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BULLETIN
DE LA
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SOCIETE NIVERNAISE
DES
LETTRES, SCIENCES ET ARTS
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NEVERS,
G. YALLIERE, IMPRIMEUR,
Avenue de la Gare, 24.
BULLETIN
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SOCIETE MVERMISE
LETTRES, SCIENCES ET ARTS
lEOISIEM SÈME. - lOME VIII-, - Xïlll- VOLUME DE U COLLECnON
A NEVERS
Chez M. MâZëRON, libraibe de la SooiÉiii, eue du Couiesce
1900
SOCIÉTÉ NIYERNAISE
DES LETTRES, SCIENCES ET ARTS
COMPOSITION DU BUREAU
MM. René de Lespinasse, président.
Henri de Flamare, viu-prisidetit,
Paul Meunier , secrétaire,
Gaston Gauthier, pro-secrétaire.
Edmond Duminy, bibliothécaire-archiviste,
DE Saint- Venant, conservateur du musée de la Torte^du-Croux*
G. Valuêre, trésorier.
MEMBRES D'HONNEUR
Mg» TEvêque de Nevers.
MM. le Préfet de la Nièvre.
le Président du Tribiwal civil.
LISTE DES MEMBRES TITULAIRES
MM.
Allard (l'abbé), curé-doyen de Pougues-les-Eaux. — 29 mai 1890.
Anchald (comte d') , château de Sauvages , par Beaumont-la-Ferrière.
— 3i juillet 1890.
AssiGNY (Henry d'; ^, à Nevers. — 7 juillet 1868.
Bârrau (Léon d'Abbadie de), château du Chazeau, par Imphy. —
24 juin 1886.
Barreau (Joseph), â Pont-Saint-Ours, commune de Coulanges. —
25 novembre 1897.
Baudot, â Lanty, par Rémilly. — 29 novembre 1888.
Benoist d'Azy (vicomte Paul), château de Paye, commune de Vemeuil.
— 17 juin 1897.
— VIII —
MM.
Benoist d'Azy (le baron Denys), château du Vieil- Azy. — 29 dé-
cembre 1898.
Bert de La Bussiêre (Antonin), à Pougues-les-Eaux. — 26 juillet 1894.
Berthier-Bey (baron Charles de), à Nevers. — $ mars 1874,
Berthier-Bizy (comte de), château de Bizy, par Pougues-les-Eaux. —
31 octobre 1889.
Bide (docteur), professeur à l'école de médecine, à Clermont-Ferrand.
— 30 octobre 1890.
Blandin (Frédéric), propriétaire à Nevers. — 4 février 1869.
Bogros (l'abbé), curé de Marzy. — 9 mai 1872.
BoiGUES (Joseph), à Brain, par Decize. — 27 octobre 1898.
BorriAT, curé-archiprètre de la cathédrale, à Nevers. — 27 avril 1882.
BoNKEAU DU Martray ^, inspecteur général honoraire des ponts et
chaussées, 35, rue de Béthune, à Versailles. — 7 octobre 187$.
BoNNEAU (Paul), avocat à Clamecy. — 27 novembre 1890.
BoucoMONT (Antoine), propriétaire à Asnières (Seine). — 2$ no-
vembre 1897.
BouTROUX (Paul), propriétaire à Nevers. — 31 juillet 1884.
Breuil (comte Jean de), château de Réconfort, commune de Saizy.
— 28 octobre 1897.
Bruneau (l'abbé), curé d'Alligny-en-Morvan. — 26 juin 1884.
BusauET, directeur des mines, à La Machine. — 6 novembre 1873.
Cachet (l'abbé), curé deSaint-Jean-aux-Amognes. — 29 novembre 1894.
Chabannes (comte Henri de), au château de U Tourette, par T Arbresle
(Rhône). — 26 janvier 1888.
Chabot (Abel), château de Sauvigny, par Nevers. — 27 juillet 1893.
Mrac Chabot (Abel), château de Sauvigny, par Nevers. — 27 juillet 1893 .
Chapoy (l'abbé), ancien curé d'Aunay. — 30 août 1872.
Charant (colonel de), O. ^, à Montargis (Loiret). -—27 juillet 1882.
Charpentier (docteur), médecin à Prémery. — 20 avril 1871.
Charrier (l'abbé Jules), curé d'Alluy, par Châtillon.
Chastellux (comte de), château de Chastellux-sur-Cure (Yonne). —
Février 1885.
Châtelain (l'abbé), licencié es lettres, professeur à l'institution Saint-
Cyr, à Nevers. — Décembre 1891.
Cheminade (Emmanuel), licencié en droit, à Nevers. — 26 no-
vembre 1885.
Col (Charles), licencié en droit, rue de la Banque, à Nevers. —
25 janvier 1883.
CouRSON de La Villeneuve (le colonel de) #, commandant le
i3e d'infanterie, à Nevers. — 29 décembre 1898.
— IX —
MM.
Darnay (baron), château de Montas, par Saint-Saulge.— 3i juillet 1890.
Dasse (l'abbé), curé d'Ourouër. — 3o mai 1897.
Dauphin, notaire à Nevers. — 25 juillet 1889.
Debourges (G.), avocat, rue Saint-Martin, à Nevers. — 22 février i883 .
Delamalle (Jacques), 104, boulevard Haussmann, Paris. — 28 novem-
bre 1889.
Delost (l'abbé), chanoine honoraire, curé -doyen de Château-
Chinon. — 4 mars 1869.
Désveaux, O. *, colonel d'artillerie, à Autun (Saône-et-Loîre).
DoMGERiktAiN (comte René de), à Nevers, et à Phlin, par Nomény
(Meurthe-et-Moselle). — 25 avril 1889.
DuGUÉ (J.-A.), O I., professeur honoraire, à Saint-Saulge. — 29 novem-
bre 1888.
DuMiNY (Edmond) , conservateur de la Bibliothèque , à Nevers. ■—
2 juin 1881.
EsPEUiLLES (comte Albéric d') ^, conseiller général, au château d'Es-
peuilles, commune de Montapas. — 27 juin 1889.
Estampes (comte Jean d'), château de Mouchy, par La Charité. —
3i octobre 1889.
FAULQ.UIER (Adrien), â Clamecy. — i3 mai 1875.
Ferrier (Henri), artiste peintre, à Prémery. — 20 avril 1871.
FiCHOT (docteur), O A., médecin en chef de l'hospice, à Nevers. —
7 octobre 1880.
FiOT, ancien négociant, à Nevers. — 22 février 1893.
Flamare (Henri de), O L, archiviste du département, à Nevers. —
23 février 1882.
François, ancien architecte, rue de l'Oratoire, 11, â Nevers. ■—
25 novembre 1897.
Garill AND, juge de paix à Pougues-les-Eaux. — 24 novembre 1892.
Gaulmyn (vicomte Joseph de) , château de Rimazoir, par Souvigny
(Allier). — 29 novembre 1888.
Gauthier (Gaston) , instituteur à Champvert. — 26 juin 1890.
Gautron du Coudray (vicomte), â Grandry, commune de Dun-sur-
Grandry. — 23 février 1888.
GiRERD (Frédéric), avocat, rue du Cloître-Saint-Cyr, â Nevers. —
19 mars 1891.
Gonat (Albéric), â Saini-Pierre-le-Moûtier. — 17 août 1874.
(jOURLOT (l'abbé) , curé de Brinon - sur - Beuvron. — 30 dé-
cembre 1897*
— X —
MM.
Grincour (André), château de Fontallier, par Saint-Pierre-Ie-Moûtier.
— 27 juin 1889.
GuENEAU (Lucien), notaire à Brinon. — 29 octobre 1896.
M™« GuÉNY, château de Dumphlun, par Saint-Benin-d'Azy. —
31 octobre 1889.
GuiLLEMENOT (l'abbé), chanoine honoraire, 8, rue de Tracy, Paris. —
30 octobre 1884.
GuiLLERAND, à Roussy, commune de Saint -Parize- le -Châtel. —
24 février 1887.
HuGON (Edmond), ancien magistrat ^ â la Coquillerie, commune d'Urzy.
— 3 juillet 1873.
HuNOLSTEiN (comte d'), château d'Entrains. — 28 avril 1898.
Imbart de La Tour (comte Joseph), à Chevret, par Imphy. —
3i juillet 1890.
JouRDAN (docteur), médecin en chef de l'hospice, rue Mirangron, û
Nevers. — - 27 juillet 1882.
JULLIEN (l'abbé) , curé de Poiseux, par Guérigny.
JuLLiEN, commis des ponts et chaussées, à Nevers. — 26 janvier 1882.
La Chesnaye (comte de), à Pouilly-sur-Loire. — 24 février 1887.
Lambel (la vicomtesse de), château de Mouchy, par La Charité. —
26 juin 1890.
Langle de Cary (Charles de), ancien magistrat, à Corvol-d'Embernard.
— 13 mai 1875.
Languinier (Edmond), château de Machigny, commune de Saint-
Sulpice. — 22 février 1893.
LaugardièRe (vicomte de), ancien conseiller â la cour d'appel, i3, rue
Hôtel-Lallemant, Bourges. — 23 avril 1857.
Lavesvre (Henri de), à Clamour, commune de Germigny-sur-Loire.
— 22 avril 1893.
Le Blanc Bellevaux (Auguste), 11, rue Gambetta, Nevers. — 1899.
Lebœuf, adjoint au maire, à La Charité-sur-Loire. — 1899.
Legrand II A., agent-voyer en chef, à Nevers. — 3 août 1876.
Leroux ^, ingénieur en chef des ponts et chaussées, à Tours. —
27 janvier 1898.
Lespinasse (René de) >ï<, O L, conseiller général, à Luanges, commune
d'Urzy. — 8 juin 1867.
M«« DE Lespinasse, à Luanges, commune d'Urzy. — 3i octobre 1889.
Le Vasseur, château de la Pointe, par La Charité. — 27 janvier 1898.
— XI —
MM.
Lhuissier (l'abbé), curé de Champvert . — 28 juillet 1898.
LuTZ (Charles), architecte à Nevers. — Mars 1881.
Magnard, directeur de la fonderie à Fourchambault. — 31 juillet 1890.
Manuel (Georges), à Marzy, et 31, rue François-Ief, à Paris. —
25 avril 1895.
Marandat (Henri), à Oliveau, commune de Mars. — 30 mars 1893.
Marcy (Raoul), ingénieur civil à Nevers. — 27 mai 1886.
Marcy (Mp" Jean de), chanoine de Lorette, à Lorette (Italie). — 1891.
Marochetti (le commandant) fjjs, conseiller général, château de
Chevannes, par Nevers. — 25 novembre 1897.
Maron (Albert), $1, rue Neuve, à Roubaix (Nord). — 2 juin 188 1.
Masse (François), précepteur, à Corcelles, par Decize. — 1899.
Massillon Rouvet §, Q A., architecte à Nevers. — 25 no-
vembre 1897.
M™« DE Maulde, rue de Rome, à Nevers. — 3o juillet 1896.
Mauaugny (comte de) ^, rue Creuse, à Nevers. — 28 juin i883.
Mazeron (AchiUe), libraire à Nevers. — 25 juin 188$.
Mazoyer iîjf, ingénieur en chef des ponts et chaussées, à Nevers. —
27 janvier 1898.
Métairie (Abel), à Fonfaye, par Châieauneuf-val-de-Bargis. — 9 juillet
1874.
Meunier (Paul), avocat, 23, rue dû Rempart, Nevers. — 28 novembre
1889.
Meunier d'abbé), professeur à l'institution Saint-Cyr, à Nevers. —
27 juin 1895.
MiLLiEN (Achille) >ï<, 9 A., à Beaumont-la-Ferrière. — 14 juin 1860.
MiRAULT, régisseur à Cours-les-Barres fCher). — 10 janvier 1866.
Mirot-Cagnat (Léon), archiviste aux Archives nationales, Paris, 23,
rue Denfert-Rochereau, et à Clamecy. — 22 avril 1893.
MoNOT (docteur) ^Rî, à Montsauche. — 6 mars 1873.
MoNTAGNON >{<, à Nevers. — 13 février 1879.
MoNTEiGNiER, à Dompierre-sur-Nièvre. — 29 août 1872.
MoNTjoiE (vicomte de), à Châtel-Censoir (Yonne). — 1899.
MoNTRiCHARD (comte de) !j^, château de La Chasseigne, par Saint-
Parize-le-Châtel. — 27 octobre 1881.
MoREAU (Victor^, ancien notaire, à Moulins-Engilbert. — 25 no-
vembre 1897.
MoRET deNyon (capitaine), à Nevers. — 27 janvier 1898.
MoRLON, conseiller à la cour d'appel, à Bourges. — 5 dé-
cembre 1867.
— xn —
MM.
OuAGNE (Paul), à Bomet, par Beaumont-la-Ferrière. — 2 juin 1892.
Pannetier (Pabbé), curé d'Arleuf. — 29 août 1872.
Pénavaire O, compositeur de musique, 21, rue Notre-Dame-de-
Lorette, à Paris. — 5 avril 1894.
Perrier (docteur), médecin à La Charité. — 13 novembre 1879.
PoussEREAU (Louis), à La Machine. — 30 juin 1892.
Prégermain aine, château de Gron, par Châtillon-en-Bazois. —
4 octobre 1877.
QpiLLiER, notaire à Decize. — 30 décembre 1897.
Rameau (l'abbé J.-B.), professeur à l'institution Saint-Cyr, Nevers.
— 29 mars 1890.
Rasilly (marquis de) , château de Beaumont , par Saint-Pierre-le-
Moûtier. — 25 juillet 1889.
Reboulleau (Paul), propriétaire â Levanges, par Decize. ~~ 1899,
Renault (Théodore), 3, rue Gerbilon, Paris. — 1899,
Robelin (Albert) , contrôleur principal des contributions directes , à
Nevers. — 24 novembre 1881.
RoBLiN, maire de Champvert. — 25 mars 1897.
Rosemont (Pierre de), château de Vemoil (Loire), et à Nevers. —
2 juin 1892.
Saint-Cyr (docteur Victor), à Léré (Cher). — 30 novembre 1882.
Saint- Venant (de) ^, inspecteur des forêts, â Nevers. — 25 avril
189s.
Saint-Sauveur (vicomte de), à Saint-Firmin, et au château d'Autry,
par Vierzon (Cher). — 26 avril 1894.
Sarriau, rue Treilhard, 4, Paris. — 7 octobre 1880.
Savigny de Moncorps (comte Charles de) Sf , château de Fertot, par
Nevers. — 3 août 1854.
Savigny de Moncorps (vicomte René de) #, â Seillans (Var). —
3 août 1854.
Savigny de Moncorps (la vicomtesse Henri de), château de Poiseux,
par Guérigny. — 26 juin 1890.
Saulieu (comte Charles de), à Lurcy-le-Bourg, parPrémery. — 24 fé-
vrier 1887.
Sery (l'abbé), chanoine, cour des Récollets, à Nevers. — 27 oc-
tobre 1881.
Soultrait (vicomte Roger de), château de Dômes. — 23 février 1888.
Soyer (l'abbé), curé de Sermoise. ^ 9 janvier 1873.
— XIIÏ —
MM.
SuBERT (docteur), 9, 0 I., médecin en chef de l'hospice, à Nevers.
— 12 janvier 1865.
Teste, château de Vésigneux, par Saint-Martin-du-Puy. — Février
1885.
Teste (Alexandre), à Lormes. — 27 octobre 1887.
Thépénier (Vabbé), curé de Saint-Parize-le-Châtel. — 7 octobre 1880.
Thonier (Roger), à Saint-Léger, commune de Mars. — 30 mars 1893.
TiERSONNiER (Gabriel), au château du Colombier, par Nevers. —
27 juin 1889.
TiERSONNiER (Ludovîc), château de la Grâce, commune de Gimouille.
ToYTOT (Ernest de), â Nevers. — 6 février 1862.
Trameçon (l'abbé), curé de Montigny-sur-Canne. — 31 janvier 1895.
UsQXJiN (Paul), ancien juge de paix, à Pougues-les-Eaux. — 6 avril
1876.
Vallière (Gilbert), imprimeur-éditeur à Nevers. —•23 mai 1889.
Verne (Charles du), à Nevers. — 3 mars 1870.
Verne (Victor du), à Nevers. — 9 janvier 1873.
Verne (Auguste du), à Nevers- — 4 novembre 1880.
Verne (Charles du), château de Poiseux, par Guérigny. — 25 avril
1889.
ViLLENAUT (Octave de), â Nevers. — 27 janvier 1887.
— XIV —
SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES
1 Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, Paris.
2 Bibliothèque de la direction des Beaux-Arts, Palais-Royal, à Paris.
3 Société philotechnique, à Paris.
4 Polybiblion, 5, rue Saint-Simon, à Paris.
5 Société littéraire de Clamecy (Nièvre).
6 Société d'émulation de l'Allier, à Moulins.
7 Société historique du Cher, à Bourges.
8 -Société des Antiquaires du Centre, à Bourges.
9 Société archéologique et historique, à Orléans.
10 Société d'agriculture, belles-lettres, sciences et arts d'Orléans.
1 1 Société historique du Gâtinais, à Paris, 38, rue Gay-Lussac
12 Académie de Mâcon.
1 3 Société éduenne, à Autun.
14 Société des sciences naturelles et historiques de l'Yonne, à Auxerre.
1 5 Société d'études, à Avallon (Yonne).
16 Société archéologique de Sens.
17 Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers.
18 Société académique d'archéologie, sciences et arts de l'Oise, à
Beauvais.
19 Société d'études des sciences naturelles de Béziers.
20 Société académique de Boulogne-sur-Mer.
21 Société d'agriculture , de commerce, etc., du département de la
Marne, à Châlons-sur-Marne.
22 Société académique de Cherbourg.
23 Académie des sciences de Clermont-Ferrand.
24 Société d'agriculture, de commerce et d'industrie du département
du Var, à Draguignan.
25 Société d'études des Hautes-Alpes, à Gap.
26 Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, à
Guéret.
27 Société des sciences et arts du Havre.
28 Société havraise d'études diverses, au Havre.
29 Société historique et archéologique de Langres.
30 Société des archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis, à
Saintes.
— ÎV —
31 Bulletin historique du diocèse de Lyon (abbé J.^B. Martin, direc-
teur), 205, rue Duguesclin.
32 Société littéraire de Lyon.
33 Académie des sciences, belles-lettres et arts de Marseille.
34 Société des travaux de statistique de Marseille.
3 5 Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tam-et-Garonne, à
Montauban .
36 Société archéologique de Tam-et-Garonne, à Montauban.
37 Société d'émulation de Montbéliard.
38 Société centrale d'agriculture, à Nice.
39 Académie de la Val-d'Isère, à Moutiers (Savoie).
40 Société des sciences naturelles de l'Ouest, au muséum de Nantes.
41 Société des sciences, lettres et arts des Alpes-Maritimes, à Nice.
42 Académie du Gard, à Nîmes.
43 Société historique et archéologique du Périgord, à Périgueux.
44 Société des Antiquaires de l'Ouest, à Poitiers.
45 Société archéologique de Rambouillet.
46 Académie de Reims.
47 Société historique et archéologique de Soissons (Aisne).
48 Comité archéologique de Senlis , à Senlis.
49 Société académique du Var, à Toulon.
50 Société d'histoire naturelle de Toulouse.
51 Société archéologique du midi de la France, à Toulouse.
52 Société des sciences et arts de Vitry-le-Français.
53 Société archéologique de Touraine, rue du Belvédère, 16 his, à
Tours.
54 Société des Bollandistes, à Bruxelles.
5 5 Société de l'histoire naturelle , à Colmar.
56 Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace,
à Strasbourg.
— XVI —
REGLEMENT
DU
PRÊT DES LIVRES DE LA BIBLIOTHÈQUE DE LA SOCIÉTÉ
1^ Tous les livres appartenant à la Société pourront être
prêtés aux membres titulaires et plus spécialement ceux qui
forment le fonds de Soultrait.
2» Un registre sera créé à cet effet et divisé en plusieurs
colonnes, contenant le titre et le format de l'ouvrage, la date
du prêt, le nom de l'emprunteur ainsi que sa signature et
l'évaluation du volume.
3** Les livres ne seront prêtés que pour un délai maximum
d'un mois, et devront être remis à la Porte-du-Croux.
4^ Le bibliothécaire aura seul qualité pour donner et recevoir
les volumes.
50 Au cas où la lettre de rappel du bibliothécaire serait
restée sans réponse, tout nouveau prêt serait refusé au retar-
dataire.
6° Le plus grand soin est recommandé pour les livres. D y
aurait lieu à indemnité dans le cas où un livre serait détérioré.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ NIVERNAISE
DES
LETTRES, SCIENCES ET ARTS
• >>>Jir««««>
CHARTES NIVERNAISES
ORIGINALES
PROVENANT DE M. GRANGIER DE LA MARINIÈRE
aujourd'hui a la bibliothèque nationale
La Bibliothèque nationale, département des manus-
crits, possède plusieurs volumes formant des recueils
de chartes concernant le Nivernais. Ces recueils fac-
tices, formés depuis une cinquantaine d'années à laide
de documents achetés dans les ventes publiques, se
composent de parchemins collés sur de grandes feuilles
de papier fort, disposés et rangés par région et par
ordre de dates, système assez commode pour consulter
et faire des recherches, mais qui a l'inconvénient de
détériorer les pièces.
Il faut les plier d'après le format, quelquefois même
les couper. La conservation des sceaux est très difficile
et il est impossible de rechercher les notes qui peuvent
être inscrites au dos des parchemins. Néanmoins , la
Bibliothèque , qui achète beaucoup , a pu conserver
ainsi, dans son précieux dépôt, nombre de chartes qui
T. VIII, 3* sene. 1
- 2 -
auraient péri ou seraient devenues introuvables dans
les collections particulières.
Parmi CCS volumes, il y en a trois, les numéros 2,298,
2,299 et 2,300 des Nouvelles Acquisitions latines, qui
proviennent d'acquisitions faites à la vente Grangier
de La Marinière en 1883.
Longtemps mêlé à la politique de M. Thiers, mais
avant tout amateur intelligent et chercheur aussi
sérieux que persévérant, Grangier de La Marinière
avait patiemment recueilli, pendant quarante ans do sa
vie, tout ce qu'il trouvait sous sa main, livres rares,
livres d'étude ou d'histoire locale, autographes, char-
tes et manuscrits, lettres et documents de toute
nature.
Les catalogues de sa vente qui eut lieu en mai et
juin 1883 sont curieux par eux-mêmes, et montrent à
travers leur sèche nomenclature le but poursuivi, la
méthode rigoureuse et le réel bonheur de trouvailles
aussi variées. Une pareille collection, quels que soient
le temps, l'argent et les moyens , serait impossible à
faire aujourd'hui.
Je laisse toute la partie des livres et même ceux
relatifs au Nivernais, pour m'arrêter au dernier lot des
manuscrits ainsi libellé dans le catalogue, sans aucun
autre détail : Collection de documents originaux ,
chartes et autographes concernant le Nivernais et
comprenant environ six cents pièces du XII^ au
XIX^ siècle, contenues dans huit cartons in'4".
Et le catalogue imprime cette remarque :
« Userait déplorable que cette collection fût morcelée
et on doit espérer qu'un dépôt public soit à Paris, soit
dans le département de la Nièvre s'en rendra acqué-
reur. »
Je ne sais ce qui se passa à cette époque pourtant
— 3 —
peu éloignée de nous. Le fait est que l'appel ne reçut
pas d'écho utile et M. Charavay, libraire chargé de la
vente, resta le premier acquéreur du lot entier, sans
que le public fût mis au courant du détail de la
composition de ces cartons.
Aujourd'hui, il est matériellement impossible de
s'en rendre compte. MM. Charavay, que j'ai consultés
à ce sujet, m'ont dit que la vente avait été faite par
Eugène Charavay, leur cousin, décédé depuis plusieurs
années , sans laisser de successeur. Ses registres de
comptes, s'ils existent encore, ne donneraient aucune
indication suffisante.
Parmi nos confrères amateurs de documents, MM. de
Laugardière, Morlon ou Sarriau. n'ont été acquéreurs
d'aucune de ces pièces.
Il faut donc admettre qu'Eugène Charavay les a
dispersées en s'en défaisant au mieux de ses intérêts,
suivant les hasards des achats particuliers, en dehors
de la publicité d'une vente annoncée.
Toutefois, à titre de consolation et d'espoir que les
documents de l'histoire nivernaise n'ont pas disparu en
allant s'enfouir dans une collection particulière»
MM. Charavay, directeurs de la maison actuelle, 3,
rue de Furstemberg, sont convaincus que le lot de
102 chartes présenté à M . Delisle et acheté pour la
Bibliothèque nationale en 1883, à un prix assez élevé,
constituait la partie la plus importante pour ne pas
dire la seule des vrais documents nivernais compris
dans l'ensemble du lot porté à 600 pièces.
La description extérieure de ces chartes et l'examen
de leur provenance offre un certain intérêt. Évidem-
ment sorties des chartriers des couvents, à une époque
quelconque de la tourmente révolutionnaire, les voilà
réintégrées dans notre grand dépôt national, après quel-
ques étapes dans les cabinets d'amateurs.
_ 4 -
Avec les parchemins sont venus d'autres papiers
personnels : analyses, copies, remarques, lettres rela-
tives aux chartes, émanant des possesseurs successifs
de ces précieux souvenirs d'un autre âge. On a respecté
ces papiers dans le classement et la pagination des
volumes, quelle que soit Tinsigni fiance de ces notes.
Ainsi il y a à un numéro du premier volume un grand
papier portant simplement le nom de M. Grangier de
La Marinière, au crayon.
Il est curieux, en effet, de conserver les moindres
détails de ces papiers , prouvant qu'ils n'ont pas été
comme tant d'autres livrés aux rats et à la poussière,
mais compulsés et étudiés par leurs propriétaires. Le
bon état de nos chartes témoigne d'ailleurs amplement
du soin et du mérite des divers amateurs entre les
mains desquels elles ont passé.
Une dizaine de ces chartes portent la mention écrite
de la main de M. Grangier de La Marinière, ainsi
conçue :
(( Acheté de M. du Broc de Segange, conseiller de
préfecture de la Nièvre, par l'intermédiaire de M. Tross
(libraire à Paris), en mars 1858. »
J'ignore d'où M. du Broc pouvait les tenir,* mais
nous savons d'ailleurs que, pendant son long séjour à
Nevers, il put acheter de divers côtés, et très souvent
chez des négociants encore moins scrupuleux qu'aujour-
d'hui sur la question des parchemins, une quantité de
documents qui, sans lui, auraient été certainement
détruits.
Il y a cependant des notes et extraits d'une autre
main que celle de M. du Broc, émanant d'un chercheur
qui connaissait peu notre histoire locale, à en juger
par ses réflexions. Ainsi, pour une charte de 1231,
contenant l'approbation de l'Évoque d'Auxerre aux
privilèges des habitants de Nevers^ Torigine de ces
privilèges remontant à Pierre de Courtenay semble lui
échapper totalement.
On est donc amené à supposer que ces chartes, sans
compter d'autres migrations intermédiaires non signa-
lées par des notes, sont devenues successivement la
propriété de trois amateurs : 1® celui qui a écrit les
notes; 2** M. du Broc de Segange; 3** M. Grangierde
La Marinière.
En feuilletant les numéros, on rencontre d'autres
chartes occupant leur place par date et par localité,
mais sans indication de provenance. Le collectionneur
aura négligé, pour une raison quelconque, de men-
tionner d'où il les tenait.
Les chartes de M. du Broc vont de 1112 à 1267, tous
de beaux parchemins, dépourvus de sceaux, mais bien
conservés. Elles concernent le prieuré de Saint-
Etienne, l'abbaye de Saint-Martin, le prieuré de
Guipy, rÉvêque de Nevers et le chapitre de Saint-
Cyr.
Plusieurs ventes publiques ont aussi contribué à
former la collection de chartes. La vente Le Ver, en
novembre 1866, fournit deux documents sur Fonmo-
rigny et Saint-Arigle, et une précieuse charte de 1374
contenant l'ordre, par Charles V, aux religieux de
Saint-Denis d'inhumer à ses pieds son fidèle chambel-
lan. Bureau de La Rivière. La vente Salmon, en 1857,
a procuré une pièce sur l'église d'Asnois ; la vente
Yéméniz, sur la donation de Guillaume Pioche; la
vente Tarbé, de Reims, en 1863, sur Varzy et les
privilèges du chapitre ; la vente de Magny, en 1867,
sur la donation d'Erard de Chacenay.
Les chartes les plus anciennes et les plus précieuses
sont les seules accompagnées de ces mentions de prove-
nance , qui deviennent plus rares à mesure que l'on
— 6 —
avance en date. Le troisième volume, qui comprend
de 1428 à 1499, n'en contient aucune. Les collection-
neurs ont également ajouté des copies, notes et extraits
relatifs aux documents déjà recherchés par eux avec
tant de sagacité ; ces documents augmenteront encore
de valeur en les rapprochant de ceux des autres recueils
conservés de la même façon, grâce aux soins et à la
persévérance de l'administration de la Bibliothèque
nationale , où nous constatons avec grande satisfaction
qu'ils sont désormais en lieu sûr.
Après ces quelques détails, il me reste à passer
rapidement en revue l'intérêt historique de ces chartes.
Je les grouperai suivant les objets qu'elles traitent,
afin de permettre de les rapprocher de celles déjà
connues d'autre part.
Le prieuré de Saint-Étienne figure avec une superbe
charte de 1112 (n^ 2), contenant la donation d'un fief
et plusieurs places à bâtir dans les environs de l'église,
par Gosbert et Guillaume, fils de Séguin de Nevers,
qui en avait joui à son retour de Jérusalem.
La pièce est dressée par Bernard, chantre du cha-
pitre, certifiée par de nombreux témoins, approuvée
par le comte Guillaume, l'évêque Hugues IV et dom
Pierre, prieur de Saint-Étienne. Cet acte était le
complément de la vocation religieuse que Séguin,
suivant en cela l'exemple de beaucoup de seigneurs,
avait embrassée à la suite de la croisade. Il comparaît
comme moine, vivant sous le régime de la commu-
nauté.
En 1143, le prieur de Saint-Étienne s'appelle
Bernard. Il reçoit de Hugues de Pierreperthuis (n® 4)
une dlme située à Sermoise et 17 sols de cens sur le
moulin de Chaussef osse , moyennant la somme de
80 livres.
A la suite du texte de cette vente, les deux seigneurs
— 7 —
importants de l'endroit, Tévêque Froment et le comte
Guillaume, se portent fort pour eux et leurs héritiers,
à la demande des parties , et revêtent Tacte de leur
sceau, en présence de nombreux témoins.
L'abbaye de Saint-Martin de Nevers est représentée
par une charte de 1210 (n^ 10), où Tévêque Guillaume,
choisi comme arbitre par les chanoines et le seigneur
Guillaume de Jaugenay, au sujet d'un pré qu'ils se
contestaient, attribue définitivement la propriété à
l'abbaye de Saint-Martin.
Le chapitre de Saint-Cyr offre un grand nombre
de pièces constatant ses privilèges, ses donations, ses
acquisitions, ses procès, questions intéressantes où il
intervient des personnages et des localités sur lesquels
on obtient à chaque instant des renseignements.
Celles-ci viendront s'ajouter à d'autres qui sont déjà
très nombreuses.
Le chapitre de Nevers avait fourni à Philippe-le-
Bel un fort subside pour sa guerre des Flandres, en
considération duquel le roi lui avait accordé en 1304
divers privilèges, profitant d'ailleurs aux nombreux
tenanciers du chapitre dans les campagnes. Il est fait
allusion dans nos chartes à cette libéralité royale qui
est reproduite dans le vidimus de 1312 (n® 4) et dans
quatre autres pièces insérées dans notre recueil.
Parmi les donations au chapitre pour fondation
d'anniversaires, nous voyons un don de 60 livres en
1329 (n® 21) par Pierre Amy de Montély, curé de
Saincaize ; le revenu devait en être réparti entre les
divers officiants.
Ce même Pierre Amy, curé de Saincaize, est chargé
d'une fondation de trois messes à dire dans son église
pour la famille d'Adeline Chardane, en 1343 (n® 30).
Le hasard a mis entre les mains d'un collectionneur
- 8 -
d'aujourd'hui deux chartes concernant le môme per-
sonnage.
Une autre charte de 1281 (n® 38) expose un cas
assez curieux de la comptabilité du chapitre de Saint-
Cyr. A la vacance du siège épiscopal, par le décès de
Robert de Marzy en 1272^ le doyen avait disposé
d'une somme de 200 livres, sur la mense épiscopale,
en acquisition d'un pré situé dans la vallée de la
Nièvre, au-dessous de Coulanges, appelé Origny.
Lorsque Gilles du Châtelet réclama ses comptes, il
lui fut impossible de retrouver les 200 livres, et le
doyen se décida à lui abandonner la terre.
Cependant l'évêque, soit qu'il n'eût pas intérêt à
ces revenus, soit par bienveillance pour ses chanoines,
ne voulut pas en prendre possession et y renonça de
suite en faisant une double fondation de messe du
Saint-Esprit et oflSce d'anniversaire après sa mort.
Il y a encore une dizaine de vidimus du XIV^
siècle, relatifs à diverses donations par les comtes
de Nevers au chapitre de Saint-Cyr, textes imprimés
dans le Gallia Christiana ou autres recueils, avec
leur date d'origine, et qui sont à mentionner dans
Y Histoire du Chapitre de Saint-Cyr.
La propriété urbaine, consistant en maisons à
Nevers, plus faciles à louer et à administrer, semble
avoir la préférence des chanoines, puis les vignes et
terres des environs de Nevers, puis enfin des bois et
grandes propriétés plus éloignées, qu elles vinssent au
chapitre par vente ou donation. Voici quelques-uns de
ces actes :
Hugo Polez et Isabelle Pieplat, sa femme, vendent,
en 1263, à Gilon d'Orléans, chanoine de Nevers, pour
8 livres nivernaises, une maison située dans la paroisse
Saint- Jean (n® 28).
- 9 -
Le chanoine Hugues de Fourneuf achète, en 1281
(n® 37), une part de maison sise paroisse Saint- Arigle,
appartenant aux enfants d'un certain Pierre de Sau-
vigny.
En 1267, le chapitre accense pour 25 sols par an, aux
maître et frères de l'hôpital Saint-Didier, une maison
située paroisse Saint-Laurent, qui leur avait été donnée
par Jean Dandin (n** 31).
Ces conventions particulières ofifrent parfois des
détails curieux, comme la charte de 1315, dans laquelle
le chapitre donne à bail emphytéotique à deux habi-
tants de Nevers un terrain situé rue Saint-Sauveur, où
existait une maison détruite par l'incendie de 1308.
La maison se reconstruisait et les preneurs payaient
une annuité de 60 sols et deux deniers de cens (1).
La série des baux ruraux est également repré-
sentée.
La dame de Vôvre, veuve de Hugues Bréchard,
prend en censive, pour vingt-neuf ans et au prix
annuel de 10 livres, l'étang de Montifaut et toutes ses
dépendances situées à Prye, le chapitre ne se réservant
que la justice (1342, n® 28).
Les acquisitions rurales sont plus isolées, mais méri-
tent d'être citées :
C'est d'abord la vente d'un pré, dans les environs de
Sancergues, par Guillaume Roy de Parigny, pour le
prix de 16 livres nivernaises, en 1242 (n^ 22).
Puis la vente par Alix, veuve de Odard Troussebois,
en 1297 {n9 45), au chapitre de Nevers, pour 100
livres tournois, de parcelles de vigne à Conflans et à
Cuflfy , et un cens annuel de 9 sols, assis sur les
vignes des coteaux de Marzy et entre autres aux Mon-
(I) Texte publié dans le Bulletin, t. II. p. IGI. Â cette occasion M. du
Broc expose à la Société qu'il découvrit chez un cartonnier un lot de
1,600 chartes qui turent à Tépoque rachetées par le département.
- 10-
tapins {de Monte Alpini) et du Bec d'Allier {de Beco
Aligeris),
Enfin, comme affaire plus importante , Isabelle de
Rosières lui vend encore, en 1342, pour 500 livres, tous
ses droits, terres et maisons situés dans la région de
Rosières, près Decize (t. II, n® 29).
Les difficultés pendantes entre les divers pouvoirs
fournissent des actes et surtout des nominations d'ar-
bitres, entre le chapitre, Tévêque, le comte, les sei-
gneurs voisins.
Itier de Frasnay conclut un accord en 1248 (no 28),
au sujet des droits de justice à Parigny, en présence
de révoque Robert Cornut par des arbitres qui dési-
gnent à chacun les hameaux et territoires de la localité
où ils pourront exercer leurs droits.
Les nombreuses contestations entre le comte de
Nevers et le chapitre de Saint-Cyr se terminaient tou-
jours par des nominations d'arbitres qui aboutissaient
ordinairement à une sorte d'accalmie entre les parties
pour recommencer ensuite à la première circonstance
quelconque .
En 1299 (n^ 46), les arbitres choisis furent Etienne
de Bosonville, bailli de Nevers (1) et M*^ Jean de Clu-
gny, chanoine.
Autre nomination d'arbitre dans une charte de 1301,
sur la contestation élevée cette fois entre Jean, évéque
de Nevers, et le doyen du chapitre de Saint-Cyr (t. II,
no 3). Il s'agit de répartir les droits de chacun sur la
forêt de Prémery, dont l'usage était indivis. Les deux
experts nommés à l'amiable en cette circonstance sont
les chanoines Gautier de Spodona et Jean de Charry.
Cette question de la forêt de Prémery semble s'être
(1) La liste des baillis de Nivernais sera curieuse à bien des titres. Dans
plusieurs provinces de France on commence à rechercher ces seigneurs,
qui occupaient d'importantes fonctions.
- 11 -
terminée quelques années plus tard, en 1323; par la
donation définitive de deux cents arpents (n** 13) de
cette même forêt au chapitre de Nevers. Les deux
évêques Jean de Savigny et Bertrand de Colombiers
avaient eu la même pensée en cherchant à terminer
une querelle si longtemps débattue entre eux et im-
possible à trancher. En faisant cette donation, Tévêque
perdait peu de chose et donnait une preuve de géné-
rosité. Dans d'autres recueils, nous aurons évidemment
occasion de découvrir des pièces relatives à cette même
affaire.
Les justices seigneuriales, si éparpillées sur le terri-
toire puisque la possession du sol impliquait presque
toujours le droit d'exercer la justice, amenaient de
fréquentes contestations entre les parties. Entre m? Ile
en voici un exemple fourni par la charte du 4 février
1305 (no 5) :
Un sergent du comte de Nevers saisit en gage
une coupe de fer et appose les scellés sur une arche
dans la maison de Régnant Pastoureau, pour une
somme d'argent que devait celui-ci. Le sergent recon-
naît qu'il a fait erreur et n'a pas qualité pour agir
dans cette localité de Muloz, qui est justice du cha-
pitre. 11 remet tout en place en présence de R. d'Achè-
res, chanoine prévôt de Sauvigny, et de deux autres
témoins, se soumettant à l'amende. Le clerc juré de
l'oflScialité est chargé d'assister à toutes ces opérations
et d'en dresser acte.
En 1310 il s'agit encore de droits de justice entre le
chapitre, l'évêque et le comte de Nevers. Les arbitres
nommés par le roi sont l'abbé de Saint-Laurent-
l'Abbaye et Hérard de Thianges, chevalier. Nous
avons les lettres (n** 6), par lesquelles ils chargent le
prévôt royal de Saint-Pierre-le-Moûtier, Oudet de
- 12 —
Beleigny et son sergent, de convoquer à Nevers en leur
présence les trois parties pour recevoir leurs dires .
L'intervention royale paraît directement dans cette
convocation aflBrmant de plus en plus la supériorité
du pouvoir et des oflBciers du roi. Voici mieux encore.
Quelques années après, dans les lettres-patentes du
14 mars 1319 (n° 12). Il y avait contestation de droits
sur des dimes à La Charnaye, près Sancergues, entre
le chapitre de Nevers et le curé de Tronsanges d'une
part, et le prieur et aumônier de La Charité, d'autre
part. On avait sans doute épuisé le système des arbi-
trages amiables qui n'avaient pu aboutir. Le roi
charge de l'enquête son prévôt de Sancoins, Simon
Fouques, en ayant soin de lui indiquer d'appliquer les
dimes au curé, à moins que les religieux ne présentent
des preuves tout à fait convaincantes.
Trois autres pièces portent signification aux ser-
gents royaux de Saint-Pierre-le-Moûtier de régler
avec le bailli de Bourges la suite du procès entre le
comte de Nevers et le chapitre.
Les familles serves de Soulangy appartenaient les
unes au chapitre de Saint-Cyr, les autres au prieur
d'Aubigny. Il y eut des conventions faites par le
prieur de La Charité en 1336 (n® 24), où il est exposé
les conditions de servage réglées par la coutume du
Nivernois.
En 1354, comme arbitres, et toujours entre l'évêque
et le chapitre, nous trouvons Guillaume de Vrigis,
officiai, Jean Gendret, notaire, et les chanoines Jean de
Sauvigny et Jean de Bourbon (n** 34).
Dans le deuxième volume, aux années 1330 et sui-
vantes, il y a plusieurs chartes royales relatives à
l'exécution des testaments et distribution des deniers
au décès des chanoines, question contestée par le
comte de Nevers et qui parut souvent au Parlement.
- 13 -
En 1354 (n® 37), à la mort du chanoine Guillaume
de Veauce, le doyen nomme exécuteurs testamen-
taires quatre chanoines avec les pouvoirs les plus
étendus. Parmi eux se trouve Régnant Passeloire, qui
occupait la fonction de garde de la prévôté de Nevers.
Le chapitre de Prémery achète en 1242, pour le
prix de 27 livres nivernaises, à Adam des Ponts, une
partie de pré et une vigne , dont il garantira la
propriété définitive au chapitre (n<> 20).
Terminons le chapitre de Saint-Cyr par la mention
du compte du dernier trimestre de Tannée 1296
présenté au doyen par le boursier Gilon de Argeville.
On y voit un certain nombre de noms qui motiveront
un examen spécial et môme une publication^ de cette
pièce importante et rare.
Plusieurs chartes concernent les prieurés de la
région : le prieuré de Saint- Yon, près Montlhéry,
dépendant de La Charité-sur-Loire, fait une conven-
tion avec un seigneur voisin au sujet de redevances
sur les vignes et sur les blés, en mai 1242 (n® 21). C'est
la seule charte que Ton possède en Nivernais sur ce
prieuré, connu seulement par la mention portée dans
l'inventaire du prieur Colbert. On voit que, comme la
plupart des suffragants de La Charité, il remontait
au XIII«, et très probablement au XII® siècle.
Au siècle suivant, en 1355, le roi intervient dans une
contestation entre la reine Blanche et le prieuré de
La Charité, au sujet de la terre de Lady, en Cham-
pagne, dont la jouissance resta définitivement au
prieuré (n^» 35 et 36).
Le prieuré de Guipy paraît en 1225 (n^* 17). Son
prieur Godefroi s'entend avec un seigneur voisin,
Chrétien Dauodest. La dime d'une vigne reviendra
pour les deux parts au prieur, et si plus tard la vigne
est augmentée en étendue, les parts devront égale-
— 14 -
ment être augmentées en proportion. Cette charte
offre un intérêt spécial. Elle est passée devant
M®* Etienne, officiai de Nevers, le 3 septembre 1225 et
se trouve être la plus ancienne connue des chartes
de notre officialité.
Les moniales de La Fermeté reçoivent en janvier
1244 une superbe rente de seize quarteaux de mouture,
accordée par Isabelle de Cisely, veuve de Geoffroi des
Prés, sur Tétang et le moulin de Cisely, près Cercy
(no 23).
Le prieuré de TEspau possède des droits d'usage
dans les bois de Montaubert et autres forêts près de
Clamecy en 1300. Le comte de Nevers Louis de
Flandre reconnaît à ce sujet avoir reçu des religieux
le bois nécessaire à la réparation de ses pressoirs,
mais sans qu'ils y soient tenus et par pure courtoisie,
il le témoigne dans un acte authentique scellé de
son sceau et plusieurs fois renouvelé. La copie du
recueil est de Tannée 1561 .
La ville de Nevers offre quelques particularités.
Voici par exemple, en 1260 (n® 26), la vente d'une
maison sise rue de la Tartre, par Hugonin et sa femme
Isabelle à Hugues Amiraud de Soulangy. Le plus
curieux de l'affaire est que les vendeurs sont les
enfants d'un certain Jobert de La Tartre, qui autorise
lui-même la vente. Y a-t-il une corrélation entre le
nom du propriétaire et de la rue ? La pièce de 1260
n'y fait aucune allusion.
En mai 1270, nous voyons la répétition des céré-
monies usitées au siècle précédent pour le départ de la
croisade. C'étaient évidemment les préparatifs de la
deuxième croisade de Saint-Louis. Guillaume Bré-
chard se rend à la cathédrale de Saint-Cyr et en
réunion du chapitre donne pour son anniversaire tous
les biens qu'il possédait à SardoUes en franc-alleu ou
- 15 -
que ses gens tenaient de lui. L'acte est passé devant
l'oflBcialité de Ne vers.
Nous avons encore dans ce recueil beaucoup de
chartes isolées, dont Ténumération seule montrera
l'intérêt pour l'histoire locale. Cest par là que je
terminerai cette nomenclature assez sèche de docu-
ments.
Échanges dans la paroisse de Chaluzy en 1264 (n^ 29).
Vente d'une terre en franc-alleu , à Crais, près
Saint-Parize, par Jean Syron à un prêtre, Gautier de
Bonay, en 1274 (n^ 35).
Vente de biens de toute nature situés à Épiry,
Sardy et Montreuillon en 1289 (n° 39), avec un grand
nombre de noms d'hommes et de lieux, dépendant de
la succession de Perronet, prévôt de Corbigny, et
tenus en fief par Jean de Ansey, chanoine-chantre
d'Orléans.
Donation à l'église Saint-Loup d'Asnois (n** 41),
par Richard Beaufils, de 10 sols nivernais de rente
annuelle répartis en une quantité de petits tenanciers
de l'endroit. Curieuse charte française de 1293 éma-
nant de la prévôté seigneuriale de Clamecy.
Le n» 43 est un superbe parchemin de 1295 expo-
sant la donation entre époux au dernier survivant par
deux seigneurs nivernais d'assez grande importance,
Guillaume Pioche, seigneur de Brinon, et sa femme,
Aremburge de La Rivière. C'était le second mariage
des deux époux dont l'âge devait être assez avancé.
Les immeubles et droits féodaux qui ne figurent pas
d'ailleurs dans l'acte, se trouvaient sans doute en
possession des enfants des deux côtés, qui compa-
raissent pour approuver la donation réciproque repo-
sant seulement sur tous les biens meubles.
Dans le tome II de ce même recueil nous trouvons
un contrat de mariage daté de 1319 {n? 14) entre
— 16 —
Gibant de Saint- Verain , seigneur de La Celle, et
Jeanne de Courcelles. Les terres apportées par le
futur sont situées en dehors du Nivernais , mais le
contrat est passé devant la prévôté royale de Donzy,
et il est dit que l'acte est revêtu du «nouvel scel le
Roy establi en la prevosté », détail intéressant pour
l'époque de création des notaires royaux qui devien-
dront plus tard les seuls expéditionnaires des actes
des particuliers.
Au milieu de ces actes émanant tous d'une auto-
rité quelconque, officialités, prévôtés ou chancelleries
particulières, mais ayant caractère d'actes publics, il
y a une charmante lettre missive sur parchemin
(nn 20) sans date, mais qui ne peut être inférieure à
1325. Dans cette lettre adressée à la comtesse de
Nevers, Jeanne d'Acy se met sous sa protection et
espère qu'elle voudra bien la soutenir contre les offi-
ciers provinciaux qui la grugent et saisissent ses
revenus. Sans faire allusion à aucun fait d'histoire, ce
parchemin est très curieux au point de vue littéraire
pour une époque aussi ancienne. Les documents de
style épistolaire ne sont pas nombreux au XIV® siècle.
En 1365, contrat de mariage eatre GeofiEroy du
Bouchet et Jeanne de Saint- Verain , fille de Gibant,
même famille dont il est question plus haut. Ils appor-
tent en dot l'un sa terre du Bouchet et l'autre la terre
de Pierrefite, avec promesse d'avoir une part égale
aux autres enfants mâles dans les successions futures
(n^^ 39) .
Les aveux et dénombrements de la maison et terres
de Chalaux, près Brassy, par Ysabel Guyot-le-Cochat
à Guillaume de Saint-Aubin en 1339 (no 26). La
suite du XIV® siècle comporte beaucoup d'aveux au
comte de Nevers , à l'évêque et à divers seigneurs,
dont il sera précieux d'avoir la nomenclature.
La fin du deuxième et l'ensemble du troisième
volume se composent en grande partie d'aveux et de
contrats moins intéressants que ceux des siècles pré-
cédents.
A Taide des autres recueils appartenant encore à la
Bibliothèque nationale, on obtiendra un ensemble de
documents nivernais très utiles à consulter. J'ai copié
toutes ces chartes , et , en m'en servant pour des
notices , je les tiens à la disposition de nos confrères
qui désireraient les mettre également à profit pour
leurs études.
René de Lespinasse.
t. vm, 3* w9fA%. S
-18-
DEUX DONATIONS
FAITES AU
COUVENT DE LA VISITATION SAL\TE-M\RIE DE NEVERS
Au X V ll« siècle.
Les archives des Bordes (1) renferment divers
documents concernant deux donations faites à la fin
du dix-septième siècle. Tune par la dame des Bordes,
l'autre par sa fille, au couvent de la Visitation Sainte-
Marie de Nevers.
Nous résumons ici ces deux donations.
Louise d'Ancienville, dame des Bordes et marquise
d'Epoisses, femme séparée d'Achille de La Grange,
comte de Maligny, possédait un contrat de rente de
10,000 livres en principal constitué à son profit le
24 septembre 1670 par Philippe Andrault de Lange-
geron et sa femme (2), devant Lage et Langu, notaires
au Châtelet de Paris.
La dame des Bordes fit don de cette somme aux
religieuses de la Visitation par contrat, reçu Taillan-
(1) (>s archives ont été données en 1897 à la Société nivernaise par le
propriétaire actuel du château des Cordes. M. Vernin.
•'2) Philippe Andrault de Langeron était alors comte de Langeron,
Devauz, Cougny et autres lieux, premier gentilhomme de la chambre de
S. A. Mgr le duc Danguin {sic). * Sa femme était haulte et puissante
dame Claude Dcfaye Despesses (sic), dame d'honneur de S. A. Sérénis-
sime Mme la duchesse Danguin.
- 49-
dier et Casset, notaires à Nevers, le 20 juin 1672(1).
Mais n'ayant point requis l'autorité de son mari, ou,
à son refus, celle de la justice, et craignant que ce
contrat ne fût valable, elle résolut de le ratifier, une
fois devenue veuve, ce qu'elle fit le 20 avril 1683 par-
devant les mêmes notaires (2).
Cette formalité fut remplie « à la grigle du grand
» parlouér (sic) du monastaire où estoient humble
» et devoste mère Marye Geneviefve Besée, supé-
» rieure ; sœur Anne Gabrielle Doreau , assistante ;
)) sœur Jeanne Catherine de Saulieu ; sœur Françoise
» Angélique Pommereuil ; sœur Marie Espérance
» Gueneau, religieuses proffesses et conseillères dud.
» monnastaire ».
Toutes les autres religieuses, rassemblées dans le
parloir, au son de la cloche, délibérèrent « à la
» mannière accoustumée ï>, et, par la voix de leur supé-
rieure, remercièrent la dame des Bordes de sa géné-
rosité.
Puis (( sous lauthorité et consentement de messire
» Noël de Rambault, prestre, docteur en droit civil et
» cannon, prieur de Saint-Honnoré et grand vicaire
)) de Mgr Edouard Vallot, conseiller du roi en tous ses
ï) conseils, evesque de Nevers, supérieur et ordonna-
» teur dud. monnastaire, » les religieuses ont déclaré
accepter la donation proposée « aux charges et condi-
» tiens que la donatrice avisera ».
Celle-ci, en présence des deux notaires susnommés,
subroge les religieuses en tous ses droits pour en jouir
après son décès, s'en réservant l'usufruit sa vie durant.
(1) Cette pièce n'était pas aux archives, mais son existence est rappelée
dans Tacte confirmant la donation.
(2) Au dos de cette pièce, la dame des Bordes a écrit de sa main :
• Cet la $eg<mde donation a cosse qu'on dit que la première ne valet
rien ».
- 20 —
Elle promet, en outre, garantir cette rente et ses
arrérages contre ses débiteurs personnels ; et, à cet
effet, hypothèque généralement tous ses biens et spé-
cialement « la terre et seigneurye Douroué, scise aux
» Amougnes » (1).
L'acte de donation porte que cette dernière est
faite a à la charge que lad. dame Despoisses aura la
» quallité de bienfactrice dud. monnas taire... qu'elle
ï> pourra entrer et sortir dans led. monnastaire quand
» bon luy semblera avec deux personnes à sa suitte,
» sans que lesd. religieuses soient obligées de fournir
» aucunne chose pour la nourriture tant de lad. dame
» que de ses deux personnes ; comme aussy que lad.
)) dame sera inhumée dans la sépulture des religieuses,
» sans qu'elles soient obligées aux frais funéraux, qui
» seront à la charge des héritiers de lad. dame ; et
)) que tous les ans, à chascun jour qu'arrivera son
» déceds, lesd. religieuses fairont un service solennel,
» la communion generalle et fairont dire des messes
)) pour le repos de son asme... »
Les religieuses consentent en outre (( à deslaisser à
» ladite dame leur parloir dembas, qui est proche de
» lesglise, pour en faire ce que bon luy semblera ».
Il fut également convenu que si la rente abandonnée
(1) Elle remet aux religieuses la grosse du contrat de constitution por-
tant au bas procuration et ratification du comte de Langeron ; mais cette
somme ayant d'abord été prêtée par un sieur Guy Hizorée, conseiller et
médecin ordinaire de S. A. Royalle Mgr le duc Danguin» le 10 juin 1659,
par acte reçu Langlois et Lemoine et remboursée à sa veuve le 24 sep-
tembre 1670 ; la dame des Bordes remit en outre aux religieuses la grosse
passée au profit dudit Hizorée. Elle se dessaisit également de deux cahiers
en papier : l'un renfermant la copie du contrat de mariage de Mgr de
Richecour avec Jeanne-Marie Ândrault de Langeron, en date du 6 juillet
1637 ; Tautre contenant la grosse de Tacquit de la dot de ladite dame de
Langeron, passée le 2 juillet 1659, et prouvant qu'il est entré dans le
paiement de cette dot la somme de 10,000 livres, empruntée du sieur
Hisorée.
— 21 —
était remboursée avant le décès de la donatrice, les
deniers en provenant seraient remis aux religieuses
qui en feraient l'emploi par elles jugé utile à leur
couvent.
La minute originale, signée des notaires, de la
donatrice, • du vicaire général et des sœurs précitées,
porte encore les signatures de trente-deux autres reli-
gieuses du monastère (1).
Le 6 juillet 1684, devant Gonneau et Casset, notaires
royaux, Tévèque Vallot ratifiait le contrat du 20 avril
1683 et donnait son approbation aux faveurs deman-
dées par la bienfaitrice.
Celle-ci, désireuse sans doute de s'acquitter de sa
donation, verse en 1686 à Anne-Gabrielle Doreau,
alors supérieure, une somme de 2,000 livres à valoir
sur celle promise, ainsi qu'en témoigne une note
insérée à la suite de l'acte de ratification de 1683 (2).
La dame des Bordes paie encore, le 18 novembre
1692, ime somme de 4,400 livres « en monnoie d'or et
(1) Nous en donnons la liste parce qu'on y rencontre les noms de plu-
sieurs grandes familles de Tépoque.
Ce sont les sœurs Gabrielle-Hieronime Gascoing; Marye-Magdelaine de
Brepja ; Claude-Françoise Prisye ; Anne-Marye Gorant (sic) ; Anne-Thé-
rèse Gorranl [sic) ; Anne-Charlotte de Maumigny ; Ma rye- Agnès Bernard ;
Cathcriue-Marye Depriandy ; Jeanne-Françoise Moireau ; Marye-Thérése
Pelle ; Catherine-Angélique Dieu ; Françoise -Augustine Chasseigne ;
Mar^e-Tiénette Naquian ; Marye-Joseph Gaillard ; Claude-Marye Brisson ;
Françoise-Gabridle Deschamps ; Mary e- Jacqueline Devaulx ; Anne-Alexis
Gaillard ; Anne-Catlierine de Vaucorbel ; Marye-Henrietle Doreau ; Marye-
Helaine Millot ; Marye-Hiasainte Prisye; Anne-Thérèse Le Noix , Marye-
Antoinette Bernard ; Mai*)'e-Eugénie Panseron ; Marye-Barbe Marceau ;
Marye-Catherine Le Noyr; Marye-Gabrielle Moquot ; Louise-Françoise
Dechamps ; Marye-Françoise Panseron ; Louise-Catherine de Labussiére ;
Catherine-Gertrude Baillot.
(2) Cette supérieure étant décédée le 14 juin, ce fut la nouvelle supé-
rieure, Catherine-Agnès Heurtault, qui constata, le 20 novembre, le ver-
sement de cette somme. Avec elle signèrent : Sœur Jeanne-Catherine de
Saulieu ; j^ur Gabrielle-Hieronime Gascoing ; sœur Marie>Théréze Pelle
et sœot Françoise-Angélique Pommereul.
- 22 —
d'argent ayant cours », en présence de Billault, notaire
royal à Nevers (1).
Enfin, le 14 février 1699, par devant Chevallier et
Berthault, elle remet un acompte de 2,000 livres aux
religieuses a qui déclarent employer cette somme au
» paiement de partye de l'acquisition quelles enten-
» dent faire de M® Marin Duplessis, procure^jur audit
» Nevers » (2).
On stipula dans cet acte, que le surplus étant porté
au testament de la dame des Bordes (reçu par Ber-
thault, juré, le 27 décembre 1698) serait payé aux
religieuses en conformité dudit testament.
Nous ne savons — en l'absence de titres — si la
donation faite au couvent par la dame des Bordes a été
définitivement acquittée; et, dans l'affirmative, à
quelle époque et comment elle le fut ; mais une note
insérée aux registres paroissiaux de Saint-Martin-
d'Heuille rappelle que Louise d'Ancien ville étant
décédée le 19 mars 1704, à l'âge de quatre-vingt-six ans,
fut inhumée « le samedy 22 mars, veille de Pâques,
» dans le monastaire des Saintes-Mariés de Nevers » .
Ajoutons que son cœur fut porté, le 1^' avril, à
Avallon par M® Louis de Saint-Clivier, curé de Saint-
Victor-les-Nevers, et M® Michel Leclerc, aumônier
de la défunte, conformément au désir exprimé par la
dame des Bordes, lors d'une donation de 3,000 livres
faite par elle, le 17 août 1685, au couvent de la Visita-
tion Sainte-Marie d'A vallon (3).
(1) Ce paiement est constaté par la pièce originale sur parchemin.
(2) Cette pièce est signée des sœurs Marie-Simone Bertrand, supérieure;
Marie-Marguerite Baillot; Marie-Espérance Gueneau; Louise-Françoise
Deschamps ; Marie-Angéliqpie Brisson et des notaires.
(3) Les religieuses reconnaissantes avaient fait apposer dans leur monas-
tère un cœur en marbre noir — aujourd'hui conservé au musée d'Avallon
— et rappelant le souvenir de cette fondation, dont le titre original,
retrouvé au château des Bordes, a été publié par nous dans le BtUletin de
la Société d'études â' Avallon (1897, p. 124).
— 23-
Madeleine de La Grange^ fille de la précédente dona-
trice et épouse du comte de Guitaud, suivit l'exemple
de sa mère.
Par son testament, en date du 17 mars 1667, elle
lègue en mourant, au couvent Sainte-Marie de Nevers,
une somme de 2,000 livres, une fois payée ; puis, aban-
donnant aux religieuses « tous ses points de Venize et
» ses aultres dentelles », elle demande « a estre enter-
» rée en lesglise de ce monastaire en habit de reii-
» gieuse ».
Toutefois, cet acte ne porte aucun renseignement
relatif aux funérailles et autres services religieux à
faire dans la suite.
G. Gauthier.
— 24 —
INTRODUCTION
DES
faïences D'ART A NEVERS
LES CONRADE
Le nom des Conrade domine , incontestablement,
l'histoire artistique de la ville de Nevers de la fin du
seizième siècle au commencement du dix-septième
siècle.
Par contre, son éclat rejaillit sur une grande ville
de Normandie : sur Rouen. Ces faits sont connus par
les publications de M. du Broc de Segange, à Nevers,
et de M. Pottier, à Rouen.
Aussi nous dispenserons-nous de nous étendre sur
ce sujet.
Ce qui va faire l'objet de notre étude, c'est de
reculer la date connue de l'introduction des faïences.
M. du Broc de Segange n'a pas tiré tout le parti utile
de ses documents ; nous le ferons , en y ajoutant de
nouveaux documents encore inédits.
L'historien nivernais avait plus d'une bonne raison
pour traiter le sujet des faïences ; il possédait, nous
dit-il, un dossier relatif à la famille Conrade.
-25 —
Le 22 février 1640, son arrière-grand-oncle avait
été parrain d'une fille Conrade. Puis le 14 juillet 1733,
dit-il, une petite-fille d'un Conrade, Marie-Catherine
Bianki, épouse François du Broc.
Voilà évidemment un auteur qui tient à faire ime
excellente biographie de la famille des Conrade. Ajou-
tons môme qu'il l'a faite avec la plus grande impar-
tialité ; combien d'autres auteurs, sur ce sujet, se sont
départis de cette impartialité, malgré des preuves
irréfragables contre leurs thèses.
C'est en 1602 que, pour la première fois, M. du Broc
trouve sur les registres de paroisse le nom des trois
artistes : Augustin, Baptiste et Dominique.
Dès lors il s'attache à leurs pas au travers des états
civils et ne les quitte plus. Il cherche leurs titres qui
sont : sculpteurs en terre, maistre pothier, maistre en
vaisselle, noble Seigneur /. . . Ce dernier titre l'étonné,
sans doute, et sachant qu'ils sont d'origine italienne, il
écrit au chevalier Promis, bibliothécaire du roi, à
Turin.
Par ce dernier, il sait que cette famille appartient à
la noblesse de Savone, sous le nom de Coradengus.
Le voilà en veine, il cherche et trouve les lettres de
naturalisation données par Henri III , en janvier 1578,
lesquelles portent les armoiries des Conrade; il en
donne copie. Il sait qu'ils sont natifs d'Albissola,
village sur la mer, tout près de la ville de Savone, sur
la rivière de Gênes; mais n'oseparler de leur parenté.
Il trouve et transcrit un brevet de faïencier du
20 août 1644, puis une lettre de provision de par le
Roy. Elnfin, un certificat attestant que l'un de ses mem-
bres est gentilhomme de la maison du roi de France.
Passeport et contrats, toutes les pièces défilent en
entier sous sa plume. C'est avec satisfaction qu'on sent
le bonheur de l'auteur cataloguant chaque document.
— 26 —
*
Mais l'état civil lui a donné d'autres révélations,
Gabrielle Panseron, la femme de Baptiste, lui donne
sept enfants :
Son aîné, Augustin, devient premier médecin de la
reine de Pologne, il est seigneur du Marest ; le troi-
sième, Charles, a pour parrain et marraine le duc et la
duchesse de Nevers; la cinquième, Jeanne, épouse
Hyacinte de Bianki, grand trésorier de Pologne; la
sixième épouse Henri de Bolacre.
Si Augustin n'a aucune postérité, M. du Broc n'a
pas pu, non plus, trouver le nom de sa femme, qu'à
tort il appelle Françoise Conrade (1).
Mieux renseigné avec Dominique dénommé gentil-
homme, il indique trois enfants nés de sa femme
Henriette Samadet : le second de ses enfants est
qualifié de noble faïencier ordinaire et gendarme de
la Reyne; de faïencier de la maison du Roi et brigadier
de chevau-lêgers de la Reyne.
Tels sont les trois chefs de famille que nous présente
M. du Broc avec une bien légitime satisfaction. Aussi
indique-t-il les dates où ces noms se rencontrent
depuis 1602, la première pour lui :
Pour Baptiste, les 11 août 1602, 8 octobre 1604,
17 octobre 1606, 8 septembre 1608 et 24 janvier 1613 ;
Pour Dominique, les 12 juillet 1602, 8 avril et
3 novembre 1604 ;
Pour Augustin, il ne trouve qu'une seule date, le
11 août 1602.
Voilà certes une biographie qui semble complète et
(1) Gorad, Corade, Courad, Conrade, Corrado, etc., sont cités indistinc-
tement dans les mêmes actes qudqaefois.
- 2f7 -
pourtant rien De décide l'auteur à donner le degré de
parenté de ces artistes.
Peut-être eût-il pu^ du moins, faire ressortir le nom
d'Augustin à l'aîné des fils de Baptiste, faisant pré-
sumer un parrainage et les bonnes relations entre eux.
Il s'en abstient.
Lorsque M. du Broc aborde Timportation de la
faïence à Nevers, il devient contrarié et perplexe.- On
sent qu'il voudrait attribuer cet honneur aux Conrade,
et, avec regret, il le donne à un autre: à Sctpion
Gambin /. . .
Et puisque son honnêteté l'y oblige, il donne l'état
civil suivant: « 1592, le 28 du même mois (avril) fut
baptisé Scipion, fils de Jehan Malicieux et Perrette
Galopin. Ont été parrains : Scipion Gambin (pothier),
et Henri Vanon ; sa marraine : Marie Micot.
» Signé: Journaux. »
Et l'auteur ajoute : — (Ah I que l'on sent bien qu'il
est navré ! ) — « Pendant dix ans on ne trouve plus le
nom de Gambin ni d'aucun potier ».
Mélancoliquement il écrit : « Scipion Gambin, en
tout état de cause, doit être considéré comme le
PREMIER IMPORTATEUR de la faïenco à Nevers (1) !... »
Mais aussitôt M . du Broc se rattrape de cet aveu :
« Nous ne pensons pas, dit-il, qu'on puisse lui attri-
buer l'initiative de cette grande fabrication célèbre à
la fin du règne de Henri IV (2). » Eh bien! que son
âme tressaille d'aise, il vient de pressentir la vérité
ainsi que la réhabilitation de ses parents les Conrade.
Et cette réhabilitation pourra vous paraître aussi
complète qu'à moi.
(1) Voir DU Broc, 1. 1*% p. 58.
t9\ îhiii
(2) Ibid.
— 88 —
Il aurait été bien étrange, en effet, que Gambin,
important la faïence à Nevers, eût une si grande
obscurité et que les Conrade en eussent eu tant d'hon-
neur à son détriment. Quoique encore de nos jours ces
choses-là se voient trop souvent, il est inadmissible de
les garder sans preuves, ainsi que l'a fait M. du Broc
de Segange.
Gambin n'était qu'un ouvrier de Conrade. Voilà
l'opinion que j'espère vous faire partager.
Dès à présent, retenons un fait brutal : en 1592,
il se faisait de la faïence à Nevers.
De Thou, historien contemporain des Conrade (1),
écrit : « On raconte qu'un Italien, qui avait accom-
pagné en France un duc du Nivernais, aperçut, en se
promenant aux environs de Nevers, la terre de l'espèce
dont se faisait la faïence en Italie. Il la prépara et fît
construire un petit four oUfut fabriquée la première
faïence EN France... »
Cette assertion n'est pas mise en doute par un
célèbre auteur anglais, Marryat, et jamais on n'a mis
en doute de Thou sur les faits qu'il avance^ lorsque
ces faits n'ont pas un caractère religieux.
Mais n'est-il pas, en notre pays, dans les habitudes
de rechercher la vérité chez les nations rivales?
Nous allons en trouver, ici, une nouvelle preuve.
Marryat est affirmatif; il fait mieux, il exhume la
dédicace d'un auteur nivernais, inconnu dans son pays,
qui en 1590 fit une brochure en latin dédiée à :
« L'illustre prince Lodovico de Gonzague, duc du
Nivernais et de Rethel. »
(1) Né en 1553, mort en 1617, a fait Thi^toire de son temps, de 1516
à 1607.
-29-
Cet auteur s'appelle Gaston Claves ; voici la traduc-
tion de sa dédicace :
« Parmi les hommes qui procurent la célébrité aux
villes, il faut compter les ingénieux artistes en toute
sorte d'art. C'est ainsi que les artistes habiles dans le
travail de la verrerie, de la poterie, et de Vémaillure,
appelés par vos ordres et attirés par l'immunité des
impôts, ont su produire d'excellents ouvrages non
moins utiles à nos concitoyens q\ï admirables aux
yeux des étrangers. »
Je me demande comment cette dédicace, donnée
par M. du Broc, n'a pas éveillé son esprit affiné?
« Des artistes d'art, ingénieux et liabiles en pote--
ries... d'excellents ouvrages admirables pour les
étrangers!... »
Mais c'est l'industrie dévoilée en plein succès, en
pleine prospérité , par un auteur qui décrit ce qu'il
voit, qui vit dans ce milieu... La concordance entre de
Thou, historien à Paris, et Gaston de Claves, à Nevers,
est absolue. C'est la vérité confirmée par l'Anglais
Marryat.
Mais retenons ce fait, deux ans avant que Gambin
sign&t comme témoin, en 1590, Nevers avait des
faïences et des faïenciers. C'est le fait indiscuté et
indiscutable. Et de Gambin importateur, nous pouvons
facilement nous affranchir.
Depuis peu de temps je possède des notes au ôrayon
qui, dès l'abord, n'avaient pas attiré mon attention (1).
Ces notes, fort incomplètes et quelquefois énigma-
(1) Ces notes n*ont aucan nom d*attteur, je crois pourtant qu'elles ont
été eûtes par feu Bouveault.
tiques, m'ont engagé à vérifier ce qu'elles renferment
et à faire d'autres recherches ; c'est par ces dernières
que je pense jeter un jour particulier sur le problème
quQ je viens de poser.
Augustin, Baptiste et Dominique sont trois frères ;
nous le verrons. Ils sont originaires d'Albissola, où
était encore leur mère^ en 1608.
En effet, pour Dominique, les lettres de naturalisa-
tion de Henri III nous disent qu'il est d'Albissola.
Mais Baptiste est aussi d'Albissola, en voici la
preuve : avec son frère Dominique, dit un acte, ils
iront voir leur mère : « Le 24 décembre 1608, par-
» devant Pelle , notaire , comparaissent honorables
» hommes Baptiste et Dominique Corade frères,
ï inaistres pothiers en œuvre blanche et aultres
» couUeurs.
)) Baptiste demeurant à Nevers et Dominique à
» Saint -Esloy, sciemment l'ung l'aultre iront à
» Gènnes, en Italye, leurs pays, voir leur mère et
» parents.
)) Ils accompliront certains vœux ensemblement.
» Ils ont promis et seront tenus ensemblement partir
» de cette ville dans Pasques charnels prochainement
» venant et ont y ceulx Corade de ne se point laisser,
» quitter, ni abandonner l'ung l'aultre. En cas de
» refus de l'une des parties ou huit jours après pour
» tout délays, celui qui refusera sera tenu de payer et
D bailler à l'aultre, celuy qui fera le voyaige la somme
)) de trente livres tournois..-.
» S'est ledit défaillant engagé corps et bien.
» Ont signé deux témoins, Corade et le juré-notaire :
)) Pelle. ))
Cette pièce nous apprend formellement que Domi-
nique et Baptiste sont frères, qu'ils ont encore leur
!
^ 31 -
mère près de Gônes et des parents ; qu'ils avaient leur
habitat distinct et que quoique faïenciers à Nevers,
Dominique habite Saint-Eloi: à six kilomètres de
Nevers et près des ducs de Nevers qui avaient rési-
dence au même endroit.
D'où découle naturellement qu'ils travaillaient en-
semble. Reconstituer cette association est élémentaire.
Par les lettres de naturalisation on sait que Dominique,
depuis sa prime jeunesse, est au service de l'armée
française ; qu'il est resté le compagnon d'armes du duc
de Gonzague. Il est donc surtout soldat, homme
d'armes et non faïencier.
Ce dernier titre appartient à ses frères. Quant à lui,
avec la suite du duc de Nevers dont il fait toujours
partie en 1608, il vient dans cette ville. Voilà bien les
faits historiques selon de Thou expliqués. Et mainte-
nant commentons : ses frères , faïenciers à Savone,
viennent voir Dominique, qui leur attire les bonnes
grâces du prince.
Cette bonne grâce n'est-elle pas naturelle? Le duc
est Italien, il accueille ses concitoyens et connaît la
faïence artistique d'Italie. Il sait que cette industrie
lui apportera de la gloire et de la fortune dans son
duché.
C'est le fait que nous allons voir se compléter par
une renaissance architecturale dans l'église des Minimes
que la ville de Nevers, avec nos prétentions de con-
naisseurs, vient de détruire il y a encore peu de jours,
et par une pièce très importante encore inédite des
archives communales — A. A. 26 — 1611-1670, archives
Brisson — : Une donation du 16 mai 1611, par Augustin
Corrade.
(L Honorable homme Augustin Corrade, maistre
i> pothier en œuvre blanche, et dame Francisque de
I
I
- 32 —
» Bouaigue, sa femme, déclarent qulls ont été natu-
» ralisés par le Roi depuis qu'ils sont en France.
% Mais qulls sont natifs d'Italye et demeurent dans
» la ville de Nevers depuis plus de vingt-sept
» Ont signé les témoins : Honorable homme Loys
» Maraudât — Guy Chastenier, pothiers. »
D'autre part, nous avons trouvé joint à cette
importante pièce aux archives communales, l'inventaire
du 28 septembre 1612 fait après décès de Conrade,
c'est la mise à exécution de la donation.
Elle est de Tétude Pelle, notaire de Conrade ; elle
appelle le défunt le seigneur Augustin Conrade,
maistre pothier, demeurant rue de la Tartre, paroisse
Saint-Laurent.
Les appréciateurs (experts) se nomment Jules Gam--
bin, maistre pothier, et Estienne Naqueau, maistre
menuisier.
Les témoins sont tous potiers ; ils s'appellent Guy
Chastigner, François Chappus, Estienne Gay , et demeu-
rent à Nevers.
« Comme la veuve Bouaigue {w^ Conrade) Chappin
a dit ne savoir signer. »
L'estimation suit en trente-quatre articles se montant
à 840 livres 3 sous.
Nous venons de redresser l'erreur de M. du Broc.
La femme d'Augustin s'appelait Francisque de Bouaigue
et non Françoise Conrade. Les Conrade sont trois frères
venus à Nevers depuis plus de vingt-sept ans, disent-
ils, mais ils précisent : depuis leur naturalisation, soit
1578 ou vingt-quatre ans avant la date de 1603 donnée
par M. du Broc.
Nous avons démontré aussi que Dominique a précédé
ses frères, qu'il les a installés et s'est associé avec
— 33 —
eux (1), que sa haute situation auprès du duc, près de
qui il est encore (à Saint-Eloi), en 1608, a facilité et
fait prospérer l'industrie. Cette prospérité nous apparaît
non seulement par la dédicace de Gaston de Claves,
mais d'une façon tangible par l'hôtel fastueux qu'habi-
tait Augustin, rue de la Tartre.
Cet hôtel en ruine existe encore au n*' 28 de cette
rue ; et il y a environ vingt ans, nous avons vu opérer
la démolition de trois de ses fours. M. de Lespinasse,
président de la Société nivernaise, nous l'a rappelé à
notre lecture en séance de cette Société.
Au-devant de cet hôtel, situé près des remparts,
était une grande cour au fond de laquelle se voit
encore, en ruine, son élégant perron.
Mais ce ne sont pas les seules conclusions découlant
de ces pièces. L'appréciateur Gambin n'est-il pas le
parent de Scipion ?
Son origine, parla consonnance(Gambino), n'est-
elle pas d'Italie?
Dans ce cas tout s'explique, et Scipion Gambin était
potier chez les Conrade.
Jusqu'en 1634 . on ne connaît pas d'autre fabrique
que celle des Conrade ; la première connue est celle de
Bourcier et puis celle de Custode.
Mais l'un et l'autre, on connaît ce détail, avaient été
potiers chez les Conrade.
Au surplus, voici encore d'autres extraits des archives
communales : « C. C. 246-1599. Au seigneur Augustino
Corado, maistre de la poterie de cette ville, 44 écus^
pour garniture de 4 buffets de vaisselles de terre blanche
peinte envoyée à Paris ».
(1) Noos n'en voulons poar preuve que deux signatures que nous don-
nons, prises sur le môme acte en 1608, par devant Simonin, pour un
marché. (Voir appendice U, les signatures 1 et 2.)
T. vin, 3* séné. 3
■^ 34 -
On dit, notons-le bien, la poterie de cette cille. Il
n'y en a pas deux.
G. C. 254-1603: « Au seigneur Auguste Conrade
66 livres pour 12 douzaines de vaisselle faïence ».
En 1611, on signale encore son nom.
Baptiste est aussi qualifié de seigneur en 1606, 1612
et 1614. Et Dominique en 1604.
Voici qu'en 1590, seize ans avant la date de l'inven-
taire et douze ans avant la date première donnée par
M. du Broc , Dominique fabriquait de la faïence avec
ses frères. Ces vaisselles sont envoyées au trésorier de
Moulins, à Paris, à la ville de Paris, etc., etc. C'est-
à-dire que leur commerce est prospère et bien connu.
Il existe pourtant une mention qui mérite une place
à part ; elle est de 1606 : « On a payé à Baptiste Con-
rade, potier-sculpteur, 26 livres pour avoir fait une
figure de terre et un lion de plâtre. »
Potier-sculpteur ^ voilà la dénomination précise de
l'œuvre de Baptiste.
* *
Nous venons, je l'espère, de réhabiliter comme elle
le méritait la mémoire des Conrade.
Nous avons donné à ces artistes étrangers la gloire
et le mérite d'avoir pu créer et fait prospérer en plein
Nivernais une industrie d'art bien connu, « la première
EN FRANCE )), nous dit de Thou. Elle a eu et a encore
une haute renommée.
Cette école provinciale du dix-septième siècle a eu
son reflet quelques années après à Rouen.
Mais, en réhabilitant les Conrade, il faut aussi donner
à Lodovico de Gonzague, et non à son fils Charles,
l'honneur d'avoir facilité les créations de ces gentils-
hommes ouvriers d'art ?
— 35 -
Jusqu'ici on ne l'avait pas fait. Je suis heureux de
rétablir cette vérité historique. Vous ne serez pas
indifférents, Messieurs, à cette conclusion ; car com-
bien, parmi les bons collectionneurs, ont apprécié,
depuis longtemps, les pièces de faïence authentiques
des Conrade de la première génération.
Massillon Rouvet(^),
Architecte, Correspondant du ministère des BeauX'Artê
et membre de la Société nivemaise.
(1) M. Massillon Rouvet eut l'honneur d*étre élu vice-présidenl de la
Session des Beaux-Arts de la séance ou fut lue cette étude.
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II — SIGNATURES.
1608
(1)
1608
(2)
1611
1630
(4)
1631
oiuia
(5)
(1) Dominique Ckrarrade (marché du ?4 décembre 1606). — Archives,
M* Simonin, notaire.
(2) Baptiste Courrade, Xhxd.
(3) Courrade-Gascoing, âO juin 1611.
(4) Jehanne (kwrade. Baptême, 9 juin 1630, à Saint Genès.
^) J. Courrade. Baptême, 28 mars 1631, à Saint-Genës.
— 39
1631
1634
(I)
1637
^/f(''»*^C^i^
(3)
1641
1642
1643
lh4n)C^mi Jjf Ci ,^^i
(6)
(3)
(1) Courade. Baptêmes des 38 mars 1631, 12 septembre J633, 4 février
163i, 25 septembre 1634, à Saint-Genès.
(2) Gabrielle Courrade, 24 avril 163i. Baptême à Saint-Genès.
(3) Marie Coun-ade. Baptême 1637, à Saint Genès.
(4) Anthoine Conrade, 28 juin et 12 septembre 1641, Suint-Genès.
(5) Augustin Coarrade, médecin de Louis XIII (il signera le procès-
verbal de sa mort), 22 novembre 16fô. Baptême à Saint-Genès.
(6) Dominique de Conrade. Baptême 16 mars 1643, à Saint-Qenés.
— 40 —
16M ^^^^mueP (1,
1645 Ôal#uWy«e ^Or QanAM^ (3)
1648 >^g^72 lii /^2r7î/x^4j9^ <^^
1655 CfHO/i^ <n.0UM <^r: (7) 4555
(1) Noble Ânthoine Conrade, fatenciet* ordinaire de la maison du Roy,
15 février 1644. Baptême à Saint-Genès.
(2) Dominique de Gonrade, 21 septembre 16fô et 28 avril 1648. Baptême
à Saint-Genès.
(3) Fils de Dominique de Gonrade. Baptême, 23 octobre 1645, à Saint-Genès.
(4) Gonrade, 13 janvier 1648 Baptême à Saint-Genès.
(5) Fils de Dominique de Gonrade, 6 avril 1648. Baptême à Saint-Genès.
(6) Jehan de Gonrade, 28 décembre 1648. Baptême à Saint-Genès.
(7) Charles-Louis de Gonrade, étudiant, 12 janvier 1655. Baptême à
Saint-Genest.
(8) Gonrade, 26 juin 1655. Baptême à Saint-Genès.
/Je-^a^/C^L 0''^'^'^'^
(1) Jehan de Coiirade, 33 oclobre lfô9. Bapléme à Sainl-Gente.
(2) Marque d'une dra faïeiKca de Conrade.
— 42 —
Dans le rapport général de la vingt-deuxième réunion
des délégués des Sociétés des Beaux-Arts des départe-
ments, à Paris, et publié à VOfficiel du 16 avril,
M. Henry Jouin, secrétaire-rapporteur du comité, s'est
exprimé en ces termes sur le compte de notre compa-
triote :
« LES faïences d'art A NEVERS
)) Ce titre trop modeste ne laisse pas soupçonner
Timportance du mémoire de M. Massillon Rouvet,
correspondant du comité, à Nevers. Nous assistons
avec lui à un procès en réhabilitation et, avocat muni
de preuves^ votre confrère a gagné sa cause. Exposer
le juste et le vrai est un acte de Tintelligence. Mais
détruire une erreur accréditée, venger une mémoire
digne d'illustration, replacer l'auréole sur un front
découronné, voilà qui satisfait le besoin de combativité
d'une nature généreuse et niet en vibration tout l'être
moral. AméricVespuce détrôné par Christophe Colomb,
Fulton par Jouffroy, Daguerre par Niepce d# Saint-
Victor voient leur groupe s'augmenter de Scipion
Gambin, qualifié trop longtemps du titre enviable de
(( premier importateur de la faïence à Nevers ». Sus à
l'usurpateur! De Thou nous avait prévenus. « On
raconte, écrit cet historien, qu'un Italien qui avait
accompagné en France un duc de Nivernais aperçut
en se promenant aux environs de Nevers la terre de
l'espèce dont se faisait la faïence en Italie. Il la prépara
et fit construire un petit four où fut fabriquée la pre-
mière faïence en France ». Cet Italien, Messieurs,
client de M. Massillon Rouvet, est Dominique Conrade,
de Savone, compagnon d'armes de Louis de Gonzague.
- 43 —
Fixé à Nevers, il appela près de lui ses deux frères,
Baptiste et Augustin. Tous trois furent naturalisés
Français en 1578, et ce sont les Conrade qui impor-
tèrent en France l'art de fabriquer la faïence à la façon
de Savone. Mais Scipion Gambin ? Ce n'était qu'un de
leurs ouvriers. Les Conrade, « sculpteurs en terre,
maistres pothiers en œuvres blanches et aultres coul-
leurs )), les protégés, les amis de Louis de Gonzague
recouvrent l'héritage de gloire trop gratuitement
attribué à Scipion Gambin, leur valet. Il y avait
captation et le Code l'interdit. »
- 44 —
MOBILIER DE DEUX CHANOINES
ET
BIBLIOTHÈOOE D'UN OFFICIAI DE NKVERS
En 1373 et 1382
Par RENÉ DE LESPINASSE
La cathédrale de Saint-Cyr , de fondation royale,
possédait, parmi ses nombreux privilèges , celui de
garde , observation et recréance des biens meubles
pour tous les membres dépendant du chapitre, c'est-
à-dire les chanoines, les sept prêtres qui y étaient
joints répondant aujourd'hui aux titulaires et hono-
raires, les clercs et autres bénéficiers de l'église. Ce
droit, d'une grande importance, supprimait au moment
du décès l'intervention des officiers provinciaux et
évitait à la succession du mort des frais énormes. Ces
agents, qu'aucune autorité ne gênait dans leuus actes,
prenaient possession de la maison, s'emparaient des
meubles, percevaient les revenus, vivaient en un mot
à l'entière disposition de la succession, et, comme ils
étaient maîtres des délais, ils faisaient durer les choses
le plus longtemps possible. A leur départ, la succes-
sion ainsi surchargée se réduisait à presque rien.
On comprend dès lors tout l'intérêt pour les cha-
noines et autres gens d'église à s'affranchir de pareilles
déprédations en faisant valoir leur privilège de fonda-
tion royale ; mais, dans la pratique des choses, il se
glissait de nombreux abus. Les agents provinciaux,
actifs et audacieux, se montraient peu scrupuleux pour
- 45 -
tourner les difficultés et confondre le privilège cano-
nical. Ils s'installaient par la force; le chapitre n'avait
plus que la ressource de s'adresser au parlement où
les agents avaient de nombreux amis toujours prêts à
leur être agréables et peu exigeants.
Notre histoire locale présente des quantités de
luttes de ce genre. J'en citerai quelques-unes seule-
ment qui précèdent, pendant le quatorzième siècle, les
inventaires dont on verra le texte ci-dessous.
En 1333, à la mort de Durant Balaam, chanoine de
Saint-Cyr, deux de ses parents. Durant du Four et
Guillaume Balaam, tentent de s'emparer de la succes-
sion. L'affaire était alors encore plus compliquée que
de coutume ; il y avait un procès pendant au parle-
ment entre le comte de Nevers et le chapitre relative-
ment à ce droit; ses officiers étaient tenus d'attendre
la fin des débats. Les lettres patentes transmettant la
plainte au parlement sont du 31 mars 1333, d'autres
actes chargent le bailli de Bourges de suivre le cours
de ce procès pour le comte de Nevers... alors mineur
(de 1345 à 1350). Les parents ci-dessus parviennent à
gagner Pierre de la Durère, lieutenant du prévôt
royal de Saint-Pierre-le-Moûtier , lequel , à leur
instance* et requête, établit deux sergents, Thomas
Mercier et Philippe de Narcy, qui gaspillent et dis-
sipent si bien les revenus du chanoine que le chapitre
s'adresse au roi et obtient de lui des lettres patentes
chargeant le bailli de Bourges de surveiller cette
affaire (1).
Voilà donc les officiers royaux, chargés de l'exécu-
tion et de la surveillance des lois , compromis eux-
mêmes dans les abus justement imputés aux autorités
provinciales.
(1) Bibliothèque nationale, N, a. l, 2,299 n« 22.
- 46 -
Le parlement a dû donner gain de cause au chapitre
quelques années après. En 1355, au décès du chanoine
Guillaume de Veaulce, les choses paraissent être par-
faitement au point et sans Tombre de contestation.
Son testament déposé puis ouvert régulièrement
nomme quatre exécuteurs pris en dehors du chapitre,
lesquels s'acquittent librement et sans contrôle, de
l'estimation des biens, puis reçoivent du chapitre la
quittance définitive (1). Quand ces actes sont accom-
pagnés d'inventaires, ils sont réellement précieux.
Ces inventaires assez rares pour le quatorzième
siècle, offrent aussi un réel intérêt de curiosité, non au
point de vue artistique comme les divers comptes de
l'argenterie de l'hôtel du roi ou des grands seigneurs,
mais à titre de renseignements sur la vie privée, l'exis-
tence, les goûts, les études, la richesse des person-
nages.
Il s'agit de deux humbles chanoines du chapitre de
Saint-Cyr, sur le compte desquels nous n'avons aucun
événement à signaler, parce que, vraisemblablement,
ils ont passé leur vie, comme tant d'autres, à chanter
les louanges de Dieu et des saints en assistant aux
offices de l'église, et à toucher les maigres revenus qui
les faisaient vivre.
Les formalités de l'inventaire sont exposées dans les
préliminaires de l'acte ; elles sont exactement les
mêmes pour les deux décès de 1373 et de 1382.
L'acte est dressé par Hugues ou Huguenin du Mar-
telet, clerc commissaire royal, délégué spécialement,
à cet effet, par le bailli de Saint-Pierre-le-Moûtier.
A cette occasion, deux noms de baillis sont indi-
qués, en 1373 Guillaume Auxeaul, en 1382 Jehan
Saunier qui prend, en outre , le titre de « noble
(1) Bibl. Nat, N, a. L, 2,299, n« 37.
- 47 -
homme et saige, conseillier du Roy nostre Sire » et
ajoute à son ancienne circonscription « les ressorts et
exempcions de Berry et d'Auvergne » .
Les pouvoirs du clerc commissaire sont établis sur
toute une série de pièces invoquées et citées par plu-
sieurs vidimus successifs relatant l'autorisation d'in-
ventorier à chaque décès : Lettres patentes de 1332,
1361, 1366, avec visa du parlement.
Le privilège du chapitre remontant beaucoup plus
haut, on se bornait à mentionner les opérations précé-
dentes, d'une trentaine d'années environ, plutôt qu'à
rechercher l'acte de fondation.
Ordre était ensuite donné par le lieutenant-général
Laurent Charbonnier aux quatre commissaires qui
sont : en 1373, André et Hugues du Martelet, Jehan
du Château , Theveneaul Ragoget ; et, en 1382, les
mêmes sauf Guillaume Freppier qui remplace André
du Martelet.
Le commissaire délégué est assisté dans ses exper-
tises de deux agents subalternes : Soret Danguyen,
sergent royal ; Pierre Giron, notaire apostolique ; et
comme témoins , de Régnant Fouat , Etienne de
Chintry, chanoine, et Girart de Bourbon, chapelain
du défunt, gardien de la maison et des meubles, exécu-
teurs testamentaires.
Le commissaire entre dans la maison, s'empare des
clefs, pose en signe de prise de possession, le pannon-
ceau royal, dans un endroit visible et apparent, puis
on commence l'inventaire du mobilier.
Avec de telles précautions et en présence d'autant
de témoins, les garanties de régularité devaient être
sérieuses.
L'inventaire du 2 décembre 1373 concerne M® Jehan
de Bourbon, chanoine ordinaire, récemment passé de
vie à trépas.
~ 48 -
La maison du chanoine se composait d'une chambre
dite chapelle où se trouvaient divers meubles, de plu-
sieurs chambres hautes et basses, cuisine, cave, cellier,
grenier, le tout d'ailleurs, à en juger par l'inventaire,
dans les conditions les plus modestes. Il y avait pour-
tant un certain confort en raison de labondance des
étoffes de literie, du grand nombre des fourrures et de
la qualité des vêtements, mais tout était mal ordonné,
jeté au hasard et pêle-mêle dans la maison. Au
moment de l'inventaire, les choses, ni rangées, ni clas-
sées, ont dû être laissées à leur place môme, disper-
sées dans les pièces où elles se trouvaient pour l'usage,
literie, meubles, linges, provisions, ustensiles de
cuisine ou objets de service, le tout mélangé avec un
désordre indiquant l'absence de vie intérieure et régu-
lière qui d'ailleurs n'existait nulle part à cette époque.
Afin d'abréger la lecture un peu fastidieuse de tous
ces objets, je résume le texte autant que possible sans
trop changer la physionomie de l'inventaire (1) :
1. — En la chambre de la chapelle fut trouvé un lit
garni de coûte ou matelas, coussin, draps de lit appelés
linceuls, couverture fourrée de connins, oreillers de
plume, des arches à couvercle, dans l'une desquelles
il y avait des lettres; des toilettes ou serviettes à
mains, et comme vêtements personnels neuf man-
teaux; puis quelques objets indiquant la qualité et
situation du défunt : deux vêtements à prêtre ou
ornements sacerdotaux, un calice et un missel à deux
fermoirs d'argent, appartenant à l'autel Saint-Léger
de la cathédrale. On porte encore une corne de cerf,
une selle à chevaucher et une malle pour les voyages,
un banc et une chaise.
(1) Les numéros marqués ici permettront de se reporter à rartide cor-
respondant du texte qu'on trouvera ci-après.
— 49 -
2. — Dans la chambre du chanoine fut trouvé un lit
garni de ses coûtes, coussins, draps, couvertures de
serge vermeille, oreillers et divers meubles un peu
plus soignés, comme banc tourné, trois tables, buffet,
chaises et formes, sorte de fauteuil avec dossier.
3. — Dans la pièce appelée Boutai 1er ie, on porte des
coûtes, coussins de plume, couverture doublée de four-
rures, une quantité de froment, puis divers objets,
corbeille, boisseau, aserine ou hachette, des car-
reaux d'étoffes ou petits tapis, enfin dans une arche
plate ferrée, c'est-à-dire plus solide que les autres
« XVIII livres, 2 papiers et une sarpe ». L'inven-
taire ne donne pas le détail de ces livres qui devaient
être des ouvrages à Tusage du chanoine ; c'est avec les
lettres mentionnées plus haut, les seuls objets annon-
çant le travail intellectuel du défunt.
4. — En la pièce dite étude ou cabinet de travail on
retrouve encore une arche contenant neuf livres, tou-
jours sans indication de détail, une chaise d'étude ou
fauteuil de bureau, une roe, dont nous ne nous expli-
quons pas le sens, un garde-manger en cuir, puis des
armes et vêtements tels que : cotes hardies doublées
d'agneau et de vair, cote hardie simple , malecote,
gisarme; housses et couvertures, chaperons, chape,
aumuce, camail, fourrés d'agneau, de vair et de renard.
5. — Dans les loges ou greniers, on trouve des arches,
formes, tables, bancs et encore divers objets de literie.
6. — Dans les chambres basses, on trouve toute sorte
d'objets disparates : corne de cerf pendue à une chaîne
de fer, laquelle comme l'autre déjà portée plus haut,
devait être un motif d'ornement (1) ; bassins, chaudières,
chaudrons en cuivre, bassins à barbier et à mains en
airain, landiers, rôtisseurs, pelles et tenailles en fer,
(1) C'était aussi un préservatif contre certaines maladies.
T. Tiii, 3^ série.
- 50 -
puis toute la vaisselle d'étain, plateaux, écuelles,
quartes, pintes, pots et aiguières, pot à moutarde, etc. ;
il n'y a pas de mention de vaisselle de bois, en usage
dans les familles pauvres, ni des objets d'office comme
couteaux et fourchettes, cependant les garnitures
d'étain sont complétées par 1 aiguière, 6 tasses et
12 cuillères d'argent, dont on devait se servir dans les
solennités.
7. — A la cuisine, on trouve des trépieds, landiers,
lèchefritte et une arche ; à côté, une chambre avec lit
et literie.
Dans la cave et le cellier, 3 quarteaux de froment,
de l'orge et de l'avoine, du lard, du foin, du bois de
chauffage, un tonneau de vin vieux et sept tonneaux
de vin, du verjus et de la piquette dite « mourez d
pour l'ordinaire des gens de service. Le cellier conte-
nait encore tout l'attirail de la vendange, cuve à rem-
plir et cuve à transporter, nombreux tonneaux et
tonnes vides, benneraux, hottes, vans, cercles, enton-
noirs, etc.
La présence de ces marchandises en telle quantité
dans la maison de ville d'un chanoine, à Nevers, est bien
faite pour étonner. N'oublions pas cependant que les
' chanoines touchaient leurs revenus en nature à Pari-
gny, aux Montapins, dans les alentours de Nevers, et
qulls entassaient tout chez eux, grains, vins, fruits,
foins et bois pour s'en défaire ensuite au mieux et
en tirer quelque argent.
C'est aussi le signe de la simplicité de la vie d'alors
où l'argent manquant, on était heureux d'assurer son
existence matérielle en accumulant les provisions de
bouche.
La liste se termine par la déclaration du contenu de
la bourse du bon chanoine Jean de Bourbon, qui
n'était pas lourde, d'après cette phrase : « Item fust
:
- 51 —
trouvé en sache v frans et un blans en monoy et
V sols en mailles et en deniers ».
La besogne ainsi achevée^ le Chapitre se réunit
trois jours après le 5 décembre, dans sa salle des
séances et en présence des exécuteurs testamentaires
accepta la « récréance » de la succession de leur
cochanoine en recevant des mains du commissaire le
texte de l'inventaire et les clefs de l'hôtel.
L'autre inventaire, dressé dans les mômes condi-
tions et par les mêmes officiers, concerne Guillaume
de Vrige, chanoine, décédé dans les premiers jours
d'août 1382. Ainsi que de son prédécesseur Jean de
Bourbon nous n'avons aucun détail sur sa vie. Nous
savons toutefois qu'il remplit l'importante fonction
d'official.
Le 3 avril, en 1354, il est choisi comme arbitre, en
qualité d'official, par Tévêque Bertrand de Colom-
biers, dans le règlement d'une contestation avec le
chapitre (1).
Les Chartres d'officialité ne portant plus, au quator-
zième siècle, le nom du dignitaire, il est difficile de se
rendre compte de la durée de sa gestion, mais tout
porte à croire qu'il occupa longtemps ces hautes
fonctions, entre l'année 1354 et l'année 1382, date de
sa mort. L'inventaire le mentionnant simplement
comme chanoine, il y a lieu de supposer qu'il avait
résigné sa charge; mais, d'autre part, la possession
d'une bibliothèque de livres de droit indique suffisam-
ment que Guillaume de Vrige était un chanoine légiste.
La nature et le nombre des meubles et des provisions,
les vêtements, les bourses et les sommes en deniers,
la bibliothèque et l'indication de la valeur d'estima-
tion de ces diverses choses constituent un ensemble
complet et curieux.
(1) Bibl. Nat., Nouv. acq, îat,, 2,299, n* 34.
\
— 52 --
1. — Au début de rinventaire se trouvent les objets
d'usage commun.
Dans le cellier, quatre charretées de bois, des ton-
neaux contenant quatre quarteauA d'avoine.
Dans la chambre de la chambrière un chaudron de
cuivre.
Pour Jean de Bourbon, le commissaire s'était borné à
consigner les objets sans attribuer aucune valeur esti-
mative. Ici, pour Guillaume de Vrige la plupart des
objets sont estimés en chiffres de monnaie, ce qui
donne un intérêt particulier à certains instruments et
surtout aux livres.
2. — Dans les loges de l'hôtel, des tonneaux et des
benneraux. Dans la buverie, au-dessus de la cave, divers
objets, cercles, arches, corbeilles, saloirs, entonnoirs.
Dans la cave, six tonneaux pleins de vin vieux,
non estimés, ce qui eut été utile à connaître : des
chaudières grandes et petites en fer et en cuivre,
bassins à barbier et à mains, pelles et landiers de fer.
Puis tous les ustensiles de cuisine en étain, quartes,
pintes, chopines, aiguières, tamaies ou grandes bas-
sines avec anse, sauniers, écuellcs, plateaux, plats, etc.
L'étain était estimé l'un dans l'autre 2 sols la livre,
chaque objet était porté pour son poids et en raison
de la grande quantité de ces ustensiles, il devait y en
avoir pour un chiffre assez élevé.
3. — Dans la cuisine on trouve une provision de
6 quarteaux de noix, du bois de chauffage et quelques
meubles, arche, formes et tables ; dans le cellier, un
pressoir à vis et des queues ou tonneaux ; dans une
chambre, literie complète avec coûte, coussins et
plusieurs couvertures ; dans les greniers des mines de
sel, plusieurs bassins, 10 quarteaux de froment, 30
quarteaux de seigle, 10 d'orge, 25 d'avoine et 2 de
fèves, un quartier de lard. Plusieurs meubles et objets.
- 53 -
vans, boisseaux, acerines, buffets, chaises, formes,
landiers et un banc tourné.
Dans la pièce dite chapelle, on trouve 20 quarteaux
d'orge. Dans une chambre, garniture complète de lit
avec deux buffets et deux écrins ou valises.
4. — Dans la garde-robe il y a des quarreaux d'étoffes
et plusieurs arches ferrées pour contenir des vête-
ments. Parmi les effets on trouve des chapperons
doublés de fourrures, un corset, des housses garnies
de fourrures, des malecotes et des blanchets, un camail
et une chappe. Ces objets ont été donnés pour la plu-
part au clerc et aux autres serviteurs.
5. — Un article porte « robe de cardinal entière et
forée, laouce de gros vers, la malecote d'esconeux
ardens et le chapperon foré de menu ver, donnée à
valoire et de livrée ». Ne s'agit-il pas ici de la soutane
rouge avec tous ses accessoires que les chanoines de
Saint-Cyr ont eu l'usage de porter aux grandes fêtes
de l'année ? (1).
6. — Pour terminer les effets et étoffes (2) nous
trouvons encore plus loin la mention de dix manteaux
variant pour la valeur de 2 à 20 sols et pour la taille]de
3 à 5 aunes. C'était évidemment le vêtement le plus
usuel à porter beau ou défraîchi selon les circonstances.
Enfin des touailles ou serviettes de toilette, des
couvre-chefs, oreillers, linceuls ou draps de lit et cou-
vertures.
7. — Parmi les objets précieux (3) on trouve des
couteaux à manche de brésil (4) ou bois des lies ; des
(1) La tradition fait remonter cet usage à la présence du Pape Clé-
ment V, à Nevers, en 1305. (Bulletin, t. UI, p. 269.)
(2) A la fin du 2« texte n« 9.
(3) N*> 7 et 8 du même texte.
(4) Le brésil était un bois dur et An, en usage pour les manches de
couteaux, dans les inventaires du Moyen-âge. Les Portugais donnèrent ce
nom au pays d'Amérique cpi'ils découvrirent plus tard au xvi« siècle.
— 54 —
couteaux à manche d'ivoire blanc et virole d'argent,
avec leurs gaines, puis toute une série de bourses
contenant des monnaies, cachées en différents endroits,
qui au total devaient constituer une somme assez ronde .
Un sachet contenant 233 livres, une atarge ou
bourse de maille, emmurée dans la cheminée conte-
nant 220 florins do Florence, 19 moutons, 21 agneaux,
23 fr. Une autre bourse, également cachée dans le
mur, contenant 231 gros tournois à l'effigie de Phi-
lippe et 38 petites monnaies dites « parpilleules ». Dans
une autre bourse, 197 fr., 3 moutons et 1 réal, plus
229 gros tournois et 16 parpilleules.
Cet argent était dans le bureau appelé étude, où se
trouvait la bibliothèque. Dans la garde-robe on décou-
vrit encore des petites sommes, 20 sols d'un côté et
30 sols de l'autre.
L'entassement et les cachettes de ces monnaies de
diverses provenances est un signe de ces temps trou-
blés et peu sûrs où toutes les ressources manquaient.
Notre officiai avait dû les recevoir dans le cours de sa
vie entière et vivant sur ses redevances en nature, il
les gardait sans presque y toucher, comme ses meu-
bles et ses livres.
La bibliothèque se compose de vingt-six ouvrages
de droit civil et de droit canonique dont Guillaume de
Vrige avait le plus couramment besoin dans les juge-
ments et les études juridiques de sa longue carrière
d'oflBcial (1). Il y a quelques volumes traitant dethéo-
logie et d'écriture-sainte, mais l'histoire^ la littérature
et les poèmes font totalement défaut.
On connaît plusieurs catalogues de bibliothèques
semblables pour le quatorzième siècle, assurément
(1) Voyez ci-desBoas, dans le texte de Tinventaire, les titres et les notes
de chaque ou\rage.
- 55 —
beaucoup plus étendues, beaucoup plus riches que
celle de notre modeste chanoine, néanmoins celle-ci
est fort curieuse en elle-même et joint à Tattrait
régional qui nous y intéresse Tutilité de la comparer
aux autres collections qui lui sont supérieures et qui
montrent la composition des ouvrages de science juri-
dique alors à la portée d'un légiste dans l'exercice de
ses fonctions.
Les annotations que Ton trouvera ci-dessous dans
le texte à chacun des ouvrages de Guillaume de Vrige
sont empruntées à la bibliothèque de Robert Le Coq,
évêque de Laon, avocat de Philippe VI et plus tard
partisan de Charles- le-Mau vais. Il fut relégué dans
son diocèse après la confiscation de tous ses biens et
principalement de sa riche bibliothèque évaluée à
354 livres ou environ 28,000 fr. de notre monnaie
actuelle. La saisie, faite en 1366, est assez rapprochée
de la mort de Guillaume de Vrige en 1382, pour
permettre de comparer entre eux les ouvrages (1).
Il y avait encore dans la chambre un missel avec
lettres onciales et aux pieds du lit, dans un coffre,
deux livres de logique.
Ces ouvrages sont une bien faible partie des nom-
breuses gloses des juristes et canonistes du moyen-âge;
ils constatent cependant que Tofficial Guillaume de
Vrige était un lettré de l'époque. Ses livres, dont
quelques-uns s'élevaient à un certain prix, et les
sommes de monnaies qu'il a laissées d'autre part,
indiquent une aisance relative, surtout en comparaison
du chanoine ordinaire Jean de Bourbon, mort neuf
ans avant lui en laissant seulement ses bardes 6t
quelques meubles.
(1) La bibliothèque de Robert Le Coq a été publiée dans la Nouvelle
rmme historique de droit français et étranger j par M. Delachanal, en
1887.
— 56 ~
Ses biens furent remis au chapitre en séance solen-
nelle selon l'usage, et rien n'annonce qu'il y ait eu dans
cette transmission la moindre difficulté.
Cependant, peu d'années après, en 1388, les compé-
titions recommencèrent de la part des agents provin-
ciaux, profitant du désordre causé dans le comté de
Nevers par l'administration embrouillée du duc de
Bourgogne.
Trois chanoines de Saint-Cyr, maîtres Régnant
Fouat, Guillaume de Brinon et Symon de Clugny,
l'un des sept prêtres, étaient morts depuis longtemps.
Les sergents royaux avaient été désignés pour les
opérations d'inventaire et, pendant plus d'un an, dix
officiers cités par leurs noms, suivis d un grand
nombre de complices, s'étaient emparés par la force
des biens des décédés. Les lettres patentes du 12 juillet
1388 (1) décrivent tout au long les excès et violences
commises au nom du duc de Bourgogne, oncle du roi,
qu'il était pourtant très utile de ménager. L'affaire fut
portée à nouveau devant le parlement et il y a lieu de
croire qu'elle fut jugée en faveur du chapitre.
INVENTAIRE
DU MOBILIER DE LA MAISON DE JEAN DE BOURBON,
CHANOINE DE SAINT-CYR, LE 2 DÉCEMBRE 1373.
L'an de grâce mil troys cens sexante et treize, le
penultiesme jour de novembre. Je, Hugues duMartelet,
clerc... de Guillaume Auxeaul, bailli de Saint-Pierre-
le-Moustier. — Lettres patentes adressées au bailli et
a ses quatre commissaires André Martelet, Hugues
Martelet, Jehan du Chateaul, et Theveneaul Ragoget :
Karolus... vidimus in hecverba : Philippus... inregali
(1) Bibl. Nat., Nouv. acq. lat., 2,299, n« 55.
- 57 —
curia lis mota est super saisinam bonorum mobilium
canonicorum Nivernensium septempresbyterorum (1)
ecclesie Nivernensis clericorumque suorum et aliorum
beneficiatorum in ipsa ecclesia mortuorum . . . manda-
mus ut per manum nostram superiorem custodiam
facias de rebus et bonis predictis. Datum in parla-
mento. . . anno M® CGC** tricesimo secundo. — Mandamus
ut secundum formam litterarum facias... datum in
parlamento VII die Augusti anno M** CGC*' sexagesimo
primo. — Mandamus ad suppiicationem decani et
capituli tanquam ad superiorem custodiam... XVIII
junii anno M° CCC^ sexagesimo sexto. — Mandons le
mesme pouvoir au moys de juillet mil CGC sexante et
treze.
Par vertu desqueles lettres dessus transcriptes et à
rinstance et requeste de honorables et discrètes per-
sonnes les doyen et chapitre de l'église de Nevers
nommez en icelles me suiz transportez à Tostel desdiz
doyen et chapitre où qu'il avoit demoré feu maistre
Jehan de Borbon, chanoine de ladite église par le temps
qu'il vivoit, qui lors frechement y estoit alez de vie à
trepassement, le jour dessus dit, appelé avecques moy
Soret Danguyen, sergent du Roy N. S., Pierre Giron,
demorant à Nevers, notaire apostolique, M® Régnant
Fouat, sire Estienne de Ghintry^ chanoine, et sire
Girart de Bourbon, chapelain dudit feu chanoine et
plusieurs autres pour garder de par le Roy, nostre sire
et par sa main comme souveraine, les biens meubles
demorez par le decez dudit feu chanoine de ladite
esglise et ledit hostel aussi où il estoit trespassez. Et
pour accomplir ce qu'il m'estoit mandé et commis
selon la teneur desdites lettres, si antray dedans ledit
(1) Au chapitre de Saint-Cyr il y avait sept prêtres jouissant de privilèges
distincts et venant après les chanoines.
- 58 -
hostel et prins et saisis les clefs d'icellui et lesdiz biens
meubles dudit feu chanoine de par le Roy N. S. et la
garde d'iceulx, et en signe de ce fis en telle instance
mettre et apposer publiquement par ledit sergent un
penonceaul reaul sus Tantrée dudit hostel évident et
apparissans. Et après ce le secon jour du moys de
décembre fis inventoire de touz les diz biens meubles
dudit feu chanoine que je pous trover ne savoir,
tel qu'il s'ensuit :
1. — 1° Fust trové en la chapelle sur la porte un lit
garni de coeste, cossin, ii linceulx et i covertour vert
forré de conins et i petit oriller, lesqueles choses sire
Girart dist estre sien. Item ii arches plates l'une grans
et l'autre petite dont en l'une n'avoit riens et en l'autre
avoit des lettres.
Item une arche à fest (l)en laquelle avoit ixmantos.
It. IX toilletes à mains.
It. IX linceulx que ledit sire Girart dist estre sien. .
It. II vestimenz à prestre, i calice et i messcl à
II fremaulx de argent, lesquels vestimenz, calice et
messel l'on dit estre de l'autier (autel) saint Liger.
It. une corne de cerf et un ben (banc).
It. une sele à chevaucher et une maie.
It. une chère et i cossin de plume chetif .
2 — It. En la chambre dudit feu chanoine fust trové
I lit garni de coeste, cossin, ii linceulx et une serge ver-
maille et les cortines d'envoiron.
It. une petite arche ferrée au piezf du lit et vu lin-
ceulx dedans.
It. trois orillers ouvrez.
It. II chenez et un trefeu (2) de fer.
(1) Faîte, couvercle.
(2) Trépied.
- 59 -
It. I banc torneiz et m tables.
It. II pères de treteaulx et ii formes (stalle avec
dais et dossier).
It. II chères et i buffet. It. i tonnelet.
3. — It. f ust trové en la boutellerie ii coetes et i cossin
de plume.
It. I covertour jaulne forré de conins.
It. une quantité de froumant. It. une aserine (1) de
fer, une corbaille et un boissaul ferré .
It. une arche plate ferrée où il avoit xviii livres,
II papiers et une sarpe.
4. — It. VI petis quarreaulx. Item fust trové en
Testude une roe avesque la chère de Testude.
It. ung garde manger de cuir ferré.
' It. une arche plate en laquelle avoit ix livres.
It. I covertour roge forré de conins.
It. une serge et un marchepié vert.
It. une ouce forrée de gros ver.
It. une cote ardio toute neuve. It. deux manteaulx
fourrez de aignaus noirs.
It. une cote ardie forrée de chetit ver.
It. une cote single. It. une malecote et chaperon fer-
rez de aignaulz noirs.
It. un chaperons, l'un forré de gros vers, un double
de II draps et ii singles.
It. une chape, une aumuce et un camail.
It. I blanchet (drap blanc) forré de renarz.
It. une gisarme.
5- — It. fust trové es loiges ii formes et une table
peinte.
It. un charner (carnier) et un banc à drecier.
It. fust trové en la chambre basse costé desdites
(1) Âcerine, sorte de hache.
- 60-
loges II arches à fest don en Tune avoit pou de orge
et l'autre riens.
It. I arche plate.
It. II coestes ii cossins i chetit covertour forré, une
chetive coeste pointe, i chetit tapîz et ii linceulx.
It. II benvereaulx de vergut et i morter bueret.
6. — It. en la chambre après, i autefifou, une corne de
cerf pendue à chainnes de fer et environ demie
charretée de foin.
It. en la chambre basse fust trové ii coetes et
Il cossins.
It. I cheneteaul et i dosser.
It. Il formes, une table et une chère.
It. II arches plates don il y avoit en Tune 1 pou de
potaige et en l'autre de l'orge.
It. u grans bacins à ii aneaulx.
It. n greys et i crochet de fer.
It- une petite chaudère à n aneaulx.
It. un pelles d'arin que grans que petites.
It. V chauderons de coeuvre que grans que petis.
It. un bacin à barbier. It. ii peeles de fer et une
coloere d arin.
It. II bacins à mains et i chauffeur.
It. troys enders (1), i rôtisseur et unes tenalles de
fer.
It. X plateaulx d'estain que grans que petis et
XXIX escuelles d'estain.
It. III quartes d'estain. It. ii autres quartes d'estain.
It. nii pintes et n aiguières d'estain.
It. I pot d'estain à motarde.
It. fust trové en la sale dessus la cave envoiron
m quarteaux froment.
It. envoiron v quartes de lare.
(1) Ândiers, landiers, chenets.
- 61 -
It. XXX dozenes de cèdes et i buffet. It. une arche
plate où il n'avoit riens.
It. en ladite cave enn tonneaulx, envoiron i tonneaul
de vin viez.
It. fust trové en la grange d'arres (1) une grant arche
à mètre blez.
It. v tonneauls vuis et un tas de buche.
7. — It. fust trové en la cosine une arche.
It. II trepiers et i ander de fer.
It. une chetive lechefray.
It. en la chambre de costé fust trové i lit garni de
coeste, cossin et deux linceulx.
It. fust trouvé ou celier dudit feu chanoine vu ton-
neauls de vin et vi bennereaulx.
It. II cupes à mettre vendenge et une cupe charroere.
It. une grant tone où il avoitde Tavoyne.
It. Il mourez de despanse (2).
It. à Tantrée dudit celier u benereaulx vuis.
It. II otes (hottes), i vent et i grant antonneur.
It. VI tasses et xii quillers d'argent.
It. une petite aiguère d'argent.
It. fust trouvé en sache v frans et un blans en monoy
et v sols en mailles et en deniers.
Et ce fait, les diz doyen et chapitre me requistrent
que selon la forme et teneur desdictes lettres je leur
feisse recreance d'iceulx biens et choses dessusdites.
Pour quoy le v*^ jour dudit mois de décembre ledit
chapitre assemblé en ladite église au leu accoustumé
de tenir leur chapitre, et aussi il estoient sire Estienne
de Cheintry, chanoine, sire Vincent, curé de Saint-
Pére en ville, et sire Girart eulx portans exécuteurs
(1) Derrière.
(2) Mourez, moré, sorte de boisson faite d*eau de miel (dict. deGodefroy).
Despense, dans Sainte-Palaye, a le sens de piquette, breuvage de dépense.
- 62-
du testament dudit feu chanoine. Et lors je en accom-
plissant ce qu'il m'estoit mandé et commis par lesdites
lettres et selonc la teneur d'icelles, baillay et delivray
audit chapitre les diz biens meubles et les choses des-
susdites pour la tradition d'icelles dudit inventoire et
des clefs dudit hostel. En tesmoing de laquelle chose
j'ay mis en ces présentes lettres mon sing manuel et
mon scel du quel j'ay accoustumé de user.
Donné Tan et jour dessus diz. — Martelet.
(Bibliothèque nationale, Nouv. acquisitions latines^
2299, nM3.)
INVENTAIRE
DU MOBILIER, VÊTEMENTS, MONNAIES ET BIBLIOTHÈQUE
DE GUILLAUME DE VRIGE, CHANOINE DE SAINT-CYR
ET OFFICIAL, LE 11 AOUT 1382.
L'an de grâce mil trois cens quatre vins et deux, le
x®jour d'aost, Je,Huguenin du Martelet, clerc commis-
saire en ceste partie de par le Roy nostre sire, mandé
de honneste homme et saige Laurent Charbonnier,
gênerai lieutenant de noble homme et saige Jehan
Saunier, conseillier du Roy nostre sire et son bailli de
Saint-Pierre-le-Moustier, des ressorts et exempcions
de Berry et d'Auvergne. — Lettres de Laurent Char-
bonnier aux 4 commissaires Guillaume Freppier, Jehan
de Chasteau, Huguenin du Martelet et Theveneaul
Ragoiget. — Lettres patentes de Charles VI vidimant
celles de Charles V, Jean II au bailli de Sens, Phi-
lippe VI au bailli de Bourges, concernant le procès
devant le Parlement qui accordait aux sept prestres
chanoines de l'église de Nevers et leurs clercs d'estre
sous la garde du roy et d'inventorier directement leurs
- 63 --
biens, meubles et objets du 18 juin 1366 et 31 mai
1381; ordre ci-dessus par Laurent Charbonnier du
X® jour d'août 1382. — Par vertu desquelles lettres,
assisté de Soret Danguien et Pierre Giron (texte
conforme au précédent). Et après ce, le xi« jour dudit
moys et es jours ensuivans fiz inventoire de touz
lesdis biens meubles dudit feu chanoine Guillaume de
Vrige que je peuz trover ne savoir, tel qui s'ensuit :
1° Fust trouvé en Tostel dudit feu messire Guillaume
(de Vrige), près de la porte une charretée de bois ou
environ.
1. — Item ung tonneaul viant contenant mui et demi.
It. fust trouvé ou celier près de la porte environ
un charretées de beuche.
It. une eschale en Talée de Tostel.
It. en la chambre où git la chambrière ung chau-
deron de coevre.
It. deux tonneaux où il li a environ x quarteaux
avoine, une chetive arche.
It. en la chambre costé la court ii lis garnis de coete
coiffin et n chetives covertures, la meilleure prisé
ni frans et l'autre ii frans.
It. une arche plate.
2. — It. Es loges de l'ostel xvni tonneaux de moison
et vin bennereaulx prisez un livres.
It. en la beuverie dessus la cave xxvi dozenes de
cercles, une arche plate, ii corbailles.
It. m cuauls, une saloere, deux anthoneurs, ung
grant et ung petit.
It. en la cave vi tonneaux de vin plains et sont viez .
It. deux grans chaudières prisées l'une xx sols et
l'autre xv sols.
It. une petite chaudière prisée nu grains.
It, m chaudières de coevre prisées nu livres avec le
— 64 —
bacin à barbier et le chauderon qui est en la chambre
de la Boaise (1).
It. III bacins à main et une chausoere (2) prisée
L sols.
It. ung bacin à barbier. It. deux chetives paelles de
fer prisées v sols.
It. une père de andiers de fer prisés xv sols.
It. V quartes d'estain, un quarrées, une ronde pesant
XVIII livres prisées la livre ii sols.
It. III pintes d'estin et ung tiers de m chopines et
iii aiguières d'estain pesanz xv livres prisées la livre
II sols.
It. une tamaie(3) quarrée à enseet ung seaul pesant
VII livres prisées la livre ii sols.
It. une autre quarrée à ense de cinq chopines pesant
V livres prisés la livre ii sols.
It. une autre quarrée à eusse de ii pintes pesant
V livres prisés la livre ii sols.
It. m sauniers d'estain, une tamaie ronde et une
chetive chopine, les petites escuelles et pluseurs autres
escuelles et plateaulx d'estain despecez pesant xxxi
livres m quarts prisés la livre xx deniers.
It. in chandeliers de fer.
It. II dozenes et demie d'escuelles d'estin pesanz
XXVI livres prisées la livre n sols.
It. xxm petites escuelles pesanz x livres.
It. ini grans plaz d estain et vin petis pesanz,
les VIII, xn livres et les grans pesant xi livres.
It. ung greil de fer.
3. — It. en Talée costé la cosine m grans arches à
(1) La Boaise doit être le nom de la servante ; il reparaît plus bas
propos d'objets qui lui sont réservés.
(2) Chausoir, entrave?
(3) Grande bassine.
— 65 —
fest, don il lia en Tune envoiron vi quarteaux de
noiz.
It. environ m charretées de boys.
It. en la cosine une arche à fest, deux formes, une
table.
It. au cellier ung pressour à viz et m eues (1) pri-
sées les eues mi livres x sols.
It. en la chambre devant sur la rue, n lis garnis de
coetes, II coisins, et m covertures la meilleure prisé
VII frans avec la coverture et l'autre m frans avec la
coverture.
It. en Talée costé les greniers ung cheti charner.
It. ung tonnelet, environ ni mines de sel.
It. iichetifs bacinez... et unggantelez (2)...
It. es greniers environ x quarteaux froment.
It. environ xxx quarteaux de seigle et de orge
environ x quarteaux et d'avoine environ xxv quar-
teaux, de feuves ii quarteaux.
It. ung quartier de lart.
It. i venc, I garsaut et i boisseau et une acerine
de fer.
It. en la sale ung banc tourneiz prisé xii sols, m
formes prisées mi sols et une père de [linceulx]...
(tache),., et img buffet ii sols vi deniers, une père de
andiers, une chère prisée xx deniers.
It. en la chappelle xx quarteaux orge.
It. en la chambre i lit garni de coete, coisin, de corte
pointe et d'un corteur prisé viii frans.
It. ung chetif autel et un dosier, nichil.
It. deux bufifez, nichil, iiescrins au piez du lit prisés
X sols et une chère xx deniers.
4. — It. en la garde robe vi quarreaulx prisés x sols,
(i) Queues, tonneaux.
(2) Tache d'encre dans le manuscrit.
T. VIII, 3* série. 5
-- 66 ^
unes tenailles de fer et ung treffeu v sols, une chère
prisée xx den., ni arches plates, deux grans et une
petite et sont scellées, prisées la grant ferrée xx sols,
l'autre grant x sols et l'autre petite in sols.
5. — It. la robe du cardinal entière et forée, la ouce
de gros vers, la malecote d'esconeux ardens et le chap-
peron ferrée de menu ver, donnée à valoire et de livrée.
It. I autre chetif chapperon forré de menuz vers
donné et baillé au Rousseaul.
