  représentant  la  môme  valeur. 
Voilà  à  quoi,  au  dire  de  nombreux  témoins,  se  rédui- 
saient les  obligations  du  prieuré  envers  l'abbaye  ;  et 
encore  était-ce  en  signe  non  de  soumission,  mais  de 
confraternité,  d'après  certains  déposants. 

Pour  ce  qui  est  de  l'abbé,  tous  les  témoins  lui  recon- 
naissent le  droit  exclusif  de  bénir  les  religieux  et 


—  393  — 

d'occuper  une  place  spécialement  réservée  au  chœur, 
au  chapitre  et  au  réfectoire.  La  première  fois  qu'il 
visitait  La  Charité,  il  devait  être  reçu  processionnel- 
lement.  En  ce  qui  concerne  le  droit  de  procuration,  la 
plupart  ne  l'admettaient  qu'une  fois  par  année,  un  seul 
jour,  avec  un  nombre  restreint  de  chevaux,  lorsqu'il 
venait  pour  affaires  rendant  sa  présence  nécessaire,  ou 
lorsqu'il  revenait  d'Angleterre  ou  de  Rome.  Hugues 
Suavis  et  le  prévôt  Rodolphe  avaient  vu  l'abbé  Hugues 
séjournant  trois  nuits  dans  le  couvent,  obligé  d'envoyer 
ses  chevaux  dans  d'autres  prieurés,  les  moines  ayant 
refusé  de  les  nourrir  aussi  longtenlps.  Le  curé  de 
Narcy  raconte  qu'un  abbé,  étant  venu  remplacer  un 
prieur,  avait  été  expulsé  de  la  ville,  et,  en  signe  de 
mépris,  les  queues  de  ses  chevaux  avaient  été  coupées. 
Les  couvents  dépendant  de  La  Charité  refusaient  sou- 
vent d'héberger  les  abbés  et  leur  suite.  Les  serviteurs 
de  l'un  d'eux,  précédant  leur  maître,  s'étant  présentés 
à  Notre-Dame  du  Charnier  de  Sens,  furent  renvoyés 
parce  qu'il  n'y  avait  pas  encore  deux  mois  qu'il  avait 
déjà  été  reçu  dans  cette  maison.  Un  autre  ayant  voulu 
faire  déposer  ses  bagages  à  Cosne,  les  religieux  mirent 
ses  chevaux  hors  du  prieuré  et  jetèrent  ses  bagages 
par-dessus  les  murs. 

Les  compagnons  et  les  serviteurs  de  l'abbé  préten- 
daient avoir  certains  droits  dans  les  maisons  qu'ils 
visitaient  en  l'accompagnant.  Renaud  Bienassis  cite 
que,  lorsqu'ils  venaient  à  La  Charité,  ils  vendaient  les 
selles  et  les  freins  de  leurs  chevaux,  voulant  s'en  faire 
donner  de  meilleurs.  Le  cuisinier  élevait  sur  les  viandes 
des  prétentions  qui  d'ailleurs  étaient  contestées.  De 
ces  différents  droits,  un  seul  semble  avoir  été  reconnu 
par  les  religieux.  Lors  de  ses  voyages  à  La  Charité, 
des  cierges  étaient  fournis  à  l'abbé  pour  l'éclairer  la 

T.  YUi,  3*  série.  26 


—  394  — 

nuit,  le  surplus  des  cierges  ayant  ainsi  servi  la  pre- 
mière nuit  appartenait  à  son  chambrier. 

Si,  pendant  leur  séjour,  les  abbés  avaient  préséance 
au  chœur  et  au  chapitre,  ils  ne  possédaient  en   fait 
aucune  autorité  dans  l'intérieur   du  prieuré.    Leurs 
compagnons  eux-mêmes,  lorsqu'ils  commettaient  quel- 
que délit,  étaient  punis  par  le  prieur  et  par  le  cellérier. 
Plusieurs  témoins  les  ont  vu  intervenir  en  vain  en 
faveur  de  moines  punis,  ils  n'avaient  jamais  pu  obtenir 
leur  grâce.  Il  paraît  même  que  dans  les  cas  semblables, 
pour  prouver  leur  absolue  indépendance,  les  moines 
refusaient   toujours   de  céder  aux  sollicitations   des 
abbés  et  attendaient  leur  départ  pour  libérer  les  pri- 
sonniers auxquels  ils  s'étaient  intéressés.  Alors  que  le 
prieur  était  maître  d'envoyer  ses  religieux  dans  tout 
autre  monastère  qu'il  lui  semblait  bon,   a   Roniam 
aat  ad  Anfjlicun  et  ubicunique  terrarum  »,  selon  les 
expressions  de  Jean   de  Saint -Yon,   il  n'était  pas 
permis  à  l'abbé  de  les  faire  venir  à  Cluny.  Gomont 
de  Meun,  prieur  de  Reuil;    Etienne  de  Blancafort, 
prieur   de    Montbouy  ;    l'Anglais   Osbert,  prieur  de 
Saint-Hacho,  pour  être  allés  à  Cluny,   sur  un  ordre 
de  l'abbé,  sans  autorisation  du  prieur,  à  leur  retour 
avaient  été  traités  comme  fugitifs  et  furent  privés  de 
leurs  prieurés  :  de  simples  moines,  pour  le  même  fait, 
avaient  été  punis.   Tandis   que    Giraud,   prieur   de 
Villiers,  déclare   qu'ayant  pris  fantaisie  de  voir  la 
tenue  du  chapitre,  il  était  allé  à  Cluny,  quittant  le 
couvent  sans  autorisation  et  que,  lorsqu'il  rentra,  il  ne 
subit  aucune  punition. 

11  existait  une  tradition  relative  à  certains  privilèges 
obtenus  par  le  fondateur  et  accordant  aux  religieux  la 
faculté  d'élire  leur  prieur.  Les  dépositions  varient 
relativement  à  la  façon  dont  les  chartes  contenant  ces 
privilèges  auraient  disparu.  Selon  les  uns,  un  évêque 


-  395  - 

d'Auxerre,  nommé  Hugues;  ancien  moine  de  Cluny, 
passant  par  notre  ville,  aurait  demandé  à  les  voir  ;  il 
se  les  serait  fait  remettre  sous  prétexte  de  les  étudier 
attentivement  et  les  aurait  jetées  au   feu  ;  d'après 
d'autres,  ce  serait  un  prieur  de  La  Charité  qui  les 
aurait  brûlées  pour  complaire  à  un  abbé.  Robert  Capra 
rapporte  qu'un  prieur  nommé  Bouchard,  qui  nous  est 
complètement  inconnu,  les  aurait  emportées  à  Cluny, 
où  on  l'aurait  retenu  de  force,  ainsi  que  les  pièces  qu'il 
avait  apportées.  Au  dire  de  plusieurs    religieux  et 
laïques,  l'abbé  Hugues,  lors  du    rétablissement  de 
Guillaume  Besort,  avait  profité  de  l'absence  du  prieur 
et  du  sous-prieur  pour  s'emparer  du  sceau  du  couvent 
et  confectionner  des  titres  faux,  en  vertu  desquels  La 
Charité  était  complètement  soumise  à   Cluny ,   qui 
s'efforçait,  selon  l'expression  d'un  témoin,  de  la  mettre 
sous   le  joug  comme   une  bôto   de  somme,   «   sicut 
jiimentuni  )).  Y  avait-il  un  fond  de  vérité  dans  toute 
cette   histoire?    Plusieurs    témoins    certifient    avoir 
entendu  l'abbé  faire  à  Jobert  Cordelle  la  promesse  de 
rendre  les  titres  qui  auraient  été  ainsi  fabriqués?  Le 
peu  de  renseignements  que  nous  possédons  semblent 
au  contraire  établir  que  les  premiers  prieurs  furent 
nommés  directement  par  Cluny.  On  ne  trouve  dans 
aucun  document  authentique  une  allusion  quelconque 
à  ces  prétendus  privilèges. 

Pour  prouver  l'indépendance  de  La  Charité,  Robert 
Capra  et  Guillaume-le-Médecin  rapportent  que  les 
religieux  ne  se  servaient  pas  des  mêmes  signes  et 
n'avaient  pas  la  même  manière  de  chanter  et  de  lire 
que  les  clunisiens.  La  règle  de  saint  Benoît  était  très 
rigoureuse  en  ce  qui  concernait  l'observation  du 
silence.  Quiconque  le  rompait  sans  motif  grave  s'expo- 
sait à  une  réprimande  et  à  une  punition  sévères.  D'un 
autre  côté,  la  vie  en  commun  rendait  nécessaire  la 


—  396  — 

communication  fréquente  de  ses  idées  à  ses  compa- 
gnons. Aussi  avait-on  créé  un  langage  par  signes,  qui 
permettait  d'exprimer  ses  pensées  sans  être  passible 
des  peines  édictées  par  la  règle.  Ces  signes,  qui,  pour 
la  maison  de  Clunv,  nous  ont  été  conservés  avec  leur 
signification  par  le  moine  Udalric,  et  qui  étaient 
longuement  enseignés  aux  novices,  se  trouvaient,  aux 
dires  des  témoins,  assez  différents  entre  les  deux 
maisons  pour  que  les  religieux  de  l'une  fussent  inca- 
pables de  comprendre  ceux  de  l'autre.  De  plus,  d'après 
Guillaume,  dans  la  lecture  et  dans  le  chant,  la  pronon- 
ciation n'était  pas  identique  ;  les  moines  de  Cluny, 
par  exemple,  prononçaient  les  mots  ejus  et  majesta- 
tem  en  accentuant  la  première  syllabe,  ce  que  ne 
faisaient  pas  les  Charitois.  Enfin,  à  Cluny,  on  faisait 
les  prières  à  la  fin  du  chapitre,  et  à  La  Charité,  au 
commencement. 

Cette  enquête  nous  fournit  quelques  détails  sur 
l'histoire  intérieure  du  couvent  vers  la  fin  du  xii®  siècle 
et  nous  montre  combien  il  avait  dégénéré  de  l'état 
dans  lequel  l'avait  laissé  saint  Gérard.  Nous  y  voyons 
que  les  moines  se  débarrassaient  avec  la  plus  grande 
facilité  des  prieurs  qui  avaient  cessé  de  leur  plaire. 
Trois  ou  quatre  furent  destitués  dans  un  délai  très 
court.  De  plusieurs,  nous  ne  connaissons  môme  pas 
les  noms.  Mais  la  chronologie  est  difficile  à  établir  au 
milieu  de  dépositions  souvent  contradictoires  relative- 
ment à  l'ordre  des  faits  et  aux  dates  où  ils  se  sont 
produits.  Nous  sommes  obligés  d'admettre  que  les 
témoins  les  énoncent  tels  qu'ils  se  présentent  à  leur 
mémoire,  sans  suivre  aucun  ordre. 

Hugues  Suavis  est  le  seul  témoin  qui  déclare  avoir 
connu  le  prieur  Renaud  ;  il  lui  donne  pour  successeur 
Umbaud,  que  nous  ne  connaissons  que  par  la  lettre 
que  lui  adressèrent  les  religieux  de  Wenlock,  et.dans 


-  â97  - 

laquelle  ils  lui  firent  le  récit  de  la  révolte  de  leurs 
serfs.  Malheureusement,  cet  acte  ne  porte  aucune 
date.  Suivant  Jean  de  Saint-Yon,  Umbaud  ne  fit  que 
passer  à  La  Charité,  qu'il  administra  moins  d  une 
année  entière;  après  quoi,  il  fut  promu  à  l'abbaye 
d'Auxerre.  Cette  déclaration  semble  en  contradiction 
avec  ce  que  nous  savons  d'autre  part.  Renaud  était 
prieur  en  1154  et  Rodolphe  de  Sully  portait  ce  titre 
en  1166.  Umbaud  devrait  donc  être  mis  avant  ce  der- 
nier ;  mais  le  seul  abbé  de  Saint-Germain  d'Auxerre 
que  nous  connaissions  de  ce  nom  vers  cette  époque 
succéda  à  Ardoin  Gervais,  mort  en  1178.  Ou  la  décla- 
ration de  Jean  est  erronée,  ces  événements  remon- 
taient à  quarante  ans  lors  de  l'enquête,  ses  souvenirs 
pouvaient  ne  pas  être  très  précis,  ou  il  faut  admettre 
que  Umbaud,  s'il  fut  abbé  d'Auxerre,  succéda  non  pas 
à  Renaud,  mais  à  Rodolphe  de  Sully  lors  de  son  départ 
pour  Cluny,  en  1173.  Dans  ce  cas,  il  serait  en  effet 
resté  peu  de  temps  à  la  tète  du  prieuré,  puisque  la 
charte  de  Guy,  comte  de  Nevers,  relative  à  la  cession 
du  fief  de  La  Charité,  nous  apprend  qu'en  1176  le 
prieur  se  nommait  Geoffroi.  S'il  en  était  ainsi,  la  lettre 
des  religieux  de  Wenlock  serait  de  1173,  et  non  de 
1162  ou  1163,  ainsi  qu'on  l'admet  généralement. 

Umbaud  aurait  été  élu  par  les  religieux,  suivant 
Jean  de  Saint-Yon,  le  moine  Guy  et  Hugues  Siiavis. 
Quel  fut  le  mode  de  nomination  de  Rodolphe  de  Sully  ? 
Il  est  remarquable  que  le  nom  de  ce  prieur  n'est  pro- 
noncé par  aucun  de  ces  trois  témoins,  qui  sont  parmi 
les  plus  importants  des  déposants  et  qui  fournissent 
des  renseignements  assez  précis.  Il  était  considéré 
comme  ayant  été  aussi  élu  par  le  couvent. 

Il  eut  pour  successeur  Geoffroi  Chainel,  ancien  prieur 
de  Joigny  et  alors  prieur  de  Châteaurenard.  C'est  lui 
qui  figure  dans  la  charte  de  Guy  de  Nevers  en  1174. 


—  398  ~ 

Il  remplaça  donc  Rodolphe  pendant  le  temps  qu'il  fut 
abbé  de  Cluny,  quoique  deux  témoins  ne  fixent  la 
date  de  son  prieurat  qu'après  la. mort  de  ce  dernier.  Il 
commence  la  série  des  prieurs  tour  à  tour  élus  et 
destitués  par  les  religieux.  Geoffroi  Chainel  ayant  été 
déposé  par  le  couvent,  Rodolphe  résigna  Tabbaye  de 
Cluny  et  vint  reprendre  à  La  Charité  ses  anciennes 
fonctions. 

La  Gallia  Cliristiana  indique  comme  prieur,  en 
1177,  Eudes,  du  temps  de  qui  auraient  été  faites  cette 
même  année  deux  donations  de  cent  sols  de  rente 
chacune  par  Dreux  de  Mello  et  Guillaume  de  Garlande, 
et  un  peu  plus  tard  une  autre  par  Théodoric  de  Mont- 
faucon,  malade  à  Vézelav.  La  donation  de  Dreux, 
dont  l'acte  nous  est  parvenu,  ne  fait  pas  mention  du 
nom  du  prieur  ;  il  en  est  de  même  de  l'approbation  des 
deux  donations  que  fit  le  roi  Louis  VIL  Quant  à  celle 
de  Théodoric,  le  seul  titre  où  je  la  trouve  énoncée, 
l'histoire  manuscrite  du  prieuré  la  rapporte  à  l'année 
1161.  Comme  parmi  les  nombreux  prieurs  mentionnés 
par  les  témoins,  aucun  ne  porte  le  nom  d'Eudes,  il  est 
difficile  d'admettre  l'existence  de  celui-ci,  d'autant 
plus  que  la  Gallia  Ckristiana  prolonge  son  adminis- 
tration au  moins  six  années,  ce  qui  est  impossible, 
puisque  Rodolphe  n'est  mort  qu'en  1177,  et  que  deux 
ans  plijs  tard  nous  trouvons  un  autre  prieur. 

Un  accord  intervenu  entre  les  chanoines  de  Saint- 
Nicolas-de-Sézanne  et  les  moines  du  prieuré  Saint- 
Julien  de  cette  ville,  dépendance  de  La  Charité,  ratifié 
par  Alexandre  III  le  24  avril  1179,  nous  apprend 
qu'alors  le  couvent  était  gouverné  par  Savary.  H 
résulte  de  l'enquête  que  c'était  un  ancien  prieur  de 
Souvigny,  qu'il  fut  déposé  par  les  religieux  et  qu'on 
lui  donna  en  compensation  le  prieuré  du  Saint- 
Sépulchre,  au  diocèse  de  Troyes.  Nous  ne  savons  pas 


-  399  -. 

autre  chose  de  ce  personnage,  qui  est  inconnu  de  la 
Gallia  Christiana.  Si  le  nom  de  Savary  ne  figure  pas 
parmi  les  prieurs  de  Souvigny  vers  ce  temps,  il  faut 
nous  rappeler  que  cette  liste  est  très  incomplète. 

Entre  1179  et  1192,  les  chartes  ne  nous  révèlent 
le  nom  d'aucun  prieur.  Il  est  peu  probable,  vu  Tétat 
d'agitation  dans  lequel  semble  avoir  été  alors  La  Cha- 
rité, que  Savary  se  soit  maintenu  aussi  longtemps 
avant  sa  déposition.  Aussi  est-ce  dans  cet  intervalle 
qu'il  faut,  selon  moi,  intercaler  deux  prieurs  dont 
nous  ignorions  les  noms  et  que  l'enquête  nous  fait 
connaître  :  Rolland  et  Aiméric  Damas.  Le  premier  est 
simplement  nommé  ;  le  second  était  aussi  un  ancien 
prieur  de  Souvigny.  Nous  voyons,  en  effet,  un  prieur 
de  ce  nom  en  1183.  C'est  donc  seulement,  à  compter 
de  1184,  que  nous  pouvons  le  mettre  à  La  Charité  ; 
Rolland  l'aurait  précédé,  les  témoins  le  nomment 
ordinairement  avant  lui.  Chose  singulière,  tous  ceux 
qui  parlent  de  Rolland  omettent  le  nom  de  Rodolphe 
de  Sully  et  Hugues  Suavis  le  fait  venir  après  Umbaud 
et  avant  Savary,  c'est-à-dire  à  la  place  que  devrait 
occuper  Rodolphe. 

Pour  Gauthier  de  Chalons,  prieur  de  Saint-Martin 
de  Paris,  mentionné  par  plusieurs  témoins  comme 
successeur  de  Rodolphe,  il  y  a  confusion.  Il  lui  suc- 
céda, non  pas  à  La  Charité,  mais  à  l'abbaye  de 
Cluny. 

En  1192,  Jean  Lepie  et  Aure,  sa  femme,  consen- 
tirent une  vente  au  prieur  Gui  l'Aumônier,  appelé 
dans  l'enquête  tantôt  Gui  de  Montambert,  tantôt  Gui 
de  Colonges.  Il  n'est  guère  douteux,  en  effet,  qu'il  ne 
s'agisse  que  d'une  seule  et  même  personne.  Lors  de  sa 
nomination  parles  moines,  l'abbé,  qui  se  trouvait  à  La 
Charité,  ayant  laissé  procéder  à  l'élection,  sans  inter- 
venir, un  de  ses  compagnons,  Durand  le  Roux,  lui  fit  . 


—  400  — 

des  observations  à  ce  sujet  ;  Tabbé  répondit  que  les 
religieux  étaient  absolument  libres  de .  leur  choix. 
Rodolphe  d'Aubigny  rapporte  ce  fait  à  rélection  de 
Gui  de  Colonges  et  Robert  Capra  le  rapporte  à  celle  de 
Gui  de  Montanàbert.  Plusieurs  témoins  le  nomment 
immédiatement  après  Aiméric.  Un  seul,  Umbaud 
Cochet,  prétend  qu'il  fut  destitué. 

Il  eut  pour  successeur  Savary  II,  qui,  en  1194,  fit  un 
accord  avec  Eudes,  fils  de  Gilon  de  Sully,  et  qui, 
selon  ce  que  nous  apprennent  quelques  dépositions, 
devint  ensuite  abbé  de  Corbigny.  La  Gai  lia  Christiana 
ne  donne  d'abbé  de  ce  nom  qu'en  1234,  mais  elle 
contient  dans  sa  liste  une  lacune  entre  1180  et  1220. 
Or,  un  Savary,  abbé  de  Corbigny,  certifie  en  1195 
une  vente  faite  par  Mathieu  du  Viez  à  Hugues  Tue- 
beuf  et  au  chapitre  d'Autun.  Ainsi  sont  confirmées 
les  dépositions  des  témoins.  Nous  ne  connaissions 
jusqu'à  présent  qu'un  seul  Savary  à  La  Charité,  l'en- 
quête dont  nous  nous  occupons  nous  en  indique  un 
second,  neveu  du  premier,  et  nous  explique  par  là 
comment  nous  pouvons  trouver  un  prieur  Gui  entre 
les  chartes  de  1179  et  1194,  émanant  toutes  deux  de 
Savary  prieur. 

Il  quitta  donc  La  Charité  à  la  fin  de  1194  ou  au 
commencement  de  1195.  On  élit  à  sa  place  Guillaume 
Caseus  ou  Fromage,  prieur  de  Sézanne,  qui  dut 
administrer  pendant  quelque  temps  les  deux  prieurés 
simultanément,  car  nous  lisons  dans  une  charte  de 
1198  :  «  Ego  frater  Guillelmus,  prior  de  Caritaie, 
tune  temporis  tenens  in  manu  mea  (iomum  beaii 
Juliani  de  Sezania  et  conventus  dicte  domus  de 
Sezania  ».  Lui  aussi  fut  déposé  par  ceux  qui  l'avaient 
placé  à  leur  tête.  Peut-être  lui  reprochait-on  juste- 
ment de  conserver  les  deux  bénéfices. 

Les  religieux  lui  donnèrent  pour  successeur  Guil- 


-  401  — 

laume  Besort,  dont  nous  apprenons  l'existence  par  cette 
enquête.  Ils  se  fatiguèrent  également  de  lui,  et,  profitant 
d'un  voyage  en  Angleterre  de  l'abbé  de  Cluny,  ils  le 
déposèrent.  Le  légat  Octavien,  alors  à  Bourges,  averti 
de  ce  qui  se  passait  à  La  Charité,  implora  l'assistance 
royale  pour  rétablir  l'ordre.  Cet  appel  devait  plaire  à 
Philippe-Auguste.  Il  y  répondit  favorablement,  et  l'abbé, 
à  son  retour,  accompagné  des  baillis  royaux,  se  pré- 
senta devant  le  couvent,  qui  ouvrit  ses  portes  sans 
résistance.  Besort  fut  rétabli,  le  sous-prieur  et  le 
sacristain  furent  destitués  et  remplacés  par  d'autres 
religieux,  les  rebelles  punis  de  différentes  peines,  les 
chefs  exilés  du  monastère,  cinq  furent  envoyés  à 
Cluny,  cinq  au  prieuré  de  Saint-Martin-des-Champs. 
Parmi  les  témoins  se  trouve  un  moine  qui  reconnaît 
avoir  été  du  nombre  de  ceux  qui  subirent  une  punition 
à  ce  sujet.  Ces  faits  nous  sont  révélés  pour  la  première 
fois  par  l'enquête  ;  ils  étaient  encore  très  précis  dans 
la  mémoire  des  témoins,  qui  déclarent  que  c'est  en 
abusant  de  la  force  et  de  la  violence  et  injustement 
que  le  roi  avait  pu  agir  ainsi.  Les  soldats  de  Philippe- 
Auguste  apprirent  le  chemin  de  La  Charité,  qu'ils 
devaient  occuper  de  nouveau  peu  d'années  plus  tard 
pour  mettre  fin  à  une  autre  révolte  ayant  cette  fois 
pour  chef  le  prieur  Geoffroi. 

Qu'advint-il  après  le  rétablissement  de  Besort  ?  Les 
dépositions  des  témoins  sont  assez  confuses.  Il  semble 
qu'il  ne  fut  maintenu  que  peu  de  temps;  Jean  de 
Sézanne  prétend  même  qu'il  ne  demeura  que  six  jours. 
L'abbé,  satisfait  d'avoir  fait  constater  son  autorité,  et 
ayant  puni  tous  les  fauteurs  des  troubles,  usa-t-il 
d'une  grande  bienveillance  envers  les  religieux,  ou 
jugea- t-il  Besort  incapable  de  gouverner?  Le  droit 
d'élection  fut  conservé  aux  moines,  qui,  avec  l'autori- 
sation de  l'abbé,  firent  choix  d'un  Anglais,  nommé 


-  402  - 

Jobert  Cordelle.  L'élu  ne  consentit  à  se  charger  de 
l'administration  qu'à  condition  que  l'abbé  laisserait  la 
maison  jouir  de  la  liberté  qu'elle  avait  eue  sous 
saint  Gérard  et  lui  remettrait  les  lettres  qui,  disait-on, 
avaient  été  fabriquées  contre  cette  liberté.  L'abbé  le 
promit  et  donna  comme  garants  de  l'exécution  de  son 
engagement  le  comte  et  l'évêque  de  Nevers.  Jobert 
commença  par  changer  le  sous-prieur  et  le  sacristain 
nouvellement  installés,  puis  au  bout  de  quelque  temps, 
voyant  qu'il  ne  pouvait  obtenir  ce  qu'on  lui  avait 
promis,  remit  le  sceau  du  prieuré  et  retourna  en 
Angleterre.  C'est  du  moins  la  version  des  témoins.  Il 
est  plutôt  supposable  que  se  rendant  compte  de 
l'indiscipline  qui  régnait  au  monastère  et  dont  de^ 
preuves  manifestes  allaient  bientôt  être  données,  il 
préféra  se  retirer. 

Les  voix  se  portèrent  alors  sur  Geofifroi  le  Roux. 
Mais  l'abbé  refusa  d'approuver  ce  choix  et  nomma 
directement  Etienne  Joart,  qui  fut  accepté  sans 
difficulté.  Son  prieurat  fut  de  peu  de  durée.  Suivant 
les  dépositions,  l'abbé  revint  sur  sa  décision  et  donna 
comme  chef  aux  religieux  celui  qu'ils  avaient  demandé. 
Il  n'est  aucunement  question  des  événements  qui 
suivirent.  Nous  connaissons  l'histoire  de  Geoffroi,  qui, 
à  son  tour,  fut  destitue  par  l'abbé  de  Cluny  en  1212. 

Nous  sommes  autorisés  à  rectifier  la  chronologie  des 
prieurs  de  La  Charité  à  la  fin  du  xn«  siècle. 

Voici  comment  elle  semble  devoir  être  établie,  selon 
les  données  fournies  par  les  témoins. 

L'administration  de  Renaud  devrait  être  prolongée 
jusqu'en  1166  à  l'arrivée  de  Rodolphe  de  Sully. 

Celui-ci,  de  1166  à  1173,  époque  de  sa  nomination  à 
Cluny. 

Umbaud  1173. 

Geoffroi  I«^  Chainel  1174. 


—  403  — 

Retour  de  Rodolphe  de  Sully  1176. 

Eudes  devrait  être  supprimé  de  cette  liste. 

Savary  1"  1177. 

Rolland. 

Aimeric  Damas,  vers  1184. 

Gui  de  Montambert  ou  l'Aumônier  1192. 

Savary  II 1194. 

Guillaume  Fromage  1195. 

Guillaume  Besort,  vers  1198. 

Jobert  Cordelle. 

Etienne  Joart. 

EtGeoffroilI. 

Ainsi,  depuis  1173  jusqu  en  1212,  année  de  la  dépo- 
sition de  Geoffroi  II.  nous  trouvons  treize  prieurs; 
c'est  donc  une  durée  moyenne  de  trois  ans  pour  Tad- 
ministration  de  chacun.  De  ce  nombre  six  nous  étaient 
inconnus:  Rolland,  Aimeric  Damas,  un  Savary, 
Guillaume  Besort,  Jobert  Cordelle  et  Etienne  Joart, 
six  au  moins  furent  destitués,  un  démissionna,  deux 
quittèrent  le  couvent  pour  devenir  abbés. 

Des  changements  aussi  fréquents  étaient  on  ne  peut 
plus  préjudiciables  au  couvent.  La  Charité  se  trouvait 
dans  une  situation  déplorable.  Des  terres  importantes 
avaient  été  aliénées,  des  dettes  considérables  avaient 
été  contractées  au  profit  des  Templiers,  les  banquiers 
de  l'époque,  et  Innocent  III  pouvait  écrire:  «  Pria- 
ratus  de  Capitale,  qui  olim  in  spiritualibus  florens, 
in  temporalibus  ahundnbat ,  tanta  corruptela  mar- 
cescit,  et  tant  arida  deprimilar  paupertate,  quod  nisi 
aliorum  relevetur  auxilio,  vix  adjicere  poterit  quod 
resurgat  ». 

Un  des  témoins  raconte  que  Eudes  Arpin,  le  troisième 
prieur,  fut  déposé  par  Vilencus,  son  prédécesseur,  qui 
se  serait  mis  à  sa  place.  Nous  ne  trouvons  nulle  part 
ailleurs  une  allusion  quelconque  à  un  fait  semblable. 


—  404  - 

Cette  déclaration  doit  être  tenue  pour  erronée.  Eudes 
Arpin,  ancien  vicomte  de  Bourges,  ami  du  pape 
Pascal  II,  qui  s'était  signalé  parmi  les  chefs  croisés, 
était  un  bien  grand  personnage  pour  que  cet  événement 
eût  passé  inaperçu. 

L'enquête  nous  donne  Tàge  de  cent  quarante  témoins. 
Si  leurs  déclarations  sont  exactes,  la  durée  de  la  vie 
moyenne  devait  être  assez  élevée  alors  sur  les  bords  de 
la  Loire.  Trente-un  sont  octogénaires,  cinq  ont  plus 
de  quatre-vingt-dix  ans,  six  sont  centenaires,  dont  un 
dit  avoir  cent  vingt  ans.  Un  témoin  cite  cinq  moines 
centenaires  qu'il  a  connus,  la  mère  d'un  autre  était 
morte  à  plus  de  cent  ans  et  le  moine  Henri  serait 
également  parvenu  à  l'âge  de  cent  vingt  ans. 

Quoique  les  noms  des  témoins  soient  tous  écrits  en 
latin,  plusieurs  ont  en  français  les  qualificatifs  qui  les 
distinguaient  ;  ainsi  nous  voyons  Wilhemmus  li  Auver- 
gnaz,  Nicholaus  li  Serreuriers,  Gislebertus  li  Reven- 
ders,  Renaudus  Bien-Assis,  Bernardus  Bruslez.  Ce 
sont  probablement  les  plus  anciennes  formes  qui  nous 
soient  parvenues  de  ces  mots  en  langage  vulgaire  de 
nos  pays . 

Un  certain  nombre  de  témoins,  outre  leur  âge, 
énoncent  depuis  quelle  époque  ils  sont  religieux. 
L'ancien  prieur  Geofifroi,  âgé  de  cinquante  ans,  était 
moine  depuis  trente  ans,  c'est-à-dire  depuis  l'âge  de 
vingt  ans  environ.  C'est  l'âge  où  la  plupart  des  autres 
témoins  étaient  entrés  en  religion.  Cependant  nous  en 
voyons  qui  auraient  été  admis  beaucoup  plus  jeunes, 
ainsi  le  moine  Hugin  à  dix-sept  ans,  Guillaume  de 
Joigny,  Girard ,  prieur  de  Villiers ,  Thibaud  de 
Minières  à  treize  ans,  Baudoin  de  Courtenay  à  onze 
ans.  Quelques-uns,  au  contraire,  ne  seraient  devenus 
religieux  que  tardivement,  ainsi  le  centenaire  Gui 
d'Angleterre,  vers  l'âge  de  quarante  ans  seulement. 


-  405  — 

Le  résultat  de  cette  enquête  fut  très  probablement 
la  décision  contenue  dans  la  lettre  d'Innocent  III,  du 
3  février  1226p  à  l'abbé  de  Cluny  :  «  Defratrum  nos- 
trorum  consiliojus  eligendi  et  instituendi,  priorem  in 
monasterio  de  Caritate  tihi  et  tins  successoribus 
adjudicantes  super  hoc  alteri  parti  pcrpetuum  daxi- 
mas  silentiiun  imponendum.  Mandates  ut  abbas 
Cluniacensis  super  institulione  prioris  cum  monachis 
utriusque  monasterii  maturioris  etatis  et  sanioris 
consilii  prudenter  deliberet  et  de  ipsorum  consilio 
instituât  quem  secunduni  instituia  regularia  viderit 
preferendum,  Ita  tamen  quod  ex  hoc  nulla  immineat 
Cluniacensi  abbati  nécessitas  quin  saniori  consilio 
acquiesçât  ».  Le  droit  de  nommer  je  prieur  était  attribué 
à  labbé  qui  devait^  il  est  vrai,  prendre  conseil  des 
moines  des  deux  couvents,  mais  qui  n'était  aucunement 
tenu  de  s'en  rapporter  à  leur  avis. 

Cette  décision  ne  mit  pas  un  terme  aux  contestations 
entre  Cluny  et  La  Charité,  qui  ne  furent  définitivement 
terminées  que  par  la  transaction  de  septembre  1296. 

TÉMOINS  AYANT  DÉPOSÉ  DANS  L'ENQUÊTE 

1.  J.   prier  de  Montargi,    canonicus    regularis    et 

sacerdos,  fere  sexagenarius. 

2.  Hato,  presbiter  de  Villa-Francha,  sexagenarius. 

3.  Renerus ,  presbiter  de  Sancto-Firmino ,  septua- 

genarius. 

4.  Stephanus  Sancitus,  monachus  de  Karitate,  fere 

quinquagenarius. 

5.  Robertus,  presbiter  de  Monte-Corbin,  fere  quin- 

quagenarius. 

6.  Arnulfus,   presbiter    de    Gallicantu,    fere  trice- 

narius. 


—  406  — 

7.  Johannes  de  Sancto-Yone,  prior  de  Jovignïaco, 

monachus  Karitatensis  et  sacerdos,  quinqua- 
genta  septem  annos  habens  vel  circiter. 

8.  Willelmus,  sacrista,  monachus   Karitatensis  et 

sacerdos    quadragenta    septem    annorum    vel 
circiter. 

9.  Willelmus,  prier  de  Roi,  monachus  Karitatensis  et 

sacerdos. 

10.  Guido  de  Sancto-Christophoro,  presbiter  et  mona- 

chus Karitatensis,  XLVIU  annorum. 

11.  Robertus  de  Morviete,  monachus  Karitatensis  et 

sacerdos,  sexagenarius  vel  circiter. 

12.  Stephanus  de  Senliz,   monachus  Karitatensis  et 

sacerdos,  quinquagenarius. 

13.  Radulfus  de  Albiniaco,  monachus  Karitatensis  et 

sacerdos,  quinquagenarius. 

14.  Thomas    de    Druye,    monachus  Karitatensis   et 

sacerdos,  LX"**. 

15.  Robertus  Capra,  monachus  Karitatensis  et  sacer- 

dos, octogenarius. 

16.  Rogerius    Anglicus,    monachus    Karitatensis   et 

sacerdos,  quadragenarius. 

17.  Robertus  Rufus,  monachus  Karitatensis  et  sacer- 

dos, XXX  anno  habens. 

18.  Renaudus  de  Karitate,  monachus  et  sacerdos. 

19.  Willelmus  Dacel,  monachus  Karitatensis  et  dia- 

conus. 

20.  Falco,  chambellarius,  LXXX"\ 

21.  Stephanus  Butticarius,  monachus  Karitatensis  et 

sacerdos,  XXXIII  annos  habens. 

22.  Godoinus,  laïcus,  de  Karitate,  quinquagenarius. 

23.  Radulfus,  sacrista  béate  Marie  Senonensis ,  mona- 

chus Karitatensis  et  sacerdos,  quadragenarius. 

24.  Gaufridus,  monachus  et  sacerdos,  quandam  prior 


—  407  — 

de  Karitate,  fere  quinquagenarius  et  fere  XXX 
annis  monacbus. 

25.  Ebbo  de  Moncellis,  monachus  et  sacerdos,  quin- 

quagenarius ad  minus. 

26.  Gilbertus  d^  Sancto-Sepulchro,  monacbus  et  sacer- 

dos,  quadragenarius. 

27.  Huginus,    monachus    et   sacerdos,   quinquagena- 

rius, XXXIII  annis  babens  a  monachatu. 

28.  Henricus  de  Monteboy,  monachus  et  sacerdos, 

quinquagenarius. 

29.  Willelmus  de  Joviniaco,  monacbus  et  sacerdos, 

XXXVII  annos  babens,  XXV  annos  a  mona- 
chatu suo . 

30.  Angalo,  monacbus  et  sacerdos,  XL  annos  babens, 

XXV  annos  a  monachatu  suo. 

31.  Herbertus  de  Castro-Renardi,  monacbus  et  sacer- 

dos, fere  XL  annos  babens,  a  monachatu  suo 

XXVI  annos  ad  minus. 

32.  Landericus,  prior  de  Capella-Fagi,  monacbus  et 

sacerdos,  XL,  a  monachatu  suo  XXVIII  annos 
babens. 

33.  Galterius  Burgundus,  monacbus  et  sacerdos,  fere 

quinquagenarius,    babens  XXXVIII    annos  a 
monachatu. 

34.  Hugo,  prior  Bermundesie,  monachus  Karitatensis 

et  sacerdos,  XLV  annos  babens  et  amplius. 

35.  Narjotus    de    Ladit,    monachus  Karitatensis  et 

sacerdos,  sexagenarius. 

36.  Stepbanus,  prior  de  Radolio ,  monachus  et  sacer- 

dos, quadragenta  annos  babens  et  amplius. 

37.  Lamenerius  de  Geonio,  monacbus  Karitatensis  et 

sacerdos,  quinquagenarius. 

38.  Evraldus  de  Fontenai,  monacbus  Karitatensis  et 

sacerdos,  L  annos  babens  et  amplius. 


-  408  - 

39.  Petrus  Alvernus,  monachus  Karitatensis  et  sacer- 

dos,  LX  annos  habens. 

40.  Gaufridus,    prior  de  Brenie,  monachus  Karita- 

tensis et  sacerdos,  LX  annos  habens. 

41.  Girardus,  prier  de  Villariis,  monachus  Karitaten- 

sis  et  sacerdos,  XXXVI  annos  habens  et  a 
monachatu  XXIII  annos. 

42.  Hugo    de    Marcenni,  monachus   Karitatensis  et 

sacerdos,  sexagenarius. 

43.  Anseimus  de    Sancto-Yone,   monachus    Karita- 

tensis et  sacerdos,  quinquagenarius. 

44.  Radulfus  de  Oroer,  monachus  et  sacerdos,  L  annos 

habens  et  amplius. 

45.  Johannes  de   Sezane,  monachus  Karitatensis  et 

sacerdos,    XXX    annos  habens  et  amplius, 
XV  annos  a  monachatu. 

46.  Ricardus  de   Fescan,  monachus  Karitatensis  et 

sacerdos,  quinquagenarius  vel  circiter,  XXX 
annos  habens  a  monachatu. 

47.  Theobaldus  de  Minores,  monachus  Karitatensis  et 

sacerdos,  XXXII  annos  habens  et  a  monachatu 
suo  XXII  annos. 

48.  Gaufridus  de  Bonei,  monachus  et  sacerdos,  XL 

annos  habens  et  XXX  annos  a  monachatu. 

49.  Stephanus  de  Margniaco,  monachus  et  sacerdos. 

quinquagenarius,  XXX  annos  habens  amena- 
chatu. 

50.  Hugo  de  Parcon,  monachus  Karitatensis  et  sacer- 

dos, XXX  annos  habens. 

51.  Hugo  de  Sarpon,  monachus  Karitatensis  et  sacer- 

dos, XL  annos  habens. 

52.  Laurentius,  presbiter  de  Cona,  LV  annos  habens 

et  amplius. 

53.  Ancelmus,  sacrista  Karitatensis  et  prior  de  Albi- 


—  409  — 

nîaco,  sexagenarius   ut  crédit,    XVIII  annos 
habens  a  monachatu  suo. 

54.  Balduinus  de  Curtiniaco,  monachus  Karîtatensis 

et  sacerdos,   XXVIII  annos    habens  qui  per 
XVII  annos  fuit  monachus. 

55.  Galchenus  de  Sezenne^  monachus  Karitatensis  et 

sacerdos,   quinquagenarius    etate,    tricenarius 
monachatu, 

56.  Johannes  Tiretacens,  laicus  scolaris,  pontenarius, 

LX  annorum. 

57.  Guido  Anglicus^  monachus  Karitatensis  et  sacer- 

dos, centenarius  et  valetudinarius,  LX  annos 
habens  a  monachatu  et  amplius. 

58.  Petrus  Comestor,  monachus  Karitatensis  et  sacer- 

dos, LXX  annos  habens  et  amplius,  a  mona- 
chatu L. 

59.  Michael   de  Espagniaco,   monachus  et  sacerdos 

LXX"*,  L  annos  habens  et  amplius  a  monachatu. 

60.  Johannes  de  Corneta,  magister  novienorum,  quin- 

quagenarius et  amplius,  monachus  sacerdos  et 
valetudinarius. 

61.  Stefanus   de    Barbon,    monachus    et   sacerdos, 

LXXX"*,  LXV  annos  habens  a  monachatu. 
68.  Willelmus,  medicus,  monachus  et  sacerdos,  sep- 
tuagenarius,    ut   crédit  valetudinarius,  XXX 
annos  habens  a  monachatu. 

63.  Villelmus  li  Auvernaz,   monachus  et  sacerdos,  et 

fere  octogenarius,  XXX  annos  habens  a  mona- 
chatu. 

64.  Haimo    de    Colenges ,    septuagenarius    circiter , 

L  annos  habens  a  monachatu. 

65.  Renaudus  de  Sezanna,  conversus,  LXXX"^  septem 

annos  habens  a  conversione. 

66.  Willelmus,  conversus,  Karitatensis,  LXXV  annos 

habens,  XXX  a  conversione. 

T.  viu,  3«  série.  27 


—  «0  - 

67.  Galterius,    panetariuS;    conversus,    LXXX"",  V 

annos  habens  a  conversione. 

68.  Petrus  de  Sezanna,  conversus,  LXX'*»,  XV  annos 

habens  a  conversione. 

69.  Hugo  Suavis,  laicus,  LXXX"»,  vel  circiter. 

70:  Radulfus,  prepositus  de  Chance,  laicus,  LXX 
annos  habens  et  amplius,  ut  crédit. 

71.  Stefanus  Macué,  LXX"*,  ut  crédit. 

72.  Monachus  sutor,  laicus,  LXXX"*,  sicut  crédit. 

73.  Johannes  Eschalarz,  laicus,  LXX"*. 

74.  Stephanus  Eschalgrain,  laicus,  XC"*. 

75.  Petrus  Sacons,  laicus,  XC"*  sicut  crédit. 

76.  Tabarnels,  laicus,  XC"*  ut  crédit. 

77.  Bemardus  de  Coquina,  LXXV  annos  habens. 

78.  Girardus  de    Sancto    Geranno,    laicus,    LXX^ 

sicut  crédit. 

79.  Simeon,  laicus,  LXX™  ad  minus. 

80.  Odo  Evandi,  laicus,  LXX«». 

81.  Joulinus  Jadels,  laicus,  LX™  et  valitudinarius. 

82.  Robertus  Carpana,  laicus,  LXXX'^  ut  crédit. 

83.  Radulfus  Penrels,  laicus,  LXX"*. 

84.  Osbertus  de  Alvernia,  laicus,  LXXX"*. 

85.  Robertus  de  inter   duos    pontes,   LXXX"*  vel 

circiter. 

86.  Bernardus  Calidus,  laicus,  LXX"*  et  amplius. 

87.  Fulchus,  sutor,  laicus,  LXXX"*. 

88.  Hugo,  sellarius,  laicus,  LXX"*. 

89.  Nichoiaus  li  Serreuriers,  laicus,  LXX"*. 

90.  Hugo  d'Albigniaco,  laicus,  LXXX"*  vel  circiter. 

91.  Giraudus,  molendinarius,    laicus,    LXXX"*  vel 

circiter. 

92.  Galterius  Tortipes,  laicus,  LXX"*. 

93.  Floris  de  Acra,  LXX  annos  habens  et   amplius 

ut  crédit. 

94.  Robertus  Vaalins,  laicus,  LXX"*. 


-  411  — 

95.  Evrardus  Capados,  laicus,  LXXX^. 

96.  Radulfus  Longis,  laicus,  LXX«^ 

97.  Hugo,  aumuciarius,  laicus,  LXXX"*. 

98.  Durandus,  celerarius,  laicus,  LXX"*. 

99.  Clemens  de  Lacele,  laicus,  LXX"^ 

100.  Martinus  Alari,  laicus,  LXXX"»  vel  circiter. 

101.  Martinus  Morels,  laicus,  LXX^. 

102.  Andréas,  cementarius,  laicus,  LXX"*  vel  circiter. 

103.  Urricus  de  Coches,  laicus,  J-XX"*. 

104.  Gaufridus  Vallons,  LX  annos  habens  et  amplius 

et  valitudinarius. 

105.  Odo  de  BraioL  laicus,  C  annos  habens  et  am- 

plius. 

106.  Johannes  Cowes,  laicus,  LXXV  annos  habens. 

107.  Bernardus,  presbiter  de  Poily  in  lecto  jacens 

egritudinis. 

108.  Girardus  Nerez,  CXX  annos  habens. 

109.  Renardus,  prepositus  de  Poili,  laicus  LXX^. 

110.  Gislebertus  de  Revendieres,  laicus,  G"*. 

111.  Renaudus  Bien- Assis,  laicus,  C"^  vel  magis. 

112.  Odo  Rodobet,  laicus,  LXX^. 

113.  Guido,  presbiter  de  Narci,  LX"«  et  valitudina- 

rius. 

114.  Umbaudus  Cochet,  laicus,  LXXX"*. 

115.  Pinons  Boterons,  laicus,  LXX^. 

116.  Juiianus  de  Portu,  laicus,  LXXX"^. 

117.  Theobaldus  Cotant,  laicus. 

118.  Renaudus  Jolez,  laicus,  LXXX"^. 

119.  Belinus  de  Riparia,  laicus,  C^. 

120.  Galterius  Froquins,  laicus,  conversus,  XXX"*. 

121.  Obertus    Siccus,   laicus   et   cecus,    LX   annos 

habens  et  amplius. 

122.  Thomas  Portonius,  laicus,  LXXX"^ 

123.  Hamerius  de  Noiant,  laicus,  LXX"*. 

124.  Stephanus  Bardarius,  LXXX"«. 


-  412  — 

125.  Johannes  Terici,  laicus  LXXX^, 

126.  Stephanus  de  Sancto  Fergiaco,  valitudinarius. 

127.  Robertus  Colez,  laicus,  LXXX"«. 

128.  Robinus,  laicus,  LXXX"^ 

129.  Christianus,  laicus  et  valitudinarius. 

130.  Guido  Terici,  laicus,  LXXX"«, 

131.  Petrus  Daguenet,  laicus,  LXXX«\ 

132.  Renaudus  Faber,  laicus,  LXX"*. 

133.  Renaudus  Evroins,  laicus,  LXX"*. 

134.  Jobertus  Guitons,  laicus,  LXX"^. 

135.  Stephanus  Pilus  Lupi,  laicus,  LXXX"  . 

136.  Bernardus  Bruslez.  laicus,. XC"®. 

137.  Jobertus,  porcarius,  laicus,  LXXX"®  vel  circiter. 

138.  Girardus  de  Claveriis,  laicus,  serviens  et  coquus 

monachorum  de  Bonei  et  LXXX^. 

139.  Hugo  Avroins,  laicus,  LXX««- 

140.  Girardus  Braibanz,  laicus,  LXX"'. 

141.  Robertus  Parvus,  laicus,  LXX"®. 

142.  Johannes  Matelz,  laicus,  LXXX"*. 

143.  Andréas  Dronis,  LXXX  annos  habens  et  plures 

et  valitudinarius. 

144.  Stephanus  de  Chenaal,  laicus,  XC"*  et  valitudi- 

narius . 

145.  Ricardus,  presbiter  de  AUeto,  LXX"^ 

146.  Simon,  presbiter  de  Laval,  LXX"^  et  valitudi- 

narius. 

147.  Franche^  supprior  Karitatensis. 

148.  Thomas  de  Monte,  Falcionis,  monachus. 

149.  Adam  de  Radolio,  monachus. 

150.  Hugo  de  Bermundesia  (le  même  que  le  trente- 

quatrième  témoin). 

151.  Adam,  camerarius,  Karitatensis. 

152.  Radulfus,  sacrista  béate  Marie  Senonensis,  mo- 

nachus et  presbiter  (le  même  que  le  vingt-troi- 
sième témoin). 


—  4^3  - 


CHRONIQUE  ET  MÉLANGES 


Pour  l'année  1899 


Messieurs, 

J'espère  être  dans  le  vrai  en  vous  disant  que,  cette 
année,  nos  travaux  et  Tintérét  qui  s'attache  aux  actes 
de  notre  Société  ont  dépassé  les  limitas  des  années 
précédentes.  Tout  Thonneur  vous  en  revient  et,  pour 
ma  part,  j'ai  bon  espoir  que  cet  élan  continuera  en 
donnant  à  notre  chère  Société  une  importance  réelle 
et  un  attrait  nouveau. 

Les  dix  séances  de  l'année  ont  été  assez  bien  occu- 
pées par  les  communications  et  lectures  d'articles  qui 
témoignent,  chez  plusieurs  d'entre  nous,  d'un  travail 
incessant.  Il  faut  désirer  encore  l'augmentation  de  ce 
nombre  de  travailleurs,  car  c'est  dans  la  variété  de 
renseignements  puisés  aux  sources  et  aux  localités  les 
plus  diverses,  dans  les  communications  parfois  insi- 
gnifiantes en  elles-mêmes,  qu'on  peut  trouver  des 
éclaircissements  historiques  très  précieux. 

Je  constate,  comme  vous.  Messieurs,  que  dans  le 
courant  de  l'année,  le  nombre  des  assistants  aux 
séances  n'a  fait  que  s'accroître,  ce  qui  est  bon  signe  et 
prouve  mieux  que  toutes  les  paroles  l'attrait  de  nos 
réunions. 

Mais,  comme  contre-partie,  je  me  permettrai  de 
vous  faire  remarquer  le  petit  nombre  des  nouvelles 
adhésions  pour  cette  année.  Nous  n'avons  admis  que 
quatre  nouveaux  membres,  MM.  Auguste  Le  Blanc 

2T 


—  444  — 

Bellevaux,  François  Masse,  Reboulleau  et  Théodore 
Renault.  N'oublions  pas  qu'il  faut  nous  recruter 
d'année  en  année  pour  attirer  à  nous  les  travailleurs  et 
nous  assurer  des  ressources.  Les  vides  ne  se  sont  pas 
produits  parmi  nous,  mais  il  suffit  d'une  circonstance 
pour  nous  atteindre  sérieusement  et  nous  ne  devons 
pas  nous  laisser  surprendre . 

Parmi  nos  membres  les  plus  zélés,  je  tiens  à  rendre 
hommage  à  notre  dévoué  conservateur  du  Mu&ée, 
M.  de  Saint- Venant,  qui  ne  néglige  aucune  occasion 
d'enrichir  notre  collection  déjà  importante  et  de  la 
classer  de  façon  à  la  rendre  profitable  aux  amateurs . 

M.  Gaston  Gauthier  est  aussi  un  de  nos  plus  actifs 
membres,  et  grâce  aux  curieuses  fouilles  gallo- 
romaines  auxquelles  il  se  consacre  à  Champvert.  il 
attire  les  regards  du  monde  savant  et  donne  à  notre 
modeste  compagnie  un  renom  qui  n'est  pas  à  dédaigner. 
Notre  visite  à  la  cathédrale  de  Saint -Cyr,  dans  ses 
parties  romanes,  a  motivé  des  recherches  sur  les 
absides  opposées  et  les  plans  des  premiers  édifices. 
M.  le  chanoine  Sery  et  M.  Massillon  Rouvet  y  ont 
exposé  leurs  vues  différentes  sans  trancher  définitive- 
ment cette  question  complexe,  mais  en  apportant  des 
théories  intéressantes  et  des  aperçus  nouveaux. 

L'Exposition  de  1900  nous  a  fait,  comme  à  toutes 
les  Sociétés  scientifiques,  diverses  propositions  aux- 
quelles vous  avez  répondu. 

Les  six  derniers  volumes  de  notre  Bulletin,  depuis 
1889,  figureront,  sous  les  auspices  du  Ministère  de 
l'Instruction  publique,  parmi  les  publications  des 
Sociétés  savantes.  J'ai  aussi  adressé  au  Groupe  III 
tous  les  renseignements  sur  les  travaux,  séances, 
impressions  de  notre  Société,  en  sorte  que  les  éléments 
de  sa  situation  lui  permettent  d  occuper  sa  place  parmi 
les  associations  similaires. 


—  415  — 

J'ai  cru  bien  faire  en  répondant  à  ces  diverses 
demandes,  à  une  époque  de  divulgation  comme  la 
nôtre  où  il  n'est  permis  de  rien  négliger  dans  les 
manifestations  de  vie  et  de  travail. 

—  Â  la  séance  de  janvier,  M.  l'abbé  Bruneau,  curé  d'Alli- 
gny-en*Morvan ,  expose,  dans  une  lettre  au  président,  les 
recherches  historiques  qu'il  entreprend  sur  8a  paroisse.  Il 
publie  un  petit  bulletin  paroissial  où  sont  relatés  des  faits 
d'histoire,  des  inscriptions,  des  curiosités  archéologiques.  Il 
donne  connaissance  aux  enfants  du  pays  des  événements 
importants  qui  ont  signalé  l'histoire  de  la  localité,  excellent 
moyen  de  développer  l'esprit  infantile  en  leur  rappelant  les 
vertus  et  les  gloires  de  leurs  ancêtres. 

Notre  Société  a  toujours  cherché  à  encourager  dans  cette 
voie  les  curés  et  les  instituteurs  qui  peuvent  fournir  des  ren- 
seignements locaux  exposés  à  se  perdre  d'un  moment  à  l'autre. 
A  ce  sujet,  je  me  permettrai  de  vous  signaler  M.  Carré,  insti- 
tuteur à  Ourouêr,  qui,  depuis  de  longues  années,  recueille  et 
copie  avec  grand  zèle  les  documents  historiques  de  sa  contrée. 

On  m'a  également  signalé  M.  l'instituteur  d'Anthien  pour 
les  substructions  et  objets  gallo-romains  qu'il  a  découverts  sur 
sa  commune. 

—  Plusieurs  documents  sont  montrés  par  M.  de  Montjoie  : 
Brevet  de  Louis  XIII,  de  décembre  1614,  pour  Cosme  Savary, 
seigneur  de  Brèves.  —  Lettre  autographe  de  Parmentier  à* 
M.  Badin,  procureur  fiscal  à  Châtel-Gensoir,  lui  annonçant  sa 
nomination  de  procureur  général  de  la  Chambre  des  comptes 
de  Nevers.  —  Trois  sceaux  de  Gonzague,  d'Effîat  et  du  cha- 
pitre de  Châtel-Censoir.  —  Quatre  lettres  du  duc  de  Nivernais 
adressées  à  Jean  Badin,  procureur  fiscal  à  Châtel-Censoir  (8  et 
15  mars,  29  mai  et  24  août  1775),  ces  quatre  lettres  ofiertes 
aux  archives  de  la  Porte  du  Croux.  —  Sentence  rendue  contre 
Jean  Gagné  le  jeune  (1753),  où  Gabriel  Badin  est  indiqué 
comme  conseiller  du  duc  de  Nevers. 

—  M.  Massillon  Rouvet  présente  un  dessin  reproduisant  la 
travée  du  château-fort  de  Pierre  de  Courtenay,  démoli,  par 
décision  du  conseil  municipal  de  Nevers,  en  juillet  1898,  en 


—  416  — 

vue  de  oonstructions  annexes  de  l'hôtel  de  ia  mairie,  malgré 
nos  protestations  et  les  observations  de  radminisUation  des 
Beaux-Arts.  Le  peu  d'élégance  des  travaux  exécutés  aujour- 
d'hui à  cette  place  font  encore  regretter  davantage  la  dispari- 
tion de  ce  fragment  rarissime  de  l'art  militaire  au  xii"  siècle. 

—  M.  le  docteur  Subert  montre  plusieurs  lettres  du  poète 
nivernais  Pierre  de  Frasnay,  et  M.  de  Lespinasse  entretient  la 
Société  d'une  étude  sur  les  «  Almanachs  de  la  Nièvre  »,  qui 
doit  paraître  dans  la  Revue  du  Nivernais. 

—  Des  pièces  de  monnaie,  dites  méreaux,  frappées  à  l'effigie 
de  la  collégiale  de .  Saint-Pierre-le-Moûtier,  sont  communi- 
quées au  nom  de  notre  confrère,  M.  Sarriau,  qui  les  insérera 
dans  son  article  de  numismatique  nivernaise. 

—  La  ville  de  Moulios-Engilbert,  qui  n'a  pas  encore  de 
notice  spéciale  et  qui  a  joué  un  grand  rôle  dans  l'histoire  du 
pays,  a  été  l'objet  d'importantes  recherches  delà  part  de  notre 
confrère,  M.  Victor  Moreau.  La  compagnie  a  écouté  avec  intérêt 
deux  communications  faites  par  lui  et  espère  qu'il  lui  sera 
possible  de  les  compléter. 

—  M.  d' Assigny  fait  don  à  la  Société  de  divers  fragments  de 
sculpture  provenant  de  l'église  Saint-Victor. 

—  Une  litre  de  l'église  de  Suill y  la-Tour  a  été  étudiée  par 
M.  Teste,  qui  y  a  reconnu  les  armoiries  des  Pemay,  seigneurs 
de  ce  lieu  :  De  gueules  à  trois  fleurs  de  lys  au  naturel  ou  de 
jardin,  d'or,  a  Ces  armes  existent  sur  une  litre  régnant  à  l'in- 
térieur, dans  le  pourtour  de  l'église  de  Suilly-la-Tour.  On  les 
voit  aussi  à  la  clef  de  voûte  du  chœur  de  la  même  église  et  là 
elles  ont  pour  supports  deux  anges,  comme  Técu  de  la  maison 
royale  de  Bourbon.  C'est  donc  à  tort  que  M.  de  Soultrait,  dans 
son  ArmoricU  du  Nivernais,  a  attribué  comme  armes  aux. 
Pemay  :  c  De...  à  trois  tours...  »,  qui  Ogurent,  avec  la  date  de 
1545,  dans  deux  des  caissons  ornementés  décorant  le  portail 
de  relise  de  Suilly-la-Tour  et  à  l'une  des  clefs  de  voûte  de  la 
partie  la  plus  moderne  de  cette  église.  En  effet,  la  seigneurie 
de  Suilly.  qui,  au  commencement  du  xw  siècle,  appartenait 
aux  du  Mex,  après  avoir  passé  aux  Varigny,  Champlemis 
d'Autry,  La  Porte,  Fontbouchier,  était  arrivée  aux  Pemay  vpn 
la  fin  du  XV*  siècle,  et  ces  derniers  en  étaient  encore  posses- 


—  447  - 

seurs  dans  le  courant  du  xviip  siècle.  Le  style  du  cartouche 
qui  encadre  les  armes  reproduites  sur  lia  litre  est  bien  de 
Tépoque  de  Louis  XV  et,  comme  seuls  les  seigneurs  haut- 
justiciers  avaient  le  droit  de  litre,  il  est  par  suite  hors  de  doute 
que  les  armes  en  question  doivent  être  attribuées  à  la  famille 
de  Pernay.  M.  Tabbé  Clément,  curé-doyen  de  Châtillon,  aupa- 
ravant curé  de  Suilly-laTour,  trompé  par  les  anges  qui  sou- 
tiennent Técu  existant  à  la  clef  de  voûte  du  chœur,  avait  cru 
y  voir  les  armes  de  France.  Mais  cette  assertion  ne  pouvait 
reposer  sur  aucune  base  sérieuse  et,  à  n'en  pas  douter,  notre 
très  distingué  confrère  n'aurait  pas  commis  cette  erreur  s'il 
avait  eu  connaissance  de  la  litre  découverte,  il  y  a  quelques 
années,  par  les  soins  de  M.  l'abbé  Fourgerolles,  alors  curé  de 
Suilly-la-Tour  et  actuellement  curé  de  Dampierre-sous-Bouhy . 
Evidemment,  c'est  par  suite  du  rapprochement  existant  entre 
leurs  armes  et  celles  de  la  maison  de  Bourbon,  que  les  Pernay 
avaient  été  amenés  à  prendre  ausd  deux  anges  comme  sup- 
ports de  leur  écu.  » 

—  M.  le  comte  de  Chasteliux  continue  ses  copies  de  pièces 
nivernaises  dans  les  dépôts  de  Paris  ;  elles  consistent  princi- 
palement, cette  année,  en  lettres  de  rémission^  ces  documents 
si  curieux  pour  l'histoire  des  mœurs,  transcrits  dans  les 
layettes  du  Trésor  des  Chartes,  série  JJ  des  Archives  natio- 
nales. 

—  Un  jeune  élève  de  l'Ecole  des  Chartes,  M.  André  Philippe, 
de  Glamecy,  prépare  une  thèse  sur  les  églises  romanes  du 
diocèse  d'Auxerre  et,  par  extension^  de  Nevers.  Plusieurs  de 
nos  églises  seront  étudiées  dans  ce  travail. 

—  J^es  fouilles  de  Champvert  sont  poursuivies  avec  grande 
persévérance  par  notre  confrère  M.  Gauthier,  qui  augmente 
chaque  année  l'étendue  de  ses  découvertes.  La  villa  de 
Champvert  offre  déjà  sept  salles  ou  piscines  construites  avec 
le  soin  et  l'élégance  des  installations  gallo-romaines.  Dans 
plusieurs  séances  de  Tannée,  il  a  exposé  soit  l'état  des  fouilles, 
soit  des  objets  en  provenant,  toutes  questions  qui  seront 
résumées  prochainement  dans  un  article  spécial.  Un  fond  de 
vase  carré  en  verre  de  teinte  jaune  porte  à  chaque  angle  les 
lettres  F.  G.  H.  I.  et  au  milieu  un  personnage  dont  les  traits 


-  418  ^ 

sont  d'une  grande  finesse.  Ce  rare  et  curieux  fragment  vieot 
d'être  soumis  à  Tétude  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France. 

—  Plusieurs  membres  de  la  Société  ont  fait  des  excursions 
à  Marzy  d'abord,  où  ils  ont  été  aimablement  reçus  par  notre 
confrère  M.  le  curé  Bogros,  lauréat  des  Jeux  floraux  à  Tou- 
louse, l'année  dernière,  pour  une  pièce  de  vers  ;  dans  la  région 
de  Clamecy,  où  ils  out  exploré  l'église  de  Surgy,  les  ruines  du 
château  et  l'église  de  Druyes  accompagnée  d'une  tour  ronde  du 
xv»  siècle  qui  a  dû  être  fortifiée,  les  ruines  du  château  d'Hervé 
de  Donzy  à  Billy-sur-Oisy,  l'église  de  Metz  le-Gomte  et  sa 
curieuse  armoire  eucharistique,  les  peintures  murales  de 
Tannay  et  le  bas-relief  des  fonts  baptismaux  représentant  la 
chasse  de  saint  Hubert,  enfin  les  églises  de  Lys,  Amazy,  Saint- 
Didier,  Monceaux-le-Comte  et  le  Réconfort.  M.  deFlamarea 
rendu  compte  de  cette  importante  excursion  à  laquelle  ont  pris 
part  MM.  le  colonel  de  Courson,  Imbart  de  La  Tour,  Chemi- 
nade,  le  chanoine  Sery,  de  Saint*  Venant,  Gautron  du  Cou- 
dray. 

—  Nous  avons  examiné  sur  place  les  restes  de  la  chapelle 
Saint-Victor  engagés  dans  l'hôtel  d'Assigny,  rue  de  Nièvre, 
actuellement  occupé  par  M.  le  colonel  de  Courson  de  La  Ville- 
neuve, qui  a  bien  voulu  y  recevoir  les  membres  de  la  Société. 
Les  colonnes  avec  les  bases  et  les  fùts*permettent  de  reconsti- 
tuer l'ensemble  de  l'édifice,  puis  nous  avons  visité  les  caves 
d'une  maison  particulière  rue  Fonmorigny,  où  les  piliers  et 
les  voûtes  non  encore  décrits  méritent  une  attention  spéciale. 

—  Ces  visites  collectives  inaugurées  cette  année  deviendront 
souvent  le  complément  des  lectures  en  séance.  Elles  font 
vérifier  les  conditions  archéologiques,  d'une  construction, 
appellent  les  réflexions  de  chacun  et  facilitent  l'explication  de 
choses  restées  obscures.  Autant  que  possible,  nous  tâcherons 
d'examiner  ainsi  les  curiosités  de  l'ancien  Nevers.  Tout  der- 
nièrement, une  visite  a  encore  été  faite  à  la  chapelle  d'une 
ancienne  léproserie  au  faubourg  de  Mouèsse. 

—  Notre  confrère  M.  Joseph  Dasse  offre  au  musée  une 
pierre  bombée  provenant  d'une  chapelle  d'Ourouèr,  avec 
écusson  aux  armoiries  de  l'évèque  Pierre  de  Fontenay. 

—  La  ville  de  Saiot-Pierre*le-Moûiier  a  entrepris  rérection 


—  419  - 

d'une  statue  à  Jeanne  d'Arc  et  a  nommé  un  comité  d'action 
pour  recueillir  des  adhésions.  La  Société  nivernaise  approuve 
en  tout  point  cette  idée  et  souscrit,  en  signe  d'assentiment, 
pour  la  somme  de  20  fr. 

—  L'ouvrage  de  notre  confrère  M.  Massillon  Rouvet  : 
Remparts  et  Monuments  de  Vancien  Nevers,  a  été  présenté  à 
l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques  par  M.  de  Foville 
le  18  novembre  1899.  Après  avoir  exposé  le  plap  et  les  mérites 
du  livre,  M.  de  Foville  ajoute  :  «  Nous  reconnaissons  dans  cet 
ouvrage  le  spécialiste  expérimenté  qui  prêtait  naguère  son 
précieux  concours  à  l'enquête  du  Comité  des  travaux  historiques 
et  scientifiques  sur  les  conditions  de  l'habitation,  et  c'est  pour 
nous  l'occasion  de  le  remercier  encore  ». 

—  M.  l'abbé  J.-M.  Meunier,  qui  poursuit  ses  études  sur  les 
parlers  du  Nivernais,  a  vivement  intéressé  notre  compagnie 
par  l'exposé  de  ses  instruments  phonétiques  pour  obtenir  le 
langage  des  sourds-m  uets.  Les  résultats  sont  précis  et  concluants, 
et  d'ici  peu  notre  confrère  espère  arriver  à  créer  une  méthode 
graphique  complète  pour  cette  amélioration  si  importante  d'un 
des  plus  graves  défauts  de  l'humanité. 

—  La  Compagnie  admire  les  photographies  des  tympans 
du  grand  clocher  de  La  Charité,  présentées  par  M.  Sarriau  et 
merveilleusement  réussies  malgré  lés  difficultés  de  jour  et  de 
situation  des  sculptures.  Elles  sont  de  beaucoup  supérieures  à 
celles  déjà  reproduites  dans  le  Bulletin  et  mériteront  une  nou- 
velle publication  en  raison  de  leur  intérêt  et  de  leur  Cnesse 
d'exécution. 

—  M.  Sarriau  ajoute  une  note  relative  à  un  plat  de  faïence 
de  Nevers  armorié  :  «  Au  tome  X,  p.  445  du  Bulletin^ 
M.  Morlon  signalait  l'existence,  à  l'exposition  rétrospective  du 
Trocadéro,  d'un  plat  en  faïence  de  Nevers  portant  les  armes 
d*un  archevêque  de  la  famille  de  Montpezat.  L'abbé  Boutillier 
proposa  Joseph  de  Montpezat,  archevêque  de  Toulouse.  Il  faut 
chercher  beaucoup  moins  loin  ;  Jean  et  non  Joseph  de  Mont- 
pezat de  Carbon  occupa  le  siège  de  Bourges  de  1666  à  1674, 
avant  de  passer  à  Toulouse,  et  le  plat  en  question  fut  vraisem- 
blablement fabriqué  sous  ses  ordres  pendant  son  séjour  en 
Berry.  » 


—  420  — 

—  M.  le  colonel  de  Courson  apporte  une  série  de  croquis 
sur  la  tour  de  Thouleurs,  près  Larochemillay,  forteresse  pou- 
vant contenir  une  garnison  d'une  centaine  d'hommes ,  et 
accompagnée  de  souterrains,  citernes  et  divers  retranchements, 
aujourd'hui  engagés  dans  un  bois  et  totalement  abandonnés. 
On  ne  sait  rien  de  celte  forteresse  qui,  à  une  époque  quel- 
conque, a  pu  subir  des  sièges  qui  n'ont  pas  été  mentionnés  dans 
l'histoire. 

—  M.  le  colonel  de  Courson  offre  au  musée  un  fragment  de 
statuette  flnement  sculptée  et  une  plaque  de  fonte  représentant 
des  armoiries  vraisemblablement  d'un  homme  d'église,  por- 
tant un  croissant  et  trois  merlettes,  pièces  déjà  signalées  dans 
une  autre  plaque  découverte  par  M.  de  Boutèyre,  aux  Munots« 
près  La  Charité. 

Tel  est,  messieurs,  le  résumé  de  vos  travaux  exposés 
dans  les  articles  du  Bulletin  et  dans  les  séances.  Il 
m'est  agréable  de  vous  les  remettre  en  mémoire,  afin 
de  vous  encourager  à  les  continuer  pour  l'honneur  de 
notre  Compagnie  et  l'intérêt  intellectuel  de  notre 
chère  province  de  Nivernais. 

R.  DE  L. 


•  rt/tfêrm,  tm^.  mwm 


—  421  — 


UNE 


LÉPROSERIE  DE  NE\ERS 


SAINT  •  LAZARE-  LES-  NEVERS 


Hôpitaux  réserves  aux  lépreux  et  leurs  divers  noms.  —  Lèpre  antérieure 
aux  Croisades.  —  Liste  des  léproseries  du  Nivernais.  —  Fondation 
par  l'évéque  Uériman  de  deux  hôpitaux  en  dehors  de  la  ville.  —  Vue 
d'ensemble  de  la  maladrerie  de  Saint-Lazare.  —  Intérieur  de  Téglise 
Sainl-Lazare  ;  description.  —  Aperçu  du  chiffre  de  malades  dans  les 
léproseries.  —  Restauration  de  l'église  Saint-Lazare.  —  Remarquable 
statue  de  la  Vierge-Mère  du  xvi"  siècle,  au  musée  du  Louvre.  — 
Continuation  de  la  description  de  l'intérieur  de  Téglise.  —  Extérieur 
de  l'église,  portail.  —  Abside.  —  CoitsUnictions  de  la  inaXadrerie^ 
habitations,  cour,  bâtiments  d'exploitation  personnel  en  dehors  des 
lépreux.  —  Administration  de  l'hôpital,  frères  et  sœurs  pour  les  soins 
des  malades.  —  Constructions  (suite);  maisons  à  l'usage  des  lépreux, 
caves  et  bûchers,  prison.  —  Matériel  d'exploitation  de  la  léproserie.  — 
Animaux  pour  la  culture.  —  Troupeau  de  moutons.  —  Moulin  à  drap. 
—  Privilège  de  foire.  —  Sépultures  de  la  maladrerie.  —  Ancienne 
taque  de  cheminée.  —  Ancienne  statue  en  bois  de  saint  religieux.  — 
Bon  état  de  conservation  des  bâtiments  de  la  léproserie. 

APPENDICE. 

Cérémonies  d'après  un  ancien  rituel  nivernais,  relatives  à  la  séparation 
d'avec  la  société  des  malheureux  lépreux:  l'office  des  morts  dont  vivants 
ils  sont  l'objet ,  la  remise  de  leurs  tristes  attributs,  leur  installation  dans 
la  léproserie. 


A  la  suite  d'une  visite  faite  récemment,  en  compa- 
gnie de  deux  membres  de  la  Société  nivernaise, 
MM.  de  Flamare,  archiviste  départemental  et  le 
colonel  de  Courson  de  la  Villeneuve,  je  me  permettrai 
d'appeler  lattention  sur  un  sujet  intéressant  et  qui, 
je  le  crois,  a  été  négligé  jusqu'à  ce  jour  dans  le 
Nivernais  :  je  veux  parler  des  établissements  chari- 
tables^ portant  le  nom  de  léproseries,  ladreries^  mala- 

T.  viii,  3«  série.  28 


—  422  - 

deryes,  malladeryes,  maladeries  et,   plus  tard,  mala- 
dreries. 

D'après  une  opinion  fort  répandue,  la  diffusion  de  la 
lèpre  dans  nos  régions,  et,  par  suite,  la  création  de  nom- 
breux asiles  destinés  à  isoler  les  malheureux  atteints 
par  ce  fléau,  serait  une  conséquence  des  Croisades. 

A  force  d'être  répétée,  cette  assertion  finit  par  être 
admise  comme  un  fait  indiscutable;  elle  a  été  récem- 
ment réfutée  par  Godefroid  Kurth  {La  Lèpre  avant 
les  Croisades),  dans  le  compte  rendu  du  Congrès 
scientifique  des  catholiques,  Paris,  1891,  pages  125  à 
147.  Le  savant  historien  démontre  avec  évidence  que 
cette  maladie  était  commune  en  Occident  depuis  une 
époque  fort  reculée,  que  l'autorité  ecclésiastique  et 
que  l'autorité  civile  avaient  été  obligées  de  prendre 
des  mesures  pour  entraver  sa  propagation  longtemps 
avant  les  expéditions  de  la  Terre-Sainte  et  que  des 
maisons  réservées  aux  ladres  étaient  bien  antérieures 
aux  Croisades. 

En  témoignage  de  l'ancienneté  de  la  lèpre  en  France, 
voici  un  fait  historique  consigné  dans  le  supplément 
nivernais  du  Bréviaire. 

l^Eglise  de  Nevers,  au  11  février,  fait  l'office  de 
saint  Séverin ,  moine  et  ensuite  abbé  du  célèbre 
monastère  d'Agaune,  en  souvenir  d'un  miracle  que  le 
saint  accomplit  à  Nevers  même.  Le  saint  passait  dans 
cette  ville,  en  se  rendant  à  Paris,  mandé,  sur  l'avis  du 
médecin  Tranquillin,  par  le  roi  Clovis,  malade  à  toute 
extrémité  ;  il  rendit  à  l'évêque  Eulade,  sourd,  muet, 
malade  depuis  deux  ans,  la  santé  complète,  si  bien  que 
le  même  jour,  l'évêque  célébra  la  messe  et  bénit  son 
peuple.  Par  les  mérites  du  saint,  le  monarque  frank 
recouvra  aussi  la  santé.  Mais  voici  le  fait  principal 
que  je  voulais  citer  :  Séverin,  entrant  à  Paris,  ren- 


—  423  — 

contre  un  lépreux  et  le  guérit  en  l'embrassant  {Leçons 
de  l'office  de  saint  Séverin.) 

Il  y  avait  donc  déjà  des  lépreux  dans  notre  pays 
du  temps  de  Clovis,  au  commencement  du  vi®  siècle. 

La  lèpre,  qui  avait  été  la  terreur  du  moyen  âge, 
s'affaiblit  progressivement  à  partir  des  xiv®  et  xv®  siè- 
cles et  sa  disparition  laissa  heureusement  sans  habi- 
tants les  hôpitaux  réservés  à  ses  pitoyables  victimes. 

Notre  province  était  pourvue  d'un  assez  grand 
nombre  de  maladreries. 

Henri  IV  fondit  ensemble  Tordre  royal  militaire  et 
hospitalier  de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel  avec  celui 
de  Saint-Lazare  de  Jérusalem. 

Voici  la  liste  des  maladreries  que  nous  trouvons,  à 
cette  époque,  pour  le  Nivernois,  dans  la  «  Nomencla- 
ture des  grands-prieurés  et  commanderies  dépendans 
du  Roy,  par  Jacques  Le  Pelletier,  escuyer,  conseiller 
du  Roy,  etc.,  Paris,  chez  l'autheur,  rué  Saint- 
Severin,  devant  l'église,  MDCLXXXX.  » 

(Toutes  les  commanderies  du  Nivernois  dépendent 
du  grand-prieuré  de  Bourgogne.) 

La  commanderie  de  Nevers  avait  sous  sa  juridiction  : 

Lamaladrerie  et  hôpital  Saint-Lazare,  dont  nous 
avons  à  nous  occuper  ; 

La  maladrerie  de  Saint- Antoine  de  Nevers  ; 

L'hôpital  de  Saint-Eloy,  près  Nevers  ; 

La  maladrerie  de  Moulins-Engilbert, 

—  Châteauneuf  et  son  hôpital, 

—  Gain,  près  Saincaize, 

—  La  Marche, 

—  Luzy  et  son  hôpital, 

—  Montreuillon, 

—  Saint- Saulge  ou  de  Mousseaulx, 

—  Servilage, 


—  424  — 

La  maladrerie  de  VauUy,  près  Cercy, 

—  Uban,  près  Brinon, 

—  Viilefranche, 

—  Ville-les- Anlezy . 

La  commanderie  de  Clamecy  avait  sous  sa  juridiction  : 
La  maladrerie  de  Clamecy, 

—  Beaulieu-sur-Loire, 

—  Châtillon-sur-Loire, 

—  Corvol-l'Orgueilleux  et  son  hôpital , 

—  Bléneau, 

—  Cosne, 

—  Donzy, 

—  Druye, 

—  Saint-Fargeau, 

—  Gien, 

—  Moû tiers  (près  Saint-Sauveur). 

—  Ouesnet. 

La  commanderie  d'Àvallon  avait  sous  sa  juridiction  : 
La  maladrerie  de  Corbigny  et  son  hôpital,  et   la 
maladrerie  de  Vauprevoir,  près  La  Maison-Dieu. 
La  commanderie  de  Moulins  avait  sous  sa  juridiction  : 
La  uialadrie  de  Chambon  et  celle  de  Pierrefitte. 
Il  a  existé  d'autres  maladreries  antérieurement  qui 
sont  mentionnées  dans  le  ((  Registre  des  bénéfices  du 
diocèse  de  Nevers  selon  Tordre  mis  par  Révérend  Père 
en  Dieu  Robert  Dangeul,  l'an  1441,  et  despuis  aprouvô 
par  R.  P.  Jacques  Spifame,  evesque  dudit  Nevers,  l'an 
1551  (1)  ». 
Ce  sont  ((  celles  de  Champallement, 

Desise, 

Saint-Pierre-le-Moûtier, 
Chastillon  (en  Bazois).  « 

(1)  Biblioth.  nat.,  Ma  fr.,  4676.  Ms  relié  aux  armes  de  Béthune,  folios 
1  ù  12.  (M.  René  de  Lespinasse,  président  de  la  Société  nivemaise,  en  a 
pris  h  copie,  qu'il  m'a  très  obligeamment  communiquée.) 


statue  de  l'ancienne  église  8alnt>Lazare 


-  425  — 

f 

Il  faut  aussi  ajouter  celles  de  Lormes,  signalée 
par  M.  l'abbé  Baudiau;  de  La  Celle-sur-Loiré  et 
de  Saint-Péraville,  dans  les  Amognes,  citées  par 
Mîi'  Crosnier. 

C'est  donc  de  la  maladrerie  de  Saint-Lazare  que 
j'aurai  l'honneur  de  vous  entretenir.  Elle  est  très 
ancienne  et  on  pense  qu'elle  remonte  au  ix®  siècle, 
d'après  le  texte  d'une  charte  du  Cartulaire  de  l'église 
de  Nevers,  donnée  par  l'évoque  Hériman  en  849  ; 
((  Hospitum  loca  non  longe  a  civitate  nostrâ  duo 
constituimus  »  ;  mais  on  ne  peut  rien  préciser  d'une 
manière  certaine  sur  telle  ou  telle  maison  de  fondation 
épiscopale,  attendu  que  trois,  et  non  deux  hôpitaux,  se 
trouvent,  dès  une  lointaine  antiquité,  situés,  suivant 
l'usage,  en  dehors  de  la  ville  :  l'hôpital  Saint-Didier  et 
les  maladreries  de  Saint-Lazare  et  de  Saint- Antoine. 
—  Mais  ne  nous  attardons  pas  à  la  solution  d'une 
question  que  de  plus  habiles  n'ont  pu  éclaircir. 

En  sortant  de  Nevers  par  le. faubourg  de  Mouésse,  à 
son  extrémité,  on  aperçoit  à  gauche  un  groupe  de 
maisons  qu'une  d'entre  elles  domine  au  centre  et  qui 
est  percée,  à  son  pignon,  d'une  fenêtre  romane  ;  nous 
sommes  arrivés  à  la  maladrerie  de  Saint-Lazare  et  la 
maison,  n«  30,  par  laquelle  on  y  entre,  est  l'auberge 
qui  porte  l'enseigne  :  A  la  Croix  de  Saint-Lazare. 

Ce  qui  subsiste  des  anciennes  constructions  suffit 
pour  donner  une  idée  des  léproseries  à  l'époque  de 
leur  fonctionnement  et  môme  reconstituer  une  mala- 
drerie-type. 

D'abord  l'église  —  qui  devint  plus  tard  église 
paroissiale  —  mérite  une  description  un  peu  détaillée. 


—  426  — 

Elle  est  exactement  orientée  et  semble  du  xie  siècle. 
Sans  nous  occuper  des  divisions  actuelles  de  l'édifice 
religieux  en  chambres  au  rez-de-chaussée  et  au  pre- 
mier étage,  j'en  donnerai  les  dimensions  exactes  dans 
ses  différentes  parties. 

L'abside  terminée  on  cul -de-four,  mesure  2  m.  70 
de  profondeur  sur  3  m.  80  de  largeur. 

Le  chœur  de  chaque  côté,  0  m .  30  de  plus  en  lar- 
geur, soit  3  m.  30  et  4  m.  10  de  longueur. 

La  nef  s'élargit  encore  ;  elle  a  1  m.  35  de  plus  en  lar- 
geur de  chaque  côté,  soit  6  m.  50  et  8  m.  60  de  longueur. 

Du  bas  de  l'église  au  fond  de  l'abside  la  longueur 
totale  est  donc  de  14  m.  90. 

La  hauteur  de  la  voûte  est  de  7  m.  40  à  l'abside  et 
de  7  m.  70  dans  le  chœur. 

Les  murs  ont  un  mètre  d'épaisseur. 

A  gauche  du  chœur  est  la  sacristie,  de  la  longueur 
du  chœur  épaisseur  du  mur  déduite,  mais  très  étroite, 
2  m.  environ  sur  3  m.  10;  elle  est  voûtée  à  plein 
cintre  de  3  à  3  m.  50  de  hauteur  ;  elle  est  éclairée  par 
une  fenêtre  au  levant  et  au  nord  par  deux  petites 
fenêtres  romanes  très  rapprochées. 

La  calotte  de  l'abside  et  le  chœur  sont  voûtés  en 
moellon  recouvert  de  mortier . 

La  voûte  de  l'abside  était  ornée  de  peintures  que 
laissent  deviner  des  écailles  de  badigeon  qui  sont 
tombées  :  on  voit  im  joint  simulé  par  un  trait  d'ocre 
et  on  aperçoit  une  aile  d'ange. 

La  voûte  du  chœur,  plus  élevée  de  0  m.  30  que 
celle  de  l'abside,  est  bordée  dans  la  partie  la  plus 
rapprochée  de  la  nef  par  un  arceau  de  0  m.  70,  chargé 
au  milieu  d'un  arceau  de  0  m.  30  ;  l'arceau  plus  large 
descendait  jusqu'au  sol  et,  accolée  à  cet  arceau,  une 
colonne  de  chaque  côté,  montant  jusqu'à  la  base  du 
plein  cintre,  soutenait  le  petit  arceau. 


—  427  — 

La  nef  n'était  pas  voûtée  ;  la  charpente,  au  moins 
les  poutres  de  traverse,  étaient  apparentes. 

Trois  fenêtres  éclairaient  l'abside. 

Une  fenêtre,  de  0  m.  87  de  haut  sur  0  m.  65  de  large, 
est  percée  dans  la  façade,  au-dessus  de  la  grande  porte. 

Il  devait  y  avoir  quatre  fenêtres,  deux  de  chaque 
côté,  dans  la  nef  ;  autrement,  il  eût  régné  à  l'intérieur 
une  obscurité  quasi  sépulcrale. 

Dans  le  mur  de  la  façade,  à  l'intérieur,  au-dessus  de 
la  grande  porte,  on  remarque  des  pierres  formant  cor- 
beau ;  elles  ne  soutenaient  pas  assurément  un  plafond 
qui  eût  été  extrêmement  bas  et  écrasé.  Supportaient- 
elles  une  tribune  ? 

La  porte  d'entrée  mesure  1  m.  30  de  large. 

Telles  sont  les  dimensions  et  les  grandes  lignes  de 
l'église  primitive. 

Des  additions  lui  ont  été  apportées  dans  la  suite  : 
de  chaque  côté  de  la  nef  et  dans  toute  sa  longueur 
une  construction  plus  récente  forme  une  sorte  de  bas- 
côtés  communiquant  avec  la  nef  par  deux  arcades 
en  ogive,  du  xiv®  siècle,  percées  à  l'endroit  où  devaient 
exister  des  fenêtres.  Cet  agrandissement  eut  lieu  au 
moment  où  l'église  fut  reconnue  trop  exiguë  pour  les 
lépreux  et  surtout  pour  les  fidèles  de  la  paroisse. 

L'église  primitive  est  de  dimensions  restreintes  ; 
très  modestes  étaient  généralement  les  églises  des 
léproseries  pour  ne  pas  porter  ombrage  aux  paroisses 
sur  le  territoire  desquelles  elles  étaient  élevées  ;  ceux 
qui  prenaient  part  aux  offices  ne  comprenaient  guère 
que  les  malades,  les  personnes  dévouées  à  leur  service 
et  les  serviteurs  pour  le  soin  de  la  maison  et  du  bétail 
et  la  culture  des  terres.  —  Ne  nous  méprenons  pas 
sur  le  nombre  des  malades,  a  En  1351,  la  population 
lépreuse  des  maladreries  du  diocèse  de  Paris,  visitées 


—  428  — 

par  le  délégué  de  l'évêque,  s'élève  à  trente-cinq  per- 
sonnes pour  quarante-cinq  établissements.  »  {Mémoires 
de  la  Société  de  V Histoire  de  Paris,  tome  XXV,  1898  ; 
Les  maisons-Dieu  et  léproseries  du  diocèse  de  Paris 
au  XIX®  siècle j  par  Léon  Legrand.  ) 

Sans  doute,  à  ce  moment,  la  maladie  était  fort  en 
décroissance  ;  tant  de  léproseries  établies  partout,  à 
des  distances  rapprochées,  dénotent  qu'à  des  époques 
antérieures  le  mal  avait  sévi  dans  de  plus  larges  pro- 
portions. Une  léproserie  plus  peuplée  est  celle  de 
Saint-Germain-des-Prés,  qui,  en  1498^  comptait  qua- 
torze ladres  :  «  A  messire  Philippe  de  Morigny, 
prestre  chappelain...,  curé  de  l'église  perrochial  de 
Sainct-Sulpice,  à  Sainct-Germain-des-Prés-lez-Paris, 
pour  distribuer  à  XIIII  povres  malades  de  lèpre  estans 
en  la  maladrerie  dudit  Sainct-Germain  la  somme  de 
quinze  1. 1.  »  (Archives  nat.,  KK,  77,  folio  175,  verso.) 

C'est  ici  le  lieu  de  résumer  les  notes  concernant  la 
restauration  de  l'église  du  registre  paroissial  du  curé 
André  Caziot,  qui  prend  possession  de  la  cure  en 
1725  :  on  jugera  tout  de  suite  de  l'intérêt  qu'elles 
offrent. 

Cette  môme  année  1725,  il  fait  régaler  le  clocher 
tant  en  ardoises  qu'en  tuiles.  —  Il  existait  donc  depuis 
longtemps.  —  Où  était-il  placé? 

On  a  fait  aussi  une  niche  à  la  sainte  Vierge  du 
dehors,  garnie  d'un  vitrail  garanti  par  une  fenêtre  de 
fil  d'archal.  Cette  niche  n'était-elle  pas  dans  le  mur  de 
façade  à  droite  du  tympan,  puisque,  du  dehors,  les 
personnes  qui  venaient  à  l'église  passaient  devant  et 
pouvaient  la  prier  ?  Cette  Vierge  était-elle  cette  statue 
si  remarquable  dont  le  musée  du  Louvre  a  fait  l'acqui- 
sition et  qui  avait  été  transportée  de  Saint-Lazare 
à  l'église  Saint-Etienne  de  Nevers  ? 


—  429  - 

Voici  la  description  qu'en  fait  M.  l'abbé  Boutillier, 
page  388,  Archives  paroissiales  de  Nevers  : 

c  Assise  sur  un  magnifique  siège  surmonté  d'un 
dais  à  pinacle,  travail  délicieux  de  la  fin  du  xvi^  siècle, 
la  Vierge,  très  élégamment  couronnée,  soutient 
l'Enfant- Jésus,  qui  appuie  vulgairement  le  pied  sur  le 
corps  de  sa  Mère,  et  les  formes  un  peu  matérielles  de 
la  Vierge  accusent  déjà,  dans  l'artiste,  l'oubli  du 
sentiment  religieux,  que  ne  saurait  jamais  remplacer 
le  travail  môme  le  plus  délicat  et  le  plus  achevé. 

»  Cette  statue,  d'ailleurs  très  remarquable,  est  en 
pierre,  recouverte  de  son  ancienne  peinture  et  d'une 
parfaite  conservation.  » 

Le  curé  André  Caziot  fait  aussi  fermer  les  quatre 
arcades  de  la  nef,  d'où  il  venait  un  vent  qui  rendait 
l'église  inhabitable. 

Il  transporte  le  bénitier  contre  la  grande  porte, 
pour  dégager  l'entrée.  Je  me  le  représente  auparavant, 
à  une  petite  distance  de  la  porte  et  d'un  côté  de  l'allée 
de  la  nef,  près  d'une  des  colonnes  de  bois  qui  suppor- 
taient la  tribune. 

Outre  le  maître-autel,  surmonté  d'un  rétable  de 
Notre-Seigneur  au  Jardin,  il  cite  deux  autres  autels  : 
de  la  sainte  Vierge  et  de  saint  Ennemond,  évoque 
martyr.  Leur  place  est  tout  indiquée  dans  l'angle 
d'élargissement  de  la  nef. 

On  enlève  deux  figurines  mal  faites  de  saints  évoques 
et  on  laisse  celles  de  saint  Raphaël  et  de  saint  Fiacre, 
patron  des  jardiniers. 

Passons  à  l'extérieur  de  l'église  pour  en  faire  le  tour 
et  en  examiner  les  parties  non  masquées  par  des 
constructions  plus  récentes  qui  y  ont  été  adossées. 

Devant  la  grande  porte  de  la  façade,  une  petite 
construction  la  recouvre  jusqu'à  moitié  des  claveaux 


—  430  - 

du  tympan,  de  sorte  que  nous  ne  pouvons  dire  s'il 
était  nu  ou  décoré  de  sculptures. 

Les  bas-côtés  intérieurs  ajoutés  après  coup  donnent 
à  la  façade  un  aspect  lourd,  désagréable,  qui  manque 
de  proportion  par  son  excessive  largeur. 

Dans  un  mur  récent,  du  côté  du  midi,  on  remarque 
une  tête  sculptée  qui  a  été  trouvée  dans  les  décombres; 
elle  a  dû  servir  de  modillon. 

L'abside,  encore  recouverte  de  ses  anciennes  tuiles 
gironnées,  était  contre-buttée  par  trois  contreforts  ; 
celui  du  milieu,  à  peu  près  intact,  s'arrêtait  juste  au- 
dessous  de  la  fenêtre,  qui  a  été  agrandie  au  xv«  siècle. 
Elle  est  murée,  mais  les  formes  flamboyantes  garnies 
de  mortier  sont  bien  visibles.  Le  contrefort  du  côté 
du  nord,  démoli,  laisse  sa  trace  par  des  pierres  en 
saillie  et  inégales.  Du  côté  du  midi,  des  constructions 
ajoutées  masquent  celui  correspondant  aux  deux 
autres. 

Pendant  que  nous  étions  devant  la  façade  de  l'église, 
nous  avons  remarqué  un  puits  ancien  dans  une  vaste 
cour  et,  tout  procbe,  des  maisons  (1)  pour  le  logis  du 
curé-recteur  (2),  des  frères  et  sœurs,  des  serviteurs  (3) 
de  la  maladrerie  et  les  bâtiments  pour  le  bétail  et 


(1)  L'ancienne  cure  proprement  dite  fut  détruite  par  un  incendie  en 
1718.  Â  partir  de  ce  moment,  le  curé  s'établit  dans  un  des  bâtiments  qui 
n'étaient  plus  habités  par  les  gens  de  Thôpital. 

(2)  L'ancienne  cure,  avant  1718,  paraît  assez  confortable,  avec  trois 
•  chauffouêrs  à  chemignée  »,  cour  par  devant  et  jardin  par  derrière. 
{ 6G,  Archives  communales,  liasse  173.) 

(3)  1462.  Accord  entre  messire  Bardin,  prêtre,  maître  et  recteur  de 
rhôpital  Saint-Lazare,  et  Martin  Delaplace,  de  Saligny,  diocèse  d'Âutunr 
ledit  Martin  prétendant  lui  être  dus  100  sols  pour  son  salaire  et  celui  de 
sa  femme  pendant  leurs  deux  années  de  séjour  à  Saint-Lazat-e,  ledit 
maître  prétendant  qu'ils  avaient  été  bien  payés,t  ant  en  la  dépense  de 
leurs  noces  qui  se  firent  à  Thôpitul  qu  en  leurs  vêtements,  etc.  (GG 
Archives  communales,  liasse  173.) 


-  431  - 

l'exploitatioû.  Alors  la  cour  était  peupléo  de  volailles 
de  toute  espèce,  et  on  pouvait  entendre  mugir  dans 
retable  des  bœufs  et  des  vaches,  et  assurément  il  y 
avait  un  troupeau  de  moutons.  Nous  justifierons  plus 
loin  la  présence  des  animaux  de  labour  et  de  bêtes  à 
laine. 

Ici,  il  convient  de  dire  un  mot  de  Tadministration 
de  rhôpital.  Au  doyen  du  chapitre  appartenait  le  droit 
de  collation  à  la  cure  et  à  la  direction  de  la  maison. 
Le  curé  était  ordinairement  en  môme  temps  maître  de 
l'hôpital  ;  c'est  ce  que  nous  voyons  par  un  acte  du 
24  août  1450,  qui  mentionne  Jean  Lorchet,  prêtre, 
«  curatus  ecclesiœ  parochialis  sancti  Lasari  prope 
Nivernis  ac  magister  seu  rector  domus  dicti  hospitalis 
seu  léproserie  ejusdem  loci  ». 

Le  doyen,  en  outre  de  son  droit  de  surintendance, 
reçoit  aussi  les  frères  et  sœurs  qui  se  dévouent  au  soin 
des  malades  ;  les  archives  de  la  préfecture  renferment 
plusieurs  titres  de  réception  de  ce  genre.  Cette  céré- 
monie se  pratiquait  devant  la  porte  de  la  chapelle, 
«  ante portam  capellœ  ». 

Ainsi  nous  savons  que  furent  reçus  : 

Comme  sœur,  en  1333,  une  nommée  Isabelle  dite 
Petaude,  pedissequa,  servante  du  chanoine  Guita- 
chinus  Capitis  Porci,  (de  Lahure  ?) 