It. I chetif corset et une ouce sur more (1) ferrée de
chetive pane de gros vers, donné et baillé à Sebille sa
niepce.
It. deux ouces de drap dipré (2) ferrée d'aignaux
noir... a l'une et La Boaisse l'autre.
It. deux malecotes et deux chapperons ferrés d'ai-
gnaux noirs, ii quêtes singles, sa niepce a l'une et La
Boasse l'autre; ii blanchets, i bon et i chetif.
It. I fau camail donné et baillé à Guillaume qui fut
son clerc avec les ii blanchets et son mantel.
It. la chape dudit feu chanoine baillée et donnée
audit Guillaume pour dire xx saul tiers.
6. — It. en l'estude dudit chanoine fut trouvé les
livres qui s'ensuivent :
1. It. une digeste viuUe avecques les gloses ordinaires
de la quelle la tierce (?) columbe ou trente commencé
en ceste manière et in hiis suis multis partibus etc. ,
prisé viii frans (3).
2. It. une enconforçade (4) prisée vu livres.
fi) Peut-être jaune mordorée.
(2) Diapré ou dUpres.
(3) C'est la première partie du Digeste, du livre I au titre ii du
livre XXIV inclusivement. Il est estimé cent sols par. dans l'inventaire de
Robert Le Coq où les gloses et le traité ne sont pas portés.
(4) VEnforsade ou Infortiat est un ouvrage de droit romain placé entre
les deux Digestes après le livre XXIV.
— 67 -
3. It. une digeste nove (1) prisée lx sols.
4. It. un code (2) prisé vu livres.
5. It. 1 petit volume (3) avec les gloses prisé m frans.
6. It. une somme de Eude de Sanz (4) sur les
contrediz, x sols.
7. It. une somme d'Aze avec les brocars d'icellui
Âze (5) prisé xxx sols.
8. It. le livre de Institution glosé (6), de petite
valeur, prisé x sols.
9. It. 1 chetifs livre qui semble estre livre de auten-
tiques, v sols.
10. It. 1 quaier qui comance incipit summa super
libellis.
11. It. I sixesme avec les gloses de Jehan Lemoine (7),
prisé XII livres.
13. It. 1 autre sixeme bêles avec les gloses de Jehan
(1) C'est la fin dn Digeste depuis le livre XXXIX. L'exemplaire de Robert
Le Coq éyidemment beaucoup plus beau était estimé vi livres x sols.
(2) Cest le Code de Juêtinien estimé xl sols.
(3) Le Parvum Volumen ou, en français, Petit Volume, désigne la
dernière partie du Corpus juris, divisé par les glosateurs en cinq volumes.
Le Digeste formait les trois premiers volumes {Digeste Vieil, Infortiat,
Digeste Nove). Le Code tout entier, moins les trois derniers livres, un
quatrième volume. Et enfin le Parvum Volumen comprenait tout le reste
du Corpus juris et les Institutes de Justinien, les dix CollcUions ou
Novell^ et divers textes de droit féodal désignés sous le nom de Liber
feudorum.
(4) Eudes de Sens, jurisconsulte du quatorzième siècle, est Tauteur
d'une somme intitulée : S. de Judiciis possessoriis,
(5) Azon ou Azzon, mort au plus tôt vers 1290, enseigna le droit à
Bologne puis à Montpellier. U est connu au moyen âge par ses gloses et
ses sommes des Institutes et du Code. Il y en avait plusieurs exemplaires
différents. Les Brocars ou Brocarda sont des Disputationesou discussions
sur un sqjet de droit.
(6) n s'agit évidemment d*un exemplaire spécial des Institutes déjà insé-
rées dans le Parvum Volumen
(7) Jean Le Moine, plus connu comme cardinal Le Moine, fondateur de
Ton des plus anciens collèges de Paris, a écrit un Apparatus sur le Sexte
ou sixième. Il mourut le 22 août 1313.
-68-
Lemoine, avec les Extravagant (1) de Boniface, de
Benoit et Clément, prisé c sols.
13. It. unes decretailles (2) avec ses gloses, prisé
XII livres.
14. It. unes autres decretailles avec ses gloses, prisé
VI livres.
15. It.le trente de décret (3) sans glose, prisé xx sols.
16. It. un décret avec ses gloses, prisé vni livres.
17. It. un autre décret de petite valeur non complé,
prisé 1 fran.
18. It. la letteure dlgnocent (4) sur decretailles,
prisé VI livres.
19. It. la letteure de Bernart Apostielin (5) sur
decretailles, prisé x sols.
20. It. la somme de droit canon Monardi, prisé
XXX sols-
21. It. la somme Remon (6) de grose lettre, prisé
XV sols.
22. It. unes autres decretailles sanz glose, prisé
XXX sols.
23. It. le teuté des iiii^^s (quartes) santances j(7)
prisé iiiigros.
(1) Les Extravagantes sont les Décrétâtes des Papes Bonifacc VIII et
Benoit XI postérieurs à Clément V ; celles de ce Pape s'appellent les Clé-
mentines. Le Sexte ou sixième livre des Décrétâtes a aussi été glosé par
Jean d'André, célèbre canoniste, mort en 1348.
(2) Ce sont évidemment des exemplaires des nombreuses Décrétâtes des
Papes.
(3) Dans les bibliothèques des légistes on trouve toujours plusieurs
ivres intitulés Décrets.
(4) Innocent IV est l'auleur d'un Apparat ou commentaire sur les cinq
livres des Décrétâtes,
iT)) Deux canonistes au moyen âge sont connus sous le nom de Ber-
nardus Compostellanus, Tun antiquusy l'autre junior, on désigne évidem-
ment ici Tun de ces deux auteurs dont le nom a été tronqué par le copiste.
(6/ Raymond de Penafort est un canoniste, auteur de divers ouvrages.
(7) Ce traité désigne évidemment Touvrage composé par le franciscain
Jean de Galles sur les Quatre livres des sentences de Pierre Lombard.
-69-
34. It. 1 Mandagot (1) sur les eleccions^ prisé
iiii gros.
25. It. la somme de Gefifroy Sanz (2) prisée ii gros.
26. It. inspecculum judiciable avec le repertorio
Guillelmi Durandi (3), prisé x livres.
7. — Item fut trouvé sur sa tude en 1 sachet iic xxxiii
livres.
It. en une atarge maille qui estoit emmurée en la
cheminée de ladicte estude xi^^ florins de Florence
XIX motons desquelx les deux ne vallent chacun que
i fran. It. xxi aignauls. It. xxnii frans. Item en une autre
atarge maille enmurée oudit lieu n^ xxxi gros tour-
nois d'argent de Philippe et xxxviii parpilleules (4).
It. en une autre atarge maille enmurée desoubz la
chère de latude ix*^ xvii frans m motons et i reaul.
It. ne xxix gros tournois d'argent de Philippe et
xvi prepilleules.
It. fut trouvé en l'une des arches plates de la garde
robe en I gibacer qui estoit en une arche plate xx sols
que sire Régnant pris t.
It. un messe noté avec plusieurs lettres non inven-
toriés.
It. en l'une des autres arches de la garde robe fut
trouvé en ung sachet xxx sols.
(t) Guillaume de Mandagout, archevêque d'Embrun en 1295, d Aix en
13U6, fait cardinul-évéque de Preneste par Clément V en 131*2, morl à
Avignon en 1321 . a composé divers ouvrages de droit canonique.
(2) GeoflQroi de Trani, élève d*Âzzon, puis professeur à Bologne, car-
dinal en 1245, mort la même année, a laissé une Summa super rubricis
Decretalium, qui eut une grande vogue.
(3) Ces deux ouvrages assez fréquents étaient tantôt séparés tantôt
réunis comme ici. Cest Tune des œuvres les plus estimées de la littéra-
ture juridique du moyen âge. Le répertoire contenait sous les diflérents
tilresdes Décrétales un grand nombre de questions de droit résolues par
les anciens canonistes.
(4) Parpaillole, monnaie.
-70 —
8. — It. une pères de cousteaulx à manges de bre-
solim sanz virole en une gaine noire.
It. une autre père de cousteaulx à manges d'ivoire
et virole d'argent l'une en maille et l'autre plaine.
It. n autres cousteaulx à manche d'ivoire bilanc en
une gaine avec plusieurs lettres et autres choses non
inventoriées.
It. en img coSre au piez de son lit ii livres de
logique.
9. — It. I manto de un aulnes prisé xu sols, i manto
de v aulnes xv sols, i autre manto de ni aulnes et demie
X sols, I manto de nn aulnes prisé xx sols, i autre
manto de v aulnes prisé xx sols, i autre manto de
nu aulnes xv sols.
It. un autre cheti manto prisé n sols vi deniers.
I autre manto de ni aulnes prisé vi sols, i autre
pareil manto vi sols, i autre pareil manto prisé xi sols.
It. une toailles à mains de m aulnes, ii sols.
It. une pièce de toailles de ix aulnes, xvm sols,
I autre pièce de vu aulnes prisé xi sols viu deniers.
It. une pièce de un aulnes de chetiz covrechiez,
a ciez, v sols.
It. m aulnes de covrechiez prisés ix sols.
It. n linceulx de ni telles prisés xxv sols.
It. viii linceulx chacun de deux telles, l sols.
It. nii autres linceulx qui sont aux lis xx sols.
It. X autres linceux chetis prisés xxx sols.
It. n creuvechez prisés v sols.
It. m orillez prisés x sols.
It. ung cortour de drap jaune prisé xx sols.
Et ce fait, lesdis doyen et chapitre me requistrent
que selon la forme et teneur desdites lettres je leur
feisse recreance d'iceux biens et choses dessusdits «
Pour quoy le xx® jour dudit moys, ledit chapitre
- 71 -
assemblé en ladicte église au lieu accoustumé de tenir
leur chapitre. Et aussi y estoit mons'^ l'arcediacre
de Nevers sire Régnant des Noiers, maistre Guillaume
Compain et Estienne de Monz, chanoines, eux por-
tanz exécuteurs du testament dudit feu chanoine. Et
lors fis en accomplissant ce qui m'estoit mandé et
commis par lesdites lettres et selon la teneur d'icelles
baillay et delivray audit chapitre lesdiz biens meubles
et les choses dessusdites par la tradicion d'icelles dudit
inventoire et des clefs dudit hostel . En tesmoing de
laquelle chose, j'ai mis en ces lettres mon sing manuel
et mon seel du qués j ay accostumé d'user.
(Bibliothèque nationale, Nouvelles acquisitions
latines, 2,299, n^JS!).
— 72 —
LES
PROTESTANTS EN NIVERNAIS
Au XV !• siècle
U Annuaire du département de l'Yonne a publié
en 1870, dans sa partie historique, une intéressant6
étude de M. Le Maistre (1) sur Léjsinnes et les sires
de Lésinnes.
L'une des nombreuses pièces justificatives qui com-
plètent ce travail — le n° 12 — a trait aux protestants
et nous y relevons divers renseignements relatifs au
Nivernais (2).
Ils figurent sous ce titre :
Notes de quelques villes, villages, abbayes, cou--
vents, églises, pris et saccagés par les protestants.
§ I (1560). — Prieuré et ville de La Charité pris et
pillés ; les catholiques massacrés.
Abbaye de Bellevaux, près Nevers, prise: église
démolie, religieux massacrés.
§ III (1562). — Corbigny, pris en mai; Nevers, le
11 mai (3) ; Entrains, le 12 décembre.
(1) M. Le Maistre. receveur municipal à Tonnerre, membre de la Société
des sciences historiques de FYonne, est Tanteur de plusieurs notices
publiées dans le Bulletin de cette Société et V Annuaire du département.
(2) Nous conservons les titres et les paragraphes du document original.
(3) Nous donnons ce dernier renseignement sous toutes réserves, car les
histoires du Nivernais ne font aucune mention de la prise de Nevers, et
plusieurs de nos confirères de la Société nivernaise prétendent que les
protestants ne sont jamais entrés dans cette ville.
- 73 -
§ IV (1563), 29 janvier. — Corbigny pris : reliques
brûlées, église profanée.
§ IX (1568). — Bellary, prieuré près La Charité :
abbaye brûlée, abandonnée; religieux et prêtres subis-
sent les plus indignes traitements.
Donzy et Entrains, pris.
Bourras (1), abbaye brûlée, religieux maltraités.
La Charité, prise et pillée.
Corbigny, abbaye de Saint-Martin, prise, incendiée.
§ X (1569), 3 octobre. — Prise de La Charité.
Champlemy, ruiné.
La Charité, scènes de cruautés et môme de carnage,
surtout sur les prêtres et les religieux. Les curés de
Sainte-Croix, Saint-Pierre, Saint- Jacques , retenus
par les rebelles.
Cosne, abbaye de Saint-Laurent ; Donzy, chapelles
et églises pillées.
§ XI (1570), mai. — Prise de La Charité.
6 juillet, le prieuré de Saint-Symphorien (2) (Nièvre)
dévasté et incendié.
Juillet. — Coligny ravage le Morvan. La Chartreuse
d'Apponay (3) est réduite à ses murs. Bellevaux,
abbaye prise et brûlée.
Courtemer (Nièvre) ruiné ; pays déshal)ité.
Entrains, pris par les rebelles.
Gâcogne, l'église et le presbytère brûlés par les
protestants de Corbigny.
Moulins-Engilbert, ruiné et brûlé.
Préporché, église brûlée.
Saint-Honoré, Vandenesse, églises incendiées.
(1) Commune de Saint-Malo, prés Donzy.
(3) Saint-Symphorien, en Beaujolais (au duc de Nevers).
(3) Prés Rémilly.
-74 —
§ XII (1572). — L'abbaye de Bourras pillée, incen-
diée et presque détruite.
Lé paragraphe XIII comprend des notes sur quelques
faits dont les dates ne sont pas précisées (1).
Arrebourse (2), abbaye prise par les rebelles.
Billy, pillée et ruinée par les excursions protestantes.
Bouy, près Ratilly; Bulcy, près de La Charité, et
Sully, le curé détenu par les rebelles.
Cessy, prieuré occupé par les rebelles.
Celle-sur-Nièvre, Chassenay (3), le curé enlevé et
retenu par les protestants.
Châteauneuf, près Donzy, pris par les rebelles.
Ciez, prieuré, cure délaissée.
Corbelain (4), le juge jeté à Teau.
Couloutre, proche Ratilly, cure totalement ruinée.
Cours, près Ratilly, cure délaissée.
Dampierre-sur-Nièvre (5), ch&teau détenu par les
rebelles.
Dampierre-sous-Bony (6), prieuré délaissé.
Entrains, cure occupée par les rebelles.
Lespau (7), prieuré près de Donzy, abandonné*
Menestreau, ruiné.
Nannay . Narcy, Mesves, Murtin (8), cures détenues
par les rebelles.
Oisy, cure abandonnée.
Parroy (9), près Donzy, cure abandonnée.
(1) AnnwUre, p. SQi,
(2) lÀrê: Arboorae.
(3) Lire: La Celle-rar-Niévre et Ghasnay.
(4) Prés Yany.
fi) Lire: Darnpierrû'^ur'Nièvre,
(6) Lire: Dampierre-tona-Boiihy.
(7) Upb: FEpaa.
(8) Lire: Muritn,
(») Lire: Pwrt«y,
-75 -•
Pbgny (1). Pouilly, cure et pays abandonnés, pris
par les rebelles.
Le Pré, cure de Sainte-Marie, prieuré de Notre-
Dame retenus et ruinés par les rebelles lors de la prise
de Donzy.
Ratilly, Raveau, cure prise et retenue par les
rebelles.
Saint-Amand, près RatlUy, cure délaissée.
Saint-Andelin (2), cure; Saint-Laurent, abbaye;
Saint-Malou (3), aux calvinistes.
Saint-Quentin, cure aux rebelles.
Seuley (4), près La Charité, détenu par les rebelles.
Surgy, cure détenue par les gens de la nouvelle
religion.
Tronçoy (5), cure de Saint-Martin, détenus par les
rebelles.
Varennes, Viel-Mannay (6), cures aux rebelles.
Quelque concis qu'ils soient, ces renseignements
nous ont paru présenter un certain intérêt pour l'histoire
du protestantisme en Nivernais. C'est pourquoi nous
les avons donnés ici.
G. GAUTfflER.
(1) lAre: Pongny.
(3) Lire: Saint-AndeUùn»
(9) Lire: Saint-Malo.
(4) Lire: SoUy-la-Toor.
(5) Aigoardliai : Saixit-Martin-da-TroiiMc.
(6) Lire : Vielmanay.
-76 -
LA
CATHÉDRALE DE SAINT -JÉRÔME
Au VITI* sièole
La cathédrale de Nevers a encore des murs du
VIII® siècle, j'ai développé cette thèse à la Sorbonne
à la réunion des Sociétés savantes.
C'est un problème qu'on trouvera peut-être compli-
qué et ardu, nous allons voir qu'il a été souvent
commenté et même contredit.
Me souvenant que les légendes les plus extraordi-
naires ont un fond de vérité ; et que de grands savants
l'ont maintes fois démontré avant moi, je ne les ai pas
rejetées ; mais j'ai cherché à les faire cadrer avec les
faits connus et acquis ; et ces légendes se sont mani-
festement encadrées dans les faits. Celle du sanglier,
que tous ici vous connaissez, je l'ai appliquée non à
Charles-le-Chauve mais à Charlemagne, parce qu'elle
me donnait des déductions logiques que j'ai écrites
dans Remparts et Monuments de V ancien Neoers,
C'est avec ce système que j'ai pu signaler un vice
de construction, encore visible de nos jours, et fixer
l'écroulement de la cathédrale en 908, concordant avec
la date des auteurs.
Les savants qui se sont occupés de cette question
sont Guy-Coquille et Cotignon, historiens ; Prosper
Mérimée et l'abbé Bourrasse et avant ces deux auteurs
- 77 —
l'archiviste Parmentier ; puis des auteurâ récents ont
repris la question, ce sont M9^ Crosnieret Tarchitecte
Ruprich-Robert .
« è
Ces discussions semblent se résumer dans les auteurs
cités sur les deux mots : structura quadrataq,;
posés par une légende acceptée par tous :
La cathédrale de l'évoque Atton en 908 serait :
structura quadrataq. » ; la Gallia Chnstiana, qui
reproduit l'expression, donne le nom de cooperator à
Atton parce que, dit-elle, il a reconstruit un vaste
temple sur une /orme carrée; Guy-Coquille et Coti-
gnon, historiens nivernais. ont admis ce plan.
L'historien Parmentier, s'il accepte cette solution, ne
l'explique pas, et s'il décrit un plan hypothétique, il ne
le recommande pas.
Mais il nous dit qu' Atton trouva dans son clergé de
graves désordres ; qu'il y remédia ; qu'il appela no-
tamment de Saint-Amand le savant moine Humbault
pour instruire ses clercs.
Il recueille une pieuse légende disant que sous cet
évêque, un chanoine en prière près d'un pilier fut
épargné au moment où l'église croulait.
Nous allons voir qu'il effleure la question, car il
ajoute : Atton construisit les deux piliers monocylin-
driques qui sont dans le transept .
L'abbé Bourrasse ne veut voir dans ces piliers qu'un
travail très moderne pour consolider l'édifice, et Pros-
per Mérimée une disposition originale du plan comme
Saint-Etienne de Nevers, qu'il appelle un scren.
Si l'architecte Ruprich-Robert dans son rapport
général sur la cathédrale ne s'était servi des mômes
développements de M9' Crosnier, déjà publiés, j'aurais
aussi donné son opinion.
-78-
M9' Crosnier, lui, ne s'est pas arrêté aux solutions
antérieures ; il traite son sujet sur un chapitre spécial
de son ouvrage sur la cathédrale, surtout des pages 91
& 98 ; nous allons les résumer :
Il admettrait volontiers avec Parmentier et les
auteurs de Y Album du Nivernais que les deux
colonnes sont du x* siècle et il pense que quelques par-
ties des murs du transept pourraient bien être de ce
temps; mais il manque de preuves, dit-il.
Il fait, avec raison, des réserves pour Tàge de Tab-
side. — Celle de nos jours qui a remplacé une autre
plus ancienne. Puis rentré dans une discussion serrée
des constructions postérieures, passant devant les
anciennes, il n'y trouve pas la preuve suffisante, il
cherche TAge du pilier par sa forme.
Pour cela, il parcourt les églises de Bourgogne et du
Nivernais. Mais, disons-le, ses conclusions ne sont
pas heureuses ; néanmoins il fixe sa date au x« et
même au vni^ siècle .
Ainsi que je Tai établi (1), il admet qu'on s'est servi
en 908 de constructions antérieures, et continue :
i C'est cette pensée qui a sans doute dirigé le plan
insolite que nous remarquons dans cette partie de
l'édifice, on aura voulu profiter de la cathédrale
carrée. »
Il met en évidence les arcades romanes enclavées
dans les murs du xiu^ siècle : « Quoique on ait
cherché à dissimuler, dit-il, il est facile de reconnaître
le plan de l'édifice roman, plan qui se rapproche beau-
coup du carré. »
Et voici sa démonstration :
« En effet, le transept est un parallélogramme contre
lequel vient s'appuyer l'hémicycle de Sainte-Julitte^
(1) jR^mparte et MonumenU de Vattcien Neven,
— 79--
cette excroissance, s'il est p^mis d'employer cette
expression, diminue au moyen de deux galeries qui
s'allongent de chaque côté parallèlement au transept
et dans toute la longueur des croisillons.
» Si de la partie occidentale nous passons à la partie
orientale, nous trouvons une absidiole destinée aujour*^
d'hui aux fonds baptismaux, qui devait avoir son
absidiole correspondante dans l'autre croisillon. »
Voilà le plan carré de la cathédrale, selon
M»' Crosnier.
Examinons'le. Il n'est pas carré, mais il a une
forme allongée.
Aussi le reconnalt-il. Les côtés n'y sont pas droits ;
et il oublie un point important et certain c'est
que les galeries, qui semblent faire oublier l'excrois-
sance, ne datent que de la fin du xu^ siècle.
n sent lui-môme son terrain si peu solide, qu'il
ajoute : .
« Après bien des observations, nous avons reconnu
qu'il devait se trouver de chaque côté une autre absi-
diole, entre celle dont nous venons de parler et l'abside
principale; ces deux nouvelles absidioles étaient
précédées d'une travée centrale qui précédait le rond-
point orientai,, enfin ce rond-point se développait en
conservant les mômes dimensions que présente la
chapelle de Sainte-Julitte. »
M9' Crosnier vient ici de donner le principe des
absides opposées.
Mais aussitôt il abandonne cette idée et combat le
principe en décrivant un plan n'ayant plus rien de
commun avec celui-ci.
Il me parait inutile de continuer à mettre en évi-
dence le plan carré de Mv' Crosnier, car il est bien
— 80.^
compromis. Les ondulations de Test par les trois
absides me dispensent d^aller plus loin. C'est de ce plan
carré qu'on pourrait dire bossu par derrière, bossu par
devant, tortillé par côté.
La chaleur qu'il met dans sa démonstration prouve
suffisamment l'intérêt qu'il attache aux mots : Struc-
tura quadrataq.
Pouvait-on lui donner une meilleure solution?
Essayons.
I
Les deux colonnes monocylindriques sont-elles
modernes ou anciennes ?
Le doute n'est pas permis ; les tailles, les joints, les
mortiers, la pose sont romans.
Les deux colonnes sont donc anciennes.
Dans quel but ont-elles été faites ?
J'ai démontré (1) que dans l'église de 795 les nefs
sont de largeurs égales et que leur rencontre forme
un carré parfait ; que jadis les quatre piliers de ren-
contre étaient reliés par un seul arc, au lieu des deux,
comme nous les avons, prolongeant la nef au travers
du transept.
Mais si la poussée de ces arcs primitifs avait la
résistance voulue dans la nef de l'est, dans les deux
tours, à l'ouest, il n'en était pas de même. De ce côté,
l'abside était trop basse et ne pouvait retenir utilement
cette poussée dans ses massifs.
De ce vice de construction résultera l'écroulement
de la tour centrale de l'église carlovingienne. C'est
pourquoi, en 908, on reconstruisit ce qui venait de
s'écrouler, à la même place. Au lieu d'un seul arc en
prolongement de la nef, on plaça dans le milieu du
(1) Remparts et Monuments de l'ancien Nevers.
-81 -
transept une colonne de chaque côté ; ce sont celles
que nous voyons encore-
Par cela, la charge fut diminuée de moitié aux
piliers extrême, et sa poussée diminuée d'un tiers.
Que Ton compare maintenant le travail des maçon-
neries et des pierres existant encore, ainsi que je l'ai
fait(l) et l'on trouvera que les plus frustres, c'est-à-
dire les plus anciennes sont bien dans l'ordre établi.
Je ne pense donc pas être dans l'erreur en donnant
les colonnes comme une consolidation faite en 908,
et je garde intact le plan de la cathédrale de Charle-
magne.
II
Structura quadrataq. — Voici bien, semble-t-il,
le nœud du problème suivant les auteurs.
Si ce qu'un heureux hasard m'a suggéré concordait
avec ces mots et avec ce que je viens dédire, nul doute
que nous soyons près de la solution.
Relisant ces mots, j'eus la fantaisie de tracer des
carrés réguliers de quatre rangées sur la largeur d'un
plan de la cathédrale.
Quel ne fut pas mon étonnement de trouver qu'ils
correspondaient exactement à ce plan ; que les ren-
contres de la première rangée de mes carrés étaient
la place de mes piliers, déterminant ainsi la largeur
des nefs ?
Ces mêmes carrés déterminaient aussi leurs longueurs
Et je trouvais trois sortes de carrés mais en progres-
sion géométrique 2 fois 2 = 4, 4 fois 4 = 16.
Ne peut-on déjà supputer cette école de mathéma-
tiques de Bysance ?
Mais je vois d'ici de fins sourires et cette réflexion :
(1) Remparts et Monunientê de Vanden Neven.
T. VIII, 3* fléne.
-82-
(( Que ne peut-on faire dire aux chiffres ! » Aussi je
laisserai la progression arithmétique et l'échelle de
rhomme, cette dernière étant dans les dimensions
des carrés.
Restons en face des trois carrés : petits, moyens et
grands. Les petits déterminent les piliers et la largeur
des bas-côtés.
Les moyens valent en surfaee quatre petits ou deux
en longueur; ils déterminent la largeur et la lon-
gueur des nefs.
Le grand carré a la longueur de huit petits et la sur-
face de seize ; il donne les trois nefs réunies, abstrac-
tion faite des absides.
Le transept se trouve composé de trois carrés
moyens placés à la suite, celui du milieu étant le pro-
longement de la nef, les absides laissées en dehors.
Cette manifestation du carré était déjà curieux dans
la conception du plan, mais elle m'étonna davantage,
lorsque prenant le côté du carré moyen et le mettant
en hauteur, je trouvai le départ de la charpente.
Deux fois cette hauteur me donna la charpente de la
tour carrée.
Je ne voudrais pas aller plus loin malgré mon désir ;
cependant faut-il mettre en évidence que le transept
formait deux cubes de chaque côté, et que deux autres
semblables, l'un sur l'autre, égalent la hauteur de la
tour centrale ayant pour générateur le carré moyen ?
Que les tours d'angle figurent des cubes ayant le
petit carré pour générateur, ces cubes sont les uns
sur les autres.
L'aspect du monument avait des formes carrées, car
toutes ses lignes se coupaient à angles droits.
Si le temple n'était pas sur xmplan carré, ainsi que
nous l'avons démontré, il était, tout le moins, établi
sur la structure du carTé.
- 83-
Serait-ce une traduction de structura quadrataq.
Je laisse conclure et m'arrête à temps sur... une pente.
Car M. de Lasteyrie ne veut voir dans ces deux
mots que appareil carré ^ petit appareil. M. de Lastey-
rie a peut-être raison !
Toutefois, si je n'ai pas trouvé une solution qui
satisfasse tout le monde, je crois avoir trouvé ime
relation constante du carré avec une construction
carlovingienne, dont je n'ai pas encore vu l'application,
et à ce titre je me félicite encore d'avoir cherché à
l'appliquer.
Un jour peut-être, un plus heureux que moi, pourra
trouver cette théorie dont je n'ai pas en main tous
les éléments d'application. Aussi vous devinez bien,
messieurs, si mes vœux seraient sincères pour l'heureux
confrère.
Massillon Rouvet ,
A rchitecte,
Membre non résidant du Comité des Beaux-Arts
des Sociétés des départements.
-84-
QUESTION DE DROIT FÉODAL
ent:îe
LE ROI ET CHAMPION DE CICÉ, ÉVÊQUE D'AUXERRE
A PROPOS DE LA VENTE DES FORGES
DE M. DE LA CHAUSSADE , A COSNE ET A GUÉRÏGNY
Par RENK DE LESPI NASSE
M. de La Chaussade, contraint de vendre ses
établissements métallurgiques du Nivernais, s'était
adressé à divers particuliers (1).
Ses usines travaillaient en grande partie pour le
compte de TEtat, sous la responsabilité d'une admi-
nistration commerciale indépendante ; c'est pourquoi
divers hauts personnages, en raison des grands
intérêts du Gouvernement, le comte de Maurepas,
M. de Sartine, M. Chardon, maître des requêtes,
commissaire du roi pour la marine, assistaient aux
entrevues avec les gens d affaires.
Une dernière proposition ferme au nom d'une com-
pagnie fut faite par MM. Sabatier et Desprez. Ils visi-
tèrent les forges et, s'étant définitivement entendus
(1) M. Corbier {Bulletin, t. VI, p. 350 à 460), a publié, en 1869, une notice
historique sur les forges de La Chaussade, à Guérigny, avec plusieurs
documents et nombreux détails sur cette exploitation. J'ai aussi donné
quelques pièces sur Guérigny dans les Forges et charbons du Nivernais,
IBulletin, t. XVI, p. 275.;
— 85-
avec M. de La Chaussade, ils déposèrent le 12 sep-
tembre 1780 la somme de quinze cent mille livres, qui
fut de suite déléguée à ses créanciers.
Sur ces entrefaites, en décembre 1780, le marquis de
Castries, ministre de la Marine, jugeant qu'il était de
rintérôt du roi que toutes les terres et établissements
de La Chaussade fussent en ses mains, écrivit à
M. Chardon pour le prévenir que le roi avait prononcé
la résiliation, en sa faveur, de la soumission des sieurs
Sabatier et Desprez .
Necker écrit à M. Chardon le 26 décembre 1780
que le roi achète et fait régir en son nom les forges de
M. de La Chaussade ; un arrêt du conseil ordonne
l'effet rétroactif de la vente au 1®' octobre 1780, et le
8 mars 1781, le contrat définitif étant passé pardevant
M® Doileau. notaire à Paris (1), les sieurs Sabatier
et Desprez furent remboursés de quinze cent mille
livres qu'ils avaient déposées à l'actif de M. de La
Chaussade.
La correspondance et les papiers de Tévôque
d'Auxerre, seigneur temporel de Cosne, témoignent
des difficultés qui surgirent à l'occasion de cette vente.
Une partie des forges, la fabrique d'ancres, était ins-
tallée dans cette ville. M. de La Chaussade avait pris
ses précautions vis-à-vis de son seigneur pour obtenir
son assentiment, et lui avait fait signer, le 4 juin 1780,
c'est-à-dire avant toute proposition ferme, le « Déprix »
suivant :
« Je, soussigné, évoque d' Auxerre, seigneur de la ville
de Cosne-sur-Loire, promets et m'engage envers
M. Babaud de La Chaussade, propriétaire des forges
(1) Le texte in extenso de ce contrat est imprimé d'après les archives de
la direction des forges de Guérigny. {Bulletiny t. VI, p. 427.)
-86-
royales de ladite ville, fonderies, clouteries, taillan-
deries, magasins, halles, cours, enclos, maisons et
jardins en dépendant à lui appartenans, situés en
ladite seigneurie, d'ensaisiner le contrat de vente ou
transmission de propriété qu'il a pu taire ou fera des
susdites possessions et dépendances, en tout ce qui
peut relever de la censive de ladite seigneurie moïen-
nant la somme de douze mille livres, à laquelle en cas
de vente ou transmission de propriété ayant lieu,
je me restrains pour cette fois à forfait, pour tous les
profits de lods et ventes, qui pourroient me revenir
en madite qualité de seigneur de la ville de Cosne et
dépendances, à quelque somme que puisse par stipu-
lation monter icelle vente (1)... »
La Chaussade signa à Tévêque d'Auxerre trois
billets de 4,000 livres à échéance des 30 décembre
1780, 30 janvier et 28 février suivants, lequel donna
à son tour quittance définitive de la susdite somme de
douze mille livres pour lensaisinement du contrat, le
23 septembre 1780.
Les billets signés par La Chaussade sont écrits
sur simple feuille de papier libre, sans timbre ni
aucune formule. Ils sont insérés tous les trois à la
suite de l'acte de déprix et confondus dans la masse
des autres papiers.
A ce moment interviennent les discussions adminis-
tratives sur l'acquisition directe des forges pour le roi.
Elles sont contenues dans une note reproduite quatre
fois dans les papiers de l'évoque d'Auxerre. Plusieurs
considérations semblent être exposées de nos jours et
(1) Correspondance de Champion de Cicé, évêque d'Auxerre. Bibl. nat.
m8.fr. 20700. Cette collection de papiers manuscrits comprend cinq volumes
dont deux seulement, 20700 et 20705, contiennent des pièces relatives au
département de la Nièvre faisant partie de Tévêché d'Auxerre.
-87 —
reviennent fréquemment dans nos Chambres, à l'oc-
casion des votes du budget.
Necker voulait faire cette acquisition pour le compte
du roi, y est-il dit ; il fut combattu dans ce projet par
M. de Maurepas qui ne croyait pas qu'il fût d'une
bonne économie, ni convenable aux intérêts du roi de
former pour son compte des entreprises qu'il fallait
laisser aux fournisseurs de la Marine. Necker persista
et l'affaire fut conclue. L'entreprise faite d'ailleurs
sous forme d'essai, il fut stipulé que si le roi y renon-
çait en revendant, les rentes constituées à ce sujet au
profit des seigneurs particuliers seraient éteintes.
L'événement donna raison à M. de Maurepas. Les
forges et terres qui rapportaient beaucoup à M. de La
Chaussade n'ont été qu une charge pour le Trésor. On
porte aux dépenses ordinaires et annuelles, les forges
de La Chaussade pour un million de livres, soit
900,000 livres pour frais d'exploitation et €ent mille
livres acompte du payement de l'acquisition.
Il y a des confusions d'articles dans cette comptabi-
lité des intérêts, gages, taxations, frais de régie, etc.,
puis à la recette, on porte cette même somme de
900,000 livres, précisément égale aux seuls frais
d'exploitation, fonds à recevoir de la Marine pour la
fourniture des forges de La Chaussade.
La note revient encore sur les mêmes arguments
contre ce système et conclut à la revente des forges, en
ajoutant ces motifs dont une partie est encore vraie
aujourd'hui : 1** elles mettent hors du commerce des
fonds et des objets d'industrie ; 2^ ces immeubles
étant dispensés d'impositions, elles grèvent d'autant
les possessions des voisins qui sont tenus de fournir
et parfaire la même masse d'impositions ; 3« ces acqui-
sitions exigent un grand nombre de préposés et de
commis jouissant d'exemptions et privilèges qui
- 88-
tournentà la charge des contribuables. Il y a, ainsi,
dans les papiers de l'évêque d'Aùxerre, quantité de
mémoires, comptes, états de dépenses et frais nou-
veaux, presque tous en plusieurs exemplaires, tendant
à prouver que Tachât par le roi des forges de La
Chaussade était une mauvaise opération pour le
Trésor, très coûteuse par son administration compli-
quée, sans économie d'aucune sorte et présentant
Tinconvénient de nuire au travail du commerce
national.
Les lettres patentes sanctionnant Tachât devaient
être infirmées par arrêt du Conseil et la vente avoir
lieu au grand bénéfice du Trésor.
Dans une opposition si tenace et faite d'avance, il y
avait évidemment un courant intéressé qui, sans être
avoué, se manifeste à chaque instant et sous toutes les
formes.
Malgré ces objections les forges au compte de
TEtat ont toujours eu gain de cause, puisqu'elles ont
résisté aux bouleversements fréquents de la politique,
et après un siècle d'existence elles semblent plus assu-
rées que jamais.
Quelques conséquences de cette acquisition royale,
énoncées dans les papiers, méritent d'être ajoutées à
Thistoire locale.
Voici d'abord un mémoire sur les droits à payer au
suzerain le duc de Nivernois.
Les profits de fief ont été réglés à la somme de cent
cinquante mille livres, dont il a été constitué rente
viagère à M. le duc. C'est probablement la seule
épave de la dépossession complète des apanages du
seigneur libéral, mort si misérablement pendant la
Révolution (1).
(I) A Paris le 25 février 1796.
— 89 —
Il s'agissait encore de fixer Tindemnité due à l'occa-
sion de l'extinction de la mouvance féodale.
En principe, le roi n'acquérait des biens dans la
mouvance des seigneurs que depuis l'ordonnance de
Philippe-le-Bel, en 1302, renouvelée pour le Nivernois,
en 1316, par Louis-le-Hutin.
L'édit d'avril 1667, confirmé le 22 septembre 1722,
donnait ensuite au roi la possibilité d'acquérir dans
toutes les mouvances, à la seule condition d'indem-
niser les seigneurs Le duc ne faisait aucune objection
et se bornait à demander, d'après rarticle21 chapitre 4
de la Coutume de Nivernois le quart du prix principal
de l'acquisition, comme droit de mutation, soit pour
un million délivres, valeurà laquelle on peut estimer
les biens de M. de La Chaussade dans la mouvance
du duc, et, en déduisant les alleux et les rotures,
800,000 livres, dont le quart, deux cent mille livres,
constituerait une rente annuelle de dix mille livres.
Quant aux biens de roture et aux droits de haute
justice, ils sont une véritable perte pour le bailliage du
duc et devraient également entrer en considération
pour fixer la rente. Il n'y a pas d'autres pièces permet-
tant de suivre l'affaire et de savoir comment elle fut
terminée ; au milieu des gaspillages du gouvernement
révolutionnaire, une question déjà surannée et qui susci-
tait à l'origine d'aussi grandes incertitudes tomba sans
doute comme tant d'autres dans le néant.
La suite des papiers concerne la seigneurie de
Cosne ; nous y trouvons des enquêtes, des pétitions,
des correspondances, comptes, nominations et autres
actes curieux pour l'étude de cette époque si troublée,
où les aspirations modernes sont mêlées aux vestiges
de l'ancien droit féodal.
Le catalogue des divers actes motivés par l'acqui-
sition des forges signale le nouveau personnel d'offi-
- 90-
ciers créé à cette occasion (1). Ce sont pour la plupart
des noms connus dans la région :
10 juillet 1782. Commission donnée à M. Jean-Fran-
çois Rameau de Montbenoist, avocat en parlement à
Cosne, pour faire fonctions de juge pendant neuf années
à la justice des lieux des forges, fonderies et dépen-
dances établies à Cosne, par M. de LaChaussade,
achetées par le roi, le 2 mars 1781, érigées en fiefs par
lettres-patentes d'août 1781. Cette commission est
enregistrée au baillage royal d'Auxerre le 24 juillet
1782. Le registre de bailliage des forges de Cosne est
paraphé et commencé par ledit M® Rameau le 1®' août
qui suit. Puis, dans une série d'actes notariés passés
successivement de 1785 à 1787 chez M® Ruyneaux des
Payneaux, notaire à Cosne, il prend la qualité de
juge de la justice royale, et rend une sentence de
justice pour le même motif.
Les commissions de procureur du roi et de greffier
sontdonnées pourneuf annéesàM.Maignen de Chazelle
et Denoire terres. M. Maignen, décédé deux ans après,
est remplacé, le 15 septembre 1784, par M. Jean-Baptiste
de Beaubois des Grandes-Maisons. Le 28 décembre
1786, M. Grangier des Maliers prend devant notaire la
qualité de bailli de Cosne.
A partir de ce moment, la justice passe tout entière
au roi, et par signification d'huissier du 1®' décembre
1786 les officiers des forges sont qualifiés officiers de la
justice royale de Cosne. Les autres notaires de Cosne,
Ferrand et Buisson, contribuent également par des
actes à régulariser les nouvelles qualités. On trouve
à la suite de ces notes l'original (folio 40) de la com-
mission de M. Maignen de Chazelle, par Alexandre
Davigneau, lieutenant-général au bailliage d'Auxerre,
(i) Il y en a trois copies, ms. fr., 20700, fol. 19, 31 et 120.
- 91 —
où Ton porte les pièces exigées : acte de baptême dans
Téglise Saint-Jacques de Cosne du 27 décembre 1719
(M . Maignen avait été nommé dans ses fonctions de
juge royal à l'âge de quatre-vingt-trois ans (1719-1782);
certificat de vie, mœurs et religion catholique ; serment
de rester fidèle à la religion et au roi, enfin teneur de
la commission délivrée par lettres-patentes.
La situation des biens acquis par le roi est fixée par
lettres-patentes d'août 1781 et 28 juin 1782(1). Ils se
composent des fiefs de Guérigny, Villemenant,
Ladouée, Marcy, Demeurs, Frasnay-les-Chanoines,
Richerand, Ouvrault, Narcy, rue des Fourneaux,
Médine, forges royales de Cosne, domaines de la
Vache, du Pavillon, de la Bletterie ; louageries de
rOiseau et de la Closerie, à Garchizy (2), appartenant
à Babaud de La Chaussade. Toutes ces terres seront
dorénavant de nature féodale et relèveront de la tour
carrée de Saint-Pierre-le-Moûtier ; les eaux et forêts
ressortiront en la Table de marbre du Palais à Paris
le duc de Nivernois, les évéques d'Auxerre et de
Nevers seront indemnisés. Si le roi cessait d'en être
propriétaire, les justices et mouvances revenaient
comme auparavant et les rentes d'indemnité constituées
au profit des seigneurs particuliers étaient éteintes.
Les détails sur l'administration des forges figurent
dans une note qui présente tous les caractères de véra-
cité.
A Cosne, sous M. de La Chaussade, il y avait un
directeur, 3,000 livres ; deux commis, 3,000 livres ; un
troisième commis non payé, tous logés, chauffés et
(1) Trois copies, fol. 28, 32 et 37.
(2) I^ Dou(^e, commune de Saint- Aubin-les-Forges, — Marcy, — Poi-
seax, — nicherai), commune de Chaulgncs^ — OuvrauU, commune de
( hampvoux. Ces terres sont toutes énoncées dans racte de vente cité ci-
dessus.
éclairés . On vendait au public , on tirait parti de la
ferraille et de toutes autres ressources.
Depuis l'acquisition royale, il y avait un direc-
teur, 5,000 livres ; quatre commis, l'un dans l'autre
5,000 livres, plus d'autres employés subalternes, d'où
augmentation sensible de dépense. On vend au public
des objets d'usage et d'agriculture, on estime ces
ventes par aperçu à 5,000 livres.
On vend du charbon de bois, du charbon de terre,
des cendres ; ces marchandises sont souvent cédées
par échange, sans estimation. Des forgerons reçoivent
divers objets : chenets, pelles, pincettes, en paiement
de salaires.
Une comptabilité aussi irrégulière ne pouvait donner
aucun résultat précis. MM. Chardon et de Sionville (1)
inspectant au nom du roi les établissements de M. de
La Chaussade, en Nivernais, paraissent s'être bien
plus occupés d'administration que de comptabilité
proprement dite.
Peu de temps après l'acte d'acquisition du roi, le
21 avril 1781, M. le commissaire royal Chardon, ins-
tallé à Guérigny^ informait officiellement l'évoque
d'Auxerre(2). « Comme M. de La Chaussade a traité
avec vous pour les droits seigneuriaux relatifs à Cosne
et que vous vous êtes engagé par votre quittance du
23 septembre, d'ensaisiner le contrat, je vous prie de
me marquer à qui vous voulez que je remette la grosse
de ce contrat en forme exécutoire. »
Cette épître, d'une allure assez 'hautaine, s'adres-
sant à un évêque, soulevait la grosse question du prix
des lods et ventes qui avait été réglée par surprise,
entre l'évêque et M. de La Chaussade, à la somme de
(1) M. de Sionville fut le premier directeur des forges, de 1781 à 17d3.
(2) Ms. fr. 20700, fol. 27.
- 93-
douze mille livres. L'évoque prétendait qu'il s'était
réduit à cette somme en considération de M. de La
Chaussade, mais qu'il n'en était plus de môme en
présence du Trésor royal. Les écrits ne mentionnaient
pas ce fait, l'évoque revenait sur sa parole et refusait
d'en^aisiner.
M. Chardon expose ces difficultés et signifie à
M. de La Chaussade d'en sortir au plus vite, parce
que le roi ne peut entrer dans cette discussion (1).
La correspondance qui suit reproduit les plaintes
et froissements résultant de cette situation fausse,
l'évêque reprochant à M. de La Chaussade d'avoir
traité avec le roi sans le prévenir, l'exposant à se faire
accuser d'avoir sacrifié une importante portion d'un
des principaux fiefs de son évêché pour faire un
cadeau au Trésor. M. de La Chaussade s'excuse,
ignorant, dit-il, que le roi prendrait ses établisse-
ments en prononçant la résiliation de la vente Saba-
tier-Desprez. Il s'est incliné devant la volonté du
souverain et désire que ses procédés envers Monsei-
gneur restent toujours empreints de la plus scrupu-
leuse délicatesse.
Cette affaire d'intérêt sensiblement délicate mena-
çait d'empirer terriblement en raison de l'importance
des personnalités engagées. Le ministre, M. de
Fleury, se décide à intervenir directement.
a J ai peine à me déterminer, écrit-il à l'évoque
d'Auxerre (1), à mettre sous les yeux du roy votre
réclamation sur la fixation des lods et ventes qui sont
dus à votre siège pour l'acquisition des forges de
M. de La Chaussade.
(1) Ma., fr. 20700, fol. 45.
(2) Ibid., fol. 52.
- 94 -
» Je crains que le roy ne soit surpris de ce qu'après
avoir traitté à douze mille livres et après avoir per-
sisté lorsque vous avez eu connoissance que la vente
étoit faitte à Sa Majesté, vous demandiez maintenant
une plus forte composition. Je sais que depuis cette
convention, le parlement a mis à son enregistrement
une modification qui enlève pour toujours la mou-
vance à votre siège , mais permettez-moi de vous
observer que cette modification étoit de droit, que
la distraction de mouvance a été opérée par le seul
fait de l'acquisition pour le compte du roy , parce
qu'il est de principe que tout ce qui entre dans la
main du roy ne peut plus rentrer sous la mouvance
d'aucun seigneur. Je crois pouvoir vous ajoutter que
cette modification doit d'autant moins changer la
quotité de lods et ventes, que c'est à votre siège que
cette distraction peut faire quelque préjudice et que
votre siège en sera dédommagé par l'indemnité qui lui
sera payée à perpétuité.
» Je vous prie, mon cher seigneur, de me dispenser
d'entretenir le roy de cette affaire et de vouloir bien
ensaisiner le contrat au prix convenu entre vous,
M. de La Chaussade et M. Chardon. Je suis très
fâché de ne pouvoir vous donner en cette occasion des
preuves de mon zèle et de mon fidèle attachement,
mais je suis obligé de deffendre le Trésor royal, et
je crois que vous me saurez gré de vous offrir l'occa-
sion de faire hommage à Sa Majesté d'un aussi léger
sacrifice. J'ai l'honneur d'être, avec un sincère et res-
pectueux attachement, mon cher seigneur, votre très
humble et très obéissant serviteur, Joly de Fleury. »
Cette lettre, sur un sujet aussi délicat , témoigne
d'égards réciproques qui régnaient toujours entre
hauts personnages, même au sein de discussions péni*
— 95 —
blés comme celle-ci. L'évéque ne céda pas et persista
dans sa volonté de réclamer une somme supérieure ;
il adresse à M. Chardon un rapport à transmettre à
M. de Fleury età Sa Majesté où il insinue que l'annu-
lation du premier marché l'autorisait à rentrer dans
ses droits, et qu'il exigeait de ce fait une augmenta-
tion de six mille livres pour les lods et ventes, sans
préjudice de l'indemnité pour distraction de la mou-
vance et d'exercice de la justice (1).
Enfin, ce différend qui n'avait que trop duré est
tranché par une lettre de M. de Galonné (2), contrô-
leur général des finances, datée du 31 janvier 1784 :
« J'ai examiné, monsieur, avec la plus grande atten-
tion les différends mémoires que vous avez présentés à
l'effet d'obtenir un supplément de six mille livres ou
environ en sus des douze mille qui vous ont été
payées... Sa Majesté sur le compte que je lui ai
rendu. . . a bien voulu vous accorder un supplément de
quatre mil livres. Cette somme vous sera payée à
Paris, des fonds de la caisse des forges royales, sur
une ordonnance de M. Chardon à qui j'adresse des
ordres à cet effet, et en mettant votre ensaisinement
sur le contrat d'acquisition de Sa Majesté dans la
forme ordinaire. Je suis flatté, monsieur, que mon
prédécesseur m'ait laissé la satisfaction de faire, dans
cette occasion, une chose qui vous étoit agréable (3). »
L'évéque est enfin satisfait et se résigne à accepter,
comme il le dit dans sa lettre du 21 février sui-
vant à M. de Calonne: «... Quoique vous ne m'an-
(1) Ms. fr. 20700, fol. 87.
(2) Le ministère des finances avait été occupé successivement par
Turgot, Necker, Fleury, d'Ormesson et de Calonne, le 3 novembre 1783.
(3) Ibid,, p. 91.
— 96 —
nonciez pas, monsieur , tout le supplément auquel
j'avois borné ma réclamation sur l'objet de ces lods et
ventes, je suis toujours infiniment reconnaissant de la
promptitude avec laquelle vous avez bien voulu ter-
miner cette discussion qui traînoit depuis longtemps
et de toute la grâce avec laquelle vous avez eu la
bonté de me faire part de la décision... je me suis
présenté plusieurs fois pour avoir Thonneur de vous
voir. Faites-moi la grâce de m'indiquer le moment où
je pourrai moi-môme vous offrir mes hommages. »
Le même jour Tévêque signait une quittance de seize
mille livres et accordait par écrit Tensaisinement
de l'achat des forges de La Chaussade par Sa
Majesté (1).
L'acquisition royale, en opérant le changement de
seigneurie, n'eut pas lieu sans amener pour les loca-
lités une situation nouvelle et des modifications impor-
tantes; ce seront autant de traits qui peindront l'esprit
de l'époque.
Les habitants de Cosne s'inquiètent de l'activité
des agents royaux; ils s'aperçoivent qu'on va leur
enlever le port de la Madeleine sur le bord de la
Loire, très central pour la paroisse Saint- Agnan, où
arrivent facilement tous les bateaux d'approvisionne-
ment apportant les grains du Berry, les bois , les
pierres des carrières, les vins et vendanges de Tracy,
les épiceries et autres denrées éloignées. Les droits
régaliens sur la rivière de Loire, la pêche, le bac, le
pontonnage appartiennent au seigneur de Cosne, ainsi
que la justice sur l'étendue de la rivière et sur ses
deux bords. Le terrain des forges doit rester tout à
fait indépendant. Les officiers de police constatent
des anticipations et on n'en tient aucun compte ; au
(1) Ms. fr. 20700, fol. 108, 113 et 114.
- 97-
lieu de procéder aux bornages on construit des murs
et des clôtures en place neuve.
M. Tassin, commissaire de la Marine, vers 1750,
avait fait planter des tilleuls le long du quai, mais il
se servait de l'endroit comme d'un port public (1).
M. Baudry, directeur des forges, anticipa le premier
sur le quai de la Madeleine et à l'embouchure du
Nohain. Ces faits encore récents sont connus de tous.
Si l'on supprime le port de la Madeleine, le com-
merce des bateaux, dits frimilliers, si important pour
l'alimentation de la ville, serait contraint de se trans-
porter fort loin au port de la Pêcherie, Les foires qu'on
veut demander y perdraient beaucoup. M. de La
Chaussade a pu faire en toute liberté des glacis,
même disposer une grue pour faciliter le chargement
de ses ancres, cela ne constitue pas un droit de pro-
priété.
Ces raisons sont longuement exposées dans plu-
sieurs mémoires et requêtes adressés à leur seigneur
par les habitants de la paroisse Saint-Aignan.
(( Les supplians, Monseigneur, disent-ils en terminant,
sont dans la plus ferme confiance et osent espérer que
vous ne dédaignerez pas de leur faire éprouver les effets
de votre protection, comme étant vos justiciables et
vos censitaires, pour les préserver de ce qu'ils ont à
craindre des projets annoncés. L'intérêt de Votre
Grandeur y concourt , mais ils sont persuadés que
l'amour du bien public sera pour vous. Monseigneur,
un motif encore plus déterminant et ils formeront des
vœux pour la précieuse conservation de Votre Gran-
it) Le ministère de la marine possède des mémoires de M. Tassin sur
les ancres fabriquées à Cosne en 17^. Voy. Bulletinf Forges et char*
bons, t. XVl, p. 352.
T. VIII, 3» série. 7
« 98 -
deur. Cosne, 26 mars 1783, Hygnard, curé ; Cachet,
vicaire, et quarante-cinq signatures (1). »
Une autre supplique des habitants signale de nom-
breux empiétements de terrain , des constructions de
murs de clôtures et la suppression d'une rue qui serait
prise sur la place de TÉglise, formée de l'ancien cime-
tière ; ils implorent Tappui de leur seigneur, en rap-
pelant, les sacrifices qu'ils ont faits pour la suppres-
sion de la mendicité, la décoration de l'église, la
formation d'un nouveau cimetière éloigné des habita-
tions, les projets de création de foires (2).
L'affaire reste en suspens et les habitants la repren-
nent par l'intermédiaire de la fabrique de Saint-
Aignan à laquelle appartenait le terrain du cimetière
à transporter. Par délibération du 10 décembre 1786,
présidée par Antoine Pyrent. curé de Saint- Jacques,
enquêteur, la fabrique décide qu'elle s'oppose à toutes
innovations nuisibles et aux changements projetés sur
l'emplacement du cimetière ou sur la rue du port,
et qu'elle entend soutenir l'état de choses actuel comme
préférable (3).
M. Grangier des Maliers , avocat en Parlement,
bailli de Cosne, soutenait de tout son pouvoir la péti-
tion des habitants de la ville , ainsi que le notaire
M. Ruyneaux des Paynaux. Ils envoyaient plans,
mémoires, rapports, observations , mais toujours au
nom des habitants, en demandant de n'être pas cités
personnellement. Ces pièces annexes de l'affaire ne
(1) Ms , fr. 20700, fol 23, 54, 58, 68.
(2) Ibid., fol. 85. Dans un autre volume des papiers (n» 20702,
fol. 51), il est exposé que ce nouveau cimetière de Saint-Aignan, d'une
contenance de sept boisselées, a été acheté par les habitants à M»« de La
Chasseigne pour une rente de 26 livres remboursables à 250, et à charge
de donner à M. de Pougny, son neveu, l'usage d*une des stalles du
chœur de Salnt-Aignau, sa vie durant.
(3) iWrf., fol. 122.
- 99 —
disent pas si les habitants obtinrent gain de cause sur
cette question du cimetière et de la place qu'ils vou-
laient conserver ; elles démontrent, toutefois, Ténergie,
le courage, la persévérance et la liberté dont faisaient
preuve les habitants en soutenant l'intérêt de leur
ville.
On a vu plus haut les diflBcultés survenues au sujet
des règlements de l'autorité féodale ; il y avait encore
l'exercice de la justice et le bornage des juridictions
qui restaient à faire contradictoirement entre les offi-
ciers du roi et de l'évêque.
La découverte du cadavre d'un noyé dans la rivière
du Nohain fut l'occasion d'un conflit. Les officiers de
justice seigneuriale et le bailli dressèrent procès-ver-
bal qu'ils transmirent aux officiers royaux pour affirmer
leur compétence. M. le commissaire Chardon s'adresse
à l'évêque pour lui demander la nullité de ce procès-
verbal. « Je suis persuadé, dit-il, que vous la verrez
avec votre justice ordinaire et que vous engagerez vos
officiers à se désister d'une prétention aussi mal
fondée », et il demandait ensuite qu'on procédât au
bornage du ressort de la justice royale, comme on avait
fait à Nevers avec le duc de Nivernois, afin d'éviter à
l'avenir les conflits (1).
Les vieux privilèges provinciaux, les justices sei-
gneuriales résistaient de toutes leurs forces à la perte
de ces droits particuliers, derniers vestiges de l'indé-
pendance locale .
Le bailli, M. Grangier des Maliers^ rappelle en ter-
mes pressants à l'évêque d'Auxerre qu'il ne doit céder
en rien sur les terrains des ports que les officiers royaux
veulent s'attribuer.
Il ne s'agit pas seulement des murs de clôture qui se
(i) Ms. fr. 20700, fol. 80.
- 100 -
construisent sans règlement , la terre de Cosne n'y
perdrait pas grand chose, mais si Ton accorde un pouce
on en prend deux, et l'anticipation ira toujours crois-
sant. Les pourparlers et les démarches se succèdent mais
sans résultat pratique ; les gens des forges continuent
sans tenir compte de rien . La correspondance ne
donne pas la conclusion de Tafifaire (1).
Le procureur fiscal , M . Ruyneaux des Paynaux
prenait aussi en mains, avec ardeur, la cause de son
seigneur ; il se plaint des impertinences des agents
royaux, des tracasseries qu'ils emploient, traitant
l'évêque d'Auxerre de seigneur temporel de la majeure
partie de la ville de Cosne, tandis que son véritable
titre, basé sur des pièces anciennes, est : seul seigneur
spirituel et temporel de la ville et châtellenie de
Cosne-sur-Loire et Villechaud. Les règles du droit
féodal sont précises pour la raison qu'il est seigneur
haut justicier du terrain sur lequel les deux églises
sont bâties, étant môme patron et fondateur de l'église
principale, qui est la collégiale et paroissiale de Saint-
Laurent et Saint-Jacques. Lorsqu'il y a plusieurs sei-
gneurs hauts justiciers, celui-là seul qui a la haute
justice de l'église, peut se qualifier seigneur de la
paroisse, et les autres ne sont pas même seigneurs en
partie, mais de tel fief (2).
Les choses s'envenimant de plus en plus, les maire
et échevins de la ville font cause commune avec les
agents royaux et en viennent à un tel point que
M. Ruyneaux des Paynaux, leur adresse une signifi-
cation par huissier. Il y expose les bienfaits accordés
par les évoques d'Auxerre aux habitants, le chapitre
érigé en 1212 par Guillaume de Seignelay, le couveat
(1) Ms. fr. 20700, fol. 93 et 119.
(2) Ihid., 20703, fol. 38.
— 101 -
des dames Ursulines, fondé en 1658 par Pierre du
Broc, les exemptions de tailles, corvées, taxes bour-
geoises, bordelages, champarts, etc., qui grèvent les
terres voisines, la banalité des fours; les nombreux
travaux de constructions et réparations faits dans
l'intérêt delà ville; l'établissement d'un bureau d'au-
mône générale, etc.
Malgré les bontés et les générosités fréquentes des
seigneurs et principalement de M. Champion de Cicé,
le procureur fiscal se plaint du manque d'égards qui
apparaît à tout propos à son sujet depuis l'acquisition
royale.
A Garchy et à Nevers, où le roi a fait également des
achats de terrains à M. de La Chaussade, la justice
seigneuriale n'est pas atteinte, tandis qu'à Cosne on
veut par tous les moyens la supplanter et même . la
supprimer totalement.
Une signification par huissier ainsi rédigée ne pou-
vait avoir grande portée ; elle se résume en un refus
d'accepter les injonctions faites par les maire et éche-
vins et elle signale entre ces autorités une situation
tendue qui contribuait encore à mécontenter les esprits.
On était en février 1787.
Les esprits semblent cependant rentrer dans un
calme relatif.
Une délibération du conseil ne craint pas d'avancer
que les officiers des forges ne sont pas plus les juges
de Cosne, que les officiers de la prévôté de l'Hôtel ne
sont les juges de Paris et de Versailles. Ce sont de
simples juges d'attribution pour les matières et les
personnes employées dans leurs ateliers. Le bailliage
d'Auxerre seul pourrait exercer une concurrence sur
la justice de Cosne.
En fin de compte, l'évêque d'Auxerre s'oppose au
titre qu'ils prennent de « justice royale de Cosne », à
- 102 -
toute attribution quelconque en dehors de l'enceinte
des forges, à tous les honneurs, préséances, distinctions
ou prérogatives hors du même territoire (1).
Outre ces contestations d'intérêt commun, l'autorité
seigneuriale avait encore à intervenir dans les riva-
lités particulières.
M. Rastoin , prieur-curé de Cours , faisait grand
tapage pour obtenir de grosses réparations à son pres-
bytère. Le marquis de Moraches, seigneur du lieu et le
procureur fiscal M. Ruyneaux, se plaignent à Tévêque
d'Auxerre en termes très vifs de la conduite qu'il a
tenue à leur égard. L'évêque leur a donné raison et n'a
pas écouté la demande du prieur (2).
Une autre fois c'est M. Ferrand, notaire et procu-
reur, qui a manqué essentiellement au bailli et à
M. Ruyneaux et dont on se plaint amèrement auprès
du seigneur évêque.
La querelle menaçait de prendre une grande inten-
sité parce qu'il s'y joignait des questions d'intérêt.
Ruyneaux occupait plusieurs fonctions très rémunéra-
trices; il était notaire seigneurial et procureur fiscal,
attirant à lui toutes les affaires, tandis que les trois
notaires royaux, dont Ferrand faisait partie, n'avaient
plus rien.
Ruyneaux est ensuite assigné par Ferrand au
bailliage d'Auxerre pour injures, insultes et diffamation
indignes d'officiers publics de cette importance (3).
M. Grangier des Maliers soutient Ruyneaux de sa
sympathie et de ses conseils, la majeure partie des
officiers publics prend fait et cause pour lui et l'affaire
présente de telles conséquences que M. Ferrand,
renonce publiquement à ses poursuites et choisit le
(1) Ms. fr. 20703, fol. 43.
(2) Ms. fr. 20703, fol. 3.
(3)/6tcf.,fol.25et44.
— 103 —
seigneur évoque comme médiateur. 11 lui expose qu'il a
été traité par M. Ruyneaux devant plusieurs per-
sonnes de gredin, menteur, fourbe et faussaire, mais
que, s'en rapportant à Monseigneur, il a remis à M. le
bailli l'assignation qu'il avait lancée. Sur quoi le bailli,
M.'Grangier, se félicitant de ce résultat, s'écrie que
l'évêque « supérieur né de ses justiciables et plus par-
ticulièrement encore des officiers de sa justice, il saura
maintenir les règles de subordination, de respect et
d'union qui doivent être observées entre eux ».
Il écrit ensuite à Monseigneur et l'engage à répondre
que pour Raccord et l'union entre ses officiers, il
désire que. tout le passé soit oublié et regardé comme
non avenu.
Les réparations et entretien des églises de la région
sont l'objet d'une correspondance qui donne quelques
détails.
Ces travaux sans crédits réguliers n'avaient même
pas d'attribution spéciale dans l'application des
charges, entre l'évêque, le patron, l'abbé ou le prieur,
et quelquefois les habitants.
Pour l'église de Saint-Laurent-l'Abbaye, M.Grangier
dit que le prieur est désespéré de son délabrement ; le
danger devient de jour en jour plus imminent, les
pierres et les mortiers des voûtes tombent de temps en
temps ; le prieur a failli être écrasé. Si M. l'abbé
persiste à toujours projeter sans rien exécuter, je
crains fort qu'il n'en coûte la vie à quelques per-
sonnes et que l'église ne s'écroule tout à fait.
A Saint-Andelain on travaille davantage, comme à
Saint-Père ; il est question de réception d'ouvrages
faits aux églises.
l^a cure de Saint-Aignan est occupée par l'abbé
Hygnard et ensuite par l'abbé Louis Le Meunier qui
demandent la reconstruction du presbytère, consentie
- 104 —
par une délibération des habitants. On fait, en atten-
dant, sur Tenquête de M. Pyrent, curé de Saint-
Jacques, les réparations nécessaires (1).
Le chapitre de Cosne est aussi une des nombreuses
preuves de la triste situation où se trouvait le clergé
de France à cette époque. Ecoutons les réflexions de
M. Pyrent, chantre-curé de Saint-Jacques de Cosne :
« Vous devez savoir, écrit-il le 20 décembre 1786,
combien mon bénéfice est modique et le peu de res-
sources qu'il y a à compter sur les biens du chapitre
qui ne subsistoit autrefois que de messes et qu'en fai-
sant la guerre au casuel de la cure, mais les temps sont
changés, il n'y a plus rien à faire de ce côté, ni du côté
du curé, ni de celui du chapitre.
)) Je suis fâché d'être obligé de m'adresser à Monsei-
gneur et j'espère que vous voudrez bien l'engager à me
rendre la justice que j'attends, depuis onze ans. Je
désire une réponse décisive et d'autant plus prompte
que je ne puis me dispenser de me mettre en règle vis-
à-vis M. le prieur de Saint- Aignan qui, demeurant à
Rome, n'est pas dans le cas de traiter avec la môme
célérité que s'il était en France. »
11 joint à cette lettre un état dos biens du chapitre de
Cosne qui consiste en :
1° Dîme du vin sur la paroisse de Saint-
Père affermée jusqu'à présent. . . . 380 livres
2® La dlme de Siez affermée. . . . 132 —
3» La dîme de bled sur Saint-Père
levé par le chapitre vaut au plus . . . 400 —
4® La dîme de Villorgeau(2) estimée
au plus 20 boisseaux, froment et orge. . 30 —
(i) Ms. fr. 20700, fol. 138, 139, li2.
(2) Près Cosne, il y a Villorget, commune de (lours, et Villorgot, coin-
mane de Pougny.
- 105 —
5-» La dîme deCalmine, paroisse Saint-
Père, produit 60 boisseaux froment à
30 sols - . 80
6* 20 journées de mauvaises vignes
dont on trouveroit à peine 30 sols. . . 30
1,052 livres
Les charges ordinaires du chapitre s'élèvent à 226
livres et se décomposent ainsi :
Pour décimes, 61 livres; pour supplément de portion
congrue au curé de Saint-Père, 18 livres ; pour loyer de
la grange du chapitre, 24 livres ; gages de deux bedeaux
qui sonnent Tofïîce du chapitre, 24 livres ; gages du
serpent pour sa part du chapitre, 24 livres ; pour les
six enfants de chœur, 15 livres ; pour les dlmeurs du
chapitre, 6 livres; blanchissage du linge et partie
d'entretien de la sacristie, 30 livres ; frais pour perce-
voir les petites rentes, affiches d'Auxerre, autres
charges et les 2 sols pour livre qui sont donnés à la
personne chargée des affaires du chapitre, 24 livres.
— Total, 226 livres.
En outre, le chapitre doit chaque année au curé de
Saint-Père 8 boisseaux de froment et cinq quarts de
vin.
Il reste donc 826 livres à partager et à distribuer
aux huit prébendes qui composent le chapitre, ce qui
fait pour le chantre deux cents et quelques livres à
cause de ses deux prébendes .
Produit net des dîmes et vignes du chapitre,
826 livres.
Biens du chapitre chargés de fondations :
Part du chapitre au pontonnage chargée de 4 obits
pour les quatrepremiers dimanches de Carême, 187 livres
10 sols ; le pré des Ormonaux, affermé 120 livres pour
12 services ou messes pour M. Vaillant; petites rentes
- 106-
de 5, 10 et 20 sols chargées d'obits et de messes,
100 livres ; obits, messes, services, confréries payées
au chapitre par la fabrique de Saint-Jacques, 40 l»vres.
— Total, 447 livres 10 sols.
Charges extraordinaires du chapitre :
Ce sont celles des gros décimateurs des paroisses de
Saint-Père , Siez et Pougny — contribution dans
l'église de Saint-Jacques, selon la coutume, aux livres
d'église et ornements.
Il est bon d'observer que la part des réparations de
l'église de Saint-Père est montée pour le chapitre à
432 livres, ainsi pour cette année la moitié du revenu
du chapitre passe en réparations (1).
L'abbé Pyrent accompagnait cet état de plusieurs
observations sur le peu qui lui restait. Il en résulte
que les ressources en nature ou en quêtes étaient d'un
recouvrement très difficile. Les produits des terres
exigeaient des dépenses qui absorbaient souvent le
revenu ; c'était, en réalité, la gestion compliquée de
l'exploitation agricole d'un particulier, qui ne conve-
nait pas à un ecclésiastique , surtout lorsqu'elle se
trouvait peu rémunératrice comme celle de Cosne. En
résumé, M. Pyrent se plaint de sa situation précaire
et demande la chanterie de Gien à titre de compensa-
tion.
Une autre note établit la portion congrue de la
paroisse de Saint-Aignan. En 1577, André Lambert,
curé, obtient le paiement de six septiers de froment,
trois poinçons de vin et un porc, d'après sentence de
Jean Borne, bailli de Cosne.
En 1641, le curé Charbonnier reçoit du prieur de
Saint-Aignan 50 livres par an de portion congrue.
(1) Aïs, fr. 20700, fol. ia5, 13C el 147.
- 107 -
Sur une réclamation du curé Basset en 1687, il fut
établi par jugement que les 300 livres de portion
congrue accordées aux curés, seraient payées 200 livres
par Tévêque d'Auxerre et 100 livres par le prieur de
Saint- Aignan.
De 1706 à 1710, sous le curé Gabriel-Pierre Meslin.
il y eut à ce sujet des procès suivis de saisies et autres
procédures avec le prieur et Tévêque, mais depuis
cette époque jusqu'en 1741 où M. Jolain est curé de
Saint-Aignan, la portion congrue de 300 livres a été
régulièrement payée (1).
En réalité, ces sources de revenus étaient assez
modiques, et surtout compliquées par les profits en
nature ou la gestion de propriétés. Les comptes de
recettes et de dépenses, irrégulièrement vérifiés par
exception quand il se présentait une difficulté, se
trouvaient dans un désordre qui se faisait sentir plus
durement à la fin du dix-huitième siècle où chacune
de ces lettres expose le manque de ressources ou la
diminution de recettes en présence d'une vie qui pour
tout le monde commence à devenir de plus en plus
coûteuse.
Une autre lettre du même curé Pyrent, datée du
21 mars 1783 constate la création d'un bureau de
dames de La Charité, avec réunions mensuelles et
distribution de secours aux indigents. L'idée était
venue au curé Pyrent, dans cette année où le pain
était fort cher. Le boisseau de blé valait trois livres.
La cherté des vivres avait empêché la réalisation
du projet de ces dames qui était « la suppression de
la mendicité dans les deux paroisses ». L'évoque
d'Auxerre avait contribué pour une large part à ces
(I) Les papiers de Champion de Cicé sont des copies de toutes ces
pièces concernant la paroisse Saint-Aignan. Ibid., fol. 140.
- 108-
libéralités; M. Pyrent l'en remercie en lui deman-
dant de l'autoriser à prendre les fonds laissés à
MM. Guérin et des Grands-Maisons. C'était le pro-
duit des lods et ventes de M. de La Chaussade que le
seigneur évêque avait réclamé au Trésor royal avec
tant d'insistance et qu'il rendait ainsi à la population
de Cosne ; nouvel exemple de générosité dans les
actes de Champion de Cicé et d'autant plus à son
éloge que c'était une vertu assez rare chez les prélats
du dix-huitième siècle.
— 109 —
GÉRICAULT
Sujet imposé ayant obtenu le 1^^ prix à La Pomme
Parmi ceux qu'effleura Taile d'or du génie,
Et qui — l'idée au front — sur la route infime
Se fixant une étape, allaient allègrement,
Combien, sans voir le but, ont gravi la montée ?
Combien se sont éteints avant l'heure enchantée,
Fauchés trop prématurément !
Ils portaient dans leur sein ce qui crée et féconde...
Apôtres d'un autre Art ou novateurs d'un Monde,
L'un inspiré, l'un grand, ils passaient triomphants ;
Le germe, en eux mûri, sans doute pour éclore
N'attendait qu'un rayon de la prochaine aurore
Quand au tombeau la Mort les coucha presqu'enfants I
Remuant ces débris de nos gloires brisées,
Géricault, malgré moi s'envolent mes pensées
Vers ton marbre hâtif où l'Art pleure tout bas ;
(]ar tu fus de ceux-là dont les saintes phalanges
Ont passé juste assez pour laisser à nos fanges
La trace auguste de leurs pas
Je te revois enfant, les yeux dans un Tacite,
Mais l'esprit loin ailleurs,... en un rêve où l'incite
Déjà l'instinct puissant de la vocation ;
Et, sur le cahier blanc, ou sur le livre — en marges —
Je vois courir ta plume « en de grotesques charges »
Agrémentant le texte offert en version (1).
(1) Géricault fut, paralt-il, un assez médiocre élève, plus occupé à
crayonner des bonshommes qu'attentif aux leçons de ses maîtres. -^
N. d. TA.
— 110 —
Qu'y pou\ais-tu?... Tacite, Homère: Athène et Rome,
Tu les eusses donnés certes pour un bonhomme
Sorti de Ion crayon — et point par trop bancal !
Aussi, d'Enée en pleurs à Didon Tendormeuse,
Quels soirs lourds el sans fin sous la lampe fumeuse
Du vieux Lrjcée Impérial !
Ah ! la prison d'un jour — trop étroite à ton aile ! —
De quel cœur tu la fuis, quand la voix paternelle
Vient te rendre à Tair libre ainsi qu'au libre champ !...
(Jar ce père a compris... Et dans ta main d'adulte
C'est lui — lui l'humaniste et le jurisconsulte ! 1 —
Qui mettra ce pinceau si cher à ton penchant.
... Ovide, en un endroit plein de grâce et de verve,
Montre Arachné luttant un jour avec Minerve .*
L'une a tissé le lin : l'autre a fait le cheval...
La palme est à Minerve. - Et, sur le vieux volume,
Je crois voir ton premier essai, d'un trait de plume,
Esquissant « le noble animal ! »
N'est-ce pas là qu'est né, sous la lampe hagarde,
Le Géricault futur du Chasseur de la Garde
Et le grand Géricault du Cuirufisier blessé?,,.
Mais mon esprit s'égare à rechercher les causes;
Laissons dormir Ovide et ses « Métamorphoses » :
Le pur chef-d œuvre est làl... Gloire à qui Ta laissé!
.le n'irai point non plus, sur un mode servile,
Redire ta hardiesse et ta fougue indocile,
Gomme Vernet, ton maître et comme aussi Guérin...
Loin des Phèdres et des Pyrrhus, des Clytemuestres (1)
Il fallait, Géricault, à tes pinceaux équestres
L'action et le mors sans frein!
(1) Tableaux de Guérin.
1
— 111 —
Il fallait les grands deux gris où la neige habite,
Moscou, synthétisant la Campagne maudite.
Avec — sur le sol blanc — ses rougeoîments d'enier... (i)
Il fallait la vigueur et Télan de Tattaque,
L'étendue où, là-bas sur l'horizon opaque
Tout un noir escadron meut ses anneaux de ler (2).
Et cet art indompté, pourtant comme il se plie.
Du jour que, t'attirant, la riante Italie
Développe à tes yeux l'œuvre d'un Raphaël 1...
Le démon des combats prend ses ailes à l'ange :
Sa palette devient celle de Michel-Ange,
Un idéal fait de réel !
La Renaissance a mis en lui le fécond germe ;
L'incubation lente attend encor son terme. —
Mais voici que le sang bouillonne à son cerveau . .
Ecoutez : c'est le choc et le rouli des lames !
C'est un bruit de tonnerre ouvrant la nue en flammes !
C'est la Méduse et le long cri de son Radeau !! (3).
Page émue, inouie ! à l'ampleur magistrale !
Où l'effet saisissant mêle un frisson au râle
De l'épave emportée aux vents des Océans !
Les jours sans pain, sans eau — deux atroces semaines ! —
Ont mis leur tons bleuis sur ces faces humaines,
Emacié ces corps géants !
Grouillis de chairs informe ! .. enlacement qui navre !
Où l'œil voudrait saisir ce qui n'est point cadavre
Et notre bras hisser ce nègre au mat sauveur : (4)
— « Au secours !... j> L'horizon là-bas se rassérène.
Comme un point gris un brick y berce sa carène :
C'est peut-être l'espoir ! et c'est la vie au cœur !..
(1) Le Cuirassier blessé : épisode de la campagne de Russie. — 1814.
(2) Le C?iasseur de la Gat^e. — 1812.
(3) Salon de 1819.
(4) Cest un nègre qui tient le signal de détresse.
1
- 112 —
Tout un drame est là Mieux que ne ferait la phrase
Ton pinceau haletant en dépeint chaque phase :
Et — pareils à Lazare au cercueil étendu —
Tes moribonds en proie aux affres d'agonie
Je les crois voir bondir de leur morne atonie
Au jour du signal entendu !
... Ah I pour Tenfantement, maîtres, de ces merveilles,
Qui redira jamais vos labeurs et vos veilles?...
Géricault ! qui dira ce zèle avec lequel
— Par l'hôpital infect promenant ta sandale —
Tu t'en allais quérir jusqu'à sa froide dalle
L'esquisse du cadavre attendant le scal[)el !.. fl).
Hélas, mais le succès, où le laurier s'abrite,
Chez l'homme rarement couronne le mérite ..
Et Géricault aussi connut les soirs sans pain.
Il connut le venin cuisant de l'ironie.
Il sut que l'apanage, ici-t»as, du ^énie
N'est point un apanage vain !
Le public resta froid ; la critique, mordante...
Et le maître, écœuré — tel jadis le vieux Dante —
Dut chercher d'autres cieux plus doux à son talent.
L'absence lui parut le heaume salutaire :
Il quitta son Paris pour la sombre Angleterre,
Emportant — comme I aigle atteint — sa plaie au flanc.
Sa palette est séchée. . Et vide est l'escarcelle...
La brosse et les pinceaux où son grand art excelle
Demeurent inactifs à son poing engourdi :
La défaillance encor le cloue et le tenaille...
Ne haussera-t-il plus le chef-d'œuvre à la taille
De son geste, hier, si hardi ?...
(1) Géricault s'en al la il chaque matin à riiôpital pour prendre de
esquisses de cadavres en vue de son œuvre.
— 113 —
Il faut vivre... Alors lui, le Géricault sublime,
Lui, l'auteur du Radeau que ballotte l'abîme,
Réduit au rôle exact de ces (c Montreurs de saints »,
Il obtiendra, là-bas, quelque coin de coupole
Où dérouler sa toile et mendier l'obole.
Tout comme eux ces chétifs porteurs de papiers peints !
Ingratitude humaine 1... Oui, qui donc a pu dire :
« Homme ou Dieu, tout génie est promis au martyre ? »
Lamartine, je crois... celui-là le savait ! —
N'importe. Si leur vie a bu les amertumes
Du moins, ils sont aussi des revanches posthumes
Ceux qu'un nimbe de gloire vêt !
L'homme soulTre et s'en va : l'œuvre, après lui, demeure.
Que fait au Genre humain et qu'il souffre et qu'il meure
Pourvu qu'avec lui l'Art ait progressé d'un pas ?
Et pour que tout un siècle en passant se découvre,
Géricault, c'est assez d'une toile au vieux Louvre ;
C'est assez d'un Radeau pour sauver du trépas I
Bornet, 1898.
Paul Ouagne.
^. nu, a« Bérie. 8
— 114 —
CHRONIQUE ET MÉLANGES
Depuis Tannée 1892, le comité de publication,
appelé à donner son avis, a cessé Timpression des
procès-verbaux.
Les propositions faites, les décisions prises en
séance, les communications historiques ou archéolo-
giques, les admissions et les décès de sociétaires,
toutes choses qui constituent les éléments de vie de
notre compagnie peuvent ainsi passer inaperçues dans
le registre du secrétaire, où il est difficile à chacun de
nous de les vérifier.
Les Chronique et Mélanges que nous inaugurons
aujourd'hui, termineront dorénavant chaque fascicule
de fin d'année et reproduiront les délibérations et
sujets non traités, comme les études de longue haleine
lues en séance, mais utiles à mentionner brièvement,
aussi bien pour les connaître que pour rappeler le rôle
de nos sociétaires les plus zélés.
Ce rapide résumé, comprenant les sept dernières
années, sera forcément incomplet dans sa longue
énumération :
Année 1892.
— En mars, la Société adhère au quatrième centenaire de
la découverte de rAmérique, célébré par TEspagne. M. Bazen-
nerie, des Antiquaires du centre, présente plusieurs de nos
publications avec un superbe album de la société Lamartine,
établie à Menou, près Varzy.
- 115-
— Pour l'admission des membres nouveaux, la compagnie
décide qu'ils seront présentés à une séance par deux parrain:?,
verbalement ou par lettre, annoncés dans les lettres de
convocation, et soumis au vote secret à la séance suivante.
— La situation financière, présentée chaque année, comprend
une dépense et recette de 1,700 fr. en chiffres ronds, constituée
par les souscriptions particulières, la vente de livres et la sub-
vention de 100 fr. du département.
— En juin, conformément aux statuts, le bureau, renouvdé
après sa période triennale, se compose de MM. de Lespinasse,
président ; abbé Boutillier, vice-président ; de Flamare, secré-
taire ; Gauthier, pro-secrétaire ; Duminy, archiviste-conserva-
teur; Bricheteau, trésorier.
— Les dépôts d'archives particulières dans plusieurs
châteaux du Nivernais, comme Giry, Menou, Aunay, Marcilly,
Les Bordes^ etc., sont cités au sujet d'un inventaire à faire.
M. le comte de LaRoche Aymon,sur la demandedeM. Mossot,
met ses archives de Menou à la disposition sur place.
— Notice nécrologique sur Etienne Héron de Villefosse,
ancien archiviste de la Nièvre, récemment décédé, imprimée
autre part, lue dans la séance du 27 octobre. M. de Yillefosse
a été notre confrère pendant son long séjour à Nevers où il
avait conquis de nombreuses symphalies par son aménité et le
charme de son esprit.
— A l'occasion des copies de M. le comte de Chastellux dans
Les 'procès criminels du Parlement de Paris ^ M. Adolphe de
Yillenaut cite celui du 6 octobre 1«S17 concernant Girard de
Châtillon, relatif à une affaire d'envoûtement (collection Clai-
rambault).
— Deux lectures de M. l'abbé Châtelain, professeur à
Pignelin, sur Adam Billaut, étude importante principalement
consacrée à la valeur littéraire de notre célèbre poète nivernais^
et destinée à une publication spéciale.
— Monnaies carloviugiennes, cercueils du Moyen âge et
objets gallo-romains signalés à Cosne et à Saint-Honoré par
M. Sarriau.
— Les ouvrages reçus en hommage ou en échange, tou-
jours nombreux, sont inscrits à chaque séance et catalogués*
- 116 -
— Sociétaires admis en 4892 : MM. de Frérainville, Pierre
de Rosemont, Paul Ouagne, abbé Arnaud, L. Poussereau,
Emile Mossot, comte de La Roche Aymon, Garilland.
Année 1893.
— D'après M. Adolphe de Villenaut, le signataire de la
relation des obsèques de Louis de Gonzague serait Léonard
Millin, seigneur des Bruères, en 1591 (commune de Tron-
sanges).
— Deux élèves de TÉcole des chartes nous intéressent :
M. Auguste Picart, pour sa thèse sur un seigneur niver-
nais. Bureau de la Rivière, chambellan de Charles V, qui a
joué un rôle important au XI V^ siècle; et M. Lôon Mirot, de
Clamecy, qui deviendra notre confrère et signale des tombes
préhistoriques découvertes à Clamecy.
— M. Sarriau présente la frappe nouvelle d'une médaille
offerte par les échevins de La Charité au prieur, à Toecasion
de l'abandon du droit de lods et ventes par le prieur Nicolas
Colbert, en 1699, en faveur des habitants.
— M. Giry, professeur à TÉcole des chartes, demande des
indications sur un diplôme faux de Charles-le-Chauve qui
aurait été fabriqué en 1399 par le nommé Jean Bruaeau, à
l'effet d'appuyer la réclamation des habitants d^Uray contre
l'évèque de Nevers, leur seigneur temporel. Cette pièce nous
est encore inconnue.
— Règlement du collège de Nevers en 1540, copie récem-
ment dans les registres du Parlement par M. de Chastellux,
très précieux pour la constitution de notre établissement d'édu-
cation, aujourd'hui encore situé à la même place. Ce document
déjà connu avait été publié auparavant dans la Reviie pédago-
gique de mai 1891.
— Dans les derniers mois de 1892, la Société trouvant au
module des anciens jetons l'inconvénient d'être trop grand,
trop coûteux et d'un aspect peu artistique, avait décidé l'exé-
cution d'un nouveau coin représentant, sur le droit, les armoi-
ries des comtes et, sur le revers, les monuments de Nevei-s
avec la date de fondation de la Société en 1851. Sur la demande
— 447 —
de M. de Lespinasse, M. Emile Le Vayer, inspecteur de la ville
de Paris, s'est «gracieusement chargé du dessin qui a été gravé
par M. Génot. Le type, d'une exécution satisfaisante sous tous
rapports, a été définitivement accepté, et le nouveau jeton mis
en distribution à la séance de décembre 4893. Il est décidé que
les anciens jetons de ijroiize ^cioul disUiliués aux séances et
qu'il sera échangé un nouveau jeton d'argent contre cinq
anciens de bronze. Quand il y aura lieu, la Société accordera
directement un jeton d'argent .
— Note de M. Miroi : 11 a été découvert quelques objets
en bronze dans un champ situé à six kilomètres de Clamecy,
près Pousseaux, sur la route de Coulanges-sur-Yonne, qui ont
fait reconnaître l'existence de quatre tumuli bien caractérisés,
dont l'un présente une élévation de 4'" 55 et a fourni trois
colliers en bronze mélangés à divers ossements ; l'autre, un
squelette complet sans objets. Des fouilles méthodiques pra-
tiquées sur le versant de l'Yonne, dans les grottes presque
inexplorées de Basseville, pourraient donner des résultats plus
précis.
— Note de M. de Lespinasse : La Bibliothèque nationale
{Nouv, acq. franc, ^ n® 4659) possède le catalogue de la biblio-
thèque des Bénédictins de Corbigny, format petit in-42 de
234 feuillets, portant chacun un encadrement avec formules
imprimées : République française — Liberté, Egalité — Dépar-
tement de la Nièvre. — District de Corbigny. — Les titres et
description de l'ouvrage sont écrits à la main dans le milieu
du cadre. Les numéros portés correspondent à l'ancien classe-
ment, le plus élevé est 4683. Ce sont tous des ouvrages et
mémoires historiques, par conséquent une partie seulement de
la collection du couvent. Aucun traité d'histoire locale ou
d'auteur niverna's.
C'est l'inventaire officiel des livres saisis par la Révolution
destinés à passer à Corbigny, à Clamecy et à Nevers.
— La séance du 28 décembre 4893 est tenue à l'église Saint-
Etienne. Visite des fouilles récemment entreprises devant la
façade qui ont permis de découvrir plusieurs tombeaux du
couvent primitif ainsi que les bases du porche ou nartex exis-
tant autrefois. La délibération s'engage sur cette partie
— 118 -
urieuse de notre vieille église romane et se termine par la
proposition suivante adressée au ministère :
c La Société nivernaise, convoquée en séance, après examen
approfondi des substructions mises à jour par les récents
travaux de déblaiement de la place Saint-Etienne de Nevers,
9 Considérant d'une part l'intérêt historique se rattachant au
porche ou chapiteau construit autrefois devant la façade de
TéglisOy sous lequel se sont passés pendant plusieurs siècles
trois actes solennels : lo les jugements de la justice des habi-
tants du bourg franc de Saint-EXienne ; 2» le serment des
évoques de Nevers pour l'observation des privilèges et de Tin-
dépendance des moines ; 3^ les élections des conseillers de
ville pour le quartier de la Barre,
» Et d'autre part l'intérêt artistique consistant en un monu-
ment annexe aussi rare qu'un portique roman accolé à la
façade d'une église de même style et destiné évidemment à
servir d'ornementation aux murs pleins de cette façade ; qu'il
est facile de le refaire exactement à l'aide du dessin de 1609
qui doit le reproduire avec la plus scrupuleuse vérité,
» Est d'avis que la reconstruction de ce porche, dépense peu
importante, sera le meilleur complément de la façade actuelle
restaurée, étant admis qu'il est impossible de rétablir les deux
clochers qui la dominaient, démolis en 1792 pour cause de
vétusté,
» Et émet le vœu que cette reconstruction soit comprise
dans les travaux de réparations non encore définitivement
déterminés, i»
Année 1894.
— Sous les auspices de la Société, M. d'Àssigny a exécuté à
Béard des fouilles qui ont mis à jour les substructions d'une
villa gallo-romaine. MM. deToytot, Paul Meunier, le vicomte de
Maumigny, de Flamare, Subert, de Barrau, Octave de Ville-
naut, de Lespinasse ont pris part à l'excursion organisée à
cette occasion.
— M. de Toytot communique le texte d'un marché passé
— 119 —
en décembre 1646 par un ébéniste de Moulins pour l'exécution
d'un autel à l'église de l'abbaye Saint-Martin de Nevers.
M. de Villenaut cite plusieurs autres marchés des mêmes
époques.
— La Société consulte les onze planches de médailles et
monnaies nivernaises encore inédites et dont la publication est
proposée par M. Sarriau.
L'auteur offre 200 fr., le ministère accordera également
200 Ir., la Société fera la même somme pour l'exécution de la.
photogravure de ces pièces rares et curieuses.
— Le projet d'installation des musées à la Halle appelle
l'attention de la Société sur son musée lapidaire. MM. Adolphe
de Villenaut, de Toytot et Duminy exposent les origines de ce
musée fondé par divers donateurs et réellement confié à la
Porte-du-Croux par le l)aron de Vertpré. Le projet d'ailleurs
n'a pas eu de suite.
— L'inventaire des archives du Nord signale beaucoup
de documents intéressant le Nivernais en raison du
séjour prolongé des comtes de Nevers dans les Flandres. Il
y aurait lieu de s'entendre à ce sujet avec l'archiviste de
Lille.
— M. G. Vallière est élu trésorier de la société, en rempla-
cement de M. Bricheteau qui désire cesser ses fonctions. Des
conditions nouvelles et plus avantageuses sont arrêtées pour
l'impression et la distribution du Bulletin.
— MM. Soyer et Duminy rapportent de La Guerche des
documents et des objets donnés à la société de la part de notre
ancien président, M. Roubet.
— M. Ad. de Rosemont signale les substructions mises à
jour par les travaux de la Halle qui sembleraient être les
bases de la porte épiscopale située approximativement en cet
endroit.
— Excursion à l'église romane de Champvoux avec M. de
La Rocque, architecte du Gouvernement, par MM. de Fia-
mare, Duminy, le comte d'Estampes, Subert, de Lespinasse,
reçus par M. Barreau et M. le Curé. On espère parvenir à la
conservation de ce curieux monument.
— 120 —
Année 1895.
— MM. de Rosemont et Allard sont nommés membres du
comité de publication.
— Observations sur une lettre de Marie de Gonzague rela-
tive au projet de croisade par Charles de Gonzague. Correspon-
dances de Marie Casimir d'Arquian extraites des archives des
Bordes, par M. G. Gauthier.
— M. Bonneau du Martray, envoie le plan des fouilles de
substructions gallo-romaines exécutées à Marry en 1877 sous
les auspices de la Société. Il en demande l'impression à l'occa-
sion des fouilles de Béard.
— M. Ad. de Villenaut lit plusieurs lettres de Henri IV à
Théodore de Bèze et donne quelques détails sur son abjuration
du catholicisme.
— M. Meunier communique un acte de mariage d'une
rosière à Epiry le 10 septembre 1780, fondation de la famille
Le Pelletier d'Aunay.
— Les fouilles de Champvert annoncent des substructions
gallo-romaines fort importantes. La Société confie à M. Gau-
thier l'exécution des travaux qu'il a si bien commencés.
— Sur l'origine du bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier,
Coquille et Ducange proposent le xiii* siècle, Parmentier le
xiv« siècle. M. de Villenaut cite une lettre de Philippe-le-Bel,
du 2 mars 1303, attribuant des revenus de la prévôté de
Saint-Pierre ; il n'est pas question de bailliage. D'après M. Du-
miny on ne saurait encore se prononcer définitivement. Une
charte de 1263 mentionnant des assises à Saint-Pierre par le
bailli de Bourges, cite encore le prévôt de Saint-Pierre, Robert
Bataille.
— Cosne à traves^s les âges^ étude de M. Faivre. Un travail
sur le même sujet fait par M. Parent, a dû rester manuscrit.
D'autres encore sont dus à M. l'abbé Violette, à M. Grangier
des Maliers.
— 20 mai. — Vote pour le renouvellement triennal du
bureau : président, M. de Lespinasse; vice-président, M. Ad.de
Villenaut ; secrétaires, MM. de Flamare et Paul Meunier ; tré-
sorier, M. G. Vallière ; archiviste, M. Duminy.
à
— 121 —
— A roccasion du passage du président de la République à
Nevers, la Société considère qu'étant la plus ancienne de
Nevers, elle ne saurait accepter le rang qui lui est assigné, et
ne pouvant être représentée par son président, elle préfère
s'abstenir.
— La frise du jubé de l'église des Minimes est envoyée au
musée de la Porte-du-Croux, par la municipalité de Nevers.
Les pierres de la façade sont déposées à l'hôpital.
— Bel ouvrage de M. du Broc de Segange, fils de notre
ancien vice-président : Extraits des archives de Segange^
généalogie de la famille et des alliances, correspondances, pièces
justificatives, tables, gravures de châteaux et armoiries.
— Découverte de monnaies romaines à Pouques-Lormes,
dans un champ appartenant à M. Granger et signalées par notre
confrère M. Teste. 2^000 pièces de potin, dans un vase intact à
côté d'un squelette.
— Extraits d'une importante étude sur les marchands de la
rivière de Loire, dans sa partie nivernaise, par M. Imbart de
la Tour.
Année 1896.
— M. de Toytot est élu membre du comité de publication.
— M. l'abbé Pot, curé de Magny, adresse un travail manus-
crit sur Philippe Pot, seigneur de la Roche, grand sénéchal de
Bourgogne sous Louis XI et Charles VIII (1438-1483).
— M. de Saint- Venant est élu conservateur du musée.
— La société décide l'impression du catalogue des pièces
copiées par M. le comte de Chastellux, dans l'ordre suivant :
Archives de Chastellux, pièces de fonds divers, titres de
Bourbon, Trésor des Chartes, Parlement de Paris.
— Une première allocation de 50 fr. est accordée aux fouilles
de Champvert.
— Sur la proposition de MM. Gauthier, de Toytot, de Saint-
Venant, Duminy, il sera délivré gratuitement aux instituteurs
pour les bibliothèques scolaires les fascicules où se trouve-
raient des études hisloriques relatives à leur commune.
M. Gauthier se charge d'être l'intermédiaire entre la Société et
les instituteurs.
•i
- 122 —
— M. Duminy propose Timpression de l'inventaire des
chartes données par MM. de Soultrait et Roubet.
— Notre excellent confrère Achille Millien commence la publi-
cation de la i?(?t'iic du Nivernais, recueil destiné à la poésie
ancienne et moderne de notre région, aux chansons populaires,
aux vieux souvenirs et à la littérature. Cette revue, dont le
directeur a toute notre sympathie, est accueillie favorablement
par nos confrères.
— Membres admis en d893 et 4894 : MM. Languinier,
Le Rasle, Fiot, Thonier, Henri Marandat, Henri de Lavesvre,
Léon Mirot, M. et M^o Abel Chabot, Mm* Bouquillard, Pena-
vaire, Chotaid, Vt« de Saint-Sauveur, Barreau-Chaslon, Bert
de la Bussière, Tabbé Cachet, Tabbé Trameçon. — En 1805 :
MM. Bobin, de Saint- Venant, Georges Manuel, Tabbé J.-M.
Meunier. — En 1896, M™» de Maulde, MM. Lucien Gueneau,
Sazerac de Forges. — En 1897 : MM. Badin de Montjoie,
Roblin, Tabbé Basse, vicomte Paul Benoist d'Azy, comte Jean
du Hamel de Breuïl, Antoine Boucaumont, Victor Moreau,
commandant Marochetti, Massillon Rouvet, Joseph Barreau,
François Quillier, abbé Gourlot, Le Vasseur, Mazoyer, Leroux,
Moret de Nyon.
— M. Léon Mirot, se rendant à Londres, offre de faire des
copies au Britisch Muséum.
— M. de Toytot rend compte d'un travail de M. du Broc de
Segange, sur la collégiale de Moulins.
— Observations sur des cessions de terrains faites par des
serfs au Moyen âge et sur les concessions du droit de gabelle au
comte de Nevers, au xv® siècle, par MM. de Villenaut, de Saint-
Venant, de Lespinasse et Gauthier.
-• M. Col remet de la part de M. Verni n, son beau-frère,
un certain nombre de documents provenant des archives des
Bordes ; la Société lui offre un jeton d'argent.
— Une monnaie d'argent trouvée à Champvert est attribuée,
par M. Babelon, à l'empereur Commode.
— De nouvelles copies concernant les lettres de rémission
et les arrêts crim ne s du Parlement sont adressées par M de
Ghastellux, qui se montre satisfait de la publication de l'inven-
taire de ses documents.
— 123 -
— M. de Toytot propose à la Société de reprendre les excur-
sions qui avaient lieu autrefois.
— M. de Saint-Venant rend compte du congrès des Sociétés
savantes à la Sorbonne et de l'intérêt qu'ont pris le Père de
Lacroix et M. de Villefosse aux fouilles de Champvert.
— L'église romane de Champvoux, signalée par la Société,
est classée parmi les monuments historiques.
— A. deux séances, M. de Lespinasse donne lecture d'une
étude préparatoire sur les formules des chartes nivernaises,
émanant des comtes, seigneurs, évoques, abbés et de l'origine
des chartes des oflicialités avant les notaires.
— Décès de M. le docteur Bonnejoy ; de M. Adolphe de
Rosemont, le dernier survivant des fondateurs de la Société.
— Les comptes du trésorier pour l'année 4896 sont acceptés
comme précédemment et, sur la proposition de M Duminy,
seront désormais présentés à la séance de janvier pour Tannée
précédente.
— Acte de baptême d'un Lamoignon, preuve de l'origine
nivemaise de cette famille ; observations de M. Ad. de Yillenaut
sur l'usage de donner deux parrains à un garçon et deux
marraines à une fille, jusqu'en 4610.
— Exposition rétrospective de Bourges à l'occasion du
concours régional agricole, excursion de la société à laquelle
prennent part MM. de Toytot, Octave de Villenaut, docteur
Subert, abbé Meunier, de Saint-Venant, de Lespinasse,
Grauthier, de Flamare, etc. M. de Kersers, président de la
Société des Antiquaires du Centre nous reçoit en compagnie
de son vice-président M. de Laugardière, notre sympathique
confrère et de plusieurs autres sociétaires. On visite le si
curieux hôtel Lallemant mis à la disposition des sociétés
savantes berrichonnes par la municipalité de Bourges, véritable
chef d'œiivre d'un riche bourgeois du xv® siècle ; puis nous
faisons une tournée dans les caves du palais du duc Jean, seuls
vestiges de cette splendide demeure seigneuriale dont M. l'ar-
chitecie Gauchery a donné en 1897 la restitution et un mémoire
historique très complet. Un coup d'œil ensuite aux superbes
objets d'art de l'exposition, motif de cette excursion vraiment
trop courte où il a été impossible d'examiner en détail la
— 124 —
cathédrale, le palais de Jacques Cœur, le musée de Thôtel
Cujas et les autres merveilles de la capitale du Berry.
— Cinquantenaire de la Société des sciences historiques de
l'Yonne, où MM. Ad. de Villenaut, de Saint-Venant, de
Flamare et Gauthier représentent la Société.
— Décès de notre confrère Hippolyte Blanc, ancien chef de
division aux Cultes, auteur de Jivers ouvrages sur les corpora-
tions de métiers.
— Notice nécrologique de M. le président sur M. Adolphe de
Rosemont :
« Les trois derniers fondateurs de notre Société ayant
assisté aux séanaes d'inauguration dans les premiers mois de
Tannée 1851, le comte de Maumigny et MM. Arthur et Adolphe
de Rosemont ont disparu depuis peu de temps.
» M. de Maumigny, mort très âgé en 1895, était déjà connu
dans les lettres par des études philosophiques fort appréciées ;
son goût pour la science et l'amour de son pays lui assignaient
une place tout indiquée dans cette réunion d'esprits d'élite qui
comprenait l'attrait de l'histoire et de l'archéologie provinciales.
)j Pour MM. de Rosemont, qui dépassaient à peine vingt ans
alors, il était tout à fait méritoire de se joindre à des person-
nages graves et sérieux qui pouvaient ne pas répondre aux
préférences et aux entraînements de leur jige.
X» Un voyage en Italie fait avec notre président fondateur,
Mb'"" Crosnier, avait provoqué de leur part cette décision : Nous
allons en Italie comme dans une province voisine; nous fon-
dons des sociétés, des bulletins, des revues, des journaux qui
vivent et disparaissent, donnant la preuve d'une activité dévo-
rante.
» En 1851, époque pourtant peu éloignée de la nôtre, les
voyages d'étude, les travaux intellectuels rares et compliqués,
mais assurément plus durables, indiquaient chez leurs auteurs
l'initiative et la puissance d'esprit qui manquent souvent
aujourd'hui dans la confusion où nous jettent la variété inûnie
des préoccupations et des affaires.
» En parcourant les premiers volumes de nos bulletins, je
remarquais à chaque instant les expressions de sympathie,
- 125 -
d'éloges, d'intérêt pour ces communications historiques, et
littéraires où chacun luttait de science et de travail pour
mériter l'approbation de ses auditeurs.
» C'est dans ce milieu que vivait le confrère dont nous rejjret-
tons la perte. Adolphe de Rosemont, à partir de son retour
d'Italie en juillet 1852, assiste très régulièrement aux séances
de la Porte-duCroux.
» Dès 1854 il prend place au bureau comme secrétaire ; en
1856, il donne un recueil de poésies nivernaises duxvi® siècle ;
aux élections du 14 mai 1857, on le choisit déGnitivement
pour secrétaire et il remplit ces fonctions jusqu'en 186ÎÎ.
» Assidu et zélé pour les intérêts de la Société, il y mettait
l'esprit pratique et la ténacité qui faisaient le fond de son carac-
tère. La rédaction des procès-verbaux, l'impression du Bulletin,
les fréquentes observations qui en résultaient, constatent à
chaque volume la part importante qu'il prenait à nos travaux.
C'est grâce à ses démarches que la Société obtint pour La
Faïence et les Faïenciers, de M. du Broc de Segange, la subven-
tion qui lui permettait de terminer une aussi belle publication.
» Adolphe de Rosemont^ réélu secrétaire le 7 mai 1863, insista
pour être déchargé de ses fonctions. C'était l'époque des amé-
liorations agricoles auxquelles il allait consacrer ses rares
apiitudes intellectuelles ; mais s'il cesse de figurer parmi les
membres du bureau, il s'échappe fréquemment des occupations
qui l'absorbent dans ses champs pour assister à nos séances,
écoutant toujours d'une attention soutenue nos études histo-
riques, discutant avec sagacité les points qu'il trouvait obscurs
et obligeant parfois les auteurs à donner à leurs mémoires
l'exactitude et la précision qu'il est difficile d'obtenir.
» La valeur comparée des livres tournois et parisis, des forts
nivernais et des nombreuses monnaies ayant cours dans notre
province, comme l'estimation des choses aux diverses époques,
l'intéressaient vivement, et il ne laissait jamais passer une
occasion de demander des renseignements détaillés sur les
points exposés.
» En 1887, il a recueilli beaucoup de documents sur l'abbaye
de Saint-Martin de Nevers qu'un de nos confrères pourra certai-
nement utiliser plus tard (t. XIII, p. 146), et en dernier lieu il a
— 126-
publié un article sur une lettre de Marie de Médicis à Charles de
6onzague(t. XVI, p. 234,1895). Bien qu'il ait rarement écrit dans
le Bulletin^ il comptait parmi les sociétaires les plus actifs ; il
aimait notre compagnie qu'il considérait comme sa famille
scientifique, et vous le compreniez, messieurs, j'ose le dire, en
lui témoignant la sympathie et la confiance qu'il vous inspirait.
» Laissez-moi finir cette courte notice parun souvenir per-
sonnel. Lorsqu'en 1889 vous m'avez fait l'insigne honneur de
me nommer président, vous avez désigné Adolphe deRosemont
pour me souhaiter la bienvenue au nom de la compagnie.
)) En accomplissant pour la mémoire de ce cher confrère et
ami, la mission de faire auprès de vous son éloge, ce souvenir
particulièrement doux m'est aussi d'une profonde tristesse ;
Adolphe deRosemont vient de succomber à la suite de longues
et atroces souffrances, dont nous étions témoins chaque jour,
et qui l'ont terrassé à un âge où nous pouvions espérer le
conserver encore longtemps. j>
— M. de Saint- Venant présente au nom de M. Busquet,
notre confrère, des fragments de poterie découverts sur
l'emplacement de l'ancienne cité de Barbarie.
— M. de Lespinasse distribue aux membres présents un
album de jetons extraits de ses volumes sur Les Statuts des
Métiers de Paris.
-^ Visite d'une statue de la Vierge, achetée par notre confrère
M. Joseph Barreau.
— Verrerie de La Nocle ayant exécuté des vitraux pour
la cathédrale d'Orléans, au xyii® siècle; demande de
M. Vignat.
— Rectification par M. Ad. de Villenaut des inscriptions
tumulaires de Guy de Digoine, dans l'ancienne église d'Uxeloup,
et de Jean de Châtillon-en-Bazois.
— Superbe boîte à couteaux en porcelaine de Saxe, fond
blanc avec décoration de fleurs d'une finesse admirable, les
panneaux et couvercle en parfait état ainsi que les dix-huit
couteaux. Livred'heures du xvi® siècle imprimé avec belles enlu-
minures et encadrements coloriés à la main. Ces deux précieux
objets présentés par notre confrère M. Languinier.
- 127 ~
— Description de l'état actuel du château-fort de La Forèt^
commune de Saint-Sulpice.
— M. de Saint- Venant expose divers objets rentrés récem-
ment au musée de la Porte-du-Croux. Depuis que notre zélé
conservateur a pris la direction du musée, il lui a donné un
tout autre aspect. L'espace manque au dernier point dans notre
vieille tour militaire, les objets sont entassés et ne peuvent
être mis en situation d'être examinés comme ils le méritent.
Cependant ils ont déjà pris une valeur réelle ainsi présentés et
ils rachètent un peu l'oubli dans lequel la ville laisse les autres
musées restés à sa charge.
— Extraits du travail de M. Imbart de la Tour sur Lfs mar-
chands de la rivière de Loire en Nivernais.
— M. l'abbé Cachet présente un sceau de Biaise deRabutin,
baron d'Huban.
— Echange de publications entre la Société et le Comité des
Monuments historiques.
— Décès de M. l'abbé Boutillier, chanoine honoraire, ancien
vice-président de la Société, le 20 novembre d 897.
 ses obsèques, M. René de Lespinasse a prononcé le discours
suivant :
n Messieurs,
» Aux larmes d'une nombreuse famille, aux pieux et dou-
loureux souvenirs du clergé nivernais, nous venons joindre les
sincères regrets de tous ceux qui, dans ce pays, ont aimé et
cultivé les sciences historiques.
)) La vie de l'abbé Boutillier a été consacrée tout entière à
trois choses qu'il mettait presque au môme niveau : l'affection
de sa famille, le respect de son devoir de prêtre, le goût pas-
sionné de l'étude.
» Il a occupé une telle place dans nos recherches historiques,
il a découvert et rendu à la vie de la science tant de faits et de
documents, que nous ne pouvons quitter ce modeste savant,
ce dévoué et laborieux confrère, sans rappeler en quelques
traits l'importance de la tâche qu'il a remplie parmi nous.
9 La ville de Nevers lui doit le classement et la publication
de ses archives communales et hospitalières, œuvre de grande
- 128 -
utilité pour l'histoire locale qui lui a demandé bien des années
de travail ; il a publié la Monographie des chapelles de Sainl-
Cyr, des études sur les représentations des Mystères au Moyen
âge, des notices très étendues sur les gentilshommes verriers
en Nivernais, et une foule de travaux sur des questions d'his-
toire, où la sagacité de Térudit répondait à la patience du
chercheur. ç
» Parmi les objets anciens, il avait une préférence très
marquée pour la sculpture, les émaux, la numismatique. La
collection d'œuvres d'art et de monnaies qu'il avait patiem-
ment formée a été la grande préoccupation de son esprit, la
douce et pure satisfaction de ses pensées, la vraie consolation
de ses chagrins.
» Il était l'un des membres les plus zélés de la Société
nivernaise de la Porte-du-Croux, dont il fut vice-président
durant de longues années.
j> Ses derniers temps ont été tristes ; moins favorisé par la
Providence que tant d'autres savants qui presque jusqu'à leur
fin conservent encore les précieux charmes de l'existence
studieuse, il dut renoncer depuis déjà longtem{)s à tout
travail de tète, aux éludes d'art et d'histoire qui l'avaient tant
séduit autrefois. Il se résigna en prêtre et en chrétien.
» Imitons son exemple : courbons nos fronts devant l'autorité
suprême qui dispose de nous comme elle l'entend, et cherchons
à marquer par des œuvres utiles, comme l'a fait notre cher et
humble confrère, notre court passage ici-bas. »
M. de Lespinasse a rappelé dans la notice suivante les
travaux de notre regretté confrère :
« Messieurs,
)) La carrière d'historien et d'érudit de l'abbé Boutillier est
contenue presque tout entière dans le Bulletin de notre
Société.
» Elu membre titulaire le 6 décembre 4861, alors vicaire à
Fourchambault, il s'était d'après les termes du procès-verbal
déjà occupé d'une manière toute spéciale d'archéologie.
- 129-
» Il publia l'année suivante quelques pièces de vers d«
M. Mathey, prêtre nivernais en 1812, et une étude assez
documentée sur les contres ou gardiens de l'église Saint-Cyr^
depuis le xiii^ siècle.
» En 1867, il fut chargé du classement des archives muni*
cipales de la ville de Nevei^, laissées jusque-là dans un aban-
don complet.
» Nous y reviendrons plusieurs fois^ mais constatons en passant
que Ton doit cette importante décision à l'administration de
M. Boucaumont, alors député et maire de Nevers.
9 II publia de suite plusieurs extraits deces archives iMonitairê
ou curieux procès-verbal de police du 5 mars 1689 ; Inve^itaire
de divers objets appartenant à Vhôpital Saint-Didiery au
xvc siècle ; Passage de saint Vincent Ferner à Nevers^ en
14d7, et plus loin à Decize, dans la même année ; Anciens
comptes (les Receveurs de la ville de Nevers, au xiv* siècle,
relatifs aux dépenses de construction de la Porte-du-Croux, de
1394 à 1417 environ. Ces précieux documents offraient à notre
Société un intérêt de grande valeur historique en permettant
de dater d'une façon certaine notre beau morceau d'architec-
ture militaire (d).
> Le 13 mai 1869, M. Boutillier était élu bibliothécaire-
archiviste, fonctions qu'il remplit avec zèle et dévouement
jusqu'en 1880. Il n'en continuait pas moins ses investigations
historiques dont il entretenait constamment nos séances ,
offrant ainsi à la disposition d'autres travailleurs les docu-
ments qu'il avait dépouillés avec une ardeur persévérante :
Notes sur la mort de Vévèque apostat Jacques Spifame^
en 1669 ; Comptes de dépenses pour le passage de troupeê
à Nevers au xvii^ siècle; puis un travail très important
intitulé Mémoire sur les anciens vocables des autels et cha-
pelles de la cathédrale de Nevers (2), où l'auteur fait preuve
d'une réelle érudition et de recherches étendues. Notre
président-fondateur avait publié assez longtemps auparavant,
en 1854, la Monographie de la catliédrale de Nevers, en
(i) Bulletin, t. V, pp. 77, i86, 188, 435»
{^) Ibid,, t. VII, pp. 294 à 3d4.
T. viu, 3" aéne. 9
— 130 —
un beau volume imprimé par la Société nivernaise en dehors
de son Bulletin. Les vocables des chapelles étaient un com-
plément utile et précieux de ce grand ouvrage.
j» Il continue ses communications de documents par : Une
Requête aux échevins de Nevers, en 1622, de l'imprimeur de
Nevers ; et, en d689, d'un maître es arts où sont donnés plu-
sieurs renseignements sur l'état de la ville ; de Jean Alasseur et
Dupont de Saint-Pierre, émailleurs à Nevers, en 4704; Note
y. sur Imbert d'Anlezy, auteur d'un album de dessins sur la
Fortune ; Lettres d'affaires du dernier duc de Nivernais^ où
Ton voit ses rapports avec les officiers de la ville à la fin du
xviiio siècle ; Mystères et moralités du Moyen âge joués aux
entrées des princes dans la ville de Nevers ; Concordai entre
le curé de Saint-Pierre de Neve^'s et ses paroissiens y en 1494 ;
hiscription 7'omaine découverte à Monceaux-le- Comte, men-
tionnant les opifices loricari du paysEduen; Discussion
sur les peintres des fresques de Saint-Père, Batiste Gherar-
dini et Sabatini ; Anciennes marques des boulangers de
Nevers.
» En même temps, les Inventaires des archives commu-
nales et hospitalières de Nevers furent imprimés par ses soins
en 4876 et 4877, sur le plan officiel des inventaires et aux
frais de la ville, en deux grands fascicules in-folio.
"» On voit par cette longue nomenclature quel riche parti
il avait tiré des archives soumises à sa direction ; ces sujets
isolés et ne se rattachant pas à un ensemble ne contiennent
ordinairement que l'exposé d'un document avec les éclaircis-
sements nécessaires, mais tels qu'ils sont ils offrent des res-
sources réelles pour Thistoire locale et réponJent bien au
genre adopté dans les bulletins ou revues des sociétés savantes
de province.
» Cependant, un sujet qui le préoccupa longtemps parut en
4879 sous le titre de : Drames liturgiques et rites figurés ou
cérémonies symboliques dans V Église de Nevers.
» Le goût des recherches et ses connaissances spéciales des
usages de l'Église lui permirent de mener à bien une étude
aussi ardue où les représentations des principales fêtes de
l'année étaient suivies et racontées avec une grande sûreté de
- 131 -
détails. Aujourd'hui, le public qui revient aux mystères,
apprécie l'intérêt de pareils sujets.
» Notre président-fondateur, M»' Crosnier, mourut le jeudi
2 septembre 1880. La Société chargea l'abbé Boutillier de faire
la notice sur la vie et les œuvres du vénérable ecclésiastique
dont il avait été l'admirateur et le fidèle soutien. 11 y mit toute
son âme et toute la sagacité de son esprit. La Société le remer-
ciait ensuite en le nommant vice-président aux élections du
4 novembre 1880.
)) L'abbé Boutillier continue ses études et ses lectures
sur les sujets archéologiques et religieux qui avaient ses
préférences. En voici les titres : Prédicateurs de Nevers réiri-
hués par les écheinns, de iS95 à il90 : — V auteur de la méri-
dienne de la cathédrale ; c'est un certain du Bouys en 1781 ;
— Les Livres de famille dans le Nivernais ; — Observations
sur le Dictionnaire de Godefroy; — Quelques documents
relatifs à la cathédrale de Nevers du xi« siècle; —
Documents inédits sur les Etais-générauj: de i560 à i651y
aux archives communales de Nevers; — Ueuhles précieux
de Ms^ Arnaud Sorbin et de Claude Gascoing, en i606.
y> Au douzième volume du Bulletin on trouve :
» Les jeux de paume à Nevers; — Une signature du poète
Adam Billault; — Le desfy de la mort par M^^ Sorbin; —
Ivoire latin du Musée de Nevers; — Notice sur M. Vabbé
Lebrun^ proviseur du lycée de Nevers; — Reliquaire de
Gabrielle Andrault de Langeron^ abbesse de Notre-Dame^ et
Histoire des gentilshommes verriers et de la verrerie de
Nevers,
D Cette industrie, aussi florissante en Nivernais que la
faïence, a laissé de nombreuses traces dans les registres
paroissiaux et les minutes des notaires, à l'aide desquels la
statistique de la verrerie a pu être dressée. On y voit les
Sarode, sous Henri IV, les Ponté, Castellan, Perrot, deBorniol,
Massard, se rattachant tous plus ou moins à une origine
italienne comme nos faïenciers. L'intervention généreuse des
comtes de Nevers ; les rapports commerciaux avec les verreries
de Normandie et de Lorraine. Les fournitures de verrerie
I
- 132 —
faites à divers seigneurs soDt autant de preuves à l'appui de
rhistoire d'un art curieux et intéressant pour notre province.
L'étude est d'un réel mérite, appuyée sur les documents,
enrichie de plusieurs gravures de pièces rares, historique et
artistique, ainsi que le sujet le comportait.
)) Le chapitre V, traitant principalement des diverses verre-
ries de la région et des familles de verriers, fut un complément
demandé par la Société, et l'auteur, en reconnaissant les nom-
breuses lacunes laissées après de si minutieuses recherches,
s'estime heureux d'avoir signalé cette branche d'art si féconde
et encore si peu explorée.
» Après cet important travail, l'abbé Boutillier publia encore
quelques articles (t. XIII) : Les Exercices publics au collège de
Nevers, qui eurent un certain succès au congrès de la Sor-
bonne ; — Faïences d'Apponay et de La Nocle; — Pèlerinage
de Sainte-Reine d'Alise; — Le dernief Obituaire de Vabbaye
de Notre-Dame ; — Le Trésor de la cathédrale de Ncvers.
)) (T. XIV) Meubles et effets du château de Nevers en il93.
— Anciens fondeurs de cloches niveimais,
)) Nous sommes en 1892 ; sa santé, déjà fortement ébranlée,
ne lui permet plus de se livrer à ses études favorites ; jeune
encore, il se voit contraint de renoncer à toute fatigue intel-
lectuelle et ses dernières années se passent tristement dans
une complète inaction. Jusque-là travailleur opiniâtre, compul-
sant les moindres documents qui lui tombaient sous la main,
ne laissant échapper aucune note, aimant avidement le vieux
et le beau sous toutes ses formes, recherchani les chartes, les
monnaies, les fragments de sculpture, les objets d'art, il y
acquit la notoriété de l'érudit de province. Dans sa modeste
cure de Coulanges-les-Nevers, il lui manquait pour ses tra-
vaux, les livres, les répertoires, les grandes collections, les
dictionnaires spéciaux indispensables pour fixer l'esprit et la
méthode ; il lui manquait aussi les voyages qui, en mettant les
monuments et les objets sous les yeux de l'archéologue, faci-
Utent le travail de la mémoire et assurent les points si utiles de
comparaison. »
■
— Décès de M. Adolphe de Villenaut, vice-président de la
— 133 —
Société, le 28 novembre 1897. La cérémonie funèbre a eu lieu
en Téglise de Varennes et Tenterrement au cimetière de
Nevers.
Après les dernières prières, M. de Lespi nasse a prononcé
Tallocution suivante :
« Messieurs,
» Devant cette tombe si subitement ouverte, vous êtes tous
frappés de la soudaineté des desseins du ciel.
ift II y a six jours à peine, Adolphe de Villenaut, plein de
vie et de santé, âgé de soixante ans seulement, se trouvait au
milieu de nous, prenant part à nos travaux, à nos réunions, à
Texistence active de notre époque. Qui de nous aurait cru
qu'aujourd'hui nous le conduirions à sa dernière demeure ?
» C'était un caractère à Tàme trempée, rompu aux exigen-
ces de la vie, formé par les épreuves et les obstacles des cir-
constances. Il se destinait à la carrière d'ingénieur et, à sa
sortie de l'Ecole centrale, il occupa diverses situations où il
manifesta rapidement de grandes qualités de travail unies à de
rares aptitudes.
» 11 ne pouvait être apprécié à sa valeur dans ces fonctions
aussi variables qu'incertaines. La vie privée de la famille,
l'administratioli d'une fortune importante et ses goûts stu-
dieux lui réservaient dans son pays de bien plus puissants
attraits.
B Ses nombreuses et brillantes alliances, ses belles relations,
ses facultés remarquables lui ouvraient toutes les portes, mais
il était convaincu qu'un homme vaut surtout par le travail et
les mérites qu'il sait lui-même acquérir.
» Nous l'avons vu mener tout de front, la direction sage et
habile de ses affaires , l'étude des questions agricoles qui
intéressent à un si haut point notre contrée, les recherches
historiques qui offrent les satisfactions les plus pures de l'esprit,
les choses d'art qui séduisent l'âme et le cœur.
» Adolphe de Villenaut se montrait supérieur en tous ces
sujets, sans vanité, sans jactance, sans pédanterie, mais avec
cette certitude de jugement qui caractérise les esprits sûrs de
ce qu'ils avancent.
- 134 —
» n fera un vide réel dans notre pays où il occupait une
grande place et surtout dans notre compagnie de la Porte-du-
Groux. dont il était un des membres les plus assidus et les plus
zélés. Nos confrères l'avaient choisi pour les fonctions de vice-
président qu'il remplissait avec un dévouement absolu, mettant
à la disposition de tous ses notes, sa mémoire et son
expérience.
» L'histoire des familles anciennes de la province n'avait
guère de secrets pour lui. Il préparait depuis longtemps les
généalogies des familles nivernaises, étude d'ensemble et
consciencieuse, basée uniquement sur preuves certaines, qui
devait être pour notre province un véritable monument histo-
rique.
» Nous espérons que son œuvre ne restera pas inachevée.
» Sa vie a été brisée avant l'heure, interrompue subitement,
pour le bonheur des siens, pour le bien de son pays, pour
l'honneur de la science.
Y Et nous qui restons après lui, pénétrés de respect pour les
cruelles décisions de la Providence, nous lui adressons avec
le suprême adieu le témoignage d'un chagrin sincère et d'un
pénible serrement de cœur. »
— Dans une des séances suivantes, M. le président a exposé
ainsi l'œuvre de notre regretté confrère :
c Messieurs,
» Adolphe de Yillenaut faisait partie de la Société nivernaise
depuis 1869. A Toccasion d'une excursion en Morvao, il
publia une note sur l'industrie métallurgique gauloise au
mont Beuvray, où ses connaissances spéciales lui furent d'un
grand secours.
> L'année suivante, il étudiait les cessions territoriales dans
notre histoire, article de fond qui lui valut une réplique égale-
ment imprimée de M. de Maumigny. Puis il fait un charmant
récit de la légende de Clèves au château ducal de Nevers, oà il
rappelle les gracieux souvenirs des aventures du Moyen âge.