Comme  frères.  Hugues  de  Bort,  paroissien  de 
Changy,  près  CharoUes,  du  diocèse  d'Autun,  en  1336, 
et  en  1354,  Martin,  fils  de  Laurent  de  Chaluzy  (de 
Charuziaco). 

Ces  personnes  recommandables,  mues  par  piété  et 
dévotion,  étaient  soumises  à  un  règlement  spécial 
concernant  le  service  des  malades  et  à  des  exercices 
spirituels  déterminés.  Tout  en   ayant  les  dehors  de 


—  432  — 

Tétat  religieux,  elles  formaient  de  simples  confréries 
placées  sous  l'inspiration  de  l'évéque. 

Plusieurs  actes  aussi  du  xiv^  siècle  nous  apprennent 
que  les  affaires  se  traitaient  en  conseil  entre  recteur, 
frères  et  sœurs,  dans  la  chapelle  de  Sainte-Marie- 
Madeleine  (1). 

Dans  les  léproseries  nous  concevons  facilement  que 
l'installation  doit  être  aménagée  de  manière  à  dimi- 
nuer autant  que  possible  le  contact  avec  les  personnes 
saines  et  le  danger  de  la  contagion.  Aussi  devons- 
nous  chercher  à  une  certaine  distance  le  logement 
destiné  aux  malades.  —  Ici,  en  effet,  de  l'autre  côté 
de  l'église,  au  nord,  au  fond  d'un  vaste  terrain  servant 
de  cour,  s'élève  un  corps  de  bâtiment  en  équerre, 
offrant  un  réel  intérêt,  qui  était  le  logis  des  lépreux. 

Son  aspect  dénote  au  premier  coup  d'œil  une 
construction  ancienne.  Une  fenêtre  à  moulures,  avec 
le  bas  saillant  également  à  moulures,  du  xv«  siècle, 
était  divisée  en  meneaux  croisés  ;  elle  étaît  garnie 
d'une  grille  de  fer  à  barreaux  s'adaptant  dans  une 
barre  en  croix  :  cela  est  indiqué  par  les  trous  de  scel- 
lement. —  Cette  solide  armatureavait-ellepourbutde 
préserver  de  l'invasion  des  voleurs  ?  Les  malheureux  ! 
que  seraient-ils  venus  chercher  dans  <5e  triste  asile,  si 
ce  n'est  la  lèpre  ?  —  C'était  une  mesure  de  précaution 
contre  la  possibilité  de  sorties  subreptices  pendant  la 
nuit  de  la  part  des  lépreux  ;  chaque  soir,  fermés  à  clé 
du  dehors,  on  avait  l'assurance  qu'ils  ne  pouvaient 
s'échapper  ni  par  la  porte,  ni  par  la  fenêtre,  et  la  sécu- 
rité publique  était  ainsi  exempte  de  toute  crainte. 

Dans  l'angle  d'équerre,  un  escalier  d'une  dizaine  de 

(4)  In  dicta  ecclesia  fundcUa  in  qua  congregari  soient  pro  negotUi 
elicti  hospitalis  trou^tandis  et  expediendis,  (Archives  de  la  préfecture, 
liasse  Saint-Lazare.) 


—  4a3  — 

marches  conduit  à  une  double  porte  surbaissée  dont  le 
montant  du  milieu  est  commun  aux  deux  portes  qui 
desservent  les  deux  ailes  du  logis. 

En  entrant  dans  la  partie  de  la  maison  qui  regarde 
le  midi,  on  est  frappé  par  l'aspect  d'une  belle  et  vaste 
cheminée  du  xv®  siècle,  soutenue  par  deux  colonnes  à 
chapiteaux  qui  vont  en  s'élargissant  pour  soutenir  le 
manteau  coupé  d'une  large  moulure  de  l'époque. 

L'aile  de  la  maison  qui  regarde  le  midi  n'offre  rien 
de  remarquable  ;  les  divisions  d'appartements  sont 
récentes. 

Cette  maison  double  servait  donc  d'un  côté  pour  les 
hommes,  de  l'autre  pour  les  femmes. 

Sous  les  appartements  élevés  de  deux  mètres  envi- 
ron au-dessus  du  sol,  ce  sont  des  caves  et  des  bûchers. 

S'il  arrivait  que  des  lépreux  commissent  de  graves 
méfaits,  ils  pouvaient  être  mis  sous  les  verrous  dans 
l'établissement  môme  ;  c'est  ce  qui  est  certifié  par  un 
acte  des  minutes  Taillandier,  du  26  septembre  1561, 
mentionnant  une  petite  maison  en  laquelle  on  a  accou- 
tumé de  mettre  les  malades  «  quand  le  cas  y  eschait  ». 

Un  grand  jardin,  toujours  au  nord,  faisait  partie  de 
l'établissement  et  un  puits  y  était  destiné  à  l'usage 
des  lépreux. 

En  dehors  des  maisons,  cours,  jardins  que  nous 
venons  de  parcourir,  la  léproserie  possédait  des  terres 
qui  formaient  sa  principale  dotation.  Le  môme  acte 
Taillandier  que  nous  avons  cité  et  qui  est  un  accord 
conclu  entre  messire  Léonard  Grillot,  prôtre,  curé  de 
la  cure  et  église  parochiale  de  Saint-Ladre  et  maître 
Jean  de  Villepaincte,  aussi  prôtre  et  administrateur 
de  la  maladrerie  dudit  Saint-Ladre,  énumère  les 
champs,  prés  et  vignes  de  la  cure  et  de  la  maladrerie. 

«  Quantité  de  titres  latins  des  xuP  et  xiv^'  siècles 


—  434  — 

montrent  que  cette  maladrerie  était  riche  et  bien 
rentée  (1)  ». 

Entre  plusieurs  actes  et  donations  qui  nous  ont  été 
conservés,  je  citerai  celle  de  Guillaume  Alery,  inté- 
ressante à  plusieurs  points  de  vue.  Ledit  Alery,  mésel 
de  Saint-Lazare  depuis  vingt-six  ans,  était  fils  des 
défunts  Pierre  Alery  et  Jeanne  Rouette,  morte  de 
mésèlerie  à  Saint-Lazare,  ainsi  que  quatre  autres  de 
ses  fils.  Il  donne  &  la  maladrerie  tous  ses  biens  de 
quelque  nature  qu'ils  soient  :  maisons,  prés,  terres, 
vignes,  bois,  cens,  rentes,  bordelages,  dîmes,  cham- 
pars,  étangs,  garennes,  moulins  et  autres  héritages 
quelconques  (2). 

Dès  lors,  nous  comprenons  que  tout  un  matériel  de 
culture  et  d'exploitation  était  nécessaire  :  bêtes, 
charrues,  voitures,  pressoirs...  Le  pressouer  est  men- 
tionné dans  l'acte  d'accord  entre  le  maître  de  l'hôpital 
Jean  de  Villepaincte  et  le  curé  Léonard  Grillot  :  «  Ils 
s'en  serviront  tous  les  deux  » . 

Si  les  terres  fournissaient  le  pain  et  le  vin,  le  vête- 
ment était  aussi  le  produit  de  la  maison  :  la  laine  d'un 
troupeau  de  brebis  était  façonnée  en  étoflfe  dans  «  le 
molin  à  draptz  de  Parreaut  sur  la  rivière  de  Nyèvre  ». 

Certains  privilèges,  comme  exemption  d'impôts 
étaient  accordés  aux  léproseries  de  même  que  le  droit 
de  tenir  des  foires  auprès  de  l'établissement,  de  pré- 
lever des  redevances  sur  les  marchandises  qui  y 
affluaient... 

«  Dès  le  moi<2  de  juillet  1226,  le  comte  Gui  et  la 
comtesse  Mahaut,  sa  femme,  accordent  à  la  maladrerie 


(i)  Parmentier,  Archives  de  Nevers^  2«  vol.,  p.  46. 
(2)  GG.  Inventaire  sommaire  des  archives  commuiMiles  de  NeverSy  par 
Tabbé  Boutillier,  liasse  174. 


—  435  — 

chacun  an  deux  jours  de  foire,  l'un  la  veille  l'autre  le 
jour  de  Saint-Lazare...  Cette  concession  comportait  le 
droit  de  minage  des  blés  qui  se  vendaient  en  foire  ; 
car,  par  des  actes  de  1234  et  1263,  les  frères  de  Saint- 
Lazare  qui  y  avaient  été  troublés,  y  furent  réintégrés 
et  maintenus.  (1)  » 

En  1331,  le  dimanche,  le  lendemain  de  la  fête  de 
l'Exaltation  de  la  Sainte-Croix,  les  maîtres,  frères  et 
sœurs  et  rendus  de  Saint-Lazare  renoncent  au  droit 
de  tenir  des  foires  autour  de  leur  maison,  naguère 
transférée  en  Mouësse  par  suite  du  rachat  du  comte 
de  Nevers  (2). 

Où  était  le  lieu  des  sépultures  de  la  maladrerie  ? 
Dans  l'église  et  dans  le  cimetière.  —  Nous  nous  rap- 
pelons tant  de  membres  de  la  famille  Alery  atteints  de 
la  lèpre.  —  La  mère,  Jeanne  Rouette,  fut  ensépulturée 
dans  la  chapelle  Sainte-Marthe,  et  son  fils,  le  dernier 
survivant,  Guillaume  Alery,  à  la  fin  de  son  acte  de 
donation,  exprime  le  désir  d'être  ensépulturé  dans  la 
même  chapelle. 

Le  19  janvier  1685,  Jacques  Caillot,  bourgeois,  frère 
du  curé,  est  inhumé  dans  l'église,  etc... 

Le  cimetière  était  probablement  au  nord  de  l'église, 
à  partir  de  la  ligne  de  façade  et  au  moins  jusqu'à 
l'abside  :  on  a  trouvé  de  ce  côté  de  nombreux  ossements. 
Ils  y  sont  encore  tous  léunis  et  forment  un  amoncelle- 
ment assez  considérable. 

Un  nota  de  l'abbé  André  Caziot,  de  1726,  nous 
apprend  qu'  «  on  a  transporté  les  fonts  baptismaux, 
qui  étaient  à  droite,  dans  une  des  arcades  de  gauche  )) 
et  dans  un  autre  endroit  à  propos  de  la  sépulture  des 
petits  enfants  morts   in  albis,  en  aube,  c'est-à-dire 

(i)  Parmentier,  2«  vol.,  p.  46. 

(2)  Arch.  Gom.  de  la  ville  de  Nevers,  n*  17,  liasse  172. 


—  436  — 

avec  la  blancheur  baptismale,  qu'il  les  a  enterrés, 
selon  la  coutume,  près  du  baptistère. 

En  1463,  constitution  d'une  rente  de  2  sols  6  deniers 
tournois  est  faite  par  Etienne  Maignen,  barbier, 
demeurant  à  Nevers,  pour  le  repos  de  l'àme  de  ses 
parents,  enterrés  au  cimetière  de  Saint -Ladre  ;  témoins 
de  l'acte  :  Hugues  Maujon  et  Jehan  Herman,  tous 
deux  barbiers  à  Nevers. 

Les  propriétaires  de  l'église  et  des  anciens  b&timents 
nous  accompagnèrent  très  obligeamment  dans  notre 
visite  et  voulurent  bien  nous  donner,  pour  le  déposer 
au  musée  de  la  porte  du  Croux,  un  fragment  de  taque 
de  cheminée  avec  écusson  chargé  d'un  croissant  mon- 
tant en  abîme,  de  deux  merlettes  en  chef  et  d'une 
merlette  en  pointe  et  surmonté  du  monogramme  IHS 
et  d'une  croix  ;  ces  deux  derniers  signes  particuliers 
désignent  que  cette  taque  avait  été  spécialement  fondue 
pour  un  établissement  religieux  ;  elle  porte  les  carac* 
tères  du  commencement  du  xvn«  siècle. 

M°*«  veuve  Thibault,  ayant  son  logement  dans  la 
maison  au  nord,  jadis  spécialement  réservée  aux 
lépreux,  donne  aussi  pour  le  musée  une  petite  statue 
en  bois,  peinte  jadis,  d'un  pied  de  haut  environ,  qui 
représente  un  religieux  avec  scapulaire,  calotte;  la 
main  gauche,  posée  sur  le  cœur,  soutient  un  livre  ;  la 
main  droite  retombe  le  long  du  corps  et  portait  un 
emblème  distinctif  qui  a  disparu. 

On  se  demande  comment  l'ensemble  de  la  maladrerie 
a  été  conservé  relativement  en  aussi  bon  état. 

La  réponse  est  double  :  pour  les  temps  qui  ont  pré- 
cédé la  Révolution  —  et  ceux  qui  ont  suivi  cette 
époque  néfaste  : 

V"  L'établissement  de  Saint-Lazare  étant  à  la  fois 


—  437  — 

paroisse  et  siège  d'une  maladrerie,  et  ensuite  d'un 
hôpital,  le  transfert  de  l'hôpital  à  celui  de  Saint- 
Didier,  prononcé  déjà  depuis  1572  par  lettres-royaux  de 
Charles  IX,  en  raison  de  sa  distance  et  de  son  inutilité, 
s'accomplit  en  1696  ;  mais  la  cure  fut  maintenue  avec 
jouissance  de  la  moitié  des  revenus,  «  l'autre  moitié 
fut  transférée  à  l'hôpital  Saint-Didier,  à  la  charge 
d'acquitter  les  fondations,  en  faire  recette  et  en  rendre 
compte  séparément  (1)  »,  et  par  là-môme  les  bâti- 
ments furent  conservés  dans  leur  état  primitif  au 
moyen  des  réparations  les  plus  indispensables. 

29  A  l'époque  de  la  Révolution,  le  clocher  fut  abattu 
et  l'église  fermée.  Ce  groupe  de  maisons,  devenu  sans 
usage,  fut  vendu  nationalement  au  mois  d'août  1791. 
Les  acquéreurs  et  ceux  qui  leur  succédèrent  utili- 
sèrent les  anciens  bâtiments  comme  ils  les  prirent, 
ajoutant  de  nouvelles  constructions  suivant  leurs 
besoins  et  divisant  l'église  en  deux  étages  :  chambres, 
magasins,  écuries.  —  Grâce  à  cette  adaptation,  on  peut 
donc  bien  se  rendre  compte  encore  de  l'ancienne  lépro- 
serie de  Saint-Lazare  de  Nevers. 


(1)  Paruentier,  Archives  de  Nevers^  2«  vol.,  p.  48. 


«•  vni,  S*  série.  39 


-  438 


APPENDICE 

Le  Manuel  pour  les  curés,  que  Tévèque  Arnaud 
Sorbin  a  fait  imprimer  en  1583  et  qui  est  un  rituel  ou 
recueil  de  formules  pour  l'administration  des  sacre- 
ments, de  prières  et  de  bénédictions...,  renferme  le 
très  curieux  formulaire  pour  l'exclusion  des  lépreux 
de  la  société  et  leur  réintégration  après  guérison.  Il 
est  intéressant  d'en  donner  un  résumé,  placé  à  la  fin, 
pour  ne  pas  donner  à  l'étude  sur  la  léproserie  de 
Nevers  une  étendue  trop  considérable. 

Lors  donc  que  les  médecins  ont  dûment  constaté  (1) 
que  le  malade  qu'ils  ont  visité  est  réellement  atteint 
de  lèpre,  les  sacristains  de  la  paroisse  devront  pré- 
parer toutes  choses  comme  pour  un  enterrement  ordi- 
naire, ((  aux  frais  de  la  paroisse  si  la  personne  est 
pauvre  ».  Le  peuple  est  informé  du  jour  et  de  l'heure 
de  la  cérémonie,  et  on  se  rend  processionnel lement  au 
logis  du  malade  Le  prêtre  aspergeant  d'eau  bénite 
le  lépreux  et  ses  amis,  entonne  le  répons  :  Credo  quod 
rsdemptor  meus  vivit,  etc.,  et,  si  le  trajet  est  long 
jusqu'à  l'église,  on  chante  les  sept  psaumes  de  la  péni- 
tence. Le  malade  suit  dévotement,  la  face  recouverte 
duncapuce,  escorté  de  ses  amis;  à  l'église,  il  se  place 
au-des]aous  du  drap  du  mort  étendu  sur  des  trépieds 

(1)  Dans  les  archives  communales  CG,  130,  années  15iS-1546,  nous 
trouTons  un  compte  de  105  sols  tournois  payés,  à  Maître  Jean  Leclerc,  doclenr 
en  médecine,  et  à  Antoine  Turpin,  maître  chirurgien,  qui  ont  visité  à  diverses 
fois  NicoUe  Chardon,  femme  de  Guillaume  David,  fondeur,  et  Jeanne 
Brillât,  femme  de  Louis  Lt>faudieu?\  atteintes  de  la  lèpre  et  ont»  haill^leor 
rapport  par  esoript  par  devant  M.  le  bailli  du  Nivernois  •.  et  au  maître 
de  Saint  Ladre  (Saint-Lazare),  lequel  a  fourni  le  linp^e,  le  bois  et  auii^ 
choses  nécessaires  pour  lesdites  «  visitacions  •,  ce  qui  est  à  chacun  d'eux 
t^  sols  tournois. 


-  439  -- 

((  tripodas  »,  et  il  y  reste,  s'il  le  peut^  agenouillé 
jusqu'à  la  fin  de  l'office,  qui  est  celui  des  morts.  Après 
la  messe,  il  communie  en  viatique.  Ensuite,  on  porte 
le  malade  au  cimetière,  et  après  le  Libéra  on  le  descend 
dans  une  petite  fosse  creusée  à  l'avance,  puis  le  prêtre 
lui  jette  un  peu  de  terre  sur  la  tête  s'il  est  laïque  et 
sur  le  corps  s'il  est  prêtre,  en  disant  l'antienne  :  «  Vous 
m'avez  façonné  de  terre  et  vous  m'avez  revêtu  de 
chair,  6  Rédempteur,  mon  Seigneur  ;  ressuscitez-moi 
au  dernier  jour  ». 

Sur  une  petite  table  disposée  à  cet  efEet,  il  y  a  une 
housse,  des  cliquettes,  un  baril,  des  gants,  une  bourse 
que  le  prêtre  bénit  d'une  façon  spéciale  ;  ensuite,  il 
avertit  le  lépreux  qu'il  ne  lui  est  plus  permis  d'entrer 
à  l'église  et  l'exhorte  à  la  patience  qui  lui  méritera 
l'entrée  des  célestes  demeures  et  il  ajoute  :  «  Or  ça, 
mon  amy,  n'est-ce  pas  votre  intention  de  vouloir 
tousiours  vivre  et  mourir  en  la  foy  chrestienne  ?»  A 
quoi  le  lépreux  répond  :  «  Ouy  ». 

Le  prêtre  exhorte  de  nouveau  le  pauvre  malade  à 
la  patience,  et  lui  propose  l'exemple  de  Job  et  lui 
remet  les  cliquettes  en  disant  :  <(  Mon  amy,  prenez 
cette  cliquette,  en  signification  qu'il  vous  est  défendu 
de  parler  si  ce  n'est  par  nécessité.  Mais  par  le  son 
d'icelle  cliquette,  demanderez  au  peuple  vos  aumosnes, 
en  vous  tirant  tousiours  à  part  loing  des  gens  et  au- 
dessous  du  vent  ». 

Nouvelle  admonestation  en  remettant  le  baril,  en 
disant  au  lépreux  de  ne  pas  souiller  par  son  contact 
l'eau  des  puits,  sources  ou  rivières. 

En  remettant  les  gants,  il  lui  défend  de  toucher  à 
rien  les  mains  nues. 

En  remettant  la  bourse,  il  y  dépose  lui-même  le  pre- 
mier une  aumône,  en  invitant  les  personnes  présentes 
&  faire  de  même. 


—  440  — 

Le  lépreux,  ainsi  muni,  est  conduit  en  procession  à 
la  léproserie,  au  chant  des  psaumes  de  la  pénitence  et 
des  litanies  si  on  a  le  temps  suffisant. 

Le  prêtre  introduit  le  malade  dans  la  léproserie  et 
lui  fait  une  dernière  exhortation  à  la  patience  :  «  Or 
ça,  mon  amy,  doresnavant,  demeurez  cy  en  paix  en 
servant  Dieu  dévotement  et  ne  vous  desconfortez 
point. ..  Et  si  ainsi  le  faites,  vous  accomplirez  votre 
purgatoire  en  ce  monde,  au  partement  duquel  irez  en 
paradis...  Nous  sommes  tous  subjects  à  mal  quand  il 
plaist  à  Dieu  ». 

Le  peuple  aura  aussi  sa  leçon  :  <(  Dévots  chrestiens, 
ayez  pitié  et  compassion  de  vostre  frère  chrestien... 
Nul  ne  sait  quy  luy  peut  advenir  ». 

Enfin,  après  avoir  prié  himiblement  et  dévotement 
le  prêtre  dit  un  dernier  adieu  au  lépreux  et  se  tour- 
nant vers  les  marguilliers  ou  gardiens  séculiers  de  la 
justice  de  ce  lieu,  il  leur  recommande,  sous  peine 
d'excommunication,  de  prendre  un  soin  spécial  du 
pauvre  malade  ;  puis  on  rentre  à  Téglise  en  procession, 
en  récitant  encore  une  fois  les  psaumes  de  la  péni- 
tence. 

Abbé  SERY, 

Chanoine. 


—  441  — 


MOULES  DE  MONNAIES  ROMAINES 


TROUVÉS  A  ENTRAINS 


Dans  son  Histoire  d'Entrains,  M.  l'abbé  Baudiau 
dit  :  ((  En  creusant  les  fondations  de  la  halle,  recons- 
truite en  1854,  on  trouva  plus  de  cinquante  moules  de 
monnaies  que  les  curieux  peuvent  visiter  au  musée  de 
Clamecy  ». 

Lors  d'une  rapide  visite  faite  Tété  dernier  à  ce 
musée,  nous  avons  pu  en  voir  six  qui  sont  exposés 
dans  une  vitrine,  mais  sans  pouvoir  les  étudier. 

Au  mois  de  mars,  M.  le  docteur  Subert,  notre 
confrère,  a  fait  don  au  musée  de  Nevers  de  huit  de  ces 
moules  qu'il  avait  en  sa  posBession. 

Ils  sont  ronds,  en  terre  cuite,  d'un  blanc  grisâtre 
et  bleuâtre  ;  la  plupart  gravés  des  deux  côtés.  En  voici 
la  description  : 

l""  Tôte  radiée  â  gauche  (donnant  sur  la  monnaie 
coulée  une  effigie  â  droite).  Légende  : 

ANTONINVS  Plus  AUG.  GERM. 

Antoninus  Pius,  Augustus  Germanicus. 

Le  visage  de  l'empereur  représenté  offre  des  traits 
grossiers  et  une  expression  de  brutalité  toute  particu- 
lière et  caractéristique  ;  c'est  en  effet  Caracalla,  qui 
régna  de  197  â  217  après  J.-C. 

L'autre  côté  du  moule  représente  un  revers  :  Vénus 


—  442  — 

diadèmée  est  assise  à  droite  (donnant  sur  les  monnaies 
une  empreinte  où  la  déesse  se  voit  assise  à  gauche)  ; 
elle  tient  une  pomme  et  un  sceptre  ;  à  ses  pieds  est  un 
enfant.  Légende  : 

VENVS  GENETRIX 

Ce  revers  fut  employé,  à  notre  connaissance,  pour 
les  monnaies  de  Julia  Domna,  femme  de  Septime 
Sévère,  qui  régna  de  194  à  197. 

2^  Tête  radiée  à  gauche  (à  droite  sur  les  monnaies). 
Légende  : 

IMP.  MAXIMINVS  PIVS  AVG. 

Imperator  Maximinus  Pius  Augustus. 

C'est  Maximin  I^',  qui  régna  de  235  à  238. 

L'autre  côté  représente  un  revers:  personnage 
debout  de  face,  tenant  un  fouet  de  la  main  droite  et 
étendant  en  avant  le  bras  gauche.  Légende  : 

PMTRPX  -  GOSIIlIPP. 

Pontif  ex  Maximus,  tribunitia  potestate  decies,  consul 
quater,  pater  patriae. 

Ce  revers  peut  s'appliquer  soit  à  l'empereur  Com- 
mode et  à  l'an  185,  soit  plutôt  à  Gallien  et  à  l'année 
261. 

3^  Même  droit. 

De  l'autre  côté,  tête  d'impératrice  diadèmée  à  droite  ; 

le  moule  en  partie  brisé  ne  laisse  plus  lire  de  la  légende 

que: 

IVL G. 

Les  traits  du  visage  permettent  d'y  reconnaître 
Julia  Mammaea,  mère  d'Alexandre  Sévère,  empereur 
de  222  à  235. 


—  443  — 

4"  Même  droit.  Pas  de  gravure  de  l'autre  côté. 
5"  Tête  radiée  à  gauche.  Légende  : 

IMP.  GORDIANVS  PIVS  FEL.  AVG. 

Imperator  Gordianus  Pius  Félix  Augustus* 

Gordien- le-Pieux  régna  de  238  à  244. 

Rien  de  gravé  de  l'autre  côté. 

6°  Même  droit. 

De  l'autre  côté,  revers  :  Vénus  debout.  Légende  : 

VENVS  GENETHIX 

Revers  employé  pour  les  monnaies  de  Julia  Mam- 
maea. 
7^  Tête  d'impératrice  à  gauche.  Légende  : 

OTACIL  SEVERA  AVG. 

Otacilla  Severa  Augusta. 

Otacilla  Severa  était  femme  de  Philippe  le  père, 
empereur  de  244  à  249. 
De  l'autre  côté,  revers  :  déesse  debout .  Légende  : 

LAF.TITIA  AVG.  N. 

Laetitia  Augusti  nostri. 

Revers  absolument  banal,  ainsi  que  le  suivant,  et 
par  suite  impossible  à  dater. 
8^  Gravé  d'un  seul  côté  :  Mars  debout.  Légende  : 

MARS  VLTOR 

Des  moules  analogues  ont  été  trouvés  dans  la  forêt 
d'Andouin,  conservés  aujourd'hui  au  musée  de  Caen 


—  444  — 

auquels  ils  ont  été  donnés  en  1855  ;  d'autres  appartien- 
nent au  musée  de  Meaux,  de  Rouen  (disposés  comme 
les  vertèbres  de  la  colonne  vertébrale,  réunis  les  uns 
au  bout  des  autres  et  fixés  dans  de  la  terre  glaise  ; 
c'est  ainsi  qu'on  les  disposait  pour  couler  les  monnaies); 
à  M.  Duquénelle,  à  Reims  (1).  Enfin,  il  en  a  été  trouvé 
un  grand  nombre  en  1879  à  Autun,  datant  à  peu  près 
de  la  même  époque  que  ceux  d'Entrains.  Quarante-cinq 
en  ont  été  recueillis  et  sont  conservés  au  musée  de  la 
Société  éduenne  (2). 

H.  DE  FLAMARE. 


(1)  Nous  devons  la  connaissance  de  la  plupart  de  ces  moules  à  notre 
aimable  et  savant  confrère  M.  J.  de  Saint- Venant. 

(2)  BuLLiOT  :   Notice  sur  des  moules  de  monnaies  antiques  trouvés  à 
Autun  (Mémoires  de  la  Société  éduenne) ^  nouvelle  série,  XXV,  p.  44). 


—  445  - 


BAUDOIN 


PRIEUR  DE  LA  CHARITÉ 


Parmi  les  prieurs  qui  se  sont  succédé  à  La  Charité 
durant  le  xni''  siècle,  il  en  est  un  qui  ne  figure,  dans 
toutes  les  listes  publiées  jusqu'à  ce  jour,  que  par  la 
lettre  B,  première  de  son  nom.  Ce  n'est  que  par  cette 
initiale  qu'il  est  désigné  dans  un  acte  du  mois 
d'avril  1^  relatif  aux  biens  du  prieuré  de  Château- 
renard,  seul  document  authentique  que  nous  possé- 
dions de  lui. 

Il  est  surprenant  que  les  auteurs  de  la  Gallia 
Christiana,  en  confectionnant  leur  liste  sur  laquelle 
toutes  les  autres  ont  été  dressées  depuis,  ne  se 
soient  pas  aperçu  qu'eux-mêmes  avaient  donné  son 
nom  entier  dans  une  autre  partie  de  leur  grand 
ouvrage.  Dans  leur  volume  consacré  à  la  métropole  de 
Paris  (1),  ils  énoncent  que  Baudoin,  prieur  de  Saint- 
Martin-des-Champs,  fut  envoyé  en  la  même  qualité  à 
La  Charité,  et  que  les  moines  du  premier  de  ces 
couvents  supplièrent  l'abbé  de  Cluny  de  leur*  rendre 
leur  chef. 

Le  passage  de  Baudoin  dans  notre  monastère  fut 
l'occasion  de  scènes  tumultueuses,  que  des  pièces 
conservées  à  la  Bibliothèque  nationale  nous  font 
connaître,  du  moins  en  partie  (2). 

(i)  Tome  vif,  colonme  537. 

(2)  NouveUe9  acquititumi.  Fonds  latin  ff74,  n««  12,  IS,   14,  15  16, 
17, 18. 


^  ii6  — 

Il  fut  mis  à  la  tête  du  prieuré  en  1220,  en  rempla- 
cement de  Elie  de  Lopsent.  Il  semble  résulter  des 
termes  de  la  lettre  des  religieux  de  Saint-Martin  que 
ce  ne  fut  qu'à  titre  provisoire  :  Cum  abbas  Clunta" 
censis  curam  ad  icmpns  commisisset  prioratus  de 
Caritate  ad  Ltgerim.  Quoi  qu'il  en  soit,  son  séjour 
à  La  Charité  fut  fort  court  :  l'abbé,  faisant  droit  à  la 
demande  des  moines  de  Paris,  le  renvoya  à  Saint- 
Martin,  où  sa  présence  est  constatée  peu  après. 

Qui  lui  succéda  ?  Probablement  un  nommé  Etienne, 
qui  était  encore  prieur  au  commencement  de  1228. 

Dans  le  courant  de  cette  môme  année,  un  abbé, 
désigné  seulement  par  l'initiale  R,  et  qui  ne  peut  être 
que  Rolland,  abbé  de  Cluny  de  1320  à  1228,  voulut  le 
destituer  pour  un  motif  que  nous  ignorons.  Il  se  rendit 
à  La  Charité,  et  dans  le  chapitre,  il  le  déposa^  ainsi 
que  le  sous-prieur  qu'il  remplaça  par  un  moine 
nommé  Colomb. 

Ce  fut  le  signal  d'actes  de  violence.  D'après  la 
version  de  l'abbé,  le  sous-prieur  se  leva  en  disant  : 
«  Sors  d'ici  I  par  le  corps  du  Christ,  tu  n'y  demeureras 
pas,  je  t'excommunie  »  Puis  se  tournant  vers  les 
membres  du  chapitre,  il  leur  cria  :  «  Enlevez-le  !  » 
Les  moines  sortirent  précipitamment  pour  se  munir 
d'armes  et  de  b&tons  ;  un  d'entre  eux  se  jeta  môme 
sur  un  compagnon  dé  l'abbé,  un  couteau  ouvert  à  la 
main.  Mais  Rolland  avait  prévu  comment  serait 
accueillie  sa  déclaration. 

Une  douzaine  d'hommes  armés  se  tenaient  à  la 
porte  du  couvent  prêts  à  voler  à  son  secours  et  à  lui 
prêter  main  forte.  Leur  intervention  ne  fut  pas  néces- 
saire. Les  religieux  comprenant  qu'ils  n'auraient  pas 
le  dessus  se  calmèrent  et  acceptèrent  pour  supérieur 
celui  que  Rolland  avait  choisi.  C'était  un  abbé  de 
Saint-Gildas^  dont  le  notn  commençait  par  les  lettres 


-  447    - 

Th.,  et  qui  est,  sans  aucun  doute,  Thibault,  que  nous 
voyons  abbé  de  Saint-Gildas-sur-Indre  vers  cette 
époque. 

Quant  à  Etienne,  il  ne  prit  pas  bénévolement  sa 
di8gra.ce.  Il  se  rendit  dans  la  salle  où  se  trouvait  le 
coffre  contenant  le  sceau  du  prieuré.  Ce  coffre  était 
fermé  de  trois  serrures,  dont  les  clés  étaient  remises  à 
trois  moines  différents.  Deux  de  ces  religieux  seule- 
ment raccompagnaient;  en  l'absence  de  l'autre,  il 
fractura  la  troisième  serrure,  s'empara  du  sceau,  et 
toujours,  d'après  l'abbé,  l'apposa  sur  plusieurs  chartes 
en  blanc. 

Des  gardes  avaient  été  apostés  autour  du  monastère 
afin  d'empêcher  qui  que  ce  fût  de  sortir  ;  ils  aperçurent, 
la  nuit  suivante,  deux  membres  du  prieuré  qui  ten- 
taient de  franchir  l'enceinte,  porteurs  de  sacs  conte- 
nant de  l'argent;  l'un  put  s'esquiver;  l'autre,  blessé  en 
se  défendant,  fut  pris  et  amené  à  l'abbé  ;  un  domes- 
tique, qui,  pour  s'échapper  plus  facilement,  avait 
revêtu  l'habit  monastique,  fut  aussi  blessé  et  arrêté. 

Le  lendemain^  Etienne,  cédant  aux  exhortations  de 
l'évêque  de  Ne  vers  et  du  précepteur  des  Templiers  de 
Bourges,  qui  assistaient  à  ces  événements,  vint  au 
chapitre  demander  pardon ,  déclara  renoncer  au 
prieuré,  remit  le  sceau  du  couvent  et  brisa  le  sien 
propre.  Mais,  plus  tard,  se  ravisant,  il  interjeta  appel 
de  sa  déposition  et  se  transporta  à  Rome  pour  le  sou- 
tenir devant  le  Souverain  Pontife.  Le  Pape  ordonna 
une  enquête,  super  atrocitate  quadam  que  interve- 
nisse  in  ipsius  amocione  Stephani  dicebatur,  et  lui 
enjoignit,  en  attendant  le  résultat,  d'aller  demeurer  a 
Cluny  et  de  se  mettre  sous  l'obéissance  de  l'abbé. 

Pendant  l'information,  Rolland  mourut  et  fut  rem- 
placé par  Barthélémy.  Le  système  des  commendes 
n'était  pas  encpre  installée  Le  nouvel  abbé  trouva  qu'il 


—  448  - 

n'était  pas  convenable  qu'un  même  moine  posséd&t 
deux  bénéfices  simultanément.  Il  vint  à  La  Charité  le 
10  avril  1229  et  annonça  qu'il  allait  procéder  à  la 
nomination  d'un  prieur  ;  aussi  fut-il  accueilli  avec  joie. 
Mais,  le  lendemain,  lorsqu'il  fit  connaître  que  son 
choix  s'était  porté  sur  Baudoin,  prieur  de  Saint- 
Martin-des-Champs,  s'élevèrent  de  vives  protestations. 
Les  religieux  déclarèrent  qu'ils  considéraient  toujours 
comme  prieur  Etienne>  déposé  illégalement,  que  sur- 
tout ils  ne  voulaient  pas  de  Baudoin,  dont  la  première 
administration,  disaient-ils,  avait  été  néfaste  pour  la 
maison  ;  ils  protestèrent,  de  plus,  contre  la  nomination 
de  Colomb,  sous-prieur. 

Barthélémy  se  retira  sans  avoir  pu  obtenir  l'obéis- 
sance des  religieux  et  après  avoir  déclaré  excommunié 
Geoflroi  de  Braisne. 

Quel  était  ce  personnage  ?  Les  documents  qui  nous 
restent  ne  le  font  pas  connaître,  mais  on  peut  induire 
des  circonstances  que  c'était  l'ancien  sous-prieur,  qui 
s'était  fait  remarquer  par  sa  violence  lors  de  sa  dépo- 
sition. 

Geoffroi  avait  quitté  La  Charité  depuis  quelque 
temps,  il  y  rentra  le  vendredi  de  l'octave  de  P&ques, 
20  avril  1229  et  s'introduisit  dans  le  cloître.  En  le 
voyant,  Colomb  assembla  les  religieux  dans  la  salle 
du  chapitre,  leur  lut  la  sentence  d'excommunication 
portée  contre  lui  et  leur  déclara,  qu'en  conséquence^ 
tant  qu'il  demeurerait  au  couvent  l'office  divin  ne 
serait  pas  célébré  et  que  les  clochas  ne  seraient  plus 
sonnées.  A  ces  mots,  plusieurs  religieux  s'écrient  que 
Geoffroi  ne  mérite  pas  d'être  excommunié,  qu'ils  ne 
le  tiennent  pas  pour  tel,  puis,  sortant  tumultueuse- 
ment du  chapitre,  ils  se  mettent  à  sonner  toutes  les 
cloches  du  couvent  ;  ensuite  ils  pénètrent  dans  l'église 
et  y  chantent  les  vêpres  avec  plus  de  solennité  que 


—  449  - 

de  coutume,  après  quoi  les  cloches  furent  mises  de 
nouveau  en  branle. 

Geoffroi  pénétra  dans  le  réfectoire  malgré  la  défense 
que  le  sous-prieur  lui  avait  faite  et  prit  son  repas 
avec  ses  adhérents,  mais  voyant  qu'il  n'avait  pas  avec 
lui  la  majorité  des  moines,  il  monta  &  cheval  et  quitta 
la  ville. 

Ses  partisans,  lorsque  les  autres  moines  entonné* 
rent  le  Miserere,  selon  l'usage,  après  leur  repas,  trou- 
blèrent les  chants  par  de  nouvelles  sonneries  et  le  soir 
injurièrent  grossièrement  le  sous-prieur. 

Etienne  n'était  pas  resté  longtemps  à  Cluny,  il 
avait  quitté  l'abbaye  et  s'était  mis  à  voyager.  En  vain, 
Tabbé  lui  ordonna  de  se  présenter  au  chapitre  général 
de  l'ordre  qui  se  tenait  peu  après  P&ques ,  puis  le 
jeudi  dans  l'octave  de  la  Pentecôte,  il  ne  tint  aucun 
compte  de  ses  ordres. 

Une  partie  des  moines  refusait  toujours  d'obéir. 
Guy  de  Forez,  comte  de  Nevers,  profita  de  ces 
troubles  pour  s'emparer  de  différentes  propriétés  de 
La  Charité ,  sous  prétexte  qu'il  avait  la  garde  du 
prieuré.  Des  protestations  furent  rédigées  &  ce  sujet, 
mais  Henri  de  La  Croix ,  gardien  d'une  des  clés  du 
coffre,  refusa  de  la  livrer  et  ces  protestations  ne 
purent  être  envoyées ,  faute  de  pouvoir  y  mettre  le 
sceau. 

Pierre  de  Neuvy  remplissait  la  double  fonction 
de  bibliothécaire  et  de  chantre.  C'était  un  des  plus 
ardents  partisans  de  Geoffroi,  aussi  fut-il  destitué. 
Il  ne  voulut  pas  non  plus  rendre  les  clés  de  la 
bibliothèque,  et  quand  celui  qui  avait  été  désigné 
pour  lui  succéder  entonnait  les  chants  &  l'église, 
Pierre  et  ses  complices  poursuivaient  sur  un  autre 
ton  :  in  contemptum  et  scandalum  ac  derisionem 
populi. 


—  45()  — 

Voyant  qu'il  ne  pouvait  vaincre  l'obstination  des 
rebelles,  Barthélémy,  le  2  juillet  1229,  lança  une  sen- 
tence d'excommunication  contre  tous  ceux  qui  avaient 
accompli  leur  dix-septième  année. 

Ils  étaient  au  nombre  de  cinquante-sept,  nominati- 
vement désignés  dans  ime  lettre  adressée  au  sous-prieur 
Colomb.  Parmi  eux  se  trouvaient  Geoffroy  de  Braisne, 
contre  lequel  les  censures  ecclésiastiques  étaient  renou- 
velées; un  ancien  infirmier  de  La  Charité,  les  anciens 
prieurs  de  Braisne,  Ch&teaurenard,  Sens,  Saint-Sulpice 
et  Cosne,  un  convers  et  plusieurs  «  pueri  » .  On  sait  que 
l'on  donnait  ce  nom  à  des  enfants  que  leurs  parents 
offraient,  quelquefois  dès  leur  première  jeunesse,  aux 
monastères  dans  lesquels  ils  étaient  élevés  et  où,  plus 
tard,  ils  prenaient  l'habit  religieux.  De  plus,  Pierre  de 
Neuvy,  Henri  de  La  Croix  et  un  nommé  Hymard 
étaient  excommuniés  par  des  dispositions  spéciales. 

L'enquête  ordonnée  par  le  Souverain  Pontife  avait 
été  confiée  aux  abbés  de  Réome  et  de  Fontenay,  de 
l'ordre  de  Citeaux,  et  au  prieur  de  Réome.  Grégoire  IX 
leur  ordonna  de  maintenir  la  nomination  de  Baudoin, 
qu'il  qualifie  de  virum,  sicut  dicitur  providum  et 
honestum,  l'abbé  ayant  agi  dans  la  plénitude  de  son 
droit,et,  si  les  religieux  consentaient  à  lui  obéir,  de 
lever  l'excommunication. 

Le  vendredi  après  les  Cendres,  22  février  1230, 
Arnould  et  Pierre,  officiaux  de  l'archidiacre  et  du 
doyen  de  Nevers,  à  la  demande  des  commissaires,  se 
transportèrent  à  La  Charité,  afin  d'engager  les  moines 
à  rentrer  dans  l'obéissance.  Vingt-six  se  laissèrent 
convaincre,  déclarèrent  renoncer  à  l'appel  qu'ils  avaient 
formé  et  être  prêts  à  obéir  en  toutes  choses  à  labbé  et 
au  prieur  qu'il  leur  avait  donné  ;  Baudoin  annonça  que 
cinqautres,  alors  absents,  avaient,  avant  leur  départ,  feiit 
les  mômes  promesses.  Quinze,  dont  Pierre  de  Neuvy, 


—  461  — 

refusèrent  formellement  de  se  soumettre,  déclarant 
persévérer  dans  leur  appel  et  annonçant  qu'ils  feraient 
valoir  leurs  motifs  par-devant  les  commissaires,  au  jour 
qui  serait  indiqué.  Lesofficiaux  leur  donnèrent  citation 
pour  le  jeudi  avant  le  dimanche  de  Lœtare,  21  mars. 

Ce  jour-là,  les  abbés  de  Réome  et  de  Fontenay,  en 
Tabsence  du  prieur  de  Réome,  légitimement  excusé, 
réussirent  complètement  dans  leur  mission.  Cinquante- 
quatre  religieux,  à  la  tôte  desquels  Pierre  de  Neuvy, 
reconnurent  leurs  erreurs,  prêtèrent  serment  d'obéis- 
sance au  prieur  et  écrivirent  au  Pape  uûe  lettre  par 
laquelle,  dans  les  termes  les  plus  humbles  et  les  plus 
respectueux,  ils  imploraient  leur  pardon  et  deman- 
daient l'absolu  tion. 

Dans  ces  religieux,  nous  en  trouvons  quatre  dont 
les  noms  ne  figurent  pas  dans  la  formule  d'excommu- 
nication ;  d'un  autre  côté,  nous  n'y  trouvons  pas  sept 
moines  qui  avaient  été  excommuniés,  entre  autres, 
Henri  de  la  Croix  et  Geoffroi  de  Braisne.  Refusèrent- 
ils  d'adhérer  à  la  lettre  de  leurs  compagnons  ou  étaient- 
ils  morts  ? 

Cette  fois  ehcore  Baudoin  demeura  peu  à  La 
Charité. 

En  effet,  trois  mois  plus  tard,  le  29  juin  1230,  le 
prieur  se  nommait  Etienne,  c'est  ce  que  nous  apprend 
la  Consécration  de  l'Eglise  de  Reuil.  Etait-ce  l'ancien 
prieur  qui  était  revenu  à  la  tôte  du  couvent  ou  im 
autre  religieux  portant  le  môme  nom  ?  Nous  l'igno- 
rons. 

La  première  supposition  n'est  pas  invraisemblable. 
Grégoire  IX,  nous  le  savons,  blâma  vivement  la  fré- 
quence des  changements  de  prieurs  dans  l'ordre  de 
Cluny  et  spécialement  à  La  Charité.  Rien  d'impossible 
qu'il  ait  demandé  et  obtenu  de  Barthélémy  le  réta- 
blissement  du   prieur  déposé,  peut-être  sans  motif 


—  452  — 

sérieux,  par  son  prédécesseur.  Ne  serait-ce  pas  la 
perspective  entrevue  de  ce  résultat  qui  avait  engagé 
les  moines  à  faire  si  facilement  leur  soumission,  après 
près  d'un  an  de  lutte? 

On  sait  que  Baudoin  retourna  à  Saint-Martin-des- 
Champs,  qu'il  gouverna  jusqu'à  sa  mort,  arrivée 
en  1233. 

C'est  aussi  l'année  où  mourut  notre  prieur  Etienne. 

E.  DUMINY. 


PLAN 
tjrtildi  4  fois 

l'Eglîse.C^metière 

Cloître  de  S'Victor, 

d'ifri)  I*  riin  dt  Ntvtn  U  t1&. 

t>  natH  c^nmif ■<  ttii  vnt<. 


% 


faisons  Parilculières 
et    Dépendances  du  Prieuré 


I 


\ 

■fa 


Prieure  et  MBiio-n.5  particulière» 
en  'bordure  des  rues. 


Ifaiton 
CArimtnlrând  ■ 


R  ue       du       fer 


—  453 


RECONSTITUTION 


DE 


L'ANCIENNE  ÉGLISE  DE  S'VICTOR 


Ancienne  abbaye  de  filles  antérieure  au  prieuré  Saint- Victor.  —  Abbaye 
rétablie  au  xi*  siècle  et  concédée  aux  Bénédictins  de  La  Charité.  — 
Orientation  de  l'église  de  Saint- Victor,  s;i  forme.  —  Maltre-autel  de 
Saint-Victor  en  forme  de  pressoir  et  explication  symbolique.  —  Clocher 
de  Saint-Victor,  sa  re<'onstruction,  son  exhaussement.  —  Les  cloches. 
—  Replacement  du  coq  du  clocher.  —  Cloître  de  Saint-Victor,  une 
colonne  de  la  galerie  du  cloître.  —  Cimetière  de  l'abbaye.  —  Maison 
du  prieur.  —  Dimensions  de  l'église.  —  Chapelle  du  xvi«  siècle.  — 
Chapelle  sud  et  sacristie.  —  Cimetière  de  la  paroisse  Saint- Victor.  — 
Objets' provenant  de  l'ancienne  église  Saint- Victor. 


Il  n'y.  a  guère  plus  de  cent  ans  que  l'église  de 
Saint-Victor  a  disparu  et  déjà  sa  reconstitution  offre 
plus  d'une  difficulté  et  d'un  problème  à  résoudre. 

Ce  qui  subsiste  du  vénérable  monument  se  réduit  à 
peu  de  chose  :  un  fragment  de  colonne  romane  engagée 
dans  le  mur,  et  un  peu  au-dessus  une  chapelle  du 
x\i^  siècle,  démolie  à  la  naissance  des  voûtes. 

A  l'aide  de  ces  faibles  restes,  d'actes  anciens  et  de 
plans  de  Nevers  d'avant  la  destruction  de  l'église, 
nous  essaierons  de  la  relever  par  la  pensée,  dans  ses 
lignes  principales. 

11  convient  de  dire  d'abord  qu'il  existait,  au  même 
endroit,  une  très  antique  abbaye,  l'un  des  premiers 
monastères  de  la  ville  et  très  riche  à  son  origine, 
d'après  Dom  Martène  et  la  Gallia  Christiana.  Nous 

T.  VIII,  3*  série.  30 


-; 


—  454  ^ 

lisons  dans  M.  de  Sainte-Marie  (1)  que  «  la  fondation 
de.  cette  abbaye  fut  rétablie  dans  le  xi*  siècle,  par 
Henri  I«',  roi  de  France,  en  1053  ;  elle  fut  concédée 
en  1085,  par  Tévêque  Hugues  III,  aux  Bénédictins  de 
La  Charité,  sous  la  direction  d'un  prieur  ». 

Avant  la  chapelle  du  xvi®  siècle,  il  en  existait  une 
de  l'époque  de  la  colonne,  c'est-à-dire  du  xr  siècle. 

Cela  nous  est  nettement  indiqué  par  la  porte  et  deux 
fenêtres  romanes  que  Ton  voit  dans  les  murs  de  cette 
chapelle  ogivale. 

L'église  de  Saint- Victor,  du  xi^  siècle,  avec  les 
parties  qui  lui  ont  été  ajoutées  dans  la  suite,  fera 
l'objet  de  la  présente  étude. 

Quelles  étaient  sa  direction,  sa  forme  et  ses  dimen- 
sions ?  —  Nous  répondrons  successivement  à  chacune 
de  ces  questions,  en  y  ajoutant  des  détails  accessoires 
difficiles  à  classer  dans  une  catégorie  particulière. 

io  La  Direction. 

C  est  une  chose  certaine  que  l'église  était  exactement 
orientée,  suivant  l'usage  d'alors. 

l^e  sens  du  mur  du  fond  de  la  chapelle,  aussi  bien 
que  de  celui  dans  lequel  la  colonne  est  engagée  et  qui 
formait  le  côté  nord  de  la  nef,  indique  clairement  la 
position  de  l'abside  au  levant  Tous  les  plans  anciens 
de  Ne  vers  confirment  l'exactitude  de  l'orientation. 

2''  La  Forme. 

Les  églises  sont  généralement  en  forme  de  croix. 
Ici,  il  n'a  pas  été  dérogé  à  la  pratique  ordinaire  ; 
au  musée  céramique,  nous  voyons,  d'après  le  plan  par 

(1)  Recherches  historiques  sur  Nevers^  page  427, 


—  455  — 

terre  de  1759,  le  plus  grand  de  tous  et  par  là  même 
le  plus  net  et  le  plus  détaillé,  deux  chapelles  dessinant 
les  deux  bras  de  la  croix.  La  superficie  de  la  chapelle 
de  droite  est  plus  large  sur  le  plan  et  présente  une 
saillie  à  l'angle  sud-ouest  ;  nous  donnerons  plus  loin 
l'explication  de  cette  différence  de  largeur  et  de  la 
saillie  signalée. 

La  tête  de  la  croix  se  composait  d'une  travée  et  de 
l'hémicycle  du  chevet. 

La  nef,  composée  de  trois  travées,  représentait  le 
pied  de  la  croix. 

La  chapelle,  à  droite  en  entrant,  faisant  suite  à  la 
seconde  travée,  ne  semble  pas  entrer  dans  le  plan  de 
l'église  primitive. 

L'église  était  à  une  seule  nef  et  sans  bas-côtés.  Rien 
n'est  plus  facile  à  constater,  sur  le  plan,  et  à  la  simple 
inspection  du  mur  de  la  colonne  romane.  C'est  un  mur 
plein  qui  se  prolongeait  jusqu'au  mur  de  façade.  Dans 
ce  mur  plein,  remarquez  une  petite  niche  à  ogive 
ajoutée  après  coup  et  aussi  une  inscription  mutilée, 
entourée  d'une  moulure  formant  cadre,  qui  a  été 
enchâssée  à  une  époque  postérieure. 

Les  quatre  contreforts^  qui  contrebuttcnt  extérieu- 
rement l'abside,  indiquent  la  place  des  trois  fenêtres 
trinitaires. 

Deux  fenêtres  romanes,  une  au  levant  et  une  autre 
au  couchant,  sont  apparentes  dans  la  chapelle  du 
xvF  siècle  ;  il  ne  pouvait  y  avoir  de  fenêtre  au  fond,  car 
un  corps  de  bâtiment  prolonge  la  chapelle,  et  quand 
cette  chapelle  romane  fut  convertie  en  chapelle  ogivale, 
les  deux  fenêtres  romanes  ne  subsistèrent  pas  moins 
dans  leur  même  forme,  jusqu'au  jour  où  elles  furent 
murées  après  la  destruction  de  l'église,  pour  faire  un 
appartement,  éclairé  actuellement  par  des  ouvertures 
ménagées  dans  l'arceau  ogival. 


i 


I 


-  456  — 

Par  chaque  travée,  il  devait  exister  une  fenêtre,  de 
môme  qu'une  fenêtre  ornait  la  façade  au-dessus  du 
porche. 

Le  niveau  du  sol  de  l'ancienne  église  est  déterminé 
par  le  bas  du  pilier  du  xvi«  siècle  ;  ce  pied  de  pilier, 
vu  de  face  à  l'extérieur,  est  élevé  de  près  de  deux  mètres 
au-dessus  du  sol  actuel  ;  mais,  en  entrant  dans  la  cha- 
pelle, on  voit  à  la  base  du  pilier  le  vieux  dallage  qui 
établit  nettement  le  niveau  uniforme  correspondant  & 
la  base  du  même  pilier  du  côté  de  la  nef. 

Les  murs  ont  0  m.  62  d'épaisseur. 

Le  porche  est  bien  indiqué,  sur  le  plan,  par  la  partie 
saillante,  devant  la  façade  à  l'occident. 


Nattre-Autel  de  Saint- Victor. 

Je  me  donnerai  bien  garde  d'oublier  le  maître-autel 
si  curieux  de  Saint- Victor.  M.  l'abbé  Boutillier,  dans 
la  notice  de  cette  église  {Archives  paroisstales  des 
églises  de  Neoers),  rapporte  qu'il  tenait  d'un  vieux 
prêtre  du  diocèse,  M.  l'abbé  Cassiat,  que  le  maltre- 
autel,  ((  un  des  plus  remarquables  de  la  ville,  avait  la 
forme  d'un  pressoir  ».  A  ces  mots  se  borne  toute  la 
description. 

Par  une  note  de  l'abbé  Riffé,  de  l'année  1783,  nous 
savons  qu'un  sculpteur  «  refait  le  roseau  et  le  nœud 
de  la  corde  de  VEcce  Homo  du  rétable  »  surmontant  le 
maltre-autel  ;  il  reblanchit  en  même  temps  le  fond  du 
calvaire,  c'est-à-dire  le  rocher,  les  ossements  et  la 
tête  de  mort. 

N'y  a-t-il  pas  un  rapprochement  à  établir  entre 
l'autel  «  en  forme  de  pressoir  »  et  le  rétable  de  VEcce 
Homo  9 


\ 


—  457  — 

—  Quand  le  raisin  est  mûr,  c'est  alors  le  moment  de 
la  vendange.  Or,  pour  Notre-Seigneur,  les  temps 
étaient  accomplis  et  le  matin  même  de  la  Passion, 
Pilate  le  montre  au  peuple  en  disant  :  voilà  l'Homme  ; 
le  corps  du  Sauveur  qui,  dans  une  parabole,  se  compare 
à  la  vigne  :  ego  sum  vitis,  ruisselle  de  sang,  comme  la 
grappe  meurtrie  laisse  couler  sa  liqueur  empourprée. 

—  Dans  quelques  heures,  la  croix  en  exprimera 
le  sang  jusqu'à  la  dernière  goutte,  comme  le  pressoir 
épuise  le  suc  du  raisin. 

—  Le  tabernacle  est  le  cellier  divin  où  le  sang  du 
Sauveur  est  mis  en  réserve  pour  les  âtnes  altérées  dont 
Jésus  a  dit  :  «  Si  quelqu'un  a  soif,  qu'il  vienne  à 
moi  ». 

Cette  forme  de  pressoir  bien  caractérisée  et  ce 
rétable  où  l'on  voyait  Jésus  tout  couvert  de  sang  ne 
sont-ils  pas  l'interprétation  de  cette  prophétie d'Isaïe  : 
«  J'ai  foulé  seul  le  pressoir  et  j'ai  rougi  tout  mon  vête- 
ment? 0  (ISAIE,  LXIII,  1.) 

L'idée  du  pressoir  sacré  avait,  dès  le  xiv®  siècle, 
inspiré  des  artistes,  graveurs,  peintres-verriers,  pein- 
tres de  tableaux  et  sculpteurs.  Il  sera  intéressant  de 
connaître  (le  plus  brièvement  possible)  comment  ils 
ont  traité  le  sujet. 

A  coup  sûr,  à  Saint- Victor,  nous  ne  trouvons  pas  la 
même  ampleur,  mais  cependant  il  n  y  a  pas  à  se 
méprendre  sur  l'essai  de  représentation  mystique. 

M9'  Barbier  de  Montault  (1)  cite  dans  une  Bible  du 
XIV*  siècle  de  la  Bibliothèque  nationale,  n**  6,  la  repré- 
sentation du  Christ  étendu  sur  la  planche  d'un  pressoir 
à  double  vis.  Au  ciel  le  Père  bénit  le  Fils  ;  ils  sont 
tous  deux  ceints  d'un  nimbe  crucifère. 


(i)  Les   Mesures    de   dévotion,  dans    la  Revue  de   VArt   chrétien 
t.  xxxiii,  p.  409. 


-  458  - 

M.  de  Lasteyrie,  dans  une  notice  sur  les  représen- 
tations allégoriques  de  l'Eucharistie  {Mémoires  des 
Antiquaires  de  France,  tome  xxxix,  page  80)  décritle 
pressoir  mystique  du  vitrail  de  Robert  Pinaigrier  dans 
Téglise  de  Saint-Hilaire  de  Chartres  :  «  Les  patriarches 
cultivent  la  vigne  ;  les  apôtres  transportent  le  raisin 
et  le  déposent  sur  un  pressoir  où  est  étendu  Jésus- 
Christ  ;  les  évangélistes,  sous  la  forme  d'ange  et 
d'animaux  qui  les  symbolisent,  sont  attelés  à  un  char 
où  sont  des  tonneaux  ;  un  prêtre  donne  l'absolution  et 
un  autre  prêtre  distribue  l'Eucharistie  ». 

Dans  l'église  de  Baralle  (Pas-de-Calais)  on  voit  un 
tableau  où  Jésus,  chargé  de  sa  croix,  foule  la  cuve  ;  des 
anges  y  déposent  le  raisin  et  deux  anges  reçoivent  le 
jus  dans  un  calice. 

Un  bas-relief  sur  chêne,  du  xvi*  siècle,  sculpté  par 
Jacques  Cégogne,  dans  l'église  de  Reclosses,  près 
Fontainebleau,  représente  à  peu  près  les  mêmes 
scènes,  décrites  par  M.  de  Lasteyrie,  à  propos  de 
Pinaigrier. 

Dans  la  Reçue  de  l'Art  chrétien,  t.  xix,  p.  387, 
M.  l'abbé  Bouillet  décrit  un  vitrail  de  Conches,  exécuté 
en  1520  par  Aldegers.  L'inscription  qui  le  surmonte  : 
((  Torcular  calcavi  solus  »  est  comme  le  titre  du  sujet 
traité. 

A  la  cathédrale  de  Troyes,  dans  un  vitrail  de  1628, 
de  Léonard  Gauthier,  Jésus  est  étendu  sur  le  pressoir 
dont  une  croix  forme  la  table  de  pression.  Le  sang  du 
Rédempteur  est  recueilli  dans  un  calice. 

Cette  singularité  d'autel  de  Saint- Victor  ressem- 
blant à  un  pressoir  était  restée  gravée  dans  le  sou- 
venir de  l'enfant  ou  du  jeune  homme  devenu  plus 
tard  M.  l'abbé  Cassiat,  et  il  disait  à  bon  droit 
que  cet  autel  était  un  des  plus  remarquables  de  la 
ville. 


-  459  -. 

Le  Clocher  de  Saint-Victor. 

Le  clocher  est  une  des  parties  principales  d'une 
église  :  il  y  occupe  une  place  en  vue  ;  de  loin  on 
l'aperçoit  et  de  plus  loin  encore  on  entend  la  voix  des 
habitantes  qu'il  renferme. 

On  me  pardonnera  de  parler  un  peu  plus  au  long  du 
clocher  de  Saint- Victor,  comme  d'ailleurs  il  le  mérite. 
Il  a  toute  une  histoire,  dont  malheureusement  nous  ne 
possédons  que  des  pages  détachées. 

Une  ancienne  vue  de  Nevers,  d'Israël  Silvestre, 
en  1650,  nous  offre  en  bonne  place,  au  premier  plan, 
la  représentation  de  notre  clocher  :  la  ressemblance. . . 
est  garantie,  à  en  juger  par  la  fidélité  et  l'exactitude 
avec  laquelle  sont  reproduits  les  anciens  monuments 
conservés  jusqu'à  ce  jour  :  cathédrale,  palais  ducal, 
église  Saint-Etienne...  Or  donc,  le  clocher  de  Saint- 
Victor  fait  bonne  rigure;  il  dessine  fièrement  sa 
silhouette  dans  le  ciel  avec  ses  deux  rangs  de  fenêtres 
géminées  et  sa  flèche  si  svelte  et  si  gracieuse. 

D'après  cette  vue  panoramique,  le  clocher  est  entre 
l'abside,  la  nef  et  les  chapelles  latérales.  Le  plan 
cavalier  intitulé  «  le  vray  portraict  de  la  ville  et  du 
chasteau  de  Nevers,  par  Belleforest,  en  1575,  »  ne 
diffère  pas  du  précédent  à  cet  égard. 

Mais  une  preuve  écrite,  fort  curieuse  et  fort  inté- 
ressante, détermine  et  confirme  sa  position  d'une 
manière  indiscutable  :  un  autel  appelé  de  Sainte-i 
Catherine,  adossé  aux  murs  de  la  nef,  «  fut  doté  d'une 
rente  foncière  par  Pierre  Callot,  marchand,  pour  avoir 
son  banc  tout  auprès  et  plus  tard  sa  tombe  un  peu 
au-dessus  et  sous  les  cloches ,  du  côté  du  prieuré  et 
proche  la  chaise  (1)  ».  Dans  ce  peu  de  mots  très  précis 

(1)  Archives  paroissiales  de  Nevers,  p.  282. 


-  460  - 

nous  voyons  à  ne  pas  nous  y  tromper  la  place  d'église 
de  P.  Callot  en  son  vivant  et  après  sa  mort,  du  côté 
de  la  chaire,  qui  est  celui  du  prieuré,  et  la  détermi- 
nation du  transept  et  du  clocher  au  centre  d'inter- 
section de  la  croix.  Le  clocher  était  donc  à  cheval 
au  centre  du  transept  et  du  côté  du  levant,  sur 
la  môme  ligne  avec  la  face  orientale  des  deux 
chapelles . 

Le  premier  clocher  n'eut  que  trois  siècles  d'exis- 
tence :  pour  un  clocher,  ce  n'est  pas  un  âge.  La  foudre 
l'atteignit-elle  ou  fut  il  ébranlé  par  un  souffle  .de 
tempête  qui  jeta  bas  sa  flèche?  Ou  bien  l'amour- 
propre  et  la  coquetterie  des  femmes  de  Saint-Victor 
trouvèrent-ils  qu'il  ne  figurait  pas  assez  honorable- 
ment à  leur  gré  pour  une  paroisse  qui  n'était  pas  des 
moindres  de  la  ville  sous  le  rapport  du  chiffre  de  la  popu- 
lation (l,200oul,300  âmes)  aussi  bien  que  de  la  qualité 
des  gens  qui  l'habitaient?  Toujours  est-il  qu'il  fut 
reconstruit  au  commencement  du  xv^  siècle,  comme 
en  fait  foi  l'ancien  quatrain  suivant  : 

L*an  mil  quatre  cent  douze, 
Qu'il  y  eut  beaucoup  d'alouzc, 
Les  filles  de  Saint- Victour 
Ont  fait  bâtir  cette  tour. 

Ce  n'est  pas  pour  le  besoin  de  la  rime  que  Saint- 
Victour  rime  avec  tour  ;  c'est  Saint-Victour  qu'on 
disait  et  qu'on  écrivait  communément. 

Les  généreuses  donatrices  et  intrépides  quêteuses, 
en  fixant  le  souvenir  de  l'abondance  exceptionnelle 
d'aloses,  veulent  par  là  rappeler  que  Dieu  sait  récom- 
penser la  foi  de  ceux  qui  donnent  en  son  nom. 

Comment  concilier  cette  inscription  avec  une  autre 


•     461  - 

qui  existait  au  miroir  du  clocher  (1),  conçue  en  ces 
termes  :  «  L'an  quinze  cent  vingt-neuf,  des  aulmosnes 
de  Saint-Victour  de  Nevers,  Jean  Girault,  Charles 
Carpentier,  G.  Duclo,  à  Dieu  ont  fait  bâtir  cette 
tour  (2)  ?»  —  Elle  a  été  surélevée  d'un  étage  ;  c'est 
bien  un  travail  important. 

Deux  années  plus  tard,  la  première  ardoise  était 
posée  à  la  nouvelle  flèche.  Le  9  juillet  1739,  M.  Tho* 
mas,  couvreur,  et  M.  Bougault,  faisant  des  réparations 
audit  clocher  ont  trouvé  la  première  ardoise  sur 
laquelle  est  Tinscription  suivante  :  «  Cette  première 
ardoise  a  été  mie  par  moy,  Victor  Puenu,  couvreur, 
parochien  de  Saint-Victour  de  Nevers,  le  quatriesme 
jour  d'aoust.  Tan  mil  cinq  cent  trente-et-un  ».  La 
môme  ardoise  a  été  reposée  par  ledit  Thomas  :  on  y  a 
ajouté  et  l'année  qu'elle  a  été  trouvée  et  les  noms 
desdits  Thomas  et  Bougault. 

«  Dans  cette  tour,  dit  M.  de  Sainte-Marie,  étaient 
trois  fort  belles  cloches  ;  c'était,  ajoute-t-il,  celles  du 
prieuré  de  La  Charité,  que  le  duc  de  Nevers  avait  fait 
enlever  en  1577,  lorsque  cette  ville  fut  prise  par 
l'armée  catholique  dont  il  était  l'un  des  principaux 
chefs.  » 

Si  réellement  le  duc  Louis  de  Gonzague  fit  amener 
à  Nevers  les  trois  cloches  du  prieuré  de  La  Charité, 
elles  en  connaissaient  déjà  le  chemin  ;  car  nous  lisons 
dsnsV Histoire  manuscrite  de  La  Charité  :  «  En  1572, 
M.  le  Prieur,  par  une  lettre  du  14  février,  donna  ordre 

(1)  On  appelle  miroir  un  ornement  en  ovale  taillé  dans  une  moulure 
creuse  ;  c'est  la  forme  d'un  miroir  dans  son  cadre.  Dans  le  cas  présent, 
on  avait  voulu  fixer  la  date  et  perpétuer  le  souvenir  de  cet  important 
travail.  "^ 

(2)  Les  précieux  détails  de  la  construction  du  deuxième  étage  du 
clocher  ainsi  que  de  Tinvention  de  la  première  ardoise  de  la  nouvelle 
flèche  sont  extraits  des  Mémoires  de  M,  Vabbé  Olivier  Rtfféj  provenant 
de  M.  Fabbé  Couard,  curé  d'Asquins-sous-Vézelay, 


-  462  - 

au  sieur  Chaliudet  de  poursuivre  le  grènetier  de  Gien 
pour  la  restitution  des  cloches  du  prieuré  desquelles  il 
s'était  emparé  dans  le  temps  que  la  ville  fut  pillée  par 
les  Allemands  (huguenots)  et  lesquelles  il  avait  vendues 
à  ceux  (aux  habitants)  de  Nevers  qui  les  ont  mises 
dans  les  paroisses  de  Saint- Victor  et  de  Saint-Arigle.  » 
M.  Duvivier  {Album  du  Nivernais,  tome  2,  page 40) 
dit  qu'elles  furent  restituées  la  môme  année. 

Le  duc,  ajoute  M.  Duvivier,  ordonna  que  les  trois 
grosses  cloches  du  prieuré  fussent  transportées  à 
Saint-Victor.  Ce  serait  donc  pour  la  seconde  fois. 

A  ce  moment,  de  quel  carillon  cette  paroisse  aurait 
été  pourvue  !  En  effet,  il  faut  bien  admettre  qu'il  y  avait 
auparavant  au  moins  une  cloche  pour  annoncer  les 
offices. 

Et  pourtant  le  clocher  n'en  contenait  que  trois,  c'est 
certain. 

Deux  furent  refondues  à  différentes  époques. 

La  seconde  (pour  le  poids),  a  été  bénite  le  28  octobre 
1677,  par  maître  Pierre  Goby,  curé  de  Saint-Etienne 
et  promoteur  général  de  M9'  Vallot  (Registre  des 
baptêmes  de  la  paroisse  Saint- Victor). 

«  En  1716,  le  troisième  jour  de  juin,  la  troisième 
cloche  a  été  bénie  en  l'honneur  de  Dieu,  par  moi, 
Charles  de  Saint-Clivier,  prêtre-curé  de  ladite  paroisse, 
laquelle  cloche  a  été  fondue  Tan  1581,  aux  dépens  de 
messire  Jacques  Dien,  prêtre,  prieur-curé  d'Aubigny- 
le-Chétif,  et  maintenant  habitant  de  cette  paroisse. 
Etant  procureurs-fabriciens  de  cette  église,  maître 
Jean-Baptiste  Faure,  marchand  de  draps;  maître 
Philibert  Ninan,  marchand  boucher  :  maître  Joseph 
Moquot  d'Aignan,  procureur  du  Roi  en  l'hôtel  de  ville 
et  maître  Nicolas  Pleaut,  marchand  corroyeur.  » 

Ladite  cloche  pèse  1,500  et  pesait  auparavant  1525, 


—  463  - 

parce  que  le  fondeur  a  manqué  le  couronnement  au- 
dessus  de  la  cloche.  A  Tentour  est  écrit  :  a  D.  O.  M. 
sub  invocatione  sancti  Jacobi  hœc  campana  denuo 
fus  a  est  sumptibus  Dni  Jacobi  Bien  sacerdotis,  in 
testimonium  suœ  erga  Deum  i^eligionis  necnon  erga 
parochianos  Sancti -Victoris  benecolentiœ.  Anno 
1716,  Gaspardus  Lavocat  me  conjlaoit  ».  (Registre 
des  baptêmes  de  la  paroisse  de  Saint- Victor.) 

En  résumé,  la  première  cloche  seule  pouvait  être 
restée  une  de  celles  du  prieuré  si  une  refonte,  qui  n'a 
pas  laissé  de  traces,  n'a  pas  eu  lieu. 

Ici  encore  une  grande  lacune  dans  les  feuillets  de 
notre  histoire.  Nous  arrivons  brusquement  au  19  sep- 
tembre 1781 .  L'abbé  Riflé,  sur  le  registre  des  actes 
religieux  de  cette  année,  signale  le  remplacement  du 
coq  du  clocher  : 

«  Vers  dix  heures  du  matin,  le  coq  du  clocher, 
descendu  à  cause  de  réparation  y  a  été  replacé  sans 
aucun  accident,  après  quoi  on  a  sonné  toutes  les  clo- 
ches en  branle.  Et  pour  satisfaire  la  piété  du  concours 
des  fidèles  qui  s'étaient  assemblés  dans  l'église,  nous 
avons,  revêtu  d'un  surplis  et  d'une  étole,  entonné 
devant  le  maître-autel,  le  cantique  Te  Deum,  qui  s'est 
chanté  avec  beaucoup  d'édification  ....  » 

La  position  du  clocher,  je  le  répète,  ne  fait  aucun 
doute,  mais  l'insuffisance  des  données  ne  me  permet 
pas  d'en  expliquer  la  construction. 

Toutefois,  désireux  de  sonder  le  mystère,  j'ai  voulu 
me  rendre  compte  et  porter  mes  investigations  dans  la 
propriété  contiguë  à  la  chapelle  subsistante  et  au  mur 
de  la  nef. 

Des  constructions  récentes  recouvrent  malencon- 
treusement l'angle  que  je  me  proposais  d'examiner, 


mais  en  compensation,  une  agréable  surprise  et  une 
vraie  joie  m'étaient  réservées  : 


Cloître  de  Saint-Victor. 

Pour  mon  observation,  me  trouvant  dans  un  carré 
clos  de  tous  côtés  de  hautes  murailles  ou  de  b&timents, 
il  me  vint  aussitôt  à  l'esprit  que  cet  endroit  était  le 
cloître  ;  en  effet  I  Au  mur  extérieur  de  la  nef,  je  vois 
sur  une  même  ligne,  des  pierres  en  saillie,  des  cor- 
beaux taillés  uniformément,  distancés  de  2  m.  10  à 
2  m.  15,  à  2  m.  65  de  hauteur.  Il  en  est  de  même  au 
mur  du  couchant.  Sur  la  totalité,  à  peine  cinq  ou  six 
corbeaux  n'existent  plus.  Au  levant,  en  continuation 
de  la  chapelle  et  de  la  même  largeur,  une  construction 
récente  a  été  reliée  à  un  vieux  mur  qui  conserve 
encore  deux  corbeaux  ;  au  nord,  la  construction  est 
également  récente  et  elle  n'offre  point  de  pierres 
saillantes  comme  celles  dont  nous  venons  de  parler. 
Ces  pierres  en  saillies,  à  égale  distance,  à  hauteur  uni- 
forme, distribuées  sur  les  trois  côtés  du  carré  clôturé 
de  murs  ou  de  bâtiments,  sont  les  vestiges  certains 
et  évidents  d'un  cloître. 

Le  carré  n'est  pas  tout  à  fait  exact  :  les  côtés,  dans  le 
sens  du  levant  et  du  couchant,  mesurent  15  m.  50,  et 
les  côtés  du  midi  et  du  nord  16  m.  50. 

Les  corbeaux  portaient  donc  des  poutres  sur  les- 
quelles reposait  la  petite  charpente  de  la  toiture  ;  la 
pente  en  était  peu  prononcée  ;  les  tuiles,  gironnées  per- 
mettant facilement  l'écoulement  des  eaux,  la  surface 
à  couvrir  n'était  de  guère  plus  de  deux  mètres,  la  dis- 
tance des  corbeaux  devant  indiquer  la  largeur  du 
cloître  par  l'angle  de  retour  correspondant  aux  cor- 


—  465  - 

beaux  et  par  les  supports  ou  colonnes  qui  leur  faisaient 
face. 

Dans  une  autre  partie  de  la  même  propriété,  qui 
appartient  à  M™«  de  Cotignon  ,  au  milieu  d'une 
pelouse,  un  support  tout  spécial  pour  cadran  solaire 
appela  mon  attention;  mais  alors  rien  ne  me  fai- 
sait soupçonner  sa  destination  et  son  usage  primi- 
tifs. C'est  une  colonne  ronde,  cantonnée  de  quatre 
colonnettes  avec  anneaux  et  boudins  au  bas  du  fût  et 
quatre  chapiteaux  ornés  de  feuilles  grasses  à  nervures, 
tous  pareils  ;  de  la  base  au  sommet,  cette  colonne 
mesure  1  m.  08,  socle  et  tailloir  non  compris,  attendu 
que  ces  deux  pièces  ne  sont  pas  de  Tépoque  et  ont  été 
façonnées  pour  utiliser  la  colonne  trouvée  au  milieu 
de  débris.  —  L'existence  du  cloître  étant  hors  de 
doute,  il  m'est  venu  aussitôt  à  l'esprit  que  cette 
colonne,  vu  ses  dimensions  en  rapport  avec  celles  du 
cloître,  faisait  partie  de  la  galerie  ou  colonnade  qui 
i'entourait.  —  Un  petit  mur,  d'un  mètre  extérieure- 
ment, et  de  0  m.  70  environ  intérieurement,  pour 
l'exhaussement  du  dallage  au-dessus  du  sol,  formait  le 
socle  de  la  colonnade,  et  sur  les  chapiteaux,  des  tra- 
verses en  bois  correspondaient  à  celles  reposant  sur 
les  corbeaux. 

Autre  remarque  recueillie  :  aux  deux  extrémités  du 
cloître  adossé  à  la  nef,  la  porte  romane  que  nous  avons 
déjà  observée  dans  la  chapelle  ogivale  est  en  face  d'une 
autre  porte  communiquant  avec  l'ancien  cimetière 
paroissial,  et  l'entrée  du  cimetière  par  la  rue  de 
Nièvre. 

Le  carré  du  cloître  où  nous  sommes  est  le  cimetière 
des  religieux  bénédictins  ou,  peut-être,  des  religieuses 
du  premier  monastère  :  «  un  des  plus  anciens  de  la  ville  »  ; 
en  effet,  le  concierge  de  M™®  de  Cotignon  m'a  affirmé 


j 


—  466  — 

que  plusieurs  cercueils  en  pierre  avaient  été  trouvés 
en  cet  endroit,  et  il  m'a  même  désigné  la  place  précise 
où  il  en  existait  un  de  ce  genre  ;  il  faudrait  voir  leur 
forme  et  certains  détails  pour  être  à  même  d'en  pré- 
ciser l'âge . 

Voilà  donc  un  commencement  d'indications  pré- 
cieuses sur  le  cloître  de  Saint- Victor,  compris  dans 
les  dépendances  de  l'ancienne  maison  numérotée  677. 

Combien  intéressante  la  maison  voisine,  n*  676,  qui 
était  le  logis  du  prieur  !  Siir  la  rue  Creuse,  il  reste  de 
beaux  fragments  de  trois  fenêtres  géminées  du 
XIII*  siècle. 

8o  Les  Dimensions. 

Elles  ne  seront  qu'approximatives,  mais  se  rappro- 
chant beaucoup  de  la  réalité  ;  c'est  un  ancien  acte  qui 
nous  renseignera  sur  ce  point. 

Nous  trouvons  une  reconnaissance  de  l'année  1774, 
par  M*^  Jacques-Joseph  Haly,  notaire,  et  procureur  au 
baillage  et  pairie  de  Nevers  et  greffier  en  chef  au  gre- 
nier à  sel  de  cette  ville,  y  demeurant  rue  Creuse,  en 
cette  paroisse,  d'une  rente  de  40  sois,  plus  la  sçmme 
de  20  livres  d'entrée  en  espèces  d'écus  de  6  livres  et 
autres  monnaies  ayant  cours,  pour  un  banc  de  la  lar- 
geur de  9  pieds  en  entrant  à  gauche,  depuis  l'enco- 
gnure  des  grandes  portes...  (GG.  69,  cahier  in-folio  de 
66  feuillets  papier.  Archives  comm,  de  la  tille  de 
Nevers}. 

Nous  sommes  donc  fixés  sur  la  distance  de  l'enco- 
gnure  de  la  grande  porte  au  mur  de  la  nef  :  neuf  pieds 
ou  trois  mètres . 

La  largeur  de  la  nef  serait  donc  de  deux  fois  trois 
mètres,  plus  la  largeur  de  la  porte,  qui  reste  à  déte^ 
miner  ;  l'abside  a  3  mètres  50  environ  de  profondeur. 


-  467  — 

Quatre  travées  :  celle  du  chœur,  les  trois  de  la  nef, 
mesurent  4  mètres  chacune  environ  ;  le  transept 
mesure  6  m.  85  à  6  m.  90  entre  la  colonne  romane 
subsistante  et  celle  en  avant  du  mur  d'angle  de  la 
chapelle  plus  rapprochée  de  l'abside.  D'après  ce  calcul, 
la  longueur  totale  de  l'église  à  l'intérieur,  non  com- 
pris le  porche,  serait  de  26  m.  20  environ,  ce  qui 
concorde  avec  les  proportions  du  plan  et  la  superficie 
approximative  portée  sur  l'adjudication  de  l'empla- 
cement de  l'église  :  environ  un  quart  de  boisselée, 
225  mètres  carrés.  (Adjudication  nationale,  22  vendé- 
miaire an  IV,  archives  de  la  préfecture.) 

On  se  rappelle  aussi  que  le  côté  extérieur  de  la  nef, 
dans  lequel  sont  encastrés  les  corbeaux  du  cloître 
depuis  l'angle  de  la  chapelle  jusqu'au  mur  de  façade 
de  Téglise,  mesure  16  m.  50. 

Chapelle  du  XVP  siècle. 

La  chapelle  du  xvi®  siècle  étant  la  seule  partie  qui 
subsiste,  assez  bien  conservée  jusqu'à  la  naissance  des 
voûtes,  j'en  donnerai  une  description  sommaire  avec 
les  dimensions  exactes  (elle  a  été  divisée  en  deux 
étages,  sellerie  au  rez-de-chaussée,  et  grand  cabinet 
au-dessus). 

Elle  mesure  5  m.  50  de  largeur  et  6  m.  10  de  pro- 
fondeur. L'arceau  d'entrée  ofire  un  écartement  de 
5  mètres,  la  colonne  romane  de  la  nef  est  à  1  m.  45  du 
côté  du  montant  le  plus  rapproché. 

A  4  m.  60  du  sol,  commence  la  courbe  de  l'ogive 
sur  pilier  à  colonnettes  à  la  base,  et  nervures  prisma- 
tiques. 

Aux  quatre  angles  s'élève  sur  socle  à  colonnettes  un 
pilier  présentant  obliquement  sa  face  unie,  qui  fait 
saillie  à  angle  droit  de  chaque  côté  sur  le  mur  ;  les 


-  468  — 

deux  piliers  du  fond  offrent  une  surface  de  face  et  de 
côté  de  0  m.  46  et  de  0  m.  29,  tandis  qu'elle  est  de 
0  m.  40,  et  de  0  m.  26  pour  ceux  placés  derrière  Tar- 
ceau  d'ouverture . 

A  5  m.  30,  un  seul  de  ces  piliers,  celui  de  droite  en 
entrant,  laisse  voir  la  membrure  prismatique  qui  s'en 
dégage  pour  former  sous  les  arêtes  la  croisée  de  ner- 
vures de  la  voûte  détruite  ;  à  la  même  hauteur  , 
prennent  naissance,  sur  les  côtés  des  piliers,  des  ner- 
vures prismatiques  qui  dessinaient  le  dessous  d'ogive 
des  voûtes. 

Dans  l'angle  de  gauche,  en  entrant,  le  mur  était 
percé  d'une  porte  à  cintre  roman  de  2  m.  10  de  hau- 
teur, qui  communiquait  avec  le  prieuré. 

Nous  avons  déjà  mentionné  les  deux  fenêtres 
romanes  ;  elles  mesurent  d'embrasure  1  m.  30  sur 
2  mètres. 

La  restauration  de  cette  chapelle  ne  concorderait- 
elle  pas  avec  les  importants  travaux  exécutés  au  clocher 
en  1529  ? 

Chapelle  sud  et  sacristie. 

Si  la  position  du  clocher  n'était  pas  déterminée  d'une 
façon  si  précise,  la  saillie  extérieure  de  la  chapelle  du 
transept  sud  donnerait  à  supposer  que  le  clocher  domi- 
nerait la  chapelle  et  que  la  saillie  figurée  est  la  tou- 
relle du  clocher.  Il  n'en  est  rien,  cherchons  une  autre 
explication. 

On  peut  constater  que  le  plan  auquel  nous  avons  si 
souvent  recours  est  fort  bien  dressé  et  détaillé,  vu  ses 
dimensions  ;  les  contemporains  lui  donnaient  une 
réelle  autorité  que  lui  valait  son  exactitude  très  appré- 
ciée, puisqu'il  en  existe  plusieurs  reproductions  au 
musée  céramique  ;  le  dernier,  pour  lequel  il  a  servi  de 


—  4(59  — 

modèle,  est  finement  colorié  avec  personnages  à  Taqua- 
relle  soutenant  un  riche  cartouche  pour  l'inscription  : 
«  Plan  de  la  ville  de  Nevers  en  1790  ». 

Sur  le  plan  de  1759,  on  voit  distinctement  les 
quatre  contreforts  de  l'abside  ;  ce  petit  détail  mérite 
d'être  signalé  et  dénote  que  rien,  autant  que  possible, 
n'a  été  omis.  Cette  précision  si  minutieuse  écarte  à 
l'avance  l'oubli  d'un  accessoire  essentiel  de  l'église,  je 
veux  dire  de  la  sacristie. 

La  sacristie  existe  ;  où  la  prendre  ? 

Il  faut  la  chercher  dans  le  voisinage  du  chœur  ; 
nous  ne  la  trouvons  que  du  côté  droit  du  transept  qui 
couvre  plus  de  superficie  de  terrain  que  la  chapelle 
ogivale  à  gauche.  Dans  cette  différence  de  surface  en 
plus  et  la  saillie  extérieure  de  deux  mètres  environ 
qui  fait  retour  sur  l'angle  sud,  je  placerais  la  sacristie, 
regardant  le  couchant  jusqu'à  l'angle  de  la  chapelle. 
La  partie  qui  déborde  et  fait  retour  sur  la  chapelle  au 
midi,  serait  l'échoppe  bâtie  pour  François  Solliveau, 
marguillier  d'après  l'analyse  des  titres  de  propriété  de 
\^^dkVo\s^ç^( Archives  communales ,3,jmée  1666,  GG,71)  : 
Requête  de  François  Solliveau,  marguillier,  aux  fabri- 
ciens  exposant  (c  qu'encore  bien  qu'il  emploie  tous  ses 
soins  pour  empêcher  que  les  enfants  de  la  paroisse  ne 
fassent  du  désordre  dans  le  cimetière  et  conserver  les 
vitres  de  l'église,  néanmoins  jusqu'à  présent  il  n'y  a 
pas  réussi  pour  être  son  domicile  trop  éloigné  de 
ladite  église  »  ;  pourquoi,  il  supplie  qu'on  lui  accorde 
une  petite  place  dans  le  cimetière,  pour  y  faire  cons- 
truire une  boutique  où  faisant  sa  résidence,  il  pourra 
facilement  empêcher  le  désordre,  consentant  d'ailleurs 
d'en  payer  chaque  année  une  charge  honnête  à  la 
fabrique  (Titres  de  propriété  de  la  fabrique  de  Saint- 
Victor). 

T.  nu,  3*  Bérie.  31 


—  470  — 

Cimetière. 

Ajoutons  un  mot  au  sujet  du  cimetière  de  Saint- 
Victor. 

Le  cimetière,  qu'il  fallait  traverser  pour  entrer  à 
Téglise,  est  marqué  sur  le  plan  de  1759  d'un  semis  de 
petites  croix. 

Une  reconnaissance  de  1524,  porte  que  Tancienne 
maison  Carimantrand ,  située  dans  la  rue  du  Fer, 
tenait  par  le  devant  à  ladite  rue,  et  par  le  derrière  au 
cimetière  de  Saint-Victor  (Archives  paroissiales  de 
Nevers,  par  Tabbé  Boutillier,  page  282). 

J'ai  essayé  de  reconstituer  l'ancienne  église  Saint- 
Victor  ;  je  la  représente  avec  ses  murailles  froides  et 
dénudées  ;  mais  nous  savons  d'ailleurs  (que  le  maître- 
autel  en  forme  de  pressoir  était  fort  remarquable,  et 
qu'il  était  surmonté  du  rétable  de  VEcce-Homo)  ;  que 
çà  et  là,  étaient  des  inscriptions  de  fondations ,  la 
curieuse  sculpture  du  Buisson  Ardent  (au  musée  de  la 
Porte  du  Croux),  les  statues  de  saint  Victor  en  costume 
guerrier,  de  la  sainte  Vierge  tenant   l'Enfant-Jésus, 
de  saint  Joseph,  de  saint  Charles  Borromée,  de  saint 
Siméon  Stylitte  et  autres  ;  qu'un  monument  dont  la 
place  n'est  pas  précisée  (probablement  dans  la  chapelle 
de  la  nef,  pour  les  fonts),  se  composait  de  quatre 
grandes  colonnes  en  marbre  noir,  surmontées  d'un 
baldaquin  en  fer  forgé  ;  que  plusieurs  autels  étaient 
adossés  aux  murs  ;  que  le  dallage  était  formé  de  nom- 
breuses pierres  tombales,  dont  celles  du  xiv®  siècle 
représentent  les  figures  agenouillées  de  Thouvenin  et 
de  Jeannot  de  La  Cheyne  (au  musée  de  la  Porte  du 
Croux)  ;  on  lit  sur  la  bordure  en  lettres  minuscules 
gothiques  : 

Icy  gist  :  Thouvenin  :  de  :  La  :  Cheyne  :  qui  : 


-   471  - 

treppassa  le  mercredi  après  :  la  :  Sainte  :  Katherine  : 
lan  :  de  :  grâce  :  mil  :  CGC  :  L  :  et  :  IIII  : 

Icy  :  près  :  gist  :  Jehannot  :  de  :  La  :  Cheyne  :  son  : 
fils  :  qui  :  treppassa  :  le  :  jeudi  :  jour  :  de  :  la  :  Nati- 
vité :  de  •.  Notre  :  Dame  :  lan  :  de  :  grâce  :  mil  :  CGC  : 
quatre  :  vin  :  et  :  dix  :  Dieu  :  bonne  :  merci  :  leur  : 
face  :  Amen  : 

Quelques  ruines,  bien  minimes,  voilà  donc  tout  ce 
qui  reste  de  l'antique  et  vénérable  monument,  il  ne 
trouva  pas  grâce  devant  la  rage  des  démolisseurs 
d'églises  à  la  fin  du  siècle  dernier.  Le  27  prairial,  an  II 
(26  mai  1794),  l'administration  du  district  arrêta  que 
le  département  serait  invité  à  détruire  dans  son  entier 
la  ci-devant  église  de  Saint- Victor  :  l'invitation,  qui 
avait  toute  lapparence  d'une  sommation,  ne  fut, 
hélas  I  que  trop  bien  exécutée. 

Abbé  SERY, 

Chanoine. 


On  voit  aussi  au  musée  lapidaire  :  1<*  (277),  une  fin  d'inscription  «  ...et 
curé,  à  chacun  X  den  (iers)  et  à  chacun  des  huil  preshtres  V  den  (iers)  et 
le  reste  de  la  some,  lad  Magdelene  veuit  qu'il  soit  employé  au  proffit  de 
ladite  fabricque...  » 

2«  Des  fragments  de  statues  de  pierre  (n<»  323-324)  trouvées  en  1899 
dans  des  travaux. 

Ces  trois  objets,  ainsi  que  la  sculpture  du  Buisson  Ardent  ont  été 
donnés  par  M.  Flamen  d'Âssigny,  propriétaire  de  la  maison  bâtie  sur 
remplacement  de  l'ancienne  église  Saint- Victor. 

3*  Du  XVI*  siècle  (167)  une  statue  de  femme  dans  Tattitude  de  la  prière. 


I 

I 


-  472   - 


NOTE 


SDR  DEDX  ÉDITIONS  DES  COUTUMES  DU  NIVERNAIS 


Dans  la  collection  de  M.  Grangier  de  La  Marinière, 
dispersée  le  2  juin  1883,  se  trouvait  un  manuscrit  des 
Coutumes  du  Nivernais  (1),  ayant  passé,  en  1861, 
dans  un  catalogue  du  libraire  Delion  et  signalé  à  cette 
occasion  par  M.  de  Laugardière  (2). 

Ce  volume  in-folio  de  677  feuillets,  avec  les  titres 
en  caractères  gothiques,  renferme  le  «  Coustumier 
général  du  pays  de  Nivernoys  »,  avec  la  «  Coustume 
localle  du  val  de  Lurcy  en  la  chastellenie  de  Monte- 
noison  »  (ff.  210),  le  «  Stille  du  bailliage  de  Nyver- 
nois  »  (ff.  554)  et  le  procès- verbal  de  rédaction  du 
8  novembre  1534  (ff.  653). 

Sur  le  dernier  feuillet,  avant  la  table,  on  lit  : 

«  Cy  fine  le  Coustumier  et  stille  du  pays  et  conté 
de  Nyvernois...  Et  fut  achevé  d'imprimer  le  qua- 
triesme  jour  de  janvier  mil  cinq  cens  trente  neuf,  par 
Estienne  Caveiller,  imprimeur ,  pour  Guillaume 
Lebret,  libraire  et  messaiger  juré  de  l'Université  de 
Paris,  demeurant  au  clos  Bruneaut,  à  l'enseigne  de  la 
Corne  de  Cerf.  » 

A  la  fin  du  manuscrit  se  trouve  en  outre  une  sorte 


(1)  N«  196  du  Catalogue. 

(2)  Bulletin  de  la  Société  niverncUse,  lU,  390.  Ce  manuscrit,  adieté  à 
la  Tente  de  1883  par  M.  Etienne  Gharavay,  fait  actadlement  partie  de 
notre  bibliothèque. 


«  ■ 


-  473  - 

de  livre  de  raison,  concernant  une  famille  nivernaise 
du  nom  de  Marchant,  au  xvi®  et  au  xvn«  siècle. 

L'édition  de  1539  des  Coutumes,  dont  ce  volume  est 
une  copie,  est  restée  inconnue  à  ceux  de  nos  collègues 
qui  se  sont  occupés  de  la  bibliographie  de  notre 
province.  M.  de  Soultrait  n'en  parle  pas  dans  ses 
Notes  sur  une  bibliothèque  nivernaise  (1)  et  ne  la 
fait  pas  figurer  parmi  les  cinq  Coutumiers  gothiques 
décrits  dans  le  tome  XII  du  Bulletin  (2). 

M.  Bégat,  dans  sa  Notice  sur  V Imprimerie  à 
Necers,  n'admet  pas  davantage  d'édition  intermé- 
diaire entre  1535  et  1546  (3). 

Cependant,  il  existe,  à  la  Bibliothèque  nationale, 
un  exemplaire  de  cette  édition  de  1539,  semblable, 
comme  on  va  le  voir,  au  manuscrit  de  la  collection 
Grangier  de  La  Marinière.  Voici  la  description  de  ce 
volume  : 

«  Coustumes  du  II  Pays  et  Conté  de  Nivernoys, 
enclaves  II  et  exemptions  dicelluy.  Accordées,  leues,  Il 
publiées  et  emologuées  en  présence  de  II  gens  et 
officiers  de  madame  la  Côtesse  de  Nevers  et  de 
Dreux.  Et  des  trois  II  estatz  dicelluy  pay^  :  Par  noz 
seigneurs  II  maistres  Loys  Roillard  et  Guillaume  II 
Bourgoing,  conseillers  du  Roy  nostre  sire  II  en  sa  court 
de  Parlemët  à  Paris  et  com  II  missaires  de  par  icelluy 
en  ceste  partie  :  et  II  depuis  receues  en  icelle  court. 

))  On  les  vend  à  Paris  au  clos  Bruneau  à  II  lêseigne 
de  la  Corne  de  Cerf  par  Guillaume  Le  II  bret,  libraire 
et  messaiger  iuré  de  Luniversité  M'D'XXXIX.  » 

[Fol**  2,  recto  :]  «  IllustrissimaB  principi  Mariae 
Lebretensis  Nivernise,  drochamque  comiti  Guillielmus 
Rapinus  eius  fisci  advocatus.  » 

(1)  AnnucUre  de  la  Mièvre,  1848,  2*  partie,  pp.  3-96. 

(2)  P.  352-4. 

(3)  Bull.,  IV,  176-7. 


—  474  — 

[FohA  tiii,  verso:]  «  Sensuy t le Coustumier généraljl 
du  pays  de  Nivernoys.  » 

[Fo/o  P,  recto  :]  «  Stille  du  bailliage  de  Niver- 
noys... » 

[Fol^  S  viii,  recto  :]  «  Cy  fine  le  Coustumier  et 
Stille  du  pays  11  et  conté  de  Nivernoys...  Et  II  fut 
achevé  dimprimer  le  quatriesme  II  iour  de  Janvier 
M'D 'XXXIX  par  II  Estienne  Caveiller,  imprimeur 
pour  II  Guillaume  Le  bret,  libraire  et  messai  II  ger  iuré 
de  Luniversité  de  Paris  de  II  mourât  au'  clos  Bruneau, 
à  lenseigne  II  de  la  Corne  de  Cerf.  » 

—  Paris,  Guill.  Le  Bret,  1539,  in-8*»  de  136  fï.  non 
chiffrés,  cahiers  sig.  A-S,  les  cahiers  A  et  0  de  4  ff* 
seulement.  Caract.  goth.  sauf  pour  la  dédicace.  26  lig. 
à  la  page. 