» Adolphe de Yillenaut, alors inspecteur du travail des
enfants dans les manufactures, restait éloigné du Nivernais,
- 135 —
cependant il songeait déjà à son grand travail et, en 1887, il
imprima dans notre Bulletin des fragments de généalogies sur
quelques familles nivernaises. Ses matériaux sur cet immense
sujet étaient déjà considérables ; il faisait part à la Société,
dans les séances, des épisodes ou faits curieux qui se présen-
taient dans ses leciierciies coniine : la correspondance de
J.-J. Rousseau avec plusieurs familles de la province ; — un
duel à Poiseux sous Louis XIV, véritable bataille en champ
clos entre plusieurs gentilshommes nivernais poir venger une
affaire de famille; — origine des usages de bois, question très
curieuse intéressant nos communes nivernaises et qui s'est
toujours conservée parmi les habitants ; — la seigneurie de
Brinon-les-Allemands, occupée par plusieurs familles diffé-
rentes pour finir avec les Jaucourt dont le dernier (de 1757
à 1848), mêlé à tous les événements de son époque, fut le type
des liommes c à opinions successives :d.
» Tantôt Adolphe de Villenaut étudie nos registres-terriers
du Nivernais dont il avait compulsé un si grand nombre ; il en
fait ressortir Tintérèt et la valeur historique. Tantôt il expose
la vie et les aventures d'un seigneur de Gours-les-Barres, dit
le Barrois, qui contribue à arrêter l'invasion anglaise au
XIV* siècle, tantôt il décrit les affranchissements de serfs
en rapprochant entre eux ces curieux actes de philanthropie.
> Pour lui, l'histoire était une source de faits dont il fallait
tirer des enseignements utiles. Dans les actes les plus arides,
dans les circonstances les plus obscures, il savait trouver le
mot propre, le fait saillant qui lui permettait de poser une
déduction.
» £n examinant les nombreuses particularités de notre liis-
toire locale, il avait cherché sa voie et fut frappé de l'oubli dans
lequel on laissait les familles et le rôle qu'elles avaient joué
dans la formation et le progrès des peuples. Il voulut démon-
trer cette influence par les filiations des possesseurs de fiefs,
les seules que l'on puisse établir et il y serait parvenu
s'il avait pu mettre la dernière main à ce beau travail d'en-
semble.
^ Je crois devoir indiquer ici, pour l'honneur de sa mémoire,
quelques-unes des appréciations historiques qu'il comptait
— 136 —
appuyer sur les documents et exposer le but, l'intérêt et la
haute valeur de cet ouvrage.
» Seul parmi les provinces de France, le Nivernais a
conservé son autonomie féodale jusqu'en 1789. Les comtes et
les ducs de Nevers se succédant et se continuant jusqu'à la
Révolution^ présentent cet exemple peut-être unique d'une
dynastie nivernaise aussi vieille et aussi longue dans la durée
de ses droits que la dynastie capétienne.
» A l'exemple des ducs de Bourgogne, les comtes de Nevers
de cette maison tenaient une cour fastueuse où l'on voit figurer
les gentilshommes de la province. Les hautes charges de cette
cour, plus stable que celle de Charles-le-Téméraire, moins
éphémère que celle du duc de Berry, fixèrent en Nivernais la
plupart des anciennes familles.
» Leurs apanages importants les obligeaient à une fière exis-
tence seigneuriale. Elles constituaient par elles-mêmes de
petites dynasties locales dont les filiations remontent jusqu'aux
temps les plus reculés du Moyen âge. Tels les Saint- Verain,
participants des premières croisades, dont la baronnie devint
plus tard une des chatellenies du duché ; les des Barres, les
Chastillon-en-Bazois, les sires de Norry et de Vendenesse, de
Crux, Thianges, Anlezy, etc. Les La Rivière qui, à la fin du
xvp siècle, avaient encore à Champlemy un état de maison
si important qu'on dirait une petite coir avec ses officiers et
commensaux, et encore les autres seigneurs de grandes terres
comme Saint-Gratien, Asnois, Huban, Champallement, etc.
» Adolphe de Villenaut estimait que l'histoire du Nivernais
comprend d'une part l'histoire générale de la province avec ses
cités, leurs institutions ou leurs organes ^t ^l'autre part l'his-
toire particulière de chacune des divisions féodiles de son
territoire. Celle-ci se déduit naturellement de la généalogie
des anciens seigneurs qui marque avec précision les muta-
tions, les réunions ou les démembrements des fiefs et des
seigneuries.
» Les noms de lieu réunis en table permettent ensuite de
reconstituer facilement toutl'historiquede ces diverses localités.
» Les titres de famille relativement peu nombreux dans le
dépôt des archives de la Nièvre se retrouvent en grande quan-
— 137 -
tité au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale,
où bien peu de provinces sont aussi honorablement repré-
sentées que le Nivernais.
9 Pendant vingt-cinq ans, Adolphe de Villenaut avait com-
pulsé ces précieux dépôts, copié ou analysé ces titres ou extraits
concernant nos vieilles familles nivernaises. L'immense série
des pièces originales rangées par ordre alphabétique de noms
de personnes, les collections Gaignières et Clerambault, les
manuscrits de dom Villevieille et.Cafûaux, les catalogues des
preuves pour Saint-Cyr, les écuries du roi, les écoles mili-
taires. Tordre de Malte, les ordres du roi et autres lui ont
fourni nombre de documents s*ajoutant à ceux déjà recueillis à
Dijon, aux archives de la Bourgogne et dans le précieux inven-
taire de Peincedé.
» Parmi ces familles nivernaises, les ui^s comme les
Damas-Crux, La Tournelle, Veilhan, Chéry, La Bussière,
Charry, La Ferté, etc., se sont continuées jusque dans les pre-
mières années de n'»tre siècle et même jusqu'à nos jours. La
plupart tombèrent en quenouille à une époque plus ou moins
reculée, d'autres fi mil les leur ont succédé, disparaissant à leur
tour pour être remplacées de la même manière dans leurs
seigneuries de jour en jour plus démembrées. Mais le lien
filiatif n'avait pas été détruit, le nom seul était changé par le
fait des dernières héritières. Le pefit-ûls du dernier possesseur
porte alors le nom d'une autre famille noble, souvent moins
ancienne ou moins importante, quelquefois encore existante
aujourd'hui. De sote que pour faire un ouvrage instructif,
complet et parfaitement cohérent dans toutes ses parties, on ne
pouvait omettre ces dernières familles au risque d'éveiller bien
des susceptibilités. Il fallait donc réunir, dans un même cadre,
foutes les familles nivernaises présentant des caractères dis-
tinctifs communs et n'appartenant qu'à elles.
» Leurs généalogies se succèdent par ordre alphabétique.
L'auteur s'abstient de considérations ou d'appréciations per-
sonnelles ; il établit les origines et les filiations avec la plus
scrupuleuse exactitude; il énumère les titres, les distingue
des pièces suspectes ou falsifiées et laisse au lecteur le soin de
se former une opinion.
— 138 —
» Dès le xvi« siècle, bien des familles seigneuriales se
trouvaient fort obérées. Les serfs, colons ou tenanciers, béné-
ficiant des avantages offerts par les coutumes et devenus riches
par le progrès du comraeix^, obtinrent de se libérer en mon-
naies relativement dépréciées. Les seigneurs n*y pouvaient
rien changer. Les serfs achetèrent d'abord leur affranchisse-
ment, puis leur maison avec ses terres et dépendances, puis de
vastes étendues de terre, le seigneur se réservant seulement
l'ancienne terra indominicata du Moyen dge, à laquelle
appartenaient les droits de justice et les privilèges seigneu-
riaux.
» Sous Louis XIV, ces ventes, devenant de plus en plus fré-
quentes, on voit surgir comme surnoms de famille, chez les
nouveaux acquéreurs des noms de localités uon encore attri-
bués à l'onomastique nivernaise. En même temps, des alliances
se produisaient entre les familles des anciens et des nouveaux
acquéreurs. Celles-ci sont l'objet de généalogies sommaires et
de notices plus succinctes à l'occasion des autres noms qui s'y
rencontrent. Le Nobiliaire niveniais contiendia donc une
grande quantité de noms et intéressera directement beaucoup
plus de familles.
D Un ouvrage de ce genre, aussi éloigné du dénigrement que
de la flatteiie, n'a aucun rapport avec les recueils similaires.
La rigueur des documents est sa seule base et comporte une
exactitude scrupuleuse où la bonne foi et la sincérité ne sau-
raient même pas être en cause. Mais quel labeur, quelle
patience pour se reconnaître dans les noms et dans les dates,
pour éviter les confusions parmi les personnes et les localités
de même nom.
j> Outre ces généalogies historiques, Adolphe de Villenaut
avait préparé les biographies des hommes célèbres de la pro-
vince, comme les frères Jean et Bureau de La Rivière, cham-
bellans de Charles V, et inhumés à Saint-Denis en 1400; le
seigneur des Barres, dit Le Barrois, qui guerroya contre les
Anglais; Pierre de L\ Tournelle qui abattit le cheval du comte
de Boulogne, à la bataille de Bouvines, et Guillaume, célèbre à
la cour des ducs de Bourgogne, qui ramena en 1420, à Dijon, le
corps de Jean-sans-Peur ; Jacques de La Fin, seigneur de La
— 139 —
Nocle, qui prit part à plusieurs conspirations sous François II
et Henri III (élude publiée en 1895 dans le Bulletin du Comité
des travaux historiques) ; François Savary de Brèves, comte
de Maulevrier, ambassadeur à Gonstantinople, auteur en 1604
d'un traité très avantageux pour la France, (Relations des
voyages de M. de Brèves, Paris 1628, in-4o) ; enfin, certains
personnages des familles nivernaises de Blanchefort, Blosset,
La Platière et autres. '
» Ce chapitre, consacré aux illustrations de notîc province,
devait marquer la fin et comme le couronnement de cet impor-
tant ouvrage que malheureusement Adolphe de Villenaut laisse
interrompu. Je me suis borné à en tracer les grandes lignes ;
mais ce qu'il est impossible d'exposer et d'établir c'est l'im-
mense somme de travail qu'il a fallu pour amasser les maté-
riaux et documents de toute sorte, classés dans des dossiers et
soigneusement conservés, qui permettront à l'un de vous,
messieurs, d'achever cette grande œuvre si belle et si utile
pour l'histoire de notre province. y>
— La Société historique de l'Orléanais invite notre Société
aux fêtes de sa cinquantaine en janvier 1898.
— M. Vicior Moreau fait don du titre de la justice d'Armes
et Chevroches en 1469.
Année 1808.
— Monnaies romaines d'Algérie et monnaies asiatiques du
Tonkin données par M. Marochetli.
— M. Cheminade est élu membre du comité de publication.
— Une somme de 200 fr. est accordée par le ministère
pour la continuation des fouilles de Champvert et 50 fr. par la
commune.
— M. Mirot propose la publication des chartes de l'abbaye
de Bellevaux.
— Morceaux de tapisseries retrouvées par M. de Saint-
Venant à la porte du Croux.
— Inscription d'une maison fondée par les capucins à
Fougues, en 1587, offerte par M. Paul Usquin.
— 140 —
— M. de Saint-Venant expose divers objets trouvés dans
le déblaiement du marché Saint-Arigle, tuiles, carreaux et
tombeaux carlovingiens.
— La statue d'Yolande de Bourgogne est en partie recons-
tituée.
— Election triennale du bureau : président, M. de Lespi-
nasse ; vice-président, M. de Flamare ; secrétaire, M. Paul
Meunier ; conservateur, M. de Saint-Venant ; bibliothécaire,
M. Duminy ; trésorier, M. Vallière.
— Démolition des restes du vieux château des comtes de
Nevers, fragment intéressant de Tarchitecture civile du
xii« siècle. Sur les instances de M. Massillon Rouvet, la
Société s'adresse aux Antiquaires de France et à l'adminis-
tration des Beaux-Arts pour en obtenir la conservation. Un
grand nombre de sociétés de province auxquelles on avait
envoyé cette protestation s'associent à une démarche qui
méritait sous tous rapports d'aboutir à un meilleur résultat.
— Fragments informes faisant partie des tapisseries de
Marie d'Albret, retrouvées à la Porte-du-Croux , par M. de
Saint-Venant et ravivées de façon à les reconnaître, surtout
un monogramme. La Société les offre à la ville pour les joindre
aux autres morceaux.
— Les jetons d'argent, pendant le courant d'une année
seulement, pourront être vendus aux sociétaires au prix de
trois francs l'un. Il sera offert des jetons de bronze ou d'argent
aux donateurs, même étrangers à la Société, pour documents
ou objets donnés au musée. Ces jetons pourront au besoin
être échangés contre des publications , sur l'observation de
M. Gauthier.
— Excursion aux fouilles gallo-romaines de Champvert.
Y prennent part : MM. de Lespinasse, de Toytot, Subert,
Victor Moreau, de Maumigny, de Saint- Venant, de Flamare,
de Villenaut, Leroux, Poussereau, Joseph Barreau, Gauthier,
de La Taille, Cachet, Basse, Roblin, d'Assigny, Aug. du
Verne, etc. Les piscines , les conduites d'eau et l'ensemble
des débris sont étudiés avec grand intérêt. Un déjeuner de
vingt couverts est servi dans la salle de la mairie, à côté d'un
petit musée formé de tuiles, poteries et fragments de mosaïque.
- 141 —
M. le président et les membres de la Société félicitent M. le
maire et M. l'instituteur de CJiampvert de leur zèle pour les
découvertes archéologiques et du succès qui couronne leurs
elForts. Notre confrère^ M. Lhuiséier, curé de Champvert, a
décrit en un charmant article paru dans La Croix du Nivernais
rintérèt et les curiosités de cette station gallo-romaine. M. Mas,
le savant météorologiste et plusieurs amateurs des environs
s*étaient joints à nos sociétaires. M. Tabbé Lemoine, curé de
Decize, venu également à Champvert, a bien voulu nous
montrer la curieuse crypte de Téglise Saint- Are, où sont de
beaux bas-reliefs et les ruines imposantes du vieux château.
— Congrès de la Société française d'archéologie, à Bourges.
MM. de Saint- Venant, de Lespinasse, de Flamare, Gauthier
et le chanoine Sery y assistent ; M. Gauthier reçoit une médaille
d'honneur pour les fouilles de Champvert. Entre autres
curiosités des environs de Bourges on est allé voir les ruines du
vieux château, l'église avec ses chapelles romanes et gothiques
interverties, la vieille halle et le beffroi de Dun-le-Roi ; l'église
romane de La Celle-Bruère; le merveilleux château de Meillant,
bâti par le cardinal d'Amboise, à l'imitation du palais de
Jacques-Cœur. Les congressistes au nombre de plus de cent
y ont été gracieusement reçus par le marquis et la marquise
de Mortemart qui ont laissé visiter leur demeure princière dans
ses admirables détails. Une autre excursion s'est dirigée
sur Saint- Amand-Montrond, coquette petite ville où Ton voit
une belle église romane, puis à Drevant où se dressent les
ruines encore imposantes et parfaitement reconnaissables d'un
théâtre romain construit presque dans les dimensions des
arènes ; enfin à l'abbaye de Noirlac présentant un ensemble
complet , avec l'église du xiu« siècle , les cloîtres ornés
d'arcades gothiques, salles de chapitre, réfectoires et dortoirs,
le tout admirablement conservé dans un abandon qui en
augmente encore le charme.
Environ trente congressistes viennent visiter les monuments
de Nevers et sont reçus à la Porte-du-Croux. On leur montre
Saint-Cyr, Saint-Etienne, le palais ducal et l'hôtel Maumigny.
— La Société souscrit à l'album En Nivernais^ par notre
regretté confrère Charles Le Blanc-Bellevaux»
- 142 —
— MM. de Lespinasse, Leroux, Subert et de La Taille
font partie d'une commission pour indiquer au Touring-Club
les antiquités locales.
— Saizy, Sacciacunij doit s'écrire de préférence avec un z,
tant à cause des origines du mot que de la prononciation popu-
laire, selon M. l'abbé J.-M. Meunier.
— Objets anciens trouvés à Vieux-Moulin chez M. Ponceau,
monnaies romaines trouvées à Spouze, près Ougny, présentés
par M. de Flamare.
— M. Bridet, curé de Saint-Bonnot, offre à la Société une
charte d'affranchissement de 1549 et une copie des remon-
trances du Tiers-Etat.
— Excursion à La Charité. MM. le comte d'Estampes,
Perrier, Gauthier, de Toytot , de Flamare, Subert, de Saint-
Venant, Leroux, Benoist d'Azy, Col , de Lespinasse , abbé
Meunier, Victor du Verne, Le Gorbeiller, Duminy, Massillon
Rouvet, Victor Moreau, etc., ont visité les propriétés parti-
culières faisant partie de l'ancien monastère ou de l'église ;
les tympans, le grand clocher, les chapiteaux romans, la
maison du prieur, les cloîtres, et les tours de l'enceinte
fortifiée. M. le docteur Cortet , maire de La Charité ,
M. Lebœuf, adjoint, et M. l'abbé Cassan, vicaire, remplaçant
M. le curé, ont accompagné nos archéologues avec une extrême
bienveillance. La Société leur accorde des jetons d'argent à
titre de remerciement.
— Sociétaires admis en 1898 : MM. le comte d'Hunolstein,
Le Gorbeiller, Vicaire, de La Taille , abbé Lhuissier, Joseph
Boigues, baron Benoist d'Azy, colonel de Courson, Lebœuf.
— Etude des parties romanes de la cathédrale de Saint-Gyr ;
la Société se transporte sur place pour entendre les observa-
tions historiques et archi tectoniques de MM. le chanoine Sery
et Massillon Rouvet.
Dans cette nomenclature sèche et succincte, plusieurs faits
et événements concernant la Société ont été nécessairement
omis. Le long espace de temps qui s^est écoulé depuis ces
dernières années sera mon excuse auprès de nos confrères
dont je n'aurais pas cité l'intervention. En maintes circons-
- 143 —
tances il est fait dans les séances des remaix{ues judicieuses
et des exposés historiques qu'il est impossible ensuite de
résumer. D'autre part, les articles publiés dans le Bulletm et
formant quatre volumes (XIV à XVIIy montrent que notre
compagnie ne reste pas inactive.
Les séances et les lectures qui y sont faites, les excursions
et l'attrait qui s'y attache resserreront encore les liens formés
entre nous par la sympathie de goût pour l'art, les mœurs et
l'histoire de notre vieille province.
R. DE L.
- 14S-
NOTICE
SOR
LA BIBLIOTHÈQUE DE NEVERS
Jusqu^à la Révolution, il n'exista à Nevers, ainsi
d'ailleurs que dans la presque totalité des villes de
France^ aucune bibliothèque publique. La plupart des
établissements religieux, alors si nombreux, avaient
bien des collections de livres à l'usage des membres
de chaque communauté, et qui étaient, avec la plus
grande libéralité, ouvertes aux étrangers eux-mêmes ;
mais elles n'étaient pas, à proprement parler, publi-
ques, puisque la permission de les consulter tenait
uniquement à la bienveillance des supérieurs, qui
pouvaient la retirer quand bon leur semblait.
Parmi les établissements ecclésiastiques de Nevers^
deux, avant 1789, possédaient des bibliothèques d'une
certaine importance : l'abbaye Saint Martin et le
Chapitre de la cathédrale. Elles étaient peu anciennes
et avaient été formées en grande partie dans le courant
du dix-huitième siècle. L'évêque Charles Fontaine des
Montées, célèbre par son inépuisable charité et ses
aumônes, que Parmentier qualifie d'incroyables, avait
embrassé avec ardeur les idées jansénistes : la lutte
était alors fort vive entre les partisans de cette doc-
trine et les membres de la Compagnie de Jésus.
Aussi fonda-t-il, pour l'opposer, pour ainsi dire, à
T. vui, 3* séné. 10
■
\
\
celle que dirigeaient déjà les Jésuites dans sa ville
épiscopale, une école de théologie qu'il établit au
couvent Saint-Martin. « accordant aux étudiants la
liberté de choisir Tune ou l'autre, môme de les suivre
toutes les deux s'ils le jugeaient à propos i».
Ce prélat mourut le 10 février 1740, léguant aux
chanoines réguliers qui habitaient cette abbaye tous
ses livres de théologie, de morale et d'histoire ecclé-
siastique, à la condition formelle qu'ils resteraient à la
libre disposition des jeunes étudiants qui se desti-
naient à l'état ecclésiastique. Ces livres, paraît-il,
étaient en nombre considérable.
Charles-Sébastien-Bernard de Cléry , successive-
ment avocat en parlement, puis chanoine à Nevers, où
il mourut le 2 septembre 176S, était un grand amateur
de livres; il réunit une bibliothèque importante et
assez variée, autant qu'il est possible de s'en rendre
compte par les volumes qui ont échappé à la disper-
sion et que nous possédons encore ; elle comprenait
surtout des ouvrages de théologie et de jurisprudence,
mais aussi un certain nombre traitant d'histoire, de
géographie, de littérature et môme de sciences. En
1765, il fit don d'une partie à ses collègues, qui
créèrent, à son intention, le titre de bibliothécaire du
chapitre, dont il jouit jusqu'à sa mort; il leur légua le
surplus par son testament.
Nous ne possédons aucun renseignement sur les
bibliothèques des autres établissements religieux de la
ville.
Les communautés religieuses ayant été supprimées
par les décrets de l'Assemblée constituante, il fallut
nécessairement s'occuper de ce que deviendraient
toutes les richesses littéraires et artistiques accumulées
dans les couvents ; un décret du 14 novembre 1789
avait déjà ordonné que tous les monastères ou cha-
— 147 —
pitres 011 il existait des bibliothèques seraient tenus
de déposer aux greffes des sièges royaux ou des muni-
cipalités les plus voisines, des états et catalogues des
livres qui se trouvaient dans ces bibliothèques et de se
constituer gardiens des livres et manuscrits compris
dans ces états.
Des lettres-patentes du roi, duâ6 mars 1790, donnè-
rent Tordre aux officiers municipaux de se transporter
dans la huitaine dans toutes les maisons de religieux
de leur territoire, afin d'y dresser, « sur papier libre
et sans frais, un état et description sommaire de
l'argenterie, argent monnayé, des etiets de la sacristie,
bibliothèque, livres, manuscrits, médailles, et du mo-
bilier le plus précieux de la maison, en présence de
tous les religieux ». Des instructions détaillées furent
adressées à tous les officiers des municipalités, relati-
vement à la confection de tous ces catalogues et à la
conservation des livres et manuscrits. Il ne semble pas *
qu'en ce qui concerne les bibliothèques, on ait mis une
diligence extrême à exécuter ces ordres, car les assem-
blées révolutionnaires se virent dans l'obligation de
les renouveler plusieurs fois. Bientôt, les objets saisis
chez les émigrés, les prêtres insermentés et les
condamnés, vinrent augmenter les dépôts appartenant
à la nation ; on comprend que dans la fiévreuse agita-
tion qui s'était emparée des esprits et au milieu des
bouleversements si subits et si nombreux qui s'effec-
tuèrent à cette époque, les membres des municipalités
aient négligé ces instructions et consacré leur temps à
des occupations qu'ils considéraient pour la plupart
comme bien (lus importantes.
Le 8 pluviôse an II (^7 juin 1794), la Convention
rendit un décret dont voici quelques dispositions :
« Article premier. — Aussitôt après la publication
-- 148-
du présent décret, les administrations du district, en
conséquence des instructions ci-jointes, feront dresser
un recoleraent des inventaires qu'elles ont dû faire, des
livres et manuscrits et de ceux qu'elles sont tenues de
faire encore des livres des ci-devant corps et commu-
nautés ecclésiastiques, ainsi que des condamnés dont
les biens sont confisqués : ensemble des objets d'his-
toire naturelle, des instruments de physique, de méca-
nique, des antiques, médailles, pierres gravées,
tableaux, dessins, gravures, plans, cartes et autres
monuments des arts et instruction qui leur appar-
tenaient , et en feront parvenir une copie au
département et une autre au comité d'instruction
publique.
» Art. 2. — Les administrations de district propo-
seront, parmi les édifices nationaux situés dans leur
arrondissement, un emplacement convenable pour y
établir une bibliothèque ; elles en enverront au dépar-
tement l'indication, avec le devis estimatif de la
dépense nécessaire pour recevoir la bibliothèque et les
autres objets désignés dans l'article premier.
» Art. 6. — En conséquence de l'article premier, il
sera sursis à toute vente de livres provenant des émi-
grés et de tous autres objets rares et monuments ins-
tructifs énoncés au même article.
» Art. 8. — Pour procéder aux inventaires et
recolements des catalogues prescrits par les articles
précédents, les administrations d î district nommeront
des commissaires hors de leur sein, en se concertant
avec les sociétés populaires.
» Art. 9. — Ces commissaires se conformeront ,
pour ces opérations, à l'instruction qui sera adressée
au district par le comité de l'instruction publique ;
leur travail sera terminé dans les quatre mois, à comp-
ter delà publication du présent décret, et l'indemnité
- 149 —
qu'ils recevront des administrations de district ne
pourra excéder cinq livres par jour.
» Art. 11. — Aussitôt après que la composition de
chaque bibliothèque de district aura été déterminée, il
en sera formé un catalogue exponible aux yeux du
public, et il en sera envoyé une copie pour éire déposée
au district et une autre au comité d'instruction
publique.
» Art. 13. — Les bâtiments servant à chaque
bibliothèque, ainsi quaux établissements existants
d'instruction publique, seront entretenus des deniers
publics, l'administration et la police réglemen-
taires appartiendront à la municipalité des lieux,
sous la surveillance de l'administration de dis-
trict. »
A Nevers, on désigna d'abord, pour y déposer le
contenu des bibliothèques des communautés religieuses
supprimées et des émigrés, une des salles de la maison
des ci-devant bénédictins du prieuré Saint-É tienne
quon garnit de rayons, sur lesquels les livres
furent jetés pële-môle, au fur et à mesure de leur
arrivée.
Le 8 juillet 1791, les administrateurs du Directoire
commirent Leblanc- Laborde, homme de loi « dont
rintelligence et les talents sont connus », à l'effet de
mettre de Tordre dans le fouillis qui en résulta, de
ranger tous ces livres et d'en dresser le catalogue. Il
lui fut alloué six livres par jour, à condition qu'il
consacrerait à cette besogne tout son temps, « depuis
les huit heures du matin jusqu'à midi, et depuis deux
heures jusqu'à six heures ».
Le local choisi était loin d'être suffisant pour conte-
nir tout ce qui provenait des maisons religieuses ; une
partie fut portée dans les dépendances du collège ; un
— 150 —
procès-verbal d'un des membres du Directoire, du
3 août 1791, nous indique en quel état.
(( Nous, Michel-Pierre Champrobert, nous sommes
transporté, en exécution de la délibération du district
de Nevers de ce jour, au collège de Nevers, où nous
avons trouvé rar>nsieur Maublanc. commissaire départi
par la municipalité de Nevers. dament convoqué, et
le sieur Mercier, ci-devant principal; lequel nous a
conduit dans une salle dudit collège, au second étage,
donnant sur le jardin, où il nous a mis en évidence
plusieurs livres dans le plus grand désordre, épars sur
le carreau, dont nous n'avons pu que faire le compte,
qui s'élève à 224 volumes in-folio et 572 in-octavo,
in-douze et in-seize, dont nous avons dressé le procès-
verbal. » .
C'est ainsi qu'étaient exécutés les ordres de l'Assem-
blée constituante : les commissaires se contentaient de
constater en bloc le nombre des volumes, l'état de désor-
dre dans lequel ils se trouvaient ; mais ils ne prenaient
aucune mesure pour y remédier. Quant à la collection
la plus importante de la ville, celle des chanoines de
la cathédrale, faute d'autre emplacement, on la laissa
dans la salle qu'elle occupait avant la Révolution, dans
un bâtiment appartenant au ci-devant chapitre, situé
place de l'Evêché, et dont le surplus servait de loge-
ment au receveur du chapitre.
Ce qui devait servir de bibliothèque publique se
trouva ainsi dispersé en trois locaux ditférents, sans
aucune surveillance effective.
Dans les autres districts du département, on ne
semble pas avoir procédé avec plus de soins et plus de
zèle qu'à Nevers ; on hésita avant de choisir rempla-
cement définitif de la bibliothèque ; les livres furent
déposés sans aucun ordre et, au bout de peu de temps^
— 151 —
laissés à un abandon complet et à la discrétion de
quiconque voulait s'introduire dans le local qui lui
était destiné. La lettre suivante, écrite le 24 décem-
bre 1816 par le maire de Coibigny au préfet de la
Nièvre, nous apprend ce que devint l'une de ses collec-
tions^ et nous pouvons soupçonner par là ce qu'il en
fut des autres : « Je ne croyois pas qu'il y eût encore
un fond de bibliothèques provenant des cy-devant
Bénédictins de cette ville, mais je sçavais que son
emplacement dépendait de la partie Je leur maison
concédée à l'établissement du barras, et dont toutes les
communications intérieures avec l'autre partie ont été
murées ; il était aussi à ma connaissance, monsieur, et
cela d'après les oui-dire du temps, que cette biblio-
thèque n'avait jammais beaucoup eu de livres de litté-
rature et d'agrément, et que ceux de cette espèce qui
n'avaient pas été emportés par lesdits religieux à leur
départ, avaient disparu aux époques les plus orageuses
de la Révolution. J'ai pareillement ouï-dire, monsieur,
qu'un grand-vicaire de ce diocèse (M. l'abbé de Roas),
délégué soit par M. le Préfet, soit par M. l'Évéque,
était venu dans cette commune il y a environ cinq ou
six ans, pour visiter ladite bibliothèque et en retirer
ce qui s'y trouvait de meilleur.
» Je suis allé voir, monsieur, aussitôt qu'il m'a été
possible, cette bibliothèque, où monsieur l'agent
comptable des barras tient son bureau ; tous les rayons
du bas sont vides et servent à placer les cartons et
papiers de l'établissement: les rayons du haut sont
pleins de livres placés pôle-môle et dans tous les sens ;
monsieur l'agent comptable m'a dit avoir passé plu-
sieurs jours pour examiner, à l'aide d'une échelle, les
intitulés de ces livres, dont les trois quarts sont en
iatin ; et que tous étaient des ouvrages de controverse,
pour la plupart dépareilles.
— 152 —
» Une partie de ces livres est couverte en parche-
min, et dans ceux autrement reliés, qui m'ont aussi
paru d'une grande vétusté, beaucoup sont déchirés sur
le côté et aux angles.
» J'ai désiré connaître les intitulés de plusieurs de
ces livres, dont le nombre est d'environ un mille ; le
premier qui a fixé mon attention, comme étant de
meilleure apparence, était une dissertation incomplète
de dix ou douze volumes in-quarto sur la bulle Uni"
genîtus. Nous avons ensuite déplacé plusieurs autres
livres au hasard, çà et là. dans chaque rayon ; les uns
étaient des homélies en latin, les autres des confessions,
des commentaires, la plupart en latin, et avec de
longs intitulés qui, probablement, n'ont pas plu aux
amateurs des livres mondains.
» Peut-être ont-ils pensé que des livres incomplets
ne valaient pas, pour cette seule raison, les frais
d'emballage et de transport! Quant à moi. monsieur,
malgré que je suis persuadé du mérite de ces livres,
dépareillés en partie, et que je respecte infiniment, les
matières qui y sont traitées, je n'en voudrais point, je
ne dirai pas pour la peine, mais seulement pour le
danger d'en faire le catalogue. Tous ces vieux livres
qui depuis longtemps n'ont pas été soignés, renfer-
ment une poussière pestilentielle, qu'il ne serait pas
salutaire de respirer longuement ; leurs feuillets pour-
raient même vicier les épices et le tabac que Ton y
envelopperait. Joignez à cela, monsieur, que pour
appareiller tant délivres afin den composer le cata-
logue, il faudrait les placer sur le carreau, position
pénible pour ce travail et surtout en hiver ; en outre
que chaque ouvrage incomplet exigerait que l'on tînt
tous les volumes les uns après les autres, et jusqu'au
dernier, pour chercher celui qui manquerait et que
l'on ne trouverait peut-être pas.
- 153 —
» Enfin, monsieur, comme il me semble que le fond
de la bibliothèque dont il est question est d'une faible
valeur numéraire, ce que Ton peut faire vérifier par
quelque libraire instruit, et qu'il serait assez naturel
que cette valeur quelconque tournât au profit de notre
église qui est très pauvre, je désirerais qu'il plût aux
autorités, d'après une visite et appréciation de ladite
biblioth^que par les experts qu'elles nommeraient à cet
effet, d'ordonner que la vente en serait faite sur les
lieux par M. le Juge de paix du canton, et que le prix
en serait versé dans le tronc de l'église de cette com-
mune, pour être employé, sous l'inspection de M. le
Curé, en l'acquisition de quelque linge, nappe d'autel
et aube, dont notre église est totalement dénuée. »
Ainsi, à cette époque, il ne restait plus, de tous les
ouvrages qu'avait contenus l'antique abbaye de Corbi-
gny, que quelques livres dépareillés. Qu'étaient deve-
nus les autres? Ils n'étaient pas arrivés à Nevers,
puisque la bibliothèque de cette ville ne possède
aujourd'hui qu'une dizaine de volumes provenant de
cette collection. Comme le dit le maire, ils avaient été
emportés soit par les religieux eux-mêmes, soit par
toute personne ayant eu la fantaisie de s'en emparer.
Les rayons du bas avaient été complètement vidés, les
autres n'étaient restés garnis que parce que Ion n'avait
pas voulu se donner la peine qu'aurait nécessitée l'enlê^r
vement des ouvrages qui les couvraient. Ces livres, que
M. le Maire dédaignait tant, quoiqu'il respect&t infini-
ment les matières qui y étaient traitées, étaient encore
au nombre de 2021. Ils furent vendus au mois de
mai 1817 aux enchères, avec autorisation de la préfec-
ture, la plupart au poids, à raison de 6 centimeSi
6 centimes et demi et 10 centimes la livre. Le prix
total s'éleva à 208 fr. 25 c, qui furent donnés à la
bîbliothèqtie de Nevers pour qu'elle les employât à
l'acquisision de divers ouvrages.
On ne s'occupa plus des collections des livres de
Nevers jusqu'à l'arrivée dans cette ville du citoyen
représentant Foucher, envoyé en mission dans les
départements du Centre. Le 16 août 1793. il manifesta
au conseil du département l'intention « d'établir une
bibliothèque publique dans le collège de Nevers,
composée de tous les livres dépendant des biblio-
thèques des religieux ou religieuses supprimés^
ainsi que des émigrés ». Le dépôt du prieuré Saint-
Etienne fut donc transporté au collège, mais l'ancienne
bibliothèque du Chapitre resta encore séparée. Un
concours fut indiqué pour la place de bibliothécaire,
fonction qui devait être attribuée au mérite seul et
iion à là faveur. Lé choix du jury chargé de désigner
au citoyen représentant le nom du plus digne parmi les
candidats, se poVta sur François Moreau, beau-frère
d'un personnage important de Tépoque. Soit que le
choix de la commission ait été influencé par cette
considération, soit pour toute autre cause, le nouvel
élu se montra absolument incapable, ne s'occupant
nullement de ses fonctions, et ayant même remis les
clés du local où étaient déposés les livres entre des
mains étrangères. Aussi, le 2 frimaire an II, les admi-
nistrateurs le remplacèrent-ils par Nicolas l.iboron
Villers, ancien chanoine de Nevers, en lui adjoignant
comme commissaire Ignace - Mauguin Degautière,
aussi ex-chanoine.
Les choses changèrent immédiatement; les nou-
veaux commissaires se mirent aussitôt à l'œuvre, ran-
geant les livres, cataloguant les ouvrages, veillant
avec soin à la conservation de ce qui avait échappé
m désastre.
' i^e 30 thenfaîdbr aà H, tes membres ^ c(mrité
— 455 -
d'instruction publique écrivaient aux administrateurs
du district de Nevers : « Citoyens, le comité d'ins-
truction publique a reçu le catalogue annoncé par
votre lettre du 14 de ce mois : les cartes sont très bien
faites et le catalogue est conforme aux instructions du
comité. Nous ne pouvons qu'inviter votre commissaire
à continuer son travail avec le même zèle et la môme
intelligence. Signé : Mathieu et Grégoire ».
Le décret de la Convention du 21 prairial, an III,
permit de rendre aux enfants ou héritiers des condam-
nés les biens meubles et immeubles frappés de confis-
cation Cette disposition fut étendue aux héritiers des
prêtres déportés. Dès lors, les réclamations affluèrent
en restitution de livres, manuscrits et objets d'art qui
avaient été saisis pendant la tourmente ; jusqu'à
Tan IV, 2608 volumes furent ainsi redemandés à la
seule bibliothèque de Nevers. On trouve, parmi les
réclamants, des prêtres tels que Paul Lejault et les
héritiers de Pierre Chezeau ; des femmes ou héritiers
d'émigrés, ainsi Marie- Victoire Prisye, femme de
François Saulieu ; de simples citoyens, tels que
Nicolas Périgord, coiffeur à Nevers. La plupart de ces
livres furent rendus à ceux qui purent établir leurs
droits d'une façon quelconque.
Ces demandes se prolongèrent pendant un temps
assez long ; le 24 septembre 1808, Guy Pépin, ancien
curé, énonçait dans une plainte au préfet de la Nièvre
que, c( à l'instant de sa déportation, le sieur Gallois,
prêtre marié, s'empara, sans aucune autorisation, de
tout son mobilier, qu'il pilla et dilapida tellement, que
sur le cri public, plainte fut portée contre ledit Gallois,
qui fut constitué prisonnier en vertu d'un mandat
d'arrêt. Cette procédure n'eut aucune, suite parce que
les événement», devinrent favorables au système de
dilapidation. Au retour de la départation, le prêtre
- 156-
Pépin réclama, en vain, contre la dilapidation illégale
de son mobilier, en valeur de 8 à 9,000 fr. Il sut.
par la procédure dirigée contre Gallois, que ses livres,
au nombre de 450 volumes, avaient été remis au dépôt
public, ainsi que tous ceux des prêtres déportés comme
lui. » En conséquence, il demandait la restitution de
ces volumes. Le 13 août 1823, était encore faite une
restitution à M. de Chaligny, sous-préfet de Château-
Chinon ; il en fut ainsi dans les autres districts du
département. Le 19 ventôse, an V, Tadministration de
La Charité rendit à François-Augustin Marille, ci-
devant curé de Vielmanay, 608 volumes ; les adminis-
trateurs de MoulinS'Engilbert constataient, en Tan V,
que les réclamations d'un certain nombre de familles
avaient réduit d'une manière considérable le nombre
des livres de leur bibliothèque.
A la création des écoles centrales départementales,
la bibliothèque de Nevers prit le nom de bibliothèque
de l'école centrale. Villers fut maintenu dans ses fonc-
tions le S6 messidor, an IV. Elles avaient été d'abord
gratuites : quelques mois plus tard, il adressait la lettre
suivante à l'administration : « Le 28 frimaire an II
de la République, l'administration du district m'a
nommé commissaire à la bibliothèque: elle ne me
proposa pas d'indemnités, je n'en demandai pas, accou-
tumé à une vie simple et frugale, sans passions, sans
fantaisies ; je comptais avec peu suffire à ma dépense ;
les comestibles ayant, depuis peu, augmenté dans une
proportion plus que décuple, les autres objets de pre-
mière nécessité étant devenus encore plus chers, je me
suis trouvé hors de tous calculs et de toutes mesures.
Dans l'urgence du besoin, j'ai pensé qu'il était de la
franche probité républicaine de vous demander le
salaire de mon travail plus tôt que de m'endetter
davantage^ d'aller d'emprunt en emprunt et de finir de
-167-
me mettre dans l'impossibilité de remplir mes engage-
ments. » Il fut fait droit à sa demande.
Le Irical où avait été transporté la bibliothèque était
loin d'être confortable, d'après ce que disaient les
commissaires dans un rapport non daté, mais qui doit
être de l'an IV : « Les livres sont depuis plus de deux
ans dans la môme salle, exposés à l'humidité qui leur
est si dommageable, à la moisissure qui en est l'effet
nécessaire, aux ravages des insectes et des rats, qui,
produits, attirés par la p&te du papier, dans un bâti-
ment mal clos et tombant de vétusté, se multiplient
avec une fécondité dont nous ignorons la progression
et le terme
0 Les différentes bibliothèques particulières avaient
été enlevées sans inventaire et entassées péle-mèle
dans des caveaux ou des galetas. Il était bien instant
de ne pas laisser des livres sur des carreaux ou des
dalles plus basses au-dessous du niveau du sol exté-
rieur; l'administration arrêta, le 2 prairial, an II,
qu'ils seraient transportés dans la salle où, au ci-devant
collège, se distribuaient les prix de chaque année
scholastique ; aussitôt, nous en fîmes garnir tout le
pourtour de sept rayons de hauteur : il n'en a coûté à
la République que la main-d'œuvre; les croisées
étaient sans vitres, nous les fîmes fermer à claire- voie
par des espèces de lattes de chône de deux à trois
pouces de large, suffisamment espacées pour qu'il
pénétrât plus qu'un demi-jour. Ce n'était pas défendre
les livres de la neige et de la pluie ; mais au moins
cette clôture nous assurait qu'on n'entrerait pas sans
effraction. Il n'y a que l'urgence du besoin qui ait pu
déterminer le district â prendre pour emplacement
une aussi misérable masure. La salle de la biblio-
thèque, qui est un quarré long, est toute décarrelée;
on ne peut y marcher sans se couvrir de poussière et
de plutras^ Le mur- latéral, qui a pour aspect- le
nord-est-nord, est hors de son aplomb de 12 à 15 pouces
et il y a plus de dix ans que cette partie du bâtiment
dû ci-devant collège a été condamnée comme menaçant
de sa chute les citoyens qui oseraient y entrer ou
passer par la rue Mirangron. »
On le voit par cette description, un changement
d-emplacement était absolument nécessaire pour la
bibliothèque si Ton ne voulait pas compromettre tout
ce qui avait pu être sauvé, d'autant plus qu'on espérait
voir augmenter le nombre des volumes d'une manière
considérable.
En effet, après avoir résolu qu'il serait formé une
bibliothèque dans chaque district, on s'était aperçu de
la difficulté d'une pareille création ; les éléments
manquaient pour l'établissement d'aussi nombreuses
collections, qui devaient être formées souvent dans de
toutes petites villes et quelquefois même dans de
simples villages. Grâce à la façon dont avaient été
exécutés les ordres de l'Assemblée constituante, le
nombre des ouvrages destinés au dépôt public se
trouvait beaucoup plus restreint qu'on 1 avait pensé.
De plus, de nouvelles circonscriptions territoriales
avaient remplacé les districts ; on projeta donc
l'établissement d'une bibliothèque par département
seulement. Le 1«' prairial, an IV, les commissaires
présentèrent aux administiateurs de la Nièvre un
projet ainsi conçu :
« Toutes les bibliothèques restées dans les districts
seront transportées à Nevers et réunies à la biblio-
thèque centrale établie dans ce département.
» N. B, — Nous ne connaissons pas. citoyens admi-
nistrateurs, vos moyens économi(iues pour diminuer
les frais de transport, seulement nous vous observerons
qp^ Ifoiï pourrait faireT servir aux. caisses^ d'omballa^.
les rayons des bibliothèques, s'ils ne sont, com.m& à;
Nevers, que des vieilles planches, et les caisses ne coû-
teront que la main-d'œuvre, »
Mais on se rendait compte que si Ton faisait venir à
Nevers les bibliothèques des districts en entier, il se
trouverait une quantité d'ouvrages en double et môme
en triple ; que d'un autre côté, un grand nombre de
ces volumes, alors dépareillés, ne valaient môme pas le
transport. Il fut donc convenu que l'on ne prendrait
pour le chef-lieu que les livres qui méritaient réelle-
ment de figurer dans un dépôt public. Des inventaires
de ce qui restait de leurs collections furent demandés
aux municipalités, et Manguin-Degautières, qui avait
succédé à Villers comme bibliothécaire, chargé de
faire un rapport sur les ouvrages inscrits dans ces
catalogues qui seraient, d'après lui, dignes d'être
transférés à Nevers. Cosne répondit que sa biblio-
thèque était établie dans la maison des ci-devant
Augustins, et qu'elle comprenait celle de l'abbaye de
Roches, celle des Augustins et celle de Dubois-Des-
cours, émigré ; qu'un catalogue avait été dressé pour
Roches seulement, mais on ne l'envoya pas. La Cha-
rité, Corbigny et Clamecy envoyèrent ce qu'on leur
demandait. Il est curieux de voir l'appréciation de
Mauguin-Degautières sur ces diverses bibliothèques,
dont, sauf pour Corbigny, on ne possède même plus le
catalogue :
« Canton de La Charité. — Bibliothèque des ci-
devants Bernardins, de Bourras. 48 volumes méritent
seuls des frais de transport : les autres ouvrages qui
composaient la bibliothèque de ces ci-devant religieux
ne sont d'aucune valeur.
)> Le catalogue des ci-devants Bénédictins de La
Gbarité est composé de 1250 numéros ; il n'y en a que
43 à retenir ; il est étonnant de ne pas trouver dans
cette bibliothèque ni ouvrage de littérature, ni d'bis*
toire; pas même les grands orateurs chrétiens. Elle ne
contient en masse que des livres de mysticité et de
controverse ancienne qui, probablement, n'étaient pas
plus lus que consultés.
» Dans les 986 numéros qui composent le catalogue
de la bibliothèque des ci-devant Récollets de La
Charité, il n'y en a que 33 qui méritent le transport
dans la bibliothèque générale. Le surplus n'est corn*
posé que d'ouvrages fastidieux et peu propres à Tins,
truction.
» La bibliothèque des ci-devant Chartreux de
Bellary, composée de 446 numéros, est celle qui
fournit à la bibliothèque générale les meilleurs
ouvrages, quoiqu'il n'y ait que 30 numéros dignes du
transport ; cependant on y trouve les grands oi*ateurS
chrétiens : les Bourdaloue, les Bossnet, les Fléchier,
les Fénelon et les meilleures éditions; mais, comme
ces ouvrages existent déjà dans la bibliothèque, il est
inutile d'augmenter la partie la plus volumineuse du
dépôt général.
» Canton de Corbigny : Bibliothèque des ci-devant
Bénédictins de Corbigny. — Il est étonnant de ne pas
trouver, dans la bibliothèque d'une communauté qui
jouissait de si grands biens, les belles éditions des
Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur ; il est
instant de faire venir les ouvrages indiqués par les
numéros ; le surplus de cette bibliothèque ne mérite
pas le transport.
» La bibliothèque des Chartreux de Lormes n'était
pas considérable ; trois articles seulement sont dignes
du transport; mais tous trois sont infiniment pré*
tieux»
- 161 —
» Canton de Clamecy. — Ce canton n'a fait par-
venir que deux catalogues, sçavoir : celui de la biblio-
thèque des ci-devant Récollets de Clamecy et celui des
ci-devant Chartreux.
» Examen fait de ces deux catalogues et après avoir
suivi exactement ces numéros par nom alphabétique
d'auteurs, il n'a pas été possible d'y trouver un
ouvrage digne d'être placé dans la bibliothèque. C'est
un amas de questions théologiques, d'ouvrages de
mysticité, de jansénisme, dont les éditions sont aussi
mauvaises que les ouvrages ont occasionné de troubles
et de désordre dans la société. »
Pour ces dernières bibliothèques, les administrateurs
du canton intérieur de Clamecy les appréciaient aussi
peu que Manguin ; ils écrivaient le 20 messidor an V :
« Conformément à votre lettre du 29 prairial an V,
nous vous adressons l'état des volumes qui se trouvent
dans la bibliothèque du ci-devant district de Cla-
mecy ; nous aurions désiré pouvoir faire un inventaire
désignatif des ouvrages ; mais, comme ils sont presque
tous gaulois, il nous est impossible de les lire. Quant
aux monuments des arts, il n'en existe aucun.
» Veuillez nous indiquer ce que nous devons faire
de cette énorme quantité de bouquins, qui, ne pouvant
être d'aucune utilité, occupe néanmoins des apparte-
ments chez un particulier qui exige des loyers bien
supérieurs à leur prix.
» Etat des liores qui se sont trouvés dans la biblio-
thèque nationale du ci-devant district de Clamecy. —
1® 148 gros in-folios contenant des écrits des Saints-
Pères et docteurs de l'Eglise, presque tous latins et
écrits en gaulois ;
» 2^ 311 volumes de bouquins reliés tant en veau qu'en
bois et en parchemin à l'usage des ci-devant religieux ;
T. VIII, 3* série. 11
— 162 —
» 3« Un paquet de vieux titres en parchemin prove-
nant du chapitre de Clamecy, la plupart illisibles et à
moitié mangés des rats. »
Pendant ce temps, il est vrai, les membres du jury
de l'instruction du canton de Clamecy jugeant autre-
ment et à l'instigation de Dupin, commissaire du pou-
voir exécutif, demandaient à garder tous ces volumes,
désirant faire établir une bibliothèque publique dans
leur cité.
Les municipalités des ci -devant districts de
Decize, Saint-Pierre-le-Moûtier, Moulins-Engilbert et
Château - Chinon paraissent n'avoir fait aucune
réponse. Du moins, le 14 prairial an VI, elles avaient
gardé le plus profond silence.
En tout cas, un nombre extrêmement restreint des
volumes des autres arrondissements fut transporté à
Ne vers.
On avait toujours considéré comme provisoire l'ins-
tallation de la bibliothèque telle qu'elle existait. Dès
le 25 fructidor an II, une commission avait été nommée,
composée des commissaires et des citoyens Motret,
Varinot et Martin jeune, à laquelle on adjoignit l'ar-
chitecte Pittet, afin de rechercher quel pouvait être,
au milieu de tous les édifices appartenant soit à la
nation, soit au département, celui qui serait trouvé le
plus propre à remplir le but qu'on se proposait. On
avait conçu un superbe projet, on voulait « réunir à la
bibliothèque deux cabinets, l'un d'histoire naturelle,
l'autre d'antiquités, de bronzes, de médailles, de
tableaux. La bibliothèque devait occuper toute la lon-
gueur d'une grande croix latine et les deux cabinets
les deux travers. On désirait que l'enfilade régnât sur
un vaste jardin dans lequel seraient cultivées les
plantes rares ou médicinales, indigènes et exotiques ».
- 163 -*
Le citoyen Pittet proposa le premier étage du ci-devant
évôché.
Ce projet semble avoir eu la désapprobation
générale. Sur le rapport de l'ingénieur Lebrun, on
proposa alors une partie de l'ancienne abbaye de
Saint-Martin ; le ministère ne goûta pas ce nouveau
projet, qui fut aussi rejeté.
Comme le maintien de la bibliothèque au collège
était devenu impossible, par suite des réparations
nécessitées par l'école centrale qui y était établie, on
transporta les livres en Tan VII place de TEvôché,
dans un appartement loué au citoyen Jean Guillaume,
secrétaire de la municipalité, adjacent à la salle du
ci-devant chapitre.
Ceux qu'on considérait comme pouvant avoir une
certaine valeur avaient été mis à la disposition du préfet.
En 1813, on voulut profiter d'un changement de préfet
pour obtenir leur restitution. Le 23 mars, Piron,
conseiller de préfecture, écrivait au maire de Nevers :
« Ne croyez-vous pas qu'il serait convenable
d'attendre le nouveau préfet pour enlever les volumes
qui appartiennent à la commune, mais qui sont l'or-
nement du cabinet administratif. MM. Adet, de
Plancy, de Breteuil en ont joui ; ne serais-je pas un
peu blâmable de priver M. Fiévée du plaisir de les
voir: réfléchissez. »
Ces livres, au nombre d'environ 500, furent réinté-
grés seulement le 7 janvier 1818. Ce fut alors que la
bibliothèque se trouva réunie, la partie qui était au
collège ayant été, en l'an VII, rejoindre la bibliothèque
du chapitre place de l'Evêché.
Le 11 août 1815, le préfet de la Nièvre exigea l'in-
ventaire et les clés de la bibliothèque pour les mettre
à la disposition du commandant des troupes wurtem-
— 164-
bergoises qui occupaient alors la ville. Les archives
communales possèdent un récépissé ainsi conçu :
(( Remis à M. le commandant de place deux livres,
savoir : Tables trigonométriques décimales et Des-
cription de fabriquer les canons, dont quittance.
Nevers, le 23 août 1816, signé de Rucht, adjudant. »
Deux jours plus tard, un aide de camp du général
menaçait d'enfoncer les portes si les clés ne lui étaient
pas remises immédiatement et s'emparait des livres
suivants : Cours de mathématiques, par Bezout, dix
volumes; Rapport sur la situation de V Ecole poly-
technique, un volume; De l'Exploitation des bois,
par Duhamel de Monceau, deux volumes ; Du Trans-
port des bois, par le môme, un volume, et un volume
intitulé : Usage de l'Artillerie.
Le nouveau local, sans être aussi défectueux que l'an-
cienne salle des prix et du collège, était peu convenable ;
voici la description qu'en fait un des bibliothécaires :
(( La bibliothèque occupe le deuxième étage
d'une maison située sur la place de l'Evêché. L*an-
cienne administration loua ce local pour y établir le
dépôt des livres que la ville possédait alors. Le pre-
mier objet qui s'offre à la vue en entrant dans cette
maison est une cave vaste, profonde et entièrement
ouverte. Au premier étage se trouve le magasin qui
contient l'avoine destinée aux chevaux de toute la
garnison. Ce n'est qu'avec des soins de tous les ins-
tants et grâce à des querelles journalières avec les
employés aux fourrages que l'on parvient à rendre
l'escalier assez propre, pour que les lecteurs assidus ou
les curieux puissent arriver jusque dans la salle. La
tranquillité est indispensable pour un établissement de
ce genre, et cependant les conversations bruyantes
des employés interrompent quelquefois les travail-
leurs. »
— 165 —
Des altercations journalières avaient lieu entre le
bibliothécaire et les préposés aux fourrages, qui
s'efforçaient d'être le plus bruyants qu'il leur était
possible et de répandre le son et l'avoine tout le long
de l'escalier, qu'ils refusaient de balayer. Uil jour
même, le conservateur trouva fracturée la porte d'un
cabinet dépendant de la bibliothèque : il la fit sim-
plement refermer. Le lendemain, à son arrivée, il vit
les commis aux fourrages en train d'arracher la serrure.
La municipalité dut intervenir pour empêcher l'inva-
sion qu'ils prétendaient faire de ce cabinet. On com-
prend combien désagréable était la situation pour les
travailleurs et que la bibliothèque ait été peu fré-
quentée dans des conditions semblables.
Deux fois elle fut fermée pendant plusieurs années
de suite. D'abord, vers la fin de l'Empire, on ne jugea
pas à propos de donner de successeur à Sébastien
Thomas, mort en 1810. Six ans plus tard, le ministre
ayant demandé des renseignements à ce sujet, il lui fut
répondu que « la bibliothèque de Nevers est si peu
importante par le nombre et la nature des ouvrages
qu'elle renferme, que M. le Maire en exerce lui-même
la surveillance par les soins du secrétaire de la
mairie »,
La municipalité fut mise en demeure de se pourvoir
d'un bibliothécaire. Le choix du maire se porta sur
Jean-Germain Baudiot^ âgé seulement de seize ans.
Comme on n'osait pas faire connaître son âge aux
autorités supérieures, la nomination fut faite au nom
de son père, Jean-Baptiste Baudiot, qui ne s'occupa
aucunement de la bibliothèque, tandis que le fils
s'appliqua à ses fonctions avec zèle et figura seul
comme bibliothécaire, soit dans les annuaires, soit au
budget de la commune.
A la mort de Germain-Jean Baudiot, arrivée le
— 166 -
29 mai 1829, il ne fut pas procédé à la nomination
d'un autre bibliothécaire. Les clés et le catalogue se
trouvaient dans une armoire sur laquelle les scellés
avaient été apposés quelque temps auparavant par
suite d'une saisie mobilière. On trouva sous ces scellés
une quantité de volumes appartenant à la bibliothè-
que ; la municipalité se contenta d envoyer un « agent
de police accompagné d'un charretier conduisant un
tombereau, qu'il emplit plusieurs fois de livres qui en
faisaient partie. » La bibliothèque resta plus de trois
ans fermée. Baudiot père s'en intitulait conservateur
et, sans ouvrir une seule fois la bibliothèque, conserva
les clés pendant tout ce temps. Le traitement du
bibliothécaire fut simplement supprimé du budget.
Cette situation eût pu se prolonger encore, si Baudiot
ne se fut avisé de réclamer une indemnité comme
bibliothécaire et n'eût adressé, à ce sujet, une plainte
au ministre du commerce et des travaux publics, qui,
averti ainsi de ce qui se passait, mit le maire de
Nevers en demeure de rouvrir la bibliothèque et de
nommer un conservateur.
L'emplacement de l'ancien château des comtes de
de Nevers était autrefois occupé par un jardin en
terrasse, appelé jardin de la Madeleine. C'est là, après
de longues hésitations, que le conseil municipal décida,
dans la séance du 2 février 1832, qu'il serait établi un
bâtiment destiné à contenir la salle du tribunal de
commerce, celle de la justice de paix et celle de la
bibliothèque. Pour diverses causes, et par suite parti-
culièrement de considérations budgétaires, cette cons-
truction fut encore retardée, et ce n'est que dans le
courant de l'année 1838 que la bibliothèque put enfin
être installée définitivement dans le bâtiment où elle pe
trouve aujourd'hui et dont le surplus est occupé par
les bureaux de l'hôtel de ville. Il y avait plus . de
— 167-
quarante-un ans que son transfert de la place de
l'Evêché était décidé.
On a vu que la bibliothèque de Ne vers avait été,
pendant un certain temps, bibliothèque de l'école
centrale. La loi du 20 pluviôse, an IV, ayant assimilé
les bibliothécaires aux professeurs des écoles centrales,
qui devaient avoir leur habitation dans l'intérieur
même de ces écoles, Mauguin-Degautières demanda
que cette loi fût appliquée à son profit. La situation
dans laquelle se trouvaient les bâtiments du collège ne
permit pas de faire droit à cette réclamation. Plus
tard, M. Delaroche essaya également d'obtenir un
logement près de la bibliothèque ; il reçut seulement
l'autorisation d'occuper une petite pièce contiguë;
mais, en fait, les bibliothécaires ne furent jamais logés,
à Nevers.
Longtemps furent annexées à la bibliothèque des
collections de minéralogie, d'histoire naturelle, de
médailles, dont plusieurs bibliothécaires se trouvaient
être conservateurs; tandis que la bibliothèque dite
nivernaise , c'est-à-dire la collection fondée par
M. Gallois, ancien conducteur des ponts et chaussées,
des ouvrages écrits par des Nivernais, ou traitant soit
de la province, soit du département, avait une admi-
nistration particulière. Cette anomalie cessa au mois
d'octobre 1861, et les deux bibliothèques furent alors
réunies sous le môme conservateur.
Les jours d'ouverture de la bibliothèque varièrent
beaucoup. En l'an V elle était ouverte les primidi, les
quintidi et octidi de chaque décade ; en 1810, deux
fois par semaine, le mardi et le vendredi ; en 1833,
également deux fois, le mercredi et le samedi; en
1860, cinq jours par semaine ; elle était fermée seule-
ment le samedi et le dimanche ; en 1863, elle n'était
plus ouverte que quatre fois, les dimanche; mardi,
- 168 —
jeudi et samedi. Actuellement, elle est ouverte tous
les jours, sauf pendant les vacances réglementaires et
les jours de grande fête.
Le règlement du 29 juin 1810 interdisait formelle-
ment le prêt de toute espèce de livres.
Ce n'est que beaucoup plus tard que Ton permît aux
personnes munies d'une autorisation spéciale de l'au-
torité municipale d'emporter des livres à domicile.
En 1841, six personnes seulement étaient autorisées ;
le nombre s'est beaucoup accru dans ces dernières
années, il est actuellement de plus de trois cents.
Une délibération du conseil municipal du 12 février
1872 créa un emploi de bibliothécaire-adjoint ; aupa-
ravant, plusieurs habitants de Ne vers portèrent ce
titre ; mais c'étaient des personnes de bonne volonté,
consentant gratuitement à assister le bibliothécaire et
heureuses de remplir une fonction qui leur permettait
de se livrer plus facilement à des recherches et à des
études qu'elles aimaient.
Une note de Mauguin-Degantières fait connaître
que, primitivement, la bibliothèque de Nevers était
« composée environ de 18 à 20 mille volumes ». Il m'a
été impossible de retrouver le catalogue qu'il dressa
avec Villers. Celui fait par Sébastien Thomas en 1810,
dont l'original existe à la Bibliothèque nationale
(n° 5333 des Nouvelles acquisitions françaises) et dont
deux copies écrites par Thomas lui-môme se trouvent
à Nevers, ne contient plus que 6,412 volumes.
D'où peut provenir une aussi sensible diCEérence ?
Qu'étaient donc devenus les deux tiers des livres ? Il en
fut rendu aux familles des émigrés et aux prêtres
déportés ; je ne pense pas que l'on puisse porter à plus
de trois mille le nombre des volumes ainsi restitués
avant 1810. D'autres furent vendus, pour le prix en
être employé en acquisitions, au profit de la biblio-
— 169 —
thèque. Le 24 mai 1809, le Préfet de la Nièvre auto-
risa la vente de « 3,583 volumes de différents formats,
tous vieux, dégradés, en grande partie dépareillés et
qui restent d'un dépôt, anciennement dans un des
locaux dépendant de l'hôtel de la préfecture »,
Le 1«' août 1810, nouvelle autorisation de vendre,
comme se trouvant en double 37 volumes in-folio,
112 in-quarto et 228 in-octavo et in-douze. Il reste,
en tout cas, plusieurs milliers de livres dont on ne
peut expliquer la disparition.
La bibliothèque de Nevers a toujours été gratifiée
d'envois importants par le Gouvernement.
Les années qui suivirent son transfert dans les bâti-
ments de rhôtel de ville actuel^ les habitants s'em-
pressèrent de faire des dons assez considérables : nos
concitoyens s'efforçaient de l'enrichir. Il faut avouer
que depuis un certain nombre d'années cet élan s'est
sensiblement ralenti ; rares sont les dons faits chaque
année par les particuliers.
Outre les livres et manuscrits, elle possède deux
herbiers en parfait état, l'un provenant de Boreau,
auteur de la Flore du Centre et directeur du jardin
des plantes d'Angers. Avant de quitter Nevers en 1838,
il en confia l'achèvement à M. Casimir Saul, amateur
nivernais, qui plus tard en fit la remise en son nom à
la bibliothèque. Quant au second, il se trouva dans
une des salles sans que Ton sût exactement quel en
était l'auteur.
Certains indices firent soupçonner qu'il venait de
M. Caffort, colonel d'artillerie en retraite, Il était en
très mauvais état et avait toujours été négligé, lors-
qu'on 1879, M. Fiston, alors directeur des postes à
Nevers, voulut bien se charger de le reconstituer. Il
s'acquitta de cette mission avec un zèle et une intelli-
gence qui lui méritent la reconnaissance des amateurs.
- 170-
Le 7 juin 1879, le conseil municipal lui alloua 300 fr.
pour ce travail.
Parmi les manuscrits se trouvaient cinq volumes
in-folio reliés en maroquin vert, fleurdelisés, conte-
nant les comptes originaux des travaux de construc-
tions, réparations et ornementation, ainsi que des
peintures exécutées, pendant les années 1639 à 1642,
aux palais, parc et jardins de Fontainebleau. En 1842,
la municipalité proposa à la liste civile d'en faire
l'échange contre quelques ouvrages imprimés; elle
offrit même d'envoyer un de ses manuscrits en com-
munication à M. de Montalivet, pair de France, pour
qu'il pût se rendre compte de leur importance. Le
1** juin 1855, le ministre de l'instruction publique
demanda qu'on voulût bien les envoyer en communi-
cation à M. le comte de Laborde. membre de l'Institut,
pour un travail dont il était chargé ; on ne trouva plus
à cette époque que quatre de ces volumes : le cinquième
avait disparu sans laisser de traces. C'était sans doute
celui envoyé à Paris en 1842.
Cette communication eut lieu et, le 21 octobre 1856,
les volumes revinrent à Nevers, pour bien peu de
temps malheureusement. En effet, le 28 février 1857,
M. Achille Fould, ministre d'Etat et de la Maison de
l'Empereur, demanda si la ville serait disposée à en
faire l'échange contre d'autres ouvrages provenant des
bibliothèques de la Couronne. Le 18 mai, le conseil
municipal autorisa l'échange de ces précieux manus-
crits contre l'ouvrage publié par M. Gavard sous le
titre de Galeries historiques de Versailles, que la
bibliothèque reçut le 5 septembre. La ville fut ainsi
privée de documents extrêmement remarquables et
importants.
Ed. DUMINY,
1
— 171 —
LISTE DES BIBLIOTHÉCAIRES
I. François Moreau, 1793.
IL Nicolas Liboron-Villers, ex-chanoine do Nevers,
nommé le 28 frimaire an II, décédé le 30 ventôse
anV.
III. Ignace Manguin-Degautières, ex-chanoine de
Nevers, nommé le 20 messidor an V, décédé le 3 mes-
sidor an VIII « de maladie de nerfs », dit son acte de
décès, (( dans la crispation s'est jette dans le puit de sa
maison )>.
IV. Bort, chef de bureau à la préfecture de la
Nièvre, nommé le 14 brumaire an X.
V. Sébastien Thomas, ex-curé de Brinon, nommé
le 10 juin 1802, décédé à Saint-Pierre-le-Moùtier le
11 novembre 1810.
Vacance.
VI. Germain-Jean Baudiot, nommé le 4 janvier
1817, décédé le 29 mai 1829.
Vacance.
VIL Napoléon-Charles Fabre, prof esseur de seconde
au collège de Nevers, nommé le 23 août 1832, décédé
le 27 septembre 1843.
VIIL Delaroohe, professeur de philosophie au collège
de Nevers, nommé le 3 octobre 1843, démissionnaire
le 8 novembre 1858.
IX. Jean-Baptiste Peigne, avocat à Nevers, nommé
le 22 novembre 1858, décédé le 8 août 1861.
X. Théophile Bornet, nommé le 30 août 1861,
démissionnaire le 10 août 1871,
XL François- Yves-Henri Chatel, ancien professeur
au collège de Nevers, nommé le 30 décembre 1871,
décédé le 17 décembre 1877.
XII. Prosper-Anselme Bégat, imprimeur à Nevers,
- 172 --
nommé le S4 décembre 1877, démissionnaire le 2 mars
1884.
XIII. Marie-Joseph- Etienne d'Asis-Gaillissans,
professeur de philosophie au lycée de Nevers, nommé
le 15 mars 1884, décédé le 18 mai 1896.
XIV. Edmond-Marie Duminy, nommé le 10 février
1897.
BIBLIOTHÉCAIRES ADJOINTS
I. Eugène Gandrey, nommé le 23 mars 1872.
II. Louis-Ernest Halin, nommé le 10 février 1886,
— m-
POURSUITES
ET
CONDAMNATIONS JUDICIAIRES POUR FAITS D'HÊRtSIK
Cn Nivernais a-i XVP alèole
PAR
RHNÊ OC LHSPINASSE
Dans les luttes religieuses du xvi* siècle, en Franoe,
il y a deux périodes distinctes qui se succèdent Tune
à l'autre et sont empreintes chacune du caractère
particulier de notre race : la première, purement judi-
ciaire, où des poursuites criminelles sont exercées
contre les fauteurs d'hérésie ; la seconde, où les partis,
soutenus par des seigneurs riches et puissants, enga-
gent une véritable guerre civile qui, à diverses reprises,
fut Toccasion de pillages et de destructions dans nos
villes, nos églises et même nos campagnes.
De celle-ci, nous en voyons encore à chaque pas les
tristes traces. En Nivernais, les monuments détruits
par les huguenots sont peut-être plus fréquents que
les saccages de la Révolution. L'archéologue qui
s'éclairera de l'histoire en visitant les ruines appren*
dra ce fait souvent non relaté, mais malheureusement
trop certain.
Les circonstances judiciaires ayant signalé la pre^
mière période de ces poursuites particulières ne sont,
croyons^nous, consignées nulle part, ni dans les histo**
riens, ni dans les traditions, ni môme dans les archive?
- 174 -
locales. Celles que je relaterai tout à Theure sont
empruntées aux Registres de la Chambre criminelle
du Parlement de Paris, copiées avec tant de sollicitude
par notre confrère M. le comte de Chastellux.
Les provinces de France ont été plus ou moins
inquiétées par Ces poursuites criminelles où la justice
s'exerçait dans sa plus atroce rigueur, recevant l'impul-
sion des ordonnances édictées en haut lieu, et souvent,
dans la réalité des choses, offrant l'occasion de ven-
geances et de rivalités privées, comme les sociétés à
toute époque en donnent l'exemple.
Il y a aussi un enseignement qui se dégage sans
conteste de cette série de détails locaux, c'est que
l'élément religieux ou, comme nous dirions aujour-
d'hui, l'idée cléricale n'y était pour rien. Bien plus, le
Parlement attirait à lui toutes les causes et évitait le
plus possible de les transmettre aux tribunaux ecclé-
siastiques d'ofBcialités, dans la crainte qu'ils ne fussent
pas assez sévères.
Quand un religieux est poursuivi pour fait d'hérésie,
ce qui se présenta bien des fois, le Parlement, en
remettant l'affaire, menace l'évoque de la saisie de son
temporel s'il ne parfait pas le procès.
Les troubles religieux se manifestent dans Paris aux
premières années du xvi« siècle ; une grande proces-
sion expiatoire a lieu en 1528, une autre plus solen-
nelle encore se fait le 21 janvier 1535 ; le roi, les
princes, le Parlement, les écoles, le clergé suivent à
pied le cortège, la population s'y môle tout entière.
Des bûchers s'élèvent sur divers points de la capi-
tale, où les accusés d'hérésie sont brûlés avec toute
sorte de raffinement de cruauté. Un édit du 29 jan-
vier 1535 condamne les receleurs d'hérétiques, luthé-
riens et autres, aux mômes peines que les hérétiques
eux-mômes.
— 175^
En cette année 1535, paraît la première édition du
livre de Calvin : V Institution de la Religion chré-
tienne, qui absorba tout le mouvement de la Réforme
en France ; les conséquences des principes qu'il avait
posés se développèrent bientôt dans Tordre des faits.
En 1538, Montmorency, récemment nommé conné-
table, ordonne des poursuites plus actives et plus
rigoureuses contre les réformés.
A la suite de l'ordonnance de Villers-Coterets
(août 1539), les tribunaux laïques empiètent sur le
terrain de l'Eglise et se saisissent des procès d'hérésie,
concurremment avec les juges ecclésiastiques.
D'autres édits, rendus à l'instigation du cardinal de
Tournon, exhortent les juges laïques à rechercher les
hérétiques « comme séditieux et conspirateurs occultes
contre la prospérité de l'Etat, laquelle dépend princi-
palement de l'intégrité de la foi catholique ».
De 1540 à 1545, les provinces de France furent
bouleversées par ces préoccupations des esprits épou-
vantés par des spectacles atroces, comme le bûcher
de Meaux, où périrent dans les flammes quatorze
condamnés pendus à quatorze potences, rangées en
cercle sur la place du Marché, et jetés au feu pendant
qu'ils chantaient les louanges du Seigneur ; ou encore
comme les ravages causés chez les Vaudois, ce malheu-
reux pays que le parlement d'Aix prescrivit de mettre
à feu et à sang pour le « dépeupler et nettoyer de
pareils séducteurs ».
La date des poursuites en Nivernais coïncide à peu
près avec les mesures décrétées contre les Vaudois,
mais il n'y avait rien de semblable dans notre pays,
où le caractère froid et timide des habitants n'offrait à
l'erreur que des passions isolées, agissant dans
l'ombre et avec une extrême prudence. Les popula-
tions défiantes et indécises ne suivaient pas les prédi-
-- 176 -
cations plus ou moins audacieuses. L'erreur restait le
fait d'un petit nombre qui n'avait pas d'écho dans le
public. Théodore de Bèze, d'une vieille famille niver-
naise, quitta très jeune son pays pour habiter Paris et
Genève ; il ne paraît pas avoir entretenu des relations
avec des parents ou amis de sa province, et s'il a eu
des rapports avec quelques hérétiques nivernais,
il n'en reste encore aucune trace dans les souvenirs
historiques. Les procès du Parlement, ne men-
tionnent qu'un certain Déode de Bèze (Théodore
lui-même), prieur de Villeseine et Longjumeau, pour-
suivi en Nivernais et ajourné pour être condamné au
bannissement perpétuel et à la saisie de ses biens,
mais sans établir les causes de sa culpabilité, fait
criminel ordinaire ou fait d'hérésie (3 avril 1549).
Les procès intentés par les justices locales niver-
naises pour faits d'hérésie vont de l'année 1543 jusqu'à
environ 1562, où ils disparaissent complètement. Ils
sont confondus avec les autres causes criminelles et
généralement libellés dans ces termes assez vagues :
« pour raison de propos scandaleux et erronez dicts et
proférez contre l'honneur de Dieu, des saints et saintes
de paradis, de la sainte foy et religion chrestienne,
constitutions et traditions de nostre mère sainte
Eglise )).
A la fin seulement, c'est-à-dire vers 1560, les textes
portent les mots : « erreurs luthériennes » .
Ces causes, avec quelques restrictions, suivaient la
même procédure que les causes criminelles ordinaires.
C'est à ce titre qu'elles sont conservées dans les regis-
tres du Parlement de Paris, dont la collection est restée
entière aux Archives nationales. Dans Tétat sommaire
où elles s'y trouvent, en consignant simplement les
requêtes, les délais, les condamnations^ sans les débats
et informations de l'affaire, elles n'en constituent pas
-- 177-
moins une source de précieux renseignements sur les
personnes et la situation des esprits ; mais dans
l'ensemble de ces causes, il y en a certainement beau-
coup qui nous échappent, faute d'informations suffi-
santes et de précision dans les termes d'accusation.
Le principal foyer d'hérésie se développe à Corbigny .
Le premier procès, remontant au 15 février 1543,
concerne plusieurs habitants do cette ville poursuivis
pour faits d'hérésie.
Les poursuites sont faites en vertu de la commission
du bailli royal de Saint-Pierre-le-Moûtier, à la
requête du procureur général du roi et sur ses conclu-
sions.
Messire Estienne Berthin, Jehan Aubry, frère Jehan
Carreau!, messire Léonard Chegnard, la femme de
Estienne Biniot et Marguerite Perreau, ainsi que Per-
rette Garderon, femme dudit Jehan Aubry, habitants
de Corbigny, sont traduits comme suspects d'hérésie.
La cour de Parlement ordonne leur prise de corps
« quelque part où ils pourront estre trouvez en ce
royaulme » et de les mener prisonniers à Saint-Pierre-
le-Moûtier pour faire leur procès et les renvoyer
ensuite devant le Parlement pour y être jugés.
La cour ordonne en môme temps au bailli de s'in-
former le plus amplement possible « des conventi-
cules, monopoUes et assemblées secrettcs que l'on faict
audit lieu de Saint Léonard et es environs », de faire
emprisonner les suspects et de réunir toutes les infor-
mations relatives à ce sujet.
Cette première pièce indique la procédure employée.
Les causes étaient instruites par les officiers royaux
sur l'ordre direct de la cour de Parlement, l'instruc-
tion faite sur place et les jugements rendus à Paris.
C'était évidemment une société appartenant à la
bourgeoisie de Corbigny et probablement des parents
T. VIII, 3» série. 12
■
*
- 178-
et alliés entre eux. Il y a des prêtres, un homme de
loi, Jacques Perreau, lieutenant général à Montceaux-
le-Comte, des femmes, des ménages, le mari et la
femme, indiquant une association d'idées et de goûts.
L'affaire instruite en Nivernais et le procès fait
jusqu'à sentence, ils sont tous dirigés sur Paris aux
prisons de la Conciergerie. Là, comme tous les pri-
sonniers, ils semblent se défendre séparément au
mieux de leurs intérêts respectifs. Les uns requièrent
leur élargissement, « attendu la quallité de leurs per-
sonnes et qu'ils se trouvent innocens des cas à eulx
imposez ».
Par arrêt du 9 août 1543, ils obtieûnent de sortir de
prison à la condition d'habiter Paris ou ses faubourgs,
d'y élire domicile, de fournir les soumissions exigées
et de signifier l'arrêt dans les trois jours au procureur
général.
L'affaire revient le 20 août suivant, et les accusés,
ayant déjà subi un certain temps de prison, parais-
sent traités avec considération. Berthin et Chignard
comme prêtres, et par conséquent plus coupables, sont
rendus à l'évêque d'Autun pour être jugés par l'ofïi-
cial. Les autres coaccusés, M« Jacques Perreau et
Françoise Bourgoing, sa femme, Catherine Barrault,
femme de Philippe Carderon, Marguerite Perrault,
femme de Léonard Mougne, Marie Perrault, femme
de Antoine Demannay, et Etienne Chinard, sont
élargis aux soumissions par eux faites, c'est-à-dire de
faire signifier larrêt dedans trois jours au procureur
du roi et de s'engager à ne plus tenir dorénavant
« aulcuns propos scandalleux et mal santans de la foy
et relligion chrestienne, ains leur enjoinct de se
conduire et gouverner comme bons chrestiens doibvent
faire et selon les commandemens de Dieu et ordon-
Dances et constitutions de nostre mère saincte Eglise ».
■
- 179 -
D'autres coaccusés, frère Jehan Perrault, Jehan
Carrault^ Laurence, femme d'Etienne Bynot, ayant
fait défaut, seront jugés dans le délai d'un mois ; il sera
procédé envers eux comme il appartiendra.
Cette affaire de Corbigny prit des proportions impor-
tantes, ce fut peut être la plus grave de celles qui
troublèrent le Nivernais à l'occasion des faits d'hérésie.
M® Jehan Foullé, lieutenant du bailli de Nivernois à
Montreuillon, avait fait publier, en exécution des
ordonnances et sur le commandement de la duchesse,
les monitions réclamées par le procureur général du
roi afin d'avoir « revellations d'aucuns mal sentans de
la foy ». Ces perquisitions firent découvrir plusieurs
habitants convaincus du crime d'hérésie, les uns fugi-
tifs, les autres faits prisonniers et condamnés à
l'amende honorable. Parmi eux se trouvaient plusieurs
notables de la ville et même labbé de Saint-Léonard,
Jacques de Baudreuille, qui employèrent contre ledit
Foullé les outrages, les menaces de mort et tant de
vexations qu'il fut contraint, pour sa sécurité, de
quitter le pays pendant une année. Ils gagnèrent à
leur cause le procureur général du roi, leur parent et
allié, et obtinrent une assignation où ils se défendirent
contre les attaques dont ils étaient l'objet.
L'abbé de Baudreuil, dans sa requête au Parlement,
exposait que, comme seigneur temporel de Corbigny,
il avait dû destituer de son état de lieutenant du bailli
le nommé Jean Foullé, et que celui-ci, par vengeance,
avait suscité les poursuites de Aignan Viole et Imbert
Gallope, juges du bourg Saint-Etienne, « jeunes gens
d esprit » qui avaient intimidé et suborné des témoins
pour charger l'abbé de Saint- Léonard. En même temps
ses coaccusés appelaient de juge incompétent et pro-
duisaient des lettres royaux constatant qu'ils étaient
dévoués au roi et aux institutions.
- 180-
Une information fut d'abord confiée à un juge
impartial, Jacques Vallière, le plus ancien avocat du
bourg Saint-Etienne de Nevers : sa femme, sa famille,
ses enfants et ses biens furent mis sous la sauvegarde
du roi, et il fut autorisé à produire ses témoins, qui
seraient ouïs et examinés par Jacques Bolacre.
Les inculpés agissaient de leur côté. L'abbé de Saint-
Léonard, Antoine de Mannay , Léonard Moyne, messire
Léonard Chesnard, prêtre, Marie et Marguerite
Perreau (1), se reportent au jugement qui les renvoie
devant le sénéchal de Bourbonnois. Une première
plainte présentée le 19 avril 1543 fut l'occasion de
plusieurs décisions différentes, selon la situation des
personnes ; le nombre des jugements et arrêts, sans
tenir compte de ceux qui eurent lieu devant les jus-
tices locales, montrent combien la population de
Corbigny dut être troublée pendant ces années.
L'abbé de Saint-Léonard, Jacques de Baudreuil,
comparut à Moulins devant le sénéchal du Bourbon-
nais, et là, invoquant son cas privilégié, il réclama
d'être jugé devant Tofficial d'Autun, son supérieur
hiérarchique. Le Parlement, par arrêt du 21 juillet
1546, autorisa la remise du prisonnier à l'évêque
d'Autun à la condition que les juges désignés ne pro-
céderaient pas à un élargissement avant de s'être pro-
noncés sur le cas privilégié. L'évêque était responsable
sur « le saisissement de son temporel » et devait
envoyer ses vicaires et oflSciaux à Moulins pour s'en-
tendre avec le sénéchal du Bourbonnais.
Ces procédures confuses et compliquées absorbaient
l'existence d'un homme. La législation du moyen-âge et
des époques modernes en donne de fréquents exemples.
(1) L'orlhographa des noms varie souvent par des fautes de copie
parfois ils sont défigurés ; les noms connus peuvent seuls être rectifiés.
— 181 —
Notre abbé de Saint-Léonard de Corbigny, malgré
ses hautes relations et ses intrigues, était en prison à
Moulins. C'est de là qu'il adresse une requête au Parle-
ment sur la saisie de son abbaye opérée en la personne
de son receveur, le privant ainsi du S€ul revenu qui lui
permette de vivre. Mainlevée lui est accordée après
constatation que cette saisie est simplement due à ses
défauts de comparaître (arrêt du 5 juillet 1546).
L'abbé récuse ensuite le juge du bourg Saint-Etienne,
Jacques Bolacre, et obtient en sa place Adrien Lalle-
mant, un des plus anciens avocats, chargé de terminer
l'affaire dans le délai d'un mois.
Les coaccusés de Jacques de Baudreuil paraissent
également en justice en des circonstances diverse»,
l'un d'eux, Jacques Perreau, était déjà détenu par
Claude Genton, grand prévôt des maréchaux de
France. On lui enjoint de le mener à Moulins sous
bonne et sûre garde pour être jugé avec les autres par
le sénéchal de Bourbonnais ; et le magistrat instructeur
du commencement, Jean Foullé, obtient d'être mis en
liberté pour préparer sa défense contre les arguments
de Jacques de Baudreuil. Il est étrange de voir le
juge compromis dans l'affaire qu'il est appelé à
instruire, mais la chose est fréquente dans les annales
de la justice de province.
Au bout d'une année, la situation a encore changé ;
la cause a été portée devant la cour des grands jours
de Riom, qui renvoie les parties à Auxerre devant
trois juges spécialement désignés pour procéder contre
Jean Foullé (24 mars 1547.) Leur sentence fut rendue
dans les six mois et ne donna satisfaction ni à l'un ni à
l'autre, ainsi que l'indique leur appel du 1^^ octobre
au Parlement. Puis nous retrouvons l'affaire dans les
mêmes termes le 30 mars 1549 ; les trois avocats
d'Auxerre, Germain Boy cote, Pantaléon Pyon et
- 182 —
Philippot Le Muet, ayant examiné la production nou-
velle des griefs et réponses, Jacques de Baudreuil
appelant de leur sentence, obtenant des lettres royaux
dans rintervalle, le Parlement rejetant TefEet des
lettres et de l'appel, et finalement autorisant les parties
à comparaître devant un autre juge royal, où elles
produiront de nouvelles preuves et enquêtes.
L'abbé de Corbigny avait sur les bras beaucoup
d'autres affaires judiciaires en dehors des faits d'hé-
résie; les textes du Parlement n'en donnent pas la
conclusion ; il est probable qu'il était assez influent et
retors pour détourner l'action de la justice. Parmi les
causes qui nous occupent, ce fut certainement la plus
longue ; elle avait duré de 1543 à 1549, et les accusés
avaient été transportés à Nevers, à Moulins, à Autun,
à Auxerre et à Paris.
Pour revenir à l'année 1543, où débutent en Niver-
nais les poursuites contre l'hérésie, on trouve une
condamnation capitale pour blasphèmes contre la reli-
gion, dont la justice laïque a toujours été saisie. Un
certain Nicolas Voillault, tailleur-couturier à Pignol,
paroisse de Tannay, fils naturel d'un prêtre, est pour-
suivi par le bailli de Nivernois pour blasphèmes pro-
férés contre Dieu, la sainte Vierge et saint Joseph, et
condamné à être brûlé vif et avoir la langue coupée.
Le prisonnier est transféré à Paris, devant la cour
de Parlement, qui maintient le jugement et l'aggrave
môme encore en lui appliquant toutes les rigueurs de
la torture.
Il sera ramené à Nevers ; à sa sortie de prison, il
aura la langue coupée, puis il sera traîné sur une claie
attachée au derrière d'une charrette depuis la prison
jusqu'au lieu public du supplice. Là il sera pendu à
une potence élevée à cet effet, aux pieds de laquelle
sera fait un feu, et lorsqu'il aura senti ce feu pendant
- 183 —
quelque temps, il y sera jeté et brûlé vif, « son corps
et son procès ars et consommé en cendres ».
De la sorte,, on ne conservait aucune trace de ces
exécutions encore assez fréquentes, les textes du Par-
lement sont les seuls qui nous restent.
Un fait semblable est imputé à Mathurin Diguet, le
3 octobre 1543. Il s'agit d un vol de vases sacrés.
L'accusé était condamné par le bailli de Nivernois à
ôtre (( traîné sur une claie depuis les prisons dudit
Nevers jusques au-devant Téglise Saint-Victor », et
là, en chemise, nu- tête, à genoux, ayant en main une
torche ardente, crier mercy à Dieu et déclarer qu'il a
été mal avisé en dérobant le ciboire de l'église Saint-
Victor, en profanant le précieux corps de Notre-
Seigneur et les hosties sacrées qui se trouvaient dans
le ciboire. De l'église il était encore traîné sur la claie
jusqu'au marché aux bêtes, attaché à un poteau, passé
au feu, étranglé et enfin jeté dans le bûcher.
A la suite de cette condamnation, Mathurin invoqua
sa qualité de clerc tonsuré et le privilège d'un juge
ecclésiastique, mais le Parlement le débouta de sa
demande en le revoyant devant le bailli de Nivernois
pour mettre l'arrêt à exécution.
Les prisonniers invoquent très souvent, à tort ou à
raison, « le privilège clérical », espérant sans doute
que les tribunaux ecclésiastiques se montreront plus
tolérants. Souvent aussi, après instruction, le Parle-
ment rejette la demande et constate la suprématie de
la justice civile.
Un arrêt du 15 novembre 1543 signale une compé-
tence de justice. M« François Mige, lieutenant général
du bailli de Nivernois, à la requête du procureur de la
comtesse de Dreux, duchesse de Nevers, procède au
jugement criminel des époux Guillaume de Cerisay et
Nicolle Desmarets « pour raison du cas d'heresie ».
— 184 -
Ils sont envoyés à Paris, aux prisons de la Concier-
gerie, sous la surveillance de la police ducale, et, tra-
duits devant le Parlement, la cour décide « qu'ils seront
renvoyés aux dépens de la duchesse de Nevers devant
le bailli de Saint-Pierre-le-Moùtier ou son lieutenant
au bourg Saint-Etienne de Nevers, pour reprendre les
charges, informations et témoignages, instruire à
nouveau le procès, les renvoyer à Paris pour être pro-
cédé par la cour selon Tédit du roy.
A ce sujet, la cour fait défense à la duchesse de
Nevers, sous peine d'une amende de vingt marcs
d'argent et à tous ses officiers de dix marcs, d'ias-
truire dorénavant les procès « sur le crime d'heresie et
de lèse majesté divine », mais de se borner à trans-
mettre au juge royal les plaintes faites sur a aucuns
suspects dudit crime d'heresie ».
En se réservant ces causes spéciales, le Parlement
affirmait encore une fois de plus la suprématie de
la justice royale sur toutes les autres justices. Et
pour centraliser encore la procédure, Guillaume
Bourgoing, conseiller du roi, est nommé commissaire
délégué royal sur le fait et inquisition des hérétiques
(( es pays de Bourbonnois, Nyvernois et Berry ». Son
nom paraîtra dans presque toutes les causes.
Le Parlement lui intima fréquemment l'ordre de
mettre à sa disposition les procès, charges et informa-
tions qu'il a par devers lui pour en être ensuite
ordonné par la cour (entre autres le 21 janvier 1547).
Ces démêlés entre officiers de justice n'étaient pas
à l'avantage des justiciables. Ainsi, la môme affaire
d'hérésie pour les époux de Cerisay, commencée par le
bailli ducal et reprise par le bailli royal de Saint-
Pierre, reparaît le 11 juillet 1545. Après deux années,
ils sont encore prisonniers à la Conciergerie du Palais,
à Paris, et enfin seulement autorisés à fournir des
— 185 -
témoins à l'appui de leur cause et pour vérifier les
reproches qui leur sont imputés, à la condition de
consigner au greffe une somme de 44 livres parisis.
Cerisay devait être noble, sa femme est qualifiée
« damoiselle )). Cependant ils paraissent isolés et,
pour ce fait, plus exposés à l'àpreté des gens de loi.
Le 30 avril 1547, on les retrouve toujours prisonniers
à la Conciergerie pour raison de crime d'hérésie. La
couF ordonne au receveur des domaines du roi à Saint-
Pierre de verser 16 livres parisis au bailli royal pour
assurer l'exécution des arrêts.
La duchesse de Nevers (1) assurait son appui par
tous les moyens possibles. Les instructions qu'elle
donnait par l'intermédiaire du Parlementa ses officiers
judiciaires montrent le zèle qu'elle déployait pour les
mesures rigoureuses prises par la royauté contre
l'extension des idées hérétiques.
Elles sont exposées dans deux arrêts des 6 et
28 mai 1545, qui montrent combien on cherchait à
définir et préciser la nature des poursuites.
Dans sa requête du 28 mai, la duchesse déclare
qu'elle veut tout faire pour « exterminer et rompre les
hérésies et sectateurs d'icelles qui commencent à
pulluler en plusieurs endroits de ses terres et seigneu-
ries ».
Les monitions furent publiées par les deux procu-
reurs généraux pour recevoir les révélations et
connaissances des hérétiques, principalement à Corbi-
gny, considérée comme infestée de ces erreurs.
La justice ducale agissait ainsi de concert avec les
officiers royaux de Saint-Pierre et du bourg Saint-
Etienne de Nevers. Le lieutenant général d'alors,
(1) Marguerite de Bourbon, femme de François I«' de Clcves (1538-
t562). Le Nivernais éri|;é en duché-pairie en 1539.
- 186-
Olivier Millet, et le procureur du roi, Gilbert Bergeron,
se trouvant compromis avec l'abbé de Corbigny,
Aignan Viola, lieutenant au bourg Saint-Etienne de
Nevers, est chargé de réunir les informations. La
justice du Nivernais se trouva ainsi tout entière
occupée de cette importante affaire.
Les années 1545 et 1546 ont donné le plus grand
nombre de procès contre les hérétiques ; nous les
groupons, non d'après leur date, qui n'offre pas
d'intérêt, mais d après les conclusions de la cour du
Parlement, ordonnant soit la mise en liberté, soit
l'amende honorable, soit le supplice du feu. Cette no-
menclature d'accusés où se voient les conditions les plus
diverses, prouve que les erreurs pénétraient comme par
hasard dans tous les rangs de la société ; elle prouve
aussi qu'il y avait une certaine impartialité dans les
décisions de la justice et que le Parlement semble
n'avoir eu égard à aucune considération personnelle.
Régnant Martinet, apothicaire à Nevers, poursuivi
pour quelques propos erronés, est élargi des prisons de
la Conciergerie, suivant les formes ordinaires et après
serment qu'il renoncera à tous rapports avec les gens
suspects et vivra en bon catholique (2 janvier 1546,
n'> 5.)
Un vigneron de Cosne-sur-Loire, Charles Achclier,
est poursuivi par le bailli d'Auxerre pour quelques
propos erronés. Traduit devant la cour du Parlement,
il est soumis à la torture et question modérée, dans
laquelle il n'oppose que des dénégations, et après les
prohibitions et défenses en usage dans les cas dliérésic,
il est mis en liberté à la condition de prendre un
domicile à Paris (5 mars 1546).
Jean Solerre, marchand à Cosne, est enfermé dans
les prisons d'Auxerre et adresse sa requête au Parle-
ment, prétendant qu'à la suscitation de gens haineux
— 187 -
et malveillants, il a été signalé au bailli comme tenant
des propos erronés. Ses excuses sont admises, la Cour
reconnaît qu'il s'est toujours gouverné en bon catho-
lique, qu'il est malade de sa personne et chargé de
famille ; sur ses promesses formelles, on lui accorde
la liberté (27 mars 1546).
Un laboureur du Nivernais, Jehan Fraillon, est
arrêté dans Paris pour propos scandaleux et erronés ;
il devait s'attendre à des poursuites ordonnées déjà
dans son pays et il avait voulu prendre les devants en
se rendant dans la capitale. Sa culpabilité, d'ailleurs,
n'était pas bien établie ; l'arrêt du 13 mai 1546 lui
défend la fréquentation des gens suspects, les conven-
ticules, les raisonnements dogmatiques, en lui comman-
dant de se conduire et gouverner comme un bon
catholique, sous peine de la hart. Sur cette promesse
et sur la signification de l'arrêt au procureur général
dans les trois jours, il est élargi et on le laisse tran-
quille.
Un hôtelier de Saint-Pierre-le-Moûtier, Antoine
Boucassin, accusé de crime d'hérésie, est ouï et inter-
rogé, puis élargi a à pur et à plain », sans aucune
condition (14 mai 1546).
Gilbert Guyot, lieutenant particulier à Saint-Pierre,
et Jeanne Impault, son épouse, ont cité trois témoins,
Claude Reverdy, Gabriel Personnat et Pierre Sorbier,
qui ont montré des variations, contradictions et subor-
nations telles, que tous ont été incarcérés et interrogés
à Paris. On prescrit une nouvelle information, et ils
sont élargis aux mêmes conditions et serments que ci-
dessus, auxquels on ajoute la défense « de tenir aucuns
livres suspectz contenant doctrines nouvelles et
improuvées, ne lire en iceulx et de converser, fré-
quenter, ne communicquer avec gens suspectz ».
En somme, ils en sont quittes pour la prison préven-
- 188-
tive, les comparutions et les ennuis d'être à la
disposition de la justice. Les témoins, au contraire,
convaincus de variations et fausses dépositions, subis-
sent l'amende honorable tète et pieds nus, à genoux,
tenant une torche de cire, un jour de plaidoirie à
Saint-Pierre, criant merci à Dieu, au roi et à justice.
Sorbier, le moins coupable des trois, assistera nu-tête
et à genoux (14 mai 1546).
Léonard Moqué et Marguerite Perreau, sa femme ;
Antoine de Mannay et Marie Perreau, sa femme,
impliqués dans les poursuites de Corbigny, avaient
fait défaut, et pour cette raison, avaient laissé saisir
leurs biens. Trois ans après, par arrêt du 14 juillet 1546,
ils obtiennent main-levée, leurs biens seront rendus et
restitués, les commissaires contraints de ce faire et
souffrir.
Pierre Vatier et sa femme avaient été poursuivis
pour cause d'hérésie pendant leur absence de Nevers,
ajournés sur défaut avec saisie de leurs biens. Aussitôt
de retour à Nevers, ils demandent à prouver leur
innocence et à comparaître. Afin d'éviter les grands
frais de séjour à Paris, le Parlement, par arrêt du
15 juillet 1546, commet spécialement le bailli de
Saint-Pierre ou François Mige, son lieutenant à Saint-
Etienne de Nevers, pour faire le procès ainsi qu'il le
jugera à propos et ordonner la main levée.
Le même François Mige poursuit Pierre Berthier
pour propos erronés ; après interrogatoires, recolle-
ments et confrontations de témoins, la cour élargit
l'accusé aux conditions ordinaires de serment et l'affaire
n'a pas de suite (9 novembre 1546).
La ville de La Charité, qui devait être peu d'années
après le théâtre de luttes sanglantes, n'est représentée
dans cette série que par une seule cause où comparait
une association d'hérétiques : Philippot et Jean Grené,
- 189-
Jacques Jobert, Guiilemette et Perrette Barbât, Marie
Biliaire, Nicolle de Bonnefond, Jean Sarrasin, Nicolas
Blezy, Jean Lenoir. Ils présentent une requête portant
récusation du conseiller Guillaume Bourgoing et
autres commissaires délégués pour faits d'hérésie,
demandant à prouver par témoins et par autres
moyens la fausseté des informations faites contre eux
(19 mars 1546).
Le 23 octobre suivant, le chef de la bande, Jean
Grené, est sommé de comparaître aux grands jours de
Riom et doit être pris au corps partout où on le trou-
vera, mais il préfère porter sa cause à Paris ; il obtient
d'être élargi pour faire le chemin et il se présente, le
5 novembre, pour constituer procureur et élire domi-
cile à Paris.
Le 23 avril 1547, Philippot et Jean Grené, élus de
Gien et de La Charité, appellent d'Imbert Galloppe,
lieutenant du bourg Saint-Etienne, comme de juge
incompétent, prétendant qu'ils sont sujets et justi-
ciables des officiers de Sancoins. C'était un moyen de
gagner du temps; la suite de l'affaire manque aux
registres du Parlement.
Dans l'arrêt du 23 novembre 1549, à propos des
poursuites du bailli de Saint-Pierre contre un certain
Nicolas Mcstaie, le texte dit : « Pour raison des
erreurs lutériens dont il est chargé par ledit procès » .
Jusqu'ici on employait les termes plus vagues de
propos scandaleux et erronés, contre la foi. Dieu et les
saints, ne désignant la cause des poursuites qu'en
général pour fait d'hérésie. Nicolas Mestaie est soumis
à la torture et question, et à la suite de ses dénégations
mis en liberté avec la promesse formelle de renoncer à
ces doctrines et à la fréquentation des gens suspects,
sous peine du feu.
Deux jeunes damoiselles, Marguerite de Lucques et
- 190-
Jehanne de Vielbourg, prisonnières â l'hôpital Saint-
Gervais pour crime d'hérésie, sont interrogées par la
cour sur leur conduite. Elles sont condamnées à faire
prison pendant quelques jours, du 16 décembre jusqu'à
Noël, et à jeûner pendant trois jours de la semaine
suivante ; puis elles seront rendues à leurs parents et
promettront de ne plus hanter les gens suspects, ni
aller « es lieus ou repairent les ennemys de la sainte
foy catholicque » (16 décembre 1549).
Un peu plus loin, on qualifie les accusés « de blas-
phémie hérétique et efreurs luthériens » dans les
poursuites contre Mathurin Banville. La cour se borne
à le renvoyer devant l'évêque de Nevers ou Tofficial
pour parfaire son procès (8 janvier 1550).
Voici un cas particulier :
L'évêque d'Auxerre avait adressé dos lettres-missives
au procureur général du roi, exposant que Jean Artaud,
sergent royal, avait été l'objet d'une rébellion et
résistance de la part des habitants de Bouhy, en
exécutant une prise de corps contre frère Pierre
Boucquin, religieux dominicain suspect et diffamé
d'hérésie. Les habitants l'ont enlevé par force des
mains du sergent, en sorte que le procès n'a pu lui être
fait, conformément à l'édit du roi. La cour ordonne à
tous huissiers de le prendre au corps et de l'amener
prisonnier à Auxerre (28 avril 1550).
Sur le fait d'un chanoine de Nevers, M« Bertrand
de La Tillaye, les deux juridictions informent, chacune
de leur côté, le procureur général du roi et le promo-
teur de l'évêque. Il est appelé comme d'abus pour
blasphèmes et hérésie et gardé en prison à Nevers.
On le transmet au Parlement, qui le renvoie à l'official
pour parfaire son procès (25 mai 1546). L'affaire
revient deux mois après, le 31 juillet, par une requête
du doyen (fu chapitre. Dans l'intervalle, La Tillaye^
- 191 ^
évidemment mal gardé, s'était enfui de Nevers pour
éviter de faire sa peine et s'était rendu à Paris. La cour
ordonna qu'il soit pris au corps, « quelque part que
trouvé pourra estre en ce royaulme et en lieu sainct »,
et mené sous bonne garde aux prisons du chapitre
de Nevers, pour y être jugé par TofScial dans les deux
mois, sous peine de saisie du temporel du chapitre.
L'ordre de la cour est renouvelé le 26 août suivant.
Il devait y avoir de grandes négligences dans le
fonctionnement des justices locales et nous voyons très
fréquemment, comme ici le chapitre, les ofBciers
judiciaires menacés de peines s'ils n'exécutent pas
dans les délais les ordres de la cour. Nous n'avons
pas la condamnation du chanoine.
Passons maintenant aux procès infligeant la peine
de l'amende honorable.
La condamnation d'une autre bande d'hérétiques à
Corbigny est particulièrement précise. Ce sont les
nommés Jean Hardy, Jean Potin, Jean Ballon, Guil-
laume Bochery dit AUegrin, M® Etienne Legros et
Marie Moreau, sa femme. L'instruction commencée
par M® Aignan Viole et achevée par le conseiller Guil-
laume Bourgoing aboutit d'emblée à l'arrêt du
15 mars 1546. Il semble que les parties n'ont pas été
assez puissantes pour obtenir des délais réguliers.
Hardy Potin et Bochery, pour les propos erronés,
sont tenus d'assister chacun à une messe de requiem
du Saint-Sacrement et de Notre-Dame dans leur
paroisse de Corbigny, nu- tête, à genoux, portant à
l'offerte un cierge de cire, puis, après la messe, de faire
amende honorable devant la principale porte de
l'église, tête et pieds nus, à genoux, en chemise, tenant
un cierge à la main, disant chacun qu'il a tenu les
propos mentionnés au procès, qu'il s'en repent et
requiert mercy à Dieu, au roy et à la justice:
- 192-
L'arrôt ajoute les inhibitions et défenses d'usage
pour leur vie à venir et prescrit aux officiers du roi
« de faire exécuter et y estre presens à ce qu'il n'en
advienne aulcun scandalle ou inconvénient » .
Ballon, Legros et Moreau^ sa femme, comme moins
coupables, sont élargis sous les conditions ordinaires
d'élire domicile et de signifier le présent arrêt.
M® Antoine Debrunes, avocat à Nevers, prisonnier
à Paris, pour propos scandaleux contre la foi, est
soumis à la question, où il persiste dans ses dénéga-
tions. La cour le condamne à assister à une messe de
sa paroisse, le dimanche ou autre jour de fête, nu-tête
et à genoux, un cierge de cire à la main ; lui défend
les propos, blasphèmes, livres suspects, conciliabules,
gens suspects, etc., et de vivre en bon catholique sous
peine du feu (17 mai 1546).
Philippe Lardery, compagnon apothicaire à Cor-
bigny, est poursuivi pour faits d'hérésie. Son cas
devait être peu grave. L'information porte « quelques
propos scandaleux et erronez prétendus avoir esté par
luy dicts et proferez contre l'honneur de Dieu et la
sainte Eglise ». Le Parlement, dans son arrêt du
4 juin 1546, les examine avec les conclusions du pro-
cureur général du roi, interroge Lardery et, ne trou-
vant pas sa culpabilité bien établie, se borne à la sévère
remontrance usitée en pareil cas, jointe à la menace
« sous peine de la hart », et ordonne mainlevée de
tous ses biens saisis « pour lesquels rendre et délivrer
audict Lardery seront contraincts les commissaires
establiz à iceulx ».
Germain Carreau, de Corbigny, l'un de ceux qui ont
passé devant le Parlement en 1543, reparaît dans un
arrêt du 8 juin 1546. Tandis que l'affaire des autres
semble avoir été terminée sans aucune peine, il est
cité pour « raison du crime d'hérésie », soumis à la
— 193 —
torture et question et, malgré ses dénégations,
condamné à l'amende honorable. Il assistera à une
messe célébrée dans une église de Corbigny, nu-tôte,
à genoux ; tenant en ses mains un cierge d'une livre de
cire qu'il présentera à l'offerte. Il fera le serment de
se conduire désormais en bon chrétien et catholique
sous peine du feu. 11 est ensuite renvoyé par-devant
le bailli de Saint-Pierre pour l'exécution de l'arrêt.
Jean de Mingot, écuyer, est accusé de propos scan-
daleux sur la religion. Son procès criminel est fait par
le conseiller Guillaume Bourgoing, délégué aux pour-
suites contre les hérétiques. Il obtint l'autorisation de
produire des témoins pour vérifier les faits de reproche
devant Aignan Viole, lieutenant royal à Saint-Etienne
de Nevers, commis à cet effet le 26 juin 1546.
Six mois après, le 5 janvier suivant, la cour ayant
examiné ses témoins et vérifié les faits et reproches
par lui allégués, condamne Mingot à l'amende hono-
rable, dans des conditions de rigueur telles que sa
situation d'écuyer n'influa en rien sur la gravité de sa
peine.
Il sera mené nu-tôte, nu-pieds, en chemise, une
torche de cire de deux livres dans la main depuis la
prison jusqu'à la principale porte de la cathédrale, un
jour de dimanche ou fête solennelle ; il déclarera qu'il
a témérairement proféré les paroles contenues au
procès, qu'il s'en repent et requiert merci à Dieu, au
roi et à la justice. Il fera la même amende honorable
à l'église paroissiale de Saint-Ouen, où il a son domi-
cile. Enfin il est banni pour toujours du royaume et
renvoyé au bailli de Saint-Pierre-le-Moûtier pour
exécution de l'arrêt.
Jean Audebrand, laboureur à Parigny-les-Vaux,
accusé de blasphèmes et propos erronés par le lieute-
nant royal, comparait devant la cour des grands» jours
T VIII, 3» série. 13
- 194 —
de Riom et se voit condamné i Tamende honorable.
Il devra être mené au bourg Saint-Etienne de Nevers
et assister à une grand'messe dans l'église, tôte et
pieds nus, cierge à porter à TofiFrande, puis répéter la
même amende hors de Téglise devant la porte princi-
pale. En outre, il devra verser 20 livres parisis au
roi et môme somme aux religieuses de Sainte-Claire
d'Aigueperse (14 octobre 1546) .
L'amende honorable, dans sa forme et dans ses pres-
criptions, imposait au coupable une humiliation em-
preinte d'un caractère de barbarie qui devait souvent
dépasser le but de la justice. Elle était d'ailleurs dans
les mœurs de l'époque et se produisait fréquemment.
La peine capitale, accompagnée de toute sorte de
raffinements de cruauté, est autrement grave ; heureu-
sement, nous en avons peu d'exemples. Mais le Niver-
nais, croyons-nous, a été privilégié en le comparant
aux autres provinces, où les supplices se multi-
plièrent.
Olivier Rousset, accusé du crime d'hérésie, propos
scandaleux et blasphèmes hérétiques, est condamné à
être brûlé sur la place du Marché, à Decize ; il sera
mené dans un tombereau sur le lieu du supplice, sou-
levé sur une potence autour de laquelle sera fait un
grand feu. Après lui avoir fait sentir ledit feu, il sera
subtilement et diligemment étranglé, puis jeté dans le
feu pour que son corps y soit consumé et converti en
cendres.
A Châtillon-en-Bazois, une procédure a été engagée
entre Léonard Bunot contre Etienne Durand, notaire
praticien, et ses complices, du 2 mai 1545 au 23 octobre
1546. Ils comparaîtront en personne devant deux
conseillers au Parlement et les témoins devant le
bailli de Saint-Pierre ou son lieutenant. La procédure
fait découvrir un témoin entaché d'hérésie, Gilbert
- 195 —
Perrot, dit Grosbois, sergent de justice à Ch&tillon^
une fille nommée Anna Morin et Bonaventure Preu-
d'homme, qui sont tous pris au corps et conduits à la
Conciergerie de Paris.
Le 15 décembre 1545, l'affaire de Perrot, menée
rondement par le lieutenant François Mige, est réglée
par le Parlement. Convaincu de blasphèmes et propos
scandaleux contre TEglise, il est condamné à faire
« amende honnorabie devant le principal portail de la
grande esglise de Saint Cir de Nevers estant nudz
piedz, nue teste et à genoulx, tenant en ses mains une
torche de cire ardent du poix de 2 livres, dire et des-
clairer à haulte voix que témérairement et malicieu-
sement il a dict et proféré lesdits propos scandalleux
erronnez contre l'honneur de Dieu et des saints et
requérir mercy à Dieu, au roy et à justice ».
Après cette cérémonie, il devait être mené au grand
marché de Nevers, attaché à un poteau, y être étranglé,
puis, dans un grand feu allumé autour, son corps mort
y estre a ars, brûlé et converty en cendres avecques
son procès ».
Une autre exécution concerne deux ouvriers, Julien
Leveillé, aiguilletier, né à Sancerre, et Jean Filleu,
menuisier à Garigny, près La Charité. Prisonniers à
Saint-Pierre-le-Moûtier, ils étaient accusés « d'avoir
blasphémé et dogmatisé contre le Saint-Sacrement de
l'Eucharistie, d'avoir voulu transporter leur petis
enfans hors du royaulme en la ville de Genefve pour
avecques eulx apprendre à vivre en infidellité et selon
les malheureuses et damnées hérésies y ayans cours »,
puis condamnés à faire amende honorable et ensuite à
être brûlés vifs. Profitant des délais d'appel, ils
obtiennent des lettres du roi prescrivant au Parlement
de revoir à nouveau le procès fait par les juges prési-
diaux pour décider si les cas et crimes méritent réelle-
- 196 -
ment les peines imposées. La cour met tout au néant
et condamne les deux accusés à être directement atta-
chés i une potence et brûlés vifs dans un grand feu
allumé à leurs pieds. On a voulu abréger le temps du
supplice et Ton ajoute, à titre d'adoucissement, que les
prisonniers ^ seront estranglez secrettement avant de
sentir le feu ». Leurs biens étaient saisis et Ton don-
nait 40 livres parisis pour les frais de l'éducation
chrétienne des enfants.
Après l'exécution de Re veillé, la rigueur de la justice
semble considérablement se ralentir. De 1554 i 1565,
les registres ne font aucune allusion aux faits d'hérésie,
la tolérance a dû être beaucoup plus grande, quelques
recherches ont lieu, mais plus bénignes et moins
vexatoires. Ainsi, le 20 novembre 1561, plusieurs
habitants de Nevers, Etienne Coquille, Guillaume de
Verneuil, Philbert de Saint- Vincent, les trois frères
Desprez, Philippe Vace, Pasquier AUardin et Jean
Guillaume, se plaignent d'être poursuivis par le pro-
cureur du roi. M® Antoine Destrappes. Pour se défen-
dre, ils exhibent les ordonnances et édits royaux, ainsi
que les lettres et mandements du duc de Nivernais,
prescrivant « de ne molester aucuns pour le fait de la
religion ».
La cour interdit aux autorités locales a les charges
et informations prétendues faites contre les sup-
pliants », comme « de rien attempter ou innover contre
eux ou de les emprisonner » .
Dans le courant de l'année 1562, divers personnages
habitant Ouroux en Morvan et Gien sont poursuivis
pour des allées et venues entre Genève et le Nivernais,
laissant supposer des intrigues au sujet de la nouvelle
religion. Il y avait parmi eux deux prêtres, Louis
Ligier et Jean Pargon, Amoret et François de Bus-
sières, greffiers, Vincent Guyton, prévôt d'Ouroux, et
\
\
I
I
I
■
— 197 -
divers autres officiers. Après plusieurs instances, la
cour les met définitivement hors de procès.
Enfin deux accusations d'être a de la nouvelle reli-
gion » concernent un avocat à Donzy, Caradeu-Pope-
lin, et un soldat du seigneur de Montgoublin, Claude
Moreau. L'un et l'autre prouvent facilement qu'ils
sont victimes de malveillance particulière et qu'ils
vivent en bons catholiques.
Les poursuites judiciaires cessent entièrement en
1562, juste à l'année où commencent devant La Cha-
rité les guerres qui devaient être si désastreuses pour
le Nivernais. Ces révoltes à main armée, conséquence
d'une crise générale en France, sont indépendantes
des symptômes signalés auparavant parmi nos popula-
tions. Les condamnations et supplices infligés pour
propos scandaleux et erreurs luthériennes ne sauraient
être du moins dans notre province, la véritable cause
des guerres des huguenots, malgré l'étiquette reli-
gieuse de leur drapeau.
— 198 —
EXCURSION
LA CHARITÉ-SUR-LOIRE
Le jeudi 10 novembre 1898, la Société nîvernaise a
fait, sous la conduite de^^oia président, l'excursion à
La Charité qu'elle ayai^ J)Vo jetée dès la séance de
juillet précédent. *v .* <
Une nombreuse députation de la Société s'était
jointe à M. de Lespinasse. Elle était composée de
MM. de Saint- Venant, Victor du Verne, Col, Duminy,
Gaston Gauthier, l'abbé Meunier, Victor Moreau, Le
Corbeiller, le docteur Subert, Leroux, Massillon
Rouvet, E. de Toytot, le baron Benoist d'Azy,
M. et M°** de Flamare.
La visite des monuments de la ville avait été pré-
parée avec beaucoup de zèle par M. le comte Jean
d'Estampes, notre excellent confrère.
Accueillie par M. le docteur Cortet, maire de la
ville, et M. Lebœuf, premier adjoint, auxquels s'étaient
joints : M. l'abbé Cassan, vicaire, et notre confrère
M. le docteur Périer, qui ont fait, avec la plus grande
cordialité, les honneurs de leur ville, la Société s'est
rendue tout d'abord à l'ancienne église Saint-Pierre,
autrefois l'une des trois paroisses de la ville, cons-
truction du seizième siècle, convertie aujourd'hui en
- 199 —
magasins et maison d'habitation, mais conservant des
restes intéressants de sa décoration architecturale
primitive.
De là, la Société est arrivée devant le portail de
Téglise Sainte-Croix, admirant chemin faisant les
vieilles maisons de la Grand'Rue qui se trouvaient sur
son passage, et notamment celle occupée par lliôtel
du Dauphin, et une seconde, un peu plus bas, d'une
fort belle architecture Renaissance, malheureusement
bien délabrée actuellement.
Après avoir examiné ce qui reste à découvert de ce
beau portail, la Société a vu dans les plus grands
détails les deux anciennes portes de l'église, qui se
trouvent comme ensevelies dans la maison moderne
construite à gauche de l'unique porte actuellement
conservée. L'une montre encore en place un tympan
roman représentant la Nativité, fort remarquable
sculpture du douzième siècle^ dont les personnages,
finement sculptés, ont les yeux garnis de morceaux de
verre formant prunelles. Ce tympan présente de très
curieux détails de costume et d'ameublement. Dans
l'état actuel, la perspective s'en trouve coupée en deux
par un plancher de la maison qui lui est adossée ; la
partie inférieure sert d'alcôve à un lit. M. Le Cor-
beiiler a bien voulu en prendre les jolies photographies
jointes à ce compte rendu. L'autre porte a eu son
tympan enlevé pour donner passage à un escalier et
transporté dans l'église, où nous le retrouverons.
Ensuite la Société a été visiter la porte du quatorzième
siècle, ornée de personnages, actuellement enfermée
dans la maison située à droite du portail.
A la suite de cette double visite, la Société a mani-
festé le vœu qu'il soit donné suite aux projets de
restauration de l'église, dont il est question depuis
si longtemps^ et que les deux maisons qui masquent
- aoo -
ces curieuses et intéressantes portes soient démolies,
de manière à dégager tout lensemble de ce magnifique
portail.
Le plus grand nombre des membres de la Société
a fait ensuite l'ascension du beau clocher roman et a pu
jouir de la vue étendue que Ton a de ses fenêtres.
On a visité ensuite la salle qui existe sous ce clocher,
servant de dépôt aux pompes à incendie et voûtée sur
croisée ogive. Puis la Société a examiné ce qui sub-
siste des bas-côtés à galerie du douzième siècle du
côté septentrional de l'ancienne nef de l'église,
convertis aujourd'hui en magasins et maisons d'habi-
tation. Dans lune de ces maisons, appartenant à
M. Charbonnier, on lui a fait voir avec la plus grande
obligeance des chapiteaux romans engagés dans les
murs de refend, vestiges bien apparents des doubles
bas-côtés qui régnaient le long de la nef.
Entrant ensuite dans l'église, la Société a admiré,
appliqué contre le mur du bras sud du transept, l'an-
cien tympan de la seconde porte romane du portail,
représentant l'Adoration des Mages, sculptée avec
autant d'élégance et les mômes procédés d'ornementa-
tion que le précédent.
Après une visite détaillée de l'église, qu'il est inutile
de décrire de nouveau, à la suite de toutes les des-
criptions qui en ont été données par M. de Soultrait,
dans sa Statistique monumentale et dans son Réper-
toire archéologique, par le Guide Joanne, et de toutes
les études soit d'ensemble, soit de détail, qui ont été
publiées à son sujet dans différents ouvrages d'archéo-
logie, et notamment dans le Dictionnaire d'Architec-
ture de Viollet-le-Duc. la Société a visité les anciens
bâtiments du prieuré, beaucoup moins connus. Le
portail du seizième siècle, tout d'abord, a attiré les
regards; à l'intérieur delà cour, les restes d'une fine
— 201 -
galerie Renaissance, au premier étage, qui, dans son
ensemble et lorsqu'elle était intacte, devait être fort
jolie, d'après ce que Ton en voit encore ; une curieuse
tourelle d'escalier, du quinzième siècle, à pans coupés ;
un pignon du treizième. Puis, dans les bâtiments, l'on
a vu un salon luxueusement décoré du dix-huitième
siècle; un bel escalier de la môme époque ; les restes
du grand cloître du dix-septième siècle, comprenant
la partie nord encore intacte, des vestiges de la partie
ouest et la partie est, aujourd'hui remaniée et séparée
du jardin par un mur de construction moderne. Dans
le mur intérieur de cette partie du cloître se montrent
des fragments de colonnettes et de cintres du treizième
ou quatorzième siècle, débris d'un cloître plus ancien.
Une salle capitulaire du quatorzième siècle, composée
de trois travées, est aujourd'hui séparée en deux par
une cloison moderne pour former des celliers d'en-
trepôt de vin. Les voûtes, sur croisée ogive, reposent
sur des consoles et sur deux colonnes, divisant la salle
en deux nefs dans le sens de la longueur. La cloison
moderne sépare la dernière travée des deux premières.
Quittant les bâtiments du prieuré, la Société, entrée
dans un jardin voisin, a pu admirer de là l'extérieur
du chevet de l'église, assez difficile à aborder^ caché
qu'il est dans les maisons.
La visite des anciens murs de la ville, dans la partie
de ces murs appelée aujourd'hui le château, a terminé
Texamen des monuments de la ville. Cette partie était
celle qui servait, en môme temps que de murs de ville,
à clore les jardins et les vignes du prieuré. On voit
encore des restes considérables des murs de la clôture
monastique qui, partant des bâtiments conventuels et
des environs du chevet de l'église, venaient s'y
relier.
Des deux tours qui ont été visitées successivement,
— 202 —
la première, restaurée au dix-septième siècle par les
soins de l'un des prieurs Colbert, dont Técusson sur-
monte la porte d'entrée, et appelée la tour des Espa-
gnols, en souvenir des prisonniers de guerre de cette
nation qui Toccupèrent sous Louis XIV, a été réparée
avec des matériaux de toute espèce et de toute prove-
nance. Nous y avons remarqué des tronçons de
colonnettes qui semblent avoir fait partie de l'ancien
cloître du quatorzième siècle, et, dans le haut de la
tour, un chapiteau roman orné de feuillages, très bien
sculpté, provenant certainement de Tancienne nef de
l'église.
L'autre tour, haute de deux étages, connue sous le
nom de tour de Cuffy, présente, de son sommet, une
vue très étendue sur la vallée de la Loire. Dans Tune
des salles de cette tour, existe une haute cheminée du
quinzième siècle.
Cette dernière visite termina dignement la tournée
archéologique, si bien remplie. La Société, sur l'invi-
tation de M. le Curé, forcé de s'absenter, mais repré-
senté par M. l'abbé Cassan, son vicaire, est allée au
presbytère, où une succulente réfection avait été pré-
parée à son intention. Après un goûter des plus gais,
M. le Président a adressé des remerciements, au nom
de la Société, à M. le docteur Cortet, à M. Lebœuf, à
M. le Curé et à M. le comte d'Estampes, l'organisa-
teur de cette belle journée, pour la manière cordiale
dont la Société avait été accueillie à La Charité. Puis
on a repris la direction de Ne vers, enchanté des beaux
monuments que Ton avait vus et de l'accueil qui avait
été fait.
H. DE FLAMARE.
— 203 —
LES DEUX ABSIDES
DE
LA CATHÉDRALE SAINT-CYR ET SAINTE-JULITTE
DE NEVERS
Dans l'appendice : Les Phases de la Cathédrale,
faisant suite au Petit Guide de l'insigne Basilique
Saint-Cyr et Sainte-Julitte de Neotrs, j'expose que la
double abside, qui se remarque à première vue, date
seulement de la reconstruction par l'év'èque Guillaume
de Saint-Lazare.
Comme, d'après une opinion, que partage M. Mas-
sillon Rouvet, le système de deux absides simultanées
serait beaucoup plus ancien et remonterait, en
suivant la filière, aux cathédrales d'Hugues-le-Grand,
d'Atton, de saint Jérôme et — pour un peu — de saint
Eulade, j'ai dû donner, pour soutenir ma thèse, plus
de développements aux preuves et aux témoignages
que je ne faisais qu'indiquer dans la brochure précitée ,
tel est le but de la présente étude.
Le visiteur ne tarde pas à s'apercevoir de la particu-
larité, unique pour la France, de l'abside qui termine
chacune des extrémités de la cathédrale ; au premier
coup d'œil, il reconnaît aussi qu'elles sont d'époques
distantes de trois siècles ; Tune, chapelle romane de
sainte Julitte, du onzième siècle, à l'occident ; l'autre, à
l'orient, chevet gothique du quatorzièn^e siècle, contre
— 204 -
lequel s'appuient trois chapelles évidemment du
treizième siècle, ainsi que les cinq travées de la
nef (1).
Cette disposition insolite semble une énigme.
La question des deux absides demande à être
élucidée.
Le nœud de la difficulté est tranché, si Ton parvient
à fixer qu'elles ont commencé à exister ensemble,
seulement depuis la reconstruction du treizième
siècle.