Au  recto  et  au  verso  du  titre,  deux  écus,  l'un 
losange  aux  armes  de  Marie  d'Albret  :  coupé ,  en 
chef,  parti  de  Clèves  et  de  La  Mark  et  en  pointe 
de  Bourgogne-Nevers,  au  2,  coupé  en  chef  d'Albret- 
Orval,  et  en  pointe  de  Bourgogne-Nevers. 

L'autre,  aux  armes  de  Clèves  :  écartelé  aux  1-4, 
parti  de  Clèves  et  de  La  Mark  ;  aux  2-3,  de  Bour- 
gogne-Nevers. {Bibliothèque  nationale^  invent,  Rés., 
F.  1663,) 

Brunet  indique  en  ces  termes,  et  sans  l'avoir  eue 
entre  les  mains,  une  autre  édition  pour  l'année  1534  : 
((  Même  titre  qu'à  celle  de  1546  :  pet.  in-8^  goth. 
4  ff.  non  chiffrés,  sig.  A  (4  ff.)  et  B-S  par  8.  On  lit  au 
bas  du  dernier  feuillet  :  «  Achevé  d'imprimer  le  qua- 
»  triesme  jour  de  janvier  M'D'XXXIV  par  Estienne 
»  Caveiller,  imprimeur  juré,  pour  Guillaume  Le 
»  Bret.  » 

En  comparant  la  description  de  Brunet  avec  le 
volume  qui  porte  la  date  de  1539,  on  s'aperçoit  de 
suite  que  le  format,  le  nombre  et  la  composition  des 


^  475  — 

cahiers,  les  signatures,  le  titre,  tout  est  identique, 
sauf  la  date  M'D'XXXIV,  où  il  faut  voir  certaine- 
ment une  erreur  de  lecture,  erreur  facile  à  expliquer 
par  la  forme  un  peu  anormale  du  chiffre  X,  qui  l'a 
fait  prendre  pour  un  V. 

La  Bibliothèque  nationale  possède  aussi  un  volume 
attribué  à  cette  môme  année  1534  (1),  mais  un  examen 
minutieux  nous  a  montré  qu'il  s'agit  d'un  exemplaire 
de  1535,  auquel  il  manque,  au  commencement,  le 
titre  et  la  préface,  et  à  la  fin  le  procès-verbal 
(cahiers  P  et  0,  8  ff.).  11  eût  été  du  reste  bien  extraor- 
dinaire de  voir  deux  éditions  imprimées  à  des  dates 
aussi  rapprochées. 

Cette  erreur  provient  d'une  note  manuscrite  ainsi 
conçue,  qui  se  trouve  au  verso  du  feuillet  de  garde  : 

«  Ce  Coustumier  a  été  imprimé  à  Nevers  en  1534, 
Tannée  même  de  la  réformation  de  la  coutume,  comme 
je  l'ai  vu,  par  un  imprimé  semblable,  aux  Bénédictins 
de  Nevers. 

»  Bert  de  La  Bussière, 

»  Avocat  en  Parlement,   » 

Comme  on  le  voit,  cette  note  renferme  une  double 
erreur,  puisque  l'impression  a  eu  lieu  à  Paris  et  non 
â  Nevers,  en  1535  et  non  en  1534. 

En  résumé,  l'édition  de  1534  n'existe  pas,  mais  celle 
de  1539  doit  être  jointe  à  la  liste  des  Coutumiers 
gothiques  du  Nivernais.  Malgré  Taridité  du  sujet, 
nous  avons  pensé  qu'il  était  intéressant  d'entrer  dans 
quelques  détails  pour  fixer  d'une  manière  définitive 
cette  partie  un  peu  embrouillée  de  notre  bibliographie 
nivernaise. 

H.  SARRIAU. 

(l)InTent.  Rés.,  F.  849. 


—  476  — 


ÉPISODE 


D'UNE  INONDATION  DE  LA  LOIRE  A  COSNE  EN  4790 


Cosne  est  une  des  villes  du  Nivernais  qui  ont  eu  le 
plus  à  souffrir  des  inondations.  Non  seulement  la 
Loire  y  a  causé  à  différentes  reprises  les  plus  grands 
ravages,  mais  le  Nohain  lui-même  est  parfois  sorti  de 
son  lit,  infligeant  aux  riverains  des  pertes  considé- 
râbles. 

C'est  ainsi  que  le  23  février  1658,  une  crue  subite 
de  cette  petite  rivière,  emporta  le  pont  qui  unissait  les 
deux  paroisses  de  Saint-Jacques  et  de  Saint-Aignan, 
détruisit  la  chapelle  Saint-Firmin,  la  moitié  de 
rhôtel-Dieu  et  un  certain  nombre  de  maisons  voisines, 
avec  tous  les  meubles  qu'elles  renfermaient  (1). 

Parmi  les  inondations  de  la  Loire,  et  sans  parler  de 
celles  de  1615  et  de  1733,  ou  de  celles  qui  ont  eu  lieu 
de  nos  jours,  et  sont  encore  présentes  à  la  mémoire  de 
tous,  la  crue  du  13  novembre  1790,  qui  renversa 
plusieurs  arches  du  pont  de  Nevers,  se  fit  remarquer 
par  sa  violence  et  la  rapidité  avec  laquelle  elle  se 
produisit,  surprenant  les  habitants  dans  leurs  maisons 
et  nécessitant  les  sauvetages  émouvants,  dont  le  sou- 
Ci)  Note  du  curé  Tolleron  sur  un  registre  paroissial  de  Saint-Âignan. 


—  477  — 

venir  nous  a  été  conservé  par  la  délibération  suivante 
des  administrateurs  du  district  de  Cosne  (1)  : 

«  Ce  jourd'huy,  samedi  treize  novembre  mil  sept  cent 
quatre-vingt-dix,  heure  de  midy,  nous,  administra- 
teurs composant  le  Directoire  du  district  de  Cosne,  et 
officiers  municipaux  de  la  môme  ville,  soussignés,  sur 
l'avis  que  nous  avons  eu  par  la  voix  publique,  et  sur  ce 
que  nous  avons  reconnu  nous-mêmes,  que  la  rivière  de 
Loire  avoit  crû  prodigieusement,  depuis  la  nuit  der- 
nière, que  les  eaux  s'avançoient  jusqu'au  pied  de  la 
maison  du  sieur  Pierre  Frossard  fils,  dans  la  rue  Dau- 
phine  (2),  que  le  quay  étoit  couvert  d'environ  six 
pieds;  que  l'isle  étoit  également  couverte  en  totalité, 
et  que  les  deux  bras  qui  séparent  la  rivière  vis-à-vis  de 
Cosne  étoient  entièrement  réunis  ;  que  la  rivière  étoit 
couverte  de  débris  de  batteaux  et  marchandises  empor- 
tées par  le  courant,  qui,  quoiqu'il  ne  fit  point  de  vent, 
couloit  avec  une  rapidité  efïrayante  ;  que  la  maison 
appartenante  à  M.  de  Langeron,  construite  sur  Tisle 
de  Cosne,  étoit  dans  le  plus  grand  danger  ;  que  les 
habitants  de  cette  maison  étoient  montés  dans  les 
greniers,  et  qu'il  étoit  intéressant  et  pressant  d'aller 
leur  porter  du  secours  ;  nous  avons  crû  devoir  nous 
hâter  de  chercher  des  mariniers  assez  adroits  et  assez 
courageux  pour  faire  le  voyage  ;  alors  se  sont  présentés 
devant  nous,  les  nommés  François  Quillier,  René 
Quillier,  Claude  Chereau,  Louis  Perroy,  Laurent  Ber- 
trand, et  Louis  Thevin  (3),  tous  garçons  mariniers, 
demeurant  en  cette  ville  de  Cosne,  sauf  ledit  Thevin 

(1)  Cette  pièce  et  les  suivantes  sont  entre  nos  mains. 

(2)  Actuellement,  rue  de  la  Pêcherie.  La  place  de  la  Pêcherie,  à  laquelle 
elle  aboutit,  avait  pris,  en  1778,  le  nom  de  place  Dauphine,  en  souvenir 
de  la  naissance  de  Madame  Royale.  (Note  de  M.  Gadoin  sur  le  manus- 
crit Grangier  des  Maliers). 

(3)  Ces  familles  existent  encore  à  Cosne  pour  la  plupart  et  plusieurs  de 
leurs  membres  y  exercent  encore  la  même  profession. 


-  478  - 

qui  demeure  à  Tracy  ;  lesquels  nous  ont  offert  de 
s'embarquer  sur  le  champ,  et  d'aller  chercher  les  habi- 
tants de  Tisle,  nous  leur  avons,  à  cet  effet,  procuré  des 
barques  et  agrèz  nécessaires,  et  leurs  avons  aussi  fait 
remettre  des  vivres  tant  pour  leur  besoin  que  pour 
celui  desdits  habitants  de  Tisle  : 

»  Les  six  mariniers  sont  partis  aussitôt  ;  après  être 
remontés  en  suivant  le  bord  de  la  rivière  jusques  et 
près  le  Chantier  Blanc  (1),  et  redescendant  ensuite  en 
traversant  obliquement  la  rivière,  tantôt  avec  l'aviron, 
tantôt  avec  la  bourde,  ils  sont  arrivés  près  delà  maison 
de  l'isle,  et  à  l'aide  déchelles,  quatre  femmes  et  un 
enfant  sont  descendus  dans  la  barque  ;  et  ils  les  ont 
ramenés  dans  la  rue  de  la  Croix-de-Saint-Nicolas  (2) 
où  ils  ont  heureusement  débarqué  :  qu'ils  ont  aussy 
amenés  deux  porcs  et  ont  sauvé  unze  brebis  qu'ils  ont 
montés  dans  le  grenier  de  la  maison,  quant  aux  effets, 
ils  ont  été  mis  dans  une  barque  qui  étoit  attachée  à 
laditte  maison. 

»  A  une  heure  après-midi,  les  officiers  municipaux 
de  la  paroisse  de  La  Celle,  distante  de  Cosne  de  deux 
lieues,  nous  ayant  écrit  par  xm  exprès,  qu'ils  étoient 
dans  le  plus  grand  danger,  et  qu'ils  nous  prioient  de 
leur  envoyer  promptement  du  secours,  pour  sauver 
deux  maisons  qui  étoient  placées  sur  le  bord  de  la 
Loire,  nous  avons  été  chercher  à  l'auberge  du  sieur 
Pinseau,  les  six  mariniers  qui  avoient  fait  le  voyage 
de  l'isle,  et  que  nous  avons  trouvés  dînants  ;  ces  parti- 
culiers ont  aussitôt  quitté  leur  dîné,  et  se  sont  embar- 

(1)  Le  nom  de  Chantier  Blanc  désigne  encore  aujourd'hui  les  terrains 
qui  bordent  la  rive  droite  de  la  Lolre^  à  un  kilomètre  en  amont  de  la 
ville. 

(2)  Actuellement  rue  Saint-Nicolas.  Sur  un  des  anciens  plans,  publiés 
par  A.  JuUien,  dans  son  ouvrage  La  Nièvre  à  travers  le  pcusé^  p.  160, 
on  voit  figurer  une  croix  sur  la  place  Dauphine,  près  du  débouché  de  la 
rue  Saint-Nicolas. 


—  479  - 

qués  sur  le  champ  pour  se  rendre  à  La  Celle,  nous, 
Goy,  vice-président,  Bourgoin,  maire,  accompagnés 
du  sieur  Charles  Beaubois,  capitaine  en  second  de 
grenadiers  de  la  garde  nationale  de  Cosne,  nous 
sommes  aussi  rendus  audit  lieu  de  La  Celle,  en  voiture  ; 
les  mariniers  sont  arrivés  presqu'aussitôt  que  nous  ; 
et  après  beaucoup  de  peines  et  de  difficultés,  et  môme 
de  danger  pour  aborder,  nous  les  avons  vus  recevoir 
dans  leur  bateau,  deux  hommes,  deux  femmes  et  six 
enfans,  sept  porcs  et  deux  vaches,  et  nous  avons 
reconnu  qu'en  effet  les  deux  maisons  avoient  beaucoup 
de  risque  et  que  sans  des  secours  aussi  prompts  les 
habitants  étoient  exposés  à  périr. 

»  A  cinq  heures  après  midi,  les  six  particuliers  se 
sont  présentés,  pour  recevoir  la  récompense  que  nous 
jugerions  à  propos  de  leur  donner ,  nous  leur  avons 
répondu,  que  nous  ne  pouvions  de  nous-mêmes,  sans 
en  avoir  référé  à  l'autorité  supérieure,  fixer  leur 
récompense,  que  nous  allions  en  écrire  à  l'assemblée 
du  département. 

»  Mais  provisoirement  nous  leur  avons  donné  une 
somme  de  vingt-quatre  livres,  nous  leur  avons  promis 
de  payer  la  dépense  qu'ils  avoient  faite  dans  la  journée, 
et  d'écrire  incessamment  à  MM.  les  administrateurs 
du  département,  pour  qu'ils  veuillent  bien  fixer  leur 
récompense. 

»  Quant  à  nous,  nous  estimons  que,  vu  les  peines 
considérables  que  ces  particuliers  ont  eu,  et  les  dan- 
gers qu'ils  ont  couru,  pour  aller  délivrer  tant  les 
habitants  de  l'isle  de  Cosne,  que  ceux  de  La  Celle,  il 
est  juste  de  leur  allouer  à  chacun  vingt-quatre  livres 
tous  frais  faits. 

»  Nous  prions  en  conséquence  MM.  les  administra- 
teurs de  prendre  cet  objet  en  considération,  et 
d'accorder  aux  particuliers  dont  il  s'agit  ladite  somme 


—  480  — 

pour  chacun,  elle  nous  paroit  bien  méritée,  et  d'ailleurs 
nécessaire  pour  encourager  en  pareille  circonstance  les 
citoyens  capables  d'être  utiles. 

»  Trou,  oflf.  m*i  ;  M.  Legrand,  ofiE.  m*^  ; 
BiRON,  oflf.  m*i;  Bourgoin,  maire; 
Frossard,  off.  m^i;  C.  F.  Chenou; 
F.  Aug.  Grangier,  président;  Gau- 
DEL  ,  Denoireterre  ,  proc.  syndic  ; 
Bechard,  s".  » 

L'expédition  de  cette  délibération  fut  adressée  le 
19  novembre  suivant  à  l'administration  départemen- 
tale avec  une  lettre  insistant  sur  la  nécessité  d'encou- 
rager par  une  récompense  immédiate  de  semblables 
dévouements  ;  mais  il  ne  paraît  pas  que  cette  démarche 
ait  eu  aucun  résultat,  puisque  le  23  décembre  1791, 
plus  d'un  an  après,  le  district  de  Cosne,  dans  une 
nouvelle  lettre,  réclame  le  règlement  de  cette  affaire. 

Dans  l'intervalle,  l'Assemblée  nationale  avait  voté 
le  19  novembre  1790,  une  loi  accordant  une  somme  de 
30,000  livres  à  chacun  des  départements  de  la  Nièvre, 
du  Loiret  et  de  l'Allier,  à  titre  de  secours  provisoire, 
et  sur  cette  somme,  la  part  du  district  de  Cosne  avait 
été  fixée  à  10,396  livres,  mais  la  répartition  n'en  était 
toujours  pas  effectuée. 

Aussi  le  20  janvier  1792,  les  mariniers,  las  d'at- 
tendre leur  récompense,  se  décidèrent-ils  à  aller  à 
Nevers  la  réclamer  eux-mêmes  ;  la  lettre  d'introduc- 
tion qu'on  leur  remit  à  cette  occasion  est  à  citer  en 
entier  comme  exemple  du  style  ampoulé  dont  on  se 
servait  à  cette  époque.  De  nos  jours,  de  pareilles 
expressions  sembleraient  un  peu  dépasser  la  mesure, 
mais  il  faut  tenir  compte  du  milieu  exagéré  qu'était 
la  Révolution. 


—  481  — 

Malheureusement,  les  hommes  d'alors  ne  s'en  tin- 
rent pas  à  l'exagération  de  leur  langage  et,  parmi  ceux 
dont  il  est  question  dans  la  délibération  précédente, 
il  en  est  un,  Etienne  Goy,  vice-président  du  district 
de  Cosne  et  commandant  de  la  garde  nationale,  qui 
paya  de  sa  tôte,  avec  quelques-uns  de  ses  compa- 
triotes (1),  une  complicité  imaginaire  dans  une  pré- 
tendue conspiration  fédéraliste. 

«  Lors  du  débordement  de  la  Loire,    Messieurs, 

du décembre  1790,    les   nommés mariniers, 

eurent  le  courage  de  braver  la  fureur  des  flots  pour 
voler  au  secours  des  malheureux  prêts  à  y  périr  ;  nous 
vous  avons  aussitôt  donné  connoissance  du  dévouement 
héroïque  de  ces  braves  et  généreux  citoyens,  pour 
leur  faire  accorder  la  récompense  due  à  leur  noble  et 
salutaire  entreprise  ;  mais  depuis  ce  tems,  ces  hommes 
intrépides,  qui,  s'ils  se  fussent  présentés  devant  leurs 
concitoyens  au  moment  où  ils  ont  ramené  parmi  eux 
les  infortunés  que  l'onde  menaçante  alloit  engloutir, 
auraient  trouvé  dans  les  cœurs  tout  pleins  alors  de  ce 
spectacle  touchant,  une  abondante  récompense,  n'ont 
encore  rien  obtenu  ;  et  cependant,  des  citoyens  recom- 
mandables,  il  est  vrai,  par  des  actions  non  moins 
vertueuses,  ont  déjà  su  mériter  auprès  de  vous,  et 
l'honneur  d'une  marque  distinctive,  et  l'assurance 
d'un  prix  à  leur  valeur  civique. 

»  Aujourd'hui,  ces  hommes  précieux  à  la  société, 
veulent  se  présenter  devant   vous.  Ils  veulent  vous 


(1)  Maignan-Champromain,  juge  de  paix  ;  Perriot,  officier  de  santé  ; 
Leclerc-Balivet,  ci-devant  notaire;  Pierre-François  Cacadier,  marchand  de 
tabac  ;  Gilbert  Chaumorot,  maître  de  poste  ;  Antoine  Pyrent,  curé  de 
Saint-Jacques  ;  Lafaye,  accusateur  public  du  district  ;  Jean  Rochet, 
toucheur  de  bœuls,  tous  condamnés  et  exécutés  le  22  prairial,  an  U  ; 
Jean-François  Rameau  et  Jean-Louis  Rameau,  son  frère,  exécutés  le 
18  floréal  précédent 


—  482  — 

faire  voir  les  nommes,  qui,  dans  le  danger,  savent  le 
braver  pour  secourir  leurs  frères,  persuadés  qu'une 
telle  présence  influera  favorablement  sur  ceux  qui, 
sentant  tout  le  prix  d'une  action  aussi  généreuse, 
savent  l'admirer  et  lui  donner  sa  récompense. 

»  Pleins  de  la  môme  confiance,  nous  cédons  à  leurs 
désirs  et  nous  nous  empressons  de  vous  les  présenter. 

»  Les  administrateurs » 


Ce  voyage  à  Nevers,  s'il  eut  lieu,  n'eut  pas  le  succès 
que  s'en  promettaient  les  intéressés,  car  nous  possé- 
dons encore  une  lettre  du  29  février  1792,  demandant 
&  l'administration  départementale  l'autorisation  de 
prélever  396  livres  sur  la  part  réservée  au  district 
dans  les  fonds  votés  par  l'Assemblée  nationale.  Ici  se 
termine  notre  dossier,  nous  ignorons  si  les  mariniers 
finirent  par  toucher  l'argent  qu'ils  avaient  si  bien 
gagné,  mais  il  est  fort  possible  que  les  préoccupations 
politiques  du  moment  aient  fait  oublier  l'inondation 
de  1790  et  les  incidents  qu'elle  avait  provoqués. 

Henri  SARRIAU. 


—  483  — 


LE   NIVERNAIS  A  LA   FIN    OU   XVII*  SIECLE 


L'INTENDANT  LE  YAYER 

SON    MÉMOIRE 

SUR  LA  GÉNÉRALITÉ  DE  MOULINS  EN  1698 

PAR 

RENÉ    DE    liESPINASSE 


Boulainvilliers  {Etat  de  la  France,  extraits  des 
Mémoires  des  Intendants  du  Royaume,  par  ordre  du 
roiLouis  XlVàla  sollicitation  du  duc  de  Bourgogne), 
a  donné  le  résumé  de  notre  mémoire,  t.  II,  pp.  217  & 
239  de  l'édition  in-f*»  en  trois  volumes,  imprimée  à 
Londres  en  1727. 

Il  ne  porte  pas  le  nom  de  l'auteur.  A  une  époque  si 
rapprochée,  Boulainvilliers  aurait  pu  s'en  enquérir, 
mais  la  légèreté  avec  laquelle  il  a  compilé  ses  immenses 
travaux  d'histoire  lui  permettait  de  ne  pas  s'arrêter 
à  un  pareil  détail.  Son  extrait,  d'ailleurs,  fourmille 
de  fautes  pour  les  noms  d'hommes  et  de  lieux,  à  tel 
point  que  la  lecture  en  est  vraiment  impossible  et  les 
noms  totalement  dénaturés. 

Il  profite  de  l'absence  du  nom  de  l'auteur  du  mémoire 
pourcritiquersonœuvre.d  J'y  remarque,  dit-il  (p.  217), 
une  ignorance  souvent  très  grossière,  une  affectation 
de  nuire  aux  particuliers  sous  prétexte  de  dire  la 


—  484  — 

vérité,  et  partout  une  brouillerie  des  choses  et  une 
redite  importune  qui  répugnent  à  toutes  mes  maximes, 
de  sorte  que  je  crains  qu'on  ne  s'aperçoive  du  dégoût 
que  me  cause  cet  ouvrage,  dans  lequel  cependant  on 
trouve  du  détail,  de  l'esprit  et  des  vues  pour  le  bien 
public,  soutenus  d'une  espèce  d'éloquence.  » 

Il  y  a  du  vrai  dans  ces  critiques,  mais  pour  nous 
qui  prenons  le  mémoire  comme  un  document  histo- 
rique et  d'appréciation  pour  la  fin  du  xvii®  siècle, 
nous  y  trouvons  des  éléments  intéressants  de  statis- 
tique et  des  jugements  curieux  sur  les  fonctionnaires 
de  l'époque.  Justement  Boulainvilliers  a  sauté,  dans  sa 
publication,  tous  ces  précieux  détails  et  nous  croyons 
utile,  aujourd'hui,  de  transmettre  dans  son  entier  le 
texte  du  mémoire  de  l'intendant  de  Moulins,  qui 
devait  être,  d'après  la  date,  soit  M.  Le  Vayer  lui-même, 
soit  un  de  ses  agents  écrivant  sous  sa  responsabilité. 

Nous  avons  laissé  de  côté  tout  ce  qui  a  trait  aux 
autres  provinces  de  la  généralité  :  Bourbonnois,  Au- 
vergne, Marche,  Combrailles,  pour  nous  borner  au 
Nivernois. 

Les  intendants  des  généralités  s'occupaient  de  plu- 
sieurs points  d'administration,  mais  surtout  de  la 
partie  financière.  Ordinairement  maîtres  des  Requêtes 
ou  conseillers  au  Parlement,  leurs  fonctions  n'offrant 
aucune  stabilité,  ils  se  transportent  de  ville  en  ville  et 
n'ont  pas  de  résidence  fixe.  Ils  changent  aussi  très 
fréquemment  de  région  à  inspecter  ;  la  généralité  de 
Moulins  eut,  dans  les  vingt  dernières  années  du 
xvn®  siècle,  six  intendants  successifs  : 

Berchère  (Urbain  Le  Joux  de  La),  de  mars  1683 
à  janvier  1684  ; 

Bercy  (Anne-Louis-Jules  de  Malon  de),  jusqu'en 
octobre  1684  ; 


J 


—  485  - 

Creil  (Jean  de),  d'octobre  1684  à  mai  1686  ; 

Argouges  (Florent  d'),  de  juillet  1686  à  juillet  1688)  ; 

Chateaurenard  (Antoine  Daquin  de),  de  septembre 
1688  à  février  1694  ; 

Vayer  (Jacques  Le),  février  1694  à  décembre  1699. 

Les  intendants  de  provinces  entretenaient  le  contrô- 
leur général  des  Finances,  aujourd'hui  le  ministre, 
de  toutes  les  questions  relatives  au  recouvrement  des 
impôts. 

Ces  correspondances  ont  été  l'objet  d'une  impor- 
tante publication  administrative  par  M.  de  Boislisle, 
membre  de  l'Institut.  Les  lettres  des  intendants  témoi- 
gnent constamment  des  difficultés  qu'ils  rencontraient 
dans  l'exercice  de  leurs  fonctions  ;  on  s'adressait  à  des 
populations  malheureuses,  éloignées  des  centres  et  du 
mouvement  des  affaires  ;  l'administration  des  Finances 
était  une  innovation,  les  éléments  de  taxe  manquaient 
presque  toujours  ;  il  n'y  avait  ni  autorité  suffisante  ni 
moyens  de  contrainte,  et  souvent  une  connivence 
fâcheuse  entre  les  taillables  et  les  agents  du  fisc. 

Les  intendants  avaient  pour  mission  de  mettre 
ordre  à  cette  situation  difficile.  Leurs  observations  et 
leurs  demandes,  consignées  dans  leur  correspondance, 
deviennent  de  véritables  points  d'histoire.  L'intendant 
de  Creil,  le  10  novembre  1684,  réclame  des  officiers 
en  plus  pour  assurer  le  service. 

En  décembre  1684,  il  annonce  qu'il  poursuit  les 
fraudes  de  tout  genre  pour  éluder  l'inscription  des 
tailles  et  réclamer  l'exemption  à  titre  de  noblesse  ou 
autrement.  Aux  prétendus  exempts  il  répond  :  «  Vous 
payiez  la  taille  ou  la  subsistance  en  telle  année,  donc 
vous  étiez  roturier  et  par  conséquent  taillable  en  ce 
temps-là  et  si  vous  n'avez  point  obtenu  de  lettres  de 
noblesse  du  Roy  vous  Testes  encore  aujourd'huy. 
La  recherche  qui  fut  faite  il  y  a  18  ou  19  ans  fit  plus 

T.  viii,  3«  série.  32 


-  486  — 

de  nobles  qu'il  n'y  en  avoit  ;  le  traitant  pour  de  l'ar- 
gent consentoit  à  tout  ;  aussi  a-t-il  fait  amende  hono- 
rable dans  la  généralité  de  Berry  et  dans  celle-cy, 
plus  heureux  en  cela  que  le  traitant  du  Poitou  que 
M.  Rouillé,  lors  intendant,  fit  pendre  pour  un  cas 
pareil  à  Poitiers...  L'abus  môme  a  esté  au  point  que 
j'ai  arresté  la  prétention  d'un,  qui  sous  le  prétexte 
qu'un  homme  portant  son  nom  avoit  esté  anobli  pour 
services  rendus,  pretendoit  cette  année,  s'enter  sur  la 
branche  de  l'autre,  de  la  famille  et  descente  duquel  il 
n'est  en  aucune  manière. 

»  Pour  Nevers  on  ne  s'y  pique  pas  de  noblesse 
comme  icy  (Moulins),  et  l'on  se  contente  de  l'exemp- 
tion ;  mais  tant  de  gens  y  prétendent  et  y  sont  si  mal 
fondés  que  j'ay  besoin  de  vostre  autorité  pour  les 
réduire  à  la  raison  et  leur  faire  porter  leur  part  des 
charges  publiques,  tailles  et  passages  de  troupes  qui 
sont  très  fréquents.  (1)  » 

Peu  de  correspondances  d'intendants  ont  rapport 
au  Nivernais  dans  le  premier  volume  publié  par 
M.  de  Boislisle,  aussi  je  crois  pouvoir  les  mentionner 
en  tôte  de  cet  article  comme  préliminaires  au 
Mémoire  de  1898. 

L'intendant  Florent  d'Argouges  cite  un  exécuteur 
qu'on  fait  venir  de  Clermont  à  Nevers,  que  personne 
ne  veut  loger  dans  sa  maison  et  qu'on  est  obligé 
d'installer  dans  un  bâtiment  de  l'Etat  (2). 

Dans  une  autre  lettre,  l'intendant  d'Argouges  s'étend 
sur  l'utilité  que  rendraient  des  juges  consulaires, 
anciens  commerçants  rompus  à  ce  genre  d'affaires, 
les  magistrats  judiciaires  embrouillant  plutôt  les 
situations  par  des  difficultés  nouvelles  et  imprévues. 

(1)  DE  Boislisle,  Correspondance  des  Contrôleurs  généraux,  n*  136. 
(3)  Ibid.,  n«  269. 


<(  Il  y  a  à  Nevers,  dit-il,  3  ou  4  maisons  dont  le  com- 
merce va,  par  année  commune,  de  3  à  3  cent  mille  livres 
et  nombre  d'autres  à  80,  100  et  120  mille  livres,  cela 
sans  doute  augmenteroit  s'ils  n'étoient  point  détournés 
par  les  procès  qu'ils  sont  obligés  d'essuyer  en  plusieurs 
juridictions  (1)  ». 

Ailleurs,  c'est  une  question  d'instruction  publique 
traitée  par  M.  de  Châteaurenard,  La  communauté  de 
Saint-Saulge  s'était  entendue  avec  les  pères  de  l'Ora- 
toire pour  leur  céder  une  rente  de  585  livres  à  la 
condition  de  se  charger  d'une  classe.  L'intendant 
casse  le  contrat  considérant  que  le  maître  d'école  de 
Saint-Saulge  peut  suffire  pour  instruire  les  enfants  et 
qu'à  la  rigueur  on  pourrait  en  installer  un  second  sans 
avoir  besoin  d'autoriser  de  nouveaux  établissements  (2). 

Le  7  septembre  1695,  M.  Le  Vayer  fait  remarquer 
que  le  sous-traitant  des  étapes  de  l'élection  de  Nevers 
a  été  taxé  par  l'échevinage  de  Saint-Pierre-le-Moûtier 
pour  avoir  fait  un  grand  profit  sur  le  commerce  des 
blés  ou  des  autres  denrées  durant  la  disette,  bien  que 
sa  qualité  d'étapier  ne  lui  permit  pas  d'en  user  ainsi 
et  cette  taxe  est  conforme  aux  ordres  donnés  à  l'égard 
des  marchands  de  blés  (3). 

Les  cas  de  disette,  assez  fréquents,  exigeaient  des 
mesures  d'ordre  que  devaient  prendre  les  intendants. 
Le  même  M.  Le  Vayer  expose  que,  dans  Tannée  1698, 
il  est  allé  dans  plusieurs  granges  et  a  fait  battre  du 
blé  sous  ses  yeux  pour  juger  du  rendement  que  l'on 
considérait  comme  devant  être  suffisant  pour  l'alimen- 
tation de  la  province.  A  Nevers,  le  prix  avait  doublé, 
passant  de  9  à  20  sols  le  boisseau.  En  Morvand,  on 


(4)  DE  BoiSLiSLE,  Correspondance  des  Contrôleurs  généraux^  n*  599, 

(2)  Jbid.,  n*  676. 

(3)  Ibid,,  n- 123,  295,  1;462. 


—  488  - 

n'avait  recueilli  qu'uu  peu  d'avoine,  qui  soutenait  les 
habitants  mais  qui  devait  être  bientôt  consommée  par 
les  étapes  et  le  service  du  quartier  d'hiver.  Les  mar- 
chands enlevaient  tout  pour  Lyon  et  Orléans,  faisant 
craindre  l'effet  de  spéculations  commerciales  (1). 

Une  autre  lettre  de  l'intendant  Le  Vayer,  bien  que 
d'ordre  privé,  mérite  de  prendre  place  dans  ces  cita- 
tions. 

«...  J'ay  encore  eu  le  malheur,  écrit-il  le 
4  juillet  1699,  de  me  faire  un  ennemi  fort  à  craindre 
de  M.  le  comte  de  Busseaux,  beau-fr^re  de  M.  de 
Pracomtal,  dont  vous  savez  les  alliances  et  les  puis- 
santes relations.  M.  de  Busseaux  maltraita,  à  ce  qu'on 
prétend,  des  officiers  de  la  maréchaussée  de  Nevers, 
qu'il  fît  néanmoins  encore,  après  cela,  emprisonner. 
Sur  leurs  plaintes  envoyées  au  Roy,  j'ai  eu  à  donner 
mon  avis,  et  il  n'étoit  pas  aussi  favorable  que  M.  de 
Busseaux  l'eût  souhaité,  et  je  ne  doute  pas  qu'il  n  ayt 
eu  besoin  de  toute  la  puissante  protection  qu'il  est 
assez  heureux  d'avoir  pour  estre  sorti  de  cette  affaire 
à  si  bon  marché. 

0  II  s'est  joint  aux  autorités  de  la  province  et  à 
force  de  plaintes  et  de  mémoires  adressés  au  Roy,  il 
est  parvenu,  par  rapport  à  moi,  à  perdre  le  malheu- 
reux entrepreneur  de  fourrages,  M.  de  La  Monnoye... 
J  ai  reçu  ordre  de  le  déposséder  de  son  entreprise  et 
d'en  choisir  un  antre,  rie  que  j'ai  fait  par  obéissance. 
Cependant,  après  avoir  examiné  et  reconnu  son  inno- 
cence, ayant  perdu  8,000  livr.,  son  honneur  et  son 
crédit,  le  zèle  de  la  vérité  l'a  emporté  sur  ma  cons- 
tance et  j'ai  cru  que  ce  n'étoit  point  ici  l'occasion  de 
négliger  sa  défense.  Il  m'a  paru  même  très  important, 
pour  le  service  du  Roi,  de  vous  observer  que  toutes 

(1)  DE  BoisusLE,  Contrôleur$  généraux  des  Finances^  n*  1,771 


—  4«9  - 

ces  persécutions  qu'on  veut  faire  à  des  entrepreneurs 
de  fourrages  coustent  infiniment  au  Roi,  car  qui  voudra 
à  l'avenir  se  charger  d'aucune  entreprise,  s'ils  se 
trouvent  exposés  à  des  dénonciations  et  aux  poursuites 
de  personnes  puissantes  et  accréditées?  Tout  au  moins 
ils  demanderont  le  double  du  prix  ordinaire  pour 
estre  en  état  de  se  redîmer,  et  dès  à  présent  je  puis 
vous  assurer  qu'on  demande  15  sois  de  la  ration  de 
fourrage,  qu'on  avoit  adjugée  9  s.  2  d.  à  ce  malheureux 
entrepreneur. 

»  Cette  affaire  est  donc  sérieuse  de  toute  manière .; 
j'espère  que,  malgré  mes  supplications,  vous  m'accor- 
derez votre  bienveillante  protection,  dont  je  ne  ferai 
jamais  d'autre  usage  que  celui  de  soutenir  avec  vigueur 
et  fermeté  le  parti  de  la  vérité  et  les  intérêts  du  Roi, 
et  de  tacher  par  ce  moyen  de  m'en  rendre  digne  (1).  y> 

Parmi  les  divers  états  faits  sur  la  généralité  de 
Moulins  au  xvu°  siècle,  le  procès-verbal  de  l'intendant 
d'Argouges,  dressé  en  1686,  et  le  mémoire  de  l'inten- 
dant Le  Vayer,  fait  en  1698  pour  l'éducation  du  duc 
de  Bourgogne,  sont  les  travaux  les  plus  importants 
sur  ce  sujet  et  se  complètent  l'un  par  l'autre  pour  la 
nature  des  renseignements. 

Le  premier,  publié  par  M.  Vayssière,  archiviste 
de  l'Allier  (Bibl.  bourbonnaise,  Durond,  1892,  in-8*> 
de  xn-291  p.)  contient  pour  notre  région  une  liste 
entière  des  paroisses  composant  les  élections  de  Nevers 
et  de  Château-Chinon. 

Il  est  disposé  par  colonnes  ou  tables  indicatives 
con^îignant  les  fiefs,  seigneuries,  prieurés,  forges, 
commerces  et  chiffre  des  tailles  dans  chaque  paroisse, 
comme  les  deux  que  voici  : 

«  Champvoux  :  seign.  M.  le  Duc  de  Nevers  ;  terroir 

(1)  OE  BoiSLiSLB,  Contrôleun  généraux  des  Finances,  n*  1,884. 


à  seigle  très  ingrat  ;  il  y  a  quelques  vignes.  Gouvern. 
et  ev.  de  Nevers.  Il  y  a  un  prieuré  de  peu  de 
conséquence.  24  feux.  Tailles  des  années  1683-87, 
2241ivr.,  224,  200,  185, 185. 

»  Coulanges  :  Seign.  M.  le  Duc.  Terroir  à  seigle  et 
pacages.  Gouvern.  et  ev.  de  Nevers.  56  feux.  Il  y  a 
une  grosse  forge  qui  appartient  au  s^  Pinet  de  Nevers. 
La  rivière  de  Nièvre  y  passe.  Le  s'  de  Chevanne  est 
exempt  à  cause  de  sa  qualité  de  gentilhomme  de 
M.  le  Duc  de  Nevers.  Taille  des  années  1683-87  : 
1,074  livr.  1,074,  990,  956,  950.  » 

Et  ainsi  de  suite  pour  toutes  les  paroisses,  avec 
quelques  observations  seulement  en  tête,  le  travail 
consistant  dans  cette  nomenclature  de  noms  et  de 
chiffres. 

L'intendant  d'Argouges  fait  précéder  ces  chiffres 
d'une  sorte  de  préface  où  il  étudie  quelques  points 
généraux  de  la  province,  mais  sans  renseignements 
intéressants.  Ses  éléments  de  statistique  pour  la 
collecte  des  tailles  sont  néanmoins  très  précieux  et  se 
trouvent  absolument  différents  du  mémoire  de  1698 
de  l'intendant  Le  Vayer,  qui  contient  des  apprécia- 
tions sur  les  localités  et  des  observations  sur  les  per- 
sonnes qu'on  ne  trouve  pas  ailleurs. 

Les  extraits  de  ce  mémoire  publiés  par  M.  de  Bou- 
lainvilliers  étant  absolument  incomplets,  il  m  a  semblé 
utile  pour  l'histoire  du  xvii®  siècle  de  transcrire  en  son 
entier  cet  important  document.  La  série  de  ces  mé- 
moires, ordonnée  pour  toutes  les  provinces  de  France, 
existe  en  plusieurs  copies  dans  divers  dépôts  de 
Paris  et  en  province,  la  plus  authentique  étant  celle 
de  la  Bibliothèque  nationale,  sur  laquelle  M.  de  Bois- 
lisle  a  publié  la  généralité  de  Paris  (1).  Le  [manuscrit 

(1)  Mémoires  des  Intendants  sur  Vétat  des  généralités.  Introduction  et 
généralité  de  Paris,  Documents  inédits,  i899,  A . 


—  4i>l  — 

contenant  les  généralités  de  Moulins,  Bourges  et 
Orléans  est  coté  Fonds  français  n®  22,202.  Le  texte 
a  trait  à  l'ensemble  des  provinces  formant  la  géné- 
ralité ;  il  en  a  été  extrait  ce  qui  a  rapport  au  Nivernais, 
soit  in  extenso,  soit  en  résumé,  quand  les  observations 
n'offraient  point  d'intérêt. 

MÉMOIRE  SUR  LA  GÉNÉRALITÉ  DE  MOULINS 

PAR  l'intendant  LE  VAYER,    EN   1698 

Texte  pour  le  Nivernais. 

Elle  a  été  établie  en  1587,  sous  le  règne  d'Henry  III. 
Elle  est  composée  de  trois  provinces  :  1®  Bourbonnois, 
2"  Nivernois,  3^  Haute-Marche,  sauf  quelques  parties 
qui  en  sont  distraites. 

A  l'égard  du  Nivernois,  quoy  que  la  plus  grande 
partie  de  la  généralité  de  Moulins,  et  entre  autres 
Nevers,  en  dépendent,  cependant  il  y  a  plusieurs 
petites  villes  et  paroisses  qui  font  aujourd'hui  partie 
des  généralités  d'Orléans  et  de  Berry. 

Il  y  avait  aussi  une  partie  de  l'Auvergne  et  le  pays 
de  Combrailles. 

Il  y  a  trois  rivières  considérables  :  la  Loire,  l'Allier, 
l'Yonne...  toutes  les  trois  navigables;  souvent  môme 
l'Allier  et  l'Yonne  cessent  de  l'estre,  en  sorte  qu'il 
faut  attendre  les  crues  d'eau  que  produit  la  fonte  des 
neiges  du  pays,  ce  qui  retarde  et  incommode  le 
commerce. 

Outre  ces  principales  rivières,  il  y  a  dans  le  Niver- 
nois celle  de  Nièvre,  qu'on  dit  avoir  donné  son  nom 
à  Nevers.  Cette  rivière  fait  la  principale  partie  de 
cette  province  par  la  quantité  de  belles  et  bonnes 
prairies  qu'elle  arrose,  plusieurs  moulins  et  plus  de 


—  492  — 

50  forges  de  fer  et  acier  qu'elle  fait  marcher  avant 
que  de  se  joindre  à  la  Loire  sous  les  ponts  de  Nevers. 
La  petite  rivière  d'Aron,  après  avoir  fait  marcher 
plusieurs  moulins,  arrose  quantité  de  prairies  du  coté 
de  Chatillon,  Isenay,  Cercy-la-Tour,  et  se  vient 
perdre  dans  la  Loire  auprès  de  Desise. 

Le  Nivernois  originairement  etoit  un  comté  fort 
ancien  qui  s'étendoit  sur  la  ville  épiscopale  de  Nevers 
et  sur  tout  son  diocèse.  On  y  adjouta  plusieurs  terres 
situées  aux  diocèses  d'Authun,  d'Auxerre  et  de 
Bourges  jusqu'en  1638,  qu'elle  fut  érigée  en  duché- 
pairie.  Ce  duché,  après  avoir  été  possédé  par  les 
maisons  illustres  de  Nevers,  Clèves,  Gonzague,  pen- 
dant plus  de  400  ans,  tomba  dans  celle  de  Mancini, 
par  l'acquisition  de  M.  le  cardinal  Mazarin,  premier 
ministre  d'Etat,  qui  le  transmit  à  M.  de  Mancini,  à 
présent  duc  de  Nevers. 

Les  habitants  de  cette  province  faisoient  aussy 
partie  du  territoire  des  anciens  authunois.  C'est  un 
pays  remply  de  bois  et  d'une  terre  fort  fertile  qui 
produit  beaucoup  de  seigle  et  froment,  des  foints  et 
des  chanvres,  si  ce  n'est  du  coté  du  Morvan,  qui  est 
un  pays  de  montagnes  fort  stérile  et  où  il  ne  vient  pas 
assez  de  blé  pour  la  nourriture  des  habitants. 

Cette  province  est  d'un  très  grand  commerce  par  la 
quantité  de  mines  de  fer  et  de  charbon  de  pierre 
et  de  bois  qui  se  flottent  jusqu'à  Paris,  et  des  bestiaux 
qu'elle  produit,  mesme  des  cochons  dans  les  armées 
où  il  y  a  du  gland.  Elle  produit  aussi  beaucoup  de 
poisson,  qui  va  à  Paris  par  le  canal  de  Briare. 
Elle  a  aussi  des  vignobles  qui  produisent,  principale- 
ment autour  de  la  ville  de  Nevers,  des  vins  qui,  quel- 
quefois, disputent  débouté  avec  ceux  de  Bourgogne. 


^  493  — 

Le  Nivernois,  quoy  que  très  agréable  vers  Nevers 
et  Desise,  est  plus  sauvage  et  plus  froid  que  le  Bour- 
bonnois,  surtout  vers  le  Morvan,  qui  est  presque 
inaccessible.  Les  principales  mines  de  fer  et  forges 
sont  le  long  de  la  rivière  de  Nièvre,  et  le  charbon  du 
costé  de  Desise,  dont  les  machines  qui  y  servent 
dépensent  beaucoup,  mais  aussi  sont  très  utiles  et 
curieuses  à  veoir. 

(Bourbon,  Vichy,  Néris.) 

Le  Nivernois  vante  aussy  ses  eaux  de  Fougues,  qui 
est  un  village  sur  le  grand  chemin  de  Paris  à  Lyon, 
à  2  lieues  de  Nevers  du  coté  de  Paris.  On  prétend 
qu'elles  sont  specifiqiies  pour  Thydropisie,  pour  net- 
toyer les  reins  et  desopiler.  Ces  eaux  sont  de  mesme 
goût  et  qualité  que  celles  de  Spa,  près  de  Liège  ;  elles 
ont  été  en  si  grande  réputation  que  le  roy  Henry  III, 
en  1586,  y  alla  et  en  usa,  et  Ton  voit  encore  des  basti- 
mens  qui  font  voir  que  ces  sources  ont  été  fort  recher- 
chées. 

Le  Nivernois  a  son  commerce  particulier  de 
fayencerie  (1)  qui  se  fait  dans  la  ville  de  Nevers 
et  qui  est  très  considérable.  Il  y  a  aussi  une  bonne 
verrerie,  mais  le  commerce  des  fers  et  des  charbons  de 
pierre  est  beaucoup  plus  considérable,  aussi  bien  que 
celui  des  bois  flottez  du  coté  du  Morvan,  dans  le  pays 
détaché  d'Auvergne.  Il  s'y  fait  aussi  un  très  grand 
commerce  de  fromages,  de  chanvres  et  de  vins,  et  celui 
des  bœufs,  vaches,  veaux,  moutons  et  cochons  y  est 
très  grand  dans  toute  la  généralité.  Les  bestiaux, 
surtout  ceux  de  trait,  s'acheptent  pour  la  pluspart  en 
Auvergne,  se  revendent  dans  les  marchés  du  Bour- 
bonnois,  Nivernois  et  la  Marche  pour  estre  transferez 

(1)  Déjà  signalée  dans  le  mémoire  de  M.  d'Argouges. 


—  494  — 

en  Flandres,  Allemagne  et  Italie  dans  les  temps  de 
guerre  ;  les  blés  et  avoines  de  Bourbonnois  et  Niver- 
nois  vont  par  la  Loire  et  le  canal  de  Briare  à  Paris  et 
à  Orléans. 


VILLES  DU  NIVERNOIS 


Dans  le  Nivernois,  Ton  compte  sept  villes  :  Nevers, 
Saint-Pierre-le-Moutier,  Desise,  Moulins-Engilbert, 
Saint-Saulge,  Luzy  et  Premery  (1). 

Nevers  est  la  capitale  de  la  province,  située  en 
forme  d'amphithé&tre  sur  les  bords  de  la  Loire,  qui 
passe  sous  ses  ponts  d'une  très  grande  longueur ,  et  au 
bout  desquels  il  y  a  une  levée  fort  large  et  fort 
longue,  qui  rend  l'abord  de  cette  ville  du  côté  de 
Moulins  très  magnifique.  Les  rues  en  sont  fort 
étroites  et  le  terrain  fort  ynégal.  Il  y  a  une  fort  belle 
église  cathédrale  dédiée  à  saint  Cyr,  quoy  qu'autrefois 
elle  fut  à  saint  Gervais,  saint  Protais.  Siège  épis- 
copal,  un  gros  chapitre  et  2  abbayes,  scavoir  :  l'ab- 
baye de  Saint -Martin  de  chanoines  réguliers  de 
Saint-Augustin,  et  l'abbaye  de  Notre-Dame  de  reli- 
gieuses, ordre  de  Saint-Benoit  ;  le  prieuré  conventuel 
de  Saint-Etienne,  ordre  de  Cluny,  et  le  prieuré 
conventuel  de  Saint-Sauveur,  du  même  ordre,  uny  au 
grand  prieuré  de  Cluny.  Le  couvent  des  Recollets,  au 
lieu  des  Cordeliers  qui  estoient  autrefois. 

Ceux  des  Capucins,  Carmes,  Minimes,  Jacobins,  et 
ceux  des  Ursulines  de  la  ville  et  des  faubourgs, 
Carmélites,  filles  de  Sainte-Marie  de  la  Visitation,  un 
collège  de  Jésuites,  une  maison  des  prostrés  de  l'Ora- 
toire qui  ont  la  direction  du  séminaire. 

(1)  Bibl.  nat.,  ms.  fr.  22,202  fol.  40  v. 


—  495  — 

Un  hôpital  gênerai,  un  hôtel-Dieu,  onze  paroisses 
ou  cures. 

Bailliage  et  pairie,  élection,  eaux  et  forests, 
chambre  du  domaine  des  ducs  de  Nevers,  grenier  à 
sel,  maréchaussée,  corps  de  ville  composé  d'un  maire, 
des  echevins,  assesseurs,  conseillers  de  ville,  procureur 
du  Roy,  conseiller  et  receveur  des  deniers  patrimo- 
niaux et  receveur  des  octroys. 

Il  y  a  dans  cette  ville  8,()00  âmes  et  1,800  feux. 

Les  oflSciers  et  personnes  qualifiées  n'ont  pas  les 
manières  si  ouvertes  et  si  aisées  qu'à  Moulins.  Ils 
vivent  plus  serrez  et  il  y  a  moins  de  faste  ;  les  habi- 
tans  y  sont  bien  plus  habils  et  plus  riches,  la  plus 
part  s'adonnent  au  commerce  du  fer  et  celui  de  la 
ifayancerie  seul  occupe  5  ou  600  personnes.  L'esprit 
du  peuple  est  plus  dur  et  moins  endurant  que  celui 
de  Moulins,  l'aise  et  la  commodité  peut  y  contribuer, 
ou  bien  parce  qu'il  n'y  a  point  en  cette  ville  de  séjour 
ordinaire  de  l'intendant  de  la  province  et  que  d'ail- 
leurs M.  le  Duc  de  Nevers  en  est  le  seigneur  proprié- 
taire, les  peuples  s'imaginent  estre  plus  libres  et  plus 
indépendants  de  l'autorité  royalle  que  partout  ail- 
leurs . 

Les  environs  de  cette  ville  sont  fort  beaux  et  très 
fertils.  Il  y  a  une  promenade  publique  qu'on  appelle  le 
Parc  qui  est  assez  belle,  mais  ce  qui  est  de  plus  beau 
est  l'ancien  chasteau  et  la  place  Ducalle  qui  est  devant 
la  cour  du  château,  dont  les  maisons  bâties  avec 
simétrie  font  un  aspect  très  agréable. 

Saint-Pierre-le-Moûtier  est  une  petite  ville  à  sept 
lieues  de  Nevers,  sur  le  grand  chemin  de  Paris  à  Lyon, 
assez  bien  bâtie  au  pied  néanmoins  de  la  chaussée  d'un 
étang  qui  la  rend  malsaine,  et  quoy  qu'elle  soit 
enclavée  dans  leNivernois,  elle  n'en  fait  pas  néanmoins 
partie  ;  c'est  une  ville  royale. 


—  406  — 

On  prétend  qu'elle  etoit  autrefois  du  Niver- 
nois,  mais  qu'en  1265  comme  le  prieur  de  Saint- 
Pierre-le-Moûtier  se  voyait  opprimé  de  touz  cotez  par 
la  puissance  des  ducs  de  Nevers  et  autres  seigneurs, 
il  ne  put  trouver  d  autres  meilleurs  moyens  pour  s'en 
garantir  que  de  partager,  du  consentement  de  l'abbé 
d'Authun  dont  ce  prieuré  dépend,  la  justice  et  la 
prevostéqui  lui  appartiennent  sur  les  habitans  de  cette 
ville  et  sur  quelques  paroisses  voisines,  ce  qui  fut 
exécuté  ;  et  pour  l'association  le  Roy  eut  en  partage 
la  justice  sur  toute  la  ville,  à  la  reserve  et  enclos  du 
prieuré  qui  demeurèrent  toujours  sous  la  justice  et 
prevosté  du  prieur,  moyennant  quoy  le  Roy  lui  promit 
toute  assistance  et  sauvegarde,  et  à  cet  effet  les  lettres- 
patentes  en  furent  expédiées. 

Plus  tard,  quand  saint  Louis  rendit  sédentaires  les 
baillis  et  sénéchaux  envoyés  dans  les  provinces  pour 
ouïr  les  plaintes  des  sujets,  il  en  établit  4,  savoir  :  2  à 
Mascon  et  à  Laon  et  le  quatrième  à  Saint-Pierre-Ie- 
Moutier,  quant  au  mot  de  bailliage,  il  n'a,  d'après 
Guy-Coquille,  aucune  importance  que  la  différence  de 
juridiction  des  cas  royaux  d'avec  ceux  de  la  justice 
ordinaire . 

Depuis  cet  ancien  bailliage,  Henri  II  y  a  establi  en 
1551  un  présidial  (1).  Il  y  a  2  officiers  du  grenier  à  sel, 
un  esleu  et  un  procureur  du  Roy  de  ville,  un  prieuré 
de  Bénédictins,  Âugustins,  Ursulines  ;  1500  habitans 
et  430  feux. 

Desîse,  petite  ville  au  plus  bel  endroit  de  la  généra- 
lité, dans  une  isle  entourée  de  la  Loire. 

Il  y  a  un  ancien  et  beau  château  à  M.  le  Duc  de 
Nevers  ;  le  prieuré  de  Saint-Pierre,  un  couvent  des 
Minimes,  et  un  de  religieuses  de  Sainte-Claire. 

(1)  Ces  considérations  historiques,  souvent  erronées,  ont  été  résumées 
sur  le  texte  de  Tintendant  Le  Vayer. 


—  497  — 

Justice  ordinaire  de  M.  de  Nevers,  un  esleu  et  des 
échevins.  C'est  un  grand  passage  pour  le  Morvan  et 
la  Bourgogne.  Il  y  a  un  pont  d'une  grande  longueur 
qui  étoit  de  pierre  dont  partie  est  tombée,  et  les 
ruines  des  piles  servent  à  soutenir  un  pont  de  bois 
entretenu  parla  ville,  dont  les  deniers  d'octroy  montent 
à  7,000  livres  par  an.  500  habitants  et  150  feux. 

Moulins-Engilbert,  du  côté  du  Morvant  et  à  2  lieues 
de  Chastel-Chinon,  a  une  église  paroissialle  où  il  y  a 
collège  de  chanoines.  Un  couvent  de  religieux  Picpus, 
un  d'Urselines. 

Un  juge  ordinaire  de  M.  de  Nevers,  un  grenier  à  sel, 
un  maire,  un  procureur  du  Roy,  et  conseillers  au  lieu 
d'échevins.  Cette  ville  est  peuplée  et  dans  un  bon 
fonds,  les  habitants  laborieux  ;  600  âmes  et  290  feux. 

Saint-Saulge.  Il  y  a  château  ducal,  grenier  à  sel, 
officiers,  un  esleu  et  un  procureur  du  Roy. 

Les  habitants  en  ont  toujours  été  fort  simples,  et 
leurs  voisins  en  font  une  infinité  de  contes  pour  rire. 
600  âmes  et  260  feux. 

Prémery  est  une  ville  dont  M.  l'evesque  de  Nevers 
0st  seigneur.  Il  y  a  un  beau  château.  Dans  la  paroisse 
Saint-Marceau  il  y  a  un  collège  de  chanoines. 
567  âmes  et  160  feux. 

Luzy,  petite  ville  sur  les  confins  de  la  Bourgogne. 
Juge  ordinaire  de  M.  de  Nevers.  Un  maire,  un  procu- 
reur du  Roy  et  des  consuls.  300  âmes  et  80  feux. 

Chastel-Chinon  est  la  capitale  du  Morvan,  située 
sur  la  pointe  d'une  haute  montagne.  MM.  les  princes 
de  Soissons  et  de  Carignan  en  sont  seigneurs.  Ils  y  ont 
leur  bailli,  procureur  et  avocat  fiscal.  Election.  Un 
petit  grenier  à  sel.  Une  maréchaussée.  Un  procureur 
du  fait  commun  en  titre. 

Montagnes  couronnées  de  forêts,  Tune  d'elles  plus 
haute  où  Jules  César  établit  un  chenil  pour  ses  chiens  (?) 


—  498  ^ 

Il  y  a  effectivement  de  ce  côté-là  beaucoup  de 
vestiges  de  la  puissance  romaine  et  de  grands  chemins 
pavez  qu'on  attribue  à  Jules  César. 

Les  habitans  sont  polis  et  industrieux,  ils  com- 
mercent beaucoup  n'ayant  pas  d'autre  ressource. 
La  pauvreté  et  la  cherté  des  laines  en  a  presque 
aneanty  la  manufacture.  Il  y  avoit  cinq  ou  six  maisons 
d'huguenots  dont  partie  s'est  dissipée  ou  convertie  ; 
il  faut  veiller  au  reste.  1,500  personnes  et  130  feux. 

On  ne  parle  point  ici  des  petites  villes  de  Gorbigny, 
Donzy,  Druy,  Entrain,  Saint-Sauveur,  Tannay,  Dor- 
necy,  Champlemy,  Amazy,  Aisnay  (Asnois),  Courvol, 
Billy,  Etaiz,  qui  sont  de  la  province  de  Nivernois, 
mais  qui  font  partie  aujourd'huy  des  généralités 
d'Orléans  et  Berry. 

Total  des  âmes  desdites  villes.  15,657 
Total  des  feux 1,316 

ETAT  ECCLESIASTIQUE 

11  n'y  a  dans  la  généralité  de  Moulins  que  le  seul 
evèché  de  Nevers  suffragant  de  l'archevêché  de  Sens. 
Son  établissement  est  très  ancien.  Saint  Austremoine, 
disciple  des  apostres,  après  avoir  converty  le  peuple  de 
Nevers  à  la  foi,  fut  élu  le  premier  évoque,  et  Ton 
compte  104  evèques  depuis  saint  Austremoine  jusqu'à 
M.  Vallot  (1)  qui  occupe  aujourd'hui  le  siège  episcopal. 

Ce  prélat  n'a  pas  les  manières  grandes  ;  il  est  assez 
attentif  à  ses  devoirs,  il  fait  exactement  ses  visites,  et 
a  grand  soin  de  son  séminaire.  Il  a  fait  refaire  ime 
partie  du  palais  episcopal  et  de  sa  principale  maison 
de  campagne.  Il  est  aussy  fort  zélé  au  service  du  Roy. 

(i  )  Evêque  de  Nevers  en  1667,  mort  à  Paris  le  3  septembre  17(6,  à 
l'âge  de  soixante-huit  ans. 


—  499  — 

On  l'aimeroit  peut  estre  davantage  s'il  se  communi- 
quoit  un  peu  plus  et  s'il  etoit  moins  mesnager. 
Le  chapitre  de  Nevers  est  (composé)  d'un  doyen  de 

1,200  livr.  de  revenu,  d'un  archidiaconat,  de  4dignitez, 
de   2  offices  ou   personatz,  et  de  40  prébendes  de 
300  livres. 
Cet  evèché  se  divise  en  8  archipretrez. 

L'evèque  est  seigneur  de  3  chatellenies  :  Premery, 
Urzy  et  Parzy .  Plusieurs  fiefs  en  relèvent  et  entre 
autres  4  principaux,  chacun  desquels  à  titre  de  baronnie 
de levèché,  scavoir :  Druy,  Poiseux,  Cours- les-Barres 
et  Givry.  Ils  sont  tenus  de  porter  l'evèque  en  sa  chaize 
pontificale  le  jour  de  son  entrée  à  Nevers. 

Le  revenu  de  cet  evèché  est  de  10  à  12,000  livres. 

Il  y  a  3  abbayes  dans  la  province  du  Nivernois, 
scavoir  : 

L'abbaye  de  Saint-Martin  de  Nevers,  de  chanoines 
réguliers  de  Saint-Âugustin,  congrégation  de  Sainte- 
Geneviève,  possédée  par  M.  l'abbé  de  Vienne  (1), 
conseiller  au  Parlement  de  Paris,  de  3,000  livr.  de 
revenu  pour  l'abbé  et  2,000  livr.  pour  les  religieux. 

L'abbaye  de  Belle  vaux,  ordre  de  Premontré,  pos- 
sédée par  M.  labbé  de  Bussy  Rabutin  (2),  comman- 
dataire,  de  800  livr.  pour  l'abbé  et  1,000  livr.  pour 
les  religieux  ; 

L'abbaye  Notre-Dame  de  Nevers,  de  filles  bénédic- 
tines dont  Mme  de  Langeron  (3),   sœur  de  M.  de 

(1  )  Maison  originaire  de  la  province  de  Bourgogne. 

(3)  Michel-Roger-Celse  de  Bussy-Rabatin,  né  vers  1664,  évéque  de 
Laçon  en  1724,  membre  de  rAcadémie  française,  mort  le  3  novembre 
1736. 

(3)  Gabrielle-Ândrault  de  Langeron-Maulevrier,  abbesse  de  1642  à  1698. 
Ses  armoiries,  d*azur  à  trois  étoiles  d'argent,  sont  encore  visibles  dans 
les  vestes  des  constructions. 


—  500  — 

Langeron,  lieutenant  gênerai  des  armées  du  Roy,  est 
abbesse,  de  10,000  livr.  de  revenu. 

Dix-neuf  prieurez  dont  les  principaux  sont  : 

Le  prieuré  de  Saint-Etienne  de  Nevers,  ordre  de 
Saint-Benoit,  dont  M.  de  Tilladet  (1),  evèque  de 
Maçon,  est  prieur  commandataire ,  de  2,000  livr. 
pour  lui  et  2,000  pour  les  religieux  ; 

Le  prieuré  simple  de  Saint- Victor-lez-Ne vers.  Le 
prieuré  de  Saint-Sauveur  uny  au  grand  prieuré  de 
Cluny,  de  2,000  livres  : 

Le  prieuré  de  Saint-Reverien  près  Saint-Saulge, 
ordre  de  Cluny,  de  300  livr.  pour  le  prieur  et  reli- 
gieux ; 

Celui  de  Saint-Pierre-le-Moutier ,  ordre  Saint- 
Benoit,  de  2,000  livres  (2)  ; 

Celui  des  Fraix  (sic  pour  Faye,  commune  de  Sau- 
vigny-les-Bois),  ordre  de  Grammont,  de  2,000  livres  ; 

Le  prieuré  dit  aussi  abbaye  de  La  Ferté  ou  Fermeté, 
de  filles,  ordre  de  Saint-Benoit,  à  la  nomination  du 
Roy,  de  7  à  8,000  livr.  de  rente  ; 

Les  autres  sont  petits  prieurez  de  3,  4  à  500  livres 
au  plus,  scavoir  :  les  prieurés  de  Champoux  (Champ- 
voux),  d'Aubigny  (3),  de  Saint-Pierre-de-Desise  (4), 
de  Saint-Privé,  de  Coulanges  (5),  Lucenay  (6),  d'An- 

(i)  Michel  Cassagnet  de  Tilladet,  neveu  par  sa  mère  du  chancelier 
Le  Tcllier,  nommé  k  Mâcon  le  18  décembre  1676.  Désigné  pour  Tévéché 
de  Clermonten  1682,  il  préféra  rester  à  Màcon  ;  il  mourut  le  5  octobre  1731. 
(Gall  Christ,  T.  IV,  coll.  1106.  —  Gams,  séries  episc.) 

(2)  Porlé  à  4,000  livr.  en  1686  par  M.  d'Argouj^'es  (p.  92). 

(3)  Marseille-les-Âubigny  (Cher). 

(4}  Dépendant  de  Saint-Germain- d*Auxerre  et  cédé,  en  1621,  aux 
Minimes. 

(5)  Coulonges,  commune  de  Cercy-la-Tour. 

(6)  Piieuré  de  Saint-Homain-les-Âix,  ordre  de  Saiut-Benott,  dépendant 
de  rabbuye  Saint-Martin  de  Nevera. 


i 


-  501  - 

lezy(l),  Langy(2),  Chevannes-Gazeaux  (3),  Abon(4), 
Saint-Honoré  (5),  Mazille  (6),  Jailly  (7). 

Mais  outre  ces  abbayes  et  prieurés  du  Nivernois 
dans  la  généralité  de  Moulins,  il  y  en  a  beaucoup 
d'autres  de  la  même  province  qui  sont  dans  l'étendue 
des  généralités  de  Moulins,  Bourges,  Orléans  et  Paris. 
Par  exemple  Tabbaye  de  Saint-Léonard,  de  Corbigny, 
les  abbayes  de  Cure  (8),  de  Servon  (9)  et  de  La  Roche- 
Vanoise  (10)  dans  le  pays  d'Authun.  L'abbaye  deSaint- 
Laurens  (11),  et  le  prieuré  de  La  Charité,  au  diocèse 
d'Auxerre,  les  prieurez  de  TEspau,  de  Donzy,  généra- 
lité de  Bourges. 

Il  y  a  4  chartreuses  dans  le  Nivernois . 

La  maison  de  Bellary,  diocèse  d'Auxerre,  près  de 
Donzy  ; 
La  chartreuse  de  Basseville,  près  de  Clamecy  ; 
La  chartreuse  d'Apponay,  dans  Savigny-Poilfol  ; 
La  chartreuse  du  Val-Saint-Georges,  près  del'Orraes. 

Ces  deux  dernières  sont  de  la  généralité  de  Moulins, 
les  2  autres  en  ont  été  distraites  et  mises  dans 
celles  de  Berry  et  d'Orléans. 

Seize  couvents  d'hommes,  scavoir  :   les  chanoines 

fi)  Le  mol   Ânlezy  est  écrit  incorrectement,    nous   croyons  devoir  le 
porter  ;  le  procès-verbal  de  1686  y  mentionne  un  prieuré  (p.  110;, 
f2)  Prieuré  dépendant  de  Vézelay. 

(3)  Commune    de    Billy-Chevannes,    prieuré    dépendant    de    Saint- 
Léonard  de  Corbigny. 

(4)  Prieuré  de  Maux  et  Abon, 

(5)  Prieuré  dépendant  de  La  Charité. 

(6'.  Commune  d'Isenay,  dépendant  de  Saint-Germain-d'Auxerre. 

(7)  Ordre  de  Saint-Benoit. 

(8)  Cure  et  Chore,  diocèse   d'Aulun,  commune  de  Domecy-sur-Cure, 
canton  de  Vèzelay. 

(9)  Cervon,  abbaye  convertie  en  collégiale. 

(10)  Prieuré  dépendant  de  La  Charité,  commune  de  La  Roche-Millay. 

(11)  Saint-Laurent-PAbbaye,  ordre  de  Saint- Augustin,  canton  de  Pouilly. 
T.  VIII,  3«  série.  33 


—  502  — 

réguliers  de  Saint-Martin,  les  religieux  de  Saint- 
Etienne,  do  Saint-Sauveur,  les  Jacobins,  Recollets, 
Carmes,  Capucins,  Minimes,  Jésuites,  les  prestres  de 
l'Oratoire  de  Nevers,  les  Augustins  de  Saint-Pierre- 
le-Moûtier  et  les  Bénédictins,  les  Picpus  de  Moulins- 
Engilbert,  les  religieux  de  Grammont,  de  Faix,  les 
Bénédictins  de  Saint-Reverien,  et  les  Minimes  de 
Desise. 

Neuf  maisons  de  religieuses,  scavoir:  les  religieuses 
de  Notre-Dame  de  Nevers,  les  Urselines  de  Saint- 
Pierre-le-Moutier  et  Moulins-Engilbert,  et  les  filles 
de  Sainte-Marie,  de  Sainte-Claire,  à  Desise. 

GOUVERNEMENT  MILITAIRE  DU  NIVERNOIS  (1) 

M.  le  Duc  de  Nevers  est  gouverneur  du  Niver- 
nois  et  possède  le  duché  en  propriété  qui  valoit 
autrefois  70,000  livr.  (2)  et  à  présent  50,000  livr. 
seulement.  Il  y  a  150  fiefs  qui  en  relèvent.  Il  ne  réside 
presque  point  dans  la  province  ;  quand  il  y  est,  il 
néglige  les  fonctions  de  gouverneur,  qu'il  renvoie 
volontiers  à  M.  le  comte  de  Busseaux,  lieutenant  de  la 
province  et  le  seul  en  état  d'agir,  par  la  mort  de  M.  de 
Vieuxbourg  (3),  lieutenant  général  de  la  province,  qui 
fut  tué  au  dernier  siège  de  Namur. 

M.  le  Duc  de  Nevers  n'est  pas  aussy  respecté  que  sa 
qualité  le  désire,  cela  vient  de  ce  que  sur  les  lieux  il 

(1)  Bibl.  nat.,  ms.  fr.  2-2,202,  fol.  23  V. 

(2)  C'est  le  chiflre  porté  dans  le  mémoire  de  1686. 

(3;  Louis  de  Vielbourg,  marié  le  6  mai  1693  à  Ânne-Françoise  de 
Harlay,  sa  cousine,  marquis  de  Myennes,  près  Cosne,  en  Nivernais, 
lieutenant  du  roi  de  cette  province,  colonel  d'infanterie,  tué  dans  une 
sortie  au  siège  de  Namur,  le  18  juillet  1695  ;  fils  de  René  de  V.  et  de 
Françoise-Marie  Brolel  de  Grimou  ville.  (P.  Anselme  t.  vu,  p.  801). 

M.  de  Vieuxbourg  occupait  déjà  cette  fonction  en  1686,  mais  sans 
l'exercer,  étant  encore  au  service. 


—  5v)3  — 

ne  se  communique  presque  point,  soit  par  fierté, 
mélancolie  ou  ménage.  On  sait  cependant  qu'il  a  infi- 
niment d'esprit  et  de  belles-lettres. 

M.  le  comte  de  Busseaux,  lieutenant  du  Roy,  est  de 
de  la  maison  d'Armes,  très  ancienne  (1).  Il  est  riche, 
sans  enfans,  et  a  une  fort  belle  terre  appelée  Vesvre  ; 
il  est  parfaitement  homme  de  bien  mais  facile. 

Il  n'y  a  point  de  subdélégué  en  titre  des  mareschaux 
de  France  dans  cette  province.  Cet  office  s'est  exercé 
jusqu'ici  par  le  sieur  du  Tremblay. 

Il  y  a  des  offices  de  milice  bourgeoise  dans  Nevers. 

Il  y  a  un  prevost  provincial  qui  est  le  sieur  Gascoin, 
fort  riche  et  fort  intéressé.  Au  lieu  de  faire  sa  charge 
il  s'est  fait  donner  une  commission  de  commissaire 
des  guerres  qu'il  exerce,  et  ne  réside  plus  à  Nevers.  Il 
a  un  fils  qu'il  destine  pour  mettre  à  sa  place.  Sa  com- 
pagnie est  composée  d'un  lieutenant,  un  assesseur  et 
17  archers. 

A  l'égard  du  ban  il  s'est  divisé  en  deux  corps,  l'un 
a  été  celui  de  Saint-Pierre-le-Moûtier  dont  M.  Foullé 
de  Martangis  (2)  est  le  senechal  ;  et  le  lieutenant 
gênerai  et  le  procureur  du  Roy  font,  chaque  année,  la 
convocation  de  30  gentilshommes  qui  élisent  leur 
commandant  et  leurs  officiers,  et  le  lieutenant  gênerai 
de  Nevers  s'est  toujours  aussi  maintenu  et  gardé  dans 
la  possession  de  convoquer  le  ban  des  gentilshommes 

(1)  Busseaux  est  un  lief  de  la  maison  d'Armes.  Léonard  d'Armes,  marié 
en  1646  à  la  fille  de  César  de  Dixiniieux.  père  de  celui-ci,  était  seigneur  de 
Busseaux,  Moussy,  Vesvre,  Houy,  Segoulle,  Deuxville  et  La  Barre.  Il  existe 
dans  les  dossiers  bleus  n"  3*2,  Hibl.  Nat.  une  généalogie  manuscrite  de 
celte  fitmille,  du  xiii»  au  xvii«   siècle. 

(2)  On  trouve  :  en  1532,  Jean  Foullé,  à  Mongazon  (commune  de  Saint- 
Kranchy),  en  1575  et  1581  Gui,  Pierre  et  Léonard  Foullé,  seigneurs  de 
Prunevaux  ;  en  1608  Jacques  F.,  à  La  Ferlé-Chauderon  (Marlangy  et 
Prunevaus  sont  deux  hameaux  de  la  commune  de  Nolay).  Le  sénéchal 
devait  être  de  cette  famille. 


—  504  - 

du  ressort  du  bailliage  au  nombre  de  40,  mais  ils  ont 
toujours  marché  ensemble^  et  les  commendans  ont 
commandé  toute  la  compagnie  réunie  ensemble  alter- 
nativement chacun  leur  jour. 

PRINCIPALE  NOBLESSE  DU  NIVERNOIS 

M.  le  comte  de  Crux,  de  la  maison  de  Damas,  Tune 
des  plus  anciennes,  seigneur  de  Crux-la- Ville  et 
Château,  et  de  Saint-Parise.  Son  fils,  le  marquis  de 
Crux,  est  capitaine  de  cavalerie. 

M.  le  comte  d'Anlezy,  de  la  même  maison,  seigneur 
d'Anlezy,  Fleury  La  Tour  (1),  mettre  de  camp  de 
cavalerie. 

M.  le  cardinal  d'Arquien,  seigneur  d'Imphy. 

M.  le  marquis  de  Langeron,  lieutenant  gênerai  des 
armées  navales  de  Sa  Majesté,  seigneur  de  Langeron, 
Cougny,  Bazolle,  La  Coulancelle,  neveu  de  feu  M.  le 
comte  de  Langeron,  mort  maréchal  de  camp. 

M.  de  Roffignac,  dont  les  terres  ont  été  vendues  par 
décret,  est  d'une  des  plus  anciennes  maisons  du 
Nivernois. 

M.  le  marquis  de  Thianges,  dont  est  sortie  Mme  la 
Duchesse  de  Nevers.   Cette  maison  est  de  Damas. 

M.  le  comte  de  Druy,  Saint-Oing,  Beal  (Béard), 
Sougy  et  Mornay. 

M.  le  comte  de  Chevigny-Choiseul  (2)  qui  a  aussy 
des  maréchaux  de  France  et  des  chevaliers  des  ordres 
actuellement  dans  sa  maison,  prétend  estré  descendu 
en  ligne  directe  d'Alix  de  Dreux,  petite  fille  de 
Louis-le-Gros.  Il  est  aujourd'hui  élu  et  député  de  la 

(1)  Louis-Ântoine-Erard  de  Damas,  seigneur  de  Fleury-Ia-Tour,  Mon- 
tigny-aux-Âmognes,  Saint-Parize. 
(3)  Chevigny-lez-Semur  (Côte-d'Or),  terre  qui  passa  aux  Choiaeul* 


—  505  - 

province  de  Bourgogne  et  a  espousé  une  fille  du 
baron  de  Maisons,  en  Nivernois,  dont  il  a  huit 
enfansy  six  fils  et  deux  filles  :  Talné,  mestre  de 
camp  du  régiment  de  la  Reine;  le  second  y  est 
capitaine,  le  troisième  sous-lieutenant  d'infanterie 
dans  le  régiment  du  Roy,  un  autre  chanoine,  comte 
de  Lyon  ;  2  chevaliers  de  Malthe,  une  fille  mariée  au 
marquis  de  Tavannes,  et  l'autre  religieuse.  Il  est 
seigneur  de  Chassy  et  autres  terres  de  4,000  livres  de 
rente  dans  le  Nivernois.  Il  a  d'autres  terres  en  Bour- 
gogne pour  lesquelles  il  a  été  élu  de  la  noblesse. 

Le  marquis  de  Choiseul,  cy  devant  page  du  Roy, 
capitaine  de  cavalerie  au  régiment  royal  de  Piedmont, 
seigneur  de  Montsauge  et  Argoulois. 

Le  sieur  de  Choiseul,  seigneur  de  Villerois. 

M.  le  marquis  de  La  Tournelle,  gouverneur  de 
Gravelines  (1),  cy  devant  capitaine  aux  gardes,  sei- 
gneur de  La  Tournelle,  de  30,000  livres  de  rente  ; 
cette  terre  ne  valoit  pas  autrefois  plus  de  6,000  livres, 
mais  le  marquis  de  La  Tournelle  père  a  trouvé 
l'invention  de  faire  flotter  les  bois  sur  l'Yonne  et  a 
fait  de  sa  terre  la  meilleure  du  pays  (2). 

M.  de  Montai,  lieutenant  gênerai  des  armées  du 
Roy,  mort  depuis  peu,  etoit  de  la  maison  de  Mont- 
saunin,  bonne  et  ancienne  du  Nivernois  ;  sa  fille  a 
épousé  M.  le  comte  de  Druy  et  son  fils,  mort,  a  laissé 
un  fils  cy-devant  page  du  Roy  et  à  présent  mousque- 
taire ;  il  étoit  seigneur  de  Saint-Brisson-en-Morvan, 
considérable  par  la  coupe  des  bois  de  50,000  livres  de 
30  ans  en  20  ans. 


(1)  Place  forte,  aujourd'hui  département  du  Nord. 

(3)  Même  observation  ci-dessous  dans  la  Généralité  d'Orléans  dont 
Château-Chinon  faisait  partie.  L'amélioration  produite  par  le  flottage  en 
Mor?an  et  à  La  Tournelle  est  également  signalée  par  l'intendant  d'Âr- 
gouges  en  1686  mais  sans  préciser  les  chifiEires.  (Mémoire  p.  258.) 


-  506  — 

M.  de  Vauban,  lieutenant  gênerai  des  armées  du 
Roy,  est  seigneur  de  Guipy  et  Epiry. 

M.  le  comte  de  Villebertin,  de  la  maison  de 
Megrigny,  gendre  dudit  sieur  de  Vauban,  est  seigneur 
d'Osnay  (1)  (Aunay),  qui  vaut  7  à  8,000  livres  de  rente. 

Les  enfans  du  feu  comte  de  La  Roche  (2)  possèdent 
la  terre  de  Millay  très  grande  et  d'un  très  gros  revenu. 

M.  Dupré,  major  des  carabiniers,  seigneur  de  Guipy, 
dans  le  Morvan. 

Le  sieur  du  Tremblay  seigneur  du  Tremblay  (3) 
subdelegué  de  MM.  les  maréchaux  de  France,  et 
commissaire  du  Roy  pour  la  repartition  de  la  capitation 
sur  la  noblesse,  est  d'une  très  ancienne  famille. 

Le  baron  de  Joux  (4)  est  d'ancienne  maison. 

La  dame  marquise  d'Epoisses,  dame  des  Bordes,  etc., 
d'une  famille  illustre  (5)  est  tante  de  la  reyne  de 
Pologne, 

Il  y  a  les  sieurs  de  Lantilly,  de  la  maison  de  Torcy, 
de  Villemoulins  où  il  y  a  actuellement  des  cheva- 
liers et  commandeurs  de  Tordre  de  Malthe,  de  Brinay, 
de  Bard,  d'Arcy  (6). 


(1)  Vauban  et  Mesgrigny,  seigneurs  de  Marcilly,  Aunay,  etc. 

(2)  Jacques  de  Rousselé,  comte  de  La  Roche  Milay. 

(3)  De  Reugny,  seigneur  du  Tremblay 

(4)  De  Réraigny,  seigneur  baron  de  Joux. 

(5)  Baronnie  de  Bourgogne  possédée  par  les  familles  de  La  Platière, 
d'Âncienville,  etc. 

(6)  Pierre  de  Torcy,  chevalier,  seigneur  de  Lantilly  (commune  de 
Cervon),  marié  à  Françoise  de  Réraigny,  dame  de  Poincy.  —  Edme  de 
Certaines,  chevalier,  seigneur  de  Viliemo4in  (commune  dWnthien),  et  de 
Lantilly  en  partie,  par  sa  femme,  veuve  de  Michel  de  Torcy  ;  ses  fréi"es, 
Edme  et  Charles  de  Certaines,  chevaliers  de  Malte.  —  Jean  de  Bréc^hard, 
seigneur  de  Brinay  (canton  de  Châtillon-en-Bazois).  —  Henri-Louis  de 
Bar,  seigneur,  baron  de  Limanton.  —  Hector-François  d'Aulenay,  sei- 
gneur d'Arcy-sur-Cure. 


--  507  - 


TERRES  CONSIDERABLES  DU  NIVERNOIS 

Il  y  a  des  terres  possédées  par  des  seigneurs  qui 
n'en  sont  pas  originaires.  La  terre  et  comté  de  Châ- 
teau-Chinon  est  la  principale  du  Morvan  possédée  par 
MM.  les  Princes  de  Soissons  et  de  Carignan  (1)  ;  elle 
ne  vaut  que  10,000  livres  de  rente,  y  compris  la  coupe 
des  bois  de  8,000  livres  par  an,  mais  la  féodalité  est 
très  considérable,  les  terres  de  La  Tournelle,  d'Osnay, 
de  Montai  (2)  et  toute  l'élection  de  Château-Chinon 
en  relèvent. 

M.  le  marquis  de  Givry  (3)  possède  aussy  la  terre 
de  Vendenesse  avec  ses  annexes  très  considérables  par 
ses  anciens  bois  et  ses   revenus. 

M.  le  marquis  de  Saint-André-Montbrun  (4)  pos- 
sède de  très  grands  biens  dans  le  Nivernois  où  il 
est  seigneur  dans  12  à  15  parroisses. 

QUARTIERS  D'HYVERT(5) 

Les  petites  villes  de  Desise,  Moulins-Engilbert, 
Premery  et  les  bourgs  de  Cercy-la-Tour,  Chastillon- 
en-Bazois  et  Lurcy-le-Bourg. 


(1)  Garignaiiy  duché  dans  les  Ardennes.  attribué  à  Maurice  de  Savoie, 
comte  de  Soissons,  puis  en  157*2  au  duc  de  Penthièvre  et  à  sa  fille  la 
duchesse  de  Chartres. 

(2)  fiaronnie  de  Bourgogne  à  la  famille  de  Rabutin  puis  de  Montsaulnin. 

(3)  Louis-Thomas  du  Bois  de  Fiennes,  mai*quis  de  Givry,  en  Bour- 
gogne, lieutenant  général,  grand  bailli  de  Touraine,  1668-1742. 

(4;  Saint-André,  maison  de  Languedoc  d'où  sont  sortis   les   seigneurs 

de  Montbrun.  Alexandre  du  Puy,  marquis  de  Saint-André,  né  à  Montbrun 

en  1600,  mourut  à  La  Nocle  (Nièvre)  en  1673. 
(5)  Cette  rubrique,  qui  se  retrouve  à  la  fin  de  chaque  province,  répondait 

à  une  question  posée,  faisant  allusion  aux  occupations  militaires. 


,  -  508  - 

JUSTICES  DU  NIVERNOIS  (1) 

Le  bailliage  et  sénéchaussée  de  Saint-Pierre-le- 
Moutier  est  l'un  des  quatre  plus  anciens  du  royaume  ; 
son  ressort  est  l'ancienne  prévôté,  la  justice  de  San- 
cerre  en  Berry ,  le  comté  de  Chatel-Chinon,  le  bailliage 
de  La  Charité-sur-Loire,  et  les  justices  de  Pouilly  et 
Le  Roy  (2)  en  Berry. 

La  justice  de  l'Evèque  et  du  chapitre  de  Ne  vers,  le 
bourg  de  Saint-Etienne  de  Nevers  ;  la  justice  royale 
de  Cusset  relève  aussi  de  ce  bailliage,  mais  seulement 
pour  les  cas  au  premier  et  deuxième  chef  de  l'edit  des 
presidiaux  et  le  bailliage  de  Saint-Pierre-le-Moutier 
s'étend  pour  tous  les  cas  royaux,  tant  civils  que 
criminels  et  pour  les  personnes  d'église,  dans  tout  le 
Nivernois,  si  ce  n'est  dans  le  Donziois  dont  le  presidial 
d'Auxerre  prend  connaissance. 

En  1551  le  presidial  de  Saint-Pierrre-le-Moutier 
y  fut  estably  (3).  Il  y  a  2  présidents,  un  lieutenant 
gênerai,  un  lieutenant  criminel,  un  particulier,  un 
assesseur,  un  chevalier  d'honneur,  15  conseillers  y 
compris  le  prieur  de  Saint-Pierre-le-Moutier,  qui 
en  est  de  droit  le  premier  conseiller,  2  conseillers 
honoraires  et  2  conseillers  vérificateurs  des  defïaults, 
2  avocats  du  Roy  et  le  procureur  du  Roy  qui  sont 
aussi  conseillers  du  presidial.  Il  y  a  aussi  un  substitut 
adjoint  du  procureur  du  Roy  et  un  greffier  en  chef 
dont  M.  le  comte  de  Marsan  (4)  est  propriétaire  pom' 
moitié  et  l'autre  moitié  au  domaine  du  Roy. 

(1)  Bibl.  nat.,  ms.  fr.  22,202,  fol.  30. 

(2)  Léré. 

(3)  Le  premier  officier  du  presidial  était  le  grand  bailli  royal  :  en  1686, 
M.  de  Martangy,  maître  des  requêtes.  M.  dWrgouges  dit  de  lui  qu*il  n'y 
résidait  que  lorsqu'il  venait  visiter  ses  terres  en  Nivernois,  c'est-à-dire 
fort  rarement. 

(4)  Seigneurs  de  Marsan,  branche  de  la  maison  de  Lorraine. 


-  509  — 

L'ancien  président  est  le  sieur  de  Lespinasse,  de 
bonne  famille,  homme  d'esprit,  mais  qui,  par  sa 
fierté  a  si  fort  aliéné  le  cœur  et  lesprit  de  ses 
confrères  qu'il  en  a  reçeu  beaucoup  de  chagrins  qui 
l'ont  dégoûté  de  sa  charge  qu'il  n'exerce  plus  depuis 
plus  de  six  ans  ;  elle  vaut  10,000  livres. 

Le  sieur  Pitois  de  Quincize,  2®  président,  n'a 
fait,  depuis  deux  ans  qu'il  est  pourveu,  presque 
aucune  fonction  de  sa  charge  qu'il  néglige  comme  son 
ancien  confrère;  elle  vaut  8,000  livres. 

Le  sieur  Gascoin,  lieutenant  gênerai,  est  le  troisième 
de  sa  famille  qui  occupe  cette  place  ;  il  est  riche, 
homme  de  bien,  mais  d'un  esprit  fort  bouché,  pesant 
et  peu  capable,  ayant  peu  d'autorité. 

Le  sieur  d'Argoulois  (1),  lieutenant  criminel,  a  beau- 
coup de  mérite  et  quoique  peu  riche  vient  d'épouser  la 
fille  du  président  de  La  Blouse  quia  150,000  livres  de 
bien.  Sa  charge  est  de  15,000  livres. 

Le  sieur  Viau,  procureur  du  Roy,  est  un  brouillon, 
étourdy,  incommodé  dans  ses  affaires,  y  a  intéressé  la 
consignation  de  son  siège,  ce  dont  on  se  plaint  beau- 
coup comme  étant  fort  indigne  de  sa  place,  sa  charge 
vaut  15,000  livres  (2). 

(1)  Jacques  Salonnier,  seigneur  d'Argoulois  (commune  de  Saint-Uilaire 
en  Morvand),  lieutenant-criminel  depuis  1673.  Claude  Gascoing,  seigneur 
de  la  Bclouze  (commune  de  Poiseux)^  président  à  Saint-Pierre. 

(2)  Voici  ce  qu'on  dit  de  ces  ofQciers  en  1686  : 

Le  sieur  Gascoin,  jeune,  fort  riche  mais  peu  capable.  Le  premier  prési- 
dent se  nomme  La  Blouze,  honnête  homme,  assez  habile,  possédant  de 
grands  biens.  Le  second  se  nomme  Lespinasse,  jeune  homme  d'un  mérite 
distingué  dans  la  compagnie  et  qui  parle  très  bien  en  public.  Le  lieutenant 
criminel  se  nomme  Salonnier,  homme  fort  riche,  peu  assidu  à  sa  charge 
et  qui  veut  s'en  défaire.  Le  procureur  du  Roi  Bogne,  jeune  homme  peu 
habile  et  fort  riche. 

.  On  fait  les  mêmes  remarques  au  sujet  du  séjour  incommode  de  Saint- 
Pierre.  L'intendant  de  Creil  avait  offert  4.000  écus  d'indemnité  au  duc 
de  Nevers  pour  autoriser  les  officiers  royaux  à  se  transporter  dans  sa 
ville. 


-  510  - 

Le  sieur  Girard  de  Busson,  assesseur,  est  homme 
d'esprit  et  de  mérite,  et  a  été  cy  devant  subdelegué  de 
rintendance.  11  n'a  qu'un  peu  trop  de  fierté  et  de 
présomption,  mais  il  seroit  homme  de  servie.  Sa 
charge  peut  valoir  10,000  livres. 

Les  autres  officiers  sont  très  f cibles,  cependant  la 
justice  s'y  rend  avec  plus  de  régularité  et  de  sévérité 
que  dans  les  autres  sièges  de  cette  généralité. 

Ces  officiers  ont  fet  jusqu'icy  trois  tentatives  pour 
sortir  de  Saint-Pierre-le-Moûtier  et  estre  transferez  à 
Nevers,  mais  le  Roy  n'a  pas  jugé  à  propos  de  toucher 
&  un  si  ancien  establissement,  soit  par  une  espèce  de 
respect  pour  l'antiquité  ou  par  commisération  des 
habitans  de  cette  petite  ville  qui  auroit  été  absolu- 
ment ruinée  si  elle  avoit  été  dépouillée  de  son  prin- 
cipal ornement  qui  est  cet  ancien  bailliage  et  presidial. 

Après  lequel  bailliage  et  presidial  il  y  a  le  bailliage 
et  pairie  de  Nevers  dont  les  appellations  vont  immé- 
diatement au  Parlement  de  Paris  ;  son  ressort  est 
grand.  Autrefois  il  y  avoit  un  prevost  juge  et  garde 
pour  les  causes  de  peu  de  conséquence  et  jusqu'à 
20  livres  ;  le  bailli  avait  son  lieutenant  gênerai  pour 
connoistre  des  grandes  causes  en  première  instance  et 
de  celles  des  gentilshommes  et  par  appel  de  celles  de 
la  prevosté  et  des  lieutenants  particuliers  en  chacune 
des  chatellenies  du  duché;  et  enfin  il  y  avoit  des 
auditeurs  de  Paris  qui  connoissoient  des  causes  d'appel 
tant  du  lieutenant  gênerai  de  Nevers  que  de  toutes  les 
autres  chatellenies,  mais  à  l'occasion  de  l'edit  du  roy 
Charles  IX  qui  ordonnoit  la  suppression  de  tous  ces 
degrés  de  juridiction,  il  ne  fut  qu'un  seul  bailliage  et 
pairie  pour  connoitre  tant  des  causes  de  la  ville  en 
première  instance,  de  celles  des  gentilshommes  et 
autres  privilégiez  que  des  causes  d'appel  de  toutes , les 


—  511  - 

chatellenies  où  il  fut  étably  pour  lors  des  juges  ordi- 
naires. 

Ces  chatellenies  sont  au  nombre  de  24,  dépendantes 
du  duché  de  Nivernois,  scavoir  : 

Celles  de  Cuffy,  Châteauneuf-sur-Allier,  Fougues. 
Garchizy,  Chaulgne  et  La  Marche,  Saint-Saulge, 
Desise,  Gannat,  Charrin,  Champver,  Cercy-la-Tour, 
Luzy,  Moulins-Engilbert,  Liernais,  Saint-Brisson, 
Montreuillon,  Chastelcensoy,  Clamecy,  Metz,  Mon- 
ceau-le-Comte,  Neufontaines,  Chateauneuf-au-val-de- 
Bargis,  Champallement  et  Montenoison. 

Celles  de  Donziois  sont  Entrain,  Estaye,  Druy,  Billy, 
Corvol-rOrgueilleux,  Saint- Verain  et  le  Chastel  de 
Cosne,  outre  les  24  chatellenies  du  Nivernois.  Il  y  a  250 
autres  justices  subalternes,  et  sous  celles  de  Donziois 
il  y  a  60  justices  subalternes. 

Le  bailliage  et  pairie  est  composé  d'un  lieutenant 
gênerai,  4  conseillers,  un  assesseur,  un  lieutenant 
particulier,  un  procureur  et  2  avocats  généraux 
fiscaux. 

Le  lieutenant  gênerai,  le  sieur  Rapine  de  Sainte- 
Marie,  est  d'une  très  ancienne  famille  de  robe  de 
Nevers.  Il  a  beaucoup  de  mérite,  d'esprit  et  de  dignité. 
Il  est  parfaitement  habile  dans  les  affëres  du  palais  et 
entend  fort  bien  sa  charge.  Il  a  beaucoup  d'enfans  et 
entre  autres  deux  capitaines  d'infanterie.  Sa  charge 
vaut  40,000  livres  et  se  perd  par  la  mort  et  tombe  aux 
parties  casuelles  de  M.  le  Duc  de  Nevers. 

Le  procureur  gênerai  fiscal  porte  le  môme  nom  et 
est  cousin  germain  du  lieutenant  gênerai  ;  il  est  homme 
de  bien,  mais  un  peu  trop  facile. 

Les  autres  ofiiciers  de  ce  corps  sont  habils,  hon- 
nestes  gens  et  fort  accréditez. 

Quant  aux  juges  châtelains  dependans  d'eux,  ceux 
de   Desise,    Saint-Sauge,    Moulins-Engilbert  et   de 


-  512  — 

Chateauchinon  sont  bons  juges.  Le  reste  vit  dans 
lobscurité. 

M.  le  Duc  de  Ne  vers  a  encore  sa  Chambre  des 
Comptes  pour  la  conservation  de  son  domaine  et  de  s^ 
revenus,  composée  d'un  président,  4  maistres  des 
comptes,  un  procureur  gênerai,  2  secrétaires,  un 
greffier  et  un  huissier. 

Le  président,  le  sieur  de  Vaux,  est  homme  accom- 
modé et  homme  de  bien,  mais  il  y  a  dans  ce  corps  le 
sieur  Marion,  qui  est  maistre  des  comptes  et  avocat  au 
Parlement,  plaidant  au  bailliage,  l'un  des  plus  babils  et 
honnestes  hommes  de  la  généralité  ;  son  rare  mérite, 
son  désintéressement  et  son  affection  pour  le  service 
du  Roy  l'ont  toujours  rendu  recommandable  auprès  des 
intendants  de  la  généralité,  et  il  est  encore  aujourd'hui 
leur  subdelegué.  Il  est  de  la  famille  de  l'illustré 
M.  Marion  (1),  que  son  seul  mérite  éleva  autrefois  à  la 
qualité  d'avocat  gênerai  du  Parlement  de  Paris,  et 
dont  M.  le  comte  de  Druys,  maréchal  des  camps  et 
armées  du  Roy,  est  issu. 

11  y  a  encore  dans  Nevers  une  maistrise  des  Eaux  et 
Forests  dont  le  sieur  de  Lys  (2)  est  maistre  particulier, 
et  une  autre  maistrise  ducalle  dont  le  sieur  Girard  est 
maistre  particulier.  Leurs  charges  sont  de  10,000  livres; 
ils  sont  tous  deux  très  riches. 


Ici  se  terminent  les  extraits  ou  plutôt  les  chapitres 
consacrés  au  Nivernais  dans  le  mémoire  d'ensemble  de 
l'intendant.  11  y  a  toutefois,  dans  le  reste  du  travail, 
des  notes  relatives  à  notre  contrée  qui  paraissent  utiles 

(1)  Simon  Marion  mort  en  1605.  Let  Marion  étaient  seigneurs  de  Druy. 

(2j  Jacques  de  Bèze,  écuyer,  seigneur  de  Lys  (canton  de  Tannay),  secré- 
taire du  Roi,  maison  et  couronne  de  France,  mattre  particulier  des  eaux 
et  forêts  en  1681. 


-  513  - 

à  recueillir,  mais  ce  n'est  plus  un  texte  ancien  et  sim- 
plement un  résumé  (1). 

Finances.  —  La  généralité  de  Moulins  est  divisée 
en  sept  élections,  scavoir  celle  de  Moulins,  Nevers, 
Chastel-  Chinon ,  Gannat ,  Montluçon ,  Gueret  et 
Esvaux.  Elles  ressortissent  par  appel  à  la  Cour  des 
Aydes  de  Paris, 

L'élection  de  Chastel-Chinon  est  composée  de  deux 
villes  et  de  40  paroisses,  2,^37  feux  et  10,747  âme.s. 