Comme dans toutes les questions complexes, il faut
reprendre les choses de loin et procéder par syn-
thèse.
Dans le cas présent, en suivant la chaîne des faits
depuis l'origine, on voit^ s'opérer graduellement les
transformations et le développement de la cathédrale
telle qu'elle existe. Dès lors, l'esprit, en se rendant
compte des modifications successives, motivées par
des causes connues ou raisonnées, arrive à conclure :
Que les deux absides sont l'effet d'un chan^
gement dans le mode d'orientation et non dans
Pexécution du plan d'une église bâtie d'un seul
Jet avec deux absides.
Par conséquent, les deux absides n'ont pas existé
simultanément dès l'origine, ni dans aucune des
églises qui se sont succédé avant le treizième siècle.
(i) Pour expliquer d'un mot les constructions plus récentes — c'est-à-
dire du quatorzième siècle — qui relient la nef avec ces trois chapelles
du treizième siècle, je dois dire qu'un terrible incendie, en 1908, ouvrit
une vaste brèche dans la belle cathédrale d*Hugues-ie-Grand ; l'action dévas-
tatrice des flammes dévora le chœur et l'abside. Quel triste spectade i
voir, après le désastre, que ce vide immense entre les cinq travées de
la nef et les trois chapelles absidales de l'orient t
- 205 -
Jusqu'à ce moment, il n'y avait qu'une abside unique
tournée à l'occident.
Les propositions que je viens d'avancer attendent
d'être développées ; c'est ce que je me propose en éta-
blissant :
10 Que rorientation n^a pas toujours été fixe,
surtout dès le commencement ;
2^ Que Pabside primitive de la cathédrale a
été unique et tournée à Poccident.
Comme corollaire, nous arrivons à conclure que la
nouvelle pratique d'orientation, désormais fixée^ fut
suivie lors de la reconstruction par Guillaume de Saint-
Lazare, d'où (corollaire déjà formulé) :
3^ La double abside apparaît seulement au
moment de la reconstruction de Guillaume de
Saint'Lazare au treizième siècle.
I
L'orientation n'a pas toujours été fixe»
surtout dès ie commencement.
•
C'est à Rome et en Italie qu'il faut aller étudier les
premières églises. Or, elles étaient généralement
orientées à l'inverse, c est-à-dire tournées à l'occident.
L'évêque avait son siège au fond de l'abside ; pour
célébrer les saints mystères, il s'avançait et venait se
placer devant l'autel ou table portative, et, ayant ainsi
les fidèles en face, il était tourné et priait du côté de
l'orient.
- 206 —
Parmi les anciennes églises de Rome tournées i
l'occident, on peut citer Sainte-Marie-du-Transtévère,
consacrée en 224 ; Saint-Laurent-in-Damaso, bâtie par
le pape saint Damase; Saint -Pierre-du- Vatican,
Sainte-Marie-Majeure, Saint-Clément, Sainte-Praxède,
Saint-Chrysogone. . .
En dehors de Rome, la cathédrale d'Anagni est
tournée à l'occident ; de môme Saint-Marc de Venise,
qui a pour noyau une construction romane des dixième
et onzième siècles, élevée à la place d'une église plus
ancienne.
Quoique éloignée d'Italie, une basilique en bon état
de conservation mérite d'être citée : c'est celle de
Bethléem, dite de la Nativité-du-Sauveur, et qui a été
bâtie par sainte Hélène mère de l'empereur Constantin.
Elle est tournée aussi à l'occident.
Il faut bien reconnaître que cette disposition parait
n'avoir été adoptée en France que dans un petit
nombre d'églises. Il n'en reste plus debout de cette
époque reculée des cinquième, sixième et même sep-
tième siècles ; elles étaient mal construites et ont été
en butte â trop de causes de destruction : guerres,
invasions, incendies... Heureusement, Grégoire de
Tours nous en a décrit plusieurs. Oblongues, terminées
circulairement à l'orient, elles prenaient quelquefois la
forme d'une croix par l'élargissement des transepts ;
leurs fenêtres étaient cintrées et on reconnaissait dans
toutes leurs parties une imitation de l'architecture
romaine.
Dans son Archéologie chrétienne, Ms"^ Crosnier dit
que longtemps avant le onzième siècle les églises ont
commencé â être tournées, autant que possible, vers
l'orient.
L'abbé Corblet, dans son Histoire du Sacrement de
l'Eucharistie, tome II, page 84, précise davantage :
C'est au neuvième siècle que se généralisa la cou-
tume de placer la porte principale à l'occident ; le
prêtre alors tourna le dos auxjidèles.
A l'origine donc, nous voyons une grande liberté
pour le mode d'orientation, au milieu de règles qui
commencent à se dessiner, en s' interprétant d'une
façon en Italie et d'une toute différente en France, ici
par 1 abside généralement tournée à l'orient et là, au
contraire, à l'occident. D'où il serait plus juste de
dire que, sur le sujet d'orientation, il n'y a pas de
règle posée d'une manière ferme et invariable, et qu'il
n'y a pas lieu de s'étonner que des églises soient tour-
nées à peu près indistinctement au levant ou au
couchant, même dans tous les sens de la rose des
vents (1).
Voilà la thèse générale, où nous n'avions pas à
parler Je la cathédrale de Nevers en particulier;
nous le ferons de suite dans la proposition suivante :
(i) Singularités relcUives aux absides, — Des églises en carré, en
parallélogramme, à cotés rectilignes, ou des églises circulaires, sont
dépourvues d'absides. Toutefois, rorientalion est indiquée par Tautel
msg'eur.
La règle d'orientation n*ayant pas toujours été fixe ou cédant devant
des difficultés ou des circonstances particulières, on trouve des églises
dans tous les sens de la i^ose des vents.
Les églises à deux absides sont rares. On en rencontre quelques-unes
en Allemagne, à Worms, Spire, Mayence, Cologne.
L*église abbatiale de Saint-Gall, en Suisse, avait deux absides. M. de
Caumont, dans son Abécédaire d'Architecture religieuse, fait remonter
cette double abside au neuvième siècle. Avait-elle pour but, dans cette
église bénédictine, de former une division de l'édifice en deux parties dis-
tinctes : rune, pour la clôture réservée aux cérémonies des religieux, et
Tautre, pour Taasistance publique des offices pour les fidèles ou le minis-
tère paroissial?
La cause des absides multiples reste à déterminer, suivant les cas par-
ticuliers, comme, par exemple, pour Véglise de Nevers.
-208-
II
Dans les premières cathédrales de Nevers qui
se sont succédé 9 l'abside est unique et
tournée à Poccident.
Il faut donc passer en revue les différentes cathé-
drales depuis celle de saint Eulade jusqu'à celle
reconstruite par Guillaume de Saint-Lazare.
lo Cathédrale de saint Eulade (...-516).
Que dire de cette église du commencement du
sixième siècle dont il ne reste plus une pierre et au
sujet de laquelle nous n'avons aucun document écrit ?
Quel autre monument concevoir pour Tépoque, si ce
n'est une basilique se ressentant de Tinfluence
romaine dans le plan comme dans l'orientation ? Gré-
goire de Tours (544-595) décrit l'église bâtie par saint
Namatius à Clermont; nous pensons que les deux
églises, presque contemporaines, de Nevers et de
Clermont, devaient avoir beaucoup de traits de ressem-
blance. Par la citation de notre ancien historien, on
verra que certaines églises — nous mettons hors de
pair la basilique de Saint-Martin de Tours, décrite
aussi par Grégoire — sont de véritables monuments :
(( L'église de saint Namatius, à Clermont, a 150 pieds
de long, 60 de large et 58 de haut dans l'intérieur
de la nef jusqu'à la voûte. Au-devant (du spec-
tateur) est une abside de forme ronde et de chaque
côté s'élèvent des ailes d'une élégante structure. L'édi-
fice entier est disposé en forme de croix ; il a qua-
^
esi
ri -fn^r iW^tW^t/t.
- 209 -
rante-deux fenêtres, soixante-dix colonnes et huit
portes. Il a été achevé en douze ans. » (Ch. xvi.
Histoire des Francs, Grégoire de Tours.)
2° Cathédrale de saint Jérôme.
L'épiscopat de saint Jérôme correspond (795-815) à
la fin du règne de Charlemagne (768-814).
Essayons de rétablir la cathédrale de saint Jérôme à
l'aide de la tradition, des églises types de l'époque
reconstituées et des restes du monument carlovingien
dans la cathédrale :
1<> L'église de saint Jérôme s'écroula par suite d'un
vice de construction : l'abside, qui était à l'occident,
était insuffisamment contrebuttée pour résister à la
poussée du côté de la nef ; il en résulta qu'après moins
d'un siècle d'existence, l'édifice s'anêafatit dans une
chute inévitable et prévue. La légendejAxi chanoine
enseveli sous les ruines et retrouvé vivant au pied d'un
pilier, justifie le désastre de l'éboulement en même
temps que la direction de l'édifice. Donc, d'après la
tradition, l'abside était à l'occident.
2^ Un savant, dont personne ne met en doute la
compétence en pareille matière, Viollet-le-Duc , a
reconstitué une cathédrale du temps de Charlemagne,
et dans son Histoire d'un Hôtel de Ville et d*une
Cathédrale à travers les siècles, éditée par Hetzel, il
en donne un dessin d'ensemble, page 84, et un dessin de
façade, page 64. L'ensemble consiste en abside, tran-
sept, lanterne à l'intersection du transept, grande nef,
bas-côtés, portail de face, flanqué de deux tours
carrées surmontées de clochers pointus. — Telle est la
représentation d'une cathédrale carlovingienne, dont
celle de Nevers, de même date, devait se rapprocher
T. ¥111, 3* série. 14
— 210 —
dans les lignes principales. Donc elle avait une abside
unique.
3^ On s'accorde généralement à reconnaître dans le
bas des murs du transept, entre la chapelle de sainte
Julitte et le mur méridional du transept, des restes de
constructions carlovingiennes ; cela indique que cette
partie formait déjà les bras du transept. Le chevet
était à côté, dans la chapelle de sainte Julitte, et à
l'opposé du chevet, l'entrée principale. Donc, il n'y a
rien d'anormal — bien au contraire — dans le plan de
la cathédrale de saint Jérôme tel que nous le rétablissons
par ]a pensée, si ce n'est que l'abside est à l'occident, au-
dessus de l'ancienne crypte ; mais rappelons-nous que
nous sommes au neuvième siècle, avec une orientation
non encore absolument définie et déterminée par
l'usage, ou au moins contrariée par l'orientation pri-
mitive de l'édifice à l'occident. Donc les vénérables
débris conservés dans les soubassements du transept,
nous indiquent la position de l'abside à l'occident et
l'entrée principale en face de l'abside, c'est-à-dire à
l'orient.
30 Cathédrale cl'Â.ttoii (908-916).
La cathédrale d'Atton avait son abside à l'occident
et sa porte principale à l'orient.
Je me bornerai à citer deux textes qui indiquent
nettement la forme et la direction de l'église :
1^ « On pense, dit Parmentier, que la porte princi-
pale de l'église d'Atton était au môme endroit où est
le grand autel du chœur. » Donc la porte principale
étant à Torient, il en résulte que labside était à l'occi-
dent et qu'il n'y avait pas une abside à l'orient et
une autre à l'occident.
2^ La Gallia Christiana dit que Tévêque Atton
— 211 —
mérita de passer à la postérité en construisant un
vaste temple de forme carrée : « Memoriam sut relU
quit instauratione majoris templi quant structura
quadratâ absolvit. » (Gallia Christianay t. XII.)
Cette forme carrée de temple plus vaste exclut une
abside à l'orient. Donc il y avait une abside unique et
à Toccident formée par la crypte et la chapelle au-
dessus, à laquelle était accolé le temple plus vaste, de
forme carrée, regardant l'orient; car tout indique,
d'une manière évidente, que la chapelle de Sainte-
Julitte, existant au moins dans la cathédrale précé-
dente, a été relevée pour servir de chevet comme
précédemment. Le carré ou plutôt le parallélogramme
intérieur de l'église d'Atton, qui était un véritable
monument, se dé:îomposait en : 1® un transept de
toute la largeur de l'église ; 2*^ une grande nef bordée
de colonnes rondes dont il reste deux spécimens ;
3** les bas-côtés ; 4* la porte principale, que Parmentier
place proche du maître-autel d'aujourd'hui. Mais la
longueur du temple, quoique citée comme vaste,
semble exagérée. — Revenons à la question de l'abside,
pour conclure, d'après cette description sommaire,
que l'abside était à l'occident.
4o Cathédrale d'Hugues-le-Grand (1011-1063).
A mesure que nous remontons les siècles, il est
naturel que les preuves de l'abside unique à l'occi-
dent sont plus nombreuses, plus convaincantes, plus
palpables :
1» Guy Coquille nous affirme que « l'église, avant
Guillaume de Saint-Lazare, soûlait être à soleil cou--
chant, » Soûlait veut dire : avait l'habitude. Donc, au
moins l'église d'Hugues-le-Grand était à soleil cou-
— 212 —
chant ; mais ce mot semble avoir une extension qui
remonte plus haut, car il serait impropre s'il n'avait
cette signification. Mais ne nous attardons pas davan-
tage.
2» Nous allons feuilleter un livre d'un nouveau genre
dont quelques pages ont disparu ; mais dans celles qui
ont été conservées, l'histoire se dessine dans toute sa
trame ; les détails se devinent et la conclusion s'im-
pose : je veux parler du livre de pierre qu'était la
cathédrale d'Hugues-le-Grand, dont nous possédons
de nombreux et importants fragments : Crypte,
abside décorée d'une peinture contemporaine y transept
avec colonnes rondes de la précédente cathédrale et
arceaux au-dessus de ces colonnes, deux absidioles
dans le transept, les arceaux des bas-côtés, une
amorce d'arceau engagée dans la maçonnerie de la
nef:
a) La crypte, rebâtie et agrandie au onzième siècle,
désigne l'autel majeur qui la domine et, par là môme,
l'abside élevée au-dessus du sol comme la partie prin-
cipale de l'église. Donc la crypte est une preuve de
l'abside à l'occident.
b) L'abside ou chevet sont synonymes et signifient
la partie d'une église qui termine le chœur. La cha-
pelle de Sainte-Julitte est bien le chevet (caput) de
l'église. Donc cette chapelle est l'abside et la porte
doit être en face.
c) La grande fresque du Christ triomphant n'indi-
que-t-elle pas, elle aussi, l'abside unique à l'orient ?
Surmontant l'autel majeur, elle parlait aux regards
des fidèles qui l'avaient en face et pouvaient la voir
distinctement de l'autre extrémité de l'église. Cette
fresque n'était pas pour qu'on lui tournât le dos. Donc,
elle désigne l'abside.
— 213 —
d) Transept signifie partie de l'église qui forme les
bras de la croix. Le chevet et le transept sont rappro-
chés comme la tête et les bras de la croix. La lanterne
carrée, éclairée de huit fenêtres, qui occupe l'intersec-
tion du transept, ne laisse aucun doute sur la direction
de l'abside. Donc, l'abside est bien la chapelle de
Sainte- Julitte.
e) Si l'on cherche la raison pour laquelle les absi-
dioles du transept font face à l'abside, on trouvera que
cette disposition est ainsi réglée pour le coup d'œil
du célébrant et des ministres sacrés tournés du côté de
la nef : qu'elles leur eussent paru disgracieuses, ces
grandes murailles nues et sans fenêtres du transept !
Aussi conçoit-on la présence des deux absidioles, for-
mant de gracieuses chapelles, regardant l'abside de
sainte Julitte. Donc, les absidioles désignent le sens
de l'abside.
,/7 Les arceaux des bas-côtés sont visibles dans le
transept ; et de même, dans la première travée de
di*oite, on voit une amorce d'arceau engagée dans la
maçonnerie du treizième siècle. Ces arceaux montrent
le prolongement de la nef et aussi la position de l'ab-
side.
Et en particulier, l'amorce d'arceau engagée dans
la maçonnerie du treizième siècle suffirait à elle seule
pour prouver, d'une manière convaincante, que la
chapelle de Sainte-Julitte était la vraie et unique
abside. En effet, les arceaux qui partent de la colonne
monocylindrique voisine sont plus élevés en hauteur
que le fragment d'arceau. Les deux arceaux plus
élevés dans la partie en avant de la chapelle de sainte
Julitte indiquent, désignent le transept. L'arceau qui
vient ensuite, sensiblement plus bas, est le commen-
cement de la file des arceaux de la nef, tous, on le
conçoit, d'égales dimensions. Donc, la démonstration
- 214 —
est éctdente : 1* que la chapelle de sainte Julitte était
l'abside ; 2* que l'espace devant la chapelle compris
entre les deux grands murs latéraux et. d'autre part,
la ligne prolongée entre les deux absidioles, formaient
le transept ; 3> que les arceaux romans, encore
visibles au-dessus des bas-côtés actuels, étaient réelle-
ment les arceaux des bas-côtés de la cathédrale
d'Hugues -le -Grand; 4« que le commencement de
l'arceau de la nef, très visible et moins élevé, comme
nous l'avons dit, que les arceaux du transept^ dessinait
une des travées. Ou bien il faut nier l'évidence.
Tous ces détails, comme un -faisceau de preuves,
démontrent l'existence d'une abside unique à rocci-
dent pour l'église romane du onzième siècle.
3® Toutes ces parties qui viennent d'être examinées
isolément étant rapprochées, forment un magnifique
fragment de cathédrale et ne laissent aucun doute sur
sa direction. — Vous êtes dans l'abside ou au milieu
du transept; vous n'avez qu'à prolonger les lignes
pour les bas-côtés, pour la file des colonnes: Vous
vous représentez le mur terminal, tout naturellement
percé de la grande porte.
Avec tous les précieux restes qui sont là, sous vos
yeux, vous êtes en bonne voie pour continuer et
compléter l'édifice et vous ne pouvez vous égarer
dans cette restauration en suivant les règles com-
munes, conformes, du reste, aux documents de nos
historiens. Or, ils placent la porte principale à l'orient.
Donc, la cathédrale d'Hugues-le-Grand, reconstituée
dans son intégrité d'après des documents sérieux et
non de pure imagination, nous apparaît avec l'abside
à l'occident, la forme de croix et la porte principale à
l'orient.
49 II est bon de rapprocher de la cathédrale
d'Hugues-le-Grand une église de Nevers qui est de la
— 215 —
même époque. Commencée en 1063, elle a été consa-
crée en 1097. L'église de Saint-Etienne, qui subsiste
presque dans son intégrité, peut, vu le rapprochement
de temps et de lieu, nous donner une idée de celle de
Hugues-le- Grand. Ici nous trouvons, en face de
l'abside, le portail avec deux tours carrées, jadis sur-
montées de flèches, transept, nef et bas-côtés. Si
Saint-Etienne est orienté régulièrement, il faut se
rendre compte que cette église n'était pas entravée
dans son allure, comme la cathédrale, par des souve-
nirs à conserver. Donc, Saint-Etienne doit offrir plus
d'un point de ressemblance avec la cathédrale, sa
voisine, sa contemporaine...
Or, nous y voyons, suivant la règle commune, une
abside unique et^ à l'opposé, la façade avec porte
principale.
III
La double abside apparaît seulement au
moment de la reconstruction opérée par
Guillaume de Saint-Lazare (1201-1220).
Après l'incendie de 1211, une cathédrale gothique
succède aux cathédrales romanes. C'est une grande
église que Guillaume de Saint-Lazare ajoute à la
chapelle de sainte Julitte et au transept épargnés par
les flammes (1).
(1; Il faut le reconnaître, le plan de la cathédrale de Guillaume de
Saint-Lazare est hardi dans sa conception et grandiose dans ses propor-
portions ; malheureusement/ Fincendie de 1306, comme un souffle de
Satan, en fait disparaître une partie très notable en <grandeur et aussi
très importante par la forme de croix aérienne que dessinait l'édifice,
avec deux tribunes au-dessus des portails.
L'abbé Boutiliier, dans ses Vocables de la cathédrale^ cite une fon-
- 216 -
La nouvelle cathédrale inaugure un changement
d'orientation ; en effet, dès ce moment, il existe deux
absides, et l'ancienne est reléguée au second plan, —
simplement à titre de souvenir.
Guy Coquille est explicite, aussi explicite que
possible, sur le fait de l'orientation nouvelle : « Il fit
commencer (Guillaume de Saint-Lazare) la structure
du chœur de l'église de Saint-Cyre, d'ouvrage de
pierre de taille en la beauté, artifice et magnificence
du présent et la bâtit pour la plupart à ses dépens et
par le moyen dudit chœur ainsi construit de nouveau,
le grand autel et le reste de l'église qui soûlait être à
soleil couchant fut tourné à l'orient. »
Remarquez le tour de phrase particulier de notre
historien : « et par le moyen dudit chœur ainsi
construit de nouveau, le grand autel et le reste de
l'église qui soûlait être à soleil couchant fut tourné à
l'orient ». Ce texte ancien, en langage moderne,
revient à cette pensée : Hugues-le-Grand étant obligé,
par les circonstances, à une reconstruction considé-
rable, en profita pour changer le mode d'orientation
et orienter la cathédrale à Y orient.
La Gallia Christiania confirme le témoignage de
dation par le comte Hervé et Mahaut, son épouse, de Tautel de Saint-
Michel au-dessus du portail du nord.
D^anciens pouillés signalent également cet autel.
De plus, la galerie intérieure du triforium se continuait en équerre
au-dessus des deux portails : des débris de la galerie, aussi bien que des
colonnettes calcinées et rougies par le feu apparaissent dans la maçon-
nerie de reprise à l'époque de la restauration, par Berland I*"" dit Gascon.
Tous ces documents ne laissent pas de doute sur Texistence de tribunes
au-dessus de chaque portail, se faisant face et formant, entre le chœur et
la nef, une croix aérienne, comme on en rencontre d'autres exemples,
puisque la croix symbolique se trouve ordinairement représentée dans le
plan des églises.
Dans la nouvelle église de Guillaume de Saint -Lazare, il fallait bien,
autant que possible, se contormer à cette pratique.
— 217 —
Guy Coquille : « Structuram chori, ex opère lapideo,
suis impensis, affabre admodum, eo quo nunc conspi-
citur schemate ad orientem, cum prias esset ad occi-
dentem, »
Parmentier disait que la porte principale était jadis
à Torient ; donc, alors, il n'y avait pas d'abside de ce
côté.
Les auteurs cités, unanimes sur l'orientation primi-
tive, sont Vécho de la tradition et, en cette qualité,
sont des autorités dignes de créance. En signalant la
double abside qui prend naissance avec la cathédrale
de Guillaume de Saint-Lazare comme une nouveauté,
comme une dérogation à ce qui existait antérieure-
ment, ils sont très précis au sujet de l'orientation
primitive à Toccident et d'une abside unique jusqu'au
treizième siècle. Assurément, s'il y eût eu une double
abside antérieure, elle eût, par la singularité môme,
laissé des traces dans les souvenirs, et la double abside
de Guillaume de Saint-Lazare n'eût pas amené Guy
Coquille et la Gallia à constater le changement notable
de la nouvelle orientation : « Auparavant l'église
soûlait... » (Parmentier); «... Cum prias esset occi"
dentem ». (Guy Coquille.)
Dans une étude parue au Bulletin de la Société
nivernaise des Lettres, Sciences et Arts, 3* série, tome I,
page 209, et intitulée : Examen de quelques docu-
ments relatifs à la cathédrale du onsième siècle,
M. Tabbé Boutillier conclut, lui aussi, à une abside
unique à l'occident jusqu'à l'époque de la reconstruc-
tion de Guillaume de Saint-Lazare. Il fonde ses argu-
ments :
— Sur la crypte, qui en remplace une plus ancienne
et qui indique le chœur ;
— Sur les témoignages de Parmentier, de Guy
Coquille et de la Gallia ;
— 218 —
— Sur l'ancienne manière, pour le célébrant, de
prier tourné du côté de l'orient ;
— Enfin, disant un mot du plan élaboré par
M9' Crosnier : « Quatre absidioles faisant face à
l'abside de Sainte-Julitte et, de plus, un rond-point
oriental se développant dans les mômes proportions de
la chapelle de Sainte-Julitte », il trouve que « la nef se
terminerait singulièrement par une seconde abside
voûtée en cul-de-four que rien ne justifie, tandis que
les traditions^ au contraire, semblent indiquer à l'orient
\xnQ façade monumentale, telle qu'on la retrouve dans
les autres églises de cette époque ». Donc, il y a chan-
gement, nouveauté d'orientation avec la nouvel le abside
faisant face à la première.
Si on demande le motif de la nouvelle orientation,
il est facile à donner : nous ne sommes plus au temps
où l'orientation n'était pas déterminée ; dans la suite,
elle s'était fixée par un usage constant et universel.
Dès le dixième siècle, les grandes églises sont réguliè-
rement orientées, au moins dans notre région. Jusqu'à
Guillaume de Saint-Lazare, dans les reconstructions
ou constructions partielles, on avait suivi l'ancienne
orientation par respect pour les souvenirs des églises
primitives. Guillaume de Saint-Lazare lui-même, au
treizième siècle, en se conformant au nouveau mode
d'orientation, se donnera bien garde de toucher à
l'ancienne abside. Peut-il faire autrement que de
conserver l'église primitive à l'occident? Il n'eut pas,
à coup sûr, un seul instant, la pensée de détruire ou
de modifier la partie de l'ancien sanctuaire. La dévo-
tion à saint Cyr et à sainte Julitte était trop ardente de
la part de révoque et de tous les fidèles; le souvenir
de tous les saints évoques, saint Eulade, saint Are,
saint Œolade, saint Arigle, saint Dié, saint Ithier,
- 219 -
saint Nectaire, saint Jérôme, était trop vivant et trop
présent à Tesprit et au cœur de tous.
Telle est la vraie cause qui détermine la particularité
de la double abside.
Par la nouvelle abside, Torientation devenait régu-
lière. En reconstruisant presque en entier la cathé-
drale, Guillaume de Saint-Lazare ne pouvait manquer
de se conformer à la règle qui avait universellement
prévalu depuis deux siècles ; Guy Coquille Tindique
nettement : « Et par le moyen dudit chœur ainsi
construit de nouveau, le grand autel et le reste de
Teglise qui soûlait être à soleil couchant fut tourné à
l'orient. »
La double abside existe donc seulement à partir de
Guillaume de Saint-Lazare et a été voulue accidentel-
lement par la force des choses.
Donc, pour terminer, je reprends les conclusions des
trois thèses :
1® Le mode d orientation n'a pas été fixe dès l'ori-
gine ;
2o Les cathédrales primitives de Nevers ont été
pourvues d'une seule abside à l'occident ;
, 3° La cathédrale du treizième siècle offre une double
abside, seulement à partir de Guillaume de Saint-
Lazare, et les deux absides, comme nous venons de le
dire, existent accidentellement, par la force des choses :
l'une conservée à cause des anciens souvenirs qu'elle
rappelle, l'autre érigée pour se conformer aux règles
de Torientation fixée, dans nos pays, par un usage plu-
sieurs fois séculaire. C'est ce dernier point que je me
proposais principalement de démontrer et d'élucider.
Puissé-je avoir réussi dans ma tâche !
Abbé A. SERY, Chanoine.
— 220 —
UNE LETTRE
DE M. DU BROC DE SEGANGE
La Société nivernaise a publié en 1863 un ouvrage
intitulé : La Faïence, les raïenciers et les Émailleurs
de Nevers, par Louis du Broc de Segange. Ce travail,
enrichi de nombreuses planches et alors nouveau dans
son genre, a eu un grand succès. Le volume, rapide-
ment épuisé, atteint encore des prix élevés.
Les années suivantes, M. de Laugardière fit part à
la Société ' des copies de documents relatifs aux
faïenciers Gambin et Conrade, faites par lui dans les
archives des notaires de Nevers {Bulletin, t. IV, p. 348
et 357), mais il ne poussapasplus loin ses investigations.
Depuis cette époque aucun érudit nivernais n'a tenté
de compléter l'ouvrage qui a fait honneur à notre Société.
L'année dernière, M. Massillon Rouvet ayant repris
accidentellement ce sujet si intéressant pour le Niver-
nais, son travail a été l'objet de la lettre suivante dont,
en souvenir de notre ancien vice-président, je me
suis empressé de donner lecture à la séance du
27 février 1899 :
R. DE L.
Segange, le 26 janvier 1899.
Monsieur le Président,
Le hasard vient de mettre sous mes yeux l'article
de M. Massillon Rouvet, intitulé : L'Introduction des
Faïences d'art à Nevers, Comme il s'y trouve certaines
critiques, d'ailleurs très bienveillantes, à l'adresse de
l'ouvrage de mon père : La Faïence^ les Faïenciers
et les Emailleurs de Nevers, j ai l'honneur de vous
demander la permission d'exposer ici mes observa-
tions sur ce sujet.
— 221 —
Tout d'abord, M. Massillon Rouvet rend un
hommage complet à Timpartialité de l'auteur, ce dont
je le remercie. Ensuite, il relève une erreur faite sur le
nom de la femme d'Augustin I®' Conrade : je pourrais
lui opposer le texte même du registre paroissial de
Saint-Martin de Nevers (1602), qui est peut-être
fautif, mais j'aime mieux m'occuper tout de suite de
deux points beaucoup plus importants.
1° M. Rouvet dit, page 27, que rien ne décide l'au-
teur à donner le degré de parenté de ces artistes,
c est-à-dire des trois Conrade vivant en 1602. Il sufl5t,
pour se convaincre du contraire, de lire les pages 61,
71, 72, et la légende de la planche I (armoiries et signa-
tures des Conrade). M. du Broc les désigne nettement
comme frères en plusieurs endroits, et l'arbre généa-
logique de la page 72, en les plaçant sous la môme
accolade, me semble fort explicite.
2® M. Rouvet cite ensuite, dans la même page 27,
la phrase suivante attribuée à mon père : « Scipton
Gambin, en tout état de cause, doit être coNsmÉRÉ
comme le premier importateur de la faïence à Nevers. »
Or, cette citation est inexacte. Le texte de l'ouvrage :
La Faïence, les Faïenciers,,,. , porte, page 59 (et non
page 58, comme le dit M. Rouvet, qui certainement à
lu le livre très imparfaitement) :
« Scipton Ganibin, en tout état de cause, doit-il
être considéré comme le premier importateur de la
faïence à Nevers ? Tout indique que, le premier, il a
dû faire des essais dans cette capitale du duché ; mais,
en l'absence d'autres documents, nous ne pensons pas
qu'on puisse lui attribuer l'initiative de cette grande
fabrication, qui était déjà célèbre à la fin du règne de
Henri IV. L'ordonnance de ce roi, citée par Bron-
gniart, relative à la fabrication de Nevers, est datée de
— 222 —
1603; et à cette époque il n'était plus question de
Scipion Gambin, mais bien d'une famille nombreuse
qui devait fournir à Ne vers trois générations d'excel-
lents faïenciers. »
Ainsi donc, M. Rouvet, en supprimant le mot il
et son trait d'union, a mis sous la forme affirmative
une pensée qui exprimait le doute et l'interrogation.
Les deux phrases qui suivent indiquent bien que mon
père n'était pas dans l'intention de donner au potier
Gambin la paternité de la faïence nivernaise, mais
qu'il considérait surtout la famille nombreuse devant
fournir trois générations d'excellents faïenciers, c'est-
à-dire les Conrade. C'est encore par ces derniers qu'il
commence page 71, le chapitre consacré aux noms des
faïenciers classés par ordre chronologique; quant à
Gambin, il se contente de le mentionner jooar mémoire
dans une note au bas de la page.
Je possède la collection de nombreux articles
extraits des journaux ou revues publiés en 1863, au
moment -de l'exposition de Nevers et de l'apparition
du livre de mon père. Tous les écrivains mentionnent,
d'après lui, les Conrade comme trois frères ayant
importé Tart de la faïence à Nevers. Trois ou quatre
journaux seulement s'occupent de Gambin à cause de
sa parenté probable avec le faïencier lyonnais portant
le même nom. M. André Pottier dit, à la page 8 de son
Histoire de la Faïencerie de Rouen, que, d'après
M. du Broc, le véritable auteur de la fabrique de
Nevers est un nommé Conrade. Il ressortait donc
clairement de la lecture du livre de mon père, qu'il
regardait les Conrade comme les vrais importateurs de
la faïence à Nevers. S'il ne le disait pas catégorique-
ment, c'est qu'il ne pouvait affirmer une chose dont il
n'avait que des preuves morales.
— 223 —
Depuis 1864, qui est précisément le moment où
j'ai quitté la Nièvre, s'est-il formé parmi les érudits
nivernais un parti gambiniste opposé aux conradistes ?
Je dois le croire en voyant'M. Massillon Rouvet parler
de la « réhabilitation des Conrade », enlisant surtout
le rapport de M. Henry Jouin, imprimé au Bulletin à
la suite de la note de M. Massillon, qui, lui, emploie
les grands mots d!erreur accréditée à détruire, de
mémoire à venger, d'auréole à replacer, de capta-
iion, etc. Je ne savais pas que mes pauvres ancêtres
avaient fait dans Topinion une si triste chute, autre-
ment j'aurais tenté quelques efforts pour les défendre,
malgré mon incompétence en ces matières.
M. Massillon Rouvet a eu la bonne fortune de
trouver, dans V Inventaire des Archives de Nevers,
publié en 1876 par M. l'abbé Boutillier, des documents
qui auraient fait le bonheur de mon père, en ne lais-
sant plus aucune place au doute. Je le félicite sincère-
ment de cette trouvaille, car je m'estime très heureux
de descendre en ligne directe, par les familles de Bianki
et Phélippes, de ces gentilshommes faïenciers, qui,
tout en maniant Tépée au service de la France, se sont
révélés grands artistes et grands industriels.
Ces sentiments étaient ceux de mon père, mais, à
cause des extraits inexacts publiés sur son livre, j'ai
l'honneur, Monsieur le Président, de vous demander
l'insertion de la présente lettre dans le Bulletin de la
Société nivernaise.
J'ajouterai, parla même occasion, que je possède
deux cachets du médecin Augustin de Conrade,
apposés sur un acte de 1667 : ses armoiries sont bien
conformes à celles dont mon père a donné le fac-similé
d'après la copie de 1578. On trouve dans les archives
de l'Allier, B. 744, une Mavie-Françoise Conrade,
épouse en 1666 de Gilbert Roy des Bouchesnes, lieute-
- 224 —
nant général en la sénéchaussée de Moulins. Elle était
fille du susdit Augustin de Conrade, seigneur du
Marais et d'Aglan, lequel habitait Moulins.
Veuillez agréer. Monsieur le Président, l'assurance
de ma considération très distinguée.
G. DU Broc de Segange,
Clief d^escadrons de cavalerie en retraite. •
A l'occasion et comme complément de cette note
destinée à restituer aux Conrade leur titre incontes-
table et jusqu'ici incontesté d'inventeurs de la faïence
en France, titre proclamé d'ailleurs, il y a près de
quarante ans, dans l'ouvrage, qui fait autorité en céra-
mique, de M. Louis du Broc de Segange, M. Ernest
de Toytot donne lecture d'une seconde lettre de
M. Gaston du Broc de Segange, au sujet de cette môme
famille des Conrade.
M. Gaston du Broc de Segange, dans cette lettre,
tient à signaler lui-même une erreur qu'aurait com-
mise son père dans le tableau généalogique des
Conrade, en indiquant Gabrielle Conrade, épouse
à! Henry Bolacre, comme étant la sœur du médecin
Augustin Conrade. Elle était en réalité sa fille,
comme on peut s'en convaincre par la lecture du
contrat de mariage de Marie-Françoise Conrade, son
autre fille, avec Gilbert Roy, reçu Colon, notaire à
Nevers, le 18 janvier 1665, que M. du Broc a eu entre
les mains.
- 225 -
LE PROTESTANTISME
ET LÀ
RÉVOCATION DE L'ÉDIT DE NANTES
DANS LA PAROISSE
DE BEAUMONT-LA-FERRIÈRE
(Nièvre).
La période de la Réforme en Nivernais a déjà fait
l'objet d'intéressantes études ; cependant son histoire
est loin d'être complète. Désireux d'y contribuer pour
une modeste part, je rappellerai brièvement, dans ce
travail, l'existence des protestants qui, aux seizième et
dix - septième siècles , résidaient à Beaumont-la-
Perrière.
Cette petite localité présente, en effet, à une époque
aussi troublée, une physionomie particulière; et les
archives communales nous montrent que les querelles
religieuses, si sanglantes aux environs même — à La
Charité, — n'eurent dans le pays aucune conséquence
r^rettable.
Les réformés étaient cependant assez nombreux à
Beaumont, et il y avait à cela plusieurs raisons. C'est
d'abord l'acquisition, par Jean de Morogues, d'un fief
de la paroisse : celui de Sauvages, où il vint se fixer
en 1531.
Ce seigneur, ayant adopté la religion réformée,
T VIII, 3* série. 15
- 226 -
choisit son personnel parmi les huguenots ; il
employait, en outre, dans les importantes forges
voisines de son manoir, un certain nombre de calvi-
nistes.
Aussi, pour faciliter à tous ces réformés l'exercice
de leur culte, fit-il transformer en un temple la petite
chapelle annexée jadis au château par la famille de La
Platière(l).
A cet édifice protestant, un ministre était spéciale-
ment attaché : c'est, en 1590, Jean Thaby qui figure
souvent comme témoin dans les titres de la fin du
seizième siècle. Samuel Alard, qui lui succéda vers
1640, eut plusieurs enfants naturels, dont une fille,
qui, baptisée après le décès de son père, fut inhumée
religieusement le 19 avril 1685.
Ces ministres étaient généralement logés dans les
dépendances du château ; cependant, en 1647, Alard
habitait, au bourg de Beaumont, une maison récem-
ment acquise par le seigneur de Sauvages, et « dont
» V appartement de derrière seroait de semetiére à
)) ceux de la religion prétendue réformée (2).
Jean de Morogues étant mort vers 1554, Jacques,
son fils aîné, hérita du fief de Sauvages. La plupart
des historiens nivernais ont rappelé le souvenir de ce
protestant qui, nommé en 1576 gouverneur de La
Charité par le duc d'Alençon, ne se fit aucun scrupule
de trahir la promesse^ faite à ce prince, de ne point
molester les catholiques. Mais la curieuse figure de ce
seigneur appartient plus intimement à l'histoire de
(1) Cette chapelle, restaurée et embellie en 1514 par le seigneur d'alors,
Imbert de la Platière, évoque de Nevers, ne fut rendue au culte catho-
lique qu'en 4751, longtemps après la conversion des derniers descendants
de la famille de Morogues, et sur la demande de Tun d'eux.
(2) Les huguenots, on le voit, avaient leur cimetière réservé, attenant
d'ailleurs à celui des catholiques, lequel entourait alors réalise.
— 227 —
Beaumont, puisque cet administrateur félon, parti de
son manoir de Sauvages pour occuper le haut emploi
auquel l'appelait la confiance du frère du roi, y fut
ramené quelques mois après, — et sous bonne escorte,
— avec les protestants qu'il avait armés.
Les seigneurs de Sauvages, de la famille de Moro-
gués, ayant persévéré dans la religion de leurs ancêtres
jusqu'à la révocation de l'Edit de Nantes, réunirent
dans leur temple, non seulement parents, domestiques
et ouvriers, mais encore tous les autres calvinistes de
la paroisse (1).
Ces derniers étaient d'ailleurs assez nombreux
depuis 1665, époque où l'architecte Le Vau, devenu
seigneur de Beaumont, avait, par ordre de Louis XIV,
fait installer dans le voisinage de son château d'impor-
tantes manufactures de fer-blanc. Et comme cette
industrie était prospère en Allemagne, Le Vau avait
dû faire venir de ce pays plusieurs maîtres forgerons,
tous luthériens.
(1) Ce droit était, en vertu de Tarticle VII de l'Edit de Nantes, accordé
aux seigneurs hauts-justiciers seulement ; les possesseurs de moyennes et
basses justices ne pouvant établir un presche dans l'étendue de leurs
terres sans Tautorisiition expresse du roi. C'est ce qui ressort d'une pièce
intéressante découverte par M. de Lespinasse à la Bibliothèque nationale
(Balutej Armoires, i89, folio 97 )f et dont il a bien voulu me communi-
quer une copie.
Cette lettre signée par Louis XIV, et datée du 6 décembre 1645, a été
adressée par Phelippeaux à M. du Verger, conseiller du roi en son Conseil
d'Etat, intendant en la justice, police et finances de Bourbonnais. Elle est
relative à un presche établi sur une terre ayant droit de moyenne et basse
justice, voisine de Clamecy et acquise récemment par un marchand,
nommé Girardet. Le roi ayant appris que déjà ce dernier « a commencé
• d'en faire ouverture par l'abjuration qu'il a fait faire àungjeune enfant
» do lieu de Goulanges-sur- Yonne >, mande à son intendant « de se
» transporter sur les lieux et, y estant bien et deuement, informer de ce
» prétendu establissement et, l'information faicte, l'envoyer en son conseil
• pour ordonner ce qu il verra estre à faire par raison. » Puis le monarque
^oute : « Opendant vous ferez très expresses deffenses audit Girardet et
• tous antres que besoing sera, de passer oultre audit establissement sur
• peine de désobéissance et autre plus grande s'il y eschet. »
- 228 -
Lorsqu'il mourut, en 1670, Louvois lui donna pour
successeur un autre architecte des bâtiments du roi,
Grandguillaume ; ce dernier, ayant acquis l'expé-
rience des ouvrages de fer-blanc dans ses voyages
d'Allemagne et voulant redonner aux usines qu'il diri-
geait leur activité première, demanda à cette contrée
de nouveaux travailleurs.
Il est donc probable que le nombre d'ouvriers luthé-
riens employés aux manufactures royales de Beaumont
eût été croissant si ces établissements n'avaient subi
une série de vicissitudes qui en amenèrent prompte-
ment la ruine.
Quelques-uns de ces protestants, venus dans le pays
avec leur famille, s'y fixèrent cependant ; d'autres s'y
marièrent, faisant souche. Ces unions amenèrent -elles
des conversions ? Les registres paroissiaux semblent
le prouver : car nous voyons plusieurs forgerons alle-
mands faire baptiser leurs enfants en 1677, ce qui
indique qu'eux-mêmes avaient fait antérieurement
leur profession de foi catholique (1).
Les réformés ne jouissaient plus d'ailleurs, à cette
époque, d'une grande sécurité en Nivernais ; et les
ouvriers luthériens employés dans les manufactures
royales de Beaumont se virent bientôt privés eux-
mêmes des faveurs du souverain qui les avait appelés
dans le pays pour y répandre une industrie nouvelle.
Les édits royaux qui se succèdent sont loin, en effet,
de témoigner d'une grande protection à l'égard des
calvinistes^ dont la situation devint moins rassurante
encore en 1688. En effet, Louis XIV, entrant dans la
voie des rigueurs, enleva aux réformés les garanties
(i) Citons notamment le maitre forgeron allemand, Pierre Vetoms.
marié à Barbe Beutmer, dont le fils, baptisé le 21 janvier 1677, eut pour
maiTaine sa tante, Elisabeth Beutmer, époase elle-môme d*an maître
blanchisseur, venu d'Allemagne.
- 229 —
que leur assurait TEdit de Nantes, supprima les libertés
à eux laissées par Richelieu et Mazarin et leur interdit
môme toute fonction libérale.
C'est alors que, pour se conformer à la volonté du
roi, plusieurs protestants de Beaumont firent ces
abjurations solennelles dont les registres paroissiaux
nous ont gardé le souvenir.
On déployait en la circonstance un certain cérémo-
nial ; les personnes les plus notables de la paroisse —
et quelquefois celles des localités environnantes —
étaient convoquées à l'église pour entendre le serment
du nouveau converti.
Peu importait d'ailleurs le jour et l'heure, ces céré-
monies ayant lieu quelquefois même le dimanche à
l'issue de la messe paroissiale.
C'est le 24 janvier 1683, un sieur Jacob, forgeron
allemand, et Elisabeth Pesnard, sa femme, qui se
convertissent et font baptiser Jeanne, leur fille, quel-
ques jours après.
Le 3 février 1684 a lieu également dans l'église
l'abjuration de Zacharie MùUer, allemand luthérien,
alors domestique du sieur François de Morogues, cal-
viniste et seigneur de La Celle-sur-Nièvre. Et, dit
l'acte de conversion, a le réformé se présenta au-
» devant de la grande porte de l'église suppliant
» instamment le curé, comme plusieurs autres fois il
» avait fait, de le vouloir recevoir à la créance des
» fidelles catholiques » ; et c'est en présence de plu-
sieurs de ses anciens coreligionnaires qu'il fait sa pro-
fession de foi.
Cependant, ces conversions isolées ne donnaient
point entière satisfaction au roi, qui assujettit les
réformés à de nouvelles formalités.
C'est ainsi que, pour obéir aux déclarations royales,
Henry-Louis de Morogues, seigneur de Sauvages,
- 230 —
demande, le 12 mai 1685, au lieutenant général du
bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier, l'autorisation de
continuer dans son temple lexercice du calvinisme,
permission qui lui fut accordée <( seulement pour luy
» et ses domestiques de la mesme religion sans que
» pour ce il puisse tenir le presche ».
C'était un acheminement rapide vers la révocation
de l'Edit de Nantes, qui eut lieu le 22 août suivant. Il
faut alors abjurer ou s'exiler. Henry de Morogues ne
voulant point suivre en Hollande le seigneur de La
Celle, son frère, préféra se convertir ; aussi le trouve-
t-on dans la suite parrain de plusieurs de ses petits-
enfants.
Et lorsque le 8 avril 1686, son fils aîné, François de
Morogues, épousa dans l'église de Beaumont Anne,
sa cousine, nouvelle convertie, il était lui-môme
devenu catholique, ainsi que les nombreux oncles,
tantes, cousins et cousines présents à son mariage.
Les registres paroissiaux de Beaumont-la-Ferrière
nous ont conservé le souvenir de plusieurs autres abju-
rations protestantes.
Le 3 décembre 1685, c'est une veuve avec son fils et
ses deux filles ; le 9, deux enf ants'^baptisés par Samuel
Alard sont présentés à l'église par leurs parents pour
être reçus à la créance catholique ; enfin, le 22 du
môme mois, un habitant de Murlin — trouvé dans la
paroisse, dit l'acte — et trois domestiques du seigneur
de Sauvages (l'un de vingt-neuf ans, l'autre de dix-
huit et le troisième de quatorze) font leur abjuration :
mais celle-ci a lieu dans la chapelle du château de
Beaumont.
Les relations de ces cérémonies, laissées par les
curés de l'époque, renferment de curieux détails ;
cependant il n'est point fait mention dans les registres
des conversions seigneuriales. Aussi est-ce l'acte relatif
à Tabjuration d une famille d'ouvriers qui rappellera
les formalités usitées en pareille circonstance.
En voici la teneur :
Cejourd'huy lundy, troisiesme jour du mois de
décembre mil six cent quatre-vingt-cinq, dans Téglise
paroissialle Saint-Léger de Beaumont-la-Ferrière ,
diocèse de Nevers, sont comparuts en personnes
pardevant nous Joseph Rossignol, prestre curé dans la
dite église, honeste femme Susanne Charlotte Eugénie
Vauboulle, veufve de deffunct Samuel Vilotte, aagée
de quarante-cinq ans, Henry Vilotte, aagé de dix-sept
ans, Anne Vilotte, aagée de quatorze ans, et Susanne
Vilotte, aagée de huit ans, fils et filles dudit Samuel
Vilotte et Susanne Vauboulle, leurs père et mère,
touts de la religion prétendue réformée, demeurants
dans leur maison audit Beaumont-la Perrière ; lesquels
nous auroient prié instamment comme plusieurs
autrefois ils auroient fait, de les vouloir recevoir à la
créancedes fidelles catholiques apostoliques et romains,
aquoy inclinant et comme usant de pouvoir à nous
donné par Monseigneur messire Edouard Vallot,
illustrissime et revérendissime evesque de Nevers,
aurions interpellez les dits Susanne Vauboulle, Henry,
Anne et Susanne Vilotte de déclarer hautement quel
motif ils avoient de se faire catholiques, apostoliques
^t romains, lesquels nous auroient répondu que
cestait Tinterest de la gloire de Dieu et de leur propre
salut ; et les ayant fortifiez dans ce dessein par nostre
exhortation, nous aurions chantée l'hymne de Vent
Creator Spiritus, puis ensuite aurions exposé le corps
de nostre Seigneur Jesus-Christ qu'ils auroient adoré
par un acte de foy catholique, apostolique et romaine,
en prononçants haustement et de mot a mot la profes-
sion de foy catholique, apostolique et romaine dans la
manière ' qu'il est prescript dans le saint Concile de
- 232 —
Trente et reçeu la prestation de leurs serments-sur les
saints Evangiles en les touchants et baisants respec-
tueusement, promettants a ladvenir d'estre fidelles à
la sainte Eglise romaine jusquau dernier soupir de leur
vie, croyants fermement que hors d'icelle il ny a
point de salut ; et après leurs avoir donné Tabsolu-
tion de Iheresie de Luther et Calvins, leur aurions
donné leurs places dans ladite église pour entendre la
messe qui fut suivie d'un Te Deum laudamus solen-
nellement chanté, les cloches sonantes, pour rendre
gr&ces a Dieu d'une si sainte action, à laquelle ont esté
présents lesdites Vauboule et Vilotte, messire Charle
Roger de Quinquet, ecuier, seigneur de Vieille-Ferté,
Choulot et autres lieux, demeurant à la Vieille-Ferté,
diocèse de Sens en Bourgogne ; honorables hommes
Edme Hugot, procureur fiscal ; Pierre Vincent, mar-
chand ; Jean Mignon, Jaque Fine, marchands ; Jean
Robert, serurier ; Edme Martin, chirurgien, et plu-
sieurs autres paroissiens demeurants touts audict
Beaumont et plusieurs externes qui ont déclaré ne
savoir signez, sauf les sousignez avec nous curé susdit
les an et jour que dessus ; lesdits VaubouUe et Villotte
ont déclaré ne scavoir signer enquits.
(Suivent les signatures,)
C'en est fait, à partir de cette époque, de la Réforme
dans la paroisse, car aucune abjuration ne figure aux
registres après le 22 décembre 1685.
On pourrait, à bon dioit, s'étonner qu'elles n'eussent
pas été plus nombreuses, étant donnée la population
calviniste de Beaumont ; il faut donc en chercher la
cause et dans l'abandon des forges et dans les exils
volontaires qui suivirent la révocation de l'Edit de
Nantes
Gastoh GAUTHIER.
- 233 —
ÉTAT ACTUEL
DE
LA NUMISMATIQUE NIVERNAISE
Depuis la publication de notre travail sur la Numis-
matique (1), nous avons réuni un certain nombre de
pièces nouvelles et une série de documents sur les
monnaies, les jetons et les méreaux nivernais.
Ce sont ces pièces et ces documents que nous allons
décrire et examiner ici.
MONNAIES FÉODALES
DOCUMENTS CONCERNANT LES MONNAIES DES COMTES (2)
Pierre de Courtenay.
Corbigny , 1188. — En échange d'un don de 12 deniers
par feu, Pierre de Courtenay et sa femme Agnès de
Nevers, prennent en leur nom et au nom de leurs suc-
cesseurs, vis-à-vis des évoques, abbés et barons du
comté de Nevers, l'engagement de maintenir leur
monnaie au titre de 4 deniers d'argent fin et au poids
de 16 sols 8 deniers au marc de Troyes.
Le texte original de cet acte, publié par M. Prou
(1) Numismatique nivernaisCf Nouvelles recherches.
(2) Les sept premiers de ces documents, conservés aux Archives dëpar*
tementales de la Nièvre (G. 6i), ont été compris dans la série de docu-
ments monétaires publiés par M. Prou dans la Revue numismcUique
1896, p. 283-906.
— -234 —
pour la première fois, était déjà connu par une confir-
mation royale, d'après laquelle il avait été étudié et
analysé par Tabbé Lebeuf, M. de Soûl trait, etc. Nous
allons voir plus loin que cet engagement allait être la
source de difficultés sans fin entre les comtes et le
Chapitre de Nevers.
II
Eudes de Bourgogne.
Paris, 5 septembre 1362. — Convention entre le
comte Eudes, d'une part, Tévôque et le Chapitre de
Nevers, de l'autre. Le comte obtient l'autorisation de
continuer la fabrication des monnaies au titre de
3 deniers, obole et 1/2 pite de loi, et à 20 sols, un
denier plus ou moins, de poids au marc de Troyes,
jusqu'à ce que sa fille Yolande, héritière du comté,
soit en âge de faire valoir ses droits.
Cette pièce, qui est une dérogation à la convention
précédente, n'avait pas été retrouvée par M. de Soûl-
trait au moment de la publication de l'Essai sur la
numismatique nivernaise, mais il la connaissait par
l'analyse qu'en avait donnée G. Eysembach dans
V Inventaire des archioes de la Chambre des comptes
de Nevers (1).
III
Jean Tristan.
Vincennes, 3 mars 1267. — Lettres de non-préju-
dice délivrées par Jean Tristan à l'évoque et au Cha-
pitre, vidimées le 7 avril 1304 par l'official de Nevers,
au moment de la main-mise du roi sur la monnaie du
comte.
(1) Annuaire de la NièvrCf année 18i4, ^ partie, p. 58.
- 235 —
Ce document, acquis en 1883 par les Archives de la
Nièvre, est le seul qui nous renseigne jusqu'à présent
sur le monnayage de Jean Tristan; aussi croyons-
nous devoir en citer la partie principale :
« Johannes , filius domini régis Francorum cornes
Nivernensis, universis présentes litteras inspecturis,
salutem, Noveritis quod nos precepimus fieri monetam
in comitatu Nivernensi, ad decem et octo solides et
octo denarios ad marcam domini régis, ad quam déli-
bérât monetam turonensem et ad quatuor denarios
pougesia minus de legalitate de argento Montispessu-
lani ; volontés quod per istam tonsionem (1) monete nul-
lum prejudicium afferatur in posterum révérende
patri et domino R. Episcopo Nivernensi (2), vel
ejus successoribus, nec decano aut capitule Nivernen-
sibus, inmo quod nobis et successoribus nostris et
predictis episcopo et capitule jus nostrum et suum
omnino servetur illesum, secundum quod erat antequam
monetam istam fieri mandaremus. In eu jus rei testi-
monium presentibus litteris nostrum fecimus apponi
sigillum. Actum apud Vicenas, die jovis ante Bran-
dones, anno Domini M^ CC^ sexagesimo sexto, mense
martio ».
Comme on vient de le voir, les monnaies de Jean
Tristan étaient à 18 s. 8 den. au marc le roi, et 4 de-
niers moins une pougeoîse de loi, argent de Montpel-
lier (3), soit, en admettant, comme on le fait généra-
lement, l'identité des marcs de Troyes et de Paris,
224 pièces au marc, et pour le poids de chacune d'elles,
1 gr. 0926, au titre de 90/288, argent de Montpellier.
(i) Affaiblissement de la monnaie en poids et en titre.
(2) Robert de Marzy.
(3) L'argent de Montpellier renfermait 63/64 d'argent fin, d'après Bltn-
card (Ewai sur les monnaies de Charles /«^ conUê de Provence. —
Paris, 1868, in-8% p. 15).
- 236 -
Les deux exemplaires dû cabinet de France pèsent seu-
lement 0,90 et 0,83 ; celui que nous possédons atteint
à peine 0,88, c'est-à-dire un chiffre trop inférieur au
poids officiel pour laisser croire que ce dernier ait été
jamais atteint.
iv-v
Robert de Damplerre, dit de Béthune.
Les mômes archives possèdent deux pièces à peu
près semblables d'un procès entamé contre Robert de
Dampierre et sa femme Yolande, c'est-à-dire entre
1271 et 1280, par le doyen et le Chapitre de Nevers,
qui se plaignent au Parlement de ce que les engage-
ments monétaires pris en 1188 par Pierre de Courtenay
et Agnès de Nevers (1) soient, malgré la confirmation
royale, lettre morte pour le comte Robert, celui-ci
invoquant la prescription pour ne pas les tenir.
Le Chapitre répond qu'il n'y a pas matière à pres-
cription, puisque les successeurs de Pierre de Cour-
tenay ont délivré des lettres de non-préjudice réser-
vant les droits du Chapitre, toutes les fois qu'ils ont
voulu déroger aux conventions monétaires qui leur
étaient imposées.
Disons de suite, que Robert de Dampierre finit par
se soumettre, puisque, dans la pièce suivante (1309), le
Chapitre invoque son exemple dans un procès contre
Louis de Flandre.
Sur cette difficulté venait se greffer la question
d'une prison située près de la cathédrale et dont le
Chapitre réclamait la possession.
« Intendunt probare decanus et capitulum ecclesie
Nivernensis contra comitem et comitissam Nivernenses,
(1) Voir plus haut, I.
— 237 —
quod prisio ipsorum decani et capituli, de qua conque-
runtur cornes et comitissa, sita est in atrio et infra
septa majoris ecclesie Nivernensis.
x> Item, quod sita est infra immuhitatem dicte
ecclesie sive libertatem ejus.
» Item, quod ipsi decanus et capitulum sunt in pos-
sessione et fuerunt per quadraginta annos et amplius
habendi dictam prisionem et ponendi ac tenendi in ea
homines sucs et justiciandi eos ibidem quando volue-
runt et casus requirebat.
» Item, quod per quadringenta annos et amplius a
tempore a quo memoria non existit, fuerunt in pos-
sessione habendi dictam prisionem.
)) Item, quod per tantum temporis quod sufficit ad
usus aquirendi.
» Item, intendunt probare quod justicia illius loci,
in quo est dicta prisio, pertinet ad eosdem.
» Item, quod illa prisio publiée vocatur in illis par-
tibus prisio capituli.
» Item, quod istud est manifestum et publiée noto-
rium in illis partibus. »
VI
Louis de Flandre.
1309. — Requête adressée au Parlement par les
gens du roi, Tévôque, le doyen et le Chapitre de
Nevers, qui demandent <( la mise au noyant » de la
monnaie frappée par Louis de Flandre depuis la main-
mise du roi.
Le comte parait avoir résisté avec le plus de persé-
vérance que ses prédécesseurs. Malgré l'interdiction
royale lancée sur sa monnaie en 1304, il fit pendant
quelque temps continuer la fabrication, et on verra par
— 238-
le mandement de 1317 qu'il ne tint aucun compte de
l'arrêt rendu contre lui par le Parlement à cette
occasion.
A la fin de la pièce, est une liste de témoins requis
pour prouver que le comte ne s'était pas soumis aux
ordres du roi (1)-
VII
Paris, 28 mars 1317. — Mandement de Philippe
Vau, bailli de Bourges, lui enjoignant de faire res-
pecter l'arrêt du Parlement rendu contre Louis de
Flandre, parce que celui-ci persiste à battre monnaie
malgré ledit arrêt et la main-mise du roi.
Cette série de procès ne fut vraisemblablement
jamais terminée d'une manière efficace pour la fabri-
cation des monnaies et ne pouvait pas l'être, car il
s'agissait pour le Chapitre d'une question de principe
et du maintien d'un droit théorique d'intervention dans
les affaires du comte.
Ces prétentions étaient, il est vrai, appuyées et
encouragées par le pouvoir royal, qui profita de l'oc-
casion pour mettre le séquestre en 1304 sur la monnaie
de Louis de Flandre, comme il saisissait tous les pré-
textes lui permettant d'intervenir dans ces sortes de
différends. Les gens du roi et le Chapitre prétendirent
même à ce propos, que le droit de battre monnaie
appartenait exclusivement au roi, à moins de « style
especiaul et sus certain pois et aloy )) .
Mais, dans la pratique, il était bien difficile d'exiger
l'exécution de conventions qui avaient été l'objet de
transactions aussi nombreuses, d'autant plus que les
(1) Comme cette liste renferme les noms de plusieurs offiden et mon*
nayeurs de la monnaie de Glamecy, nous la donnons plus loin au chapitre
concernant cet atelier.
- 239 —
réclamations du Chapitre, prises au pied de la lettre,
auraient été évidemment excessives.
Etait*il possible de ramener en 1380 les monnaies
au taux fixé un siècle auparavant, alors que les condi-
tions générales du numéraire s'étaient transformées
partout (1). Le comte de Nevers eût été seul à frapper
de bonnes espèces, qui n'auraient pas manqué, à cause
de leur supériorité, d'émigrer rapidement hors du
comté. Aussi le document connu sous Ib nom d'ordon-
nance de 1315, en prenant un moyen terme, recon-
naissait implicitement un fait accompli, comme Ta
très bien fait remarquer M. Prou.
Le Chapitre voulait donc simplement obtenir des
lettres de non-préjudice pour réserver ses droits, et s'il
mettait autant d'âpreté dans ses revendications, c'est
qu'il obtenait probablement, en échange de conces-
sions plus apparentes que réelles, des compensations
d'un autre genre.
vm
M. de Lespinasse a eu la complaisance de copier
pour nous, à la Bibliothèque nationale, le texte
suivant, que nous donnons en entier, bien qu'il soit
(1) Pour qa*on puisse se rendre compte de Taltération progressive det
monnaies, depuis Pierre de Ck)urtenay, nous avons rapproché ici les
divers renseignements que nous possédons sur le titre et le poids des
pièces frappées par ses successeurs :
Nombre de Proportion Poids
pièces d'argent d'un
au marc. fin. denier.
1188 Pierre de Courtenay (1184-1199).
1262 Eudes de Bourgogne (1257-1267).
1267 Jean Tristan (1265-1270). . .
1276 Robert de Dampierre (1271-1296).
1315 Louis de Flandre (1296-1821) .
Dans la recherche de la quantité d'argent contenu dans chaque denier,
nous avons négligé la différence peu sensible entre l'argent fin et rargent
de Montpellier.
200
96/288
1 gr. 223
240
S7/288
1 gr. 019
224
90/288
1 gr. 092
224
90/288
1 gr. 092
234
88/288
1 gr. 0459
-" 240 -
déjà connu par louvrage de Leblanc (1), qui en a
reproduit le commencement d'une manière inexacte.
Il s'agit d'un bail de la monnaie des comtes de
Nevers au xiii« siècle.
Déclaration de la monnoye du comte de Nevers.
« Li cuens de Nevers. Nous avons baillé à fère,
tant comme il nous plaira, nostre monnoye de fors
de Nevers, en la manière qu'il est contenu après.
Geste monnoye doibt estre de la loy as menuz
tournois comme N. S' le Roy de France faict fère,
c'est assavoir à quatre poniaises moins à argent à
quatre deniers {lire : à quatre deniers pougeoise moins,
c'est-à-dire à quatre deniers moins une pougeoise) (2),
et tenans ou marc d'argent fin. Et doibt estre
du poix de dix-huit sols et huict deniers au marc de
Mil' le Roy à quoy on délivre ses monnoyes (3), en
telle manière que on prandra trois marcs de telle
monnoye, c'est assavoir chascun marc par soy. Et si
aulcun de ces trois marcs estoit de dix-huit sols neuf
deniers ou de plus, jà soit que les autres deux marcs
feussent de moindre poix mais que les trois ensemble
pesassent lvi sols ou moins, ilz se délivreront sans
chalenge (4), et se il avoit plus de cinquante-six sols
en ces trois marcs, ils ne se delivreroient pas devant
(1) Traité historique des monnoyes de Ftxmce, p. 191.
(2) Pougeoise, un quart du denier ou six grains.
(3) Leblanc donne le chiffre de 18 sols 4 deniers ; cette erreur, qui a été
reproduite par M. de Soultrait et par nous-méme {Nouvelles rechercfies,
p. 46), modifie sensiblement la composition de la monnaie et, par suite,
la date du document, qui ne peut plus être attribué à Guy de Forez,
comme Ta fait M. de Soultrait. Ajoutons, à ce propos, que nous avons
confondu à tort ce texte avec l'ordonnance de saint Louis de 1226.
(4) Plainte, réclamation (Sainte-Palaye).
— 241 —
que ils ser oient amendez au poinct de lvi isols. Et
doibt estre esté le denier qui point (print) avant en
chascun de ces trois marcs si comme il est accoustumé
es monnoyes N, S. le Roy. Et doibt estre taillée
la monnoye devant dicte en telle manière, c'est
assavoir tresain et maille dessus et dessoubz ainsi que
le plus fors seront de seize sols et huict deniers. Et se
il advenoit que en vingt sols eust douze deniers qui
feussent plus fors que de seize sols et- huict deniers,
porce ne seroit-il pas arresté ains seroit délivré. Mais
s'il y en avoit plus de douze ilz ne seroient pas délivrez
devant que ils soient amendez au point dessusdit. Le
plus foible denier ne seroit plus de vingt ung sols au
prix du marc. Et si il advenoit que en vingt sols en
eust douze deniers qui feussent plus faibles que vingt
ung sols pour ce ne seroient-ils pas arrestez ains
seroient délivrez et s'il en y avoit plus de douze ilz ne
se délivreront devant qu'ils feussent amendez au poinct
dessusdit, et a juré sur sainct.. . »
(Bibliothèque Nationale, Manuscrit français, 5,403, fo 245, v».
— Ecriture du xvie siècle).
Ce document n'est pas daté, mais nous croyons,
avec Leblanc, que l'original, dont il est la copie, est du
règne de saint Louis, à cause de la composition et du
poids des pièces qui y sont mentionnées. Ces monnaies
devaient être à 4 deniers moins une pougeoise, c'est-
à-dire à 3 deniers 18 grains d'argent fin ou 90/S88 de
leur poids d'argent fin, et à 18 sols 8 deniers de poids
au marc le Roy, ce qui donne 224 pièces au marc et
1 gr. 092 pour le poids d'un denier.
Or, dans le monnayage nivernais, où l'altération du
numéraire a été progressive et à peu près régulière,
ces indications ne conviennent qu'aux monnaies frap-
pées par Jean Tristan (1265-1270) et Robert de Dam-
T. vui, 3" série 16
— 242 —
pierre (1271-1296) ; c'est donc à un de ces deux comtes
qu'il faut l'attribuer (1).
OBOLE DE LOUIS DE FLANDRE
N^ 1 . — La seule monnaie féodale dQnt nous ayons
à parler, est une obole de Louis de Flandre, dont l'écu,
au revers, est accosté de trois étoiles (type du n® 40 de
VEssai sur la numismatique nivernaise) et dont la
croix au droit est cantonnée aux 2-3 d'une étoile.
(Nous n'indiquons ce dernier canton que sous toutes
réserves, en attendant la découverte d'un second
exemplaire de meilleure conservation.)
Bill, obole (Coll. A. Manuel).
Le poids très élevé de cette obole (0 gr. 66) est une
nouvelle preuve que ces pièces n'étaient pas soumises
au même règlement que les deniers, à la moitié
desquels elles étaient sensiblement supérieures.
ATELIER MONÉTAIRE DE CLAMECY
L'atelier monétaire que les comtes de Nevers possé-
daient à Clamecy, était situé dans l'angle formé par
les rues de la Fontaine et de la Monnaie ; il fut par la
suite transféré au château (2).
UObituaire de la collégiale de Saint-Martin, publié
par M. Léon Mirot (3), nous a conservé la date du
décès de plusieurs monnàyeurs qui avaient fondé des
anniversaires dans cette église :
(1) Pour les monnaies de Jean Tristan (voir plas haut, doc. n* HI), il
faut cependant remarquer qu'il est question non pas d'argent fin, mais
d'argent de Montpellier à 63/64 de fin.
(2) Â. JuLLiEN. — La Nièvre à travers le passé, p. 104.
(3) Bull Soc, Niv., XVII, 506.
— 243 —
29 mai 1267. — (i Droco> monetarius, filius Johannîs
de Moneta (1) ».
1®*' mai 1290. — « Guillelmus Fardelli, moneta-
rius (2) ».
Nous verrons plus loin que d'autres membres de
cette famille ont été également monnayeurs à Cla-
mecy.
30 avril .... — « Hugo de Giemo, monetarius (3) ».
5 juin .... — « Laurentius Chotarz, de Savigniaco,
condam monetarius (4) » .
A ces noms, il faut ajouter ceux des témoins qui
figurent au bas de la requête adressée au Parlement
en 1309, au sujet de la monnaie de Louis de
Flandre (5). Ces témoins furent pris dans le. personnel
de l'atelier, auquel on adjoignit plusieurs habitants de
Clamecy.
« Testes ad probandum quod comes fecit cudi
monetam usque ad octabas Penthecostes anno Domini
M® CCC» IIII^^, licet prohibitus esset per regem, per
quindecim dies ante et plus, et quod ipse eam post
dictam prohibicionem clamare fecit apud Clamecia-
cum ubi ipse cudi faciebat dictam monetam.
» Omnes sunt de Clameciaco.
» Stephanus, magister monete.
» Item, Regnaudus Maillarz.
» Johannes de Rubeo Monte.
» Johannes Fardelli.
» Stephanus, ejus f rater.
» Hugo, filius Laurencii Perdriz monetarii.
» Regn. Fa... ri.
(i) Bull Soc, Niv, XVII, 569.
(2) Ibid., 532.
(3) Ibid,, 531.
<(4)/6ûi., 576.
(5) Voir pins haut, doc. n* VI.
— 244 -
» Johanna, uxor magistri Pétri de Charmeyo.
)) Agnes, uxor Johannis Fardelli et plures alii. 'p
PETIT TOURNOIS D'HENRI VI FRAPPÉ A NEVERS
Parmi les monnaies frappées à l'atelier de Nevers
pour le compte d'Henri VI d'Angleterre, nous ne
connaissions, jusqu'à présent, que les blancs de dix
deniers, dont la création fut décidée par l'ordonnance
du 23 novembre 1422 (1) ; les saints d'or, mentionnés
par plusieurs documents, n'ont même pu être retrou-
vés.
Les espèces fabriquées à Nevers avaient alors, comme
différent monétaire, une étoile au commencement de
chaque légende (2).
Nous avons été assez heureux pour trouver deux
petits tournois d'Henri VI portant cette marque, et
nous croyons pouvoir les attribuer avec certitude i
l'atelier de Nevers (3).
N'> 2. • beRRiavS o Rex. Grènetis. Dans le champ,
léopard et lis.
^. * TVRONVS^PRTTNaiG. Grènetis. Dans le
champ, croix pattée.
Bill. (Notre Coll.)
Hoffmann, pi. XXX, no 13.
(1) Numismatique nivetmaise, Nouvelles recherches, n- 50-54.
(2) Il ne faut pas confondre Tétoile avec la molette, signe distinctif de
Tatelier de Saint-Quentin à cette époque.
(3) M. Manuel possède un exemplaire semblable décourert dans les
fouilles de Saint-Arigle.
- 245 —
Les petits tournois furent créés par une ordonnance
du 4 juin 1423 ; leur fabrication eut donc lieu simulta-
nément avec celle des blancs de dix deniers cités plus
haut, et continua jusqu'en 1436; mais, à Nevers, elle
fut arrêtée beaucoup plus tôt, l'atelier lui-môme ces-
sant d'être mentionné dès 1430.
Ces pièces étaient à 1 den. 12 gr. de loi et à 225 pièces
au marc, soit 1 gr. 1577 pour le poids de chacune
d'elles; les deux exemplaires que nous possédons sont
rognés et sont loin d'atteindre ce chiffre; ils ne pèsent
que 1 gr. 03 et Ogr. 97. Ils appartiennent à deux émis-
sions dififérentes : la lettre R du mot RSX, régulière
dans Tune, est au contraire confuse et mal gravée dans
la seconde, et les N du revers ne sont pas tout à fait
semblables.
A ces petits tournois, il y a lieu de joindre une nou-
velle variété des blancs de dix deniers. Cet exemplaire
de notre collection est semblable au droit, au n® 50
des Nouvelles recherches; mais, au revers, les deux N
de Nomen sont ainsi figurées N au lieu de R.
MONNAIES FRAPPÉES A GIEN PAR LES BARONS
DE DONZY
Le Traité de numismatique, publié par MM. Engel
et Serrure (1), reproduisant l'opinion de M. A. de Bar-
thélémy, renferme une légère inexactitude sur un point
de la géographie historique du Nivernais. Le chapitre
qui concerne les monnaies de Gien, a pour titre : Comté
de Donzy (2). Or, Donzy n'a jamais été qu'une baronnie>
et si les premiers barons ont, en effet, possédé Gien,
cette seigneurie n'en a pas moins été toujours distincte
de la baronnie de Donzy et n'a jamais été rattachée à
(1) Paris, i891-lSM, 2 vol. in-8*.
(2) T. II, p. 403.
— 246 —
Tancien Nivernais. Il en résulte que les barons de
Donzy ont émis des espèces à Gien pour leur seigneurie
de Gien, comme plus tard les comtes de Nevers en
frappèrent pour leur comté de Flandre, mais ce mon-
nayage est étranger à notre province.
JETONS ET MÉREAUX
JETONS DES COMTES ET DES DUCS
I
Charles de Bourgogne (1435-1464)
28 mai 1445. — « Congé de faire fers pour gectons
d'argent pour Mons' de Nevers (1) ».
Ms. Le Coq, Arch. NaUc», u 686.
Les jetons d'argent gravés en 1445 pour le comte
de Nevers n'ont pas été retrouvés, car nous croyons
qu'il est impossible de faire remonter aussi haut
l'origine de celui qui a été attribué par M. deSoultrait
à Jean de Bourgogne (2). Son style le rapprocherait
plutôt du jeton de Jean d'Albret-Orval, gravé en 1494,
comme nous le verrons plus loin.
II
Jean d'Albret-Orval
4 juin 1494. — « Le IIII* jour de juing mil CCCC
IIII^* XIIII fut donné congié à Mons' Dorval de faire
(1) Ce document et les trois suivants ont été publiés par M. Â. de
Barthélémy dans les Documents sur la fabrication des jetons aux xi^"*
jv et XYi* siècles, — Mélanges de numismatique^ publiés par F. de
Saulcy, Anatole de Barthélémy et Eugène Hucher, t. 1*' (1874-5),
p. 227-263.
(2) EsicUf no 47.
— 247 —
faire des gectouers dargent et de lecton tant qu'il
vouldra, aux armes de mondit s' Dorval, sur les fers
taillés par Nicolas de Russanges, tailleur delaMonnoye
de Paris, lesquelz fers demouront en la possession
dudit de Russanges et sera tenu icelluy de Russanges
de bailler lesdits fers audit Mons' Dorval toutes et
quantes fois qu'il vouldra faire faire desdits gec-
touers )).
Le texte des Archives nationales (Z^^ 7, f* 11, r») que
nous donnons ici et qui nous a été communiqué par
M. Blanchet, est plus complet et plus exact que celui
de la bibliothèque de la Sorbonne (Ms. 318, fol«86, v°).
Barthélémy (A. de). — Doc, p. 243.
Le jeton commandé à Nicolas de Russanges n'est
autre que celui de Jean d'Albret-Orval (de Soultrait.
— Essai, n? 49), comme l'avait déjà reconnuM.de
Barthélémy. En faisant frapper à cette époque, par
un graveur officiel de la Monnaie de Paris, dûment
autorisé par les généraux maîtres, une pièce où il
prenait le titre de comte de Nevers, Jean d'Albret
entendait affirmer ses droits à la succession de Jean de
Bourgogne, son beau-père, décédé en 1491 .
Son procès avec Engilbert de Clèves était entamé
devant le Parlement (il ne fut terminé qu'en 1504) et il
était d'une grande importance pour lui de faire, en
quelque sorte, acte de souveraineté, au moment où son
rival prenait aussi le titre de comte de Nevers.
Le graveur lorrain, Nicolas de Russanges, occupa de
1469 à 1511, la charge de tailleur de la Monnaie de
Paris ; il devait être célèbre comme graveur de jetons,
car les registres de la cour des Monnaies mentionnent
à plusieurs reprises ses travaux pour des particuliers,
entre autres pour l'amiral Malet de Graville, en
— 248 —
1501 (1); peut-être ces commandes lui faisaient- elles
négliger un peu ses occupations officielles, puisque les
généraux maîtres, lui interdirent, en 1505, de graver,
ou de frapper des jetons pour n'importe qui (2).
III
Marie d'Albret
15 décembre 1519. — a Fabrication de jetons gravés
à Paris par Jacques Estrich, pour Mad® de Nevers ».
Sorb. Ms. 314, fol» 223, vo. — Barthélémy (A. de). — Doc,
p. 252.
Le jeton quiporteleno50dansr£'ssaïiJMr/a Numis-
matique nivernaise est le seul de ceux de Marie
d'Albret qui puisse avoir été commandé en 1519 au
graveur Jacques Estrich, car elle prend sur les
autres (3) les titres de comtesse de Dreux et de duchesse
de Nevers, qu'elle n'a pu porter avant 1523 et 1538.
Toutefois, il peut paraître surprenant qu'elle ait agi
ainsi du vivant de son mari (4) ; mais ce fait est suffi-
samment expliqué par l'arrêt du Parlement qui lui
avait attribué personnellement, en 1504, le comté de
Nevers dans le partage de la succession de Jean de
Bourgogne.
IV.
François 1^^ de Clèves
Aoust 1550. — « Permis à Nicolas Emery, graveur,
de graver pille et trousseau aux armoiries de M. le
Duc de Nivernois pour f® jettons. »
Sorb. Ms. 318, fo 57, vo.
Barthélémy (A. de). — Doc, p. 261.
(1) Arch. Nalï« Zlb. 7. — de Saulcy, doc. IV, p. 36.
(2; Ibid,, p. 67.
(3) Essai, n» 51. — Num, niv,, Nouvelles rechercfies, n'« 56 et 57.
(4) Charles de Clèves mourat le 17 août 1521.
- 249 -
On connaît deux jetons de François I^' de Clèves,
duc de Nevers (1549-1562). L'un (1), qui par son
module, la disposition de Técusson dans le champ de
la pièce, le style du revers, a beaucoup de rapports
avec le grand jeton de François II, appartient certai-
nement aux dernières années du duc ; l'autre (2), qui
se rapproche au contraire des jetons de Marie d'Albret,
a dû être frappé peu de temps après la mort de
celle-ci (1549).
C'est ce dernier qui nous parait être l'œuvre du
graveur Nicolas Emery, et, comme le pensait M. de
Seul trait (3), François de Clèves l'aurait commandé
peu de temps après sa joyeuse entrée dans la ville de
Nevers, le 12 février 1549 (1550), pour en conserver le
souvenir.
Fondation charitable de Ludovic de Gonzague
et de Henriette de Clèves
Jetons au type de l'autel. (Voir Essai sur la Num.
ntv., p. 145-7, et Nouvelles recherches, p. 66-8.)
Aux dates déjà connues, nous pouvons ajouter un
exemplaire en cuivre de l'année 1616. (Coll. Feu-
ardent.)
Il ne reste plus à trouver que les années 1574 (ori-
gine de la fondation) à 1578, 1590, 1591, 1593, 1601,
1613, 1620, pour avoir la série complète jusqu'en 1651 ;
à partir de cette époque, l'usage de faire frapper des
jetons paraît s'être perdu, et nous ne trouvons plus
(1) Essai sur la Num, niv.^ n* 53.
(2) Ibid., n» 52.
(3) Ibid., p. 124.
— 250 —
que les aimées 1688 et 1722, dont on connaît seulement
des exemplaires en argent.
Il existe dans la môme collection Feuardent un jeton
d'argent avec la date 1641.
Charles V^ de Gonzague
N* 3. — CAROLVS • DVX • ET • RETH • Buste du
duc à droite avec cuirasse et col rabattu orné de den-
telles ; à l'exergue, la date 1615.
Grënetis.
(Semblable au droit du n9 59 des Nouvelles recher-
ches.)
Rt DEI • GRATIA • PRINCEPS • ARCHENSIS Ecu
écartelé au 1, de Gonzague, au 2, d'Alençon, au 3, de
Bourgogne-Nevers, au 4, de Clèves, et sur le tout de
Saxe. L^écu surmonté de la couronne ducale avec les
devises FIDES et OAYMnOI. Grènetis.
Cuivre. (Notre coll.)
A la suite de la légende du droit se trouve ime fleur
qui rappelle la rose de Nicolas Briot, sorte de poinçon
dont se servait ce médailleur et qui équivaut souvent
à son monogramme. Comme notre jeton est de style
identique à ceux que le même artiste a gravés pour le
duc Charles et signés de ses initiales (1), tout nous
porte à croire qu'il est également sorti de son atelier,
bien que M. Rouyer ne Tait pas mentionné dans le
catalogue de ses œuvres (2).
Il est à remarquer que les deux légendes du droit et
du revers se complètent l'une par l'autre, comme dans
le grand écude Rethel (3), tandis qu'elles sont répétées
(1) Essai sur la Num. niv,, n* 60, 61, 72, 73.
(2) Nancy, 1895, in-S».
(3) PoBY d*AvA»T, pi. ÇXLII, n» 15.
— 251 —
dans le jeton auquel nous faisions allusion plus haut.
Ce dernier est donc, comme nous le supposions (1),
une pièce hybride composée du droit de deux jetons
diflEérents.
Chambre des Comptes de Nevers
Variété du jeton de la Chambre des Comptes. {Essai
sur la Numismatique nivernaise, n° 76). Au droit on
lit:
PRO: CAMERA : COMPOTORVM : NIVERNENSIS:
tandis que sur le jeton du cabinet de France, décrit
par M. de Soûl trait, le dernier mot de la légende est
écrit NIVERNENCIS et n'est pas suivi de deux points.
Cuivre. (Notre coll.)
DOCUMENTS
RELATIFS AUX JETONS MUNICIPAUX DE NEVERS ^^^
1455-1456. — Payé à Philibert Cordier, 6 sols 8 de-
niers tournois pour 72 « gectons par luy baillez pour le
comptoer » de la ville .
ce. 52.
1483-1484. — Payé par Et. de Colons et Et. de
La Bonde, receveurs, à Droin Morant, marchand de
Nevers, 13 s. 4 d. ts pour a 4 paires de gectz » par lui
vendus à la ville, lesquels ont été mis sur le bureau et
pour 4 bourses où se mettent « iceulx gectz » .
ce. 73.
(1) Nouvelles recherches, p. 70.
(2) Tous ces documents, tirés des comptes des recevjeurs de la ville, sont
conservés aux Archives communales de Nevers et ont été relevés dans
VIfwentaire de Tabbé Boutillier.
— 252 — .
1512-1513. — Dépense au receveur Droyn dé
La Marche, 32 s. 6 d. ts pour 6 paires de a gectz pour
gecter et compter » les deniers de la dépense de la
ville .
ce. 87.
1514-1515 . — Môme receveur . Dépense audit rece^
veur, 32 s. ts pour 6 paires de « gectz » à l'usage de la
maison de ville.
ce. 89.
1518-1519. — Dépense au même receveur, 43 s.
pour 7 paires de « gros gectz » avec leurs bourses, pour
servir en l'hôtel de ville à « gecter et compter la
despense et les fraiz » de ladite ville.
ce. 93.
1524-1525. — Dépense au receveur Jean Bartholo-
mier, 35 s. pour 7 paires de « gectz » à compter pen-
dant Tannée, au prix de 5 s. ts la paire.
ce. 98.
1531-1532. — Dépense au receveur Philibert
Jourdin, 60 s. ts pour Tachât de 6 paires de a gectz
armoyez des armes de la ville ».
ce. 104
Les premiers « gectz » dont on se servit à la mairie
de Nevers furent certainement des jetons banaux
comme tout le monde en employait alors, et nous
ignorons à quelle époque la municipalité fit graver des
coins aux armes de la ville pour les remplacer ,
La première mention de ce genre que nous trouvons
dans les comptes des receveurs est de Tannée 1531-2 ;
faut-il en conclure qu'il n'y eut pas de jetons spéciaux
avant cette époque? Le plus ancien de cette série
— 258-
(Nouvelles recherches, n^ 62) est certainement de la
fin du xv« siècle.
Il semble donc téméraire de l'identifier avec celui
dont parle le registre de 1531, ou il faudrait alors
admettre qu'on se servait de ce type depuis longtemps
déjà, comme on l'a fait de 1568 à 1575 et de 1592 à 1612,
en changeant simplement la date.
1535-1536. — Gilbert Doreaul, receveur. Dépense à
Jean Clavet, orfèvre, 110 s. ts, pour la façon de 7 paires
de « gectons de laicton » aux armes de la ville, pour
servir aux contrôleur, receveur et scribe de la ville à
compter les parties de dépense couchées au présent
contrôle de cette année et pour avoir fait les « coings »
et « iceulx graver pour faire lesdits gectons » .
ce. i06.
Ici, il n'y a pas la môme incertitude; il s'agit du
jeton qui porte le n° 68 de VEssai sur la numisma-
tique nioernaise et qui présente certaines analogies
avec ceux de Marie d'Albret. Malgré la différence de
style qui sépare cette pièce de la précédente, nous ne
pensons pas qu'il y ait place entre elles pour une troi-
sième.
1538-1539. — Erard Roux, receveur. Dépense à
Pierre Marion, orfèvre, 75 s. ts pour deux cents et demi
de (( gectz » par lui fournis pour les officiers de la ville,
à raison de 30 s. le cent.
ce. 109.
1551-1552, — Jean Jourdin, receveur. Dépense au
receveur 102 s. ts pour pareille somme par lui déboursée,
pour 8 paires de a gectz » et 8 bourses de peau blanche^
à raison de 12 s. 9 d. ts chaque paire.
ce. 129.
1617. — Ordonnance de paiement, au receveur Vin-
cent Bordet, de 101 liv., pour avoir fait refaire le
— 254 -
ft coing des gectz de la maison de céans » et 300 « gectz »
pour les officiers de la ville .
ce. 28i.
1618. — Même receveur. Dépense, 9 livres à Georges
Bertheau , messager , lequel a apporté de Paris
500 plumes à écrire pour les officiers de la ville, plus
1200 « gectz ».
ce. 282.
1619. — Même receveur. Dépense, 11 s. pour un cent
de (( gectz » aux armes de la ville et une bourse de
velours vert.
ce. 284.
Nous n'hésitons pas à reconnaître le jeton municipal
sans date (1) dans celui qui fut gravé en 1617, et dont
il fut frappé des quantités relativement considérables
pendant les deux années suivantes (2).
Par une coïncidence singulière, les documents
concernant les jetons de la ville s'arrêtent brusque-
ment à cette année 1619 et le jeton en question est le
dernier que nous possédions, car il est difficile de ne
pas considérer comme un essai vite abandonné celui
de 1694, qui porte cette légende bizarre, CIGILLUM
URBIS NIVERNENSIS et dont on ne connaît que l'exem-
plaire décrit par M. de Soultrait (3).
Ces pièces furent probablement les dernières qui
aient été distribuées aux officiers de la ville (à titre de
présent, car elles ne servaient plus à compter à cette
époque), mais nous ne savons pour quelle raison cet
usage fut abandonné .
(1) Euai 9Mr la Num, niv., n^ 74.
(2) Aussi esUil excessivement commun.
(3) Essai sur la Num, rûv., n« 75.
- 255-
Nous avons un de ces jetons en cuivre rouge; on
n'en connaissait jusqu'ici que des exemplaires en
cuivre jaune.
JETONS PARTICULIERS
Antoine-François, comte de La Tournelle
N® 4. — Armoiries de la famille de La Tournelle
(de gueules à trois tours d'or) (1) posées sur un car-
touche de forme contournée, orné de guirlandes et de
palmes et surmonté d'une couronne de marquis. A
l'exergue, 1737. A droite du cartouche, les lettres D. V.,
initiales du graveur Jean Du vivier. Grènetis.
15^. COMITIA BVRGVNDI>E. Ecu couroimé aux armes
de Bourgogne . Grènetis .
Cuivre. Mod. 30 mm. (Notre Coll.)— PI., nol.
La Tournelle était im fief compris actuellement dans
la commune d'Arleuf, qui fut érigé en marquisat
en 1681 pour Charles de La Tournelle, aïeul de notre
personnage. Celui-ci fut capitaine dans le régiment
Royal-Etranger et, en qualité de gouverneur de Cra-
vant, la noblesse l'envoya siéger aux Etats de Bour-
gogne pour la triennalité de 1737. Il mourut l'année
suivante et fut remplacé aux Etats par Charles-Louis
de Montsaulnin. (Voir plus loin.)
Il était fils de François de La Tournelle, lieutenant-
colonel du Régiment des Vaisseaux et de Marie-Anne
Le Vayer. Son neveu avait épousé, en 1734, Marie-
Anne de Mailly qui devait, plus tard, être célèbre sous
le nom de duchesse de Ch&teauroux.
Notre jeton a trait à son élection aux Etats de Bour-
gogne.
(1) Armoriai du NivemcMj II, ^5.
— 256-
Charles-Louis de Montsaulnin
N° 6. — Ecu aux armes de la famille de Mpûtsaulnin
(de gueules à trois léopards d'or, couronnés de même,
Tun sur l'autre), posé sur un cartouche orné de bran-
ches de laurier et timbré d'une coiu-onne ducale; à
gauche, DV. Coin de Jean Duvivier. Grènetis.
^ NEC DESERENT NEC DESERENTUR. Essaim
d'abeilles volant à la suite de sa reine. (Allusion à la
fidélité de la province pendant la guerre de la succes-
sion de Pologne). A droite, D. V., à l'exergue, 1735.
Grènetis. Coin de Jean Duvivier.
Ar. Octog. Mod. 30 mm. (Coll. de M. le comte de
Montsaulnin) (1).
PI., no 2.
Charles-Louis de Montsaulnin, marquis du Montai,
baron de Saint-Brisson, seigneur des Aubues (2), etc.,
mort le 22 août 1758, était fils de Louis de Montsaulnin,
marquis du Montai, mestre de camp d'im régiment de
cavalerie et de Marguerite-Henriette de Saulx-Ta-
vannes ; il fut successivement colonel du régiment de
Poitou, brigadier des armées du roi, lieutenant-général
le 1^ août 1734, gouverneur de Villefranche de Rous-
sillon en 1740 et de Guise en 1743, et enfin chevalier
des ordres du roi dans la promotion du 2 avril 1745.
Il avait épousé, en 1705, Anne-Marie-Colbert de
Villacerf , dont il eut, entre autres enfants, une fille,
mariée en 1736 à Charles-Paul de la Rivière.
Le jeton que nous venons de décrire fut frappé à
Toccasion de sa nomination aux Etats de Bourgogne,
(1) M. de Montsaulnin a bien voulu mettre son jeton à notre disposition,
ainsi que des renseiipiements sur sa famille ; nous lui en adressons tous
nos remerciements.
(2) Commune de Lormefl.
-- 257 -.
où il siégea comme élu de la noblesse pendant la
période de 1733 à 1736, et où il remplaça dans les
mêmes fonctions Antoine-François de La Tournelle,
pendant la triennalité suivante.
Jean Spifame
Citons encore un curieux document qui se trouve
dans les Notes manuscrites sur Vévêque Jacques
Spifame et sa famille, par M*"® d'Auiiay, née Mar-
guerite Spifame, en 1669 (1).
La famille Spifame n'est pas nivernaise, bien qu'elle
ait donné deux évoques de Nevers, mais elle a eu des
alliances dans notre province, et c'est à ce titre que
nous plaçons ici le passage suivant :
« Mes petits-enfans se souviendront sy leur pleit que
les jettons d'argent sont fais du temçs de Jhaen Spi-
fame, sieur de Bissiaux (2) mon a^eul paternel, doien
du Parlement de Paris, du depùiS nionsieur de Douy
mon père son fils a esté marie à Marie d'Armes de
laquelle je suis sortie.
» Les armes qui sont audit jeton, c'est Russe maison
Deffiat, — Marie, — deux chanseliers, — du Faurt
Pibrac, — du Lion de Belcastel et Spifame^ l'eigle,
volabo et requiescam ».
Suit le détail des armoiries de la maison d'Armes et
des familles précédentes, et M"™« d'Aunay ajoute :
a Ce sont cinq famés de condition antrée à la maison
des Spif âmes » .
Nous avons retrouvé le jeton en question qui cor-
respond bieû à la description minutieuse qu'on vient
de lire.
(1) Publié parTabbé Boutillier. BuU. Soc. Niv., VI, 2C6.
(2) Bisseauz (Seine-et Marne).
T. VIII, 3« série. 17
- 258 -
(Quintefeuille). i • SPIFAME $>"- DE- BISEAVX
CON^ DV • ROY • EN • PARLE (ment). Cartouche ar-
morié écartelé, au 1, de Ruzé d'Effiat, au 2, de Marie,
au 3, du Faur de PibraC; et au 4, du Lion de Belcastel.
Grènetis.
^ VOLABOETREQVIESCAM (Devise desSpifame).
Cartouche aux armes de cette famille (de gueules
à Taigle éployée d'argent couronnée de môme).
Cuivre. Mod. 27 mm.
L'exemplaire de la collection Richard — le seul que
nous connaissions — est en cuivre, mais il peut en
exister des exemplaires en argent (1).
Mentionnons en passant, comme nous Ta fait
remarquer M. Richebé, cette singulière disposition
héraldique qui sépare les armoiries de la famille elle-
même, de celles de ses alliances.
Pour terminer, nous allons décrire un petit jeton
d'adresse de commerçant nivernais, malgré le peu
d'intérêt qui s'y rattache, mais à cause de sa fabrica-
tion plus soignée qu'elle n'est d'ordinaire pour ces
sortes de pièces.
N<> 6. — (Etoile) HOTEL DE Lk POSTK ET DU
GRAND MONARQUE. Dans le champ, en trois lignes :
TENU PAR RENDUEL.
1$^. (Etoile) DIRECTION DES MESSAGERIES GÊNÉ-
RALES Dans le champ, en trois lignes : LA CHARITÉ
S/ LOIRE.
Cuivre. Octog. Mod, 22 mm. (Notre Coll.)
(i) Nous tenons à remercier ici M. Richard, de la complaisance avec
Jiquelio il nous a comnnuniquésa belle collection de jetons.
- 259 -
MÉREAUX
Cathédrale de Nevers
M. A. Manuel a signalé dans les Mémoires de la
Société académique du Nivernais (1) un exemplaire
du méreau au calice faisant partie de sa collection et
présentant au revers quelques légères différences avec
celui que nous avons publié (2).
La plus importante consiste dans la suppression des
trois lettres 1RS qui terminent la légende après le mot
nOBIS et qu'on peut compléter \xt s{alutem) en le
traduisant : pour notre salut ; il faut remarquer aussi
la forme des t^ barrés à la partie supérieure.
M. Manuel le fait remonter aux premières années
du xv« siècle, mais nous ne croyons pas qu'il soit
possible de le vieillir autant, après l'avoir comparé à
divers jetons appartenant certainement à la fin du
XV® siècle. La croix simple, qu'on y voit figurer,
ne fait son apparition dans les monnaies royales
qu'avec les Carolus de Charles VIII, et la ressemblance
du type du revers avec les douzains au porc-épic de
Louis XII (3) est trop frappante pour que cette pièce
soit antérieure aux dernières années du xv« siècle.
(1) T. VI (1897), p. w.
(2) NM08,pl. m. n*9.
(3) Hoffmann, pi. X. N« 33. Quant à la différence qui réside dans la
forme ronde des 0, nous craignons qu*eile ne soit le fait du dessinateur
de notre planche UI qui a également figuré la croix légèrement pattée,
quand les extrémités des branches ne présentent au contraire aucun
épanouissement.
-- 260 —
Collégiale de Saint-Pierre-le-Moûtier
N* 7. — Clef et crosse disposées en sautoir, can-
tonné aux 1, 2 et 3 des lettres S. P. M. (1) {Sorte ti
Pétri monasterium); autour, filet et grènetis.
156. Le chiffre VI (deniers) dans le champ, accosté
de quatre roses ; autour, filet et grènetis.
Cuivre. (Musée de Bourges et notre coll.) — PL,
n«3.
Pierquîn de Gembloux, Hist. monét. et phtl. du Berry,
pi. VII, no 8.
H^ 8. — Môme droit. (La lettre S est retournée.)
I}t. Le chiffre XII dans le champ, accosté do quatre
roses.
Cuivre. (Coll. Berry.)
Bull, du Comité d* hist. et d'archéol.du dioc. de Bourges, 1867,
p. 11, pi. I, n" 1. (Décrit sans attribution )
N® 9. — Même type, mais le sautoir est cantonné en
outre de trois étoiles aux 2, 3 et 4. Filet et grènetis.
15t. Le chiffre II (deniers) dans le champ, accosté
de cinq roses. Filet et grènetis.
Cuivre. (Coll. Richard.) — PL, n« 4.
Ce méreau et le suivant sont d'une série différente
des deux premiers.
]\To ^0. — Droit semblable au précédent.
^. Le chiffre XII (deniers) dans le champ, accosté
de quatre roses. Filet et grènetis. (Type du n» 8.)
Cuivre. (Notre coll.) — PL, n** 5.
\\) Pcul-Clrc les armes de la collégiale.
- 261 —
N» 11. — Clef et crosse en sautoir, cantonné aux 1-4,
de fleurs de lis, aux 2-3, de la date 15-84. Autour, filet
et grënetis.
Revers semblable au n<> 7.
Cuivre. (Coll. Richard.) — Pl.^noô.
Ce méreau appartient à une troisième série posté-
rieure aux deux autres, que nous attribuons à la
première moitié du xvi<^ siècle, et dans chacune
d'elles îl devait exister un certain nombre de valeurs
différentes, comme 2, 4, 6, 9, 12 deniers, et peut-être
davantage.
La première de ces pièces avait été classée par Pier-
quin de Gembloux à l'église Saint-Pierre-le-Marché.
de Bourges, qui, n'ayant pas de collège de chanoines,
ne pouvait avoir de méreaux. Des deux autres églises
qui existaient à Bourges sous le même vocable, l'une,
Saint-Pierre-le-Guillard, était dans le même cas, et le
nom de l'autre, Saint-Pierre-le-Puellier, Ecclesia
sancli Pétri Puellarum, s'opposait à cette attribution.
En dehors du Berry, mais toujours dans la région
du Centre, le nom de Saint-Pierre-le-Moûtier, si
facile à reconnaître dans les trois lettres S. P. M., se
présentait naturellement à l'esprit ; cette localité était
le siège d'une collégiale et d'un important prieuré
bénédictin (ce qui explique la présence de la crosse).
Quant à la clef, elle figurait à la fois dans les armes
de la ville et dans celles du prieuré, où la forme de
l'anneau est la même que sur nos méreaux (1).
A l'appui des motifs qui nous ont amené à cette
classification (2), nous avons trouvé ime preuve impor-
tante dans l'acte de fondation de la collégiale^ qui
(1) Armoriai du Nivernais, I, pi. V.
(2) Ml de Laugardière, qui possède deux de ces méreaux, a trouvé de
son côté la même attribution, mais nous ignorons quelles sont les raisons
qui Font déterminé.
nous a été communiqué très aimabloment par notre
confrère, M. Gonat.
Dans le règlement imposé aux chanoines par les
fondateurs, on lit le passage suivant : « Sera entière-
ment tout le revenu des fondateurs receu par un recep-
veur commis dud. chapitre, lequel en outre par eux
à ce député, distribuera par marreaux auâd. doyen et
chanoines, et chacung résidant, et actuellement des-
servant, sellon ainsy et es heures qui seront advisées
par lesd. fondateurs et led. collège, après avoir veu et
expérimenté, pendant trois ans, l'entière recepte de
tout le revenu de Tesglize. »
On faisait donc usage de méreaux dans la collégiale
de Saint-Pierre-le-Moûtier, et précisément à l'époque
qui nous intéresse.
A ceux que nous avons décrits, nous croyons pou-
voir rattacher celui-ci, d'un type tout différent.
N* 12. — Saint Benoit debout, nimbé, en costume
monacal, tenant une crosse tournée en dedans (comme
les abbés) et l'Evangile. D'après le P. Cahier (1), les
chefs d'ordre étaient souvent représentés l'Evangile à
la main, comme les évoques. Dans le champ, la
date, 1595.
Revers identique au n® 7. A peine distingue-t-on
quelques légères différences de coin. L'identité de
ces deux revers, qui nous avait 'été signalée par
M. Florange, nous parait une preuve à peu près cer-
taine de leur communauté d'origine.
Cuivre. (Notre coll.) — PL, n<» 7.
La présence de saint Benoît est assez facile à expli-
quer par la situation respective de la collégiale et du
prieuré. Fondée vers 1520 par un chanoine de Nevers,
(1) Les Caractéristiques des Saints,
- 263 -
Dreux Godard, elle était assez pauvrement dotée et
n'eut pas d'église spéciale avant le xvii* siècle (1);
aussi le Chapitre fut-il probablement obligé de se servir
de l'église des Bénédictins pendant le courant du
XVI® siècle, au moins dans certaines circonstances, à
cause de l'insuffisance de la petite chapelle particulière
qu'il possédait à cette époque*
De leur côté, les religieux, pour indiquer l'espèce
de dépendance dans laquelle se trouvait la collégiale
vis-à-vis d'eux, avaient peut-être imposé aux cha-
noines l'obligation de représenter sur leurs méreaux
l'image de saint Benoit, à moins que ceux-ci ne l'aient
fait par simple déférence.
MÉDAILLES
Charles !•' de Gonzague, duc de Nevers
No 13. — KAP0A02 TONZAPH nAAAIOAOrOI
APXflN NIYEPNAI02. Buste à droite du duc, une fraise
autour du cou et une draperie sur sa cuirasse. Dans le
champ, le mot niZ-TI2.
156. H 0NH2KEIN H RATPIAA EAEVeEPEIN. Ecu
armorié : de gueules à la croix d'or cantonnée de
quatre briquets adossés du même, qui est de Constan-
tinople, chargé en cœur d'un petit écusson de gueules
à l'aigle bicéphale d'or, couronnée de même, qui est
de la famille Paléologue.
Au-dessus, la couronne ducale surmontée du mont
Olympe et de l'autel, avec la devise OAYMnOZ; l'écu
accosté de deux palmes en sautoir. En bas, la date 1617.
Guy Coquille décrit ces armoiries d'une manière
(1) M. DE SODLTRAIT, Rép, OTchéoU du dép, de la Nièvre,
••'• .
— 264 -
inexacte à propos de la maison de Montf errât (1) :
<( Quatre B de sable au champ d'argent escartellez
d'une croix de sable : pour ce que la figure de la lettre B
représente un fuzil, on a estimé que ce fussent quatre
fuzils; ces quatre B représentent un titre magnifique
et haut en langage grec : BAZIAEYZ BAZIASHN BAZI-
AEYQN BAZIAEYONTflN. »
Mod. 34 mm.
Or. Cab. des méd. de Berlin. — Arg. Cab. des méd.
de Vienne et coU.Richebé. — PI, , n° 8.
Comme le fait remarquer avec raison M . Richebé
qui a publié cette médaille dans la Gcusette numisma-
tique française (2), elle se rapporte au projet de croi-
sade contre les Turcs, formé par Charles de Gonzague,
dans le but de reconstituer à son profit l'empire
d'Orient. Le duc prétendait en effet avoir des droits
au trône de Constantinople, personnellement comme
héritier des Paléologues et aussi par sa femme, Cathe-
rine de Lorraine, qui descendait des Lascaris.
Le départ de l'expédition destinée au soulèvement
de la Morée avait été fixé au printemps de l'année 1618.
mais la mort de la duchesse, survenue au mois de mars,
en retarda l'exécution et l'incendie de la flotte, que
Charles de Gonzague avait réunie dans le port de Cette,
acheva de ruiner ses espérances, qui n'avaient pas reçu
beaucoup d encouragement de la part des princes chré-
tiens. Notre médaille, frappée en 1617, avec une
légende en ca-ractères grecs et les armes de l'empire
d'Orient, était évidemment destinée à être distribuée
en Grèce.
(1) Histoire du Nivernais. Ed. de 1612, p. 323.
(2) 1898, p. 161. PI. VI, n' 3. M. Richebé a bien voalu. avec son obU-
geance habituelle, nous permettre d'en prendre un moulage.
— 265 -
■
Théodore de Bèze et Guillaume de Lamoignon
Exemplaires en argent des médailles de Théodore
de Bèze (Notre Coll.) et de Guillaume de Lamoignon
(Vente du 15 mai 1897, n** 50 du Cat.) par le graveur
Jean Dassier. Nous ne connaissions que les exemplaires
en bronze du Cabinet de France (1).
Marie- Gasimire de La Grange d'Arquien
et Jean Sobieski
M. Berry a bien voulu nous faire remarquer, très
aimablement, que la médaille que nous avons décrite
sous le n** 142 (2) porte la date 1686, répétée des deux
côtés sous forme de chronogramme, ce qui rend inutile
la conclusion que nous tirions du titre de défenseur de
la chrétienté donné à Sobieski, pour la classer après
Tannée 1683.
En effet, en rassemblant les lettres dont la taille
dépasse le champ des légendes, on arrive au résultat
suivant : MDCXXVVVVIIIIII, ou 1686.
Dupin alnô
N« 14. — A • M • J • J • DUPIN (André-Marie-Jean-
Jacques Dupin). Son buste à gauche en robe d'avocat.
Près de l'épaule, la signature du graveur, CAUNOIS F.
Coin différent du n^ 92 de VEssai sur la numisma-
tique nivernaise. La signature du graveur est plus
petite; légères variantes dans les cheveux et au col.
(1) Nouvelles recfierches, n*' 131 et 134.
(8) Ibid,, pi. XI, n*5.
- 266-
Rt. LIBRE DEFENSE DES ACCUSÉS, — NÉ A VARZY
(NIÈVRE) LE i^r FÉVRIER 1783. — MDCCCXX, en cinq
lignes dans le champ ; en haut, LA LOI, dans une cou-
ronne de chêne.
Br. 41 mm. (Notre Coll.)
BILLETS DE CONFIANCE A COSNE
Il nous reste un mot à dire des assignats de 5 sols
qui auraient été émis, par une caisse patriotique ou par
la commune, à Cosne, en 1792. Ces assignats, dont il
devait être mis en circulation pour une somme de
6,000 livres (1), n'ont été cités par aucun des auteurs
qui se sont occupés de la question.
Nous n'avons pas trouvé la délibération du conseil
municipal en autorisant la création, et une lettre
adressée le 7 juin 1793 par les administrateurs de la
Nièvre à leurs collègues du Gard, en vue d'un échange
de billets de confiance entre les deux départements,
donne bien la liste des municipalités nivernaises qui
ont fait des émissions, mais Cosne ne s'y trouve pas
mentionné.
Aussi, pensons-nous que ce projet ne fut pas mis à
exécution; néanmoins, nous tenons à signaler le fait
aux collectionneurs de la Nièvre, pour le cas très peu
probable où cette émission aurait été réellement effec-
tuée.
H. SARRIAU.
(i) Faiyre, Cotne 4 travers les âges^ p. 45,
-367 -
LES PROJETS ADMINISTRATIFS
DE GABORË
Curé de Pouilly-Bur- Loire, en 1789
PAR
RBNÊ DE L.ESPINASSB
Champion do Cicé (Jean-Baptiste-Marie), dernier
évoque d'Auxerre, élevé à la dignité épiscopale en 1761,
supprimé en 1801 et mort quelque temps après en
1805, était frère de Jérôme-Marie Champion de Cicé,
évoque de Rodez en 1770, archevêque de Bordeaux en
1781, membre de l'Assemblée constituante et garde
des Sceaux. Il avait contresigné les décrets de l'As-
semblée, y compris la constitution civile du clergé,
dans Tespoir de la faire amender ensuite, partageant
comme tant d'autres les illusions et les chimères de
cette triste époque, sans tenir compte des circonstances
de chaque jour qui l'emportaient sur les meilleures
intentions des esprits libéraux.
L'histoire ne dit rien du rôle politique de l'évoque
d'Auxerre, mais le fait seul d'être le frère d'un haut
personnage suffit pour lui donner une situation prépon-
dérante auprès de son clergé et motive l'existence
d'une correspondance où il était fréquemment question
des affaires publiques intéressant le clergé et le reste
de la nation.
Il partageait sa vie entre Auxerre et son ch&teau de
Regennes avec la capitale, où il habitait rue de Gre-
- 268 —
nelle, s'occupant bien plus d'intrigues politiques que
d'administration religieuse.
Une série de papiers et correspondances des deux
frères Champion de Cicé est déposée aujourd'hui aux
manuscrits de la Bibliothèque nationale.
Nous laissons de côté la personûalité de Tévèque
d'Auxerre pour ne prendre que quelques écrits éma-
nant de la partie nivernaise de ce diocèse, et entre
autres ceux d'un certain curé de Pouiily-sur-Loire,
nommé Gaboré, actif et entreprenant, lequel, comme
beaucoup de ses semblables, cherchait à jouer un rôle
politique, à en juger au moins par sa correspondance
avec son chef hiérarchique.
Gaboré, placé à Pouilly, sur la limite des diocèses
d'Auxerre et de Nevers, tenait son évêque au courant
de ce qui se passait dans ces deux villes au sujet des
élections aux Etats-Généraux.
Il agissait d'ailleurs avec lui sur un ton de familiarité
très accentué et se sentait assez sûr de son fait. En
. exposant les difficultés à réunir dans Pouilly les élec-
teurs du tiers-ordre, il ajoute en post-scriptum une
réflexion où il se déclare comme un des agents de son
évoque :
« P. S. — Lorsque j'aurai appris quels sont les
curés du diocèse d'Auxerre qui auront montré leur
zèle pour Monseigneur, j'en donnerai avis à Votre
Grandeur, parce que, à mon avis, il faut que des
remerciements tombent sur du positif. Mgr l'Evêque
de Nevers va à Saint-Pierre ainsi que son cha-
pitre (1). »
Gaboré ne se bornait pas aux démarches et aux
conseils distribués à tous propos aux membres du
clergé ; il se piquait de connaissances administratives
(1) LetUe du 11 mare 1789, Bibl nat. ms. fr. ^705, n* 47.
— aesî -
et, dans le silence du cabinet, il préparait un projet
qui, évidemment, selon lui, devait rendre la France
grande et prospère.
Après avoir relu son élucubration, il semble, comme
cela arrive souvent, la trouver un peu faible ; il la fait
précéder de la lettre que voici où perce une certaine
défiance de lui-môme :
« A Pouilly, le 18 février 1789. Monseigneur,
nous allons recevoir nos lettres de convocation pour
nous trouver à Saint-Pierre-le-Moutier, qui est bail-
liage royal d'où nous dépendons. Depuis plusieurs
jours je travaillois à un plan, je vous l'envoyé. Mon-
seigneur ; s'il est approuvé de Votre Grandeur, vous
voudrez bien me le renvoyer. S'il n'est pas conforme
aux vues de Votre Grandeur, je vous supplie. Monsei-
gneur, de le jetter au feu, parce que j'ay fait choix de
ne jamais me conduire que par les conseils de Votre
Grandeur, de laquelle j'ay l'honneur d'être...
» P. S. — Si je peux me dispenser d'aller à Saint-
Pierre-le-Moutier je resteray chez moy et je donnerai
ma procuration (1). »
JL'évèque d'Auxerre ne jeta pas au feu le plan de
son curé, puisque nous le retrouvons un peu plus loin
dans ses papiers ; nous aimons à croire cependant qu'il
n'en tira point grand profit.
Voici le texte de cette étude ;
« Mémoire que le sieur Nicolas-Léonard Gaboré,
curé de Pouilly-sur-Loire, diocèse d'Auxerre, généra-
lité de Berry, élection de La Charité, bailliage royal
de Saint-Pierre-le-Moùtier, a l'honneur de présenter
à rassemblée qui doit nommer des députés aux Etats-
Généraux (2).
(1) Lettre n* 24.
(2) Ihid fr. 207C5 n" 99.
à
— 270 -
A Le roy notre auguste monarque, messieurs,
demande que nous prenions place parmi vous pour
concourir à la nomination des députés aux Etats-
Généraux. S. M. veut bien se persuader que MM. les
curés connoissent autant que personne les facultés de
leurs paroissiens, leurs plaintes, leurs doléances sur
les maux qui les accablent et sur Tinjustice qu'ils
éprouvent. Ils naissent, dit ce prince judicieux qui
nous gouverne, sous vos yeux, ils vivent au milieu de
vous, ils meurent entre les bras de leurs pasteurs, ils
reçoivent leurs derniers soupirs et souvent ils appren-
nent de leur bouche qu'ils regardent la mort comme
un adoucissement à toutes leurs peines.
» L'expérience que j'ay acquise dans deux grandes
paroisses que j'ay gouvernées successivement pendant
plus de trente ans et où je me trouve encore m'a fait
juger de bien des injustices qu'on commettoit par la
manière dure et rigoureuse qu'on levoit l'impôt et par
la façon dont on administre la justice. Souvent je
m'étois proposé de présenter des mémoires au ministre,
mais la difficulté de faire parvenir les plaintes, l'ap-
préhension de n'être pas écouté, m'a toujours fait
changer de résolution.
» Voici mon plan : Il intéresse les trois ordres de
l'Etat. Je le soumets, messieurs, à votre sagesse et à
vos lumières. Dans son exécution, le tiers-ordre y
trouve justice et contentement, la noblesse n'aura pas
à se plaindre, le clergé ne se ménagera point, la magis-
trature sera rendue plus prétieuse que jamais au
peuple.
» Je commence par le tiers-ordre parce que c'est
iuy qui renferme le plus de malheureux et qui en cela
doit nous intéresser davantage.
» Le tiers-ordre se plaint qu'il supporte des impo-
sitions qui ne sont pas pour Iuy seul, ses plaintes sont
'- 271 -
justes. Je crois les deviner, elles tombent sur la corvée
ou sur un impôt qui en tient lieu pour l'entretien des
chemins. On fait payer à cette classe indigeante de
citoyens six sols par livre de la taille ; à mon avis cette
somme est exorbitante : deux sols par livre doivent
suffire selon mon plan.
» CHAPITRE I©'. — Le tiers-ordre se plaint encore
qu'on l'écrase pour les vingtièmes. Je le crois fondé
dans ses plaintes. Ces vingtièmes, dont je vas demandor
la suppression, ont été assis par des ambulans des
préposés qui visoient toujours à ménager les grands
propriétaires à qui ils faisoient leur cour et chargeoient
le peuple de qui ils n'avoient rien à craindre. Je
demande donc pour tenir une proportion dans tous les
ordres que les vingtièmes soient supprimés et qu'on
établisse pendant six années seulement le dixième qui
sera perçu à la rigueur sur les biens fonds de tous les
ordres indistinctement. Par ce moyen, on fera rentrer
tous les ans au Trésor royal plus d'argent qull n'en
faut pour remplir le déficit. Voici la voye d'y par-
venir ; tous les biens fonds qui sont affermés^ le pro-
priétaire sera obligé de produire le bail et il payera le
dixième au roy de son revenu, en déduisant cependant
les rentes, dont les biens seront chargés. Si les biens
ne sont pas affermés^ six notables choisis dans trois
paroisses par l'administration provincialle d'où dépen*
dent les biens, les apprécieront et d'après leurs rap-
ports ils payeront le dixième de leur revenu.
» CHAPITRE II. — Ordre de la noblesse. — Les
nobles qui ne peuvent exercer ni arts, ni métiers,
payeront la capitation simplement comme à l'ordi-
naire, mais ils payeront 2 sols par livre de leur capi-
tation pour l'entretien des chemins où il est à propos
de coriger un abus. L'argent qu'on prélève pour l'ea-'
— 272 —
tretien des chemins ne doit être employé qu'aux
grandes routes et non aux chemins de traverse. Les
administrations provincialles consulteront là-dessus les
notables des paroisses où passent les routes royalles.
Quant aux chemins de traverse, s'il y a des mauvais
pas ou des voyageurs étrangers peuvent se précipiter,
les propriétaires de droite et de gauche seront tenus
de les faire rétablir à leurs dépens ou de laisser passer
les voyageurs dans leurs héritages, autrement ils
seront reparés à leurs frais à la requête du procureur
fiscal qui sera chargé d'y veiller.
» Le tiers-ordre se plaint que les grands du royaume,
les plus riches propriétaires, les princes du sang, sont
fort ménagers dans la répartition des vingtièmes.
Leurs plaintes sont fustes, mais je vois avec satisfac-
tion que tous les princes du sang comme les gentils-
hommes moins fortunés offrent de venir au soulage-
ment de l'Etat et à la liquidation des dettes. Ainsi si
la terre d'un prince est affermée cent mille livres, il
doit payer au roy dix mille livres par an. Si la terre
n'est pas affermée, le revenu sera appretié par six
notables nommés par les administrations provincialles
où sont les biens. Si les biens consistent en bois, ils
seront estimés par les six notables. Par exemple, si les
bois sont placés sur les bords de rivière navigable ou
à ime lieue, on les estimera huit livres la feuille ; s'ils
sont à quatre lieues, cinq livres, s'ils sont à douze lieues,
trois livres, etainsy du reste. On passera aux seigneurs
250 livres pour chaque garde de bois. S'il y a des
pensions ou autres charges on en fera déduction. Tous
les grands qui ont de grandes charges ou des gouver-
nements ou des lieutenances de roy ou des comman-
dements de province payeront au roy pendant six ans
la dixième partie de leur revenu par an affecté à leurs
employs. Quant aux grands négociants dont toute la
- 273 —
fortune est au portefeuil, payeront la taille et capita*
tion comme à Tordinaire, mais il sera réservé aux six
notables du lieu de leur demeure nommés par l'admi-
nistration provincialle de leur faire payer un tribut
plus ou moins gros, selon l'étendue de leur commerce
en les traitant cependant avec égard, parce que le
commerce est le nerf de TEtat.
» Tous les seigneurs qui ont des terres nobles, ecclé-
siastiques, roturiers qui voudront faire faire leur
terrier payeront au commissaire à terrier qu'ils emploi-
ront, les reconnoissances qu'ils feront passer à leurs
vassaux, parce qu'il est criant et révoltant de demander
à un manœuvre ou à un pauvre vigneron 5, 6 ou
9 livres, tandis qu'il n'a pas un sol en poche pour
avoir du pain et cela à commencer d'après la tenue des
Etats-Généraux. Si les seigneurs font faire de tems en
tems leurs terriers, c'est pour leur avantage : qui a
l'avantage doit avoir le fardeau.
» CHAPITRE m. — De V administration de la
justice. — Le public se plaint que la justice est fort
mal rendue dans toutes les petites paroisses soit par
deffaut d'audience, soit par deffaut de juge, qui ne se
trouvent pas sur les lieux, soit enfin par l'indécence
du lieu où on la rend, tantôt au cabaret, tantôt sous un
arbre, ce qui tend à avilir les magistrats qui dans tous
les tems et dans tous les pays doivent jouir de la plus
haute considération comme les dépositaires des lois,
les organnes et les deffenseurs des peuples.
» Voici mon avis pour la correction de cet abus. 11
convient d'établir des chefs-lieux où douze paroisses
seront réunies et pour ne pas toucher aux propriétés
des douze seigneurs de paroisses et à la suite les sei-
gneurs des petits fiefs qui ont justice nommeront à la
pluralité des voix les officiers de justice du chef-lieu
T vin, 3« série. 18
- 274 -
où la justice sera rendue pour les habitants des douze
paroisses. La justice du chef-lieu sera composée d'un
bailli, d'un lieutenant, d'un fiscal, tous les trois gra-
dués et d'un greffier. Les provisions des procureurs
seront données à la pluralité par les seigneurs. Aucun
procureur ne sera reçu s'il n'a été clerc cinq ans. Du
jugement du chef-lieu on en appellera immédiatement
au Parlement à l'exception des cas royaux qui seront
réservés aux bailliages royaux qui auront dans leur
arrondissement 24 paroisses et auxquelles on joindra
pour les indemniser les eaux-forêts en admettant pre-
mier et second lieutenant général, premier et second
procureur du roy et deux greffiers, c'est ainsy que
doivent être incorporés les eaux-forêts pour être tou-
jours, à même de juger des affaires qui sont de leur
compétence.
» La justice, dans les chefs-lieux, sera rendue gratui-
tement ; tous les profits de lots et ventes qui tombe-
ront dans les grosses paroisses réunies ou dans les fiefs
qui en dépendent, seront perçus à raison de cinq sols
pour un où l'usage en est établi, dix ou douze sols par
écu où la coutume le porte et il sera donné deux sols
par cent où le droit n'est que de cinq sols, et quatre
sols où le droit est de retenir six sols. Ces sommes
ensemble seront mises dans un coffre-fort, dont le
bailli, le lieutenant et le fiscal auront chacun une
clef, ainsy que le greffier. Ces sommes serviront à
payer les appointements des officiers de justice, ainsy
que le greffier, et à suivre les procès criminels jusques
au décret, à entretenir et à nourrir les prisonniers
dans les prisons subalternes jusques au moment où ils
seront transférés dans les prisons roy ailes, s'ils
n'aiment mieux les seigneurs payer le.^ appointements
dos officiers do justice tous en commun qui seront,
pour le baillv do 400 livres par an, de 30D livres
— 275 —
pour le lieutenant, de pareilles sommes de 300 livres
pour le fiscal et de 250 livres pour le greffier. Les
procès seront instruits et jugés dans les six mois, les
scellés seront apposés gratis pour toutes les personnes
qui n'auront que huit mille livres et au-dessous, soit
en fonds, soit en mobillier, ils seront levés sans frais,
ainsy que l'inventaire lorsqu'il sera fait en justice.
» Toutes les successions qui seront au-dessus de
8,000 fr.; il sera donné au premier juge 4 fr. par
jour, au fiscal 3 livres par jour, lorsque son miijiistère
sera requis, et au greffier jamais plus que deux livres
dix sols par jour. Ces huissiers crieurs dont les
charges ont été levées depuis quelques années, n'auront
plus lieu sous prétexte de prendre la deflense du
mineur, ils font vendre les effets à la hâte qui se
donnent pour rien et il &e trouve par là que pour les
pauvres mineurs tout est consommé en frais ; il n'y
a rien de plus désastreux et de plus nuisible à la société
et au commerce. Toutes les provisions de procureur
que les seigneurs ont données à différents sujets pour
les soustraire à la milice seront révoquées de droit,
parce qu'il est de la plus grande indécence qu'un
pareil individu monte sur le siège comme ancien, en
l'absence du juge, pour rendre la justice; n'ayant
aucune connoissance des loix, quelle faute n'est-il pas
dans le cas de commettre ? On ne doit entendre par
procureur que celuy qui a étude, cliant et qui occupe
journellement.
)) Il se commet un abus très grand dans les paroisses
de campagne et qui devient ruineux pour ceux sur qui
tombe le sort. Quelqu'attentifs que soient les patres
qui gardent leurs bœufs et leurs troupeaux, il y en a
toujours qui échappent à la vigilance du berger et qui
vont en dommage soit dans les bleds, soit dans les prés^
soit dans les taillis qui sont fort jeunes, qu arrive-t-il ?
- 276 -
Que le propriétaire du bois, du pré ou du bled porte
plainte, fait faire une ipformation, les frais qui en résul-
tent excédent souvent non seulement le dommage, mais
même la récolte du blé, du pré ou de la feuille d'un an
pour le bois. Voici le moyen de remédier à cet abus.
Il sera nommé tous les ans, au jour de dimanche, à
l'issue des vêpres, par les paroissiens en présence du
curé, trois seniores de la paroisse pour estimer sans
frais le dommage qui arrivera ; le prix de l'estimation
du dommage qui aura été faite sera mis sans délai
entre les mains du pasteur de la paroisse, qui le rendra
& la personne à qui aura été fait le dommage, sans
qu'elle puisse se pourvoira un autre tribunal, ni exiger
une plus grande somme.
» CHAPITRE IV.— Ordre du clergé. — Il convient
que le clergé paye deux sols par livre de ses décimes
pour l'entretien des chemins et qu'il paye très stricte-
ment la dixième partie de ses revenus au roy, sous le
nom de décime pendant six années, c'est-à-dire
jusques à ce que l'Etat soit un peu libéré et qu'il ne
soit plus question du déficit. Quant aux bénéficiers,
simples prieurs et abbés, étant dans l'usage de payer
la quatrième partie de leur revenu pour décime par
an, ils ne payeront que douze deniers par livre sur
leurs décimes pour l'entretien des chemins.
» Pour parvenir à une déclaration juste des revenus
de chaque ecclésiastique, il me paroitroit raisonnable
que tous les cinq ans douze curés d'un canton s'assem-
blassent dans un chef-lieu, qu'on y appelât le procu-
reur de chaque communauté rentée et qu'on fit faire
strictement à un chacun sa déclaration du revenu de
son bénéfice et aux réguliers le revenu annuel de leur
communauté. Si un curé venait à faire une déclaration
qui paroitroit douteuse à l'assemblée, il seroit relevé
- 277 -
sur-le-champ par le curé voisia qui connoitroit son
revenu comme le sien, ainsy de communautés tant
séculières que régulières; pour lors, MM. les curés
s'imposeroient eux-mêmes, ainsi que les maisons
régulières de leur district, à raison d'un dixième de
leur r(Bvenu annuel, ils seroient obligés d'apporter
dans leur assemblée le revenu de leur casuel de
l'année avec le recouvrement des années précédentes.
Ils envoyeroient alors leur imposition à Monseigneur
leur évoque, qui la feroit porter sur le rôle des imposi-
tions ecclésiastiques, et comme on accuse souvent
dans le monde et faussement les seigneurs, les évo-
ques, de payer peu de décimes, ils seroient les pre-
miers à faire la déclaration, soit par eux-mêmes, soit
par leurs représentants à la chambre ecclésiastique,
c'est pour lors qu'en payant publiquement strictement
la dixième partie de leur revenu, ils fermeroient la
bouche à l'imposture et qu'on continueroit à envisager
les biens ecclésiastiques comme les vœux des fidels, le
prix des péchés et le patrimoine des pauvres, les impo-
sitions royalles prélevées ainsy que la nourriture et le
vêtement des pasteurs.
» Je finis par une observation qui excite notre ^èle
et qui mérite toute l'attention du Gouvernement. Je
voudrois que dans tous les gros bourgs et petites villes
où il n'y a pas d'hôtel-Dieu, et qui seroit composée de
cinq cents feus et au-dessus, on établit deux sœurs
grises dont l'une serviroit à l'éducation de la jeunesse
de son sexe et l'autre, après avoir pris les premiers
principes de chirurgie, étant dépositaire d'une appoti»
quairerie, visiteroit les pauvres malades et leur admi-
nistreroit les remèdes qu'elle croiroit nécessaires. »
— 278 —
Ua autre projet venant du même personnage
concerne Térection d'un tribunal de justice à Pouilly,
demande non fondée qui ne reposait sur aucune base
sérieuse. Il indique pour la localité la situation d'alors,
les inquiétudes des uns, les aspirations des autres et
mérite quand môme d'attirer un instant l'attention.
« Mémoire pour Vérection d'un tribunal de justice en
première instance, en la ville de Pouilly-sur--
Loire (1).
» La ville de Pouilly, située à l'orient de la Loire,
dans la province de Nivernois, ressort de Saint-Pierre-
le-Moûtier, est traversée dans sa longueur par la
grande route de Paris à Lyon, la Loire qui l'avoisine y
amène fréquemment des étrangers, ce qui donne lieu à
des affaires contentieuses.
» La ville de Pouilly, dans laquelle il n'y a qu'une
parroisse contient environ 800 feux et est au centre de
dix paroisses qui touttes n'en sont éloignées que d'une
et deux lieues. Ces dix paroisses contiennent vingt-
deux fiefs ayant hautes, moyennes et basses justices,
et renferment au moins six mille individus capables
d'ester en justice.
» Pour être curé de Pouilly, il faut être gradué;
elle est entourée de murs ; il y a un gouverneur, une
municipalité, un état-major faisant partie d'une milice
bourgeoise qui, depuis les troubles dont on a été agité
depuis un mois, se trouve composée d'au moins cinq à
six cents hommes valides et en état de porter les
armes, il y a de fortes prisons et des cachots.
» La justice, qui est seigneuriale, y fut toujours
administrée, jusqu'en 1780, par un bailly et un lieute-
(1) Ms. fr. 20705, folio 101.
- 279 -
nant gradués, par un procureur fiscal, un substitut, iin
greffier, plusieurs procureurs et des huissiers ; -mais à
cette époque, les bénédictins de la ville de La Charité,
qui sont seigneurs de PouiUy, n'ont depuis pourvu
personne des offices de lieutenant et de substitut. .
)) Il y a dans la ville de Pouilly une poste royalle,
une direction, des diligences et messageries, un
bureau de poste aux lettres, un bureau des contrôles
dont l'arrondissement est composé des dix paroisses
dont nous venons de parler, un bureau des aydes pour
la perception des droits que payent les habitants pour
les inventaires du produit de leurs vignes, pour les
entrées, la consommation, le don gratuit, et sur les
viandes de boucherie et les foins.
» 11 réside à Pouilly sept notaires, dont trois royaux,
quelques nobles, beaucoup de bourgeois, des artisans
de toute espèce, quelques laboureurs et une grande
quantité de vignerons dont le temps est précieux dans
toutes les saisons de Tannée,
» Depuis plusieurs siècles, la justice de Pouilly a
toujours été administrée dans toutes les paroisses
circonvoisines par les officiers de la ville de Pouilly
qui le font encore actuellement, d'où il suit que tous
les titres et papiers qui intéressent Thonneur et les
propriétés des habitants de ces paroisses sont déposés
dans les études et dans les registres publics de ladite
ville.
)) Dans la séance du 4 août, la Chambre nationale
ayant arrêté et décrété que les justices seigneurialles
seront supprimées, on pense que le remplacement de
ces justices s'opérera par la création de tribunaux
placés assez près les uns des autres pour que chaque
justiciable ne soit pas éloigné de son chef-lieu de jus-
tice. Dans cette hypothèse, il paroit convenable, utile
même nécessaire d'en placer un à Pouilly... Les habi-
--280 —
tants des paroisses voisines forment des vœux ardents
pour cette érection. Ils ont à Pouilly leurs conseils
affidés, ils y trouvent les pactes de leurs familles, les
actes d'alliance de leurs premiers ayeux, les contrats
qu'eux-mêmes ont passé, les engagements qu'ils ont
souscrits, les titres de leurs propriétés et enfin des
hommes qu'ils connoissent et dont ils sont connus.
D'ailleurs Pouilly est la ville la plus prochaine de
toutes ces paroisses, et sous ce rapport la dépense des
plaideui s pour y venir seroit moins considérable que
pour aller dans une ville plus éloignée de leurs
demeures.
» D'autre part, si Pouilly n'étoit pas chef-lieu d'arron-
dissement... elle seroit sous peu de temps entièrement
isolée et ruinée, sans ressources, Pouilly deviendroit
un désert ; les habitants des campagnes voisines ne la
frequenteroient plus, la consommation cesseroit, les
marchands et artisans seroient obligés de s'expatrier ;
alors enfin, par une exception malheureuse, environ
trois mille âmes deviendroient les victimes d'une loi
sage qui doit servir de base au bonheur des Français.
)» Noms des paroisses comprises dans le district du
bureau du controlle de Pouilly :
» Tracy, Saint-Andelain , Saint-Laurent, Saint-
Quentin, Saint- Martin-du-Tronsec, Garchy, Bulcy,
Mesves et Sully en partie.
» Autres paroisses en dehors du district qu'il seroit
convenable de réunir à la justice de Pouilly, à cause
de la proximité :
)) Vielmannay, Sully en totalité, Varennes-les-Narcy
et Poigny. »
# v^i-w^ un» mfm%fp
— 281 -
LA DIME RELIGIEUSE
ET
LE DROIT DE SUITE
AU XVIII« SIÈCLE
Avant de résumer les différends survenus entre
ecclésiastiques nivernais relativement à la levée des-
dîmes, il convient de rappeler brièvement ce que fut
cet ancien mode d'impôt.
La dîme, dont l'origine semble remonter à la loi de
Moïse, s'appliquait alors au traitement en nature
payé à la tribu de Lévi, chargée tout spécialement des
services du culte. Elle consistait, comme son nom
l'indique, en la dixième partie des produits de la terre
et des animaux (1).
L'Evangile abolit cette loi primitive ; mais la dévo-
tion des premiers chrétiens, continuant à se manifester
de la môme façon envers les gens d'église, fit dégé-
nérer en obligation ce qui n'était qu'un long usage.
En outre, de généreux seigneurs suivant les exhor-
tations des prélats au concile de Latran, abandon-
nèrent leurs dîmes particulières au clergé régulier, qui
put les recevoir directement et sans le consentement
de l'évoque. Néanmoins, ces dons seigneuriaux furent
(i) On distinguait les dîmes en grosses et menues. Les premièi-es por-
taient sur les grains de toutes sortes ; les secondes sur le chanvre, les pois,
les vesces, les haricots, la laine des agneaux, les porcs, etc.
T. vui, 3» série. 19
— 282 —
regardés comme de simples restitutions par les ecclé-
siastiques de l'époque, qui considéraient la dime
comme le vrai patrimoine des églises paroissiales.
Cette redevance devint d'ailleurs absolument néces-
saire au clergé dans la suite, car les calamités publi-
ques et la cupidité de certains nobles tarirent la source
des offrandes volontaires, si en honneur chez les pre-
miers chrétiens.
Papes et souverains s'émurent de cette situation ;
aussi un acte du concile tenu à Mâcon en 585 fut-il
confirmé en 782 par un capitulaire de Charlemagne
prescrivant : « que tous nobles hommes, libres et lites,
)) doivent donner aux églises et aux prêtres la dixième
» partie du produit de leurs terres ».
Telle est, en résumé, l'origine de la dlme religieuse
qui se prélevait sur toutes les terres de la paroisse
sans exception, qu'elles soient seigneuriales ou rotu-
rières.
Mais là ne se bornaient point les droits du dimeur,
la coutume du Nivernais lui accordant encore la suite
des laboureurs, quand ceux-ci allaient avec leurs
bœufs travailler dans ime autre paroisse.
Cependant le taux de ces redevances diminuait peu
à pou, à mesure que la prospérité renaissait ; aussi le
trouve-t-on, auxvii^ siècle, réduit à la vingt-cinquième
gerbe au lieu de la dixième.
De plus, le caractère même de ces impôts ne tarda
pas à s'altérer par le monopole qu en firent la plupart
des grands dignitaires de l'Eglise, bien éloignés alors
du rôle de médiateurs que leur avait assigné le concile
de Latran. Et ces ecclésiastiques, prenant le titre de
firos décimateurs, s'emparèrent ensuite de tous les
profits religieux, se bornant à faire aux curés une
somme fixe et annuelle, s^ppeléeldi portion congrue,
généralement insuffisante à leurs besoins.
— 283 —
Toutefois, cette mesure ne fut point générale, et plus
d'un desservant perçut encore la dîme et le droit de
suite. Certains ecclésiastiques môme, désireux d'éviter
tout conflit aussi bien avec leurs confrères du voisi-
nage qu'avec les habitants de leur dîmerie, affer-
mèrent ces redevances à quelque paroissien ; mais il en
est d'autres qui, ayant à subir tous ces ennuis, firent
valoir énergiquement leurs droits.
De ce nombre est le curé de Saint-Martin-d'Heuille
qui, au milieu du xvm« siècle, réclama plusieurs fois
le maintien de ses prérogatives, luttant môme, pour y
parvenir, contre un puissant dîmeur voisin, l'évoque
de Nevers, seigneur temporel d'Urzy.
Ce desservant de Saint-Martin se plaint, en 1745,
d'avoir été lésé dans le droit de suite. Pour justifier
sa réclamation il produit un long mémoire dans lequel
il expose : « qu'il y a dans la paroisse voisine une
» pièce de terre autrefois en verger, mais défrichée et
» labourée depuis dix ans ; qu'elle n'est pas dans le
» foncier de sa dixmerie, mais dans celle de Tévêque
» et qu'il n'y a point de bœufs dans ce domaine pour
» en cultiver les terres » . Un fermier de sa paroisse
ayant affermé le domaine a a labouré la pièce de terre
» en question et le curé voisin en a levé toute la
)) dixme ».
Celui de Saint-Martin désire donc savoir « s'il a le
» droict de suitte et. s'il peut partager la dixme ». Il
demande si l'article 5 de la Coutume portant « que les
» dixmes des rompées appartiennent aux curés des
)) paroisses es fins desquels sont situées lesdites rom"
» pées » ne lui est point contraire.
Consulté, M. Blaudin fils, avocat à Nevers, répondit
« que le droit de suitte a lieu et doit s'exercer sur
» les rompées ou novalles, de môme que sur les autres
» terres sujettes à la dixme, les novalles n'étant pas
- 284 —
» plus privilégiées que l'ancienne dixme, ajoutant que
» c'est toujours au travail et au labourage des bœufs
» que les fruits en son deus ». — « Quand, dit-il, les
)) bœufs de la dixmerie d'un curé ont labouré les terres
» novales, la dixme appartient en entier au curé ;
» mais quand ce sont les bœufs d'une autre dixmerie,
)) le droit de suitte étably par la Coutume a lieu indis-
)) tinctement. »
Un autre avocat, M. Sallonnyer de Nyon expose dans
sa consultation « que le droit de suitte appartient bien
)) légitimement au curé de Saint-Martin. D'ailleurs
» l'article 1®' du titre des Dix mes de la Coutume en
» décide ainsi puisqu'il attribue la dixme de suitte
» dans les terres qui seroient exemptes des dixmes ;
» l'article 5 n'a donc d'autre effet que d'attribuer aux
)) curés des paroisses cette espèce de dixme au préju-
)) dice d'autres seigneurs. »
De son côté, Dom Vernier, religieux bénédictin de
Saint-Etienne de Nevers, écrivait au curé : « Il n'y a
» point de doute que vous n'ayez le droit de suitte de
» vos bœufs sur le champ devenu en novale dans la
» paroisse voisine. M. Coquille le décide nettement
» dans ses questions et s'appuie sur ce que, sans les
)) bœufs qui ont labouré la terre novale, il n'y aurait
)) point eu de récolte dans les champs ; on le pratique
» dans notre voisinage de même (i). »
Ces trois avis, conformes et appuyés sur la Coutume
du Nivernais y laissent supposer que le réclamant reçut
satisfaction ; cependant, l'issue de cette affaire ne nous
est point connue.
Un second différend a lieu, en 1749, cette fois entre
l'évêque et le desservant de Saint-Martin.
Ce dernier prétend « qu'il est seul décimateur dans
(1) Archives de la cure de Saint-Martin-d'Heuîlle.
. 285 -
» toute l'étendue de sa paroisse dont il est curé depuis
» vingt-huit ans ; qu'il en a toujours levé les dixmes
» et perçu les droits de suitte quand les laboureurs
» d'icelle ont été labourer et ensemencer des terres
» dans les dîmeries voisines ». Il ajoute « qu'en 1748
» il a joui entièrement et sans contestation du droit de
» suitte dans des terres de la paroisse d'Urzy et
» dîmerie de l'évêque; qu'en 1749 il a levé de
» môme la dîme des gros bledz n'ayant été troublé
» qu'à la récolte des orges et avoines, dont l'évêque a
» fait enlever la dîme entière avec défense d'y laisser
» dîmer le curé (1). »
L'évoque invoquant un terrier des droits généraux
de l'évêché dressé en 1441 (2) fonde son refus sur une
déclaration de cette époque où il est dit « que dans les
» champs de la dîmerie qui y est limitée, nul n a droit
» de suitte ».
Mais, comme l'observe le curé, ce prétendu titre est
fort peu précis, et rien ne prouve que la dîme des
héritages litigieux sbit à l'évêque. De plus, dit-il,
« cette déclaration a été rédigée par le notaire en
» présence de douze manans d'Urzy, sans que les
» seigneurs décimateurs riverains et notamment les
» curés de Saint-Martin, ses prédécesseurs, — qui
» n'auraient pas dérogé à un droit que leur donne la
» loi, — aient été appelés ».
Toutefois, <L ne voulant pas avoir une contestation
» avec son évêque sur un point tant soit peu dou-
» teux », le curé consulte à nouveau MM. Blaudin et
Sallonnyer qui, s'appuyant sur divers articles de la
Coutume, donnent raison au curé.
Mais la fin de la procédure manquant aux archives
(1) Archives de la cure de Saint-Martin-d'Heuille.
(2) Voir ce titre K Tappendice.
- 286 —
de la cure, on ne saurait en conclure qu'on fit droit
à la demande du plaignant.
Tout porte à croire cependant que Tabbé Delin eut
gain de cause dans les deux contestations qui pré-
cèdent, et cela explique sa persistance à revendiquer
la suite, quand il n'y a aucun droit.
Ce même curé a, en effet, rédigé un troisième
mémoire dont voici le passage essentiel : « Il y a dans
» ma dimerie un pré appartenant au laboureur d'une
» paroisse voisine. Ce dernier y a fait défricher une
» accrue de la contenance de 6 à 7 boisselées, puis
» l'a fait ensemencer de froment de mars, après l'avoir
» labouré avec ses bœufs, hivernes dans l'autre
» paroisse ; pourquoi le curé de celle-ci a fait enlever
» la moitié de la dlme pour le drotci de suitte qu'il
» prétend lui estre dû. »
Le curé de Saint-Martin ayant la prétention d'em-
pôcher son confrère voisin d'user d'un droit que
personnellement il a, par deux fois, fait énergiquement
respecter, essaie de justifier son intervention en
alléguant qu' « il y a vingt ans environ, un manœuvre
» de sa paroisse — convention faite avec le laboureur
» de ce domaine — en défricha environ une demi-
» boisselée, l'ensemença de chanvre et qu'il en leva
» la dixme sans contestation de qui que ce soit. » —
L'abbé Delin désire donc savoir si, « dans le cas
» présent, le droit de suite est dû au curé voisin, » et
il a recours aux lumières de M. Blaudin, qui lui
répond : « Ce droit a incontestablement lieu dans les
» deux héritages en question, la coutume le donnant
)) dans les lieux exents de dixmes comme dans ceux
» qui y sont sujets ».
Force fut donc au curé de Saint-Martin-d'Heuille
de s'incliner cette fois devant les termes de la coutume
qui régissait alors le Nivernais.
— 287 —
Il n'était peut-être pas sans intérêt de parler de cet
ancien mode d'impôt, si maudit de nos ancêtres, qui le
virent disparaître avec bonheur à la Révolution. —
Le mot dîme lui-même est resté pour le peuple —
et notamment dans certains milieux — synonyme de
sujétion ; d'où un souvenir odieux conservé de cette
redevance. Cependant, comme elle ne se prélevait que
sur les produits naturels et selon le quantième de la
production, elle était, en certaines années, moins
onéreuse que la perception actuelle, puisqu'il faut
aujourd'hui payer en argent, bon an mal an, la récolte
fût-elle nulle.
Mais ce sujet invitant à la réflexion et prêtant à la
discussion, il est bon de laisser chacun méditer sur ce
point et conclure.
G. Gauthier.
— 288 —
APPENDICE
1441. — 27 JUILLET.
Extrait du terrier de Vévêché de Nevers.
Du terrier des droits généraux de Tévêché de
Nevers fait par Sarbonelli, en exécution des lettres
patantes du roy Charles, le 27 juillet 1441 et de son
reigne le dix-neuf, au f® 37 dudit terrier en parche-
main appert ce qui suit :
Les dixmes dudit lieu Dursy avec ses champarts :
— La dixme Durzy avec les branches de Monmien,
Deuille (1), de Champaudon (2) et de Viltecour (3)
et autres avec les champarts desdits lieux.
Sensuit la déclaration des dixmes et branches dessus
dîttes :
Premièrement, la grande dixmerie qui est propre
dudit Mflf qui se commance au champ du Chaillou,
icelluy champ compris, et sen va selon que la justice
départ jusques au quarouge des Boncueur en compre-
nant touttes les terres de champart dudit Monseigneur
au champ de la Porte, entre le champ Quaré et le
champ de la Porte jusques à une borne qui départ
la dixmerie commune entre ledit M9' le curé Dursy
et celle de Saint-Gildas ; dicelle s'en retourne (ledit
champ de la Porte compris) en manière d'une pointe
hevrée auchemain qui départ la justice et au quarouge
de la nouhe, et dudit quarouge tirant au champ de
(1) Montmiens et le Bas-d'Heuille, villages de la paroisse de Saint-
Martin.
(2) Champaudon, commune de Balleray.
(3) Villecourt, commune de Coulanges-les-Nevcrs.
— 289 —
Laubepin entre louche Jean Devantes et comprenant
tout ledit champ Laubepin que tiennent Jean Girault
et Hugues Rappin dudit Ms^^ et entre ledit champ
et Touche de Montay (1) et entre les terres dud. M^^ et
les terres à M"*« labbesse tirant au pastureau Deputot ;
et dud. pastureau au chesne des Esquels et au carrouge
desd. Esquels ; et dud. champ selon le chemin qui
mène dudit carrouge chez Guillaut des Saules (2) jus-
qu'au bout du buisson Regnaud ; et dud. bout du buisson
Regnaud tirant au travers du champ au bout du
buisson Torineau, autrement le buisson du quarouge
deslays ; et dicelluy entre la turlée qui départ la terre
Huguette Bichete et celle Jean Desvauls et Trameson ;
lesd. tirant droit entre la terre de Jean Petit fils et la
terre des Bichete et Jean Odinet et Frapper à la rue
commune allant de FeuUe (3) chez Guillault des Saules,
à laquelle rue finit la dixmerie dessusdicte et com-
mence celle dud. Mo' et de Saint-Gildas, dedans laquel
est la maison et grange Piere Odinet et le pressoir
Jean Odinet; ne prend nul dixme sur ses champs,
mais que le champart seulement et nul ny prend
dixme de suite sur lesd. champs. Sy comme disoient
Jean Ragu, Jeannot Bussié, Jean Calot, Guillaume
Regnard, Jean Michot, Jean Bartheau. Jean Girault,
Jean et Pierre Odenot frères, Jean Villiers, Dursy,
Hugues Colas, de Monmien, qui ont esté avec moi
commissaire dessusdit a environner ladite dixmerie
ledit chastellain présent le 25 juillet 1442.
{Copie manuscrite informe du XVII I^ siècle.)
G. G.
(i) Le Montet, commune de Coulanges.
(2) Les Saules, même commune.
(3) Feuille, commune d'Urzy*
- 290 —
PIERRE DE FRASNAY
Aux vacances dernières, un élève distingué de
l'École normale supérieure, M. Auguste Jardé, le
môme qui publie actuellement dans la Revue du
Nivernais, de notre ami Millien, une étude des plus
remarquables sur les Duchesses de Nevers : Les pre-
mières amours de Marie de Gonzague, me faisait
connaître qu'il avait fortuitement en sa possession des
papiers provenant de Pierre do Frasnay. Mon aimable
correspondant avait pris soin de me donner, ainsi qu'il
suit, le détail de sa trouvaille :
1° Première lettre sur V Histoire du Nivernais.
Dix pages presque sans ratures ; malheureusement, les
deux premiers feuillets ont été collés l'un contre l'autre ;
2** Une seconde lettre (sur le môme sujet). Huit pages
très raturées, probablement le brouillon;
3<> Un fragment sans titre qui est probablement une
troisième lettre sur le môme sujet (six pages) ;
4° Réponse à la lettre de M. l'abbé Lebœuf, cha-
noine d'Auxerre, insérée dans le Mercure de France
du mois de mai 1740, au sujet de VEssay sur l'Histoire
du Nivernois (sept pages). Cette réponse est d'une
écriture très aisée à lire et qui n'est pas celle de
Pierre de Frasnay. Cependant, cette rédaction, qui est
sans doute une copie, porte des notes et des correc-
tions de la main de Pierre de Frasnay ;
5** La Mort de Daphnis, églogue ;
6^ Un fragment d'ode ou de chanson,;
— 291 —
7° Les Amours d'Alcibtade et de Timée, femme
d'Agts, roy de Sparte, conte ;
8" La Reconnaissance de Céladon^ églogue;
9^ Périclès et Aspasie.
(Ces diverses pièces, qui forment huit pages, sont,
sauf la dernière, d'une écriture très courante et presque
sans ratures) ;
10** Le second acte d'Alcméon, dix pages couvertes
de ratures, de renvois, d'additions, qui en rendent la
lecture assez pénible.
La dernière page porte des notes très brèves, ren-
voyant aux pages d'un ouvrage qui n'est pas indiqué,
mais qui, selon toute probabilité, contenait les faits
racontés dans la tragédie d'Alcméon; ce sont là les
indications des documents de l'auteur.
Notre correspondant ajoute : « Ces fragments sont
» assez intéressants, surtout le dernier. Je pense que
» toutes les lettres sur le Nivernais ont été publiées
» dans le Mercure, peut-être aussi les poésies fugitives.
» Il serait facile de s'en assurer en feuilletant la coUec-
» tion du Mercure à cette époque. En tous cas, le
» fragment d'Alcméon complète un peu sur ce qu'on
» savait déjà de cette tragédie. Je suis en train de
» vous le transcrire; je vous l'enverrai, et ce sera une
» belle communication à faire à la Société nivernaise. »
Je viens aujourd'hui m'acquitter de l'agréable mis-
sion qui m'est confiée par notre jeune chercheur et je
ne puis entrer plus avant dans cette commimication
sans vous faire part, en quelques pages, de particula-
rités concernant les œuvres de Pierre de Frasnay.
Il y a trente ans, nous avions le plaisir d'entendre
une intéressante communication de M. Roubet. Cette
étude, qui s'accommodait si bien au talent de notre
ami, était intitulée : Pierre de Frasnay, auteur dra-
matique.
— 292 —
Aujourd'hui, roccasion m'est gracieusement offerte
d'ajouter quelques documents nouveaux et inédits au
travail de M. Roubet. Vous me permettrez bien, je
l'espère, de m'abriter derrière le nom de notre ancien
président, et de saisir ce moment pour offrir à sa
mémoire un hommage auquel je vous convie de vous
associer.
Les auteurs nivernais ont tous mentionné Pierre de
Frasnay au nombre des écrivains qui ont honoré notre
province, et parmi eux, M. de Sainte-Marie, dans
ses Recherches historiques sur Nevers, nous a fait
connaître ainsi qu'il suit l'existence et les travaux de
Pierre de Frasnay :
Extrait des recherches historiques sur Necers,
par de Sainte-Marie
Pierre Pierre de Frasnay^ seigneur de Frasnay et
de Neuvy, président au bureau des finances de la géné-
ralité du Bourbonnais, né à Nevers, en 1676, était fils
de Pierre Pierre, seigneur de Frasnay, et d'Augustine
Ferrand.
Cet auteur, extrêmement fécond, mériterait d'être
plus connu, si les rangs se réglaient dans la république
des lettres par le nombre des ouvrages. Les Mercures
de 1730 à 1740 sont remplis de ses poésies. Eglogues,
épitres, élégies, contes, il s'est essayé dans tous les
genres. Parmi ses contes, on doit distinguer celui des
Damnés de Neoers, et parmi ses poèmes, celui sur la
Fai/ence, qui a mérité les honneurs d'une traduction
latine insérée dans le Mercure.
En 1737, il se lassa de faire des contes, voulut se
consacrer à l'histoire, et commença par publier, dans le
Mercure d'août 1737, une dissertation sur les Boiens,
anciens habitants du Bourbonnais.
— 2^ —
Il se crut obligé de s'occuper du passé de ces
peuples, parce que, dit-il, il avait dans le Bourbon-
nais, des terres, une charge, des parents et des amis.
Il mit ensuite ses soins à Y Histoire des Évêques de
Nevers, sa patrie, et en publia successivement des
fragments dans les Mercures de septembre et dé-
cembre 1738, janvier, février, avril et juin 1739, sous le
titre d'Essais historiques sur le Nivernais. Il était
alors parvenu jusqu'aux premières années du douzième
siècle, lorsque Dom Duval, religieux bénédictin,
releva quelques erreurs de date, dans une lettre insérée
dans le Mercure de septembre 1739.
M. de Frasnay se défendit dans le Mercure de
février 1740, mais ce bénédictin lui fit une réplique
assez vive dans le Mercure d'avril suivant.
Enfin l'abbé Le Bœuf s'étant mêlé de la querelle
dans le Mercure de mai de la môme année, M. de
Frasnay, qui s'était annoncé dans sa réponse à Dom
Duval, comme un homme pacifique et qui prétendait
entrer en lice avec personne, se réduisit au silence,
renonça pour jamais à la carrière historique et se jeta
dans la morale.
Il publia en 1750, son Recueil de fables ésopiques ,
grecques et sybaritiques. Cet ouvrage, sans être un
chef-d'œuvre, ne mérite cependant pas le mépris avec
lequel en a parlé l'auteur des Trois siècles de littéra-
ture (1774), P.-C. Sabatier de Castres, mais M. de
Frasnay a eu tort d'offrir la traduction des Fables
d' Ésope k un public en possession de ces mômes fables
imitées par La Fontaine, car l'auteur du poème sur la
Fayence avait trop présumé de ses forces, en s'ex-
posantà soutenir une pareille concurrence.
M. de Frasnay mourut à Nevers en 1753.
Mais il était réservé à M. Roubet de nous révéler
Pierre de Frasnay comme auteur dramatique. Aussi,
— 294 —
me permettrez-vous de puiser largement dans le tra-
vail de notre ancien président, reproduit dans notre
Bulletin de 1869.
Je copie textuellement :
a Le bagage dramatique et manuscrit de Pierre de
» Frasnay n'est point très volumineux. Égaré depuis
» la fin du dernier siècle dans l'ancien château baron-
» nal deNeuvy, noas l'avons retrouvé enveloppé (c'est
» M. Roubet qui parle) comme ci-devant l'auteur du
» Misanthrope, dans un grand sac de toile, en com-
» pagnie de toute une fortune numismastique d'assi-
» gnats. Voici la nomenclature des œuvres que la
)) main railleuse du hasard avait mise au même sac :
» V Alcméon, tragédie en cinq actes. Le premier et
» le second acte sont perdus .
» 2* Jeanne de Naples, tragédie en cinq actes.
» Nous n'en avons retrouvé que quelques vers, mais le
» livret est entier.
« 3® Le Baron d'Espinchal ou le Diable Imaginaire,
» comédie en un acte.
)) 4:^ Les Antiquaires, comédie en trois actes. »
M. Roubet donne ensuite une analyse rapide de ces
diverses pièces dramatiques; nous ne croyons pas
devoir la reproduire ici, dans la crainte de faire double
emploi, mais nous prendrons à notre spirituel pré-
curseur tout ce qu'il nous fait connaître de la tragédie
d' Alcméon, nous réservant de vous donner un faible
aperçu de ce fameux deuxième acte qu'il croyait perdu.
Si vous voulez bien jeter les regards sur le manus-
crit que je vous présente, vous verrez combien sont
justes les remarques de M. Roubet, quand il dit :
<r Les corrections interlinéaires, les ratures, les
» efforts, comme les négligences de la composition, que
- 295-
» le manuscrit nous signale aujourd'hui par une espèce
» de trahison posthume, tout nous fait supposer que
» cette tragédie fut une œuvre de jeunesse. »
Voici les noms des personnages :
Éryphile, reine de Mycènes.
Algméon.
Amphilogue, son frère.
Arsinoé, fille d'Archélaûs.
TiRRHiAS, confident.
Érige, confidente.
CiRCOS, confident d'Alcméon.
« Un oracle avait déclaré qu'Éryphile mourrait de la
» main de son fils Alcméon. Aussi, pour conjurer le
» destin, la malheureuse reine cherchait-elle un moyen
» honnête de le faire périr. Elle ai»sociait dans sa
» haine la princesse Arsinoé, qui aimait Alcméon et
» le couvrait de sa protection.
» D'un autre côté, l'ombre d'Amphiarails était sortie
» de son tombeau, et avait demandé à Alcméon ven-
» geance contre sa mère. i>
Scène I. — Dans le deuxième acte, Arsinoé cherche
à détourner Alcméon du crime qu'il a juré d'accomplir,
et dans un long morceau, celui-ci expose que l'ombre
de son père lui est apparue :
Un vain tombeau paraît auprès du sanctuaire,
Sur un marbre est gravé le crime de ma mère,
Les Grecs, sur ce tombeau, consultent leur destin,
Jamais aucun mortel ne s'y présente en vain.
De ce lieu consacré, la révérence sainte,
Imprime sans effort le respect et la crainte.
Hais ce marbre fatal fait naitre dans mon cœur
Un sentiment mêlé de honte et de douleur;
~ 296 —
Monument éternel de désobéissance !
On y lit votre mort sans y voir ma vengeance ;
Mon père, j'en rougis, par mes vœux à genoux.
Je tâche d'adoucir vos mânes en courroux.
Les béliers offerts en sacrifice,
Quand je désobéis vous rendront-ils propice?
Sur de sacrés tapis que j'étendis exprès.
D'un sommeil gracieux invoquant les attraits.
J'attends qu'Âmphiaraûs par des songes m'éclaire,
A peine je fermais une triste paupière.
Dans le tombeau j'entends une plaintive voix,
Je suis saisi d'horreur et de crainte à la fois,
Et mon œil étonné, dans une nuit obscure.
D'un vieillard en courroux aperçoit la figure,
C'était mon père, hélas! Son air, sa gravité,
Ses cheveux blancs, l'honneur de son chef respecté,
Tout me représentait ce père vénérable
Ou bien plutôt d'un Dieu la figure adorable.
Que ce Dieu paraissait irrité contre moi !
Les éclairs de ses yeux me remplissaient d'effroi,
Et le son de sa voix terrible et menaçante
Saisit mon triste cœur d'une juste épouvante •
(( Sors de ce lieu, dit-il, par ta mère outragé,
Malgré toi, par ta main, je dois être vengé. »
Mon père disparaît, je sens trembler la terre,
Son sein, pour le cacher, s'ouvre au bruit du tonnerre.
Cet oracle en mon cœur, en m'apprenant mon sort,
Produit un désespoir plus triste que la mort.
Dieux! que ne fais-je point pour apaiser mon père!
Mes prières, mes dons augmentent sa colère.
Des victimes le sang, par ma main présenté,
De mon père en courroux est encore rejeté,
Je pars enfin lassé d'une peine inutile.
Arsinoé insiste :
Je refuse un amant qui se pare du crime
Et je veux que l'amour soit guidé par l'estime.
- 297 -
AIcméon répond :
Les crimes aux mortels par les dieux ordonnés.
Madame, sont toujours punis ou pardonnes.
Scène IL — Éryphile s'avance et offre la paix à son
fils. Elle cherche à lui inspirer des craintes sur la
loyauté d'Arsinoé, et AIcméon de s'écrier :
L'artifice est grossier, je n'en crois rien, madame.
Puis une longue tirade d'Éryphile qui essaie de
s'innocenter et de justifier sa conduite. Elle lui fait
entrevoir la gloire qu'il y aurait pour lui à se joindre
à Adraste :
Adraste contre Thèbes assemble son armée,
De marcher sous vos lois elle sera charmée.
Elle finit en lançant la flèche de Parthes :
Fuyez Arsinoé, sans haine, sans vengeance.
D'un mépris éternel payez son inconstance.
J'attends votre réponse et rentre en attendant.
Scène III. — Un long monologue d' AIcméon.
Scène IV. — Son confident, Circos, lui donne la
réplique et lui laisse croire que son frère Amphilogue
Auprès de la princesse a marqué son amour.
Scène V. — Survient Amphilogue, mandé par
Arsinoé, pour exposer à AIcméon l'excès de sa douleur.
Ce dernier ne veut rien entendre; il s'élève alors une
dispute entre les deux frères. Amphilogue conserve
son sang-froid et répond :
Arsinoé vous aime et méprise mes feux,
Mes services offerts en sont plus généreux.
Mais AIcméon persiste dans son fatal aveuglement.
T. vui, 3» série. 20
— 298 —
Scène VI. — Amphilogue, resté seul, reconnaît
qu'Alcmèon a été trompé par Éryphile :
Elle a dû, de mon frère, empoisonner Tespiit.
Allons et détrompons ce frère misérable.
Soulageons, s'il se peut, la douleur qui l'accable,
Que mon zèle pour lui paraisse en tout son jour,
Que pour ma mère il ait moins de foi, plus d'amour.
J'ai fini la rapide analyse de ce deuxième acte
A'Alcméon. J'aurais désiré posséder la compétence
que M. Roubet nous avait montrée en ce qui concerne
les autres parties de cette tragédie.
C'est à vous de décider si ces fragments méritent les
honneurs d'une rejjroduction. Pour moi, je m'estimerai
satisfait, si j'ai contribué à donner un regain de survie
à la mémoire littéraire âJun bel esprit nivernais du
xvni® siècle. '
Si vous désirez vous faire une idée du personnage
qui nous occupe, je puis faire passer sous vos yeux,
sinon son portrait véritable, au moins sa pourtraic-
<w/-e telle qu'il la fit graver en 1750 au frontispice de
sa Mythologie on recueil de fables grecques, ésopiques
et sybaritiques. 11 est représenté béatement assis
auprès d'un chêne, entouré d'un groupe danimaux,
les mains croisées, tenant sa canne à bec de corbin.
Il est vêtu comme un bon bourgeois aisé du xvui*
siècle : dentelles aux manchettes, souliers à boucles,
la perruque poudrée et le chapeau à trois cornes orné
d'une cocarde de rubans. Il écoute nonchalamment
la harangue d'Esope, qui semble le prier de traduire
son recueil de Fables.
D' SUBERT.
299 -
PIERRE DE FRASNAY
JUGÉ PAR MM. ALLOURY ET TROUFLAUT
J'ai recherché, après avoir entendu l'intéressante
étude de M. le docteur Subert sur Pierre de Frasnay,
quelle avait bien pu être l'opinion qu'eurent de lui
ses compatriotes. Les recherches que j'ai faites m'ont
amené à découvrir dans les notes de l'abbé Trouflaut
une appréciation de Pierre de Frasnay en tant
qu'homme et en tant que poète, peu avantageuse pour
le personnage.
Il devait être fort oublié, car Trouflaut, très docu-
menté cependant sur les choses et sur les hommes du
Nivernais, a recours à son ami l'abbé Alloury pour
obtenir des renseignements sur le poète.
Je transcris ce que répond le chanoine Alloury à
Trouflaut :
« Voici, mon bon ami, la note que je vous promis,
hier, touchant M. Defrasnay.
» Extrait des 3 siècles de littérature^ nouvelle
édition, Paris, chez de Hansy, 1774, 4 vol. in-12:
(( Frasnay (Pierre de). On ne sait pas où est né cet
auteur, mais c'est une bien petite gloire pour sa
patrie.
)) On le connaît par un mince recueil de fables qu'il
publia en 1749 sous le nom de Mythologie ou Recueil
de fables grecques, ésopiques et sybaritiques, mises
en vers français, etc.
» Ce seul titre suffit pour donner une idée de la jus-
tesse de son esprit. Confondre les Fables d'Ésope et
- 300 —
des autres fabulistes avec la Mythologie, c'est la preuve
d'un grand discernement. II eût mieux fait d'intituler
son recueil : Parodie des Fables d'Ésope ou plutôt
des Fables de La Fontaine (ce M. de Frasnay a mis
en vers les mêmes fables que celui-ci), que d'annoncer
son travail sous un litre qui le rend doublement ridi-
cule. On l'a pourtant loué dans le Mercure :
Qui bavium non odily amet tua carmina mœvi,
» M. Freron l'a très vivement censuré.
» Ce M. de Frasnay s'appelait de son nom de famille
Pierre. J'ignore son nom de baptême. Il était seigneur
de Frasnay le Ravier. J'étais son parent éloigné. Il
était du Nivernais, d'une famille originaire de Moulins-
Engilbert, et dans cette ville, nous connaissons encore
la maison de Pierre, près l'église.
» C'était un vieil avocat avare, déclamant contre l'ava-
rice en toute occasion. Il faisait ici le bel esprit, faisant
des vers, des chansons, des épigrammes et surtout des
fables sur tous les sujets. Son Recueil est à la
bibliothèque. Desgautières peut vous le faire voir.
Mais, croyez-moi, ne le lisez pas; surtout ne relisez
pas la fable qu'il a mise deux fois en vers, intitulée :
Y Enfant quia mangé des tripailles, ou vous trouverez
ces vers qui valent bien de l'émétique :
Un jeune enfant se gorgea de tripailles,
Puis, vomissant, crut rendre ses entrailles.
Etc.
» Je vous dis, hier, les moins mauvais vers qu'il a
faits. C'est sur l'acceptation de la bulle Unigenitus que
fit enfin l'abbé Rapine de Sainte-Marie, grand archi-
diacre.
)) On l'accuse enfin d'avoir fait une chanson sur le
— 301 —
legs que M. Fontaine avait fait de sa bibliothèque à
Saint-Martin, où il y avait à la fin :
Le Cuisinier français partant
Était le seul livre important,
Qui leur fût nécessaire.
)) Item la chanson contre M. de Couronne :
Toute la ville est surprise, •
En voyant dans notre église,
Un Musulman en rabat,
Ramonez-cy, ramonez-là, etc.
Couronne à la cathédrale.
Remplit la théologale,
ï/alcoran in preschera,
Ramonez-cv, etc.
i: Ce M. Pierre de Frasnay fut père de deux filles,
M™® la comtesse de Bar et M™® de Maunory de Romenai.
» Dans le temps de M. de Frasnay, nous avions dans
le Nivernais deux moins mauvais poètes, M. de Chery-
Poisson, qui a fait quelques vers et, entre autres, une
comédie calquée sur le FkUtcur de Rousseau. Vous
pourriez les voir par le moyen de M. de Prunevaux.
)) De plus, l'abbé Cassier, de Château-Chinon, que
vous avez vu curé de Saint-Sulpice-Ie-Châtel, qui
avait mis en vers plusieurs psaumes. On m'a pris la
copie que j'en avais et que je regrette beaucoup; mais
ni M. de Chéri, ni M. Cassier n'ont rien fait imprimer.
Ils n'ont pas eu la témérité de remettre en vers les
Fables de La Fontaine, les Odes sacrées de Rousseau^
le Flatteur du même auteur. Les vers de ces deux poètes
valaient pourtant bien mieux que ceux de M. de Frasnay.
Je vous souhaite le bonjour. »
L'abbé Trouflaut fait suivre cette lettre d'une note
ainsi conçue :
« Ce môme auteur de fables avait fait imprimer
— 302 -
depuis 1736 ou 1737 une Histoire du Nioernais dans
le Mercure de France Ces lambeaux historiques ont
été continués par lui-même jusqu'en 1745, où il fut
relevé si vigoureusement par un bénédictin de Saint-
Maur, qu'il renonça à cette entreprise pour se livrer à
la composition de ses mauvaises fables. Cet homme
était très avare et très chicaneur, car il eut des procès
jusques contre lui-même.
» Un mauvais avocat de Saint-Pierre, nommé Sau-
tereau, et aussi désolateur de sa province que les sau-
terelles de rÉgypte, a fait imprimer aussi, vers 1770,
une collection d'affreux mauvais vers, dont quelques
lambeaux des moins mauvais ont servi de remplissage
au Mercure de France et à YAlmanach des Muses. »
Cette façon de nous représenter Pierre de Frasnay,
qui n'aurait eu aucune des aimables qualités des héros
de l'Astrée dont il s'inspirait, n'est pas contredite par
M. de Sainte-Marie, peu bienveillant aussi pour ITiis-
torien.
A propos de l'historien, M. le docteur Subert nous
a permis de reproduire la lettre suivante, faite sous
l'inspiration de Pierre de Frasnay, évidemment cor-
rigée et annotée par lui. Cette lettre donne l'idée d'un
plaidoyer plutôt que d'une réfutation historique :
<( Réponse a la lettre de M. l'Abbé Le Bœuf,
CHANOINE d'Auxerre, INSÉRÉE DANS LE Mcrcure de
France du mois de Maye 1740, au sujet de l'essay
SUR L'Histoire du Nivernais :
)) Monsieur,
» N'était-ce pas assez d'avoir D. Jacques Duval sur
les bras? Ce sçavant religieux, assisté des avis do
Messieurs ses confrères, aidé de ses propres lumières,
— 303 —
entouré de livres et de manuscrits, était seul un adver-
saire trop puissant pour un homme de province qui est
parfaitement isolé, et qui n'a aucun secours même de
la part de celuy qu'il deffend; fallait-il, Monsieur,
vous mettre encore de la partie? Une victoire facile no
sçaurait vous faire honneur, et l'on croyra que j'ay été
plutôt accablé que vaincu dans un juste combat. Si
nous étions dans les tems de la chevalerie, que ne
dirais-je point sur votre procédé? Un franc chevalier
doit-il se servir d'un pareil avantage, et ne doit-on pas
se battre à armes égales ? Pour vous, non content de
vous joindre à mon adversaire, déjà supérieur par lui-
même, vous appelez encore à votre secours un sçavant
du Bourbonnais, que vous ne nommez point, et par le
moyen duquel vous voulez nous priver de nostre patrie
et placer Nevers au milieu du Bourbonnais. En vérité,
cette opération passe les forces d'un sçavant, et tient
des enchantements et de la magie; mais venons au fait
dont il s'agit : J'ay répondu à D. Jacques Duval, et
je lui ai prouvé, autant qu'il m'a été possible, que la
souscription d'évotions , au premier concile d'Arles,
telle qu'elle est rappelée dans VEssaij historkjue de
notre ami, est véritable. C'était là, principalement, ce
que j'avais à démonstrer contre cet ancien adversaire ;
j'ay pourvu à ma deffense à cet égard, et libre de ce
Soin, je me présente au combat contre vous avec plus
de courage que de force.
» Vous avez avancé que, du temps de Constantin,
et lors du premier concile d'Arles, Nevers n'était pas
une ville épiscopale, mais une mauvaise bourgade
qui n'avait pas seulement le nom de castruni,
)) Prenons la chose de plus loing, puisque vous le
voulez, et pénétrons dans l'antiquité le plus qu'il
nous sera possible. Je vous abandonne les visions de
Cotignon, qui a dit que l'ancien nom de nostre ville
— 304 -
était Noxius ou Noxia ; badinez sur son compte
autant qu'il vous plaira ; j'adjouteray à votre badinage
que se serais bien fâché que notre ville , où l'on se
pique d'une bonté et d'une candeur gauloise, eût
jamais porté un nom qui signifierait quelque chose de
mauvais ou de nuisible.
» Il est pourtant véritable que nous avons en
Nivernais un fort qui subsiste et qui est appelé Monte-
noison, Mons noxius, et tout proche ce fort on voit
un village appelle Noison, dont le nom pouvait estre
rendu en latin par celui de Noxius ou Noxia ; mais
tout cela n'a rien de commun avec notre ville.
» César, dans le septième livre de ses Commentaires
de la guerre des Gaules, parle d'une ville assise dans
le territoire d'Autun, sur les bords de la Loire, et qui
est dans une situation avantageuse ; cette ville, qui
doit estre à peu près sur le chemin de Clermont à
AutuUj est appel lée par luy Noviodanum ; il est aisé
de voir par toutes ces circonstances que cette ville
n'est autre chose que Nevers ; aussi nul traducteur,
nul commentateur ou géographe ne s'y est mépris,
et tous, ou du moins la plus grande partie, disent que
Noviodunum et Nevers sont la même chose.
w Je conjecture que cette ville, qui était sur les fron-
tières de l'État des Autunois, a été bâtie pour servir
de boulevard à cet État contre la puissance des
Auvergnats, car ces deux États, suivant que César le
témoigne, ont eu de longues guerres ensemble pour
régler leurs limites.
» Le mot de Dunum, qui est tiré du langage cetique
et qui signifie une élévation des terres ou un fort-
terrasse, prouve assez que cette place a été bâtie pour
servir de forteresse aux Autunois (1).
(1) « S*il m'était permis de pousser ma coivjecture, je dirais que Nevers
a été bâtie à roccasion de la guerre des Romains et des Autunois joints
— 305 —
» Nevers a encore eu d'autres noms ; dans V Itinéraire
d'Antonin, il est appelé M6er/ia/n. Les anciens char-
tulaires de l'Église de Nevers le nomment partout
Nivedunis ou Nicedunum. Aimonius Monachus, dans
les lieux que vous citez, après M. Marcion, pense que
Nevers s'apellait anciennement Nioedunum. Ce sen-
timent parait très vraisemblable par deux raisons.
La première, que le mot Nivedunum est presque la
même chose que NoviodunurUy qui est le nom que
César donne à cette ville ; la seconde, que Nivedunum
est un nom tiré de la rivière de Nièvre, appelée en
latin Nwevis, et le nom paraît propre à la ville de
Nevers et désigne parfaitement sa situation sur le
confluent de la Nièvre et de la Loire.
» On donne encore d'autres noms à notre ville.
Fauchet, dans ses Antiquités gauloises, l'appelle
Neomagus ; d autres l'appellent Neinetum, ou A ugusto-
nenieium, ou Vadicassium, Il n'est pas surprenant de
voir une ville porter différents noms. Paris est connu
sous les noms de Parisii et de Lutetia ; Orléans sous
celui de Germabuni et d'Aurelianis Civitan; Autun,
sous les noms de Bibracte, Œduœ, Julta, Potia,
Florentia, Augustodunum. Les noms des villes
changent avec les tems ; d'ailleurs, les Romains et les
Grecs, étrangers à notre égard, n'étaient pas bien
exacts à nous représenter les viais noms des villes
gauloises qui ont été souvent changés ou corrompus
en les accommodant à leur langage. Quoy qu'il en
soit, on peut dire avec assurance que Noviodunum,
ensemble contre les Âllobroges et les Auvergnats, commandés par Biiuit,
leur roy, el par ce moyen je fixerais l'époque de la fondation de Nevers
à Tan ^QSi, ou environ à 119 ans avant la naissance de Jésus-Christ.
La science de Uantiquité roule la plupart du temps sur la conjecture,
et ceux qui se piquent de cette science avancent tous les jours bien des
choses qui n*ont pas de meilleurs fondements et qui ne laissent pas d'avoir
du succez. »
— 306 —
Nivedunum ou Nibernum sont trois mots sinooimes
qui signifient Nevers.
» Ainsi, lorsque dans la souscription d'e votions au
premier concile d'Arles on trouve les mots : Ex eadeni
prooincia civitate Niceduno eootius cpiscopus, il ne
faut pas douter un seul moment que Nioedumim
signifie Nevers et que ce nom ne peut estre appliqué
à aucune autre ville.
» Quelques auteurs, mais en petit nombre, ont pré-
tendu que Nioedanutn était Nion, petite ville de
Tévêché de Bellai, dans la province sequanoise, mais
cette ville s'appelait autrefois Colonia equcstrium et
d'ailleurs ou ne saurait prouver que cette ville ait
jamais eu aucun évêque ; aussi cette opinion n'a point
fait fortune et le petit nombre de ceux qui l'ont suivie
en démontre la faiblesse.
» Faisons connaître, à présent, que Nivedunum, que
nous appellerons Nevers, n'était point une bourgade
dans le temps du premier concile d'Arles, mais une
ville considérable et à peu près telle qu'elle est
aujourd'hui.
» Les Autunois avaient bâti cette ville pour servir de
boulevard à leur République contre les entreprises des
Auvergnats, comme je l'ai observé. César, dans la
guerre des Gaules, en avait fait sa place d'armes, il y
avait renfermé ses otages, sa caisse militaire, les pro-
visions de son armée, ses chevaux destinés à remonter
la cavalerie ; il ajoute môme que plusieurs marchands
romains faisaient commerce dans cette ville dont il
vante la situation avantageuse sur les bords de la
Loire ; tous ces traits ne nous présentent pas l'idée
d'une bourgade, mais d'une ville considérable. Nous
voyons encore aujourd'huy l'ancienne enceinte de
cette ville terrassée et flanquée de tours et qui renfernie
un terrain spacieux et même l'on peut dire que Ten-
— 307 —
ceinte nouvelle n'a rien ajouté à la grandeur de la
place mais a joint seulement les faubourgs à la ville.
U Itinéraire d'Antonin, par vous cité, ne détruit point
cette idée; il parle seulement d'une ville appelée
Nibernum assize entre Cosne et Dezize, sans en dési-
gner la grandeur ny la petitesse.
» Le nom d'Oppidumque César donne à cette ville est
im nom général qui convient à toutes sortes de villes,
grandes et petites et qui ne peut jamais convenir à une
bourgade. A l'égard du mot de Dunum que porte
Nevers et qui signifie forteresse terrassée, le nom
symbolise à peu près à celui de Castrum, Enfin,
Aimonius Monachus, dans le lieu que vous allégués,
range Nevers parmi les anciennes villes épiscopales
sous le nom de A^ivernis ou Nioedunum,
» Où avez-vous donc pris, Monsieur, que Nevers ,
dans les anciens tems n'était qu'une simple bourgade et
pourquoy tâchez-vous d'anéantir notre ville ou de la
dégrader ? Croiyez-vous que la connaissance que vous
avez de l'antiquité vous donne droit de disposer de sa
gloire et de l'illustration des peuples, des villes et des
familles ; je compare les conjectures d'un antiquaire
aux imaginations et aux fictions d'un poëte ; elles peu-
vent amuser par ce qu'elles ont d'ingénieux mais on
peut dire qu'elles ne sont pas des décisions.
)) Il est vray que parmi les notices des Gaules faites
du resgne d'Honorius on en trouve quelques-unes qui
ne comptent point Nevers parmy les villes épiscopales,
mais on rencontre aussi d'autres notices du même
tems qui la mettent au rang des cités. Ne voit-on pas
que ce défaut n'est point un retranchement mais une
obmission, car quoique vous vantiez extraordinaire-
ment les notices qui ont oublié notre ville, quoy que
vous les appelliés les notices originales et primitives,
elles ne sont pas pour cela sans défaut et l'on peut y
— 308 —
trouver au moins des péchés d'obmissîon. En effet,
sans parler de la preuve qui résulte de la signature
d'un évesque de Nevers au premier concile d'Arles sous
Constantin, il est certain que les députés de l'Eglise
de Nevers, dans les assemblées, ont la préséance
sur les députés de l'Eglise de Troyes, dont la notice
fait mention ; ce qui marque que l'Eglise de Nevers est
plus ancienne et plus considérable que l'Eglise de
Troyes et que, par conséquent, l'obmission faite de
notre Eglise, dans la notice que vous alléguez, est une
faute qui doit être corrigée.
» Je crois entrevoir la raison qui a donné lieu à cet
oubli. Du règne d'Honorius qui est le tems où la notice
a été composée, l'Eglise de Nevers était vacante depuis
un très long tems. Cette vacance adonné lieuà l'obmis-
sion, mais malgré cette obmission notre Eglise a
conservé son rang et son antiquité comme on vient de
le faire voir.
» Ne vous servez donc plus. Monsieur, de ce prétexte
pour déprimer notre ville et notre Eglise ; vous voulez,
dites-vous, corriger les autheurs du Nivernais de
l'habitude où ils sont de s'attribuer des droits qui ne
leur sont point deus ; ne feriez-vous pas mieux de
corriger chez vous cette manière impérieuse qui ne
convient point à un écrivain modeste? Pour nous,
exempts d'envie et d'ambition, nous nous contentons
de conserver nos droits, mais quand on nous attaque
nous savons nous défendre, et quand vous amèneriez
sur la scène tous les docteurs du pays des Boïens, nous
nous maintiendrons dans ce qui nous appartient légiti-
mement. Vous avancez que Coquille et Cotignon
poussés par un zèle indiscret pour l'honneur de leur
patrie, appliquent à nos ôvesques ce qui est propre à
d autres évesques du mesme nom, et que le sieur de
Frasnay, notre concitoyen, plus équitable et plus
— 309 -
modéré qu'eux, les a repris de ce défaut ; mais je
n'approuve point le sieur de Frasnay dans ce reproche
qu'il fait à Cotignon et à Coquille et je vous prouverai
à tous les deux, quand il vous plaira, que Coquille n'a
donné à nos évêques que ce qui leur appartenait et que
les dalmatiques envoyées par Saint-Grégoire, pape,
sont pour Aregius, qui est notre saint Are, évesque
de Nevers et non pour Aredius, évesque de Gap.
» Au surplus, Monsieur, vous vendez cher à notre
ami le faible éloge que vous luy donnés, puisque vous
faites succéder à vos louanges cinq ou six traits de
critique capables d éteindre son orgueil , je connais
votre mérite pour cette espèce de littérature que l'on
appelle la connaissance de l'antiquité, surtout pour ce
qui regarde nos cantons ; je scay que dans ce genre
peu vous égalent et que personne ne vous surpasse,
mais je ne laisseray pis de défendre nostre ami contre
votre critique et même j'espère faire voir que votre
jugement n'est pas infaillible.
» Je commence par les reliques de Salnt-Ithier,
évesque de Nevers ; notre amy n'a point dit que ces
reliques étaient actuellement à Nogent ; il a seulement
avancé que le corps de ce saint prélat, ayant été déposé
après sa mort dans l'église de Nevers, avait ensuite été
transporté dans l'église de Nogent, sa patrie, et que
les habitans des Hays d'Angillon, proche Bourges,
étaient aujourd'huy possesseurs de ces saintes reliques,
ce qui est exactement véritable et hors d'atteinte de
toute critique.
» C'est sur la foy de M. Henry dans son Histoire
ecclésiastique que nostre amy a avancé que les églises
de Lion et d'Auxerre dépouillées par Charles Martel et
réduites à une extrême pauvreté avaient été longtemps
sans pasteurs ; ainsi le démenti que vous donnez à
nostre amy tombe sur M. Henry son garand.
- 310 —
)) A l'égard de la reine Pédauqtie représentée à la
porte de l'église Saint-Pierre de Ne vers que notre
amy a dit être Berthe au grand pied, fille du comte de
Laon et femme de Pépin le Bref, je ne pense pas qu'il
se soit trompé dans son opinion et voicy à peu près
les raisons que je luy ay oui dire sur ce sujet :
» Coquille rapporte que cette église de Saint-Pierre,
paroisse du mesme Coquille, était dans son origine
un temple de Jupiter ; mais sans remonter si haut, il
est certain que cette église n'était point autrefois une
paroisse mais une chapelle destinée à l'usage des
princes du païs ; ce que nous appelions une Sainte-
Chapelle, oratorium, ceu capella palatii. C'est le nom
que les ancLens titres donnent à cette chapelle et
mesme Guillaume, comte de Nevers, dans la charte
qui contient la fondation de Saint-Etienne fait don à
l'abbé de Cluni de l'église de Saint-Pierre assise dans
les faubourgs de Nevers, ce qui prouve que cette église
ou chapelle appartenait aux comtes de Nevers comme
possesseurs du domaine de nos roys.
» Il est constant que Pépin le Bref a passé plusieurs
fois en la ville de Nevers pendant le cours de la guerre
d'Aquitaine et même l'on dit qu'il y a tenu un Parle-
ment ; pendant ce séjour, la reine Berthe et le roy
Pépin, son mary, entendaient la messe dans la cha-
pelle de Saint-Pierre et il y a apparence que les statues
qui se voyent dans le portail de cette chapelle sont
des monuments élevés de son temps et en son honneur.
Le défaut de Berthe, surnommée au grand pied, ou
plutôt sa fidélité et son attachement à la maison de
son mary peuvent avoir donné lieu à la figure allégo-
rique d'un pied d'oye avec lequel elle était représentée;
le pied d'oye n'est pas le caractère particulier de la
reine Clotilde, comme vous le prétendez avec don
Plancher, c'est un simbole qui convient à toutes les
- 311 -
femmes qui ont un véritable amour pour leur mary et
qui s'attachent à leur maison ; au surplus, il n'est pas
vraisemblable que nos ancestres, sujets des rois de
Bourgogne, eussent élevé des monuments à la gloire
de Clovis et de Clotilde, rois de France et ennemis de
leurs maîtres.
» A l'égard du jeusne des chanoines de Nevers, qui
se fesait autrefois le jour de la Vigile de Saint-Cyr,
c'est user d'une trop grande rigueur envers nostre amy
de luy imputer une faute d'impression.
» En ce qui est des chanoines de Saint-Martin de
Nevers, nostre amy n'a fait que copier Coquille,
page 112° de son Histoire, où il dit qu'Herman, évesque,
établist seize chanoines réguliers de l'abbaye de Saint-
Martin de Nevers, ordre de saint Augustin. Il est
inutile d'examiner icy en quel siècle les chanoines
réguliers de Saint-Augustin ont commencé; il sufit.
pour la justification de Coquille et de nostre amy, que
du temps d'Herman, évesque de Nevers. il y avait des
chanoines établis par saint Chrodegaud, évesque de
Mets ou par Amalarius qui, dans cette institution,
s'étaient conformés principalement à la règle que l'on
attribue à saint Augustin.
» Pour ce qui est de Lindo, évesque de Nevers, dont
vous dites que le nom a échappé à nostre amy, c'est
une découverte qu'il devra à vos soins et dont il sera
très recognaissant, quand vous aurez établi l'existence
de cet évesque que vous placez en 869.
» Nostre amy ne sera pas non plu:s ingrat des conseils
que vous luy donnés, car tout ce qui vient d'une per-
sonne comme vous est censé prescieux, et quoique
nostre amy n'aist pas besoin des consieils d'autruy, il
doit toujours scavoir gré des intentions de ceux qui les
donnent, et mesme il est en état de prouver sa reco-
— 312 —
gnoissance par de pareils avis dont vous luy serez
obligé à votre tour.
» Je n'ai plus que deux observations à vous faire : la
première, que vous, Monsieur, et D. Jacques Duval,
ne respectez pas assez les grands hommes de nostre
province. D. Jacques Duval, dans sa lettre, a marqué
son mépris pour Guy -Coquille, autheur des plus estimés
par son jugement et par son scavoir, et qui était
l'homme du monde qui possédait le mieux l'histoire de
nostre province, dont il avait lu tous les titres et toutes
les chartes; il me semble qu'on doit honorer la mémoire
des grands hommes plutost que de s'amuser à remar-
quer leurs fautes par une espèce d'ostentation, et que
c'est, en quelque façon, participer à leurs vertus que
de faire cas de leur mérite et de leurs talens.
» A vostre égard. Monsieur, vous ne rendez pas jus-
tice à M. Simon Marion, advocat général en parlement,
ayeul maternel du grand Arnaut et notre concitoyen ;
ce magistrat joignait les lumières à la probité et le
scavoir aux talens. Non content de l'éloquence de son
siècle, il a fourni aux advocats de son temps le modèle
d'une éloquence toute nouvelle et beaucoup plus par-
faite que l'ancienne, et peu borné à sa profession, il a
excellé dans tous les genres de littérature; ainsi, vous
faites tort à sa mémoire lorsque vous le regardez comme
un simple advocat dont le mérite se réduisait à bien
plaider une cause ou à donner une bonne consultation.
Il était aussi bon historien que scavant jurisconsulte,
et rien n'échapait à ses cognaissances ; mais, après
tout. Coquille et M. Marion jouissent d'une réputation
établie et qui les mets à l'abri de la critique.
» Ma seconde observation est, que vous concluez vos
raisonnements, en disant qu'il faudra revenir à l'opinion
de ceux qui soutiennent que l'évesché de Nevers n'a
commencé que lorsqu'on a détaché de la cité d'Autun
— 313 —
un certain territoire que Ton a donné à nostre ville, ce
qui est arrivé vers le temps des conquêtes de Clovis.
» Vous retranchez par ce moyen, à nostre ville,
deux cents ans d'épiscopat ; mais, pour parvenir à votre
dessein, il faut rayer la signature d'Évotius, évesque
de Nevers, au premier concile d'Arles et cela contre la
foy des anciens manuscrits ; il faut rayer les actes de
saint Séverin qui établissent l'existence d'Eulalius,
aussi évesque de Nevers ; il faut rayer la possession où
senties députés de l'Église de Nevers, à cause de Tan-
cienneté de cette Église de précéder les députés de
l'Église de Troyes dans les assemblées de la métropole.
D'ailleurs, qu'est-ce que les conquestes de Clovis ont
de commun avec l'évesché et la ville de Nevers qui
appartenait pour lors aux rois de Bourgogne ? Vous
devriez du moins, M., nous dire une raison plau-
sible qui aurait obligé à tirer Nevers de l'évesché
d'Autun pour en faire un nouvel évesché et pour en
porter la suf ragance à l'Eglise de Sens ; il ne suffit pas
d'avancer ainsi nuement un fait de cette conséquence;
il faut des preuves, ou tout au moins de la vraisem-
blance qui, dans les choses anciennes, tient quelquefois
la place de la vérité ; ces deux choses manquent à votre
système ; ainsi, vous trouverez bon que je ne m'y rende
pas et que je me tienne à celuy de nostre amy qui
paraist mieux appuyé que le vostre en conservant
néanmoins pour vous toute l'estime et tout le respect
que vous méritez.
» J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble
et très obéissant serviteur, P. D. N. D. P.
» Je voudrais bien que vous eussiez donné une meil-
leure explication à l'inscription rapportée dans ma
première lettre; votre dieu Endegamus, que je ne
connais pas, est un dieu de machine qui fait ici un
T. vm, 3* série. 21
— :H4 —
mauvais dénouement et qui ne conduit à rien. Ce dieu
n'a pas plus de vertu que les dieux d'Épicure, et je crois
que Tautheur de l'inscription n'a jamais pensé à luy ;
Un grand Œdipe comme vous trouvera, quand il le vou-
dra, une meilleure solution, et pour vous en procurer
le moyen, je vous envoie une copie fidèle du monu-
ment ; en tous cas , Monsieur, l'art de la conjecture
que vous possédez, peut suppléer à la vérité. Ce monu-
ment est d'une pierre bonne, taillée en cadre, avec une
triple moulure. La pierre a un pied de largeur et
davantage, et un peu plus de deux pieds de hauteur;
cette pierre se trouve dans l'endroit où était l'ancienne
porte de la ville, au-dessous de la maison des prestres
de l'Oratoire. On lit sur cette pierre l'inscription sui-
vante.
» Je rapporte exactement la figure des lettres et la
position des lignes, et je remarque qu'il n'y a aucune
ponctuation.
P. MEUNIER.
- 315
Gilbert TRODFLADT
BOTANI STE
A l'une de vos dernières séances , M. le docteur
Subert, à propos de Pierre Pierre de Frasnay, vous a
parlé de l'abbé Trouflaut. J'ai cru qu'il serait inté-
ressant de rechercher ce que fut ce prêtre qui put,
au milieu des clubs, des conspirations, des délations
continuelles et des meurtres^ passer sans se salir irré-
parablement gr&ce à son œuvre de paisible érudit.
Trouflaut nous apparaît comme une physionomie
originale, sinon comme un savant, du moins comme
un personnage ressemblant beaucoup à un savant. En
se réfugiant dans une érudition cordiale et spéciale-
ment dans l'étude de la botanique, dont s'était si fort
éprise la fin du dix-huitième siècle, il ne fit pas acte
d'homme d'imagination. On le voit par les recueils
qu'il a intitulés : Fragments philosophiques extraits
de divers auteurs connus avantageusement dans la
République des lettres, ou encore ses Fragments phi-
losophiques et littéraires aussi agréables qu'instruc-
tifs à lire, manuscrits conservés à la bibliothèque de
Nevers. Il eut toujours une double préoccupation :
recueillir dans les livres des documents et des pré-
ceptes, et indiquer quelle application utile on peut
en faire dans la vie. Quand tout le monde délirait^ il
s'appliqua à instruire des médecins, des pharmaciens,
des jardiniers. Il fut le parrain , si je puis employer
cette expression proscrite au moment où il enseignait,
d'une société d'agriculture.
Aussi, est-ce comme étant le nom d'un professeur
de botanique, plutôt que d'un botaniste, que le nom
de Trouflaut a paru avoir une notoriété suffisante pour
mériter la notice biographique qu'en 1840 M. Boreau
lui a consacrée dans l'introduction à la Flore du Centre
de la France. En eJŒet, il étudia les plantes plus dans
les livres que dans les champs et cultiva les sciences
naturelles pour ses côtés solides plus que pour leur
attrait aimable et pastoral.
Gilbert Trouflaut est né le 12 février 1736 à Nevers,
où son père, originaire de Langres, était organiste de
Saint-Cyr. Il fit ses études à Bourges , ville pourvue
d'un collège d'Oratoriens, où professèrent le savant
physicien Sigaud de Lafond, Lakanal, plus tard membre
de la Convention , le bon père Amor , professeur
d'Hyde de Neuville, etc. Ce collège était fréquenté
par de nombreux Nivernais. On y avait rompu par
l'étude des sciences avec les anciens errements d'ins-
truction publique. Trouflaut y eut pour professeur
d'histoire naturelle l'abbé Goumet et rapporta à
Nevers les méthodes du collège Sainte-Marie, que lui
avait inculquées ce savant botaniste.
De retour à Nevers, Trouflaut fut fait prêtre et
nommé chanoine de Saint - Gildard. Il était alors,
d'après la désignation qu'on trouve dans les actes de
la paroisse de Saint-Étienne, Messire Gilbert Trouf-
Jlaut , prêtre , chanoine semi-prébendé de l'Eglise de
Nevers. [Baptême de Louise-Gilberte Troufflaut, fille
de Pierre-Louis Troufflaut, procureur au bailliage et
pairie de Nevers, et de Marie Gillot (25 mai 1770),
-^ 317 —
laquelle devait épouser, le 13 frimaire an II, Philippe*
Ignace Leblanc (Laborde), homme de loi.]
Il est assez difficile d'établir quelle était au juste la
situation d'un chanoine prébende de Saint-Gildard.
Ces chanoines avaient pour qualification officielle celle
de socii. Ils ne faisaient pas partie du chapitre de
Saint-Cyr, pas plus qu'ils ne formaient un chapitre.
Ils prenaient rang après les chanoines de Saint-Cyr et
remplissaient diverses fonctions dans la cathédiale.
Ces chanoines étaient au nombre de deux et pris
parmi les prêtres de toute qualité et de tous pays. Le
dernier prieur de Saint-Gildard fut Jean-Baptiste
Chardon, curé de Tracy. Celui-ci, en sadite qualité de
prieur, jouissait d'une maison rue de la Tartre, de
deux petits prés dans la prairie d'Urzy, d'un quart de
la dlme d'Urzy, le reste appartenant à l'évêché ; de la
dlme de Contre, d'une vigne sur le coteau de Saint-
Gildard où est maintenant l'institution Saint-Cyr ,
d'une redevance sur le moulin à blanc de la Passière, le
tout d'un revenu net de 1,056 1. 13 s. 8 d. Depuis 1689,
les chanoines réguliers de Saint-Augustin, dépendant
de l'abbaye de Saint-Laurent, près Cosne, n'avaient
plus aucun droit sur Saint-Gildard ; quant à la pa-
roisse de Saint-Gildard, elle fut supprimée en 1785.
Trouflaut^ bien apparenté, jouissait déjà, comme
savant, du prestige que lui donnait son commerce
avec les savants les plus renommés ; il n'avait cependant
aucune ambition; on était à une époque où les mem*
bres du clergé , les gentilshommes , les bourgeois
éclairés avaient une indépendance d'esprit qu'on n a
pas revue ; où la liberté de penser et d'allures était
goûtée comme un des charmes de cette douceur de
vivre de la fin du dix-huitième siècle, signalée par
tous les historiens.
Dans sa maison du coin de la rue Aublanc, Trou-
flaut avait des loisirs et une belle bibliothèque. 11 y
avait placé cette devise :
Mortuorum vivenliomque
Saactam, utile, gratom,
Invito fato»
Gommerciom.
SO février 1781.
Ses notes manuscrites datées des années 1780, 1781,
1782, 1784, 1787, nous le montrât lecteur acharné
d'ouvrages de toutes sortes , amateur d'excursions
instructives, fréquentes, mais ne dépassant jamais le
rayon très limité du Nivernais.
Le 24 janvier 1787, il avait reçu des provisions pour
prendre possession de la cure de Saint-Léger-des-
Vignes, vacante depuis longtemps. Il en prit posses-
sion le 3 juillet 1787 , mais son séjour dans sa cure
fut de courte durée. Nous lisons, en effet, au bas des
provisions qui lui furent données et que signa son
ami, le savant Laviron, ces mots qui accusent sa viva-
cité habituelle : a Je gardai cette cure vingt - quatre
heures seulement. »
On s'était battu vaillamment à Nevers contre la
Bulle et beaucoup de morosité régnait dans les mœurs
du clergé nivernais depuis les grandes disputes théo-
logiques. Trouflaut, dont l'esprit n'était pas exempt
de quelque dureté jansénite, arrivait trop tard pour
prendre part à ces luttes. Il acquiesça sans peine
au formulaire. Au surplus, les tendances, les préoccu-
pations avait changé. De toutes parts et par tous les
moyens, on essayait de constituer de nouvelles moaurs
et de modifier l'état politique et social.
De même que Trouflaut avait accepté les méthodes
d'instruction nouvelles, dans la mesure chère aux Ora-
— 319 —
toriens, il n*hésita pas à être partisan des idées poli-
tiques nouvelles ; mais en même temps , il devait
demeurer pour tout le reste inébranlablement attaché
& la tradition classique et rester réfrac taire aux exagé-
rations de ses compatriotes Fauchet et Chaumette.
On le voit figurer, lors des élections aux Etats géné-
raux, comme secrétaire de l'assemblée du Clergé; il
signa en cette qualité le cahier du clergé de Nevers.
C'est là, je crois, son seul acte politique . Il prête ser-
ment, puis se h&te de rentrer dans sa bibliothèque. Il
en sort parfois, mais c'est pour herboriser.
Si nous consultons ses notes pour avoir une idée de
son caractère, nous nous rendons compte de la nature
de ses rapports si connus avec J.-J. Rousseau.
Le trait dominant de son esprit est la simplicité.
Son père lui avait appris la musique. Il touchait bien
de l'orgue. En musique, son goût pour ce qui est simple
et purement beau, son mépris pour ce qui n'est qu'un
bruit agréable s'affirment à toutes les pages de ses
manuscrits. Il étudie la composition à ces deux points
de vue.
Sur tous les sujets d'art et de sciences qu'il aborde,
l'expression de sa pensée est ardente et précise ; il a
une sorte de haine contre toute frivolité. C'est ainsi
qu'il ne manque aucune occasion de s'exprimer sévè-
rement sur le compte des femmes. « Garde -toi, dit-il,
de te laisser séduire par une femme adroite, ferme
l'oreille à son babil. Celui qui se fie à la femme, se fie
aux voleurs. »
On comprend, dès lors, qu'une même passion
pour cette botanique, qui inspira d'éloquentes pages
à Rousseau, que Trouflaut aimait à ce point qu'il dan-
sait d'enthousiasme à la découverte d'une plante rare,
qu'un même goût pour la musique, une semblable
préoccupation des intérêts des gens de la campagne.
qui se traduisait chez l'un par les rêves de la vie
rustique, chez l'autre par la recherche des moyens
pratiques d'améliorer leur sort, ont pu amener ces
deux hommes de condition différente, Rousseau et
Tabbé Trouflaut, à se rencontrer.
Le célèbre misanthrope vint incognito aux fontaines
de Fougues plusieurs fois de 1769 à 1776, la dernière
fois, deux ans avant sa mort, engagé par le prince de
Conti. On rapporte sa façon bizarre d'y vivre et l'on
montre encore la modeste chambre où il couchait dans
un hamac dont les quatre crampons ont été emportés
naguère par des Anglais. Lors de son premier séjour,
en 1769, Trouflaut voulut être prévenant à son égard
et lui faire, suivant une heureuse expression de
M. Boreau, l'honneur de la flore nivernaise. On sait
qu'aux environs de Fougues se rencontrent les fleurs
les plus rares de l'herbier nivernais. La montagne
de Fignelin, Priez et Montalin étaient familiers à
Trouflaut, ainsi qu en font foi son Indicateur manuscrit
des plantes nivernaises ou Catalogue alphabétique
des plantes qui sont en floraison au mois d'aorildans
le Nivernais (1791) et son Analyse de chaque genre et
espèce de la famille des orchys, par AT, le chevalier
de La Mark, vérifiée au mois de mai 1790.
Rousseau donc et Trouflaut faisaient de longues
promenades dans les environs de Fougues. Rousseau
y remarqua l'anémone pulsatilla, Tœnothera biennis
des sables de la Loire (lettre à M. du Peyrou, du
16 septembre 1769).
Rousseau vint à Nevers, et, à ce propos. M. le
docteur Subert nous rappelait une anecdote. Pour
perpétuer le souvenir d'une visite que Rousseau lui
fit, Trouflaut avait écrit sur le mur au-dessus de la
place où celui-ci s'était assis: « Ce juillet 1769, j'ai
eu l'honneur de recevoir ici l'immortel J.-J. Rous-
- 3-21 -
seau. » Ayant remarqué cette inscription, le bourru
Taurait fait suivre de ces mots : « qui s'y est mortel-
lement ennuyé, m
La première partie de l'anecdote dénote la fierté du
savant de province, heureux d'avoir possédé chez lui
un grand homme; elle n'établit pas que celui-ci ait été
par extraordinaire aimable. En somme, l'hôte n'avait
peut-être pas été plus satisfait de son invité que ce
dernier de son hôte. Dans tous les cas, il est clair que
Rousseau aurait montré dans la circonstance sa cruauté
habituelle, à moins qu'il ne faille attribuer au déni-
grement propre aux petites villes la seconde partie de
l'anecdote.
A ce propos, disons que Trouflaut avait un goût
singulier pour les épigraphes, et relatons la perte
d'un travail qui serait précieux aujourd'hui. 11 s'agit
d'un recueil d'inscriptions, de dates commémoratives
et d'épitaphes des églises du Nivernais. Dans ses
notes, nous trouvons la date de ce travail au sujet de
remarques qu'il fit au cours d'un petit voyage en
Morvan: 1791. Comme s'il eût eu le pressentiment
des destructions prochaines et la pensée qu'il laisserait
ainsi un document de valeur, l'abbé Trouflaut avait
apporté à son ouvrage son application ordinaire. Mais
bientôt le seul fait de détenir de pareils souvenirs
devait être considéré comme un crime. Beaucoup
d'infortunés furent guillotinés pour moins. Trouflaut
détruisit son manuscrit, aimant mieux le sacrifier que
d'exposer sa vie. Cette perte est regrettable à tous les
points de vue; avec ce recueil, nous aurions la mesure
exacte de son talent dans le choix et l'ordonnance de
notes sur un sujet déterminé. De ces notes où tout le
monde puisait, il n'était ni avare ni jaloux. L'abbé
Trouflaut semble avoir travaillé surtout pour les
autres. C'est ainsi qu'un annaliste, son ami^ Pierre
— 322 —
Gillet, dont M. de Lespinasse nous a entretenu
naguère, a utilisé largement la science épigraphique
et historique de Trouflaut dans les annuaires qui
portent son nom, les Annuaires GilleL
Au surplus, ce n'est pas en tant qu'archéologue et
chercheur que Trouflaut est connu (1). Cependant,
ses notes archéologiques suffisent pour révéler chez
lui une méthode d'investigation et de critique rare
au commencement du siècle. Il s'est occupé quelque
peu d'histoire, à Autun, ainsi que nous le savons par
un article de l'abbé Devoucoux paru dans les annales de
la Société éduenne de Tannée 1858. L auteur parle de
l'analyse succincte des pièces et livres de M. l'abbé
Trouflaut concernant l'histoire civile et ecclésiastique
d' Autun.
Trouflaut a fait aussi un travail sur les Anciens
usages de l'église de Sens et de Neoers, extraits des
anciens manuscrits de l'église de Neoers, de la prose
de Saint-Nicolas y missel, manuscrit sur vélin, du
onzième siècle, faisant partie des manuscrits de l'église
de Nevers (notes conservées à la bibliothèque de la
ville) ; je trouve également des indications intéressantes
de lui sur la maladrerie de Saint-Antoine et divers
monuments de Nevers.
Mais j'ai h&te de revenir à la botanique et à la période
de la vie de Trouflaut, qui s'est écoulée à Nevers
pendant la Révolution. C'est beaucoup grâce à ses
aptitudes spéciales, comme professeur, qu'il doit de
n'avoir pas grossi le nombre des prêtres suspects et
d'avoir pu se renfermer dans le domaine neutre des
sciences. Il faut dire aussi que, par ses attaches de
(1) Voir dans la Numismatique àelA. de Soultrait une mention relative
à Trouflaut, qui aurait trouvé des jetons du chapitre dans une stalle du
choBor de Saint-Cyr.
— 323 -
famille, il eut parmi les maîtres de l'époque de pré-
cieux protecteurs. On peut donc définir sa situation
en constatant qu'il fut heureux d'être assez dans la
Révolution pour sa sécurité et pas trop pour son
honneur.
Du reste, nous allons raconter comment Fouché le
prit pour ainsi dire dans le mouvement pour le placer
en dehors.
La Convention avait décrété l'établissement d'un
jardin botanique dans chacun des chefs-lieux de
département, sur le rapport de Boisset, député de la
Drôme. Pour répondre aux vues de la Convention,
Fouché mit à la disposition de Trouflaut, afin d'y
créer un jardin botanique, le jardin dit de l'Etoile, dans
l'enclos des ci-devant Minimes. C'était le temps où
Fouché prêchait une nouvelle organisation de l'instruc-
tion nationale, a L'Etat, suivant lui, doit être le grand
instituteur des citoyens. Il ne faut avoir en vue que
l'utilité à retirer des divers éléments de l'instruction.
Il faut à l'Etat des ingénieurs, des architectes, des
mathématiciens, des artistes en tous genres, avant
tout des artistes faïenciers pour Nevers, puis des
botanistes... »
Or, en sa qualité de botaniste, Trouflaut était
un homme indispensable. Il partageait en matière
d'instruction les idées de l'ancien Oratorien que la
Convention avait envoyé à Nevers. Il accepta d'être
le collaborateur de Fouché sur ce point, heureux de
trouver ainsi dans son jardin botanique et dans ses
herborisations publiques un refuge et en même temps
un emploi honorable et civique. Le seul avantage
pécuniaire qu'il reçut fut l'exemption d'impôts. Un
acte de l'administration du district de Nevers, de 1793,
porte que, par arrêté du 4 fructidor an III, le percepteur
est déchargé du recouvrement à faire de la contribution
foncière du citoyen Gilbert Trouflaut, directeur du
jardin des plantes de Nevers, pour 1793.
On constate, d'après les délibérations du conseil
général de la commune, des directoires du district et
du département, que l'enseignement de l'histoire natu-
relle ne fut pas une satisfaction passagère donnée aux
décrets de la Convention, Le mouvement partait aussi
de Nevers. En effet, on voulait établir à Nevers un
muséum. Saulieuet un collègue firent même un voyage
à Paris pour s'aboucher au sujet de cette création avec
le Comité de Salut public. A plusieurs reprises Thouin,
alors jardinier en chef du Jardin des Plantes, envoya
des plantes et des arbres rares. Mais le jardin des
Minimes devait étrangement souffrir du voisinage de
la remonte pour les chevaux de la République, dont un
dépôt était établi dans les bâtiments. Sans cesse, ce
sont des conflits entre l'inspecteur Dieudonné, com-
missaire des guerres, et Petit, le jardinier. Les chevaux
qui s'échappent rongent les arbres. Un jour, les noise-
tiers qu'on a plantés près du mur de l'église, pour
protéger de leur ombre les plantes des bois, sont
détruits (7 vendémiaire an III) ; le dessin du jardin est
bouleversé, 297 plantes et 40 arbres sont brisés. L'état
de choses est à ce point déplorable que la place est
jugée intenable; on transporte ce qui subsiste au
jardin des Bénédictins cultivé par Paturel. On place
aussi les dons du Jardin dès Plantes dans le jardin de
Saint-Martin. Par la suite, les malheureux jardiniers
et botanistes seront expulsés de partout. Il ne restera
de ces tentatives que le souvenir honorable d'un essai
modeste de décentralisation. M. Boreau voit, dans cet
avortement, une conséquence du gouvernement despo-
tique de l'Empereur. De môme que depuis le Consulat
rien ne comptait plus que la volonté d'un seul, on admit
que les petites clartés des provinces devaient s'éteindre.
— 3ti5 —
nous peine d'être ridiculisées, tout autour de Paris,
centreunique des lumières. Aujourd'hui seulement, par
l'Etat, mais non en concurrence avec TEtat, ont été
créés des jardins d'essai dans les départements. Cette
institution ofBcielle n'a aucun rapport avec les créations
rêvées par Trouflaut.
Nous avons de celui-ci un discours d'inauguration
de son jardin des Minimes. C'était en nivôsô an II.
On proposa au citoyen Trouflaut de faire un discours,
on dirait aujourd'hui une conférence, sur la botanique,
pour louverture de son cours et l'inauguration du
jardin botanique. Refuser, eût été dangereux ; Trou-
flaut avait d'ailleurs l'ambition d'être utile à ses
concitoyens, sans autre pensée que de convaincre ses
auditeurs. Il accepta. Noël Pointe était alors com-
missaire de la Convention dans le département. Ce
montagnard, un des rares membres de l'Assemblée
qui fût sorti de la classe des ouvriers, se piquait d'être
poète. Il citait, à tout propos, comme s'il les avait
jamais lus, Virgile, Properce et TibuUe ; sans doute
pour se mettre à la hauteur des montagnards lettrés.
Il n'avait d'autre distinction que son origine modeste,
grâce à laquelle il avait acquis quelque popularité
chez les travailleurs de la terre et les ouvriers des
usines. Comme amateur de pastorales, comme ami des
campagnards, il ne pouvait refuser son admiration à
Trouflaut. Aussi n'hésita-t-il pas à faire imprimer son
discours au moyen d'un crédit sur la caisse des riches.
Trois cents exemplaires furent envoyés par son ordre
dans tous les districts, et, comme il importait que
chacun des arrêts de Pointe contînt un considérant
sentimental et humanitaire, il déclarait qu'il entendait
encourager ainsi des connaissances indispensables à la
conservation de l'homme.
Que dire de ce discours ? Il ne peut donner une idée
/
— 3!26 —
ni du style habituel ni du genre d'esprit de Trouflaat,
pas davantage de l'étendue de ses connaissances. Ce
sont des pages écrites pour un public^ un public dan-
gereux , puisqu on était en pleine Terreur ; certaines
parties exigèrent, sans doute, une construction pénible ;
pour d'autres, Trouflaut puisant, dans son étude favo-
rite , sa force et sa joie , put broder joliment son
thème et y semer quelque agrément dans les détails.
Dans tous les cas, à part quelques passages rentrant
dans les formes du langage officiel, puis l'éloge inévi-
table de Voltaire « l'Homère de la France » et de
J.-J. Rousseau, « cosmopolite partout malheureux par
la sensibilité de son cœur », le discours du citoyen
Trouflaut ne contient rien qui puisse choquer aujour-
d'hui.
Un avocat, professeur de législation à l'Ecole cen-
trale, créée quelque temps après, l'administrateur
Aristide Passot, de Pouilly , fit un rapport du discours
de Trouflaut, dans une réunion de la Société populaire
de Nevers, le 8 ventôse an II. On sait que les sociétés
populaires ne devaient pas être, dans la pensée de
leurs fondateurs et spécialement dans les vues de
Fouché, de simples clubs politiques. Fouché avait
voulu que dans ces sociétés pussent être produites
toutes les initiatives propres au développement intel-
lectuel des frères et amis, ainsi qu'à l'émulation répu-
blicaine.
Le discours de Passot est une amplification dont le
mérite est de nous fournir un spécimen du langage
prétentieux et solennel dans la forme dont on expri-
mait alors les choses les plus simples.
Ce qui l'a particulièrement frappé dans la confé-
rence de Trouflaut, c'est le côté poétique. Il cite ce
passage : (( C'est au génie de J.-J. Rousseau qu'est
dû ce goût dominant que les femmes de nos jours
- _ 327 —
signalent pour cette étude d'autant plus digne d'elles,
qu'elles ont l'art de faire naître des fleurs sous leurs
pas. Qu'il est beau de les voir costumées en bergères,
parcourir nos campagnes, le système d une main, la
loupe et le scapel de l'autre, analyser une plante, en
déterminer les caractères, se former quelquefois des
guirlandes de sa fleur jusqu'au retour de ces courses
philosophiques, les convertir ensuite en médicaments
salutaires préparés par la main de la générosité et, de
là, portées sur les ailes de la vertu jusque sous le
chaume du pauvre. »
C'est là certes un sujet propre à inspirer un dessi-
nateur du temps et c'est aussi dans la note et dans le
goût de l'époque cette nomenclature étrange que fait
Passot des hommes du génie, lorsqu'il s'apitoie sur ce
fait que le Nivernais n'a produit que des hommes à
talents. Les génies sont Voltaire, J.-Jacques , Hel-
vetius, Buffon, Mably, Corneille, Racine, Molière,
La Fontaine; les hommes à talents nivernais sont
Bussi-Rabutin, Billaut, Brotier et Coquille! On ne
peut s'étonner de voir figurer Helvetius et Mably
parmi les génies, quand l'abbé Raynal passait alors
pour un philosophe et un historien supérieur.
Quant au goût des hommes de la Révolution pour
la pastorale, il s'explique si l'on se reporte aux temps
où écrivirent Théocrite, Virgile, où chantait André
Chénier, où écrivait plus près de nous G. Sand. Celle-
ci dit, dans une préface : « Dans les temps ou le mal
vient de ce que les hommes se méconnaissent et se
détestent, la mission de l'artiste est de célébrer la
douceur , les sentiments tendres , l'équité première
sont ou peuvent être encore dans ce monde ». La bota-
nique est une forme de ce goût de la pastorale et il ne
faut pas s'étonner de voir aux demi-déesses de l' Astrée,
aux reines, aux élégantes de Watteau succéder la
— 328 ~
m
jeune citoyenne qui remplit la campagne de ses ébats
à propos de botanique.
En 1795, des écoles d'enseignement secondaire,
appelées écoles centrales, furent établies dans les chefs-
lieux de département. Suivant le vœu des Oratoriens
une place considérable y fut faite aux sciences natu-
relles et mathématiques. Trouflaut était acquis d'avance
au système nouveau d'instruction publique. Il avait
donc sa place marquée comme naturaliste dans le corps
des professeurs de Técolequ'onrecruta, comme on put,
parmi les anciens professeurs du ci-devant collège, les
médecins et les hommes de loi. Trouflaut y apparut
comme un ancien Oratorien à demi-ressuscité. Il faisait
des discours lors des distributions de prix pour exposer
ses programmes d'enseignement. Sa parole, après plu-
sieurs années de morne silence dans les écoles vides,
était écoutée avec curiosité. Notez qu'il y avait alors, à
Nevers, un certain nombre d'élèves médecins qui
suivaient à l'hôpital et dans des cours spéciaux les
leçons de Jean-François Frébault, professeur d'ana-
tomie et de physiologie. Ils étaient les fidèles disciples
de Trouflaut.
Les écoles centrales avaient un grand vice, elles ne
(( donnaient la main ni aux écoles inférieures ni aux
écoles supérieures ; au milieu du système de l'instruc-
tion, elles étaient isolées » (1).
Elles présentaient aussi, au point de vue particulier
du système de centralisation que devait organiser
l'Empire, le défaut de constituer, sous la direction de
conseils locaux, des centres d'instruction non soumis
aux programmes de l'Etat.
Mais elles avaient l'avantage de laisser aux profes-
seurs beaucoup de liberté et de leur permettre de faire
(1) MoNTEiL, Histoire deg Français des diverses états, t. X, page330<
— 329 —
leurs cours selon leur tempérament et leur expérience
personnelle. M. Boreau, dans son Voyage aux Mon-
tagnes du Moroan, publié en 1832, constate que de
ces écoles sont sortis la plupart des hommes qui
honorèrent le plus leur époque.
Ce qui est certain, c'est que le mode d'instruction
qui y fut appliqué explique qu'un professeur, comme
Trouflaut, qui n'a rien inventé et peu écrit, ait pu jouir
d'une renommée qui lui survécut.
Il eut des élèves dans le sens le moins banal du mot.
Des liens autres que ceux créés par des rapports passa-
gers pouvaient alors se former entre professeurs et
élèves. Une méthode personnelle, le dévouement pro-
fessoral, un rapprochement qui durait pendant toutes
les années d'étude, créaient entre maître et élèves une
réelle intimité. Aussi la célébrité des savants qui
conservèrent un singulier respect pour Trouflaut
rehausse sa mémoire, et leur respect est le meilleur
témoignage de la valeur de l'ami et du professeur dont
leurs noms évoquent le souvenir. C'est Guillaume,
qui fut médecin en chef de 1 armée d'Italie, « homme
aimable et botaniste instruit », dit M. Boreau; c'est
Jean-Baptiste-François Léveillé, d'Ourouér-aux-Amo-
gnes, qui a laissé un nom comme médecin et comme
savant, nom illustré, d'autre part, par le professeur
Léveillé, de Crux-la-Ville, auteur de livres considé-
rables sur la médecine; c'est le botaniste Ogier, qui
fut inspecteur de l'académie de Bourges ; c'est le
géologue Pierre-François-Marie Bourdet, de Saint -
Parize-le-Châtel ; c'est enfin le médecin Simonet,
père du docteur Charles Simonet, de Saint-Pierre-
le-Moûtier, que M. Boreau nous représente comme
un naturaliste passionné pour la botanique et comme
un élève distingué du savant professeur Gouan.
Puisque nous rappelons que le nom de Trouflaut a
T. VIII, 3* série. 22
survécu grâce surtout à la reconnaissance de ses amis
et de ses élèves, il faut faire remarquer que raflection de
ceux-ci Trouflaut la dut surtout à la partie morale de
son enseignement. Il sut, en effet, développer dans
leurs esprits ce que M. Boreau appelle l'influence des
sciences naturelles sur la morale. On était sous un
régime de brutalité évoquant l'idée d'une sorte de
retour à la barbarie ; l'histoire politique, l'histoire
bataille tenait toute la place. On sut gré à Trouflaut
d'avoir élevé l'esprit de ses auditeurs dans le sens de
ces paroles de Cicéron : « Homo enim ortus est ad
coniemplandum Deum et naturœ contemplatio est ad
Dei admirationem proxima et apertissima via, »
(Voir son discours d'inauguration du jardin des
Minimes.)
Alors que Trouflaut enseignait la botanique à
l'Ecole centrale, on était encore en pleine pénurie des
subsistances. Trouflaut enseignait qu'il fallait com-
battre la famine par des nouvelles méthodes de culture ;
il s'entêtait à chercher dans les livres anciens, et sur-
tout dans les ouvrages des agronomes anglais, les
moyens de restaurer l'agriculture. Des sociétés d'agri-
culture avaient fonctionné dans les provinces voisines
du Nivernais, une entre autres, dans le Berry, avant
la Révolution. Trouflaut reprit l'idée caressée par
l'Assemblée provinciale, de fonder à Nevers une
société d'agriculture.
11 voulait ainsi constituer un milieu propice à l'in-
vestigation, à l'expérimentation, un centre où pussent
être recueillies, classées, toutes les observations et les
découvertes.
C'est le but de son programme, imprimé à Nevers
en l'an V, et que reproduisit la Feuille du cultiva-
teur, dans les numéros des 21 et 26 janvier 1797.
Il avait su grouper autour de lui Buchoz, botaniste ;
— 331 —
Dubois et Parmentier, rédacteurs de la Feuille du
cultivateur, membres de la Société agronomique de
Paris ; les deux Flamen, Gillet, son élève ; Guillaume
fils, un autre élève ; Montrichard, correspondant, ainsi
que Flamen jeune, de la Société d'agriculture de
Paris ; son ami Régnier, de Garchy ; Toulongeon, de
Corvol-rOrgueilleux, membre de l'Institut national;
Thouin, jardinier en chef du Jardin des Plantes de
Paris, tous les gens distingués dont j'ai donné la liste
dans mon travail sur La Nièvre pendant la Conven-
tion.
C'est de savants plutôt que d'agriculteurs propre-
ment dits que devait se composer la haute commission
désignée par l'administration centrale, mais chaque
administration municipale des cantons devait désigner
ensuite un membre de la localité.
Il était entendu que, une fois cette organisation
officielle faite, la société s'administrerait elle-même
sous les yeux du département, et choisirait à l'avenir
ses membres, ses collaborateurs et ses correspondants.
Un arrêté du département combla Trouflaut de joie
en établissant la société qu'il avait rêvée. Dans la
pensée de Trouflaut, c'était une ligue ayant pour but
d'obtenir la plus grande quantité de produits, dans le
moins de temps et avec le moins de travail possible.
L'idée est la même aujourd'hui. . François de Neuf-
château, dont Trouflaut plaçait la statue à élever
« par la main de la reconnaissance dans une salle de
la Société d'agriculture, de commerce et des arts », à
côté de celles d'Olivier de Serres, de Bernard Palissy,
de Vaucanson et de Duhamel, préconisait les mêmes
idées. On lit dans son « Art de multiplier les grains ou
Tableau des expériences, qui ont eu pour objet d'amé-
liorer la culture des plantes céréales, d'en choisir
les espèces et d'en augmenter le produit », que la
valeur vénale des grains est si peu proportionnée, soit
avec les frais qu'ils exigent, soit avec leur faible rap-
port, que la culture est devenue onéreuse à beaucoup
de propriétaires.
Plusieurs bibliophiles ont entre les mains le pro-
gramme imprimé chez J. Lefebvre aîné, que rédigea
Trouflaut et on peut se rendre compte de ce que pouvait
être cette institution d'une société d'agriculture, par le
procès- verbal de la délibération prise par l'administra-
tion centrale du département de la Nièvre, dans sa
séance du 24 pluviôse an V, composée alors des
citoyens Gallois, président; Passot, Jousselin, Billoué,
Raudot, administrateurs ; Etignard, commissaire du
Directoire exécutif, et Frotier, secrétaire général.
L'exemplaire qui se trouve à la bibliothèque de la
ville porte des mentions et notes curieuses de la main
de Trouflaut, envahissant les marges et reliées avec le
texte imprimé.
Sur le titre, Trouflaut relate que « l'écrit fut
imprimé à la fin de février 1797, tems ou le général
Buonaparte venait de s'emparer de Mantoue et d'une
partie de l'Italie »; suivent des citations latines relatives
à l'agriculture.
Une note a trait aux anciennes communautés de
cultivateurs. Trouflaut parle comme un disciple de
Fénelon qui a fréquenté la société des philosophes du
dix-huitième siècle.
(( Le Nivernais, comme la Suisse et les Vosges, a eu
aussi, dit-il, des communautés semblables à celles des
Kliyogg, des Pignon, des Valdajon, où de nombreuses
familles réunies, sous l'autorité paternelle d'un chef
sage, pieux, laborieux, économe, hospitalier, fidèle
conservateur de l'état et des vertus de ses pères,
vivaient heureuses dans l'union fraternelle avec des
— 333 -
moeurs patriarcales par une vie frugale, un travail
assidu tant que les passions ont été enchaînées par la
religion ou par la raison ; les vertus, l'aisance, la
vénération ont été les fruits des bénédictions du Ciel.
Mais dès que les passions ont cessé d'être muselées, la
boite de Pandore ne tarda pas à répandre ses maux ;
de là, la désunion des sentiments, la séparation indi-
viduelle des membres, la disette, la faiblesse, la misère,
et tous les vices qui en sont les suites.
)) Dans la commune de Magny, à deux lieues et demie
de Nevers, sur le chemin de Lyon, on a vu pendant
plusieurs siècles de ces familles patriarcales qui ne
subsistent plus depuis quarante à cinquante ans. La
piété, et les vertus qu'elle inspire, en avaient posé les
fondements. Ces hommes de l'âge d'or, réunis sous un
seul chef, simples dans leurs mœurs, probes dans toutes
leurs actions, laborieux jusqu'au scrupule, n'hono-
raient-ils pas l'Etat et leur patrie, autant que Cincinnatus
si vanté par Pline ? N'étaient-ils pas encore plus utiles
à la prospérité du gouvernement que ces religieux
fervents qui ne savaient que lever des mains pures et
pénitentes vers le Ciel, sans prétendre aux honneurs
du travail des mains, quoique ce fût leur premier ins-
titut ? La pauvreté fut leur berceau, mais la richesse
les assassina.
» L'ambition, le voisinage des villes, le luxe a fait
disparaître de notre sol ces communautés aussi utiles
que vénérables. Il n'en est à ma connaissance qu'une
seule qui subsiste encore dans le Nivernais, dans la
commune de Saint-Benin-des-Bois, près Saint-Saulge.
Elle est connue sous le nom de communauté des Jault,
composée de trente-six à quarante individus. Je vis,
en 1792, cette famille patriarcale. Par son union, son
respect au chef, son travail, elle est heureuse, jouit et
fait valoir par ses mains un bien évalué au moins à
— 334 ^
GO ou 70,000 livres. Cette communauté se fît construire
par économie, un moulin à vent pour moudre ses
farines, en 1786 ou 1787. Ces cultivateurs vénérables
méritent d'être chantés par des Homère ou des Virgile.
Pourquoi chercher aujourd'hui les sujets de nos poèmes
dans l'antiquité ou chez les nations étrangères, tandis
que nous avons des sujets si intéressants à célébrer, et
que nous les avons sous les yeux. »
Dans une autre annotation, Trouflaut exprime une
opinion commune & tous les annalistes nivernais sur
ses concitoyens des campagnes, contre lesquels le
public des villes s'était soulevé lors de la disette :
(( Si, dit-il, après les exposés des moyens d'aug-
menter la masse des subsistances de notre département
on éprouve encore, sans accidents imprévus, la môme
pénurie de subsistances que ci-devant, on doit alors
s'en prendre à l'oisiveté, à la routine insolente et des-
tructive des cultivateurs, et les loix doivent déployer
toute leur sévérité sur ces fainéants qui, par leur oisi-
veté, leur entêtement, sont les causes directes de nos
malheurs et les provocateurs de l'indignation des
consommateurs. »
Il donne les causes suivantes <( à la paresse des
Nivernistes (sic) » :
c Partout où la nature fait beaucoup pour l'homme,
là il fait moins pour elle : accoutumé à ses bienfaits,
il contracte une indolence et un engourdissement qui
ne lui permettent pas de se prémunir contre ses vicis-
situdes. ))
M, Boreau reproche à Trouflaut d'avoir appris
la botanique sans sortir de sa bibliothèque. Il serait
— 335 —
peut-être fondé à lui faire le môme reproche touchant
son savoir en agriculture. Un grincheux dirait que
l'abbé Trouflau*^ a trop écouté les propos de sa laitière
et n'a rien vu au-delà de la banlieue de Nevers. Il
est de fait que l'abbé Trouflaut donne trop d'impor-
tance à des recettes qui sont inapplicables à l'agricul-
ture en grand. A ce propos, citons une de ses notes :
(( Exemple des succès heureux de la culture par le
travail et l'intelligence. — Sans recourir ni à l'An-
gleterre, ni à la Suisse, dit-il, pour trouver des
exemples encourageants d'après les succès d'une
culture laborieuse et intelligente, parcourons près
Nevers les terres cultivées par les citoyens du faubourg
de Mouêsse ; il n'est point de pièce de terre qui ne
leur produise par an pour le moins trois récoltes
différentes dans le même terrain. Aussi, les cultiva-
teurs laborieux jouissent-ils d'une aisance qu'ils ne
doivent qu'à leurs sueurs et à leur génie. Les maisons
nouvelles et commodes qui décorent leur faubourg
annoncent les heureux succès d'une culture intelligente.
On devrait inscrire à la porte de ce faubourg ces mots :
HIC OTII TUMULUS
SED
GENIO VIGILANTE
LABORE INDEFESSO
ORIUNTUR
HONOR, NUMINE, PROSPEBITAS PUBLICA. •
La Société d'agriculture, fondée comme nous venons
de le raconter, ne fonctionna pour ainsi dire pas. Elle
fut seulement l'occasion de distinctions honorifiques
pour ses membres, qui figuraient dans les cortèges offi-
ciels, et occupaient les places d'honneur dans les fêtes de
l'agriculture, où les meilleurs cultivateurs et les bons
— 336 --
jardiniers recevaient des prix. Je n'ai pas trouvé trace
des nominations des membres des districts, où mille
exemplaires du programme avaient été envoyés.
Avec la République devaient disparaître les écoles
centrales. Le jardin botanique fut abandonné ; il ne
fut plus question de Société d'agriculture. Trouflaiit
n'avait plus rien à faire à Nevers comme professeur.
D'après ce que semble dire M. Boreau, il n'avait pas
le tempérament des universitaires distingués, mais
subordonnés qui se rallièrent au nouveau régime ; il
fut nommé chanoine titulaire de la cathédrale d'Autun,
ville où il se retira en 1803, où il continua en paix ses
recherches archéologiques et scientifiques. Il y mourut
brûlé dans son cabinet de travail, le 1^^ février 1820.
L'énergique vieillard succombait ainsi en culotte, sui-
vant le vœu que la tradition prête à cet ennemi des
paresseux. Son acte de décès porte qu'il est mort à
l'âge de quatre-vingt-trois ans, au domicile de M. Jean-
Marie Billard, facteur d'orgues, rue Chaffaud. L'acte
est signé par un homme de loi, Dominique Monchar-
mont, et un libraire. Honoré Dauphin.
Que reste-t-il du chanoine, comme auteur ? Des
notes manuscrites sur les sujets les plus divers,
conservées à la bibliothèque de la ville de Nevers.
« Il n'existe pas à Autun de bibliothèque importante,
dit M. de Fontenay (1), où ne se trouvent épars des
volumes ayant appartenu à l'abbé Trouflaut. Tous
portent son nom et sont accompagnés de notes qui
remplissent les feuillets de garde et souvent envahissent
jusqu'aux marges. J'en possède un grand nombre, plus
(1) Uarold de Fontenav, Mémoires de la Société Eduenne. (Nouvelle
série Xni, 1885, p. 182).
-- 337 -
un volume où ont été réunis plusieurs fragments d'his-
toire locale dûs à la plume de ce savant infatigable. ))
Dans les Annales de la Société éduenne de 1858, on
rencontre également l'indication. (p. 110) de travaux
archéologiques de l'abbé Trouflaut à propos d'une
étude sur « les travaux archéologiques de M. Laureau
de Thory », par l'abbé Devoucoux :
« 2" Analyse succincte des pièces et livres de
M. l'abbé Trouflaut, concernant l'histoire civile et
ecclésiastique d'Autun, qui ont été confiés par M. Ré-
gnier. Cette analyse est comprise dans trois feuillets
doubles et un feuillet simple très minutés, suivis de
deux feuillets doubles ayant pour titre : Analyse des
notes manuscrites que M. l'abbé Trouflaut a mises sur
son édition de Rosny et confiées par M. Régnier. »
M . le docteur Gillot, d'Autun, possède aussi quelques
livres de botanique provenant de la bibliothèque de
Trouflaut, annotés de sa main.
Il existe également à la bibliothèque de la ville
d'Autun des livres provenant de la même origine,
ainsi qu'un petit herbier composé par l'abbé Trouflaut,
étiqueté de sa main et dont les plantes, encore bien
conservées, sont collées sur le papier et les feuillets
réunis en cahier.
Les notes manuscrites de Trouflaut, conservées à la
bibliothèque de Nevers, proviennent sans doute de
Mme Leblanc -Laborde, sa nièce : on a aussi la
Copie des lettres sur les truffes du Piémont, écrites
par M. le comte de Borch, seigneur polonais en 1700,
publiées à Milan che:; les frères Reycends, libraires,
sous les arcades de Figini, annotées, car il faut dire
que le chanoine a beaucoup étudié les champignons ; il
n oubliait jamais de signaler, chaque année, dans ses
notes la première apparition des truffes chez les mar-
chands de comestibles de la rue du Fer.
On retrouve à la bibliothèque de Nevers. provenant
du fonds Gallois, la Flore des jeunes personnes,
ouvrage traduit de l'anglais par Octave de Ségur,
annoté par Trouflaut.
J'ai pu y voir les Amours des Plantes, par Erasme
Darwin, médecin et poète, le grand-père du fameux
Darwin, avec quelques mots de la main de Trouflaut.
Ses œuvres imprimées sont le (i Discours sur
la botanique pour l'ouverture du cours de cette
science, établi à Nevers en faveur des élèves de
médecine, chirurgie, pharmacie, des citoyens phi-
lantropiques et des amateurs de V histoire naturelle,
du règne végétal; enfin, son programme sur VEtal
actuel de V agriculture du département de la Nièvre
et sur l'utilité de l'établissement d'une Société
d'agriculture pour l'améliorer et augmenter la masse
des subsistances ».
Pour nous résumer, disons que Tabbé Trouflaut a
mérité cette notice, moins par son propre mérite que
pour avoir entretenu ce mouvement scientifique local
qui a abouti au travail classique de M. Boreau, cette
Flore du Centre, qu'en 1840 celui-ci dédiait au comte
Jaubert, son inspirateur direct. Est-il besoin de rap-
peler que l'étude de la botanique fut longtemps encore
en honneur dans la Nièvre, où le dernier botaniste
connu fut M. Germain de Saint-Pierre, précepteur
des Princes d'Orléans ?
Or, la botanique est une science d'observation par
excellence, Tiouflaut a eu le mérite d'apprendre à
ses élèves à observer ; il y avait à ft^ire. Souvenez-
vous qu'il commença ses études à l'époque où un
savant droguiste de Paris, Pomet, soutenait que la
- 339 —
cochenille était une graine. Pometen sema même dans
son jardin d'Auteuil et elle a, dit-il, fort-bien germé.
Quels pauvres observateurs que la plupart des savants
de cette époque, dit un auteur ! Il suflBt de faire
gonfler la cochenille dans Teau pour qu'on puisse dis-
cerner les pattes même à l'œil nu.
Il ne faut pas croire que Trouflaut n'ait joui que
d'une célébrité locale. De CandoUe cite, parmi les
ouvrages consultés pour la rédaction de la Flore fran-
çaise, une lettre de Trouflaut ofifrant une liste des
plantes du Morvan, entre autres le « Villarsia Nym-
pholdes », de l'étang du Bouchot, disparu, rapporte
M. Boreau, depuis un débordement de l'Allier, et une
autre plante, le « Lathrœa Clandestina », provenant
d'un taillis bourbeux, appelé la Malitaverne, que
Simonet explorait de préférence, mais qui, suivant ce
dernier, n'était qu'une misérable taupinière à côté des
trésors botaniques du Morvan. (Lettre à Trouflaut,
datée de Moulins-Engilbert du 7 thermidor, an XII.)
L'illustre Bulliard, l'encyclopédiste, cite, dans ses
Champignons de France, avec éloge le nom et les
observations de Trouflaut.
Trouflaut avait été le collaborateur de l'encyclopé-
diste Régnier, un riche savant de Lausanne, qui s'était,
à la fin de la Révolution, installé à Garchy. Régnier
possédait un herbier considérable. Il travaillait en col-
laboration avec son ami Trouflaut, à cette Flore niver-
nazse toujours annoncée, ne paraissant jamais et dont
on ne possède pas un fragment. Il retourna à Lau-
sanne où il mourut en 1824. C'est de ce côté qu'il
faudrait chercher pour retrouver en manuscrit les
premières pages de la Flore de Trouflaut.
Ces deux botanistes visaient plus haut que la bota-
nique à proprement parler. Nous lisons, en effet, dans
les notes manuscrites de Trouflaut : (( L'étude de la
» conformation des plantes est oiseuse, indigne d'ocCu-
» per des hommes ; un herbier n'est, à bien prendre,
» que le charnier des plantes tandis que la physio-
» logie végétale, des notions sur les usages écono-
T> miques des plantes et sur leur culture offrent de
» l'intérêt. ^>
Est-ce sur cette pensée qu'il allait faire une œuvre
inutile que Trouflaut, désolé de ne pouvoir faire plus,
désenchanté, laissa tomber de ses mains son manus-
crit pour ne le ramasser jamais.
Trouflaut était membre de nombreuses Sociétés
savantes : celles de Paris, de Lyon, de Mâcon, d' Autun,
de la Société d'agriculture de Paris, etc.
On cherche, aujourdhui, et notre goût pour les
mémoires et les autobiographies est une marque de
notre curiosité, à saisir dans leurs détails les varia-
tions de l'esprit public par la connaissance des senti-
ments intimes de nos ancêtres. Les témoignages les
plus humbles sont recueillis et l'on estime qu'un signe,
même infime, de quelque fait général, a parfois son
prix ; qu'enfin tout compte.
Nous avons pensé que Trouflaut rentrait dans une
série de personnages dignes d'être étudiés, parce qu'ils
permettent de surprendre, dans un coin de province,
une manifestation du mouvement général des esprits
vers un but que de plus grands esprits atteignirent
ensuite.
On demandera sans doute si l'on peut tirer une défi-
nition exacte du rôle de Trouflaut en tant que prêtre.
Il faut dire qu'il prêta le serment prescrit par la loi du
14 août 1792, celui prescrit par celle du 19 fructidor
an V ; il figure, quelque jours avant le Concordat, sur
le tableau des ecclésiastiques recevant une pension de
1,000 fr., comme chanoine ayant prêté les susdits ser-
ments et justifiant d'une déclaration de non rétractation.
j
— 341 —
M. Boreau rappelle seulement que l'abbé Trouflaut
sortit pur de la Révolution. Nous dirions, aujourd'hui
qu'il en sortit assez correctement. Si l'on se reporte à
ce que pouvait bien être un chanoine de Saint-Gildard,
n'ayant pas charge d'àmes et s'étant frotté aux philo-
sophes, on s'expliquera sa conduite La science ne l'a
pas amené au sacrifice, comme ces prêtres qui, se
dévouant pour leurs paroissiens, furent des hommes
de peu de science mais des héros.
Ses papiers jaunis, couverts d'une écriture ferme et
nettequi indique ses habitudes d'application au travail,
ne contiennent rien qui démente ce que l'on sait de la
correction de ses goûts et de ses mœurs. Sa vie fut une
existence remplie avant tout par l'étude.
M. Boreau, à propos de la visite que Rousseau fit à
l'abbé, explique que celui-ci « était trop éclairé pour
n'être pas tolérant ». Boreau écrivait en 1840; il se
plaçait au point de vue des hommes de 1830. Il oubliait
que Rousseau était le pontife de la secte qui devait
effacer cruellement toute tolérance de son programme.
La véritable indépendance d'esprit, doublée de pré-
voyance, eût dû commander à Trouflaut moins d'admi-
ration pour l'ancêtre des Jacobins : mais Trouflaut
subissait alors la servitude de la mode et de l'esprit
d'imitation.
Il dut reconnaître assez vite, parce qu'il n'était ni
naïf ni faible, l'hypocrisie de ceux qu'il avait suivis
au début de la Révolution; mais, comme tant d'autres,
il n'a jamais consenti à confesser son fait comme un
manque de clairvoyance et de discernement. Les
quelques notes de lui, contenant un mot d'indignation
banale, ne peuvent être prises pour un aveu.
Pour finir, nous dirons qu'il fut impitoyablement
classique. Comme son ami Pierre Duviquet, il montre
dans les appréciations littéraires contenues dans les
fragments épars de sa pensée littéraire beaucoup de
netteté.
Il avait du bon sens, de l'esprit ironique à la façon
de Boiieau. En quelques lignes, il savait définir le
ridicule ou le mérite d'un auteur. Je me bornerai à
citer cette note mise sur la garde du livre intitulé : Les
Amours des olantes:
« La lecture de ce poème de Darwin sur les Amours
des plantes est un songe brillant, un roman boursoufflé
d'épithètes exagérées, qui ressemble assez aux contes
des fées. Les notes seules du traducteur sont dignes des
hommages et de la reconnaissance des naturalistes. »
Trouflaut n'était pas homme à priser les fausses
pastorales.
Aussi, bien qu'une sorte de sympathie semble de
mise entre un auteur d'églogues et un ami des fleurs,
Trouflaut a été féroce pour ce Pierre de Frasnay, dont
le souvenir évoqué par M, le docteur Subert nous a
amené à faire cette étude.
Je vous ai rappelé à la dernière séance, au moyen
de papiers laissés par Trouflaut, la façon très vive dont
celui-ci et le chanoine AUoury traitaient le talent et
le caractère du poète.
Il ne manque jamais l'occasion de faire le procès
des mauvais poètes nivernais. Il appelle Sautereau,
père du conventionnel : « un mauvais avocat de Saint-
Pierre, aussi désolateur de sa province que les saute-
relles d'Egypte », parce qu'il a fait des vers pour
servir de remplissage au Mercure de France et à
VAlmanach des Muses,
L'abbé Cassier trouvait grâce devant lui. Trouflaut
eût été plus favorable encore s'il eût cru que la Rous-
sillonade, dont une copie de sa main est conservée
dans les archives de la Société éduenne, était de lui et
non de Tabbô Lenoble. Dans tous les cas, il faisait
preuve de goût en vantant ce petit poème.
Nous nous rappelons que naguère un membre de la
Société rêvait de posséder un volume contenant le
Lutrin, Vert-Vert Qi Isk Rousstllonade, qu'un crayon
délicat et en même temps respectueux illustrerait.
Avec plus de compétence que moi j)our ce qui
concerne l'œuvre scientifique du botaniste, M. le
docteur Gillot se propose de faire une étude sur Trou-
flaut. La Société nivernaise devait précéder la Société
éduenne dans cet hommage au nivernais Trouflaut,
puisque notre ville a eu la première ses affections.
Terminons en disant que Trouflaut semble oublié de
la population nivernaise, puisque son nom ne figure
même pas sur une plaque d'une rue de la ville où il
passa le plus d'années de sa vie.
P. MEUNIER.
— 344 —
MONTEIL
SES NOTES HISTORIQUES SUR LA PROVINCE
ET SES DOCUMENTS NIVERNAIS
Par RENÉ DE LESPINA8SE.
On sait que nos archives départementales ayant été
à diverses reprises l'objet de sérieuses dilapidations,
certains dépôts, et entre autres celui du Chapitre de
Saint-Cyr de Nevers, sont restés désorganisés». Par un
hasard heureux, ladrainistration de la Bibliothèque
nationale, toujours à l'affût de ces trouvailles, est
entrée en possession d'un nombre important de ces
chartes, et les a classées dans des recueils au dépar-
tement des manuscrits.
L'année dernière, je vous ai déjà exposé une sem-
blable acquisition de chartes à la vente Grangier de
La Marinière , amateur nivernais , qui avait collec-
tionné avec passion les titres de tout genre sur notre
province. Aujourd'hui, il s'agit de chartes presque
toutes relatives au Chapitre de Saint-Cyr, et rangées
par Monteil dans un recueil de pièces concernant la
France entière, dans un but d'études d'histoire géné-
rale.
Il y a lieu de donner quelques détails sur la per-
sonnalité de Monteil, qui a eu son moment de célé-
brité, un peu passé à notre époque.
La Biographie générale donne quelques détails sur
ce personnage, d'ailleurs bien connu.
Monteil (Amans-Alexis), né à Rodez en 1769, mort
— 345 —
à Cely, village de Seine-et-Marne, le 20 février 1850,
était fils d'un conseiller au présidial de Rodez et se
destinait au barreau. En compulsant les anciens
textes de lois et les chartes, il se prit de passion pour
les recherches historiques et s'y adonna complètement.
Il publia divers ouvrages locaux et fut professeur
d'histoire aux écoles militaires de Fontainebleau, Saint-
Cy r et Saint-Germain . Le grand ouvrage intitulé :
Histoire des Français des divers Etats (5 volumes,
grand in-S**), commencé en 1827, établit sa réputation
d'historien. Frappé de voir tous les livres d'histoire
se borner aux faits et gestes des rois, il s'attacha à
rechercher le génie, les travaux, les mœurs et habi-
tudes des citoyens, état par état, métier par métier .
Cet ouvrage, qui fut l'objet d'éloges et de critiques,
offre des points de vue bizarres, des aperçus nouveaux
et curieux, mais il est entaché de partialité et de
jugements qui faussent l'esprit de l'histoire.
Il avait dû recueillir une énorme masse de chartes
et pièces de tout genre.
En 1835, ces manuscrits furent tous vendus et il fit
imprimer à cette occasion un Traité des matériaux
manuscrits de divers genres d'histoire (2 volumes,
in-8<>) , puis il passa les derniers temps de sa vie
dans une extrême pauvreté .
Dans son Histoire des Français des divers États
(5 volumes, in-8<^), les documents nivernais lui ont
fourni ime abondante moisson ; il les cite fréquem-
ment pour appuyer les récits qu'il raconte et, en par-
courant ce grand ouvrage , on peut être frappé de
l'importance qu'il attribue aux coutumes, aux mœurs,
aux faits et aux personnes du Nivernais .
Je ne veux pas m'appesantir sur la forme assez
confuse de son histoire. Il n'y a pas de tables, ce qui
rend impossible toutes recherches rapides. Les arti-
T. vm, 9* série. 23
r
— 346 --
clés disparates entre eux se succèdent les uns aux
autres sans ordre, sans synthèse, sans cohésion, répon-
dant seulement à la fantaisie de Timagination. Chacun
des cinq volumes s'adresse à un siècle différent du
XIV® au XVIII®, mais simplement en apparence car les
époques s'y trouvent fréquemment interverties. Enfin
les notes, seule indication utile, manquent de préci-
sion en ce qu elles sont conçues en termes vagues et
ne mentionnent pas les sources précises. De plus,
elles sont reportées à part, à la fin de chaque volume,
sans pagination, et classées uniquement d'après les
articles.
Je parcourrai sommairement ce grand travail en
notant les allusions faites par l'auteur à l'histoire
nivernaise .
Le premier volume, consacré au xiv« siècle, n'a pour
ainsi dire rien donné, malgré les nombreuses pièces
du chapitre de Nevers acquises par Monteil, et que
j'ai exposées en leur lieu.