Il  y  a  dans  la  généralité  de  Moulins,  d'après  le 
dénombrement  du  22  février  1696,  324,232  âmes,  soit, 
en  comptant  un  sixième  d'omissions,  378,260.  ((  On 
pretendoit  que  la  guerre,  les  dernières  maladies  et  la 
famine  de  1694  avoient  emporté  le  quart  ou  le 
cinquième  des  âmes  lors  de  ce  dénombrement.  Toute 
la  finance  ou  les  revenus  du  Roy  consistent  dans  les 
tailles,  les  cinq  grosses  fermes,  les  gabelles,  les  aydes 
et  droits  y  annexez,  le  domaine,  ferme  du  tabac, 
ferme  des  bureaux  des  postes  et  la  vente  des  coupes 
des  bois  et  forests  de  Sa  Majesté.  » 

Tailles.  —  En  1603,  le  total  des  tailles  s'élevait  à 
600,000,  en  1638  à  700,000  livres,  en  1647  à  2,352,914, 
compris  l'élection  de  La  Charité  qui  a  été  remise  en 
1695  dans  la  généralité  de  Berry.  Les  non  valeurs 
étaient  considérables,  on  les  faisait  porter  par  abus  sur 
des  territoires  stériles  de  montagnes.  Ces  causes 
d'erreurs  furent  supprimées  par  les  conseils  de  Colbert. 
I-es  tailles  produisent,  en  1660,  1,720,409,  pour  passer 
à  1,550,000  en  1679  et  diminuer  constamment  ensuite 
jusqu'à  1,244,693  livres  en  1688.  Dans  les  années  sui- 
vantes, elles  augmentent  de  100,000  livres  ;  en  1694, 
on  les  trouve  à  1,330,189  et,  depuis  ce  temps,  elles 
baissent  à  1,117,854  livres. 

(1)  Ms.  fr.  22,202,  fol.  32. 


-  514  - 

Les  cinq  grosses  fermes,  les  gabelles  et  les  aydes 
ont  lieu  dans  le  Nivemois  et  Bourbonnois,  les  autres 
pays  se  sont  rédimés  en  1453. 

((  Le  revenu  des  gabelles  dans  cette  généralité  a 
monté,  en  1697,  à  662,994  livres  10  sols,  scavoir  dans 
les  greniers  de  vente  volontaire  de  sel  à  Moulins, 
Saint-Pierre-le-Moutier,  Desise,  Moulins-Engilbert, 
Saint-Saulge,  Châteauchinon,  Nevers,  il  s  est  vendu 
au  peuple  et  au  regrat  219  muids  9  septiers  2  quartS; 
dont  le  produit  monte  à  474,705  livres.  » 

Les  aydes  de  cette  généralité  consistent  en  droits 
sur  la  vente  des  vins  en  détail,  les  entrées  de  vin  et 
autres  denrées  ;  le  papier  et  parchemin  timbrés  vien- 
nent d'estre  transformez  avec  ceux  de  la  généralité  de 
Berry  à  434,000  livres. 

Presque  tout  le  domaine  de  cette  généralité  est 
aliéné,  il  ne  lui  reste  que  la  seule  chatellenie  de  Gueret, 
dans  la  Marche,  et  «  la  tour  quarrée  de  Saint-Pierre- 
le-Moutier  et  ses  dépendances  appartenant  au  Roy, 
dont  le  revenu  n'est  presque  rien  ». 

La  ferme  du  tabac  peut  monter  par  an  à  20,000  livres  ; 
la  ferme  du  bureau  des  Postes  à  25,000  livres.  «  Deux 
seuls  bureaux  dans  cette  généralité  dont  Tun  est  à 
Moulins  regy  par  un  commis,  l'autre  à  Nevers  affermé 
11,010  livres.  » 

Il  ne  se  fabrique  plus  de  poudres  ;  elles  viennent  du 
magasin  d'Orléans  ;  on  en  consomme  12,000  livres  qui 
rapportent  12,000  livres  environ  par  an. 

Le  bureau  des  finances  se  compose  de  23  trésoriers 
de  France,  2  avocats,  2  procureurs,  3  greffiers  et 
6  huissiers.  Les  fonctions  sont  de  recevoir  en  droite 
main  tous  les  ans  4  états  du  Conseil  : 

1^  L'état  du  Roy,  des  Finances,  comprenant  la  recette 
de  toutes  les  impositions  de  chaque  élection. 
2^  L'état  du   taillon  et  solde  contenant  la  recette 


—  515  - 

pour  le  fond  du  trésorier  ordinaire  des  guerres,  et  la 
dépense  qui  concerne  le  paiement  des  gages  des 
officiers  des  maréchaussées  établies  en  plusieurs  lieux. 

3®  L'état  des  bois  dont  la  recette  est  du  prix  de  la 
vente  des  bois  et  forests  du  Roy,  qui  se  fait  chacun 
an  par  les  grands-maîtres,  et  la  despense  est  destinée 
au  payement  des  gages  des  officiers  de  maîtrises, 
gardes  des  bois,  chaufifage  et  vacations  desdits  offi- 
ciers. 

4**  L'état  des  domaines  composé  des  revenus  du 
domaine  de  la  généralité  et  des  charges  qui  sont  les 
pensions,  fondations,  rentes,  fiefs  et  aumosnes. 

Les  trésoriers  de  France  font  les  chevauchées  dans 
les  différentes  élections  et  se  font  présenter  les  procès- 
verbaux  et  chevauchées  des  élus,  mais  ici  la  chose  ne 
se  fait  pas,  la  généralité  n'étant  pas  comprise  dans  les 
six  grands  bureaux  des  finances. 

Officiers  des  élections,  —  «  On  sait  que  les  principales 
fonctions  sont  d'assister  avec  le  commissaire  departy 
au  département  des  Taillés,  de  fère  les  ventes  ou 
chevauchées  et  dresser  procès-verbaux  de  l'état  des 
foints,  de  la  terre,  des  gresses  et  incendies  qui  sont 
arrivées,  dont  ils  rendent  compte  audit  département... 
et  juger  toutes  les  contestations  qui  naissent  du  recou- 
vrement des  tailles,  du  papier  marqué  et  des  commis 
des  aydes.  » 

Election  de  Neoers,  —  Il  y  a  un  président,  lieute- 
nant civil  et  criminel,  vérificateur  et  conseillers  élus, 
un  procureur  du  Roy  et  un  greffier. 

Le  sieur  Brisson  est  assez  bon  officier  et  les  autres 
officiers  pareillement. 

Le  sieur  Pinet,  procureur  du  Roy. 

Le  sieur  de  La  Condamine,  receveur  gênerai  des 
finances,  est  aussi  receveur  particulier  de  cette  elec- 


—  516  - 

tion  ;  son  neveu,  le  sieur  de  Lagrange,  exerce  cette 
recette. 

La  charge  de  président  vaut  14,000  livres,  celles 
des  élus  8,000,  celle  du  procureur  du  Roy  12,000. 

Election  de  Châteauchinon,  —  Le  sieur  Petitier 
en  est  président,  il  a  de  l'esprit  et  s'applique  et  est 
subdelegué  de  l'intendant. 

Les  officiers  font  assez  leur  devoir,  mais  au  lieu  de 
2  receveurs,  un  suffiroit,  veu  que  l'élection  est  petite. 

Le  plus  ancien  receveur  est  le  sieur  Dufeu,  fort  âgé, 
aimant  le  plaisir  et  songeant  peu  à  sa  recepte  qui  est 
entre  les  mains  du  sieur  Ricaud,  fils  de  sa  femme  du 
premier  lit. 

Le  deuxième  receveur  est  le  sieur  Girardot,  cy- 
devant  de  la  religion  prétendue  reformée  et  très  mal 
converty.  Cet  homme  etoit  plus  propre  pour  le  com- 
merce du  bois,  qu'il  fait  tous  les  jours,  que  pour  une 
recette  des  tailles.  Le  sieur  Dufeu  et  lui  sont  dans  des 
disputes  continuelles  et  le  menu  peuple  souvent  en 
soùflfre  beaucoup  de  frais. 

La  charge  de  président  vaut  6,000  livr.,  des  élus 
3,000,  du  procureur  4^000. 

Les  greniers  à  sel  ont  des  officiers  s'occupant  des 
gabelles,  faux-saunage,  etc.;  il  y  a  des  greniers  à  sel 
d'impôts  et  d'autres  de  vente  volontaire.  Ces  derniers, 
les  seuls  en  Nivernois,  sont  Saint-Pierre-le-Moutier, 
Nevers,  Sancoins,  Saint-Saulge,  Moulins-Engilbert, 
Chateauchinon,  Desise  et  Luzy. 

Il  y  a  une  maitrise  royale  des  Eaux  et  Forests  à 
Nevers. 

«  Les  bois  et  forests  du  Roy  sont  fort  négligez  dans 
cette  généralité  par  le  peu  d'application  des  maistres 
particuliers  sur  lesquels  le  grand  maitre,  qui  ne  fait 
que  des  tournées  fort  rares,  ne  peut  avoir  assez  de 
connoissance  pour  les  rendre  attentifs  à  leur  devoir.  » 


—  517  — 

Depuis  1688,  cette  généralité  a  fourny  au  Roy  la 
somme  de  : 

Pour  les  impositions  ordinaires..     2,268,669^   6"  3^ 

Pour  Tustancille  (charges  mili- 
taires) et  capitation 959,964^  10* 

Pour  autres  affaires  nouvelles  et 
extraordinaires 357,142^ 


3,585,77^  15»  3d 


Mais  si  on  veut  savoir  comment  une  si  petite  géné- 
ralité a  pu  fournir  une  somme  si  excessive,  il  faut 
rappeler  icy  ce  qui  a  été  cy-devant  remarqué  sur  la 
qualité  et  propriété  du  pays  et  l'industrie  des  habi- 
tants, qui  sont  les  sources  de  toute  cette  finance  dont 
voici  le  détail  : 

Commerce  des  blés  et  chanvres  ;  des  vins  ;  des  bois 
en  Bourbonnois,  Nivernois  et  Morvan,  qui  est  de  plus 
de  400,000  livres  ;  le  commerce  du  charbon  de  pierre 
du  coté  de  Desise  peut  valoir  120,000  livres. 

Celui  des  bestiaux  si  étendu  et  si  considérable  qu'il 
est  inestimable. 

Celui  du  poisson  peut  valoir  300,000  livres. 

Celui  des  cochons  dans  les  années  de  glandée  qui 
monte  quelquefois  à  près  de  300,000  livres. 

Manufactures  et  industrie,  —  Le  commerce  du  fer 
dans  le  Nivernois  peut  valoir  300,000  livres  ;  celui  du 
fer-blanc,  50,000  livres.  La  fayancerie  et  verrerie  de 
Nevers,  200,000  livres... 

La  consommation  qui  se  fait  aux  eaux  de  Vichy  et 
Bourbon  est  de  plus  de  150,000  livres.  La  consommation 
sur  la  grande  route  de  Paris  à  Lyon  et  Auvergne  ne 
se  peut  évaluer. 

Pendant  la  guerre,  la  consommation  des  étapes  a  été 

T.  vni,  3«  série.  34 


—  518  — 

en  1694  de  228,358  livres.  En  pleine  paix,  elle  ne 
vaudra  pas  plus  de  40,000  livres. 

Il  faut  compter  sur  les  bienfaits  de  la  paix.  <(  Rien 
ne  peut  plus  contribuer  pour  maintenir  le  commerce 
du  fer  en  Nivernois  que  d'y  continuer  les  manufac- 
tures des  boulets,  ancres  et  mesme  des  canons  que 
S.  M.  a  fait  faire  pour  la  marine,  d'attacher  dans  le 
pays  par  des  franchises  et  immunitez  les  ouvriers 
pour  la  manufacture  du  fer  blanc  qui  seroit  aussi  consi- 
dérable que  celle  d'Allemagne  si  elle  étoit  recherchée 
et  soutenue  autant  qu'elle  le  mérite  (1).  La  manufac- 
ture de  draps  de  Chateauchinon  seroit  excellente,  si 
la  pauvreté  des  ouvriers  n'etoit  si  extrême,  qu'ils  ne 
peuvent  acheter  des  laines  ni  les  faire  convenablement 
dégraisser.  On  pourrait  peut-être  leur  faciliter  des 
avances  d'argent,  qu'ils  rendraient  ensuite. 

Les  grands  chemins  de  César  montrent  l'intérêt  que 
prenaient  les  Romains  à  la  vie  des  peuples.  La  route 
de  Paris  à  Lyon  est  très  large,  très  commode  et  les 
pavez  publics  y  sont  parfaitement  bien  entretenus, 
l'on  continue  toutes  les  années  d'y  faire  quelques 
ouvrages. 

Les  ponts  de  Nevers  et  Saint-Pourçain  sont  grands 
et  très  solides  ;  il  y  aurait  à  faire  les  ponts  de  Moulins 
et  de  Decize. 

Les  chemins  du  Nivernois  sont  plus  difficiles  en  ce 
que  le  fond  en  est  si  mauvais  qu'en  hiver  ce  sont 
presque  partout  des  précipices.  Pour  exciter  les  com- 
munes à  ces  travaux  d'entretien,  il  faudrait  leur 
accorder  quelque  diminution  dans  le  département  des 
tailles. 

(1)  On  fait  ici  allusion  aux  importantes  usines  de  fer-blanc  installées 
alors  récemment  à  Beaumont-la-Ferrière.  M.  d*Argouges  dit  qu'elles  sont 
dirigées  en  1686  par  le  sieur  ûallier  ;  il  les  considéra  comme  utiles  à 
encourager  par  des  subventions  et  des  envois  d'ouvriers  habiles. 


—  519  — 

La  province  de  Nivernois  a  pour  lieux  d'étapes 
Nevers,  Saint-Pierre-le-Moutier,  Desise,  Saint-Saulge 
et  Luzy.  Quelquefois  il  passe  des  troupes  à  Moulins- 
Engilbert,  mais  rarement,  et  il  n'y  a  point  d'exempt 
d'étapes  ordinaire  à  cause  de  cela,  aussi  bien  qu'à 
Cercy-la-Tour,  Chatillon  et  Anlezy. 

Il  a  été  observé  quelle  est  la  manière  dont  les  étapes 
sont  liquidées. 

Quand  il  s'agit  tous  les  ans  d'ajuger  les  étapes, 
l'intendant  de  la  province  reçoit  les  ordres  de  M.  le 
Contrôleur  gênerai  de  faire  faire  les  publications  et  de 
recevoir  sur  les  lieux  les  enchères  ou  mises  au  rabais 
dont  il  dresse  un  procès  verbal  et  l'envoie  au  conseil, 
où  l'on  procède  à  la  manière  ordinaire  à  l'adjudication. 
Or,  jamais  les  étapes  n'ont  été  adjugées  à  plus  bas  prix 
que  les  dernières,  elles  etoientà  plus  de  moitié  moins 
qu'elles  n'etoient  dans  le  temps  que  les  receveurs  géné- 
raux en  etoient  chargez.  Il  faut  que  les  receveurs 
généraux  de  ce  temps  là  ayent  prodigieusement  gagné 
sur  le  Roy,  puisque  les  derniers  adjudicataires  y 
trouvent  encore  leur  compte  clair  et  liquide  par  les 
sous  fermes  qu'ils  font  aux  estapiers.  Il  est  vray  que 
ces  sous  etapiers  ont  furieusement  abusé  de  leur 
employ  en  traitant  des  routes  entières,  s'accommodant 
avec  les  maires  et  consuls  des  lieux  d'étapes  en  traitant 
des  places  mortes  mesme  des  places  des  efifectifs,  cela 
s'est  fait  si  communément  qu'il  n'y  a  point  de  sous 
etapier  auquel  on  ne  peut  faire  le  procès.  On  en  a 
donné  des  avis  au  Conseil,  mais  il  en  auroit  peut  être 
coûté  trop  cher  au  Roy  sur  l'adjudication  générale  des 
étapes  qui  auroient  été  beaucoup  plus  fortes,  si  l'on 
avoit  voulu  suivre  trop  à  la  lettre  les  dispositions 
rigoureuses  des  ordonnances  de  la  guerre  sur  le  fait 
des  étapes. 


—  520  — 

Récapitulation  des  revenus  du  Roy  dans  la  généralité 

de  Moulins  : 

Les  tailles 1 .  117 .854  livres. 

5  grosses  fermes  et  gabelles. . .  750 .815  — 

Aydes 300.000  — 

Domaine 31.000  — 

Eaux  et  Forests 12.000  — 

Ferme  du  tabac 20.000  — 

Ferme  des  Postes 25.000  — 

Ferme  des  poudres  et  salpêtres  12.000  — 

2.268.669    — 

Le  manuscrit  passe  ensuite  (1)  à  la  généralité  de 
Bourges,  mémoire  dressé  par  l'intendant,  M.  Dey  de 
Seraucourt  en  1698,  à  celui  de  la  généralité  d'Orléans, 
qui  présentent  le  môme  ordre  qu'à  Moulins  ;  il  y  avait 
donc  un  questionnaire  que  chacun  suivait  à  sa 
manière. 

NOTES  SUR  LES  GÉNÉRALITÉS  DE  BOURGES 

ET  ORLÉANS 

La  généralité  de  Bourges,  lors  de  l'enquête  de  1698, 
était  limitée  par  la  Loire  et  comprenait  tous  les  terri- 
toires considérés  comme  Nivernais,  à  Sancoins,  Le 
Guétin  et  La  Guerche  jusqu'à  La  Charité.  Ces  loca- 
lités ne  sont  point  désignées  dans  l'enquête  et  ne 
contiennent  aucun  renseignement  utile  à  indiquer. 

La  généralité  d'Orléans  comprenait  les  territoires 
de  Cosne  et  Clamecy,  par  conséquent  environ  la  moi- 
tié du  Nivernois  et  le  Donziois  (2).  Nous  suivrons  les 

(1)  Ms.  fr.  22,202,  fol.  45. 

(2)  Ihid,,  fol.  75. 


—  521  — 

énonciations  très  sommaires  fournies  par  l'enquête  de 
l'intendant  qui  avait  négligé  ces  parties  éloignées  du 
centre  de  sa  juridiction. 

«  La  rivière  d'Yonne  a  sa  source  en  Nivernois.  Il  y  a 
trois  ponts  de  pierre  :  à  Magny  (1),  Saint-Didier  (2)  et 
Clamecy.  Les  deux  premiers  sont  presque  ruinez  et  le 
dernier  est  en  bon  estât.  Il  y  a  un  pont  de  pierre  à 
Druyes,  sur  un  ruisseau,  qui  est  en  assez  mauvais 
état  ;  M.  le  Duc  de  Nevers  y  lève  un  péage  de 
10  deniers  par  beuf  ou  par  vache,  4  deniers  par  porc 
et  un  denier  par  moutton.  Il  n'est  point  deub  d'autre 
péage  dans  l'élection  de  Clamecy.  » 

C'était  un  passage  important  entre  la  Bourgogne  et 
l'Orléanais,  Cosne,  Gien,  La  Charité  et  le  Berry.  Les 
ponts  voisins  faits  en  pierre  étaient  presque  entière- 
ment ruinés. 

Un  pont  sur  le  Nohain,  à  Entrains,  doit  le  péage  à 
M.  le  Duc  de  Nevers,  10  deniers  par  charrette, 
5  deniers  par  bœuf,  et  sert  aussi  de  communication 
entre  la  Bourgogne,  le  Berry  et  l'Orléanais. 

Le  pont  de  Donzy  doit  péage  à  M.  l'Evoque 
d'Auxerre. 

Tous  les  bois  qu'on  exploite  dans  l'élection  de 
Clamecy  se  jettent  sur  les  rivières  à  bois  perdu  et  sont 
conduits  et  debittez  à  Paris,  ce  qui  a  produit  un  bien 
infini  à  ce  pays,  puisque  la  seule  terre  de  M.  le  marquis 
de  La  Tournelle,  située  dans  l'élection  de  Château- 
chinon ,  qui  ne  valoit  pas  6,000  livres  de  rente,  en 
vaut  plus  de  30  (3)  depuis  que  cette  rivière  a  été 
rendue  flottable. 


(1)  Probablement  Magny-Lormes,  canton  de  Corbignj. 

(2)  Cette  paroisse  tirait  son  nom  d'un  pont  romain  (?)  sur  TYonne, 
dont  certains  restes  se  voyaient  encore  il  y  a  quelques  années.  (Dict. 
topogr.) 

(3>  Même  remarque  ci-dessus  dans  le  mémoire  de  M.  Le  Vayer,  p.  505. 


—  522  — 

Le  mémoire  s'étend  sur  le  commerce  de  la  naviga- 
tion de  la  Loire  comprenant  toutes  les  espèces  de 
marchandises.  Cette  voie  navigable  a  été  de  tout 
temps  la  grande  ressource  du  commerce  pour  le  centre 
de  la  France.  Notre  intendant  de  Moulins  ne  s'y 
appesantit  pas ,  sachant  bien  que  son  collègue 
d'Orléans  devait  s'en  occuper  tout  spécialement. 

Le  commerce  des  bois  de  moulle  et  quelques  forges 
se  remarquent  dans  l'élection  de  Clamecy.  Les  bleds, 
le  vin,  les  fruits  et  le  foin  qu'on  y  recueille,  se 
consomment  sur  les  lieux  et  se  portent  d'un  marché  à 
l'autre.  On  y  trouve  sept  forges  et  un  fourneau  ; 
quelques-unes  sont  abandonnées  ;  celles  qui  subsistent 
travaillent  par  des  eaux  de  source  et  de  petits  étangs 
qui  en  sont  proches.  Quant  aux  bois,  ils  sont  très 
communs  dans  le  pays  ;  le  fer  et  l'acier  qui  s'y  fait  est 
commun  et  se  debitte,  partie  dans  le  pays,  partie  à 
Orléans  et  à  Paris,  où  il  s'envoye  par  la  rivière  de 
Loire  et  par  le  canal.  On  a  remarqué  cy-devant 
comment  on  y  transporte  les  bois  de  cette  élection. 

Dans  l'ordre  ecclésiastique,  on  lit  les  remarques 
suivantes  :  L'élection  presque  entière  de  Clamecy  est 
composée  de  56  paroisses  dépendantes  de  l'evesché 
d'Auxerre,  le  surplus  étant  du  diocèse  de  Nevers. 

Un  monastère  de  bénédictines  à  Cosne  et  à  Saint- 
Fargeau.  Le  chapitre  de  Cosne  est  composé  d'un 
chantre  et  de  quatre  chanoines,  dont  M.  l'Evesque 
d'Auxerre  est  collateur. 

Dans  l'élection  de  Clamecy  la  chapelle  et  maison  de 
N.-D.  de  Bethléem,  près  Clamecy,  unie  à  l'evesché  du 
môme  nom,  et  que  l'on  confond  souvent  avec  le  titre 
de  cet  èveché  parce  qu'elle  en  fait  tout  le  revenu,  qui 
est  de  400  livres. 

Cette  élection  ne  contient  que  trois  prieurez  simples 


-  523  — 

à  Saint-Sauveur,  à  Marcy  (1)  et  à  Linseq  (2) ,  quatre 
petits  chapitres  :  un  à  Varzy,  composé  d'un  chantre, 
un  trésorier  et  5  chanoines.  Un  à  Tannay  de  12 
prébendes  fondées,  dont  6  de  remplies.  Un  à  Chas- 
telcensoy  (3),  dans  lequel  il  doit  y  avoir  un  prieur  ou 
doyen,  un  trésorier  et  8  chanoines  réduits  à  2. 

Le  dernier  est  à  Clamecy,  où  il  y  a  im  curé,  chantre 
et  chanoine,  5  autres  chanoines,  un  vicaire  et  un 
sacristain. 

A  l'égard  des  ordres  réguliers,  il  n'y  a  qu'un  couvent 
de  recollets  et  une  communauté  de  filles  de  la  Provi- 
dence à  Clamecy  et  une  chartreuse  composée  de  quatre 
religieux  à  Surgy  (4). 

Gouvernement  militaire.  —  La  partie  du  Nivernois 
qui  est  de  la  généralité  d'Orléans  est  sous  le  gouver- 
nement de  M.  le  Duc  de  Nevers,  sous  lequel  M.  le 
marquis  de  Vieilbourg  est  lieutenant  général. 

Justice  et  juridiction  ordinaire.  —  Eaux  et  Forêts. 
—  Point  d'observation. 

Clamecy  était  l'une  des  12  élections  et  comprenait 
66  villes,  bourgs  et  paroisses,  formant  7,350  feux.  Les 
tailles  et  droits  de  greflEe  s'y  sont  élevés,  en  1698,  à 
82,845  livres  8  sols. 

Cosne  dépendait  de  l'élection  de  Gien  pour  la  partie 
nord. 

En  1696,  on  a  distrait  27  villes,*  bourgs  et  paroisses 
pour  former  l'élection  de  La  Charité,  généralité  de 
Bourges. 

(i)  Marcy,  prieuré  de  Tordre  de  Saint-Benoist  et  roaladrerie,  canton  de 
Varzy, 

(2)  Saint-Sauveur  et  Lainsecq,  deux  localités  de  l'Yonne. 

(3)  Châtelcensoir  (Yonne). 

(4)  Probablement  Basseville,  auijourd'hui  commune  de  Pousseaux. 


—  524  — 


LE 


CHATEAU  D'AGNÈS  DE  BOURBON 


ET  LE 


COUVENT  DES  JACOBINS 


DE  NEVERS 


Dans  tout  travail,  il  faut  de  l'ordre  et  de  la 
méthode  ;  mais  le  sujet  qui  nous  occupe  présentant, 
en  certains  endroits,  des  faits  connexes  qu'il  n'est  pas 
toujours  facile  de  renfermer  dans  une  catégorie  nette- 
ment tranchée,  des  empiétements  d'une  division  sur 
une  autre,  le  mélange  de  questions  d'ordre  différent  et 
quelques  redites  sont  inévitables  ;  l'intelligence  de 
l'exposé  aura  tout  à  y  gagner  et  ce  n'est  pas  de  petite 
importance. 

Sans  plus  de  préambule,  j'entre  en  matière  :  je 
parlerai,  en  premier  lieu,  du  château  d'Agnès  de 
Bourbon,  puis  du  couvent  des  Jacobins,  en  établis- 
sant, pour  cette  seconde  partie,  beaucoup  plus  étendue, 
trois  subdivisions  :  le  couvent,  l'église,  le  cimetière. 


—  525  — 

lo  Le  Château  d'Agnès  de  Bourbon. 

Agnès  de  Bourbon  (1)  vit  peut-être  construire  le 
château  qu'elle  habita  sûrement  pendant  un  certain 
nombre  d'années,  avant  d'en  faire  la  cession  pour  ime 
œuvre  pie. 

Sa  mère,  Yolande  de  Châtillon,  femme  d'Archam- 
bault  IX,  sire  de  Bourbon,  était  sœur  et  héritière  de 
Gui  de  Châtillon,  comte  de  Saint-Paul,  mari  d'Agnès 
de  Donzy. 

Elle  avait  pour  sœur  la  comtesse  Mahaut  de  Bour- 
bon. 

Les  possessions  d'Agnès  consistaient  en  la  baronnie 
de  Bourbon,  qu'elle  apporta  à  Jean  de  Bourgogne,  qui 
mourut  avant  elle,  et  en  son  château  de  Nevers, 
derrière  la  cathédrale,  avec  quelques  autres  maisons. 

Le  château  a  été  fort  remanié  depuis  qu'il  était 
habité  par  la  comtesse. 

Avec  l'œuvre  de  destruction  du  temps,  l'incendie 
de  1462,  divers  agencements  qui  se  sont  imposés,  il  est 
assez  difficile  de  lui  restituer  son  aspect  ;  toutefois 
l'assiette  des  constructions  reste  pour  témoin  et  c'est 

(1)  Note  généalogique  : 

Hervé,  baron  de  Donzy.         —    Mahaut  de  Courtenay,  comtesse 

I  de  Nevers. 

Agnès  de  Donzy. 
Cette  Agnès  épousa  —  Gauthier  de  Châtillon. 

(Pas  de  descendance.) 

Archambault  IX  de  Bourbon.      —  Yolande  de  Châtillon, 

sœur  et  héritière  de  Gauthier. 


Mahaut  de  Bourbon.  Agnès  de  Bourbon. 

Jean  de  Bourgogne.  —  Agnès  de  Bourbon. 

I 
Béatriz  de  Bourgogne. 

Robert  de  France,  -~         Béatriz. 
comte  de  Clermont. 


-  526  - 

presque  tout   ce  que  nous  avons  de  documents  de 
pierre. 

En  entrant,  au  fond  de  la  cour,  s'étend  un  vaste 
corps  de  bâtiments  des  xiv«  et  xv®  siècles  et  une 
construction  récente,  moins  élevée,  qui  est  assise  sur 
les  fondations  mêmes  de  la  partie  du  ch&teau  détruite 
au  xni«  siècle  ;  de  sorte  que  le  château,  —  on  pourrait 
dire  le  palais,  —  offrait  des  proportions  grandioses  : 
une  cinquantaine  de  mètres  de  façade. 

A  cause  de  la  déclivité  du  sol,  le  château,  de  ce 
côté,  est  un  peu  enfoncé  en  terre. 

A  droite  et  â  gauche  de  la  cour,  se  dresse  une  haute 
muraille  de  clôture.  Un  autre  mur,  au  levant,  longo 
la  rue  du  Cloître-Saint-Cyx'  ;  on  y  remarque  les  ves- 
tiges de  très  anciennes  fenêtres  murées. 

La  porte  d'honneur,  ou  grande  porte,  était  à  Tangle 
de  la  cour,  en  face  la  rue  du  Cloître-Saint-Cyr  pro- 
longée par  la  rue  des  Jacobins. 

Près  de  la  porte  d'entrée  du  château  môme,  on  voit 
un  grand  et  beau  puits  qui  n'a  subi  d'autres  change- 
ments que  celui  du  renouvellement  de  sa  toiture. 

On  descend  par  quelques  marches  dans  le  couloir 
primitif  de  l'ancienne  demeure  d'Agnès  ;  à  son  extré- 
mité, près  du  jardin,  il  est  une  porte  qui  mérite  toute 
notre  attention  :  de  l'intérieur  seulement,  on  est  à 
même  de  voir  sa  forme  dans  son  intégrité  parfaite. 
Les  montants  se  terminent  en  cintre  brisé,  sans  autre 
ornement  qu'un  chanfrein,  commençant  à  un  mètre  du 
sol,  sur  les  angles  du  pourtour  ;  elle  mesure  1  m.  80 
de  largeur  et  3  m.  50  en  hauteur,  sous  la  pointe  du 
cintre.  Elle  est  bien  de  l'époque. 

Cette  vieille  relique  est  très  précieuse,  car  elle  nous 
amène  â  déduire  que  toutes  les  autres  ouvertures 
étaient  semblables  et  nous  âxe  sur  l'âge  dumoniunent. 


-  527  — 
Les  murs  ont  un  mètre  d'épaisseur. 

Je  disais  que  la  comtesse  Agnès  avait  peut-être  vu 
bâtir  le  château  ;  n'a-t-il  pas  été  construit  pour  elle  ou 
par  elle  ?  La  date  de  la  donation  est  1271  ;  celle  de  la 
construction  est-elle  antérieure  de  plus  de  trente  à 
quarante  ans  ? 

Du  jardin,  la  vue  est  splendide  sur  le  cours  de  la 
Loire  et  les  collines  des  Montapins.  Après  avoir  joui 
un  instant  de  la  beauté  captivante  du  paysage,  on  n'est 
plus  en  droit  de  dire  que  l'emplacement  n'était  pas 
bien  choisi. 

Descendons  à  l'extrémité  du  jardin  pour  voir  le  mur 
de  circuit  de  la  cité  primitive  et  la  différence  de 
niveau  du  bas  des  murs  avec  la  plateforme  du  sommet. 
On  domine  les  cheminées  des  maisons  voisines. 

A  propos  de  cheminées,  nous  en  remarquons  une 
avec  tuyau  très  ancien,  cylindrique,  en  pierre  de 
taille.  —  Que  les  membres  de  la  Société  qui,  aux 
vacances  dernières,  ont  visité  les  ruines  de  l'ancien 
château  de  Murât,  près  Billy-sur-Oisy,  se  rappellent 
donc  notre  trouvaille  sur  deux  points  différents,  au 
milieu  des  ruines,  d'au  moins  une  dizaine  de  pierres 
taillées  en  forme  de  grandes  tuiles  faîtières  et  d'autres 
pierres  d'angle  taillées  avec  évidement  intérieur  do 
quart  de  cercle  ;  nous  avons  alors  rapproché  quatre  de 
ces  pierres  d'angle  formant  carré  avec  sommet  se 
rétrécissant  en  cercle  ;  à  cette  partie  supérieure  cylin- 
drique, nous  avons  ajouté  un  rang  des  pierres  taillées 
en  faîtières,  dont  quatre,  rapprochées,  formaient  un 
cylindre  creux  à  l'intérieur.  Dès  ce  moment,  j'affirmai 
que  nous  venions  de  faire  la  découverte,  sur  deux 
points  différents,  de  restes  d'anciens  tuyaux  de  che- 
minée . 


—  528  — 

l^a  cheminée  que  nous  voyons  se  dresser  près  de 
nous,  au  bas  du  jardin  d'Agnès  de  Bourbon,  justifie 
mon  assertion. 

Le  ch&teau  de  la  comtesse  Mahaut,  à  Murât,  et 
celui  de  la  comtesse  Agnès,  à  Nevers,  étaient  presque 
contemporains  :  le  premier  bâti  en  1212  (Lebeuf),  le 
second  dans  la  première  moitié  du  xm®  siècle. 

Nous  pouvons  donc  nous  représenter,  à  bon  droit,  le 
château  de  Nevers  surmonté  de  plusieurs  de  ces 
cheminées,  à  base  rectangulaire,  puis  tuyau  cylin- 
drique surmonté  d'un  couronnement  à  moulures. 

La  façade  du  couchant,  avec  sa  porte  et  ses  fenêtres 
en  carré,  espacées  inégalement,  sans  symétrie,  et  la 
construction  moderne  en  prolongement  jusqu'à  la  rue 
des  Jacobins,  font  un  pénible  contraste  avec  le  souvenir 
qu'on  évoque  du  magnifique  château  d'autrefois  ajouré 
d'une  double  rangée  de  fenêtres  à  ogive... 

De  ce  côté,  le  château  est  plus  dégagé  ;  on  arrivait 
au  jardin  par  un  perron  de  plusieurs  marches. 

Au-dessus  de  la  porte,  on  lit  deux  —  ou  plutôt  trois 
—  inscriptions  superposées  : 

ANCIEN  CHATEAU  DE  AGNÈS  DE  BOVRBON 
QU'ELLE  DONNA  AUX  DOMINICAINS  EN  NOVEMBRE 

i27i 
LEDIT  CHATEAU  A  ÉTÉ  RÉÉDIFIÉ  EN  1702 

La  troisième  inscription  est  ajoutée  à  la  suite  de  la 
seconde,  sans  intervalle,  parce  que  l'espace  libre  du 
linteau  ne  permettait  pas  de  séparation. 

ET  ACHETÉ  EN  1821  PAR  UNE  SOCIÉTÉ 
POUR  LES  FRÈRES  DES  ÉCOLES  CHRÉTIENNES. 


-  529  — 


2^  Le  Couvent  des  Jacobins. 

§  I®'.  —  Le  couvent  :  dons,  constructions^  faits 

remarquables. 

Jacobins,  c'est  le  nom  jadis  que  portaient  en  France 
les  Dominicains  parce  que  leur  premier  couvent,  à 
Paris,  fut  établi  rue  Saint-Jacques  (1219). 

La  donation  du  château  d'Agnès  de  Bourbon,  faite 
en  faveur  des  religieux  de  cet  ordre,  eut  donc  lieu  au 
mois  de  novembre  1271.  Voici,  d'après  le  Gallia 
Christiana  (tome  XII,  Eglise  deNeverSj  col.  351),  le 
commencement  de  la  charte  de  concession  : 

«  A  tous  ceux  qui  les  présentes  lettres  verront; 
Agnès,  dame  de  Bourbon,  salut  dans  le  Seigneur. 
Nous  vous  faisons  savoir  que,  de  notre  propre  volonté, 
pour  le  remède  de  notre  âme  et  de  nos  parents... 
nous  donnons  aux  prieurs,  provincial  et  frères  de 
l'ordre  des  Prêcheurs  de  la  province  de  France,  en 
pure  et  perpétuelle  aumône,  toutes  nos  maisons  sises  à 
Nevers  avec  les  jardins  et  toutes  les  dépendances  pour 
y  bâtir  un  couvent  de  leur  ordre... 

1)  Nous  les  investissons  de  ces  biens  en  la  personne 
de  notre  cher  cousin,  frère  Gui  de  Sully.  » 

La  donatrice  s'était  pourvue  à  l'avance,  au  mois 
d'octobre  de  la  même  année,  de  l'acquiescement  de 
Robert  de  France,  comte  de  Clermont,  et  de  sa  femme 
Béatrix  (fille  d'Agnès).  Le  roi  Philippe-le-Bel  ne  tarda 
pas  à  donner  son  approbation  à  l'établissement  des 
Dominicains  ;  ce  qui  eut  lieu  au  mois  de  décembre 
suivant.  (Parmentier,  Archives  de  Nevers.) 

Pourquoi  l'installation  se  fit-elle  si  longtemps 
après,  seulement  en  1296?  Le  frère  Gui  de  Sully  était 


—  530  — 

depuis  vingt  ans  déjà  archevêque  de  Bourges.  — Mais 
ne  faut-il  pas  un  certain  temps  pour  les  aménagements 
nécessaires  à  un  couvent  ?  —  Quelques  frères,  en 
attendant  la  prise  de  possession  canonique,  n'étaient- 
ils  pas  sur  place  pour  la  direction  et  la  surveillance 
des  travaux? 

Quoi  qu'il  en  soit,  en  1296,  Tévêque  Jean  de  Savigny 
donna  aux  Dominicains  l'autorisation  de  se  fixer  à 
Nevers  (Parmentier).  —  N'est-ce  pas  la  date  de  leur 
installation  solennelle  ? 

Le  couvent  naissant  fut  choyé  comme  un  Benjamin 
et  comblé  de  largesses  par  Hugues  Aycelin,  cardinal  de 
Billon,  et  jacobin  lui-même.  Il  donna  aux  Dominicains 
de  Nevers  ses  ornements  de  satin  rouge,  un  calice,  un 
graduel  noté  en  deux  volumes,  un  antiphonaire  noté 
en  quatre  volumes,  et  deux  psautiers.  Il  y  ajouta,  par 
son  testament  en  date  du  24  août  1297,  pour  la  cons- 
truction de  leur  couvent,  la  quatrième  partie  de  tout 
ce  qui  lui  serait  dû  au  jour  de  sa  mort,  des  cens  de  la 
Fouille,  de  Sicile  et  d'Angleterre  et  des  droits  à  lui 
dûs  à  cause  de  son  cardinalat  ;  et  par  un  codicille,  fait 
à  Rome  le  28  décembre  1298,  il  leur  lègue  encore  tous 
les  livres  qu'il  avait  achetés  depuis  qu'il  était  car- 
dinal. 

La  ville,  ainsi  que  les  particuliers,  témoignèrent 
aux  bons  Pères  des  marques  non  équivoques  de  leur 
intérêt,  de  leurs  sympathies  et  de  leur  attachement. 

La  ville,  d'après  les  anciens  comptes,  leur  donnait 
régulièrement  une  aumône  annuelle  de  10  livres 
(Archives  communales,  CC,  303)  et,  de  plus,  leur 
accordait  par  an  également  100  livres  (CC,  301  et  CC, 
314)  pour  la  desserte  de  la  chapelle  de  Saint-Sébastien 
au  bled. 

Parmi  les  particuliers,  une  dame  Bienvenue,  veuve 
de  Vivien  Guin  dit  Hugues  de  Bourbon,  expose  aux 


-  534  -- 

Pères  réunis  en  chapitre,  au  son  de  la  cloche,  qu'elle 
les  supplie  de  l'admettre  participante  de  toutes  leurs 
bonnes  œuvres,  messes  et  autres  actions  divines  ;  elle 
demande  à  vivre,  tout  en  restant  bourgeoise  séculière, 
suivant  la  règle  de  saint  Dominique,  à  demeurer  dans 
la  maison  qu'ils  ont  près  de  l'abbaye  de  Notre-Dame 
et  à  recevoir  d'eux  la  prébende  comme  pour  im  des 
frères  et  à  être  ensevelie  dans  leur  clos.  En  un  mot,  elle 
voulait  être  tertiaire  dominicaine.  —  Les  frères  répon- 
dent qu'ils  ne  peuvent  rejeter  cette  dévote  supplication. 
De  quoi  la  dame  Bienvenue,  reconnaissante,  déclare 
que,  si  elle  meurt  dans  l'espace  de  trois  ans,  immédia- 
tement après  ime  année  à  partir  de  son  décès,  ils  rece- 
vront de  ses  trois  fils  :  Guillaume  Guin,  prêtre,  Perreau 
et  Thibaut  100  sols  tournois  pour  leur  église  et  en 
outre  la  moitié  de  tous  ses  biens.  (Archives  de  la  porte 
du  Croux.  Testament  de  ladite  dame,  le  19  sep- 
tembre 1319). 

En  1327,  Anet  Gautherin,  de  Nevers,  fait  par  testa- 
ment plusieurs  legs  et  spécialement  un  de  30  livres  à 
l'église  des  Pères  où  il  veut  être  enterré  avec  ses 
parents  devant  l'autel  de  la  sainte  Vierge.  Pour  faire 
suite  aux  legs  d'habitants  de  Nevers^  je  demande  à 
anticiper  sur  l'ordre  chronologique  auquel  je  reviendrai 
ensuite  :  1412  (Archives  hospitalières,  1.  Testament 
de  Robin  Guillaume...  legs  de  20  livres  aux  Jacopins .) 
—  1552,  testament  de  Isabeau  Grève,  veuve  de  maître 
Jean  Leclerc,  en  son  vivant  docteur  en  médecine,  legs 
de  200  livres  pour  la  nourriture  des  pauvres,  à  la  condi- 
tion de  donner  tous  les  ans,  pour  la  fête  de  saint  Simon 
et  saint  Jude,  au  couvent  de  saint  Dominique,  4  livres 
à  employer  «  à  la  chaussure  et  soliers  des  novisses 
dudit  Couvent».  (Extrait  des  archives  hospitalières  de 
Nevers  —  B,  2). 

Un  autre  cardinal,  Nicolas  de  Saint-Saturnin,  de 


—  532  — 

Tordre  de  Saint-Dominique  marque  son  intérêt  au 
couvent  de  Nevers  en  lui  léguant  par  testament,  en 
date  du  20  octobre  1381,  5  florins  d'or.  (François 
DucHESNE,  page  660,  Histoire  des  cardinaux  français,) 

Un  religieux  dominicain  monte  sur  le  siège  épis- 
copal  de  Nevers  en  1380  ;  c'est  l'évoque  Maurice,  de 
Coulanges-la- Vineuse,  dont  on  voit  le  tombeau  dans 
le  chœur  de  la  cathédrale,  près  de  l'autel,  du  côté  de 
l'évangile.  Il  signale  son  affection  pour  ses  frères  par 
une  largesse  princiëre  :  il  fait  b&tir  à  ses  frais  la  tour 
de  leur  église. 

Il  me  tarde  de  parler  du  local  du  couvent. 

Revenons  dans  l'ancienne  cour  du  château  d'Agnès. 
—  Un  tel  changement  s'est  opéré  qu'à  peine  croyons- 
nous  être  dans  cette  demeure  que  nous  avons  visitée 
en  esprit  alors  que  la  comtesse  l'habitait  ou  plutôt 
quand  elle  l'eut  quittée  pour  la  laisser  aux  Pères 
dominicains. 

La  grande  porte  d'entrée,  à  l'angle  de  la  rue  du 
Cloître-Saint-Cyr  et  de  la  rue  des  Jacobins,  a  été 
reportée  à  l'autre  angle,  rue  du  Cloître-Saint-Cyr,  à 
cause  du  cimetière  et  du  cloître  des  religieux  qui 
occupèrent  la  bande  de  cour  longeant  la  rue  des 
Jacobins  jusque  près  du  puits. 

A  droite,  le  chevet  d'une  gracieuse  église  déborde 
sur  la  façade  du  château  dont  il  a  fallu  démolir  ime 
partie  pour  l'édifier,  ainsi  que  la  sacristie  éclairée  par  une 
belle  fenêtre  gothique.  Des  constructions  et  des  murs 
entourent  un  clos  divisé  en  compartiments  de  plusieurs 
formes  :  ce  sont  le  cimetière  et  les  cloîtres. 

Un  campanile  surmonte  la  toiture  du  couvent  et  la 


s  r  5 
,  8-  î-  - 

'  I  ;  o 


-  533  — 

cloche   des  exercices  est  sonnée  de   l'intérieur    du 
corridor,  qui  communique  avec  le  jardin. 

L'affectation  des  locaux  dans  les  maisons  religieuses 
n'est  guère  sujette  aux  changements  ;  elle  se  conserve 
par  respect  de  tradition.  Mais  ici,  tout  particulièrement 
dans  les  appartements  en  bordure  le  long  de  la  cour, 
la  disposition  de  leur  enfoncement  dans  le  sol,  et  d'où 
résultaient  une  fraîcheur  et  une  humidité  impropres 
à  un  séjour  d'habitation,  en  a  fixé  dès  l'origine  l'usage 
immuable  et  définitif. 

Or,  prenant  à  la  main  l'acte  d'adjudication  du  cou- 
vent faite  le  11  décembre  1791,  nous  aurons  la  descrip- 
tion et  le  détail  du  couvent. 

((  En  face  la  porte  d'entrée,  un  bâtiment,  au  fond 
d'une  vaste  cour,  se  compose  au  rez-de-chaussée  :  — 
en  commençant  par  la  gauche  et  successivement  en 
s'approchant  de  l'église  —  1®  d'une  vinée,  2^  d'un 
magasin,  3°  d'un  bûcher,  4*  (après  le  corridor)  de  la 
cuisine,  5*^  delà  sacristie. 

«  En  face  (c'est-à-dire  dans  la  partie  regardant  le 
jardin),  une  salle  communique  à  la  sacristie  »  et  aussi 
à  la  cuisine  ;  elle  n'est  pas  désignée  sous  le  nom  de 
réfectoire;  mais  c'était  bien  sa  place.  —  «  Puis,  à 
gauche  (de  l'autre  côté  du  corridor),  deux  salles  à  la 
suite  l'une  de  l'autre  »  dont  l'une  est  assurément  la 
salle  conventuelle. 

Près  de  l'église,  du  jardin  on  monte  au  «  premier 
étage  par  un  escalier  en  pierre  ». 

A  l'extrémité  du  bâtiment  opposé  à  l'église,  «  un 
escalier  en  bois  communique  du  rez-de-chaussée  à  la 
bibliothèque  et  au  grenier  régnant  sur  tout  le  premier 
étage  )) . 

T.  VIII,  3»  série.  35 


—  534  — 

Outre  la  bibliothèque,  le  premier  étage  se  compose 
«  d'un  grand  corridor  (qui  servait  de  dortoir)  et  de 
sept  cellules  de  différentes  grandeurs.  » 

(D'après  l'acte  d'adjudication  aux*sieurs  JoUivet  et 
Cornu  l'aîné,  conseillers  municipaux,  pour  le  compte 
de  la  municipalité.  Archives  de  la  préfecture.) 

Le  fonctionnement  de  la  communauté  des  Domini- 
cains commence  en  1396,  avec  l'autorisation  de 
l'évoque  Jean  de  Savigny  de  se  fixer  à  Ne  vers . 

Ce  ne  fut  que  neuf  années  plus  tard,  en  1305,  que 
le  même  évèque  faisait  la  consécration  de  leur  église. 