•Il fait quelques emprunts à la Coutume du Niver-
noïs dans un article agricole intitulé : Antoine La
Vacherie (1) qui sont sans intérêt. Le récit se pour-
suit en cent cinq épitres avec des titres comme
ceux-ci, où il est parlé à peu près de tout : les Pauvres,
les Juifs, les grands Châteaux, les Gens du monde,
les Etrennes, l'Affranchissement, articles très brefs où
l'on cite les franchises accordées à Tannay en 1374,
le Songe, le Pèlerinage de Saint-Jacques et de Rémi-
remont, le Fils du Diable, les Us et les Abus ; en tout
cela aucun document nivernais.
Pour le XV® siècle, ce sont trente articles appelés
histoires, traitant du cultivateur, bourgeois, homme
d'église, médecin, savant, homme d'armes, etc. A pro-
(1) T. I, XIV» siècle, pp. 96 à 137, épltre xm.
— 347 —
pos des financiers et autres gens qui exploitent le
peuple dans tous les temps, il cite les lettres du roi du
26 septembre 1461 relatives aux commensaux du comte
de Nevers ; à propos de l'hôtelier et de l'avocat, c'est
encore la Coutume du Nivernais qui est citée quelque-
fois.
Le volume du xvi® siècle est divisé en quatre-vingts
stations ; les auberges, postes, voitures, rivières,
canaux de France ; le garde malade, parisien, lati-
niste de Montpellier ; le pénitent d'Avignon, le bour-
geois de Nîmes, l'avocat et procureur de Toulouse, le
clergé français, la famille Champenoise, l'écrivain de
Calais, le sergent de Valognes, le bourgeois de Gronesse,
les peintres et danseurs français, etc., etc.
On voit quelle immense variété d'anecdotes et de
faits sont portés dans ces notices, dont la rédaction est
ordinairement bizarre, mouvementée et surtout très
imagée. Un voyageur sur un bateau de la Garonne a
l'idée de lire aux bateliers un petit livre sur les fleuves
de France. Le patron du bateau fait des remarques et,
au sujet des grands ponts de France bordés de mai-
sons, ou couverts ou passant dessous ou au-dessus de la
rivière, il dit que « le pont de Nevers a dans les piles
des batteries de canons qui battent à fleur d'eau les
embarcations », d'après Coquille. Histoire du Niver-
nais, t. III, p. 83.
La station 33, p. 147, traitant de la civilité fran-
çaise débute ainsi :
« Bien que je sois arrivé de bonne heure à Nevers,
j'y passerai cependant la journée. J'ai à voir le château,
et avant tout j'ai à alléger ma tête de quelques obser-
vations que, depuis plusieurs jours, je sasse et ressasse,
j'ordonne et je réordonne. Je vais en charger le papier.
» Les autres peuples disputent aux Français la palme
— 848 —
du courage, du génie, des arts ; aucun, pas même le
peuple d'Italie, ne lui dispute aujourd'hui celle de la
politesse ou de l'entregent. La civilité française est
étudiée et fait loi dans tout le monde. Un petit traité
en serait surtout utile au Pérou. »
Viennent ensuite des observations sur le salut, les
compliments, qualifications, visites, jurons, excuses,
ofiErandes, notaires, repas, danse, lettres, cérémonial,
tous points où les faits historiques qui font générale-
ment défaut, sont remplacés par des remarques assez
piquantes comme celle-ci : « Le petit peuple se mouche
sans mouchoir ; dans la bourgeoisie il est reçu qu'on
se mouche avec la manche, quant aux gens riches, ils
portent dans la poche un mouchoir, aussi pour dire
qu'un homme a de la fortune on dit qu'il ne se mouche
pas avec la manche ». (t. III, p. 150.)
Il cite souvent Théodore de Bèze qui a eu une si
grande célébrité pour ses querelles de protestantisme
au xvi° siècle. Dans les calculs sur la ville de Chartres
(p. 257) il a des aperçus financiers sur les aides et
les impôts, assez fantaisistes il est vrai, mais bourrés
de chiffres pris d'après les documents. Notre Coquille
lui en a fourni quelques-uns.
A la station des comédiens français (t. III, p. 341),
il insiste sur la triste situation des comédiens de pro-
vince :
« L'hiver dernier je passais dans une étroite rue de
la jolie petite capitale du Nivernois. Un homme assez
mal habillé battait le tambour devant une porte où
entraient quelques personnes en «e disant : « Venez !
entrons, ils en ont besoin. Je n'hésitai pas à entrer
aussi. Je me trouvai dans une grande salle presque
déserte où jouaient des comédiens qui suaient sang et
— 349 —
eau pour grossir leur auditoire. Je continuai ma bonne
action, je demeurai jusqu'à la fin ».
» Dans une auberge, quelques jours après, je trouvai
des gens en costumes les plus divers qui se séchaient.
Je reconnus mes comédiens, ils souffraient, ils se plai-
gnaient. Au sortir de Nevers, me dirent-ils, plusieurs
villes nous ont fermé les portes et notamment Douai.
11 n'y a sans doute en France qu'une petite ville où le
magistrat interdit la comédie à cause de dangers
publics ; c'est dans cette ville que nous sommes allés.
Autrefois aux jeux des miracles, on nous offrait des
pots, des cimarres de vin, aujourd'hui nous ne trou-
vons pas d'eau à boire. J'ai rencontré depuis d'autres
troupes en aussi piteux équipage ; je ne connais pas en
province d'état plus malheureux que celui des comé-
diens. »
D'après les Mémoires de Nevers, il cite ce règlement
des théâtres : Il est défendu de jouer pendant les
dimanches^ les fêtes et le carême.
Aux ateliers français, il énumère nos produits métal-
lurgiques. « Le meilleur fer est celui de Bourgogne,
au-dessous duquel est celui du Nivernois ; le meilleur
acier est celui d'Espagne, de Piémont, d'Allemagne,
de France, même des aciéries du Nivernais et du
Limousin » (p. 388). « Le verre blanc s'est perfectionné
et n'est plus si jaune que dans le Nivernais et le Lyon-
nais » (p. 394).
Le quatrième volume se compose de quatre-vingt-
neuf chapitres sur le xvu® siècle avec des titres encore
plus suggestifs qu'aux autres époques : les anoblis ,
hauts-bourgeois, frondeurs, comédiens, rentiers, che-
valiers d'industrie, académiciens, maîtres de poste,
gazetiers, villageois, intendants, etc.
Il cite parmi la faction des frondeurs le poète niver-
— 350 -
nais Marigny, et parmi les comédiens un petit-neveu
et un filleul du menuisier- poète, maître Adam (T. IV,
p. 13 et 14 )
Evidemment, Monteil aimait le Nivernais. Il ter-
mine l'article des gens de guerre du xvir siècle par
rhistoire d'un procureur, propriétaire d'une belle terre
aux environs de Lormes, et qui avait chez lui deux
trésoriers des guerres. « Un soir qu'il rentrait assez
tard, il aperçut ses deux hôtes qui, surpris par la nuit
dans les bois, cherchaient à regagner la porte du châ-
teau. Son domestique, ancien berger, s'amusait volon-
tiers à imiter les hurlements de loups. L'homme se
mit à quatre pattes et leur fit si bien peur qu'ils grim-
pèrent sur des arbres et restèrent ainsi juchés pendant
plusieurs heures pour éviter le soi-disant loup. Cette
farce n'est guère historique, mais l'auteur met dans la
bouche des trésoriers ainsi juchés une conversation
sur les grands généraux de l'époque, Turenne, Condé,
MontecucuUi, Luxembourg et autres. » (T. IV, p. 65.)
Plus loin, à l'article des chevaliers d'industrie
(p. 87), il raconte qu'un jeune garçon de Decize fut
enlevé par un camarade et emmené à Paris où on lui
apprend tous les trucs du métier. Par contraste, il
débute ainsi: « Decize est la ville de l'air vif, des belles
couleurs et des belles femmes. Elle est aussi la ville
des hommes honnêtes. Et le greffier de la juridiction
domaniale de la généralité raconte que, dans son
enfance, il lia connaissance avec le fils d'un des vingt-
quatre châtelains du Nivernais, qui l'entraîna dans
Paris à une vie d'escapades fort peu exemplaire.
« A Luzy, un président du grenier à sel, un indirect
de l'époque, avise un marchand de flûtes, lequel
entame une conversation sur les grands financiers
Sully et Colbert, dont il expose les mérites à sa
manière vive et pratique » (p. 93). On passe en revue
— 351 —
les recettes, gabelles, aides, décime, capitation, papier
timbré, contrôle des actes, tabac, poudre à tirer,
postes et parties casuelles.
Le type du chercheur de dîners exploite sa spécia-
lité dans le Nivernais (p. 103) ; il est né à Clamecy
« dans une maison bâtie en pierres de taille et ornée
de cordons sculptés comme presque toutes les autres
maisons de la ville ». a Lorsque je voulus la faire
reblanchir, les voyers ouvrirent le livre de la Coutume
et me menacèrent d'un procès si je voulais toucher à
ma façade autrement que pour l'abattre. L'escalier
était en dehors ; le moyeu des grosses voitures conti-
nuellement l'entamait ; il arrivait aussi qu'il me fallait
constamment refaire les portes de' la cave s'ouvrant
dans la rue, en trappes à fleur de terre, et sur les-
quelles les passants marchent comme sur le pavé, je
résolus de changer en joie cette propriété malencon-
treuse ; je la vendis, je la mangeai, je la bus, la fis
manger et la fis boire. »
Et plus loin : « Ordinairement je cesse de manger
un peu avant les autres et je frappe légèrement sur la
table. Je dis, mais toujours avec l'air de l'intérêt, le
ton de la considération : Mes amis, vous ignorez peut-
être que dans quelques terres du Nivernais il y a
encore plusieurs serfs, il faut à quelque prix que ce
soit les affranchir. Mes chers amis, ne soyez pas d'ail-
leurs honteux d'être gens de village ; il y a et j'ai vu
des villages peuplés de 12,000 habitants, 4,000 de plus
que Ne vers. »
On retrouve encore à Nevers, un petit ramoneur,
transporté à Paris, devenu modèle à l'académie de
Saint-Luc, puis peintre en portraits et revenu à
Nevers tout fier de sa superbe transformation.
Monteil trouva sans doute des artistes dans notre
pays, car il y place> au xyu"* siècle, un peintre qui
— 352 —
traverse le Nivernais en voiture et il raconte que « le
bon curé d' Avril-sur-Loire, qui vivait du temps de
Henri IV et de Louis XIII, apprit à son neveu à
graver les vues d'églises, clochers et monastères ,
lequel à son tour enseigna à ses enfants à graver les
fermes et les châteaux ». Ne vers revient sous sa
plume à tout propos et sert de cadre à des descrip-
tions historiques. Il raconte l'introduction du café en
France, dans une conversation tenue à Nevers au café
Turc, qui avait pour enseigne un grand musulman
assis à terre les jambes croisées. Le patron était saisi,
on vendait les cadres, les peintures, les marbres, les
faïences neuves. Et les allusions historiques se croisent
avec les malheurs financiers du cafetier.
En parlant de la poste aux lettres, il dit que « sur les
sept ou huit cents bureaux qui sont en France, on pour-
rait bien lui donner celui de Nevers, aJBtermé ordinai-
rement dix ou douze mille livres » (p. 159).
C'est ensuite le portrait du lieutenant-criminel de
Saint-Pierre-le-Moûtier, « venu à Nevers pour raconter
une histoire de voleur ; et un nouvelliste né à Mon-
tigny-aux-Amognes, village fort joli, fort animé, qui
vient d'abord à l'hôtel du duc de Nivernais à Nevers,
puis se rend à Paris et se présente au duc qui le prend
de suite sur sa bonne mine (p. 163), et les fabriques
de fer-blanc à Beaumont-la-Ferrière ; et les faïences
de Nevers. La terre préparée à la Croix-Neuve, la
cuisson faite dans les fours, l'émail obtenu avec l'étain,
le plomb et le sable, les jolis sujets reproduits dans
rémail par la seconde cuisson. On ne travaille pas
mieux à Rouen, dit-il, vos faïenciers sont de plus en
plus dignes de leur ancien maître Barthélémy Bour-
sier » (p. 216).
Le chapitre 59 (p. 227), est intitulé : De la Moroan-
daise et du Morvandais. C'est l'histoire d'une jeune
— 353 —
fille née à Ouroux, dépossédée ainsi que son père,
d'une terre reprise en vertu du retrait lignagier, occa-
sion d'un procès où tous les détails de l'ancienne
procédure sont exposés. Ils s'en vont vivre chez un
oncle, propriétaire-bordelier, qui, faute de payement,
est exécuté par le seigneur bordelier et privé par les
dures lois du bordelage des bestiaux et du matériel de
la ferme. Ils s'installent en loyer dans un appartement
dont on leur fait l'inventaire. La vie qu'ils y mènent
est l'occasion d'une foule de détails sur l'existence
d'alors, les difiScultés de la nourriture et du vêtement.
Cependant les jeunes gens viennent encore soupirer
auprès d'elle. C'est le receveur du pont de Decize, le
voyer de Château-Chinon, le serpent de l'église du
ch&teau épiscopal de Prémery, et enfin un officier
encordeur de bois au port, né à Saint-Saulge, qui
devint l'époux de la belle. L'histoire du Morvandais
présente la série d'aventures d'un page secrétaire
qui servit dans toutes les régions de France, puis qui
revoit Château-Chinon, le beau château de Vauban et
la maison paternelle. Tout y est changé, tous y ont
vieilli et modifié leur costume ; il prend part â la vie
de ses cousins le notaire et le curé, mais il les quitte
bientôt pour se faire fabricant d'écuelles de bois et
finalement rbabilleur de toiles par quartier, fonction
lui donnant rang d'officier â la cour.
Cette revue, extrêmement chargée de faits et trop
longue à rapporter, montre la prodigieuse imagination
de Monteil, s'ingéniant â faire revivre ses héros au
milieu de toutes les particularités de la vie d'autrefois.
Plus loin (p. 264), ce sont les pauvres mendiants qui
errent dans les environs de Briare, Cosne et Vézelay,
racontant leuis escapades ; et les villageois au sujet
desquels il fait dire à un coquetier de la campagne :
« Notre Nivernais est une grande carte territoriale des
- 354 —
diverses terres de France et de leurs habitants. Les
p&turages et les bois du Morvan valent le Gévaudan ;
le gras Bazois vaut la Picardie ; les coteaux de la Loire
valent les coteaux vineux de la Bourgogne et de la
Garonne ; les plaines de Clamecy et de Decize valent
les provinces de Foix » (p. 283). •
En parlant des gros fermiers, il revient plusieurs
fois sur les questions d'élevage : « nai-je pas dû pen-
ser que le Nivernais étant éminemment propre aux
espèces de bestiaux, les propriétaires devaient en avoir
de toutes » (p. 291) ; sur les espèces de raisins et la
fabrication du vin en Nivernais ; sur la valeur des
terres, et les diverses mesures. A Paris, il devise sur
les promeneurs des Champs-Elysées, « devant une bou-
teille de Pouilly nivernais » (p. 338). A Nevers, il
montre (( à des bannis du royaume, qui se sauvent au
plus vite, les curiosités de la ville, c'est-à-dire le châ-
teau, le parc, le pont, les remparts, Saint-Cyr, le
collège, la faïencerie, la verrerie » (p. 351).
Le cinquième volume est divisé en cent vingt-cinq
décades, où se trouvent des réflexions plus ou moins
historiques, qui n'ont d'ailleurs aucun trait particulier
avec le Nivernais.
L'ensemble de ce grand ouvrage est une narration à
bâtons rompus, sautant d'un sujet à un autre, four-
millant d'allusions historiques mélangées à des
réflexions curieuses et originales, mais il n'y a pres-
que pas de récits historiques ayant une valeur ou
authenticité réelle. C'est un livre amusant à lire pour
les saillies et remarques, d'une lecture facile et abon-
dante qui démontre chez son auteur une puissante
faculté de travail littéraire et de condensation histo-
rique, mais qui n offre pas la rectitude et la précision
exigées aujourd'hui de l'érudition.
En feuilletant ces volumes^ j'ai évidemment sauté
— 35B -
beaucoup d'appels à nos faits locaux d'histoire, car
Monteil semble affecter de toujours faire revenir des
Nivernais dans ses chapitres ; il était impossible de
noter tous les passages de ce véritable roman histo -
rique.
Monteil publia encore, au moment des ventes de
ses papiers, deux volumes des Matériaux manuscrits
de divers genres d'histoire, catalogue raisonné de
paquets de chartes de toute espèce. Il les avait classés
par sujets, hôpitaux, pauvres, hommes de loi, méde-
cins, nobles, royauté, marine, sciences, villages,
agriculture, toujours avec le même esprit qui a pré-
sidé à son Histoire des Français. Cette classification
purement fantaisiste ne répond pas aux titres énoncés ;
ainsi, notre recueil de neuf cent vingt-quatre chartes
portées uniquement comme preuves de Y Histoire des
Notaires, est en réalité une superbe collection de
pièces locales vraiment précieuses.
Ce catalogue contient des quantités de numéros
énonçant chacun de cinquante à quatre-vingts chartes
en moyenne. Ils ont été dispersés au hasard des
enchères et comme ils n'étaient pas classés par pro-
vince, il est à croire qu'un grand nombre de docu-
ments nivernais ont été éparpillés dans ces ventes.
Félicitons-nous quand même d'avoir retrouvé à la
Bibliothèque nationale nos précieuses chartes, et
remercions encore une fois Monteil de les avoir recher-
chées avec tant de persévérance. Ne retenons qu'un
point intéressant. C'est qu'il connaissait la Nièvre,
qu'il a séjourné assez longtemps à Nevers et qu'il y a
acheté une grande quantité de documents qui, sans
lui, auraient été irrévocablement perdus. A ce titre
seul, nous lui devons des éloges que nous ne lui ména-
gerons pas.
Travailleur et fureteur, Monteil achetait des docu-
— 356 -
ments dans toutes les localités où il séjournait et c'est
ainsi qu'il acquit l'immense quantité de chartes qui
furent vendues après sa mort.
Les deux grands volumes contenant des chartes
nivernaises figuraient dans une vente générale de
manuscrits et d'imprimés faite le 11 juin 1850 et jours
suivants, à la salle Sylvestre, par le ministère d6
M* Amédée Clerambault, commissaire-priseur.
Après la mort de Monteil, ils sont mentionnés
(t- II, p. 22) comme intéressants pour V Histoire des
Notaires et cotés 800 fr. Il voulait les faire prendre à
la Chambre des notaires de Paris. Ces chartes, qui
ne pouvaient les intéresser, sont précieuses pour les
histoires locales.
Bien postérieurement à 1850, les deux volumes de
chartes ont été acquis par l'intermédiaire de M . Claudin,
libraire ; la date de leur entrée à la Bibliothèque est
portée au 21 avril 1869. Les volumes sont actuelle-
ment inscrits dans la série des Nouvelles acquisitions
latines n""^ 2,502 et 2,503. Monteil les avait fait relier
avec im soin tout particulier, après avoir collé les
chartes entre des feuilles de papier portant les entête
et quelquefois la copie des pièces elles-mômes, tous
détails dénonçant l'intérêt et le goût avec lesquels
il entretenait sa collection de manuscrits.
La Bibliothèque a, d'ailleurs, respecté Tétat exact
des volumes et, à part les timbres rouges exigés par
l'administration sur chacune des pièces, le titre est
resté tel qu'il était. Le voici dans son style légèrement
prétentieux, gravé en grandes lettres d'or sur le plat
de la couverture : Recueil de 924 actes originaux des
notaires des différentes villes de France, depuis le
XI I^ jusqu'au XI X^ siècle. Manuscrit appartenant à
M. Monteil,
C'est dans cette énorme masse que nos jolies chartes
— 357 •-
sont venues se confondre avec tontes les autres. Elles y
figurent honorablement et prennent rang dans Tordre
chronologique, collées à une feuille de papier sur
laquelle sont inscrits la date et l'objet de la pièce.
Uintérôt et le but poursuivi par l'auteur du recueil
était la personnalité du rédacteur des actes, officiai,
juré notaire ou tout autre officier public ayant qualité
pour rédiger.
Comment, par quelle voie, par quels intermédiaires
s'est-il procuré nos documents ? Evidemment par l'in-
termédiaire de ces nombreux marchands en quête des
parchemins qui s'échappaient si souvent de nos archives.
Il m'a été impossible d'obtenir sur ce point le moindre
éclaircissement. Le fait de dilapidation et de disper-
sion de ces papiers doit être accepté sans commentaire.
Plusieurs documents de grande étendue ont été
portés à part dans la vente de 1850. L'un d'eux est
acquis par les archives de la Nièvre : Taxe imposée
sur le clergé du Nivernais pour l'union de l'Eglise au
temps du schisme causé par l'élection de deux papes
en 1399. In-fol. cart.
Manuscrit original sur parchemin avec analyse sur
papier intercalé.
Monteil ajoute cette réflexion :
a Le rôle des levées qui furent faites dans le diocèse
de Nevers offre, à la fin du xiv® siècle, l'état complet
du clergé inférieur sur lequel nous avons si peu de
documents » (p. 190 1. 1, des Matériaux manuscrits,
et p. 32, n9 254 du catalogue de la vente).
Le deuxième, dont nous ignorons la destinée, est
intitulé dans le Traité des matériaux manuscrits
(t. I. p 200) : Pièces d'un procès entre la haute et la
basse forme du chapitre de Nevers.
Réflexions de Monteil : « Ainsi appelés de Tendroit
où ils étaient assis dans le chœur de l'église. Des biens
- 358 -
ecclésiastiques dotaient la haute et la basse forme. La
haute forme se prétendait le droit d'administrer les
biens de la basse. Peut-être agrandissait-elle une part
aux dépens de l'autre ; la basse s'en plaignait, ainsi
qu'on le voit dans les salvations, et les requêtes du
palais reconnurent la justice de ces plaintes en lui
adjugeant les revenus et les distributions qu'elle récla-
mait. Enfin, quand la haute forme eut perdu au Parle-
ment deux batailles contre la basse, elle s'adoucit
et finit par où elle aurait dû commencer, par une
transaction ou traité de paix. On sait bien qu'il n'est
pas possible, dans une rapide analyse, de rapporter les
nombreux faits curieux relatifs aux prétentions res-
pectives des différents clercs de l'ancienne cathédrale
de Nevers (1) ».
Deux autres sont heureusement conservés à la
Bibliothèque nationale (2) :
Mémoire Judiciaire des serfs de Challuy en 1387 (3) ;
Supposition pour la formation du servage en France :
(( Un des vainqueurs septentrionaux tenant son
épée encore fumante de leur sang, aura dit en teuton
ou en slave, que je traduis librement en notre style du
jour : « Je pourrais, si c'était mon bon plaisir, vous
exterminer ou vous faire esclaves ; je pourrais m'em-
parer de vos terres, les vendre ainsi que c'était autre-
fois, dit-on, l'universelle coutume chez les Assyriens,
Grecs et Romains ; cependant, comme le siècle devient
de plus en plus philosophe ou, pour parler à la manière
de vos nouveaux savants, devient de plus en plus
(1) Cette note accompagnait le manuscrit. Nous ne savons ce qu'il est
devenu. Sur Tezemplaire de la Bibliothèque où se trouvent des notes
marginales ; il n'est pas porté vendu.
(2) Bibliothèque nationale, manuscrit français n** 8,747 et 8,748.
(8) Réflexiotiê de Monteîl (t. I, p. 238 des Matériaux numiamis).
— 359 —
religieux et chrétien, comme il est en progrès et que
je me fais gloire d'être un homme du mouvement, je
me contente de vous faire serfs au lieu d'esclaves, de
faire vos terres serves au lieu de m'en emparer ; vous
serez mes hommes de poeste, de mainmorte, de pour-
suite ; vos terres seront mes terres inféodées et me
paieront la moitié, le tiers, le cinquième de leur pro-
duit ». La mode des hommes serfs et de la glèbe en
terre serve, gagne toute l'Europe. L'Eglise se mettant
à la mode accepte les serfs qu'on lui donne, les garde
et plaide même mal à propos contre ceux qu'elle avait
classés comme tels dans ses terres. »
Le deuxième mémoire est un questionnaire fait à
une femme réclamée comme serve par le chapitre de
Nevers. Monteil fait à ce sujet les réflexions suivantes :
« Une tailleuse de Nevers peut-être jeune, peut-être
belle, ne voulait pas être serve du chapitre ; le cha-
pitre voulait qu'elle le fût ; elle répond non à chacun
des articles ». C'est avec ces deux mémoires qu'on
entend Beaumanoir, Bouteiller et la Coutume du
Nivernais.
Reprenons le grand recueil de chartes pour en
extraire ce qui concerne le Nivernais, revue rapide et
sommaire pour laisser entrevoir l'intérêt et l'utilité de
ces pièces. J'ai copié tous ces textes qui viendront
s'ajouter à la restitution déjà importante de nos
archives locales.
La plus ancienne charte, datée de 1259 émanant de
maître Jehan, officiai delà cour de Nevers, remonte à
la première période des chartes de l'officialité où parait
le nom seul de l'official, sans l'assistance des jurés
notaires. Elle concerne une rente assise au Montet,
près Nevers, au profit de l'abbaye de Saint-Martin.
En 1280, xme charte relative à la vente par Jean du
— 380 —
Château au chapitre de Nevers, de diverses parcelles
de pré à Origny et Trangy, est rédigée en double par
la prévôté du comte et lofficialité de Nevers.
Ces bureaux de rédaction des actes, qu'ils dépendent
du comte ou de Tévéque, sont toujours tenus par des
clercs et même par des chanoines. L'official ne se
nomme déjà plus dans les actes, mais il appartenait
nécessairement au chapitre de Saint-Cyr. Quant à la
prévôté du comte elle est occupée pendant ces der-
nières années du xm® siècle, par le chanoine Gautier
de Spedone, Galterius de Spedona que Ton voit
passer, en 1306, archidiacre de Nevers. Il y avait une
corrélation intime entre ces bureaux, les fonctions
étant très souvent exercées par le même personnage ;
rien que dans nos quelques titres on constate que
Bernard de Somant, prêtre, est en 1398 notaire de
Tofficialité et de la prévôté tout à la fois. Plus tard, en
1460, Jean Berou, prêtre, est notaire apostolique et
notaire de Tofficialité.
En 128S, il s'agit de plusieurs héritages tenus en
franc-alleu par les frères Geoffroy et Guillaume de
Sauvigny, clercs, situés à Sermoise et vendus à un
chanoine Guillaume de Sermoise, pour 30 livres.
(( Donation de 12 deniers de rente à l'autel des saints
Cosme et Damien à la cathédrale, administré par
Regnaud de Mingot, établie sur des prés de Cou-
langes. Les donateurs Hugonin et son épouse, enfants
du prévôt de Vezelay, habitant Nevers, donnent en
garantie les biens qu'ils possèdent sur la paroisse de
Marzy » (février 1282).
« Reconnaissance d'une dette de sept livres tour-
nois par Bienvenue Huet, envers Thomas Jean, habi-
tant Nevers, avec garantie d'une maison située dans
la ville » (juin 1291).
Les trois autres chartes, du xm^ siècle, concernent
— 361 -
la bourse des bacheliers du chœur de Saint-Cyr qui
accensent pour 7 sols 6 deniers une place à b&tir près
la porte du prieuré de Saint-Sauveur ; la vente d'un
pré au chapitre et au chanoine Jean de Moisse; la
vente d'une vigne à Varennes, dont le produit devait
être affecté aux anniversaires .
Sur les trente-cinq chartes du xiv« siècle, il y en a
trois rendues par les notaires apostoliques, cinq par
les prévôtés du comte de Nevers, neuf par l'officialité
et dix par la prévôté royale de Saint-Pierre-le-
Moûtier, quelques autres par le prieur de Saint-Privé
de Decize, le doyen du chapitre de Saint-Cyr, un
inventaire dressé par le sergent royal.
Le français commence à paraître quelquefois, pro-
bablement à la demande des parties. Regnaud de La
Durère, garde du sceau royal, rédige par exception
en français, en 1395, un hommage de Clerambaut
Bonaul à Etienne de Monthurue, seigneur de Meaulce .
Les notaires apostoliques avaient des attributions
spéciales et instrumentaient pour des cas déterminés
et ordinairement plus solennels. C'est d'abord, en
1315, le procès- verbal de réception de l'évêque Guil-
laume Beaufils , par Pierre Faveau, trésorier du cha-
pitre. L'évoque prête serment sur les saints Evan-
giles de soutenir et conserver intacts les biens et les
privilèges de l'église de Nevers. Les noms des
témoins, cités dans l'acte , sont , pour les ecclésias-
tiques : Pierre de Mussa , archidiacre d'Etampes ;
Egide, de Prémery ; François, de Rome, chanoine de
Sens ; Hugues Dysèse, clerc notaire à Sens, et pour
les laïques plusieurs barons des environs : Robert de
Châtillon-en-Bazois ; Jehan de Vallery , Guillaume
des Barres, s?' de Bois-Rozeran ; Jean de Courtenay,
Guillaume de Chastellux, Jean de Brinon, Guillaume
du Ch&teau, s^' de Bouy ; Michel de Paris ; Jean de
T. viii, 3* aérie. 34
— 362 —
Villiers. Le notaire s'appelle Genty de Ficècle, du
diocèse de Lucques .
L'autre pièce apostolique, datée de 1362, produit
un acte de gestion de Guillaume de Vriges, comme
officiai de Ne vers. Ce personnage nous est déjà connu
par le curieux inventaire de son mobilier et de sa
bibliothèque en 1382, il était officiai dès 1335. C'est
un acte de plus sur son compte. Il s'agit de la famille
du Bois qui fit en Nivernais de nombreuses donations
pieuses. Guillaume du Bois avait vendu dans la rue
de la Parcheminerie plusieurs maisons au chapitre de
Nevers . A sa mort, son frère Jean conteste la vente
et se décide enfin, en présence du notaire apostolique,
à se reconnaître son seul héritier et à approuver l'acte
en question. La pièce est rédigée publiquement dans
l'église de Nevers en présence de plusieurs témoins
parmi lesquels Michel Tabout, Jean de Torteron, et
Guillaume, parents de Jean du Bois. L'acte est rédigé
par Pierre Giron, de Nevers, notaire public.
En 1398, le notaire apostolique, Jean de Tronçais,
du diocèse de Clermont, est mandé pour recevoir les
dires de deux parties, le doyen de Nevers, Pierre
Nodet, d'une part, et Jean Cotignon , de Sancoins,
d'autre, au sujet du partage d'une dîme située près de
Sancoins.
Les trois actes de ces notaires apostoliques ont des
caractères absolument identiques. Ils débutent par la
date, Tannée du pontificat, l'indiction, etc., et se ter-
minent par une invocation particulière avec un dessin
spécial en forme de croix. Leur origine toute diffé-
rente puisque l'un est de Lucques, et les autres de
Nevers et de Clermont prouve qu'ils se transportaient
à la demande des parties.
Quant aux autres actes, ils concernent à peu près
tous le chapitre de Saint-Cyr et donnent une idée de
— 363 —
la variété d'affaires qui s'y faisait pour le placement
et la gérance des biens temporels des chanoines.
La plupart des terres concédées au chapitre dans les
environs de Nevers sont déclarées tenues en franc-
alleu par leurs possesseurs ; les religieux préféraient
de beaucoup cette situation qui les dispensait des for-
malités de l'hommage.
Guillaume et Perrin Lœrs, de Sermoise et Che-
venon, constituent deux deniers de cens sur leurs
terres et reçoivent en échange une somme de sept
sols (en 1301).
Une vente plus importante par Hugonin, de Magny,
pour 25 livres tournois consistant en terres et prés
à Saint-Parize , constate encore cette absence de
toute charge, cens, surcens, fief, arrière-fief, etc.
(1302).
Perreau Tissier et son épouse, de Sauvigny , ven-
dent toutes leurs terres à Eudes de Château-Landon,
doyen du chapitre, pour la somme de 24 livres tour-
nois. Ils gardent la jouissance de ces terres et en paie-
ront divers droits de cens, bordelage et champart
(1306).
Perrin, homme-serf du chapitre, possède une terre
en franc-alleu à Parigny et la vend pour 15 sols tour-
nois, à la condition de la garder en payant deux
deniers de cens (1316).
Guillaume Blondeau, une terre à Soulangy pour
40 sols tournois (en 1318).
Guiot Doucray, une terre en franc-alleu, située à
Gimouille, pour cent sols, en payant un cens de deux
deniers à l'abbaye de Saint-Martin (1320).
Le moulin du Pont - Monchamp , paroisse de
Varennes, vendu en 1320, pour 70 livres, par la veuve
de Durand de Fovent.
— 364 —
Des terres dans la paroisse de Artibus (Artel ?)
pour 7 livres tournois par Hugues-le-Sueur (en 1335).
Un pré, en franc-alleu, à Trangy , par Perreau
Richard, de la paroisse de Saint-Etienne de Nevers,
pour 12 livres tournois (en 1334).
Des prés situés dans la paroisse de Bona, possédés
en franc-alleu, puis vendus par eux et gardés en jouis-
sance moyennant un cens annuel de 40 sols (en 1337).
Vigne et pré situés à Uxeloup, vendus 3 florins de
Florence, tenus jusque-là en franc-alleu et gardés
moyennant une charge annuelle de deux deniers de
cens (en 1361).
Les acquisitions de maisons à Nevers par le chapitre
sont très nombreuses. Elles sont consenties au nom
d'habitants, ouvriers ou bourgeois, qui reçoivent ime
somme en capital et s'engagent à payer un cens annuel,
évidemment en conservant la jouissance de leur maison.
En 1312, une famille d'ouvriers, dits Pasqueron,
vendent leur maison pour 50 livres.
Guyot Auxeaul, de Varzy, cède pour 10 fr. d'or
une rente de 20 sols, assise sur une maison de Nevers.
En 1438, Jean Berou, prêtre, notaire apostolique,
pour lui et ses héritiers, prend un verger, situé près la
porte du Croux, pour un cens annuel de 10 sols tour-
nois.
Jean Bergier, tonnelier, et Agnès, son épouse,
prennent une maison, située près la rue Saint-Sauveur,
pour le bordelage annuel de 10 sols, se réservant le
droit de choisir un héritier afin de continuer leurs
engagements.
Guillaume Paupier, se porte garant, pour sa belle-
sœur Jeanne, d'une somme de 20 livres tournois envers
le chapitre (en 1314).
Dans ces conventions particulières, il est fréquem-
ment question d'une garantie appelée a manucaptio de
— 365 —
rato », c'est-à-dire un parent se portant fort pour un
autre absent de la ratification de l'acte passé par lui.
Le contractant est alors « manucaptiens » et l'absent
a manucaptus » .
Vers 1371, les concessions de bordelages deviennent
très fréquentes. Les actes se ressemblent à peu près
tous et présentent parfois des détails méritant d'être
cités. Ce sont ordinairement des renouvellements à la
suite de décès faute d'héritiers. Les prix de bordelages
ordinairement peu élevés variaient beaucoup. En 1371,
Jean Sourdat, de Saint-Baudière, prend un pré, pour
un bordelage annuel de 15 sols ; c'est déjà une somme
très forte pour ce genre de tenure.
En 1373, toute une série de bordelages possédés par
un certain Jean Ravinel, en vertu d'un héritage, sont
abandonnés par lui au chapitre. Le défunt Guillaume
Châtaigne, d'Azy, n'avait pas payé les arrérages, le
chapitre lui avait avancé 30 fr. d'or. On préféra régler
la chose en cédant la totalité de la terre et des droits.
Bordelage d'une vigne à Parzy, payable en nature,
un bichet d'avoine et une demi-geline (1379),
On groupe souvent plusieurs locations en un seul
acte, comme Jean Saigat, en 1385, qui paie un borde-
lage de 10 sols, 4 boisseaux d'avoine et une geline
pour divers tenements dans les environs de Livry.
Un autre, en 1399, aux Ares, paroisse de Satinges ;
en 1403, par Perrin Morel, de Challuy, un pré de
grande valeur payant un bordelage annuel de 40 sols
tournois et un boisseau d'avoine.
A mesure qu'on avance dans le xv« siècle, les bor-
delages se divisent davantage et sont toujours accom-
pagnés de redevances en nature. Jean Menoux, à
Garchizy, paie au cellier du chapitre, six boisseaux
d'avoine, dix deniers et une géline, en 1432. — Simon
Nafles, à Fougues et Germigny, paie, en 1439, un
— 366 —
demi-boisseau de blé et une demi-geline. — Guillaume
Gueudot, de Sauvigny, paie 15 sols et une geline, en
1452. — Jean Tranteux, à Germigny, 5 deniers et un
demi-boisseau d'avoine, en 1463.
A partir du xv^ siècle, les conventions rédigées à
nouveau pour la propriété des maisons dans la ville
de Nevers, cessent de se former sous le nom de cens
et lui substituent couramment celui de bordelage,
simple changement de mot plutôt que de caractère
dans la nature de l'acte. 11 semble que le cens restera
dans un ordre plus élevé, ime sorte de tenure se
rapprochant du fief.
Voici un bordelage contracté, le 20 avril 1467, par
les époux Regnault Parrain et Louise avec le chapitre
de Saint-Cyr. Ils possédaient une maison qu'ils
avaient fait construire sur le terrain de la paroisse
Saint-Arigle, laquelle appartenait à l'œuvre, c'est-à-
dire à la caisse du chapitre. Les gens demandent à
s'entendre et on leur laisse la jouissance perpétuelle
de leur maison, eux et leurs héritiers, à la condition
de l'entretenir en bon et suffisant état, moyennant la
redevance annuelle de 20 sols tournois, au cours du
jour, et une oie bonne et suffisante, le tout payable à
la Saint-Martin d'hiver.
On se rappelle la condition spéciale des bordelages
d'ajouter une redevance en nature, grains et volailles,
afin de bien désigner la provenance rurale de l'impôt.
Pour une propriété urbaine, la chose se comprend
moins, mais le fait y est et le tribut se payait .
Une autre maison située au Pont-Cizeau est louée en
bordelage par le chapitre de Saint-Cyr, service des
messes, à un certain Jean Berthelot, qui paie de ce
chef un bordelage annuel de 60 sols tournois et un
demi-boisseau d'avoine. Les prix augmentent. Cet acte
est du 27 mars 1530.
— 367 -
En ce qui touche la propriété rurale, un contrat de
bordelage du 17 janvier 1481 est rédigé dans des
conditions spéciales qu'il est utile de signaler. Le pre-
neur n'est ni un serf ni un vilain, c'est un chanoine de
Saint-Cyr , Pierre Régnier , souvent cité dans les
chartes d'alors, chantre du chapitre et qualifié officiai
en Tannée 1474. Il prend, selon la nature et condition
du bordelage, une pièce de terre où l'on peut faire des
pêcheries, située dans le val de la Loire entre Challuy
et Saint- Antoine, moyennant un bordelage annuel de
3 deniers et un demi-boisseau d'avoine à payer au
prévôt de Challuy qui dépendait du chapitre de Saint-
Cyr. Le chanoine Régnier possédait déjà un pré
contigu, dépendant de l'église de Saint-Cyr, au profit
des clercs de la basse forme, c'était sans doute pour
procurer un abreuvoir au bétail qu'il avait pris
cette pièce de terre, d'une contenance minime d'une
demi-boisselée. Enfin, pour bénéficier des avantages
du bordelage, il se réserve la faculté de choisir un héri-
tier « et pour ung hoir tel que ledit maistre Régnier
vouldra eslire, tant par testament que autrement et
pour les hoirs dudit hoir ».
Si le bordelage était ordinairement rigoureux, si
on a souvent, croyons-nous, exagéré ses inconvénients,
le fait précédent montre aussi que cette institution
pouvait avoir un bon côté puisqu'on la recherchait
volontairement.
Un autre contrat de bordelage, du 7 février 1484,
présente des conditions semblables ; il est fait par un
prêtre, Girard du Four, pour lui, ses neveux et leurs
héritiers. L'immeuble consiste en deux quartiers de
vigne, d'une contenance de seize hommées, situés près
du chemin de Nevers à Marzy, pour lesquels les pre-
neurs devaient payer un bordelage annuel de 15 sols
tournois et une géline.
— 368 —
L'hommée de vigne en bon rapport, toutes charges
restant au preneur, valait ainsi au xv« siècle à peu près
un sol tournois Tune. C'était donc plutôt un impôt
qu'un loyer de terre.
Assez longtemps plus tard, en novembre 1538, une
vigne de sept hommées, aux Saulaies, est louée à bor-
delage par un notaire et praticien de Nevers, Jean
Belon, pour le prix annuel de 5 sols tournois et un
boisseau d'avoine.
Le 20 juin 1530, les religieux du prieuré de Faye
font un arrangement intéressant pour les conditions
de l'exploitation des terres. Il ne s'agit plus de bor-
delage. Le tenancier, Jean Chabrulat (village de ce nom
près Faye), est qualifié métayer, il est resté débiteur
de grains en nature et d'argent qui sont l'objet d'un
compte que les religieux acceptent et reconnaissent,
moyennant lequel le métayer continue sa gestion. Cet
acte indique la plus grande indépendance de la part
des deux parties.
Il y a une charte relative aux dîmes et constatant
que certaines dîmes étaient mises annuellement aux
enchères. Le sacristain de Saint-Sauveur a fait
adjuger, en 1527, sa dlme des Bordes, à Nicolas
Pourcier, pour trois boisseaux de seigle. La chose
pouvait ensuite se continuer longtemps puisque les
mômes conditions sont reproduites en 1536.
Après ces nombreux actes de bordelage, nous
remontons l'ordre des dates pour reprendre les sujets
variés de nos documents.
Une charte de 1311 (n<^ 44), donne le nom d'un abbé
de Corbigny, frère Regnaud, et d'un prieur de Saint-
Privé de Decize, frère Guillaume dit Jobin, dépendant
de la susdite abbaye. Il est à remarquer que Ion porte
simplement abbas Corbigniacensts, sans la mention de
Saint-Léonard, qui parait toujours dans la suite. Il
— 369 —
s'agit d'un échange de rente entre le prieuré de Sainte-
Privé et le chapitre de Nevers, assise sur des vignes &
Solterres et à Saint-Léger, que l'on remplace l'une par
l'autre.
Autre convention, en 1319, entre le chapitre de
Saint-Cyr et les moniales de Notre-Dame ; celles-ci
avaient vendu à Guillaume Jocelin, un pré mouvant de
la censive du chapitre ; celui-ci dénonce la vente et la
retient pour son compte.
Le chanoine Guillaume d'Aubigny> abandonne gra-
tuitement, en retour de diverses courtoisies (curialt--
tates), au chapitre, la maison qu'il possédait en franc-
alleu, à Soulangy.. Il reconnaît pour seigneurs le
sacristain et le doyen du chapitre, et en présence des
chanoines cités par leurs noms, il se déclare leur
homme-lige lui et ses héritiers (juin 1328).
Un hommage est prêté au prieur de Faye par Pierre
Apaupez pour une dlme située à Saint-Jean de Lichy.
AiSranchissement de la famille serve Orfenin, à
laquelle le chapitre accorde la liberté pour eux, leur
postérité, les biens et les bestiaux, avec autorisation
de l'évoque Bertrand, moyennant l'abandon de divers
droits, maisons et terres, en 1342.
Inventaire après décès du chanoine Jobart Fallet,
le 15 septembre 1373, peu étendu et peu détaillé, mais
qu'il est intéressant d'ajouter à ceux de la même
époque déjà publiés dans le dernier volume an Bulletin.
Les mêmes personnages paraissent : Guillaume Auxeaul,
bailli de Saint-Pierre ; Hugues du Mortelet, commis-
saire ; Pierre Giron, tabellion, et les chanoines Roger,
Jacopin, Borserat et Jean de Gueugnon.
Une donation de 1409 concerne l'hôpital de Saint-
Didier, de Nevers. Le chanoine Jean Petit jean se
retire dans l'hôpital pour la fin de sa vie, y installe son
logement, donne cent livres tournois et six gobelets
— 370 —
d'argent pour servir dans les occasions solennelles. La
charte est passée devant Pierre Berthier, garde du scel
de la prévôté de Nevers ; approuvée par Nicole de
Vitry, doyen du chapitre, par les échevins de Nevers,
Jean Bourgoing, Bertrand de Veauce et Regnaut de
Marigny, tous noms qui donnent de l'intérêt à cette
pièce.
Fermage de tous les droits inhérents à la prévôté
laïque de Parigny prise par Jean Perreau pour la
somme annuelle de 44 livres tournois payable à la fête
de Saint-André, à Nevers, entre les mains du chanoine
Jean Vohata, prévôt titulaire du chapitre. Le fermier,
en vertu de cet acte percevait les redevances en nature
établies sur les tenanciers de la localité (27 janvier 1417).
Testament du chanoine Jean Rolland, du 18 juillet
1453, pièce très détaillée pour les biens et les objets,
offrant presque l'importance d'un inventaire.
Au XV® siècle, la vacance du doyenné est pro-
noncée régulièrement en assemblée du chapitre, à la
suite du décès de Jean Le Tort, le 17 août 1439. Les
chanoines présents sont cités par leurs noms, Pierre
d'Armes, archidiacre, en tête. L'acte dressé par le
notaire apostolique, Jean Berou, constate simplement
la future nomination du successeur.
Partage d'une famille de serfs, les Michou Bonnet,
tisserands de drap à Nevers, entre l'évêque et les cha-
noines, tous cités par leurs noms, le 21 mai 1445.
Constatation de l'offrande faite à la cathédrale de
Saint-Cyr par le comte de CharoUais, en 1461, au
profit des chanoines, usage assez curieux, intéressante
voir relaté dans une charte qui règle le partage de la
somme de trois lions d'or ainsi donnée pour tous les
gens d'église.
Autorisation pour le comte de Nevers, Charles de
Bourgogne^ de lever la somme de 4,000 livres^ sur les
— 371 --
gens de l'évoque et du chapitre, à titre d'aides pour
subvenir aux frais faits par lui lors du sacre du roi
Louis XI (novembre 1463).
Plusieurs de nos documents concernant les personnes
et l'administration ecclésiastique offrent de l'intérêt.
C'est d'abord le procès d'un doyen du chapitre, Jean
Loyte, le 10 juin 1468. A cette date, la liste du Gallia
Christiana porte N. Carré, contre lequel fut donné un
sénatus-consulte de décembre 1468 relatif au doyenné .
Le notaire apostolique, Jean Renard, dresse l'acte
assisté de plusieurs témoins, habitants de Nevers.
Le chapitre de Saint-Cyr est représenté par les
chanoines Jean Guillot, Pierre de Pougues, Philippe
Rover, Jean Bolacre, Philippe Mige, Henri de Saxoine,
Jean de Corbigny, Jean Charrier, Gilbert de Mingot,
Pierre Régnier, Eudes Forget, Pierre Guesdon, Guil-
laume Coquille, Jean Mige et autres. Jean de Saintan,
prêtre, et M*" Nicolas de Métis, notaire, comparaissent
au nom de Jean Loyte, reçu doyen depuis peu et
demandent un pouvoir pour toucher les revenus et les
amendes ecclésiastiques. Pierre de Pougues faisant
fonction de président, et Guillaume Coquille, repré-
sentant le bailli royal de Saint-Pierre, décident de
déférer l'affaire en cour de Rome. Notre charte fait
prévoir le sénatus-consulte indiqué plus haut et permet
de rectifier la liste des doyens en ajoutant le nom de
Jean Loyte.
Procès-verbal d'absence de' la ville dressé par Jean
Cornillier, clerc notaire royal de Saint-Pierre, accom-
pagné de messire Pierre Luaud, prêtre de Nevers,
agissant comme procureur du chapitre de Saint-Cyr.
Les deux délégués se transportent successivement aux
domiciles de Pierre de Pougues, Pierre Régnier et Jean
Mige, chanoines, où leur clerc domestique répond
qu'ils sont partis le mercredi précédent et qu'ils n'en
— 372 —
ont pas eu de nouvelles. Puis ils obtiennent la même
réponse de Catherine, femme du sergent royal Pierre
Grimoart. Les trois chanoines et le sergent avaient
quitté Nevers le môme jour et à la môme heure pour
un fait que le chapitre tenait à constater par acte
régulier et authentique du 19 novembre 1468.
L'acte du 2 mai 1474 est une déclaration de foi et
hommage faite par Gilbert Mige, licencié es lois^ au
trésorier de l'église cathédrale de Saint-Cyr, Jean
Burdelot, notaire, secrétaire du roi. Il s'agit de la
quatrième partie d'une dlme située à Saint-Baudière,
paroisse de Marzy, que le possesseur estime à un
revenu annuel de 160 sols. Cet acte calqué en tout
point sur les hommages exigés des fiefs nobles se
trouve encore assez souvent dans les règlements ecclé-
siastiques. Quoique ce fût un bien d'église tout se
passe entre laïques ; cependant, à la fin de l'acte on
constate la présence de « deux témoings clercs, Pierre
Régnier, chanoine et officiai de Nevers, et Philippe
Laigues ».
Le 6 mars 1479, le chapitre de Nevers accorde la
manumission ou affranchissement à Thévenin Gou-
veaul et Anne, sa femme, de Challuy, pour eux et
leurs héritiers. L'acte est une simple convention, un
marché dépourvu de toutes les réflexions en usage
précédemment pour ces sortes de contrats. Thévenin
donne au chapitre « en compensation » une rente de
40 sols tournois qu'il tenait de son père, assise sur
une maison rue du Rivage, occupée par Huguenin
Berthelot, marinier (1). C'était un serf ayant des rentes
qui, moyennant finance; obtient facilement le privi-
lège de la liberté.
La célèbre abbaye de Notre-Dame de Nevers n'a
(IJ On a vu le bordelage de cette maison en 1590 pour 60 sols.
^ 373 —
plus aucun dépôt d'archives ; les quelques chartes qui
subsistent encore sont dispersées aux quatre coins des
amateurs de vieux parchemins. En voici une de mars
1479 émanant de Tabbesse Catherine Boutillat, famille
qui a joué un rôle important en Nivernais pendant
plusieurs siècles. L'abbesse, usant de son droit de
patronage pour la chapellenie de Sainte-Marie-Made-
leine de Oulon {Ouarum), accorde la vicairie avec tous
ses privilèges et revenus à Jean Povreaul, fils de
Pierre Povreaul, de Nevers. C'était un bien de famille
qui se transmettait aux membres présentant les qua-
lités voulues pour remplir le ministère. Elle avait été
occupée par un certain Symon Povreaul, lequel sans
doute pour cause d'infirmités, l'avait résignée tempo-
rairement en faveur d'un autre prêtre Jean Forand.
Celui-ci la restitue à la famille en la personne du
jeune Jean Povreaul, reconnu par l'abbesse comme
méritant, capable et très digne de la fonction, puis il
reçoit en échange la chapelle de Saint-Barthélémy de
Souzy, aujourd'hui Soury, paroisse de Champvoux.
Ces faits sont autant de renseignements sur les condi-
tions de la vie de nos ancêtres.
Quelques actes méritent une simple mention comme
ceux-ci :
1484, 23 décembre, vente d'une part d'héritage à
Cossaye et Lamenay, par les frères Berquin, passée
au nom de Jean Germain, conseiller du duc de Bra-
bant et prévôt de Decize devant Jean Remandat,
prêtre, notaire juré.
1487, 24 juillet, désaveu par deux prêtres et un clerc
de Saint-Cyr au sujet des allégations formulées
dans le procès entre la basse et la haute forme de
l'église. Etienne Décelons et Gilbert Mige sont
choisis comme procureurs.
- 374 -
1593, 10 décembre, quittance de la veuve Challudet,
au receveur de Gien, pour trois quartiers échus de
sa pension de 10 écus par an, passée devant Delafaye,
Tun des quatre notaires royaux de La Charité.
Enfin il y a deux actes du xvn' siècle, l'un du 7 mai
1604 portant transaction à la suite d'un procès entre
Jean Bergier, sacristain de Saint-Cyr, et dom Henry
Girard, prieur de Saint-Etienne, au sujet des limites
d'une dîme à La Coulmelle, près Saint-Antoine, et
l'autre du 88 janvier 1648 contenant quittance notariée
de 90 livres tournois pour gages d'une demi-année
dus à Jean Moireau, maître de poste, à Pouilly, à
cause de son office.
Ces documents étaient réunis par Monteil, en vue
d'une étude sur la rédaction des actes et le rôle joué
par les divers officiers qui en étaient chargés.
En ce qui concerne le Nivernais, parmi la variété
des officiers ministériels seigneuriaux et ecclésias-
tiques, au xv« siècle le sceau royal de Saint-Pierre-le-
Moûtier obtient la préférence du public. Les chartes
rendues par son intervention deviennent de plus en
plus fréquentes. En 1405 le garde du sceau royal est
Jean de Beaulne, puis la fonction passe entre les mains
des Baudreuil. Durand Baudreuil conserve les sceaux
jusqu'en 1462 et les cède à Jean Baudreuil qui les
occupe jusqu'à la fin du xv® siècle et les cède à son
tour à Pierre Baudreuil jusqu'en 1550 environ.
Parmi les officiers seigneuriaux figurent Jean Mathé,
à Nevers en 1474, et Jean Germain, conseiller et garde
du scel à Decize en 1484. Benoit Guerbado, châtelain
de Prémery, procureur de l'évéque de Nevers en 1511.
Les actes sont rendus en leur nom devant le notaire
juré auquel ils ont confié leur pouvoir. Ces notaires
- 375 —
resteront encore assez souvent recrutés parmi les
prêtres, en souvenir des officialités.
Dans un acte du 16 août 1508, conventions entre
plusieurs habitants de Vauclaix, près Corbigny, Pierre
Baudreuil étant garde du scel royal, le texte porte :
« Pardevant noble homme Thomas de Lacroix, escuier,
notaire juré du roy ».
C'est l'exemple assez rare d'un noble exerçant ces
fonctions.
Au xvn® siècle, les actes sont rendus au nom de Flo-
rimond, sfl' de Dornes et Retz, capitaine et bailli de
Saint-Pierre et garde du scel royal, mais la plupart du
temps, le nom du notaire paraît seul en tète de l'acte,
sans aucune formule d'invocation.
L'ensemble des documents nivernais recueillis par
Monteil peuvent être décomposés ainsi :
Deuxième moitié du xiii^ siècle 7 chartes.
xiv° siècle, du n« 36 au 128. . 35 —
xvo siècle, du n« 129 au 309. . 25 —
XVI® siècle, du n^ 331 au 554. 7 —
xvîV siècle, n«« 607 et 740 . . 2 —
En tout 76 chartes nivern.
contenues dans ce recueil de 924 chartes relatives à
toute la France, sans compter trois autres documents
de grande étendue, catalogués à part.
— 376 -
LES ABSIDES
OPPOSÉES
DE LA CATHEDRALE
Dans son Dictionnaire des Antiquités chrétiennes,
le chanoine Martigny dit :
(( Des règlements, remontant à l'origine môme de
l'église et qui furent fixés par la suite dans les Consti--
tutions apostoliques {\i, 57 et les notes de Cotelier),
prescrivaient que les églises fussent disposées de façon
que la porte regardât l'occident, et que l'abside pré-
sentât sa convexité à l'orient.
Ainsi, les fidèles, en priant, avaient le visage tourné
vers l'orient ; et la principale des nombreuses raisons
mystiques qu'on ait données de cette disposition, c'est
que nous devons diriger nos yeux vers le paradis
terrestre, que Dieu a placé à l'orient, afin d'entretenir
en nous le regret de lavoir perdu, ainsi que le désir
d'arriver au ciel, qui est le véritable Eden.
Quoiqu'il en soit, il ne parait pas que cette règle ait
toujours été obligatoire, car nous savons par Socrate
(Hist. ecl. V, 21), par saint Paulin de Nola (épist. xn
ad. Sever), par Eusèbe {Hist. ec/. x, 4), qu'il y fut
dérogé dès les premiers siècles. Ces dérogations pou-
vaient, à la vérité, avoir leur motif dans la nécessité de
protester contre certains hérétiques, qui avaient ima-
giné de voir Jésus-Christ dans le soleil.
— 377 -
Toujours est-il que tout système d'orientation peut
trouver son modèle à Rome, même parmi les plus
anciennes églises.
Ainsi, à lest : Saint-Laurent-hors-les-Murs, Ara-
Cœli, Saint-Paul;
Au sud : Saint-Jean-de-Latran, Saint-Grégoire et
d'autres encore ;
Au nord: Sainte-Marie-du-Peuple , Sainte-Marie
ai Monti, etc.
A l'ouest : Saint-Pierre, Sainte-Marie-Majeure,
Saint-Clément, Saint-Praxède.
On a dit que, pour conserver au moins l'esprit de
l'usage primitif, on avait, dans les églises orientées à
Vinoerse, disposé l'autel de façon que le célébrant
eût le visage tourné vers le peuple et par conséquent
vers l'orient.
Mais dans toutes les basiliques de Rome, l'autel est
ainsi tourné, quelle que soit leur orientation (1). ^
Au titre : « Basiliques chrétiennes », p. 95, on lit :
« Nous devons faire remarquer en passant que les
Basiliques avaient ordinairement leurs portes tournées
vers l'occident »•
Et à la page 97 : « Basiliques Constantinîennes )) :
« Saint-Clément présente toutes les parties types de
la Basilique Constantinienne, comme on peut s'en
assurer en contemplant la basilique primitive récem-
ment découverte au-dessous de la moderne, d
Quelles sont ces parties types: trois absides fermant
les trois nefs à l'opposé de l'entrée, un plan placé à
cété en complète la démonstration,
Martigny n'a pas écrit son œuvre au pied levé ; plus
(i) Orientation des Eglise» chrétiennes, p. 554.
T. ym, 3* lérie. 25
— 378 -
de deux cent cinquante auteurs et plus de quatre cents
volumes ou manuscrits ont été consultés par lui ; il
en donne la liste. Des collections privées et publiques
jusqu'au Vatican, il a tout passé au crible.
Après lui on ne saurait rien demander au Gallta
Christiana et surtout à Parmentier.
Voici comment s'exprime ce dernier : « Comme on
le voit par la voûte que nous supposons avoir été le
sanctuaire » — Parmentier dit qu'il suppose, il ne dit
pas qu'il en est sûr — et il continue : a on pensb —
vérifiez, il parle d'une chose à laquelle il ne croit pas
— on pense, dit-il, que la porte de l'église était au
même endroit où est aujourd'hui le grand autel ».
Sur quoi peut-on b&tir? Quelles bases, quelles fonda-
tions, quelle créance peut-on élever sur des paroles
si indécises, si vagues ?
Prenons plutôt les choses comme elles sont, c'est-à-
dire dans Sainte-Julitte, une orientation étrange,
insolite et inusitée et n'oublions pas qu'au dire des
chroniques et des auteurs très anciens, Nevers n'était
qu'un ch&teau-fort à peine de la grandeur d'un village.
Un grand prélat, un savant, un érudit et un saint,
a jugé cette orientation ; c'est saint Grégoire de
Tours, en décrivant l'église de Saint-Nomatius à
Clermont-Ferrand et cela au vi® siècle. Avant que la
cathédrale existât à Nevers.
Faut-il mettre en doute ses connaissances litur-
giques ? N'avait-il pas toute l'autorité qui peut man-
quer sur un sujet si spécial à ceux qui sont nés depuis ?
Faut-il lui opposer Parmentier ?
Il reste acquis, d'autre part, que le type des basi-
liques avait trois absides à l'opposé de l'entrée et
qu'elles étaient orientées.
A Nevers, l'exemple de nefs et d'absides orientées
est plus saisissant encore : la cathédrale est presque
— 379 —
contemporaim âe deux ^lises voisines d'à peine cin-
quante mètres : Samt*Martin et Saint*Sauveur avaient
chacune trois absides orientées au bout de leurs nefs.
Pourquoi aller chercher dans une époque troublée,
une époque de décadence, avec Charles-le-Chauve, qui,
à ce moment, guerroyait à Nevers même? Pourquoi
lui attribuer une conception étrange, inusitée, savante,
somptueuse, ne procédant d'aucune loi, d'aucun prin-
cipe? Pourquoi devant des restes vulgaires, frustes,
grossiers même par le travail, accusant une déchéance
de Fart, vouloir déduire du merveilleux ?
Le bon sens doit toujours nous guider, c'est le cas de
le mettre à notre service.
Charlemagne créé des écoles ; des principes sûrs
sont appliqués ; ils sont le résultat d'étude ; et ces
principes aujourd'hui, nous les retrouvons sur les bords
du Rhin et à Saint-Gaal, en Suisse.
Ce n'est point par caprice qu'Enguilhard place des
absides opposées aussi bien aux environs d'Aix-la-
Chapelle qu'à Saint-Gaal. Vouloir les motiver par
deux services parallèles : celui de l'église et du cha-
pitre, c'est faire une réplique spécieuse qui ne peut spa
se défendre à l'époque qui nous occupe.
Le principe de la conception du plan de la cathé-
drale est en Orient, et VioUet-le-Duc le dit en toutes
lettres, a C'est dans les rapports avec ce pays qu'il faut
le chercher. » Ces rapports, mis au jour, peut-être nous
trouvera-t-on plus plausible ; j'en ai déjà exposé plu-
sieurs (1) ajoutons-en d'autres. Près de La Charité,
en l'an 700, disent les historiens, s'est fondé un
couvent à Seyr ; et il l'a été par des moines grecs.
Qui dit église grecque dit absides aux bouts des nefs,
telle Capnicamack en Grèce, Or, au village de La
(i) Vpir Bempçrtt et MonumenU de Vancifin Ntvern,
— 380 —
Marche, il a existé jusqu'en 18S0 une église à trois
nefs fermées de chaque bout par trois absides orien-
tées, opposées et séparées par une seule travée.
Voilà bien le plan, le principe dévoilé avant la
construction de la cathédrale, et du môme coup aussi
les rapports avec TOrient quatre-vingt-quinze ans
avant.
Mais ces rapports, n'allons-nous pas les avoir à la
fin du xu« siècle, lorsque Pierre de Courtenay est
nommé empereur de Constantinople ? Peut-on assurer
qu'ils sont spontanés à ce moment ?
C'est en pesant dun côté .les suppositions des
auteurs du xvu^ siècle et de l'autre les faits précis,
concluants, encore vérifiables, que je me suis fait
mon opinion.
Nous aurions fini sur les absides opposées, si M. le
chanoine Sery n'avait présenté une phrase de Guy
Coquille comme une preuve plus évidente à ren-
contre : (( Il (Guillaume de Saint-Lazare, 1211) fit
» commencer la structure du chœur de l'église Saint-
T» Cyre d'ouvrage de pierre de taille en la beauté,
» artifice et magnificence du présent, et la bâtit pour
» la plupart à ses dépens et par le moyen dudit chœur
» ainsi construit a nouveau ; le grand autel et le
» reste de l'église qui soûlait être à soleil couchant
^) fut tourné à l'orient. »
Voilà la preuve, dit notre collègue, qu'on en profita
pour changer son orientation ; c'est formel, l'église fut
tournée à l'orient, et à l'orient, avant ce changement,
était le portail.
Or nous-môme relisons le texte : « Le. chœur, »
c'est-à-dire le sanctuaire, l'abside, et non la net, le
portail, « le chœur fut construit a nouveau » ; c'est
— 381 -
précis : Le chœur de nos jours existait ! Il y avait
absides opposées ! Car le chœur est construit a nou-
veau !
Puis : « Le reste de l'église qui soûlait être à soleil
» couchant fut tourné à l'orient. ^ C'est-à-dire la
cérémonie pendant la construction qui soûlait être à
soleil couchant (dans ce qui reste de l'église) fut
tourné à l'orient.
Mais le mot tourné à l'époque e^t employé pour
retourné, c'est constant. Notre explication est le mot
pour mot du texte ; elle est logique avec la place des
absidioles romanes orientées, sans quoi il faudrait les
expliquer ; tandis que telles qu'elles sont, les églises
du monde entier, contemporaines de la cathédrale^ les
expliquent , surtout Saint-Sauveur , Saint-Martin,
Saint-Etienne, La Charité, leurs voisines, etc., etc.
Mais n'oublions pas que pour Tune comme pour
l'autre preuve, nous sommes à la distance de huit cents
ans, et que nous lui donnerions une bien trop grande
importance. Guy Coquille n'était pas un archéologue,
c'était un légiste d'une grande valeur vivant en plein
épanouissement de la Renaissance, laquelle méprisait
déjà cette architecture de décadence et de barbares
dénommée gothique, originaire des Goths.
Voilà la science d'alors. Faut-il parler de l'art
roman après cela ?
Faut-il recueillir ce dédain dans le texte môme de
Guy Coquille ? Il dit de ce chef-d'œuvre du trei-
zième siècle : « Bâtie avec la magnificence du
» PRÉSENT, » là où la magnificence aurait sufii, car
pour lui celle de son temps était la vraie magnificence.
MASSILLON ROUVET,
Architecte,
Membre non résidant du Comité des Beaux-Arts
des Sociétés des départements.
^m-
LES CONRADE
Dans le dernier Bulletin de la Société nivernaise,
page 230, se trouve une critique sur mon étude :
Les Conrade,
Dans cette môme critique se trouve aussi ma
réponse. Je ne me servirai donc que des armes four-
nies.
A la vingt-sixième ligne, page 221, en citant son
père, M. du Broc de Segange écrit : a Scipion Gambin,
» en tout état de cause, doit-il être considéré comme
» le premier importateur de la faïence à Nevers ? »
A cette phrase inîerrogative il répond :
(( Tout indique que, le premier, il a dû faire des
» essais. »
C'est donc M. du Broc de Segange qui est affirmait f
et qui crée Scipion Gambin.
Au fond des choses, nous sommes d'accord avec
M. du Broc de Segange, puisque je lui apporte des
documents inconnus établissant la priorité des
Conrade.
Je me félicite de les avoir ajoutés, d'en préparer
d'autres et contribuer à rétablir nettement la vérité
suivant les désirs d'un auteur aussi estimable par sa
sincérité que par sa courtoisie. M. R.
— 383 -«
ENQUÊTE
RELATIVE AUX DROITS DE L'ABRATË DE GLUNT
SUR LE
•PRIEURÉ DE LA CHARITÉ-SUR-LOIRE
(XIII- SIÈCLE)
Par Ed. DUMZNY
De tous les monastères qui tiraient leur origine de
Cluny celui de La Charité fut certainement le plus
important. Dès sa fondation, on le vit s'élever au-
dessus des autres et, par sa richesse, par la renommée
qu'il s'acquit, par le nombre de maisons qu'il compta
sous sa dépendance, mériter le nom de première fille
de Cluny. En peu de temps, ses possessions s'éten-
dirent dans toutes les parties du centre et du nord de
la France. A l'étranger, son développement ne fut pas
moins rapide et il envoya bientôt des colonies en
Angleterre (1), en Portugal (2), à Venise (3) et sur les
(1) Prieurés de Sainte-Milburge de Wenlock (Shropshire), Saint-Saa-
veur de Bermondaay (actuellement faubourg de Londres, comté de
Surrey), Saint- André de Northampton (Northaroptonshlre), Saint-Âugustin
de Daventry (Northamptonahire), Saint-Jean-rEvangélisle de Pontefiract,
(comté d*York, West Riding.)
(3) Prieuré de Saint-Pierre de Rates (province de Minho, district de
Porto, conseilho de Pavoa de Varzim).
(3) Prieuré de Sainte-Croix.
— 384 -
côtes de r Asie-Mineure (1). Du vivant même de son
fondateur, plus de deux cents religieux se pressaient,
dit-on, dans ses murs, et saint Hugues y reçut
soixante novices en un seul jour.
Cette prospérité ne fut pas sans causer quelques
inquiétudes à Cluny. Une fille aussi riche et aussi
puissante ne songerait-elle pas à se déclarer indépen-
dante et à se mettre à la tète d'un nouvel ordre ? La
Charité, comme Cluny, convoquait périodiquement des
chapitres, auxquels étaient tenus d'assister les repré-
sentants des nombreux prieurés qui lui étaient soumis,
et dans lesquels l'autorité absolue de son chef était
incontestée. Ne prendrait-il pas fantaisie à l'un de ses
prieurs de profiter d'une de ces assemblées pour
s'affranchir complètement de toute subordination
envers l'abbaye ? On trouve des preuves de ces craintes
dans le soin avec lequel Cluny faisait constater par les
autorités temporelles et spirituelles, toutes les fois que
l'occasion s'en présentait, que La Charité devait lui
être entièrement soumise.
Dans la charte de 1119, Louis VI se contente d'énu-
mérer les autres biens et prieurés dont il confirme la
possession à l'abbaye ; mais, en ce qui concerne notre
(i) Prieuré de Civitot En prenant à la lettre les expressions dont se
sert Pierre-le- Vénérable dans deux lettres, on a jusqu'ici placé ce prieuré
dans un faubourg de Constantinople. On ne trouve dans aucun des histo-
riens des Croisades mention d'un faubourg de ce nom, mais il esi souvent
question du port de Civitot, sur le golfe de Nicoraédie, à proximité de
Nicée, aujourd'hui Herzek. Le prieuré de Civitot fut donné par remfte-
reur Alexis Comnène à La Charité. Nous savons, par Ordeiic Vital, que
cet empereur avait bâti la ville de Civitot pour y mettre ses gardes, d^ori-
gine étrangère. Il est tout naturel qu'il y ait aussi établi des moines étran-
gers plutôt que dans la ville impériale elle-même, où il aurait risqué de
froisser le clergé grec« qui avait alors p^^u de sympathie pour les Latins.
Les termes dont se sert Pierre-le- Vénérable peuvent signifier non pas un
faubourg, mais une localité voisine de Constantinople, comme est
Herzek.
- 385 -
■
monastère, il déclare formellement qu'il lui à été
donné complètement et qu'il lui est assujetti sans
réserve « absque ulla retentione "b . Urbain II, en 1088,
défend aux religieux de se soustraire à l'obéissance
qu'ils doivent a l'abbé. Innocent III leur ordonne de
rester soumis à l'abbé de Cluny et à ses successeurs, et
leur interdit, sous peine de s'attirer la colère de Dieu,
d'établir un abbé dans leur couvent. Plusieurs autres
actes des Souverains Pontifes insistent sur la dépen-
dance dans laquelle le prieuré doit toujours demeurer
à l'égard de Cluny.
Ces craintes n'étaient pas sans cause. Les moines de
La Charité supportaient péniblement la sujétion qui
leur était imposée. Ils profitaient de toutes les
circonstances favorables pour essayer de détendre les
liens qui les attachaient à Cluny et de se rendre plus
ou moins indépendants. Cette situation faisait naître
entre les deux maisons des conflits qui, en 1312,
aboutirent à une révolte complète, qui ne put être
maîtrisée que grâce à l'intervention royale. Quels
étaient exactement les droits de l'abbaye sur le prieuré
et les maisons qui en dépendaient? Cette question
divisa souvent les religieux. A cette époque, c'était
surtout la possession qui réglait les droits et les
devoirs de chacun. Aussi fallait-il, toutes les fois
qu'une difficulté sérieuse se présentait à ce sujet,
recourir à une enquête pour établir quelle avait été,
jusque-là, cette possession.
Une de ces enquêtes nous est parvenue. La Biblio-
thèque nationale en possède deux copies (1). Elle est
fort longue et contient les dépositions de cent cin-
quante témoins de toutes catégories, les uns religieux,
(1) Fondé laJ^n des Nouvelles (icquisitiùnSj 2274, n* 8, et CoUêctUm de
Bowgognet n* SI.
-— >386 —
les autres laïques, de La Charité, Cosne, Bonny et ke
environs* Parmi eux, nous trouvons un ancien prieur,
le sous-prieur et le sacristain du monastère, les
prieurs de différentes maisons sous sa dépendance, les
curés de plusieurs paroisses des bords de la Loire, de
simples moines, un serviteur des religieux de Bonny,
plusieurs ouvriers, un meunier, un maçon, un sellier,
un cordonnier, etc.
Cet acte, tel que nous le possédons, ne porte aucune
date. Il commence, sans préambule, par la déposition
d'un témoin et se termine non moins brusquement.
M. Léopold Delisle le considère comme ayant été passé
vers l'an 1252. Qu'il me soit permis d'énumérer les
motifs qui me font penser que cette date doit être
reculée d'un certain nombre d'années.
Rodolphe de Sully fut deux fois prieur de notre
monastère. D'abord en 1164, d'après la Gatlia Chris-
tiana;i\ l'était certainement en 1166, une charte de
Guillaume IV, comte de Nevers, de cette année, lui
donnant ce titre. En 1173, il fut élu abbé de Cluny ;
trois ans plus tard, il résigna ses fonctions et vint se
remettre à la tête du prieuré de La Charité, où il
mourut dans les premiers mois de l'année 1177 (1).
Le premier témoin parle de lui comme ayant été prieur
quarante ans auparavant. Etienne Sancitus fut reçu
moine, il y avait alors trente ans, par Rodolphe,
Tannée même de la mort de ce dernier ; il ût profes-
sion, vingt ans avant sa déposition, entre les mains de
Hugues de Clermont, abbé de Cluny, entre 1183 et
1199. Assurément, nous devons considérer ces chiffres
(i) Selon la Gallia Christiana, ce prieur serait mort le 21 septem-
bre 1176 ; cependant, une charte contenant accord entre les religieux de
Joigny et ceux de l'abbaye des Escharlis, le fait vivre encore l»
3 février 1177.
— 387 —
comme approximatifs, mais ils nous ramèBeiit> ' de
toute évidence, dans le premier quart du xui^ siècle.
Des faits énoncés par des témoins comme s'étant
passés ime vingtaine d'années auparavant ont eu lieu
sous l'administration du même abbé Hugues de Cler-
mont.
Plusieurs, ainsi Haton, de Villefranche , âgé de
soixante ans, se souviennent avoir connu Rodolphe de
Sully, ce qui serait impossible, si Tenquète avait eu
lieu vers le milieu du siècle.
Thomas de Druye déclare avoir vu l'abbé Thibault
coucher trois nuits de suite à La Charité ; or cet abbé
est mort en 1183, et Thomas n'a que soixante ans.
Le prieur Guillaume Besort ayant été déposé par les
religieux pendant un voyage de l'abbé en Angleterre,
celui-ci, à son retour, avec l'assistance du cardinal
Octavien, légat du Saint-Père, et l'aide des baillis
royaux, le rétablit dans ses fonctions. Ces événements,
d'après les déclarations des témoins, remontaient à
ime quinzaine d'années. Nous savons que ce légat fut
promu cardinal par le pape Lucien III en 118S, et
mourut vers 1205.
Rodolphe, sacristain de Notre-Dame de Sens, &gé
de quarante ans seulement, dépose avoir vu Henri,
archevêque de Bourges, occuper dans le chœur le
siège réservé à l'abbé deCluny. Le seul archevêque de
Bourges portant ce prénom vers cette époque est
Henri de Sully, mort au mois de septembre 1300.
Hugues Suavis ou Souef cite, parmi les prieurs qui
ont été élus par le couvent de son temps, Renaud que
nous trouvons nommé avec ce titre dans une charte de
1154. Selon toute apparence, ce déposant est la même
personne que nous voyons figurer comme témoin dans
difiérents actes intéressant le prieuré de La Charité
entre 1187 et 1200, et qui, en 1198, avait le titre de
"■■■ OOO "■■■
prévôt. C'est sans doute en cette qualité qu'il fut
chargé plusieurs fois d'effectuer le paiement de Tobole
d'or que le couvent de La Charité devait chaque année
à l'abbaye de Cluny.
Deux témoins, Hugues, prieur de Bermondsay, et
Etienne, prieur de Keuil, nomment Sa varie comme
étant alors abbé de Corbigny. Nous trouvons un
Savaric, inconnu de la Gallia CAm<fana, mentionné
dans une charte de 1195, et un autre énoncé dans ce
recueil en 1224, qui avait cessé d'être abbé en 1238.
Qu'il s'agisse de l'un ou de l'autre, cette déclaration
nous reporte toujours au commencement du siècle. Il
y a de grandes probabilités pour admettre que le
second de ces témoins est ce prieur de Reuil, portant
le même prénom et qui devint prieur de La Charité
vers 1228.
L'élection du prieur Guy de Montambert eut lieu
sous l'abbé Hugues de Clermont ; en prenant dans les
chiffres différents fournis par les dépositions, même
la date la plus reculée, celle de vingt-quatre ans, on
trouve que l'enquête serait antérieure à 1225. A l'oc-
casion de cette élection, des observations furent
adressées à l'abbé séjournant à La Charité par un
moine de Cluny, du nombre de ses compagnons, nommé
Durand le Roux (Durandus Rufus), que nous voyons
figurer dans les premières années du xur siècle
comme témoin dans la charte du comte Hervé et de
Mathilde, sa femme, en faveur de Saint-Etienne de
Nevers, en ces termes : « Existentibus testibus sociis,
ejus abbatis Duranno Rufo connestabulo » et qui
est probablement désigné par^ une simple initiale dans
la donation faite en 1190 par Renaud de Decize :
Testes Joannes episcopus Nivernensis, D. consta-
bulus Cluniacensis ».
Le soixante-dixième témoin est nommé « Radulfus
— 389 —
prepositus de Chanco ». Je crois qu'il est impossible
d'identifier cette localité. N'y aurait-il pas une faute
de copiste ? et ne devrions-nous pas lire « Rodulfus
prepositus de ChantUlo », que nous voyons figurer
comme témoin avec Hugues Suavis en 1200 dans un
acte intéressant le couvent ? Il s'agirait alors de Chan-
dillon, près de La Charité.
Parmi les déposants se trouve Greoffroi, ancien
prieur de La Charité. Nous ne connaissons que deux
prieurs ayant porté ce nom ; le premier, dont il sera
bientôt question, était prieur en 1174; il ne peut
s'agir de lui, le témoin déclarant n'avoir que cinquante
ans ; le second est le célèbre prieur qui, en 1212, se
révolta ouvertement contre l'abbé de Cluny. Rien ne
s'oppose à ce que nous admettions que c'est lui qui
intervient dans l'enquête. De tous les prieurs nommés
dans les dépositions comme s'étant succédé à La Cha-
rité, aucun ne lui est postérieur, c'est jusqu'à lui que
les témoins racontent l'histoire du couvent.
Nous savons qu'il fut déposé, mais nous ignorons
ce qu'il devint ensuite. Pourquoi n'aurait -il pas
continué à habiter La Charité comme simple moine ?
L'histoire nous offre l'exemple de faits semblables. Ce
témoin déclare qu'il a lui-môme payé l'obole d'or due
à Cluny, pendant neuf ans, c'est-à-dire sans doute pen-
dant le temps qu'il fut à la tôte du prieuré. Geoffroi
fut destitué en 1212 ; il avait donc, s'il s'agit de lui,
été nommé vers 1203. Les chartes que nous possédons
nous montrent qu'il ne l'était pas encore au mois de
}uin 1200 et qu'il l'était déjà en 1208, ce qui concorde
avec sa déclaration. Si le déposant est bien le révolté
de 1212, il nous apparaît dans son témoignage beau-
coup plus modéré que nous aurions été en droit de le
penser, d'après les violences dont il venait de se rendre
coupable. Il reconnaît sans difficulté que le consente-
— 390 —
ment de Tâbbé doit dtre demandé pour Télection du
prieur.
Nous aurions alors une date précise pour Tacte
qui nous occupe ; cette enquête aurait été faite après la
rébellion de Geoffroi et à cette occasion, c'est-A-dire
entre 1212 et 1215. Mais nous ignorons qui y procéda.
Etaient-ce des commissaires nommés par le Souverain
Pontife, préoccupé de faire cesser le désordre qui
s'était introduit dans le prieuré? N'avaient-ils pas
plutôt été désignés par l'abbé de Cluny pour procéder
à des interrogatoires dont le résultat devait être porté
en cour de Rome ? Une lettre d'Innocent III, adressée
à l'abbé de Cluny à la date du trois des nones de
février, l'an dix-septième de son pontificat, et qui
semble être la conséquence de cette enquête le laisse
supposer : « Auditis et intellectis, y est-il dit, que a
te, dilecte fili abbas, pvo monasterio tuo ex parte una
et monachîs de Caritate ex altéra, super electione et
institutione prioris fuere proposite coram nobis ».
On remarque que le Pape ne fait aucune allusion à
l'avis de commissaires qui auraient été nommés par lui.
La donation de Geoffroi de Champallement avait été
faite à Cluny, et c'est saint Hugues qui avait désigné
le premivT prieur saint Gérard. Les droits de l'abbé
à ce sujet avaient été reconnus et maintenus par les
Souverains Pontifes, et c'est par lui que les succes-
seurs de Gérard avaient été nommés.
Vers 1150, nous voyons l'un d'eux. Théodard, se
plaindre à Pierre-le-Vénérable du fardeau qu'il lui
avait imposé en le mettant à la tête du monastère et le
prier de vouloir bien l'en décharger. Nous lisons dans
une lettre adressée par les moines de La Charité à
ceux de Cluny : « Nec in prejiciendo nabis vel amo-
venda priare Jus aliquod vendicamus cum,. ipsius
ordinatio tata ex Damini abbatis Cluniacensis pen^
- 3M -
deat voluntate ». Il semble dès lors que le droit de
nomination du prieur ne pouvait pas être mis en ques-
tion. C'est cependant ce qui arriva. C'était la princi-
pale et la plus importante des difficultés qui avaient
surgi entre les deux monastères. L'abbé revendiquait
le droit absolu et exclusif de faire porter son choix
sur qui bon lui semblait, sans être astreint à aucune
condition et sans avoir à consulter les moines ; il pré-
tendait pouvoir destituer le prieur selon son caprice^
sans avoir à invoquer aucun motif. Les religieux, de
leur côté, soutenaient n'être tenus d'obéir qu'à celui
qu'ils avaient élu eux-mêmes et que l'abbé devait
nécessairement approuver leur choix ; d'après eux, il
n'avait qu'un simple droit de confirmation.
La plupart des témoins interrogés sur ce fait décla-
rèrent que le couvent avait autrefois été en possession
d'instituer et de destituer le prieur. Lorsqu'une
vacance se produisait, les plus anciens religieux et les
dignitaires se concertaient entre eux. Quand ils avaient
choisi leur candidat, ils le présentaient aux autres
religieux, qui acceptaient toujours leur décision ; puis
deux ou trois moines étaient envoyés à Cluny pour
notiâer cette élection à l'abbé et le prier de l'ac-
cepter. Celui-ci se contentait de donner une sorte
d'investiture au nouveau prieur qui, môme avant cette
formalité, était reconnu comme tel par les religieux et
les bourgeois de la ville. Un des témoins prétend que
la nomination devait être faite par les religieux et les
habitants de La Charité, un autre par l'abbé et le
comte de Nevers ; bien peu reconnaissent ce droit à
Cluny. Ce n'était que depuis vingt-deux ans environ
que l'abbé avait usurpé ces droits des moines et s'était
arrogé le pouvoir de choisir seul le prieur.
On ne peut suspecter la bonne foi de tant de dépo-
sants. Plusieurs racontait avec détails les élections
— 392 —
auxquelles ils ont assisté. Môme si, dans ces cir-
constances, les abbés se trouvaient par hasard à La
Charité, ils laissaient les religieux absolument libres
de leur choix et n'intervenaient en aucune façon, avant
que Télu leur eût été présenté. Lors de l'une de ces
élections, un moine de Cluny ayant adressé quelques
observations à ce sujet à l'abbé, Hugues de Clermont
lui répondit en reconnaissant formellement le droit
des religieux. Le mode de nomination du prieur avait
donc changé depuis Pierre-le- Vénérable. Sans doute
par bienveillance, les abbés auront pris l'habitude de
consulter les moines et d'agréer les présentations qui
leur étaient faites par ceux-ci qui, peu à peu, auront
essayé de changer en un droit ce qui n'était qu'une
tolérance; puis un abbé, vingt- deux ans avant l'époque
de l'enquête, aura entendu user d'un pouvoir qui avait
appartenu à ses prédécesseurs.
On raconte que saint Gérard se trouvant un jeudi
saint à Cluny, s'aperçut au réfectoire que le nombre
des écuelles dans lesquelles les moines devaient prendre
leur repas était insuffisant. Il aurait tiré de sa bourse
tout ce qu'elle contenait, une obole d'or, et l'aurait
remise au cuisinier pour qu'il pût faire l'acquisition
d'autres écuelles ; en souvenir de quoi il aurait ordonné
que tous les ans son couvent remettrait une semblable
aumône à Cluny. Depuis lors, chaque année, le jour de
la fôte de saint Rémi, le cuisinier de ce monastère
recevait soit une obole d'or, soit une somme de dix
sols, monnaie de Gien, représentant la môme valeur.
Voilà à quoi, au dire de nombreux témoins, se rédui-
saient les obligations du prieuré envers l'abbaye ; et
encore était-ce en signe non de soumission, mais de
confraternité, d'après certains déposants.
Pour ce qui est de l'abbé, tous les témoins lui recon-
naissent le droit exclusif de bénir les religieux et
— 393 —
d'occuper une place spécialement réservée au chœur,
au chapitre et au réfectoire. La première fois qu'il
visitait La Charité, il devait être reçu processionnel-
lement. En ce qui concerne le droit de procuration, la
plupart ne l'admettaient qu'une fois par année, un seul
jour, avec un nombre restreint de chevaux, lorsqu'il
venait pour affaires rendant sa présence nécessaire, ou
lorsqu'il revenait d'Angleterre ou de Rome. Hugues
Suavis et le prévôt Rodolphe avaient vu l'abbé Hugues
séjournant trois nuits dans le couvent, obligé d'envoyer
ses chevaux dans d'autres prieurés, les moines ayant
refusé de les nourrir aussi longtenlps. Le curé de
Narcy raconte qu'un abbé, étant venu remplacer un
prieur, avait été expulsé de la ville, et, en signe de
mépris, les queues de ses chevaux avaient été coupées.
Les couvents dépendant de La Charité refusaient sou-
vent d'héberger les abbés et leur suite. Les serviteurs
de l'un d'eux, précédant leur maître, s'étant présentés
à Notre-Dame du Charnier de Sens, furent renvoyés
parce qu'il n'y avait pas encore deux mois qu'il avait
déjà été reçu dans cette maison. Un autre ayant voulu
faire déposer ses bagages à Cosne, les religieux mirent
ses chevaux hors du prieuré et jetèrent ses bagages
par-dessus les murs.
Les compagnons et les serviteurs de l'abbé préten-
daient avoir certains droits dans les maisons qu'ils
visitaient en l'accompagnant. Renaud Bienassis cite
que, lorsqu'ils venaient à La Charité, ils vendaient les
selles et les freins de leurs chevaux, voulant s'en faire
donner de meilleurs. Le cuisinier élevait sur les viandes
des prétentions qui d'ailleurs étaient contestées. De
ces différents droits, un seul semble avoir été reconnu
par les religieux. Lors de ses voyages à La Charité,
des cierges étaient fournis à l'abbé pour l'éclairer la
T. YUi, 3* série. 26
— 394 —
nuit, le surplus des cierges ayant ainsi servi la pre-
mière nuit appartenait à son chambrier.
Si, pendant leur séjour, les abbés avaient préséance
au chœur et au chapitre, ils ne possédaient en fait
aucune autorité dans l'intérieur du prieuré. Leurs
compagnons eux-mêmes, lorsqu'ils commettaient quel-
que délit, étaient punis par le prieur et par le cellérier.
Plusieurs témoins les ont vu intervenir en vain en
faveur de moines punis, ils n'avaient jamais pu obtenir
leur grâce. Il paraît même que dans les cas semblables,
pour prouver leur absolue indépendance, les moines
refusaient toujours de céder aux sollicitations des
abbés et attendaient leur départ pour libérer les pri-
sonniers auxquels ils s'étaient intéressés. Alors que le
prieur était maître d'envoyer ses religieux dans tout
autre monastère qu'il lui semblait bon, a Roniam
aat ad Anfjlicun et ubicunique terrarum », selon les
expressions de Jean de Saint -Yon, il n'était pas
permis à l'abbé de les faire venir à Cluny. Gomont
de Meun, prieur de Reuil; Etienne de Blancafort,
prieur de Montbouy ; l'Anglais Osbert, prieur de
Saint-Hacho, pour être allés à Cluny, sur un ordre
de l'abbé, sans autorisation du prieur, à leur retour
avaient été traités comme fugitifs et furent privés de
leurs prieurés : de simples moines, pour le même fait,
avaient été punis. Tandis que Giraud, prieur de
Villiers, déclare qu'ayant pris fantaisie de voir la
tenue du chapitre, il était allé à Cluny, quittant le
couvent sans autorisation et que, lorsqu'il rentra, il ne
subit aucune punition.
11 existait une tradition relative à certains privilèges
obtenus par le fondateur et accordant aux religieux la
faculté d'élire leur prieur. Les dépositions varient
relativement à la façon dont les chartes contenant ces
privilèges auraient disparu. Selon les uns, un évêque
- 395 -
d'Auxerre, nommé Hugues; ancien moine de Cluny,
passant par notre ville, aurait demandé à les voir ; il
se les serait fait remettre sous prétexte de les étudier
attentivement et les aurait jetées au feu ; d'après
d'autres, ce serait un prieur de La Charité qui les
aurait brûlées pour complaire à un abbé. Robert Capra
rapporte qu'un prieur nommé Bouchard, qui nous est
complètement inconnu, les aurait emportées à Cluny,
où on l'aurait retenu de force, ainsi que les pièces qu'il
avait apportées. Au dire de plusieurs religieux et
laïques, l'abbé Hugues, lors du rétablissement de
Guillaume Besort, avait profité de l'absence du prieur
et du sous-prieur pour s'emparer du sceau du couvent
et confectionner des titres faux, en vertu desquels La
Charité était complètement soumise à Cluny , qui
s'efforçait, selon l'expression d'un témoin, de la mettre
sous le joug comme une bôto de somme, « sicut
jiimentuni )). Y avait-il un fond de vérité dans toute
cette histoire? Plusieurs témoins certifient avoir
entendu l'abbé faire à Jobert Cordelle la promesse de
rendre les titres qui auraient été ainsi fabriqués? Le
peu de renseignements que nous possédons semblent
au contraire établir que les premiers prieurs furent
nommés directement par Cluny. On ne trouve dans
aucun document authentique une allusion quelconque
à ces prétendus privilèges.
Pour prouver l'indépendance de La Charité, Robert
Capra et Guillaume-le-Médecin rapportent que les
religieux ne se servaient pas des mêmes signes et
n'avaient pas la même manière de chanter et de lire
que les clunisiens. La règle de saint Benoît était très
rigoureuse en ce qui concernait l'observation du
silence. Quiconque le rompait sans motif grave s'expo-
sait à une réprimande et à une punition sévères. D'un
autre côté, la vie en commun rendait nécessaire la
— 396 —
communication fréquente de ses idées à ses compa-
gnons. Aussi avait-on créé un langage par signes, qui
permettait d'exprimer ses pensées sans être passible
des peines édictées par la règle. Ces signes, qui, pour
la maison de Clunv, nous ont été conservés avec leur
signification par le moine Udalric, et qui étaient
longuement enseignés aux novices, se trouvaient, aux
dires des témoins, assez différents entre les deux
maisons pour que les religieux de l'une fussent inca-
pables de comprendre ceux de l'autre. De plus, d'après
Guillaume, dans la lecture et dans le chant, la pronon-
ciation n'était pas identique ; les moines de Cluny,
par exemple, prononçaient les mots ejus et majesta-
tem en accentuant la première syllabe, ce que ne
faisaient pas les Charitois. Enfin, à Cluny, on faisait
les prières à la fin du chapitre, et à La Charité, au
commencement.
Cette enquête nous fournit quelques détails sur
l'histoire intérieure du couvent vers la fin du xii® siècle
et nous montre combien il avait dégénéré de l'état
dans lequel l'avait laissé saint Gérard. Nous y voyons
que les moines se débarrassaient avec la plus grande
facilité des prieurs qui avaient cessé de leur plaire.
Trois ou quatre furent destitués dans un délai très
court. De plusieurs, nous ne connaissons môme pas
les noms. Mais la chronologie est difficile à établir au
milieu de dépositions souvent contradictoires relative-
ment à l'ordre des faits et aux dates où ils se sont
produits. Nous sommes obligés d'admettre que les
témoins les énoncent tels qu'ils se présentent à leur
mémoire, sans suivre aucun ordre.
Hugues Suavis est le seul témoin qui déclare avoir
connu le prieur Renaud ; il lui donne pour successeur
Umbaud, que nous ne connaissons que par la lettre
que lui adressèrent les religieux de Wenlock, et.dans
- â97 -
laquelle ils lui firent le récit de la révolte de leurs
serfs. Malheureusement, cet acte ne porte aucune
date. Suivant Jean de Saint-Yon, Umbaud ne fit que
passer à La Charité, qu'il administra moins d une
année entière; après quoi, il fut promu à l'abbaye
d'Auxerre. Cette déclaration semble en contradiction
avec ce que nous savons d'autre part. Renaud était
prieur en 1154 et Rodolphe de Sully portait ce titre
en 1166. Umbaud devrait donc être mis avant ce der-
nier ; mais le seul abbé de Saint-Germain d'Auxerre
que nous connaissions de ce nom vers cette époque
succéda à Ardoin Gervais, mort en 1178. Ou la décla-
ration de Jean est erronée, ces événements remon-
taient à quarante ans lors de l'enquête, ses souvenirs
pouvaient ne pas être très précis, ou il faut admettre
que Umbaud, s'il fut abbé d'Auxerre, succéda non pas
à Renaud, mais à Rodolphe de Sully lors de son départ
pour Cluny, en 1173. Dans ce cas, il serait en effet
resté peu de temps à la tète du prieuré, puisque la
charte de Guy, comte de Nevers, relative à la cession
du fief de La Charité, nous apprend qu'en 1176 le
prieur se nommait Geoffroi. S'il en était ainsi, la lettre
des religieux de Wenlock serait de 1173, et non de
1162 ou 1163, ainsi qu'on l'admet généralement.
Umbaud aurait été élu par les religieux, suivant
Jean de Saint-Yon, le moine Guy et Hugues Siiavis.
Quel fut le mode de nomination de Rodolphe de Sully ?
Il est remarquable que le nom de ce prieur n'est pro-
noncé par aucun de ces trois témoins, qui sont parmi
les plus importants des déposants et qui fournissent
des renseignements assez précis. Il était considéré
comme ayant été aussi élu par le couvent.
Il eut pour successeur Geoffroi Chainel, ancien prieur
de Joigny et alors prieur de Châteaurenard. C'est lui
qui figure dans la charte de Guy de Nevers en 1174.
— 398 ~
Il remplaça donc Rodolphe pendant le temps qu'il fut
abbé de Cluny, quoique deux témoins ne fixent la
date de son prieurat qu'après la. mort de ce dernier. Il
commence la série des prieurs tour à tour élus et
destitués par les religieux. Geoffroi Chainel ayant été
déposé par le couvent, Rodolphe résigna Tabbaye de
Cluny et vint reprendre à La Charité ses anciennes
fonctions.
La Gallia Cliristiana indique comme prieur, en
1177, Eudes, du temps de qui auraient été faites cette
même année deux donations de cent sols de rente
chacune par Dreux de Mello et Guillaume de Garlande,
et un peu plus tard une autre par Théodoric de Mont-
faucon, malade à Vézelav. La donation de Dreux,
dont l'acte nous est parvenu, ne fait pas mention du
nom du prieur ; il en est de même de l'approbation des
deux donations que fit le roi Louis VIL Quant à celle
de Théodoric, le seul titre où je la trouve énoncée,
l'histoire manuscrite du prieuré la rapporte à l'année
1161. Comme parmi les nombreux prieurs mentionnés
par les témoins, aucun ne porte le nom d'Eudes, il est
difficile d'admettre l'existence de celui-ci, d'autant
plus que la Gallia Ckristiana prolonge son adminis-
tration au moins six années, ce qui est impossible,
puisque Rodolphe n'est mort qu'en 1177, et que deux
ans plijs tard nous trouvons un autre prieur.
Un accord intervenu entre les chanoines de Saint-
Nicolas-de-Sézanne et les moines du prieuré Saint-
Julien de cette ville, dépendance de La Charité, ratifié
par Alexandre III le 24 avril 1179, nous apprend
qu'alors le couvent était gouverné par Savary. H
résulte de l'enquête que c'était un ancien prieur de
Souvigny, qu'il fut déposé par les religieux et qu'on
lui donna en compensation le prieuré du Saint-
Sépulchre, au diocèse de Troyes. Nous ne savons pas
- 399 -.
autre chose de ce personnage, qui est inconnu de la
Gallia Christiana. Si le nom de Savary ne figure pas
parmi les prieurs de Souvigny vers ce temps, il faut
nous rappeler que cette liste est très incomplète.
Entre 1179 et 1192, les chartes ne nous révèlent
le nom d'aucun prieur. Il est peu probable, vu Tétat
d'agitation dans lequel semble avoir été alors La Cha-
rité, que Savary se soit maintenu aussi longtemps
avant sa déposition. Aussi est-ce dans cet intervalle
qu'il faut, selon moi, intercaler deux prieurs dont
nous ignorions les noms et que l'enquête nous fait
connaître : Rolland et Aiméric Damas. Le premier est
simplement nommé ; le second était aussi un ancien
prieur de Souvigny. Nous voyons, en effet, un prieur
de ce nom en 1183. C'est donc seulement, à compter
de 1184, que nous pouvons le mettre à La Charité ;
Rolland l'aurait précédé, les témoins le nomment
ordinairement avant lui. Chose singulière, tous ceux
qui parlent de Rolland omettent le nom de Rodolphe
de Sully et Hugues Suavis le fait venir après Umbaud
et avant Savary, c'est-à-dire à la place que devrait
occuper Rodolphe.
Pour Gauthier de Chalons, prieur de Saint-Martin
de Paris, mentionné par plusieurs témoins comme
successeur de Rodolphe, il y a confusion. Il lui suc-
céda, non pas à La Charité, mais à l'abbaye de
Cluny.
En 1192, Jean Lepie et Aure, sa femme, consen-
tirent une vente au prieur Gui l'Aumônier, appelé
dans l'enquête tantôt Gui de Montambert, tantôt Gui
de Colonges. Il n'est guère douteux, en effet, qu'il ne
s'agisse que d'une seule et même personne. Lors de sa
nomination parles moines, l'abbé, qui se trouvait à La
Charité, ayant laissé procéder à l'élection, sans inter-
venir, un de ses compagnons, Durand le Roux, lui fit .
— 400 —
des observations à ce sujet ; Tabbé répondit que les
religieux étaient absolument libres de . leur choix.
Rodolphe d'Aubigny rapporte ce fait à rélection de
Gui de Colonges et Robert Capra le rapporte à celle de
Gui de Montanàbert. Plusieurs témoins le nomment
immédiatement après Aiméric. Un seul, Umbaud
Cochet, prétend qu'il fut destitué.
Il eut pour successeur Savary II, qui, en 1194, fit un
accord avec Eudes, fils de Gilon de Sully, et qui,
selon ce que nous apprennent quelques dépositions,
devint ensuite abbé de Corbigny. La Gai lia Christiana
ne donne d'abbé de ce nom qu'en 1234, mais elle
contient dans sa liste une lacune entre 1180 et 1220.
Or, un Savary, abbé de Corbigny, certifie en 1195
une vente faite par Mathieu du Viez à Hugues Tue-
beuf et au chapitre d'Autun. Ainsi sont confirmées
les dépositions des témoins. Nous ne connaissions
jusqu'à présent qu'un seul Savary à La Charité, l'en-
quête dont nous nous occupons nous en indique un
second, neveu du premier, et nous explique par là
comment nous pouvons trouver un prieur Gui entre
les chartes de 1179 et 1194, émanant toutes deux de
Savary prieur.
Il quitta donc La Charité à la fin de 1194 ou au
commencement de 1195. On élit à sa place Guillaume
Caseus ou Fromage, prieur de Sézanne, qui dut
administrer pendant quelque temps les deux prieurés
simultanément, car nous lisons dans une charte de
1198 : « Ego frater Guillelmus, prior de Caritaie,
tune temporis tenens in manu mea (iomum beaii
Juliani de Sezania et conventus dicte domus de
Sezania ». Lui aussi fut déposé par ceux qui l'avaient
placé à leur tête. Peut-être lui reprochait-on juste-
ment de conserver les deux bénéfices.
Les religieux lui donnèrent pour successeur Guil-
- 401 —
laume Besort, dont nous apprenons l'existence par cette
enquête. Ils se fatiguèrent également de lui, et, profitant
d'un voyage en Angleterre de l'abbé de Cluny, ils le
déposèrent. Le légat Octavien, alors à Bourges, averti
de ce qui se passait à La Charité, implora l'assistance
royale pour rétablir l'ordre. Cet appel devait plaire à
Philippe-Auguste. Il y répondit favorablement, et l'abbé,
à son retour, accompagné des baillis royaux, se pré-
senta devant le couvent, qui ouvrit ses portes sans
résistance. Besort fut rétabli, le sous-prieur et le
sacristain furent destitués et remplacés par d'autres
religieux, les rebelles punis de différentes peines, les
chefs exilés du monastère, cinq furent envoyés à
Cluny, cinq au prieuré de Saint-Martin-des-Champs.
Parmi les témoins se trouve un moine qui reconnaît
avoir été du nombre de ceux qui subirent une punition
à ce sujet. Ces faits nous sont révélés pour la première
fois par l'enquête ; ils étaient encore très précis dans
la mémoire des témoins, qui déclarent que c'est en
abusant de la force et de la violence et injustement
que le roi avait pu agir ainsi. Les soldats de Philippe-
Auguste apprirent le chemin de La Charité, qu'ils
devaient occuper de nouveau peu d'années plus tard
pour mettre fin à une autre révolte ayant cette fois
pour chef le prieur Geoffroi.
Qu'advint-il après le rétablissement de Besort ? Les
dépositions des témoins sont assez confuses. Il semble
qu'il ne fut maintenu que peu de temps; Jean de
Sézanne prétend même qu'il ne demeura que six jours.
L'abbé, satisfait d'avoir fait constater son autorité, et
ayant puni tous les fauteurs des troubles, usa-t-il
d'une grande bienveillance envers les religieux, ou
jugea- t-il Besort incapable de gouverner? Le droit
d'élection fut conservé aux moines, qui, avec l'autori-
sation de l'abbé, firent choix d'un Anglais, nommé
- 402 -
Jobert Cordelle. L'élu ne consentit à se charger de
l'administration qu'à condition que l'abbé laisserait la
maison jouir de la liberté qu'elle avait eue sous
saint Gérard et lui remettrait les lettres qui, disait-on,
avaient été fabriquées contre cette liberté. L'abbé le
promit et donna comme garants de l'exécution de son
engagement le comte et l'évêque de Nevers. Jobert
commença par changer le sous-prieur et le sacristain
nouvellement installés, puis au bout de quelque temps,
voyant qu'il ne pouvait obtenir ce qu'on lui avait
promis, remit le sceau du prieuré et retourna en
Angleterre. C'est du moins la version des témoins. Il
est plutôt supposable que se rendant compte de
l'indiscipline qui régnait au monastère et dont de^
preuves manifestes allaient bientôt être données, il
préféra se retirer.
Les voix se portèrent alors sur Geofifroi le Roux.
Mais l'abbé refusa d'approuver ce choix et nomma
directement Etienne Joart, qui fut accepté sans
difficulté. Son prieurat fut de peu de durée. Suivant
les dépositions, l'abbé revint sur sa décision et donna
comme chef aux religieux celui qu'ils avaient demandé.
Il n'est aucunement question des événements qui
suivirent. Nous connaissons l'histoire de Geoffroi, qui,
à son tour, fut destitue par l'abbé de Cluny en 1212.
Nous sommes autorisés à rectifier la chronologie des
prieurs de La Charité à la fin du xn« siècle.
Voici comment elle semble devoir être établie, selon
les données fournies par les témoins.
L'administration de Renaud devrait être prolongée
jusqu'en 1166 à l'arrivée de Rodolphe de Sully.
Celui-ci, de 1166 à 1173, époque de sa nomination à
Cluny.
Umbaud 1173.
Geoffroi I«^ Chainel 1174.
— 403 —
Retour de Rodolphe de Sully 1176.
Eudes devrait être supprimé de cette liste.
Savary 1" 1177.
Rolland.
Aimeric Damas, vers 1184.
Gui de Montambert ou l'Aumônier 1192.
Savary II 1194.
Guillaume Fromage 1195.
Guillaume Besort, vers 1198.
Jobert Cordelle.
Etienne Joart.
EtGeoffroilI.
Ainsi, depuis 1173 jusqu en 1212, année de la dépo-
sition de Geoffroi II. nous trouvons treize prieurs;
c'est donc une durée moyenne de trois ans pour Tad-
ministration de chacun. De ce nombre six nous étaient
inconnus: Rolland, Aimeric Damas, un Savary,
Guillaume Besort, Jobert Cordelle et Etienne Joart,
six au moins furent destitués, un démissionna, deux
quittèrent le couvent pour devenir abbés.
Des changements aussi fréquents étaient on ne peut
plus préjudiciables au couvent. La Charité se trouvait
dans une situation déplorable. Des terres importantes
avaient été aliénées, des dettes considérables avaient
été contractées au profit des Templiers, les banquiers
de l'époque, et Innocent III pouvait écrire: « Pria-
ratus de Capitale, qui olim in spiritualibus florens,
in temporalibus ahundnbat , tanta corruptela mar-
cescit, et tant arida deprimilar paupertate, quod nisi
aliorum relevetur auxilio, vix adjicere poterit quod
resurgat ».
Un des témoins raconte que Eudes Arpin, le troisième
prieur, fut déposé par Vilencus, son prédécesseur, qui
se serait mis à sa place. Nous ne trouvons nulle part
ailleurs une allusion quelconque à un fait semblable.
— 404 -
Cette déclaration doit être tenue pour erronée. Eudes
Arpin, ancien vicomte de Bourges, ami du pape
Pascal II, qui s'était signalé parmi les chefs croisés,
était un bien grand personnage pour que cet événement
eût passé inaperçu.
L'enquête nous donne Tàge de cent quarante témoins.
Si leurs déclarations sont exactes, la durée de la vie
moyenne devait être assez élevée alors sur les bords de
la Loire. Trente-un sont octogénaires, cinq ont plus
de quatre-vingt-dix ans, six sont centenaires, dont un
dit avoir cent vingt ans. Un témoin cite cinq moines
centenaires qu'il a connus, la mère d'un autre était
morte à plus de cent ans et le moine Henri serait
également parvenu à l'âge de cent vingt ans.
Quoique les noms des témoins soient tous écrits en
latin, plusieurs ont en français les qualificatifs qui les
distinguaient ; ainsi nous voyons Wilhemmus li Auver-
gnaz, Nicholaus li Serreuriers, Gislebertus li Reven-
ders, Renaudus Bien-Assis, Bernardus Bruslez. Ce
sont probablement les plus anciennes formes qui nous
soient parvenues de ces mots en langage vulgaire de
nos pays .
Un certain nombre de témoins, outre leur âge,
énoncent depuis quelle époque ils sont religieux.
L'ancien prieur Geofifroi, âgé de cinquante ans, était
moine depuis trente ans, c'est-à-dire depuis l'âge de
vingt ans environ. C'est l'âge où la plupart des autres
témoins étaient entrés en religion. Cependant nous en
voyons qui auraient été admis beaucoup plus jeunes,
ainsi le moine Hugin à dix-sept ans, Guillaume de
Joigny, Girard , prieur de Villiers , Thibaud de
Minières à treize ans, Baudoin de Courtenay à onze
ans. Quelques-uns, au contraire, ne seraient devenus
religieux que tardivement, ainsi le centenaire Gui
d'Angleterre, vers l'âge de quarante ans seulement.
- 405 —
Le résultat de cette enquête fut très probablement
la décision contenue dans la lettre d'Innocent III, du
3 février 1226p à l'abbé de Cluny : « Defratrum nos-
trorum consiliojus eligendi et instituendi, priorem in
monasterio de Caritate tihi et tins successoribus
adjudicantes super hoc alteri parti pcrpetuum daxi-
mas silentiiun imponendum. Mandates ut abbas
Cluniacensis super institulione prioris cum monachis
utriusque monasterii maturioris etatis et sanioris
consilii prudenter deliberet et de ipsorum consilio
instituât quem secunduni instituia regularia viderit
preferendum, Ita tamen quod ex hoc nulla immineat
Cluniacensi abbati nécessitas quin saniori consilio
acquiesçât ». Le droit de nommer je prieur était attribué
à labbé qui devait^ il est vrai, prendre conseil des
moines des deux couvents, mais qui n'était aucunement
tenu de s'en rapporter à leur avis.
Cette décision ne mit pas un terme aux contestations
entre Cluny et La Charité, qui ne furent définitivement
terminées que par la transaction de septembre 1296.
TÉMOINS AYANT DÉPOSÉ DANS L'ENQUÊTE
1. J. prier de Montargi, canonicus regularis et
sacerdos, fere sexagenarius.
2. Hato, presbiter de Villa-Francha, sexagenarius.
3. Renerus , presbiter de Sancto-Firmino , septua-
genarius.
4. Stephanus Sancitus, monachus de Karitate, fere
quinquagenarius.
5. Robertus, presbiter de Monte-Corbin, fere quin-
quagenarius.
6. Arnulfus, presbiter de Gallicantu, fere trice-
narius.
— 406 —
7. Johannes de Sancto-Yone, prior de Jovignïaco,
monachus Karitatensis et sacerdos, quinqua-
genta septem annos habens vel circiter.
8. Willelmus, sacrista, monachus Karitatensis et
sacerdos quadragenta septem annorum vel
circiter.
9. Willelmus, prier de Roi, monachus Karitatensis et
sacerdos.
10. Guido de Sancto-Christophoro, presbiter et mona-
chus Karitatensis, XLVIU annorum.
11. Robertus de Morviete, monachus Karitatensis et
sacerdos, sexagenarius vel circiter.
12. Stephanus de Senliz, monachus Karitatensis et
sacerdos, quinquagenarius.
13. Radulfus de Albiniaco, monachus Karitatensis et
sacerdos, quinquagenarius.
14. Thomas de Druye, monachus Karitatensis et
sacerdos, LX"**.
15. Robertus Capra, monachus Karitatensis et sacer-
dos, octogenarius.
16. Rogerius Anglicus, monachus Karitatensis et
sacerdos, quadragenarius.
17. Robertus Rufus, monachus Karitatensis et sacer-
dos, XXX anno habens.
18. Renaudus de Karitate, monachus et sacerdos.
19. Willelmus Dacel, monachus Karitatensis et dia-
conus.
20. Falco, chambellarius, LXXX"\
21. Stephanus Butticarius, monachus Karitatensis et
sacerdos, XXXIII annos habens.
22. Godoinus, laïcus, de Karitate, quinquagenarius.
23. Radulfus, sacrista béate Marie Senonensis , mona-
chus Karitatensis et sacerdos, quadragenarius.
24. Gaufridus, monachus et sacerdos, quandam prior
— 407 —
de Karitate, fere quinquagenarius et fere XXX
annis monacbus.
25. Ebbo de Moncellis, monachus et sacerdos, quin-
quagenarius ad minus.
26. Gilbertus d^ Sancto-Sepulchro, monacbus et sacer-
dos, quadragenarius.
27. Huginus, monachus et sacerdos, quinquagena-
rius, XXXIII annis babens a monachatu.
28. Henricus de Monteboy, monachus et sacerdos,
quinquagenarius.
29. Willelmus de Joviniaco, monacbus et sacerdos,
XXXVII annos babens, XXV annos a mona-
chatu suo .
30. Angalo, monacbus et sacerdos, XL annos babens,
XXV annos a monachatu suo.
31. Herbertus de Castro-Renardi, monacbus et sacer-
dos, fere XL annos babens, a monachatu suo
XXVI annos ad minus.
32. Landericus, prior de Capella-Fagi, monacbus et
sacerdos, XL, a monachatu suo XXVIII annos
babens.
33. Galterius Burgundus, monacbus et sacerdos, fere
quinquagenarius, babens XXXVIII annos a
monachatu.
34. Hugo, prior Bermundesie, monachus Karitatensis
et sacerdos, XLV annos babens et amplius.
35. Narjotus de Ladit, monachus Karitatensis et
sacerdos, sexagenarius.
36. Stepbanus, prior de Radolio , monachus et sacer-
dos, quadragenta annos babens et amplius.
37. Lamenerius de Geonio, monacbus Karitatensis et
sacerdos, quinquagenarius.
38. Evraldus de Fontenai, monacbus Karitatensis et
sacerdos, L annos babens et amplius.
- 408 -
39. Petrus Alvernus, monachus Karitatensis et sacer-
dos, LX annos habens.
40. Gaufridus, prior de Brenie, monachus Karita-
tensis et sacerdos, LX annos habens.
41. Girardus, prier de Villariis, monachus Karitaten-
sis et sacerdos, XXXVI annos habens et a
monachatu XXIII annos.
42. Hugo de Marcenni, monachus Karitatensis et
sacerdos, sexagenarius.
43. Anseimus de Sancto-Yone, monachus Karita-
tensis et sacerdos, quinquagenarius.
44. Radulfus de Oroer, monachus et sacerdos, L annos
habens et amplius.
45. Johannes de Sezane, monachus Karitatensis et
sacerdos, XXX annos habens et amplius,
XV annos a monachatu.
46. Ricardus de Fescan, monachus Karitatensis et
sacerdos, quinquagenarius vel circiter, XXX
annos habens a monachatu.
47. Theobaldus de Minores, monachus Karitatensis et
sacerdos, XXXII annos habens et a monachatu
suo XXII annos.
48. Gaufridus de Bonei, monachus et sacerdos, XL
annos habens et XXX annos a monachatu.
49. Stephanus de Margniaco, monachus et sacerdos.
quinquagenarius, XXX annos habens amena-
chatu.
50. Hugo de Parcon, monachus Karitatensis et sacer-
dos, XXX annos habens.
51. Hugo de Sarpon, monachus Karitatensis et sacer-
dos, XL annos habens.
52. Laurentius, presbiter de Cona, LV annos habens
et amplius.
53. Ancelmus, sacrista Karitatensis et prior de Albi-
— 409 —
nîaco, sexagenarius ut crédit, XVIII annos
habens a monachatu suo.
54. Balduinus de Curtiniaco, monachus Karîtatensis
et sacerdos, XXVIII annos habens qui per
XVII annos fuit monachus.
55. Galchenus de Sezenne^ monachus Karitatensis et
sacerdos, quinquagenarius etate, tricenarius
monachatu,
56. Johannes Tiretacens, laicus scolaris, pontenarius,
LX annorum.
57. Guido Anglicus^ monachus Karitatensis et sacer-
dos, centenarius et valetudinarius, LX annos
habens a monachatu et amplius.
58. Petrus Comestor, monachus Karitatensis et sacer-
dos, LXX annos habens et amplius, a mona-
chatu L.
59. Michael de Espagniaco, monachus et sacerdos
LXX"*, L annos habens et amplius a monachatu.
60. Johannes de Corneta, magister novienorum, quin-
quagenarius et amplius, monachus sacerdos et
valetudinarius.
61. Stefanus de Barbon, monachus et sacerdos,
LXXX"*, LXV annos habens a monachatu.
68. Willelmus, medicus, monachus et sacerdos, sep-
tuagenarius, ut crédit valetudinarius, XXX
annos habens a monachatu.
63. Villelmus li Auvernaz, monachus et sacerdos, et
fere octogenarius, XXX annos habens a mona-
chatu.
64. Haimo de Colenges , septuagenarius circiter ,
L annos habens a monachatu.
65. Renaudus de Sezanna, conversus, LXXX"^ septem
annos habens a conversione.
66. Willelmus, conversus, Karitatensis, LXXV annos
habens, XXX a conversione.
T. viu, 3« série. 27
— «0 -
67. Galterius, panetariuS; conversus, LXXX"", V
annos habens a conversione.
68. Petrus de Sezanna, conversus, LXX'*», XV annos
habens a conversione.
69. Hugo Suavis, laicus, LXXX"», vel circiter.
70: Radulfus, prepositus de Chance, laicus, LXX
annos habens et amplius, ut crédit.
71. Stefanus Macué, LXX"*, ut crédit.
72. Monachus sutor, laicus, LXXX"*, sicut crédit.
73. Johannes Eschalarz, laicus, LXX"*.
74. Stephanus Eschalgrain, laicus, XC"*.
75. Petrus Sacons, laicus, XC"* sicut crédit.
76. Tabarnels, laicus, XC"* ut crédit.
77. Bemardus de Coquina, LXXV annos habens.
78. Girardus de Sancto Geranno, laicus, LXX^
sicut crédit.
79. Simeon, laicus, LXX™ ad minus.
80. Odo Evandi, laicus, LXX«».
81. Joulinus Jadels, laicus, LX™ et valitudinarius.
82. Robertus Carpana, laicus, LXXX'^ ut crédit.
83. Radulfus Penrels, laicus, LXX"*.
84. Osbertus de Alvernia, laicus, LXXX"*.
85. Robertus de inter duos pontes, LXXX"* vel
circiter.
86. Bernardus Calidus, laicus, LXX"* et amplius.
87. Fulchus, sutor, laicus, LXXX"*.
88. Hugo, sellarius, laicus, LXX"*.
89. Nichoiaus li Serreuriers, laicus, LXX"*.
90. Hugo d'Albigniaco, laicus, LXXX"* vel circiter.
91. Giraudus, molendinarius, laicus, LXXX"* vel
circiter.
92. Galterius Tortipes, laicus, LXX"*.
93. Floris de Acra, LXX annos habens et amplius
ut crédit.
94. Robertus Vaalins, laicus, LXX"*.
- 411 —
95. Evrardus Capados, laicus, LXXX^.
96. Radulfus Longis, laicus, LXX«^
97. Hugo, aumuciarius, laicus, LXXX"*.
98. Durandus, celerarius, laicus, LXX"*.
99. Clemens de Lacele, laicus, LXX"^
100. Martinus Alari, laicus, LXXX"» vel circiter.
101. Martinus Morels, laicus, LXX^.
102. Andréas, cementarius, laicus, LXX"* vel circiter.
103. Urricus de Coches, laicus, J-XX"*.
104. Gaufridus Vallons, LX annos habens et amplius
et valitudinarius.
105. Odo de BraioL laicus, C annos habens et am-
plius.
106. Johannes Cowes, laicus, LXXV annos habens.
107. Bernardus, presbiter de Poily in lecto jacens
egritudinis.
108. Girardus Nerez, CXX annos habens.
109. Renardus, prepositus de Poili, laicus LXX^.
110. Gislebertus de Revendieres, laicus, G"*.
111. Renaudus Bien- Assis, laicus, C"^ vel magis.
112. Odo Rodobet, laicus, LXX^.
113. Guido, presbiter de Narci, LX"« et valitudina-
rius.
114. Umbaudus Cochet, laicus, LXXX"*.
115. Pinons Boterons, laicus, LXX^.
116. Juiianus de Portu, laicus, LXXX"^.
117. Theobaldus Cotant, laicus.
118. Renaudus Jolez, laicus, LXXX"^.
119. Belinus de Riparia, laicus, C^.
120. Galterius Froquins, laicus, conversus, XXX"*.
121. Obertus Siccus, laicus et cecus, LX annos
habens et amplius.
122. Thomas Portonius, laicus, LXXX"^
123. Hamerius de Noiant, laicus, LXX"*.
124. Stephanus Bardarius, LXXX"«.
- 412 —
125. Johannes Terici, laicus LXXX^,
126. Stephanus de Sancto Fergiaco, valitudinarius.
127. Robertus Colez, laicus, LXXX"«.
128. Robinus, laicus, LXXX"^
129. Christianus, laicus et valitudinarius.
130. Guido Terici, laicus, LXXX"«,
131. Petrus Daguenet, laicus, LXXX«\
132. Renaudus Faber, laicus, LXX"*.
133. Renaudus Evroins, laicus, LXX"*.
134. Jobertus Guitons, laicus, LXX"^.
135. Stephanus Pilus Lupi, laicus, LXXX" .
136. Bernardus Bruslez. laicus,. XC"®.
137. Jobertus, porcarius, laicus, LXXX"® vel circiter.
138. Girardus de Claveriis, laicus, serviens et coquus
monachorum de Bonei et LXXX^.
139. Hugo Avroins, laicus, LXX««-
140. Girardus Braibanz, laicus, LXX"'.
141. Robertus Parvus, laicus, LXX"®.
142. Johannes Matelz, laicus, LXXX"*.
143. Andréas Dronis, LXXX annos habens et plures
et valitudinarius.
144. Stephanus de Chenaal, laicus, XC"* et valitudi-
narius .
145. Ricardus, presbiter de AUeto, LXX"^
146. Simon, presbiter de Laval, LXX"^ et valitudi-
narius.
147. Franche^ supprior Karitatensis.
148. Thomas de Monte, Falcionis, monachus.
149. Adam de Radolio, monachus.
150. Hugo de Bermundesia (le même que le trente-
quatrième témoin).
151. Adam, camerarius, Karitatensis.
152. Radulfus, sacrista béate Marie Senonensis, mo-
nachus et presbiter (le même que le vingt-troi-
sième témoin).
— 4^3 -
CHRONIQUE ET MÉLANGES
Pour l'année 1899
Messieurs,
J'espère être dans le vrai en vous disant que, cette
année, nos travaux et Tintérét qui s'attache aux actes
de notre Société ont dépassé les limitas des années
précédentes. Tout Thonneur vous en revient et, pour
ma part, j'ai bon espoir que cet élan continuera en
donnant à notre chère Société une importance réelle
et un attrait nouveau.
Les dix séances de l'année ont été assez bien occu-
pées par les communications et lectures d'articles qui
témoignent, chez plusieurs d'entre nous, d'un travail
incessant. Il faut désirer encore l'augmentation de ce
nombre de travailleurs, car c'est dans la variété de
renseignements puisés aux sources et aux localités les
plus diverses, dans les communications parfois insi-
gnifiantes en elles-mêmes, qu'on peut trouver des
éclaircissements historiques très précieux.
Je constate, comme vous. Messieurs, que dans le
courant de l'année, le nombre des assistants aux
séances n'a fait que s'accroître, ce qui est bon signe et
prouve mieux que toutes les paroles l'attrait de nos
réunions.
Mais, comme contre-partie, je me permettrai de
vous faire remarquer le petit nombre des nouvelles
adhésions pour cette année. Nous n'avons admis que
quatre nouveaux membres, MM. Auguste Le Blanc
2T
— 444 —
Bellevaux, François Masse, Reboulleau et Théodore
Renault. N'oublions pas qu'il faut nous recruter
d'année en année pour attirer à nous les travailleurs et
nous assurer des ressources. Les vides ne se sont pas
produits parmi nous, mais il suffit d'une circonstance
pour nous atteindre sérieusement et nous ne devons
pas nous laisser surprendre .
Parmi nos membres les plus zélés, je tiens à rendre
hommage à notre dévoué conservateur du Mu&ée,
M. de Saint- Venant, qui ne néglige aucune occasion
d'enrichir notre collection déjà importante et de la
classer de façon à la rendre profitable aux amateurs .
M. Gaston Gauthier est aussi un de nos plus actifs
membres, et grâce aux curieuses fouilles gallo-
romaines auxquelles il se consacre à Champvert. il
attire les regards du monde savant et donne à notre
modeste compagnie un renom qui n'est pas à dédaigner.
Notre visite à la cathédrale de Saint -Cyr, dans ses
parties romanes, a motivé des recherches sur les
absides opposées et les plans des premiers édifices.
M. le chanoine Sery et M. Massillon Rouvet y ont
exposé leurs vues différentes sans trancher définitive-
ment cette question complexe, mais en apportant des
théories intéressantes et des aperçus nouveaux.
L'Exposition de 1900 nous a fait, comme à toutes
les Sociétés scientifiques, diverses propositions aux-
quelles vous avez répondu.
Les six derniers volumes de notre Bulletin, depuis
1889, figureront, sous les auspices du Ministère de
l'Instruction publique, parmi les publications des
Sociétés savantes. J'ai aussi adressé au Groupe III
tous les renseignements sur les travaux, séances,
impressions de notre Société, en sorte que les éléments
de sa situation lui permettent d occuper sa place parmi
les associations similaires.
— 415 —
J'ai cru bien faire en répondant à ces diverses
demandes, à une époque de divulgation comme la
nôtre où il n'est permis de rien négliger dans les
manifestations de vie et de travail.
— Â la séance de janvier, M. l'abbé Bruneau, curé d'Alli-
gny-en*Morvan , expose, dans une lettre au président, les
recherches historiques qu'il entreprend sur 8a paroisse. Il
publie un petit bulletin paroissial où sont relatés des faits
d'histoire, des inscriptions, des curiosités archéologiques. Il
donne connaissance aux enfants du pays des événements
importants qui ont signalé l'histoire de la localité, excellent
moyen de développer l'esprit infantile en leur rappelant les
vertus et les gloires de leurs ancêtres.
Notre Société a toujours cherché à encourager dans cette
voie les curés et les instituteurs qui peuvent fournir des ren-
seignements locaux exposés à se perdre d'un moment à l'autre.
A ce sujet, je me permettrai de vous signaler M. Carré, insti-
tuteur à Ourouêr, qui, depuis de longues années, recueille et
copie avec grand zèle les documents historiques de sa contrée.
On m'a également signalé M. l'instituteur d'Anthien pour
les substructions et objets gallo-romains qu'il a découverts sur
sa commune.
— Plusieurs documents sont montrés par M. de Montjoie :
Brevet de Louis XIII, de décembre 1614, pour Cosme Savary,
seigneur de Brèves. — Lettre autographe de Parmentier à*
M. Badin, procureur fiscal à Châtel-Gensoir, lui annonçant sa
nomination de procureur général de la Chambre des comptes
de Nevers. — Trois sceaux de Gonzague, d'Effîat et du cha-
pitre de Châtel-Censoir. — Quatre lettres du duc de Nivernais
adressées à Jean Badin, procureur fiscal à Châtel-Censoir (8 et
15 mars, 29 mai et 24 août 1775), ces quatre lettres ofiertes
aux archives de la Porte du Croux. — Sentence rendue contre
Jean Gagné le jeune (1753), où Gabriel Badin est indiqué
comme conseiller du duc de Nevers.
— M. Massillon Rouvet présente un dessin reproduisant la
travée du château-fort de Pierre de Courtenay, démoli, par
décision du conseil municipal de Nevers, en juillet 1898, en
— 416 —
vue de oonstructions annexes de l'hôtel de ia mairie, malgré
nos protestations et les observations de radminisUation des
Beaux-Arts. Le peu d'élégance des travaux exécutés aujour-
d'hui à cette place font encore regretter davantage la dispari-
tion de ce fragment rarissime de l'art militaire au xii" siècle.
— M. le docteur Subert montre plusieurs lettres du poète
nivernais Pierre de Frasnay, et M. de Lespinasse entretient la
Société d'une étude sur les « Almanachs de la Nièvre », qui
doit paraître dans la Revue du Nivernais.
— Des pièces de monnaie, dites méreaux, frappées à l'effigie
de la collégiale de . Saint-Pierre-le-Moûtier, sont communi-
quées au nom de notre confrère, M. Sarriau, qui les insérera
dans son article de numismatique nivernaise.
— La ville de Moulios-Engilbert, qui n'a pas encore de
notice spéciale et qui a joué un grand rôle dans l'histoire du
pays, a été l'objet d'importantes recherches delà part de notre
confrère, M. Victor Moreau. La compagnie a écouté avec intérêt
deux communications faites par lui et espère qu'il lui sera
possible de les compléter.
— M. d' Assigny fait don à la Société de divers fragments de
sculpture provenant de l'église Saint-Victor.
— Une litre de l'église de Suill y la-Tour a été étudiée par
M. Teste, qui y a reconnu les armoiries des Pemay, seigneurs
de ce lieu : De gueules à trois fleurs de lys au naturel ou de
jardin, d'or, a Ces armes existent sur une litre régnant à l'in-
térieur, dans le pourtour de l'église de Suilly-la-Tour. On les
voit aussi à la clef de voûte du chœur de la même église et là
elles ont pour supports deux anges, comme Técu de la maison
royale de Bourbon. C'est donc à tort que M. de Soultrait, dans
son ArmoricU du Nivernais, a attribué comme armes aux.
Pemay : c De... à trois tours... », qui Ogurent, avec la date de
1545, dans deux des caissons ornementés décorant le portail
de relise de Suilly-la-Tour et à l'une des clefs de voûte de la
partie la plus moderne de cette église. En effet, la seigneurie
de Suilly. qui, au commencement du xw siècle, appartenait
aux du Mex, après avoir passé aux Varigny, Champlemis
d'Autry, La Porte, Fontbouchier, était arrivée aux Pemay vpn
la fin du XV* siècle, et ces derniers en étaient encore posses-
— 447 -
seurs dans le courant du xviip siècle. Le style du cartouche
qui encadre les armes reproduites sur lia litre est bien de
Tépoque de Louis XV et, comme seuls les seigneurs haut-
justiciers avaient le droit de litre, il est par suite hors de doute
que les armes en question doivent être attribuées à la famille
de Pernay. M. Tabbé Clément, curé-doyen de Châtillon, aupa-
ravant curé de Suilly-laTour, trompé par les anges qui sou-
tiennent Técu existant à la clef de voûte du chœur, avait cru
y voir les armes de France. Mais cette assertion ne pouvait
reposer sur aucune base sérieuse et, à n'en pas douter, notre
très distingué confrère n'aurait pas commis cette erreur s'il
avait eu connaissance de la litre découverte, il y a quelques
années, par les soins de M. l'abbé Fourgerolles, alors curé de
Suilly-la-Tour et actuellement curé de Dampierre-sous-Bouhy .
Evidemment, c'est par suite du rapprochement existant entre
leurs armes et celles de la maison de Bourbon, que les Pernay
avaient été amenés à prendre ausd deux anges comme sup-
ports de leur écu. »
— M. le comte de Chasteliux continue ses copies de pièces
nivernaises dans les dépôts de Paris ; elles consistent princi-
palement, cette année, en lettres de rémission^ ces documents
si curieux pour l'histoire des mœurs, transcrits dans les
layettes du Trésor des Chartes, série JJ des Archives natio-
nales.
— Un jeune élève de l'Ecole des Chartes, M. André Philippe,
de Glamecy, prépare une thèse sur les églises romanes du
diocèse d'Auxerre et, par extension^ de Nevers. Plusieurs de
nos églises seront étudiées dans ce travail.
— J^es fouilles de Champvert sont poursuivies avec grande
persévérance par notre confrère M. Gauthier, qui augmente
chaque année l'étendue de ses découvertes. La villa de
Champvert offre déjà sept salles ou piscines construites avec
le soin et l'élégance des installations gallo-romaines. Dans
plusieurs séances de Tannée, il a exposé soit l'état des fouilles,
soit des objets en provenant, toutes questions qui seront
résumées prochainement dans un article spécial. Un fond de
vase carré en verre de teinte jaune porte à chaque angle les
lettres F. G. H. I. et au milieu un personnage dont les traits
- 418 ^
sont d'une grande finesse. Ce rare et curieux fragment vieot
d'être soumis à Tétude de la Société des Antiquaires de France.
— Plusieurs membres de la Société ont fait des excursions
à Marzy d'abord, où ils ont été aimablement reçus par notre
confrère M. le curé Bogros, lauréat des Jeux floraux à Tou-
louse, l'année dernière, pour une pièce de vers ; dans la région
de Clamecy, où ils out exploré l'église de Surgy, les ruines du
château et l'église de Druyes accompagnée d'une tour ronde du
xv» siècle qui a dû être fortifiée, les ruines du château d'Hervé
de Donzy à Billy-sur-Oisy, l'église de Metz le-Gomte et sa
curieuse armoire eucharistique, les peintures murales de
Tannay et le bas-relief des fonts baptismaux représentant la
chasse de saint Hubert, enfin les églises de Lys, Amazy, Saint-
Didier, Monceaux-le-Comte et le Réconfort. M. deFlamarea
rendu compte de cette importante excursion à laquelle ont pris
part MM. le colonel de Courson, Imbart de La Tour, Chemi-
nade, le chanoine Sery, de Saint* Venant, Gautron du Cou-
dray.
— Nous avons examiné sur place les restes de la chapelle
Saint-Victor engagés dans l'hôtel d'Assigny, rue de Nièvre,
actuellement occupé par M. le colonel de Courson de La Ville-
neuve, qui a bien voulu y recevoir les membres de la Société.
Les colonnes avec les bases et les fùts*permettent de reconsti-
tuer l'ensemble de l'édifice, puis nous avons visité les caves
d'une maison particulière rue Fonmorigny, où les piliers et
les voûtes non encore décrits méritent une attention spéciale.
— Ces visites collectives inaugurées cette année deviendront
souvent le complément des lectures en séance. Elles font
vérifier les conditions archéologiques, d'une construction,
appellent les réflexions de chacun et facilitent l'explication de
choses restées obscures. Autant que possible, nous tâcherons
d'examiner ainsi les curiosités de l'ancien Nevers. Tout der-
nièrement, une visite a encore été faite à la chapelle d'une
ancienne léproserie au faubourg de Mouèsse.
— Notre confrère M. Joseph Dasse offre au musée une
pierre bombée provenant d'une chapelle d'Ourouèr, avec
écusson aux armoiries de l'évèque Pierre de Fontenay.
— La ville de Saiot-Pierre*le-Moûiier a entrepris rérection
— 419 -
d'une statue à Jeanne d'Arc et a nommé un comité d'action
pour recueillir des adhésions. La Société nivernaise approuve
en tout point cette idée et souscrit, en signe d'assentiment,
pour la somme de 20 fr.
— L'ouvrage de notre confrère M. Massillon Rouvet :
Remparts et Monuments de Vancien Nevers, a été présenté à
l'Académie des sciences morales et politiques par M. de Foville
le 18 novembre 1899. Après avoir exposé le plap et les mérites
du livre, M. de Foville ajoute : « Nous reconnaissons dans cet
ouvrage le spécialiste expérimenté qui prêtait naguère son
précieux concours à l'enquête du Comité des travaux historiques
et scientifiques sur les conditions de l'habitation, et c'est pour
nous l'occasion de le remercier encore ».
— M. l'abbé J.-M. Meunier, qui poursuit ses études sur les
parlers du Nivernais, a vivement intéressé notre compagnie
par l'exposé de ses instruments phonétiques pour obtenir le
langage des sourds-m uets. Les résultats sont précis et concluants,
et d'ici peu notre confrère espère arriver à créer une méthode
graphique complète pour cette amélioration si importante d'un
des plus graves défauts de l'humanité.
— La Compagnie admire les photographies des tympans
du grand clocher de La Charité, présentées par M. Sarriau et
merveilleusement réussies malgré lés difficultés de jour et de
situation des sculptures. Elles sont de beaucoup supérieures à
celles déjà reproduites dans le Bulletin et mériteront une nou-
velle publication en raison de leur intérêt et de leur Cnesse
d'exécution.
— M. Sarriau ajoute une note relative à un plat de faïence
de Nevers armorié : « Au tome X, p. 445 du Bulletin^
M. Morlon signalait l'existence, à l'exposition rétrospective du
Trocadéro, d'un plat en faïence de Nevers portant les armes
d*un archevêque de la famille de Montpezat. L'abbé Boutillier
proposa Joseph de Montpezat, archevêque de Toulouse. Il faut
chercher beaucoup moins loin ; Jean et non Joseph de Mont-
pezat de Carbon occupa le siège de Bourges de 1666 à 1674,
avant de passer à Toulouse, et le plat en question fut vraisem-
blablement fabriqué sous ses ordres pendant son séjour en
Berry. »
— 420 —
— M. le colonel de Courson apporte une série de croquis
sur la tour de Thouleurs, près Larochemillay, forteresse pou-
vant contenir une garnison d'une centaine d'hommes , et
accompagnée de souterrains, citernes et divers retranchements,
aujourd'hui engagés dans un bois et totalement abandonnés.
On ne sait rien de celte forteresse qui, à une époque quel-
conque, a pu subir des sièges qui n'ont pas été mentionnés dans
l'histoire.
— M. le colonel de Courson offre au musée un fragment de
statuette flnement sculptée et une plaque de fonte représentant
des armoiries vraisemblablement d'un homme d'église, por-
tant un croissant et trois merlettes, pièces déjà signalées dans
une autre plaque découverte par M. de Boutèyre, aux Munots«
près La Charité.
Tel est, messieurs, le résumé de vos travaux exposés
dans les articles du Bulletin et dans les séances. Il
m'est agréable de vous les remettre en mémoire, afin
de vous encourager à les continuer pour l'honneur de
notre Compagnie et l'intérêt intellectuel de notre
chère province de Nivernais.
R. DE L.
• rt/tfêrm, tm^. mwm
— 421 —
UNE
LÉPROSERIE DE NE\ERS
SAINT • LAZARE- LES- NEVERS
Hôpitaux réserves aux lépreux et leurs divers noms. — Lèpre antérieure
aux Croisades. — Liste des léproseries du Nivernais. — Fondation
par l'évéque Uériman de deux hôpitaux en dehors de la ville. — Vue
d'ensemble de la maladrerie de Saint-Lazare. — Intérieur de Téglise
Sainl-Lazare ; description. — Aperçu du chiffre de malades dans les
léproseries. — Restauration de l'église Saint-Lazare. — Remarquable
statue de la Vierge-Mère du xvi" siècle, au musée du Louvre. —
Continuation de la description de l'intérieur de Téglise. — Extérieur
de l'église, portail. — Abside. — CoitsUnictions de la inaXadrerie^
habitations, cour, bâtiments d'exploitation personnel en dehors des
lépreux. — Administration de l'hôpital, frères et sœurs pour les soins
des malades. — Constructions (suite); maisons à l'usage des lépreux,
caves et bûchers, prison. — Matériel d'exploitation de la léproserie. —
Animaux pour la culture. — Troupeau de moutons. — Moulin à drap.
— Privilège de foire. — Sépultures de la maladrerie. — Ancienne
taque de cheminée. — Ancienne statue en bois de saint religieux. —
Bon état de conservation des bâtiments de la léproserie.
APPENDICE.
Cérémonies d'après un ancien rituel nivernais, relatives à la séparation
d'avec la société des malheureux lépreux: l'office des morts dont vivants
ils sont l'objet , la remise de leurs tristes attributs, leur installation dans
la léproserie.
A la suite d'une visite faite récemment, en compa-
gnie de deux membres de la Société nivernaise,
MM. de Flamare, archiviste départemental et le
colonel de Courson de la Villeneuve, je me permettrai
d'appeler lattention sur un sujet intéressant et qui,
je le crois, a été négligé jusqu'à ce jour dans le
Nivernais : je veux parler des établissements chari-
tables^ portant le nom de léproseries, ladreries^ mala-
T. viii, 3« série. 28
— 422 -
deryes, malladeryes, maladeries et, plus tard, mala-
dreries.
D'après une opinion fort répandue, la diffusion de la
lèpre dans nos régions, et, par suite, la création de nom-
breux asiles destinés à isoler les malheureux atteints
par ce fléau, serait une conséquence des Croisades.
A force d'être répétée, cette assertion finit par être
admise comme un fait indiscutable; elle a été récem-
ment réfutée par Godefroid Kurth {La Lèpre avant
les Croisades), dans le compte rendu du Congrès
scientifique des catholiques, Paris, 1891, pages 125 à
147. Le savant historien démontre avec évidence que
cette maladie était commune en Occident depuis une
époque fort reculée, que l'autorité ecclésiastique et
que l'autorité civile avaient été obligées de prendre
des mesures pour entraver sa propagation longtemps
avant les expéditions de la Terre-Sainte et que des
maisons réservées aux ladres étaient bien antérieures
aux Croisades.
En témoignage de l'ancienneté de la lèpre en France,
voici un fait historique consigné dans le supplément
nivernais du Bréviaire.
l^Eglise de Nevers, au 11 février, fait l'office de
saint Séverin , moine et ensuite abbé du célèbre
monastère d'Agaune, en souvenir d'un miracle que le
saint accomplit à Nevers même. Le saint passait dans
cette ville, en se rendant à Paris, mandé, sur l'avis du
médecin Tranquillin, par le roi Clovis, malade à toute
extrémité ; il rendit à l'évêque Eulade, sourd, muet,
malade depuis deux ans, la santé complète, si bien que
le même jour, l'évêque célébra la messe et bénit son
peuple. Par les mérites du saint, le monarque frank
recouvra aussi la santé. Mais voici le fait principal
que je voulais citer : Séverin, entrant à Paris, ren-
— 423 —
contre un lépreux et le guérit en l'embrassant {Leçons
de l'office de saint Séverin.)
Il y avait donc déjà des lépreux dans notre pays
du temps de Clovis, au commencement du vi® siècle.
La lèpre, qui avait été la terreur du moyen âge,
s'affaiblit progressivement à partir des xiv® et xv® siè-
cles et sa disparition laissa heureusement sans habi-
tants les hôpitaux réservés à ses pitoyables victimes.
Notre province était pourvue d'un assez grand
nombre de maladreries.
Henri IV fondit ensemble Tordre royal militaire et
hospitalier de Notre-Dame du Mont-Carmel avec celui
de Saint-Lazare de Jérusalem.
Voici la liste des maladreries que nous trouvons, à
cette époque, pour le Nivernois, dans la « Nomencla-
ture des grands-prieurés et commanderies dépendans
du Roy, par Jacques Le Pelletier, escuyer, conseiller
du Roy, etc., Paris, chez l'autheur, rué Saint-
Severin, devant l'église, MDCLXXXX. »
(Toutes les commanderies du Nivernois dépendent
du grand-prieuré de Bourgogne.)
La commanderie de Nevers avait sous sa juridiction :
Lamaladrerie et hôpital Saint-Lazare, dont nous
avons à nous occuper ;
La maladrerie de Saint- Antoine de Nevers ;
L'hôpital de Saint-Eloy, près Nevers ;
La maladrerie de Moulins-Engilbert,
— Châteauneuf et son hôpital,
— Gain, près Saincaize,
— La Marche,
— Luzy et son hôpital,
— Montreuillon,
— Saint- Saulge ou de Mousseaulx,
— Servilage,
— 424 —
La maladrerie de VauUy, près Cercy,
— Uban, près Brinon,
— Viilefranche,
— Ville-les- Anlezy .
La commanderie de Clamecy avait sous sa juridiction :
La maladrerie de Clamecy,
— Beaulieu-sur-Loire,
— Châtillon-sur-Loire,
— Corvol-l'Orgueilleux et son hôpital ,
— Bléneau,
— Cosne,
— Donzy,
— Druye,
— Saint-Fargeau,
— Gien,
— Moû tiers (près Saint-Sauveur).
— Ouesnet.
La commanderie d'Àvallon avait sous sa juridiction :
La maladrerie de Corbigny et son hôpital, et la
maladrerie de Vauprevoir, près La Maison-Dieu.
La commanderie de Moulins avait sous sa juridiction :
La uialadrie de Chambon et celle de Pierrefitte.
Il a existé d'autres maladreries antérieurement qui
sont mentionnées dans le (( Registre des bénéfices du
diocèse de Nevers selon Tordre mis par Révérend Père
en Dieu Robert Dangeul, l'an 1441, et despuis aprouvô
par R. P. Jacques Spifame, evesque dudit Nevers, l'an
1551 (1) ».
Ce sont (( celles de Champallement,
Desise,
Saint-Pierre-le-Moûtier,
Chastillon (en Bazois). «
(1) Biblioth. nat., Ma fr., 4676. Ms relié aux armes de Béthune, folios
1 ù 12. (M. René de Lespinasse, président de la Société nivemaise, en a
pris h copie, qu'il m'a très obligeamment communiquée.)
statue de l'ancienne église 8alnt>Lazare
- 425 —
f
Il faut aussi ajouter celles de Lormes, signalée
par M. l'abbé Baudiau; de La Celle-sur-Loiré et
de Saint-Péraville, dans les Amognes, citées par
Mîi' Crosnier.
C'est donc de la maladrerie de Saint-Lazare que
j'aurai l'honneur de vous entretenir. Elle est très
ancienne et on pense qu'elle remonte au ix® siècle,
d'après le texte d'une charte du Cartulaire de l'église
de Nevers, donnée par l'évoque Hériman en 849 ;
(( Hospitum loca non longe a civitate nostrâ duo
constituimus » ; mais on ne peut rien préciser d'une
manière certaine sur telle ou telle maison de fondation
épiscopale, attendu que trois, et non deux hôpitaux, se
trouvent, dès une lointaine antiquité, situés, suivant
l'usage, en dehors de la ville : l'hôpital Saint-Didier et
les maladreries de Saint-Lazare et de Saint- Antoine.
— Mais ne nous attardons pas à la solution d'une
question que de plus habiles n'ont pu éclaircir.
En sortant de Nevers par le. faubourg de Mouésse, à
son extrémité, on aperçoit à gauche un groupe de
maisons qu'une d'entre elles domine au centre et qui
est percée, à son pignon, d'une fenêtre romane ; nous
sommes arrivés à la maladrerie de Saint-Lazare et la
maison, n« 30, par laquelle on y entre, est l'auberge
qui porte l'enseigne : A la Croix de Saint-Lazare.
Ce qui subsiste des anciennes constructions suffit
pour donner une idée des léproseries à l'époque de
leur fonctionnement et môme reconstituer une mala-
drerie-type.
D'abord l'église — qui devint plus tard église
paroissiale — mérite une description un peu détaillée.
— 426 —
Elle est exactement orientée et semble du xie siècle.
Sans nous occuper des divisions actuelles de l'édifice
religieux en chambres au rez-de-chaussée et au pre-
mier étage, j'en donnerai les dimensions exactes dans
ses différentes parties.
L'abside terminée on cul -de-four, mesure 2 m. 70
de profondeur sur 3 m. 80 de largeur.
Le chœur de chaque côté, 0 m . 30 de plus en lar-
geur, soit 3 m. 30 et 4 m. 10 de longueur.
La nef s'élargit encore ; elle a 1 m. 35 de plus en lar-
geur de chaque côté, soit 6 m. 50 et 8 m. 60 de longueur.
Du bas de l'église au fond de l'abside la longueur
totale est donc de 14 m. 90.
La hauteur de la voûte est de 7 m. 40 à l'abside et
de 7 m. 70 dans le chœur.
Les murs ont un mètre d'épaisseur.
A gauche du chœur est la sacristie, de la longueur
du chœur épaisseur du mur déduite, mais très étroite,
2 m. environ sur 3 m. 10; elle est voûtée à plein
cintre de 3 à 3 m. 50 de hauteur ; elle est éclairée par
une fenêtre au levant et au nord par deux petites
fenêtres romanes très rapprochées.
La calotte de l'abside et le chœur sont voûtés en
moellon recouvert de mortier .
La voûte de l'abside était ornée de peintures que
laissent deviner des écailles de badigeon qui sont
tombées : on voit im joint simulé par un trait d'ocre
et on aperçoit une aile d'ange.
La voûte du chœur, plus élevée de 0 m. 30 que
celle de l'abside, est bordée dans la partie la plus
rapprochée de la nef par un arceau de 0 m. 70, chargé
au milieu d'un arceau de 0 m. 30 ; l'arceau plus large
descendait jusqu'au sol et, accolée à cet arceau, une
colonne de chaque côté, montant jusqu'à la base du
plein cintre, soutenait le petit arceau.
— 427 —
La nef n'était pas voûtée ; la charpente, au moins
les poutres de traverse, étaient apparentes.
Trois fenêtres éclairaient l'abside.
Une fenêtre, de 0 m. 87 de haut sur 0 m. 65 de large,
est percée dans la façade, au-dessus de la grande porte.
Il devait y avoir quatre fenêtres, deux de chaque
côté, dans la nef ; autrement, il eût régné à l'intérieur
une obscurité quasi sépulcrale.
Dans le mur de la façade, à l'intérieur, au-dessus de
la grande porte, on remarque des pierres formant cor-
beau ; elles ne soutenaient pas assurément un plafond
qui eût été extrêmement bas et écrasé. Supportaient-
elles une tribune ?
La porte d'entrée mesure 1 m. 30 de large.
Telles sont les dimensions et les grandes lignes de
l'église primitive.
Des additions lui ont été apportées dans la suite :
de chaque côté de la nef et dans toute sa longueur
une construction plus récente forme une sorte de bas-
côtés communiquant avec la nef par deux arcades
en ogive, du xiv® siècle, percées à l'endroit où devaient
exister des fenêtres. Cet agrandissement eut lieu au
moment où l'église fut reconnue trop exiguë pour les
lépreux et surtout pour les fidèles de la paroisse.
L'église primitive est de dimensions restreintes ;
très modestes étaient généralement les églises des
léproseries pour ne pas porter ombrage aux paroisses
sur le territoire desquelles elles étaient élevées ; ceux
qui prenaient part aux offices ne comprenaient guère
que les malades, les personnes dévouées à leur service
et les serviteurs pour le soin de la maison et du bétail
et la culture des terres. — Ne nous méprenons pas
sur le nombre des malades, a En 1351, la population
lépreuse des maladreries du diocèse de Paris, visitées
— 428 —
par le délégué de l'évêque, s'élève à trente-cinq per-
sonnes pour quarante-cinq établissements. » {Mémoires
de la Société de V Histoire de Paris, tome XXV, 1898 ;
Les maisons-Dieu et léproseries du diocèse de Paris
au XIX® siècle j par Léon Legrand. )
Sans doute, à ce moment, la maladie était fort en
décroissance ; tant de léproseries établies partout, à
des distances rapprochées, dénotent qu'à des époques
antérieures le mal avait sévi dans de plus larges pro-
portions. Une léproserie plus peuplée est celle de
Saint-Germain-des-Prés, qui, en 1498^ comptait qua-
torze ladres : « A messire Philippe de Morigny,
prestre chappelain..., curé de l'église perrochial de
Sainct-Sulpice, à Sainct-Germain-des-Prés-lez-Paris,
pour distribuer à XIIII povres malades de lèpre estans
en la maladrerie dudit Sainct-Germain la somme de
quinze 1. 1. » (Archives nat., KK, 77, folio 175, verso.)
C'est ici le lieu de résumer les notes concernant la
restauration de l'église du registre paroissial du curé
André Caziot, qui prend possession de la cure en
1725 : on jugera tout de suite de l'intérêt qu'elles
offrent.
Cette môme année 1725, il fait régaler le clocher
tant en ardoises qu'en tuiles. — Il existait donc depuis
longtemps. — Où était-il placé?
On a fait aussi une niche à la sainte Vierge du
dehors, garnie d'un vitrail garanti par une fenêtre de
fil d'archal. Cette niche n'était-elle pas dans le mur de
façade à droite du tympan, puisque, du dehors, les
personnes qui venaient à l'église passaient devant et
pouvaient la prier ? Cette Vierge était-elle cette statue
si remarquable dont le musée du Louvre a fait l'acqui-
sition et qui avait été transportée de Saint-Lazare
à l'église Saint-Etienne de Nevers ?
— 429 -
Voici la description qu'en fait M. l'abbé Boutillier,
page 388, Archives paroissiales de Nevers :
c Assise sur un magnifique siège surmonté d'un
dais à pinacle, travail délicieux de la fin du xvi^ siècle,
la Vierge, très élégamment couronnée, soutient
l'Enfant- Jésus, qui appuie vulgairement le pied sur le
corps de sa Mère, et les formes un peu matérielles de
la Vierge accusent déjà, dans l'artiste, l'oubli du
sentiment religieux, que ne saurait jamais remplacer
le travail môme le plus délicat et le plus achevé.
» Cette statue, d'ailleurs très remarquable, est en
pierre, recouverte de son ancienne peinture et d'une
parfaite conservation. »
Le curé André Caziot fait aussi fermer les quatre
arcades de la nef, d'où il venait un vent qui rendait
l'église inhabitable.
Il transporte le bénitier contre la grande porte,
pour dégager l'entrée. Je me le représente auparavant,
à une petite distance de la porte et d'un côté de l'allée
de la nef, près d'une des colonnes de bois qui suppor-
taient la tribune.
Outre le maître-autel, surmonté d'un rétable de
Notre-Seigneur au Jardin, il cite deux autres autels :
de la sainte Vierge et de saint Ennemond, évoque
martyr. Leur place est tout indiquée dans l'angle
d'élargissement de la nef.
On enlève deux figurines mal faites de saints évoques
et on laisse celles de saint Raphaël et de saint Fiacre,
patron des jardiniers.
Passons à l'extérieur de l'église pour en faire le tour
et en examiner les parties non masquées par des
constructions plus récentes qui y ont été adossées.
Devant la grande porte de la façade, une petite
construction la recouvre jusqu'à moitié des claveaux
— 430 -
du tympan, de sorte que nous ne pouvons dire s'il
était nu ou décoré de sculptures.
Les bas-côtés intérieurs ajoutés après coup donnent
à la façade un aspect lourd, désagréable, qui manque
de proportion par son excessive largeur.
Dans un mur récent, du côté du midi, on remarque
une tête sculptée qui a été trouvée dans les décombres;
elle a dû servir de modillon.
L'abside, encore recouverte de ses anciennes tuiles
gironnées, était contre-buttée par trois contreforts ;
celui du milieu, à peu près intact, s'arrêtait juste au-
dessous de la fenêtre, qui a été agrandie au xv« siècle.
Elle est murée, mais les formes flamboyantes garnies
de mortier sont bien visibles. Le contrefort du côté
du nord, démoli, laisse sa trace par des pierres en
saillie et inégales. Du côté du midi, des constructions
ajoutées masquent celui correspondant aux deux
autres.
Pendant que nous étions devant la façade de l'église,
nous avons remarqué un puits ancien dans une vaste
cour et, tout procbe, des maisons (1) pour le logis du
curé-recteur (2), des frères et sœurs, des serviteurs (3)
de la maladrerie et les bâtiments pour le bétail et
(1) L'ancienne cure proprement dite fut détruite par un incendie en
1718. Â partir de ce moment, le curé s'établit dans un des bâtiments qui
n'étaient plus habités par les gens de Thôpital.
(2) L'ancienne cure, avant 1718, paraît assez confortable, avec trois
• chauffouêrs à chemignée », cour par devant et jardin par derrière.
{ 6G, Archives communales, liasse 173.)
(3) 1462. Accord entre messire Bardin, prêtre, maître et recteur de
rhôpital Saint-Lazare, et Martin Delaplace, de Saligny, diocèse d'Âutunr
ledit Martin prétendant lui être dus 100 sols pour son salaire et celui de
sa femme pendant leurs deux années de séjour à Saint-Lazat-e, ledit
maître prétendant qu'ils avaient été bien payés,t ant en la dépense de
leurs noces qui se firent à Thôpitul qu en leurs vêtements, etc. (GG
Archives communales, liasse 173.)
- 431 -
l'exploitatioû. Alors la cour était peupléo de volailles
de toute espèce, et on pouvait entendre mugir dans
retable des bœufs et des vaches, et assurément il y
avait un troupeau de moutons. Nous justifierons plus
loin la présence des animaux de labour et de bêtes à
laine.
Ici, il convient de dire un mot de Tadministration
de rhôpital. Au doyen du chapitre appartenait le droit
de collation à la cure et à la direction de la maison.
Le curé était ordinairement en môme temps maître de
l'hôpital ; c'est ce que nous voyons par un acte du
24 août 1450, qui mentionne Jean Lorchet, prêtre,
« curatus ecclesiœ parochialis sancti Lasari prope
Nivernis ac magister seu rector domus dicti hospitalis
seu léproserie ejusdem loci ».
Le doyen, en outre de son droit de surintendance,
reçoit aussi les frères et sœurs qui se dévouent au soin
des malades ; les archives de la préfecture renferment
plusieurs titres de réception de ce genre. Cette céré-
monie se pratiquait devant la porte de la chapelle,
« ante portam capellœ ».
Ainsi nous savons que furent reçus :
Comme sœur, en 1333, une nommée Isabelle dite
Petaude, pedissequa, servante du chanoine Guita-
chinus Capitis Porci, (de Lahure ?)
Comme frères. Hugues de Bort, paroissien de
Changy, près CharoUes, du diocèse d'Autun, en 1336,
et en 1354, Martin, fils de Laurent de Chaluzy (de
Charuziaco).
Ces personnes recommandables, mues par piété et
dévotion, étaient soumises à un règlement spécial
concernant le service des malades et à des exercices
spirituels déterminés. Tout en ayant les dehors de
— 432 —
Tétat religieux, elles formaient de simples confréries
placées sous l'inspiration de l'évéque.
Plusieurs actes aussi du xiv^ siècle nous apprennent
que les affaires se traitaient en conseil entre recteur,
frères et sœurs, dans la chapelle de Sainte-Marie-
Madeleine (1).
Dans les léproseries nous concevons facilement que
l'installation doit être aménagée de manière à dimi-
nuer autant que possible le contact avec les personnes
saines et le danger de la contagion. Aussi devons-
nous chercher à une certaine distance le logement
destiné aux malades. — Ici, en effet, de l'autre côté
de l'église, au nord, au fond d'un vaste terrain servant
de cour, s'élève un corps de bâtiment en équerre,
offrant un réel intérêt, qui était le logis des lépreux.
Son aspect dénote au premier coup d'œil une
construction ancienne. Une fenêtre à moulures, avec
le bas saillant également à moulures, du xv« siècle,
était divisée en meneaux croisés ; elle étaît garnie
d'une grille de fer à barreaux s'adaptant dans une
barre en croix : cela est indiqué par les trous de scel-
lement. — Cette solide armatureavait-ellepourbutde
préserver de l'invasion des voleurs ? Les malheureux !
que seraient-ils venus chercher dans <5e triste asile, si
ce n'est la lèpre ? — C'était une mesure de précaution
contre la possibilité de sorties subreptices pendant la
nuit de la part des lépreux ; chaque soir, fermés à clé
du dehors, on avait l'assurance qu'ils ne pouvaient
s'échapper ni par la porte, ni par la fenêtre, et la sécu-
rité publique était ainsi exempte de toute crainte.
Dans l'angle d'équerre, un escalier d'une dizaine de
(4) In dicta ecclesia fundcUa in qua congregari soient pro negotUi
elicti hospitalis trou^tandis et expediendis, (Archives de la préfecture,
liasse Saint-Lazare.)
— 4a3 —
marches conduit à une double porte surbaissée dont le
montant du milieu est commun aux deux portes qui
desservent les deux ailes du logis.
En entrant dans la partie de la maison qui regarde
le midi, on est frappé par l'aspect d'une belle et vaste
cheminée du xv® siècle, soutenue par deux colonnes à
chapiteaux qui vont en s'élargissant pour soutenir le
manteau coupé d'une large moulure de l'époque.
L'aile de la maison qui regarde le midi n'offre rien
de remarquable ; les divisions d'appartements sont
récentes.
Cette maison double servait donc d'un côté pour les
hommes, de l'autre pour les femmes.
Sous les appartements élevés de deux mètres envi-
ron au-dessus du sol, ce sont des caves et des bûchers.
S'il arrivait que des lépreux commissent de graves
méfaits, ils pouvaient être mis sous les verrous dans
l'établissement môme ; c'est ce qui est certifié par un
acte des minutes Taillandier, du 26 septembre 1561,
mentionnant une petite maison en laquelle on a accou-
tumé de mettre les malades « quand le cas y eschait ».
Un grand jardin, toujours au nord, faisait partie de
l'établissement et un puits y était destiné à l'usage
des lépreux.
En dehors des maisons, cours, jardins que nous
venons de parcourir, la léproserie possédait des terres
qui formaient sa principale dotation. Le môme acte
Taillandier que nous avons cité et qui est un accord
conclu entre messire Léonard Grillot, prôtre, curé de
la cure et église parochiale de Saint-Ladre et maître
Jean de Villepaincte, aussi prôtre et administrateur
de la maladrerie dudit Saint-Ladre, énumère les
champs, prés et vignes de la cure et de la maladrerie.
« Quantité de titres latins des xuP et xiv^' siècles
— 434 —
montrent que cette maladrerie était riche et bien
rentée (1) ».
Entre plusieurs actes et donations qui nous ont été
conservés, je citerai celle de Guillaume Alery, inté-
ressante à plusieurs points de vue. Ledit Alery, mésel
de Saint-Lazare depuis vingt-six ans, était fils des
défunts Pierre Alery et Jeanne Rouette, morte de
mésèlerie à Saint-Lazare, ainsi que quatre autres de
ses fils. Il donne & la maladrerie tous ses biens de
quelque nature qu'ils soient : maisons, prés, terres,
vignes, bois, cens, rentes, bordelages, dîmes, cham-
pars, étangs, garennes, moulins et autres héritages
quelconques (2).
Dès lors, nous comprenons que tout un matériel de
culture et d'exploitation était nécessaire : bêtes,
charrues, voitures, pressoirs... Le pressouer est men-
tionné dans l'acte d'accord entre le maître de l'hôpital
Jean de Villepaincte et le curé Léonard Grillot : « Ils
s'en serviront tous les deux » .
Si les terres fournissaient le pain et le vin, le vête-
ment était aussi le produit de la maison : la laine d'un
troupeau de brebis était façonnée en étoflfe dans « le
molin à draptz de Parreaut sur la rivière de Nyèvre ».
Certains privilèges, comme exemption d'impôts
étaient accordés aux léproseries de même que le droit
de tenir des foires auprès de l'établissement, de pré-
lever des redevances sur les marchandises qui y
affluaient...
« Dès le moi<2 de juillet 1226, le comte Gui et la
comtesse Mahaut, sa femme, accordent à la maladrerie
(i) Parmentier, Archives de Nevers^ 2« vol., p. 46.
(2) GG. Inventaire sommaire des archives commuiMiles de NeverSy par
Tabbé Boutillier, liasse 174.
— 435 —
chacun an deux jours de foire, l'un la veille l'autre le
jour de Saint-Lazare... Cette concession comportait le
droit de minage des blés qui se vendaient en foire ;
car, par des actes de 1234 et 1263, les frères de Saint-
Lazare qui y avaient été troublés, y furent réintégrés
et maintenus. (1) »
En 1331, le dimanche, le lendemain de la fête de
l'Exaltation de la Sainte-Croix, les maîtres, frères et
sœurs et rendus de Saint-Lazare renoncent au droit
de tenir des foires autour de leur maison, naguère
transférée en Mouësse par suite du rachat du comte
de Nevers (2).
Où était le lieu des sépultures de la maladrerie ?
Dans l'église et dans le cimetière. — Nous nous rap-
pelons tant de membres de la famille Alery atteints de
la lèpre. — La mère, Jeanne Rouette, fut ensépulturée
dans la chapelle Sainte-Marthe, et son fils, le dernier
survivant, Guillaume Alery, à la fin de son acte de
donation, exprime le désir d'être ensépulturé dans la
même chapelle.
Le 19 janvier 1685, Jacques Caillot, bourgeois, frère
du curé, est inhumé dans l'église, etc...
Le cimetière était probablement au nord de l'église,
à partir de la ligne de façade et au moins jusqu'à
l'abside : on a trouvé de ce côté de nombreux ossements.
Ils y sont encore tous léunis et forment un amoncelle-
ment assez considérable.
Un nota de l'abbé André Caziot, de 1726, nous
apprend qu' « on a transporté les fonts baptismaux,
qui étaient à droite, dans une des arcades de gauche ))
et dans un autre endroit à propos de la sépulture des
petits enfants morts in albis, en aube, c'est-à-dire
(i) Parmentier, 2« vol., p. 46.
(2) Arch. Gom. de la ville de Nevers, n* 17, liasse 172.
— 436 —
avec la blancheur baptismale, qu'il les a enterrés,
selon la coutume, près du baptistère.
En 1463, constitution d'une rente de 2 sols 6 deniers
tournois est faite par Etienne Maignen, barbier,
demeurant à Nevers, pour le repos de l'àme de ses
parents, enterrés au cimetière de Saint -Ladre ; témoins
de l'acte : Hugues Maujon et Jehan Herman, tous
deux barbiers à Nevers.
Les propriétaires de l'église et des anciens b&timents
nous accompagnèrent très obligeamment dans notre
visite et voulurent bien nous donner, pour le déposer
au musée de la porte du Croux, un fragment de taque
de cheminée avec écusson chargé d'un croissant mon-
tant en abîme, de deux merlettes en chef et d'une
merlette en pointe et surmonté du monogramme IHS
et d'une croix ; ces deux derniers signes particuliers
désignent que cette taque avait été spécialement fondue
pour un établissement religieux ; elle porte les carac*
tères du commencement du xvn« siècle.
M°*« veuve Thibault, ayant son logement dans la
maison au nord, jadis spécialement réservée aux
lépreux, donne aussi pour le musée une petite statue
en bois, peinte jadis, d'un pied de haut environ, qui
représente un religieux avec scapulaire, calotte; la
main gauche, posée sur le cœur, soutient un livre ; la
main droite retombe le long du corps et portait un
emblème distinctif qui a disparu.
On se demande comment l'ensemble de la maladrerie
a été conservé relativement en aussi bon état.
La réponse est double : pour les temps qui ont pré-
cédé la Révolution — et ceux qui ont suivi cette
époque néfaste :
V" L'établissement de Saint-Lazare étant à la fois
— 437 —
paroisse et siège d'une maladrerie, et ensuite d'un
hôpital, le transfert de l'hôpital à celui de Saint-
Didier, prononcé déjà depuis 1572 par lettres-royaux de
Charles IX, en raison de sa distance et de son inutilité,
s'accomplit en 1696 ; mais la cure fut maintenue avec
jouissance de la moitié des revenus, « l'autre moitié
fut transférée à l'hôpital Saint-Didier, à la charge
d'acquitter les fondations, en faire recette et en rendre
compte séparément (1) », et par là-môme les bâti-
ments furent conservés dans leur état primitif au
moyen des réparations les plus indispensables.
29 A l'époque de la Révolution, le clocher fut abattu
et l'église fermée. Ce groupe de maisons, devenu sans
usage, fut vendu nationalement au mois d'août 1791.
Les acquéreurs et ceux qui leur succédèrent utili-
sèrent les anciens bâtiments comme ils les prirent,
ajoutant de nouvelles constructions suivant leurs
besoins et divisant l'église en deux étages : chambres,
magasins, écuries. — Grâce à cette adaptation, on peut
donc bien se rendre compte encore de l'ancienne lépro-
serie de Saint-Lazare de Nevers.
(1) Paruentier, Archives de Nevers^ 2« vol., p. 48.
«• vni, S* série. 39
- 438
APPENDICE
Le Manuel pour les curés, que Tévèque Arnaud
Sorbin a fait imprimer en 1583 et qui est un rituel ou
recueil de formules pour l'administration des sacre-
ments, de prières et de bénédictions..., renferme le
très curieux formulaire pour l'exclusion des lépreux
de la société et leur réintégration après guérison. Il
est intéressant d'en donner un résumé, placé à la fin,
pour ne pas donner à l'étude sur la léproserie de
Nevers une étendue trop considérable.
Lors donc que les médecins ont dûment constaté (1)
que le malade qu'ils ont visité est réellement atteint
de lèpre, les sacristains de la paroisse devront pré-
parer toutes choses comme pour un enterrement ordi-
naire, (( aux frais de la paroisse si la personne est
pauvre ». Le peuple est informé du jour et de l'heure
de la cérémonie, et on se rend processionnel lement au
logis du malade Le prêtre aspergeant d'eau bénite
le lépreux et ses amis, entonne le répons : Credo quod
rsdemptor meus vivit, etc., et, si le trajet est long
jusqu'à l'église, on chante les sept psaumes de la péni-
tence. Le malade suit dévotement, la face recouverte
duncapuce, escorté de ses amis; à l'église, il se place
au-des]aous du drap du mort étendu sur des trépieds
(1) Dans les archives communales CG, 130, années 15iS-1546, nous
trouTons un compte de 105 sols tournois payés, à Maître Jean Leclerc, doclenr
en médecine, et à Antoine Turpin, maître chirurgien, qui ont visité à diverses
fois NicoUe Chardon, femme de Guillaume David, fondeur, et Jeanne
Brillât, femme de Louis Lt>faudieu?\ atteintes de la lèpre et ont» haill^leor
rapport par esoript par devant M. le bailli du Nivernois •. et au maître
de Saint Ladre (Saint-Lazare), lequel a fourni le linp^e, le bois et auii^
choses nécessaires pour lesdites « visitacions •, ce qui est à chacun d'eux
t^ sols tournois.
- 439 --
(( tripodas », et il y reste, s'il le peut^ agenouillé
jusqu'à la fin de l'office, qui est celui des morts. Après
la messe, il communie en viatique. Ensuite, on porte
le malade au cimetière, et après le Libéra on le descend
dans une petite fosse creusée à l'avance, puis le prêtre
lui jette un peu de terre sur la tête s'il est laïque et
sur le corps s'il est prêtre, en disant l'antienne : « Vous
m'avez façonné de terre et vous m'avez revêtu de
chair, 6 Rédempteur, mon Seigneur ; ressuscitez-moi
au dernier jour ».
Sur une petite table disposée à cet efEet, il y a une
housse, des cliquettes, un baril, des gants, une bourse
que le prêtre bénit d'une façon spéciale ; ensuite, il
avertit le lépreux qu'il ne lui est plus permis d'entrer
à l'église et l'exhorte à la patience qui lui méritera
l'entrée des célestes demeures et il ajoute : « Or ça,
mon amy, n'est-ce pas votre intention de vouloir
tousiours vivre et mourir en la foy chrestienne ?» A
quoi le lépreux répond : « Ouy ».
Le prêtre exhorte de nouveau le pauvre malade à
la patience, et lui propose l'exemple de Job et lui
remet les cliquettes en disant : <( Mon amy, prenez
cette cliquette, en signification qu'il vous est défendu
de parler si ce n'est par nécessité. Mais par le son
d'icelle cliquette, demanderez au peuple vos aumosnes,
en vous tirant tousiours à part loing des gens et au-
dessous du vent ».
Nouvelle admonestation en remettant le baril, en
disant au lépreux de ne pas souiller par son contact
l'eau des puits, sources ou rivières.
En remettant les gants, il lui défend de toucher à
rien les mains nues.
En remettant la bourse, il y dépose lui-même le pre-
mier une aumône, en invitant les personnes présentes
& faire de même.
— 440 —
Le lépreux, ainsi muni, est conduit en procession à
la léproserie, au chant des psaumes de la pénitence et
des litanies si on a le temps suffisant.
Le prêtre introduit le malade dans la léproserie et
lui fait une dernière exhortation à la patience : « Or
ça, mon amy, doresnavant, demeurez cy en paix en
servant Dieu dévotement et ne vous desconfortez
point. .. Et si ainsi le faites, vous accomplirez votre
purgatoire en ce monde, au partement duquel irez en
paradis... Nous sommes tous subjects à mal quand il
plaist à Dieu ».
Le peuple aura aussi sa leçon : <( Dévots chrestiens,
ayez pitié et compassion de vostre frère chrestien...
Nul ne sait quy luy peut advenir ».
Enfin, après avoir prié himiblement et dévotement
le prêtre dit un dernier adieu au lépreux et se tour-
nant vers les marguilliers ou gardiens séculiers de la
justice de ce lieu, il leur recommande, sous peine
d'excommunication, de prendre un soin spécial du
pauvre malade ; puis on rentre à Téglise en procession,
en récitant encore une fois les psaumes de la péni-
tence.
Abbé SERY,
Chanoine.
— 441 —
MOULES DE MONNAIES ROMAINES
TROUVÉS A ENTRAINS
Dans son Histoire d'Entrains, M. l'abbé Baudiau
dit : (( En creusant les fondations de la halle, recons-
truite en 1854, on trouva plus de cinquante moules de
monnaies que les curieux peuvent visiter au musée de
Clamecy ».
Lors d'une rapide visite faite Tété dernier à ce
musée, nous avons pu en voir six qui sont exposés
dans une vitrine, mais sans pouvoir les étudier.
Au mois de mars, M. le docteur Subert, notre
confrère, a fait don au musée de Nevers de huit de ces
moules qu'il avait en sa posBession.
Ils sont ronds, en terre cuite, d'un blanc grisâtre
et bleuâtre ; la plupart gravés des deux côtés. En voici
la description :
l"" Tôte radiée â gauche (donnant sur la monnaie
coulée une effigie â droite). Légende :
ANTONINVS Plus AUG. GERM.
Antoninus Pius, Augustus Germanicus.
Le visage de l'empereur représenté offre des traits
grossiers et une expression de brutalité toute particu-
lière et caractéristique ; c'est en effet Caracalla, qui
régna de 197 â 217 après J.-C.
L'autre côté du moule représente un revers : Vénus
— 442 —
diadèmée est assise à droite (donnant sur les monnaies
une empreinte où la déesse se voit assise à gauche) ;
elle tient une pomme et un sceptre ; à ses pieds est un
enfant. Légende :
VENVS GENETRIX
Ce revers fut employé, à notre connaissance, pour
les monnaies de Julia Domna, femme de Septime
Sévère, qui régna de 194 à 197.
2^ Tête radiée à gauche (à droite sur les monnaies).
Légende :
IMP. MAXIMINVS PIVS AVG.
Imperator Maximinus Pius Augustus.
C'est Maximin I^', qui régna de 235 à 238.
L'autre côté représente un revers: personnage
debout de face, tenant un fouet de la main droite et
étendant en avant le bras gauche. Légende :
PMTRPX - GOSIIlIPP.
Pontif ex Maximus, tribunitia potestate decies, consul
quater, pater patriae.
Ce revers peut s'appliquer soit à l'empereur Com-
mode et à l'an 185, soit plutôt à Gallien et à l'année
261.
3^ Même droit.
De l'autre côté, tête d'impératrice diadèmée à droite ;
le moule en partie brisé ne laisse plus lire de la légende
que:
IVL G.
Les traits du visage permettent d'y reconnaître
Julia Mammaea, mère d'Alexandre Sévère, empereur
de 222 à 235.
— 443 —
4" Même droit. Pas de gravure de l'autre côté.
5" Tête radiée à gauche. Légende :
IMP. GORDIANVS PIVS FEL. AVG.
Imperator Gordianus Pius Félix Augustus*
Gordien- le-Pieux régna de 238 à 244.
Rien de gravé de l'autre côté.
6° Même droit.
De l'autre côté, revers : Vénus debout. Légende :
VENVS GENETHIX
Revers employé pour les monnaies de Julia Mam-
maea.
7^ Tête d'impératrice à gauche. Légende :
OTACIL SEVERA AVG.
Otacilla Severa Augusta.
Otacilla Severa était femme de Philippe le père,
empereur de 244 à 249.
De l'autre côté, revers : déesse debout . Légende :
LAF.TITIA AVG. N.
Laetitia Augusti nostri.
Revers absolument banal, ainsi que le suivant, et
par suite impossible à dater.
8^ Gravé d'un seul côté : Mars debout. Légende :
MARS VLTOR
Des moules analogues ont été trouvés dans la forêt
d'Andouin, conservés aujourd'hui au musée de Caen
— 444 —
auquels ils ont été donnés en 1855 ; d'autres appartien-
nent au musée de Meaux, de Rouen (disposés comme
les vertèbres de la colonne vertébrale, réunis les uns
au bout des autres et fixés dans de la terre glaise ;
c'est ainsi qu'on les disposait pour couler les monnaies);
à M. Duquénelle, à Reims (1). Enfin, il en a été trouvé
un grand nombre en 1879 à Autun, datant à peu près
de la même époque que ceux d'Entrains. Quarante-cinq
en ont été recueillis et sont conservés au musée de la
Société éduenne (2).
H. DE FLAMARE.
(1) Nous devons la connaissance de la plupart de ces moules à notre
aimable et savant confrère M. J. de Saint- Venant.
(2) BuLLiOT : Notice sur des moules de monnaies antiques trouvés à
Autun (Mémoires de la Société éduenne) ^ nouvelle série, XXV, p. 44).
— 445 -
BAUDOIN
PRIEUR DE LA CHARITÉ
Parmi les prieurs qui se sont succédé à La Charité
durant le xni'' siècle, il en est un qui ne figure, dans
toutes les listes publiées jusqu'à ce jour, que par la
lettre B, première de son nom. Ce n'est que par cette
initiale qu'il est désigné dans un acte du mois
d'avril 1^ relatif aux biens du prieuré de Château-
renard, seul document authentique que nous possé-
dions de lui.
Il est surprenant que les auteurs de la Gallia
Christiana, en confectionnant leur liste sur laquelle
toutes les autres ont été dressées depuis, ne se
soient pas aperçu qu'eux-mêmes avaient donné son
nom entier dans une autre partie de leur grand
ouvrage. Dans leur volume consacré à la métropole de
Paris (1), ils énoncent que Baudoin, prieur de Saint-
Martin-des-Champs, fut envoyé en la même qualité à
La Charité, et que les moines du premier de ces
couvents supplièrent l'abbé de Cluny de leur* rendre
leur chef.
Le passage de Baudoin dans notre monastère fut
l'occasion de scènes tumultueuses, que des pièces
conservées à la Bibliothèque nationale nous font
connaître, du moins en partie (2).
(i) Tome vif, colonme 537.
(2) NouveUe9 acquititumi. Fonds latin ff74, n«« 12, IS, 14, 15 16,
17, 18.
^ ii6 —
Il fut mis à la tête du prieuré en 1220, en rempla-
cement de Elie de Lopsent. Il semble résulter des
termes de la lettre des religieux de Saint-Martin que
ce ne fut qu'à titre provisoire : Cum abbas Clunta"
censis curam ad icmpns commisisset prioratus de
Caritate ad Ltgerim. Quoi qu'il en soit, son séjour
à La Charité fut fort court : l'abbé, faisant droit à la
demande des moines de Paris, le renvoya à Saint-
Martin, où sa présence est constatée peu après.
Qui lui succéda ? Probablement un nommé Etienne,
qui était encore prieur au commencement de 1228.
Dans le courant de cette môme année, un abbé,
désigné seulement par l'initiale R, et qui ne peut être
que Rolland, abbé de Cluny de 1320 à 1228, voulut le
destituer pour un motif que nous ignorons. Il se rendit
à La Charité, et dans le chapitre, il le déposa^ ainsi
que le sous-prieur qu'il remplaça par un moine
nommé Colomb.
Ce fut le signal d'actes de violence. D'après la
version de l'abbé, le sous-prieur se leva en disant :
« Sors d'ici I par le corps du Christ, tu n'y demeureras
pas, je t'excommunie » Puis se tournant vers les
membres du chapitre, il leur cria : « Enlevez-le ! »
Les moines sortirent précipitamment pour se munir
d'armes et de b&tons ; un d'entre eux se jeta môme
sur un compagnon dé l'abbé, un couteau ouvert à la
main. Mais Rolland avait prévu comment serait
accueillie sa déclaration.
Une douzaine d'hommes armés se tenaient à la
porte du couvent prêts à voler à son secours et à lui
prêter main forte. Leur intervention ne fut pas néces-
saire. Les religieux comprenant qu'ils n'auraient pas
le dessus se calmèrent et acceptèrent pour supérieur
celui que Rolland avait choisi. C'était un abbé de
Saint-Gildas^ dont le notn commençait par les lettres
- 447 -
Th., et qui est, sans aucun doute, Thibault, que nous
voyons abbé de Saint-Gildas-sur-Indre vers cette
époque.
Quant à Etienne, il ne prit pas bénévolement sa
di8gra.ce. Il se rendit dans la salle où se trouvait le
coffre contenant le sceau du prieuré. Ce coffre était
fermé de trois serrures, dont les clés étaient remises à
trois moines différents. Deux de ces religieux seule-
ment raccompagnaient; en l'absence de l'autre, il
fractura la troisième serrure, s'empara du sceau, et
toujours, d'après l'abbé, l'apposa sur plusieurs chartes
en blanc.
Des gardes avaient été apostés autour du monastère
afin d'empêcher qui que ce fût de sortir ; ils aperçurent,
la nuit suivante, deux membres du prieuré qui ten-
taient de franchir l'enceinte, porteurs de sacs conte-
nant de l'argent; l'un put s'esquiver; l'autre, blessé en
se défendant, fut pris et amené à l'abbé ; un domes-
tique, qui, pour s'échapper plus facilement, avait
revêtu l'habit monastique, fut aussi blessé et arrêté.
Le lendemain^ Etienne, cédant aux exhortations de
l'évêque de Ne vers et du précepteur des Templiers de
Bourges, qui assistaient à ces événements, vint au
chapitre demander pardon , déclara renoncer au
prieuré, remit le sceau du couvent et brisa le sien
propre. Mais, plus tard, se ravisant, il interjeta appel
de sa déposition et se transporta à Rome pour le sou-
tenir devant le Souverain Pontife. Le Pape ordonna
une enquête, super atrocitate quadam que interve-
nisse in ipsius amocione Stephani dicebatur, et lui
enjoignit, en attendant le résultat, d'aller demeurer a
Cluny et de se mettre sous l'obéissance de l'abbé.
Pendant l'information, Rolland mourut et fut rem-
placé par Barthélémy. Le système des commendes
n'était pas encpre installée Le nouvel abbé trouva qu'il
— 448 -
n'était pas convenable qu'un même moine posséd&t
deux bénéfices simultanément. Il vint à La Charité le
10 avril 1229 et annonça qu'il allait procéder à la
nomination d'un prieur ; aussi fut-il accueilli avec joie.
Mais, le lendemain, lorsqu'il fit connaître que son
choix s'était porté sur Baudoin, prieur de Saint-
Martin-des-Champs, s'élevèrent de vives protestations.
Les religieux déclarèrent qu'ils considéraient toujours
comme prieur Etienne> déposé illégalement, que sur-
tout ils ne voulaient pas de Baudoin, dont la première
administration, disaient-ils, avait été néfaste pour la
maison ; ils protestèrent, de plus, contre la nomination
de Colomb, sous-prieur.
Barthélémy se retira sans avoir pu obtenir l'obéis-
sance des religieux et après avoir déclaré excommunié
Geoflroi de Braisne.
Quel était ce personnage ? Les documents qui nous
restent ne le font pas connaître, mais on peut induire
des circonstances que c'était l'ancien sous-prieur, qui
s'était fait remarquer par sa violence lors de sa dépo-
sition.
Geoffroi avait quitté La Charité depuis quelque
temps, il y rentra le vendredi de l'octave de P&ques,
20 avril 1229 et s'introduisit dans le cloître. En le
voyant, Colomb assembla les religieux dans la salle
du chapitre, leur lut la sentence d'excommunication
portée contre lui et leur déclara, qu'en conséquence^
tant qu'il demeurerait au couvent l'office divin ne
serait pas célébré et que les clochas ne seraient plus
sonnées. A ces mots, plusieurs religieux s'écrient que
Geoffroi ne mérite pas d'être excommunié, qu'ils ne
le tiennent pas pour tel, puis, sortant tumultueuse-
ment du chapitre, ils se mettent à sonner toutes les
cloches du couvent ; ensuite ils pénètrent dans l'église
et y chantent les vêpres avec plus de solennité que
— 449 -
de coutume, après quoi les cloches furent mises de
nouveau en branle.
Geoffroi pénétra dans le réfectoire malgré la défense
que le sous-prieur lui avait faite et prit son repas
avec ses adhérents, mais voyant qu'il n'avait pas avec
lui la majorité des moines, il monta & cheval et quitta
la ville.
Ses partisans, lorsque les autres moines entonné*
rent le Miserere, selon l'usage, après leur repas, trou-
blèrent les chants par de nouvelles sonneries et le soir
injurièrent grossièrement le sous-prieur.
Etienne n'était pas resté longtemps à Cluny, il
avait quitté l'abbaye et s'était mis à voyager. En vain,
Tabbé lui ordonna de se présenter au chapitre général
de l'ordre qui se tenait peu après P&ques , puis le
jeudi dans l'octave de la Pentecôte, il ne tint aucun
compte de ses ordres.
Une partie des moines refusait toujours d'obéir.
Guy de Forez, comte de Nevers, profita de ces
troubles pour s'emparer de différentes propriétés de
La Charité , sous prétexte qu'il avait la garde du
prieuré. Des protestations furent rédigées & ce sujet,
mais Henri de La Croix , gardien d'une des clés du
coffre, refusa de la livrer et ces protestations ne
purent être envoyées , faute de pouvoir y mettre le
sceau.
Pierre de Neuvy remplissait la double fonction
de bibliothécaire et de chantre. C'était un des plus
ardents partisans de Geoffroi, aussi fut-il destitué.
Il ne voulut pas non plus rendre les clés de la
bibliothèque, et quand celui qui avait été désigné
pour lui succéder entonnait les chants & l'église,
Pierre et ses complices poursuivaient sur un autre
ton : in contemptum et scandalum ac derisionem
populi.
— 45() —
Voyant qu'il ne pouvait vaincre l'obstination des
rebelles, Barthélémy, le 2 juillet 1229, lança une sen-
tence d'excommunication contre tous ceux qui avaient
accompli leur dix-septième année.
Ils étaient au nombre de cinquante-sept, nominati-
vement désignés dans ime lettre adressée au sous-prieur
Colomb. Parmi eux se trouvaient Geoffroy de Braisne,
contre lequel les censures ecclésiastiques étaient renou-
velées; un ancien infirmier de La Charité, les anciens
prieurs de Braisne, Ch&teaurenard, Sens, Saint-Sulpice
et Cosne, un convers et plusieurs « pueri » . On sait que
l'on donnait ce nom à des enfants que leurs parents
offraient, quelquefois dès leur première jeunesse, aux
monastères dans lesquels ils étaient élevés et où, plus
tard, ils prenaient l'habit religieux. De plus, Pierre de
Neuvy, Henri de La Croix et un nommé Hymard
étaient excommuniés par des dispositions spéciales.
L'enquête ordonnée par le Souverain Pontife avait
été confiée aux abbés de Réome et de Fontenay, de
l'ordre de Citeaux, et au prieur de Réome. Grégoire IX
leur ordonna de maintenir la nomination de Baudoin,
qu'il qualifie de virum, sicut dicitur providum et
honestum, l'abbé ayant agi dans la plénitude de son
droit,et, si les religieux consentaient à lui obéir, de
lever l'excommunication.
Le vendredi après les Cendres, 22 février 1230,
Arnould et Pierre, officiaux de l'archidiacre et du
doyen de Nevers, à la demande des commissaires, se
transportèrent à La Charité, afin d'engager les moines
à rentrer dans l'obéissance. Vingt-six se laissèrent
convaincre, déclarèrent renoncer à l'appel qu'ils avaient
formé et être prêts à obéir en toutes choses à labbé et
au prieur qu'il leur avait donné ; Baudoin annonça que
cinqautres, alors absents, avaient, avant leur départ, feiit
les mômes promesses. Quinze, dont Pierre de Neuvy,
— 461 —
refusèrent formellement de se soumettre, déclarant
persévérer dans leur appel et annonçant qu'ils feraient
valoir leurs motifs par-devant les commissaires, au jour
qui serait indiqué. Lesofficiaux leur donnèrent citation
pour le jeudi avant le dimanche de Lœtare, 21 mars.
Ce jour-là, les abbés de Réome et de Fontenay, en
Tabsence du prieur de Réome, légitimement excusé,
réussirent complètement dans leur mission. Cinquante-
quatre religieux, à la tôte desquels Pierre de Neuvy,
reconnurent leurs erreurs, prêtèrent serment d'obéis-
sance au prieur et écrivirent au Pape uûe lettre par
laquelle, dans les termes les plus humbles et les plus
respectueux, ils imploraient leur pardon et deman-
daient l'absolu tion.
Dans ces religieux, nous en trouvons quatre dont
les noms ne figurent pas dans la formule d'excommu-
nication ; d'un autre côté, nous n'y trouvons pas sept
moines qui avaient été excommuniés, entre autres,
Henri de la Croix et Geoffroi de Braisne. Refusèrent-
ils d'adhérer à la lettre de leurs compagnons ou étaient-
ils morts ?
Cette fois ehcore Baudoin demeura peu à La
Charité.
En effet, trois mois plus tard, le 29 juin 1230, le
prieur se nommait Etienne, c'est ce que nous apprend
la Consécration de l'Eglise de Reuil. Etait-ce l'ancien
prieur qui était revenu à la tôte du couvent ou im
autre religieux portant le môme nom ? Nous l'igno-
rons.
La première supposition n'est pas invraisemblable.
Grégoire IX, nous le savons, blâma vivement la fré-
quence des changements de prieurs dans l'ordre de
Cluny et spécialement à La Charité. Rien d'impossible
qu'il ait demandé et obtenu de Barthélémy le réta-
blissement du prieur déposé, peut-être sans motif
— 452 —
sérieux, par son prédécesseur. Ne serait-ce pas la
perspective entrevue de ce résultat qui avait engagé
les moines à faire si facilement leur soumission, après
près d'un an de lutte?
On sait que Baudoin retourna à Saint-Martin-des-
Champs, qu'il gouverna jusqu'à sa mort, arrivée
en 1233.
C'est aussi l'année où mourut notre prieur Etienne.
E. DUMINY.
PLAN
tjrtildi 4 fois
l'Eglîse.C^metière
Cloître de S'Victor,
d'ifri) I* riin dt Ntvtn U t1&.
t> natH c^nmif ■< ttii vnt<.
%
faisons Parilculières
et Dépendances du Prieuré
I
\
■fa
Prieure et MBiio-n.5 particulière»
en 'bordure des rues.
Ifaiton
CArimtnlrând ■
R ue du fer
— 453
RECONSTITUTION
DE
L'ANCIENNE ÉGLISE DE S'VICTOR
Ancienne abbaye de filles antérieure au prieuré Saint- Victor. — Abbaye
rétablie au xi* siècle et concédée aux Bénédictins de La Charité. —
Orientation de l'église de Saint- Victor, s;i forme. — Maltre-autel de
Saint-Victor en forme de pressoir et explication symbolique. — Clocher
de Saint-Victor, sa re<'onstruction, son exhaussement. — Les cloches.
— Replacement du coq du clocher. — Cloître de Saint-Victor, une
colonne de la galerie du cloître. — Cimetière de l'abbaye. — Maison
du prieur. — Dimensions de l'église. — Chapelle du xvi« siècle. —
Chapelle sud et sacristie. — Cimetière de la paroisse Saint- Victor. —
Objets' provenant de l'ancienne église Saint- Victor.
Il n'y. a guère plus de cent ans que l'église de
Saint-Victor a disparu et déjà sa reconstitution offre
plus d'une difficulté et d'un problème à résoudre.
Ce qui subsiste du vénérable monument se réduit à
peu de chose : un fragment de colonne romane engagée
dans le mur, et un peu au-dessus une chapelle du
x\i^ siècle, démolie à la naissance des voûtes.
A l'aide de ces faibles restes, d'actes anciens et de
plans de Nevers d'avant la destruction de l'église,
nous essaierons de la relever par la pensée, dans ses
lignes principales.
11 convient de dire d'abord qu'il existait, au même
endroit, une très antique abbaye, l'un des premiers
monastères de la ville et très riche à son origine,
d'après Dom Martène et la Gallia Christiana. Nous
T. VIII, 3* série. 30
-;
— 454 ^
lisons dans M. de Sainte-Marie (1) que « la fondation
de. cette abbaye fut rétablie dans le xi* siècle, par
Henri I«', roi de France, en 1053 ; elle fut concédée
en 1085, par Tévêque Hugues III, aux Bénédictins de
La Charité, sous la direction d'un prieur ».
Avant la chapelle du xvi® siècle, il en existait une
de l'époque de la colonne, c'est-à-dire du xr siècle.
Cela nous est nettement indiqué par la porte et deux
fenêtres romanes que Ton voit dans les murs de cette
chapelle ogivale.
L'église de Saint- Victor, du xi^ siècle, avec les
parties qui lui ont été ajoutées dans la suite, fera
l'objet de la présente étude.
Quelles étaient sa direction, sa forme et ses dimen-
sions ? — Nous répondrons successivement à chacune
de ces questions, en y ajoutant des détails accessoires
difficiles à classer dans une catégorie particulière.
io La Direction.
C est une chose certaine que l'église était exactement
orientée, suivant l'usage d'alors.
l^e sens du mur du fond de la chapelle, aussi bien
que de celui dans lequel la colonne est engagée et qui
formait le côté nord de la nef, indique clairement la
position de l'abside au levant Tous les plans anciens
de Ne vers confirment l'exactitude de l'orientation.
2'' La Forme.
Les églises sont généralement en forme de croix.
Ici, il n'a pas été dérogé à la pratique ordinaire ;
au musée céramique, nous voyons, d'après le plan par
(1) Recherches historiques sur Nevers^ page 427,
— 455 —
terre de 1759, le plus grand de tous et par là même
le plus net et le plus détaillé, deux chapelles dessinant
les deux bras de la croix. La superficie de la chapelle
de droite est plus large sur le plan et présente une
saillie à l'angle sud-ouest ; nous donnerons plus loin
l'explication de cette différence de largeur et de la
saillie signalée.
La tête de la croix se composait d'une travée et de
l'hémicycle du chevet.
La nef, composée de trois travées, représentait le
pied de la croix.
La chapelle, à droite en entrant, faisant suite à la
seconde travée, ne semble pas entrer dans le plan de
l'église primitive.
L'église était à une seule nef et sans bas-côtés. Rien
n'est plus facile à constater, sur le plan, et à la simple
inspection du mur de la colonne romane. C'est un mur
plein qui se prolongeait jusqu'au mur de façade. Dans
ce mur plein, remarquez une petite niche à ogive
ajoutée après coup et aussi une inscription mutilée,
entourée d'une moulure formant cadre, qui a été
enchâssée à une époque postérieure.
Les quatre contreforts^ qui contrebuttcnt extérieu-
rement l'abside, indiquent la place des trois fenêtres
trinitaires.
Deux fenêtres romanes, une au levant et une autre
au couchant, sont apparentes dans la chapelle du
xvF siècle ; il ne pouvait y avoir de fenêtre au fond, car
un corps de bâtiment prolonge la chapelle, et quand
cette chapelle romane fut convertie en chapelle ogivale,
les deux fenêtres romanes ne subsistèrent pas moins
dans leur même forme, jusqu'au jour où elles furent
murées après la destruction de l'église, pour faire un
appartement, éclairé actuellement par des ouvertures
ménagées dans l'arceau ogival.
i
I
- 456 —
Par chaque travée, il devait exister une fenêtre, de
môme qu'une fenêtre ornait la façade au-dessus du
porche.
Le niveau du sol de l'ancienne église est déterminé
par le bas du pilier du xvi« siècle ; ce pied de pilier,
vu de face à l'extérieur, est élevé de près de deux mètres
au-dessus du sol actuel ; mais, en entrant dans la cha-
pelle, on voit à la base du pilier le vieux dallage qui
établit nettement le niveau uniforme correspondant &
la base du même pilier du côté de la nef.
Les murs ont 0 m. 62 d'épaisseur.
Le porche est bien indiqué, sur le plan, par la partie
saillante, devant la façade à l'occident.
Nattre-Autel de Saint- Victor.
Je me donnerai bien garde d'oublier le maître-autel
si curieux de Saint- Victor. M. l'abbé Boutillier, dans
la notice de cette église {Archives paroisstales des
églises de Neoers), rapporte qu'il tenait d'un vieux
prêtre du diocèse, M. l'abbé Cassiat, que le maltre-
autel, (( un des plus remarquables de la ville, avait la
forme d'un pressoir ». A ces mots se borne toute la
description.
Par une note de l'abbé Riffé, de l'année 1783, nous
savons qu'un sculpteur « refait le roseau et le nœud
de la corde de VEcce Homo du rétable » surmontant le
maltre-autel ; il reblanchit en même temps le fond du
calvaire, c'est-à-dire le rocher, les ossements et la
tête de mort.
N'y a-t-il pas un rapprochement à établir entre
l'autel « en forme de pressoir » et le rétable de VEcce
Homo 9
\
— 457 —
— Quand le raisin est mûr, c'est alors le moment de
la vendange. Or, pour Notre-Seigneur, les temps
étaient accomplis et le matin même de la Passion,
Pilate le montre au peuple en disant : voilà l'Homme ;
le corps du Sauveur qui, dans une parabole, se compare
à la vigne : ego sum vitis, ruisselle de sang, comme la
grappe meurtrie laisse couler sa liqueur empourprée.
— Dans quelques heures, la croix en exprimera
le sang jusqu'à la dernière goutte, comme le pressoir
épuise le suc du raisin.
— Le tabernacle est le cellier divin où le sang du
Sauveur est mis en réserve pour les âtnes altérées dont
Jésus a dit : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à
moi ».
Cette forme de pressoir bien caractérisée et ce
rétable où l'on voyait Jésus tout couvert de sang ne
sont-ils pas l'interprétation de cette prophétie d'Isaïe :
« J'ai foulé seul le pressoir et j'ai rougi tout mon vête-
ment? 0 (ISAIE, LXIII, 1.)
L'idée du pressoir sacré avait, dès le xiv® siècle,
inspiré des artistes, graveurs, peintres-verriers, pein-
tres de tableaux et sculpteurs. Il sera intéressant de
connaître (le plus brièvement possible) comment ils
ont traité le sujet.
A coup sûr, à Saint- Victor, nous ne trouvons pas la
même ampleur, mais cependant il n y a pas à se
méprendre sur l'essai de représentation mystique.
M9' Barbier de Montault (1) cite dans une Bible du
XIV* siècle de la Bibliothèque nationale, n** 6, la repré-
sentation du Christ étendu sur la planche d'un pressoir
à double vis. Au ciel le Père bénit le Fils ; ils sont
tous deux ceints d'un nimbe crucifère.
(i) Les Mesures de dévotion, dans la Revue de VArt chrétien
t. xxxiii, p. 409.
- 458 -
M. de Lasteyrie, dans une notice sur les représen-
tations allégoriques de l'Eucharistie {Mémoires des
Antiquaires de France, tome xxxix, page 80) décritle
pressoir mystique du vitrail de Robert Pinaigrier dans
Téglise de Saint-Hilaire de Chartres : « Les patriarches
cultivent la vigne ; les apôtres transportent le raisin
et le déposent sur un pressoir où est étendu Jésus-
Christ ; les évangélistes, sous la forme d'ange et
d'animaux qui les symbolisent, sont attelés à un char
où sont des tonneaux ; un prêtre donne l'absolution et
un autre prêtre distribue l'Eucharistie ».
Dans l'église de Baralle (Pas-de-Calais) on voit un
tableau où Jésus, chargé de sa croix, foule la cuve ; des
anges y déposent le raisin et deux anges reçoivent le
jus dans un calice.
Un bas-relief sur chêne, du xvi* siècle, sculpté par
Jacques Cégogne, dans l'église de Reclosses, près
Fontainebleau, représente à peu près les mêmes
scènes, décrites par M. de Lasteyrie, à propos de
Pinaigrier.
Dans la Reçue de l'Art chrétien, t. xix, p. 387,
M. l'abbé Bouillet décrit un vitrail de Conches, exécuté
en 1520 par Aldegers. L'inscription qui le surmonte :
(( Torcular calcavi solus » est comme le titre du sujet
traité.
A la cathédrale de Troyes, dans un vitrail de 1628,
de Léonard Gauthier, Jésus est étendu sur le pressoir
dont une croix forme la table de pression. Le sang du
Rédempteur est recueilli dans un calice.
Cette singularité d'autel de Saint- Victor ressem-
blant à un pressoir était restée gravée dans le sou-
venir de l'enfant ou du jeune homme devenu plus
tard M. l'abbé Cassiat, et il disait à bon droit
que cet autel était un des plus remarquables de la
ville.
- 459 -.
Le Clocher de Saint-Victor.
Le clocher est une des parties principales d'une
église : il y occupe une place en vue ; de loin on
l'aperçoit et de plus loin encore on entend la voix des
habitantes qu'il renferme.
On me pardonnera de parler un peu plus au long du
clocher de Saint- Victor, comme d'ailleurs il le mérite.
Il a toute une histoire, dont malheureusement nous ne
possédons que des pages détachées.
Une ancienne vue de Nevers, d'Israël Silvestre,
en 1650, nous offre en bonne place, au premier plan,
la représentation de notre clocher : la ressemblance. . .
est garantie, à en juger par la fidélité et l'exactitude
avec laquelle sont reproduits les anciens monuments
conservés jusqu'à ce jour : cathédrale, palais ducal,
église Saint-Etienne... Or donc, le clocher de Saint-
Victor fait bonne rigure; il dessine fièrement sa
silhouette dans le ciel avec ses deux rangs de fenêtres
géminées et sa flèche si svelte et si gracieuse.
D'après cette vue panoramique, le clocher est entre
l'abside, la nef et les chapelles latérales. Le plan
cavalier intitulé « le vray portraict de la ville et du
chasteau de Nevers, par Belleforest, en 1575, » ne
diffère pas du précédent à cet égard.
Mais une preuve écrite, fort curieuse et fort inté-
ressante, détermine et confirme sa position d'une
manière indiscutable : un autel appelé de Sainte-i
Catherine, adossé aux murs de la nef, « fut doté d'une
rente foncière par Pierre Callot, marchand, pour avoir
son banc tout auprès et plus tard sa tombe un peu
au-dessus et sous les cloches , du côté du prieuré et
proche la chaise (1) ». Dans ce peu de mots très précis
(1) Archives paroissiales de Nevers, p. 282.
- 460 -
nous voyons à ne pas nous y tromper la place d'église
de P. Callot en son vivant et après sa mort, du côté
de la chaire, qui est celui du prieuré, et la détermi-
nation du transept et du clocher au centre d'inter-
section de la croix. Le clocher était donc à cheval
au centre du transept et du côté du levant, sur
la môme ligne avec la face orientale des deux
chapelles .
Le premier clocher n'eut que trois siècles d'exis-
tence : pour un clocher, ce n'est pas un âge. La foudre
l'atteignit-elle ou fut il ébranlé par un souffle .de
tempête qui jeta bas sa flèche? Ou bien l'amour-
propre et la coquetterie des femmes de Saint-Victor
trouvèrent-ils qu'il ne figurait pas assez honorable-
ment à leur gré pour une paroisse qui n'était pas des
moindres de la ville sous le rapport du chiffre de la popu-
lation (l,200oul,300 âmes) aussi bien que de la qualité
des gens qui l'habitaient? Toujours est-il qu'il fut
reconstruit au commencement du xv^ siècle, comme
en fait foi l'ancien quatrain suivant :
L*an mil quatre cent douze,
Qu'il y eut beaucoup d'alouzc,
Les filles de Saint- Victour
Ont fait bâtir cette tour.
Ce n'est pas pour le besoin de la rime que Saint-
Victour rime avec tour ; c'est Saint-Victour qu'on
disait et qu'on écrivait communément.
Les généreuses donatrices et intrépides quêteuses,
en fixant le souvenir de l'abondance exceptionnelle
d'aloses, veulent par là rappeler que Dieu sait récom-
penser la foi de ceux qui donnent en son nom.
Comment concilier cette inscription avec une autre
• 461 -
qui existait au miroir du clocher (1), conçue en ces
termes : « L'an quinze cent vingt-neuf, des aulmosnes
de Saint-Victour de Nevers, Jean Girault, Charles
Carpentier, G. Duclo, à Dieu ont fait bâtir cette
tour (2) ?» — Elle a été surélevée d'un étage ; c'est
bien un travail important.
Deux années plus tard, la première ardoise était
posée à la nouvelle flèche. Le 9 juillet 1739, M. Tho*
mas, couvreur, et M. Bougault, faisant des réparations
audit clocher ont trouvé la première ardoise sur
laquelle est Tinscription suivante : « Cette première
ardoise a été mie par moy, Victor Puenu, couvreur,
parochien de Saint-Victour de Nevers, le quatriesme
jour d'aoust. Tan mil cinq cent trente-et-un ». La
môme ardoise a été reposée par ledit Thomas : on y a
ajouté et l'année qu'elle a été trouvée et les noms
desdits Thomas et Bougault.
« Dans cette tour, dit M. de Sainte-Marie, étaient
trois fort belles cloches ; c'était, ajoute-t-il, celles du
prieuré de La Charité, que le duc de Nevers avait fait
enlever en 1577, lorsque cette ville fut prise par
l'armée catholique dont il était l'un des principaux
chefs. »
Si réellement le duc Louis de Gonzague fit amener
à Nevers les trois cloches du prieuré de La Charité,
elles en connaissaient déjà le chemin ; car nous lisons
dsnsV Histoire manuscrite de La Charité : « En 1572,
M. le Prieur, par une lettre du 14 février, donna ordre
(1) On appelle miroir un ornement en ovale taillé dans une moulure
creuse ; c'est la forme d'un miroir dans son cadre. Dans le cas présent,
on avait voulu fixer la date et perpétuer le souvenir de cet important
travail. "^
(2) Les précieux détails de la construction du deuxième étage du
clocher ainsi que de Tinvention de la première ardoise de la nouvelle
flèche sont extraits des Mémoires de M, Vabbé Olivier Rtfféj provenant
de M. Fabbé Couard, curé d'Asquins-sous-Vézelay,
- 462 -
au sieur Chaliudet de poursuivre le grènetier de Gien
pour la restitution des cloches du prieuré desquelles il
s'était emparé dans le temps que la ville fut pillée par
les Allemands (huguenots) et lesquelles il avait vendues
à ceux (aux habitants) de Nevers qui les ont mises
dans les paroisses de Saint- Victor et de Saint-Arigle. »
M. Duvivier {Album du Nivernais, tome 2, page 40)
dit qu'elles furent restituées la môme année.
Le duc, ajoute M. Duvivier, ordonna que les trois
grosses cloches du prieuré fussent transportées à
Saint-Victor. Ce serait donc pour la seconde fois.
A ce moment, de quel carillon cette paroisse aurait
été pourvue ! En effet, il faut bien admettre qu'il y avait
auparavant au moins une cloche pour annoncer les
offices.
Et pourtant le clocher n'en contenait que trois, c'est
certain.
Deux furent refondues à différentes époques.
La seconde (pour le poids), a été bénite le 28 octobre
1677, par maître Pierre Goby, curé de Saint-Etienne
et promoteur général de M9' Vallot (Registre des
baptêmes de la paroisse Saint- Victor).
« En 1716, le troisième jour de juin, la troisième
cloche a été bénie en l'honneur de Dieu, par moi,
Charles de Saint-Clivier, prêtre-curé de ladite paroisse,
laquelle cloche a été fondue Tan 1581, aux dépens de
messire Jacques Dien, prêtre, prieur-curé d'Aubigny-
le-Chétif, et maintenant habitant de cette paroisse.
Etant procureurs-fabriciens de cette église, maître
Jean-Baptiste Faure, marchand de draps; maître
Philibert Ninan, marchand boucher : maître Joseph
Moquot d'Aignan, procureur du Roi en l'hôtel de ville
et maître Nicolas Pleaut, marchand corroyeur. »
Ladite cloche pèse 1,500 et pesait auparavant 1525,
— 463 -
parce que le fondeur a manqué le couronnement au-
dessus de la cloche. A Tentour est écrit : a D. O. M.
sub invocatione sancti Jacobi hœc campana denuo
fus a est sumptibus Dni Jacobi Bien sacerdotis, in
testimonium suœ erga Deum i^eligionis necnon erga
parochianos Sancti -Victoris benecolentiœ. Anno
1716, Gaspardus Lavocat me conjlaoit ». (Registre
des baptêmes de la paroisse de Saint- Victor.)
En résumé, la première cloche seule pouvait être
restée une de celles du prieuré si une refonte, qui n'a
pas laissé de traces, n'a pas eu lieu.
Ici encore une grande lacune dans les feuillets de
notre histoire. Nous arrivons brusquement au 19 sep-
tembre 1781 . L'abbé Riflé, sur le registre des actes
religieux de cette année, signale le remplacement du
coq du clocher :
« Vers dix heures du matin, le coq du clocher,
descendu à cause de réparation y a été replacé sans
aucun accident, après quoi on a sonné toutes les clo-
ches en branle. Et pour satisfaire la piété du concours
des fidèles qui s'étaient assemblés dans l'église, nous
avons, revêtu d'un surplis et d'une étole, entonné
devant le maître-autel, le cantique Te Deum, qui s'est
chanté avec beaucoup d'édification .... »
La position du clocher, je le répète, ne fait aucun
doute, mais l'insuffisance des données ne me permet
pas d'en expliquer la construction.
Toutefois, désireux de sonder le mystère, j'ai voulu
me rendre compte et porter mes investigations dans la
propriété contiguë à la chapelle subsistante et au mur
de la nef.
Des constructions récentes recouvrent malencon-
treusement l'angle que je me proposais d'examiner,
mais en compensation, une agréable surprise et une
vraie joie m'étaient réservées :
Cloître de Saint-Victor.
Pour mon observation, me trouvant dans un carré
clos de tous côtés de hautes murailles ou de b&timents,
il me vint aussitôt à l'esprit que cet endroit était le
cloître ; en effet I Au mur extérieur de la nef, je vois
sur une même ligne, des pierres en saillie, des cor-
beaux taillés uniformément, distancés de 2 m. 10 à
2 m. 15, à 2 m. 65 de hauteur. Il en est de même au
mur du couchant. Sur la totalité, à peine cinq ou six
corbeaux n'existent plus. Au levant, en continuation
de la chapelle et de la même largeur, une construction
récente a été reliée à un vieux mur qui conserve
encore deux corbeaux ; au nord, la construction est
également récente et elle n'offre point de pierres
saillantes comme celles dont nous venons de parler.
Ces pierres en saillies, à égale distance, à hauteur uni-
forme, distribuées sur les trois côtés du carré clôturé
de murs ou de bâtiments, sont les vestiges certains
et évidents d'un cloître.
Le carré n'est pas tout à fait exact : les côtés, dans le
sens du levant et du couchant, mesurent 15 m. 50, et
les côtés du midi et du nord 16 m. 50.
Les corbeaux portaient donc des poutres sur les-
quelles reposait la petite charpente de la toiture ; la
pente en était peu prononcée ; les tuiles, gironnées per-
mettant facilement l'écoulement des eaux, la surface
à couvrir n'était de guère plus de deux mètres, la dis-
tance des corbeaux devant indiquer la largeur du
cloître par l'angle de retour correspondant aux cor-
— 465 -
beaux et par les supports ou colonnes qui leur faisaient
face.
Dans une autre partie de la même propriété, qui
appartient à M™« de Cotignon , au milieu d'une
pelouse, un support tout spécial pour cadran solaire
appela mon attention; mais alors rien ne me fai-
sait soupçonner sa destination et son usage primi-
tifs. C'est une colonne ronde, cantonnée de quatre
colonnettes avec anneaux et boudins au bas du fût et
quatre chapiteaux ornés de feuilles grasses à nervures,
tous pareils ; de la base au sommet, cette colonne
mesure 1 m. 08, socle et tailloir non compris, attendu
que ces deux pièces ne sont pas de Tépoque et ont été
façonnées pour utiliser la colonne trouvée au milieu
de débris. — L'existence du cloître étant hors de
doute, il m'est venu aussitôt à l'esprit que cette
colonne, vu ses dimensions en rapport avec celles du
cloître, faisait partie de la galerie ou colonnade qui
i'entourait. — Un petit mur, d'un mètre extérieure-
ment, et de 0 m. 70 environ intérieurement, pour
l'exhaussement du dallage au-dessus du sol, formait le
socle de la colonnade, et sur les chapiteaux, des tra-
verses en bois correspondaient à celles reposant sur
les corbeaux.
Autre remarque recueillie : aux deux extrémités du
cloître adossé à la nef, la porte romane que nous avons
déjà observée dans la chapelle ogivale est en face d'une
autre porte communiquant avec l'ancien cimetière
paroissial, et l'entrée du cimetière par la rue de
Nièvre.
Le carré du cloître où nous sommes est le cimetière
des religieux bénédictins ou, peut-être, des religieuses
du premier monastère : « un des plus anciens de la ville » ;
en effet, le concierge de M™® de Cotignon m'a affirmé
j
— 466 —
que plusieurs cercueils en pierre avaient été trouvés
en cet endroit, et il m'a même désigné la place précise
où il en existait un de ce genre ; il faudrait voir leur
forme et certains détails pour être à même d'en pré-
ciser l'âge .
Voilà donc un commencement d'indications pré-
cieuses sur le cloître de Saint- Victor, compris dans
les dépendances de l'ancienne maison numérotée 677.
Combien intéressante la maison voisine, n* 676, qui
était le logis du prieur ! Siir la rue Creuse, il reste de
beaux fragments de trois fenêtres géminées du
XIII* siècle.
8o Les Dimensions.
Elles ne seront qu'approximatives, mais se rappro-
chant beaucoup de la réalité ; c'est un ancien acte qui
nous renseignera sur ce point.
Nous trouvons une reconnaissance de l'année 1774,
par M*^ Jacques-Joseph Haly, notaire, et procureur au
baillage et pairie de Nevers et greffier en chef au gre-
nier à sel de cette ville, y demeurant rue Creuse, en
cette paroisse, d'une rente de 40 sois, plus la sçmme
de 20 livres d'entrée en espèces d'écus de 6 livres et
autres monnaies ayant cours, pour un banc de la lar-
geur de 9 pieds en entrant à gauche, depuis l'enco-
gnure des grandes portes... (GG. 69, cahier in-folio de
66 feuillets papier. Archives comm, de la tille de
Nevers}.
Nous sommes donc fixés sur la distance de l'enco-
gnure de la grande porte au mur de la nef : neuf pieds
ou trois mètres .
La largeur de la nef serait donc de deux fois trois
mètres, plus la largeur de la porte, qui reste à déte^
miner ; l'abside a 3 mètres 50 environ de profondeur.
- 467 —
Quatre travées : celle du chœur, les trois de la nef,
mesurent 4 mètres chacune environ ; le transept
mesure 6 m. 85 à 6 m. 90 entre la colonne romane
subsistante et celle en avant du mur d'angle de la
chapelle plus rapprochée de l'abside. D'après ce calcul,
la longueur totale de l'église à l'intérieur, non com-
pris le porche, serait de 26 m. 20 environ, ce qui
concorde avec les proportions du plan et la superficie
approximative portée sur l'adjudication de l'empla-
cement de l'église : environ un quart de boisselée,
225 mètres carrés. (Adjudication nationale, 22 vendé-
miaire an IV, archives de la préfecture.)
On se rappelle aussi que le côté extérieur de la nef,
dans lequel sont encastrés les corbeaux du cloître
depuis l'angle de la chapelle jusqu'au mur de façade
de Téglise, mesure 16 m. 50.
Chapelle du XVP siècle.
La chapelle du xvi® siècle étant la seule partie qui
subsiste, assez bien conservée jusqu'à la naissance des
voûtes, j'en donnerai une description sommaire avec
les dimensions exactes (elle a été divisée en deux
étages, sellerie au rez-de-chaussée, et grand cabinet
au-dessus).
Elle mesure 5 m. 50 de largeur et 6 m. 10 de pro-
fondeur. L'arceau d'entrée ofire un écartement de
5 mètres, la colonne romane de la nef est à 1 m. 45 du
côté du montant le plus rapproché.
A 4 m. 60 du sol, commence la courbe de l'ogive
sur pilier à colonnettes à la base, et nervures prisma-
tiques.
Aux quatre angles s'élève sur socle à colonnettes un
pilier présentant obliquement sa face unie, qui fait
saillie à angle droit de chaque côté sur le mur ; les
- 468 —
deux piliers du fond offrent une surface de face et de
côté de 0 m. 46 et de 0 m. 29, tandis qu'elle est de
0 m. 40, et de 0 m. 26 pour ceux placés derrière Tar-
ceau d'ouverture .
A 5 m. 30, un seul de ces piliers, celui de droite en
entrant, laisse voir la membrure prismatique qui s'en
dégage pour former sous les arêtes la croisée de ner-
vures de la voûte détruite ; à la même hauteur ,
prennent naissance, sur les côtés des piliers, des ner-
vures prismatiques qui dessinaient le dessous d'ogive
des voûtes.
Dans l'angle de gauche, en entrant, le mur était
percé d'une porte à cintre roman de 2 m. 10 de hau-
teur, qui communiquait avec le prieuré.
Nous avons déjà mentionné les deux fenêtres
romanes ; elles mesurent d'embrasure 1 m. 30 sur
2 mètres.
La restauration de cette chapelle ne concorderait-
elle pas avec les importants travaux exécutés au clocher
en 1529 ?
Chapelle sud et sacristie.
Si la position du clocher n'était pas déterminée d'une
façon si précise, la saillie extérieure de la chapelle du
transept sud donnerait à supposer que le clocher domi-
nerait la chapelle et que la saillie figurée est la tou-
relle du clocher. Il n'en est rien, cherchons une autre
explication.
On peut constater que le plan auquel nous avons si
souvent recours est fort bien dressé et détaillé, vu ses
dimensions ; les contemporains lui donnaient une
réelle autorité que lui valait son exactitude très appré-
ciée, puisqu'il en existe plusieurs reproductions au
musée céramique ; le dernier, pour lequel il a servi de
— 4(59 —
modèle, est finement colorié avec personnages à Taqua-
relle soutenant un riche cartouche pour l'inscription :
« Plan de la ville de Nevers en 1790 ».
Sur le plan de 1759, on voit distinctement les
quatre contreforts de l'abside ; ce petit détail mérite
d'être signalé et dénote que rien, autant que possible,
n'a été omis. Cette précision si minutieuse écarte à
l'avance l'oubli d'un accessoire essentiel de l'église, je
veux dire de la sacristie.
La sacristie existe ; où la prendre ?
Il faut la chercher dans le voisinage du chœur ;
nous ne la trouvons que du côté droit du transept qui
couvre plus de superficie de terrain que la chapelle
ogivale à gauche. Dans cette différence de surface en
plus et la saillie extérieure de deux mètres environ
qui fait retour sur l'angle sud, je placerais la sacristie,
regardant le couchant jusqu'à l'angle de la chapelle.
La partie qui déborde et fait retour sur la chapelle au
midi, serait l'échoppe bâtie pour François Solliveau,
marguillier d'après l'analyse des titres de propriété de
\^^dkVo\s^ç^( Archives communales ,3,jmée 1666, GG,71) :
Requête de François Solliveau, marguillier, aux fabri-
ciens exposant (c qu'encore bien qu'il emploie tous ses
soins pour empêcher que les enfants de la paroisse ne
fassent du désordre dans le cimetière et conserver les
vitres de l'église, néanmoins jusqu'à présent il n'y a
pas réussi pour être son domicile trop éloigné de
ladite église » ; pourquoi, il supplie qu'on lui accorde
une petite place dans le cimetière, pour y faire cons-
truire une boutique où faisant sa résidence, il pourra
facilement empêcher le désordre, consentant d'ailleurs
d'en payer chaque année une charge honnête à la
fabrique (Titres de propriété de la fabrique de Saint-
Victor).
T. nu, 3* Bérie. 31
— 470 —
Cimetière.
Ajoutons un mot au sujet du cimetière de Saint-
Victor.
Le cimetière, qu'il fallait traverser pour entrer à
Téglise, est marqué sur le plan de 1759 d'un semis de
petites croix.
Une reconnaissance de 1524, porte que Tancienne
maison Carimantrand , située dans la rue du Fer,
tenait par le devant à ladite rue, et par le derrière au
cimetière de Saint-Victor (Archives paroissiales de
Nevers, par Tabbé Boutillier, page 282).
J'ai essayé de reconstituer l'ancienne église Saint-
Victor ; je la représente avec ses murailles froides et
dénudées ; mais nous savons d'ailleurs (que le maître-
autel en forme de pressoir était fort remarquable, et
qu'il était surmonté du rétable de VEcce-Homo) ; que
çà et là, étaient des inscriptions de fondations , la
curieuse sculpture du Buisson Ardent (au musée de la
Porte du Croux), les statues de saint Victor en costume
guerrier, de la sainte Vierge tenant l'Enfant-Jésus,
de saint Joseph, de saint Charles Borromée, de saint
Siméon Stylitte et autres ; qu'un monument dont la
place n'est pas précisée (probablement dans la chapelle
de la nef, pour les fonts), se composait de quatre
grandes colonnes en marbre noir, surmontées d'un
baldaquin en fer forgé ; que plusieurs autels étaient
adossés aux murs ; que le dallage était formé de nom-
breuses pierres tombales, dont celles du xiv® siècle
représentent les figures agenouillées de Thouvenin et
de Jeannot de La Cheyne (au musée de la Porte du
Croux) ; on lit sur la bordure en lettres minuscules
gothiques :
Icy gist : Thouvenin : de : La : Cheyne : qui :
- 471 -
treppassa le mercredi après : la : Sainte : Katherine :
lan : de : grâce : mil : CGC : L : et : IIII :
Icy : près : gist : Jehannot : de : La : Cheyne : son :
fils : qui : treppassa : le : jeudi : jour : de : la : Nati-
vité : de •. Notre : Dame : lan : de : grâce : mil : CGC :
quatre : vin : et : dix : Dieu : bonne : merci : leur :
face : Amen :
Quelques ruines, bien minimes, voilà donc tout ce
qui reste de l'antique et vénérable monument, il ne
trouva pas grâce devant la rage des démolisseurs
d'églises à la fin du siècle dernier. Le 27 prairial, an II
(26 mai 1794), l'administration du district arrêta que
le département serait invité à détruire dans son entier
la ci-devant église de Saint- Victor : l'invitation, qui
avait toute lapparence d'une sommation, ne fut,
hélas I que trop bien exécutée.
Abbé SERY,
Chanoine.
On voit aussi au musée lapidaire : 1<* (277), une fin d'inscription « ...et
curé, à chacun X den (iers) et à chacun des huil preshtres V den (iers) et
le reste de la some, lad Magdelene veuit qu'il soit employé au proffit de
ladite fabricque... »
2« Des fragments de statues de pierre (n<» 323-324) trouvées en 1899
dans des travaux.
Ces trois objets, ainsi que la sculpture du Buisson Ardent ont été
donnés par M. Flamen d'Âssigny, propriétaire de la maison bâtie sur
remplacement de l'ancienne église Saint- Victor.
3* Du XVI* siècle (167) une statue de femme dans Tattitude de la prière.
I
I
- 472 -
NOTE
SDR DEDX ÉDITIONS DES COUTUMES DU NIVERNAIS
Dans la collection de M. Grangier de La Marinière,
dispersée le 2 juin 1883, se trouvait un manuscrit des
Coutumes du Nivernais (1), ayant passé, en 1861,
dans un catalogue du libraire Delion et signalé à cette
occasion par M. de Laugardière (2).
Ce volume in-folio de 677 feuillets, avec les titres
en caractères gothiques, renferme le « Coustumier
général du pays de Nivernoys », avec la « Coustume
localle du val de Lurcy en la chastellenie de Monte-
noison » (ff. 210), le « Stille du bailliage de Nyver-
nois » (ff. 554) et le procès- verbal de rédaction du
8 novembre 1534 (ff. 653).
Sur le dernier feuillet, avant la table, on lit :
« Cy fine le Coustumier et stille du pays et conté
de Nyvernois... Et fut achevé d'imprimer le qua-
triesme jour de janvier mil cinq cens trente neuf, par
Estienne Caveiller, imprimeur , pour Guillaume
Lebret, libraire et messaiger juré de l'Université de
Paris, demeurant au clos Bruneaut, à l'enseigne de la
Corne de Cerf. »
A la fin du manuscrit se trouve en outre une sorte
(1) N« 196 du Catalogue.
(2) Bulletin de la Société niverncUse, lU, 390. Ce manuscrit, adieté à
la Tente de 1883 par M. Etienne Gharavay, fait actadlement partie de
notre bibliothèque.
« ■
- 473 -
de livre de raison, concernant une famille nivernaise
du nom de Marchant, au xvi® et au xvn« siècle.
L'édition de 1539 des Coutumes, dont ce volume est
une copie, est restée inconnue à ceux de nos collègues
qui se sont occupés de la bibliographie de notre
province. M. de Soultrait n'en parle pas dans ses
Notes sur une bibliothèque nivernaise (1) et ne la
fait pas figurer parmi les cinq Coutumiers gothiques
décrits dans le tome XII du Bulletin (2).
M. Bégat, dans sa Notice sur V Imprimerie à
Necers, n'admet pas davantage d'édition intermé-
diaire entre 1535 et 1546 (3).
Cependant, il existe, à la Bibliothèque nationale,
un exemplaire de cette édition de 1539, semblable,
comme on va le voir, au manuscrit de la collection
Grangier de La Marinière. Voici la description de ce
volume :
« Coustumes du II Pays et Conté de Nivernoys,
enclaves II et exemptions dicelluy. Accordées, leues, Il
publiées et emologuées en présence de II gens et
officiers de madame la Côtesse de Nevers et de
Dreux. Et des trois II estatz dicelluy pay^ : Par noz
seigneurs II maistres Loys Roillard et Guillaume II
Bourgoing, conseillers du Roy nostre sire II en sa court
de Parlemët à Paris et com II missaires de par icelluy
en ceste partie : et II depuis receues en icelle court.
)) On les vend à Paris au clos Bruneau à II lêseigne
de la Corne de Cerf par Guillaume Le II bret, libraire
et messaiger iuré de Luniversité M'D'XXXIX. »
[Fol** 2, recto :] « IllustrissimaB principi Mariae
Lebretensis Nivernise, drochamque comiti Guillielmus
Rapinus eius fisci advocatus. »
(1) AnnucUre de la Mièvre, 1848, 2* partie, pp. 3-96.
(2) P. 352-4.
(3) Bull., IV, 176-7.
— 474 —
[FohA tiii, verso:] « Sensuy t le Coustumier généraljl
du pays de Nivernoys. »
[Fo/o P, recto :] « Stille du bailliage de Niver-
noys... »
[Fol^ S viii, recto :] « Cy fine le Coustumier et
Stille du pays 11 et conté de Nivernoys... Et II fut
achevé dimprimer le quatriesme II iour de Janvier
M'D 'XXXIX par II Estienne Caveiller, imprimeur
pour II Guillaume Le bret, libraire et messai II ger iuré
de Luniversité de Paris de II mourât au' clos Bruneau,
à lenseigne II de la Corne de Cerf. »
— Paris, Guill. Le Bret, 1539, in-8*» de 136 fï. non
chiffrés, cahiers sig. A-S, les cahiers A et 0 de 4 ff*
seulement. Caract. goth. sauf pour la dédicace. 26 lig.
à la page.
Au recto et au verso du titre, deux écus, l'un
losange aux armes de Marie d'Albret : coupé , en
chef, parti de Clèves et de La Mark et en pointe
de Bourgogne-Nevers, au 2, coupé en chef d'Albret-
Orval, et en pointe de Bourgogne-Nevers.
L'autre, aux armes de Clèves : écartelé aux 1-4,
parti de Clèves et de La Mark ; aux 2-3, de Bour-
gogne-Nevers. {Bibliothèque nationale^ invent, Rés.,
F. 1663,)
Brunet indique en ces termes, et sans l'avoir eue
entre les mains, une autre édition pour l'année 1534 :
(( Même titre qu'à celle de 1546 : pet. in-8^ goth.
4 ff. non chiffrés, sig. A (4 ff.) et B-S par 8. On lit au
bas du dernier feuillet : « Achevé d'imprimer le qua-
» triesme jour de janvier M'D'XXXIV par Estienne
» Caveiller, imprimeur juré, pour Guillaume Le
» Bret. »
En comparant la description de Brunet avec le
volume qui porte la date de 1539, on s'aperçoit de
suite que le format, le nombre et la composition des
^ 475 —
cahiers, les signatures, le titre, tout est identique,
sauf la date M'D'XXXIV, où il faut voir certaine-
ment une erreur de lecture, erreur facile à expliquer
par la forme un peu anormale du chiffre X, qui l'a
fait prendre pour un V.
La Bibliothèque nationale possède aussi un volume
attribué à cette môme année 1534 (1), mais un examen
minutieux nous a montré qu'il s'agit d'un exemplaire
de 1535, auquel il manque, au commencement, le
titre et la préface, et à la fin le procès-verbal
(cahiers P et 0, 8 ff.). 11 eût été du reste bien extraor-
dinaire de voir deux éditions imprimées à des dates
aussi rapprochées.
Cette erreur provient d'une note manuscrite ainsi
conçue, qui se trouve au verso du feuillet de garde :
« Ce Coustumier a été imprimé à Nevers en 1534,
Tannée même de la réformation de la coutume, comme
je l'ai vu, par un imprimé semblable, aux Bénédictins
de Nevers.
» Bert de La Bussière,
» Avocat en Parlement, »
Comme on le voit, cette note renferme une double
erreur, puisque l'impression a eu lieu à Paris et non
â Nevers, en 1535 et non en 1534.
En résumé, l'édition de 1534 n'existe pas, mais celle
de 1539 doit être jointe à la liste des Coutumiers
gothiques du Nivernais. Malgré Taridité du sujet,
nous avons pensé qu'il était intéressant d'entrer dans
quelques détails pour fixer d'une manière définitive
cette partie un peu embrouillée de notre bibliographie
nivernaise.
H. SARRIAU.
(l)InTent. Rés., F. 849.
— 476 —
ÉPISODE
D'UNE INONDATION DE LA LOIRE A COSNE EN 4790
Cosne est une des villes du Nivernais qui ont eu le
plus à souffrir des inondations. Non seulement la
Loire y a causé à différentes reprises les plus grands
ravages, mais le Nohain lui-même est parfois sorti de
son lit, infligeant aux riverains des pertes considé-
râbles.
C'est ainsi que le 23 février 1658, une crue subite
de cette petite rivière, emporta le pont qui unissait les
deux paroisses de Saint-Jacques et de Saint-Aignan,
détruisit la chapelle Saint-Firmin, la moitié de
rhôtel-Dieu et un certain nombre de maisons voisines,
avec tous les meubles qu'elles renfermaient (1).
Parmi les inondations de la Loire, et sans parler de
celles de 1615 et de 1733, ou de celles qui ont eu lieu
de nos jours, et sont encore présentes à la mémoire de
tous, la crue du 13 novembre 1790, qui renversa
plusieurs arches du pont de Nevers, se fit remarquer
par sa violence et la rapidité avec laquelle elle se
produisit, surprenant les habitants dans leurs maisons
et nécessitant les sauvetages émouvants, dont le sou-
Ci) Note du curé Tolleron sur un registre paroissial de Saint-Âignan.
— 477 —
venir nous a été conservé par la délibération suivante
des administrateurs du district de Cosne (1) :
« Ce jourd'huy, samedi treize novembre mil sept cent
quatre-vingt-dix, heure de midy, nous, administra-
teurs composant le Directoire du district de Cosne, et
officiers municipaux de la môme ville, soussignés, sur
l'avis que nous avons eu par la voix publique, et sur ce
que nous avons reconnu nous-mêmes, que la rivière de
Loire avoit crû prodigieusement, depuis la nuit der-
nière, que les eaux s'avançoient jusqu'au pied de la
maison du sieur Pierre Frossard fils, dans la rue Dau-
phine (2), que le quay étoit couvert d'environ six
pieds; que l'isle étoit également couverte en totalité,
et que les deux bras qui séparent la rivière vis-à-vis de
Cosne étoient entièrement réunis ; que la rivière étoit
couverte de débris de batteaux et marchandises empor-
tées par le courant, qui, quoiqu'il ne fit point de vent,
couloit avec une rapidité efïrayante ; que la maison
appartenante à M. de Langeron, construite sur Tisle
de Cosne, étoit dans le plus grand danger ; que les
habitants de cette maison étoient montés dans les
greniers, et qu'il étoit intéressant et pressant d'aller
leur porter du secours ; nous avons crû devoir nous
hâter de chercher des mariniers assez adroits et assez
courageux pour faire le voyage ; alors se sont présentés
devant nous, les nommés François Quillier, René
Quillier, Claude Chereau, Louis Perroy, Laurent Ber-
trand, et Louis Thevin (3), tous garçons mariniers,
demeurant en cette ville de Cosne, sauf ledit Thevin
(1) Cette pièce et les suivantes sont entre nos mains.
(2) Actuellement, rue de la Pêcherie. La place de la Pêcherie, à laquelle
elle aboutit, avait pris, en 1778, le nom de place Dauphine, en souvenir
de la naissance de Madame Royale. (Note de M. Gadoin sur le manus-
crit Grangier des Maliers).
(3) Ces familles existent encore à Cosne pour la plupart et plusieurs de
leurs membres y exercent encore la même profession.
- 478 -
qui demeure à Tracy ; lesquels nous ont offert de
s'embarquer sur le champ, et d'aller chercher les habi-
tants de Tisle, nous leur avons, à cet effet, procuré des
barques et agrèz nécessaires, et leurs avons aussi fait
remettre des vivres tant pour leur besoin que pour
celui desdits habitants de Tisle :
» Les six mariniers sont partis aussitôt ; après être
remontés en suivant le bord de la rivière jusques et
près le Chantier Blanc (1), et redescendant ensuite en
traversant obliquement la rivière, tantôt avec l'aviron,
tantôt avec la bourde, ils sont arrivés près delà maison
de l'isle, et à l'aide déchelles, quatre femmes et un
enfant sont descendus dans la barque ; et ils les ont
ramenés dans la rue de la Croix-de-Saint-Nicolas (2)
où ils ont heureusement débarqué : qu'ils ont aussy
amenés deux porcs et ont sauvé unze brebis qu'ils ont
montés dans le grenier de la maison, quant aux effets,
ils ont été mis dans une barque qui étoit attachée à
laditte maison.
» A une heure après-midi, les officiers municipaux
de la paroisse de La Celle, distante de Cosne de deux
lieues, nous ayant écrit par xm exprès, qu'ils étoient
dans le plus grand danger, et qu'ils nous prioient de
leur envoyer promptement du secours, pour sauver
deux maisons qui étoient placées sur le bord de la
Loire, nous avons été chercher à l'auberge du sieur
Pinseau, les six mariniers qui avoient fait le voyage
de l'isle, et que nous avons trouvés dînants ; ces parti-
culiers ont aussitôt quitté leur dîné, et se sont embar-
(1) Le nom de Chantier Blanc désigne encore aujourd'hui les terrains
qui bordent la rive droite de la Lolre^ à un kilomètre en amont de la
ville.
(2) Actuellement rue Saint-Nicolas. Sur un des anciens plans, publiés
par A. JuUien, dans son ouvrage La Nièvre à travers le pcusé^ p. 160,
on voit figurer une croix sur la place Dauphine, près du débouché de la
rue Saint-Nicolas.
— 479 -
qués sur le champ pour se rendre à La Celle, nous,
Goy, vice-président, Bourgoin, maire, accompagnés
du sieur Charles Beaubois, capitaine en second de
grenadiers de la garde nationale de Cosne, nous
sommes aussi rendus audit lieu de La Celle, en voiture ;
les mariniers sont arrivés presqu'aussitôt que nous ;
et après beaucoup de peines et de difficultés, et môme
de danger pour aborder, nous les avons vus recevoir
dans leur bateau, deux hommes, deux femmes et six
enfans, sept porcs et deux vaches, et nous avons
reconnu qu'en effet les deux maisons avoient beaucoup
de risque et que sans des secours aussi prompts les
habitants étoient exposés à périr.
» A cinq heures après midi, les six particuliers se
sont présentés, pour recevoir la récompense que nous
jugerions à propos de leur donner , nous leur avons
répondu, que nous ne pouvions de nous-mêmes, sans
en avoir référé à l'autorité supérieure, fixer leur
récompense, que nous allions en écrire à l'assemblée
du département.
» Mais provisoirement nous leur avons donné une
somme de vingt-quatre livres, nous leur avons promis
de payer la dépense qu'ils avoient faite dans la journée,
et d'écrire incessamment à MM. les administrateurs
du département, pour qu'ils veuillent bien fixer leur
récompense.
» Quant à nous, nous estimons que, vu les peines
considérables que ces particuliers ont eu, et les dan-
gers qu'ils ont couru, pour aller délivrer tant les
habitants de l'isle de Cosne, que ceux de La Celle, il
est juste de leur allouer à chacun vingt-quatre livres
tous frais faits.
» Nous prions en conséquence MM. les administra-
teurs de prendre cet objet en considération, et
d'accorder aux particuliers dont il s'agit ladite somme
— 480 —
pour chacun, elle nous paroit bien méritée, et d'ailleurs
nécessaire pour encourager en pareille circonstance les
citoyens capables d'être utiles.
» Trou, oflf. m*i ; M. Legrand, ofiE. m*^ ;
BiRON, oflf. m*i; Bourgoin, maire;
Frossard, off. m^i; C. F. Chenou;
F. Aug. Grangier, président; Gau-
DEL , Denoireterre , proc. syndic ;
Bechard, s". »
L'expédition de cette délibération fut adressée le
19 novembre suivant à l'administration départemen-
tale avec une lettre insistant sur la nécessité d'encou-
rager par une récompense immédiate de semblables
dévouements ; mais il ne paraît pas que cette démarche
ait eu aucun résultat, puisque le 23 décembre 1791,
plus d'un an après, le district de Cosne, dans une
nouvelle lettre, réclame le règlement de cette affaire.
Dans l'intervalle, l'Assemblée nationale avait voté
le 19 novembre 1790, une loi accordant une somme de
30,000 livres à chacun des départements de la Nièvre,
du Loiret et de l'Allier, à titre de secours provisoire,
et sur cette somme, la part du district de Cosne avait
été fixée à 10,396 livres, mais la répartition n'en était
toujours pas effectuée.
Aussi le 20 janvier 1792, les mariniers, las d'at-
tendre leur récompense, se décidèrent-ils à aller à
Nevers la réclamer eux-mêmes ; la lettre d'introduc-
tion qu'on leur remit à cette occasion est à citer en
entier comme exemple du style ampoulé dont on se
servait à cette époque. De nos jours, de pareilles
expressions sembleraient un peu dépasser la mesure,
mais il faut tenir compte du milieu exagéré qu'était
la Révolution.
— 481 —
Malheureusement, les hommes d'alors ne s'en tin-
rent pas à l'exagération de leur langage et, parmi ceux
dont il est question dans la délibération précédente,
il en est un, Etienne Goy, vice-président du district
de Cosne et commandant de la garde nationale, qui
paya de sa tôte, avec quelques-uns de ses compa-
triotes (1), une complicité imaginaire dans une pré-
tendue conspiration fédéraliste.
« Lors du débordement de la Loire, Messieurs,
du décembre 1790, les nommés mariniers,
eurent le courage de braver la fureur des flots pour
voler au secours des malheureux prêts à y périr ; nous
vous avons aussitôt donné connoissance du dévouement
héroïque de ces braves et généreux citoyens, pour
leur faire accorder la récompense due à leur noble et
salutaire entreprise ; mais depuis ce tems, ces hommes
intrépides, qui, s'ils se fussent présentés devant leurs
concitoyens au moment où ils ont ramené parmi eux
les infortunés que l'onde menaçante alloit engloutir,
auraient trouvé dans les cœurs tout pleins alors de ce
spectacle touchant, une abondante récompense, n'ont
encore rien obtenu ; et cependant, des citoyens recom-
mandables, il est vrai, par des actions non moins
vertueuses, ont déjà su mériter auprès de vous, et
l'honneur d'une marque distinctive, et l'assurance
d'un prix à leur valeur civique.
» Aujourd'hui, ces hommes précieux à la société,
veulent se présenter devant vous. Ils veulent vous
(1) Maignan-Champromain, juge de paix ; Perriot, officier de santé ;
Leclerc-Balivet, ci-devant notaire; Pierre-François Cacadier, marchand de
tabac ; Gilbert Chaumorot, maître de poste ; Antoine Pyrent, curé de
Saint-Jacques ; Lafaye, accusateur public du district ; Jean Rochet,
toucheur de bœuls, tous condamnés et exécutés le 22 prairial, an U ;
Jean-François Rameau et Jean-Louis Rameau, son frère, exécutés le
18 floréal précédent
— 482 —
faire voir les nommes, qui, dans le danger, savent le
braver pour secourir leurs frères, persuadés qu'une
telle présence influera favorablement sur ceux qui,
sentant tout le prix d'une action aussi généreuse,
savent l'admirer et lui donner sa récompense.
» Pleins de la môme confiance, nous cédons à leurs
désirs et nous nous empressons de vous les présenter.
» Les administrateurs »
Ce voyage à Nevers, s'il eut lieu, n'eut pas le succès
que s'en promettaient les intéressés, car nous possé-
dons encore une lettre du 29 février 1792, demandant
& l'administration départementale l'autorisation de
prélever 396 livres sur la part réservée au district
dans les fonds votés par l'Assemblée nationale. Ici se
termine notre dossier, nous ignorons si les mariniers
finirent par toucher l'argent qu'ils avaient si bien
gagné, mais il est fort possible que les préoccupations
politiques du moment aient fait oublier l'inondation
de 1790 et les incidents qu'elle avait provoqués.
Henri SARRIAU.
— 483 —
LE NIVERNAIS A LA FIN OU XVII* SIECLE
L'INTENDANT LE YAYER
SON MÉMOIRE
SUR LA GÉNÉRALITÉ DE MOULINS EN 1698
PAR
RENÉ DE liESPINASSE
Boulainvilliers {Etat de la France, extraits des
Mémoires des Intendants du Royaume, par ordre du
roiLouis XlVàla sollicitation du duc de Bourgogne),
a donné le résumé de notre mémoire, t. II, pp. 217 &
239 de l'édition in-f*» en trois volumes, imprimée à
Londres en 1727.
Il ne porte pas le nom de l'auteur. A une époque si
rapprochée, Boulainvilliers aurait pu s'en enquérir,
mais la légèreté avec laquelle il a compilé ses immenses
travaux d'histoire lui permettait de ne pas s'arrêter
à un pareil détail. Son extrait, d'ailleurs, fourmille
de fautes pour les noms d'hommes et de lieux, à tel
point que la lecture en est vraiment impossible et les
noms totalement dénaturés.
Il profite de l'absence du nom de l'auteur du mémoire
pourcritiquersonœuvre.d J'y remarque, dit-il (p. 217),
une ignorance souvent très grossière, une affectation
de nuire aux particuliers sous prétexte de dire la
— 484 —
vérité, et partout une brouillerie des choses et une
redite importune qui répugnent à toutes mes maximes,
de sorte que je crains qu'on ne s'aperçoive du dégoût
que me cause cet ouvrage, dans lequel cependant on
trouve du détail, de l'esprit et des vues pour le bien
public, soutenus d'une espèce d'éloquence. »
Il y a du vrai dans ces critiques, mais pour nous
qui prenons le mémoire comme un document histo-
rique et d'appréciation pour la fin du xvii® siècle,
nous y trouvons des éléments intéressants de statis-
tique et des jugements curieux sur les fonctionnaires
de l'époque. Justement Boulainvilliers a sauté, dans sa
publication, tous ces précieux détails et nous croyons
utile, aujourd'hui, de transmettre dans son entier le
texte du mémoire de l'intendant de Moulins, qui
devait être, d'après la date, soit M. Le Vayer lui-même,
soit un de ses agents écrivant sous sa responsabilité.
Nous avons laissé de côté tout ce qui a trait aux
autres provinces de la généralité : Bourbonnois, Au-
vergne, Marche, Combrailles, pour nous borner au
Nivernois.
Les intendants des généralités s'occupaient de plu-
sieurs points d'administration, mais surtout de la
partie financière. Ordinairement maîtres des Requêtes
ou conseillers au Parlement, leurs fonctions n'offrant
aucune stabilité, ils se transportent de ville en ville et
n'ont pas de résidence fixe. Ils changent aussi très
fréquemment de région à inspecter ; la généralité de
Moulins eut, dans les vingt dernières années du
xvn® siècle, six intendants successifs :
Berchère (Urbain Le Joux de La), de mars 1683
à janvier 1684 ;
Bercy (Anne-Louis-Jules de Malon de), jusqu'en
octobre 1684 ;
J
— 485 -
Creil (Jean de), d'octobre 1684 à mai 1686 ;
Argouges (Florent d'), de juillet 1686 à juillet 1688) ;
Chateaurenard (Antoine Daquin de), de septembre
1688 à février 1694 ;
Vayer (Jacques Le), février 1694 à décembre 1699.
Les intendants de provinces entretenaient le contrô-
leur général des Finances, aujourd'hui le ministre,
de toutes les questions relatives au recouvrement des
impôts.
Ces correspondances ont été l'objet d'une impor-
tante publication administrative par M. de Boislisle,
membre de l'Institut. Les lettres des intendants témoi-
gnent constamment des difficultés qu'ils rencontraient
dans l'exercice de leurs fonctions ; on s'adressait à des
populations malheureuses, éloignées des centres et du
mouvement des affaires ; l'administration des Finances
était une innovation, les éléments de taxe manquaient
presque toujours ; il n'y avait ni autorité suffisante ni
moyens de contrainte, et souvent une connivence
fâcheuse entre les taillables et les agents du fisc.
Les intendants avaient pour mission de mettre
ordre à cette situation difficile. Leurs observations et
leurs demandes, consignées dans leur correspondance,
deviennent de véritables points d'histoire. L'intendant
de Creil, le 10 novembre 1684, réclame des officiers
en plus pour assurer le service.
En décembre 1684, il annonce qu'il poursuit les
fraudes de tout genre pour éluder l'inscription des
tailles et réclamer l'exemption à titre de noblesse ou
autrement. Aux prétendus exempts il répond : « Vous
payiez la taille ou la subsistance en telle année, donc
vous étiez roturier et par conséquent taillable en ce
temps-là et si vous n'avez point obtenu de lettres de
noblesse du Roy vous Testes encore aujourd'huy.