Dès  lors  le  couvent  semble  complet  ;  les  pratiques 
et  exercices  de  la  règle  peuvent  s'y  accomplir  suivant 
toutes  les  prescriptions.  A  l'intérieur,  la  prière  et 
l'édification  ;  à  l'extérieur,  le  zèle  de  la  parole  et  de  la 
charité  portent  leurs  fruits  ;  aussi,  par  un  juste  retour, 
voyons-nous  se  manifester  à  leur  égard  des  preuves 
évidentes  d'affection,  d'attachement  et  de  reconnais- 
sance. 

Un  siècle  plus  tard,  dès  1388,  les  Pères  travaillent  à 
un  agrandissement  considérable  de  leur  église,  qui  est 
de  nouveau  consacrée  en  1405. 

Les  Dominicains  de  Nevers  devaient  à  bon  droit 
ôtre  fiers  de  leur  installation  grandiose.  Cependant 
leur  couvent,  malgré  ses  vastes  proportions,  put  à 
peine  contenir  et  héberger  ses  nombreux  hôtes 
accourus  pour  la  tenue  du  chapitre  général  en  1441. 
Aussi  les  comptes  de  1441-1443  font- ils  mention  d'un 
don  et  d'une  aumône  de  la  ville  à  frère  Jean  de  Laulu 
et  à  frère  Guy  Bourbon  de  21  livres  tournois,  «  en  pré- 
vision des  dépenses  exceptionnelles  de  l'assemblée  de 
leur  chapitre,  qui  se  tiendra  à  la  prochaine  Magdeleine 
en  cette  ville,  où  qu'il  y  aura  plusieurs  notables  clercs. 


—  535  ^ 

docteurs  et  bacheliers  en  saincte  théologie  et  moult 
d'autres  vaillants  prostrés  et  frères  prêcheurs  de  bonne 
vie,  mœurs  et  sciences  excellans...  »  (Archives  com- 
munales, ce,  Impôt  et  compt.,  45.) 

Parmentier  dit  que  le  cloître  fut  rebâti  en  1532  par 
Filbert  Pioche  et  Jeanne  de  Lugny,  sa  femme.  Il  y  a 
assurément  erreur  de  date,  attendu  que  Jeanne  de 
Lugny  mourut  en  1455  et  Filbert  Pioche,  son  mari, 
entre  1460  et  1464,  d'après  les  archives  de  la  pré- 
fecture. 

En  1462,  le  couvent  courut  un  grand  danger. 

Dans  la  nuit  du  10  au  11  août,  un  incendie  se  déclare 
dans  le  dortoir.  Les  dégâts  furent  considérables  ;  une 
catastrophe  complète  était  à  redouter.  —  Le  sommaire 
des  comptes  de  la  ville,  dans  toute  sa  simplicité,  nous 
fera  suffisamment  entrer  dans  les  angoisses  des  reli- 
gieux, mesurer  retendue  du  malheur  à  craindre,  et 
reconnaître  le  dévouement  apporté  par  tous  dans  cette 
triste  circonstance  : 

«  A  plusieurs  compagnons  de  la  ville,  12  livres 
9  sols  et  2  deniers  tournois  pour  ce  qu'ils  ont  vaqué 
une  nuit  entière  lors  de  la  fête  de  saint  Laurent,  â 
porter  eau  à  estaindre  le  feu  estant  au  dortoir  des 
Jacobins,  lequel  brusla  avecques  autres  maisons...  et 
aussi  garder  l'église  desdits  Jacobins  que  le  feu  ne  se 
prist  à  icelle;  —  le  curé  de  Saint-Laurent,  ayant 
prêté  deux  torches  de  confrérie,  reçoit  30  sols  tour- 
nois ;  —  aux  Jacobins ,  pour  deux  torches  de  la 
confrérie  Saint-Honoré,  prises  en  leur  église,  30  sols 
tournois  ;  —  la  ville,  considérant  que  la  maison  desdits 
((  pauvres  ))  religieux  est  maintenant  inhabitable  et 
qu'ils  ne  peuvent  la  réparer,  «  attendu  qu'ils  sont 
fondez  en  pauvreté  et  mendicité  »,  qu'ils  ne  peuvent  la 
refaire  sans  «  l'aulmone  des  habitants  et  autres  bonnes 


—  536  — 

créatures  »,  leur  accorde  pour  une  fois  la  somme  de 
20  écus,  valant  27  livres  10  sols  tournois.  »  (Archives 
communales,  CC,  58,  Impôts  et  comptabilité.) 

Le  dortoir  devint  la  proie  des  flammes.  Heureuse- 
ment, l'église  put  être  préservée.  —  Comme  les  abeilles 
se  remettent,  après  un  accident,  à  reb&tir  leur  ruche, 
les  bons  religieux  déployèrent  une  grande  activité  à  la 
restauration  de  leur  couvent  ;  ils  relevèrent  la  maison 
telle  que  nous  la  voyons  maintenant,  à  l'exception  d'un 
petit  clocher  svelte  et  gracieux  surmonté  d'une  flèche 
très  aiguë.  Il  n'y  a  guère  plus  de  quinze  ans  qu'il  a 
disparu.  La  charpente  formant  le  campanile  était 
revêtue  de  feuilles  de  plomb.  Il  parait  que  le  petit 
clocher  vacillait  pendant  les  tempêtes  et  ébranlait  la 
toiture  ;  les  réparations  qu'il  nécessitait  étant  difficiles 
et  coûteuses,  on  résolut  de  le  supprimer.  Des  Frères 
des  Ecoles  chrétiennes,  qui  sont  des  anciens  de  la 
maison,  l'ont  vu  ;  ils  disent  que,  se  dressant  fière- 
ment, il  maintenait  &  la  maison  sa  physionomie  de 
vieux  couvent  et  excitait  la  curiosité  des  étrangers  qui 
visitaient  la  ville  et  entraient  pour  le  voir  et  demander 
des  explications. 

En  1608,  le  11  mars,  la  ville  permit  aux  Jacobins  de 
couvrir  l'escalier  qui  descend  de  leur  église  à  la  rue  de 
la  Tartre. 

1628.  —  On  conçoit  que  pour  la  fête  de  saint  Domi- 
nique il  y  a  grande  fête  au  couvent  ;  à  cette  occasion^ 
après  la  cérémonie  religieuse,  les  Pères  ofiEraient  un 
repas  à  un  grand  nombre  d'invités  ;  mais,  en  1628, 
l'aumône  spéciale  a  son  emploi  détaillé,  ce  qui  en  fait 
tout  l'intérêt  :  9  livres  12  sols  pour  un  mouton,  un 
demi-veau,  deux  livres  de  lard  gras  et  trois  livres  en 


j 


—  537  — 

argent  (1).   (Archives  communales,  CC,   Impôt  et 
compt.,  293,) 

En  l'année  1761,  les  Jacobins  firent  clore  par  un  mur 
la  petite  rue  passant  le  long  de  leur  église  qui  conduit 
du  cloître  Saint-Cyr  à  la  rue  de  la  Tartre  et  à  la  porte 
du  Croux.  Us  alléguaient,  pour  la  justification  de  cette 
mesure,  que  le  passage  leur  appartenait  et  qu'ils 
avaient  été  amenés  à  une  semblable  décision  à  cause 
des  ordures  que  le  peuple  y  faisait  habituellement. 

Cette  suppression  privait  le  public  d'un  passage  et 
d'un  débouché  commodes;  aussi  il  en  résulta  ime 
plainte  générale  dont  MM.  les  doyen,  chanoines  et 
chapitre  se  firent  les  interprètes  par  une  requête 
motivée.  Une  délibération  du  conseil  des  échevins 
s'ensuivit,  exposant  que  le  passage  muré  est  très  utile 
aux  habitants  «  tant  pour  le  temporel  que  le  spirituel 
et  encore  pour  porter  secours  dans  les  incendies  qui 
arrivent  fréquemment  aux  maisons  des  manufacturiers 
à  fayance,  dont  la  majeure  partie  est  située  aux  envi- 
rons dudit passage  ».  (Arch.  com.  delà  ville  deNevers, 
BB,  9.)  —  Est-ce  à  partir  de  cette  époque  ou  anté- 
rieurement qu'il  porte  le  nom  de  rue  des  Jacobins  ? 

L'affaire  se  termina  la  même  année  par  une  tran- 
saction qui  reconnaît  le  droit  des  religieux  :  il  leur 
est  accordé  en  dédommagement  la  somme  de  700  livres, 
à  condition  de  laisser  passer  en  liberté  dans  leur  clô- 
ture et  cimetière,  faisant  ouvrir  les  portes  des  rues  de 
la  Tartre  et  du  Cloître-Saint-Cyr  à  six  heures  du 
matin^  et  pouvant  les  fairefermer  à  six  heures  en  hiver 


(1)  Principalement  comme  terme  de  comparaison  avec  le  prix  des 
étoffes  d'aigourd'hui,  je  cite  un  article  des  comptes  de  1016  :  «  Â  Philibert 
Ronsset,  24  livres  pour  trois  aunes  d'estamet  blanc  et  deux  aunes  de  serge 
de  Beauvais  à  un  religieux  Jacobin  pour  lui  faire  un  habit  au  jour  de  la 
procession.  •  (CCi  279.) 


—  538  — 

et  huit  heures  en  été.  Ont  signé  :  frère  Charles-Fran- 
çois Jayr,  frère  Claude  Dauphin,  sous-prieur,  et  frère 
Pie-Benoit  Dumont,  procureur.  (Arch.  com.  de  la  ville 
de  Nevers,  DD,  Propriétés  communales,  14.) 

L'inscription  que  nous  avons  rapportée  que  :  «  ledit 
château  a  été  réédifié  en  1762  »,  donne  à  rêver  sur  cette 
réédification,  attendu  que  tout  ce  que  nous  avons  sous 
les  yeux  nous  dit  le  contraire.  Or,  le  rapprochement 
de  deux  dates  me  donne  l'explication  de  l'énigme.  En 
1761,  les  Jacobins  reçoivent  de  la  ville  700  livres  pour 
l'abandon  dQ  leur  droit  sur  un  passage  ;  ce  sont  les 
700  livres  qui  trouvent  leur  emploi  dans  «  la  réédifi- 
cation du  château  »,  qui  consiste...  tout  bonnement 
dans  des  travaux  d'entretien  et  de  réparation. 

Après  avoir  trop  longtemps  peut-être  parlé  des 
bâtiments  du  couvent,  je  dirai  un  mot  rapide  des  reli- 
gieux qui  l'habitaient. 

Leur  nombre  ne  semble  pas  avoir  dépassé,  ordinai- 
rement, une  dizaine.  Ils  prêchaient  souvent  à  la  cathé- 
drale et  dans  toutes  les  églises  de  la  ville  ;  mais  ils 
étendaient  leur  champ  d'activité  jusqu'à  tout  le  diocèse 
et  au  delà.  Nous  voyons  souvent  des  allocations  qui 
leur  sont  attribuées  pour  avoir  prêché  «  journelle- 
ment )),  pendant  le  Carême,  à  la  cathédrale,  pour  des 
panégyriques  et  circonstances  solennelles,  pour  des 
prédications  à  Saint- Arigle,  Saint- Victor,  etc. . . 

Un  sermon  qui  eut  du  retentissement  est  celui  que 
prêcha,  quelques  années  avant  1388,  Adam  de  Soissons  » 
prieur  des  Jacobins  de  Nevers.  Il  ne  craignit  pas 
d'énoncer,  dans  la  chaire  de  la  cathédrale,  des  opinions 
au  sujet   de   l'Immaculée -Conception  de  la   sainte 


—  539  - 

Vierge,  qui  révoltèrent  les  fidèles.  L'évéque  Maurice 
de  Coulanges,  bien  qu'appartenant  au  môme  ordre,  le 
fit  arrêter  et  conduire  &  Paris  pour  être  jugé  sur  sa 
doctrine  frisant  l'hérésie.  La  sentence  fut  rendue  le 
mois  de  mai  suivant.  Le  prieur,  repentant,  fit  une 
abjuration  solennelle  au  cimetière  des  Innocents,  en 
présence  du  recteur  de  l'Université  et  de  toutes  les 
Faculté^  réunies,  et  renouvela  à  Nevers  une  abjuration 
semblable.  (D'après  M9'  Crosnier,  Communautés 
religieuses,  Dominicains.) 

Un  Jacobin  de  la  maison  de  Nevers,  frère  Martin 
Porôe,  eut  l'honneur,  en  1403,  de  mettre  fin  aux 
débats  qui  s'étaient  élevés  entre  l'Université  et  l'ordre 
des  Frères  Prêcheurs  au  sujet  de  la  querelle  sur 
l'Immaculée-Conception  de  la  sainte  Vierge  :  «  Cette 
vérité,  non  définie  comme  dogme,  pourra  rester  l'objet 
des  discussions  dans  les  écoles,  mais  il  sera  défendu  de 
prêcher  rien  de  contraire  à  la  croyance  admise  par 
l'universalité  des  fidèles  )> .  Telle  fut  la  conclusion  qui 
aplanit  et  termina  la  difficulté.  L'habileté  du  religieux 
dans  cette  affaire  lui  valut  l'évêché  d'Arras. 

Comment  omettre  le  passage  à  Nevers  de  saint 
Vincent  Ferrier  ? 

Quel  bonheur  pour  la  ville  de  voir  et  d'entendre  le 
grand  thaumaturge  et  l'illustre  prédicateur!  Quelle 
joie  pour  ses  frères  de  lui  donner  l'hospitalité  dans 
leur  couvent  1  Nous  empruntons  à  Parmentier  ce  qu'il 
dit  du  séjour  du  saint: 

«  1417.  —  Saint  Vincent  Ferrier  prêche  à  Nevers, 
sur  la  place  du  Marché-aux-Bêtes,  près  de  l'hôpital  de 
Saint-Didier,  et  prend  pour  texte  ces  paroles  :  «  Ecce 
»  tabernaculum  Dei  ».  Les  échevins  l'avaient  envoyé 
chercher  à  La  Palisse.  Il  arriva  à  Nevers  avant  la  fête 


-  540  — 

de  saint  Clément  (22  novembre)  et  y  demeura  jusqu'au 
jour  de  saint  André  (30  novembre),  en  tout  neuf  jours. 
[«  Chaque  jour  chante  messe  à  note  et,  après  ce,  ser- 
mono.  »  Comptes  de  sa  dépense.]  (Archives  com- 
munales^ ce,  Impôts  et  Compt.,  23.)  Il  logeait  aux 
Jacobins,  qui  prétendent  avoir  sa  chaire  portative,  et 
il  avait  avec  lui  six  compagnons.  Au  sortir  de  Nevers, 
il  s'en  alla  en  Bretagne  ;  mais  on  ne  le  fit  conduire 
en  bateau  que  jusqu'à  La  Charité,  sauf  qu'on  lui  donna 
un  guide  jusqu'en  Bretagne.  La  dépense  faite  à  son 
occasion  monte  &  41  livres  13  sous  8  deniers. 

»  Quand  Vincent  Ferrier  fut  canonisé,  les  Nivernais, 
qui  l'avaient  honoré  comme  saint  de  son  vivant,  érigè- 
rent aussitôt  une  chapelle  en  son  honneur  dans  l'église 
des  Frères  Prêcheurs  qu'il  avait  autrefois  visitée.  Et  la 
foule  s'y  pressait  fréquemment,  à  cause  du  grand 
respect  qu'inspirait  la  mémoire  de  l'homme  de  Dieu.  » 

Par  un  bref,  dont  l'original  est  aux  archives  de  la 
préfecture,  Callixte  III  accorde  à  ceux  qui  visiteront 
cette  chapelle  un  an  d*indulgence,  auquel  le  cardinal 
Alain,  légat  en  France,  ajouta  cent  jours. 

Au  registre  de  1668  à  1674,  il  y  a  une  délibération 
du  21  avril  1671  par  laquelle  il  parait  que  M.  le  pro- 
cureur général  du  Parlement  de  Paris  avait  écrit  au 
procureur  fiscal  ducal  de  Nevers  de  s'informer  du 
revenu  et  des  charges  des  maisons  religieuses.  Carmes 
et  Jacobins,  de  cette  ville,  dont  serait  dressé  procès- 
verbal,  sur  le  nombre  des  religieux  qui  pourraient 
être  nourris  et  entretenus  dans  lesdites  maisons.  Les 
échevins,  lieutenant  et  procureur  généraux  se  trans- 
portèrent dans  ces  couvents  et  interrogèrent  les  supé- 
rieurs et  procureurs  sur  le  montant  des  revenus  et  des 
charges,  mais  ne  voulurent  pas  donner  leur  avis  sans 
prendre  celui  de  la  commune.  Sur  quoi  Ton  conclut 


—  541  — 

que  les  Jacobins  ne  sont  pas  à  charge,  que  chaque 
religieux  peut  subsister  honnêtement,  ayant  150  livres 
à  dépenser  par  an  ;  et  que,  sur  ce  pied,  la  maison 
peut  supporter  douze  religieux  et  môme  davantage  ; 
ils  avaient  donc  au  moins  1,800  livres  de  rente. 

En  1597,  nous  avons  une  concession  d'indulgences 
de  cent  jours  octroyées  par  le  cardinal  Alexandre, 
cardinal  du  titre  de  sainte  Praxède,  légat  en  France, 
à  tous  ceux  qui,  confessés  et  communies,  prieront  dans 
l'église  des  Jacobins  dite  de  Saint-Louis,  le  jour  de  la 
fête  de  saint  Hyacinthe.  (Archives  de  la  préfecture.) 

En  1730,  l'aumône  annuelle  de  10  livres  aux  Jaco- 
bins est  autorisée,  suivant  la  coutume,  par  une  dispo- 
sition du  conseil,  le  24  janvier.  Alors  les  Jacobins  ne 
sont  plus  que  quatre  :  le  prieur,  deux  religieux  et  un 
frère. 

En  1790,  dans  les  jours  qui  présagent  la  terrible 
tempête  prête  à  s'abattre  sur  la  France,  il  est  dressé 
un  état  des  religieux  composant  la  communauté, 
conformément  aux  décrets  de  l'Assemblée  nationale 
des  9  et  11  octobre  1790.  Le  couvent  était  alors  réduit 
au  frère  Troulot,  prieur  ;  au  frère  François  Cacadier  et 
au  frère  convers  Claude- Antoine  Morel,  dit  frère 
Maurice.  (Archives  communales,GG,  Cultes,  etc.,  142.) 

§  IL  —  Eglise  :  description  sommaire,  agrandisse- 
ment, réparations,  chapelles,  statues,  confréries. 

Nous  allons  décrire  très  sommairement  l'ensemble 
de  l'église,  construite  en  deux  fois,  et  dont  chaque 
tronçon  se  reconnaît  aisément  sur  le  plan.  La  partie 
primitive,  consacrée  en  1305  sous  le  vocable  de  la 


-  542  — 

sainte  Vierge  et  de  saint  Louis,  récemment  canonisé, 
est  plus  étroite  que  ce  qui  a  été  ajouté  par  la  suite,  & 
partir  du  clocher.  L'église  se  trouva  donc  plus  que 
doublée  par  son  agrandissement»  d'où  une  nouvelle 
consécration  devenait  nécessaire  en  vertu  de  cette 
règle  :  Major  pars  trahit  ad  se  minorem. 

Ce  n'avait  pas  été  une  petite  affaire  d'élever  la  pre- 
mière église.  Il  fallait  d'abord  lui  faire  place  nette 
par  une  démolition,  à  l'extrémité  nord  du  château, 
puis  procéder  à  l'exécution  du  plan. 

Le  chevet,  orienté  avec  une  légère  inflexion  au  sud, 
débordait  à  pans  coupés  sur  le  cimetière.  La  sacristie 
fut  aussi  bâtie  sur  les  fondements  du  château  rasés 
jusqu'au  sol  ;  par  une  légère  saillie  de  maçonnerie, 
aussi  bien  que  de  l'intérieur  par  la  différence  de 
hauteur  des  voûtes  du  réfectoire  des  Frères  des  Ecoles 
chrétiennes,  la  reprise  ou  la  liaison  est  très  apparente. 

La  fenêtre  gothique  de  la  sacristie  est  du  xrv®  siècle. 

La  porte  de  communication  de  la  sacristie  avec 
l'église  mérite  d'être  examinée  attentivement. 

D'abord  des  escaliers  à  descendre  indiquent  la  diffé- 
rence de  niveau. 

Puis  la  partie  de  la  porte  visible  de  l'église  est  très 
soignée  :  de  délicates  colonnettes,  avec  chapiteaux  et 
arc  trilobé,  reproduisent  exactement  une  des  divisions 
de  la  galerie  du  triforium,  dans  le  chœur  de  la  cathé- 
drale, c  est-à-dire  tout  à  fait  du  commencement  du 
XI ve  siècle. 

Tout  un  cordon  de  modillons  de  l'église  existe,  sur 
une  longueur  de  dix  mètres  au  moins,  dans  le  grenier  ; 
les  pierres  d'entablement  jointées  au-dessus  de  la  tète 
des  modillons  et  ces  derniers  coupés  sous  le  milieu  de 


—  543  — 

la  tablette.  Ainsi,  la  toiture  reposait  sur  cette  orne- 
mentation qui,  du  bas,  paraissait  certainement  délicate 
et  gracieuse.  Nous  avons  donc  pu  trouver  quelque 
chose  debout  de  l'église  1  Du  côté  opposé  au  mur  où 
sont  les  modillons,  dans  le  haut,  on  voit  la  tablette 
qui  couvre  l'épaisseur  de  la  maçonnerie  et,  au-dessous, 
une  maçonnerie  assez  ordinaire,  puisque  cette  partie 
était  au-dessus  de  la  naissance  des  voûtes.  Les  modil- 
lons représentés  sont  absolument  de  la  fin  du  xm^  ou 
du  commencement  du  xiv«  siècle,  puisque  l'église  a  été 
consacrée  en  1305  et  a  pu  être  commencée  dix  ou  quinze 
ans  auparavant. 

A  quelle  époque  fut  placé,  derrière  le  maltre-autel, 
le  vitrail  sur  lequel  on  lisait  les  quatre  vers  suivants  : 

:2l0nè0)  îrame  ie  Oonrhonnùis 
€lm  fut  des  \\oivB  ie  Wmxnùis 
Bonna  aux  ]pre0cl)eur9  sa  maison 
pour  s  faire  lieu  îr'oraidan. 

Au-dessus  brillait  un  écusson  mi-parti  :  d'une  part, 
de  lion  rampant,  de  sable,  chargé  de  lambeaux  d'ar- 
gent de  trois  pièces  sur  champ  d'or  ;  de  l'autre,  le  lion 
en  un  champ  d'or  chargé  de  coquilles  d'azur.  C'étaient 
les  armes  des  Bourbons.  (D'après  l'Album  du  Niver- 
nais, tome  I,  page  127.) 

Nous  nous  ^représentons,  d'après  les  monuments  de 
l'époque,  la  première  église  étroite,  élancée^  ajourée 
de  hautes  fenêtres. 

Par  une  adjonction  considérable  elle  devient  très 
longue,  dépassant  les  limites  du  jardin  actuel  des 
Frères. 


—  544  — 

Ce  travail  d'agrandissement,  bien  que  accompli  en 
une  seule  fois,  dura  très  longtemps.  La  tour  fut  b&tie 
en  1393  ;  élevée  aux  frais  de  Tévèque  Maurice  de  Cou- 
langes,  elle  n'en  déplut  pas  moins  à  Tabbesse  de  Notre- 
Dame  qui  en  prit  ombrage.  «  II  y  eut  môme  à  ce  sujet, 
dit  Parmentier,  de  gros  démêlés  et  des  voies  de  fait. 
Mais  la  tour  ne  laissa  pas  de  s'achever  telle  que  nous 
la  voyons  ».  Que  ne  Ta-t-il  décrite  alors?  Les 
plans  panoramiques  de  Nevers  ancien  la  représentent 
carrée,  assez  élevée,  de  formes  élégantes,  ajourée  de 
deux  étages  de  baies  ;  la  flèche  qui  la  surmonte  est 
accostée  aux  quatre  angles  de  quatre  gracieux  tou- 
rillons en  encorbellement  avec  toits  aigus.  ' 

En  1403-1404,  nous  voyons  figurer  au  compte  de  la 
ville  45  livres  tournois  pour  être  employés  à  faire  et 
«  accomplir  la  charpente  du  moustier  ».  (Arch.  comm. 
de  la  ville  de  Nevers,  CC,  11.) 

La  partie  du  moustier  dont  il  s'agit,  c'est  l'église  en 
construction. 

Enfin  tout  est  terminé,  en  1404-1405  une  somme  de 
100  sols  est  donnée  pour  la  «  dédication  de  l'église  ». 
(Arch.  com.,  CC,  13.) 

Vue  de  la  partie  du  fond,  elle  devait  offrir  un  aspect 
imposant  :  par  sa  longueur  même  et  l'élancement  de 
ses  voûtes,  par  ses  colonnes  légères  et  ses  fenêtres 
étroites  et  hautes,  semblables  à  des  flèches,  elle  revê- 
tait un  caractère  pieux  et  recueilli  et  invitait  à  faire 
monter  la  prière  au  ciel. 

En  1616,  d'importantes  réparations  s'accomplissent  ; 
les  comptes  de  la  ville  mentionnent,  d'une  part,  un 
don  de  18  livres  «  pour  aider  les  religieux  dans  leur 
travaux  ».    (Arch.   comm.  de  Nevers,  CC,   163.)  et 


i 


-  545  - 

d'autre  part,  «  6  livres  aux  Jacobins  pour  refaire  les 
degrés  de  leur  cimetière  » . 

En  1618,  les  Pères  Jacobins  reçoivent  «  6  autres 
livres  pour  êtres  employées  aux  lambris  de  l'église  ». 
(Arch.  comm.  de  Nevers,  CC,  283.)  Il  s'agit  sans  doute 
d'un  revêtement  de  boiserie  autour  du  chœur. 

En  1619,  la  ville  fait  aux  Pères  don  de  50  livres  pour 
«  les  aider  a  bâtir  leur  église  ».  (Arch.  com.  de  Nevers, 
ce,  285.)  —  Entendons  ce  mot  bâtir  dans  le  sens  de 
restaurer,  de  même  que  la  a  réédification  du  château  », 
en  1762,  ne  représente  que  des  réparations  et  non  une 
construction  â  partir  des  fondements. 

D'après  divers  titres,  nous  relevons  les  chapelles  de 
Saint-Vincent  Ferrier  et  de  Sainte-Reine,  l'autel  de  la 
Sainte- Vierge  et  celui  de  No tre-Dame-du -Rosaire, 
mais  ces  deux  autels  ne  seraient-ils  pas  le  même  sous 
des  titres  différents  ? 

Y  avait-il  un  autel  de  Saint- Louis  ?  Nous  n'avons 
pas  oublié  que  l'église  était  dédiée  à  la  sainte  Vierge  et 
â  saint  Louis  roi  de  France.  —  En  tout  cas,  sa  fête 
était  solennellement  célébrée  :  ce  jour-lâ,  â  la  suite  de 
la  grand'messe,  on  se  rendait  en  procession  à  la  cathé- 
drale Saint-Cyr  et  quand  cette  cérémonie  était  ter- 
minée, une  large  distribution  d'aumônes  était  faite  tant 
aux  pauvres  de  la  ville  qu'étrangers.  (Arch.  comm. 
de  Nevers,  CC,  285.) 

Outre  la  cloche  qui  annonçait  la  fête,  le  crieur  pas- 
sait dans  les  rues  pour  la  rappeler  à  tous  les  habitants  :  en 
1600,  le  crieur  des  trépassés  reçoit  7  livres  et  6  deniers 
«  pour  avoir  cryé  la  procession  saint  Louis.»  (Parmen- 
tier,  Archives  de  la  ville  de  Nevers.) 


—  546  — 

Il  existait^  dit-on,  dans  Téglise,  une  chaire  en  pierre 
très  bien  ouvragée. 

Les  Pères  conservaient  aussi  la  chaire  portative  dont 
saint  Vincent  Ferrier  s'était  servi  pour  prêcher  durant 
son  séjour  à  Nevers. 

L'église  possédait  ime  relique  de  la  vraie  croix. 
M.  de  Flamare,  archiviste  de  la  préfecture,  m'a  com- 
muniqué, avec  son  obligeance  ordinaire,  la  charte 
constatant  sa  provenance  : 

«  A  touz  ceulx  qui  ces  présentes  lettres  verront, 
Jehan  de  Beaulne,  clerc  et  garde  du  scel  du  roy  nostre 
sire  en  la  prévôté  de  Sainct~Pierre-le-Moustier,  salut. 
Savoir  faisons  que  par  devant  Guillaume  Ripot,  clerc 
juré  du  roy  nostre  sire  et  notaire  dudit  scel  auquel 
quant  à  ce  que  nous  avons  commis  nostre  povoir, 
Jehan  de  Langeron  et  Colas  Joly,  bourgeois  de  Sainct- 
Pierre-le-Moustier,  ont  dit  et  affermé  en  bonne  f oy  et 
pour  vérité  que  ils  ont  ouy  dire  plusieurs  fois  à  feu 
maistre  Jehan  Baudereul  que  il  avait  de  vraie  crois  que 
le  roy  nostre  sire  a  eu  en  sa  chapelle  de  son  palays  de 
Paris  et  que  Monseigneur  de  Bourbon  la  luy  avait 
donnée.  Laquelle  est  avenue  à  Duran  BaudereuJ  par  la 
mort  et  décès  dudit  feu  maistre  Jehan  et  ycelle  a 
donnée  ledit  Duran  Baudereul  au  collège  des  Frères 
Prescheurs  de  Nevers  affin  que  lesdiz  frères  soyent 
tenus  prier  Dieu  pour  luy  et  pour  tous  ses  parens. 
Donné  à  la  relation  dudit  juré  du  scel  du  roy  nostre 
sire  dessus  dit.  Scellé  en  tesmoing  des  choses  dessus 
dites,  le  xxv®  jour  du  moys  de  mars  Tan  de  grâce 
mil  quatre  cent  et  cinq.  —  G.  Ripot  d.  (Archives 
de  la  préfecture.  ) 


■  I 


-  547  - 

Dans  le  jardin  actuel,  on  voit  d'anciennes  statues 
mutilées  qui  ont  été  trouvées  en  terre  ou  sous  des 
décombres.  Elles  sont  de  hauteur  inégale  (1). 

Une  sainte  est  désignée  sous  le  nom  de  sainte  Rade- 
gonde  ;  on  reconnaît  le  costume  religieux,  mais  sans 
autre  attribut  distinctif . 

La  statue  de  sainte  Barbe  était  particulièrement 
intéressante  ;  mais  elle  est  en  pitoyable  état,  ayant  & 
ses  pieds  plusieurs  fragments  qui  lui  appartenaient  et 
d'autres  sont  perdus.  Elle  est  assurément  d'origine 
nivernaise:  la  tour  qu'elle  portait  comme  emblème 
était  la  reproduction  fidèle  de  la  porte  du  Croux. 

La  plus  belle  pièce  de  sculpture  est  une  sainte 
Vierge  portant  l'Enfant- Jésus  dans  ses  bras.  Malheu- 
reusement elle  est  en  plusieurs  morceaux  et  il  manque 
la  tête  de  l'Enfant-Jésus.  Les  draperies  des  vêtements 
sont  soignées,  mais  surtout  la  tête  de  la  Vierge,  ceinte 
d'une  couronne  royale,  est  très  finie  et  très  belle.  Ce 
travail  remarquable  est  du  xvn®  siècle  (2). 

Cette  église,  si  vaste  et  si  belle,  dont  dont  nous  ne 
connaissons  que  les  grandes  lignes,  par  le  plan  par 
terre  —  du  grand  plan  de  Nevers,  en  1759  —  et  par 
le  cachet  propre  de  l'époque,  était  très  fréquentée  : 
c'est  la  raison  même  de  ses  dimensions  qui  se  sont 
développées  dans  des  proportions  grandioses.  On  s'y 
pressait  pour  entendre  la  parole  de  Dieu,  assister 
à  l'office  des  religieux,  prier  au  pied  de  l'autel  de 
saint  Vincent  Ferrier  ;  à  certains  jours,  pour  la  fête 

(1).  Elles  viennent  d'être  abandonnées  gracieusement  au  musée  de  la 
porte  du  Croux,  par  le  G.  F.  Âttale,  directeur  de  Pexternat  Saint-Joseph  — 
dans  l'ancien  château  d'Agnès. 

(2)  Cette  statue  a  été  trouvée  en  terre  au  bas  du  jardin,  à  environ 
1  m.  50  de  profondeur. 


-  548  — 

de  nombreuses  confréries  qui  y  étaient  érigées,  elle 
pouvait  à  peine  contenir  les  assistants,  fidèles  et 
curieux.  Les  boulangers  avaient  pour  patron  saint 
Honoré  ;  les  vignerons  saint  Vincent  ;  les  faïen- 
ciers, saint  Antoine  ;  les  peintres  en  faïence,  saint 
Luc.  «  Tous  les  ans,  les  notaires  royaux  faisaient 
célébrer  le  28  janvier,  à  l'occasion  de  la  fête  de  saint 
Charlemagne  jusqu'en  1770,  et  ensuite  dans  l'église 
Saint-Pierre,  une  grand'messe  à  laquelle  les  notaires 
ducaux  n'étaient  pas  invités,  mais  à  laquelle  assistaient 
tous  les  membres  du  baillage.  »  —  (Duminy,  les 
Anciens  notaires  de  Nevers.  —  Revue  du  Nivernais, 
septembre  1898.) 

Par  la  tradition,  nous  savons  que  là  aussi  était  le 
siège  de  la  confrérie  des  Pénitents  noirs.  A  certains 
jours  de  l'année,  ils  allaient  processionnel lement  à  une 
croix  placée  au  bout  du  pont  de  Loire,  vis-à-vis  l'au- 
berge qui  a  aujourd'hui  pour  enseigne  la  Croix-d'Or, 
et  dite  alors,  la  Croix  des  Pénitents,  Voilà  l'expli- 
cation du  nom  qu'elle  portait. 

Le  jeudi  saint,  ils  se  rendaient  en  procession  aux 
différentes  stations  ou  reposoirs,  avec  leur  longue  robe 
noire  et  capuce,  percé  de  deux  trous,  qui  leur  cachait 
le  visage,  et  ils  priaient  à  genoux,  les  bras  en  croix. 

§  in.  —  Cimetière:  sépultures  et  cloître. 


ev 


M.  Morellet  [Album  du  Nivernais,  tome  I 
page  127),  dit  que  la  juridiction  paroissiale  du  curé  de 
Saint-Laurent  s'étendait  sur  le  cloître  des  Jacobins, 
dans  l'église  desquels  il  avait  le  droit  d'inhumation. 

Il  me  reste  à  parler  des  sépultures  qui  se  faisaient 
dans  l'église  et  dans  le  cimetière  des  religieux. 

Dans  l'église,  nombreuses  étaient  les  pierres  tombales. 


-  549  -^ 

Dans  le  cimetière  ou  clos,  combien  de  corps  furent 
confiés  à  la  terre,  pendant  cinq  siècles,  dépouilles  de 
religieux  ou  d'amis  du  couvent  1 

C'est  la  règle  que,  le  cloître  et  le  cimetière  des  cou- 
vents sont  d'ordinaire  inséparables,  et  que  le  cimetière 
soit  entouré  de  la  galerie  où  se  promènent  les  religieux. 

Cloître  et  cimetière  ont  disparu. 

Mais  il  n'y  a  nul  doute  qu'ils  étaient  dans  la  grande 
cour  actuelle,  dans  l'angle  du  chevet  de  l'église,  de  la 
rue  des  Jacobins  et  du  Cloitre-Saint-Cyr. 

Ils  n'étaient  pas  dans  la  partie  occupée  par  le  jardin 
d'aujourd'hui,  qui  alors  était  jardin,  comme  l'indique 
le  plan  de  1759,  avec  les  divisions  de  terrain,  autour 
d'un  rond  en  massif  et  les  arbres  et  arbustes  qui  bor- 
dent.les  allées. 

Le  cimetière  était  à  l'endroit  indiqué,  attendu  que 
dans  la  transaction  de  1761  entre  la  ville  et  le  couvent, 
au  sujet  du  passage  communiquant  de  la  rue  du  Cloltre- 
Saint-Cyr  avec  celles  du  Crou  et  de  la  Tartre,  les  reli- 
gieux s'engagent  à  laisser  passer  en  liberté  dans  leur 
clôture  et  cimetière;  là  seulement  on  passe  dans  la 
clôture  :  plus  bas,  on  longe  l'église  et  on  ne  peut 
même  avoir  vue  sur  la  partie  occidentale  du  couvent . 

M.  de  Soultrait  dans  son  Guide  archéologique  dans 
Nevers,  dit  «  qu'on  a  trouvé  des  tombes  et  des  caveaux 
sous  l'ancien  chœur  et  dans  la  rue  à  côté  »  ;  ce  n'est 
pas  étonnant,  puisque  la  rue  a  été  élargie  et  par 
conséquent  a  empiété  sur  le  cimetière. 

Le  plan  de  1759,  dans  cette  partie,  représente  des 
figures  en  triangles,  parallélogrammes  et  trapèzes,  cou- 
leur vert  ou  de  gazon  ;  ce  sont  les  divisions  où  étaient 
les  tombes. 

Parmentier,  dans  son  ouvrage  les  Archives  de 
Nevers,  écrit  que  «  les  cloîtres  ont  été  détruits  depuis 

T.  ^n,  3*  série.  30 


-  550  - 

peu  d'années  ».  Ils  existaient  encore  au  moins  dans  leur 
majeure  partie,  en  1759,  où  l'on  voit  deux  constructions 
qui  en  faisaient  partie  (1). 

(1)  En  cours  de  publication  de  ce  travail,  M.  de  Flamare,  archiviste 
départemental  a  eu  Tobligeance  de  me  communiquer  une  charte  latine 
de  1357  relative  à  une  maison,  appartenant  aux  religieuses  de  l'abbaye  de 
Notre-Dame,  qui  regardait  la  rue  du  Glottre,  tournait  le  dos  au  couvent 
des  Dominicains  et  était  pourvue  d'un  verger  (viridarium),  ou  plutôt  d'un 
tout  petit  carré  de  jardin  contigu  au  terrain  où  les  Pères  se  proposaient 
de  faire  leur  cloître.  Dans  cette  pièce,  dont  je  donne  ci-après  la  traduction, 
il  s'agit  de  la  délimitation  entre  ce  bout  de  verger,  propriété  des  religieuses 
de  l'abbaye  Notre-Dame,  et  le  terrain  du  couvent  des  Dominicains: 

...  L officiai  de  Nevers^  saliU,  L'an  du  Seigneur  1357,  le  iS  mai, 

...  En  présence  de  Perrin  Turpin,  clerc,  notaire  juré  de  la  Cour  de 
NeverSj 

Frère  Jean,  sous-pi^ieur  des  Frères  Prêcheurs  de  Nevers,  d'une  pcart  ; 

Jean  du  Foumel,  prêtre,  procureur  des  religieuses  de  Vabbaye  de 
Notre-Dame  de  Nevers,  d'autre  part  ; 

—  Au  sujet  du  jardin  situé  derrière  la  maison  appartenant  aux  reli- 
gieuses où  demeurait  feu  Odonet  dit  Blanchon,  et  où  habite  maintenant 
Etienne  dit  Ragogez,  contigu  à  la  maison  de  la  vicairie  de  Vaulel  fondé 
en  Vhonneur  de  saXnt  Jean  VÉvangéliste,  et  au  sujet  du  terrain  des 
Frères  Prêcheurs  où  ils  se  proposent  de  faire  leur  clôture  ; 

Ces  deux  parcelles  se  touchant  ; 

—  Le  prieur  et  le  procureur  ont  dédaré  publiquement  et  en  droit, 
devant  le  juré  susdit,  qu'en  vue  de  linûter  le  jardinet  le  morceau  de 
ffijTc  —  pour  délimiter  le  droit  de  chacune  des  deux  parties  —  des 
bornes  ont  été  placées  entièrement  dans  le  terrain  des  Frères,  que  la 
palissade  ou  clôture  de  bois  que  les  Frères  ont  fait  faire  est  tout  entière 
dans  leur  te)*re,  c'est-à-dire  du  côté  du  cloître  et  en  deçà  des  bornes, 
autrement  dit  que  cette  clôture  a  été  placée  en  dehors  du  tenxûn  des 
religieuses, 

—  Concluent  que,  quand  les  Frères  Prêcheurs  voudront  se  clore  de 
de  murs  et  établir  et  élever  des  murs  en  cet  endroit.  Us  devront  se  garder 
de  placer  leur  mur  de  Vautre  côté  des  limites  dans  le  terrcûn  des  reli- 
gieuses, mais  ils  pourront  bien  comprendre  dans  Vépaisseur  du  mur  les 
bornes  placées,  comme  il  a  été  dit,  sur  leur  terrain,  et  araser  leparement 
du  mur  au  terrain  des  religieuses,  ayant  soin  que  le  fil  à  plomb  du 
parement  ne  tombe  pas  en  dehors  desdites  bornes, 

—  Sur  toutes  ces  choses ,  les  prieur  et  p}H>cur€ur  susdits   ont 

demandé  la  rédaction  de  cet  acte  suivant  la  reUition  du  susdit  juré, 

Datum  anno  et  die  veneris  post  festum  beati  Johannis  ante  portam 
latinam  supradictis.  P.  Turpini,  Ita  est. 

(Original  sur  parchemin.  Archives  de  la  Nièvre,  H,  369,  pièce  2.) 


t 

t 


—  551  — 

Si  on  pensait  qu'ils  pussent  occuper  une  partie  de 
l'ancien  château  converti  en  couvent,  il  faut  renoncer 
à  cette  hypothèse,  puisque  toute  la  façade  qui  regarde 
la  cour  subsiste  sans  changements  de  cette  époque. 

Les  cloîtres  «  détruits  »  sont  ceux  qui  furent  bâtis 
par  Filbert  Pioche  et  sa  femme  Jeanne  de  Lugny. 

Ils  longeaient  au  levant  la  rue  du  Cloître-Saint- 
Cyr  et  redescendaient  en  équerre  vers  le  couvent. 

Nous  retrouvons  donc  ainsi  le  rapprochement  ordi- 
naire du  cimetière  et  du  cloître. 

Tout  incomplet,  ce  petit  travail  s'est  proposé  de 
disputer  à  l'oubli  deux  pages  de  V Histoire  du  Niver- 
nais, l'une  concernant  Agnès  de  Bourbon,  fille  des 
comtes  de  Nevers  ;  l'autre,  le  couvent  des  Jacobins, 
qui  a  subsisté  dans  notre  ville  une  durée  de  cinq 
siècles . 

Le  Nevers  d'autrefois  s'appelait  la  Ville  aux  clochers. 

Le  Nevers  historique,  le  Nevers  religieux  ofiEre  une 
étude  bien  digne  d'intérêt,  et  il  serait  à  souhaiter  que, 
par  des  travaux  séparés  et  ensuite  rapprochés,  on  pût 
reproduire,  dans  im  ouvrage  d'ensemble,  sa  physio- 
nomie de  moyen  âge  toute  artistique,  toute  calme, 
toute  simple,  toute  heiu*euse. 

A.  SERY, 

Chanoine. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Pages. 
Chartes  niveroaiseB  oriipoales  provenant  de  M.  Grangier  de 

La  Marinière,  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  nationale,  par 

M.  R.  DE  Lespinasse 1 

Deux  donations  faites  au  couvent  de  la  Visitation  Sainte- 
Marie  de  Nevers  au  xviie  siècle,  par  M.  6.  Gauthier.   ...      18 

Introduction  des  faïences  d'art  à  Nevers  :  lés  Gonrade,  par 
M.  Massillon  Rouvet ^ 24 

Mobilier  de  deux  chanoines  et  bibliothèque  d*un  officiai  de 
Nevers  en  1373  eti382,  par  M.  R.  DE  Lespinasse 44 

Les  protestants  en  Nivernais  au  xvi«  siècle,  par  M.  G. 
Gauthier T2 

La  cathédrale  de  Saint  -  Jérôme  au  viii«  siècle ,  par 
M.  Massillon  Rouvet 76 

Question  de  droit  féodal  entre  le  Roi  et  Champion  de  Cicé, 
évéque  d'Âuxerre,  à  propos  de  la  vente  des  Forges  de 
M.  de  Lh  Chanssade,  à  Cosne  et  à  Guérigny,  par  M.  R.  de 
Lespinasse 84 

Géricault  (sujet  imposé  ayant  obtenu  le  i^^  prix  à  La  Pomme), 
par  M.  Paul  Ouagne 109 

Chronique  et  mélanges,  par  M.  R.  de  Lespinasse 114 

Notice  sur  la  bibliothèque  de  Nevers,  par  M.  Ed.  Dumint.     145 

Poursuites  et  condamnations  judiciaires  pour  faits  d'hérésie 
en  Nivernais  au  xvp  siècle,  par  M.  R.  de  Lespinasse.   .   .   .     173 

Excursion  à  La  Charité-sur-Loire,  par  M.  H.  de  Flamare.    198 

Les  deux  absides  de  la  cathédrale  Saint-Gyr  et  Sainte-Julitte 
de  Nevers,  par  M.  Tabbé  A.  Sert,  chanoine 203 

Une  lettre  de  M.  du  Broc  de  Segange 220 

Le  protestantisme  et  la  révocation  de  TËdit  de  Nantes  dans 
la  paroisse  de  Beaumont-la-Ferrière  (Nièvre),  par  M.  Gaston 
Gauthier * 225 


—  554  - 

Pages. 

Etat  actuel  de  la  Namisœatique  ni  vernaÎBe,  parM.  H.  Sarriau  .    233 

Les  projeta  admiaiatratife  de  Gaboré,  curé  de  Pouilly-sur- 
Loire,  en  1789,  par  M.  R.  de  Lespinasse â67 

La  dime  religieuse  et  le  droit  de  suite  au  xviip  siècle,  par 
M.  Gaston  Gauthier 281 

Pierre  de  FrasDay,  par  M.  le  docteur  Subert 290 

Pierre  de  Fraanay  jugé  par  MM.  ÂUoury  et  Trouflaut^  par 
M.  P.  Meunier 299 

Gilbert  Trouflault,  botaniste,  par  M.  P.  Meunier 315 

Monteil^  ses  notes  historiques  sur  la  province  et  ses  docu- 
ments nivernais,  par  M.  R.  de  Lespinasse 344 

Les  absides  opposées  de  la  cathédrale,  par  M.  Massillon 
Rouvet 376 

Les  Conrade,  par  M.  Massillon  Rouvkt 382 

Enquête  relative  aux  droits  de  Tabbaye  de  Gluny  sur  le 
prieuré  de  La  Gharité-sur- Loire  (xiiP  siècle),  par  M.  Ed. 
DumNY 383 

Chronique  et  mélanges  pour  l'année  1899,  par  M.  R.  de 
Lespinasse 413 

Une  léproserie  de  Nevers.  —  Saint-Lazare-Ies-Nevers,  par 
M.  le  chanoine  A.  Sery 421 

Moules  de  monnaies  romaines  trouvés  à  Entrains,  par 
M.  H.  DE  Flamare 441 

Baudoin,  prieur  de  La  Chanté,  par  M.  Ed.  Duhint.  .   .   .     445 

Reconstitution  de  Tancienne  église  de  Saint-Victor,  par  M.  le 
chanoine  A.  Sert 453 

Note  sur  deux  éditions  des  coutumes  du  Nivernais,  par 
M.  H.  Sarriau 472 

Episode  d'une  inondation  de  la  Loire  à  Cosne  en  1790,  par 
M.  H.  Sarriau 476 

Le  Nivernais  à  la  fin  du  xyip  siècle.  —  L'intendant  Le  Vayer, 
son  mémoire  sur  la  généralité  de  Moulins  en  1698,  par 
M.  R.  DE  Lespinasse 483 

Le  château  d'Agnès  de  Bourbon  et  le  couvent  des  Jacobins, 
par  M.  le  chanoine  A.  Sery 524 


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