La recherche qui fut faite il y a 18 ou 19 ans fit plus
T. viii, 3« série. 32
- 486 —
de nobles qu'il n'y en avoit ; le traitant pour de l'ar-
gent consentoit à tout ; aussi a-t-il fait amende hono-
rable dans la généralité de Berry et dans celle-cy,
plus heureux en cela que le traitant du Poitou que
M. Rouillé, lors intendant, fit pendre pour un cas
pareil à Poitiers... L'abus môme a esté au point que
j'ai arresté la prétention d'un, qui sous le prétexte
qu'un homme portant son nom avoit esté anobli pour
services rendus, pretendoit cette année, s'enter sur la
branche de l'autre, de la famille et descente duquel il
n'est en aucune manière.
» Pour Nevers on ne s'y pique pas de noblesse
comme icy (Moulins), et l'on se contente de l'exemp-
tion ; mais tant de gens y prétendent et y sont si mal
fondés que j'ay besoin de vostre autorité pour les
réduire à la raison et leur faire porter leur part des
charges publiques, tailles et passages de troupes qui
sont très fréquents. (1) »
Peu de correspondances d'intendants ont rapport
au Nivernais dans le premier volume publié par
M. de Boislisle, aussi je crois pouvoir les mentionner
en tôte de cet article comme préliminaires au
Mémoire de 1898.
L'intendant Florent d'Argouges cite un exécuteur
qu'on fait venir de Clermont à Nevers, que personne
ne veut loger dans sa maison et qu'on est obligé
d'installer dans un bâtiment de l'Etat (2).
Dans une autre lettre, l'intendant d'Argouges s'étend
sur l'utilité que rendraient des juges consulaires,
anciens commerçants rompus à ce genre d'affaires,
les magistrats judiciaires embrouillant plutôt les
situations par des difficultés nouvelles et imprévues.
(1) DE Boislisle, Correspondance des Contrôleurs généraux, n* 136.
(3) Ibid., n« 269.
<( Il y a à Nevers, dit-il, 3 ou 4 maisons dont le com-
merce va, par année commune, de 3 à 3 cent mille livres
et nombre d'autres à 80, 100 et 120 mille livres, cela
sans doute augmenteroit s'ils n'étoient point détournés
par les procès qu'ils sont obligés d'essuyer en plusieurs
juridictions (1) ».
Ailleurs, c'est une question d'instruction publique
traitée par M. de Châteaurenard, La communauté de
Saint-Saulge s'était entendue avec les pères de l'Ora-
toire pour leur céder une rente de 585 livres à la
condition de se charger d'une classe. L'intendant
casse le contrat considérant que le maître d'école de
Saint-Saulge peut suffire pour instruire les enfants et
qu'à la rigueur on pourrait en installer un second sans
avoir besoin d'autoriser de nouveaux établissements (2).
Le 7 septembre 1695, M. Le Vayer fait remarquer
que le sous-traitant des étapes de l'élection de Nevers
a été taxé par l'échevinage de Saint-Pierre-le-Moûtier
pour avoir fait un grand profit sur le commerce des
blés ou des autres denrées durant la disette, bien que
sa qualité d'étapier ne lui permit pas d'en user ainsi
et cette taxe est conforme aux ordres donnés à l'égard
des marchands de blés (3).
Les cas de disette, assez fréquents, exigeaient des
mesures d'ordre que devaient prendre les intendants.
Le même M. Le Vayer expose que, dans Tannée 1698,
il est allé dans plusieurs granges et a fait battre du
blé sous ses yeux pour juger du rendement que l'on
considérait comme devant être suffisant pour l'alimen-
tation de la province. A Nevers, le prix avait doublé,
passant de 9 à 20 sols le boisseau. En Morvand, on
(4) DE BoiSLiSLE, Correspondance des Contrôleurs généraux^ n* 599,
(2) Jbid., n* 676.
(3) Ibid,, n- 123, 295, 1;462.
— 488 -
n'avait recueilli qu'uu peu d'avoine, qui soutenait les
habitants mais qui devait être bientôt consommée par
les étapes et le service du quartier d'hiver. Les mar-
chands enlevaient tout pour Lyon et Orléans, faisant
craindre l'effet de spéculations commerciales (1).
Une autre lettre de l'intendant Le Vayer, bien que
d'ordre privé, mérite de prendre place dans ces cita-
tions.
«... J'ay encore eu le malheur, écrit-il le
4 juillet 1699, de me faire un ennemi fort à craindre
de M. le comte de Busseaux, beau-fr^re de M. de
Pracomtal, dont vous savez les alliances et les puis-
santes relations. M. de Busseaux maltraita, à ce qu'on
prétend, des officiers de la maréchaussée de Nevers,
qu'il fît néanmoins encore, après cela, emprisonner.
Sur leurs plaintes envoyées au Roy, j'ai eu à donner
mon avis, et il n'étoit pas aussi favorable que M. de
Busseaux l'eût souhaité, et je ne doute pas qu'il n ayt
eu besoin de toute la puissante protection qu'il est
assez heureux d'avoir pour estre sorti de cette affaire
à si bon marché.
0 II s'est joint aux autorités de la province et à
force de plaintes et de mémoires adressés au Roy, il
est parvenu, par rapport à moi, à perdre le malheu-
reux entrepreneur de fourrages, M. de La Monnoye...
J ai reçu ordre de le déposséder de son entreprise et
d'en choisir un antre, rie que j'ai fait par obéissance.
Cependant, après avoir examiné et reconnu son inno-
cence, ayant perdu 8,000 livr., son honneur et son
crédit, le zèle de la vérité l'a emporté sur ma cons-
tance et j'ai cru que ce n'étoit point ici l'occasion de
négliger sa défense. Il m'a paru même très important,
pour le service du Roi, de vous observer que toutes
(1) DE BoisusLE, Contrôleur$ généraux des Finances^ n* 1,771
— 4«9 -
ces persécutions qu'on veut faire à des entrepreneurs
de fourrages coustent infiniment au Roi, car qui voudra
à l'avenir se charger d'aucune entreprise, s'ils se
trouvent exposés à des dénonciations et aux poursuites
de personnes puissantes et accréditées? Tout au moins
ils demanderont le double du prix ordinaire pour
estre en état de se redîmer, et dès à présent je puis
vous assurer qu'on demande 15 sois de la ration de
fourrage, qu'on avoit adjugée 9 s. 2 d. à ce malheureux
entrepreneur.
» Cette affaire est donc sérieuse de toute manière .;
j'espère que, malgré mes supplications, vous m'accor-
derez votre bienveillante protection, dont je ne ferai
jamais d'autre usage que celui de soutenir avec vigueur
et fermeté le parti de la vérité et les intérêts du Roi,
et de tacher par ce moyen de m'en rendre digne (1). y>
Parmi les divers états faits sur la généralité de
Moulins au xvu° siècle, le procès-verbal de l'intendant
d'Argouges, dressé en 1686, et le mémoire de l'inten-
dant Le Vayer, fait en 1698 pour l'éducation du duc
de Bourgogne, sont les travaux les plus importants
sur ce sujet et se complètent l'un par l'autre pour la
nature des renseignements.
Le premier, publié par M. Vayssière, archiviste
de l'Allier (Bibl. bourbonnaise, Durond, 1892, in-8*>
de xn-291 p.) contient pour notre région une liste
entière des paroisses composant les élections de Nevers
et de Château-Chinon.
Il est disposé par colonnes ou tables indicatives
con^îignant les fiefs, seigneuries, prieurés, forges,
commerces et chiffre des tailles dans chaque paroisse,
comme les deux que voici :
« Champvoux : seign. M. le Duc de Nevers ; terroir
(1) OE BoiSLiSLB, Contrôleun généraux des Finances, n* 1,884.
à seigle très ingrat ; il y a quelques vignes. Gouvern.
et ev. de Nevers. Il y a un prieuré de peu de
conséquence. 24 feux. Tailles des années 1683-87,
2241ivr., 224, 200, 185, 185.
» Coulanges : Seign. M. le Duc. Terroir à seigle et
pacages. Gouvern. et ev. de Nevers. 56 feux. Il y a
une grosse forge qui appartient au s^ Pinet de Nevers.
La rivière de Nièvre y passe. Le s' de Chevanne est
exempt à cause de sa qualité de gentilhomme de
M. le Duc de Nevers. Taille des années 1683-87 :
1,074 livr. 1,074, 990, 956, 950. »
Et ainsi de suite pour toutes les paroisses, avec
quelques observations seulement en tête, le travail
consistant dans cette nomenclature de noms et de
chiffres.
L'intendant d'Argouges fait précéder ces chiffres
d'une sorte de préface où il étudie quelques points
généraux de la province, mais sans renseignements
intéressants. Ses éléments de statistique pour la
collecte des tailles sont néanmoins très précieux et se
trouvent absolument différents du mémoire de 1698
de l'intendant Le Vayer, qui contient des apprécia-
tions sur les localités et des observations sur les per-
sonnes qu'on ne trouve pas ailleurs.
Les extraits de ce mémoire publiés par M. de Bou-
lainvilliers étant absolument incomplets, il m a semblé
utile pour l'histoire du xvii® siècle de transcrire en son
entier cet important document. La série de ces mé-
moires, ordonnée pour toutes les provinces de France,
existe en plusieurs copies dans divers dépôts de
Paris et en province, la plus authentique étant celle
de la Bibliothèque nationale, sur laquelle M. de Bois-
lisle a publié la généralité de Paris (1). Le [manuscrit
(1) Mémoires des Intendants sur Vétat des généralités. Introduction et
généralité de Paris, Documents inédits, i899, A .
— 4i>l —
contenant les généralités de Moulins, Bourges et
Orléans est coté Fonds français n® 22,202. Le texte
a trait à l'ensemble des provinces formant la géné-
ralité ; il en a été extrait ce qui a rapport au Nivernais,
soit in extenso, soit en résumé, quand les observations
n'offraient point d'intérêt.
MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRALITÉ DE MOULINS
PAR l'intendant LE VAYER, EN 1698
Texte pour le Nivernais.
Elle a été établie en 1587, sous le règne d'Henry III.
Elle est composée de trois provinces : 1® Bourbonnois,
2" Nivernois, 3^ Haute-Marche, sauf quelques parties
qui en sont distraites.
A l'égard du Nivernois, quoy que la plus grande
partie de la généralité de Moulins, et entre autres
Nevers, en dépendent, cependant il y a plusieurs
petites villes et paroisses qui font aujourd'hui partie
des généralités d'Orléans et de Berry.
Il y avait aussi une partie de l'Auvergne et le pays
de Combrailles.
Il y a trois rivières considérables : la Loire, l'Allier,
l'Yonne... toutes les trois navigables; souvent môme
l'Allier et l'Yonne cessent de l'estre, en sorte qu'il
faut attendre les crues d'eau que produit la fonte des
neiges du pays, ce qui retarde et incommode le
commerce.
Outre ces principales rivières, il y a dans le Niver-
nois celle de Nièvre, qu'on dit avoir donné son nom
à Nevers. Cette rivière fait la principale partie de
cette province par la quantité de belles et bonnes
prairies qu'elle arrose, plusieurs moulins et plus de
— 492 —
50 forges de fer et acier qu'elle fait marcher avant
que de se joindre à la Loire sous les ponts de Nevers.
La petite rivière d'Aron, après avoir fait marcher
plusieurs moulins, arrose quantité de prairies du coté
de Chatillon, Isenay, Cercy-la-Tour, et se vient
perdre dans la Loire auprès de Desise.
Le Nivernois originairement etoit un comté fort
ancien qui s'étendoit sur la ville épiscopale de Nevers
et sur tout son diocèse. On y adjouta plusieurs terres
situées aux diocèses d'Authun, d'Auxerre et de
Bourges jusqu'en 1638, qu'elle fut érigée en duché-
pairie. Ce duché, après avoir été possédé par les
maisons illustres de Nevers, Clèves, Gonzague, pen-
dant plus de 400 ans, tomba dans celle de Mancini,
par l'acquisition de M. le cardinal Mazarin, premier
ministre d'Etat, qui le transmit à M. de Mancini, à
présent duc de Nevers.
Les habitants de cette province faisoient aussy
partie du territoire des anciens authunois. C'est un
pays remply de bois et d'une terre fort fertile qui
produit beaucoup de seigle et froment, des foints et
des chanvres, si ce n'est du coté du Morvan, qui est
un pays de montagnes fort stérile et où il ne vient pas
assez de blé pour la nourriture des habitants.
Cette province est d'un très grand commerce par la
quantité de mines de fer et de charbon de pierre
et de bois qui se flottent jusqu'à Paris, et des bestiaux
qu'elle produit, mesme des cochons dans les armées
où il y a du gland. Elle produit aussi beaucoup de
poisson, qui va à Paris par le canal de Briare.
Elle a aussi des vignobles qui produisent, principale-
ment autour de la ville de Nevers, des vins qui, quel-
quefois, disputent débouté avec ceux de Bourgogne.
^ 493 —
Le Nivernois, quoy que très agréable vers Nevers
et Desise, est plus sauvage et plus froid que le Bour-
bonnois, surtout vers le Morvan, qui est presque
inaccessible. Les principales mines de fer et forges
sont le long de la rivière de Nièvre, et le charbon du
costé de Desise, dont les machines qui y servent
dépensent beaucoup, mais aussi sont très utiles et
curieuses à veoir.
(Bourbon, Vichy, Néris.)
Le Nivernois vante aussy ses eaux de Fougues, qui
est un village sur le grand chemin de Paris à Lyon,
à 2 lieues de Nevers du coté de Paris. On prétend
qu'elles sont specifiqiies pour Thydropisie, pour net-
toyer les reins et desopiler. Ces eaux sont de mesme
goût et qualité que celles de Spa, près de Liège ; elles
ont été en si grande réputation que le roy Henry III,
en 1586, y alla et en usa, et Ton voit encore des basti-
mens qui font voir que ces sources ont été fort recher-
chées.
Le Nivernois a son commerce particulier de
fayencerie (1) qui se fait dans la ville de Nevers
et qui est très considérable. Il y a aussi une bonne
verrerie, mais le commerce des fers et des charbons de
pierre est beaucoup plus considérable, aussi bien que
celui des bois flottez du coté du Morvan, dans le pays
détaché d'Auvergne. Il s'y fait aussi un très grand
commerce de fromages, de chanvres et de vins, et celui
des bœufs, vaches, veaux, moutons et cochons y est
très grand dans toute la généralité. Les bestiaux,
surtout ceux de trait, s'acheptent pour la pluspart en
Auvergne, se revendent dans les marchés du Bour-
bonnois, Nivernois et la Marche pour estre transferez
(1) Déjà signalée dans le mémoire de M. d'Argouges.
— 494 —
en Flandres, Allemagne et Italie dans les temps de
guerre ; les blés et avoines de Bourbonnois et Niver-
nois vont par la Loire et le canal de Briare à Paris et
à Orléans.
VILLES DU NIVERNOIS
Dans le Nivernois, Ton compte sept villes : Nevers,
Saint-Pierre-le-Moutier, Desise, Moulins-Engilbert,
Saint-Saulge, Luzy et Premery (1).
Nevers est la capitale de la province, située en
forme d'amphithé&tre sur les bords de la Loire, qui
passe sous ses ponts d'une très grande longueur , et au
bout desquels il y a une levée fort large et fort
longue, qui rend l'abord de cette ville du côté de
Moulins très magnifique. Les rues en sont fort
étroites et le terrain fort ynégal. Il y a une fort belle
église cathédrale dédiée à saint Cyr, quoy qu'autrefois
elle fut à saint Gervais, saint Protais. Siège épis-
copal, un gros chapitre et 2 abbayes, scavoir : l'ab-
baye de Saint -Martin de chanoines réguliers de
Saint-Augustin, et l'abbaye de Notre-Dame de reli-
gieuses, ordre de Saint-Benoit ; le prieuré conventuel
de Saint-Etienne, ordre de Cluny, et le prieuré
conventuel de Saint-Sauveur, du même ordre, uny au
grand prieuré de Cluny. Le couvent des Recollets, au
lieu des Cordeliers qui estoient autrefois.
Ceux des Capucins, Carmes, Minimes, Jacobins, et
ceux des Ursulines de la ville et des faubourgs,
Carmélites, filles de Sainte-Marie de la Visitation, un
collège de Jésuites, une maison des prostrés de l'Ora-
toire qui ont la direction du séminaire.
(1) Bibl. nat., ms. fr. 22,202 fol. 40 v.
— 495 —
Un hôpital gênerai, un hôtel-Dieu, onze paroisses
ou cures.
Bailliage et pairie, élection, eaux et forests,
chambre du domaine des ducs de Nevers, grenier à
sel, maréchaussée, corps de ville composé d'un maire,
des echevins, assesseurs, conseillers de ville, procureur
du Roy, conseiller et receveur des deniers patrimo-
niaux et receveur des octroys.
Il y a dans cette ville 8,()00 âmes et 1,800 feux.
Les oflSciers et personnes qualifiées n'ont pas les
manières si ouvertes et si aisées qu'à Moulins. Ils
vivent plus serrez et il y a moins de faste ; les habi-
tans y sont bien plus habils et plus riches, la plus
part s'adonnent au commerce du fer et celui de la
ifayancerie seul occupe 5 ou 600 personnes. L'esprit
du peuple est plus dur et moins endurant que celui
de Moulins, l'aise et la commodité peut y contribuer,
ou bien parce qu'il n'y a point en cette ville de séjour
ordinaire de l'intendant de la province et que d'ail-
leurs M. le Duc de Nevers en est le seigneur proprié-
taire, les peuples s'imaginent estre plus libres et plus
indépendants de l'autorité royalle que partout ail-
leurs .
Les environs de cette ville sont fort beaux et très
fertils. Il y a une promenade publique qu'on appelle le
Parc qui est assez belle, mais ce qui est de plus beau
est l'ancien chasteau et la place Ducalle qui est devant
la cour du château, dont les maisons bâties avec
simétrie font un aspect très agréable.
Saint-Pierre-le-Moûtier est une petite ville à sept
lieues de Nevers, sur le grand chemin de Paris à Lyon,
assez bien bâtie au pied néanmoins de la chaussée d'un
étang qui la rend malsaine, et quoy qu'elle soit
enclavée dans leNivernois, elle n'en fait pas néanmoins
partie ; c'est une ville royale.
— 406 —
On prétend qu'elle etoit autrefois du Niver-
nois, mais qu'en 1265 comme le prieur de Saint-
Pierre-le-Moûtier se voyait opprimé de touz cotez par
la puissance des ducs de Nevers et autres seigneurs,
il ne put trouver d autres meilleurs moyens pour s'en
garantir que de partager, du consentement de l'abbé
d'Authun dont ce prieuré dépend, la justice et la
prevostéqui lui appartiennent sur les habitans de cette
ville et sur quelques paroisses voisines, ce qui fut
exécuté ; et pour l'association le Roy eut en partage
la justice sur toute la ville, à la reserve et enclos du
prieuré qui demeurèrent toujours sous la justice et
prevosté du prieur, moyennant quoy le Roy lui promit
toute assistance et sauvegarde, et à cet effet les lettres-
patentes en furent expédiées.
Plus tard, quand saint Louis rendit sédentaires les
baillis et sénéchaux envoyés dans les provinces pour
ouïr les plaintes des sujets, il en établit 4, savoir : 2 à
Mascon et à Laon et le quatrième à Saint-Pierre-Ie-
Moutier, quant au mot de bailliage, il n'a, d'après
Guy-Coquille, aucune importance que la différence de
juridiction des cas royaux d'avec ceux de la justice
ordinaire .
Depuis cet ancien bailliage, Henri II y a establi en
1551 un présidial (1). Il y a 2 officiers du grenier à sel,
un esleu et un procureur du Roy de ville, un prieuré
de Bénédictins, Âugustins, Ursulines ; 1500 habitans
et 430 feux.
Desîse, petite ville au plus bel endroit de la généra-
lité, dans une isle entourée de la Loire.
Il y a un ancien et beau château à M. le Duc de
Nevers ; le prieuré de Saint-Pierre, un couvent des
Minimes, et un de religieuses de Sainte-Claire.
(1) Ces considérations historiques, souvent erronées, ont été résumées
sur le texte de Tintendant Le Vayer.
— 497 —
Justice ordinaire de M. de Nevers, un esleu et des
échevins. C'est un grand passage pour le Morvan et
la Bourgogne. Il y a un pont d'une grande longueur
qui étoit de pierre dont partie est tombée, et les
ruines des piles servent à soutenir un pont de bois
entretenu parla ville, dont les deniers d'octroy montent
à 7,000 livres par an. 500 habitants et 150 feux.
Moulins-Engilbert, du côté du Morvant et à 2 lieues
de Chastel-Chinon, a une église paroissialle où il y a
collège de chanoines. Un couvent de religieux Picpus,
un d'Urselines.
Un juge ordinaire de M. de Nevers, un grenier à sel,
un maire, un procureur du Roy, et conseillers au lieu
d'échevins. Cette ville est peuplée et dans un bon
fonds, les habitants laborieux ; 600 âmes et 290 feux.
Saint-Saulge. Il y a château ducal, grenier à sel,
officiers, un esleu et un procureur du Roy.
Les habitants en ont toujours été fort simples, et
leurs voisins en font une infinité de contes pour rire.
600 âmes et 260 feux.
Prémery est une ville dont M. l'evesque de Nevers
0st seigneur. Il y a un beau château. Dans la paroisse
Saint-Marceau il y a un collège de chanoines.
567 âmes et 160 feux.
Luzy, petite ville sur les confins de la Bourgogne.
Juge ordinaire de M. de Nevers. Un maire, un procu-
reur du Roy et des consuls. 300 âmes et 80 feux.
Chastel-Chinon est la capitale du Morvan, située
sur la pointe d'une haute montagne. MM. les princes
de Soissons et de Carignan en sont seigneurs. Ils y ont
leur bailli, procureur et avocat fiscal. Election. Un
petit grenier à sel. Une maréchaussée. Un procureur
du fait commun en titre.
Montagnes couronnées de forêts, Tune d'elles plus
haute où Jules César établit un chenil pour ses chiens (?)
— 498 ^
Il y a effectivement de ce côté-là beaucoup de
vestiges de la puissance romaine et de grands chemins
pavez qu'on attribue à Jules César.
Les habitans sont polis et industrieux, ils com-
mercent beaucoup n'ayant pas d'autre ressource.
La pauvreté et la cherté des laines en a presque
aneanty la manufacture. Il y avoit cinq ou six maisons
d'huguenots dont partie s'est dissipée ou convertie ;
il faut veiller au reste. 1,500 personnes et 130 feux.
On ne parle point ici des petites villes de Gorbigny,
Donzy, Druy, Entrain, Saint-Sauveur, Tannay, Dor-
necy, Champlemy, Amazy, Aisnay (Asnois), Courvol,
Billy, Etaiz, qui sont de la province de Nivernois,
mais qui font partie aujourd'huy des généralités
d'Orléans et Berry.
Total des âmes desdites villes. 15,657
Total des feux 1,316
ETAT ECCLESIASTIQUE
11 n'y a dans la généralité de Moulins que le seul
evèché de Nevers suffragant de l'archevêché de Sens.
Son établissement est très ancien. Saint Austremoine,
disciple des apostres, après avoir converty le peuple de
Nevers à la foi, fut élu le premier évoque, et Ton
compte 104 evèques depuis saint Austremoine jusqu'à
M. Vallot (1) qui occupe aujourd'hui le siège episcopal.
Ce prélat n'a pas les manières grandes ; il est assez
attentif à ses devoirs, il fait exactement ses visites, et
a grand soin de son séminaire. Il a fait refaire ime
partie du palais episcopal et de sa principale maison
de campagne. Il est aussy fort zélé au service du Roy.
(i ) Evêque de Nevers en 1667, mort à Paris le 3 septembre 17(6, à
l'âge de soixante-huit ans.
— 499 —
On l'aimeroit peut estre davantage s'il se communi-
quoit un peu plus et s'il etoit moins mesnager.
Le chapitre de Nevers est (composé) d'un doyen de
1,200 livr. de revenu, d'un archidiaconat, de 4dignitez,
de 2 offices ou personatz, et de 40 prébendes de
300 livres.
Cet evèché se divise en 8 archipretrez.
L'evèque est seigneur de 3 chatellenies : Premery,
Urzy et Parzy . Plusieurs fiefs en relèvent et entre
autres 4 principaux, chacun desquels à titre de baronnie
de levèché, scavoir : Druy, Poiseux, Cours- les-Barres
et Givry. Ils sont tenus de porter l'evèque en sa chaize
pontificale le jour de son entrée à Nevers.
Le revenu de cet evèché est de 10 à 12,000 livres.
Il y a 3 abbayes dans la province du Nivernois,
scavoir :
L'abbaye de Saint-Martin de Nevers, de chanoines
réguliers de Saint-Âugustin, congrégation de Sainte-
Geneviève, possédée par M. l'abbé de Vienne (1),
conseiller au Parlement de Paris, de 3,000 livr. de
revenu pour l'abbé et 2,000 livr. pour les religieux.
L'abbaye de Belle vaux, ordre de Premontré, pos-
sédée par M. labbé de Bussy Rabutin (2), comman-
dataire, de 800 livr. pour l'abbé et 1,000 livr. pour
les religieux ;
L'abbaye Notre-Dame de Nevers, de filles bénédic-
tines dont Mme de Langeron (3), sœur de M. de
(1 ) Maison originaire de la province de Bourgogne.
(3) Michel-Roger-Celse de Bussy-Rabatin, né vers 1664, évéque de
Laçon en 1724, membre de rAcadémie française, mort le 3 novembre
1736.
(3) Gabrielle-Ândrault de Langeron-Maulevrier, abbesse de 1642 à 1698.
Ses armoiries, d*azur à trois étoiles d'argent, sont encore visibles dans
les vestes des constructions.
— 500 —
Langeron, lieutenant gênerai des armées du Roy, est
abbesse, de 10,000 livr. de revenu.
Dix-neuf prieurez dont les principaux sont :
Le prieuré de Saint-Etienne de Nevers, ordre de
Saint-Benoit, dont M. de Tilladet (1), evèque de
Maçon, est prieur commandataire , de 2,000 livr.
pour lui et 2,000 pour les religieux ;
Le prieuré simple de Saint- Victor-lez-Ne vers. Le
prieuré de Saint-Sauveur uny au grand prieuré de
Cluny, de 2,000 livres :
Le prieuré de Saint-Reverien près Saint-Saulge,
ordre de Cluny, de 300 livr. pour le prieur et reli-
gieux ;
Celui de Saint-Pierre-le-Moutier , ordre Saint-
Benoit, de 2,000 livres (2) ;
Celui des Fraix (sic pour Faye, commune de Sau-
vigny-les-Bois), ordre de Grammont, de 2,000 livres ;
Le prieuré dit aussi abbaye de La Ferté ou Fermeté,
de filles, ordre de Saint-Benoit, à la nomination du
Roy, de 7 à 8,000 livr. de rente ;
Les autres sont petits prieurez de 3, 4 à 500 livres
au plus, scavoir : les prieurés de Champoux (Champ-
voux), d'Aubigny (3), de Saint-Pierre-de-Desise (4),
de Saint-Privé, de Coulanges (5), Lucenay (6), d'An-
(i) Michel Cassagnet de Tilladet, neveu par sa mère du chancelier
Le Tcllier, nommé k Mâcon le 18 décembre 1676. Désigné pour Tévéché
de Clermonten 1682, il préféra rester à Màcon ; il mourut le 5 octobre 1731.
(Gall Christ, T. IV, coll. 1106. — Gams, séries episc.)
(2) Porlé à 4,000 livr. en 1686 par M. d'Argouj^'es (p. 92).
(3) Marseille-les-Âubigny (Cher).
(4} Dépendant de Saint-Germain- d*Auxerre et cédé, en 1621, aux
Minimes.
(5) Coulonges, commune de Cercy-la-Tour.
(6) Piieuré de Saint-Homain-les-Âix, ordre de Saiut-Benott, dépendant
de rabbuye Saint-Martin de Nevera.
i
- 501 -
lezy(l), Langy(2), Chevannes-Gazeaux (3), Abon(4),
Saint-Honoré (5), Mazille (6), Jailly (7).
Mais outre ces abbayes et prieurés du Nivernois
dans la généralité de Moulins, il y en a beaucoup
d'autres de la même province qui sont dans l'étendue
des généralités de Moulins, Bourges, Orléans et Paris.
Par exemple Tabbaye de Saint-Léonard, de Corbigny,
les abbayes de Cure (8), de Servon (9) et de La Roche-
Vanoise (10) dans le pays d'Authun. L'abbaye deSaint-
Laurens (11), et le prieuré de La Charité, au diocèse
d'Auxerre, les prieurez de TEspau, de Donzy, généra-
lité de Bourges.
Il y a 4 chartreuses dans le Nivernois .
La maison de Bellary, diocèse d'Auxerre, près de
Donzy ;
La chartreuse de Basseville, près de Clamecy ;
La chartreuse d'Apponay, dans Savigny-Poilfol ;
La chartreuse du Val-Saint-Georges, près del'Orraes.
Ces deux dernières sont de la généralité de Moulins,
les 2 autres en ont été distraites et mises dans
celles de Berry et d'Orléans.
Seize couvents d'hommes, scavoir : les chanoines
fi) Le mol Ânlezy est écrit incorrectement, nous croyons devoir le
porter ; le procès-verbal de 1686 y mentionne un prieuré (p. 110;,
f2) Prieuré dépendant de Vézelay.
(3) Commune de Billy-Chevannes, prieuré dépendant de Saint-
Léonard de Corbigny.
(4) Prieuré de Maux et Abon,
(5) Prieuré dépendant de La Charité.
(6'. Commune d'Isenay, dépendant de Saint-Germain-d'Auxerre.
(7) Ordre de Saint-Benoit.
(8) Cure et Chore, diocèse d'Aulun, commune de Domecy-sur-Cure,
canton de Vèzelay.
(9) Cervon, abbaye convertie en collégiale.
(10) Prieuré dépendant de La Charité, commune de La Roche-Millay.
(11) Saint-Laurent-PAbbaye, ordre de Saint- Augustin, canton de Pouilly.
T. VIII, 3« série. 33
— 502 —
réguliers de Saint-Martin, les religieux de Saint-
Etienne, do Saint-Sauveur, les Jacobins, Recollets,
Carmes, Capucins, Minimes, Jésuites, les prestres de
l'Oratoire de Nevers, les Augustins de Saint-Pierre-
le-Moûtier et les Bénédictins, les Picpus de Moulins-
Engilbert, les religieux de Grammont, de Faix, les
Bénédictins de Saint-Reverien, et les Minimes de
Desise.
Neuf maisons de religieuses, scavoir: les religieuses
de Notre-Dame de Nevers, les Urselines de Saint-
Pierre-le-Moutier et Moulins-Engilbert, et les filles
de Sainte-Marie, de Sainte-Claire, à Desise.
GOUVERNEMENT MILITAIRE DU NIVERNOIS (1)
M. le Duc de Nevers est gouverneur du Niver-
nois et possède le duché en propriété qui valoit
autrefois 70,000 livr. (2) et à présent 50,000 livr.
seulement. Il y a 150 fiefs qui en relèvent. Il ne réside
presque point dans la province ; quand il y est, il
néglige les fonctions de gouverneur, qu'il renvoie
volontiers à M. le comte de Busseaux, lieutenant de la
province et le seul en état d'agir, par la mort de M. de
Vieuxbourg (3), lieutenant général de la province, qui
fut tué au dernier siège de Namur.
M. le Duc de Nevers n'est pas aussy respecté que sa
qualité le désire, cela vient de ce que sur les lieux il
(1) Bibl. nat., ms. fr. 2-2,202, fol. 23 V.
(2) C'est le chiflre porté dans le mémoire de 1686.
(3; Louis de Vielbourg, marié le 6 mai 1693 à Ânne-Françoise de
Harlay, sa cousine, marquis de Myennes, près Cosne, en Nivernais,
lieutenant du roi de cette province, colonel d'infanterie, tué dans une
sortie au siège de Namur, le 18 juillet 1695 ; fils de René de V. et de
Françoise-Marie Brolel de Grimou ville. (P. Anselme t. vu, p. 801).
M. de Vieuxbourg occupait déjà cette fonction en 1686, mais sans
l'exercer, étant encore au service.
— 5v)3 —
ne se communique presque point, soit par fierté,
mélancolie ou ménage. On sait cependant qu'il a infi-
niment d'esprit et de belles-lettres.
M. le comte de Busseaux, lieutenant du Roy, est de
de la maison d'Armes, très ancienne (1). Il est riche,
sans enfans, et a une fort belle terre appelée Vesvre ;
il est parfaitement homme de bien mais facile.
Il n'y a point de subdélégué en titre des mareschaux
de France dans cette province. Cet office s'est exercé
jusqu'ici par le sieur du Tremblay.
Il y a des offices de milice bourgeoise dans Nevers.
Il y a un prevost provincial qui est le sieur Gascoin,
fort riche et fort intéressé. Au lieu de faire sa charge
il s'est fait donner une commission de commissaire
des guerres qu'il exerce, et ne réside plus à Nevers. Il
a un fils qu'il destine pour mettre à sa place. Sa com-
pagnie est composée d'un lieutenant, un assesseur et
17 archers.
A l'égard du ban il s'est divisé en deux corps, l'un
a été celui de Saint-Pierre-le-Moûtier dont M. Foullé
de Martangis (2) est le senechal ; et le lieutenant
gênerai et le procureur du Roy font, chaque année, la
convocation de 30 gentilshommes qui élisent leur
commandant et leurs officiers, et le lieutenant gênerai
de Nevers s'est toujours aussi maintenu et gardé dans
la possession de convoquer le ban des gentilshommes
(1) Busseaux est un lief de la maison d'Armes. Léonard d'Armes, marié
en 1646 à la fille de César de Dixiniieux. père de celui-ci, était seigneur de
Busseaux, Moussy, Vesvre, Houy, Segoulle, Deuxville et La Barre. Il existe
dans les dossiers bleus n" 3*2, Hibl. Nat. une généalogie manuscrite de
celte fitmille, du xiii» au xvii« siècle.
(2) On trouve : en 1532, Jean Foullé, à Mongazon (commune de Saint-
Kranchy), en 1575 et 1581 Gui, Pierre et Léonard Foullé, seigneurs de
Prunevaux ; en 1608 Jacques F., à La Ferlé-Chauderon (Marlangy et
Prunevaus sont deux hameaux de la commune de Nolay). Le sénéchal
devait être de cette famille.
— 504 -
du ressort du bailliage au nombre de 40, mais ils ont
toujours marché ensemble^ et les commendans ont
commandé toute la compagnie réunie ensemble alter-
nativement chacun leur jour.
PRINCIPALE NOBLESSE DU NIVERNOIS
M. le comte de Crux, de la maison de Damas, Tune
des plus anciennes, seigneur de Crux-la- Ville et
Château, et de Saint-Parise. Son fils, le marquis de
Crux, est capitaine de cavalerie.
M. le comte d'Anlezy, de la même maison, seigneur
d'Anlezy, Fleury La Tour (1), mettre de camp de
cavalerie.
M. le cardinal d'Arquien, seigneur d'Imphy.
M. le marquis de Langeron, lieutenant gênerai des
armées navales de Sa Majesté, seigneur de Langeron,
Cougny, Bazolle, La Coulancelle, neveu de feu M. le
comte de Langeron, mort maréchal de camp.
M. de Roffignac, dont les terres ont été vendues par
décret, est d'une des plus anciennes maisons du
Nivernois.
M. le marquis de Thianges, dont est sortie Mme la
Duchesse de Nevers. Cette maison est de Damas.
M. le comte de Druy, Saint-Oing, Beal (Béard),
Sougy et Mornay.
M. le comte de Chevigny-Choiseul (2) qui a aussy
des maréchaux de France et des chevaliers des ordres
actuellement dans sa maison, prétend estré descendu
en ligne directe d'Alix de Dreux, petite fille de
Louis-le-Gros. Il est aujourd'hui élu et député de la
(1) Louis-Ântoine-Erard de Damas, seigneur de Fleury-Ia-Tour, Mon-
tigny-aux-Âmognes, Saint-Parize.
(3) Chevigny-lez-Semur (Côte-d'Or), terre qui passa aux Choiaeul*
— 505 -
province de Bourgogne et a espousé une fille du
baron de Maisons, en Nivernois, dont il a huit
enfansy six fils et deux filles : Talné, mestre de
camp du régiment de la Reine; le second y est
capitaine, le troisième sous-lieutenant d'infanterie
dans le régiment du Roy, un autre chanoine, comte
de Lyon ; 2 chevaliers de Malthe, une fille mariée au
marquis de Tavannes, et l'autre religieuse. Il est
seigneur de Chassy et autres terres de 4,000 livres de
rente dans le Nivernois. Il a d'autres terres en Bour-
gogne pour lesquelles il a été élu de la noblesse.
Le marquis de Choiseul, cy devant page du Roy,
capitaine de cavalerie au régiment royal de Piedmont,
seigneur de Montsauge et Argoulois.
Le sieur de Choiseul, seigneur de Villerois.
M. le marquis de La Tournelle, gouverneur de
Gravelines (1), cy devant capitaine aux gardes, sei-
gneur de La Tournelle, de 30,000 livres de rente ;
cette terre ne valoit pas autrefois plus de 6,000 livres,
mais le marquis de La Tournelle père a trouvé
l'invention de faire flotter les bois sur l'Yonne et a
fait de sa terre la meilleure du pays (2).
M. de Montai, lieutenant gênerai des armées du
Roy, mort depuis peu, etoit de la maison de Mont-
saunin, bonne et ancienne du Nivernois ; sa fille a
épousé M. le comte de Druy et son fils, mort, a laissé
un fils cy-devant page du Roy et à présent mousque-
taire ; il étoit seigneur de Saint-Brisson-en-Morvan,
considérable par la coupe des bois de 50,000 livres de
30 ans en 20 ans.
(1) Place forte, aujourd'hui département du Nord.
(3) Même observation ci-dessous dans la Généralité d'Orléans dont
Château-Chinon faisait partie. L'amélioration produite par le flottage en
Mor?an et à La Tournelle est également signalée par l'intendant d'Âr-
gouges en 1686 mais sans préciser les chifiEires. (Mémoire p. 258.)
- 506 —
M. de Vauban, lieutenant gênerai des armées du
Roy, est seigneur de Guipy et Epiry.
M. le comte de Villebertin, de la maison de
Megrigny, gendre dudit sieur de Vauban, est seigneur
d'Osnay (1) (Aunay), qui vaut 7 à 8,000 livres de rente.
Les enfans du feu comte de La Roche (2) possèdent
la terre de Millay très grande et d'un très gros revenu.
M. Dupré, major des carabiniers, seigneur de Guipy,
dans le Morvan.
Le sieur du Tremblay seigneur du Tremblay (3)
subdelegué de MM. les maréchaux de France, et
commissaire du Roy pour la repartition de la capitation
sur la noblesse, est d'une très ancienne famille.
Le baron de Joux (4) est d'ancienne maison.
La dame marquise d'Epoisses, dame des Bordes, etc.,
d'une famille illustre (5) est tante de la reyne de
Pologne,
Il y a les sieurs de Lantilly, de la maison de Torcy,
de Villemoulins où il y a actuellement des cheva-
liers et commandeurs de Tordre de Malthe, de Brinay,
de Bard, d'Arcy (6).
(1) Vauban et Mesgrigny, seigneurs de Marcilly, Aunay, etc.
(2) Jacques de Rousselé, comte de La Roche Milay.
(3) De Reugny, seigneur du Tremblay
(4) De Réraigny, seigneur baron de Joux.
(5) Baronnie de Bourgogne possédée par les familles de La Platière,
d'Âncienville, etc.
(6) Pierre de Torcy, chevalier, seigneur de Lantilly (commune de
Cervon), marié à Françoise de Réraigny, dame de Poincy. — Edme de
Certaines, chevalier, seigneur de Viliemo4in (commune dWnthien), et de
Lantilly en partie, par sa femme, veuve de Michel de Torcy ; ses fréi"es,
Edme et Charles de Certaines, chevaliers de Malte. — Jean de Bréc^hard,
seigneur de Brinay (canton de Châtillon-en-Bazois). — Henri-Louis de
Bar, seigneur, baron de Limanton. — Hector-François d'Aulenay, sei-
gneur d'Arcy-sur-Cure.
-- 507 -
TERRES CONSIDERABLES DU NIVERNOIS
Il y a des terres possédées par des seigneurs qui
n'en sont pas originaires. La terre et comté de Châ-
teau-Chinon est la principale du Morvan possédée par
MM. les Princes de Soissons et de Carignan (1) ; elle
ne vaut que 10,000 livres de rente, y compris la coupe
des bois de 8,000 livres par an, mais la féodalité est
très considérable, les terres de La Tournelle, d'Osnay,
de Montai (2) et toute l'élection de Château-Chinon
en relèvent.
M. le marquis de Givry (3) possède aussy la terre
de Vendenesse avec ses annexes très considérables par
ses anciens bois et ses revenus.
M. le marquis de Saint-André-Montbrun (4) pos-
sède de très grands biens dans le Nivernois où il
est seigneur dans 12 à 15 parroisses.
QUARTIERS D'HYVERT(5)
Les petites villes de Desise, Moulins-Engilbert,
Premery et les bourgs de Cercy-la-Tour, Chastillon-
en-Bazois et Lurcy-le-Bourg.
(1) Garignaiiy duché dans les Ardennes. attribué à Maurice de Savoie,
comte de Soissons, puis en 157*2 au duc de Penthièvre et à sa fille la
duchesse de Chartres.
(2) fiaronnie de Bourgogne à la famille de Rabutin puis de Montsaulnin.
(3) Louis-Thomas du Bois de Fiennes, mai*quis de Givry, en Bour-
gogne, lieutenant général, grand bailli de Touraine, 1668-1742.
(4; Saint-André, maison de Languedoc d'où sont sortis les seigneurs
de Montbrun. Alexandre du Puy, marquis de Saint-André, né à Montbrun
en 1600, mourut à La Nocle (Nièvre) en 1673.
(5) Cette rubrique, qui se retrouve à la fin de chaque province, répondait
à une question posée, faisant allusion aux occupations militaires.
, - 508 -
JUSTICES DU NIVERNOIS (1)
Le bailliage et sénéchaussée de Saint-Pierre-le-
Moutier est l'un des quatre plus anciens du royaume ;
son ressort est l'ancienne prévôté, la justice de San-
cerre en Berry , le comté de Chatel-Chinon, le bailliage
de La Charité-sur-Loire, et les justices de Pouilly et
Le Roy (2) en Berry.
La justice de l'Evèque et du chapitre de Ne vers, le
bourg de Saint-Etienne de Nevers ; la justice royale
de Cusset relève aussi de ce bailliage, mais seulement
pour les cas au premier et deuxième chef de l'edit des
presidiaux et le bailliage de Saint-Pierre-le-Moutier
s'étend pour tous les cas royaux, tant civils que
criminels et pour les personnes d'église, dans tout le
Nivernois, si ce n'est dans le Donziois dont le presidial
d'Auxerre prend connaissance.
En 1551 le presidial de Saint-Pierrre-le-Moutier
y fut estably (3). Il y a 2 présidents, un lieutenant
gênerai, un lieutenant criminel, un particulier, un
assesseur, un chevalier d'honneur, 15 conseillers y
compris le prieur de Saint-Pierre-le-Moutier, qui
en est de droit le premier conseiller, 2 conseillers
honoraires et 2 conseillers vérificateurs des defïaults,
2 avocats du Roy et le procureur du Roy qui sont
aussi conseillers du presidial. Il y a aussi un substitut
adjoint du procureur du Roy et un greffier en chef
dont M. le comte de Marsan (4) est propriétaire pom'
moitié et l'autre moitié au domaine du Roy.
(1) Bibl. nat., ms. fr. 22,202, fol. 30.
(2) Léré.
(3) Le premier officier du presidial était le grand bailli royal : en 1686,
M. de Martangy, maître des requêtes. M. dWrgouges dit de lui qu*il n'y
résidait que lorsqu'il venait visiter ses terres en Nivernois, c'est-à-dire
fort rarement.
(4) Seigneurs de Marsan, branche de la maison de Lorraine.
- 509 —
L'ancien président est le sieur de Lespinasse, de
bonne famille, homme d'esprit, mais qui, par sa
fierté a si fort aliéné le cœur et lesprit de ses
confrères qu'il en a reçeu beaucoup de chagrins qui
l'ont dégoûté de sa charge qu'il n'exerce plus depuis
plus de six ans ; elle vaut 10,000 livres.
Le sieur Pitois de Quincize, 2® président, n'a
fait, depuis deux ans qu'il est pourveu, presque
aucune fonction de sa charge qu'il néglige comme son
ancien confrère; elle vaut 8,000 livres.
Le sieur Gascoin, lieutenant gênerai, est le troisième
de sa famille qui occupe cette place ; il est riche,
homme de bien, mais d'un esprit fort bouché, pesant
et peu capable, ayant peu d'autorité.
Le sieur d'Argoulois (1), lieutenant criminel, a beau-
coup de mérite et quoique peu riche vient d'épouser la
fille du président de La Blouse quia 150,000 livres de
bien. Sa charge est de 15,000 livres.
Le sieur Viau, procureur du Roy, est un brouillon,
étourdy, incommodé dans ses affaires, y a intéressé la
consignation de son siège, ce dont on se plaint beau-
coup comme étant fort indigne de sa place, sa charge
vaut 15,000 livres (2).
(1) Jacques Salonnier, seigneur d'Argoulois (commune de Saint-Uilaire
en Morvand), lieutenant-criminel depuis 1673. Claude Gascoing, seigneur
de la Bclouze (commune de Poiseux)^ président à Saint-Pierre.
(2) Voici ce qu'on dit de ces ofQciers en 1686 :
Le sieur Gascoin, jeune, fort riche mais peu capable. Le premier prési-
dent se nomme La Blouze, honnête homme, assez habile, possédant de
grands biens. Le second se nomme Lespinasse, jeune homme d'un mérite
distingué dans la compagnie et qui parle très bien en public. Le lieutenant
criminel se nomme Salonnier, homme fort riche, peu assidu à sa charge
et qui veut s'en défaire. Le procureur du Roi Bogne, jeune homme peu
habile et fort riche.
. On fait les mêmes remarques au sujet du séjour incommode de Saint-
Pierre. L'intendant de Creil avait offert 4.000 écus d'indemnité au duc
de Nevers pour autoriser les officiers royaux à se transporter dans sa
ville.
- 510 -
Le sieur Girard de Busson, assesseur, est homme
d'esprit et de mérite, et a été cy devant subdelegué de
rintendance. 11 n'a qu'un peu trop de fierté et de
présomption, mais il seroit homme de servie. Sa
charge peut valoir 10,000 livres.
Les autres officiers sont très f cibles, cependant la
justice s'y rend avec plus de régularité et de sévérité
que dans les autres sièges de cette généralité.
Ces officiers ont fet jusqu'icy trois tentatives pour
sortir de Saint-Pierre-le-Moûtier et estre transferez à
Nevers, mais le Roy n'a pas jugé à propos de toucher
& un si ancien establissement, soit par une espèce de
respect pour l'antiquité ou par commisération des
habitans de cette petite ville qui auroit été absolu-
ment ruinée si elle avoit été dépouillée de son prin-
cipal ornement qui est cet ancien bailliage et presidial.
Après lequel bailliage et presidial il y a le bailliage
et pairie de Nevers dont les appellations vont immé-
diatement au Parlement de Paris ; son ressort est
grand. Autrefois il y avoit un prevost juge et garde
pour les causes de peu de conséquence et jusqu'à
20 livres ; le bailli avait son lieutenant gênerai pour
connoistre des grandes causes en première instance et
de celles des gentilshommes et par appel de celles de
la prevosté et des lieutenants particuliers en chacune
des chatellenies du duché; et enfin il y avoit des
auditeurs de Paris qui connoissoient des causes d'appel
tant du lieutenant gênerai de Nevers que de toutes les
autres chatellenies, mais à l'occasion de l'edit du roy
Charles IX qui ordonnoit la suppression de tous ces
degrés de juridiction, il ne fut qu'un seul bailliage et
pairie pour connoitre tant des causes de la ville en
première instance, de celles des gentilshommes et
autres privilégiez que des causes d'appel de toutes , les
— 511 -
chatellenies où il fut étably pour lors des juges ordi-
naires.
Ces chatellenies sont au nombre de 24, dépendantes
du duché de Nivernois, scavoir :
Celles de Cuffy, Châteauneuf-sur-Allier, Fougues.
Garchizy, Chaulgne et La Marche, Saint-Saulge,
Desise, Gannat, Charrin, Champver, Cercy-la-Tour,
Luzy, Moulins-Engilbert, Liernais, Saint-Brisson,
Montreuillon, Chastelcensoy, Clamecy, Metz, Mon-
ceau-le-Comte, Neufontaines, Chateauneuf-au-val-de-
Bargis, Champallement et Montenoison.
Celles de Donziois sont Entrain, Estaye, Druy, Billy,
Corvol-rOrgueilleux, Saint- Verain et le Chastel de
Cosne, outre les 24 chatellenies du Nivernois. Il y a 250
autres justices subalternes, et sous celles de Donziois
il y a 60 justices subalternes.
Le bailliage et pairie est composé d'un lieutenant
gênerai, 4 conseillers, un assesseur, un lieutenant
particulier, un procureur et 2 avocats généraux
fiscaux.
Le lieutenant gênerai, le sieur Rapine de Sainte-
Marie, est d'une très ancienne famille de robe de
Nevers. Il a beaucoup de mérite, d'esprit et de dignité.
Il est parfaitement habile dans les affëres du palais et
entend fort bien sa charge. Il a beaucoup d'enfans et
entre autres deux capitaines d'infanterie. Sa charge
vaut 40,000 livres et se perd par la mort et tombe aux
parties casuelles de M. le Duc de Nevers.
Le procureur gênerai fiscal porte le môme nom et
est cousin germain du lieutenant gênerai ; il est homme
de bien, mais un peu trop facile.
Les autres ofiiciers de ce corps sont habils, hon-
nestes gens et fort accréditez.
Quant aux juges châtelains dependans d'eux, ceux
de Desise, Saint-Sauge, Moulins-Engilbert et de
- 512 —
Chateauchinon sont bons juges. Le reste vit dans
lobscurité.
M. le Duc de Ne vers a encore sa Chambre des
Comptes pour la conservation de son domaine et de s^
revenus, composée d'un président, 4 maistres des
comptes, un procureur gênerai, 2 secrétaires, un
greffier et un huissier.
Le président, le sieur de Vaux, est homme accom-
modé et homme de bien, mais il y a dans ce corps le
sieur Marion, qui est maistre des comptes et avocat au
Parlement, plaidant au bailliage, l'un des plus babils et
honnestes hommes de la généralité ; son rare mérite,
son désintéressement et son affection pour le service
du Roy l'ont toujours rendu recommandable auprès des
intendants de la généralité, et il est encore aujourd'hui
leur subdelegué. Il est de la famille de l'illustré
M. Marion (1), que son seul mérite éleva autrefois à la
qualité d'avocat gênerai du Parlement de Paris, et
dont M. le comte de Druys, maréchal des camps et
armées du Roy, est issu.
11 y a encore dans Nevers une maistrise des Eaux et
Forests dont le sieur de Lys (2) est maistre particulier,
et une autre maistrise ducalle dont le sieur Girard est
maistre particulier. Leurs charges sont de 10,000 livres;
ils sont tous deux très riches.
Ici se terminent les extraits ou plutôt les chapitres
consacrés au Nivernais dans le mémoire d'ensemble de
l'intendant. 11 y a toutefois, dans le reste du travail,
des notes relatives à notre contrée qui paraissent utiles
(1) Simon Marion mort en 1605. Let Marion étaient seigneurs de Druy.
(2j Jacques de Bèze, écuyer, seigneur de Lys (canton de Tannay), secré-
taire du Roi, maison et couronne de France, mattre particulier des eaux
et forêts en 1681.
- 513 -
à recueillir, mais ce n'est plus un texte ancien et sim-
plement un résumé (1).
Finances. — La généralité de Moulins est divisée
en sept élections, scavoir celle de Moulins, Nevers,
Chastel- Chinon , Gannat , Montluçon , Gueret et
Esvaux. Elles ressortissent par appel à la Cour des
Aydes de Paris,
L'élection de Chastel-Chinon est composée de deux
villes et de 40 paroisses, 2,^37 feux et 10,747 âme.s.
Il y a dans la généralité de Moulins, d'après le
dénombrement du 22 février 1696, 324,232 âmes, soit,
en comptant un sixième d'omissions, 378,260. (( On
pretendoit que la guerre, les dernières maladies et la
famine de 1694 avoient emporté le quart ou le
cinquième des âmes lors de ce dénombrement. Toute
la finance ou les revenus du Roy consistent dans les
tailles, les cinq grosses fermes, les gabelles, les aydes
et droits y annexez, le domaine, ferme du tabac,
ferme des bureaux des postes et la vente des coupes
des bois et forests de Sa Majesté. »
Tailles. — En 1603, le total des tailles s'élevait à
600,000, en 1638 à 700,000 livres, en 1647 à 2,352,914,
compris l'élection de La Charité qui a été remise en
1695 dans la généralité de Berry. Les non valeurs
étaient considérables, on les faisait porter par abus sur
des territoires stériles de montagnes. Ces causes
d'erreurs furent supprimées par les conseils de Colbert.
I-es tailles produisent, en 1660, 1,720,409, pour passer
à 1,550,000 en 1679 et diminuer constamment ensuite
jusqu'à 1,244,693 livres en 1688. Dans les années sui-
vantes, elles augmentent de 100,000 livres ; en 1694,
on les trouve à 1,330,189 et, depuis ce temps, elles
baissent à 1,117,854 livres.
(1) Ms. fr. 22,202, fol. 32.
- 514 -
Les cinq grosses fermes, les gabelles et les aydes
ont lieu dans le Nivemois et Bourbonnois, les autres
pays se sont rédimés en 1453.
(( Le revenu des gabelles dans cette généralité a
monté, en 1697, à 662,994 livres 10 sols, scavoir dans
les greniers de vente volontaire de sel à Moulins,
Saint-Pierre-le-Moutier, Desise, Moulins-Engilbert,
Saint-Saulge, Châteauchinon, Nevers, il s est vendu
au peuple et au regrat 219 muids 9 septiers 2 quartS;
dont le produit monte à 474,705 livres. »
Les aydes de cette généralité consistent en droits
sur la vente des vins en détail, les entrées de vin et
autres denrées ; le papier et parchemin timbrés vien-
nent d'estre transformez avec ceux de la généralité de
Berry à 434,000 livres.
Presque tout le domaine de cette généralité est
aliéné, il ne lui reste que la seule chatellenie de Gueret,
dans la Marche, et « la tour quarrée de Saint-Pierre-
le-Moutier et ses dépendances appartenant au Roy,
dont le revenu n'est presque rien ».
La ferme du tabac peut monter par an à 20,000 livres ;
la ferme du bureau des Postes à 25,000 livres. « Deux
seuls bureaux dans cette généralité dont Tun est à
Moulins regy par un commis, l'autre à Nevers affermé
11,010 livres. »
Il ne se fabrique plus de poudres ; elles viennent du
magasin d'Orléans ; on en consomme 12,000 livres qui
rapportent 12,000 livres environ par an.
Le bureau des finances se compose de 23 trésoriers
de France, 2 avocats, 2 procureurs, 3 greffiers et
6 huissiers. Les fonctions sont de recevoir en droite
main tous les ans 4 états du Conseil :
1^ L'état du Roy, des Finances, comprenant la recette
de toutes les impositions de chaque élection.
2^ L'état du taillon et solde contenant la recette
— 515 -
pour le fond du trésorier ordinaire des guerres, et la
dépense qui concerne le paiement des gages des
officiers des maréchaussées établies en plusieurs lieux.
3® L'état des bois dont la recette est du prix de la
vente des bois et forests du Roy, qui se fait chacun
an par les grands-maîtres, et la despense est destinée
au payement des gages des officiers de maîtrises,
gardes des bois, chaufifage et vacations desdits offi-
ciers.
4** L'état des domaines composé des revenus du
domaine de la généralité et des charges qui sont les
pensions, fondations, rentes, fiefs et aumosnes.
Les trésoriers de France font les chevauchées dans
les différentes élections et se font présenter les procès-
verbaux et chevauchées des élus, mais ici la chose ne
se fait pas, la généralité n'étant pas comprise dans les
six grands bureaux des finances.
Officiers des élections, — « On sait que les principales
fonctions sont d'assister avec le commissaire departy
au département des Taillés, de fère les ventes ou
chevauchées et dresser procès-verbaux de l'état des
foints, de la terre, des gresses et incendies qui sont
arrivées, dont ils rendent compte audit département...
et juger toutes les contestations qui naissent du recou-
vrement des tailles, du papier marqué et des commis
des aydes. »
Election de Neoers, — Il y a un président, lieute-
nant civil et criminel, vérificateur et conseillers élus,
un procureur du Roy et un greffier.
Le sieur Brisson est assez bon officier et les autres
officiers pareillement.
Le sieur Pinet, procureur du Roy.
Le sieur de La Condamine, receveur gênerai des
finances, est aussi receveur particulier de cette elec-
— 516 -
tion ; son neveu, le sieur de Lagrange, exerce cette
recette.
La charge de président vaut 14,000 livres, celles
des élus 8,000, celle du procureur du Roy 12,000.
Election de Châteauchinon, — Le sieur Petitier
en est président, il a de l'esprit et s'applique et est
subdelegué de l'intendant.
Les officiers font assez leur devoir, mais au lieu de
2 receveurs, un suffiroit, veu que l'élection est petite.
Le plus ancien receveur est le sieur Dufeu, fort âgé,
aimant le plaisir et songeant peu à sa recepte qui est
entre les mains du sieur Ricaud, fils de sa femme du
premier lit.
Le deuxième receveur est le sieur Girardot, cy-
devant de la religion prétendue reformée et très mal
converty. Cet homme etoit plus propre pour le com-
merce du bois, qu'il fait tous les jours, que pour une
recette des tailles. Le sieur Dufeu et lui sont dans des
disputes continuelles et le menu peuple souvent en
soùflfre beaucoup de frais.
La charge de président vaut 6,000 livr., des élus
3,000, du procureur 4^000.
Les greniers à sel ont des officiers s'occupant des
gabelles, faux-saunage, etc.; il y a des greniers à sel
d'impôts et d'autres de vente volontaire. Ces derniers,
les seuls en Nivernois, sont Saint-Pierre-le-Moutier,
Nevers, Sancoins, Saint-Saulge, Moulins-Engilbert,
Chateauchinon, Desise et Luzy.
Il y a une maitrise royale des Eaux et Forests à
Nevers.
« Les bois et forests du Roy sont fort négligez dans
cette généralité par le peu d'application des maistres
particuliers sur lesquels le grand maitre, qui ne fait
que des tournées fort rares, ne peut avoir assez de
connoissance pour les rendre attentifs à leur devoir. »
— 517 —
Depuis 1688, cette généralité a fourny au Roy la
somme de :
Pour les impositions ordinaires.. 2,268,669^ 6" 3^
Pour Tustancille (charges mili-
taires) et capitation 959,964^ 10*
Pour autres affaires nouvelles et
extraordinaires 357,142^
3,585,77^ 15» 3d
Mais si on veut savoir comment une si petite géné-
ralité a pu fournir une somme si excessive, il faut
rappeler icy ce qui a été cy-devant remarqué sur la
qualité et propriété du pays et l'industrie des habi-
tants, qui sont les sources de toute cette finance dont
voici le détail :
Commerce des blés et chanvres ; des vins ; des bois
en Bourbonnois, Nivernois et Morvan, qui est de plus
de 400,000 livres ; le commerce du charbon de pierre
du coté de Desise peut valoir 120,000 livres.
Celui des bestiaux si étendu et si considérable qu'il
est inestimable.
Celui du poisson peut valoir 300,000 livres.
Celui des cochons dans les années de glandée qui
monte quelquefois à près de 300,000 livres.
Manufactures et industrie, — Le commerce du fer
dans le Nivernois peut valoir 300,000 livres ; celui du
fer-blanc, 50,000 livres. La fayancerie et verrerie de
Nevers, 200,000 livres...
La consommation qui se fait aux eaux de Vichy et
Bourbon est de plus de 150,000 livres. La consommation
sur la grande route de Paris à Lyon et Auvergne ne
se peut évaluer.
Pendant la guerre, la consommation des étapes a été
T. vni, 3« série. 34
— 518 —
en 1694 de 228,358 livres. En pleine paix, elle ne
vaudra pas plus de 40,000 livres.
Il faut compter sur les bienfaits de la paix. <( Rien
ne peut plus contribuer pour maintenir le commerce
du fer en Nivernois que d'y continuer les manufac-
tures des boulets, ancres et mesme des canons que
S. M. a fait faire pour la marine, d'attacher dans le
pays par des franchises et immunitez les ouvriers
pour la manufacture du fer blanc qui seroit aussi consi-
dérable que celle d'Allemagne si elle étoit recherchée
et soutenue autant qu'elle le mérite (1). La manufac-
ture de draps de Chateauchinon seroit excellente, si
la pauvreté des ouvriers n'etoit si extrême, qu'ils ne
peuvent acheter des laines ni les faire convenablement
dégraisser. On pourrait peut-être leur faciliter des
avances d'argent, qu'ils rendraient ensuite.
Les grands chemins de César montrent l'intérêt que
prenaient les Romains à la vie des peuples. La route
de Paris à Lyon est très large, très commode et les
pavez publics y sont parfaitement bien entretenus,
l'on continue toutes les années d'y faire quelques
ouvrages.
Les ponts de Nevers et Saint-Pourçain sont grands
et très solides ; il y aurait à faire les ponts de Moulins
et de Decize.
Les chemins du Nivernois sont plus difficiles en ce
que le fond en est si mauvais qu'en hiver ce sont
presque partout des précipices. Pour exciter les com-
munes à ces travaux d'entretien, il faudrait leur
accorder quelque diminution dans le département des
tailles.
(1) On fait ici allusion aux importantes usines de fer-blanc installées
alors récemment à Beaumont-la-Ferrière. M. d*Argouges dit qu'elles sont
dirigées en 1686 par le sieur ûallier ; il les considéra comme utiles à
encourager par des subventions et des envois d'ouvriers habiles.
— 519 —
La province de Nivernois a pour lieux d'étapes
Nevers, Saint-Pierre-le-Moutier, Desise, Saint-Saulge
et Luzy. Quelquefois il passe des troupes à Moulins-
Engilbert, mais rarement, et il n'y a point d'exempt
d'étapes ordinaire à cause de cela, aussi bien qu'à
Cercy-la-Tour, Chatillon et Anlezy.
Il a été observé quelle est la manière dont les étapes
sont liquidées.
Quand il s'agit tous les ans d'ajuger les étapes,
l'intendant de la province reçoit les ordres de M. le
Contrôleur gênerai de faire faire les publications et de
recevoir sur les lieux les enchères ou mises au rabais
dont il dresse un procès verbal et l'envoie au conseil,
où l'on procède à la manière ordinaire à l'adjudication.
Or, jamais les étapes n'ont été adjugées à plus bas prix
que les dernières, elles etoientà plus de moitié moins
qu'elles n'etoient dans le temps que les receveurs géné-
raux en etoient chargez. Il faut que les receveurs
généraux de ce temps là ayent prodigieusement gagné
sur le Roy, puisque les derniers adjudicataires y
trouvent encore leur compte clair et liquide par les
sous fermes qu'ils font aux estapiers. Il est vray que
ces sous etapiers ont furieusement abusé de leur
employ en traitant des routes entières, s'accommodant
avec les maires et consuls des lieux d'étapes en traitant
des places mortes mesme des places des efifectifs, cela
s'est fait si communément qu'il n'y a point de sous
etapier auquel on ne peut faire le procès. On en a
donné des avis au Conseil, mais il en auroit peut être
coûté trop cher au Roy sur l'adjudication générale des
étapes qui auroient été beaucoup plus fortes, si l'on
avoit voulu suivre trop à la lettre les dispositions
rigoureuses des ordonnances de la guerre sur le fait
des étapes.
— 520 —
Récapitulation des revenus du Roy dans la généralité
de Moulins :
Les tailles 1 . 117 .854 livres.
5 grosses fermes et gabelles. . . 750 .815 —
Aydes 300.000 —
Domaine 31.000 —
Eaux et Forests 12.000 —
Ferme du tabac 20.000 —
Ferme des Postes 25.000 —
Ferme des poudres et salpêtres 12.000 —
2.268.669 —
Le manuscrit passe ensuite (1) à la généralité de
Bourges, mémoire dressé par l'intendant, M. Dey de
Seraucourt en 1698, à celui de la généralité d'Orléans,
qui présentent le môme ordre qu'à Moulins ; il y avait
donc un questionnaire que chacun suivait à sa
manière.
NOTES SUR LES GÉNÉRALITÉS DE BOURGES
ET ORLÉANS
La généralité de Bourges, lors de l'enquête de 1698,
était limitée par la Loire et comprenait tous les terri-
toires considérés comme Nivernais, à Sancoins, Le
Guétin et La Guerche jusqu'à La Charité. Ces loca-
lités ne sont point désignées dans l'enquête et ne
contiennent aucun renseignement utile à indiquer.
La généralité d'Orléans comprenait les territoires
de Cosne et Clamecy, par conséquent environ la moi-
tié du Nivernois et le Donziois (2). Nous suivrons les
(1) Ms. fr. 22,202, fol. 45.
(2) Ihid,, fol. 75.
— 521 —
énonciations très sommaires fournies par l'enquête de
l'intendant qui avait négligé ces parties éloignées du
centre de sa juridiction.
« La rivière d'Yonne a sa source en Nivernois. Il y a
trois ponts de pierre : à Magny (1), Saint-Didier (2) et
Clamecy. Les deux premiers sont presque ruinez et le
dernier est en bon estât. Il y a un pont de pierre à
Druyes, sur un ruisseau, qui est en assez mauvais
état ; M. le Duc de Nevers y lève un péage de
10 deniers par beuf ou par vache, 4 deniers par porc
et un denier par moutton. Il n'est point deub d'autre
péage dans l'élection de Clamecy. »
C'était un passage important entre la Bourgogne et
l'Orléanais, Cosne, Gien, La Charité et le Berry. Les
ponts voisins faits en pierre étaient presque entière-
ment ruinés.
Un pont sur le Nohain, à Entrains, doit le péage à
M. le Duc de Nevers, 10 deniers par charrette,
5 deniers par bœuf, et sert aussi de communication
entre la Bourgogne, le Berry et l'Orléanais.
Le pont de Donzy doit péage à M. l'Evoque
d'Auxerre.
Tous les bois qu'on exploite dans l'élection de
Clamecy se jettent sur les rivières à bois perdu et sont
conduits et debittez à Paris, ce qui a produit un bien
infini à ce pays, puisque la seule terre de M. le marquis
de La Tournelle, située dans l'élection de Château-
chinon , qui ne valoit pas 6,000 livres de rente, en
vaut plus de 30 (3) depuis que cette rivière a été
rendue flottable.
(1) Probablement Magny-Lormes, canton de Corbignj.
(2) Cette paroisse tirait son nom d'un pont romain (?) sur TYonne,
dont certains restes se voyaient encore il y a quelques années. (Dict.
topogr.)
(3> Même remarque ci-dessus dans le mémoire de M. Le Vayer, p. 505.
— 522 —
Le mémoire s'étend sur le commerce de la naviga-
tion de la Loire comprenant toutes les espèces de
marchandises. Cette voie navigable a été de tout
temps la grande ressource du commerce pour le centre
de la France. Notre intendant de Moulins ne s'y
appesantit pas , sachant bien que son collègue
d'Orléans devait s'en occuper tout spécialement.
Le commerce des bois de moulle et quelques forges
se remarquent dans l'élection de Clamecy. Les bleds,
le vin, les fruits et le foin qu'on y recueille, se
consomment sur les lieux et se portent d'un marché à
l'autre. On y trouve sept forges et un fourneau ;
quelques-unes sont abandonnées ; celles qui subsistent
travaillent par des eaux de source et de petits étangs
qui en sont proches. Quant aux bois, ils sont très
communs dans le pays ; le fer et l'acier qui s'y fait est
commun et se debitte, partie dans le pays, partie à
Orléans et à Paris, où il s'envoye par la rivière de
Loire et par le canal. On a remarqué cy-devant
comment on y transporte les bois de cette élection.
Dans l'ordre ecclésiastique, on lit les remarques
suivantes : L'élection presque entière de Clamecy est
composée de 56 paroisses dépendantes de l'evesché
d'Auxerre, le surplus étant du diocèse de Nevers.
Un monastère de bénédictines à Cosne et à Saint-
Fargeau. Le chapitre de Cosne est composé d'un
chantre et de quatre chanoines, dont M. l'Evesque
d'Auxerre est collateur.
Dans l'élection de Clamecy la chapelle et maison de
N.-D. de Bethléem, près Clamecy, unie à l'evesché du
môme nom, et que l'on confond souvent avec le titre
de cet èveché parce qu'elle en fait tout le revenu, qui
est de 400 livres.
Cette élection ne contient que trois prieurez simples
- 523 —
à Saint-Sauveur, à Marcy (1) et à Linseq (2) , quatre
petits chapitres : un à Varzy, composé d'un chantre,
un trésorier et 5 chanoines. Un à Tannay de 12
prébendes fondées, dont 6 de remplies. Un à Chas-
telcensoy (3), dans lequel il doit y avoir un prieur ou
doyen, un trésorier et 8 chanoines réduits à 2.
Le dernier est à Clamecy, où il y a im curé, chantre
et chanoine, 5 autres chanoines, un vicaire et un
sacristain.
A l'égard des ordres réguliers, il n'y a qu'un couvent
de recollets et une communauté de filles de la Provi-
dence à Clamecy et une chartreuse composée de quatre
religieux à Surgy (4).
Gouvernement militaire. — La partie du Nivernois
qui est de la généralité d'Orléans est sous le gouver-
nement de M. le Duc de Nevers, sous lequel M. le
marquis de Vieilbourg est lieutenant général.
Justice et juridiction ordinaire. — Eaux et Forêts.
— Point d'observation.
Clamecy était l'une des 12 élections et comprenait
66 villes, bourgs et paroisses, formant 7,350 feux. Les
tailles et droits de greflEe s'y sont élevés, en 1698, à
82,845 livres 8 sols.
Cosne dépendait de l'élection de Gien pour la partie
nord.
En 1696, on a distrait 27 villes,* bourgs et paroisses
pour former l'élection de La Charité, généralité de
Bourges.
(i) Marcy, prieuré de Tordre de Saint-Benoist et roaladrerie, canton de
Varzy,
(2) Saint-Sauveur et Lainsecq, deux localités de l'Yonne.
(3) Châtelcensoir (Yonne).
(4) Probablement Basseville, auijourd'hui commune de Pousseaux.
— 524 —
LE
CHATEAU D'AGNÈS DE BOURBON
ET LE
COUVENT DES JACOBINS
DE NEVERS
Dans tout travail, il faut de l'ordre et de la
méthode ; mais le sujet qui nous occupe présentant,
en certains endroits, des faits connexes qu'il n'est pas
toujours facile de renfermer dans une catégorie nette-
ment tranchée, des empiétements d'une division sur
une autre, le mélange de questions d'ordre différent et
quelques redites sont inévitables ; l'intelligence de
l'exposé aura tout à y gagner et ce n'est pas de petite
importance.
Sans plus de préambule, j'entre en matière : je
parlerai, en premier lieu, du château d'Agnès de
Bourbon, puis du couvent des Jacobins, en établis-
sant, pour cette seconde partie, beaucoup plus étendue,
trois subdivisions : le couvent, l'église, le cimetière.
— 525 —
lo Le Château d'Agnès de Bourbon.
Agnès de Bourbon (1) vit peut-être construire le
château qu'elle habita sûrement pendant un certain
nombre d'années, avant d'en faire la cession pour ime
œuvre pie.
Sa mère, Yolande de Châtillon, femme d'Archam-
bault IX, sire de Bourbon, était sœur et héritière de
Gui de Châtillon, comte de Saint-Paul, mari d'Agnès
de Donzy.
Elle avait pour sœur la comtesse Mahaut de Bour-
bon.
Les possessions d'Agnès consistaient en la baronnie
de Bourbon, qu'elle apporta à Jean de Bourgogne, qui
mourut avant elle, et en son château de Nevers,
derrière la cathédrale, avec quelques autres maisons.
Le château a été fort remanié depuis qu'il était
habité par la comtesse.
Avec l'œuvre de destruction du temps, l'incendie
de 1462, divers agencements qui se sont imposés, il est
assez difficile de lui restituer son aspect ; toutefois
l'assiette des constructions reste pour témoin et c'est
(1) Note généalogique :
Hervé, baron de Donzy. — Mahaut de Courtenay, comtesse
I de Nevers.
Agnès de Donzy.
Cette Agnès épousa — Gauthier de Châtillon.
(Pas de descendance.)
Archambault IX de Bourbon. — Yolande de Châtillon,
sœur et héritière de Gauthier.
Mahaut de Bourbon. Agnès de Bourbon.
Jean de Bourgogne. — Agnès de Bourbon.
I
Béatriz de Bourgogne.
Robert de France, -~ Béatriz.
comte de Clermont.
- 526 -
presque tout ce que nous avons de documents de
pierre.
En entrant, au fond de la cour, s'étend un vaste
corps de bâtiments des xiv« et xv® siècles et une
construction récente, moins élevée, qui est assise sur
les fondations mêmes de la partie du ch&teau détruite
au xni« siècle ; de sorte que le château, — on pourrait
dire le palais, — offrait des proportions grandioses :
une cinquantaine de mètres de façade.
A cause de la déclivité du sol, le château, de ce
côté, est un peu enfoncé en terre.
A droite et â gauche de la cour, se dresse une haute
muraille de clôture. Un autre mur, au levant, longo
la rue du Cloître-Saint-Cyx' ; on y remarque les ves-
tiges de très anciennes fenêtres murées.
La porte d'honneur, ou grande porte, était à Tangle
de la cour, en face la rue du Cloître-Saint-Cyr pro-
longée par la rue des Jacobins.
Près de la porte d'entrée du château môme, on voit
un grand et beau puits qui n'a subi d'autres change-
ments que celui du renouvellement de sa toiture.
On descend par quelques marches dans le couloir
primitif de l'ancienne demeure d'Agnès ; à son extré-
mité, près du jardin, il est une porte qui mérite toute
notre attention : de l'intérieur seulement, on est à
même de voir sa forme dans son intégrité parfaite.
Les montants se terminent en cintre brisé, sans autre
ornement qu'un chanfrein, commençant à un mètre du
sol, sur les angles du pourtour ; elle mesure 1 m. 80
de largeur et 3 m. 50 en hauteur, sous la pointe du
cintre. Elle est bien de l'époque.
Cette vieille relique est très précieuse, car elle nous
amène â déduire que toutes les autres ouvertures
étaient semblables et nous âxe sur l'âge dumoniunent.
- 527 —
Les murs ont un mètre d'épaisseur.
Je disais que la comtesse Agnès avait peut-être vu
bâtir le château ; n'a-t-il pas été construit pour elle ou
par elle ? La date de la donation est 1271 ; celle de la
construction est-elle antérieure de plus de trente à
quarante ans ?
Du jardin, la vue est splendide sur le cours de la
Loire et les collines des Montapins. Après avoir joui
un instant de la beauté captivante du paysage, on n'est
plus en droit de dire que l'emplacement n'était pas
bien choisi.
Descendons à l'extrémité du jardin pour voir le mur
de circuit de la cité primitive et la différence de
niveau du bas des murs avec la plateforme du sommet.
On domine les cheminées des maisons voisines.
A propos de cheminées, nous en remarquons une
avec tuyau très ancien, cylindrique, en pierre de
taille. — Que les membres de la Société qui, aux
vacances dernières, ont visité les ruines de l'ancien
château de Murât, près Billy-sur-Oisy, se rappellent
donc notre trouvaille sur deux points différents, au
milieu des ruines, d'au moins une dizaine de pierres
taillées en forme de grandes tuiles faîtières et d'autres
pierres d'angle taillées avec évidement intérieur do
quart de cercle ; nous avons alors rapproché quatre de
ces pierres d'angle formant carré avec sommet se
rétrécissant en cercle ; à cette partie supérieure cylin-
drique, nous avons ajouté un rang des pierres taillées
en faîtières, dont quatre, rapprochées, formaient un
cylindre creux à l'intérieur. Dès ce moment, j'affirmai
que nous venions de faire la découverte, sur deux
points différents, de restes d'anciens tuyaux de che-
minée .
— 528 —
l^a cheminée que nous voyons se dresser près de
nous, au bas du jardin d'Agnès de Bourbon, justifie
mon assertion.
Le ch&teau de la comtesse Mahaut, à Murât, et
celui de la comtesse Agnès, à Nevers, étaient presque
contemporains : le premier bâti en 1212 (Lebeuf), le
second dans la première moitié du xm® siècle.
Nous pouvons donc nous représenter, à bon droit, le
château de Nevers surmonté de plusieurs de ces
cheminées, à base rectangulaire, puis tuyau cylin-
drique surmonté d'un couronnement à moulures.
La façade du couchant, avec sa porte et ses fenêtres
en carré, espacées inégalement, sans symétrie, et la
construction moderne en prolongement jusqu'à la rue
des Jacobins, font un pénible contraste avec le souvenir
qu'on évoque du magnifique château d'autrefois ajouré
d'une double rangée de fenêtres à ogive...
De ce côté, le château est plus dégagé ; on arrivait
au jardin par un perron de plusieurs marches.
Au-dessus de la porte, on lit deux — ou plutôt trois
— inscriptions superposées :
ANCIEN CHATEAU DE AGNÈS DE BOVRBON
QU'ELLE DONNA AUX DOMINICAINS EN NOVEMBRE
i27i
LEDIT CHATEAU A ÉTÉ RÉÉDIFIÉ EN 1702
La troisième inscription est ajoutée à la suite de la
seconde, sans intervalle, parce que l'espace libre du
linteau ne permettait pas de séparation.
ET ACHETÉ EN 1821 PAR UNE SOCIÉTÉ
POUR LES FRÈRES DES ÉCOLES CHRÉTIENNES.
- 529 —
2^ Le Couvent des Jacobins.
§ I®'. — Le couvent : dons, constructions^ faits
remarquables.
Jacobins, c'est le nom jadis que portaient en France
les Dominicains parce que leur premier couvent, à
Paris, fut établi rue Saint-Jacques (1219).
La donation du château d'Agnès de Bourbon, faite
en faveur des religieux de cet ordre, eut donc lieu au
mois de novembre 1271. Voici, d'après le Gallia
Christiana (tome XII, Eglise deNeverSj col. 351), le
commencement de la charte de concession :
« A tous ceux qui les présentes lettres verront;
Agnès, dame de Bourbon, salut dans le Seigneur.
Nous vous faisons savoir que, de notre propre volonté,
pour le remède de notre âme et de nos parents...
nous donnons aux prieurs, provincial et frères de
l'ordre des Prêcheurs de la province de France, en
pure et perpétuelle aumône, toutes nos maisons sises à
Nevers avec les jardins et toutes les dépendances pour
y bâtir un couvent de leur ordre...
1) Nous les investissons de ces biens en la personne
de notre cher cousin, frère Gui de Sully. »
La donatrice s'était pourvue à l'avance, au mois
d'octobre de la même année, de l'acquiescement de
Robert de France, comte de Clermont, et de sa femme
Béatrix (fille d'Agnès). Le roi Philippe-le-Bel ne tarda
pas à donner son approbation à l'établissement des
Dominicains ; ce qui eut lieu au mois de décembre
suivant. (Parmentier, Archives de Nevers.)
Pourquoi l'installation se fit-elle si longtemps
après, seulement en 1296? Le frère Gui de Sully était
— 530 —
depuis vingt ans déjà archevêque de Bourges. — Mais
ne faut-il pas un certain temps pour les aménagements
nécessaires à un couvent ? — Quelques frères, en
attendant la prise de possession canonique, n'étaient-
ils pas sur place pour la direction et la surveillance
des travaux?
Quoi qu'il en soit, en 1296, Tévêque Jean de Savigny
donna aux Dominicains l'autorisation de se fixer à
Nevers (Parmentier). — N'est-ce pas la date de leur
installation solennelle ?
Le couvent naissant fut choyé comme un Benjamin
et comblé de largesses par Hugues Aycelin, cardinal de
Billon, et jacobin lui-même. Il donna aux Dominicains
de Nevers ses ornements de satin rouge, un calice, un
graduel noté en deux volumes, un antiphonaire noté
en quatre volumes, et deux psautiers. Il y ajouta, par
son testament en date du 24 août 1297, pour la cons-
truction de leur couvent, la quatrième partie de tout
ce qui lui serait dû au jour de sa mort, des cens de la
Fouille, de Sicile et d'Angleterre et des droits à lui
dûs à cause de son cardinalat ; et par un codicille, fait
à Rome le 28 décembre 1298, il leur lègue encore tous
les livres qu'il avait achetés depuis qu'il était car-
dinal.
La ville, ainsi que les particuliers, témoignèrent
aux bons Pères des marques non équivoques de leur
intérêt, de leurs sympathies et de leur attachement.
La ville, d'après les anciens comptes, leur donnait
régulièrement une aumône annuelle de 10 livres
(Archives communales, CC, 303) et, de plus, leur
accordait par an également 100 livres (CC, 301 et CC,
314) pour la desserte de la chapelle de Saint-Sébastien
au bled.
Parmi les particuliers, une dame Bienvenue, veuve
de Vivien Guin dit Hugues de Bourbon, expose aux
- 534 --
Pères réunis en chapitre, au son de la cloche, qu'elle
les supplie de l'admettre participante de toutes leurs
bonnes œuvres, messes et autres actions divines ; elle
demande à vivre, tout en restant bourgeoise séculière,
suivant la règle de saint Dominique, à demeurer dans
la maison qu'ils ont près de l'abbaye de Notre-Dame
et à recevoir d'eux la prébende comme pour im des
frères et à être ensevelie dans leur clos. En un mot, elle
voulait être tertiaire dominicaine. — Les frères répon-
dent qu'ils ne peuvent rejeter cette dévote supplication.
De quoi la dame Bienvenue, reconnaissante, déclare
que, si elle meurt dans l'espace de trois ans, immédia-
tement après ime année à partir de son décès, ils rece-
vront de ses trois fils : Guillaume Guin, prêtre, Perreau
et Thibaut 100 sols tournois pour leur église et en
outre la moitié de tous ses biens. (Archives de la porte
du Croux. Testament de ladite dame, le 19 sep-
tembre 1319).
En 1327, Anet Gautherin, de Nevers, fait par testa-
ment plusieurs legs et spécialement un de 30 livres à
l'église des Pères où il veut être enterré avec ses
parents devant l'autel de la sainte Vierge. Pour faire
suite aux legs d'habitants de Nevers^ je demande à
anticiper sur l'ordre chronologique auquel je reviendrai
ensuite : 1412 (Archives hospitalières, 1. Testament
de Robin Guillaume... legs de 20 livres aux Jacopins .)
— 1552, testament de Isabeau Grève, veuve de maître
Jean Leclerc, en son vivant docteur en médecine, legs
de 200 livres pour la nourriture des pauvres, à la condi-
tion de donner tous les ans, pour la fête de saint Simon
et saint Jude, au couvent de saint Dominique, 4 livres
à employer « à la chaussure et soliers des novisses
dudit Couvent». (Extrait des archives hospitalières de
Nevers — B, 2).
Un autre cardinal, Nicolas de Saint-Saturnin, de
— 532 —
Tordre de Saint-Dominique marque son intérêt au
couvent de Nevers en lui léguant par testament, en
date du 20 octobre 1381, 5 florins d'or. (François
DucHESNE, page 660, Histoire des cardinaux français,)
Un religieux dominicain monte sur le siège épis-
copal de Nevers en 1380 ; c'est l'évoque Maurice, de
Coulanges-la- Vineuse, dont on voit le tombeau dans
le chœur de la cathédrale, près de l'autel, du côté de
l'évangile. Il signale son affection pour ses frères par
une largesse princiëre : il fait b&tir à ses frais la tour
de leur église.
Il me tarde de parler du local du couvent.
Revenons dans l'ancienne cour du château d'Agnès.
— Un tel changement s'est opéré qu'à peine croyons-
nous être dans cette demeure que nous avons visitée
en esprit alors que la comtesse l'habitait ou plutôt
quand elle l'eut quittée pour la laisser aux Pères
dominicains.
La grande porte d'entrée, à l'angle de la rue du
Cloître-Saint-Cyr et de la rue des Jacobins, a été
reportée à l'autre angle, rue du Cloître-Saint-Cyr, à
cause du cimetière et du cloître des religieux qui
occupèrent la bande de cour longeant la rue des
Jacobins jusque près du puits.
A droite, le chevet d'une gracieuse église déborde
sur la façade du château dont il a fallu démolir ime
partie pour l'édifier, ainsi que la sacristie éclairée par une
belle fenêtre gothique. Des constructions et des murs
entourent un clos divisé en compartiments de plusieurs
formes : ce sont le cimetière et les cloîtres.
Un campanile surmonte la toiture du couvent et la
s r 5
, 8- î- -
' I ; o
- 533 —
cloche des exercices est sonnée de l'intérieur du
corridor, qui communique avec le jardin.
L'affectation des locaux dans les maisons religieuses
n'est guère sujette aux changements ; elle se conserve
par respect de tradition. Mais ici, tout particulièrement
dans les appartements en bordure le long de la cour,
la disposition de leur enfoncement dans le sol, et d'où
résultaient une fraîcheur et une humidité impropres
à un séjour d'habitation, en a fixé dès l'origine l'usage
immuable et définitif.
Or, prenant à la main l'acte d'adjudication du cou-
vent faite le 11 décembre 1791, nous aurons la descrip-
tion et le détail du couvent.
(( En face la porte d'entrée, un bâtiment, au fond
d'une vaste cour, se compose au rez-de-chaussée : —
en commençant par la gauche et successivement en
s'approchant de l'église — 1® d'une vinée, 2^ d'un
magasin, 3° d'un bûcher, 4* (après le corridor) de la
cuisine, 5*^ delà sacristie.
« En face (c'est-à-dire dans la partie regardant le
jardin), une salle communique à la sacristie » et aussi
à la cuisine ; elle n'est pas désignée sous le nom de
réfectoire; mais c'était bien sa place. — « Puis, à
gauche (de l'autre côté du corridor), deux salles à la
suite l'une de l'autre » dont l'une est assurément la
salle conventuelle.
Près de l'église, du jardin on monte au « premier
étage par un escalier en pierre ».
A l'extrémité du bâtiment opposé à l'église, « un
escalier en bois communique du rez-de-chaussée à la
bibliothèque et au grenier régnant sur tout le premier
étage )) .
T. VIII, 3» série. 35
— 534 —
Outre la bibliothèque, le premier étage se compose
« d'un grand corridor (qui servait de dortoir) et de
sept cellules de différentes grandeurs. »
(D'après l'acte d'adjudication aux*sieurs JoUivet et
Cornu l'aîné, conseillers municipaux, pour le compte
de la municipalité. Archives de la préfecture.)
Le fonctionnement de la communauté des Domini-
cains commence en 1396, avec l'autorisation de
l'évoque Jean de Savigny de se fixer à Ne vers .
Ce ne fut que neuf années plus tard, en 1305, que
le même évèque faisait la consécration de leur église.
Dès lors le couvent semble complet ; les pratiques
et exercices de la règle peuvent s'y accomplir suivant
toutes les prescriptions. A l'intérieur, la prière et
l'édification ; à l'extérieur, le zèle de la parole et de la
charité portent leurs fruits ; aussi, par un juste retour,
voyons-nous se manifester à leur égard des preuves
évidentes d'affection, d'attachement et de reconnais-
sance.
Un siècle plus tard, dès 1388, les Pères travaillent à
un agrandissement considérable de leur église, qui est
de nouveau consacrée en 1405.
Les Dominicains de Nevers devaient à bon droit
ôtre fiers de leur installation grandiose. Cependant
leur couvent, malgré ses vastes proportions, put à
peine contenir et héberger ses nombreux hôtes
accourus pour la tenue du chapitre général en 1441.
Aussi les comptes de 1441-1443 font- ils mention d'un
don et d'une aumône de la ville à frère Jean de Laulu
et à frère Guy Bourbon de 21 livres tournois, « en pré-
vision des dépenses exceptionnelles de l'assemblée de
leur chapitre, qui se tiendra à la prochaine Magdeleine
en cette ville, où qu'il y aura plusieurs notables clercs.
— 535 ^
docteurs et bacheliers en saincte théologie et moult
d'autres vaillants prostrés et frères prêcheurs de bonne
vie, mœurs et sciences excellans... » (Archives com-
munales, ce, Impôt et compt., 45.)
Parmentier dit que le cloître fut rebâti en 1532 par
Filbert Pioche et Jeanne de Lugny, sa femme. Il y a
assurément erreur de date, attendu que Jeanne de
Lugny mourut en 1455 et Filbert Pioche, son mari,
entre 1460 et 1464, d'après les archives de la pré-
fecture.
En 1462, le couvent courut un grand danger.
Dans la nuit du 10 au 11 août, un incendie se déclare
dans le dortoir. Les dégâts furent considérables ; une
catastrophe complète était à redouter. — Le sommaire
des comptes de la ville, dans toute sa simplicité, nous
fera suffisamment entrer dans les angoisses des reli-
gieux, mesurer retendue du malheur à craindre, et
reconnaître le dévouement apporté par tous dans cette
triste circonstance :
« A plusieurs compagnons de la ville, 12 livres
9 sols et 2 deniers tournois pour ce qu'ils ont vaqué
une nuit entière lors de la fête de saint Laurent, â
porter eau à estaindre le feu estant au dortoir des
Jacobins, lequel brusla avecques autres maisons... et
aussi garder l'église desdits Jacobins que le feu ne se
prist à icelle; — le curé de Saint-Laurent, ayant
prêté deux torches de confrérie, reçoit 30 sols tour-
nois ; — aux Jacobins , pour deux torches de la
confrérie Saint-Honoré, prises en leur église, 30 sols
tournois ; — la ville, considérant que la maison desdits
(( pauvres )) religieux est maintenant inhabitable et
qu'ils ne peuvent la réparer, « attendu qu'ils sont
fondez en pauvreté et mendicité », qu'ils ne peuvent la
refaire sans « l'aulmone des habitants et autres bonnes
— 536 —
créatures », leur accorde pour une fois la somme de
20 écus, valant 27 livres 10 sols tournois. » (Archives
communales, CC, 58, Impôts et comptabilité.)
Le dortoir devint la proie des flammes. Heureuse-
ment, l'église put être préservée. — Comme les abeilles
se remettent, après un accident, à reb&tir leur ruche,
les bons religieux déployèrent une grande activité à la
restauration de leur couvent ; ils relevèrent la maison
telle que nous la voyons maintenant, à l'exception d'un
petit clocher svelte et gracieux surmonté d'une flèche
très aiguë. Il n'y a guère plus de quinze ans qu'il a
disparu. La charpente formant le campanile était
revêtue de feuilles de plomb. Il parait que le petit
clocher vacillait pendant les tempêtes et ébranlait la
toiture ; les réparations qu'il nécessitait étant difficiles
et coûteuses, on résolut de le supprimer. Des Frères
des Ecoles chrétiennes, qui sont des anciens de la
maison, l'ont vu ; ils disent que, se dressant fière-
ment, il maintenait & la maison sa physionomie de
vieux couvent et excitait la curiosité des étrangers qui
visitaient la ville et entraient pour le voir et demander
des explications.
En 1608, le 11 mars, la ville permit aux Jacobins de
couvrir l'escalier qui descend de leur église à la rue de
la Tartre.
1628. — On conçoit que pour la fête de saint Domi-
nique il y a grande fête au couvent ; à cette occasion^
après la cérémonie religieuse, les Pères ofiEraient un
repas à un grand nombre d'invités ; mais, en 1628,
l'aumône spéciale a son emploi détaillé, ce qui en fait
tout l'intérêt : 9 livres 12 sols pour un mouton, un
demi-veau, deux livres de lard gras et trois livres en
j
— 537 —
argent (1). (Archives communales, CC, Impôt et
compt., 293,)
En l'année 1761, les Jacobins firent clore par un mur
la petite rue passant le long de leur église qui conduit
du cloître Saint-Cyr à la rue de la Tartre et à la porte
du Croux. Us alléguaient, pour la justification de cette
mesure, que le passage leur appartenait et qu'ils
avaient été amenés à une semblable décision à cause
des ordures que le peuple y faisait habituellement.
Cette suppression privait le public d'un passage et
d'un débouché commodes; aussi il en résulta ime
plainte générale dont MM. les doyen, chanoines et
chapitre se firent les interprètes par une requête
motivée. Une délibération du conseil des échevins
s'ensuivit, exposant que le passage muré est très utile
aux habitants « tant pour le temporel que le spirituel
et encore pour porter secours dans les incendies qui
arrivent fréquemment aux maisons des manufacturiers
à fayance, dont la majeure partie est située aux envi-
rons dudit passage ». (Arch. com. delà ville deNevers,
BB, 9.) — Est-ce à partir de cette époque ou anté-
rieurement qu'il porte le nom de rue des Jacobins ?
L'affaire se termina la même année par une tran-
saction qui reconnaît le droit des religieux : il leur
est accordé en dédommagement la somme de 700 livres,
à condition de laisser passer en liberté dans leur clô-
ture et cimetière, faisant ouvrir les portes des rues de
la Tartre et du Cloître-Saint-Cyr à six heures du
matin^ et pouvant les fairefermer à six heures en hiver
(1) Principalement comme terme de comparaison avec le prix des
étoffes d'aigourd'hui, je cite un article des comptes de 1016 : « Â Philibert
Ronsset, 24 livres pour trois aunes d'estamet blanc et deux aunes de serge
de Beauvais à un religieux Jacobin pour lui faire un habit au jour de la
procession. • (CCi 279.)
— 538 —
et huit heures en été. Ont signé : frère Charles-Fran-
çois Jayr, frère Claude Dauphin, sous-prieur, et frère
Pie-Benoit Dumont, procureur. (Arch. com. de la ville
de Nevers, DD, Propriétés communales, 14.)
L'inscription que nous avons rapportée que : « ledit
château a été réédifié en 1762 », donne à rêver sur cette
réédification, attendu que tout ce que nous avons sous
les yeux nous dit le contraire. Or, le rapprochement
de deux dates me donne l'explication de l'énigme. En
1761, les Jacobins reçoivent de la ville 700 livres pour
l'abandon dQ leur droit sur un passage ; ce sont les
700 livres qui trouvent leur emploi dans « la réédifi-
cation du château », qui consiste... tout bonnement
dans des travaux d'entretien et de réparation.
Après avoir trop longtemps peut-être parlé des
bâtiments du couvent, je dirai un mot rapide des reli-
gieux qui l'habitaient.
Leur nombre ne semble pas avoir dépassé, ordinai-
rement, une dizaine. Ils prêchaient souvent à la cathé-
drale et dans toutes les églises de la ville ; mais ils
étendaient leur champ d'activité jusqu'à tout le diocèse
et au delà. Nous voyons souvent des allocations qui
leur sont attribuées pour avoir prêché « journelle-
ment )), pendant le Carême, à la cathédrale, pour des
panégyriques et circonstances solennelles, pour des
prédications à Saint- Arigle, Saint- Victor, etc. . .
Un sermon qui eut du retentissement est celui que
prêcha, quelques années avant 1388, Adam de Soissons »
prieur des Jacobins de Nevers. Il ne craignit pas
d'énoncer, dans la chaire de la cathédrale, des opinions
au sujet de l'Immaculée -Conception de la sainte
— 539 -
Vierge, qui révoltèrent les fidèles. L'évéque Maurice
de Coulanges, bien qu'appartenant au môme ordre, le
fit arrêter et conduire & Paris pour être jugé sur sa
doctrine frisant l'hérésie. La sentence fut rendue le
mois de mai suivant. Le prieur, repentant, fit une
abjuration solennelle au cimetière des Innocents, en
présence du recteur de l'Université et de toutes les
Faculté^ réunies, et renouvela à Nevers une abjuration
semblable. (D'après M9' Crosnier, Communautés
religieuses, Dominicains.)
Un Jacobin de la maison de Nevers, frère Martin
Porôe, eut l'honneur, en 1403, de mettre fin aux
débats qui s'étaient élevés entre l'Université et l'ordre
des Frères Prêcheurs au sujet de la querelle sur
l'Immaculée-Conception de la sainte Vierge : « Cette
vérité, non définie comme dogme, pourra rester l'objet
des discussions dans les écoles, mais il sera défendu de
prêcher rien de contraire à la croyance admise par
l'universalité des fidèles )> . Telle fut la conclusion qui
aplanit et termina la difficulté. L'habileté du religieux
dans cette affaire lui valut l'évêché d'Arras.
Comment omettre le passage à Nevers de saint
Vincent Ferrier ?
Quel bonheur pour la ville de voir et d'entendre le
grand thaumaturge et l'illustre prédicateur! Quelle
joie pour ses frères de lui donner l'hospitalité dans
leur couvent 1 Nous empruntons à Parmentier ce qu'il
dit du séjour du saint:
« 1417. — Saint Vincent Ferrier prêche à Nevers,
sur la place du Marché-aux-Bêtes, près de l'hôpital de
Saint-Didier, et prend pour texte ces paroles : « Ecce
» tabernaculum Dei ». Les échevins l'avaient envoyé
chercher à La Palisse. Il arriva à Nevers avant la fête
- 540 —
de saint Clément (22 novembre) et y demeura jusqu'au
jour de saint André (30 novembre), en tout neuf jours.
[« Chaque jour chante messe à note et, après ce, ser-
mono. » Comptes de sa dépense.] (Archives com-
munales^ ce, Impôts et Compt., 23.) Il logeait aux
Jacobins, qui prétendent avoir sa chaire portative, et
il avait avec lui six compagnons. Au sortir de Nevers,
il s'en alla en Bretagne ; mais on ne le fit conduire
en bateau que jusqu'à La Charité, sauf qu'on lui donna
un guide jusqu'en Bretagne. La dépense faite à son
occasion monte & 41 livres 13 sous 8 deniers.
» Quand Vincent Ferrier fut canonisé, les Nivernais,
qui l'avaient honoré comme saint de son vivant, érigè-
rent aussitôt une chapelle en son honneur dans l'église
des Frères Prêcheurs qu'il avait autrefois visitée. Et la
foule s'y pressait fréquemment, à cause du grand
respect qu'inspirait la mémoire de l'homme de Dieu. »
Par un bref, dont l'original est aux archives de la
préfecture, Callixte III accorde à ceux qui visiteront
cette chapelle un an d*indulgence, auquel le cardinal
Alain, légat en France, ajouta cent jours.
Au registre de 1668 à 1674, il y a une délibération
du 21 avril 1671 par laquelle il parait que M. le pro-
cureur général du Parlement de Paris avait écrit au
procureur fiscal ducal de Nevers de s'informer du
revenu et des charges des maisons religieuses. Carmes
et Jacobins, de cette ville, dont serait dressé procès-
verbal, sur le nombre des religieux qui pourraient
être nourris et entretenus dans lesdites maisons. Les
échevins, lieutenant et procureur généraux se trans-
portèrent dans ces couvents et interrogèrent les supé-
rieurs et procureurs sur le montant des revenus et des
charges, mais ne voulurent pas donner leur avis sans
prendre celui de la commune. Sur quoi Ton conclut
— 541 —
que les Jacobins ne sont pas à charge, que chaque
religieux peut subsister honnêtement, ayant 150 livres
à dépenser par an ; et que, sur ce pied, la maison
peut supporter douze religieux et môme davantage ;
ils avaient donc au moins 1,800 livres de rente.
En 1597, nous avons une concession d'indulgences
de cent jours octroyées par le cardinal Alexandre,
cardinal du titre de sainte Praxède, légat en France,
à tous ceux qui, confessés et communies, prieront dans
l'église des Jacobins dite de Saint-Louis, le jour de la
fête de saint Hyacinthe. (Archives de la préfecture.)
En 1730, l'aumône annuelle de 10 livres aux Jaco-
bins est autorisée, suivant la coutume, par une dispo-
sition du conseil, le 24 janvier. Alors les Jacobins ne
sont plus que quatre : le prieur, deux religieux et un
frère.
En 1790, dans les jours qui présagent la terrible
tempête prête à s'abattre sur la France, il est dressé
un état des religieux composant la communauté,
conformément aux décrets de l'Assemblée nationale
des 9 et 11 octobre 1790. Le couvent était alors réduit
au frère Troulot, prieur ; au frère François Cacadier et
au frère convers Claude- Antoine Morel, dit frère
Maurice. (Archives communales,GG, Cultes, etc., 142.)
§ IL — Eglise : description sommaire, agrandisse-
ment, réparations, chapelles, statues, confréries.
Nous allons décrire très sommairement l'ensemble
de l'église, construite en deux fois, et dont chaque
tronçon se reconnaît aisément sur le plan. La partie
primitive, consacrée en 1305 sous le vocable de la
- 542 —
sainte Vierge et de saint Louis, récemment canonisé,
est plus étroite que ce qui a été ajouté par la suite, &
partir du clocher. L'église se trouva donc plus que
doublée par son agrandissement» d'où une nouvelle
consécration devenait nécessaire en vertu de cette
règle : Major pars trahit ad se minorem.
Ce n'avait pas été une petite affaire d'élever la pre-
mière église. Il fallait d'abord lui faire place nette
par une démolition, à l'extrémité nord du château,
puis procéder à l'exécution du plan.
Le chevet, orienté avec une légère inflexion au sud,
débordait à pans coupés sur le cimetière. La sacristie
fut aussi bâtie sur les fondements du château rasés
jusqu'au sol ; par une légère saillie de maçonnerie,
aussi bien que de l'intérieur par la différence de
hauteur des voûtes du réfectoire des Frères des Ecoles
chrétiennes, la reprise ou la liaison est très apparente.
La fenêtre gothique de la sacristie est du xrv® siècle.
La porte de communication de la sacristie avec
l'église mérite d'être examinée attentivement.
D'abord des escaliers à descendre indiquent la diffé-
rence de niveau.
Puis la partie de la porte visible de l'église est très
soignée : de délicates colonnettes, avec chapiteaux et
arc trilobé, reproduisent exactement une des divisions
de la galerie du triforium, dans le chœur de la cathé-
drale, c est-à-dire tout à fait du commencement du
XI ve siècle.
Tout un cordon de modillons de l'église existe, sur
une longueur de dix mètres au moins, dans le grenier ;
les pierres d'entablement jointées au-dessus de la tète
des modillons et ces derniers coupés sous le milieu de
— 543 —
la tablette. Ainsi, la toiture reposait sur cette orne-
mentation qui, du bas, paraissait certainement délicate
et gracieuse. Nous avons donc pu trouver quelque
chose debout de l'église 1 Du côté opposé au mur où
sont les modillons, dans le haut, on voit la tablette
qui couvre l'épaisseur de la maçonnerie et, au-dessous,
une maçonnerie assez ordinaire, puisque cette partie
était au-dessus de la naissance des voûtes. Les modil-
lons représentés sont absolument de la fin du xm^ ou
du commencement du xiv« siècle, puisque l'église a été
consacrée en 1305 et a pu être commencée dix ou quinze
ans auparavant.
A quelle époque fut placé, derrière le maltre-autel,
le vitrail sur lequel on lisait les quatre vers suivants :
:2l0nè0) îrame ie Oonrhonnùis
€lm fut des \\oivB ie Wmxnùis
Bonna aux ]pre0cl)eur9 sa maison
pour s faire lieu îr'oraidan.
Au-dessus brillait un écusson mi-parti : d'une part,
de lion rampant, de sable, chargé de lambeaux d'ar-
gent de trois pièces sur champ d'or ; de l'autre, le lion
en un champ d'or chargé de coquilles d'azur. C'étaient
les armes des Bourbons. (D'après l'Album du Niver-
nais, tome I, page 127.)
Nous nous ^représentons, d'après les monuments de
l'époque, la première église étroite, élancée^ ajourée
de hautes fenêtres.
Par une adjonction considérable elle devient très
longue, dépassant les limites du jardin actuel des
Frères.
— 544 —
Ce travail d'agrandissement, bien que accompli en
une seule fois, dura très longtemps. La tour fut b&tie
en 1393 ; élevée aux frais de Tévèque Maurice de Cou-
langes, elle n'en déplut pas moins à Tabbesse de Notre-
Dame qui en prit ombrage. « II y eut môme à ce sujet,
dit Parmentier, de gros démêlés et des voies de fait.
Mais la tour ne laissa pas de s'achever telle que nous
la voyons ». Que ne Ta-t-il décrite alors? Les
plans panoramiques de Nevers ancien la représentent
carrée, assez élevée, de formes élégantes, ajourée de
deux étages de baies ; la flèche qui la surmonte est
accostée aux quatre angles de quatre gracieux tou-
rillons en encorbellement avec toits aigus. '
En 1403-1404, nous voyons figurer au compte de la
ville 45 livres tournois pour être employés à faire et
« accomplir la charpente du moustier ». (Arch. comm.
de la ville de Nevers, CC, 11.)
La partie du moustier dont il s'agit, c'est l'église en
construction.
Enfin tout est terminé, en 1404-1405 une somme de
100 sols est donnée pour la « dédication de l'église ».
(Arch. com., CC, 13.)
Vue de la partie du fond, elle devait offrir un aspect
imposant : par sa longueur même et l'élancement de
ses voûtes, par ses colonnes légères et ses fenêtres
étroites et hautes, semblables à des flèches, elle revê-
tait un caractère pieux et recueilli et invitait à faire
monter la prière au ciel.
En 1616, d'importantes réparations s'accomplissent ;
les comptes de la ville mentionnent, d'une part, un
don de 18 livres « pour aider les religieux dans leur
travaux ». (Arch. comm. de Nevers, CC, 163.) et
i
- 545 -
d'autre part, « 6 livres aux Jacobins pour refaire les
degrés de leur cimetière » .
En 1618, les Pères Jacobins reçoivent « 6 autres
livres pour êtres employées aux lambris de l'église ».
(Arch. comm. de Nevers, CC, 283.) Il s'agit sans doute
d'un revêtement de boiserie autour du chœur.
En 1619, la ville fait aux Pères don de 50 livres pour
« les aider a bâtir leur église ». (Arch. com. de Nevers,
ce, 285.) — Entendons ce mot bâtir dans le sens de
restaurer, de même que la a réédification du château »,
en 1762, ne représente que des réparations et non une
construction â partir des fondements.
D'après divers titres, nous relevons les chapelles de
Saint-Vincent Ferrier et de Sainte-Reine, l'autel de la
Sainte- Vierge et celui de No tre-Dame-du -Rosaire,
mais ces deux autels ne seraient-ils pas le même sous
des titres différents ?
Y avait-il un autel de Saint- Louis ? Nous n'avons
pas oublié que l'église était dédiée à la sainte Vierge et
â saint Louis roi de France. — En tout cas, sa fête
était solennellement célébrée : ce jour-lâ, â la suite de
la grand'messe, on se rendait en procession à la cathé-
drale Saint-Cyr et quand cette cérémonie était ter-
minée, une large distribution d'aumônes était faite tant
aux pauvres de la ville qu'étrangers. (Arch. comm.
de Nevers, CC, 285.)
Outre la cloche qui annonçait la fête, le crieur pas-
sait dans les rues pour la rappeler à tous les habitants : en
1600, le crieur des trépassés reçoit 7 livres et 6 deniers
« pour avoir cryé la procession saint Louis.» (Parmen-
tier, Archives de la ville de Nevers.)
— 546 —
Il existait^ dit-on, dans Téglise, une chaire en pierre
très bien ouvragée.
Les Pères conservaient aussi la chaire portative dont
saint Vincent Ferrier s'était servi pour prêcher durant
son séjour à Nevers.
L'église possédait ime relique de la vraie croix.
M. de Flamare, archiviste de la préfecture, m'a com-
muniqué, avec son obligeance ordinaire, la charte
constatant sa provenance :
« A touz ceulx qui ces présentes lettres verront,
Jehan de Beaulne, clerc et garde du scel du roy nostre
sire en la prévôté de Sainct~Pierre-le-Moustier, salut.
Savoir faisons que par devant Guillaume Ripot, clerc
juré du roy nostre sire et notaire dudit scel auquel
quant à ce que nous avons commis nostre povoir,
Jehan de Langeron et Colas Joly, bourgeois de Sainct-
Pierre-le-Moustier, ont dit et affermé en bonne f oy et
pour vérité que ils ont ouy dire plusieurs fois à feu
maistre Jehan Baudereul que il avait de vraie crois que
le roy nostre sire a eu en sa chapelle de son palays de
Paris et que Monseigneur de Bourbon la luy avait
donnée. Laquelle est avenue à Duran BaudereuJ par la
mort et décès dudit feu maistre Jehan et ycelle a
donnée ledit Duran Baudereul au collège des Frères
Prescheurs de Nevers affin que lesdiz frères soyent
tenus prier Dieu pour luy et pour tous ses parens.
Donné à la relation dudit juré du scel du roy nostre
sire dessus dit. Scellé en tesmoing des choses dessus
dites, le xxv® jour du moys de mars Tan de grâce
mil quatre cent et cinq. — G. Ripot d. (Archives
de la préfecture. )
■ I
- 547 -
Dans le jardin actuel, on voit d'anciennes statues
mutilées qui ont été trouvées en terre ou sous des
décombres. Elles sont de hauteur inégale (1).
Une sainte est désignée sous le nom de sainte Rade-
gonde ; on reconnaît le costume religieux, mais sans
autre attribut distinctif .
La statue de sainte Barbe était particulièrement
intéressante ; mais elle est en pitoyable état, ayant &
ses pieds plusieurs fragments qui lui appartenaient et
d'autres sont perdus. Elle est assurément d'origine
nivernaise: la tour qu'elle portait comme emblème
était la reproduction fidèle de la porte du Croux.
La plus belle pièce de sculpture est une sainte
Vierge portant l'Enfant- Jésus dans ses bras. Malheu-
reusement elle est en plusieurs morceaux et il manque
la tête de l'Enfant-Jésus. Les draperies des vêtements
sont soignées, mais surtout la tête de la Vierge, ceinte
d'une couronne royale, est très finie et très belle. Ce
travail remarquable est du xvn® siècle (2).
Cette église, si vaste et si belle, dont dont nous ne
connaissons que les grandes lignes, par le plan par
terre — du grand plan de Nevers, en 1759 — et par
le cachet propre de l'époque, était très fréquentée :
c'est la raison même de ses dimensions qui se sont
développées dans des proportions grandioses. On s'y
pressait pour entendre la parole de Dieu, assister
à l'office des religieux, prier au pied de l'autel de
saint Vincent Ferrier ; à certains jours, pour la fête
(1). Elles viennent d'être abandonnées gracieusement au musée de la
porte du Croux, par le G. F. Âttale, directeur de Pexternat Saint-Joseph —
dans l'ancien château d'Agnès.
(2) Cette statue a été trouvée en terre au bas du jardin, à environ
1 m. 50 de profondeur.
- 548 —
de nombreuses confréries qui y étaient érigées, elle
pouvait à peine contenir les assistants, fidèles et
curieux. Les boulangers avaient pour patron saint
Honoré ; les vignerons saint Vincent ; les faïen-
ciers, saint Antoine ; les peintres en faïence, saint
Luc. « Tous les ans, les notaires royaux faisaient
célébrer le 28 janvier, à l'occasion de la fête de saint
Charlemagne jusqu'en 1770, et ensuite dans l'église
Saint-Pierre, une grand'messe à laquelle les notaires
ducaux n'étaient pas invités, mais à laquelle assistaient
tous les membres du baillage. » — (Duminy, les
Anciens notaires de Nevers. — Revue du Nivernais,
septembre 1898.)
Par la tradition, nous savons que là aussi était le
siège de la confrérie des Pénitents noirs. A certains
jours de l'année, ils allaient processionnel lement à une
croix placée au bout du pont de Loire, vis-à-vis l'au-
berge qui a aujourd'hui pour enseigne la Croix-d'Or,
et dite alors, la Croix des Pénitents, Voilà l'expli-
cation du nom qu'elle portait.
Le jeudi saint, ils se rendaient en procession aux
différentes stations ou reposoirs, avec leur longue robe
noire et capuce, percé de deux trous, qui leur cachait
le visage, et ils priaient à genoux, les bras en croix.
§ in. — Cimetière: sépultures et cloître.
ev
M. Morellet [Album du Nivernais, tome I
page 127), dit que la juridiction paroissiale du curé de
Saint-Laurent s'étendait sur le cloître des Jacobins,
dans l'église desquels il avait le droit d'inhumation.
Il me reste à parler des sépultures qui se faisaient
dans l'église et dans le cimetière des religieux.
Dans l'église, nombreuses étaient les pierres tombales.
- 549 -^
Dans le cimetière ou clos, combien de corps furent
confiés à la terre, pendant cinq siècles, dépouilles de
religieux ou d'amis du couvent 1
C'est la règle que, le cloître et le cimetière des cou-
vents sont d'ordinaire inséparables, et que le cimetière
soit entouré de la galerie où se promènent les religieux.
Cloître et cimetière ont disparu.
Mais il n'y a nul doute qu'ils étaient dans la grande
cour actuelle, dans l'angle du chevet de l'église, de la
rue des Jacobins et du Cloitre-Saint-Cyr.
Ils n'étaient pas dans la partie occupée par le jardin
d'aujourd'hui, qui alors était jardin, comme l'indique
le plan de 1759, avec les divisions de terrain, autour
d'un rond en massif et les arbres et arbustes qui bor-
dent.les allées.
Le cimetière était à l'endroit indiqué, attendu que
dans la transaction de 1761 entre la ville et le couvent,
au sujet du passage communiquant de la rue du Cloltre-
Saint-Cyr avec celles du Crou et de la Tartre, les reli-
gieux s'engagent à laisser passer en liberté dans leur
clôture et cimetière; là seulement on passe dans la
clôture : plus bas, on longe l'église et on ne peut
même avoir vue sur la partie occidentale du couvent .
M. de Soultrait dans son Guide archéologique dans
Nevers, dit « qu'on a trouvé des tombes et des caveaux
sous l'ancien chœur et dans la rue à côté » ; ce n'est
pas étonnant, puisque la rue a été élargie et par
conséquent a empiété sur le cimetière.
Le plan de 1759, dans cette partie, représente des
figures en triangles, parallélogrammes et trapèzes, cou-
leur vert ou de gazon ; ce sont les divisions où étaient
les tombes.
Parmentier, dans son ouvrage les Archives de
Nevers, écrit que « les cloîtres ont été détruits depuis
T. ^n, 3* série. 30
- 550 -
peu d'années ». Ils existaient encore au moins dans leur
majeure partie, en 1759, où l'on voit deux constructions
qui en faisaient partie (1).
(1) En cours de publication de ce travail, M. de Flamare, archiviste
départemental a eu Tobligeance de me communiquer une charte latine
de 1357 relative à une maison, appartenant aux religieuses de l'abbaye de
Notre-Dame, qui regardait la rue du Glottre, tournait le dos au couvent
des Dominicains et était pourvue d'un verger (viridarium), ou plutôt d'un
tout petit carré de jardin contigu au terrain où les Pères se proposaient
de faire leur cloître. Dans cette pièce, dont je donne ci-après la traduction,
il s'agit de la délimitation entre ce bout de verger, propriété des religieuses
de l'abbaye Notre-Dame, et le terrain du couvent des Dominicains:
... L officiai de Nevers^ saliU, L'an du Seigneur 1357, le iS mai,
... En présence de Perrin Turpin, clerc, notaire juré de la Cour de
NeverSj
Frère Jean, sous-pi^ieur des Frères Prêcheurs de Nevers, d'une pcart ;
Jean du Foumel, prêtre, procureur des religieuses de Vabbaye de
Notre-Dame de Nevers, d'autre part ;
— Au sujet du jardin situé derrière la maison appartenant aux reli-
gieuses où demeurait feu Odonet dit Blanchon, et où habite maintenant
Etienne dit Ragogez, contigu à la maison de la vicairie de Vaulel fondé
en Vhonneur de saXnt Jean VÉvangéliste, et au sujet du terrain des
Frères Prêcheurs où ils se proposent de faire leur clôture ;
Ces deux parcelles se touchant ;
— Le prieur et le procureur ont dédaré publiquement et en droit,
devant le juré susdit, qu'en vue de linûter le jardinet le morceau de
ffijTc — pour délimiter le droit de chacune des deux parties — des
bornes ont été placées entièrement dans le terrain des Frères, que la
palissade ou clôture de bois que les Frères ont fait faire est tout entière
dans leur te)*re, c'est-à-dire du côté du cloître et en deçà des bornes,
autrement dit que cette clôture a été placée en dehors du tenxûn des
religieuses,
— Concluent que, quand les Frères Prêcheurs voudront se clore de
de murs et établir et élever des murs en cet endroit. Us devront se garder
de placer leur mur de Vautre côté des limites dans le terrcûn des reli-
gieuses, mais ils pourront bien comprendre dans Vépaisseur du mur les
bornes placées, comme il a été dit, sur leur terrain, et araser leparement
du mur au terrain des religieuses, ayant soin que le fil à plomb du
parement ne tombe pas en dehors desdites bornes,
— Sur toutes ces choses , les prieur et p}H>cur€ur susdits ont
demandé la rédaction de cet acte suivant la reUition du susdit juré,
Datum anno et die veneris post festum beati Johannis ante portam
latinam supradictis. P. Turpini, Ita est.
(Original sur parchemin. Archives de la Nièvre, H, 369, pièce 2.)
t
t
— 551 —
Si on pensait qu'ils pussent occuper une partie de
l'ancien château converti en couvent, il faut renoncer
à cette hypothèse, puisque toute la façade qui regarde
la cour subsiste sans changements de cette époque.
Les cloîtres « détruits » sont ceux qui furent bâtis
par Filbert Pioche et sa femme Jeanne de Lugny.
Ils longeaient au levant la rue du Cloître-Saint-
Cyr et redescendaient en équerre vers le couvent.
Nous retrouvons donc ainsi le rapprochement ordi-
naire du cimetière et du cloître.
Tout incomplet, ce petit travail s'est proposé de
disputer à l'oubli deux pages de V Histoire du Niver-
nais, l'une concernant Agnès de Bourbon, fille des
comtes de Nevers ; l'autre, le couvent des Jacobins,
qui a subsisté dans notre ville une durée de cinq
siècles .
Le Nevers d'autrefois s'appelait la Ville aux clochers.
Le Nevers historique, le Nevers religieux ofiEre une
étude bien digne d'intérêt, et il serait à souhaiter que,
par des travaux séparés et ensuite rapprochés, on pût
reproduire, dans im ouvrage d'ensemble, sa physio-
nomie de moyen âge toute artistique, toute calme,
toute simple, toute heiu*euse.
A. SERY,
Chanoine.
TABLE DES MATIÈRES
Pages.
Chartes niveroaiseB oriipoales provenant de M. Grangier de
La Marinière, aujourd'hui à la Bibliothèque nationale, par
M. R. DE Lespinasse 1
Deux donations faites au couvent de la Visitation Sainte-
Marie de Nevers au xviie siècle, par M. 6. Gauthier. ... 18
Introduction des faïences d'art à Nevers : lés Gonrade, par
M. Massillon Rouvet ^ 24
Mobilier de deux chanoines et bibliothèque d*un officiai de
Nevers en 1373 eti382, par M. R. DE Lespinasse 44
Les protestants en Nivernais au xvi« siècle, par M. G.
Gauthier T2
La cathédrale de Saint - Jérôme au viii« siècle , par
M. Massillon Rouvet 76
Question de droit féodal entre le Roi et Champion de Cicé,
évéque d'Âuxerre, à propos de la vente des Forges de
M. de Lh Chanssade, à Cosne et à Guérigny, par M. R. de
Lespinasse 84
Géricault (sujet imposé ayant obtenu le i^^ prix à La Pomme),
par M. Paul Ouagne 109
Chronique et mélanges, par M. R. de Lespinasse 114
Notice sur la bibliothèque de Nevers, par M. Ed. Dumint. 145
Poursuites et condamnations judiciaires pour faits d'hérésie
en Nivernais au xvp siècle, par M. R. de Lespinasse. . . . 173
Excursion à La Charité-sur-Loire, par M. H. de Flamare. 198
Les deux absides de la cathédrale Saint-Gyr et Sainte-Julitte
de Nevers, par M. Tabbé A. Sert, chanoine 203
Une lettre de M. du Broc de Segange 220
Le protestantisme et la révocation de TËdit de Nantes dans
la paroisse de Beaumont-la-Ferrière (Nièvre), par M. Gaston
Gauthier * 225
— 554 -
Pages.
Etat actuel de la Namisœatique ni vernaÎBe, parM. H. Sarriau . 233
Les projeta admiaiatratife de Gaboré, curé de Pouilly-sur-
Loire, en 1789, par M. R. de Lespinasse â67
La dime religieuse et le droit de suite au xviip siècle, par
M. Gaston Gauthier 281
Pierre de FrasDay, par M. le docteur Subert 290
Pierre de Fraanay jugé par MM. ÂUoury et Trouflaut^ par
M. P. Meunier 299
Gilbert Trouflault, botaniste, par M. P. Meunier 315
Monteil^ ses notes historiques sur la province et ses docu-
ments nivernais, par M. R. de Lespinasse 344
Les absides opposées de la cathédrale, par M. Massillon
Rouvet 376
Les Conrade, par M. Massillon Rouvkt 382
Enquête relative aux droits de Tabbaye de Gluny sur le
prieuré de La Gharité-sur- Loire (xiiP siècle), par M. Ed.
DumNY 383
Chronique et mélanges pour l'année 1899, par M. R. de
Lespinasse 413
Une léproserie de Nevers. — Saint-Lazare-Ies-Nevers, par
M. le chanoine A. Sery 421
Moules de monnaies romaines trouvés à Entrains, par
M. H. DE Flamare 441
Baudoin, prieur de La Chanté, par M. Ed. Duhint. . . . 445
Reconstitution de Tancienne église de Saint-Victor, par M. le
chanoine A. Sert 453
Note sur deux éditions des coutumes du Nivernais, par
M. H. Sarriau 472
Episode d'une inondation de la Loire à Cosne en 1790, par
M. H. Sarriau 476
Le Nivernais à la fin du xyip siècle. — L'intendant Le Vayer,
son mémoire sur la généralité de Moulins en 1698, par
M. R. DE Lespinasse 483
Le château d'Agnès de Bourbon et le couvent des Jacobins,
par M. le chanoine A. Sery 524
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